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(Quinze heures onze minutes)
Le Président (M. Doyon): Je déclare les travaux de
la commission de la culture commencés et tout de suite
après avoir indiqué que cette commission se réunit pour
tenir des consultations particulières sur le projet de loi 86, comme on
le fait maintenant depuis près de 3 semaines; il s'agit de la Loi
modifiant la Charte de la langue française je demande à M.
le secrétaire de bien vouloir nous annoncer les remplacements, s'il y en
a.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boisclair
(Gouin) est remplacé par M. Bélanger (Anjou).
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Nous allons recevoir, dans les minutes qui vont suivre, les
représentants de la CSN. Avant de leur donner la parole, j'aimerais dire
2 mots.
Premièrement, j'ai des mémoires qui ont été
reçus et que je désirerais, tel qu'il est coutume, déposer
et demander au secrétaire de les mettre dans les archives avec... comme
c'est l'habitude de le faire. Alors, il y a 6 mémoires qui sont
déposés et qui pourront être consultés en faisant
appel au Secrétariat des commissions, première chose.
Documents déposés
Deuxième chose: nous allons recevoir à 16 heures les
représentants du Parti Égalité et nous allons... les
partis conviennent que le temps, compte tenu que le représentant du
Parti Égalité est ici à cette commission... conviennent de
séparer un tiers, un tiers, un tiers le temps qui restera à
chacun des représentants, les ministériels ayant un quart
d'heure, l'Opposition officielle ayant un quart d'heure et M. le
député de D'Arcy-McGee disposant d'un quart d'heure pour
s'adresser au représentant du même parti que lui qui sera avec
nous à partir de 16 heures.
Autre chose: comme nous aurons le dernier mémoire et que
ça terminera les travaux de cette commission, qu'après ça
nous ajournerons sine die, pour reprendre ultérieurement, bien
sûr, d'autres travaux en commission parlementaire pour étudier le
projet de loi article par article, il est convenu entre les partis que,
très rapidement, il y aura 5 minutes pour chacun des intervenants,
c'est-à-dire 5 minutes au parti ministériel, 5 minutes au parti
de l'Opposition officielle et 5 minutes à M. le député de
D'Arcy-McGee, député indépendant, de façon à
faire un petit, très bref résumé, dégager des
grandes lignes, si c'est le désir des représentants des partis
à cette commission.
Alors, c'est comme ça que s'engage la dernière
séance de cette commission. Alors, je demande à tous et chacun de
prendre note des quelques informations que j'ai transmises de façon
à ce que, tous ensemble, nous puissions nous y conformer.
Mme la députée.
Mme Blackburn: M. le Président, une simple
information.
Dans les mémoires qui ont été
déposés, on a pris en compte les 15 dont on a accepté le
dépôt hier au nom des organismes jeunes qui avaient tenu une
commission parlementaire parallèle. Ça fait partie de...
Le Président (M. Doyon): On ne les a pas reçus. On
ne les a pas reçus.
Mme Blackburn: Alors, dès qu'ils vont être
reçus... Oui?
Le Président (M. Doyon): Ils seront distribués, et,
éventuellement, on pourra faire ça à un autre moment.
Évidemment, on ne peut pas déposer les mémoires qu'on n'a
pas reçus. Nous pourrons, comme je disais, là, quand la
commission de la culture va reprendre ses travaux, voir à ça.
Mme Blackburn: Est-ce que vous êtes certain qu'ils n'ont
pas été déposés à la secrétaire?
M. Bélanger (Anjou): Us ont été
déposés...
Mme Blackburn: Oui, ils ont été
déposés hier.
M. Bélanger (Anjou): ...hier, en séance. Ils ont
été déposés en séance.
Le Président (M. Doyon): On me dit qu'il y en a quelques
exemplaires qui ne représentent pas. la totalité
qui ont été reçus, mais pas la totalité et que
d'autres mémoires seraient déposés ultérieurement.
Alors, ce que je propose, c'est que nous fassions ça tout d'un
coup...
Mme Blackburn: Alors, oui.
Le Président (M. Doyon): ...compte tenu qu'on ne les a pas
démêlés.
Mme Blackburn: Ou dès que le Secrétariat en obtient
copie, faire la distribution.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, on fera la
distribution.
Mme Blackburn: Très bien, merci.
Le Président (M. Doyon): Pas de problème.
Alors, comme je l'indiquais, nous recevons les représentants de
la CSN, ils sont déjà avec nous. , Or, il y a une chose que je
dois faire et que je m'étais engagé à faire hier, c'est
d'indiquer l'état de la situation au moment où nous nous parlons,
c'est-à-dire à la fin de nos travaux.
Il y avait eu 42 organismes qui avaient été invités
en vertu de la motion adoptée par l'Assemblée, le 6 mai. Il y en
aura 22 qui auront été entendus, y compris les 2
d'aujourd'hui. Il y en aura 19 qui auront décliné l'invitation,
dont 2 pour faire une présentation conjointe avec un autre organisme;
ça avait déjà été indiqué. Il y a un
organisme qui avait confirmé sa participation et qui, justement, est
entendu à la présente séance, on parle du Parti
Égalité. Donc, un total de 42 en tout; on revient au chiffre de
42.
Par ailleurs, j'indique qu'un organisme a été
ajouté, c'est le Parti Égalité dont je parlais. Dix-huit
personnes ou organismes ont demandé à être entendus, et 2
mémoires ont été reçus sans qu'il y ait demande
d'audition. Et il y a le dépôt des mémoires que j'indique
qui est fait et les dépôts à venir. Je demande à M.
le secrétaire de prendre acte de ce document, qui va faire partie des
archives et qui peut aussi être consulté à loisir.
Alors, avec mes excuses, de nouveau, j'invite les représentants
de la CSN à bien vouloir tout d'abord se présenter. Nos
règles sont connues: vous disposez de 20 minutes pour nous faire part de
votre point de vue, et, après ça, la conversation, la discussion
s'engage entre les représentants de cette commission et vous-même,
le parti ministériel disposant d'un maximum de 20 minutes et
l'Opposition, globalement, de 20 minutes, 15 minutes étant
réservées à l'Opposition officielle et, sur demande, une
possibilité de 5 minutes au député indépendant de
D'Arcy-McGee. Si les 5 minutes ne sont pas accordées au
député de D'Arcy-McGee, elles échoient à
l'Opposition officielle.
Donc, bienvenue, et vous avez la parole.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN)
M. Larose (Gerald): Merci, M. le Président.
Je vous présente celui qui m'accompagne pour les travaux sur le
projet de loi 86, M. Michel Rioux, du service d'information de la
Confédération.
Quand le gouvernement du Parti québécois avait
décidé de rouvrir le débat linguistique, à
l'automne 1983, la CSN avait soumis à la commission parlementaire
convoquée à cette fin qu'il était inquiétant
qu'après seulement 6 ans de fonctionnement sous l'empire de la Charte de
la langue française, adoptée en 1977, on ne laisse pas au temps
le temps de faire son oeuvre.
Car, en matière d'aménagements linguistiques, on ne parle
pas d'actions dont la portée pourrait se calculer à l'aune de
semaines. C'est plutôt en ayant à l'esprit des
échéances calculées en termes d'années et
même de générations qu'on peut sérieusement
prétendre être en mesure d'agir sur le fond des choses et non pas
en périphérie.
La consultation menée par le gouvernement de l'époque
avait conduit à l'adoption d'ajustements qui, heureusement, ne mettaient
nullement en cause les principes qui avaient présidé à
l'élaboration de la Charte de 1977. L'essentiel avait été
respecté, et les craintes que certaines déclarations
ministérielles avaient pu susciter quant au respect de la loi 101 et de
ses fondements s'étaient heureusement révélées non
fondées. Il n'y avait pas eu, à cette époque, retour
à l'esprit qui avait prévalu chez les gouvernements qui avaient
fait adopter, dans les années antérieures, les lois 63 et 22.
Or, dans la présente démarche du gouvernement, il faut
malheureusement constater que le projet de loi 86, présenté
à l'Assemblée nationale par le ministre responsable de la
francisation, contient suffisamment d'éléments remettant en cause
l'économie même de la Charte pour qu'il nous soit permis
d'affirmer qu'avec son adoption le Québec français se
retrouverait à nouveau amputé de moyens essentiels à sa
défense et à son développement.
Car nous ne sommes pas en présence d'ajustements de nature
cosmétique à une loi dont il faudrait corriger certains
irritants; nous sommes en présence d'une action législative
particulièrement pernicieuse, une action en profondeur, menée,
cependant, sous le couvert de la langue de l'affichage, dont on prétend,
dans le discours ministériel officiel, qu'elle ne serait que la seule
visée, à toutes fins utiles.
Nous sommes en présence d'un détournement de vocation
d'une Charte très largement appuyée par nos concitoyennes et
concitoyens, un détournement opéré avec un sang-froid et
un cynisme qui ne sont à l'honneur ni du gouvernement qui le fait ni du
ministre qui s'y prête. Or, on s'acharne sur des lambeaux de Charte, on
s'acharne sur ce qu'il en reste après le passage des oiseaux de proie du
fédéral, Cour suprême en tête. Sur les 8 chapitres
que comptait, à l'origine, la loi 101, 6 d'entre eux ont
été soit invalidés, soit sérieusement amoindris
dans leur portée. Soulignons-les rapidement. (15 h 20)
Le chapitre de la langue de la législation et de la justice
était invalidé en 1979, à nouveau, l'anglais retrouvant sa
place à côté de la langue française dans les cours
et dans nos lois. Celui de la langue de l'enseignement était fortement
attaqué par la Constitution de 1982, qui introduisait, contre la
volonté de l'Assemblée nationale, la clause Canada, qui
détermine les conditions d'accès aux classes anglaises. En avril
1983, c'est la langue des organismes publics qui était touchée.
En décembre 1988, on s'en souviendra, c'était les dispositions
touchant la langue du commerce et des affaires spécialement la
langue de l'affichage qui
étaient déclarées inconstitutionnelles par la Cour
suprême.
Visiblement, le présent gouvernement et le ministre responsable
ont décidé de profiter d'une conjoncture qui peut leur sembler
favorable pour assener, tout en soutenant le contraire, des coups qui ne
pourront qu'être fatals à une Charte déjà fort mal
en point par les soins et les oeuvres du gouvernement fédéral et
de ses institutions.
De fait, à nos yeux, la démarche du gouvernement ne nous
semble avoir aucun lien avec la protection de la langue française et son
développement, mais être plutôt directement inspirée
par une vision politique, une vision politique canadienne qui, de Meech
à Charlottetown, vise à faire du Québec une province
franco-anglaise, patrie d'une grosse minorité de langue
française. Ce n'est pas ce qu'à la CSN nous avons comme vision.
Nous ne l'avions pas en 1969 quand, au moment de l'adoption du bill 63, nos
instances votaient en faveur de l'unilinguisme français; nous ne
l'avions pas non plus en 1974 quand nous avons dénoncé le bill
22, une loi ménageant la chèvre et le chou, une loi issue d'une
volonté politique vacillante et appliquée à un peuple
qu'on voulait, lui aussi, voir vaciller en silence, dans le grand tout
canadien, un peuple à jamais tranquillisé.
Quand plus de 80 articles d'une Charte, qui en compte 214, sont
touchés par un projet de loi, on ne peut prétendre agir sur une
seule des variables de la question linguistique, l'affichage en l'occurrence.
On agit, au contraire, sur l'ensemble, et c'est sur la vision politique qui en
ressort que la CSN voudrait particulièrement intervenir.
En effet, aux termes de cette consultation en commission parlementaire,
2 points ressortent avec une évidente clarté. D'abord, en
dépit de toutes les démonstrations qui lui ont été
faites quant au fond, le ministre responsable continue de poser une fin de
non-recevoir à celles et ceux qui attirent son attention sur telle ou
telle disposition de son projet de loi, répétant sans cesse que
ceux qui s'y opposent soit exagèrent, soit ne s'y connaissent pas
suffisamment, soit travestissent les intentions du gouvernement. Tenter de le
convaincre aujourd'hui s'avère une entreprise dont nous ne sommes pas
sûrs de la pertinence.
Ensuite, force est, cependant, de constater qu'il ne s'est pas
trouvé grand monde pour venir dire au ministre et à cette
commission parlementaire que, dans l'état actuel dans lequel se retrouve
le Québec aujourd'hui, aux prises avec le chômage, le
décrochage scolaire chez les jeunes, le mépris du gouvernement
à l'endroit de ses employés, la principale tâche à
laquelle l'État devait s'attaquer, de toute urgence, était celle
de prendre toutes les mesures pour faire encore plus de place à la
langue anglaise.
Ni le monde des affaires, ni le milieu syndical, ni les
représentants des municipalités et villes, ni le milieu de-
l'enseignement n'ont appuyé avec enthousiasme le projet du ministre. Ni
même, hier encore, le professeur Léon Dion, qui soulignait que, en
vertu de la théorie des attentes croissantes, anglophones et allophones
n'en resteraient pas à la langue de l'affichage, ee qu'a
confirmé, d'ailleurs, le dernier congrès d'Alliance
Québec, qui a voté rien de moins qu'un retour à la loi
63.
Nous ne nous attarderons pas à tenter de refaire des
démonstrations auxquelles le ministre s'est, jusqu'à maintenant,
montré à peu près insensible. Nous voyons mal comment nous
pourrions réussir là où ont échoué plus
savants que nous. Nous soutiendrons, par contre, que l'entreprise qu'il dirige
qui est une «bilinguisa-tion» de la société
québécoise dans son visage extérieur, dans son
école et dans son monde du travail est dangereuse pour le projet
collectif auquel une majorité de nos concitoyennes et concitoyens
apportent leur soutien, soit celui de faire du français la langue
commune du Québec. Pour réussir son opération, le ministre
ne s'embarrasse pas de détails. Il retire à peu près tous
les pouvoirs significatifs des mains des organismes mis en place pour veiller
à l'application de la Charte de la langue pour se les approprier.
Ce qu'il reprochait au Dr François Cloutier, en 1974, et dont
s'était gardé le Dr Camille Laurin, en 1977, le ministre,
sûr de son fait, le fait sans vergogne. Le gouvernement n'a, à
aucun moment, donné signe de vouloir modifier son approche. Au
contraire, chaque jour qui passe est l'occasion, pour le ministre, de
réaffirmer sa volonté de passer outre aux multiples observations
qui lui sont faites. Le type de fonctionnement parlementaire dans lequel nous
vivons permet qu'une majorité, à l'Assemblée nationale,
impose ses vues. Il est donc plausible de craindre que les fondements
mêmes de la Charte de la langue soient, de façon temporaire, mis
en péril. En conséquence, la CSN, à cette étape des
travaux de la commission parlementaire sans illusions, toutefois, sur le
sort qui leur sera réservé formule les revendications
suivantes.
Le gouvernement devrait retirer son projet de loi, purement, simplement.
Le temps n'est pas de s'ingénier à chercher comment davantage
faire de place à la langue anglaise, au Québec. Le temps serait
plutôt à prendre les mesures concrètes qui s'imposent pour
assurer que la langue française se développe, s'épanouisse
et exerce sur les nouvelles et nouveaux arrivants une force d'attraction
qu'elle ne saurait atteindre si, au premier chef, l'État
québécois n'y veille pas dans toutes ses actions.
Deuxièmement, conformément aux dispositions qui nous sont
imposées par la Constitution de 1982> le gouvernement devrait avoir
recours comme le font, d'ailleurs, tous les autres gouvernements au
Canada 'sur de multiples questions à la clause dérogatoire
en matière d'affichage commercial. On constate actuellement une
rapidité pour le moins suspecte à vouloir se conformer à
un avis d'un comité de l'ONU, sans que ne soient examinés
davantage en profondeur tant le fond que la forme de cet avis, de même
que sa portée réelle. De plus, la réflexion sur la
question de la liberté d'expression, qui serait mise en cause par les
dispositions de la législation en matière d'affichage commercial,
gagnerait à être approfondie.
