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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Doyon): À Tordre, s'il vous
plaît!
Bienvenue à tous les membres de cette commission. Je souligne
à ceux qui nous font l'honneur de nous écouter que la commission
de la culture est actuellement à faire une consultation
particulière sur le projet de loi 86, qui est la Loi modifiant la Charte
de la langue française.
Je constate le quorum et, donc, je déclare la séance
ouverte. Après avoir rappelé le mandat, il me reste maintenant
à demander à M. le secrétaire de nous annoncer des
remplacements, s'il y en a.
M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Qui, M. le Président. M. Fradet (Vimont)
sera remplacé par Mme Bleau (Groulx); M. Leclerc (Taschereau), par M.
Maltais (Saguenay); M. Boisclair (Gouin), par M. Bélanger (Anjou); M.
Bourdon (Pointe-aux-Trembles), par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et M.
Paré (Shefford), par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Doyon): Très bien. J'indique aussi
à cette commission que l'ordre du jour a été établi
par un ordre de l'Assemblée. Nous devions, à 10 heures ce matin,
recevoir le Conseil des hôpitaux d'enseignement affiliés à
l'Université McGill. Je constate, conformément à la lettre
qu'ils ont fait parvenir au secrétaire de la commission, qu'ils sont
absents. Ils nous avaient d'ailleurs indiqué qu'ils le seraient. Je fais
rapidement lecture de cette lettre datée du 12 mai. Elle se lit comme
suit: «Monsieur, nous vous remercions d'avoir invité le Conseil
des hôpitaux d'enseignement affiliés à l'Université
McGill à se présenter devant la commission de la culture le 25
mai prochain dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi 86. «Nos hôpitaux membres ne seront directement
touchés que par l'article 29.1 du projet de loi 86, et nous sommes
heureux d'être à même de vous faire part de notre
réaction et de nos représentations à ce sujet.
«Compte tenu, toutefois, du nombre d'organismes qui viendront faire des
représentations sur l'ensemble du projet de loi, nous ne croyons pas
nécessaire pour nous d'utiliser le temps d'audition de la commission en
se présentant devant elle le 25 mai. Lors des dernières
discussions...» Il y a une longue explication qui ne porte pas sur leur
absence ici.
Donc, je constate leur absence, et, compte tenu de ce fait, je suspends
nos travaux jusqu'à 11 heures.
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...peut-être avant de suspendre, est-ce
qu'on pourrait déposer la lettre...
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Blackburn: ...à tous les membres et est-ce qu'on
pourrait en faire la lecture au complet? J'imagine que s'ils se sont
donné la peine de l'écrire, ça doit intéresser tous
les membres de la commission.
Le Président (M. Doyon): J'indique que copie de cette
lettre a été envoyée à tous les membres de la
commission. J'imagine que vous l'avez reçue, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Oui, mais j'imagine aussi que les auditeurs...
Comme on paie 300 000 $ pour la télédiffusion des débats,
il serait peut-être intéressant de connaître... d'en savoir
un petit peu plus long sur les explications de l'absence de cet organisme qui
avait été convoqué par ordre de la Chambre, faut-il le
rappeler, et, semble-t-il, sans consultation préalable.
Le Président (M. Doyon): Oui. En fait, je voudrais
rétablir les choses. C'est qu'ils ont été invités
à se présenter et cette invitation est déclinée par
eux. La lettre... Ce qui nous intéresse, c'est leur absence, ici. Les
raisons... Vous avez reçu... Vous ferez des conférences de
presse, ce n'est pas l'endroit.
Je suspends nos travaux jusqu'à 11 heures.
(Suspension de la séance à 10 h 10)
(Reprise à 11 h 1)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend donc ses travaux. Nous allons entendre les représentants de la
ville de Rosemère qui ont pris place à la table de nos
invités.
J'indique à cette commission que la présentation qui sera
faite par la ville de Rosemère, ainsi que les discussions qui
s'engageront avec les membres de la commission, nous mèneront à
midi. Ensuite, nous suspendrons jusqu'à 15 h 30, au moment où
nous entendrons le représentant, le maire de la ville de
Montréal, suivi du maire de la ville de Québec, à 16 h 30,
pour une nouvelle suspension à 17 h 30.
Nous allons donc commencer avec les
représentants de la ville de Rosemère. Je leur souhaite la
bienvenue. Je pense qu'il y a M. Deschênes, le maire, qui est avec nous,
de même que M. Robitaille, qui est le directeur général. Je
leur souhaite la bienvenue. Je leur indique, comme ils le savent probablement,
qu'ils disposent d'une vingtaine de minutes pour nous faire leurs
représentations. Ensuite, le reste du temps est partagé
également entre le parti ministériel et l'Opposition pour
s'entretenir avec vous, vous demander des explications et avoir vos
réactions à certains propos.
Donc, M. le maire ou M. Robitaille, vous avez la parole.
Ville de Rosemère
M. Deschênes (Yvan): Merci. M. le Président, Mmes et
MM. les membres de la commission parlementaire, nous sommes venus participer
à vos travaux aujourd'hui parce que nous croyons utile de joindre notre
voix à celle de ceux qui pensent qu'il est opportun d'apporter un
certain éclaircissement à la Charte de la langue
française, notamment à l'égard du retrait du statut
d'exception accordé à un organisme en vertu de l'article 113f de
la loi 101.
Afin de mieux comprendre l'ensemble de la situation, il est important de
revenir en arrière et de faire un bref historique de Rosemère. Le
nom de Rosemère, semble-t-il, nous vient de J.P. Withers, officier du
Canadien Pacifique, qui avait nommé la maison qu'il acquit au bord de la
rivière «Rosemère Grange» à cause des nombreux
rosiers sauvages qui poussaient dans cet endroit marécageux. D'aucuns
diront que c'est à cause de la proximité du village de
Sainte-Rose sur la rive opposée. En 1880, il fit enregistrer ce nom
à Ottawa, et il est demeuré pour la région.
À l'époque, Rosemère faisait partie
intégrante de la paroisse de Sainte-Thérèse et avait
environ 720 résidents. Elle grandit et, le 1er janvier 1947, suite
à la demande de l'association de citoyens qui voulaient obtenir de
meilleurs services qu'ils ne recevaient de la paroisse, son territoire en est
détaché et Rosemère devient corporation municipale. Selon
notre information, c'est probablement à cette occasion que l'accent de
Rosemère apparaît officiellement pour la première fois.
En 1957, la population atteint 5500 habitants et le conseil municipal
demande alors au gouvernement provincial d'accorder à Rosemère le
statut de ville, qu'elle reçoit le 6 février 1958.
À son origine, Rosemère était surtout un lieu de
villégiature et la population était de prédominance
anglophone. Les principaux propriétaires terriens étaient
francophones, mais plusieurs familles anglophones exploitaient aussi leur
ferme. L'harmonie régnait déjà entre ces deux groupes, et
de longue date. Avec les années, sa situation démolinguistique a
changé et ainsi, aujourd'hui, la population est largement francophone.
Les statistiques sur l'évolution de la population à
Rosemère indiquent que de 1971 à 1986 le groupe francophone n'a
cessé d'augmenter. Le recensement fédéral de 1986 montre
que le français est la langue maternelle de 66,6 % de la population; le
reste est composé de 24,3 % d'anglophones, de 5,1 % d'allophones et de 4
% de multilingues, ceux-ci ayant déclaré avoir deux ou
mêmes trois langues maternelles.
Depuis toujours, chez nous, les relations entre les différents
groupes linguistiques ont été imprégnées de respect
mutuel et d'harmonie. Nous avons une longue tradition de bon voisinage, et
c'est un des charmes de notre ville. Tous les conseils municipaux, toutes les
associations locales n'ont cessé de promouvoir cette relation de bonne
entente, nombre de familles, dont la mienne, ayant choisi de vivre à
Rosemère, entre autres, à cause de cette harmonie entre les
communautés.
Rosemère aura 46 ans cette année. Pendant 33 ans, la
majorité des citoyens était non francophone, et pourtant, tous
les conseils municipaux, jusqu'aux élections générales de
1990, étaient divisés également entre francophones et
anglophones. Aujourd'hui, quatre des six conseillers sont francophones, les
deux autres sont bilingues et, comme vous pouvez le constater, le maire est
francophone.
Nos concitoyens anglophones, conjointement avec les francophones, ont
été les artisans de l'héritage dont Rosemère
bénéficie aujourd'hui.
Le 2 avril 1982, suite aux représentations de la ville de
Rosemère, basées en partie sur le recensement de 1976 qui
indiquait que les anglophones et les allopho-nes représentaient ensemble
51 % de la population, l'Office reconnaît à la ville de
Rosemère le statut de «ville bilingue» en vertu de l'article
113f de la Charte de la langue française. Il est important de noter, et
je le répète, c'est très important de noter qu'au moment
où la ville recevait son statut d'exception de l'Office en 1982, la
Charte de la langue française ne prévoyait aucun mécanisme
de retrait de ce statut, de sorte que ni la ville ni l'Office ne pouvaient
concevoir un tel retrait à partir uniquement de données
statistiques.
Le 11 janvier 1988, suite aux pressions d'un petit groupe de citoyens et
sans consulter la municipalité, l'Office décide de mettre fin
à cette reconnaissance, au motif que les citoyens de langue autre que le
français ne sont plus en majorité et que l'évolution
démographique semble indiquer que dans un avenir prévisible cette
situation est peu susceptible de se modifier.
Le 24 août 1990, la Cour supérieure rend un jugement
invalidant la décision de l'Office et rétablit le statut de
«ville bilingue» à Rosemère. Le tribunal juge que
l'Office avait le devoir, dans le but d'équité
procédurale, de donner l'occasion à la municipalité de
fournir tous les éclaircissements nécessaires
préalablement à toute décision visant à
révoquer son statut. Le tribunal ajoute que l'Office aurait dû
tenir compte d'autres critères que la langue maternelle des citoyens de
Rosemère, car, à elle seule, elle ne lui permettait pas
d'atteindre le but recherché par la loi.
Le juge Reeves souligne à l'Office les précautions
à prendre s'il envisage une révocation, car, dit-il, «le
préjudice créé par le retrait d'un privilège
initialement
accordé est habituellement plus grave que le refus de l'octroi
même, à cause de ses effets plus sérieux sur la situation
de fait qui s'est établie». Fin de la citation.
Le 12 avril 1991, l'Office de la langue française adopte une
politique administrative qui établit des critères d'analyse et
prévoit des modalités de prise de décision; parmi ces
critères, il y en a un en particulier qui, plus tard, retiendra notre
attention, soit les résultats de toute étude ou de tout sondage
particulier.
Le 25 novembre 1991, l'Office avise la ville de Rosemère qu'il a
l'intention de réviser, encore une fois, le statut
«bilingue» de la municipalité suite à une
recommandation de sa Direction de la francisation de le retirer. Cependant,
l'Office précise alors qu'il n'entend pas prendre une telle
décision avant d'avoir pu analyser tous les aspects de la question et,
ainsi, invite la ville à lui transmettre tout autre renseignement
susceptible de l'éclairer. L'Office devait consulter la ville, comme le
lui avait dit le juge Reeves. De son côté, le conseil municipal
avait l'obligation morale de demander l'avis des électeurs, avant de se
prononcer en leur nom. (11 h 10)
En vertu de la Loi sur les cités et villes, une
municipalité peut tenir un référendum sur une question qui
est de sa compétence. Or, l'affichage et la langue de communication de
la municipalité avec ses citoyens en sont deux. Sur ce point, le
ministre des Affaires municipales se montre très clair. Si vous le
permettez, M. Ryan, je vais vous citer: «En premier lieu, il faut
accueillir le résultat du référendum comme une expression
d'opinion démocratique. L'autorité municipale a le droit, en
vertu de la Loi sur les élections et les référendums
municipaux, de tenir un référendum sur une question relevant de
sa compétence.» Fin de la citation.
De plus, le juge Reeves écrit: «Et l'avis n'offrait point
d'entendre les représentations de la ville ou de ses citoyens, premiers
intéressés au statut de leur ville.» Et il ajoute:
«II n'est pas inconcevable que dans une ville comportant une forte
proportion d'anglophones et d'allo-phones et une majorité de citoyens de
langue maternelle française, mais, par ailleurs, bilingues, cette
majorité de citoyens veuille le mot "veuille" est très
important se prévaloir de son bilinguisme parce qu'au plan des
services municipaux elle y verrait un intérêt ou un avantage
certain. Cela se pourrait, par exemple, au niveau de sa protection dans les
services de prévention des incendies, de sa sécurité dans
les services de police, de l'équité dans les services sociaux, de
l'harmonie sociale et culturelle dans les services des loisirs, etc.» Fin
de la citation.
Ainsi, en se servant tant du critère de l'Office, «les
résultats de toute étude ou de tout sondage particulier»,
que des commentaires du juge Reeves, le conseil municipal a tenu un
référendum sur le sujet. Vous trouverez en annexe le
libellé de la question ainsi que les résultats. La liste de ceux
qui ont voté est également disponible pour ceux que ça
intéresse.
Les citoyens de Rosemère ont déclaré clairement
qu'ils veulent continuer à recevoir les services dans les deux langues.
en voici l'analyse avec les commentaires sur le résultat. lors des trois
journées consacrées à la consultation publique sur la
reconnaissance de la ville de rosemère, en vertu de l'article 113f de la
charte de la langue française, 3211 des 8232 résidents
éligibles ont exprimé leur choix, soit un taux de participation
de 39 %. alors, si on regarde les votes, il y a eu 2493 personnes qui ont
voté oui, pour 79 %; 664 personnes ont voté non, pour 21 %; 54
bulletins rejetés; pour un total de 3211. l'analyse des résultats
montre que 51 % des participants avaient des noms de souche francophone et 49
%, des noms de souche anglophone ou allophone. il faut souligner cependant que,
dans un cas comme dans l'autre, le nom de famille n'est pas garant de la langue
d'usage. partant de l'hypothèse que 100 % des anglophones et même
des allophones ont voté oui, le vote se répartirait dans les
proportions suivantes: anglophones et allophones qui auraient tous voté
oui, 1544. étant donné qu'il y a eu 664 personnes qui ont
voté non, on va prétendre, pour fins d'analyse, que ce sont des
francophones, ce qui donnerait 41 % des francophones qui auraient voté
non et 59 % des francophones qui ont participé et qui ont voté
oui.
Ceci nous amène à la question du taux de participation.
À ce propos, il faut remettre en relief l'attitude même de
l'Office. Cet organisme non politique chargé de l'application de la loi
s'est vu entraîné dans une tourmente médiatique dont il se
serait sans doute bien passé. Mis sous pression, l'Office a émis
des commentaires sur le référendum, le jugeant futile il y
a des articles en annexe qui le démontrent et ajoutant qu'en
rapport avec les critères de la loi le résultat d'un tel
référendum n'était pas pertinent dans le débat. Or,
si l'Office demande ou suggère aux citoyens de s'abstenir, comment alors
comprendre qu'il déplore le faible taux de participation anticipé
de la population de Rosemère, tel que M. Racine, secrétaire
général de l'Office, le mentionnait dans un article publié
dans Le Devoir le 8 avril, quelques jours avant le
référendum de Rosemère? dans un autre ordre
d'idées, permettez-nous de vous rappeler que, lorsque les gens veulent
un changement, ils le disent en votant dans ce sens. il est donc logique de
conclure que si 61 % des électeurs ne se sont pas
présentés, c'est, d'une part, parce qu'un certain nombre d'entre
eux croyaient qu'il était inutile de le faire et, d'autre part, parce
que les autres ne voulaient pas de changement dans la façon dont la
ville s'affiche et communique avec eux. j'ajouterai aussi qu'un taux de 39 %
est très intéressant pour une municipalité si l'on
considère que, lors de la dernière élection partielle, qui
s'est déroulée pratiquement durant la même période,
le taux de participation était de plus ou moins 20 %. le plus haut taux
de participation de l'histoire de rosemère se situe autour de plus ou
moins 54 % lors de l'élection générale de 1990 où
trois équipes complètes étaient en lice, soit 21 candidats
qui ont sillonné les rues de rosemère pendant plus de six
mois.
Si on maintient la loi dans sa version actuelle, qui, notamment, ne
prévoit pas de mécanisme de retrait d'un statut d'exception
accordé à une municipalité en vertu de l'article 113f, on
se retrouve face à différentes interprétations du jugement
Reeves sur la question. Ce jugement comble, de façon fort complexe et
ambiguë pour nous, une partie du vide juridique laissé par le
législateur originel, tout en laissant la porte ouverte aux divergences
juridiques qui risquent encore de devoir être résolues par les
tribunaux.
Voici un autre exemple de l'ambiguïté de la loi actuelle:
l'article 113f de la Charte de la langue française dit, en partie, dans
sa version française: «...qui fournissent leurs services à
des personnes en majorité d'une langue autre que
française». «En majorité d'une langue autre que
française», alors que dans la version anglaise, on dit:
«that provide services to persons who, in the majority, speak
speak a language other than French».
L'ambiguïté dans la version française provient du
fait qu'il n'est pas établi de façon limpide que la langue
majoritaire est comparée à la somme des autres langues ou bien
à chaque langue prise séparément. En retour,
l'ambiguïté dans la version anglaise, laquelle réfère
au fait que la majorité exigée pourrait comprendre tous les
non-francophones de même que les francophones bilingues. Cela constitue
un point de droit important.
D'ailleurs, le juge Reeves souligne que «les mots "personnes en
majorité d'une langue" et "persons who, in the majority, speak a
language" paraissent donc comporter un sens différent. L'importance de
cette différence entre les textes français et anglais est
capitale parce que les personnes qui parlent une langue autre que le
français se réfèrent probablement ou nécessairement
à la version anglaise de la loi.» Fin de la citation.
Il est donc plausible de considérer qu'en 1982 l'Office
reconnaissait le statut conféré à la ville de
Rosemère aussi bien pour sa majorité non francophone que pour sa
majorité bilingue, et ce, pour une période de temps
indéfinie. D'ailleurs, le juge Reeves dit: «Si le
législateur avait voulu que le critère de détermination de
la langue de la majorité, à qui les organismes municipaux
fournissent leurs services, fût la langue maternelle, il l'aurait
dit.» Fin de la citation.
Les tribunaux ne devraient pas être obligés de
compléter ou d'éclaircir les lois alors que nous avons élu
des dirigeants pour prendre ces décisions. Quant à nous, nous
croyons qu'il est de loin préférable de profiter du moment qui,
de toute évidence, semble opportun pour apporter des modifications
à la loi actuelle. Ajoutez aux résultats du
référendum de Rosemère les présents sondages qui
indiquent que les Québécois sont favorables à certains
assouplissements et le fait que les éditorialistes des principaux
journaux du Québec se sont prononcés en faveur du maintien du
statut bilingue de Rosemère.
Vous trouverez en annexe des éditoriaux de La Presse, du
Devoir, du Journal de Montréal, de la Gazette, du
Soleil ainsi que de notre journal local, le
Nord Info qui se prononcent tous en faveur du maintien du statut
linguistique d'exception de Rosemère.
Certaines personnes ont l'impression que le statut bilingue d'une
municipalité lui confère le droit de tapisser la ville d'affiches
bilingues. Or, la réalité est tout autre. Voici ce que signifie
la loi à cet égard. La reconnaissance en vertu de l'article 113f
permet seulement à la municipalité d'avoir une
dénomination bilingue, d'afficher sur les bâtiments publics dans
les deux langues avec prédominance du français, d'utiliser les
deux langues dans les communications internes. La reconnaissance en vertu de
l'article 113f ne permet donc à la municipalité que d'effectuer
certaines de ses activités dans une langue autre que le français.
(11 h 20)
À Rosemère, nous avons toujours fonctionné dans les
deux langues; la majorité de nos résidents est bilingue et, de
plus en plus, les anglophones s'adressent en français à
l'administration municipale. Cette situation de fait fonctionne très
bien chez nous. D'ailleurs, un des critères actuels de l'Office, la
langue de correspondance avec les organismes de l'administration, tel
qu'interprété par l'Office, est selon nous préjudiciable
aux anglophones qui démontrent un effort d'intégration en
communiquant en français avec les organismes gouvernementaux. Ainsi, on
se servirait de ces statistiques pour démontrer qu'ils sont moins
nombreux et justifier les réductions de services dans leur langue.
Bien que la ville de Rosemère ait toujours fonctionné dans
les deux langues et malgré le fait que nous sommes reconnus
officiellement «ville bilingue», cela n'a pas empêché
la progression du fait français à Rosemère. En effet, le
rayonnement et la prédominance du fait français, dont la Charte
de la langue française se fait le promoteur, sont une
réalité à Rosemère. La ville arbore
fièrement son certificat de francisation de l'Office. Toutes les
communications internes se font en français. Nos employés sont
pour la plupart francophones et tous s'expriment en français. Les
plénières du conseil municipal se déroulent en
français. L'anglais n'est utilisé que dans les communications
avec les citoyens ainsi que dans notre affichage.
Ajoutons que le maintien de l'actuel statut linguistique ne pourra que
favoriser l'harmonie entre les deux groupes linguistiques tout en assurant la
prédominance du français à Rosemère. C'est
d'ailleurs pourquoi nous avons intitulé notre mémoire:
«Favoriser l'harmonie entre les deux groupes linguistiques à
Rosemère tout en assurant la prédominance et
l'épanouissement du fait français». Ainsi, nous assumons
nos responsabilités de majorité face à la minorité
qui contribue pleinement au développement de la ville. Nous portons la
tête haute en étant généreux, accueillants et
ouverts sur la réalité historique ainsi que sur l'aspect humain
de la question. Selon nous, priver un de nos groupes linguistiques est un geste
négatif qui ne donne rien à l'autre groupe, tout en étant
un irritant pour une communauté respectueuse de ses
différences.
Le conseil municipal a d'abord privilégié un droit
acquis ou une clause grand-père pour notre ville, mais,
après avoir analysé le projet de loi du ministre, nous
considérons que c'est un bon compromis qui mettra un terme au cauchemar
bureaucratique auquel Rosemère fait face depuis plus de 11 ans et qui
est à l'origine de débats stériles, porteurs de
confrontations.
La loi force maintenant les fonctionnaires à prendre des
décisions qui devraient plutôt incomber aux élus de la
population, comme le propose le projet de loi. Peu de gens, dans un tel
contexte, pourraient reprocher au gouvernement d'avoir éclairci la loi
dans le sens demandé par les citoyens de Rosemère.
Enfin, ce geste en serait un d'ouverture, de tolérance et de
respect envers cette communauté qui est une de nos composantes
précieuses et qui mérite de continuer à être
traitée avec justice et équité tout en respectant la
lettre et l'esprit de la Charte de la langue française dont le
préambule dit: «L'Assemblée nationale entend poursuivre cet
objectif dans un esprit de justice, d'ouverture, dans le respect des
institutions de la communauté québécoise d'expression
anglaise et celles des minorités ethniques dont elle reconnaît
l'apport précieux au développement du Québec.» Fin
de la citation.
Alors, je vous remercie de votre attention et j'espère que
l'expérience vécue par les citoyens de Rosemère pourra
vous aider dans vos délibérations. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire.
M. le ministre, maintenant.
M. Ryan: M. le Président, il me fait grand plaisir de
souhaiter la bienvenue à M. Deschênes et au directeur
général de la ville de Rosemère. Je pense que la
présence de M. Deschênes parmi nous s'imposait en raison des
positions publiques claires et franches que M. Deschênes a
épousées et défendues avec vigueur dans le dossier relatif
à la mise en oeuvre de l'article 113f de la Charte et, en particulier,
dans le dossier relatif à la possibilité de retrait d'un statut
bilingue une fois que celui-ci a été accordé à une
municipalité.
Nous nous souvenons tous des débats qui ont eu lieu à
l'époque. Je me souviens qu'à l'occasion de ces débats,
qui remontent à peine à une année, on s'était rendu
compte pour la première fois parce qu'avant ça, le
problème ne s'était pas posé que le retrait d'un
statut n'est pas la même chose que l'octroi d'un statut. Le retrait d'un
statut entraîne un changement de situation par rapport à une
situation à laquelle on s'était habitué. Et personne ne
pourra admettre d'un point de vue raisonnable que, parce qu'une
municipalité tomberait, disons, à 47 % ou 46 % de sa
clientèle qui serait d'une langue autre que le français,
ça devrait automatiquement entraîner une décision d'un
organisme administratif changeant son statut.
