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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture continue les travaux qu'elle avait
entrepris, et le fait en continuant les consultations particulières
qu'elle tient sur le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française.
Maintenant que la séance est ouverte, je demanderais à M.
le secrétaire de bien vouloir m'indiquer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc
(Taschereau) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Boisclair
(Gouin), par M. Bélanger (Anjou); et M. Paré (Shefford), par M.
Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Nous allons
recevoir ce matin les représentants de Mediacom qui seront suivis, une
heure après, par les représentants de l'Office des congrès
et du tourisme du Grand Montréal. Ensuite, nous aurons, dans le courant
de l'après-midi, à 15 h 30 ou à peu près, l'Union
des artistes, suivie par la Fédération des commissions scolaires.
C'a été confirmé, M. le secrétaire? Et nous
finirons la journée par le Centre de linguistique de l'entreprise, suivi
de l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine.
Donc, une journée assez occupée.
Je voudrais, avant de commencer, remercier les représentants de
Mediacom. Je sais qu'ils avaient des problèmes d'horaire, et ils ont
finalement fait des arrangements qui, probablement, leur ont causé un
certain nombre de difficultés. Alors, c'est apprécié de la
part de la commission, de les voir avec nous ce matin, à 10 heures.
Je vous indique que vous disposez de 20 minutes pour nous entretenir de
vos réactions, votre façon de voir le projet de loi. Ensuite, les
membres de la commission vont s'entretenir avec vous pour le restant du temps,
divisé en parts égales entre les formations politiques, selon les
règles que nous avons suivies jusqu'à maintenant. (10 h 10)
Je vous souhaite donc la bienvenue de nouveau, je vous demande de bien
vouloir vous identifier pour les fins de transcription de nos débats, et
vous pouvez commencer votre présentation dès maintenant. Vous
avez la parole.
Mediacom inc.
M. Lacoursière (Gilles): Merci beaucoup. Mon nom est
Gilles Lacoursière, je suis président pour l'Est du Canada chez
Mediacom.
M. Deschamps (René): Mon nom est René Deschamps, je
suis vice-président des affaires publiques et urbaines pour l'Est du
Canada chez Mediacom.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Lacoursière: Alors, tout d'abord, M. le
Président, j'aimerais vous remercier de nous donner l'opportunité
d'exprimer nos opinions en regard du projet de loi 86. J'aimerais aussi
mentionner que l'opinion que nous émettrons aujourd'hui
représente aussi, en général, l'opinion de l'affichage
extérieur au Québec.
Peut-être aussi une petite mise au point avant de commencer pour
bien expliquer que l'affichage extérieur que nous représentons
vise les panneaux-réclame de grande dimension qui s'adressent surtout
aux automobilistes. Même dans les cas, par exemple, où nous
utilisons les abribus comme messages publicitaires, c'est toujours en
référence aux automobilistes qu'on s'adresse.
Le premier point que nous aimerions exprimer ce matin, c'est la
difficulté que l'auditoire aurait de capter des messages publicitaires
qui seraient bilingues. Comme vous le savez sans doute, nous avons entre 4 et 8
secondes pour vraiment capter l'efficacité d'un message publicitaire sur
nos panneaux-réclame. Dans la majorité des cas, nous demandons
toujours aux créatifs de s'exprimer avec le moins de texte possible et
d'utiliser surtout l'image afin de bien capter le message. Donc, plus il y a de
texte sur les messages publicitaires, il devient de plus en plus difficile pour
les automobilistes de bien capter le message.
Comme vous le savez, plus on capte le message, plus le message est
efficace. Les clients sont de plus en plus exigeants aujourd'hui pour avoir des
résultats concrets de leur campagne publicitaire. Ils veulent avoir un
résultat immédiat et bien fondé. Il faut toujours penser
qu'en affichage extérieur nous ne représentons que 4 % de la
tarte totale en publicité. Alors, il faut de plus en plus s'assurer de
l'efficacité de notre média, sinon on encourt des pertes de
revenus importantes.
Un autre point qu'il est, je pense, important de souligner, c'est que
souvent les messages publicitaires au niveau de la province de Québec,
on peut difficilement les traduire, ces messages-là. Par exemple, si on
se réfère à la campagne du Barreau du Québec,
depuis les deux dernières années, on utilisait beaucoup un
message spécifique avec une image. Par exemple, pour employer
peut-être un terme plus imagé, c'était: «Avant d'en
manger une et on voyait un couvre-chaussure pour dire «une
claque» consultez votre avocate.» Je suis certain que vous
allez être en mesure de nous accorder le fait que c'est difficilement
traduisible, un
message comme celui-là. Et pourtant, ce sont des messages qui
sont excessivement efficaces.
L'autre point, je pense, qu'il est aussi bon de mentionner, vu le
caractère excessivement émotif du sujet que nous abordons
aujourd'hui, nous craignons chez nous aussi une abondance de vandalisme.
Déjà, chez nous, nous dépensons au-delà de 150 000
$ par année pour contrer le vandalisme, surtout dans nos abribus. Parce
que aussitôt que les caractères sont plus émotifs, il
semble y avoir une progression de vandalisme. Et nous craignons, encore une
fois à cause de l'état émotif du sujet que nous couvrons
aujourd'hui, que nous pourrions voir engendrer plus de vandalisme à ce
niveau-là.
Aussi, naturellement, les compagnies, depuis quelques années,
nous ont accordé, je pense, au Québec, le fait que nous
étions différents, le fait que nous avions une langue
différente et, de plus en plus, plusieurs compagnies ont divisé
leur tarte publicitaire entre le Canada anglais et le Canada français.
Plusieurs compagnies ont leurs propres agences publicitaires pour le Canada
anglais et une agence différente pour le Canada français, plus
spécifiquement à cause de la langue. Si nous permettions des
campagnes publicitaires bilingues, nous pourrions voir, à ce
moment-là, plusieurs campagnes publicitaires être
acheminées du Canada anglais vers le Canada français, ce qui
pourrait donc créer encore une fois certains problèmes de la
création.
En plus, je pense qu'il faut bien reconnaître que, chez nous, au
Québec, nous avons des talents exceptionnels au niveau de la
création des messages publicitaires. Plusieurs de nos messages
publicitaires au Québec ont été primés à
travers le monde dû à leur création excessivement
différente et typiquement québécoise. Encore une fois,
nous craignons que la venue des messages publicitaires bilingues sur les
panneaux-réclame pourrait effectivement enlever certaines campagnes qui
pourraient être acheminées du Québec, pour les
Québécois, vers l'Ontario ou vers les provinces anglophones.
Nous pensons aussi que dans certaines villes qui sont plus typiquement
francophones, encore une fois, des messages bilingues pourraient créer
toutes sortes d'émotions. Parce que, comme vous le savez, nous avons au
moins 40 % de nos campagnes publicitaires qui viennent au niveau national;
donc, elles ne sont pas simplement émises pour le Québec, mais
elles s'étendent à travers les provinces du Canada.
Je voudrais surtout, je pense, rajouter le fait qu'au niveau des
créations il est excessivement important de garder nos talents
créatifs ici, au Québec, afin de continuer à faire des
campagnes qui sont absolument extraordinaires et qui sont reconnues à
travers le monde. Je pense que la dernière qui a été
remarquée par tout le monde, c'était la campagne de pizza de
McDonald's. C'est une campagne qui a été primée dans le
monde entier, qui était une création québécoise, et
nous voudrions nous assurer de garder cette identité-là.
Alors, c'est les grandes lignes, en fait, qui nous poussent à
recommander tout au moins le statu quo vis-à-vis de l'affichage
extérieur dans les grandes dimensions, de conserver l'identité
francophone sur les messages publicitaires.
S'il y avait des questions, je suis disponible.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci beaucoup, M.
Lacoursière. M. le ministre.
M. Ryan: II me fait plaisir de vous rencontrer, M.
Lacoursière et M. Deschamps. J'ai déjà eu l'occasion de
causer avec votre groupe à quelques reprises au cours des
dernières semaines à propos, d'abord, d'un projet de loi qui
concernait la ville de Montréal je pense qu'on se souvient des
échanges que nous avons eus là-dessus et maintenant, plus
récemment, à propos du projet de loi 86. J'apprécie la
collaboration que vous nous avez apportée en nous fournissant vos
idées, puis l'apport de votre expertise également. Je pense que
nous continuons ce matin dans cette démarche de recherche commune de
solutions qui pourraient être les plus adaptées à notre
réalité.
J'ai pris bonne note des choses que vous avez dites. Peut-être que
mes collègues auront des précisions à vous demander
tantôt, ils n'ont pas eu l'occasion de causer avec vous autres, comme je
l'ai eue moi-même. Je voudrais peut-être vous poser une question
avant d'aller plus loin. Je voudrais que vous me parliez un petit peu de vos
clients, parce que vous autres, vous existez en fonction de clients. Vous
êtes des créateurs de messages sur des affiches de grande
dimension, comme vous l'avez dit; la discussion est circonscrite à cet
objet pour ce matin avec vous. Voulez-vous nous donner une idée de qui
sont vos clients, combien il peut y avoir d'entreprises qui annoncent sur des
panneaux-réclame au Québec de manière le moindrement
fréquente? Et est-ce que, lorsqu'une entreprise annonce, elle
achète ou réserve un grand nombre de panneaux-réclame ou
s'il y en a qui le font seulement sur un nombre limité? J'aimerais
ça que vous nous parliez un petit peu de cette partie-là de votre
activité.
M. Lacoursière: d'accord. peut-être une
précision. en fait, on pourrait dire qu'on a deux sortes de clients. on
a tout d'abord la clientèle d'agences publicitaires. je dirais que les
agences publicitaires représentent probablement 60 % de notre
clientèle avec qui nous transigeons d'une façon
régulière, et peut-être de 30 % à 40 % qui sont des
clients qu'on appelle directs, où on va directement chez le client pour
faire la publicité.
Donc, si je regarde à travers le Québec, je dirais que
nous faisons affaire avec probablement au-delà de 150 agences
publicitaires et le reste, comme je vous le disais tantôt, ce sont des
clients directs. (10 h 20)
Les campagnes. Les agences avec qui nous faisons affaire
représentent probablement... Pour 75 %, ce sont des campagnes
québécoises, pour le Québec, c'est-à-dire qu'elles
vont faire le message pour Québec, Montréal et
les villes principales comme Trois-Rivières, Sherbrooke,
Lac-Saint-Jean. La différence va être pour des campagnes
nationales, c'est-à-dire que la campagne va s'étendre en Ontario
et dans l'Ouest.
Au niveau des clients directs au Québec, à ce
moment-là, ce sont typiquement des campagnes majoritairement
régionales, c'est-à-dire soit dans la propre ville où
elles sont situées ou, parfois, elles vont s'étendre dans les
deux grandes villes, Québec et Montréal, et très rarement
nous aurons des clients locaux, qu'on appelle, comme je vous le disais
tantôt, qui iront à l'extérieur du Québec; parfois
en Ontario, mais, encore une fois, c'est assez rare.
Le nombre de clients total. Écoutez, je dirais qu'on fait
affaire, de façon générale au Québec, probablement
avec de 500 à 800 clients par année, et nous observons
habituellement un taux de renouvellement autour de 60 % à 67 %. Les
clients, habituellement aussi, vont demeurer chez nous pour deux à trois
ans, vont laisser notre médium pendant un certain temps et reviendront,
par la suite, à cause du fait que c'est un médium de masse.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Ryan: Oui, oui, très bien, très bien.
J'apprécie la précision de la réponse. Franchement,
ça nous aide à mieux comprendre. C'a été concis
à part ça. Ce n'est pas toujours la règle, mais je
l'apprécie énormément. Je vais essayer de faire de
même dans les questions! Ha, ha, ha!
Une question complémentaire là-dessus. Vos clients,
lorsque vous nous adressez votre message ce matin, pensez-vous que vous
exprimez également la pensée de vos clients, les attentes, en
tout cas, de vos clients, d'après les rapports que vous avez avec
eux?
M. Lacoursière: Je dirais que ça représente
sûrement l'opinion des clients locaux, des clients régionaux; au
niveau des clients nationaux, il peut y avoir certaines différences,
mais pas à un niveau très élevé.
M. Ryan: Pas à un niveau très élevé?
M. Lacoursière: Je ne pense pas.
M. Ryan: Est-ce que le degré d'adhésion aux
attentes que vous formulez serait assez grand pour qu'il ne soit pas
nécessaire de l'obtenir par voie obligatoire?
M. Lacoursière: Je m'excuse, M. le ministre, je n'ai pas
bien compris votre question.
M. Ryan: Est-ce que le degré d'adhésion de vos
clients au message que vous nous apportez ce matin serait assez
élevé pour qu'il ne soit pas nécessaire de l'obtenir par
voie obligatoire?
Supposez que la loi resterait ce qu'elle est actuellement, qu'il n'y
aurait pas de règlement traitant des panneaux-réclame en
particulier, qu'est-ce qui se produirait, d'après vous?
M. Lacoursière: C'est une bonne question, ça. M.
Ryan: Ha, ha, ha!
M. Lacoursière: Comme je vous l'ai dit, au départ,
si on parle au niveau de la clientèle, les agences de publicité,
entre autres, elles, définitivement, je pense, seront unanimes pour
conserver les messages unilingues francophones. Je pense que ça, c'est
vraiment typique aux agences du Québec.
Au niveau du client, je pense qu'il faut voir, diviser les deux clients:
le client qui s'adresse strictement à un marché plus local,
encore une fois, lui, il va exiger le message francophone; s'il vise le
marché extérieur, comme l'Ontario, un exemple, probablement que
lui, il va tenter d'avoir des messages bilingues. Ce serait à son
avantage de le faire.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): En termes de publicité, quand vous
avez affaire à vos clients nationaux, ce sont des grands
panneaux-réclame qu'ils veulent et, nécessairement, le message
qu'ils veulent passer, ils veulent avoir le message le plus direct possible et
toucher la clientèle québécoise qui est francophone. Je
serais un peu surpris que des gens disent: Nous, on veut atteindre l'objectif
de rejoindre cette clientèle-là, mais on va partager le
panneau-réclame, on va mettre ça deux tiers-un tiers. Vous ne
pensez pas que votre client va dire: Aïe, là, je vais continuer, je
vais afficher unilingue français? Vous ne pensez pas que votre client va
vous exiger ça compte tenu qu'il veut frapper la clientèle, qu'il
veut attirer l'attention de la clientèle, dans la pratique?
M. Lacoursière: Oui, je pense que vous avez raison.
M. Tremblay (Rimouski): Donc, il...
M. Lacoursière: Encore une fois, c'est comme je vous le
disais tantôt, le client qui est vraiment régional ou local va
définitivement pousser pour avoir un message francophone. Le client qui
veut aller à l'extérieur, lui, à ce moment-là peut
demander un message...
M. Tremblay (Rimouski): Parce que ça minimiserait son
impact, à mon sens, sur le but à atteindre, le fait qu'il partage
ce grand panneau-réclame et dise: deux tiers-un tiers. Bien, là,
je veux dire, évidemment, ça aura moins de visibilité,
puis ça aura peut-être moins d'impact. Par conséquent, je
voudrais afficher seulement unilingue français. Ce serait
peut-être sa décision, parce que c'est une question de
marketing.
M. Lacoursière: Oui. Je pense que, de la part du client,
il va toujours y avoir un blanc ou un noir, dans le sens où il y a un
client qui va dire: Moi, c'est strictement francophone; je ne veux pas deux
tiers-un tiers. Ou l'autre va dire: Moi, je veux vraiment deux tiers-un tiers.
Je pense que ce dont il faut toujours se souvenir, c'est que si la loi le
spécifie comme étant qu'on doit afficher strictement en
français sur les panneaux-réclame, à ce moment-là,
ça élimine celui qui voudrait essayer de faire l'entre-deux et
créer toutes sortes d'émotions à travers les
différents marchés. Je ne sais pas si vous me suivez,
là.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, ça va.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Oui. Merci, M. le Président.
En termes de panneaux, que vous avez chez Mediacom, est-ce que vous
faites la conception graphique ou la conception des messages publicitaires ou
c'est fait par des grosses firmes comme Cossette et...
M. Lacoursière: La majorité des messages
publicitaires sont créés par les agences de publicité,
comme je vous le disais, pour les clients régionaux, nationaux. Pour les
clients locaux, nous reproduisons la plupart des maquettes pour des dessins
publicitaires.
M. Messier: Si on regarde la position de vos panneaux, on en voit
un petit peu partout à travers le Québec, mais la grande
majorité doit se situer dans la région de Montréal?
M. Lacoursière: Montréal et Québec.
M. Messier: Toutes proportions gardées, dans la
région de Montréal, les panneaux sont situés
là?
M. Lacoursière: Effectivement.
M. Messier: O.K. Vous parliez on le vit, nous,
régulièrement en campagne électorale ou en
référendum du vandalisme sur nos panneaux à nous,
parce qu'on a tendance à utiliser sensiblement les mêmes modes que
vous...
M. Lacoursière: Oui.
M. Messier: ...sur les panneaux, on le sait; on est victimes de
vandalisme et en très peu de temps. Habituellement, ça
débarque dans deux, trois jours; après ça, il n'y en a
plus. Et vous pensez qu'advenant la permission ou, en tout cas, l'obligation de
s'exprimer, lorsqu'il y a un texte, en français... s'il y a un texte,
donc, de le faire en français et en anglais, qu'il va y avoir, que vous
allez être victimes de vandalisme. Donc, vous êtes conscients qu'il
peut y avoir des coûts de rattachés à ça, si on le
permet.
M. Lacoursière: On est convaincus de ça. M.
Messier: Définitivement? M. Lacoursière:
Définitivement.
M. Messier: Peut-être une autre question, si le temps le
permet.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui.
M. Messier: Vous disiez tantôt: Si on permet le bilinguisme
dans l'affichage sur vos types de panneaux, il va y avoir une sorte d'invasion
des grosses firmes ontariennes ou américaines qui vont venir sur le
territoire québécois pour faire possiblement de la conception ou
nous inonder. Est-ce qu'on est capable...
M. Lacoursière: II faudrait peut-être
spécifier l'aspect... Il y a un aspect qui demeure toujours très
important en publicité, c'est les coûts de production.
Automatiquement, déjà, lorsque les compagnies nationales veulent
faire des campagnes au Canada anglais et au Canada français, ils doivent
faire deux campagnes différentes et faire deux types de production.
Alors, lorsque l'économie vit une période plus difficile,
automatiquement, vous le savez, en publicité, on est porté
à couper les coûts. Alors, il pourrait y avoir une tendance
à vouloir couper les coûts de production au niveau de l'affichage
et aller vers des messages bilingues plutôt qu'unilingues. Donc, c'est
là qu'on dit qu'il pourrait y avoir une problématique à ce
niveau-là pour minimiser des coûts.
M. Messier: Vous ne pensez pas qu'on est capable d'exporter,
nous? Vous parliez, disons, de la publicité de McDonald's...
M. Lacoursière: Oui.
M. Messier: ...qu'il y avait une exportation à travers le
monde de la publicité sur possiblement... c'était la pizza,
là...
M. Lacoursière: Oui.
M. Messier: On est capable d'exporter, on l'a fait. Je regarde
l'émission qui a été faite sur la publicité,
«Fous de la pub»...
M. Lacoursière: Oui, «Fous de la
pub».
M. Messier: ...où on avait tendance à être
quand même performant au niveau de la conception.
M. Lacoursière: Encore une fois, il faut toujours se
souvenir... Je ne pense pas que l'exportation soit le
problème, mais c'est toujours le client qui décide.
L'agence de publicité n'est qu'un outil. L'agence publicitaire va faire
une recommandation au client, mais c'est le client qui a le mot final, ce n'est
pas l'agence; en tout cas, dans la majorité des cas. Alors, si le
client, lui, décide qu'il veut faire un affichage bilingue, l'agence
peut représenter beaucoup de points, mais c'est toujours le client qui a
le mot final. C'est à ce niveau-là qu'il peut y avoir des
dangers.
M. Deschamps: Si je peux me permettre de rajouter...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, M.
Lacour-sière.
M. Deschamps: René Deschamps, mon nom, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): M. Deschamps, pardon. Je vous
avais mêlés tous les deux. (10 h 30)
M. Deschamps: Si je peux me permettre de rajouter à ce que
le président Lacoursière disait il y a quelques minutes, il est
sûr et certain que le fait d'avoir peut-être de la publicité
bilingue... Entre autres, je pense à la ville de Québec, par
exemple, où il y aurait peut-être un annonceur ou il y aurait
peut-être une entreprise qui voudrait faire de la publicité
à Québec et, je ne sais pas pour quelle raison, mais
désirerait avoir sa publicité bilingue. Je pense que cet
aspect-là, dans les petites municipalités, je pense à
Trois-Rivières, à Québec, partout où on a des
panneaux-réclame dans la province, je pense que cet aspect-là
nous créerait beaucoup de problèmes, créerait non
seulement du vandalisme, mais aussi, des fois, peut-être, une attitude
des élus municipaux envers notre médium de publicité qui
serait plus ou moins intéressante.
Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on vit, comme entreprise, avec la
municipalité, c'est-à-dire qu'on n'est pas sur le territoire
municipal si la municipalité décide, de par un règlement,
qu'elle ne veut pas voir de panneaux-réclame, en principe. Donc, au
départ, si on se met à dos une façon de parler
les autorités municipales par des messages qui leur créent
des problèmes avec leurs citoyens, ou elles ont des tollés de
protestation, c'est sûr et certain que par ricochet l'entreprise, de
l'extérieur, va en souffrir.
Le Président (M. Doyon): Merci. Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que le temps est terminé?
Le Président (M. Doyon): II vous reste quelques
minutes.
M. Ryan: Alors, je vais laisser faire. On reviendra.
M. Messier: Une question. Est-ce qu'il y a seulement deux
compagnies, Néon et Mediacom, au niveau des grands panneaux?
M. Lacoursière: Au niveau des grands panneaux, vraiment,
il y a la compagnie Omni...
M. Messier: Omni.
M. Lacoursière: Omni, qui avait majoritairement les
panneaux verticaux...
M. Messier: O.K.
M. Lacoursière: ...et maintenant, qui ont aussi les
panneaux horizontaux parce qu'ils ont acheté la compagnie Gallop &
Gallop. Il y a Urbanoscope, il y a Claude Néon et Mediacom.
M. Ryan: Le dernier, comment vous l'appelez?
M. Lacoursière: Claude Néon est encore dans
l'affichage, certains affichages.
Le Président (M. Doyon): Oui, mais l'autre nom que vous
avez donné?
M. Lacoursière: Excusez-moi. Urbanoscope, qui sont, eux,
les panneaux qui sont illuminés par l'arrière. Nous en avons
aussi, mais Urbanoscope...
M. Messier: Vous devez vous parler, parce que c'est quand
même un marché relativement...
M. Lacoursière: Oui, on se parle de plus en plus.
M. Messier: Votre représentation représente aussi
vos concurrents.
M. Lacoursière: Comme je le disais, oui, c'est vraiment le
regroupement. On a discuté avec le regroupement avant de venir ici, en
commission, et ils étaient d'accord avec les points de vue qu'on
énonçait.
Le Président (M. Doyon): Merci. mme la
députée de chicoutimi. .
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. ' M.
Lacoursière et M. Deschamps, il me «fait plaisir de vous
accueillir au nom de l'Opposition officielle. Vous nous rappelez quelque chose
qui est important et que je souhaite rappeler à ceux qui nous
écoutent, que la publicité commerciale, la conception, la
créativité, l'imagination de nos concepteurs
québécois a été remarquée un peu partout
dans le monde. Et je pense qu'il faut le dire pour le signaler. Il faut aussi
dire que c'a été un peu beaucoup grâce à
l'unilinguisme dans l'affichage qui a obligé une création plus
originale,
différente, ici, au Québec, et qui, finalement, a
trouvé à être utilisée ailleurs, ce qui est assez
exceptionnel. Et là on a un secteur dans lequel on a réussi
à performer. Je voudrais vous en féliciter. On n'a pas souvent
l'occasion de le faire, mais je dois dire que j'ai lu souvent les commentaires
et les éloges qui étaient faits à ce sujet-là, et
on n'y pense pas souvent.
Il me vient à l'esprit certaines publicités dans certains
aéroports, et qu'on trouve bilingues et pas très belles. Ils sont
obligés de diluer la qualité du message parce que ça ne
parle pas pareil. Un esprit, une âme, ça ne se traduit pas de la
même façon. Alors, ça vous donne quelque chose de
plutôt banal et sans vraiment beaucoup d'intérêt.
Ce que vous nous dites, finalement, le Conseil de la langue
française l'a dit au ministre pas plus tard qu'au début d'avril,
fin mars, et je me permets de citer quelques passages touchant
précisément les effets sur l'affichage. Ce qu'on disait à
la page 14: «II y a risque réel que le français redevienne
une langue de traduction dans l'affichage et la publicité commerciale,
alors que depuis 15 ans les manifestations de créativité
lexicales et sémantiques du français ont connu un essor constant
dans ces domaines».
Et il rappelait, à la page 17, que «le choix qu'a fait le
ministre comporterait un risque de diffusion du bilinguisme sur le territoire
québécois». Vous aurez remarqué que tout à
l'heure le ministre n'a pas utilisé «bilinguisme» pour
essayer de vous poser la question tant il est vrai qu'il essaie d'éviter
de nous dire que ce sera bilingue tantôt sur les affiches.
Le Conseil poursuit en disant: «II existe, certes, des freins
à ce risque de propagation du bilinguisme: les pressions de la
clientèle locale, les décisions que pourraient prendre les
gérants des établissements locaux en décidant de
s'abstenir de recourir au bilinguisme et, bien sûr, l'inertie que
pourrait entraîner l'application de l'interdiction générale
des autres langues que le français en vigueur au Québec depuis 15
ans. «Néanmoins, disait le Conseil, il aurait subsisté un
risque que le bilinguisme se répande partout sur le territoire à
la suite de décisions individuelles prises par des gérants
d'établissements locaux ou sous l'effet de pressions de la
standardisation résultant d'une politique commerciale adoptée
à l'échelle canadienne, continentale ou
internationale.»
Le Conseil de la langue, là-dessus, rend exactement votre
position. Ça ne semble pas avoir beaucoup influencé la ministre,
et nous apprenons déjà que hier, j'écoutais le
bulletin de nouvelles à TVA les affiches bilingues
évidemment, pas de prédominance du français
commencent à apparaître un peu partout ici même, à
Québec. Vérification faite, les petites entreprises qui
fabriquent ces petites affiches devant les boutiques, les magasins feraient du
temps supplémentaire par les temps qui courent. Alors, c'est à
vérifier. Comme quoi, finalement, on aura réussi à nous
culpabiliser, à nous faire passer pour des gens intolérants sous
prétexte qu'on n'affiche pas bilingue. Alors, les effets se sont faits
sentir très rapidement ici même, à Québec.
J'inviterais les députés, et le président de la commission
de façon plus particulière, qui est de Québec, à
voir s'il y a effectivement danger en la matière, tel que le pensait le
commentateur hier, à TVA.
Vous craignez également le vandalisme. Pour avoir vu certaines de
vos affiches barbouillées, on sait ce que ça veut dire. Je pense
bien qu'on n'a pas besoin d'avoir là-dessus beaucoup plus de
détails. J'aimerais savoir de vous: Est-ce que vous avez
évalué les impacts? Vous nous dites, s'il y a bilinguisation, et
particulièrement en période de crise économique, il va y
avoir tendance pour le promoteur de ne faire qu'une série d'affiches
qui, généralement, pourraient être produites à
l'extérieur, comme ça a été le cas avant. Ce serait
quel effet sur votre entreprise, sur la vôtre, et combien d'emplois
pourraient être éventuellement remis en cause?
M. Lacoursière: Je pense qu'au niveau de l'affichage
extérieur ce dont il faut toujours se souvenir, c'est que, comme je le
disais précédemment, nous ne représentons que 4 % de la
tarte totale qui se dépense en publicité. De ce fait, lorsqu'un
publicitaire ne peut pas atteindre ce qu'il veut, exactement, il a beaucoup
d'autres médias auxquels il peut se fier. Et nous, déjà,
à cause du peu de la recette totale qu'on a en publicité, on ne
peut pas se permettre de perdre beaucoup de clients qui choisiraient un autre
médium. Je pense qu'il est trop tôt pour pouvoir évaluer
les pertes, que ce soit au niveau de l'emploi ou au niveau des revenus.
Je pense, encore une fois, que l'idée qu'on a émise ce
matin, c'est vraiment de parler de la crainte au niveau de l'industrie en tant
que telle. Au départ, la mise au point que je fais, c'est que
l'affichage extérieur, nous ne le considérons pas au même
niveau que l'affichage commercial au niveau des rues. Principalement, encore
une fois, parce que l'affichage que nous représentons est
dédié à l'automobiliste, alors que l'affichage ailleurs
peut l'être au piéton. Donc, le piéton, lui, peut avoir le
temps de lire; l'automobiliste n'a pas le temps de lire. Alors, encore une
fois, il est peut-être un peu trop tôt pour évaluer des
pertes, mais je pense qu'il faut se souvenir, encore une fois...
Une chose que je vais peut-être ajouter aussi: Depuis quelques
années maintenant, il était bien établi que l'affichage
était unilingue francophone. Tout le monde le reconnaissait, les clients
de plus en plus le reconnaissaient, et je pense que c'est de ça qu'il
faut se souvenir: il ne faudrait pas retourner en arrière pour refaire
poser des questions là-dessus. Je pense que c'était
accepté de la part des clients et des agences, et il ne faudrait pas
faire poser des questions à ce niveau-là.
Mme Blackburn: Est-ce que vous avez eu souvent des remarques
désobligeantes ou simplement des questions sur la pertinence de
l'unilinguisme dans l'affichage, celui que vous faites, les grands panneaux, ou
si, finalement, c'était devenu aussi normal ou naturel de le
faire ici en français qu'en italien en Italie, ou en
français en France?
M. Lacoursière: Je dirais que, maintenant, c'était
établi: au Québec, c'était en français. Il n'y
avait pas de questions posées. (10 h 40)
Mme Blackburn: Non? On avance deux choses lorsqu'on parle de
l'affichage commercial et qu'on prétend qu'il devrait être
bilingue, c'est l'image négative du Québec à
l'étranger... Et, évidemment, avec le discours tenu hier par le
ministre, on ne s'étonnera pas que la perception de ceux qui ne sont pas
à même de vérifier les comparaisons que le ministre faisait
du Québec avec l'Afrique du Sud, évidemment que ça peut
ternir un peu l'image du Québec. Mais vous?
On invoque deux choses: l'image à l'étranger, et ça
aurait des effets sur l'économie. Pourtant, on sait que M. Scowen, dans
son livre, dans son rapport sur la déréglementation, avait bien
dit en examinant cette question, après avoir dit bien autre chose dans
les années qui ont précédé, que ça n'avait
pas eu d'effets sur l'économie, pas d'effets réels. Mais vous,
avez-vous une impression que l'unilinguisme au Québec, en matière
d'affichage commercial, ça a vraiment pu nuire à
l'économie du Québec?
M. Lacoursière: Selon la question que vous me posez, je
devrais sortir de l'affichage extérieur.
Mme Blackburn: Pour parler de l'affichage de façon
générale, oui.
M. Lacoursière: Oui. Parce que je pense qu'au niveau de
l'affichage extérieur ça n'a pas été un
problème, cet acquis. Au niveau de l'affichage commercial, si vous me
demandez les commentaires que je peux avoir au niveau de l'industrie, au niveau
de commerçants, au niveau de clients, il a été, à
l'occasion, fait mention, effectivement, que la publicité unilingue
pouvait apporter des pertes de revenus ou des manques à gagner pour
certains commerces qui sont plus identifiés dans certains quartiers de
grandes villes. Mais au niveau de l'affichage extérieur en tant que tel,
je ne pourrais pas vous en faire mention parce que, encore une fois, ça
été accepté d'emblée.
Mme Blackburn: Vous êtes appelés à vous
déplacer un peu partout...
M. Lacoursière: Oui.
Mme Blackburn: ...en Amérique du Nord, en Europe, tout
ça. Est-ce qu'on vous a souvent parlé de cette impression que le
Québec serait intolérant vis-à-vis des anglophones et
qu'on était en train de les mener à leur extinction au
Québec?
M. Lacoursière: C'est... Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Je voudrais vous dire tout de suite qu'hier M.
Daoust nous a dit que non. Et d'ailleurs, M. Scowen, qui est
délégué du Québec à New York, a dit la
même chose, après six mois...
M. Lacoursière: Je pense, encore une fois, qu'on sort un
petit peu du sujet de l'affichage en tant que tel. C'est difficile pour moi de
pouvoir répondre en tant qu'industrie.
Mme Blackburn: Oui, je comprends un peu votre...
M. Lacoursière: Vous m'amenez plus vers des questions
personnelles que...
Mme Blackburn: Vous voyez que le ministre se réjouit,
parce que s'il fallait que vous confirmiez, comme globe-trotter,
qu'effectivement ce n'est pas vraiment ce qui empêche les habitants de la
planète de dormir...
Je reviens donc à l'affichage. Pour mesurer l'impact sur
l'industrie, vous avez... J'hésite à vous poser la question parce
que je me dis... À des gens d'affaires, je ne sais pas. Vous avez
combien d'employés, de façon générale?
M. Lacoursière: Au Québec, chez Mediacom, nous
avons 250 employés.
Mme Blackburn: Dans l'ensemble de l'industrie?
M. Lacoursière: Dans l'industrie, on représente
environ 600 employés.
Mme Blackburn: 600 employés.
M. Lacoursière: Au Québec, j'entends bien.
Mme Blackburn: Et ce que vous produisez actuellement, ce que vous
nous dites, c'est 25 % de votre production qui est faite pour
l'extérieur?
M. Lacoursière: je disais que les agences
représentent 60 % de notre clientèle qui, elles, produisent leurs
propres messages. nous, on représente, peut-être... où,
nous, on fait les messages, peut-être 25.%, oui, où c'est nous
autres qui faisons les esquisses pour présenter les messages. '
Mme Blackburn: Rappelez-nous quelle était la situation
avant. C'était majoritairement fait à l'extérieur par des
entreprises canadiennes, américaines?
M. Lacoursière: Oui. C'est-à-dire que les agences
de publicité, souvent, pour les compagnies nationales, étaient
à l'extérieur du Québec.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Lacoursière: Mais, de plus en plus, il y en a au
Québec.
Mme Blackburn: Avez-vous examiné comment, dans
l'hypothèse de la loi... Ce que la loi nous dit, c'est que, dans
certaines occasions, en matière d'affichage commercial, ça
pourrait être unilingue français, ça pourrait être le
bilinguisme avec prédominance du français, unilingue dans une
autre langue, et les raisons sociales, c'est égal. Alors, vous voyez
qu'on a là-dedans à peu près toute la gamme des
possibilités et, comme on n'a pas les règlements, on ne sait pas
vraiment comment ça va s'appliquer.
