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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate que nous avons quorum, et la commission de la culture
débute ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission de la
culture est le suivant: procéder à des consultations
particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi 86,
Loi modifiant la Charte de la langue française.
M. le secrétaire, pouvez-vous nous annoncer les remplacements,
s'il vous plaît?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet (Vimont)
sera remplacé par Mme Boucher Bacon (Bour-get); M. Boisclair (Gouin) par
M. Bélanger (Anjou); M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques) par
M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) par M. Chevrette
(Joliette) et M. Paré (Shefford) par Mme Harel
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
secrétaire.
J'indique à cette commission que nous sommes réunis ici
suite à un ordre de la Chambre, et l'ordre et le déroulement de
nos travaux ont été prévus dans une motion qui a
été présentée et adoptée par
l'Assemblée nationale. Donc, nous n'avons pas, à proprement
parler, à adopter l'ordre du jour, et dans les...
Oui.
Organisation des travaux M. Chevrette: M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: ...j'ai bien compris vos propos. Comme je vous ai
prévenu que je demanderais la parole, il n'y a pas de surprise, en ce
sens que je veux avoir des informations avant que débute cette
commission.
Vous savez pertinemment qu'il est peu coutume de n'avoir aucune
séance de travail au niveau de la commission. Ça a
été du tout cuit en Chambre avec une motion du leader, ce qui
était contraire à toute coutume parlementaire où,
normalement, on devait se rencontrer pour discuter quels groupes on invitait,
etc. Mais, ce matin, on se rend compte, à l'ouverture même de
cette commission, qui est télédiffusée au coût de
300 000$, me dit-on, qu'on aura de la difficulté, même comme
commission, à réaliser notre mandat. Donc, j'aurais d'abord
quelques questions d'information à vous demander.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.
Alors, à titre exceptionnel, en dépit de l'ordre qui devrait
être exécuté derechef, c'est-à-dire avec le
commencement des remarques du ministre de l'Éducation, je suis
prêt à vous écouter sur quelques demandes
d'information.
M. Chevrette: Merci.
Tout d'abord, M. le Président, je voudrais savoir s'il est exact,
au moment où on se parle, qu'il y a au moins huit désistements et
qu'il y aurait une demande au moins de trois reports, c'est-à-dire de
changer de moment précis. Est-ce que la commission a été
avisée? Est-ce qu'elle pourrait nous déposer les lettres de
désistement ainsi que les demandes de report et quels sont les groupes,
pour qu'on puisse les identifier?
Parce que si je fais cette demande, c'est pour vous signaler
immédiatement qu'on ne peut plus réaliser l'ordre de la Chambre,
si on a huit désistements puis trois reports. On sait que ça
prendrait à nouveau, ou une motion en Chambre modifiant un ordre de la
Chambre, et non plus en envoyant en commission, ce qui est très
différent sur le plan de nos règlements et vous en savez
quelque chose comme président de commission ou on va chercher
ensemble un moyen de dénouer l'impasse et de faire en sorte qu'on
réalise notre mandat le plus adéquatement possible devant un
sujet que je pense aussi important, puis qui mobilise quand même des
forces intéressantes au Québec.
Le Président (M. Doyon): Oui. Sur les demandes de
désistement, vous me permettrez de vous dire qu'effectivement je suis
informé qu'il y a huit organismes qui ont informé la commission,
le Secrétariat, en tout cas, qu'ils n'avaient pas l'intention de se
présenter devant cette commission. Je vous donne les noms. Il y a la
Chambre de commerce du Québec, qui a donné cette information; il
y a l'Association des hôteliers et restaurateurs du Québec;
troisième groupe, il y a le Conseil des hôpitaux d'enseignement
affiliés à l'Université McGill; quatrième,
l'Association des détaillants en alimentation; cinquième, Conseil
québécois du commerce de détail; sixième, Parti
libéral du Québec; septième, l'Association des
manufacturiers du Québec et le dernier et huitième, l'Association
touristique des Laurentides.
Pour ce qui est des demandes de report, je suis informé qu'il y a
eu quatre demandes. La première demande, c'est la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain; deuxième demande, Commission des
écoles catholiques de Montréal; troisième, Mediacom, et un
qui s'ajoute et qui a confirmé par écrit, j'imagine, c'est le
Congrès national des Italo-Canadiens. Alors,
c'est ce que j'ai actuellement, au moment où nous nous
parlons.
M. Chevrette: Bon. Est-ce que vous êtes au courant que lors
d'une rencontre qui a eu lieu entre nos employés, au niveau des deux
leaders, il y avait d'autres noms également qui étaient
soulignés? Exemple: le conseil d'éducation anglophone du
Québec qui était potentiellement un groupe qui devait se
désister également? Est-ce que vous avez reçu ces
lettres-là? Pas encore?
Le Président (M. Doyon): Non, rien de ce
côté-là.
M. Chevrette: Est-ce que les hôpitaux affiliés
à McGill ont confirmé? Parce que c'était également
une annonce qu'on nous faisait.
Le Président (M. Doyon): Ça, c'était le
troisième groupe, et je vous l'ai indiqué. Le Conseil des
hôpitaux d'enseignement affiliés à l'Université
McGill s'est désisté.
M. Chevrette: II s'est désisté également?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: Donc, M. le Président, à stade-ci, on
en a au moins huit officiels, et probablement quelques autres qui s'annoncent.
On a des demandes de report, et on dit également que le mouvement
municipal hésite au moment où on se parle, selon les informations
que nous, nous avons dans nos pourparlers avec certains membres.
Donc, vous comprendrez, à ce stade-ci, par rapport aux groupes
qui, eux, ont demandé d'être entendus... Est-ce que la commission
pourrait nous faire part, maintenant, du nombre de groupes qui, eux, ont voulu
se faire entendre et qui n'ont pas reçu de réponse?
Le Président (M. Doyon): Oui. Le secrétariat de la
commission a reçu neuf demandes à cet effet-là. Si vous
voulez, je peux vous en donner la lecture.
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Doyon): II y a M. Charles Castonguay, qui
est un démographe; il y a la Société Saint-Jean-Basptiste
de l'ouest de l'île; la Société nationale des
Québécois de l'Outaouais; le Comité national des jeunes du
PQ; le Rassemblement des jeunes souverainistes, Outaouais; la
Société nationale des Québécois de la capitale; la
Société nationale des Québécois de la Mauricie;
Société nouvelle; et, neuvième groupe,
Société nationale des Québécois de
Richelieu-Yamaska.
M. Chevrette: Est-ce qu'il n'a pas été dit que le
Parti Égalité avait fait une demande?
Le Président (M. Doyon): Rien n'a été
transmis au secrétariat de la commission par écrit; les
informations que j'ai...
M. Chevrette: Oui. Ensuite, est-ce que le ministre n'avait pas
manifesté le désir d'entendre Télé-Direct?
Le Président (M. Doyon): Je n'ai pas d'information que
cela a été transmis au secrétariat de la commission.
M. Chevrette: Mais, au niveau des échanges, est-ce qu'on
peut nous informer? Parce que ce n'est pas venu en l'air, on nous a dit que
c'était une demande de M. le ministre.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Oui, ça a été mentionné. Cet
organisme a fait part de son désir d'être entendu. Nous en avons
fait part à l'Opposition.
M. Chevrette: Et le Conseil catholique d'expression anglaise,
est-ce qu'ils n'ont pas manifesté également au ministre le
désir d'être entendus?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Doyon): Le ministre dit que oui.
M. Chevrette: Le ministre dit que oui.
Donc, vous voyez, M. le Président, ce que j'ai voulu
étaler par les quelques questions de départ, c'est qu'il y a des
groupes qui se sont désistés, puis il y a des groupes qui,
d'autre part, veulent être entendus.
Et si on lit la lettre de l'attachée du ministre, du 4 mai 1993,
signée de Mme Renée-Claude Lallier, qui dit, en date du 4 mai
1993, ceci à l'avant-dernier paragraphe de la lettre: En deuxième
lieu, le ministre tient à préciser que les audiences publiques
seront tenues ce printemps. La commission parlementaire sur la langue et les
modifications à la Charte commencera ses travaux à la mi-mai.
Tous les intervenants intéressés seront appelés à
venir y témoigner.
Tous les intervenants intéressés seront appelés
à y témoigner. Est-ce qu'à ce stade-ci le ministre, qui a
reçu de notre part au moins deux lettres indiquant une série de
groupes intéressants à être entendus ici, ainsi que les
groupes qui ont manifesté directement leur désir soit au
ministre, soit à la commission, soit à nous, pourrait nous dire
s'ils seront entendus conformément à ce que sa propre
attachée politique disait il y a quelque temps, à savoir que tous
les groupes intéressés seront appelés à venir y
témoigner?
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, la commission a
reçu un ordre de la Chambre pour tenir une commission parlementaire en
invitant des groupes d'une façon particulière. Alors, nous avons
présenté une liste d'organismes qui devaient se présenter
devant cette commission. Il y a eu quelques désistements, nous en
convenons; cependant, il y a des demandes supplémentaires qui sont
devant nous. Il n'est pas exclu que nous ne les entendions pas. Je pense que la
commission est en plein de droit de siéger, elle a accompli sa mission,
à savoir l'ordre qu'elle a reçu de la Chambre d'entendre des
groupes et également de regarder s'il y a lieu d'entendre d'autres
groupes, dépendamment de l'entente qu'on pourrait avoir de part et
d'autre. Alors, la commission est en plein droit présentement de
siéger et, en même temps, elle se doit de procéder à
l'écoute de ces groupes. (10 h 20)
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Chevrette: ...je ne nie pas la légitimité de la
commission sur un ordre de la Chambre; j'ai pris la peine de dire que vos
propres propos, les premiers propos que vous avez prononcés
étaient tout à fait justes. De là à dire qu'il y a
une légitimité...
Le premier groupe, ce matin, la Chambre de commerce, ont demandé
un report; ils ne sont pas ici. Les deux autres qui suivent se sont
désistés. On peut bien regarder les chaises vides et dire: Bravo
pour votre beau programme! Mais ce n'est pas ça, là. L'ordre de
la Chambre, c'est d'écouter des groupes. La procédure
utilisée fait en sorte qu'on n'est pas certain que les groupes vont
venir ou qu'ils ne se désisteront pas ou qu'ils demanderont du temps
pour se préparer, ce qui est normal.
Ce que je veux dire: Y a-t-il moyen de trouver une solution? J'ai
prévenu la présidence en toute franchise, comme un leader doit le
faire avec un président d'Assemblée pour venir à bout de
trouver une solution. Ce que j'ai dit au président de
l'Assemblée: Y a-t-il moyen, sans verser dans la procédure, qu'on
trouve un moyen de se sortir de ce guêpier qui n'est pas habituel? Parce
qu'une commission qui est maître de ses travaux, ordinairement, pourrait
se convertir en séance de travail, par exemple, pendant une demi-heure,
trois-quart d'heure, une heure, évaluer les groupes et dire: Comment on
agence ça?
Parce que là, on a une surprise, également, là.
N'oubliez pas une chose: jeudi soir, il y a le budget. Les deux groupes qui
sont convoqués durant le budget, ils ne peuvent pas siéger, il
n'y a aucune commission qui siège durant le budget. L'ordre de la
Chambre devient caduc par lui-même.
Mercredi matin prochain, c'est la réplique du leader de
l'Opposition. Il y a deux ou trois groupes qui devaient être ici. Il n'y
a pas de commission durant la réplique sur le budget; donc, ça ne
marche pas.
Je veux bien parler de légalité, ça ne me
dérange pas, mais si on parle de légalité, je voudrais
vous dire ce qui va arriver, M. le député de Rimouski: le leader
devra se lever en Chambre, proposer, par un avis au feuilleton avant, un
amendement à cet ordre de la Chambre. Parce que là, ce n'est pas
un renvoi à la commission, c'est un amendement à l'ordre de la
Chambre. Il faudrait que ce soit précédé d'une
journée et, là, tous les députés ont le droit de
parler sur ladite motion parce que ce n'est plus un renvoi, ce n'est plus une
motion de forme, c'est une motion de fond sur modification à un ordre de
la Chambre.
Moi, ça ne me fait rien. Si vous voulez jouer à ça,
vous jouerez, mais je vous dis que c'est en tout esprit de collaboration que je
vous arrive avec ce problème-là. Je n'avais pas d'autre moment
pour y arriver. On a tenté quelques discussions au niveau de nos
employés. Il n'y a eu aucune convocation officielle des leaders, il n'y
a eu aucune séance de travail, et on est devant une situation qui,
à mon point de vue, mérite au moins, si on est sérieux et
si on veut que le débat se déroule dans un contexte des plus
favorables, sans interruption, par exemple, pour la télé.
On sait ce que ça représente. On a accepté
spontanément, les deux formations politiques, de faire ce débat
à la télé. Encore faut-il qu'il y ait un
intérêt soutenu, avec des heures et des groupes, qu'on sache s'ils
viennent ou s'ils ne viennent pas. Ça ne marche pas, ça.
Ça ne peut pas marcher de la manière dont on démarre, et
c'est pour ça que j'ai apporté le sujet.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le leader de
l'Opposition. Je suis bien sensible à vos représentations. Vous
avez évoqué tout à l'heure, quand vous m'avez dit quelques
mots, derrière, ici, la possibilité, soit d'une séance de
travail, ce qui peut être fait aussi, et vous avez aussi parlé
d'une conférence des leaders. Je suggère, si vous n'y voyez pas
d'inconvénients, qu'on fasse une conférence des leaders où
cette question-là sera discutée entre les leaders, ce qui nous
permettrait, nous autres, de commencer nos travaux, et je serai informé,
en temps et lieu, du résultat de vos discussions avec le leader du
gouvernement, et nous ajusterons nos travaux de la façon que nous
pourrons le faire, compte tenu des ententes qui pourront avoir lieu
postérieurement.
M. Chevrette: M. le Président, je vais vous faire une
motion, quitte à ce qu'elle ne soit pas longue au point de vue
discussion, pour s'en tirer avec la légalité de la Chambre. Je
proposerais qu'on fasse un rapport intérimaire à la Chambre, qui
serait déposé dès cet après-midi, qui oblige
à ce moment-là l'Assemblée à convoquer les leaders.
Parce que ce n'est pas nous qui pouvons convoquer les leaders ici, c'est
l'Assemblée nationale; on a un ordre de l'Assemblée nationale.
Donc, qu'on fasse un rapport intérimaire sur la partie... On va faire
les remarques préliminaires. Je ne veux pas m'objecter à
ça du tout, mais il faut bien trouver un moyen pour enclencher un autre
processus qui va chan-
ger quelque chose. Et je ne pense pas que la commission puisse aller
à rencontre d'un ordre de la Chambre.
Donc, je déposerais une motion qui dirait de faire un rapport
préliminaire en Chambre cet après-midi, et le leader aura beau,
après la période de questions, enclencher un autre processus qui
réglerait les problèmes. Sinon, je ne vois pas comment on va s'en
tirer.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: Je vous donne juste un exemple. J'ai la lettre ici
du Parti libéral du Québec qui avait été dans votre
motion ce n'est toujours pas le PQ: J'ai bien reçu votre lettre
du 17 mai 1993 pour une audition à la commission de la culture. Le Parti
libéral du Québec n'a pas l'intention de faire des
représentations à la commission, puisque le projet de loi 86 a
été présenté par le gouvernement après
consultation des instances du parti et qu'il reflète fidèlement
le consensus dégagé au sein de ses membres.
Ils ne disent pas que les gros commerces étaient dans la
proposition, mais ça ne fait rien, je vous donne un exemple.
Imaginez-vous si ça n'a pas l'air improvisé, ça!
Votre propre parti, qui est dans la proposition, qui ne vient plus, qui
crée quoi? Je veux dire, il faut s'en sortir. Moi, je propose donc qu'on
dépose la motion suivante, et sans discussion; je suis prêt
à l'adopter sans discussion. Qu'on fasse un rapport préliminaire
disant qu'on a des problèmes d'agencement d'horaire. Le président
pourra convoquer les leaders ou bien le leader pourra proposer un autre
calendrier, avec d'autres groupes.
Ça serait intéressant, par exemple, que le ministre nous
dise... Lui, il a reçu des nombres de groupes; on lui a
suggéré des groupes, nous, il y en a qui ont manifesté
leur désir. Il devrait nous dire aussi quels sont ceux qu'ils vont
entendre. Peut-être que pour remplacer le Parti libéral ce serait
intéressant d'avoir Equality qui se ferait battre sur une motion et qui
applaudirait pareil pour l'autre. Ce serait bon de voir ça, comme on a
vu en Chambre cette semaine. Je veux dire, ça serait intéressant
de voir ça et d'assister à ça.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Saint-Henri, vous avez demandé la parole.
Mme Loiselle: M. le Président, on a reçu l'ordre de
la Chambre de procéder à une consultation particulière,
invitant les groupes à venir se présenter en commission
parlementaire. C'est un droit fondamental, une liberté fondamentale de
la part des groupes de refuser ou d'accepter notre invitation; ils l'ont fait.
Moi, je pense qu'il faut passer plutôt à voir à des
ajustements de nos travaux, et commencer la commission parlementaire tel que la
Chambre nous l'a prescrit.
M. Chevrette: M. le Président, dans ce cas, si c'est la
réaction officielle du côté du gouvernement, je vais faire
officiellement la motion, parce que recevoir un ordre de la Chambre,
après avoir vous autres mêmes créé votre propre
ordre de la Chambre, et assister à une telle improvisation, sans groupes
qui viennent, qui ne viennent pas, qui se désistent, qui ne se
désistent pas, même son propre parti, vous comprendrez que...
Mme Loiselle: C'est un droit fondamental, M. le
Président.
M. Chevrette: On vient d'engager de la finance, 300 000 $ au
moins, pour télédiffuser une série de groupes que vous
aviez vous-mêmes invités, de votre propre chef, sans tenir compte
de ceux qui voulaient venir ou pas.
Motion proposant que la commission
dépose un rapport intérimaire
à l'Assemblée
Je propose donc, M. le Président, «qu'en vertu de l'article
175 de notre règlement, la commission de la culture adopte et
dépose à l'Assemblée nationale un rapport
intérimaire lui faisant part des groupes, organismes et individus ayant
exprimé leur désir d'être entendus dans le cadre de la
consultation particulière sur le projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte de la langue française, et lui recommandant de modifier son
ordre, tel qu'il fut adopté le 6 mai 1993, de manière à
pouvoir entendre ceux qui en ont manifesté le souhait».
Autrement, on ne peut pas se conformer à quelque chose
d'irréalisable.
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
suis prêt à vous entendre sur la question de la
recevabilité de la motion.
Débat sur la recevabilité M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: La motion est recevable, M. le Président,
parce qu'elle ne s'inscrit pas dans le sens de contrer la non-application de
l'ordre de la Chambre, elle s'inscrit précisément dans une
volonté de voir appliquer l'ordre de la Chambre qui est inapplicable, et
vous en avez une preuve ce matin même: avant même qu'on commence,
le premier groupe a demandé un report; les deux autres groupes se sont
désistés. (10 h 30)
M. le Président, vous avez vous-même lu la liste des huit
groupes qui se sont désistés, plus une couple qui ont l'intention
de le faire. Vous avez lu la liste de ceux qui on manifesté le
désir d'être entendus, et on est rendu à une douzaine.
Donc, ce que je vous dis...
Je vous réfère au député Lemieux, de la
circonscription de Vanier, qui, à trois reprises au cours des derniers
temps, a été appelé à trancher sur une motion
similaire. M. Lemieux soutient, et il était appuyé en
cela pas une décision du président Saintonge, qu'une
motion, arrivant avant le début des travaux mais ne visant pas à
empêcher la réalisation d'un ordre de la Chambre, mais
plutôt à favoriser par un souhait sa réalisation ou en
simplifiant le travail, aider à simplifier et à améliorer
le travail, mais en ne contrant pas la réalisation de l'ordre de la
Chambre, que cette motion est tout à fait recevable en fonction des
normes et des règlement de l'Assemblée.
Le Président (M. Doyon): Merci. Est-ce que j'ai d'autres
représentations? Oui, M. le député de Rimouski.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président.
Je pense que la motion, telle qu'elle est formulée, elle est
contraire à l'ordre de la Chambre.
Nous avons un ordre de la Chambre qui nous donne à entendre les
remarques préliminaires, d'une part, et en même temps entendre les
groupes qui sont déjà listés sur un document. Nous devons
nécessairement procéder si nous voulons respecter l'ordre de la
Chambre. Nous sommes totalement mandatés pour le faire, d'une part, ce
matin, d'autant plus que nous sommes prêts pour les remarques
préliminaires. Et après, vous avez proposé, M. le
Président, la tenue d'une conférence des leaders qui pourrait se
tenir dans les meilleurs délais et, en même temps, revenir
à la Chambre et, à ce moment-là, regarder l'ordre de la
Chambre qui pourrait être modifié s'il y a entente entre les
leaders. S'il n'y a pas entente, à ce moment-là, la Chambre
décidera. Mais, pour le moment, nous sommes totalement mandatés,
nous sommes complètement mandatés pour tenir cette commission et,
en même temps, entendre les remarques préliminaires. Nous sommes
totalement dans l'ordre de la Chambre et nous sommes dans la
légalité totale.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Chevrette: ...je vais plaider seulement sur la
recevabilité. Il parle, dans le fond, sur l'opportunité de faire
quelque chose ce matin. On parle sur une motion précise, sur la
recevabilité précise.
D'abord la décision de Marcel Parent, le député
Marcel Parent, rendue le 8 novembre 1988 et rapportée en page 1297-1299
du procès-verbal. Le député de Sauvé, qui
présidait cette commission de la culture, nous disait, et je cite cette
propre commission de la culture: «La motion doit avoir pour objet
d'obtenir de l'Assemblée, soit des moyens supplémentaires pour
accomplir le mandat qui a été confié à la
commission, soit des précisions supplémentaires sur ce
mandat.» Exactement dans le sens, M. le Président, de celle que je
vous ai déposée ce matin.
Par ailleurs, comme le souligne également Jean-Guy Lemieux,
député de Vanier toujours un des vôtres dans
la décision du 15 février 1993, ce n'est pas tellement loin,
à la commission du budget et de l'administration, aux pages 1561 et
1562, il disait: «Subsidiaire-ment, selon Geoffrion, la
présentation par la commission d'un rapport intérimaire vise
à obtenir des instructions additionnelles c'est exactement
ça de l'Assemblée permettant à la commission de
poursuivre son travail.»
On a bien beau faire des remarques préliminaires, après
ça, qu'est-ce que vous allez faire? Vous allez dire aux concitoyens: On
devait entendre des citoyens, mais ils ne sont pas ici, et nous avons
loué un système de télévision. Ce n'est pas
ça, l'esprit de la commission, c'est d'entendre du monde, ce n'est pas
de s'entendre nous autres, de s'écouter entre nous autres.
Je pourrais vous dire qu'il y a un autre... Le président a
jugé qu'il n'était pas opportun... C'est toujours M. Lemieux...
Vous vous rappellerez, il disait ceci... Je vous donnerai la date, je pense que
c'est le 17 février. Il disait... Comme quoi c'est important de le faire
au début d'une assemblée: Demain matin, au début de la
séance, avant l'adoption de l'ordre du jour, rien ne vous empêche
de présenter cette motion; vous pouvez très bien le faire. Il
avait même précisé le moment précis pour le faire,
c'est avant que ne débute... pour une motion du genre sur un rapport
intérimaire. Donc, c'est une motion, en l'occurrence, sur des
règlements qu'on voulait connaître avant. Faites-le avant que ne
débutent les travaux et tout sera légal.
De sorte que vous avez de la jurisprudence en abondance, et vous avez
même le conseiller qui était, chaque fois... À votre
gauche, c'était le même conseiller qui était auprès
de vos deux prédécesseurs que j'ai cités.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, sur la question
de la recevabilité de cette motion.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'ai nettement l'impression, en
regardant le texte du mandat qui nous a été donné par
l'Assemblée nationale, que ce mandat nous enjoint de commencer les
travaux ce matin, en entendant les exposés préliminaires des
représentants des principaux partis.
Maintenant, la recevabilité de la motion; je n'ai pas beaucoup
d'éclairage à vous donner là-dessus. En principe, je pense
bien que c'est une motion qui a sa rationalité, personnellement, dont je
ne contesterais pas le bien-fondé à bien des égards, mais
je croyais tantôt que vous aviez ouvert une avenue qui nous permettrait
de dirimer cette situation-là de manière constructive, quand vous
avez suggéré qu'une conférence des leaders ait lieu.
Comme le programme de ce matin n'est pas très chargé, si
nous procédions aux exposés préliminaires d'abord
et ce n'est pas parce que je tiens, moi, à présenter mon
exposé; s'il est bon, il va être aussi bon
cet après-midi que ce matin, et s'il n'est pas bon, c'est la
même chose évidemment c'est parce que je ne voudrais pas
qu'on s'éloigne trop de l'esprit de ce mandat qui nous a
été donné par la Chambre, et je me dis: Si nous disposons
de cette partie et qu'ensuite les leaders se réunissent, en viennent
à des ententes quant à des ajustements possibles dans le
programme, auxquels le gouvernement n'est aucunement fermé d'ailleurs,
auxquels nous ne sommes aucunement fermés, à ce moment-là,
il y aurait peut-être lieu que vous c'est vous qui en jugeriez, M.
le Président réunissiez la commission en séance de
travail, on a encore un petit peu de temps cet après-midi. Là, on
pourrait arriver et demander à la Chambre un ajustement du mandat. La
demande serait faite dans un esprit de collaboration, comme a semblé
l'indiquer dans ses remarques tantôt le député de Joliette,
le leader de l'Opposition. Nous ne demandons pas mieux qu'établir
certains ajustements qui peuvent paraître souhaitables dans un esprit de
dialogue et de collaboration. Je pense que nous avons tous les
éléments pour le faire, étant donné la
flexibilité qui vient s'ajouter à l'horaire de la journée
par suite de désistements ou de demandes de report dont on peut
comprendre le bien-fondé.
M. Chevrette: Mais est-ce que le ministre me permet une question?
Si on ne leur demande pas à la Chambre... La motion vise
précisément à dire: Donnez-nous les moyens de mieux
structurer nos travaux parce qu'on a des problèmes. A ce
moment-là, en faisant le dépôt après midi, le leader
est légitimé de demander une conférence des leaders pour
voir comment on se réenli-gne. C'est ça l'esprit de la motion,
c'est juste d'aider... Là, je veux bien plaider le fond, si vous voulez,
mais vous m'avez demandé de plaider sur la recevabilité.
Tantôt, je vous ferai un plaidoyer, M. le Président, à
votre demande, sur le fond, et vous allez voir que c'est pour donner la
collaboration non seulement à cette commission-ci... Parce que pour
dénouer l'impasse, c'est en Chambre; il faut leur demander.
Le Président (M. Doyon): Alors, s'il n'y a pas
d'autres...
Oui, M. le ministre.
