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(Douze heures cinq minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux. Je déclare donc cette séance ouverte et je
rappelle que l'objet de nos travaux est de procéder à des
consultations particulières sur le projet de loi 86, qui est la Loi
modifiant la Charte de la langue française.
Je demande à M. le secrétaire de bien vouloir nous
indiquer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président.
M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Maltais (Saguenay);
M. Boisclair (Gouin), par M. Bélanger (Anjou); et M. Paré
(Shefford), par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Doyon): Avant d'inviter les
représentants de la FTQ je leur souhaite la bienvenue tout de
suite à s'adresser à nous, j'aurais à mettre les
membres de cette commission au courant de certaines informations qui m'ont
été communiquées, suite à la demande que Mme la
députée de Chicoutimi m'a faite hier.
Il s'agissait d'essayer de voir où on en était exactement,
quel était l'état de la situation, en date d'aujourd'hui, en ce
qui concerne les auditions passées et celles à venir. Donc, il me
fait plaisir d'informer Mme la députée ainsi que les autres
membres de la commission que la situation est la suivante.
En date d'aujourd'hui, 11 organismes ont été entendus. Il
y en a 16 qui ont décliné l'invitation qui leur avait
été faite, dont 2 l'ont fait afin de faire une
présentation conjointe avec un autre organisme. Il y a trois organismes
qui ont demandé un report d'audition parce que la date ou l'heure ne
leur convenait pas. Il y en a trois autres qui ont vu leur audition
annulée en raison du discours du budget et de la réplique du
porte-parole officiel de l'Opposition, et cela, conformément aux
règlements de l'Assemblée nationale qui prévoit qu'en
telles circonstances les commissions parlementaires ne peuvent siéger.
Et j'indique tout de suite à Mme la députée ainsi qu'aux
membres de cette commission que, donc, ces six organismes les trois qui
ont demandé un report et les trois qui ont vu leur présentation
annulée en raison du discours du budget seront replacés
à un autre moment, suite à une entente qui a eu lieu entre les
deux leaders: le leader de l'Opposition et le leader du gouvernement. Ça
sera fait à l'intérieur de l'horaire, et j'aurai des
renseignements supplémentaires ultérieurement, et ça me
fera plaisir de les communiquer.
Je vais juste continuer ma présentation, si vous permettez. Deux
organismes n'ont pas confirmé leur participation, c'est-à-dire on
est sans nouvelles. Il y en a sept qui ont confirmé leur participation
au cours des prochaines séances. Et, par ailleurs, il y a 18 organismes
ou 18 personnes, c'est selon qui ont demandé à
être entendus, et il y a des discussions qui se poursuivent à ce
sujet. Et il y a, au-delà de ça, un mémoire qui a
été reçu pour dépôt, et le dépôt
en sera fait, s'il n'a pas déjà été fait.
Alors, c'est la situation à l'heure où on se parle. Et il
y aura des développements prochainement, et j'en ferai part aux membres
de cette commission aussitôt que je les aurai.
Mme Blackburn: Merci. Peut-être une question: Est-ce que
les organismes dont on a prévu la présentation plus tard, pour
les raisons reliées au discours du budget ou encore parce qu'ils ont
demandé d'être déplacés, est-ce que ces organismes
ont été consultés? Est-ce qu'il ont été
informés et est-ce qu'ils sont d'accord pour se présenter
ou...
Le Président (M. Doyon): On est en train de faire cette
démarche. Et c'est justement avant de fixer les heures et les dates, ces
démarches sont faites en accord avec l'Opposition de façon
à ce que les gens qui avaient accepté d'être entendus et
ceux qui voulaient se faire entendre, qui avaient demandé un report, que
les dates qui sont fixées, bien sûr, leur conviennent. Et c'est la
démarche qui est en cours, actuellement.
Mme Blackburn: Très bien.
Le Président (M. Doyon): Donc, en m'excusant auprès
de nos invités pour ces détails, je souhaite la bienvenue
à la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec. Je leur indique qu'ils disposeront, à partir de
maintenant, de 20 minutes pour faire leur présentation. Le reste du
temps sera partagé: 20 minutes aux parlementaires du parti
ministériel et 20 minutes aux parlementaires de l'Opposition, prises
comme un tout. Et, à ce moment-là, le temps sera partagé
en fonction de cette division que je viens d'indiquer.
Alors, M. Daoust, je vois que vous êtes prêt à faire
votre présentation. Si vous voulez bien présenter les gens qui
vous accompagnent, s'il vous plaît.
Vous avez la parole.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président.
M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous
présente ceux qui m'accompagnent.
À ma gauche, M. Lawrence McBrearty, le directeur
québécois du Syndicat des métallos; à ma droite,
Clément Godbout, le secrétaire général de la FTQ;
ainsi que Lola Le Brasseur et Marie-Josée Daoust, du service de
francisation de la FTQ.
Je vais vous faire un résumé, le plus rapidement possible,
de ce mémoire que nous vous avons remis ce matin.
Le français doit être la langue commune des
Québécois et des Québécoises, car il exprime
l'identité de notre peuple et constitue un facteur de cohésion
sociale sur ce continent américain, où la population du
Québec ne compte que pour un faible 2 % de cet univers massivement
anglophone. La FTQ a toujours considéré que la francisation des
milieux de travail était le pivot de la francisation de la
société québécoise, et c'est sur cet aspect que
nous avons mené nos luttes. (12 h 10)
En tant qu'organisme habilité à parler au nom de
l'ensemble des membres québécois de nos syndicats, qui viennent
de presque tous les secteurs de l'activité économique
québécoise, la FTQ est très bien placée pour
évaluer l'impact du processus de francisation des entreprises, d'autant
plus que ce sont ses syndicats que l'on retrouve massivement dans la grande et
moyenne entreprise, celle qui emploie 50 salariés et plus.
Dès 1965, la FTQ réclamait le français comme langue
de travail de la majorité, comme langue des négociations
collectives et de la rédaction du texte officiel de celles-ci. Au fil
des années, nos prises de position et nos revendications ne se sont
jamais démenties. Pour nous, le respect de la langue et de la culture de
la majorité était et est une responsabilité de
l'État qui devait et doit se traduire dans une politique linguistique
globale. Nous croyons que celle-ci est mise en danger par le présent
projet de loi, et c'est ce que nous entendons démontrer dans le
présent mémoire.
Notre mémoire comporte trois parties: un nécessaire rappel
historique, nos commentaires sur l'affichage et sur le rôle de l'Office,
l'importance de la langue de travail comme moteur de la francisation du
Québec. Je vais passer cette partie où il est question d'un
rappel historique, sauf pour vous en indiquer les grandes têtes de
chapitre.
Les années soixante: nous faisons des constats troublants quant
aux problèmes linguistiques au Québec. Les années
soixante-dix: nous connaissons des politiques linguistiques qui s'affirment.
Les années quatre-vingt: nous vivons des attaques incessantes à
l'égard de cette loi qui fut votée en 1977. Le projet de loi 86:
un détournement de la politique linguistique.
Pour la FTQ, la Charte est un ensemble de principes fondamentaux
édictant l'affirmation de la primauté du français comme
langue commune des Québécois et des Québécoises.
Tous les chapitres de la Charte étant interreliés, nous ne
saurions dissocier la langue de la législation et de la justice de celle
du travail, pas plus que nous ne saurions le faire pour la langue de l'ensei-
gnement. Il faudrait que chaque modification de la Charte soit dictée
par le souci de préserver ou d'affirmer encore plus la primauté
du français. Le projet de loi 86 s'inscrit, selon nous, ici, en
faux.
Il propose une révision majeure de la Charte, en ensevelissant
définitivement la règle générale de l'unilin-guisme
dans l'affichage public et la publicité commerciale au profit de la
prédominance du français. Il supprime à l'Office de la
langue française l'affirmation de son pouvoir général. On
rapatrie tous les pouvoirs réglementaires qui étaient
répartis entre le gouvernement et l'Office de la langue. Par exemple,
l'Office pourra reconnaître un statut bilingue à une
municipalité ou à un organisme, mais le pouvoir de retirer ce
statut reviendra au gouvernement, et seulement à la demande de
l'organisme concerné.