Mais vous, qui êtes créateurs-concepteurs en ces domaines,
comment allez-vous travailler avec l'idée de la prédominance, un
tiers-deux tiers?
M. Lacoursière: J'ai dit un petit peu au départ que
vis-à-vis de l'affichage extérieur, vis-à-vis de notre
industrie, nous recommandons le statu quo, l'unilin-guisme au niveau des
messages. Je crois que dans certaines sphères, il faut être
spécifique, et c'est ce qu'on a voulu faire ce matin pour
spécifier davantage au niveau de l'industrie de l'affichage
extérieur, au niveau des panneaux de grande dimension, et c'est ce que
nous représentons ce matin, et je ne voudrais pas dépasser cette
borne-là.
Mme Blackburn: Oui. Ce que vous demandez, c'est que les panneaux,
les grands panneaux, ce qui n'est pas sur les lieux du commerce...
M. Lacoursière: C'est ça.
Mme Blackburn: ...soient unilingues français. Mais
j'imagine que vous avez réfléchi à la situation qui serait
la vôtre si la loi passe telle qu'elle est. Il n'y a rien qui indique que
ce soit sur les lieux, c'est-à-dire qu'on va le savoir par le biais des
règlements qu'on ne connaît pas et, déjà, Alliance
Québec annonce qu'elle va contester. Alors, donc, on sait dans quoi on
s'embarque, mais, en même temps, vous allez vraisemblablement être
confrontés à cette idée de concevoir des messages
bilingues avec prédominance du français.
Moi, j'ai peine à savoir comment on va évaluer la
compagnie pour savoir si vraiment elle a assuré la prédominance
du français. Parce que c'est vous qui allez être
évalués là, ce n'est pas le ministre. Il est
supposé y avoir des vérificateurs. Je ne sais pas ce que
ça fait dans la vie trop, trop là, mais il va y avoir des
vérificateurs qui vont nous dire: Ah! vous n'avez pas bien
respecté l'idée qu'on se fait de la prédominance. Comment
est-ce que vous allez traduire ça?
M. Lacoursière: Nous espérons que la
représentation qu'on fait ce matin va justement influencer certaines
parties de règlements qui vont être plus spécifiques
à l'affichage extérieur. C'est ce que nous demandons ce matin, et
nous espérons qu'on va être entendus pour pouvoir répondre
à ces attentes-là.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lacoursière.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. Lacoursière, comme vous le savez, le ministre a un dilemme
ici: tous les tribunaux ont jugé que l'affichage commercial tombe dans
le domaine de la liberté d'expression. Alors, le ministre réalise
que, s'il maintient l'interdiction contre l'usage d'autres langues sur les
panneaux-réclame, il laisse la porte ouverte à certaines
contestations futures, des contestations devant les tribunaux. Alors, lui, il
doit décider s'il veut laisser cette porte ouverte, prendre ce risque.
C'est pour ça que je veux savoir si vous pouvez nous éclairer un
peu sur le processus qui existe.
Moi, je veux établir si l'interdiction de ma langue sur un
panneau-réclame est toujours une violation à ma liberté
individuelle de liberté d'expression qui existe, que les tribunaux ont
jugé qui existe avec les autres types de commerce, les autres types
d'affichage commercial. Si, par exemple, moi, comme client direct, je suis
propriétaire d'un magasin ou je dirige une entreprise, je vous approche,
je vous dis que je veux louer, par exemple, pour 30 jours, un panneau, c'est
comme ça que ça marche? Je demande de louer, par exemple, pour 30
jours un panneau? Moi, je vous donne le message que je veux mettre sur ce
panneau. Si, par exemple, je vous approche et que je vous donne une
publicité bilingue, est-ce que c'est Mediacom qui va me dire: Je
m'excuse, M. Libman, vous ne pouvez pas afficher d'une telle façon parce
que les panneaux-réclame doivent rester toujours unilingues? Est-ce que
c'est comme ça que ça marche? Est-ce que c'est vous qui
interviendrez si, moi, je veux violer la loi existante et je veux mettre un
message bilingue?
M. Lacoursière: Actuellement, c'est le cas. Actuellement,
si vous venez nous voir pour avoir un message bilingue, nous vous dirons qu'on
ne peut pas faire un message bilingue, sauf sur le territoire des
aéroports, où les messages bilingues sont permis.
M. Libman: Alors, ça veut dire que de la même
façon que quelqu'un qui loue un espace pour avoir un magasin et qui a le
droit de s'afficher, alors que les tribunaux disent qu'il a le droit de
s'afficher dans sa langue, c'est Mediacom qui va me dire, par exemple, si, moi,
comme individu, je veux afficher ou annoncer mon commerce dans les deux
langues, c'est Mediacom qui va me dire: Je m'excuse, mais vous... (10 h 50)
M. Lacoursière: Non. Encore une fois, vous touchez deux
choses qui sont différentes. L'affichage extérieur, on l'a
exprimé, ce sont les panneaux-réclame, et l'affichage au niveau
des commerces, au niveau de la rue, ce n'est pas mon domaine et je ne veux
pas
représenter ce niveau-là. Ce n'est pas la raison pourquoi
je suis ici ce matin. J'ai voulu représenter l'opinion au niveau de
l'affichage extérieur, et je ne pense pas que c'est le mandat que j'ai
ce matin de représenter autre chose que ça.
M. Libman: Non, mais ce n'est pas ça que je dis
exactement. Moi, j'essaie d'établir un lien entre la façon qu'on
affiche... On loue un espace pour afficher un commerce. Si je veux faire une
publicité sur un panneau-réclame, je vous dis que je veux louer
ce panneau, en effet. Moi, je veux faire ce message. C'est moi-même,
c'est mon commerce. Moi, je veux publiciser mon commerce de la façon que
je veux. Si les règlements du projet de loi 86 disent «non, vous
ne pouvez pas le faire», moi, je ne vois pas vraiment pas une
différence sur l'aspect qui contraint mon droit individuel de m'afficher
ou de m'exprimer commercialement comme je veux. En effet, c'est exactement la
même chose.
Donc, la seule chose que je dis et que nous pouvons en déduire,
nous pouvons présumer que les tribunaux vont réagir d'une
même façon sur l'interdiction sur les panneaux-réclame
qu'ils l'ont fait sur les affiches commerciales sur un commerce
spécifique.
M. Lacoursière: Mais vous parlez de deux choses. Vous
parlez du droit de la personne qui dit «je peux afficher dans la langue
que je veux», puis vous parlez de l'autre côté qui est: S'il
y a une loi qui dit qu'on doit afficher dans une langue plutôt qu'une
autre, c'est celle-là qu'on fait. Encore une fois, je ne peux pas... Si
j'étais ici pour émettre des opinions personnelles, ce serait une
chose, mais je ne peux pas répondre à ces questions-là,
qui ne sont pas du domaine de l'affichage extérieur.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lacoursière.
M. le ministre, il vous reste quelques minutes.
M. Ryan: Je voudrais peut-être résumer la discussion
en évoquant la position gouvernementale. Nous avons déposé
un projet de loi qui prévoit que le français sera obligatoire
partout dans l'affichage commercial, qu'une autre langue pourra être
utilisée moyennant la règle de la nette prédominance du
français, et un troisième alinéa qui indique que le
gouvernement pourra déterminer, par règlement, les situations ou
les cas où l'affichage pourra se faire uniquement en français, en
français et dans une autre langue, mais sans nette prédominance,
et peut-être, dans certains cas, même exclusivement dans une autre
langue. On pense, en particulier, à des produits culturels. Un livre qui
est écrit en anglais, il peut arriver que le producteur du volume
décide de l'annoncer en anglais. Ça, ça ne crée pas
de danger pour la langue française.
Alors, on a ces choses-là. Nous avons indiqué
publiquement, à la suite, d'ailleurs, des orientations définies
par le conseil général du Parti libéral du Québec,
que nous examinons avec une attention particulière le cas des
panneaux-réclame. Le conseil général a demandé que
les panneaux-réclame demeurent unilingues français. Alors, le
gouvernement s'évertue à trouver le moyen de réaliser cet
objectif dans le respect des chartes de droits que nous avons au Canada. Nous
pensons que c'est possible. Nous pensons qu'il y a moyen de définir,
dans la réglementation, des conditions qui feront que les tribunaux, si
jamais ils sont saisis de choses comme celles-là, considéreront
qu'il s'agit d'une restriction raisonnable à des libertés que
nous reconnaissons tous.
Quand c'était l'interdiction totale, comme c'a été
le cas longtemps, les tribunaux ont jugé que c'était
déraisonnable, et nous avons indiqué à maintes reprises
que nous respectons l'opinion des tribunaux et que nous sommes
intéressés à la respecter dans nos lois. Dans ce cas-ci,
nous examinons la possibilité... Je pense que les
éclaircissements que vous nous apportez, quant aux conditionnements
concrets dans lesquels devront se prendre et s'appliquer ces décisions,
sont extrêmement utiles, et je vous en remercie. Puis on va continuer de
discuter ces choses-là avec vous, parce qu'il s'agit de l'un des points
névralgiques qu'il reste à clarifier, mais nous travaillons
à les clarifier dans le sens des orientations qu'a déjà
fait connaître le gouvernement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. Lacoursière, M. Deschamps, c'est tout le temps dont nous
disposions. Il me reste, encore une fois, à vous remercier pour vous
être rendus disponibles à l'heure dite et à vous souhaiter
un bon voyage de retour. Vous avez pu voir, par les discussions qui sont
engagées avec les membres de la commission, qu'il y avait
énormément d'intérêt dans vos propos. Alors, merci
beaucoup, encore une fois.
M. Lacoursière: C'est nous qui vous remercions. Le
Président (M. Doyon): Suspension. (Suspension de la séance
à 10 h 55)
(Reprise à 11 h 2)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! é
La commission de la culture reprend donc «ses travaux et le fait
en invitant les représentants de l'Office des congrès et du
tourisme du Grand Montréal à nous présenter leur
mémoire.
J'indique aux membres de cette commission ainsi qu'à ceux qui
nous font l'honneur de nous écouter que l'Office des congrès va
présenter son mémoire de façon conjointe avec
l'Association des hôtels du Grand Montréal, qui nous en avait
informé par lettre du 21 mai.
Alors, nous prenons pour acquis que la
présentation sera faite de cette façon même si
l'ordre du jour indique tout simplement l'Office des congrès et du
tourisme. Il est entendu que ce mémoire est aussi présenté
par l'Association des hôtels du Grand Montréal.
Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants et à M.
Lapointe, qui est là, devant nous, M. Bellerose ainsi que M.
Bamatter.
Je leur dis que les règles normales s'appliquent, que vous
disposerez de 20 minutes pour nous faire part de votre vision du projet de loi
86, comment vous réagissez à cette proposition gouvernementale.
Ensuite, des discussions vont s'engager avec les membres de la commission qui
vous poseront des questions et qui voudront peut-être en savoir plus sur
vos prises de position. Ce temps-là qui restera après votre
présentation sera séparé également entre les
formations politiques, selon la règle que j'ai suivie jusqu'à
maintenant.
Alors, bienvenue de nouveau. Juste vous identifier pour les fins de
transcription de nos débats, et vous avez dès maintenant la
parole.
Office des congres et du tourisme
du Grand Montréal (OCTGM) et
Association des hôtels du Grand
Montréal
M. Lapointe (Charles): Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mme, MM. les députés, je voudrais vous
remercier de l'invitation que vous nous avez faite.
Alors, tout d'abord, j'aimerais vous présenter mes
collègues pour les fins du débat. Mon nom est Charles Lapointe;
je suis le président-directeur général de l'Office des
congrès et du tourisme du Grand Montréal. À ma droite, M.
Gustav Bamatter, qui est vice-président exécutif de l'Association
des hôtels du Grand Montréal et, à ma gauche, M. Pierre
Bellerose, qui est le directeur de la recherche et de l'accueil à
l'Office des congrès et du tourisme. Alors, peut-être que mes deux
collègues aussi pourront plus tard répondre à vos
questions. Alors, encore une fois merci de nous avoir invités à
présenter notre point de vue dans ce débat, qui est très
important.
Et, en commençant, je voudrais vous dire que, pour nous,
l'industrie touristique montréalaise est probablement l'activité
économique québécoise qui est ou qui se situe sur la ligne
de front la plus avancée et la plus délicate dans le dossier
linguistique. D'une part, nous savons très bien que la valeur vedette,
lorsque nous faisons la promotion touristique de la région de
Montréal, nous savons très bien que notre valeur sûre et ce
qui fait l'originalité du produit touristique de la région de
Montréal, c'est le fait français. Mais, d'autre part, nous savons
également qu'à cause de certaines contraintes légales
actuelles réglementaires ou politico-culturelles cela peut
devenir une épreuve de tous les jours lorsque nous voulons offrir
à nos clients, qui sont majoritairement de langue anglaise, des services
d'accueil qui défient toute concurrence.
Les clientèles américaines et canadiennes des autres
provinces choisissent la région de Montréal comme destination
vacances d'abord et avant tout à cause du fait français, à
cause de l'originalité de notre spécificité culturelle et
de notre dynamisme culturel.
Je pense que, dépassé le simple phénomène de
curiosité, la survivance linguistique du Québec est devenue un
modèle. Cependant, c'est un modèle qui est parfois
éreinté par des actions, des prises de position publiques et des
rumeurs d'intolérance linguistique qui dépassent à
l'occasion nos frontières. Ces jours-là, notre image de
destination accueillante, notre réputation de ville chaleureuse, amicale
et culturellement enrichissante en prend pour son rhume.
Je pense qu'il nous faut, dans un tel contexte, tempérer nos
émotivités, mettre une sourdine aux cris d'orfraie qui, trop
souvent, caractérisent le débat linguistique au Québec. Il
nous importe, tout à l'opposé, de réagir positivement et
faire la démonstration que notre société, loin
d'être isolationniste, recherche des solutions innovatrices pour
satisfaire aux attentes et aux besoins de la population francophone, certes,
mais aussi de ses citoyens qui maîtrisent mal la langue officielle et de
ses hôtes internationaux qui utilisent l'anglais comme première ou
deuxième langue de communication.
Pouvoir communiquer verbalement par voie d'affichage ou autrement avec
ces visiteurs dans leur idiome ou dans la langue internationale qu'ils
maîtrisent le mieux constitue hors de tout doute l'élément
de politesse le plus difficilement contournable, sans compter que cette
réalité correspond à des exigences fondamentales de
sécurité, d'efficacité, de confort et
d'hospitalité. C'est dans cette perspective, M. le Président, que
l'Office des congrès et du tourisme et que l'Association des
hôtels du Grand Montréal souscrivent totalement à la
volonté du gouvernement de modifier la Charte de la langue
française en matière d'affichage.
Qui sommes-nous, brièvement? L'Office des congrès et du
tourisme du Grand Montréal, c'est une association qui regroupe à
peu près 500 à 600 membres de l'industrie touristique de la
grande région de Montréal. Nous avons été
incorporés en 1919 et nous sommes un organisme à but non
lucratif. Nous jouons également le rôle d'association touristique
et régionale pour le territoire de l'île de Montréal. Nos
principales missions ou nos principaux objectifs sont d'assurer la mise en
marché, sur les marchés extérieurs, de la destination
touristique montréalaise, de définir les orientations de
l'industrie touristique de Montréal, de répondre aux besoins
d'accueil des visiteurs que nous essayons d'attirer chez nous d'accueil
et d'information touristique concerter les différents
intervenants et, évidemment, comme nous sommes une association, soutenir
efficacement nos membres et agir comme porte-parole de l'industrie
auprès des instances municipales, régionales, provinciales et
fédérales.
D'autre part, l'Association des hôtels du Grand Montréal
est aussi un organisme à but non lucratif qui a été
incorporé en 1949 et qui regroupe les 40 principaux
établissements hôteliers de la grande région
montréalaise
ce qui totalise environ 13 000 chambres d'hôtel et
ils fournissent... l'Association fournit de l'emploi, directement, à
plus de 8000 personnes dans la région de Montréal, ce qui
représente une masse salariale d'autour de 250 000 000 $. Et plus de 65
% de la clientèle des membres de l'Association des hôtels du Grand
Montréal provient de l'extérieur du Québec.
Alors, l'Association des hôtels a pour but de développer,
encourager et maintenir parmi ses membres la courtoisie et l'hospitalité
envers la clientèle et les visiteurs, promouvoir l'efficacité de
ses membres et susciter un climat fructueux dans les relations de l'industrie
hôtelière avec le grand public et les autorités
gouvernementales.
Alors, nos deux organismes souhaitent que les décisions que vous
allez prendre à cette commission et à l'Assemblée
nationale concernant la langue d'affichage tiennent compte des contraintes et
des spécificités de notre industrie, et nous voulons que les
décisions que vous allez prendre viennent appuyer concrètement
les efforts que les 31 000 entrepreneurs et employés de l'industrie du
tourisme fournissent à chaque jour pour rendre la vie agréable
à nos visiteurs.
En 1992, Montréal a accueilli environ 5 500 000 visiteurs, qui
ont laissé dans l'économie montréalaise 1200 000 000$ et
qui ont été responsables... Ces 1 200 000 000 $ ont
été responsables pour 31 045 emplois. Alors, tout ça est
calculé d'une façon très scientifique que je ne connais
pas, mais on me dit que ces chiffres-là sont très valables. C'est
une masse salariale de 645 000 000 $ dans l'économie
montréalaise.
Tout au cours des années quatre-vingt, l'achalandage touristique
a progressé, mais d'une façon assez lente lorsqu'on se compare
à d'autres régions canadiennes. Au cours des 12 dernières
années, soit de 1980 à 1992, nous sommes passés de 4 900
000 visiteurs à 5 500 000, soit une croissance d'un peu moins de 9 % sur
12 ans, ce qui veut dire une croissance beaucoup moindre à 1 % par
année. (11 h 10) pour faciliter la discussion, mettons: 35 % des
visiteurs à montréal viennent des autres régions du
québec, 65 % viennent de l'extérieur du québec. la vaste
majorité des 65 % qui viennent de l'extérieur du québec
viennent du reste du canada et des états-unis, environ 10 % viennent des
destinations d'outre-mer. c'est donc dire que les visiteurs, en grande
majorité, qui viennent à montréal sont de langue
anglaise.
Plusieurs d'entre nous, au sein de l'industrie, voyons le tourisme
québécois sous un angle sympathique, dynamique, enrichissant,
autant pour le visiteur que pour celui qui l'accueille chez lui. Nous sommes
plusieurs à croire encore aux vertus civiques du tourisme, aux
bénéfices autres que pécuniaires que cette activité
peut engendrer. Toutes les tendances que les experts prédisent à
l'heure actuelle, c'est que le touriste se convertit de plus en plus vers la
convivialité; non seulement il va demander aux citoyens de l'endroit son
chemin pour aller au restaurant ou aller à telle attraction touristique,
mais il va essayer d'engager des échanges transculturels, et c'est la
tendance qui se développe un peu partout à travers le monde.
Je pense qu'on a là une chance unique, en tant que
Québécois, étant donné le multiculturalisme qui
constitue la société de Montréal, étant
donné le haut niveau de bilinguisme de notre population, je pense qu'on
a une chance inouïe tant si nous travaillons dans l'industrie du
tourisme que comme citoyen du Québec de faire du Québec
une destination touristique par excellence parce que nous pouvons
maîtriser les deux grandes langues internationales et faciliter ces
échanges avec les visiteurs qui nous viennent du Canada, des
États-Unis ou des autres pays du monde.
L'Office et l'Association des hôtels du Grand Montréal sont
tous les deux conscients du rôle de moteur économique que nous
jouons dans l'économie du Grand Montréal et ce que nous
souhaitons et ce sont les objectifs que nous nous sommes fixés
c'est d'augmenter le nombre de touristes à Montréal, de
renforcer le rayonnement de Montréal sur la scène internationale
et développer physiquement l'industrie touristique dans notre
région. Alors, tels sont nos trois objectifs. Et, ces trois objectifs,
nous les avons déclinés en sept grands défis que nous nous
sommes donnés en tant qu'industrie, après une longue consultation
qui a duré un peu plus d'un an.
Alors, tout d'abord, c'est de faire connaître l'importance de
cette industrie: c'est le secteur industriel, à Montréal, qui
crée le plus d'emplois directement et rapidement; c'est de doter
Montréal d'une image et d'une identité promotionnelle;
d'exploiter le potentiel de croissance des marchés; consolider l'offre;
atteindre l'excellence touristique sur tous les plans; intensifier la
concertation et assurer un financement adéquat pour la promotion.
Deux de ces grands défis à savoir doter
Montréal d'une identité et atteindre l'excellence touristique sur
tous les plans ont une incidence directe ou ont une prise directe avec
la politique linguistique du Québec. Tous, jour après jour, dans
notre industrie, nous entretenons des conversations avec les touristes. Nous
savons s'ils sont heureux, s'ils sont malheureux, s'ils sont contents de ce
qu'ils ont vu, ce qui leur a déplu, ce qui leur a plu. Et on sait un peu
comment ils nous ont imaginés avant de venir. À l'année
longue nous lançons une foule d'invitations à travers le monde,
sur les marchés internationaux, pour les inviter à venir nous
voir. Mais il est important de nous demander parce \jue nous sommes
professionnellement impliqués dans, ce métier quel est
l'élément clé qui motive un touriste américain,
canadien, latino-américain ou d'ailleurs à choisir
Montréal comme destination de vacances? Nos propres conclusions sont
assez simples. Ce qui pique la curiosité, ce qui suscite le rêve
et attire dans la région de Montréal les visiteurs, c'est le
dépaysement, l'originalité, le fait français, parce que
c'est notre grand atout dans le marché nord-américain.
À Montréal, c'est en français que les affaires
se
brassent, et lorsque certaines affaires se discutent et se
négocient en anglais, c'est généralement dans la
même mesure, ni plus ni moins, souvent, qu'elles ne se brassent dans
d'autres villes non anglophones du monde, qui aspirent, comme Montréal,
à une longue et vigoureuse vocation internationale. Le seul prix
à payer par les Québécois francophones pour consolider cet
indéniable et irréversible gain, c'est la démonstration
d'une volonté d'aménagement exemplaire, d'une bonne dose de
confiance en soi, en sa destinée et en celle de nos compatriotes de
langue anglaise.
Il y a à peine 10 ans dans l'industrie touristique
montréalaise, particulièrement dans l'hôtellerie et dans la
restauration, et ça, beaucoup de nos concitoyens des autres
régions du Québec nous le faisaient remarquer les
employés de l'hôtellerie, particulièrement au centre-ville
de Montréal, avaient une tendance à s'adresser d'abord en anglais
à la clientèle. Et, en 10 ans, on a complètement
renversé cette tendance-là, de telle sorte qu'aujourd'hui chaque
employé, chaque propriétaire d'hôtel et de restaurant est
bien conscient que le fait français est notre plus grande force de
vente, et que c'est ce qui plaît le plus à nos visiteurs.
Alors, on a joué, comme industrie, un rôle de tout premier
plan pour intégrer également les nouveaux venus, les immigrants,
qui sont venus s'intégrer à la société
québécoise. Dans le secteur de l'hôtellerie, 54 % des
employés sont des immigrants, et 28 % d'entre eux sont membres des
minorités visibles. Au cours des derniers mois, de concert avec la CSN,
les hôteliers du Grand Montréal procurent à leurs
employés des cours intensifs de français pour leur permettre de
présenter ce visage important pour nos visiteurs. Et, pour la plupart
des employés immigrants qui participent à ces programmes
d'apprentissage, il s'agit très souvent de leur premier contact avec les
Québécois francophones. Alors, c'est une démarche qui est
volontaire, mais qui porte également beaucoup de... qui a beaucoup de
succès. Chaque employé d'hôtel sait désormais que
les touristes recherchent le contact avec notre réalité
française. Alors, d'une façon très pratique, qu'est-ce que
ça signifie pour nous, les changements législatifs qui sont
proposés?
Vous savez qu'en vertu de la loi actuelle, par exemple, il est interdit
d'afficher dans les lieux publics d'une façon bilingue, trilingue ou
multilingue et, dans un lobby d'hôtel, par exemple, il est interdit
d'indiquer où est l'ascenseur en anglais. On ne peut pas mettre
«elevator». Et ça, qu'on ne se fasse pas d'illusion: le
visiteur qui nous vient des États-Unis, malheureusement pour lui, ne
fréquente pas la langue française à tous les jours et,
«ascenseur», il ne comprend pas ce que ça veut dire, et on a
beau mettre un petit pictogramme avec des petits bonshommes qui ont l'air de
monter ou de descendre, ces pictogrammes-là... Il faut le pousser au
maximum l'utilisation du pictogramme, mais ce n'est pas utilisé aux
États-Unis, et il faut regarder un peu d'où vient notre
clientèle.
Un deuxième exemple: vous allez à l'hôtel
Méri- dien et vous avez une piscine extérieure. Il y a une
affiche qui dit: «N'apportez pas vos verres ni de nourriture à la
piscine». L'anglophone, il ne comprend pas ça, cette
affaire-là, lui. Il faut lui dire: «Do not bring your drink at the
pool». Je veux dire, c'est assez élémentaire. On n'a pas le
droit de le dire. On n'a pas le droit de l'afficher.
Encore cette semaine, un hôtelier du centre-ville de
Montréal a reçu une amende parce qu'il y avait toujours un
mélange quand les voitures arrivaient pour s'en aller au stationnement:
elles ne s'en allaient pas dans le stationnement de l'hôtel, elles s'en
allaient dans le stationnement de l'édifice à bureaux qui
était à côté. Alors, l'hôtelier a
décidé de mettre, à côté de
«stationnement», «parking». Alors, il a eu une amende
pour ça.
Alors, je pense que, dans la vie quotidienne, lorsqu'on veut accueillir
les visiteurs, qui sont majoritairement de langue anglaise, on veut tout
simplement et c'est ce que propose le projet de loi, je pense
c'est de faciliter l'accès, de faciliter la compréhension des
visiteurs de notre produit touristique, qui est Montréal.
Alors, on vous a déjà dit que notre industrie faisait
vivre bon nombre de visiteurs... Je vois que mes 20 minutes achèvent, et
j'aimerais tout simplement vous répéter qu'on est contents
d'accueillir des visiteurs d'un peu partout au monde et particulièrement
des États-Unis et du reste du Canada. On est contents de leur faire
connaître notre société, mais, comme Montréalais,
quand j'amène des visiteurs anglophones au Musée d'art
contemporain, qui est un magnifique nouveau musée dont le gouvernement a
doté Montréal... C'est interdit d'afficher en français
dans le musée parce que c'est une institution d'État. Alors, moi,
je veux dire, j'ai bien de la misère à expliquer tout le
processus de créativité artistique lorsque les affiches ne disent
pas aux clients de quoi il s'agit.
L'Américain qui rentre par Lacolle, on n'a même pas le
droit de mettre un panneau pour lui dire «Welcome»; alors, je pense
que les changements législatifs qui nous sont proposés et
c'est pourquoi nous sommes d'accord avec ça vont au moins nous
donner ces droits-là. À quelques kilomètres de Lacolle, il
y a la Maison du tourisme. Alors, on n'a pas le droit non plus de dire
«Tourism information», c'est interdit par la loi. Mais, pire que
ça, probablement que l'Américain va comprendre tourisme, mais il
va rentrer pas dans cette bebelle-là, mais dans cette
maison-là, et puis, en-dedans, comme ça appartient à
l'État, c'est interdit de signaliser en anglais; il faut que ce soit
signalisé en français. Mais on pourrait au moins... 95 % des
personnes qui arrêtent à la Maison du tourisme de Lacolle sont des
citoyens qui parlent anglais: c'est une réalité, ça.
Alors, je pense qu'on a un devoir d'accueil à faire. (11 h 20)
Et nous, comme touristes, nous-mêmes, de temps en temps, lorsqu'on
sort de notre province et qu'on arrive en Ontario, et qu'on voit
«Bienvenue», bien, ça
nous fait plaisir; lorsqu'on descend vers la Floride en voiture et
qu'à l'entrée de l'État de la Floride on a
«Bienvenue», et qu'on se promène sur les rues de Fort
Lauderdale ou d'ailleurs et qu'on dit «Ici on parle
français», ça nous fait plaisir. Si vous prenez le
«belt way» le chemin de ceinture autour de Washington
et que vous voyez, encore une fois «Bienvenue» dans un immense
panneau-réclame, ça nous fait aussi plaisir comme touriste.
Alors, tout ce qu'on veut, nous, dans l'industrie du tourisme, c'est
faire plaisir à nos visiteurs pour qu'ils reviennent nous voir, pour
qu'ils apportent de l'argent dans notre économie, pour qu'ils
créent des jobs dans notre économie et pour qu'on puisse
être plus accueillants et leur fournir un accueil exceptionnel.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lapointe. M. le
ministre.
M. Ryan: M. Lapointe, M. Bamatter, M. Belle-rose, je vous
remercie du message que vous nous apportez ce matin.
Je pense que, avec l'élégance que nous admirons chez lui,
depuis le temps où il était un parlementaire distingué
à Ottawa, M. Lapointe nous a livré ce matin un message d'une
exquise urbanité. Je pense qu'il nous a tenu le langage de l'industrie
touristique, laquelle est synonyme du mot «accueil». L'industrie
touristique n'a pas de raison d'être si elle n'existe pas pour accueillir
des gens autres que ceux auxquels on est habitué dans le paysage
immédiat où l'on vit. C'est sa nature même de se rendre
accueillante et ouverte pour ceux qu'elle veut attirer et recevoir.
Vous nous avez donné, dans votre message ce matin, à la
fois un rappel de certaines situations qui ne sont pas synonymes
d'urbanité et de courtoisie, puis un message d'adhésion à
certaines améliorations fort modérées que le gouvernement
veut apporter à la situation actuelle par le projet de loi 86; je vous
en remercie cordialement.
Et le message que vous nous apportez ce matin corrobore celui que
m'avaient transmis des représentants assez nombreux de votre industrie
que je me suis fait un devoir de consulter dans la préparation du projet
de loi. M. Bamatter était présent à une réunion que
nous avons tenue un matin, à mon bureau de Montréal, avec au
moins entre 15 et 20 représentants de l'industrie de l'hôtellerie
et de la restauration. Et le message qui nous fut livré à cette
occasion était à peu près unanime, dans le sens de ce que
vous nous avez dit ce matin. Alors, j'apprécie la consistance du message
et vous assure que nous sommes bien convaincus que nous répondons
à des besoins réels avec le projet de loi et que nous allons
procéder suivant l'échéancier qui a été
tracé dès la fin de l'année dernière.
Vous avez parlé de l'accueil aux frontières. C'est un
point qui nous préoccupe particulièrement. Si vous allez en
Ontario, là, vous avez une affiche de l'autre côté de la
frontière qui dit «Bienvenue en Ontario,
Welcome to Ontario». Vous venez de l'Ontario vers le
Québec, c'est marqué «Bienvenue», point. Le reste,
bien, vous êtes supposés comprendre parce qu'ici il y a une langue
officielle. La majorité des visiteurs ne savent même pas
ça. Et ce n'est pas la façon de les attirer et de leur rendre
agréable l'entrée au Québec, en tout cas. Alors, vous nous
indiquez là un désir d'amélioration de ce
côté-là. Grâce au projet de loi, il sera possible de
remédier à cette situation par voie de réglementation, et
nous en donnerons des indications à la commission parlementaire en temps
utile, à ce sujet.
Vous parlez des salles communes dans les hôtels, par exemple, ce
qu'on appelle le «lobby», la salle commune à l'entrée
des hôtels...
Une voix: ...
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Un hall d'entrée.
M. Ryan: Alors, «hall», ce n'est pas mieux que
«lobby».
Mme Blackburn: C'est français, «hall
d'entrée».
M. Ryan: «Lobby» sera francisé tôt ou
tard, madame.
Mme Blackburn: ...doivent tous comprendre ça, quand on dit
hall d'entrée.
M. Ryan: Les langues vivantes évoluent et s'enrichissent
en s'appropriant des termes d'autres langues aussi, il ne faut pas
s'énerver avec ça.
Mme Blackburn: Oui, c'est ça qu'on dit.
M. Ryan: Les langues qui veulent rester trop pures finissent par
décroître, le plus bel exemple en étant la langue grecque,
qui a connu des moments de très grand rayonnement et qui, après
ça, était devenue tellement raffinée que la langue romaine
est apparue beaucoup plus simple pour l'homme du commun, surtout pour le
commerçant, et est devenue la langue du monde. Après ça,
ça a été le français, l'espagnol; aujourd'hui,
c'est l'anglais.
Une chose que vous avez soulignée et qui m'intéresse
aussi: dans l'industrie touristique, deux caractéristiques, là,
la clientèle qui vient dans nos établissements hôteliers
est une clientèle, d'après ce que dit votre mémoire, qui
est au moins 50 % anglophone, qui vient des autres provinces et du reste du
continent. Et la proportion d'après des renseignements qu'on m'a
donnés pour la région de Montréal est encore plus
élevée. On ne peut pas être étranger à
ça.
Et une autre caractéristique que vous avez signalée, c'est
que, dans le monde du tourisme, il y a une langue qui est un petit peu une
«lingua franca» aussi, à
travers le monde, c'est celle à laquelle se raccroche le plus
grand nombre de voyageurs quand ils ont un besoin très immédiat
ou une nécessité de communiquer, c'est la langue anglaise. On
peut bien vouloir faire abstraction de toutes ces réalités, mais
elles nous rejoignent tôt ou tard par la porte d'en arrière, quand
on ferme trop fermement la porte d'en avant. Alors, ici, nous sommes
très sensibles à toutes ces choses.
Vous avez parlé des musées, par exemple. Encore ici, dans
la réglementation, c'est pour ça que nous demandons que la langue
de l'administration puisse être l'objet de certaines exceptions. Nous
voulons que la langue de l'administration reste le français, de
manière très générale, et même
généralement exclusive, la langue de l'administration. Mais nous
voulons que cette règle souffre des exceptions dans le cas de certaines
institutions je pense au Musée d'art contemporain, dont vous avez
parlé il me semblerait plus efficace, plus désirable et
plus civilisé qu'on puisse avoir des inscriptions dans une langue autre
que le français, également. Et, comme la langue des visiteurs est
principalement la langue anglaise, nommons-la par son nom et cessons de tourner
autour du pot... Alors, ça, c'est la politique que le gouvernement met
de l'avant. Je suis content de constater qu'elle répond aux attentes de
votre industrie.
Maintenant, vous avez dit une chose intéressante dans votre
mémoire et sur laquelle j'aimerais avoir quelques commentaires
additionnels. Vous dites: le nouveau régime va nous poser un
problème. Ce n'est pas tout de dire: Là, maintenant, on a une loi
et on marche... Vous dites: II va falloir que tout ça se fasse d'une
manière judicieuse, de manière... vous avez employé
l'expression «esthétique», à un moment donné;
c'est très important.
Est-ce que vous pensez que c'est possible d'avoir un affichage où
le français sera obligatoire, où le français occupera une
place prédominante, où une autre langue sera autorisée, et
tout ça de manière esthétique, de manière
élégante, de manière qui soit réaliste aussi?
