Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare donc la séance de la commission de la culture
ouverte et je rappelle brièvement quel est le mandat de cette
commission. Il s'agit pour nous de procéder à des consultations
publiques particulières et de tenir des auditions publiques sur le
projet de loi 86, qui est la Loi modifiant la Charte de la langue
française.
Je demanderais à M. le secrétaire de bien vouloir nous
indiquer s'il y a des remplacements et j'inviterais les gens à prendre
place dès maintenant pour qu'ils soient plus à l'aise. Alors,
vous pouvez prendre place.
Oui, M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président.
Alors, M. Fradet (Vimont) sera remplacé par Mme Boucher Bacon
(Bourget); M. Leclerc (Tasche-reau) sera remplacé par M. Maltais
(Saguenay); M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques) sera remplacé
par M. Bélanger (Anjou); et M. Paré (Shefford), par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, ces
remplacements sont consignés.
J'indique que la journée que nous avons devant nous sera
consacrée à entendre Un certain nombre d'organismes et j'en
informe les membres de la commission. Nous recevrons tout d'abord les
représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal. Cette société sera suivie par les
représentants du Congrès juif canadien, région du
Québec, et, à midi, nous aurons avec nous la Communauté
hellénique de Montréal. Nous suspendrons nos travaux à 13
heures pour les reprendre à 16 h 30, après la période de
questions de l'Assemblée nationale, pour entendre le Congrès
national des Italo-Canadiens, région de Québec, et nous devrions
ajourner nos travaux vers 17 h 30.
Alors, je vois que les représentants de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal sont avec nous. Je leur souhaite la plus
cordiale des bienvenues. Nous sommes prêts à les entendre, et je
leur indique que nos règles sont les suivantes ils les
connaissent d'ailleurs: vous disposez de 20 minutes pour nous faire part de vos
réactions, de vos suggestions, pour nous présenter un
résumé du mémoire que nous avons devant nous. Après
ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission, 20
minutes étant réservées au parti ministériel et 20
minutes aux partis de l'Opposition: 15 minutes à l'Opposition
officielle, et, si le représentant du Parti Égalité m'en
fait la demande, il aura droit à 5 minutes.
Alors, si vous voulez bien vous présenter, et vous aurez la
parole dès ce moment-là.
Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal (SSJBM)
M. Dorion (Jean): Merci, M. le Président.
Permettez-moi de présenter les personnes qui m'accompagnent.
D'abord, à ma gauche complètement, le deuxième
vice-président de la Société, M. Érich Laforest,
étudiant en histoire, et, avec votre permission, M. Laforest aurait un
très, très court message à livrer. Ensuite, je vais
procéder à la présentation des autres membres de la
délégation.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Laforest, vous voulez
parler maintenant?
M. Laforest (Érich): Oui, monsieur, j'aimerais tout
simplement vous faire part, au nom du Rassemblement des jeunes souverainistes
du Québec et du Conseil jeunesse de la Société
Saint-Jean-Baptiste, de notre profonde déception. Nous constatons que le
gouvernement a volontairement exclu de cette commission l'ensemble des groupes
de jeunes. Or, il est essentiel de connaître leur opinion; ils forment
l'avenir et ils sont directement impliqués par le projet de loi que vous
nous soumettez, et on refuse de les écouter.
Une voix: Merci, M. Laforest.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, vous pouvez
continuer les présentations, M. Dorion.
M. Dorion: Alors, les autres n'ont pas de message de ce type, M.
le Président.
Mme Palluy, à ma gauche immédiate, Mme Pal-luy est une
artiste peintre, elle est secrétaire générale de la
Société; tout de suite à ma droite, Mme Rashida Azdouz,
une psychologue et spécialiste des relations interethniques, elle est
une des responsables de notre comité des relations interethniques
à la Société; un petit peu plus loin, M. François
Lemieux, éducateur, qui est trésorier de la
Société; et, finalement, notre directeur général,
M. Gilbert Gardner. (10 h 10)
M. le Président, je vais résumer le document que vous avez
reçu. Ce document se compose, en fait, de deux textes; je vais
résumer le premier, qui est le mémoire. Le second, c'est un
manifeste que nous avons publié il y a environ deux mois et auquel nous
nous référons à l'occasion à l'intérieur du
mémoire; ce texte est toujours d'actualité et il soumettait nos
demandes
pour un renforcement de la loi 101. Les deux textes sont compris dans le
même document. Alors, je vais simplement, aujourd'hui, parler du premier,
qui concerne le projet de loi au sujet duquel on est consultés.
Nous constatons que rien dans le projet de loi en question ne vient
répondre à l'une quelconque des demandes que nous faisions dans
le manifeste annexé. Au contraire, le projet de loi 86 poursuit le
démantèlement de la loi 101 déjà entrepris devant
les tribunaux. Étant donné le peu de temps qui nous est imparti,
je vais me limiter, ici, à commenter quelques éléments de
ce char-cutage.
L'article 2, par exemple, concerne la langue de la correspondance de
l'administration, c'est-à-dire le gouvernement, les
municipalités, les hôpitaux, etc., toutes les institutions
publiques relevant du gouvernement du Québec. La loi actuelle exige que
ces institutions n'utilisent que le français dans leur correspondance et
autres communications écrites avec, entre autres, les personnes morales
établies au Québec, et ça, ça inclut les
entreprises et toutes les sortes d'organisations imaginables. Le projet de loi
qu'on nous soumet, à son article 2, veut abolir cette exigence en
permettant à l'administration une correspondance qui serait bilingue.
Ainsi, dans les entreprises et autres organismes à qui cette
correspondance est destinée, on n'aura plus besoin, pour lire la
correspondance de l'État, de pouvoir lire le français. L'impact
va nuire au français et aux francophones aussi.
Prenons le cas des entreprises appartenant à des
non-francophones. Comme toutes les autres, elles ont avec le gouvernement et
les municipalités de très nombreux contacts écrits qui
concernent l'impôt, les taxes, les relations de travail, la
sécurité, l'hygiène, les programmes de subventions, les
permis, etc. Si l'administration ne correspond qu'en français, comme le
prescrit la loi 101 actuelle, il faut, dans l'entreprise, des personnes qui
connaissent cette langue pour traiter de ces dossiers. Le gouvernement, en
proposant d'abolir cette obligation de ne correspondre qu'en français,
propose donc d'abolir une mesure qui stimule l'embauche et la promotion de
francophones à différents niveaux dans l'entreprise et qui
favorise l'apprentissage du français par les non-francophones. Et nous
demandons pourquoi.
Nous demandons aussi comment les entreprises pourraient prendre au
sérieux le gouvernement lorsqu'il les invite à communiquer en
français avec leurs employés et leur clientèle, si ce
même gouvernement communiquait dorénavant avec elles en anglais.
Nous croyons que cet article équivaut, en fait, à nier le
caractère du français comme seule langue officielle.
Au cours d'un débat récent sur cet article, à
l'Assemblée nationale, le ministre l'a justifié en invoquant ce
qu'il appelait la simple courtoisie. Eh bien, nous croyons, pour notre part,
à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, que
la courtoisie impose, au contraire, que les entreprises établies au
Québec et les autres organismes communiquent dans la langue du
Québec avec les Québécois, y compris avec les
fonctionnaires et les élus du gouvernement du Québec, des
municipalités et de toutes les institutions publiques.
Parlons maintenant des articles 4 et 9. Ils permettraient de nouveau la
présence de l'anglais dans l'affichage gouvernemental et la
signalisation routière. Naturellement, nous sommes opposés
à la présence de l'anglais dans la signalisation routière:
l'État québécois, d'après nous, n'a pas à
avoir honte de s'afficher en français. L'argument de la
sécurité qu'on nous sert après 15 années de
signalisation routière unilingue française est faux et il vient
de gens pour qui tout est toujours plus important, finalement, que le
français. Nous nous opposons aussi à ce que le gouvernement
obtienne la possibilité de «rebilinguiser» tout son
affichage par voie de règlement je parle de l'affichage
gouvernemental et donc, sans débat public, tel que c'est
proposé au dernier alinéa de l'article 4.
Il y a ensuite un grand nombre d'articles du projet une quinzaine
qui ont pour objet de retirer à l'Office de la langue
française des pouvoirs que cet organisme détient jusqu'ici pour
les transférer au ministre. Ces articles vont conférer au
gouvernement c'est-à-dire, en pratique,, au ministre des
pouvoirs énormes, qui devraient relever d'un organisme
indépendant des aléas de la politique. De plus, l'article 17
permet au ministre, en matière d'affichage, de modifier à son
gré, par réglementation, la portée réelle de la
loi, à tel point qu'il pourrait s'en servir, à la limite, pour
permettre l'affichage unilingue anglais partout au Québec, par simple
règlement, et donc, sans débat à l'Assemblée
nationale.
En 1974, alors que le gouvernement de l'époque s'apprêtait
à établir la Régie de la langue française, un
éditorialiste très perspicace d'un journal de Montréal
écrivait, et je cite l'éditorialiste: Ce qu'il n'ose affirmer
ouvertement, le gouvernement, semble-t-il, espère le réaliser
quand même par le truchement des règlements que le ministre aura
le pouvoir d'instituer. Mais, écrivait l'éditorialiste, il faut
refuser cette façon de légiférer. Outre qu'elle prolonge
une pratique néfaste qui tend à accroître sans cesse la
sphère réservée au pouvoir exécutif, elle
pèche, dans ce cas-ci, par un manque de franchise évident. Cette
tendance à tout ramener à l'autorité du ministre, disait
l'éditorialiste, est une faiblesse grave du projet. Elle se manifeste
avec un sans-gêne débridé lorsqu'il est question du statut
de la future Régie de la langue, ajoutait-il. La commission Gendron,
rappelait l'éditorialiste, avait souhaité, pour cette
Régie, un statut de grande autonomie. Le projet 22 en fait une
créature extrêmement dépendante du ministre. Qui voudra,
demandait l'éditorialiste, dans ces conditions, en faire partie? Il
ajoutait: On nous présente une loi hésitante sous le couvert d'un
ministre fort. Et il concluait: Mieux vaudra, en une matière aussi
névralgique que la langue, une loi forte et un ministre ramené
à de justes proportions.
Cet éditorialiste, c'était M. Claude Ryan, alors directeur
du Devoir.
Nous sommes, pour notre part, impressionnés par la sagesse et
l'actualité de ces propos de M. Ryan et
nous les soumettons à la considération du ministre
présentement responsable du dossier linguistique.
L'article 12, maintenant: il concerne la langue des services
professionnels. En vertu de la loi actuelle, à l'article 38, un
professionnel qui vient de l'extérieur du Québec doit faire la
preuve qu'il connaît suffisamment le français avant d'être
autorisé à exercer sa profession. Toutefois, un professionnel qui
n'a pas fait cette preuve peut recevoir un permis temporaire d'exercice d'une
durée d'un an. L'article 12 du projet de loi propose que les permis
temporaires soient désormais, non pas renouvelables deux fois pour un
an, mais renouvelables, point, ce qui veut dire renouvelables à vie.
Quiconque peut aller devant les tribunaux en disant: On doit me renouveler mon
permis parce que la loi dit qu'il est renouvelable.
On sera donc toujours tenu, bien sûr, de se présenter aux
examens de français de l'OLF, mais on ne sera plus tenu de les
réussir, ce qui est assez extraordinaire.
Qu'est-ce qui arrive, dans ça, au droit des
Québécois de recevoir des services professionnels en
français? Il s'agit, aussi, d'une concurrence déloyale pour les
professionnels formés localement et pour les professionnels immigrants
qui ont appris le français, car la connaissance de cette langue,
à notre avis, devrait faire partie de la compétence requise pour
exercer une profession au Québec. Est-ce qu'on s'est demandé, par
ailleurs, combien d'autres professionnels ou employés de soutien devront
travailler en anglais pour accommoder leurs collègues ou
supérieurs linguistiquement incompétents?
Les articles 17, 18, 19, 20, 21 abolissent l'obligation de
l'unilinguisme français dans l'affichage et dans l'usage des raisons
sociales. À notre avis, aucun article du présent règlement
n'aura d'effet plus néfaste pour le français que le retour
généralisé à Montréal, du moins
à l'affichage bilingue.
En effet, comme notre manifeste l'expliquait, statistiques à
l'appui, l'avenir du français à Montréal va
dépendre largement du choix linguistique que feront les allophones. Car
l'évolution démographique révélée par le
dernier recensement nous annonce que l'île de Montréal comptera,
dans moins de 10 ans, une majorité de personnes d'une langue maternelle
autre que le français. Or, l'affichage unilingue est un rappel quotidien
et omniprésent à l'adresse de ces personnes de la primauté
que le Québec accorde à sa langue. Voilà un
résultat que l'affichage bilingue n'obtiendrait jamais.
René Lévesque, qui fut longtemps réticent à
l'idée d'imposer l'affichage unilingue français, en avait,
finalement, très bien compris la nécessité. Il
écrivait aux dirigeants d'Alliance Québec, en novembre 1982:
À sa manière c'est René Lévesque qui parle
chaque affiche bilingue dit à l'immigrant: II y a deux langues,
ici, le français et l'anglais; on choisit celle qu'on veut. Elle dit
à l'anglophone... Chaque affiche bilingue, dit René
Lévesque, dit à l'anglophone: Pas besoin d'apprendre le
français, tout est traduit.
Par ailleurs, un sondage SORECOM de juillet 1985 indiquait que 71,9 %
des francophones et 53 % des allophones, en milieu de travail, attribuaient
à l'affichage unilingue français ce qu'ils appelaient «une
tendance à utiliser moi-même plus de français au
travail». C'est donc un puissant facteur d'usage du français au
travail que le projet de loi 86 veut faire disparaître. Nous sommes
convaincus aussi que l'affichage unilingue, en faisant en quelque sorte du
français la langue officielle des magasins, incite les
commerçants comme les consommateurs, et particulièrement dans le
cas des allophones, à communiquer davantage en français. (10 h
20)
L'affichage bilingue va dissuader les immigrants d'apprendre le
français, il va nuire au français comme langue de travail et de
service, il va nous ramener à un français commercial lamentable,
comme autrefois, en favorisant la conception de la publicité en anglais,
puis sa traduction. Ces trois raisons, à notre avis, justifient
amplement qu'on conserve l'affichage unilingue français. Et ça,
le gouvernement le sait très bien. Il l'a affirmé lui-même
et nous en parlons dans le texte du mémoire que je dois
résumer, en ce moment devant un comité de l'ONU, il y a un
peu plus d'un an. Qu'est-ce qui a tant changé depuis un an? Et qu'est-ce
qui a tant changé, même, depuis 1988, quand on a adopté la
loi 178?
Pour toutes ces raisons, nous demandons au gouvernement de
réinvoquer la clause «nonobstant» et de maintenir
l'affichage unilingue français.
Le gouvernement invoque souvent l'appui de l'opinion publique. On voit
maintenant, dans un sondage paru dans le Devoir de ce matin, que
l'opinion publique est en train de tourner, que le vent est en train de changer
de bord, comme on dit, et que la majorité maintenant une solide
majorité de la population francophone de Montréal
celle qui risque de souffrir le plus du rétablissement de l'affichage
bilingue une solide majorité veut le maintien de l'affichage
unilingue.
Nous sommes très contents de voir cette
évolution-là et nous pensons que ça va s'étendre
ailleurs au Québec, et, évidemment, c'est bien pour ça, M.
le Président, que nous avons entrepris une tournée des autres
régions du Québec, cette semaine, avec plusieurs autres
partenaires.
L'article 21, maintenant. Cet article, il permet le retour à des
raisons sociales bilingues, sans même exiger la nette
prédominance, entre guillemets, du français prévue pour
l'affichage dans le même projet de loi. Et, bien sûr, l'absence de
cette nette prédominance nous garantit le retour des «Chicken
Place du poulet», les «Tapis un million One Million
Carpets» et autres horreurs du bon vieux temps. Nous sommes contre.
Parlons maintenant de l'article 22. En vertu de cet article, les
écoles françaises seraient autorisées à enseigner
non pas l'anglais, comme maintenant, mais diverses matières en anglais.
Nous n'avons aucune objection, bien sûr, à l'enseignement de
l'anglais à l'école française, mais, à notre avis,
les jeunes allophones inscrits
dans les écoles françaises de la région de
Montréal et qui consacrent 65 % de leur temps d'écoute à
la télévision de langue anglaise comme l'indiquait une
étude récente du Département de communication de
l'Université de Montréal les jeunes allophones inscrits
dans les écoles françaises de tout le Québec qui
choisissent de plus en plus de passer au cégep anglais à la fin
du secondaire et non pas de moins en moins, comme on l'a cru longtemps
de plus en plus, depuis 1986, nous pensons qu'ils ont besoin
d'être plus exposés au français à l'école et
pas à l'anglais. les jeunes francophones des mêmes
écoles françaises qui consacrent 35 % de leur temps
d'écoute à la télévision de langue anglaise dans la
région de montréal, ils ont besoin de se faire dire qu'on peut
apprendre la chimie ou la géographie ou l'économie autrement
qu'en anglais.
Nous n'acceptons pas qu'on transforme, en quelque sorte, les
écoles françaises en écoles bilingues, ce qui sera
possible avec la loi, fût-ce pour sauver les emplois d'enseignants
anglophones, au détriment, d'ailleurs, bien sûr, de ceux de leurs
collègues francophones.
Parlons maintenant de l'article 30. Le texte original de la loi 101
permettait au ministre de déclarer admissibles à l'école
anglaise les enfants de personnes séjournant au Québec de
façon temporaire. L'article 30 du projet oblige le ministre à
ouvrir l'école anglaise à ces enfants. Comme un séjour
temporaire peut facilement devenir permanent, et comme on peut très
facilement présenter d'abord comme temporaire un séjour qui sera,
dans les faits, permanent, nous croyons que le nouveau texte ouvre la porte
à toutes sortes d'abus. Nous préférons le texte original
de la loi 101 qui permet au ministre, au moins, de dire non en cas d'abus
manifeste. De toute façon, nous ne voyons pas en vertu de quoi les
parents qui séjournent temporairement au Québec n'enverraient pas
leurs enfants à l'école de la majorité, comme ils le
feraient, d'ailleurs, dans tout pays normal.
Parlons de l'article 52. L'article 52 abolit la Commission de protection
de la langue française. Cette décision ne surprendra personne
parce que, manifestement, les auteurs du projet de loi ne sont pas
obsédés par l'idée que la langue française doit
être protégée au Québec. En confiant à
l'Office de la langue française un rôle de négociation et
de conviction, et à la Commission de protection de la langue
française un rôle de coercition, les auteurs de la loi 101 avaient
fait preuve de sagesse. Ils savaient que ces deux rôles-là peuvent
difficilement être conciliés par le même organisme.
En supprimant la Commission et en confiant ses fonctions à
l'Office de la langue française, les auteurs du projet de loi 86
viennent déséquilibrer toute l'architecture de la loi 101. Ils
font savoir aux éventuels contrevenants qu'ils n'auront plus grand-chose
à craindre, parce que l'Office n'a pas été très
méchant c'est le moins qu'on puisse dire dans sa
façon d'exercer les pouvoirs coercitifs dont il disposait. Il est vrai,
par ailleurs, que le projet de loi laisse, de toute façon, subsister
bien peu d'interdits. en conclusion, m. le président, nous disons que,
du français, il en faut plus et non pas moins. le projet de loi soumis
à la présente consultation, s'il était adopté,
redonnerait au québec, et surtout à montréal, un visage
bilingue. le ministre nous dit que ça ne sera pas automatique et qu'il
ne sera pas obligatoire qu'on affiche de façon bilingue, mais tout le
monde sait bien qu'à montréal tout l'ouest de montréal va
passer au bilinguisme très rapidement; et, même dans l'est, on va
commencer, dans certains commerces, à le faire, puisqu'il n'y a plus de
quartier homogène à montréal. on va passer à une
forme de bilinguisme dans certains commerces, et ceux qui sont concurrents vont
les imiter ensuite parce qu'ils ne veulent pas perdre même 2 % de la
clientèle. et c'est très rare, d'ailleurs, que la
clientèle non francophone soit aussi faible que 2 %, à
montréal. le projet de loi, il abolirait, bien sûr, la commission
de protection de la langue française, il mettrait sur le même pied
l'anglais et le français dans la correspondance de l'état, et
ça rendrait la lecture, la connaissance du français inutile pour
ceux qui la recevraient. il glorifierait, ce projet de loi, aussi, il
glorifierait dans son texte la soumission et la résignation face
à une constitution canadienne indifférente à nos
intérêts linguistiques et que le québec n'a jamais
signée.
Il «bilinguiserait» l'école française, il
concentrerait dans les mains de politiciens qui se sont presque toujours
montrés plus sensibles aux privilèges de la minorité
qu'aux droits de la majorité cherchons dans ce projet de loi des
choses qui font vraiment avancer la cause du français, en passant
il concentrerait en leurs mains le pouvoir d'en céder toujours plus,
sans débat public, à des gens qui en demandent toujours plus.
Comme nous l'avons montré, ce retour en arrière, il se fera au
détriment des chances d'embauché et de promotion des francophones
dans les entreprises non francophones, comme nous l'avons montré au
chapitre sur la correspondance de l'État.
Il se fera aussi au détriment de la francisation des immigrants.
Ce sera particulièrement désastreux, en particulier avec
l'affichage bilingue. Or, la francisation des immigrants à
Montréal, c'est la garantie d'une paix sociale future pour nos enfants
de toutes origines. Et j'espère, M. le Président, qu'on
n'assistera pas, parce qu'on parle de la question de la francisation, à
ces procès d'intention tout à fait démagogiques qu'on nous
fait régulièrement dès que nous abordons la question de la
situation démolinguistique dans l'île de Montréal. Il y a
là un problème très sérieux et un problème
qui concerne les personnes de toutes origines à Montréal, et
c'est dans l'intérêt des personnes de toutes origines que nous
souhaitons faire en sorte que la francisation des allophones, à
Montréal, devienne une réalité sérieuse et
irréversible.
Ce projet de loi, il vise manifestement à mettre l'anglais sur le
même pied que le français au Québec, donc, à faire
en sorte qu'il y ait non pas plus de français, mais moins, tout en
ménageant, bien sûr, un mini-
mura d'apparence. C'est ainsi qu'on conserve à la loi... Le
Président (M. Doyon): M. Dorion. M. Dorion: Je
termine.
Le Président (M. Doyon): M. Dorion, je suis obligé
de vous interrompre pour vous indiquer que le temps qui vous était
alloué est écoulé.
M. Dorion: Je suis dans le dernier paragraphe, M. le
Président, vous permettez que je finisse ce paragraphe?
Le Président (M. Doyon): Oui, oui. Alors, ça
décroîtra sur le temps qu'il restera. On vous écoute.
M. Dorion: C'est ainsi qu'on conserve à la loi son titre
de Charte de la langue française au lieu de parler d'une charte des
langues française et anglaise. Ce camouflage, d'ailleurs, il a plusieurs
précédents.
Rappelons-nous, en particulier, le bill 63 de 1968, qui ouvrait
l'école anglaise toute grande aux enfants d'immigrants et que le
gouvernement de l'époque avait baptisé trompeusement loi pour la
promotion de la langue française. On sait ce qu'il advint de ce
gouvernement.
Dans les semaines qui viennent, nous allons nous employer, par tous les
moyens, avec beaucoup d'autres, à alerter la population aux dangers que
comporte ce projet. Nous espérons toujours que le gouvernement aura le
bon sens de le retirer.
Merci, M. le Président. (10 h 30)
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je regrette, là, que dans
ses conclusions, le président de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal que nous sommes heureux
d'accueillir parmi nous aujourd'hui ait pratiquement annihilé,
à tout le moins sérieusement compromis, le bon effet que son
approche analytique avait créé chez plusieurs membres de la
commission. Je l'ai entendu défiler ses observations à propos de
diverses dispositions du projet de loi. J'étais très
intéressé parce que j'ai trouvé que c'était une
critique fonctionnelle, une critique faite de bonne foi, que nous devons
écouter dans la même bonne foi. Mais, quand j'entends M. Dorion
conclure que le projet de loi vise manifestement à mettre le
français et l'anglais sur le même pied, partout au Québec,
à glorifier la soumission du Québec à la Constitution
canadienne, à «bilinguiser» l'école française,
là, franchement, je ne peux pas le suivre. Je ne peux pas le suivre et
je le défie de démontrer que de telles intentions puissent
être établies par une analyse sérieuse du projet de loi. Il
peut y avoir des articles qui prêtent à des interprétations
différentes et sur lesquels des clarifications pourront être
nécessaires. Mais je ne puis aucune- ment accepter de telles
conclusions, qui me semblent manifestement contraires à la teneur du
projet de loi. Venir soutenir sérieusement que le projet de loi vise la
«bilinguisation» de l'école française, je pense que
c'est faire une affirmation qui ne résiste pas à l'examen.
L'article 22 du projet de loi qui traite de cette question est
formulé ainsi: on dit que le français est la langue de
l'enseignement dans les écoles du Québec. Ça, c'est le
premier paragraphe, qui demeure comme il est. On ajoute un deuxième
alinéa «Le présent article n'empêche pas
l'enseignement dans une langue autre que le français afin d'en favoriser
l'apprentissage, selon les modalités et aux conditions prescrites dans
le Régime pédagogique».
