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(Quinze heures onze minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture commence ses travaux et je
déclare cette séance ouverte. Je rappelle que le mandat de la
commission est le suivant: II s'agit, pour nous, de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 86 qui est la Loi
modifiant la Charte de la langue française.
M. le secrétaire, voudriez-vous nous dire s'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet
(Vimont) est remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Khelfa (Richelieu)
par M. Cusano de Viau; M. Leclerc (Taschereau) par Mme Boucher Bacon (Bourget);
M.Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques) par M. Bélanger (Anjou);
M., Bourdon (Pointe-aux-Trembles) par M. Jolivet (Laviolette); M. Paré
(Shefford) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, nous
entreprenons l'étude article par article, du projet de loi 86 tel que je
viens de l'indiquer. Nous allons commencer par des remarques
préliminaires, s'il y en a. J'indique que 20 minutes sont permises pour
ces remarques préliminaires de chacun des membres, en commençant
par M. le ministre et en alternant d'un côté et de l'autre de
cette table. Donc, j'invite M. le ministre à bien vouloir nous indiquer
s'il a des remarques préliminaires et, s'il en a, je suis prêt
à lui céder la parole.
M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires
à faire?
M. Ryan: Oui.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le ministre, vous avez
donc la parole pour 20 minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je serai très bref,
conformément à mon habitude.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: ...
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Conformément à mon habitude. Je ne veux
pas faire de grande déclaration, à ce moment-ci, parce que nous
en avons fait beaucoup au cours des derniers jours. Je voudrais en venir
directement à l'objet du mandat de la commission. Nous sommes
disposés, du côté gouvernemental, à aborder
l'étude détaillée du projet de loi, comme nous y enjoint
le mandat que nous tenons de l'Assemblée nationale.
Je voudrais peut-être faire 2 remarques préliminaires,
cependant, au début de nos travaux. Dès que nous serons en mesure
d'aborder l'étude article par article, c'est-à-dire dès
que vous appellerez l'article premier, je déposerai des propositions
d'amendements au projet de loi. Je les porterai à la connaissance... Il
y en aura une quinzaine que vous aurez, par conséquent, M. le
Président, ainsi que les membres de la commission, à votre
disposition à temps pour en faire un examen attentif. Ce ne sont pas des
propositions que je qualifierais de majeures, mais, quand même, il y en a
17 en tout dans mon dossier à l'heure actuelle et il peut y en avoir
d'autres.
Comme je l'ai déjà indiqué, et, je pense,
démontré à maintes reprises, si, en cours de route, des
arguments invoqués par des membres de la commission, d'un
côté ou de l'autre, indiquaient que certaines améliorations
seraient souhaitables, on examinera ces considérations-là comme
on l'a souvent fait. Je pense que le but que nous devons poursuivre c'est de
donner à la population un texte législatif aussi clair, aussi
cohérent, aussi équilibré et réaliste que possible.
Je pense que, pour les propositions d'amendement, ceci est clair.
En ce qui touche les propositions de règlement, comme je l'ai
indiqué à plusieurs reprises, le gouvernement n'adoptera pas
immédiatement des règlements sur chacun des sujets qui pourraient
se prêter à de la réglementation nouvelle. Nous avons
déjà des règlements qui sont en place, dont plusieurs sont
appelés à demeurer. D'autres règlements demandent des
modifications à la suite de décisions qu'a prises
l'Assemblée nationale concernant le projet de loi 86. Mon intention est
toujours de porter à la connaissance des membres de la commission, et
par conséquent aussi de la presse et de la population, les projets que
nous avons en cette matière, et mon intention est de les communiquer
à mesure que nous arriverons aux articles concernés. Par exemple,
quand nous arriverons à l'article 4, qui traite de la langue de
l'administration, je serai en mesure de vous communiquer un texte de projet de
règlement qui vous indiquera, avec la précision qu'ont
souhaitée plusieurs intervenants dans le débat, la nature
précise des intentions gouvernementales.
De même, quand nous arriverons à l'article 17, je serai en
mesure de faire connaître nos intentions concernant la
réglementation en matière d'affichage. Et ces
règlements ne seront pas, comme je l'ai dit, des
règlements qui doivent être adoptés immédiatement
par le gouvernement. Nous verrons quelles seront les réactions et mon
intention, à l'heure actuelle, est de les soumettre à
l'approbation du gouvernement plus tard cet été. Plus tard cet
été, ce qui veut dire approximativement... Parce que vous savez
que l'appareil gouvernemental ne fonctionne pas de manière
complète au mois de juillet. Il reprend son rythme au mois d'août.
Il retrouve son rythme ordinaire après la mi-août. À moins
de circonstances imprévues, moi, j'estimerais être en mesure de
soumettre ces règlements à l'approbation du gouvernement vers la
deuxième quinzaine d'août, de manière qu'ils puissent
s'appliquer à compter de l'automne, après qu'aura
été franchie la phase de prépublication, parce que ce que
nous ferons ici n'est pas la prépublication prévue dans la Loi
sur les règlements. Il y aura la publication dans la Gazette
officielle du Québec pendant la période réglementaire
de 45 jours, après la décision du Cabinet, plus tard cet
été, ce qui veut dire que les règlements ne pourront
être approuvés et promulgués par le gouvernement avant la
première quinzaine d'octobre.
Est-ce que c'est clair, ça, M. le Président? Je pense que
je voulais vous donner exactement l'échéancier que nous
envisageons. Je pense qu'il vous est donné avec le plus de
précisions possible. C'est évident que nous tiendrons compte, en
cours de route, des réactions que nous recevrons. Avant de faire des
propositions fermes au gouvernement, je tiendrai compte évidemment des
opinions qui auront été émises, des critiques que nous
aurons entendues. S'il y a possibilité d'améliorer les textes qui
sont mis en circulation maintenant, nous le ferons volontiers. Ensuite, il y
aura l'autre période. La période de publication de 45 jours qui
suivra la première décision gouvernementale.
Je pense, M. le Président, que ces propos résument la
communication que je voulais vous faire à ce stade-ci de nos
travaux.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, mesdames, messieurs, nous en sommes à l'étape
de l'examen du projet de loi 86 article par article.
Hier, en Chambre, le ministre, au moment où il utilisait son
temps de réplique à l'occasion de l'adoption du projet de loi en
deuxième lecture, donnait un peu le ton de cette commission, en laissant
entendre que l'Opposition pouvait ne pas faire son travail de façon
sérieuse. C'était déjà donner le ton en nous
indiquant qu'il ne donnerait pas tous les règlements et qu'il nous les
enverrait à la graine, au fur et à mesure de l'examen des
articles du projet de loi. (15 h 20)
Je pense que le ton est donné. Je trouve ça triste et tout
à fait regrettable. Nous avons l'intention, à l'Opposition, et je
l'avais annoncé d'entrée de jeu, de faire un travail
sérieux et très rigoureux. Nous avons l'intention d'utiliser tout
le matériel qui nous a été fourni malheureusement
qui aurait pu être plus abondant, si on avait eu une participation plus
équilibrée à cette commission parlementaire
à l'occasion de la commission parlementaire, mais également tout
celui que nous avons reçu, chacun d'entre nous dans nos bureaux. Et,
faut-il le dire en passant, je n'ai jamais reçu correspondance aussi
abondante au sujet d'un projet de loi. J'y reviendrai donc.
En ce qui a trait aux règlements, la façon de faire du
ministre manque, c'est le moins qu'on puisse dire, de transparence et d'esprit
de collaboration auxquels on se serait attendu. Lorsque le
prédécesseur du ministre, Gérald Godin, a
déposé un projet de loi en 1982, il avait également
déposé... En même temps qu'on examinait le projet de loi,
on avait en main les projets de règlement. C'est ainsi que ça
doit se faire, et le ministre le sait.
Le projet de loi qui a été déposé le 6 mai
dernier par le gouvernement sera adopté dans les six semaines. Pour un
projet de loi de cette importance, vous admettrez avec moi que c'est un
délai relativement court. C'est un projet de loi majeur qui modifie les
fondements mêmes de la Charte de la langue française qui faisait
du français la langue commune nécessaire du travail, de
l'enseignement et de l'administration. Pourtant, pour tout
Québécois nous disait la Charte de la langue
française qui veut s'épanouir, se développer,
travailler, contribuer pleinement au développement social et
économique du Québec, la connaissance du français est
nécessaire voire indispensable.
Cette loi avait été, dans une certaine mesure, je pense
qu'il faut le dire et le répéter, acceptée par les
anglophones qui une façon de l'illustrer demandaient que
leurs jeunes maîtrisent mieux le français de manière
à assurer une contribution pleine et entière à la
société québécoise. Et, faut-il le
répéter, plusieurs Anglo-Québécois et un certain
nombre d'organismes qui sont venus en cette commission les représentant
ont dit reconnaître la fragilité du français, la
nécessité de le protéger et la pertinence de la loi
101.
La loi 86 modifie les fondements de la loi et le message qu'elle envoie
c'est: Nul besoin de connaître le français, tout est bilingue.
Qu'il s'agisse de l'affichage public et commercial, de l'affichage public de la
publicité commerciale, les organismes qui seront dorénavant
bilingues à vie, la langue des jugements, des conventions collectives,
le bilinguisme dans les écoles françaises, et, évidemment,
comme il n'y a plus vraiment de loi protégeant le français, nul
besoin d'avoir une Commission de protection de la langue française.
Bien plus, on introduit le bilinguisme à l'école
française. Et le message est clair: Ce n'est plus le français qui
est indispensable au Québec pour s'épanouir, c'est l'anglais.
Vous ne pouvez vivre, vous développer,
vous épanouir au Québec si vous ne connaissez pas
l'anglais. C'est le message qu'on envoie aux jeunes francophones, c'est le
message qu'on envoie aux jeunes allophones, et c'est le message qu'on envoie
aux jeunes anglophones.
On a renversé, si je puis ainsi m'exprimer, le fardeau de la
preuve, ou le fardeau qui reposait essentiellement, faut-il l'admettre, sur les
anglophones qui devaient apprendre le français et sur les allophones
également. Parce que, je dirais qu'après le complexe de
l'affichage unilingue français, il y aura, chez les allophones comme
chez les francophones, une espèce de nouveau complexe: Vous ne savez pas
l'anglais. Vous pouvez être Espagnol, Français, ce n'est pas
suffisant. Vous pourriez parler le coréen, le français, ce n'est
pas suffisant, le grec, le français, ce n'est pas suffisant; l'italien
et le français, ce n'est pas suffisant. Ça prend l'anglais. C'est
ça le message qu'on envoie. D'ailleurs, je ne suis pas la seule à
en parler. J'aurai l'occasion d'illustrer comment ça s'est
présenté au cours des audiences et plus particulièrement
des prises de position.
La loi 86 viole les fondements mêmes de la Charte de la langue
française, en trahit l'esprit et en travestit le sens. Est-ce qu'il
s'agit encore d'une Charte de la langue française? On pourrait parler
plus d'une charte du bilinguisme. Et c'est Mme Lise Bissonnette, qui, le 8 mai
1993 disait: Par quelque oubli, le gouvernement du Québec n'a pas
modifié le titre de la loi 101. Malgré le fait de la loi 86, il
s'appelle toujours Charte de la langue française. C'est un travesti. Le
ministre a peut-être un amendement en ce sens. Il nous en a
annoncé 17. Alors, s'il est cohérent avec l'esprit de la Charte,
il va aussi en changer le titre. la consultation. d'abord, je ne rappellerai
pas l'esprit de la consultation et les procédés qui ont
présidé à son organisation. lorsque le ministre, en
chambre, estimait qu'on avait une espèce de double discours en disant
qu'il avait minutieusement examiné le projet de loi pour en ouvrir et
élargir toutes les failles possibles et imaginables et en introduire de
nouvelles, et qu'en même temps il avait procédé avec
précipitation, les deux choses sont vraies. il a effectivement
utilisé tous les chapitres de la loi, pas pour promouvoir le
français, pas pour en assurer le développement, pour ouvrir au
bilinguisme ou à l'anglais. et, en même temps, il a
procédé avec précipitation. ça, il faut le
rappeler. la commission parlementaire, la façon de la convoquer,
d'établir au préalable l'heure et la date des comparutions des
différents organismes, ça s'est fait avec une
précipitation faut-il aussi le dire? qui a
coûté cher inutilement, puisqu'il y a à peu près 50
% des organismes qui se sont présentés, c'est-à-dire qu'il
s'en est présenté 22 sur 42 ou 43, et, évidemment, on n'a
utilisé que la moitié d'un temps d'antenne qu'on avait
payé, et qu'on a payé. dans une situation de récession, je
pense qu'il fallait le rappeler.
La consultation. Donc, nous n'avons reçu ici que 23 groupes au
total, pour une question aussi capitale, aussi majeure, c'est important de le
rappeler. Le prési- dent de la commission, en Chambre, nous disait que
la consultation avait été intéressante, et qu'il
évaluait les appuis au projet de loi 86 par la
représentativité des organismes entendus. Je veux bien, mais les
organismes représentant la Chambre de commerce de Montréal, ou
quelques organismes de même nature, ou représentant les
volontés des anglophones, est-ce que ça représente tout le
Québec? Là, j'ai comme un petit problème. Je reconnais
leur légitimité d'exprimer les besoins et les attentes de la
communauté anglophone, mais, de là à prétendre
qu'ils représentent le Québec, j'éprouve quelques
difficultés à partager l'avis du président de la
commission.
Les appuis sont venus essentiellement, faut-il le rappeler, et je le
dis, de la communauté anglophone, avec, presque... ce n'est pas presque,
systématiquement, une réserve majeure: Oui à la loi 86;
non, ça ne va pas assez loin. Oui à la loi 86; non, ça ne
va pas assez loin, parce qu'on veut avoir les immigrants de langue anglaise,
parce qu'on veut avoir le libre choix à l'accès à
l'école anglaise. Parce que, faut-il le reconnaître et
ça, le gouvernement fait semblant qu'il ne l'a pas vu passer mais
essentiellement, l'objectif, la prochaine étape, c'est l'accès
à l'école anglaise, c'est le libre choix.
La même chose, d'ailleurs, de la part du Conseil du patronat du
Québec qui s'est engagé à prendre parti et fait et cause
en faveur de l'accès à l'école anglaise pour tous les
enfants d'immigrants issus de pays anglais; il nous a simplement
expliqué que, si ça n'était pas dans son mémoire,
c'est parce que la question n'était pas sur la table. Donc, l'invite est
déjà faite, et évidemment que ça suscite à
la fois des intérêts et des appétits.
Est-ce que le gouvernement a reçu, au cours de cette commission
parlementaire et des jours qui ont suivi le dépôt du projet de loi
86, l'appui des enseignants, des constitutionnalistes, des juristes, des
municipalités, de la Chambre de commerce du Québec, des
syndicats, des jeunes travailleurs, des étudiants, des travailleurs des
communautés culturelles récemment établies au
Québec, des parents d'élèves, des professeurs
d'université, des directeurs d'école? Est-ce qu'il a reçu
l'appui de la CECM de façon officielle? Est-ce qu'il a reçu
l'appui de la Fédération des commissions scolaires du
Québec? Non. De tous ces organismes, aucun n'a accordé son appui
au gouvernement du Québec. (15 h 30)
Voyons quelques prises de position: La Fédération des
commissions scolaires du Québec craint que l'immersion ne provoque la
bilinguisation de certaines écoles. Évidemment, je passerai sous
silence la position de M. L'Allier, maire de Québec, ex-ministre dans le
cabinet libéral, qui s'oppose vertement à ce projet de loi. Le
maire de Montréal, également, qui dit: Oui, on peut être
d'accord avec l'affichage bilingue, mais pas avec la loi 86. Jean-Pierre Proulx
nous aurons l'occasion d'y revenir interroge le ministre sur les
ouvertures que constituent la reconnaissance et l'inclusion, dans cette loi, de
la clause Canada. La CECM nous dit: 20
ans de promotion du français le regroupement de la CECM
qui seront remis en cause. Et, faut-il le rappeler, la CECM avait
même envisagé l'adoption d'un règlement pour obliger les
jeunes élèves, dans les écoles françaises, à
parler français, à l'école, parce que même pendant
les périodes d'activités pédagogiques, lorsqu'ils
s'interpellent entre eux, ils parlent anglais. Mais là on dit: Ce n'est
pas assez. Il faut continuer.
Les industries québécoises publicitaires, Media-com et
également Cossette Publicité disaient: Le bilinguisme, c'est
l'enfer. Ils se sont également opposés. On se serait attendu...
Le ministre prétendait avoir les avis de tous les constitutionnalistes
et les résumer à lui seul. Pourtant, à l'exception de M.
Migué il avait peut-être échappé peu
ou pas de constitutionnalistes qui se sont prononcés en faveur de ce
projet de loi. Peu ou pas. M. Turp, il dit: Le gouvernement abuse de sa
discrétion en excluant systématiquement les experts. Le
gouvernement a une vision bilingue du Québec. Et il dit toujours, M.
Turp: Le problème de M Ryan, si vous ne partagez pas son avis, c'est que
vous ne comprenez pas. Ce n'est pas la députée de Chicoutimi qui
le dit. Julius Grey, qui n'est pas perçu comme étant un ami
intime du Parti québécois, dit: J'ai dit beaucoup de choses dans
ma vie, y compris contre la loi 101. Jamais je ne suis allé aussi loin
que de comparer le Québec à l'Afrique du Sud. Claude Bariteau,
Guy Laforêst, Gary Caldwell, Yolande Cohen, Alain-G. Gagnon, Daniel
Latouche, Alain Noël, Pierre-Paul Proulx, Daniel Turp, François
Rocher, Daniel Salée, tous professeurs, constitutionnalistes, juristes,
invitent le gouvernement à revoir sa position, parce qu'ils disent: Le
projet de loi, ça représente un rejet de la primauté de
l'ordre juridique québécois qui s'impose, en acceptant la clause
Canada, une nouvelle limite dans ses compétences législatives en
matière linguistique. C'est la Cour suprême qui joue le rôle
d'arbitre final. Ce sont des constitutionnalistes juristes. Accepter l'ordre
constitutionnel de 1982, c'est accepter d'aller au-delà et par-dessus la
tête des Québécois et des Québécoises, qui
ont pourtant rejeté l'entente de Charlottetown. Et ils ajoutent: On
refuse ainsi de consolider le fait français. Léon Dion, qui n'est
pas non plus un ami intime du Parti québécois, nous dit: C'est
une brèche qui risque d'en entraîner d'autres. C'est un signal
pour les jeunes francophones, c'est un retour au bilinguisme intégral et
complet.
Trois-cent-cinquante professeurs ont signé une pétition
qui, pour l'essentiel, dit que le gouvernement du Québec rejette, par le
projet de loi 86, tous les éléments de l'avis du Conseil de la
langue française à la demande expresse du ministre responsable de
la Charte, avis qui avait été donné à la demande du
ministre, et que le recours à la clause dérogatoire est
légitime, et, d'autre part, que les constatations du Comité des
droits de l'homme des Nations unies peuvent donner lieu à un nouvel
examen tenant davantage compte de la réalité
québécoise. Et les signataires prient instamment
l'Assemblée nationale du Québec de ne pas adopter le projet de
loi 86.
Est-ce qu'il y a eu l'équivalent d'appuis au projet de loi 86?
À ma connaissance, non, et certainement pas, sinon on les aurait brandis
haut et fort. Il n'y en a pas eu non plus des professeurs
d'université.
En fait, les appuis reçus reposent en grande partie sur
l'illusion qu'a réussi à créer le gouvernement à
l'effet que la loi portait essentiellement sur l'affichage et qu'il y avait,
dans cet affichage, l'idée, partout, de prédominance du
français. Et, vous le savez, rien d'aussi faux. Les raisons sociales,
c'est l'égalité, et on peut prévoir l'unilinguisme dans
une autre langue. Alors, on a réussi quand même à
créer cette illusion, faut-il le rappeler, que ça ne concernait
que l'affichage et que le français y serait prédominant. C'est
faux. Il y a 10 articles sur 65 qui concernent l'affichage, 13 sur
l'école et toutes les autres dispositions, dont celles,
extrêmement importantes, d'abolition de la Commission de protection de la
langue française et d'appropriation de la quasi totalité des
règlements qui ont un peu de signification par le gouvernement et le
ministre.
Dès que vous parlez de différentes dispositions de la
langue, vous voyez les appuis s'effriter. Les réserves abondent, les
questions surgissent, les inquiétudes se manifestent et les appels
à la prudence se multiplient. À la prudence parce qu'on affecte
les fondements de la Charte, parce qu'on crée une
insécurité certaine dans la population francophone du
Québec, mais également pour plusieurs intervenants. Je pense
qu'il faut le rappeler ici, pour plusieurs intervenants, ils craignent de voir
la paix sociale menacée.
Quoi qu'en dise le ministre, donc, cette loi ne fait pas
l'unanimité. Pour les uns, faut-il le rappeler, ça ne va pas
assez loin. Ça ne va pas assez loin parce que, nous l'avions dit,
l'objectif, c'est le bilinguisme, c'est l'accès à l'école
anglaise. Les.appétits sont ouverts, les débats également.
Et ceux et celles qui pensaient qu'avec la loi 86 on obtiendrait, on
maintiendrait la paix linguistique au Québec, ils se leurrent, parce que
ça ne viendra pas nécessairement des francophones. Ça va
venir des tenants anglophones qui prétendent qu'ils ont les mêmes
droits qu'au Québec, mais ils les réclament à double
titre: à titre individuel et collectif.
L'Opposition entend donc, selon son habitude, procéder avec
sérieux et rigueur. Les avis exprimés par les organismes experts
serviront de guide aux amendements que nous entendons apporter. Et je ne vous
cache pas qu'ils seront nombreux. Ils seront nombreux.
Hier, le ministre je le disais tout à l'heure a
donné le ton et je me permets de rappeler un peu le ton qu'il utilisait
à minuit et quart, hier, lorsqu'il prévenait l'Opposition. Il
disait, donc, plus précisément à minuit vingt: Alors, nous
porterons ces règlements à la connaissance des parlementaires,
dans la mesure où ils voudront travailler sérieusement, entendant
qu'on pouvait le faire autrement. Évidemment, déjà, c'est
porter un jugement, un jugement qu'il n'a pas le droit, en parlementaire un peu
distingué, de porter sur l'Opposition. Puis, disait-il, dès qu'on
pourra aborder les articles précis qui traitent ou qui ouvrent la voie
à tel ou tel
règlement, il me fera plaisir de donner, à titre
d'illustration comme un cadeau, comme un privilège, comme quelque
chose d'exceptionnel les projets de règlement qui ont
été conçus. Mais qu'on ne s'attende pas à ce qu'on
vienne mettre tous ces projets de règlement sur la table dès le
début. S'il doit être question d'obstruction, nous vivrons avec,
nous en avons déjà fait l'expérience. Mais, s'il est
question de travail sérieux, nous allons procéder dans un climat
de transparence, comme on n'en a pas vu souvent dans cette
Assemblée.
Et le ministre vient de nous répéter, et de vous
répéter, parce que vous êtes aussi parlementaires et vous
avez droit autant que nous de savoir où il veut nous amener... Et il me
semble qu'avant de... Sinon, là, vous savez ce que vous faites, c'est un
chèque en blanc, comme il vous a fait accepter l'entente de
Charlottetown sans texte. Il est en train d'essayer de faire sensiblement la
même chose, plus particulièrement en ce qui a trait à la
question de l'enseignement dont nous n'aurons les règlements
qu'après l'adoption de la loi.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, en terminant,
rapidement.
Mme Blackburn: Oui. Nous travaillerons avec sérieux et le
ministre le sait plus que tout autre en cette Chambre. J'ai toujours, et nous
avons toujours fait un travail extrêmement sérieux et constructif.
Mais il n'est pas vrai, il n'est pas vrai que nous allons signer un
chèque en blanc au gouvernement du Québec ou au ministre
responsable de la Charte de la langue française s'il n'accepte pas, tel
que le veulent la règle et la tradition lorsqu'il s'est agi de...
Le Président (M. Doyon): En terminant, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...modifier la loi 101, de déposer les
projets de règlement.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Blackburn: Je vous remercie. (15 h 40)
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Hull.
M. Robert LeSage
M. LeSage: Merci, M. le Président. Je n'ai pas l'intention
de reprendre tous les arguments qui ont été invoqués
à cette commission parlementaire, lorsque nous avons entendu les
groupes, ou à l'Assemblée nationale, mais j'aimerais quand
même souligner un argument qui avait été amené par
la députée de Chicoutimi, qui n'a été repris nulle
part. Elle critiquait le fait que des anglophones de l'Ontario
fréquentaient l'Université Bishop et qu'ils retournaient par la
suite en Ontario. Elle a peut-être raison. J'aurais aimé ça
dans le temps lui poser la question à savoir combien il y en avait. Elle
doit le savoir. J'aurais aimé aussi peut-être lui demander combien
il y en avait qui fréquentaient l'Université d'Ottawa, des
Québécois, l'Université Carleton, des
Québécois, et qui reviennent également au Québec.
Moi, je connais un grand nombre d'avocats, à travers le Québec,
qui ont fréquenté l'Université d'Ottawa. Il y en a
peut-être même dans l'Opposition. Je suis sûr qu'il y a des
députés qui ont fréquenté l'Université
d'Ottawa, et qui sont revenus au Québec. Pourtant c'était
financé et subventionné par le gouvernement ontarien.
Je m'explique mal, M. le Président, ce double langage, en tout
cas pour les péquistes de l'Outaouais québécois, qui
prônent la même chose que les députés
libéraux: la libre circulation des biens, des services, et des
personnes. On prône également de faire enlever les irritants qui
peuvent exister entre les lois ontariennes et les lois
québécoises. Pour un Ontarien, ou même quelqu'un qui vient
de l'extérieur du Québec, peu importe d'où il vienne, le
fait de ne pas pouvoir suivre les affiches de circulation, de danger, je pense
que ça en est un irritant. Je comprends que vous allez me dire: Quand,
toi, le député de Hull, tu vas en Floride ou que tu vas dans un
autre État, ce n'est pas écrit en français. C'est vrai. Et
je ne m'attends pas non plus à ce que ce soit écrit en
français aux États-Unis. Si j'étais un Allemand, je ne
m'attendrais pas non plus à ce que ce soit écrit en allemand.
Mais quand je m'en viens au Canada, et, à ce que je sache, au moment
où on se parle le Québec fait encore partie du Canada...
Une voix: ...
M. LeSage: Oui, bien, si vous voulez prendre la parole
tantôt, vous irez. En attendant vous pouvez m'écouter. Moi, je
vois les gens de l'Ontario, il y a des francophones qui demeurent en Ontario,
nous avons des parents en Ontario, on a des amis en Ontario, sur le bord du
Québec, dans l'ouest québécois. On côtoie ces
gens-là régulièrement. Si vous allez en Ontario, vous
allez voir les affiches bilingues sur les routes. Pourtant, l'Ontario est
composé de beaucoup plus d'anglophones. Et je posais la question,
à un moment donné, je pense que c'était à la
députée de Chicoutimi: Si les autres provinces se mettaient en
tête de légiférer de la façon dont on avait
légiféré sur l'affichage, dans le sens de dire: Vous ne
pouvez plus afficher dans une autre langue que l'anglais, qu'est-ce que vous
diriez? La réponse, je la connaissais: Ils n'ont pas besoin de faire
ça eux, ils sont très bien protégés, c'est des...
J'ai dit: Oui, mais, s'ils le faisaient, qu'est-ce que vous diriez?
M. le Président, on a parlé également des
organismes qui sont venus ici, et on a parlé des organismes qui
représentaient le Québec. On peut prendre tous les
organismes, ils ne représenteront jamais autant la population que
chacun d'entre nous ici qui avons été élus
démocratiquement par cette dernière. Et la population du
Québec, je pense que c'est une population qui est tolérante et
qui a une vision d'avenir, M. le Président.
Je discutais encore hier avec une personne de Joliette, qui me
mentionnait que sa fille était rendue à Winnipeg pour apprendre
l'anglais. Elle avait fait application dans un programme du Québec, un
échange d'étudiants, et puis elle n'avait pas de réponse.
Alors, il a appelé et il a fini par savoir qu'elle était la 6000e
à peu près sur la liste, alors qu'on en prenait 2500. C'est ce
qu'il voulait savoir. Parce que, si n'elle n'avait pas de chance d'aller
à Winnipeg, il a dit: Elle va y aller pareil, je vais payer pour. Les
gens veulent que les jeunes apprennent l'anglais. L'autre côté,
l'Opposition, nous dit qu'il est évident que les jeunes doivent
apprendre l'anglais, mais on ne doit pas leur montrer. Je ne sais pas où
ils vont l'apprendre. Peut-être à Winnipeg, et il va falloir payer
pour.
M. le Président, je pense que c'est un double langage. La
population, comme je vous l'ai mentionné, elle est tolérante,
elle veut un avenir sûr pour ses jeunes, elle veut un avenir prometteur
pour ses jeunes, et la seule façon de le faire, dans le contexte
nord-américain, c'est d'apprendre la langue qui va servir et qui a
déjà commencé à servir, M. le Président, la
langue des affaires. Ça ne compromet pas pour autant la langue
française au Québec. Ce n'est pas parce qu'on va adopter cette
loi, je l'ai déjà dit, M. le Président, ce n'est pas parce
que la loi va permettre... On n'oblige pas le monde à afficher demain
matin dans les deux langues. Je le répète, M. le
Président, ce n'est pas parce qu'on va adopter cette loi-là que
le petit dépanneur, à Saint-Philippe-de-Néri, va afficher
la semaine prochaine dans les deux langues. Ce n'est pas vrai.
On vient de mentionner Provigo de l'autre côté. M. le
Président, est-ce qu'on va demander à Canadian Tire de changer
son nom pour Les Pneus Canadiens pour que ça soit en français?
Est-ce qu'on va demander à Good Year de changer ses affiches, Bonne
Année? Est-ce qu'on va demander à Zellers de changer, là,
je ne sais pas pour quoi? Et si la députée de Chicoutimi
décidait de partir en affaires, à un moment donné, une
petite entreprise qui deviendrait une grande entreprise, est-ce qu'on lui
demanderais de changer de nom?
Des voix: Blackburn.
M. LeSage: Brûlée Noire? Écoutez, faut
charrier, mais charrier égal, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. LeSage: Tout ça pour vous dire que la population du
Québec, elle veut un avenir prometteur pour ses jeunes. Moi, je me
rappelle quand j'étais jeune et qu'on sortait du primaire, on ne savait
pas parler anglais. Qu'est-ce qu'on faisait dans l'Outaouais
québé- cois, parce qu'on avait la chance de le faire? Les parents
envoyaient leurs jeunes étudier sur le côté onta-rien, et
ils payaient pour, M. le Président, alors qu'on aurait pu, dans notre
système scolaire au Québec, prévoir des mécanismes
pour montrer aux jeunes la deuxième langue, pour nous, qui est la
première en Amérique du Nord.
M. le Président, je pense qu'on a tout avantage à
prévenir... Si un bon gouvernement doit prévenir, il faut
prévenir l'avenir de nos jeunes, et je pense que c'est urgent de le
faire. Moi, je suis disposé, M. le Président, à
procéder avec le projet de loi, article par article, quand l'Opposition
sera prête.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Hull. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: Juste pour me renseigner, M. le Président,
est-ce qu'on est en train d'étudier le projet de loi 86? C'est
exact?
M. Jolivet: ...remarques préliminaires.
M. Libman: Parce qu'à entendre l'analyse de la
députée de Chicoutimi ou sa lecture du projet de loi, je ne suis
pas sûr si je suis en train de lire le même projet de loi qu'elle,
M. le Président.
Moi, mon interprétation de ce projet de loi est
complètement différente. Je pense que c'est un peu trop facile
d'essayer d'exagérer davantage la portée de ce projet de loi,
pour créer une atmosphère de peur ici, au Québec. Mais je
pense que le sentiment populaire a démontré que le programme de
l'Opposition officielle ou sa stratégie de mobiliser la population ne va
pas marcher, parce que ce projet de loi ne va pas avoir les impacts
néfastes que l'Opposition officielle croit.
Pour nous autres, M. le Président, c'était pas mal
difficile ce matin de voter contre l'adoption de principe de ce projet de loi,
parce que, politiquement, c'est évidemment un pas de l'avant. C'est une
démarche qui n'est pas facile à faire pour ce gouvernement,
d'adopter un tel projet de loi. Mais, en même temps, nous croyons
sincèrement... On espère que le ministre est sensible au fait que
nous croyons que ce projet de loi ne va pas assez loin pour vraiment satisfaire
certaines inquiétudes fondamentales des communautés minoritaires
au Québec.
Deuxièmement, dans la rédaction de ce projet de loi, il y
a certains aspects qui peuvent créer des problèmes et nous allons
arriver, à l'étude article par article, à discuter
certains de ces problèmes. Mais quand on dit que nous croyons que ce
projet de loi ne vas pas assez loin, malheureusement, en réponse
à cette affirmation, certains commentateurs ont trouvé que c'est
un signe que la communauté anglophone du Québec ne sera jamais
satisfaite, que l'appétit de la communauté anglophone du
Québec va grandir. On va leur donner un peu,
ils vont vouloir plus. Je trouve que c'est très malheureux, M. le
Président, cette interprétation. Je pense que tout le monde ici
doit réaliser que les communautés minoritaires partout au monde,
en vertu même de leur statut minoritaire, ont l'obligation de demander
autant que possible, dans une société démocratique, et
surtout quand l'avenir de ces communautés est en question, et surtout,
M. le Président, au Québec... On ne change pas souvent les lois
linguistiques, ça n'arrive pas tous les jours que le gouvernement fait
un examen des lois linguistiques au Québec qui ont un impact important
sur les communautés minoritaires. Je pense qu'il faut avoir une
ouverture d'esprit, respecter le droit des communautés minoritaires
d'essayer de gagner à certaines «games» dans notre
société. (15 h 50)
René Lévesque a reconnu cela. Il a reconnu, depuis
l'adoption du projet de loi 101, qu'il y avait des problèmes, qu'on
pourrait apporter des changements à cette loi pour satisfaire certaines
exigences, pour répondre aux tribunaux. Je pense que c'est tout à
fait légitime pour changer des lois, pour améliorer la loi ou
pour améliorer même la société, et c'est nous qui
avons la responsabilité de décider, comme représentants
élus, si ce projet de loi pourrait être amélioré, et
il faut aussi réaliser qu'aucune loi n'est intouchable dans une
société démocratique.
M. le Président, nous allons essayer d'apporter des amendements.
Il y a trois catégories d'amendements que nous allons apporter. Nos
amendements sont réalistes, sont raisonnables. Nous n'allons pas exiger
la liberté de choix dans l'enseignement, par exemple. Nous allons amener
des amendements qui touchent à l'éducation, mais des amendements
qui sont raisonnables, qui devront être acceptables par la
majorité des Québécois, et notre objectif, avec nos
amendements, sera de vraiment créer un équilibre linguistique au
Québec, de trouver la ligne d'équilibre avec la majorité
francophone au Québec et aussi de répondre à certains
besoins, attentes importantes pour les communautés minoritaires au
Québec, surtout la communauté anglophone. Et nous croyons que, si
nos amendements étaient acceptés, ça pourrait être
la base d'un contrat social ou même pour un nouveau partenariat au
Québec entre les minorités et la majorité.
Comme j'ai dit, il y aura trois catégories d'amendements que nous
allons apporter à ce projet de loi. Premièrement, en ce qui
concerne l'affichage et l'article 17, nous croyons que, dans sa forme actuelle,
l'article 17 pourrait créer un problème ou des problèmes
sérieux. Nous croyons, comme l'Opposition officielle, évidemment
pour des raisons opposées, que le pouvoir réglementaire est trop
vaste dans l'article 17. Je pense aussi que les médias anglophones ont
peut-être réagi ou se sont peut-être réjouis trop
vite en ce qui concerne l'affichage commercial parce que, si on examine avec un
oeil plus critique l'article 17, nous voyons que certains problèmes
pourraient sûrement revenir. Il ne faut pas oublier qu'en 1988, quand le
gouvernement a adopté la loi 178, on a aussi cru que ça
permettrait, par exemple, l'acceptation des affiches bilingues à
l'intérieur des commerces, mais avec les règlements le
gouvernement a imposé des contraintes importantes contre ces droits de
s'afficher au moins à l'intérieur. Et je pense que, de la
façon que c'est rédigé présentement, cet article
laisse trop d'espace pour le gouvernement de maintenir certaines contraintes
très importantes à la liberté d'expression.
Et je vous lis le paragraphe qui met en doute certains de nos espoirs.
On voit dans l'article 58 le paragraphe qui dit: «Toutefois, le
gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les
conditions ou les circonstances où l'affichage public et la
publicité commerciale doivent se faire uniquement en
français.» Nous croyons que le gouvernement joue un jeu
très dangereux avec cet article. Premièrement, dans l'article 17,
on établit le principe en réponse aux tribunaux qu'on va lever
l'interdiction d'autres langues sur les affiches. Alors, on établit le
principe, en réponse aux tribunaux, que, si l'affichage doit se faire
uniquement en français, c'est une atteinte à la liberté
d'expression et on va enlever cette atteinte. Mais en même temps, dans ce
même article, on redonne le droit au gouvernement, par voie
réglementaire, d'enlever ce droit que les tribunaux disent fondamental
et qui représente la liberté d'expression. Alors, nous croyons
que c'est inacceptable. Nous croyons que ça ne va pas passer le test
devant les tribunaux, que, si les tribunaux nous disent qu'on ne peut pas
restreindre le droit de la liberté d'expression par le biais de
l'affichage commercial, on ne peut pas nous redonner le droit d'enlever ce
droit par la voie réglementaire, surtout par la voie
réglementaire qui n'exige pas de débat à
l'Assemblée nationale. Alors, nous trouvons inacceptable, et on va
essayer de convaincre le ministre d'enlever cette exception, d'enlever la
capacité, par voie réglementaire, d'exiger où les affiches
commerciales doivent se faire uniquement en français, parce que nous
croyons que ça va dépasser les décisions des tribunaux,
ça va continuer une interdiction, par voie de règlement, contre
l'usage d'autres langues sur les affiches, si un gouvernement le veut.
Par exemple, si le Parti québécois revenait au pouvoir, M.
le Président, sans aller devant l'Assemblée nationale, il
pourrait facilement, par voie de règlement, continuer l'interdiction
d'autres langues sur les affiches. Et qu'est-ce qu'on pourrait faire? Et ce ne
sera pas un débat à l'Assemblée nationale, mais la voie
réglementaire créée dans ce projet de loi. Il aura le
mécanisme pour le faire. Alors, nous croyons que ça pourrait
créer des problèmes sérieux. Et je pense que ça
ouvre la porte aux futures contestations judiciaires. Je pense que le ministre
ferait mieux d'oublier, dans ce paragraphe, la capacité pour un
gouvernement de déterminer les circonstances où l'affichage doit
rester strictement en français parce que nous croyons que ça ne
respecte pas les décisions des tribunaux.
Aussi, M. le Président, la question d'inclure dans les
règlements des restrictions sur les panneaux-réclame, nous
croyons que le ministre va faire une erreur aussi
avec une telle décision. Il va laisser toujours la porte ouverte
à la future contestation. Je lui dis sincèrement que ce n'est pas
un grand débat, ce n'est pas un débat émotif à
l'intérieur de la communauté anglaise, la question de
parmeaux-réclame, sauf que je dis au ministre que ça laisse la
porte ouverte aux futures contestations. Est-ce que bous voulons vraiment
laisser cette porte ouverte ou est-ce que nous voulons vraiment fermer la
question une fois pour toutes? Je pense que le sens commun va prévaloir.
Je ne pense pas qu'il y aura la promulgation des panneaux-réclame
bilingues au Québec. Mais, si on permet cette porte ouverte, on va le
regretter plus tard. C'est très clair que les tribunaux ne vont pas
trouver que les panneaux-réclame sont, à la limite, raisonnables
contre la liberté d'expression. Je pense que c'est très clair
que, quand on loue un magasin ou quand on loue un espace commercial, c'est la
même chose ou le même concept que de louer un
panneau-réclame. Et, si on maintient l'interdiction contre l'usage
d'autres langues sur les panneaux-réclame, tous les tribunaux vont
déterminer que ça porte atteinte aux libertés
individuelles.
Alors, on suggère au ministre de réfléchir
très sérieusement, avant d'apporter cette exception dans le
règlement, pour être sûr et certain qu'on n'ouvre pas
toujours cette porte pour créer des problèmes plus tard.
Évidemment, M. le Président, en ce qui concerne l'article
23, c'est là la question la plus importante pour la communauté
anglophone. On a parlé assez longuement des statistiques, des chiffres.
Le ministre a promis qu'il va amener des chiffres devant cette commission
durant l'étude de cet article. On a hâte de voir ces statistiques.
Mais, pour la communauté anglophone, ça, c'est la question la
plus fondamentale. On connaît le résultat des 20 dernières
années dans nos écoles. Victor Goldbloom, le commissaire des
langues officielles, a dit dans son rapport annuel, il y a 2 semaines, que
toute cette question qui entoure le débat sur l'affichage commercial
camoufle la question la plus importante pour la communauté anglophone,
et ça, c'est l'accès aux écoles anglaises. Nous ne pouvons
pas accepter le fait que le ministre ou le gouvernement ne soit pas prêt
à aller plus loin pour répondre aux attentes, aux exigences
très sérieuses de la communauté anglophone dans ce sens.
(16 heures)
Comme j'ai dit, nous allons essayer d'apporter des amendements qui ne
vont pas demander la liberté de choix de l'enseignement mais qui
demandent certains changements qui sont très raisonnables, qui ne vont
pas avoir un impact sérieux ou important sur le réseau scolaire
francophone, mais ça peut ajouter une bouffée d'air frais au
réseau scolaire anglophone sans compromettre la force du réseau
scolaire francophone. Et on espère que nous pourrons avoir un
débat ouvert et sérieux sur cette question, pour que le ministre
réalise que c'est une question très, très importante.
Nos amendements, que nous allons apporter, tiennent en
considération certaines de ces inquiétudes exprimées. La
question de créer 2 classes d'immigrants, on va adresser ce
problème. Lui aussi, il a mentionné qu'il ne voulait pas
créer la situation où les tests sont nécessaires pour
déterminer la langue maternelle. On tient en compte cette
considération, et notre amendement va demander quelque chose de
très raisonnable. Et on espère que le ministre va trouver qu'il
doit considérer très sérieusement certaines de ces
questions, ou même, s'il ne peut pas le faire durant l'adoption de ce
projet de loi, qu'il s'engage à adresser ou à discuter cette
question avec la communauté anglophone dans l'avenir proche, pour
être sûr et certain que notre communauté ne continuera pas
dans le même chemin où nous allons maintenant. Que nos
écoles, qui sont en train de diminuer, de fermer l'une après
l'autre, puissent avoir une capacité ou une façon de se
renouveler dans les années qui viennent pour continuer à faire
partie de la société québécoise, à jouer un
rôle important dans notre société québécoise
dans le prochain siècle.