M. Lapointe: Moi, je pense que c'est très possible, M. le
ministre. Je vous remercie pour les commentaires que vous avez faits suite
à mon exposé. Je pense qu'il faut se fier un peu aux
créateurs québécois. On a parlé un peu plus
tôt de la haute qualité de la créativité, par
exemple, de nos agences de publicité, qui gagnent des prix à
travers le monde, etc.; c'est un fait. Et on a une multiplicité
d'événements bilingues, multiculturels à Montréal,
assez souvent. Qu'on pense, par exemple, au Festival de théâtre
des Amériques, où il y a une majorité de pièces de
langue anglaise, comparativement au nombre de pièces espagnoles ou
françaises. Ou qu'on pense au Festival Juste pour Rire, Just for Laughs
Festival, qui a une audience anglaise aussi grande que française. Alors,
je pense que toute notre collectivité artistique et créatrice
dans les agences ou dans d'autres maisons de production vont sûrement
pouvoir trouver, en réfléchissant un peu,
l'élégance voulue, l'esthétisme voulu pour transmettre
à tout le monde un message qui est clair. Je ne suis pas un
spécialiste en la matière, mais j'ai une bonne confiance qu'on va
pouvoir y arriver.
Vous parliez de «lingua franca» tout à l'heure. En
préparant ce mémoire, j'ai dû consulter plusieurs des... et
mon collègue, M. Bamatter aussi, plusieurs de nos membres. On a
parlé longuement avec Le Méridien, qui est une chaîne
d'hôtels française, et Le Méridien a une politique
internationale qu'il ne peut pas appliquer au Québec.
C'est-à-dire que, pour eux, la politique, c'est qu'on utilise,
premièrement, la langue du pays donc dans notre cas, c'est le
français et, deuxièmement, dans l'affichage dans tout
l'hôtel, on utilise la langue anglaise et, troisièmement, la
langue française. Alors, nous, c'est le français, donc la
deuxième langue devrait être l'anglais, mais ils ne peuvent pas
utiliser l'anglais dans leur affichage. Mais supposons, Le Méridien
à Bangkok, tout son affichage va être en langue la langue
qu'on parle à Bangkok, je m'excuse, je ne la connais pas
deuxièmement, ça va être l'anglais et,
troisièmement, le français. C'est une réalité de
l'industrie du tourisme que l'anglais est devenu la «lingua
franca». (11 h 30)
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Lapointe, nous avons reçu le maire de Québec et
je m'adresse aussi en même temps à M. Bamatter qui nous a
fait état que, comme maire, il n'avait pas reçu de lettres de
plaintes de touristes qui regrettaient de ne pas avoir pu voir certaines
affiches ou certaines informations dont ils auraient eu besoin dans la langue
qu'ils comprenaient le plus facilement, peut-être l'anglais.
Moi, ma réflexion à ça et j'aimerais avoir
votre réaction c'est qu'un touriste, ça n'écrit pas
pour se plaindre. Ça ne revient pas ou ça part. Je connais peu de
touristes qui écrivent au maire de... ou au gouverneur de l'État
de Floride pour se plaindre de ce qui s'est passé là-bas. Je
pense que, pour en avoir fait un peu dans les quelques années que j'ai
vécues, quand ça ne fait pas mon affaire quelque part, je
n'écris pas au maire de la ville, je me plains à personne, je
demande ma note à l'hôtel et je pars, et puis je ne reviens
plus.
Alors, j'aimerais avoir votre réaction, parce que l'information
que nous transmettait et je ne la mets pas en doute M. L'Allier
à l'effet qu'il n'a pas eu de plaintes... Sauf que, pour évaluer
vraiment ce qui se passe dans le milieu, il faudrait aller au-delà de
ça et pouvoir évaluer les pertes, qui sont difficilement
identifiables, mais qui, j'en suis convaincu, en tout cas, je parle
d'expériences personnelles, et j'ai parlé à quelques
personnes... Parce que ça m'a intrigué ce que M. L'Allier me
disait; ça me paraissait un peu court comme conclusion, comme analyse,
et j'aimerais, vous autres, les spécialistes du tourisme, et M. Bamatter
ayant été assez longtemps au Château Frontenac et je
le salue à ce titre-là en même temps a
peut-être certaines idées là-dessus, et j'aimerais
peut-être l'entendre là-dessus, si
la chose vous tente.
M. Bamatter (Gustav): Bien sûr, M. le Président.
D'abord, la réaction des touristes est exactement comme vous
l'avez dit. C'est très rare que vous allez voir une lettre au maire, et
la raison est très simple: si je suis allé, par exemple, à
Cancun et que je me plains que l'affichage est ni en anglais ni en
français, mais uniquement en espagnol, comment je vais écrire une
lettre au maire de Cancun, si je ne connais pas l'espagnol? Si je le connais,
bien, je n'aurai jamais eu un problème en première place.
Mais, dans les hôtels, les employés qui sont en contact
direct avec le touriste, avec le visiteur, jour après jour, je peux vous
assurer qu'il y a énormément de questions et, souvent, ce ne sont
pas des questions que le touriste est vraiment en colère. Plutôt,
il trouve ça dommage qu'il n'ait pas pu avoir la valeur de
l'installation touristique ou de l'attraction touristique qu'il a voulu aller
voir.
C'est beau d'aller dans un pays où je ne parle pas la langue. Par
exemple, je vais aller au Venezuela. C'est beau de voir la statue de Simon
Bolivar et toute une écriture en espagnol...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Bamatter: ...mais si je ne sais pas que ça veut dire
que Simon Bolivar a libéré le pays et que cette statue a son
héros, comment je vais comprendre la signification de cet
événement-là?
Comme je le dis, très souvent, ces touristes-là ne sont
pas en colère, mais ils trouvent ça regrettable et ils nous
disent: Vous faites quasiment de la fausse publicité. Vous m'avez
contacté ou j'ai lu votre publicité à Atlanta ou à
Boston ou à San Francisco en anglais le plus impeccable du monde. Je
suis venu comme ça parce que vous m'aviez dit que Montréal est
une ville qui est très, très hospitalière. Je viens ici et
je ne comprends rien dans vos musées rien, c'est peut-être
exagéré un peu mais je perds la plupart de ma visite parce
que je ne comprends pas.
Et, évidemment, cette personne-là ne revient plus, et nous
n'allons plus jamais voir la couleur de son argent non plus.
Le Président (M. Doyon): Oui. Ça rejoint ce que
certaines personnes m'ont dit. Ils me l'ont dit à moi, et je suis
sûr qu'ils ne prendraient pas la peine de m'écrire non plus pour
me le dire. Ils me l'ont dit parce qu'ils m'ont rencontré, tout
bonnement. Et ils ne prendront pas la peine de l'écrire non plus au
maire L'Allier. Tout simplement, c'est une réflexion spontanée
que les gens ont à partir de leur expérience personnelle.
Est-ce que vous pensez, ayant vécu, vous, M. Bamatter et
M. Lapointe connaît assez bien la région de Québec, compte
tenu de ses antécédents et tout ça que la
région de Québec serait susceptible d'être l'objet d'un
envahissement d'affiches à connotation anglaise avec une partie en
anglais, en tout cas, advenant que le projet de loi 86, que nous
étudions ensemble, soit adopté? Est-ce que c'est une crainte qui
vous habite, ça, ou si vous avez plus confiance dans tout simplement la
réserve naturelle qu'ont les gens de Québec et ceux qui sont dans
le commerce touristique, en particulier, pour les connaître d'une
certaine façon? Comment vous réagissez à ces craintes que
M. L'Allier a exprimées, envisageant la possibilité d'un retour
en arrière avec des photos qui étaient plus ou moins
tendancieuses, parce qu'on montait à 1968, alors qu'il n'y avait pas,
justement, de règles à respecter, alors qu'il continuerait d'y en
avoir de très précises, obligation du français total. Il
faut que ce soit bien clair, on ne le dit pas assez, avec possibilité
d'anglais et aucune obligation d'anglais, prédominance du
français et possibilité, tout simplement, d'anglais.
Est-ce que ce sont des craintes qui vous habiteraient, vous autres, si
vous aviez à faire l'analyse d'une telle situation?
M. Lapointe: II est exact que notre situation, à
Montréal, est un peu différente de celle de Québec.
Le Président (M. Doyon): Bien sûr.
M. Lapointe: Et M. L'Allier connaît très
certainement Québec beaucoup mieux que je ne peux le connaître.
Mais, lorsque je parlais de solutions élégantes ou
créatrices ou esthétiques dans l'affichage, dans mon
mémoire, j'avais en tête, particulièrement, Québec.
Parce que, si vous regardez un peu l'affichage, l'uniformité, la haute
qualité de l'affichage, particulièrement dans le secteur
historique de Québec, c'est un modèle à observer ou
à appliquer un peu partout au monde, bilinguisme ou pas bilinguisme. Ce
n'est pas vraiment là où est la question, à mon avis.
C'est qu'il faut que les gens, les opérateurs, les gens du secteur
privé qui ont un produit à offrir puissent l'offrir à leur
clientèle de la façon la plus attrayante possible.
Maintenant, moi, je ne pense pas parce qu'il y a une telle
homogénéité dans l'affichage dans la région de
Québec qu'il y ait... que le projet de loi soit adopté ou
qu'il ne soit pas... que le projet de loi sera adopté, que ceci cause un
très grand changement. Le changement va plutôt s'opérer,
à mon avis, dans la région montréalaise. Et le projet de
loi n'est pas coerci-tif. Le projet de loi, si je le lis bien, ne dit pas:
À paVtir de demain, vous allez afficher bilingue. Le projet de«loi
dit: On affiche en français partout au Québec. C'est ça
que ça dit, le projet de loi. Mais on va permettre, dans certaines
circonstances, l'affichage bilingue ou trilingue. Moi, je ne pense pas que
ça ait un effet fondamental sur l'affichage dans la région.
Le Président (M. Doyon): J'aimerais juste avoir votre
opinion en ce qui concerne certaines difficultés supplémentaires
que la situation... le statut actuel
d'obligation et d'interdiction avec tout ce que ça
comporte de difficultés peut avoir... l'influence que ça
peut avoir sur l'arrivée et l'attraction que peut constituer
Montréal et, évidemment, Québec, jusqu'à un certain
point quand on aura espérons-le à un moment
donné, notre Centre des congrès.
Pour les grands congrès internationaux, les grands
congrès, qui viennent de partout, est-ce que c'est un problème
que vous rencontrez?
M. Lapointe: Bien, je vous avoue que le... Pourquoi
Montréal se place-t-elle comme première ville au Canada pour les
congrès internationaux, pour la réception de congrès
internationaux? C'est parce que, lorsque nous faisons notre
«démarchage» auprès des grandes associations
qu'elles soient internationales, basées à Genève, Vienne,
Paris, Londres ou Washington, jusqu'à un certain point c'est que
nous leur disons comme première phrase: Venez à Montréal,
parce que nous sommes une ville bilingue; vous allez pouvoir opérer en
anglais et en français. Ça va être moins compliqué
qu'à New York; ça va être moins compliqué
qu'à Paris quoique à Paris, ils fonctionnent en anglais
pas mal fort aussi, si vous y êtes déjà allé dans
des réunions ou des congrès.
Mais le bilinguisme, pour nous, sur les marchés des
congrès internationaux, est un atout, est le premier atout, la
première carte que l'on joue. Alors, je pense que le projet de loi va
renforcer cette image-là.
Vous savez, la question du... Moi, j'y fais confiance. Je suis un
citoyen, je veux dire, comme plusieurs millions d'autres au Québec; je
me fais confiance et je fais confiance aux citoyens en général.
Je n'ai pas besoin de bien des lois pour me dire quoi faire pour être
dans l'esthétisme ou pour me dire quoi faire pour attirer des clients.
Il me semble que, comme opérateur, je le sais. Et, si je ne le sais pas,
je vais perdre de l'argent, puis je vais fermer ma «business». Je
veux dire, il faut faire confiance à l'individu et au citoyen. Et je
pense que le projet de loi, en ouvrant la porte, donne cette
confiance-là ou accorde cette confiance-là au citoyen. (11 h
40)
Le problème du bilinguisme au Québec ou de Punilinguisme
est... En réalité, on est toujours aussi accueillants qu'on
l'était, on est toujours aussi agréables qu'on l'était, et
l'unilinguisme n'a pas fait de nous des fascistes ou des imbéciles ou
quoi que ce soit. Mais c'est qu'on a un problème de perception: moi,
deux fois par an, je me rends à Boston, New York, Chicago et
Détroit rencontrer les grandes compagnies américaines qui
organisent des tours en autocar vers le Québec alors, c'est Peter
Pan, Tauck Tour, j'oublie le nom des autres que je vais voir
régulièrement et on a une séance de travail; on
dit: Bon, bien, qu'est-ce que je peux faire pour améliorer le produit
touristique, pour vous rendre la vie plus facile, pour que vous ameniez plus
d'autobus à Montréal? Moi, mon seul but, c'est d'amener des
touristes. Et, immanquablement, même si je les vois deux fois par
année, ils me reposent toujours la même question, parce que leur
perception est fausse. Ils savent très bien, une fois qu'ils sont venus
à Montréal, ils savent très bien qu'en
général ils peuvent fonctionner assez bien en anglais dans la
métropole. Mais leur perception: ils ont peur. Ils disent: «Oh!
Will we be able to manage in English if we go to Québec? Or will I be
understood if I go to Québec?» Le fait qu'il y ait une
interrogation là, moi, ça m'inquiète, parce que le
touriste, là, vous comme moi ou comme l'Américain ou n'importe
qui du reste du Canada ou d'ailleurs, lorsqu'on prend des vacances, on ne veut
pas de problème, puis on ne veut pas de trouble. Alors, on veut bien
être dépaysé, mais on voudrait bien aussi parce
qu'on est en Amérique du Nord avoir quelques... Si on vient au
Québec, on aime ça venir vivre, expérimenter le fait
français, mais on ne veut pas que ce soit une aventure trop dure.
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, merci, ça
remet les choses en perspective. Il y aurait long à dire
là-dessus.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le président, messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom
de l'Opposition officielle.
J'ai écouté, j'ai également lu des parties de votre
rapport, que vous n'avez pas lu au complet parce qu'il est un peu long, je vous
comprends, mais, en même temps, je dois vous dire tout de suite que je ne
peux pas vraiment partager votre analyse.
Il y a deux remarques, en particulier: celle nous disant qu'il y a un
gain irréversible du français au Québec je me
permets d'en douter et la seconde remarque, qui, elle, me touche un peu
plus, et je suis incapable non plus de partager votre analyse là-dessus,
alors que vous dites à la page 17 de votre mémoire: «Au
lieu de chercher à parfaire l'identité de Montréal et
notre futur paysage publicitaire urbain en obéissant uniquement à
nos émotions et à nos pulsions ataviques...» Je ne pense
pas que c'est faire preuve d'atavisme que de vouloir protéger le
français, vous permettrez que je vous le dise.
À présent, vous êtes, dans le fond, enfermé
dans une espèce de dilemme, et il traverse toute la trame de votre
mémoire. Vous répétez à au moins trois endroits
dans votre mémoire que le fait français constitue la valeur
vedette en matière touristique. Vous rappelez que les clientèles
américaines et canadiennes-anglaises choisissent Montréal et sa
région comme destination de vacances d'abord et avant tout pour ses
spécialités culturelles, la vigueur et l'omniprésence de
notre langue de même que le dynamisme culturel. Dépassé le
simple phénomène de curiosité, la survivance linguistique
du Québec est devenue un modèle.
Je voudrais juste vous rappeler que le projet de loi 86, qui est sur la
table, dépasse largement l'affichage commercial. Il y a 65 articles dans
le projet de loi: il y
en a 10 qui touchent l'affichage commercial, et les 55 autres articles
déstructurent complètement la loi 101 et nous ramènent au
bilinguisme institutionnel.
Et c'est de bonne guerre, le ministre a tout tenté pour minimiser
l'impact de ce projet de loi. Mais, juste au plan de l'affichage, il y a une
gamme d'hypothèses qui vont de Punilinguisme français, il faut le
dire, à Funilinguisme dans une autre langue, à la
prépondérance, dans l'affichage commercial
prépondérance du français mais à
l'égalité dans les raisons sociales.
Alors, vous avez vraiment toute la gamme. Et on est en train de
procéder à un glissement qui risque de réduire, de porter
atteinte de façon importante à ce qui constitue pour vous une
valeur vedette: le fait français au Québec.
Alors, vous dites: C'est important, mais, en même temps, il
faudrait qu'on soit bilingue. Moi, j'ai comme un problème de lecture
là-dessus et je me dis que, si on a réussi à accueillir et
à recevoir des touristes à travers le monde et
particulièrement de l'Amérique du Nord dans ces
conditions-là, ça ne devrait pas être un drame de le
poursuivre.
Moi, je reconnais avec vous une chose, puis je me permets de le dire
ici, et j'ai l'impression que ça pourrait être endossé
assez rapidement par mes collègues, puisque ça avait
déjà été avancé par l'ex-ministre
responsable de la langue, M. Godin, je crois qu'effectivement, dans nos
musées, il y aurait lieu d'avoir non seulement le français,
l'anglais, mais au moins deux autres langues, peut-être trois, les plus
courantes, je pense à l'espagnol, en particulier. Parce que là,
il y a quelque chose. Si vous me dites qu'il y a juste ça, que le grand
problème, c'est que, quand les touristes vont dans nos musées,
ils ne comprennent pas notre histoire, je dirais que je serais assez
prête à partager ça.
Mais si vous me dites que vous êtes heureux de voir l'accueil que
vous avez quand vous arrivez en Ontario parce qu'ils vous marquent:
«Bienvenue», alors, il faudrait voir comment le reste se passe, en
français. Je n'ai pas trop le goût, moi, et je ne pense pas que
les Anglo-Québécois aient le goût de se comparer beaucoup
avec les situations des francophones de l'Ontario, et pas plus avec ce qui se
passe non plus dans la région de la Floride. Je pense qu'il y a des
petits bouts qu'on a un peu escamotés.
Alors, moi, je me dis: Est-ce qu'on n'est pas en train, avec le projet
de loi 86 parce qu'il faut le voir dans son ensemble, vous le voyez sous
un aspect de porter atteinte, à plus ou moins court terme,
à cette image qui fait l'attrait touristique du Québec, le fait
français?
M. Lapointe: Pas du tout. Je pense que nous sommes d'accord pour
être en désaccord, Mme Blackburn. Si je remonte à ma
lecture des guides touristiques de Montréal qui datent de la fin du XIXe
siècle jusqu'à maintenant, alors que Montréal, jusque dans
les années trente, était une ville avec un visage beaucoup plus
anglais que français... Et, dès ce moment-là, on faisait
la promotion du fait français montréalais, parce qu'on percevait
déjà...
Mme Blackburn: C'était le folklore.
M. Lapointe: ...il y a 100 ans, que c'était une
attraction, c'est ce qui fait notre différence sur le continent
nord-américain. il ne faut pas oublier une chose: lorsque je rencontre
des américains... et, croyez-moi, je veux dire, je ne suis pas en
politique, donc, je défends les lois de la région où
j'habite; je veux dire, la loi 101 est la loi du québec à l'heure
actuelle, et lorsque je vais aux états-unis pour convaincre les
américains de venir chez nous et que je leur dis: oui, vous n'aurez pas
de problèmes, etc., et qu'ils me reviennent toujours sur la question de
l'affichage, je leur dis toujours, ou je leur disais: bon, bien, oui, mais,
quand vous allez en allemagne, c'est en allemand; quand vous allez en italie,
c'est en italien; en france, c'est en français, etc. et ils me font une
réponse très simple, à laquelle je n'ai pas d'objection
à leur contrer. ils me disent: oui, mais, écoutez, on ne va pas
en france ni en italie ni en allemagne en voiture. et, au québec, 70 %
des visiteurs qui nous viennent des états-unis viennent en voiture.
alors, le visage français, pour eux, les «insecure».
Alors, je ne pense pas que l'affichage, tel que proposé dans le
projet de loi... Et j'ai lu le projet de loi, je sais qu'il n'a pas que quatre
articles, qu'il y en a plus que quatre. Je l'ai lu et, personnellement, il ne
m'inquiète pas. Mais ça, ce n'est pas notre propos aujourd'hui;
notre propos, c'est l'affichage. Je pense que l'affichage ne viendrait d'aucune
manière détruire le fait français québécois
et que c'est tout simplement un service additionnel à offrir à
une partie de notre population et à une très vaste
majorité de nos visiteurs.
Mme Blackburn: Vous savez, j'en parlais un peu avant que vous
arriviez, TVA, au bulletin de 18 heures mais aussi le bulletin de 23
heures, puisque je l'ai vu présentait une série d'affiches
déjà bilingues dans le Vieux-Québec et sur le chemin
Saint-Louis. La loi n'est pas adoptée, là, je fais juste vous le
faire remarquer. Et, déjà, nous dit le journaliste, la tentation
est forte, chez certains commerçants du Vieux-Québec, d'afficher
en anglais. Alors, c'est parti. Je veux dire: c'est parti, et je ne pense pas
qu'on puisse vraiment l'arrêter.
Vous nous parlez des problèmes de perception, à
l'extérieur. Hier, M. Daoust nous rappelait que, à* sa
connaissance, les gouvernements du Québec le nôtre, comme
celui actuellement n'avaient pas fait de campagne pour expliquer la loi
101 et, particulièrement, celle ayant trait à l'affichage. Mais,
évidemment qu'avec le discours que le ministre avait hier
comparant le Québec à l'Afrique du Sud il faut compter sur
les bons services d'une certaine presse anglophone et de certains
Anglo-Québécois pas tous, je dois le dire, parce qu'ils
n'ont pas tous tendance à faire ce genre de
démagogie mais on peut compter sur les bons services d'un
certain nombre d'entre eux pour que la nouvelle soit répandue d'un
océan à l'autre; ça, c'est évident, évident.
Et vous allez revoir les titres de la presse anglophone dans les
différentes provinces canadiennes, c'est: Le Québec... Le
ministre responsable de la Charte compare le Québec à l'Afrique
du Sud en matière d'affichage commercial. (Ll h 50)
Si vous pensez que c'est fait pour atténuer les perceptions
négatives qu'on a à l'étranger, moi, je pense qu'on a
comme un problème. Et, quand on fait ce genre d'excès de langage
tout à fait irresponsable, évidemment, on ne peut pas s'attendre
à ce que ça n'ait pas d'effet à l'extérieur.
Mais, si je vous dis que sur les musées... Et, effectivement, il
y aurait lieu de faire quelque chose là-dessus, ça
m'apparaît comme élémentaire. Je vais vous dire ma
pensée là-dessus. Par ailleurs, dans les hôtels
montréalais, que je fréquente beaucoup, puisque je vais à
Montréal presque une fois par semaine, j'y vais
régulièrement, et, comme je suis dans les lieux publics, je
fréquente vos établissements et la restauration et les
hôtels... Il y a quelque 20 ans, on avait peine à se faire servir
en français, dans certains hôtels il faut se le
rappeler.
Mais, d'autres hôtels, vous retrouvez dans vos chambres des
publications qui sont... je pense à... je ne veux pas faire de
publicité, mais, au Hilton Dorval, où il y a sept ou huit langues
sur les dépliants. Ils vous expliquent tout: de ne pas apporter votre
verre à la piscine et un peu les pratiques courantes dans la ville de
Montréal. Je trouve ça excellent, parfait.
M. Lapointe: Dans la chambre d'hôtel.
Mme Blackburn: Qu'est-ce que ça vous donnerait de plus
qu'on marque «Welcome» quelque part ou encore qu'on explique, qu'on
tapisse toute la ville de Montréal d'affiches bilingues? Est-ce que vous
ne pensez pas que ça va venir atténuer la qualité
d'attraction et l'image de Montréal? Parce qu'une affiche, c'est une
fenêtre, ça.
M. Lapointe: Je ne crois pas.
Mme Blackburn: Bien. En ce qui a trait aux... Et, si ça
s'avérait exact, vous seriez les premiers à en souffrir,
j'imagine.
M. Lapointe: Je ne pense pas.
Mme Blackburn: Si on perdait de cet attrait.
M. Lapointe: Je ne pense pas que nous ayons à en
souffrir.
Mme Blackburn: Le français au travail. Un sondage, qui a
été réalisé en 1985, estimait que, dans les cas
où il y avait du bilinguisme dans l'affichage, la tendance était
plus forte d'utiliser l'anglais au travail compte tenu, évidemment, de
la pression. On sait comment ça se passe. Pour y aller souvent, je
constate que les employés dans les petits services alimentaires, dans
les commerces, de façon générale, vous parlent en
français, ça va très bien, mais, dès qu'ils se
parlent entre eux, ils parlent en anglais. Ça, vous le savez. Je pense
bien que vous seriez mal placé pour me dire le contraire.
M. Lapointe: Et ça vous scandalise.
Mme Blackburn: Parce que je connais... Alors, ils utilisent
beaucoup l'anglais. Et, ce qu'on nous dit...
M. Lapointe: Et ça vous scandalise, Mme Blackburn?
Mme Blackburn: Je ne vous ai pas dit que ça me
scandalisait, je vous disais que c'était un fait.
M. Lapointe: Ah bon.
Mme Blackburn: Un fait que la langue de communication entre les
employés, à Montréal, dans les hôtels, dans les
services alimentaires, c'était l'anglais. C'est un fait, ça, que
vous ne déniez pas. Alors, je pense que... Vous savez, la langue qu'on
ne parle plus qu'après cinq heures, c'est une langue qui n'a pas
beaucoup de vitalité.
Mais, qu'est-ce à dire... Il y a eu un progrès remarquable
pour le français au travail, dans vos entreprises, et je le signalais et
je suis heureuse de le constater, mais vous ne pensez pas que ça va
signifier un recul, d'autant que vos employés sont, selon vos chiffres,
à 53,9 % composés d'immigrants et qui, déjà, si je
vous en crois, parlent anglais entre eux?
M. Lapointe: Je vais demander à M. Bamatter de commenter
parce qu'il a prise plus directement que moi sur le monde hôtelier.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Bamatter.
M. Bamatter: M. le Président, je suis impliqué
depuis 1977 dans la question de franciser l'hôtellerie. En 1977,
j'étais nommé sur un comité consultatif pour la
francisation de l'hôtellerie du Québec. Le progrès que nous
avons fait est énorme. Je ne nie pas du tout les faits que vous avez
cités, qu'il peut arriver qu'un employé anglophone avec un autre
employé anglophone, ils vont se dire quelques mots en anglais. En ce qui
nous concerne, comme on disait anciennement, ce n'est quand même pas un
péché mortel. Ils ont choisi le moyen de communication le plus
rapide pour améliorer le service à la clientèle parce que,
partout et par-dessus tous les autres objectifs, il faut toujours s'assurer
que- le client reçoive un excellent service, s'il le désire en
anglais,
français, espagnol ou n'importe quelle autre langue, parce que
c'est lui, en fin de compte, qui signe le chèque de paie de tous les
employés et de tous les directeurs généraux aussi.
Je ne pense pas du tout que ce fait... que les changements des
règlements de l'affichage aient un impact sur la langue officielle du
travail, qui est le français dans tous les hôtels de notre
région et, j'en suis certain, qui va demeurer le français, sans
être mis en danger par les employeurs.
Mme Blackburn: Les remarques qu'on a souvent des visiteurs qui
nous viennent de l'extérieur, c'est de dire: Malheureusement, je venais
pratiquer mes quelques mots de français, il n'y a pas moyen, tout le
monde me parle en anglais. Ça, on entend souvent ça, on voit
ça dans nos journaux. Je pense bien que... ici, assez
régulièrement. Mais là, voilà, ça, c'est
l'autre version. Si, au Venezuela, on ne peut pas vous expliquer dans votre
langue l'histoire du libérateur, ici, à l'Assemblée
nationale, vous avez le «Québec Parliament Building» et vous
l'avez aussi dans votre langue.
Dans la question de l'affichage commercial, est-ce que, selon vous
parce que ce n'est pas clair dans votre mémoire ça
aurait des effets bénéfiques sur le commerce, sur l'industrie
touristique, parce que vous dites à la page je ne sais plus
c'est la page avec un point de suspension, «À condition,
toutefois, que...», en page 7 de votre mémoire?
M. Lapointe: Je pense que ça aurait un effet très
bénéfique et que ce serait la meilleure façon de corriger
les problèmes de perception que nous rencontrons sur les marchés
américains et dans le reste du Canada concernant la destination
Montréal.
Mme Blackburn: Oui, mais, déjà, Alliance
Québec annonce qu'il va contester, là.
M. Lapointe: Ça, écoutez, moi, je...
Mme Blackburn: Dans l'hypothèse avancée par la
plupart des intervenants que ça va donner lieu à du vandalisme,
et ils craignent un peu pour la paix sociale... Vous ne croyez pas que
ça va avoir précisément l'effet contraire?
M. Lapointe: Encore une fois, je vais répéter que
j'ai confiance dans les citoyens et que je ne pense pas qu'en mettant des
règles qui empêchent de faire des choses c'est la meilleure
façon de gérer une société.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lapointe. M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: L'élément le plus frappant de votre
mémoire et de votre présentation, ce matin, c'est la logique,
c'est le sens commun. Et j'ose espérer qu'un peu de sens commun qui
était dans votre mémoire aura un impact positif sur la
députée de Chicoutimi, mais, malheureusement, il y a certaines
choses dans la vie qui ne changent pas.
Mais, vraiment, vous amenez avec vous une perspective qui est
très réaliste. L'industrie touristique sera, selon plusieurs
analystes économiques et spécialistes, l'une des premières
au monde dans l'an 2000. Ça, c'est quelque chose d'important à
considérer.
Il y a aussi que le tourisme d'affaires et de congrès
donc, principalement axé sur la langue anglaise est la plus
importante forme de tourisme à Montréal, le tourisme de
congrès et d'affaires. Ça, c'est ce qui amène les recettes
les plus importantes à la ville de Montréal. Moi, je veux savoir,
d'abord... Vous dites dans votre mémoire que les touristes ont
dépensé un peu plus de 1 000 000 000 $, uniquement en 1992, dans
la région de Montréal. Et, juste pour préciser, j'imagine
que ça ne comptabilise pas tous les achats, c'est seulement les
restaurants et les hôtels, ces chiffres?
M. Lapointe: Non, ça comptabilise tout, monsieur. M.
Libman: Tous les achats dans les magasins... M. Lapointe: Ça
comptabilise... M. Libman: ...dans les centres d'achats?
M. Lapointe: À travers tout le Canada, on applique la
même formule de retombées économiques. On calcule tant pour
le coût moyen pour la chambre, un coût moyen pour les repas, un
coût moyen pour la consommation d'essence, un coût moyen d'achats
dans les magasins.
M. Libman: Parce que l'information que j'ai me dit que ces
chiffres représentent seulement les hôtels, les restaurants et
toutes les dépenses dans ce domaine.
Mais, de toute façon, avec votre mémoire, est-ce que vous
considérez que l'affichage bilingue pourrait être
considéré comme une valeur ajoutée à la relance
économique de Montréal? Est-ce que vous croyez que cela pourrait
avoir un impact très positif sur la relance économique de
Montréal, si on permet, à partir de l'adoption de la loi 86...
sur l'économie de Montréal? (12 heures)
M. Lapointe: Moi, je pense que oui parce que ça va nous
aider dans ces démarches que nous faisons à l'extérieur de
Montréal. Ce n'est pas qu'il y a un problème de fonctionnement,
à Montréal, mais c'est que, comme je l'ai expliqué plus
tôt, il y a un problème de perception à l'extérieur
du Québec et à l'extérieur de Montréal, une crainte
qu'on ne puisse pas fonctionner dans la langue anglaise lorsqu'on vient chez
nous. Je pense que cette ouverture permettant l'affichage bilingue ou
multilingue dans certains autres cas va donner le signal que nous sommes
une société... pas ce que nous sommes réellement, mais va
changer la perception extérieure et mettre la perception à
l'heure juste,
c'est-à-dire que nous sommes une société ouverte,
réceptive, généreuse, etc.
M. Libman: Alors, vous affirmez ce matin que, si on permet
l'affichage bilingue, ça va inciter plus de touristes à venir ici
à Montréal et qu'il pourrait y avoir des retombées
économiques très positives pour l'économie de
Montréal.
f
M. Lapointe: Je pense que oui.
M. Libman: Ce lien est très clair dans votre esprit?
M. Lapointe: Oui.
M. Libman: Merci, monsieur.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de D'Arcy-McGee.
Alors, ça dispose du temps que vous avions prévu, et il me
reste à remercier et M. Bellerose et M. Lapointe et M. Bamatter pour
leur exposé. L'échange qu'on a eu avec vous témoigne de
l'intérêt que nous portons à vos réflexions.
Donc, j'indique que nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30,
moment auquel nous recevons les représentants de l'Union des artistes,
et j'indique que la députée de Saint-Henri, Mme Loiselle, a
accepté de me remplacer comme président, je la remercie. Donc,
donnons-nous rendez-vous à 15 h 30 cet après-midi, pour recevoir
l'Union des artistes.
Suspension.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 15 h 32)
La Présidente (Mme Loiselle): Bonjour! Bon
après-midi à tous et à toutes. Nous reprenons donc les
travaux de la commission de la culture en ce qui a trait aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française.
Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir deux groupes:
tout d'abord, l'Union des artistes, qui sera suivie de la
Fédération des commissions scolaires du Québec.
Je demanderais donc aux représentants et représentantes de
l'Union des artistes de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Union des artistes (UDA) M. Turgeon (Serge): Alors, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Loiselle): Bonjour, M. Turgeon.
M. Turgeon: ...Mmes et MM. les députés, les
ministres...
La Présidente (Mme Loiselle): M. Turgeon, tout d'abord,
j'aimerais vous rappeler le temps qui vous est alloué.
M. Turgeon: Oui.
La Présidente (Mme Loiselle): II y a 20 minutes pour votre
présentation, et ça sera suivi d'un échange de 20 minutes
avec le parti ministériel et 20 minutes avec le parti de l'Opposition.
Et avant de débuter votre présentation, je vous demanderais de
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Turgeon: Très bien. Alors, à ma gauche, Mme
Lucie Beauchemin, qui est directrice des communications à l'Union des
artistes, et, à ma droite, M. Serge Demers, qui est le directeur
général de l'Union des artistes.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci.
M. Turgeon: Nous aimons les choses claires, nous aimons que les
choses soient dites clairement, alors, c'est la raison pour laquelle nous avons
accepté votre invitation de venir cet après-midi pour vous dire
qu'à notre sens le projet de loi 86 est une démarche
précipitée et qu'elle est irrespectueuse de la
démocratie.
Pour les milliers d'artistes francophones que nous représentons,
la langue française est plus qu'une simple langue d'usage et de
communication dans la vie quotidienne. Elle est d'abord et avant tout langue de
travail, langue d'expression artistique, langue de création et langue de
culture.