M. Ryan: C'est parce que le leader de l'Opposition m'a
adressé une question à laquelle je voudrais répondre. Je
crois bien que l'idée de demander à la Chambre un ajustement une
fois qu'il y aura accord... Si on s'en va demander à la Chambre un
ajustement alors qu'il n'y a pas accord de travail, ça va être un
débat qui va être absolument inutile, qui va se perdre dans des
interventions unilatérales de part et d'autre, qui ne changeront rien.
S'il y a lieu, la conférence des leaders, ce que vous avez
suggéré, que les membres de la commission soient consultés
à un stade ou l'autre également, et qu'ensuite ça
peut être demain, ça peut être après-demain, si on
juge qu'il y a lieu de le faire la Chambre soit saisie d'une demande de
modifica- tion du mandat qu'elle nous a donné, ce serait très
bien, mais si on voulait tout faire ça pour cet après-midi, je
pense que là on ne peut pas arriver. On ne peut pas arriver.
Du côté du gouvernement, je suis convaincu que le leader
est prêt à se mettre à la disposition de l'Opposition tout
de suite après que la première partie de nos travaux aura
été faite. Les membres de la commission resteront disponibles,
j'en suis sûr, du côté ministériel, pour
siéger en séance de travail à votre invitation n'importe
quand. Je pense qu'on arriverait à produire des résultats
satisfaisants. Partout des vacances se sont créées, si on peut
les combler d'une manière constructive... Vous connaissez assez le
gouvernement, je pense, pour savoir qu'il n'a pas d'autre intérêt
que de le faire.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: II s'agirait de savoir si vous la déclarez
recevable ou pas.
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, je vais prendre cette
motion en délibéré pour quelques minutes. Donc, suspension
des travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 40)
(Reprise à 10 h 52)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Décision du président
Comme président, je suis saisi d'une motion par le leader de
l'Opposition, motion que, avant d'en débattre, je dois déclarer
recevable ou non recevable.
J'aimerais tout d'abord faire remarquer aux membres de cette commission
que l'ordre de la Chambre a été donné d'entendre un
certain nombre d'organismes, mais cet ordre de la Chambre ne fait aucune
obligation aux organismes de se présenter devant nous. Donc, il est
concevable que la Chambre donnant cet ordre devait, en même temps,
envisager la possibilité qu'un certain nombre de groupes ne se
présentent pas. Et, dans les circonstances, ces invitations ayant
été faites et un certain nombre de groupes se désistant,
il n'y a, à véritablement parler, aucune surprise ni
contradiction vis-à-vis de l'ordre de la Chambre.
L'autre particularité, c'est qu'il y a une possibilité que
jeudi qui vient, ainsi que mercredi de la semaine prochaine, mercredi matin par
voie de conséquence, que jeudi soir soit prononcé le discours sur
le budget par le ministre des Finances et que, par voie de conséquence,
mercredi matin ait lieu la réplique du porte-parole de l'Opposition
officielle. Cependant, cette commission n'en est pas informée
officiellement, ni la Chambre d'ailleurs. Nous sommes donc dans des
hypothèses qui
sont fort plausibles, mais qui ne sont pas encore établies d'une
façon certaine.
Il s'agira pour la commission, bien sûr, éventuellement,
quand elle sera sûre de cette éventualité,
c'est-à-dire la présentation du budget jeudi soir, d'ajuster ses
travaux en conséquence, et elle aura l'obligation de le faire. Mais,
actuellement, nous n'en sommes pas là.
La motion qui nous est présentée actuellement va
globalement dans le sens de permettre à la commission de
réaménager son horaire, lui permettre de fonctionner normalement
et d'arriver aux résultats qu'elle poursuit. Donc, sur la nature de la
motion, je n'ai pas de problème. Ce avec quoi j'ai un problème,
c'est le moment où cette motion- est présentée. Ce que je
rends comme décision, c'est que cette motion, comme telle, est
rece-vable, mais pas au moment où nous nous parlons, parce que nous
sommes encarcanés dans un ordre de la Chambre qui ne nous donne aucune
latitude. De 10 heures à 11 heures, nous devions, pour respecter cet
ordre de la Chambre, entendre les remarques préliminaires du ministre
responsable, du porte-parole de l'Opposition ainsi que du représentant
du Parti Égalité.
Il est possible qu'ultérieurement nous soyons obligés de
réaménager nos travaux, comme je l'ai dit, et à ce moment,
cette motion pourrait être débattue, déclarée
recevable non seulement quant à sa forme et au fond, mais quant au
moment où elle est présentée pour que nous puissions en
débattre. Comme président, je suggérerai quelques moyens
pour qu'elle puisse donner lieu à des ententes, parce qu'une motion qui
ne donne pas lieu à des ententes ne servirait à rien. Il y aura
évidemment la possibilité d'une conférence des leaders,
nous l'avons déjà indiqué; il y aura aussi la
possibilité d'une séance de travail.
Je déclare, quant au moment choisi, cette motion, pas sur la
forme, pas sur le fond, comme étant irrecevable, quitte à ce
qu'elle nous revienne plus tard et qu'il puisse en être discuté
à un moment opportun. Ce matin, nous sommes et je suis, comme
président, responsable de voir à l'exécution et je suis
ligoté en ce qui concerne l'utilisation du temps de la commission. Nous
devons, cet avant-midi, entendre les remarques préliminaires.
Alors, c'est ma décision.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, sans vous contredire
je n'ai pas le droit de contredire votre décision je
voudrais déposer à la commission, avec votre permission, le
communiqué de presse de M. Gérard D. Levesque qui dit
officiellement que c'est jeudi soir à 20 heures et qui va un petit peu
à rencontre du fait que la commission ne soit pas avisée, puisque
ça a été redistribué à chacun des
députés de l'Assemblée nationale par le bureau du ministre
lui-même, par M. Francis Nadeau, du cabinet du ministre des Finances,
première chose.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: Deuxième chose, c'est une ques- tion
d'information.
Si vous êtes encarcané ce matin parce que l'ordre de la
Chambre dit «de 10 heures à 11 heures, vous devez entendre des
remarques préliminaires», à 11 heures, vous deviez entendre
le premier groupe, vous êtes encarcané. À midi, il n'y a
pas d'autre groupe, vous êtes correct. Après midi, il y a
désistement; vous êtes encarcané, c'est deux groupes que
vous deviez entendre. Pourriez-vous m'indiquer à quel moment vous allez
vous sentir désencarcané avec un ordre de Chambre que vous ne
pouvez pas sortir du carcan ce matin?
Le Président (M. Doyon): J'ai évidemment
envisagé cette possibilité-là. Au moment où
j'aurais pu vous dire finalement qu'aucune motion et aucune discussion, aucune
demande d'information n'était admissible, je l'ai fait dans le but de
faciliter les travaux de cette commission.
Il est sûr que si cette commission décidait qu'il est 10 h
57 et que les remarques préliminaires sont terminées et que c'est
comme ça, je serai dans rembarras. Mais je crois que nous n'avons pas
intérêt à donner le spectacle d'une commission qui ne veut
pas faire le travail. Compte tenu que nous nous rendons à 11 heures,
actuellement, pour pouvoir accommoder le leader de l'Opposition, je pense qu'il
comprendra que ce serait difficile de passer dès maintenant à une
autre étape de nos travaux sans avoir fait la première.
M. Chevrette: M. le Président, vous avez fait partie de la
commission de l'Assemblée nationale. Vous savez pertinemment que le seul
temps, en vertu de la jurisprudence, pour présenter des motions en
commission quand c'est un ordre de la Chambre, c'est avant que l'ordre du jour
ne soit amorcé. Vous ne l'avez pas nié dans votre exposé,
mais vous ne pouvez pas me donner une réponse...
Et c'est là que je vous pose une question très
sérieuse. Vous ne pouvez pas vous sentir encarcané quant au
moment précis d'un point à cause de l'ordre, qui est celui des
remarques préliminaires, parce que je vous dirais: À ce
moment-là, l'ordre vous dit qu'à 11 heures, c'est les chambres de
commerce, voulez-vous les appeler, M. le Président? Ça serait le
carcan que vous avez si j'interprète votre propre décision. Donc,
je vous demanderais, M. le Président, d'appeler le premier groupe en
vertu de l'ordre qui vous crée un carcan. Si on veut discuter du carcan,
on va en discuter.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski. (11 heures)
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, avec tout le
respect que j'ai pour l'Opposition officielle, je pense qu'en vertu de
l'article 41 vous avez déjà rendu une décision et,
nécessairement, on pourrait discuter longtemps de votre jugement
à cet égard. Cependant, je pense que nous avons manifesté
de notre côté une très grande ouverture d'esprit, à
savoir que nous avons
proposé une conférence des leaders, ce qui n'est pas
rejeté dans un premier temps. Nous vous proposons une séance de
travail également, et je pense qu'en vertu de la décision de la
présidence qui vient d'être rendue, nous devrions procéder
à entendre les remarques préliminaires pour ne pas retarder
indûment cette commission parlementaire. Après, nous pourrons
disposer de votre motion, s'il y a lieu, mais pour le moment, je pense que la
décision est rendue, et nous devrions procéder aux remarques
préliminaires.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse... Le
Président (M. Doyon): M. le député.
M. Chevrette: ...mais je vais intervenir sur le fond des propos
mêmes du député de Rimouski. Vous ne pouvez pas et
je sais que vous ne le feriez pas non plus demander à un
président de commission ou même de l'Assemblée nationale
d'avoir des propos différents selon le moment dans lequel on se situe.
L'argumentaire pour juger de l'opportunité de recevoir ou non, à
mon point de vue, n'est pas valable.
Je vous pose une question de règlement à ce stade-ci. Vous
avez à juger de la recevabilité ou de la non-recevabilité.
Vous avez tranché qu'elle était recevable, la motion; vous avez
jugé que c'était inopportun et vous me donnez l'exemple du
carcan. Vous devez donc me répondre, en toute justice, quand ma
proposition pourrait être présentée. Si elle n'est pas
présentable au moment des remarques préliminaires, elle ne peut
pas l'être à 11 heures, si vous avez un carcan, parce que c'est la
Chambre de commerce qu'on voudrait entendre. C'est l'argumentaire même de
vos... C'est votre propre argumentation, donc.
Je veux bien, M. le Président... Je sais, vous l'avez
vous-même dit, que vous seriez mal pris, dans votre propre
décision. Je ne veux pas chercher à vous prendre plus mal,
davantage, mais je vous dis qu'il faut au moins une cohérence au niveau
de la décision. Moi, je pense que vous aviez l'opportunité, en
deux phrases, de dire: C'est l'Assemblée nationale qui a
décidé. On lui fait rapport comme quoi on ne peut pas s'en sortir
correctement pour faire des travaux cohérents. On vous fait un rapport
préliminaire et l'Assemblée nationale va le modifier. Parce qu'on
ne peut pas le modifier selon la décision du président, on ne
peut plus modifier l'ordre de la Chambre. Donc, à 15 heures, on va venir
ici, on va appeler les manufacturiers québécois. Où
sont-ils? C'est un ordre de les entendre. Ils se sont désistés.
Bonjour! Merci.
On va entendre à 16 heures. Vous allez appeler le groupe.
Bonjour! Vous deviez venir... Ils ne sont pas là. Vous fermez la TV et
vous rentrez jusqu'à 18 heures. Voyons! Ça ne marche pas de
même, ça! Si vous voulez qu'un Parlement fonctionne, il aurait
fallu au moins prendre la précaution d'appeler les groupes quand on les
a cédulés, quand on veut se barricader dans une formule
fermée. Et j'écoutais le ministre dire: C'est un droit le plus
fondamental que de se désister. Est-ce que c'est un droit fondamental
que de se faire entendre, M. le ministre? Il y a des groupes qui veulent se
faire entendre. Droit pour droit, on peut en discuter un petit peu! Vous vous
êtes montré ouvert, depuis quelques jours, mais après que
vous l'avez dit, vous vous refermez tout de suite.
Pourriez-vous vous ouvrir et nous dire quels groupes vous voulez
entendre? On va combler les endroits où il y a de la place et on va
entendre le Conseil de langue et on va entendre les jeunes qui veulent
être entendus, les étudiants. On va entendre la
société nationale de l'ouest de Montréal, pour faire
plaisir à M. Libman, et etc. On va pouvoir se parler un peu. Ça
doit être un droit aussi fondamental de se faire entendre que celui de se
taire ou de se désister.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu.
M. Chevrette: Le PLQ s'est désisté. A-t-il
été consulté avant de faire partie de la motion de M.
Paradis en Chambre? Parce qu'il dit que vous avez décidé selon sa
propre résolution du conseil. Ça aurait été
intéressant de demander au Parti libéral. Et vous n'ajoutez pas
que les grands commerces ne devraient pas afficher, pour voir si ça
s'inspirait bien de la décision du conseil national; ils ne viennent
plus. On fait quoi, de l'improvisation?
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président.
Je constate la volonté du leader de l'Opposition de faire avancer
les travaux d'une façon remarquable. Il a une ouverture proverbiale. Il
a une expérience très claire de ne pas mettre de carcan quand il
veut et de mettre des carcans quand il ne veut pas, mais je reviens sur la
motion.
La motion est intéressante. Vous l'avez mentionné avec
sagesse, M. le Président. Elle pourrait être
présentée au moment opportun. À mon sens, l'ouverture de
la conférence des leaders avec une séance de travail, ça
serait opportun si l'objectif premier du leader de l'Opposition est de
faciliter les travaux de notre commission, c'est de retourner au mandat
même, à la motion même. L'objectif et la nature de notre
mandat, ça veut dire écouter les remarques préliminaires
des groupes, du ministre et de l'Opposition, et du député de
D'Arcy-McGee. Si on ne fait pas ça, on va tourner autour du pot.
Le leader de l'Opposition, je suis assuré que son objectif, ce
n'est pas de mettre de carcan, c'est de donner un envoi à cette
commission pour qu'on atteigne l'objectif de notre mission. Je doute fort qu'il
ait une autre pensée derrière la tête. C'est pour ça
que je vous demande, M. le Président, humblement, de procéder aux
remarques préliminaires.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Chevrette: Je vais vous poser deux petites questions. Je veux
aller vite, oui, mais on ne me donnera pas n'importe quel motif, puis on ne me
donnera pas n'importe quelle raison.
M. le Président, l'objectif d'une commission, c'est bien
d'entendre du monde, oui ou non?
Le Président (M. Doyon): Je vous écoute, M. le
député.
M. Chevrette: Est-ce que c'est bien d'entendre des citoyens?
Le Président (M. Doyon): M. le député...
M. Chevrette: Ce n'est pas de s'entendre et de s'écouter
ici, premièrement.
Deuxièmement, les remarques préliminaires, au point de vue
des règlements, M. le Président, dans les motions, pour favoriser
le mandat d'une commission, est-ce qu'elles doivent se faire au début,
oui ou non? C'est une question de directive que je vous demande.
Le Président (M. Doyon): Ce que je constate, M. le
député, c'est que la Chambre, par un vote, a confié
à cette commission un mandat, dont j'ai fait lecture tout à
l'heure, et a indiqué que pour accomplir notre mandat nous devions
procéder de telle et telle façon. Je vous indique qu'en vertu de
l'article 138 du règlement, j'ai, comme président, l'obligation
d'organiser les travaux de la commission et d'en assurer le bon fonctionnement.
C'est une latitude qui ne m'a pas été enlevée par la
motion, c'est une latitude que je conserve et c'est une latitude qui me permet,
parce que je considère que la question d'heure, à savoir si on
est une heure en avant, une demi-heure en avant ou en retard, c'est une
question d'organisation des travaux et, en tant que président, je ne
considère pas que je déroge à l'ordre de la Chambre si je
procède à l'audition des remarques préliminaires me
fondant sur le droit qui m'est accordé, comme président, de faire
en sorte que les travaux soient organisés et que le bon fonctionnement
nous permette d'atteindre le but, qui est de procéder à entendre
des organismes et à les consulter.
Donc, je vous informe que j'ai l'intention de permettre au ministre de
procéder à ses remarques préliminaires dès
maintenant et je donnerai, après, la parole au porte-parole de
l'Opposition officielle pour faire de même; après, le
représentant du Parti Égalité pourra procéder de la
même façon.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, sur une
question de règlement, vous demander... Vous n'avez pas répondu
à ma question, et je vous la repose.
Et vous avez, je crois, le devoir de me répondre.
Les motions visant à aider la réalisation du mandat, qui
sont présentées au moment où tous vos
prédécesseurs ont jugé qu'elles devaient être
présentées, vous venez de décider quoi? Que ce n'est plus
le moment, alors que toute la jurisprudence... Et, quand vous invoquez
l'article 138, M. le Président, je vous ferai remarquer que vous
dérogez précisément, vous-même, à l'ordre de
la Chambre. Alors, 235 fut la proposition par laquelle il y a eu motion en
Chambre; vous vous rappellerez, M. le Président. Si on a senti le besoin
de mettre les remarques préliminaires avec le temps de chacune d'elles,
ça devenait un ordre de la Chambre et non plus un agencement qui vous
était laissé en vertu de 138, si on veut jouer au
règlement. Même votre conseiller ne peut pas dire le contraire
parce que c'est un ordre de la Chambre, c'est 235. Le leader a pris la peine de
définir les temps de parole, de définir l'ordre, et ce n'est plus
laissé à la commission en vertu de 138. M. Major ne pourrait pas
dire le contraire de ça, c'est 235 et c'est la Chambre, et c'est
moi-même qui ai soulevé la question de privilège, M. le
Président.
Vous ne pouvez pas avoir deux discours juridiques: un quand ça
fait notre affaire et l'autre quand ça ne fait pas notre affaire. Il y
en a qui vont réaliser qu'ils vont avoir une cohérence au niveau
du droit, en tout cas; sinon, moi, je vais le leur rappeler, si bons
conseillers soient-ils. (11 h 10)
Le Président (M. Doyon): Bon. Moi, j'ai rendu ma
décision, et je vous signale que cette décision-là est
basée sur le fait que nous avons un ordre de la Chambre, que, dans les
circonstances, cette procédure qui est la nôtre actuellement ne
nous donne pas les mêmes latitudes que nous aurions si c'était une
commission ordinaire. Je dois, comme président j'ai cette
responsabilité et j'ai l'intention de l'assumer faire en sorte
que les consultations se déroulent, que les gens qui veulent être
entendus soient entendus, que ceux qui ne veulent pas être entendus ne
soient pas dérangés et ne soient pas mis en question: ils ont le
droit de venir, ils ont le droit de s'absenter.
Et dès maintenant, sans plus de préambule, je donne la
parole à M. le ministre.
Motion proposant que le ministre dépose
les projets de règlements concernant
l'application du projet de loi 86
M. Chevrette: M. le Président, j'aurais une motion
à proposer, qui est la suivante. Je vais vous la trouver, là,
ça s'en vient. Oui. «Que la commission de la culture souhaite que
le ministre chargé de l'application de la Charte de la langue
française mette j'allais dire «de la langue
anglaise», mais on a corrigé, on a dit «de la langue
française» à la disposition des membres une copie
des projets de règlements concernant l'application du projet de loi 86,
Loi modifiant la Loi de la Charte de la langue
française, et ce dans le but d'éclairer les groupes,
organismes et individus qui témoigneront dans le cadre des consultations
particulières.»
Si vous voulez nous entendre sur la recevabilité, M. le
Président, je suis prêt également. Et ça me
permettra du juger de la cohérence des procéduriers des
commissions.
Le Président (M. Doyon): Je voudrais avoir copie de cette
motion. Merci.
Je suis prêt à vous entendre, M. le
député.
Débat sur la recevabilité M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, c'est exactement un cas
identique suivi d'un ordre de la Chambre.
Je vous réfère au 17 février 1993, M. le
Président, et c'était marqué à la page 1760 de la
commission du budget et de l'administration: «Dans le présent cas,
notre mandat est prioritaire en vertu de l'article 146; il s'agit d'entendre
des organismes en vertu des articles 166, 167. L'ordre de la Chambre est
impératif de tenir cette consultation, et nous nous devons de la
faire.»
Donc, M. le Président, je dépose à ce stade-ci
cette motion, avant même l'adoption de l'ordre du jour, pour une raison
bien simple. C'est en effet la voie que m'indique la jurisprudence
tracée par le président de la commission du budget et de
l'administration dans quatre décisions rendues les 15, 16, 17 et 18
février 1993, dans un contexte similaire, à savoir la
consultation générale sur le financement des services publics au
Québec. Je vous réfère particulièrement à la
décision du 17 février, où M. Major était
conseiller spécial du président qui présidait,
rapportée au Journal des débats de la commission du budget
et de l'administration. La motion présentée alors par la
députée de Taillon exprimait le souhait que le président
du Conseil du trésor mette à la disposition des membres divers
documents concernant les chevauchements administratifs.
Le président a jugé qu'il n'était pas opportun de
le faire à 15 h 6, soit au milieu d'une séance, mais il indiquait
dans un même souffle la procédure à suivre: «Demain
matin, au début de la séance, avant l'adoption de l'ordre du
jour, rien ne vous empêche de présenter cette motion, vous pouvez
très bien le faire.» Et ça, c'était sous les
conseils judicieux de M. Major, secrétaire de la commission.
Ce qui est important, M. le Président, c'est que la motion ne
vise pas à entraver ou à empêcher l'exécution de
l'ordre de l'Assemblée. Ce n'est pas le cas ici, puisqu'elle vise dans
son essence même à faire en sorte que le ministre fournisse un
outil de travail essentiel à la bonne exécution par les membres
de la commission, et les invités qui y seront reçus, du mandat
qu'ils ont reçu de l'Assemblée.
De par sa formulation, elle n'est même pas contraignante pour le
ministre, il s'agit d'une demande de la commission ou d'un souhait. Et le terme
«souhait», je vous prierais de bien retenir cela.
Quant à la recevabilité, elle ne fait aucun doute. La
jurisprudence est constante et persistante, à part ça. Les
précédents sont nombreux. La décision du président
Guy Bélanger concernant les projets de règlements, concernant le
projet de loi sur la sécurité du revenu, et je vous
réfère au 30 novembre 1988 de la commission des affaires
sociales, à la page 2303. Décision du vice-président
Saintonge, à l'époque où il était
vice-président de l'Assemblée, concernant le projet de
règlement relié au projet de loi 178. Ça
«peut-u» être plus relatif? Là, 86 vient d'amender
178, M. Major et M. le député de Louis-Hébert. Donc, M.
Saintonge disait quoi? Il disait carrément que c'était acceptable
comme motion.
Plus encore, je vous réfère à la décision de
Jean-Guy Lemieux du 18 février, commission du budget et de
l'administration, toujours accompagné du très solide M. Major
comme conseiller, qui s'applique avec d'autant plus de pertinence que la
commission exécutait un mandat de consultation, et je le cite:
«Alors, comme j'en arrive à la conclusion, eu égard
à la jurisprudence qui a déjà été
citée à la commission de l'Assemblée nationale, à
la commission des affaires sociales, eu égard à une
décision du vice-président Saintonge du 21 décembre 1988,
et ainsi de suite, j'en arrive à la conclusion que, effectivement, elle
n'est ni contraignante et elle n'empêche pas l'exécution de
l'ordre.»
M. le Président, la jurisprudence, comme on se plaît
à le dire devant tous nos concitoyens, c'est la cohérence et la
constance. On ne peut pas changer de plat selon le menu législatif au
point de vue de la procédure et des droits parlementaires, sinon on
passe pour des Ti-coune. «Je vous dirais même plus que ça.
J'ai vérifié une vingtaine de ces motions-là, et elle est
de ce qu'il y a de plus classique, à la fois au niveau des virgules et
des points.» Et ça, c'est ce que M. Lemieux disait, là. M.
Lemieux disait: «Je vous dirais même plus que ça et
vous savez comment M. Lemieux fouille ses dossiers avec ses spécialistes
j'ai vérifié une vingtaine de ces motions-là, et
elle est de ce qu'il y a de plus classique, à la fois au niveau des
virgules et des points. «Alors, pour moi toujours M. Lemieux qui
parle elle ne pose aucun problème d'ordre juridique et elle est
recevable.»
Donc, M. le Président, j'espère que la présidence
va s'inscrire dans la logique, la cohérence et la constance de nos
règlements ici, à l'Assemblée nationale, sinon je vais
demander au président de faire passer quelques tests sur
l'interprétation de la cohérence et de la jurisprudence.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député de Rimouski.
M. Michel Tremblay M. Tremblay (Rimouski): M. le
Président, vous
comprendrez que je suis contre cette motion et qu'elle contrevient
définitivement à l'ordre de la Chambre. Elle est dans le
même style que l'autre, qui a été présentée
précédemment.
Je vous rappellerai, pour votre gouverne, l'article 244, étude
détaillée d'un projet de loi, motion préliminaire,
dépôt de documents, le 16 juin 1986, par M. Guy Bélanger,
président de la commission: «Lors de l'étude
détaillée d'un projet de loi, un député de
l'Opposition propose une motion visant à ce que le ministre
dépose devant la commission les règlements découlant d'une
disposition du projet de loi sous étude. «Cette motion
préliminaire est-elle recevable?»
La décision du président: «La motion est irrecevable
puisqu'il apparaît difficile de demander des règlements qui
découlent d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté. Les
règlements n'ont aucune valeur tant que la loi n'est pas adoptée,
et l'on présume que le ministre n'exercera son pouvoir de
réglementation qu'une fois la loi adoptée.»
Donc, la décision, nécessairement, avait été
rejetée par le président, et je fais référence au
recueil de la commission, à la page 244/13. M. le
Président...
M. Chevrette: M. le Président, sur la motion, est-ce qu'on
pourra démontrer que ça a été renversé par
M. Saintonge lui-même en 1988?
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je vous demande
de faire référence à cette décision. Je pense
qu'elle est tout à fait pertinente dans la présente motion, et je
pense qu'elle pourra faire jurisprudence, j'en conviens.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
M. Chevrette: ...sur ce point précis, si M. le
député de Rimouski avait continué sa recherche, il se
serait rendu compte qu'en 1988 M. le vice-président Saintonge a
précisément renversé cette décision-là.
Quand on marquait «les projets de règlements», ça
devenait admissible, et ça a été renversé.
Malheureusement, votre exemple ne tient plus à cause de la jurisprudence
du président même de l'Assemblée nationale
d'aujourd'hui.
Et je vous remercie de l'avoir souligné; c'est pour montrer
comment on peut se servir de choses vétustés et
dépassées quand on improvise.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, c'est vous qui
rendrez votre décision, et je vous fais confiance à cet
égard.
Décision du président
Le Président (M. Doyon): Alors, pour les mêmes
raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, sur le fond de la
motion, comme elle est présentée, nous pourrions... cette
commission pourrait en discuter, sauf que ce n'est pas le moment, parce que,
encore une fois, ça a pour effet d'empêcher cette commission de
réaliser son mandat et, comme président, je dois voir et faire en
sorte que le mandat qui a été confié à cette
commission puisse être exécuté. Débattre de cette
motion, ça aurait pour effet de rendre impossible à cette
commission l'exécution du mandat qui est le sien. Pour les mêmes
raisons, je dis que le moment opportun n'est pas maintenant. Ça pourra
être fait à un autre moment, mais ce n'est pas à l'heure
où nous nous parlons que la chose peut être possible. C'est ma
décision. (11 h 20)
M. Chevrette: M. le Président, sans contrevenir à
votre décision, vous devez au moins répondre à une
directive.