Je pense que lorsque le maire a pris cette position, le maire de
Rosemère, il a défendu une position qui se fonde sur le sens
commun, sur un concept de respect élémentaire. Et nous, du
gouvernement, étions très intéressés à ce
que vous nous apportiez votre message aujourd'hui. Je constate que votre
message est empreint de ce concept de respect, de «convivance»
harmonieuse, de compréhension et de collaboration, et je puis vous
assurer qu'il n'y a pas qu'à Rosemère que les choses soient vues
de cette manière. Je considère, personnellement, que cette
façon constructive de voir les choses est infiniment plus
intéressante pour tout le monde que les conceptions qui reposent sur des
interdictions légales pour des questions qui ne devraient pas relever de
la compétence du législateur.
Nous avons parmi nous ce matin la députée de Groulx,
comté dans lequel est située la ville de Rosemère, et avec
votre permission, M. le Président, j'aimerais que les premières
questions que nous adresserons à M. Deschênes soient
laissées à Mme la députée de Groulx.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Groulx, vous avez la parole.
Mme Bleau: Je vous remercie, M. le ministre.
Moi, je voudrais retourner, M. le maire, un petit peu en arrière,
au moment où la ville de Rosemère a obtenu son statut de
«ville bilingue». C'est en 1982, si je me rappelle bien. À
ce moment-là, je pense que le gouvernement d'alors voulait
reconnaître une situation de fait à la ville de Rosemère.
Mais, en même temps, j'aurais une question à vous poser. Je pense
bien que vous allez être capable de me répondre.
On s'est certainement basé sur un recensement. Alors, je voudrais
vous demander sur quel recensement on s'était alors basé pour
définir le nombre d'anglophones à Rosemère?
M. Deschênes:oui. alors, comme vous le savez, l'office
prend des décisions à partir du recensement canadien qui, lui,
est publié tous les cinq ans. le recensement qui a permis à
l'office de prendre une décision en 1982 était le recensement de
1976, le recensement de 1976 qui indiquait à l'époque qu'à
rosemère il y avait 46 % d'anglophones, combinés à 5 %
d'allophones, ce qui a permis à l'office de reconnaître la ville
de rosemère avec cette majorité de quelque 50 % de ce qu'on
appelait à l'époque les non-francophones.
C'est une question que je juge très intéressante, parce
que ça soulève justement un point. Lorsque l'Office a reconnu la
ville de Rosemère, il n'y avait pas de mécanisme de retrait.
Donc, ce n'était pas possible pour l'Office de concevoir qu'on pouvait
retirer ce statut-là à partir de données statistiques. On
sait très bien qu'en 1976 il y a eu quand même un mouvement
d'anglophones particulièrement à Rosemère, mais ça
n'a pas été un phénomène exclusif à
Rosemère. Oui?
Mme Bleau: Justement, sur ce phénomène, si on
s'était basé sur un recensement qui aurait été pris
avant 1982, supposons en 1981, est-ce que la différence entre 1976 et
1981 n'était pas vraiment...
M. Deschênes: Oui, effectivement... Mme Bleau: ..
.très forte?
M. Deschênes: ...il y a eu beaucoup d'anglophones qui ont
quitté Rosemère, qui ont quitté le Québec en 1976,
et on sait pourquoi.
Mme Bleau: À tort, à tort.
M. Deschênes: Je n'ai pas à juger
là-dessus.
Mme Bleau: À tort.
M. Deschênes: Je ne suis pas ici pour parler de ça.
Évidemment, à tort. D'ailleurs, beaucoup sont revenus par la
suite pour acheter leur maison plus cher qu'ils ne l'avaient vendue. Mais
ça, c'est autre chose.
Alors, effectivement, il y avait un recensement de 1981 qui était
disponible, mais ce recensement, l'Office n'a pas attendu le recensement qui
est sorti six mois après que l'Office ait pris sa décision et,
effectivement, ce recensement-là indiquait, celui de 1982, que la ville
de Rosemère n'avait pas de majorité combinée
allophone-francophone, ou allophone-anglophone, à ce moment-là.
(11 h 30)
Donc, c'est important de se situer dans le contexte, en 1982. La ville
ne pouvait pas accepter... Parce que c'était une réalité,
tous, on était au courant de l'évolution démolinguistique,
et on savait que certains anglophones et un bon nombre d'anglophones
quittaient. Donc, c'était inconcevable d'imaginer que la ville accepte
le statut dit «bilingue» pour six mois. Et je ne pense pas aussi
que l'Office pouvait donner le statut à la municipalité pour une
période de six mois, étant donné qu'il n'y avait pas de
mécanisme de retrait. Il faudrait demander au législateur
originel quelle était l'intention, pourquoi on n'a pas prévu de
mécanisme de retrait.
Est-ce que c'est un oubli, est-ce que ça a été fait
intentionnellement? Je ne suis pas en mesure de répondre. Le fait
demeure que la loi actuelle ne prévoit pas de mécanisme de
retrait et, quand la ville a reçu son statut en 1982, il était
évident que six mois plus tard la majorité anglophone,
combinée avec des allophones, n'existait plus.
Mme Bleau: Moi, j'aurais une autre question à vous poser,
peut-être un fait aussi. Je demeure, et je pense que vous le savez, dans
le comté depuis 1963. J'ai, à plusieurs occasions, parce que j'ai
été conseillère municipale à la ville voisine, eu
à avoir des relations avec les gens de l'hôtel de ville de
Rosemère.
Est-ce que la bonne entente qui a toujours existé entre le groupe
anglophone et le groupe francophone est toujours la même aujourd'hui? Je
pense, entre autres, à différentes associations comme les
«âge d'or», la Popote, les groupes de hockey mineur ou de
baseball. Est-ce qu'il y a une différence entre les anglophones et les
francophones, ou si tout ça ça couvre les deux
majorités?
M. Deschênes: Écoutez, c'est un
phénomène très intéressant parce que,
évidemment, les discussions linguistiques, à Rosemère, ont
fait les manchettes de tous les journaux, autant au Québec qu'à
travers le Canada. Et même, on a eu des articles qui ont
été publiés au Japon, on a eu des journalistes qui sont
venus des États-Unis. Ça a fait évidemment la manchette de
tous ces journaux-là, mais, à Rosemère comme telle, on ne
peut pas dire que ça ait soulevé des passions de la part des
citoyens. À part le petit groupe qui est à l'origine des
discussions linguistiques à Rosemère, il y a très peu de
discussions; on n'en entend pratiquement jamais parler parce que les gens sont
heureux de vivre cette situation qui fonctionne très bien. D'ailleurs,
il y a beaucoup de gens qui ont choisi de vivre à Rosemère
à cause du bilinguisme, à cause de l'harmonie.
Et puis, je peux parler de mon exemple personnel. Plus jeune, j'ai
été élevé à ville Saint-Laurent. J'ai eu la
chance, dans mon milieu familial, avec les voisins, de vivre en
français, mais j'ai eu aussi la chance de côtoyer des anglophones
et, aujourd'hui, si j'ai réussi en affaires, ce n'est pas à cause
de l'anglais que j'ai appris à l'école, à
l'université, c'est à cause de l'anglais que j'ai appris avec mes
copains à ville Saint-Laurent. Alors, quand j'ai choisi de
déménager à Rosemère, je savais que je pouvais
offrir à mes enfants cette même chance-là, la chance
d'apprendre une autre langue, tout en respectant notre langue maternelle, pour
nous donner la chance d'être compétitifs, pour nous donner la
chance de faire face aux marchés mondiaux. Alors, c'est cette
chance-là que j'ai voulu offrir à mes enfants, et beaucoup de
citoyens ont choisi de- vivre à Rosemère à cause de cette
possibilité-là, à cause de l'harmonie qui règne
entre les citoyens.
Il n'y a pas de problèmes linguistiques à Rosemère.
Le problème a été soulevé à
l'extérieur de Rosemère, et amplifié à
l'extérieur de Rosemère. Dans le quotidien, tout fonctionne
très bien. Mis à part les journaux qui sont publiés
à Rosemère, on aurait l'impression que la situation dont il est
question aujourd'hui n'existe pas à Rosemère.
Mme Bleau: Merci, M. le maire. Je vais donner la chance...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull.
M. LeSage: Merci, M. le Président.
Alors, je veux également vous souhaiter la bienvenue, M. le
maire, ainsi qu'à votre directeur général. Étant
issu du monde municipal, je regarde votre mémoire et je veux vous
féliciter. Je trouve que c'est un mémoire qui est clair, qui est
net, qui est limpide; il reflète surtout la tolérance. On sent
ça lorsqu'on lit ce mémoire, c'est la tolérance qui
ressort immédiatement, ce qui me porte à dire que des gens qui
s'objecteraient à
votre mémoire, M. le maire, prôneraient probablement
l'intolérance.
Ce que je veux vous demander comme question: M. le maire, je sais que
vous êtes, comme on dit dans le langage du monde municipal, dans le champ
tout le temps. Vous et vos conseillers municipaux, vous êtes près
de vos citoyens. Il est reconnu que le monde municipal, les conseils
municipaux, ce sont les gens, les élus, qui sont les plus près de
leurs citoyens. Est-ce que vous voyez une objection, par exemple, est-ce qu'il
y a quelque chose qui vous chicote l'esprit, est-ce qu'il y a un conseil
municipal, est-ce qu'il y aurait des conseillers municipaux ou des endroits,
des municipalités, des paroisses où ce ne serait pas bien vu,
où il y aurait des objections s'ils devraient tenir un
référendum, par exemple, comme vous l'avez fait, pour donner
votre avis ou l'avis de vos électeurs au ministère sur un statut
bilingue? Y a-t-il des objections dans votre tête, quelque part, à
ce que ça existe?
M. Deschênes: Écoutez, nous, c'est évident
que le message était clair. Lorsqu'on regarde les critères de
l'OLF, les résultats de jtout sondage ou de toute étude
particulière, pour nous, c'était une invitation, sans compter les
commentaires du juge Reeves, qui disait que les citoyens n'avaient pas
été suffisamment consultés, eux, les premiers
intéressés. Alors, évidemment, dans une situation comme
celle-là, on ne pouvait pas passer à côté de
l'occasion.
Et comment le conseil municipal, vous qui avez été
impliqué dans une municipalité, peut parler au nom des citoyens
sans sonder le pouls des citoyens sur une question aussi délicate? Parce
qu'il faut le reconnaître, la question de la langue, malgré
qu'elle ne cause pas de problèmes à Rosemère, est une
question délicate. Donc, c'était important pour nous. En tant
qu'élus, en tant que maire, on voulait savoir l'opinion, s'assurer que
les citoyens partageaient vraiment notre point de vue. Ça a
été confirmé par plusieurs campagnes électorales,
alors que l'équipe que je représente a été
élue. On mentionnait que nous étions favorables au maintien du
bilinguisme; cette situation-là existe depuis les années
soixante-dix, alors que les équipes ont toujours été
élues, celles qui prônaient le bilinguisme, et facilement.
C'était important, étant donné que la question
était très pertinente, malgré l'opinion émise par
les représentants de l'OLF, M. Racine, qui est venu faire de
l'ingérence à Rosemère. Je n'ai pas peur de le dire, il
est venu dire aux gens: Ne votez pas, ne participez pas au
référendum de Rosemère. Et, quelques jours avant le
référendum, il a dit dans un article publié dans Le
Devoir: Très peu de gens vont participer à ce
référendum. Moi, j'ai l'impression qu'il essayait justement
d'influencer les gens à ne pas participer pour pouvoir dire ce qu'il a
dit par la suite, que 39 %, ce n'était pas suffisant.
Alors, je pense que, effectivement, c'était important pour nous
de faire un référendum. Nous l'avons fait. Et je dirais,
j'emprunterais une expression que M.
Parizeau a déjà utilisée: Les gens avaient
l'occasion, par le référendum, de prendre le train; ceux qui ont
pris le train ont pris le train, ceux qui ont participé au
référendum, et maintenant le train est passé, il est trop
tard. L'opinion des gens a été exprimée par ce
référendum: 79 % de nos citoyens ont dit qu'ils étaient
favorables au maintien du statut bilingue.
M. LeSage: Alors, si je comprends bien, M. le maire, vous y voyez
un bien-fondé pour toutes les municipalités, les paroisses du
Québec, pour qu'elles aient au moins la même chance que vous avez
eue, pour tenir un référendum et faire valoir leur point de
vue.
M. Deschênes: Ce que j'aime du projet de loi, c'est que le
projet de loi dit: Le conseil municipal qui représente les citoyens va
faire la demande à l'Office de la langue française, qui va
étudier le dossier et qui va le soumettre au gouvernement qui, lui, en
bout de ligne, va décider. Et je trouve que c'est bien. Le premier
contact avec les citoyens, c'est l'élu municipal. Si l'élu
municipal décide de consulter sa population, libre à lui de le
faire. S'il pense que sa population est favorable, malgré un
référendum, ou sans faire de référendum, c'est
là où le gouvernement va intervenir et peut-être que le
gouvernement va demander un référendum sur la question. Je pense
que c'est important, sur une question aussi pertinente que celle-là,
d'avoir le pouls de la population.
M. LeSage: Merci, M. le maire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le maire, M. le directeur général, il me fait plaisir
de vous souhaiter la bienvenue à cette commission au nom de l'Opposition
officielle. Tout comme le ministre, j'estime que votre présence
s'imposait. Le ministre y ajoute: En raison de votre position claire et
franche. Je pense également, cependant, que dans toute démocratie
il est important, lorsqu'on veut vraiment informer la population, d'entendre
les deux versions. Le gouvernement, le ministre a refusé; il a
refusé de façon discourtoise, je dirais, à l'occasion
d'une question en Chambre, d'entendre le Regroupement de la révision du
statut linguistique de Rosemère. Lorsqu'on n'a pas peur d'entendre la
vérité, je pense qu'on a toujours intérêt à
entendre les organismes qui le demandent. (11 h 40)
Évidemment, comme vous êtes là, j'aimerais qu'on
essaie de mieux cerner la situation en ce qui a trait au statut d'exception
accordé en vertu de 113f. D'abord, il faut rappeler que le statut 113f
est particulièrement utile en deux secteurs, je pense:
l'éducation, la santé et les services sociaux. Parce que,
là, vous avez vraiment besoin de desservir... L'un a besoin d'offrir
des services en anglais, les commissions scolaires, et l'autre a besoin
d'offrir des services en anglais à une clientèle qui
éprouve des difficultés particulières en santé ou
en service social. Évidemment, il s'est joint à ça
l'idée de 113f aux municipalités, selon les règles qu'on
connaît.
Moi, j'aimerais savoir de vous ce qu'une ville peut offrir comme
services en anglais sans avoir le statut de 113f?
M. Deschênes: Oui. C'est une bonne question. Qu'est-ce
qu'on peut offrir? M. Robitaille, peut-être, est en mesure de... On va le
présenter à l'inverse. Ce que la loi nous permet de faire avec
l'article 113f, je l'ai décrit dans le mémoire.
Excusez-moi...
Alors, nous avons le droit d'avoir une dénomination bilingue. La
ville de Rosemère pourrait s'appeler «ville de
Rosemère» et «Town of Rosemère», et on ne le
fait pas. O.K.? Nous, nous nous appelons strictement «ville de
Rosemère», mais on pourrait s'appeler «Town of
Rosemère».
D'afficher sur les bâtiments. Ça, on n'aurait pas le droit
de le faire sur les bâtiments publics. Notamment, à l'hôtel
de ville, d'avoir «Town Hall», ce ne serait pas permis de le faire,
et sur tous les autres bâtiments: la bibliothèque, le centre
communautaire, le poste de police, le service des incendies, sur les
véhicules publics également.
D'utiliser les deux langues dans les communications internes,
c'est-à-dire entre employés, ce qu'on ne fait pas aussi. Donc,
nous, ce qu'on peut faire avec la loi, ce dont on se sert dans l'article 113f,
c'est d'afficher dans les deux langues sur les bâtiments publics.
Mme Blackburn: Ça veut dire que si, demain, la ville de
Rosemère avait perdu son statut, elle pourrait offrir à la
population tous les services qu'elle offre actuellement. Simplement, c'est
l'affichage sur vos édifices publics. Est-ce que c'est ça qu'on
comprend?
M. Deschênes: Sur demande d'un citoyen, nous pourrions
répondre à ce citoyen, mais on ne pourrait afficher dans les deux
langues. Il faudrait que le citoyen en fasse la demande.
M. Robitaille a une intervention à faire.
M. Robitaille (Guy): Peut-être ajouter un exemple
très pratique: le compte de taxes. Il faudrait que les comptes de taxes
soient envoyés en français seulement et, sur demande d'un
anglophone qui ne comprend pas son compte de taxes, là, on pourrait lui
répondre en anglais.
Mme Blackburn: Tandis que...
M. Robitaille: Tandis que présentement on utilise la
méthode qui est peut-être plus simple, on envoie un compte de
taxes bilingue. Comme ça, tout le monde a toute l'information sans avoir
à revenir à l'hôtel de ville et demander des explications
en anglais. Et un compte de taxes, c'est quand même un outil important
dans une municipalité.
Mme Blackburn: Oui, mais est-ce qu'il n'est pas exact que pour le
compte de taxes certaines municipalités, à la demande du
contribuable, indiquent dans quelle langue il veut avoir son compte de taxes?
C'est presque un automatisme. Je pense à la ville de Montréal ou,
finalement, on offre des services en anglais, mais la ville de Montréal
ou celle de Québec n'a pas de statut de ville bilingue.
Je voudrais que ce soit clair, parce que l'impression qu'a
laissée le référendum et le sens de votre question
référendaire également, c'était l'impression qu'on
ne pourrait plus communiquer ou offrir des services en anglais à la
population de Rosemère. Moi, je voulais juste que cette
question-là soit claire: Pour offrir des services en anglais aux
contribuables anglophones dans une ville, est-ce qu'on a besoin de 113f?
M. Deschênes: Pour certaines communications, oui.
L'affichage...
Mme Blackburn: Pour l'affichage.
M. Deschênes: ...fait partie des communications. Donc,
ça prend absolument l'article 113f.
Mme Blackburn: Alors, pour l'affichage. Si on exclut l'affichage,
tous les autres services répondent dans sa langue. Vous donnez les
explications dans sa langue. Il n'y a rien qui interdit actuellement, dans la
loi 101, de le faire.
M. Deschênes: Pour le compte de taxes, nous ne pourrions le
faire.
Mme Blackburn: Bon.
M. Deschênes: II faudrait la permission ou la demande du
citoyen.
Mme Blackburn: II reste donc la question de l'affichage sur vos
édifices. Pour tout le reste, c'est permis.
M. Deschênes: Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Ce n'est pas
ce qu'on dit.
Mme Blackburn: Bien, c'est-à-dire que...
M. Deschênes: On dit que c'est l'affichage principalement,
mais que si nous n'avions pas l'article 113f, il faudrait la demande du citoyen
pour envoyer un compte de taxes en anglais, dans l'autre langue.
Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites, vous l'envoyez bilingue
à tout le monde.
M. Deschênes: Voilà! C'est beaucoup plus simple pour
nous de préparer un compte de taxes bilingue, et on le fait depuis
toujours, depuis les débuts de la ville de Rosemère.
Mme Blackburn: Dans vos communications internes, vous dites: On
ne s'en sert pas.
M. Deschênes: Non.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il y a des exigences quant à
l'embauche du personnel...
M. Deschênes: C'est-à-dire que...
Mme Blackburn: ...des exigences de bilinguisme?
M. Deschênes: ...lorsqu'on engage un employé ou une
employée qui fait face aux citoyens, qui rencontre les citoyens
réceptionniste, téléphoniste c'est évident,
étant à la recherche de l'excellence, qu'on veut offrir le
meilleur service à nos citoyens, on va tenter d'engager quelqu'un qui
est bilingue, c'est évident; on a 35 % de nos citoyens qui sont
d'expression anglaise. Donc, on va tenter d'avoir quelqu'un de bilingue.
Peut-être que M. le directeur général, en tant que
patron des employés, pourrait ajouter là-dessus.
Mme Blackburn: en fait, vous avez 24 %, mettons 25 %
d'anglophones. les autres, c'est des allopho-nes qui auraient adopté
l'anglais comme langue de communication.
M. Deschênes:c'est 35 %... Mme Blackburn: vous
êtes 10 %...
M. Deschênes: ...disons, d'anglophones allopho-nes
combinés.
Mme Blackburn: Parce que vous rangez automatiquement les
allophones du côté des anglophones dans votre sondage?
M. Deschênes: C'est parce qu'on part de la même
logique que l'Office a utilisée au début, en 1982, lorsque
l'Office a combiné les anglophones aux allophones.
Mme Blackburn: Dans la même réponse, est-ce que M.
Robitaille pourrait nous indiquer le nombre de postes pour lesquels le
bilinguisme est exigé à la municipalité de
Rosemère? Le pourcentage, là, des...
M. Robitaille: Je ne pourrais pas vous sortir un nombre
précis, sauf que, disons, sur les 70 employés permanents à
la ville, je pense qu'il y en a 68 francophones. Donc, évidemment, tout
le monde parle français. Il n'y a pas un seul employé, à
la ville de Rosemè- re, qui ne peut pas discuter complètement en
français. Mais, comme M. le maire le dit, dans des postes cibles comme
celui de réceptionniste dans les différents services,
téléphoniste, on demande que la personne puisse au moins se
débrouiller en anglais.
Mme Blackburn: Une dernière question, je voudrais laisser
la parole à mes collègues qui voulaient intervenir
là-dessus.
Dans le jugement, le juge Reeves dit, à la page 25, «compte
tenu de l'objectif général visé par la loi, il ne saurait
y avoir permanence à un statut d'exception sous conditions
résolutoires», rappelant que le rôle de l'Office,
évidemment, c'était d'assurer la qualité et le rayonnement
de la langue française, et que l'Office devait avoir, avait le devoir
implicite de retirer la reconnaissance.
Vous vous dites d'accord avec le projet de loi 86 en ce qui a trait
à 113f et le statut bilingue de certaines municipalités. Est-ce
que vous pensez que ce statut devrait être conféré à
vie? Sinon, comment est-ce qu'il pourrait être retiré?
M. Deschênes: Bon. Écoutez, j'ai partiellement
répondu, mais je vais ajouter que la loi, comme elle est
présentement, il n'y a pas de mécanisme de retrait, on est
obligé de s'en remettre au jugement Reeves. L'Office de la langue
française prend ce qui l'intéresse dans le jugement Reeves, et
c'est vrai que le juge mentionne que l'Office a le pouvoir et le devoir de le
retirer, etc. Mais le juge dit également: Attention avant de le retirer,
ça cause un préjudice plus grave que de ne pas l'avoir
accordé au début. Vous devez consulter. Le fameux
«veuille» que je mentionnais tout à l'heure. L'opinion des
citoyens est importante.
Donc, je ne dis pas qu'il devrait être là
indéfiniment, puisque le projet de loi 86 permet de retirer ce statut si
le conseil municipal en fait la demande. Et qui représente les citoyens?
C'est le conseil municipal. Si les citoyens ne veulent plus de ce statut, ils
n'ont qu'à élire des représentants qui ne sont plus
favorables au statut et ça va être à ce conseil municipal
de faire la demande au gouvernement qui, lui, en bout de ligne, va prendre la
décision finale. Pour nous, ça nous convient très bien
parce qu'il appartient maintenant aux gens de Rosemère de demander
d'être «déreconnus», si on peut utiliser le terme.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
M. le maire, j'aimerais revenir à votre question qui avait
été posée lors du référendum. Je vous la
lis: Etes-vous favorable à ce que la ville de Rosemère continue
de s'afficher et de communiquer avec ses citoyens dans les deux langues
officielles avec prédominance du français, tel que requis selon
la loi?.