Le gouvernement devrait faire sienne la recommandation du Conseil de la
langue française et insuffler une vigueur nouvelle à la
francisation des entreprises. Quand on constate qu'après plus de 15 ans
d'application de la Charte environ le tiers des entreprises visées ne
détiennent pas encore le fameux certificat de francisation
délivré par l'Office de la langue, on se prend à penser
qu'il y aurait peut-être urgence d'agir là et sur tout un segment
de notre économie qui demeure dans les limbes linguistiques, soit les
entreprises de moins de 50 employés où se retrouvent, très
souvent, ces nouveaux arrivants, dont il est vital qu'ils se joignent à
nous pour partager la langue de la majorité.
En dernier lieu, la CSN demande au Parti québécois, qui
forme l'Opposition officielle et qui pourrait se voir confier la direction d'un
prochain gouvernement, de s'engager solennellement à retirer, dans
toutes ses parties, l'actuel projet de loi en rétablissant dans toutes
ses dispositions la Charte de la langue.
Ça complète, M. le Président, les commentaires que
la Confédération entendait soumettre à ce stade-ci de vos
travaux.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Larose. M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Ryan: Alors, M. le Président, je remercie la
Confédération des syndicats nationaux d'être venue nous
rencontrer et de nous avoir exposé son point de vue avec la franchise et
le langage direct qui la caractérisent. Nous apprécions ce
langage. Le Parlement est l'endroit par excellence pour le langage franc et
direct. Du côté du gouvernement, nous devons en user avec plus de
modération parce que, souvent, c'est confondu avec arrogance. On va
essayer d'être le plus accueillants possible envers les propos que vous
nous présentez, M. Larose.
Évidemment, je suis obligé de m'inscrire en faux contre
l'interprétation générale que la CSN donne du projet de
loi. Si le projet de loi était celui que décrit votre
mémoire, je serais le premier à m'en dissocier. Mais ce n'est pas
celui que j'ai rédigé avec l'aide de mes collaborateurs et
collaboratrices. C'est un tout autre projet que celui que vous nous
présentez. Et je voudrais le résumer brièvement pour qu'il
n'y ait point de malentendu entre nous et, ensuite, je commenterai
brièvement les propositions qui complètent votre
présentation.
Tout d'abord, nous apportons une modification substantielle, j'en
conviens, sur la langue de l'affichage commercial. Nous l'avons dit à
maintes reprises, nous acceptons le jugement commun qui a été
porté par des milieux compétents concernant le lien qu'il
convient d'établir entre le discours commercial et la liberté
d'expression, et nous en tirons la seule conclusion possible, à savoir
que, tout en étant résolus à promouvoir par tous les
moyens raisonnables la langue française, qui est une
caractéristique essentielle de la société
québécoise, nous ne sommes pas tenus de le faire, ni même
justifiés par le recours à l'interdiction quant à l'usage
d'une autre langue dans ce type de message, et même dans quelque forme de
message que ce soit. (15 h 30)
Lorsqu'il s'agit de la langue que l'État emploiera pour transiger
avec ses sujets, il a le droit de prendre ses décisions en accord avec
les majorités démocratiquement élues qui le gouvernent.
Mais, qu'une assemblée élue s'arroge le droit d'aller prescrire
jusque dans les détails, comme on l'a fait jusqu'à maintenant, la
langue de l'affichage commercial par conséquent, la langue que
doivent utiliser les entreprises privées on peut s'interroger
loyalement sur cette question sans être étranger à la
nation et même sans s'en exclure, tout au contraire. Tout au contraire.
Alors, c'est le jugement que nous faisons sur ce point. Nous acceptons qu'il y
ait désaccord.
Nous-mêmes, en 1988, avons légiféré de
manière différente, étant donné l'état de la
société québécoise à l'époque,
l'état de l'opinion, l'état de notre propre réflexion,
mais nous avons eu 5 ans pour délibérer, et je crois que le
moment était venu de tirer une ligne quelque part, surtout à la
lumière des nombreux jugements qui ont été portés
sur notre législation, pas seulement par les tribunaux réguliers,
qui ne sont aucunement négligeables, mais également par le
tribunal de l'opinion, je dirais, commune, même internationale.
Deuxièmement, nous apportons une modification à la loi
vous n'en traitez pas dans le mémoire, par conséquent, je
ne m'y attarderai point concernant la reconnaissance de certains
organismes comme organismes aptes à fonctionner, dans une certaine
mesure, de façon bilingue. Comme vous ne soulevez pas cette question, je
ne m'y attarderai point.
Nous élargissons l'éventail des méthodes auxquelles
peuvent recourir les responsables du système d'enseignement pour
favoriser l'apprentissage de l'anglais langue seconde. Tout le monde est en
faveur de l'objectif. Je n'ai entendu personne dire qu'il ne voudrait pas qu'on
favorise l'apprentissage de l'anglais langue seconde dans nos écoles; je
pense que celui-là n'oserait pas se montrer en public. À moins
que je ne me trompe, vous me le direz.
Mais, une fois qu'on admet cet objectif, je pense qu'il faut donner au
système d'enseignement une latitude assez large quant au choix des
méthodes, une latitude qui demeurera toujours balisée, cependant,
par les prescriptions contenues dans le régime pédagogique. C'est
tout ce que nous faisons, ici; il n'y a pas autre chose que ça. Et, si
vous appelez ça la «bilinguisation» des écoles, vous
devez avoir un dictionnaire québécois, puis moi, un dictionnaire
Larousse ou Robert international, je ne sais pas. Nous n'avons sûrement
pas le même dictionnaire. Et je serais volontiers intéressé
à ce que vous me passiez le vôtre, puis je vous passerai le mien.
Mais il y a quelque chose... il y a maldonne quelque part.
Puis je suis sûr que, quand nous aurons eu un peu plus de temps
pour discuter malheureusement il n'en
reste pas tellement nous pourrons convenir... Puis, si nous ne
pouvons pas nous entendre d'ici la fin de la session, l'expérience nous
instruira là-dessus, je suis convaincu. Ce n'est pas du tout l'intention
du projet de loi et ce n'est pas du tout, du tout le résultat auquel il
conduira.
Le reste, nous ajustons le texte de la loi à la jurisprudence
canadienne. Eh oui! Nous sommes tenants de l'hypothèse canadienne, du
côté gouvernemental, nous n'en avons jamais fait un
mystère. Nous avons toujours dit que, une conclusion de ce choix que
nous faisons, c'est l'acceptation des jugements qui sont rendus par les
tribunaux canadiens, et nous ajustons la législation linguistique
à la jurisprudence comme elle se présente à ce jour, et il
arrive que cette jurisprudence coïncide avec les convictions du
gouvernement sur un très grand nombre de points qui sont traités.
Par conséquent, je pense qu'il n'y a pas maldonne là non plus.
Les choses sont assez claires, puis nous agissons de façon parfaitement
légitime en agissant ainsi.
Alors, voilà les éléments de réflexion que
m'inspirent vos propos, M. Larose. Je vous les livre avec tout le respect que
vous savez que je vous porte ainsi qu'au mouvement syndical.
Je voudrais maintenant commenter vos 3 propositions, brièvement.
La première: Le gouvernement devrait retirer son projet de loi, purement
et simplement. Je pense qu'à la lumière bon, c'est
peut-être un peu plus prétentieux, mais à la suite
de ce que j'ai dit, vous comprendrez que je ne puisse accepter cette
recommandation. Je pense que cette recommandation, si elle était
acceptée, équivaudrait à dire que nous acceptons le
verdict, le diagnostic que vous avez porté, puis nous ne pouvons pas
l'accepter.
Maintenant, d'autre part, vous indiquez à plusieurs reprises,
depuis le début des séances de la commission, que: Nous serons
disposés à envisager un certain nombre d'amendements au projet de
loi visant à le bonifier.
Vous n'avez pas parlé, dans votre mémoire, de l'article
44, là, que le projet de loi parlait d'abroger, qui traite de la langue
des décisions arbitrales en matière de relations de travail. Nous
avons fait ce changement parce que la question était traitée
à l'article 1 de notre projet de loi, mais, comme ce n'est pas clair, M.
Daoust, de la FTQ, est venu ici l'autre jour et nous a fait part de ses
appréhensions à ce sujet, et je lui ai dit que nous envisagerons
volontiers une modification qui permettra de maintenir l'essentiel de cette
disposition dans la mesure compatible, encore une fois, avec la jurisprudence
canadienne à ce jour, en ces matières.
Et, nous, que la jurisprudence fasse une place à la langue de la
minorité dans les usages judiciaires, ça ne nous crée pas
de difficulté. Nous sommes favorables à ça. Nous
respectons la langue de la minorité anglophone et, s'il y a un endroit
où nous sommes disposés à la respecter, c'est dans les
tribunaux, dans les démarches qui sont faites auprès des
tribunaux. Ça ne nous cause pas de problème fondamental,
là, de problèmes d'exis- tence. Je peux vous dire ça, bien
simplement. Je pense qu'au fond des fonds ça ne vous en cause pas,
à vous, non plus.
Alors, ça, pour le premier point, nous ferons des amendements,
par conséquent, et, si la CSN a des propositions à soumettre de
ce côté, nous les examinerons avec autant d'ouverture que nous
sommes disposés à le faire pour les propositions qui nous sont
venues d'autres organismes, y compris la FTQ.
Vous nous demandez, en deuxième lieu, de recourir à la
clause dérogatoire de nouveau en matière d'affichage commercial.
Nous ne pouvons pas le faire parce que nous avons pris une décision
politique contraire. Nous l'avons prise après mûre
réflexion, après une réflexion qui a duré 5 ans et
qui s'est particulièrement intensifiée depuis le mois de
décembre dernier. Même le Conseil de la langue française
avait des réflexions dans son avis qui inclinaient fortement vers le
non-renouvellement de la clause dérogatoire. Alors, nous tentons
loyalement de résoudre le problème de la langue et de l'affichage
commercial sans revenir à la clause dérogatoire. Et, encore ici,
je pense que vous ne serez point surpris parce que nous l'avons dit de
façon très claire depuis le début des échanges qui
ont eu lieu là-dessus.
Vous demandez, en troisième lieu, que nous insufflions une
vigueur nouvelle à la francisation des entreprises. Vous dites que,
après 15 ans d'application de la Charte, environ le tiers des
entreprises visées ne détiennent pas encore le fameux certificat.
Je voudrais simplement faire quelques rectifications sur les chiffres, d'abord.
Si vous prenez la publication «Indicateurs de la situation linguistique
au Québec», vous constaterez que, pour les entreprises de 100
personnes et plus, il y avait, en 1992, 66,4 % de ces entreprises qui
étaient certifiées et il y en avait 24,6 % qui étaient en
application de programme, qui avaient, par conséquent, un programme de
francisation en application, mais qui n'était pas rendu au point
où il justifiait encore l'octroi d'un certificat.
Chez les entreprises de 50 à 99 personnes, le pourcentage des
entreprises munies d'un certificat était de 82,6 % c'est cette
catégorie d'entreprises sur laquelle vous mettez particulièrement
l'accent avec, en plus, 7,6 % en application de programme. Par
conséquent, les objectifs, nous les avons atteints dans une large
mesure, puis nous pensons pouvoir continuer à les atteindre au cours des
années à venir. Et, moi-même, comme ministre responsable,
j'ai insisté beaucoup pour que l'Office accorde plus d'importance que
pendant les premières années au suivi de la démarche
d'octroi "du certificat, pour s'assurer que la francisation soit .un processus
permanent. Et, afin d'assurer cet objectif, nous inscrivons dans le projet de
loi une disposition qui oblige les entreprises munies d'un certificat de
francisation à faire rapport à tous les 3 ans sur la
généralisation de l'utilisation du français dans la vie de
l'entreprise.
Nous élargissons l'ordre du jour des sujets qui doivent
être abordés en vue de l'octroi d'un certificat de francisation,
ajoutant, notamment, les pratiques en matière d'affichage et les
pratiques en matière de
technologie de l'information.
Nous ajoutons une disposition: on nous avait signalé que les
comités de francisation, dans bien des endroits, sont une apparence
plutôt qu'une réalité. Nous faisons en sorte qu'ils seront
obligés de se réunir un nombre de fois déterminé
par année. Nous avons mis 2 fois. Actuellement, c'est 3 fois, mais,
souvent, les 3 réunions ont lieu le même jour. Alors, là,
nous mettons 2(fois, au moins, à tous les 6 mois. On nous a
suggéré de mettre ça plutôt à tous les 4
mois. Nous considérons cette possibilité, et peut-être que,
quand nous arriverons aux modifications, nous ferons cet ajustement qui
m'ap-paraît découler d'une exigence raisonnable. (15 h 40)
Alors, je pourrais continuer, mais je pense que ceci clarifie... Sur le
troisième point qui fait l'objet de vos recommandations, je vais vous
assurer que nous sommes disposés à faire un très bon bout
de chemin avec votre mouvement. Puis, d'ailleurs, vous savez, la CSN nous a
soumis des projets dans le cadre du programme de soutien financier à la
francisation des milieux de travail. Il y en a, des programmes, des projets que
nous avons approuvés, que nous avons soutenus, et nous étions
très heureux de la collaboration que vous nous avez apportée, et
je veux signaler que les personnes que vous avez affectées à la
francisation, à la CSN, sont des personnes très sérieuses,
très consciencieuses, dont nous apprécions hautement à la
fois le travail et les avis. L'Office m'en a parlé souvent; j'ai eu
l'occasion de causer avec elles à quelques reprises. De ce
côté-là, je n'ai qu'admiration et respect pour l'engagement
qu'elles ont dans leur travail.
Ceci étant dit, je voudrais vous demander, M. Larose, au point de
vue, là, de la liberté d'expression dont à peu
près tous les documents juridiques sérieux et
représentatifs dont nous avons été saisis indiquent
qu'elle a un lien essentiel avec le discours commercial est-ce que vous
ne trouvez pas qu'on est mieux d'accepter cette opinion-là, pour le
moment?
Le débat va se continuer, la recherche va se poursuivre.
Moi-même, j'ai indiqué souvent que je suis loin d'adhérer,
personnellement, à certaines de ces conclusions, mais, comme homme de
gouvernement, je dois bien tenir compte de ce qu'est l'opinion commune,
l'opinion éclairée, à tel moment de l'évolution du
droit. Ça n'empêche pas de continuer à chercher. Mais je
suis convaincu, là, étant donné l'évolution des
sociétés vers le type de démocratie libérale que
nous essayons de bâtir de ce côté-ci de la Chambre, que la
position que nous retenons est plus conforme à l'évolution
actuelle des peuples que celle que défend la CSN et que défend le
mouvement nationaliste au Québec, actuellement, concernant la langue de
l'affichage.
J'aimerais ça, avoir votre réaction là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. Larose.
M. Larose: M. le ministre, je l'ai déjà
déclaré publiquement, mais cette stratégie qui a
été empruntée par les pourfendeurs de la loi 101, de faire
un débat supposément sur les droits fondamentaux, les
libertés individuelles et la liberté d'expression est une
stratégie purement utilitaire, visant d'autres objectifs, auxquels
répond la loi 86, de restaurer un droit collectif et non pas un droit
individuel.
Quand il est interdit d'afficher en anglais, cette interdiction vaut
pour tous les individus au Québec; pas rien que pour les Anglais,
ça vaut pour les Français aussi. Dans ce sens-là, la
restriction, elle est valable pour tout le monde. Ça, c'est pour
démystifier, je dirais, l'immense oppression qui est faite à un
groupe de la société.
Deuxièmement, reconnaître comme la Cour
suprême du Canada le reconnaît, comme ce comité de l'ONU le
reconnaît que le discours commercial ou l'information commerciale
correspond, je dirais, fait partie des droits fondamentaux, peut-être que
ça impressionne du monde, peut-être que ça impressionne le
ministre et le gouvernement, mais je vous dirai que ça n'impressionne
pas tout le monde. Il est proprement imbuvable qu'on puisse réduire et
entacher les droits fondamentaux avec le droit de propriété et,
par extension, que la liberté d'expression devienne la liberté
d'affichage. Peut-être que, quand on est avocat, on développe des
neurones un peu particuliers, là, mais je vous dirais que, quand on
appartient à des classes différentes, ça ne nous a jamais
bien, bien impressionnés, ce genre de lien qui est fait et qui est plus
un artifice qu'autre chose pour atteindre un objectif de type collectif, et non
pas de type individuel.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je regrette de ne pouvoir souscrire à votre
interprétation trop manichéenne des choses. Je pense qu'il y a
beaucoup d'esprits droits, justes, qui n'ont pas d'intérêt
immédiat dans cette question et qui ont porté un jugement
défavorable sur notre législation. Ils n'ont pas de motif
pervers. Ce sont des gens qui cherchent un meilleur droit, un meilleur
régime de liberté.