L'affichage: un miroir déformant. L'affichage public est une
dimension de la francisation du Québec qui touche chaque citoyen et
chaque citoyenne quotidiennement. Elle met en cause le visage que le
Québec offre à ceux et à celles qui l'habitent, à
ceux et à celles qui le visitent et à ceux et celles qui le
choisissent comme nouvelle patrie.
Rappelons-nous qu'il y a à peine 25 ans il était difficile
de soutenir à un visiteur étranger que Montréal
était la deuxième plus grande ville française au monde,
tant les enseignes lumineuses, les panneaux-réclame et les vitrines
ressemblaient à ceux des capitales américaines. L'ouverture
nouvelle au bilinguisme dans l'affichage commercial que propose le gouvernement
dans son projet de loi 86 repose fortement, selon nous, sur la conviction
profonde que les commerçants n'abuseront pas de ce nouveau droit.
Or, l'histoire de la francisation dans les milieux de travail nous
prouve le contraire. Rappelons-nous qu'en 1977, lors de l'adoption de la
Charte, le gouvernement croyait que la francisation des entreprises pouvait se
faire à un rythme tel que, dès 1983, les entreprises ayant 50
employés ou plus auraient toutes obtenu leur certificat de francisation.
Quinze ans plus tard, la francisation des entreprises est encore, dans bien des
cas, un vaste chantier à l'abandon. Comment pourrions-nous faire
confiance à autant d'employeurs qui réussissent, par mille et un
subterfuges, à ne pas se conformer aux obligations de la Charte?
À quel titre et sur quelles preuves de bonne conduite et de respect
mutuel, sur lesquels le gouvernement compte tant, irons-nous accorder aux
commerçants le droit de s'autogérer en matière
d'affichage? Et les implacables lois du marché, credo incontournable
dans ces milieux, ne joueraient plus et céderaient leur place devant
d'autres considérations moins mercantiles.
Ne soyons pas naïfs, ces arguments ne font pas le poids. Pas
question de risquer un retour à cet affichage déformant, à
Montréal ou ailleurs au Québec. Au risque de nous faire traiter
d'éternels inquiets, nous continuons à croire en la
fragilité du français dans ce continent à si forte
prédominance anglophone. Inquiets, nous le sommes surtout à cause
des effets que nous appréhendons
sur la diffusion du bilinguisme à l'échelle du
Québec. Avec la mondialisation des marchés, Eaton, La Baie,
Zellers auront-ils des politiques de marketing soucieuses de la composition
linguistique diversifiée de la clientèle de leurs
différents établissements? On peut en douter très
fortement.
De plus, ce bilinguisme affiché peut dangereusement se traduire
en une réduction de l'accès à des services en
français et en de nouvelles exigences linguistiques pour les
travailleurs et les travailleuses des entreprises du secteur commercial. Il
s'agit là de tendances fortes, du moins dans le dernier cas. Cette
tendance trouvera un nouveau souffle avec l'affichage bilingue. Il faut donc
s'inquiéter sérieusement des effets d'une ouverture de
l'autoroute bilingue dans l'affichage commercial.
La FTQ rejette donc les amendements du projet de loi 86 concernant
l'affichage et souhaite que l'on retienne le recours à la clause
«nonobstant» pour continuer à maintenir la cohésion
et la cohérence de la politique linguistique
québécoise.
Le rôle de l'Office. La mise en oeuvre de la Charte repose sur
trois organismes relativement indépendants du pouvoir politique:
l'Office de la langue, le Conseil de la langue et la Commission de protection.
Rappelons que cette indépendance avait été voulue afin
d'assurer une démocratisation de l'application de la politique
linguistique québécoise. Les membres de l'Office, à titre
d'exemple, issus de divers milieux, se voyaient confier l'exercice
concerté de pouvoirs et de devoirs énumérés dans la
Charte. Le projet de loi 86 chambarde toute cette conception en fusionnant,
premièrement, les fonctions de promotion du français et de
surveillance et, deuxièmement, en remettant au ministre les pouvoirs
significatifs qui appartenaient à la Charte.
Le projet de loi retire à l'Office de la langue l'affirmation de
son pouvoir général d'adopter des règlements, qui sont de
sa compétence et de son autorité, et son autorité sera
désormais très circonscrite. En dépouillant l'Office d'une
très grande partie de ses pouvoirs réglementaires ceux, en
particulier, des articles 113d et 113f et 154, touchant la procédure de
refus, de suspension ou d'annulation d'une attestation d'application d'un
programme de francisation ou d'un certificat de francisation d'une entreprise,
si cette dernière ne respecte pas ou ne respecte plus les obligations
qui lui sont imposées le projet de loi 86 invite les chefs
d'entreprises et les municipalités à quémander des
assouplissements dans les officines du ministre. La FTQ croit toujours qu'il
est important de dépolitiser l'application de la politique linguistique
québécoise et souhaite que les pouvoirs de l'Office soient
maintenus.
La langue de travail. Le chapitre de la Charte portant sur la
francisation des entreprises a heureusement échappé,
jusqu'à ce jour, à la gloutonnerie de ses attaquants. La
restructuration que propose le projet de loi 86 semble, a priori, garder
à la loi les mêmes exigences. Pourtant, si nous y regardons de
plus près, il n'en est pas toujours ainsi.
Les ordres professionnels. L'article 37 de la
Charte stipule que les ordres professionnels peuvent délivrer des
permis temporaires valables pour une période d'au plus un an aux
personnes venant de l'extérieur du Québec qui sont
déclarées aptes à exercer leur profession, mais qui ne
possèdent pas la connaissance appropriée de la langue officielle,
ce qui signifie que le renouvellement du permis d'exercer n'est pas un
automatisme et que les ordres professionnels peuvent le renouveler seulement
à deux reprises, à condition qu'à chacune des occasions
les candidats et les candidates se soient présentés aux examens
requis. (12 h 20)
Ces professionnels détenteurs de permis temporaires, nous les
retrouvons dans les services au public exerçant comme avocats,
médecins, dentistes, infirmières, et le reste. Il y aussi ceux et
celles qui sont intégrés à des entreprises de production,
des ingénieurs, des comptables. Peu importe les professions qu'ils
exercent, en règle générale, ils ont de nombreux contacts
avec la population ou dirigent ou collaborent avec des travailleurs et des
travailleuses, souvent au plus bas échelon de la hiérarchie d'une
entreprise.
Ce que le projet de loi 86 propose est lourd de conséquences pour
la francisation du Québec. En plus de rapatrier les pouvoirs sur les
exigences linguistiques, le ministre fait disparaître la contrainte qui
limitait à deux ans le renouvellement du permis d'exercer, ce qui
pourrait signifier le droit d'exercer une profession au Québec sans la
connaissance appropriée du français, et cela, pour une
période indéterminée.
Bien sûr, les permis continueraient d'être renouvelés
si l'intérêt public le justifie. Cette brèche dans la
Charte menace des milieux de travail déjà en difficulté de
francisation, car le droit de travailler en français de ceux et celles
qui côtoient les non-francophones est menacé.
Notre situation géographique et les liens économiques que
nous entretenons avec le Canada anglais et les Etats-Unis font que nombre
d'entreprises sont susceptibles de faire appel à un professionnel ou au
spécialiste de haute technologie anglophone ou allophone, par exemple.
Par conséquent, la FTQ demande le maintien de l'article 38 de la
Charte.
La langue des relations de travail. La Charte, en obligeant la
rédaction en français des conventions collectives, a
été un puissant moteur en faveur de la négociation en
français. Pourtant, aujourd'hui encore, d,ans quelques milieux de
travail, les employeurs imposent encore des négociations en anglais sans
traduction simultanée.