Je pense bien qu'il va falloir qu'on se rende compte tôt ou tard
que, si nous voulons un apprentissage sérieux d'une langue seconde, il
faudra qu'un certain enseignement se fasse dans cette langue. Autrement, je ne
conçois pas... Je pense que c'est une contradiction dans les termes.
Puis le libellé actuel de la loi 101 a conduit à des conclusions
absurdes dans la pratique; en particulier, quand on veut mettre sur pied des
programmes de bains linguistiques, des programmes d'apprentissage plus
intensifs d'une langue seconde, on aboutit à des contradictions qui ne
résistent pas à l'examen du bon sens. On veut simplement mettre
un peu plus de souplesse. Si vous voulez conclure qu'on s'en va vers la
«bilinguisation» de l'école française, vous
êtes libre de le faire. Nous sommes dans une société
démocratique, mais je ne puis absolument pas vous suivre sur ce
terrain.
Quand vous laissez entendre que nous voudrions, à l'aide de
l'article 2, faire en sorte que toute l'administration gouvernementale soit
orientée vers le bilinguisme, ce n'est pas du tout, du tout l'intention
du projet de loi. Nous disons dans la modification qui est proposée:
«l'Administration utilise la langue officielle.» Ça,
ça lui laisse de la latitude. Moi, il m'arrive, comme ministre,
d'écrire à... ça peut être un ministre
américain, ça peut être un ministre d'une autre province
canadienne, ça peut être un homologue au niveau du gouvernement
fédéral. Moi-même, comme ministre, c'est à un
certain niveau, mais mes fonctionnaires doivent correspondre également;
les sociétés d'État sont engagées dans toutes
sortes de négociations quotidiennes avec d'autres entreprises et
organismes partout en Amérique du Nord. On peut bien continuer de faire
comme actuellement, se voiler la face pudiquement pour ne pas déplaire
à la Société Saint-Jean-Baptiste, et dire: Uniquement le
français. Mais, ce qui arrive, c'est que, dès qu'un envoi a une
certaine portée stratégique, on inclut une copie d'une version
anglaise du texte. On le fait déjà depuis longtemps; ça
s'est fait sous l'administration du gouvernement péquiste; ça se
fait sous notre administration également. Là, nous voulons que
ça soit franc, nous voulons que ce qui est fait soit
légitimé légalement. Ça pourrait être
contesté, actuellement, et peut-être qu'une interprétation
un peu littéraire du texte conduirait à condamner une pratique
comme celle-là.
Vous faites une distinction à propos des personnes morales
établies au Québec. S'il y a quelque chose qui n'est pas clair
dans le texte, là-dessus, ça, c'est une distinction que j'ai
retenue, et notre intention c'est bien que le gouvernement continue à
s'adresser aux personnes morales établies au Québec exclusivement
en langue française. Puis, si le texte de la modification que nous
proposons peut être amélioré de ce
côté-là, ça, c'est un exemple d'amélioration
qui pourrait être apportée au projet de loi, puis
j'apprécie beaucoup, là... Il y a eu beaucoup de remarques
ponctuelles dans la présentation que vous nous avez faite qui seront
examinées soigneusement, qui seront examinées soigneusement, je
l'apprécie. Mais, les conclusions générales, encore une
fois, là, je ne peux pas souscrire à ça parce que c'est
une véritable déformation non seulement des intentions du
gouvernement ce qui est quand même compréhensible dans le
débat politique mais déformation du texte que nous avons
devant nous. Nous faisons, en effet, de la démonstration à propos
du texte sur l'enseignement: si on peut nous démontrer que ce
texte-là va conduire à des abus absolument intolérables,
franchement, on l'examinera volontiers.
À un moment donné, vous parlez également du statut
de l'Office de la langue française; je voudrais en dire un mot. Vous
dites: II y a transfert de pouvoirs de l'Office au ministre, en matière
de réglementation; j'ai bien compris?
M. Dorion: En pratique.
M. Ryan: Je pense que ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas.
Actuellement, M. Dorion, il y a certains pouvoirs qui sont attribués
à l'Office, dans la loi, en matière de réglementation;
d'autres sont attribués au gouvernement. Parfois, il s'agit de pouvoirs
concurrents. En matière d'exception à la règle de
l'unilin-guisme dans l'affichage, il y a deux articles dans la loi qui donnent
des pouvoirs à peu près semblables à la fois au
gouvernement et à l'Office; ce sont des choses qu'il faut clarifier, on
ne peut pas laisser semblable ambiguïté se perpétuer.
Deuxièmement, il est vrai que, à certains endroits, le
texte de la loi donne des pouvoirs de réglementation à l'Office,
mais ces pouvoirs sont toujours soumis, depuis le début de l'application
de la Charte, à l'approbation du gouvernement; c'est toujours le
gouvernement qui garde le pouvoir décisionnel. Il n'y a jamais eu de
pouvoir décisionnel séparé qui aurait été
accordé à l'Office dans la Charte de la langue française.
Puis là, ce que nous disons clairement: le pouvoir de
réglementation, ce sera le gouvernement, pas le ministre, pas le
ministre; ça, il faut distinguer, c'est très important, parce
qu'il y a beaucoup de domaines où les ministres se voient attribuer un
pouvoir de réglementation qu'on appelle ministériel. Là,
s'il était question de semblable pouvoir, je comprendrais un petit peu
les inquiétudes que vous manifestez. Ce sont des pouvoirs
attribués au gouvernement et qu'il exerce déjà depuis le
début de la Charte.
L'Office va garder toute la faculté dont il peut avoir besoin de
faire des propositions au gouvernement de ce côté, de faire des
suggestions. Déjà, les propositions de règlement qu'il
faisait étaient des suggestions au gouvernement. J'en prends pour preuve
les dernières que j'ai reçues, il y a à peu près
deux ans. L'Office m'a présenté un projet de règlement sur
la langue du commerce et des affaires; si l'autre théorie eût
été vraie, l'Office aurait proclamé ce règlement,
l'aurait publié dans la Gazette officielle du Québec. Mais
ça ne peut pas se faire comme ça; il fallait qu'il soit soumis au
gouvernement, lequel l'a retenu pour toutes sortes de raisons, dont celles qui
sont inhérentes à l'exercice que nous faisons actuellement. Or,
de ce côté-là, c'est normal qu'on exprime des
inquiétudes, mais j'essaie de vous rassurer quelque peu, en vous
assurant que telle n'est pas du tout, du tout l'intention du gouvernement.
En matière d'enseignement, vous savez que nous maintenons
très ferme la règle concernant l'orientation des enfants
d'immigrants vers l'école française. À propos de ceux qui
sont en séjour temporaire, là, si la formulation que nous
empruntons vous inquiète, je vais vous dire franchement, à mon
avis à moi, ça ne change pas grand-chose par rapport à
l'ordre actuel; si ça crée des ambiguïtés, c'est le
genre de choses que, moi, je suis tout à fait disposé à
clarifier parce que je ne tiens pas... Ayant été journaliste
longtemps, je sais qu'on peut avoir 15 manières de dire la même
chose. S'il y a une manière qui ne répond pas à certaines
inquiétudes légitimes, on peut en trouver une meilleure;
ça, on peut chercher ensemble, puis en trouver une meilleure.
Mais, de ce point de vue là, encore une fois, j'ai bien
apprécié la teneur de votre mémoire parce qu'il y a des
critiques ponctuelles sur un grand nombre d'articles de la loi, et, là
où vos critiques soulèvent des difficultés qui seront
considérées réelles à notre point de vue, soyez
assuré que nous les examinerons avec beaucoup
d'intérêt.
Je vous pose une question, en terminant... Évidemment, nous
n'avons pas tout le temps que nous pourrions souhaiter, mais la porte est
ouverte. Si vous estimez qu'on devrait avoir d'autres rencontres à un
moment donné, moi, je serai toujours disponible pour en discuter,
surtout dans l'esprit où a été présenté
votre mémoire.
Je vous pose juste une question, parce que vous n'en avez pas
traité explicitement: Les changements que nous faisons à
l'affichage ont un lien évident avec les jugements que les tribunaux et
le Comité des droits de l'homme des Nations unies ont rendus au cours
des dernières années, et particulièrement, plus
récemment, le Comité des droits de l'homme des Nations unies. On
nous dit: L'opinion reçue dans les milieux judiciaires, c'est qu'il y a
un lien indéniable entre la liberté de l'affichage et la
liberté d'expression. Moi... On a cité des passages de moi,
où j'ai déjà exprimé des opinions contraires, puis
je l'ai dit publiquement: je continue d'avoir des réserves au sujet de
cette opinion qui est reçue dans les milieux judiciaires. Mais... (10 h
40)
Une voix: ...
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Pourquoi ne pas tester la loi, à ce
moment-là?
M. Ryan: On ne peut pas passer notre temps à faire des
tests. On le fait depuis de nombreuses années, là-dedans, madame.
On ne peut pas... Il y aurait d'autres moyens de faire ces
vérifications-là. Et je dis: J'aime mieux accepter ceci, parce
que nous vivons dans une société de loi. Une
société de loi, ça vaut, au premier chef, pour les
gouvernements. Ils disent: On se soumet aux lois, lesquelles sont
interprétées par les tribunaux. Vous me direz: Vous avez le
recours à la clause «nonobstant».
Celui-ci doit être un recours exceptionnel, et, en
général, les gouvernements ne devraient pas l'utiliser pour
interdire de manière permanente l'exercice de libertés
fondamentales. Il peut arriver, s'il y a une situation de crise sociale
très grave, qu'on recoure à la clause dérogatoire pour une
période limitée, ça se comprend. Mais justifier,
là, ou prétendre justifier le recours à la clause
dérogatoire d'une façon permanente, dans une question où
la marge de démonstration reste extrêmement difficile à
établir, je pense que ça crée un problème.
Est-ce que ça ne vous préoccupe pas, vous, cette
considération-là? La Cour supérieure du Québec, la
Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du Canada, le
Comité des droits de l'homme des Nations unies ont tous conclu qu'il y a
un lien essentiel entre liberté d'expression et liberté du
discours commercial.
M. Dorion: Nous sommes...
Le Président (M. Doyon): M. Dorion.
M. Dorion: M. le Président, nous sommes d'avis que, la
liberté d'expression, surtout quand elle touche des aspects qui sont
périphériques par rapport au fond de ce qu'est la liberté
d'expression... Parce que les gens qui sont morts pour la liberté
d'expression, ils ne sont pas morts pour qu'on puisse avoir le droit
d'écrire «Two pounds of sausage» au lieu de «Deux
livres de saucisses» dans une vitrine; ce n'est pas ça qui est le
coeur de la bataille pour la liberté d'expression.
Alors, quand il s'agit d'aspects périphériques de la
liberté d'expression, comme la liberté en matière
commerciale, du langage commercial, et, en plus, s'il s'agit de la forme, en
l'occurrence, il s'agit... c'est-à-dire la langue qu'on utilise, il ne
s'agit même pas du contenu du message... Donc, l'aspect liberté
d'expression, ici, nous paraît marginal, disons; nous pensons qu'il est
tout à fait légitime pour un gouvernement, lorsqu'il croit avoir
de bonnes raisons de le faire... On ne doit pas faire ça sans raison, et
de façon fantaisiste et arbitraire, mais, lorsqu'il y a de bonnes
raisons de le faire, il est normal qu'on puisse restreindre la liberté
d'expression. Il ne s'agit pas d'une suppression, mais d'une restriction
limitée, d'un aspect marginal et périphérique du concept
de liberté d'expression.
Des gens, dans des tribunaux canadiens et dans un comité des
Nations unies, ont émis des opinions contraires. Nous savons tous que
les antécédents des gens qui jugent, en fin de compte... sociaux,
ethniques, etc., déterminent très souvent leur façon
d'aborder les problèmes. Je pense que le Comité dont on parle,
aux Nations unies non seulement je le pense, mais c'est très
évident quand on lit leur déclaration n'a pas du tout
considéré le problème socio-linguistique au Québec
et un des membres, d'ailleurs, a souligné ça très
fortement, il s'est dissocié totalement des autres il n'a pas
considéré les dommages que l'affichage bilingue peut causer au
Québec.
L'affichage bilingue va contribuer à détourner les
immigrants du français, à les dissuader d'apprendre le
français et va nuire au droit des travailleurs de travailler en
français il y a un sondage SORECOM qui montre ça, comme
nous l'évoquons il va amener une détérioration
considérable de la langue, de la qualité du français. Moi,
je pense que ce sont d'excellentes raisons.
On peut décider que, ce qui est le plus important dans la vie,
c'est ce que tel ou tel autre, à l'étranger, pense de nous; on
peut aussi estimer que, le plus important, c'est ce que nous allons
nous-mêmes devenir. Nous, nous sommes particulièrement
préoccupés de ce que le Québec français va devenir
avec l'affichage bilingue. Les opinions émises dans tel ou tel
comité, ce sont des opinions d'experts; les experts ne sont pas
infaillibles on a le Stade olympique, à Montréal, pour
nous prouver tous les jours que les experts ne sont pas infaillibles, on a
notre système d'éducation qui nous montre ça tous les
jours; tout ça a été fait par des experts que personne
n'avait le droit de contredire, sem-ble-t-il, à l'époque,
c'étaient tous des gens tellement brillants! Alors, c'est la même
chose pour bien d'autres comités qui se prononcent sur le sujet. Le
Comité des Nations unies dont vous parlez, en particulier, il dit: Le
gouvernement du Québec n'a pas besoin d'un affichage unilingue
français pour protéger le français; il peut le faire avec
l'affichage bilingue.
Moi, je dis que, pour émettre... enfin, exposer ou montrer,
manifester une telle ignorance de la réalité, avec un si bel
aplomb, il faut absolument être un expert!
Le Président (M. Doyon): Bien. M. le député
de Hull.
M. LeSage: Merci, M. le Président.
Bienvenue, M. Dorion, ainsi que les gens qui vous accompagnent.
J'ai de la difficulté à comprendre lorsque vous dites que
l'affichage bilingue ferait en sorte que ça inciterait les gens à
vouloir devenir bilingues. Moi, j'ai toujours pensé que le passé
était garant de l'avenir, puis j'aimerais vous ramener à une
situation qui a déjà existé
et qui existe encore. la ville de hull, au début du
siècle, 92 % anglophone: tout l'affichage ne se faisait qu'en anglais.
et, au fil des ans, sans loi 22, sans loi 178, sans la loi 101, ça s'est
francisé, puis on n'a pas reviré la cabane à l'envers,
comme vous tentez de le faire. dans hull, aujourd'hui, il y a 85 % de
francophones, 10 % de portugais, 2 % d'anglophones, et d'autres ethnies qui
composent à peu près 3 %. et vous me dites, maintenant, que
l'affichage bilingue va inciter les gens à devenir anglophones. bien,
voyons donc! c'est le contraire qui s'est passé, dans hull, puis hull
est collée sur l'ontario; ce n'est pas au lac-saint-jean, là!
Moi, je comprends très mal, également, que vous le
refusiez à des immigrants. Par exemple, un Portugais, qui aurait une
pâtisserie, il ne pourrait pas afficher à l'extérieur qu'il
a une pâtisserie et un terme qui désigne une pâtisserie en
portugais. Ça va faire quoi, ça, au monde dans Hull ou ailleurs
dans la province? Et le fait que c'est permis de le faire; je vous ferai
remarquer, M. Dorion, que ce n'est pas parce que, demain matin, c'est permis de
le faire que le petit dépanneur à Saint-Philippe-de-Néri,
entre Saint-Pascal puis Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il va afficher
bilingue, ce gars-là. Inquiétez-vous pas! Puis, même s'il
le faisait, ça n'empêchera pas le monde de l'autre
côté de la rue à continuer à parler en
français.
Le Président (M. Doyon): M. Dorion. M. LeSage:
Merci, M. le Président.
M. Dorion: M. le Président, votre collègue nous dit
que l'affichage à Hull s'est francisé sans que la loi 101 y soit
pour quelque chose. La loi 101 impose l'affichage unilingue français
depuis la fin de 1977, ça va faire bientôt 16 ans. Je ne veux pas
mettre en doute la perspicacité d'observateur de votre collègue,
mais je suis convaincu que la loi 101 a eu quelque chose à voir avec la
francisation de l'affichage à Hull. J'ai de la famille qui reste
à Hull, et il me semble que, juste avant la loi 101, ce n'était
pas tout en français, comme l'affirme votre collègue.
Pour ce qui est de la possibilité pour une pâtisserie
portugaise d'afficher en portugais à côté du
français, ça existe déjà dans la loi, à
l'article 62, et nous n'avons aucune objection à cela, que les commerces
typiquement ethniques puissent utiliser la langue de la communauté
à côté du français.
Pour ce qui est du fait qu'un petit dépanneur près de
Saint-Pascal-de-Kamouraska ne «bilinguisera» pas son affiche
l'année prochaine parce que la loi permet de le faire, je suis
parfaitement d'accord, mais je souhaiterais qu'on utilise des exemples plus
pertinents. Je pense que c'est à Montréal que le problème
va se poser de façon massive et, à Montréal, c'est ce qui
va se produire: on va assister à une «bilinguisation»
très rapide de l'affichage-
En 1985, le Parti libéral avait promis de
«bilinguiser», de permettre le bilinguisme dans l'affichage, et,
avant même que M. Bourassa ne mette cette promesse à
exécution finalement, il ne l'a jamais fait avant
même qu'il ne le fasse, on a assisté non seulement à une
«bilinguisation» considérable dans l'ouest de l'île de
Montréal et dans l'ouest de la ville de Montréal, mais même
à l'apparition en grand nombre d'affiches unilingues anglaises, à
tel point qu'Alliance Québec a publié une page entière
d'annonce dans la Gazette pour demander aux commerçants de ne pas
faire ça parce que ça nuisait à leur cause.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, une minute de
remarques finales, peut-être.
M. Ryan: Oui, juste une question très brève.
Puisque vous êtes disposé à autoriser, pour des
commerçants qui sont d'une origine ethnique autre que française
ou anglaise, vous ne trouvez pas que ça devient assez illogique de ne
pas l'autoriser pour des commerçants qui sont de langue anglaise?
Au nom de quelle logique auriez-vous une possibilité, pour un
commerçant d'Une communauté ethnique, puis vous ne l'auriez pas
pour un commerçant de langue anglaise?
M. Dorion: Écoutez, M. Ryan, je peux vous répondre
en vous lisant...
M. Ryan: Pourquoi? Pourquoi?
Le Président (M. Doyon): Très rapidement, M.
Dorion.
M. Dorion: Pardon?
Le Président (M. Doyon): Très rapidement, s'il vous
plaît.
M. Dorion: Oui.
Le texte actuel de la loi que nous acceptons prévoit que les
commerces qui sont spécialisés dans des produits typiques d'une
nation étrangère ou d'une minorité ethnique peuvent
utiliser leur langue à côté du français; nous
acceptons cela. Si quelqu'un a un pub anglais tout à fait typique et
britannique, il peut certainement utiliser l'anglais à côté
du français; c'est déjà possible. Mais on ne peut pas
faire ça pour une quincaillerie, puis on ne peut pas faire ça non
plus même chez McDonald's, parce que McDonald's n'est pas
considéré comme typique, étant donné que ses
produits comme dit la loi, d'ailleurs sont d'usage aussi
répandu que les produits qui ne sont pas typiques. (10 h 50)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dorion.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. Dorion, mesdames, messieurs, il me fait
plaisir de vous accueillir à cette commission, au nom de
l'Opposition officielle.
Vous aurez remarqué qu'au cours de ces remarques le ministre, de
façon systématique, tente de minimiser l'importance du projet de
loi et de le ramener exclusivement à la question de l'affichage.
Pourtant faut-il le rappeler? ce projet de loi, qui a 65
articles, vient modifier pas moins de 84 articles que contient la Charte de la
langue française sur 215. C'est un projet de loi majeur, comme vous
l'avez fait remarquer, qui vient modifier l'esprit de la loi, mais qui vient la
détourner également de son sens initial, qui était de
faire du français la seule langue nationale.
Vous avez fait remarquer, avec raison, qu'on pourrait qualifier cette
Charte de la charte du bilinguisme institutionnel, ce qu'il faut bien
distinguer du bilinguisme individuel, ce qui est tout à fait autre chose
et ce qui est souhaitable. C'est d'ailleurs le fait, selon les dernières
statistiques, de plus en plus de Québécois, et je pense que c'est
heureux. Il faudrait peut-être et là, je le dis
s'assurer que, dans l'avenir, les Québécois de souche nouvelle,
qui ont d'autres langues, puissent les maintenir et les conserver, de
manière à ce qu'on puisse, éventuellement, les
Québécois, parler trois, quatre ou cinq langues, comme c'est le
fait de beaucoup d'Européens, par exemple: ça serait un atout
considérable. Mais ça n'a rien à voir, le bilinguisme
individuel, avec ce que propose le projet de loi du ministre.
Le ministre vous met au défi de lui démontrer que les
intentions qu'ils ont sont aussi pernicieuses, sont aussi susceptibles de
«bilinguiser» ou d'institutionnaliser le bilinguisme, au
Québec, alors que vous lui rappelez que, dans son projet de loi,
ça porte atteinte d'abord aux organismes de protection de la langue,
ça les met en tutelle mais j'ouvre la parenthèse pour dire
que ce n'est pas récent, la mise en tutelle des organismes de la langue;
il faut savoir comment ça s'est passé dans le cas de
Rosemère pour réaliser que la tutelle, il y a longtemps que c'est
imposé auprès des organismes de la langue, et le ministre ne vous
dira pas le contraire, s'il a l'honnêteté de le faire
ça touche à la langue de l'administration, à la langue de
l'enseignement et, évidemment, à l'affichage. Mais ça fait
quelque chose de plus grave, à mon avis: ça ne prend pas en
compte le dernier référendum et toutes les déclarations
qui ont entouré les ententes de Meech et de Charlottetown à
l'effet qu'on refusait, au Québec, de reconnaître le coup de force
du rapatriement constitutionnel, qui empiétait dans les droits du
Québec en matière d'éducation, droits que nous avions
depuis 1867. Et là, par la bande et sans que la population en saisisse
l'importance, on dit: Bien, c'est bien. On reconnaît le coup de force et
on reconnaît qu'ils ont le droit d'empiéter dans le secteur des
compétences exclusives du Québec, à savoir
l'éducation.
C'est majeur. Alors, il me semblait important de le rappeler. Et, comme
le ministre tente toujours de ramener ça exclusivement à
l'affichage bilingue et qu'il n'a pas non plus mesuré les effets du
bilinguisme dans l'affichage sur les comportements langagiers à la fois
des francophones, des allophones, sur ses effets sur le milieu du travail, moi,
j'aimerais que vous nous parliez un peu de comment vous voyez les effets des
classes d'immersion, des nouvelles dispositions en ce qui a trait à la
langue d'enseignement et de ses effets sur les comportements
particulièrement dans la grande région de Montréal
chez les allophones?
M. Dorion: Je pourrais passer la parole, là-dessus,
à ma collègue, Mme Palluy, qui pourrait donner quelques opinions
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Palluy.
Mme Palluy (Mireille): Oui. Alors, j'ai une expérience
d'à peu près 10 ans dans des comités d'école,
comités de parents et commissions scolaires. Je viens d'une commission
scolaire de l'ouest de l'île de Montréal. Dans cette commission
scolaire, il y avait, bien sûr, des classes d'immersion pour
l'enseignement en anglais de toutes les matières. Dans ces classes
d'immersion, n'étaient admis que des élèves ayant une
très forte note en français et en mathématiques. Ces
enfants-là étaient à l'essai pendant le premier temps de
l'année, c'est-à-dire jusqu'avant Noël. S'ils avaient de la
difficulté, ils étaient tout de suite, immédiatement
retournés à l'enseignement régulier en français.
Pourquoi? Pour sauver l'apprentissage du français, d'abord, et pour
permettre aux enfants de bien évoluer dans toutes les
matières.
Lorsqu'un enfant a de la difficulté à réussir en
français, ne vous imaginez pas qu'il va mieux réussir parce qu'il
va passer au secteur anglophone. Au contraire, on va créer, pour cet
enfant-là, deux fois plus de difficultés. Non seulement il aura
eu de la difficulté dans l'apprentissage du français, mais, en
plus, il en aura dans l'apprentissage de l'anglais, ce qui fait qu'il sera
retardé et devra retourner, ensuite de ça, au secteur
régulier, pour réapprendre à fonctionner en
français, à réussir en français pour pouvoir entrer
à l'université.
Alors, à mon avis, il est inconcevable d'amener tous les enfants
à l'apprentissage d'une deuxième langue qu'est l'anglais sous
prétexte qu'on veut bien leur faire apprendre l'anglais. Il y a un
sondage... pas un sondage, mais Statistique Canada qui nous livrait, dès
lundi, que 250 000 Québécois de plus, depuis deux ans,
étaient devenus bilingues, des Québécois de langue
française, mais que pas un Québécois de langue anglaise
n'était devenu bilingue, c'est-à-dire dans ces deux
dernières années-là, avait, lui, appris le
français. Et chez les allophones, c'était resté au statu
quo.
Alors, je pense qu'il est très dangereux d'élargir cet
enseignement en anglais, comme on veut le faire. C'est, par exemple, de
diminuer un bon apprentissage du français car c'est là,
présentement, que le bât blesse. On sait que nos enfants ont de
plus en plus de difficulté à bien apprendre le français.