De régler le problème avec l'argument que vous utilisez,
je pense qu'au point de vue de la valeur objective du débat ça ne
persuade pas. Vous avez un travail de persuasion à faire, puis ça
ne passe pas tout à fait. Je dis ça bien simplement, là,
sur un ton presque amical.
M. Larose: Oui, mais je vous dirai que le droit de
propriété, dans notre société, souffre de plusieurs
contraintes. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus?
M. Ryan: Absolument.
M. Larose: La contrainte de l'affichage en est une parmi
plusieurs. Le débat qui a été fait, à venir
jusqu'à maintenant en tout cas, dans le public a surtout
été le fait qu'on contrevenait aux droits
individuels. Mais je soumets que ce n'est pas un droit individuel qui
est remis en question.
M. Ryan: Mais, quand vous dissociez les droits individuels des
droits des entreprises, vous faites un passage trop facile. C'est beaucoup plus
complexe que ça, cette question-là. Ça serait trop simple,
si c'était ça. On réglerait le problème, là,
dans 2 minutes. Mais c'est beaucoup plus complexe que ça, M. Larose.
M. Larose: Mais vous voulez accorder les mêmes droits aux
personnes morales qu'aux individus.
M. Ryan: En principe, oui. On n'a pas le droit de faire ces
distinctions. J'ai demandé, hier, à la Chambre de commerce, qui
était ici pour au moins la dissocier de votre diagnostic, parce
qu'elle était hautement favorable au projet de loi, la Chambre de
commerce de Montréal. J'ai demandé à M. Roy: Qu'est-ce que
vous pensez de cette distinction? Puis il a dit: En droit, à mon point
de vue, c'est une distinction spécieuse qu'on ne peut pas retenir comme
principe d'action.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Rioux.
M. Rioux (Michel): Oui. Puisque le débat se tient à
ce niveau-là, je voudrais peut-être simplement faire rappeler,
parce que le ministre me semble insister davantage sur un droit qui serait
lié au commerce que sur un droit qui serait lié à
l'expression pour justifier l'utilisation de la langue anglaise dans
l'affichage... Je pense que tout ça découle puis vous
l'avez bien expliqué d'une vision libérale des choses dont
un des premiers coups a été la Déclaration des droits, en
1789, dont on se souvient que le dernier article se lit à peu
près comme ceci: Le droit de propriété est un droit
inaliénable. Mais il faut se remettre aussi dans la période,
à l'époque, où à peu près personne, hormis
le roi, n'était propriétaire d'à peu près quoi que
ce soit. C'était un très grand gain, au plan individuel. Or,
depuis 200 ans, il y a un certain nombre de choses qui ont
évolué, dont la notion de droits individuels, qui sont devenus...
qui ont été de plus en plus remplacés, dans nos
sociétés, par un ajustement avec ce qui a été
introduit, qui s'appelle les droits collectifs. Alors, je pense que ça,
c'est une notion qui, elle non plus, ne s'est pas arrêtée dans le
temps, surtout pas en 1789.
M. Ryan: Mais ces droits-là sont consignés dans des
chartes, approuvés par des Parlements et pour l'interprétation
desquels des tribunaux ou des corps internationaux ont été
institués, et nous fonctionnons avec les meilleures opinions qui ont
émané de ça. Ce n'est pas la vérité
définitive; c'est la plus probable, à ce stade-ci de notre
évolution, comme pauvre humanité.
M. Larose: En fait... Mais, la proposition finale, ça
serait véritablement la loi du plus fort qui va toujours s'appliquer,
à ce moment-là.
M. Ryan: Bien, si vous supposez que les jugements des tribunaux
confirment toujours la loi du plus fort, oui, mais ce n'est pas mon
opinion.
M. Larose: Bien...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre...
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Doyon): ...malheureusement, le temps est
écoulé pour ce qui est de la partie du temps
réservé au parti ministériel.
Mme la députée de Chicoutimi, pour 15 minutes.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
En dépit de quelques petites allusions, je dois dire que je
constate chez le ministre un changement de ton qui confesserait même du
respect pour les syndicats. Je dirais que ça tranche de façon
assez radicale, majeure, importante avec les sentiments qu'il exprimait
à l'endroit de la CEQ et de sa présidente, il n'y a pas si
longtemps, dans la même commission. C'est un changement de cap, je
dirais, un peu suspect, quand on connaît la ténacité de ce
ministre à défendre ses opinions et, surtout, à toujours
avoir la vérité.
Le ministre...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de...
M. LeSage: ...s'il est normal qu'un membre de ce Parlement, un
membre de cette commission puisse prêter des intentions à un autre
membre de ce Parlement. ..
Une voix: Oui.
M. LeSage: ...ou à un autre membre de cette
commission.
Le Président (M. Doyon): Merci...
Mme Blackburn: M. le Président, sur le même point de
règlement.
Le Président (M. Doyon): oui, sur le même point de
règlement. *
M. Blackburn: Alors, à ce moment-là, il faudrait
demander au ministre de retirer tous les jugements qu'il a portés
à l'endroit de la plupart des groupes qui se sont
présentés. Je pense que c'est dans l'ordre des choses, comme le
ministre le reconnaîtrait.
M. Ryan: La députée de...
M. LeSage: M. le Président, je n'ai pas fait
allusion aux groupes qui se sont présentés. J'ai fait
allusion...
Le Président (M. Doyon): Oui. Un instant, M. le
député.
M. le ministre.
M. Ryan: Si la députée est sérieuse, elle va
me permettre une explication. Après avoir répété
ces choses-là à maintes reprises depuis 2 semaines, si j'avais
une minute, je replacerais les choses; ça serait bien simple.
Je n'ai jamais qualifié Mme Pagé de réactionnaire.
J'ai qualifié de réactionnaire l'avis qu'elle avait émis
sur la question de l'apprentissage de l'anglais langue seconde, mais jamais la
personne, ni la CEQ. Mais c'est mon droit de qualifier une opinion avec
l'adjectif qui me paraît le plus approprié, mais jamais je ne l'ai
adressé à la personne. Ce n'est pas ma manière de
débattre en public; on me connaît depuis longtemps.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Alors, la question de règlement étant close, il y a
effectivement... Un membre de cette Assemblée, de cette commission ne
peut pas prêter des intentions et déduire...
Alors, Mme la députée, sur...
Mme Blackburn: Alors, il faudrait avoir la sagesse de dire la
même chose au ministre, mais je ne voudrais pas passer votre temps...
Le Président (M. Doyon): Mais vous ne pouvez pas
discuter...
Mme Blackburn: ...si vous permettez, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): ...Mme la députée
je suis obligé de vous rappeler à l'ordre, pour la
deuxième fois vous ne pouvez pas discuter la décision du
président...
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): ...vous ne pouvez pas
prêter d'intention...
Mme Blackburn: ...je vous en prie, si vous ne voulez pas user
tout le temps de la... (15 h 50)
Le Président (M. Doyon): Je veux être clair
là-dessus. Alors, adressez-vous à nos invités, si vous
voulez bien.
Mme Blackburn: M. le Président, le ministre justifie le
projet de loi 86 essentiellement sur 2 points, 2 choses: le jugement de la Cour
suprême, l'avis de PONU et l'état de l'opinion publique;
ça, il vous a dit ça. Et sa bible, son coran, c'est l'avis du
Conseil du patronat, et là, c'est supposé dominer l'ensemble des
autres avis exprimés depuis.
Je voudrais rappeler 2 choses. La première, c'est qu'à la
fois la Cour suprême et le comité des Nations unies ont
accusé ce gouvernement d'avoir mal plaidé. Ce n'est pas rien,
ça, là. Ça a passé inaperçu, on n'en a pas
reparlé. Et un conseiller juridique lui a même proposé de
valider, de tester à nouveau la loi 178 ou la 101 en matière
d'affichage.
L'état de l'opinion publique, je m'étonne toujours de
l'entendre dire ça puisque, dans la plaidoirie qu'ils ont
présentée au comité des Nations unies, ils
défendaient l'importance de maintenir Funilinguisme dans l'affichage
commercial au Québec sur tout le territoire, et ça, ça
fait exactement 14 ou 15 mois. Alors, qu'est-ce qui a changé dans
l'état de l'opinion publique? Je me le demande. Ça serait plus,
je pense, des échéances électorales.
J'aurais 3, 4 questions. La première, j'aimerais savoir de vous
l'effet du bilinguisme, dans l'affichage commercial à Montréal,
sur l'image de Montréal. Qu'est-ce que ça va donner, demain
matin, à votre avis? Est-ce que ça aurait tendance, comme le
prétendait le Conseil du patronat, à être
français-grec, français-italien, français-anglais ou
majoritairement français-anglais?
Le Président (M. Doyon): M. Larose.
M. Larose: D'abord, je voudrais dire que le bilinguisme,
ça n'existe pas. C'est un statut temporaire pour un unilinguisme qui va
s'imposer de toute façon. Le bilinguisme, c'est la période dont
le plus fort a besoin pour s'imposer. C'est ça, la loi de l'Histoire.
Dans le dernier siècle, il y a au-delà de 200 langues si
ma mémoire est fidèle de dialectes qui ont disparu parce
que la langue du plus fort s'est imposée. Alors, dans ce sens-là,
on peut déjà voir comment les choses vont se passer.
Ce n'est pas vrai que, comme le disait Ghislain Dufour hier, les
francophones vont s'abstenir de mettre des affiches en anglais. Ils seraient
bien niaiseux de le faire, parce que les affiches, ce n'est pas pour celui qui
les pose, c'est pour celui qui les lit. Et, quand tu es dans le commerce, tu
veux que tout le monde lise ce que tu as à présenter. Alors, les
Français seraient bien gnochons de ne pas annoncer en anglais.
Ça, c'est de l'hypocrisie, c'est faire accroire des choses au monde.
Alors, une langue d'affichage bilingue, bien, elles seront toutes bilingues.
Ça va prendre quelques mois, quelques années, mais c'est clair
qu'on va y arriver.
Le Président (M. Doyon): M. Larose, la cloche nous signale
que nous sommes appelés à un vote. Je suis navré d'avoir
à vous interrompre. C'est la première fois que ça arrive
depuis 3 semaines. Malheureusement, nous devons nous rendre au vote.
Nous allons suspendre pour le moment, le temps
qu'il nous faut pour voter, et nous donnons rendez-vous ici tout de
suite après le vote pour reprendre nos travaux. Avec nos excuses.
Suspension.
(Suspension de la séance à 15 h 54)
(Reprise à 15 h 56)
Le Président (M. Doyon): ...nos travaux maintenant.
M. Larose, aviez-vous terminé votre réponse ou si vous
aviez quelque chose à rajouter sur... quand j'ai été dans
l'obligation de vous interrompre, il y a quelques instants?
M. Larose: On en était sur le bilinguisme. Le
Président (M. Doyon): Oui.
M. Larose: Alors, je disais que tous ceux qui appellent de tous
leurs voeux la modération, encouragent à ce que les gens ne
reviennent pas à l'affichage bilingue, je dis: Ou bien ils nous trompent
ou bien, effectivement, ils sont très naïfs parce que la loi du
commerce impose qu'on s'adresse aux gens pour être lu par le maximum de
gens, et, donc, c'est une loi du marché qui va s'imposer comme toutes
les autres lois du marché.
Alors, là, c'a toutes les autres conséquences qu'on
connaît, c'est-à-dire... En fait, c'est toute la différence
au monde entre dire: II y aura un coin, en Amérique du Nord, où
l'ensemble des rapports seront français, les individus,
individuellement, devront, pourront être bilingues, mais, les rapports
entre les sociétés, le gouvernement, etc., tout devra être
en français. C'est toute la différence au monde entre un pays
qui, effectivement, veut porter un visage commun et un autre qui sera un visage
éclaté qui, de toute façon, sera en transition. Ça,
c'est clair.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: Selon vous, donc, c'est en transition, parce que
ça donne le temps à la langue dominante... Et, évidemment,
ici, on ne se pose pas longtemps de questions quant à savoir quelle est
la langue dominante. On est dans une mer anglophone.
M. Larose: Je ne sais pas si vous avez lu l'étude du Dr
Dole, de l'Université du Québec, qui nous rapporte le cas
très précis de Dublin...
Mme Blackburn: Oui.
M. Larose: ...où, effectivement, à une
époque pas si lointaine, c'était l'irlandais qui s'imposait comme
langue, et, en quelques décennies, le tout s'est imposé en
anglais, et, ensuite, la campagne a suivi. Maintenant, l'ensemble de l'Irlande
parle l'anglais.
Mme Blackburn: II ne resterait plus que quelque 300 000 locuteurs
irlandais, si ma mémoire est fidèle.
Sur la loi 86 et la francisation des entreprises, moi, un peu
naïvement, je m'étais attendue à ce que le gouvernement,
à la faveur de l'avis émis par le Conseil de la langue
française, propose des mesures de renforcement et de soutien au
français dans la francisation des entreprises.
Comment recevez-vous ça, et quel effet ça va avoir, juste
ce message qu'on envoie, comme quoi il y a 2 langues qui sont égales au
Québec vous pouvez utiliser celle qui vous convient et
est-ce que la reconnaissance... le fait qu'on reconnaisse le droit de
s'exprimer commercialement sur les affiches dans sa langue, est-ce que
ça pourrait éventuellement avoir des effets quant à la
langue qui servira de communication avec les employés?
M. Larose: Écoutez, moi, je dis, si, dès le point
de départ, on est dans un pays bilingue, il y est clair que tout ce qui
est entrave à l'être, tout ce qui est entrave à faire les
rapports en français ou en anglais vont disparaître à
terme, parce que, si c'est ça, les vrais rapports que
d'être des rapports de bilinguisme bien, toutes les restrictions
qui existent pour l'école vont disparaître, tout ce qui existe
comme restriction au niveau du travail va disparaître. Puis ça va
être normal. On va régulariser la situation par rapport à
l'objectif poursuivi, qui est celui d'avoir un pays bilingue.
Mme Blackburn: Alors, ce que vous nous dites, c'est que,
finalement, ce n'est que le commencement de la guerre linguistique et qu'on
aura de cesse qu'on ait atteint le retour à l'avant-loi 101
c'est-à-dire le libre choix et y compris en matière
d'enseignement, comme nous l'ont dit, d'ailleurs, Alliance Québec, le
Conseil du patronat, qui n'allait pas tout à fait aussi loin, mais qui
disait: On est prêts à entreprendre la guerre pour tous les
enfants d'origine ou de langue maternelle anglaise pour qu'ils aient droit
à l'école anglaise. (16 heures)
Et les autres organismes, qu'ils soient pour, ou contre, estiment tous
que la direction, c'est l'abolition, finalement, pure et simple des
dispositions de la loi 1*01, à plus ou moins court terme.
M. Larose: Moi, je vous dis, puis je le dis au ministre de
façon très claire: ce qu'ils n'ont pas réussi en 1982, ce
que le gouvernement n'a pas réussi avec Meech, ce qu'il n'a pas
réussi avec Charlottetown, bien, avec la loi 86, parce qu'il peut
s'asseoir sur sa majorité gouvernementale, il place le bloc pour qu'il
rentre dans le Canada, enfin, s'il peut rentrer dans le Canada. C'est, en fait,
découper les bouts qui dépassent pour que
le bloc «fit» pour prendre l'expression latine
dans le tout canadien. C'est le choix du gouvernement, c'est ce qu'il nous dit,
mais ce n'est pas le choix du monde. Vous avez été battus
là-dessus, à plate couture, à chaque fois. Mais vous y
allez par le biais de l'Assemblée nationale, l'assemblée
démocratiquement élue, comme vous dites, mais vous jouez avec des
essentiels d'un peuple, par exemple. Ça, c'est une autre affaire.