Finalement, M. le Président, le dernier amendement que nous
allons discuter durant cette étape de nos travaux est à l'article
10 du projet de loi, qui parle du statut bilingue des municipalités, des
commissions scolaires et des institutions hospitalières et services de
santé. Nous allons essayer d'avoir une discussion importante, une
analyse importante avec le ministre sur la question du seuil qui permet
à certaines institutions ou certains organismes d'avoir un statut
bilingue. Nous trouvons, évidemment, que le seuil actuel de 50 % est
beaucoup trop élevé. Et si le ministre, comme il l'a dit, est
ouvert à examiner le seuil, peut-être que le moment sera durant
l'étude de ce projet de loi pour vraiment déterminer si, oui ou
non, ce sera possible pour lui de diminuer ce seuil que nous trouvons beaucoup
trop élevé. Mais, en même temps, on va demander si le
ministre pourrait considérer un mécanisme où les
établissements de santé et de services sociaux ne perdraient
jamais leur statut une fois obtenu, parce que nous croyons que des organismes
ou des établissements aussi importants que ça ne doivent pas
être toujours sous la pression de perdre un statut déjà
acquis pour traiter des citoyens qui représentent un certain pourcentage
d'un établissement.
Alors, très brièvement, M. le Président, ça,
c'est quelques amendements que nous allons apporter. Comme je l'ai dit, c'est
des amendements très raisonnables. Nous espérons avoir une
discussion très franche et ouverte avec le ministre. S'il veut vraiment
satisfaire certaines exigences ou certaines inquiétudes très
sérieuses de la communauté anglophone du Québec, qu'il
prenne en considération très sérieusement certains de ces
amendements. Comme je l'ai dit, ils sont très raisonnables; si le
ministre pouvait trouver une façon d'accepter certains de nos
amendements, ce serait notre honneur de voter en faveur de ce projet de loi
à l'adoption finale de ce projet de loi. Mais on espère au moins,
sinon, que nous pourrons avoir une discussion très importante pour au
moins établir le terrain pour futures discussions avec le ministre sur
certaines de ces questions très importantes. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de D'Arcy-McGee. M. le député de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. Brièvement, je
voudrais juste toucher l'article 59 du projet de loi, et aussi la question de
l'enseignement de la langue première. Parce que, depuis que le
débat a commencé, il semble se dégager, en tout cas, dans
ma compréhension des choses, des faussetés, là, qui
semblent s'élargir d'orateur en orateur.
Premièrement, j'entends dire, des gens de l'autre
côté, M. le Président, et j'entendais le chef de
l'Opposition le dire hier, qu'il était 100 % favorable à
l'enseignement, à l'apprentissage d'une deuxième langue. Et je
vois le député qui dit: Une deuxième, une
troisième, une quatrième, et ainsi de suite. Il y a aussi que
j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on dit ça,
puis, en même temps, on ne réalise pas que, depuis qu'on enseigne
la langue seconde dans nos écoles, ici, au Québec, que ça
soit du côté francophone ou du côté anglophone, on a
eu un échec considérable. Considérable.
Si on considère que, du côté anglophone,
l'enseignement du français comme langue seconde se fait depuis de
nombreuses années, depuis la première année, et même
depuis la maternelle, et que des méthodes conventionnelles au niveau de
l'enseignement... C'est que les enfants on parle d'une quinzaine
d'années en arrière étaient assujettis à 200
heures d'enseignement de la langue seconde, du français, à partir
de la première jusqu'à la onzième année. Et, quand
ils sortaient de là, leur connaissance de la langue seconde était
pitoyable. Vous avez seulement à faire le calcul du nombre d'heures
dépensées là-dessus.
Et, du côté des écoles françaises, est-ce
qu'on peut dire que les méthodes que nous avons employées
jusqu'à date ont été efficaces? Je ne pense pas. Si le
taux de succès dans l'enseignement de la langue seconde était le
même qu'en mathématiques, croyez-moi, là, on serait pas mal
arrivé, ici, au Québec.
Ce que le projet de loi fait, ce que l'article 59 fait, c'est qu'il dit
tout simplement, selon mon interprétation: il y a eu un changement de
méthodologie dans certaines de nos écoles, principalement... Et
j'en ai vécu l'expérience. Moi, j'ai déjà
vécu l'expérience d'immersion en 1974, dans une de mes
maternelles. Pour les enfants de souche allophone ou anglophone, dès la
maternelle, on est arrivé avec un cours d'immersion pour l'enseignement
du français. Bien, je peux vous dire que ce programme-là a
été tellement bien accepté par les gens, par les parents,
et la plupart des élèves et j'en suis très fier
qui finissaient le primaire, chez nous, à l'école
où j'étais directeur, en sortaient en connaissant un
français que d'autres élèves qui avaient terminé 11
ans de scolarité ne connaissaient pas, M. le Président.
Alors, c'est ça que j'ai de la difficulté à
comprendre. Pourquoi on dit, d'un côté: Oui, on favorise
ça, mais on veut rester dans une méthodologie qui, jusqu'à
date, a prouvé que c'est un échec. C'est un échec. Il n'y
a aucune obligation. C'est tout simplement de permettre en tout cas,
moi, je ne vois pas l'obligation, là l'enseignement de cette
deuxième langue par l'entremise d'une immersion.
On nous disait l'autre jour: Bien voyons! une immersion avec des enfants
qui sont en difficulté d'apprentissage! Écoutez, je pense que
ceux qui disaient ça, ça fait longtemps qu'ils n'ont pas mis les
pieds dans une école primaire, et même secondaire. Parce que
chaque éducateur, ici, au Québec, pense que, lorsqu'on arrive
pour enseigner, la philosophie de base doit être qu'on doit prendre
l'enfant à son niveau. Traduit en anglais, ça se dit:
«Begin where the learner is». Hein? «Begin where the learner
is». On essaie de nous faire des peurs, que les enfants qui sont en
difficulté d'apprentissage, qui ont un problème d'apprentissage,
on va les «immerser». Il n'y a pas un directeur d'école qui
va accepter qu'on fasse ça à des enfants. Il n'y a pas un
directeur d'école qui va accepter ça. (16 h 10)
Mais pourtant, ce que vous dites, vous, de l'autre bord, vous dites:
L'enseignement de la science... L'enseignement de la science! Avez-vous vu les
programmes de science au niveau de première, deuxième,
troisième, quatrième, cinquième, sixième
années? C'est quoi? La plupart, c'est des projets, des projets
écologiques. Ce n'est plus ce que vous avez eu, M. le
député, ou ce que j'ai eu. C'est un enseignement qui est
totalement différent. Et qu'on puisse y arriver...
Une voix: ...en troisième année. Une voix:
Ça ne paraît pas.
M. Cusano: Alors, est-ce qu'on peut être scandalisé
par le fait qu'il y a une possibilité d'avoir une méthodologie
différente? Parce que, lorsqu'on arrive dans les arts plastiques... Puis
je vais vous conter comment c'est arrivé, M. Ryan, vous allez comprendre
ça. À mon école, en 1974, vous savez, avec la
rigidité des contrats, chaque professeur avait le droit d'avoir tant de
minutes par semaine pour faire de la préparation. C'était du
temps libre. Bon. Alors, en appliquant toutes les normes, j'avais mes
spécialistes en français, et il fallait que je donne à la
maternelle... Le professeur de la maternelle, il fallait que je lui donne une
demi-heure par jour de temps libre. La seule personne qui était
disponible pour donner du temps libre, c'était un spécialiste en
français; il ne parlait pas un mot d'anglais. Qu'est-ce qu'on a fait? On
l'a fait voyager, on a fait voyager cette personne-là à une autre
école. Si je faisais ça, tout le temps qu'elle avait de
disponible dans sa charge s'en allait en voyagements. O.K.? Alors, ce que j'ai
fait, j'ai tout simplement demandé au prof: Ça te
«déranges-tu» d'enseigner à la maternelle? Enseigner?
Écoutez, M. Cusano, je ne parle pas l'anglais. Aucun problème, on
va le faire en français. Vous allez faire quoi? Les arts plastiques. Les
arts plastiques. Vous allez couper.
Je ne sais pas comment ça a pu influencer ceux qui craignent
qu'on détruise tout d'un coup tout le rythme d'apprentissage au niveau
de cet enfant-là. Et je suis complètement d'accord que, si un
enfant a des difficultés d'apprentissage, il ne devrait pas être
là, dans une classe d'immersion. Je suis tout à fait d'accord si
un enfant, à la fin de la sixième année, à titre
d'exemple, est 2 ans ou 3 ans en retard académiquement, il n'y a pas un
directeur d'école qui va accepter que ça soit fait comme
ça, qu'il y ait un changement au niveau de la méthodologie. Le
projet de loi, en ce qui me concerne, ne fait que permettre une autre
méthodologie.
Autre chose aussi, qu'on entend, M. le Président: j'ai entendu
beaucoup de l'autre côté la question qu'une deuxième langue
va nuire à la langue première. Encore là, c'est archifaux.
C'est archifaux, parce qu'on a découvert que, lorsqu'on apprend une
langue, ce n'est pas juste la question de la prononciation ou de
reconnaître un vocabulaire; ça, c'est seulement 2 petits
éléments de l'apprentissage d'une langue. Il y a toute la
question de pouvoir décoder. Décoder quelque chose, ça n'a
pas de langue, ça n'a pas de langue. Pouvoir comprendre un diagramme,
ça n'a pas de langue. Et, ça, ça s'apprend dans n'importe
quelle langue. Un éducateur va vous dire, aujourd'hui, que même un
enfant, avant qu'il n'arrive en maternelle, indépendamment de la langue
qui est parlée chez lui, si les parents prennent du temps pour parler
à l'enfant, lui parler, lui lire des histoires, lui démontrer
qu'il est nécessaire de lire en prenant, justement, des textes, et ne
pas être flanqué devant la télévision, ce qu'on a
toujours appelé «the cool message» de Marshall McLuhan...
Alors, c'est ces facteurs-là et la motivation.
Mais on peut encore sous-diviser la motivation pour dire que ce n'est
définitivement pas la deuxième langue qui va nuire à
ça. C'est ça que j'ai de la difficulté à comprendre
parce que, si on se fie à votre raisonnement, ça veut dire que le
député de L'Assomption, qui parle un anglais excellent, ça
veut dire que si on suit le raisonnement de la députée de
Chicoutimi, votre langue maternelle, M. le député, elle ne doit
pas être bien forte si on suit son raisonnement. Bien, si le
député de L'Assomption n'a pas compris, je vais le
répéter d'une autre façon. C'est qu'on a entendu en
Chambre dire qu'apprendre et connaître une deuxième langue
ça nuit à la première langue. Que je sache, selon mon
opinion, par le fait que... Non, je n'ai pas dit que vous aviez dit ça.
On l'a entendu de votre côté. O.K.?
M. Ryan: On l'a entendu, oui. Une voix: Qui?
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Viau, vous avez la parole.
Mme Blackburn: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je pense que la vérité a ses
droits...
M. Cusano: Non, M. le Président. Je ne vous ai
pas...
Mme Blackburn: Non, c'est une question de règlement. La
vérité a ses droits, et le député ne peut pas dire
n'importe quoi sous prétexte qu'il n'a pas écouté toutes
les présentations faites en Chambre.
M. Ryan: Oui, parce que vous le faites depuis longtemps. Elle le
fait depuis toujours.
Mme Blackburn: Alors, personne, personne n'a dit ou avancé
ce que vous dites, et de cette manière, et encore moins moi.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi...
Une voix: Bon. Tu as mal compris.
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Viau, vous avez la parole.
Une voix: II n'a pas besoin de la parole.
M. Cusano: Merci. Ce que je dis, c'est que j'ai entendu, de
l'autre côté de la Chambre, dire que l'apprentissage d'une
deuxième langue nuisait à l'apprentissage d'une première.
O.K.? G'est ça que je dis. Et, si on poursuit cet argument, ça
veut dire que tous ceux d'entre nous, ici, qui parlent une deuxième
langue, ça veut dire que notre langue première, elle doit
être inférieure. Bien, si M. le député de
l'Opposition ne veut pas que je le cite comme exemple, je vais citer mon
collègue d'Argenteuil. Par le fait qu'il parle 2 langues, là, je
ne pense pas que personne puisse lui reprocher... 3 langues, excusez-moi; 2
extras. Ça n'empêche pas qu'il a une très grande
maîtrise de sa langue première. C'est ça qui est mon
point.
Bon. Alors, c'est le point que je voulais apporter, M. le
Président. C'est que la langue première, elle est en
difficulté ici, au Québec. Le français dans nos
écoles, je vais être le premier à l'admettre, est en
difficulté au Québec. Mais l'anglais, comme langue
première, dans nos écoles anglaises, est aussi en
difficulté. Et, quand on va aux États-Unis, c'est la même
chose. Et, en France, c'est la même chose. N'essayons pas de simplifier,
de simplifier en disant: Tu sais, par le fait qu'on fait bien attention
à cette deuxième langue, on va les empêcher de parler une
autre langue, comme... On citait la CECM, mais peut-être qu'il faut
revenir avec la strappe dans les écoles; pour quelqu'un qui parle dans
d'autres mots que français...
M. Ryan: Dans la cour de l'école.
M. Cusano: ...dans la cour de l'école, qu'on puisse se
servir de la strappe. Moi, je ne comprends absolument rien dans tout ça.
Je ne comprends absolument rien.
Comment peut-on dire: D'un côté, oui, on favorise
ça, et, de l'autre côté, on n'est pas prêt à
prendre les moyens? Il n'y a aucune obligation. C'est tout simplement de dire:
Voici un autre moyen d'enseignement, une autre méthodologie. Mais on
crie à des épouvan-tails. On crie à des
épouvantails. C'est la même chose que si, demain matin, on voulait
enseigner les mathématiques par une nouvelle méthodologie. Ah!
C'est dangereux de le faire!
Les éducateurs, je crois, doivent avoir l'opportunité
aussi de pouvoir expérimenter, de pouvoir expérimenter.
Ça, ça leur ouvre la porte. Je sais que le secteur anglophone,
que ça soit de la PSBGM, de la CECM et d'autres commissions scolaires,
c'est ce qu'ils ont fait depuis des années. Et, pour ceux qui
s'inquiètent de la matière enseignée dans un cours
d'immersion, faites la recherche et vous allez .voir que ça n'a pas
d'impact si on prend des enfants qui sont tous au même niveau. Il ne faut
pas confondre, et je le répète, celui qui a de la
difficulté d'apprentissage avec un enfant qui n'en a pas ou qui veut
essayer, tout au moins.
Alors, c'est le point que je voulais faire, M. le Président. Et
il y a tellement d'autres facteurs! Je parlais de la motivation de la part de
l'élève, de la motivation de la part de l'enseignant, et aussi de
l'expertise, l'expertise de la part de l'enseignant dans la langue seconde.
Vous le savez fort bien, M. le député de...
Une voix: Laviolette.
M. Cusano: ...Laviolette. Vous avez connu les ententes
syndicales, les contrats signés oui, signés vous
savez comment ça peut être frustrant, ça, des fois, dans
une école. Je ne sais pas quel sujet vous enseigniez, mais je me
rappelle, quand j'enseignais, M. le Président...
M. Joli vet: Le français.
M. Cusano: Le français, bon. J'enseignais les
mathématiques...
M. Ryan: Parlées?
M. Jolivet: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cusano: Et rien de plus choquant, M. le député,
que quand vous étiez devant une classe c'est sûr que vous
avez eu cette expérience-là et, à cause de la
rigidité qui s'est imposée avec les conventions collectives, vous
arriviez, là, il restait 30 secondes avant que la cloche ne sonne, et
vous étiez juste au bout, là, pour que les enfants comprennent ce
que vous essayiez d'expliquer. Et là la cloche sonnait, et ça
tombait. Là, les mains nous tombaient. Et si j'avais eu 2 autres
minutes, peut-être, tu sais, qu'ils auraient compris ce que je voulais
enseigner.
Le Président (M. LeSage): En conclusion, M. le
député de Viau. (16 h 20)
M. Cusano: Merci. Alors, c'est tous ces facteurs-là,
particulièrement la motivation qui est nécessaire tout partout,
et de la part de l'élève, et de la part des parents. Et aussi, le
plus grand facteur, c'est la motivation du prof, ne l'oublions pas. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Viau. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: En vertu des règlements, est-ce que le
député de Viau me permettrait de lui poser une question, M. le
Président?
M. Cusano: Non.
Le Président (M. LeSage): Alors, la demande est
refusée. M. le député d'Anjou.
Une voix: Une minute...
M. Libman: Est-ce que peux aussi poser juste une courte
question?
M. Jolivet: Mais c'est parce que, M. le Président, d'abord
j'ai une question de règlement.
Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Le député de Viau a affirmé des
choses, et il a dit qu'il pourrait... Les gens de l'autre côté ont
dit: On va vous sortir les galées. J'aimerais qu'il nous présente
les galées, parce qu'il n'y a personne qui a dit ce qu'il a entendu et
compris. Alors, j'aimerais qu'il dépose les galées ici, à
la commission, ce qui nous permettrait de voir qu'il n'a pas compris ce qui a
été dit de l'autre côté. Ils ont dit tout à
l'heure qu'ils pourraient nous donner les galées. On pourrait même
suspendre, M. le Président, pour leur permettre d'aller les chercher.
C'est important.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette, ce n'est pas une question de règlement, c'est une question
d'opinion, et je cède la parole au député de
D'Arcy-McGee.
M. Jolivet: Question de règlement, M. le Président.
Un question de règlement, M. le Président.
Le President (M. LeSage): Allez-y, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Ce n'est pas une question d'opinion. Il a dit que des
gens ont affirmé des choses, et je lui demande de déposer... Ce
n'est pas une question d'opinion, là. Vous ne me ferez pas accroire
ça. Ce n'est pas votre secrétaire qui va me donner des
façons de penser aujourd'hui. Je connais le règlement assez pour
savoir que ce que j'ai demandé... Il a dit, le député de
Viau, que des gens de l'autre côté avaient affirmé telle
chose. J'aimerais qu'il les dépose.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette, je vais vous lire l'article 214.
M. Jolivet: Allez-y donc! Le 200?
Le Président (M. LeSage): L'article 214.
M. Jolivet: Allez!
Le Président (M. LeSage): «Lorsqu'un ministre cite,
même en partie...
M. Jolivet: II n'est pas ministre. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. LeSage): Bien, c'est ça. Vous avez
compris. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Juste...
M. Jolivet: M. le Président, je m'excuse! Je n'ai pas
compris. Je n'ai pas compris du tout. Je vous ai posé une question. Je
vous ai posé une question. Le député a affirmé des
choses, il a dit: Des gens ont dit telle chose...
Le Président (M. LeSage): M. le
député...
M. Jolivet: II y a des gens de l'autre côté qui ont
dit qu'ils avaient l'intention de déposer les galées. Alors, je
demande qu'ils déposent les galées. Il n'y en a pas.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette, je vais vous le lire en entier, l'article; il n'est pas long, il a
4 lignes.
M. Jolivet: Allez donc!
Le Président (M. LeSage): «Lorsqu'un ministre cite,
même en partie, un document, tout député peut lui demander
de le déposer immédiatement. Le ministre doit s'exécuter,
sauf s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt
public.» Je vous ferai remarquer que le document dont vous demandez le
dépôt, vous le faites à un député, et il
n'est pas tenu de le déposer.
M. Jolivet: Mais ce n'est pas ça que je pose comme
question. Vous n'avez pas compris ma question. Ne vous fiez pas à votre
secrétaire pour le moment, il ne vous donne pas la bonne réponse.
Je vous pose la question, M. le Président...
Le Président (M. LeSage): Écoutez une minute,
là!
M. Jolivet: ...je vous pose la question suivante: Le
député, dans son discours, nous a dit qu'il y avait des gens qui
ont affirmé, de l'autre côté, à l'Assemblée
nationale, lors de l'étude du principe, une chose qui n'est pas vraie.
J'aimerais, si j'ai tort, qu'il me dépose les galées pour que je
puisse savoir si vraiment quelqu'un de notre côté a dit de telles
choses. Je lui demande qu'il dépose les galées.
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais avoir la
parole?
Le Président (M. LeSage): Oui, M. le ministre.
Allez-y.
M. Jolivet: Sur la question de règlement?
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: Sur la question de règlement?
M. Ryan: Oui, absolument.
M. Jolivet: Allez, allez. »
M. Ryan: II est de notoriété commune que l'on a
mené une campagne contre le projet de loi 86 en invoquant à
maintes reprises les dangers qu'un apprentissage le moindrement modifié
de la langue seconde pourrait comporter pour l'apprentissage de la langue
maternelle.
M. Jolivet: Ce n'est pas ça que j'ai dit, monsieur...
M. Ryan: Et c'est une chose qu'on entend couramment, qui a
été évoquée à maintes reprises dans les
débats au cours des dernières semaines. Et je soumets que, si le
député veut faire sa propre vérification dans les comptes
rendus de nos débats, ils lui sont disponibles comme à nous. Ce
n'est pas au député de Viau de faire la recherche à sa
place.
M. Jolivet: II dit n'importe quoi...
M. Ryan: Mais on est habitué, de votre
côté...
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: ...je connais assez le ministre pour une chose, c'est
que, si quelque chose n'est pas vrai, il va le dire. Alors, qu'il le prouve.
Qu'il le prouve en déposant justement ce qu'il a dit. Il a basé
son intervention sur quelque chose qui aurait été dit de l'autre
côté. C'est rapide, qu'il me le sorte. Il doit l'avoir entre les
mains, qu'il me le sorte.
M. Cusano: Je n'ai rien entre les mains.
M. Jolivet: II y a des recherchistes en arrière qui
peuvent aller le chercher, à part ça. Qu'il le sorte, qu'il le
dépose, et là on verra s'il a dit la vérité ou pas.
Je pense que le ministre est un homme qui, normalement, doit dire la
vérité.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. LeSage): Si vous permettez, M. le
ministre, je vais wus citer un autre article...
M. Jolivet: Ce n'est pas toi qui parle.
Le Président (M. LeSage): ...parce qu'il semble que, M. le
député de Laviolette, vous n'acceptez pas les propos
avancés par le député de Viau. C'est ça?
M. Jolivet: Non, vous ne comprenez pas ce que je veux dire. Ce
n'est pas que je n'accepte pas...
Le Président (M. LeSage): II n'est pas tenu de les
déposer.
M. Jolivet: ...c'est que je veux... Non, c'est une question
d'opinion. Si vous parlez de même, c'est sûr et certain que c'est
une question d'opinion. Je peux opiner différemment de lui. Ce n'est pas
ça que je pose comme question.
Il a affirmé que, de l'autre côté, des gens auraient
dit telle chose.
Le Président (M. LeSage): O.K.
M. Jolivet: Je lui demande de déposer ces
écrits-là en Chambre. Qu'il les dépose. Ce serait facile.
Après ça, on pourrait voir...
Le Président (M. LeSage): Je vais vous citer un autre
article de notre règlement, l'article 35. Le député qui a
la parole ne peut, entre autres, imputer des motifs indignes à un
député ou refuser d'accepter sa parole.
M. Jolivet: Je refuse...
Le Président (M, LeSage): Je suis prêt à
entendre un autre intervenant pour...
M. Libman: Juste...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
D'Arcy-McGee, vous avez une question?
M. Libman: Oui, juste pour bien comprendre ce que le
député de Viau a dit, parce qu'à quelques reprises durant
les 4 dernières années, quand on est intervenu ou on a
demandé au ministre pourquoi l'apprentissage de l'anglais ne
commençait qu'en quatrième année dans les écoles
françaises au Québec, il a répété à
plusieurs reprises que ses études lui montraient que l'apprentissage
trop tôt d'une deuxième langue pourrait avoir un impact sur
l'apprentissage de la langue maternelle. Alors, je veux juste qu'il
réaffirme exactement ce qu'il blâme l'Opposition de faire.
Le Président (M. LeSage): Je vous rappelle que nous en
sommes toujours aux remarques préliminaires.
M. Brassard: M. le Président, les études
demandées par le député de D'Arcy-McGee m'apparaissent
extrêmement utiles pour nos travaux, et je suis convaincu que le ministre
va les déposer à cette commission. Je pense que ce serait
important de le savoir, très important.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean, je vous rappelle également que nous en sommes aux
remarques préliminaires.
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. LeSage): Vous aurez amplement le temps de
poser des questions lorsqu'on procédera article par article, et le
ministre va se faire un plaisir, j'en suis convaincu, d'y répondre.
M. Libman: II blâme l'Opposition de faire une telle
affirmation qu'il a lui-même répétée à
quelques reprises.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants sur la question de règlement?
M. Bélanger (Anjou): Oui, moi, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Une question, je ne sais pas, de
directive ou de règlement, vous me le direz: Est-ce qu'un
député a le droit d'attribuer à un autre
député des paroles qui n'ont pas été dites? C'est
ce qui a été fait par le député de Viger.
Une voix: M. le Président...
M. Bélanger (Anjou): On attribue des paroles.
On dh qu'un député a affirmé telle chose alors que
ça n'a pas été le cas. Est-ce qu'on a le droit de faire
ça?
Le Président (M. LeSage): Non, non...
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président...
M. Bélanger (Anjou): II n'y a pas un fardeau de preuve,
à ce moment-là, pour prouver, justement, que les paroles n'ont
pas réellement été dites?
Le Président (M. LeSage): Ce n'est pas supposé, M.
le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Alors, on présume donc que
c'est vrai qu'un député de notre formation aurait fait de telles
affirmations, telles que celles proposées par le député de
Viger. C'est ça?
Le Président (M. LeSage): Moi, je ne présume rien.
Vous présumez qu'il a dit qu'il aurait répété qu'il
aurait entendu. Moi, si ça ne vous fait rien, je continuerais avec les
remarques préliminaires. Je suis prêt à entendre un
prochain intervenant.
Une voix: Le député d'Anjou.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou, vous avez la parole.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Au
niveau de mes remarques préliminaires, écoutez, M. le
Président, je ne sais pas où le député, en tout
cas, de Viger a pu entendre ces paroles à l'effet que l'apprentissage.
..
Le Président (M. LeSage): De Viau.
M. Bélanger (Anjou): De Viau, pardon! ...où il a pu
entendre ces paroles à l'effet que l'apprentissage d'une seconde langue
nuisait à l'apprentissage ou simplement à la maîtrise de sa
langue maternelle. En tout cas, M. le Président, pour ma part, je n'ai
pas la prétention d'avoir suivi l'intégralité des
débats qui ont porté sur la langue, sur ce projet de loi, mais je
n'ai jamais entendu de telles paroles prononcées par un membre de ma
formation politique. C'est très clair là-dessus.
M. le Président, je pense que je serais le dernier à tenir
de tels propos puisque, moi-même, j'ai fait l'apprentissage de 4 langues
au collège, d'une façon régulière, soit le
français, l'anglais, l'allemand et le latin, et chacune de ces langues,
j'en ai eu l'enseignement pendant au minimum 4 ans. Je peux vous dire quelque
chose: Si j'avais pu en apprendre une cinquième, j'en aurais appris une
cinquième. Pour moi, l'apprentissage d'une langue, c'est l'ouverture
vers une culture. Et je pense que ça a été rapporté
à plusieurs reprises par des membres de notre formation politique.
Alors, c'est pour ça que je ne comprends absolument pas comment le
député de Viau a pu entendre de tels propos. D'après moi,
ça ne peut venir que d'un rêve ou d'une imagination fertile. (16 h
30)
D'un autre côté, M. le Président, j'ai assez bien
compris le député de D'Arcy-McGee qui, tout en disant qu'il ne
fallait pas interpréter les réactions de la communauté
anglophone vis-à-vis du projet de loi qui était
présenté comme une réaction indiquant qu'ils allaient
avoir de nouvelles revendications, a lui-même, dans son discours,
parlé d'un premier pas en avant, que ce projet de loi était un
premier pas en avant. C'est difficile de concevoir qu'un premier pas en avant
n'est pas le début de quelque chose qui s'en vient. Lui-même,
finalement, admet que c'est un premier pas en avant. Vers quoi? Vers de
nouvelles revendications. On ne peut pas interpréter autrement les
propos du député de D'Arcy-McGee. Et même, dans son
discours, il prévoit des futures contestations, des contestations
éventuelles de ce projet de loi devant la Cour suprême, à
savoir de quelle façon cela pourrait être
interprété. Alors, je pense que difficilement on peut retenir la
thèse à l'effet que ce projet de loi, vu du point de vue du
député de D'Arcy-McGee, que ce projet de loi, justement, ne
provoquera pas de nouvelles revendications de la communauté
anglophone.
D'un autre côté, les propos que vous avez tenus sont aussi
très clairs et font part, d'ailleurs je pense, d'un peu toute la
problématique qui entoure ce débat sur ce projet de loi. On a
affaire à 2 visions complètement différentes de la
réalité linguistique du Québec. M. le Président,
tout à l'heure, vous avez mentionné que, quand vous alliez dans
certaias pays d'Europe à forte prédominance unilingue telle
l'Allemagne, vous ne vous attendiez pas à voir des panneaux en
français. D'un autre côté, quand vous êtes au
Québec, M. le Président, vous vous attendez à voir des
panneaux bilingues vu la réalité bilingue du Canada. Alors, M. le
Président, je me demande, lors de votre dernière visite à
Vancouver, à Toronto, à Calgary, à Regina, combien de
panneaux bilingues vous avez pu voir sur votre route. Alors, je pense que
ça serait très intéressant de faire les comparaisons et de
pouvoir, justement, voir à quel point, finalement, ce bilinguisme
canadien est toujours imposé aux mêmes, c'est-à-dire au
Québec, au Nouveau-Brunswick. Mais la réalité du
bilinguisme a des frontières qui sont finalement très restreintes
et qui n'englobent certainement pas le Canada. Je pense que ça
résume assez bien tout le débat qui s'est fait. Pour les membres
de la formation gouvernementale ministérielle, le Québec doit se
rapprocher le plus possible, sans en avoir un de peur de provoquer certaines
réactions, d'un statut bilingue.
M. le Président, avant d'aborder l'étude article par
article de ce projet de loi, je pense qu'il faut vraiment bien saisir l'impact
et l'envergure de ce projet de loi. On a bien essayé, je pense vainement
essayé puisque peu de monde attache une certaine
crédibilité à cette
version... Le fait que ce projet de loi ne touchait que l'aspect
affichage de la question linguistique au Québec... En effet, M. le
Président, ce projet de loi touche de nombreux secteurs de la Charte de
la langue française. Évidemment, il touche l'affichage, tant
intérieur qu'extérieur, en introduisant maintenant un nouveau
concept de nette prédominance du français. D'ailleurs, j'ai bien
hâte de voir dans les règlements qui vont être
déposés, dans les propos du ministre, de quelle façon
cette nette prédominance là va pouvoir être
interprétée, quels sont les critères qui vont être
retenus, quels sont les barèmes qu'on va faire.
D'un autre côté, il ne faut pas oublier non plus, M. le
Président, que ce projet de loi aussi vient modifier d'une façon
sensible l'aspect de l'éducation, tout le côté de
l'éducation dans notre système éducatif au Québec.
Aussi, il abolit la Commission de protection de la langue française, et
je crois que cette abolition, il faudra en regarder d'une façon
attentive les conséquences. Il faut aussi constater que ce projet de loi
emporte une récupération massive, totale même, du pouvoir
réglementaire qui était attribué auparavant à
l'Office de la langue française. Le gouvernement, donc,
récupère ce pouvoir réglementaire.
Il faut comprendre aussi, pour comprendre tout le débat qui s'est
fait jusqu'à maintenant, que ce débat aurait pu être tout
autre. Si le projet de loi qui a été présenté avait
justement touché uniquement l'aspect relatif à l'affichage, il
aurait été tout autre, le débat, si ce projet de loi,
premièrement, avait respecté l'avis de l'Office de la langue
française, qui ne demandait pas ce qu'on nous propose
présentement, c'est-à-dire l'affichage bilingue même pour
les corporations morales, les personnes morales de grande envergure telles
Eaton, La Baie. Même dans la commission, lors de l'étude des
différents groupes, je n'ai pas vu un seul groupe, M. le
Président, pendant cette commission, revendiquer ou demander que les
personnes morales de grande envergure aient le droit à l'affichage
bilingue. Je ne sais pas d'où ça vient. Je ne sais pas quel
groupe, à quel regroupement on répond, à quels
intérêts on répond en offrant cela.
On n'a pas non plus, je pense, dans ce projet de loi, même
obéi ou exaucé les voeux du Parti libéral qui, lui non
plus, ne réclamait pas que les grandes compagnies, que les personnes
morales de grande envergure aient le droit à l'affichage bilingue dans
leurs établissements. Là, on a vraiment ouvert le débat
d'une façon très grande et, en même temps, en provoquant
d'une façon inévitable les débats que nous avons, des
débats qui sont grands et qui sont amplifiés par le fait,
justement, que peu de balises ont été mises en place. Je fais
référence surtout ici à l'aspect réglementaire, la
réglementation. Sans réglementation, jusqu'à maintenant...
J'ai bien hâte, justement, de la voir; au compte-gouttes on va nous la
distribuer. Sans cette réglementation, il est difficile de savoir
exactement quelle est l'envergure de ce projet de loi. Parce que, justement,
par pouvoir réglementaire... Et je pense que c'est quand même une
situation qu'on se doit de constater de part et d'autre de cette Chambre, c'est
que, maintenant, le pouvoir réglementaire va être
considérable. Et ce pouvoir réglementaire va pouvoir faire dire
à cette loi à peu près n'importe quoi.
Évidemment, un règlement ne peut pas aller
complètement contre un article de loi, mais il peut, en étant
très restreint, faire en sorte que cet article de loi n'ait à peu
près aucune application s'il y a trop d'exceptions, s'il n'y a pas de
sanctions qui sont prévues par règlement, des choses comme
ça. Donc, la réglementation est tout à fait essentielle
pour bien comprendre, justement, la portée du projet de loi qui nous est
fait. D'ailleurs, je n'ai jamais vu, au cours de ma pratique du droit, un
avocat se présenter en procès sans avoir aussi les
règlements qui accompagnent un projet de loi. Ce sont les
règlements qui déterminent les règles du jeu. Ce sont les
règlements qui déterminent, très souvent, l'issue ou le
sort d'une contestation d'une loi.
On a essayé, évidemment, dans ce débat qui a
précédé et qui va se continuer, de nous faire passer pour
des fanatiques, M. le Président. Et je pense que, justement, la
réaction du député de Viau, les propos qu'il semble avoir
entendus quelque part, dans un salon quelconque, sont une bonne image de cette
tentative de nous faire passer pour des fanatiques. Je le répète
encore, M. le Président, on n'est pas contre l'enseignement d'une autre
langue, au contraire. Nous pensons cependant que ça ne devrait pas se
faire de la façon qui est préconisée par le gouvernement.
Et d'ailleurs, quand j'étais à la commission parlementaire, j'ai
entendu certains groupements. La CEQ, d'ailleurs, elle aussi, était
prête à s'asseoir avec le ministère de l'Éducation,
pas le ministre responsable de la langue française mais avec le
ministère de l'Éducation pour, justement, regarder de quelle
façon, d'une façon pédagogique, on pourrait
améliorer l'enseignement de la langue seconde au Québec.
Alors, M. le Président, c'est pourquoi, donc, tout ce
débat a tourné de cette façon. Je pense que ça
aurait pu être évité. Mais, malheureusement, on a
décidé de procéder autrement. Et on peut difficilement
maintenant essayer de nous faire porter un blâme quelconque relativement
à la tournure de ce débat.
J'aimerais particulièrement m'attarder sur un point qui, je
crois, mérite qu'on s'arrête vraiment, puisqu'il a
été peu abordé. Malgré le fait qu'on ait
parlé des heures et des heures sur ce projet de loi, on a quand
même relativement peu parlé du Comité des droits de l'homme
de PONU. On en a parlé, si on se replace bien dans tout le contexte, on
en a parlé dès le début. C'était un peu comme le
message qu'on attendait pour justifier une réouverture du débat
linguistique. Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a
décidé que les règlements ou la législation
linguistique au Québec venait entraver une certaine liberté
d'expression d'un citoyen ou d'une entreprise anglophone. Mais avant, vraiment,
de prendre cet avis du Comité des droits de l'homme de l'ONU comme une
justification, je pense qu'il faut vraiment
regarder qu'est-ce qu'il a dit, qu'est-ce qu'il représente, cet
avis du Comité des drois de l'homme. (16 h 40)
Première des choses qu'il faut constater, c'est que ce n'est pas
un tribunal. Je pense que c'est la première évidence qu'il faut
constater, ce n'est pas un tribunal. C'est un comité composé de
personnes désignées par certains pays qui ont
adhéré au Pacte et au protocole, facultatif, des droits
politiques. Il faut bien comprendre que c'est un protocole qui est facultatif.
Il n'y a environ qu'une quarantaine, une cinquantaine d'États qui ont
adhéré au Pacte et à ce protocole facultatif; donc, ce
n'est pas l'ensemble des pays qui constituent l'ONU qui y ont
adhéré. Certains pays, même démocratiques, tout en
ayant adhéré à ce pacte, ont refusé d'être
soumis aux avis de ce comité relativement à des plaintes qui
seraient formulées par leurs citoyens contre ces mêmes pays. Donc,
c'est un comité très restreint, qui se réunit et donne des
avis sur des questions très précises qui doivent être
contenues dans le Pacte et le protocole. Il est composé de 18 membres,
et seulement 37 États, 37 États membres, autorisent que des
plaintes puissent être formulées contre l'État signataire.
Donc, je pense, c'est vraiment un des premiers points qu'il faut vraiment bien
retenir là-dedans relativement à ce comité de l'ONU.
Devant ce comité de l'ONU, le Québec a soumis une
plaidoirie de 32 pages. Lors d'une intervention en Chambre devant le ministre
de la Justice, j'avais fait part que, bien qu'on ait vigoureusement
plaidé la nécessité de la loi 178 devant le Comité
de l'ONU, il y avait certaines faiblesses juridiques dans l'argumentation qui
avait été présentée devant le Comité de
l'ONU. Premièrement, on n'a pas plaidé, je pense, un des aspects
fondamentaux de toute cette question, c'est que ce pacte ne s'applique pas au
discours commercial. Parce qu'il faut bien se souvenir que c'est une compagnie,
une personne morale, un individu, tout au moins, exerçant un commerce,
qui s'est plaint devant le Comité des Nations unies, et le Québec
n'a pas cru bon de plaider que le Comité de l'ONU n'avait pas
juridiction pour décider, pour émettre un avis sur un discours
commercial.
Deuxième des choses, M. le Président, on n'a pas
plaidé le test de la raisonnabilité. En effet, dans le Pacte et
le protocole des Nations unies, il y a une clause de raisonnabilité qui
dit: Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de
la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties
au présent pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la
situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues
dans le présent pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit
international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination
fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la
religion ou l'origine sociale. Je pense, M. le Président, que ce test de
la raisonnabilité, s'il avait été plaidé, aurait
représenté une ouverture excessivement intéressante
à plaider pour, justement, faire en sorte que le
Comité de l'ONU n'ait pas la capacité de rendre sa
décision sur la plainte qui était déposée.
Deuxièmement, il faut constater que ce comité de l'ONU,
aussi, selon la lecture de l'avis qui a été
présenté, a une vision de la réalité
québécoise qui est tout à fait faussée. En effet,
une des conclusions à laquelle est arrivé ce comité, c'est
qu'il n'existait pas de minorité anglophone au Québec, il
n'existait qu'une majorité anglophone au Canada. Alors, je pense que
c'est bien vous montrer à quel point ce comité de l'ONU est,
finalement, un peu déconnecté d'avec la réalité
québécoise, et qu'il ne faut pas prendre pour lecture
d'Évangile, nécessairement, ce qui a été dit par ce
comité de l'ONU.
Deuxième erreur aussi, M. le Président, comme je vous le
disais, c'est le fait que ce comité de l'ONU, de par le contenu du
protocole, l'esprit de ce protocole, n'a manifestement pas la capacité
d'entendre une plainte provenant d'une personne morale. D'ailleurs, le Canada a
déjà fait rejeter une demande qui avait été
formée par le Western Guard Party en 1983, devant ce comité de
l'ONU, sur le motif que, justement, c'était une personne morale,-ce
n'était pas un individu, et que le Comité de l'ONU ne pouvait pas
entendre de plainte provenant d'une personne morale. Alors, comment expliquer
que, justement, ici, le Comité de l'ONU a entendu la plainte qui
provenait de W. Gordon Mclntyre Ltd qui, selon toute évidence, est une
personne morale? Alors, je pense qu'il faut vraiment se poser une question.
Pourquoi ça n'a pas été plaidé comme ça
aurait dû l'être? Je pense que c'est une distinction qui est
importante, parce que même la Cour suprême du Canada, elle, fait
cette distinction et reconnaît que des compagnies et des personnes
morales n'ont pas nécessairement les mêmes droits qu'une personne
physique.
De tout ça, M. le Président, ce qu'il faut retenir, c'est
que cette décision du Comité de l'ONU... Nous sommes très
respectueux, évidemment, de tous les comités de l'ONU et de
l'organisme même que représente l'ONU. Évidemment, nous,
dans notre parti, dans notre programme, dès que le Québec sera
souverain, nous voulons participer, comme tous les États, à cet
organisme qu'est l'ONU et nous voulons y adhérer. Donc, il faut, je
pense, montrer le plus grand respect relativement à cette institution.
Mais il faut quand même, je pense... Ce n'est pas manquer de respect
à une institution que de faire, comme on l'appelle en anglais, du
«distinguishing», c'est-à-dire faire en sorte que, cet avis,
on ne lui donne que la portée qu'il a réellement. Et cette
portée, comme je viens de vous le mentionner, elle est très
restreinte. Et bien des choses n'ont pas été faites, ni par le
Québec ni par le Canada qui, lui, a produit une plaidoirie distincte
pour faire en sorte que, vraiment, on puisse dire que cet avis a vraiment une
portée très grande.
Donc, ce n'est certainement pas ce comité de l'ONU qui
crée l'urgence. Alors, qu'est-ce qui crée cette urgence?