Si vous jugez du moment, vous vous permettez de juger du moment, au
moment où je le fais, vous devez avoir la décence de me donner le
moment où ça sera correct, et vous ne répondez pas.
Ça, je m'excuse, mais je suis au moins en droit parlementaire de vous
dire qu'un président qui porte un jugement de non-opportunité
doit être capable d'en porter un d'opportunité. Je vous demande
donc quand la motion sera recevable.
Le Président (M. Doyon): Je suis prêt à
prendre ça en délibéré.
M. Chevrette: Bon. Eh bien, tout de suite, parce que c'est
important, M. le Président, et vous le savez. Sinon, M. le
Président, vous allez être jugé de la façon
suivante. Je vais vous le dire.
Vous ne pouvez pas, devant cette assemblée, ici, juger de la
non-opportunité: Je prends ça en délibéré,
parce que j'ai une décision, pour plaire au ministre. Ça ne
marche pas de même, ça. Vous devez prendre une décision
d'opportunité, tout autant que vous en prenez une de
non-opportunité. Je vous dis donc: Si votre jugement vous dit que ce
n'est pas opportun à ce moment-ci, votre jugement doit être
capable de vous indiquer le moment où ça deviendra opportun. Et
ça, c'est ce que je vous demande, en droit parlementaire le plus strict,
de me donner avant de commencer les travaux.
Le Président (M. Doyon): Ce que je vous indique, M. le
député, cette décision, je la rendrai à un moment
ultérieur, alors que j'aurai pu vérifier les moments qui sont
opportuns pour ce faire. À brûle-pourpoint, compte tenu de
l'importance et des répercussions de la discussion de cette motion sur
les travaux de cette commission, je ne suis pas en mesure de me rendre à
votre demande maintenant, et je n'accepterai pas d'ultimatum, d'aucune
façon. Je n'accepterai pas d'ultimatum. Je suis ici pour présider
les travaux de cette commission. Je suis ici pour qu'il se passe quelque chose
d'utile dans cette commission, et je ne fais que faire le travail qui est le
mien et exécuter les devoirs de ma charge en permettant au ministre de
commencer avec les
remarques préliminaires.
Nous devions commencer à 10 heures. J'ai accepté, M. le
député de Joliette, que vous y alliez de bon gré et
ça se retourne maintenant contre la commission, c'est-à-dire
à rencontre du mandat qui nous a été confié. Je
vous assure, M. le député, que s'il y avait piège
là-dedans, ce n'est pas très glorieux.
M. Chevrette: Je m'excuse, question de règlement.
Le Président (M. Doyon): Un instant, je n'ai pas
terminé. Ce que je voudrais, c'est que nous puissions permettre au
ministre... Je sais que vous avez des gens de votre côté qui sont
prêts à faire des remarques préliminaires aussi. Je sais
que le député du Parti Égalité est aussi
prêt, il est ici pour ça. Nous avons les caméras de
télévision, nous avons les journalistes, et j'imagine que ce
n'est pas les débats de procédure que nous tenons actuellement
qui les intéressent; ils sont ici pour entendre parler du projet de loi
que la commission a mandat d'étudier et sur lequel la commission a
mandat de procéder à des consultations. Si nous ne faisons pas
ça, nous sommes à rencontre du mandat.
Alors, M. le ministre...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, vous êtes là
aussi pour le respect le plus intégral des règlements de
l'Assemblée nationale. Ça, c'est votre premier rôle, et
vous ne l'avez pas mentionné. Avec tout le respect que j'ai pour vous,
vous n'êtes pas là pour protéger le droit de quelqu'un qui
est supposé écouter des groupes, parce que c'est le mandat et
l'ordre de la Chambre, vous êtes là, d'abord et avant tout, pour
respecter les droits fondamentaux des parlementaires et des règlements
de l'Assemblée nationale. Et quand vous refusez, M. le Président,
vous vous créez le carcan vous-même de l'ordre de la Chambre pour
juger inopportune une question... Vous la jugez recevable, mais vous dites que
ce n'est pas le moment.
Je vous demande quand ça sera le moment, et là, vous
n'avez plus de jugement pour porter un jugement d'opportunité.
Ça, ça commence à sentir autre chose. Ce n'est pas le
rôle de la présidence, M. le Président, de prendre parti
dans l'interprétation de la réglementation. Le rôle de la
présidence, c'est d'appliquer le règlement dans le sens de la
tradition, de la jurisprudence. Et toute la jurisprudence, dans le cas d'une
commission avec un ordre de la Chambre, est à l'effet, M. le
Président, que les remarques préliminaires ou les motions
préliminaires...
Le Président (M. Doyon): Je vous rappelle à l'ordre
dès maintenant, M. le député, parce que...
M. Chevrette: C'est ça, parti pris, M. le
Président, comme la motion en Chambre. Et vous affichez vos
couleurs.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député!
M. Chevrette: Votre jupon dépasse, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Vous vous adressez à la
présidence, M. le député!
M. Chevrette: Ça ne me fait rien du tout. Vous prenez
parti, vous n'avez pas le droit.
Le Président (M. Doyon): Non, je n'accepte pas, M. le
député...
M. Chevrette: Acceptez-le ou pas, moi, je vous le dis, M. le
Président, vous avez l'air partisan. «C'est-u» clair?
Le Président (M. Doyon): Un instant. À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Chevrette: Comme vous l'avez été dans la motion
en Chambre.
Le Président (M. Doyon): J'indique à cette
commission que l'article 41 indique que les décisions du
président ne peuvent être discutées. «Le
président se prononce sur les rappels au règlement au moment
où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision. Il
peut aussi choisir de soumettre la question à
l'Assemblée.»
Alors, je ne rends pas les décisions dans un esprit partisan, je
le fais en tenant compte des droits des parlementaires, en tenant compte du
mandat qui a été confié à cette commission par
l'Assemblée nationale, en tenant compte du fait que nous avons un sujet
important à discuter. Je me prévaux des pouvoirs qui sont les
miens, qui me permettent d'organiser les travaux pour que nous puissions
arriver à quelque chose.
Le jugement que vous portez sur la présidence, M. le
député, en plus d'être injuste, est extrêmement
dommageable aux travaux que nous allons entreprendre. En plus d'être
injuste!
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Chevrette: Je vous demanderais de respecter l'ordre de la
Chambre et d'appeler le groupe qui est supposé être entendu, selon
votre propre carcan.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, c'est de la
diversion.
M. Chevrette: Non, non, je lui posais une question. C'est
lui-même qui m'a répondu qu'il avait un
carcan; donc, je lui demande d'appeler...
Le Président (M. Doyon): J'ai déjà
indiqué... M. Chevrette: Appelez votre groupe.
Le Président (M. Doyon): ...qu'en vertu d'une
décision qui me permet, comme président, d'organiser les travaux,
je considère que l'heure des interventions est une question
d'organisation interne et que, dans les circonstances, je dispose des pouvoirs
nécessaires pour inviter le ministre responsable de la loi à bien
vouloir s'adresser à cette commission.
M. le ministre, vous avez la parole.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, la langue française est
notre bien collectif le plus précieux, elle exprime ce qu'il y a de plus
fondamental en nous. Nous sommes profondément attachés à
son maintien et à son rayonnement, au Québec d'abord, mais aussi
à travers le Canada et même dans l'ensemble du continent
nord-américain. Elle est un bien qui appartient en propre, cela va de
soi, à ceux qui la parlent comme leur langue maternelle, mais la langue
française est beaucoup plus large et universelle. Elle appartient aussi
à tous ceux qui veulent l'apprendre, qui veulent la parler, qui veulent
bénéficier des richesses inestimables de la culture dont elle est
l'expression.
Normalement, la langue n'a pas besoin de la protection spéciale
de l'État pour s'exprimer dans une société. Mais au
Québec, étant donné le contexte géographique,
politique, économique, social et culturel particulier qui est celui du
Canada et de l'Amérique du Nord, il est apparu à
l'Assemblée nationale, à plusieurs reprises, qu'une protection de
nature spéciale devait être accordée à la langue
française par voie législative, et le gouvernement actuel estime
qu'il faut continuer d'assurer la force, la santé et le rayonnement du
français en recourant à des mesures législatives.
Il ne suffit pas toutefois d'affirmer l'importance que nous attachons
à notre langue, il faut le faire dans le respect des droits individuels
que nous nous sommes engagés à protéger et à
respecter, non seulement dans la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, mais aussi dans la Charte canadienne des droits
et libertés et dans la décision que le gouvernement du
Québec a librement prise, de sa propre initiative, en souscrivant, en
1976, au pacte international relatif aux droits civiques et politiques, ainsi
qu'au protocole qui accompagne ce document.
En outre, lorsqu'on agit par voie législative sur la question
linguistique, il faut le faire en ayant une juste perception de la place
qu'occupent la langue anglaise et la langue française dans l'histoire et
le développement du Québec et du Canada. Ni le français ni
l'anglais ne sont des langues comme les autres au Canada. Elles ont toutes deux
des racines historiques, un statut constitutionnel et juridique
différent, et prétendre faire abstraction de cette
réalité, je pense que c'est vouloir légiférer d'une
manière qui ne peut pas engendrer des fruits justes et des
résultats efficaces. Il faut légiférer en ces
matières dans le respect des droits proprement linguistiques que nous
devons distinguer des droits individuels parce qu'ils ne sont pas du même
ordre, les droits proprement linguistiques que garantit la Constitution de ce
pays.
Notamment, dans l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et
dans l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, on trouve des garanties
précises concernant les droits des francophones et des anglophones en
matière d'enseignement, de justice et de législation. Si l'on
veut légiférer de manière sérieuse, il faut tenir
compte de ces réalités. (11 h 30)
II faut enfin agir, en matière linguistique, en tenant compte de
l'état de l'opinion publique et de l'évolution
générale de la société. Depuis l'entrée en
vigueur de la Charte de la langue française, en 1978, on note, à
tout le moins, deux séries de changements significatifs au
Québec.
Tout d'abord, le français a fait des progrès substantiels
dans les domaines de l'enseignement, de l'administration publique, de
l'activité économique, de la vie sociale et culturelle. Nous
n'avons pas le temps d'étayer, à l'aide de statistiques, tous ces
progrès accomplis par le français, mais la brochure que nous
publions régulièrement sous le titre «Indicateurs de la
situation linguistique au Québec» le démontre amplement et
à l'abri de toute contestation.
Deuxièmement, les Québécois veulent que leur langue
soit soutenue et protégée par l'État et la
législation, mais ils veulent de moins en moins et de nombreux
indices l'établissent que cette protection se fasse au prix de
l'interdiction qui serait faite à d'autres d'utiliser une langue autre
que le français, et en particulier l'anglais, pour les raisons que j'ai
données tantôt, dans toute la mesure où l'utilisation de
cette langue ne vient pas violer les droits des francophones.
Voilà la ligne de démarcation qui m'apparaît la
seule juste, la seule vraie, au bout de la ligne. Et c'est en tenant compte de
tous ces impératifs que le gouvernement a procédé à
une révision de la Charte de la langue française et propose, dans
le projet de loi 86, un certain nombre d'ajustements qui paraissent
répondre à des attentes du Québec de 1993.
L'objectif fondamental de la Charte qui est d'assurer la
qualité et le rayonnement de la langue française, de faire du
français la langue de l'État, la langue des lois, la langue
normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, des
affaires et du commerce demeure, n'est pas remis en question par les
modifications que nous proposons à la Charte. Toutes ces grandes
orientations définies dans Charte de la langue française
demeurent. Ainsi, le fran-
çais demeure la seule langue officielle de l'État
québécois et du secteur public et parapublic
québécois, c'est-à-dire la langue qui devra être
utilisée le plus souvent, de manière exclusive, par
l'administration.
Les dispositions voulant que les enfants de foyers immigrants soient
tenus de fréquenter l'école française demeurent
intégralement. Les dispositions relatives à la langue de travail
et la francisation des entreprises sont maintenues le plus souvent dans leur
teneur actuelle, et, dans le cas de la francisation des entreprises, sous des
formes qui en clarifient la portée et en renforcent les effets
éventuels.
Mais le temps était venu d'apporter des modifications à la
loi afin d'atténuer certaines aspérités qui n'ont plus
leur raison d'être dans le contexte d'aujourd'hui, de corriger le manque
de cohérence que l'on avait observé à maintes reprises
à l'occasion de l'application de la loi et, surtout, de corriger
l'impression d'intolérance susceptible d'être créée
au Québec même, et aussi à l'extérieur du
Québec, par des dispositions qui sont de l'avis de tous les
tribunaux qui ont été appelés à se prononcer
à leur sujet, de tous les tribunaux contraires à des
droits dont nous avons garanti la protection, par ailleurs, en particulier la
liberté d'expression.
Voilà donc les motifs qui ont inspiré la rédaction
du projet de loi 86. Ce projet propose essentiellement les changements
suivants.
En matière d'affichage public et de publicité commerciale,
trois règles présideront désormais à
l'activité dans ce secteur, à condition, évidemment, que
le projet de loi soit approuvé par l'Assemblée nationale.
Le français demeurera obligatoire dans toute forme d'affichage
public ou de publicité commerciale, et seul le français devra
obligatoirement être utilisé dans toute forme d'affichage public
et de publicité commerciale.
Deuxièmement, une langue autre que le français pourra
être utilisée dans l'affichage, mais à condition que le
français soit toujours en situation de nette prédominance. Une
autre langue pourra être utilisée; elle ne devra pas
obligatoirement l'être, et les annonceurs, les entreprises qui voudront
faire connaître leurs produits et leurs services sauront très bien
que la population du Québec est francophone à 84 %. Et on ne
s'imagine pas qu'ils seraient assez stupides pour aller s'imaginer que, dans
des régions entières du Québec, il serait profitable pour
eux de vouloir faire de l'affichage dans une autre langue que le
français. Mais la liberté sera là, nous la reconnaissons;
c'est une des caractéristiques fondamentales du projet de loi que nous
présentons.
Troisièmement, le gouvernement pourra définir par
règlement certaines situations où l'affichage pourra se faire
soit exclusivement en français, soit en français et dans une
autre langue sur un pied d'égalité, puis sans nette
prédominance soit encore exclusivement dans une autre langue.
Ces règles visent à conserver, dans le domaine de
l'affichage, la place prépondérante que le français oc-
cupe dans la vie collective des Québécois. Mais elles tiennent
compte aussi de certaines règles de souplesse que nous sommes
obligés de considérer quand vient le moment d'appliquer une loi
comme celle-là. Et des dispositions de cette nature se trouvent
déjà dans la Charte de la langue française dans sa
formulation actuelle et n'ont jamais soulevé l'angoisse des
députés dé l'Opposition. Voilà pour l'affichage.
C'est très simple. Nous résumons dans ces considérations
ce qui traite de l'affichage.
En matière d'enseignement, le projet de loi maintient
essentiellement l'équilibre actuel, tout en définissant avec
prudence certaines ouvertures devenues nécessaires.
Pour tous les parents québécois nés au
Québec autant qu'immigrants l'obligation d'inscrire leurs enfants
à l'école française demeure. Font seule exception à
cette règle comme c'est le cas actuellement les enfants de
parents ayant reçu, au Québec ou au Canada, la majeure partie de
leur enseignement primaire en anglais. Alors, la règle de base est
maintenue. On a beau répandre tous les bobards qu'on voudra, c'est
ça, la vérité.
Deuxièmement, la Charte prévoit actuellement que, dans les
écoles françaises, l'enseignement doit se donner en
français. La loi actuelle a cependant donné lieu à des
interprétations qui créent des contraintes inutilement lourdes
pour l'apprentissage normal d'une langue seconde. Le projet de loi propose,
à cet égard, une modification qui, tout en maintenant le
caractère obligatoire primordial du français dans les
écoles françaises, permettrait une plus grande mesure de
souplesse dans l'apprentissage d'une langue seconde.
La Charte, dans la version qui a toujours été
présentée à la population jusqu'à ce jour, est
rédigée comme si le Québec avait déjà
cessé, depuis plusieurs années, de faire partie du Canada. Elle
est rédigée comme si certains jugements émis par les
tribunaux n'avaient jamais été émis par personne. Nous
continuons de présenter à la population une Charte qui est
trompeuse dans son contenu, en ce qui touche la clause Canada, en
particulier.
Et nous disons qu'il est temps de rétablir la
vérité des textes et d'indiquer clairement qu'en matière
d'enseignement, de législation et de justice l'Assemblée
nationale, qui est l'autorité souveraine dans ces choses au
Québec, tient à respecter l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, tout comme l'article 23 de la Loi constitutionnelle
de 1982, et qu'il est possible de tenir compte de ces articles, tout en
affirmant la nette prédominance du français comme langue commune
de la société québécoise.
La Charte autorise présentement l'Office de la langue
française à reconnaître comme aptes à fournir des
services en langue anglaise des municipalités, des hôpitaux, des
services sociaux, des commissions scolaires ou des établissements
d'enseignement qui offrent ou fournissent leurs services à une
clientèle qui est en majorité d'une langue autre que le
français, à condition
que ces organismes puissent offrir des services en français.
À la satisfaction de l'Office de la langue française, ils sont
habilités par l'article 113f de la loi actuelle et la
reconnaissance qu'ils retirent de l'Office au titre de cet article
à fournir également des services en langue anglaise, puis
à organiser une certaine partie de leur fonctionnement interne en
anglais autant qu'en français de même qu'à faire leur
affichage dans les deux langues. Ça existe déjà,
ça. (11 h 40) on pourrait s'interroger sur le seuil
d'admissibilité que définit, à cet égard, la
charte: nous autres, c'est... il faut que 50 % de la clientèle soit
d'une langue autre que le français. si on compare à n'importe
quelle autre législation semblable à travers le monde, c'est
beaucoup plus élevé que ce qu'on trouve partout ailleurs dans le
monde et, même au jugement du sens commun, c'est trop
élevé. mais, comme cette question n'a pas fait l'objet de
débats approfondis jusqu'à maintenant, le gouvernement maintient
ce seuil. cependant, tout autre... et la question du retrait d'une
reconnaissance qui a déjà été donnée: selon
la lettre de la loi actuelle, dès qu'un organisme a une clientèle
qui cesse d'être en majorité d'une autre langue ça
tombe tout de suite à 49 %, 48 % ou 47 %, par exemple là,
normalement, la reconnaissance devrait être retirée par une
décision purement administrative de l'office de la langue
française. nous considérons qu'il ne s'agit pas d'une
décision purement administrative. c'est une décision qui a de
multiples implications culturelles, sociales et politiques, comme l'a
très bien illustré, ces dernières années, le cas de
rosemère. nous disons: comme il s'agit d'une décision hautement
politique, cette décision devra revenir, à l'avenir, au
gouvernement, tandis que sera maintenu le pouvoir qui est accordé
à l'office d'attribuer une reconnaissance à un organisme qui est
au service d'une clientèle en majorité d'une autre langue.
En ce qui touche la langue de l'administration, le projet de loi
maintient le principe suivant lequel le français doit être
obligatoirement utilisé, le plus souvent de manière exclusive.
Mais l'administration, au sens que définit la Charte de la langue
française, embrasse un vaste réseau de services et
d'activités dont certains sont de nature plutôt commerciale. Dans
ces cas, il est normal qu'une certaine souplesse puisse être
envisagée. De même, je donne l'exemple de l'entrée aux
frontières du Québec, par exemple: Qui s'objectera,
honnêtement, à ce qu'on ait des inscriptions souhaitant la
bienvenue aux visiteurs qui arrivent au Québec dans leur langue, qui est
très généralement l'anglais? Actuellement, on ne peut pas
le faire en vertu de la lettre actuelle de la Charte de la langue
française.
Nous avons des musées, jardins botaniques, jardins zoologiques
que nous souhaitons tous voir visités en grand nombre par des visiteurs
de l'Ontario, des Provinces atlantiques et des États-Unis. Est-ce qu'il
n'est pas plus intelligent et plus raisonnable d'avoir des inscriptions pour
les objets qui sont exposés dans ces musées en langue
française d'abord, mais également dans la langue de nos visiteurs
afin de leur montrer que nous sommes contents de les avoir chez nous, que nous
sommes heureux de les recevoir?
Alors, il faut prévoir une certaine mesure de souplesse, et,
déjà, l'Office de la langue française avait
recommandé que nous apportions des modifications aux règlements
de manière que des choses comme celles-là puissent être
faites. Nous les ferons grâce aux modifications que propose le projet de
loi, et je pense qu'il s'agira d'assouplissements fort raisonnables.
Dans le domaine du travail, nous avons accompli, ces dernières
années, des progrès considérables grâce, en
particulier, au travail de l'Office de la langue française. Le
français a fait beaucoup de progrès comme langue de travail, et
nous serons en mesure d'en faire la démonstration plus tard, au cours
des auditions que nous tiendrons ensemble. Il reste...
Le Président (M. Doyon): Je vous signale, M. le ministre,
qu'il vous reste une minute.
M. Ryan: Une minute.
Alors, dans le projet de loi, nous renforçons les dispositions
relatives à la francisation des entreprises. Dorénavant, pour ne
prendre qu'un exemple, toute entreprise qui a reçu un certificat de
francisation sera obligée par la loi d'assurer que le processus de
généralisation de l'utilisation du français dans
l'entreprise continuera, et elle devra, chaque année... à tous
les trois ans, produire un rapport auprès de l'Office à cette
fin.
Actuellement, une entreprise reçoit un certificat, puis, la
plupart du temps, elle n'entend plus parler du gouvernement ou de l'Office
pendant des années, ensuite. Là, nous établirons une
continuité, un suivi beaucoup plus sérieux.
On a beaucoup parlé je termine là-dessus, M. le
Président du pouvoir de réglementation. Nous aurons
l'occasion d'en discuter au cours des auditions, mais j'affirme tout de suite
qu'aucun règlement présentement en vigueur il y en a 17
n'a été mis en vigueur sans avoir été
approuvé au préalable par le gouvernement.
Nous maintenons, nous confirmons ce pouvoir d'approbation du
gouvernement et nous disons que, si le pouvoir d'approbation appartient au
gouvernement, il ne peut pas appartenir à deux instances en même
temps. Et, là où il y avait équivoque dans la loi, nous
clarifions les choses, ce qui n'empêchera pas l'Office de la langue
française, s'il juge opportun de proposer des modifications aux
règlements existants, de le faire en tout temps. Mais il sera clairement
établi que le pouvoir de décision en cette matière
appartient au gouvernement. Comme je le soutiens...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre...
M. Ryan: ...c'a été le cas dans tous les
règlements appliqués jusqu'à maintenant sous
l'autorité de la Chambre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Je signale aux membres de cette commission que le président est
responsable de donner la parole et de l'enlever à qui de droit et je
demande que ce pouvoir, qui est celui de la présidence, soit
respecté.
Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le Président, nous voici donc de nouveau lancés dans le
débat linguistique, un débat devons-nous le rappeler
que personne ne souhaitait et qui ne fait que diviser la
société québécoise au moment où toutes les
énergies devraient être consacrées à sortir de la
récession et à créer des emplois. Un débat malvenu,
donc, mais également un débat que le gouvernement engage de bien
mauvaise façon.
Contrairement aux us et coutumes de notre Parlement, les groupes que
nous entendrons dans les prochains jours ont été choisis
unilatéralement par le parti ministériel, sans consultation de
l'Opposition officielle. À défaut de la consultation
générale à laquelle nous aurions été en
droit de nous attendre tant les modifications de la loi sont importantes,
l'usage aurait voulu que le gouvernement s'enquière auprès de
l'Opposition des groupes qu'elle souhaitait voir participer au débat.
Malheureusement, tel ne fut pas le cas. Par ordre de la Chambre
procédure pour le moins singulière le leader du
gouvernement a imposé l'horaire des travaux de la commission de la
culture ainsi que la liste des organismes invités. Une telle attitude
est déplorable et témoigne du peu de respect qu'entretient le
gouvernement libéral à l'égard des parlementaires.
Le gouvernement fait face, aujourd'hui, aux conséquences de la
démarche qu'il a voulu privilégier dans ce dossier, une
démarche empreinte de fausse précipitation. Le gouvernement est,
en quelque sorte, enlisé dans un bourbier inextricable, où,
aujourd'hui, déjà plusieurs groupes importants se sont
désistés une douzaine tandis que d'autres ont
demandé des reports.
D'un autre côté, paradoxalement, plusieurs organismes qui
ont été écartés ont fait connaître leur
intention de figurer sur la liste. Ces remarques ne visent évidemment
pas à remettre en cause la légitimité des organismes que
nous entendrons dans les prochains jours.
De plus, le gouvernement nous convie à une consultation, alors
que les règlements d'application du projet de loi ne sont pas encore
disponibles. Mais comment évaluer convenablement l'ampleur des
altérations à la loi 101 que nous propose le gouvernement si on
ne dispose pas de ces règlements? Il s'agit d'une question fort
légitime, si on s'arrête quelques instants à la nature et
à l'ampleur des pouvoirs réglementaires qui seront
dorénavant confiés au gouvernement par le projet de loi 86.
En effet, par cette pièce législative, le gouvernement
s'arroge à peu près tous les pouvoirs réglementaires
attribués à l'Office de la langue française par la loi
101. On le sait, c'est à l'Office de la langue française qu'on
avait confié le mandat de traduire concrètement, à l'abri
des pressions partisanes et des lobbies, les dispositions de la Charte de la
langue française. Désormais, ce mandat appartiendra au Conseil
des ministres, qui l'exécutera à sa guise, au fur et à
mesure que s'approcheront les échéances électorales, avec
les conséquences qu'on doute.
Entreprendre cette consultation sans les règles d'application du
projet de loi 86, ce serait signer un chèque en blanc au gouvernement,
et, comme ce fut le cas pour l'accord de Charlottetown, il ne saurait en
être question. Seuls des motifs purement électoralistes inspirent
la démarche libérale.
Ni une soi-disant évolution de la situation linguistique ni le
contexte juridique de la sauvegarde des droits fondamentaux ne sauraient
justifier les modifications profondes, les altérations de la Charte de
la langue française que le gouvernement libéral se propose de
faire adopter. À cet égard, le gouvernement libéral n'a
pas su démontrer en quoi la situation linguistique avait changé
radicalement depuis 1988, et plus particulièrement depuis 1992, au
moment où il plaidait le maintien des dispositions en matière
d'affichage. Pourtant, c'est à lui que revient de démontrer, hors
de tout doute, que des modifications et des affaiblissements à la Charte
de la langue française sont requis dans le contexte actuel.