Les relations de travail sont bien plus que le seul droit de
négocier. C'est aussi tout le quotidien des relations de travail qui est
en jeu. En abolissant l'article 44 de la Charte qui, lui, concerne les
décisions arbitrales, on met en péril la francisation des
relations de travail. Ainsi on peut en déduire que toute traduction
n'aura pas de valeur légale. Dans un Québec francophone, un texte
français rédigé à grands frais perdra de sa valeur
pour les travailleurs et les travailleuses. De plus, l'application
mutatis mutandis du nouvel article 9 pourrait inciter l'arbitre à
porter au compte des parties tous frais de traduction qu'on lui imposerait. Et
les syndicats et les travailleurs et les travailleuses qu'ils
représentent devront assumer la moitié, sinon la
totalité, des coûts, ce que les employeurs ne manqueront pas de
tenter d'obtenir en négociations. Par conséquent, la FTQ demande
le maintien de l'article 44 de la Charte. f la francisation des
milieux de travail. en rendant la francisation obligatoire pour toutes les
entreprises employant 50 employés ou plus, le législateur tenait
pour responsable la moyenne et grande entreprise de la francisation de tous les
milieux de travail au québec. elle allait servir de force
d'entraînement pour toutes les autres.
Les raisons étaient justifiées à ce
moment-là: à elle seule, la moyenne et la grande entreprise
employait environ les deux tiers de la main-d'oeuvre du Québec. En
second lieu, c'était dans ces entreprises que l'accès aux postes
supérieurs était le plus difficile, et elles avaient, plus que
les petites entreprises, les ressources financières et humaines
nécessaires pour mettre en oeuvre des programmes de francisation
efficaces. Quant à la petite entreprise, celle qui emploie moins de 50
employés, on jugeait alors qu'elle n'avait pas besoin de programme de
francisation pour des raisons que nous ne pourrions plus faire valoir
aujourd'hui: en 1977, les petites entreprises employaient majoritairement une
main-d'oeuvre francophone.
Lors de l'adoption de la Charte, la FTQ s'était réjouie
tout particulièrement de l'obligation faite aux grandes entreprises de
constituer un comité de francisation avec participation syndicale. La
Charte reconnaissait ainsi le droit et le devoir des travailleurs et des
travailleuses de participer activement à toutes les étapes du
processus de francisation de leur entreprise. Nous sortions de l'obscurantisme
dans lequel nous avait confinés la loi 22 en préservant le
caractère confidentiel des programmes de francisation proposés ou
approuvés. La Charte apportait ce qui manquait à la loi 22: des
objectifs clairs, des délais explicites, des sanctions contre les
contrevenants.
La FTQ reconnaît que, grâce à la Charte, des
progrès importants ont été réalisés dans la
francisation des entreprises. Cependant, il est trop tôt pour parler de
francisation durable et d'irréversibilité de la francisation.
Quinze ans d'application de la Charte commencent à peine à donner
des résultats quantifiables et qualifia-bles. Comme nous l'avons
déjà mentionné, la francisation obligatoire pour toutes
les entreprises ayant 50 employés et plus devait se faire à un
rythme tel que l'on avait imaginé qu'elles auraient toutes leur
certificat de francisation six ans plus tard, soit en 1983. le
législateur avait vu grand et n'avait certainement pas jaugé avec
précision l'immense défi que constitue ce projet de
société, si bien qu'en 1992 33,6 % des grandes entreprises
courent encore après leur certificat de francisation, et 17,4 % dans la
moyenne entreprise. de plus, nombre de nos syndicats locaux s'interrogent sur
la valeur des certificats déjà accordés à ces
entreprises. On croit que certains des éléments de l'actuel
article 141 de la Charte y ont été trop souvent escamotés.
Il s'agit d'une francisation que certains qualifient de cosmétique ou de
superficielle. À bien des égards, bien que les dispositions de la
Charte répondent dans une certaine mesure à nos objectifs de
francisation des milieux de travail, elles comportent aussi des lacunes et des
limites dans leur application, et c'est ce dont nous vous parlerons dans les
prochaines pages de ce document.
L'application de la Charte. L'actuel article 141 de la Charte qui
définit ce que devrait contenir un programme de francisation
représente, à nos yeux, le système nerveux de la
francisation des entreprises. Au-delà des quelques ajouts
proposés et dont il faut souligner, dans certains cas, le
mérite par le projet de loi 86, ce qui est essentiel, c'est que
chacune de ces règles fonde toute notre action de francisation. Par
exemple, l'application de l'article 141a sur la connaissance du français
de l'ensemble du personnel d'une entreprise a souvent été
diluée par l'application de l'actuel article 144 sur les ententes
particulières. C'est une vue de l'esprit que de croire que la
majorité des travailleurs et des travailleuses, sur le plancher de
l'usine, pourront travailler en français, quand les cadres des
sièges sociaux ou les ingénieurs et techniciens des centres de
recherche qui, pourtant, leur fournissent le travail, sont exclus des
applications de cet article.
Un autre exemple aussi frappant est l'application de l'article 141d sur
la francisation dans les documents de travail. Il existe encore de très
nombreux milieux de travail où la documentation nécessaire pour
le travail est en anglais ou en franglais. Et ce n'est pas uniquement le cas
d'entreprises hautement spécialisées: les syndicats locaux de la
FTQ dans le secteur du vêtement et des garages s'en plaignent.
La FTQ souhaite donc que le processus de francisation, et donc de
certification, soit revu de manière à assurer un respect plein et
entier de chacune des parties de l'actuel article 141. La FTQ souhaite aussi
que, dans ce processus de réflexion et de révision soient
associés les syndicats qui représentent les travailleurs et les
travailleuses qui devraient être les premiers bénéficiaires
de la francisation de leur milieu de travail. La FTQ demande aussi que
l'application des ententes particulières fasse l'objet d'un
réexamen périodique, afin d'en mesurer l'impact sur le processus
de francisation de l'entreprise.
Élargissement du champ d'application de la loi. Les programmes de
francisation des entreprises ne réussissent pas à rejoindre, loin
de là, la majorité des organismes ou entreprises implantés
au Québec. Certains sont clairement exclus de la loi, tels les
universités, les cégeps, les petites entreprises, et celles qui
se considèrent comme exclues, telles les entreprises sous
compétence fédérale. Dans ces cas, l'Office de la langue
française a choisi, depuis plusieurs années, d'agir sur une base
de volontariat. On n'a pas ici à rappeler
longuement les problèmes largement documentés dans la
presse québécoise qui opposent le syndicat du personnel de
soutien de l'Université de Montréal, membre du SCFP, à son
employeur. Là aussi, dit-on, la Charte ne s'applique pas.
Le cas des petites entreprises est différent. Comme nous l'avons
déjà dit plus haut, le législateur avait cru que les
retombées de la francisation de la grande et moyenne entreprise se
feraient sans mal. Ce ne fut pas le cas. Les témoignages de nos
affiliés qui y travaillent sont éloquents: exigence indue de
l'anglais, documents de travail qui ne sont pas traduits, formation
donnée en anglais, lenteur de l'employeur quant à respecter son
obligation de traduire les fiches signalétiques du programme SIMDUT. La
francisation de la petite entreprise ne peut être laissée au
hasard ou à la merci de la trop fragile francisation des grandes
entreprises quand 900 200 des 2 564 400 travailleurs et travailleuses du
Québec plus du tiers s'y retrouvent quotidiennement. (12 h
30)
La FTQ considère donc qu'il est essentiel que le champ
d'application de la Charte soit élargi à l'ensemble des
entreprises implantées en territoire québécois. De plus,
la FTQ considère que les principes de l'article 141 devraient faire
partie des obligations fondamentales et exécutoires pour toutes les
entreprises, quelle que soit leur taille, au même titre que, par exemple,
les articles du chapitre VI. La FTQ pense que, pour atteindre les objectifs de
l'article 141, différents moyens peuvent être mis en oeuvre, dont,
par exemple, l'obligation d'un programme de francisation dans les entreprises
comptant au moins 25 personnes et plus.
