Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux et procédera
aujourd'hui à des consultations particulières et à des
auditions publiques sur le projet de loi 86, qui est la Loi modifiant la Charte
de la langue française.
Nous allons donc faire la suite des consultations que nous avons
entreprises depuis 2 semaines, et je demanderais à M. le
secrétaire de bien vouloir nous indiquer, tout d'abord, s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc
(Taschereau) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Boisclair
(Gouin), par M. Bélanger (Anjou); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), par
Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Paré (Shefford), par M.
Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Doyon): Je fais un bref rappel de ce qui
nous attend aujourd'hui. J'indique qu'à 11 h 30 nous sommes un
peu en retard, j'en tiendrai compte dans le temps la Chambre de commerce
du Montréal métropolitain nous fera ses représentations;
nous suspendrons nos travaux après ça pour le déjeuner et,
à 15 heures, nous reprendrons nos travaux, nos consultations pour
entendre les représentants du Parti québécois, qui seront
suivis, à 16 heures, par la Town-shippers' Association. Nous aurons
ensuite, à 17 heures, le Mouvement national des
Québécois.
Nous reprendrons nos travaux, soit à 20 heures, soit à 21
heures, étant donné que 20 heures était prévu pour
la Commission des écoles catholiques de Montréal et ils nous ont
indiqué qu'ils ne seraient pas présents. Je demanderai des
consentements pour avancer l'heure de la présentation par le Conseil du
patronat, qui est prévue à 21 heures, avec une possibilité
que ce soit devancé à 20 heures; on verra tout à l'heure,
et j'en informerai les membres de cette commission.
Ensuite, les représentants de la Chambre de commerce du quartier
chinois ne semblent pas être disponibles. Il y a certaines
difficultés à les rejoindre. Donc, nous ne prévoyons pas
avoir personne à 22 heures; à 23 heures non plus. C'était
supposé être l'Association des manufacturiers du Québec
qui, depuis un certain temps, nous ont fait part de leur intention de ne pas se
rendre à l'invitation que nous leur avions faite.
Donc, nous allons commencer avec la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain. Nous le faisons en souhaitant tout
d'abord la bienvenue à ceux qui les représentent. Je vois que M.
Roy est ici, Mme Vennat, et il y a M. Beauregard, je pense. Je leur souhaite la
plus cordiale des bienvenues.
J'indique que la façon de procéder est la suivante. Vous
disposez de 20 minutes pour nous faire part de vos représentations,
votre point de vue sur le projet de loi. Ensuite, la discussion et les
échanges s'engagent avec les parlementaires selon des règles qui
sont les nôtres depuis le début, c'est-à-dire 20 minutes
pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition, 5 minutes
à la fin, en ce qui concerne l'Opposition, étant
réservées, si on m'en fait la demande, au député
indépendant de D'Arcy-McGee.
Bienvenue! Vous avez la parole.
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
M. Roy (Bernard A.): M. le Président, M. le ministre, Mmes
et MM. membres de la commission, au nom de la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, je désire remercier les membres de
la commission de nous avoir invités à vous faire part,
aujourd'hui, du point de vue du milieu des affaires montréalais dans cet
important dossier qu'est la langue. Je remercie également les leaders du
gouvernement et de l'Opposition de nous avoir accordé le temps requis
pour procéder aux consultations qui s'imposent dans un organisme comme
le nôtre et dans un dossier de cette importance. particulièrement
depuis la fusion intervenue entre le board of trade de montréal et la
chambre de commerce de montréal, notre organisme reflète la
diversité et la richesse culturelle des milieux d'affaires
montréalais. pour plusieurs raisons, la chambre est
particulièrement bien placée pour exprimer le point de vue de
l'ensemble de la communauté des affaires de montréal et de sa
région dans le dossier linguistique. compte tenu de la mission de notre
organisme, nous analysons en priorité dans notre mémoire les
modifications suggérées à la charte de la langue
française en fonction de leur impact économique et commercial,
sans perdre de vue pour autant la réalité culturelle et sociale
du québec. toute notre société ne peut évoluer
harmonieusement que dans la mesure où son développement
économique va de pair avec l'épanouissement social et culturel de
sa population. '
Alors, d'entrée de jeu, la position de la Chambre sur le projet
de loi 86 est la suivante. Nous accueillons positivement l'ensemble des mesures
contenues au projet de loi et soulignons particulièrement notre accord
avec l'approche incitative proposée dans la plupart des domaines
où des modifications sont apportées à la Charte de la
langue française.
Notre mémoire, qui a été déposé
devant cette commission et que vous avez devant vous, se divise en 4 parties.
Dans un premier temps, nous constatons que
les grandes orientations qui sous-tendent la Charte demeurent les
mêmes et que des modifications qui touchent les modalités
d'application proposées correspondent à l'évolution de
notre société; deuxièmement, nous commentons l'approche
proposée en matière linguistique en fonction du
développement de la région de Montréal;
troisièmement, nous suggérons certaines modifications au
processus réglementaire qui est proposé dans le projet de loi;
quatrièmement, nous commentons quelques points bien spécifiques,
soit l'élargissement des fonctions de l'Office de la langue
française, l'assouplissement apporté à certaines
règles de francisation des petites entreprises et les précisions
apportées quant à l'introduction de la clause Canada dans la
Charte.
En premier lieu, j'aimerais aborder les grandes orientations de la
Charte. Le visage français de Montréal confère à la
métropole du Québec une caractéristique unique en
Amérique du Nord. Beaucoup de travail a été fait au cours
des dernières années pour inscrire la reconnaissance de cette
réalité tant dans les habitudes de la population concernée
que dans le cadre juridique qui peut aider à en assurer la
pérennité.
À l'instar de l'immense majorité de la population du
Québec, la Chambre insiste pour préserver le visage
français de Montréal. Les consultations effectuées dans le
dossier linguistique nous convainquent que, au sein de la communauté des
affaires à tout le moins, personne ne met en doute cette
nécessité. (11 h 50)
Notre analyse du contenu du projet de loi 86 nous amène à
conclure que les grandes orientations que l'on retrouve à la Charte de
la langue française sont protégées et demeurent intactes.
Quelles sont ces grandes orientations? Le français demeure la langue
officielle; les droits linguistiques fondamentaux sont protégés
et sauvegardés; la langue de l'administration des organismes parapublics
demeure le français; il en est de même pour la langue de travail,
la langue du commerce et des affaires et la langue de l'enseignement. À
notre avis, dans tous ces domaines, les grandes orientations de la Charte ne
sont pas altérées; certaines modalités d'application le
sont, ce qui est bien différent.
Pourquoi certains le prétendent faut-il modifier
maintenant certaines modalités d'application de la Charte? La question
mérite qu'on s'y arrête puisque le dossier linguistique a toujours
provoqué, chez nous, des débats passionnés et des luttes
qui, malheureusement, nous ont divisés.
Pour sa part, la Chambre croit que, au-delà de
l'échéance du délai d'application de la clause
dérogatoire dans le cas de la Loi sur l'affichage, et même des
conséquences de la décision récente du comité des
Nations unies sur le même sujet, certaines modalités d'application
de la Charte doivent être revues. On ne peut pas nier le fait que, au
cours des dernières années, le monde ait changé, et le
Québec, comme société particulièrement ouverte sur
le monde, n'échappe pas à cette réalité. Est-il
nécessaire de rappeler que presque la moitié de la production
manufacturière du Québec est destinée à des
marchés situés à l'extérieur de ses
frontières? Pareille situation place notre société dans
une situation d'interrelation constante avec le reste du monde. De plus, il
sera toujours préférable d'inciter que de proscrire,
particulièrement dans des domaines où les attitudes et les
comportements revêtent une importance primordiale. C'est
précisément, selon nous, le cas du dossier linguistique.
Ce sont des considérations qui se rattachent à ces 2
ordres de raisonnement, c'est-à-dire l'évolution des
mentalités et, selon nous, mieux vaut inciter que proscrire
c'est pour ces 2 considérations, dis-je, que la Chambre a
révisé ses positions, positions qu'elle avait rendues publiques
il y a maintenant 5 ans dans le cadre du débat sur la loi 170,
débat qui, à ce moment-là, il convient de le rappeler,
avait porté sur le projet de loi en matière d'affichage,
contrairement au projet de loi 86, dont la portée, on doit en convenir,
est beaucoup plus large.
Nous sommes en contact quotidien, à la Chambre, avec un grand
nombre d'individus et d'organismes qui émanent de divers milieux. Cette
position d'acteur privilégié que nous avons au sein de la
communauté nous permet d'affirmer que les perceptions de la
société québécoise évoluent rapidement,
notamment, dû au fait de son ouverture sur le monde. Ces perceptions
nouvelles influencent les attitudes des Québécois, et nous sommes
à même de constater, par exemple, qu'un grand nombre de
Québécois sont maintenant d'accord avec l'utilisation d'une autre
langue que le français dans l'affichage extérieur, sous
réserve que le français soit nettement prédominant. Les
derniers sondages qui ont été rendus publics confirment les
perceptions de la Chambre et reflètent fidèlement ce que nos
membres nous disent.
Les échanges que nous entretenons avec divers milieux nous
permettent de constater entre autres le fait que les Québécois
relient la possibilité qu'ont nos entreprises d'évoluer sur les
marchés internationaux à la capacité de leur personnel de
pouvoir utiliser plusieurs langues. Et cette perception est très claire,
entre autres dans le milieu étudiant. Il nous apparaît clairement
que les manifestations d'interdépendance avec le reste du monde, de plus
en plus présentes dans la vie quotidienne des Québécois,
contribuent à l'ouverture dont la majorité d'entre eux
témoignent dans le dossier linguistique.
Ainsi, de plus en plus de Québécois sont conscients de
l'importance de prendre les moyens appropriés pour que les jeunes
maîtrisent davantage et mieux la langue anglaise. Cette évolution
des mentalités va de pair au sein de la population avec les exigences
plus élevées dans le domaine de l'enseignement du
français, ce qui est extrêmement intéressant. On ne semble
plus mettre en opposition l'apprentissage de plusieurs langues, comme ce fut le
cas il n'y a pas très longtemps. On est de plus en plus conscients, au
contraire, de la nécessité de maîtriser plusieurs langues.
La Chambre, pour une, croit que l'évolution des mentalités
à cet égard est extrêmement encourageante et elle traduit
le
fait d'une assurance accrue dans nos moyens comme
société.
Selon nous, le cadre législatif dont une société se
dote doit refléter la situation qui prévaut à un moment
donné. Ce cadre ne doit pas être immuable, ne doit pas être
figé dans le temps, il doit évoluer en fonction des changements
qui surviennent. Ce n'est qu'à cette condition, croyons-nous, que les
lois qui régissent une société peuvent contribuer
-à son développement et à son épanouissement. Un
cadre législatif inaltérable, qui ne refléterait plus la
réalité, risquerait, au contraire, de ralentir l'évolution
d'une société. Voilà pour la première partie de
notre mémoire. Maintenant, la seconde.
La seconde partie porte sur la langue et le développement de
Montréal. Le développement économique et social de
Montréal demeure, n'en déplaise à certains, la pierre
d'angle de l'économie du Québec. Depuis plusieurs années,
Montréal tente de se tirer d'une situation économique difficile.
Les statistiques qui reflètent le taux de chômage et la
misère dans certains quartiers de Montréal sont bien connues.
Cette situation peu enviable a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs
études, dont un bon nombre concluent que la relance de la
métropole du Québec passe notamment par l'accentuation de son
caractère international, ainsi que par le développement
accéléré de certains secteurs de pointe qui ont
déjà percé sur les marchés mondiaux.
Du rapport Picard au rapport d'étape du Groupe de travail sur
Montréal et sa région, en passant par celui du comité
interministériel sur le développement du Grand Montréal,
tous abondent dans le même sens.
Loin de nous la prétention que des modifications à la
Charte de la langue vont entraîner quelque effet magique que ce soit sur
la situation économique de Montréal. Il nous semble, par
ailleurs, plus logique de croire qu'une grande ouverture ou une plus grande
ouverture en matière linguistique, tout en assurant la
prédominance du français, bien sûr, représente un
des atouts sur lesquels nous avons tous les pouvoirs d'agir. Les changements
proposés surviennent à une époque où nos leaders
font la promotion de Montréal comme ville internationale, comme ville
vibrante, généreuse, tolérante et ouverte sur le
monde.
C'est là, selon la Chambre, un des facteurs importants dont il
faut tenir compte. Agissons d'abord sur ce que nous pouvons contrôler.
Bien sûr, nous n'avons aucun contrôle sur la situation
économique mondiale dont on dépend largement; nous
contrôlons, par ailleurs, certains domaines clés qui ont un impact
sur l'évolution de notre société. C'est le cas, par
exemple, de la qualité de notre main-d'oeuvre, de nos infrastructures,
comme c'est d'ailleurs le cas de la législation dont le Québec
s'est doté en matière linguistique.
Personne d'autre que nous n'a le pouvoir de nous imposer quoi que ce
soit dans des domaines qui influencent profondément notre devenir.
Pourquoi, alors, ne pas prendre tous les moyens afin de nous assurer que ces
facteurs jouent en notre facteur sans, bien sûr, perdre de vue les grands
objectifs que nous nous sommes fixés en tant que
société?
Il est clair pour la Chambre que les Québécois doivent
maîtriser d'autres langues que le français dont, bien sûr,
l'anglais, qui est la langue par excellence du commerce international, mais
également des sciences et de bien d'autres domaines, s'ils veulent
réussir dans un monde qui est de plus en plus interdépendant. Il
est également tout aussi clair que nous devons offrir des conditions
d'accueil satisfaisantes si nous voulons attirer chez nous des personnes
qualifiées qui peuvent contribuer au développement de notre
société. C'est dans cet esprit que certaines modifications
peuvent être apportées à la Charte de la langue
française tout en ne faisant que des gagnants parmi les
Québécois de toute expression.
Selon nous, certaines dispositions de la Charte sont restrictives et
désincitatives à l'égard de la population francophone et
risquent davantage de nuire que d'aider. Par exemple, la loi qui interdit
l'immersion occasionnelle en langue anglaise pour faciliter l'apprentissage de
cette langue: la révision de dispositions de cette nature ne pourrait
être qu'à l'avantage des francophones qui savent bien que, sans
une bonne maîtrise de l'anglais, ils éprouveront beaucoup de
difficultés à évoluer dans un monde où la
connaissance de cette langue devient chaque jour davantage une
nécessité.
Que ce soit au Québec ou n'importe où ailleurs dans le
monde, les institutions n'ont pas à être bilingues au
Québec et ne le deviendront pas avec les mesures qui sont
proposées. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va fournir aux jeunes
francophones l'opportunité de maîtriser l'anglais pour pouvoir
mieux se débrouiller dans cette langue. (12 heures)
Dans le domaine des affaires, certaines dispositions relèvent
davantage d'une démarche qui vise actuellement à prohiber l'usage
d'autres langues plutôt qu'à inciter à l'utilisation du
français. Dans le contexte actuel, tous y gagneraient à faire le
contraire, c'est-à-dire à inciter plutôt qu'à
interdire.
Bien sûr, de tels changements doivent se faire à
l'intérieur de balises raisonnables. Il n'est pas non plus question de
recréer la situation qui prévalait avant la promulgation de la
Charte de la langue française, et nous croyons que tout le monde est
d'accord là-dessus.
Une société comme la nôtre a tout
intérêt à conserver chez elle les éléments
les plus actifs et les mieux informés et à se donner les moyens
nécessaires pour attirer les ressources qui peuvent contribuer à
son développement. À tout le moins, il n'est certainement pas de
notre intérêt de mettre en place des obstacles qui peuvent nuire
à l'implantation chez nous de ces personnes. Et cela est
particulièrement vrai dans des secteurs dont le développement est
étroitement relié à la présence d'individus dont
les réseaux personnels s'étendent bien au-delà de nos
frontières, et c'est le cas du tertiaire moteur sur lequel toutes les
grandes villes comme Montréal comptent pour asseoir le
développement de leur économie.
La structure économique de la région de
Montréal
justifierait que le tertiaire moteur soit un des piliers de son
développement et, à l'instar de certaines personnes et de
certains organismes, la Chambre s'interroge sur la possibilité que
certains éléments, certains irritants dans le dossier
linguistique puissent avoir et aient pu avoir un rapport avec le
développement de notre tertiaire moteur.
Les études entreprises par la Chambre auprès des
éléments non francophones de la population ont permis
d^identifier un certain malaise et même un sentiment d'aliénation,
particulièrement chez les jeunes anglophones. Ces personnes se sentent
difficilement chez elles dans un environnement où la langue est
interdite d'usage pour certaines fonctions qui se reflètent dans leur
vie de tous les jours. C'est le cas, par exemple, de l'affichage. Dans ce
domaine, on doit en convenir, les perceptions revêtent une grande
importante.
La conséquence est claire: Montréal n'est pas le premier
choix comme place d'affaires pour plusieurs anglophones. Aussi, cette
perception contribue au départ de certains et constitue un frein quant
à la venue d'autres personnes au Québec. La simple observation
des faits démontre que de plus en plus d'entreprises nationales et
multinationales limitent les activités de direction et de coordination
établies à Montréal au seul territoire
québécois, alors que les autres régions, elles,
relèvent d'un centre de coordination qui est établi ailleurs.
Bien sûr, dans ce contexte, les postes qui demeurent à
Montréal sont de plus en plus occupés par les francophones. De
façon générale, tant la mobilité professionnelle
réduite que l'étendue des réseaux personnels des
francophones font en sorte que le rayonnement du tertiaire moteur
montréalais, il faut le constater, se rétrécit
géographiquement. Il ne s'agit pas de dire pour autant que les
francophones soient moins efficaces et moins instruits que leurs
collègues anglophones; cette situation ne fait que traduire le fait que
les francophones ont moins étudié et travaillé ailleurs en
Amérique du Nord que leurs collègues anglophones et, en
conséquence, le «networking» ou le réseau d'affaires
est plus limité. Il découle donc de ce fait qu'il est dans
l'intérêt du milieu montréalais de prendre les moyens pour
exercer au moins une attraction normale sur les personnes talentueuses qui
vivent à l'étranger et dont les activités sont requises
pour le développement du tertiaire moteur.
La Chambre croit donc que la prohibition de l'utilisation d'une langue
en matière d'affichage et de raison sociale projette une image qui est
inutilement négative. Au contraire, la promotion du français doit
être le moyen privilégié pour favoriser l'utilisation du
français tout en s'assurant que les acquis des dernières
années ne soient pas mis en danger.
J'en suis maintenant au troisième volet de notre mémoire
qui porte sur le processus réglementaire. Dans un domaine aussi
important et sensible que l'est le dossier linguistique, les modifications
qu'un gouvernement peut être appelé à apporter en cours de
route doivent faire l'objet d'un processus démocratique qui
échappe à toute critique. C'est pourquoi la Chambre tient
à ce que la procédure habituelle de la prépublication des
règle- ments, telle que prévue à l'article 84 de la
Charte, soit rigoureusement observée.
La Chambre croit donc que pour assurer toute la transparence requise
tout au long du processus réglementaire, il est primordial que le
règlement s'engage à soumettre tous les règlements aux
impératifs de prépublication prévus dans la Loi sur les
règlements. Le résultat, c'est que tout projet de
règlement en matière linguistique ne pourrait être
édicté ou approuvé avant un délai de 45 jours
à compter de sa publication dans la Gazette officielle du
Québec, délai à l'intérieur duquel toute
personne, tout organisme pourrait le contester et faire valoir ses
représentations.
La dernière partie de notre mémoire comprend des
commentaires portant sur des points bien précis de la loi 86. Ainsi, la
Chambre est d'avis que l'évolution de la situation linguistique au
Québec, de même que l'accent mis sur la promotion du
français de préférence à l'interdiction d'utiliser
d'autres langues, justifie l'élargissement des fonctions de l'Office de
la langue française pour absorber les fonctions qui jusqu'à
maintenant étaient dévolues à la Commission de protection
de la langue. La Chambre va jusqu'à suggérer qu'une partie des
fonds publics ainsi économisés pourraient être
consacrés à la promotion du français.
Le milieu des affaires réagit très positivement à
l'assouplissement des règles de francisation visant les petites
entreprises. La Chambre croit que les assouplissements proposés n'auront
pas d'impacts négatifs sur l'utilisation du français au travail
puisque plusieurs de ces entreprises, de toute façon, entretiennent des
relations constantes avec des entreprises de plus grande taille qui, elles,
sont soumises à des règles bien précises dans ce
domaine.
La Chambre est d'avis que le Québec se doit de lancer des signaux
positifs en matière linguistique et, pour nous, l'introduction dans la
Charte de la clause Canada est un des signaux que nous devons émettre.
Il en va de même de l'assouplissement proposé quant à
certaines règles qui s'appliquent aux personnes qui séjournent
temporairement au Québec. Dans une ville qui veut attirer les talents du
monde entier et qui veut se positionner comme ville internationale, des
changements à ces dispositions s'imposaient d'emblée.
Donc, M. le Président, j'arrive à la conclusion. La
Chambre croit que l'épanouissement de la langue française au
Québec tient davantage à des mesures de nature à en faire
la promotion plutôt qu'à des interdictions d'utiliser d'autres
langues, le tout, bien sûr, à l'intérieur de balises qui
sont raisonnables et justifiables. La Chambre est donc d'accord avec le
maintien des grands principes qui sous-tendent la Charte de la langue
française et avec l'ensemble des modifications apportées à
certaines modalités d'application visant à harmoniser le texte de
la loi avec la situation qui évolue constamment au Québec.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy. M. le
ministre.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'Opposition d'avoir collaboré avec le gouvernement en vue de
faciliter la présence de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain à cette tribune privilégiée qu'est la
commission parlementaire chargée de l'examen du projet de loi 86.
Il est arrivé un inconvénient: la Chambre de commerce
avait été inscrite au programme au tout début de nos
travaux et elle ne pouvait pas se présenter pour des raisons qu'a
indiquées M. Roy tantôt. Et, grâce à la collaboration
qui s'est instituée entre les 2 côtés sur ce point
précis et sur le réaménagement de l'horaire à
l'intention des organismes dont la présence avait été
rendue impossible à cause de développements divers, je pense
qu'on a pu entendre ce matin l'un des mémoires... je ne sais pas, si je
disais «les meilleurs», on trouverait que je m'approprie facilement
les bonnes choses, mais, en tout cas, un des mémoires les plus clairs,
les plus nets, les plus dénués d'équivoque qu'il nous ait
été donné d'entendre depuis le début des auditions
publiques de la commission parlementaire. Je voudrais vous en exprimer, M. le
président de la Chambre de commerce, ainsi que Mme Vennat et M. le
directeur général, ma vive appréciation et celle du
gouvernement.
Vous avez rappelé de manière lapidaire qu'à votre
point de vue, après examen attentif du projet de loi, celui-ci ne
modifie en aucune manière les grandes orientations de la Charte de la
langue, ni les principes de base qui sous-tendent l'économie de la
Charte. C'est également l'opinion du gouvernement. Je suis content de
constater qu'un organisme comme le vôtre en vient à cette
constatation après un examen qui a duré plusieurs semaines et des
consultations auprès de vos membres. (12 h 10)
Nous avons essayé dans ce projet de loi, après avoir
longuement ausculté l'opinion, longuement observé les
problèmes qui découlaient de l'application concrète de la
Charte, au jour le jour, nous avons essayé d'apporter des modifications
répondant à des problèmes observés à maintes
reprises dans la pratique quotidienne. Je suis content de constater que la
Chambre de commerce juge que telle est la portée du projet de loi. Il
n'y en a pas d'autre que ça: faciliter les choses pour tout le monde. en
ce qui regarde l'affichage, je lisais ce matin, dans la presse, je
pense, l'opinion de m. raymond lévesque, un artiste bien connu, qui
disait: la télévision fait entrer dans nos foyers à coeur
de jour des messages en langue française et également des
messages en langue anglaise. des messages en provenance du québec, en
provenance du vermont, en provenance des états américains
avoisinants, de l'ontario, etc. les imprimés... il suffit d'aller dans
un kiosque de journaux et de périodiques pour constater que 80 % de la
matière exposée dans nos kiosques de périodiques est une
matière qui provient des états-unis ou d'ailleurs.
Dans un contexte comme celui-là, prétendre maintenir une
interdiction absolue quant à l'usage d'une autre langue en affichage
commercial est quelque peu contradictoire, en plus de créer des
problèmes sérieux au chapitre de la liberté d'expression.
Vous n'avez pas insisté sur ce point-là dans votre
mémoire, mais je postule que les jugements rendus par les cours à
ce sujet ne vous laissent pas indifférents.
Alors, j'apprécie énormément, par
conséquent, ce que vous nous apportez comme jugement fondamental, et
peut-être que le commentaire le plus fort que je ferais, en ce qui me
touche, ce serait pour souligner combien je partage votre avis quant à
la supériorité de l'approche incitative sur l'approche
coercitive. Je pense, surtout dans une grande métropole, même
quand un gouvernement veut se livrer trop abondamment à la coercition,
il ne peut pas réussir. On l'a essayé dans toutes sortes de
sociétés autres que le Québec et ça ne peut pas
réussir au-delà d'un certain point où, tôt ou tard,
la loi de diversité, de spontanéité, même une
certaine anarchie qui préside au développement des
métropoles on ne peut pas tout contrôler dans une
métropole et c'est bon qu'il en soit ainsi finit par
s'imposer.
Ce que nous essayons de faire, c'est de provoquer un certain
rétablissement d'équilibre qui ne nous fera perdre de vue, en
aucune manière, les objectifs fondamentaux que nous poursuivons tous et
autour desquels, quelle que soi la vigueur de nos échanges parfois, nous
restons, j'en suis convaincu, d'accord.
À la fin de votre mémoire, vous formulez certaines
recommandations en ce qui touche le pouvoir réglementaire. Je pense
pouvoir vous assurer, M. Roy, qu'il n'est pas question que le gouvernement use
de la clause d'exception que contient la Loi sur les règlements pour
s'exempter de la période de prépublication de 45 jours que
prévoit la loi.
En ce qui touche les règlements, j'ai toujours l'intention de
porter à la connaissance des membres de la commission, avant la fin de
nos travaux, l'essentiel des projets de règlements que nous envisageons
pour l'avenir prévisible, c'est-à-dire pour au moins les 2 ou 3
prochaines années, je dirais. Et on verra, quand on prendra connaissance
de ces projets, qu'ils sont extrêmement modérés, qu'ils
vont dans l'esprit général de la Charte et qu'ils s'inspirent
largement de propositions qui nous ont déjà été
soumises dans le passé, entre autres, par l'Office de la langue
française. Mais, ce processus de vérification publique auquel
vous tenez à juste titre sera, je peux vous en donner l'assurance,
respecté.
t
M. Roy: Ce qui nous a amenés, M. le ministre, à
faire cette observation, évidemment, c'est l'abrogation de l'article 94
de la Charte qui prévoyait, n'est-ce pas, l'obligation pour le
gouvernement, avant d'adopter des règlements, ou de les amender, ou de
les modifier, de procéder à une prépublication... je pense
que c'est 60 jours qui étaient prévus à ce
moment-là. Alors, compte tenu de l'abolition de l'article 94 par le
biais du projet de loi 86, c'est bien sûr qu'on est conscients que la Loi
sur les règlements conserve toute sa rigueur, mais il y a
quand même une échappatoire qui permet au gouvernement,
dans des cas qui sont prévus, de se dispenser d'avoir à
prépublier. Alors, on voulait être bien sûrs que,
là-dessus, le gouvernement continue d'être assujetti et
d'appliquer, d'une façon très rigoureuse, la procédure de
prépublication. Et s'il doit y avoir des débats à ce
moment-là, il y en aura. , M. Ryan: Juste pour compléter
ce que je disais, à moins qu'il ne survienne des obstacles
imprévus pour l'instant, j'ai l'intention de porter à la
connaissance des membres les projets de règlements que nous avons
conçus. Ils n'auront pas été approuvés par le
gouvernement, à ce moment-là. On aura tout de suite une
première période pendant laquelle il sera possible de
réagir. Moi, je n'ai pas l'intention de soumettre ces projets à
l'approbation du gouvernement avant l'été. Et, une fois qu'ils
auront été approuvés par le gouvernement, interviendra
alors la période de 45 jours dont vous parlez, ce qui veut dire qu'on ne
peut pas envisager l'entrée en vigueur d'aucuns règlements
nouveaux avant une période de 3 mois après l'adoption du projet
de loi, ce qui donnera à tout le monde tout le temps voulu pour
réagir. Mais vous avez rappelé opportunément le petit
changement qui est fait à l'article 94, et puis je pense que de nous
conformer à l'économie générale de la loi sur la
réglementation suffira. Je peux vous dire une chose:
d'expérience, le gouvernement est de plus en plus sévère
pour l'acceptation de cas exceptionnels au nom de la raison d'urgence. Il est
arrivé des cas récemment. Je pense que le gouvernement est de
plus en plus sévère là-dessus et, personnellement, je m'en
réjouis.
Je voudrais vous poser peut-être 1 question ou 2. Je n'ai pas
beaucoup de questions à vous poser parce que je ne veux pas amplifier
démesurément le plaisir que me cause la communication des vues
que vous nous avez apportées ce matin, mais j'aimerais que vous nous
parliez un petit peu des raisons pour lesquelles, dans une
société comme la société métropolitaine de
Montréal, des méthodes d'incitation peuvent être plus
efficaces que des méthodes coercitives et, en particulier, j'aimerais
que vous nous parliez... Quand on parle des centres de décision,
pourquoi, dans ces centres de décision pouvant affecter des
activités qui vont bien au-delà de nos frontières, il peut
être important de disposer d'une marge de souplesse élargie en
matière d'usage linguistique?
M. Roy: Toute la question du tertiaire moteur et de son
importance pour la région de Montréal est amplement
développée dans notre mémoire et, ce que les statistiques
dénotent, c'est que les anglophones ont toujours été
surreprésentés traditionnellement au sein du tertiaire moteur.
Depuis une dizaine d'années, on constate que la proportion des postes
occupés par les anglophones dans le tertiaire moteur a diminué et
ça nous inquiète beaucoup, parce qu'on sait l'importance de ce
secteur pour l'économie de Montréal.
On s'est rendu compte qu'il y avait, de la part des anglophones, une
certaine désaffection. Dans certains cas, ça tient davantage de
la symbolique. La loi sur l'affichage avait entraîné, de la part
des jeunes anglophones, un manque de... Ce sentiment d'appartenance qui est
très fort chez les francophones, on le retrouve de moins en moins chez
les jeunes anglophones. Quand on leur demande pourquoi, on constate que
ça tient davantage à la symbolique, et la loi 178 y a
été pour beaucoup. Ils ont plutôt tendance à
s'identifier à leurs infrastructures, à leurs maisons
d'enseignement et ont l'impression d'être mis à l'écart,
ont l'impression d'être un peu comment dirais-je?
ostracises, pour certains, par leurs collègues francophones, avec le
résultat qu'ils regardent à l'extérieur du Québec
pour aller gagner leur vie. Et l'exode, que certains ont appelé, la
fuite de ces jeunes anglophones qui ont été élevés,
instruits, éduqués au Québec, c'est quelque chose,
à mon sens, d'absolument néfaste pour la santé
économique de Montréal. C'est un phénomène qui ne
tient pas seulement, il faut en convenir, aux questions qui sont
abordées et qui sont discutées ici, il y a quand même aussi
l'attrait vers d'autres marchés, l'expérience qu'on peut
acquérir ailleurs, mais il n'y a aucun doute que... (12 h 20)
Moi, c'est ce que je dis, M. le ministre, depuis près d'un an.
Quand j'ai assumé la présidence, en août dernier, j'ai fait
porter une bonne partie de mon message sur le fait que je souhaitais que la
Chambre travaille, dans le sens de ses interventions, pour rassurer les jeunes
anglophones et faire en sorte qu'on cesse de se priver de ce bassin important
que nous perdons à l'étranger. Pour moi, ce qui est
proposé ici envoie un signal qui est porteur d'espoir, qui est
encourageant, qui dénote une ouverture. C'est peut-être ce genre
de signaux, finalement, qui sont de nature à rassurer davantage les
jeunes anglophones qui, jusqu'à maintenant, avaient quitté ou
sont en pleine période de réflexion quant à leur avenir au
Québec.
Alors, en ce qui a trait au tertiaire moteur, nous savons, à
partir de la réflexion que nos membres nous ont faite, que, de plus en
plus et c'est noté dans notre mémoire
Montréal devient davantage, pour les grandes entreprises
multinationales, «branch office», devient non plus un bureau de
direction, un siège social, mais devient... On régionalise, en
somme, et, ça, ça tient au fait qu'il y a un affaiblissement au
niveau du tertiaire moteur.
Encore une fois, je ne veux pas que les membres de cette commission
parlementaire soient sous l'impression que, finalement, la Chambre fait porter
l'odieux de cette situation uniquement sur la langue. Ce qu'on dit, c'est que,
dans la mesure où on peut contrôler cette question-là,
mettons toutes les chances de notre côté.
M. Ryan: Peut-être une dernière question, M. le
Président, si vous me permettez. En matière d'affichage,
plusieurs, dont le Conseil de la langue française, ont
suggéré que nous fassions une distinction entre les personnes
physiques et les personnes morales, disant: On
devrait autoriser l'affichage dans une langue autre que le
français pour les personnes physiques ou les entreprises qui sont
propriété directe et exclusive d'une personne et que toutes les
interdictions actuelles demeurent pour les personnes morales et les
entreprises, étant supposé que celles-ci n'ont rien à voir
avec les chartes de droits fondamentaux. Est-ce qu'on pourrait avoir vos
commentaires là-dessus?
M. Roy: Moi, je trouve que c'est une distinction spécieuse
qu'on fait, et je m'explique.
On sait que, légalement, il est plus prudent pour les gens qui
sont des commerçants de s'incorporer. Je ne suis pas ici pour donner un
cours de droit, mais je pense que, sur le plan de la responsabilité,
tout le monde sait que c'est plus prudent et qu'on échappe à la
responsabilité personnelle quand on s'incorpore. Donc, si j'ai bien
compris l'approche de certaines personnes, c'est de dire que si 1 ou 2
personnes, qui exploitent un commerce et que, pour des raisons parfaitement
valables, elles décident de s'incorporer, ces personnes-là, comme
personne morale, comme entité juridique distincte des individus qui
l'ont créé, qui en sont propriétaires, devraient
être traitées différemment de simples commerçants
qui, peut-être pour des raisons parfaitement justes, décident de
ne pas s'incorporer. À mon sens, c'est une distinction qui ne tient pas,
et je ne vois pas comment on devrait traiter différemment une personne
morale parce qu'elle est une entité juridique différente des
personnes qui la composent.
Alors, pour moi, si on est pour assouplir, si on est pour changer, si on
est pour modifier, ça doit s'appliquer, mutatis mutandis, aux personnes
physiques et aux personnes morales.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Il me fait plaisir d'accueillir la Chambre de commerce de
Montréal et son président, M. Roy, qui a occupé entre
autres fonctions, celle de chef de cabinet de M. Mulroney, Mme Vennat et M.
Beauregard.
Je vais procéder rapidement à quelques remarques, une
question, et ensuite je passerai la parole à Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Dans votre présentation, vous ramenez la relance de
Montréal sur le bilinguisme. C'est un peu ce qu'on faisait pour
justifier l'ouverture des commerces le dimanche, et les données
statistiques ont la tête dure. Ce matin, ce qu'on nous dit, c'est que le
commerce, la vente au détail aurait chuté de 13 %. On n'a pas
obtenu les résultats qu'on en attendait, semble-t-il.