Faut-il, d'ailleurs, rappeler que le gouvernement plaidait encore
lui-même devant le comité de l'ONU, il y a à peine un an,
la fragilité et la vulnérabilité du français pour
maintenir l'unilinguisme dans l'affichage extérieur? Le gouvernement
cherche à tort une caution dans l'avis du comité de l'ONU. D'une
part, il appert qu'il n'a pas utilisé tous les arguments qui
étaient à sa disposition pour faire valoir son point de vue.
Autrement dit, le comité des Nations unies l'accuse d'avoir mal
plaidé sa cause faut-il s'en étonner? D'autre part, sur le
plan du pacte international et de son protocole facultatif, rien n'indique que
la liberté d'expression commerciale, reconnue par le comité,
s'applique tout autant aux corporations qu'aux individus. (11 h 50)
Soulignons en outre que des pays de longue tradition
démocratique, respectueux des droits et libertés comme les
États-Unis, la Belgique, le Royaume-Uni et, en partie, la France
n'ont pas adhéré au protocole facultatif, comme l'indique son
titre, d'ailleurs.
L'échéance de la clause «nonobstant», en
décembre 1993, constitue également un autre argument factice.
Selon l'avis de juristes réputés, l'état du droit a
évolué de manière telle, au cours des dernières
années, que la Cour suprême pourrait reconnaître aujourd'hui
comme valides les présentes dispositions de la loi 101, ce qui veut dire
qu'il est fort possible que l'affichage unilingue extérieur serait
jugé conforme aux Chartes canadienne et québécoise.
Même dans l'éventualité contraire, en quoi
devrions-nous maintenant avoir honte de recourir en toute
légalité et légitimité à la clause
dérogatoire que le premier ministre, M. Robert Bourassa, a
lui-même qualifiée de dernier rempart, d'outil de protection
essentiel pour le Québec? Pourquoi devrions-nous avoir honte de
l'utiliser?
En fait, le projet libéral traduit une seule obsession: la
récupération du vote de la clientèle anglophone qui avait
glissé vers le Parti Égalité, en 1989. Pour des motifs
purement électoralistes, les libéraux sont prêts à
rompre l'équilibre linguistique toujours fragile que le Québec
était parvenu à établir depuis l'adoption de la loi
101.
La fragilité du français. À entendre
l'argumentation du ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française, il n'est plus utile, voire nécessaire de
promouvoir ou de protéger la langue française au Québec.
La bataille serait gagnée, selon lui. Un rapide examen de la situation
démontre qu'au contraire les gains sont fragiles et ténus, tel
que l'évoquait ce présent gouvernement, il n'y a pas
longtemps.
Rappelons d'abord que les transferts linguistiques des allophones
ceux qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle
se font encore aujourd'hui majoritairement vers l'anglais. En effet, en
1991, c'est 63 % de ceux qui adoptent une nouvelle langue au Québec qui
choisissent l'anglais.
Quant au français, langue de travail, soulignons qu'entre 1979 et
1989 la proportion des travailleurs francophones du secteur privé, dans
la région métropolitaine, qui travaillent
généralement en français est restée la même,
soit 63 %. En 10 ans, aucun progrès.
Encore aujourd'hui, les travailleurs francophones de la grande
région de Montréal soulignons-le, de la grande
région de Montréal, on ne parle pas de Montréal
exclusivement sont encore 37 % à ne pouvoir travailler
essentiellement en français. Si les données étaient
disponibles je le dis, pour l'île de Montréal la
situation serait assurément encore plus déplorable. Quant aux
allophones, seulement le quart des travailleurs et des travailleuses du secteur
privé de la région montréalaise utilisait
généralement le français en 1989, le quart. il faut en
outre souligner le fort pouvoir d'attraction de la langue anglaise, au
québec. à ce chapitre, mentionnons que les allophones
s'inscrivent majoritairement dans les cégeps et universités de
langue anglaise, encore aujourd'hui, et en dépit du fait qu'ils soient
tenus de fréquenter l'école française. ainsi, en 1990, 55
% des allophones choisissaient de faire leur cours collégial en anglais,
alors que 57 % d'entre eux faisaient de même pour
l'université.
Les pratiques culturelles des jeunes témoignent également
de la force d'attraction de la langue anglaise. Faut-il s'en étonner
lorsqu'on connaît la puissance d'attraction de la culture
américaine? Selon une étude réalisée par le Conseil
de la langue française, les médias électroniques
anglophones occupent une place majeure dans la vie culturelle des jeunes
francophones, particu- lièrement aux endroits ou villes ou lieux
où l'offre d'émissions anglophones équivaut à
l'offre d'émissions en langue française.
Chez les jeunes francophones, la langue anglaise est très
présente dans les films, les spectacles, et tout à fait dominante
pour ce qui est des disques et des cassettes. Faut-il souligner
également que la pratique chez les jeunes allophones
québécois rejoint celle des jeunes anglophones, en matière
de consommation des biens culturels?
C'est sur cette base fragile que le gouvernement propose des
modifications majeures à la Charte de la langue française,
modifications, comme je m'apprête à le démontrer, qui vont
à rencontre de l'esprit de la loi.
Des modifications majeures à la loi 101. En conférence de
presse, alors qu'il expliquait son projet de loi, et encore tout à
l'heure, le ministre banalisait l'importance du projet de loi 86 en soulignant
qu'il ne comportait que peu d'articles, et qu'il aurait des effets
modérés. Pourtant, une analyse attentive et minutieuse nous
permet de conclure le contraire. Il s'agit d'un projet de loi de 65 articles
qui vient modifier pas moins de 84 articles des 215 que contient la Charte.
Les dispositions du projet de loi 86 touchent à quatre chapitres
de la loi de la langue française et non les moindres soit
la langue de la législation et de la justice, la langue de
l'administration, la langue du commerce et des affaires, et la langue
d'enseignement. Dans les faits, les modifications proposées consacrent
le bilinguisme institutionnel il ne s'agit pas du bilinguisme
individuel: du bilinguisme institutionnel au Québec et nous
rangent au même rang que le Nouveau-Brunswick, une province bilingue,
à côté de huit unilin-gues anglaises.
La langue de la législation et de la justice. Les modifications
proposées par le projet de loi 86, au chapitre de la législation
et de la justice, n'ont d'autre but que d'entériner une décision
de la Cour suprême dont l'effet concret est de «bilinguiser»
tout le processus législatif au Québec.
En ce qui a trait à la langue de l'administration, à ce
chapitre, alors que l'article 16 de la loi 101 obligeait l'administration
à n'utiliser que le français avec les personnes morales et les
gouvernements, le ministre propose qu'elle puisse dorénavant utiliser,
sur une base officielle, le français et une autre langue. Les milliers
de communications annuelles que le gouvernement entretient avec les personnes
morales, les entreprises, les compagnies, les organismes pourront
dorénavant être bilingues ou peut-être même, on ne le
sait pas encore, unilingues anglaises. Par ailleurs, par l'article 4, le
gouvernement se donne un pouvoir réglementaire pour introduire le
bilinguisme dans l'affichage de l'administration, au-delà des
considérations de santé et de sécurité publique.
Enfin, toujours au chapitre de la langue de l'administration, le projet de loi
propose l'abrogation de l'article 44 de la Charte qui prévoyait que les
décisions d'arbitrage dans les conflits de travail devaient être
rédigées dans la langue officielle ou être
accompagnée
d'une version anglaise... qui seule était officielle. Là,
on vient de changer ça. Donc, les décisions arbitrales pourraient
être publiées exclusivement en anglais, et voyez les
conséquences pour les travailleurs français du Québec.
La langue du commerce et des affaires. Avec l'article 17, le projet de
loi introduit de nouvelles dispositions portant sur l'affichage commercial. On
le sait, maintenant, le gouvernement propose un retour au bilinguisme avec
prédominance du français. Le gouvernement se réserve
toutefois le droit de prévoir par règlement les cas où la
prédominance du français ne serait pas exigée, ceux
où l'unilinguisme français serait maintenu de même que ceux
où l'unilinguisme dans une autre langue essentiellement l'anglais
serait permis. On introduit ici la possibilité de l'unilinguisme
anglais en matière de langue d'affichage, du commerce et des
affaires.
Concernant les raisons sociales, le gouvernement opte également
en faveur du bilinguisme. On note cependant que, dans ce cas, le concept de
prédominance du français disparaît. Cette large ouverture
à l'affichage bilingue modifiera le message que nous voulons envoyer aux
immigrants et aux Québécois également. Désormais,
on donnera du Québec l'image d'une société bilingue,
où l'on peut fonctionner en anglais et en français. Le Conseil de
la langue française prend d'ailleurs soin de réitérer,
dans un avis récent, que le visage linguistique conserve toute son
importance en ce qu'il contribue à modifier l'attitude psychologique des
non-francophones à l'égard de la langue française, en les
persuadant qu'il est nécessaire pour eux d'apprendre et d'employer cette
langue. Le Conseil de la langue française. (12 heures)
La langue d'enseignement. À ce chapitre, les modifications
proposées par le gouvernement sont très importantes tant d'un
point de vue pratique que d'un point de vue politique. En effet, l'article 23
du projet de loi introduit un nouvel article 73. Cet article donne suite
à un jugement de la Cour suprême en vertu duquel la clause Canada
avait été invalidée au profit de la clause dite Canada. En
d'autres termes, ce que le gouvernement fait, il vient ainsi codifier, dans la
législation québécoise, certaines des dispositions
imposées lors du coup de force constitutionnel de 1982, auquel coup de
force s'était opposé le présent ministre responsable de la
Charte de la langue. Pour la première fois, par ce biais,
l'Assemblée nationale du Québec reconnaît donc la
Constitution de 1982 et la légitimité d'une partie de ses
dispositions, et ce, dans un secteur relevant de la compétence exclusive
du Québec depuis 1867, savoir: l'éducation.
Quant aux dispositions relatives à l'enseignement de l'anglais
langue seconde, supposément pour favoriser son apprentissage, on ne
pourra en mesurer l'impact réel que lors du dépôt d'un
règlement sur le régime pédagogique. On constate,
cependant, qu'il est pour le moins ironique de trouver dans la Charte de la
langue française des dispositions visant à promouvoir l'ensei-
gnement de l'anglais et favorisant, en quelque sorte, la
«bilinguisation» des écoles françaises.
D'autres solutions, pourtant, s'offraient au gouvernement. En effet,
cette brève analyse de quelques-unes des dispositions du projet de loi
86 en dit long sur les intentions réelles du gouvernement
libéral, qui, en quête du vote anglophone, n'a pas voulu
évaluer convenablement l'ensemble des solutions qui s'offraient à
lui pour protéger et renforcer la Charte de la langue française.
Car, même au chapitre de la langue de travail, le ministre essaie de
jeter de la poudre aux yeux. Il y a peu, sinon ce qui se retrouvait
déjà dans la réglementation. Il a, par ailleurs,
laissé entièrement de côté la totalité ou la
quasi-totalité des recommandations du Conseil de la langue
française, à cet égard.
Les hypothèses qui s'offraient au gouvernement, bien des juristes
en l'occurrence, Me José Woehrling, dans l'avis juridique qu'il a
préparé pour le Conseil de la langue française
croient que la Cour suprême, dans sa décision relative à
l'affichage commercial, a erré de façon flagrante quant aux
objectifs de la loi 101.
En effet, l'exclusivité du français était
probablement abusive, comme l'a dit la Cour suprême, si on voulait
simplement assurer la prédominance, mais pas s'il fallait faire du
français la langue nécessaire et utile des communications. Si la
Cour devait de nouveau se pencher sur cette question aujourd'hui, les
dispositions qu'elle considérait contraires aux Chartes
québécoise et canadienne, en 1988, seraient probablement,
aujourd'hui, jugées valides.
Le gouvernement aurait donc pu reconduire la loi 178, sans la clause
dérogatoire, et tester sa validité devant la Cour suprême.
C'était une hypothèse qui a été
écartée par le gouvernement. Par ailleurs, le gouvernement aurait
également pu couvrir la Charte de la française pour lui donner
plus de force en précisant les objectifs et en y inscrivant des mesures
concrètes de promotion du français. Par cette voie, nous dit Me
Woehrling, la Cour suprême aurait pu également considérer
comme étant valides les dispositions en matière d'affichage
commercial. À titre d'exemple, soulignons qu'en matière de langue
de travail le ministre aurait pu accepter la proposition du Conseil de la
langue française visant à élargir les pouvoirs de l'Office
pour favoriser l'implantation de programmes de francisation dans les
entreprises de 50 employés et moins. Le ministre n'en a pas tenu compte.
Aucune des mesures de promotion du français, finalement, n'a vraiment
été retenue.
En conclusion, le fardeau de la preuve repose essentiellement sur les
épaules du gouvernement et sur le ministre responsable de l'application
de la Charte. C'est à lui, et à lui seul, de faire la preuve que
les modifications proposées par le projet de loi 86 n'auront aucun
impact négatif sur la situation du français au Québec.
Mais comment pouvons-nous faire confiance, aujourd'hui, à ceux
qui, à l'époque où le gouvernement du Parti
québécois faisait adopter la Charte de la langue
française, condamnaient ses objectifs et refusaient de croire
à ses effets positifs sur le statut du français? Comment faire
confiance au ministre aujourd'hui responsable du dossier linguistique,
celui-là même qui, de sa chaire d'éditorialiste,
combattait, en 1977, la loi 101?
Quinze ans plus tard, le ministre Ryan donne pourtant raison au Parti
québécois. Il admettait, dans une lettre adressée au
Conseil de la langue française, le 11 décembre 1992, que le
français a connu, au Québec, depuis l'entrée en vigueur de
la Charte, des progrès remarquables. Par cet aveu, il démontrait
son incompétence à saisir et à gérer
adéquatement la question linguistique. Car, si, en 1977, nous avions
fait confiance au Parti libéral et à l'éditorialiste Ryan,
la Charte de la langue française n'aurait jamais vu le jour. Ce n'est
pas la loi 82, à la fois bancale et faiblarde, qui aurait procuré
le progrès que nous avons connu. Aujourd'hui, le même parti, avec
comme ministre de la langue Claude Ryan, nous demande de lui faire confiance
aveuglément en faisant fi du contexte linguistique, des opinions des
experts et de l'évolution du droit.
En terminant, M. le Président, je tiens donc à condamner
à nouveau la précipitation dont fait preuve le gouvernement dans
le but évident de limiter la portée du débat et
d'éviter les débats et la prise de position.
Au cours des consultations particulières qui débutent
aujourd'hui, nous allons, néanmoins, tenter, comme Opposition, de cerner
les intentions véritables du gouvernement et les conséquences
réelles des affaiblissements et des altérations proposés
à la Charte de la langue française par le projet de loi 86. Nous
allons également tenter de mesurer l'état réel du
français au Québec, comme celui de l'anglais, et d'explorer les
alternatives qui s'offraient au gouvernement dans un domaine aussi vital,
puisqu'il s'agit de l'avenir du français au Québec.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. M. le député...
M. Chevrette: M. le Président... Le Président
(M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: ...je vous demanderais de me dire si, à ce
moment-ci, vous respectez l'ordre de la Chambre comme président de la
commission.
Le Président (M. Doyon): J'ai donné réponse
à ça, tout à l'heure.
M. Chevrette: Non, non: le cadre.
Le Président (M. Doyon): Je considérais et continue
de considérer que l'horaire particulier, de telle heure à telle
heure, etc., relevait de l'organisation prati- que des travaux et qu'à
ce titre j'avais l'intention de permettre le déroulement de cette
commission en donnant dès maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que ça
n'exige pas un consentement quand on dépasse les heures fixées?
Je m'excuse. Je m'excuse, là, je vous pose une question de droit,
là. Vous pouvez l'agencer comme vous voulez, mais dans le cadre qui nous
est imparti des horaires.
Une voix: Consentement. M. Chevrette: II n'y en a pas.
Le Président (M. Doyon): Alors, est-ce qu'il y a des
oppositions à ce que nous continuions?
M. Chevrette: II n'y a pas de consentement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de consentement.
M. Chevrette: Ajournement des travaux.
Le Président (M. Doyon): Alors, très bien. Dans,
dans...
Mme Loiselle: Nous, du côté ministériel, on
accorde...
M. Chevrette: Oui, mais il n'y en a pas.
Mme Loiselle: Un instant, M. le député, s'il vous
plaît.
Nous, du côté ministériel, on accorde notre
consentement afin de donner le droit de parole...
M. Chevrette: Oui, mais ce n'est pas de même... C'est
l'unanimité.
Mme Loiselle: ...au député de D'Arcy-McGee
merci beaucoup et ce, dans le respect du droit de parole des
parlementaires.
Merci.
M. Chevrette: M. le Président, dans le cadre du respect du
règlement, M. le député de D'Arcy-McGee commencera
à 15 heures. Ça ne doit pas vous embêter, il n'y a pas un
groupe qui vient.
Le Président (M. Doyon): Je constate donc qu'il y a
absence de consentement et, dans les circonstances, je suspends les travaux de
cette commission jusqu'à 15 h 30, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 8)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux dans l'exécution du mandat qui lui a
été confié par l'Assemblée nationale de
procéder à des consultations particulières et de tenir des
auditions publiques sur le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la
langue française.
Nous nous sommes quittés ce matin, alors que le
député de D'Arcy-McGee allait nous faire part de ses remarques
préliminaires. Donc, je lui reconnais le droit de s'adresser à
cette commission.
M. le député.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, ma perspective, cet après-midi, sera
très différente de celle des deux autres intervenants ce matin
surtout la députée de Chicoutimi et plutôt
étrangère aux discours habituels tenus dans cette
Assemblée, puisqu'elle a rapport à la loi 101. Mais c'est une
perspective néanmoins partagée par une partie importante de la
société québécoise.
Je suis né en 1960, à l'aube de la Révolution
tranquille au Québec. J'avais 16 ans quand la loi 101 est devenue loi.
Mais, 16 ans plus tard, aujourd'hui, presque tous les amis avec qui j'ai grandi
dans les 16 premières années ont quitté le Québec,
les deux tiers de la classe où j'ai gradué de l'école
secondaire ont quitté le Québec. Plusieurs de mes
collègues de l'École d'architecture de McGill sont partis;
plusieurs amis et membres de ma famille ont arraché leurs racines, pris
leurs biens, leurs talents, leur pouvoir de dépenser et leur potentiel,
pour déménager à Toronto, Ottawa ou aux
États-Unis.
Le résultat en est la fermeture du tiers des écoles
anglaises au Québec et de plusieurs institutions. Des familles ont
été déchirées, familles qui, avant la loi 101, se
considéraient tout autant des Québécois que tous ceux de
vieille souche francophone.
Et, malgré toute la farouche rhétorique,
exagérée, utilisée par le député de
Chicoutimi ce matin, il y a des éléments de la loi 101 qui
doivent changer, qui sont injustes, qui sont pernicieux. Autrement, ces
centaines de milliers de gens n'auraient pas quitté l'endroit qu'ils
appelaient leur chez-soi depuis des générations.
La loi 101, il faut le dire, a été la raison primordiale
pour laquelle cette communauté a été
dévastée depuis les 16 dernières années. Mais,
malheureusement, M. le Président, ça ne devrait pas être
comme ça. Si vous lisez le préambule de la loi 101, et je cite:
«Attendu que l'Assemblée nationale reconnaît la
volonté des Québécois d'assurer la qualité et le
rayonnement de la langue française», fin de la citation,
très peu d'anglophones ne seraient pas d'accord avec cet objectif
d'assurer la richesse de la langue française au Québec.
L'accommodement et la préservation de l'identité
distincte, culturelle et linguistique du Québec à
prédominance francophone étaient, et sont encore, des objectifs
importants de la Confédération. Cette identité et la
ténacité des Québécois de souche à
préserver celle-ci sont respectées par la grande majorité
des Québécois anglophones.
Alors que l'objectif de la Charte de la langue française pouvait
être positif, les moyens ne l'ont pas été. C'est le
désir du psychiatre de mettre les Québécois anglophones
à leur place qui a façonné, finalement, la Charte de la
langue au Québec. Même René Lévesque, l'auteur du
préambule, croyait que les dispositions de la loi 101 allaient trop
loin. Et ça, c'était très clair le 3 octobre 1977, alors
qu'il rencontrait des parents anglophones réunis dans une école
de Saint-Hubert, sa première prise de contact avec un groupe anglophone
depuis l'adoption de la loi 101 (15 h 50).
Et je cite, ici, Marcel Adam, dans La Presse du 4 octobre 1977.
Il dit: «M. Lévesque n'a pas défendu sans réserve la
loi 101. Encore une fois, il a paru mal à l'aise devant certaines de ses
dispositions et, plusieurs fois, il a presque imploré les anglophones de
permettre à cette loi de faire ses preuves, soulignant qu'à
l'usage des modifications seront apportées, que, si des droits
fondamentaux ou constitutionnels semblent être violés, il est
possible de la contester devant les instances appropriées
énumérant même les recours possibles d'une manière
qui avait parfois l'air d'une invitation à s'en prévaloir.»
Il s'est montré franchement étonné des résultats
pratiques de leur application. Fin de la citation.
Donc, la communauté anglophone du Québec, de façon
très respectueuse et appropriée, s'adressa aux tribunaux. La Cour
supérieure du Québec, la Cour d'appel du Québec, la Cour
suprême du Canada, toutes ont déclaré unanimement que les
dispositions de la loi sur l'affichage commercial violaient la liberté
d'expression. Par conséquent, l'usage du gouvernement libéral de
la clause «nonobstant», 11 ans plus tard, pour outrepasser ces
décisions, afin d'adopter la loi 178, a profondément
blessé la communauté anglophone, bien plus qu'on pouvait
l'imaginer. Et c'était un frein à l'expression même de
notre identité, ici, chez nous. Cette interdiction des langues autres
que le français donne un visage artificiel de la société
québécoise et nie la réalité de ses habitants,
surtout à Montréal.
Maintenant, cinq ans après la décision de la Cour
suprême, les Nations unies condamnent également cette loi. Alors,
avec le projet de loi 86, il semble que le gouvernement soit prêt,
finalement, à souligner une des leçons les plus importantes de la
loi 101 et de la loi 178: qu'une juste fin exige de justes méthodes pour
y arriver. Le gouvernement essaie finalement, en partie, de réparer
certaines injustices passées et de corriger des éléments
que René Lévesque croyait être inévitables. Donc, le
projet de loi 86 est considéré, par l'Opposition officielle et
même par certains commentateurs, comme une concession ou une victoire
importante aux Québécois anglophones.
J'aimerais, M. le Président, être d'accord avec ça,
mais, malheureusement, je ne le peux pas. Il faut rappe-
1er d'abord qu'on nous redonne un droit que tous les pays
démocratiques du monde tiennent pour acquis. Mais, ceci étant
dit, dans le contexte difficile de la politique québécoise, il
représente un signe d'ouverture d'esprit, un pas dans la bonne
direction. Cependant, nous croyons notre formation politique que
ça ne va pas assez loin, et pour trois raisons.
Premièrement, ce pouvoir réglementaire est très
large et est une source sérieuse d'inquiétude. L'article 17 du
projet de loi donne au gouvernement toute latitude, par règlement, pour
prescrire les conditions où l'interdiction d'afficher en d'autres
langues continuera d'exister. Cela veut dire que le gouvernement peut, à
n'importe quel moment, revenir à la proposition du Conseil de la langue
française et interdire d'autres langues d'affichage pour les entreprises
incorporées en ajustant tout simplement les règlements et, par
conséquent, sans débat à l'Assemblée nationale.
Mais, pire encore, si le Parti québécois venait au pouvoir, il
n'aurait même pas à amender la loi 101 telle qu'elle était,
il pourrait simplement inclure dans les règlements des restrictions sur
presque tout l'affichage commercial. Alors, laisser l'article 17 tel qu'il est
présentement invite à des contestations devant les tribunaux.
Nous ne devons pas permettre que cela persiste; nous ne devons pas permettre de
laisser cette blessure ouverte, et nous espérons que le ministre
introduira un amendement pour changer cet aspect du projet de loi et qu'il ne
permettra pas un pouvoir réglementaire si vaste, qui pourrait vraiment
faire traîner le débat.
Mais, malgré tout cela, l'initiative du gouvernement sur
l'affichage, son changement d'esprit sont des signes importants d'espoir, comme
je l'ai mentionné. Il existe toujours du scepticisme, mais, en signe de
bonne volonté, j'offre au ministre notre collaboration. Et,
malgré les règlements encombrants et compliqués que nous
attendons pour décrire les prédominances, je demande aujourd'hui
à la communauté anglophone de ne pas abuser des assouplissements
et de respecter les règlements de la prédominance pour
préserver le visage français du Québec. La Cour
suprême a suggéré que l'obligation et même la
prédominance du français était tout à fait
légitime et était une limite raisonnable dans une
société libre et démocratique, et nous respectons
entièrement cette décision. deuxièmement, en ce qui
concerne le statut bilingue et l'article 113f, comme le ministre l'a
souligné ce matin, dans tous les pays du monde, lorsqu'une
minorité linguistique historique affirme sa présence dans une
municipalité, c'est-à-dire entre 7 % et 30 %, celle-ci devient
ipso facto bilingue. au québec, pour qu'une municipalité ou une
institution soit reconnue bilingue, il faut que la minorité devienne
majorité et dépasse 50 %. alors, nous espérons que le
ministre va beaucoup plus loin. nous croyons qu'il doit être prêt
à abaisser le seuil de 50 %.
Mais, troisièmement, M. le Président, l'aspect le plus
important, le plus grand défaut du projet de loi 86, c'est son
échec de s'attaquer à la question de la survie même de la
communauté anglophone du Québec. La décision du
gouvernement de ne pas ouvrir, même un tout petit peu, l'accès
à l'école anglaise est une décision majeure. Si le
gouvernement veut que la communauté anglophone continue d'exister comme
partie intégrante de la trame démographique, sociale et
culturelle du Québec, qu'elle reste une composante importante de la
société québécoise au cours du prochain
siècle, alors, le projet de loi 86 ne réussit pas. Nous ne devons
pas laisser un changement dans la loi sur l'affichage n'être qu'une
façade de ce dont la communauté a véritablement besoin
pour survivre.
Le rapport du groupe de travail Chambers sur le réseau scolaire
anglophone dit que l'affirmation que le Québec anglais n'est pas
menacé en raison du contexte nord-américain où nous vivons
est sans fondement. Sans doute que l'anglicité des
Québécois anglophones n'est pas menacée, mais le
Québec anglais, en tant qu'élément fonctionnel de la
société québécoise dans son ensemble, ne peut
fonctionner sans les ressources humaines dont il a besoin pour apporter sa
contribution collective. Si on l'empêche de se renouveler, il
disparaîtra tout bonnement. Le fait de le couper systématiquement
de ses réseaux, de ses sources traditionnelles de
réapprovisionnement peut être interprété comme un
arrêt de mort à retardement; mais, délibéré,
il le sera sans doute.