Pourquoi, dans votre question, avez-vous mentionné
«communiquer avec ses citoyens» puisque vous
n'aviez pas besoin du statut de 113f pour avoir le droit de communiquer
avec vos citoyens dans la langue anglaise? En tout cas, je ne sais pas, mais
vous ne pensez pas que certaines personnes ont pensé que leurs droits
à, justement, pouvoir s'adresser à la municipalité dans la
langue anglaise était mis en cause par cette question-là, alors
que ce n'était pas du tout le cas? Je veux dire, 113f... La seule chose,
finalement, qui était en cause, c'était le droit d'afficher. Il
n'y avait rien d'autre en cause. Vous ne pensez pas que ça a pu induire
en erreur certaines personnes, puis que ça a pu créer une
certaine crainte chez des gens de perdre des droits acquis alors que ce
n'était pas du tout le cas? (11 h 50)
M. Deschênes: Non, je ne crois pas, parce que les gens ont
été clairement informés. J'ai envoyé deux lettres
aux citoyens. Il y a eu abondamment d'entrevues, d'émissions de
télévision, d'articles dans les journaux, et le message
était très clair.
Cependant, il faut comprendre une chose. Lorsqu'on parle de communiquer,
l'affichage, c'est une forme de communication. On a expliqué à
Mme Blackburn, tout à l'heure, que le compte de taxes, également,
c'est une forme de communication; ça, il ne faut pas l'oublier.
Il y a aussi un autre aspect qu'on n'a pas touché, c'est qu'en
étant reconnue ville bilingue, il nous est permis d'engager des
employés bilingues. Et ces employés bilingues, qui font face aux
citoyens à la réception ou au téléphone,
communiquent également avec les gens. Alors, c'est dans ce sens large
que nous avons mentionné «afficher et communiquer».
M. Bélanger (Anjou): Vous me dites finalement que si vous
n'aviez pas eu le statut, en vertu de 113f, vous n'auriez pas eu le droit
d'employer des employés bilingues? J'ai un petit peu de
difficulté à vous suivre, là.
M. Deschênes: C'est-à-dire qu'on n'aurait pas pu
rejeter pardon, c'est ça une candidature non bilingue.
M. Bélanger (Anjou): Maintenant, vous rejetez des
candidatures quand la personne ne parle pas anglais?
M. Deschênes: Non, pas nécessairement. Ce qu'on dit,
c'est dans les postes clés, où il y a un contact avec les
citoyens, on demande à ces gens-là d'être bilingues. On est
à la recherche de l'excellence, on veut offrir les meilleurs services
à nos citoyens. De refuser de parler la langue de ses citoyens, vous
savez, ce serait de...
M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Mais je comprends bien,
finalement, que tout poste où il y a contact avec le public, l'anglais
est exigé; être bilingue est une condition essentielle d'emploi
quand le candidat recherché a un poste qui a affaire avec le public.
M. Deschênes: Pour ce qui est des postes clés,
où on est en contact...
M. Bélanger (Anjou): Qu'est-ce que vous entendez par
«postes clés»?
M. Deschênes: La réception, la
téléphoniste. Effectivement, monsieur, il y a 35 % de nos
citoyens... M. Robitaille veut ajouter quelque chose.
M. Robitaille: Je vais juste donner un exemple. Par exemple, un
poste important dans la municipalité, c'est le greffier de la ville. Le
greffier de la ville doit poser certains gestes comme les enregistrements de
naissance et tout. Si un anglophone vient pour enregistrer son enfant, qu'il ne
parle pas français et que la greffière ne peut pas dire un mot
d'anglais, ça va se dérouler assez mal. C'est dans ce
sens-là.
M. Deschênes: Mais, ici, je ne veux pas laisser
l'impression que les employés de Rosemère sont anglophones; au
contraire, les employés de Rosemère sont francophones, et tout se
déroule en français à la ville de Rosemère, comme
je l'ai expliqué.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
M. le maire, je vous écoutais présenter l'historique de la
ville de Rosemère avec beaucoup d'intérêt. Je suis
moi-même native de Sainte-Thérèse-de-Blainville et j'ai
vécu jusqu'en 1967 donc, un peu après l'arrivée de
Mme la députée de Groulx dans la ville. Je connais
Rosemère pour l'avoir fait à pied, en bicycle, petite fille. Et,
en vous écoutant... Je m'autoriserai d'ailleurs, de l'échange que
vous aviez avec Mme la députée de Groulx où vous relatiez
vous-même vos souvenirs de jeunesse à ville Saint-Laurent,
à me rappeler un souvenir qui est assez douloureux pour moi, parce que
c'était la première fois que j'assistais à une
manifestation. Elle avait lieu devant ma maisonj'avais, à
l'époque, huit ans et demi ou neuf ans et il s'agissait d'un
rassemblement de personnes appartenant à la communauté d'origine
portugaise qui, très nombreux, durant les années cinquante,
étaient venus s'installer à
Sainte-Thérèse-de-Blainville. Ils ont constitué d'ailleurs
sur la rue tous les voisins avec qui nous nous entendions très bien.
Ils avaient décidé, à une époque où
il n'y avait aucune protection en cette matière, ils avaient
décidé, je crois, comme communauté, en fait, par un
très, très large consensus, d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise de Rosemère. Et je me rappelle, à
l'époque, que rien n'interdisait, donc, cette présence qui
était accrue des enfants de familles immigrantes dans les écoles
anglophones. Sainte-Thérèse étant une ville francophone,
ne dispensant pas, donc, de cours en langue anglaise, c'est donc à
Rosemère que ces enfants de familles
immigrantes recevaient leur éducation.
Mais là où le lait avait débordé la coupe,
c'est lorsque la demande avait été faite pour payer le
financement du transport scolaire. Et je me rappelle que mon père, qui
était commissaire d'école, citoyen parmi bien d'autres, conscient
de notre fragilité en Amérique du Nord, avait convaincu ses
collègues commissaires d'école de ne pas financer l'anglicisation
en finançant, à partir des taxes des gens de
Sainte-Thérèse, le transport scolaire pour faire angliciser les
voisins, les enfants des voisins, de familles immigrantes d'origine
portugaise.
En vous écoutant, je me disais: Oui, le fait est qu'il y a une
bonne entente, mais est-ce que, pour qu'elle dure, cette bonne entente, il n'y
a pas justement besoin de balises très claires pour que des nouveaux
arrivants qui nous adoptent sachent que chez nous, au Québec, la
société se passe de telle manière que, par respect pour la
majorité, ils doivent s'y intégrer? Et l'idée m'est venue
de vous poser la question puisque vous êtes une équipe qui
prônez le bilinguisme à la ville. Est-ce que vous avez
également une opinion sur cette question du bilinguisme qu'on retrouve
dans le projet de loi 86, en matière scolaire?
M. Deschênes: Alors, écoutez, je vais vous situer un
peu en toile de fond Rosemère. C'est vrai qu'à Rose-mère
il y a des affiches bilingues, notamment, comme je le mentionnais, au niveau de
la municipalité. Tous les édifices publics s'affichent dans les
deux langues, avec la prédominance du français; il y a
également des écoles, écoles qui s'affichent en anglais.
Vous avez aussi des églises qui s'affichent en anglais.
Un petit point intéressant, puisqu'on parle des écoles:
À Rosemère, nous avons beaucoup d'écoles anglaises. Il y a
l'école Elmwood qui, anciennement, était une école
exclusivement anglaise sur la grande côte, et l'école vient de se
franciser aujourd'hui. Elle a même changé son nom, alors qu'elle
reçoit des étudiants francophones, et l'école s'appelle
«Val-des-Ormes», qui est une traduction de Elmwood.
Alors, effectivement, malgré le fait qu'on ait des affiches
bilingues, vous dites qu'on envoie un message aux immigrants que ça se
passe en anglais. Si c'était le cas, la progression et le rayonnement du
fait français ne seraient pas une réalité à
Rosemère, alors que la progression du fait français est une
réalité irréversible, malgré le fait que nous ayons
quelques affiches bilingues, anglaises, ici et là dans la
municipalité.
Je dirais, moi, que ça crée un meilleur climat. Le fait
d'avoir cette vie harmonieuse entre les deux communautés crée un
meilleur climat et, comme je le mentionnais, les anglophones s'adressent de
plus en plus en français à l'administration municipale parce
qu'il y a un climat qui prédispose à ce genre de collaboration.
Ce n'est pas un climat de confrontation; les deux communautés se
respectent mutuellement, s'entendent et vivent dans l'harmonie. C'est ce qui
permet, selon moi, une meilleure et plus facile intégration du monde
anglophone au milieu francophone puisqu'il se fait en douceur, en harmonie,
sans problème.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Je suis dans
l'obligation de reconnaître maintenant le député de
D'Arcy-McGee qui m'a demandé la parole. M. le député.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le maire Deschênes, je vous félicite également
pour un mémoire très éloquent. Ce n'est pas rien que la
ville de Rosemère qui pourrait servir comme exemple d'harmonie, de
tolérance et de respect au Québec. Je pense que votre
comportement personnel dans toute cette affaire a montré beaucoup de
leadership, a été très respecté à travers le
Québec par la majorité des Québécois.
Moi, je veux savoir si vous pouvez, ou êtes prêt à
aller un peu plus loin dans vos pensées en ce qui concerne le seuil de
50 % qui existe, qui crée des exceptions dans l'article 113f. Dans tous
les pays du monde, dès qu'une minorité linguistique historique
affirme sa présence, entre 7 % à 30 % dans une
municipalité, celle-ci devient ipso facto bilingue. Et, au
Québec, comme nous le savons tous, pour qu'une municipalité soit
reconnue comme étant bilingue, il faut que la minorité devienne
majorité. Alors, c'est la langue de la minorité locale, le
français, qui demeure obligatoire, et c'est la langue de la
majorité locale, l'anglais, qui devient facultative. Et je trouve
ça surprenant. (12 heures) est-ce que vous êtes prêt
à reconnaître quelque chose que le ministre est en train
d'examiner, la possibilité de baisser le seuil de 50 % pour permettre
à d'autres municipalités d'avoir un statut bilingue, d'autres
municipalités qui ont une minorité importante. je ne sais pas le
pourcentage qu'on peut choisir, mais est-ce que vous croyez qu'il serait
opportun de baisser ce seuil pour permettre aux municipalités qui ont
une composition d'une communauté minoritaire importante d'avoir aussi un
statut bilingue?
M. Deschênes: Vous allez comprendre que je suis ici en tant
que représentant des citoyens de Rosemère. Le mandat qui m'a
été donné, qui nous a été donné, le
directeur général et moi-même, dans le cadre du
référendum de Rosemère, était spécifique
à l'affichage et aux communications. Alors, évidemment, la
question ne se pose pas, le pourcentage concernant la reconnaissance à
Rosemère, puisqu'on a eu cette reconnaissance. Je me suis plutôt
penché sur la «déreconnaissance».
Mais je peux tout simplement vous dire, vous donner une constatation qui
est peut-être le reflet aussi d'une opinion, constatation que le fait
d'avoir «Town Hall» sur le bâtiment de l'hôtel de
ville, d'avoir quelques mots anglais sur différents bâtiments
publics n'empêche pas à prédominance, le rayonnement, et je
dirais la progression du fait français. Je pense qu'on a une chance,
ici, au Québec. L'exemple de Rosemère peut servir le
Québec au complet. Il pourrait même servir le
Canada au complet. Nous avons la chance, il me semble là, de
tendre la main à la communauté anglophone, de travailler ensemble
à construire une province, à construire un pays, et si on le fait
ensemble, en collaboration avec les deux communautés, notamment avec la
communauté anglaise, nous allons être très forts, alors que
si nous le faisons dans la confrontation, nous allons être très
faibles.
M. Libman: Je sais...
M. Deschênes: Alors, nous avons un privilège, une
chance d'avoir la richesse de ces deux communautés, profitons-en.
M. Libman: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le
maire Deschênes. Je parle strictement sur la question... Vous parlez d'un
mécanisme de retrait, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir un
mécanisme d'ajout, par exemple, pour une municipalité qui veut
avoir un statut bilingue, qui n'a pas une minorité qui représente
50 % ou plus de la population locale mais qui voudrait avoir, même pour
des raisons symboliques, qui voudrait avoir un statut bilingue accordé
par le gouvernement, même si ce pourcentage est beaucoup moins que 50
%?
M. Deschênes: Je suis obligé de vous
répéter que mon mandat est d'être ici en tant que
représentant des citoyens de Rosemère, que la reconnaissance, ce
n'est pas une question chez nous, à Rosemère. Mais je vous donne
la constatation que le fait d'avoir quelques affiches bilingues dans la
municipalité de Rosemère n'a pas empêché la
progression, le rayonnement du fait français. Donc, si vous me dites
«est-ce que ça peut être préjudiciable au fait
français d'avoir d'autres villes bilingues», je suis obligé
de vous dire non.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le
ministre, vous disposez maintenant de deux minutes pour terminer.
M. Ryan: Je voudrais remercier le maire de Rosemère des
clarifications qu'il a apportées aujourd'hui. Je pense bien que le cas
de Rosemère nous démontre de manière évidente que,
par-delà les lois, la vie est encore beaucoup plus importante.
L'évolution linguistique et culturelle du Québec est
conditionnée beaucoup plus par la démographie que par n'importe
quelle loi que pourrait imaginer le législateur.
On prend des villes comme Sherbrooke, Rosemère, Lachute,
Montréal, ce sont toutes des villes qui ont été
majoritairement anglophones à d'autres époques de notre histoire,
mais qui ont été peuplées, avec le temps, de
majorités francophones qui s'imposent beaucoup plus par le fait qu'elles
sont là que par d'autres mécanismes. On a des mécanismes
législatifs qui viennent soutenir, mais le but de la loi n'est pas
d'enlever les mécanismes législatifs mais de les assouplir pour
tenir compte davantage de la réalité. Et je pense que les
événements qui se sont produits à Rosemère, qui
étaient évidemment de nature hautement politique, indiquent
clairement pourquoi il faut que la décision concernant le retrait
éventuel d'une reconnaissance, une fois accordée, soit
également une décision qui soit laissée à
l'autorité politique.
Quand vous voyez des fonctionnaires qui vont dire, là: Votre
référendum, c'est mieux que les gens n'y aillent pas. Ça
n'a pas de pertinence, ce n'est pas leur rôle de dire ça, c'est
évident. Et, à un moment donné, il faut, au bout de la
ligne, que la décision soit prise par l'autorité politique, et
là elle le sera aux deux bouts de la filière.
Tout d'abord, au départ, ce sont les élus légitimes
de la population qui pourront prendre l'initiative de soumettre une demande au
gouvernement. Et, deuxièmement, comme il pourra arriver que certaines
initiatives soient sujettes à vérification, le gouvernement,
après avoir consulté l'Office, se réservera la
décision.
Je pense que, de ce point de vue là, nous aurons une situation
infiniment plus préférable, et cette solution répond,
entre parenthèses, à la plupart des commentaires qui avaient
été émis par les éditorialistes à
l'époque, y compris la directrice du Devoir qui avait, cette
fois-là, émis un commentaire assez judicieux où elle
disait: Une clause grand-père pourrait mettre ces municipalités
à l'abri de la révocation sans que l'équilibre même
de la loi soit menacé, ou encore, on pourrait exiger que la demande de
révocation vienne de la municipalité elle-même, comme on le
fait pour les écoles qui pourraient désirer la révocation
de leur statut confessionnel, et l'Office serait débarrassé, de
ce fait, du rôle de harce-leur qu'il ne désire pas. Voilà
ce que le projet de loi entend accomplir.
Mme Blackburn: On va demander au ministre qu'il s'inspire des
mêmes éditoriaux sur les autres questions. Ha, ha, ha!
M. Ryan: Et je suis convaincu que si un sondage était fait
sur ce point précis, il donnerait les mêmes résultats que
ceux dont on a entendu parler en fin de semaine.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Il me reste, au nom des membres de la commission, à remercier le
maire, M. le maire Deschênes, ainsi que M. le directeur
général, de bien avoir voulu se rendre à l'invitation de
la commission.
Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 15 h 30,
auquel moment nous entendrons le maire de la ville de Montréal qui sera
suivi, une heure après, à 16 h 30, par le maire de la ville de
Québec, M. Jean-Paul L'Allier.
Alors, suspension jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 6)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux et continue ses
consultations particulières sur le projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte de la langue française.
Nous sommes rendus à recevoir les représentations de la
ville de Montréal, qui sera représentée par son maire, M.
Jean Doré. Je vois que M. Doré vient d'arriver. Je lui souhaite
la bienvenue et je l'invite à bien vouloir prendre place à la
table de nos invités.
Donc, vous êtes le bienvenu, M. Doré, ainsi que la personne
qui vous accompagne, que vous voudrez bien nous présenter. Je vous
indique, M. Doré, que, comme c'est l'habitude, vous disposerez d'une
vingtaine de minutes pour nous faire part de votre point de vue en ce qui
concerne la loi 86; ensuite, la conversation, les discussions vont s'engager
avec les parlementaires, 20 minutes étant consacrées au parti
ministériel, et un autre 20 minutes à l'Opposition.
Donc, M. Doré, si vous voulez bien commencer, vous avez la
parole.
Ville de Montréal
M. Doré (Jean): M. le Président, d'abord,
peut-être, pour présenter la personne qui m'accompagne:
Jean-Robert Choquet, directeur du cabinet du maire et du comité
exécutif à la ville de Montréal.
D'entrée de jeu, peut-être, pour dire que je vais
peut-être faire une présentation d'une dizaine de minutes; donc,
on va pouvoir respecter le temps qui est imparti. Je devrais normalement
pouvoir vous quitter autour de 16 h 30 pour reprendre un avion à 17
heures.
D'abord, M. le Président, je voudrais remercier
l'Assemblée nationale et les responsables de la présente
commission, ainsi que le ministre, M. Claude Ryan, pour avoir convié la
ville de Montréal à exposer ses vues sur le projet de loi 86
ayant pour but de modifier la Charte de la langue française. (15 h
40)
Le projet de loi 86 touche de nombreuses dispositions de la Charte.
Aussi, je me limiterai aux considérations qui sont d'un
intérêt immédiat pour mon administration, soit
principalement les dispositions qui ont trait à l'affichage commercial,
et certaines dispositions qui touchent à la langue d'affichage des
organismes publics.
C'est un lieu commun, la composition démolinguistique de
Montréal et de sa région tranche significati-vement avec celle du
reste du Québec. Avec un peu plus de 1 000 000 d'habitants en 1991,
Montréal est la seule métropole francophone d'Amérique du
Nord, et c'est un héritage auquel l'ensemble des citoyens et citoyennes
de notre ville sont profondément attachés. Mais Montréal
est également une société cosmopolite où se
côtoient 642 000 francophones, 135 000 anglophones et 242 000 allophones
issus de plus de 80 communautés culturelles différentes. Les
premières communautés francophones et anglophones établies
à Montréal, ainsi que les communautés d'origines diverses
qui ont immigré au courant des 150 dernières années, ont
trouvé des manières de cohabiter qui leur sont propres. Ainsi, le
paysage urbain de Montréal reflète-t-il, dans sa
complexité, les mouvements de population et les modèles
d'établissement que ces dernières ont adopté pour
façonner les différents quartiers de la ville. Notre point de vue
sur la question linguistique reflète donc nécessairement cette
complexité. Il y a, en quelque sorte, un débat linguistique
proprement montréalais.
En effet, si la Charte de la langue française s'applique à
l'ensemble du territoire québécois, c'est sans aucun doute sur
l'île de Montréal et à l'intérieur des limites de
notre ville que la question des rapports entre les communautés
francophones et anglophones se pose avec le plus d'intensité, et
j'ajouterais de complexité.
En fait, au Canada, c'est à Montréal que les effets
superposés des politiques linguistiques des États canadien et
québécois produisent le plus d'ambivalence et de contradictions.
Ces politiques linguistiques coexistent, chacune dans leurs sphères de
compétences législatives, dans un état d'équilibre
précaire influencé par un ensemble de facteurs politiques,
sociologiques et juridiques. À Montréal, qu'on le veuille ou non,
ces querelles politico-juridiques ont conditionné le quotidien des
rapports entre les communautés francophones et anglophones. La situation
est d'autant plus délicate et complexe que c'est la seule ville
cosmopolite au Canada où les questions de l'immigration internationale
et de l'intégration des immigrants à la société
d'accueil se posent inéluctablement en fonction de la question
linguistique. Avec une population composée de 24 % d'allophones,
l'immigration est devenue un jeu central de la situation linguistique si
particulière à la société
québécoise.
Nous avons tenu compte de cette complexité et des enjeux en cause
lorsqu'il y a 10 ans la formation politique à laquelle j'appartiens
recommandait au gouvernement du Parti québécois de mettre fin
à l'interdiction totale de l'usage de l'anglais et d'autres langues dans
l'affichage commercial et plutôt d'autoriser cet usage pour les petits
commerces, tels que définis par la Charte, et pour certains commerces
spécialisés.
En 1988, à l'occasion du débat sur le projet de loi 178,
nous faisions une recommandation similaire au gouvernement du Parti
libéral. Les deux gouvernements successifs ont plutôt
décidé de maintenir l'interdiction totale de l'usage de l'anglais
dans l'affichage commercial extérieur. Les deux conséquences
principales de cette décision ont été, d'une part,
d'alimenter une contestation juridique qui s'est rendue jusqu'à l'ONU
et, d'autre part, de causer entre-temps à l'étranger un tort
considérable et injustifié au Québec en
général, et à Montréal en particulier.
C'est en pensant aux petits commerçants non francophones,
à leur sentiment d'aliénation et à l'importance de la
diversité culturelle pour la qualité de vie dans les quartiers
que nous avons fait notre proposition.
Je me permets d'ajouter que je ne me sens pas aussi troublé par
le sentiment d'aliénation des grandes corporations.
En somme, la position que nous avons mise de l'avant en était une
d'équilibre, tenant compte à la fois de la protection du
français et de la nécessité de mieux refléter le
pluralisme linguistique de la population montréalaise. De plus, cette
mesure serait loin d'avoir un effet marginal, car, sur le territoire de la
ville de Montréal, plus de 62 % des commerces seraient concernés.
Même si elle ne caractérise pas les entreprises de la même
manière, c'est une position assez semblable qui est
présentée par le Conseil de la langue française. Ce qui
est sous-jacent à ce genre d'orientation, c'est qu'une politique
d'affichage doit être équilibrée, viser le consensus le
plus large possible au lieu d'être menée par virages subits et
successifs, passant de l'interdiction totale à l'ouverture totale pour
risquer, éventuellement, de retomber dans l'interdiction.
En ce qui concerne la signalisation routière, nous
privilégions, bien sûr, dans la mesure du possible, la forme
pictographique pour permettre à toute personne, au-delà des
barrières linguistiques et culturelles, de circuler en toute
sécurité. Lorsqu'il n'existe pas de pictogramme approprié,
il apparaît tout à fait normal de pouvoir utiliser l'anglais en
plus du français en matière de santé et de
sécurité.
Par ailleurs, il est important de poser des gestes concrets pour
améliorer l'information pour nos visiteurs. Montréal souhaite
plus de latitude, par exemple, pour être en mesure d'utiliser l'anglais
et même l'espagnol dans ses équipements
récréotouristiques fréquentés par de nombreux
touristes.
Cette souplesse devrait également s'appliquer à d'autres
aspects de la vie municipale. Par exemple, nous présentons,
actuellement, une exposition à la Maison de la culture de
Notre-Dame-de-Grâce qui porte sur l'histoire de la communauté
anglophone à Montréal. L'information ne peut pourtant être
disponible qu'en français. Le moins que je puisse dire, c'est que ce
genre de situation ne contribue pas à faire avancer la cause du
français chez mes concitoyens anglophones.
Telle est, donc, M. le Président, grosso modo, la contribution
présentée par Montréal à la réflexion
menée par la commission parlementaire sur le contenu du projet de loi
86. Pour ma part, je continuerai, parce que je considère que c'est mon
rôle de le faire, de travailler au rapprochement de l'ensemble de mes
concitoyens et de travailler surtout au développement d'attitudes
positives et convergentes. Ce travail de rapprochement tient à
l'intérieur des balises suivantes:
Premièrement, que les anglophones et leurs leaders reconnaissent
le droit des francophones de prendre les moyens législatifs pour faire
respecter la primauté du français au Québec, et
particulièrement à Montréal; autrement dit, qu'ils
reconnaissent la légitimité de la Charte de la langue
française.
Deuxièmement, que les francophones et leurs leaders reconnaissent
les droits historiques ainsi que le rôle important des anglophones dans
le développement du Québec, et singulièrement de
Montréal, pour le présent et pour l'avenir.