En ce qui a trait au malaise des jeunes, j'ai eu l'occasion de
rencontrer plusieurs, de nombreux groupes de la communauté
anglo-montréalaise, et on explique le malaise des jeunes
Anglo-Québécois par 2 raisons.
Trois. Je pourrais en rajouter une troisième. La première,
c'est une mauvaise maîtrise du français qui leur laisse
l'impression qu'ils ont peu de chances d'avancement professionnel. Ça,
c'est fondamental. Ça nous a été ramené par les
jeunes et par les parents également. La deuxième raison, un
discours défaitiste de la part de leurs leaders et, la troisième,
l'état de l'économie. Et tout le monde dit à peu
près la même chose: Offrez des emplois prometteurs, d'avenir au
Québec, et les jeunes Québécois, qu'ils soient
francophones ou anglophones, ne quitteront pas autant le Québec que
c'est le cas actuellement.
Vous dites que ça ne modifie pas les principes fondamentaux de la
loi 101. Je respecte votre opinion, mais je vous dis que cette opinion n'est
pas partagée, et je dirais même: n'est pas le fait de la plupart
des organismes qui se sont présentés ici. Et
particulièrement, je pense à ces jeunes, le Conseil permanent de
la jeunesse, qui, ce matin, tient des audiences parallèles où il
rencontre, il entend une douzaine d'organismes qui représentent des
jeunes travailleurs et des étudiants. Et ce que ces jeunes reprochent
particulièrement au gouvernement, c'est l'arbitraire qui a
présidé au choix des organismes entendus ici ça ne
met pas en cause votre présence ici cependant et le fait qu'aucun
organisme jeune pourtant, l'avenir est supposé leur appartenir,
qu'ils soient anglophones ou francophones n'a été
invité à cette commission.
Je voudrais revenir juste sur une question, ensuite, je vais passer la
parole, c'est celle de la réglementation. Le Centre linguistique de
l'entreprise et le regroupement, l'association des professionnels de la
publicité je pense à ces 2 organismes-là qu'on a
entendus jeudi dernier nous disent essentiellement la chose suivante:
Dans ce genre de réglementation, la réglementation linguistique,
on a intérêt à avoir la plus grande stabilité
possible et à éviter l'arbitraire dans les décisions et
les changements trop rapides.
Par exemple, ce que nous disait M. Van Houtte, de l'Association de
l'industrie de l'aluminium du Québec, après la rencontre, c'est:
Nous, les grandes entreprises, avons mis beaucoup de temps, beaucoup d'argent
à la fois pour travailler en français, à la fois pour
communiquer avec les employés en français et à la fois
pour faire notre publicité en français. Si, demain matin, vous
changez les règles du jeu, vous faites de nous des gens perdants dans le
sens où vous ne soumettez pas aux mêmes règles les
entreprises concurrentes. Et il n'y a rien que n'exècre autant une
entreprise que les charlge-ments rapides de cap; on est capables de s'adapter,
mais en autant que les règles soient claires.
Et ce que les organismes craignaient et nous également, la loi
est plutôt sibylline sur la plupart des dispositions, elle laisse
énormément de place au pouvoir réglementaire du ministre,
donc, à une certaine forme d'arbitraire de tout gouvernement, quel qu'il
soit, que ce soit un gouvernement de Parti libéral ou un gouvernement du
Parti québécois qui, à l'approche d'élections,
pourrait, pour des raisons strictement partisanes,
modifier en profondeur certaines réglementations avec des effets
plutôt négatifs sur les entreprises.
Qu'est-ce que vous répondez à genre d'arguments des
organismes qui vous ont précédés?
Le Président (M. Doyon): M. Roy.
M. Roy: Écoutez, il faut quand même convenir que la
réglementation, qui fait l'objet des modifications, est en vigueur
depuis un bon nombre d'années; depuis 1977, je pense, dans le cas de la
Charte, et dans le cas de l'afficha,ge, depuis 1987-1988. (12 h 30)
II est fort possible, Mme Blackburn, que certains commerçants,
bien qu'il leur soit loisible, en vertu des nouveaux règlements devant
être adoptés, de s'adapter, d'utiliser la faculté qui va
leur être donnée d'afficher dans les deux langues, choisissent,
pour des raisons qui sont les leurs, de ne pas le faire dès maintenant
pour des raisons économiques ou autres. Je pense que ce qui est
important dans tout ça, c'est que le choix appartiendra en
dernière analyse aux gens, aux commerçants qui sont assujettis
à la Charte, à la loi et à ses règlements, de s'en
prévaloir ou pas. Selon moi, on fait disparaître, par les
modifications qui sont proposées, ce qui était des
défenses absolues et des prohibitions, et on donne la faculté,
l'opportunité aux commerçants de s'en prévaloir.
Maintenant, est-ce qu'il y a un coût relié à tout
ça? Est-ce qu'un gouvernement, comme vous le dites, pourrait, dans un an
ou deux ans, choisir de revenir au statu quo ante de modifier la
réglementation? Je présume que, dans un régime comme le
nôtre, un régime démocratique, c'est le propre d'un
gouvernement de légiférer comme bon lui semble, mais je pense
qu'il devrait tenir compte des conséquences, qu'il devrait tenir compte
du coût que ça pourrait créer et aussi des implications et
des conséquences sur le plan social, sur le plan culturel.
Alors, n'ayant pas entendu le mémoire de l'association qui nous a
précédés, il est difficile pour moi de mesurer et de juger
s'il y a là un problème. Mais, moi, ma réaction à
tout ça, c'est que ce n'est pas un argument qui me ferait changer
d'idée ou qui m'amènerait à revoir la position que nous
défendons aujourd'hui au nom des gens d'affaires, et je serais fort
étonné, fort surpris que cette opinion soit partagée par
l'ensemble de nos membres.
Mme Blackburn: Une toute dernière question, mais
brève.
Ce qu'on nous a invoqué ici, c'est que le jeu de la concurrence,
finalement, ne laisserait pas le choix. Le jeu de la concurrence: dès
que votre voisin affiche bilingue, vous vous sentez obligé d'offrir le
même service, et c'est en train de se répandre ici, dans le
Vieux-Québec. Et ça ne laisse pas vraiment le choix, le choix que
vous prétendez qu'ils auront effectivement.
J'aurais terminé, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. Roy ou Mme
Vennat.
M. Roy: Pardon?
Le Président (M. Doyon): Vous voulez répondre, un
des deux?
Mme Vennat (Manon): Oui, peut-être au sujet de la
réglementation. J'ai eu l'expérience de vivre la première
réglementation sur les lois linguistiques, car je suis l'ancien
directeur du Centre de linguistique de l'entreprise; c'est moi qui l'ai
fondé. Et, à ce moment-là, le gouvernement que vous
représentez a énormément consulté sur la
réglementation qui a duré plusieurs années. Par ailleurs,
j'ai vécu la même chose avec le gouvernement de M. Ryan lors de la
loi 22.
Alors, je n'ai aucune hésitation, je n'ai aucune
difficulté vis-à-vis de la consultation et du processus que vos
gouvernements sont capables de prendre pour bien consulter les gens qui devront
être soumis à cette réglementation.
En ce qui concerne la réglementation sur l'affichage et tous les
règlements, les quelques modifications que vous voulez apporter,
à mon avis, ce ne sont que des règlements qui permettent une
certaine conduite. Et si, à un moment donné, la loi de la
concurrence le désire, les entreprises auront le choix, mais ce ne sera
pas nécessairement un coût important, car c'est le client qui va
décider de qui il veut acheter; s'il veut acheter de quelqu'un qui
affiche seulement dans une langue, il le fera, mais ce n'est pas une question
importante quant au principe.
Le Président (M. Doyon): M. Beauregard.
M. Beauregard (Denis): Oui. Je voudrais juste faire
référence à la toute première remarque
préliminaire de Mme Blackburn qui, à moins que je ne l'aie mal
comprise, disait que la Chambre semble ramener la relance économique de
Montréal à une question d'ordre linguistique.
Je pense que tout le ton du mémoire est assez clair
là-dessus. Ce qu'on dit, c'est que la question linguistique est un
aspect parmi bien d'autres de toute la relance économique de
Montréal. Par ailleurs, c'est un des points sur lesquels nous avons
prise, ce sont là des questions qui relèvent de nos propres
décisions, alors que, à de multiples autres égards, la
relance économique de Montréal dépend de ce qui se passe
ailleurs dans le monde. Ce qu'on dit, puisque c'est là un des sujets sur
lesquels nous avons tout le loisir d'agir, c'est donc un sujet
extrêmement important parce qu'on peut aller nous-mêmes, de nos
décisions, changer des choses à ce sujet-là.
Autre remarque. Ce n'est pas seulement question de dire que nous n'avons
pas le choix, donc, qu'il faut nous conformer, c'est plus que ça. Encore
là, toute l'orientation du mémoire de la Chambre est à
l'effet que
nous croyons qu'il est sage d'éliminer de la Charte de la langue
les dispositions qui risquent d'entraver dans une certaine mesure
l'évolution des Québécois eux-mêmes. On pense, par
exemple, aux facilités d'apprentissage de la langue anglaise. Ça
en est une, mesure.
Alors, ce n'est pas seulement question de dire: On n'a pas le choix, il
faut donc, à contrecoeur, nous plier. C'est beaucoup plus que
ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaure-gard.
M. le député d'Anjou. Non? Ah, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Excusez-moi.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
J'aurais, en fait, 2 commentaires et 1 question à vous poser.
Vous parliez du ton du mémoire. Justement, à la page 13, le ton
m'a vraiment surprise, pour ne pas dire a créé chez moi un
certain malaise, d'autant plus qu'à la lecture, là, on peut
conclure que le rayonnement du tertiaire moteur montréalais risque
d'être moindre si plus de postes sont occupés par des francophones
même parfaitement bilingues. C'est l'impression qui se dégage
vraiment de ce qui est écrit là, avec cette impression que
«même parfaitement bilingues», puisque ça le
nécessite, évidemment, pour occuper des postes dans le tertiaire
moteur, que, finalement, tout ça va générer moins de
rayonnement et va nuire au développement du tertiaire moteur.
J'aimerais que vous vous expliquiez là-dessus parce que,
là, je trouve que ce qui était pour les francophones un
progrès, ça devient un handicap maintenant, d'occuper des postes,
ça devient un handicap pour toute la société. C'est
l'impression, en tout cas, qui peut se dégager facilement à la
lecture du mémoire.
D'autre part, je note à la page 10 également que vous
soulignez qu'il ne faut pas confondre les mesures de protection
nécessaires sur lesquelles, de toute façon, la majorité
des citoyens sont d'accord avec certains éléments de la loi.
J'aimerais vous inviter à préciser ce que vous entendez par ces
mesures de protection nécessaires sur lesquelles la majorité des
citoyens sont d'accord, d'autant plus que... Et vous semblez évidemment
favoriser vous l'avez dit à plusieurs reprises, pas juste
maintenant, mais aussi auparavant; alors dans ce sens-là, vous avez
vraiment de la suite dans les idées les mesures incitatives
à celles que vous appelez coercitives. Mais je comprends qu'il y a des
exceptions, puisque vous êtes en faveur du maintien des certificats de
francisation pour les entreprises de plus de 50 employés, entre autres,
n'est-ce pas?
Alors, j'aimerais, à ce titre-là et c'est ma
dernière intervention à l'égard de la page 3...
Vous vous dites en faveur de l'ensemble des mesures contenues dans le projet de
loi 86. Votre directeur général a fait allusion tantôt
à celles qui portent dans ce projet de loi sur l'immersion. Aujourd'hui,
dans les médias, partout on retrouve une position unanime de
responsables, porte-parole, dirigeants du mouvement scolaire à Mont-
réal. On retrouve l'Association des directeurs d'école,
l'Association des cadres de la CECM, le syndicat des professionnels du milieu
de l'éducation de Montréal, etc., et eux, représentant 10
000 personnes du milieu de l'éducation francophone, disent: danger! On
est pourtant vous, moi, eux sur la même
réalité territoriale. Eux sont plongés jusqu'au cou dans
une réalité où ils ont à intégrer des
enfants de familles immigrantes dont la moitié de leurs
élèves maintenant sont membres; enfin, la moitié des
élèves de la CECM ne sont pas de langue maternelle
française et, comme ils le rappellent, ils sont déjà en
situation d'immersion.
Alors, vous voyez donc cette possibilité d'immersion comme
étant souhaitable. Est-ce que vous ne craignez pas, à l'instar de
ces Montréalais qui, eux, travaillent dans le milieu de
l'éducation, qu'elle conduise à la bilinguisation des
écoles?
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Le temps dont disposait
l'Opposition est écoulé. Malheureusement la longueur de la
question ne permettra pas de réponse, on va rester sur notre
appétit. C'est malheureux. Je sais que M. Roy... Nos règles
étant ce qu'elles sont...
Mme Harel: Peut-être de consentement.
Le Président (M. Doyon): Alors, de consentement, oui,
rapidement donc. (12 h 40)
M. Roy: Très bien. Alors, pour que nous ne soyons pas sur
notre appétit, on va tenter de vous rassasier, et je vais demander
à M. Beauregard de répondre à la question de Mme
Harel.
Le Président (M. Doyon): M. Beauregard.
M. Beauregard: Je vais faire ça très
rapidement.
La question que vous soulevez: Est-ce que l'apparition ou
l'arrivée massive de francophones dans des postes de direction du
tertiaire moteur, est-ce que ça veut dire, même s'ils sont
bilingues, qu'à ce moment-là notre tertiaire moteur deviendrait
plus pauvre? La réponse à ça c'est: Non, non.
Ce qu'on dit, c'est que dans ce type de services, il doit y avoir un
ensemble de personnes autant que possible de toute provenance, des gens qui ont
des réseaux personnels qui s'étendent partout dans le monde. On
ne dit pas que les francophones sont incapables de faire'ça; ce qu'on
dit, c'est que les gens qui sont nés aux États-Unis, qui ont
travaillé là, qui ont étudié là, qu'ils
l'ont fait en Europe, qu'ils l'ont fait en Asie, amènent avec eux des
réseaux extrêmement complexes et bien bâtis de relations
personnelles. Alors, ce qu'on dit, c'est: II ne faut pas faire échec
à l'arrivée de ces gens-là chez nous. À ce
moment-là, ces gens-là peuvent enrichir passablement le travail
que des francophones accédant à ces postes-là peuvent
faire.
Deuxième question, c'était: Quelles sont les
mesures de protection nécessaires et avec lesquelles les citoyens
semblent d'accord? Très rapidement, je pense, par exemple, à tout
ce qui touche le visage prioritairement français du Québec et de
Montréal et même au niveau de l'affichage, je pense que
c'est maintenu le français langue de travail également. Je
pense que tout le monde est d'accord là-dessus, c'est maintenu. Le
français, langue officielle... Et on pourrait continuer comme
ça.
La dernière question, sur la question de l'immersion. Eh bien,
nous, évidemment, vous comprendrez, nous ne sommes pas des
spécialistes de l'enseignement. Alors, si les gens qui vraiment s'y
connaissent disent que ce n'est pas ce qu'il faut, on dit: Bon, parfait. Ce
qu'on dit, c'est: II faut absolument que dans nos écoles on trouve le
moyen ou les moyens de faire en sorte que les jeunes Québécois
apprennent l'anglais comme du monde et qu'ils soient capables de s'exprimer
correctement dans cette langue.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaure-gard.
M. le député de D'Arcy-McGee, pour 5 minutes.
M. Libman: Merci, M. le Président.
J'accueille chaleureusement le témoignage de la Chambre de
commerce de Montréal. Votre mémoire souligne un peu une certaine
ironie qui existe, parce qu'en essayant de rencontrer les besoins du
Québec en capitaux étrangers, le gouvernement est allé,
depuis des années, jusqu'à annoncer l'existence d'une
communauté de langue anglaise supposément florissante au
Québec et d'un Montréal bilingue afin d'attirer les
investissements étrangers. Mais, en même temps, les politiques du
gouvernement réussissaient le contraire, en effet.
Alors, moi, je vous dis, M. Roy, que vous êtes le premier
dirigeant francophone qui soit venu devant cette commission, qui ait
souligné, en effet, la tragédie du départ des jeunes
Anglo-Québécois, des jeunes Anglo-Québécois qui
sont bilingues, qui sont capables, qui sont éduqués. Alors, je
vous remercie pour votre franchise et d'avoir amené cette perspective
très importante à notre commission.
Moi, je veux souligner deux phrases de votre mémoire que je
trouve très importantes. À la page 10, vous dites: Les
Québécois «doivent offrir des conditions d'accueil
satisfaisantes aux personnes qui souhaitent s'établir au Québec
et participer au développement de notre société».
Aussi, à la page 14, vous dites, c'est très important:
«...tout obstacle à la venue chez nous de personnes
compétentes et dont la nécessité n'est pas
démontrée nuit inutilement à notre
développement.»
Alors, dans cette perspective, je veux examiner un peu avec vous la
question de l'accès à l'école anglaise pour certains
immigrants anglophones, certains qui proviennent des États-Unis, de
l'Angleterre ou de l'Australie, certains immigrants compétents qui,
peut-être, peuvent ou veulent s'établir ici au Québec. Mais
un des «désincitatifs» qui existent ou un obstacle important
que vous soulignez est la question de l'affichage. Moi, je pense que c'est un
obstacle plutôt symbolique quand, au même moment, certains de ces
immigrants anglophones, pour eux, une question est beaucoup plus fondamentale:
l'éducation de leurs enfants ou l'accès à l'école
anglaise pour leurs enfants.
Alors, est-ce que vous croyez qu'une mesure doit être
examinée ou est-ce que c'est le moment pour le gouvernement d'examiner
le fait qu'un obstacle très important pour certains de ces immigrants
anglophones est la fermeture, pour eux, d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise? Certaines recommandations faites, comme le rapport
Chambers, affectent de façon très négligeable le
réseau scolaire francophone. Est-ce que c'est une direction que le
gouvernement doit examiner avec plus de profondeur, comme le Conseil du
patronat qui a appuyé la recommandation du groupe de travail Chambers?
Est-ce que vous voyez en ça un élément important qui agit
comme obstacle à certains de ces immigrants anglophones au
Québec?
M. Roy: Nous, on a fait porter notre mémoire à ce
chapitre davantage sur la clause Canada versus la clause Québec qui,
selon nous, va favoriser, va ouvrir, faciliter, devrais-je dire, grandement la
tâche des entreprises qui veulent amener à Montréal ou
ailleurs au Québec des cadres, des compétences, des gens qui ont
des expertises ailleurs au Canada, et même aux États-Unis.
Que la loi, dans sa formulation actuelle, et que les règlements
créent encore des entraves, des obstacles en ce qui a trait à la
facilité ou à l'absence, devrais-je dire, de facilité pour
les gens venant de l'extérieur, que ce soit d'Europe ou d'ailleurs, qui
ne pourront pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise, pour
nous, de la Chambre, on pense que les mesures qui sont mises de l'avant par le
gouvernement sont un pas dans la bonne direction.
Depuis l'adoption de la Charte, surtout sur le plan de la langue
d'enseignement, c'a soulevé, évidemment, un tollé. C'a
créé et ça continue de créer certains
problèmes au niveau de la perception et tout le reste, mais je pense que
ça prenait de telles mesures pour forcer, il faut le reconnaître,
les allophones, les immigrants qui continuaient d'envoyer d'une façon
importante, sinon massive, leurs enfants à l'école anglaise,
à envoyer leurs enfants à l'école française.
Nous, de la Chambre, on verrait d'un mauvais oeil, en 1993, que dans le
but de se montrer plus accueillants, plus généreux, plus
tolérants, de faciliter l'accessibilité, de favoriser
l'apprentissage de la langue anglaise aux francophones, qu'on ouvre toutes
grandes les portes pour justement baliser, pour ainsi dire, ce qui se fait au
Québec depuis plusieurs années.
Alors, pour moi vous me posez la question à l'heure
actuelle, en 1993 j'aurais des réserves à offrir et je
serais inquiet si les recommandations de la commission présidée
par Mme Chambers pour qui j'ai beaucoup de respect et beaucoup
d'admiration avaient
été suivies par le gouvernement dans son projet qui est
présentement débattu.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy.
Tout à l'heure, la députée de Chicoutimi soulignait
que, finalement, il y aurait un effet d'entraînementc'est un
discours qu'on a entendu à plusieurs reprises et que la
liberté de choix de généraliser un affichage qui serait
bilingue jusqu'à un certain point, avec prédominance du
français, et on faisait valoir que les règles de la
compétition feraient en sorte qu'on ne pourrait pas résister et
qu'on se retrouverait dans une situation...
Ce que je voudrais souligner là-dessus, en terminant, c'est que
si jamais il y avait des abus de la part des commerçants, je suis
sûr qu'il peut y avoir un effet contraire aussi, c'est qu'il va y avoir
un refus de la part Mme Vennat le soulignait de la
clientèle d'encourager les commerçants qui agiraient d'une telle
façon, d'une façon abusive.
Je ne retrouve pas très souvent, dans les inquiétudes qui
sont véhiculées, cette réalité qui est là,
en ce qui concerne la possibilité qui est, justement, ce qu'on peut
appeler un «backlash», c'est-à-dire que des abus
entraîneraient, de la part d'une clientèle qui serait consciente
des dangers, de se retrouver dans une situation qui serait inconfortable et qui
ferait payer le prix aux commerçants. Ce n'est pas vraiment une
question, c'est tout simplement un commentaire que je voulais faire sur le
temps qui restait aux ministériels.
Je voulais aussi vous remercier de votre mémoire, vous remercier
pour la clarté de ce mémoire, son réalisme. C'est un
mémoire qui est préparé par des gens qui sont sur le
terrain. Il rejoint en ça le ministre m'en faisait la remarque
tout à l'heure un autre mémoire de même facture et
de même qualité qui a été présenté, un
groupe de travail sur Montréal. Et je profite de l'occasion, je me fais
le porte-parole du ministre en même temps pour vous en remercier, parce
que ce mémoire contenait aussi les mêmes qualités de
clarté, de franchise aussi, de réalisme.
Alors, merci beaucoup, merci de vous être rendus disponibles, et
je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise à 15 h 13)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite les députés à reprendre leur
place.
Tel qu'annoncé ce midi, la commission de la culture reprend ses
travaux et se prépare à entendre les représentants du
Parti québécois. Je vois qu'ils ont pris place à la table
de nos invités et je leur souhaite la bienvenue.
Ils connaissent nos règles. Je les résume
brièvement. Vous avez une vingtaine de minutes 20 minu- tes
exactement, plutôt pour nous faire connaître votre point de
vue, vos réactions à la proposition gouvernementale. Ensuite, la
conversation s'engagera entre vous et les députés, 20 minutes
étant réservées au parti ministériel pour cet
échange et un autre 20 minutes aux partis de l'Opposition, sous
réserve d'une demande de 5 minutes de la part du député
indépendant de D'Arcy-McGee. Le reste du temps, les 20 minutes, s'il n'y
a pas de demande dans ce sens-là, sont, en totalité,
accordées aux représentants du Parti québécois.
Alors, encore une fois, bienvenue. Si vous voulez bien vous identifier
pour les fins de la transcription de nos débats au Journal, et
vous pourrez commencer dès ce moment.
Alors, vous avez la parole.
Parti québécois (PQ)
M. Sciortino (Giuseppe): Mon nom c'est Giuseppe Sciortino, et je
suis membre de l'exécutif du Parti québécois ainsi que
conseiller au programme. À ma droite, c'est Mme Gadbois, membre de
l'exécutif du Parti québécois, ainsi que M. Pierre
Boileau, directeur général du Parti québécois.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
M. Sciortino: Ça va?
Le Président (M. Doyon): Allez.
M. Sciortino: Alors, on est venus ici aujourd'hui, MM. les
députés du gouvernement ainsi que les députés du
Parti québécois, M. le Président, vous livrer notre
position concernant le débat et aider un peu le débat concernant
le projet de loi 86.
La langue française, selon nous, constitue le fondement, le coeur
même de l'identité culturelle québécoise. Le
Québec est, en effet est-il besoin de le rappeler la seule
communauté nationale majoritairement francophone sur le continent
nord-américain, encerclée tout le monde le sait par
presque 300 000 000 d'anglophones. Le Québec est depuis toujours
français et entend le demeurer, en dépit du pouvoir d'attraction
de l'anglais et des pressions culturelles qu'il subit sur ce continent
massivement anglophone.
Étant conscients de la vulnérabilité du fait
français au Québec et des responsabilités lui incombant
confane seul gouvernement majoritairement francophone .en Amérique du
Nord, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter, en 1977,
la Charte de la langue française, mieux connue sous le nom de loi 101.
L'objectif très ambitieux, il faut le dire de la Charte,
consistait à faire du français, premièrement, la langue
commune de toute la société québécoise, dans toutes
les sphères d'activité au Québec. Elle reconnaissait et
reconnaît au peuple québécois le droit légitime de
vivre, de fonctionner et de se développer normalement en
français. Elle
favorise l'intégration en français de ceux et celles qui
s'établissent ici, par la fréquentation de l'école
française, la francisation des milieux de travail, ainsi que par un
affichage commercial qui confirme le visage français du
Québec.
Le préambule de cette Charte de la langue française
résume cette volonté du gouvernement de M. René
Lévesque de faire du français la langue commune de tous les
Québécois. Ce préambule, et je cite:
«L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des
Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la
langue française. Elle est donc résolue à faire du
français la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la
langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications,
du commerce et des affaires. «L'Assemblée nationale entend
poursuivre cet objectif dans un climat de justice et d'ouverture à
l'égard des minorités ethniques, dont elle reconnaît
l'apport précieux au développement du Québec.»
Concrètement, la Charte de la langue a fait du français la
langue officielle de l'administration de l'État québécois,
de la législation ainsi que de la justice. Dans le but de favoriser
l'intégration des immigrants à la culture francophone, la loi 101
précise que ceux-ci doivent fréquenter l'école
française, afin qu'ils réalisent que l'apprentissage du
français est pour eux non pas seulement une condition de participation
et d'intégration à la société
québécoise, mais aussi un moyen concret de réussir et de
s'épanouir au Québec. Il s'agit là d'un pilier fondamental
de la loi 101.
De même, pour assurer une participation de l'ensemble des citoyens
et citoyennes à la vie économique dans la langue de la
majorité comme c'est le cas dans toute société
normale la Charte de la langue française comporte des
dispositions favorisant le français au travail. Ces dispositions visent
à faire du français la langue normale et habituelle du travail
à tous les niveaux de l'entreprise, y compris chez les dirigeants et le
personnel cadre. Le français doit être la langue d'usage pour la
terminologie, la publicité, l'affichage commercial et la raison sociale,
ainsi que dans les communications externes et internes. Un tel objectif
respecte à la fois le droit des travailleurs à exercer leurs
activités en français et celui des consommateurs, majoritairement
francophones, d'être servis et informés en français.
Comme le précise le préambule de la Charte de la langue
française, la loi 101 constitue une démarche claire et
légitime, non ambiguë d'affirmation du français, mais dans
le respect des droits de sa minorité anglophone, qui conserve un
réseau scolaire de la maternelle à l'université ainsi
qu'un réseau d'institutions de santé et de services sociaux, qui
sont financés par l'État sur le même pied
d'égalité que leurs équivalents francophones. La
minorité anglo-québécoise possède, aujourd'hui, ses
institutions culturelles tout en bénéficiant de l'environnement
culturel continental anglophone.
La loi 101 a permis d'établir une paix linguistique durable
depuis son adoption en 1977. Elle a aussi permis des progrès
considérables quoique encore insuffi- sants au chapitre de
la fréquentation de l'école française par les enfants
d'immigrants.
La francisation des milieux de travail a contribué à
favoriser l'accès des francophones aux postes de cadres
supérieurs et au niveau du personnel de direction des entreprises.
En dépit de ce progrès, la situation du français au
Québec demeure précaire, fragile et, évidemment,
vulnérable. Loin d'être menacée, la langue anglaise
conserve toujours son fort pouvoir d'attraction. (15 h 20) au chapitre des
transferts linguistiques de ceux ou celles qui n'ont ni le français ni
l'anglais comme langue maternelle, ceux-ci continuent de se faire
majoritairement en faveur de l'anglais, et c'est dans une proportion de 63 % en
1991. en clair, cela signifie que 6 entre guillemets
néo-québécois sur 10 au québec choisissent
l'anglais comme langue d'usage. les allophones s'inscrivent majoritairement
dans les cégeps et universités de langue anglaise. en 1990, 55 %
d'entre eux choisissaient d'aller à un cégep anglophone et 57 %
fréquentaient une université anglophone. le français perd,
en même temps, du terrain à montréal. selon des projections
démographiques, les personnes de langue maternelle française
formeront, à brève échéance, moins de 50 % de la
population de l'île de montréal. le réseau d'écoles
montréalaises ne compte déjà que 52 %
d'élèves francophones. la francisation des immigrants demeure
préoccupante pour le québec, qui accueille, en moyenne, 40 000
immigrants par année, dont près de 90 % s'établissent
à montréal. au cours des 5 dernières années, la
proportion d'immigrants connaissant le français à leur
arrivée au québec a diminuée de 4 % par rapport à
la période précédente et ne s'élève
qu'à 35 % des immigrants reçus. au chapitre du français au
travail, 63 % des travailleurs francophones travaillent
généralement en français à montréal. plus du
tiers de la main-d'oeuvre francophone est donc privée du droit de
travailler essentiellement en français. à peine le quart des
travailleurs allophones travaillent en français à
montréal, alors que 37 % d'entre eux travaillent en anglais. enfin,
presque 15 ans après, ou 15 ans après l'adoption de la loi 101,
34 % des entreprises de plus de 100 employés n'ont toujours pas obtenu
leur certificat de francisation, dont près de 40 % dans le secteur
manufacturier, alors que les entreprises de moins de 50 employés ne sont
toujours pas tenues d'instaurer de programme de francisation.
Ces quelques indicateurs, ces quelques éléments sur la
situation actuelle démontrent que les progrès demeurent fragiles
et que le français a toujours besoin de protection. La
prééminence du français est loin d'être
assurée, surtout dans la région de Montréal.
Souvenons-nous, le but premier de la loi 101, c'était que le
français devienne la langue commune de tous les Québécois
et de toutes les Québécoises, et cet objectif n'est pas encore
atteint.
C'est pourtant dans un tel contexte, où la situation
du français demeure précaire et préoccupante, que
le gouvernement libéral a choisi, délibérément, par
son projet de loi 86, de s'attaquer, selon nous, aux orientations fondamentales
de la Charte de la langue française.
Le projet de loi 86 va bien au-delà de la seule dimension de
l'affichage commercial. Le projet de loi 86 va bien au-delà de ce que le
comité de l'ONU demandait. Ce faisant, nous croyons qu'il prend le
risque de compromettre la paix linguistique et de remettre en question le
progrès fragile du français réalisé grâce
à la loi 101. Il décide aussi de passer outre aux recommandations
de l'avis du Conseil de la langue française ainsi qu'aux nombreuses
études qui concluent à la fragilité et à la
vulnérabilité du français dans la région de
Montréal.
Le projet de loi 86 ouvre la voie au bilinguisme institutionnel en
édulcorant le statut du français comme seule langue officielle de
l'État. Après avoir subi une décision de la Cour
suprême donnant une portée, selon nous, exorbitante de l'article
133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Québec s'y résigne et
fait volte-face en plaçant sur un pied d'égalité le
français et l'anglais dans sa législation. De plus, le projet de
loi stipule que tout jugement rendu en français par les tribunaux ou
organismes ou tribunaux quasi judiciaires doivent, dorénavant,
être traduits en anglais sur demande.
Le gouvernement et les organismes publics pourront désormais
utiliser l'anglais dans leurs communications avec les personnes morales,
entreprises, sociétés ou organismes établis au
Québec.
La même logique du bilinguisme institutionnel s'applique en regard
de l'affichage public, alors que le gouvernement pourra utiliser une autre
langue que le français, c'est-à-dire l'anglais, pour tout sujet
ou circonstance qu'il juge utile. Cela va beaucoup plus loin que les
dispositions actuelles de la loi 101 qui ne limitent l'affichage public dans
une autre langue que le français qu'à des situations liées
à la santé et à la sécurité publiques.
Jusqu'où, nous demandons-nous, compte aller le gouvernement en
matière d'affichage public bilingue? Impossible de le savoir pour le
moment, puisque le gouvernement se réserve le droit de définir
les modalités d'utilisation de l'anglais dans l'affichage public par un
règlement qu'il refuse de rendre public. Ces dispositions sur la langue
d'administration nous ramènent directement à l'esprit de la loi
22 qui faisait, en principe, du français la langue officielle du
Québec, mais qui diluait ce statut, dans les faits, en prévoyant
une série d'exceptions permettant d'utiliser l'anglais dans les
communications de l'État et dans l'affichage public.
En matière d'affichage commercial et de publicité, le
projet de loi 86 ramène le bilinguisme anglais-français sans
limitation relative à la taille des entreprises ou à la nature de
leurs activités. Le projet de loi 86 prévoit que le
français doit apparaître de façon prédominante sur
l'affichage extérieur. L'expérience de la loi 178, en regard de
l'affichage bilingue avec prédominance du français à
l'intérieur des établissements, permet de constater que ce
concept est, à tout le moins, difficilement applicable.
Dans le cas de raisons sociales, l'on restaure aussi le bilinguisme,
mais pas question de prédominance du français, qui doit, tout au
plus, figurer de façon au moins aussi évidente.
Par son projet de loi, le gouvernement se donne le pouvoir de permettre,
par règlement, que l'affichage puisse être fait uniquement en
anglais ou sans prédominance du français. Quelles sont,
demandons-nous, les intentions véritables du gouvernement à cet
égard, notamment quant aux cas où l'on pourra afficher uniquement
en anglais? Impossible de le savoir pour le moment, puisque le gouvernement se
réserve encore le droit de le déterminer par un règlement
qui sera adopté plus tard et sans débat public.
Le Parti québécois dit non à un semblable
chèque en blanc, de même qu'à l'affichage commercial
bilingue, qui affectera durement le visage français du Québec.
Montréal va retrouver son visage bilingue d'avant la loi 101, avec les
conséquences que l'on sait quant au message envoyé aux
immigrants, aux nouveaux arrivants, qui estimeront que le français et
l'anglais sont sur un pied d'égalité dans notre
société. Comme le soulignait le Conseil de la langue
française dans son avis au gouvernement, la reconnaissance
générale de la possibilité d'utiliser d'autres langues que
le français dans l'affichage comporte un risque de diffusion du
bilinguisme sur tout le territoire québécois. Cette opinion
était aussi partagée par M. Bourassa, en 1988.
L'école demeure un puissant instrument d'intégration
à la vie collective, en particulier chez les enfants des nouveaux
arrivants. C'est d'ailleurs pour favoriser cette intégration des enfants
immigrants dans notre société que la loi 101 assure qu'ils
reçoivent leur enseignement en français aux niveaux primaire et
secondaire. Or, le projet de loi 86 vient atténuer l'objectif de la
fréquentation de l'école française par diverses
dispositions qui ont pour effet d'élargir l'accès à
l'école anglaise. Le gouvernement est incapable de préciser le
nombre réel d'élèves visés par ces
élargissements au droit de fréquenter l'école
anglaise.