Le défi n'est pas mince et ne peut être relevé par
le Québec anglophone à lui seul. Nous connaissons bien les
statistiques: il y avait plus de 250 000 étudiants dans les
écoles anglaises au Québec en 1972, 100 000 étudiants dans
les écoles anglaises aujourd'hui. Mais ce qui est terriblement
malheureux, c'est qu'il y en a qui ont eu l'audace de se plaindre,
récemment, que les anglophones, non satisfaits de l'affichage bilingue,
amorçaient maintenant une nouvelle bataille linguistique sur la question
de l'accès aux écoles anglaises. Agnès Gruda, de La
Presse, a écrit: En s'accrochant au rapport Chambers, les porte-parole
anglophones commettent une grossière erreur. Ils confirment aux tenants
de la thèse de la première brèche que les choses ne
s'arrêtent pas là.
Lucien Bouchard, qui se présentait l'an dernier comme le messie
de la tolérance et se disait honteux de l'interdiction d'afficher en
anglais, a dit la semaine passée que les anglophones ne seront jamais
heureux tant qu'ils n'auront pas tout.
Alors, cette attitude, il faut le dire, démontre une
sérieuse incompréhension. La libéralisation dans
l'affichage, ce n'est pas un cadeau à la communauté anglophone,
ça représente une évolution importante pour tous les
Québécois. Et, de plus, les représentants de la
communauté anglophone n'ont demandé rien de plus que le minimum
pour que leur propre communauté survive en paix aux côtés
de la communauté majoritaire francophone, à peine assez pour
maintenir une masse critique dans le réseau des écoles
anglaises.
Le rapport Chambers, par exemple, demande seulement que les parents qui
viennent d'un pays anglophone aient le droit d'envoyer leurs enfants aux
écoles
anglaises du québec, ce qui n'affecterait même pas 1 % du
nombre d'inscriptions dans les écoles françaises, alors que le
réseau anglophone y trouverait un regain de vigueur qui pourrait fort
bien faire la différence entre la fermeture ou non de plusieurs de ces
écoles. (16 heures)
Le Parti québécois crie de ce noble perchoir que nous ne
devons pas créer de classes d'immigrants. Par conséquent, lorsque
nous demandons d'apporter une semblable modification, en permettant à
l'article 23(l)a de la Charte des droits et libertés de s'appliquer au
Québec, laquelle utilise le critère de la langue maternelle
anglaise plutôt que du pays d'origine pour accéder aux
écoles anglaises, le ministère nous dit que les modalités
pour déterminer la langue maternelle sont trop compliquées et
difficiles, cela malgré le fait que le Québec est la seule
province au Canada où la garantie de l'accès à
l'enseignement dans la langue de la minorité sur la base de la langue
maternelle n'est pas en vigueur.
Le gouvernement doit réaliser que, loin d'être une menace
pour la francisation du Québec, les écoles anglaises
éprouvent des difficultés majeures, aujourd'hui, à
s'approprier de nouvelles recrues en nombre suffisant pour compenser pour
l'usure.
Si nous devons rester une valeur intrinsèque pour le
Québec, nous avons désespérément besoin de
réapprovisionnement. Comme le Québec français, notre taux
de natalité est très en dessous des niveaux de remplacement,
alors qu'au même moment nos jeunes nous quittent.
The Liberal Party's own Beige Paper permitted in the past any parents
who had their formal education in English to send their children to English
schools.
In April 1978, Claude Ryan, in a position paper on language said, and I
quote: Bill 101 brings deplorable restrictions to the access of anglophone
children to English schools. It ignores also the very definite desire of
parents to see that their children acquire a good knowledge of French and
English. Consequently, there is a need to consider the following improvements:
that, number one, English schooling should be available to English-speaking
children, wherever they are born.
M. le Président, un tel assouplissement aux règles
d'admissibilité à l'école anglaise aura un effet concret
et psychologique très positif pour notre communauté. La mesure
pourrait inciter certaines personnes qualifiées de pays
industrialisés à s'établir au Québec, et son impact
serait minimal, négligeable sur le rapport relatif entre les secteurs
français et anglais.
The Minister said recently in his press conference that public opinion
is not ready for any widening of access to English education. But he, as
minister, and the government have not done enough to educate Quebeckers to
these realities. Many Quebeckers do not realize that what the anglophone
community leaders have been asking for will barely scratch the francophone
majority. If they were aware of the numbers, you would see that public opinion
would be ready for these very modest changes.
There is a desperate urgency; there is no more time to engage in talk of
gradualism for the sake of social peace. Now is the time for the government to
act on this pressing issue, and we urge the Minister to soften the deplorable
restrictions those are his own words: deplorable restrictions to
the access to English schools, and we hope that this will be considered before
Bill 86 is adopted in a few weeks.
What we find unbelievable, unfortunate and frustrating is that this
simple, minimal request for something that is so basic, yet so crucial for our
survival, has been treated with such scorn, that Québec political
decisions dealing with changes to language must withstand such angry
denunciation, clouded at times by historical inaccuracies and even an obsession
with being a victim.
We have all been victims of injustices and we have all been perpetrators
of injustices. But there comes a time when the vendettas, when the bitterness
must end, when one's eyes must be open and when the motto of a society should
no longer be «Je me souviens», but rather «Je
rêve». We cannot, as a society, move forward if we remain fixated
on the past. Emotional intransigence is the first step towards intolerance.
And many who will speak before this commission in the coming days will
screech and they will scream and they will bang their fists and they will point
their fingers at the Minister and they will curse the government for this
bill.
But in time of dispute between language groups, each side usually will
have its own version of history; but it is crucial not to erect any view of
history into a dogma, justifying departure from international standards of
human rights. And that is what should guide this commission for the next few
weeks.
The government must articulate an ability to look forward, to focus on
what is right and, especially in the next few weeks, not to cave in to
nationalist fearmongering, not to be intimidated by street demonstrations or
ultranationalist organizations.
Instead, we must take heart from the fact that in the vast majority of
instances of daily life, relations between English and French-speaking fellow
citizens are characterized by courtesy and goodwill. Difficulties arise in
consequence of collective social intervention. It is the collective behavior
that all too often becomes politicized, polarized and mobilized by the crude
forces of Québécois nationalism which exploit and inflame both
legitimate concerns and anxieties, but also deep rooted reflexes of paranoia
and xenophobia.
All Quebeckers should hope that we will not be witness to tribalism
emerging from the dark recesses of Québec society and spilling into the
streets, being led by the psychiatrist. This will inflict serious damage to
Quebec's reputation and all Quebeckers will suffer.
Selon Lysiane Gagnon, il sera suicidaire pour le Québec de fermer
les yeux sur la face sombre du courant nationaliste qui fait de la
pureté linguistique une valeur supérieure à toutes les
autres.
Le Président (M. Doyon): ...M. le
député.
M. Libman: In conclusion, Mr. Chairman, preserving, promoting and
protecting the French language and culture in Québec is an admirable
objective. It is something for which all Quebeckers, Francophones, Anglophones
and Allophones can work together to achieve, but Bill 101 went much too far,
with odious dispositions and devastating and unacceptable results. if our
community is not given a breath of fresh air soon, our community will be
fighting for its own survival in a quarter of a century. as an overall
percentage of quebec's population, anglophones have dropped from 14,7 %, in
1971, to 12,3 %, in 1981, to 11,1 %, in 1991. the english-speaking community
can in no way be considered a threat to quebec's frenchspeaking majority.
And, just to conclude, the time, therefore, has never been more
appropriate for the French-speaking majority to show that it respects and
accepts the anglophone community, with changes to the very law that has hurt
our community so badly. Bill 86 takes a small step in that direction. The
Minister must guide it further, and if he is willing, the population will
support his initiative.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de D'Arcy-McGee.
J'ai en main deux lettres, ici: une de la Chambre de commerce du
Québec qui m'indique qu'ils ne seront pas présents cet
après-midi, et une autre lettre...
Pardon?
M. Chevrette: Est-ce que' vous pourriez en faire lecture, s'il
vous plaît? Il devait être convoqué à 15 h 30, si
j'ai bien compris, ce groupe-là?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait savoir les motifs? Est-ce
qu'ils donnent les motifs?
Le Président (M. Doyon): «La Chambre de commerce a
bien reçu, en fin de journée, vendredi dernier, l'invitation de
la commission de la culture à comparaître devant elle, le 18 mai
prochain, pour discuter du projet de loi 86 qui modifie la Charte de la langue
française. «Le bureau exécutif en a discuté à
sa réunion tenue hier, le 10 mai. La Chambre, pour se prononcer sur une
aussi importante question, doit suivre un processus de consultation
fidèle à ses traditions et à ses règlements en
pareil cas. Or, les délais de rigueur, prescrits par les statuts et
règlements de la Chambre pour la tenue d'une telle consultation, ne lui
permettent pas d'émettre un avis en temps utile en regard de
l'échéancier des travaux de la commission. «La Chambre de
commerce regrette donc de ne pouvoir se rendre à l'invitation de la
commission. «Veuillez agréer», etc. Signé: Yvon
Marcoux.
L'autre lettre que j'ai en main, c'est celle de... M. Chevrette: ...des
hôteliers et restaurateurs?
Le Président (M. Doyon): De l'Association des
hôteliers et restaurateurs, oui, parce que l'entête de la lettre ne
portait pas ce nom-là. Elle est adressée au secrétaire de
la commission. «Monsieur, c'est avec grand regret que l'Association des
hôteliers et restaurateurs doit décliner l'invitation concernant
les consultations particulières sur le projet de loi 86. «Veuillez
agréer», etc.
M. Chevrette: M. le Président. Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Chevrette: Je vous remercie de la lecture des deux
lettres.
Pourriez-vous me dire ce qui arrive avec le groupe qui devait être
entendu ce matin, de 11 heures à midi?
Le Président (M. Doyon): On avait une demande de report en
ce qui concerne ce groupe-là, qui nous disait ne pas être en
mesure de se présenter à l'heure prévue.
M. Chevrette: Est-ce que, M. le Président, vous pouvez me
dire, à ce moment-là, à quel moment ils seront
entendus?
Le Président (M. Doyon): II y aura probablement des
discussions qui devront avoir lieu, j'imagine.
M. le ministre, est-ce que vous avez des informations à ce sujet?
(16 h 10)
M. Ryan: Les échos qu'on m'a rapportés indiquent
que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain souhaite
être entendue. Elle ne pouvait pas se présenter cette semaine
parce que son président serait en voyage à l'extérieur du
pays. Mais, si une entente survient entre l'Opposition et le groupe
ministériel quant à la confection définitive et
ajustée, là, suivant des accidents de parcours que nous
connaissons, il sera facile de l'inclure sur la liste, et je suis convaincu
qu'elle aura une très bonne contribution à nous fournir.
M. Chevrette: Mais, compte tenu du fait que vous aviez
décidé, au niveau de la motion préliminaire
déposée en Chambre le 5 ou le 6, là...
Une voix: Le 6.
M. Chevrette: ...le 6, est-ce qu'il n'est pas dans votre
intention, au-delà du consentement requis ou pas, de modifier votre
résolution du 6 mai, là, et de l'introduire?
M. Ryan: Ça, ça dépendra, là, des
discussions qui devaient avoir lieu aujourd'hui même. Et, à
supposer qu'il n'y ait pas d'entente, les gens de la Chambre de commerce sont
des gens pratiques, ce sont des gens qui ont les pieds à terre, et
toutes nos discussions de règlement ne les intéressent
aucunement. Et je suis convaincu qu'ils viendront présenter leur point
de vue au ministre, au gouvernement peut-être aussi à
l'Opposition, ils en jugeront eux-mêmes.
Mais ils ont bien d'autres moyens de faire connaître leur opinion.
Ils ne sont pas obligés de venir attendre que nos débats de
procédure soient terminés ici.
M. Chevrette: Non, non. Mais... M. Ryan: Si on peut...
M. Chevrette: C'est parce que vous avez affirmé...
M. Ryan: ...les inclure, là, dans un climat de concorde,
nous le ferons par tous les moyens raisonnablement possibles.
M. Chevrette: Oui, c'est parce que vous déclariez, M.
Ryan, vous-même, en 1977, dans le temps que vous faisiez des
éditoriaux, que la simple courtoisie... Vous vous rappelez de ça,
d'avoir écrit ça?
M. Ryan: Non, mais je ne me rappelle pas tout ce que j'ai
écrit.
M. Chevrette: Non? C'est dommage parce que... M. Ryan:
Non. J'aime me le faire rappeler.
M. Chevrette: ...ça changerait probablement les propos
actuels, si vous écoutiez... si vous relisiez ce que vous avez
écrit. Mais je vous l'apporterai, puis...
M. Ryan: Non, mais j'ai toujours été en faveur de
la liberté, c'est vrai.
M. Chevrette: ...je vous le donnerai, demain matin, pour vous
montrer comment vous écriviez bien, à l'époque.
Le Président (M. Doyon): Alors, compte tenu de l'absence
des deux groupes indiqués, je suspens les travaux de cette commission
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux.
Nous allons avoir l'occasion, ce soir, d'entendre les
représentants de deux organismes. Le premier, qui est le Mouvement
Québec français, qui sera avec nous pour une heure, et le
deuxième, ce sera Alliance Québec, qui sera aussi avec nous pour
une heure.
Je vous indique qu'il y aura 20 minutes qui seront
réservées à nos invités pour nous faire part de
leur point de vue. Le parti ministériel disposera de 20 minutes pour
s'entretenir avec nos invités, et les représentants de
l'Opposition auront, globalement, 20 minutes.
Je demanderais, étant donné que ces 20 minutes sont
consacrées et réservées pour les députés de
l'Opposition et qu'il y a un représentant en tout cas, ce soir
du Parti Égalité, je demanderais au représentant du
Parti Égalité, qui aura droit à 5 minutes, de bien vouloir
me l'indiquer en temps utile pour que je puisse lui réserver ce
temps-là sur les 20 minutes qui sont réservés à
l'Opposition; autrement, je serai dans l'impossibilité de le faire.
M. Chevrette: c'est automatique, ça, m. le
président? ;
Le Président (M. Doyon): Sur demande du... Oui,
monsieur./.
M. Libman: Je vais vous faire signe, M. le Président,
comme d'habitude.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Comme on a
procédé dans d'autres commissions.
M. Libman: Oui.
Auditions
Le Président (M. Doyon): Alors, j'invite donc nos
représentants à bien vouloir tout d'abord se présenter
pour les fins de transcription de nos débats. Ils connaissent nos
règles, ils sont habitués à venir nous rencontrer en
toutes sortes d'occasions. Je leur souhaite la bienvenue et je leur dis que
nous sommes prêts à les écouter, dès maintenant.
Mouvement Québec français (MQF)
M. Bouthillier (Guy): Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je voulais
d'abord vous remercier, au nom de mes amis que je vais vous présenter
tout de suite, d'avoir bien voulu nous inviter à venir ici. Je voulais
aussi remercier la Providence, qui a parfois des voies tortueuses et qui a
permis que nous soyons ce soir les premiers à prendre la parole sur
cette question du projet de loi 86.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouthillier: Sans plus ample informer, je vous présente
mes amis: Raymond Perreault, qui représente
l'AQPF, l'Association québécoise des professeurs de
français au Mouvement Québec français; Jean-Pierre Diane,
qui représente l'Alliance des professeurs de Montréal; Armor
Dufour, qui représente le Mouvement national des
Québécois; Bruno Roy, qui est président de l'Union des
écrivaines et des écrivains québécois; Michel
Rioux, qui représente ici la CSN; Michel Morasse, qui représente
ici la FTQ; et Henri Laberge, qui représente, ici et au MQF, la CEQ.
Vous savez aussi que le Mouvement Québec français est
composé de la Société Saint-Jean-Baptiste, de l'Union des
artistes et de l'Union des producteurs agricoles.
Si vous permettez, M. le Président, je vais vous lire rapidement
le mémoire que nous avons préparé ainsi qu'une annexe de
ce mémoire.
Le projet de loi 86 n'est pas bon parce qu'il touche à notre
affichage commercial et qu'il le fait au point d'en annihiler l'esprit et
même la chose. Mais, de surcroît, ce projet de loi touche à
de nouveaux et nombreux aspects de la loi 101, toujours, bien sûr, pour
affaiblir cette loi. Je vous en donne quelques exemples.
Sur le plan de l'école, si le gouvernement refrène, pour
l'instant, son impatience à servir la cause que défend, par
exemple, Alliance Québec, il fait déjà un premier pas dans
cette direction en entrouvrant un peu plus encore la porte de l'école
anglaise, et il le fait de la pire façon: en invitant à tirer
profit d'exceptions pourtant déjà prévues,
c'est-à-dire, en fait, en invitant à en abuser.
De plus, le projet de loi 86 accepte formellement la clause Canada,
imposée par la constitution de 1982, que ne reconnaît pourtant
toujours pas le Québec.
Mais, surtout et c'est peut-être là ce qui en dit le
plus long sur l'esprit de ce projet il porte atteinte aux principes
mêmes de l'enseignement en français. En effet, à
l'immersion collective du Québec dans une mer anglo-saxonne,
voilà que ce projet de loi ajouterait maintenant l'immersion de chacun
et de chacune d'entre nous dans l'enseignement anglais. (20 h 10)
Sur le plan de l'État, maintenant. L'acceptation formelle de
l'article 133 du «BNA Act» qui revient en force se
réinstalle à la place d'honneur et déloge les dispositions
prévues en 1977. On fait même dire à cet article 133 ce que
ses auteurs de 1867 ne prétendaient pas lui faire dire, et simplement
parce que tel est le bon vouloir de la Cour suprême.
Sur le plan de l'économie, maintenant. En plus d'être
affaiblie indirectement par la «rebilinguisation» de l'affichage,
la langue du travail le sera aussi directement par la mise en tutelle de
l'Office de la langue française, qui perd l'essentiel de son pouvoir de
réglementation.
Par ailleurs, on le sait, l'anglais, dans ce projet de loi, retrouve sa
place comme langue des sentences arbitrales, tandis que la reconnaissance
illimitée de la liberté d'expression des entreprises servira
à contester les dispositions relatives à la langue du
travail.
Et tout cet activisme contre l'esprit et la lettre de la loi se
traduirait par une politisation extrême de l'ensemble de notre
législation linguistique. Par l'abolition de la Commission de
protection, qui disparaît purement et simplement, par la mise en tutelle
de l'Office, on renforce ainsi le pouvoir du cabinet des ministres, toujours
on le sait sensible aux pressions et aux calculs
électoraux. Ce pouvoir réglementaire que s'arroge ainsi le
Conseil des ministres équivaut à donner à celui-ci un
chèque en blanc en matière linguistique.
Prises individuellement, chacune de ces dispositions est mauvaise, mais,
additionnées, elles seraient très graves pour la loi 101 et pour
la langue française. Ce projet, en effet, serait un pas de plus dans la
reconnaissance de l'égalité des langues et, par-delà, dans
la reconnaissance que le Québec est une entité politique à
deux éléments constitutifs d'égale valeur. Or, comme
chaque recul de la loi 101 a toujours été suivi jusqu'ici d'un
autre, on peut être sûr que, cette fois-ci encore, ce recul en
préparerait de nouveaux. Et d'autant plus sûrement que les
arguments dont on prétend se servir aujourd'hui globalisation de
l'économie, intégration continentale, investissements
étrangers, ouverture d'esprit, générosité, etc.
tous ces arguments serviraient demain à nous arracher de nouveaux
reculs.
Tout ceci signifierait la stérilisation de la loi 101,
ravalée au rang de momie, la stérilisation de la loi 101 et de
son idée du français, langue commune du Québec. Avec ce
projet de loi, on franchirait la ligne rouge qui sépare l'idée
qui est la nôtre, au MQF et ailleurs dans la société
québécoise d'un Québec, foyer national d'un peuple
francophone, à celle qui a inspirée, notamment, les auteurs du
texte de Charlottetown, d'un Québec devenu ou redevenu «a
bilingual province».
L'affichage commercial, parlons-en: ce n'est jamais qu'une partie de la
langue de l'activité économique, mais ça en est de loin la
partie la plus visible. La langue de l'affichage est donc le témoin
privilégié non seulement d'un état de choses, mais aussi
mais surtout d'une volonté. C'est sur le terrain de
l'activité économique que se joue le destin de notre langue.
Fer-nand Ouellette, notre poète, l'avait dit mieux que tous les
sociolinguistes: Les langues qu'on ne parle plus qu'après cinq heures de
l'après-midi sont déjà mortes.
La place de notre langue comme langue de l'activité
économique au Québec pèsera aussi non seulement sur le
destin de la langue, mais, bien entendu, sur le destin politique, le destin
même de notre peuple en tant que peuple, et il en est ainsi depuis
très longtemps. Lord Durham avait bien compris, en son temps
déjà, et je cite «que le spectacle de la langue anglaise
gagnant chaque jour du terrain comme langue de ceux qui distribuent les emplois
aux travailleurs ne pouvait que décourager les Canadiens français
de l'espoir de conserver leur nationalité».
Et, plus près de nous, Frank Scott refit exactement la même
analyse et il s'opposa net, du temps de la commission Laurendeau-Dunton,
à ce que les pouvoirs publics viennent déranger les dirigeants
d'entreprises de la liberté que ceux-ci s'étaient donnée
en matière de
langue: Accroître l'emploi du français comme langue des
affaires au Québec, disait le professeur de McGill, renforcera la
position de ceux qui croient en la possibilité d'un Québec
indépendant.
C'est pour témoigner de notre volonté de redressement
collectif et de notre détermination à réconcilier notre
culture avec notre activité économique que nous avons
décidé, en 1977, d'imprimer la marque de notre peuple sur les
affiches de nos commerces et de nos entreprises. Tel est le plus important des
messages qu'envoie l'affichage unilingue français. Et c'est bien aussi
parce qu'ils ont compris la même chose que les épigones de Frank
Scott et tous les adversaires du Québec français et de la loi 101
cherchent à nous faire reculer et à nous imposer le retour de
l'anglais dans l'affichage commercial. Or, comme ces adversaires savent
Reed Scowen l'a même écrit que l'affichage unilingue ne
dérange pas les anglophones dans leurs activités quotidiennes, et
comme aussi ils s'imposent de masquer, dans cette affaire, leur mobile
politique, ce qu'ils cherchent à faire, c'est à nous
culpabiliser. Les Québécois ne se laisseront pas
culpabiliser.
Cette loi de l'affichage unilingue est non seulement belle et bonne,
elle est aussi parfaitement justifiée. La commission
Pépin-Robarts l'avait d'ailleurs déjà dit, en 1979. Et,
pour ceux qui en douteraient encore, le Mouvement Québec français
joint aujourd'hui à son mémoire un texte qu'a bien voulu lui
fournir monsieur Gregory Baum, théologien, professeur de morale sociale
au Département d'études religieuses de l'Université
McGill, texte dont je vous lirai quelques extraits.
À la page 2 de l'annexe, ce texte, qui nous a été
fourni par le professeur Baum: «La loi 101, dit-il, [...] adoptée
sous le gouvernement de René Lévesque, constitue une
réalisation politique majeure pour le peuple québécois du
fait qu'elle remédie à une injustice héritée du
passé colonial du Québec.» (20 h 20)
On passe ensuite à la page 5, vers la fin: Les arguments
éthiques c'est sur ce plan que se place le professeur Baum de
McGill, les arguments moraux invoqués à l'appui de la
législation en matière de langue reposent tous sur le même
fondement: les deux principes que nous avons déjà exposés
plus haut. Les lois qui renforcent les droits collectifs aux dépens des
droits individuels ne sont acceptables du point de vue de l'éthique que
si, primo, elles se fondent sur des raisons valables et urgentes et, secundo,
si elles n'imposent que des restrictions minimales, c'est-à-dire sans
conséquences graves. Plus l'urgence est grande, plus les restrictions
sont justifiées, dit Baum.
À la page 7: Appliquons maintenant les deux principes
énoncés à l'étude relative à l'affichage
dans la loi 101 en examinant les raisons, et puis ensuite les restrictions. Les
raisons sont valables et sont urgentes, dit Gregory Baum, professeur de
McGill.
Premièrement: «La loi 101 [...] est le fruit d'une longue
lutte historique contre une domination coloniale et vise à
remédier à une vieille injustice.»
Deuxièmement: «Pour la majorité des
Québécois, la loi 101 assure symboliquement la protection de leur
identité culturelle.»
Troisièmement: «La loi 101 défend les
intérêts économiques de la grande majorité des
Québécois en leur permettant de travailler et de commercer
désormais dans leur langue et, du coup, de remettre en cause
l'hégémonie économique de la minorité.»
Quatrièmement: «La loi 101 donne au Québec un visage
français en montrant de façon symbolique que la
société québécoise est francophone et non pas
bilingue, ce qui constitue un message important pour les immigrants.»
Cinquièmement: «La langue française reste
menacée au Québec pour diverses raisons: d'abord à cause
de la présence envahissante de la culture et de la technologie
américaines; ensuite, du fait que l'anglais est devenu la lingua franca
à travers le monde; et, troisièmement, par suite de la condition
minoritaire des Québécois au sein d'un Canada qui, grâce
à une immigration massive et récente, n'est plus
considéré comme le résultat d'une union entre deux
peuples.»
Sixième point:, «La langue d'un petit peuple qui vit
à l'ombre d'une grande civilisation risque toujours de devenir
folklorique et de ne plus être apte à refléter tous les
aspects de la vie sociale et intellectuelle des
Québécois.»
Page 9: «Maintenant que nous avons démontré la
validité et le caractère d'urgence des raisons sur lesquelles se
fonde la loi 101, examinons, dit le professeur Baum, la nature des restrictions
que cette loi impose aux minorités linguistiques.»
Premièrement: «Les restrictions prévues par la loi
dans le domaine de l'affichage ne portent pas foncièrement atteinte
à la liberté d'expression qui a pour but de protéger le
pluralisme politique, idéologique et artistique et ne concerne que de
façon très indirecte l'affichage commercial.»
Deuxièmement: «Les anglophones du Québec peuvent
continuer de faire affaire en anglais. Les restrictions portant sur l'affichage
n'empêchent pas les commerçants anglophones de faire leur
publicité en anglais à la radio, à la
télévision, dans les journaux, les revues hebdomadaires, la
presse de quartier et les circulaires. De même, les grands magasins et
les simples boutiques conservent les moyens d'amplifier leur clientèle
de langue anglaise.»
Troisièmement: «La loi 101 ne menace pas la survivance des
institutions historiques de la collectivité anglophone, telles que les
écoles, les universités, les hôpitaux, les services de
bien-être social et les autres organismes communautaires.»
Quatrièmement, page 10: «Selon M. Charles Taylor, s'il est
vrai qu'il y a lieu de protéger et de promouvoir la langue
française au Québec, les mesures législatives qui portent
sur l'affichage n'avantagent aucunement le français et n'ont [...] pas
de conséquences.» «À mon avis», dit Gregory
Baum, lui aussi professeur de McGill comme Charles Taylor, professeur au
Département d'études religieuses... «À mon
avis, dit Baum, ce grand philosophe sous-estime la force des symboles. Le
visage français que la loi donne au Québec, par ses dispositions
sur l'affichage, adresse un message important à ceux qui ont
passé leur vie ici de même qu'aux nouveaux arrivants.»