La participation syndicale. Comme nous l'avons déjà
souligné, la FTQ, lors de l'adoption de la Charte, fut fort heureuse d'y
retrouver le principe de la participation des travailleurs et des
travailleuses, représentés par leur association syndicale lorsque
c'est le cas. Après plus de 15 ans d'application de la Charte, et
au-delà de tactiques claires de contournement, force est de constater
que, trop souvent, ce principe de participation a été battu en
brèche: des nominations de membres du comité représentant
les travailleurs et les travailleuses qui ne respectent ni la lettre ni
l'esprit de la loi; le non-respect des ratios, non-élection, et le
reste; des réunions peu fréquentes et trop informelles et sans
suivi; un temps de préparation rarement accordé aux
représentants et représentantes des travailleurs et des
travailleuses dans les entreprises comptant plusieurs établissements
souvent répartis dans tout le Québec. L'existence d'un seul
comité de francisation pour toute l'entreprise a pour effet, dans les
faits, d'exclure une représentation adéquate des travailleurs et
des travailleuses.
Dans les entreprises de moins de 100 travailleurs et travailleuses
où n'existe pas de comité de francisation malgré une
volonté de participation syndicale, les représentants des
travailleurs et des travailleuses sont exclus de toute discussion concernant
les programmes de francisation. Il faut aussi souligner que ce n'est que trop
récemment que l'Office s'est doté d'une politique claire
d'intervention impliquant tant les membres syndicaux que patronaux des
comités.
Néanmoins, malgré ces difficultés, le soutien
financier accordé par le gouvernement aux centrales syndicales nous a
permis de former et d'encadrer le travail de nos représentants et
représentantes aux comités de francisation. Sans ce travail de
soutien, nous avons la certitude que la francisation serait encore moins
avancée qu'elle ne l'est aujourd'hui. En effet, pour de nombreux
chercheurs et observateurs de la francisation des entreprises, la participation
des travailleurs et des travailleuses est un facteur influençant
favorablement le niveau de l'avancement de la francisation d'une
entreprise.
La FTQ réitère l'importance de la participation syndicale
dans la francisation des entreprises. La FTQ demande que les comités de
francisation soient tenus de se réunir au moins une fois tous les quatre
mois. La participation syndicale doit être assurée dans toutes les
entreprises. La forme que peut prendre cette participation peut être
différente selon les contextes. Nous souhaitons la création de
comités de francisation dans les entreprises employant 50 personnes et
plus; ces comités seraient composés d'au moins trois personnes,
dont une serait nommée pour représenter les travailleurs et les
travailleuses de l'entreprise, selon les dispositions de l'actuel article 147
de la Charte.
Une surveillance sévère doit être exercée par
l'Office quant au mode de nomination des personnes représentant les
travailleurs et les travailleuses, afin que leur représentativité
soit assurée. Les employeurs doivent accorder des libérations
syndicales sans perte de salaire, tant pour les réunions des
comités de francisation que pour la préparation de ces
réunions et les suivis à leur apporter. Enfin, l'actuel soutien
financier aux centrales syndicales doit être maintenu, voire
augmenté, afin de soutenir le travail des comités de
francisation. les exigences linguistiques. en voulant faire du français
la langue commune de travail, le législateur souhaitait, bien sûr,
que les anglophones et les allopho-nes apprennent le français. les
entreprises ont rarement pris leurs responsabilités à cet
égard. la ftq représente des membres anglophones et allophones et
souhaite que, rapidement, on convienne des mesures à mettre en oeuvre
pour que ces travailleurs et travailleuses apprennent le français. ce
sera pour eux et elles un atout supplémentaire de mobilité et
d'accès à une formation professionnelle plus qualifiante. '
La FTQ souhaite donc que le gouvernement envoie un message clair quant
aux pratiques linguistiques. La FTQ demande à l'Office de revenir
à une interprétation des articles 45 et 46 de la Charte qui soit
plus près de ces objectifs fondamentaux. La FTQ réclame que
l'application de l'article 141c de la Charte soit une occasion pour l'Office de
la langue d'aider et, le cas échéant, d'obliger les entreprises
à faire une analyse de leurs exigences linguistiques dans le respect des
principes fondamentaux de la Charte.
Les personnes immigrantes. La FTQ se préoccupe depuis longtemps
du dossier de l'immigration, et nous croyons que le maintien d'un Québec
francophone passe par la capacité de notre société
d'intégrer les immigrants et les immigrantes. En effet, nous retrouvons
parmi nos 450 000 membres des dizaines de milliers de travailleurs et
travailleuses immigrés de fraîche et de longue date,
représentant un peu plus de 10 % de notre «membership» dans
la grande région de Montréal.
Partout au monde, apprendre la langue du pays où on l'on vit est
normal. Pourtant, pour ceux et celles qui immigrent au Québec, la
question se pose: Quelle langue choisir? La plupart des personnes immigrantes
croient qu'elles arrivent dans un pays anglophone, le Canada. C'est souvent ce
qu'elles ont appris dans leur pays d'origine, et, en ce sens, le projet de loi
86 ne fait que rendre le message linguistique encore plus confus. Dans un
Québec qui s'affiche si ouvertement bilingue, l'anglais ne serait-il pas
un choix logique? Par ailleurs, ce sont les milieux de l'éducation et du
travail qui sont les lieux privilégiés de l'intégration
des personnes immigrantes. Pour cette raison, la FTQ s'élève
vigoureusement contre toute tentative d'assouplir les conditions d'accès
à l'école anglaise pour les enfants des personnes immigrantes.
Encore aujourd'hui, ces personnes font majoritairement le saut vers l'anglais
lorsqu'elles délaissent leur langue maternelle. Les acquis de 15 ans
d'école française sont encore bien fragiles et le seront
peut-être toujours. Néanmoins, l'éducation en langue
française est la seule garante d'une possible intégration
à la majorité francophone ou, minimalement, d'une bonne
connaissance de la langue commune. Pour ces raisons, la FTQ
réitère l'ensemble de ses positions sur la langue du travail, en
soulignant particulièrement la nécessité d'intervenir dans
les petites entreprises, là où on retrouve un fort pourcentage de
travailleurs et de travailleuses immigrés, qui n'ont pas toujours une
connaissance appropriée du français.
Les personnes qui immigrent ont le droit d'obtenir le plus rapidement
possible tous les droits des citoyens et des citoyennes du pays qui les
accueille. Il est urgent que le gouvernement québécois
reconnaisse que l'apprentissage du français n'est pas un avantage
coûteux que l'on concède aux personnes immigrantes, mais bien un
besoin réel pour une société francophone qui veut
être efficace aux plans économique et social. La FTQ rejette donc
les amendements du projet de loi 86 concernant la langue de l'enseignement et
souhaite qu'aucun autre assouplissement ne s'y ajoute. La FTQ souhaite que le
gouvernement investisse dans l'apprentissage du français pour les
personnes immigrantes toutes les sommes nécessaires. Il faut aussi que
ces personnes soient rejointes sur les lieux du travail, afin de faciliter
à la fois leur apprentissage linguistique et la francisation de leur
milieu de travail.
En conclusion, le Québec a besoin d'une politique linguistique
claire et cohérente, et parce que ce besoin est si criant, la FTQ ne
peut accepter le cadre dans lequel le projet de loi 86 nous a été
présenté, où, tout en affaiblissant fortement un de ses
chaînons de la politique, l'affichage, on n'a pas jugé bon de
renforcer d'autres maillons tels que celui de la langue de travail.
La FTQ s'oppose donc au projet de loi 86 et indique au gouvernement que
si, pour protéger l'intégrité de la Charte de la langue
française, il est nécessaire de recourir à la clause
«nonobstant», le gouvernement ne devrait aucunement hésiter
à le faire.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Daoust.
Alors, M. le ministre, compte tenu du temps qui a été pris
par nos invités, vous disposez d'un peu moins que 15 minutes.
M. Ryan: Oui, ça va être difficile dans ce temps
fort limité de discuter de manière juste d'un mémoire
très substantiel, qui nous a été présenté
avec une dignité impeccable par M. Daoust, le président de la
FTQ, dont nous connaissons tous l'engagement de longue date au service de la
promotion du français. Je veux souligner, en particulier, la
participation de M. Daoust au travail de l'Office de la langue française
à titre de membre depuis de nombreuses années, où il a une
contribution assidue très appréciée. Alors, ça
donne une autorité accrue, évidemment, aux propos qui nous sont
tenus ce matin; je le souligne en toute impartialité, ça va de
soi.