( Quand, à chaque fois, on a été
convoqué, comme peuple, à réfléchir et à
décider sur ces questions-là, vous avez échoué.
Mais là, vous vous rabattez sur le fait que, effectivement,
ponctuellement, inscrit dans le temps, vous avez le pouvoir de le faire et vous
le faites. Mais il ne faudrait pas dire que c'est là le processus le
plus légitime. C'est démocratique, c'est sûr. Je ne suis
pas sûr que ce soit légitime par rapport à l'enjeu capital
qu'il y a dans la loi.
Mme Blackburn: Vous invitez, en page 9 de votre mémoire,
l'Opposition, le Parti québécois, qui forme actuellement
l'Opposition officielle, qui pourrait se voir confier la direction du prochain
gouvernement, vous dites: à «s'engager solennellement à
retirer dans toutes ses parties l'actuel projet de loi, en rétablissant
dans [...] ses dispositions la Charte de la langue». Vous savez que,
déjà, M. Parizeau a pris cet engagement, comme il l'avait
d'ailleurs pris sur une autre loi, la loi 145, qui représentait un
véritable pelletage de responsabilités et sans les
pouvoirs et sans les finances dans les municipalités.
Alors, je voudrais laisser les quelques minutes à mon
collègue, le député d'Anjou, qui avait aussi des questions
pour nos invités.
Le Président (M. Doyon): Oui, il vous reste 3 minutes, M.
le député.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Le
Président (M. Doyon): Merci.
M. Bélanger (Anjou): M. Larose, à plusieurs
reprises, tout au long de cette commission, le ministre a parlé du
caractère inévitable qu'on avait de toucher, de modifier la
politique linguistique du gouvernement, en particulier à cause des
jugements répétés de la Cour suprême du Canada et de
l'avis... à cause de l'avis, aussi, du comité de l'ONU. Je dois
déplorer, d'ailleurs, qu'à chaque fois qu'on parle de l'avis du
comité de l'ONU on oublie de mentionner que l'ONU n'a aucune
compétence pour écouter les plaintes provenant de corporations;
elle peut écouter uniquement des plaintes provenant d'individus, de
personnes physiques.
Vous nous avez fait part que ça ne vous impressionnait
guère, cette argumentation juridique, ces jugements. Est-ce que vous
pourriez peut-être aller plus loin dans cette réflexion et me dire
exactement... Pour vous, est-ce que c'était inévitable? Est-ce
qu'il fallait absolument toucher à cette langue, à cette loi?
M. Larose: Écoutez, 16 lignes en 16 pages pour condamner
une charte fondamentale pour le Québec, je trouve ça un peu
léger; minimum, léger.
Deuxièmement, ce n'est pas un jugement. Il njy a pas eu de
procès, ce n'est pas un tribunal, c'est un avis. Un avis dont on peut
faire ce que l'on veut, puisqu'il n'y a pas de sanction au bout de ça,
c'est notre responsabilité collective. Je pense qu'au minimum on aurait
pu attendre. Quoiqu'il y a là un indice intéressant pour l'ONU:
on n'aura jamais vu un gouvernement se précipiter aussi rapidement pour
obéir à un de ses avis. Ça veut peut-être dire qu'on
va être un pays fort intéressant quand on va être assis
là, puisqu'on va obéir au doigt et à l'oeil,
d'après ce que je peux comprendre!
Mais, quand on a un avis... Et je connais suffisamment le fonctionnement
gouvernemental pour savoir que, sur bon nombre de questions, ça prend un
peu plus de temps pour réfléchir, pour polir les questions.
Là, on y est allé avec une précipitation qu'on dit
suspecte; moi, je pense que c'est une précipitation bassement partisane,
et ça ne sert pas les intérêts du Québec, je dirais
même que ça ne servira pas, à terme, les
intérêts du parti qui porte ce projet-là, à l'heure
actuelle.
M. Bélanger (Anjou): Maintenant, un autre des arguments
qui nous est souvent répété: le fait que la politique
linguistique qui existe présentement au Québec ternit la
réputation du Québec à l'extérieur.
Est-ce que vous partagez cet avis?
M. Larose: Je vous dirai que oui, il m'arrive de voyager un peu.
Je n'ai jamais été abordé sur cette question-là. Je
connais du monde qui s'est évertué à nous faire des
mauvais procès; ça, c'est clair. Ce ne sont pas tout à
fait les défenseurs du français au Québec; ça,
c'est évident.
Mais, si on avait au moins consacré autant d'énergie
à contrer ces mauvaises langues, bien, peut-être qu'il y aurait
une certaine forme de mauvaise réputation qui n'existerait pas. Mais,
moi, je n'ai jamais vu, je dirais, d'analyse ou de rapport très
précis sur cette supposée mauvaise réputation. Sauf que
tous ceux qui sont contre la loi 101 nous en parlent abondamment.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Larose. M. le
député de D'Arcy-McGee, vous avez 5 minutes.
M. Libman: Merci, M. le Président.
Question technique. Hier, le Conseil du patronat du Québec a
mené un sondage parmi ses membres. Est-ce que la CSN... Est-ce que vous
avez eu l'opportunité de sonder vos membres sur cette question, sur ce
projet de loi? Parce que même 60 % des membres du Parti
québécois semblent être favorables au projet de loi 86. La
grande majorité de la population du Québec exprime clairement
dans les sondages qu'elle est favorable à ce projet de loi. Est-ce que
vous avez eu l'opportunité de sonder votre «membership»
jusqu'à date? Parce que ça
m'étonnerait si le «membership» de la CSN divergeait
largement de l'appui de la population pour ce projet de loi.
M. Larose: Si vous me donnez des détails par rapport
à avec quoi ils sont d'accord dans les sondages... Parce que la loi qui
nous est proposée, qui a un no 86, les gens n'en connaissent pas toutes
les dimensions. C'est un peu une poupée russe, hein? Ça parle de
l'affichage, mais, ensuite, ça parle de l'école, ensuite,
ça parle du travail; ça parle de pas mal de choses,
là-dedans.
M. Libman: Le coeur du projet de loi, effectivement, touche les
changements à l'affichage. L'appui de la majorité des
Québécois pour assouplir des restrictions sur l'affichage dans
d'autres langues, sur cette question spécifique l'affichage
bilingue ou l'affichage dans les autres langues que le français
est-ce que vous croyez que vos membres seront en majorité contre un tel
assouplissement?
M. Larose: La majorité de nos gens, comme la
majorité des Québécois, quand ils vont voir
réapparaître l'affichage qu'ils connaissaient il y a 15, 20 ans,
ils vont être contre. C'est clair.
M. Libman: Juste voir visuellement la présence d'une autre
langue sur une affiche va renverser l'opinion publique, croyez-vous?
M. Larose: Les gens, quand ils vont voir que ce pays-là
n'est pas un pays qui s'en va vers la francisation, toujours plus de
francisation, mais toujours plus d'anglicisation, je peux vous assurer qu'ils
vont être contre de la même manière qu'ils étaient
contre le bill 63, le bill 22 et toutes les opérations qui ont
visé à ne pas renforcer la langue minoritaire, je vous le
rappellerai, en Amérique du Nord.
M. Libman: Alors, vous croyez qu'ils ne saisissent pas vraiment
l'impact de ça quand ils ne le voient pas concrètement,
visuellement devant eux. C'est pour ça que vous croyez que vous
n'étiez pas capables, encore, de mobiliser la population contre ce
projet de loi, et ils ne sont pas capables de saisir vraiment l'impact de
ça jusqu'à maintenant?
M. Larose: Ne vous trompez pas, là. Sur la mobilisation,
mon cher ami, il y a pas mal de «stock» aux portes, à
l'heure actuelle, et si on nous occupait moins sur nos droits fondamentaux de
travailleurs et de travailleuses, peut-être qu'il y aurait plus de
brasse-camarades que vous en voyez à l'heure actuelle.
M. Libman: Non, mais c'est cette interprétation que je
questionne, ici, que vous croyez que les Québécois, maintenant,
ne sont pas capables de visualiser exactement l'impact de ce projet de loi. Une
fois qu'ils auront vu 1 mot ou 2 mots ou 4 mots sur une affiche avec le
français prédominant, ça va alarmer la population du
Québec. Ils vont se lever, ils vont se manifester, ils vont, à ce
moment-là seulement, réaliser qu'il y a quelque chose dans cette
loi qui est néfaste.
Est-ce que vous croyez que c'est seulement à ce moment-là
que ça va se produire?
M. Larose: Pas seulement là-dessus. Parce que je vous dis,
la loi 86, ce n'est pas rien que l'affichage. L'affichage, ça a
été le gros paravent pour cacher tout le reste. Tout le reste,
c'est- effectivement la décision gouvernementale de mettre en place les
conditions pour qu'on puisse rentrer dans le cadre canadien comme une grosse
minorité francophone, mais avec les mêmes droits que les autres,
un point, c'est tout, en laissant jouer le rapport de force au plan de
l'histoire qui fera que, bon, à terme, tout ça va
s'atténuer, comme ça s'est atténué dans le reste du
pays, d'ailleurs.
M. Libman: Vous venez de dire qu'une fois qu'ils vont voir la
présence d'autres langues sur les affiches, à ce
moment-là, ils vont réaliser l'impact de cette loi.
M. Larose: Ce n'est pas ça que je vous ai dit.
M. Libman: Alors, sur les questions de l'affichage. ..
M. Larose: Je vous ai dit que lorsqu'ils vont voir les effets de
l'affichage, les effets de l'école anglaise, les effets du fait qu'il
n'y aura plus les mêmes mécanismes, là, ils vont
s'apercevoir qu'ils sont dans le vrai bateau canadien...
M. Libman: Pourquoi ne croyez-vous pas... M. Larose:
...tel qu'on nous le demande.
M. Libman: Pourquoi ne croyez-vous pas qu'aujourd'hui ils sont
capables de saisir l'impact ou les conséquences de ce projet de loi?
Pourquoi croyez-vous que c'est seulement vous qui êtes capables de
connaître les impacts néfastes de cette loi et que la
majorité des Québécois ne sont pas capables de lire ce
projet de loi ou comprendre ce qu'il y a là-dedans? Je ne vois pas la
différence. Pourquoi avez-vous le monopole de la vérité,
dans cette question? C'est ce que je ne comprends pas\
M. Larose: Je vous dirai que je n'ai jamais affirmé ce que
vous venez d'affirmer. Vous avez sûrement entendu plusieurs
témoins qui sont venus vous débattre de plusieurs points de vue.
On n'estime pas avoir la vérité. On estime être
représentatifs, par ailleurs, d'une organisation...
Le Président (M. Doyon): ...M. Larose. (16 h 10)
M. Larose: ...qui a passablement d'expérience dans le
domaine de la langue.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Larose. Ça
termine le temps dont nous disposions.
Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous
remercier, à vous permettre de vous retirer de la table de nos
invités et à indiquer tout de suite que nous sommes prêts
à recevoir le représentant du Parti Égalité.
J'indique, en attendant que nos invités donnent leurs places, que
l'arrangement qui a été convenu entre les membres de cette
commission est le suivant: étant donné que le Parti
Égalité est notre dernier groupe et, étant donné
que nous avons ici le député de D'Arcy-McGee, et je vois aussi
qu'un autre député...
Des voix: ...
Le Président (M. Doyon): Bon, très bien, pas de
questions, donc. Alors, je voulais vous l'offrir.
L'arrangement qui est convenu, c'est que nous séparerons l'heure
qu'il nous reste à passer ensemble en 4 parties égales de 15
minutes, 15 minutes étant accordées au Parti
Égalité, 15 minutes au parti ministériel, 15 minutes
à l'Opposition officielle et 15 minutes, à titre exceptionnel
compte tenu de l'invité que nous avons aujourd'hui au
Parti Égalité.
Alors, je tiens à remercier les membres de cette commission pour
leur compréhension et les remercier du consentement qu'ils ont
donné à cette façon de faire les choses.
Alors, je demande aux députés...
S'il vous plaît, M. le ministre! M. le ministre!
Alors, nous recevons donc le président, le chef du Parti
Égalité. Je lui souhaite la bienvenue et je lui indique
comme il a pu m'entendre qu'il a 15 minutes pour nous faire part de ses
représentations, et, après ça, le temps sera
partagé selon les indications que j'ai données il y a quelques
instants.
M. Henderson, vous avez la parole. Bienvenue.
Parti Égalité
M. Henderson (Keith): Merci, M. le Président.
C'est un grand plaisir d'être ici, cet après-midi. Je
comprends que je suis le dernier témoin, mais je suis sûr que je
n'aurai pas le dernier mot à dire sur cette question.
En dépit des nombreuses représentations, au gouvernement,
venant de plusieurs organisations responsables, le gouvernement du
Québec a jugé acceptable d'ignorer des statistiques tragiques,
pertinentes à l'inscription aux écoles anglaises dans la
province. Depuis les 20 dernières années, l'histoire de
l'enseignement en anglais au Québec en est une de coupures, de
fermetures et de frustrations. La reconnaissance de ces réalités
est à la fois blessante et profondément inquiétante. Un
tiers des écoles anglaises existant en 1977 170 au total
ne sont plus là. Il y a eu une baisse de 54 % du nombre
d'étudiants inscrits au milieu des années soixante-dix.
Malgré la récente affirmation du gouvernement à l'effet
que la baisse des inscriptions aux écoles anglaises s'était
stabilisée depuis les 8 dernières années, le
système scolaire anglais du Québec a perdu 24 000
étudiants ou 18 % de sa population pendant cette période.
La province de l'Ontario a maintenant plus d'écoles
françaises actives desservant une population plus petite que le
Québec n'en a actuellement en anglais. Et je veux juste mentionner
l'importance de déposer les statistiques que M. Ryan a dit qu'il
avait qui révèlent cette question de la stabilisation des
effectifs dans les écoles anglaises. La baisse de natalité est
une tendance que les couples peuvent inverser et non les gouvernements. Mais
des sections inacceptables de législation comme l'article 73 de
la loi 101 restreignent l'accès aux écoles anglaises et
privent de vitalité nos institutions en ne permettant l'accès que
sur une base rétrograde de privilèges
héréditaires.
Voilà des tendances que le gouvernement du Québec peut
changer et doit changer. Même si nous possédons au Québec
un système d'enseignement en anglais de première classe, nous ne
pouvons vanter l'existence de ces écoles comme étant un signe de
la générosité et de la bonne volonté du
gouvernement du Québec et à la fois affaiblir ou fermer ces
mêmes écoles en interdisant l'accès à des dizaines
de milliers de Québécois. La communauté anglophone du
Québec, à cause de la loi 101, n'a aucune façon de se
renouveler par le biais de son système scolaire.
La première recommandation du rapport du groupe de travail
Chambers ne ferait qu'élargir l'accès de peu et n'aurait qu'un
impact absolument négligeable sur le système scolaire
français du Québec. Il en serait ainsi si le gouvernement du
Québec décidait d'adhérer aux dispositions relatives
à la langue maternelle de l'éducation des enfants situées
au paragraphe 59 de la Constitution canadienne. Ensemble, ces 2 initiatives
n'auraient pour effet d'augmenter l'inscription dans les écoles
anglaises que de 12 500 étudiants, environ. Cependant, le gouvernement a
rejeté ces 2 demandes, toutes minimales qu'elles soient. Ce rejet
démontre, à notre avis, un manque de sensibilité sinon un
mépris pour la communauté anglophone. À ce jour, le droit
de fréquenter une école anglaise dépend des parents et de
l'individu. Accorder l'accès à l'école anglaise à
certains et le refuser à d'autres sur une telle base constitue une forme
rigoureuse de discrimination.