Cinquièmement: «À mon avis, dit Gregory Baum, les
Québécois d'origine française sont bien trop sensibles
à l'attitude négative de la presse et de l'opinion publique du
Canada anglais relativement à la question linguistique. À cause
du caractère asymétrique de la Confédération
canadienne, d'un mépris et d'une hostilité
héréditaires et du fait qu'ils n'ont jamais eu besoin
d'institutions pour protéger leur langue, les anglophones du Canada,
même les mieux intentionnés, sont généralement
incapables de comprendre la situation du Québec et l'importance de la
Charte de la langue française.»
Le Président (M. Doyon): M. Bouthillier. M.
Bouthillier: «S'ils devaient»...
Le Président (M. Doyon): M. Bouthillier, je vous indique
que le temps qui vous est alloué est terminé. Alors, si vous
voulez bien conclure de façon à ce que les échanges
puissent commencer avec les membres de cette commission.
M. Bouthillier: Je conclus sur Baum qui nous dit: Si les
francophones du Québec «devaient se laisser culpabiliser par cette
attitude négative, les Québécois feraient preuve d'une
irrationalité qui pourrait même compromettre l'avenir de leur
culture.»
C'est pour cela et pour toutes les autres raisons que le Mouvement
Québec français, ici, est venu dire son opposition au projet de
loi 86 et son attachement à la loi 101.
M. le Président, au nom de mes amis, je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouthillier. M. le
ministre vous avez maintenant la parole pour 20 minutes.
M. Ryan: Oui. Je voudrais tout d'abord, M. le Président,
saluer les représentants du Mouvement Québec français et
leur dire qu'il est toujours intéressant pour nous d'échanger
avec eux sur les questions linguistiques.
Je n'ai pas besoin de préciser, d'entrée de jeu, que je ne
partage pas l'approche fondamentale du Mouvement Québec français.
Je pense que c'est une approche qui dramatise à l'extrême la
situation dans laquelle nous avons à prendre des décisions de
cette nature. C'est une approche qui sous-estime singulièrement
l'aptitude de la liberté, quand on la reconnaît chez les citoyens,
à prendre des décisions raisonnables, et c'est une approche qui
érige aussi des barrières d'incompréhension beaucoup trop
élevées entre personnes de lan- gues et de cultures
différentes. Sur ces points fondamentaux, j'inscris mon désaccord
et mon droit de l'exprimer, celui du gouvernement aussi.
Le Mouvement Québec français reproche au gouvernement de
vouloir tenir compte de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans
notre législation linguistique. On a tenté de
légiférer, il y a 15 ans, en faisant abstraction de l'article
133. Les tribunaux ont été saisi de contestations et se sont
prononcés clairement qu'aussi longtemps que nous vivons dans l'ensemble
canadien quelles que soient les opinions des uns et des autres
les lois de ce pays s'appliquent, et ceux qui font des lois dans ce pays
doivent en tenir compte, à moins de vouloir se nourrir d'abstractions ou
de théories coupées de la réalité.
Alors, quand nous reconnaissons la réalité de l'article
133 pour traiter de la langue de la législation et de la justice, je
pense que nous faisons acte de vérité. Depuis déjà
15 ans, nous présentons à la population un texte officiel qui ne
traduit pas la réalité véritable des choses que nous
faisons tous les jours. Nous voulons tout simplement rétablir la
vérité. Il n'y a rien de changé, en réalité.
Et, quand nous reconnaissons la clause Canada, c'est une clause qui s'applique
dans le système d'enseignement du Québec depuis plusieurs
années déjà, avant même l'avènement du
gouvernement libéral. C'est une clause qui, dans notre cas, ne
crée pas de difficultés fondamentales parce que, comme nous
adhérons à la réalité canadienne, nous favorisons
depuis longtemps la clause Canada, l'application de la clause Canada en
matière d'admission à l'école. (20 h 30)
Alors, si ce sont des points qui vous scandalisent, je pense bien que
vous nous dites implicitement que c'est tout le Canada qui vous scandalise.
Nous respectons votre opinion, mais je ne saurais accepter que vous veniez nous
l'imposer. Je vous le dis franchement.
En matière d'enseignement, je pense que vous faites un gros plat
avec l'assouplissement que nous apportons concernant l'apprentissage d'une
langue seconde. Si vous lisez attentivement la disposition contenue à
l'article 22 du projet de loi, vous verrez clairement qu'il est dit que cet
article «n'empêche pas l'enseignement dans une langue autre que le
français afin d'en favoriser l'apprentissage». Pas pour n'importe
quelles fins, pas pour des fins d'enseignement en général,
«afin d'en favoriser l'apprentissage, selon les modalités et aux
conditions prescrites dans le Régime pédagogique établi
par le gouvernement en vertu de l'article 447 de la Loi sur l'instruction
publique».
Prendre prétexte d'un texte comme celui-ci pour tenter de faire
croire à la population que nous voulons transformer les écoles
françaises du Québec en écoles bilingues ou en
écoles anglaises on est allé jusque-là c'est
tromper la population, c'est répandre des mythes, et je dirais
même des mensonges. Je tiens à clarifier ces choses. Ce que nous
visons ici, c'est une réponse efficace au voeu de 90 % au moins des
parents du Québec qui veulent que leurs enfants, lorsqu'ils
quittent l'école secondaire, n'aient pas passé 11
années à l'école pour en sortir incapables de s'exprimer
dans la langue anglaise ou dans une autre langue seconde. Mais ce sera, dans la
très grande majorité des cas, la langue anglaise pour des raisons
évidentes. Alors, je ne vois pas ici, je vous le dis franchement,
où est le mal, je ne vois pas où est le danger mais je ne vois
qu'exagération dans les interprétations que l'on nous
propose.
En matière d'affichage, j'avais invoqué le
témoignage de Gregory Baum, qui est un de mes vieux amis, que je connais
très bien, dont je respecte les opinions. Je ne les partage pas
toujours, évidemment. Mais ça, c'est un jeu facile, les
citations. Je pourrais vous citer l'article de Michel Lebel, dans Le Devoir
de ce matin, qui est un juriste respecté de l'Université du
Québec à Montréal, et combien d'autres. Editorial qui
paraissait dans La Presse encore aujourd'hui. Combien d'articles ont
paru dans les journaux, depuis une couple de semaines, établissant, je
pense, de manière très fortement majoritaire le caractère
foncièrement modéré des modifications que nous voulons
apporter à la loi 101 afin non pas de l'annihiler, non pas d'en
détruire l'esprit, mais de la rendre mieux adaptée aux
réalités actuelles.
J'en viens à l'affichage, qui est le sujet principal de
discussion. Parce qu'en matière d'enseignement, vous aurez beau
je vous le dis en toute simplicité, je vous connais depuis longtemps
essayer de créer des frayeurs, ce sera artificiel parce que ce
n'est pas ce que vous trouverez dans le texte de loi si vous l'examinez
objectivement.
En matière d'affichage, il y a un changement important. Je pense
que c'est normal que nous en discutions. Et je vous pose la question que je
trouve dans l'article du professeur Lebel dans La Presse de ce matin:
«Le gouvernement devait tenir compte en cette matière de deux
considérations. La première, c'est que toutes les instances
judiciaires et quasi judiciaires depuis 1985, soit la Cour supérieure du
Québec, la Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du
Canada et le Comité des droits de l'homme des Nations unies ont
affirmé que l'affichage commercial unilingue français allait
à l'en-contre de la liberté d'expression. Le gouvernement du
Québec devait prendre acte de ces verdicts et proposer des
corrections.»
Vous n'avez pas parlé du tout de cet aspect-là dans votre
présentation. Je n'ai entendu aucune mention de la liberté
d'expression. J'aimerais que vous nous disiez comment vous réagissez
à ces jugements nombreux qui se sont accumulés au cours des
années, qui ont été menés de manière unanime
par les magistrats appelés à se prononcer sur les dispositions de
la Charte de la langue française traitant de l'affichage. Nous,
ça nous a préoccupés du côté du gouvernement.
Chaque fois qu'un jugement défavorable est rendu, non seulement au sujet
de la Charte de la langue française mais au sujet de n'importe quelle
loi du gouvernement, moi, ça me préoccupe, comme membre du
gouvernement, et je me dis: Si nous avons raison, nous irons en appel; si nous
avons tort, nous modifierons notre législation de manière
à la rendre acceptable. Une fois que vous avez épuisé tous
les recours, qu'est-ce que vous faites? J'aimerais que vous me disiez
ça.
Le Président (M. Doyon): M. Bouthillier.
s
M. Bouthillier: Oui, il y a beaucoup de choses à dire.
Dans votre intervention, M. le ministre, vous avez parlé de l'article
133 et de la clause Canada en disant: Enfin, il est normal que l'on
intègre ça dans la Charte. Pour ce qui est de l'article 133, je
ferai quand même remarquer que vous-même, M. Ryan, vous-même
en commission parlementaire, lorsque nous avons discuté du projet de
rapatriement de M. Trudeau, vous avez dit: Si l'Ontario ne se fait pas
appliquer l'article 133, je ne vois pas pourquoi le Québec se le ferait
appliquer.
En ce qui concerne la clause Canada, vous étiez à
l'Assemblée nationale en 1981-1982 lorsque celle-ci a refusé
d'accepter de reconnaître la Constitution pour les raisons que vous
savez. Le Québec refuse toujours cette Constitution. Voici que, faut-il
dire, par un détour, par la bande, en pièces,
détachées, vous acceptez un des éléments
essentiels, un des éléments les plus importants de la
Constitution que vous-même, M. Ryan, vous-même refusiez en
1981-1982.
Vous avez parlé de barrières d'incompréhension. Les
barrières au Québec, les solitudes au Québec, les deux
solitudes, M. Ryan, existaient bien avant la loi 101. Ces barrières, ces
solitudes, elles sont le fruit de l'histoire. La loi 101, qui veut faire
justement du français la langue commune à tous les
Québécois, est une loi qui vise justement à nous sortir
les uns et les autres de nos incompréhensions réciproques, de nos
mutismes réciproques, de nos solitudes réciproques. Elle vise
surtout et ça, c'est très important de le dire, car nous
sommes dans ce siècle de grande immigration internationale
à nous protéger contre le danger de l'apartheid. C'est un mot que
je n'invente pas, c'est un mot que j'emprunte à l'avis du professeur
Marc Levine qui est venu ici, au Québec, en témoigner le 15
novembre dernier: Attention, si vous laissez tomber la loi 101, attention, si
vous affaiblissez la loi 101, vous risquez fortement de créer un
apartheid dans la région de Montréal. Et «apartheid»,
c'est beaucoup plus qu'une barrière d'incompréhension, c'est
l'intolérance, c'est les difficultés, c'est les inimitiés,
c'est les conflits dans nos quartiers, dans nos rues, dans nos villes.
La loi 101 est une loi de rapprochement. Pourquoi est-ce qu'on ne lui a
pas donné sa chance? Depuis qu'elle est née, cette loi, depuis
qu'elle a été adoptée il y a un peu plus de 15 ans, ici,
dans cette Assemblée nationale, il s'est trouvé des gens, pour
des motifs politiques inspirés par l'appareil fédéral
gouvernement, Commissariat aux langues officielles, Parlement
fédéral il s'est trouvé toute une machine pour
faire la guerre à la loi 101: la guerre législative, la guerre
judiciaire, la guerre de propagande, qui est la pire, parce qu'elle mine, au
fond. (20 h 40)
Si on avait laissé à la loi 101, comme on laisse à
un coureur sa chance, vous ne croyez pas qu'effectivement on aurait
commencé... D'ailleurs, on commence. Regardez nos écoles, nos
écoles sont devenues, grâce à la loi 101, des écoles
de compréhension, des écoles d'ouverture, des écoles de
fraternité, enfin, at long last! Nos écoles françaises
sont les écoles où viennent prendre place des enfants qui,
autrement, seraient allés ailleurs, dans les autres écoles. Vous
le savez très bien, M. Ryan. Et ces enfants, grâce à la loi
101, vont devenir les enfants de nos propres enfants. La loi 101, c'est une loi
d'amitié, c'est une loi de fraternité, c'est une loi d'ouverture
sur le monde. La loi 101, c'est précisément la charte avec
laquelle, par laquelle et grâce à laquelle le peuple du
Québec a décidé de s'ouvrir au monde. Et nous demandons,
bien sûr, en retour que le monde s'ouvre à nous tels que nous
sommes, fabriqués avec notre histoire, notre culture, notre
tempérament, notre volonté.
C'est ça, la loi 101. La loi 101 est une loi d'ouverture, si j'ai
bien compris.
Je continue?
Le Président (M. Doyon): Si vous voulez. Nous sommes ici
pour vous entendre.
M. Bouthillier: Merci.
Vous avez parlé de liberté d'expression, M. Ryan, en me
disant, en nous disant, si j'ai bien compris, que nous n'en avions pas
parlé. Je me permets quand même de vous reporter au texte de
Gregory Baum qui tourne essentiellement autour de ça. Charles Taylor
lui-même le disait: Les adversaires, la machine, la machine à
propagande se sert de l'argument de la liberté d'expression,
liberté fondamentale. Mais il n'y a pas matière à
liberté fondamentale là-dedans. La liberté d'expression
n'a pas été inventée pour permettre de vendre des
chaussures, elle sert à autre chose. La liberté d'expression, M.
Ryan, on en a fait un plat et on a voulu nous faire honte partout sur les
places du monde avec cette histoire de liberté d'expression.
Effectivement, l'opinion québécoise a été un
petit peu ébranlée par cette affaire. Nous avons le respect des
libertés; lorsqu'on nous dit qu'on brimerait une liberté
fondamentale, on s'inquiète. Effectivement, on a cherché dans
cette histoire à voir s'il n'y avait pas d'autres exemples de par la
terre de peuples aussi civilisés, aussi propres et aussi ouverts que
nous qui portaient atteinte aux libertés d'expression. On cherchait, on
cherchait dans tous les coins etc. pour constater qu'il n'était pas
indispensable d'aller à l'autre bout du monde, qu'il suffisait d'aller
à côté, au Canada.
Nous aussi nous reconnaissons la réalité canadienne, M.
Ryan. La réalité canadienne, c'est bien des choses, et c'est
notamment un CRTC, Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes, c'est aussi une
réglementation du CRTC, c'est aussi une réglementation concernant
le contenu canadien, justement, des ondes radio et télé. Mais
cette réglementation porte atteinte à la liberté
d'expression. Cette réglementation sur le contenu canadien limite la
liberté d'expression sur les ondes de radio et de télé.
Est-ce qu'il y a des jugements de la Cour Suprême qui l'interdisent?
Le Président (M. Doyon): M. Bouthillier, simplement pour
vous rappeler qu'il reste trois minutes sur le temps qui devait servir à
un échange.
M. le ministre, vous voulez peut-être réagir aux
propos...
M. Bouthillier: Oui. Je suis tout à fait d'accord, M. le
Président. C'est vous qui m'aviez donné la...
Le Président (M. Doyon): Oui. C'est pour ça que je
me permets de vous le rappeler. M. le ministre.
M. Ryan: Je vous écoute, M. Bouthillier... M.
Bouthillier: Merci, M. Ryan.
M. Ryan: ...vous ne répondez pas du tout à la
question qui est posée. Quand on parle d'un magistrat de la Cour
supérieure, de trois ou cinq juges de la Cour d'appel du Québec,
de sept juges de la Cour suprême du Canada, ce ne sont pas des membres
d'un appareil de propagande à ma connaissance, ce ne sont pas des gens
qui sont au service d'intérêts particuliers, ce sont des
magistrats qui ont été nommés d'une manière
légitime, qui sont munis d'une indépendance considérable
pour juger des actes des citoyens, des entreprises et des gouvernements. Il
arrive souvent, nous le savons, nous, qui sommes au pouvoir, que les tribunaux
viennent annuler des décisions très importantes que nous pensions
avoir prises en toute légitimité. Alors, je vous dis: Vous ne
répondez pas à cette question-là qui nous a
été adressée de manière
répétée au cours des dernières années. Et ce
n'est pas par l'invocation exclusive du témoignage d'un
théologien que vous pouvez répondre aux problèmes
pratiques d'ordre politique auxquels fait face un gouvernement. Et quand vous
me dites que la loi 101, dans toutes ses dispositions, est une loi inclusive,
une loi d'amitié, ça paraît que vous n'êtes pas sur
le terrain de l'action politique concrète, vous recueilleriez de toutes
autres réactions que celle-là, et pas seulement de membres des
«establishments» économiques, de citoyens ordinaires,
d'honnêtes gens d'une autre langue qui paient des taxes comme vous et moi
et qui trouvent que leurs droits fondamentaux étaient violés et
contredits dans certaines dispositions de la loi. Nous voulons tenir compte de
ces réalités, et je crois que les modifications que nous
proposons sont des modifications tout à fait raisonnables et
modérées.
Ce que j'ai entendu ce soir de votre part ne réussit pas du tout
à ébranler l'option qu'a faite le gouvernement de tenir compte
davantage de la liberté d'expression en matière d'affichage, tout
en veillant à assurer, dans le futur texte législatif, la nette
prédominance du français.
Le President (M. Doyon): Trente secondes pour réagir, si
vous le voulez, M. Bouthillier.
M. Bouthillier: Les juges de la Cour suprême sont des gens
nommés, des gens sérieux, des gens qui étudient, des
gens... Est-ce qu'ils l'étaient tellement moins en 1988-1989, quand vous
avez décidé, pour des intérêts supérieurs, de
vous servir de la clause qui redonne à l'Assemblée nationale sa
souveraineté parlementaire? Est-ce que ces juges étaient moins
valables que ceux d'aujourd'hui? Pourquoi est-ce que vous avez fait fi des
juges de la Cour suprême à l'époque et pourquoi est-ce que,
tout d'un coup, maintenant, vous avez inventé l'idée qu'il
fallait se soumettre à eux aujourd'hui et pas hier?
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouthillier.
Le temps qui était dévolu au parti ministériel est
maintenant écoulé.
Je reconnais Mme la députée de Chicoutimi pour 15 minutes,
étant entendu que le temps qu'elle ne prendra pas pourra être
partagé avec ses collègues.
Mme Blackburn: Bien. Merci, M. le Président.
M. Bouthillier, messieurs, bonsoir. Alors, je vais tenter d'avoir des
commentaires relativement brefs parce que mes collègues veulent
également participer à l'échange.
M. Bouthillier, je pense que vous vous inspirez peut-être des
propos de M. Ryan en 1988 pour établir la distinction entre la
liberté de vendre des chaussures dans sa langue et la liberté
d'exprimer une opinion ou la liberté religieuse. Je rappelle les propos
de M. Ryan le 20 décembre 1988, lorsqu'il commentait l'adoption de la
loi 178 et les jugements de la Cour. Il disait, et je cite: «Je ne suis
pas davantage convaincu, je vous le dis en toute simplicité quand
on dit souvent "en toute simplicité", ça cache quelque chose
par l'opinion de la Cour suprême du Canada selon laquelle il
existerait un lien vital et essentiel entre le discours commercial et le
discours intellectuel, politique, culturel, social ou religieux. «Le
discours commercial, c'est-à-dire la promotion de la publicité
des produits, des biens et des services dans un but lucratif se rattache bien
davantage, dans mon esprit, à la liberté du commerce qu'à
la liberté d'expression proprement dite. Or, la liberté de
commerce, tout en étant un élément très important
d'une vision libérale de la société, ne se situe pas au
même niveau que les grandes libertés fondamentales que proclament
les chartes des droits humains depuis le deuxième conflit
mondial.»
Et il poursuivait: «Mais lorsqu'on leur parle du droit à
l'affichage commercial, et même du discours commercial, je pense qu'on
peut introduire beaucoup de nuances et que la page 75 du jugement de la Cour
suprême est loin d'être le dernier mot en ces matières. Le
débat continuera, nous annonce-t-il, et je souhaite vive- ment qu'il
continue et je m'engage c'est le ministre Ryan qui parle pour ma
part, à continuer de l'alimenter.»
Il rejoint, dans ses propos, les commentaires du professeur Baum et on
croirait qu'ils se sont inspirés l'un l'autre, sauf qu'il y en a un qui
a de la suite dans les idées; le Dr Baum, s'entend. Et le ministre tente
par tous les moyens de minimiser l'importance de la loi. Pourtant, et il le
sait, la seule façon de rassurer le Québec, les
Québécois, tous ceux et celles qui s'inquiètent des
impacts de son projet de loi sur la loi 101 en matière d'administration,
de justice, d'éducation, d'enseignement et d'affichage, ce serait
d'avoir les projets de règlements. Pourtant, il nous les refuse
toujours. (20 h 50)
À présent, M. Bouthillier, sur la base du texte duquel
vous avez tiré de grands extraits du Dr Baum, est-ce que vous
pourriez... Le docteur conclut en disant que ces réflexions
éthiques démontrent bien que la loi 101 est, du point de vue
moral, parfaitement acceptable, même si les tribunaux canadiens et un
comité de l'ONU considèrent qu'elle va à rencontre des
chartes qui protègent les droits individuels.
Vous faisiez référence, peut-être de façon
trop brève tout à l'heure, à un parallèle
qu'établit le Dr Baum avec une interdiction qui est posée par le
CRTC pour limiter les contenus étrangers dans la
télévision et la radio. Pourriez-vous un peu expliciter par
rapport à cet aspect de la question?
M. Bouthillier: Au fond, il y a plusieurs choses à dire
là-dessus. Effectivement, il y a deux poids deux mesures. On nous
traîne devant les tribunaux du monde ou on voudrait prétendre nous
traîner devant les tribunaux du monde parce qu'on a fait ce qu'on a fait
dans l'affichage commercial, alors que le Canada se pavane sur toutes les
scènes du monde comme étant, évidemment, le grand
défenseur et le grand témoin des grandes libertés
fondamentales; lui aussi a ses limites, et ces limites du CRTC sont autrement
plus importantes, car elles touchent...
Dans la hiérarchie des valeurs, le discours politique, le
discours littéraire, le discours culturel, le discours
idéologique est autrement plus important que le discours commercial. Il
porte atteinte à ça, personne ne le lui reproche. Nous, on
essaie, si vous voulez, pour nous défendre... vous savez, on est 2 %...
c'est nous, david, et goliath, c'est l'autre. on essaie de se défendre
et on veut nous enlever notre fronde! on voudrait nous enlever la petite fronde
qu'on s'est faite et on voudrait presque que l'on ait honte d'avoir eu
l'idée de nous donner une fronde. ça vous paraît normal,
ça?
Mme Blackburn: Bien. Alors, comme mon collègue de...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Joliette.
Mme Blackburn: ...Joliette...
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Dans un premier temps,
je voudrais vous dire que j'écoutais religieusement le ministre, et nous
avons eu droit aux salades habituelles quand on n'est pas d'accord avec lui.
Dans les cinq premières minutes, il vous a dit que vous aviez une
approche fondamentale, que vous créiez des barrières
d'incompréhension, que vous vous nourrissiez d'abstractions, que vous
étiez coupés des réalités, que vous étiez
des trompeurs et des menteurs. Tout ça dans les cinq premières
minutes. Ça, c'est le mépris habituel qu'on reçoit de cet
homme lorsqu'on n'est pas d'accord avec lui.
Ceci dit, je voudrais vous demander à vous, qui avez à
vous promener à travers le Québec et qui représentez des
multitudes de travailleurs dans chacun de vos secteurs: Est-ce que vous avez
senti, depuis déjà une semaine, lorsqu'on explique exactement les
enjeux de la loi 86, une mouvance et un changement d'attitude des
Québécois qui semblaient fatigués de ce genre de
débat stérile? Est-ce que vous avez remarqué un certain
intérêt accru et une certaine volonté de se défendre
ardemment contre l'agression qui est faite à la loi 101?
M. Bouthillier: Est-ce que je dois répondre à votre
question?
M. Chevrette: Oui.
M. Bouthillier: Nettement, très nettement. Et je veux, je
pense, appeler l'attention de tous sur une comparaison qui est souvent faite
entre, disons, le climat actuel ce n'est pas un climat facile sur le
plan politique, économique, social et le climat d'il y a quatre
ou cinq ans quand M. Ryan avait décidé, effectivement, que
l'Assemblée nationale aurait le dernier mot sur la Cour
suprême.
Il y a eu cette grande manifestation, dont tous les
Québécois sont fiers, au centre Paul-Sauvé, le 18
décembre 1988, et ensuite il y a eu celle dans les rues de
Montréal, le 12 mars 1989, où certains d'entre vous étiez
peut-être présents. Et aujourd'hui, effectivement, il n'y a pas 60
000 personnes dans les rues de Montréal, il n'y a pas 50 000 personnes
devant le Parlement du Québec, pas encore.
Qu'est-ce qui s'est passé en 1988? Dès 1986, le Mouvement
Québec français, les mouvements qui constituent le Mouvement
Québec français se sont mis en marche. La campagne «Ne
touchez pas à la loi 101» a commencé en mai 1986. En
décembre 1986, nous avons fait une manifestation à
Paul-Sauvé; il y avait 5000 à 7000 personnes. Le 17 avril 1988,
il y avait 25 000 personnes dans les rues de Montréal. C'est ce qu'on
appelle un crescendo.
La manifestation du 18 décembre, M. Ryan et je me permets
de vous le dire parce que je sais qu'elle vous a frappé et qu'elle a
frappé M. Bourassa, il l'a dit sur les ondes de la télé ce
soir-là ce n*était pas le lapin tiré du chapeau du
magicien, c'est une préparation, une longue préparation, un
mûrissement de l'opinion publique du Québec. Et là, voici
que l'on se retrouve dans une situation difficile, devant un projet autrement
plus considérable, d'une ampleur autrement plus grave que celle dont on
nous avait parlé.
Ce n'est pas seulement l'affichage qui en cause, c'est bien des choses
et des idées fondamentales derrière tout ça. On se
retrouve devant un document d'une ampleur considérable et on voudrait
que, sans préavis, on stimule une opinion publique! Mais nous sommes sur
le terrain, nous étions au Plateau il y a huit jours. Hier encore, nous
avions une conférence de presse où on annonçait une
activité, et d'ores et déjà on le sent, ceux qui
étaient tannés, comme on dit, de cette histoire-là, ceux
qui ne voulaient plus en entendre parler, ils commencent à en parler.
Écoutez les ondes radio!