Et troisièmement, que tous reconnaissent que la situation unique
de Montréal, métropole du Québec, où les
francophones ont pris leur place tout en coexistant harmonieusement avec une
communauté anglophone dynamique, alliée au fait qu'une partie
substantielle de ses concitoyens, dis-je, maîtrisent non seulement deux
grandes langues internationales, mais souvent même trois ou quatre, que
cette situation unique, donc, constitue un avantage extraordinaire dans le
monde où nous allons vivre, et j'ajoute: devrait même être
un objet de fierté.
Alors, voilà, M. le Président, pour l'essentiel, la
contribution que je voulais, au nom de la ville de Montréal, apporter
à l'éclairage de la commission dans le débat qui se
poursuit au sujet des amendements apportés à la Charte par la loi
86, et, comme vous l'avez souligné dès le départ, plus
particulièrement en ce qui concerne les dispositions qui touchent
l'affichage commercial. Je suis disposé, bien sûr, à
répondre à toutes les questions que les membres de la commission
voudront bien m'adresser.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le
ministre.
M. Ryan: Alors, il me fait plaisir d'accueillir le maire de
Montréal et son directeur de cabinet, au nom de la représentation
ministérielle au sein de cette commission.
Je m'aperçois que le message que vous nous apportez est
pratiquement le même que celui que vous avez donné l'autre jour au
Canadian Club en ce qui touche la question linguistique; Je pense qu'on sent
dans votre intervention une compréhension de la réalité
montréalaise qui fait souvent défaut quand on en discute à
Québec, et je l'apprécie.
Il y a un certain nombre de points de votre mémoire qui sont
assez proches du contenu du projet de loi. Quand vous parlez, par exemple, de
la signalisation routière, je pense que vos observations trouvent
réponse dans l'article 4 du projet de loi, n'est-ce pas?
M. Doré: Tout à fait, M. le Président.
M. Ryan: Merci. Je voulais qu'il y ait un signe pour le compte
rendu. Ha, ha, ha!
M. Doré: Oui, oui. Ha, ha, ha!
(15 h 50)
M. Ryan: Deuxièmement, quand vous dites que
Montréal souhaite obtenir plus de latitude pour être en mesure
d'utiliser l'anglais et même l'espagnol dans ses équipements
récréotouristiques fréquentés par de nombreux
touristes, de même que dans des initiatives à caractère
culturel, comme cette exposition qui se tient présentement à
Notre-Dame-de-Grâce sur la communauté anglophone à
Montréal, je crois que ces
préoccupations trouvent leur réponse dans le même
article du projet de loi, l'article 4, deuxième alinéa, lorsqu'on
dit: «Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par
règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où
l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans
l'affichage.»
Je ne sais pas si vous trouvez dans cet article... Évidemment,
sujet à ce que le contenu d'un éventuel règlement soit
connu, je vous le concéderai sans difficulté.- Je pense qu'au
niveau du texte législatif nous avons, dans ceci, des
éléments qui permettraient de répondre aux
inquiétudes de la ville de Montréal de manière positive.
En tout cas, nous y avons pensé. Je ne sais pas si...
M. Doré: Écoutez, M. le ministre, mon commentaire
serait que si telle est, en lisant l'article 4, la portée
qu'éventuellement le gouvernement serait appelé à donner
à la disposition qui dit que par règlement on peut fixer les
conditions et circonstances où l'administration peut utiliser le
français et une autre langue, et qu'on retrouvait là, dans
l'intention du gouvernement, un éventuel règlement qui pourrait
permettre d'assouplir ou de corriger la situation actuelle, je pense que
ça pourrait répondre... Évidemment, je n'ai pas... Vous
admettrez avec moi que, comme on n'a pas vu les projets de règlements,
je ne pouvais pas savoir que telle était votre intention, mais je prends
bonne note que ça pourrait nous permettre de régler un
problème.
Je vais vous donner un exemple. Je souligne qu'on vient d'installer, sur
le domaine public à Montréal, divers panneaux de signalisation
dans la ville qui sont accompagnés d'affiches commerciales. Sur ces
panneaux, notamment dans les quartiers touristiques, on pourrait estimer qu'il
serait peut-être souhaitable que dans certains cas, outre le
français, nous puissions utiliser d'autres langues; actuellement, ce
n'est pas possible. Si vous me dites qu'éventuellement ces
modalités pourraient être balisées dans un éventuel
règlement, je pense que ça pourrait répondre à des
préoccupations qui sont les nôtres.
M. Ryan: Oui. Nous avons pensé, en particulier, au cas
d'une institution comme le Jardin botanique, un bon exemple, ça,
d'endroit où un certain usage d'une ou de quelques autres langues serait
tout à fait indiqué, étant donné la mission de
l'institution, le genre de public qui s'y présente, etc. Ça
va?
M. Doré: Ça va, M. le ministre.
M. Ryan: Un petit peu plus avant, vous dites dans votre
mémoire que la législation actuelle, autant la première
version que la version retouchée par la loi 178, ont causé
à l'étranger un tort considérable et injustifié au
Québec, et à Montréal en particulier. Pourriez-vous donner
quelques explications de cette affirmation, M. le maire?
M. Doré: Ce à quoi nous faisons
référence, M. le ministre, c'est, bien sûr,
particulièrement aux dispositions aussi bien de la loi 101, à
l'époque, que de la loi 178 qui comportaient l'interdiction de l'usage
de l'anglais ou d'une autre langue dans l'affichage commercial qui ont pu
être interprétées... On sait que, au fur et à mesure
où le message se répète, il peut se déformer en
cours de route et donner l'impression d'une société qui, par
l'interdiction pure et simple, pouvait être marquée au coin d'une
certaine forme d'intolérance.
J'ai eu l'occasion, à diverses reprises dans des tournées
de promotion, notamment en Amérique du Nord, que ce soit sur New York ou
ailleurs, de devoir répondre et corriger des perceptions souvent
erronées ou déformées de la réalité sans
pour autant nier le fait que les dispositions linguistiques comportaient une
interdiction que nous aurions souhaitée être balisée, et
c'est le sens de ce que nous présentions historiquement depuis 10 ans.
Intuitivement, nous avons toujours estimé que l'interdiction totale,
pour des individus, de l'usage de l'anglais ou d'une autre langue dans
l'affichage pouvait comporter, pour eux, un sentiment d'aliénation; mais
il y a, à mon point de vue, indéniablement amplification de cette
situation, vue de l'étranger, et particulièrement de
l'Amérique, qui a comporté, pour le Québec en
général et pour Montréal en particulier, le fait qu'elle
pouvait constituer une terre inhospitalière pour des fins de
développement économique, du fait qu'on la percevait comme
étant intolérante et excluant toute forme d'usage de l'anglais.
C'est le sens de la démarche, enfin, de l'affirmation qui est contenue
dans le texte de présentation.
M. Ryan: Justement, certaines dispositions de la Charte ont
donné lieu à des jugements sévères de la part des
tribunaux à tous les échelons de responsabilité: la Cour
supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême. Plus
récemment, une autre instance a été appelée
à se prononcer, le Comité des droits de l'homme de l'Organisation
des Nations unies. Est-ce que vous trouvez que la solution que vous mettez de
l'avant, autoriser l'affichage pour les petits commerces de quatre
employés et moins, est-ce que vous ne pensez pas que ce serait de nature
à faire renaître les mêmes difficultés juridiques que
nous avons connues au cours des dernières années, à moins
que le gouvernement ne décide de recourir de nouveau à la clause
«nonobstant»?
Vous savez que, dans son rapport, le Comité des droits de l'homme
des Nations unies a considéré que des dérogations à
des droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression ne devraient
être permises que dans des situations fort différentes de celles
où nous sommes. En somme, est-ce que vous ne pensez pas que la solution
assez restreinte que vous proposez ne fera pas renaître les mêmes
difficultés que nous avons vécues depuis quelques
années?
Le Président (M. Doyon): M. le maire.
M. Doré: Merci, M. le Président.
Écoutez, M. le ministre, je vais d'abord donner l'esprit dans
lequel nous apportons notre contribution, et dans lequel nous avons mis de
l'avant ces recommandations, comme je l'ai évoqué à divers
moments au cours des 10 dernières années.
L'esprit qui sous-tend cette recommandation est de
réconnaître que, pour des personnes... Nous avons utilisé,
dans la recommandation que nous faisions en 1983 à une commission
parlementaire qui se tenait ici, à l'Assemblée nationale, ce que
la loi prévoyait; la loi faisait déjà une distinction
entre les petits commerces et les autres. On disait que pour les petits
commerces de quatre employés et moins on pouvait, outre le
français, utiliser l'anglais ou une autre langue à
l'intérieur. Et nous avions dit: Ce qui est permis à
l'intérieur devrait l'être à l'extérieur. Et on l'a
dit dans l'esprit suivant: Généralement, ces commerces ont pour
caractéristique d'être la propriété d'individus, des
petits commerces familiaux, et il est clair dans notre esprit que
l'interdiction totale de l'usage de l'anglais ou d'une autre langue portait
atteinte à leur droit et à leur liberté d'expression,
à telle enseigne que la Charte de la langue française
adoptée en 1977 le prévoyait, prévoyait déjà
qu'on ne pouvait pas l'interdire à l'intérieur des commerces. On
disait: Dans l'affichage, oui, mais à l'intérieur pour les petits
commerces...
Je dirais, intuitivement, que le législateur a prévu qu'il
était normal que, outre le français, un petit commerçant
anglophone ou un petit commerçant d'autre origine puisse utiliser
l'anglais ou une autre langue. Dans le fond, c'est de reconnaître que les
commerces propriété d'individus sont dans une catégorie un
peu différente que les commerces, peut-être, de grandes
entreprises, corporations, capital-actions ou personnes morales.
Nous avons, encore une fois, utilisé... Il ne faut pas rester
accroché au chiffre de quatre employés et moins. Nous le
répétons, parce qu'il était comme tel prévu dans la
loi, comme la Charte de la langue française prévoit d'autres
chiffres: la francisation des entreprises se fait pour les entreprises de 50
employés et plus; ça pourrait être 25, ça pourrait
être 75, on l'a fixé à 50.
En ce sens-là, notre position est assez assimilable à
l'avis qu'a rendu le Conseil de la langue française. Le Conseil, dans le
fond, dit: Ce n'est pas tant le nombre que la propriété
individuelle des commerces, faisant une distinction entre la
propriété individuelle, faisant une réserve en disant:
Dans le cas des individus qui se sont incorporés pour diverses raisons,
y compris fiscales, il faudrait également tenir compte que, maintenant,
les lois permettent à une corporation d'exister avec une seule personne,
mais ils font une distinction entre ça et les personnes morales ou les
grandes corporations.
Il est clair que nous n'avons pas demandé un avis, nous n'avons
pas engagé des sommes du budget municipal pour demander à notre
contentieux de développer un avis élargi sur: Dans quelle mesure
la proposition, la contribution qu'on met de l'avant pourrait passer le test
auquel vous avez fait référence, du jugement de la Cour
suprême. Mais le Conseil de la langue française a
déposé un avis, qui est celui de M. Woehrling. Cette opinion de
M. Woehrling dit essentiellement que, eu égard à une
modification, ce qui est en cause, encore une fois, c'est l'interdiction. Si,
plutôt que de l'interdiction, on avait une approche balisée qui
dirait: Les individus propriétaires c'est ce que dit le Conseil
pourraient utiliser, outre le français, l'anglais ou une autre
langue, l'opinion de M. Woehrling, c'est que, eu égard à
l'évolution et à l'assouplissement qu'a donnés la Cour
suprême depuis le jugement sur la réforme, notamment, sur ce qu'on
appelle le «test de la raisonnabi-lité» est-ce qu'il
est raisonnable que des limitations puissent être apportées dans
une société libre et démocratique? l'opinion de M.
Woehrling est à l'effet qu'une telle proposition, celle qui est mise de
l'avant par le Conseil et qui est assez assimilable à la nôtre
quant à l'esprit, pourrait passer le test. (16 heures)
Vous avez fait référence à la décision du
Comité des Nations unies. En autant que je sache... et là, encore
une fois, on n'a pas fait l'exégèse et l'analyse à fond de
l'ensemble, enfin du pacte, mais la lecture que j'ai pu faire de cette
décision du Comité, en autant que je puisse en juger, ce qui a
été mis en cause, d'abord, c'est une plainte d'une personne, d'un
individu qui a été jugée. On a jugé que
l'interdiction dans l'affichage d'utiliser l'anglais ou une autre langue
était une atteinte au pacte sur les droits civils et politiques,
notamment au deuxième alinéa de l'article 19.
Je vous soumets, encore une fois, en autant que je puisse en juger, que
si c'est plutôt une disposition similaire à celle que l'on met de
l'avant ou assimilable à celle que le Conseil met de l'avant,
c'est-à-dire de reconnaître aux personnes, aux individus qui sont
propriétaires de commerces ou aux corporations qui sont
propriété d'un seul individu, la possibilité d'utiliser,
outre le français, l'anglais ou une autre langue dans l'affichage, je
vous soumets que, vraisemblablement, la décision du Comité des
Nations unies aurait pu être différente. Ce qui a frappé le
comité, c'était l'interdiction pour une personne de ne pas
pouvoir utiliser, outre le français, l'anglais, dans le cas
présent de la décision.
En ce sens-là, je vous soumets, M. le ministre, que, autant sous
l'angle de la décision de la Cour suprême, et
particulièrement des décisions rendues depuis l'arrêt Ford,
qui ont un peu assoupli, nuancé le test très rigoureux qu'ils ont
imposé dans le premier arrêt qui a invalidé des
dispositions de la loi 101 et qui ont amené la loi 178, autant dans
l'examen qu'en a fait le Comité des Nations unies et les raisons sur
lesquelles il s'est appuyé pour considérer que les dispositions
interdisant l'usage de l'anglais dans la loi 178 étaient contraires
à l'esprit et à la lettre du deuxième alinéa de
l'article 19, je vous soumets que ce qu'on met de l'avant, ou à tout le
moins ce qu'on peut assimiler à celles aussi du Conseil de la langue
française, pourrait, effectivement,
passer le test et que, conséquemment, il ne serait pas
nécessaire d'utiliser une exception, qui est le
«nonobstant», pour qu'elles puissent résister à cet
examen.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je vous dirai, tout d'abord, là, M. le maire, que
nous avons examiné soigneusement cette distinction...
M. Doré: Ah, ça, je n'en doute pas.
M. Ryan: ...et que nous en sommes venus à une conclusion
contraire. Je vous rappellerai aussi que le rapport du Comité des droits
de l'homme de l'Organisation des Nations unies a conclu essentiellement que le
discours commercial fait partie de la liberté d'expression. Il n'a pas
établi les distinctions que vous suggérez et, parmi les
requérants qui se présentaient à lui, il y avait un M.
Mclntyre dont l'entreprise, Kelly Funeral Home Inc., est une entreprise
incorporée. Quand on entre dans ce genre de ^distinctions, où
est-ce qu'on va établir les critères? Je pense bien que le
critère de société incorporée ne suffit pas, parce
qu'on éliminerait un paquet d'entreprises avec ça. Où
est-ce qu'on va trouver le critère, exactement, qui serait de nature
à satisfaire aux exigences découlant de l'association qui est
établie par tous les tribunaux saisis de ces dossiers jusqu'à ce
jour et par le Comité des droits de l'homme des Nations unies en
discours commercial des libertés d'expression?
C'est là qu'est le problème, puis, quant à vouloir
le résoudre, il faut qu'on le résolve de manière logique
et cohérente. On ne peut pas arrêter en cours de route parce qu'on
se dit: Passé 5, ça va déplaire, ça va créer
des problèmes et tout. Comme vous le disiez justement, le chiffre qu'on
choisit est arbitraire de toute manière. Nous avons même
examiné le chiffre 50, parce qu'il aurait permis de faire la jonction
avec d'autres passages de la Charte qui sont intéressants, puis on se
disait: Les mêmes risques vont exister à ce moment-là.
Mais je suis sympathique quand même au point de vue que vous avez
exprimé, M. le maire. Je ne voudrais pas m'attarder davantage et laisser
d'autres députés poser des questions pour l'instant. J'aurai
peut-être quelques...
M. Doré: Étant donné... Excusez-moi, M. le
ministre. Je ne voulais pas vous interrompre, mais je...
M. Ryan: J'aurai peut-être quelques remarques
complémentaires.
M. Doré: Oui. Je suis convaincu que le gouvernement peut
être, et je l'ai exprimé spontanément... Je ne doute pas
que le gouvernement puisse disposer d'avis juridiques qui puissent arriver
à des conclusions contraires à celles rendues publiques par le
Conseil de la lan- gue, accompagnant son avis qui est signé par le
juriste de la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, M. Woehrling. D'une certaine façon, je dirais
qu'à la limite la seule réponse véritable à cette
question, ce serait de refaire le test dans une nouvelle disposition.
Cela dit, oui, le discours commercial est jugé faisant partie des
droits, mais, encore une fois, le test était davantage centré sur
un appel d'un individu, dans le cas de l'ONU.
Vous savez, votre question était de dire: Est-ce que vous pensez
qu'on ne serait pas obligé d'utiliser le «nonobstant»? Ma
réponse a été de dire: Je pense, quand j'examine la
tendance de la jurisprudence de la Cour suprême et quand j'examine aussi
les motifs au soutien de l'avis des Nations unies, qu'une disposition qui
reconnaîtrait aux personnes, aux individus, y compris aux individus qui
ont utilisé la fiction juridique de la corporation mais qui sont les
propriétaires de leur entreprise, la possibilité d'utiliser,
outre le français, l'anglais ou une autre langue dans l'affichage
pourrait passer le test, et c'est l'avis de M. Woehrling.
Je dirais, d'une certaine façon: J'imagine que c'est un peu aussi
l'avis des juristes du gouvernement d'estimer... Quand j'examine l'article 17
du projet de loi 86, et particulièrement le deuxième
alinéa de l'article 17... le troisième alinéa, en fait, de
l'article 17 où, après avoir affirmé qu'on peut utiliser,
outre le français, une autre langue pourvu que le français y
apparaisse de façon nettement prédominante, on ajoute «le
gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les
conditions ou les circonstances où l'affichage public et la
publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou
peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans
une autre langue».
Évidemment, ce pouvoir de réglementation vise plusieurs
cas. Parmi ceux-là, j'ai compris en fait, vous me corrigerez si
mon impression était inexacte que, vraisemblablement, pour aviser
par règlement que, dans le cas des panneaux-réclame, par exemple,
des panneaux-réclame en particulier, on puisse maintenir par
règlement l'obligation de n'utiliser dans le discours commercial que le
français. Il s'agirait donc, au principe général de
l'article 17, d'une exception que le règlement prévoirait pour
des considérations qui seraient déterminées par le
gouvernement, notamment peut-être celle de garder un visage
français à travers les différents panneaux-réclame.
Mais puisqu'on n'a pas utilisé le «nonobstant» dans la loi,
j'en conclus vraisemblablement que les juristes ont dû évaluer que
même si, par règlement, on limitait le principe
général, on pourrait vraisemblablement le faire dans une limite
qui passerait le test de raisonnabilité tel qu'il a été
assoupli par la Cour suprême.
Alors, je dirais, a contrario: la proposition qu'on met de l'avant et
qui s'assimile à celle du Conseil pourrait vraisemblablement
également passer le test. Sans ça, j'imagine que si on pensait
qu'on pouvait éventuellement interdire l'usage de l'anglais ou d'une
autre langue et de ne conserver que l'unilinguisme dans les panneaux-
réclame, si ça ne passait pas le test, on serait
obligé de mettre un «nonobstant». Si on ne l'a pas fait,
c'est qu'on estime qu'il peut le faire et, conséquemment, je pense que
le même raisonnement, a contrario, peut s'appliquer par la proposition
qu'on met de l'avant.
Le Président (M. Doyon): Une brève remarque de
conclusion, M. le ministre. Le temps est terminé.
M. Ryan: Là-dessus, encore une fois, je vous
répète que nous avons étudié toutes les formules
possibles. Quand nous avons prévu la possibilité d'un
régime d'exception pour les panneaux-réclame, nous avons
considéré que c'est le plus loin que nous pouvons aller dans
l'état actuel du dossier. Et nous ne voulons pas reprendre tout le
cheminement qui a été fait ces dernières années
parce que là, justement, la saga que certains prétendent vouloir
éviter, on la reprendrait de plus belle et, avec les jugements qui
seraient passés à différents niveaux, on n'en finirait pas
de débattre cette question-là. Il faut qu'on agisse avec le
maximum de sécurité possible, je pense qu'on convient de
ça.
Maintenant, la détermination du niveau de sécurité.
Nous écoutons les opinions qui nous sont données avec respect,
nous les examinons soigneusement, mais il faudra tirer la ligne quelque
part.
J'apprécie énormément l'esprit dans lequel vous
nous faites part de vos observations et vous assure, comme dans les autres
dossiers, de notre collaboration cordiale.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de Chicoutimi, j'indique à
l'Opposition officielle que, comme d'habitude, étant donné que le
député de D'Arcy-McGee m'a demandé la parole, vous
disposez de 15 minutes et, ensuite, les dernières 5 minutes seront
consacrées aux questions du député de D'Arcy-McGee.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui, M. le Président, une question de
directive. Comme M. le maire n'a pas pris toutes ses 20 minutes, est-ce
qu'elles ne sont pas, à ce moment-ci, réparties pour former
l'heure, comme le veut la coutume?
Le Président (M. Doyon): Oui. Le problème que
j'avais, c'était que nous avons commencé avec une dizaine de
minutes de retard et, pour respecter l'horaire, l'idée, c'était
d'avoir les 20 minutes prévues. Si la commission y consent, je n'ai pas
d'objection.
Une voix: II doit quitter.
M. Doré: M. le Président, si vous me permettez,
c'est un peu ma faute, j'ai été retenu à l'entrée
par des journalistes.
Mme Blackburn: C'est la faute des journalistes!
M. Doré: Donc, j'ai retardé un petit peu le
début, je m'en excuse profondément, mais j'ai peut-être
indiqué tout à l'heure que je reçois à
l'hôtel de ville, à 18 heures, les recteurs des universités
canadiennes. C'est un événement qui est prévu depuis 3
mois.
Mme Blackburn: Bien.
M. Doré: II faut que je prenne l'avion à 17 heures.
Donc, c'est pour ça que j'ai raccourci ma présentation, pour
être sûr que je ne brime pas le droit de personne. En respectant le
délai qu'on m'avait imparti, qui est 16 h 30, qu'on passe à une
prochaine personne, ça m'aiderait beaucoup à prendre l'avion
à 17 heures. (16 h 10)
Le Président (M. Doyon): C'est ce que j'avais compris, M.
le maire.
Mme Blackburn: Je me rends...
Le Président (M. Doyon): Donc, une quinzaine de minutes,
15 minutes, Mme la députée.
Mme Blackburn: Je me rends à vos arguments, M. le
maire.
M. Doré: Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme Blackburn: Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à
cette commission, au nom de l'Opposition officielle, et vous dire qu'on est
d'autant heureux de vous retrouver là que les deux unions municipales se
sont désistées: d'abord, l'UMRCQ, et aujourd'hui nous apprenons
également que l'UMQ ne viendra pas se présenter devant cette
commission. Votre témoignage est particulièrement important parce
que votre situation est unique au Québec. En fait, j'ose dire que votre
témoignage envoie un message à tout le Québec de ce qui
représente votre intention et votre perception des problèmes,
parce qu'ils sont uniques, je le rappelle, à Montréal, et ce
n'est pas parce qu'ils sont uniques qu'ils n'ont pas des répercussions
importantes et majeures sur tout le Québec.
Alors, je voudrais juste rappeler que c'est un projet de loi majeur, qui
contient 65 articles, dont seulement 10 articles touchent l'affichage; le reste
des articles touchent à la fois la langue de la justice, de
l'administration, de l'enseignement, et consacrent la disparition du conseil de
protection de la langue, de la Commission de protection de la langue.
Évidemment, comme vous le rappelez justement, sans les
règlements, évaluer l'ampleur des affaiblissements
apportés à la loi 101, ça demeure un défi, mais
c'est le secret bien gardé du ministre, actuellement.