Dans nos écoles, on commence à réussir, on commence
à avoir des résultats dans
ce sens-là, et c'est maintenant qu'on veut retourner en
arrière. Je pense que c'est néfaste pour nos enfants, et c'est
néfaste pour l'ensemble de l'éducation au Québec.
Mme Blackburn: Merci.
Sur une autre question: Les effets du bilinguisme institutionnel de
l'administration. Le ministre tente toujours de diminuer les effets des
dispositions contenues dans le projet de loi, en disant: Ah! les
règlements, il y en aura peu.
Sauf qu'il refuse de nous les donner. Et nous sommes donc réduits
un peu là-dessus, il a raison, et il joue là-dessus
à spéculer sur les effets les plus pernicieux de ces
dispositions-là. Il refuse toujours de déposer le projet de
loi.
Mais comme on connaît la tendance du gouvernement à ouvrir
chacune des petites portes qui se trouvent... pour élargir soit
l'accès à l'école anglaise ou introduire le bilinguisme
institutionnel, je voudrais savoir un peu davantage de vous les effets sur les
comportements des administrés, lorsqu'on recevra une lettre en
français, accompagnée de sa version anglaise ou, comme le
faisait, d'ailleurs, le ministre Ciaccia, si ma mémoire est
fidèle, au moment où il était responsable des
communautés culturelles. Et il s'adressait aux communautés
culturelles, au Québec, en anglais.
Alors, j'aimerais, là-dessus, avoir votre perception des effets
quant à ces dispositions de la loi.
M. Dorion: Oui. Il faut bien comprendre que l'article 2, pour
qu'on en mesure la portée, il faut le lire en conjonction avec l'article
89 de la loi actuelle. L'article 89 dit: Partout où, dans la
présente loi, on n'exige pas un usage exclusif de la langue officielle,
on peut utiliser à la fois la langue officielle et une autre langue.
C'était impossible d'utiliser à la fois le français
et une autre langue dans la correspondance gouvernementale avec les personnes
morales établies au Québec, par exemple les entreprises.
C'était impossible avec le texte actuel parce que c'était
écrit: Seulement la langue française.
Le ministre veut qu'on enlève le mot «seulement» ou
«ne que» ou quelque chose comme ça. Il veut qu'on dise que
le gouvernement est obligé d'utiliser le français, mais qu'on
enlève le «seulement». Alors, évidemment, il n'y a
pas plus d'exclusivité. Et il sera donc parfaitement légal de
correspondre de façon bilingue avec les entreprises. Et le ministre dit
qu'il n'y en aura pas beaucoup; moi, je dis qu'il n'y aura que ça, parce
que j'ai été fonctionnaire 10 ans. Les fonctionnaires aiment
avoir de bonnes relations avec les gens avec qui ils sont en contact. Si une
entreprise dit: Nous, on veut ça en anglais parce qu'on ne comprend pas
le français, le fonctionnaire, pour avoir la paix, va leur écrire
en français et en anglais.
De plus, il y a un article des décrets sur la fonction publique,
de la convention collective des professionnels du gouvernement du Québec
et des fonctionnai- res qui dit qu'un fonctionnaire n'a pas le droit de refuser
d'utiliser les langues qu'il connaît dans l'exercice de ses fonctions.
Donc, s'il n'y a plus de loi qui interdit de correspondre de façon
bilingue, s'il est désormais permis de correspondre de façon
bilingue, les fonctionnaires vont utiliser, ceux qui savent l'anglais et
c'est le cas de la plupart au niveau supérieur, au niveau de ceux qui
rédigent la correspondance ils vont faire de la correspondance
bilingue en grande quantité, et ça va «rebilinguiser»
les relations du gouvernement avec les entreprises, c'est-à-dire que
ça va les angliciser, parce que beaucoup d'entreprises vont se servir de
la version française pour différents usages domestiques, mais ils
vont lire la version anglaise, et ils n'auront plus besoin d'avoir des gens qui
comprennent le français pour transiger avec le gouvernement. Ça
va être d'un effet désastreux. (11 heures) je connais beaucoup de
francophones qui ont eu des fonctions... parfois des fonctions très,
très modestes, parfois des fonctions de vice-président dans des
entreprises parce que l'entreprise disait: nous, ça nous prend des gens
qui comprennent bien le français parce qu'on a affaire au gouvernement.
et ça, l'entreprise, ça pouvait être une très
modeste garderie dans notre-dame-de-grâce, comme ça pouvait
être une grande multinationale. et ces postes-là vont être
perdus. actuellement, on forme 58 % des cadres dans les entreprises du
québec, nous les francophones, en ce moment. on est 83 % de la
population, on forme 58 % des cadres. il y a eu un gros progrès par
rapport aux années antérieures. c'est dû en grande partie
à des législations comme celle de la loi 101, qui impose le
français dans les relations entre le gouvernement et les entreprises. en
éliminant ça, je pense que le projet de loi va faire beaucoup de
tort au français.
Mme Blackburn: Bien. Vous avez soulevé aussi un article
sur lequel on ne s'est pas beaucoup penché quant à ses effets,
c'est l'article 38, qui est introduit par l'article 12, sur les permis
temporaires d'exercice pour une durée d'un an. On sait qu'il y a une
exigence qui est faite aux professionnels qui veulent exercer au Québec
de bien maîtriser le français. Ils ont un permis qui est valide
pour une année, renouvelable deux fois, c'est-à-dire pour un
maximum de trois ans. Ils ont la responsabilité d'apprendre le
français à l'intérieur d'une durée maximale de
trois ans. Actuellement, on dit... C'est comme de dire: Vous n'avez pas besoin
de l'apprendre, c'est renouvelable. Point. Renouvelable. Il pourrait être
de 10 ans, 12 ans.
Ce que vous nous dites, c'est que ça aura comme effet d'obliger,
là, du personnel de soutien, les secrétaires, les techniciens de
laboratoire, comme c'est le cas actuellement à l'Université de
Montréal, où on est passé d'une trentaine de postes de
soutien qui exigeaient le bilinguisme... Là, on serait rendu à
quelque 400, dont les techniciens de laboratoire qui doivent être
bilingues pour répondre à l'unilinguisme des professeurs
cher-
cheurs. Dans le fond, c'est ce que vous nous dites par une telle
disposition. Le message est le suivant: Pour travailler au Québec, vous
n'avez pas besoin de connaître ou d'apprendre le français. Est-ce
que c'est ça, le...
M. Dorion: C'est exact. Et comme les professionnels sont des gens
qui ont beaucoup de prestige dans la société, si cette
façon de voir les choses se répand chez les professionnels qui
viennent vivre au Québec, ils vont influencer beaucoup d'autres secteurs
de la société, à commencer par le personnel de soutien,
etc. C'est un affaiblissement considérable de la position du
français au Québec qui est amené par cette proposition,
cet article 12.
Mme Blackburn: on a peu parlé, finalement, pour la grande
région montréalaise... j'écoutais le député
de hull, tout à l'heure, qui comparait ce qui se passe à hull
avec montréal. il faut peut-être rappeler la composition
démographique de la ville de montréal, de l'île, où
vous retrouvez 20 % d'anglophones, 20 % d'allophones et 60 % de francophones,
alors qu'à hull, selon les données qu'il nous a fournies tout
à l'heure, c'est 86 % de francophones, 10 % de portugais et quelques
pour-cents d'anglophones; la composition démolinguistique n'est pas tout
à fait la même.
J'aimerais que vous nous parliez de l'influence de cette loi sur la
perception des immigrants, c'est-à-dire de ceux qui n'ont ni l'anglais,
ni le français comme langue maternelle quant à leur avenir au
Québec, et la langue qui serait celle qui leur permettrait de vivre et
de s'épanouir.
Le Président (M. Doyon): Une brève réponse,
M. Dorion.
M. Dorion: Oui. Je pourrais peut-être passer la parole
à Mme Rashida Azdouz, de notre comité des relations
interethniques, là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Azdouz (Rashida): Bien. L'influence, l'impact que ça a
sur la perception des immigrants est très évidente, en ce sens
que le nouvel arrivant qui perçoit, que ce soit une affiche bilingue ou
ne serait-ce qu'un débat sur la langue officielle est-ce que
c'est l'anglais, est-ce que c'est le français, est-ce que c'est les
deux? ça a un impact déterminant sur l'attitude qu'il va
développer vis-à-vis du fait français. Je pense
particulièrement aux nouveaux arrivants, à ceux qui n'ont pas eu
le temps de s'informer sur l'histoire de cette guerre linguistique au
Québec. Et pour ce nouvel arrivant-là, il est évident
qu'on choisit. On choisit. Dans un premier temps, on a besoin de
s'intégrer au marché de l'emploi; donc, on choisit la langue qui
a un pouvoir d'attraction réel, et c'est l'anglais de toute
évidence.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Société
Saint-Jean-Baptiste, à M. Dorion et ses collègues.
Juste d'abord une réponse aux questions du ministre: les
décisions des tribunaux. D'une façon pas mal convenable, vous
ignorez les décisions très claires des cours d'appel du
Québec, de la Cour supérieure du Québec. C'est commode de
mentionner seulement la Cour suprême du Canada et l'ONU et d'ignorer le
fait que les deux cours au Québec ont rendu la même
décision. En effet, plus fort que la Cour suprême du Canada et
l'ONU, les cours du Québec ont donné raison plus fortement
à la cause Singer, qui a voulu s'afficher seulement en anglais. Alors,
eux, ils comprennent très bien la réalité du
Québec, la société québécoise, mais ils ont
décidé quand même de trouver que la loi 101 viole toujours
la liberté d'expression.
Deuxièmement, je veux reprocher votre affirmation souvent
répétée que l'affichage unilingue est nécessaire
pour faire comprendre aux immigrants que le Québec est français.
Moi, je vous dis que ça déforme la réalité.
Ça envoie un message erroné aux immigrants, un message
artificiel. Si, par exemple, un immigrant vient à Côte-Saint-Luc,
qui est à 80 % anglophone, qu'il se rend dans le centre d'achats
Cavendish, par exemple, est-ce qu'il va croire vraiment que du fait que tout
l'affichage est unilingue français ça représente un
quartier francophone? C'est une question très locale. Les immigrants
sont plus intelligents pour vraiment savoir ce qui se passe autour d'eux. Ils
vont savoir ou ils doivent réaliser que l'affichage unilingue ne dit pas
nécessairement, ne reflète pas nécessairement la
réalité du Québec.
Le projet de loi 86 dit deux choses clairement: premièrement, que
le français est obligatoire sur les affiches partout au Québec;
deuxièmement, que la nette prédominance du français est
nécessaire partout au Québec, sauf où se trouve la ligne
d'équilibre entre la prédominance de l'usage français au
Québec et la réalité québécoise que, dans
les régions du Québec où il y a un marché
anglophone, où il y a une forte prépondérance d'une
communauté anglophone, une clientèle anglophone, vous allez voir
certaines affiches dans les deux langues. Ça reflète clairement
la réalité et le visage réel du Québec, qui n'est
pas uniquement un visage français.
Ma question, en effet, parce que le temps nous échappe
très vite, ma question touche un peu ce que Guy Bouthillier a dit dans
La Presse ce matin. Il a dit que notre Cour suprême à nous,
c'est la rue. Votre organisation, en collaboration avec le Mouvement
Québec français, essaie de mobiliser les Québécois
à descendre dans la rue pour contester cette ouverture d'esprit du
gouvernement. Moi, je veux savoir vraiment quel est le message qui est
envoyé au reste du monde quand il voit des milliers de
Québécois dans les rues, chantant comme une secte: Le
Québec aux Québécois! ou 101, ou 401. Quel est le message
qui est envoyé par le Québec dans
le reste du monde? Est-ce que vous croyez que c'est un message qui aide
la réputation du Québec? Est-ce que c'est un message positif pour
le Québec envoyé au reste du monde quand il voit ces
manifestations dans les rues contre une ouverture d'esprit du gouvernement pour
reconnaître que la réalité de la société
québécoise n'est pas uniquement francophone?
Le Président (M. Doyon): M. Dorion, une réponse
d'une minute, s'il vous plaît.
M. Dorion: M. le Président, c'est un fait que le peuple
québécois est souvent mis dans des situations impossibles par des
décisions rendues par des institutions qui ne sont pas vraiment les
nôtres, au fond. Le message que nous envoyons, lorsque nous protestons
contre certaines décisions de cette nature-là, c'est que le
peuple du Québec veut vivre en français malgré tous les
efforts qu'on fait pour lui imposer le bilinguisme.
Ma collègue aurait peut-être quelques secondes
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Oui, brièvement.
Mme Azdouz: Oui. Ce que je voulais répondre à M.
Libman, c'est que le message qu'on veut envoyer avec un affichage unilingue, ce
n'est pas du tout... Personne ne songe à nier l'existence d'une
réalité anglophone au Québec; l'objectif visé,
c'est de permettre aux nouveaux arrivants de développer un sentiment
d'appartenance. Et on ne peut pas développer un sentiment d'appartenance
à l'ambivalence. Je pense que c'est important.
M. Libman: Quand toutes les affiches au Québec devront
être en français, avec une nette prédominance du
français, sauf dans les quartiers où le marché demande une
affiche bilingue, pourquoi les immigrants ne vont pas réaliser que la
majorité des membres de la société
québécoise sont français s'ils voient partout les affiches
en français, avec la nette prédominance du français, sauf
dans certaines régions, avec un peu d'anglais sur les affiches?
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee, ça termine le temps qui vous était... Pardon?
M. Libman: ...une dernière réponse à
ça.
Le Président (M. Doyon): Oui. Mais, moi, je me vois dans
l'obligation de faire respecter l'horaire et j'ai averti tout le monde que je
serais très strict là-dessus. C'est un rôle ingrat que j'ai
à tenir, et j'assume ces fonctions.
Donc, il me reste à vous remercier, M. Dorion, et remercier les
représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste, et
à vous inviter à quitter la table pour que vous puissiez laisser
votre place aux représentants du Congrès juif canadien que
j'invite dès maintenant à se préparer.
Alors, merci beaucoup.
M. Dorion: Merci, M. le Président. (11 h 10)
Le Président (M. Doyon): Merci d'être venu.
À l'ordre, s'il vous plaît!
J'invite M. le ministre à bien vouloir reprendre la place qui est
la sienne ici, à cette table, pour que nous puissions continuer nos
travaux. M. le ministre.
M. le ministre, je me vois dans l'obligation... M. Ryan. Je suis
obligé de... Un rôle ingrat mais nécessaire. Je
suggère une rencontre à un autre moment.
Alors, je rappelle aux gens qui nous font le plaisir de nous
écouter que cette commission étudie actuellement le projet de loi
86, Loi modifiant la Charte de la langue française, et que nous avons
entendu la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Nous nous apprêtons, dès que M. le ministre nous aura fait
le plaisir de regagner son siège... Je pense qu'il a une conversation
qui ne donnera pas les résultats espérés, d'après
ce que j'en sais.
Nous nous apprêtons à recevoir le Congrès juif
canadien, région du Québec. Ils ont pris position à la
table et ils sont donc prêts à nous faire part de leurs
réflexions, de leur point de vue.
J'indique à cette commission que le Congrès juif canadien,
région du Québec... Et pour bien asseoir mon autorité,
j'indique à tous ceux qui dépasseront les appels du
président qui les rappelle à la table que le temps sera soustrait
de leur intervention à venir. Avis aux intéressés. Je
permettrai quelques secondes, mais quand ça dépassera l'appel que
je ferai, je tiendrai compte de ce temps comme ayant été
utilisé lors d'une intervention. Et je vous prie de ne pas m'en tenir
rigueur, mais ça sera ainsi que nous procéderons.
J'invite donc le Congrès juif canadien à nous
présenter son mémoire ou à nous faire part de ses
réflexions, de ses réactions au projet de loi 86. Je l'invite
à se présenter et je lui indique qu'il disposera d'une vingtaine
de minutes pour s'adresser à la commission; après, ce qui reste
de temps sera partagé de la façon dont je l'ai indiqué
précédemment, étant entendu que je suis pris avec des
exigences d'horloge auxquelles je ne peux me soustraire. Alors, nous vous
écoutons.
Vous avez la parole M. Shacter.
Congres juif canadien (CJC), région du
Québec
M. Shacter (Manuel): Oui, merci. M. le Président,
permettez-moi de présenter les membres de notre
délégation. Nous représentons le Congrès juif
canadien, région du Québec, et à ma gauche, il y a Mme
Maryse Ohayon, un officier; à ma droite, M. Frank Schlesinger, un
officier et aussi un conseiller juridique; M. Michael Crelinsten, directeur
général, et Jack Jedwab, directeur des relations
communautaires.
M. le Président, M. le ministre, membres du comité, le
Congrès juif canadien, fondé en 1919, est le porte-parole
officiel de la communauté juive du Québec
en toutes matières de politique publique. Le CJC, région
du Québec, a été historiquement et demeure à
l'avant-garde des efforts de protection et de défense des droits de la
personne. Depuis plus de deux siècles, la communauté juive du
Québec constitue une composante importante de la société
québécoise. Les Juifs du Québec, comme tous leurs
concitoyens québécois, quelle que soit leur origine, feront leur
part dans le développement de l'identité future du Québec.
Nous saisissons l'occasion qui nous est donnée pour présenter
notre position quant à la Loi modifiant la Charte de la langue
française, plus communément intitulée projet de loi
86.
Cette législation tente d'aborder des questions de grande
importance pour tous les Québécois. Le débat linguistique
s'est caractérisé par beaucoup d'émotion de la part des
différentes factions. Bien que cette question ait été
caractérisée par un traitement français-anglais, son
impact atteint tous les Québécois. Outre le fait qu'il ne faille
pas s'attendre à une unanimité sur certaines questions
linguistiques, toute solution doit prendre en considération les
positions des francophones, des anglophones et des allophones. Nous comptons
sur les dirigeants politiques afin d'assurer que le débat se
déroule et se règle dans un climat de courtoisie, de
dignité et de respect mutuel.
Le Congrès juif canadien a traditionnellement et continuera de
soutenir la préservation et la promotion de la langue française
et de la culture québécoise, un objectif décrit par la
Cour suprême du Canada comme étant sérieux et
légitime. Les dirigeants de la communauté juive ont constamment
soutenu ces efforts, tel qu'il appert dans une série de mémoires
présentés par notre organisme à travers les
années.
En tant que Juifs et Québécois, nous comprenons le
désir de vouloir conserver et mettre en valeur une langue, une culture,
une identité. Nous insistons sur le fait que toute mesure prise en
faveur du renforcement de la langue française doit être compatible
avec les principes énoncés et dans l'esprit des Chartes
canadienne et québécoise des droits et libertés.
Le Congrès juif canadien croit que la société
québécoise devrait identifier comme priorité le
renforcement de son caractère pluraliste et le besoin de fournir
à la population les outils lui permettant de fonctionner efficacement
dans au moins le français et l'anglais.
Tel que l'indiquait l'énoncé de politique du gouvernement
du Québec en matière d'immigration et d'intégration en
1990, intitulé «Au Québec, pour bâtir
ensemble», et je cite: «L'immigration de personnes d'origines
diverses a été une constante de l'histoire du Québec. Elle
a de plus constitué un élément moteur de son peuplement et
de son développement.»
En fait, bien des immigrants sont venus renforcer le fait
français au Québec tout en apportant une contribution vitale
à la société en général. L'application de
ces principes augmentera notre habileté à rencontrer les
défis de l'interdépendance et de la mondialisation, à
maximiser notre performance économique et à faciliter la
communication entre Québécois. sur le profil
démographique, il existe une grande diversité au sein de la
communauté juive du québec, laquelle se veut le reflet
d'origines, de traditions religieuses, de langues et de modes de vie
différents. approximativement 20 % des membres de notre
communauté identifient le français comme étant leur langue
maternelle. une étude récente, réalisée par la
fédération des services communautaires juifs de montréal
et la fondation crb indique qu'il existe un haut degré de bilinguisme
chez les juifs de montréal. approximativement trois quarts des personnes
interrogées parlent couramment le français. plus
spécifiquement, 39 % des répondants soutiennent parler couramment
le français et 38 % ont une connaissance suffisante pour leur permettre
de converser en français; 16 % ne peuvent s'exprimer en français
que par de simples phrases, alors que 6 % des personnes interrogées ne
parlent pas français du tout. (11 h 20) naturellement, les jeunes sont
plus compétents en français que leurs aînés.
approximativement 55 % des 18 à 29 ans s'expriment couramment en
français, comparativement à 37 % dans la catégorie 30 ans
à 44 ans, et 40 % dans la catégorie des 45 à 54 ans, et 28
% dans la catégorie des 55 ans et plus.
Maintenant, sur la question de l'affichage commercial, le Congrès
juif canadien, région du Québec, a, par le passé,
exprimé sa déception quant à la législation
adoptée appelant à l'unilinguisme dans l'affichage commercial. Du
Tribunal des droits de la personne du Québec à la Cour
suprême du Canada, en passant par la Cour d'appel du Québec, et
plus récemment par la Commission des droits de l'homme des Nations
unies, une opinion constante est ressortie selon laquelle l'imposition de
l'affichage commercial unilingue constitue une violation des droits et des
libertés fondamentales.
Dans son jugement, le Comité des Nations unies déclare, et
je cite: «Les restrictions portant sur la publicité commerciale
à l'extérieur sont, certes, fixées par la loi, mais la
question est de savoir si elles sont nécessaires pour sauvegarder les
droits d'autrui. Or, ce droit n'est pas menacé par la liberté
d'autrui de faire de la publicité dans une langue autre que le
français. Le Comité n'a pas non plus de raison de penser que
l'ordre public serait menacé par un affichage commercial
extérieur dans une langue autre que le français.»
La notion selon laquelle l'affichage commercial unilingue se veut un
message aux immigrants quant à l'omniprésence du français
n'a jamais été prouvée. Bien plus importante, cependant,
la notion de visage linguistique uniforme pour la société
québécoise va à rencontre du soutien au pluralisme
prôné par tous les partis politiques du Québec ainsi que
par la majorité de la population. L'aspect de la Charte de la langue
française auquel le jugement s'attaque envoie un message négatif
à toutes les minorités quant à l'engagement du
Québec relativement à la promotion des droits fondamentaux.
Nous avons, par le passé, demandé que le gouvernement se
base sur les principes suivants relativement à
l'affichage commercial. Dans une lettre envoyée au premier
ministre Bourassa en février 1987, nous exprimions notre accord avec les
principes suivants: premièrement, que le français soit requis sur
toutes les affiches, avec un degré de proéminence;
deuxièmement, que l'usage d'autres langues reflétant la
réalité québécoise soit permis dans l'affichage et
dans tout matériel publicitaire.
Dans cet esprit, nous sommes satisfaits du fait que l'article 17 du
projet de loi 86 modifie la loi existante en accord avec nos recommandations.
Nous pensons qu'un tel changement va dans l'intérêt de tous les
Québécois.
L'article 21 du projet de loi 86 fait référence à
la présentation de règlements qui prescrivent la façon
dont les entreprises commerciales devraient procéder dans ce domaine.
Nous nous réservons le droit de commenter ces règlements à
mesure qu'ils apparaîtront.
Nous passons maintenant à la clause «nonobstant».
Nous réitérons notre désaccord à l'inclusion de la
clause «nonobstant» dans les Chartes canadienne et
québécoise des droits et libertés. Nous sommes, de ce
fait, heureux de voir que la clause dérogatoire ne sera pas
invoquée dans le projet de loi 86. Toute loi devrait être en
mesure de passer le test établi par la Charte canadienne des droits et
libertés, c'est-à-dire que la justification puisse se
démontrer dans le cadre d'une société libre et
démocratique.
Sur la question de l'éducation, nous pensons que,
idéalement, l'éducation devrait fournir à tous les
étudiants une compétence en français et en anglais. Notre
situation géographique au sein de l'Amérique du Nord ainsi que la
mondialisation économique rendent ceci d'autant plus nécessaire.
Il est important que le gouvernement développe des systèmes
pédagogiques lui permettant d'atteindre de tels objectifs.
Personne ne peut nier l'avantage d'être en mesure de communiquer
efficacement dans plus d'une langue. La communauté juive du
Québec a pris des mesures importantes afin d'assurer que ses membres
puissent communiquer efficacement en français et en anglais. Il est
indéniable que tant qu'une meilleure éducation linguistique ne
sera pas disponible dans toutes les écoles, nos enfants seront
injustement privés d'un outil essentiel.
Nous reconnaissons qu'un pas possible dans cette direction a
été franchi par l'article 22 de la loi dans lequel il est
ajouté que, et je cite: «Le présent article n'empêche
pas l'enseignement dans une langue autre que le français afin d'en
favoriser l'apprentissage, selon les modalités et aux conditions
prescrites dans le Régime pédagogique établi par le
gouvernement».
Nous reconnaissons l'ouverture qui a été
créée par ce projet de loi et nous endossons fortement l'action
gouvernementale à cet effet. Nous tenons à réitérer
notre soutien à toute formation améliorée et accrue d'une
langue seconde et autres pour tout étudiant, ainsi que le
développement de programmes et d'échanges entre
élèves provenant de deux courants linguistiques scolaires.