Prétextant favoriser l'apprentissage de la langue seconde, le
projet de loi prévoit que l'enseignement de toutes les matières
pourra se donner en anglais dans les écoles françaises, et ce,
dès le niveau primaire. Le ministre responsable de la Charte de la
langue a évoqué publiquement la mise en place des classes
d'immersion. Le projet de loi 86 autorise des modifications au régime
pédagogique pour favoriser l'apprentissage de l'anglais. Comment vont
fonctionner ces classes d'immersion? À qui vont-elles s'adresser? Est-ce
qu'un élève pourra, d'année en année, participer
à de telles classes d'immersion? Le gouvernement se contente
d'introduire le principe dans la loi et se réserve le droit d'en
définir plus tard la portée véritable.
Nous disons non à cet autre chèque en blanc, d'autant plus
que tous admettent les difficultés d'apprentissage du français
qu'éprouvent les étudiants aux
niveaux primaire et secondaire, avec les conséquences que l'on
sait pour les niveaux collégial et universitaire. L'amélioration
de la maîtrise de la langue française parlée et
écrite nous apparaît être davantage prioritaire,
actuellement, que l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde. (15 h
30)
Le projet de loi 86 modifie la Charte de la langue française pour
la rendre conforme à la constitution de 1982 et à la clause
Canada. Pour la première fois dans un projet de loi de
l'Assemblée nationale, le Québec s'apprête à
reconnaître officiellement la légitimité du coup de force
du gouvernement Trudeau et à cautionner l'intrusion
fédérale dans la compétence exclusive du Québec
qu'est l'éducation coup de force, d'ailleurs,
récusé constamment depuis 1982 par le gouvernement du
Québec.
De plus, l'on ne peut que déplorer l'absence, dans le projet de
loi, de mesures visant à renforcer l'utilisation du français dans
les milieux de travail. Il est regrettable, en particulier, que le gouvernement
ait ignoré les recommandations du Conseil de la langue française
visant à accorder à l'Office de la langue française une
véritable capacité d'intervention dans les entreprises de 50
employés et moins, afin d'y favoriser l'implantation de programmes de
francisation. Compte tenu de la présence de la main-d'oeuvre allophone
dans ces petites et moyennes entreprises, principales créatrices des
nouveaux emplois, il nous apparaît nécessaire d'y instaurer
progressivement un processus de francisation.
Le projet de loi 86 vient, selon nous, affaiblir considérablement
les moyens mis en place pour assurer le respect des dispositions de la Charte
de la langue française. Il abolit la Commission de la protection de la
langue française, ce qui satisfera sans doute les lobbies anglophones
qui la perçoivent à tort comme une police linguistique. Les
fonctions de la Commission seront désormais assumées par l'Office
de la langue française.
Le gouvernement ne sait pas tirer des leçons de l'histoire.
Faut-il rappeler que l'expérience des lois 63 et 22 a montré la
confusion et les dangers de confier à un même organisme les
fonctions distinctes de surveillance des infractions et de promotion du
français? De plus, l'on remplace les enquêtes par de simples
vérifications. Les commissaires-enquêteurs sont remplacés
par des vérificateurs, tandis qu'il n'y aura plus d'assistance à
un plaignant pour la préparation d'une plainte, ni de protection de son
identité.
Cherchant à récupérer le contrôle sur
l'application de la Charte de la langue française, le gouvernement
dépouille l'Office de la langue française de l'ensemble des
pouvoirs réglementaires conférés par la loi 101. La
définition de la portée réelle des dispositions de la loi
sera désormais assumée en exclusivité par le Conseil des
ministres. En clair, l'autonomie de l'Office de la langue française
cède le pas à une véritable mise en tutelle par le
gouvernement.
Une analyse globale du projet de loi 86 révèle une
orientation très claire en faveur du retour au bilinguis- me. Le projet
de loi 86 envoie un message ambigu, en particulier aux nouveaux arrivants, en
plaçant, en quelque sorte, le français et l'anglais sur un pied
d'égalité.
Première question: Pourquoi une telle attaque des orientations
fondamentales de la loi 101, alors que le français a toujours besoin de
protection et de valorisation, surtout dans un contexte où plusieurs
études concluent à la fragilité et à la
vulnérabilité du fait français au Québec?
Au ministre chargé de la Charte de la langue française:
Pourquoi une réforme d'une telle ampleur, qui va bien au-delà du
seul volet de l'affichage commercial et qui concerne l'ensemble des
dispositions de la Charte de la langue française? Pourquoi refusez-vous
de rendre public le projet de règlements, qui détermineront, dans
une large part, la portée réelle des affaiblissements que vous
vous proposez de faire à la loi 101 par ce projet de loi 86? Pourquoi
compromettre la paix linguistique et remettre en question les progrès
modestes de la langue française? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi
de passer outre aux recommandations de l'avis de l'Office de la langue
française qu'il a lui-même sollicité? Pourquoi
reconnaître officiellement, dans le projet de loi 86, la
légitimité du coup de force constitutionnel de 1982 qui portait
atteinte à la compétence exclusive du Québec en
matière d'éducation, alors que cette injustice de 1982 n'a
toujours pas été corrigée et alors que le Québec ne
dispose d'aucun pouvoir additionnel pour protéger son caractère
de peuple distinct, de société distincte, qui repose
essentiellement sur sa langue et sa culture?
Est-ce que c'est pour récupérer le vote des
Anglo-Québécois que vous avez perdu lors de l'adoption de la loi
178, bien que les importantes concessions faites par le projet de loi 86 ne
semblent pas satisfaire le porte-parole de la communauté anglophone qui
promet de contester les nouvelles dispositions sur l'affichage et qui ne voit,
dans ce projet de loi, qu'une première étape dans
l'élargissement de l'accès à l'école anglaise,
comme en témoigne l'adoption d'une résolution en faveur de la
liberté de choix en matière d'enseignement au congrès
d'Alliance Québec? Est-ce pour faire diversion ou pour camoufler
l'incapacité du gouvernement à assurer la relance de
l'économie? Est-ce un préalable, une condition sine qua non
à la reprise des pourparlers constitutionnels, et qu'en
conséquence le projet de loi 86 constitue un acte de foi envers la
chimère d'un bilinguisme «coast to coast»? L'érosion
des communautés francophones hors Québec témoigne pourtant
des dangers liés à une telle chimère issue de la vision de
M. Trudeau. Est-ce parce que le ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue française et son gouvernement n'ont jamais
véritablement accepté les prémisses et les objectifs des
dispositions de la loi 101 permettant de faire du français la
véritable langue commune des Québécois dans
l'administration, dans les entreprises, dans les écoles et dans les
commerces, et qu'il préfère revenir à l'esprit de la loi
22, où le statut de la langue officielle, du français, est
limité par un
ensemble de dispositions favorisant le bilinguisme dans à peu
près tous les secteurs d'activités de notre
société?
Le Parti québécois reruse ce projet de loi 86 parce qu'il
affaiblit les dispositions de la loi 101, parce qu'il envoie clairement le
message que l'anglais et le français sont aussi importants dans le
fonctionnement de notre société et parce qu'il vise, en somme,
à faire du Québec une société bilingue.
Nous disons non au retour en force du bilinguisme qui menace le visage
français du Québec et qui ne peut mener, selon nous, qu'à
l'anglicisation progressive du Québec.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sciortino. M. le
ministre, pour une quinzaine de minutes.
M. Ryan: Merci, M. le Président.
Je vous remercie, M. Sciortino, de la présentation que vous nous
avez faite du point de vue du Parti québécois. J'ai
apprécié la sobriété générale du ton,
pas, évidemment, la teneur de toutes les critiques que vous avez...
Vous ne manquez rien, les 2 premières minutes, je ne dis jamais
rien. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sciortino: J'espère que vous allez vous reprendre dans
les prochaines minutes.
M. Ryan: Pardon?
M. Sciortino: J'espère que vous allez vous reprendre dans
les prochaines minutes.
M. Ryan: J'espère. Ça va dépendre de vous;
je suis soumis à votre jugement.
M. Sciortino: Ça dépend surtout de vous!
M. Ryan: Je suis soumis à votre jugement, puis à
celui de nos collègues de l'Opposition qui sont toujours injustement
sévères, comme vous le savez.
Alors, j'ai apprécié la sobriété du ton de
votre mémoire, même si je ne peux pas accepter, évidemment,
toutes les critiques que vous y formulez. Vous l'avez fait sur un ton courtois
et civilisé. Je l'apprécie et je voulais vous le dire bien
simplement. Et je vais essayer de discuter avec vous dans le même
esprit.
Vous avez terminé votre intervention par une série de
questions. Je vais être un petit peu bref, parce que j'ai des
collègues qui voudraient vous interroger également, et je
voudrais leur laisser un petit peu de temps. Je vais essayer de répondre
brièvement aux nombreux «pourquoi» que vous nous avez
adressés à la fin de votre message.
Vous dites: Pourquoi une telle attaque contre les orientations
fondamentales de la loi 101? Je nie ici la prémisse. Ce n'est pas vrai
que nous faisons une attaque fondamentale contre les orientations essentielles
de la loi 101. Et je n'en veux pour témoignage que celui que nous avons
entendu ce matin de la Chambre de commerce de Montréal où le
président est venu nous dire, après une étude qui a
duré plusieurs semaines, que la Chambre de commerce en vient à la
conclusion suivante: l'analyse du contenu du projet de loi 86 mène
à la constatation que les grandes orientations de la Charte ne sont en
aucune façon modifiées par le projet de loi; tous les principes
de base restent inchangés.
Alors, je préfère, en l'occurrence, le témoignage
d'un organisme non partisan, qui a à coeur les intérêts
économiques de la région de Montréal au premier chef, et
qui est venu nous donner ce témoignage ce matin, comme beaucoup
d'autres. Je respecte l'opinion contraire, mais je veux simplement vous dire
que, comme je ne souscris pas à la prémisse, je ne peux pas
répondre à la question. Parce que, à mon point de vue, la
question ne se pose pas. (15 h 40)
Deuxièmement: Pourquoi une réforme d'une telle ampleur,
qui va bien au-delà de l'affichage? Les modifications que nous proposons
demeurent fort modérées, fort ponctuelles. Nous touchons à
4 ou 5 éléments qui demandaient des ajustements, à la
lumière de l'expérience que nous avons faite de l'application de
la Charte, au cours des dernières années. Et nous avons amplement
justifié, au cours des échanges publics qui ont eu lieu au cours
des derniers mois, les motifs qui justifient, selon nous, chacune des
modifications proposées. Mais on n'est pas obligés d'être
d'accord; nous respectons l'opinion contraire. Mais nous avons amplement
justifié chacune des modifications proposées, en particulier
celles qui touchent à l'apprentissage de la langue seconde.
Tout ce que nous faisons dans le projet de loi, nous donnons plus de
latitude au ministère de l'Éducation, aux commissions scolaires,
pour le recours à des méthodes qui leur apparaîtront
appropriées dans l'apprentissage des langues secondes. Et il
n'appartient pas au législateur, à mon point de vue, de
s'ériger en juge d'une méthode en particulier et d'aller
jusqu'à l'interdire par voie de législation. Je pense que c'est
souverainement antipédagogique que d'agir comme ça. Nous voulons
rétablir une plus grande liberté pédagogique dans ce
domaine, sachant que les artisans du système d'éducation sont
parfaitement capables de régler ce problème-là dans
l'exercice de leurs attributions normales. ' Us n'ont pas besoin de la tutelle
du législateur pour cette question-là.
Pourquoi refuser de rendre publics les projets de règlements? Je
reconnais la légitimité de la question et je répète
avec plaisir que je compte être en mesure de porter à la
connaissance des membres de la commission parlementaire et, par
conséquent, de nos concitoyens et concitoyennes, lorsque nous
entreprendrons l'étude détaillée du projet de loi, article
par article, les principaux projets de règlements que nous avons
conçus, qui
ne seront pas très compliqués, comme vous allez le voir et
qui viendront confirmer, pour l'essentiel, tout ce que nous avons dit à
titre d'exemple, ici ou là. Il s'était accumulé, au cours
des années, une foule de situations particulières, où on
constatait que la loi ne pouvait pas être appliquée
littéralement. Et la plupart de ces situations m'avaient
été signalées, d'ailleurs, par les organismes responsables
de l'application de la Charte, dont l'Office de la langue française. Et
les règlements traduiront ces cas qui nous avaient été
signalés au cours des années. Mais on les aura avant l'adoption
du projet de loi, puis on aura au moins 90, 100 jours pour en discuter. Ils ne
seront pas adoptés par le gouvernement à la sauvette; on aura
tout le temps voulu pour en discuter publiquement.
Pourquoi compromettre la paix linguistique? Je vais vous dire que nous
travaillons, au contraire, à améliorer la paix linguistique,
à l'étendre à tout le monde, y compris la minorité.
Une vraie paix linguistique ne saurait exister que si tous les principaux
éléments concernés sont relativement heureux. Or, tel
n'est pas le cas, actuellement. Une paix linguistique qui ne satisfait que la
majorité n'a jamais été une paix linguistique
complètement satisfaisante. Alors, nous essayons de l'améliorer,
et je suis convaincu que l'atmosphère sera encore meilleure,
après l'adoption du projet de loi, qu'elle ne l'est actuellement.
Et je veux vous rassurer: si nous agissons ainsi... si nous avions voulu
gagner le vote anglophone, dont une partie a pu nous échapper à
la dernière élection, nous serions allés plus loin que
nous n'allons. Nous savons très bien que le porte-parole de la
communauté anglophone ne sera pas satisfait de plusieurs dispositions
qui sont inscrites dans ce projet de loi ci. Nous maintenons, en particulier,
l'obligation, pour les enfants de foyers immigrants, de fréquenter
l'école française. Il n'y a pas d'équivoque, il n'y a pas
de mouvement sur cette question-là du tout, même si on a
essayé de faire croire le contraire dans certains milieux. Je pense que,
si nous avions voulu aller chercher le vote anglophone, nous aurions
procédé autrement.
Pour faire diversion par rapport à l'économie? Pas du
tout. Nous savions très bien que cette critique nous serait
adressée. C'est dans un souci de justice et de concorde, pas d'autre
souci. Et prenez-le comme venant d'un vieux Québécois, le plus
ancien parmi ceux qui sont autour de la table, celui qui a le plus
d'années d'expérience comme Québécois dont
les racines remontent au XVHe siècle, du côté de sa
mère, et au tout début du XVIIIe, du côté de son
père et qui a milité dans tout ce qu'on peut compter
d'organismes au Québec. Il n'y a pas d'autre souci: celui de la
concorde, de la justice et de l'équité. On peut avoir des
conceptions différentes. Vous pouvez en chercher d'autres, mais je pense
que vous cherchez à la mauvaise adresse, là, avec toutes les
suppositions que vous avez faites.
Puis, en ce qui concerne le ministre actuel, il a appliqué
loyalement la loi depuis 4 ans, maintenant, 4 ans et demi. On ne peut pas
l'accuser de l'avoir détour- née de son but. Mais, c'est son
droit et son devoir, s'il constate que certaines clauses demandent des
ajustements, de les proposer à l'adoption... à l'approbation de
l'Assemblée nationale.
Voilà pour l'essentiel. Je suis très heureux que vous
soyez venus, que vous nous ayez fait part de vos points de vue avec franchise,
dans un langage direct mais très correct. Je voudrais que mes
collègues puissent vous adresser quelques questions, M. Sciortino.
M. Sciortino: Merci. Si vous me permettez, peut-être
quelques secondes pour répondre à ce que vous dites.
Évidemment, M. Ryan, on peut avoir des opinions
différentes. Vous avez la vôtre, moi, j'ai la mienne. Vous dites:
Si on se base sur le mémoire de la Chambre de commerce, qui est venue
témoigner hier ou ce matin, comme vous dites... Évidemment, vous
admettrez avec moi qu'il y a eu d'autres organismes qui sont venus
témoigner ici qui n'étaient pas d'accord avec vous. Et, à
ce que je sache, il y en a eu plusieurs. En conséquence, même si
je reconnais et je respecte votre position et celle de la Chambre de commerce
de Montréal, il faut qu'en même temps on reconnaisse qu'il y a eu
majorité d'organismes qui sont contre ce projet de loi 86. D'ailleurs,
ceux qui, peut-être, étaient pour ce projet de loi 86 ne sont pas
venus devant la commission.
Mais, quand vous dites que ce n'est pas vrai qu'on fait une
réforme d'une très grande ampleur, je me demande... je me pose la
question suivante: Suite à l'avis fourni par l'ONU qui a un peu
déclenché le bal sur cette question, bien que c'avait
été précédé par un avis demandé au
Conseil de la langue française, il y a quand même au-delà
de 65 articles qui sont modifiés dans le projet de loi 86. Il ne s'agit
pas d'une modification de quelques irritants qui auraient pu faire en sorte,
comme vous dites, de mettre... de créer une certaine paix linguistique
au Québec, selon votre option. Il s'agit de modifier plusieurs des
objectifs importants de la loi 101; ça, évidemment, à
notre avis.
Évidemment, quand vous dites: La légitimité de la
question de règlements, vous allez, par après, mettre de l'avant
certains règlements. Vous savez comme moi que, lorsque vous affirmez un
principe dans une loi, par les règlements, vous ne pouvez que le
réglementer, vous ne pouvez pas nier par après le principe qui
est émis dans la loi. En conséquence, les règlements,
même si vous les adoptez, ne viendront pas défaire le principe qui
est émis dans la loi.
La question qu'on se pose et que tout le monde se pose est la suivante:
Comment ça se fait concernant l'affichage, par exemple que
le premier ministre, M. Bourassa, déclarait, en décembre 1988, et
je cite le Globe and Mail, M. Bourassa disait: M. Bourassa dit qu'il n'a
maintenant aucun doute que permettre des affiches bilingues dans le
centre-ville de Montréal ne pourrait, à long terme, que mener
à l'anglicisation du centre-ville de Montréal. Si cette
anglicisation se produit, cela aura un effet infectieux ailleurs.
J'aimerais que quelqu'un m'explique ce qui s'est passé depuis
1988, décembre 1988 nous sommes rendus en juin 1993 pour
faire en sorte que cela l'affirmation de M. Bourassa ne soit plus
vrai.
M. Ryan: Juste sur ce point-là brièvement,
je ne veux pas monopoliser la discussion la Chambre de commerce nous a
apporté une réponse à cette question-là, ce matin:
le contexte économique, social et même linguistique dans lequel le
Québec se développe a évolué
considérablement au cours des dernières années. Si la
situation qui prévalait il y a 5 ans, particulièrement au plan
sociopolitique, pouvait justifier l'action qui a été prise
concernant, notamment, l'affichage, il est clair que, dans une
société évoluée comme la nôtre, l'incitation
et la promotion offrent des chances de succès supérieures
à l'interdiction. Il y en a beaucoup qui se sont rendu compte de
ça, que, pour promouvoir le français, ce n'est pas
nécessaire d'interdire l'usage d'une autre langue.
C'était moins clair il y a 5 ans, ça l'est devenu à
l'expérience, par le cheminement que nous avons fait à travers
des tribunaux, à travers l'opinion publique, à travers les
relations internationales que nous avons. Le maire Doré est venu le
dire, ici, en commission. Il dit: Cette partie-là de la loi nous a fait
énormément de torts sur le plan étranger.
Les gens qui dirigent l'industrie des congrès et du tourisme sont
venus nous dire la même chose, ici, la Chambre de commerce
également. On a évolué, on a écouté ces
choses-là, puis c'est comme ça qu'on a été conduits
à une vision plus nuancée. C'est tout.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull.
M. LeSage: M. le Président, brièvement, parce que
le temps court rapidement.
J'ai entendu, à quelques reprises, l'interlocuteur du Parti
québécois nous mentionner la paix linguistique, le ministre y a
fait allusion également. J'espère que vous admettrez avec moi que
cette paix linguistique, elle était partagée par les gens qui
partagent également votre option politique, et j'aimerais
également vous faire remarquer qu'une telle position il y a
sûrement des gens qui ne partageaient pas votre opinion sur cette paix
linguistique. Et les personnes visées étaient sûrement des
gens qui auraient préféré le bilinguisme intégral,
par exemple. Alors, il y a sûrement quelqu'un, quelque part, qui se
sentait brimé, et ces personnes-là qui se sentaient
brimées étaient brimées dans leur droit fondamental
d'expression; c'est ce que les Nations unies nous ont dit. J'espère que
vous le reconnaissez, ça. (15 h 50)
D'autre part, vous mentionniez tantôt que vous ne voulez pas que
les immigrants qui arrivent au Canada, et plus spécifiquement au
Québec, aient l'impression qu'on est sur un même pied
d'égalité, ici. À mon avis, quand on n'est pas sur un
même pied d'égalité, on est en supériorité ou
en infériorité, puis lorsque vous portez à
réflexion ce que vous venez de mentionner, là, ça
m'inquiète beaucoup de voir que vous vous sentez en
supériorité.
C'est les remarques que je voulais faire, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Sciortino: Est-ce que vous me permettez une courte
réplique? Enfin, vous avez...
Le Président (M. Doyon): M. Sciortino.
M. Sciortino: Oui?
Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole.
M. Sciortino: Vous avez fait référence à
l'avis du comité sur les droits civils et politiques des Nations unies.
Moi, je vous mets au défi de trouver dans cet avis-là quelque
mention que ce soit permettant et disant, et disant... et disant que le fait
d'empêcher des corporations d'afficher dans une langue de leur choix va
à rencontre des articles du Pacte sur les droits civils et politiques.
Le comité sur les droits civils et politiques, tout ce qu'il dit, c'est
que le fait d'empêcher un individu parce que vous savez comme moi
que c'est seulement les individus qui peuvent s'adresser à un tel
comité le fait d'empêcher les individus de s'exprimer dans
la langue de leur choix constitue une entrave à l'article. .. aux
articles du Pacte concernant les droits civils et politiques. Mais, nulle part
et ceci, vous pouvez regarder dans le rapport du Comité
vous ne trouverez que le Comité dit d'une façon claire que ceci
inclut aussi les corporations.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu, pour une minute.
M. Khelfa: C'est moins que ça, M. le Président.
Juste une petite question: Vous savez très bien, M. Sciortino,
que l'objectif ultime d'un parti dans l'Opposition, c'est d'avoir le pouvoir.
Je vous pose la question j'espère que vous allez me
répondre. Est-ce que votre opposition à cette loi 86 est par
opportunisme stratégique, électoralisme, ou bien, par le
même sens que vous avez fait opposition, en décembre 1988,
à la loi 178? Quand on est... quand je me souviens, en décembre
1988, pour la loi 178, on disait: Le Québec va être bilingue,
même, il va être anglicisé d'une façon terrible, si
on adopte cette loi.
Aujourd'hui, 5 ans plus tard, votre oiseau de malheur, il s'est
étouffé. Est-ce que votre opposition, aujourd'hui, est uniquement
par électoralisme, juste parce que vous ne voulez pas collaborer, et
être présents dans le débat réel du quotidien du
Québec?
Le Président (M. Doyon): M. le député, vous
avez pris au-delà d'une minute pour poser votre
question; je vous avais averti. Alors, je n'y peux rien, la
réponse restera...
M. Khelfa: J'aurais voulu avoir une réponse. M. le
Président. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): ...à venir à un
autre moment.
M. Sciortino: Mais j'aurais aimé répondre à
cette qaestion-là, si vous le permettez, quand même...
Le Président (M. Doyon): Vous pourrez répondre sur
le temps de...
M. Sciortino: Oui, je pourrais répondre sur ça.
C'est vrai, vous dites que l'objectif ultime, pour le parti d'Opposition...
Le Président (M. Doyon): Rapidement.
M. Sciortino: ...c'est de prendre le pouvoir; je vous dis que
l'objectif ultime du parti au gouvernement, c'est de le garder. Alors, je vous
dis que, pour le garder, possiblement et c'est ça, le sens de ma
question vous avez fait en sorte d'attirer les comtés, ou les
quelques comtés dans lesquels le Parti Égalité a un
certain pourcentage de vote, et c'est pour ça, là, que c'est
nécessaire pour... c'est le motif pour...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sciortino, merci.
M. Khelfa: M. le Président, par consentement...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Chicoutimi.
M. Khelfa: ...je peux... Ha, ha, ha! ...je peux répondre,
quand même!
Mme Blackburn: Merci. Madame...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Mme Gadbois, M. Sciortino, M. Boileau, il me fait
plaisir de vous accueillir, au nom de l'Opposition officielle.
J'apprécie que vous soyez là, puisque le Parti
libéral s'est désisté. Il s'est désisté,
parce qu'il aurait dû expliquer à la population du Québec
comment il se fait, si le ministre a si bien écouté, qu'il n'ait
pas respecté l'avis, l'avis et la proposition adoptée dans les
instances provinciales du Parti libéral sur l'affichage commercial,
alors que le Parti libéral parlait des petites entreprises, et que le
Parti libéral recommandait au gouvernement de renforcer les dispositions
touchant la langue de travail.
Alors, évidemment, leur absence s'explique en grande partie pour
cette raison, à n'en pas douter.
Je voudrais excuser le départ de M. Parizeau: il m'a priée
de le faire, puisqu'il prend actuellement la parole en Chambre, en
réaction au budget. Et, comme vous savez, sur le budget, il y a beaucoup
à dire... et l'importance de bien le dire, je pense que M. Parizeau
avait là un devoir qui l'appelait de toute urgence.
M. le ministre, tout à l'heure, a tenté vous avez
bien fait de le relever de minimiser l'importance de la loi. Il nous dit
toujours: 4, 5 éléments; 65 articles, qui viennent modifier 84
articles d'une loi qui en contient 215. Alors, arrêtons. Il y en a 10 sur
l'affichage; tout le reste, c'est une opération de sabotage. Je pense
que vous aviez droit de le rappeler.
Il cite la Chambre de commerce de Montréal. Je voudrais lui dire
parce qu'il nous fait souvent des «religieusetés»
que la Chambre de commerce de Montréal, ce n'est ni le Coran, ni
l'Évangile, et qu'il y a beaucoup de Québécois qui pensent
autrement.
Pour ce qui est des consultations, il dit: J'ai largement
consulté. J'ai le goût de le dire et de rappeler: il a
consulté le Conseil de la langue française sur 5 points il
n'avait pas consulté sur l'apprentissage de la langue seconde, dois-je
le rappeler et le Conseil de la langue française excusez,
j'allais poser un geste disgracieux il l'a tablette; il a tablette le
rapport, littéralement. Alors, qu'il me dise qu'il a consulté:
oui, peut-être un peu; mais qu'il a tenu compte: non, non. Alors, il ne
faut pas induire la population en erreur, en prétendant qu'une fois
qu'on a écouté le monde ça veut dire qu'on a pris compte
des remarques et des commentaires. Et, d'ailleurs, vous avez raison de le
rappeler, pour une bonne partie de la faction des Anglo-Québécois
et l'ouverture à l'école anglaise, c'est un premier pas. On le
sait, en fin de semaine, encore, on a eu l'occasion de se le faire
rappeler.
Moi, je voudrais vous entendre sur une question. J'en aurais plusieurs,
mais mes collègues veulent aussi intervenir. Alors, une question.
Avez-vous examiné l'avis donné par Me José Woehrling
prétendant que 178 aurait pu être acceptée par les
tribunaux, à la lumière des derniers jugements, et même 101
d'origine avec les dispositions touchant l'affichage commercial?
M. Sciortino: Bien, écoutez. Dans l'affaire Ford, la Cour
suprême affirme, à la page 779, ceci, je cite: «En fait,
dans son mémoire et dans ses arguments oraux, le procureur
général du Québec n'a pas tenté de justifier
l'exigence de l'emploi exclusif du français. Il a plutôt
insisté sur les motifs de l'adoption de la Charte de la langue
française et de la législation antérieure en
matière linguistique, motifs qui, il faut le répéter, ne
sont pas contestés par les intimées.»
Les mêmes discussions au niveau du comité de l'ONU. La
citation est très longue. Je vous dis que c'est à peu près
la même chose que le comité conclut concernant les restrictions
prévues à l'article 19 du Pacte relatif aux droits civils et
politiques. Or, il semble que,
depuis le test que la Cour suprême a appliqué concernant la
«raisonnabilité» des chartes, c'est-à-dire l'article
1 de la Charte canadienne et l'article 9.1 de la Charte
québécoise, la Cour suprême dégage le but de la loi
101 et dégage un but qui semble vouloir être celui de la
prédominance du français, alors que le but véritable de la
loi 101 n'est pas nécessairement celui-là.
Ensuite, la Cour suprême applique, dans d'autres
décisions... plutôt, applique les critères de l'arrêt
Oa-kes je ne sais pas si vous connaissez concernant la
rationalité, l'atteinte minimale et la proportionnalité. Depuis,
ce test a été assoupli et semble... et je partage cet avis
à l'effet que la liberté d'expression commerciale, si elle
allait, aujourd'hui, reposer la même question devant la Cour
suprême, pourrait justifier une protection moindre que la liberté
commerciale individuelle.
Mme Blackburn: II faut rappeler, le jugement Ford, c'était
sur la publicité touchant les jouets.
M. Sciortino: Pardon?
Mme Blackburn: Le jugement Ford.
M. Sciortino: Mieux connu sous le nom de Chaussures Brown.
Mme Blackburn: Chaussures Brown. C'est ça; la
liberté commerciale.
Pour ce qui est de... Une toute dernière question. Je sais que
Mme Gadbois habite la région de l'Outaouais et je prenais connaissance
d'un article du Droit: Fonctionnaires obligés de travailler en
anglais à Hull: les francophones ont peur des représailles.
Pourriez-vous nous parler un peu de la situation de votre région?
On a souvent, ici, un député qui nous dit que tout va pour le
mieux dans le meilleur des mondes vous l'avez entendu tantôt
alors, j'aimerais que vous nous traciez un peu un portrait de la
situation qui prévaut en matière de français au travail,
dans votre région. (16 heures)
Mme Gadbois (Jocelyne): Avec plaisir, Mme Blackburn.
Effectivement, je témoigne pour la région de l'Outaouais,
mais c'est un peu identique aussi dans la région de Montréal. Il
va sans dire que l'ouverture que la loi 86 apporte actuellement au bilinguisme
met en danger et en péril, notamment, la langue de travail,
particulièrement dans ma région. Oui, en effet, cet article: Les
francophones ont peur des représailles, c'est un phénomène
constant, quotidien, quand on parle aux gens qui travaillent dans cette
fonction publique fédérale dite bilingue. Les
représailles, ils ont peur des représailles, ils ne peuvent pas
avoir accès à des promotions, doivent même, à
l'intérieur de leur syndicat, prendre des cours en anglais pour arriver
à se défendre.
On a appris aussi que les mécanismes de plainte, de ce
côté, sont à peu près nuls quand un francophone,
dans cette fonction publique bilingue, veut faire reconnaître ses droits.
Moi, j'ai peur énormément, dans le cadre de cette loi 86
où on veut affaiblir les mécanismes de plainte. On ne veut plus
aider les plaignants, on ne veut plus cheminer ces plaintes, on ne veut plus
les écouter de la même façon, on change les
enquêteurs pour des vérificateurs alors que, dans le moment, la
loi 101, difficilement appliquée dans une région comme
l'Outaouais, la loi 178, n'a pas changé un iota au visage francophone de
la région de l'Outaouais.
Nous avons énormément de difficultés, dans cette
région, à l'affichage, par exemple, l'affichage unilingue
anglais. Évidemment, pour moi, quand on dit «l'affichage bilingue,
l'affichage commercial bilingue», pour moi, ça veut dire: retour
à l'affichage unilingue anglophone. Ça veut dire ça pour
ma région et ça veut dire ça pour la région de
Montréal, particulièrement dans le centre-ville de
Montréal. Et ça, pour moi, c'est un danger très,
très présent. Et je ne me fais pas de peurs, je ne me fais pas
d'illusions non plus, je suis une personne originaire de la région de
l'Outaouais, je suis confrontée quotidiennement, depuis ma tendre
enfance, à cet envahissement de la langue anglaise, et tous les jours,
tous les jours, on s'adresse à moi en anglais quelque part dans ma
propre ville. Alors, je me dis: C'est la même chose à
Montréal.
Je pense que cette loi 86 doit effectivement prendre le bord des
poubelles parce qu'elle ne respecte pas, à mon avis, l'esprit de la loi
101 qui est de faire la promotion et le développement du français
pour la majorité francophone des Québécois.
Le Président (M. LeSage): Ça va?
M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Me Sciortino, vous avez mentionné tout à l'heure l'avis du
comité de l'ONU. Quelques organismes qui sont venus témoigner
devant la commission et plusieurs membres du côté
ministériel ont fait part que, suite à l'avis, justement, du
comité de l'ONU, il y avait un fait comme inexorable: on ne pouvait
faire autrement que modifier les lois linguistiques au Québec. À
en entendre même certains, on pourrait quasiment s'attendre à ce
que les «casques bleus» descendent au Québec.
D'après vous, quelle portée devrait-on donner à cet
avis du comité de l'ONU quant à la questioa de l'affichage et la
question linguistique au Québec?
M. Sciortino: Bien, écoutez, l'avis, à mon avis, ce
n'est pas une victoire ni une défaite pour personne, vous comprenez?
L'avis mentionne qu'au moins concernant l'égalité devant la loi
il n'y a pas de discrimination. L'avis mentionne aussi que la communauté
anglophone au Québec ne constitue pas une minorité. Est-ce qu'il
faut s'en réjouir? Je ne m'en réjouis pas. Est-ce qu'il faut leur
enlever les droits qu'ils avaient auparavant? Ce n'est pas ça le
problème. Mais essentiellement, ce qui est clair dans l'avis je
vous parle seulement de ce qui
est clair c'est qu'une personne, qu'elle soit anglophone,
italienne d'origine, grecque, chinoise, arabe, peut afficher dans sa langue ou
dans la langue de son choix. Il ne s'agit pas seulement de l'anglais, il s'agit
de n'importe quelle langue et de n'importe quelle personne. Ceci restreint,
à mon avis, si on prend ce qui est clair, aux individus.
En fait, si vous regardez le Pacte, on parle de droits civils et
politiques. La version anglaise, si je ne me trompe pas, c'est «Human
rights», «les droits humains». Est-ce que vous connaissez des
corporations qui ont des droits humains? Comme disait l'autre jour quelqu'un:
On peut parler de problèmes de conscience, de liberté de
conscience et de liberté d'expression d'une personne humaine et non pas
d'une corporation. Moi, c'est mon père et ma mère qui m'ont fait,
ce n'est pas l'État qui m'a créé. Mais une corporation,
c'est la création de l'État et, en conséquence,
l'État peut limiter la liberté de cette corporation, mais il ne
peut pas limiter possiblement la mienne, sauf dans certaines situations et
selon certaines restrictions pour permettre l'atteinte d'autres objectifs
beaucoup plus grands.
Mais essentiellement, l'avis dit tout simplement qu'il y a entrave au
Pacte international en ce qui concerne la liberté d'expression de
l'individu.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
On sait que de nombreux concitoyens du Québec veulent que leurs
enfants aient une meilleure connaissance d'une seconde langue au Québec.
On cherche beaucoup à identifier le Parti québécois comme
étant un parti qui est contre l'apprentissage d'une seconde langue. Que
répondez-vous à ces attaques?
M. Sciortino: Voulez-vous que je vous réponde en anglais,
en italien ou en espagnol?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sciortino: Écoutez, il n'y a personne qui est contre.