J'entendais, c'est vrai, l'autre fois, le député de D'Arcy-McGee
qui disait que dans les 6
prochains mois il fallait, suite à la décision de l'ONU,
que le gouvernement québécois ou canadien obtempère.
J'avais, à ce moment-là, donné comme
précédent, je pense que c'est en 1985 ou en 1986... Non, en
1985-1986, je crois, ce même comité avait, à ce
moment-là, déclaré une disposition d'une loi
fédérale qui faisait perdre le statut d'autochtone à une
femme qui se mariait avec un non-autochtone comme violant, justement, certains
droits fondamentaux. Et ça avait pris 5 ans, M. le Président,
avant que le gouvernement fédéral ne modifie sa
législation pour, justement, se conformer à cet avis; 5 ans, M.
le Président.
Donc, tout ça pour vous dire, M. le Président, que tout ce
discours qu'on a entendu jusqu'à maintenant, qui disait qu'on n'avait
pas le choix à cause de cette décision du comité de
l'ONU... M. le Président, je pense que j'ai fait d'une façon
assez claire la démonstration que ce comité de l'ONU, que cet
avis n'avait qu'une portée très limitée qui ne justifiait
en rien le présent projet de loi qui nous est
présenté.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député d'Anjou. M. le député de Rimouski.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): Oui. M. le Président, pour en
revenir au débat de tout à l'heure au sujet des affirmations qui
avaient été faites de part et d'autre de la Chambre et pour
compléter les propos de mon collègue de Viau qui avait entendu,
de l'autre côté de la Chambre, des propos qui laissaient entendre
que le fait d'apprendre 2 langues minimisait l'apprentissage de la langue
maternelle, je vais vous citer M. Chevrette, dans une partie de son discours:
Enfin, on a déjà de la difficulté, dans certaines
matières, à faire comprendre nos jeunes, en pédagogie,
à partir de la langue maternelle en partant de là,
ça commence à être un peu croche, son affaire
vont-ils apprendre un peu mieux dans une langue seconde? À qui
voulez-vous faire plaisir? Bon. Ça, c'est son propos. Mais, bonne
mère du ciel! qu'ils comprennent qu'un enfant, un jeune homme ou une
jeune fille se doit d'abord d'assimiler ses sciences avant de penser à
en faire un bilingue. Ça, c'est fondamental pour un pédagogue,
pour quelqu'un qui comprend ce que c'est que l'enseignement, M. le
Président. Et, moi, j'en suis un, ancien enseignant. Ah bon!
Alors...
Mme Blackburn: ...
M. Tremblay (Rimouski): Non, mais il tourne autour du pot. Il
tourne autour du pot. C'est aussi pire.
M. Ryan: II laisse entendre.
M. Tremblay (Rimouski): II laisse entendre. (16 h 50)
M. Ryan: II laisse entendre.
M. Tremblay (Rimouski): Et, d'ailleurs, on va avoir d'autres
parties des galées au sujet des propos de Mme la députée
de Chicoutimi. J'ai bien hâte de voir. Parce que ce que le
député de Viau... Il me semble qu'à mes oreilles ça
sonnait à peu près la même chose. Ça voulait dire,
ça, qu'on ne pouvait pas apprendre 2 langues au détriment de la
langue maternelle.
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Tremblay (Rimouski): Ceci dit, M. le Président, vous me
permettrez de rapporter quelques propos au sujet du projet de loi 86. La
députée de Chicoutimi, dans son laxisme habituel, laisse entendre
qu'à l'école ça serait le bilinguisme total. Oui, vous
laissez entendre ça. En vertu de quel article? Je ne sais pas si vous
avez bien lu l'article 22 du projet de loi ou si elle comprend ce que les mots
veulent dire. L'article 22 dit ceci: «Le présent article
n'empêche pas l'enseignement dans une langue autre que le français
afin d'en favoriser l'apprentissage, selon les modalités et aux
conditions prescrites dans le Régime pédagogique établi
par le gouvernement en vertu de l'article 447 de la Loi sur l'instruction
publique.»
Alors, ce n'est pas du bilinguisme intégral, c'est de
l'enseignement de l'anglais, d'une autre langue. C'est toute la
différence du monde. Et au niveau de l'apprentissage du français
et de l'obligation des immigrants, la loi actuelle demeure inchangée.
C'est la même chose. Les immigrants devront s'inscrire à
l'école française. Arrêtez donc de répandre des
faussetés et de laisser entendre que l'école sera bilingue demain
matin. C'est totalement faux.
Au niveau des principes fondamentaux de la loi, la loi 101, elle est
préservée dans ses principes fondamentaux. Je pense que, de ce
côté-là, on peut... Seulement à lire les notes
explicatives de la loi, c'est suffisant à cet égard pour nous
dire que les principes fondamentaux de la loi sont préservés.
Bien au contraire, il y a des dispositions de la loi qui viennent renforcir la
loi 101, entre autres sur les certificats de francisation des entreprises qui
ont 50 employés et plus. Le gouvernement précédent, dans
sa grande sagesse, avait dit: Bien, ça va prendre des certificats de
francisation pour les entreprises de 50 employés et plus. Après
qu'on avait obtenu le certificat de francisation, bien, c'était comme si
c'était là pour rester éternellement. Nous, on dit:
Après 3 ans, il va falloir réviser ça puis vérifier
si vraiment le certificat de francisation sera de bonne foi et sera
administré, et, en même temps, aura un effet
bénéfique pour l'apprentissage ou pour que les personnes puissent
parler français dans les industries. Alors, bien au contraire, dans
certaines dispositions, le projet de loi 86 vient renforcir la loi 101. Et
là c'est toute la différence du monde au niveau de cette
appréciation de projet de loi.
D'autre part, Mme la députée de Chicoutimi nous disait
qu'on avait précipité la commission parlementaire et, en
même temps, précipité tout ce débat-là. Je
pense qu'elle était absente du Québec depuis un certain temps.
C'est un débat qui est constant dans le public, ce débat sur la
langue. Nous ne faisons qu'actualiser et, en même temps, harmoniser la
loi 101 dans son fonctionnement.
D'autre part, M. le Président, on nous a dit qu'on n'avait pas
d'appuis. Je pense que l'Opposition a la mémoire courte. On a eu des
appuis extraordinaires, entre autres d'un de vos partisans renommés, M.
Guy Bertrand, qui, lui, trouvait que la langue, à l'heure actuelle,
c'est-à-dire l'expression, la liberté d'expression était
mise en cause par la loi 101 et que, lui, il se trouvait gêné par
les dispositions de la loi. Alors, M. Raymond Lévesque également,
qui est un eminent partisan de votre parti, lui également a dit qu'il
était favorable au projet de loi 86. Et également, on en a aussi
au niveau des non-intégristes de votre parti, des gens qui ont une
certaine vision plus large de la société
québécoise. Eux disent: Très bien, nous sommes prêts
à avoir des accommodements. Et je trouve que, de ce
côté-là, il y a des gens de bon sens qui, de votre
côté, comprennent qu'il faut améliorer la loi. Et la loi 86
vient justement améliorer cette chose-là.
Au sujet de la clause Canada, on nous dit: Bien, c'est un drame, la
clause Canada s'applique par rapport à la clause Québec. Faut-il
être absent du Québec! Ça s'applique, ça, depuis le
jugement de la Cour suprême. Le clause Canada s'applique, il n'y a pas de
problème sur ce côté-là. Alors, ce qui arrive
là-dedans, c'est que la clause Canada s'applique présentement,
puis il n'y a personne qui est mort au Québec. Bon. Écoutez,
c'est de la désinformation, à mon sens. Le
député...
Une voix: De Gouin.
M. Tremblay (Rimouski): ...d'Anjou nous disait qu'on avait aboli
la Commission de protection de la langue française. Ce n'est pas vrai.
Ce qu'on a fait, on l'a intégrée à l'Office de la langue
française.
Des voix: Ah!
M. Tremblay (Rimouski): C'est toute la différence du
monde. On ne l'a pas abolie, on l'a intégrée à l'Office de
la langue française. Il y a une légère nuance entre
l'abolir et l'intégrer. Et, ça, c'est parce que c'était
une question de rationalité parce qu'on n'avait pas assez de plaintes,
d'une part, et, deuxièmement, les plaintes venaient toujours des
mêmes personnes, 4 personnes. Et, d'autre part, il y avait même des
députés qui subventionnaient des organismes pour aller chercher
des plaintes. On ne nommera personne, mais il y a des députés qui
ont fait ça, qui ont subventionné des organismes pour aller
chercher des plaintes. Il faut le faire! Nous autres, moi, en tout cas, mon
budget discrétionnaire de député ne sert pas à
cela. J'aime autant vous le dire.
Le député d'Anjou, tout à l'heure, nous faisait
entendre un grand débat sur les droits de l'homme de l'ONU, disant que
le jugement, là, c'était quelque chose d'exceptionnel et que la
liberté d'expression, ce n'était pas justifié, le jugement
de l'ONU à cet égard. Il y a une chose qu'il faut bien
comprendre, le jugement de l'ONU, nous autres, on n'a pas couru après.
Il est arrivé, il est arrivé comme une cerise sur le
gâteau, en bout de ligne. Pourquoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Parce que nous avions déjà
3 jugements, 3 jugements de rendus: un par la Cour du Québec, un par la
Cour d'appel et l'autre par la Cour suprême nous disant que la
liberté d'expression au Québec était mise en cause. Alors,
le jugement de l'ONU, on n'a pas couru après. Il nous est arrivé,
nécessairement, par accident de parcours et, nécessairement,
nous, ça nous a aidé pour défendre le projet de loi que
nous avons présentement. Mais nous n'avons pas couru après
ça et nous ne sommes pas... C'est eux qui, dans un jugement, à
mon sens, de bon sens, sont venus donner raison à notre
prétention.
Alors, M. le Président, je pense que l'Opposition, comme
d'habitude, ne veut pas donner l'aval à ce projet de loi,
nécessairement parce qu'on est dans leur champ d'occupation,
c'est-à-dire que la langue, c'est comme si c'était leur...
Pardon?
Une voix: Leur exclusivité.
M. Tremblay (Rimouski): Leur exclusivité. Tandis que la
langue est autant notre exclusivité que la vôtre, et je me dois
d'en parler comme vous pouvez en parler ici, au Québec. Alors, M. le
Président, vous me verrez favorable à ce projet de loi, sans
hésitation. Je vous remercie.
M. Jolivet: M. le Président.
M. LeSage: Merci, M. le député de Rimouski. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Avant, M. le Président, est-ce que M. le
député de Rimouski me permettrait une question?
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Rimouski, le député de Laviolette demande si vous acceptez une
question.
M. Tremblay (Rimouski): On est dans les discussions
préliminaires, et je ne répondrai à aucune question, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Rimouski. M. le député de Laviolette,
vous avez maintenant la parole dans le cadre des remarques
préliminaires.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Ce qu'il ne faut pas entendre, M. le
Président! Puis, pourtant, avec ce que j'entends de la part du
député de Rimouski! Le ministre nous a demandé de faire un
débat sérieux, à 23 h 45, hier soir. Je vais essayer de le
faire le plus sérieusement possible, tout en me demandant, des fois, si
le fait de répéter des choses qui ne sont pas vraies vient
à faire en sorte que, dans la tête de la personne qui les
répète, ça devienne vrai. Je ne le sais pas, là.
J'ai de la misère à comprendre, parce que le député
essaie de nous faire dire des choses qu'on n'a jamais dites.
Depuis 17 ans, ici, en cette Assemblée, j'ai eu l'occasion
d'être à votre place comme président et d'avoir, à
ma gauche, le ministre, alors qu'il était critique de l'Opposition. Et
je pense qu'on a passé énormément de temps avec le
ministre sur des projets de loi. Et le ministre disait toujours: Pour
être capable de faire mon travail convenablement, comme membre de
l'Opposition, il me manque certains documents. Il me manque certaines choses.
Et il insistait auprès du ministre concerné pour lui demander,
à ce moment-là, des informations. Parce que le ministre disait:
Moi, je suis méticuleux dans ce que je fais. Je fouille mes dossiers,
j'essaie de faire avancer les choses, et il y a des moments donnés
où c'est difficile si on n'a pas entre les mains tous les
éléments pour prendre une décision. Je pense que le
ministre ne contestera pas ce que je dis là, d'autant plus que, nous, on
est maintenant du côté où il était à
l'époque, et on lui demande la même chose. Ce qu'il nous
demandait, dans certains cas, lui était donné, dans d'autres cas,
non; ça dépendait du ministre qui était en face. (17
heures)
J'avais l'impression qu'une fois rendu au pouvoir il aurait dit, dans
son jugement: Je ne vivrai pas, et je ne ferai pas vivre aux autres ce qu'ils
m'ont fait vivre. Ce n'est pas par la vengeance qu'on doit régler les
questions. Alors, nous, on lui a demandé: II y a des règlements
que vous avez l'intention de déposer, il y a des amendements que vous
avez l'intention de déposer. Le ministre nous dit, dans son discours
d'ouverture: Les amendements, je les déposerai quand on commencera
l'article 1. La deuxième chose, les règlements, je les
déposerai à titre d'information, puisqu'ils ne seront pas encore
adoptés, ce n'est pas une publication officielle, c'est simplement un
document que je vais vous déposer au fur et à mesure que
j'arriverai à l'article où il y aura un règlement,
où il y aura une clause réglementaire. Là, je me souviens
de ses collègues à lui, alors qu'ils étaient dans
l'Opposition, et qu'ils nous indiquaient qu'il y avait trop de
règlements, qu'il fallait changer ça. Et vous vous souvenez, pour
ceux qui étaient ici en cette Assemblée à partir de 1985,
au moment de l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, de M.
Reed Scowen, qui avait fait une étude sur la question
réglementaire, et qui avait, pendant longtemps, parlé de telle
façon d'agir pour arriver finalement à ce que le monde soit mis
au courant des décisions prises par règlement, et qui indiquait
que, normalement, quand un député veut bien faire son travail,
qu'il soit de l'Opposition ou du pouvoir, il devrait avoir entre les mains tous
les éléments nécessaires à la prise de
décision.
Deuxième élément que je veux toucher, et le
ministre va s'en rappeler, ça fait longtemps que je n'en ai pas
parlé. En 1985, au moment où ils ont pris le pouvoir, il a
été nommé ministre le 12 décembre, et nous avions
commencé à siéger à l'Assemblée nationale,
les délais légaux pour déposer les projets de loi, qui
étaient le 15 novembre, étaient déjà
dépassés. Pour l'adoption à l'Assemblée nationale
il fallait absolument, à ce moment-là, avoir l'assentiment de
l'Opposition pour qu'un projet de loi soit adopté, puisque son
dépôt était déjà en retard. Le ministre avait
déposé un projet de loi de 4 articles, de la commission scolaire
du Nouveau-Québec. Il était ministre de l'Éducation et
moi, j'étais le porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation. Quatre articles. À la lecture du document qui
semblait anodin, puisque 4 articles ce n'est pas gros, et c'est facile à
lire, et ce n'est pas des termes trop juridiques, alors ça faisait
référence à l'abolition de la commission scolaire de la
Baie James. Puisque les élèves étaient un peu disparus,
les gens étaient dispersés, il fallait intégrer à
la commission scolaire du Noveau-Québec certains passifs et actifs de la
commission scolaire qui disparaissait. J'ai donc demandé à mon
collègue, le député d'Ungava d'examiner le projet de loi,
et de communiquer avec sa commission scolaire pour voir s'il n'y avait pas des
problèmes. Le ministre accepte donc, à ce moment-là,
à ma suggestion, puisque nous avions vu, de la part de la commission
scolaire, un avis disant que c'était épouvantable, que les
fonctionnaires étaient en train de berner le ministre pour ne pas
dire d'autres mots, et vous comprendrez très bien comme
Québécois et qu'il fallait absolument éviter que le
ministre soit mis dans un mauvais pétrin.
Qu'est-ce qui s'est produit? C'est que j'ai convaincu le ministre
d'avoir une audition particulière, selon nos règlements. Nous
avons fait venir la commission scolaire. Elle est venue ici; j'étais
à cette Assemblée ici, et là le ministre a compris
qu'effectivement les fonctionnaires profitaient du moment de transfert d'un
ministre à l'autre, d'un changement de gouvernement à l'autre
pour essayer d'en passer une petite vite, de s'approprier tous les biens
fonciers de la commission scolaire pour le ministère et laisser, au lieu
d'être la crème ou la cerise sur le gâteau, un peu d'autre
chose que vous pouvez imaginer aussi, à la commission scolaire. Le
ministre, après discussion avec moi et la commission scolaire a
finalement réécrit le projet de loi on est rendu le 15
décembre 8 articles, M. le Président. Des 4 articles
précédents, il n'y en avait aucun, 8 nouveaux articles.
Là, comme ça prend encore mon consentement, sinon il est
obligé de passer son premier projet de loi, et là, à ce
moment-là, il se fait berner et il met la commission scolaire dans la
dèche, le ministre accepte un de mes amendements à moi, que, dans
un
temps normal, il n'aurait peut-être pas voulu accepter.
Tout ça pour vous dire que le ministre n'est pas infaillible. Et,
comme il n'est pas infaillible, nous allons essayer, dans le projet de loi qui
est devant nous, d'en venir à des amendements qui vont nous permettre
d'améliorer le projet de loi. Mais il va falloir qu'il comprenne qu'on a
une lecture différente de lui, du projet de loi. Tout comme le
député de D'Arcy-McGee, tout à l'heure, parlait d'une
lecture tout à fait différente de ma collègue. C'est
normal. Il n'a pas la même vision, et il espère avoir plus. Qu'il
le dise autrement. Je prendrais à témoin M. Victor Goldbloom, qui
était assis à cette table-ci, à l'époque, comme
membre de l'Opposition, alors que j'étais du côté
ministériel, et qui est devenu responsable des langues officielles au
Canada, qui disait: Ah, le projet de loi 86, c'est un bon pas dans la bonne
direction, mais ça n'est pas suffisant. Tant que nous n'aurons pas
atteint la possibilité il parlait de libre choix au niveau des
études en anglais, au Québec nous considérerons que
ce n'est pas terminé. Ce n'est pas le seul qui dit ça. Le
député de D'Arcy-McGee pourrait nous dire qu'il n'est pas
satisfait, que, pour lui, ça demanderait encore davantage, mais qu'il se
contenterait de ça, et qu'il a de la difficulté à voter
contre, mais que, finalement, la lutte n'est pas finie. Selon le principe que
vous connaissez: Continuons le combat.
Là, il nous amène comme argument que, comme
minorité, il doit être défendu. J'ai une petite nouvelle
pour lui. Dans le contexte constitutionnel actuel, je sais que je suis une
minorité dans le Canada, comme francophone. Je sais qu'en dehors de
toute constitution, dans la grande mer nord-américaine, je suis une
minorité. Si lui a le droit de demander des choses pour défendre
sa propre minorité au Québec, qui est considérée
comme une majorité à l'extérieur du Québec, pour
l'ensemble du Canada, je peux juste vous dire une chose, c'est qu'il ne peut
pas m'empêcher de défendre ce qui est défendable et ce
qu'il est normal de défendre.
Quand le député de Rimouski, tout à l'heure,
parlait de jugement de l'ONU, c'est la question que je voulais lui poser. Ce
n'est pas un jugement de l'ONU. C'est un avis, ce qui est bien
différent. Sa cerise sur le gâteau, dont il parlait tout à
l'heure, c'est bien différent, M. le Président. C'est un avis.
Avis d'un comité, lequel comité, si on s'en souvient, par rapport
à la France, par rapport aux Etats-Unis, dit que les minorités
peuvent demander l'avis à ce comité.
En France, en vertu de la loi, il n'y a pas de minorité.
Ça n'existe pas, des minorités. Et, aux Etats-Unis, les
minorités n'ont pas le droit de contester. Alors, ils ont beau avoir
signé le document, M. le Président, ça ne veut rien
dire.
Nous, au Canada, ils ont décidé de le signer, et il y a
des gens qui l'utilisent. Mais qu'on ne vienne pas me faire dire à moi,
ici, qu'il y a eu un jugement. Il y a eu un avis qui n'est même pas un
avis unanime.
Par rapport maintenant au projet de loi lui-même, la question qui
est posée, c'est: Pourquoi toucher à la loi 101? C'est bien
marqué: Loi modifiant la Charte de la langue française. Si le
ministre a le droit de toucher à ça, nous aurons fort
probablement, M. le Président, des amendements à y apporter.
À apporter à quoi? À la loi qui modifie la Charte de la
langue française. Là, nous aurons l'occasion d'en discuter. On
verra ça plus tard.
Le gouvernement du Québec, par le projet de loi 86, cherche
à modifier la politique linguistique de manière à
permettre l'affichage commercial. Nous, on dit: Bilingue pour les individus
je pense que je ne me trompe pas et les corporations. Il rouvre
le dossier de l'accès à l'école anglaise. Je pense que je
ne me trompe pas encore. Je ne dis pas d'hérésie par rapport au
projet de loi. Il y a, cependant, la façon de le voir du ministre, et la
mienne. On n'est pas du même avis. C'est là un geste qui risque,
quant à moi, de soulever une belle querelle entre
Québécois, à l'heure où c'est surtout la question
du chômage, de la pauvreté et du sort de nos jeunes qui devrait
mobiliser toutes nos énergies. Au moment où on a un budget qui
est déposé devant nous, dont on a un résultat à
l'émission de Jean-Luc Mongrain ce midi, des gens qui sont
écoeurés, tannés, fatigués, on ne peut pas rester
indifférents devant une telle initiative du gouvernement libéral.
(17 h 10)
La langue, c'est ce qui nous distingue le plus clairement et le plus
visiblement de nos concitoyens d'Amérique du Nord. C'est ce qui fait que
nous sommes ce que nous sommes, les dignes descendants de nos fiers
ancêtres. Puis je le dis souvent, par ma parenté, je suis un
Poirier, puis il n'y a pas un Poirier au Québec qui n'est pas un
descendant des Acadiens, M. le Président, des déportés de
l'Acadie, en particulier. Mon grand-père Poirier, c'est un gars du sud
de l'Ontario. C'est un franco-Ontarien. Et on sait de quoi on parle dans ce
temps-là. Depuis quelques années, on a voulu nous
présenter comme des intolérants qui oppriment les droits de la
minorité anglophone du Québec. Certains nous ont
présentés comme des racistes, je l'ai encore entendu tout
à l'heure. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Il semble que nous
soyons, cependant, comme citoyens québécois, sensibles à
l'opinion que les autres ont de nous, la question de l'ONU en particulier. Et
c'est là-dessus que misent le ministre et son chef en ouvrant le dossier
linguistique.
La Charte de la langue française, la loi 101 a été
votée pour essayer d'arrêter la disparition lente mais presque
certaine de la langue française en Amérique du Nord et pour faire
du français la langue commune de tous les Québécois. La
situation du français dans presque toutes les autres régions du
Canada, c'est bien connu, laisse fortement à désirer. Les
articles de la loi 101 sur l'affichage avaient pour but de donner un visage
français au Québec et surtout à Montréal où
la plupart des immigrants vont s'établir, ce qui devrait, à mon
avis, changer dans le futur si on avait une vraie politique d'immigration sur
le territoire complet du Québec. C'était une façon de dire
aux nouveaux arrivants qu'ils vivraient désormais dans un pays
français.
Mais le projet de loi 86 du gouvernement libéral
va beaucoup plus loin que l'affichage commercial. Avec ce projet de loi,
le Québec accepterait pour la première fois, quoique en dise le
ministre, de se soumettre officiellement à la Loi constitutionnelle de
1982 qu'il a toujours refusé de signer comme gouvernement. Je ne dis pas
que le Parti libéral, avec ses 9 dissidents de l'époque,
n'était pas intéressé à le signer. Le
Québec, par le fait même, accepterait de modifier la Charte de la
langue française pour la rendre conforme à la Loi
constitutionnelle de 1982 qui lui a été imposée sans son
consentement par le Canada anglais avec la complicité des
députés libéraux fédéraux et ministre
fédéraux libéraux du Québec à Ottawa. Qu'on
se rappelle, à ce moment-là, «la nuit des grands
couteaux» avec mon ami Jean Chrétien dans mon comté, chez
nous, qu'on va battre à la prochaine élection. Soyez sûrs
de ça.
Le projet de loi 86 comporte une série de mesures visant à
élargir les clientèles admissibles au réseau scolaire
anglophone et à créer des classes d'immersion en anglais dans les
écoles francophones. On ne pourra pas me dire l'inverse. Nous savons
tous que la connaissance de la langue anglaise est un atout pour tout individu
vivant dans le monde d'aujourd'hui, et particulièrement en
Amérique du Nord. Nous favorisons donc, comme parti, une
amélioration de l'enseignement et de l'apprentissage de l'anglais dans
nos écoles. On n'a jamais dénié ça, contrairement
à ce que les députés de Viau et de Rimouski veulent nous
faire dire. Nous nous refusons à trouver normal que la connaissance de
la langue de nos voisins soit une condition de travail ou une condition de
promotion dans notre Québec de 7 000 000 d'habitants à 82 %
francophone. Je ne vous donnerai pas les exemples de mon beau-père qui
aurait pu être grand boss de la Consol à Grand-Mère et qui
ne l'a jamais été parce que c'était un francophone puis
qu'il donnait des cours sur la façon de faire fonctionner l'usine
à des gars qui venaient de l'extérieur qui ne parlaient pas un
mot français. Il n'a jamais été grand boss puis il aurait
pu l'être n'importe quand. Aujourd'hui, c'est possible, mais pas dans son
temps. Je ne veux pas revenir à ça. Nous croyons que c'est
plutôt le français qui doit être la langue normale d'usage,
la langue normale de communication et la langue normale de travail au
Québec. Si nous cédons le moindrement sur ce principe essentiel,
ce ne sera plus qu'une question de temps avant que l'anglais ne l'emporte
finalement et définitivement sur notre langue.
Ce n'est pas l'anglais qui est menacé au Québec, c'est le
français. La protection du français restera toujours une lutte
constante. À cet égard, la protection du visage français
du Québec et surtout à Montréal contribue à
modifier l'attitude psychologique des non-francophones à l'égard
de la langue française en les persuadant qu'il est nécessaire
pour eux d'apprendre et d'employer cette langue au Québec parce que
c'est la langue de communication des Québécois et des
Québécoises.
Le projet de loi 86 est le résultat des pressions de la
communauté anglophone de Montréal sur le gouvernement de M.
Bourassa. Ce n'est pas les anglophones de Sept-Iles et de Port-Cartier certain,
pas plus que de Grand-Mère. Il ne faut pas se faire d'illusions, la
communauté anglophone ne cherche pas seulement le droit d'afficher dans
une autre langue que le français. Elle espère, dans sa grande
majorité, revenir à la situation d'avant la loi 101. Les
modifications que le gouvernement libéral s'apprête à lui
consentir ne vont faire qu'aiguiser son appétit, contrairement à
ce que le député de D'Arcy-McGee disait, tout à
l'heure.
La communauté anglophone sait fort bien que l'accès
à l'école est le point majeur. Elle sait fort bien que, dans une
génération, les effets de la loi 101 auront rendu
irréversible la francisation des nouveaux Québécois et des
nouvelles Québécoises, via le réseau des écoles
francophones. L'adoption de la loi 86 porterait donc au premier plan le nouveau
champ des revendications des anglophones pour revenir à l'époque
où les immigrants s'en allaient directement dans le réseau des
écoles anglaises. Et on se souviendra, tout le monde le sait bien, de la
bataille de la religion de l'époque. C'était l'époque, ne
l'oublions pas, où les Québécois francophones mangeaient
encore, dans certains cas, dans la main des autres.
Certains vont nous traiter d'alarmistes. Nous avons raison de nous
inquiéter. Le gouvernement se garde le choix des règlements qui
régiront l'application de sa loi. Et comme député
et les ministériels devraient penser la même chose que moi
je sais très bien que ce sont les règlements qui donnent
vie à une loi. Et le gouvernement libéral ne prévoit pas
la publication des règlements avant plusieurs mois, dans certains cas de
façon officielle.
Là, le ministre nous dit: Si on aborde l'article 1, quand
j'arriverai à cet article-là, je vous le donnerai, si on ne le
fait pas, on fera d'autres choses. Et comme il nous a donné des
préavis, de la façon dont ils se présentent, j'ai
l'impression qu'on ne les aura pas encore demain matin. Le gouvernement,
à ce moment-là, pourra, comme le projet de loi 86 est
libellé, faire à peu près n'importe quoi par
règlement, y compris transformer une école française en
école anglaise. Et le gouvernement ne dit pas ce qu'il a en tête.
Ça ressemble beaucoup à un chèque en blanc et je ne suis
pas prêt à lui donner.
La loi 101 avait établi un équilibre linguistique et
faisait l'affaire de la très grande majorité des
Québécois et des Québécoises, même de l'autre
côté de la barrière linguistique. En cédant à
quelques groupes anglophones puissants, dans le but évident d'aller
récupérer les comtés qui sont allés au Parti
Égalité, le gouvernement libéral montre encore qu'il est
prêt à s'écraser. Dans un an et là je le dis
bien clairement, et c'est ce que je dis à mes citoyens on va
avoir des élections au Québec. Le Parti libéral va faire
du Québec, de façon indirecte, de façon cachée,
camouflée, une société bilingue. Le Parti
québécois veut que le Québec soit une
société fondamentalement française, parce que nous voulons
un pays qui nous ressemble et nous rassemble. On aura donc à choisir et
les Québécois et les Québécoises auront à
choisir dans quelque temps, je l'espère, le plus
rapidement, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Laviolette.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Charles Messier
M. Messier: Merci, M. le Président. Je suis en train de
prendre quelques notes pour intervenir sur le projet de loi 86. Il faut dire
que le projet de loi 86 n'arrive pas... Tout dernièrement, il y a eu un
long cheminement qui a été fait. C'est quasiment 5 ans
d'études. On se rappellera que, il y a 5 ans, le Parti libéral du
Québec avait légiféré pour adopter la clause
«nonobstant». Il faut se rappeler qu'il y a eu 3 démissions,
3 ministres seniors dans notre gouvernement: Lincoln, Marx et French ont quand
même démissionné de leur poste de ministre, compte tenu du
positionnement du Parti libéral du Québec. Le terme de 5 ans de
la clause «nonobstant» tombe... L'échéance est en
décembre prochain. On se devait de se questionner sur ce qu'on doit
faire. Doit-on renouveler la clause «nonobstant» ou
légiférer?
Le ministre, M. Ryan, a quand même posé des questions
à l'Office de la langue française, 5 questions pertinentes. Les
réponses, de mémoire, ont eu lieu au mois de mars dernier. Et
nous avons eu, on se rappellera, un caucus important, ici même à
Québec où l'ensemble des députés était
présent, où on a pu manifester nos questionnements sur la
modification à faire à la loi 101. Et, à ce
niveau-là, plusieurs députés et ministres se sont
prononcés. On a eu, après ça, le Conseil
général du Parti libéral du Québec et il y a eu des
recommandations fermes du Parti libéral du Québec. Et, comme nous
sommes tous membres du Parti libéral du Québec, et le
gouvernement est issu du Parti libéral du Québec, on avait un
mandat de modifier la loi 101. (17 h 20)
II faut dire que le projet de loi 86 correspond à la
volonté du Parti libéral du Québec d'ouvrir principalement
l'affichage commercial, en donnant la possibilité d'afficher dans une
autre langue. On peut toujours se questionner, en tout cas, moi, je me suis
posé certaines questions, et le ministre en est témoin, à
savoir s'il était prudent, dans le contexte actuel, où on parle
énormément de problèmes économiques, de
problèmes de rationalisation des dépenses du gouvernement,
d'ouvrir sur une question aussi importante que sur l'affichage, ou sur un
projet de loi aussi fondamental que la loi 101. Je pense que les
réponses viennent en posant la question. Je pense que ce n'est jamais le
temps, mais on est élu pour gouverner, donc, agir et
légiférer. Donc, l'échéance des 5 ans, comme je le
mentionnais, est en décembre prochain. Ça nous laisse amplement
le temps de le faire actuellement. On sait que tout le processus est
relativement long; il y a eu des débats assez orageux, mais quand
même utiles à l'Assemblée nationale. Là, on va
procéder très bientôt à l'étude article par
article, afin, possiblement, de finaliser le tout d'ici la fin de la session,
ou pour le mois de juin; sinon, je ne sais pas quel sera le rôle que le
ministre voudra prendre quant à l'adoption du projet de loi pour la fin
juin.
Il y a d'autres questions qu'il faut se poser, à savoir: Est-ce
qu'il y a une évolution assez grande de la société sur
l'affichage bilingue? Je crois que oui; je pense qu'il y a eu des
réformes majeures. On reconnaîtra plus tard le rôle du Parti
libéral du Québec, ou le rôle du gouvernement actuel,
dirigé par M. Bourassa. La plupart des ministres, ce sont, on peut dire,
des réformistes. Tout dernièrement, on a... On est en train
d'adopter la réforme du collège... la révision de
l'ensemble de la constituante des collèges tels quels. On est dans un
monde en pleine évolution. Il y a des réformes majeures. M.
Picotte a fait une réforme majeure; Mme Gagnon-Tremblay, au niveau des
immigrants. Je pense qu'on est dans une société évolutive.
On répond aux demandes de nos populations; je pense qu'on est
élus pour répondre à nos populations.
À ce niveau-là, moi, mes craintes sont davantage et
je l'ai déjà exprimé ouvertement à certains
journalistes à savoir que, si on ouvrait sur l'affichage avec
nette prédominance au français, avec possibilité
d'utilisation d'une autre langue, moi, ça ne me fatigue pas tellement;
ce qui me fatigue, c'est et comme membres de la commission de la
culture, on a étudié les crédits du ministère des
Communautés culturelles plus au niveau des COFI, à savoir
que les immigrants qui arrivent ici, en terre québécoise, la
langue qu'ils ont, la langue maternelle, n'est habituellement pas le
français. Donc, comme nous sommes une société ouverte,
à ce niveau-là, on doit quand même dire à nos
immigrants qui arrivent ici, en terre québécoise, que la langue
d'utilisation courante est le français et, dans un but
d'intégration, qu'ils devront utiliser la langue française. Mes
craintes, moi, c'est que les COFI, est-ce qu'ils répondent
adéquatement aux rôles qui leur sont dévolus, à
savoir, est-ce qu'on a tendance à vraiment les intégrer à
la communauté québécoise? On peut se questionner. Donc, on
a à travailler davantage, d'après moi, au niveau des immigrants,
pour les intégrer plus facilement, qu'il y ait une volonté plus
ferme des immigrants d'entrer en communication avec les autres
Québécois et Québécoises, et qu'ils apprennent avec
amour la langue qui est la nôtre, notre langue maternelle, et non qu'ils
se sentent forcés. C'est peut-être ça, le problème.
Si les gens se sentent forcés d'apprendre quelque chose, il y a une
démotivation, on a tendance à aller dans l'utilisation d'autres
langues. C'est pour ça, peut-être, qu'on retrouve, surtout
à Montréal, certains ghettos d'immigrants, où ils ont
tendance à utiliser leur propre langue maternelle. Mais, si on est une
société ouverte, il est quand même bon de dire aux
immigrants que l'utilisation de la langue française est primordiale,
ici, au Québec, et qu'ils devront l'apprendre, telle quelle.
J'ai d'autres craintes, au niveau primaire et au niveau secondaire: II y
a une réforme majeure qui se fait au niveau collégial, et la
ministre, Mme Robillard, a
déjà donné des indications qu'il y a une
réforme aux niveaux primaire et secondaire. Notre langue maternelle
vient de l'apprentissage qu'on en fait en étant relativement jeune. On
peut déplorer et je pense que Mme la députée de
Chicoutimi peut le déplorer aussi ceux qui ont des enfants ou de
jeunes enfants, on a peu tendance, peut-être nous davantage encore,
à faire de la lecture. J'ai tendance à le faire, moi; j'en jasais
justement avec Roch Carrier, qui était ici avant-hier, et qui
écrit des contes pour enfants. On perd cette manie, et c'est dommage, de
faire de la lecture à nos enfants avant de se coucher. Je pense que
c'est Michel Pagé qui disait: Si on avait tendance à lire 15
minutes... Je pense qu'on peut utiliser facilement notre... C'est une question
d'apprentissage. Le français, ce n'est pas une langue facile. C'est une
langue qui doit s'apprendre à tous les jours, et c'est évident
qu'on perd cette notion de lecture. Et je pense que, comme la plupart des
députés, on a tendance à visiter nos écoles. Moi,
je le fais régulièrement. On a tendance à aller voir des
écoles, surtout en cinquième année pour qu'ils visitent,
ici, l'Assemblée nationale. Je l'ai fait tout dernièrement
à l'école Sacré-Coeur. Une centaine de jeunes que j'ai
rencontrés et je leur posais la question à savoir s'ils ont
tendance à lire. Ils perdent cette notion. Ils ont des petits clubs des
rats de bibliothèque, sauf que c'est une minorité de jeunes qui
apprennent à lire et cet apprentissage vient surtout des parents.
Il faudrait peut-être davantage «focuser» et je
veux en parler à Mme Robillard sur l'apprentissage de la langue
maternelle au niveau primaire, ça va de soi, mais aussi favoriser les
dictées. Je leur posais la question à savoir s'ils faisaient
encore des dictées. On m'a répondu qu'il y avait une
dictée à tous les 15 jours. Je trouve ça abominable. On
perd notre français parce qu'on ne lit pas et surtout qu'on ne le
pratique pas. Au niveau primaire, faire une dictée à tous les 15
jours, je pense que ce n'est pas le français que j'ai appris. On avait,
nous, de mémoire, il y a une trentaine d'années, des
dictées à tous les jours avec correction et on corrigeait
même celles de nos voisins. Donc, il y avait un apprentissage. Je ne dis
pas que je l'écris à la perfection, mais j'essaie, du moins, de
lire et de lire le plus souvent possible, compte tenu des difficultés de
la langue française.
Moi, l'ouverture commerciale sur une autre langue, que ce soit la langue
anglaise ou que ce soit le chinois, l'italien, le japonais, je n'ai rien
contre. Fondamentalement, je n'ai rien contre, mais j'en ai plus,
peut-être, contre l'inaction gouvernementale, entre guillemets, lorsqu'on
ne prend pas nos responsabilités vis-à-vis nos gens. À ce
niveau-là, je comprends que la ministre veuille faire une réforme
majeure aux niveaux primaire et secondaire et je pense qu'il y a une
volonté gouvernementale. Je pense qu'au niveau du Parti libéral
du Québec on fait un travail d'équipe à ce
niveau-là et je pense que le passé du ministre actuel, qui a
déjà été ministre de l'Éducation, est garant
de l'avenir. Je peux être naïf de penser ça, les gens de
l'Opposition peuvent nous traiter de naïfs de penser ça, mais, du
moins, je pense que ça m'a conduit... ça fait déjà
8 ans qu'on est député, puis je suis peut-être encore
naïf, mais j'ai l'intention de croire encore le ministre dans son
intention et l'intention est dans la loi 86 et l'intention du gouvernement de
refaire, un petit peu, substantiellement, les niveaux primaire et secondaire.
À ce niveau, on doit donner aux jeunes l'amour perdu de la langue
française et la pratiquer, l'apprendre, la lire, l'écrire telle
quelle. Mais je pense que mes craintes pourront se résorber avec
l'adoption de la loi 86, mais avec d'autres actions gouvernementales à
venir.
Et je pense qu'on a tendance à voir, lorsqu'on regarde la
télévision, aux nouvelles, des fois, des journalistes qui
interviewent des jeunes de 13, 14, 15 ans, la piètre qualité de
la langue parlée. Je pense que c'est un apprentissage qui est en train
de se perdre et je pense que ça commence par les parents. Je pense qu'il
y a une déresponsabilisation des parents vis-à-vis de
l'éducation. On essaie tous de le faire, mais peut-être
incorrectement. Je pense qu'il y a eu des révisions majeures de nos
systèmes d'enseignement. Moi, j'ai un petit garçon qui est en
maternelle et j'ai hâte de le voir en première année, mais
j'ai bien l'impression que je vais retourner à l'école voir les
professeurs pour savoir les types d'enseignement qui sont en train de se faire,
surtout mathématiques, chimie et d'autres matières parce que
l'enseignement qu'on a eu, nous, a quand même évolué
à une vitesse éclair.
Donc, je n'ai pas tellement d'appréhension vis-à-vis de la
loi 86 comme l'Opposition peut le faire. C'est évident que, on le disait
à l'Assemblée nationale, ça comporte environ 60 articles,
65 articles, mais il aurait pu y en avoir juste 3. On aurait pu dire: Le projet
de loi modifie la loi 101 ou abroge la loi 101. Il aurait pu y avoir juste 3
articles. On aurait mis fin à la loi 101. Il a été dit
à maintes reprises que le projet de loi avait 65 articles. Ce n'est pas
en termes de quantité d'articles, mais en termes qualificatifs
d'articles. Donc, il aurait pu y avoir juste 3 articles. On aurait pu abroger
la loi 101 et, à ce niveau-là, on serait revenu à
l'intégralité de l'affichage bilingue. On n'est pas rendu
là, je ne pense pas. Je pense qu'il y a une modification importante,
oui, j'en conviens, sauf qu'on doit répondre aux normes actuelles de
notre société. Il y a une ouverture à faire et je pense
que les sondages le disent. On n'a pas à gérer par sondages, sauf
qu'on a à comprendre, un petit peu, les messages de nos commettants.
Moi, je n'ai pas eu d'appels téléphoniques sur le projet de loi
86. J'ai eu plus d'appels téléphoniques suite à
l'émission de Mon-grain, aujourd'hui, sur le budget. À ce
niveau-là, je pense que si M. Mongrain fait des... Je ne sais pas s'il a
fait une émission sur l'affichage bilingue ou sur la loi 86. Il devrait
en faire une; on aurait peut-être une vision différente de ce qui
se passe. Mais une chose est sûre, monsieur...
Une voix: II était favorable. (17 h 30)
M. Messier: II était favorable? Bon. Bien, il n'a pas fait
le même type d'émission. Il n'a pas dû appeler les
députés pour le leur dire, en tout cas. Mais on sait que les
craintes des Québécois ont d'autres... Peut-être que, dans
la situation actuelle, il y a d'autres craintes que la permission d'afficher,
malgré qu'il y ait une nette prédominance du français avec
l'utilisation d'une autre langue. À ce niveau-là, je pense que
les attentes que j'ai vis-à-vis du projet de loi, vis-à-vis de
notre gouvernement, correspondent à une volonté de l'ensemble de
la population. La clé du succès, de la survie de notre langue, je
pense que c'est des actions de tous les jours qu'on doit faire comme parents,
comme gouvernement. Et je pense que le projet de loi 86 s'inscrit dans un
courant de société. On doit être plus ouvert à
l'utilisation d'une autre langue.