Aussi avons-nous toujours été fortement
préoccupés par l'évolution de la situation linguistique au
Québec et par les législations gouvernementales en cette
matière. Nous avons toujours considéré qu'il est de notre
responsabilité collective de participer au débat public entourant
cette question déterminante pour l'avenir de notre peuple, et de faire
entendre haut et fort notre voix chaque fois que notre langue nationale nous
semble menacée.
Voilà pourquoi nous avons accepté de répondre
à l'invitation que le gouvernement nous a adressée et de
participer aux travaux de cette commission parlementaire qui est chargée
d'évaluer la pertinence d'apporter des modifications à la Charte
de la langue française.
Toutefois, notre présence à cette commission parlementaire
ne doit d'aucune façon être interprétée comme une
approbation de la démarche entreprise par le gouvernement à
l'occasion de la présentation de ce projet de loi. Au contraire, nous
désapprouvons vigoureusement le fait que le gouvernement fasse preuve
d'une telle impatience dans ce dossier et qu'il ait, de plus,
délibérément décidé de ne pas entendre
certains organismes intéressés, au premier chef, au débat
linguistique.
Je pense ici particulièrement à l'Union des
écrivai-nes et écrivains québécois. Il est tout
à fait inacceptable que le gouvernement prive de son droit de parole,
dans un débat aussi important, une association dont les membres font
métier d'écrire la langue française et de contribuer ainsi
à l'enrichissement culturel du peuple québécois.
Il n'est guère édifiant pour la population
québécoise d'assister au spectacle déplorable d'un
gouvernement qui nous semble indifférent, pour ne pas dire
méprisant face à l'expression du point de vue des
créateurs. Est-ce qu'on ne doit pas y voir la manifestation d'une
intolérance beaucoup plus réelle que celle qu'on prête
à tort aux défenseurs de la langue française dans notre
société?
Par ailleurs, nous sommes quelque peu étonnés de voir
l'empressement excessif avec lequel le gouvernement a entrepris de transformer
en profondeur la Charte de la langue française. Mais où est donc
l'urgence?
Le gouvernement a-t-il réellement mesuré l'impact qu'une
telle remise en cause de la Charte de la langue française pourrait avoir
sur la paix sociale au Québec, particulièrement dans la
région de Montréal? Quel intérêt poursuit-il
à nous replonger collectivement dans un nouveau conflit
linguistique?
Depuis la promulgation de la loi 101, notre société a
généralement connu, malgré quelques soubresauts, une
relative paix linguistique. Or, le projet de loi n'est pas encore adopté
qu'on sent déjà les tensions s'aviver entre les
communautés francophones et anglophones à Montréal. Le
moins que l'on puisse dire, c'est que le choix que fait le gouvernement de
provoquer aujourd'hui une nouvelle crise linguistique ne paraît
guère opportun.
Dans le même ordre d'idée, est-ce que le gouvernement a
mesuré adéquatement les conséquences qu'auront les
modifications qu'il propose sur l'intégration des personnes immigrantes
à la collectivité québécoise? Pour notre part, il
nous semble que nous connaissons suffisamment de difficultés au
Québec à assurer une intégration harmonieuse des personnes
immigrantes sans que le gouvernement ne nous en impose de nouvelles. Il nous
paraît tout à fait inapproprié d'envoyer à nouveau
un message ambigu aux personnes immigrantes et d'accroître la confusion
qui perdure dans certains milieux quant à la place que doit occuper le
français dans notre société.
Nous tenons donc à souligner à cette commission
parlementaire que l'Union des artistes dénonce vivement la
précipitation et l'irrespect de la démocratie dont le
gouvernement fait preuve dans le débat linguistique qu'il a
lui-même relancé.
Le gouvernement se dit pressé d'agir par un supposé
jugement de l'ONU qui considère que l'article 58 de la Charte de la
langue française, tel qu'il a été modifié par
l'article premier de la loi 178, violerait le paragraphe 2° de l'article 19
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En d'autres
mots, l'obligation d'afficher en français à l'extérieur
des commerces contreviendrait à la liberté d'expression. ,
Rappelons d'abord qu'il ne s'agit pas d'un jugement d'un tribunal international
auquel l'État québécois serait contraint de se soumettre,
mais d'un avis, un simple avis émis par le Comité des droits de
l'homme de l'ONU.
Or, cet avis a été formulé suite à une
demande effectuée par trois citoyens anglophones du Québec.
Contrairement au Canada, non seulement de nombreux pays membres de l'ONU, mais
je vous dirai la majorité des pays du G 7 ne reconnaissent même
pas à ce Comité l'autorité d'entendre des plaintes
émanant de simples particuliers. C'est le cas notamment de pays
sérieux comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le
Japon, qui sont tous des pays démocratiques et qu'on ne peut
certainement pas accuser d'irrespect envers les droits et libertés.
Le Canada, lui-même, d'ailleurs, ne s'est pas empressé de
tenir compte des considérations de ce Comité dans le
passé. Par exemple, dans l'affaire Sandra Lovelace, en 1981, le
gouvernement canadien a mis près de deux ans à simplement
répondre par écrit à l'avis de ce Comité, et deux
autres années se sont écoulées avant qu'il ne
légifère à ce sujet. Alors, dans ce contexte, on est en
droit de se demander ce qui justifie l'actuelle précipitation du
gouvernement québécois. N'est-ce pas, finalement, un simple
prétexte qu'il utilise pour mettre en oeuvre sa politique de promotion
du bilinguisme?
Plusieurs interrogations subsistent quant à la portée
réelle de cet avis. Il n'est pas du tout évident, par exemple,
que la liberté d'affichage commercial s'applique aux entreprises. Est-ce
qu'il ne serait pas pertinent alors que le gouvernement invite la Cour d'appel
du Québec à lui fournir une interprétation avant de
légiférer?
En tout état de cause, les considérations du Comité
des droits de l'homme de l'ONU portent uniquement sur la question de
l'affichage commercial extérieur et ne légitiment en rien le
gouvernement de modifier en profondeur les autres dispositions de la Charte de
la langue française. contrairement à ce que laisse croire, depuis
quelques semaines, le ministre responsable de la charte, m. ryan, de même
que plusieurs de ses collègues, le projet de loi 86 va bien
au-delà de la formulation de quelques assouplissements visant à
effacer certains irritants en matière de langue d'affichage. >
(15 h 40)
Une simple lecture, d'ailleurs, du projet de'loi nous
révèle assez clairement l'ampleur des modifications qui sont
proposées. Il y a plus du tiers des 214 articles que compte actuellement
la Charte de la langue française qui sont touchés par ce projet
de loi, et ça, dans presque tous les domaines: la langue de la
législation et de la justice; la langue de l'administration; la langue
des organismes parapublics; la langue du travail; la langue du commerce et des
affaires; la langue de l'enseignement; la francisation des entreprises.
Alors, il semble bien que ce soit la Charte de la
langue française dans son ensemble, comme dans chacun de ses
aspects, qui constitue désormais un irritant aux yeux du gouvernement
et, de surcroît, les assouplissements proposés vont
étrangement tous dans le même sens, c'est-à-dire
rétablir le bilinguisme au Québec.
Le gouvernement devrait au moins, nous semble-t-il, avoir la franchise
d'afficher clairement ses couleurs et de déclarer publiquement son parti
pris en faveur de la généralisation du bilinguisme dans la
société québécoise plutôt que de
prétendre, comme il le fait présentement, qu'il entend continuer
à oeuvrer à la promotion du français. Mais aucune des
modifications proposées par le gouvernement ne contribuera à
renforcer de quelque façon que ce soit la place du français;
elles expriment toutes une inquiétante volonté de nier que le
français soit la langue officielle de la société
québécoise et de son État.
Comment le gouvernement ose-t-il continuer d'appeler «Charte de la
langue française» une loi qui, reconnaissant et confirmant tous
les reculs enregistrés par la langue française au cours des
dernières années, stipulera ou autorisera: que les lois et les
règlements soient imprimés, publiés, adoptés et
sanctionnés en français et en anglais; que l'article qui
prévoit la primauté du texte français en cas de divergence
entre les textes français et anglais soit aboli; que les personnes
morales ne soient plus tenues de plaider en français devant les
tribunaux; qu'il n'y ait plus l'obligation de rendre les jugements en
français, ni même de les traduire, et que la version
française ne soit plus considérée comme la version
officielle en cas de divergence; que le gouvernement puisse communiquer avec
les autres gouvernements et les personnes morales établies au
Québec dans une autre langue que le français?
Mais comment le gouvernement ose-t-il continuer de désigner
«Charte de la langue française» une loi qui, diminuant le
droit des Québécoises et des Québécois de
travailler et de recevoir des services en français, stipulera ou
autorisera: que soient accordés des permis de travail temporaires
renouvelables à vie à des professionnels incapables d'offrir
leurs services en français; que les sentences arbitrales et toutes les
décisions rendues en vertu du Code du travail par les agents
d'accréditation, les commissaires du travail et le Tribunal du travail
puissent être en anglais, sans obligation de traduction, et bien d'autres
choses?
Alors, comment le gouvernement ose-t-il continuer de nommer
«Charte de la langue française» une loi qui, reconnaissant
pour la première fois la légitimité du coup de force
constitutionnel de 1982, et amoindrissant la place de l'école
française, stipulera ou autorisera: qu'en matière d'accès
à l'école anglaise soit invalidée la clause dite
Québec et que lui soit officiellement substituée la clause dite
Canada; que soient multipliées et étendues les
possibilités, pour les personnes immigrantes, de déroger à
l'obligation d'envoyer leurs enfants à l'école française;
qu'en cas de conflit entre les parents, la priorité soit accordée
au parent qui réclame l'accès à l'école anglaise
pour son enfant; que, sous prétexte de favoriser l'apprentissage de
cette langue, l'enseignement de toutes les matières dans les
écoles françaises puisse se faire en anglais, ouvrant ainsi la
porte au développement systématique du bilinguisme dans
l'éducation?
Il est clair que le gouvernement va bien au-delà de l'adoption de
quelques assouplissements en matière d'affichage commercial. Il devrait
minimalement avoir la décence et la transparence de le
reconnaître.
L'Union des artistes refuse donc de donner son aval aux modifications
proposées à la Charte de la langue française et
dénonce fermement la volonté cachée du gouvernement
d'instaurer, par le biais de ce projet de loi 86, le bilinguisme dans tous les
champs d'activité au Québec.
Et puis, la loi 101 faisait de la défense et de la promotion du
français une responsabilité nationale, une affaire d'État.
Or, en proposant un transfert massif entre les mains du gouvernement et du
ministre attitré des pouvoirs actuellement détenus par un
organisme indépendant, l'Office de la langue française, on veut
en faire une affaire, excusez-moi, de politiciens, soumise aux aléas de
la politique partisane et aux pressions des lobbies.
L'Union des artistes rejette entièrement toutes les modifications
qui permettraient dorénavant au gouvernement de modifier des aspects
importants de la législation linguistique par voie de règlements
et sans débat à l'Assemblée nationale.
Les nombreuses modifications que nous venons d'évoquer auront
pour effet de transformer finalement, en catimini, la Charte de la langue
française en une charte d'un Québec bilingue. Et cela est
d'autant plus évident que se manifeste la volonté du gouvernement
de transformer la loi 101 pour autoriser dorénavant le bilinguisme, non
seulement dans l'affichage externe pour les petits commerces, mais plus encore
dans l'ensemble de l'affichage public; dans la publicité commerciale;
dans les raisons sociales; dans la signalisation routière; dans
l'affichage de l'administration gouvernementale.
Et dans tous ces domaines le projet de loi 86, s'il était
adopté, accorderait, par ailleurs, au gouvernement le pouvoir de
permettre, par simple voie de réglementation, que l'affichage puisse se
faire sans prédominance du français et même uniquement dans
une autre langue.
En d'autres mots, non seulement assisterions-nous, par voie de
conséquence, au retour massif du bilinguisme, notamment dans la langue
du commerce et des affaires, mais nous pourrions même voir
réapparaître l'unilinguisme anglais en certains endroits ou en
certaines circonstances, au gré des intérêts
immédiats du parti politique au pouvoir.
Il existe une expression populaire que vous connaissez bien pour
décrire ce que le gouvernement met de l'avant en matière
d'affichage, ça s'appelle «en donner plus que le client en
demande».
Les modifications proposées vont, en effet, bien au-delà,
d'une part, de la tolérance exprimée par la population dans
certains sondages et, d'autre part, des
recommandations formulées par le Conseil de la langue
française et par ce Comité des droits de l'homme de l'ONU qui
concernent uniquement, je vous le rappelle, l'affichage externe pour les petits
commerces.
L'Union des artistes refuse d'accorder son appui aux propositions
gouvernementales qui vont dans le sens de la restauration du bilinguisme et de
l'unilinguisme anglais dans l'affichage et dans la langue du commerce et des
affaires au Québec.
L'Union des artistes considère que ces propositions mettent en
péril l'avenir du français, bien sûr, à
Montréal, où se feraient sentir plus rapidement et plus
massivement les impacts pernicieux d'un tel retour en arrière, mais
aussi, à terme et par effet d'entraînement, dans l'ensemble du
Québec.
D'autres organismes sont venus rappeler devant cette commission la
constatation que faisait René Léves-que en novembre 1982, alors
qu'il s'adressait aux dirigeants d'Alliance Québec. Il écrivait
ceci: «À sa manière, chaque affiche bilingue dit à
l'immigrant: il y a deux langues ici, le français et l'anglais, on
choisit celle qu'on veut. Elle dit à l'anglophone: pas besoin
d'apprendre le français, tout est traduit.» Fin de la citation.
L'Union des artistes souscrit entièrement à ce point de vue de
l'ex-premier ministre du Québec et le reprend à son compte.
Il est évident à nos yeux que cette restauration du
bilinguisme dans l'affichage crée des conditions d'un recul majeur de la
place du français dans toutes les autres sphères
d'activité, et particulièrement dans la langue de travail et dans
la langue d'enseignement. Comment le gouvernement peut-il prétendre que
les entreprises et les commerces anglophones, étant désormais
autorisés, pour ne pas dire incités, à s'adresser en
français et en anglais, ou éventuellement en anglais seulement au
gouvernement, à l'administration, aux tribunaux et à leurs
clientèles, ne seraient pas amenés rapidement à faire de
même avec leurs employés?
Comment le gouvernement peut-il soutenir que les personnes immigrantes,
étant dorénavant soumises quotidiennement à un
environnement commercial et publicitaire accordant, à toutes fins
pratiques, le même statut au français et à l'anglais, ne
seraient pas tentées, elles qui continuent de s'intégrer
majoritairement à la communauté anglophone malgré la loi
101, ne seraient donc pas tentées de s'assimiler encore plus à la
culture anglophone et de réclamer avec force le libre choix de la langue
d'enseignement pour leurs enfants?
La restauration du bilinguisme dans l'affichage et dans la
publicité commerciale comporte aussi un danger réel
d'appauvrissement de la qualité de la création publicitaire et de
la langue française dans ce domaine. Déjà, dans le milieu
francophone de la publicité, on a commencé à
s'inquiéter à ce sujet et à alerter l'opinion publique.
Mais quelle sorte de langue française verrions-nous s'exprimer dans
l'affichage et la publicité commerciale le jour où les grandes
entreprises et les grandes chaînes de commerce entreprendraient de
traduire simplement de l'anglais au français leur raison sociale, leurs
concepts et leurs messages?
Qu'on ne s'illusionne pas, la bilinguisation et l'anglicisation de
l'affichage et de la publicité commerciale ne seraient pas
limités à Montréal. Il ne s'écoulerait pas beaucoup
de temps avant que le mouvement ne s'étende à toutes les
régions, à tout le moins dans le cas des grandes entreprises et
des grandes chaînes de commerce, ne serait-ce qu'à cause des
contraintes inhérentes aux coûts de production du matériel
publicitaire.
Enfin, la restauration du bilinguisme dans l'affichage et dans la
publicité commerciale comporte un risque sérieux de
déplacement de Montréal vers Toronto ou New York d'une partie
notable de la création et de la production publicitaires. Le jour
où les multinationales anglophones prendraient conscience que leur
principale raison de confier leur publicité à des agences
francophones du Québec aurait disparu, combien ne choisiraient-elles pas
de rapatrier leurs activités et d'accroître simplement leur budget
de traduction? (15 h 50)
En somme, obnubilé par une excessive tendance à
l'assouplissement en matière de législation linguistique, le
gouvernement ne semble pas mesurer, à notre sens, adéquatement
les périls qu'il fait courir à l'avenir de la langue
française en restaurant le bilinguisme dans l'affichage.
La société québécoise, par son appartenance
à l'espace économique nord-américain et par l'influence
considérable que la culture anglo-américaine y exerce, est en
quelque sorte plongée en permanence dans un bain linguistique
anglophone. Or, l'Union des artistes considère que rien ne justifie que
le gouvernement accentue, par ses politiques, ce phénomène
déjà fort inquiétant pour notre avenir collectif.
En conclusion, je vous dirai que les acquis de la francisation de notre
société demeurent bien fragiles, qu'il y a tant à faire
pour défendre et promouvoir le français au Québec,
à l'école, au travail, dans toutes les sphères
d'activité, qu'il y a tant à faire pour assurer
l'intégration harmonieuse des personnes immigrantes,
particulièrement en consolidant le statut de la langue française
comme langue officielle de l'État et comme langue commune de toutes les
Québécoises et de tous les Québécois, assurant
ainsi l'indispensable cohésion de notre société.
L'Union des artistes ne peut accepter que le gouvernement décide,
aujourd'hui, de baisser les bras face à ce défi majeur pour notre
avenir, qu'il renonce aux objectifs qui ont présidé à la
promulgation de la Charte de la langue française, qu'il compromette
ainsi tous .les efforts accomplis à ce jour et qu'il tente de nous
ramener collectivement 20 ans en arrière en restaurant et en promouvant
le bilinguisme. L'Union des artistes demande donc au gouvernement de retirer
son projet de loi 86.
Jusqu'à présent, le gouvernement a refusé, parfois
avec une arrogance déplorable et inquiétante pour la
qualité de notre vie démocratique, d'entendre la voix des
nombreux organismes représentatifs qui sont venus
le mettre en garde contre le virage néfaste dans lequel il veut
entraîner le Québec en matière d'orientation et de
législation linguistiques.
Mais exploitant l'ouverture d'esprit et les valeurs de tolérance
qui caractérisent la population québécoise, misant sur le
désolant sentiment de culpabilisation qu'on s'est efforcé de lui
inculquer depuis quelques années à chaque fois que se manifestait
son aspiration à vivre en français au Québec et camouflant
les véritables intentions qu'il poursuit en matière linguistique,
le gouvernement pense le moment venu d'imposer impunément sa nouvelle
politique de bilinguisme. Eh bien, le gouvernement se trompe. Il se trompe
aujourd'hui comme il se trompait hier en croyant pouvoir entériner le
dangereux accord constitutionnel de Charlottetown.
Nous avons la conviction profonde et je termine là-dessus
qu'informée peu à peu de la portée réelle du
projet de loi 86 et comprenant alors que les modifications proposées
à la Charte de la langue française s'inspirent de la même
attitude de résignation et de démission nationale que celle qui
prévalait au moment de Charlottetown, la population
québécoise servira au gouvernement le même démenti
qu'elle lui a alors servi. C'est notre conviction. Je vous dirai que c'est
aussi notre espoir et que c'est le sens de notre ferme opposition à cet
illégitime projet de loi 86.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Tur-geon.
Nous commençons l'échange. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Ryan: Mme la Présidente, je voudrais prévenir M.
Turgeon tout de suite qu'il n'est pas question que le gouvernement retire ce
projet de loi. Je veux que vous partiez avec une réponse claire.
M. Turgeon: Ah ça, je ne m'attendais pas à une
autre réponse, M. Ryan.
M. Ryan: Vous avez dit que vous aimez les choses claires, au
début de votre exposé; il en va de même pour moi.
M. Turgeon: Tout à fait.
M. Ryan: Et nous ne retirons pas le projet de loi pour une raison
bien simple, c'est que, contrairement à la présentation
faussée qu'en donne votre mémoire, c'est un projet
foncièrement modéré. C'est un projet qui répond
à des besoins précis et qui n'entraîne aucunement ce
détournement de vocation de la Charte que l'on invoque dans certains
milieux.
Le projet corrige d'abord la situation relative à l'affichage.
J'ai remarqué que dans le mémoire que vous nous avez
présenté, le souci de chercher un équilibre entre la
liberté d'expression que garantissent et la Charte
québécoise des droits de la personne et la Charte canadienne et
le Pacte international des droits civils et politi- ques auquel a librement
adhéré le Québec librement, en acceptant de s'y
soumettre pose ce problème en termes crus.
Ce n'est pas nous qui l'avons inventé, on nous dit: Le discours
commercial fait partie de la liberté d'expression. Un postulat qui
sous-tendait certaines dispositions de la Charte parlait un langage contraire
et supposait que ça ne faisait pas partie de la liberté
d'expression, donc, qu'on pouvait limiter ça au gré des
gouvernements ou des Parlements. Les droits fondamentaux sont situés
au-delà de la volonté des gouvernements et même des
Parlements, tellement qu'il faut toujours des majorités beaucoup plus
fortes pour apporter des modifications à une charte de droits. C'est
ça, le problème qui se posait à nous; nous ne l'avons pas
inventé.
Puis, quand vous parlez de précipitation, je ne sais pas si nous
vivons sur la même planète, mais nous avons pris tout le temps
voulu. Le problème est posé depuis 5 ans. Nous avions dit, il y a
5 ans, que nous reviendrions en 1993, puis nous avons prévenu nos
concitoyens dès le mois de décembre. On ne peut pas avoir eu une
procédure plus ouverte, plus graduée que celle que nous avons
observée, et pour plaire à certains, il faudrait que nous
attendions indéfiniment. Ça, ce n'est pas l'attitude du
gouvernement, parce que nous sommes au gouvernement pour agir et non pas pour
attendre uniquement. Je pense que le cheminement que nous avons suivi, de ce
point de vue, est un cheminement fort défendable.
Alors, le projet de loi lui-même apporte cette réponse au
problème de l'affichage, une réponse modérée. Le
français sera obligatoire partout. Deuxièmement, une autre langue
pourra être utilisée dans l'affichage, mais à condition que
le français soit toujours dans une situation nettement
prédominante. Et le gouvernement se réserve le pouvoir, par
règlements, de définir certaines situations où le
français pourrait être utilisé de manière exclusive,
où le français et une autre langue pourront être
utilisés de manière équivalente, ou encore des situations
où il pourrait arriver que seule une autre langue puisse être
utilisée. C'est déjà, dans la Charte de la langue
française, il y en a déjà, des exemples de ça.
Vous pouvez bien semer des épouvantails tant qu'on veut, mais on
regardera les textes ensemble, quand on aura le temps, on verra qu'il n'y a
rien d'inusité là-dedans. Et je répète ce que j'ai
dit à maintes reprises depuis le début des auditions publiques de
la commission: le gouvernement fera connaître en temps utile
j'espère que ce sera plus tôt que plus tard les choix qu'il
aura arrêtés en matière de réglementation, et on
verra à ce moment-là qu'il s'agit de choix extrêmement
modérés et responsables. Il n'est pas question d'ouvrir dans
toutes les directions même si, personnellement, je n'ai aucune mauvaise
idée du bilinguisme. Je pense que ça peut être un
enrichissement pour une personne et aussi pour une société. Si
ça peut l'être pour une personne, je ne comprends pas pourquoi
ça ne peut pas l'être, à bien des égards, pour la
société dont elle fait partie. Qu'il faille être prudent
dans une société ou
un contexte comme le nôtre, nous le comprenons tous. C'est pour
ça qu'il y a beaucoup de dispositions de la Charte que nous maintenons.
Encore là, en matière de langue d'enseignement et
là vous posez la question bien simplement je m'étonne, je
me scandalise même et je n'ai plus le scandale facile après
15 ans de vie politique et 16 ans de journalisme antérieurement, j'ai
à peu près tout vu, tout entendu qu'on veuille maintenir
dans une législation l'interdiction de recourir à toute
méthode, par exemple, d'immersion dans l'apprentissage de la langue
seconde au Québec. Moi, je trouve ça passablement fort. Je pense
que c'est manquer totalement de confiance envers le système
d'enseignement, envers le ministère de l'Éducation, envers les
commissions scolaires, envers les responsables de la pédagogie de
l'enseignement des langues secondes dans les écoles.
On veut élargir un peu. On veut mettre un peu d'air
là-dedans à la lumière de résultats fort
décevants que nous observons depuis des années en matière
d'apprentissage des langues secondes dans les écoles. Si c'est ça
qui vous scandalise, qui vous fait redouter une catastrophe, j'aimerais que
vous m'expliquiez comment.
M. Turgeon: Alors, M. Ryan, je reconnais vos 15 ans de vie
politique et vos 16 ans de journalisme, et je ne doute absolument pas que vous
sachiez écrire, mais nous savons lire. Et quand vous dites que nous
avons un projet qui fausse la vérité, moi, je vais vous dire que
nous avons fait un travail sérieux. Nous avons lu ce qu'il y a là
à la lumière des mots qui sont là et non à la
lumière d'une réglementation que vous avez peut-être en
tête, mais qui n'est pas là et dont je ne peux pas préjuger
présentement.
Vous avez en face de vous des gens qui savent ce que c'est que la
liberté d'expression. Je pense que les artistes savent un peu ce que
c'est que la liberté d'expression...
M. Ryan: Montrez-le.
M. Turgeon: ...et il n'est aucunement dans notre intention de
vouloir brimer quelque liberté d'expression que ce soit. Sauf que tout
ce que nous disons, c'est qu'au nom de cette liberté d'expression dans
l'affichage commercial, où nous aurions pu élaborer si vous nous
aviez présenté un projet là-dessus on pourrait en
discuter et en débattre, on est ouvert à ça
l'impression que nous avons, c'est que c'est un cheval de Troie que vous nous
faites passer. En voulant faire passer ça, vous faites passer une
bilinguisation dans plusieurs domaines de la société, et
notamment partout où il y a une raison d'État, une raison
institutionnelle, une raison sociale. C'est ça qui nous apparaît
et c'est ça, uniquement ça, entendons-nous, que nous
dénonçons.
Pour ce qui est du reste, on l'a toujours dit, et, moi, je l'ai dit
à Bélanger-Campeau, les anglophones sont 800 000 au
Québec, ils ont leur place, ils ont leurs droits et on va respecter
ça. Mais on vit dans une socié- té. On parle d'une langue
commune. La loi 101 faisait de la langue une affaire d'État. Votre
projet de loi, M. Ryan, avec tout le respect que je vous dois, ramène
ça à un autre niveau, ramène ça à l'humeur
des politiciens, et ça c'est tout à fait inacceptable dans une
société démocratique comme la nôtre. C'est tout ce
que nous disons.
M. Ryan: Mais est-ce que vous admettez que, dans une
société démocratique, le pouvoir de réglementation
doit revenir au gouvernement, à ceux qui sont les élus du peuple?
Est-ce que vous reconnaissez ça? (16 heures)
M. Turgeon: Oui, mais présentement, ce que j'ai à
étudier, c'est ça. C'est le texte que vous avez ici. Je
n'étudie pas la réglementation.
M. Ryan: Mais je vous pose la question...
M. Turgeon: Je suis d'accord pour dire que le pouvoir de
réglementation vous revient, tout à fait. C'est très
bien.
M. Ryan: Merci. Merci. Je suis content.
M. Turgeon: Mais ce n'est pas... Je ne l'ai pas, la
réglementation, ici.
M. Ryan: En lisant le projet de loi, j'espère que vous
serez d'accord jusqu'au bout.
La Présidente (Mme Loiselle): Ça va.
M. le député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, Mme la Présidente.
M. Turgeon, mesdames, messieurs, il y a quelque chose, un nombre qui me
revient, et je me pose des questions. Est-ce que, en arrière de
ça, vous voulez dire peut-être que je me trompe,
j'espère que je me trompe que si le Québec devient
anglicisé ça sera à cause des immigrants? Est-ce que je
peux l'interpréter comme ça ou bien si je fais fausse route?
J'espère que je fais fausse route. Parce que si je le lis, si je
l'entends, il y a quelque chose qui me chicote un peu. Et si je pose la
question, je la pose parce que je suis assuré que vous allez me
répondre en me disant que j'ai tort.
Puis, j'espère que vous reconnaissez que la majorité des
immigrants, à l'heure actuelle, la majorité, avec
l'intégration... Le gouvernement actuel, même le gbu-vernement
précédent, a essayé d'intégrer la majorité
des immigrants à la réalité québécoise,
ça veut dire la réalité francophone, puis l'effort
était un effort positif, et la majorité de ces immigrants
intègrent la majorité québécoise et ils vivent
puis j'utilise le terme de Mme la députée de Chicoutimi
après 5 heures en français.
Ce discours, moi, il y a quelque chose qui me chicote un peu.
J'espère que vous allez me dire que ce n'est pas tout à fait
ça, on ne pointe pas personne en disant que si le Québec devenait
un jour
anglophone, ce sera à cause de ceux qui viennent de
l'extérieur.
M. Turgeon: On vous dit que tout ça, c'est bien fragile,
et que quand quelqu'un de l'extérieur s'en vient ici, en ce moment, il
s'en vient au Canada peut-être avant de s'en venir au Québec. ,
M. Khelfa: Pas nécessairement.
M. Turgeon: Et il s'en vient ici. Ou s'il s'en vient au
Québec et qu'on lui donne le message qu'il peut être ou dans cette
langue-là ou dans cette autre, c'est là qu'il y a confusion.
Pour répondre à votre question, je vais vous citer ceci.
Quelqu'un qui disait: «Si les nouveaux immigrants n'avaient pas un
message très clair que la société québécoise
est principalement francophone et qu'elle n'est pas bilingue officiellement et
institutionnellement partout, ces immigrants auront un intérêt
économique à aller du côté anglophone.»
Qui disait ça? Ce n'est pas Guy Bouthillier du Mouvement
Québec français qui disait ça, ce n'est pas Jean Dorion de
la Société Saint-Jean-Baptiste qui disait çà, ce
n'est pas Mme Blackburn, ce n'est pas moi, c'est votre premier ministre, c'est
M. Bourassa lui-même qui disait ça il y a cinq ans. Qu'est-ce qui
s'est donc passé en cinq ans pour que, tout à coup, on change
tout de bout en bout?
M. Khelfa: M. Turgeon, si vous me permettez, vous le savez
très bien... Vous êtes un excellent journaliste et je vous
félicite, je suis témoin, je vous écoute tous les
jours.
M. Turgeon: Vous direz ça à mes patrons.
M. Khelfa: Pardon?
M. Turgeon: Vous direz ça à mes patrons aussi.
M. Khelfa: Je suis sur les ondes, je peux leur dire. Mais, vous
savez très bien qu'il y a une politique d'immigration qui est mise sur
la table par le gouvernement Bourassa, il y a une politique
d'intégration qui est faite et il y a une sélection à
travers le monde, il y a des programmes de francisation avant d'arriver, il y a
des intégrations qui se font à tous les niveaux. Un message comme
celui-là peut-être a été réel, mais en
1980.
Mme Beauchemin (Lucie): J'aimerais ajouter quelques...
M. Khelfa: Si vous me permettez, juste pour terminer...
Mme Beauchemin: Pardon. Je vous en prie. M. Khelfa:
Allez-y, j'ai perdu le fil.
Mme Beauchemin: Oui, et c'est justement à vous que
j'aimerais m'adresser, M. le député. J'ai eu l'immense
privilège de vivre une expérience à l'étranger.
J'ai été pendant trois ans en Israël où j'ai appris
l'hébreu simplement parce que j'y étais obligée. Si
j'avais été dans une situation où les
panneaux-réclame ou la publicité à la radio et ainsi de
suite s'étaient faits en anglais ou en français, je vous assure
que j'aurais été enchantée de profiter de cette occasion
parce que d'apprendre une langue dans un nouveau pays, c'est difficile, et
chaque fois qu'il y a des échappatoires, l'esprit étant
paresseux, on essaie de profiter des échappatoires.
C'est ainsi que va la vie, ça n'a rien de particulier au
Québec ou au Canada ou ailleurs, c'est la même chose partout.
M. Khelfa: Je comprends votre point de vue. Nous avons une de nos
collègues qui a passé quelques années dans un kibboutz en
Israël, elle a appris la vie à l'extérieur. Mais, moi, ce
que je veux dire, c'est presque le même discours qu'on entend
aujourd'hui, de 1988, quand on a voulu mettre la loi 178. Cela a
peut-être été un peu plus flamboyant en décembre
1988, je le sais comme député. Pour moi, vous êtes bien
informée, la vie active et l'animation dans le coin chez nous.
Mais, moi, ce que je veux dire, c'est que l'ensemble des
Québécois d'origine, et non pure laine, sont fiers
d'intégrer la majorité québécoise francophone. Ils
le font. Ils le font, et nous avons deux politiques. La citation que vous
m'avez donnée est excellente; ça vient du premier ministre, il a
agi en fonction de sa citation. Et je vous en remercie.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. J'ai besoin du
consentement des membres. Le député... Non? Ça va? Oui,
d'accord. Est-ce que ça va?
Alors, Mme la députée, pour 15 minutes d'échange,
s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente.
M. Turgeon, M. Demers, Mme Beauchemin, il me fait plaisir de vous saluer
et de vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire.
Je pense qu'il faut faire un certain nombre de mises au point. Vous
savez, quand vous n'êtes pas d'accord avec le ministre, c'est soit que
vous n'avez pas compris, que vous soyez réactionnaires, bornés,
intolérants, ou encore, comme dans votre cas, vous avez faussé la
vérité. Parce qu'on ne peut pas penser autrement que le ministre,
sinon vous êtes fatalement dans l'erreur.
Vous rappelez avec beaucoup de justesse que c'est un projet de loi
majeur qui dépasse très largement l'obligation qu'invoque le
gouvernement de se conformer à l'avis du sous-comité des Nations
unies et vous rappelez avec beaucoup de justesse, faut-il le redire, que dans
une situation similaire, ce qu'on appelait la cause Lovelace sur le statut des
femmes autochtones, le
Canada aura mis quatre ans à se conformer au même jugement,
à un jugement similaire.
À présent, vous rappelez également la
fragilité et la vulnérabilité du français au
Québec. Je vous rappelle que c'est essentiellement le discours que ce
gouvernement, dans une plaidoirie auprès des Nations unies, faisait il y
a seulement 14 mois. Qu'est-ce qui a changé depuis février 1992
pour qu'on soit capable de tout saboter? Qu'est-ce qui nous donne cette
sécurité, ce confort, cette assurance que la langue n'est plus
menacée au Québec? Alors, je pense que de poser la question,
c'est s'interroger sur le pourquoi du projet de loi. (16 h 10)
Je voudrais rappeler que dans le projet de loi, vous le dites, il y a 10
articles sur 65 qui touchent l'affichage. Il ouvre à l'affichage
unilingue français, mais unilingue dans d'autres langues. Partout, le
ministre dit toujours la même chose: prédominance du
français. Ça, c'est induire la population en erreur, parce qu'il
y aura, oui, prédominance dans certains cas, oui, égalité
en ce qui a trait aux raisons sociales, et il pourrait y avoir unilinguisme
anglais également, et ça, il ne le dit pas.