Le Parti Égalité croit à l'accès
partagé de toutes les installations d'éducation,
indépendamment de la langue d'enseignement, de la parenté de
l'individu, de sa langue ou de sa culture. Tout comme les anglophones qui
possèdent le certificat d'admissibilité ont le droit et la
liberté de choisir la langue de la formation de leurs enfants, les
francophones ou allophones doivent avoir ce même droit. Ils doivent avoir
l'égalité. Nous croyons que c'est le droit des parents de
déterminer le mélange
exact d'anglais et de français en matière d'enseignement
pour leurs enfants et non celui des politiciens ou des bureaucrates. La
Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies,
paragraphe 26.3, déclare en effet: Les parents ont le droit
préalable de choisir le type d'éducation qui sera accordé
à leurs enfants.
Dimanche dernier, Alliance Québec a adopté une position en
faveur de l'accès à l'école anglaise sans restriction. Par
conséquent, le Parti Égalité a pris l'entière
liberté de choix dans le domaine de la langue d'enseignement des enfants
du Québec. certains disent que permettre l'accès à
l'école anglaise aux immigrants nuirait aux efforts du gouvernement du
québec d'intégrer ceux-ci dans la communauté majoritaire.
nous croyons que les immigrants ne seraient pas attirés vers le
système anglais en si grand nombre qu'on le prétend. sans inclure
les parents qui envoient leurs enfants à des programmes d'immersion
française, presque 20 % des parents anglophones envoient volontairement
leurs enfants dans les écoles françaises. un arrangement
réciproque devrait être disponible aux parents francophones, dont
99 % envoient leurs enfants dans les écoles françaises parce que
la loi les y oblige. 73 % des allophones envoient leurs enfants dans les
écoles françaises parce que la loi les y oblige ou parce qu'ils
ont choisi de le faire.
La réalité économique, sociale et institutionnelle
de la société québécoise d'aujourd'hui rend la
connaissance du français absolument indispensable. La plupart des
parents, quelle que soit leur origine, sont sensibles à ce fait, et
plusieurs vont vraisemblablement laisser leurs enfants dans le système
scolaire français. Donc, le changement vers un système de libre
choix ne redresserait probablement qu'un déséquilibre existant
plutôt que d'en créer un nouveau. en outre, les écoles
anglaises offrent un enseignement français dans des proportions
variables. donc, les étudiants ne sont pas empêchés de
s'intégrer à la communauté majoritaire à cause d'un
manque d'accès à la langue française. en
réalité, 24 % des étudiants dans le système anglais
reçoivent jusqu'à 80 % de leur instruction en français; un
autre 25 % reçoivent entre 25 % et 50 % de leur instruction en
français. (16 h 20)
II est à noter que les étudiants en immersion
française sont toujours considérés comme inscrits au
système scolaire anglais. Par conséquent, l'instruction, dans les
écoles anglaises du Québec, représente actuellement un
outil pour la formation moderne des enfants dans un monde de plus en plus
multilingue, et non pas un outil ni pour l'assimilation culturelle des
immigrants vers l'anglais ni pour l'affaiblissement de la langue
française.
En ce qui concerne la question de la langue d'affichage, le
quatrième alinéa, article 17, du projet de loi 86, se lit ainsi:
L'affichage public et la publicité commerciale «peuvent
également être faits à la fois en français et dans
une autre langue pourvu que le français y figure de façon
nettement prédominante.» Le Parti Égalité
préférerait que la définition de la prédominance
marquée soit laissée au bon jugement des gens d'affaires
eux-mêmes. Toutefois, nous notons avec satisfaction l'élimination
de la proscription contre la visibilité d'autres langues sur les
enseignes publiques. Néanmoins, nous accueillons avec une certaine
hostilité le dernier alinéa de l'article 17 qui se lit ainsi:
Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par règlement, les
cas, conditions et les circonstances où l'affichage public et la
publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou
peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans
une autre langue.
Comme vous le savez très bien, le Canada est un signataire du
protocole international sur les droits civils et politiques, le paragraphe 19
garantissant la liberté d'expression. Donc, c'est la
responsabilité du gouvernement fédéral d'assurer que les
dispositions du protocole soient respectées partout au pays, y compris
au Québec. Au mois d'avril 1991, en argumentation devant le
Comité sur les droits de l'homme de l'ONU, et nous citons leur
décision du 31 mars 1993, en anglais, et je m'excuse: «The
government of Québec [...] asserted that commercial activity such as
outdoor advertising does not fall within the ambit of Article 19. The Committee
does not share this opinion. Article 19, paragraph 4 must be interpreted as
encompassing every form of subjective idea and opinion capable of transmission
to others which are compatible with Article 10 on news and information, on
commercial expression and advertising, or works of art and it should not be
confined to means of political, artistic, or cultural expression. In the
Committee's opinion, the commercial element in an expression taking the form of
outdoor advertising cannot have the effect of removing this expression from the
scope of protected freedom. The Committee does not agree either that any of the
above forms of expression can be subject to varying degrees of limitation with
the result that some form of expression may suffer broader restrictions than
others.»
Pour le gouvernement du Québec, se doter du pouvoir de
déterminer par règlement les cas, les conditions ou les
circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale
doivent se faire uniquement en français ou uniquement dans une autre
langue, est, à notre avis, de mettre la loi du Québec en
contradiction avec l'obligation du Canada de maintenir les droits
internationalement protégés dans ce pays, dont la liberté
d'expression commerciale, selon la décision de la Cour suprême
rendue en décembre 1988. Plusieurs tribunaux canadiens n'ont pas
déterminé que l'anglais ou d'autres langues pourraient être
visibles au-dessus des portes des entreprises ni sur les panneaux publics. Ces
tribunaux n'ont pas déterminé que l'anglais ou d'autres langues
pourraient être visibles dans les vitrines des locaux ni sur les
côtés des autobus. Les tribunaux canadiens ont
déterminé que la liberté d'expression doit être
intégrale, peu importe qu'on soit gens d'affaires ou non, et
omniprésent ou dans les vitrines des locaux ou sur les panneaux
d'affichage.
Le gouvernement du Québec doit noter le
désaccord du comité des Nations unies avec la notion
suivante: «The Committee does not agree either that any of the above
forms of expression can be subject to varying degrees of limitation with the
result that some form of expression may suffer broader restrictions than
others», ce qui signifie que les restrictions projetées par le
quatrième alinéa, article 17, du projet de loi 86 ne peuvent
être à la fois conformes avec les dispositions concernant les
limites raisonnables de la Charte des droits canadienne et conformes avec les
obligations internationales du Canada.
Le gouvernement du Québec ne peut pas non plus invoquer la clause
«nonobstant» pour protéger le quatrième
alinéa, article 17, du projet de loi 86 contre des contestations
juridiques futures, puisque, et je cite l'argument de l'ex-ministre de la
Justice du Canada, Kim Campbell, fait devant le comité des Nations unies
au mois d'avril 1991: L'obligation du Canada est d'assurer que la section 33,
la clause dérogatoire, n'est jamais invoquée en des circonstances
qui sont contraires à la loi internationale. La section 33 ne pourra
jamais être invoquée pour permettre des actes clairement proscrits
par la loi internationale.
La conclusion inévitable, à notre avis, est la suivante:
le quatrième alinéa, article 17, du projet de loi 86 accorde au
gouvernement du Québec le pouvoir de restreindre, d'une manière
illégale, le droit à la liberté d'expression commerciale,
droit internationalement protégé.
Par conséquent, le Parti Égalité recommande que le
gouvernement du Québec demande un jugement déclaratoire de la
Cour suprême du Canada portant sur la validité du quatrième
alinéa, article 17, du projet de loi 86 avant de procéder
à la lecture finale à l'Assemblée nationale. Si le
gouvernement refuse ou s'il ignore une décision semblable, celle faite
par les tribunaux en 1988, étant donné la décision de
l'ONU concernant la portée de l'article 19 du protocole international
sur les droits civils et politiques et la signature présente du Canada,
il devient, à notre avis, non seulement le droit, mais l'obligation du
Canada de désavouer une telle législation en utilisant le pouvoir
de désaveu, section 90, de la Constitution canadienne.
Or, advenant l'adoption intégrale du projet de loi 86, sans
amendement au quatrième alinéa, article 17, le Parti
Égalité demandera formellement au gouvernement du Canada
d'exercer ses responsabilités en désavouant cette disposition de
la loi.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Henderson.
Alors, conformément à ce que j'annonçais tout
à l'heure, les 3 partis représentés ici disposent chacun
de 15 minutes.
M. le ministre, pour 15 minutes.
M. Ryan: Je voudrais adresser des salutations à M.
Henderson. C'est la première fois que nous avons l'occasion, je pense,
de le rencontrer à l'Assemblée nationale. Moi, je ne l'ai pas
rencontré pour discuter avec lui de ces questions, du moins, à ma
souvenance.
Je pense que vous avez présenté le point de vue de votre
parti avec vigueur, avec clarté aussi; nous l'apprécions.
Je voudrais commenter, peut-être, les 2 principaux thèmes
de votre intervention, d'une manière un peu large, parce que les
auditions de la commission tirent à leur fin. Je pense qu'on essaie
d'aller à l'essentiel; en tout cas, je ne chercherai pas de querelles de
virgules ou de parenthèses. (16 h 30)
Dans le premier thème que vous traitez, là: l'accès
aux écoles. Là, vous affirmez comme proposition fondamentale que
les enfants devraient avoir accès à toutes les écoles,
sans distinction, suivant la liberté de choix des parents. Je voudrais
signaler seulement une chose je ne sais pas si vous serez d'accord avec
moi, vous pourrez le dire ensuite les droits linguistiques ne sont pas
exactement du même ordre que les droits qui sont contenus dans l'article
qui définit les droits fondamentaux comme liberté d'expression,
droit à la vie privée, liberté d'être
protégé contre l'invasion de la police dans votre domicile, etc.
Ce n'est pas exactement au même palier. Il y a un jugement qui a
été rendu par la Cour suprême, il y a quelques
années, dans la cause Société des Acadiens du
Nouveau-Brunswick, dont le rédacteur avait été le
regretté juge Jean Beetz, qui était un grand juriste, avait
très bien établi que les droits linguistiques appliqués
à des collectivités sont des droits de nature politique,
historique, qui évoluent avec le temps, qui sont susceptibles de plus ou
moins grandes mesures de libéralité. On ne peut pas
réclamer, par exemple...
Disons, dans un pays comme le Canada, si la position que vous tenez
était juste, le droit à l'accès pour tous les enfants,
indépendamment de leur langue, il faudrait donner le droit à
l'école en allemand, le droit à l'école en ukrainien, le
droit à l'école en italien ou en grec. Il n'y a aucune
société qui pourrait résister au test que l'application
littérale d'un tel droit impliquerait pour son unité.
Vous me direz: Au Canada, on définit 2 langues officielles. C'est
vrai, mais en matière d'accès à l'école, l'article
23 de la Charte canadienne des droits définit avec précision les
conditions suivant lesquelles l'accès peut être autorisé
à l'école anglaise ou à l'école française.
C'est ça, la loi du pays, actuellement, c'est l'article 23. Puis,
proclamer de manière abstraite le droit total, je pense que c'est faire
abstraction de ce qu'est le véritable droit dans ces choses.
En tout cas, je vous recommande la lecture du jugement qu'avait
rédigé le juge Beetz, que j'ai étudié soigneusement
à l'époque, puis qui est un des éléments
fondamentaux des orientations, moi, que je défends en ces
matières. Je pense que ça peut évoluer. Puis que vous nous
disiez «il faudrait aller plus loin que nous allons maintenant»,
c'est tout à fait légitime. Nous
écoutons ces représentations, et il se pourrait que,
éventuellement, la législation évolue. La plus belle
preuve en est que nous avons eu, pendant un siècle et quart, la
liberté de choix en matière de langue d'enseignement au
Québec. Nous l'avons eue pendant un siècle et quart et, à
ma connaissance, le Québec n'est pas mort pendant ce temps.
Mais nous avons choisi un autre régime, il y a un certain nombre
d'années. Pourquoi? Parce que des circonstances nouvelles avaient surgi.
À la suite du deuxième conflit mondial, nous avions eu une forte
vague d'immigration au Québec, et les statistiques démontraient
de manière irréfutable que la très grande majorité
des parents immigrants usaient de la liberté de choix pour inscrire
leurs enfants à l'école anglaise. Que la majorité
francophone ait réagi devant cette situation, puis ait redéfini
la législation et les droits linguistiques d'une manière capable
d'assurer, à son point de vue, l'équilibre linguistique du
Québec, je pense qu'elle était justifiée de le faire, puis
elle n'allait contre aucune norme internationale en agissant ainsi.
On peut souhaiter, intérieurement, le retour à une plus
grande liberté de choix; c'est un sentiment légitime, mais les
circonstances qui ont existé il y a à peine 25 ans ne sont pas
disparues, loin de là, puis vous remarquerez que nous sommes
entrés, depuis quelques années, grâce à l'ouverture
du gouvernement actuel, dans une période de plus forte immigration. Il y
a eu des années où l'immigration, au Québec, était
tombée à 15 000, 18 000, puis cette année, ça va
être entre 45 000 et 50 000. S'il fallait rouvrir la législation
sans aucune précaution, ce serait extrêmement risqué. Et le
sens commun de la population le saisit très bien. Nous sommes sûrs
que la population appuie très fortement le choix qu'a fait le
gouvernement sur cette question précise. Nous maintenons la règle
qui existe.
Pour montrer aux immigrants à qui nous imposons cette obligation
que nous n'agissons pas de manière discriminatoire, nous nous la sommes
imposée et nous nous l'imposons encore à nous-mêmes, les
francophones. Moi-même, j'ai dû faire le choix, quand mes enfants
étaient d'âge scolaire. C'était au début de cette
législation. J'avais parlé avec ma femme, puis nous avions dit:
Est-ce que nous pouvons accepter une chose comme celle-là? Puis vu la
situation qui existait, nous avions conclu tous les 2 que c'était une
restriction qu'on pouvait nous imposer légitimement pour maintenir
l'équilibre linguistique et culturel au Québec. Alors,
voilà pour cette question.
Je pourrais évoluer, mais je ne pense pas que votre parti rende
service en menant une campagne au nom de droits abstraits de proclamer dans
l'absolu. C'est la réflexion à laquelle je voudrais vous inviter,
puis je suis prêt à la poursuivre avec vous comme avec tout
interlocuteur valable au Québec. C'est un point. J'essaie de clarifier
les choses parce que, aussi longtemps que nous n'en viendrons pas à une
espèce de pacte tacite un pacte écrit, je n'en veux pas
ce que j'appellerais un consensus sur des questions de fond comme
celle-là, je pense qu'il y aura de la tension, il y aura de la chicane
qu'à mon point de vue on serait capable de dépasser. C'est ma
réflexion sur le premier point.
Sur le deuxième point, la langue d'affichage. Comme vous le
soulignez dans votre mémoire, nous nous rapprochons sensiblement de
l'avis qui a été émis par les tribunaux canadiens et par
le Comité des droits de l'homme des Nations unies sur cette question.
Nous nous en rapprochons, je vous dirai, d'abord, par conviction. Le choix
fondamental du gouvernement était arrêté avant que ne soit
connu l'avis du Comité des droits de l'homme des Nations unies. Nous
n'avions pas arrêté la forme que revêtirait la
législation, mais, déjà, je l'avais indiqué dans la
demande d'avis que j'ai envoyée au Conseil de la langue
française, en décembre 1992. Je lui disais que la
préférence du gouvernement serait de n'être pas
appelé à recourir de nouveau à la clause
«nonobstant». Je l'avais indiqué aussi clairement qu'on peut
l'indiquer dès ce moment-là. Mais ce document étant venu
s'ajouter, nous l'avons inséré dans notre réflexion et
nous en tirons la conclusion.
Maintenant, vous mettez en question le troisième paragraphe de
l'article 17. Il faudra voir ce que ça donnera. Nous prenons note de
votre observation là-dessus. Je vous dirai que ça pourrait
être utile pour permettre l'utilisation de certaines affiches uniquement
en anglais, en matière culturelle en particulier, en matière de
films, de vidéos et de choses comme celles-là. Il y a beaucoup
d'affiches qui circulent, actuellement, uniquement en anglais au Québec,
qu'il n'est pas nécessaire de traduire, selon nos conseillers. Et la
clause que nous avons permettrait de légaliser cette forme d'affichage
qui existe, d'ailleurs, depuis longtemps et contre laquelle, à vouloir
sévir, on gaspillerait peut-être des fortunes sans beaucoup de
résultats. C'est un exemple, ça, des événements ou
des produits à caractère strictement culturel.