Le député d'Anjou possède 4 langues. C'est une
richesse qu'il a, que, moi, je n'ai pas. A ce niveau-là, je ne peux pas
dire que c'est à l'école que j'ai appris la langue seconde. J'ai
plus appris la langue seconde quand j'étais dans les Forces
armées canadiennes où, vraiment, j'étais en immersion.
C'est-à-dire, j'étais en Ontario, puis c'était strictement
en anglais. Je suis devenu bilingue. J'ai perdu mon bilinguisme par,
strictement, l'utilisation de la langue française. Du moins,
j'espère la reprendre un de ces jours, ma langue anglaise, parce qu'on
vit dans un monde nord-américain, on est un continent qui parle plus
l'anglais que le français. Il s'agit de sortir un petit peu du
Québec pour s'apercevoir que, la langue anglaise, elle est essentielle.
Mais nous devons travailler pour la survie de la langue française, et je
pense que...
Peut-être que le mérite de la loi 86... Je pense qu'il a
dû y avoir un déluge de mots, là. Je veux dire, on utilise
notre langue française à bon escient. Disons que le fait d'en
parler, je pense que ça fait prendre conscience aux gens que notre
langue est importante à ce niveau-là. Mais il s'agit de retrouver
dans la loi... On peut toujours dire que la loi, c'est peut-être la
charpente, c'est l'ossature, et, comme tous les autres députés,
j'ai hâte de voir les règlements, moi aussi. Je n'ai pas eu
accès aux règlements, mais je pense qu'à ce
niveau-là les règlements qui suivront seront la chair, seulement
à ce niveau-là. Et le ministre l'a précisé à
maintes reprises, les règlements devraient être judicieux et
devraient correspondre à la réalité
québécoise d'aujourd'hui. Ça termine mon propos.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. M. le député de
Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. J'étais
heureux d'entendre plusieurs membres de la commission rappeler et insister,
à raison, sur le fait que la question de l'affichage n'est pas la
substance du débat. Et ce n'est pas sur cette question que nous devons,
peut-être, nous arrêter avec le plus d'attention.
M. le Président, en procédant à l'adoption du
projet de loi 86, j'estime que nous rendons un mauvais service au
Québec, que nous rendons un mauvais service aux immigrants et que nous
rendons un mauvais service à la nation en cautionnant un abus du
côté des droits individuels. Le Québec n'est pas,
malgré les nombreuses tentatives de culpabilisation du gouvernement, une
verrue tribale dans une Amérique anglo-saxonne respectueuse de ses
droits individuels. Je pense qu'il est important de rappeler, par exemple,
qu'en 1986 la Californie, par sa proposition 63, a fait de l'anglais la langue
officielle de l'État; 73 % des citoyens l'ont approuvée par
référendum. À la fin de 1988, 14 États avaient
imité la Californie. À la faveur du débat, on s'est
aperçu que l'Illinois avait adopté une loi semblable en 1969, et
le Nebraska en 1920. Ces Américains ne sont donc pas devenus
intolérants; ils ont tout simplement compris que, s'ils voulaient, comme
je le disais tout à l'heure, rendre un service honnête à
leurs citoyens, ils devaient certainement éviter un cautionnement d'un
abus des droits du côté des droits individuels, M. le
Président. Seul, je crois, un genre de considération comme
celle-là peut et a pu les amener à renoncer à une
stragégie qui, pourtant, avait toujours marché: À quoi bon
faire une loi quand on peut faire la même chose sans loi? Aux
États-Unis, on parlait anglais, ça ne se discutait pas.
Les reproches adressés au Québec révèlent
donc un contexte d'une pure hypocrisie au même moment où, aux
portes du Québec, à Ottawa, le français, même s'il
est reconnu, demeure toujours la langue de la honte. Le jour où la
langue française jouira, au Québec, d'un pouvoir spontané,
personne ne songera à recourir à la loi pour que la langue soit
étudiée et respectée.
Le rappel de ces vérités élémentaires ne
nous dispense pas d'aller au fond de la question. Le fond de la question, c'est
celui de l'équilibre entre les droits collectifs et les droits
individuels. Je pense que c'est là la substance du débat. Toute
majorité, et nous n'avons pas peur de l'affirmer, tend à
être oppressive de la même façon que toute puissance tend
à s'accroître. C'est pourquoi il faut protéger les
individus. Les Grecs ont établi un État de droit, principalement
pour que les riches puissent cesser d'aller chercher de leurs créanciers
pauvres, pour qu'ils puissent cesser de les réduire à
l'état d'esclavage.
Mais les lois, bien sûr, n'ont pas empêché les drames
humains. C'est pourquoi on a fait appel à d'autres moyens encore plus
solennels, comme des chartes des droits, pour protéger les individus.
L'intention était bonne et, parce qu'elle était bonne, les droits
de l'homme, par exemple, sont devenus le symbole par excellence de la justice
dans le monde. Mais la démesure, en toute chose, est mauvaise. Invoquer
la Charte pour des écorchures inévitables dans des rapports
sociaux normaux équivaut à recourir à une loi
spéciale pour régler le moindre conflit de travail. Les chartes
perdent ainsi leur majesté, ce qui fait qu'elles ne seront d'aucun
secours quand on en aura véritablement besoin.
D'autre part, l'individualisme ainsi exacerbé transforme
l'État de droit en une «litigation society» dont on parle
beaucoup aux États-Unis, particulièrement par les temps qui
courent. Dans un tel contexte, les actes d'autorité les plus
élémentaires finissent par paraître suspects. C'est ainsi
qu'à Montréal, dans mon comté, les «skinheads»
portent la croix gammée et peuvent se promener, semer la terreur sans
rencontrer la moindre résistance. Ils ont des droits! Des droits,
ô sinistre ironie, protégés par une Charte dont la
première raison d'être était d'empêcher le retour du
nazisme!
Oui, il faut des lois et des droits individuels, parce que la
majorité tend à devenir oppressive. Mais considérons
quelques instants les choses sous un autre angle. Il se trouve que la nature
humaine, bien sûr, rend un certain nombre de majorités oppressives
et, je pense qu'il faut le rappeler, rend, par la même occasion, les
désirs individuels insatiables. Si une limite n'est pas imposée,
c'est un désordre tel qu'aucun droit individuel ne pourra être
garanti.
Ce long détour, finalement, M. le Président, est pour
affirmer que l'équilibre auquel prétend le ministre Ryan
lorsqu'il nous paçle de la loi 86 n'est pas là. On nous disait
que ce débat sur la loi avait été forcé par le
renouvellement de la clause «nonobstant» et par l'avis du
Comité des Nations unies. Mais, M. le Président, allons au fond
des choses. La véritable intention, je crois, du ministre est d'imposer
non pas une vision qui serait dite universelle des choses mais plutôt
beaucoup plus près de la réalité canadienne que de
l'universel auquel il prétend.
Je vois ma collègue, la députée de Chicoutimi, qui
lit le texte qui m'aura sans doute le plus marqué pendant tout ce
débat sur la question linguistique, le texte qui a été
produit par les responsables du journal d'Option-Jeunesse, des étudiants
de sciences politiques à l'Université Laval, qui constitue,
à mon avis, le seul texte que j'aie vu qui soit vraiment allé au
fond des choses et qui ait cerné le problème. Il nous rappelle
avec pertinence... Je tiens à faire miens ces propos, et je tiens
à en rappeler un peu le contenu. D'abord, on nous dit qu'avec une
confiance inébranlable dans le bien-fondé de ses positions le
gouvernement élève au statut de vérité ce qui
demande à être vérifié. Deuxièmement, la
nouvelle position que le gouvernement préconise en matière
linguistique pour le Québec est le fait d'improvisations
cristallisées en position politique. Je pense que sur ces 2 points nous
pouvons facilement nous entendre.
Premièrement, la conception même du projet de loi devrait
être plus discutée, disent-ils. Cette dernière constitue
une belle illustration de ce qu'est une vision étroite de la nature
humaine. Se trouvent au coeur, nous disent-ils, de ce projet de loi une
volonté d'applatisse-ment de la texture de l'humanité et un
désir manifeste d'élever l'utilitarisme en absolu.
Deuxièmement, c'est au niveau de l'éducation qu'ils trouvent le
plus néfaste ce projet. En matière linguistique, le gouvernement,
disent-ils, a décidé d'établir dans des termes politiques
une pensée désincarnée de l'être humain. Comme si,
M. le Président, nous vivions à l'abri des réalités
qui sont celles, normales, de gens qui vivent en société; comme
si vous vivions dans un nuage, loin des nôtres, loin de notre
enracinement, sur lequel Simone Veil aura écrit de façon toute
particulière; comme si nous étions tous des individus
égaux les uns par rapport aux autres, sans aucun particularisme qui
puisse s'affirmer. (17 h 40)
M. le Président, les étudiants disent que dans son analyse
«le ministre a tort de prétendre que l'individu est une
espèce d'individu en lévitation par rapport à son milieu.
Cet entendement, et peut-être cette volonté du ministre, cette
façon de voir les choses peut expliquer peut-être que le ministre
soit farouchement épris d'une vision unitaire de la justice.» Or,
comme on nous le rappelle et comme j'avais l'occasion de le dire tout à
l'heure, «nous sommes des individus confrontés à une
réalité concrète qui est propre à la
société dans laquelle nous vivons et à laquelle nous
appartenons. Pour grandir, pour qu'on puisse se grandir, nous devons composer
à partir de notre milieu.»
Et les étudiants en sciences politiques de l'Université
Laval continuaient en disant: «La langue française, fixée
au beau milieu du Nouveau Monde, est a fortiori l'expression d'un
témoignage d'une identité. Nous nous trouvons au Québec,
coeur de l'Amérique française, société
particulière où les individus sont enracinés dans un
univers particulier et s'en nourrissent. Cette société est le
fruit d'une tradition propre, d'une prise de conscience intellectuelle
originale, d'une communauté d'idées et d'un certain nombre de
valeurs, d'intérêts, d'affections, de souvenirs et, bien
sûr, d'espérances. Cette situation fait du Québec le cadre
d'une société qui exprime son désir de continuer à
vivre dans le futur. Le Québec forme une société moderne
différente, bien sûr pas meilleure et pas pire que les autres mais
simplement différente», M. le Président, et certainement
tout aussi valable.
C'est, je pense, en soulevant ce genre de question que nous aurions
dû faire le débat linguistique au Québec, parce que tous
pourront reconnaître d'emblée qu'il peut être
nécessaire et pertinent d'avoir un certain nombre de supports pour
assurer la croissance de notre réalité française en
Amérique du Nord. Nous ne nous faisons pas des défenseurs,
là, d'une nouvelle science qui pourrait s'appeler la
«victimologie». Ce discours-là, je pense que nous l'avons
démontré, nous avons fait preuve de maturité à
l'occasion des débats et nous l'avons mis de côté. Mais
nous ne nions pas, cependant, qu'il faut un certain nombre de supports, un
certain entourage pour que nous puissions progresser. Il serait bien fou, M. le
Président, de prétendre et de vouloir nier que nous
n'évoluons pas dans le contexte d'une Amérique largement
anglophone.
La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit plusieurs supports pour
des minorités: elle le prévoit dans un de ses articles pour les
personnes handicapées; elle le prévoit dans un autre pour les
groupes minoritaires; elle le prévoit pour les individus qui seraient
défavorisés
socialement ou économiquement; elle le prévoit aussi pour
des minorités ethniques. Est-ce que, pour les mêmes raisons, il ne
serait pas nécessaire et pertinent de prévoir un support pour la
minorité francophone en Amérique du Nord, qui a son point de
ralliement au Québec? Cette question a été
éludée... on ne pourrait dire «éludée»,
mais on n'y a certainement pas répondu par l'affirmative, à cette
question, lorsqu'est venu le temps d'élaborer la Loi constitutionnelle
de 1982. Et ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que le Québec n'y a
jamais adhéré.
Alors, disent-ils, «le gouvernement prétend à un
ordre unique et universel de la justice.» Dans les faits, ils ont
tenté d'illustrer pendant le débat que «l'universel
converge plutôt du côté d'Ottawa et ne permet guère
de détour que jusqu'à Fredericton. Le gouvernement voudrait que
la réalité du Québec soit mieux reflétée et
que la communauté anglaise du Québec représente une partie
de l'héritage.» Sur ce point, nous en sommes. Ma collègue,
la députée de Chicoutimi, a même travaillé de
façon remarquable à l'élaboration d'un document sur le
rôle, la place et le statut de la communauté anglophone au
Québec. Je pense qu'il s'agit là d'un bon pas dans la bonne
direction pour nous permettre de travailler, bien sûr, non seulement
à faire aboutir notre projet politique mais surtout à le
réussir.
Et je pense que nous ne le faisons certainement pas par électoral
isme, parce que nous savons, compte tenu de la situation électorale
actuelle, qu'il est peu probable que nous ayons des appuis significatifs
auprès de la communauté anglophone. Nous l'avons fait parce que
nous nous sentons responsables de l'ensemble du Québec et de l'ensemble
des concitoyens et concitoyennes qui y vivent et qui souhaitent continuer
à y vivre, et que leurs doléances seront tout aussi importantes
une fois que notre projet aura abouti qu'à l'heure actuelle.
Alors, donc, oui, nous suivons peut-être le gouvernement dans sa
volonté de voir le Québec représenter de façon
correcte l'héritage de la société québécoise
et sa réalité. Cependant, ce que nous avons dénoncé
et ce sur quoi ma collègue, députée de Chicoutimi, a mis
à plusieurs reprises l'emphase, de la même façon que mon
collègue, député d'Anjou, et tous ceux qui sont
intervenus, c'est lorsque, dans les faits, on profite du débat
linguistique pour fabriquer une réalité que d'autres avant moi
ont appelée tortueuse, et bien du cru du ministre responsable, qui
ressemble beaucoup plus au bilinguisme intégral du Québec,
presque à tous les niveaux. C'était, aux yeux des jeunes qui
venaient témoigner à la commission parlementaire qui s'est tenue
de façon parallèle, puisqu'ils n'ont pu être entendus ici,
dans cette enceinte, compte tenu d'une volonté qui était celle du
gouvernement et que nous avons dénoncée... Mais les jeunes de
l'Université Laval nous disaient: «Le bilinguisme intégral
du Québec, à tous les niveaux, ou presque, c'est, à nos
yeux, autrement plus grave que la question de l'affichage commercial bilingue
présentée, comme on le disait tout à l'heure, comme la
substance du débat.»
C'est donc dire, M. le Président, jusqu'à quel point je
pense que le débat a été mal présenté,
jusqu'à quel point nous passons à côté d'une coche
et que nous passons à côté d'une occasion de faire, sans
doute, le débat sur l'enjeu qui était sans doute le plus
fondamental, qui était celui de la justice au Québec et de
l'implication de nos chartes et de nos différents textes
législatifs. Peut-être que, pour bien des gens, ce débat
semblait illusoire. Peut-être qu'il semblait impossible de le faire,
compte tenu des positions politiques que les gens défendent. Mais je
dois vous dire, M. le Président, que notre volonté de faire
aboutir le projet de souveraineté du Québec n'est pas
indifférent non plus à notre volonté de pouvoir revenir et
de rouvrir un certain nombre de débats semblables à
celui-là pour être capable de tisser de nouveaux consensus et pour
être capable de tisser de nouvelles solidarités propres à
faire grandir le Québec et l'ensemble de ses citoyens.
Plus particulièrement, pour revenir au projet de loi, 2
éléments valaient la peine d'être soulignés. Le
premier: on nous disait et on affirmait que «ce projet de loi changeait
de façon insidieuse les rapports du Québec avec le monde».
On aura vu le gouvernement, on aura vu plusieurs députés
ministériels utiliser toutes leurs forces et toute leur puissance pour
faire avaler une conception de la justice qu'ils disaient universelle, au nom
des droits et des libertés, au nom d'une décision du
Comité des Nations unies. On les a tous vus, les uns après les
autres, nous faire ce genre de discours. Mais la réalité est bien
autre. Ce qu'ils défendent «est une vision bien
particulière des choses, et c'est certainement beaucoup plus près
de l'esprit de la Constitution de 1982», dit Option-jeunesse.
«À force de précipitation, d'improvisations, le
gouvernement empêche non seulement une véritable réflexion
sur la justice alors que cela, à mon avis, s'imposait mais
il va jusqu'à favoriser l'aplatissement d'une des textures les plus
importantes et les plus riches de l'Amérique, celle de l'Amérique
française, et cela s'exprime de façon toute particulière
dans les dispositions du projet de loi qui touchent l'éducation.»
«Le bilinguisme proposé par le gouvernement procède d'une
conception qui fait du francophone une simple transcription de l'anglophone
dans une autre langue. La langue de Molière, de Voltaire, de
Saint-Denis-Garneau n'existe pas dans l'esprit du projet de loi 86. Il n'y a
qu'une langue d'utilité, essentiellement fonctionnelle, qui sert
à échanger entre différents individus. Sur cette base, le
gouvernement en est même venu à affirmer, à notre grande
surprise, qu'un individu francophone possédant la langue anglaise sera
forcément un être meilleur dans son emploi. Or, à
l'évidence, un individu qui n'est pas compétent dans son domaine
d'activité ne le sera pas plus s'il parle anglais, ou s'il parle
espagnol, ou s'il parle toute autre langue. Il sera davantage compétent
s'il va chercher une formation dans son domaine. Il ne le sera pas davantage
s'il possède 2 ou 3 langues. On n'est pas ouvrier
spécialisé en fonction de sa langue, on l'est en fonction de ses
compétences.» (17 h 50)
En institutionnalisant le bilinguisme comme le gouvernement nous le
propose, je crois qu'on élude aussi le problème
socio-économique relié à la langue ainsi que celui de la
formation des individus. Je pense qu'il consacre, ce projet de loi, à
court terme, le Québécois francophone comme un traducteur, comme
un simple individu qui a un moyen d'expression ni pire ni meilleur qu'un autre
mais peut-être différent, sans d'aucune façon être
enraciné dans sa langue d'origine qui est le français, ni
enracinable non plus dans sa langue de travail qui, dans des bien des cas pour
des Montréalais et des Montréalaises, demeure, hélas, pour
le trop grand nombre de Montréalais et de Montréalaises,
même pour la majorité des Montréalais et des
Montréalaises... Bien, non, je m'excuse. Ce n'est pas loin de la
majorité. Je pense, si les chiffres sont exacts, que c'est 43 %, 47
%...
Une voix: C'est 51 %.
M. Boisclair: ...51 % me dit-on, alors plus de la
majorité. ça constitue une situation déplorable. c'est
donc ainsi qu'un certain nombre de mesures, particulièrement ayant trait
à la langue de l'éducation, leur apparaissent et m'apparaissent
quelque peu pernicieuses. «elles sont le fruit d'une sombre dialectique
et marquent un recul pour le statut de la langue française»,
disent-ils. on pourrait parler de l'article 30 du projet de loi, on pourrait
parler, bien sûr, aussi du pouvoir réglementaire.
Mais, M. le Président, puisqu'il me reste peu de temps, je
voudrais reprendre les propos d'un autre de mes collègues et dire qu'il
y a une vérité, il y a une sagesse populaire qui, finalement,
aura à trancher. Nous sommes des démocrates, nous savons, bien
sûr, que le gouvernement pourra utiliser sa majorité; c'est son
droit le plus strict. Nous savons que le débat en Chambre, nous venons
ici y contribuer de façon positive. Nous souhaitons que les amendements
que nous aurons à proposer pourront être débattus et
pourront, encore mieux, être adoptés. Mais nous sommes des
démocrates. Nous ne ferons pas nécessairement nôtre la
position du gouvernement, mais nous la respecterons. Mais nous avons surtout
hâte de voir le jour où, à l'occasion d'élections,
nous ferons de cette question un enjeu. Et c'est là, je crois, que la
majorité gouvernementale risque de fondre auprès non pas d'une
opposition qui est à l'heure actuelle une minorité mais
auprès d'une majorité encore beaucoup plus impressionnante qu'une
majorité gouvernementale, qui est une majorité de citoyens et de
citoyennes qui auront compris que, malgré des positions parfois
nuancées sur cette question on aura parlé chez nous de 2
tendances auront compris que le projet de loi 86 est un projet qui
d'aucune façon ne répond aux préoccupations et qu'il est
nécessaire, je crois, de battre. Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Gouin. Maintenant, Mme la députée de
Bourget.
Mme Huguette Boucher Bacon
Mme Boucher Bacon: Oui. Merci, M. le Président. Je n'avais
pas l'intention d'intervenir, mais, à la suite des propos du
député de Gouin, je me disais: Je ne peux pas laisser passer des
aberrations semblables. Et, si vous me le permettez, je vais reprendre quelques
points de ce que le député de Gouin a dit, parce qu'on laisse
croire ici qu'on modifie en profondeur la Charte de la langue française.
Et, si je me fie aux notes explicatives, M. le Président, du projet de
loi 86, ça dit bien ceci: «Ce projet de loi modifie la Charte de
la langue française afin d'harmoniser certaines de ses dispositions
relatives à la langue de la législation et de la justice,
à la langue du commerce et des affaires et à la langue de
l'enseignement avec les décisions rendues par différentes
instances. Il propose également des solutions à certains
problèmes d'application de cette Charte.»
Alors, M. le Président, laisser croire aux gens qu'on va changer
en profondeur par la loi 86 demain parce qu'on va voir sur des panneaux
le député de Gouin ne veut pas m'entendre; il quitte, M. le
Président, mais je vais continuer quand même à dire ce que
j'ai à dire on va voir sur des panneaux publicitaires...
Une voix: ...
Mme Boucher Bacon: Oui, ça me fait plaisir, monsieur.
C'est de valeur que votre mère ne vous ait pas appelé
«Marin». Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. LeSage): S'il vous plaît,
là! M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce qu'il
est permis à un député de signaler l'absence ou la
présence d'un député en Chambre ou en commission?
Le Président (M. LeSage): Effectivement, M. le
député d'Anjou, vous avez raison. Il n'est pas permis à
des députés de signaler la présence, l'absence ou le
départ d'un député. Alors, Mme la députée de
Bourget, je vous invite à respecter cette règle et à
poursuivre votre intervention.
Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Mais j'aurais
aimé qu'il soit là; j'aurais simplement aimé qu'il soit
ici.
Une voix: C'est vrai.
Mme Boucher Bacon: Est-ce que je peux continuer, s'il vous
plaît, M. le Président? J'ai la parole.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Bourget, vous avez la parole.
Mme Boucher Bacon: Merci. C'est ça, j'ai juste dit... M.
le Président, on laisse croire... Le député de Gouin a
laissé croire qu'on modifiait en profondeur par le projet de loi 86. Et,
si je comprends bien... Ce n'est pas parce qu'on va avoir le droit d'afficher
dans une autre langue, dans une certaine proportion, sur l'affichage
commercial, que demain les enfants qui vont se promener sur la rue vont parler
anglais. C'est ça. On laisse croire que demain tout va devenir bilingue,
que c'est une loi qui va faire en sorte que tout le monde va parler
anglais.
La télévision, chez nous, les enfants regardent la
télévision en anglais. Je regarde la télévision en
anglais. Mais, à la fin, on ne se met pas à parler anglais, M. le
Président. On commente, on fait des commentaires sur le programme, mais
en français. Et lorsque ça nous arrive d'acheter des journaux et
qu'on achète ces journaux en anglais, à la fin de la lecture, M.
le Président, c'est sûr que ça agrandit notre passage
vis-à-vis... ou ça nous aide pour une meilleure
compréhension de l'anglais, si on veut en faire une culture, mais
à la fin du journal ça ne fait pas des gens plus bilingues qu'il
ne faut, M. le Président. Ça ne veut pas dire qu'on va se mettre
à parler anglais à la suite de ça.
Moi, j'ai une fille qui adore le cinéma. Et les meilleurs films
sortent toujours en anglais avant la traduction française. Lorsqu'elle
va voir le film en question en anglais, ça l'avantage pour apprendre son
anglais. Mais, à la suite de ça, ça ne fait pas une
situation dans laquelle elle va devenir bilingue, où elle va parler
l'anglais. Et elle va même retourner, M. le Président, lorsqu'au
cinéma on va donner la version en français, parce qu'elle aime
ça. Mais ça n'en fait pas pour autant une loi bilingue comme
l'autre côté veut le supposer.
Comme le député de Joliette le disait, c'est une loi
anglaise. C'est épouvantable, M. le Président, d'entendre
ça. C'est un projet de loi modéré, le projet de loi 86. Il
a été fait en toute prudence, avec la plus grande prudence
possible, et on l'a adapté avec une réalité nouvelle, M.
le Président. Il faut vraiment être borné, il ne faut
vraiment pas avoir d'ouverture, il ne faut vraiment pas avoir de
tolérance comme l'avait le premier ministre, à l'époque,
M. Lévesque. Ce que M. Parizeau n'a pas, il n'a pas cette
générosité-là envers les immigrants, il n'a pas
cette tolérance, il n'a pas cette ouverture vers le monde nouveau. Parce
que, si on se fie à ce qu'eux pensent, bien que la députée
de Chicoutimi rigole, M. le Président, je trouve que ça fait
pitié d'être limité et de ne pas savoir que ce projet de
loi prévoit aussi l'intégration des fonctions de la Commission de
protection de la langue. Alors, les commerçants vont être
obligés de se soumettre après, dans la loi, si on peut passer
à l'étude article par article... La protection de la langue
française à celle de l'Office de la langue française... La
restructuration du chapitre portant sur la francisation des entreprises, est-ce
que ça va vouloir dire, comme l'expliquaient certaines personnes, que
c'est pour mieux vendre leurs produits, le fait qu'ils vont être en
anglais, M. le Président? Une pomme ou «apple», là,
tu vas l'acheter parce que tu aimes les pommes. Hein? (18 heures)
Alors, vous savez, M. le Président, la francisation des
entreprises et la redistribution des pouvoirs de réglementation
prévus par la Charte de la langue française, de dire qu'on
modifie en profondeur, d'une façon exagérée... M. le
Président, je ne peux pas accepter les propos du député de
Gouin et je serai fière, M. le Président, à la fin,
lorsqu'on va avoir adopté, article par article, d'avoir participé
à la modification de la Charte de la langue française. Alors, M.
le Président, je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, Mme la
députée de Bourget. Compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux. Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Juste pour vous rappeler que, ce soir, c'est le
centième anniversaire de la coupe Stanley, et les «Glorieux»
vont probablement gagner la coupe Stanley ce soir. Juste un avis, avant que
vous n'annonciez la reprise des travaux.
Le Président (M. LeSage): Oui, j'ai compris, M. le
député de D'Arcy-McGee. Alors, légalement, je dois
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 11)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux. Nous en sommes encore au stade des déclarations
préliminaires. Je comprends que le député de
Lac-Saint-Jean a demandé la parole, et est prêt à nous
entretenir. M. le député.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais
ajouter quelques remarques préliminaires, à la suite de mes
collègues. Vous savez, quand on fait un débat de cette nature,
aussi majeur, on cherche souvent à bien connaître la pensée
et les positions du parrain du projet de loi, ce qui fait que de notre
côté, déjà, on a, comme le ministre a souvent
écrit... Il a écrit beaucoup. Il était
éditorialiste...
Une voix: Ah, le ministre est sorti.
M. Brassard: ...et j'ai devant moi ce que je pourrais appeler une
anthologie de perles, de pensées, d'extraits d'éditoriaux du
ministre, à l'époque où il était
éditorialiste en chef du journal Le Devoir.
Le Président (M. Doyon): En attendant l'hagiographie.
M. Brassard: En attendant l'hagiographie, oui; il va
sûrement en avoir une, compte tenu de ses positions très fortement
religieuses. Et c'est très révélateur, c'est très
instructif, parce que ça nous démontreje ferai quelques
citations, tout à l'heure qu'au fond on ne peut pas accuser le
ministre, cependant, d'être inconstant. Il n'est pas inconstant; il n'est
pas non plus, sur le plan linguistique, girouette. On peut l'affubler de bien
des défauts, l'accuser de bien des travers Dieu sait qu'il en a,
il n'est pas parfait mais sur le plan de sa pensée en
matière linguistique, ce qui le caractérise, c'est sa constance.
J'ai dit à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale,
que et mes collègues aussi, la députée de
Chicoutimi entre autres ce n'était pas un projet de loi anodin,
c'est un projet de loi de fond qui bouleversait de fond en comble les assises
et les grandes orientations fondamentales de la Charte de la langue
française. Et quand on prend connaissance, justement, des écrits
du ministre, à l'époque où il était
éditorialiste, on se doit de le constater, au fond... Et Mme
Bissonnette, qui est l'actuelle éditorialiste du Devoir, avait
raison de dire que le gouvernement libéral cherche peut-être
à récupérer le vote anglophone, mais ce n'est pas vraiment
l'objectif prioritaire, parce que, au fond, il l'a déjà
récupéré. On le voit dans les sondages, la
récupération est déjà faite. L'électorat
anglophone, pour l'essentiel, est retourné au bercail libéral,
n'en déplaise au Parti Égalité.
Mais, moi, je pense bien plus que l'orientation de fond, l'objectif
fondamental poursuivi par le ministre, c'est de retourner à la loi 22,
aux principes de la loi 22, et aux orientations fondamentales de la loi 22,
parce que le ministre n'a jamais vraiment accepté la loi 101, il n'a
jamais vraiment adhéré au principe fondamental de la loi 101 et
il l'a écrit dans plusieurs éditoriaux, à l'époque,
au moment où la loi 101, en 1977, était débattue en cette
Chambre et où le Parti libéral, d'ailleurs, qui constituait
l'Opposition, s'y opposait farouchement pendant tout le mois de juillet et une
bonne partie du mois d'août. Je m'en souviens très bien, un
très bel été, un été superbe comme on en
avait rarement connu. Ça fait plusieurs années qu'on n'en a pas
connu d'aussi beau. On avait été obligé de siéger
pendant tout l'été parce que le Parti libéral
«filibustait», comme on dit ici dans le jargon, et s'opposait
farouchement à la loi 101. Et, en dehors de la Chambré, le
ministre, éditorialiste au journal Le Devoir, faisait la
même chose. Il était opposé à la loi 101.
On constate aujourd'hui, 15 ans plus tard, qu'il n'a pas changé
d'avis, il a toujours la même opinion et là-dessus, comme je le
disais au début, il y a une constance. Il est très constant dans
sa pensée. Quand on examine le projet de loi 86 et qu'on le met en
relation avec la loi 22 de l'époque, il y a effectivement, comme le
signalait avec raison Lise Bissonnette, un retour à la loi 22.
Je pourrais donner 2 exemples à ce sujet-là, concernant
l'affichage et concernant l'école anglaise. Concernant l'affichage,
écoutez ce que le ministre éditorialiste écrivait au mois
d'août 1977: «Après 5 mois de débats ardus, il est
enfin des dispositions de la loi 101 qui demeurent tout aussi inacceptables
qu'au début mais qui ont malheureusement été
adoptées avec le reste du texte c'était fait à ce
moment-là, c'était adopté sans même que les
députés aient eu la chance d'en débattre
sérieusement.» Mon Dieu, ils en ont débattu pas mal plus
qu'à l'époque... «Et, au premier rang de celles-là,
figurent, écrivait-il, les articles qui limitent arbitrairement et
mesquinement le droit à l'affichage public dans une langue autre que le
français. L'affichage commercial, écrivait-il, se rattache
directement à au moins 3 formes différentes de la liberté:
il se rattache à la liberté de commerce, à la
liberté d'expression et au droit du consommateur à une
information véridique et facilement accessible. Or, la loi 101, dans la
forme que lui a donnée, vendredi, le législateur, est une
atteinte inadmissible à ces 3 formes de la liberté. Le
législateur eût été justifié d'exiger, comme
le faisait la loi 22, la présence remarquez, il fait
référence à la loi 22, à cette
époque-là du français au moins sur un pied
d'égalité dans toute forme d'affichage public et cela, au nom du
droit de la majorité au respect de sa langue.»
Justement, j'ai la loi 22 sous mes yeux. Je vais voir à la
disposition concernant l'affichage. Vous allez voir que c'est une sorte de
retour, c'est à l'article 35 de la loi 22: «L'affichage public
doit se faire en français, ou à la fois en français et
dans une autre langue, sauf dans la mesure prévue par les
règlements. Le présent article s'applique également aux
annonces publicitaires écrites, notamment aux panneaux-réclame et
aux enseignes lumineuses.» Ça, c'était la loi 22. Donc,
l'affichage bilingue était autorisé, permis par la loi 22. Et le
ministre, qui était éditorialiste à l'époque,
disait, dénonçant la loi 101 qui venait d'être
adoptée: On aurait dû s'en tenir, sur le plan de l'affichage,
à la loi 22. C'était ça, sa pensée, et c'est
toujours sa pensée. Il y a une constance très nette et,
là, il a l'occasion, étant ministre responsable de la Charte, de
revenir à la loi 22, de retourner à la loi 22, et il le fait. Et
il le fait et c'est les dispositions du projet de loi 86 concernant
l'affichage. Pas besoin de vous les citer, M. le Président, vous les
connaissez, on en parle depuis assez longtemps. Et ça, sur le plan des
principes fondamentaux de la Charte de la langue française, c'est
évident, c'est plus qu'une entorse. On écarte un des principes de
base de la loi 101 et on revient à un des principes de base de la loi
22. C'est un retour à la loi 22. Il y a constance dans la pensée
du ministre, et maintenant qu'il est au pouvoir, il décide de faire ce
retour. (20 h 20)
On voit que son opposition à la loi 101 a toujours
persisté et demeuré, tout le temps. À une seule exception
près, peut-être, une variation qui n'est pas négligeable,
en 1977, il faisait référence à 3 libertés, 3
formes différentes de liberté qui étaient
prétendument violées,
foulées aux pieds par l'unilinguisme dans l'affichage
prévu à la loi 101. On peut dire qu'il a varié un peu, il
y a 5 ans, à propos de l'adoption de la loi 178, parce que là,
à cette occasion-là, il affirmait plutôt qu'il était
loin d'être certain que le discours commercial faisait partie de la
liberté d'expression. Mais il y a un retour, il y a un retour à
sa pensée de 1977 et il y a un retour, également, à la loi
22. Alors, quand on dit que le projet de loi 86 est un projet de loi qui
actualise ou harmonise la Charte de la langue française, je pense qu'on
fait fausse route. On peut être en accord ou en désaccord, mais je
pense qu'il faut constater qu'il y a un retour très net à
d'autres principes, à ceux qui constituaient les assises de la loi 22,
donc, l'affichage bilingue, en particulier.
L'autre exemple, c'est l'accès à l'école anglaise.
En 1977, le ministre, qui était toujours éditorialiste, à
l'époque, était absolument opposé au principe qu'on
retrouvait dans la loi 101 qui régissait l'accès à
l'école anglaise, citation à l'appui. En avril, sur le livre
blanc sur la langue française qui avait été rendu public
par le gouvernement d'alors, il écrit: «Vouloir interdire
l'accès de l'école anglaise à des enfants de foyers
anglophones, sous prétexte que leurs parents ne seraient pas nés
ici, c'est instituer une distinction odieuse entre citoyens natifs du
Québec et citoyens originaires d'ailleurs, comme si tous, une fois
acquise la citoyenneté pour les nouveaux venus, ne devaient pas
être rigoureusement égaux devant la loi. C'est aussi limiter tout
à fait arbitrairement l'appartenance à la minorité
anglophone au mépris des réalités les plus
évidentes. C'est, enfin, vouer cette minorité à une
extinction progressive, en donnant hypocritement l'air de s'intéresser
à son sort.» Fin de la citation. On voit donc qu'à cette
époque-là il était favorable à ce que les enfants
d'immigrants parlant l'anglais, donc, en provenance de pays anglophones,
puissent avoir accès à l'école anglaise, contrairement au
principe qu'on retrouve dans la loi 101.
Et c'est ce qu'on retrouvait aussi dans la loi 22. C'est aussi un retour
à la loi 22. La loi 22 était un peu plus compliquée, mais,
enfin, c'est ce principe-là qu'on y retrouvait. L'article 41 disait:
«Les élèves doivent connaître suffisamment la langue
d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue il s'agit
de l'anglais. Les élèves qui ne connaissent pas suffisamment
aucune des langues d'enseignement reçoivent l'enseignement en langue
française.» Et là, après ça, dans les autres
articles, c'étaient toutes les dispositions portant sur les fameux
tests, ce qui avait soulevé la révolte des anglophones. Mais,
dans la loi 22 également, des enfants d'immigrants, pouvant faire la
preuve qu'ils parlaient l'anglais, avaient accès à l'école
anglaise. Il y a donc une constante.
C'est clair, c'est évident que le ministre ne va pas aussi loin
et n'ose pas appliquer, n'ose pas introduire dans le projet de loi 86 toutes
ses convictions à cet effet. On comprend pourquoi. C'est parce que c'est
clair qu'au Québec, maintenant, depuis 1977, là-dessus, il y a
une quasi-unanimité, en tout cas chez les Québécois
francophones, pour que les enfants d'immigrants soient obligés de
fréquenter l'école française. C'est une obligation. Quel
que soit leur pays d'origine et quelle que soit leur langue maternelle,
même si leur langue maternelle est l'anglais, même si leur langue
d'usage est l'anglais, ils doivent fréquenter l'école
française.
Là, c'est tellement unanime dans la société
québécoise que le ministre n'a pas osé aller
jusque-là. Mais on sent bien que, s'il y avait eu la moindre ouverture
ou s'il avait senti le moindre appui, un appui un peu plus fort dans l'opinion
publique, dans la population, le ministre aurait fait un retour à la loi
22 aussi et aurait créé depuis, comme on le dit, deux classes
d'immigrants. On aurait permis aux enfants d'immigrants ayant la langue
anglaise comme langue d'usage ou comme langue apprise de fréquenter
l'école anglaise.
Par conséquent, M. le Président, on peut critiquer de
toutes les façons le ministre responsable de la Charte, on peut
l'accuser de tous les défauts mais il n'a pas le défaut
d'être inconstant. Et il s'est bâti une position linguistique. Il y
a plus de 15 ans, il l'a clairement énoncée dans plusieurs
éditoriaux à l'époque où la loi 101 était
débattue ici, en cette Chambre. Il l'a clairement exprimée dans
Le Devoir dont il était l'éditorialiste. Et, 15 ans plus
tard, on se rend compte que l'effort qu'il a entrepris de, plus qu'une
révision, je dirais de démolition de la loi 101, en tout cas, de
travail de sape des assises fondamentales de la loi 101, il est en train de le
faire. Alors, ce n'est pas vrai de dire que le projet de loi 86 n'est qu'un
projet de loi qui harmonise, actualise. Au contraire, quand on regarde les
principes de la loi 22, quand on regarde la pensée linguistique du
ministre telle qu'exprimée dans ses édiforiaux en 1977 et quand
on regarde ce qu'on retrouve dans le projet de loi 86, il y a une
continuité et une volonté très ferme de changer et de
remplacer les orientations fondamentales de la Charte de la langue
française. Je pense que la démonstration est évidente
à propos de l'affichage.
À propos de l'école, il ne va pas aussi loin qu'il
l'aurait souhaité, sans aucun doute, mais devant des groupes qui
venaient nous dire qu'en matière d'accès à l'école
anglaise la loi 86 n'allait pas assez loin, il ne manifestait pas beaucoup de
combativité ou d'agressivité. On sentait bien de la
compréhension chez le ministre mais, politiquement parlant, ce
n'était pas possible d'aller jusque-là. Mais il n'avait pas une
hostilité de fond, une hostilité de principe à
l'égard de ceux qui réclamaient une pareille chose.
Deuxième remarque que je voudrais faire, M. le Président,
ça concerne les propos que le député de Viau, mon
collègue, mon vis-à-vis, whip du gouvernement, a fait dans son
intervention. Là, il faut quand même rétablir les faits. On
dit n'importe quoi à propos de l'apprentissage de l'anglais, langue
seconde. On nous prête n'importe quel propos. Ça n'a pas de bons
sens; ça n'a aucun sens. On sombre dans la démagogie et souvent
dans la fausseté et carrément, parfois, dans le mensonge.
Écoutez, c'est évident que, actuellement on le
reconnaît, nous, de notre côté en matière de
l'apprentissage de l'anglais, langue seconde, on est loin de la perfection au
Québec. Ce n'est pas très, très, très
réjouissant puis très reluisant. On est les premiers à le
reconnaître. J'ai, ici, un document du ministère de
l'Éducation «L'enseignement intensif de l'anglais, langue seconde,
où en sommes-nous? Étude et analyse. Service de
recherche-développement». Ce n'est pas très tendre. Je vous
cite un paragraphe: L'évaluation récente du programme d'anglais,
langue seconde confirme plusieurs affirmations émises, plus haut, au
sujet de l'état de l'enseignement de l'anglais. Une minorité
d'élèves reçoivent 120 minutes d'enseignement par semaine,
selon le personnel enseignant. Il y a beaucoup de commissions scolaires qui ne
respectent même pas le régime pédagogique au primaire.
Les conseillères et conseillers pédagogiques estiment que
le temps consacré au soutien pédagogique des enseignantes et
enseignants est insuffisant. Près de la moitié des professeurs
d'anglais, des conseillers, des conseillères pédagogiques n'ont
aucune formation particulière pour l'enseignement ou le soutien
pédagogique en langue seconde. Il y a beaucoup de lacunes en
matière d'apprentissage de la langue seconde, on est les premiers
à le reconnaître, et il faut, évidemment, faire un effort
d'amélioration de l'apprentissage de l'anglais, langue seconde.
Ça ne doit pas, cependant, nous faire oublier que l'apprentissage
du français comporte aussi pas mal de lacunes, et qu'il y a un effort
soutenu qui doit être entrepris de ce côté-là, mais
ce n'est pas... Donc, le problème n'est pas là. Prétendre,
comme l'ont fait plusieurs intervenants et là, nous, on peut les
citer, on peut aller au Journal des débats, c'est clair que
ça a été dit ministériels, que l'Opposition
officielle et ceux qui s'opposent au projet de loi 86 sont absolument,
farouchement opposés à l'apprentissage de l'anglais, langue
seconde, c'est de la démagogie, et c'est une fausseté et un
mensonge pur et simple. (20 h 30)
C'est évident qu'il faut, au Québec, améliorer
l'apprentissage de l'anglais, langue seconde. Les lacunes sont trop nombreuses
et les commissions scolaires sont défaillantes à ce
sujet-là. Je l'ai dit quand la Fédération des commissions
scolaires est venue: Vous êtes défaillants. Il y a un grand nombre
de commissions scolaires qui ne respectent pas le régime
pédagogique. Une fois qu'on a dit ça, est-ce que, parce qu'il y a
des lacunes dans l'apprentissage de l'anglais, langue seconde, il faut
immédiatement, sans réserve, approuver n'importe quelle
méthode et n'importe quelle disposition de la Charte de la langue
française? Et c'est pour ça que l'amendement qu'on apporte
à la Charte de la langue française, qui va permettre les classes
et les écoles d'immersion, nous apparaît une disposition
inopportune et qui ne doit pas apparaître à ce moment-là,
parce que c'est imprudent d'ouvrir les vannes en matière de cours
d'immersion. Et...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Brassard: C'est déjà terminé? Le
Président (M. Doyon): Oui.