Il y a donc 84 dispositions de la Charte sur 215 qui se trouvent
touchées, c'est majeur et c'est capital. Le gouvernement a
été accusé, et par la Cour suprême et par le
Comité des Nations unies, d'avoir mal plaidé. Comprenez-vous?
D'avoir mal plaidé. Et, sur la base du résultat, il dit: On doit
se conformer. On n'appelle pas ça un peu faire exprès pour
justifier le mouvement qui est en train de se faire? Ce n'est pas nous qui le
disons, c'est, dans un cas, la Cour suprême, et, dans un autre cas, le
Comité des Nations unies qui disent: Le Québec a mal
plaidé.
Ce que dit José Woehrling, le conseiller du Conseil de la langue,
un expert, il dit: Pourquoi n'allez-vous pas tester la loi 101 d'origine,
même la loi 178, auprès des tribunaux? On pense qu'à la
faveur de l'évolution des derniers jugements ça pourrait
être considéré comme conforme. Non, il y a une urgence.
Moi, je prétends que l'urgence, elle n'a qu'un nom: la partisane-rie.
Parce que les élections approchent, et on a besoin de
récupérer le vote anglophone.
Comme beaucoup d'autres organismes qui se sont présentés
ici, vous craignez qu'on menace ainsi la paix sociale, et vous rappelez que le
message qu'on envoie aux allophones est un message ambigu. Moi, je le dis et je
le répète, quoi qu'en pense le député de Richelieu,
je pense que le message qu'on envoie aux jeunes immigrants, c'est: Si on n'a
pas besoin du français pour travailler parce que les parents
travaillent souvent en anglais si, le français et l'anglais, on a
le choix, on est en Amérique du Nord, on va choisir l'anglais; c'est
légitime et normal, parce qu'on leur envoie un message ambigu. On leur
envoie un message ambigu avec la conséquence, deux fois sur trois, quand
il y a un transfert linguistique, c'est-à-dire, quand on adopte une
autre langue à la maison, on le fait en faveur de l'anglais, encore
aujourd'hui; alors, n'allez pas me dire que ça a changé
beaucoup.
J'aimerais que vous me parliez de ces effets de fragiliser le
Québec, la langue française, et particulièrement dans la
grande région montréalaise.
La Présidente (Mme Loiselle): M. Demers.
M. Demers (Serge): Si vous permettez, je pense que, pour toutes
les personnes qui vivent à Montréal, il est très
évident que l'équilibre linguistique, dans la région de
Montréal, est plus que fragile, et les modifications que le ministre se
propose d'apporter à la Charte de la langue française, à
travers son projet de loi, vont tout simplement favoriser un glissement
supplémentaire des personnes immigrantes vers la langue anglophone. Nous
avons pu, nous, la vérifier, cette fragilité, à travers
quelques sondages ces dernières années, qu'on a fait faire par
des firmes scientifiques sur, par exemple, l'écoute, des personnes
immigrantes, des films diffusés en langue française ou en langue
anglaise, des émissions de télévision diffusées en
langue anglaise ou en langue française, et ainsi de suite, et on se rend
compte que la tendance, parce qu'on est en Amérique du Nord et qu'on est
une minorité à l'intérieur du Canada, c'est d'aller
spontanément vers la langue anglaise.
Or, ce qui nous choque dans la présente démarche M.
Ryan disait que ça fait 15 ans qu'il fait de la politique; c'est
peut-être qu'après 15 ans on a peut-être tendance à
devenir un peu cynique c'est qu'on utilise la langue de la
majorité, la langue des Québécoises et des
Québécois, en termes de «clientélisme»
politique, et que, finalement, les pots cassés, c'est nous qui devrons
les ramasser dans quelques années, et nos enfants par la suite. Et
ça, je trouve ça, en quelque part, inacceptable et immoral. Je
pense qu'on ne peut pas faire de la parti-sanerie politique à partir
d'un débat aussi fondamental que celui de la langue
française.
Et moi, je serais prêt à dire au gouvernement, et à
M. Ryan, s'il est tellement convaincu de la justesse de son point de vue, s'il
croit que la population du Québec supporte son projet de loi, il y a
deux possibilités d'aller le vérifier d'une façon on ne
peut plus démocratique, pas en utilisant sa majorité de parti
à l'Assemblée nationale, c'est aller devant le peuple, soit en
référendum ou en élection, sur cette base-là, et
laisser la population du Québec décider. Ça demande un
certain courage politique que, je suis convaincu, le gouvernement n'est
«pas prêt à assumer, mais ce serait là l'ultime test
sur un enjeu qui est fondamental pour notre société. Moi' je
pense que je serais prêt à parier de l'issue d'une telle
consultation.
Mme Blackburn: Vous qui êtes dans le secteur de la
création et de la production artistique, pourriez-vous nous rappeler les
effets d'une bilinguisation qui va, fatalement, nous faire glisser vers
l'anglicisation, et déjà sur une clientèle qui a tendance
à consommer beaucoup les produits culturels américains? C'est Uli
Locher qui nous donnait un portrait là-dessus, un portrait assez
déroutant où, de plus en plus, les jeunes francophones,
à Montréal, là où l'offre
télévisuelle est équivalente en français et en
anglais, consomment de plus en plus en anglais.
M. Turgeon: écoutez, regardez ce qui se passe autour de
nous: à la radio, presque 50 % des musiques, chansons qui sont
jouées, ce sont des musiques et des chansons anglophones; il y a deux
canaux de télévision anglophones. chez nous, il n'y a personne
qui brime ça, cette liberté d'expression. regardez ce que le crtc
s'apprête sans doute à faire: on va autoriser les
américains à nous asperger, par le satellite, de 200 à 300
ou 400 canaux américains de plus. on est dans une mer de monde
anglophone. on est plus que dans le bain, on est dans la mer anglophone. donc,
c'est évident que d'accentuer ce côté-là, bien
ça met en péril la survie du français; c'est ça que
nous disons.
Moi, je voudrais ajouter, si vous me permettez, une chose: II y a le
linguiste célèbre Claude Hagège qui disait
récemment ceci...
Mme Blackburn: Oui.
M. Turgeon: J'y souscris tout à fait, et je pense que M.
Ryan va nous rejoindre là-dessus: Oui, c'est vrai que le bilinguisme
individuel, c'est une richesse; il n'y a aucun doute là-dessus. Mais le
bilinguisme officiel, ça, ça a sa raison d'être quand c'est
égalitaire. Or, ici, dans ce pays, on ne peut pas dire que c'est
égalitaire, parce que nous sommes dans cette mer, justement, anglophone,
du continent. Alors, donc, c'est pourquoi, à notre avis, la loi, c'est
la loi, comme le disait un célèbre ' adage: La loi 101 doit
être la loi 101, ou alors elle n'est plus. C'est vrai que nous avons
combattu, à l'époque, la loi 178, parce que nous
considérions, et considérons toujours que c'est une mauvaise loi.
Mais dans l'état actuel des choses, nous pensons qu'il vaut mieux
reconduire une mauvaise loi que de nous faire imposer une loi carrément
odieuse.
Mme Blackburn: J'aimerais que vous essayiez de nous
éclairer sur les effets potentiels de cette loi sur les régions.
On parle beaucoup de la grande région métropolitaine, ce qui a
fait dire, je pense, à une chroni-queure dans La Presse que
ça ne devait pas regarder les régions, ça ne regardait que
Montréal. Montréal, c'est comme si ça vivait en dehors du
Québec. Je ne sais pas trop comment, là, elle conçoit
ça, mais, de toute manière, nous, on prétend que si
Montréal s'anglicise, les régions, ce n'est qu'une question de
décennies: deux, trois, peut-être.
M. Turgeon: Écoutez, j'entendais l'intervention du maire
L'Allier, hier, à laquelle je souscris, et je pense que M. le maire
avait raison de s'inquiéter: Si vous avez vu notre émission ce
matin, M. le député, vous avez vu qu'on avait un reportage pour
montrer que, déjà, dans la ville de Québec, les affiches
bilingues commençaient à venir. Et quand je suis arrivé
tantôt sur la Grande Allée, bien, il y avait déjà
des affiches bilingues à quelques pas d'ici.
M. Ryan, je vous invite à aller faire un tour dans la rue: Vous
allez voir que c'est comme ça que ça passe, en ce moment.
Mme Blackburn: On travaille beaucoup... J'allais dire: On
travaille au corps les Québécois en leur assénant
quotidiennement qu'ils sont intolérants. Et là le ministre est
allé beaucoup plus loin hier, il a comparé notre
législation en matière d'affichage à la pratique de
l'Afrique du Sud. On continue de nous asséner, de nous marteler
quotidiennement également qu'on a une mauvaise réputation
à l'étranger alors que, évidemment, les
Québécois, en ce sens, ils ont tendance rapidement à dire:
Peut-être qu'effectivement, à 6 000 000, on est en train
d'ébranler les colonnes du temple américain. Qui sait?
Peut-être.
Alors, les gens se laissent facilement culpabiliser. Comment est-ce
qu'on pourrait... je n'allais pas dire «comprendre», mais contrer
cette espèce d'impression, ou l'expliquer, qu'on se sente toujours
coupables, nous, minoritaires en Amérique du Nord? Il y a 6 000 000 de
parlant français au Québec; il y a 7.000 000 de
Québécois, mais il y en a 6 300 000 qui parlent français
et là, on est en train de nous dire que c'est nous qui sommes
menaçants.
Comment est-ce qu'on est capable de contrer une campagne qui semble,
à sa face même, complètement aberrante quand vous examinez
les chiffres et les données? Vous diriez ça à n'importe
qui en Europe, qu'en Amérique du Nord, 6 000 000 sont en train de faire
trembler l'Amérique, il y a comme un problème! (16 h 20)
M. Deniers: Moi, je vous dirai que, personnellement, madame, je
ne culpabilise pas, et je suis convaincu qu'une majorité de notre
population ne culpabilise pas non plus. Qu'on tente de nous culpabiliser, c'est
un autre débat. Mais qu'on tente de nous culpabiliser alors que
l'objectif visé, et le seul objectif visé, c'est de racoler les
électeurs de M. Libman, moi, je trouve ça indécent dans
une société.
Mme Blackburn: Le ministre nous a déjà
annoncé qu'il n'était pas question de retirer la loi, mais, en
même temps, il nous parle souvent, et d'abondance, des règlements.
Tout à l'heure, à une question qu'il vous a posée,
«croyez-vous qu'il soit de la responsabilité du gouvernement de
faire adopter les règlements?», ça n'a jamais
été autrement. Il n'y a aucun organisme au Québec qui
n'est pas obligé de soumettre ses règlements au gouvernement. Ce
qu'il a fait, et c'est une différence majeure vous l'avez
souligné, et je ne pouvais pas le passer sous silence c'est qu'on
avait choisi, nous, de garder cette question-là, je dirais, assez loin
des tentations partisanes en donnant la réglementation à un
office indépendant, autonome. Et ce que le gouvernement fait, c'est
qu'il ramène ça dans sa cour et dans son bureau.
Quelques malins me diraient: Ça ne changera pas grand-chose
puisqu'il a mis la Commission de protection de la langue en tutelle il y a
déjà 3 ans, et comme il a déjà un peu beaucoup fait
pour l'Office, si on pense au cas de Rosemère... Mais c'est une
différence fondamentale que de laisser l'organisme proposer un projet de
règlement que, peut-être, le gouvernement peut lui demander de
corriger et une autre que de dire: Dorénavant, c'est le gouvernement qui
va édicter les règlements.
Est-ce que vous êtes d'accord? Parce qu'il a laissé
l'impression, tantôt, qu'il voulait donner l'impression, certainement aux
téléspectateurs, que vous étiez d'accord avec cette
idée que les règlements devaient être confiés
dorénavant au ministre responsable.
La Présidente (Mme Loiselle): Une réponse
brève, s'il vous plaît, parce que le temps est
écoulé déjà.
M. Turgeon: D'accord avec l'esprit, avec l'esprit des choses,
oui.
La Présidente (Mme Loiselle): D'accord, merci. M. le
député de D'Arcy-McGee, pour 5 minutes.
M. Libman: Merci, Mme la Présidente.
Quelques choses. D'abord pour répondre à M. Demers, si le
gouvernement veut vraiment récupérer largement l'électorat
anglophone, il doit aller beaucoup plus loin dans ce projet de loi pour
adresser d'autres questions, d'autres problèmes beaucoup plus
sérieux que la question de l'affichage.
Aussi, pour Mme Beauchemin. Juste pour l'information de cette
commission, en Israël, il y a des affiches en anglais et en arabe partout.
Ce n'est pas strictement des affiches en hébreu, il y a l'affichage dans
les trois langues partout, partout, partout en Israël.
Une autre chose que j'aimerais dire. Malgré le fait que M.
Turgeon dise qu'il y a de la place ou qu'il devrait y avoir de la place au
Québec pour les Anglo-Québécois, moi, je suis ici,
j'écoute votre mémoire; moi, je me considère comme un
Québécois autant que vous. Je suis un Québécois
autant que vous, M. Turgeon. Mais, moi, je suis assis ici, et il y a certaines
vibrations très négatives qui émanent de votre
mémoire. Il y a certaines attitudes dans votre mémoire qui
m'inquiètent sérieusement et, aussi, qui sont intimidantes,
également, pour quelqu'un qui se considère
Québécois mais ne fait pas partie de la majorité
linguistique au Québec.
Il y a certains synonymes qui me viennent à l'esprit.
Peut-être que vous pouvez me corriger, peut-être que vous pouvez
dire que je suis alarmiste, mais, pour être très honnête
avec vous, je m'assois ici et, quand je vous entends, des synonymes comme
«haineux», «intolérant», des synonymes comme
«ridicule», «irresponsable»... Votre mémoire ne
reflète pas la réalité du Québec, la
réalité de la société québécoise que
je connais, dans laquelle je fais partie importante. Et j'espère que
vous considérez que je fais partie intégrante de cette
société québécoise.
Moi, je devrais avoir les mêmes droits de m'affi-cher dans ma
langue, chez moi, comme je veux, d'avoir toute la liberté d'expression,
comme je veux, chez moi, ici, au Québec, et j'aimerais bien, au moins,
que vous commenciez une réflexion, à l'intérieur de votre
mouvement nationaliste, afin de réaliser qu'il y a des
Québécois ici qui se considèrent comme des
Québécois. Leur langue maternelle n'est pas la langue de la
majorité, mais ils doivent être capables de jouir des mêmes
droits que la majorité des Québécois.
Moi, je veux vous demander d'abord une chose spécifique. Vous
parlez de la paix linguistique. Vous dites, dans votre mémoire, que
depuis l'adoption de la loi 101, il y avait une relative paix linguistique au
Québec. C'est la même expression utilisée par M. Daoust de
la FTQ, hier. Qu'est-ce que vous considérez comme la paix linguistique?
Le fait qu'il n'y a pas d'anglophones dans les rues, depuis l'adoption de la
loi 101, pour contester certaines choses? La communauté anglophone du
Québec, d'une façon très responsable et très
respectueuse, est allée devant les tribunaux pour contester certains
aspects de la loi qui violent les libertés individuelles.
La Cour supérieure du Québec, la Cour d'appel du
Québec, la Cour suprême du Canada ont trouvé raison dans
ces arguments, que certains aspects de cette loi violent les libertés
individuelles. Alors, comment vous pouvez prétendre ou comment vous
pouvez avoir l'audace de dire qu'il y avait une paix linguistique au
Québec depuis l'adoption de la loi 101 parce que les anglophones n'ont
pas manifesté dans les rues? Ils sont allés devant les tribunaux
et, finalement, 11 ans après l'adoption de cette loi, les tribunaux ont
dit que oui, c'est vrai, il y a un problème, une violation des droits.
Maintenant, le gouvernement tente de redresser ce déséquilibre
qui était créé par la loi 101, où est le
problème pour vous?
M. Turgeon: Bon. Écoutez, il y a plusieurs choses dans
votre intervention. D'abord, oui, je considère certainement que vous
êtes Québécois, comme tous ceux qui veulent vivre au
Québec; il n'y a aucun doute là-dessus. Je considère que
vivre au Québec, cependant, ce n'est pas vivre en Ontario, ce n'est pas
vivre en Saskatchewan ou ailleurs, c'est vivre au Québec. Et ce que nous
disons, c'est qu'on devrait reconnaître qu'au Québec, eh bien,
c'est le français qui est la langue commune. On s'entend bien,
«qui est la langue commune».
Quant au fait de la paix linguistique, je pense que la loi 101 a
donné un coup, a fait réaliser beaucoup de choses aux
francophones d'abord, et puis à certains anglophones ensuite. Qu'il y
ait des choses à modifier, on veut bien, puis on en convient, même
avec le ministre Ryan. Ce que nous lui disons, c'est: Modifions ça, puis
parlons de ça, mais n'essayons pas de faire passer tout le reste avec.
Et c'est là que ça va créer un
déséquilibre,
et c'est là qu'il risque d'y avoir une paix moins tranquille,
peut-être, que celle que nous avons connue.
Il y a déjà un journaliste qui a écrit que la
question linguistique était une poudrière. Je ne voudrais pas
qu'on attise le feu.
M. Libman: Laissez-moi juste terminer. Une autre...
La Présidente (Mme Loiselle): Le temps est
écoulé.
M. Libman: Seulement, juste un autre petit aspect de cette
question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Loiselle): Je regrette, le temps est
écoulé. Je regrette.
M. le ministre, il reste 5 minutes à votre formation.
M. Ryan: Mme la Présidente, en terminant
tantôt, je n'avais pas le temps de le faire je voudrais relever,
dans un esprit de conversation franche, certains passages du mémoire de
l'UDA qui m'apparais-sent véhiculer des faussetés.
À la page 9, on dit que, dorénavant, il n'y aura plus
l'obligation de rendre les jugements en français, ni même de les
traduire. Dans le projet de loi, il est dit expressément que tout
jugement sera traduit en français ou en anglais, selon le cas, à
la demande d'une partie, par l'administration, tenue d'assumer des frais de
ceci. C'est dit bien clairement que la traduction française ou anglaise,
parce que nous respectons l'article 133 de la loi constitutionnelle de 1867,
pourra être obtenue sur demande.
Ensuite, on dit qu'on va permettre au gouvernement de communiquer avec
les autres gouvernements et les personnes morales établies au
Québec dans une autre langue que le français. Ce que nous disons,
c'est que le gouvernement devra communiquer en français, devra
communiquer en français. C'est ça qui est dans le texte de la
loi.
M. Turgeon: Dans la langue officielle.
M. Ryan: Pardon? Dans la langue officielle qui est le
français.
M. Turgeon: Dans quelle langue officielle, M. le ministre?
M. Ryan: Le français. Ça, il n'y a aucun doute
là-dessus.
M. Turgeon: Dans la langue officielle du pays avec lequel vous
allez communiquer? Dans laquelle?
M. Ryan: Non, non. Non, non, non. Si c'est ça, votre
problème...
M. Turgeon: Non, non, mais...
M. Ryan: ...on va le clarifier, il n'y a pas de
difficulté. Nous nous entendons sur ce point, et on va corriger nos
textes respectifs. Nous autres, nous ne sommes pas obligés de les
corriger parce que partout, dans le texte de la loi, quand on parle de la
langue officielle, c'est le français. C'est le français, il n'y a
pas de problème là.
Ensuite, vous dites: Une loi qui diminue le droit des
Québécoises et des Québécois de travailler et de
recevoir des services en français. Je pense que c'est faux. Nous ne
diminuons en aucune manière le droit des Québécoises et
des Québécois de travailler et de recevoir des services en
français, au contraire. (16 h 30)
Ensuite, on dit que nous amoindrissons la place de l'école
française. Franchement! Franchement, c'est faux. C'est faux, nous
maintenons la disposition de la Charte qui dit que l'enseignement se donne en
français dans les écoles publiques du Québec, sauf,
évidemment, dans les écoles anglaises. Puis là, nous
disons: On pourra enseigner dans une autre langue, pour les fins de
l'apprentissage de cette langue, selon des modalités et des conditions
qui seront définies en temps utile dans le régime
pédagogique, qui est un règlement officiel du gouvernement. Je
pense bien qu'on doit donner au moins ce genre de liberté
pédagogique au système d'enseignement. Mais on ne diminue pas la
place de l'école française en faisant ça. On peut
véhiculer des slogans, mais j'ai le droit de protester, puis je le fais
en toute cordialité.
On dit qu'on multiplie et qu'on étend les possibilités
pour les personnes immigrantes de déroger à l'obligation
d'envoyer leurs enfants à l'école française. Mais j'avais
compris que nous maintenions l'obligation pour les immigrants d'envoyer leurs
enfants à l'école française.
Une voix: C'est vrai.
M. Ryan: Puis, Dieu sait, on a eu plusieurs organismes qui sont
venus critiquer le gouvernement, précisément à cause de
ça.
J'entends des remarques de l'autre côté, mais je vous
suggère de vous en tenir au texte.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ensuite, on dit qu'on ouvre la porte au
développement systématique du bilinguisme dans
l'éducation: c'est faux. On ouvre la porte à une certaine
liberté. C'est évident que, chaque fois que vous ouvrez la porte
à une certaine liberté, il y a des possibilités de
pécher. Bien, oui! Mais nous préférons qu'il y ait une
liberté plus grande en matière pédagogique parce que, sous
l'angle de l'apprentissage des langues secondes, nous trouvons que le dossier
du Québec laisse beaucoup à désirer et nous avons le
devoir, comme gouvernement qui consacre des millions de dollars chaque
année à l'apprentissage de la langue seconde, de voir à ce
qu'il produise
au moins des résultats plus satisfaisants. Puis, ici, c'est une
porte qui est ouverte à une plus grande liberté d'exploration,
pas autre chose. Mais, quand on dit qu'on ouvre la porte au
développement systématique du bilinguisme, je crois que c'est
irrecevable au titre de la vérité.
J'ai remarqué, finalement, un autre point. On dit que les
entreprises et les commerces anglophones seront incités à
s'adresser en français et en anglais, éventuellement, aux
tribunaux et à leur clientèle. Ça, c'est faux. Nous
maintenons toutes les dispositions de la Charte relative à la langue de
travail. Il y a un point, l'article 44, qui traite des sentences arbitrales,
où nous demandons qu'il soit abrogé parce que ça serait
couvert par les nouvelles dispositions de l'article premier du projet de loi
que nous présentons, le projet de loi 86.
Mais j'ai dit à M. Daoust l'autre jour: Si ce n'est pas assez
clair pour vous ça l'est pour nous nous verrons à
maintenir cet article-là dans la mesure où il sera compatible
avec l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui affirme que, dans
les matières reliées aux pouvoirs judiciaires, il faut respecter
le principe de l'égalité des deux langues.
Alors, voilà une certaine...
La Présidente (Mme Loiselle): Le temps est terminé,
M. le ministre.
M. Ryan: Merci. Je pense que j'ai terminé aussi.
Je vous dis ceci en tout respect, puis en tout souci de poursuivre la
discussion n'importe où, n'importe quand, si vous le voulez.
M. Turgeon: Très bien.
Alors, si vous permettez, en simple conclusion...
La Présidente (Mme Loiselle): Un 30 secondes.
M. Turgeon: Trente secondes.
Je voudrais simplement dire que et nous ne sommes pas les seuls
si vous constatez, M. le ministre, qu'il y a tant de divergences
d'interprétation sur le texte que nous avons devant nous, c'est
peut-être que le texte n'est pas clair, effectivement, et qu'il faudrait
peut-être le revoir, et peut-être à la lumière des
amendements que vous avez en tête.
La Présidente (Mme Loiselle): Madame, messieurs, il me
reste à vous remercier au nom des membres de cette commission pour votre
participation à nos travaux. Merci.
Je suspends les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 36)
La Présidente (Mme Loiselle): Nous reprenons donc les
travaux de la commission de la culture en ce qui a trait aux consultations
particulières sur le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la
langue française.
Nous accueillons avec plaisir la Fédération des
commissions scolaires du Québec. Bonjour et bienvenue à cette
commission. Mme Drouin, je vous demanderais, s'il vous plaît... Je sais
que vous connaissez un peu le déroulement de nos travaux: vous avez 20
minutes pour votre présentation, suivis d'un échange de 40
minutes avec les deux partis, et je vous demanderais, avant de débuter,
de présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Fédération des commissions scolaires du
Québec (FCSQ)
Mme Drouin (Diane): D'accord, Mme la Présidente, merci
bien.
Alors, à mon extrême gauche, M. Marc Sabourin, qui est le
deuxième vice-président de la Fédération; à
ses côtés, Mme Lise Côté-Lemieux, qui est
première vice-présidente; et, en partant de ma droite, M. Fernand
Paradis, qui est le directeur général de la
Fédération, et M. Alain Doyer, qui est le professionnel en
développement et recherche à la Fédération.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Vous pouvez
débuter.
Mme Drouin: D'accord. Merci bien.
D'abord, j'aimerais quand même vous présenter
brièvement la Fédération des commissions scolaires. Notre
Fédération, elle a été créée par une
loi privée et regroupe, sur une base volontaire, les commissions
scolaires au Québec, et, actuellement, les 137 commissions scolaires
pour catholiques du Québec y sont réunies. Forte de cette
représentativité, elle contribue efficacement à promouvoir
l'éducation et défend avec détermination les
intérêts de ses membres depuis 1947.
J'aimerais vous dire, avant de tomber dans le vif du sujet, qu'on
regrette un petit peu le court laps de temps qu'on a eu pour pouvoir
préparer notre mémoire. On devait se présenter le 20, on
était cédulés, et, comme il y a eu le dépôt
du budget, alors, on a été retardés, mais on a eu quand
même très peu de temps pour se préparer. On aurait
souhaité, peut-être, des consultations plus élargies ou, du
moins, des analyses plus approfondies, mais, tout de même, on va y aller
dans le sujet immédiatement.
Je voudrais d'abord préciser que la Fédération ties
commissions scolaires a décidé de limiter son analyse et ses
commentaires uniquement aux aspects du projet de loi 86 qui portent sur la
langue de l'enseignement. Compte tenu de l'expertise que possèdent les
commissions scolaires dans ce domaine, nous croyons utile que leur point de vue
soit entendu au moment où s'amorce ce débat.
Nous avons étudié le projet de loi en ayant à
l'esprit quatre prémisses. Elles constituent des principes auxquels
adhère maintenant la majorité des Québécois et
des Québécoises et qui sont à la base même de
la Charte de la langue française, c'est-à-dire: le
français est la langue officielle du Québec; le français
est la langue d'enseignement, sauf certaines exceptions qui sont bien
identifiées; on doit assurer la survie et le rayonnement du
français; et, quatrièmement, on doit viser l'intégration
des immigrants à la communauté francophone.
De plus et j'aimerais attirer votre attention là-dessus
notre préoccupation a été d'évaluer si ce
projet de loi venait faciliter ou complexifier le rôle que jouent les
commissions scolaires dans l'application des dispositions de la Charte touchant
la langue d'enseignement. En matière de langue d'enseignement, les
modifications proposées portent sur deux sujets, principalement,
c'est-à-dire l'admissibilité à l'école anglaise et
l'enseignement de l'anglais langue seconde. Alors, nous vous présentons
nos commentaires sur ces deux sujets.
Au niveau de l'admissibilité. Au début des années
quatre-vingt, les commissions scolaires ont connu des difficultés
relatives à l'admissibilité à l'école anglaise,
suite aux diverses décisions qui ont modifié les règles
établies initialement par la Charte de la langue française. Le
législateur ayant corrigé ces difficultés, aujourd'hui,
ces règles sont bien établies et ne semblent pas poser de
problème. À cet égard, le projet de loi 86 nous
paraît correspondre aux pratiques que suivent déjà les
commissions scolaires depuis que la Cour suprême a entraîné
dans son jugement, il y a quelques années, le remplacement de la clause
Québec par la clause Canada comme critère d'admissibilité
à l'enseignement en langue anglaise. De plus, les avis que nous avons
recueillis semblent indiquer que le nombre d'élèves qui
deviendront admissibles à l'enseignement en anglais, en vertu des
modifications proposées, sera, somme toute, assez restreint. (16 h
40)
Toutefois, l'article 26 du projet de loi nous laisse perplexes, et nous
comprenons mal l'objectif visé. Cet article prévoit le
remplacement du deuxième alinéa de l'article 76 par le texte
suivant, et vous permettez que je le cite: «Elles peuvent
également déclarer admissible à l'enseignement en anglais
un enfant dont le père ou la mère a fréquenté
l'école après le 26 août 1977 et aurait été
admissible à cet enseignement en vertu de l'un ou l'autre des
paragraphes 1° à 5° de l'article 73, même si le
père ou la mère n'a pas reçu un tel enseignement.
Toutefois, l'admissibilité du père ou de la mère est
déterminée, dans le cas d'une fréquentation scolaire avant
le 17 avril 1982, selon l'article 73 tel qu'il se lisait avant cette date en y
ajoutant, à la fin des paragraphes a et b, les mots "pourvu que cet
enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu
au Québec".» Fin de la citation. Or, nous nous interrogeons sur la
portée de cette modification et sur les raisons qui la justifient.
À première vue, elle semble permettre à un enfant dont le
père ou la mère n'a pas fréquenté l'école
anglaise, mais qui y aurait été admissible, de pouvoir y
être admis.
Même si cette exception est limitée dans le temps aux
pères et aux mères qui ont fréquenté l'école
après le 26 août 1977, nous croyons qu'il s'agit d'une situation
difficile à administrer, qui amènera un alourdissement de la
gestion. En effet, les règles actuelles permettent aux commissions
scolaires de s'appuyer sur une attestation de fréquentation de
l'école anglaise par les parents pour déterminer les droits d'un
enfant à cet égard. Cette modification obligera d'une certaine
façon les commissions scolaires à enquêter pour
déterminer si les parents de l'enfant détenaient un droit qu'ils
n'ont pas exercé à une époque antérieure. La preuve
de fréquentation étant un critère objectif et verifiable,
sur quel autre critère pourra-t-on maintenant établir
l'admissibilité sans risque de contestation judiciaire? Nous nous
interrogeons là-dessus. On peut prévoir qu'une telle exception
deviendra de plus en plus difficile à gérer au fil des ans,
puisque les demandes d'individus susceptibles de revendiquer l'application de
cette exception seront de plus en plus nombreuses.
Au regard de l'enseignement de l'anglais langue seconde, le projet de
loi amène des changements significatifs. En effet, la Charte de la
langue française, dans sa version actuelle, prévoit que tout
l'enseignement doit se faire en français. La modification prévue
à l'article 22 du projet de loi permettra au gouvernement d'autoriser
les commissions scolaires à mettre sur pied des activités
favorisant l'apprentissage d'une autre langue. Cette possibilité est
susceptible d'être encadrée par le régime
pédagogique établi par le gouvernement. Et d'ailleurs, en
passant, on peut déplorer que le gouvernement n'ait pas rendues
publiques ses intentions relativement à l'encadrement qu'il entend
adopter. Il nous est difficile, en effet, de commenter adéquatement
cette disposition sans connaître la réglementation qui
l'accompagnera. À cet égard, nous croyons essentiel que les
commissions scolaires soient consultées sur toute modification que
pourra adopter le gouvernement à la réglementation actuelle. De
plus, la modification proposée ne fait pas directement
référence à l'anglais. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
préciser que c'est l'amélioration de l'enseignement de l'anglais
langue seconde qui est visée par le gouvernement?
Toutefois, nous tenons à faire les remarques suivantes. Tout
d'abord, nous croyons que la population et, de façon
particulière, les parents, sont préoccupés par
l'enseignement de l'anglais et l'ont manifesté à plusieurs
reprises. Nous souscrivons à l'objectif de permettre aux
Québécoises et aux Québécois d'acquérir une
connaissance suffisante de l'anglais. La multiplicité des
échanges et des communications dans le contexte nord-américain
ainsi que l'ouverture de plus en plus marquée du Québec sur le
monde démontre l'importance que revêt la connaissance de l'anglais
comme langue seconde par les élèves francophones du
Québec. Ainsi, la mesure envisagée pourra permettre dans certains
milieux des expériences qui viseront l'atteinte de cet objectif.
Compte tenu de la diversité qui caractérise la
réalité du Québec d'aujourd'hui, nous sommes d'avis que
ces expériences qui visent à favoriser un meilleur apprentissage
de la langue seconde ne pourront être
réalisées selon des modalités uniformes sur
l'ensemble du territoire québécois. Aussi, les commissions
scolaires devront se voir reconnaître à cet égard une marge
de manoeuvre appréciable. Leur statut de gouvernement local et leur
expertise acquise en éducation garantissent qu'elles sauront adapter
l'enseignement aux particularités de leur milieu. Il faut bien admettre
qu'en ce qui concerne l'enseignement de l'anglais la situation des
élèves de l'Abitibi ou SaguenayLac-Saint-Jean n'est pas la
même que celle de l'île de Montréal.
Bien que cette modification puisse permettre une plus grande
diversité dans la méthode d'enseignement de la langue seconde, il
faut admettre cependant qu'elle n'aura pas pour effet d'améliorer
l'enseignement de l'anglais, de façon générale, pour tous
les élèves. Elle ne touchera que les élèves qui
auront le potentiel d'apprentissage requis pour vivre les expériences
ainsi rendues possibles. Il convient de mentionner que le gouvernement
détient déjà le pouvoir d'augmenter le temps
d'enseignement de cette matière par règlement dans le cadre du
régime pédagogique.
Ainsi, il faut conclure que, si l'intention gouvernementale est
d'améliorer l'enseignement de l'anglais langue seconde, seule une
modification au régime pédagogique permettra d'atteindre cet
objectif pour l'ensemble des élèves du Québec, sans
risquer d'entraîner une diminution du temps accordé à
d'autres matières et tout en maintenant un objectif de formation
intégrale de l'enfant.
Il faut également souligner les risques qu'entraîne une
telle modification dans certains quartiers où l'on trouve une forte
concentration d'allophones et d'anglophones. L'école étant bien
souvent le principal lieu de contact et d'échange avec la
communauté francophone, une intensification de l'enseignement de
l'anglais dans ces milieux est susceptible d'entraîner la bilinguisation
de certaines écoles, particulièrement dans la région
montréalaise. La porte serait ouverte, au risque de voir diluer, dans
les faits, le message que veut donner la Charte de la langue française
aux immigrants et aux membres des communautés culturelles quant à
la volonté du gouvernement de les voir s'intégrer à la
société francophone.
En dernier lieu, nous tenons à rappeler que la mise en place des
modifications envisagées par le projet de loi 86, tant en matière
d'admissibilité à l'école anglaise qu'en matière de
l'enseignement de la langue seconde, entraînera des débats
importants au niveaux local et régional.