Je pense qu'il serait stupide de s'opposer au fait de parler ou d'apprendre une
autre langue. Le problème n'est pas là. Le problème,
à mon avis, est le suivant: S'il y avait un problème
spécifique qui était mis à nu par le problème de
l'ONU ou par la décision de la Cour suprême, par exemple,
là c'est un problème. Changer complètement ou changer
plusieurs des objectifs de cette loi, modifier plusieurs articles nous
entraînent dans un engrenage où on ne sait pas où cela va
arrêter.
Mais, évidemment, apprendre l'anglais au Québec, c'est
nécessaire. Ça ne doit pas nécessairement se faire par
immersion, on peut augmenter le nombre d'heures d'enseignement, on peut fournir
des professeurs beaucoup plus spécialisés en français,
s'il n'y en a pas mais je pense qu'il y en a on a les bains
linguistiques, on a actuellement une kyrielle de moyens qui permettent
d'apprendre l'anglais d'une façon beaucoup plus appropriée, si on
veut vraiment l'utiliser.
Le Président (M. LeSage): Ceci complète la
période de temps allouée à l'Opposition. M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
D'abord, j'ai 2 précisions à faire pour M. Sciortino:
d'abord, en ce qui concerne les questions de corporation versus individus. Je
vous dis que les plaignants devant la Cour suprême du Canada
étaient Chaussures Brown inc., McKenna inc., Nettoyeur et Tailleur
Mas-son inc. et La Compagnie de fromage nationale ltée. Ça, ce
sont les plaignants devant la Cour suprême du Canada qui a rendu une
décision très sage et qui, effectivement, parle beaucoup sur les
distinctions entre individus et corporations. Elle a rendu le même
jugement malgré le fait que 4 des 5 plaignants étaient des
corporations.
Deuxièmement, vous, comme d'autres groupes, invoquez le terme
«paix linguistique», que la loi 101 amenait avec elle la paix
linguistique au Québec. Moi, je vous dis que la loi 101 a
déclenché une guerre linguistique au Québec. Le fait que
la communauté anglophone ne soit pas descendue sur la rue pour contester
cette loi, pour casser des fenêtres, ça ne veut pas dire qu'il y
avait la paix linguistique. La communauté anglophone a amené
cette question devant les tribunaux depuis l'adoption de la loi 101, et les
jugements récents donnaient raison à la communauté. On ne
peut pas dire simplement qu'il y avait une paix linguistique tout autour de
cette période quand ces questions étaient devant les
tribunaux.
Moi, je vous pose la prochaine question. Il y a quelques groupes qui ont
évoqué la menace de vandalisme à plusieurs groupes qui
sont venus devant cette commission, qui s'opposent à l'affichage
bilingue. Ils disent que si on permet d'autres langues sur les affiches, il y
aura des actes de vandalisme, donc dérangeant la paix sociale au
Québec. Est-ce que votre parti, qui s'oppose également à
l'adoucissement de la loi 101, peut affirmer, aujourd'hui, que vous
découragez tout acte de vandalisme comme moyen d'intimider les
propriétaires de magasin qui veulent utiliser d'autres langues? Est-ce
que vous découragez fortement les actes de vandalisme comme moyens
d'intimidation dans cette question?
M. Sciortino: Vous avez raison lorsque vous dites que la Cour
suprême a inclus les corporations en ce qui concerne la liberté
d'expression. Cependant, vous devez voir que le critère, l'objectif...
Quand on définit l'objectif d'une loi, ce que la Cour doit faire...
L'objectif, c'était de refléter la prédominance du
français. Or, je vous dis que l'objectif de la loi 101... Je pense qu'il
y a une erreur de la Cour suprême dans la définition de l'objectif
de la loi 101. L'objectif, ce n'est pas la prédominance, l'objectif,
c'est le fait de la sauvegarde du français au Québec; c'est
ça, l'objectif. Or, si, par contre, on se rend compte que l'objectif,
tel qu'il est
défini, peut être interprété d'une telle
façon, rien ne nous empêche de modifier et de rendre conforme le
mot, le «wording», à l'objectif ultime. (16 h 10)
On affirme aujourd'hui, après certains arrêts de la Cour
suprême, que la notion de liberté d'expression commerciale peut
recevoir une portée moindre que celle qui a été
donnée dans cet arrêt, l'arrêt de Chaussures Brown.
M. Libman: II n'y a aucun juriste qui va vous dire la même
chose. Il n'y a aucun juriste responsable dans le monde occidental qui va vous
dire la même chose. C'est très éloquent, la décision
de la Cour suprême, même en touchant l'objectif de la loi 101. Si
vous lisez le jugement de la Cour suprême, c'est un
«testimonial» très éloquent de l'objectif de la
Charte de la langue française, mais en tenant compte de la
réalité des droits individuels. C'est très clair que cet
équilibre n'est pas là, dans la loi 101.
M. Sciortino: Voulez-vous que je vous répète ce que
j'ai dit tantôt? J'ai dit que dans l'arrêt Ford, à la page
779 je ne me souviens pas du juge maintenant on dit, en parlant
de l'argument pour démontrer que, même si la liberté
d'expression n'a pas été respectée, cela est
justifié dans les circonstances. Voici ce que dit la Cour suprême,
à la page 779: «En fait, dans son mémoire et dans ses
arguments oraux, le procureur général du Québec n'a pas
tenté de justifier l'exigence de l'emploi exclusif du français.
Il a plutôt insisté sur les motifs de l'adoption de la Charte de
la langue française et de la législation antérieure en
matière linguistique, motifs qui, il faut le répéter, ne
sont pas contestés par les intimées.» «les
intimées» étant le gouvernement du Québec...
Maintenant, il poursuit encore à la page 779, parlant tout le
temps de la même chose: «Toutefois, les documents se rapportant
à l'article premier et à l'article 9.1 n'établissent pas
que l'exigence de l'emploi exclusif du français est nécessaire
pour atteindre l'objectif législatif ni qu'elle est proportionnée
à cet objectif.»
Cette question précise n'a même pas été
abordée dans les documents des intimés.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci. M. le
député de D'Arcy-McGee, je m'excuse, mais...
M. Libman: Mais la deuxième partie de ma question? Il n'a
pas répondu à la deuxième partie: sur la question de
vandalisme, est-ce que vous dénoncez...
Le Président (M. LeSage): Brièvement, M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Sciortino: Sur la question de vandalisme, je vous dis que,
moi, personnellement, le parti ne prône pas le vandalisme. On n'a jamais
prôné le vandalisme.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. Sciortino, M. Boileau
et Mme Gadbois pour votre participation aux travaux de cette commission, et je
suspends les travaux pour permettre à la Townshippers' Association de se
présenter à la barre. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux pour fins de consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi 86.
Nous entendrons immédiatement la Townshippers' Association, de
l'Estrie, et je demanderais à la porte-parole de bien vouloir
s'identifier pour fins d'enregistrement au Journal des débats et
de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.
Townshippers' Association (Estrie)
Mme Losier (Paillette): MM. et Mmes les membres de la commission,
je vous présente Marjorie Goodfellow, membre du conseil d'administration
et ex-présidente; Norma Humphrey, membre du conseil d'administration, et
Susan Mastine, directrice générale. Je suis Paulette Losier,
présidente.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Losier. Alors, la
parole est à vous. Vous avez 20 minutes, alors que le parti
ministériel aura, par la suite, 20 minutes, et l'Opposition
également, 20 minutes, et possiblement que le député
indépendant pourrait requérir 5 minutes.
La parole est à vous. Nous vous écoutons, madame.
Mme Losier: Merci. Thank you for the opportunity to discuss Bill
86 with members of the Commission de la culture. Since Townshippers'
Association has a vital interest in this bill, we welcome the occasion to
present our views.
We have come here today, from the Eastern Townships, one of the few
regions of Québec where the first settlers of European origin were not
French. The area has welcome waves of immigrants beginning with approximately
40 United Empire Loyalist families Wack in the 1780s. In the 19th century, they
were supplemented by Americans, Britons and Irish people as well as Europeans
such as Swedes, Germans and Dutch. These people were joined by French-speaking
people from other regions of Québec, seeking land or employment.
We are proud of the way these people of varied backgrounds have created
a bilingual and bicultural corner of Québec. This special cultural
characteristic of our region is often used to attract industry, tourism and
other important events. A recent promotional campaign to bring the 1999
Panamerican Games to the Sherbrooke region included the following statement:
«A special vibrancy that is both welcoming and stimulating characterizes
the Eastern Townships and the people who live there. Canada's two great
founding cultures live and work side by side as they have for nearly two
centuries and our architectural compellingly reflects the shared
heritage.» End of quote.
Dans ce respect et cette tolérance entre gens d'expression
française et anglaise dans les Cantons-de-1'Est, la communauté
d'expression anglaise fait face à un avenir incertain. Elle se sent
sous-estimée dans la société québécoise dans
la dernière année. C'est pourquoi plusieurs jeunes gens ont
établi leurs racines ailleurs et ils ont été suivis par
d'autres membres et leurs familles.
Schooling enrolments figures vibrately demonstrate the crisis faced by
the community. Between 1974 and 1993, enrolments in the English language
elementary and secondary Eastern Township schools were nearly cut in half,
dropping from 11 026 students to 6264.
Where will another 20 years of such decline leave us? What can we, and
our French-speaking neighbours, do to arrest this exodus? What will the
government do to help us? One of the answers to this last question involves
amendments to the Charter of the French Language.
We welcome Bill 86, not as a resolution of all the problems that we face
living as English-speaking people in today's Québec society, but as a
start in making today's Québec society more welcoming to the
English-speaking community, especially to the young people.
I will now ask my colleagues, Marjorie Goodfel-low and Norma Humphrey,
to express the specific concerns of our association.
Marjorie.
Mme Goodfellow (Marjorie): Thank you, Paulette.
Au sujet de la signalisation routière, l'Association des
Townshippers est heureuse de noter l'intention d'ajouter l'anglais au
français sur les enseignes où un symbole ou un pictogramme ne
peut rencontrer les exigences de la santé ou de la
sécurité publique.
Nous sommes aussi encouragés par la réponse du
gouvernement aux demandes de la communauté d'expression anglaise afin de
permettre à l'anglais d'apparaître de nouveau sur les enseignes
publiques et l'affichage commercial. À plusieurs reprises, l'Association
des Townshippers a déjà recommandé que le français
soit la langue prédominante dans l'affichage commercial, mais de
permettre aussi d'autres langues. Donc, les articles du projet de loi qui
touchent ce sujet nous sont acceptables.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Goodfellow. Vous
voulez céder la parole, maintenant, à Mme Humphrey. (16 h 20)
Mme Goodfellow: Oui.
Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey, on vous
écoute.
Mme Humphrey (Norma): En ce qui concerne l'accès aux
écoles anglaises, l'Association des Townshippers est déçue
des mesures contenues dans le projet. Les parents d'expression anglaise qui
déménagent au Québec tiennent souvent beaucoup à
donner à leurs enfants un enseignement en langue anglaise parce que
l'anglais est leur langue maternelle et qu'il forme leur identité
culturelle. Sans l'accès aux écoles anglaises, ces enfants ne
peuvent acquérir d'identité culturelle, ni le sens de leur
héritage qui contribue à enrichir les Cantons-de-1'Est et la
province en entier.
Du point de vue de l'activité économique, les immigrants
doivent se sentir bienvenus au Québec afin d'améliorer
l'économie de la province. Étant donné l'existence d'un
réseau d'écoles de langue anglaise, il est difficile pour
certains nouveaux arrivants d'accepter des mesures restrictives au niveau de
l'inscription des enfants des familles d'expression anglaise ou certains
peuvent décider de ne pas venir dans la province, dont des investisseurs
et des personnes possédant une expertise technique. Ces immigrants
pourraient contribuer énormément à l'économie de la
province. Nous sommes tous préoccupés par cette perte de
résidents potentiels.
Pour la communauté d'expression anglaise, l'addition de nouvelles
familles est primordiale pour sa survie et celle de ses écoles.
L'établissement même d'une seule famille d'expression anglaise
dans les Cantons-de-1'Est constitue tout un événement et peut
aider à prévenir la fermeture d'une école. À chaque
fois qu'une école anglaise ferme, la communauté linguistique perd
de sa vigueur.
L'article 23 du projet de loi ne répond pas à ce dont
notre communauté a besoin pour se renouveler. Nous avons entendu dire
que notre communauté devrait prendre ses propres responsabilités
sur ce sujet et que nous ne devrions pas avoir besoin d'immigrants de langue
maternelle anglaise pour compenser notre population en déclin et
vieillissante. Nous mettons en doute ces propos. Les communautés
d'expression française puisent dans les immigrants pour contrer sa
population en déclin. En tant que citoyens du Québec à
part entière et en tant que peuple fondateur des Cantons-de-1'Est, nous
aussi avons droit aux mêmes moyens pour soutenir notre propre
population.
Ainsi, pour ces motifs économiques, culturels et
éducatifs, l'Association des Townshippers recommande que le projet de
loi 96 permette l'accès aux écoles de langue anglaise pour tous
les enfants dont la langue maternelle est l'anglais.
Nous sommes d'accord avec les articles suivants du projet de loi 86 sur
l'enseignement: l'article 30, qui parle des enfants en difficulté
d'apprentissage, montre un humanisme qui ne peut qu'être loué par
toute la société québécoise; de même,
l'article 32, qui parle des
enfants qui séjournent au Québec de façon
temporaire. Nous croyons qu'il y aurait un effet économique important
dans les Cantons-de-1'Est et dans tout le Québec.
Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey.
Mme Goodfellow: À cause du temps additionnel, du
coût administratif et de la paperasse bureaucratique requis pour obtenir
un certificat de francisation, l'Association des Townshippers est satisfaite
que l'obligation d'obtenir un tel certificat sera exigée seulement des
entreprises de 50 employés ou plus.
Les PME sont au coeur de notre économie. C'est pourquoi nous
souhaitons que les dispositions du projet de loi soient adoptées afin de
permettre à ces entreprises de se concentrer sur leur rentabilité
et leur productivité.
L'addition de l'article 29.1 à la Charte de la langue
française prévoit un processus par lequel le statut
spécial des municipalités et des établissements peut
être retiré. Ceci est nécessaire afin d'éviter le
potentiel de conflit et de confusion qui peut arriver quand la population
d'expression anglaise diminue à moins de la moitié de la
population totale.
Même si l'Association des Townshippers préfère que
ce statut spécial ne soit retiré à aucune
municipalité ou établissement, elle reconnaît que si un tel
statut est remis en question à cause d'un important déclin de la
population minoritaire, la démarche de retrait de ce statut devrait
provenir de la municipalité ou de l'établissement
concerné. La demande de retrait sera alors suivie d'une consultation de
l'Office de la langue française, puis par une décision, en
dernier lieu, du gouvernement.
Il est louable que la loi prévoie que la demande provienne de la
municipalité ou de l'établissement et prévoie une
consultation appropriée. Cependant, nous enjoignons le gouvernement et
l'Office à faire tout leur possible pour encourager les
municipalités et les établissements à évaluer les
besoins linguistiques et culturels de leurs populations minoritaires si elles
font une demande de retrait de statut spécial.
Le Président (M. LeSage): Merci, madame. Mme Goodfellow,
maintenant, si je comprends bien.
Mme Losier: Mme Losier.
Townshippers' Association welcomes these amendments to the Charter of
the French Language. The majority of the changes proposed in Bill 86 will
reduce to Charter's negative impact on the English-speaking community. The
passage of this bill will be a signal that Québec is willing to be an
open society. As the descendants of pioneers who settled the Eastern Townships
more than 200 years ago, we look forward to the passage of this law which we
hope will make English-speaking people feel more welcome in Québec.
However, we are alarmed that access to English schools is largely
unchanged. Schools are the lifeblood of a community and ours are suffering from
a declining enrolment. Thus, to community continues to dwindle.
The inevitable outcome will be a more linguistically homogenous
population which will be a lost for all Québec society. Therefore, we
urge you to allow access to English schools for children whose mother tongue is
English.
We recognize that Québec is under unique pressures within the
North American context. This is the reason we suggest that the French language
and culture be promoted by positive measures. Would not the development of a
full range of television programming for Quebec's young people, celebrating the
French language and culture in a variety of creative ways, be an effective
means to stimulate increased pride and awareness?
Mme Goodfellow: D'autres mesures pour renforcer la langue et la
culture françaises pourraient être la promotion et un meilleur
financement des arts, soit l'édition, l'écriture, le
cinéma, le théâtre; la consécration d'un mois
à la promotion de la langue et de la culture françaises,
peut-être en juin où une semaine serait consacrée au
théâtre et aux films, une autre à la poésie et
à la prose, une troisième à la musique et à la
danse, une quatrième au patrimoine et à la culture; la promotion
et un meilleur financement des bibliothèques municipales et scolaires;
un meilleur financement des archives pour des acquisitions et des expositions;
l'augmentation des exigences de base des compétences en français
à tous les niveaux dans les réseaux d'éducation
français et anglais; une modification des programmes scolaires afin de
mettre l'emphase sur l'histoire, les arts, la littérature et autres
traditions culturelles du Québec; l'élargissement des programmes
d'échanges scolaires pour y inclure ceux entre francophones de
Québec et francophones d'ailleurs au Canada; des subventions pour la
traduction de manuels de base pour les niveaux de cégep et de
baccalauréats universitaires actuellement disponibles seulement en
anglais; un meilleur financement pour la recherche sur tous les aspects de la
langue et de la culture françaises; un financement additionnel des
musées pour acquérir du matériel d'exposition, des
pièces d'exposition, des guides audio et des catalogues; le financement
d'émissions de télévision visant une plus grande
connaissance et fierté du Québec, son histoire, ses langues et
ses cultures. (16 h 30) si nous vous soumettons ces idées, c'est dans un
esprit de respect et d'admiration pour la communauté d'expression
française et les québécois d'expression française
qui sont nos voisins et nos amis. *
Mme Losier: L'Association des Townshippers croit qu'il est
possible de voir la langue et la culture françaises, de même que
la communauté d'expression anglaise, s'épanouir au Québec.
Dans le respect et l'harmonie, nous pouvons travailler ensemble pour construire
un Québec plus fort et plus prospère.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci,
mesdames.
La parole est maintenant au ministre, et vous disposez, M. le ministre,
de 20 minutes.
M. Ryan: Merci.
Il me fait toujours plaisir de vous revoir, Mme Goodfellow, ainsi que
les collègues qui vous accompagnent. Je voudrais profiter de l'occasion
pour vous fçliciter du doctorat honorifique que vous a remis, ces temps
derniers, l'Université Bishop. Nous avons appris avec beaucoup de
plaisir cette marque d'honneur qui vous a été
décernée à juste titre en raison des services
éminents que vous avez rendus à la communauté et à
la vue de l'esprit dans l'Estrie. Alors, félicitations!
Mme Goodfellow: Merci.
M. Ryan: J'ai pris connaissance du mémoire que vous nous
avez communiqué, évidemment, avec beaucoup d'intérêt
et je vais essayer de commenter rapidement les principales recommandations dont
vous donnez un sommaire à la fin du mémoire.
Je vais les prendre, rapidement, pour faire le tour: Que le
français soit la langue prédominante dans l'affichage commercial,
mais que soit également permis l'usage d'autres langues. Alors,
ça, c'est acquis dans le projet de loi. Je pense que nous faisons une
part significative dans la direction que vous souhaitez.
Que la loi soit amendée pour permettre l'accès aux
écoles de langue anglaise pour tous les enfants dont la langue
maternelle est l'anglais. Évidemment, sur ce point-ci, nous ne faisons
pas de modification à la loi 101. Nous maintenons le régime
actuel surtout parce qu'il nous apparaîtrait illogique de faire une
distinction entre une catégorie d'immigrants et une autre et d'appliquer
à des immigrants venant de l'extérieur du Québec un
régime qui ne vaudrait même pas pour les citoyens du Québec
qui sont francophones. Les citoyens francophones du Québec sont
obligés d'envoyer leurs enfants à l'école française
sous le régime actuel. Alors, il serait un peu paradoxal qu'on donne une
liberté de choix à des parents qui viendraient de
l'extérieur du Québec alors qu'à l'intérieur
même du Québec nous ne la donnons pas aux parents francophones.
Ça, c'est un sacrifice qui a été accepté quand la
loi 101 a été instituée. On avait même
institué cette obligation avec la loi 22. Alors, voilà, c'est un
point sur lequel nous ne faisons pas de changement, et nous n'envisageons point
d'en faire.
Maintenant, j'ai regardé les statistiques que vous nous donnez
dans le tableau qui accompagne votre mémoire. Je constate une chose:
Ça confirme des choses que j'ai déjà dites ici, et ce,
à plusieurs reprises. Depuis 1983-1984, la situation a tendu, non pas
à se dégrader mais à se stabiliser. Il y eut une chute
importante, là, lors des premières années d'application de
la Charte de la langue française, mais depuis 1983-1984, je regarde le
total des élèves inscrits à Eastern Townships
School-board, c'était 3693 en 1983-1984 et, 10 ans plus tard, 3558. Il
n'y a vraiment pas de déclin spectaculaire ici; au contraire, une toute
légère diminution.
Du côté de The District of Bedford Protestant Regional
Schoolboard, 2673 en 1983-1984 et 2706 en 1992-1993, ce qui indique... Nos
données indiquent qu'il y a une tendance à une stabilisation et
même 2 facteurs devraient contribuer à une certaine augmentation
au cours des prochaines années: d'abord, la diminution de l'exode
interprovincial et, deuxièmement, l'augmentation du taux de
fécondité chez les femmes de langue anglaise, ce qui est
attesté par les statistiques des dernières années. Alors,
nos pronostics indiquent qu'au cours des 5 ou 6 prochaines années il
devrait y avoir non seulement maintien du plateau actuel, mais un certain
dépassement, ce qui permettra, je pense bien, d'assurer une
viabilité raisonnable des écoles de langue anglaise. Voilà
la réponse à cette question-là.
Le statut bilingue à des municipalités. Je pense que nous
améliorons les choses singulièrement. Il y aurait sans doute
moyen d'aller plus loin, mais il nous est apparu que le mode défini dans
la loi concernant le retrait éventuel d'un statut donne
déjà des garanties beaucoup plus grandes que la loi actuelle. On
donne la garantie que la décision ne sera pas purement administrative;
elle sera également assortie d'une considération des facteurs
politiques, sociaux, culturels et humains qui doivent entrer en compte dans une
décision de cette nature.
Vous demandez que le statut bilingue de tous les établissements
d'éducation et de soins de santé soit maintenu.
Évidemment, dans la mesure où ces établissements
continuent d'être d'abord au service de populations anglophones, je pense
que ça devrait aller de soi, et je peux vous assurer que le gouvernement
actuel n'entend faire aucune modification de statut à cet égard,
à moins qu'on ne lui fasse la démonstration qu'une institution
qui porterait un nom anglais en serait venue à avoir une
clientèle à 95 % francophone; il faudrait bien se rendre à
l'évidence. Mais sauf des cas où ce sera très, très
clair, l'économie de la loi a été aménagée
de manière à tenir compte, dans toute la mesure humainement
raisonnable, de la réalité concrète.
En matière de signalisation routière, je pense que la
recommandation que vous formulez trouve une réponse satisfaisante dans
le projet de loi. Les entreprises de moins de 50 employés seront
incitées à promouvoir le français par voie d'incitation
plutôt que de coercition. Je pense que c'est ce que vous souhaitiez
également.
Donc, de manière générale, je crois que, comme vous
l'avez dit à la fin, l'une d'entre vous, le projet de loi 86 marque une
étape importante. C'est un signal très clair de la volonté
du gouvernement de faire en sorte que le Québec soit une
société ouverte, qui non seulement est ouverte en paroles,
également en actes et dans sa législation.
Maintenant, je vous pose une question ici à propos à
l'accès aux écoles de langue anglaise. Est-ce que vous auriez,
des statistiques que je viens d'évoquer, une interprétation
différente de celle que j'ai proposée?
Le Président (M. LeSage): Mme Goodfellow.
Mme Goodfellow: Oui, merci. Nous avons des statistiques, et je
demanderai à une de mes collègues de vous fournir ces
statistiques tantôt, mais je retourne à quelques-uns de vos propos
concernant la politique ou les propositions de la loi 86. Je veux souligner que
nous, nous sommes un secteur de la population du Québec qui a la
liberté de choix. Il y a déjà une inégalité
de ce côté dans la société québécoise,
c'est pourquoi nous ne voyons pas que ce soit un vrai problème de donner
accès à nos écoles aux immigrants de langue maternelle
anglaise.
Aussi, pour maintenir stable l'assistance dans nos écoles, il
faut avoir une population qui n'est pas vieillissante mais qui devient plus
stable aussi du point de vue de l'âge, de la distribution de l'âge
de la population. Alors, c'est pourquoi, au premier niveau, il y a des fois des
baisses d'inscriptions qui nous inquiètent beaucoup, et je demanderais
à Mme Humphrey de m'aider de ce côté.
Le Président (M. LeSage): Alors, Mme Humphrey, on vous
écoute.
Mme Goodfellow: Excusez-moi. Je dois demander à Mme Losier
de m'aider de ce côté.
Le Président (M. LeSage): Mme Losier, la parole est
à vous.
Mme Losier: Merci beaucoup, monsieur.
While the numbers have gone up in the schools in the last few years, we
have noticed this year in kindergartens a decrease in our enrolment. And our
future lies with the students who are coming in in kindergartens.
The students that are currently in high schools, and even in elementary
schools, we have seen actually an increase and we are very happy. We are
rejoycing that... some stabilization even though, as it was mentioned in our
brief, a few numbers, a few students is cause for celebration in our schools
when we have fewer that 60 students in several of those schools. (16 h 40)
However, kindergarten is of grave concern because, this year, we know,
we have determined that numbers have gone down, and that is a cause of concern
for us.
Mme Goodfellow: Alors, ces vagues de diminution nous
inquiètent beaucoup parce que c'est très difficile de...
M. Ryan: Vous pourriez nous envoyer des statistiques
détaillées sur ceci. Demandez aux 2 commissions scolaires de nous
envoyer classe par classe, degré par degré, le nombre
d'élèves qui étaient inscrits au cours des 5
dernières années?
Mme Goodfellow: Oui, oui. Nous pouvons vous fournir de ces
statistiques.
M. Ryan: The number by grade.
Mme Losier: Grade by grade. Yes, we have that.
M. Ryan: O.K. I would like to have figures of that.
Mme Goodfellow: We will send them to you.
M. Ryan: II peut arriver que ce soit, cette année, un cas
particulier et que, l'an prochain, ça reprenne. On suivra ça de
près avec vous. Pardon?
Le Président (M. LeSage): M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Ryan: J'apprécie beaucoup la liste de suggestions que
vous avez faites pour la promotion du français et de la culture
française à travers le système d'enseignement et des
activités collectives au Québec. Je pense que c'est une liste qui
est très intéressante. Il y a déjà plusieurs de ces
choses qui sont en voie de réalisation ou en cours, mais la liste
constitue une somme impressionnante. Et comme vous le savez,
déjà, la ministre de l'Éducation a accepté de
donner suite à toutes les recommandations du rapport Chambers, sauf la
première. Et, déjà, moi, j'ai demandé à la
ministre de l'Éducation d'examiner avec une attention
particulière les cas de fermeture d'école dans les petites
communautés, parce que là il y a un problème.
Je suis tout à fait d'accord avec vous je vous l'ai dit
souvent dans le passé, même quand j'étais ministre de
l'Éducation que l'école, c'est le «cornerstone of
community life». Et c'est bien important, aussi longtemps qu'on peut
avoir des motifs le moindrement raisonnables de maintenir une petite
école de le faire, pas seulement du côté anglophone.
Évidemment, du côté anglophone, le problème se pose
aussi. Nous avons été obligés d'en fermer beaucoup,
d'écoles, du côté francophone. Moi, dans ma circonscription
d'Argenteuil, il y a plusieurs municipalités importantes qui n'ont plus
d'école primaire.
Si vous allez à Saint-Adolphe-d'Howard, par exemple, c'est une
municipalité entre 1500 et 2000 habitants; il n'y a plus d'école
primaire depuis plusieurs années. Les jeunes doivent aller à
l'école à Saihte-Agathe ou à Morin Heights. Mais on est
obligés dans certains cas; par conséquent, on ne peut pas
établir une règle générale, mais la ministre de
l'Éducation est d'accord pour regarder avec une attention
particulière ces cas, et ça va être fait.
Alors, j'apprécie énormément cette
présentation qui nous est faite et je crois comprendre que si un vote
était pris demain sur le projet de loi 86, malgré votre
réserve au point de vue de la question scolaire, il y aurait des chances
que le vote soit positif
sur l'ensemble du projet.
Mme Goodfellow: C'est exact. M. Ryan: Merci.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le ministre?
»
M. Ryan: Ha, ha, ha! Merci.
Le Président (M. LeSage): Alors, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je me demande si la dernière question
était utile; ça semblait évident.
Mesdames, il me fait plaisir de vous accueillir à la commission
parlementaire, au nom de l'Opposition. J'ai remarqué que vous
étiez exclusivement... Votre organisme est représenté par
des femmes seulement. Je dois dire que je le dis pour l'apprécier parce
qu'il est vrai que dans la société québécoise,
lorsqu'il s'agit de parler de la langue, de la culture, de l'éducation,
ça a presque été traditionnellement les femmes. Mais,
malheureusement, j'ai souvent vu à cette commission cette
préoccupation ramenée jusqu'ici presque exclusivement par des
hommes. J'apprécie donc qu'on ait ici une représentation
exclusivement féminine.
Tout de suite, d'entrée de jeu, je vais vous dire que je trouve
votre rapport plutôt alarmiste quant à l'avenir de la
communauté anglo-québécoise. En ce qui a trait à
votre communauté en Estrie, je pense que, là, c'est une autre
question. Il faut un peu faire des distinctions. Moi, je suis celle qui pense
et nous l'avons écrit que la communauté anglophone
a des droits au Québec et que, dans un Québec souverain, on a
l'intention de les protéger. Ça, je veux dire, la perspective
là-dessus, pour nous, est extrêmement claire. Il est important que
nous le disions avant, par exemple, qu'il y ait un éventuel
référendum sur la question. Alors, pour nous, c'est clair.
à présent, je dis que vous êtes alarmistes parce que je
relisais une déclaration de l'université mcgill, qu'elle avait
faite en collaboration avec le psbgm à l'occasion de l'adoption de la
loi 101 en 1977, et mcgill craignait de voir sa clientèle diminuer de
façon radicale, considérable, ce qui n'a pas été le
cas, puisque mcgill reçoit 27 % de toute la clientèle
étudiante du québec alors qu'elle ne représente, dans les
faits, que 10 %. la même chose pour les cégeps anglophones; ils
vont chercher 24 % des clientèles alors qu'ils ne représentent
que 10 %.
Vous êtes également très, très bien
représentés dans tout ce qui a trait aux services de
santé, les musées, les cinémas, théâtres, la
littérature, ainsi de suite. Alors, moi, je pense qu'il m'apparaît
un peu excessif de parler de la menace que fait courir la loi 101 ou la loi
linguistique sur l'avenir de la communauté anglophone. Mais je dis en
même temps: Vous avez raison, en région. J'ai vu une région
qui s'est vidée pas seulement que des anglophones, mais des
francophones, région que je connais bien, celle de la Gaspésie.
Nous avions plusieurs petites communautés qui avaient sensiblement la
même histoire que la vôtre et qui, pour des raisons historiques,
ont été aussi, je l'ai rappelé à
l'Université McGill, négligées par les grandes
institutions d'enseignement. C'est moins vrai chez vous, parce que vous aviez
vos institutions d'enseignement supérieur, ce qui n'était pas le
cas dans la Basse-Côte-Nord, la Gaspésie, les régions plus
éloignées où, là, vous avez des communautés
anglophones complètement en déclin, mais, faut-il le dire,
francophones aussi. une statistique que je prenais à la radio en venant
ce matin nous apprend que dans le bas-du-fleuve et la gaspésie, la
population active ne représente plus que 30 %, alors que dans une
région relativement en santé, c'est 60 %. alors, ça vous
dit que nos petites écoles, là-dessus, elles ferment un peu
partout au québec, en anglais comme en français, et c'est
ça, je pense, le drame du québec, c'est la situation
économique dans les régions.
Vous avez une série dans votre annexe, je trouve ça fort
intéressant, l'appendice 2: Les mesures pour renforcer la langue et la
culture françaises. Moi, je ne peux qu'applaudir, et à deux
mains, sur une liste de cette nature, ça fait des années qu'on le
leur dit. Le premier geste de M. Ryan comme ministre de l'Enseignement
supérieur, ça a été de couper dans un petit budget
c'étaient 225 000 $ de l'aide à l'édition
scientifique en français.
Tout ce qu'on voulait faire, c'est exactement ce que vous demandez. La
traduction de volumes pour les universités et les cégeps, ils ont
mis la hache là-dedans. Évidemment, on ne parle pas de
l'état des bibliothèques. Dans votre communauté, je pense
que vous avez eu plus de soutien, finalement, pour soutenir les acquisitions et
tout ça, mais vous l'avez fait à force de bras, et je vous en
félicite. Je connais un peu vos mouvements et la qualité de vos
actions là-dessus.
Cependant, je dois vous dire que, en ce qui a trait au projet de loi 86,
pour le Québec francophone... C'est la seule concentration francophone
en Amérique du Nord, 6 000 000; il y a 300 000 000 d'anglophones autour.
Vous comprendrez avec moi que ça demande un minimum de balises pour les
protéger, et nous croyons que le projet de loi 86, et y compris sur
l'affichage, va largement au-delà de ce que recommandait le
comité des Nations unies où il disait: C'est vrai que l'individu
devrait pouvoir afficher sur sa pelouse que sa maison est à vendre, dans
la langue de son choix; ça nous apparaît
élémentaire. Mais de là à prétendre que
McDonald's a le même droit, Sears, La Baie, Zellers... Ce ne sont plus
des individus, ce sont des corporations, et est-ce que les corporations ont des
droits humains? Je pense que c'est comme ça que la question se pose. Et
pour nous, on dit: Non. On dit: Ça va beaucoup trop loin, et beaucoup
plus loin que ne l'exigeait le jugement.
En ce qui a trait à la langue de travail, vous vous dites
heureuses de voir que les dispositions sur la langue de travail n'aillent pas
plus loin... 11 faudrait que je le retrouve. Là encore, si, au
Québec... Vous dites: Ne pas étendre la nécessité
d'un certificat de francisation aux entreprises comportant moins de 50
employés, et vous vous en réjouissez. Quand on ne peut pas gagner
sa vie dans sa langue, elle n'a pas beaucoup d'avenir; la langue que vous
parlez après 17 heures là, elle n'a pas beaucoup d'avenir. Dans
ce sens-là, c'est ça que nous disent les Québécois
et les Québécoises francophones qui, pour trouver un emploi, de
plus en plus, doivent être bilingues, parce que le travail se fait
majoritairement en anglais.
J'aurais une question en ce qui a trait à l'admission aux
écoles anglaises pour tous les enfants dont l'anglais est la langue
maternelle. D'abord, je dois vous dire tout de suite: Vous n'avez pas à
rougir de cette proposition. Je dis qu'Alliance Québec a
recyclé... Vous irez voir dans les écrits de M. Ryan, alors qu'il
était au Devoir, c'était exactement la proposition qu'il
faisait. Il se scandalisait devant cette idée qu'on puisse interdire
à quelqu'un qui vient de l'Australie d'envoyer son enfant à
l'école anglaise. C'est à peu près ça. Sauf que je
pense que la raison et les pressions l'ont amené à penser qu'il
fallait maintenir les dispositions actuelles. (16 h 50)
Mais pour fins de mieux comprendre et de mieux cerner là-dessus
votre avis: Les enfants dont l'anglais est la langue maternelle, ce serait
quels pays? Ils viendraient de quels pays?