Vous rappelez avec beaucoup de justesse que l'avis de José
Woehrling, conseiller juridique du Conseil de la langue, invitait à
faire le test de la raisonnabilité à la lumière des
récents jugements de la Cour suprême. On prétend même
que les dispositions, soit de 178 ou de
101 d'origine, en matière d'affichage commercial, pourraient
traverser ou être jugées raisonnables.
Par ailleurs, ce qu'il faut ajouter, en ce qui a trait à l'avis
du Comité des Nations unies: il n'y a pas une urgence extrême
à se conformer à l'avis du Comité des Nations unies
puisqu'il y a un précédent; ce Comité a rendu un jugement
en 1984 sur ce qu'on appelait la cause Lovelace, dans le cas des femmes
autochtones qui épousaient un Blanc et qui perdaient leur statut. Le
gouvernement canadien ne s'est conformé à l'avis de ce
Comité que quatre ans plus tard. Alors, le temps nécessaire au
test de raisonnabilité, le gouvernement du Québec, s'il avait
choisi de le faire, aurait eu amplement le temps et il serait probablement
rentré largement dans les délais que le gouvernement canadien
avait observés alors.
Je ne procéderai pas à une période de questions, je
voudrais passer la parole à mes collègues de la ville de
Montréal, et particulièrement à la députée
de Hochelaga-Maisonneuve, qui est porte-parole de Montréal, pour
Montréal, au nom de l'Opposition officielle, et au député
d'Anjou, M. Bélanger.
Mme Harel: Alors, M. le Président... Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Excusez-moi.
Mme Harel: Merci. Merci, M. le Président.
Alors, M. le maire, vous réitérez devant la commission ce
qu'on peut appeler la position historique de votre parti, le Rassemblement des
citoyens et citoyennes de Montréal. J'avais eu l'occasion, lors de votre
allocution, le 17 mai dernier, devant le Cercle canadien, d'en prendre
connaissance. Vous disiez notamment qu'il était paradoxal qu'il soit
refusé aux petits commerçants un droit qu'ils réclamaient
alors qu'on s'apprête à donner aux grands magasins un droit qu'ils
n'ont jamais demandé.
En vous écoutant, je me suis demandé quel était
votre point de vue sur une des dispositions du projet de loi qui, moi,
m'inquiète particulièrement et dont on n'a pas beaucoup
parlé, et qui, pourtant, pour des Montréalais et
Montréalaises, est omniprésente, c'est-à-dire la question
des raisons sociales. Vous la retrouvez, cette disposition, à l'article
21, et on y constate que, contrairement à l'affichage, dont la
règle serait la prépondérance du français, en ce
qui concerne les raisons sociales, l'utilisation de l'une et l'autre langue se
ferait sans prépondérance. Et, pourtant, dans la
réalité quotidienne de Montréal, c'est surtout de raisons
sociales dont il est d'abord question. Si on déambule à pied, en
autobus ou en auto, c'est des raisons sociales qui nous parlent d'abord, avant
même que ce soit l'affichage. Je sais que vous n'avez pas pu faire une
étude élargie de toute la loi, mais, étant donné
que toute cette question d'affichage vous intéresse au plus haut point,
étant donné que le gouvernement a jugé bon de dissocier la
question de la raison sociale de celle de l'affichage, quel est votre point de
vue là-dessus?
M. Doré: Je dois dire très honnêtement, Mme
la députée, que quand j'ai fait l'examen, la lecture du projet de
loi 86, l'article 21 ne m'a pas particulièrement frappé comme
étant... Peut-être que je n'en saisis pas la portée. Je ne
vois pas... Honnêtement, je ne vois pas trop trop comment on puisse avoir
un problème... Je prends une entreprise bien connue, qui est Canadian
Tire. Je verrais mal comment on pourrait exiger que cette entreprise, qui est
connue sous ce nom anglais, puisse s'appeler «Pneus canadiens inc.»
Enfin, cela dit, quand je dis ça, je ne veux pas être sarcastique.
Je dis: Le nom de l'entreprise est Canadian Tire. Cela dit, elle n'utilise pas
uniquement sa raison sociale. Elle pourrait très bien faire de la
réclame à l'extérieur qui pourrait utiliser et qui,
à mon point de vue, devrait continuer de devoir n'utiliser que le
français, même si le nom de l'entreprise est connu par un nom
anglais. Il y en a un certain nombre, de ces entreprises, Toys R Us, je pense,
qui est une entreprise américaine dans le domaine des jouets et qui
s'appelle... qui est une entreprise qui est connue, en fait, dans divers pays
sous ce nom-là.
Cela dit, même chose encore une fois dans ma vision à moi
des choses et celle de mon parti et de la ville de Montréal: ces
entreprises ne seraient pas assujetties à la capacité d'utiliser,
outre le français, l'anglais dans l'affichage. Quand je disais... Vous
avez cité...
Mme Harel: Vous permettez... M. Doré: Oui.
Allez-y.
Mme Harel: ...M. le maire? Vous notiez justement que 62 % des
commerces établis à Montréal employaient moins de cinq
personnes; il s'agissait donc de petits commerces, et non pas de grandes
entreprises comme Canadian Tire, qui utilisaient «pâtisserie»
plutôt que «bakery». Donc, on comprend que les raisons
sociales, dorénavant, pourraient être profondément
modifiées.
D'autre part, on ne connaît pas les règlements. Alors,
là, c'est encore une incertitude tant pour l'affichage que pour la
raison sociale puisqu'on prévoit, dans des règlements qui nous
restent encore inconnus, qu'il pourra y avoir, selon les cas, les circonstances
et les conditions, des dispositions pour déterminer, en fait,
l'affichage ou des raisons sociales sans prédominance du français
ou en anglais seulement.
Alors, je comprends que, sur cette question des raisons sociales, vous
n'avez pas envisagé de changements substantiels en regard de ce qui est
proposé dans le projet de loi 86 par rapport à la
réalité actuelle.
M. Doré: On a assimilé la question des raisons
sociales, honnêtement, à l'ensemble de l'affichage commercial et
on a exprimé, dans la contribution qu'on vous fait aujourd'hui, le fait
que pour les commerces propriété d'individus, pour les petits
commerces, ça nous semblait normal qu'ils puissent, outre le
français,
utiliser l'anglais. Évidemment, je comprends que le projet de
loi, s'il retenait cette suggestion, prévoirait par règlement
comment se déterminerait la prédominance du français, ce
qui...
Mme Harel: En matière de raison sociale, il n'y a pas de
prédominance prévue dans le projet de loi.
M. Doré: Oui, je comprends, et ce que je dis, c'est que de
façon générale, ce que les commerces annoncent, c'est ou
le nom du commerce ou la nature du commerce, et je ne pense pas que, eu
égard aux dispositions qui sont prévues... J'en ferai
peut-être une analyse plus cursive, mais ça ne m'a pas
frappé comme étant une modification substantielle par rapport
à l'esprit général qui était notre recommandation
sur la possibilité d'utiliser, outre le français, l'anglais ou
une autre langue pour les petits commerces ou les commerces
propriété d'individus.
Mme Harel: Une dernière question, M. le maire. Aujourd'hui
même, le Conseil de la langue française publiait ou rendrait
public plutôt un document intitulé «Contextes de la
politique linguistique québécoise», en fait, un document de
180 pages qui est aujourd'hui disponible en librairie, qui vient d'être
publié aux Publications du Québec, qui nous indique les contextes
à la fois juridiques, économiques, démographiques dans
lesquels évolue toute cette question linguistique.
J'aimerais peut-être simplement vous faire commenter, puisque vous
êtes parmi nous, profiter de votre passage parmi nous pour vous faire
commenter cette déclaration qui est faite en introduction de cette
publication et qui dit ceci, à la page 14: «Les courbes de
migration et les taux de natalité des années quatre-vingt-dix
laisseraient présager une défrancophonisation relative de
l'île de Montréal.» (16 h 20) toujours à la page 14:
«les données déjà connues relatives à la
langue maternelle suggèrent que la composition linguistique de la
région de montréal est en voie de subir des changements
substantiels. après avoir augmenté de façon constante
à partir du début des années soixante-dix, le pourcentage
des francophones de l'agglomération montréalaise est
tombé, en 1991, à des niveaux inférieurs à ceux de
1981. ce qui est encore plus important d'un point de vue historique, c'est
l'augmentation massive du pourcentage des allophones dans la population de la
région, lequel est passé de 13,4 %, en 1986, à 16,1 % en
1991.»
Les auteurs considèrent une précarisation et une
fragilité du fait français, présentement. Est-ce que c'est
là également votre opinion?
M. Doré: J'ai eu l'occasion d'exprimer en commission
parlementaire, sur l'énoncé de politique en matière
d'immigration, que, pour peu que nous puissions prendre les moyens et nous
donner les moyens de nos stratégies, le Québec et Montréal
pouvaient consti- tuer une terre d'accueil qui pouvait s'enrichir au plan
économique, comme au plan communautaire et au plan social, par une
politique relativement ouverte en cette matière. J'insiste sur la
nécessité de nous donner les moyens de nos stratégies, ce
qui veut dire, notamment dans le domaine scolaire, puisqu'une partie de
l'intégration va dans le domaine scolaire, de l'obligation non seulement
pour les immigrants de s'intégrer à l'école, mais que
l'école soit outillée pour les accueillir. Ça faisait
partie de recommandations qu'on a faites en commission parlementaire sur un
autre aspect de la loi.
Cela dit, je n'ai pas eu l'occasion de prendre connaissance, bien
sûr, de ce document qui est rendu public aujourd'hui; donc, je vais en
prendre connaissance avec intérêt. Je veux simplement souligner un
élément quand même important: Quand on examine les chiffres
de 1991, on se rend compte qu'une bonne partie de la croissance
démographique qui s'est faite dans l'ensemble des couronnes, aussi bien
à ville de Laval que sur la rive sud, a été d'abord et
avant tout le fait d'allophones. L'espèce de vision manichéenne
comme quoi les francophones quittent massivement l'île et que la ville de
Montréal et l'île deviennent littéralement
étrangères à la société
québécoise est une fausseté.
Statistiquement parlant, quand on examine les chiffres de 1991, on se
rend compte qu'une bonne partie des allophones s'intègrent aussi de
façon plus importante. La croissance la plus importante de la ville de
Laval et de la rive sud a été celle de nouveaux arrivants, et le
départ massif des francophones vers la périphérie au
profit d'un Montréal multiethnique est tempéré par les
nouvelles données de Statistique Canada pour l'immigration en 1991.
Mme Harel: En fait, en 1991, on peut conclure que c'est toute
l'agglomération montréalaise qui est en diminution de
francophones.
M. Doré: C'est-à-dire que toute
l'agglomération montréalaise... Il y a une croissance relative
plus importante des allophones puisqu'on a admis des seuils d'immigration qui
sont plus importants que ceux qu'on a eus par le passé, c'est
indéniable. Encore une fois faut-il nous donner les outils, maintenant,
et les moyens de notre stratégie. J'insiste sur cet
élément-là et j'ai été très clair
là-dessus lorsque je suis venu témoigner sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration devant la
commission parlementaire.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou, pour une minute.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
M. le maire, récemment, les journaux rapportaient vos propos
à l'effet que vous doutiez que le projet de loi, tel que
présenté, allait apporter une paix linguistique, en particulier,
dans la région de Montréal.
Alors, ma première question va être: Est-ce que vous
partagez toujours cette opinion? Et maintenant,
est-ce que vous ne pensez pas que la paix linguistique, justement,
dépend du fait, est beaucoup redevable du fait qu'on ne remet pas
toujours en question les politiques linguistiques? Donc, est-ce que vous
n'êtes pas un peu inquiet du large pouvoir réglementaire que s'est
donné le gouvernement? Parce que, comme vous le savez, c'est beaucoup
plus facile de changer un règlement que de changer une loi. Est-ce que
ça ne vous inquiète pas?
M. Doré: Alors, rapidement, M. le Président,
lorsque j'ai exprimé l'avis que je souhaitais que le débat que
nous reprenons comme société, après celui de 1977, de 1983
et de 1988, en 1993, puisse au moins nous permettre, après tant
d'années de débat, de trouver des solutions qui soient des
solutions de compromis et qui nous permettent de tourner la page. Les
défis de Montréal et de sa région sont des défis
importants à relever au plan économique dans le contexte de la
restructuration à laquelle on assiste à l'échelle
nord-américaine et planétaire. Il est donc fondamental que
l'ensemble des éléments de la société
montréalaise anglophones, allophones et francophones
travaillent main dans la main.
Ce qui nous préoccupe, ce qui me préoccupe et je le
réexprime aujourd'hui c'est de risquer qu'on se retrouve dans une
situation où, avec un changement de gouvernement je l'ai dit tout
à l'heure on passe donc d'une interdiction à une
très grande ouverture, au retour à l'interdiction. C'est cette
situation-là que je trouvais malsaine et que j'estime qu'en
matière d'affichage nous pourrions régler par un compromis qui me
semblerait à la fois acceptable du point de vue des droits
légitimes et du sentiment d'aliénation que comporte
l'interdiction actuelle pour bon nombre de nos concitoyens anglophones, mais
qui, en même temps, serait respectueuse de l'équilibre qu'il nous
faut atteindre pour garder, de façon claire, le caractère
français de Montréal et du Québec, qui est une mesure
importante d'incitation et un message important, notamment aux nouveaux
arrivants, que la société québécoise est une
société qui, du point de vue de la langue de travail, des
communications et des échanges, doit primer du point de vue du
français.
C'est ça que j'ai exprimé comme préoccupation, et
je vous soumets aujourd'hui que j'ai encore cette préoccupation qu'on
puisse trouver une solution durable qui fasse qu'on ne reprenne pas ce
débat de façon cyclique et qui est, à mon point de vue,
contre-productif.
Sur le deuxième aspect, le règlement, je vais juste
dire...
Le Président (M. Doyon): Malheureusement... M.
Doré: Bon. Alors, voilà, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Autrement, autrement...
M. Doré: ...on ne respecte pas le temps. D'accord.
Le Président (M. Doyon): ...et c'est M. le
député de D'Arcy-McGee qui en souffrira. M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le maire, needless to say many English-speaking Quebeckers are very
disappointed with your recent remarks, your desire to maintain an important ban
on English on commercial signs. I have had the opportunity in the past year and
a half to attend four functions where you were the guest speaker. And in each
of those four instances, you showed considerable political leadership by making
it seemingly clear that you opposed many of the restrictions that have
alienated Quebec's English-speaking community for the past 15 years.
In November of 1991, in a speech at B'nai Brith's League for Human
Rights, you said: «I am convinced that anybody who cares about Montreal's
best interest will agree that without a vibrant English component, our city
would not achieve its potential. The future history of Montréal has to
be written in French and English.»
At a rally, in January of this year, to denounce anti-semitic vandalism,
you articulated the very same vision that English-speaking Quebeckers are an
equal part of Quebec's society. Much the same message was delivered by you in
February of this year at a meeting of the Jamaican Association of
Montréal.
And even more recently, on May 4th, at the opening of the exhibition in
NDG that you referred to earlier, the inauguration of an exhibition on the
first anglophone community of Montréal, you said, and I will read you a
few quotes: «Montreal's economic, political, social and cultural life has
been indelibly shaped and is continually enriched by the contributions of
English-speaking Montrealers.»
Another quote: «If we are going to maintain Montréal as a
progressive and human-scale city of the world we believe in, it means
celebrating our diversity, and to do this means counting in each and every
Montrealer, whatever their race, creed, color or language.»
Another quote: «We need you to stay here and keep building a
better Montréal, to share your talents and imagination and to write new
chapters in the long and fruitful history of the English-speaking community of
Montréal.» End of quote.
Now these words were seen by many English-speaking Quebeckers as very
encouraging, leading up to this debate that we all knew would be taking place
in 1993. So my question to you today: Therefore, in light of your apparent
reversal of the past couple of weeks, what message do you think your recent
position sends to English-speaking Montrealers when the «maire» of
their city wants to maintain a very wide ban on their language, and this after
speaking out very forcefully for
two years about how they are an essential component of Québec
society and must remain an essential component of Québec society?
The Government is willing to go a certain distance to remove some of
these restrictions. Three quarters of Quebeckers, as recent pools have shown,
are ready to go this distance. Why is the «maire» not ready,
especially in light of some of the courageous statements you have made over the
last couple of years? Would you not be insulted, if you were an anglophone
Quebecker, after having heard what you said in the last few weeks?
M. Doré: I hope not. I hope not because I have been
consistant. I have always said the same thing. I do not speak with a fork
tongue. I have always said the same thing and I have been saying that to all
the governments that have adopted linguistic laws.
I have been saying that, as a matter of principle, you cannot ban the
use of English or other languages, particularly on commercial signs. I said it
in 1983 to the Parti québécois government, I said it in 1988 to
the Liberal government and I am saying it today.
I have said sure, all the things you have quoted are perfectly
exact that the present and the future of Montréal will be written
with Anglophones-also, that it is part of our heritage and it is part of the
dynamism of our city. But I have always made a distinction in terms of the
principle because the ban is affecting, I would say, the alienation of a
certain number of Anglophones that have said: How cannot I use my language
being part of this society, part of this city, having built it with the
Francophones? How can you now send me a message that you are banning the use of
my language on, for example, commercial signs?
M. Libman: But you proposed to maintain this ban. (16 h 30)
M. Doré: And I am saying that in making a distinction
between that of individuals and the people that are the owners of commercial
outlets in Montréal, and that of the Royal Bank, of Canadian Tire, or
whatever, the major corporations. I have always said that the...
I do not see major corporations as being affected in their right of
expression, notwithstanding the view of the Supreme Court on it, as it is by
individuals that are owners of these shops, and that... their right in French.
And what I am proposing and I have always been proposing, and I said: We used
at the time, in 1983, the exception of the Charter, four employees or less. We
could review that, the spirit of what the Conseil de la langue française
put together, has said is individual and even one man corporation.
The idea is that I am making a distinction between the individuals that
have a right of expression, which commercial signs is part of their liberty of
expression, and those of major corporations. That is basically what I am
saying. So, I am...
M. Libman: But, you are still maintining a ban, and do not forget
the Supreme Court decision did not...
M. Doré: Well, the Government has said that it is not an
exclusive and total right. Eventually, on billboards, they will maintain,
supposedly they have said by bylaw, that that would be to maintain it in
French. So, I mean, there is no absolute situation. The real thing is that
individuals that see their right in French, and I have seen them since 1977...
We could change that and that is what we propose to do, that is what we have
been persistantly saying in the last 10 years, and we have been very consistent
about that matter.
M. Libman: But how about the... Juste pour terminer,
monsieur...
Le Président (M. Doyon): M. le maire, je ne voudrais pas
que le député de D'Arcy-McGee vous fasse manquer votre avion. Il
me reste à vous remercier et à vous assurer que vos remarques et
tout ce que vous nous avez transmis sera pris de bonne part. Alors, merci
beaucoup.
M. Doré: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Suspension pour une minute ou
deux.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît! La
consultation se poursuit en entendant la ville de Québec. Je vois que M.
le maire L'Allier est prêt à prendre place à la table de
nos invités. Il est accompagné de M. Can-tin. Je leur souhaite la
bienvenue et je les prie de... Mme Leclerc, veuillez prendre place.
Vous êtes ici depuis quelques instants, je vous indique que les
mêmes règles vont s'appliquer: une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire ou un résumé que vous
voudrez bien en faire et, après ça, le temps sera partagé
de la même façon que nous l'avons fait tout à l'heure: 20
minutes d'un côté, 20 minutes de l'autre.
M. le ministre m'indique qu'il s'est absenté pour une minute ou
deux, mais, comme il a pris connaissance de votre mémoire, je pense
qu'on peut commencer.
M. le maire, vous avez la parole.
Ville de Québec
M. L'Allier (Jean-Paul): Je vous remercie, M. le
Président.
Mesdames et messieurs, je voudrais, en quelques secondes, dire que le
sens de ce mémoire, c'est que nous avons, dans la ville et dans la
région de Québec, atteint un niveau de paix sociale et
linguistique remarquable, que notre grand objectif, comme celui du gouvernement
ou
des gouvernements, a toujours été qu'en cette
matière on atteigne un haut niveau de respect mutuel et de
tolérance, ce que nous avons dans la région. Et, si vous me
permettez, je commencerai mon mémoire en citant ce que j'ai toujours
connu comme étant un proverbe anglais: «If it is not broken, do
not fix it». m. le président, mesdames et messieurs, je garde un
assez mauvais souvenir des débats parlementaires qui ont entouré
l'adoption de la loi 22 il y a maintenant près de 20 ans. le
gouvernement libéral de l'époque, dont je faisais partie,
cherchait à satisfaire à la fois la majorité francophone
et les minorités anglophones du québec. il hésitait entre
deux choix politiques fondamentaux. d'une part, le premier, commandé par
son allégeance fédéraliste, voulait pour l'essentiel qu'il
se comporte en matière linguistique et culturelle comme le gouvernement
de la plus importante minorité canadienne. mais il avait, d'autre part,
envie d'être vraiment l'expression de la majorité
québécoise, de cette majorité francophone en effervescence
et qui se reconnaissait, s'affirmait de plus en plus comme
société différente et qui voulait puiser dans cette
différence les forces vives de son développement futur. ,
Cette double attirance du Parti libéral a constamment
marqué son sort et son évolution, mais il a toujours ultimement
et à chaque étape importante choisi, dans les faits, pour de
multiples raisons que je laisse à d'autres le soin d'analyser, la
première voie: celle du Canada d'abord, où l'on ne peut
prétendre à rien d'autre qu'au statut de minoritaire. C'est
incontournable et les conséquences le sont tout autant.
Quelques mois plus tard, le 15 novembre 1976, la population,
malgré les sondages qui nous étaient favorables, nous jugeait. La
loi 22 était trop québécoise pour les minorités
anglophones, mais elle n'allait pas assez loin pour la majorité
francophone.
Les objectifs que nous avions alors étaient de trouver la paix
linguistique et sociale et d'en arriver autant que possible à une
harmonie qui permette le développement de la tolérance, mais
aussi la reconnaissance du Québec tel qu'il était et tel qu'il se
voulait. Par la suite, c'est dans la loi 101 et la Charte de la langue
française que la population québécoise s'est le mieux
retrouvée et se retrouve encore maintenant. Je suis d'opinion, avec tout
le respect que je dois aux parlementaires, que ce que l'on se propose de faire
aujourd'hui avec le projet de loi à l'étude aura pour effet de
relancer le débat linguistique, de mettre cette paix sociale en danger
et de multiplier les actions d'intolérance et, somme toute, d'affaiblir
le Québec.
Le statu quo, dans les circonstances et sur l'essentiel des dispositions
législatives, conviendrait mieux à l'intérêt public
que ce que l'on propose de faire aujourd'hui en jouant dans cette
législation à haut voltage.
La langue française au Québec et au Canada sera toujours
sous la pression anglophone de l'environnement nord-américain.
Même à travers le monde, la langue française n'est pas en
progression et, au fur et à mesure que l'économie se tisse sur
une même trame, l'anglais s'impose peu à peu comme langue
principale, sinon comme langue première des affaires, des
échanges, de la technologie et de la science.
Mais, en matière de langue et de culture, rien n'est jamais si
simple et rien n'est jamais si facile lorsqu'on veut utiliser la loi et la
réglementation. La loi n'a de sens en ces domaines que dans la mesure
où elle est l'expression extérieure des politiques et des
volontés réelles des gouvernements qui représentent avec
force et conviction en ces matières la population qu'ils gouvernent.
Dès lors, lorsque les administrateurs publics et les partis
politiques, autant que les gouvernements qui en émanent, ne donnent pas
spontanément cette impression qu'il y a, en matière de langue et
de culture, des questions fondamentales qui ne sont pas négociables et
pour lesquelles ils cherchent autre chose que les plus petits communs
dénominateurs ou l'abri facile des parapluies judiciaires, c'est tout
naturellement le poids et, derrière lui, la règle de l'autre
majorité qui s'appliqueront dans le quotidien.
Aucune minorité culturelle et linguistique ne peut vivre
très longtemps si le plus grand nombre de ceux qui la composent à
tous les niveaux économiques et sociaux, en région comme en
ville, ne sont pas convaincus qu'ils sont eux-mêmes quelque chose, qu'ils
font partie d'une collectivité qui mérite et qui travaille non
seulement pour survivre mais aussi pour se développer, parce qu'elle est
à la fois dynamique, originale et réelle et qu'une grande partie
de son potentiel se trouve précisément dans sa propre
culture.