En conclusion, le projet de loi 86 ne nous paraît pas devoir
entraîner un élargissement sensible de l'admissibilité
à l'école anglaise. Son impact réel, au regard de
l'éducation, résulte plutôt dans les modifications qu'il
permet à l'enseignement de l'anglais langue seconde. Ces modifications,
quoique importantes, en principe, n'affecteront fort probablement pas
l'ensemble des élèves. Finalement, pour nous, l'objectif
poursuivi d'améliorer l'enseignement de l'anglais langue seconde passe
aussi par des modifications au régime pédagogique auxquelles,
bien sûr, les commissions scolaires devront être
associées.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme Drouin.
M. le ministre.
M. Ryan: Mme la Présidente, il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue, au nom du gouvernement, à la présidente
de la Fédération des commissions scolaires du Québec et
à la délégation qui l'accompagne.
Comme vous le savez, le gouvernement actuel a déjà
profondément remanié la Loi sur l'instruction publique, de
manière que, bientôt, je l'espère, après que la Cour
suprême aura rendu sa décision dans la demande d'avis qui lui a
été transmise il y a déjà plus de deux ans, nous
aurons, au Québec, des commissions scolaires fondées sur la
langue plutôt que sur la dénomination religieuse. Ce qui veut dire
que la plupart des commissions scolaires que représente Mme Drouin
seraient, à l'avenir, des commissions scolaires de langue
française. Il y aurait également, je le présume, une
fédération des commissions scolaires de langue anglaise. C'est
une autre mesure qui garantira le fait que nos écoles resteront
françaises. Parce que, si vous avez des commissions scolaires de langue
française, ça sera évidemment pour maintenir des
écoles de langue française. Je pense bien que le mot le dit,
comme le suggérerait le sens commun.
Alors, il n'est pas question du tout je le dis parce qu'on a
entendu toutes sortes de balivernes à ce sujet dans l'esprit du
gouvernement, de bilinguiser les écoles françaises au sens
où on se retrouverait, dans les écoles françaises, avec
deux langues qui seraient placées sur un pied d'égalité.
Les écoles françaises demeureront françaises, et toute
autre langue, y compris la langue anglaise, aura, dans les écoles
françaises, le statut de langue seconde, suivant l'esprit du projet de
loi. Ça, je veux l'établir très clairement, de
manière qu'il n'y ait aucune équivoque à ce sujet.
Maintenant, dans votre mémoire, vous abordez deux sujets qui sont
traités dans le projet de loi: tout d'abord, la question de
l'admissibilité à l'école anglaise et,
deuxièmement, la question de l'enseignement de l'anglais langue seconde.
Je voudrais apporter quelques rapides précisions au sujet de questions
que vous avez formulées à ce sujet. Il est juste, comme vous le
soulignez, de croire que les avis disponibles à l'heure 'actuelle
indiquent que le nombre d'élèves qui deviendront admissibles
à l'enseignement anglais en vertu des modifications proposées
dans le projet de loi 86 sera somme toute assez restreint. Ce sont les
indications que nous avons de notre côté également. (16 h
50)
À cet égard, il y a une modification significative
vous y faites allusion, d'ailleurs, dans votre mémoire c'est la
modification évoquée à l'article 26 du projet de loi qui
introduit ce que nous appelons une
clause grand-père. Vous vous interrogez sur la portée de
cette clause-là. Je vais essayer de l'expliquer brièvement, puis
on verra que la portée ne peut qu'être limitée et, surtout,
ne peut aller qu'en diminuant au lieu d'en augmentant, comme semble le craindre
votre mémoire. Vous dites, à la page 3, que l'application de
cette exception pourrait donner lieu à des cas de plus en plus nombreux.
Nous autres, nous estimons que ce serait le contraire parce que c'est un
résidu dont nous entendons disposer avec cette mesure, puis voici en
quoi il consiste.
Lors de l'entrée en vigueur de la Charte de la langue
française, en 1977, il y a des enfants qui étaient inscrits
à l'école française, mais qui auraient été
admissibles à l'école anglaise en vertu des critères
définis dans la loi 101 de l'époque. Puis leurs parents ne se
sont pas chargés, à ce moment-là, d'aller chercher le
certificat d'admissibilité. Ces enfants-là ont grandi, sont
devenus parents à leur tour, puis là, se sont posé des
questions à propos de leurs propres enfants. Plusieurs d'entre eux
étaient des gens authentiquement de langue anglaise, puis ils se disent:
Est-ce que, parce mes parents, à l'époque, m'ont inscrit à
l'école française, je dois renoncer à mon droit de faire
éduquer mes enfants dans leur langue maternelle, qui est la langue
anglaise? Des gens qui sont des parents natifs du Québec, et tout. Nous
avons voulu effacer ce résidu dont le nombre exact est difficile
à déterminer parce qu'on ne sait pas combien se
prévaudront de ça. Mais, de toute manière, ce n'est qu'un
résidu parce qu'une fois que la Charte est devenue loi elle a
comporté depuis les tout débuts une clause où il est dit
ceci: c'est que les enfants dont l'admissibilité a été
confirmée, conformément aux dispositions de la Charte, sont
réputés recevoir de l'enseignement en anglais aux fins de
l'article 73. Il faut lire ceci comme signifiant: même s'ils sont
inscrits à l'école française.
Par conséquent, pour la très grande majorité des
enfants inscrits à l'école française, c'est ce
régime commun qui s'applique. Ils ont la garantie à
perpétuité de pouvoir envoyer leurs descendants à
l'école anglaise. Puis, ce que nous ajoutons, nous autres, c'est un
résidu qui remonte au début de l'application de la loi. Puis,
comme le temps joue contre ces personnes-là qui étaient là
au tout début, avec les années, il y en aura moins plutôt
que plus. C'est l'interprétation, je pense, que nous devons retenir de
cet article.
Et, comme je suis sûr qu'avec ces explications les
appréhensions que vous nourrissiez justement et dont vous êtes
venus nous faire part d'une manière tout à fait
légitime... Je pense pouvoir présumer qu'elles devraient
disparaître. En tout cas, c'est ça qui est l'intention du
législateur; il n'y a pas autre chose là-dedans.
Pour le reste, vous convenez comme moi que nous maintenons le
régime actuel, en particulier en ce qui regarde les enfants d'immigrants
qui continueront d'être tenus de fréquenter l'école
française; il n'y a pas de relâchement de ce côté. Je
pense que M. Libman pourra le confirmer, il l'a confirmé à
maintes reprises par les critiques qu'il nous adresse à ce sujet. Et, si
vous aviez été avec nous ici, vous verriez que tous les
organismes anglophones que nous avons entendus ou que nous entendrons
émettront une critique unanime là-dessus. C'est leur droit. Puis
nous ne leur demandons pas de cesser ces critiques demain, ils vont continuer
de les formuler. Ça fait partie du processus démocratique. Mais,
pour l'instant, voilà ce que dit le projet de loi au point de vue de
l'admissibilité à l'école anglaise. Le reste, ce sont des
petits cas particuliers qui n'ont pas une grosse portée
numérique. On pourra en discuter si des cas vous intéressent.
En ce qui touche l'apprentissage de l'anglais, je pense bien devoir
rappeler un premier élément qui vous est bien familier à
votre titre de représentant des commissions scolaires. Le régime
pédagogique est un règlement solennel du gouvernement. Le
régime pédagogique est considéré comme étant
tellement important qu'il ne peut être modifié sans que le Conseil
supérieur de l'éducation ait été consulté
à ce sujet. Puis aucune mesure ne pourra être prise en
matière de méthode d'apprentissage de la langue seconde si ce
n'est après qu'auront été approuvés et mis en
oeuvre des changements au régime pédagogique. C'est pour
ça que, dans le projet de loi, l'article 59, vous voyez une modification
à la Loi sur l'instruction publique qui ajoute un élément
au pouvoir du gouvernement en matière de régime
pédagogique. On dit: «prescrire les modalités et les
conditions de l'enseignement dans une langue autre que la langue d'enseignement
pour en favoriser l'apprentissage». Il n'y a pas de danger de
dérapage, par conséquent, ou d'aventurisme. Tout ça devra
se faire dans le respect le plus strict des exigences très
sévères de la Loi sur l'instruction publique en matière de
régime pédagogique.
Vous dites dans votre texte que peut-être que ça serait
mieux de préciser, à l'article qui traite de cette question, que
c'est l'amélioration de l'apprentissage de l'anglais langue seconde
qu'on vise et non pas de toutes les langues secondes imaginables. Savez-vous
qu'il y a un point important, ici, qui a été porté
à mon attention, ces jours derniers, par le ministère de
l'Éducation? On se demande si ça ne serait pas mieux de dire
carrément, clairement, qu'il s'agit de l'apprentissage de l'anglais
langue seconde. Parce qu'ensuite il y aura des obligations pour le
gouvernement, en matière de réglementation; il pourrait y en
avoir également pour les commissions scolaires. Puis, comme on ne peut
pas tout faire en même temps, même si on a les intentions les plus
généreuses du monde, cette remarque-là que vous nous
faites retient mon attention de manière particulière, et je crois
qu'il y aura lieu d'examiner la possibilité de proposer une modification
au projet de loi sur ce point.
Ensuite, vous parlez de la volonté des parents, puis,
là-dessus, je voudrais vous interroger. Vous dites que les parents sont
préoccupés par l'enseignement de l'anglais; ils l'ont
manifesté à plusieurs reprises. Deux petites questions
là-dessus. D'abord, comment l'ont-ils manifesté? À quelles
occasions? Puis, deuxièmement, est-ce que, selon vous, les parents sont
satisfaits des
résultats actuels en matière d'apprentissage de l'anglais
langue seconde? Est-ce qu'ils veulent des améliorations de ce
côté-là, oui ou non?
Mme Drouin: Bien, M. le ministre, je vais répondre tout de
suite à votre dernière question. Je pourrais peut-être
passer des commentaires sur les interventions précédentes.
Effectivement, les parents on le voit par des sondages et par des
échos qu'on en a dans nos milieux trouvent que, actuellement, les
jeunes qui sortent de nos écoles n'ont pas une connaissance
fonctionnelle de l'anglais, alors que ça devrait être. Et, encore
dernièrement, je pense que Mme Lemieux, dans sa propre commission
scolaire, a réalisé un sondage. Je pourrais peut-être lui
demander de vous fournir des résultats et je pense que ça
décrit assez bien le fait que les gens constatent que les jeunes
francophones, au sortir du cours, actuellement, n'ont pas une connaissance
suffisante de l'anglais, en tout cas, une connaissance fonctionnelle.
Mme Côté-Lemieux (Lise): Oui. En fait, il s'agit
d'un sondage qui va être déposé ce soir au conseil et qui a
été fait sur l'ensemble des parents bien, pas l'ensemble,
mais sur des échantillons très représentatifs à la
fois des parents du primaire, du secondaire, des élèves de
sixième année, des élèves de secondaire V et
la question qu'on posait aux parents du primaire était celle-ci. C'est
qu'on expliquait la situation qu'il y avait trois heures que la commission
scolaire consacrait pour l'enseignement des spécialités au
primaire, au deuxième cycle du primaire trois heures semaine
et qu'il y avait quatre spécialités qui y étaient
enseignées. Donc, il fallait jongler avec ça. Et on demandait aux
parents: Si on devait accorder de l'importance à l'une de ces
spécialités, quelle serait celle que vous choisiriez? Alors, les
parents, à 89 %, ont dit qu'ils accordaient leur
préférence à donner une priorité à
l'anglais. Alors, c'est assez significatif.
M. Ryan: 89 %?
Mme Côté-Lemieux: Oui. Des parents du primaire
disent que, si on avait à rééquilibrer l'enseignement des
spécialités, ce serait là-dessus qu'il faudrait tabler.
Puis il y avait une question complémentaire qui disait, bon: Est-ce que
vous seriez prêts à contribuer financièrement pour des
activités parascolaires dans le domaine des matières
enseignées dans des spécialités? Alors, les gens,
évidemment, ils sont prudents. Us nous disent, à 60 %: Bien, il
faudrait d'abord voir avant de s'engager. Mais, ce qui est quand même
intéressant bien, intéressant, en tous les cas
c'est qu'il y a quand même 25 % des parents qui se disent prêts
à contribuer pour des activités parascolaires dans les
spécialités. Mais, si on recoupe ça avec la réponse
précédente, on voit bien que ce serait plutôt par rapport
à l'enseignement de l'anglais.
M. Ryan: Alors, est-ce que je conclus, justement, en comprenant
que la Fédération, tout en soulignant le besoin d'encadrement qui
devra être soigneusement respecté en cette matière, n'a pas
d'objection à la modification législative proposée dans le
projet de loi concernant l'apprentissage d'une langue seconde? (17 heures)
Mme Drouin: Écoutez, c'est officiel que, pour nous, on
reconnaît qu'il y a des lacunes, peut-être, dans l'enseignement de
l'anglais langue seconde actuellement et qu'on souhaite qu'il y ait une
amélioration. Et on sait que, souvent, ça passe par une
intensification ou, du moins, une concentration de l'apprentissage de la
langue, peut-être, dans un temps donné. Alors, ce qui est
proposé classes d'immersion ou «bilinguistiques» ou
toute autre forme de jumelage qu'on vit actuellement je pense que
ça peut être intéressant de voir que les commissions
pourront, du moins, s'en prévaloir.
Il reste qu'on vous parle aussi que ça demandera une modification
au régime pédagogique, et on a quand même une mise en
garde. Vous m'avez dit tout à l'heure que le Conseil supérieur de
l'éducation serait consulté, mais les commissions scolaires,
elles? On vous demande également d'être consultés
là-dessus parce que, pour nous, c'est important de maintenir une
formation intégrale de l'enfant. Il ne faut pas que ça se fasse
au détriment d'autres matières, qu'on laisse tomber les arts,
qu'on laisse tomber autre chose, particulièrement. Alors, il faudrait
voir, là, dans l'ensemble, ce que ça peut donner. Et ça
nous apparaît important qu'on puisse, en tout cas, s'entretenir
là-dessus et vous faire part de nos réflexions.
Si vous permettez que je revienne au premier volet de
l'admissibilité, vous avez passé quelques remarques. C'est
certain qu'on comprend que la bilinguisation des écoles, selon l'esprit
de la loi, ce n'est pas ce que vous cherchez, mais, dans les faits... On fait
tout simplement une mise en garde. C'est que, dans certains milieux, il ne
faudra pas se retrouver, quand il y a de très fortes concentrations
d'allophones ou d'anglophones, avec une langue de scolarisation qui est le
français, et une langue de socialisation qui deviendra l'anglais. Et
c'est une mise en garde qu'on fait si on ouvre trop grand de ce
côté-là. On sait que, dans nos milieux locaux, il y aura,
dans certains endroits peut-être, des difficultés, et ça ne
se fera pas avec facilité, mais on en est bien conscients.
Et pour ce qui est de l'article 26, quand vous dites que, pour vous,
ça ira en diminuant plutôt qu'en augmentant, le nombre de
demandes, on comprend que vous nous dites: C'est un résidu de personnes
qui pourront se prévaloir d'un droit. Mais vous avez mis une date dans
le temps: des gens qui ont fréquenté après le 26
août 1977. Mais, plus on ira, ce seront les enfants et les petits-enfants
de ces résidus-là. Et, pour nous, le résidu ira en
augmentant parce que ce seront les générations futures qui
pourront s'en prévaloir, et c'est dans ce sens-là qu'on vous
posait des interrogations.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Ça va?
M. le député de Lac-Saint-Jean. M. Brassard:
Oui...
M. Ryan: Je rappelle seulement à votre attention, Mme
Drouin, l'article 76 de la Charte où il est dit clairement qu'un enfant
inscrit à l'école française, alors qu'il serait admissible
à l'école anglaise, garde son privilège quand il deviendra
parent à son tour d'envoyer ses enfants à l'école
anglaise. On ne sait pas ce qu'il fera, il pourra peut-être
décider, ayant bénéficié d'un séjour
à l'école française, de continuer avec ses enfants; c'est
à souhaiter. Mais je pense qu'il y a cet article-là qui est
là, qui dispose de la grosse masse des cas susceptibles de se
présenter. Puis l'autre demeure un résidu. Et j'espère
que... Quand on parle de la descendance, il faut inclure les petits-enfants, et
j'en suis très heureux.
Mme Drouin: Ce qui nous apparaît aussi peut-être une
difficulté, c'est: comment gérer ça? Comme on le mentionne
dans notre mémoire, actuellement, une attestation de
fréquentation... Mais là, est-ce qu'on devra retourner et faire
des enquêtes? On pourra se retrouver devant la justice avec des
problèmes.
Alors, ce sont des inquiétudes, et on veut vous en faire part,
tout simplement.
M. Ryan: C'est bien. On est habitués à faire des
vérifications. Avec les élèves en séjour
temporaire, chaque année, on doit faire des vérifications de
scolarisation à l'étranger ou dans d'autres provinces dans au
moins 1000 à 1200 dossiers par année. Puis qu'on soit
amenés à faire quelques vérifications par année
dans des cas de scolarisation qui auront généralement eu lieu au
Québec, je pense que notre système est capable de s'en charger.
Nos commissions scolaires sont parfaitement capables de gérer cet
aspect-là. Mais, encore une fois, le nombre de cas sera très peu
élevé.
Mme Drouin: On va être capables de s'en charger, mais c'est
parce que, vous savez, on a souvent aussi déploré le fait qu'on
avait beaucoup d'administration à faire et qu'on voulait que ça
diminue, la paperasse.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Pour en terminer avec cette question-là de
l'article 26, il reste que, pour écrire ce que vous avez écrit,
j'imagine que vous êtes en mesure ou vous avez entre les mains des
données qui vous permettent d'affirmer ce que vous avez
affirmé.
Qu'est-ce vous avez entre les mains comme information, comme
données? On le demande au gouvernement, on ne réussit pas
à les avoir. Le ministre continue de nous dire que c'est limité,
le nombre est limité. Il y a beaucoup de fonctionnaires, dit-il, de
plusieurs ministè- res qui se sont penchés là-dessus. Ils
ont fait des évaluations d'impact. On lui demande, on ne peut pas les
avoir. Il faut se fier à sa parole uniquement, exclusivement.
Mais, pour affirmer comme vous l'affirmez dans votre mémoire
qu'il y en aura de plus en plus, ça va devenir de plus en plus nombreux,
des cas d'élèves devenant admissibles à l'école
anglaise, en vertu de l'article 26, vous vous êtes fondés sur
quoi? C'est quoi, votre analyse? Et c'est quoi, les informations dont vous
disposez pour faire une affirmation comme celle-là?
Mme Drouin: Écoutez, c'est d'abord...
Particulièrement, là, vous parlez de l'article en question. On
s'est particulièrement basés sur un principe beaucoup plus que
sur des données précises. C'est que, pour nous, actuellement, on
limite dans le temps, mais, comme je donnais tout à l'heure, c'est
l'effet des générations. La personne ne s'en est pas
prévalue et, l'année d'après, la génération
suivante ou l'autre pourra... Alors, nous, on pense que, comme les
générations, ça va dans ce sens-là, bien, on risque
que ça s'élargisse. C'est simplement une question de principe. On
a des chiffres sur l'admissibilité, là, mais, sur ce
point-là particulièrement, c'est surtout une question de
principe.
M. Brassard: Mais quels chiffres avez-vous sur
l'admissibilité?
Mme Drouin: Bon, peut-être que M. Doyer peut vous donner
des chiffres. Quand on dit que, pour nous dans la première partie
de notre mémoire, là déjà, depuis le
jugement de la Cour suprême, on applique la clause Canada, on se soumet
au jugement exécutoire de la Cour suprême, et, à ce
moment-là, l'augmentation du nombre d'élèves qui
pourraient être admissibles, là, à l'enseignement en
anglais, sera restreinte parce que, déjà, on applique, dans les
faits ou dans la pratique, ces clauses-là.
Et, à ce moment-là, je ne sais pas si M. Doyer a les
chiffres entre les mains pour vous les fournir.
M. Doyer (Alain): Je ne les retrouve pas dans mes papiers, mais
je peux vous dire d'où on les tient. On n'a pas eu de misère,
comme vous semblez le manifester, à les obtenir. Ils proviennent du
ministère de l'Éducation, au niveau du service qui s'occupe de
vérifier les demandes d'admissibilité qui sont traitées
par les commissions scolaires. Et on a les chiffres pour l'ensemble de la
province et on a les chiffres par région. Et on a les chiffres qui
démontrent ce que c'était du temps de la clause Québec et
ce que c'est en vertu de l'application de la clause Canada, et ce qui se passe
pour les cas touchant l'enfance en difficulté d'apprentissage.
Alors, il y a un certain nombre de chiffres qui démontrent quelle
est la progression des activités depuis une dizaine d'années, sur
une base d'une dizaine d'années, là-dessus. Alors, ces
données-là devraient vous être accessibles, je pense.
M. Brassard: Oui, oui. Bien, on en a, des chiffres. On sait fort
bien, par exemple, qu'actuellement, dans les écoles françaises du
Québec, il y a ça, c'est des statistiques qu'on
connaît bien depuis de nombreuses années, entre 12 000 et
13 000 élèves qui sont admissibles à l'école
anglaise, mais qui fréquentent les écoles françaises.
C'est connu, bon. Mais...
M. Ryan: Pas 12 000, 7000.
M. Brassard: ...l'article 26, c'est une autre affaire. L'article
26, comment pouvez-vous identifier des parents qui n'ont pas demandé une
attestation d'admissibilité?
M. Doyer: Ça, là-dessus, on n'a pas de chiffres, M.
Brassard.
M. Brassard: Pardon?
M. Doyer: Sur ça spécifiquement, Mme la
Présidente vous l'a mentionné, on n'a pas de chiffres. C'est une
estimation, tout simplement, en fonction de notre perception logique des
choses, là. Parce que, si les enfants de ceux qui ne se sont pas
prévalus de ce droit-là antérieurement et qui deviennent
éligibles à le faire maintenant acquièrent eux-mêmes
ce droit-là, et leurs enfants, par la suite, nous, en tout cas, il nous
apparaît difficile de prétendre, comme M. Ryan le fait à
l'heure actuelle, qu'il va y avoir une diminution. En tout cas, ça n'est
pas évident.
M. Brassard: Bien. Deuxième sujet, c'est l'apprentissage
de l'anglais langue seconde. C'est vrai que tout le monde, au Québec,
tous les parents sont favorables à une amélioration de
l'apprentissage de l'anglais langue seconde. Il y a des lacunes, même
dans vos commissions scolaires, Mme la Présidente, il y a plusieurs
commissions scolaires qui ne respectent pas même le régime
pédagogique dans les écoles primaires en termes de temps
consacré. Vous le savez, c'est même assez important. Donc, il y a,
évidemment, des lacunes dans l'apprentissage de l'anglais langue
seconde; tout le monde en convient. Et il faut l'améliorer; tout le
monde le réclame, aussi.
Mais est-ce que c'est nécessaire d'amender, de modifier la loi
101 pour ça? C'est ça, la question. Parce que l'intensification
de l'enseignement de l'anglais langue seconde, ça peut se faire,
présentement. Ça se fait même dans certaines commissions
scolaires. Les bains linguistiques, ça peut se faire. Ça se fait
même dans certaines commissions scolaires. Les classes d'immersion,
ça, c'est une autre affaire. Parce que là, les classes
d'immersion, Mme Pagé est venue nous le dire de façon très
précise, en quoi ça consistait. C'est que les classes
d'immersion, vous ne faites pas uniquement enseigner l'anglais langue seconde,
vous enseignez toutes les matières dans une autre langue que la langue
d'enseignement. C'est ça, les classes d'immersion.
M. Libman: C'est la meilleure façon d'apprendre.
M. Brassard: Ça, ce n'est pas sûr, ce n'est pas
sûr. Sur le plan pédagogique, il y a beaucoup de réserves,
et c'est justement sur cet aspect-là des choses que je voudrais vous
interroger, et les réserves de Mme Pagé de la CEQ portaient
là-dessus, c'est-à-dire la dimension pédagogique. (17 h
10)
Est-ce que c'est vraiment la recette miracle, les classes d'immersion?
Est-ce que c'est vraiment le remède pédagogique par excellence en
matière d'apprentissage de l'anglais? Moi, ce que j'ai entendu
jusqu'à maintenant, c'est que ce n'était pas évident. Ce
n'était pas une vérité absolue qu'on était en face
de la recette miracle. Et comme Fédération des commissions
scolaires, est-ce que vous avez fait une évaluation pédagogique
pédagogique de cette méthode d'enseignement de
l'anglais, la classe d'immersion?
Il faudrait aussi, d'ailleurs, faire une évaluation
pédagogique du bain linguistique, de l'intensification de... des
différentes méthodes. Pour en arriver à dire: On va
améliorer l'apprentissage de l'anglais langue seconde dans nos
écoles, il faut, au préalable, je pense, faire une bonne
évaluation pédagogique des méthodes en cours ou
utilisées, dont certaines sont considérées comme
étant le remède miracle, le remède miraculeux.
Mme Drouin: Écoutez, c'est vrai que, actuellement, il y a
des commissions scolaires, peut-être plusieurs, qui ne respectent pas le
temps prescrit ou suggéré par le régime
pédagogique, mais on a expliqué tout à l'heure que les
commissions scolaires doivent faire des choix avec ce qui est
suggéré comme temps d'enseignement pour chacune des
matières. La semaine n'est pas assez longue; les enfants ne sont pas
suffisamment longtemps à l'école. Alors, les commissions
scolaires font des choix. Dans certains milieux, on choisit certaines
spécialités et, dans d'autres milieux, on choisit d'autres
spécialités. On a déjà même fait une demande
à l'effet que la semaine, au primaire, le temps de présence des
enfants soit rallongé d'une heure et demie pour nous permettre de donner
toutes les matières, d'avoir le temps qu'il faut pour donner toutes les
matières, et c'est sûr que ce sont des coûts, là, qui
sont très, très élevés si on devait en arriver
à ça. À ce moment-là, bien ,sûr qu'il se fait
des choix.
Et quand vous dites que, bon, au niveau des bains linguistiques, ces
choses-là, ça se fait déjà, c'est vrai que
ça se fait, mais ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que,
souvent, ces formules-là ne sont réservées qu'à un
petit nombre d'élèves, à des élèves qui
peuvent, par exemple, faire l'apprentissage d'une année scolaire dans
une demi-année pour pouvoir prendre la deuxième partie de
l'année pour le bain linguistique, et ce n'est pas ouvert à tous
les élèves du Québec. Et, si on a objectif de vouloir
améliorer l'enseignement de l'anglais langue seconde pour tous les
élèves du Québec, il faudra
toucher au régime pédagogique. Il faudra toucher aussi...
amender la loi pour qu'on puisse avoir une plus grande variété de
moyens pour pouvoir atteindre tous les élèves.
Vous dites: Est-ce que vous avez fait une évaluation? Est-ce que
c'est une recette miracle? Ce qu'on vous dit là-dedans, des recettes
miracle, ça n'existe pas, même dans n'importe quel domaine. Mais
on veut avoir un éventail de moyens, de choix d'activités. Et je
vous disais tout à l'heure que le Québec est très
différent d'un coin à l'autre, vous le savez. À ce
moment-là, les milieux auront plus de possibilités de choix de
voir si ce sont des classes d'immersion, si ce sont des bains linguistiques, si
ce sont des jumelages. On en a des exemples en Gaspésie, de ce
temps-là.
Alors, il y a différents moyens, et on dit: Faites confiance au
milieu. C'est une forme de décentralisation. C'est une forme de respect
des milieux, et les gens choisiront la meilleure méthode qui leur
apparaît dans leur milieu à eux autres pour donner un bon
apprentissage de l'anglais langue seconde. C'est l'objectif qui est visé
pour le plus grand nombre d'élèves possible et non pas pour des
groupes restreints, qui ont peut-être plus de facilité que
d'autres.
M. Brassard: Dans votre mémoire, à la page 4, le
dernier paragraphe, vous décrivez une situation qui nous
inquiète. Nous avons exprimé à plusieurs reprises une
inquiétude similaire. Bon. On s'est fait plutôt traiter
d'obscurantiste ou d'être plus ou moins réactionnaires ou
sectaires, mais voilà que c'est la Fédération des
commissions scolaires qui affirme que, pour ce qui est des fortes
concentrations d'allophones et d'anglophones dans certains quartiers
évidemment, on comprend que c'est à Montréal
«L'école étant [...] souvent le principal lieu de contact
et d'échange avec la communauté francophone, dites-vous, une
intensification de l'enseignement de l'anglais dans ces milieux est susceptible
d'entraîner la bilinguisation de certaines écoles» et aussi
de «diluer» plus loin, vous dites «de [...]
diluer dans les faits le message que veut donner la Charte [...] aux
immigrants».
Plusieurs intervenants l'ont mise en relief, cette dimension-là,
cette réalité-là, et, évidemment, je suppose que
vous vous fondez sur des expériences et sur une réalité
vécue par plusieurs de vos membres pour faire une telle affirmation.
Mme Drouin: Particulièrement dans la région
montréalaise, c'est certain que le danger est plus imminent, et c'est
pour ça qu'on veut le soulever. Remarquez que c'est une
responsabilité qui sera plus lourde à porter, peut-être,
dans certains milieux. Mais, si on pense au niveau de l'étendue du
Québec, on dit bien qu'on est ouverts à des activités
d'apprentissage au niveau du Québec, mais on est conscients en
même temps que, dans certains milieux, il faudra être beaucoup plus
vigilants. C'est simplement le message qu'on voulait laisser passer.
M. Brassard: Et cette vigilance-là, puisqu'il va s'agir de
modifications du règlement, du régime pédagogique,
ça va prendre la forme... La modification du régime
pédagogique, ça va prendre la forme de règlements pour
encadrer, nous dit-on, cette réalité ou ces apprentissages, ces
divers apprentissages. On ne les connaît pas, on ne sait pas à
quoi ça va ressembler. Mais, cette vigilance-là dont vous parlez
à propos de cette réalité-là, ça devrait,
selon vous, prendre quelle forme dans le régime pédagogique ou
dans les règlements qui vont accompagner et encadrer ces diverses
méthodes d'apprentissage?
Mme Drouin: Je pense qu'on va d'abord être vigilants sur
les règlements qui vont nous être présentés. C'est
là que va commencer notre première vigilance. Et on
déplore comme vous le fait qu'on ne puisse pas avoir cette
réglementation-là parce que c'est toujours plus difficile
d'approfondir à ce moment-là. Tout ce qu'on fait aujourd'hui,
c'est d'essayer de sensibiliser aux dangers possibles et on vous dit qu'on veut
être partie prenante, on veut être consultés, on veut
vraiment participer à ça et, bien sûr, avoir la
réglementation pour pouvoir se prononcer et voir plus en profondeur tout
ce que ça impliquera. On pourra consulter davantage nos milieux à
ce moment-là, également.
M. Brassard: Mais est-ce que vous pensez que les
règlements devraient prévoir des dispositions spécifiques
concernant les écoles où il y a de très fortes
concentrations d'allophones, d'enfants d'immigrants? Est-ce qu'il devrait y
avoir des dispositions spéciales? Parce que vous le signalez: dans une
école où il y a, je ne sais pas, moi, 75 % ou 80 % d'enfants
d'immigrants c'est clair, il y a eu tellement de reportages
là-dessus c'est évident, vous le savez, le pouvoir
d'attraction de la langue anglaise. Très souvent, dans les corridors,
dans les salles de récréation, c'est en anglais qu'on parle.
Vous... Ça arrive très fréquemment. Il y a eu des
reportages là-dessus qui nous ont décrit cette
réalité-là.
Est-ce qu'il y a lieu de songer à des classes d'immersion pour de
telles écoles? Est-ce que, dans le règlement, dans le
régime pédagogique et dans les règlements, il ne devrait
pas y avoir des dispositions particulières, spécifiques
concernant des écoles à forte concentration? Ils sont
déjà en immersion, presque.
Mme Drouin: Vous savez que la réglementation, nous, comme
gouvernement local, on en veut le moins possible; alors, je pense que, quand on
parle des réalités de chacun des milieux, il faut
également faire confiance aux commissions scolaires qui auront à
gérer ces milieux-là. Pour nous, quand on verra la
réglementation, je vous dis qu'on souhaite bien se prononcer et qu'on
souhaite également consulter davantage. Mais, si vops me demandez si je
souhaite une plus forte réglementation, une réglementation plus
serrée, règle générale, je ne suis pas trop, trop
forte là-dessus.
M. Brassard: Ce n'est pas ce que je disais. Je disais des
dispositions particulières concernant ce type d'écoles, c'est
ça que je disais. Ça ne veut pas dire nécessairement une
réglementation plus serrée ou plus complexe.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme Blackburn.
Mme Blackburn: Peut-être après... Est-ce qu'il y
a... de l'autre côté?
La Présidente (Mme Loiselle): Non, il y a monsieur aussi
de D'Arcy-McGee, mais vous pouvez...
Mme Blackburn: Bien. Peut-être une question brève.
(17 h 20)
Vous n'avez pas abordé, dans votre mémoire, la
difficulté qu'éprouvent beaucoup de jeunes
Québécois à bien maîtriser la langue
première, c'est-à-dire la langue maternelle, le français.
C'est vrai aussi pour l'anglais, nous dit-on, mais, de toute façon, la
langue maternelle. Et, d'ailleurs, on rencontrera, ce soir, un groupe du milieu
des affaires qui estime que c'est capital, si vous voulez augmenter la
productivité, de bien maîtriser votre langue maternelle,
évidemment, la langue seconde également. Alors, comment va-t-on
pouvoir mettre davantage nos jeunes à l'apprentissage d'une langue
seconde si on n'a pas d'abord corrigé ces difficultés qui
semblent affecter un nombre important des jeunes diplômés?
Mme Drouin: Écoutez, je pense que le projet de loi qu'on a
devant nous et sur lequel on a été invités à se
prononcer ne touchait pas cet aspect-là, alors, c'est la raison pour
laquelle on ne s'est pas prononcés là-dessus, et on n'en parle
pas dans notre mémoire. Mais il reste que je pense qu'on a toujours
affirmé que, pour nous, l'apprentissage et une bonne maîtrise de
la langue française, c'était primordial et c'était
essentiel. Je pense qu'on ne déroge pas du tout à cet objectif,
si vous voulez.
Mme Blackburn: Mais vous ne voyez pas que les
élèves vont éprouver une certaine difficulté
à maîtriser une langue seconde, alors que, déjà, ils
ont de la difficulté avec la langue maternelle. Et, dans ce
sens-là, votre réflexion, il me semble, devait couvrir ces deux
aspects de la question, parce que ça ne sera pas indépendant l'un
de l'autre, dès que ça va être admis. Je pense
particulièrement aux immersions, aux bains linguistiques, et là,
je ne parle pas de...