Mme Goodfellow: Mais ils viennent de plusieurs pays.
Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey. Mme Blackburn:
Non, c'est Mme Goodfellow.
Le Président (M. LeSage): Mme Goodfellow, allez-y.
Mme Goodfellow: Ils viennent de plusieurs pays,
évidemment. C'est la langue maternelle des personnes dont nous parlons
et ce n'est pas nécessairement lié à un pays ou à
un certain nombre de pays.
Nous avons remarqué que parmi les immigrants de notre
région... Je prendrais un instant pour vous répéter que
nous parlons seulement de la situation des Cantons-de-1'Est, de l'Estrie.
Mme Blackburn: Oui, d'accord.
Mme Goodfellow: C'est notre situation que nous vivons. Nous ne
recevons pas beaucoup d'immigrants de langue maternelle anglaise, qu'importe le
pays. Alors, chacun est accueilli les bras ouverts.
Nous avons parlé des écoles et de la qualité de
l'éducation. Ça dépend de l'inscription. Si l'inscription
reste après une chute de la moitié pendant les 20
dernières années, c'est dire qu'il n'y a pas de programmes qui
sont assez riches pour donner aux enfants des chances égales aux autres
personnes d'expression française. Alors, c'est toujours ce que nous
pensons dans nos propos.
Aussi, un réseau scolaire sain et dynamique donne l'occasion aux
personnes d'expression anglaise de trouver un emploi. Je cite l'exemple de Mme
Humphrey qui est récemment graduée de l'Université Bishop
dans le domaine de l'éducation. Elle doit trouver un emploi, et
j'espère qu'elle va réussir chez nous parce que nous avons besoin
de jeunes. Ce ne sont pas les personnes de mon âge qui vont produire des
enfants, ce sont les jeunes de son âge qui vont augmenter notre
population.
C'est une question très complexe quand nous parlons de
l'assistance dans nos écoles et l'augmentation de quelques immigrants.
Mais, pour retourner à votre question, c'est la langue maternelle,
qu'importe le pays.
Mme Blackburn: Ça veut dire que pour quelqu'un qui vient
du Pakistan, par exemple, est-ce que sa langue maternelle est
considérée comme étant l'anglais?
Mme Goodfellow: Si c'est sa langue maternelle, oui.
Mme Blackburn: Jamaïque? Vous comprendrez que ça
fait... Comme il n'y a pas beaucoup... Parce que cela a été
beaucoup évoqué mais... En même temps, je ne vois pas
comment ça va relancer ou ça viendrait régler les
problèmes des petites écoles anglaises sur le territoire du
Québec. L'immigration, dans ma région, il n'y en a pas; ni en
français, ni en anglais, il n'y en a pas. Il n'y en a pas non plus en
Gaspésie. Il y en a peu ou pas en Abitibi. Il y en a 90 % qui
s'installent dans Montréal et la grande région. Alors, moi, je
pense que l'avenir et le développement de vos écoles, c'est sur
d'autres facteurs. Vous avez raison, c'est que vos jeunes puissent rester au
Québec. Ce que je souhaite.
Mais ce qu'on nous a dit, lorsqu'on a consulté la
communauté anglophone, c'est que, pour qu'ils restent chez nous, faut-il
encore qu'ils aient un avenir, c'est-à-dire des emplois. Ce qui les
amène à l'extérieur, ce n'est pas la question
linguistique, nous le leur avons demandé. Ce qu'ils nous disent, ce sont
deux choses: II faut qu'on maîtrise mieux le français et
donnez-nous,des possibilités d'emploi, donnez-nous un avenir
professionnel. C'est ça qu'on nous a répété, et on
nous'l'a répété de façon très insistante et
constante. Le développement actuel du Québec, qui est en train de
se ratatiner, c'est évident, ne donne pas plus d'avenir à vos
enfants du côté des Anglo-Québécois que du
côté des Franco-Québécois qui, de plus en plus
aussi, s'expatrient.
Je pense que c'est de polariser des questions économiques autour
du débat linguistique alors que, finalement, dans les faits, de
façon concrète, réelle, pragmatique, ça n'a pas
beaucoup à voir. C'est
l'absence de programmes de relance de l'économie, c'est ça
un des principaux problèmes de l'exode, est-ce que vous ne croyez
pas?
Mme Goodfellow: C'est seulement un problème de relance
économique dont nous souffrons, actuellement. Mais aussi, il y a un
accès aux emplois dans les autres domaines, dont la fonction publique.
L'accès pour les personnes d'expression anglaise aux emplois dans la
fonction publique du Québec est toujours très limité.
Mme Blackburn: Vous avez tout à fait raison. Mais on a
constaté parce que j'ai examiné aussi la question
que ça faisait un peu partie de la culture. Il y a peu d'applications,
lorsqu'il y a des postes ouverts. Il faut vous dire qu'en plus ils n'en ouvrent
pas beaucoup, là, mais il y a peu d'applications qui viennent des
Anglo-Québécois parce qu'ils ont plus tendance à aller
dans le privé. Ça fait partie de la culture
anglo-québécoise.
Ensuite, il y a eu une espèce de désintérêt
de la part des établissements d'enseignement supérieur quant
à l'enseignement de l'administration, l'administration publique. On a
retrouvé un programme en administration publique. La première
fois, c'est à l'Université Concordia. Je ne pense pas que McGill
en ait encore, moi. Alors, ça a créé quand même une
tradition, puis une culture. Alors, ce n'est pas exclusivement par mauvaise
volonté.
Moi, je suis de celles qui pensent qu'il devrait y en avoir de
façon plus représentative. On aurait des bonnes chances de mieux
se comprendre les uns les autres, quand ils seront un peu plus nombreux dans la
fonction publique.
Mme Goodfellow: Mais je pense que la question est plus complexe
que cela. Je pense qu'on doit créer une atmosphère, au sein de la
fonction publique, qui attire les gens d'expression anglaise. Il faut
publiciser comment faire une demande d'emploi les gens ne savent pas
les autres personnes qui travaillent au sein de la fonction publique.
Alors, il faut continuer le programme que M. Johnson a lancé
récemment, d'informer par la voie des médias les gens
d'expression anglaise comment faire une demande d'emploi dans la fonction
publique.
Il faut aussi sensibiliser les gestionnaires de la fonction publique
à engager les personnes d'expression anglaise parce que, au sein de la
fonction publique du Québec, l'autorité pour engager quelqu'un
est très dispersée. Alors, ce n'est pas une question facile
à régler, mais je pense que c'est une responsabilité du
gouvernement de l'adresser à tous les niveaux.
Mme Blackburn: Vous avez...
Le Président (M. LeSage): Alors, Mme la
députée de Chicoutimi, une dernière question...
Mme Blackburn: Oui, une dernière question.
Le Président (M. LeSage): ...puisqu'il ne reste qu'une
minute à votre formation politique.
Mme Blackburn: Vous avez insisté à quelques
endroits dans votre mémoire sur l'importance de l'affichage, à la
fois pour des raisons économiques, vous dites des raisons d'exclusion de
la langue, mais aussi pour des questions de sécurité. Est-ce que
vous avez eu connaissance, vraiment, qu'il y ait eu des accidents parce que
quelqu'un, un Québécois, ne savait pas décrypter une
affiche française? Moi, je me dis toujours: Si j'étais
Anglo-Québécois, je serais absolument offensé. Ça
veut dire que ces gens-là ne peuvent pas aller nulle part, à
l'étranger, où on ne parle pas anglais, ce qui
m'étonnerait fort, parce qu'ils se déplacent certainement tout
autant que les francophones et ils vont dans des pays où ce n'est ni
l'anglais ni le français. Moi, je suis toujours étonnée
quand on m'avance cet argument-là.
Le Président (M. LeSage): Alors, brièvement, Mme
Goodfellow.
Mme Goodfellow: Ce n'est pas une question de compréhension
pour les Anglo-Québécois, mais il y a aussi les touristes qui
doivent être informés comment obéir aux règlements
au Québec. Alors, nous avons préparé un mémoire, il
y a quelques années, qui a adressé à plusieurs niveaux
cette question. Je pense que c'est important qu'il y ait un programme
d'éducation, non seulement des Anglo-Québécois, des
pictogrammes et des mots qui sont utilisés, mais aussi d'enseigner aux
touristes qui passent aux frontières d'entrée ici, au
Québec. Avec la vitesse sur les routes, c'est important que les gens
comprennent rapidement ce qui est nécessaire pour une conduite
sécuritaire.
Mme Blackburn: Mais vous savez qu'on n'a pas pu nous
démontrer qu'il y avait eu des accidents dus à ça.
Le Président (M. LeSage): La période de temps
étant maintenant terminée pour le Parti québécois,
je cède maintenant la parole au député de
D'Arcy-McGee.
M. le député de D'Arcy-McGee, vous disposez de 5 minutes.
(17 heures)
M. Libman: Merci, M. le Président.
I would like to welcome the Townshippers' Association here. It is a
pleasure to welcome you to our commission. And I think you have expressed very
eloquently this morning that, yes, Bill 86 is a step forward, but, at the same
time, it does not represent what the anglophone community really, really needs
to be able to go towards the next century as a vital component of Québec
society. I think you have highlighted very clearly a very painful and a very
difficult reality that exists in Québec, contrary to what the critic
from the Official
Opposition said.
The majority of the Anglophones who leave Québec of young
Anglophones are highly educated, they are bilingual, and they leave not
because of economic reasons, they leave because of this fatigue, because of
this sense of feeling like second-class citizens in their province, and they
are very uncomfortable about the direction in which Québec is going, and
because of these linguistic restrictions and perhaps some of the dispositions
of Bill 86, they will show a bit more optimism for the future, but, at the same
time, it does not go far enough in really creating a solid sense of optimism
for the future.
You spoke of the difficult decline in our schools. And this is perhaps,
for the anglophone community, the most frustrating aspect surrounding the
debate over Bill 86. To a large degree, this question is being buried in the
intensity surrounding the question of signs when it is really the access to
education issue that is at the heart of our community's future here.
Now, also, you speak of allowing mother tongue English to have access to
English schools. You made reference to the Chambers Report, which should allow
immigrants from English-speaking countries... Now, the Minister... And this is
again what is the most frustrating thing. These are recommendations made by the
anglophone community that would have a most négligeable impact on the
French school system. These numbers represent maybe a 1 % drop in enrolment in
French schools while, at the same time, this injection into our school system
can be the very difference between some of our schools remaining open and
closing. And although the Minister speaks of tabling statistics or the fact
that there has been a bit of a leveling off lately, in any major demographic
decline, eventually, it will level out. But if the level falls below the
critical mass necessary to keep some of our schools open, that's it, we're
finished. These schools will never open again once we are below the necessary
threshold for these schools to remain open. And that, to me, is the most
frustrating element of this whole debate, that a measure being recommended by
the anglophone community will affect in a very négligeable way the
French majority school system. a question i would like to ask you refers more
to the bilingual status that you spoke of. you said that bilingual statuses
granted in municipalities continue as long as the english-speaking population
does not drop below 20 % for two consecutive census studies. so, what you are
saying is that if it drops to that percentage, a municipality or an institution
should not lose its bilingual status. but would you not agree that, presently,
as the law is written, a municipality or an institution must be 50 % more to be
able to have this bilingual status in the first place? therefore, the minority
has to be a majority in certain institutions or municipalities. would you feel
that the minister should look at the possibility of lowering this important
threshold the 50 % specifically coming from a rural area of the
province where institutions are less likely to be in the majority of the
minority language group? would you favor an examination by the minister of
lowering that 50 % for certain institutions and certain municipalities so at
least some municipalities and institutions that do have a significant minority
population of 20 %, 25 % would be able to enjoy bilingual status
recognized by the government? do you think that threshold should be
lowered?
Le Président (M. LeSage): Alors, Mme Goodfel-low, vous
avez environ une minute pour répondre à cette question.
Mme Goodfellow: We are satisfied with the situation as it is now
because, in our very small communities, people are very accustomed to operating
in a friendly manner. I suspect that in the communities where there is a 20 %
population they do in fact receive services in their own language.
We I should point it out mentioned the 20 % factor. We are
very respectful of the wisdom of people who live together and work together at
the local level. They manage to get along, and this is why we would prefer that
government regulations not become too complex in this regard. As long as the
option is given on an informal basis of service in the minority language, we
think it works pretty well.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, mesdames
représentantes de la Townshippers' Association, pour votre participation
aux travaux de cette commission.
Je suspends maintenant les travaux pour quelques instants, alors que
nous entendrons par la suite le Mouvement national des
Québécois.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 7)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Nous entendrons maintenant le
Mouvement national des Québécois. J'invite donc le porte-parole
à bien vouloir s'identifier et identifier les personnes qui
l'accompagnent.
Mouvement national des Québécois (MNQ)
.
M. Simard (Sylvain): Merci, M. le Président et
député de Hull.
Sylvain Simard, président du Mouvement national des
Québécoises et des Québécois. J'ai, à ma
gauche, la première vice-présidente du mouvement, Mme Louise
Laurin; à l'extrême-droite, ici, le vice-président, le
second vice-président, M. Nicolas Girard; M. André Valois, le
trésorier du Mouvement, à ma gauche; et
Mme Danielle Gagné, directrice générale du
Mouvement, à ma droite.
Avant de prendre la parole, M. le Président, j'aimerais, pendant
un instant, laisser quelques mots...
Le Président (M. LeSage): J'aimerais vous indiquer... ,
M. Simard: Oui.
Le Président (M. LeSage): ...M. Simard, que vous disposez
d'une période d'environ 20 minutes pour faire votre présentation,
alors que le côté ministériel aura également 20
minutes pour vous interroger; le côté de l'Opposition aura 15
minutes, et le député indépendant de D'Arcy-McGee aura 5
minutes.
Alors, la parole est à vous.
M. Simard: Merci, M. le Président.
Alors, je vais demander à M. Nicolas Girard, qui est
vice-président, comme je viens de dire, mais qui est aussi
président du Rassemblement des jeunes souverainistes, de vous adresser
deux mots avant que je prenne la parole.
Le Président (M. LeSage): M. Valois.
M. Girard (Nicolas): M. le Président, il me fait plaisir,
au nom des organismes de jeunes qui ont participé à la Commission
jeunesse sur le projet de loi 86 qui s'est tenue aujourd'hui, de vous remettre
les mémoires qui y furent déposés.
Le gouvernement nous ayant refusé le droit de participer à
la présente commission parlementaire, j'ose espérer que ses
membres prendront connaissance des documents que je vous remets cet
après-midi.
Merci.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Girard. J'ai
fait un lapsus et j'ai mélangé les noms. M. Simard.
Mme Blackburn: M. le Président, permettez que...
M. Simard: Le...
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi,' vous avez une...
Mme Blackburn: M. Girard vient de déposer une douzaine ou
15 mémoires qui ont été déposés à la
commission parallèle qui a été tenue par le Conseil
permanent de la jeunesse, aujourd'hui. Alors, je pense que ce qu'il souhaite,
c'est ce que nous souhaiterions, c'est que ces mémoires soient
distribués à tous les membres de la commission,
évidemment, ceux qui sont membres d'office de la commission et
également ceux qui ont remplacé les membres.
Le Président (M. LeSage): Alors, je présume, M.
Girard, que vous allez transmettre copie de votre mémoire à
chacun des membres de cette commission. Merci.
M. Simard. (17 h 10)
Mme Blackburn: II s'agit...
M. Simard: M. le Président, tout d'abord...
Mme Blackburn: Pardon. Il ne s'agit pas seulement d'un
mémoire, mais c'est des 15 mémoires qui ont été
déposés aujourd'hui, avec votre permission.
Le Président (M. LeSage): Ces documents seront transmis,
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Simard:
M. le Président...
Le Président (M. LeSage): M. Simard, la parole est
à vous.
M. Simard: M. le Président, d'abord, un mot pour
espérer que le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française nous rejoigne le plus tôt possible;
j'espère qu'il n'est pas loin. Nous sommes venus de loin. Le
voilà.
Le titre de notre mémoire, je pense, indique déjà
certaines lignes de fond: «Le projet de loi 86: Ouverture d'esprit ou
aveuglement historique?»
En plein déclin démographique, la loi 101 ne saurait
être modifiée substantiellement sans égard à
l'évolution de la population du Québec et à la
capacité d'intégrer de la langue française. Il en va de
l'avenir du français en Amérique du Nord, il en va de
l'équilibre linguistique du peuple québécois, il en va de
la nation québécoise.
Vous avez reçu... les membres de la commission ont reçu un
mémoire qui vous a été distribué.
Évidemment, c'est une version réduite dont je vous ferai part
maintenant, puisqu'il ne s'agit pas d'aller dans le détail de toutes les
démonstrations des tableaux et des études qui y sont
présentés.
L'histoire du Mouvement national des Québécoises et des
Québécois montre à l'envie qu'il a su mobiliser les
Québécoises et Québécois, à chaque
époque, autour des enjeux principaux pour le Québec. Depuis 1990,
notre Mouvement a concentré son travail et ses études sur l'enjeu
majeur que constitue pour notre peuple l'évolution de sa population.
C'est cette question qu'il soumettait, d'ailleurs, à l'attention des
commissaires de la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Et nous en arrivions alors à la conclusion suivante:
alors même que le Québec n'est jamais apparu aussi capable de
maîtriser sa destinée, alors que la perspective d'un État
souverain semble prochaine, qu'une génération nouvelle
d'entrepreneurs
québécois peut avoir toutes les audaces, que les
productions culturelles québécoises font carrière
internationale, voilà que tous les signes apparaissent d'un rapide
déclin démographique aux conséquences désastreuses.
Si rien n'est fait pour l'enrayer, plusieurs effets ne tarderont pas à
se manifester, à commencer par l'accélération de la
diminution du poids relatif du Québec dans le Canada et dans
l'Amérique du Nord. À l'intérieur du Québec
même, le vieillissement de la population entraîne à son tour
une kyrielle d'effets économiques et sociaux déstructurants pour
une petite société: régions qui périclitent, masse
critique francophone insuffisante à Montréal pour assurer
l'intégration des immigrants, lourd fardeau fiscal et social pour la
population active.
Aujourd'hui, fort de cette étude, le Mouvement national des
Québécoises et Québécois presse vivement le
gouvernement de ne pas procéder au démantèlement de ce qui
reste de la loi 101. Non seulement rien ne justifie d'affaiblir encore la
Charte de la langue française, qui a été charcutée
déjà par les tribunaux, mais la langue française, qui fait
face à de nouveaux problèmes, exige des mesures nouvelles.
En effet, une mise à jour des résultats des études
produites depuis le moment de la rédaction du mémoire indique
que, malgré quelques signes encourageants que nous saluons, la situation
démo-linguistique globale du Québec s'est
détériorée. C'est évidemment à
Montréal que c'est le plus visible. Ainsi que le titrait Le Devoir
du mardi 22 décembre 1992: «La loi 101 ne suffit plus à
protéger le français à Montréal».
Les politiques qui se proposent d'agir sur la natalité, comme sur
l'intégration linguistique et culturelle, ne manifestent leur plein
effet que longtemps après leur adoption. C'est vrai partout, mais
davantage au Québec. Au coeur du continent nord-américain, alors
que la mondialisation de l'économie confère à l'anglais un
quasi-statut de «lingua franca», le renversement de la tendance
à l'anglicisation des immigrants et de leurs descendants ne peut
être plus rapide, et ce, malgré l'apprentissage forcé de la
langue française à l'école. Or, la chute de la
natalité des francophones de la Révolution tranquille s'ajoute
à leur exode de Montréal pour constituer dans l'île un vrai
problème d'accueil et d'intégration des immigrants. C'est
à Montréal, ne n'oublions pas, que se joue l'avenir du peuple
québécois. Un gouvernement québécois digne de ce
nom ne peut donc vider la loi 101 de sa substance sans assurance quant au sort
de la langue française dans 20 ans, dans 40 ans.
Gouverner, c'est prévoir. Et le Québec est le seul foyer
de la langue française en Amérique du Nord. La nation
québécoise n'a pas à se défendre de devoir exister,
elle a plutôt la responsabilité de défendre son existence.
Un gouvernement québécois responsable ne peut capituler face aux
pressions de la minorité anglophone, alors que c'est du
côté de l'intégration des allophones que l'avenir du
Québec se joue.
Dans un premier temps, notre mémoire rappelle à quel point
le déclin de la population est un problème vital pour le
Québec.
Dans un deuxième temps, nous y voyons que tous les
scénarios de halte au déclin passent à la fois par des
incitations à la hausse de la natalité et par l'immigration,
celle-ci devant être d'autant plus importante que celle-là tarde
à se manifester.
Dans un troisième temps, nous analysons les résultats des
études disponibles sur la francisation des immigrants et de leurs
descendants, études qui mettent en évidence la faible
capacité d'intégration du français à
Montréal.
Finalement, nous montrons qu'aucune des pressions qui s'exercent ne
justifie de modifier en profondeur ce qui reste de la loi 101, au contraire.
C'est au renforcement de la situation relative du français que le
gouvernement devrait nous convier à travailler.
En matière de langue comme de démographie, l'action doit
être soutenue et cohérente pour avoir un effet. Le projet de loi
86 va, selon nous, saboter le début d'une tendance encourageante qui se
profilait à l'horizon. Le projet de loi 86 n'est pas un amendement
à la Charte de la langue français, il en change la substance, il
transforme la dynamique créée par la loi 101. La langue
française n'est plus la langue officielle, elle est sous réserve.
Le français n'est plus la règle, le bilinguisme est la
règle, et le français, l'une des possibilités. Le projet
de loi 86 ignore ou feint d'ignorer les difficultés auxquelles se bute
la langue française au Canada et en Amérique du Nord. Il ne tient
pas compte du fait politique incontournable qu'est la nation
québécoise, comme s'il voulait l'effacer. Il se lave les mains de
l'avenir, nous condamnant à la survivance, à moins qu'il ne
compte sur le prochain gouvernement pour remettre les horloges à
l'heure, non sans avoir causé au Québec, qui n'en a pas besoin,
des tensions nuisibles.
Notre forte natalité et notre concentration sur le territoire du
Québec nous avaient toujours protégés. Nous étions
dominés; aujourd'hui, nous sommes menacés. Quelles sont les
principales faiblesses du projet de loi 86?
Premièrement, en modifiant, conformément au jugement de la
Cour suprême, le contenu de la loi concernant la langue de la
législation et de la justice et en insérant la clause Canada, le
gouvernement donne officiellement un droit de regard aux institutions
fédérales sur la détermination de nos politiques
linguistiques.
Deuxièmement, en permettant à l'administration de
communiquer avec les autres gouvernements et avec, les personnes morales et
même d'afficher dans une autre langue que le français, le projet
de loi établit officiellenient le caractère de l'administration
publique québécoise. ,
Troisièmement, en autorisant la rédaction en anglais des
sentences arbitrales, le gouvernement donne un signal clair sur l'utilisation
des deux langues et introduit la confusion. Ni la Cour suprême ni le
Conseil du patronat n'en demandaient pourtant autant. (17 h 20)
Quatrièmement, au moment où tous constatent la
nécessité de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires
à l'amélioration de . la qualité du français,
le
gouvernement autorise la «bilinguisation» des écoles
par l'introduction de l'enseignement de l'anglais par immersion
complète.
Cinquièmement, toute une série de mesures ouvrent
davantage le champ des exceptions et vont permettre, avec l'autorisation du
ministre, de contourner l'exigence de scolarisation en français aux
enfants d'immigrants. , Sixièmement, en autorisant le ministre à
s'accaparer du domaine réglementaire jusque-là dévolu
à l'Office de la langue française, le projet de loi ouvre la voie
à la politisation et au favoritisme. Il fera beau voir la
communauté anglophone, actuellement silencieuse sur ce recul
démocratique, jeter les hauts cris lors de la première
décision réglementaire d'un ministre péquiste.
Septièmement, en acceptant le bilinguisme dans l'affichage sur
l'ensemble du territoire québécois pour les petites entreprises
à propriété individuelle comme pour les corporations
québécoises, canadiennes ou multinationales, le gouvernement abat
l'un des pans majeurs de la Charte de la langue française. Plutôt
que de chercher à corriger un irritant où il se trouve, sur la
base unique des droits individuels, le gouvernement subordonne
l'autorité de l'Assemblée nationale en matière
linguistique et culturelle au diktat de la Cour suprême du Canada. Cette
«bilinguisation» du paysage visuel non seulement fera
disparaître une part importante de l'industrie québécoise
de la publicité, mais, surtout, indiquera chaque jour aux immigrants,
surtout à Montréal, le caractère bilingue du pays
où on leur demande de s'intégrer.
Dans l'Outaouais québécois, où, malgré la
loi actuelle, une part importante de l'affichage est bilingue quand il
n'est pas unilingue anglais cette rupture de digue entraînera le
retour à la situation qui prévalait il y a quelques
années. Minoritaires dans l'ensemble de la région de la capitale,
les francophones se retrouveront au même point que les francophones de
l'autre rive, bafoués quotidiennement dans leur identité
linguistique.
On se demande bien, d'ailleurs, pourquoi le gouvernement libéral
a voté la loi 178, si c'était pour s'écraser de
façon aussi honteuse devant la Cour suprême et renoncer à
jouer son rôle de défenseur des droits des francophones. D'autant
plus que ce gouvernement est le seul en Amérique à être
contrôlé par les francophones.
Huitièmement, en refusant de faire connaître les
règlements d'accompagnement, le ministre pose un geste
antidémocratique et interdit à l'Assemblée nationale et
à cette commission de juger, en connaissance de cause, de l'ensemble des
implications du projet de loi 86. À notre avis, le gouvernement rate une
nouvelle fois l'occasion de régler, de façon permanente, la
question linguistique et sème tous les germes de futurs affrontements
dont il devra porter la responsabilité.
Tout comme les promesses électorales de 1985 sur les changements
à la loi 101 avaient amené la prolifération, dans le
centre de Montréal, de l'affichage unilingue anglais et semé,
dans la communauté anglophone, de faux espoirs, le projet de loi 86 veut
laisser croire que la majorité abandonne le projet de faire du
français la langue commune au Québec. Le réveil risque
d'être douloureux pour ceux qui, encouragés par les propos et
l'attitude du ministre, en sont déjà à exiger le libre
choix de la langue d'enseignement et l'instauration, en matière
linguistique, de la loi du marché.
Par ailleurs, nous voudrions souligner à la commission et aux
ministres l'appui constant que le mouvement nationaliste
québécois a donné, ces dernières années,
à la politique d'immigration du gouvernement du Québec. Tout en
faisant certaines mises en garde, dont la ministre Gagnon-Tremblay a tenu
compte, les mémoires du MNQ et de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal ont toujours apporté leur appui
aux efforts du gouvernement. Nous avons d'ailleurs reçu un
témoignage éloquent de la ministre pour notre effort visant
à la participation des communautés culturelles dans les
célébrations de la fête nationale du Québec, dont le
MNQ assure la coordination.
En connaissez-vous beaucoup, à travers le monde, des mouvements
nationalistes aussi ouverts que le nôtre? Les nombreuses rencontres que
nous avons régulièrement avec les représentants de toutes
les communautés démontrent clairement que, pour nous, sont
québécois et doivent participer à la construction de notre
pays tous ceux et celles qui habitent le Québec ou qui viendront se
joindre à nous. Mais cette attitude d'ouverture n'est possible que parce
que la loi 101 et la politique d'immigration du gouvernement visent clairement
à l'intégration des nouveaux arrivants à la
communauté québécoise, dont la langue commune est le
français. Si le ministre Ryan devait confirmer ce que ses propos des
dernières semaines laissent entendre et ce que le projet de loi 86 tente
d'établir, à savoir l'abandon de l'objectif de faire du
français la langue commune, nous devrons remettre en question notre
politique. Les peuples, comme les individus, ont le droit et même le
devoir d'assurer leur pérennité.
Par ailleurs, nous considérons que les Québécois et
Québécoises doivent être les seuls à décider
de leur politique en matière de langue et de culture. La Cour
suprême du Canada n'est pas habilitée à décider
à la place de l'Assemblée nationale. Ainsi que l'a
déclaré à plusieurs reprises le premier ministre, M.
Bourassa, lors du débat constitutionnel: La clause
«nonobstant», c'est la meilleure garantie linguistique dans un
régime fédéral.
Aussi, nous étonnons-nous du psychodrame que le gouvernement fait
vivre à la population québécoise à propos de
l'éventuel renouvellement du recours à cette clause. Le ministre
chargé de l'application de la Charte de la langue française avait
beaucoup moins de scrupules, à l'époque où il était
ministre de l'Éducation, à évoquer cette clause
«nonobstant».
Ainsi que nous l'avons démontré, la situation du
français est encore éminemment fragile au Québec. Certes,
la loi 101, que le ministre a toujours combattue, a permis des progrès
indéniables, mais ceux-ci n'ont fait que compenser les effets
catastrophiques de notre
affaissement démographique. À Montréal et dans
l'Outaouais, tout au moins, la situation du français est tout aussi
préoccupante qu'elle pouvait l'être lors de l'adoption de la loi
101, en 1977. Le moment n'est pas plus à s'abandonner à une
ridicule euphorie qu'à un catastro-phisme inutile.
Les changements annoncés à la loi risquent d'avoir des
effets considérables sur l'avenir de notre peuple. En voulant donner des
gages à une minorité considérée comme une
clientèle électorale captive, le gouvernement libéral
s'apprête à rompre le délicat équilibre linguistique
en faveur de l'anglais et relancer, pour des années, la querelle que
nous avions crue terminée.
Je vous le dis, et non sans regret, si la loi 86 devait être
votée sous sa forme actuelle, nous devrons consacrer le plus clair de
nos efforts, à Montréal comme dans toutes les régions du
Québec, à mettre en évidence les effets de la loi sur la
francisation du Québec et en exiger le rappel. Les défis
économiques et sociaux du Québec mériteraient, selon nous,
que l'on y consacre tous nos efforts plutôt que la relance du
débat linguistique. Ceux qui, cédant aux pressions
d'extrémistes, l'ont relancé devront en porter le poids
politique.
Il devient de plus en plus clair, à la lecture attentive du
projet de loi 86, à la suite des propos du ministre à cette
commission, qu'il s'agit d'un virage politique majeur à 180
degrés de l'État québécois. L'objectif central de
la loi 101, faire du français la langue commune au Québec, est
mis de côté et remplacé par un nouvel objectif: faire du
Québec une société bilingue. Jamais dans notre histoire la
volonté de «bilinguiser» le Québec n'avait
été exprimée aussi clairement. Les propos du ministre
à rencontre de l'intégration, qui constituait jusqu'à
maintenant la politique de son parti, celle de son chef depuis la loi 22 ainsi
que la politique officielle du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, la volonté qu'il a manifestée,
lors du dépôt du mémoire de l'Union des artistes,
d'orienter la législation linguistique vers l'aide au bilinguisme
individuel et la mise en place de bilinguisme collectif, tout cela explique
sans doute pourquoi le ministre a choisi de rendre l'affichage commercial
bilingue sur l'ensemble du territoire du Québec et de s'attaquer, sur
plusieurs points essentiels, au contenu, à l'esprit et aux moyens
d'application de la loi 101.
Aussi, vous l'aurez compris, le MNQ s'oppose fermement à
l'adoption de la loi 86. C'est, selon nous, aux moyens de renforcer la langue
française que le gouvernement devrait nous convier, non pas à son
affaiblissement.
Merci.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Simard.
M. le ministre, pour une période de 20 minutes. (17 h 30)
M. Ryan: Alors, M. le Président, j'ai écouté
avec intérêt le résumé dont M. Simard nous a
donné lecture. Évidemment, dans l'exposé que nous avons
entendu, les arguments invoqués nous sont maintenant familiers. Nous les
avons entendus à maintes reprises depuis le début des auditions
publiques de la commission parlementaire. Mais je les aborderai quand
même un peu dans l'ordre où ils nous ont été soumis
parce que je pense qu'on doit à votre organisme la même chance de
discussion que nous avons essayé de donner à tous les autres qui
sont venus devant la commission.
Lorsque vous affirmez, M. Simard, que le projet de loi 86 s'attaque
à la substance même de la loi 101, qu'il en altère
l'essence, je suis en profond désaccord avec vous. Et j'entendais, ce
matin, le témoignage de la Chambre de commerce de Montréal, qu'on
ne peut pas soupçonner d'antipatriotisme ou d'«apatridisme»
quelconque, nous dire dans son mémoire les paroles suivantes:
«[...] l'analyse du contenu du projet de loi 86 mène à la
constatation que les grandes orientations de la Charte ne sont en aucune
façon modifiées. «Le français, langue officielle;
les droits linguistiques fondamentaux; la langue de l'administration et des
organismes parapublics; la langue du travail; la langue du commerce et des
affaires; la langue d'enseignement: autant de chapitres de la Charte dont les
principes de base restent inchangés.» Alors, je termine ici la
citation.
C'est la conception que nous avons du projet de loi 86. C'est l'esprit
dans lequel nous l'avons rédigé. Et je pense que la
démonstration de ce que vous affirmez n'a pas été faite
jusqu'à maintenant. Elle ne l'a pas été davantage dans les
arguments que vous avez invoqués.
Quand vous parlez de la langue de la législation et de la
justice, nous ajustons la législation québécoise de
manière qu'elle tienne compte des décisions rendues par la Cour
suprême du Canada. Il n'y a rien d'irrégulier là-dedans:
c'est la loi du pays dont nous faisons encore partie. Nous nous ajustons
à la loi du pays. De toute manière, nous sommes obligés de
le faire dans nos actes administratifs courants. Alors, nous
préférons être vrais. Ça n'empêche pas qu'on
combatte ce régime-là, qu'on essaie de le modifier. Très
bien. Mais, aussi longtemps que nous vivons sous ce régime, nous
préférons, nous, la vérité dans les textes
législatifs à l'espèce d'enveloppement dans lequel on la
gardait sous les textes que nous avons actuellement.
Alors, là-dessus, il n'y a aucun changement de substance. Nous
gardons les mêmes opinions par rapport à ce qui a
été fait en 1982. Et, en aucune manière, en inscrivant
dans notre loi des dispositions qui résultent de décisions de la
Cour suprême et dont nous acceptons, pour l'essentiel, les
conséquences... L'article 133, rtous l'avons toujours accepté au
Québec; moi, il ne me crée pas de problèmes de sommeil. Je
pense que c'est un article qui est juste en soi. Et on nous a rappelé
qu'il fallait l'appliquer sous le gouvernement précédent. Et le
gouvernement précédent s'était empressé, dans les
24 heures qui suivirent le jugement et nous l'en
félicitâmes à l'époque de redresser sa
législation de manière qu'elle soit conforme. Il y avait encore
des points qui ne l'étaient pas, nous les corrigeons.
Vous dites: la langue de l'administration... Ça
reste le français, exclusivement, sauf quelques cas
exceptionnels, qui pourront être déterminés par
règlement. Et je remercie le ciel qu'on se donne un peu de latitude en
cette matière. Franchement, le rigorisme excessif que vous
préconisez ne convient pas au Parti libéral du Québec ni
à l'ensemble de la société québécoise, je
vous le dis en toute franchise.
La langue de l'arbitrage. Vous soulevez un point intéressant.