Nous sommes heureux de voir que le gouverne- ment du Québec ait
cru bon de réaffirmer son attachement à la clause Canada dans
l'article 23 du projet de loi 86 quant au droit de tous les citoyens canadiens
ayant reçu une éducation en anglais d'envoyer leurs enfants dans
des écoles anglaises au Québec. Nous croyons également que
rien dans la loi ne devrait affecter les droits des descendants de tous ceux
qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans les écoles
françaises, même s'il leur est permis, de par la loi, de
fréquenter une institution de langue anglaise.
And now, I pass to the section on municipal and social service
institutions. Government's services should be made available at least in both
French and English. We emphasize, however, that the provision of services in
more than one language by government and other agencies should be justifiable
in relation to the need that exist for such services. It should not be imposed
in an arbitrary or insensitive way. (11 h 30)
On the other hand, need should not be defined only in relation to the
numbers of people requiring a service, but also in consideration of the
importance of providing the service in more than one language, where this is
required by a small number of people; for example, in health and social
services.
In article 29.1 of Bill 86, the government places the honest on the
maintenance of bilingual status on a given municipal educational and social
service institution with the organization affected. While this constitutes an
improvement, with respect to the potentially arbitrary manner in which such
status was previously withdrawn, it nonetheless merely transfers disputes to
the institution affected. We recognize that Bill 86 does not deal directly with
a provision of minority language services as, for example, does Bill 142, with
respect to health and social services. We would nonetheless hope that the
government will provide guidelines for municipal and educational institutions
to follow on provisions of minority language services, which is inspired by the
principles which we announciated above.
Et maintenant, en conclusion, le Congrès juif canadien,
région du Québec, soutient la décision du gouvernement
d'opérer des révisions à la Charte de la langue
française. Il est clair que le débat linguistique, de par sa
nature intrinsèque, est susceptible de se poursuivre dans l'avenir,
alors que les conditions au sein du Québec évoluent. Le fait de
réexaminer la situation linguistique dans le temps témoigne d'une
saine démocratie et démontre l'intérêt et le respect
du gouvernement envers les opinions de tous les citoyens.
Nous endossons le principe de préservation et de promotion de la
langue française et de la culture québécoise et nous
soumettons le fait que les mesures utilisées afin d'atteindre cet
objectif doivent être basées sur des incitatifs constructifs et
sur l'encouragement à une atmosphère qui conduira à
l'acquisition de la langue.
Dans notre mémoire, nous avons identifié un ensemble de
principes que nous pensons pertinents à nombre de défis dans
l'avenir. L'énoncé de politique du
Québec en matière d'immigration et d'intégration
indique que, dans un contexte d'interdépendance et de mondialisation des
phénomènes économiques, écologiques et sociaux, la
population québécoise accorde une grande importance à
l'ouverture sur le monde.
Pour atteindre cet objectif, la connaissance de plus d'une langue, une
grande sensibilité à la diversité culturelle et le respect
des droits et libertés fondamentales restent critiques. Nous sommes
heureux que par le dépôt du projet de loi 86, dans la mesure
où il fait référence à la question de l'affichage
commercial, le gouvernement du Québec ait démontré son
respect pour les décisions rendues par les tribunaux des droits de la
personne, ainsi que par les cours judiciaires de compétence provinciale,
nationale et internationale. Ce genre d'action reflète le voeu de la
majorité des Québécois et renforce notre réputation
à titre de société respectueuse des droits de la
personne.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Shacter. M. le
ministre, vous disposez de 15 minutes.
M. Ryan: M. le Président, nous sommes heureux d'accueillir
à la commission parlementaire le Congrès juif canadien, division
du Québec, dont l'intérêt pour les politiques publiques au
Québec est bien connu. Il s'est exprimé à maintes reprises
non seulement dans cette Chambre, mais aussi sur bien d'autres tribunes.
L'intérêt du Congrès juif canadien pour toutes les
questions comportant des liens avec les libertés fondamentales est bien
connu. Il s'est exprimé à maintes reprises et, dans un
débat comme celui que nous menons ensemble, je pense qu'il était
très intéressant que nous puissions entendre votre point de
vue.
Il y a deux remarques que je voudrais faire au départ, à
partir de votre mémoire, deux remarques qui m'ont
particulièrement intéressé. Vous dites, à la page
8: «II est clair que le débat linguistique, de par sa nature
intrinsèque, est susceptible de se poursuivre dans l'avenir... alors que
les conditions au sein du Québec évoluent. Le fait de
réexaminer la situation linguistique dans le temps témoigne d'une
saine démocratie et démontre l'intérêt et le respect
du gouvernement envers les opinions de tous les citoyens.»
Je souscris profondément à cette observation que j'ai
trouvée dans votre mémoire. Je pense que la question linguistique
évolue dans ses données objectives, également dans la
perception qu'en a la population. Surtout dans une société
où l'on a une législation aussi élaborée que celle
que nous avons au Québec, il est impérieux de procéder
à des révisions périodiques. Prétendre fermer le
livre sous prétexte que ça pourrait soulever des débats et
des controverses, je pense que c'est tout à fait contraire à
l'esprit de la démocratie. Dans cette perspective, je suis très
heureux de cette observation que vous avez faite et vous assure que nous
voulons discuter de la question linguistique à l'occasion du projet de
loi dans l'esprit de respect mutuel qui m'apparaît essentiel et que vous
soulignez avec beaucoup d'à-propos dans votre mémoire et dont
vous-même, dans vos actes publics, avez toujours été un
exemple irréprochable.
J'ai bien apprécié également la remarque que vous
faisiez au début de votre mémoire voulant que, dans ces
matières, toute solution doive prendre en considération les
positions des francophones, des anglophones et des allophones. S'il est vrai
que le Québec compte une population de plus en plus diversifiée,
il est essentiel, dans une question vitale comme celle de la langue, que les
solutions que nous recherchons, tout en tenant compte de la volonté des
intérêts légitimes de la majorité qui est, de
manière très fortement prépondérante,
française, essaient également de tenir compte des positions des
autres communautés, en particulier, de la communauté anglophone,
qui est la plus importante communauté minoritaire au Québec, et
des communautés allophones également. Vous l'avez
souligné, et je veux vous assurer que c'est l'esprit dans lequel le
gouvernement a préparé le projet de loi que nous discutons.
Je voudrais peut-être vous adresser une couple de questions.
J'aimerais que vous précisiez un petit peu votre position concernant le
lien entre le discours commercial et la liberté d'expression. Pourquoi
voyez-vous un lien essentiel entre les deux? On nous a dit tout à
l'heure que, ça, c'était marginal, que c'était
périphérique. Vous l'avez entendu tantôt, je pense bien,
vous étiez dans la salle. Est-ce que vous partagez cette opinion, et
pourquoi trouvez-vous qu'il y a un lien essentiel entre le discours commercial
et la liberté d'expression tout court?
M. Schacter: Peut-être que M. Schlesinger peut
répondre.
Le Président (M. Doyon): Oui, très bien, M.
Schlesinger.
M. Schlesinger (Frank): Marshall McLuhan a dit que le
média est le message. Il faut que les gens puissent croire qu'ils sont
à l'aise dans leur province, qu'ils peuvent s'exprimer dans leur langue,
et le fait de les empêcher de s'exprimer dans leur langue quand il s'agit
même de questions commerciales leur dit qu'ils ne sont pas sur un pied
d'égalité avec les autres citoyens.
Alors, ce n'est pas marginal, c'est beaucoup plus fondamental que
ça. Les gens doivent sentir qu'ils sont partie de la nation
québécoise. Et si on dit aux gens qu'ils n'ont pas le droit de
s'exprimer commercialement dans leur langue, ça veut dire qu'ils sont
des citoyens de deuxième classe. Alors, je rejette clairement cette
inference que c'est marginal.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le ministre.
M. Ryan: Sur la question de la clause «nonobstant»,
j'ai pris note de l'avis exprimé dans le
mémoire du Congrès juif canadien. Telle n'est pas
l'opinion du gouvernement à ce jour. Nous estimons qu'une clause
«nonobstant», dans des situations d'urgence, dans des situations
très difficiles, peut être un instrument dont a absolument besoin
un gouvernement démocratique. Mais nous prenons note de votre
observation.
J'ajouterais, en ce qui me touche, que je ne crois pas qu'une clause
«nonobstant» qui interdise l'usage d'une autre langue puisse
être justifiée de manière permanente. C'est ce qu'on nous
demande de faire du côté de l'Opposition et de certains
groupements, on voudrait que nous inscrivions une clause
«nonobstant» en permanence. Ça, je pense que nous l'avions
fait pour une période de cinq ans. Nous avions dit qu'au terme de la
période nous réexaminerions la situation et la position du
gouvernement. C'est ce que nous avons fait le plus loyalement possible. (11 h
40)
Maintenant, en matière de services offerts par les
municipalités. J'ai trouvé une remarque dans votre
mémoire, au haut de la page 8, qui se formule comme suit: «Nous
aurions souhaité que le gouvernement fournisse aux institutions
municipales, de santé et de services sociaux, des lignes directrices
[...] quant à la disponibilité de services dans la langue
minoritaire.»
Comme vous le savez, nous l'avons fait avec la loi 142 pour les services
de santé et les services sociaux. Je ne sais pas si vous trouvez que la
loi 142 donne satisfaction à cet égard. Et deuxièmement,
je voudrais vous demander: Quelle sorte d'orientation souhaiteriez-vous voir le
gouvernement communiquer aux municipalités en ces matières?
M. Jedwab (Jack): Premièrement, dans cette section, notre
intention était de discuter de la notion des services offerts dans la
langue de la minorité et dans d'autres langues, si nécessaire,
comme une loi pour offrir des services, si vous voulez, au lieu d'une loi qui
mesure les pourcentages dans les institutions afin de déterminer si elle
peut avoir une accréditation, etc.
On a eu des échos de membres de la communauté anglophone
à l'intérieur de la communauté juive, qui est une
communauté multilingue et multiethnique. Il y a des gens qui disent que
ça ne fonctionne pas efficacement encore, mais du progrès a
été fait à cet égard. Notre objectif, en fin de
compte, c'était de voir si ce n'est pas possible de créer une
espèce de loi où la loi 142 constitue un modèle pour
offrir des services dans les autres langues minoritaires à
différentes communautés qui composent la société
québécoise.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le président, madame, il me fait plaisir de vous accueillir au
nom de l'Opposition à cette commission parlementaire. J'ai
souligné avec plaisir, dans votre premier paragraphe, dès le
début, votre volonté... Vous la réaffirmez. «Les
juifs du Québec, nous dites-vous, comme tous leurs concitoyens
québécois, quelle que soit leur origine, feront leur part dans le
développement de l'identité future du Québec.»
Évidemment, quant à l'identité future, on pourrait
élaborer. On semble avoir un peu des perceptions différentes,
mais j'y reviendrai.
Vous savez, dans la plaidoirie du gouvernement du Québec, qu'il
faisait devant le Comité, et non pas devant la Commission des droits de
l'homme aux Nations unies, tel que vous l'avez avancé, mais bien devant
le comité responsable d'appliquer le pacte facultatif sur les droits
civils et politiques, ce qui est une différence énorme puisque,
au pacte, il y a la moitié des pays qui n'y ont pas
adhéré, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, la
Suède. Alors, tout ça pour dire que je pense qu'il ne faut pas
faire erreur sur l'organisme parce que c'est induire en erreur la population.
Il s'agit d'un comité, d'un comité et d'un pacte qui est
facultatif, tel que son titre le dit. Et je pense que ça donne une autre
dimension à cet avis, qui est plus moral que légal, pour utiliser
une expression que je voyais ce matin chez un éditorialiste.
Je reviens donc à la plaidoirie. Il y a un an tout juste, le
gouvernement du Québec, pour maintenir le français comme langue
d'affichage, invoquait la vulnérabilité et la fragilité du
français en Amérique, et au Québec de façon
évidente. Nous sommes 6 000 000 de parlant français au
Québec dans une mer anglophone, avec des pressions énormes que
nous connaissons tous, Canada comme Québec, de cette culture
américaine. Ce n'est pas rien, on est à côté de la
plus grande puissance, au sein d'un État fédéral qui ne
s'est pas toujours montré très sensible à la survie, aux
conditions de survie du français; on le sait dans les autres provinces
canadiennes. au québec, actuellement, si on prend la région
métropolitaine ça ne nous donne pas le portrait
réel pour montréal de façon précise on sait
déjà que lorsqu'il y a des transferts linguistiques, au moment
où nous nous parlons, à montréal, lorsque vous n'avez ni
l'anglais ni le français comme langue maternelle, deux fois sur trois,
le nouveau québécois choisit encore l'anglais. pourtant, on est
à tout près de 90 % de francophones; pourtant, il choisit encore
l'anglais. 51 % des travailleurs dans la région métropolitaine
travaillent encore majoritairement en anglais. il y a seulement le quart des
immigrants qui travaillent en français dans la région
métropolitaine. on sait que les universités, les cégeps
vont chercher respectivement 57 % et 55 % des allophones, les cégeps
anglais et les universités anglaises.
Tout ça illustre, je pense, de façon évidente,
d'une part, la capacité d'attraction de l'anglais et la
fragilité, la vulnérabilité du français. Est-ce que
vous reconnaissez ça?
M. Jedwab: Oui. Permettez-moi de répondre, et ce que je
vais dire, je vais le dire en tout respect, avec grand respect. Il faut
être extrêmement prudent dans
l'analyse des chiffres. Vous venez de dire que deux sur trois des
immigrants adoptent l'anglais comme langue d'usage dans le cas des transferts
linguistiques. Mais, justement, vous pouvez seulement arriver à ces
résultats si vous faites l'inclusion de tous les transferts qui ont eu
lieu avant les années 1970, avant qu'apparaisse la Charte de la langue
française. C'est-à-dire... Vérifie-le. Il ne faut pas
être sarcastique là-dessus, vérifie-le.
J'ai un document ici, de Réjean Lachapelle, qui est directeur du
département démolinguistique de Statistique Canada, qui montre
que depuis 1986, de 1986 à 1991, «le transfert vers le
françaisje cite Charles Castonguay, le mathématicien de
l'Université d'Ottawaa fait un bond prodigieux de 29 % à 37
%». C'est-à-dire que dans l'étroite période, depuis
1976 jusqu'à aujourd'hui, la majorité des transferts des nouveaux
arrivants sont allés vers le français. J'ai des chiffres que je
vais présenter à tous les membres autour de la table
là-dessus. Alors, il faut être extrêmement prudent, et je
dis ça avec grand respect également. ce chiffre a
été contesté par certains, c'est vrai. vous-mêmes,
vous l'avez utilisé dans votre document «les anglophones dans un
québec souverain». vous avez fait remarquer qu'il y avait 63 %,
incluant tous les transferts avant les années soixante-dix. on le sait,
avant que la société d'accueil ait pris la responsabilité
de faire la promotion du français, pour s'assurer que les immigrants
apprennent le français, que les immigrants sont allés vers
l'anglais. mais, avec l'inclusion de tous ces transferts, c'est un peu de
déformation qui se fait quand aux questions des transferts. excusez-moi.
je vais vous donner des chiffres là-dessus. deuxièmement, en ce
qui concerne le fait que vous venez de citer, de l'étude de paul
béland, du conseil de la langue française, sur le français
sur le marché du travail, je prends l'extrait de votre «task force
report» sur «les anglophones dans un québec
souverain». encore une fois, quand vous dites 51 % vous
répétez ça plus tard des francophones, vous avez
dit? excusez-moi. 51 % des francophones...
Mme Blackburn: Non, des travailleurs; des travailleurs.
M. Jedwab: ...des travailleurs. ça, c'est seulement si
vous définissez majoritairement comme étant 90 % et plus du
temps. parce que paul béland divise ça en deux catégories:
il parle de 50 % à 89 %, puis de 90 % à 100 %. alors, votre
chiffre est exact si on définit la majorité comme 90 % et plus.
c'est une notion de majorité que j'ai rarement entendue, mais vous
êtes certainement capable de le présenter.
Mme Blackburn: Est-ce que vous êtes en train de nous dire,
vous, de votre siège, que le français en Amérique du Nord
n'est pas dans une situation de vulnérabilité et de
fragilité?
M. Jedwab: Non, absolument pas.
Mme Blackburn: Réaffirmez-moi ça de là!
M. Jedwab: J'ai dit qu'il y a des mesures qui existent... Non.
Excusez-moi.
Mme Blackburn: Ha, ha, ha!
M. Jedwab: Absolument pas. Tous les gens, presque toute la
population du Québec, les anglophones et les allophones inclus... Et
justement, encore dans l'étude que vous avez citée, de Paul
Béland, c'est indiqué: ils sont d'accord qu'il y a une
vulnérabilité du français en Amérique du Nord
mais....
Mme Blackburn: Bon. Alors, donc, s'il y a
vulnérabilité...
M. Jedwab: ...les chiffres que vous venez de citer, par contre,
sont inexacts quant à l'interprétation que ça donne aux
conditions du fait français depuis 15 ans, qui a nettement
progressé et amélioré.
Mme Blackburn: Si vous reconnaissez...
M. Jedwab: Je sais qu'à l'heure actuelle il y a une
tendance à présenter une certaine information où le
français ne progresse pas depuis 15 ans, mais c'est faux.
Mme Blackburn: M. le Président, je pense que M. Jedwab
reconnaîtra que les progrès que nous avons réalisés,
nous les avons réalisés grâce à la loi 101 et
grâce à une loi qui a pris des mesures très
concrètes et presque incontournables, particulièrement celles
touchant l'accès à l'école française pour les
immigrants. Donc, ces progrès ont été
réalisés grâce à la loi 101, la loi 101 qu'on est en
train de charcuter alors que vous-même vous venez de reconnaître
que le français est toujours vulnérable en Amérique du
Nord. Dire le contraire aurait été quasiment une
hérésie. Je veux bien qu'on ait l'air des Gaulois, mais quand
même, devant 300 000 000, ça fait quasiment quand même pas
tout à fait le poids, à moins que vous sous-estimiez votre
capacité.
À présent, sur une autre question...
M. Jedwab: Permettez-moi de...
Une voix: Laissez-le répondre. De la courtoisie.
Mme Blackburn: De la courtoisie. M. le Président, si on en
appelle à ma courtoisie, je voudrais en appeler à celle des
autres intervenants qui prennent tout leur temps, les trois-quarts des minutes
qui vous sont consacrées pour faire des commentaires alors qu'on est
là pour vous entendre. Donc, on vous écoute.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. Jedwab, vous voulez
réagir à ce que disait Mme la députée. (11 h
50)
M. Jedwab: Oui. Madame, la Cour suprême du Canada, dans la
décision de Chaussure Brown's, a dit que la loi 101 poursuit un objectif
sérieux et légitime, et a reconnu une vulnérabilité
du fait français au Québec, en Amérique du Nord,
justement, comme presque tous les Québécois l'ont fait. Mais ceci
ne justifie pas toutes les mesures qui sont légiférées
à l'heure actuelle.
Justement, en ce qui a trait à la question de l'affichage, je
dois admettre que j'entends beaucoup de désinformation en ce qui
concerne l'impact de l'affichage unilingue français sur les immigrants.
On dit que ça envoie un message sur les immigrants, tandis que la preuve
n'existe pas.
Mme Blackburn: Vous avez, vous, la capacité de faire la
preuve du contraire? Si vous nous dites que...
M. Jedwab: Madame, le fardeau de la preuve...
Mme Blackburn: Si vous permettez, si vous nous dites qu'on n'a
pas fait la preuve que ça avait un effet sur les comportements
langagiers des immigrants, avez-vous la capacité de faire la
démonstration que ça n'en a pas, d'effet?
M. Jedwab: Madame, deux choses là-dessus.
Premièrement, comme vous avez déjà posé la
question, je pense que et je vous salue d'avoir posé la question,
parce qu'elle est importante votre chef indique sans équivoque
que ceci a un impact sur les immigrants, ainsi que beaucoup d'autres
intervenants là-dessus.
Mme Blackburn: Vous dites que ça n'en a pas.
M. Jedwab: Tandis que le fardeau de la preuve, je crois, n'est
pas sur les gens...
Mme Blackburn: Elle est sur le gouvernement.
M. Jedwab: ...comme notre organisme et d'autres citoyens, le
fardeau de la preuve, c'est sur les gens qui légifèrent...
Mme Blackburn: C'est ça, puis ils ne l'ont pas
mesuré.
M. Jedwab: ...et qui, en face d'une violation des droits de la
personne reconnue par presque tous les instruments juridiques... C'est à
eux de faire la preuve, je crois, à cet égard-là; ce n'est
pas aux citoyens qui sont affectés de faire la preuve.
Dernier commentaire très rapide, parce que je ne veux pas qu'on
monopolise. Quand j'ai vu la remarque de Guy Bouthillier ce matin, en disant
que «notre Cour suprême, c'est la rue», je pense que c'est
important pour le leadership politique de tous les partis politiques de
s'exprimer là-dessus, et je vous invite à le faire. Moi, je dois
aller voir mes enfants et d'autres membres de ma communauté. Comment je
leur explique que les valeurs de la majorité de la société
s'expriment par des déclarations «notre Cour suprême, c'est
la rue»? Oh! la la! Aïe!
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
d'Anjou, pour quelques minutes à peine.
M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président.
J'aimerais qu'on me corrige peut-être une certaine perception que
j'ai du mémoire qui est présenté par le Congrès
juif canadien. Ce que je semble percevoir corrigez-moi si je me trompe
c'est finalement qu'au niveau de l'affichage on semble trouver le projet
de loi intéressant ou correspondant à vos attentes, mais, au
niveau de l'éducation, ce qui revient constamment, c'est que c'est un
premier pas, c'est-à-dire que ça ne satisfait pas les attentes du
Congrès juif canadien.
On parlait tout à l'heure de paix linguistique pour les gens de
Montréal. Pour les gens de la grande région de Montréal,
justement, le concept de paix linguistique est important. Surtout quand on voit
dans les journaux de ce matin un titre comme «Les Anglos menacent de
retourner devant l'ONU», on a l'impression, finalement, que ce n'est
qu'un premier pas, le projet de loi qui est présenté, et qu'il
est le premier pas de nouvelles contestations qui vont encore continuer et,
justement, mettre en péril cette paix linguistique.
Ma perception, justement, que, pour vous, ce projet de loi n'est qu'un
premier pas, est-ce qu'elle est juste?
Mme Ohayon (Maryse): Je voudrais...
Le Président (M. Doyon): Vous voulez vous identifier,
madame, s'il vous plaît, pour les fins de transcription de nos
débats?
Mme Ohayon: Oui, je suis Maryse Ohayon.
Je voulais justement, peut-être avant tout, me situer dans le
contexte. Mes distingués collègues sont juristes, avocats. Je
pense être une madame très, très normale, une madame qui
travaille avec une famille et qui essaie de faire le mieux possible. Ce que je
voudrais peut-être avant tout avancer, c'est le fait que quand vous
voulez sauver quelque chose qui vous tient à coeur, vous pouvez le faire
sans avoir besoin de législation dure et pure.
Je voudrais peut-être prendre comme exemple le groupe
séfarade de la communauté qui, lorsqu'il est arrivé ici,
n'a malheureusement pas pu profiter de la Commission des écoles
catholiques de Montréal pour la bonne raison que nous n'étions
pas catholiques, donc pas baptistaires. Nous avons réussi quand
même à...
Une voix: Ce n'est pas du tout la question.
Mme Ohayon: Oui, monsieur?
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, on vous
écoute, madame, vous avez la parole.
Mme Ohayon: Nous avons quand même réussi à
finir notre éducation en français, mais nos enfants sont
parfaitement bilingues et même trilingues, ce qui veut dire que nous
sommes en position d'attente en ce qui concerne l'éducation, car,
à ce point-ci, nous n'avons pas encore le pouls complet de la
communauté. Nous attendons de voir un petit peu plus de quelle
façon les choses vont procéder, les choses vont avancer, mais
notre but ultime, en tant que communautaire, c'est de donner à nos
enfants, à nos étudiants, le plus d'armes possible pour se
défendre sur les milieux de travail, sur les milieux de mondialisation
économique qui se dessinent et qui vont nous forcer de plus en plus
à performer. Si nous voulons performer, il faut faire en sorte que nous
puissions donner à nos jeunes, au point de vue éducation, pas une
langue, pas deux langues, mais trois ou quatre.
M. Bélanger (Anjou): Merci. Donc, c'est un premier pas,
c'est bien ce que j'ai compris.
Le Président (M. Doyon): Une courte remarque, en
terminant, M. le député.
Mme Ohayon: Non, non! Non, non, pas du tout!
M. Jedwab: Un instant. Il ne faut pas mal citer ce que Mme Ohayon
a dit.
Mme Ohayon: Je n'ai pas dit ça du tout, du tout. Ce n'est
pas un premier pas.
M. Jedwab: Je vous invite à la prudence là-dessus,
ce n'est pas ce que Mme Ohayon a dit.
Premièrement, les anglophones, comme tous les autres groupes
minoritaires ou autres qui ont des ONG, par exemple, je pense qu'on doit
traiter leurs revendications avec sérieux. On a toujours la
capacité de dire oui ou non.
Mme Blackburn: Ce n'est pas ça qu'on demande. M.
Bélanger (Anjou): Ce n'est pas ça qu'on dit.
M. Jedwab: Je pense que ce n'est pas un argument
intéressant de dire: Ah! si on leur donne ça, ils vont demander
ça. Imaginez les groupes nationalistes avec grand respect pour
les sociétés patriotiques si l'on dit: Si on leur donne
ça, ils vont demander ça ou cela ou cela. C'est un argument qui
n'est pas très intéressant.