Il ne s'agit pas de nationalisme rétrograde, d'odeur de fleurs de
lys, de frous-frous de drapeau, d'esprit «anti quoi que ce soit»,
il s'agit plutôt, M. le Président, d'un état d'esprit,
d'une reconnaissance fondamentale, et pour nous-mêmes, de ce que nous
sommes et de ce que nous voulons être.
On ne peut pas demander aux anglophones et aux autres groupes ethniques
de défendre pour nous, plus et mieux que nous des choix que nous
hésitons à faire et à défendre quant à la
reconnaissance de ce que nous sommes. En choisissant nous-mêmes le statut
de minoritaire, comment imaginer que ceux qui nous viennent d'ailleurs ne
choisissent pas naturellement et logiquement de s'associer à la vraie
majorité?
Il est vrai que chez nous, depuis une génération, un
certain nombre de francophones se sont affirmés dans le milieu des
affaires et dans le monde économique. Cette élite
économique francophone a toujours considéré que la
défense de la langue et de la culture était une affaire
personnelle, une affaire individuelle, une affaire domestique et, finalement,
aussi privée que les affaires de religion. Elle en a déduit
logiquement que la défense de la langue et de la culture ne devait
jamais se faire au détriment du succès économique. Pour
grimper et se développer dans l'appareil économique et social,
cette élite choisit d'avoir une double personnalité: un individu
francophone en lui-même et peut-être en famille, mais
nord-américain et anglophone dans ses comportements
collectifs, ses choix politiques et culturels, sa vie économique.
(16 h 40)
Peut-on vraiment croire qu'il aura suffi de quelques centaines de
francophones atteignant, sans avoir à changer de nom, les paliers
intermédiaires ou supérieurs de la gestion des affaires sur notre
propre territoire pour que l'on considère que la question est
réglée et que nous vivrons ici en français, seul exemple
du genre à travers le monde, sous une loi de l'apesanteur culturelle
contraire à tout ce qui se vérifie ailleurs?
Je vais sauter quelques paragraphes, M. le Président, pour
arriver à rester dans le temps qui m'est imparti.
À partir du moment où le gouvernement du Québec
choisit de se comporter comme si la langue n'était qu'une affaire
technique, une question de liberté de commerce et d'expression
commerciale sans valeur culturelle profonde, politiquement neutre et sans
importance quant aux rapports de force qui existeront toujours dans notre
société, il nous invite à accepter, à assumer et
même à rechercher un statut de minorité bilingue et nous
identifie comme tel aux yeux du monde autant que dans ses actions, et il
cherche à nous protéger comme on protège la principale
minorité canadienne, dans l'esprit même du livre beige d'il y a
quelques années, et que l'on aurait intérêt à relire
ici.
Comment voulez-vous que, dans un contexte aussi net, la majorité
anglophone ne conclue pas que nous sommes, en fait, tout à fait
disposés à une meilleure intégration, et même
à une assimilation inévitable à l'ensemble
nord-américain, à la condition de pouvoir garder chez nous, au
foyer, un minimum d'attributs culturels, mais privés? Pourquoi donc
cette majorité anglophone canadienne, dont les anglophones
québécois se sentent un prolongement légitime, aurait-elle
de nous, en effet, meilleure opinion que celle que s'efforce de projeter de
nous-mêmes le gouvernement?
On pourra dire ce que l'on voudra dans la loi et la Constitution au
sujet de la protection et de la reconnaissance du Québec et d'une
société distincte. Il faudra néanmoins des années
d'avocasseries pour que les tribunaux donnent aux mots un sens qui pourrait
bien être loin alors, très loin de la réalité qu'a
voulu cerner le législateur. Ce n'est pas, de toute façon, une
affaire de juges, c'est une responsabilité de gouvernement.
Lorsque cette volonté existe, lorsqu'elle se traduit dans les
comportements et les attitudes des individus, lorsqu'elle est partagée
sans honte et sans excuse permanente non seulement de gauche à droite,
mais aussi de bas en haut d'une société, les lois et les
règlements deviennent plutôt des symboles d'une
réalité permettant d'éviter les excès des
prothèses permanentes sans lesquelles tout s'effondrerait,
s'effriterait, disparaîtrait.
La langue et la culture, comme ferments de solidarité et de
développement, constituent des apports puissants et originaux à
la motivation et à la capacité créatrice d'une
société. Le Japon en est, parmi d'autres, un exemple frappant.
Mais si, au contraire, on se com- porte comme s'il s'agissait de lourdes
coquilles d'escargot que l'on porte de peur d'être nu, de peur
d'être écrasé, ou parce que l'on pense que l'on ne peut
faire autrement, elles peuvent effectivement devenir des poids et des
contraintes pour l'économie. Il devient alors légitime de
chercher, pour ceux qui pensent ainsi, et selon les règles de
l'économie, précisément, à les atténuer au
maximum.
Un ex-ministre libéral fédéral,
fédéraliste incontestable, francophone et homme de culture,
Gérard Pelletier, important dans le cabinet Trudeau, disait, alors qu'il
était encore en fonction, mais un peu avant le référendum
de 1980, qu'il trouvait tout naturel que, et je le cite, «Montréal
ait un caractère aussi résolument français que Toronto
était anglaise».
Deux langues et plusieurs cultures coexistent au Québec. Dans ce
contexte, le défi des uns devient, d'une certaine façon, le
problème des autres. Les gestes qui peuvent être posés pour
valoriser et protéger la langue française n'en garantissent
même pas la survie et l'épanouissement à cause,
précisément, du poids naturel de l'environnement
médiatique et économique anglophone dans lequel nous vivons. Au
contraire, cependant, chaque geste qui vient, ici et là, enlever une
garde et un soutien, un encouragement ou une contrainte, risque à coup
sûr d'accélérer le processus d'un flou culturel
inévitable, qui n'est même plus du bilinguisme, mais qui risque de
faire de nous, d'ici quelques générations, une
société bien particulière en ce qu'elle ne parlera,
finalement, que deux langues secondes.
Lorsqu'on y regarde de près, dans la perspective des 20
dernières années, la Charte de la langue française, telle
qu'elle est, a eu plus d'effets positifs que négatifs. J'ai eu le
privilège de représenter le Québec en Belgique, M. le
Président, pendant trois ans. Malgré une multitude de
problèmes politiques dans ce pays, qui semble vouloir s'en sortir
maintenant mieux, peut-être, que nous des nôtres, les Flamands
demeurent et seront toujours aussi profondément flamands que les Wallons
sont francophones. Vivant dans le pays qui accueille la capitale de l'Europe,
les Flamands parlent, souvent sans accent, deux, trois ou même quatre
langues sans mettre en danger l'essentiel de leurs valeurs culturelles parce
que, précisément, ces valeurs sont partagées du plus haut
au plus bas de la pyramide sociale et économique. L'éducation de
base, la formation et l'information culturelle de base, les institutions
culturelles respectent avant tout et intégralement les valeurs profondes
de ces sociétés qui, pourtant, ne partagent leur langue qu'avec
eux-mêmes et les Pays-Bas.
Un linguiste francophone de grande réputation, qui connaît
le Québec depuis 30 ans, pour y être venu des dizaines de fois, le
Belge Joseph Hanse, disait il y a quelques années, en parlant de nous:
«Dans votre pays, mettre les deux langues sur le même pied
équivaut à mettre les deux pieds sur la même langue.»
L'image est forte, mais est-elle si fausse?
Il y a quelque chose de faux, d'agaçant même à
n'aborder et à ne présenter la question linguistique
québécoise que sous l'angle de la loi, des droits, des
décisions judiciaires ou même du cadre constitutionnel. Toute
cette quincaillerie d'avocats n'a de sens, en effet, que lorsqu'elle correspond
non pas au plus petit commun dénominateur, non pas aux engagements
politiques pris en faveur d'une communauté minoritaire, mais bien aux
intérêts autant qu'à la volonté profonde d'une
société et d'un peuple d'être et de se développer
avec cette langue plutôt que malgré elle.
Lorsque les parents demandent que l'on enseigne l'anglais dès les
premières années du cours primaire les sondages le
diraient aussi si la question était posée c'est qu'ils
perçoivent intuitivement que c'est de cette façon qu'ils pourront
donner à leur progéniture l'outil de travail que peut constituer
cette langue anglaise pour quiconque veut gravir les échelons du
progrès économique dans notre société et
au-delà. Mais il ne faut pas leur faire dire cependant qu'ils renoncent
du même coup à vivre et à se développer ici, en
français, et dans une société essentiellement francophone.
Ils nous l'ont rappelé, en novembre 1976. Il est sans doute exact que
l'anglais est utile et même essentiel, au-delà des petites
affaires qui nous, concernent et que nous faisons entre nous, mais pour en
acquérir une connaissance qui permette effectivement la promotion
économique réelle, il faudra plus que quelques heures d'anglais,
la plupart du temps, dispensé par des francophones, ne conduisant
qu'à une connaissance passive et approximative, tout juste suffisante
pour permettre aux jeunes élèves de regarder plutôt des
émissions de télévision en anglais dont la version
française mettra, de toute façon, un ou deux ans à leur
parvenir.
Maintenir et amplifier ce message que nous sommes en toute
humilité une minorité et assumer courageusement ce statut de
minorité des minorités, c'est créer un mirage qui pourra
bien plaire un temps à l'ensemble canadien, mais qui blessera, à
mon avis, et affaiblira une société déjà faible et
dont personne ne peut dire, bien au contraire, qu'elle a renoncé
à être et à se développer en français. Il n'y
a pas, M. le Président, d'un côté, les problèmes
linguistiques et culturels, et de l'autre, les problèmes
économiques et sociaux. C'est un tout et, lorsque les équilibres
fragiles sont rompus, personne ne sait où s'arrête la dislocation,
mais l'histoire montre que jamais la société en question n'en
ressort plus forte et meilleure, surtout dans un rapport de forces
inégales comme celui qui existe entre le Québec francophone et le
Canada anglophone dans l'ensemble économique nord-américain.
Percevoir la langue et la culture des Québécois comme un
problème, une contrainte, un handicap à surmonter pour faire des
affaires, une charge financière permanente qui hypothèque la
capacité concurrentielle, un ensemble d'irritants pour les vrais
Canadiens ou une taxe spéciale sur le développement, c'est
plutôt voir les choses dans l'optique de l'autre majorité pour
qui, effectivement, la cohabitation obligée avec un Québec
francophone, au sein du Canada, peut présenter de tels traits, à
tout le moins vu de l'extérieur.
Mais aussi longtemps que le Québec est et sera, dans les faits,
une société politique sociale et culturelle différente de
l'ensemble canadien, à plus d'un point de vue, aussi longtemps qu'il
dispose des outils, des instruments et des institutions qui lui permettent,
s'il en a la volonté, de se développer autant, mais
peut-être autrement que les autres, aussi longtemps que ses choix
d'investissement en matière sociale et en matière
d'éducation ou en matière d'organisation économique
peuvent effectivement et efficacement ne pas être les mêmes que
ceux qui se font en Ontario, et malgré l'essentielle
complémentarité, le Québec peut encore continuer
d'être une société viable, prétendre à
l'affirmation et à la reconnaissance de sa personnalité propre
qui lui sont essentielles non pas comme gage de reconnaissance de ce qu'il a
été, dans le passé, mais plutôt comme espace
nécessaire à la définition de son avenir. Mais c'est
d'abord lui qui doit se reconnaître lui-même avant de demander la
reconnaissance des autres.
Aujourd'hui, un peu comme dans un rêve, on a l'impression que se
remettent en place ici et là, mais selon le plan d'une inexorable mise
en scène, tous les éléments pour recréer la
polarisation, les durcissements et les affrontements que suscitent toujours
l'arrogance et l'intolérance, indissociables conséquences de la
rupture des équilibres linguistiques. (16 h 50)
Avec les attitudes qui sont les siennes depuis 20 ans, le Parti
libéral du Québec risque d'être toujours
soupçonné d'attentat à la pudeur lorsqu'il touche à
la langue et même à la culture.
La capitale, la ville et même la région de Québec
vivent aujourd'hui, je l'ai dit tout à l'heure, une paix linguistique et
sociale exemplaire. L'image extérieure de Québec, foyer principal
de la francophonie en Amérique, comme le dit le gouvernement
lui-même dans sa politique d'affaires internationales, à la page
184, est exclusivement francophone et en français de qualité.
L'affichage y est unilingue français et personne ne s'en plaint. Plus de
97 % de notre population est francophone et, des centaines de milliers de
touristes qui viennent nous visiter, une majorité est anglophone.
Je n'ai jamais, M. le Président, dans l'exercice de mes
fonctions, reçu une seule plainte au sujet de l'affichage et de l'image
de Québec en français. La population, courtoise et intelligente,
est capable d'accueillir dans leur langue, lorsqu'il le faut, pour des fins
d'affaires et de commerce, nos invités, nos visiteurs et nos clients.
L'image d'une ville historique française en Amérique est sans
contredit un atout à exploiter, une source de fierté et un
avantage auquel nous tenons. En permettant, sans nuances et sans restrictions,
l'affichage extérieur bilingue, et malgré les arguties quant
à la prédominance, on risque de voir cette image devenir un peu
plus floue, plus ambiguë et contraire à la réalité
qui fait notre fierté et à partir de laquelle une grande
tolérance et une grande capacité d'accueil de la culture de
l'autre peut s'exercer.
Il se trouvera bientôt ici et là un commerçant,
une
entreprise ou même une société multinationale qui,
étant libérés par la loi et y voyant une invitation non
équivoque à s'afficher en toute solidarité avec ce qui se
fait ailleurs au Canada ou en espérant un gain étroit dans la
concurrence des petits commerces, pour vendre souvenirs et T-shirts,
afficheront bilingue. «Couette et café» deviendra «Bed
and Breakfast», la pharmacie reprendra sont statut de
«drugstore» et les cadeaux et souvenirs deviendront «gifts
and souvenirs». Il n'y a pas si longtemps, et vous pouvez le constater
aux photographies que je vous invite à regarder, incidemment, et que je
fais circuler autour de la table... Je fais circuler deux albums de
photographies prises en 1968 et, ensuite, en 1978, des mêmes lieux dans
Québec. Ces albums n'ont pas été préparés
pour la commission, mais ils l'ont été dans ce que l'on faisait
comme études sur l'affichage.
J'attire votre attention sur les mêmes bâtiments en 1968,
autour de là, et en 1978. Dans le plus petit cahier, le cahier gris qui
accompagne ça, ce n'était pas dans le cadre de l'affichage, mais
vous avez des photos de l'affichage entre les années 1955 et 1975. Vous
verrez comment cette ville, tout en étant francophone, s'affichait
bilingue, mais dans un bilinguisme douteux. Vous pourrez le voir, c'est
ça qu'on a corrigé.
Telle que proposée, M. le Président, la législation
aura certainement les effets que j'indique plus haut, mais elle risque, en
plus, d'être accompagnée je ne le souhaite pas, mais j'en
ai bien peur de graffiti à la bonbonne de peinture comme nous en
avons eu avant de transformer nos «arrêt-stop» en
«arrêt».
Je vous demande donc et je termine sur ces quelques mots, M. le
Président M. le ministre, à vous et au gouvernement, ainsi
qu'à l'Assemblée nationale, de ne pas changer quant à
nous, et dans l'intérêt de tout le Québec, le cadre
législatif actuel pour ce qui est de la défense et de la
promotion de la langue française. Si, cependant, vous jugez et
c'est à vous qu'il appartient de le faire qu'il faut le faire,
faites-le en accordant autant de respect aux 97 % de francophones qui vivent
dans cette région que vous avez de sollicitude pour les besoins
commerciaux des minorités anglophones qui demandent à s'afficher
ailleurs.
Votre projet de loi prévoit à l'article 4, qui modifie
l'article 22, que «le gouvernement peut déterminer, par
règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où
l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans
l'affichage». Faites en sorte de clarifier la situation et reconnaissez
notre droit, le droit de toutes les Québécoises et de tous les
Québécois d'avoir une capitale, une ville et une région
qui s'affichent, qui s'expriment et qui se développent en
français si vous voulez vraiment y maintenir, à moyen et à
long terme, la paix sociale, l'harmonie linguistique et la tolérance que
l'on nous reconnaît aujourd'hui.
Je vous demande, M. le ministre, à vous et au gouvernement,
d'utiliser l'article 17 du projet de loi 86 et d'affirmer par règlement,
sinon dans la loi, que chez nous, dans la capitale, dans la ville et dans la
région, l'affichage public et la publicité commerciale devront
continuer de se faire en français, puisque ce nouvel article 58 vous
permettra de le faire si vous lui donnez tout son sens.
Il ne m'appartient pas, comme maire de Québec, de parler au nom
de la majorité des autres villes et régions essentiellement
francophones. Je peux cependant vous suggérer une autre piste qui est
celle d'explorer la possibilité que donne la Charte de reconnaître
des villes bilingues et de travailler avec les municipalités qui se
reconnaissent un statut en ce sens.
Les gens de Québec, comme tous les Québécois, sont
fiers de leur histoire, de leur langue autant que de pouvoir travailler, se
développer et créer en français. Ils me semblent
particulièrement respectueux des citoyens anglophones qui ont choisi
Québec ou qui y vivent depuis toujours. Nous travaillons à ce
moment-ci, M. le Président, à la ville, à la
création d'un centre d'interprétation et de mise en valeur de
l'histoire des anglophones de Québec, et ça, depuis la
création de cette ville, afin que la capitale se souvienne de la place
qu'ils ont occupée à des titres divers dans l'évolution de
notre ville. Cette initiative a d'abord été celle de
l'hôtel de ville et de francophones et elle associe aujourd'hui des
leaders anglophones de Québec. Discrètement, efficacement et
là où c'est nécessaire, l'anglais trouve sa place à
Québec, sans avoir à se battre pour la protéger.
L'équilibre existe, mais la ville projette de plus en plus et de mieux
en mieux l'image de sa réalité: une ville qui vit, s'affiche et
s'exprime en français, une ville-capitale de la francophonie
nord-américaine.
Ne transformez pas, M. le ministre, par des gestes qui peuvent vous
sembler anodins et que vous pourriez croire sans conséquence chez nous,
ce qui est pour nous une source de fierté et de motivation en occasion
permanente de discorde et de que*elle, autant qu'en foyer potentiel
d'intolérance. Regardez à nouveau ces quelques photographies que
je fais circuler et qui montrent l'affichage des années 1968-1969 et la
situation, dans les mêmes lieux, 10 ou 12 ans plus tard. Essayez
d'imaginer un instant que l'on revienne à cette situation et pensez
à ce que serait, au fil des mois et des années, la
réaction de ceux et celles qui veulent garder à cette ville son
caractère, sa personnalité et son visage résolument
français.
Les sondages donnent toujours une image instantanée et ponctuelle
d'une situation; ils n'indiquent pas toujours, cependant, les voies des
meilleures décisions à long terme pour une
société.
En m'exprimant comme je le fais aujourd'hui et avec votre permission, M.
le Président et je vous remercie de votre invitation j'ai,
quant à moi, la conviction de défendre les intérêts
de notre ville et de notre région. Ne défaites pas ce qui, depuis
20 ans, s'est amélioré et bonifié. Aidez-nous à
continuer. Respectez-nous dans ce que nous sommes et dans ce que nous voulons
fièrement et harmonieusement continuer d'être.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.
M. le ministre, il vous reste une quinzaine de minutes.
M. Ryan: Merci, M. le Président.
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. le maire de
Québec et aux personnes qui l'accompagnent. J'ai pris connaissance avec
intérêt de la communication préparée par M. L'Allier
et je dois inscrire au départ ma dissidence, là, quant à
certaines affirmations générales que je trouve dans le
mémoire. M. L'Allier n'en sera pas étonné.
Je vous donne un exemple, là. Il dit: «Quand on se
définit comme une minorité...» Il le dit à plusieurs
reprises dans le mémoire, au moins à quatre ou cinq endroits
différents. Je ne sais pas à qui vous pensiez quand vous avez
écrit ça, mais ce n'est pas notre perception de nous-mêmes
et de l'action que nous menons; au contraire, nous sommes parfaitement
conscients que les francophones forment une très forte majorité
au Québec, ce qui ne les dispense pas de s'interroger sur le sort qu'ils
font aux communautés minoritaires qui habitent le Québec, qui
sont citoyens à part entière du Québec, en particulier
à la communauté anglophone. Mais nous ne sommes pas du tout
partie, dans cet exercice-ci, de la prémisse que vous
suggérez.
Vous prenez une autre prémisse, vous dites: «Nous avions la
paix, ne touchez pas à ça.» Ça dépend de la
conception qu'on se fait de la paix. On peut se faire une conception frileuse,
confortable puis refermée sur soi de la paix en se disant: Nous autres,
on est contents; s'il y en a qui ne sont pas contents, bien ça,
ça ne nuit pas à la paix. Nous autres, nous avons une perception
différente, nous voyons tout le Québec, en particulier cette
immense région de Montréal dont nous avons parlé
tantôt. D'autres régions du Québec aussi.
La région d'Argenteuil, que je représente, comprend, sur
22 ou 23 municipalités, au moins 8 municipalités qui ont un
statut bilingue en vertu de l'article 113f de la Charte. Dans le comté
de Gaspé et le comté de Bonaventure, vous avez des
communautés anglophones significatives. Vous en avez également
sur la rive sud de Montréal. Dans plusieurs endroits, la
communauté anglophone occupe une place importante sur la rive sud de
Montréal. Dans la région de l'Outaouais, il y a des
éléments anglophones très importants aussi. Alors, il faut
que nous pensions à tout cet ensemble qui n'est pas aussi simple qu'on
peut le penser. Et si vous avez l'impression, vous, que nous avions la paix
dans ce domaine-là, c'est parce que vous n'êtes pas dans la
politique québécoise. Vous êtes dans la politique
municipale à Québec, je l'apprécie, mais vous gardez
vous-même le souvenir de la campagne que vous avez faite dans
Deux-Montagnes, où ce n'était pas si simple que ça. On se
rappelle le problème de l'école secondaire de Deux-Montagnes qui
n'était pas facile, hein?
Alors, cela étant dit, je ne partage pas, par conséquent,
cette partie de l'analyse. Je la respecte, nous y sommes habitués,
d'ailleurs, mais je ne voudrais pas vous laisser l'impression que nous penchons
du même côté.
En fait, là, vous avez résumé le problème
à la page 11 de votre mémoire, mais vous ne l'avez pas
développé. Vous dites, là: «Vivre et se
développer au sein d'une société résolument
francophone mais largement ouverte sur les autres», voilà le
défi pour le Québec. (17 heures)
Tout à fait d'accord, mais qu'est-ce que ça veut dire,
ça? Ce défi-là comprend deux volets: d'abord, la
volonté d'affirmation de nous-mêmes et, deuxièmement,
l'acceptation de règles du jeu qui soient les mêmes pour tout le
monde, pour toutes les personnes qui habitent le Québec dans toute la
mesure du possible. C'est le fondement même de toutes les lois que nous
concevons, au Québec. Nous essayons de faire des lois qui puissent
s'appliquer à tout le monde avec le moins de distinctions possible et,
chaque fois que nous instituons des distinctions, nous le faisons à
condition que ça soit pour des raisons très solidement
démontrées.
Dans le cas que nous avons, le problème fondamental qui se posait
il n'est pas touché dans votre mémoire, ça m'a
étonné c'était celui de la conciliation de notre
législation en matière d'affichage commercial avec la
liberté d'expression. Nous avons évolué pendant un temps
avec la conception que le discours commercial échappait, dans une mesure
plus ou moins grande, au concept de liberté d'expression, qu'on pouvait
le réglementer de manière différente. Mais il est
arrivé toutes sortes de décisions judiciaires, toutes sortes
d'opinions autorisées qui nous obligent à réfléchir
deux fois là-dessus, du moins en ce qui touche notre législation
concrète. Et nous en venons à la conclusion qu'il faut que nous
ayons une législation qui soit irréprochable de ce point de vue
là, qui rencontre le test à la fois de l'opinion des tribunaux et
de l'opinion de la communauté internationale, dans ce cas-là, la
plus autorisée. Je pense bien que c'est difficile d'avoir plus
autorisé, dans le monde très instable où nous sommes, que
l'organisme qui s'est prononcé sur ce sujet.