M. Brassard: Mon Dieu! Alors, on y reviendra. On y reviendra,
parce que, dans ce document du ministère de l'Éducation, j'ai
justement des remarques extrêmement pertinentes sur les classes
d'immersion où l'on dit que, si elle a connu des heures de gloire, les
désaccords se font jour depuis une douzaine d'années. C'est donc
loin d'être la méthode parfaite, et particulièrement
à l'égard des enfants d'immigrants qui peuplent, dans une
très forte proportion, beaucoup d'écoles du Grand
Montréal, il y a des dangers, des risques que la
Fédération des commissions scolaires, les personnels de la CECM,
de même que la CEQ sont venus nous signaler, et je pense qu'en
législateur sérieux et consciencieux, on devrait en tenir compte,
avant d'adopter de pareilles dispositions.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. La neutralité qui m'est imposée, comme
président, me permet, quand même, de faire aussi quelques
réflexions. Personne ne m'en tiendra rigueur, j'espère, et la
crevasse qui sépare le salon bleu du salon dans lequel nous sommes n'est
pas suffisamment large pour qu'on ne soit pas au courant des convictions que
j'entretiens, et que j'ai eu l'occasion d'exprimer à quelques
reprises.
M. Brassard: ...M. le Président, vous avez même
droit à 20 minutes.
Une voix: À 20 minutes. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): C'est un temps que je suis
capable de prendre, mais que je ne prendrai pas. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Réjean Doyon, président
Le Président (M. Doyon): Je dirai tout simplement que,
moi, ce qui me frappe, étant un téléphage
modéré, amateur de TSN, amateur de CBS, amateur de Dan Rather,
amateur de NBC, je regarde des reportages, et je regarde les reporters
américains qui se promènent un peu partout dans le monde, et je
suis frappé de voir... Par exemple, la jeune Jasmina, hier, était
interrogée en Bosnie-Herzégovine. Elle a 12 ans, Jasmina. Sa
maison a été détruite; son père a été
pris prisonnier derrière les barbelés. Jasmina est en Serbie, ou
en Bosnie, plutôt, et s'exprime en anglais. Elle le fait d'une
façon très correcte, parfaitement compréhensible, avec
les handicaps qu'elle a dû surmonter pour apprendre l'anglais.
Ça m'a paru admirable; ça m'a paru émaner d'une
volonté de posséder le monde, de communiquer avec le monde, de
faire voir au monde ce qu'ils étaient, ce qu'ils ressentaient, ce qu'ils
souffraient. Que Jasmina ait pu parler aux reporters américains dans un
anglais plus que convenable me faisait venir à l'esprit une
réflexion à laquelle je ne pouvais pas échapper: C'est que
nous, avec toutes les chances qu'on a, quelles sont les chances qu'un reporter
américain vienne ici, dans ma commission scolaire des
Découvreurs, mette un micro sous le nez d'une jeune fille de 12 ans,
l'interroge pour passer aux nouvelles américaines, et qu'elle puisse
faire part du drame qu'elle vit, et le faire partager au monde entier?
Et, pourtant, nous sommes au Canada, nous sommes en Amérique du
Nord. Nous avons toutes les chances pour posséder cette langue qui est,
finalement, la lingua franca du XXe siècle et du XXIe, qui nous pend au
bout du nez. On a tout ça, nous autres, qui nous est servi sur un
plateau d'argent, et on lève le nez, et on dit que, pour des raisons
d'orthodoxie, des raisons dogmatiques, parce qu'on a eu dans le passé
Dollard des Ormeaux, et qu'il y a eu le chanoine Groulx au travers de
ça, et que Henri Bourassa s'en est mêlé, un moment
donné, non, on ne communiquera pas avec le monde en anglais, que, s'ils
veulent nous comprendre, ils nous comprendront en français, et, s'ils ne
nous comprennent pas en français, qu'ils prennent le bord, ils ne nous
intéressent pas. Quelle différence avec Jasmina! Quelle
différence avec Jasmina! C'est tellement vrai que Jasmina a
réussi a toucher le coeur d'un philanthrope américain qui a dit:
Ce que cette petite fille de 12 ans qui me parle en anglais, une langue que je
comprends et ce n'est pas de la servilité, il s'agit de
s'adresser à des gens qui sont susceptibles de nous comprendre. Jasmina
a été comprise et on connaît la qualité... Moi, j'ai
une grande admiration pour les Américains. Je sais que c'est à la
mode de décrier les Américains, c'est à la mode de leur
trouver toutes sortes de défauts. Ils sont matérialistes, ils
aiment l'argent, mais les Américains ont le coeur tendre et le coeur
grand. Ils ont compris Jasmina. Et ce philanthrope américain, un jeune
homme de 35 ans, a remué mers et mondes pour retrouver les parents de
Jasmina, retrouver son père qui était derrière les
barbelés, mettre à contribution Lufthansa pour transporter... Ils
ont formé un comité c'était dans le Connecticut
quelque part pour leur louer une maison, meubler cette maison et les
recevoir. Ils ont été reçus royalement. La petite fille
avait des poupées. Elle mangeait avec ses mains, dans l'émission
de télévision que moi j'avais vue, il y a 6 mois. Elle est
arrivée, elle a été reçue les bras ouverts.
C'était à nous tirer les larmes, pour quelqu'un à qui il
en reste, c'était à nous tirer les larmes. Oui, moi, je suis un
sentimental, je ne m'en cache pas, ces choses-là me touchent
profondément.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Ça en fait rire certains,
je le regrette. Moi, ça ne me fait pas rire. Le malheur d'autrui ne me
fait pas rire, la misère d'autrui ne me fait pas rire, elle me touche et
me sollicite d'une participation quelconque. Elle me participe de ce genre
humain qui est le même que le mien. Et ce qui me fait de la peine, c'est
que je me disais: Combien il y en a de Jasmina dans la commission scolaire des
Découvreurs, dans la commission scolaire de La Tuque, du
Haut-Saint-Maurice je dis La Tuque là, pour vous identifier parce
que je ne suis pas un spécialiste des commissions scolaires,
entendons-nous. Je ne prétends pas à ça, mais je pense
qu'on s'entend qu'il y a une commission scolaire à La Tuque, je
comprends, bon, alors...
Combien de nos enfants pourraient faire partager au monde entier, par
TSN interposé, par CBS interposé, ce malheur profond que cette
jeune fille vivait? Et vous imaginez-vous un instant dans quelles conditions
elle avait pu apprendre l'anglais, quels étaient les instruments dont
elle disposait en Bosnie-Herzégovine pour apprendre l'anglais? À
12 ans, dans un pays en guerre, elle a appris l'anglais. Nous autres on est
là, on a toutes les facilités et, finalement, on va se retrouver
à la queue du peloton, tout simplement parce qu'on aura eu des
principes. On les aura tellement eus qu'on sera étouffés avec.
Les principes, ça, c'est comme d'autres choses, ça doit
être accommodé à la mode du temps, et dans le moment, qu'on
le veuille ou pas, qu'on soit au Vietnam, qu'on soit en Allemagne... On a des
reportages d'Allemagne qui se passent avec les Turcs. Quand les Turcs veulent
faire partager au monde entier ce qu'ils vivent en Allemagne, ils le font dans
un anglais qui est plus que potable. (20 h 40)
Moi, je suis complètement convaincu qu'il n'est pas question de
laisser de côté notre langue maternelle. On n'a même pas
à faire la preuve, et c'est insultant qu'on nous demande de faire la
preuve de cette chose-làje n'ai même pas l'intention
d'entrer là-dedans avec des ancêtres qui sont
arrivés ici en 1643, avec des ancêtres qui ont été
à la baie d'Hudson avec Radisson, faits prisonniers par les Anglais, qui
se sont échappés puis qui sont revenus ici, puis, pas contents de
ça, qui se sont embarqués avec Louis Jolliet puis Cavelier de La
Salle puis qui sont allés découvrir le Mississipi. Moi, mes
ancêtres, je n'ai l'intention de faire aucune preuve de mon attachement
à ce pays-là. Mais je me dis: Au-delà de ça, je
n'ai pas rien qu'un rétroviseur, dans la vie que je vis, j'ai aussi un
pare-brise qui m'oblige à regarder en avant, qui m'oblige à
regarder ce qui s'en vient. Et, l'avenir, c'est justement d'acclimater les
tendances, les réalités. Le député de Viau en a
fait une démonstration absolument convaincante.
Qu'on nous dise qu'on n'est pas des pédagogues, moi, je ne suis
pas un pédagogue, mais je suis un père de famille. Je suis un
père de famille qui a élevé des enfants. L'école,
ne nous trompons pas, c'est la béquille de la famille. C'est parce
qu'à un moment donné les familles n'ont pas pu donner tout ce
qui... L'idéal, ça
serait que les familles amènent les enfants à un niveau
d'éducation qui soit suffisant pour leur permettre de gagner leur vie.
Charlemagne a décidé, un moment donné, qu'il y aurait des
écoles publiques parce que les parents ont... Sacré Charlemagne,
comme dit la chanson, qui a inventé l'école. Sacré
Charlemagne, il a inventé l'école, sauf que c'est un rôle
supplétif que l'école joue. Et je me considère, moi,
qualifié autant que bien d'autres ayant élevé des enfants,
que bien d'autres qui disent qu'ils élèvent les enfants des
autres. D'élever les miens, déjà ça m'a mis dans
une situation où j'ai été drôlement sollicité
et j'ai fait ce que j'ai pu avec les moyens dont je disposais, mais mon
rôle de pédagogue, il s'est confondu avec mon rôle de parent
avec l'amour obligatoire en plus, avec la responsabilité
supplémentaire de ne pas m'en débarrasser à 3 heures,
puis, des fois, d'attendre jusqu'à 3 heures du matin, justement, parce
que mon rôle de parent, il se terminait à 3 heures du matin. Puis
ça n'a pas été rare. Alors, moi, je n'ai pas de
réflexe d'infériorité vis-à-vis d'autres qui
disent: Moi, je suis un pédagogue.
La présidente de la CEQ nous a dit: Vous ne m'en montrerez pas,
moi, je suis une pédagogue. Je suis dans mon domaine. Vous ne me direz
pas à moi ce qu'il y a de pédagogiquement bon, de
pédagogiquement mauvais. Bien, je regrette beaucoup, je regrette
beaucoup. L'idéal, si c'était possible, c'est que les
pédagogues puissent s'ajuster aux desiderata des parents. Ils ne peuvent
pas le faire parce qu'on doit avoir un moyen terme quelque part, qui s'appelle
le régime pédagogique, mais ce n'est pas une honte que de ne pas
être un pédagogue. Ce n'est pas une honte que de ne pas avoir fait
d'études en pédagogie. Mais, d'avoir élevé des
enfants, c'est déjà quelque chose. Alors, moi, je voulais
souligner cette chose très importante, cette conviction profonde que
nous partageons ici, tous en commun, que l'importance de la langue
française n'est pas mise en doute par un désir qui est
exprimé de la façon dont le projet de loi peut le faire.
On peut en discuter, il y a des choses qui sont peut-être à
modifier, mais personne ne désire empêcher qui que ce soit de
continuer et d'améliorer sa langue maternelle. Et je me sentirais
drôlement embêté qu'on me dise: Un jeune qui sort de
l'école secondaire ou de l'équivalent en Allemagne, en Finlande,
en Suède, en Bosnie réussit à s'exprimer dans un anglais
qui est meilleur que celui que nous transmettons à nos propres enfants
avec les moyens dont nous disposons. Allez donc expliquer ça de quelque
façon! Allez donc expliquer ça! C'est inexplicable. Et le seul
moyen que nous aurons de ne pas nous permettre ça, ça sera les
obstacles que nous nous créerons nous-mêmes. Si nous
décidons de nous en mettre, si nous décidons de nous
empêcher de faire ça, bien, on vivra avec et, pendant ce
temps-là, on aura des Suédois qui s'en iront aux Nations unies et
qui s'exprimeront en anglais, qui seront compris, qui feront partie des
missions internationales. On ne changera rien à ça. Ça ne
nous empêche pas, nous autres, d'avoir l'amour qui est le nôtre, de
pouvoir lire Mar- guerite Yourcenar, de pouvoir admirer Colette, de pouvoir se
retrouver dans Corneille, de pouvoir apprécier Voltaire. Mais il n'y a
pas d'exclusion, là-dedans.
Et quand j'entends le député de Lac-Saint-Jean dire au
ministre, sortir ses éditoriaux... Je tentais de me rappeler et
ça m'est revenu, dans les études que j'ai faites, on nous disait:
Donnez-moi 3 lignes d'un homme et je me charge de le faire pendre. Donnez-moi 3
lignes de n'importe qui d'entre nous et je me charge de le faire pendre. Je
pensais que c'était Voltaire qui avait dit ça. Savez-vous qui
c'est? C'est Robespierre. C'est Robespierre qui a dit ça, et il s'en
servait drôlement. Il ne les faisait pas pendre, il les
«caputifiait», il les décapitait. Il enlevait... Bon...
Des voix: ...
Le Président (M. Doyon): Et c'est encore vrai. Moi, je
suis sûr que vous pouvez sortir des quelques mots que j'ai dits, ici, ce
soir, 3 lignes, que vous allez les grossir suffisamment, que vous allez en
faire une exégèse, que vous allez expliquer qu'est-ce qu'il y a
derrière tous ces mots-là et que je suis prêt pour
l'écha-faud. Donnez-moi 3 lignes d'un homme et je me charge de le faire
pendre, disait Robespierre. C'est encore vrai. Alors, moi, je ne suis pas
impressionné outre mesure de ce qu'on... Quand on s'est commis de
certains écrits qui de nous ne l'a pas fait dans ce que nous
sommes? on peut nous faire tous les procès d'intention. On peut
nous dire que ces quelques lignes qu'on a écrites était le signe
qu'on se dirigeait dans telle direction, qu'on avait déjà telle
conviction et qu'on méritait déjà la mort. Et vous allez
avoir des exégètes... Je vois le député de
Charlevoix qui a enseigné l'apologétique.
Une voix: Faites-le pendre!
Le Président (M. Doyon): L'apologétique. On
était capable de faire l'analyse des écritures et on était
capable de leur faire dire à peu près tout ce qu'on voulait, tout
ce qu'on voulait! Et on avait la conviction, tous et chacun, que c'était
la vérité. Donc, regardons les choses. Qui n'évolue
pas?
Une voix: ...
Le Président (M. Doyon): Non, je finirai quand je finirai.
Il y a assez que je vous ai, vous, à l'Assemblée nationale.
Pendant que je suis président, c'est moi qui mène, à soir.
Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Non, non, non. Ne vous trompez
pas! C'est pas... Vous vous trompez beaucoup, là. Il n'y a pas de vino
là-dedans.
M. Boulerice: Quel dommage! Notre collègue apprécie
tellement cette richesse naturelle de l'Italie!
Le Président (M. Doyon): Non, non. Il n'y a pas de vino
là-dedans. À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, ce que je vous dirai,
à titre de conclusion, pas que j'entends convaincre qui que ce soit,
mais je pense qu'il y a des sons de cloche qui... Quand bien même
ça serait simplement pour entendre sa propre cloche, de temps en
temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Ce n'est pas la chose la plus
défendue et je sais que le député de Sainte-Marie est un
spécialiste en la chose. Alors, je sais qu'il va me comprendre.
M. Boulerice: Ah! Vous m'avez précédé et
j'ai bien appris. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Je sais qu'il va me comprendre,
mais de dire que quelqu'un a dit telle chose, à tel moment de sa vie, et
qu'il s'en va dans telle direction pour le restant de ses jours, je pense qu'il
s'agit là d'une généralisation qui est un peu trop
simplifiée. Et ce n'est pas comme ça que ça marche. Moi,
j'ai changé d'idée plusieurs fois, dans ma vie. J'ai pensé
que c'était comme ça que ça marchait. Je me suis
aperçu que ce n'était pas tout à fait ça et je me
suis rajusté. Puis, ça, ça s'appelle se servir de sa
tête et se servir de sa boussole et avoir une carte et de savoir
où on va. Puis de trouver les objectifs qui sont les nôtres. Il
n'y a rien de scandaleux à regarder le chemin et à prendre le bon
quand on s'aperçoit qu'on n'est pas dans celui où on devrait
être. Et de continuer dans celui qu'on pensait le bon, il n'y a rien de
mal non plus, mais ça ne prouve rien. Moi, je souhaite, ici à
cette commission... Et, comme président, vous pouvez être
assurés de ma plus stricte neutralité. Je vais tout simplement
vous écouter. (20 h 50)
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Je n'ai pas l'intention
d'intervenir plus que je ne le fais actuellement. Mais il n'y a pas
d'anathème ici qui puisse être cru, qui puisse être
crédible. Il y a des gens de bonne volonté qui pensent une chose,
il y en a d'autres qui pensent autre chose. Il n'y a personne qui est arrogant
envers qui que ce soit quand il dit: Je pense que vous avez mal compris le
projet de loi. Si vous regardez l'article, ce n'est pas tout à fait
ça. Ce n'est pas être arrogant, ça, c'est se
référer au texte. Et on peut ne pas être d'accord avec
ça. Mais, si on ne peut pas dire ça dans une discussion
parlementaire, on va dire quoi? On va acquiescer, on va parler de la pluie et
du beau temps, alors qu'on ne s'entend même pas là-dessus, en tout
cas sur celui qu'il va faire demain.
Alors, M. le ministre, Mme la députée et chers
collègues, je voulais tout simplement ne pas jouer la comédie, ne
pas avoir un dédoublement de personnalité. Celle que j'ai dans le
salon bleu et celle que j'ai ici c'est la même, sauf que les
règlements qui me gouvernent sont tels que je les appliquerai avec la
plus stricte neutralité. Si vous avez des plaintes, je vous
écouterai et j'essaierai de corriger si jamais je me suis trompé.
M. le ministre, vous voulez dire quelque chose.
M. Jolivet: M. le Président... Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Jolivet: Si vous me permettez une question, parce que c'est
son droit de parole. Est-ce que vous me permettez une question?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: O.K. Vous avez dit, tout à l'heure, que vous
étiez un homme qui aimait beaucoup regarder la télévision,
si j'ai bien compris. Et, dans ce contexte-là, vous avez l'occasion fort
souvent de regarder le journal télévisé «Le
Point». Et avez-vous souvent remarqué que, lorsque nous avons des
professeurs d'université ou des gens des États-Unis, souvent ils
nous répondent en français aux questions posées en
français et que, dans certaines circonstances et plus souvent
qu'autrement, quand nous avons des gens de Toronto, nous avons des
écritures en français en bas plutôt qu'une parole en
français? Avez-vous remarqué ça?
Le Président (M. Doyon): Oui. Je vous dirai
là-dessus, étant donné que vous me posez la question, que
les gens qui sont invités au «Peint» sont invités en
fonction de la capacité qu'ils ont de communiquer avec ceux qui les
regardent et qui les écoutent. Qu'est-ce que vous voulez?
M. Jolivet: Mais vous avez dit que Ismana... Le
Président (M. Doyon): Jasmina... M. Jolivet: Jasmina.
Le Président (M. Doyon): ...qu'elle s'appelait. Jasmina
était une jeune fille qui était sujette à un malheur.
C'était comme le tonnerre qui avait tombé sur elle. On ne l'a pas
choisie, là. C'était la foudre qui l'avait choisie. Et on a
interviewé quelqu'un sur qui la foudre avait tombé, donc sur qui
le malheur avait tombé. Tout ce que je voulais vous souligner, M. le
député, au cas où ça vous aurait
échappé... Je vais recommencer 2 secondes, M. le ministre, parce
que je sais que vous voulez... Tout ce que je voulais vous dire, c'est que je
ne suis pas certain que le même malheur, la même foudre, le
même tonnerre ayant tombé sur une petite fille de 11 ans de votre
comté, frappée par le malheur, elle aurait pu répondre en
anglais: «My father is a
prisoner. He is in jail, now. I just want to see him. I just want him to
know that I love him.» Combien de vos petites filles qui auraient pu dire
ça, à brûle-pourpoint, ne sachant pas qu'elles seraient
choisies parce que ne sachant pas que la foudre, le tonnerre leur tomberait
dessus? C'est ça que j'ai voulu dire. M. le ministre.
M. Jolivet: O.K. Merci.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je voudrais peut-être
faire quelques commentaires sur les choses que j'ai entendues ce soir. Tout
d'abord, je pense que nous entamons notre travail à un rythme qui n'est
porteur d'aucune précipitation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: D'autre part, je ne sens pas d'acrimonie
particulière dans les interventions. Je pense que c'est un heureux
alliage qui, augure bien pour les heures à venir. Je me réjouis
de ça. Je pense que, si nous pouvons garder le ton civilisé qui a
caractérisé les interventions jusqu'à maintenant, ce sera
autant de pris.
Je me permettrais, dans le même climat, de faire peut-être
quelques observations sur le fond des interventions que j'ai entendues, tout en
rappelant qu'il se fait souvent, à ce stade-ci, des travaux dans une
commission. Et l'Assemblée nationale, dans sa souveraineté, s'est
prononcée en faveur du principe du projet de loi 86. Par
conséquent, on peut bien émettre de nouveau les mêmes
opinions qu'on a émises à un stade antérieur, mais je
pense que ceux qui le font savent très bien que ça ne peut pas
changer la décision de l'Assemblée nationale. Nous sommes
disposés à les écouter quand même. Il n'est pas
question de ça. Mais, ça, il y a une décision qui a
été prise puis, du côté du gouvernement, nous
essayons d'aller plutôt en avant, à partir de maintenant, une fois
le principe acquis. Nous avons hâte de pouvoir étudier les
modalités qu'il y avait dans le projet de loi 86.
Cela étant dit, je voudrais seulement faire quelques remarques
sur l'ensemble des interventions. Il y a une chose qui me frappe. Moi, je suis
ces questions-là depuis très longtemps je pense bien
depuis une quarantaine d'années et il y a 2 choses qui me
frappent. Tout d'abord, il y a 2 écoles foncièrement
différentes au Québec en tout ce qui regarde notre destin. Je
pense que, de part et d'autre, nous sommes également attachés au
caractère français du Québec puis à la
nécessité de lutter pour le maintenir. Mais lorsque arrive le
choix des moyens, lorsque arrive l'appréciation des défis
auxquels nous faisons face et, surtout, les décisions concernant la
manière dont nous devons faire face à ces défis,
là, il y a des différences profondes qui subsistent depuis les
tout débuts de la Fédération canadienne. Même avant,
ils ont commencé à se manifester dès le milieu du
siècle dernier et ont toujours duré.
Le plus bel exemple qu'on puisse en trouver, je pense qu'on le retrouve
au début de l'Acte d'union. Au début de l'Acte d'union, plusieurs
francophones, dès cette époque-là, ne voulaient aucunement
entendre parler d'une participation à un gouvernement formé en
vertu d'une législation qui était hautement contestable du point
de vue québécois, du point de vue du Bas-Canada d'alors. À
ce moment-là, il y avait Hippolyte LaFontaine, Louis-Joseph Papineau. On
les a tous les 2 dans l'Assemblée, ici; un dans un salon, puis l'autre
dans l'autre.
Louis-Joseph Papineau a choisi la voie du rejet qui était une
voie de repli sur soi je pense qu'il faut le dire. Puis le repli sur soi
entraîne souvent l'autre extrême, c'est-à-dire le
désir de se jeter dans un gouffre beaucoup plus large. Assez
curieusement, Louis-Joseph Papineau, après avoir été
séparatiste, a fini par devenir annexionniste aux États-Unis.
Ensuite il est revenu ici; il a traîné son existence
jusqu'à la fin. Il n'a pas été capable de se
définir clairement.
Tandis qu'Hippolyte LaFontaine, dès le début,
c'était un homme modeste, un homme froid, rationnel, qui n'avait pas le
brio de Louis-Joseph Papineau mais qui s'est dit: on est placé avec ces
gens-là pour vivre avec eux et un régime qui doit être le
nôtre, nous n'avons pas le choix. Le seul choix qu'on avait à ce
moment-là pour rejeter le régime, c'était de prendre les
armes. On a essayé en 1837-1838. La population ne suivait pas. On peut
bien dire que ce sont les Anglais, le clergé, puis tout, mais la
population, de manière générale, ne suivait pas.
L'insurrection a échoué lamentablement puis ça a fini par
la déroute, même.
Puis LaFontaine, qui a participé à ces
mouvements-là, qui avait participé, a décidé de
prendre le flambeau, prendre le drapeau puis de mener une action positive. Il a
participé aux institutions qui avaient été définies
par le Parlement britannique de l'époque. Ça a été
le pionnier. Il y a tout un courant de pensée qui s'est prolongé
dans le Parti libéral du Québec. Nos origines remontent
là. Nos origines remontent là. C'est un parti qui a une
continuité extraordinaire. Il y avait un mouvement nationaliste
très fort, dont le clergé était la principale inspiration
pendant longtemps, dont le prototype le plus célèbre a
probablement été l'abbé Groulx.
L'abbé Groulx, moi, j'ai suivi ses cours quand j'étais
plus jeune. Puis on nous amenait à suivre ses conférences au
Gesù, là. Très important. Ça faisait partie de la
formation nationale qu'on nous donnait. Il nous enseignait surtout des dangers
qu'on courait dans le monde américain. Il avait un grand amour de sa
race, comme on disait à l'époque, c'est sûr, mais,
dès que c'était quelque chose d'autre, il avait un réflexe
plutôt de crainte, de rejet, à tout le moins de très grande
circonspection. Je me rappelle, un jour, il m'avait écrit. J'avais
écrit un article dans Le Devoir pour le défendre contre
des attaques dont il avait été l'objet dans le Montreal Star
de l'époque. J'avais dit: Moi, je ne suis pas de l'école de
M. Groulx. Puis il n'était pas pour ma nomination au Devoir, du
tout. Il trouvait que j'étais un
gars bien dangereux. Un peu comme le Parti québécois
d'aujourd'hui. Bien, d'après ce que j'ai entendu ces jours-ci, puis
là je l'ai vraiment entendu de mes oreilles. Je n'ai pas besoin
d'identifier de noms, à peu près tout le monde l'a fait. Puis je
n'en veux à personne. (21 heures)
Alors, je l'avais défendu vigoureusement dans Le Devoir.
Puis il m'a écrit une lettre me disant: Vous savez,
j'apprécie énormément. Surtout venant de vous, je ne
m'attendais pas à ça du tout. Je vous en remercie. Mais il a dit:
Je tiens à vous dire, avec ces gens-là, je pense qu'il n'y a rien
à faire. Avec les Anglais, il n'y avait rien à faire. Une fois,
on raconte qu'il était allé au Faculty Club à
l'Université McGill. Il était un peu perdu, parce qu'il n'allait
pas là souvent. Il est arrivé dans le vestiaire et il cherchait,
et il était tout seul. Tout d'un coup, il a vu un paletot qui
était là et il y avait un devoir qui dépassait. Il s'est
dit: Je suis correct, Esdras Minville est ici, je ne serai pas tout seul. C'est
la crainte qu'on a eue souvent d'être tout seul dans ce vaste monde. Et
le Parti libéral, il a eu des hauts et des bas, lui aussi, mais,
fondamentalement, son approche était plutôt de faire face, d'aller
au devant. Ça comporte des risques. C'est évident qu'il y a une
certaine témérité là-dedans, il n'y a aucune
sécurité qui est assurée dans cette approche.
Deux grands courants qui se sont manifestés continuellement
à travers l'histoire sont respectables tous les deux. L'un ne peut pas
être au pouvoir tout le temps, l'autre non plus. Ils se remplacent,
chacun apporte sa contribution à l'édification de la maison
commune et les choses continuent, et, en général, on essaie de ne
pas détruire ce que l'autre a fait, mais de le perfectionner. Ça,
quand j'entends les propos de votre côté disant: On va tout
chambarder ça quand on va revenir, je n'aime pas ça. Nous autres
mêmes, nous n'avons pas démoli la loi 101. Contrairement à
ce qu'on dit, nous l'avons maintenue depuis 5 ans. Je pense que nous l'avons
appliquée loyalement loyalement et là nous essayons
de l'améliorer.
Le député de Lac-Saint-Jean a cité des passages de
moi je n'ai pas vérifié ça récemment, parce
que je ne passe pas mon temps à me mirer dans mes écrits
passés, parce que ça occuperait mes journées
entières et je pense que les passages qu'il a cités
pas parce que j'aimerais ça, mais parce qu'il y en a beaucoup me
semblent justes. J'ai toujours mis les libertés personnelles avant les
libertés collectives. Il arrive, des fois, qu'il faut faire un choix en
faveur d'une liberté collective, mais, de façon
générale, toute ma carrière a été dans ce
sens-là. Moi, j'ai toujours dit: Le fondement des libertés
collectives, ce sont les libertés personnelles. Je pense bien que les
libertés collectives n'existent pas comme un abstrait, elles existent
comme prolongement des libertés personnelles et, dans la mesure
où elles ne les écrasent pas, on peut les concevoir comme tout
à fait légitimes dans certains cas. Alors, ça, c'est le
fond de ma pensée.
En matière d'affichage, c'est vrai qu'il y a une
continuité, c'est vrai, et je ne la nie pas non plus. En matière
scolaire, il vous manque des petits bouts dans vos citations. Je vais vous les
donner, ça va compléter le tableau, parce qu'on fait ça de
manière bien cordiale, sur le ton de l'échange intellectuel. Moi,
j'ai cru longtemps que le critère de base pour l'admission à
l'école, dans une société bilingue comme l'est le Canada,
société qui a 2 langues officielles, le critère le plus
fondamental qu'on puisse trouver objectivement, indépendamment des
programmes de partis, et tout ça, c'est la langue maternelle. Si vous
reconnaissez qu'il y a 2 langues officielles, c'est la langue maternelle qui
devrait être le critère de base. Je l'ai dit encore
récemment, à plusieurs reprises, et je défie qui que ce
soit de me proposer un critère plus fondamental, plus essentiel que
celui-là. On peut bien ajouter des... On ne parle pas
d'épouvantail, on est dans un climat de conversation là. Il n'y
en a pas de plus fondamental que ça, de plus logique. Pourquoi
n'avons-nous pas retenu celui-là ici? C'est parce qu'il est
arrivé une période particulière, on a eu
l'après-guerre, il y a eu l'immigration, et là, comme, de notre
côté, nous étions très exigeants, nous avions des
structures paresseuses qui s'adaptaient difficilement à la
réalité. Nous avons laissé les immigrants s'en aller du
côté de l'école anglaise, et, pour redresser la situation,
il a fallu recourir à des mesures qui sont assez particulières.
Finalement, c'est un critère héréditaire qui
préside au droit d'avoir l'accès à l'école de la
deuxième langue officielle au Québec. Je ne pense pas qu'il y a
personne, dans une démocratie libérale, qui pourrait
prétendre que c'est le critère le plus élevé. C'est
le critère le plus pratique qu'on a pu trouver, parce qu'il n'existait
pas dans cette société la confiance minimum entre les citoyens
que ça aurait pris pour qu'on puisse dire: Toi, tu te déclares de
langue maternelle anglaise, on te prend à ton mot, parce que c'est vrai
ce que tu dis, tu peux aller à l'école anglaise. Il y avait des
milliers de personnes qui disaient: Moi, je suis de langue anglaise, et ce
n'était pas vrai. On a dit: On va trouver un moyen de corriger
ça. Et celui qui est apparu le plus pratique, auquel nous nous sommes
rangés, du côté gouvernemental, pour une période x,
je ne sais pas combien de temps... Et si vous me demandez de faire un acte de
profession religieuse à un critère comme celui-là, je vais
vous dire: Je ne suis pas fou à ce point-là. C'est un
critère pratique, fonctionnel, nous n'en avons pas de meilleur pour
l'instant. C'est tellement vrai que je pense pouvoir dire sans aucune
vantardise que c'est moi-même qui l'ai fait insérer dans la
Constitution canadienne. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec M.
Trudeau, un dimanche après-midi, à ce sujet-là. Je lui
avais dit: II faut que tu trouves quelque chose qui ne viendra pas gêner
le fonctionnement de nos institutions scolaires québécoises, et
c'est entré dans la Constitution canadienne. Je ne révèle
pas de choses, là. Jean-Pierre Proulx a écrit un grand article
sur l'histoire de l'article 23, et c'est dit en toutes lettres
là-dedans. Je ne pensais pas que c'était connu à la
lecture. C'est pour ça que je le cite, parce que c'est un article qui a
paru dans la revue de la Faculté de droit, la Revue Thémis,
je
pense, de l'Université de Montréal. C'est à cause
de ça. Mais tu sais, qu'on vienne dire: Oui, tu as déjà
parlé pour le critère de la langue... Certainement, certainement,
et je suis content, parce que ça fait partie de ce que j'appellerais,
moi, «intellectual credentials», mes lettres de créance
intellectuelle. Mais qu'après ça, comme homme politique... Je me
rappelle que mon parti... Un moment donné, il y avait un comité
qui avait proposé ce critère-là, dans un conseil
général du parti, dès 1979, ou 1980, là, je ne me
souviens pas, après que le livre beige eut paru. Le Conseil
général du parti a dit: On ne veut pas de ça; nous autres,
on veut que les immigrants aillent à l'école française.
Par conséquent, on va retenir le critère, là, de
l'école fréquentée par les parents au Québec.
Après ça, est venu s'ajouter le Canada. Mais ce critère
fondamental a été retenu en 1980, et il a été
gardé par le parti. C'est encore celui qui prévaut maintenant.
Ça a été répété au conseil
général du mois d'avril. Alors, ça, c'est la politique du
Parti libéral. Si, moi-même, comme ministre de l'Éducation,
je ne l'avais pas acceptée, je n'aurais pas été ministre
de l'Éducation 5 ans; j'aurais été assez honnête
pour dire: Je ne peux pas marchec là-dedans. Je pense que le chef du
gouvernement aurait été consistant pour dire: Bien, je ne peux
garder ce gars-là là, parce qu'il veut pratiquer une politique
contraire à la nôtre. Et là on est allé en conseil
général, on a discuté. Moi, si vous me demandez:
Intellectuellement, adhérez-vous à 100 % à tout ce qui a
été adopté là... La politique, je pense que nous
savons tous que ce ne sont pas des actes de foi religieuse qui nous sont
demandés, ce sont des actes d'adhésion pratiques, des actes de
solidarité, qui nous permettent de travailler ensemble, de former une
équipe. Mais, en politique, tu ne peux pas avoir 15 équipes,
là: Quand une société est saine, il y en a deux grandes:
une qui met plus l'accent sur les valeurs que défend le Parti
québécois, chez nous, et une qui met l'accent sur les valeurs que
défend le Parti libéral.
Alors, le projet de loi 86, c'est essentiellement un effort
honnête en vue d'insérer dans une loi...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le ministre.
M. Ryan: ...dont nous conservons... Je vais demander
peut-être quelques minutes pour terminer, M. le Président...
Une voix: Oui, d'accord.
Le Président (M. Doyon): D'accord.
M. Ryan: ...parce que je m'aperçois qu'il n'y a pas de
précipitation. C'est un effort je vous explique ça le plus
simplement possible, en dehors de toute passion je pense que c'est un
effort loyal que nous faisons, de notre côté, pour insérer,
dans une loi que nous ne voulons pas éliminer, des valeurs auxquelles
nous tenons, et auxquelles tient aussi une grande partie de nos compatriotes:
«c'est-tu» 50 %, 75 %, 80 %? vous savez que, moi, je ne fais jamais
de sondages; même quand il y en a, je ne passe pas beaucoup de temps
à les lire. j'essaie d'aller au fond des choses...
M. Jolivet: ... M. Ryan: Pardon? M. Jolivet: Vous
...
M. Ryan: Bien, regardez, chez vous, c'est la même chose,
hein.
M. Jolivet: Non, non.
M. Ryan: Vous le savez, vous avez même des sondeurs qui ont
été...
M. Jolivet: Le pif.
M. Ryan: ...à votre service. Bon. Mais en tout cas, moi,
j'ai le droit à mes préférences; ce n'est pas le genre de
sources auxquelles je m'abreuve beaucoup, ça.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Je juge en fonction de la personne ordinaire, et de la
personne exigeante. En même temps, j'essaie de rencontrer les deux, et
d'écouter, de réfléchir, et j'arrive à ça.
On est arrivé, là; on insère, par conséquent, dans
la législation linguistique du Québec, certains
éléments qui permettent d'y faire circuler un petit peu plus de
l'air de l'extérieur. C'est notre mission, comme Parti libéral,
et je pense que ce que nous faisons...
Il y a un changement important en matière d'affichage, nous le
concédons, et c'est normal que ce changement-là soit celui qui a
retenu davantage l'attention. Nous avons donné les raisons. Je ne
reviens pas là-dessus ce soir, on aura l'occasion d'en parler quand on
arrivera à l'article 17. Nous sommes prêts à l'aborder le
plus vite possible, M. le Président. Mais nous n'éliminons pas,
là, les orientations essentielles de la loi 101, et, si le Parti
québécois allait soutenir que l'affichage, dans la forme
où il était réglementé, était une
donnée absolument essentielle de la politique du Parti
québécois, je pense qu'il se tromperait lui-même, et il
donnerait une mesure de sa taille intellectuelle qui laisserait beaucoup
à désirer. (21 h 10)
C'est tellement vrai que vous avez commencé à
évoluer, depuis quelque temps. Là, vous avez dit: Bien, pour
l'individu, là, pas de problème. On n'entendait pas ça,
jusqu'à ces derniers temps; ce n'est pas ça, le message qu'on a
entendu. En 1988, vous n'étiez pas là, M. le député
d'Anjou, on n'a pas entendu ça du tout. Là, après
ça, on a commencé à dire: Bien, les petites entreprises,
les petites entreprises, peut-être. Mais là, quand
vous êtes en matière de droit, «petite
entreprise» qu'est-ce que c'est? Est-ce que c'est 4 employés, 7,
8, 10, 12, 15? Il y a de la marge pour au moins la discussion. Tout ça
pris en ligne de compte, il y aura toujours des divergences qui vont nous
séparer au chapitre des modalités. Quand nous sommes au pouvoir,
c'est notre responsabilité de faire en sorte que nos
préférences s'expriment dans la législation, avec tous les
contrôles que peut exercer l'Opposition. Que nous le fassions en
écoutant les représentations de l'Opposition, je pense que c'est
absolument essentiel, mais, encore une fois, moi, je vous dis, M. le
Président, c'est ça que nous avons honnêtement
essayé de faire. Je me souviens, il y avait une équipe assez
nombreuse qui m'assistait dans la préparation, puis on avait toutes
sortes de points de vue là-dedans, toutes sortes de points de vue. Et
mon objectif, c'est qu'au bout de l'exercice chacun soit raisonnablement
à l'aise. En cours de route, il y des moments difficiles, on en a eu
dans cette équipe-là. À un moment donné, il y en a
un qui doit se demander: Est-ce que je suis encore à ma place
là-dedans? Alors, des fois, il y a des périodes de
réflexion qui s'imposent, mais, l'essentiel, c'est de finir l'exercice
en s'influençant les uns les autres puis en permettant que
prévalent les valeurs que défend le parti qui représente
la majorité de la population. C'est comme ça que je vois
ça.
Je crois que, si on fait le travail en commission, je pense qu'on sera
surpris, M. le Président, quand on prendra connaissance des
avant-projets de règlement, de constater combien on a
généralisé gratuitement du côté de
l'Opposition, dans le sens de l'exploitation- de la peur. Et, moi, je respecte
la peur, je ne voudrais pas qu'on pense que... Je pense qu'on est tous
habités par des peurs, il n'y a personne qui est exempt de peur dans sa
personne...
M. Joly: Réaliste.
M. Ryan: Oui, mais la peur, on «l'abrie» par des
slogans qui peuvent avoir des chances de réussir, évidemment.
Moi, je respecte, par conséquent les sentiments de peur, mais je trouve
que les hommes et les femmes politiques ont la responsabilité de
s'élever au-dessus de ces sentiments-là pour tracer des chemins
clairs qui regardent en avant, non pas en arrière. On peut avoir une
vision différente des chemins à emprunter, ça, c'est
très bien. Je n'ai pas de problème avec ça, mais quand on
est allé, hier soir, dans une intervention, jusqu'à comparer le
groupe ici aux collaborateurs de Pétain, puis, de l'autre
côté, de Gaulle et son équipe, bien ça, c'est du
ridicule le plus consommé, je pense qu'on en convient tous. On est
capable de mieux que ça comme comparaisons je pense, hein?
Donc, M. le Président, ce sont des réflexions qui
m'habitaient à ce moment-ci et comme les interventions que j'ai
entendues des deux côtés étaient des interventions que j'ai
trouvé intéressantes et respectueuses de la dignité de
chacun, je voulais apporter ma petite contribution à ce moment-ci.
M. Jolivet: Est-ce que je peux poser une question à M. le
ministre, en vertu du règlement?
Le Président (M. Doyon): Oui...
M. Jolivet: Bien, c'est parce que ce n'est pas vous qui
décidez, c'est lui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, mais... Moi je
décide, premièrement si... Ce que je décide, c'est que
s'il y a des questions proprement dites alors qu'on n'est pas à un
débat à l'Assemblée... Si M. le ministre veut
répondre au député de Laviolette, moi, je n'ai pas de
problème, sauf que, quand vous dites que ce n'est pas moi qui
décide, ne vous trompez pas, c'est moi qui décide. Je vous
autorise à poser une question, M. le ministre le permet.
M. Bourdon: C'est «pétainiste» comme
attitude.
Le Président (M. Doyon): Ah non! Par
«pétainiste» du tout.
M. Jolivet: C'est Bolivar.
Le Président (M. Doyon): C'est comme ça. Ha, ha,
ha!
M. Jolivet: M. le ministre accepte? C'est parce qu'il a
parlé de peur. Est-ce que le ministre accepte, dans ce cas-là,
que des gens, lors d'élections ou de référendums, aillent
voir les personnes âgées et leur disent, en leur faisant peur,*
qu'elles perdraient leur pension s'il arrivait tel événement?
Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Ryan: Je n'ai jamais souscrit à cette
approche-là.
Une voix: Moi non plus.
Une voix: Ça ne pose pas de problème.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, est-ce que...
M. Ryan: En 1981...
M. Jolivet: C'est dans les galées, ça.
Le Président (M. Doyon): ...tout le monde est prêt
à aborder l'article 1? Oui, Mme la députée.
M. Ryan: On a qu'à lire les documents qui ont paru sous ma
responsabilité, lors du référendum de 1981...
Mme Blackburn: Et le soir de la victoire.
M. Ryan: ...pour constater que nous mettions l'accent sur le
côté positif du défi que nous présentait
l'expérience canadienne.
M. Jolivet: Moi, je faisais mention à ceux qui, à
votre suite, allaient dans les centres d'accueil de personnes
âgées, dans les âges d'or.
M. Ryan: Ça, regardez, si on veut trouver des excès
démagogiques, il y en a eu des deux côtés. Il y en a eu
énormément de l'autre côté, mais je n'ai jamais
identifié ces excès-là avec les porte-parole de l'autre
formation.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
M. Jolivet: J'en parlerai au député de
Saint-Maurice.
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais déposer
une motion, mais avant j'aurais une question à poser au ministre. Le
ministre a longuement exprimé à la fois son plaisir de voir que
les débats étaient sereins, qu'ils ne semblaient pas
marqués par l'agressivité ou des excès de langage, et il
nous a parlé de collaboration. Je voudrais savoir du ministre: est-ce
qu'il a l'intention, avant qu'on commence l'étude article par article,
de déposer tous les projets de règlement de manière
à ce qu'on puisse faire un travail sérieux et constructif? S'il
est vrai qu'il n'a pas peur de déposer ces règlements et que
ça devrait démontrer à la fois aux parlementaires et sans
doute aux journalistes qui vont s'y intéresser et, par voie de
conséquence, les Québécois et les
Québécoises... S'il veut vraiment faire preuve de la transparence
et de l'esprit de collaboration qu'il est en train de prétendre qu'il a,
bien, je pense qu'il doit déposer les règlements. Je voudrais
qu'il me réponde à cette question; sinon, bien, j'aurai une
motion, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, j'ai déclaré plus
tôt que, lorsque nous aborderons le premier article, je serai en mesure
de déposer les propositions de modification au projet de loi. Et les
projets de règlement, je compte les communiquer à la commission
lorsque nous arriverons aux articles qui traitent des sujets dont il est
question dans ces projets. Je donne un exemple: à l'article 4, qui n'est
pas éloigné, on traite de la langue de l'administration. À
ce moment-là, je communiquerai la teneur de l'avant-projet de
règlement pour qu'on puisse l'expliquer, aussi. Si on met ça sur
la table tout en même temps, ça va faire de la confusion, tandis
que, si on les prend chacun à son moment approprié, on va pouvoir
le situer dans son contexte, l'expliquer comme il faut. Je crois que ça
va être beaucoup plus pédagogique et intéressant.
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais que le
ministre nous laisse en juger. Généralement, on se
débrouille relativement bien et ça me surprendrait que ça
crée beaucoup de confusion. On a à la fois une équipe de
recherche qui est assez compétente en la matière et on est
capable d'assumer cette responsabilité. Si le ministre dit non, M. le
Président, je voudrais donc faire une motion à ce moment-ci de
nos débats.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je ne dis pas non, je maintiens, pour l'instant, ce que
j'ai dit plus tôt et je suis toujours sujet à ajuster mon attitude
en cours de route. Moi, je suis d'une très grande flexibilité, au
plan pratique.
Mme Blackburn: Oui. Mais, M. le Président, j'insiste parce
que, dans le fond, je ne vais déposer qu'une seule motion. Je ne veux
pas, ici... Bon, le ministre a l'air de vouloir prendre ça à son
rythme, de façon assez aisée, prendre le temps, bon. Je n'ai rien
contre, c'est lui qui est le patron ici. C'est vous qui êtes le patron,
mais, finalement, c'est son projet de loi. Ce que je dis, je n'ai qu'une
motion. Je n'ai pas l'intention de prendre des mesures dilatoires. Et dans ce
sens-là, je n'en ai qu'une. Ça prouve le sérieux de
l'Opposition. Nous aurions pu en déposer de nombreuses, et vous le
savez, particulièrement pour entendre les experts. Je n'en ai qu'une.
L'Opposition tient à avoir les règlements de manière
à avoir une vision plus claire. Sinon, nous devrons nous expliquer par
le biais d'une motion. Mais je n'en ai qu'une, et là je ne voudrais pas
qu'on commence à faire courir la rumeur qu'évidemment
l'Opposition avait décidé que... Et je l'ai toujours dit au
ministre, on a l'intention de faire un travail sérieux. Il n'y a pas de
travail sérieux qui se fait si nous n'avons pas les règlements.
Et si le ministre les refuse, M. le Président, je vais faire une
motion.
M. Ryan: Mais là, regardez, je vais demander une
suspension de 5 minutes pour consulter mes collègues, parce que nous
travaillons toujours en équipe, de ce côté-ci, comme vous
le savez.
Une voix: Nous aussi. Une voix: Oui, nous aussi. Des
voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, suspension accordée
pour 5 minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 19)
(Reprise à 21 h 31)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! La commission
de la culture reprend ses travaux après les avoir suspendus, il y a 5
minutes. Alors, j'invite les membres de la commission à bien vouloir
prendre place à la table de nos délibérations.
M. le ministre, quand nous nous sommes quittés, Mme la
députée de Chicoutimi a indiqué qu'elle souhaitait avoir
le dépôt des projets de règlement qui découlaient de
la loi 86, indiquant aussi, de la même venue, qu'il y avait une motion
qui était susceptible d'être présentée
éventuellement, si, comme elle le disait, là, je pense, je ne
voudrais pas déformer vos paroles, si vous n'aviez pas en main les
règlements que vous souhaitiez avoir. Alors, M. le ministre, est-ce que,
suite aux consultations que vous avez faites, vous avez pris une
décision à ce sujet? On attend qu'est-ce que vous avez
décidé de faire concernant les règlements, M. le
ministre.
M. Ryan: Voici, M. le Président.
Une voix: ...
M. Ryan: Pardon?
Une voix: ...
M. Ryan: Regardez, j'aurais une suggestion à vous faire,
en toute bonne foi. Si l'Opposition veut aborder le projet de loi en partant
des articles qui comportent des règlements, moi, je suis prêt,
à mesure qu'on arrive à un article, à déposer
l'avant-projet de règlement au début de la discussion. À
titre d'exemple...
Le Président (M. Doyon): Donc, ça veut dire qu'on
pourrait commencer à l'article 4 dès maintenant?
M. Ryan: À titre d'exemple, on pourrait prendre l'article
4. Pardon?
Une voix: ...
M. Ryan: Je vais vous expliquer pourquoi, là. Du
côté gouvernemental, nous, d'un certain point de vue, n'avons pas
d'obligation envers vous, de ce point de vue. Déjà, ce que nous
mettons sur la table est très convenable, très convenable. Mais
c'est parce qu'il y a une question pédagogique, là-dedans. Il
faut comprendre la réaction des médias et tout, là. Il
faut être réaliste. Si on donne ça tout ensemble, on ne
peut pas le donner à vous autres sans le donner aux médias en
même temps et tout. Pardon?
Une voix: ...
M. Ryan: Pourquoi? Bien, si vous êtes une bonne Opposition,
vous n'accepterez pas de l'avoir si les médias ne l'ont pas, n'est-ce
pas?
Mme Blackburn: Comment? Je ne comprends pas.
M. Jolivet: Vous n'accepterez pas de l'avoir si les médias
ne l'ont pas.
M. Ryan: Moi, je l'ai communiqué à mes
collègues de l'Opposition parce que je sais que je peux me fier sur eux
autres. Mais je ne voudrais pas vous demander ça à vous autres.
Hein?
Le Président (M. Doyon): Les collègues du parti
ministériel.
M. Jolivet: Du gouvernement. Vous avez dit: De l'Opposition. Je
ne les ai pas eus.
Mme Blackburn: Ça va venir, mais ça, c'est autre
chose.
M. Ryan: C'est des vieux souvenirs de lutte. M. Jolivet:
J'y ai bien pensé. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Non, mais c'est parce que je ne veux pas qu'on arrive...
J'ai le droit d'avoir mes précautions en matière de communication
avec l'opinion publique, hein. Je sais comment les choses se font et je ne veux
pas que ça soit présenté tout de travers. Ça fait
que je veux y aller graduellement. Mais, si le processus se déroule
normalement, franchement, ce n'est pas demander beaucoup. Et je suis
prêt, même, à commencer ce soir. Si vous me dites,
même, que...
Le Président (M. Doyon): Vous voulez dire, M. le ministre,
que vous seriez prêt à déposer un projet de
règlement, par exemple, sur un article, disons l'article 4...
M. Ryan: Oui, dès ce soir.
Le Président (M. Doyon): ...avant la fin de nos travaux ce
soir?
M. Ryan: Avant qu'on commence à discuter. M. Jolivet:
M. le Président, sur cette question-là. Le
Président (M. Doyon): Oui, M. le député.
M. Jolivet: Ce n'est pas la demande de notre collègue,
mais je pense qu'on pourrait, peut-être, juste le temps de le regarder,
demander une suspension à notre tour.
M. Ryan: Parfait. Nous autres, on n'a pas d'objection.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que tout le monde est
d'accord? Suspension.
(Suspension de la séance à 21 h 34)
(Reprise à 21 h 35)
Le Président (M. Doyon): On reprend nos travaux pour un
instant.
Mme Blackburn: Une clarification. Est-ce que le ministre nous dit
que, s'il y a 4, 5, 6 articles sur lesquels il y a des règlements, il va
les déposer tout de suite, de manière à ce qu'on puisse
les examiner, ou s'il veut le faire seulement article par article? Ça
va. Suspension?
M. Jolivet: Avant d'aller plus loin, peut-être avant de
prendre une décision, le ministre, au lieu d'agir de cette
façon-là... Puisque la demande de ma collègue était
à l'effet de les déposer en vrac, est-ce que le ministre, dans ce
contexte-là, pourrait dire: Nous allons les déposer? Et, pour lui
permettre justement ce qu'il veut au niveau des médias, être le
seul à expliquer, il pourrait, ce soir, les prendre un par un et nous
les expliquer en vertu des articles et on pourrait après ça,
nous, dire: On fait une suspension et on étudie la question. Ça
pourrait avoir pour effet de répondre à son inquiétude.
Son inquiétude, c'est qu'il veut être le seul et c'est
normal, il n'y a rien d'anormal à ça à les publier
aux médias.
M. Ryan: Les présenter.
M. Jolivet: Par le phénomène de cette explication,
au fur et à mesure, les déposer en vrac à ce
moment-là. Mais il peut les déposer un par un sans qu'on
étudie nécessairement l'article pour le moment. Mais ce que ma
collègue vous donne comme garantie ça peut même
devenir un ordre de la commission, si vous voulez; c'est bien spécial,
ça n'existe pas, c'est un ordre de la Chambre normalement elle
dit: C'est la seule motion que j'aurai si le ministre les dépose en
vrac, les explique. Puis, après ça, on débute par
l'article normal 1 puis on fonctionne. Moi, je pense que ça pourrait
être un compromis valable.
M. Ryan: Mais, là, ce n'est pas la même chose.
Ça veut dire que ça s'en va dans les médias sans aucune
espèce...
M. Jolivet: Non, mais c'est vous qui allez expliquer, là,
ce soir, un par un, la teneur de chacun. Vous allez contrôler
l'information.
M. Ryan: Non, ce n'est pas comme ça que j'ai vu
l'affaire.
M. Jolivet: Non? Bon, dans ce cas-là, on va demander la
suspension.
M. Ryan: La proposition est faite, là. Nous sommes
prêts à commencer avec l'article 4, tout de suite en partant, puis
déposer l'avant-projet de règlement pour qu'il fasse partie des
choses qu'on va discuter. Évidemment, étant bien entendu, M. le
Président, qu'il s'agit d'avant-projets qui n'ont pas reçu
l'approbation du gouvernement encore, comme je l'ai expliqué cet
après-midi, et que, par conséquent, à plus forte raison,
je ne soumets pas à l'approbation de la commission, évidemment.
Mais c'est du matériel d'information pour que la commission puisse mieux
mesurer la signification et la portée des articles concernés du
projet de loi. Et si, plus tard j'ajoute ce point-ci, c'est un point que
je n'avais pas dit lorsque le gouvernement aura approuvé le
projet de règlement, qu'il aura été publié dans la
Gazette officielle du Québec, puis que, là, les
députés demandent que la commission se réunisse pour les
examiner, je n'aurai pas d'objection à le faire.
M. Jolivet: ...la prépublication, là.
M. Ryan: Oui. Je n'aurai pas d'objection à le faire. Je
collaborerai à la réalisation de ce désir.
M. Jolivet: Suspension.
M. Ryan: O.K.?
Le Président (M. Doyon): D'accord. Suspension est donc
accordée. Est-ce que vous pensez avoir assez de 5 minutes?
M. Jolivet: Un large 5 minutes.
Le Président (M. Doyon): Un large 5 minutes.
Suspension.
(Suspension de la séance à 21 h 38)
(Reprise à 21 h 51)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si les gens qui sont à l'arrière veulent prendre
place sur les sièges, s'il vous plaît. S'il y a des conversations
à être tenues, je vous prie de les tenir à
l'extérieur, s'il vous plaît, en arrière.
Des voix: ...
Le Président (M. Doyon): Ça ménage la
corde.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Ce n'est pas comme Éric Dorion. Il en a un peu
plus, lui.
Des voix: ...
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux et, maintenant, Mme la
députée de Chicoutimi me demande la parole. Mme la
députée, vous avez la parole.
Mme Blackburn: Oui, M. le Président. On a examiné
la proposition faite par le ministre mais, dans les circonstances, et compte
tenu qu'il a en main ces règlements, ça nous semble difficilement
acceptable. Donc, je voudrais faire motion. Je vous expliquerai pourquoi la
proposition nous semble, à ce moment-là... Si, évidemment,
la motion est aceptable.
Le Président (M. Doyon): Vous voulez faire lecture de
votre motion, s'il vous plaît?
Motion proposant le dépôt des projets de
règlement
Mme Blackburn: Oui. Alors, je fais motion: «Que cette
commission souhaite que le ministre responsable de l'application de la Charte
de la langue française mette à la disposition des membres, avant
le début de l'étude article par article, une copie de l'ensemble
des projets de règlement concernant l'application du projet de loi 86,
Loi modifiant la Charte de la langue française, et ce, dans le but de
faciliter l'étude détaillée dudit projet de
loi.»
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. Je suis prêt à vous entendre sur la
recevabilité de cette motion.
Mme Blackburn: Plusieurs organismes l'ont exprimé,
plusieurs organismes ont, là-dessus, attiré l'attention du
ministre et la nôtre, il s'agit d'un projet de loi qualifié de
projet de loi-cadre où, dans cette perspective, les règlements
prennent une importance majeure. Examiner un projet de loi de cette nature sans
avoir en main les projets de règlement, ça nous apparaît
tout à fait inacceptable et, je dirais, ça ne fait pas
très sérieux.
Si le ministre nous avait dit: Je n'ai pas les projets de
règlement, je suis incapable de vous les...
M. Brassard: Est-ce que c'est sur la recevabilité? Vous
n'avez pas jugé encore recevable, la motion?
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Doyon): Non, non, je veux l'entendre mais
là, je n'ai pas l'intention de faire de la
«procédurale». J'aimerais vous entendre sur la
recevabilité de la motion comme telle.
Mme Blackburn: Alors, j'y reviens donc. Comme il s'agit d'un
projet de loi-cadre, et ce n'est pas moi qui l'ai dit, le Conseil du patronat
estime qu'une telle loi, où les principes sont inscrits dans les
règlements et non pas dans la loi, où les exceptions sont
prévues aux règlements et non pas dans la loi, il est
évident qu'on ne peut pas faire un travail sérieux d'analyse d'un
projet de loi, sans avoir en main les projets de règlement, et, à
l'unanimité, je vous dirais, les organismes qui se sont penchés
sur cette question, nous ont dit qu'on ne pouvait mesurer...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée, je
suis obligé de vous interrompre pour vous souligner que, sur la
recevabilité, ce dont j'ai besoin d'être convaincu, au moment
où nous nous parlons, c'est, premièrement, par exemple, que cette
motion sans vouloir vous mettre les mots ne va pas à
rencontre du projet de loi, etc. Ce n'est pas sur le fond, on y viendra plus
tard.
Mme Blackburn: Bien, ça ne coûte rien. Le
député de Laviolette...
Le Président (M. Doyon): Si vous avez des arguments
à me faire valoir, pourquoi la motion est recevable, je suis prêt
à vous entendre, mais, sur le fond, on est pas rendu là.
M. Jolivet: Parfait. Alors, je peux le faire, M. le
Président, à moins que quelqu'un d'autre le fasse...
Le Président (M. Doyon): Non, non, je suis prêt
à écouter.
Débat sur la recevabilité
M. Jolivet: O.K. Donc, .M. le Président, ce n'est pas la
première fois que vous avez l'occasion de présider, et vous avez
eu, à plusieurs occasions, des motions proposées comme telles. On
connaît les articles du règlement, des règles de
procédure, les articles 154, 158, 185, 186, 187 et 188 qui nous
indiquent qu'un député peut déposer toute motion durant
une commission parlementaire. Donc, cette motion qui est proposée
respecte les décisions qui ont été rendues soit par le
président de l'Assemblée nationale, lors d'une décision
à l'Assemblée nationale, où le député de
Laval-des-Rapides, alors qu'il était président de la commission
de l'économie et du travail, à l'époque, plutôt de
la CAS qu'on appelle, la commission des affaires sociales, où,
effectivement, ce que nous demandons, et vous le lisez bien en disant que:
Cette commission souhaite donc, ce n'est pas un ordre, et comme c'est un
souhait, c'est recevable que le ministre responsable de l'application de
la Charte de la langue française mette à la disposition des
membres, avant le début de l'étude article par article
donc, c'est le moment où il faut le faire puisque c'est une motion
préliminaire une copie de l'ensemble des projets de
règlement. On ne dit pas «des règlements», parce
qu'on sait qu'ils n'existent pas. On parle des projets d'ailleurs, c'est
ce dont le ministre nous a
fait mention qui concernent l'application de la loi 86, et
ça, dans le but de nous aider à faire la meilleure étude
possible, étude article par article du projet de loi.
Alors, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que je
pourrais vous citer les précédents qui concernent les motions
comme telles, qui ont été acceptées, mais je sais votre
très grande connaissance du règlement, pour savoir que cette
motion ne vise pas à empêcher l'exécution de l'ordre de
l'Assemblée de procéder à l'étude
détaillée article par article du projet de loi ou même de
retarder le passage à cette étape. Donc, elle vise, dans son
essence, à faire en sorte que le ministre fournisse un outil de travail
essentiel à la bonne exécution, par les membres de la commission
parlementaire, du mandat qu'ils ont reçu de l'Assemblée. Donc,
dans ce cas-là, M. le Président, je vous suggère, bien
humblement, que cette motion est recevable.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, de ce
côté-ci, nous n'avons pas d'intérêt à discuter
de la recevabilité de la motion, et nous allons parler sur le fond de la
question.
Décision du président
Le Président (M. Doyon): Alors, très bien. Il est
clair qu'une motion de telle nature est une motion qui va dans le sens de
permettre de connaître plus à fond le projet de loi. Elle ne va
pas à rencontre de l'objet du projet de loi, elle ne vise pas à
toucher une autre loi que celle qui est sous étude, elle ne vise pas
à corriger des écritures antérieures ou quoi que ce soit.
Dans les circonstances, je considère cette motion comme recevable.
Mme la députée.
Débat sur la motion Mme Jeanne L.
Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
prendre la demi-heure, je pense, qui m'est impartie dans une telle
circonstance, à l'occasion d'une motion. Ce que je voudrais dire au
ministre: Le ministre justifie le refus de donner les règlements en
totalité en invoquant le fait que ça demande des explications,
que, pédagogiquement, il serait difficile de comprendre l'ensemble,
d'avoir tous ces projets de règlement, ça risquerait de
créer de la confusion, et il nous propose d'examiner et dites-moi
comment ça n'engendrerait pas de la confusion le projet de loi en
commençant par les articles sur lesquels il y a un projet de
règlement. On me dit: 4, 17 et ainsi de suite. Et on nous dit que,
là, ça ne sera pas susceptible de créer de la confusion.
Moi, je ne pense pas, très sérieusement, si on veut faire un
travail sérieux, constructif, efficace, il n'est pas vrai qu'ici on va
travailler en prétendant qu'on n'a pas la formation ou l'information qui
nous permettrait d'apprécier le projet de loi dans son ensemble et, y
compris, les règlements en leur totalité. (22 heures)
Si le ministre m'avait dit: Écoutez, ils ne sont pas vraiment
tous prêts, ils ne sont pas prêts, les règlements; on n'est
pas disposé à vous les donner tout de suite parce que, de toute
façon, mes fonctionnaires y travaillent encore, on aurait pu comprendre.
Mais là, ce qu'il nous dit, c'est que pédagogiquement, lui, selon
sa perception, on n'est pas équipés pour apprécier
nous-mêmes. Moi, je ne pense pas que ça soit un argument qui soit
valable, pas plus que cette idée qu'on pourrait examiner les projets de
loi en prenant un certain nombre d'articles sur lesquels il y a des projets de
règlement; parce que cette loi, je pense bien, et le ministre le
reconnaîtra facilement, c'est un tout, ce n'est pas une loi qu'on peut
apprécier au cas par cas, pour l'exprimer comme le faisait le Centre de
linguistique de l'entreprise. Moi, je pense que la loi mérite
d'être appréciée dans son ensemble, les articles,
interprétés les uns par rapport aux autres. La même chose
pour les règlements: Si on veut connaître la portée d'un
règlement... Il est vrai qu'un règlement sur l'article 4 porte
sur la langue d'administration, si je ne m'abuse; cependant, notre façon
d'évaluer ce que ça pourra vouloir dire par rapport à
l'article 17, ou encore ceux qui portent mais je pense que,
vraisemblablement, on ne les aura pas sur la langue d'enseignement, je
pense qu'il faut être en mesure d'apprécier de façon plus
globale le projet de loi, avec les règlements les
interprétant.
Je voudrais rappeler au ministre que la très grande
majorité des organismes qui se sont prononcés ici, en commission
parlementaire, sur cette question, ont déploré ne pas avoir en
main les projets de règlement, et y compris le Conseil du patronat. Je
voudrais rappeler au ministre ce que nous disait le Conseil du patronat sur
cette question, et il était particulièrement
sévère. Pourtant, vous reconnaîtrez avec moi que le Conseil
du patronat, il n'était pas très, très enclin à
pencher du côté de l'Opposition. Pourtant, à la page 6 de
son mémoire, il disait: «Certaines interrogations. Le projet de
loi 86 nous force, finalement, à nous interroger sur trois
éléments de son contenu: le pouvoir réglementaire que se
donne le gouvernement, le pouvoir de contrôle de l'application de la
Charte qu'il se confère et l'abrogation de l'article 44.» Et, en
ce qui a trait au pouvoir réglementaire, il disait, et je cite:
«Nous sommes toujours très mal à l'aise lorsqu'il nous faut
juger d'une loi sans en connaître les grands pans, ceux-ci devant
être éventuellement précisés par les
règlements.» Et, à l'occasion d'une conférence de
presse qui précédait le dépôt de son projet de
règlement, le Conseil du patronat du Québec disait, et c'est
rapporté, le 24 mai 1993, dans La Presse, et c'est titré, sous la
plume de Jean-Paul Soulié: «Les gens d'affaires se méfient
de la réglementation et de Ryan.» Pour l'essentiel, ce qu'il
disait: D'abord, les membres du patronat se disent profondément contre
une loi-cadre; ils se méfient de la
réglementation à venir plus tard, et on se demande
comment, et sans savoir comment seront traités les grands panneaux
publicitaires Médiacom. Cette réglementation et ces
détails ne doivent pas être laissés entre les mains du
ministre responsable. Le Conseil du patronat est venu nous expliquer que
ça posait à la fois des problèmes de confusion,
d'ambiguïté et, nous disait-il, ça pourrait mener, dans une
certaine mesure, à l'arbitraire.
Alors, il continuait: «Tel est l'embarras dans lequel nous place
le projet de loi 86, et notamment l'article 17 qui stipule que le gouvernement
peut déterminer par règlement les cas, les conditions ou les
circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale
doivent se faire uniquement en français ou peuvent se faire sans
prédominance du français ou uniquement dans une
autre...»
Et ce que nous dit le Centre de linguistique, c'est sensiblement la
même chose. Le Centre de linguistique du Québec dit: C'est une
loi-cadre qui donne trop de pouvoirs réglementaires et qui ne nous
permet pas d'apprécier les effets de cette loi, puisque les exceptions
ne sont pas prévues, tel que c'est généralement la
règle, dans la loi, elles sont prévues dans les
règlements. Et le Centre de linguistique admettait que, dans cette
circonstance, un projet de loi, surtout le projet de loi touchant la langue,
ils auraient préféré une formulation qui reconnaisse
effectivement que la Charte de la langue française fait du
français la langue nationale, la seule langue officielle, quitte
à indiquer les quelques exceptions dans la loi. C'est vous dire
l'importance que revêtent ici, pour un examen sérieux du projet de
loi, les projets de règlement.
Le ministre craint qu'on interprète mal ses projets de
règlement, parce que, sans doute ce qu'on appelle le perroquet
sûrement qu'il y a des gens qui suivent les travaux ici, de cette
commission, et ils risqueraient de mal les interpréter. Mais est-ce que
je peux dire au ministre que, de toute façon, il va falloir qu'il les
teste, ses règlements, tantôt? Est-ce qu'il laisse tant de place
à l'interprétation que ça puisse créer la confusion
qu'il appréhende? Moi, je me dis que ce n'est pas vraiment très
sérieux. Je pense qu'il veut lui-même alimenter et orienter la
perception ou la réception qu'on fera de ses règlements. Moi, je
pense que la façon qu'il nous propose de procéder, à
savoir qu'on examine les articles en commençant par ceux qui font
l'objet de règlements et là on pourrait trouver 7, 8, 9 ou
10 articles comme ça, on grapillerait tout le long du projet de
loi. Je ne pense pas que ce soit une façon sérieuse de
travailler. Je pense que vous l'admettrez avec moi, d'autant que le ministre
nous annonce qu'il y a quelque 17 modifications, 17 amendements. Comment
voulez-vous que l'on puisse apprécier de façon sérieuse,
de façon efficace et de façon plus globale, le projet de loi, ses
orientations et ses effets sur la présente législation, si on n'a
pas en main les projets de règlement?
Quand Gérald Godin a déposé un projet de loi
modifiant la Charte de la langue, en 1983, il a, en même temps,
déposé les projets de règlement. Les organismes que nous
avons entendus auraient souhaité avoir en main les projets de
règlement lorsqu'ils sont venus en commission parlementaire, ils s'y
attendaient. Et je voudrais vous rappeler que, pas seulement les organismes
issus de tous les milieux, Alliance Québec voulait avoir les projets de
règlement, le Parti Égalité, le Conseil du patronat, le
Mouvement national des Québécois, le Parti
québécois, le Centre de linguistique de l'entreprise, pour n'en
nommer que quelques-uns. Évidemment, si nous avions reçu et
entendu les différents organismes de jeunes qui ont tenu une
consultation parallèle, vous auriez pu constater qu'eux aussi
s'inquiétaient de deux choses: l'ampleur des pouvoirs
réglementaires que s'appropriait le ministre, de même que
l'absence de règlements au moment où on nous demandait
d'apprécier le projet de loi.
Le Centre de linguistique de l'entreprise va beaucoup plus loin. Il dit:
Pour plusieurs, l'objectif de la législation semble s'être
déplacé vers l'affirmation du Québec comme
société bilingue. Si ce n'est pas vrai, il faudrait
peut-être le comprendre. Les règlements nous permettraient
peut-être de dire: Ce n'est vraiment pas ça, le glissement. Ce
n'est vraiment pas ça, l'objectif du projet de loi.
Parlant de l'affichage public, il disait: L'affichage public
nécessitera des règles d'application très claires de la
part du gouvernement, et la loi devrait exprimer, de façon plus
convaincante, la présence obligatoire du français dans toutes les
circonstances de l'affichage public et de la publicité commerciale, soit
de façon exclusive ou prédominante. Quant aux éventuelles
exceptions, elles devraient être justement des exceptions et non pas un
principe de la loi.
Quand un organisme... On ne peut pas le qualifier d'un organisme qui est
souverainiste, qui est nationaliste, qui est péquiste. C'est un
organisme qui travaille exclusivement à aider les entreprises à
se conformer aux différentes dispositions de la Charte et à leur
fournir les outils en conséquence. Le Centre de linguistique disait:
Nous ne pouvons émettre d'opinion plus élaborée quant aux
conséquences pratiques du projet de loi 86 sur les considérations
que nous avons faites dans ce mémoire sans connaître le contenu
des projets de règlement ou des règlements projetés, pour
reprendre la formulation exacte.
Moi, je n'en aurais pas plus que ça à dire. Je pense qu'on
ne peut pas apprécier cette loi sans avoir en main les
règlements. Vous admettrez avec moi que c'est un peu suspect que le
ministre considère que, pour des raisons pédagogiques
j'aime bien son expression il ne mettra pas dans les mains des enfants
que nous sommes tous ses projets de règlement. C'est nous
considérer un peu comme des incapables d'évaluer et
d'apprécier un projet de règlement. Pourtant, tout à
l'heure, je l'écoutais, avant qu'on ne reprenne les discussions,
qualifier notre conseiller juridique de personne compétente et
particulièrement avisée en ces matières, et là nous
ne le serions plus. Nous ne le serions plus pour apprécier le projet de
règlement. Pourtant, c'est la
même personne qui est notre conseiller, qui est compétent
aux yeux du ministre, mais là on est des pas bons. Alors, moi, je me dis
qu'il y a comme quelque chose d'un peu suspect là-dedans. (22 h 10)
Je le rappelle, la totalité des organismes qui se sont
prononcés sur cette question ont invité le ministre à
faire connaître ses projets de règlement. Ce n'est pas vrai qu'il
a dit qu'il fallait fonctionner à la graine et au cas par cas. Le
ministre dit: Évidemment, on a écrit beaucoup de choses. Si je
devais relire tout ce que j'ai écrit, ça me prendrait des
semaines. Mais je voudrais le lui rappeler pour lui éviter d'abord de
relire tous ses éditoriaux, ce que j'ai fait. Et, comme je les avais lus
à l'époque, ça m'a simplement rafraîchi la
mémoire. Dans Le Devoir, le 29 avril 1977, il parlait d'un
dangereux carcan. En pratique, le ministre et ses proches collaborateurs,
écrivait-il, s'aménagent ainsi un vaste empire bureaucratique
à l'aide duquel ils pourront à volonté s'immiscer
n'importe quand dans la vie des entreprises, exiger de celles-ci les documents
les plus confidentiels et prendre à leur sujet des décisions
susceptibles de très graves conséquences à rencontre
desquelles aucun recours n'a même été prévu.
Comme il a de la suite dans les idées, le 27 juin: Une
frontière mal située. On voudrait pouvoir s'en remettre pour
l'avenir à l'esprit dans lequel furent énoncées ces
affirmations de M. Laurin. Mais aucun ministre n'est éternel le
ministre oublie souvent ça l'expérience enseigne
mêmeje ne savais pas qu'il l'avait écrit, j'ai passé
mon temps à lui dire qu'il n'était pas éternel lorsqu'on
parlait des dossiers de l'éducation, mais il l'avait lui-même
écrit, j'aurais dû m'en rappeler à l'époque
que même les ministres passent plutôt vite. Je le pense aussi, des
fois on trouve ça un peu plus long, mais quand même. Aussi est-il
plus sûr, écrivait-il, que, si l'on veut assurer l'avenir, de se
reposer sur des textes clairs plutôt que sur des paroles d'un ministre,
si bien intentionné fût-il. Mais cette tendance déjà
dangereuse en soi l'est doublement lorsque l'on traite de questions aussi
fondamentales que les droits linguistiques. Au lieu de tout abandonner à
la discrétion du pouvoir exécutif, c'est-à-dire de
politiciens qui changent vite et d'une bureaucratie sans âme, mieux vaut,
en ces matières, cerner d'aussi près que possible le texte
même de la loi, tous les aspects de la réalité dont on
entend sérieusement tenir compte. Curieusement, ce n'est pas vraiment
cet esprit qui a présidé à la rédaction de ce
projet de loi.
Alors, M. le Président, j'ai terminé. Je vous l'ai dit, je
veux qu'on fasse un travail sérieux. Je veux qu'on fasse un travail
constructif. Nous avons de nombreux amendements à proposer, et je
souhaite très sincèrement, et si le ministre veut faire preuve de
bonne volonté... Tout à l'heure, il a semblé prendre
ça un peu à la légère, il nous a parlé
pendant une trentaine de minutes, je veux bien. Moi, j'avais l'intention de
faire un travail sérieux. S'il veut faire un travail sérieux, il
va déposer le projet de règlement et on va pouvoir progresser. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. Simplement pour donner une certaine explication sur la
décision que j'ai rendue sur la recevabilité tout à
l'heure, j'indique qu'il y a une décision préalable qui avait
déjà été rendue par un autre président de
commission qui avait déclaré irrecevable une motion qui demandait
le dépôt de règlements découlant d'un projet de loi
qui était sous étude. Ce que je veux souligner, c'est que la
motion que nous avons devant nous est différente en ce sens qu'elle
exprime un souhait de la part d'un membre de cette commission. Ce n'est pas un
ordre, ce n'est pas une ingérence dans le processus législatif
à proprement parler, et, dans les circonstances, elle se distingue de la
motion qui avait déjà été jugée irrecevable
par un autre président de commission. C'est dans ce sens-là que
j'ai déclaré cette motion recevable compte tenu de la
différence qui existait entre les deux motions.
M. le ministre, vous m'aviez demandé la parole.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Regardez, sur la question de recevabilité, nous
avons accepté votre décision tantôt, et je crois que la
distinction... Ce n'est pas à moi de commenter votre décision,
remarquez-bien, mais plutôt de l'accepter... Je veux simplement vous dire
que la distinction que vous établissez m'apparaît fort plausible,
fort acceptable. Il y a une grande différence entre un souhait et un
ordre. Et, dans cet esprit, je voudrais commenter la proposition qui est mise
devant nous. Il n'y a aucune espèce d'obligation, je pense que c'est
clairement admis par tout le monde, de déposer les projets de
règlement avant qu'on commence l'étude article par article. Et
les propositions qui ont été faites, autant en commission
parlementaire que de l'extérieur, disaient: On voudrait connaître
ces propositions-là avant l'adoption définitive du projet de loi.
J'ai compris, moi, qu'on souhaitait que ce soit déterminé quelque
part dans le processus d'examen détaillé. Et même si M.
Dufour, pour qui j'ai bien de l'estime, était venu me dire: Vous allez
déposer ces projets à tel moment précis, je lui aurais
répondu que ce n'était pas de son affaire. Je lui aurais
répondu que ce n'était pas de son affaire, que c'est à
nous de prendre nos responsabilités de ce côté-là.
Mais nous avons reçu avec respect le voeu qui a été
émis voulant que les projets de règlement soient portés
à la connaissance des députés en temps utile,
c'est-à-dire avant l'adoption définitive du projet de loi, et
nous avons indiqué notre volonté de le faire. Alors, sur le fond,
je pense qu'il y a convergence. Il y a convergence. Et je dois dire, moi,
là... J'ai fait beaucoup de lois depuis 7 ans et demi, je pense que j'en
ai eu un grand nombre et j'ai passé des heures innombrables en
commission parlementaire et, jamais, jamais, je n'ai déposé des
projets de règlement au stade de l'étude détaillée
d'un projet de loi, sauf dans le cas, comme je l'ai mentionné l'autre
jour, de la loi 107 qui refondait de fond en comble la Loi sur
l'instruction publique. Et là, comme les règlements sur la
confessionnalité soulevaient des problèmes particuliers, qu'il y
avait eu des inquiétudes exprimées, on les avait
communiqués pendant pas au début de tout le processus
l'étude détaillée, qui avait d'ailleurs duré
plusieurs semaines.
Alors, de ce point de vue là, il n'y a aucune règle,
aucune coutume du Parlement qui nous obligerait ou même nous inciterait
à agir dans le sens qu'on souhaite, et je pense que la proposition que
j'ai faite plus tôt va dans le sens du désir exprimé par
l'Opposition. Je la réitère volontiers. Volontiers!
Et les soucis pédagogiques que j'ai ne sont pas sans fondement.
Tout d'abord, je n'ai qu'à me souvenir de l'interprétation qui a
été donnée du projet de loi, non seulement par
l'Opposition, mais par de nombreux critiques soi-disant éclairés.
Et que de fois on passait complètement à côté. Que
de fois on passait complètement à côté! Je respecte
la liberté d'opinion. Ça ne m'empêche pas de fonctionner,
moi, et je ne cours pas, je ne pourchasse pas ces gens-là. C'est
même assez rare que je leur réponde, tout compte fait. Mais, au
moins, je me dis: Donnez-moi la chance de présenter mon point de vue
d'une manière qu'il soit compris le plus possible. C'est dans ce
sens-là que, m'appuyant sur l'expérience... Et, en
général, je dois dire que je suis bien traité par la
presse. Par conséquent, je n'ai pas de, ce qu'on appelle,
«grudge» que d'autres pourraient avoir. En général...
Encore, je voyais Le Devoir, avant-hier, qui a rapporté mon
discours lors du débat sur le principe du projet de loi. Je n'ai pas un
mot à dire. Je n'ai pas un mot à dire. Je pense que c'est un
compte rendu qui, pour moi, était honnête. Je trouvais qu'il
aurait pu en mettre un petit peu plus pour la députée de
l'Opposition.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Je le dis franchement, là, si j'avais
été moi-même en situation pour vérifier ça,
j'aurais dit: Bien, si elle a parlé pendant 1 heure, elle doit avoir dit
quelque chose. J'aurais demandé au journaliste d'ajouter quelque chose
là. C'est vrai, ça. C'est vrai.
Par conséquent, moi, je n'ai pas de «grudge» et, en
général, les journalistes me traitent assez bien. Pas avec
complaisance, parce qu'ils sont durs pour moi, mais quand je dis quelque
chose... D'abord, en général, c'est assez clair. Ça fait
que je retrouve ces propos-là dans le journal, le lendemain, à la
télévision, le soir, avec le pour et le contre. Tu sais, il y a
des gens qui ne sont pas de bonne humeur, il y en a d'autres qui sont de bonne
humeur. Très bien. Mais je n'ai pas à me plaindre de ce point de
vue là, de manière générale.
Mais quand c'est des documents un peu compliqués, là, il y
a un problème. Il y a un problème parce que les habitudes de
travail ne sont pas ancrées également chez tous les membres de
l'auguste confrérie qui est appelée à informer la
population au sujet de nos faits et gestes. Il y en a qui prennent un mot, qui
se sauvent avec avant d'avoir eu le temps de lire le texte, et on est
justifié de prendre un minimum de précautions.
Et, encore une fois, il n'y a rien de négatif dans mon affaire,
mais j'aime doser les choses un petit peu. Jusqu'à maintenant, c'est ce
que nous avons fait avec le projet de loi, Mme la députée de
Chicoutimi. Nous avons échelonné. Vous avez dit savamment,
l'autre jour, il y a un peu de vrai là-dedans. Ça a
été calculé, puis pas avec des experts en communication.
Il n'y a pas eu une cent de budget de communication là-dedans et il n'y
en aura pas non plus. On n'en a pas besoin. Mais on a parlé à la
population. On avait un calendrier qui s'échelonnait sur 1 an et,
là, on arrive à la dernière phase et je vous dis qu'on va
échelonner ça un petit peu. Et ce n'est pas par rapport... Si
c'étaient les députés, je voudrais que ce soit clair, je
vous le donnerais tout de suite. Je vous le donnerais tout de suite. C'est
parce que dans votre situation, dans l'Opposition, vous ne pouvez pas pactiser
avec le gouvernement et dire: Bien, tu nous le passes et on n'en parle pas
à la presse, parce que vous avez partie liée avec la presse,
d'une certaine manière, pour faire votre travail de démolition du
gouvernement. (22 h 20)
II est normal... Tu sais, c'est le rôle de l'Opposition
d'être à l'assaut du gouvernement. Mais si ce n'était pas
de ça, là, encore une fois, moi, je n'ai aucun problème,
je n'ai aucun problème. Si on procède dès ce soir, on va
disposer de cette motion-ci. Moi, j'ai dit ce que j'avais à dire sur
elle. Je vous donne... Je ne pense pas que vous aurez souvent des propos aussi
francs puis aussi simples. Je vous le dis là comme je le pense
sincèrement. Puis, c'est pour ça que je suis obligé de me
prononcer contre la motion parce qu'elle nous force à agir d'une
manière différente, de ce que nous avons conçu dans un
domaine où nous avons le droit et la responsabilité d'agir, M. le
Président, avec le maximum de prudence.
Puis j'ajoute ceci. C'est que la langue est un sujet qui n'est pas comme
les autres. S'il s'agit d'un projet de loi traitant des affaires municipales,
c'est une autre affaire. Tu sais, il y a de la polémique là aussi
mais ça n'a jamais l'ampleur que peut revêtir une controverse sur
la langue. Et c'est pour ça moi, j'ai appris ça avec les
années qu'en étant prudent, en disant les choses
graduellement, comme on les voit, on a plus de chances d'informer correctement
l'opinion, de servir efficacement la cause que l'on veut promouvoir.
Alors, c'est dans cet esprit-là que je vous fais part de la
position que nous allons adopter au sujet de la motion présentée.