J'ai reçu depuis trois jours quatre coups de
téléphone de personnalités politiques, artistiques, etc.,
que j'avais invitées à venir prendre la parole avec nous au
Plateau, qui s'étaient excusées au moment où je les ai
invitées, pour toutes sortes de raisons, je suppose, et qui m'ont dit
depuis ces deux ou trois jours: La prochaine fois, je veux en être, parce
qu'ils voient bien que le courant est en train de monter, ils voient bien que
cette opinion publique, malgré les difficultés... Et je ne suis
pas sûr, moi, que ce sera à l'honneur historique du gouvernement
d'avoir choisi un temps si difficile pour les Québécois et les
Québécoises pour essayer de leur arracher un document et un
acquis aussi importants. Dans un moment aussi difficile, malgré tout, on
voit l'opinion publique se former, et on voit que cette opinion publique
n'acceptera pas ce projet de loi qui est très grave parce qu'il
contredit la loi 101, il menace la langue française et, surtout, il
contredit l'idée qui est à la base de tout ce qu'on fait depuis
30 ans: qu'ici, c'est le foyer national d'un peuple francophone et que ce n'est
pas une province franco-anglaise.
Voilà, M. le député Chevrette, les
éléments dé réponse à votre intervention de
tout à l'heure.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouthillier.
Je sais que le député d'Anjou brûle de vous adresser
la parole. Je vous signale qu'il reste à peine trois minutes et
quelques. Alors, M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président.
Le ministre semble parler du caractère inexorable,
inévitable d'inclure la clause Canada dans le nouveau projet de loi
à cause, justement, des décisions récentes... des
décisions, disons, passées de la Cour d'appel et de la Cour
suprême, mais je pense que le ministre ne comprend pas quelles sont, au
plan constitutionnel, tant sur le plan constitutionnel que sur le plan
politique, les conséquences réelles et désastreuses de
cette reconnaissance de cette Constitution de 1982 qu'aucun gouvernement du
Québec n'a acceptée. Quelles sont, d'après
vous, les conséquences?
M. Bouthillier: En tout les cas, une chose que je remarque, c'est
que le peuple du Québec a dit «non» au projet de 1982,
à la sauce de Charlottetown, et on dirait en quelque sorte qu'on
voudrait lui tourner le dos, faire comme si sa décision d'octobre
dernier n'existait pas et reprendre par la bande ce qu'on a perdu! Il y a
presque un esprit de revanche là-dedans.
Michel, tu voulais intervenir?
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur.
M. Rioux (Michel): Je voudrais préciser quelque chose. Il
faudra, je pense, que le gouvernement, dans les prochains jours, sinon dans les
prochaines semaines, fasse appel à tous ses propagandistes
patentés pour réussir à convaincre le peuple
québécois que la principale urgence était, à ce
moment-ci, de rouvrir la question linguistique alors qu'il y a à peu
près 600 000 chômeurs, autant d'assistés sociaux. Ce
n'était vraiment pas le temps de se lancer là-dedans. Il y a
là comme une rapidité suspecte qui nous amène à
penser qu'on se livre, au hasard des sondages, au gré des
échéances électorales, et agrémentez tout cela de
calculs électoraux, assaisonnez aussi tout cela de coups de gueule
d'Alliance Québec, il y a là comme des comptes à rendre ou
des «IOU» à payer, et il nous semble qu'on fait des
mélanges.
M. Ryan, il y a trois semaines ou un mois, on le rencontrait et il nous
faisait un parallèle entre les Héro-diens et les zélotes;
ceux qui ont fréquenté la Bible s'en souviendront...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rioux: II me semble de Gérald Laro-se mais,
visiblement, je pense que vous n'aviez pas écouté sa
réplique vous avait expliqué un certain nombre de choses:
que, par exemple, la liberté d'expression fondée sur le droit de
propriété ne permettait pas de faire n'importe quoi. Comme, par
exemple, à quatre heures du matin, de se mettre à tirer du .12
sur les personnes qui marchent dans la rue, ou alors, à minuit, de se
mettre à crier dans un mégaphone. Il y a des choses qui
s'appellent des aménagements dans les sociétés.
La loi 101 est un aménagement linguistique et, en matière
linguistique, il semble que l'expérience nous apprend qu'il faut laisser
au temps le temps de faire son oeuvre. Or, il y a là des
rapidités extrêmement suspectes qui risquent de mettre en
péril les fondements d'une certaine paix sociale qu'on avait
réussie à atteindre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rioux.
Compte tenu du temps qui reste, c'est au tour du député de
D'Arcy-McGee de s'adresser aux invités. (21 heures)
M. Libman: Merci, M. le Président.
It is always a pleasure for me to come face to face with M. Bouthillier
du Mouvement Québec français. We have never agreed in the past
and nothing leaves me to believe that we will find serious common ground
tonight.
What I still would like to go back to... the fundamental question that
the minister was asking you and that you avoided answering. You have been
speaking of a jurist this evening. He mentionned that the question of banning
other languages on signs was found by the Superior Court of Québec, by
the Appeal Court of Québec, by the Supreme Court of Canada to be a
violation of freedom of expression. Eleven judges unanimously ruled in this
manner; eight juges from Québec ruled in this manner by invoking both
the Québec Charter of Human Rights as well as the Canadian Charter.
Since then, the United Nations Human Rights Tribunal, 18 jurists, 18 experts in
human rights, ruled that banning languages on signs violated freedom of
expression. You still not have answered whether or not you feel that this whole
slew of juges is wrong or wether you agree with their decision.
M. Bouthillier: Thank you very much for your question, M. Libman.
It is always a pleasure to speak to you.
Ceci dit, vous avez dit que les experts du Comité des droits de
l'homme des Nations unies étaient des experts en droit de l'homme.
Certes, mais ils ne sont pas des experts en histoire, en réalité,
en politique québécoises. Leur document pèche
fondamentalement par le fait qu'il est fondé sur une erreur sur la
personne, c'est-à-dire sur nous. C'est nous qui sommes en cause. Ce
jugement, ce document, cet avis se trompe de personne.
Relisons-le, ce document: Qu'est-ce qu'il dit de nous? Qu'est-ce qu'il
dit du Québec? Il ne dit rien du Québec. Le Québec n'est
pas là. La majorité francophone du Québec dont on parle
partout dans la vie politique québécoise et même
canadienne, cherchez-la dans le document; elle n'est pas là. Il n'y a
pas le Québec, il n'y a pas le peuple du Québec, il n'y a pas la
majorité francophone du Québec; tout ce qu'il y a comme si
on était allés chercher ça dans le fond des tiroirs de
l'histoire c'est la minorité francophone du Canada. C'est une
erreur fondamentale! Ce jugement, ce document ne s'adresse pas à la
bonne personne; il n'y a plus de minorité francophone au Canada, nous
sommes le peuple majoritaire francophone du Québec.
Et ce n'est pas par susceptibilité, M. Ryan, mesdames et
messieurs, que je soulève cette erreur fondamentale sur nous. Nous ne
sommes pas susceptibles. Je le souligne parce que le fait de nous
catégoriser dans ce groupe de minoritaires nous affaiblit et rendait
impossible à ce groupe de reconnaître la validité, la
légitimité de la loi 101.
Relisez la charte du mois de décembre 1966, la
charte de l'ONU, reconnaissant les droits civils et politiques. Relisez
son article 27, et surtout son article 27 qui a été cité
d'ailleurs; il y a une référence directe à l'article 27
dans le document de l'ONU. L'article 27 reconnaît les droits des
minorités linguistiques. Et quels sont les droits des minorités
linguistiques aux yeux de l'ONU? Us sont extrêmement ténus,
extrêmement limités. L'ONU est extrêmement chiche
excusez-moi du mot quand vient le moment de reconnaître aux
minorités linguistiques des droits en matière linguistique. Tout
ce qui est reconnu à l'article 27, c'est ceci: Dans les États
où il existe des minorités linguistiques, les personnes ce
n'est même pas des minorités qui se voient reconnaître des
droits, ce sont les personnes, vous et moi appartenant à ces
minorités ne peuvent être privées voyez comme c'est
négatif, voyez comme c'est chiche du droit en commun avec les
autres membres du groupe de parler leur langue.
Tout ce que ça veut dire en bon français, en clair, c'est
qu'entre nous on peut parler notre langue et que la GRC ne peut pas venir nous
empêcher de le faire. À peu près, c'est ça que
ça veut dire. Alors, évidemment, quand vous vous placez sur une
base aussi mince, aussi maigre, aussi chiche et puis que vous regardez la
Charte des droits de l'homme, la Déclaration universelle des droits de
l'homme, vous vous dites: Sur une base aussi étroite, je ne peux
évidemment pas porter atteinte à la liberté d'expression.
Par contre, si on nous avait reconnus comme majorité, on nous aurait
permis de le faire.
Le Président (M. Doyon): M. Bouthillier, ceci termine
l'heure que nous devions passer ensemble. Nous avons eu l'occasion
d'échanger, et je vous remercie au nom de la commission, et je remercie
les gens qui vous ont accompagné.
À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les
députés à reprendre leur place de façon à ce
que nous puissions procéder sans délai avec nos travaux. Le temps
nous est compté.
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
J'invite les représentants d'Alliance Québec à bien
vouloir s'avancer et prendre place à la table de nos invités,
s'il vous plaît.
À l'ordre!
Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Alliance
Québec. Je vois qu'ils ont pris place à la table. Je leur
répète très brièvement les règles qui nous
gouvernent. Nous aurons une heure pour leur présentation, cette
présentation étant réellement 20 minutes de leur
mémoire ou de leur réflexion, suivie de 20 minutes
accordées au parti ministériel, et ensuite 20 minutes aux deux
partis de l'Opposition qui sont représentés ici, à cette
commission, 15 minutes étant d'office réservées à
l'Opposition officielle et cinq autres minutes étant
réservées au représentant du Parti Égalité,
s'il veut s'en prévaloir.
Alors, si vous voulez bien vous présenter pour les fins de la
transcription de nos débats, nous sommes prêts à vous
écouter.
Alliance Québec (AQ)
M. Keaton (Robert J.): Merci, M. le Président.
Honorables députés de l'Assemblée nationale, je
suis heureux de vous adresser la parole, ce soir, en tant que président
d'Alliance Québec pour parler des modifications aux lois linguistiques
du Québec proposées dans le projet de loi 86.
M. Brian Rock, enseignant et adjoint spécial d'école de
l'organisation communautaire d'Alliance Québec à Baie-Comeau,
à ma gauche, et Mme Victoria Percival-Hilton, directrice
générale d'Alliance Québec, m'accompagnent, ce soir. (21 h
10) pour commencer, je vais brièvement vous décrire ce qu'est
alliance québec et ce que n'est pas alliance québec pour que vous
puissiez mieux comprendre le contexte dans lequel se situent nos commentaires
de ce soir. oui, nous sommes un groupe de pression qui défendons et
soutenons les droits civils et les droits de la personne de la
communauté d'expression anglaise du québec, une communauté
qui compte environ 760 000 québécois, soit plus de 10 % de la
population de notre province.
Cependant, nous sommes davantage qu'un groupe de pression parce que
notre organisme et notre réseau ont des racines dans la
communauté; nos membres proviennent de tout le Québec, de la
Basse-Côte-Nord à l'Outaouais; notre «membership» est
organisé en chapitres ainsi qu'en associations et institutions
affiliées qui élisent leurs directeurs de façon
démocratique.
La vaste majorité de nos membres travaillent activement au sein
de leur communauté en tant que chefs de file et bénévoles.
Tous veulent continuer à faire partie intégrante du
Québec. Nous voulons cohabiter sereinement avec nos concitoyens
québécois, payer nos impôts, élever nos enfants,
respecter les lois, respecter les autres, et contribuer de façon
constructive à un Québec prospère au sein du Canada.
Voilà ce qu'est Alliance Québec et voilà ce qu'elle
représente. Autrement dit, Alliance Québec n'est pas un groupe
radical, Alliance Québec est un organisme représentatif.
Les Québécois d'expression anglaise constituent une
communauté linguistique et non pas un groupe ethnique, racial ou
religieux. Notre communauté est étonnamment
hétérogène; nous constituons un groupe de personnes
extrêmement varié et disparate. Certains membres de la
communauté d'expression anglaise ont de profondes traditions
d'individualisme politique; ils manifestent de la méfiance, parfois,
envers une approche trop collectiviste. D'autres dénoncent avec vigueur
le discours et les manifestations nationalistes, d'extrême nationalisme,
pour en avoir observé les excès, dans d'autres pays par le
passé. D'autres ont fui des régimes autoritaires un peu partout
dans le monde et réagissent, encore maintenant, de façon
soupçonneuse aux démonstrations d'autorité excessive.
Toutes ces personnes et des milliers d'autres composent notre
communauté et, si je vous ai fait cette
courte description, c'est pour que vous compreniez mieux la
communauté de Québécois d'expression anglaise, ainsi que
le contexte, et non pas les causes, dans lequel se situent les réactions
de notre communauté aux questions politiques.
La communauté d'expression anglaise du Québec a subi un
déclin incroyable au cours des deux dernières décennies;
notre communauté a perdu plus de 200 000 de ses membres. Et, même
si les données récentes indiquent un ralentissement de cet exode,
les répercussions psychologiques se font toujours sentir.
Le nombre d'écoles anglaises au Québec a connu une
diminution considérable, passant de 519 en 1971 à environ 350
aujourd'hui. Nos enfants ont cherché à bâtir leur avenir
dans d'autres régions, voire dans d'autres pays, et cet exode a
marqué beaucoup notre communauté. Les jeunes
Québécois d'expression anglaise se sentent souvent
aliénés au sein d'une société où ils sont
parfois ridiculisés, qualifiés de «communauté
gâtée», oui, et de «minorité la mieux
traitée au monde». Oui. Très commodes ces expressions.
Comme la plupart des minorités du monde, la minorité
d'expression anglaise du Québec est souvent devenue, pour les
éléments d'extrême nationalisme, un bouc émissaire
pour les nombreuses frustrations. Très commode. Je ne poursuivrai pas
cette explication, sauf pour ajouter que notre communauté constitue un
élément fondamental du Québec, que nous avons des
préoccupations graves, et que nous voulons qu'on s'y attaque.
Le projet de loi 86 doit rétablir un sentiment de dignité,
d'équité et de justice envers notre communauté. Bill 86
must reestablish a sense of dignity, a sense of fairness, a sense of justice to
our community.
Maintenant, en ce qui concerne l'affichage. En tant qu'individus, nous
voulons retrouver notre droit fondamental d'afficher dans notre langue. En tant
que communauté linguistique, nous voulons que l'interdiction
imposée à notre langue soit levée. As a linguistic
community, we want the ban on our language removed.
La distinction entre le droit d'afficher dans notre langue et le droit
de voir notre langue figurer dans l'affichage est capitale pour les raisons que
la Cour suprême, dans sa célèbre décision de 1988,
invoquait pour établir que les deux étaient fondamentaux.
La position adoptée récemment par le maire de
Montréal à cet égard ne reconnaît pas cette
distinction lorsqu'il suggère que le droit à l'affichage bilingue
devrait être limité aux petites entreprises de quatre
employés ou moins.
L'aspect le plus odieux de l'unilinguisme imposé par la loi en
matière d'affichage est que les langues autres que le français
sont interdites en public. Dans notre cas, il s'agit d'une langue historique du
Québec, une langue officielle du Canada, la langue prédominante
en Amérique du Nord et une des cinq langues officielles des Nations
unies interdites au Québec.
Autrement dit, ce qui est en jeu ici est bien plus que le droit des
petites entreprises d'afficher en anglais, c'est la dignité et les
droits d'un groupe linguistique et la réputation du Québec aux
yeux du reste du monde.
En matière d'affichage, la position d'Alliance Québec a
consisté et consiste toujours à retrouver le droit fondamental
d'affichage dans notre langue. Nous ne demandons pas un bilinguisme
obligatoire. Certains manipulateurs de l'opinion publique tentent d'amener les
Québécois d'expression française à croire cela en
utilisant l'expression trompeuse de «bilinguisme
intégral».
Nous voulons simplement que l'interdiction d'afficher dans notre langue
soit levée. Cette interdiction dure depuis 16 ans. Cette interdiction
contrevient, comme vous l'avez écouté tout à l'heure,
à la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne; cette interdiction contrevient à la Charte canadienne des
droits et libertés; cette interdiction s'oppose au jugement unanime de
la Cour supérieure du Québec, de la Cour d'appel du Québec
et de la Cour suprême du Canada. Et, dernièrement, nous avons
appris que cette interdiction contrevient à la Déclaration
universelle des droits de la personne des Nations unies. Toutes ces sagesses
doivent être considérées comme beaucoup plus valides que
les opinions extrêmes de certains individus au Québec.
Elle a également causé des dommages inestimables aux
relations entre les Québécois d'expression anglaise et
française, malgré ce que disent certains individus quand ils
parlent de la paix sociale, entre le Québec et le reste du Canada, ainsi
qu'à la renommée internationale de notre province de
Québec. (21 h 20)
Grâce au projet de loi 86, nous espérons revenir à
une solution raisonnable, une solution qui, tout en exigeant la présence
du français, ce à quoi Alliance Québec ne s'est jamais
opposée... Nous ne nous sommes jamais opposés à l'exigence
légale... la présence du français permettrait la
présence d'autres langues... en autant que ça permette la
présence d'autres langues, et même à la
prédominance. Même à la prédominance.
Le message ainsi véhiculé à tous et à
toutes, y compris les immigrants, est que le Québec est une
société à prédominance française, mais
également une société qui respecte les autres langues. The
message that this will convey to everybody, including immigrants, is that
Québec is a predominantly French society, but also a society that is
respectful of other languages.
Je veux ici demander maintenant à tous les membres de ce
comité, au gouvernement, à l'Assemblée nationale de faire
en sorte que les dispositions sur l'affichage contenues dans le projet de loi
86 soient adoptées tel que présentées et ne soient pas
mises en péril par les règlements, et que tout cela s'effectue
dans un esprit d'ouverture et de compréhension.
Maintenant, je voudrais aborder une question encore plus
controversée et litigieuse, et pour certains même religieuse:
l'accès à l'école anglaise. Sur ce sujet en particulier,
il est essentiel de rétablir les faits. En abordant la question de
l'accès à l'école anglaise, Alliance Québec, et
dans ce cas la majorité de la communauté d'expression anglaise,
avait en tête un objectif simple. Pas un complot, un objectif très
simple: enrayer
le déclin des inscriptions dans nos écoles et enrayer la
fermeture de nos écoles qui en est la conséquence. C'est
ça, l'objectif, quand on aborde la question de l'accès à
l'école.
Nous ne voulons pas revenir en arrière, nous n'essayons pas de
détourner l'intention de la Charte de la langue française qui
cherche à favoriser l'intégration des immigrants à la
communauté majoritaire. Et nous n'essayons pas, sûrement, nous
n'essayons pas de déclencher une lutte au sujet des écoles, comme
certains chefs politiques l'ont laissé entendre de façon
irresponsable. Ce que nous essayons de faire, c'est simplement de faire en
sorte que le système scolaire anglais soit durable et viable au
Québec, ce qui signifie endiguer le déclin continu des
inscriptions dans nos écoles et endiguer les fermetures de nos
écoles.
M. Rock est enseignant à Baie-Comeau, et je lui ai demandé
de nous donner le pouls de sa communauté et de nous expliquer
l'importance des écoles pour le présent et l'avenir de cette
communauté.
M. Rock.
Le Président (M. Doyon): M. Rock.
M. Rock (Brian): Bonsoir. Je suis actuellement adjoint
spécial du Baie-Comeau High School et j'enseigne l'histoire, l'anglais
et l'informatique aux étudiants du secondaire. Je fais également
partie du comité provincial sur l'éducation d'Alliance
Québec.
Le Baie-Comeau High School, le seul établissement d'enseignement
de la commission scolaire protestante de Baie-Comeau, a une clientèle de
137 élèves, de la maternelle au secondaire V. Quand je suis
arrivé à Baie-Comeau pour enseigner, il y a 15 ans, j'ai
trouvé une communauté d'expression anglaise dynamique de plus de
1000 personnes représentant plus de 5 % de la population totale de
Baie-Comeau. La majeure partie des activités de cette communauté
d'expression anglaise était centrée sur le Baie-Comeau High
School et sur l'église anglicane St. Andrew et St. George de
Baie-Comeau.
Depuis ces 15 années, 1'attrition a causé un déclin
de la population d'expression anglaise qui ne s'élève plus
qu'à 300 personnes, soit 1 % de la population totale de Baie-Comeau.
Cette année, le Baie-Comeau High School verra sa clientèle
diminuer de 137 à 128 élèves, et seulement quatre
élèves seront inscrits à la maternelle pour septembre
1993. Baie-Comeau High School will see its enrolment of this year drop from 137
to 128 students, but only four students registered for kindergarten in
September of 1993.
L'église anglicane St. Andrew and St. George n'a plus de pasteur.
Des pasteurs itinérants viennent à Baie-Comeau de Gaspé ou
de Québec tous les deux ou trois mois pour célébrer la
messe.
Il y a deux ans, les problèmes que connaissent les écoles
anglaises du Québec a été jugé assez grave pour que
le ministre de l'Éducation, Michel Pagé, mette sur pied un groupe
de travail pour étudier la question. Après six mois d'analyse en
profondeur, le groupe de travail a formulé 29 recommandations unanimes.
La recommandation no 1 consistait à accorder aux immigrants des pays
anglophones le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.
Le rapport Chambers nous a donné quelque raison d'espérer. Les
éducateurs du secteur anglais ont été encouragés
par ces recommandations, particulièrement par celle qui demande un plus
grand accès à l'école anglaise. Nous sommes
déçus qu'elle n'ait pas été appliquée parce
que, non seulement nos écoles, mais aussi notre communauté en
dépend.
En fait, le projet de loi 86 offre le statu quo, tandis qu'à
l'heure actuelle le secteur anglais connaît un taux annuel d'attrition de
plus de 5 % en dehors de la région montréalaise. Avec une
clientèle et des ressources qui diminuent, il est devenu de plus en plus
difficile d'offrir l'éducation de qualité à laquelle nos
élèves et leurs parents s'attendent.
Je suis très fier d'enseigner au Baie-Comeau High School. Notre
commission scolaire s'est classée première de la province
à deux reprises grâce aux bons résultats des
élèves aux examens. Mais ensuite? I am extremely proud to be a
teacher at Baie-Comeau High School. Our school board has been ranked as the
number one board in the province twice in the last five years, based on high
school leaving examination results. But where do we go from here?
Nous devons accroître le bassin où nos écoles
peuvent aller chercher leur clientèle; cela va permettre au
système scolaire anglais de continuer à donner l'éducation
de qualité pour laquelle il est reconnu, dans un environnement vivant et
sûr, qui incite à l'apprentissage.
M. Keaton: la première recommandation du rapport chambers
est raisonnable; elle ferait augmenter de 700 à 800 élèves
par année la clientèle de nos écoles. cela
réglerait le problème du déclin des inscriptions et nous
fournirait la base d'une régénération continue. et
qu'est-ce que de 700 à 800 élèves représentent?
moins de 1 % des nouvelles inscriptions annuelles; moins de 1 %, annuel, c'est
tout.
Cependant, après être passée sous le rouleau
compresseur du sentiment nationaliste, il ne reste plus grand-chose de la
recommandation du rapport Chambers. Alliance Québec...
Le Président (M. Doyon): M. Keaton, il vous reste une
minute pour conclure.
M. Keaton: Alliance Québec a aussi proposé comme
solution l'article 23(l)a), en référence à la Charte
canadienne des droits et libertés. C'était une autre solution
à la question des inscriptions, à l'accès aux
écoles anglophones, anglaises au Québec. Cela est axé sur
la citoyenneté: un citoyen canadien de langue maternelle anglaise aurait
donc le droit d'envoyer des enfants aux écoles anglaises au
Québec. C'est une autre suggestion, une autre solution que nous avons
offerte, mais c'est tombé aussi.
Alors, on arrive à la situation que, devant nous, il
y a certaines suggestions qui, nous ne le croyons pas, vont
régler le problème à l'accès. C'est un
problème qui continue. Si on a un peu plus de temps tout à
l'heure, on va vous donner les chiffres exacts.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Keaton.
M. le ministre, vous disposez de 20 minutes. (21 h 30)
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir d'accueillir
le groupe Alliance Québec ce soir. Je pense que, quand on veut savoir la
réaction véritable d'une communauté minoritaire, la
façon la plus sûre, c'est de l'écouter, c'est d'essayer de
saisir ses sentiments réels, quoi qu'on pense de l'interprétation
historique qu'il convient d'en donner. Et la chose qui me peine le plus, c'est
d'entendre des personnes disposer du sort des communautés minoritaires
à la lumière d'un modèle uniforme, d'un modèle qui
ne fait de place qu'à une perspective, qu'à une façon de
voir les choses, alors que l'essence même d'une société
diversifiée comme l'est le Québec, c'est d'être capable
d'accueillir différentes perspectives, et, au premier chef,
évidemment, celles que présentent les communautés
minoritaires parmi lesquelles la communauté anglophone d'un point
de vue historique, économique, constitutionnel et autres occupe,
évidemment, une place de tout premier rang.
On a essayé, dans la loi 101, de faire abstraction de la langue
anglaise, de la traiter comme une langue autre que le français. C'est
l'expression qu'on emploie un peu partout. Ça ne peut pas cacher la
réalité. Puis l'article de Michel Lebel, de l'Université
du Québec à Montréal, que je citais tantôt, le
disait, justement. Lorsqu'une loi ne tient pas compte de la
réalité véritable d'une société, tôt
ou tard, elle est rattrapée par la réalité, puis elle doit
chercher à s'ajuster à cette réalité-là.
C'est ce que nous devons faire aujourd'hui.
On peut vivre avec un modèle uniforme de ce qu'est la
société québécoise; ce n'est pas la
réalité, surtout dans la région de Montréal. Dans
la région de Montréal, nous avons une société
extrêmement diversifiée, qui le devient même de plus en
plus. Certains considèrent que c'est un danger; d'autres
considèrent que c'est un enrichissement; d'autres considèrent que
c'est un défi formidable. Et je pense pouvoir vous dire que, du
côté du gouvernement, nous préférons voir le
défi positif que pose cette situation plutôt que d'y voir
uniquement des dangers, comme on se complaît trop à le faire du
côté de l'Opposition.
Ceci étant dit, j'ai cru comprendre, à propos d'affichage,
que les dispositions contenues dans le projet de loi représentent, aux
yeux d'Alliance Québec, un progrès quand même très
sensible par rapport à la situation qu'il exerçait auparavant...
qui a existé jusqu'à maintenant.
Je vous pose une question: Le Parti libéral du Québec,
à son conseil général tenu il y a à peu près
un mois, a soutenu que l'affichage sur les panneaux-réclame devrait
être exclusivement en français, et je voudrais savoir quelle est
l'opinion d'Alliance Québec à ce sujet.
M. Keaton: Ça, c'est une question assez difficile, parce
que le principe que nous avons expliqué, c'est le droit d'afficher en
anglais et d'enlever le «ban» sur la langue anglaise. En ce qui
concerne les panneaux publicitaires, c'est évident que ça pose un
problème. Mais il faut que la solution soit assez simple pour
éviter les batailles juridiques. Et ce n'est pas que nous insistions
qu'il y ait les panneaux publicitaires bilingues, mais il faut aussi compter
sur le bon sens des publicistes et des compagnies, et on ne peut pas
très bien imaginer un panneau publicitaire... parce que, s'il y a...
avec les limites... Vous allez mettre les limites que le français soit
prédominant. Comment ça va se traduire, en ce qui concerne les
panneaux publicitaires? C'est difficile à dire. Mais ce n'est pas une
bataille essentielle, dans le sens que, l'important, c'est deux choses: qu'on
évite la clause «nonobstant», parce que ça brime les
droits, la clause «nonobstant», et qu'on enlève le
«ban» et qu'on admette le principe que l'anglais est visible.