Mme Drouin: Je pense qu'il y a quand même de la souplesse
qui pourra être... au niveau de la réglementation, et les milieux
vont pouvoir choisir. Vous savez, il faut faire confiance. Est-ce qu'il est
autant prouvé qu'un enfant qui apprend deux ou trois langues ne
maîtrise pas bien sa langue maternelle du fait qu'il ait à
apprendre deux ou trois langues? On peut se poser la même question aussi.
Actuellement, l'enseignement ne se donne qu'en français, sauf exception,
et vous dites que, justement, l'apprentissage de la langue maternelle n'est
peut-être pas ce qu'il devrait être. Alors, ce sont toutes des
interrogations.
Mme Blackburn: Je ne dis pas, je dis que l'on dit, puisque je
n'ai pas la capacité d'aller le vérifier, je n'ai qu'à
vérifier les taux d'échec aux examens de français dans les
universités pour y être admis pour comprendre qu'on a un petit
problème là. Mais, ça va, je vous remercie.
Mme Drouin: D'accord.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Mme la Présidente, juste, d'abord, pour
répondre à la question du député de Lac-Saint-Jean.
Le succès des cours d'immersion en français pour les jeunes
anglophones, de maîtriser une langue seconde, démontre des
résultats fantastiques, en effet. Et, si vous comparez la maîtrise
du français comme langue seconde des étudiants qui ont fait
l'immersion en français par rapport à ceux qui ont pris les
études régulières dans les écoles pour une langue
seconde, la différence est énorme. Alors, ça devrait agir
comme exemple, au moins pour montrer qu'un cours en immersion a un
succès très fort à apprendre à un étudiant
la maîtrise d'une deuxième langue, mais d'aucune façon ne
met en péril la langue maternelle de cet étudiant. Alors, je
pense que, peut-être, vous pouvez examiner les taux de succès, les
taux de bilinguisme pour les jeunes anglophones qui ont vécu une
expérience dans les écoles... dans les classes d'immersion.
Moi, j'aimerais vous poser une question, effectivement, de l'autre
côté de la médaille de l'autre formation politique dans
l'Opposition. en 1972, il y avait 250 479 étudiants dans le
réseau scolaire anglophone; aujourd'hui, il n'y en a que 100 000
ça, c'est une baisse de 60 % et, depuis 1972, un tiers des
écoles anglaises au québec ont fermé leurs portes. et,
pour la communauté anglophone, tout ce débat est très
frustrant parce que les représentants de la communauté anglophone
n'exigent pas la liberté de choix pour les immigrants. on fait des
demandes tellement raisonnables, tellement raisonnables, qui n'affectent pas
d'une façon importante le réseau scolaire francophone. par
exemple, le rapport du groupe de travail chambers demande seulement que les
parents qui viennent d'un pays anglophone aient le droit d'envoyer leurs
enfants aux écoles anglaises du québec, ce qui n'affecterait
même pas 1 % du nombre d'inscriptions dans les écoles
françaises. si on regarde d'autres modèles, par exemple, d'autres
suggestions ou recommandations qui sont faites, c'est de permettre à
tous les enfants avec une langue maternelle anglaise d'avoir accès aux
écoles anglaises.
Alors, nous voyons ici une situation où le déclin dans la
communauté anglophone dans le réseau scolaire est très
important, très alarmant, en effet. Et ce que nous demandons, nous ne
demandons pas grand-chose, nous demandons quelque chose qui va affecter d'une
façon négligeable le réseau scolaire francophone, mais, en
même temps, peut donner vraiment un coup de pouce aux écoles
anglaises, qui peut injecter un nombre importait dans le réseau scolaire
anglophone, qui pourrait faire la différence, dans plusieurs cas, de
certaines éooles qui vont rester fermées ou rester ouvertes.
Alors, moi, je vous pose la question: Si vous étiez dans les
souliers des commissaires des écoles anglaises au Québec, les
écoles qui ferment une après l'autre, qu'est-ce que vous pourriez
suggérer au ministre qui, effectivement, est devant un dilemme politique
dans toute cette affaire? Mais est-ce que vous pouvez trouver une façon
pour donner une... une façon à la communauté anglophone de
se renouveler, et quelque chose qui pourrait être acceptable pour la
majorité des Québécois, ou est-ce que la majorité
des Québécois ne réalise même pas que c'est une
mesure qui n'affecte que d'une façon négligeable le réseau
scolaire francophone?
Mme Drouin: Bien, M. Libman, d'abord, sur votre première
intervention, quand vous parlez de comparer les classes d'immersion, je pense
qu'on a dit, tout à l'heure, que c'est vrai que les résultats
sont là: Je pense qu'on ne peut pas se le cacher. Ce qui nous
apparaît important pour l'apprentissage d'une langue seconde, c'est
l'intensification et la concentration dans le temps. Alors, ça, c'est
une façon, les classes d'immersion.
Quant à votre deuxième intervention, je vous rappellerai
qu'en début j'ai bien mentionné qu'on ne se prononçait que
sur deux aspects, et je les ai développés. Et je vous dirai
simplement que je n'ai pas de commentaires sur la dernière partie de
votre intervention.
M. Libman: Mais vous dites aussi, au début, que vous avez
étudié le projet de loi en ayant à l'esprit quatre
prémisses. Une des prémisses est: ...doit viser
l'intégration des immigrants à la communauté francophone.
Mais aussi...
Mme Drouin: ...des immigrants à la communauté
francophone.
M. Libman: ...vous parlez... Mais vous mentionnez à
plusieurs reprises la question de l'admissibilité à
l'école anglaise. Vous êtes la Fédération des
commissions scolaires du Québec. Moi, je vous demande: Si vous
étiez dans les souliers des commissaires des écoles anglaises, au
Québec, qu'est-ce que vous demanderiez au ministre, tout en sachant le
contexte politique difficile qui touche cette question? Il y a un déclin
très important. Qu'est-ce que vous pouvez suggérer pour aider
à la communauté anglophone à se renouveler, dans tout ce
contexte-là?
La Présidente (Mme Loiselle): Une brève
réponse, s'il vous plaît, Mme Drouin.
Mme Drouin: Écoutez, quand on s'est
présentés, on a choisi de ne pas se prononcer sur certains
sujets, et je voudrais m'en tenir à l'admissibilité, au niveau de
la clause, des modifications de la loi qui sont là, actuellement. Comme
on ne se prononce pas sur la langue d'affichage, on ne se prononce pas sur
d'autres aspects de la loi, on a choisi le cadre dans lequel on voulait vous
fournir des commentaires, et j'aimerais mieux m'en tenir à
ça.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. Je
remercie la Fédération des commissions scolaires pour leur
mémoire.
Une petite intrigue m'a... à la page 4, lorsque vous dites
qu'«il faut admettre qu'en ce qui concerne l'enseignement de l'anglais,
la situation des élèves de l'Abitibi ou du
SaguenayLac-Saint-Jean n'est pas la même que celle de l'île
de Montréal», ça m'intrigue un peu. Je ne pense pas qu'un
régime pédagogique permette d'avoir tant de disparités. Il
faut tout de même avoir des objectifs; les objectifs à atteindre
sont ceux d'un meilleur apprentissage possible de l'anglais, ce qui est
prévu, nécessairement, par l'article 22, présentement, du
présent projet de loi. Mais je comprends que vous ayez une certaine
appréhension pour Montréal, au sujet de la vigilance que vous
avez mentionnée tout à l'heure, mais est-ce que vous ne convenez
pas que le régime pédagogique devrait établir une liste de
moyens à utiliser pour que l'apprentissage se fasse d'une façon
la plus uniforme possible à travers le Québec? J'espère
que c'est ça; j'espère que vous n'avez pas un régime
pédagogique pour le Bas-Saint-Laurent, pour l'Abitibi et le
Saguenay Lac-Saint-Jean peut-être pour le
SaguenayLac-Saint-Jean, étant donné qu'il y a beaucoup de
nationalistes là, mais, enfin... On va peut-être...
Mme Drouin: Écoutez, les régions qui sont
mentionnées là ne le sont qu'à titre d'exemples...
M. Tremblay (Rimouski): O.K.
Mme Drouin: ...je voudrais bien qu'on se comprenne; ce n'est pas
des régions qu'on visait en particulier, mais je pense que ça
illustre bien le paragraphe qui précède, quand on parle des
différences qui existent dans les régions du Québec. Et
c'était simplement pour illustrer.
Quand vous nous dites: Est-ce que le régime pédagogique ne
devrait pas donner des moyens? Ce que je veux vous dire là-dessus,
c'est: qu'on définisse des objectifs, mais qu'on laisse les moyens aux
milieux. Les moyens peuvent être différents. Qu'on nous fixe des
objectifs, mais les moyens pourront être à la discrétion
des milieux.
M. Tremblay (Rimouski): Bien, il pourra y avoir une
définition de certains moyens, sans avoir une liste exhaustive.
Mme Drouin: II pourra y avoir des suggestions. M. Tremblay
(Rimouski): Oui. Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): D'accord. Merci.
Alors, il me reste à vous remercier, encore une fois, d'avoir
accepté notre invitation et d'être venus exprimer votre point de
vue à cette commission. Merci.
Nous avons donc terminé nos travaux pour cet après-midi.
Je suspends les travaux, pour les reprendre à 20 heures ce soir, afin
d'entendre le Centre de linguistique de l'entreprise.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 20 h 14)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux. Nous sommes maintenant
un petit peu en retard, mais nous sommes prêts à entendre le
Centre de linguistique de l'entreprise. Je les invite à prendre place et
je vois qu'ils sont déjà prêts à nous faire part de
leur représentation en ce qui concerne le projet de loi 86.
Donc, je leur indique que nos règles sont les mêmes depuis
le début de la commission. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour
nous faire part de vos réactions, de votre point de vue en ce qui
concerne le projet de loi 86. Après ça, la conversation, les
discussions s'engagent avec les membres de la commission qui disposent chacun
d'une vingtaine de minutes pour vous poser des questions, demander des
éclaircissements après quoi, comme président, je me verrai
dans l'obligation de mettre un terme à ces échanges, compte tenu
des ordres qui nous ont été donnés par l'Assemblée
elle-même.
Alors, je vous souhaite la bienvenue et je vous demande tout simplement,
avant de commencer, de nous donner vos noms de façon à ce que,
dans notre Journal des débats, nous puissions vous identifier.
Alors, bienvenue. Vous avez la parole à partir de maintenant.
Centre de linguistique de l'entreprise (CLE)
M. Guillotte (Michel): Merci, M. le Président.
Donc, conformément à la procédure, je vous
présenterai les personnes qui m'accompagnent ce soir. À ma
droite, Mme Geneviève Faribault, qui est vice-directrice du contentieux
de la société d'assurance Standard Life et qui, depuis le 1er
avril courant, est la présidente du conseil d'administration du Centre
de linguistique de l'entreprise. À ma gauche, M. Christian
Van Houtte, président-directeur général de
l'Association de l'industrie de l'aluminium du Québec. Il est membre du
conseil d'administration du CLE et il était, au cours des trois
dernières années, le président du conseil d'administration
du CLE. Et je suis, moi-même, donc, Michel Guillotte, le directeur
général de l'organisme.
Le Centre de linguistique de l'entreprise, pour les personnes qui sont
moins familières avec notre existence, parce que nous ne sommes pas des
abonnés de la place publique, est une association patronale qui regroupe
40 des plus grandes entreprises qui font affaire au Québec et dont la
raison d'être est essentiellement d'aider le milieu des affaires à
gérer efficacement les questions linguistiques qui touchent le
fonctionnement des entreprises et, donc, au premier chef, évidemment, le
mobile qui nous amène ici ce soir.
Le CLE existe depuis 20 ans, depuis 1972, et, à travers ces
années-là, son approche a toujours été
essentiellement une approche de gestionnaire de la question linguistique et non
pas une approche plus traditionnelle, si vous voulez, que l'on reproche souvent
aux lobbies, de contestation politique des législations. Je pense que ce
préambule est extrêmement important pour les propos que je me
permettrai de tenir plus tard.
Le Centre, donc, encore une fois, au cours de ces 20 années,
s'est efforcé d'aider les entreprises à se conformer efficacement
et au moindre coût aux différentes législations
linguistiques qui ont géré le Québec depuis cette
période-là.
Alors, pour les personnes qui ont eu l'occasion de lire notre
mémoire, nos observations portent essentiellement sur quelques points du
projet de loi 86. Ce sont les points sur lesquels nous pensons que les
entreprises faisant affaire au Québec ont des intérêts ou
une prospective dans l'action à envisager. Plutôt que de vous
faire la lecture plate surtout à l'heure qu'il est ce soir
de notre mémoire, je vais me contenter, dans les quelques minutes qui
viennent, de vous rappeler très schématiquement les observations
que nous avons faites, l'esprit et le sens dans lequel ces observations ont
été faites.
Nous commençons, d'abord, par l'affichage et la publicité
commerciale. Nous tenons à rappeler aux membres de la commission et au
législateur que le milieu des affaires aura besoin de règles
claires et qui s'appliquent à tous pour que l'éventuel nouveau
régime linguistique puisse être appliqué dans l'harmonie,
dans l'équité et dans l'ordre aussi. Nous vous disons cela parce
que les décisions qui touchent les usages commerciaux, tous les usages
de mise en marché, les usages de marketing, corrîme on les appelle
dans nos milieux, ne sont pas toujours pris au Québec. Et ça,
c'est très important à savoir quand on discute avec un groupe
pris isolément. Selon qu'on s'adresse à des personnes dont l'aire
de décision est proprement locale on peut avoir, disons, des points de
vue et des prospectives qui soient raisonnablement optimistes. Quand on a
affaire, par contre, et c'est notre cas, sur la ligne de feu, avec des milieux
économiques qui sont généralement étrangers ou
ignorants de nos usages linguistiques, il y a une mise en garde à
faire.
II faut également garder à l'esprit que les entreprises
attendent que le législateur fixe les règles du jeu et, ces
règles étant fixées, elles appliqueront les règles
fixées, donc, avec le maximum de flexibilité que leur accorderont
les règlements. Le jeu économique est un jeu ouvert, c'est un jeu
où les règles étant, donc, déterminées, les
entreprises les appliquent en général au mieux de leurs
intérêts.
Quelle est la mentalité des entreprises, maintenant, en ce qui
concerne leurs intérêts? C'est la loi du marché. C'est
très simple. La loi du marché fera que l'offre et la demande de
biens et de services, en l'occurrence, en ce qui nous concerne ici, touchant
l'affichage, l'offre et la demande d'affichage, donc, en français ou
dans d'autres langues, seront, deviendront rapidement un déterminant des
pratiques commerciales et un avantage que les différentes entreprises,
établies ou non au Québec, compareront entre elles dans leur
application. (20 h 20)
On peut illustrer le comportement prévisible des entreprises de
la façon suivante. Nous avons, dans notre mémoire, invoqué
des raisons pour lesquelles nous appelons le législateur à
adopter des règles claires en matière d'affichage et applicables
à tous pour la raison suivante: c'est que les entreprises qui sont
traditionnellement implantées au Québec et qui ont une bonne
habitude maintenant du régime linguistique, effectivement et
certains témoignages l'ont, je pense, corroboré jusqu'ici
appliqueront certainement beaucoup de discernement dans l'application d'un
nouveau régime linguistique qui sera défini par
règlements. Ça, je pense que, dans un premier temps, nous
n'aurons pas de problèmes de comportement avec les entreprises, disons,
à forte tradition québécoise.
En ce qui concerne les autres entreprises et je vous rappelle que
nous sommes dans un monde ouvert avec les nouvelles règles du jeu
économique, la mondialisation des échanges qui, pour nous,
s'appelle plus particulièrement le traité de libre-échange
nord-américain, il faut savoir que l'accroissement des échanges
sera extrêmement important au cours des prochaines années et que
beaucoup de décisions commerciales concernant, notamment, bien
sûr, l'affichage et la publicité seront prises à
l'extérieur du Québec par des personnes qui, et je le dis tout
à fait «neutrement», ne sont pas familières, ni avec
nos attentes, et encore moins avec nos exigences en matière
linguistique; d'où risque qu'apparaisse à court et à moyen
terme une sorte de régime à deux vitesses, si vous voulez, du
comportement linguistique des entreprises en ces matières. Et,
croyez-moi, ce n'est pas une vue de l'esprit, ce sont notamment des
témoignages que j'ai reçus en consultant quelques-uns de nos
membres justement basés à l'extérieur du Québec au
cours des derniers jours.
Enfin, les personnes qui sont en poste au Québec, qui travaillent
et disposent de certains niveaux décisionnels, sont constamment dans la
logique que nous connaissons, à tout le moins dans les grandes
entreprises, obligés de négocier, de façon
perpétuelle, la place du français dans leur entreprise. Et je dis
bien «négocier la place du français» pas seulement en
matière d'affichage commercial, mais aussi en ce qui concerne toutes les
autres dispositions. C'est un rapport de force continuel qui fait qu'il faut
constamment justifier, documenter les raisons d'être et les mobiles qui
justifient donc nos attentes et nos exigences en matière de langue.
Voilà ce que j'avais à vous dire schématiquement
concernant le premier point de notre représentation.
Passons maintenant à l'accès à l'enseignement en
anglais. Nous n'avons absolument pas d'objection au CLE, aucune objection de
principe, en tout cas, en ce qui concerne l'ouverture de la loi sur
l'instruction publique et les différentes modalités
opératoires que l'on voudrait nous suggérer pour
améliorer, notamment, l'apprentissage de la langue seconde chez les
enfants québécois. Donc, aucune objection de principe à ce
niveau-là. Nous nous questionnons cependant sur l'efficacité de
certaines des méthodes qui sont préconisées et sur
l'éventuelle allocation de ressources qui serait appelée par leur
mise en application.
Nous aimerions simplement appeler l'attention du législateur sur
le fait qu'il ne faut pas mettre la charrue devant les boeufs, ni faire, en
matière de régime pédagogique, ce que la France a fait
avec son téléphone pendant les années soixante,
c'est-à-dire acheter des nouveaux appareils pour les plaquer sur du
vieux filage. Ce que je veux dire par là, c'est que nous avons besoin
d'une réforme urgente du régime pédagogique du
système d'enseignement québécois, à la fois en ce
qui a trait à l'enseignement et à l'apprentissage de la langue
maternelle et en ce qui a trait, bien sûr aussi, et nous y souscrivons
comme entreprise, à l'apprentissage de la langue seconde qui n'est pas
fait, selon nous, de façon efficace et compétente.
Nous disons donc simplement que dans l'ordre des moyens, il serait
nécessaire d'opérer cette réforme dont je viens de parler
et qu'ensuite, une fois cette réforme opérée et
opérante, si je puis dire, bien sûr, toutes les mesures qui sont
proposées ou évoquées dans le projet de loi pourraient
ensuite, ultimement, faire oeuvre utile dans l'amélioration de
l'acquisition, notamment, de la compétence en langue seconde. Donc,
c'est une question, si vous voulez, de priorité et ensuite d'allocation
des ressources, et puis de mise en perspective des objectifs
recherchés.
Nous avons besoin de cette réforme. C'est probablement une des
carences les plus importantes de la législation linguistique et
après, il y aura donc, évidemment, possibilité pour
d'autres ajustements. Nous avons besoin de cette réforme pour des
raisons, encore une fois, économiques, et je vous le dis en tant que
représentant d'associations d'entreprises. La valeur économique
du français comme langue de travail sera, au cours des prochaines
années, conditionnelle à la maîtrise de la langue dans
toutes les situations de travail au Québec.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, à la francisation des
entreprises. Nous pensons, au CLE, que nous avons fait le plein, à date,
de l'efficacité des mesures coercitives en ce qui concerne la
francisation des
entreprises. Les choses relativement faciles ont déjà
été réalisées. Que l'on songe à l'affichage,
par exemple; c'était une mesure non récurrente. Que l'on songe
à la traduction de documents, à la traduction de manuels
d'entretien, etc. Les choses relativement faciles sont derrière nous,
demeurent, évidemment, des défis extrêmement importants
pour la place du français. Que l'on songe aux défis que nous
posent les technologies, la place du français dans les technologies,
dans l'information, la place d'un français de bonne qualité et
d'un français viable dans la mondialisation des échanges et comme
langue stratégique des échanges. Ce sont les défis qui
attendent la francophonie en général, et le Québec, en
particulier, qui en fait partie.
On peut, en bonne partie, reconnaître que, sur un plan positif, le
français est devenu, au Québec, la langue à peu
près commune de l'administration des entreprises. Les défis,
encore une fois, auxquels nous demeurerons confrontés, sont de l'ordre
de ceux que je viens de vous énumérer, donc: terminologie,
informatique et mondialisation.
Nous pensons que les mesures proposées au chapitre de la
francisation des entreprises, notamment en ce qui concerne l'abolition de la
Commission de protection de la langue française et l'alinéa 9,
introduit à l'article 141, relatif au programme de francisation des
entreprises, sont des mesures à toutes fins utiles un peu
contre-productives qui vont, finalement, à rencontre du partenariat que
nous devrions rechercher dans l'administration du dossier linguistique. Je
reviendrai sur le partenariat dans quelques minutes, et je m'attacherai, en
quelques mots, aux deux articles du projet de loi sur lesquels nous avons des
réserves.
La disposition concernant le transfert à l'Office de la langue
française des pouvoirs de vérification exercés par la
Commission de protection de la langue française ne pose pas de
problèmes particuliers au niveau, bien sûr, de la rationalisation
des ressources, de la bonne efficacité des économies
d'échelle; de ce côté-là, aucun problème. Par
contre, quand on crée une situation ou qu'on envisage cfle créer
une situation où des personnes qui ont à la fois le statut de
conseiller auprès des entreprises assujetties à un programme de
francisation, quand, donc, ces conseillers pourront, dans un second temps,
s'investir du pouvoir de commander la vérification, pour toutes sortes
de raisons fondées, parce que, bien sûr, les raisons peuvent
être fondées ou pas, quand ce rôle de juge «et partie
sera introduit dans l'économie de la loi, quand on sait que,
malheureusement, comme dans toutes les bureaucraties, les comportements, les
rapports entre l»es entreprises et les représentants de
l'État en matière: de francisation sont très souvent,
malheureusement, d-es rapports statistiques et bureaucratiques, on peut se
demander jusqu'à quel point on améliorera la valeur quialitative
du suivi de l'avancement de la francisation des esntreprises à cet
égard-là. (20 h 30)
En ce quii concerne, maintenant, la disposition touchant la francisation
de l'informatique, l'objectif est excellent. Cependant, l'informatique fait
déjà partie des éléments qui sont
réputés faire partie des communications internes des entreprises
et de la langue de travail; elle fait déjà partie des
négociations qui sont tenues avec l'Office de la langue française
dans le cadre des programmes de francisation de chacune des entreprises, et
nous avons, dans un esprit de partenariat, justement, depuis cinq ans, mis sur
pied, avec nos collègues du gouvernement du Québec et du
gouvernement du Canada, et bien sûr des grandes entreprises, un
comité d'action, le CAFI, qui recherche très
précisément des avenues précises, opérationnelles,
qui permettent de faire avancer la place du français dans
l'informatique. Alors, ajouter au pouvoir contraignant d'une régie
d'État dans un contexte où, de toute façon, les
comportements linguistiques des entreprises en matière d'informatique
demeureront différents de ceux du gouvernement du Québec pour la
simple raison que les grandes entreprises s'inscrivent dans des réseaux
de communication qui sont extérieurs au territoire du Québec,
nous apparaissent non pas non fondées dans leur objectif, mais, en tout
cas, le moyen contraignant ne nous apparaît pas garant de l'atteinte de
l'objectif.
Les ressources de tout le monde étant de plus en plus
réduites, que l'on parle des ressources de l'État, que l'on parle
des ressources des entreprises, nous pensons que le partenariat, en
matière de francisation des entreprises, est de loin l'avenue à
privilégier dans les années qui viennent. La résolution
des problèmes à la pièce, il y en aura toujours. Nous ne
contestons évidemment pas le droit de l'État, dis-je, de suivre
les programmes de francisation des entreprises, nous reconnaissons même
le bien-fondé de la mesure proposée au projet de loi demandant
aux entreprises de revoir et de justifier aux trois ans l'avancement de leur
francisation, mais nous voudrions que les choses se fassent dorénavant
dans un esprit de partenariat, dans un esprit qualitatif et non pas dans un
strict esprit de contrôle légal, réglementaire ou
bureaucratique.
En guise de conclusion, nous aimerions attirer votre attention sur une
approche qui nous apparaît extrêmement galvaudée en ce qui
concerne les rapports entre la législation linguistique et
l'économie. Nous entendons de toute part et quand je dis
«de toute part», je parle, bien sûr, des personnes qui
s'expriment en public, qu'il s'agisse de personnalités politiques, de
journalistes, de commentateurs, de gens qui ont des aspirations, etc.
très souvent, des commentaires à l'effet qu'on va régler
le problème de la langue parce que ça nuft à
l'économie. Je pense qu'il faut faire une mise au point très
claire ici: la question linguistique n'a jamais été, n'est pas et
ne sera jamais un avantage économique nulle part, dans aucune
société, et notamment au Québec; la question linguistique
a toujours été et sera toujours un coût. Ça, c'est
clair.
Que l'on en parle en fonction de l'affichage ou en fonction de la langue
de travail ou en fonction de tous les registres d'application de la loi, quand
vous demandez à des investisseurs comment ils évaluent leurs
intentions d'investissement, notamment dans une société
comme le Québec, ils font deux colonnes: ils font les avantages et les
inconvénients. Or, parmi les avantages figurent toujours, bien
sûr, les infrastructures, le coût de la main-d'oeuvre, les
subventions gouvernementales, et parmi les inconvénients figurent
inévitablement toutes les interventions de l'État par voie de
lois ou de règlements. La langue en fait partie, tout comme
l'environnement, d'ailleurs.
Je suggérerais fortement que nous évacuions
dorénavant le discours économique du débat sur la langue
parce que, encore une fois, il n'est pas à sa place, il
représentera toujours un coût. Je vous dirais même que, dans
cette logique-là, si on nous dit que, par exemple, l'affichage en
français on l'a dit, d'ailleurs, il y a quelques années et
c'est ce que les entreprises de l'extérieur du Québec nous disent
couramment, chez nous représente un coût, ce qui est vrai,
il faut garder à l'esprit, à ce moment-là, et si on suit
cette logique-là jusqu'au bout, que toutes les dispositions touchant la
langue de travail représentent un coût encore plus étendu.
Je ne pense pas... et j'espère me faire bien comprendre, ce n'est pas
notre propos, n'est-ce pas, de remettre en question les dispositions touchant
la langue de travail. Je ne pense pas non plus que ce soit l'intention des
Québécois de remettre dans la balance leurs acquis en
matière de langue de travail, mais si, encore une fois, on suit la
logique économique, eh bien, ça demeure un coût.
Encore une fois, comme société, je crois qu'il faut
regarder l'aménagement linguistique comme une chose qu'on doit
gérer, qu'on doit administrer. Je pense qu'on ne doit pas
considérer le fait que le Québec soit une société
francophone comme une chose qu'on ait à lui reprocher mais comme une
chose qu'on devrait contribuer à administrer. Nous sommes
nous-mêmes, au Centre de linguistique de l'entreprise, un coût
direct pour les entreprises qui nous subventionnent, puisque nous les aidons
à essayer de gérer les avantages et les inconvénients de
cette législation linguistique au mieux de leurs intérêts
économiques et au mieux de l'observance des objectifs que la
société québécoise s'est donnés et sur
lesquels, donc, nous soulevons des questions dans l'introduction de notre
mémoire.
Alors, pour conclure, j'aimerais simplement rappeler au
législateur que, quelles que soient les règles du jeu qu'il
voudra adopter en matière linguistique et, à cet
égard-là, je n'ai pas de recommandation ou de pression
particulière à formuler nous souhaitons qu'elles soient
claires, pour qu'elles puissent être appliquées par tous
parce que le principe d'équité est important en matière
juridique, en général, et en matière linguistique tout
aussi particulièrement et que, enfin, nous puissions mettre en
balance les justes aspirations de la société
québécoise avec une application équitable des dispositions
de la loi et des règlements. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guillotte.
Merci beaucoup.
M. le ministre.
M. Ryan: M. Guillotte, M. Van Houtte et Mme Faribault, ça
me fait plaisir que vous soyez venus nous rencontrer. Je vous en remercie au
nom du gouvernement. Nous étions très intéressés
à entendre le point de vue du Centre de linguistique de l'entreprise
parce que ceux qui ont été associés à la mise en
oeuvre de la Charte savent combien le rôle du CLE a été
utile et bienfaisant. Le CLE a permis à l'esprit de la Charte de la
langue française de pénétrer dans bien des entreprises,
par les voies qu'a signalées M. Guillotte tantôt,
c'est-à-dire beaucoup plus par l'engagement et la persuasion que par la
coercition, et, sous cet aspect, le gouvernement est entièrement
d'accord avec le CLE quant à l'approche qu'il convient d'adopter.
M. Guillotte a fait partie souvent de comités ou de groupes de
travail qui assistent, dans l'exercice de leur mission, des organismes
responsables de l'application de la Charte, et je l'en remercie.
Maintenant, je voudrais en venir à certains points qui sont
traités dans le mémoire. Brièvement. Tout d'abord, je note
que la démarche de rationalisation des structures ne semble pas
créer d'angoisse trop forte chez vous. Je pense, en particulier,
à la clarification du pouvoir en matière de
réglementation; je pense également à l'intégration
de la Commission de protection de la langue française dans l'Office de
la langue française. Le deuxième point semble vous
préoccuper un peu davantage, mais je voudrais vous expliquer ce que nous
visons.
Nous visons précisément à rejoindre ce que vous
disiez tantôt, quand vous mentionniez que vous mettez davantage d'accent
sur la pédagogie d'accompagnement plutôt que sur les
contrôles. Et en intégrant la Commission de protection à
l'Office, nous voulons que cette fonction de surveillance et de vigilance soit
exercée dans un esprit d'accompagnement et de soutien plutôt que
dans un esprit policier. Et il nous semble que si cette tâche est
assumée par l'Office, avec l'accent que l'Office met déjà
et que nous souhaitions qu'il mette sans cesse davantage sur les fonctions que
j'appellerais d'édification d'entreprises et de milieux de travail
où le français sera la langue courante, je pense qu'on trouve une
raison valable d'orienter la Commission de ce côté. La Commission
en était venue à traiter de plaintes qui provenaient d'un groupe
très limité de personnes, et les raisons qui avaient pu justifier
son existence distincte au début nous apparaissaient plus ténues
à mesure que le temps avançait.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais peut-être que vous nous donniez
quelques explications complémentaires sur la réaction que vous
avez en face de ces propositions contenues dans le projet de loi concernant les
structures d'intervention. (20 h 40)
M. Guillotte: Bon. Alors, comme je vous l'ai dit tout à
l'heure, ce n'est pas du tout un jugement de valeur quand à
l'opportunité de rationaliser. Je pense
qu'à cet égard ça devient nécessaire,
d'ailleurs, dans l'appareil de l'État, de tous les États, de tous
les gouvernements; ça, nous l'avons clairement dit dans notre
mémoire. Nos questions portent surtout sur les conséquences
pratiques au niveau des comportements des personnes qui seront dans le
même organisme.
Je pense que les solutions sont probablement aménageables aussi,
mais, à vue de nez, il nous apparaît très clairement que
des fonctionnaires de l'Office de la langue française deviendront juge
et partie en ce qui a trait à l'évaluation du statut de la
francisation dans les entreprises, parce que ces personnes vont, d'un
côté, négocier avec l'entreprise et c'est leur
rôle, c'est le rôle traditionnel des agents de l'Office de
négocier toutes les dispositions de l'article 141 avec les entreprises
et de les suivre donc, ces gens-là vont négocier et faire
des recommandations aux entreprises, eu égard aux dispositions de la
francisation, mais, dans l'éventualité où les discussions
arriveraient soit à un cul-de-sac, à des impasses ou à des
malentendus, eh bien, le risque est extrêmement grand que les mêmes
personnes puissent demander à leurs collègues d'un autre service
de l'Office de systématiquement procéder à ce que nous
appelons dans notre mémoire le mot est un peu fort, mais enfin
des mesures de rétorsion bureaucratique. C'est comme ça
qu'on les vit parfois dans les entreprises.
Entre discuter des principes et voir comment ils s'appliquent dans la
réalité, on a droit à toute la gamme des comportements
humains et de tout ce que les modalités administratives peuvent
permettre; donc, on risque de se retrouver, et je résume
là-dessus, dans une situation où on va exJger l'application de
choses recommandées par l'intervention d'un vérificateur. C'est
un raisonnement de gestion, M. le ministre, ce n'est pas, encore une fois, une
remise en question de l'opportunité de rationaliser.
M. Ryan: Près du tiers des articles du projet de loi
traitent de la francisation des entreprises, vous l'avez remarqué. Nous
avons réécrit cette partie de la Charte de manière
à la rendre plus fonctionnelle, à distinguer plus nettement Les
différentes étapes marquant l'intervention de l'Office, par
exemple, ou le cheminement des entreprises. Nous avons mis un soin particulier
à reformuler ces dispositions de la Charte, nous avons fait les
consultations qui s'imposaient à cet égard, et je voudrais que
vous nous d isiez ce que vous pensez de ces articles qui vont de 45 à 59
dans le projet de loi. Est-ce que vous y trouvez des améliorations par
rapport à la situation actuelle? Vous en avez mentionné une,
tantôt, quand vous avez; signalé l'obligation qui sera faite
dorénavant aux entreprises munies d'un certificat de francisation de
faire rapport tous les trois ans sur les progrès accomplis dans 1 a
recherche d'une utilisation encore plus généralisée du
français, mais pourriez-vous nous donner des commentaires additionnels
sur ce gros tiers du projet de loi dont on a fort peu parlé
jusqu'à maintenant et auquel le gouvernement attache beaucoup
d'importance?
M. Guillotte: Écoutez, je l'ai mentionné
brièvement dans mon exposé tout à l'heure cela
figure dans notre mémoire, d'ailleurs, c'est le premier libellé
que nous faisons au chapitre de la francisation dans les entreprises le
CLE soutient depuis nombre d'années et vous le savez, M. Ryan, on
a fait des travaux avec votre appui sur la responsabilisation des gestionnaires
nous pensons que la francisation des entreprises devrait être
envisagée comme une opération de gestion comme bien d'autres.
Ça se gère comme on gère le personnel, comme on
gère l'environnement, la fiscalité, etc.
C'est donc le message que nous-mêmes nous essayons de passer
à nos membres et aux entreprises que nous pouvons éventuellement
influencer; donc, évidemment, nous sommes tout à fait positifs
à l'endroit de cette disposition-là qui introduit l'esprit de la
permanence de la francisation des entreprises qui n'y était pas. Je ne
veux pas dire qu'elle n'y était pas dans l'esprit du législateur
et des personnes qui administrent la loi comprenons-nous bien, ce n'est
pas un procès d'intention mais nous vivions dans un régime
psychologique, si je puis dire, où on pensait qu'une fois le certificat
de francisation obtenu, bien, ça y est, c'est le paradis pour tous, et
puis, c'est mission accomplie et c'est un dossier, comme on le dit souvent,
réglé, un peu comme pour l'économie dont je parlais tout
à l'heure.