Encore une fois, sur la motion elle-même, on a tellement peu d'objections
qu'on va en respecter l'esprit. C'est juste une question de dosage de la
présentation qui nous sépare, M. le Président. Puis je ne
voudrais pas penser une minute que ce soit de nature à retarder
indûment nos travaux.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, juste à ce
moment-ci, même si l'argument du ministre nous semble bien enrobé
et nous semblerait, d'une certaine façon, défendable, il est
quand même assez étrange que ce soit à une requête de
l'Opposition que le ministre tienne ce genre de propos. On peut très
bien comprendre que le sujet de la langue est un dossier, un sujet particulier
qui demande une attention sans doute différente de celle qui peut
être demandée dans d'autres dossiers. Mais rien n'aurait
empêché le ministre, dans son plan de communication... Il nous dit
que depuis un an, là, il avait un calendrier et que tout était
prévu. Je pense que si vraiment le souci de transparence qu'il exprime
et si la bonne volonté qu'il exprime étaient fondés il
aurait très bien pu, voilà une semaine ou voilà 10 jours,
lui-même prendre le soin de les rendre publics et avec toutes les
explications nécessaires en fonction des précautions qui sont les
siennes et qu'il veut nous faire partager aujourd'hui. Il aurait pu le faire
hier, il aurait pu le faire avant-hier et prendre le soin lui-même de
mettre toutes les précautions, de même toutes les nuances et de
faire le lien nécessaire avec le projet de loi.
Donc, je crois que l'argument du ministre, de la façon dont il
nous est présenté, ne tient pas. Nous continuons à
insister, nous faisons cette demande. Je crois qu'elle est pressante, qu'elle
est juste et on peut... Il y a un certain nombre de précédents.
Le ministre nous disait: C'est une des rares fois où je reçois ce
genre de requête. Il nous dit l'avoir déjà fait dans le cas
d'un projet de loi ayant trait à l'éducation, que c'est
l'exception qui, dans son cas, confirmerait la règle. Mais il y a quand
même des précédents, surtout sur cette question sensible
qu'est la langue. Notre collègue, Gérald Godin, lorsqu'est venu
le temps de déposer un certain nombre d'amendements à la Charte
de la langue française, avait fait preuve de cette transparence que nous
réclamons aussi de la part du gouvernement. Nous sommes tout simplement
conséquents avec une attitude qui est celle que nous avons
déjà adoptée. Je ne voudrais pas plaider plus longtemps,
mais il y a des précédents qui ont existé. Ça peut
se faire, ça aurait pu très bien se faire si le ministre avait
véritablement voulu rendre ces documents publics.
Alors, M. le Président, nous pouvons souligner le
caractère louable, la cohérence de l'argumentation du ministre,
mais nous nous devons de souligner à ce moment-ci que les
prémisses de départ sont fausses, sont inexactes, ne
correspondent pas à la réalité. Le seul souci qu'il semble
nous exprimer en réaction à notre proposition, pour justifier son
opposition à la proposition de l'Opposition officielle, c'est de dire:
Bien, écoutez, c'est délicat avec les médias, il faut
faire oeuvre de pédagogie. Lorsque vient le temps de discuter de choses
compliquées, il faut faire attention avec les journalistes. Il adopte
même un ton qui frôle le paternalisme. On peut très bien lui
reconnaître ce genre de propos mais rien ne l'aurait
empêché, voilà 2 jours, voilà 3 jours, voilà
une semaine ou 10 jours, dès le moment où les règlements
ont été connus puisque déjà les collègues
ministériels, nous dit-on, ont été informés du
contenu des règlements, rien ne l'aurait empêché, une fois
que les collègues ministériels ont pris connaissance des
règlements, ont donné leur opinion sur le contenu de ces
règlements, dans un forum qui aurait été le sien, qu'il
aurait choisi, à l'occasion que lui-même aurait retenue, il aurait
pu très bien communiquer ces renseignements au public, à
l'Opposition et aux nombreux groupes qui les réclament. Parce qu'il faut
bien comprendre que l'Opposition officielle, dans ce cas-ci, n'est pas la seule
à réclamer la publication des règlements. Nous nous
faisons un peu, aujourd'hui, les porte-parole de l'ensemble des groupes qui,
nombreux, sont venus témoigner en commission parlementaire, afin de bien
connaître la portée du projet de loi, afin de porter aussi un
jugement complet et éclairé sur les amendements
législatifs proposés, connaître le contenu des
règlements.
Je pense aux nombreux éditoriaux qui ont été
publiés dans Le Devoir. Je pense aux demandes pressantes de
nombreux organismes qui sont venus en commission parlementaire demander de
connaître le contenu des règlements. Nous voulons, bien sûr,
nous faire le porte-parole de l'ensemble de ces groupes, mais nous voulons
surtout faire correctement notre travail.
Le ministre, tout à l'heure, à l'occasion de ses remarques
préliminaires, nous parlait au sujet du projet de loi, il disait: C'est
un projet de loi qui maintient un équilibre qui lui semble juste. Je ne
partage pas son point de vue, et c'est une divergence. J'accepte son point de
vue. Je le respecte. Je n'acquiesce pas, cependant, à son analyse. Mais,
pour juger de l'équilibre de ce projet de loi, bien sûr, il faut
étudier les articles proposés un par un, mais il faut surtout
voir l'économie de l'ensemble du projet de loi et, pour avoir une vision
d'ensemble, vous aurez rapidement compris qu'il est important de
connaître les règlements, parce que ce n'est pas vrai que le
projet de loi est tout simplement la somme d'articles qui n'ont aucun lien, les
uns avec les autres. Bien au contraire, ce projet de loi, au-delà des
articles, au-delà des contenus spécifiques de chacun des
articles, traduit une vision d'ensemble, traduit une orientation claire, qui
est celle du gouvernement et sur laquelle nous aimerions avoir davantage de
précisions.
M. le Président, dans ce contexte, si le ministre est vraiment
soucieux de faire preuve de transparence, soucieux de mener à terme sa
réflexion sur l'équilibre et d'en faire une démonstration
complète, je plaide pour qu'il rende publics les règlements. Je
le répète, encore là, nous nous faisons, bien sûr,
les porte-parole des nombreux groupes qui l'ont demandé, mais nous
sommes aussi soucieux de bien faire notre travail. Je suis sûr
qu'à moins de trouver un accommodement je trouverais ça
bête qu'en début de commission, comme ça,
déjà, on exprime un certain blocage et qu'on ne puisse pas
connaître l'économie générale du projet de loi et,
tout simplement, procéder article par article, en pensant que le projet
de loi n'est que la somme d'articles.
Le projet de loi traduit une vision claire. Le ministre nous parlait de
l'équilibre tout à l'heure. Pour définir cet
équilibre, pour l'apprécier, je pense qu'il faut connaître
l'ensemble des textes qui s'y réfèrent.
Donc, M. le Président, si le ministre nous dit: J'aurais
aimé les communiquer à la presse, et je pense qu'il faut faire
oeuvre de pédagogie avec un certain nombre de journalistes, libre
à lui de penser ainsi. Si c'est le cas, il ne rendra pas publics les
règlements aujourd'hui. Mais, ce que je peux tout simplement lui dire en
réplique, c'est que, si vraiment ces prémisses étaient
justes, il les aurait rendus publics hier, ce matin, avant-hier, parce que ses
collègues ministériels ont déjà été
consultés. Donc, ces documents existent. Je comprends très bien
que le ministre ne veuille pas nous les remettre à titre d'information,
et je comprends que la publication dans la Gazette officielle du
Québec se fera dans les jours à venir et qu'il y a un certain
nombre de délais. On nous dit: Sans doute, au mois d'août. Non, il
disait plutôt octobre ou novembre, si je ne me trompe pas...
M. Joli vet: Pour l'adoption finale.
M. Boisclair: ...pour l'adoption finale, mais certainement avant
les fêtes.
M. Ryan: Vers le mois de septembre, probablement.
M. Boisclair: Septembre? Mais les collègues
ministériels...
M. Ryan: Parce que M. le député de Laviolette sait qu'une
fois que le cabinet a approuvé un projet de règlement, avant
qu'il puisse paraître dans la Gazette officielle du Québec,
il s'écoule un délai de 2 ou 3 semaines.
M. Boisclair: Oui. Je comprends très bien, d'ailleurs, que
c'est à titre informatif que le ministre prenait sur lui de nous faire
part du contenu des règlements. Mais le ministre aurait très bien
pu je termine là-dessus nous les faire connaître
hier ou avant-hier, de la même façon qu'il les a fait diffuser
auprès de ses collègues ministériels,
députés à l'Assemblée nationale. Une fois cet
exercice de consultation terminé auprès de son caucus, une fois
les réactions reçues et une fois les ajustements
nécessaires ayant été effectués, bien, il peut
très bien... il aurait pu les rendre publics de la même
façon qu'il propose de le faire ce soir. Il se dit même et
c'est là un peu l'absurde de la chose ce soir disposé
à rendre publique une partie du règlement sur l'article 4. Il
nous dit: Je suis prêt, moi, à procéder si vous acceptez ma
proposition. On va directement à l'article 4 puis je suis prêt
à vous donner le premier bout de règlement, sans pour autant
faire oeuvre de pédagogie auprès des journalistes, sans pour
autant suivre à la lettre le plan de communication qui semble avoir
été tracé depuis 12 mois. (22 h 30)
Alors, continuons donc le raisonnement sur lequel le ministre
était parti, et, si c'est bon pour l'article 4, je pense que c'est bon
pour l'ensemble des règlements. Et je pense que la tradition ayant
été établie... Je sais qu'elle ne se retrouve dans aucun
texte du règlement, je sais qu'aucun président n'a tranché
sur cette question, mais reconnaissons à tout le moins que le ministre a
raison lorsqu'il dit que la question linguistique est une question
particulière, qui mérite d'être traitée avec
attention, avec tous les soins nécessaires. Le ministre lui-même,
qui recherche le consensus, qui recherche une espèce d'appui, aurait
intérêt à les rendre publics.
Et le précédent qui existe, même si ce n'est pas une
décision, M. le Président puis je ne vous demande pas de
statuer là-dessus, je comprends que vous ne pouvez pas le faire
notre collègue, le député de Mercier, lorsqu'il occupait
vos fonctions, avait, dans le même esprit d'ouverture et de collaboration
que le ministre exprime, mais qu'il n'applique pas, rendu publics les
règlements au moment de la consultation, ce qui était encore
mieux. Je ne demande même pas au ministre, M. le Président, parce
que ça serait impossible de revenir en arrière pour utiliser
l'expression «reculer par en arrière», pour utiliser ce
pléonasme, mais il pourrait à tout le moins être aussi
généreux ou à moitié aussi généreux
que le député de Mercier l'a déjà
été. Alors, M. le Président, j'espère que le
ministre comprendra le bon sens.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Gouin.
M. le député de Rimouski.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président. Je me verrai
obligé de voter contre la motion de l'Opposition parce que, finalement,
l'adoption du principe du projet de loi 86 a été faite en
Chambre. Il a été longuement discuté et, en même
temps, remis en cause par l'Opposition. Ils ont eu tout le temps voulu pour le
faire. Et le ministre, lors de son allocution, a toujours laissé
entendre qu'il rendrait publics ou qu'il rendrait disponibles les avant-projets
de règlement et je pense que la volonté du ministre et du
gouvernement a toujours été de rendre publics ces
règlements au fur et à mesure que les articles commanderaient un
règlement.
Alors, nous avons fait une proposition à mon sens respectueuse du
désir de l'Opposition de prendre connaissance des règlements.
Malheureusement, l'Opposition n'a pas souscrit et ne souscrit pas à
cette offre, mais elle demeure toujours. Et, bien au contraire, je pense que le
ministre a dit que tous les règlements seront rendus disponibles au fur
et à mesure que le projet de loi évoluera dans son adoption.
Alors, il n'y a pas de mauvaise volonté de notre part. Au contraire,
nous voulons les rendre publics, nous voulons les
rendre à la disposition, nous voulons en discuter, mais
donnez-nous la chance de le faire au fur et à mesure que vous
adopterez ou qu'on adoptera, ici, en commission parlementaire, les articles du
projet de loi.
Alors, nous sommes tout à fait d'accord avec l'Opposition et la
partie ministérielle à l'effet que la question linguistique est
une question qui est toujours un peu tatillonne, mais je pense que nous sommes
capables, en commission parlementaire, de procéder à
l'étude article par article. Et, moi, je trouve ça un peu
désolant que l'Opposition refuse, à ce stade-ci, de
procéder à l'étude du projet de loi, compte tenu de la
volonté du ministre et de la volonté de la partie
ministérielle de les rendre publics, les règlements, au fur et
à mesure. Alors, M. le Président, vous me verrez dans
l'obligation de voter contre la motion, malheureusement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, nous sommes à cette
commission pour étudier le plus sérieusement possible un projet
de loi que tout le monde considère comme majeur et je pense que, dans
cette perspective-là, la motion de ma collègue de Chicoutimi est
tout à fait raisonnable. C'est un terme qu'aime utiliser le ministre, le
terme «raisonnable». Il répète souvent que ses
propositions sont raisonnables et modérées. Bien, voilà
une motion tout à fait raisonnable, qui va de soi, qui s'inscrit bien
dans la perspective d'une étude sérieuse d'un projet de loi.
Je ne comprends pas pourquoi on refuse de donner suite à une
pareille requête. On a même essayé, ma collègue de
Chicoutimi a même essayé d'atteindre cet objectif-là sans
motion, sans déposer une motion formelle avec un vote. Elle a
demandé, tout simplement, très franchement au ministre, si on ne
pouvait pas avoir les règlements, puisque le ministre, en plus, nous a
dit: Je les ai, je les ai, les projets de règlement. Ils sont
prêts, je les ai dans ma serviette. En nombre suffisant, probablement,
pour distribuer aux membres de la commission. Et on refuse d'accéder
à une pareille requête. J'ai de la misère à
comprendre ça, parce que, c'est évident, quand on regarde les
dispositions du projet de loi, les articles où on prévoit des
règlements adoptés par le gouvernement, c'est clair qu'on ne peut
pas vraiment comprendre la portée de ces articles-là, sans
connaître, avoir une connaissance du projet de règlement.
Je donne juste 1 ou 2 exemples: À l'article 17, où on
parle de prédominance du français dans l'affichage commercial, je
vous dis que c'est un concept plutôt flou, plutôt vague qu'on
retrouve à l'article 17. C'est quoi la prédominance du
français dans l'affichage commercial? Ça se définit
comment? Ça va s'appliquer selon quels critères? Ce n'est pas
dans la loi, ça va être dans le règlement. Il me semble
bien, moi, qu'on ne peut pas sérieusement adopter l'article 17, ou
même en discuter, sans connaître comment ce concept-là va
s'appliquer, va s'incarner, va se traduire, par le biais du
règlement.
C'est la même chose pour l'article 22. Celui-là est
très important, parce qu'il porte sur les classes d'immersion et sur des
amendements à apporter au régime pédagogique. Je sais bien
qu'il ne l'aura pas, parce qu'il nous a avoué que le ministère de
l'Éducation était en train de faire des études
là-dessus. Il est loin d'être prêt là-dessus, sauf
que ce serait drôlement important qu'en cette matière on puisse
avoir une idée précise des modifications qu'on compte apporter au
régime pédagogique, pour voir comment tout ça va
s'appliquer.
Beaucoup d'intervenants sont venus signaler les risques et les dangers
de la généralisation de la mise en vigueur d'une telle
méthode, et je comprends qu'on ne saura pas comment ça va
s'appliquer. Il me semble qu'on doit faire confiance à l'intelligence
des membres de la commission, aussi, à l'intelligence des journalistes;
il semble qu'il y ait une certaine crainte de la part du ministre que les
médias, que les journalistes interprètent mal ou fassent de
fausses interprétations de ses règlements. Je pense qu'on doit
faire confiance à l'intelligence des journalistes comme à
l'intelligence, également, des membres de cette commission. On est en
mesure, là, d'accueillir l'ensemble des projets de règlement, et
on est en mesure de les regarder puis de les examiner, puis de les comprendre.
Il n'y a pas juste le ministre qui va les comprendre, on n'a pas besoin d'un
cours de je ne sais pas combien de crédits de la part du ministre pour
nous expliquer la portée, la signification, le sens des projets de
règlement. On est capables nous-mêmes de les regarder, de les
examiner, de les analyser, de les évaluer puis de les comprendre.
Donc, par conséquent, si on veut faire oeuvre utile, si on veut
légiférer sérieusement, si on veut aborder l'étude
détaillée, parce qu'on est prêt à le faire, on est
prêt à aborder l'étude détaillée... On n'a
pas d'autres motions, nous, contrairement à ce qu'on pourrait penser de
l'autre côté. On n'a pas d'autres motions, on est prêts
à aborder l'étude détaillée, dès ce soir,
sauf que, si on veut faire une étude détaillée
sérieuse, intelligente, je pense qu'on doit avoir entre les mains
l'ensemble des projets de règlement qui découlent d'un certain
nombre d'articles ou de dispositions du projet de loi. Sinon, on se retrouve
dans le brouillard, on se retrouve dans la brume dans beaucoup de domaines et,
relativement à beaucoup d'articles, on ne saura pas comment
évoluer et on ne saura pas comment, aussi, se faire une idée
juste et précise de la portée, de la signification d'un certain
nombre d'articles, tous ceux qui prévoient une réglementation.
(22 h 40)
M. le Président, moi, je considère cette motion de ma
collègue comme étant éminemment raisonnable. Il me semble
que le ministre ne devrait pas craindre, d'aucune façon, d'y donner
suite, à moins qu'il y ait des règlements qui ne soient pas
très clairs et qui risquent de prêter à
interprétation. Mais j'ai de la misère à le croire.
Je suppose, j'imagine que les règlements se caractérisent
par la clarté et la transparence et qu'on est en mesure de les
comprendre et d'en avoir tous la même signification et d'en saisir tous
la même portée. Sinon, il faudrait qu'il se remette à sa
table de travail pour les refaire, les règlements. Je suppose que ce
n'est pas le cas. À moins que ce soit le cas, je ne vois pas pourquoi le
ministre craindrait de donner suite à cette motion.
Alors, dans ces conditions, M. le Président, une motion aussi
raisonnable devrait recueillir l'assentiment unanime de la commission. Le
ministre devrait les déposer et, ensuite, procédons, passons
à l'étude détaillée, M. le Président.
Voilà!
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
M. Jolivet: Certainement.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: J'écoutais avec attention le
député de Rimouski, tout à l'heure, et j'ai cru mal
comprendre. Il disait que c'était notre faute si les règlements
n'étaient pas déposés.
Une voix: ...
M. Jolivet: Oui, je vais y revenir à ça.
C'était notre faute. Ce n'est pas nouveau d'entendre ça. Vous
avez, au Parlement, au fédéral, des gens qui sont au pouvoir
depuis 8 ans maintenant, presque 9 ans, qui disent encore que c'est la faute du
gouvernement libéral d'avant eux autres si le trouble est mis. Quand on
regarde exactement la réalité, on s'aperçoit bien qu'il y
a 2 choses qui se sont produites dans le passé. Il est vrai de dire que
le Parti libéral fédéral a été celui qui a
fait exploser la dette nationale. Mais, ce qu'on peut dire du gouvernement
conservateur actuel, c'est de l'avoir internationalisée, la dette, parce
que, les avoirs du peuple canadien ne suffisant plus, il est obligé
d'aller chercher de l'argent ailleurs. Et, ça, c'est sa
responsabilité et c'est ça qui coûte cher à la
société. Donc, il ne peut pas mettre continuellement la faute sur
les autres. À un moment donné, ils ont pris le pouvoir, à
moins qu'ils aient eu l'impression de ne jamais l'avoir.
Alors, moi, quand j'entends le député de Rimouski dire que
c'est notre faute, ça m'amuse. Ça m'amuse parce que je me
souviens des discours de ses collègues, alors qu'ils étaient dans
l'Opposition. J'étais membre comme vice-président de la
présidence de l'Assemblée nationale. Alors, j'ai eu l'occasion
d'en entendre des vertes et des pas mûres venant des gens de l'autre
côté, incluant M. Picotte, M. Paradis et autres. J'en ai entendu
de toutes les sortes. Nous étions épouvantables, nous ne donnions
pas aux gens, pour travailler, les instruments nécessaires. Qu'est-ce
qu'on entend aujourd'hui du côté de l'Opposition? C'est la
même chose au niveau du côté ministériel. J'avais cru
penser qu'ils ne feraient pas la même erreur que nous puisque, passant
leur temps à nous dire qu'on faisait erreur, ils auraient dû la
corriger, à moins qu'ils aient l'impression d'être
«renchognards», vengeurs, admettons.
M. Brassard: Revanchards.
M. Jolivet: Revanchards. Non, c'est parce que c'est des vieux
mots par chez nous ça, «renchognards». On est un peu comme
les gens de PAbitibi, on en fait quelques-uns, des fois.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Vous savez, il y a de mots que je n'employais pas
à Richelieu quand j'étais jeune mais, quand je suis arrivé
à Grand-Mère, c'étaient d'autres mots:
«cossins» par rapport à «déchets».
M. Ryan: Moi, je suis friand de néologismes.
M. Jolivet: C'est ça. Mais c'est de même que la
langue vivante...
M. Ryan: C'est ça.
M. Brassard: Progresse.
M. Ryan: Très bien.
M. Jolivet: D'ailleurs, «j'entendais le président,
tout à l'heure, en faire un qui était nouveau pour moi. J'ai
même sorti le dictionnaire quand il a dit des gens qu'ils faisaient
de Robespierre la «kaputei...». En tout cas, j'ai
essayé de savoir ce que c'était, parce que le mot, c'est
«kaput». Puis, là, il a dit: Les gens, ils avaient
été «kaputeinés».
Une voix: ...
M. Jolivet: Non, il avait dit «kaputeinés».
J'ai vérifié, et ça n'existe pas!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Mais, pour revenir à ce que je dis, donc, ces
gens-là auraient eu intérêt à faire autre chose que
ce qu'ils nous disaient. Mais non, ils continuent dans la même veine. Et
là le député va plus loin. Il dit: Ça les
empêche d'aller à l'étude du projet de loi. C'est ce que
vous avez dit tout à l'heure. Parce que vous nous accusiez d'être
responsables que les règlements ne soient pas déposés,
vous ajoutiez, en même temps, que nous ne voulions pas étudier le
projet de loi. Je pense qu'il a certainement été absent quand ma
collègue, la députée
de Chicoutimi, a dit, ici, à cette Assemblée: C'est la
seule motion préliminaire que nous avons. Et je peux vous dire que nous
allons tenir parole. C'est la seule motion préliminaire. Même, ma
collègue avait voulu, au départ, éviter la motion, en
demandant, par une question au ministre, s'il avait l'intention de
déposer les projets de règlement.
Alors, dans ce contexte-là, il est faux de prétendre que
nous ne voulons pas aborder l'article 1. Nous allons l'aborder en temps et
lieu, possiblement très bientôt. Nous avons l'intention
d'étudier soigneusement le projet de loi. Ça peut peut-être
vous déboussoler. Ça peut peut-être vous donner
l'impression, finalement, que vous ne vous attendiez pas à ça,
mais il y a une chose qui est certaine, c'est que nous croyons
sincèrement que le ministre avait intérêt à
déposer les projets d'amendements en vrac, nous permettant d'en faire
une étude exhaustive, parce qu'on croit qu'il y a un lien de l'un
à l'autre, article par article.
Mais c'est rare que l'on demande aux gens de débuter par le
milieu ou la fin d'un projet de loi. Il y a une logique dans un projet de loi.
L'article 1 veut dire quelque chose par rapp'ort à l'article 27.
Qu'est-ce que l'on fait, ordinairement? C'est quand un article 4, admettons,
dit: L'article 4 dépend de l'article 24 où nous allons avoir un
amendement. Qu'est-ce que l'on fait? On dit: On suspend l'article mais on
continue au cinquième. On y reviendra quand on aura étudié
l'amendement à l'article 24 duquel dépend l'article 4.
Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, tout ce que
nous demandons, c'est de faire un travail convenable. Et, pour faire un travail
convenable, il me semblait que nous avions droit à l'obtention de ces
règlements. Il est évident qu'à ce moment-là, on
aurait demandé, le président, et probablement que le ministre
nous l'aurait accordé, un petit délai pour aller faire
l'étude la plus rapide possible de ces règlements avec nos
conseillers juridiques et nos collègues Et, là, on aurait pu,
après avoir fait cette étude-là ou avant de partir,
dépendant de la décision qu'on aurait prise, demander au ministre
de faire ce qu'il veut faire.
Il dit: Je ne déposerai pas en vrac, parce que je ne veux pas
qu'ils sortent tout croche, si je prends son expression. Et comme il veut
faire, comme le disait mon collègue, le député de Gouin,
un peu de pédagogie auprès de la population par
l'intermédiaire journalistique et, par le fait même, par
l'intermédiaire des gens qui sont ici à la commission, il aurait
pu le faire. Nous aurions pu dire: Déposez-les en vrac. Expliquez-nous
les un après l'autre, selon la façon dont vous voulez qu'ils
sortent. Et on aurait pu faire exactement ce que le ministre nous propose, mais
nous aurions pu, après ça, en faire une analyse plus exhaustive,
et les mettre en perspective de l'ensemble du projet de loi.
Alors, il me semble que ce n'est pas sorcier, une telle demande. C'est
logique, c'est valable, c'est tout à fait dans l'ordre, et ça
aurait pu permettre à l'ensemble de tous les membres de la commission,
puis, dans cer- tains cas, je pourrais être un peu plus taquin en disant
peut-être même à des députés du
côté ministériel de voir vraiment l'impact des
règlements. Parce que, des fois, ça nous arrive que des ministres
nous disent: J'ai tenu mes collègues au courant. Soit. Je ne mets pas en
doute sa bonne foi. Mais probablement qu'il aurait pu le faire sans avoir
nécessairement déposé les règlements
eux-mêmes. Mais, à la lecture, le député aurait pu
dire: Oh, il me semble que l'explication, un moment donné, ne se
retrouve pas dans le texte, parce que l'article, tel que libellé, le
règlement, tel que libellé, m'indique que ce n'est pas ce que
j'ai compris. Alors, on aurait pu poser les questions et faire un travail de
plus en plus convenable. (22 h 50)
Alors, M. le Président, compte tenu que nous voulons aborder
l'ensemble du projet de loi le plus rapidement possible, ça aurait
été, à mon avis, une façon d'y accéder, par
le dépôt en vrac de ces règlements, une étude
exhaustive de ces règlements, tout en sachant qu'ils n'étaient
qu'informatifs, ne subissant pas encore les délais légaux
prévus par le préavis dans la Gazette officielle du
Québec, avec l'acceptation finale par le Conseil des ministres.
Alors, M. le Président, comme on veut être le plus
expéditif possible, je terminerai là mon argumentation, en
espérant que le ministre et ses collègues comprendront le bon
sens et reviendront à la réalité normale.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Laviolette.
M. le ministre, si vous voulez ajouter.
M. Ryan: Pas immédiatement, M. le Président. Je
suis prêt à écouter le député d'Anjou.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Écoutez, j'ai un peu de la difficulté à comprendre la
réticence du ministre et du côté ministériel
à refuser que soit, finalement, dévoilé
immédiatement l'ensemble des règlements. M. le Président,
je pense que c'est assez évident, pour quelqu'un qui comprend ou qui
connaît le moindrement le fonctionnement d'une loi et d'un ensemble de
règlements qui l'accompagnent, qu'une réglementation, ça
forme un peu comme un tout. Il se dégage, de l'ensemble d'une
réglementation qui entoure une loi, une philosophie ou encore une
orientation qu'on veut donner au projet de loi. Je pense que, si on nous donne
uniquement morceau par morceau cette réglementation, il va nous manquer
une vision globale, une vision d'ensemble de ce projet de loi, qui nous
permettrait, à ce moment-là, de savoir un peu plus
jusqu'où veut aller le ministre avec ce projet de loi.
II faut comprendre aussi, le moindrement qu'on connaît le
fonctionnement de l'Opposition, de quelle façon on fonctionne,
c'est-à-dire qu'à partir du moment où on a l'ensemble de
la réglementation on peut tout de suite procéder à des
comparaisons, à des recherches, à des études, pour
vraiment faire une étude critique de cette réglementation et
faire, je pense, des débats intéressants.
À partir du moment où on nous donne uniquement cette
réglementation article par article, le travail est, d'une façon
considérable, compliqué puisque, après chaque article,
finalement, on va être obligé de se pencher sur cette
réglementation, soit demander une suspension de quelques instants pour
nous permettre de regarder attentivement cette réglementation. On n'aura
pas le choix de faire ça chaque fois qu'il va y avoir un nouveau bloc de
règlements qui va nous être présenté, alors que, si
on l'avait immédiatement, on pourrait, au cours de la soirée,
demain matin, faire vraiment une étude de toute la réglementation
et, à ce moment-là, pouvoir vraiment, quand on arrivera à
l'article concerné, tout de suite faire la critique et à partir
de choses fouillées, un peu étayées par la recherche.
Comme l'ont dit mes collègues, tout à l'heure, surtout
qu'on n'est pas les seuls à la demander, cette réglementation.
Plusieurs organismes qui sont venus en commission parlementaire, justement,
l'ont demandée, cette réglementation. Je comprends qu'on va
l'avoir pendant l'étude article par article, mais je pense que ça
aurait été préférable de l'avoir dès le
début. Si on regarde l'impact de cette réglementation,
évidemment, il y a des articles, je pense, qui sont
particulièrement cruciaux. Un de ces articles, je pense, vraiment
importants, c'est l'affichage public et commercial. La réglementation va
être déterminante pour savoir exactement qu'est-ce qu'on entend
par caractère prédominant du français.
Personnellement, à plusieurs reprises lors des auditions des
différents groupes, j'ai fait part, comme on dit, de mon scepticisme,
à savoir comment on va réussir, par réglementation,
à établir des critères qui vont être précis,
vérifiables. Il faut comprendre que, présentement, l'affichage
intérieur des commerces est permis, à de petits commerces, dans
les deux langues, avec ce caractère, je pense, de prédominance du
français. Ce qu'on constate, M. le Président, c'est qu'il n'y en
a pas, présentement, de plaintes relativement à ce type
d'affichage.
Alors, certains pourraient déduire de ceci que, puisqu'il n'y a
pas de plainte, tout est parfait. Ce n'est pas ça, M. le
Président. C'est que, justement, il est tellement difficile de
dégager qu'est-ce que la prédominance, qu'est-ce qui est
prédominant, comment on peut établir que quelque chose est
prédominant par rapport à l'autre que, finalement, personne ne
fait de plainte parce qu'on n'est pas capable de savoir quel devrait être
l'ordre donné, le barème qu'on devrait suivre.
D'ailleurs, je me le demande, je vous le dis, c'est une interrogation
que j'ai présentement. Est-ce qu'on va considérer la grosseur du
caractère utilisé relativement à la langue anglaise ou
à la langue française pour déterminer si le
français va être prédominant par rapport à
l'anglais? Est-ce qu'on va prendre en considération la couleur du
lettrage, la grosseur de l'affiche, la façon dont est située
l'affiche dans le commerce ou à l'extérieur du commerce pour
montrer son caractère prédominant par rapport à l'autre
enseigne qui, elle, va être dans une autre langue? Alors, ce sont toutes
des choses, M. le Président, je pense, au sujet desquelles la
réglementation va être déterminante. Mais cette
réglementation-là, d'après moi, va être
matière à une interprétation assez
détaillée. Donc, je pense qu'il serait souhaitable qu'on ne nous
la présente pas uniquement quand on va aborder l'article, mais qu'on
nous la soumette immédiatement pour justement qu'on procède dans
les plus brefs délais à des comparaisons, à une
étude comparative par rapport à d'autres réglementations
qui pourraient être similaires. Encore là, on ne peut pas
présumer de quelle façon va être cette
réglementation.
Il y a aussi l'article 4 qui va être intéressant au niveau
de l'affichage public de l'administration. Je pense qu'encore là la
réglementation va être intéressante. Il ne faut pas oublier
ce que j'avais mentionné tout à l'heure, c'est-à-dire que
le pouvoir réglementaire que maintenant va s'arroger le gouvernement est
un pouvoir réglementaire qui est très considérable. Je
n'irais pas jusqu'à dire qu'il est exceptionnel, mais il est
considérable et, disons, il n'est peut-être pas familier dans des
projets de loi. Je pense, d'ailleurs, que plusieurs organismes m'ont fait part
qu'ils étaient un peu inquiets relativement à ce pouvoir
réglementaire qui était fort, qui était
considérable, et ils auraient peut-être
préféré que certaines dispositions, plutôt que de se
retrouver dans le pouvoir réglementaire, se retrouvent dans le pouvoir
législatif, c'est-à-dire dans des articles *de loi qui se
modifient d'une façon beaucoup moins aisée et qui se modifient
par l'intermédiaire d'un débat en Chambre.
Je dois cependant noter quand même une certaine ouverture de la
part du ministre qui a fait part qu'il était disposé à ce
que la commission se réunisse afin de disposer, afin d'évaluer
les règlements tels qu'ils auront été approuvés par
le gouvernement. Alors, je pense que c'est quand même quelque chose
d'appréciable comme ouverture, mais j'aimerais qu'on retrouve,
finalement, cette ouverture qu'on a pour nous permettre de voir la
réglementation au courant de l'été, j'aimerais que cette
ouverture on l'ait aussi au niveau de la commission parlementaire, M. le
Président. Je pense que ça serait important, comme je vous dis,
que, présentement, nous ayons cette réglementation. Je ne vois
pas la réticence que semble avoir le ministre à l'effet... Il
semble être un peu j'allais dire obnubilé par le
fait qu'il perde le contrôle de la diffusion de l'information contenue
dans les règlements, et que ça parte un peu dans toutes les
directions suite au dépôt de ces projets de règlement. J'ai
de la difficulté un peu à croire ça parce que je ne vois
pas ce que va changer, le fait qu'on les ait en bloc maintenant par rapport
à ce qu'on les ait article par article puisque, quand même, il
faut s'en rendre compte,
il n'y aura pas un délai très grand qui va
s'écouler entre le moment où on va procéder à
l'étude des premiers articles et le moment où on va terminer
l'étude de ce projet de loi.
Donc, au niveau des médias, au niveau de la diffusion de
l'information, je ne pense pas qu'il y ait une différence extraordinaire
quant au traitement qui va être fait de cette information-là.
Mais, pour ce qui est du déroulement des travaux de la commission, et
pour ce qui est de l'étude critique qui peut être faite de cette
réglementation, de l'appréciation qui peut en être faite,
alors là, comme je vous le dis, M. le Président, ça peut
changer complètement le débat, puis ça peut même, je
vous dirais, rendre le débat beaucoup plus constructif parce que, quand
on a un débat fait à partir d'éléments de base,
d'arguments de base que nous aurons pu dégager, constater de l'ensemble
de cette réglementation-là, je pense que le débat ne s'en
trouvera que plus élevé et plus intéressant pour tout le
monde.
Je pense que ça va être un peu, comme mécanisme, le
fait d'arriver à chaque article de loi avec le règlement en bloc
de cet article-là, ça va faire une procédure qui va
être plus ou moins intéressante, qui va être lourde et,
comme je le mentionnais tout à l'heure, aussi, ça pourrait,
à ce moment-là, causer des arrêts ou des suspensions
d'auditions qui, d'après moi, ne feraient que retarder indûment
l'audition de cette commission.
Donc, M. le Président, j'ai de la difficulté à
comprendre pourquoi, à ce stade-ci, on ne veut pas déposer ces
projets de règlement en bloc. J'espère que le ministre saura se
rallier à cette proposition, à cette motion de l'Opposition. (23
heures)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
Oui, M. le ministre, il vous reste quelques minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Je pense bien que les arguments demeurent au même
point où ils en étaient là. On a écouté les
interventions successives qui ont été faites et elles ont repris
la même argumentation, je le comprends. Mais j'avais demandé qu'on
procède à des vérifications là, quant à ce
qui s'est fait lors du dépôt du projet de loi 57, parrainé
par l'ancien ministre Gérald Godin. Au début des travaux, en tout
cas là, on procède à des recherches, parce que, moi, je
n'ai pas souvenance que des règlements avaient été
déposés à ce moment-là. Pardon?
Mme Blackburn: C'est M. Godin qui m'a informée de
ça.
M. Ryan: Oui, mais il peut arriver là... Chacun peut avoir
une mémoire faillible aussi, hein? Les vérifications que nous
avons faites m'amènent à constater qu'un porte-parole de
l'Opposition avait demandé que le ministre dépose ou fasse
distribuer aux membres de la commission les représentations, les lettres
ou télégrammes qu'il avait pu recevoir de municipalités,
de commissions scolaires, d'autres organismes, etc. Le ministre avait
accepté de le faire, mais ce n'est pas allé plus loin et il n'y a
aucune trace d'une initiative que le ministre aurait prise de déposer
des règlements dès le stade avant l'étude
détaillée du projet de loi. Pardon?
Une voix: La consultation.
Mme Blackburn: Si je ne m'abuse, c'est au moment de la
consultation. Les groupes entendus et invités à se prononcer
avaient aussi les règlements.
M. Ryan: II y a une chose que nous savons, c'est qu'un
règlement principal, issu de tout cet exercice, a été
publié, à titre préliminaire ou provisoire, dans la
Gazette officielle du Québec en juin 1985, c'est-à-dire un
an et demi plus tard. Il y a eu l'élection, le règlement n'avait
pas été approuvé par le gouvernement. Ça fait que,
si on veut citer cet exemple-là, il faudrait le situer dans son contexte
exact. Là, il y a bien des obscurités qui demeurent et c'est
à vous autres qu'il appartiendra de faire la preuve, vu que vous avez
fait cette affirmation-là. Mais, moi, je ne la trouve pas, à la
suite des premières recherches que j'ai fait effectuer.
Quoiqu'il en soit, je pense que l'ouverture que nous avons faite est une
ouverture fort libérale, et nous la maintenons. Évidemment, quel
que soit le sort qui sera fait à la motion dont nous sommes saisis, nous
serons prêts à procéder dans l'esprit de ce qui a
été dit jusqu'à maintenant par mes collègues et
moi-même. Et, en cours de route notre stratégie n'est pas
immuable, ce sont des choses qui évoluent continuellement; ce n'est pas
immuable nous verrons selon le contexte, selon les heures. Il y a bien
des choses que nous regarderons attentivement, mais il n'y a aucune mauvaise
pensée. Les seuls soucis que nous avons, j'en ai fait part ici. Et
voilà, M. le Président, pourquoi je m'apprête à
voter contre cette motion, si jamais vous l'appelez au vote.
M. Jolivet: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au ministre? Il dit que la stratégie peut changer. À
partir de ce moment-là, vous dites qu'elle peut changer, quelles sont
les conditions qui vous permettraient de la changer? Est-ce que vous ne croyez
pas qu'on va débuter, si on les a, l'article 1, et, dans ce
contexte-là, vous dites: Je ne me ferai pas jouer de tours, je le ferai
plus tard, ou c'est quoi, là?
M. Ryan: Non. Je n'ai aucune arrière-pensée en
disant ça. Je me décris comme je suis.
M. Jolivet: Donc, je suis.
M. Ryan: Comme je pense être. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Bon, alors, s'il n'y a pas
d'autres demandes d'interventions, je suis prêt à
mettre aux voix la motion qui a été proposée par
Mme la députée.
Des voix: Vote nominal.
Mise aux voix
Le Président (M. Doyon): Vote nominal. Alors, que ceux qui
sont pour la motion on me dispense de la lecture
présentée par la députée de Chicoutimi... Je
rappelle qu'il y a trois votes qui sont prévus pour le côté
de l'Opposition de même qu'un vote indépendant.
Alors, que ceux qui sont pour cette motion veuillent bien l'indiquer,
s'il vous plaît. Mme la députée de Chicoutimi?
Mme Blackburn: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee, qu'est-ce que vous dites là-dessus, vous?
M. Libman: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Viau?
M. Cusano: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre?
M. Ryan: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski?
M. Tremblay (Rimouski): Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull?
M. LeSage: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Charlevoix?
M. Bradet: Contre.
Le Président (M. Doyon): Je m'abstiens.
Le Secrétaire: M. le Président, ce qui fait 4 pour,
5 contre et 1 abstention.
Le Président (M. Doyon): Alors, la motion est
rejetée.
Êtes-vous prêts à commencer l'article 1?
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Juste une petite seconde, M. le Président.
(Consultation)
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: J'avais indiqué plus tôt mon intention de
communiquer aux membres de la commission, au moment où nous aborderions
l'étude du premier article, un jeu comprenant les propositions
d'amendement dont nous entendons saisir la commission, à travers
l'étude détaillée du projet de loi. Et, en guise de suite
à ce que j'avais dit, avec votre autorisation, je voudrais communiquer,
à vous-même d'abord et aux membres de la commission, un jeu
complet des propositions d'amendement que nous avons l'intention de soumettre
à la commission au fur et à mesure que nous aborderons les
différents articles du projet de loi.
Comme il s'agit de modifications au projet de loi, je suis une pratique
que j'observe généralement, c'est-à-dire qu'au
début de l'étude du projet de loi j'aime, chaque fois que c'est
physiquement possible, communiquer aux membres de la commission l'ensemble des
propositions de manière à ce qu'ils se fassent une bonne
idée de ce qui s'en vient. Ça n'exclut pas la possibilité
d'autres modifications en cours de route, c'est improbable mais ce n'est pas
exclu. Mais, avec ceci, on a une bonne idée du stade le plus
récent de l'évolution de la pensée gouvernementale sur le
projet de loi.
On tient compte, dans ces amendements, de certaines propositions qui ont
été faites au cours des auditions de la commission parlementaire.
Est-ce que je peux donner un ou deux exemples, M. le Président?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Ryan: Vous vous souvenez, quand il était question du
renouvellement des permis de pratique d'une profession, le texte actuel de la
Charte dit qu'un tel permis peut être renouvelé 2 fois. Dans le
texte du projet de loi, nous disions qu'il pouvait être renouvelé,
sans mettre de limite. J'avais indiqué, à l'époque, que
nous examinerions la possibilité d'une limite. Ça fait qu'ici
nous écrivons, dans la proposition de modification qui vous est
distribuée, qu'il pourrait être renouvelé 3 fois au lieu de
2. Ça fait que c'est une augmentation fort raisonnable qui tient compte
de certaines situations dont nous avons été saisis et ça
donne une
idée du genre de modification.
À propos des comités de francisation dans les entreprises,
la loi actuelle dit qu'ils doivent se réunir 3 fois pendant
l'année, mais sans prescrire d'intervalles auxquels ils doivent se
réunir. Il arrive en fait que le comité de francisation tienne 3
réunions le même après-midi, en fin de journée et
ça tient lieu des 3 réunions pendant l'année, chacune
durant peut-être quelques minutes. Alors, ici, il est prévu, dans
la modification que nous proposons, que nous descendions à 2 pour
assurer qu'il y en aura une chaque semestre. Là, nous ramenons le
chiffre à 3, mais à des intervalles différents durant
l'année.
En plus de ça, vous remarquerez que l'article 44, que le projet
de loi suggérait d'abroger, est maintenu sous une forme compatible avec
la jurisprudence relative à l'article 133 de la Constitution canadienne.