Alors, je vous pose la question: Est-ce que ça vous est
indifférent, vous, cette dimension-là? Est-ce que ça vous
préoccupe? Est-ce qu'en maintenant le statu quo, comme le suggère
votre mémoire, on réglerait ce problème-là? Est-ce
qu'on peut se contenter de le nier tout simplement? C'est pas mieux d'essayer
de le régler?
M. L'Allier: M. le Président, pour répondre
à M. le ministre, je dois dire que je dois, comme maire de Québec
et, à cause d'un mandat électif, parler au nom de la
communauté que je représente, et cette communauté, c'est
celle de la ville de Québec, que je situe dans une région qui est
largement de même nature.
Partant de là, ce qui m'intéresse ici, c'est la
qualité de développement dans cette ville et dans cette
région. Or, que le gouvernement perçoive qu'il y a des
difficultés ailleurs, je n'ai pas de jugement à apporter
là-dessus comme maire de Québec. Comme individu, je
peux avoir des opinions là-dessus, mais là, je ne suis pas
conseiller, ni consultant, ni commentateur de quoi que ce soit, ni
parlementaire, etc.
Comme maire de Québec, ce que je peux vérifier avec mes
collègues, ce que nous pouvons vérifier avec nos
collègues, c'est que l'état actuel de la législation ne
nous pose, ici, aucun problème, et il y a zéro demande exposant
zéro de la part de nos communautés locales, quelles qu'elles
soient, pour des modifications en ce sens-là. Partant de là, le
gouvernement, en agissant dans son ensemble, risque, s'il ne fait pas la
discrimination que l'invitent à faire ses propres articles
l'article 17, qui permet une réglementation indiquant les conditions
d'affichage exclusivement en français à ce
moment-là, je dis: Le gouvernement risque de poser, d'implanter dans
cette région des ferments qui, je le souhaite, ne se
développeront pas, mais qui pourraient effectivement amener des images
d'intolérance et ne pas correspondre à la réalité.
Je vous invite à voir ce que c'était il y a 10 ans, et ça
va revenir à ça rapidement.
M. Ryan: Regardez, le problème que pose votre suggestion,
si nous allions faire une exception pour toute la région de
Québec, après ça, il faudrait en faire une pour le
Bas-du-Fleuve; il faudrait en faire une pour le SaguenayLac-Saint-Jean;
il faudrait en faire une pour le Centre-du-Québec. Il faudrait en faire
une pour partout, puis on se ramasserait avec un statut particulier à
Montréal. Et, quand vous suggérez l'article 113f, ce n'est pas la
bonne voie parce qu'il ne règle pas le problème de l'affichage
commercial.
Puis, en même temps, vous ne réglez pas le problème
de la liberté d'expression. Le problème va nous revenir d'une
manière ou de l'autre, si nous agissons comme vous le suggérez.
C'est un problème réel.
M. L'Allier: C'est un problème réel, mais
qui...
M. Ryan: Je ne sais pas si vous avez une solution à
ça.
M. L'Allier: M. le Président, c'est un...
M. Ryan: Euh...
M. L'Allier: Excusez.
M. Ryan: Non. Allez-y.
Le Président (M. Doyon): M. le maire.
M. L'Allier: M. le Président, c'est un problème
réel, mais je ne partage pas le point de vue du ministre. Ce n'est pas
un problème judiciaire; ce n'est pas un problème des Nations
unies: c'est un problème politique. Et, si vous allez à Bruges,
en Belgique, qui est la capitale de l'Europe, vous allez voir que cette ville
est résolument et exclusivement affichée en flamand, et c'est une
des villes qui a le plus d'attraits touristiques.
Est-ce que ces gens-là vont être mis au ban de la
société européenne? Pas du tout. C'est un problème
politique, et, à partir du moment où on fait des chemins. C'est
mon opinion, M. le Président.
M. Ryan: Au Québec, nous nous sommes donné une
Charte des droits de la personne, et notre législation a
été jugée inacceptable par la Cour supérieure, au
titre de la Charte des droits de la personne du Québec. Du
Québec. Dans ces pays dont vous parlez, ils n'ont peut-être pas de
charte de droits aussi élaborée que celle que nous nous sommes
donnée ici. C'est à ce titre-là que la Cour
supérieure avait décidé que la Charte de la langue
française, dans ses dispositions traitant de l'affichage commercial,
était contraire au principe de la liberté d'expression. Puis
là, c'est complètement indépendant du contexte canadien,
pour ça.
M. L'Allier: Le problème que vous exposez est probablement
réel, tel que vous le présentez, mais il n'en reste pas moins que
c'est la responsabilité du gouvernement d'y trouver des solutions qui
n'en créent pas plus ailleurs.
M. Ryan: Mais...
M. L'Allier: Vous référez à Montréal.
Montréal se définit définitivement dans son
mémoire: Nous connaissons une situation unique, et, si c'est une
situation unique, trouvons une solution à un problème unique, ne
trouvons pas une solution à ceux qui ne sont pas malades.
M. Ryan: Là, je vous ai donné des exemples de
situations qui existent aussi ailleurs au Québec. Le gouvernement
a fait le choix d'une solution qui embrasse l'ensemble du Québec. Vous
dites: Si c'est ça le choix que vous avez fait, je vous demande de tenir
compte de notre région de manière particulière.
Si c'est de tenir compte de toute la région que vous me demandez,
je pense que ça crée de grosses difficultés pour le
principe même du projet de loi. Maintenant, est-ce qu'il y a des aspects
plus particuliers, à Québec, qui vous intéressent d'une
manière plus directe, peut-être plus aiguë? Quand vous avez
parlé de ça, là, de tenir compte de la
réalité de Québec, je pense, par exemple, au quartier
historique de Québec... Si vous présentiez une proposition
disant: Là, on voudrait que vous regardiez ça de manière
particulière parce que c'est vraiment le coeur et l'âme de
Québec, le Vieux-Québec historique. On pourrait peut-être
regarder, mais je ne prends pas d'engagement quant à la conclusion.
Mais, si vous nous dites que c'est toute la région, à ce
moment-là, je pense que c'est le principe même du projet de loi
qui est remis en cause.
M. L'Allier: Vous posez une question qui invite une
réponse. Je ne peux pas m'empêcher de... Il y a une expression qui
me vient à l'esprit: j'appellerais ça la
«muséifïcation de la langue»,
c'est-à-dire qu'on est prêt à dire que, dans ce
coin-là, le coin musée de la ville de Québec, on va
permettre l'affichage en français comme une espèce de relique
d'un temps passé. Moi, c'est aussi important que le boulevard
Sainte-Anne, qui conduit 300 000 Américains à
Sainte-Anne-de-Beaupré, ne devienne pas un boulevard bilingue
«room and board», «breakfast», etc. ce n'est pas
ça qu'on est comme région. Pas plus que dans la région de
Boston, parce qu'il y a beaucoup de francophones, on affiche en
français.
M. Ryan: Regardez, je n'ai pas dit: Nous serions prêts
à vous donner ça, M. le maire. J'ai dit que nous serions
prêts à l'examiner. Et, si vous ne le demandez pas, ça
quitte mon esprit immédiatement.
M. L'Allier: Je dois vous dire, M. le Président,
spontanément, que je ne suis pas prêt à accepter de
demander que l'effort français se limite au vieux quartier parce que
ça nous rapproche trop de la Louisiane, à bien des points de
vue.
M. Ryan: Très bien. Alors, ma réponse est
négative. C'était une question. Je voulais m'informer, et vous me
donnez une réponse négative, c'est parfait.
Je pense que j'ai terminé, pour l'instant, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull, m'avez-vous demandé la parole? Ce n'était pas très
clair.
M. le député de Hull.
M. LeSage: Merci, M. le Président.
Alors, M. le maire, dans votre mémoire, vous nous suggérez
de maintenir le statu quo. Et, lorsque vous avez pris la parole, tantôt,
vous avez commencé en nous rappelant un dicton anglophone qui dit:
«If there's no problem, don't fix it».
Je n'ai pas à vous apprendre qu'il y a problème. Les
Nations unies, l'image du Québec, pour nous, c'est important. Je pense
que ça l'est également pour vous.
Je vous ferai également remarquer, M. le maire... Moi, je me
promène souvent et je passe devant un certain édifice, et
ça me frappe à chaque fois pas que j'en suis
offusqué mais je vois l'hôtel de ville qui est
annoncé: «Hôtel de ville - City Hall». Pourquoi c'est
comme ça? C'est une question que je me suis posée longtemps. Je
suis content que vous soyez là; je vous la pose. Comment ça se
fait que ce n'est pas changé, «City Hall»?
M. L'Allier: Je suis content, M. le Président, qu'on pose
la question parce que ça illustre précisément le fait
qu'on est des gens tolérants et respectueux de cette histoire. Cette
ville, à des moments donnés, M. le Président, a
été, dans toute sa partie économique, essentiellement
anglophone. J'aurais pu vous apporter des photographies de la fin du
siècle dernier, où les tramways s'appelaient «Québec
Street Cars», où c'était «Québec
Elevators», etc. Aujourd'hui, parce que l'économie s'est
déplacée de Québec vers Montréal, de
Montréal vers Toronto, etc., on se retrouve avec une ville qui, dans les
faits, est essentiellement francophone à 97 %.
Dans les murs, on n'a pas à effacer «City Hall» et on
ne le fera pas. De la même façon qu'on est en train de mettre sur
pied ce qui n'existe pas à Hull, je vous le signale, pour y avoir
pratiqué le droit un centre d'interprétation de la vie des
anglophones dans cette région qui ont eu un apport
considérable.
Quand vous dites «It's broken, we fix it» c'est
ça que vous venez de me dire: C'est brisé, on va le
réparer c'est peut-être brisé ailleurs, je le
reconnais, mais mon mandat n'est pas de parler au nom de l'Opposition ou de
Pierre, Jean ou Jacques, mais bien de dire qu'ici, dans la région, on ne
perçoit pas de problème linguistique, on pratique la
tolérance, et je ne connais pas de touriste qui se soit plaint d'avoir
été mal reçu parce qu'on a refusé de lui parler sa
langue quand il en avait besoin. (17 h 10)
M. Lesage: les gens que vous représentez, m. le maire,
dans québec ou même au niveau du régional, là
parce que vous siégez également au régional vous
nous dites, dans votre rapport, à la page 14, que la région de
québec est composée de 97 % de francophones. êtes-vous en
train de nous dire, et croyez-vous sincèrement que, s'il était
permis d'afficher dans une autre langue que le français, les
québécois que vous représentez vos commettants
vont se mettre à afficher bilingue tout simplement parce qu'ils
peuvent le faire? et est-ce que vous pensez également que ça va
se refléter dans le bas-du-fleuve et au lac-saint-jean, puis que tout le
monde va se mettre à afficher bilingue, lorsqu'il y a seulement des
francophones qui vivent alentour? est-ce que c'est ça que vous nous
dites?
M. L'Allier: M. le Président, je voudrais inviter le
député de Hull, qui n'a pas regardé le cahier de photos
que j'ai passé, à le voir. En 1968, c'était bilingue:
«125 cars parking». Ça, c'est à Québec, rue
Saint-Joseph pas «St. Joseph Street», rue Saint-Joseph.
C'était comme ça. Cette image-là s'est
améliorée. Et, si on affiche bilingue... Pourquoi on affiche
bilingue? Parce qu'on a un petit commerce, parce qu'on a une multinationale
qui, elle, dans sa chaîne, décide d'afficher bilingue parce que
c'est comme ça que ça se passe. L'un le fait, l'autre le fait.
Ça ne va pas changer le coeur des gens qui sont dans la ville, ça
va tout simplement projeter une fausse image d'une ville qui n'est pas
ça. Et, quand tout le débat que vous faites est pour permettre,
M. le Président, l'affichage de gens qui sont de x, y origines et qui
veulent faire du commerce en anglais, il n'existe pas, ce
problème-là, à Québec. Le commerce, ici, il se fait
en français.
L'attrait pour le tourisme... Vous pouvez dire: Ça
ne va pas changer le coeur des gens. Ça va changer, ça
risque de redevenir comme avant. Et, si ça redevient comme avant, au fil
du boulevard Sainte-Anne, «motels», «room for rent»,
etc., ça risque d'engendrer, ici et là, des gestes
d'intolérance parce que la sensibilisation des gens a
augmenté depuis ce temps-là et d'intolérance en
photographie, en image, etc. On va se retrouver avec des situations qui font
que, avec toute la bonne volonté que vous connaissez, le gouvernement se
retrouve, vu de l'extérieur, comme un gouvernement qui massacre les
Indiens, qui massacre les caribous, qui massacre la nature, tout ça.
Bon, c'est ça.
M. LeSage: M. le maire, si vous le permettez, là...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député. C'est terminé.
M. LeSage: Oui, rapidement.
J'ai regardé vos photos et j'ai remarqué qu'il y avait
plusieurs commerces de fermés, là. Mais ce n'est pas
ça.
Ma question était la suivante. Ce n'est pas du passé, je
vous parle de l'avenir. À partir de demain, est-ce que vous croyez que
vos commettants vont se mettre à afficher bilingue parce que c'est
permis? C'est ça, ma question.
M. L'Allier: Pas systématiquement, mais ça va
revenir à la situation antérieure. Oui, M. le Président,
je le crois.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Mme la députée de Chicoutimi, vous disposez de 15 minutes,
compte tenu que le député de D'Arcy-McGee m'a demandé 5
minutes.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le maire, madame, monsieur, bonjour et bienvenue, au nom de
l'Opposition, à cette commission parlementaire. M. Parizeau me prie de
vous dire qu'il a fort apprécié votre témoignage et il
demande de l'excuser parce qu'il a dû quitter: il avait d'autres
engagements.
Vous avez exprimé de façon claire, franche ce que
j'appellerais une volonté de vivre, de se développer et de
s'épanouir en français. Et vous avez bien indiqué que,
défendre la langue, ce n'était pas une espèce de
nationalisme réactionnaire, mais qu'il s'agit d'une reconnaissance
fondamentale de ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Et vous
avez rappelé que la langue et la culture étaient trop souvent
présentées comme des handicaps parce qu'on avait tendance
à dissocier économie, langue et culture, et qu'à ce
moment-là l'individu n'étant pas vu dans sa totalité, dans
son entièreté, évidemment, elles étaient vues en
opposition. Et vous nous dites qu'on pourrait les utiliser comme ferments, et
je vous cite: de solidarité, de déve- loppement qui
constitueraient des apports précieux et originaux de
création.
Et vous manifestez aussi beaucoup d'inquiétude j'ai
remarqué, dans votre mémoire quant à la paix
sociale. Vous dites que ça peut créer quand on change
aussi rapidement de l'arrogance et qu'on présente une certaine
forme d'intolérance.
Vous illustrez, je pense, de façon fort éloquente et
vigoureuse les raisons qui militent en faveur d'une politique ferme, sans
marchandage de politique, sans ambiguïté ni ambivalence, ce qui
permettrait effectivement au Québec de s'épanouir dans sa langue
et sa culture tout en respectant la minorité.
À la question, tout à l'heure, du député de
Hull, à savoir si on reviendrait, après 15 ans, à la
situation qui prévalait avant la loi 101, vous avez raison de vous en
inquiéter parce qu'il y a 3, 4 ou 5 facteurs qui, conjugués, vont
finir par entraîner la même situation que vous nous avez
décrite.
Il y a la première, c'est la standardisation. Est-ce que
pour en nommer un McDonald's aura des politiques d'affichage
différentes, selon qu'elle soit dans le Vieux-Montréal, aux
États-Unis, ou à Québec ou à Chicoutimi? Non, ils
vont finir par avoir une politique un peu comme on a, comme ils n'ont
adopté qu'une seule politique en matière de dépliants
publicitaires. Alors, lorsque vous recevez ça dans votre boîte
à lettres, vous avez beau être à Chicoutimi ou à
Rimouski, c'est tout bilingue. Alors, ça va vraiment se
réinstaller à travers le Québec, parce qu'il y a aussi la
pression, l'habitude: pourquoi continuer à résister?
Bon. Alors, je pense que ça, il faut le rappeler. Il faut
rappeler également et j'en profite pour le faire, parce que le
gouvernement a voulu laisser l'impression qu'il s'agissait d'un projet de -loi
modéré, pour utiliser les termes de M. Ryan lui-même, alors
qu'il s'agit d'un projet qui vient modifier en profondeur la loi 101, son
esprit et ses objectifs. En guise d'illustration, rappelons qu'il y a 65
articles dans le projet de loi qui viennent changer 84 dispositions de la loi
101 84 articles de la loi 101 sur 215 et qu'il y a seulement 10
articles qui touchent l'affichage commercial. Donc, il y en a 55 qui brassent
complètement la loi 101, qui touchent à la fois la langue de
l'administration, de la justice, de l'enseignement, et j'en passe: c'est
vraiment une remise en question fondamentale de la loi 101 et de ses objectifs,
et c'est un... je pense qu'on peut le dire, c'est la charte du bilinguisme
institutionnel au Québec.
M. L'Allier, vous avez rappelé la fragilité du
français au Québec. Je ne voudrais pas vous citer, c'est
éloquent; ça exprime de façon claire les positions
là-dessus. Quelques questions. Aux pages 6 et 7 de votre mémoire,
vous dites déplorer le retour à l'affichage bilingue, et en
particulier à Montréal, et je vous cite: «Avec le retour
à l'affichage bilingue [...] dans un contexte de discrète
invitation à la délinquance, on enlève le plâtre
bien avant que la jambe ne soit guérie. Mais c'est l'affaire de
Montréal de vous en parler.» Pourriez-vous nous dire ce que vous
entendez lorsque
vous dites: «dans un contexte de discrète invitation
à la délinquance»? Qu'est-ce qui va se passer, selon
vous?
Le Président (M. Maltais): M. le maire.
M. L'Allier: M. le Président, c'est une opinion
personnelle, mais, quand on est intervenu avec la loi 22, et ensuite avec la
loi 101, on a voulu permettre la langue de travail, on a voulu faire en sorte
que les Québécois et les Québécoises puissent se
développer en utilisant leur langue maternelle.
À partir du moment où on ouvre la porte à un retour
à la normalité c'est-à-dire les règles du
marché d'abord, les règles du marché, confirmées
par les chartes, etc., etc. on enlève cette protection à
la langue d'une minorité, et cette protection m'apparaît
essentielle. Elle peut s'exercer sans brimades.
Moi, quand le ministre dit, par exemple, M. le Président, qu'il
faut que tout le monde soit mis sur le même pied, d'accord. Mais pourquoi
ne pas mettre tout le monde sur le même pied que la majorité des
gens du Québec, à ce moment-là? Pourquoi est-ce que le
pied serait celui des minorité^; qui s'expriment et qui veulent faire
commerce? Je comprends les arguments du ministre: c'est un choix politique,
ça, on ne peut pas faire autrement et ne pas passer à
côté; c'est un choix politique qui... Le ministre ne partage pas
mon analyse, et je le constate, mais ce n'est pas plus grave que ça; en
politique, on n'est pas obligés d'être d'accord sur tout. Je pense
qu'on ouvre la porte, en disant aux minorités anglophones: Ce n'est
qu'un premier pas, maintenant, vous avez l'affichage.
Il y aura bien une décision qui va dire, ensuite, que vous n'avez
pas le droit de discriminer sur la dimension de l'affichage; il y aura bien,
ensuite, une loi qui viendra dire, ou une interprétation de la Charte
par un juge X, Y, qui dira que vous n'avez pas le droit d'empêcher
quelqu'un, s'il le veut bien, de s'exprimer uniquement dans sa langue: c'est
ça, la liberté des individus, poussée jusqu'au maximum. Et
ainsi de suite, et ainsi de suite.
Ensuite, l'application, en d'autres mots, la négation de droits
collectifs, en cette matière ça, ça dépend
de nous de s'en reconnaître; les majorités s'en reconnaissent
bien, la négation de droits collectifs est un comportement
minoritaire. On peut le faire, on peut s'assumer comme minorité. Mais,
à partir du moment où on s'assume comme minorité, il y a
toute une série de conséquences, qui sont celles que je vois ici.
(17 h 20)
Mme Blackburn: Est-ce que, selon vous, sur la base de ce droit de
communiquer commercialement dans sa langue, est-ce qu'on pourrait,
éventuellement, remettre en question le droit de s'adresser en
français au travail? Je pense que le droit, on a beaucoup
élaboré là-dessus, mais est-ce que, selon vous, on pourra
étendre ce droit-là à celui de choisir sa langue pour
s'adresser à ses employés, par exemple?
M. L'Allier: à mon avis, il n'y a pas de limite dans cette
voie-là. c'est une opinion, encore une fois, qui peut être
contestée, mais je pense qu'à partir du moment où on entre
dans cette voie il n'y a pas de raison que l'érosion s'arrête
à un moment donné. et vous avez employé une expression qui
revient souvent: le droit de s'exprimer dans sa langue. or, la langue de cette
population régionale et locale que nous sommes, c'est-à-dire plus
d'un demi-million de francophones et nous sommes 97 % notre
langue, c'est le français. nous voulons aussi que ce droit soit
respecté avec autant d'attention et autant de sollicitude que celui
qu'on se propose de respecter pour les minorités commerciales
montréalaises.
Mme Blackburn: En matière d'affichage, comment pensez-vous
qu'on pourra faire respecter l'esprit et la lettre de la loi en matière
de prédominance?
M. L'Allier: À moins, M. le Président, qu'on se
donne, encore une fois, une police linguistique que l'on refuse de se
donner c'est ce que j'appelle l'invitation à la
délinquance. On vous dit qu'il faut faire ça, mais on vous dit
aussi qu'il n'y aura pas d'inspection, à toutes fins pratiques, dans les
faits.
Mme Blackburn: Bien. À titre d'ex-ministre de la culture
et des communications, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la
disposition de la loi 86 qui vise à instaurer des classes d'immersion en
anglais, et ce, dès le niveau primaire? Je pense qu'à la suite du
reportage qu'on a eu par rapport au succès tout relatif de cette
pratique pour les clientèles anglophones...
Mais, comme vous avez davantage réfléchi à ces
questions, pourriez-vous nous donner votre opinion là-dessus?
M. L'Allier: C'est une opinion qui dépasse le mandat que
j'ai comme élu de la ville de Québec.
Mme Blackburn: Sur votre passé?
M. L'Allier: Je ferai tout simplement référence
à un point que j'ai donné ici. Je pense que le défi qu'on
a, au Québec, c'est effectivement de trouver la possibilité que
les gens puissent utiliser l'anglais comme langue seconde, mais
véritablement comme langue seconde, pas comme les premiers pas vers une
langue première. Or, pour qu'une langue seconde c'est pour
ça que je citais la Belgique et la Hollande puisse se greffer sur
un citoyen sans mettre en danger l'essentiel de ses fondements culturels, il
faut que l'ensemble de l'effort culturel de cette société soit
beaucoup plus fort que ce que l'on fait actuellement au Québec, pour ce
qui est de la culture française, qui a été soumise
à l'impératif des industries culturelles, au fil des
années.
Je ferme là mon commentaire. Quand je ne serai plus à la
mairie, dans 25 ans, j'en reparlerai.
Mme Blackburn: J'avais peut-être une autre question, parce
que mon collègue aussi voudrait vous adresser quelques questions.
Vous parlez beaucoup de la fragilité et de la
vulnérabilité du fait français, et les messages que vous
adressez au gouvernement, particulièrement, je pense à plusieurs
pages, mais je pense que c'est celui à la page 3, 7 et 10, lorsque vous
rappelez précisément que deux langues et plusieurs cultures
existent au Québec... «Dans ce contexte, le défi des uns
devient, d'une certaine façon, le problème des autres. Les gestes
qui peuvent être posés pour valoriser et protéger la langue
française n'en garantissent même pas la survie et
l'épanouissement à cause, précisément, du poids
naturel de l'environnement médiatique et économique anglophone
dans lequel nous vivons.»