Prenez un livre anglais. Est-ce qu'on va exiger, de par la loi, qu'il
soit annoncé en français? On n'est pas obligés d'aller
aussi loin que ça. Si on veut être raisonnables, un livre anglais,
c'est de l'annonce en anglais. Ils se disent: II va être lu par des
anglophones; le francophone qui va le lire va comprendre l'affiche en anglais
aussi.
Mme Blackburn: II ne faudrait pas exagérer!
M. Ryan: Pardon? C'est ça. En tout cas,"on aurait plus de
latitude pour l'affichage.
Mme Blackburn: Ça existe. Des affiches unilin-gues,
ça existe aussi.
M. Ryan: On aurait plus de latitude ici. Je pense que c'est le
genre d'exception qui peut être considérée comme
légitime. Il ne faut pas oublier que, dans la Charte canadienne des
droits, il y a l'article 1 qui prévoit la possibilité de
limitation raisonnable. Et nous
travaillons autour de ce concept de limitation raisonnable en nous
disant que, avec tout ce que nous faisons, je pense que les tribunaux, qui ne
sont pas étrangers à la réalité historique non
plus, vont comprendre qu'il se fait un travail de réflexion
sérieux. Ils vont se rendre compte qu'il y en a un à faire par
eux autres aussi. Et ces jugements-là, quand on touche à ces
questions-là, il y' a une partie qui est proprement juridique et il y a
une partie qui est politique et culturelle. Ce ne sont pas des jugements de
droit pur.
Alors, nous tenons compte de tout ça. Nous verrons où ces
choses atterriront, mais nous sommes confiants que l'effort d'ouverture
considérable qui est fait par le gouvernement sera
apprécié par nos compatriotes du Québec d'abord, et je
vous invite à l'apprécier aussi et, avant de partir en croisade,
je vous invite à y penser comme il faut. Il y a tous ces
facteurs-là à considérer. Au moins, interrogez-vous sur la
portée de l'article 1 de la Charte des droits avant de nous pourchasser
devant les tribunaux, auprès desquels on sera heureux de vous retrouver,
si vous nous amenez là, parce qu'on est habitués et, dans
l'ensemble, on gagne la majorité de nos causes, le gouvernement; on
n'est pas inquiets outre mesure de ce point de vue.
Pardon? On respecte votre droit d'y aller. Je parle sur le ton du
dialogue. Je pense que nous cherchons tous la convivance amicale, cordiale au
Québec. Et, je vous le dis, nous sommes prêts à chercher
dans le dialogue comment nous pourrions résoudre ces problèmes
d'une manière qui soit généralement acceptable, tout en
tenant compte des problèmes d'équilibre dont j'ai parlé et
auxquels les francophones du Québec ne peuvent pas être
étrangers ou indifférents, étant donné le contexte
dans lequel nous vivons.
Ceci étant dit, j'aimerais avoir vos commentaires, s'il reste un
petit peu de temps. Je m'excuse d'avoir été un peu long, mais ce
sont des questions de fond que vous avez soulevées et je vous reconnais
le mérite de les avoir soulevées avec clarté et avec
fermeté, ce qui m'a inspiré la réponse que j'ai
essayé de vous donner.
M. Henderson: Merci, monsieur.
Le Président (M. Doyon): M. Henderson, vous disposez de
quelques minutes à peine.
M. Henderson: Juste quelques minutes? Il y a beaucoup de
questions à aborder. Mais la chose que je veux souligner est la
décision du comité des Nations unies. Et je veux citer une autre
chose, très vite.
Kim Campbell, dans son argumentation devant les Nations unies, a dit
ça: «La Cour suprême du Canada a déjà
constaté, et elle cite: "Les obligations du Canada sur le plan des
droits de l'homme internationaux doivent informer l'interprétation du
contenu des droits garantis par la Charte".»
Bon! Les Nations unies. Le comité a décidé,
déjà, et je cite encore, en anglais: «The Committee does
not agree that any of the above forms of expression can be subject to varying
degrees of limitation.» Ce qui veut dire, pour nous autres, que c'est
impossible d'invoquer la clause 1 de la Charte canadienne, les limites
raisonnables, parce que les Nations unies ont déjà
décidé que la liberté d'expression est complètement
intégrale. (16 h 40)
Donc, ce que nous cherchons, ce que nous voudrions, c'est savoir comment
réagira la Cour suprême du Canada devant cette partie de la
législation, alinéa 4.2, article 17. Ce serait très
intéressant si la Cour suprême décidait, par exemple, que
le gouvernement du Québec n'a pas le droit de demander que les affiches
soient dans une langue ou une autre. Ce serait très intéressant
pour nous autres de savoir si la Cour est d'accord avec l'exercice d'un tel
pouvoir.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Henderson, ça
termine le temps.
Mme la députée de Chicoutimi. À moins que vous
préféreriez, compte tenu de notre invité, que le
député de D'Arcy-McGee commence.
Mme Blackburn: Oui, ça va.
Le Président (M. Doyon): Alors, tous les égards
vous sont...
M. Ryan: Ça va lui donner une occasion de parler à
son chef.
M. Libman: Merci, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je voudrais dire que, comme c'est son
invité, son chef...
Le Président (M. Doyon): Son gourou!
Mme Blackburn: ...je pense qu'en toute courtoisie il me fait
plaisir de lui laisser la parole.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député
de D'Arcy-McGee.
M. Henderson: J'ai tous les papiers ici. M. Libman: En
effet...
Mme Blackburn: Et nous avons accordé notre consentement
pour l'entendre.
Le Président (M. Doyon): Alors, allez, M. le
député de D'Arcy-McGee. Vous disposez de 15 minutes.
M. Libman: Merci, M. le Président.
Mr. Henderson, welcome to our commission.
M. Henderson: Thank you very much.
M. Libman: It is the honour of this commission to have you before
us this afternoon.
Alliance Québec, as you know, adopted this past weekend a
resolution supporting free access to English or French schools for all
immigrants. As you also know, perhaps on moral grounds this is a position that
is tenable, but in the political scheme of things this is not a position that
the government will adopt in the near future. And it seems also, in the debate
of this legislation, that the government, at this point, is not willing to open
up access to English education, even slightly, to allow for measures such as
the Chambers' report.
There have been certain concerns expressed in some quarters that
language legislation has to evolve or change one step at a time and perhaps by
going in stages the opposition to legislation would not be polarized as
quickly, and perhaps these are other questions that should be dealt with at a
later time.
How would you address some of this criticism, if the government is not
willing or unable, for political reasons, at this stage of the game, to go
beyond changing the sign law? What type of pressure should be exerced? What
type of form should this debate take in the next several months or in the next
year with regard to access to English education, and how should the anglophone
community of Québec deal with this issue which is, in fact, as you all
know, a more fundamental issue to the anglophone community than a question of
size? How should the community deal with this tactically in the next year?
Le Président (M. Doyon): M. Henderson.
M. Henderson: What I think the English-speaking community of
Québec should not do is censure itself. If the English-speaking
community feels that a principle is valid, it should stand by it and negotiate
with it, behind it. And I think that is the sentiment I sensed from Alliance
Québec, that principles do come first and there is nothing to be ashamed
of in the principle of freedom of choice.
And I think also what can be done is I would hope that the
Ministry of Education and other elements of the government would open up
use the government's facilities to have public discussion on the question of
freedom of choice, what are its dangers, what are its possibilities, and I
think what we would find and this is really an answer to the Minister
is that the situation in Québec of 20 years ago has changed. And
what caused Mr. Ryan to feel that restrictions were necessary 20 years ago,
that situation has been rectified.
La bataille linguistique a été gagnée par les
francophones ici, au Québec, c'est clair. C'est clair que ça se
déroule en français ici. C'est clair! Les institutions
économiques se déroulent en français. C'est indispensable
pour la population du Québec de connaître, de savoir intimement la
langue française.
But what that means is... The proof of the victory of the French
language in Québec is the sensitivity of English-speaking parents to the
necessity of learning it for their kids. They require, they want their children
to learn French and, as I pointed out, often, 80 % of the study in an English
school be conducted in French. That is the degree to which English-speaking
parents have been sensitized to the necessity of French in Québec. But
there is also the necessity of English on a global scale. And I think it would
be useful for the Québec population to open itself to the tool that it
has built, and which its taxpayers have contributed to. That is the English
school system and if a French-speaking parent wants to send his child to that
marvelous system, which is closing down from lack of students, that is
something that should be permitted because there is plenty of French
instruction in those schools. So, there is no question that French will be
continued. I think that is the direction the debate should be moving in, to
point out to people and to my good friends in the Parti québécois
that Québec has changed.
On reconnaît qu'il y a des changements véritables ici, au
Québec, mais il faut changer la loi aussi.
M. Libman: We do have former friends that are now with the Parti
québécois, I might add.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. LeSage): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: There has been a criticism that has persisted so far
that the anglophone community will never be satisfied until it has all, that
the more it is given, the more it is going to want. How do you feel that this
should be dealt with?
You know, as I said, putting freedom of choice aside is an unrealistic
aspiration at this point. What do you feel the strategy of the anglophone
community should be in the next year to make sure that the very real concerns
about the decline of access to English schools remains on the table?
You know, Halley's comet comes around once every 75 years. It is not
every year that language legislation is altered in Québec. How should
this debate» be kept on the table, this very serious concern be kept on
the table? Because it is becoming clear that the government is not willing in
this round to open access to English education. How should this debate be
brought to light or how can the importance of this debate be brought to light
so the Minister would consider, in the near future, adressing directly this
concern?
Le Président (M. LeSage): M. Henderson.
M. Henderson: Well, I think that there are 2 levels of realism we
have got to consider, here.
Politically, it may be unrealistic, because the Minister does not wish
to consider these changes, and neither does the Official Opposition. But in the
world out there, the real world, freedom of choice is very realistic because it
is a necessity for French-speaking people and immigrants to be able to teach
their kids a language. My answer to the question is: I think the economic
realities of the world will keep this issue on the front burner because it is
imperative that we joint the world of a global economy, a multilingual world.
This is not just English that is required, of course, also Italian and,
goodness knows, Chinese. We are in a multilingual environment and we have a
marvelous opportunity to use it, here in Québec.
So, my answer is: The economic situation of the world will keep this
issue front and center in Québec.
M. Libman: How about the claims by the Minister that certain
statistics in his possession will show that this decline is somewhat
exaggerated. He even expects a gradual increase in enrolment in English schools
in the near future. Do you feel that if, in fact, these statistics are valid,
this would have an impact in the long term, or even in the intermediate term,
on the future of English schools in Québec?
M. Henderson: Well, all statistical studies are going to have an
impact on sinking.
Mais j'aimerais très bien voir ces statistiques, si elles
existent. Et je répète qu'il faut les déposer, ici,
à l'Assemblée nationale.
But, you know, I am not sure that statistical arguments are really what
are the issue here. The issue is the fact that we have a system.
On a un système de première qualité, ici, au
Québec, payé par tous les contribuables, tous les contribuables,
et on doit élargir l'accès aux francophones et aux immigrants,
c'est tout. Parce qu'il n'y a pas de danger, pas de danger pour la langue
française en le faisant. Je suis sûr! C'est bien évident,
il faut avoir des recherches là-dessus, mais je suis sûr que vous
allez voir un changement en profondeur dans l'éducation anglaise, ici,
au Québec, si ces recherches sont faites.
M. Libman: Sur la question de l'affichage aussi, vous soulignez
un sujet qui est pas mal ignoré, ici, à cette commission. Le fait
que, par la voie des règlements, le gouvernement peut déterminer
les situations où l'affichage commercial reste uniquement en
français. Alors, il semble que, si le Parti québécois, par
exemple, revient au pouvoir, est-ce que vous croyez que ça sera possible
pour eux de complètement amender ces aspects de la loi 86 qui touchent
à l'affichage sans amender la loi? Par la voie réglementaire,
est-ce qu'ils peuvent complètement renverser cette section de la loi en
disant... En invoquant l'article 17, par la voie des règlements, ils
peuvent dire que toutes les affiches commerciales des commerces avec un
employé ou plus, par exemple, elles doivent rester uniquement en
français.
Est-ce que vous croyez qu'il y a une possibilité que le Parti
québécois puisse renverser ça seulement par la voie des
règlements et, donc, sans débat à l'Assemblée
nationale? (16 h 50)
M. Henderson: Je pense que le Parti québécois a
déjà dit qu'il va le renverser, dès que le Parti
québécois prendra le pouvoir. Donc, oui, c'est une crainte que
nous avons, c'est une crainte très légitime, parce que cet
alinéa donne le pouvoir au gouvernement du Québec de
légiférer l'élimination de l'anglais de l'affichage
public, c'est clair.
M. Libman: Pas légiférer, mais...
M. Henderson: C'est clair, et ça ne doit pas être le
cas parce que, selon moi, le gouvernement du Québec n'a plus ce pouvoir.
Donc, c'est une crainte très légitime.
I think we have got a very serious question here, in front of us. Yes,
this clause could be used to deny any bilingual or English signs in the
province, because it says very clearly: The government can determine by
regulation the cases, conditions and circumstances in which commercial
publicity or advertising has to be done solely in French. That is what it says.
Now, if the government says that it has that power, presumably, it is going to
act on it and it is entirely possible, for a successive government like one
lead by the Parti québécois, to use this to ban English
signs.
M. Libman: Without debate in the National Assembly, without even
amending Bill 86.
M. Henderson: Without debate in the National Assembly, yes, which
is an extremely important element of the legislation. This gives extraordinary
executive power, executive power that goes so far as to, in our view, touch on
fundamental individual rights. And if this is not the case, I would like to be
reassured how it is not, just on that simple basis of a
«règlement». You do not, as I understand it, have to go
before the National Assembly to change these.
Now, I could be wrong, and I am not a lawyer, but I would like to hear
more about this because I am very worried whether we could conceivably take
away people's rights without even debating this in the Assembly.
M. Libman: O.K. Another point along the same lines.
The Gazette reported last week that there is a private agreement
that is presently in negotiation between the Minister and the large billboard
companies, «les panneaux-réclame». Now, if this is the case,
the Minister, when he tables the regulations next week, will probably not have
any mention in the regulations about billboards. He will not allow therefore
the law to be challenged because there will not be anything in the
regulations that talk about billboards, he will just leave this in the
hands of these companies such as Mediacom, so that even though the law does not
ban the use of languages on billboards, when someone wants to rent a billboard,
it is the billboard company that would effectively tell them: No, I am sorry,
you cannot use that language. So, in effect, if there was a challenge before
the courts by an individual, they would have to challenge the specific
billboard company. They would no longer be able to drag the government before
the courts which has probably a greater public impact on this debate.
A similar situation arises with the Yellow Pages and
Télé-Direct. They do not allow anyone to advertise in English
only and, therefore, it sort of takes the government off the hook in some of
these areas. What do you feel the consequences of this type of private
agreement is? Do you feel it is responsible of the government to slough off the
need for these private companies to violate someone's rights by not allowing
them to advertise?
Because it is very, very clear, if you read the jurisprudence, if you
read the decision of the Supreme Court and the United Nations' decision that
there is no distinction per se between public billboards and a private
enterprise. You rent a store and, therefore, you have the right to advertise in
your store. You rent a billboard, you have a right to advertise on your
billboard. There is no distinction there, but if the government has an
agreement with these companies not to allow people to advertise in another
language, they are off the hook and it is the billboard companies that would
have to be effectively dragged before the courts, if, in fact, someone wants to
challenge it.
Le Président (M. LeSage): M. Henderson.
M. Henderson: I agree completely, Robert, and it was you, I
think, who brought to the attention of the National Assembly the fact that the
decision of the Supreme Court really had to do with corporations, for the most
part, not with individuals, which, I think, is an extremely important
reminder.