Mme Blackburn: En fait, ce qu'on veut vraiment mesurer
aujourd'hui, c'est le projet de loi 86 sur lequel vous êtes favorable.
Est-ce que pour vous, en matière d'accès à l'école,
ça n'est qu'un premier pas et que vous êtes prêts à
nouveau à être en demande là-dessus au risque de menacer la
paix linguistique? C'est ça, la question.
M. Shacter: On ne peut pas dire, madame, si c'est un premier pas
ou un deuxième pas. Nous sommes dans une société
démocratique...
Mme Blackburn: II l'a dit.
M. Shacter: ...on peut revendiquer nos droits si nous pensons que
nous avons des droits, et nous ne pouvons pas vous garantir que c'est le
premier pas ou le deuxième pas.
Mme Blackburn: O.K. C'est bien.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
Juste pour répondre à l'invitation de M. Jedwab sur les
commentaires de M. Bouthillier dans les journaux de ce matin, j'espère
que l'Opposition officielle s'éloigne de ces remarques. Ces remarques
sont une invitation ou une incitation à la violence, et j'espère
que l'Opposition officielle, aujourd'hui, s'éloigne de ces remarques
dans les journaux de ce matin.
Moi aussi, je veux souligner le fait qui est remarqué dans leur
mémoire, à l'effet que les trois-quarts de la communauté
juive du Québec aujourd'hui sont bilingues; ça montre
jusqu'à quel point les écoles anglaises publiques ou
privées sont très capables de fournir un apprentissage
adéquat de la langue fraçaise au Québec. Ça devrait
être, peut-être, un signe au ministre que renforcer l'apprentissage
du français comme deuxième langue est la meilleure façon
de donner aux personnes une appréciation de la langue au lieu de les
forcer ou de les diriger vers un certain système. La communauté
juive démontre cette ouverture, cette capacité de maîtriser
la langue française. (12 heures)
But there are two questions, I want to ask two specific questions: No.
1, you mentioned on the brief, on page 5, that, in your opinion, article 17
the article that deals with public signs is basically in accord
with your recommendations and is acceptable. Article 17 says that «Public
signs and posters and commercial advertising must be in French. They may also
be both in French and in another language provided that French is markedly
predominant» so far, so good. «However, the Government may
determine, by regulation, the cases, conditions or circumstances where public
signs and posters and commercial advertising must be in French only»,
which leads me to believe or be concerned that, for example, if the Parti
québécois came back to power, they may be able, by regulation, to
completely reverse Bill 86 without even having to amend Bill 86 before the
National Assembly. I think it leaves a regulatory power that is a bit too vast,
as far as
controlling the language of signs. That is No. 1 that I would like you
to respond to.
No. 2: The whole question of education and the decline of the community.
Alliance Québec was here last night expressing concerns about the
demographic decline of the English community, as well as the need to open up
access to English schools in Québec, and I would like to hear, perhaps,
Mr. Jedwab's views on the whole demographic portrait of the Jewish and
anglophone community he has written many articles on that and he has
shown his knowledge of statistics in some of these studies this morning
and also if he agrees with what the Minister has been telling us, and mat he
stressed last night, that, No. 1: there are studies that now show that there is
an increase in the birthrate in the anglophone community in Québec; and,
No. 2: that the decline has very much tapered off over the past few years.
So, those two things, I would like to hear your comments on.
M. Shacter: Well, if I may answer the first part of... the first
question that you posed, and Mr. Jedwab can continue on the statistical
side.
Your comment on the right to regulate or to legislate by regulation is
an accurate one, and you will see, in our brief, we say that we reserve the
right to comment on these regulations as they appear.
As far as the comment that regulations may be changed by successive
governments, or indeed, by the same government, so may legislation.
Unfortunately, these items are not constitutional matters that require special
majorities; these are simply laws that require a majority in the Legislature,
so that...
M. Libman: ...with debate, as opposed to regulations that do not
even require debate in...
M. Shacter: It is true. I would agree with you that it is easier
to change regulations than it is to change the law, and, for that reason, we
reserved our right to comment on them when they appear.
M. Jedwab: I am not in a position... because I have not
undertaken a study to determine what the decline is. I can only talk about
decline in the population as a whole.
Obviously, in the Jewish community, most people are aware that, from
1971 to 1991, there has been a loss of about 25 000 people in the community,
which is attributed to a number of factors, and that is important; and, of
course, that has an impact on the question that you are asking in that it
relates to that.
Je pense que, pour nous autres on a exprimé ça dans
notre mémoire le fait que les anglophones, dans notre
communauté, apprennent le français, c'est essentiel; ce n'est
malheureusement pas assez valorisé, et on voulait également
assurer que les francophones, dans notre communauté, apprennent
l'anglais, comme, par exemple, je peux citer le chef de l'Opposition
là-dessus. Dans Time magazine, il a dit, l'année
passée: By God! I will boot the rear end of anyone who cannot speak
English. A small people like us must speak English.
Mais j'ai entendu le mémoire qui a été
présenté avant que le taux de bilinguisme a
augmenté de façon très importante chez les francophones:
Statistique Canada l'a dit. Mais ça, ce n'est pas Statistique Canada qui
l'a dit, justement, parce qu'on a pris les chiffres réels. En termes de
pourcentage, l'augmentation j'ai une autre charte que je peux vous
montrer des francophones bilingues a été de 29...
approximativement 29 % à 31 %, dans 10 ans.
Alors, tout ça pour dire que M. Parizeau a encore beaucoup de
travail à faire en ce qui concerne cet aspect de la question...
M. Libman: Non, mais oublions...
M. Jedwab: ...et on a notre travail à faire,
également.
M. Libman: Oublions M. Parizeau, pour le moment.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Jedwab. Merci, M. le
député...
M. Libman: Juste pour terminer, M. le...
Le Président (M. Doyon): ...le temps qui vous était
alloué est terminé, malheureusement.
M. le ministre, il vous restait deux minutes, si vous voulez en
disposer.
M. Ryan: Non, seulement pour remercier... M. Libman:
Est-ce que je peux les prendre?
M. Ryan: ...le Congrès juif canadien, M. le
Président...
M. Libman: Est-ce que je...
M. Ryan: ...puis je voudrais souligner le travail excellent
qu'accomplissent les écoles juives, qui permettent à leurs
enfants l'apprentissage de trois langues en même temps: le
français, la langue d'origine la langue juive ou hébreu
l'anglais, qui consentent à investir chaque semaine des heures de
travail beaucoup plus élevées que les heures de travail que nous
avons dans le système public. Et je voudrais dire que, en ma
qualité de ministre de l'Éducation pendant cinq ans, j'ai pu
apprécier le travail qui se faisait là, et je l'ai toujours
soutenu auprès du gouvernement. Je suis convaincu que ma
collègue, la titulaire actuelle, fait de même. J'appliquerai,
tantôt, la même remarque aux écoles grecques.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des mem-
bres de la commission, je tiens à remercier M. Shacter ainsi que
tous ceux qui l'ont accompagné; l'échange a été
fructueux. Et merci beaucoup d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer
à si court avis. Merci.
Donc, les salutations d'usage doivent être brèves et ne pas
empiéter sur le temps qui est réservé à la
commission, autrement, je me verrai dans l'obligation de faire des
soustractions dans le temps qui est alloué à chacun des
représentants, tout ça pour veiller à la bonne marche de
nos travaux.
J'indique maintenant aux collègues que, maintenant que le
Congrès juif canadien a terminé sa présentation et
l'échange avec les membres de la commission, nous aurons le plaisir de
recevoir la Communauté hellénique de Montréal.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre... M. Ryan, nous sommes prêts à
continuer.
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Silence! Ceux qui veulent
avoir des discussions sont priés de les avoir à
l'extérieur, s'il vous plaît! Mme la recherchiste!
Qu'on amène la gendarmerie! Et si ça prend la GRC,
ça la prendra! Ha, ha, ha!
Une voix: Je vous rappelle, M. le Président, que ça
devra en prendre deux sur le même cheval.
Le Président (M. Doyon): J'invite maintenant les
représentants de la Communauté hellénique à bien
vouloir s'approcher et à prendre place à la table de nos
invités. Je les invite à s'asseoir et à se préparer
à nous faire leur présentation. Nous sommes prêts à
les entendre.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Communauté hellénique et je tiens à rappeler que nous
allons les entendre dans le cadre de la consultation que la commission de la
culture tient actuellement en ce qui concerne le projet de loi 86, qui est la
Loi modifiant la Charte de la langue française.
Je vois qu'il y a deux personnes qui sont à la table des
invités; je leur souhaite la bienvenue. Je les invite, en
commençant, à bien vouloir se présenter pour que nous
puissions avoir leur nom dans le Journal des débats et je
leur indique qu'ils disposeront de 20 minutes pour nous faire part de leur
point de vue en ce qui concerne le projet de loi lui-même, et, ensuite,
la conversation va s'engager selon les règles habituelles, que je ne
répéterai pas.
Alors, vous avez la parole.
Communauté hellénique de
Montréal
M. Tsimberis (Harry): Merci et bonjour, M. le Président,
MM. et Mmes les ministres et MM. et Mmes les membres du comité.
Je vais d'abord nous présenter. Mon nom est Harry Tsimberis, et
je suis ici à titre de coordonnateur du comité sur les relations
interculturelles du Congrès hellénique du Québec, et,
à mon côté, il y a le Dr Atha- nassios Katsarkas, qui est
le vice-président du Congrès hellénique du Québec.
Je dois m'excuser pour l'absence du président du Congrès
hellénique du Québec qui, pour une raison sérieuse, ne
pouvait pas arriver ici, ce matin. (12 h 10)
Alors, nous vous remercions de cette invitation. Nous aurions quand
même souhaité avoir un peu plus de temps, mais nous avons fait une
certaine préparation que nous sommes prêts à vous
soumettre.
Du point de vue introduction, nous mentionnerons les points suivants. La
communauté grecque du Québec est déjà centenaire,
au Québec. La majorité d'entre nous a passé ses meilleures
années de vie au Québec; nous avons partagé les
expériences moments difficiles et moments joyeux avec nos
concitoyens québécois. Comme plusieurs autres communautés
culturelles, nous avons tenté de nous intégrer de plus en plus
dans la vie économique, politique, culturelle et sociale de ce pays.
Nous avons participé à contribuer à l'évolution du
Québec moderne et, ce faisant, nous nous considérons des
partenaires et des Québécois à part entière.
Comme Québécois d'origine grecque, nous sommes fiers de
notre appartenance à une société qui est unique en
Amérique du Nord; nous croyons que cette unicité est le fruit de
la langue française et de la culture québécoise coexistant
avec les communautés culturelles dans ce contexte. Notre
communauté a évolué, dans les dernières 20 à
30 années, et réussit de plus en plus à s'intégrer
dans la société québécoise. Un aspect remarquable
de ceci est le fait que la première et la deuxième
générations des Québécois d'origine grecque se
considèrent comme étant entièrement chez elles, au
Québec, et elles participent, d'une année à l'autre
à un niveau plus poussé, à tous les aspects de la vie
québécoise.
Nous constatons que, dans les derniers 20 ans, le Québec a subi
une évolution. Il s'est développé davantage, mais, en
même temps, il a augmenté la dimension de la langue
française et de sa culture unique. En termes pratiques, les membres les
plus jeunes de notre communauté ont participé à cette
évolution non seulement par le fait qu'ils vivent dans un milieu
francophone, mais aussi par le fait qu'en même temps ils ont
préservé leurs propres langue et culture d'origine. Ceci est
témoin de la flexibilité de la culture québécoise,
et, comme nous l'avons dit à d'autres occasions, la préservation
de la langue et de la culture françaises est liée au maintien de
notre propre héritage linguistique et culturel.
Le Congrès hellénique du Québec regroupe les
communautés constituées et associations grecques du
Québec. Il a comme objectif de représenter les
Québécois d'origine grecque, mais il a aussi comme objectif de
promouvoir l'intégration de ces mêmes personnes dans la
société québécoise.
Comme nous l'avons fait sur d'autres questions, nous avons aussi
participé au débat sensible qui est le débat sur la
question linguistique au Québec dans les différentes phases de
son évolution. Au moment de l'adoption de la loi 101, en 1977, la
communauté grecque s'était prononcée comme étant en
faveur de cette loi. Plus
d'une décennie plus tard, la communauté grecque avait
aussi appuyé l'adoption de la loi 178, au motif qu'il existait des
conditions, à cette époque, qui justifiaient l'adoption de ces
dispositions.
Dans notre présentation devant la commission
Bélanger-Campeau, nous avions déclaré que la
communauté grecque reconnaissait le besoin de la survie de la langue
française au Québec et qu'il était légitime que
celle-ci prenne les mesures nécessaires pour sa protection. Cependant,
nous estimions la situation du Québec en Amérique du Nord et
l'«anglicisation» du monde y inclus l'Amérique latine
et l'Europe comme étant des raisons justifiant de telles mesures
de protection, plutôt que l'hostilité présumée du
Canada anglais. Nous avions suggéré, à cette
époque, qu'il était important de passer d'une situation où
on impose le français à une situation où, au contraire, le
français s'impose de lui-même.
Dans une période plus récente, la communauté
grecque avait adopté des positions similaires au niveau de la langue
française dans ses soumissions devant les diverses commissions
étudiant le fédéralisme renouvelé
précédant le référendum de 1992. Seize ans
après l'adoption de la loi 101, le gouvernement du Québec propose
certains changements à cette loi par le biais du projet de loi 86.
Alors, il nous fait plaisir, par la présente, de soumettre le
point de vue du Congrès hellénique du Québec au sujet des
dispositions diverses du projet de loi 86.
Au premier chapitre, au sujet de la langue de l'affichage commercial, il
a toujours été notre position et c'est notre position
actuellement encore qu'il est important que le visage linguistique du
Québec continue à demeurer français. On peut
considérer le présent débat comme étant plus une
question de moyens d'atteindre ce but, plutôt qu'une question à
savoir s'il faut continuer à atteindre ce but. C'est-à-dire, on
peut poser la question comme étant de savoir si les changements
proposés auront comme effet d'empêcher la continuation de ce but
ou si on peut quand même arriver là, mais en répondant, en
même temps, à d'autres inquiétudes qui ont aussi une
validité.
Le projet de loi 86 propose que l'affichage commercial continue à
paraître en français. Il propose également qu'on puisse, en
même temps, afficher dans une autre langue, à la condition que le
français y apparaisse de façon nettement prédominante. Une
forme de bilinguisme restreint, dans certains affichages commerciaux, ne veut
pas dire, à notre avis, que nous sommes en présence d'un recul
vers le bilinguisme général. Le visage linguistique du
Québec continuera à demeurer français parce que cet
amendement n'enlève pas le français de l'affichage commercial. Si
la cause de l'inquiétude est la partie de l'affichage qui peut devenir
bilingue, ce danger est minimisé par l'exigence expresse que le
français soit nettement prédominant sur ce même
affichage.
Comme membres d'une communauté culturelle, nous notons que la
loi, telle qu'elle existe actuellement, permet, jusqu'à un certain
niveau, d'inclure une autre langue avec le français. Il est, par
conséquent, peu probable que cet amendement crée des changements
considérables dans l'affichage commercial de ces communautés
culturelles.
De l'autre côté, il est significatif, à notre avis,
que ces modifications feront en sorte que la législation
québécoise en matière linguistique sera harmonisée
avec les jugements unanimes de la Cour supérieure du Québec, la
Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du Canada et aussi avec la
récente décision du Comité des Nations unies. Cet aspect
de la loi ne serait plus en violation du droit à la liberté
d'expression reconnu comme étant un droit fondamental par les Chartes
des droits et libertés et du Québec et du Canada.
Il est aussi à prévoir que, suite à ces
modifications, il peut découler des bénéfices
économiques pour les commerces québécois ainsi que pour le
tourisme au Québec. Nous sommes d'accord avec le principe que tout
règlement à venir soit consistant avec les jugements de la Cour
suprême et les autres tribunaux à ce sujet et qu'il soit en
conformité avec la substance des principes de droit contenus dans le
projet de loi 86.
Au sujet de la signalisation routière. Le projet de loi 86
prévoit aussi que, dans le cas de la signalisation routière, le
texte français peut être complété ou remplacé
par des symboles ou des pictogrammes. Lorsqu'il n'existe aucun symbole ou
pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de la santé ou de la
sécurité publiques, dans ces cas, il sera permis d'utiliser une
autre langue en même temps que le français.
À notre avis, ces dispositions créeront aussi un certain
bilinguisme restreint, qui ne mène pas, non plus, au bilinguisme
généralisé. L'usage de la langue française
continuera à être retenu dans tous les cas. Les cas où il
n'existe pas de symbole ou pictogramme appropriés feront, en toute
probabilité, une petite proportion du nombre total de ces cas. Il ne
semble pas exister de contre-indication sérieuse permettant ce niveau
limité de bilinguisme vu que les affiches dans une autre langue
contiendront également le français, et ceci doit minimiser le
niveau auquel le visage linguistique du Québec changera. (12 h 20)
Au sujet de l'éducation. Nous croyons que l'éducation
devrait permettre à tous les étudiants de bien maîtriser la
langue officielle du Québec. Cependant, nous appuyons également
toute mesure ayant comme but de permettre aux étudiants de bien
posséder la connaissance de la langue anglaise. Certaines limites
raisonnables relatives à l'accès au système scolaire,
conformément aux termes de l'article 1 de la Charte des droits et
libertés, restent acceptables. Un soutien devrait continuer d'être
apporté aux institutions scolaires dont les programmes comprennent
l'enseignement des valeurs culturelles ainsi que des langues des
communautés culturelles, et ce, afin de promouvoir une identification
culturelle pertinente. Nous trouvons acceptables les modifications
proposées parce que nous croyons qu'il existe, par exemple, des cas
d'individus qui pourraient
être dissuadés de fournir leurs services à
l'économie québécoise à cause d'inquiétudes
au niveau de l'accessibilité de leurs enfants au système
scolaire. En plus, nous croyons que ces modifications ne changent pas de
façon significative l'esprit de fonctionnement et la pratique qui
existent actuellement dans les institutions scolaires.
Au sujet de l'immigration et l'accès linguistique. En tant que
communauté ethnoculturelle, nous accordons à l'immigration une
importance considérable. À un autre niveau ou dans une autre
forme, peut-être, nous croyons que la politique de l'immigration devrait
être libérale et généreuse. Les statistiques
démographiques semblent indiquer de façon consistante que le
renouvellement de la population doit se baser nécessairement sur
l'arrivée de nouveaux immigrants. Nous sommes d'accord avec le principe
qu'en devenant des résidents au Québec les nouveaux immigrants et
leurs enfants soient dirigés vers le système scolaire
français. Ceci concorde également avec notre croyance que le
Québec est une société à caractère
pluraliste, mais qu'en même temps cette société pluraliste
doit être francophone.
Au chapitre des municipalités et services sociaux. Nous croyons
que les services publics du gouvernement doivent continuer à être
disponibles dans la langue officielle du Québec. Cependant, la
disponibilité de services dans plus d'une langue devrait être
justifiée par un besoin existant pour ce genre de services. Ceci ne
devrait pas être fait ou imposé de façon arbitraire ou
insensible. D'autre part, le besoin ne devrait pas être
déterminé simplement selon le nombre de personnes
requérant un service, mais également en prenant en
considération l'importance de fournir les services dans plus d'une
langue à un petit groupe de gens. Plutôt que de limiter la
disponibilité des services dans au moins les deux langues, des services
se substituant à l'approche personnalisée devraient être
développés par le biais de technologies modernes.
Le projet de loi 86, par son article 29.1, propose la reconnaissance, et
à leur demande, des municipalités, commissions scolaires,
services de santé et services sociaux qui fournissent des services
à des personnes en majorité d'une langue autre que le
français. Nous sommes d'accord qu'en règle générale
ces organismes doivent fonctionner en langue française, mais que
certains d'entre eux puissent recevoir la reconnaissance prévue à
l'article 29.1. Nous reconnaissons la possibilité qu'une
municipalité puisse décider de fonctionner et fournir les
services, aux niveaux qu'elle juge raisonnables, dans une autre langue, pourvu
qu'une telle décision respecte les principes démocratiques,
reflète l'opinion de la majorité de ses citoyens et qu'elle
n'entre pas en conflit avec la loi actuelle et telle que proposée.
C'étaient les cinq points que nous avions à couvrir, et,
en conclusion, nous dirions que nous croyons que les efforts visant à
préserver, protéger et promouvoir la langue française et
la culture québécoise ne doivent pas être incompatibles
avec les principes reconnaissant les droits humains établis par les
démocraties de l'Occident.
De ce fait, il est justifié de faire des ajustements aux lois
actuelles pour qu'elles s'harmonisent mieux avec les principes de droits
individuels et collectifs qui constituent une balance délicate dans
toute société.
Nous sommes convaincus que le Québec a développé et
possède actuellement toutes les caractéristiques
économiques, politiques, sociales et culturelles qui font de lui une
société forte et vibrante. En plus, le Québec a
démontré que la préservation et la protection de la langue
française et de la culture québécoise sont compatibles
avec sa société pluraliste. En ce sens, le Québec a
adopté une vue globale du monde et il a le dynamisme nécessaire
lui permettant de coexister dans un environnement international.
Il nous semble que le fait de l'existence du débat actuel sur la
question linguistique est témoin de la force et de la maturité de
notre société. Étant l'une des communautés qui
constituent cette société unique et vibrante, nous sommes
voués à la continuation de l'évolution et du
progrès du Québec, mais nous croyons profondément que ceci
peut se faire sans nuire à l'avancement de la langue française et
de sa culture québécoise.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tsimberis. M. le
ministre.
M. Ryan: M. Tsimberis et M. Katsarkas, il me fait plaisir de vous
souhaiter la bienvenue, au nom du gouvernement, à cette commission
parlementaire, qui a été convoquée pour permettre
d'entendre les points de vue des principaux groupes qui s'intéressent
à la question linguistique au Québec.
Je voudrais souligner la présence parmi nous, pour cette
rencontre avec vous, du ministre délégué aux Affaires
autochtones, M. Christos Sirros...
M. Tsimberis: Bonjour.
M. Ryan: ...qui est un fier membre de la communauté
hellénique et que j'ai eu moi-même l'honneur de recruter pour le
service dans la politique, il y a déjà plusieurs années.
Je ne sais pas si je lui ai rendu un bon ou un mauvais service; je sais que
nous sommes très heureux de l'avoir au service du Québec, dans la
vie publique. Et la présence de Mme Monique Gagnon-Tremblay,
également, la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, qui est avec nous depuis le début des auditions de ce
matin, qui était assise modestement en arrière et qui a
accepté de venir partager notre table pour cet échange. J'en suis
très heureux. Et j'espère bien que si vous avez des remarques
à faire tantôt, chers collègues, l'Opposition consentira
à ce que vous les fassiez, même si vous n'êtes pas membres
à titre plénier de la commission.
J'ai été frappé, en écoutant votre
mémoire, par l'interprétation équilibrée et
équitable que vous faites des textes que l'on trouve dans le projet de
loi. À partir des mêmes textes, certains nous ont soumis des
interprétations catastrophiques, catastrophistes, alarmistes
à
l'extrême. Et vous, vous regardez ça... Vous êtes
peut-être moins mêlés à nos querelles quotidiennes,
à Québec parce que M. Sirros aime à frayer dans les
hauteurs, il n'est pas toujours là quand nous discutons de
procédure. Moi, j'ai trouvé que l'interprétation que vous
donnez de la majorité des mesures préconisées dans le
projet de loi interprétation essentiellement
modérée et circonscrite traduit très bien les
intentions des auteurs du texte.
Lorsque vous dites, par exemple, qu'une forme de bilinguisme restreint
d'un certain affichage commercial ne veut pas dire que nous sommes en
présence d'un recul vers le bilinguisme intégral, vous traduisez,
je pense, ce qui est dans le texte de loi. On peut bien voir toutes sortes
d'intentions ou d'applications, mais pas ce qui est dans le texte de loi.
Quand vous dites que le texte de loi maintient le régime actuel
concernant l'admission à l'école française, je pense que
vous dites une évidence. Mais c'est bon qu'elle soit soulignée
par vous parce qu'il y en a qui ont trouvé le contraire dans le texte.
On a beau chercher, ça n'y est pas. Mais ce que vous dites, je pense,
correspond très fidèlement à ce que le gouvernement a
voulu inscrire dans le texte de loi.
Même chose quand vous parlez de signalisation routière: il
pourra y avoir un certain nombre de cas, mais, de toute manière, il ne
peut s'agir que de cas très limités. Il ne semble pas exister de
contre-indication sérieuse permettant ce niveau limité de
bilinguisme. J'apprécie la modération de votre analyse,
caractère sobre et responsable, et vous en remercie de tout coeur. (12 h
30)
Une autre chose qui m'a frappé dans votre présentation,
c'est l'attachement que vous exprimez, au nom du Congrès
hellénique du Québec, à la réalité
québécoise, en particulier, au caractère français
du Québec. En ce qui touche la langue d'enseignement, en particulier, il
y a une affirmation claire et nette que vous acceptez les conditions que nous
avons dû instituer afin d'assurer que l'évolution du monde
scolaire soit en correspondance étroite avec les aspirations de la
communauté québécoise. Je pense que vous le dites de
manière claire et nette, et tout le monde autour de la commission...