Il y a des messages assez forts là-dedans. Alors, ce que vous
dites, c'est que, aussi longtemps que les gouvernements vont continuer à
faire selon le gouvernement un peu de marchandage, les
anglophones vont avoir tendance à penser, avec raison, qu'ils pourront
toujours en obtenir plus, et nous, ils nous présentent évidemment
dans une situation de minorité, puisque nous n'avons pas de droits
collectifs, mais nous avons des droits individuels. Et, dans ce sens-là,
le glissement se ferait. Mais est-ce qu'on peut penser que le glissement se
ferait parce que c'est ce qu'on me répond toujours dans
une région comme celle de Québec ou celle de Chicoutimi,
SaguenayLac-Saint-Jean? Vous dites: Vous êtes loin de ça, il
n'y a pas de problème chez vous, à 98 % francophones. Même
si Montréal glisse, ce n'est pas dangereux. Qu'est-ce que ça veut
dire, si Montréal glisse dans le sens où on
l'appréhende?
M. L'Allier: II y a une ambiguïté, peut-être,
dans ce que j'ai dit, mais il y a deux points, M. le Président, si vous
me le permettez.
Le premier, c'est que, au Canada, la question linguistique est un
rapport de force politique; qu'on le veuille ou non, c'est comme ça. Et
le débat, quand il porte sur la langue au Canada, c'est un rapport de
force entre les francophones et les anglophones; c'est la poursuite
éternelle des batailles des plaines d'Abraham, d'une part.
Par ailleurs, il ne faut pas s'imaginer que l'ensemble
nord-américain est ligué contre nous. L'ensemble
nord-américain, il est absolument passif par rapport à nous
autres. Il n'y a pas d'attaques nord-américaines sur le Québec
francophone. Le simple poids des 97,4 % d'anglophones nord-américains
qui pèse sur nous, autour de nous, dans nos industries, dans notre
affichage, etc., suffit à créer une pression qui devient
négative sur nous si on n'a pas l'ensemble des racines culturelles
très, très fortes qu'on doit avoir, que les Flamands ont, que les
Hollandais ont, que les Allemands ont, finalement. Et ça, nos racines
sont faibles.
Les trois points d'ancrage traditionnels, qui étaient la famille,
la religion et le système d'éducation, se sont effrités,
au fil des années, puis on ne les a pas rempla- cés par d'autres.
C'était un peu mon discours sur la loi 22, puis ça n'a pas
changé tellement depuis ce temps-là.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
M. le maire, vous avez entendu, juste avant vous, le maire de
Montréal réclamer certains droits de pouvoir afficher en anglais
dans des endroits à forte affluence touristique. Au contraire, vous,
dans votre mémoire, vous faites part que vous n'avez jamais eu de
plainte relativement au visage unilingue français, ici, à
Québec, et que même vous considérez comme un atout le
visage français unilingue de la ville de Québec.
Comment pouvez-vous concilier ces deux visions différentes?
M. L'Allier: Je ne commenterai pas la décision de
Montréal et l'analyse de Montréal; je veux pouvoir commenter ce
qui se passe ici.
Un des attraits que présente cette ville pour les visiteurs,
d'où qu'ils viennent, c'est précisément son
caractère français, le caractère français,
francophone et francophile. C'est ça que les gens recherchent, ici.
Qu'ils soient Japonais, qu'ils soient Anglais, qu'ils soient d'ailleurs, c'est
ça qu'ils recherchent, et ce qu'on représente, ici, c'est
ça. Et, moi, je n'ai pas vu de cas où les gens se plaignaient
d'avoir été mal reçus dans leur langue quand ils ne
parlent pas autre chose. Mais le visage extérieur de Québec et
tout ça, c'est un atout touristique, et je pense que les gens,
même de l'industrie, vont le reconnaître. Et ça, ça
peut se dégrader, au fil des années.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, si
vous voulez.
M. Bélanger (Anjou): Oui. Maintenant, aussi, relativement
aux questions de santé et de sécurité, le maire de
Montréal semble ouvert au fait de pouvoir utiliser l'anglais pour des
questions de santé et de sécurité. Au niveau du Conseil de
la langue française, on n'a aucune donnée relativement à
des incidents qui auraient pu être causés, dus au fait que
l'affichage soit uniquement en français.
Est-ce que vous, vous avez eu des cas d'accidents qui seraient survenus,
pour la ville de Québec, à cause...
M. L'Allier: À ma connaissance, non, mais je peux vous
dire qu'on fait toujours un effort particulier, durant la saison touristique,
pour s'assurer que nos policiers qui sont dans les zones touristiques soient,
effectivement, capables de s'exprimer en anglais.
Lorsqu'on se sent majoritaire dans un milieu et qu'on veut
développer des qualités démocratiques et de
tolérance, ça se fait naturellement, on n'a pas besoin des
prothèses pour faire ça. Mais, à partir du moment
où on va planter, ici et là, des signes qui risquent d'être
interprétés par 0,05 % de la population comme des signes de
provocation, ça va générer des images
d'intolérance, les images d'intolérance vont
générer des actions de... Ça va s'enchaîner.
Ça peut être ça. Je ne veux pas être alarmiste, mais
je dis que l'évolution des 20 dernières années n'appelle
pas à un retour en arrière par rapport à l'image
française de la ville et de la région de Québec. C'est ce
que je dis.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le maire, vous essayez, en nous montrant ces photos, de nous induire
en erreur. En effet, je vois... où toutes les photos que vous montrez
avant la loi 101 sont des affiches unilingues anglaises. Presque toutes les
photos, ici, sont des affiches unilingues anglaises ou des affiches à
prédominance anglaise, qui ne seront pas permises à partir de
l'adoption de la loi 86. Alors, vous essayez de créer un visage qui ne
sera pas le visage de la ville de Québec à partir de l'adoption
de la loi 86. L'article 17 l'article de la loi 86 dit très
clairement que l'affichage public et la publicité commerciale doivent se
faire en français; elles peuvent également être faites
à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le
français y figure de façon nettement prédominante. Alors,
toutes les photos que vous nous montrez, ici, dans ce cahier, ne seront pas
légales à partir de l'adoption de la loi 86. Alors, ça,
c'est une image que vous nous amenez qui ne reflète pas vraiment la
vérité de la situation.
Deuxièmement, vous dites aussi que «If it's not broken,
don't fix it». Comme mes collègues, je pense que «it's
broken», qu'il y a des problèmes qui doivent être
adressés. Comme vous suggérez ici, nous ne touchons même
pas à cette loi. En décembre 1993, cette loi va expirer, et il y
aura la capacité de n'importe quel commerçant de s'afficher en
anglais seulement, si le gouvernement n'agit pas pour faire quelque chose,
parce que la clause «nonobstant» doit être
réinvoquée en décembre, cette année. Alors, dire:
Ne faites rien, ou venir dire au gouvernement de ne rien faire est
irresponsable parce qu'il faut faire quelque chose, il faut rectifier la
situation. en ce qui concerne la question du tourisme à la ville de
québec, moi, j'ai des chiffres devant moi qui me disent qu'en 1992
l'apport financier touristique pour la ville de québec s'élevait
à environ 875 000 000 $, et un bon pourcentage presque 60 % de
ça était des touristes anglophones qui proviennent ou du
reste du canada ou des états-unis.
En 1990, il y avait une analyse qui avait été faite par
l'Office de la langue française et, à la question qui concernait
l'affichage unilingue sur les sites touristiques visités par les
étrangers de langue autre que le français, sur 84 personnes
interrogées, 59 d'entre elles soit 70 % se sont dites un
peu ou passablement embarrassées par l'unilinguisme.
Alors, ma question est la suivante: En utilisant le sens commun, est-ce
que vous ne croyez pas que ça ne fait aucun sens que, dans un
musée ou sur un lieu touristique, d'obliger un touriste de venir et
essayer de comprendre quelque chose, une explication de quelque chose dans une
langue qu'il ne comprend pas, est-ce que, vraiment, vous croyez que ça
va mettre en péril la langue française de permettre à un
musée ou à un lieu touristique de donner une traduction, une
simple traduction de quelque chose pour que des touristes, qui sont
majoritairement anglophones, puissent comprendre, même apprécier
ce qu'ils voient, même de leur offrir une fenêtre, à
l'intérieur de la langue française, du lieu qu'ils visitent pour
comprendre ce qu'ils regardent? Vous croyez... Juste en invoquant le sens
commun, est-ce que vous ne croyez pas que c'est un avantage, dans ces lieux
touristiques, de voir à faciliter la visite des touristes? (17 h 30)
Le Président (M. Doyon): II vous reste une minute pour
répondre, M. le maire.
M. L'Allier: Les photographies qu'on a distribuées ne sont
pas des photographies qui ont été préparées pour
cette commission. C'est un document qui est aux archives depuis 11 ans, et on
l'a sorti tel quel pour vous montrer l'évolution de l'affichage dans
Québec, entre 1968 et 1978. Donc, on n'a pas essayé de tromper la
commission, et c'est pour montrer que ces situations évoluent
rapidement.
Sur le plan touristique, effectivement, dans la ville et dans la
région de Québec, les touristes qui visitent les institutions,
très souvent, vont trouver, dans les faits, une information, des
feuillets dans leur langue. Ce n'est pas un problème. Le but n'est pas
d'obliger les touristes à de l'immersion forcée en
français. C'est de leur fournir des services acceptables.
Ce dont il s'agit ici, et tel que j'ai perçu l'objectif de la
législation, c'était de modifier le visage extérieur du
Québec dans son message public, global, anonyme à la population.
Faites ce que vous voudrez, mais, dans notre région, ce message,
actuellement, il est francophone et il est bien reçu par la population,
par les touristes et par les Canadiens parmi les touristes qui viennent ici. On
a la paix sociale, on y tient et on vous demande d'être prudents dans des
gestes qui pourraient semer des ferments de discordes et de bagarres.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.
Malheureusement, le temps dont nous disposions est écoulé.
M. L'Allier: C'est moi qui vous remercie, M. le Président,
de votre invitation.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup d'être
venu.
Alors, j'indique à cette commission que, avant de suspendre les
travaux, nous devrions nous retrouver ce soir, et il est au choix de la
commission de l'accepter ou pas. Je demande un consentement pour que nous
puissions...
Mme la députée de Chicoutimi, je vous demande un
consentement et je vous laisse le choix pour que nous puissions nous retrouver
demain matin, après les représentations et le discours du
porte-parole de l'Opposition officielle sur le budget, compte tenu... Ou nous
pouvons nous retrouver pour suspendre à 20 heures et resuspendre
à 21 heures et le faire comme vous voudrez. Je vous laisse le choix.
Mme Blackburn: M. le Président, je pense que, comme il
s'agit d'un ordre de la Chambre, nous n'avons pas le choix. Il a
été décidé par le président de la Chambre
je pense que c'est jeudi que nous devions procéder par...
constater que l'organisme ne se présente pas et ajourner parce que c'est
un règlement de la Chambre, et nous y sommes soumis.
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Blackburn: Et je n'aurais pas, moi, le pouvoir d'aller outre
aux décisions du président de la Chambre.
Le Président (M. Doyon): Oui. Encore faut-il que, pour se
plaindre, il y ait des victimes, et je considère que, si tout le monde
était d'accord, il n'y en aurait point. Alors, c'est pour ça que
je sollicite le consentement, n'ayant pas de victime, il n'y aurait pas de
plainte.
Mme Blackburn: II n'y a pas de consentement.
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de consentement.
Alors, nous nous retrouvons à 20 heures pour suspendre et
resuspendre de nouveau à 21 heures.
Alors, ceux qui sont à la télé, n'ouvrez pas pour
rien, il n'y aura rien qui va se passer.
Bonsoir.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture, tel
qu'indiqué avant le dîner, reprend ses travaux, tout simplement
pour les suspendre.
Oui, madame.
Mme Blackburn: Si vous permettez, juste avant que vous appeliez
le prochain groupe.
Est-ce qu'on pourrait demander au secrétaire de faire un peu le
bilan des quatre jours d'audience: le nombre d'organismes qui se sont
présentés, qui ont accepté l'invitation, ceux qui ont
décliné l'invitation et ceux qui ont demandé un report, et
peut-être nous indiquer aussi quand nous pourrions entendre ces
organismes?
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, c'est... Oui, M. le
député.
M. Maltais: M. le Président, je trouve l'idée bonne
en soi, sauf que, sans préavis pour le secrétaire, c'est un peu
difficile. Je suggère qu'il nous donne ça demain, à
l'ouverture de la commission.
Le Président (M. Doyon): Oui. Ça pourrait
être fait demain, à un autre moment.
Nous sommes ici pour voir, là, tout d'abord... La première
chose, moi, mon devoir, c'est de voir si le groupe que nous devions recevoir
à 20 heures donc, dès maintenant qui était
l'Union des municipalités du Québec... Je constate que,
conformément à la lettre qu'ils nous ont fait parvenir...
Mme Blackburn: Est-ce qu'on a reçu une lettre?
Le Président (M. Doyon): ...ils sont absents. Oui, on a eu
une lettre, oui.
Mme Blackburn: Est-ce que vous pourriez nous en...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui. Mme Blackburn:
...faire lecture?
Le Président (M. Doyon): Oui.
Ça, c'est l'Union des municipalités régionales de
comté, qui n'est pas ici non plus pour 21 heures, je le signale tout de
suite, même si nous devrons revenir, à l'insistance de Mme la
députée de Chicoutimi ce que nous ferons
pour...
Mme Blackburn: Et à l'ordre... selon l'ordre de la
Chambre, M. le Président. Correction et...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui. Alors, nous nous
conformerons à l'ordre, parce que Mme la députée ne
consent pas ce qui est parfaitement son droit à ce que
nous ajournions à demain. Mais, pas de problème, nous reviendrons
à 21 heures.
Donc, j'ai reçu une lettre de l'Union des municipalités du
Québec, en date du 20 mai 1993, signée par M. Ulric Blackburn,
président et maire de Chicoutimi, qui me dit: «Monsieur, Nous
avons bien reçu votre invitation à participer aux consultations
particulières de la commission de la culture sur le projet de loi en
titre et nous vous en remercions. «Sur réception de votre
invitation, j'ai fait effectuer un relevé des interventions et prises de
position de
l'Union des municipalités sur cette question depuis la quinzaine
d'années que le débat sur la langue a été
lancé au Québec. Cette démarche m'a confirmé que
l'UMQ n'a jamais, à ce jour, participé à ce débat,
en raison principalement de positionnements fort différents et parfois
opposés de ses différents membres, à la fois pour des
motifs de conviction politique, de composition de population, et de structure
économique de leur milieu pour n'en nommer que quelques-uns. «La
réunion de notre conseil n'étant prévue que pour le 4 juin
prochain, et la commission étant antérieure à cette date,
j'ai consulté mes principaux collaborateurs sur la pertinence pour l'UMQ
d'intervenir dans ce débat à cette étape de notre
cheminement collectif. «Au terme de cet exercice, je vous informe de
notre décision de décliner l'invitation que vous nous faites de
témoigner sur le projet de loi 86. «Confiant que vous comprendrez
notre volonté de constance dans ce dossier, je vous prie de recevoir
l'expression de nos sentiments dévoués. Le maire de Chicoutimi,
président de l'UMQ.»
Alors, c'est la lecture de la lettre, et, compte tenu de l'absence, tel
qu'indiqué, je suspends nos travaux jusqu'à 21 heures, si c'est
le désir de cette commission. Pas d'objection à ça?
Mme Blackburn: Suspendu.
M. Maltais: Nous, M. le Président, on donnerait facilement
notre consentement, parce qu'un ordre de la Chambre, lorsqu'il y a consentement
des deux parties, il n'y a pas tellement de problèmes, mais, compte
tenu, si Mme la députée de Chicoutimi... C'est son droit, et nous
le respectons. Donc, nous reviendrons à 21 heures.
Mme Blackburn: M. le Président, peut-être parce que
je pense qu'il ne faut pas laisser les choses dans un état
d'ambiguïté qui laisserait penser que c'est la
responsabilité de l'Opposition.
L'espèce de scénario qui a été...
M. Maltais: Non, non. Concernant le consentement, M. le
Président, m«»i, c'est tout ce que j'avais à
dire.
Mme Blackburn: M. le Président, j'ai la parole, vous allez
me permettre de terminer.
Ce n'est pas la responsabilité de l'Opposition que
d'établir l'agenda de cette commission. Ça a été
fait par ordre de la Chambre, et donc, un ordre de la Chambre, comme nous l'a
rappelé le président de la Chambre, c'est un ordre de la Chambre,
et il a intimé au président de la commission le devoir de venir
constater l'absence du groupe la semaine dernière, plus
précisément, M. le Président, si vous me le rappelez,
c'est mercredi ou jeudi; et, comme c'est un ordre de la Chambre, c'est un ordre
de la Chambre.
Le gouvernement a voulu procéder unilatéralement dans ce
dossier-là, sans consulter les organismes, avec comme résultat,
évidemment, de se retrouver avec un agenda à moitié
vide.
Le Président (M. Doyon): Bon.
Mme Blackburn: Alors, je ne voudrais pas qu'on impute la
responsabilité...
Le Président (M. Doyon): Ces choses étant
dites...
Mme Blackburn: ...à l'Opposition.
Le Président (M. Doyon): Ces choses étant
dites...
Mme Blackburn: Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): ...j'indique à ceux qui
nous font l'honneur de nous écouter que, comme président, compte
tenu de la responsabilité qui est la mienne, si je n'avais pas eu
d'objection et un consentement je l'indique tout simplement pour que ce
soit clair s'il n'y avait pas eu d'insistance de la part de qui que ce
soit de la commission, je me serais senti autorisé à suspendre
les travaux, à les ajourner jusqu'à demain, ce que je ne ferai
pas, compte tenu de l'insistance que je constate dans le moment. Mais j'aurais
pu le faire, compte tenu des prérogatives qui sont les miennes.
Alors, je suspends jusqu'à 21 heures.
(Suspension de la séance à 20 h 8)
(Reprise à 21 h 1)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate que l'UMRCQ n'est pas présente, conformément
à l'avis qu'elle nous avait envoyé; j'avais reçu une
lettre là-dessus. Avant que Mme la députée de Chicoutimi
me demande d'en faire la lecture, je vais le faire volontiers, comme c'est mon
habitude, d'ailleurs, au-devant de ses désirs.
Une voix: Quelle gentillesse!
Mme Blackburn: ...je peux conclure que vous allez aussi aller
au-devant de mes désirs.
Le Président (M. Doyon): Ah, bien, il ne faudrait pas
exagérer!
Mme Blackburn: Non. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): C'est trop risqué pour
moi, le président étant une personne fort prudente.
Le 25 mai 1993, le directeur général de
l'UMRCQ écrivait au secrétaire de la commission et lui
disait ce qui suit: «Monsieur, Nous désirons vous informer que
l'Union des municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec n'a pas l'intention de faire des
représentations lors des consultations particulières sur le
projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.
«Veuillez agréer, etc. Signé, M. Michel Fernet, directeur
général.»
Mme Blackburn: Juste un mot, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Blackburn: D'abord, pour m'excuser auprès du
personnel. Il faut se rappeler que le contrat qui a été
accordé pour la télédiffusion des débats de cette
commission, c'est assez élevé. Ça représente, nous
dit-on, quelque chose comme 300 000 $. Malheureusement, plusieurs organismes
ça va être près d'au moins 40 % des organismes
se sont désistés. Mais je m'excuse auprès du
personnel parce que je sais que, si on n'avait pas respecté l'ordre de
la Chambre, vous pourriez peut-être rentrer chez vous plus rapidement,
mais, par ailleurs, je n'ai pas le goût de trop, trop m'excuser parce
que, de toute façon, si on avait siégé, vous seriez avec
moi ici jusqu'à 22 heures, alors que vous pourrez quitter à 21 h
5.
Je le dis, en même temps, sur un ton badin, mais pour le
déplorer. Parce que, dans ces périodes de restrictions
budgétaires importantes, qui affectent lourdement les familles, ce n'est
pas vrai qu'on a le droit de dépenser comme ça par
improvisation et de façon tout à fait inutile quelque 150
000 $.
Alors, je terminerais là-dessus, et, comme le groupe ne s'est pas
présenté, je pense qu'on doit ajourner, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député
de Hull.
M. LeSage: M. le Président, si vous le permettez, j'abonde
dans le même sens que la députée de Chicouti-mi, sauf
qu'elle aurait dû également ajouter que l'on s'excuse
auprès des téléspectateurs pour l'image que l'on peut
projeter, alors que l'on se réunit ici tout simplement pour
ajourner.
Mme Blackburn: ...d'improvisation.
M. LeSage: Et c'est un caprice de la ministre... de la
députée de Chicoutimi, dis-je, alors que le ministre... le
président de cette assemblée l'a très bien dit à
l'ajournement de 20 heures qu'on aurait pu, avec consentement, ne pas
déranger tout ce beau monde, faire rentrer un paquet de personnel pour
rien, payé pour rien et déranger le spectateur pour l'image que
l'on projette.
M. Tremblay (Rimouski): Ça, c'est du
«gaspil»!
Mme Blackburn: M. le Président, je pense qu'il faut dire
la chose telle qu'elle est...
M. Tremblay (Rimouski): Non, non. C'est la
vérité.
Mme Blackburn: M. le Président.
M. Tremblay (Rimouski): C'est ça, les faits.
Le Président (M. Doyon): M. le député!
Mme Blackburn: M. le Président, c'est que c'est un contrat
fermé et, qu'ils viennent ou qu'ils ne viennent pas, ils sont quand
même rémunérés. Heureusement, je le dis
alors, soyons sérieux et c'est dû beaucoup et je ne
voudrais pas le répéter parce que c'est vrai que c'est
disgracieux à l'improvisation et à ce sentiment qu'ont eu
les organismes qu'on pouvait les convoquer à l'heure dite, à la
journée dite, et sans consultation. Il y en a plusieurs qui ne l'ont pas
bien pris, et avec raison.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saguenay, vous vouliez ajouter, rapidement?
M. Maltais: Pour terminer, M. le Président, comme
improvisation, ça en est une belle preuve ce soir. On aurait pu
s'exempter. Malheureusement, on a dû revenir à 20 heures et
à 21 heures. Et, quant à moi, je ne pense pas que l'ordre
de la Chambre on vive en dictature. Lorsqu'il y a consentement, il y a
toujours moyen de s'entendre. Ça fait 10 ans que je suis à
l'Assemblée nationale, puis c'est la première fois que je vois
une chose comme ça. J'imagine qu'on n'a pas fini d'en voir avec la
députée de Chicoutimi. Mais elle est toujours la bienvenue. Je
respecte ses droits.
Merci, M. le Président, et à demain.
Mme Blackburn: M. le Président, vous savez aussi qu'il y a
eu une première...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, en terminant, parce
que ça ne finira jamais.
Mme Blackburn: Oui, je termine là-dessus, pour mieux
comprendre, un peu, pour les téléspectateurs.
Le Président (M. Doyon): C'est vrai qu'on a une heure,
remarquez bien!
Mme Blackburn: II s'agit d'une première: jamais, dans
l'histoire de la Chambre, le gouvernement au pouvoir n'a-t-il, sur ordre de la
Chambre, convoqué une commission sans consultation de l'Opposition, en
indiquant non seulement les organismes invités, mais les heures et les
dates au cours desquelles... et ça, sans consultation des organismes en
question, sans consultation aucune.
M. Maltais: Mme la députée de Chicoutimi a la
mémoire un peu courte: qu'elle se rappelle la loi 3.
Le Président (M. Doyon): Alors, comme président de
l'assemblée, on me permettra, étant donné que... et, comme
c'est normal, j'aurai le dernier mot.
J'indique que nos travaux seront suspendus dans quelques instants. Et je
le fais en ce qui concerne les groupes qui devaient venir demain. C'est qu'un
article de notre règlement c'est le deuxième alinéa
de l'article 87 de notre règlement suspend les travaux des
commissions pour la durée du discours du représentant de
l'Opposition officielle dans le cadre du débat sur le discours du
budget. Ça aura lieu demain matin, de 10 heures à 12 heures.
Donc, à midi, nous reprendrons nos travaux de façon
à entendre... je pense que c'est la Fédération des
travailleurs du Québec.
J'indique que notre présence ici était requise, d'une
part, par l'ordre de la Chambre, c'est vrai, mais, d'autre part, par
l'insistance de certains membres de cette commission ce qui était
parfaitement leur droit de nous réunir,de nouveau pour faire
ressortir un certain nombre de points que les téléspectateurs,
j'en suis convaincu, avaient déjà compris.
Alors, les travaux sont ajournés jusqu'à midi, demain.
(Fin de la séance à 21 h 6)