Nous laissions tomber l'article 44 de la loi 101 par souci de cohérence
avec les changements que nous apportons aux dispositions traitant de la langue
de la justice et de la législation. On nous a fait valoir le danger
d'ambiguïté qui existait ici. Et j'ai indiqué
déjà que nous prévoyons des amendements qui permettront de
maintenir cet article sous une forme modifiée, de manière
à l'ajuster à ce que nous faisons pour le domaine de la justice
et de la législation. «Bilinguisation» des écoles:
non, monsieur. Non. Ce n'est pas du tout ça qui est visé par le
projet de loi. Ce n'est pas du tout l'intention qu'on doit lire dans l'article
22, qui modifie l'article 72 de la Charte. Certains peuvent souhaiter qu'on
interdise, qu'on continue d'interdire par législation une certaine
liberté d'apprentissage pédagogique: c'est absolument contraire
à l'esprit du Parti libéral du Québec. Nous croyons qu'il
faut faire davantage confiance aux responsables du système
d'éducation, à commencer par le ministère de
l'Éducation, les commissions scolaires, les enseignants, qui doivent
faire leur travail dans les classes. Nous pensons qu'ils sont parfaitement
capables de jouir... d'exercer de manière responsable une latitude plus
grande que celle que permettait l'article 72 actuel de la loi 101. Et conclure
de ça que nous allons vers des écoles bilingues, je pense que
c'est vraiment, vraiment tenter en vain, je le souhaite de
susciter des peurs qui ne sont pas justifiées par les textes que nous
avons devant nous.
Au sujet du domaine réglementaire, nous faisons ce qui est
normal: nous remettons entre les mains du gouvernement le pouvoir
réglementaire qu'il a toujours exercé jusqu'à maintenant,
parce que c'est lui qui donnait l'approbation à tous les
règlements il y en a une vingtaine édictés
jusqu'à ce jour et nous verrons, dans des modifications, à
assurer que les organismes chargés d'assister le gouvernement dans
l'application de la loi aient leur mot à dire à cet
égard.
Quant aux règlements, le refus là, vous pouvez
prendre un gros mot si vous voulez, ça ne nous impressionne pas outre
mesure il n'y a pas de refus de faire connaître les
règlements. Connaissez-vous, vous, un projet de loi qu'on dépose
ici, puis dont on fait connaître les règlements avant que le
projet de loi ne soit accepté? C'est contraire à la logique
même de l'institution parlementaire. Pour édicter des
règlements, il faut d'abord qu'on ait adopté un projet de loi.
Puis j'ai indiqué ici que, par souci de bonne information des
parlementaires, je compte faire connaître, au moment où nous
aborderons l'étude en commission, l'étude détaillée
du projet de loi, l'essentiel des projets de règlements que nous avons
déjà pratiquement complétés, puis on verra, quand
on prendra connaissance de ces projets, qu'ils ne contiennent pas beaucoup
d'innovations par rapport à tout ce qui nous a déjà
été proposé au cours des dernières années,
en particulier par l'Office de la langue française. On s'est rendu
compte, à l'application, que la rigidité que vous proposez de
maintenir, elle n'est pas justifiée et crée même des
problèmes très sérieux auxquels il faut trouver des
remèdes, et c'est le moyen que nous avons trouvé, là, une
certaine souplesse d'intervention au chapitre de la réglementation,
laquelle sera toujours soumise, d'ailleurs, au processus du tamisage de la
discussion publique en vertu de la loi québécoise sur les
règlements. Alors, voilà l'essentiel.
Pour l'affichage, vous avez dit que ça posait certains
problèmes, il y avait peut-être lieu de faire disparaître
certains irritants. Pourriez-vous me dire ce que vous entendiez par là?
Est-ce que ça posait un problème, oui ou non, au point de vue de
la liberté d'expression, à la lumière des avis émis
sur ce sujet par tous les tribunaux du Canada, y compris deux tribunaux
québécois, et par le Comité des droits de l'homme de
l'Organisation des Nations unies?
Le Président (M. LeSage): M. Simard.
M. Simard: Merci, M. le ministre.
Évidemment, vous comprendrez que votre interprétation
n'est pas la nôtre et qu'il s'agit pour nous, effectivement et je
vais essayer de le démontrer d'une attaque frontale contre la
substance, c'est-à-dire ce qui inspire ou ce qui inspirait
jusqu'à maintenant l'esprit et la pratique de la Charte de la langue
française.
D'abord, lorsque vous parlez de l'intégration dans le texte des
jugements à partir de 133 de la Cour suprême du
Canada, vous ne changerez rien à la pratique, mais vous savez
très bien et ce n'est pas pour rien que vous le faites
qu'il s'agit là d'une acceptation de ce que, jusqu'à maintenant,
le gouvernement s'était refusé à faire, une acceptation de
la légitimité de l'intervention de jugements et d'institutions
fédérales dans le domaine de la langue et de la culture au
Québec, ce qui est hautement contestable, de ce côté-ci de
la table, en tout cas. Je peux vous dire que ce n'est pas un aspect purement
symbolique dans la perspective du Québec comme étant un peuple,
une nation. De laisser à d'autres instances que celle émanant
directement de la légitimité populaire le soin de dicter des
changements profonds à la question linguistique et culturelle nous
semble tout à fait inacceptable. Et vous entérinez, par
l'intégration de ces articles dans la Charte de la langue
française, cet abus de pouvoir, en tout cas, cette tradition qu'il y a
longtemps chez nous, d'accepter, même dans l'inacceptable, l'intervention
d'institutions fédérales. (17 h 40)
Maintenant, pour ce qui est de la «bilinguisation» des
écoles, il y aurait beaucoup à dire. Vous citiez, tout à
l'heure, la Chambre de commerce de Montréal, vous
avez peut-être eu l'occasion ou, en tout cas, vos assistants ont
peut-être eu l'occasion de lire et même d'entendre à la
télévision ou à la radio la conférence de presse
donnée par des gens qui ne sont pas invités c'est curieux
comme il y a beaucoup de gens qui ne sont pas invités, d'ailleurs, ici
^ les gens de la CECM, à Montréal: personnel de soutien,
instituteurs, conseillers pédagogiques, directions d'écoles,
cadres scolaires, enfin, tous ceux qui ont à affronter quotidiennement,
parfois dans des situations, dans des conditions très difficiles, ce que
nous, la société québécoise, leur confions,
c'est-à-dire, le soin d'enseigner le français dans des
écoles où, souvent où, trop souvent les
francophones possédant, maîtrisant déjà le
français sont une minorité, et doivent donc se battre
quotidiennement pour faire de ces nouveaux arrivants des francophones. Donc, je
pense que vous auriez été... Il me semble qu'il serait important
que vous soyez attentifs à ces voix des milieux scolaires qui voient un
énorme danger dans les modifications que vous proposez au régime
pédagogique. De toute façon, je demanderai, dans quelques
instants, à Mme Louise Laurin, qui est aussi commissaire à la
Commission des écoles catholiques de Montréal, d'intervenir
à ce sujet.
Pour ce qui est de la réglementation, du pouvoir
réglementaire, je pense que vous êtes trop sérieux pour
croire vraiment ce que vous dites lorsque vous dites que ça ne changera
rien: si ça ne changeait rien, vous ne l'auriez pas fait. C'est donc que
vous savez très bien, vous êtes parfaitement conscients que cela
permet de rapprocher de vous enfin, ou du pouvoir exécutif
la réglementation, dans un domaine extrêmement sensible,
extrêmement délicat, où le législateur qui a
adopté la loi 101 avait voulu maintenir un minimum de distance, qui,
d'ailleurs je vous renvoie à la tradition britannique qui
n'est pas sans précédent et qui n'est pas sans
intérêt, d'ailleurs. Contrairement à la centralisation
excessive que l'on retrouve dans d'autres régimes parlementaires, il
n'est pas aberrant de considérer qu'il est utile d'avoir des gens
éloignés du pouvoir politique immédiat, qui ont le pouvoir
d'initiative en matière réglementaire, tout en laissant,
évidemment, le pouvoir final aux élus du peuple, ce qui, dans
toute démocratie, est l'instance suprême. Donc, là-dessus,
si vous pensez que ça ne change rien, retirez-le donc du projet et nous
en serons satisfaits non pas du projet, mais de cet
article-là.
Lorsque vous dites: Les règlements n'ont pas à être
connus, ce n'est pas la pratique de publier, au moment de la
législation, l'ensemble des règlements qui en découlent,
c'est oublier le caractère nécessairement exceptionnel,
très délicat, très sensible de cette question
linguistique, au Québec. Les règlements, c'est, dans le fond, la
nature même de la loi. Vous avez beau faire la loi la plus
généreuse, si les règlements sont mesquins, vous avez beau
faire la loi la plus mesquine, si les règlements sont
généreux, vous en changez l'esprit. Il aurait été
normal... Et nous ne sommes pas les seuls vous allez vous le faire dire
dans quelques heures, même par le Conseil du patronat à
croire qu'adopter des lois sans en connaître l'esprit du fonctionnement,
dans un domaine aussi important et capital pour l'avenir des
Québécois, c'est légèrement irresponsable. M. le
ministre, vous ne pouvez, là-dessus, balayer la question en disant que
les règlements, habituellement, ne sont pas publiés en même
temps, ne sont pas dévoilés en même temps que la
législation. Dans ce domaine, ça m'apparaît faire preuve
d'un peu d'hypocrisie, si je peux utiliser l'expression.
Pour ce qui est de votre question précise sur l'affichage, sur la
question d'irritant, je vous renvoie exactement au texte que je viens de vous
donner là-dessus. Lorsque je dis que plutôt que de chercher
à corriger un irritant où il se trouve et sur la base unique des
droits individuels, le gouvernement subordonne l'autorité de
l'Assemblée nationale, etc., qu'il y ait irritant, qu'il y ait une
situation où... Et il ne faut pas non plus en faire une question
nationale.
Vous savez, lorsque vous ou d'autres ministres ou le premier ministre
parlent de la réputation du Québec à l'étranger, de
l'état absolument désastreux des relations, à
l'intérieur du Québec, sur la question linguistique, je peux vous
dire parce que je voyage pas mal à l'étranger pour des
raisons professionnelles que ça ne cause pas d'émeutes
dans les autobus, à Istanbul. Il y a d'autres sujets qui
préoccupent l'humanité, beaucoup plus importants que ceux de la
question des droits soi-disant individuels, soi-disant brimés par la loi
178 loi que vous avez, d'ailleurs, adoptée. Qu'il y ait,
cependant, des aspects inutilement vexatoires dans cette loi 178 que
vous avez contribué à rédiger, sans doute nous n'en
sommes pas responsables. Nous souhaiterions également que l'on analyse,
à leur valeur, un certain nombre de propositions. Vous en avez eu
je vois M. Laporte, à ma gauche du Conseil de la langue
française; vous en avez eu, ici, du maire de Montréal; il y en a
d'autres qui sont en circulation. Un débat sur cette base aurait pu
être envisagé, et nous ne sommes ni sectaires, ni
extrémistes, ni radicaux, contrairement à l'image que vous voulez
projeter.
D'ailleurs, sur cette question, je me permets de vous dire que nous
aurions aimé être éclairés davantage. Ce qui ressort
de notre mémoire et je conclurai là-dessus c'est
que vous jouez aux apprentis sorciers dans une matière où vous ne
connaissez pas exactement les implications de ce que vous faites.
L'intégration, des immigrants, la capacité du français,
actuellement, d'intégrer les immigrants est une question très
délidate. Les études et les enquêtes se multiplient, mais
sont encore très partielles; nous ne connaissons même pas encore
les résultats, sur la langue d'usage, du recensement de 1991.
Vous avez même fait, au gouvernement, une étude qui circule
actuellement et que j'aimerais bien que vous rendiez publique, du groupe de
travail sur la politique de population, faite par le Secrétariat aux
affaires culturelles et sociales du comité exécutif. Ça
circule dans toutes les directions administratives du gouvernement,
actuellement, et ça, la population n'en est pas
informée.
Tout ça pour vous dire que vous prenez des risques dans un
domaine crucial, dans un domaine où la fragilité du
français est encore considérable, et nous sommes
extrêmement angoissés à l'idée des effets que
produiront les décisions que vous vous apprêtez à prendre.
, Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Simard.
M. Ryan: J'en ai assez pour tout de suite.
Le Président (M. LeSage): Bon. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il avait... Une voix: Ha, ha,
ha!
Mme Blackburn: ...fait son temps? Combien de minutes,
là?
Le Président (M. LeSage): Je ne le sais pas, là. Il
reste environ quatre minutes. En tout cas, allez-y.
Mme Blackburn: Bien. Merci, M. le Président.
M. Simard, Mme Laurin, M. Valois, Mme Gagné et M. Girard, il me
fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire.
M. Simard, vous me pardonnerez sans doute si je commence par donner la
parole et la voix aux jeunes, qui n'ont pas été invités
à se présenter à cette commission, ni les jeunes
libéraux, ni les jeunes péquistes, ni les jeunes du Parti
Égalité; évidemment, ni les jeunes étudiants, ni
les jeunes travailleurs. On a soigneusement évité d'entendre ou
de convoquer ou d'inviter les jeunes, les associations de jeunes. Ils sont
totalement absents de la première... de la liste qui avait
été arrêtée par ordre de la Chambre.
M. Girard a aujourd'hui assisté à cette commission
parallèle, qui s'est tenue ici, à Québec, qui a
été organisée par le Conseil permanent de la jeunesse. Je
dois souligner le courage du Conseil permanent de la jeunesse, et ça
n'est pas seulement sur cette question. Le Conseil permanent de la jeunesse, de
façon constante, et indépendamment des présidences, fait
montre d'un courage et je le dis, je le dis sans vouloir offenser
personne que je souhaiterais voir à tous les autres conseils
consultatifs.
Alors, je voudrais demander à M. Girard de nous parler un peu de
qui était là aujourd'hui et, peut-être, l'essentiel des
remarques et commentaires des organismes qui se sont présentés
devant cette commission parallèle.
M. Girard: Merci.
Il y a environ une quinzaine d'organisations jeunes qui se sont
présentées lors de cette commission, princi- palement les grandes
fédérations étudiantes: la Fédération
étudiante universitaire du Québec, la Fédération
étudiante collégiale du Québec, et il y avait
également l'association étudiante de McGill. Nous avions
également... Nous avons envoyé une cinquantaine d'invitations, y
compris à la Commission-Jeunesse du Parti libéral. Une
cinquantaine d'organismes ont été convoqués à venir
présenter un mémoire, un texte pour exprimer leur position sur la
question. Nous avons également eu la chance d'avoir des mémoires
provenant du Forum Jeunesse du Bloc québécois, du Comité
national des jeunes du Parti québécois, de la
Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal, de l'association étudiante de
Macdonald College également; donc, des associations, là, assez
variées, et qui... (17 h 50)
Cette discussion nous a permis de faire un portrait du projet de loi 86,
de discuter des grandes orientations qui sont inscrites dans ce projet de loi,
et ce qui a été tiré, essentiellement, des conclusions, je
peux dire, du déroulement de la journée: les organisations jeunes
s'opposent, de façon majoritaire, au projet de loi 86, entre autres pour
la question... Les fédérations étudiantes universitaires
et collégiales s'inquiètent, entre autres, de l'insertion de
classes d'immersion en anglais dans les écoles françaises
c'est pour nous une inquiétude également de l'absence,
dans ce projet de loi 86, de l'ajout, de l'abaissement, finalement, de la
politique de francisation des entreprises, alors que plusieurs organismes
jeunes souhaitaient que, dans les entreprises de moins de... qu'on abaisse les
politiques de francisation des entreprises à plus de 10 employés.
Or, dans ce projet de loi, on ne retrouve pas de «renforcissement»
au niveau de la question du français. Et c'est ce que nous reprochons;
c'est un projet de loi qui va à sens unique et qui donne l'impression
que le gouvernement veut donner un visage bilingue au Québec.
Mme Blackburn: Je suis arrivée au moment... Je suis
passée faire une courte apparition, ce matin, au moment où...
juste où on terminait la présentation du rapport des
étudiants de McGill. Vous pouvez peut-être juste nous en parler un
peu, parce que ça m'a assez impressionnée.
M. Girard: Bon, les étudiants de McGill, ce qu'ils ont
dit, c'est que ce projet de loi n'était pas, à l'heure actuelle,
nécessaire. Ce n'était que «divisiste»... pour
créer la division entre les francophones et les anglophones; que,
à l'heure actuelle, ils souhaitent, comme le gouvernement l'avait
mentionné après le référendum sur l'entente de
Charlottetown, s'occuper des questions économiques, s'occuper des
problèmes de chômage chez les jeunes, des graves problèmes
économiques que nous connaissons et cesser de rouvrir constamment la
question linguistique, de créer une instabilité et de
créer des problèmes entre les différentes
communautés anglophones et francophones. Et ça, ça
crée des problèmes, également, entre organisations
jeunes chaque fois que des débats se produisent sur la question.
Et ça, ils l'ont clairement expliqué ce matin, c'est nocif,
à cet égard.
Mme Blackburn: Bien, je vous remercie. Évidemment, c'est
vraiment un résumé fort intéressant et brillamment rendu,
mais vous comprendrez que ça ne rend pas justice aux 15 organismes qui
auraient voulu être entendus ici, à cette commission.
M. Simard, vous avez attiré notre attention sur
différentes questions, et ça avait été fait par
votre prédécesseur... celui qui vous a suivi, c'est-à-dire
pas votre prédécesseur, mais celui qui vous a
précédé à cette table. C'est le fait qu'on a fait
la démonstration qu'un des problèmes reliés aux jugements
ou une explication sur les jugements de la Cour suprême et sur le rapport
du comité des Nations unies, c'était le gouvernement
lui-même, le gouvernement du Québec, qui en était
responsable, puisqu'il avait mal plaidé. Il avait mal plaidé; le
reproche est venu à 2 reprises.
On a beaucoup invoqué la nécessité et l'urgence de
régler cette question. On s'est même dit qu'il y avait seulement 6
mois pour le faire parce que, évidemment, le comité des Nations
unies, son avis était extrêmement important. D'abord, il faut
rappeler que ce n'est même pas un jugement, ce n'est même pas un
avis. Ils appellent ça des commentaires, des constatations, pour
utiliser le terme précis. On voit que le gouvernement canadien ne semble
pas s'embarrasser de la même pudeur lorsqu'il s'agit de rapports de
l'ONU. Et c'est dans le Journal de Québec, ce matin, mardi 1er
juin, qu'on retrouve un article, «Pauvreté: Ottawa met en doute le
rapport de l'ONU». Alors, ce qu'on nous dit... ce que nous dit le
ministre canadien des Finances: «Le rapport a de sérieux
problèmes et n'est long que de 6 minces pages. Ils n'ont pas fait
beaucoup de travail d'enquête et ils n'ont pas très bien compris
la situation actuelle au Canada.»
Il a soutenu que «le rapport déposé en fin de
semaine devait mesurer la performance du Canada vis-à-vis de ses
engagements internationaux comme signataire d'une convention internationale sur
les droits économiques, culturels et sociaux. Le gouvernement canadien a
refusé de donner certaines statistiques au groupe de travail de l'ONU,
qui préparait un document et s'est donc fié aux données
soumises par deux groupes non gouvernementaux s'occupant de la lutte à
la pauvreté.» Le gouvernement canadien a trouvé une
solution miracle pour diminuer la pauvreté au Canada: il va simplement
diminuer, réduire ce qui est estimé être le seuil de la
pauvreté. Dorénavant, 60 % pour payer votre logement, vos
vêtements et votre nourriture, on va dire que, si ça va être
à 70 % ou 75 %, vous allez ainsi réduire la pauvreté.
C'est absolument, absolument aberrant, mais ça nous montre que,
finalement, dépendant du niveau, on n'a pas le même égard
à l'endroit des rapports des Nations unies, des comités des
Nations unies.
J'aimerais... Dans votre mémoire, vous nous parlez, et je vous
cite, à la page 3, vous dites: La chute de la natalité des
francophones de la Révolution tranquille s'ajoute à celle de leur
exode de Montréal pour constituer dans l'île un vrai
problème d'accueil et d'intégration des immigrants. C'est
à Montréal que se joue l'avenir du peuple
québécois.
Pourriez-vous un peu élaborer?
Le Président (M. LeSage): M. Simard.
M. Simard: M. le Président.
En fait, l'objectif d'une politique d'intégration des immigrants
à la langue commune du Québec, le français, c'est
d'assurer, au minimum, qu'il y ait un taux de reproduction des francophones qui
laisse au moins la situation telle qu'elle est. Sinon, c'est la
décroissance. Je ne parle pas d'un accroissement du poids relatif ni du
poids dans l'ensemble du Canada et de l'Amérique, simplement; le
minimum, c'est de faire en sorte que, avec les nombres actuels d'immigrants par
année, autour de 40 000, entre 40 000 et 50 000, selon qu'ils sont sous
la loi québécoise ou des réfugiés... Il faudrait
pour simplement garder la proportion actuelle de francophones et
d'anglophones au Québec que 80 % des immigrants qui viennent ici
s'intègrent à la vie française du Québec.
Attention, depuis le rapport Gendron, depuis qu'il y a de la
planification linguistique au Québec qui a donné naissance, entre
autres, à la Charte de la langue française, l'objectif a toujours
été non pas d'apprendre et c'est ce que le ministre,
parfois, laisse croire le français comme une langue seconde. La
francisation, dans les écoles, des enfants d'immigrants, c'est une chose
extraordinaire, essentielle, importante, mais, si ça se réduit
simplement à l'apprentissage d'une langue, le français sera comme
l'espagnol, comme l'allemand, Mme la Présidente, Mme la
députée, et, comme plusieurs d'entre vous ici, vous
possédez plusieurs langues et c'est extrêmement
enrichissant de posséder plusieurs langues mais, l'objectif de la
planification linguistique, ce n'est pas de créer des gens plus
cultivés, c'est d'intégrer au Québec français, au
minimum, 80 % de ceux qui viennent ici. C'est le seuil du taux de reproduction,
et, en s'attaquant une planification linguistique, c'est un ensemble,
c'est une architecture, c'est un ensemble de mesures à des pans
complets de la Charte de la langue française, de cette planification
linguistique, nous craignons fortement que le signal donné soit
très clair face à ces nouveaux arrivants, déjà que,
dans le Canada actuel, on sait très bien que Mes immigrants le
ministre ne niera pas ça viennent en Amérique, viennent au
Canada, et parfois même au Québec, c'est-à-dire que leur
objectif, leur volonté de venir... Ils ne partent pas du bout du monde,
la plupart du temps, pour venir aider à la cause du Québec
français. Mais une majorité a le droit de se protéger,
d'assurer sa continuité et d'exiger, comme nous le faisons depuis 20
ans, que les nouveaux arrivants s'intègrent au français.
Les signaux sont déjà confus dans la situation du
Québec dans l'État fédéral. Seule
à ce point de vue là, croit le Mouvement national des
Québécoises et Québécois la
souveraineté clarifierait les choses. Mais, d'ici là, pourquoi
semer inutilement la confusion? Pourquoi jeter encore l'image, à travers
la communauté anglophone et les nouveaux arrivants, que le Québec
recule, que la volonté de franciser recule? Pourquoi s'acharner à
faire en sorte que l'environnement visuel de ces nouveaux arrivants soit
bilingue, c'est donc dire qu'il y ait un choix? Il ne devrait pas y avoir de
choix. C'est, au Québec, en français que ça se passe.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi, il vous reste 4 minutes.
Mme Blackburn: Bien, madame... ma question s'adresserait à
Mme Laurin.
Mme Laurin, vous siégez comme commissaire à la Commission
des écoles catholiques de Montréal. Ce matin, on prenait
connaissance du contenu d'une conférence de presse qui a
été tenue par des représentants de l'Association des
directeurs d'écoles de la CECM, des employés, des enseignants et
des cadres qui demandaient au ministre, qui invitaient le ministre à
faire preuve de rigueur et de prudence et l'invitaient à ne pas aller
dans la direction qu'il avait choisie.
Pourriez-vous nous parler un peu des problèmes que pose
particulièrement le projet de loi, en ce qui a trait à
l'enseignement de l'anglais langue seconde, mais également sur d'autres
dispositions. Là, je pense en particulier à l'article 30, qui
vient modifier l'article 81: les enfants en difficulté d'apprentissage
grave. Alors, ce sont deux questions. (18 heures)
Mme Laurin (Louise): Par rapport à l'immersion, nos
élèves, à Montréal... plus de la moitié de
nos élèves sont déjà en immersion française.
Alors, c'est la problématique qu'ont soulevée les professeurs et
les directions d'écoles davantage par rapport à cet article de la
loi.
Alors, comment, quand nos élèves sont déjà
en immersion française; quand, déjà, il y a une politique
de la langue française dans nos écoles pour en assurer la
promotion, pour en assurer la valorisation; quand, déjà, on a la
difficulté qu'on retrouve, par exemple, dans les examens, dans les
résultats en français; quand, déjà, on se plaint
que nos élèves... même, ce n'est pas seulement à la
CECM, mais qu'en général nos élèves ont de la
difficulté à écrire, en particulier... Si je regarde
à la CECM, dans les 6 dernières années, tous les
résultats ont augmenté, se sont améliorés, sauf le
français écrit.
Alors, quand on veut donner la qualité de l'enseignement, quand
on parle de réussite éducative, quand on parle de
l'intégration des jeunes allophones, l'école montréalaise
a à relever un défi extraordinaire. Et elle est en train de le
relever sans qu'on lui donne les moyens qu'il faut pour relever ce
défi-là. Si, en plus, on lui met des classes d'immersion
anglaise, alors que, déjà, l'immersion, elle y est... Quand on
regarde les résultats de l'étude du professeur Locher de
l'Université McGill qui a été demandée par le
Conseil de la langue française, il y a une force d'attraction de la
langue anglaise qui augmente de plus en plus, et les résultats le
prouvent. Les jeunes écoutent la télévision en anglais,
lisent en anglais, parlent anglais dans les corridors de nos écoles.
Alors, qu'est-ce qu'on veut de plus, à ce moment-là?
Si l'enseignement de l'anglais est défectueux, on peut
sûrement prendre d'autres moyens que de noyer les élèves
dans une immersion anglaise, alors qu'on a déjà de la
difficulté à donner un enseignement adéquat de la langue
française.
L'environnement y compte pour beaucoup, et c'est pour ça que les
professeurs et les directions d'écoles dénoncent l'affichage
bilingue aussi, qui va troubler, qui va donner un message équivoque aux
jeunes. Ils vont le savoir qu'ils sont au Québec et que ça se
parle en français. Autrement, on va encore avoir des difficultés
dans nos classes. Les jeunes adolescents, on connaît leur façon
d'agir et souvent de se révolter dans cette situation-là.
Le Président (M. LeSage): Merci, madame.
Mme Blackburn: Une toute petite question, s'il vous
plaît...
Le Président (M. LeSage): Ceci complète la
période de temps alloué à la formation de
l'Opposition.
Mme Blackburn: Si vous permettez, juste une...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, c'est toujours un honneur et un privilège
pour moi de rencontrer M. Simard et d'avoir l'opportunité
d'échanger avec lui. Ce n'est pas la première fois.
Tout d'abord, je veux commencer en disant qu'il n'y a aucune
étude sérieuse qui trouve un lien entre l'affichage unilingue et
l'intégration des immigrants. Dès que cette étude existe,
c'est trop facile pour des groupes de venir ici et d'affirmer que ce lien
existe.
Deuxièmement, moi, je trouve 2 aspects importants de votre
analyse démographique qui induisent cette commission en erreur.
Premièrement, pour avoir des résultats souhaités ou des
chiffres inquiétants souhaités, peut-être
vous parlez très convenablement ou vous citez des chiffres
convenablement sur l'île de Montréal pour renforcer
artificiellement votre analyse et pas la région métropolitaine de
Montréal. Longueuil, par exemple, qui est à 95 % francophone, est
séparé de l'île de Montréal par un pont. Les
pourcentages des francophones ne sont pas alarmants si vous tenez compte de la
grande région métropolitaine de Montréal. Ça, c'est
le premier point que je souligne.
Deuxièmement, vous utilisez une analyse de Michel Paillé
qui donne l'impression que l'intégration réussie dépend du
nombre d'immigrants, du pourcentage d'immigrants. Moi, je veux vous lire une
analyse ou un extrait...
M. Boulerice: M. le Président. Le Président (M.
LeSage): Oui.
M. Boulerice: Juste pour vous dire que l'Opposition donne son
consentement à ce que nous dépassions 18 heures.
Le Président (M. LeSage): Gentil de votre part. M. le
député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.
M. Libman: La générosité du
député de Sainte-MarieSaint-Jacques ...
M. Boulerice: ...est légendaire!
M. Libman: ...dépasse toujours les bornes de...
Deuxièmement, je veux vous citer un extrait d'une analyse de
Victor Piché, qui examine, en effet, les analyses de M. Paillé.
Lui, Victor Piché, directeur du Département de démographie
de l'Université de Montréal, il a écrit dans La Presse
du 22 mai 1993, et je cite: «Je ne connais pas de scientifique
sérieux qui oserait parler d'intégration réussie. De plus,
dans le modèle multifactoriel sur l'intégration des immigrants,
la variable "nombre d'immigrants" ne ressort pas comme étant importante.
L'intégration dite réussie, étendue ici à tous les
aspects de la vie sociale et pas uniquement à la langue, relève
davantage de la volonté d'accueil que du nombre d'immigrants.»
Alors, moi, je veux avoir vos commentaires là-dessus parce que je
pense que votre menace de retirer votre appui à l'immigration est
très dangereuse. Ça envoie un mauvais signal parce que
l'île de Montréal, la région métropolitaine de
Montréal a besoin, d'une façon très importante, de
l'immigration.
Le Président (M. LeSage): M. Simard, vous disposez de 2
minutes, 1 minute et demie.
M. Simard: Bien, ça va aller vite parce que, M. le
Président, croyez-le ou non, je suis parfaitement d'accord avec
l'essentiel de ce que vient de dire Robert Libman. Effectivement, la question,
ce n'est pas le nombre d'immigrants. Et c'est pour ça d'ailleurs que,
depuis des années, nous avons appuyé... et la communauté
québécoise... J'ai fait le tour du Québec sur cette
question. Je peux vous dire que, fondamentalement, les Québécois
font montre d'une ouverture remarquable. Ce n'est pas une question de nombre,
c'est la capacité d'accueil, notre capacité de montrer fermement
notre volonté de faire de ces nouveaux arrivants des citoyens de langue
française. Ce n'est pas le nombre, c'est les moyens mis à notre
disposition, c'est la législation, c'est la volonté collective
des Québécois de faire de ces nouveaux arrivants des
francophones, et c'est pour ça que je suis parfaitement d'accord avec M.
Libman.
Quant à l'île de Montréal, la perspective d'une
île de Montréal où le français n'aurait pas droit de
cité, entourée d'une périphérie francophone
serait-ce à 100 % n'est pas, pour nous, une perspective
réjouissante. L'île de Montréal, c'est le coeur de
Montréal. L'île de Montréal, c'est le coeur du
Québec, et nous n'abandonnerons pas, nous ne créerons pas de
ghetto linguistique sur l'île de Montréal. L'île de
Montréal doit être française, à l'unisson avec le
reste du Québec.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. Simard.
Merci, M. le député de D'Arcy-McGee; ceci met fin à
votre période.
M. le ministre, votre formation dispose encore de 3 minutes.
M. Ryan: Alors, je serai bref, M. le Président.
En conclusion, là, je dois constater que les explications que
nous avons entendues n'ont aucunement changé la perception que nous
avons de la problématique et des défis qui se posent à
nous pour l'avenir. Nous choisissons la voie de la confiance, la voie d'une
plus grande confiance en la liberté, en l'aptitude de nos concitoyens et
concitoyennes à prendre des décisions responsables. Le cadre
général de la loi 101 demeure, et tout l'effort d'explication
«catastrophiste» qui nous a été
présentée par M. Simard et sa délégation n'a pas
d'effet sur le gouvernement parce que notre problématique est
profondément contraire.
En ce qui touche la langue d'enseignement, je voudrais seulement
rappeler à Mme Laurin que, dans les écoles grecques et juives de
Montréal, on enseigne 3 langues, 3 langues: le français,
l'anglais et la langue nationale d'origine. Ce sont des écoles où
le niveau de qualité de l'éducation est très
élevé. J'ai été en contact étroit avec ces
écoles lorsque j'étais ministre de l'Éducation et je
souhaiterais que, dans d'autres écoles, on déploie autant de
travail que dans certaines de ces écoles pour l'apprentissage de toutes
les matières qui sont inscrites au cours primaire, qu'on invoque moins
les peurs, puis qu'on fasse davantage confiance à la capacité de
l'élève de progresser en étant stimulé à
fond par les éducateurs et les éducatrices qui en ont charge.
Nous autres, ce que nous proposons dans le projet de loi, c'est un
simple élargissement dans l'éventail *des méthodes
pédagogiques que peut choisir celui qui a la responsabilité de
l'éducation. On ne propose pas d'engagement à fond de train,
tête baissée dans l'immersion. Ce sera une possibilité. Si
vous voulez que l'apprentissage d'une langue seconde se fasse convenablement,
il faut au moins que vous puissiez parler d'autres matières que la
religion puis la langue anglaise dans cette langue-là, puis c'est
interdit, actuellement, par la loi. Alors, il faut faire confiance, un peu, au
sens des responsabilités et de l'initiative de ceux qui auront à
prendre des
décisions à divers échelons.
Puis, encore une fois, je tiens à rappeler que les changements
que nous proposons, nonobstant les critiques entendues, sont des changements
fort modérés, des changements ponctuels, qui maintiennent
l'essentiel de la loi et qui verront à mieux l'adapter aux
réalités d'aujourd'hui.
À l'intention du porte-parole des jeunes qui était ici, je
voudrais rappeler que, si le Parti québécois avait accepté
la proposition de compromis que nous lui avions faite, vous auriez
été invités à venir siéger ici comme
d'autres organismes.
Merci. (18 h 10)
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. le
ministre.
J'aimerais également remercier les membres du Mouvement national
des Québécois, et, avant de suspendre les travaux, si vous le
permettez, messieurs, mesdames les membres de cette commission, comme vous le
savez, on doit ajourner jusqu'à 20 heures, alors qu'on devait entendre
selon une entente intervenue le 26 mai avec le député de
D'Arcy-McGee et les groupes parlementaires la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Cependant, la CECM a
informé la commission qu'elle n'entendait pas participer aux travaux de
notre commission.
D'autre part, on nous a informés qu'il y aurait une entente entre
les groupes parlementaires et le député de D'Arcy-McGee afin de
devancer l'audition du Conseil du patronat à 20 heures, plutôt
qu'à 21 heures.
Est-ce qu'il y a consentement?
M. Libman: Consentement.
Mme Blackburn: Consentement, M. le Président. Vous
connaissez notre générosité et notre ouverture
d'esprit.
Le Président (M. LeSage): Merci.
En deuxième lieu, on m'informe qu'il y a eu entente avec les
mêmes formations politiques et le député de D'Arcy-McGee
à l'effet que le Parti Égalité soit entendu demain,
à compter de 16 heures.
Est-ce qu'il y a consentement à cette fin?
Mme Blackburn: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Alors, je suspends les travaux
jusqu'à 20 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Simplement pour informer cette commission que, tel que prévu, la
Commission des écoles catholiques de Montréal confirme qu'elle ne
participera pas aux consultations. Donc, je comprends qu'il y a eu entente pour
que nous puissions recevoir le Conseil du patronat à la première
opportunité.