But, yes, this is of great concern to us and I just hope it is not true,
that the government has not been involved in secret negotiations with billboard
companies to get the billboard companies to act as policemen. I hope that is
not true.
If it is, I think we are in serious trouble. I do not think this is the
way to proceed at all. It does raise very serious questions about freedom of
expression. It surely should not be the role of a private company to deny
people the right to express themselves in a language. I think we should all
agree on that. It would mean possibly that the courts would have to take a
different tack.
My own feeling, of course, is that the way the law is written is
dangerous enough, given the government's power to make these kind of
regulations. I think that it is challengeable in and of itself, and I do not
think the government has that power any longer to do that. I would very much
like to find out, and I have said this, but it is worth repeating: I would like
the government to find out if it does have that power. If it does, fine, we
will know what the playing field is, but if it does not have that power, let us
know now, before we pass that kind of a law.
But, yes, I think you have put your finger on something which is very
disturbing. I think that if the government feels that English on public signs
should be restricted, let it say so. Let it say so, not get somebody else to do
the dirty work. That would be terrible. And if it does feel that it is
required, fine! Let us find out what the courts in this country feel about
it.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Le groupe qui représente les compagnies de
panneaux-réclame, qui s'est présenté devant la commission
la semaine dernière, il a été entendu par la commission et
il n'a jamais parlé de choses comme celles qu'insinue le
député de D'Arcy-McGee. Il aurait pu lui poser la question quand
il est venu.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, je n'ai pas accusé ces
compagnies. Effectivement, j'ai posé la question à ces compagnies
pour essayer de connaître le processus pour quelqu'un de louer une
affiche pour savoir... Et on a appris après, par la voie des journaux...
Et c'est pour ça que j'ai demandé à M. Henderson... que
j'ai fait allusion à un reportage dans The Gazette qui disait,
après le témoignage de ces groupes, que le ministre avait ou
était en train de négocier une entente privée avec ces
groupes. Ça, je ne le sais pas. Et même moi, je leur ai
posé cette question, à eux, si on prive un individu d'afficher
dans les 2 langues s'il le veut. On essaie de le faire.
M. Ryan: M. le Président, si vous me permettez. Le
Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: ces entreprises qui fabriquent les
panneaux-réclame n'ont pas d'autorité sur le message que leurs
clients voudront diffuser. ce sont les clients qui prendront la
décision. *
M. Libman: Mais, M. le Président...
M. Ryan: Et si les clients décidaient, de leur propre
initiative, de ne livrer leur message sur panneaux-réclame que dans la
langue officielle, ce serait leur droit le plus strict. Parce que le projet de
loi n'impose pas l'usage d'une autre langue, il impose l'usage de la langue
officielle et laisse les décisions aux entreprises qui voudront livrer
des messages commerciaux.
Alors, dans cette perspective, il est fortement concevable il n'y
aura rien d'illégal à ça que des entreprises qui
voudront présenter des messages par ce moyen décident librement
de le faire en français. Puis vous n'y pourrez rien et moi non plus.
Le Président (M. LeSage): Alors, la mise au point est
faite. Le temps mis à la disposition du député de
D'Arcy-McGee est également écoulé. Je cède donc la
parole maintenant à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. Henderson, il nous fait plaisir de vous accueillir à cette
commission. Je constate vous êtes le dernier organisme que nous
rencontrerons que le ministre, qui pensait atteindre une certaine paix
linguistique avec le projet de loi 86, plus ça va, plus les positions se
durcissent. Les groupes qui ont toujours lutté contre la loi 101
augmentent constamment la mise, et on sent que l'affichage bilingue
n'était finalement qu'un premier combat dans une guerre à finir,
j'allais dire, contre la loi 101. Et je pense que le ministre a ouvert une
boîte de Pandore qu'il va avoir peine à refermer. (17 heures) mais
j'aimerais revenir sur certaines de vos affirmations. vous nous dites: le
français n'est pas menacé au québec, la bataille est
gagnée. pourtant, les universités anglaises accueillent 57 % des
allophones et 55 % en ce qui a trait aux cégeps. en ce qui a trait aux
clientèles, les universités anglaises vont chercher 27 % des
clientèles alors que vos écoles en ont 10 % et les cégeps
24 %. et on sait que les règles de la loi 101 ne s'appliquent pas
à ces établissements. moi, je suis de celles qui pensent qu'elles
ne devraient pas s'appliquer.
Cependant, comment pouvez-vous affirmer que ça n'aura pas d'effet
sur les écoles alors que ça a un effet réel sur les
universités et les cégeps?
M. Henderson:ma réponse est la suivante. c'est fort
probable que, vu la nécessité pour les allophones d'envoyer leurs
enfants à l'école française, nécessité
à peu près à 100 %, peut-être que c'est à
cause de ça que ces étudiants-là, les allophones veulent
savoir une autre langue, décident de fréquenter un cégep
anglais ou de fréquenter une université anglaise. et ce n'est pas
un phénomène qui est exclusif pour les allophones, je pense que
25 % des effectifs de l'université mcgill sont des francophones, parce
que les francophones eux-mêmes veulent comprendre la langue anglaise,
veulent l'utiliser. pour moi, c'est un atout pour le québec d'être
capable de fonctionner en 2 langues.
Mme Blackburn: M. Henderson, vous êtes le seul et je
pense bien, je vais réviser chacun des mémoires organisme
qui, à ma connaissance, ne reconnaissez pas la
vulnérabilité et la fragilité du français: 6 000
000 de parlant français en Amérique du Nord. Une poignée,
que je dis toujours, il y a 300 000 000 de parlant anglais. Alors, vous
êtes le seul organisme à ne pas avoir reconnu la fragilité,
la vulnérabilité du français. Même Alliance
Québec reconnaît la légitimité de la loi 101. Bon,
ils nuancent, évidemment, comme on le sait. Mais, quand même, vous
êtes le seul qui allez aussi loin dans cette direction-là, et je
voudrais vous dire que vous m'étonnez. Vous m'étonnez, et vous
nous annoncez déjà que l'affichage, ça n'est pas
suffisant, et que vous préconisez le libre choix, ni plus ni moins.
Qu'est-ce qui resterait, selon vous, de la loi 101 si on cède
à la fois sur l'affichage, ce qui est fait avec ce gouvernement, et puis
ensuite le libre choix en matière d'enseignement? Dites-moi: Est-ce
qu'on aura besoin d'une loi 101 au Québec?
Le Président (M. LeSage): M. Henderson.
M. Henderson: Vous avez des sections très
importantes...
Mme Blackburn: Comme?
M. Henderson: ...sur la francisation des entreprises, par
exemple, qui est assez importante. Mais ce que je veux dire, c'est que le Parti
Égalité, les membres du Parti Égalité reconnaissent
très bien que le français est vulnérable. Oui, il est
vulnérable, il n'y a pas de problème avec ça, mais
qu'est-ce qu'on doit faire? On doit légiférer d'une
manière positive; positive, pas coerciti-ve. C'est ça, la
différence entre l'approche du Parti Égalité et l'approche
du Parti québécois, par exemple. nous voulons encourager la
traduction, l'éducation, un curriculum en français, par exemple.
et je cite encore ces statistiques très intéressantes: 25 % de
nos étudiants anglophones étudient jusqu'à 80 % en
français. ça, c'est un gain très important. et je veux
dire, je constate que la communauté anglophone du québec est
très sensible aux nécessités d'une protection, oui, pour
le français, mais une protection positive, une protection qui serait
là à cause d'un encouragement et pas une législation
négative.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: M. Henderson, vous vous rappellerez sans doute que
la CECM avait envisagé l'adoption d'un règlement pour obliger les
élèves de la CECM à parler français dans les
classes et pas seulement dans une classe de français, parce que
dès qu'ils étaient laissés un peu à
eux-mêmes, ils parlaient anglais dans la classe et pas seulement dans la
cour de récréation. Alors, là, on est en train de nous
dire qu'il faut absolument, absolument, des classes d'immersion pour leur
apprendre l'anglais.
On essaie de les mettre en immersion en français. La langue
«véhiculaire», la langue de communication des allophones
entre eux, c'est l'anglais. Dans la cour d'école, c'est l'anglais. On
sait, là, que ça soulève, ça
crée des tensions déjà à Montréal.
Et, là, vous nous dites que ce n'est pas fragile et que,
spontanément, ils continueraient de choisir le français? Moi, il
y a comme quelque chose là-dedans qui échappe à ma
logique, à tout le moins.
M. Henderson: Non. Je comprends ce que vous dites. Mais est-ce
que c'est possible qu'avec des lois comme la loi 101, qui oblige les allophones
à faire quelque chose, est-ce que c'est possible qu'il y ait une
réaction? Et je comprends cette réaction, je la comprends. Je ne
suis pas d'accord avec cette réaction, mais je comprends une telle
réaction contre la nécessité de parler français. Si
on avait une nouvelle atmosphère de liberté, ce désir de
parler anglais toujours juste pour être difficile n'existerait plus
peut-être; peut-être que dans une atmosphère de
liberté, de libre choix, on agirait plus comme des adultes.
Mme Blackburn: M. Henderson, au moment où le Québec
a décidé d'adopter cette loi, 85 % des allophones s'inscrivaient
dans les écoles anglaises. Il ne faut pas avoir la mémoire trop
courte. Je m'excuse, là, mais je pense qu'il ne faut pas occulter
certaines données sous prétexte qu'on veut absolument
défendre son hypothèse.
Diriez-vous du projet de loi 86 que, de façon
générale, vous êtes d'accord avec ce projet, sauf qu'il ne
va pas assez loin?
M. Henderson: Non. Parce que les 2 choses les plus importantes
pour le Parti Égalité, la liberté d'expression et le libre
choix en matière d'éducation des enfants, ne se trouvent pas dans
cette législation. Ce sont les 2 choses les plus importantes. Donc,
ça va être très difficile, presque impossible sans des
amendements, pour le Parti Égalité d'appuyer cette
législation.
Mme Blackburn: Si je vous comprends bien, la loi 86
adoptée dans sa version actuelle, pour vous, dès le lendemain,
vous contestez cette loi devant les tribunaux, si tant est que le gouvernement
canadien n'utilise pas son pouvoir de désaveu et que le ministre... Il
n'a pas semblé très ouvert à votre suggestion à
l'effet de demander un jugement déclaratoire. Alors, si le ministre ne
demande pas de jugement déclaratoire, si le gouvernement canadien, qui
n'utilise plus son pouvoir de désaveu depuis 60 ans... Oui, c'est
ça, c'est une soixantaine d'années.
Une voix: Depuis 1947.
Mme Blackburn: Alors, ça m'étonnerait qu'il
revienne, qu'il le fasse. À ce moment-là, diriez-vous que votre
parti est prêt, avec d'autres groupes, à contester les
dispositions de 86 en matière d'affichage?
M. Henderson: On va donner de l'aide à des individus. Ce
sont les commerçants eux-mêmes qui vont contester la loi, par
exemple. On va donner de l'aide à ces individus pour contester une loi
qui les prive d'un droit fondamental, c'est bien évident.
On espère qu'il y aura un jugement déclaratoire. Nous
pensons que c'est une bonne idée de l'avoir avant de faire adopter une
telle législation.
En ce qui concerne le pouvoir de désaveu du gouvernement
fédéral, c'est clair que le gouvernement fédéral
n'a pas utilisé ce pouvoir depuis longtemps. Mais nous sommes dans des
circonstances très différentes parce que le Canada est maintenant
sous l'obligation, selon la signature du Canada sur ce protocole, de garantir
ces droits. Quel outil possède le gouvernement du Canada pour garantir
ces droits, si ce n'est pas le pouvoir de désaveu? Nous sommes dans une
autre situation, maintenant. (17 h 10)
Et une autre chose là-dessus. C'est clair que depuis 1947 ce
pouvoir n'a jamais été utilisé, mais M. Mulroney a
utilisé une clause très obscure dans la Constitution canadienne
pour faire passer la TPS et pour compléter le Sénat, une clause
de la Constitution canadienne qui n'a jamais été utilisée
depuis 1867. Donc, le seul fait que la clause n'a pas été
utilisée ne dit pas que cette clause n'a pas de pouvoir. Ça
reste. Ça peut être utilisé encore.
Mme Blackburn: Iriez-vous aussi loin que de dire que finalement
le Québec, dans la situation actuelle, n'a plus besoin de
législation en matière linguistique?
M. Henderson: Non. La législation que nous...
Mme Blackburn: Elle sert à quoi, à ce
moment-là?
M. Henderson:la législation dont a besoin le gouvernement
du québec, c'est une législation positive pour encourager le
français partout. par exemple, c'est une bonne idée d'insister,
d'après moi, sur le français dans les cégeps anglophones.
et ce n'est pas nécessaire d'étudier le français dans les
cégeps, maintenant; il faut insister sur le français dans les
cégeps anglophones ici, au québec. ça, c'est une bonne
idée. c'est une chose, je trouve, encourageante, positive. mais ce qu'il
ne faut pas faire, c'est de jouer avec des droits fondamentaux. les nations
unies, comme je l'ai dit, ont dit que le droit du choix de l'éducation
pour un parent est un droit essentiel, fondamental. '
Mme Blackburn: Je pense que...
Le Président (M. LeSage): Rapidement, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui. Je pense que M. Henderson fait une
interprétation plutôt élastique de ces droits. Le
comité des Nations unies a également reconnu que la
communauté anglo-québécoise ne constituait pas une
minorité. À ce moment-là, si elle avait droit aux
affiches, elle n'avait pas droit aux écoles. Alors, je ne pense pas que
c'est ça que vous réclamiez, là.
M. Henderson: Nous sommes une collection d'individus.
Le Président (M. LeSage): Bon. Mme la
députée de Chicoutimi, il vous reste encore deux minutes et
demie.
Mme Blackburn: J'ai terminé.
Le Président (M. LeSage): Vous avez terminé? Alors,
merci, M. Henderson, pour votre participation à nos travaux.
Avant d'ajourner les travaux de cette commission, je crois que certains
membres ont des remarques à faire. Alors, je cède la parole
à Mme la députée de Chicoutimi pour 5 minutes.
Remarques finales Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Oui, M. le Président, quelques
brèves remarques parce que nous aurons l'occasion de faire les
commentaires au moment de l'ouverture de l'étude du projet de loi
article par article.
Ce qu'on doit dire immédiatement, c'est que les audiences ont
été marquées par une improvisation regrettable,
déplorable et coûteuse. On a des groupes qu'on aurait
souhaité entendre, si tant est qu'on souhaitait vraiment faire la
lumière sur le projet de loi, avoir le plus large éclairage
possible, dont on regrette l'absence. Je pense, en particulier, aux
communautés culturelles. On a eu les communautés culturelles de
souche plus ancienne, mais, malheureusement, les communautés culturelles
de souche récente... D'ailleurs, ils ont fait connaître leur
regret de ne pas avoir été invités. Si on a reçu
les Grecs, les italophones et les Juifs, toutes les autres communautés
qui se sont installées au Québec depuis les 25 ou 30
dernières années n'ont pas eu la possibilité de se
présenter devant cette commission.
Également, les associations de jeunes, les regroupements de
jeunes, dont nous avons déploré l'absence, et les experts. Je ne
suis pas de celles qui pensent que j'ai toutes les connaissances requises pour
estimer les possibilités réelles de tester la loi 178, par
exemple, devant les tribunaux, en pensant qu'elle puisse être
considérée comme conforme aux dispositions de la Charte, tel que
nous le suggèrent certains experts. Il aurait été
intéressant que nous entendions ces personnes.
Par ailleurs, l'absence de règlements a été
déplorée par la très grande majorité des
intervenants: Tous nous ont dit, pour l'essentiel, et y compris le Conseil du
patronat et le Centre de linguistique de l'entreprise, que, en l'absence de
règlements, il était difficile d'imaginer la portée
réelle du projet de loi qui était sur la table, d'autant que ce
projet de loi était conçu comme un projet de loi-cadre qui
n'énonce que de grands principes, laissant au ministre et à son
gouvernement la possibilité d'en faire des interprétations
extrêmement larges. Le Conseil du patronat l'a dit pour le
déplorer et s'en inquiéter, en estimant que ce genre de
règlements ne devaient pas être laissés au gouvernement et
à son ministre, mais davantage le fait d'un organisme
indépendant, tel que c'était le cas, puisque les nombreux
pouvoirs réglementaires que s'approprient le gouvernement et le ministre
étaient d'abord et antérieurement exercés par l'Office des
professions.