Je pense que, comme beaucoup de critiques, la FTQ n'a pas bien saisi la
portée, la perspective dans laquelle le gouvernement se situe pour
présenter ce projet de loi à la population. Nous maintenons les
objectifs fondamentaux de la Charte de la langue française; nous les
maintenons. Le français demeure la langue de l'enseignement, demeure la
langue du travail, dans toute la mesure compatible avec la
réalité, demeure la langue de l'administration, demeure la
langue... la seule langue obligatoire dans l'affichage. Je crois que, si vous
faites une analyse à partir de postulats différents des
vôtres, vous serez conduits à des conclusions plus proches des
nôtres, mais je respecte votre droit de partir d'autres postulats, mais
je souligne ces faits qui, à mon point de vue, sont incontestables. (12
h 40)
Vous dites que nous modifions les dispositions relatives à
l'affichage, c'est vrai, je vais en dire un mot tantôt. Mais nous
modifions aussi substantiellement les dispositions relatives à la
francisation des entreprises. Je crois que, si vous analysez
complètement vous avez dû le faire de manière
fragmentaire dans votre mémoire, et je le comprends aussi toutes
les modifications que nous apportons au chapitre sur la francisation des
entreprises, vous serez amenés à convenir que nous
améliorons sensiblement les conditions dans lesquelles l'Office de la
langue française sera appelé à s'acquitter de sa mission
dans ce secteur. Là où nous divergeons, c'est que, lorsqu'il
s'agit des petites entreprises, le gouvernement croit davantage à la
vertu de la persuasion, à la pédagogie de l'accompagnement et du
soutien, tandis que le mémoire que vous nous présentez
procède beaucoup d'une pédagogie de coercition, d'exercice
autoritaire de son pouvoir par le gouvernement ou par un organisme
public. Le gouvernement est en désaccord avec vous sur ce point
précis, mais je crois devoir vous rappeler, en ce qui touche les petites
et moyennes entreprises, que c'est sous le gouvernement actuel que l'Office a
été fortement incité à entreprendre un travail de
contact avec les petites et moyennes entreprises afin de les soutenir dans des
démarches qu'elles voudront faire en vue de franciser leur milieu de
travail. C'est nous qui avons incité l'Office également à
entreprendre une série de démarches de suivi auprès des
entreprises déjà munies d'un certificat de francisation.
Il y a une chose qui m'a surpris dans vos propos, qui contredit les
rapports que je reçois de l'Office là-dessus. Moi, l'Office, dans
les rapports qu'il m'a soumis et dont vous êtes au courant, indique que
les représentants de l'Office qui vont dans les entreprises sont, en
général, très bien reçus. Ils trouvent une attitude
d'ouverture et de collaboration de la part des entreprises, et ces rapports me
semblent contredire le scepticisme dont vous avez fait montre concernant la
disposition des entreprises à accepter la réalité du
français. Je ne soutiens pas que ce soit parfait, loin de là,
mais je préfère que le gouvernement bâtisse à partir
de ces réactions positives même si elles procèdent
d'attitudes fort imparfaites que le recours à la coercition, au
bâton, qui ne me semble pas la meilleure pédagogie en
matière linguistique. Alors là, il y a une différence. Sur
l'objectif, je peux vous assurer que nous partageons les vues que vous avez
exposées et que nous entendons continuer, par des moyens qui nous
paraissent compatibles avec une philosophie d'accompagnement et de persuasion,
de poursuivre des objectifs que nous partageons avec vous et même avec
plusieurs autres critiques.
En ce qui touche l'affichage, il y a évidemment une
différence de fond. J'entendais quelqu'un me rapporter des propos qui
ont été tenus ces jours-ci sur les ondes par un
représentant d'une entreprise multinationale qui a pied à terre
au Québec. Ce représentant disait si les rapports qu'on
m'a donnés sont exacts qu'il y a deux ou trois pays dans le monde
où nous avons des difficultés à propos de l'affichage.
Parmi ceux qu'il a cités, il y avait le Québec et l'Afrique du
Sud. Moi, je ne voudrais pas rester dans cette famille de pays là;
j'aime mieux qu'on soit dans la grande famille des démocraties
libérales. C'est l'objectif, la philosophie du gouvernement que nous
représentons. Là, il y a eu assez de réprobation à
propos de cette partie de notre législation pour amener le gouvernement
à conclure fondamentalement que nous sommes capables de promouvoir la
langue française dans l'affichage et dans les milieux de travail en
recourant le moins possible à des moyens de coercition et surtout
à l'interdiction formelle faite à d'autres d'employer une langue
autre que la langue officielle. L'administration peut s'imposer cette
contrainte. Le gouvernement peut le faire et le fait très largement et
entend continuer à le faire, mais imposer une contrainte comme
celle-là à des agents qui interviennent dans le secteur
privé nous semble, tout compte fait et à la lumière de
l'expérience qui a été faite, quelque peu outrancier.
Je voudrais vous demander si vous vous sentez à l'aise, vous,
comme dirigeant d'une centrale syndicale, devant toutes ces opinions qui ont
été exprimées, y compris par le comité des droits
de la personne c'est l'Organisation des Nations unies à
rencontre de notre législation. Et qu'est-ce que nous gagnons à
provoquer, à l'extérieur, des réactions de
réprobation comme celle qu'évoquait hier le maire de
Montréal, qui est réputé pour sa grande aptitude à
voyager à l'extérieur du Québec, comme nous le savons tous
à Montréal? Moi, je ne pourrais pas parler d'autorité
là-dessus parce que je suis plutôt confiné au service
domestique, mais il y en a que leur vocation autorise à voyager
davantage. Le maire nous a dit ça hier.
Quelle est votre réaction devant ça?
Le Président (M. Doyon): M. Daoust.
M. Daoust: Oui.
M. le ministre, non, je ne me sens pas mal à l'aise du tout. Je
me sentirais beaucoup plus à l'aise, par ailleurs, si le gouvernement
québécois l'actuel et celui qui l'a
précédé avait, tout au long de cette période
de 16 ans, depuis l'existence de la Charte, fait les campagnes
nécessaires auprès de l'opinion publique internationale, avec
toute la compétence qui s'impose, sans aucun doute, pour convaincre
celle-ci que le geste que posait le Québec en 1977 et qui existe encore
à l'égard de l'affichage n'a rien d'outrancier,
d'intolérant, de vexatoire, mais est fait dans un but de protéger
cette langue, qui est tellement menacée sur ce continent.
Non, je ne me sens pas mal à l'aise du tout. Là où
je me sens mal à l'aise et vous me permettez de vous le dire,
puisque je sais que vous aimez les gens qui vous parlent bien directement
c'est quand on essaie d'associer le Québec à l'Afrique du
Sud ou à des pays dont on déplore les comportements sur tous les
plans et qui ont été bannis dans toutes les instances
internationales. Le Québec n'a rien de fasciste en se donnant une
politique linguistique à l'égard de l'affichage: c'est un moyen
d'autodéfense. Et puis, si, de temps à autre, des textes nous
sont cités à l'égard de la situation actuelle et qui vont
dans le sens de la critique, il y en a d'autres qui nous viennent
d'éminents personnages, que vous connaissez sans aucun doute, et qui
appuient très, très fortement les positions du Québec
qu'on retrouve dans la loi actuelle à l'égard de l'affichage. Je
me permets de vous citer quelques-uns des paragraphes de cette partie de ce
texte que publiait un homme eminent, un théologien d'origine allemande,
le professeur Gregory Baum, qui dit: Avec des restrictions fort minimes quant
aux droits de la minorité anglophone, Punilinguisme français dans
l'affichage se justifie encore par la nécessité de
défendre une langue minoritaire dans un océan anglophone.