Mme Blackburn: Consentement.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée, je n'en doutais pas.
Et tout simplement pour dire que je suspends les travaux à
loisir, jusqu'à ce que le Conseil du patronat se présente. C'est
comme ça que ça a été entendu, je comprends.
M. Blackburn: On pensait qu'il venait à 20 heures.
Le Président (M. Doyon): Oui, mais c'est parce qu'on a eu
des difficultés à les rejoindre. Simplement pour informer les
membres de la commission et vous-même que, compte tenu du délai
très court qui leur a été accordé, nous convenons
entre nous que, dès leur arrivée, nous reprendrons nos travaux.
Donc, suspension.
Oui, Mme la députée.
M. Blackburn: Alors, M. le Président, tout simplement pour
dire que nous avions accordé notre consentement d'ailleurs, le
président l'a fait remarquer on a également accordé
notre consentement pour entendre le Parti Égalité. Nous
déplorons simplement l'absence du Parti libéral; mais ça,
c'est une autre question.
Le Président (M. Doyon): Les raisons ont été
données...
Une voix: Le message est passé.
Le Président (M. Doyon): ...alors, je n'ai pas à
élaborer là-dessus.
Tout simplement, suspension à loisir jusqu'à
l'arrivée des représentants du Conseil du patronat.
Suspension.
(Suspension de la séance à 20 h 7)
(Reprise à 20 h 54)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Tel qu'indiqué précédemment, la commission de la
culture est prête à recommencer ses travaux. Nous allons recevoir,
compte tenu de l'absence de la CECM, tel que je l'indiquais tout à
l'heure, le Conseil du patronat du Québec. Je les vois qui sont devant
nous, ils sont
prêts à prendre la parole. Je leur souhaite la plus
cordiale des bienvenues.
Je leur rappelle tout simplement, très brièvement, les
règles qu'ils connaissent: 20 minutes pour l'exposé de votre
point de vue; après ça, la conversation s'engage avec les membres
de la commission selon un partage du temps équitable.
Alors, M. Dufour, bienvenue. M. Laflamme, M. Duchesne, soyez aussi les
bienvenus. Vous avez la parole dès maintenant.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.
Je vous présente à nouveau mes deux collègues: M.
André Duchesne, qui est président de l'Association des industries
forestières du Québec et qui est membre du comité
exécutif du Conseil du patronat, et M. Guy Laflamme, qui est
président des Industries de la Rive-Sud et qui est président du
conseil d'administration du Conseil du patronat.
M. le Président, avant de résumer notre mémoire,
j'ai d'abord le goût de dire qu'au lieu de commencer notre
présentation à cette heure-ci, 21 heures, on aurait pu la
terminer s'il y avait eu le moindrement de souplesse des membres de cette
commission à notre égard et on aurait sauvé beaucoup
d'argent. En fait, on nous a fait attendre presque toute la journée. Le
dernier téléphone qu'on a fait à la commission
parlementaire, c'était vers 16 h 15, parce que ce matin, on nous avait
appelés pour nous dire que la CECM, justement, ne viendrait pas et qu'on
pourrait peut-être avancer notre présentation à 20 heures.
Alors, on a attendu jusqu'à 21 heures. Il n'y a pas eu d'entente,
paraît-il, avec l'Opposition dans ce dossier-là.
Vous pourrez répliquer, Mme Blackburn, tout à l'heure, si
vous voulez, mais pour l'instant, je prends ça sur mon temps. Nous,
ça nous a créé un certain nombre de problèmes. On a
d'ailleurs l'impression, M. le Président, de l'extérieur, depuis
le début des travaux de cette commission parlementaire, qu'on ne pense
pas toujours à l'agenda des gens qui doivent se présenter ici.
Nous aussi, on en a des agendas, et ceux qui viennent ici,
démocratiquement, présenter leur point de vue auraient, à
certaines occasions, droit à plus d'égards. Et si vous me
permettez, ce n'est pas de cette façon-là que l'on va vraiment
revaloriser les commissions parlementaires.
Ceci étant dit, nous passons maintenant au contenu de notre
mémoire. Nous tenons à réaffirmer au départ que le
Conseil du patronat, en sa qualité de porte-parole d'une importante
partie de la communauté patronale québécoise, a toujours
joué un rôle actif dans ces discussions; il a toujours
accepté de soumettre au débat public sa propre vision d'une
politique linguistique au Québec.
Cette vision se résume essentiellement de la façon
suivante: nous sommes d'accord avec le principe général d'une
action concertée entre l'État, les entreprises et les citoyens en
vue de promouvoir l'usage du français au Québec et de parvenir
à en faire la langue commune dans les activités
économiques et culturelles, d'où notre accord avec les
énoncés fondamentaux suivants: la nécessité
d'affirmer le caractère fondamentalement français du
Québec; deuxièmement, la nécessité de
reconnaître le droit de la majorité francophone de parler sa
langue au travail et d'être servie en français;
troisièmement, la nécessité, par ailleurs, de donner par
l'affichage et les autres textes exposés à la vue du public une
image fidèle de la réalité du Québec et,
finalement, la nécessité de respecter les droits des
minorités.
Quant au choix des moyens de concrétiser ces
énoncés, le CPQ a toujours soutenu que la promotion du
français ne peut pas être considérée comme un absolu
et que d'autres objectifs sociaux, les libertés démocratiques
fondamentales, le progrès économique, le respect des
minorités, doivent fixer les limites de l'intervention directe de
l'État dans la vie du citoyen.
C'est donc dans cette perspective que nous situerons nos principaux
commentaires sur le projet de loi 86, que, disons-le d'entrée de jeu,
nous appuyons pour l'essentiel. Nous aborderons d'abord le dossier de
l'affichage, puis celui de la langue d'enseignement et, finalement, celui de la
langue de travail, et nous terminerons par quelques interrogations.
Signalons, par ailleurs, que nous avons confié à la maison
CROP le soin de rejoindre par téléphone chacun de nos membres
corporatifs au cours de la semaine du 17 mai 1993 pour nous assurer de la
validité de l'analyse que nous livrons à votre commission. Des
résultats de ce sondage scientifique sont annexés au
présent document, et on pourra y revenir.
Premier volet: la langue d'affichage. Disons, d'entrée de jeu,
que le CPQ a toujours, dans le domaine de l'affichage et de la publicité
commerciale, opté pour le bilinguisme, anglais ou autre langue, tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur des commerces, le
français étant toujours nettement prédominant cependant.
Il a soutenu cette position lors des travaux qui ont
précédé la promulgation tant des lois 22 et 101 que de la
loi 178. On ne se surprendra donc pas qu'il soit d'accord aujourd'hui avec les
dispositions du projet de loi 86 à cet égard.
Déjà, dans un mémoire que nous soumettions en juin
1974 à la commission permanente de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications, sur le projet de loi 22, Loi sur la langue
officielle, nous écrivions, et je cite: «Tout en étant
d'accord avec le principe de l'utilisation obligatoire et prédominante
du français dans l'affichage et la publicité commerciale, l'usage
du français ne peut ni de doit être exclusif.»
Notre argumentation, M. le Président, à cet égard,
repose tant sur des principes que sur des réalités
économiques. (21 heures)
Sur le plan des principes, nous ne pouvons qu'être d'accord avec
le Conseil de la langue française qui écrit, dans son avis de
mars 1993, au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, et je cite: «Le Conseil estime que le maintien de
l'interdiction
de l'usage des autres langues que le français à
l'extérieur des établissements commerciaux de toute nature et de
toute taille, et à l'intérieur, pour certaines catégories
d'entre eux, lui est, aujourd'hui, difficilement justifiable au regard de
l'éthique d'une société démocratique, compte tenu
du redressement substantiel du visage français au cours des 15
dernières années. Ensuite, cette interdiction crée, est-il
nécessaire de le souligner, un malaise certain au sein de la
société québécoise en ne rendant pas justice
à sa tradition de tolérance. Cette interdiction
générale ne porte-t-elle pas atteinte à l'image du
Québec au Canada et à l'étranger?
Enfin, le Conseil juge que, en levant la généralité
de l'interdiction de l'usage de langues autres que le français dans
l'affichage commercial, les fonctions linguistiques et symboliques de
l'affichage en français ne sauraient être sérieusement
remises en question.
Et il ajoute cette phrase clé, quant à nous: «II ne
faut pas se cacher que l'interdiction générale des autres langues
que le français agit tout autant comme un antisymbole que comme un
symbole, parce qu'elle brime l'usage légitime des langues autres jusque
dans les communautés locales». Répétons-le, nous
partageons pleinement cette analyse. Rien, sur le plan des principes, ne
justifie l'actuel unilinguisme français.
Tel est, d'ailleurs, également l'avis du comité
spécial de l'ONU sur les droits de la personne qui écrit
notamment: «S'il est légitime qu'un État choisisse une ou
plusieurs langues officielles, il ne l'est pas qu'il supprime, en dehors de
l'avis public, la liberté de s'exprimer dans une certaine langue. Le
comité invite l'État partie à mettre fin à la
violation en modifiant la loi comme il convient.» sur le plan
économique, par ailleurs, qui est un volet, évidemment, qui nous
intéresse, une organisation économique comme la nôtre, il
est sûr que la loi 178 a eu des retombées négatives
à l'extérieur du québec. rappelons-nous simplement tout ce
que nous avons entendu à ce propos lors des discussions entourant
l'accord du lac meech ou, plus récemment, lors des discussions entourant
l'accord de charlottetown. il n'est donc pas surprenant de constater que les
répondants au sondage crop-cpq de mai 1993 prévoient, dans une
proportion de 64 %, que les nouvelles dispositions relatives à
l'affichage auront des effets positifs sur les investissements et
l'économie du québec. et je rappelle que, parmi ces
répondants-là, vous avez les 100 plus grands décideurs
économiques du québec.
D'ailleurs, n'est-ce pas ce que pense également M. Lucien
Bouchard lorsqu'il affirme être d'accord avec l'affichage bilingue, et je
cite: «...et ne pas partager l'analyse inflexible du Mouvement
Québec français à ce sujet», ou encore le Parti
québécois lui-même qui se déclare favorable
à.l'affichage bilingue dans un Québec souverain?
Voilà pourquoi nous appuyons l'article 17 du projet de loi 86 qui
stipule que «l'affichage public et la publicité commerciale
doivent se faire en français», mais qu'ils peuvent
également être faits à la fois en français et dans
une autre langue pourvu que le français y figure de façon
nettement prédominante.
Cependant, M. le Président et on le dit depuis un certain
nombre de semaines appuyer le législateur à propos de
l'article 17 est une chose, encourager les entreprises à laisser tomber
automatiquement l'actuel unilinguisme français en est une autre. En
fait, le CPQ recommandera à ses entreprises membres de maintenir
l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur
sera possible, et nous faisons des distinctions très nettes entre
l'affichage à Saint-Georges-de-Beauce, à Rimouski, Chicoutimi ou
à Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.
La langue d'enseignement. Au chapitre de la langue d'enseignement, le
projet de loi 86 incorpore essentiellement à la Charte de la langue
française les dispositions de la clause Canada déjà en
application depuis le jugement de la Cour suprême rendu en 1984 et
précise, à l'article 72 de la Charte, que bien que l'enseignement
doive être donné en français, cet article n'empêche
pas l'enseignement dans une autre langue que le français afin d'en
favoriser l'apprentissage.
Nous sommes d'accord, M. le Président, avec ces 2 dispositions.
Dans le premier cas, il ne s'agit que d'une confirmation de dispositions
déjà appliquées au Québec, la clause Canada. Dans
le second, on confirme également une pratique qui existe
déjà, à savoir l'enseignement d'une langue seconde,
généralement l'anglais chez les francophones, mais qu'il est
essentiel de promouvoir davantage. En effet, dans le contexte de la
globalisation des marchés, la connaissance de l'anglais n'est plus
simplement une question de culture pour les francophones, c'est maintenant une
nécessité au même titre que bon nombre d'autres
éléments du curriculum pédagogique.
Selon une récente consultation expresse menée par le CPQ
auprès de ses membres corporatifs, seulement 37 % des employeurs
étaient satisfaits de la qualité de l'anglais écrit,
langue seconde, de leurs employés. N'est-ce pas d'ailleurs, et avec
raison, le chef du Parti québécois lui-même qui rappelait
récemment l'importance pour les Québécois de bien
connaître l'anglais, langue seconde?
La langue de travail. Le CPQ a toujours donné son accord aux
principales dispositions de la Charte de la langue française relatives
à la francisation des entreprises. Comme la population en
général, il croit en effet que c'est beaucoup plus le
français comme langue de travail que comme langue d'affichage qui
contribue à son épanouissement au Québec. Le CPQ n'a donc
pas réclamé d'amendements à la Charte de la langue
française au chapitre de la francisation des entreprises.
Mais le projet de loi 86 lui inspire quelques réserves. Ainsi,
l'article 47 du projet de loi propose que l'article 146 de la Charte de la
langue française comporte dorénavant l'obligation pour toute
entreprise qui détient un certificat de francisation de remettre
à l'Office, à tous les 3 ans, un rapport sur l'évolution
de l'utilisation du français dans l'entreprise.
En principe, ce n'est peut-être pas une exigence
déraisonnable puisque la loi fait déjà obligation à
l'entreprise de s'assurer que l'utilisation du français y demeure
généralisée à tous les niveaux, selon les termes de
l'article 141. Mais il s'agit là d'un rapport additionnel dont les
entreprises auraient bien pu se passer. Il faudra attendre de connaître
les exigences quant au contenu même de ce rapport, et donc les
coûts qu'il engendrera inévitablement pour être mieux en
mesure d'en évaluer l'impact.
Soulignons cependant, a priori à tout le moins et sous
réserve de prendre connaissance des exigences du contenu de ce rapport,
que celui-ci nous semble un fardeau moins lourd pour les entreprises que ne
l'aurait été l'accroissement des pouvoirs du comité de
francisation que réclamaient plusieurs porte-parole syndicaux.
Certaines interrogations. M. le Président, on doit s'interroger
sur 3 volets du projet de loi 86. Le premier volet, c'est le pouvoir
réglementaire. Nous sommes toujours très mal à l'aise
lorsqu'il nous faut juger d'une loi sans en connaître de grands pans,
ceci devant être éventuellement précisé par
règlement. Et c'est un peu l'embarras dans lequel nous place le projet
de loi 86, notamment à son article 17, lorsqu'il stipule que «le
gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les
conditions ou les circonstances où l'affichage public et la
publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou
peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans
une autre langue.»
Je répète que la position du CPQ à l'égard
d'une telle façon de légiférer est bien connue. Même
s'il s'agit là d'un mode de législation de plus en plus
utilisé et dont se servent ou se sont servi tous les gouvernements, nous
enregistrons des réserves fondamentales à l'égard d'un tel
processus qui soustrait à la responsabilité de l'Assemblée
nationale une bonne part de la gestion des affaires publiques. Une telle
façon de légiférer et c'est là probablement
notre point le plus important n'est pas non plus sans risquer de
relancer à chaque projet de règlement des débats inutiles
et préjudiciables au climat social et à la bonne marche de
l'économie québécoise.
Dans tous les cas donc, même si, pour des raisons de
flexibilité, on peut comprendre que le gouvernement s'en tienne à
des accords de principe, il faut quand même tenter de traduire les
intentions gouvernementales aussi précisément que possible en
termes technocratiques ou bureaucratiques pour ne pas tomber dans l'incertitude
ou l'arbitraire administratif.
Pour préciser davantage notre crainte ici, si on attend dans 3
mois ou 4 mois pour faire un certain nombre de réglementations
notamment, les fameux tableaux Mediacom est-ce qu'on ne risque pas
encore de redémarrer dans le débat de la langue, un débat
très difficile, très émotif, et qui nous fait perdre
énormément de temps au plan économique?
Alors, ce qu'on suggère tout simplement: le gouvernement, le
ministre a sûrement dans ses poches les projets de règlements.
Pourquoi il ne les déposerait pas au moment du débat, en
deuxième lecture, ce qui permettrait à ce moment-là de
faire un bon débat? On ne propose pas de les faire accepter, mais on
propose au moins de faire un bon débat à ce moment-là pour
vider le plus possible le dossier.
Les pouvoirs de contrôle. Les gens d'affaires, et je ne vous
apprendrai rien, ont éprouvé dans le passé beaucoup de
problèmes avec la Commission de protection de la langue
française. Dans un mémoire que nous soumettions le 1er octobre
1983 à la commission des communautés culturelles et de
l'immigration de cette Assemblée, nous soulignions qu'un très
grand nombre de problèmes reliés à l'application de la
Charte de la langue française étaient causés non pas par
les dispositions de la loi, mais bien davantage par ce qu'on appelait, à
ce moment-là, les excès de zèle de certains inspecteurs et
contrôleurs. (21 h 10)
Plusieurs de ces problèmes ne sont pas disparus depuis 1983, et
nombreux sont ceux qui se réjouiront, chez nous, de la disparition de la
Commission de protection de la langue française. Il n'en demeure pas
moins, cependant, que la disparition de cet organisme, dont la mission aurait
pu être confiée à l'Office de la langue française,
fera jouer au gouvernement un rôle perpétuel d'enquêteur et
de policier dans le dossier linguistique. Or, le gouvernement n'assume pas ce
rôle en matière, par exemple, de normes du travail, en
matière de santé et de sécurité du travail, en
matière d'accidents d'automobile, de protection du consommateur. Il a
désigné des organisations pour justement se préoccuper de
ces problèmes-là. Pourquoi souhaite-t-il, en matière
linguistique, assumer directement ce rôle?
Ce que l'on dit tout simplement, M. le Président, c'est que des
explications plus étayées nous feraient probablement mieux
comprendre le raisonnement gouvernemental.
L'article 44 de la Charte. Le projet de loi 86 abroge l'article 44 de la
Charte de la langue française qui prévoit, et je le cite, parce
que, pour notre milieu à nous, c'est important. Alors, l'article
prévoit actuellement que «lors de l'arbitrage d'un grief ou d'un
différend relatif à la négociation, au renouvellement ou
à la révision d'une convention collective, la sentence arbitrale
doit être rédigée dans la langue officielle ou être
accompagnée d'une version française dûment
authentifiée. Seule la version française de la sentence est
pffi-cielle. Il en est de même des décisions rendues en vertu du
Code par les agents d'accréditation, les commissaires du travail et le
Tribunal.»
M. le Président, nous sommes habitués, depuis plusieurs
années maintenant au Québec, à vivre des relations du
travail en français. Les négociations se déroulent
généralement en français, les décisions arbitrales
sont généralement rendues en français, de même que
les décisions du Tribunal du travail. Pour nous, il ne faudrait pas
modifier cette situation sans raison valable. En fait, nous ne sommes pas
contre l'abrogation; on n'en connaît tout simplement pas les raisons.
Mais ce
dont nous ne voulons pas, ce sont de nouvelles tensions en
matière de relations du travail, ce que pourrait certes engendrer
l'abrogation de cet article. Il s'agira tout simplement, à un moment
donné, d'une décision rendue dans la langue anglaise pour
provoquer dans le domaine des relations du travail, un domaine très
sensible, des problèmes, je le répète, qu'on ne veut pas
vivre. Nous souhaitons donc vivement que toutes les raisons justifiant
éventuellement l'abrogation de l'article 44 soient communiquées
au patronat et au syndicalisme québécois.
Je dois dire là-dessus que j'ai lu, dans Le Devoir de
samedi, 2 lignes qui disaient que le ministre avait fait une proposition
d'amendement à cet article 44 de la Charte. Si tel est le cas,
j'aimerais ça qu'on nous le confirme ce soir parce que, pour nous, c'est
important. L'article de Michel Venne, dans Le Devoir de samedi.
Conclusion. M. le Président, rares sont les débats qui
gagnent en qualité à être engagés sur le ton de la
croisade et au terme desquels les protagonistes sont rangés dans le clan
des bons ou dans celui des méchants. Particulièrement dans un
domaine aussi chargé d'émotivité que la question
linguistique au Québec, il faut être très prudent à
cet égard et faire le débat avec beaucoup de
sérénité, en évitant les tensions et les divisions
inutiles.
Dans le dossier linguistique, le CPQ s'est, pour sa part, toujours
efforcé de s'en tenir à une démarche rationnelle,
réaliste, appuyée sur des principes qui ne sauraient être
ignorés dans toute société pluraliste et
démocratique. Il est d'autant plus à l'aise de le rappeler qu'il
a toujours, toujours plaidé en faveur de la langue française
comme langue commune et officielle des Québécois.
Le CPQ souhaite donc que tous les intervenants dans le débat
portant sur le projet de loi 86 procèdent de la même façon
et que les opinions exprimées, même contradictoires on est
habitué à ça dans tous les domaines au Québec,
à avoir des opinions ou des points de vue contradictoires
reçoivent tout le respect qu'elles méritent.
Il appartiendra finalement au gouvernement de prendre les
décisions qu'il jugera les meilleures. Il est d'ailleurs
légitimement élu pour ce faire. Souhaitons-lui, comme nous
l'avions d'ailleurs fait pour les gouvernements de l'époque, en 1974, en
1977, en 1983 on en parle depuis longtemps en 1988, la meilleure
des chances pour faire les choix les plus compatibles avec le mieux-être
des Québécois.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour.
Tout à l'heure, vous avez fait état, en commençant
vos représentations, que le Conseil du patronat était disponible
pour 20 heures et que vous avez tenté d'avoir des confirmations pour que
vous puissiez vous présenter à cette heure-là. Je voudrais
juste, pour que ce soit très clair... Comme président, j'ai
demandé l'accord des 2 partis. J'ai eu l'accord des
députés ministériels et du ministre pour que nous
puissions devancer l'heure, sachant que la CECM ne serait pas présente
à 20 heu- res, pour que nous puissions vous entendre à 20
heures.
J'ai, bien sûr, aussi requis l'approbation, l'accord, le
consentement de l'Opposition, représentée par Mme la
députée de Chicoutimi comme porte-parole officielle il
était 11 h 30, à ce moment-là de façon
à ce que nous puissions vous en avertir en temps utile. Je me suis
informé à plusieurs reprises, ayant l'assurance que du
côté ministériel il n'y avait pas de problème, du
côté de l'Opposition, s'il y avait accord pour que nous puissions
vous entendre à 20 heures plutôt qu'à 21 heures. Je sais
que, vous mêmes, vous avez été en contact avec le
Secrétariat des commissions et que la dernière fois que vous
l'avez fait, M. Dufour, il était 16 h 15. Voyant que vous n'aviez pas de
réponse, vous avez dit: C'est très bien, si c'est comme
ça, nous viendrons à l'heure dite. Vous n'aviez pas beaucoup
d'autre choix, vous ne pouviez pas être sur la branche, comme ça,
indéfiniment.
Alors, je voulais tout simplement que vous sachiez que la
responsabilité du délai à vous donner un accord, à
vous entendre avant, c'est-à-dire à 20 heures, comme ça
aurait été fort possible, ne s'est pas rendu jusqu'à vous,
suite à des consultations que Mme la députée de Chicoutimi
qui en avait parfaitement le droit désirait faire avec son
leader, qu'elle a faites, mais qu'elle a mené à bon terme
à un moment où, finalement, ce n'était plus utile pour
vous. Alors, je voulais tout simplement que vous le sachiez.
Mme Blackburn: M. le Président, un point d'ordre.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Juste pour réagir au
président avant, peut-être, la réaction de Mme
Blackburn.
Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr, allez.
M. Dufour (Ghislain): Ce que vous nous dites, c'est toute
l'information qu'on avait. On n'a jamais blâmé le gouvernement.
C'est l'Opposition qui n'a pas répondu à temps pour nous
permettre d'être ici à 20 heures, avec tous les coûts que
ça engendre, et j'insiste là-dessus.
Mme Blackburn: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Une mise au point. La toute première.
L'Opposition n'a pas été consultée lorsqu'on a
déclaré ou on a fixé que vous comparaîtriez à
21 heures. C'est par ordre de la Chambre que ça s'est fait et sans
consultation de l'Opposition aucune. Ça, c'est la première
remarque.
La deuxième. Il est vrai que vous avez un agenda, mais il est
vrai que nous en avons un également et, avant de déplacer des
rencontres, encore faut-il vérifier
avec les personnes, ce que nous avons fait. Ce que nous avons fait. Nous
avons accordé notre consentement et nous avons accordé
également notre consentement pour pouvoir déplacer un certain
nombre d'organismes qui ne pouvaient pas se présenter en raison de
travaux en Chambre, particulièrement le budget.
J'aime bien prendre des choses, de haut si vous le voulez, mais je pense
que la vérité, aussi, a ses droits. Nous l'avons accordé
à un moment où le président avait cédé son
siège à un de ses collègues, bon, et puis ça ne
passait pas. Je n'ai pas trop compris comment ça s'est passé,
mais je sais que c'était 15 h 30, et on n'a pas réussi à
faire passer l'information.
Alors, M. le président du Conseil du patronat, je vous prie de
croire qu'on respecte les gens et on voudrait bien que ce gouvernement en fasse
autant et qu'il ne décide pas, de son pouvoir de majorité en
Chambre, qu'il peut convoquer 40 organismes, en indiquer l'heure, la date, et
sans consultation aucune.
M. Dufour (Ghislain): Moi, je ne veux pas embarquer
là-dedans.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Dufour, je vous comprends
parfaitement, c'est un débat qui ne vous intéresse pas et qui ne
vous touche pas. Je voulais tout simplement que vous sachiez la façon
dont se sont passées les choses. Je pense que la réplique que
vous avez donnée aux quelques mots que j'ai dits, qui étaient
beaucoup moins longs que ceux de Mme la députée de
Chicoutimi...
Mme Blackburn: Ça va pour les commentaires!
Le Président (M. Doyon): ...éclaircissait
suffisamment la situation.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Merci, M. le Président.
Nous allons essayer, comme d'habitude, d'en venir au fond des choses;
nous sommes ici pour discuter du fond des choses. Je remercie le Conseil du
patronat du Québec de l'intérêt qu'il a toujours
manifesté pour la question linguistique à toutes les
étapes de ce débat prolongé que nous poursuivons dans
cette société depuis plus de 20 ans.
Comme le rappelait le mémoire dont nous a donné
communication M. Dufour, le Conseil du patronat a toujours été
partisan d'une certaine modération en matière de
législation linguistique. Il a toujours trouvé que les formules
absolues ou les formules véhiculant des interdictions sont très
dangereuses en ces choses. Je pense qu'il y a une certaine continuité
dans la pensée du Conseil du patronat qu'il convient de signaler en une
occasion comme celle-ci.
Sur plusieurs points fondamentaux, le mémoire du Conseil du
patronat rejoint les préoccupations et les intentions du gouvernement,
et je ne puis faire autrement que d'en exprimer ma satisfaction. Autrement, je
pense que je ne serais pas sincère avec la commission ni avec le Conseil
du patronat. (21 h 20)
II y a un certain nombre de points sur lesquels je ferai quelques
commentaires, mais je vais vous adresser une question. Je suis le
mémoire page par page. En ce qui touche la langue d'affichage, vous
rappelez la position traditionnelle du Conseil du patronat émise pour la
première fois dès 1974. Est-ce que vous appliquez ce principe
général, cette orientation que vous définissez au bas de
la page 2, au domaine des panneaux-réclame aussi bien qu'à toute
autre forme d'affichage?
Est-ce qu'il est concevable pour vous que, dans un secteur comme
celui-ci, une certaine exception puisse être envisagée par le
gouvernement? Comment réagiraient les milieux que vous
représentez à une mesure qui envisagerait un traitement
d'exception pour les panneaux-réclame?
M. Dufour (Ghislain): Vous voulez la réponse tout de
suite? Bon, O.K. On aurait souhaité que vous nous fassiez une
proposition qu'on aurait pu regarder c'est notre façon habituelle
de procéder sur laquelle on aurait pu consulter.
Nous, la question qu'on se pose actuellement, c'est: Si vous proposez
l'affichage unilingue français, quelle sera la réaction de
certains milieux anglophones qui pourront peut-être encore contester, au
nom de certains principes, le fait qu'il n'y a pas de possibilité de
bilinguisme? Ça, ça nous achale, parce qu'on ne voudrait surtout
pas recommencer ça non plus.
On a un préjugé favorable, entre guillemets, dans ce genre
d'annonce là, au français exclusif. C'est un
préjugé favorable. Sauf que si les anglophones nous confirment
que c'est perdre un droit, qu'ils ont le même droit sur ces
panneaux-là qu'ils ont à l'extérieur des magasins, il
faudra leur reconnaître ce droit-là. Pour l'instant, ce n'est pas
clair, et c'est pour ça qu'on souhaiterait que vous puissiez faire le
débat au moment du dépôt du projet de loi en
deuxième lecture.
M. Ryan: À propos des règlements, je vais vous en
parler tout de suite, puisque vous y faites allusion. J'ai
déclaré à plusieurs reprises dans cette commission que je
compte être en mesure de porter à la connaissance des membres de
la commission, et par conséquent de la population, l'essentiel des
projets de règlements que nous avons préparés, qui sont
pratiquement au point, lorsque nous entreprendrons l'étude
détaillée' du projet de loi en commission parlementaire.
À ce moment-là, les règlements n'auront pas
été approuvés encore par le gouvernement. Ils seront
portés à la connaissance de nos collègues et, par voie
d'implication, des médias et de la population, de manière que les
gens puissent réagir. Ce sera seulement une sorte d'avant-projet et, au
cours de l'été, moi, je compte présenter ces
règlements pour approbation au gouvernement, de manière qu'ils
puissent ensuite être prépubliés en conformité avec
la Loi sur les règlements, et ensuite
être soumis à l'approbation définitive du
gouvernement au début de l'automne. Nous aurons le temps voulu pour les
discuter. Et, quand on connaîtra la teneur des projets de
règlements, on aura évidemment une idée plus
précise de la portée exacte du projet de loi.
Je pense, en nous référant aux normes habituelles
observant ces choses, nous serons bien en avance sur un
échéancier auquel vous avez dû vous heurter souvent. Je
pense qu'on aura toute la matière voulue...
M. Dufour (Ghislain): Bon. Disons, là-dessus, je n'ai, M.
le Président, qu'une réaction. Ça rejoint, pour
l'essentiel, nos préoccupations, c'est qu'on ne veut pas que tout soit
réglé au niveau de la 86 et qu'après ça on part,
dans une deuxième étape, avec d'autres débats...
M. Ryan: Maintenant, il y a une question de principe. J'aurais
bien pu en mettre l'un ou l'autre sur la table, ça ne m'aurait pas
dérangé du tout, mais il y a une question de principe: tant qu'un
projet de loi n'a pas été adopté dans son principe, il est
prématuré d'en faire connaître les règlements, parce
que les règlements émanent du projet de loi. Il faut d'abord
discuter du projet de loi, s'entendre sur le principe; ensuite, on fait ce qui
est le plus indiqué dans les circonstances. Des fois, les
règlements attendent longtemps; d'autres fois, ils viennent
immédiatement. Dans ce cas-ci, je comprends l'impatience qu'on peut
manifester en certains milieux, y compris du côté de l'Opposition,
puis nous sommes prêts à faire un bon bout de chemin. Je pense que
quand on aura vu l'essentiel des choses qui sont préparées, on
comprendra que nous agissons dans un esprit de progrès, mais aussi de
progrès dans la modération.
Vous avez parlé un petit peu plus loin, M. Dufour, de l'avis que
vous donnerez aux entreprises concernant les pratiques qu'elles pourraient
épouser en matière d'affichage. Je vous félicite de cette
ligne de conduite que vous entendez observer. Je pense moi aussi que, dans un
grand nombre de situations, il ne sera pas nécessaire de recourir au
bilinguisme dans l'affichage, quoique je me dissocie foncièrement de
toute pensée péjorative qu'on se plaît à
énoncer au sujet du concept même du bilinguisme. Je pense que ce
n'est pas un concept rapetissant pour une personne, et si ça ne l'est
pas pour des personnes, ça ne peut pas l'être pour une
société non plus. Il peut y avoir des abus, il n'y a aucun
concept qui est parfait, inattaquable en soi. Mais essayer de dénigrer
le concept même de bilinguisme, je pense que c'est rendre un mauvais
service à une société. Il s'agit de l'appliquer suivant
des normes raisonnables. Maîtriser 2 langues, dans mon livre à
moi, qui est celui du sens commun, ça a toujours été
supérieur au fait d'en maîtriser seulement une; il me semble que
ça saute aux yeux.
Je ne comprends pas qu'on ait passé tant d'années à
s'interroger là-dessus sans mettre les points sur les i. Pour une
société, évidemment, il s'agit d'agir avec
pondération. Étant donné le contexte où nous
sommes, nous considérons que le français doit demeurer la langue
de l'administration du Québec, mais aller proclamer cette règle
jusqu'à dire «jamais, jamais, jamais, dans aucune circonstance,
vous n'employerez l'anglais», c'est parfaitement ridicule, à mon
point de vue, pour un gouvernement, une administration qui doit transiger
quotidiennement avec des personnes, des institutions et des autorités
politiques et autres qui fonctionnent dans la langue du continent, finalement.
Voilà, sur l'essentiel, la position que nous défendons, et je
pense que là-dessus nous pouvons compter sur un accord.
Au sujet du pouvoir réglementaire, je pense que j'ai
clarifié les choses. Au sujet du pouvoir de contrôle, il y a
peut-être une méprise dans le mémoire que vous nous avez
communiqué à la page 7, vers la fin de la page. Vous dites, en
parlant de la Commission de protection de la langue française: «II
n'en demeure pas moins que la disparition de cet organisme, dont la mission
aurait pu être confiée à l'Office de la langue
française, fera jouer au gouvernement un rôle
perpétuel.»
En fait, c'est ce que nous faisons dans le projet de loi, nous
transférons à l'Office de la langue française, à
toutes fins utiles, les fonctions qui étaient assumées par la
Commission de protection de la langue française. Ça a
été fait de manière délibérée et
très explicite. Il y a seulement une modification: au lieu de parler des
inspecteurs, nous parlons des vérificateurs. La fonction ne sera pas
tellement différente. On a hésité beaucoup sur le choix
des 2 termes. On aurait pu prendre le terme «inspecteur», ça
n'aurait pas changé grand-chose, suivant nos conseillers juridiques.
M. Dufour (Ghislain): Là-dessus, si vous me permettez,
oui, il y a un certain nombre de fonctions qui sont transférées
à l'Office, mais au-delà de ça, il reste que la fonction
ministérielle se réserve un certain nombre de pouvoirs qui
n'existent pas actuellement.
M. Ryan: Non. Je vais vous dire une chose: le ministre n'a pas de
pouvoirs. Il peut avoir de l'influence, et il se contente de ça. Il n'a
pas de pouvoirs en vertu de cette loi-là; c'est une des lois qui donne
le moins de pouvoirs au ministre, je tiens à vous l'assurer. Et vous
savez que j'ai quand même l'expérience de plusieurs
ministères. Je vous assure qu'à titre de ministre des Affaires
municipales, de ministre de l'Éducation, de ministre de la
Sécurité publique, j'ai infiniment plus de pouvoirs précis
que n'en donne au ministre la Charte de la langue française. De ce point
de vue, je pense que vous n'avez pas à vous inquiéter, il n'y a
rien pour le ministre là-dedans. Il y a certaines choses qui vont au
gouvernement, c'est une tout autre chose. Il faut avoir l'expérience de
la pratique gouvernementale pour savoir qu'un pouvoir gouvernemental est
très différent d'un pouvoir ministériel. Alors, si vous
avez des passages dans le projet de loi qui donnent des pouvoirs au ministre,
vous allez me réjouir. J'ai essayé d'en obtenir, je vais
être franc avec vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Ah, vous me surprenez, là.