(23 h 10)
II y a d'autres propositions d'amendement. Je mentionne à propos
du Conseil de la langue française... Selon le texte actuel de la Charte,
il doit choisir ses sujets d'étude sur les questions concernant la
langue ou ses sujets de recherche, avec l'assentiment préalable du
ministre. C'était un des rares pouvoirs que la loi attribuait
nommément au ministre, et nous proposons de le faire tomber parce que,
objectivement, si l'organisme a une vocation consultative, il doit pouvoir
choisir lui-même les sujets de recherche qu'il entreprendra, et ne pas
être sujet à l'approbation du ministre pour chaque sujet de
recherche qu'il veut entreprendre. Alors, on supprime l'approbation du ministre
à ce moment-là.
Il y a des clauses relatives aussi au pouvoir de l'Office et du Conseil
d'émettre des avis sur des projets de règlement du gouvernement
qui équilibrent d'une manière probablement plus satisfaisante les
responsabilités de chacun en matière réglementaire.
Je crois avoir résumé les principaux. En tout cas, les
membres en prendront connaissance, et je pense qu'on pourra les expliquer au
fur et à mesure, mais je suis heureux, conformément à ce
que j'avais laissé entendre, de pouvoir distribuer ces amendements, ces
propositions de modification dès maintenant de manière que
l'Opposition et les membres du côté ministériel puissent
préparer leurs interventions sur les différents articles du
projet de loi en pleine connaissance de cause quant au stade actuel
d'évolution de la réflexion du gouvernement sur ce que devrait
être la teneur du projet de loi.
Amendements déposés
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors,
j'accepte que le dépôt soit fait, et je demande au
secrétariat de bien vouloir en faire la distribution.
M. Jolivet: M. le Président, une petite question.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
La-violette.
M. Jolivet: Le ministre a dit, dans son intervention, que
c'étaient les amendements et qu'il était peu probable qu'il y en
ait d'autres. J'ai bien compris quand il disait que c'était peu probable
de leur côté. Ça ne nous empêche pas, nous, d'en
avoir de notre côté.
M. Ryan: Je n'ai aucun pouvoir là-dessus.
M. Jolivet: Donc, le «peu probable» s'adressait
à votre formation politique.
M. Ryan: Oui, évidemment.
Une voix: Je pense qu'on parle pour notre côté un
petit peu.
M. Ryan: On n'a pas la prétention de parler pour toute la
nation.
Le Président (M. Doyon): Bon. Alors, oui M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: À part des règlements, il a toujours
été question aussi de déposer certains chiffres ou
statistiques en ce qui concerne l'éducation. Est-ce que ces statistiques
vont venir, peut-être ce soir?
M. Ryan: Demain.
M. Libman: Demain? Merci, monsieur. Étude
détaillée
Le Président (M. Doyon): Donc, la commission est
prête à aborder... M. le ministre confirme que la demande de M. le
député de D'Arcy-McGee sera satisfaite demain. À l'article
1...
Les droits linguistiques fondamentaux
Mme Blackburn: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, avant qu'on aborde l'article
1?
Motion proposant d'ajouter un article
Mme Blackburn: Oui. J'aurais une proposition d'amendement qui
viendrait avant l'article 1 puisqu'il concerne l'article 6 de la Charte et que
l'article 1 porte sur l'article 7.
Alors le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française, est amendé par l'insertion, après le titre et
avant l'article 1, de l'article suivant: 0.1. L'article 6 de la Charte de la
langue française est modifié par l'addition de l'alinéa
suivant: «Tout immigrant ou réfugié a droit de recevoir et
de requérir de l'administration un enseignement de la langue
française afin de permettre son intégration au
sein dé la société
québécoise.»
Débat sur la recevabilité
Le Président (M. Doyon): Je suis prêt à vous
entendre sur la recevabilité de cette...
M. Joli vet: Je vais le faire, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Vous allez le faire? M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Je dois vous dire que ça peut paraître
surprenant dès le départ que l'on arrive avec un tel amendement.
À prime abord, peut-être, mais, dans la réalité,
non, M. le Président. C'est, en termes de précision, vous dire
que la technique employée n'a rien, dans le fait, d'exceptionnel. Elle a
été utilisée des centaines de fois par les ministres en
commission pour bonifier leur propre projet de loi.
Le ministre que nous avons devant nous n'est pas le moins familier avec
ces ajouts d'articles puisqu'il a déjà inséré dans
certains cas des quasi-chapitres complets dans des projets de loi, que ce soit
à l'époque où il était ministre des Affaires
municipales, avec le député de notre formation politique qui est
notre porte-parole, M. le député de Jonquière. Nous
rencontrons d'ailleurs la lettre même de l'article 197 de notre
règlement qui nous dit que nous ne pouvons qu'ajouter ou enlever des
mots au projet de loi. La seule particularité que nous pourrions avoir,
c'est que notre amendement se rapporte à l'article 7 de la Charte et
nous devons l'insérer, sur le plan de la cohérence
législative, dès le début du projet de loi, d'où le
seul numéro d'article disponible qui, pour nous autres, devient le
001.
Je prends le texte, M. le Président, en vous disant que, dans
Beauchesne, dans sa 6e édition, aux pages 214 et 215 qui est
repris un peu grosso modo dans la décision 244-19 du président de
l'époque, M. Cannon, en commission parlementaire, bien entendu, puisque
c'est une décision de commission parlementaire il est dit qu'il
est interdit de recevoir un amendement qui ne se rapporte pas au projet de loi
ou qui en dépasse la portée. On ne peut pas recevoir un
amendement qui va à l'encontre des dispositions du projet de loi
déjà adopté, puis on ne peut pas accepter un amendement
qui équivaut à un rejet du projet de loi ou qui en contredit son
principe. Donc, à ce moment-ci, ce qu'il s'agit de déterminer,
c'est: Est-ce que l'amendement proposé par ma collègue, la
députée de Chicoutimi, va à l'encontre du principe
fondamental qui est véhiculé par le projet de loi 86?
Nous, nous croyons que le projet de loi 86 vise, du moins sous l'angle
que le gouvernement nous l'a présenté, puisque c'est à la
lecture des notes explicatives qu'on le trouve, le gouvernement, par
l'intermédiaire du ministre, nous disait que le projet de loi 86 visait
à bonifier une série de thèmes régimentés
par la Charte. Donc, la diversité des amendements et des sujets qui ont
été touchés par le projet de loi lui-même en vertu
de la Loi modifiant la Charte de la langue française le prouve
très bien. Alors, notre amendement ne vise qu'à faire la
même démarche, cependant, bien entendu, dans un autre chapitre de
la Charte, mais toujours, puis encore une fois, à nos yeux, dans
l'optique de bonifier la Charte, puis de renforcer, selon notre vision à
nous, et comme le ministre nous l'indique dans bien des cas, le statut de la
langue française.
La jurisprudence parlementaire, maintenant, ne reconnaît pas de
valeur probante au titre et aux notes explicatives. Je pense que les
décisions qui ont été rendues, toujours dans les
commissions, vous pouvez le trouver au 244-21... Il reste tout de même
que le chapitre du projet de loi n'est pas «modifiant la Charte» et
lisez-le bien là, ce n'est pas inscrit loi modifiant la charte dans tel
domaine ou dans tel autre domaine précis. Puis, on le voit par les notes
explicatives, qu'à peu près tous les aspects de la Charte, ainsi
que deux autres lois sont touchés.
Donc, en résumé, notre amendement ne va pas contre le
principe qui est de bonifier l'ensemble de la Charte de la langue
française. Le titre lui-même l'indique bien.
Je vous signale, de plus, la décision qui a été
répertoriée, toujours dans la rubrique commission parlementaire,
244-23, où un ministre a voulu insérer un nouvel article dans un
projet de loi. La présidence, à ce moment-là, avait
statué que le projet de loi apportait plusieurs modifications dans le
domaine de l'éducation, et qu'il était impossible d'en
dégager un objet unique. L'amendement avait été
jugé, donc, recevable, puisque ça touchait une panoplie de
possibilités.
Je pourrais, en dernier lieu, vous signaler qu'en cas de doute la
présidence a toujours tendance à vouloir favoriser le
débat sur un sujet qui est aussi important que celui-là, mais sur
d'autres aussi et, surtout, à ne pas se laisser la
présidence effaroucher par le fait et, ça, c'est
une pure coïncidence qu'on a devant nous qu'il s'agit d'un premier
amendement, sur un premier article. Je pense que la présidence a
toujours une tendance favorable, en disant: Je crois que l'amendement
proposé ne vient en aucune façon à l'encontre du
principe.
Et, dans la ligne même du titre même du projet de loi, dans
la ligne même des notes explicatives qui nous indiquent donc qu'on touche
à l'ensemble de certains problèmes d'application... Si on lit
bien là, dans les notes explicatives on dit: Le projet de loi propose
également des solutions à certains problèmes d'application
de cette Charte. Or, c'est dans ce sens-là, M. le Président;
c'est tellement vaste que nous croyons, pour bonifier la Charte, pour
répondre à ce que le ministre nous a dit pendant ses discours en
étude du principe du projet de loi, qu'il est tout à fait logique
qu'un tel amendement soit proposé par ma collègue et qu'il
mérite d'être reconnu recevable de votre part. (23 h 20)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Ryan: Sur la recevabilité, M. le Président, il
me semble que dans cette proposition-là, il y a une difficulté
fondamentale. Une proposition comme celle-ci entraîne
inévitablement des dépenses gouvernementales. Si vous proclamez
que tout immigrant ou réfugié a droit de recevoir et de
requérir de l'administration un enseignement de la langue
française afin de permettre son intégration au sein de la
société québécoise, là, vous affirmez qu'il
a le droit de recevoir des services spéciaux d'enseignement en plus de
l'enseignement régulier auquel il a droit. Si c'était
l'enseignement régulier, c'est compris dans l'article qu'on a
déjà parce que «toute personne» ça comprend
les immigrants, ça. Du moins, pour nous autres. Et si vous voulez
ajouter des services spéciaux pour eux, là, ça
entraîne des dépenses publiques de toute évidence puis
seul, d'après notre règlement, un ministre peut soumettre des
propositions de cette nature qui soient recevables. L'article 192 qu'on a
déjà débattu, le député de Laviolette et
moi-même, à certaines reprises dans le passé.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur la recevabilité?
M. Ryan: II y aurait une autre question sur laquelle je voudrais
attirer votre attention, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que cette proposition est compatible avec les
principes que véhicule, qui sous-tendent le projet de loi? Je vous
laisse en juger, mais on peut se poser des questions aussi. Parce que l'objet
du projet de loi n'est pas de traiter de l'intégration des immigrants
dans les écoles. C'est un autre projet, ce sont d'autres objectifs que
nous poursuivons dans ce projet-ci, à ma connaissance.
(Consultation)
M. Ryan: Lors de nos échanges de l'autre soir au salon
bleu, une proposition de scission fut présentée par le
député de D'Arcy-McGee au nom de considérations qui
étaient un petit peu du même ordre que ce qu'on nous amène
ce soir, puis la présidence a décidé d'accueillir cette
proposition de scission. Ça ajoute aux difficultés dont
l'Opposition a le fardeau de dissiper les nuages qu'elles engendrent dans nos
modestes esprits.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Jolivet: Simplement pour ajouter... Le ministre me donne un
argument de plus. Quand il parle de scission, ça donne exactement dans
la veine de ce qu'on propose. Parce que la scission le ministre ayant
voté contre la scission avait un but précis, soit de bien
clarifier l'ensemble de la situation. Mais ici, regardez bien les notes
explicatives, M. le Président. Il est dit: «Ce projet de loi
modifie la Charte de la langue française afin d'harmoniser certaines de
ses dispositions relatives à la langue de la législation et de la
justice, à la langue du commerce et des affaires et à la langue
de l'enseignement avec les décisions rendues par différentes
instances. Il propose également des solutions à certains
problèmes d'application de cette Charte.»
S'il y a quelque chose, comme je vous l'ai prouvé, qui fait en
sorte qu'il y a des parties de la Charte qui doivent être
bonifiées, c'est le moment précis. Le ministre, en parlant de
scission, me donne justement l'argument qu'il ne fallait pas utiliser, à
mon avis, parce que ça avait pour but, justement, d'empêcher ce
qu'il nous propose ce soir comme position. Il n'avait qu'à voter pour la
scission et aujourd'hui, je ne pourrais pas proposer une telle demande.
Le ministre, maintenant, nous indique que la motion est irrecevable
parce qu'elle engage des deniers publics. Les deniers publics sont les deniers
du ministère de l'Éducation. Les deniers publics, tels que
présentés dans la demande qui est là, c'est une
répartition. On ne demande pas d'argent de plus. On demande que les
argents disponibles au ministère de l'Éducation soient
répartis différemment. C'est une différence. Ce n'est pas
de dire qu'on demande plus d'argent. On demande que la ministre de
l'Éducation, au niveau de l'enseignement à des personnes qui sont
soit des immigrants ou des réfugiés, les répartisse
autrement.
D'ailleurs, si on se reporte à des décisions qui ont
été rendues, quand il y a une marge possible
d'interprétation quant à l'utilisation des deniers publics, c'est
toujours en faveur de celui qui propose la proposition si on n'a pas la
certitude que ça demande des deniers publics additionnels. Tout ce que
l'on fait par notre proposition, ce n'est pas de demander à la ministre
de mettre plus d'argent. On demande de le mieux répartir. On ne lui a
pas demandé une augmentation de son budget. On lui dit: Vous avez les
budgets déjà, il s'agit de savoir, à ce moment-là,
comment vous allez les mieux répartir. Dans ce contexte, M. le
Président, elle est admissible, à mon point de vue.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je me souviens très bien
des décisions qui ont été prises, et lorsque le ministre
déclare que ça entraîne l'engagement de fonds
publics...
Une voix: ...
M. Ryan: ...c'est ça qui est dans le règlement ici,
192, l'engagement de fonds... Pas de nouveaux fonds publics, l'engagement de
fonds publics. C'est au
ministre qu'il appartient d'informer le président sur ce
point-là. Et je vous déclare que ceci engage des fonds publics,
de toute évidence.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, avez-vous
terminé?
M. Ryan: C'est ça. Je vous cite, M. le Président,
en complément. Je me souviens très bien de cette décision
qui fut prise en 1986 par M. Jean-Guy Lemieux: «Décision. Puisque
le ministre affirme qu'il y a incidence financière, le président
doit prendre la parole du ministre, même si certains doutes subsistent.
En conséquence, la motion d'amendement du député de
l'Opposition est irrecevable.»
Mme Blackburn: M. ie Président, sur...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la députée
de Chicoutimi.
Mme Blackburn: ...la recevabilité. Je me suis
également posé la même question que le ministre se pose.
Est-ce qu'on peut interpréter cet amendement comme ayant des effets de
créer des obligations budgétaires au gouvernement? Et la
réponse a été non, sinon je ne l'aurais pas
présentée, parce que je connais la disposition, et je sais qu'on
ne peut pas apporter d'amendements qui entraînent des
déboursés. Ça, je le savais, parce que ça s'est
souvent présenté en commission parlementaire. Sauf qu'il s'agit
là d'un principe général, de la même nature que ceux
qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés. Par exemple, on
reconnaît, dans la charte québécoise des droits de la
personne, le principe du droit à l'enseignement privé. Ça
ne veut pas dire que, pour autant, on paie l'enseignement privé. Et,
ça, c'est de la nature des grands principes généraux des
droits qu'on reconnaît à une catégorie d'immigrants, pas
d'immigrants, mais de réfugiés qui n'ont pas de statut. À
ce moment-là, ça ne suppose pas de facto qu'il faudra
nécessairement que ça soit gratuit.
Ce que nous disons ici, c'est un principe général, et son
application, comme toutes les applications de ce genre de principe, doit se
traduire, soit par des règlements, des directives administratives, mais
vous ne pouvez pas, sur la base, par exemple, de la Charte des droits et
libertés de la personne la charte québécoise
aller devant les tribunaux pour exiger, par exemple, l'enseignement
privé.
Alors, de la même manière, l'immigrant, ou le
réfugié qui n'a pas de statut, qui n'a pas actuellement droit
à l'école française, en raison de l'article 6, ne pourrait
pas, sur la base de cet amendement, exiger la gratuité. Dans ce
sens-là, nous y avions pensé avant, parce que c'est la
première question qu'on se pose lorsqu'on prépare un amendement
de cette nature. Si le ministre veut faire faire les vérifications, tel
que je le lui indique, il pourra constater qu'effectivement ça n'a pas
d'incidence financière. Ça n'a pas d'incidence financière
directe. Ça n'en aura que si le gouvernement en décide ainsi.
Moi, je pense que ça mérite un examen très
sérieux, parce que c'est au niveau des droits et des principes, et
ça n'entraîne des déboursés que dans la mesure
où le gouvernement décide: Vous ne pouvez pas réclamer sur
cette base la gratuité de ces services.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je réaffirme ce que je
vous ai dit tantôt, que cette proposition d'amendement, si elle
était adoptée, engagerait des deniers publics. Je dois vous en
informer.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Le ministre, il faut bien qu'il comprenne une chose:
Ma collègue dépose un projet d'amendement qui a pour but de
donner, en termes de principe, une possibilité à des personnes.
Cette décision, maintenant, appartiendra de façon directe
à une décision gouvernementale, s'il le décide. Ça
ne veut pas dire qu'à ce moment-ci... Le ministre a le droit de le dire,
mais la jurisprudence, en commission parlementaire, a toujours bien
été directe: Si ce qu'on propose a pour but de donner un lien
direct à l'augmentation... Si on disait: II y a tant d'argent qui doit
être engagé, il y a tant de deniers publics qui doivent être
engagés... Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Le ministère
de l'Éducation a déjà son budget. Il y a des
décisions qui peuvent être prises de le répartir comme il
le veut. Il n'y a pas de lien direct entre la proposition que nous pourrions
adopter, donc, en termes de recevabilité de cette motion et les fonds
publics eux-mêmes. Alors, la jurisprudence est claire jusqu'à
maintenant. Elle donne la possibilité d'en discuter. (23 h 30)
Libre au gouvernement, à ce moment-là, de l'accepter ou de
la refuser. Et, là, on pourra en faire une discussion, dire pourquoi on
voudrait ça. Puis, après ça, le ministre fera au vote la
décision de dire oui ou non. Mais il me semble que la présidence,
ayant pour but de permettre un débat le plus large possible, devrait
considérer comme étant recevable la motion, puis, quand arrivera
le temps du vote, bien, là, on passera au vote.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Hull.
M. LeSage: M. le Président, il me semble que le
député de Laviolette devrait comprendre que, lorsqu'on instaure
un nouveau service, ça coûte des sous. Je n'ai jamais vu un
nouveau service, moi, s'offrir à la
population sans que ça coûte de l'argent. Et on le dit
bien, dans l'amendement qui est proposé: «Tout immigrant ou
réfugié a le droit...» La minute que vous donnez un droit,
c'est que vous acceptez qu'il le fasse, puis vous ne pouvez pas le refuser s'il
le demande. Puis il ne le demande pas à n'importe qui, il le demande
à l'administration. Attendez une minute. Si, demain matin, on disait:
Tout anglophone au Québec a le droit d'aller suivre des cours
francophones de l'administration, du ministère, il faudrait les
dispenser et ça coûterait des sous. Mais c'est la même
chose.
M. Jolivet: M. le Président, pour répondre à
la question... Parce que là...
Le Président (M. Doyon): Oui, une dernière
intervention.
M. Jolivet: O.K. Je comprends très bien ce que vous dites
là, puis je suis d'accord avec vous. Je ne nie pas ça. Il n'y a
personne qui a dit que le cours ne coûterait pas d'argent. La seule
chose...
Une voix: Ah, vous venez de l'affirmer. M. Jolivet: ...mais
laissez-moi finir. Une voix: Merci.
M. Jolivet: Je vais vous donner un exemple. Il y a des cours qui
se donnent chez moi à des gens, qui sont de 2 plages. La première
plage qui est donnée, c'est tant de personnes peuvent suivre le cours,
puis il ne coûte rien parce que c'est prévu par la décision
de la commission scolaire, parce que c'est des cours remboursés par le
ministère. Ça, c'est des adultes. Est-ce que vous êtes au
courant de ça? Pendant ce temps-là, il y a 15 personnes qui
peuvent suivre le cours. Ils sont contingentés à 15. Mais cette
année, chez moi, à La Tuque, ils ont décidé,
à la commission scolaire du Haut-Saint-Maurice, de donner ce
cours-là à plus de personnes parce que ça entraîne
la capacité, pour ces gens-là, d'aller travailler à
Hydro-Québec, qui a des travaux. Il y a des cours de
sécurité. Les 45 autres qui voulaient suivre le cours, parce
qu'il y en avait 60, les 15 premiers ont été acceptés.
Savez-vous qui a payé les 45 autres cours, vous? C'est chacun de leur
poche. Le droit n'entraîne pas de le payer, le droit entraîne la
possibilité de l'avoir, puis, après ça, le paiement se
fait différemment. Donc, il n'y a pas d'engagement de deniers publics,
le cours s'autofinance et, à ce moment-là, les gens y ont droit,
ils le requièrent, mais ils le paient. Alors, ce n'est pas vrai que la
motion que nous présentons devant nous requiert automatiquement des
fonds publics de façon, donc, directe, non; de façon indirecte,
c'est une décision qui appartiendra à l'État. Mais, s'ils
ne veulent pas le payer, ils diront: Oui, nous avons le devoir de le donner,
mais vous allez le payer. Et ça ne devient pas gratuit et ça
s'autofinance. Donc, M. le Président, cette motion est recevable, et
nous allons avoir, j'en suis sûr, l'occasion de la discuter.
Le Président (M. Doyon): Bon. J'avais indiqué que
c'était la dernière intervention, mais M. le député
de Lac-Saint-Jean vient d'arriver. Alors, il m'indique qu'il a 2 mots à
dire là-dessus.
M. Brassard: Très courts, parce que je ne sais pas si on
l'a rappelé, mais cet amendement-là, c'est un amendement à
l'article 6 qui se retrouve au chapitre 2 qui porte... et le titre est:
«Les droits linguistiques fondamentaux». Alors, c'est le chapitre
sur les droits fondamentaux en matière de langue. Par conséquent,
ça n'a aucune référence directe avec le financement ou
avec les coûts de la mise en vigueur ou de la mise en application de ces
droits. C'est un chapitre qui spécifie les droits fondamentaux en
matière linguistique, dont l'article 6 indique que toute personne
admissible à l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet
enseignement en français. Nous, on ajoute un amendement à cet
article-là, mais c'est un chapitre sur les droits. Et, donc, ça
n'a rien à voir avec le financement de la mise en vigueur de ces
droits-là. Par conséquent, je pense que les arguments
invoqués par les ministériels sont sans fondement.
Le Président (M. Doyon): Bon. Alors, très bien. Je
suspends pour quelques minutes. Prise en délibéré.
(Suspension de la séance à 23 h 35)
(Reprise à 23 h 38)
Décision du président
Le Président (M. Doyon): Alors, la présidence est
saisie d'un article présenté par Mme la députée de
Chi-coutimi qui se lit comme suit: «Tout immigrant ou
réfugié a le droit de recevoir et de requérir de
l'administration un enseignement de la langue française afin de
permettre son intégration au sein de la société
québécoise.»
La question qui se pose actuellement et qui est soulevée par Mme
la députée de Chicoutimi, tout d'abord et c'est M. le
député de Laviolette qui plaidait cette question-là
c'est qu'il s'agit d'un amendement qui s'insère dans le cadre
général du projet de loi 86, projet de loi qui vise à
harmoniser la Charte de la langue française. Et, dans les objectifs de
cette loi, on peut concevoir qu'il y a une question d'enseignement d'une
façon plus vaste. Et, dans les circonstances, il soutient que cet
amendement-là devrait être recevable, étant donné
qu'il ne va pas à rencontre des objectifs de la loi.
D'un autre côté, les ministériels et le ministre
responsable de la Charte plaident qu'il s'agit là d'un article qui
impose une obligation au gouvernement de dépenser des sommes d'argent,
se référant à l'article 192,
qui est le suivant, j'en fais une brève lecture: «192. Seul
un ministre peut présenter une motion visant: «1° l'engagement
de fonds publics; «2° l'imposition d'une charge aux contribuables;
«3° la remise d'une dette envers l'État; «4°
l'aliénation de biens appartenant à l'État. «Cette
règle ne s'applique pas à une motion n'exprimant qu'une
idée générale ou une opinion sur les matières
énumérées ci-dessus.»
On m'a fait valoir aussi que, subsidiairement, il n'est pas clair que
l'amendement proposé ne va pas au-delà et même,
peut-être, à rencontre du projet de loi 86 ou de ses objectifs
tels qu'ils sont indiqués. (23 h 40)
M. le député de Laviolette me dit que rien n'exclut que
les frais engendrés qu'il reconnaît être possibles
par l'exercice de ce droit ou par cette obligation imposée au
gouvernement soient compensés entièrement par ceux qui
profiteront de l'exercice de ce droit.
Ce que j'ai à décider, c'est de regarder l'article
à fond et de voir quel serait l'effet de cet article dans
l'immédiat s'il était adopté tel qu'il est actuellement.
Ce que je note dans cet article, c'est qu'il impose, il donne un droit, tout
d'abord, à tout immigrant ou réfugié de recevoir et de
requérir de l'administration un enseignement de la langue
française, ce qui fait que, au-delà du droit, de façon
générale, qui est accordé, il y aurait une obligation
proprement dite de la part de l'administration à fournir un enseignement
de la langue française. Il est sûr que, demain matin, cette
obligation du gouvernement aurait pour effet d'entraîner, sans aucun
doute dans mon esprit, des dépenses, d'une certaine façon. On me
fait valoir qu'il n'est pas question d'augmenter le budget, par exemple, du
ministère de l'Éducation. Ce qu'il est important de faire comme
distinction, c'est que l'article 192 ne parle pas d'augmentation de budget, il
dit tout simplement que l'engagement de fonds publics, du moment que des fonds
publics sont engagés, qu'ils soient à l'intérieur d'un
budget déjà existant ou pas, n'a pas d'importance parce qu'il
s'agit de dépenses de fonds publics.
Et l'autre chose qui est très claire là-dedans, c'est que
cette obligation que le gouvernement aurait de fournir un enseignement de la
langue française ne peut pas se faire in abstracto, ça doit se
faire avec un appareil administratif quelconque, qui doit être mis en
place et, même s'il y avait éventuellement compensation, le
gouvernement se verrait à engager, pour l'immédiat, des fonds
pour mettre en place l'appareil qui permettrait de donner ces services et de
satisfaire au droit.
Je termine ma décision en indiquant que...
M. Jolivet: Est-ce que je...
Le Président (M. Doyon): Je n'ai pas fini ma
décision...
M. Jolivet: Oui, je sais mais, avant que vous la preniez, est-ce
que je pourrais vous ajouter quelque chose?
Le Président (M. Doyon): Non, je regrette, M. le
député...
M. Jolivet: Non, c'est correct, je vous le demande.
Le Président (M. Doyon): Non, je regrette, parce que j'ai
essayé de donner à tout le monde l'occasion de s'exprimer. Je
sais que vous comprenez ma situation, ayant été...
Alors, ce que j'étais en train de dire, c'est que l'exercice de
ce droit n'est pas un droit in abstracto, c'est un droit qui s'exerce selon
certaines modalités et, au-delà de ça, même si ce
droit était un droit in se, en soi, ça ne change rien au fait
que, si l'exercice du droit engendre des dépenses et entraîne des
dépenses, c'est quelque chose qui est soumis à l'article 192. Il
n'est aucunement dit nulle part, ni directement, ni indirectement, ni d'une
façon claire et précise, ni d'une façon sous-entendue que,
quand il s'agit d'un droit, il y a une exception et qu'à ce
moment-là la règle de l'engagement des fonds publics ne joue
pas.
Ce que je dis, c'est que, même si on me convainquait qu'il s'agit
d'un droit in se, si l'exercice de ce droit-là engage des
dépenses de fonds publics, l'article 192 fait en sorte qu'il s'agit
là d'un privilège exécutif et, dans les circonstances, je
n'ai d'autre choix que de déclarer cette motion non recevable. Et je le
fais en accord avec d'autres décisions qui ont été
rendues, une en particulier, qui concernait une demande, lors de l'étude
d'un projet de loi, d'abaisser l'âge d'entrée à
l'école. Donc, il s'agissait de donner un droit de recevoir
l'enseignement à un âge plus bas que celui qui était
indiqué dans le projet de loi. La question qui se posait: Est-ce qu'il
s'agit là d'une motion d'amendement qui est recevable et est-ce qu'elle
engage des fonds publics? La décision rendue par M. Luc Tremblay, le 6
décembre 1984, était à l'effet que... On se posait la
question: Est-ce que c'est exécutoire? On disait: Oui, ça l'est
ici. Est-ce qu'il y a implication sur les dépenses d'argent? On disait:
Oui. Et je soutiens que oui et, comme je n'ai pas de doute, je n'ai même
pas à demander au ministre ce qu'il en pense, s'il pense que, vraiment,
il y aura dépenses, parce que je pense que c'est clair qu'il y en a et
ce n'est qu'en cas de doute que l'opinion du ministre est requise dans une
semblable affaire. Et on demandait: Est-ce que la motion comporte des chiffres?
Ici, il n'y a pas vraiment de chiffres, mais il y a clairement des
dépenses qui vont s'ensuivre.
Alors, dans les circonstances, je n'ai d'autre choix, même avec
tout le désir que je peux avoir de permettre la discussion, mais il me
faut être convaincu que la motion est recevable et je ne peux pas
l'être compte tenu de sa nature et compte tenu des arguments qui m'ont
été présentés par les deux côtés et
que j'ai pris en considération. Donc, la motion est
déclarée irrecevable.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Jolivet: Pour faciliter la poursuite de nos débats,
j'aurais uneje ne sais pas comment vous appelez ça une
directive ou une information à vous demander. Je ne veux pas mettre en
doute la décision que vous avez prise, vous avez pris une
décision. Je veux simplement voir comment je pourrais, dans mon cas,
reformuler la question pour qu'elle soit acceptable. Je vous reporte à
Beauchesne toujours dans l'édition que j'avais tout à l'heure,
dans ce que vous venez juste de dire: une motion in abstracto, dans l'abstrait.
Une motion dans l'abstrait, c'est dans le genre que nous proposons. Qu'est-ce
que permet une motion abstraite, dans ce contexte-là? Elle se borne
à recommander une dépense ou une charge qui peut être
reçue et retenue par la Chambre. Donc, c'est par la commission, ici.
Leur régularité tient à ce que, n'étant
qu'une simple expression de sentiment de la Chambre, leur adoption
n'entraîne ni dépense de deniers publics, ni fardeau financier;
c'est ce qu'on souhaite tout le monde.
Alors, sont irrecevables, toujours d'après Beauchesne...
Le Président (M. Doyon): Je suis obligé de vous
arrêter.
M. Jolivet: Non, mais je veux vous demander une question.
Le Président (M. Doyon): Non, je regrette M. le
député, je suis obligé de vous arrêter parce que,
qu'est-ce que vous voulez, vous avez eu l'occasion de faire valoir le point de
vue. Je comprends qu'il y a d'autres arguments qui pourraient être
apportés d'un côté et de l'autre et je vous permets de
citer Beauchesne...
M. Jolivet: Je ne veux pas vous parler de la motion qui est
là, je veux vous poser une question. Je suis en train juste de
présenter ma question. Je vais vous la poser ensuite. Je veux avoir une
directive. Je veux savoir comment procéder.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, vous venez de
rendre une décision et en vertu de l'article 41 je vous demande, s'il
vous plaît, de respecter la décision du...
M. Jolivet: Non. Je ne veux pas remettre en doute la
décision. Je veux simplement savoir comment je vais travailler dans le
futur...
M. Tremblay (Rimouski): Non, non. Ce que vous faites
indirectement...
Le Président (M. Doyon): Je vous dirai tout simplement, M.
le député, sans vouloir vous empêcher de vous exprimer, que
le rôle de la présidence n'est pas de vous conseiller
juridiquement sur la façon de présenter des motions. Le
rôle de la présidence est de disposer des motions que vous
présentez, au meilleur de sa connaissance, étant certain que la
présidence fait rarement l'affaire de tout le monde. Et c'est dans ce
sens-là que le rôle de la présidence doit être
défini.
M. Jolivet: Je m'incline, M. le Président.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Brassard: Je voudrais refaire...
Une voix: ...
M. Brassard: Non, oui, mais modifiée de façon,
justement... Oui, mais je voudrais refaire la proposition.
Une voix: Un nouvel amendement.
Motion proposant d'ajouter un autre article
M. Brassard: Un nouvel amendement qui tient compte de la
décision du président. Je voudrais faire la motion suivante, je
vous fais grâce des préambules: «Tout immigrant ou
réfugié a droit, dans la mesure des moyens de
l'État...
Une voix: Voilà!
M. Brassard: ...à un enseignement de la langue
française afin de permettre son intégration au sein de la
société québécoise.»
Une voix: Voilà! C'est conforme à votre
décision.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous avez à
vous exprimer sur la recevabilité?
M. Brassard: Bien, vas-y, mais je pense que ça tient
compte de votre décision.
Débat sur la recevabilité
M. Jolivet: Alors, je continue, M. le Président, où
j'étais rendu. Donc, sont irrecevables les motions qui ont pour effet de
donner au gouvernement l'ordre direct de prendre des mesures qui engagent une
dépense. On ne donne un ordre à personne avec le nouvel
amendement qui est proposé. Donc, c'est toujours dans le sens, dans la
mesure où le gouvernement le veut bien, dans la mesure où le
gouvernement peut, dans la mesure des moyens gouvernementaux. Donc,
l'utilisation des mots que propose mon collège laisse le gouvernement
libre de conclure, après qu'on aura étudié la question
ici, qu'il
est opportun de faire telle ou telle chose, d'engager telle et telle
dépense, mais pas nécessairement. C'est un peu, selon un ancien
dicton, des dépenses nécessaires mais pas nécessairement
des dépenses. Donc, c'est évident que la proposition telle que
présentée n'engage pas l'État, lui suggère des
choses, l'invite, fait le souhait et, ça, je pense que dans ce
contexte-là le gouvernement aura toujours l'opportunité de
décider si, oui ou non, il donne. (23 h 50)
Mais je reviens à l'autre partie, M. le Président, qu'il
faut bien comprendre. Vous dites: L'État engage des frais. Moi, je dois
vous dire que les cours qui sont donnés aux adultes n'engagent aucuns
frais à l'État quand ils sont payés par les individus. Non
monsieur, ils en engagent, parce que le cours doit s'autofinancer, le cours
s'autofinançant, je vous donne un exemple. Les gens qui suivaient un
cours de sécurité à La Tuque je le reprends
qui était financé par l'État en vertu des ententes des
personnes qui vont à l'école des adultes... C'est payé par
l'État, l'individu a un minimum à payer, 35 $, admettons. Tous
ceux qui veulent le suivre, dans les locaux de la commission scolaire du
Haut-Saint-Maurice, peuvent le suivre, à la condition d'en payer le
plein prix. Le coût que coûte le cours. Et là, regardez bien
les coûts, c'était 180 $. L'individu qui suit le cours a
payé jusqu'à 180 $ pour suivre le cours, parce qu'il
n'était pas dans les cours contingentés payés par
l'État. Ça existe, ça.
Qui n'a pas, parmi vous, connu les fameux cours de macramé, pour
s'amuser un peu là? Remarquez le nombre de cours qui étaient
donnés en art comme ceux-là à l'époque, en
coiffure, à des personnes adultes qui voulaient suivre des cours, qui
les suivaient à leurs propres frais, payés par eux-mêmes.
Ma femme a suivi des cours, dernièrement, donnés dans les locaux
de la commission scolaire de Grand-Mère, en fait, du Centre Mauricie
maintenant...
Le Président (M. Doyon): Vous devez me convaincre de la
recevabilité de la motion.
M. Jolivet: Oui, c'est ça que je veux dire.
Le Président (M. Doyon): Parce que, là, vous allez
me faire friser!
M. Jolivet: Non mais ça, pour vous dire qu'elle a
payé elle-même. Ça n'a pas engagé de fonds de
l'État. N'ayant pas engagé de fonds de l'État, ça a
coûté, à ma femme, le prix, ça a coûté
à toutes les autres femmes qui l'ont suivi, mais ça n'a rien
coûté à l'État.
Donc, la motion qui est devant nous, ce n'est pas d'obliger le
gouvernement de façon directe, c'est de lui conseiller de le faire et il
décidera après ça de le faire, mais au moins on aura, ici,
étudié le droit à l'individu de pouvoir l'avoir
donné dans des classes, dans des locaux de la commission scolaire, mais,
ça, en en payant le plein prix s'il le faut.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président... Le
Président (M. Doyon): Oui M. le député.
M. Tremblay (Rimouski): ...on a affaire à une motion
identique à la décision que vous venez de rendre, et je vous
rappelle l'article 41: «La décision du président ou de
l'Assemblée ne peut être discutée.» Et, là, on
fait exactement la même motion, présentée d'une autre
manière, mais c'est exactement la même motion dans laquelle vous
venez de rendre un jugement et je vous demande, s'il vous plaît,
d'appeler immédiatement l'article 1 et de faire fi de cette motion.
Une voix: Ho, ho, ho!
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je vais être brève là-dessus,
M. le Président. Il faut rappeler que cet amendement se situe sous le
chapitre II, Les droits linguistiques fondamentaux. Et, si vous lisez les
articles 2, 3, 4, 5 et 6, on parle, à chacun des articles: Toute
personne a le droit, le droit que communique en français avec elle
l'administration. Est-ce que ça indique que ça entraîne des
frais pour l'État? L'article 3: En assemblée
délibérante, toute personne a le droit de s'exprimer en
français. Est-ce que ça indique qu'il y a des frais pour
l'État? Non, parce qu'il s'agit d'un principe. Les travailleurs ont le
droit d'exercer leurs activités en français. Il s'agit d'un
principe. Et la même chose, les consommateurs de biens ou de services ont
le droit d'être informés et servis en français. Ça
ne suppose pas que ça entraîne des coûts pour l'État.
Et, dans cet esprit-, avec la modification qui a été
proposée par mon collègue de Lac-Saint-Jean, évidemment,
pour enlever toute ambiguïté et confusion quant aux implications
financières, moi, je pense que c'est acceptable. À moins que le
ministre nous dise, et là c'est une autre question: Je ne veux pas
bonifier la loi dans ce sens-là. Moi, là-dessus, on comprendrait
peut-être un peu mieux...
M. Brassard: Bien, ils voteront contre.
Mme Blackburn: Bien, ils voteront contre, c'est ça. Alors,
moi, j'ai terminé. Je pense qu'il s'agit d'un principe d'un ordre
général. Ensuite, les modalités d'application, c'est autre
chose.
Le Président (M. Doyon): D'autres...
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, c'est une mesure
de diversion et la bonne foi de l'Opposition n'est plus là.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de
Laviolette, en terminant, rapidement.
M. Jolivet: Je vais vous donner un exemple...
Le Président (M. Doyon): Je suis prêt à
rendre ma décision, de toute façon.
M. Jolivet: Je vais vous donner un exemple d'une proposition qui
est faite et c'est pour ça que je voulais vous demander une directive
tout à l'heure, mais mon collègue m'a devancé. Vous m'avez
dit: Non. Et vous aviez raison.
Je me souviens d'une décision qui était rendue à
l'effet de convoquer tel ministre devant la commission parlementaire. Je ne
parle pas de celle-là, je parle de l'autre. O.K. On s'est fait dire que
ce n'était pas receva-ble. Le président, à
l'époque, nous avait dit: Cependant, si vous souhaitez qu'il vienne, ce
sera autre chose, elle sera recevable. Qu'est-ce qui a été pris
comme décision? C'est que nous avons représenté une motion
qui disait: Nous souhaitons que le ministre soit convoqué. Et, dans ce
contexte-là, c'était dans le sens même de ce
qu'était la décision du président. Donc, mon
collègue a pris ce que le président nous a dit, ne devait pas
engager de deniers publics, on l'a corrigé en conséquence. Donc,
la nouvelle motion présentée ne ressemble en aucun point à
la précédente dans le contexte de la décision que vous
avez rendue. C'est une nouvelle proposition qui a pour but de dire: Dans le
contexte des disponibilités de l'État, le cours pourra être
donné. Mais, si l'État ne veut pas, il ne sera pas donné.
Donc, il n'y a pas de charge directe.
Décision du président
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, je suis
prêt à rendre ma décision. Quand j'ai rendu ma
décision tout à l'heure, il est vrai que ce qu'on est convenu en
droit d'appeler la ratio decidendi, c'est-à-dire le noeud de la
décision, portait sur l'article 192. J'ai indiqué que,
subsidiairement, il y a d'autres arguments qui pouvaient être
invoqués, à savoir si ça rejoignait les principes
généraux de la loi qu'on pouvait retrouver dans divers chapitres
du projet de loi 86, etc. Les parlementaires ne se sont pas exprimés
très largement à ce sujet-là. Force m'est de constater que
les changements qui sont faits dans le nouvel amendement n'obligent pas,
contrairement à ce qui était le cas précédemment,
l'administration à donner et ne constitue pas une obligation
supplémentaire qui pourrait comporter un fardeau financier pour
l'administration parce que l'amendement qui est proposé indique: On
donne un droit dans la mesure des moyens de l'État. C'est de la nature
d'un souhait, c'est de la nature d'une possibilité, c'est de la nature
de quelque chose qui peut ne pas comporter, à la rigueur et à la
limite, d'augmentation du fardeau financier de l'État et, dans ce
sens-là, elle diffère fondamentalement de la
précédente qui, à mon sens, portait beaucoup plus une
obligation à l'État. Et, comme toute obligation a comme
corollaire une dépense en ce qui concerne l'État, j'avais rendu
la décision que j'ai rendue. Dans les circonstances, de façon
à faciliter le débat et de façon à permettre
à ceux qui veulent s'exprimer à ce sujet-là de le faire,
n'ayant pas entendu d'arguments convainquants qui m'amèneraient à
déclarer irrecevable en vertu d'autres arguments qui ont
été invoqués, mais seulement de façon très
subsidiaire tout à l'heure, je suis capable de déclarer cette
motion recevable.
M. Jolivet: M. le Président, compte tenu du temps, est-ce
qu'on peut suspendre? En fait, ajourner?
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, on ajourne
jusqu'à demain, selon l'avis de la Chambre, qui sera fort probablement
11 heures ou 11 h 30. Donc, ajournement.
(Fin de la séance à 23 h 59)