«La langue d'un petit peuple qui vit à l'ombre d'une grande
civilisation risque toujours de devenir folklorique».
Sous l'angle de la réflexion éthique je vais un
peu plus loin dans son texte, parce que lui, c'est les problèmes
de l'éthique qui le préoccupent beaucoup; il n'est pas le seul,
on est tous préoccupés «la loi 101 est, d'un point
de vue moral, parfaitement acceptable, même si des tribunaux canadiens ou
un comité de l'ONU considèrent qu'elle va à rencontre des
chartes qui protègent les droits individuels.»
Plus loin, il souligne que «la loi 101 [...] constitue une
réalisation politique majeure pour le peuple québécois du
fait qu'elle remédie à une injustice héritée du
passé colonial du Québec», comme toutes les lois d'action
positive.
C'est une loi d'action positive, dans le fond, qu'on admet tellement
à l'égard de ceux qui, dans notre société,
souffrent des injustices qui ont été provoquées par le
système ou par des comportements, que ce soit les femmes ou quelque
groupe que ce soit; c'est une loi d'action positive. Elle visait
«à redresser des torts historiques» et à imposer
«des limites aux droits de certains groupes qui avaient été
privilégiés antérieurement.»
Alors, je réponds longuement à votre question... Je ne me
sens pas mal à l'aise.
M. Ryan: Oui, oui, trop longuement parce qu'on a entendu cette
citation-là, déjà, dans les auditions antérieures,
M. Daoust.
M. Daoust: Bien, ce n'est pas mauvais de le rappeler.
M. Ryan: Mais c'est une opinion à côté de
1000 autres.
Juste quelques points précis. Vous avez parlé des
décisions arbitrales. Nous proposons l'abrogation de l'article 44; c'est
à cause du passage dans cet article où on dit que seul le
français est officiel là-dedans. Ça, ça serait
contradictoire avec la jurisprudence rendue par les tribunaux. Mais, si on peut
trouver une solution à ce problème-là, puis qu'elle peut
être trouvée, on peut maintenir cet article-là, puis on
l'examinera en commission parlementaire avec la collaboration des
députés. (12 h 50)
Vous avez parlé de la limite de deux ans pour les permis de
pratiquer une profession. Je me suis fait venir des renseignements.
L'année dernière il y a eu, je pense, une quinzaine de
renouvellements pour une période de deux ans; l'année
antérieure, il y en a eu 17. Ça fait que le danger de
débordement n'est pas très grand. Parce qu'on a été
saisis de cas très, très particuliers très
sérieux aussi qui nous incitaient à faire preuve d'un peu
d'humanité, là-dedans. On avait pensé, à un moment
donné, peut-être créer un comité d'appel, mais on ne
veut pas multiplier les structures nouvelles non plus. Le problème est
très, très limité, mais il est arrivé des
décisions regrettables pour le Québec pas des
décisions de l'Office, mais des décisions d'individus
concernés qui nous ont privé de leur compétence
à cause d'un certain manque de souplesse dans notre
réglementation. Même ce point-là, si on nous fait la
démonstration qu'il y a le moindre élément du danger de
débordement dont vous parlez, en commission, on sera prêts
à regarder ça, et s'il y a des ajustements à faire, on
peut les faire.
À propos des comités de francisation, il faudrait penser
que vous auriez, à tout le moins, souligné qu'en les obligeant
à se réunir à tous les six mois, on améliore la
situation par rapport à la loi actuelle, parce que, actuellement, c'est
trois fois par année, et, comme on l'a souligné à mon
attention, des fois, ils font les trois réunions le même jour, il
n'y a plus d'autre réunion pendant toute l'année. Si, là,
vous vouliez que ce soit trois, deux, ça, ce sont des choses qui se
discutent. On verra en commission quand on arrivera à l'étude
article par article.
Un autre point que je veux vous souligner: quand vous dites que nous
enlevons à l'Office ses pouvoirs concernant la suspension ou la
révocation des permis, je pense bien que ce n'est pas ce que vous avez
voulu dire. Ce n'est peut-être pas ce que vous dites non plus. Mais,
à tout le moins, ce n'est pas clair. L'Office conserve tous ces
pouvoirs-là, mais les règlements qui devront être
établis concernant la manière dont on procédera seront les
règlements du gouvernement.
Et, là-dessus, je tiens à vous souligner que c'est la
prérogative du gouvernement d'adopter des règlements.
Moi-même, je suis l'auteur de cette suggestion qui a été
faite au gouvernement; je la défends avec toute la vigueur possible.
Mais tout le pouvoir de décision dans le traitement des dossiers va
rester à l'Office, et si l'Office veut faire des suggestions au
gouvernement en matière de réglementation, il pourra le
faire.
J'ajoute, en outre, que, déjà, tout règlement
préparé par l'Office ne peut avoir d'effet que s'il est
approuvé par le gouvernement avant d'être publié dans la
Gazette officielle du Québec. Dans l'ordre substantiel, nous
rétablissons la clarté des choses, mais nous ne changeons pas
beaucoup de choses par rapport à l'équilibre réel du
pouvoir comme je l'ai vécu depuis trois ans.
Alors, j'apprécie énormément la contribution de la
FTQ. Je déplore que nous n'ayons pas davantage de temps, mais je serais
intéressé à poursuivre avec vous l'examen de certains
points particuliers du mémoire dans le but d'améliorer le projet
de loi, convaincu qu'avec le temps, sur le plan de la perspective plus large,
nous finirons par nous retrouver quelque part sur la Place d'Armes.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le Président, jeudi, le 21 avril 1977, l'actuel ministre, M.
Ryan, alors éditorialiste au Devoir, disait, concernant le
chapitre du livre blanc sur la langue des entreprises: «...le plus
imprécis, le plus ambigu et le plus dangereux à la fois est
probablement celui qui traite de la langue et des usages linguistiques à
l'intérieur des
entreprises.» Et sa mesure d'évaluation comme de quoi
c'était dangereux, et je le cite: «Comment concilier le principe
voulant que l'entreprise soit capable de servir ses clients dans leur langue
avec cet autre principe, énoncé dans le livre blanc, selon lequel
"aucun employeur ne pourra congédier, ni rétrograder un
salarié, pour la seule raison qu'il ne parle pas ou ne maîtrise
pas suffisamment une autre langue"?».
Donc, il contestait ce droit des employés déjà
à l'emploi de maintenir leur emploi, même s'ils ne
maîtrisaient pas bien l'autre langue, et ça vous donne un peu une
mesure de son appréciation de ces dispositions de la loi
déjà à l'époque.
Le ministre, tout à l'heure, a procédé à un
glissement extrêmement dangereux et fait de la démagogie
totalement inacceptable et intolérable à cette table. Lorsque,
rapportant les propos d'un directeur de multinationale qui prétend
n'avoir des difficultés que dans deux pays à travers le monde en
matière d'affichage il cite le Québec et l'Afrique du Sud
le ministre s'empresse d'endosser ces propos en disant, et je le cite:
Je n'ai pas envie que l'on reste plus longtemps dans la même famille.
C'est faire de la démagogie de bas étage et c'est laisser
l'impression que le Québec se comporte comme l'Afrique du Sud. C'est
odieux de la part du ministre, et je pense qu'il faut le dénoncer haut
et fort. Je ne pouvais pas le laisser passer sans, là-dessus, exprimer
notre désaccord le plus complet et le plus total. C'est inacceptable de
sa part, et c'est tout à fait intolérable.
M. Daoust, mesdames, messieurs, je voudrais vous souhaiter la plus
cordiale bienvenue au nom de l'Opposition officielle.
Quelques questions rapides parce que le temps nous est
compté.
Vous avez abordé la question de l'affichage. Avez-vous
réfléchi aux effets que pourrait avoir la reconnaissance du droit
des entreprises à communiquer et à afficher dans leur langue et
la possibilité de voir ce droit s'étendre à celui de
s'adresser dans la langue de son choix, de communiquer dans la langue de son
choix avec ses employés?
Le Président (M. Doyon): M. Daoust.