Je pense que ce sera l'un des points sur lesquels des deux
côtés de la table: du gouvernement et de l'Opposition nous
serons d'accord. Je vous en remercie. Vous contribuez à nous rapprocher
les uns des autres. C'est un des effets bienfaisants de ces auditions publiques
de la commission parlementaire: qu'il sort parfois des vérités
autour desquelles nous sommes heureux de nous retrouver par-delà
certains désaccords que nous pouvons avoir.
Pour vous, de la communauté hellénique, la correction du
problème qui existait concernant l'affichage est-elle une chose
nécessaire ou une chose périphérique, marginale? Vous
disiez dans votre mémoire que vous voulez qu'on travaille à
promouvoir le caractère français du Québec, pourvu que
ça reste compatible avec les droits qui sont généralement
définis dans les sociétés occidentales.
Alors, dans ce cas-ci, est-ce que vous trouviez que c'était
nécessaire de faire ça ou si c'est un luxe que le gouvernement
impose à la société, à l'heure actuelle?
M. Katsarkas (Athanassios): Je crois qu'il y a deux points
à votre question: le point de réalité et le point de
principe.
Au point de vue réalité, il y a une possibilité que
l'affichage dans les entreprises grecques ne change pas parce qu'il est
évident que les Grecs veulent attirer des clients d'origine francophone.
Mais, au point de vue principe, je suis sûr que, quand ça change,
il y a des points aigus, ici. Par exemple, quand vous ne pouvez pas faire
quelque chose, dans le contexte d'une société
démocratique, vous sentez qu'il y a quelque chose qui est contre votre
liberté personnelle. Alors, au point de vue principe, ça va
changer. Le projet de loi 86 va nous donner cette sorte de satisfaction que
nous pouvons faire quelque chose et que quelque chose ne limite pas nos
libertés. Mais, au point de vue réalité, j'ai l'impression
qu'il y a très peu qui va changer.
M. Ryan: Voulez-vous expliquer ceci davantage. Vous voulez dire
que, en somme, selon vous, l'affichage continuera de se faire de manière
nettement prédominante en français?
M. Katsarkas: L'affichage va être prédominant en
français, parce que, comme nous disons dans notre présentation,
ici, nous voulons que le fait français, que la couleur française
au Québec reste et demeure prédominante. Alors, si on a un grand
affichage en français qui est bien plus frappant que les autres langues,
je crois que la couleur française du Québec ne va pas
changer.
M. Ryan: Est-ce que, dans le projet de loi 86, il y a des
dispositions qui vous paraissent inacceptables?
M. Katsarkas: Non. M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Messieurs, il me fait plaisir, au nom de l'Opposition officielle, de
vous accueillir à cette commission parlementaire. J'ai
écouté votre présentation et j'ai lu en même temps,
de façon très attentive, votre mémoire. Il est
rafraîchissant, et j'allais dire, dans une certaine mesure, je partage
l'avis du ministre.
Si l'analyse est sommaire, c'est sans doute parce que ce n'est à
tout le monde qu'il est donnée la possibilité de faire des
analyses très approfondies de ces questions, et vous le soulignez avec
justesse, comme l'ont fait les précédents intervenants. En
l'absence de règlements pour qualifier la prédominance, en
l'absence
d'organismes susceptibles de juger s'il y a effectivement
prédominance, on navigue plus ou moins à vue sur ces
questions.
Dans votre mémoire, vous dites à la page 2, sur la langue
de l'affichage commercial: II est important que le visage linguistique du
Québec continue de demeurer français.
Vous avez connu la situation d'avant la loi 101. Quel était le
visage linguistique de Montréal? Pourriez-vous nous le rappeler?
M. Tsimberis: Bon. Avant l'adoption de la loi 101, on parle de la
période précédant 1977, c'est clair qu'il y avait... que
le visage du Québec était moins français à cette
époque-là, et c'est clair que la loi 101 a changé
beaucoup, et je pense que tout le monde admet ça. Et je pense que, tel
qu'on le dit dans le mémoire, ce n'est pas l'annulation ou la
résiliation, la nullité de cette loi dont il est question ici,
c'est des modifications, et nous disons, à la page 3 du mémoire,
que nous acceptons la loi 101, la promotion, la protection, la
préservation de la langue française au Québec, parce qu'on
est au Québec et que c'est ça qui est particulier au
Québec. Mais il faut quand même que ceci soit fait selon des
normes qui respectent les droits fondamentaux. Alors, l'un des droits
fondamentaux qui existe au Québec et ailleurs, c'est la liberté
d'expression, et vu qu'on a eu des tribunaux sérieux, on peut dire,
à tous les niveaux au Québec, au Canada et au niveau
international qui disent qu'il y a eu effraction, pour nous ce n'est pas
une question de mettre en question la validité de la loi 101, mais c'est
une question de mettre quelque chose sur la place, sans affecter la
validité de la loi 101 ni le visage linguistique du Québec de
façon sérieuse.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci.
Je comprends dans votre exposé, dans votre mémoire que
vous nous avez présenté que, pour vous, ce qui est votre
préoccupation, c'est le droit des membres de votre communauté,
des individus. Quand vous parlez de droit d'expression... En tout cas, ce que
je retiens de votre mémoire, c'est que vous parlez constamment de droit
des individus, d'une personne physique, et non pas le droit des compagnies ou
des compagnies à grande surface. Alors, à juste titre, je
perçois donc que, pour vous, ce qui est important, quand vous parlez de
droits fondamentaux corrigez-moi si je me trompe c'est le droit
d'un individu et non pas le droit, je ne sais pas, moi, d'un supermarché
ou d'une grande compagnie multinationale, au niveau de l'affichage?
M. Katsarkas: Mais il est évident qu'en arrière de
toutes les compagnies il y a 1 personne, il y a 10 personnes; alors, pour nous,
pour les entreprises grecques, il y a toujours quelqu'un qui dirige la
compagnie qui est, je ne sais pas, le président ou n'importe quoi
et c'est lui qui ne peut pas exprimer ce qu'il veut par l'affichage, ce
n'est pas la compagnie, la compagnie n'a pas de personne.
M. Bélanger (Anjou): Alors, si je suis votre raisonnement,
on brime le droit d'expression du président de la grande multinationale
quand on limite le droit d'afficher en anglais. Est-ce que c'est bien votre
raisonnement?
M. Katsarkas: Non, c'est que, quand il y a des restrictions de la
loi, ça signifie que les restrictions de la loi sur l'affichage, ce
n'est pas pour la compagnie, c'est pour la personne qui dirige la compagnie;
c'est comme ça que je le comprends.
Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, le
ministre des Affaires autochtones voulait poser une question,
également.
Mme Blackburn: Bien, c'est sur le temps de l'Opposition.
Habituellement...
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi...
Il reste sept minutes, je crois, sur le côté
ministériel.
Alors, Mme la députée de Chicoutimi, la parole est
à vous.
Mme Blackburn: Juste une remarque quant aux jugements qui ont
touché les questions relatives à l'affichage.
Tant dans le cas de la Cour suprême que dans l'avis du
Comité des Nations unies dans les deux jugements ou avis
on reproche au gouvernement d'avoir mal plaidé, à un point tel
que l'avis du Comité des Nations unies nous dit que les
Anglo-Québécois, ça ne représente pas une
minorité et ce n'était pas la question qui était
posée c'est ce qu'ils nous disent: Ils font partie de la
majorité. Mais ça veut dire que toute la perspective se trouve
changée lorsque vous dites ça, avec le résultat,
évidemment, que le jugement qui en découle peut errer sur le
fond, d'autant que le gouvernement du Québec a mal défendu la
cause du Québec, et pour la deuxième fois. Il faut
peut-être s'en étonner et peut-être aussi s'interroger.
Je vais revenir sur la question... dans votre mémoire, sur la
question de l'enseignement. (12 h 40)
M. Tsimberis: Mais juste pour... Avant...
Mme Blackburn: Oui.
M. Tsimberis: ...d'arriver là, madame, juste
préciser certaines choses, ici, au niveau de la décision ou
l'avis du Comité des Nations unies.
Bon. La terminologie de minorité, ou définition, c'est une
chose, à notre avis. La substance, qui est la
question, à savoir: Est-ce qu'il existe un droit fondamental?
Est-ce que ce droit est fondamental? Est-ce qu'il y a... Est-ce qu'on a
dépassé ce droit-là? Ça, c'est une autre question,
premièrement.
Deuxièmement, je vais vous dire qu'on ne s'est pas vraiment
préparés dans un niveau de débat... les distinctions
techniques légales, à savoir de vérifier les distinctions
légales entre personne morale, personne individuelle. Tout ce que nous,
on dit, c'est que, ce qui est considéré comme étant un
droit fondamental, il nous semble raisonnable que nos lois que ça
soit au Québec ou ailleurs au Canada doivent être
harmonisées avec ces droits fondamentaux.
Mme Blackburn: Dans l'introduction de votre mémoire, vous
dites au deuxième paragraphe, à la fin du deuxième
paragraphe: «Un aspect remarquable de ceci est le fait que la
première et la deuxième génération de
Québécois d'origine grecque se considèrent comme
étant chez eux au Québec, et elles participent d'une année
à l'autre à un niveau plus poussé à tous les
aspects de la vie québécoise». Vous rappelez
également que les... qu'on doit ça en partie à
l'obligation de fréquenter les écoles françaises pour les
immigrants.
M. le Président, juste une question d'information; ensuite, je
voudrais poser la question quant aux brèches que le gouvernement est en
train de faire dans ce système.
Est-ce que... Avez-vous des données statistiques sur le
pourcentage de vos ressortissants qui envoient leurs enfants à
l'école anglaise parce qu'ils y ont droit, là? Est-ce que vous
avez des données statistiques là-dessus?
M. Katsarkas: Ce nombre est très, très petit.
C'est... c'est... c'est les...
Mme Blackburn: Parce qu'on sait qu'au début, là,
pour des raisons historiques, là...
M. Katsarkas: la situation a changé d'une manière,
je peux dire, choquante: les enfants vont aux écoles françaises,
sauf les 25 % d'enfants qui attendent nos écoles où on enseigne
le grec, le français et l'anglais, dans cet ordre.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Katsarkas: Alors, le nombre est minime.
Mme Blackburn: Moi, je... et, là-dessus, je dois vous dire
que je partage ce que vous exprimez dans votre mémoire, comme de quoi on
devrait offrir la possibilité aux communautés de maintenir leur
langue, de manière à ce qu'on ait de plus en plus de
Québécois qui soient multilingues, et je pense que,
là-dessus, ça rejoint, là, l'opinion
générale.
Sauf que ça prend une langue commune, nécessaire pour
vivre, travailler, s'épanouir, au Québec, et nous, on estime que
c'est le français. Et, du moment où vous introduisez des
brèches comme celle relative au certificat, là pour un
professionnel, pour exercer sa profession au Québec renouvelable
à vie, c'est que vous lancez un message comme de quoi le français
n'est pas nécessaire pour gagner sa vie au Québec et pour
travailler. Alors, ça envoie cette espèce de message,
croyons-nous, contradictoire aux immigrants, qui sont... tant avec les affiches
parce que, selon le sondage de ce matin qui apparaissait dans Le
Devoir, c'est que ça a un effet sur la langue qui va être
utilisée au travail, le bilinguisme dans l'affichage.
Est-ce que vous avez... vous partagez cet avis? Et, en ce qui a trait
à l'école, ne croyez-vous pas que les brèches qu'on est en
train d'ouvrir dans ce système, ça va peut-être corriger
cette impression de situation qui est devenue choquante, pour utiliser
l'expression de votre collègue, qui dit que, bon, dorénavant, on
constate de plus en plus, sans doute, que les grands-parents ont
peut-être de la difficulté à communiquer avec leurs
petits-enfants quoique je ne croie pas que ce soit le cas,
là.
Mais...
M. Katsarkas: II y a un autre point, madame: c'est qu'avant nos
enfants n'étaient pas bienvenus aux écoles
françaises...
Mme Blackburn: C'est vrai.
M. Katsarkas: ...alors, c'est pour cela qu'il y a...
Mme Blackburn: Oui, c'est ça... M. Katsarkas:
...une génération... Mme Blackburn:
...historique...
M. Katsarkas: ...qui a appris le français comme
deuxième langue.
Mme Blackburn: C'est vrai.
M. Katsarkas: Alors, maintenant, ça... et c'est pour cela
que j'ai appelé ça choquant...
Mme Blackburn: D'accord. M. Katsarkas: ...parce que...
Mme Blackburn: C'est vrai.
M. Katsarkas: ...ce n'était pas nous, les coupables!
Mme Blackburn: Est-ce que vous croyez que, par rapport aux
dispositions touchant l'école, on va introduire une forme de
discrimination et une brèche qui est
susceptible d'envoyer un message contradictoire et d'atténuer les
effets positifs de la disposition touchant l'obligation de fréquenter
l'école française pour tous les immigrants? Est-ce que vous avez
l'impression qu'on envoie un message contradictoire à votre
communauté en particulier?
M. Tsimberis: L'immigration... Premièrement, au niveau de
l'immigration envers ou dans notre communauté, il n'y en a pas
tellement. Donc, il n'y a pas de message comme ça qui peut vraiment se
donner, à part de quelques individus.
Au niveau des messages, ce que nous comprenons que la loi fait comme
changement au niveau de l'accès linguistique à
l'éducation, c'est qu'il y a certains critères, qui se trouvent
dans ce qu'on appelle la clause Canada, dans la Charte des droits de la
personne, et que cette charte-là semble être en vigueur et que le
système scolaire au Québec applique des critères de cette
nature-là. C'est notre compréhension que les amendements qui sont
contenus dans le projet de loi 86 semblent faire une certaine
compatibilité entre les deux.
Mme Blackburn: Mais est-ce que...
M. Tsimberis: Alors, si c'est cela, si notre compréhension
à ce niveau est exacte, dans ce cas-là, la pratique qui se fait
depuis le début des années quatre-vingt ne serait pas
changée en 1993 avec l'adoption de telles dispositions. Et, si ça
c'est vrai, dans ce cas-là, nous ne pensons pas que ça donne des
messages de cette nature-là.
Mme Blackburn: C'est-à-dire, pour la clause Canada, vous
avez raison parce que, dans les faits, nous ne l'avons jamais reconnue. Mais le
Québec s'est soumis à ses dispositions sans la reconnaître
parce que toujours en contestation, depuis 1982, du rapatriement
unilatéral de la Constitution, qui avait comme effet d'assurer et de
reconnaître un empiétement du Canada dans le secteur de
compétence exclusive du Québec: l'éducation. Alors, le
Québec, quels que soient les gouvernements, s'y est toujours
opposé. Et là, on est en train et, là-dessus, la
population a suivi, si on pense au référendum de le
reconnaître, mais il y a d'autres dispositions qui ouvrent des
brèches.
Une dernière question...
M. Tsimberis: Mais, juste dire, à ce niveau-là: je
comprends très bien ce que vous dites au niveau de l'adoption de la
Charte, etc. Ça, c'est une... Nous, nous donnons une opinion, notre
point de vue basé sur ce que nous pensons que ce projet de loi
spécifiquement ce projet de loi donne comme signal ou non.
Mme Blackburn: Une dernière question. Vous nous disiez,
tout à l'heure je pense que c'est votre collègue
que, finalement, l'introduction du bilinguisme dans l'affichage chez vous
serait davantage interprété comme: On va utiliser le
français parce qu'il y a une bonne partie de la population et,
éventuellement, de nos clients qui sont francophones.
Et l'autre langue, ce serait le grec, l'anglais? Comment ça va...
Parce que, actuellement, vous avez le droit d'afficher d'ailleurs, comme
je vais à Montréal toutes les semaines, j'ai du plaisir, et je
pense que tout le monde connaît la place que vous occupez,
particulièrement dans le domaine de la restauration
déjà, dans votre langue, ce que vous faites, et je pense que
personne, là, c'est... c'était déjà prévu
dans la loi 101.
Qu'est-ce que ça va changer pour vous? Est-ce qu'il y avait une
urgence? Est-ce qu'il y avait une urgence nationale en dépit de
ce que dit le député de D'Arcy-McGee qui risque de
troubler la paix linguistique, pour qu'on ouvre ça aujourd'hui?
M. Katsarkas: Je crois que c'est ce que j'ai dit avant: qu'au
point de vue réalité nous avons l'impression que pas grand-chose
va changer. Mais comment je peux dire c'est la colère, la
colère et le sentiment qu'on ne peut pas faire quelque chose, pourvu que
c'est dans la liberté qu'on peut le faire.
La seule chose que le projet de loi va changer, c'est la perception de
cette histoire et pas la réalité, parce que j'ai l'impression que
la réalité ne va pas changer beaucoup. Vous pouvez vendre des
souvlakis en français, en anglais, en grec, ça ne va pas changer
beaucoup. Mais c'est la perception qu'on manque quelque chose qui va
changer.
Mme Blackburn: Mais, si vous reconnaissez la valeur des symboles,
vous reconnaissez également que le symbole de l'unilinguisme
français dans l'affichage était important. (12 h 50)
M. Katsarkas: Oui, vous avez raison. Mais, ici, ce n'est pas
bilinguisme. Bilinguisme, pour moi, signifie les deux langues au même
niveau. Et ça, ce n'est pas ce que le projet de loi 86 dit.
Mme Blackburn: Si vous...
M. Katsarkas: La langue française va être bien plus
haut que l'anglais ou n'importe quelle autre langue.
Mme Blackburn: Si vous aviez à établir des
critères pour mesurer la prédominance, dites-moi comment vous
feriez ça? Le ministre, j'imagine qui refuse de nous donner ses
règlements pourrait peut-être un peu s'inspirer de vos
propositions.
Comment allons-nous mesurer...
Une voix: La prédominance.
Mme Blackburn: ...la prédominance? Moi, je veux dire, la
prédominance, ce serait peut-être que l'affiche soit en bleu,
alors que, pour le Parti libéral, elle soit en rouge.
M. Katsarkas: II y a beaucoup de situations que vous ne pouvez
pas mettre de règles 1, 2, 3, mais c'est la perception. Par exemple, si
vous allez à l'aéroport Charles-de-Gaulle, c'est évident
que vous êtes dans une région française, mais, quand
même, «exit»... vous devez «exiter» de ce
côté, et, en même temps, comme un Américain disait,
l'autre jour: ...sorti, c'est... beaucoup de place, à Québec.
Alors, au lieu de «sortie», nous pouvons mettre aussi un peu de
«exit», là-bas.
Alors, le bilinguisme... Pour moi, bilinguisme signifie que nous donnons
la même valeur, le même poids à deux langues. Alors, je
crois que la loi 86 fait un poids exprès que la langue française
va être bien plus prédominante que les autres.
Mme Blackburn: Mais vous ne répondez pas à ma
question. Vous, personnellement...
M. Katsarkas: Oui.
Mme Blackburn: Parce qu'on s'est fait répondre par la
présidente de la Commission de protection de la langue que
c'était une question de gros bon sens, la prédominance. Alors,
votre gros bon sens à vous, comment pourriez-vous mesurer la
prédominance?
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi, je regrette, le temps qui vous était imparti est
écoulé.
Mme Blackburn: On pourrait peut-être lui laisser le temps
de répondre.
Le Président (M. LeSage): Je sais que le
député de D'Arcy-McGee, également, aimerait poser une
question, et j'aimerais également avoir le consentement pour permettre
au ministre des Affaires autochtones de poser une question.
Mme Blackburn: Consentement.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre des
Affaires autochtones, la parole est à vous.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président.
Moi aussi, comme mon collègue, le ministre responsable de la
Charte, j'aimerais beaucoup féliciter les membres du Congrès
hellénique pour l'équilibre et la recherche d'harmonie dont fait
preuve le mémoire. C'est sûrement un des traits culturels qui
trouve racine dans le classicisme hellénique qui retrouve son expression
ici.
Mais c'est justement cette recherche d'équilibre, je pense, qui
nous préoccupe tous ensemble. Et c'est très bien exprimé
à la page 6, à la conclusion, où vous dites: «Nous
croyons que les efforts visant à préserver, protéger et
promouvoir la langue française et la culture québécoise ne
doivent pas être incompatibles avec les principes reconnaissant les
droits humains établis par les démocraties de l'Occident».
Il me semble que c'est quelque chose de tellement évident que je suis
très heureux de constater que nous sommes finalement, en 1993, à
la veille de le saisir, de le comprendre et de l'appliquer ici, au
Québec.
Une correction, d'abord, à ce qu'a affirmé la
députée, puis un commentaire avec une question.
Ce n'est pas vrai que le grec ou l'italien ou le chinois ou les autres
langues sont permises, selon la loi 101. Elles sont défendues. Elles
sont permises seulement dans certains cas précis qui ont trait, par
exemple, à la vente de nourriture d'origine grecque ou libanaise ou
italienne, mais le message qui est donné à la communauté
grecque, à la communauté italienne et à toutes les
communautés culturelles à travers le Québec, c'est que
vous ne pouvez pas utiliser votre langue pour autre chose que pour votre
folklore. Vous ne pouvez pas communiquer commercialement entre vous, dans votre
communauté, dans votre langue, parce qu'ici on impose le
français, point.
Le point fondamental qu'on essaie de faire comprendre, c'est: comment
voulez-vous, d'un côté, vouloir dire aux membres des
communautés culturelles que vous êtes les bienvenus, on vous
accueille et on veut que vous vous enraciniez avec nous, les parlant
français, comme vous dites, et, en même temps, leur dire: Mais on
vous empêche d'utiliser votre langue chez vous? Comment voulez-vous
donner un message si contradictoire? Et, ce que le projet de loi vient faire,
c'est de corriger cette incohérence et de remettre de l'équilibre
pour que, finalement, la majorité des parlant francophone puissent
correctement exprimer à tous ceux qui viennent ici, d'ailleurs
que, effectivement, vous êtes le bienvenu? Les efforts que vous
allez faire d'adhérer et de participer et de partager, dans la
société québécoise, trouvent un écho dans la
reconnaissance que vous avez également le droit, basé sur les
principes qui sont reconnus par les démocraties de l'Occident
vis-à-vis les droits humains tel que l'ont déclaré
les tribunaux à tous les niveaux, y inclus le Comité des Nations
unies que vous pouvez, pour du commerce, afficher, par exemple, que vous
faites du «kathristirio»: nettoyage à sec. Vous pouvez... Ce
n'est pas permis, actuellement; c'est défendu, actuellement. Ce serait
permis. C'est défendu, actuellement, d'écrire en langues grecque,
italienne, chinoise ou autre que, je ne sais pas moi, vous vendez des
«chartika idi»: du papier, du «stationery». C'est
défendu, actuellement, de l'écrire en grec ou toute autre
langue.
Alors, ce que vient faire ça, ici, c'est de dire... et c'est dans
ce sens-là que vient ma question, c'était mon commentaire. Je
pense que je saisis assez bien le sentiment de la communauté, et je veux
juste que vous me confirmiez, si tel est le cas, qu'une des frustrations que
beaucoup de membres de la communauté hellénique et d'autres
communautés culturelles ont reconnues et senties depuis des
années, c'est justement ce fait que, les efforts qui sont faits
et vous le décrivez très éloquem-ment, ici pour
s'intégrer du côté francophone, apprendre le
français, s'assurer qu'on appuie les efforts
qui sont faits pour que le visage soit français et francophone...
N'y a-t-il pas, dans la communauté et les autres communautés que
vous fréquentez, ce désir profond de voir adopter des mesures
telles qu'elles sont proposées dans la loi 86 parce que ce serait la
reconnaissance de cet équilibre que recherchent les membres de notre
communauté et des autres communautés culturelles dans une
société pluraliste francophone?
M. Katsarkas: M. le ministre, vous avez raison:
l'intégration est un «two-way street». Ça doit
être les deux directions. Alors, nous essayons de nous intégrer
dans la vie québécoise, mais, en même temps, nous voulons
avoir cette liberté de nous exprimer. Et, en même temps, comme je
dis, en réalité, ça ne va pas changer beaucoup. Quand
même, on va sentir qu'on a la liberté de faire quelque chose qui
est fondamental.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.
Je cède maintenant la parole au député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, d'abord, je veux remercier le
ministre responsable des Affaires autochtones pour ce qu'il vient de dire
très éloquemment. Sa perspective se joint exactement à la
réalité, je pense. deuxièmement, le sondage auquel la
députée de chicoutimi faisait référence, je veux
lui dire, d'abord, que, moi, j'étais un des 508 qui étaient
sondés, cette fin de semaine, par sondagem. alors, si elle enlève
mes réponses, l'appui aux affiches bilingues à montréal
sera 0,02 % plus bas. juste pour dire que, moi, j'étais un qui
était sondé, là-dessus. alors, je pense que c'est toujours
encourageant, ce sondage.
D'abord, je veux lire une phrase de votre mémoire, sur la page 4,
qui dit: «II est aussi à prévoir que, suite à ces
modifications, il peut découler des bénéfices pour les
commerces québécois ainsi que pour le tourisme au
Québec», quand vous parlez de l'affichage bilingue ou dans
d'autres langues.
On n'a pas parlé beaucoup de cet aspect de l'impact de cette loi.