Nous aurons également remarqué au cours de cette
commission que, des nombreux organismes qui avaient été
invités de façon autoritaire, sans consultation, plusieurs se
sont désistés. Mais, également, ceux qui se sont
présentés, nous avons remarqué une espèce de
durcissement dans les positions de ceux qui combattent la loi 101 depuis son
adoption. Nous en avons eu un témoignage, le dernier témoignage
le montre élo-quemment. Si l'affichage nous est apparu comme
étant la bataille ultime des Anglo-Québécois pour abolir
un autre pan de la loi 101, je pense qu'on déchante depuis, parce qu'on
s'aperçoit que ça n'est qu'un premier pas et qu'ils n'auront de
cesse qu'ils n'aient obtenu l'abolition des dispositions sur l'accès
à l'école anglaise, le libre choix, ou, à tout le moins,
l'accès à l'école anglaise pour les enfants d'immigrants
dont la langue maternelle est l'anglais.
D'ailleurs, le ministre n'a pas totalement fermé la porte,
à mon grand étonnement tout à l'heure, lorsqu'il a dit: II
se pourrait que la législation évolue. Je trouve que ce genre de
propos est inquiétant, est inquiétant pour les francophones, mais
il est inquiétant en ce qu'il sème des attentes dans la
population anglophone qui trouvera là la légitimité pour
poursuivre un débat ou un combat.
Le ministre, qui prétendait restaurer une paix linguistique qui
était, je pense, assez saine, au moment où nous parlons, je pense
que c'est tout le contraire qu'on s'apprête à faire, et je le dis
pour le déplorer, parce que nous avions d'autres débats à
faire: nos régions sont en difficulté; la crise économique
frappe de plein fouet 30 % des foyers, et là, on est en train de parler
d'une question sur laquelle il n'y avait aucune urgence et aucune
priorité.
Nous aurons l'occasion, au cours de l'étude article par article,
de mieux mesurer l'impact de ce projet de loi à la lumière, nous
dit le ministre, des règlements. Il est déplorable que nous ne
les ayons pas eus et que les organismes qui se sont présentés ici
ne les aient pas eus aussi en main. Ça nous aurait permis
d'atténuer les craintes ou encore d'indiquer au ministre les craintes
réelles qui pouvaient exister par rapport aux effets de certaines
dispositions des règlements, parce que, faut-il le dire, le pouvoir
réglementaire du gouvernement est extrêmement large et laisse
place à beaucoup d'interprétation, ce qui a eu comme effet
d'inquiéter tous les milieux et aussi, je le rappelle, le milieu des
affaires.
Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Merci, madame...
Mme Blackburn: Et je voudrais remercier ceux et celles qui, en
dépit des difficultés qu'a posées l'organisation de cette
commission, se sont présentés devant cette commission.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi.
Je cède maintenant la parole au député de
D'Arcy-McGee pour 5 minutes.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, au début, je craignais que cette
commission polarise davantage la population du Québec sur une question
si émotive, mais je pense que tous les membres de cette commission sont
d'accord pour dire que les témoignages ici, devant cette commission,
étaient intelligents. Le ton n'a pas monté trop haut, et je pense
que nous avons été témoins d'un bon niveau de
débats importants et intéressants.
Il semble aussi, à cause du fait que l'opinion publique ne s'est
pas polarisée trop fort, le fait qu'il semble que l'appui des
Québécois à certaines mesures dans ce projet de loi reste
ferme et reste très fort, je pense qu'aujourd'hui, en 1993, la grande
majorité des Québécois sont prêts à accepter
des adoucissements à la loi 101 et sont prêts aujourd'hui à
voir d'autres langues sur les affiches et permettre à tous les individus
au Québec de jouir de droits fondamentaux importants.
However, it is being said, there is a certain level of disappointment
that I still have about a lot of the debate that took place, and I think the
Official Languages' Commissioner of Canada summed it up quite eloquently last
week in his annual report when he said that a lot of discussions taking place
in Québec surrounding Bill 86, a major, major concern of the minority
communities in Québec is being lost in this discussion about the
language of public signs. I think this is something that, hopefully, the
government, as we move forward in this legislation, will start to look at more
seriously. It is something that cannot be forgotten, and this is something that
was brought before the Commission yesterday by la Chambre de commerce de
Montréal.
It was the first time, in effect, that a francophone-led group really
highlighted the tragedy of the decline of the English-speaking community in
Québec. Over the past 20 years, many young educated bilingual
Anglophones, with a great deal of potential to really adding to the future
development of Québec society, have left, and the community is in
serious decline. The statistics, up till now, have shown a very drastic decline
in the school system, and if the anglophone community does not have a way to
replenish itself, as the Official Languages' Commissioner said last week, that
if no new blood is injected into the English school system, the face of
Québec society will change dramatically in the next century.
I hope that the minister, if he at least cannot make some of these
important changes at this stage, because he wants to get through a very
difficult piece of legislation, that he can keep this debate on the table in
the years to come and find somehow a way of dealing with this question that can
allow the anglophone community to expand access to its school system in the
next few years. (17 h 20)
And what is even more frustrating is the fact that some of the major
recommendations that are being put forward affect in a very negligible way the
French school system. The Chambers' Report, for example, or allowing article
23.1a of the Canadian Chart to apply in Québec would affect maybe 1 % of
the francophone school system, but at the same time inject a much needed boost
in the English school system which could be the very difference between many of
our schools remaining open or close.
Now, the key element in this discussion so far has been the repeated
affirmation by the Minister that he will be tabling statistics during the
discussion in the article by article analysis of this bill. What has to be
understood: that even if the statistics that he puts forward show a slight
increase in enrolment in English schools in the future or a slight increase in
the birth rate of English-speaking Quebeckers in the future, we are faced with
the situation whereby in any demographic decline, eventually, the numbers will
gradually diminish at a far slower rate in the first part of this decline. And
once the communities numbers or demographics drop to below a critical mass,
below a certain threshold, you still cannot save some of the schools in outline
areas by an overall increase enrolment and, at the same time, some of these
schools that have already closed because of this demographic decline are lost
forever and will never be recuperated.
So, this small blip in statistics we might see when the Minister tables
these numbers next week will not do very much to help the anglophone community
renew itself and continue to want to play a vital role on the development of
Québec society into the next century. And we hope that the minister,
despite some of these statistics, still sees the need to open up, even a crack
at the time, access to English education into the future.
I believe that although he says public opinion is not ready to accept
that, I believe that the population of Québec will sensitize to the
serious of this decline, and also the minimum impact that some of these changes
would have on the French school system, I believe that the public opinion in
Québec will be willing to embrace such a change.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee.
Je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre, vous
avez 5 minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci, M. le Président.
Je voudrais me réjouir aussi du ton fort raisonnable qu'ont
conservé nos débats au cours des presque 3 dernières
semaines. Il y a eu des échanges vivaces, comme c'est normal en
commission parlementaire, mais, dans l'ensemble, je pense que les
échanges se sont déroulés dans une atmosphère
hautement civilisée dont je me réjouis et dont je remercie tous
les députés, les députés ministériels et
ceux de l'Opposition. Je pense que nos échanges nous ont permis
d'entendre un éventail très varié de points de vue.
Environ 24 ou 25 organismes ont été entendus et, quand on fait la
somme des milieux représentés par les organismes qui sont venus
nous rencontrer, je pense qu'on arrive à un échantillon quand
même impressionnant de l'ensemble de la société
québécoise.
Je retiens de nos échanges les éléments suivants.
D'abord, je pense qu'il a été clairement établi que le
projet de loi 86 est un projet de loi modéré, un projet de loi
dont la portée est très précisément circonscrite,
dont nous avons veillé à définir la portée avec la
plus grande prudence possible.
On aurait voulu, puis je le comprends, laisser croire qu'il s'agit d'un
projet qui modifie en profondeur la Charte de la langue française. Je
pense que de nombreux témoignages entendus ici autorisent à
penser le contraire. Le gouvernement n'a pas du tout l'intention de bouleverser
la Charte de la langue française; il veut plutôt l'adapter
à des réalités nouvelles et aussi à
l'évolution de l'opinion. Je l'ai dit à maintes reprises, en
parlant des droits linguistiques, qu'il ne s'agit pas de droits absolus, qu'il
s'agit de droits largement historiques, conditionnés par des contextes
politiques, sociaux et culturels. En conséquence, il est tout à
fait normal, dans ces choses, que l'on arrive à une période
donnée de l'histoire à des conclusions qui diffèrent de
celles qui pouvaient valoir 25 ans plus tôt. C'est tout à fait
normal. Je pense qu'une société serait enlisée dans un
degré de statisme inquiétant s'il fallait qu'elle
n'évoluât en aucune manière dans ses opinions en
matière linguistique.
Aucun des articles charnière du projet de loi n'a
été invalidé par les discussions que nous avons eues. On a
mis en question certains articles, je pense que le gouvernement a
apporté des réponses claires, des réponses nettes, qui
indiquent clairement la portée précise de chaque disposition
qu'on a voulu contester. Je crois que sur l'essentiel modifications
à la langue de l'affichage, modifications concernant le retrait du
statut bilingue accordé à certains organismes publics ou
parapublics, modifications des conditions qui président à
l'apprentissage de l'anglais langue seconde au Québec je pense
que ces points fondamentaux n'ont aucunement été invalidés
ou ébranlés par les arguments qu'on a appor- tés. De
même, le choix que nous avons fait de maintenir l'obligation pour les
enfants de foyers immigrants de continuer à s'inscrire à
l'école française répond à l'état actuel de
l'opinion au Québec et traduit, en même temps, la conviction du
gouvernement à la suite des expériences que nous avons faites
depuis le dernier conflit mondial. Cette position est mise en question par
certains éléments, comme le Parti Égalité, qui est
venu nous rencontrer. Je pense que c'est normal qu'il ait exprimé son
point de vue.
Il faudrait dire, à ce sujet, que je ne supplierai jamais la
minorité de cesser de dire ce qu'elle pense. Je veux qu'elle continue de
dire ce qu'elle pense même quand elle est intransigeante; nous sommes
capables de vivre avec ça. Je lui demande seulement d'accepter que nous
fassions la même chose, que nous lui disions exactement ce que nous
pensons, que nous expliquions clairement les motifs de nos actions. Si elle
veut continuer à réclamer, dans l'avenir, des choses auxquelles
je ne suis pas disposé à souscrire, je voudrais, au nom de la
démocratie, qu'elle continue de le faire et qu'on n'agite pas
continuellement un épouvantail, la possibilité qu'on puisse dire
ceci. Elle dira ce qu'elle voudra. Le gouvernement ou la majorité
s'exprimant à travers le gouvernement dira ce qu'elle voudra de son
côté. C'est comme ça qu'une démocratie fonctionne.
Il ne faut pas avoir peur de ça.
J'ai indiqué à plusieurs reprises, en cours de route, que
nous sommes disposés à apporter un certain nombre
d'améliorations au projet de loi. J'ai toujours dit qu'aucun projet de
loi n'est parfait, que nous écoutons parce que nous voulons nous
instruire. Sur les principes, il faut être intransigeants, autrement, on
sombrerait dans la confusion, mais sur les modalités et les
applications, il faut être souple au maximum. Et, dans cet esprit, il y a
un certain nombre de dispositions sur lesquelles nous serons enclins à
proposer des modifications. Je mentionne l'article 44, porté à
notre attention par la Fédération des travailleurs du
Québec, sur lequel j'ai eu l'occasion d'échanger avec M. Larose
cet après-midi, de la CSN. Nous apporterons une modification à
cette disposition de manière que soit préservé l'article
44 qui traite de la langue des décisions arbitrales en matière de
relations de travail.
Nous avons reçu des représentations quant à la
longueur des délais prescrits pour l'inscription, auprès de
l'Office de la langue française, d'entreprises qui doivent s'inscrire
auprès de l'Office lorsqu'elles ont atteint un certain seuil au point de
vue du nombre d'employés. Par exemple, nous examinons ces questions de
manière attentive.
On nous a fait des représentations concernant le renouvellement
des permis de pratique professionnelle qui semblaient pouvoir être
renouvelés pour des périodes indéfinies. Nous inscrirons
des limites qui montreront que nous sommes inspirés par un esprit
d'humanité et de collaboration et non pas par un esprit d'aventurisme de
quelque manière que ce soit.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre...
M. Ryan: Dernier point, si vous me permettez juste une minute, M.
le Président, avec le consentement des collègues.
Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le ministre.
M. Ryan: J'ai parlé à plusieurs reprises, parce que
nous avions été interpellés là-dessus et nous
l'aurions fait autrement, je pense bien, de la question des règlements.
J'ai laissé entendre que nous souhaitions être en mesure de porter
à la connaissance des membres de la commission l'essentiel des projets
de règlements que nous sommes à mettre au point, que nous
achevons de mettre au point. Je pense toujours être en mesure, quand nous
entreprendrons l'étude détaillée du projet de loi en
commission, d'informer les membres de la commission, et par voie d'implication,
évidemment, la population du Québec, de la teneur essentielle de
ces projets de règlements que nous envisageons dans les secteurs
suivants: la langue de l'administration, la langue de l'affichage, la langue de
l'industrie et du commerce. (17 h 30)
En ce qui touche la langue de l'enseignement, il se pourrait que nous
ayons à proposer des amendements de concordance visant à faire le
joint, la jonction avec certaines dispositions qui traitent de la langue
d'enseignement. Il se pourrait également ceci relève de
l'initiative de la ministre de l'Éducation que celle-ci
préfère attendre le moment de son choix pour toucher à ces
questions et envisager des modifications au règlement touchant
l'application de la Charte de la langue française, soit en ce qui touche
les élèves en séjour temporaire, les élèves
en difficulté grave d'apprentissage ou encore les modalités
d'apprentissage de la langue seconde, en particulier de l'anglais, langue
seconde. Je dois converser avec la ministre de l'Éducation au cours des
prochains jours pour que nous fassions le point là-dessus.
Si elle estimait ne pas être prête à faire part des
projets de modification qu'elle envisage, cela voudrait dire bien simplement
que le régime pédagogique, dans sa teneur actuelle, et les
règlements existants dans leur teneur actuelle continueront de
s'appliquer tel quel, jusqu'à nouvel ordre, et par conséquent
qu'il n'y aura pas de modifications là-dessus. Il faut que ça
soit bien clair. D'abord, la ministre, même si elle le voulait, n'aurait
pas ce pouvoir-là; elle est conditionnée par les dispositions du
régime pédagogique à propos duquel tout projet de
modification doit être soumis en particulier à l'avis
préalable du Conseil supérieur de l'éducation.
Alors, voilà comment les choses se présentent à ce
moment-ci. Je pense que nous avons fait ce cheminement ensemble. Les critiques
qu'on nous a apportées nous ont permis de préciser
déjà nos positions sur un bon nombre de points. Nous continuerons
de le faire, au cours des prochains jours, dans un esprit de dialogue et de
collaboration.
Encore une fois, M. le Président, à vous-même,
à celui qui a présidé régulièrement nos
travaux, aux fonctionnaires de la commission, à nos amis du
côté ministériel et de l'Opposition, j'adresse mes
remerciements et l'assurance de notre collaboration dans toute la mesure
où nos principes respectifs la rendent possible.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. le
ministre.
Vous me permettrez également, avant d'ajourner les travaux, de
remercier les personnes et organismes qui ont témoigné devant
cette commission. Je remercie également les membres de cette commission,
de même que le personnel qui a été affecté à
l'enregistrement ou à la diffusion de nos débats.
La commission ayant complété le mandat qui lui a
été confié, j'ajourne donc les travaux de la commission de
la culture sine die. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 32)
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