M. Daoust: Oui. À l'égard des dangers de
débordement, nous le soulignons dans notre mémoire. Les grandes
politiques en matière de publicité des entreprises ne sont pas
nécessairement uniformes, elles ne le sont pas d'une province à
l'autre et d'une région à l'autre. Il n'y a pas
nécessairement uniformité, mais il y a une tendance qui peut
s'affirmer à l'égard de la langue. Je ne parle pas de la
façon pour annoncer le produit, ça, c'est une chose, mais
à l'égard de la langue. Il y a un danger de débordement
que surtout les très grandes entreprises veuillent se donner, à
l'échelle de tout le Québec, le même type de
publicité commerciale. Et là, puisqu'on permet l'affichage
bilingue, il n'y a pas de raison de croire qu'elles n'auraient pas cette
politique-là qui soit mise en oeuvre dans ces entreprises.
Oui, il y a un danger, il y a un danger de débordement, sans
aucun doute. Il y a les lois du marché on le souligne dans notre
document qui sont inexorables. Dès le moment où on permet
à quelque entreprise que ce soit, à quelque commerce que ce soit
d'afficher de façon bilingue, avec prédominance du
français ou priorité du français, il y un effet
d'entraînement. Il serait, à mon sens, quasiment inconcevable que
ça ne fasse pas tache d'huile, je ne dirai pas du jour au lendemain,
mais sur une période relativement rapide. Je ne peux pas concevoir qu'un
marchand dans une région ou dans un quartier à Montréal
affiche en français et en anglais et que son concurrent immédiat,
qui souhaite attirer les mêmes clientèles, inévitablement,
ne soit pas entraîné; il ne voudra pas être victime d'un
boycottage à rebours il y a toutes sortes de boycottages
mais d'un boycottage à rebours ou direct, peu importe l'analyse du type
de boycottage qui pourrait se faire. Ça commence; ça
s'étend et ça s'étend; ce sera tout Montréal, puis
pourquoi pas un peu plus loin? Et, un de ces bons jours, ça peut
être l'ensemble du Québec.
Écoutez, ce n'est pas un discours alarmiste que nous tenons
à ce moment-ci, c'est un discours réaliste. On a vécu
ça, ce Québec-là, la plupart d'entre nous, d'avant 1977,
des années cinquante et d'avant ça. On pourrait donner un tas
d'exemples, je ne les donnerai pas, ils sont tellement, mais tellement connus;
ils ont une influence...
Et une autre raison, évidemment, à votre question, c'est
les influences sur la langue de travail, mais il n'y a aucun doute dans notre
esprit que ça pourrait s'étendre à d'autres régions
que Montréal.
Mme Blackburn: D'accord. le ministre nous dit, en matière
de francisation des entreprises, qu'il préfère la philosophie
d'accompagnement et de persuasion. pourtant, 15 ans après l'adoption de
la loi ça va faire 16 ans, plus précisément, au
mois d'août il reste encore 33,6 % des grandes entreprises qui,
comme pour utiliser votre expression, courent toujours après leur
certificat de francisation et 17,7 % des entreprises moyennes. ensuite, on veut
nous faire passer pour l'afrique du sud: c'est un peu fort! vous admettrez avec
moi que ça n'a pas fait trembler beaucoup, beaucoup, beaucoup les
entreprises. ça ne les a pas trop effrayées, si on constate les
résultats. (13 heures)
Mais j'aimerais vous entendre... Tout à l'heure! le ministre a un
peu abordé avec vous la question touchant vos déplacements un peu
à travers l'Amérique du Nord et l'image ou la perception que vous
en aviez ou qui vous était communiquée à
l'étranger. M. Scowen, qui est délégué du
Québec à New York, disait, le 27 janvier, sur un poste de
télévision que, depuis six mois qu'il était en poste,
à aucun moment lui avait-on fait mention de difficultés ou de
discrimination que le Québec exercerait à l'endroit de la
communauté anglophone. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un ex-ministre
libéral.
Mais, vous qui voyagez beaucoup, est-ce qu'on a fait souvent état
devant vous de discrimination tout à fait intolérable ou de
traitements inéquitables et injustes qui seraient réservés
par les Québécois, majoritairement francophones au Québec,
à l'endroit des Anglo-Québécois?
M. Daoust: Jamais. Ça ne peut pas être plus clair:
jamais. On a souvent abordé avec des syndicalistes d'autres pays ou dans
des réunions à l'échelle internationale ou dans d'autres
milieux le problème du Québec, du Canada, sans aucun doute, mais
jamais on ne m'a fait état de cette image que certains prétendent
qui est la nôtre: comme d'un pays intolérant et xénophobe.
Et, à l'égard de cette loi 101, c'est assez rarement qu'on m'ait
posé des questions, à moi.
Écoutez, est-ce que je serais immunisé contre toute
possibilité de remarques désobligeantes à l'égard
du Québec? Je ne pense pas. Mais ça ne m'est pas arrivé,
et loin de là. Quand on a l'occasion d'aborder des syndiqués
d'autres pays soit Américains ou d'autres pays et qu'on
leur explique la situation politique au Québec et les fondements de nos
grandes orientations, celles du Québec, à l'égard du
problème linguistique, je n'ai jamais entendu de réprobation de
ce qui se fait au Québec.
Mme Blackburn: En fait, ce que vous dites au gouvernement, c'est
qu'il y a de l'inflation verbale lorsqu'on prétend que l'image du
Québec à l'étranger serait extrêmement
amochée par la question d'affichage je voudrais bien qu'on
revienne là-dessus et, si elle l'était, ça serait
davantage par rapport aux conflits avec les autochtones ou encore parce que le
gouvernement n'a pas mené, comme vous le disiez tout à l'heure,
une véritable campagne d'information sur l'état réel de la
situation au Québec?
M. Daoust: J'ai parlé des deux gouvernements, et, que ce
soit le PQ ou le Parti libéral, vous vous êtes
succédé au pouvoir, et on a, dans bien des cas,
déploré que je ne veux pas répéter ce que
j'ai dit un peu plus tôt qu'il ne se fasse pas des campagnes de
persuasion à l'égard de ce qui se passe au Québec, entre
autres, sur l'affichage.
Quand je vous dis que, moi, jamais on ne m'en a parlé, je ne veux
pas dire qu'il n'en est jamais, jamais question avec d'autres personnes ou
que... On lit les journaux, puis on écoute les conférences qui se
font un peu partout, il en est question, puis, dans certains milieux, sans
aucun doute, se pose-t-on des questions. Mais, dans la mesure où on
défend adéquatement et qu'on justifie et qu'on donne les
arguments qui s'imposent à l'égard de nos prises de position, je
pense qu'on peut assez facilement convaincre la communauté
internationale surtout américaine du bien-fondé de
nos orientations en matière linguistique.
Le Président (M. Doyon): Merci...
Mme Blackburn: Sans parler pour tout le monde, on peut dire que,
à tout le moins, il y en a au moins deux qui n'en ont pas entendu
parler: vous et M. Scowen.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée.
M. le député de D'Arcy-McGee, pour trois minutes.
M. Libman: Sauf que M. Doré a dit hier qu'il entend
ça souvent. Ça fait 10 ans qu'il est maire de Montréal, il
entend ça presque partout où il va. Il ne faut pas oublier ce que
M. Doré a dit hier.
Moi, je veux dire que votre perspective ou la perspective que vous
articulez ce matin dans votre mémoire aura pour effet de renforcer ou
serrer la camisole de force sur l'économie du Québec. Je pense
que votre mémoire ne tient pas compte de la réalité
économique, que la mondialisation des marchés exige une plus
grande ouverture sur le monde et pas une plus grande fermeture sur le
monde.
Mais aussi, votre mémoire ne tient pas compte de la
réalité sociale au Québec et qu'il existe au Québec
d'autres qui font partie de la société québécoise,
et ils ont certains droits qui doivent être respectés par la
société québécoise. Et je vous dis, sur ce point,
qu'il n'y a pas un tribunal sérieux dans le monde occidental qui ne va
pas rendre le même jugement que les quatre tribunaux ont
déjà fait sur cette question de l'affichage: la Cour
supérieure du Québec, la Cour d'appel, la Cour suprême du
Canada et même l'ONU.