On a parlé surtout de la question des droits, de la question des
tribunaux. J'imagine que, quand la ville de Montréal va venir, on va
aborder les questions économiques ou l'impact économique de cette
loi. Mais je veux savoir, en tenant compte de cette phrase de votre
mémoire, et aussi à la lumière du fait qu'un grand
pourcentage des membres de la communauté grecque travaillent ou sont des
propriétaires dans des entreprises qui sont affectées par le
tourisme au Québec... Si vous pouvez élaborer sur cette phrase
que vous avez dans votre mémoire, à la page... Comme j'ai dit, la
page 3, en effet, page 3, le quatrième paragraphe.
M. Tsimberis: Étant un territoire qui est
rapproché, par nécessité géographique, des parties
du Canada anglophone, des États-Unis, qui sont anglophones, il y a des
sondages et des études qui démontrent qu'une certaine
communication ou un certain niveau de commerce aurait pu être meilleur si
cet aspect existait, et au niveau du tourisme aussi, que si... Il y a des gens
qui, pour vrai, sont empêchés de, peut-être, traiter avec ou
venir au Québec. Et c'est une conséquence qui pourrait être
bénéfique suite à un changement comme ça. Nous
n'avons pas de statistiques qui quantifient ça, mais on va
jusque-là. (13 heures)
M. Libman: O.K. Et...
Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, il est
presque 13 heures. Il reste, en fait, cinq minutes au côté
ministériel, mais ça prendrait le consentement des membres pour
prolonger jusqu'à 13 heures cinq.
Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: II restait sept minutes, tout à l'heure, au
côté ministériel, quand le ministre a pris la parole?
Le Président (M. LeSage): II est 13 heures moins 2,
là. Il reste encore cinq minutes, effectivement.
Mme Blackburn: Alors, il y a consentement.
M. Ryan: M. le Président, quand les choses sont claires,
des fois, à bavarder plus longtemps, on risque de les rendre confuses.
Par conséquent, nous vous remercions de votre présentation
très claire. Nous croyons avoir compris votre message et nous croyons
pouvoir vous assurer que le gouvernement est très sympathique à
votre message, et je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Alors, je remercie
également les invités. Et, compte tenu de l'heure, je suspends
les travaux jusqu'à 16 heures 30, alors que la commission entendra le
Congrès national des Italo-Cana-diens, région de
Québec.
Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M, Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux et procède
à des consultations particulières sur le projet de loi 86, qui
est la Loi modifiant la Charte de la langue française.
Nous avons reçu, cet avant-midi, trois organismes, et cet
après-midi, nous allons recevoir le Congres national des
Italo-Canadiens, région de Québec.
Je souhaite la bienvenue aux représentants du Congrès
national des Italo-Canadiens. Je leur indique que nous allons procéder
selon les règles qui sont les nôtres depuis le début de
cette commission: vous dispo-
sez de 20 minutes pour nous faire part de votre position en ce qui
concerne la loi 86. Ensuite, la discussion s'engage avec les membres de cette
commission avec un partage du temps qui a été celui que nous
avons observé jusqu'à maintenant.
Si vous voulez bien vous présenter pour commencer, de
façon à ce que nous puissions avoir vos noms dans le Journal
des débats. Nous sommes prêts à vous écouter.
Alors, bienvenue.
Congrès national des Italo-Canadiens,
région de Québec
M. Manno (Giuseppe): Merci, M. le Président.
MM. les membres de la commission, à ma gauche, il y a le
trésorier du Congrès national des Italo-Canadiens, région
de Québec, M. Angelo Giusto, et, à ma droite, M. Tony Iadeluca,
le président d'une des associations membres du Congrès.
Le Congrès national des Italo-Canadiens, région de
Québec, est l'interlocuteur privilégié des instances
gouvernementales sur les grandes questions qui préoccupent la
communauté italo-québécoise.
Depuis l'introduction de la loi 63 par le gouvernement Bertrand, en
1968, le débat linguistique a préoccupé tous les
Québécois. Ce débat, engendré par la loi 63 et,
ensuite, par les lois 22, 101 et 178, a suscité, au cours des
années, des émotions et des divergences d'opinion parmi la
population. Malheureusement, ces débats ont souvent ressemblé
à un dialogue de sourds, chaque partie restant sur ses positions.
Le problème qui se pose, et auquel toute législation en
matière linguistique doit s'adresser, est: comment préserver et
renforcer le fait français au Québec tout en respectant les
libertés individuelles de tous les Québécois dans la
réalité sociale et économique de l'Amérique du
Nord?
Notre communauté a souvent été pointée du
doigt comme étant un des symptômes du problème qui
préoccupe les Québécois de souche, soit l'assimilation des
immigrants et des Néo-Québécois à la
communauté linguistique anglophone. Ça ne serait pas une
exagération d'affirmer que notre comité a souvent fait les frais
du débat linguistique au Québec. (16 h 40)
Nous croyons qu'il est temps de mettre fin aux interminables querelles
linguistiques au Québec. Le moment est venu de tourner la page et de
faire en sorte que toutes les composantes de la société
québécoise puissent travailler ensemble pour le renforcement du
caractère distinct du Québec, qui repose principalement sur
l'utilisation de la langue française. Cette obligation revient à
chaque Québécois, qu'il soit de souche ou non, parce que nous
avons tout à bénéficier de la recherche culturelle et
sociale qui émane du caractère francophone du Québec.
Affichage. Les dispositions du projet de loi 86, telles que nous les
comprenons, prévoient que l'utilisation du français dans toute
forme d'affichage commer- cial occupe une place prédominante et que le
français y soit obligatoire, sans toutefois exclure l'utilisation
d'autres langues.
Nous estimons que toute législation et réglementation en
matière d'affichage doit avoir comme but de refléter et renforcer
le caractère distinct du Québec par la valorisation du message
français de notre province. Ces objectifs doivent être atteints
sans toutefois brimer les droits individuels des personnes à s'exprimer
librement. Cette liberté d'expression, enchâssée de
façon claire dans la Charte québécoise des droits, se
trouve également dans la Charte canadienne des droits, ainsi que dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme. L'attachement des
Québécois à ces droits ne peut pas être mis en
doute. Il y a naturellement des divergences quant à la façon dont
ces droits doivent être exercés.
Les dispositions du projet de loi que nous discutons aujourd'hui
reflètent, à notre avis, le respect de ces deux principes
fondamentaux: premièrement, le français comme une langue
officielle du Québec et le devoir que chaque citoyen doit respecter ce
statut; deuxièmement, le principe que chaque citoyen a le droit de
s'exprimer dans une autre langue dans le respect de la première
exigence.
Les divers intervenants dans ce débat ont souvent souligné
que la disposition sur l'affichage avait surtout une importance symbolique.
Nous souscrivons à cette opinion dans le mesure où aucune
autorité, à notre connaissance, n'a démontré la
nécessité de cette disposition pour la survie du français
au Québec.
Ceux qui s'opposent à l'assouplissement des règles en
matière d'affichage ont souvent argumenté que cette interdiction
symbolise l'attachement des Québécois à leur langue. Nous
soumettons que tout en comprenant le désir de démontrer la
fidélité à la langue française, les dispositions
sur l'affichage doivent également démontrer et devenir le symbole
d'autres valeurs qui font partie de la culture québécoise, soit
l'ouverture envers le monde ainsi qu'envers d'autres cultures, sans toutefois
oublier l'attachement profond que les Québécois ressentent pour
le principe de la liberté d'expression. Ces valeurs ne sont pas
reflétées dans la législation actuelle sur l'affichage, et
c'est pourquoi nous sommes d'avis que les modifications suggérées
par le projet de loi sont raisonnables et souhaitées par la grande
majorité des Italo-Québécois.
Légalement, il ne fait plus aucun doute que la législation
existante va à rencontre de la Charte québécoise des
droits et libertés, ainsi que la Charte canadienne et la
Déclaration universelle des droits de l'homme.
La Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du Canada et
maintenant un comité juridique des Nations unies ont tous
décidé que l'interdiction de l'affichage dans d'autres langues
brime les droits individuels d'expression. A-t-on besoin que d'autres
autorités internationales se prononcent sur cette question avant
d'arriver à une conclusion qui est évidente? Cette interdiction
est contraire à la liberté d'expression telle que nous la
comprenons dans notre système judiciaire et va à
l'encontre de la plupart des sociétés démocratiques. Nous
vous soumettons que toute disposition législative qui pourrait mettre
fin à ces adjudications judiciaires aura un effet
bénéfique pour la société québécoise
en général.
En tant que Québécois, nous ne pouvons pas être
fiers que notre propre Cour d'appel, que la Cour suprême du Canada et
qu'un comité des Nations unies soient tous d'accord pour condamner notre
législation linguistique. Les Québécois méritent
mieux que ça. Il nous semble que les dispositions sur l'affichage
contenues dans ce projet de loi pourront être jugées raisonnables
et compatibles avec le droit d'expression.
Nous croyons que l'adoption de cette législation pourra
également avoir l'effet salutaire de mettre les querelles linguistiques
du passé derrière nous et nous permettre de nous concentrer sur
l'avenir. Tout en gardant l'élément contraignant dans
l'application de la Charte et les normes de base, le gouvernement du
Québec devrait maintenant miser sur la promotion du français
parmi la population. Nous ne croyons pas que nous assurons
nécessairement l'avenir du Québec en continuant à
appliquer des dispositions contraignantes et répressives. Une fois les
règles de base établies, ce sera la promotion du français
qui sera la plus avantageuse à long terme.
Cette promotion doit se faire par une intensification de nos efforts
dans le domaine de l'éducation et par le renforcement du programme
d'apprentissage du français, que ce soit dans le réseau
français ou dans le réseau anglais. Nous devons donner les moyens
à chaque élève québécois de maîtriser
le français écrit et parlé. Le personnel et le
matériel pédagogique nécessaires pour l'accomplissement de
cet objectif existent déjà, nous devons simplement le mettre en
place. Actuellement, nous pensons que le consensus qui existe au Québec
sur la seule façon de sauvegarder l'avenir du français, c'est de
s'assurer que le français soit bien enseigné dans nos
écoles, à tous nos élèves. Nous souscrivons
entièrement à cette idée.
Les dispositions concernant l'accès à l'école
anglaise. En abordant ce sujet, nous souhaitons que toutes les composantes de
la société puissent affirmer de façon solidaire que tous
les enfants des nouveaux arrivés au Québec doivent se diriger
vers le réseau scolaire de langue française. Une fois ce principe
établi de façon claire, nous devons quand même nous garder
une marge de manoeuvre; nous croyons que les dispositions proposées, qui
prévoient l'application législative de la clause Canada et
d'autres exceptions, doivent être examinées principalement sous
l'aspect humanitaire.
De plus, dans l'ère de la mobilité de la main-d'oeuvre
nationale et même internationale, nous devons aussi faire en sorte que
notre législation ne crée pas d'obstacles à la libre
circulation des personnes basés sur des motifs économiques. Par
exemple, si nous voulons encourager l'établissement de nouveaux
sièges sociaux au Québec, il faudrait quand même se montrer
compré-hensifs en ce qui concerne l'admission des enfants de certains
individus au secteur anglais.
Nous devons laisser aux autorités une certaine marge de manoeuvre
pour agir dans les situations où le fait d'obliger un étudiant
à s'inscrire à un réseau français pourra avoir des
effets négatifs sur sa formation. Par exemple, nous trouvons illogique
qu'un enfant qui a déjà commencé et qui est très
avancé dans ses études en anglais soit obligé de
s'inscrire au réseau d'enseignement français, ce qui pourrait
provoquer de sérieuses difficultés d'adaptation sur le plan
linguistique.
Nous réitérons que ces dispositions doivent être
comprises comme étant des solutions raisonnables à des
problèmes humains. Il ne faut pas que ces dispositions d'exception
deviennent la règle. Le principe à l'effet que les enfants des
nouveaux arrivants doivent fréquenter l'école française ne
doit pas être vide de toute importance pratique par des dispositions
d'exception.
En somme, nous croyons que les nouvelles dispositions sur l'admission au
réseau anglais proposées reflètent l'esprit de la loi 101
et, par leur pragmatisme, reflètent la volonté populaire.
Statuts bilingues des municipalités et des institutions. Sur ces
sujets, nous admettons qu'il ne devrait pas y avoir de répétition
des événements qu'on a vécus à Rosemère
dernièrement.
Nous vivons dans une société moderne, technologiquement
avancée et pluraliste. Une telle société pourrait
accommoder un degré de décentralisation et d'autonomie locale. En
conséquence, si certaines municipalités ou institutions
parapubliques désirent conserver leur statut bilingue, nous croyons
qu'elles devront avoir la liberté de le faire tout en respectant
naturellement les dispositions quant à l'obligation de l'utilisation du
français. Le retrait de ce statut devrait être le résultat
d'un exercice démocratique au sein de ces communautés et
institutions. (16 h 50)
En conséquence, nous trouvons tout à fait juste que le
retrait du statut bilingue doive être initié par les instances
décisionnelles des municipalités ou institutions et, par la
suite, entériné par le gouvernement. Nous ne pouvons pas laisser
cette décision à nos fonctionnaires qui sont là pour
appliquer la politique et non pour faire des décisions arbitraires.
La législation sous étude ne satisfait certainement pas
tous les éléments de la population québécoise, mais
nous croyons que son adaptation serait bénéfique à long
terme pour la société québécoise.
Les expériences du passé nous ont démontré
que ce n'est pas seulement par des mesures contraignantes que nous allons
assurer l'avenir du français au Québec. L'adoption de la loi 101
par le gouvernement Lévesque a certainement eu un effet marqué
sur notre vie quotidienne au Québec. Il ne fait maintenant aucun doute
que presque tous les Québécois acceptent et comprennent que le
français doit être la langue officielle et la langue
prédominante du travail. Il faut maintenant avoir le courage de
réviser notre tir et faire les ajustements qui s'imposent à la
Charte de la langue française. Ces changements doivent être
motivés par un esprit de générosité
et de tolérance, et également par le respect de toutes les
composantes du Québec. C'est en créant une ambiance de
compréhension que nous pouvons travailler ensemble pour le renforcement
du fait français.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Manno.
M. le ministre.
M. Ryan: Oui, M. le Président. (S'exprime en italien)
M. le Président, nous sommes toujours très honorés
et très heureux d'accueillir à l'Assemblée nationale une
délégation de la communauté italienne du Québec,
laquelle forme l'une des composantes les plus vitales de la population du
Québec. Nous avons pu sentir, en lisant avec vous le mémoire que
vous avez préparé à l'intention de la commission
parlementaire, combien vous partagez les mêmes aspirations que nous et
savez les exprimer d'une manière qui nous encourage, qui nous instruit
et même, d'une manière, qui nous édifie. Alors, je vous
remercie beaucoup de ce message et je veux vous assurer que, sur le fond, nous,
du gouvernement, partageons à peu près toutes les
préoccupations dont vous nous avez fait part.
Lorsque vous dites, en particulier je ne saurais trop le
souligner parce que c'est un trait qui reviendra souvent à travers les
auditions que vous voulez que notre législation, dans tous les
domaines, reflète et renforce le caractère distinct du
Québec par la valorisation de son caractère français et
que cet objectif doit être poursuivi sans toutefois brimer le droit
individuel des personnes à s'exprimer librement, je pense que vous
exprimez un sentiment qui est très profondément répandu
chez les membres des communautés ethniques au Québec, en
particulier parmi les membres de la communauté italienne que j'ai eu le
bonheur de fréquenter très souvent au cours des dernières
années et dont nous avons un très digne représentant,
à ma gauche, dans la personne du whip en chef du parti
ministériel, le député de Viau, que nous aimons tous et
que nous avons tous été tellement heureux de retrouver parmi nous
à la suite de la grave opération qu'il a subie.
Alors, soyez assurés que le député de Viau et le
député de Jeanne-Mance, en particulier, sont deux porte-parole
très présents et très fidèles...
Des voix: Le député de Viger.
M. Ryan: Pardon? Le député de Viger, excusez. Le
député de Jeanne-Mance aimerait parfois se faire passer pour un
membre de la communauté italienne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Manno: (S'exprime en italien).
M. Ryan: Je vous laisse le soin d'en décider. Ha, ha,
ha!
Alors, j'apprécie cette recherche des deux
éléments. Je remarque, sur la question de l'école, que les
représentants de la communauté italienne sont d'accord avec le
gouvernement et l'Opposition. Vous dites clairement, dans votre mémoire,
que vous acceptez le principe selon lequel les enfants des nouveaux
arrivés au Québec doivent se diriger vers le réseau
scolaire de langue française. Ça, c'est un point sur lequel je
pense qu'on peut dire il y a peut-être des différences
d'accent ici ou là sur le fond, qu'il y a accord entre
l'Opposition, le gouvernement et la communauté italienne. Et si je me
trompe, la porte-parole de l'Opposition pourra le dire tantôt. C'est un
point fondamental, et j'apprécie énormément que vous
l'ayez dit de manière aussi directe et aussi claire.
Quand on sait les nombreuses difficultés que la communauté
italienne a connues à ce sujet et auxquelles vous faites allusion au
début de votre mémoire, quand vous dites que vous avez servi
souvent de bouc émissaire pour des batailles qui opposaient parfois
d'autres composantes de la société québécoise, vous
l'avez fait avec dignité. Je pense que l'équilibre que vous
proposez dans votre mémoire est très éloquent, très
éloquent parce qu'on voit qu'il procède de l'expérience et
d'une association de plus en plus intime à la vie de la population
québécoise dont vous êtes des membres à part
entière, selon nous.
Je voudrais vous poser une petite question, M. Manno. En ce qui touche
l'admission des enfants de certaines personnes aux écoles anglaises,
vous dites que, tout en maintenant la règle de base, il faudrait faire
montre d'une certaine souplesse en face de cas particuliers, de manière
à ne pas perdre des personnes de grandes ressources, parfois, dont nous
avons besoin au Québec.
Ça m'a rappelé un cas qui est arrivé à
l'Université McGill, ces dernières années. C'était
une personne, un médecin eminent, de calibre international, qui a
passé son examen de français à l'Office à deux
reprises et qui l'a raté. Il a fait tout son possible, mais les langues
n'étaient pas sa bosse. C'était un homme de très grand
calibre dans son domaine et il avait dit à quelqu'un: Moi, devant ce
fait-là, je serai obligé de quitter le Québec, je n'ai pas
d'autre choix. Il avait une équipe, une vingtaine de personnes qui
travaillaient avec lui à l'Université McGill. Un jour, on s'est
informé et il était parti, effectivement; il était parti.
S'il y avait eu une troisième fois, il n'y a personne qui serait mort.
Je ne sais pas si c'est à des cas comme ceux-là que vous faites
allusion.
Et pourriez-vous me donner des explications sur les passages qu'on
trouve au bas de la page 5 et au haut de la page 6 de votre mémoire, les
dernières lignes de la page 5 et les premières lignes de la page
6? Si vous pouviez illustrer concrètement ce que vous avez voulu dire
par ce passage, j'en serais très heureux.
M. Manno: Je pense, M. le ministre, que c'est une question
économique. Mettons que des sièges so-
ciaux de grosses compagnies voudraient s'établir au
Québec, leurs enfants ont commencé des études en anglais.
Il faudrait les obliger, à ce moment-là, à aller à
l'école française? Ils vont rester ici trois, quatre ans, cinq
ans, certains cadres. C'est ça, l'exception.
Mais il faut faire une affirmation: que la règle est toujours que
tous les enfants des nouveaux arrivants vont à l'école
française. Il y a des exceptions, mais l'exception, ce n'est pas une
règle établie. C'est ça qu'on voulait dire dans notre
mémoire.
M. Ryan: Vous savez qu'actuellement, selon le règlement
sur les enfants qui sont en séjour temporaire au Québec, les
parents qui sont en séjour temporaire peuvent inscrire leurs enfants
à l'école anglaise, moyennant l'autorisation du ministre,
laquelle est donnée dans tous les cas où la preuve est faite que
les parents sont en séjour temporaire. Mais s'il s'agit de parents qui
immigrent au Québec, dans ce cas, nous exigeons qu'ils envoient leurs
enfants à l'école française.
Est-ce qu'il y a des cas particuliers que vous auriez à l'esprit
autres que des cas de séjour temporaire au Québec?
M. Manno: Un garçon qui a 15 ans, qui a toujours
étudié en anglais et qui vient, par exemple, d'une autre province
du Canada ou de l'extérieur. Qui va rester toujours ici? Non, trois ou
quatre ans, en séjour temporaire ici, au Québec. Il faudrait
l'envoyer à l'école française? C'est ça qu'on
voulait dire. Il va, cet enfant, en souffrir.
M. Ryan: Maintenant, s'il vient d'une autre province canadienne,
il bénéficie de la clause Canada, à condition que ses
parents soient citoyens canadiens, cependant. Il peut arriver que ses parents
ne soient pas citoyens canadiens et, à ce moment-là, il y a un
problème. Ça, c'est un problème à examiner,
celui-là, mais il faut être prudent là-dessus, parce qu'il
y a toujours la règle que les enfants d'immigrants vont à
l'école française. (17 heures)
M. Manno: M. le ministre, ce que nous voulons c'est que le sujet
soit traité de façon humanitaire. C'est dans cet esprit que nous
voulons faire les choses.
M. Ryan: Et vous savez que nous avons la Commission d'appel sur
l'enseignement de la langue...
M. Manno: Oui. Je sais.
M. Ryan: ...dont a fait partie pendant quelques années un
membre distingué de votre communauté, l'architecte... Quel est
son nom? M. Ruccolo...
M. Manno: Franco Ruccolo.
M. Ryan: ...qui a joué un très beau rôle. M.
Ruccolo était un membre parfait.
M. Manno: II y en a toujours un, M. Michel Trozzo fait partie de
ça.
M. Ryan: II y en a encore un, actuellement. Monsieur?
M. Manno: Michel Trozzo... M. Ryan: Oui.
M. Manno: ...qui fait partie de cette Commission d'appel.
M. Ryan: Oui. Je prends note de ceci quand même. S'il y a
des cas dont vous étiez informé, puis dont vous voudriez nous
saisir, vous pouvez écrire à mon secrétariat ou au
secrétariat de la ministre de l'Éducation, puis nous verrons si
ces cas justifient une attention spéciale. Nous voulons agir avec
humanité, soyez sûr de ça.
M. Manno: C'est ça, l'esprit que nous exprimons dans notre
mémoire.
M. Ryan: Très bien. Je vais vous poser une question assez
simple. On dit beaucoup: II faut que le Québec présente à
ses nouveaux venus un message qui va les attirer au Québec, qui va les
garder au Québec, qui va les inciter à être fiers du
Québec. Comment réussirons-nous mieux cet objectif, en leur
présentant une législation sur l'affichage qui respecte leur
liberté d'expression ou en leur présentant une législation
rigide comme celle d'aujourd'hui?
M. Manno: Non, M. le ministre, je suis pour la
première proposition, soit qu'il y ait ce droit d'expression qui soit
respecté dans l'affichage. C'est ça que nous évoquons dans
notre mémoire.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut dire, selon vous, que dans une
très forte majorité les membres de la communauté italienne
souhaitent un assouplissement des dispositions sur l'affichage?
M. Manno: Oui, c'est ça, qu'il y ait une certaine
façon de respecter la volonté de s'exprimer. Et je pense que
l'affichage est une façon de s'exprimer. Je pense que M. Iadeluca
voudrait dire quelque chose.
M. Ryan: Est-ce que vous alliez ajouter quelque chose?
M. Iadeluca (Tony): Je voulais tout simplement ajouter à
la question que vous avez posée en disant: On veut donner un message
très clair aux nouveaux venus du Québec. Si les querelles
continuent entre «vous avez le droit d'afficher» et «non
d'afficher», ce n'est pas un message très clair qu'on leur donne.
Si on leur donne un message que le Québec, c'est en français, et
que quand
même certaines libertés de droits sont permises, ça
donne un message clair. Mais quand les gens entendent, à gauche et
à droite, qu'il y a toujours une querelle, de gauche ou de droite, sur
l'affichage, ce n'est pas un message très intéressant que les
nouveaux veulent entendre.
M. Ryan: Vous parlez, dans votre mémoire, d'un statut
bilingue accordé à certaines municipalités.
M. Manno: Rosemère, oui.
M. Ryan: Vous dites: Nous ne pouvons pas laisser à des
fonctionnaires les décisions concernant le retrait d'un statut bilingue.
Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?
M. Manno: Je pense que la population a pris une décision
à Rosemère; il faudrait respecter cette décision.
Ça, c'est important, c'est la volonté populaire qui a
exprimé ce désir d'être une ville bilingue. Je pense qu'il
y a tous les éléments nécessaires pour que la ville soit
considérée bilingue. Il n'y a pas de raison pour les
fonctionnaires d'imposer une contrainte dans toute l'affaire. Si les
politiciens, une certaine fois, décident que toutes les villes du
Québec sont unilingues françaises ou unilingues anglaises, on va
respecter cette loi. Mais cette faculté donnée aux villes de
décider de leur statut bilingue, je pense qu'il faudrait respecter ce
statut.
M. Ryan: Merci beaucoup. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci. Est-ce que j'ai le
consentement pour que le député de Viau puisse s'adresser
brièvement à nos invités?
Mme Blackburn: Consentement.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée.
M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président.