M. Ryan: Et je n'ai pas réussi à convaincre nos
conseillers.
M. Dufour (Ghislain): Là, vous me surprenez.
M. Ryan: Pardon?
M. Dufour: Vous me surprenez.
M. Ryan: Ha, ha, ha! Mais, vous savez que j'écoute
toujours. Alors, nous nous contentons de ça. Mais il n'y en a pas de
pouvoirs ministériels. On peut répandre les légendes qu'on
voudra, ceux qui ont participé avec moi à ces
discussions-là le savent très bien. Moi, je
considérais...
Prenez pour le renouvellement, par exemple, des permis de pratique des
professions; que dans les cas qui impliquent des situations humaines
particulièrement délicates, que le ministre puisse trancher un
cas, ce serait seulement normal, il le fait dans tous les autres
ministères. Mais ici, à cause du scandale qu'on aura
provoqué de l'autre côté, on a dit: On va renoncer à
ça. Il n'y en a pas, de choses comme celle-là. Si vous en
trouvez, là, M. Dufour, vous m'éclairerez.
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je peux poser une question au
ministre?
Le Président (M. Doyon): Ah, vous pouvez essayer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire qu'avec ma question je
n'ai pas de problème, ce sera avec sa réponse...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que vous ne considérez pas,
M. le ministre, que vous vous donnez des pouvoirs réglementaires
additionnels à ce qui prévaut actuellement? C'est ce que
j'appelle «les pouvoirs du ministre», parce que je sais très
bien que, dans toutes les situations gouvernementales et ministérielles,
c'est le pouvoir réglementaire qui est important, et c'est le ministre
qui les pilote au Conseil des ministres, à moins que ça ait
changé, ce qui me surprendrait beaucoup.
Vous ne pensez pas que, actuellement, vous vous donnez beaucoup plus de
pouvoirs réglementaires, au niveau gouvernemental, que la situation
actuelle? Question.
M. Ryan: Non, non, pour le gouvernement, ça, je vous le
concède, nous clarifions...
M. Dufour (Ghislain): Ah, oui, mais le ministre et le
gouvernement... (21 h 30)
M. Ryan: Non, non, ce n'est pas la même chose, je regrette
infiniment. Moi, j'ai le pouvoir de faire certains règlements à
titre de ministre des Affaires municipales, que je ne suis même pas
obligé de soumettre au Conseil des ministres. Il y en a plusieurs, on en
a édicté une quinzaine dans le sillage de la loi 145, que
personne n'a remarquée à peu près, sauf les
administrateurs municipaux. Mais je n'ai pas ce pouvoir-là comme
ministre de la Charte de la langue française, il faut que ça
aille au gouvernement. Et le gouvernement est très très
chatouilleux sur ces questions de langue; il ne s'aventurera pas dans une
aventure ou une expérience réglementaire, s'il n'est pas
sûr. En tout cas...
M. Dufour (Ghislain): Je vous concède que c'est
probablement une façon de l'énoncer, mais il y a plus de pouvoirs
pour le gouvernement dans ce texte de 86 que dans la situation actuelle. Moi,
je pensais que le ministre Ryan était, dans ce dossier-là, celui
qui pilotait les dossiers, et voilà pourquoi je lui donne des
pouvoirs.
M. Ryan: Vous pensez au-delà du ministre actuel. Quand on
légifère, on nous rappelle toujours ça, du
côté de l'Opposition. Vous pensez au-delà du ministre
actuel. Là, nous autres, nous avons pensé que le pouvoir
réglementaire, ça doit loger au gouvernement, ça. Et si
c'est ça, disons-le franchement, nettement, il n'y aura pas de
malentendus. Mais, il n'empêche que les organismes qui assistent le
gouvernement dans l'application de la Charte auront leur mot à dire dans
l'élaboration de ces règlements-là, comme ils l'ont
toujours eu.
J'ajoute une autre remarque à propos de l'article 44. Vous
soulevez une question fort pertinente; j'apprécie que vous l'ayez
soulevée. Je vais vous dire pourquoi nous agissons comme nous projetons
de le faire, je vais vous dire la disposition dans laquelle nous sommes
à ce sujet. Nous avons enlevé cet article-là parce qu'il
est couvert, à toutes fins utiles, par le nouvel article 1, qui modifie
l'article 7. Page 1 du projet de loi, le 9, en bas: «Tout jugement rendu
par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme
exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en
français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie,
par l'administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au
fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.»
Nous avons constaté que le rôle des organismes quasi
judiciaires en matière de relations de travail doit être
aligné sur la jurisprudence qui a été
énoncée par la Cour suprême concernant la langue de la
législation et des tribunaux. Il nous est apparu que c'était la
meilleure façon de le faire.
M. Fernand Daoust, quand il est venu nous rencontrer avec la
Fédération des travailleurs du Québec, nous a dit qu'il
tiendrait beaucoup à ce que cet article reste dans le projet de loi. Et
nous trouverons un moyen de garder cet article dans le projet de loi en
modifiant,
par exemple, une disposition je vais vous indiquer laquelle, vous
allez comprendre notre point de vue, j'en suis sûr lorsqu'on dit:
Seule la version française de la sentence est officielle.
M. Dufour (Ghislain): Seule...
M. Ryan: Seule la version française de la sen-tepee est
officielle. Ça, il faut qu'on retouche ce point-là parce qu'il
peut arriver que la décision ait été rendue dans une autre
langue, en anglais en particulier, et que là, en vertu de la
jurisprudence fédérale, les deux langues doivent être
utilisées pour l'interprétation du texte. Mais il y aura
toujours, toujours l'accès à un texte français. Et, dans
toute la mesure où les décisions d'organismes administratifs ne
tombent pas sous le coup de ces jugements de la Cour suprême, le
français reste la seule langue officielle, la seule langue
d'interprétation qui ait la préférence.
M. Dufour (Ghislain): Mais c'est ce que ne dit pas actuellement
le projet.
M. Ryan: Ça, nous allons corriger cette partie du projet
de loi...
M. Dufour (Ghislain): Parce que moi...
M. Ryan: ...et je pense que nous conserverons l'article 44, en
faisant l'ajustement dont je vous parle, de manière qu'il ne puisse pas
être attaqué au plan constitutionnel. Il serait bien facile de
nous gargariser et de dire: On reste comme ça, on est bien assis
là-dessus, pas de problème. Il peut arriver qu'un original,
à un moment donné, décide de se présenter devant
les tribunaux. Et on a vu que, des fois, il y en a qui font des voyages qui les
mènent loin, nous autres aussi. Alors, on veut agir avec
sécurité. Mais il n'y a pas d'arrière-pensée du
tout de diminuer...
M. Dufour (Ghislain): O.K. M. Ryan: O.K.?
M. Dufour (Ghislain): Ça, pour nous, c'est
réglé. Mais je vous le répète, M. le
Président, c'était majeur, parce qu'on fait toujours la
distinction entre le quasi-judiciaire et l'administratif. Et vous venez de
l'expliquer: une décision arbitrale, c'est administratif, ce n'est pas
quasi judiciaire. Mais vous me donnez satisfaction.
M. Ryan: Et pour compléter, M. le Président, j'ai
déjà laissé entendre que nous ouvrirons la porte à
d'autres modifications, au stade de l'étude détaillée du
projet de loi. On nous a fait une série d'observations, autant ici
même, à la commission, qu'en dehors de la commission, et nous
proposons un certain nombre d'améliorations qui permettront de dissiper
les malenten- dus qui ont pu s'élever autour de telle ou telle
formulation particulière, de manière, je pense, que nous
puissions arriver à un projet qui sera équilibré, mais
conforme aux intentions originellement annoncées par le gouvernement,
c'est-à-dire l'intention d'assouplir la loi sur la question de
l'affichage, d'assouplir la loi concernant l'apprentissage d'une langue
seconde, de prévoir une certaine souplesse qui touche la langue de
l'administration, laquelle doit demeurer fondamentalement le français et
pourra subir un certain nombre d'exceptions, dans des cas que nous
identifierons clairement dans les règlements dont je vous parlais
tantôt, dont j'annonçais le dévoilement pour un avenir
très prochain.
Alors, je remercie infiniment le Conseil du patronat de son apport
très constructif à notre recherche commune, et je l'assure que
nous travaillons ces choses dans l'esprit de sérénité,
mais, en même temps, de liberté intellectuelle, très
importante dans l'examen de ces sujets. Je pense que notre pire adversaire,
quand nous discutons de ces choses, c'est un certain conformisme qui voudrait
régner comme une sorte de manteau de plomb sur notre
société. Ça, nous n'en voulons point, nous, à titre
d'esprits libéraux. Nous pensons que quelque part, dans une recherche
loyale, nous pouvons trouver les solutions pratiques qui donneront lieu
à de larges consensus. Puis votre contribution dans cette recherche est
très appréciée.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le ministre reconnaîtra avec moi qu'une recherche loyale de la
vérité ou du pouls de la population aurait voulu qu'on entende
des organismes qu'on a simplement écartés. Je pense
particulièrement aux jeunes. le ministre nous dit puis ça
fait plusieurs fois qu'il le dit, il faut que je le relève que si
le bilinguisme est bon pour l'individu, c'est bon pour la
société. une société bilingue, ça n'existe
pas. bruxelles, au début du siècle, était bilingue. compte
tenu de la force d'attraction du français, on sait qu'elle est devenue
française. voyons ce que c'a donné, le bilinguisme au canada, au
canada anglais: à terre-neuve, 6 % seulement de ceux qui auraient droit
à l'école française fréquentent effectivement
l'école française; à l'île-du-prince-édouard,
c'est 21 % seulement. ça veut dire qu'il y en a 79 % qui sont rendus
dans le réseau anglais. nouvelle-ecosse, 34 %; 80 % au
nouveau-brunswick; 57 % en ontario. ça veut dire qu'il y en a 43 % qui
sont déjà dans le réseau anglais. et là,
évidemment, le manitoba, c'est 29 %; la saskatchewan, 7,8 %; l'alberta,
7 %; colombie-britannique, 7 %. voilà. alors, en colombie-britannique,
10 %; 7 % en alberta et la saskatchewan, 7 %. autrement dit, ça n'existe
pas, le bilinguisme, ça mène à l'assimilation. ça,
le modèle... on n'a pas besoin de courir très loin, on n'a
qu'à aller voir ce qui s'est passé au canada.
À présent, j'ai lu avec beaucoup -d'intérêt
votre sondage, sondage qui s'est fait auprès d'une centaine d'individus.
J'ai constaté que les femmes étaient encore moins
représentées qu'à l'Assemblée nationale, 7 sur 100,
c'est-à-dire 93 au masculin et 7 au féminin.
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais vous rappeler que
c'est des pourcentages? Donc, il y en a plus que ça.
Mme Blackburn: Excusez-moi?
M. Dufour (Ghislain): C'est des pourcentages.
Mme Blackburn: Ah! Ah, d'accord.
La question 4, ça m'a étonnée de la retrouver
là parce que la question 4, ça existe déjà dans la
loi. Ça veut dire que c'est la clause Canada qui s'est appliquée,
et ça s'applique déjà au Québec; c'est pour
ça que j'étais étonnée.
Mais comment interpréteriez-vous la question 5 qui dit:
Seriez-vous favorable ou défavorable à ce que la Charte soit
amendée pour permettre l'accès à l'école anglaise
aux enfants d'immigrants provenant des pays anglophones ou ayant
déjà commencé leurs études en anglais à
l'étranger? Là, vous retrouvez presque 50-50. C'est 48-49.
Comment interprétez-vous cette réponse-là?
M. Dufour (Ghislain): Dans le cas de la question 4, quand vous
dites que c'est très clair que la clause Canada est dans la Charte de la
langue française, nous, nous disons: non. Et voici que l'on vient
préciser vraiment ce qui a été la décision de la
Cour suprême. On le dit maintenant de façon très
claire.
Mme Blackburn: Elle a toujours été
appliquée.
M. Dufour (Ghislain): Dans le cas de la 5... Dans le cas de la
5... Non, non, la clause Canada n'est pas clairement traitée
actuellement dans la Charte, et c'est ce que ça vient faire. Ça
n'ajoute rien, ça vient préciser la décision de la Cour
suprême.
Dans le cas de la 5, c'est le rapport Chambers. Et ce n'était pas
dans le projet de loi 86. Et, nous, on a voulu vérifier auprès de
nos membres comment ils réagissaient au rapport Chambers, qui est
l'accès à l'école anglaise d'enfants d'immigrants qui
viennent de pays anglophones.
Ça, c'a donné les résultats que vous connaissez:
50-50. Mais on est convaincus d'une chose et je le prends tel qu'il est
c'est que si le projet de loi avait piloté quelque chose dans ce
domaine-là, il y aurait sûrement eu un accord plus
élevé que ça, mais comme le débat actuellement ne
se fait pas là-dessus, il n'est pas dans la loi, nos gens ont
été très prudents. Ce sont des gens prudents, les gens
d'affaires, Mme la députée, vous le savez. Alors, à ce
moment-là, ils ont dit: Bon, ne faisons peut-être pas de
débat inutile. (21 h 40)
Mme Blackburn: Alors, vous admettez...
M. Dufour (Ghislain): Mais dans mon mémoire, si vous me
permettez, dans le mémoire du CPQ...
Mme Blackburn: Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...Mme la députée, vous
réaliserez qu'on est très clairs.
Mme Blackburn: Oui, ça va.
M. Dufour (Ghislain): Nous parlons de la langue d'enseignement en
disant très clairement que nous, nous ne sommes pas d'accord avec
l'entrée, actuellement, en tout cas, des allophones au réseau
anglophone. On diffère de la position d'Alliance Québec de la fin
de semaine. Mais, s'il fallait faire une campagne pour le rapport Chambers,
ça, on le ferait probablement, mais ce n'est pas un débat,
actuellement; alors, on ne le fera pas.
Mme Blackburn: Donc, vous reconnaissez que ça pourrait
éventuellement être la prochaine... ce qu'on appelle la guerre des
écoles ici.
M. Dufour (Ghislain): Ah, je sais où vous voulez m'amener,
mais je n'embarquerai pas là-dessus.
Mme Blackburn: Bien. La question 6. Vous reconnaissez
également que, dans les dispositions actuelles du régime
pédagogique et de la Charte, it est possible... et même c'est au
régime pédagogique d'enseigner l'anglais langue seconde.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
Mme Blackburn: Ça existe, ça. Je ne comprenais pas
vraiment. Ça me laisse une drôle d'impression parce que ça
existe déjà, ça.
M. Dufour (Ghislain): Ça existe, mais est-ce que vous
êtes capable de dire que nos francophones, actuellement, sont de bons
bilingues?
Mme Blackburn: Ça, c'est une autre question là.
M. Dufour (Ghislain): Non, non, non, mais...,
Mme Blackburn: Ce que je veux dire... Ce que je dis... Mais vous
reconnaissez que ça existe?
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que ça existe? Bien oui. Je
veux dire, on a peut-être une demi-heure d'enseignement de l'anglais,
à un moment donné.
Mme Blackburn: Oui. Puis ça, on pourra y revenir
tantôt parce que je pense qu'on a beaucoup de... Vous avez raison
d'insister là-dessus, sauf qu'on pense que...
M. Dufour (Ghislain): Mais là, vous n'êtes pas du
tout sur la loi 86 là, vous êtes sur mes questions.
Mme Blackburn: Oui, je suis sur vos questions, juste pour
rappeler une toute petite chose, une erreur sans doute, tout à fait
involontaire... , M. Dufour (Ghislain): Non, mais permettez-moi
là-dessus, là...
Mme Blackburn: Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...sur l'apprentissage. Ce qu'on demande
à nos membres, nous, c'est: Est-ce que, pour vous, c'est important? Et
ils nous disent: Oui, c'est important. Puis je peux faire témoigner ici
mes deux collègues.
Mme Blackburn: Oui. Puis ils ont raison. Ça va.
Ce que je voudrais juste vous faire remarquer, à la page 4 de
votre mémoire, vous dites que 64 % des répondants disent
«que les nouvelles dispositions relatives à l'affichage auront des
effets positifs sur les investissements et l'économie du
Québec» alors que, dans votre mémoire, c'est 55 %. C'est
sans doute une erreur là. Parce que 64 %...
M. Dufour (Ghislain): Je regrette. On a baissé, parce que
c'est 68 % à la question 3: Est-ce que l'affichage va avoir des effets
positifs? 68 % disent: Oui. Dans le mémoire, on parle de 64 %.
Mme Blackburn: Parce que quand vous le décomposez,
à la question 9, là, vous arrivez à 55 %.
M. Dufour (Ghislain): Non, non. Là, ce n'est pas du tout
la même chose.
Mme Blackburn: L'augmentation des investissements
étrangers au Québec.
M. Dufour (Ghislain): Mais, M. le Président... Mme
Blackburn: Ça va.
M. Dufour (Ghislain): ...on est en train de tout mêler,
là.
Mme Blackburn: Non, ça va.
M. Dufour (Ghislain): L'affichage, c'est une chose, 68 % de nos
gens disent: Ça va être positif.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Dufour (Ghislain): La question 9 réfère à
la loi 86 dans son ensemble et, encore là, c'est positif.
Mme Blackburn: En page 4 de votre mémoire, vous dites:
«Cependant, appuyer le législateur à propos de l'article 17
est une chose. Encourager les entreprises à laisser tomber
automatiquement l'actuel unilinguisme français en est une autre. En
fait, le Conseil recommandera à ses entreprises membres de maintenir
l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur
sera possible.» Comment est-ce qu'on doit entendre ça?
M. Dufour (ghislain): les anglophones, pour parler de ce
groupe-là, ont un droit strict d'afficher dans leur langue; la loi 86
leur donne ce droit-là. sauf que si ce n'est pas essentiel,
nécessaire pour eux, pour faire des affaires, de faire de l'affichage
bilingue je pense à rimouski, par exemple pourquoi ils en
feraient? ils ont le droit strict de décider d'en faire, sauf que nous,
on dit: ii n'y a pas une demande. il n'y a pas d'anglophones qui te le
demandent. tu ne te priveras pas de consommateurs si tu ne le fais pas. donc,
pour donner une image française à rimouski, où vous avez
une population à 100 % francophone, bien, reste à l'unilin-guisme
français. tu ne feras pas la même chose à sherbrooke, ou tu
ne feras pas la même chose à bedford, ou tu ne feras pas la
même chose à hull où, là, tu vas avoir une demande
de consommateurs qui vont demander un droit strict, qui est celui de
l'affichage en anglais.
Alors, c'est un appel, un peu, à l'appréciation. Ce n'est
pas parce que c'est un droit que tu l'appliques. Je vais vous donner un
exemple, puis je vous l'ai déjà donné, Mme la
députée. On a gagné, au CPQ, en Cour suprême, la
possibilité de contester les dispositions antibriseurs de grève.
On ne les a pas contestées, parce qu'on pense que, pour le climat des
relations de travail, actuellement, il ne faut pas le faire. Alors, je pense
que ça illustre très bien ce qu'on veut dire.
Mme Blackburn: M. Dufour, vous adhérez aux principes, aux
énoncés fondamentaux, et vous les énu-mérez dans la
première page, vous dites: «une image fidèle de la
réalité du Québec». Il y a 20 % d'anglophones au
Québec, si on inclut les anglophones plus ceux... c'est-à-dire
ceux qu'on dit d'origine et ceux d'adoption.
Est-ce à dire, si un jour on se retrouve avec le Québec
peinturé d'affiches bilingues... Comment est-ce que vous traduisez
ça, vous, «une image fidèle de la réalité du
Québec»?
M. Dufour (Ghislain): Bien, nous autres, quand vous sortez ce
genre de possibilité là, c'est vraiment inacceptable pour nous de
penser que les entreprises vont peinturer le Québec en anglais. Je veux
dire, c'est donner aux Québécois une mauvaise image de ce qu'est
la réalité commerciale au Québec, puis c'est un argument
qu'on prend de plus en plus difficilement, si vous me permettez.
Quand on dit respecter la réalité du Québec,
ça veut dire qu'il y a des anglophones et que ces
anglophones-là doivent aussi se retrouver dans la
réalité québécoise.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Dufour (Ghislain): Et voilà pourquoi on dit «une
image fidèle de la réalité du Québec». Ils
sont là. 20 %, c'est une grosse minorité.
Mme Blackburn: Est-ce que vous accepteriez l'idée que
l'affichage bilingue soit précisément autorisé pour les
anglophones? Évidemment, ce qui excluerait les allophones et les
francophones.
M. Dufour (Ghislain): Comment vous dites?
Mme Blackburn: Que l'affichage bilingue soit .autorisé
précisément pour les anglophones. À ce moment-là,
ça excluerait les allophones qui pourraient afficher dans leur langue,
les francophones dans la leur, Est-ce que vous accepteriez cette
idée?
M. Dufour (Ghislain): Je ne suis pas sûr que je vous suis,
là. L'affichage dans une langue...
Mme Blackburn: Non. Ce que vous nous dites, c'est que les
anglophones, ils devraient avoir le droit. Bon! En admettant qu'on partage
votre avis, est-ce que vous verriez qu'on adopte des dispositions qui
permettraient de faire cette distinction?
M. Dufour (Ghislain): Non. Notre position, je vais vous la
résumer telle que, nous, on la voit: le bilinguisme doit être
autorisé au Québec. Et vous avez vu que jamais, nous, on parle de
l'anglais, on parle d'une autre langue. On ne parle pas de l'anglais.
L'anglais, oui...
Mme Blackburn: Ah oui! Ça, je m'en doute.
M. Dufour (Ghislain): ...mais le grec, .l'italien... Alors,
à condition que le français soit prédominant. Alors,
appliquez cette règle-là et vous allez avoir la définition
de notre bilinguisme.
Mme Blackburn: Vous insistez, avec raison, sur l'importance de
maîtriser l'anglais, langue seconde. D'ailleurs, les anglophones nous ont
dit la même chose par rapport au français, langue seconde, quand
j'ai fait la consultation.
M. Dufour (Ghislain): II faudrait leur montrer un meilleur
français aussi. On est d'accord avec ça.
Mme Blackburn: Et ce qui existe actuellement, c'est la
possibilité de faire des échanges, de faire des bains
linguistiques; c'est-à-dire qu'au moment où vous enseignez
l'anglais, que ça se fasse exclusivement en anglais, sans un mot de
français, ce qui est différent des classes d'immersion où,
là, vous enseignez d'autres matières en anglais.
Ce que nous rappellent les gens de la CECM, en particulier, c'est que
déjà 50 % des clientèles scolaires de l'île de
Montréal sont en bain, en immersion linguistique parce que c'est une
langue seconde.
N'estimez-vous pas que si le gouvernement avait donné ou avait
pris les moyens pour qu'on respecte le régime pédagogique et
qu'on donne tous les temps prévus à l'anglais, l'anglais langue
seconde, qu'on avait profité, qu'on s'était donné les
spécialistes requis, on n'aurait pas eu à ouvrir de cette
manière, faire une brèche qui est importante et qui, selon les
experts, est dangereuse par rapport à la capacité
d'intégration des allophones?
M. Dufour (Ghislain): Écoutez, nous, nous ne sommes pas
des pédagogues. On n'embarquera pas dans le dossier de là CECM
d'hier, sauf que nous sommes je vous l'ai dit tout à l'heure
des gens d'affaires qui réalisent, mes deux collègues
peuvent en témoigner, que nos jeunes ne possèdent pas
l'anglais.
Vous avez vu un sondage SOM-Le Soleil, la semaine
dernière, qui dit que la population, à 80 %, souhaite que les
jeunes Québécois soient davantage bilingues. Alors, l'anglais, il
est mal enseigné actuellement.
Mme Blackburn: Bien oui, c'est ça. Ça, on est
d'accord.
M. Dufour (Ghislain): Bien oui, mais qu'on prenne des bons moyens
pour y arriver. Alors, qu'on donne de meilleurs cours d'anglais ou qu'on fasse
ce genre d'immersion par cours autres que l'anglais. Une chose est sûre,
c'est que, moi, je fais confiance aux pédagogues pour réaliser
l'objectif qui est en arrière de ça. Comment y arriver? C'est une
autre chose.
Mme Blackburn: Mais là, les pédagogues nous
disent...
M. Dufour (Ghislain): Savez-vous ce que nous disent les
anglophones, maintenant, Mme Blackburn? Puis ils ont raison. Ils nous disent
qu'ils sont meilleurs bilingues que nous. Bravo pour eux autres, mais, je veux
dire, moi, ça...
Oui, c'est vrai! Et, d'ailleurs, l'article de La Presse, la
semaine dernière, nous disait que les... *
Mme Blackburn: Non. Ce qui a été dit plus
précisément, c'est que c'est difficile à mesurer, parce
qu'une déclaration, c'est une déclaration, alors que vous n'avez
pas pu vérifier ou valider les déclarations comme quoi ils
étaient bilingues. Mais ça, c'est un autre débat sur
lequel je n'ai pas le goût de...
M. Dufour (Ghislain): Oh non, ce n'est pas un autre
débat.
Mme Blackburn: Ce que je dis, c'est que vous vous prononcez comme
étant en faveur de cet article qui préconise les immersions,
O.K.? L'immersion. Nous, on dit, et les pédagogues prétendent que
ce n'est pas nécessairement le meilleur moyen, et certainement pas le
plus judicieux à Montréal, pour atteindre l'objectif qui est
valable, c'est-à-dire de mieux maîtriser l'anglais. Il faudrait
encore que le gouvernement prenne ses responsabilités, qu'il donne les
ressources nécessaires et, avec le régime pédagogique
actuel, ce serait possible. Essentiellement, c'était ça. (21 h
50)
Je voudrais revenir sur les règlements. Vous avez, je pense, avec
beaucoup de justesse, rappelé au ministre qu'il s'est accaparé
une série de pouvoirs réglementaires qui étaient, avant,
antérieurement, à l'Office. Vous avez raison de dire que c'est le
ministre qui pilote ce dossier-là et, évidemment, il a une
influencé certaine.
Ce que nous a dit le Centre de linguistique de l'entreprise, son
représentant nous a dit que ce que les entreprises n'acceptent pas,
c'est ce pouvoir réglementaire très grand qui laissait à
la merci d'un gouvernement la possibilité de changer rapidement les
règles du jeu et que, quand on change rapidement les règles du
jeu, ça indispose l'entreprise parce que ça prend du temps
à une grande entreprise ou à une moyenne de se conformer aux
règles, généralement, aux règlements, que ce soit
en environnement ou aux règlements linguistiques. Ce qu'il disait au
gouvernement Allez-vous-en pas dans cette direction-là, vous allez
générer de l'instabilité.
Et la deuxième remarque, c'était: Vous nous avez
donné l'équivalent d'une loi-cadre, l'essentiel va être
connu dans les règlements, puis on ne les a pas. Ça ne nous
permet pas d'apprécier. Alors, j'ai l'impression que vous allez
également dans le même sens.
M. Dufour (Ghislain): On a travaillé notre mémoire
avec Michel Guillotte, du Centre de linguistique de l'entreprise, auquel vous
référez. Et cette question des lois-cadres nous fatigue tout le
temps quand il y a des grands pans de la réglementation qu'on ne
connaît pas. Mais j'ai bien précisé, Mme la
députée, tout à l'heure, que ce n'est pas propre au
dossier linguistique, ça fait une dizaine d'années que les
gouvernements légifèrent par lois-cadres et des
réglementations à venir. Ça nous oblige, bien sûr
et ça, Guillotte le sait à être beaucoup plus
attentifs à lire la Gazette officielle qu'à lire les projets de
règlements. Et souvent, c'est plus important de regarder les
règlements avant de regarder la loi.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. Merci. La
conversation pourrait durer longtemps mais, non, le temps est terminé;
ça fait un petit bout de temps, d'ailleurs.
M. le député de D'Arcy-McGee, 5 minutes.
M. Libman: Merci.
Bienvenue, M. Dufour et les représentants. Vous me surprenez un
peu par vos déclarations à la page 4, le fait que vous allez
recommander à vos entreprises membres «de maintenir l'affichage
unilingue français dans tous les cas où cela leur sera
possible».
L'adoption par ce gouvernement de la loi 178 a profondément
blessé la communauté anglophone, bien plus que vous pouvez
l'imaginer. Et cette insulte n'est pas limitée strictement à la
capacité d'un individu, un commerçant, de s'afficher dans sa
langue; c'est aussi le fait d'être capable de voir sa langue, de
permettre l'usage de sa langue en public. Alors, cette déclaration, en
même temps que vous voulez...
Excusez, M. le Président, je vais juste terminer ma phrase.
C'est seulement ça que je veux vous faire comprendre, que ce
n'est pas strictement une question de liberté individuelle par un
commerçant individuel, c'est une insulte profonde à notre
identité, à notre visage, ici, au Québec. Je ne comprends
pas pourquoi vous n'êtes pas prêt à aller dans la même
direction de la grande majorité des Québécois qui sont
favorables à ces assouplissements sans vraiment instruire ou trouver la
nécessité d'instruire les commerces, de maintenir cet
établissement.
M. Dufour (Ghislain): Je pense qu'on s'est inscrit dans la
réalité québécoise, dans ce dossier-là, bien
avant les sondages d'aujourd'hui. Déjà, en 1974, on plaidait le
principe de l'affichage bilingue. Sauf que l'on dit aujourd'hui: Canadian Tire,
qui peut afficher actuellement Canadien Tire, il va devenir quoi, lui,
bilingue? Canadian Tire Ltd? Alors, il y a déjà de ces
réalités-là. Eaton? Eaton Ltd?
Alors, on dit: Ne poussez pas ça au bout; gardez une
réalité qui est la réalité. Si vous voulez le
faire, faites-le. Faites-le, si vous voulez le faire, sauf qu'on dit que s'il
n'y a pas une demande là, pour le faire... Certains trouvent que...
Certains ultranationalistes trouvent que c'est provocant. C'est tout.
M. Libman: Non. Tout ce que je dis et je pense que vos
inquiétudes sont un peu exagérées le bon sens va
prévaloir, et c'est le visage...
M. Dufour (Ghislain): Parfait! Excellent!
M. Libman: ...la réalité du Québec qui sera
reflétée probablement par ces assouplissements.
Moi, je veux aussi aborder, comme l'a commencé la
députée de Chicoutimi, la question du rapport Chambers.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
M. Libman: Vous avez dit, le 20 février, samedi le 20
février dans Le Devoir... Mais d'abord, vous avez appuyé... Quand
le rapport Chambers a été déposé, le Conseil du
patronat a appuyé le rapport Chambers et, le
20 février, vous avez dit: «nous croyons, encore là,
que ce serait simplement faire preuve d'ouverture d'esprit à
l'égard de la communauté anglophone, d'autant que le
réseau scolaire anglophone au québec a connu une baisse majeure
de sa clientèle au cours des 20 dernières années, soit 57
%.»
Mais ici, vous ajoutez: «À cet égard, une injection
de sang neuf dans le réseau scolaire de langue anglaise permettait au
Québec de se montrer généreux, accueillant, positif, tout
en manifestant un esprit d'ouverture à l'égard du monde entier.
Et cette mesure ici, c'est la clé ajoute-t-on, ne
pénaliserait pas les francophones ni ne mettrait en danger l'avenir du
français puisqu'elle n'ouvrirait l'école anglaise qu'à 10
000 élèves.»
Et, quand je fais référence à votre question dans
le sondage sur le rapport Chambers, où le résultat montre que la
moitié sont favorables, si vous aviez ajouté cette
dernière phrase de votre citation, que cette mesure aura un impact
négligeable sur les écoles françaises au Québec,
est-ce que vous ne croyez pas que le taux de personnes favorables aurait
été beaucoup plus élevé? Peut-être que la
majorité des Québécois auraient été
favorable à une telle mesure, s'ils avaient été
sensibilisés au fait que l'impact sera minime sur le réseau
scolaire francophone et, en même temps, que ça peut ajouter du
sang neuf important à l'intérieur du réseau scolaire
anglophone.
M. Dufour (Ghislain): Probablement. Moi, je dois vous dire que le
conseil d'administration du CPQ, à 2 occasions, a appuyé le
rapport Chambers; et ce n'est pas changé, ça. Il y avait une
dissidence. Ce n'était pas une dissidence, c'était une
abstention, c'était la Fédération des commissions
scolaires, à cause de son implication, évidemment, dans le
dossier de l'enseignement. Mais, autrement, c'était unanime au conseil
d'administration du CPQ.
Sauf que là, ce n'est pas en débat. Ce n'est pas en
débat. Et on est allé vérifier auprès de nos
membres corporatifs qui, eux, ont dit à 50-50... Probablement que si on
était en débat, ils iraient plus loin que ce qu'ils ont dit
actuellement parce que, je vous répète, j'ai 2 résolutions
de mon conseil d'administration appuyant le rapport Chambers. Mais on ne fait
pas le débat.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. Ça
termine le temps qui était prévu pour entendre le Conseil du
patronat. Je vous remercie.
J'ai besoin d'un consentement parce que je veux savoir à quoi
m'en tenir comme président, là.
Merci beaucoup, M. Dufour. Merci à ceux qui vous accompagnaient.
Je vous libère pour ne pas que vous ayez à rester ici pendant que
nous allons décider de ce que nous allons faire ce soir et demain.
J'indique aux membres de cette commission que j'ai des informations
à l'effet que la Chambre de commerce du quartier chinois ne viendra pas.
J'ai une lettre de l'Association des manufacturiers du Québec, qui
devait être ici à 23 heures, qui ne sera pas ici. Je ne lirai pas
la lettre, ils nous disent: On ne viendra pas parce qu'il ne s'agit pas d'un
enjeu manufacturier. Je résume la lettre. Première lettre. Ce
avec quoi... Bon. En tout cas, comme président, je n'ai pas à
m'exprimer.
Demain, nous devions recevoir l'Association touristique régionale
de la Montérégie. Eux me disent de nouveau que, bon, ils ne
seront pas avec nous puisqu'ils ont déjà eu le privilège
de s'exprimer récemment sur le sujet, lors d'une rencontre avec le
cabinet de M. Claude Ryan, et ça leur suffit. C'était à 11
h 30.
À 15 heures, nous allons recevoir, et c'est prévu comme
ça, la CSN. Il y a, d'après ce que je comprends, une
possibilité d'entente que, comme président, je dois
entériner pour recevoir les représentants du Parti
Égalité, à 16 heures, au lieu de l'Association touristique
des Laurentides qui s'est désistée.
Ce que je veux savoir: Est-ce que j'ai consentement pour que nous
suspendions nos travaux jusqu'à demain 15 heures?
Mme Blackburn: M. le Président, oui, consentement.
Cependant, sans poser une condition, je souhaiterais que demain, à la
réouverture de la commission, on puisse donner le bilan de la
consultation, c'est-à-dire le nombre d'organismes invités, le
nombre de retraits et de désistements.
Le Président (M. Doyon): Nous le ferons. Si ce n'est pas
avant, ce sera à la fin de la commission. Ce sera une question de...
Mme Blackburn: Très bien.
Le Président (M. Doyon): Alors, donc, suspension
jusqu'à 15 heures. À 15 heures, nous recevons la CSN et nous
recevrons, suite à un accord entre les parties, les représentants
du Parti Égalité, à 16 heures demain, mercredi 2 juin.
Donc, ajournement jusqu'à demain 15 heures.
(Fin de la séance à 22 heures)