Alors, sur cette question... j'aimerais avoir votre réaction sur
ça. Il existe évidemment assez de problèmes juridiques
avec cette législation. Vous dites ici que la FTQ rejette donc les
amendements du projet de loi 86 concernant l'affichage et souhaite que l'on
retienne le recours à la clause «nonobstant» pour continuer
à maintenir la cohésion et la cohérence de la politique
linguistique québécoise. Mais, en même temps, comme le
ministre a dit, cette situation se retrouve à l'intérieur d'un
contexte important et réaliste: celui que quatre tribunaux ont
trouvé que cette loi brime les libertés individuelles et que le
gouvernement doit agir vite.
La grande majorité des Québécois appuient ces
changements dans les sondages, qui sont très clairs. Alors, pourquoi ne
reconnaissez-vous pas cette réalité, que les tribunaux trouvent
que cette loi viole des libertés individuelles? Le gouvernement essaie
de trouver une solution, une ligne d'équilibre, qui exige la
prédominance du français partout, l'usage du français
partout, mais en permettant aux individus de s'afficher dans leur langue tout
en respectant le visage français du Québec. Où est le
problème? Pourquoi la majorité des Québécois sont
prêts à accepter ça et vous, non? Est-ce que ce petit
peuple est naïf, dans votre opinion, ou quoi?
Le Président (M. Doyon): Brève réponse, M.
Daoust, s'il vous plaît.
M. Daoust: Nous avons eu une relative paix linguistique depuis
1977. Depuis 1988, au moment où le gouvernement du Québec a cru
bon d'avoir recours à la clause dérogatoire, nous avons eu aussi
une relative paix linguistique. Il ne faut pas s'alarmer: il n'y a pas eu des
drames dans quelque communauté que ce soit. Il y a bien des individus,
ici et là, largement financés par le gouvernement
fédéral vous en savez quelque chose qui ont
monté en épingle un problème comme celui-là, qui
ont ameuté l'opinion publique et l'opinion internationale, sans aucun
doute, afin de parvenir à des fins, dans un premier temps, à
l'égard de l'affichage et, dans un deuxième temps je ne
vous l'annonce pas, vous l'avez en tête de contester
éventuellement la francisation des milieux de travail. C'est la
prochaine étape, il n'y a quasiment aucun doute.
Alors, quand vous me dites: les tribunaux... Bien, la clause
dérogatoire, ce n'est pas nous qui l'avons inventée. Elle est
là, on peut s'en servir, on peut la reconduire pour une période
de cinq ans. Il n'y a rien de dramatique là-dedans. C'est un droit qui
est permis au gouvernement du Québec, et je ne vois pas pourquoi...
Le Président (M. Doyon): ...M. Daoust, s'il vous
plaît, parce que le temps est écoulé.
Une voix: ...
Le Président (M. Doyon): Non.
Alors, il me reste, malheureusement, compte tenu du temps qui nous est
alloué, à remercier M. Daoust ainsi que les gens qui
l'accompagnent et à indiquer que le temps qui était
consacré à l'audition de ce mémoire et à la
discussion avec les représentants de la FTQ est
écoulé.
Vous me permettrez de faire lecture d'une lettre que j'ai en main,
adressée au secrétaire de la commission, qui se lit comme suit:
«Monsieur, conformément à votre demande, veuillez prendre
avis que l'UPA aura participé aux représentations lors des
consultations particulières... aura participé lors des
consultations particulières sur le projet de loi 86 par le biais»
justement «du Mouvement Québec français,
auquel l'UPA s'associe. «Nous vous remercions de nous avoir
invités et nous apprécions votre collaboration. Nous vous prions
d'agréer», etc.
Ça signifie que l'UPA ne sera pas ici cet après-midi
à 16 heures. Alors, je demande s'il y a accord pour que nous suspendions
nos travaux jusqu'à 10 heures demain matin. Sinon, nous reviendrons
à 16 h 30 pour suspendre de nouveau. Je demande s'il y a consentement
pour ajourner jusque... Consentement?
Mme Blackburn: II n'y a pas de consentement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de consentement.
Alors, suspension jusqu'à 16 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 9)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux et devrait normalement
continuer ses consultations. Comme j'ai indiqué
précédemment, la chose n'est pas possible compte tenu de
l'absence de ceux que nous devions recevoir.
Cependant, je voudrais donner lecture aux membres de cette commission
d'une lettre que je reçois à l'instant même, datée
d'aujourd'hui, bien sûr, qui se lit comme suit: «M. le
Président, une entente est intervenue avec le leader de l'Opposition
officielle et le député de D'Arcy-McGee afin de permettre la
comparution d'organismes dont l'audition a dû être reportée
en raison du débat sur le discours du budget et de répondre, par
ailleurs, à des demandes de report que d'autres organismes ont
présentées à la commission. «Les organismes suivants
se présenteront donc selon l'horaire ainsi déterminé:
Union des artistes, jeudi le 27 mai, à 15 h 30; Fédération
des commissions scolaires du Québec, jeudi aussi, 27 mai, 16 h 30;
Chambre de commerce du Montréal métropolitain, mardi, le 1er
juin, 11 h 30; Commission des écoles catholiques de Montréal,
mardi 1er juin, 20 heures; et, finalement, Confédération des
syndicats nationaux, mercredi 2 juin, 15 heures. «Veuillez
recevoir», etc.
Alors, ça confirme l'information que j'avais transmise, sans
avoir les détails, aux membres de cette commission,
précédemment. Compte tenu de l'absence de nos invités,
j'en prends acte et je suspends donc...
Oui, Mme la députée, oui.
Mme Blackburn: Je voudrais faire juste une remarque pour
déplorer l'absence de l'UPA, comme de plusieurs autres organismes, et
vous demander si les propos que vous teniez... d'ailleurs que le ministre
tenait, mercredi le 19 mai, pour justifier les nombreux désistements: M.
Ryan a soumis que si certains organismes ont choisi de se désister,
comme le Parti libéral, c'est qu'ils sont d'accord avec le gouvernement
quant au projet de loi et que certains nous ont dit qu'ils n'avaient pas le
temps de venir entendre les jérémiades de l'Opposition. Et vous
ajoutiez si j'en crois La Presse d'aujourd'hui, le 26 mai 1993:
«Qui ne dit mot consent». Diriez-vous la même chose de l'UPA,
qui s'est désistée parce qu'elle partage l'avis du MQF?
Le Président (M. Doyon): Non, parce que... En fait, ce que
je dirai, tout d'abord, c'est que ça continue
d'être mon opinion, et je continue de la partager.
Deuxièmement, c'est que l'UPA...
Mme Blackburn: En dépit de...
Le Président (M. Doyon): ...s'est désistée,
mais ne s'est pas vraiment désistée, elle s'est jointe à
un autre organisme ce qui est totalement différent s'est
jointe au Mouvement Québec français et, dans les circonstances,
c'est un désistement qui indique une adhésion à un point
de vue qui est celui du Mouvement Québec français, ce qui est
parfaitement leur droit, et je tiens à le souligner.
Mme Blackburn: D'accord.
Le Président (M. Doyon): En ce qui concerne l'Union des
municipalités, ils se sont désistés pour des raisons qui
sont les leurs. J'en ai fait une interprétation qui m'appartient; je
suis prêt à vivre avec.
Dans les circonstances, je suspends...
Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez...
Le Président (M. Doyon): Je suspends. C'est suspendu, je
regrette.
Mme Blackburn: C'est une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, alors, très
brièvement, Mme la députée.
Mme Blackburn: Ce que vous nous dites, c'est que, si on avait
appelé à l'avance l'UPA, on aurait su qu'ils se joignaient au MQF
et on ne serait pas ici cet après-midi.
Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Alors, nous ajournons au lieu de
suspendre. Nous ajournons jusqu'à demain, 10 heures du matin.
Donc, ajournement.
(Fin de la séance à 16 h 35)