Ma question s'adresse à M. Manno en tant que professeur dans le
réseau. On se pose souvent la question, M. Manno, à savoir
combien de temps ça prend pour un immigrant, un jeune étudiant
qui arrive dans un réseau, que ça soit le réseau
francophone ou anglophone, combien de temps il est nécessaire pour que
l'enfant puisse avoir une connaissance fonctionnelle de la langue
enseignée, que ça soit dans une école française ou,
dans le passé, des écoles anglaises? Est-ce que vous pourriez
nous donner vos commentaires sur ça?
M. Manno: Je n'ai pas vécu cette expérience, mais
je pense, M. Cusano, qu'après trois mois, ils sont capables de
fonctionner.
M. Cusano: Vous avez répondu à ma question.
Merci, M. Manno.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Manno. Merci, M. le
député.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. Manno, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir à la
commission parlementaire au nom de l'Opposition officielle. Je suis heureuse de
vous voir là. D'autres groupes de la communauté
québécoise je pense aux Maghrébins, aux
Vietnamiens, aux hispanophones n'ont pas eu le même
privilège. Je le dis pour le déplorer, mais en même temps
je me réjouis que vous soyez là.
J'ai apprécié la qualité et l'ouverture qui semble
être la vôtre quant à la place et à l'importance du
français. Vous avez, je pense, près d'une page qui parle de la
nécessité de renforcer l'enseignement du français, et vous
insistez beaucoup sur cet aspect-là, ce que nous avons fait
également. Mais est-ce que vous savez qu'il n'y a, dans le projet de
loi, aucune mesure susceptible de favoriser un meilleur apprentissage et une
meilleure connaissance du français? Qui plus est, ce que propose le
ministre, c'est une certaine forme de «bilinguisation» des
écoles françaises par les bains d'immersion. Combien? On ne le
sait pas. Sur quelle durée? On l'ignore. Combien de matières? On
ne le sait pas davantage. Est-ce que vous pensez que c'est la meilleure
façon d'apprendre le français?
M. Manno: Je pense que les règlements, après
l'approbation du bill 86, vont venir tout de suite. Par conséquent, on
va savoir tout de suite quelles sont les règles avec lesquelles on joue
dans cette loi.
Mme Blackburn: C'est-à-dire que vous êtes
prêts, vous, à faire confiance au ministre et y aller, j'allais
dire, pas de façon aveugle, mais en disant: On va attendre après
pour savoir si c'a du bon sens ou si ça n'en a pas. Nous, ce qu'on
réclame, pour mesurer les impacts réels, on veut avoir les
règlements, et là on apprend que ça pourrait prendre
plusieurs mois. Ne connaissant pas les règlements, est-ce que vous
êtes enclins à penser qu'il y a là une disposition
susceptible de favoriser l'apprentissage du français ou plutôt,
à rencontre, de «bilinguiser» les écoles
françaises, ce qui aurait un effet particulièrement
négatif, pour ne pas dire dévastateur, dans les écoles
où il y a une majorité d'immigrants qui n'ont ni l'anglais ni le
français comme langue maternelle?
M. Manno: Mme Blackburn, je dois vous dire que nous autres, par
philosophie, on a toujours confiance dans les autorités. Il faudrait
prévoir s'ils vont trahir notre confiance et, alors, on pourrait juger.
En ce moment, on a confiance dans l'autorité.
Mme Blackburn: Bien. Vous avez répondu à une
question du ministre que la communauté était en demande
par rapport à ça. Selon la loi 101, vous pouvez dans certains
cas, pour les produits ethniques, afficher en français et en italien.
Qu'est-ce que ça va vous donner de plus, vous, comme communauté
italienne, particulièrement dans la région de Montréal?
J'en ai dans ma région, mais ça ne pose vraiment pas
problème.
M. Manno: Je pense que le message... Un commerçant qui
affiche en italien et en français voudrait porter à l'attention
de sa clientèle, qu'elle soit française ou italienne, ce message.
Je pense que c'est l'avantage de l'affichage dans les deux langues.
Mme Blackburn: Oui, mais c'est déjà permis en vertu
de la loi 101. On n'a qu'à aller... Je sais que vous avez plusieurs
membres de votre communauté qui sont particulièrement dans le
domaine de la restauration. Je vais à Montréal à peu
près à toutes les semaines et j'apprécie bien la cuisine
italienne, qui plus est, et je sais que vous affichez aussi en italien, et
ça ne m'a jamais choquée, d'autant que c'est prévu
à la loi 101.
M. Ryan: À l'intérieur.
Mme Blackburn: Non, mais dans les vitrines, c'est comme
l'équivalent.
M. Ryan: Non, non.
M. Manno: Je pense qu'à l'extérieur il n'y a pas
d'enseignes.
M. Ryan: C'est ça.
Mme Blackburn: Mais vous reconnaissez avec moi qu'on voit
ça dans toutes vos vitrines.
M. Manno: S'il s'agit seulement du nom du restaurant,
«restaurant Venise» ou «restaurant De Veni-tia»,
ça, ça va. Mais «restaurant», c'est toujours
écrit en français, je pense.
Une voix: Des trattorias.
Mme Blackburn: «Trattoria», on en voit, il y en a
même une dans le Vieux-Québec.
M. Manno: Moi, je n'en ai pas vu. (17 h 10)
Mme Blackburn: Et ça ne m'a jamais... Mais pourquoi vous,
de la communauté italienne, pensez-vous qu'il est nécessaire de
modifier la loi et de compromettre la paix linguistique?
M. Manno: De la communauté italo-québécoise,
madame.
Mme Blackburn: Pardon?
M. Manno: De la communauté italo-québécoise
et italo-canadienne.
Mme Blackburn: Excusez-moi?
M. Manno: Pas de la communauté italienne, mais
canadienne.
Mme Blackburn: Ah, oui, oui. Je suis tout a fait d'accord.
Là-dessus, on n'aura pas de divergences d'opinions. Vous êtes
d'ailleurs généralement très bien intégrés.
Là-dessus, je n'ai pas de doute.
Ce que je dis: Vous, des Italo-Québécois, en quoi la
question de l'affichage et de l'ouverture des écoles vous
concerne-t-elle de façon particulière pour que vous soyez, selon
ce que vous venez de dire au ministre, en demande sur cette question, au risque
même de perturber la paix linguistique?
M. Manno: Avec un affichage, on risque de provoquer des
émeutes ou quelque chose comme ça, madame? Qu'est-ce qu'on
voudrait dire, c'est ça. Si je veux attirer une clientèle qui a
un statut particulier, italien ou français ou chinois, je voudrais que
cette enseigne soit dans cette langue parce que je voudrais attirer ce monde
dans mon commerce, dans mon «business».
Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous insistez beaucoup
sur l'idée qu'il faut régler cette question-là...
M. Manno: Oui, oui.
Mme Blackburn: ...de manière à avoir la paix
linguistique. D'abord, il y a un sondage que vous n'avez peut-être pas vu
ce matin, qui est publié dans le journal Le Devoir, et le titre,
c'est: «Le bilinguisme divise les Montréalais.» À la
lecture du sondage, on réalise qu'il y a vraiment une division
très marquée. Autant les francophones, à Montréal,
s'opposent à la «bilinguisation», autant les anglophones la
veulent. Bon. Et les allophones dans une moindre mesure. Je pense qu'il
faudrait que je vous livre les données. alors, il y a cette
espèce d'inquiétude. à une question quant à
l'avenir du français au québec, c'est 57 % des montréalais
qui se disent optimistes; les anglophones, c'est 67 %, ils le sont davantage
que les francophones; et c'est 54 %, je pense, pour les allophones.
Tout ça pour vous dire que, quand on touche à cette
question, on est en train de risquer de mettre en péril la paix
linguistique. Mais la deuxième chose, c'est que déjà les
groupes qui vous ont précédé nous ont annoncé que
ça ne s'arrêterait pas là, qu'ils contesteraient les
dispositions sur l'affichage parce que ça ne comprend pas les grands
panneaux. Qu'ils continueraient, parce que ce n'est qu'un pas, l'ouverture des
enfants d'immigrants aux écoles anglaises, à être en
demande là-dessus.
M. Ryan: Pas ici. Ça n'a pas été dit
ici.
Mme Blackburn: Alors, tout ça pour dire, M. Manno, que,
finalement, la paix linguistique à laquelle vous aspirez, elle n'est pas
gagnée pour autant parce que, pour une certaine partie, et ce n'est pas
nécessairement vous, les Italo-Québécois, mais dans la
communauté anglophone, il y a une volonté réelle de
défoncer la loi 101, et on l'entend un petit peu dans votre
mémoire lorsque vous dites: La presque totalité des gens estime
que ça devrait se passer en français. Vous admettez avec nous
qu'il y en a qui voudraient que ça revienne à la situation
d'avant la loi 101.
M. Manno: Je ne suis pas responsable pour les groupes qui
voudraient ça...
Mme Blackburn: Non, mais...
M. Manno: ...mais je suis responsable pour la communauté
italienne.
Mme Blackburn: Italo-québécoise!
M. Manno: J'ai tâté le pouls de la communauté
italienne. Je sais ça, madame, je ne pourrais pas répondre pour
les autres groupes. C'est pas à moi de dire ça.
Je pense que M. Iadeluca voudrait ajouter quelque chose.
M. Iadeluca: Nous croyons sincèrement que la question du
projet de loi sur l'affichage n'est pas vraiment du bilinguisme. Tantôt,
vous parliez d'un sondage sur le bilinguisme, je ne vois pas comment on peut
définir le mot «bilinguisme» dans ce projet de loi.
Mme Blackburn: Oui. Bien. Le Conseil de la langue
française ne partageait pas votre avis. Le ministre a mis le rapport
sous la table, et je voudrais savoir... Tout à l'heure, il va nous
informer. Est-ce que le Conseil viendra effectivement comparaître devant
cette commission? Si on se fie à ce que j'ai lu dans les journaux ce
matin, le président n'avait pas l'intention de venir. J'aimerais que le
ministre nous dise s'il viendra.
Le Conseil de la langue française estimait que la disposition,
l'ouverture que propose le ministre risquait de répandre, de
«propager», pour utiliser leur terme, le bilinguisme dans tout le
Québec. Et, pour l'illustrer, il parlait des magasins à grande
surface, des commerces comme McDonald's, Zellers, les franchises, qui vont se
donner un modèle d'affichage extérieur et intérieur qui va
s'appliquer partout, que vous soyez à Rimouski, à Chicoutimi, en
Abitibi ou à Montréal ou dans l'est de Montréal.
Alors, le Conseil de la langue craignait ça et admettait que
ça pouvait avoir un effet sur les incitations à travailler en
français. D'ailleurs, il y a un sondage qui a été
réalisé par... je pense que c'est SORECOM, il faudrait que je le
revois, en 1985, pour vérifier les effets de l'affichage bilingue sur
les comportements au travail, la langue d'usage au travail. On reconnaissait
que, selon que l'affichage était unilingue français ou qu'il
était bilingue, ça avait comme effet d'utiliser soit le
français, si c'était unilingue français, soit l'anglais,
lorsque c'était bilingue. Alors, ça n'est pas seulement un
symbole, ça a un effet réel à la fois sur l'image que l'on
renvoie aux allophones, mais en même temps sur leur comportement et leur
choix linguistique.
M. Iadeluca: Selon le mémoire que nous avons
préparé et selon, comme l'a dit M. le président, M. Manno,
le pouls que nous avons demandé à notre communauté, nous
sommes d'accord avec la loi d'affichage. Nous ne voyons pas vraiment, avec les
lois qui sont en place et les règlements qui sont en place, comment
cette loi-là pourrait, du jour au lendemain, faire devenir le
Québec bilingue. Je ne veux pas contredire les rapports qui ont
été déposés par les différents bureaux,
mais, connaissant un peu notre communauté, et surtout les directions que
nous avons prises depuis plusieurs années vis-à-vis du
système scolaire, des immigrants et de tout le reste, nous ne voyons
vraiment pas comment ça peut devenir une peur du bilinguisme. Si les
autres groupes l'expriment, ça, on ne peut pas répondre
là-dessus.
Mme Blackburn: Le ministre a intérêt,
évidemment, de présenter une loi, cette loi en en minimisant la
portée; ça, c'est son jeu, et je le comprends. Cependant, est-ce
que vous savez que cette loi comporte 65 articles? Qu'elle modifie 84 des 215
articles de la Charte de la langue française? Qu'elle introduit le
bilinguisme dans l'administration publique? Qu'elle introduit... Le ministre
parlait tout à l'heure des certificats, qu'on pourrait dorénavant
renouveler à volonté. Il a un pouvoir discrétionnaire et,
d'ailleurs, je l'ai vu l'utiliser à de multiples reprises depuis qu'il
est responsable de la Charte. Il n'avait pas besoin de modifier la loi. Est-ce
que vous admettez avec nous que, ce qui est fragile au Québec
actuellement, c'est le français? Le français, 6 000 000 de
parlant français auxquels, je suis heureuse de le voir, vous vous
êtes joints, mais nous sommes entourés de 300 000 000
d'anglophones et à côté de la plus grande puissance
assimilatrice, je pense, de la planète, les Américains.
Là, vous êtes en train de nous dire que les
affaiblissements, ça n'aura pas d'effet; ça m'étonne un
peu.
M. Iadeluca: Madame, moi, j'ai vécu 39 ans au
Québec, j'ai vécu dans le milieu francophone, j'ai vécu
dans le milieu allophone et italophone, j'ai fait mes études en anglais,
je travaille en français depuis l'âge de 17 ans, et tous les gens
que j'ai vus, et surtout avec tous les changements à la langue
française que nous avons eus depuis les 20 dernières
années, je n'ai jamais vraiment senti que, le lendemain matin, je
sortirais sur la rue et, tout d'un coup, le français ne serait plus
prédominant au Québec. C'est une chose du passé. Je pense
que ce sont des idées que les gens avaient en 1969,
quand on a eu des problèmes linguistiques concernant les
écoles. Je pense que c'est une chose du passé. Les gens de notre
communauté savent très bien que c'est le français qu'on
doit promouvoir et renforcer, et le fait qu'une annonce soit majoritairement en
français, comme le décrit la loi, et qu'il y ait une affiche dans
une autre langue en dessous, je ne vois pas vraiment que ça va devenir
du bilinguisme. Je ne pense pas que pour nous c'est fragile.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. le député d'Anjou. (17 h 20)
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Je constate que, dans votre mémoire, comme dans tous les
mémoires qui ont été présentés par les
différentes communautés culturelles du Québec, la
préoccupation, c'est le respect des droits individuels, des personnes
physiques, des membres de votre communauté. Nulle part dans votre
mémoire, et dans les autres mémoires d'ailleurs, on ne fait part
d'une demande des différentes communautés culturelles ou des
citoyens du Québec à avoir l'affichage bilingue dans les grandes
compagnies, les grandes personnes morales.
Est-ce que je dois comprendre en tout cas, ça
n'apparaît nulle part dans vos demandes que, pour vous, ce n'est
pas une préoccupation que de voir l'anglais comme chez Eaton, chez
Zellers, chez les grandes compagnies, chez les grands commerces de
Montréal?
Le Président (M. Doyon): M. Manno.
M. Manno: O.K. Ce qu'on pense, nous autres: que connaître
plus qu'une langue en affichage bilingue, ça ne nuit nulle part.
M. Bélanger (Anjou): Je ne dis pas que ça nuit. Ce
n'est pas une demande de votre part. Ce n'est pas une demande... En tout cas,
à date, devant cette commission, il n'y a aucune communauté qui a
considéré que c'était une demande, que c'était
vraiment une demande essentielle pour la communauté, pour les
différentes communautés. Est-ce que c'est une demande de votre
communauté, ça, l'affichage bilingue dans les grands commerces
Eaton, La Baie du centre-ville?
M. Manno: On n'a fait aucune distinction, nous autres. On a dit
que l'affichage bilingue doit être permis. On n'a pas fait une
distinction entre grosses et petites compagnies.
M. Bélanger (Anjou): Et, pour les panneaux publicitaires,
c'est la même chose? Pour les grands panneaux, d'après vous, il
devrait y avoir une ouverture au bilinguisme là-dessus?
M. Manno: J'ai voyagé récemment en Europe. J'ai vu
des panneaux qui avaient même quatre langues. Ça faisait du bien
de pouvoir lire en anglais ou en fran- çais, ou pouvoir lire en allemand
ou en italien.
M. Bélanger (Anjou): Une autre de vos
préoccupations, évidemment, c'est l'accès à
l'école anglaise. Dans un premier temps, vous réaffirmez le
principe qu'il est important pour tous les Néo-Québécois
d'être dirigés vers l'école française. Mais,
après ça, vous ouvrez très grande, à mon avis, une
exception, une marge de manoeuvre, comme vous l'appelez, relativement à
l'intégration de personnes à l'école anglaise. Et les
exemples que vous nous avez donnés des cas problèmes, qui,
d'après vous, étaient des cas problèmes, même le
ministre vous a répondu qu'il existait présentement dans la loi
actuelle des dispositions qui permettaient justement de résoudre ces
cas-là. Alors, moi, je me demande, pour la communauté
italo-québécoise, ce que ça va vous apporter de plus, une
modification quant à l'ouverture à l'école anglaise
puisque tous les cas que vous nous avez donnés, présentement, il
y a une réponse relativement à la loi actuelle?
M. Manno: M. le député, nous autres, on parle
toujours de la facette humanitaire. C'est pour ça qu'on voudrait qu'il y
ait, pas une grande ouverture dans cette affaire, mais, comme on dit, une marge
de manoeuvre qui permette au ministre et aux institutions de faire cette
affaire, pas les autres.
Mme Blackburn: Oui, mais...
Le Président (M. Doyon): Oui. Ça tire à la
fin, Mme la députée.
Mme Blackburn: II reste...?
Une voix: II reste deux minutes et demie.
Mme Blackburn: Bien. Je reviens sur les raisons humanitaires;
ça existe déjà dans la loi.
M. Manno: Oui.
Mme Blackburn: Je reviens sur ceux qui sont en séjour
temporaire; ça existe déjà dans la loi. La loi avait
été plutôt généreuse. Et là, ce
n'était pas suffisant, on élargit chaque fois. Et quand on veut
réintroduire l'idée de mettre un peu plus d'enfants dans les
écoles anglaises, on a décidé que ce n'étaient pas
les parents qui feraient la demande, que ce serait l'un ou l'autre des parents.
Et dès qu'il y en a un qui demande l'école anglaise,
évidemment, selon certaines dispositions, ils pourront aller à
l'école anglaise automatiquement, même si l'autre parent s'y
oppose. Alors, vous voyez un peu l'orientation générale et
l'esprit qui inspire et qui marque ce projet de loi.
Je voudrais vous le rappeler, parce que le ministre c'est sa
façon de travailler ne nous rappelle pas que lorsque la Cour
suprême a rendu son jugement, elle a fait reproche au gouvernement du
Québec d'avoir mal
défendu la loi 101 en matière d'affichage commercial. Le
même reproche a été adressé au même
gouvernement par le Comité des Nations unies. Il nous apprend d'abord
que les anglophones, les Anglo-Québécois, ce n'est pas une
minorité; nous le savions tous. Du moment où il erre sur
l'identification du groupe, on peut penser que son analyse s'en trouve
biaisée. Et, d'ailleurs, il fait reproche au gouvernement de ne pas
avoir suffisamment illustré l'importance de l'unilinguisme dans
l'affichage sur la capacité d'intégration, par exemple, des
immigrants. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le Comité des Nations
unies, comité qui, faut-il le rappeler... Ce n'est pas les Nations
unies, c'est un comité qui est chargé...
M. Manno: Émanant des Nations unies.
Mme Blackburn: ...du pacte, du protocole facultatif, auquel
protocole, faut-il le dire, la moitié des pays n'adhèrent pas,
dont les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Mais, dans votre mémoire je voulais juste le dire pour le
souligner, à la page 4 vous dites que «maintenant, il y a
un comité juridique des Nations unies qui ont toutes
décidé...». Il y avait des dissidences au sein du
comité qui estimait que, pour l'un, ça ne s'appliquait pas; pour
l'autre, que les libertés... qu'on confondait les genres, en identifiant
la liberté de commerce aux libertés fondamentales d'expression.
Dans ce sens-là, je voulais juste vous rappeler que ce n'est pas
«toutes», mais qu'il y a effectivement eu des dissidences, et je
pense qu'il fallait le souligner.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Manno, une
réaction rapide, s'il vous plaît!
M. Manno: Oui. Ce que je voulais dire à madame, c'est
qu'elle n'a pas mentionné la Cour suprême du Québec... la
Cour d'appel du Québec, excusez-moi.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, vous m'avez
demandé la parole?
M. Ryan: Oui, on va terminer.
Le Président (M. Doyon): II vous reste quelques
minutes.
M. Ryan: Tout d'abord, la députée de Chicoutimi a
soulevé une question tantôt, elle a voulu s'enquérir de ce
qui arrivera du Conseil de la langue française dont elle souhaiterait la
présence parmi nous à l'occasion de l'une de nos séances.
Tout dépend de la réponse que doit donner l'Opposition à
la proposition écrite que nous lui avons faite hier soir. Nous n'avons
pas eu de nouvelles encore, à ma connaissance. Si l'Opposition accepte
la proposition que nous avons faite, la présence du Conseil de la langue
française était comprise dans cette proposition.
Mme Blackburn: Même si le président du
Conseil a déjà déclaré que son travail
était fait et qu'il n'avait pas l'intention d'y venir?
M. Ryan: Nous n'avons pas inscrit ce nom en vain.
Mme Blackburn: La tutelle, c'est bien ce que je pensais.
M. Ryan: Alors, nous attendons la réponse. Par
conséquent, c'est l'Opposition qui décidera si le Conseil de la
langue française va venir.
Ensuite, j'ai écouté la discussion. Je ne veux pas
m'éterniser, mais je crois que, sur l'aspect humanitaire de l'admission
à l'école anglaise, il ne faut jamais prétendre qu'on a
compris tout le problème parce qu'il nous arrive des situations
nouvelles chaque jour, chaque semaine. Il y a des cas qui sont
extrêmement pénibles, qu'on peut régler dans la
tranquillité bureaucratique d'un bureau de fonctionnaires mais qui, dans
la vie réelle, sont chargés de toutes sortes d'implications.
Mon collègue de Viau me parlait seulement du problème
d'unification de famille, par exemple. Des fois, il y a une famille dont un
membre va avoir immigré aux États-Unis, un autre en Ontario, un
autre ici; un membre vient se joindre à la famille d'ici pour toutes
sortes de raisons. Il y a toutes sortes de circonstances imaginables dont la
loi actuelle ne tient compte que dans une mesure infiniment réduite. Je
pense que nous ne ferons jamais montre de trop de compréhension de ce
point de vue.
Actuellement, nous sommes obligés d'interpréter d'une
manière très restrictive. La députée de Chicoutimi
disait que le ministre dispose d'un pouvoir discrétionnaire dont il a
usé abondamment. C'est faux. C'est faux, il ne dispose pas d'un pouvoir
discrétionnaire. Si un cas humanitaire grave le mot
«grave» est là, qui est très lourd, un peu trop lourd
à mon point de vue est soumis à l'attention du ministre,
il faut qu'il aille devant la Commission d'appel. Et, c'est seulement dans les
cas où la Commission d'appel recommande l'admission à
l'école anglaise que le ministre peut se prononcer. Au cours de la
dernière année, il y a eu à peu près 25 cas.
Là, venir laisser entendre aux gens qu'il y a un pouvoir
discrétionnaire dont le ministre use abondamment, je pense que c'est
franchement déformer la réalité d'une manière
déplorable, et je voudrais corriger cette fausse impression avant que
nous nous quittions. (17 h 30)
Je sympathise beaucoup avec ce point de vue. Nous faisons ce qui est
raisonnablement possible dans le contexte actuel, mais nous n'aurons jamais
fini de comprendre les défis que nous pose l'arrivée, dans notre
milieu, de nouveaux venus qui viennent faire leur vie ici, qui nous apportent
l'actif de leur formation, de leurs biens, de leur volonté de travail,
de leurs traditions et de leur culture. Puis, prétendre que notre seul
souci, c'est de les intégrer, est une perspective absolument
déprimante, à mon point de vue. Nous devons les recevoir,
les accueillir, les enrichir, nous enrichir à leur contact.
Qu'est-ce qui sortira de tous ces mélanges? Il n'y a aucune
espèce de magicien de l'organisation humaine qui pourra jamais le dire
de manière claire, et je souhaite qu'il n'y en ait jamais. Je souhaite
qu'il n'y en ait jamais. Je souhaite que les décisions fondamentales
soient prises par des personnes libres au bout de la ligne, qui sont capables
de comprendre, dans l'ensemble de conditions que nous créons, que des
décisions doivent être prises librement, en tenant compte des
intérêts généraux de la société.
Moi, c'est ma conception de fond que je vous livre en toute
simplicité. Je suis content de constater, en vous écoutant, que
nous ne sommes pas trop loin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Alors, M. Manno, avec les gens qui vous accompagnent, il me reste
à vous remercier et à vous dire jusqu'à quel point nous
avons apprécié votre venue ici, et à ajourner les travaux
de cette commission jusqu'à demain matin, 10 heures, au moment où
nous continuerons nos travaux en suivant l'ordre de l'Assemblée
nationale. Nous recevrons un autre groupe, donc, à 10 heures, demain
matin. Ajournement.
(Fin de la séance à 17 h 31)