La langue et l'économie, ça ne va pas ensemble. Eh bien,
penser qu'on va régler le dossier linguistique au Québec ou au
Canada, c'est tout autant une vue théorique de l'esprit. Alors, à
cet égard-là, évidemment, la disposition est tout à
fait bienvenue.
M. Ryan: Vous êtes l'un des premiers qui ait attiré
mon attention sur cette déficience que vous aviez observée dans
la Charte. Je me souviens que, à l'une des premières
réunions où j'ai eu l'occasion de vous rencontrer, vous aviez
insisté sur le concept de permanence. Vous aviez fait partie d'un groupe
de travail qui avait soumis un rapport juste au moment où j'entrais en
fonction, et je m'étais dit, avec le président de l'Office, que
nous verrions à mettre l'accent sur la recherche de la permanence dans
le processus de francisation. Dans cette perspective, je suis fort heureux des
commentaires que vous avez formulés, puis je n'ai aucunement la
prétention de suggérer que ce que nous faisons règle tout,
mais je suis au moins content de vous entendre dire que c'est une
amélioration notable. Et nous aurons besoin de continuer à
travailler avec vous et le monde de l'entreprise et des syndicats
également pour améliorer les choses.
Maintenant, M. le Président, peut-être que mon
collègue de Rimouski voudrait soulever une question
également.
Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député
de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président.
Je remercie le Centre de linguistique de l'entreprise pour la
qualité de son mémoire. à la page 1, m. le
président, vous semblez en avoir contre l'article 58 en disant:
«à cet égard, le nouvel article 58 proposé dans le
projet de loi 86 envoie un message contradictoire.» et vous en avez tout
particulièrement au sujet du troisième alinéa.
Si on prend les paragraphes un par un, à l'article 17, par
exemple, ou l'article 58: «L'affichage public et la publicité
commerciale doivent se faire en français.» Là, ça,
ça ne pose pas de problème, il n'y a pas d'ambiguïté
pour tout le monde, O.K., le premier paragraphe.
Le deuxième: «Us peuvent également être faits
à la fois en français ou dans une autre langue pourvu que le
français y figure de façon nettement prédominante.»
Là, ça ne pose pas de problème pour vous non plus.
Le troisième paragraphe: «Toutefois, le gouvernement peut
déterminer, par règlement, les cas, les conditions, etc.»
Ça, ça pose un problème pour vous ou votre organisme. De
quelle manière l'auriez-vous formulé, si ça pouvait vous
satisfaire, cette partie-là? Est-ce que vous pourriez nous faire une
suggestion?
M. Guiilotte: Bon. Écoutez, les éléments de
notre suggestion figurent dans les deux paragraphes qui suivent de notre
mémoire. Nous n'avons pas de problème, nous... D'abord, nous ne
sommes pas là pour discuter de la formulation telle quelle de la loi et
des règlements, mais de l'objectif poursuivi. Notre objectif à
nous, c'est d'envoyer un message clair aux personnes que nous avons pour mandat
d'informer et d'assister dans l'application des lois linguistiques et nous
pensons, nous en avons discuté entre nous au cours des deux
dernières semaines, que tout ce qui n'est pas un objectif clair et
facilement «apprehensible» par tous va compliquer l'application de
la loi.
Ce que nous vous disons, c'est qu'il faudrait et je ne dis pas
que vous n'avez pas l'intention de le faire, on n'est pas dans le procès
d'intention, on est dans les modalités opératoires
affirmer de façon plus convaincante l'objectif, qui est sans doute celui
que vous poursuivez, que le français doit être obligatoire dans
toutes les circonstances.
Prenez comme acquis que ce sont toutes, toutes, toutes les circonstances
de l'affichage public et qu'ensuite, selon la règle du gros bon sens,
comme nous le suggérons ici, les modalités d'exemption ou
d'exception puissent découler elles-mêmes du gros bon sens. Je
prends des exemples: Quand on parle et je les ai entendus depuis hier
dans cette commission-ci et c'était le cas ce matin, je crois de
l'affichage, des informations qu'on donne dans les musées que les
touristes vont fréquenter, ça me paraît tomber sous le sens
commun, sous le sens commun tout court, puis économique ensuite, puis
touristique en troisième lieu que, bien sûr, il y aurait place
pour un aménagement linguistique où le français serait
très nettement prédominant et d'autres langues présentes.
Bon.
Qu'un spectacle concernant une communauté culturelle autre que
francophone, qu'une publication les concernant soit affichée dans la
langue de cette communauté-là, il me semble que ça tombe
sous le sens commun. Mais quand, par ailleurs, on commence à discuter
des couleurs, des proportions, des tailles, de l'impact visuel, etc.,
là, je pense qu'on s'engage sur un terrain extrêmement glissant.
Là, on s'engage sur le terrain de l'ensemble de l'affichage public et
commercial et on ne distingue pas tout à fait ce qui tombe sous la
règle du gros bon sens que j'ai essayé d'illustrer.
Tout le monde a ses histoires d'horreur dans ces
matières-là. J'écoutais ce matin la députée
de Chicouti-mi qui parlait d'un reportage à TVA, que je n'ai pas vu,
hier soir, où on parlait d'apparition de bilinguisme. Je ne l'ai pas vu,
là, mais il reste que et Mme Blackburn pourra revenir
là-dessus tout à l'heure l'on nous dit: Bien, là,
ça apparaît bilingue, etc. Bon. C'est probablement vrai. Les
proportions? Je ne sais pas, je n'ai pas fait d'enquête là-dessus
et je n'ai pas l'intention d'en faire non plus, mais les règles
naturelles du comportement vont difficilement porter les gens à faire
des distinctions: deux tiers, un tiers, trois quarts, quatre cinquièmes,
deux huitièmes, 3.1416. Ça nous apparaît byzantin et
difficile d'application. (20 h 50)
Je compléterai peut-être ma réponse à votre
question en vous disant que, moi, mes histoires d'horreur là-dessus,
elles ne sont pas, encore une fois, à l'échelle du Québec,
pas à l'heure où je vous parle, mais c'est des affichages
bilingues posés par des entrepreneurs québécois
francophones qui posent un affichage bilingue «fifty-fifty»,
équivalent français et anglais. Je n'ai pas, encore une fois, de
statistiques mais j'ai, comme tout le monde, mon petit sottisier personnel
là-dessus.
Alors, je dis qu'en ces matières-là la règle des
proportions risque d'être contestée de toute façon, elle
risque d'être ridiculisée; on a fait l'expérience de la
chose lors du début de l'implantation de la loi 22 en 1974. Je pense
qu'on s'aventure sur un terrain qui va être difficile d'application et
où l'absurde va très vite nous rejoindre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guiilotte.
M. Ryan: Juste une dernière question.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Dans le prolongement de ce que disait le
député de Rimouski, vous mentionniez votre ouverture à
certaines exceptions comme, par exemple, les inscriptions qui sont
placées sous les objets exposés dans les musées. Il nous
faut une clé pour être capables de faire ça, ça
prend un pouvoir réglementaire, on ne peut pas tout mettre ça
dans la loi. Et, dans ce sens-là, est-ce que vous ne trouvez pas que le
troisième alinéa de l'article 17 fournit justement la clé
dont nous avons besoin pour faire des choses qui aillent dans la direction du
sens commun dont vous parlez?
Je suis d'accord avec vous, il faut que ça soit des choses qui
s'adressent au sens commun, qui soient d'observation facile, presque
évidentes. Il y en a.
M. Guillotte: Oui.
M. Ryan: Est-ce que ça ne prend pas un certain pouvoir
réglementaire pour faire ça? On ne peut pas tout mettre ça
dans la loi.
M. Guillotte: Bon! M. le ministre, vous avez raison, on ne pourra
pas, ni dans la loi, ni dans les règlements, disposer de toutes les
modalités opératoires, ça, c'est certain, mais, il y a
deux mots, dans l'alinéa 3, qui vont envoyer très clairement aux
gens qui décident de l'affichage un message contradictoire ce que
nous disons dans notre mémoire ce sont les mots «sans
prédominance du français».
Nous, nous partons du principe, au CLE... Pourtant, nous ne sommes pas
là pour faire de l'angélisme, là. Moi, je vous dis, si,
demain matin, il y a une loi de bilinguisme proportionnel qui s'applique, je
vais recommander à mes membres de l'appliquer, il n'y a pas de
problème. Mais les mots «sans prédominance du
français» nous apparaissent, dans son sens même,
contradictoires à l'objectif initial de la législation. Et
«uniquement dans une autre langue» nous apparaît presque
superflu parce que, encore une fois, les cas que je vous
énumé-rais tantôt, dont on dispose déjà,
finalement, dans l'état actuel du régime de règlement,
vont continuer de permettre à un particulier d'afficher en anglais sa
maison à vendre ou de ne pas marcher sur sa pelouse. Ce sont des mots,
tout simplement, qui vont envoyer chez les personnes appelées à
prendre des décisions en ces matières-là un message
contradictoire qui, évidemment, risque d'apporter de nouvelles
contestations ou des demandes de clarification à la pièce chez
vous ou, tout simplement, de donner cours à des comportements
dérogatoires.
M. Ryan: Regardez, je comprends votre préoccupation, mais,
quand vous verrez les exceptions que nous avons à l'esprit, vous
trouverez qu'elles découlent directement du sens commun. Il n'y en aura
pas une énormi-té, à part ça, ça va
être très limité. Mais il y en a pour chacune... Je vous
donnerai des exemples tantôt. Malheureusement, nous n'avons pas le temps
de poursuivre, mais je peux vous assurer que j'ai bien pris note de votre
préoccupation, et nous la partageons.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Je voudrais simplement saluer Mme Faribault, M. Guillotte et M. Van
Houtte et, avec votre permission, M. le Président, je passerais la
parole à mon collègue qui doit aller en Chambre et qui aurait le
goût de vous poser quelques questions avant d'aller prendre la
parole.
Le Président (M. Doyon): Oui, d'accord. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Bonsoir! Je constate, dans votre mémoire, que, pour vous, il est
très important que le gouvernement indique d'une façon
très claire les règles d'application quant à tout le
problème de l'affichage. Vous avez remarqué aussi, je pense, le
pouvoir réglementaire qui est très grand relativement à
l'application de cette loi. Moi, je peux vous dire en tant qu'avocat que
normalement, quand on a un règlement, le règlement ne vient que
préciser une application. Il ne permet pas, comme je le constate ici,
dans le projet de loi, de faire en sorte que, par le pouvoir
réglementaire, on puisse, finalement, complètement annihiler
l'effet du principe de loi justement en enlevant la nécessité du
caractère prédominant du français.
Est-ce que ça ne vous inquiète pas? Parce que nous, ce qui
nous inquiète dans ce projet de loi, tel qu'il est
présenté présentement, c'est que nous n'avons pas les
règlements. Nous n'avons pas de projet de règlements, nous ne
savons pas quels seront ces règlements, et on nous dit que ces
règlements ne seront prêts qu'après l'adoption du projet de
loi. Est-ce que ça vous inquiète, ça?
M. Guillotte: Bon. Écoutez, il y a deux façons de
répondre à cette question-là. Effectivement, l'absence des
règlements nous empêche d'aller, de façon plus quantitative
et qualitative, dans l'appréciation du régime linguistique;
ça, c'est évident. Maintenant, les deux principes qui sont en
présence, c'est: Est-ce que la loi doit être une loi-cadre de
portée générale, qui définit de façon claire
ce que doit être le régime juridique, le régime
légal de la langue française au Québec? D'ailleurs, nous
avons, dans notre mémoire, des recommandations. Nous suggérerions
que l'objectif de la loi soit rappelé, si vous lisez la conclusion de
notre mémoire.
D'autre part, il y a le débat entre la loi déclara-toire
et les modalités d'application qu'on définit par
règlement. Je sais qu'il y a une autre école de pensée qui
nous dira qu'on n'aime pas les lois-cadres dont on renvoie la
détermination des modalités à des règlements.
Nous ne prétendons pas nous placer sur un rjlan politique ici, ni
même sur un plan juridique, nous nous plaçons sur un plan de
conseillers en administration. Nous sommes là pour aider les entreprises
à gérer et, pour gérer, il faudra connaître les
règles du jeu. C'est pour ça que nous répétons
très souvent l'expression que les modalités doivent être
très claires. Si elles ne le sont pas dans la loi, il faudra qu'elles le
soient effectivement dans les règlements. Mais, à ce stade-ci, on
ne veut pas porter de jugement d'opportunité dans un sens ou dans
l'autre.
M. Bélanger (Anjou): Ce que je semble comprendre de votre
mémoire aussi, c'est que pour vous, si on s'embarque dans la question
d'appréciation de la nette prédominance ou de la
prédominance du français dans l'affichage sur des
considérations comme l'aspect visuel de l'affiche et tout ça,
d'après vous en tout cas, c'est ce que je semble constater de
votre mémoire c'est qu'on s'embarque vraiment dans un marais ou
dans une zone vraiment grise de problèmes d'interprétation.
Est-ce que je me trompe?
M. Guillotte: Pas de problèmes d'interprétation, de
problèmes de comportement.
M. Bélanger (Anjou): De comportement,
d'appréciation.
M. Guillotte: C'est facile d'interpréter que deux tiers-un
tiers, mathématiquement... Les statistiques, ce n'est pas un
problème. Je veux dire, la gestion de la francisation du Québec
repose sur les statistiques depuis 15 ans. Puis, on assiste d'ailleurs,
même ici, à la commission parlementaire, à des
échanges là-dessus entre madame et M. le ministre, justement,
bon. Mais, des chiffres, ça ne marche pas dans la rue, ça.
Avez-vous vu ça se promener dans la rue, des statistiques? Ce n'est pas
ça qui compte, c'est le qualitatif des choses, c'est la façon
concrète dont les comportements évoluent en fonction d'un
objectif déterminé.
C'est ce que nous disons. Nous disons que nous avons besoin de
règles claires pour continuer à administrer la loi et les
dispositions, enfin, les trois dispositions sur lesquelles nous nous sommes
penchés de façon constructive.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
d'Anjou.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Vous avez raison en ce qui a trait à la
mesure d'évaluation du caractère de prédominance, puisque
la loi qui a été adoptée en 1988, la loi 178, qui
prévoit la prédominance pour l'affichage intérieur, il n'y
a jamais eu une seule plainte parce que... allez donc mesurer ça avec
votre galon, question de perception et, évidemment, d'attitude; c'est
quelque chose qui va être extrêmement difficile à
apprécier.
Moi, j'aimerais revenir... À la page 5 de votre mémoire,
vous dites: «Plus près de nous, il faut également se
rappeler la fonction pédagogique de l'affichage pour la diffusion de la
terminologie: ce sont, en bonne partie, les identifications de produits et de
services en français dans les établissements commerciaux et
industriels au Québec qui ont, à compter des années 1970,
augmenté la pénétration et l'usage de la terminologie
française.»
Diriez-vous que, en introduisant le bilinguisme dans l'affichage,
ça aura comme effet de faire reculer les progrès qu'on a
réalisés en ces matières?
M. Guillotte: Ça, c'est difficile à
apprécier dans un premier temps ou, disons, de façon
catégorique, parce que, quand on se réfère à
l'histoire, ici, on a introduit le français, au début des
années soixante-dix; il y en avait peu ou pas. Donc, la fonction
pédagogique, évidemment, a été importante.
Notamment, dans les établissements industriels, une des pratiques assez
couramment usitées à l'époque était tout simplement
de mettre, avec des moyens très simples, genre dix mots, le nom des
outils, des machines, des appareils que les gens devaient utiliser dans leur
travail en français. Alors, bien sûr, la pédagogie a
été importante, puisqu'elle a permis de familiariser les gens
avec leur environnement de travail en français, ce qui n'était
pas le cas auparavant. Donc, remettons en perspective historique l'affirmation
que nous faisons ici. (21 heures)
Le fait d'introduire le bilinguisme, ça sera à
apprécier. Les langues sont en concurrence, de toute façon. La
gestion linguistique, ce n'est malheureusement pas une question de
symétrie. Ça serait facile si c'était symétrique,
mais ce n'est pas le cas. Donc, ça sera à apprécier. Il
faudra apprécier deux choses: Est-ce que le fait d'avoir, disons,
l'identification de produits, de biens ou de services en deux langues va
affaiblir le français? Je ne suis pas équipé pour
répondre à cette question-là ce soir. D'un autre
côté, quand on se penchera sur l'aspect incontournable des
aménagements linguistiques, il faudra bien fournir, aussi, des
informations dans d'autres langues à des citoyens, puisque nous nous
entendons tous, l'Opposition, le gouvernement et nous, pour dire qu'on va
devoir trouver des modalités opératoires pour ne pas continuer
d'interdire, là, de façon absolue.
Alors, à cet égard-là, quand on parlera
d'identification de produits, il faudra peut-être penser que parmi les
modalités, il y aurait lieu de songer à celles qui rejoignent les
droits des individus. Et les droits des individus, ça peut être
d'être informés en français, bien sûr, au point de
départ, et éventuellement dans d'autres langues, sur ce qu'ils
vont consommer. C'est à explorer.
Mme Blackburn: Dans un document, un rapport intitulé:
«Réglementer mieux et moins», dont le comité
était présidé par Reed Scowen, touchant la
législation linguistique, ce que nous disait ce rapport, c'est que
ça n'a pas eu les effets négatifs qu'on appréhendait et
que, bien plus, ça avait préparé une main-d'oeuvre
compétente et bilingue au Québec, ce qui constituait un atout. Et
travailler en français, pour les personnes, pour les ouvriers, ça
les avait rendus plus productifs. Ils maîtrisaient mieux les termes,
mieux la technologie et le manuel d'instructions et, à cet égard,
ça avait favorisé une plus grande productivité.
Vous avez parlé, tout à l'heure, de législation
linguistique et économique, mais en disant qu'il y avait effectivement
un coût à toute forme de législation, qu'elle soit
environnementale ou autre."Est-ce que, si on
compare les avantages par rapport aux inconvénients, d'avoir une
main-d'oeuvre bilingue, compétente, ou pas de législation et
unilingue anglaise, parce que ça serait le cas, là...
M. Guillotte: Écoutez, Mme la députée de
Chi-coutimi, moi, j'ai beaucoup de mal à disposer ou à discuter
du rapport entre la langue, la productivité et l'économie
j'en ai parlé entre la langue et l'économie tout à l'heure
pour plusieurs raisons. L'école de pensée théorique
voudrait que, bien entendu, les gens, les citoyens du Québec qui
pourraient travailler dans leur langue maternelle seraient plus productifs au
travail. Je pense que c'est certainement souhaitable, et c'est la vue de
l'esprit naturel, en tout cas, qu'il faudrait avoir. Je pense aussi qu'il faut
maintenir le cap là-dessus.
Mais quand on regarde, par ailleurs, l'état de la qualité
de la langue, l'état des communications et le rapport à la
productivité, en ce moment, dans les milieux de travail, je suis
obligé de mettre de sérieuses sourdines sur ce savant objectif
parce que mes données ne me permettent pas de croire que, quelle que
soit la langue dans laquelle ils travaillent, en ce moment, au Québec,
les ouvriers et les cadres, francophones comme anglophones, soient plus
productifs pour des mobiles linguistiques. Comme on le souligne dans notre
mémoire, il y a une réforme urgente touchant la maîtrise
à la qualité de la langue qui, elle, pourra peut-être, une
fois réalisée, avoir un impact sur la productivité.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Guillotte: Mais dans l'état actuel des choses, c'est
loin d'être sûr. Vous savez, pour un travailleur francophone,
utiliser la terminologie et ça revient aux questions que vous
posiez sur l'étiquetage, tantôt, ou l'affichage travailler
en français, c'est souvent apprendre une autre langue et apprendre une
autre terminologie. Alors, c'est un cercle vicieux dont nous sommes loin
d'être sortis.
Mme Blackburn: Vous insistez beaucoup sur l'importance de la
maîtrise de la langue maternelle, en pages 8 et 9, et vous exposez les
difficultés que proposent le projet de loi en introduisant l'idée
d'un «séjour temporaire à l'école anglaise des
élèves du réseau francophone alors, dites-vous, que
l'enseignement de la langue maternelle exige une réforme urgente et que
l'enseignement de la langue seconde n'est pas faite de façon efficace et
compétente».
Et vous rappelez que le véritable défi du réseau,
c'est celui de la survie et de l'avancement du français comme langue de
travail, et qu'il faut d'abord maîtriser le français. Vous
l'illustrez par un paradoxe assez intéressant, que vous n'avez pas eu le
temps de nous présenter, vous dites que les emplois futurs vont exiger
des aptitudes supérieures de communication, entre autres, et que le
manque de précision dans les communications, évidemment,
ça se traduit par une perte de productivité, et la francisation a
augmenté substantiellement l'aire d'utilisation du français. Et
pendant qu'on perd la maîtrise du français, évidemment,
là on recommence, un peu comme vous le disiez, et je trouve que c'est un
peu beaucoup notre inquiétude.
Mais le ministre, là-dessus, nous dit: Attendez les
règlements. Et, là-dessus, vous l'avez bien illustré
lorsque vous parlez du flou que laissent toutes ces questions et du danger
qu'on aurait, pour les entreprises en matière de langue de travail,
d'une espèce de fonctionnement à deux vitesses, selon que vous
vous êtes donnés beaucoup de mal à franciser votre
entreprise ou ceux qui viennent s'implanter sentent les mêmes exigences
et les mêmes obligations claires. Alors ça, je l'ai
apprécié.
Vous dites, en page 14... J'aimerais, là-dessus, que vous me
donniez un peu plus de précisions. Vous dites: «Nous aimerions,
cependant, inviter le gouvernement à envisager la poursuite de
l'application de la Charte de la langue française dans le cadre d'une
stratégie renouvelée et cohérente. À défaut
de cette réflexion politique et administrative, nous craignons que trop
de décisions soient prises à la pièce et de façon
arbitraire, que l'application de la législation linguistique soit
vulnérable aux pressions de toutes sortes et que l'on perpétue
l'éparpillement des efforts des ressources.»
Seriez-vous en train de nous dire qu'on n'est pas vraiment prêts
ni mûrs pour procéder à de telles modifications et qu'il y
aurait lieu de prendre un temps d'arrêt pour avoir là-dessus une
réflexion plus large et aborder cette question dans une perspective plus
globale?
M. Guillotte: Bien, nous ne posons pas de jugement de valeur.
Nous avons une tendance au Québec, quels que soient les dossiers qu'on
aborde, à regarder les choses à la pièce et non pas dans
une perspective d'ensemble, que l'on parle de l'éducation, que nous
avons évoquée, je pense, avec assez de précision dans
notre mémoire, que l'on parle de la langue, que l'on parle de
l'environnement mais là, mon collègue, Christian, est
mieux équipé que moi pour en disposer nous avons une
tendance intellectuelle je ne sais si c'est un héritage de la
formation que nous subissons depuis 20 ans à regarder les choses
à la pièce. Prenez la réforme des cégeps, alors que
c'est l'ensemble de l'éducation qui doit y passer. Bon. C'est la
même chose dans le dossier linguistique. Alors, on regarde l'affichage,
on regarde un alinéa sur l'informatique dans l'article 141, pour taper
davantage sur les entreprises alors qu'on s'occupe déjà de ce
dossier-là.
Alors, pour essayer de résumer la situation, nous sommes,
effectivement, dans ce dossier-là comme dans d'autres, dans une
situation où je ne renvoie le blâme à personne, je
pense que c'est une structure mentale qui nous occupe au Québec
on regarde les choses isolément, à la pièce, sans regarder
le fil conducteur entre elles, sans avoir de perspective d'ensemble, sans
rappeler les objectifs, sans savoir quels sont les moyens qu'on
met sur ces objectifs, quels sont ensuite les délais et les
ressources qu'on mettra pour y parvenir. Et ça manque, dans le dossier
linguistique; ça manque, effectivement, les ressources sont
éparpillées. On essaie...
Bon. Par exemple, j'en discutais avec M. Ryan tout à l'heure,
abolir le titre 3, la Commission de protection de la langue française,
ça se justifie dans le rationnel administratif, mais ça se
justifie comment dans lef rationnel dynamique des objectifs qu'on
poursuit avec les entreprises? C'est ça qu'il faut mettre ensemble. Il
faut regarder les avantages, les inconvénients et la
praticabilité des gestes qui sont posés et les mettre dans
l'ensemble. C'est ce que nous vous disons, et il y a trois défis, pour
nous, qui sont incontournables, que nous vous mentionnions, qui sont d'ailleurs
des lieux communs. On les connaît tous, ces lieux communs là.
Mme Blackburn: Je vais vous rappeler ces défis: la
mondialisation des échanges, la maîtrise de la langue maternelle
et de la langue seconde et l'intégration en français des
immigrants au marché du travail. Pensez-vous que ce dernier point pose
un problème encore actuellement?
M. Guillotte: Bien, écoutez, il va en poser et il en pose,
oui, c'est certain, et il va continuer d'en poser pour plusieurs raisons:
Premièrement, regardez ça économiquement: le Québec
a un niveau d'immigration nettement supérieur à sa
capacité d'accueil économique. Ça, regardons ça,
chiffres mis en place. Nous avons un niveau d'accueil, d'après les
derniers chiffres que j'ai vus, qui est de l'ordre de quatre fois ce que les
États-Unis, proportions gardées, évidemment, accueillent.
Donc, les gens qui... Oui, ce sont des chiffres qui sont dans les études
du Conseil de la langue française qui ont été
publiées l'automne dernier; mais, ça, je ne veux pas en faire un
élément de débat. (21 h 10)
Un immigrant s'installe ici pour gagner sa vie. Il faut donc, au point
de départ, que l'incitatif soit là, c'est-à-dire qu'il y
ait de l'emploi pour le recevoir. Bon. S'ajoute, dans notre contexte
particulier, au Québec, le facteur de son intégration ou de son
adhésion à la langue ou à la culture de la
majorité. Bon. On parlait de modalités incohérentes de
fonctionnement. Par exemple, l'enseignement qui est accordé dans les
COFI, actuellement, s'arrête dès que les gens trouvent un emploi.
Alors, le message qu'on envoie aux immigrants, c'est: apprendre le
français dans le COFI, c'est une activité de chômage, parce
que dès que vous avez trouvé une job, eh bien, on arrête de
vous donner des cours. Ça, ce sont des choses que j'ai encore
découvertes, là, au cours des derniers mois. Alors, on a une
foule de messages discordants, incohérents, que nous envoyons à
nos immigrants.
Je vous donne un troisième exemple, madame. Il y a trois ans
environ, nous avons soumis au programme de recherche de M. Ryan concernant la
francisation des entreprises un projet touchant l'intégration des immi-
grants dans les grandes entreprises à la langue française, parce
que les modalités d'application de la Charte de la langue
française, de la francisation, sont axées sur la rivalité
entre le français et l'anglais. Alors, ces gens débarquent en
milieu de travail et ils sont appelés, disons, de par la loi et le
discours officiel, à s'intégrer au fait français, mais la
dynamique naturelle des choses, selon les milieux, là toutes
nuances devant être faites fait que, bon, surtout dans les
secteurs de haute technologie, ce qui est un phénomène naturel et
normal, l'attirance, bien sûr, de la langue anglaise, s'exerce tout
autant.
Alors, on n'a développé aucun discours, aucun contenu de
programme, aucune approche stratégique pour aller chercher les personnes
qui ne sont pas des francophones ou des anglophones, pour aller les chercher
quant à l'appréciation et l'adhésion aux objectifs
linguistiques du Québec. Il n'y a rien! Il n'y a rien! C'est le rapport
de force entre le français et l'anglais, comme s'il y avait juste nous
autres.
Mme Blackburn: Bien. C'est pourquoi vous rappelez à
plusieurs reprises que le gouvernement aurait intérêt à
énoncer de façon claire les objectifs de la loi et que, si on
veut vraiment que ça ait un impact, il faut que tout le monde comprenne
le message de la même façon. Si je comprends, et d'ailleurs vous
le dites, pour certains points, ce n'est pas suffisamment clair, c'est sujet
à interprétation et, qui plus est, ça laisse beaucoup de
place à la réglementation. Et vous rappelez ce qu'on avait dit
également, qu'il y aurait un conflit de rôles au sein de l'Office
du fait qu'ils prennent à la fois la responsabilité d'être
des conseillers et, ensuite, des vérificateurs.
Je ramène la question. Dans l'état actuel des choses, et
compte tenu qu'il n'y a pas vraiment d'urgence, outre que celle qu'invoque le
gouvernement, est-ce que vous pensez toujours qu'il serait
préférable qu'on s'arrête un peu, qu'on prenne un temps
d'arrêt, qu'on essaie d'examiner la question dans ses perspectives plus
générales, plus globales avant de procéder?
M. Guillotte: Que ce soit maintenant ou plus tard, ce sera de
toute façon nécessaire. La loi a atteint, je le disais tout
à l'heure, les limites de ce qu'on pouvait faire par la coercition ou
par la gestion à la pièce, et il va falloir que le discours
politique et l'administration proprement dite de la loi s'adressent aux
nouveaux défis avec des moyens modernes.
Nous sommes engagés dans une économie ouverte. Alors,
continuer de penser que, bon, quelques gestionnaires québécois
habitués aux questions linguistiques vont continuer d'appliquer la
loi... Je crois qu'ils vont continuer de le faire, d'ailleurs, parce qu'ils y
sont sensibles, c'est une chose, mais penser qu'en gardant le discours
contingenté, n'est-ce pas, aux frontières du Québec, sans
penser que nous nous adressons à des décideurs économiques
ailleurs, sur le continent nord-américain, en l'absence de toute
approche stratégique,
de tout discours ça revient à ce qui a
été dit, d'ailleurs, hier, devant cette commission en
l'absence de tout programme d'information ce qui a été
reproché aux gouvernements successifs du Québec depuis 15 ans
on pense que ne pas rappeler les objectifs et les moyens, et dans une
vue d'ensemble... Il faudra que ce soit fait, que ce soit maintenant ou plus
tard. C'est une lacune.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guillotte.
Mme Blackburn: M. Van Houtte? Il n'a pas pris la parole.
Le Président (M. Doyon): Le temps qui est consacré
à nos amis de l'Opposition étant terminé, vous me
permettrez, M. Guillotte, premièrement, de vous remercier de la
démonstration fort éloquente que vous avez faite, que,
finalement, il est important que les coûts à l'intérieur de
l'économie québécoise soient répartis
équitablement, et de façon raisonnable, selon des règles
qui sont bien connues.
Mais ce que retiens de cette plaidoirie que vous nous faites d'une
façon fort éloquente et convaincante, c'est qu'il y a des
coûts; et qui dit «coûts» dit que quelqu'un doit les
payer. Dans les circonstances, le gouvernement a une responsabilité,
c'est de minimiser ces coûts-là. Vous, votre préoccupation,
c'est que les coûts soient répartis équitablement parmi les
intermédiaires, vos partenaires, vos interlocuteurs; ça, on
comprend ça parfaitement. Mais vous comprendrez aussi que le
gouvernement a une responsabilité qui va au-delà de ça;
qui va au-delà de ça, parce que nous, nous ne sommes pas
nécessairement seulement en compétition entre nous, nous sommes
en compétition avec l'Ontario, nous sommes en compétition avec la
Nouvelle-Angleterre, nous sommes en compétition avec le Marché
commun européen, et, dans les circonstances, nous devons minimiser ces
coûts-là. Dans les circonstances, je pense que le
gouvernement...
Je sais que le temps est déjà terminé et que vous
ne pourrez probablement pas y répondre, mais je comprends votre
préoccupation: Vous devez faire en sorte que les gens qui font partie du
CLE soient traités équitablement, qu'il n'y ait pas de
passe-droits, que, pour faire la bonne affaire de l'industrie de l'aluminium,
on ne nuise pas à l'industrie touristique, que, pour... Bon, ça,
on comprend ça. Mais vous devez, en même temps, avoir une vision
en tout cas, tenter de l'avoir plus large, qui est celle du
gouvernement, qui est une vision globale, qui est celle que... Même si
vous autres, tout le monde, a un coût qui est déjà trop
lourd et qu'on supporte également, ça ne règle pas notre
problème. Ça ne règle pas notre problème.
Nous autres, comme gouvernement, ce qu'on a comme devoir, c'est de
minimiser ces coûts-là; c'est ce qu'on tente de faire. Alors, vous
nous convainquez que le gouvernement doit avoir un discours équitable,
raisonnable, qui ne fait pas de passe-droits. On est complè- tement
d'accord, on n'a aucun problème, le ministre s'en inspire et vous en a
remerciés. Ce que moi, comme député, j'ai, comme
préoccupation, c'est que les gens de mon comté, que les gens du
comté de Rimouski, que les gens du comté de Richelieu, que les
gens du comté de Saint-Henri et du comté de Chicoutimi, et puis
je n'oublie pas le comté d'Anjou, et je pourrais tous les nommer,
puissent supporter des coûts qu'on est capables de supporter. Alors, on
n'a rien réglé en disant: On crève tout le monde ensemble,
on crève égal! Essayons plutôt de vivre bien égal.
C'est le but qu'on poursuit; c'est le but qu'on poursuit.
Alors, M. Guillotte, le temps qui m'était alloué est
malheureusement terminé. J'aurais dû m'en garder plus...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): ...vous allez me dire, parce que
je me sentais sur une bonne lancée. Merci beaucoup. Ha, ha, ha!
J'ajourne les travaux jusqu'à 11 h 30. J'indique à cette
assemblée qu'on devait recevoir, à 21 heures on est
déjà en retard la Communauté urbaine de
Québec, qui nous a indiqué qu'ils n'étaient pas
prêts à se rendre à notre invitation et qu'ils n'y seraient
pas. Donc, dans les circonstances, je prends acte...
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Non. Un instant, je vais
terminer. Vous allez me permettre, comme président, que je puisse
terminer ce que j'ai à dire.
Mme Blackburn: Je vous en prie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, vous me
gâtez.
Je vous dirai, compte tenu de l'absence de la Communauté urbaine
de Québec, que je prends acte de cette absence et que, dans les
circonstances, j'ajourne nos travaux jusqu'à 11 h 30, mardi matin. Merci
beaucoup.
Mme Blackburn: Avant qu'on n'ajourne, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Blackburn: ...si vous permettez une question de courtoisie ou
de respect pour les règles...
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Blackburn: ...parlementaires. Vous avez dit, lorsque les
organismes ne venaient pas, que c'était parce que...
Le Président (M. Doyon): Non.
Mme Blackburn: ...qui ne dit mot consent. Le Président
(M. Doyon): L'ajournement... Mme Blackburn: La
Communauté...
Le Président (M. Doyon): L'ajournement est fait...
Mme Blackburn: La Communauté...
Le Président (M. Doyon): L'ajournement...
Mme Blackburn: ...urbaine...
Le Président (M. Doyon): ...est terminé. Merci
beaucoup, bonsoir!
(Fin de la séance à 21 h 20)