What, Mr. Ryan, I am trying to say more, perhaps, clearly: if you are
going to make a unilingual law for panels, you have all sorts of problems
there; transversal. In other words, you have a truck that is passing by: are
you going to say that it has to be unilingually French? It does not make much
sense, especially if it comes from out of the province; you can't do that. And
if a truck coming from out of the province can be bilingual, why can't a truck
within Québec be bilingual, in that case?
Publicity billboards: again, it is not...I do not think... It is not a
question of principle, but it is a question of simplicity. You have got to
adopt a law that is not going to lead us to the courts.
Tout ce que je veux dire, c'est que c'est le principe qui est le plus
important, dans ce sens-là, le principe que la communauté
linguistique anglophone du Québec a le droit aussi d'avoir sa langue,
comme d'autres communautés linguistiques. Parce qu'il faut que ça
soit clair: lorsqu'on parle d'enlever le «ban», c'est sur toutes
les autres langues. Je ne veux pas que ça devienne une bataille
juridique, ce que j'ai dit.
I do not want to go to my grave with an epitaph written on that I fought
for bilingual billboards all the way to my grave!
M. Ryan: C'est un problème d'application, si je comprends
bien.
M. Keaton: C'est plutôt un problème d'application.
Et on est très conscients de la nécessité de garder, ici
au Québec, pour la communauté francophone, la création en
ce qui concerne la conception publicitaire. Parce que, dans l'ancien temps,
c'était à Toronto que le concept était créé
et c'était au Québec pour la traduire. On comprend bien que ce
n'est pas possible de traduire les concepts. Comme aujourd'hui sur la
première page du Devoir: le problème pour Cossette et ces
gens-là, je comprends bien.
Mais je préférerais qu'on approche cette question,
cet aspect de la question d'une façon pratique, plutôt que
d'une façon idéologique, parce que ce serait beaucoup plus facile
de résoudre le problème.
M. Ryan: Sur la question scolaire, je voudrais faire quelques
observations rapides.
J'ai entendu le ton plutôt pessimiste de vos observations. Les
renseignements dont nous disposons indiquent que deux facteurs pourraient
contribuer, au cours des prochaines années, à favoriser une
légère croissance des inscriptions dans les écoles
anglaises.
Le premier de ces facteurs, c'est la diminution des pertes nettes du
Québec au chapitre des migrations interprovinciales et internationales.
Nous avons fait des pertes considérables au cours des 10
dernières années, mais, depuis une couple d'années, les
pertes s'amenuisent considérablement. Pour la communauté
anglophone, cela signifie des plus grandes perspectives de stabilité que
celles qu'on a connues au cours des 10 dernières années.
Et, deuxièmement, les données statistiques qui nous sont
communiquées indiquent une augmentation significative du taux de
fécondité chez les mères anglophones, les mères de
langue anglaise. On constate que le nombre de naissances, dans ce secteur, est
supérieur d'environ 800 à 1000 par année, depuis deux ou
trois ans, à ce qu'il était, ce qui incite les démographes
du ministère de l'Éducation à prévoir qu'au cours
des cinq ou six prochaines années il devrait y avoir une certaine
augmentation des inscriptions dans les écoles anglaises du
Québec, ce qui serait de nature à apaiser les craintes
d'extinction que vous avez formulées non sans raison
à la lumière de l'évolution des 10 dernières
années.
Je vous pose la question de ce point de vue là: Est-ce que vous
avez noté ces tendances récentes?
M. Keaton: C'est une tendance encourageante, mais on se
méfie un petit peu des projections fondées sur un changement
soudain, comme la projection des déficits, comme la projection du temps,
la météo et des choses comme ça: ça change d'un
jour à l'autre. Je ne sais pas si ces tendances de
fécondité plus précoces des anglophones vont continuer,
mais disons que la question reste quand même.
Encore une fois, l'objectif, c'est de stopper le déclin, d'une
façon ou l'autre; stopper le déclin pour assurer un
système viable. Donc, je veux que ça soit bien clair que ce n'est
pas comme si quelqu'un voit un maraudage pour les immigrants.
M. Ryan: En ce qui touche l'admission des immigrants, justement,
à l'école anglaise...
M. Keaton: Excusez-moi, M. le ministre, je veux juste rajouter
une chose. Les chiffres, semble-t-il, sur la fécondité des
anglophones, ça définit un anglophone dans ce sens-là;
ça ne dit pas si ces anglophones sont éligibles aux écoles
anglaises.
M. Ryan: II y a une vérification à faire de ce
côté-là, vous avez raison.
M. Keaton: Alors, il faut faire attention à ces
chiffres-là. (21 h 40)
M. Ryan: Mais on peut considérer que la majorité de
ces mères ont probablement fréquenté l'école
anglaise. Mais je n'ai pas de statistiques là-dessus, là, et je
reconnais qu'il y a une difficulté là.
M. Keaton: ...mais certainement l'engagement que ces membres, des
deux côtés de l'Assemblée, soient conscients du
problème.
M. Ryan: Nos recherchistes du ministère de
l'Éducation considèrent qu'il y a une très forte
probabilité que ces mères auront le droit...
M. Keaton: On va prendre note de ça, M. le ministre.
M. Ryan: Pardon?
M. Keaton: On va prendre note de cet optimisme.
M. Ryan: Oui, plus tard, au cours des travaux de la commission,
je déposerai des statistiques, qui seront également disponibles
pour vous.
Je voudrais vous poser une deuxième question à propos de
la langue d'enseignement. Vous avez demandé le rapport Chambers
l'avait recommandé que les enfants d'immigrants soit en
provenance de pays anglophones, soit des enfants d'immigrants qui auraient
reçu un début de scolarité en anglais dans leur pays
d'origine puissent être envoyés à l'école
anglaise, au Québec. D'un certain point de vue, ça se comprend,
puis ça nous ramène à l'argument de la langue maternelle
que vous invoquez souvent, qui est loin d'être un argument
indifférent, mais qui pose de gros problèmes d'application, ce
qui a forcé à le laisser de côté, il y a
déjà plusieurs années. Mais comment répondez-vous
à l'objection qu'on formule souvent, où on nous dit: Nous, les
francophones au Québec, nous acceptons d'envoyer nos enfants
obligatoirement à l'école française parce que nous voulons
que le Québec français demeure et nous trouvons que les
francophones doivent donner l'exemple? Alors, la loi s'applique à nous
pour commencer.
Une voix: C'est ça, oui.
M. Ryan: Une exception prévaut pour les anglophones qui
ont reçu leur enseignement primaire en anglais au Québec ou au
Canada. Mais comment pour-riez-vous accorder cette liberté aux enfants
d'immigrants, alors que les Québécois francophones eux
mêmes s'imposent une limite, de ce côté?
M. Keaton: Justement, c'est pourquoi il faut...
M. Ryan: Puis, si vous retendiez aux enfants d'immigrants de pays
anglophones, là, vous créez deux classes d'immigrants. En plus,
il y aurait deux classes de citoyens au Québec; en plus, il y aurait
deux classes d'immigrants. Vous ne trouvez pas que ça crée des
difficultés très sérieuses? Et vous entendiez les
objections que l'on formule à l'endroit d'assouplissements très
mineurs, très modérés que nous apportons à la loi
101.
Si nous faisions des changements comme ceux que vous proposez, est-ce
que vous pensez que l'opinion québécoise serait prête
à les accepter?
M. Keaton: Mais, à ça, la majorité a mal
réagi. La majorité va mal réagir à l'idée
qu'un immigrant aura si ça change dans cette direction
plus de droits que les Franco-Québécois, c'est évident.
C'est un problème, mais c'est pourquoi je préfère,
honnêtement, une solution fondée sur la Charte canadienne des
droits et libertés, qui dit que, une fois citoyen, un citoyen canadien,
après trois ans ou quatre ans ou cinq ans au Canada si sa langue
maternelle est anglaise et qu'il continue de parler l'anglais il aura le
droit d'envoyer les enfants soit à l'école francophone ou
à l'école anglophone. Parce que vous savez bien qu'un nombre
assez appréciable des anglophones envoie leurs enfants aux écoles
francophones, maintenant: 12 000, je ne me souviens...
M. Ryan: ...7000.
M. Keaton: ...7000? En tout cas, c'est assez intéressant
comme chiffre. Mais, certainement, je pense que le débat sur
l'éducation, l'accès aux écoles, je pense qu'il faut
continuer à discuter tout l'ensemble de cette question-là parce
que c'est assez délicat. On reconnaît l'importance pour la
communauté majoritaire, mais, en même temps, nous croyons que
c'est possible de trouver une solution qui ne nuira pas à la
communauté majoritaire, mais qui répondra aux problèmes
des effectifs aux écoles anglophones. Donc, que ça reste au
niveau... des discussions, au niveau honnête et pratique, au lieu de
faire peur au monde.
M. Ryan: Vous reconnaissez la difficulté logique que
poserait une solution comme celle-là?
Dernière question, si vous me permettez, M. le Président.
Nous proposons des changements au régime de reconnaissance des
institutions municipales, scolaires, hospitalières ou services sociaux
comme partiellement bilingues, et la reconnaissance accordée en vertu de
l'article 113f de la Charte. Nous proposons que soit modifié le
régime concernant le retrait éventuel d'un statut une fois qu'il
a été reconnu à un organisme.
Qu'est-ce que vous pensez de ces modifications que nous proposons?
M. Keaton: oui. nous croyons que la proposition est très
raisonnable. c'est très raisonnable, sauf, quand même, ça
ne résout pas un problème. ça reste quand même... le
seuil de 50 % reste, ce qui est une anomalie. il me semble que ça doit
être... pour qu'une institution de la langue minoritaire... doit
être quelque chose de moins. mais quel chiffre? ça dépend.
c'est à vous, le gouvernement, de décider ça.
Parce qu'il n'y a pas... Certainement, au niveau du Canada, les
minorités linguistiques, en ce qui concerne les services
fédéraux, ont droit, dès qu'elles représentent 5000
dans une communauté ou représentent... quel pourcentage? 5
%...
M. Ryan: ...500; 10 % ou 500.
M. Keaton: en ontario, pour les franco-ontariens, lorsqu'ils
représentent 10 % de la population, ils ont droit à des services.
même dans le bill 22, il y a longtemps, je pense que c'était le
seuil aussi.
Encore une fois, je pense qu'il faut chercher une solution raisonnable;
mais on appuie justement ce changement qui donnerait l'initiative au conseil
d'administration ou au conseil municipal local et, finalement, au ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Keaton. Merci, M. le
ministre.
Oui, Mme la députée de Chicoutimi, j'indique tout de suite
à cette commission que, tout à l'heure, à 22 heures, je
requerrai un consentement pour permettre au député de
D'Arcy-McGee de pouvoir disposer du temps qui lui est alloué, parce que
nous dépasserons 22 heures. Alors, je vous l'indique et, si vous voulez
bien y réfléchir ou me le donner dès maintenant.
Je vois qu'il n'y a pas d'objection? Donc, on aura consentement?
Mme Blackburn: Oui, consentement.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. Keaton, mesdames, messieurs, bonsoir. À écouter, tout
à l'heure, le ministre, il suggère que c'est responsable que de
s'ajuster à la réalité. Et la réalité
voulant que le peuple francophone en Amérique du Nord 6 000 000
comme, d'ailleurs, tout le Canada anglais glisse presque de façon
irrémédiable vers l'américanisation, laissons aller le
mouvement. Si on pousse sa logique jusqu'au bout, c'est ça: laisser
s'ajuster à la réalité. Cette réalité, c'est
celle-là; donc, on s'y ajuste, on laisse glisser.
Je voudrais relever... Probablement inconsciemment avez-vous, tout
à l'heure, pu induire nos auditeurs dans l'erreur en disant que les
juges avaient appuyé leur jugement sur la Charte des droits de l'homme.
Ce n'est pas en vertu de la Charte des droits de l'homme que les
juges ont rendu jugement l'avis qu'on a eu du comité des
Nations unies mais bien... ils se sont basés sur le protocole
facultatif relatif aux droits civils et politiques.
M. Keaton: ...protocole, c'est ça.
Mme Blackburn: Ce qui est une différence majeure, vous le
reconnaîtrez, puisque ce protocole, comme le dit son titre, est
facultatif. La Grande-Bretagne, de tradition, évidemment, anglo-saxonne;
les États-Unis tradition anglo-saxonne, également
n'y ont pas adhéré; la France, que de façon partielle.
Alors, c'est sur la base de ce pacte, de ce protocole que nous avons
été jugés.
M. Keaton: C'est pourquoi nous avons toujours insisté sur
la Charte québécoise et sur la Charte canadienne.
Mme Blackburn: Donc, si vous le permettez, je poursuis. Et les
juges faut-il le dire se sont trompés de cible, parce
qu'ils nous ont dit ce qu'on ne demandait pas que les
anglophones, ce n'était pas une minorité. Alors, s'ils se sont
trompés sur ça, ils se sont également trompés sur
la lecture qu'ils font de la réalité
québécoise.
Par ailleurs, j'ai bien de la sympathie pour le professeur de
l'école de Baie-Comeau, mais il doit reconnaître avec moi que ce
n'est pas parce qu'on admettrait demain matin les enfants d'immigrants
d'origine anglaise qui ont l'anglais comme langue maternelle dans
les écoles que ça mettrait un élève de plus dans
votre école, à Baie-Comeau. Avec la situation économique
actuelle, je ne vois pas beaucoup d'immigrants dans votre région, pas
plus que dans la mienne d'ailleurs, on le déplore, on le
déplore. Mais prétendre que ça va corriger les
problèmes de décroissance et de déclin des écoles
en région, c'est leurrer la population et vous leurrer vous-mêmes,
vous le savez. La conjoncture économique est telle que les
régions se vident, en anglais comme en français.
M. Keaton: Oui.
Mme Blackburn: Et ce n'est pas en ajoutant les
élèves qui ont l'anglais comme langue maternelle que ça va
corriger la situation en région. Et rappelons, pour les fins
d'information des personnes qui nous écoutent, qu'il y a dans les
écoles anglaises, juste sur l'île de Montréal, plus
d'enfants dans les écoles anglaises tout près de 90 000
qu'il y en a dans tout le Nouveau-Brunswick, en anglais. Et on ne dit
pas que les écoles du Nouveau-Brunswick sont en perdition.
M. Keaton: Oui, mais c'est faux comme comparaison, madame.
Mme Blackburn: Alors, si vous permettez, j'ai quelques
questions.
M. Keaton: Oui.
(21 h 50)
Mme Blackburn: Et, dans le fond, ce que le ministre fait, c'est
qu'il ouvre les classes d'immersion. C'est une façon de remplir vos
écoles, vous ne croyez pas?
M. Keaton: II faut étudier cela d'un peu plus près.
C'est une proposition très intéressante, dans un sens, pour avoir
des échanges entre les francophones et les anglophones. Mais, pour
vraiment créer un bassin plus large pour assurer la continuité
des écoles anglophones, je ne sais pas si ça va répondre
au problème. Mais, quand même, c'est une suggestion assez
intéressante, Madame.
Mais j'aimerais ajouter une chose. Tout à l'heure, justement,
quand on parlait des Nations unies, le protocole, et tout cela, j'ai toujours
insisté que, ici, déjà, au Canada, ici au Québec,
par la Charte québécoise et la Charte canadienne, il existe
déjà les garanties des droits fondamentaux. Mais si seulement
vous respectiez ces droits, madame.
Mme Blackburn: Vous avez parlé, tout à l'heure, de
l'exode des jeunes. Est-ce que vous ne reconnaissez pas que vous avez, comme
leader de la communauté anglophone, une certaine responsabilité
à cet égard, lorsque vous entretenez un discours tout à
fait démobilisant à l'endroit de vos jeunes?
La seconde remarque à ce sujet. J'ai entendu de vos leaders dire
aux jeunes: Vous n'avez pas d'avenir au Québec. Faut-il se surprendre
qu'ils quittent? L'autre raison qu'on nous a donnée, lorsque j'ai
mené la consultation, pour expliquer l'exode des jeunes anglophones,
c'est de nous dire: Ils maîtrisent mal le français. Ils se sentent
un peu, pour ces raisons, mal préparés pour occuper des postes de
commande au Québec, où ça se passe en français; et,
évidemment, des promotions dans la fonction publique leur apparaissent
tout à fait inaccessibles parce que, nous a-t-on dit, ils
maîtrisent mal le français. Et la réponse à cette
requête, c'est de dire: Faites des bains d'immersion pour les jeunes
francophones.
Vous ne trouvez pas qu'il y a là quelque chose d'un peu bizarre
dans la lecture de votre réalité?
M. Keaton: Peut-être qu'on a trop écouté les
discours pessimistes de certains nationalistes. C'est le pessimisme
nationaliste qui nous a affecté. Mais je suis d'accord, il faut avoir un
portrait plus optimiste du Québec, et nous essayons de faire un portrait
plus optimiste.
Mais, madame, j'insiste aussi que le problème existe; ce n'est
pas la faute des leaders anglophones. Il y a certains leaders anglophones,
comme certains leaders francophones, qui créent aussi des crises au sein
de la société québécoise. Mais la plupart des
leaders anglophones essaient de garder leurs enfants et les jeunes au
Québec. Nous avons pris des mesures pour promouvoir
le Québec, promouvoir l'avenir des jeunes anglophones, ici au
Québec. Nous avons toujours insisté pour améliorer
l'apprentissage, la maîtrise de la langue française pour nos
jeunes. Et, justement, le taux de bilinguisme augmente. Ils sont plus capables
de travailler en français.
Mais c'est le même problème pour les francophones aussi,
plusieurs francophones; c'est l'apprentissage d'une deuxième langue.
Mais c'est beaucoup plus facile lorsque les leaders politiques
établissent l'atmosphère d'«accueillance» à
ces jeunes-là, madame.
Mme Blackburn: Vous avez... Tout à l'heure, en
réponse à une question du ministre, vous vous êtes dit
assez heureux, finalement, du projet de loi 86, bien que plus insatisfait par
rapport à l'affichage sur les grands panneaux, que ça ne
rejoignait pas votre objectif, qui était d'ouvrir les écoles aux
enfants d'immigrants qui avaient l'anglais comme langue maternelle. Et vous
nous avez déjà annoncé dans ce qu'on a lu dans les
journaux que vous ne lâcherez jamais ce morceau. Et, comme la
porte est ouverte, à savoir l'accès des enfants qui ont l'anglais
comme langue maternelle dans les écoles anglaises les enfants
d'immigrants, s'entend...
M. Keaton: Est-ce que vous pouvez citer l'article?
Mme Blackburn: Vous vous êtes déjà
engagé à continuer la lutte dans ce sens-là. Est-ce qu'on
a bien compris?
M. Keaton: Est-ce que vous pouvez citer l'article, lorsque j'ai
été cité, moi, en disant que je...
Mme Blackburn: En réaction au projet de loi 86.
M. Keaton: Mais, madame, je n'ai jamais dit qu'on ne
lâcherait pas un morceau des immigrants. Je n'ai jamais dit
ça.
Mme Blackburn: Des immigrants qui ont l'anglais comme langue
maternelle.
M. Keaton: Je n'ai jamais dit que je ne lâcherais jamais ce
morceau.
Mme Blackburn: Est-ce que je dois donc conclure que vous n'aurez
plus de revendications qui iraient dans ce sens-là?
M. Keaton: Madame, si vous pouvez travailler avec le gouvernement
pour trouver une solution aux effectifs des écoles anglophones, on va se
contenter de cette solution-là, qu'elle soit fondée sur les
immigrants, sur la citoyenneté, sur n'importe quel autre... Tout ce
qu'on veut, c'est trouver une solution pour les effectifs, pour garder nos
écoles.
Mme Blackburn: Mais, sérieusement, reconnaissez-vous que
vos écoles ne sont pas dans la difficulté que vous
prétendez, particulièrement dans la grande région
métropolitaine, où vous avez plus d'enfants dans vos
écoles anglaises qu'il y a d'enfants dans les écoles anglaises au
Nouveau-Brunswick? Évidemment qu'on ne parle pas de
PÎle-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, Manitoba. Est-ce que vous
pensez que cette situation vous fragilise à ce point qu'il faille
prendre de telles mesures?
M. Keaton: Madame, en Ontario, maintenant... Il y a plus
d'écoles francophones en Ontario que d'écoles anglophones au
Québec, avec la moitié de la population. Donc, il faut faire
attention aux comparaisons.
Mais, d'après moi, ce qui envoie nos jeunes en dehors du
Québec le plus, c'est justement la menace des leaders nationalistes au
Québec... et par l'Opposition officielle, à l'effet que, s'ils
gagnent les prochaines élections, ils vont effacer tous les gains... Ah!
oui, oui, oui! M. Landry, il a dit ça, et quand nos jeunes voient
ça, ils disent qu'ils n'ont pas un avenir, au Québec, parce que
le Parti québécois va toujours essayer de limiter les
libertés de ces jeunes-là.
Il y a 50 000 élèves anglophones dans les écoles
à Montréal, madame; 50 000, pas 80 000.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement
pour que le député de Pointe-aux-Trembles intervienne? Je
constate qu'il y a consentement.
Oui, M. le député.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord adresser
à mon ami, Robert Keaton, un reproche amical, comme
Montréalais.
Lorsqu'il est venu au conseil national du Parti québécois,
à Sainte-Anne-de-Bellevue, il avait demandé, pour qu'on puisse
avancer dans la voie d'un rapprochement entre francophones et anglophones,
qu'on fasse attention à la rhétorique verbale. Et il me permettra
de souligner que, quand il utilise couramment, pour parler de positions
différentes de la sienne, d'éléments extrémistes ou
irresponsables, je trouve qu'il cède à une tentation d'inflation
verbale que, moi, j'ai connue à la CSN, dans les années
soixante-dix, dans la même décennie où mon ami Keaton en
était, d'ailleurs, membre.
Un exemple: moi, je suis en total désaccord avec l'idée de
créer deux catégories d'immigrants et de permettre à
certains d'aller à l'école anglaise. Je sais qu'Alliance
Québec le préconise; je ne pense pas que ce soit un point de vue
extrême ou irresponsable. Dans une démocratie, on essaie de
s'entendre.
Mais je me permets de faire observer aussi que, sur l'île de
Montréal, les deux partis politiques qui se sont succédé
au gouvernement, au Québec, ont tenté, depuis 20 ans, d'avoir des
commissions scolaires qui ne soient pas confessionnelles. Donc, je pense que
c'est un point de vue qui n'est ni extrême ni irresponsable. Le ministre
a adopté lui-même une loi qui est rendue à la
Cour suprême depuis un bon moment. Et ce qu'on a sur l'île
de Montréal, c'est que, si on parle de barrières, on n'admet pas
dans ce système scolaire que des anglophones protestants aillent
à la même école que des anglophones catholiques; et le
rapport Chambers disait avec raison qu'il faut, au moins,
«déconfessionnaliser» les structures scolaires. Et, dans le
fond, est-ce que vous ne trouvez pas, M. Keaton, qu'il y a comme un comble de
dire que, parmi les barrières dans une ville où vivent deux
solitudes, on ne permet même pas que des gens qui sont catholiques ou non
catholiques, mais de langue anglaise...
Et, dans ce sens-là, je me permets d'adresser au ministre une
chose, c'est: Quel merveilleux système politique, qui n'a pas permis, en
20 ans, d'amener, mettons, Brian Mulroney, Clyde Wells et Robert Bou-rassa de
convenir que, dans la Constitution de 1867, quand on employait
«catholique» et «protestant», ce qu'on entend en termes
modernes aujourd'hui, c'est «francophone» et
«anglophone»!
Quand on va dans un café à Montréal, il est assez
rare qu'on entende les gens se définir sur la base de leur religion,
mais plutôt sur la base de leur appartenance à un groupe
linguistique.
Et, à cet égard-là, je me permets d'adresser...
Le Président (M. Doyon): Une dernière,
dernière remarque, M. le député, puisque le temps est
écoulé. (22 heures)
M. Bourdon: Oui. Juste dire que Robert Keaton a
été, comme moi, membre du Rassemblement des citoyens de
Montréal, et quand le maire de Montréal a parlé d'un
assouplissement sur l'affichage réservé aux petits
commerçants, est-ce que ça n'a pas été une solution
trouvée dans un congrès entre francophones et anglophones? Puis,
est-ce que M. Keaton ne trouve pas qu'il y aurait là une piste à
regarder?
Le Président (M. Doyon): Oui, la question est
posée, mais vous n'aurez pas la réponse ce soir...
M. Bourdon: O.K. On va se revoir de toute façon.
M. Keaton: Reste à...
Le Président (M. Doyon): ...puisque vous avez
préféré élaborer sur la question, ne laissant pas
de temps pour la réponse. Alors, c'est un choix avec lequel vous devez
vivre.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
I would like to welcome Alliance Québec also. I am not as
optimistic as the Minister at some of these blips in his demographic portraits
that he is speaking of. I think what really tells the story is the type of
story we heard from Mr. Rock, a personal testimony which is the reality that
really does hit home. And despite what the
Member from Chicoutimi spoke about in Baie-Comeau, we need only look as
far as St. Kevin's School, which recently closed. It is the last English
catholic school right in the heart of Montréal, and that is the reality,
hopefully; the reality that will start to sink in and seep in, and something
that, hopefully, the Minister will really, really be sensitive to and feel that
he must attack directly as a very serious problem.
Now, that being said, we are talking about possible solutions. The
anglophone community leaders are being reproched by certain commentators for,
after gaining this great victory on signs, having the nerve to want to go after
greater access in our schools. We will never be satisfied until we have
everything, according to Lucien Bouchard. But what the anglophone community
spokespersons have been asking for is something that is very minimal, that will
barely even scratch the francophone majority school system in any way, shape or
form. You even mention it will affect... perhaps, a change, says the Chambers
report, that would not even affect 1 % of the enrollment in French schools.
But there is a problem that is constantly brought up here in the
National Assembly: the Official Opposition, from their noble perch, talks about
the dangers of creating two classes of immigrants; the question of 23.(l)a),
which is invoking an aspect that is dealt with in our Canadian Charter; the
Minister, a few weeks ago, mentionned that there are certain problems in really
defining what is a mother tongue; there were problems in the early seventies
with language tests.
So we are looking, perhaps, at a way of really incorporating this type
of change to the language law, allowing access to English schools for
English-speaking children, but finding a modality that this can be done,
without opening up the possibility of this rhetoric.
Now, Bill 101 speaks already in article 73. It talks about a child whose
father and mother are, on August 26, 1977, domiciled in Québec and have
received elementary instruction in English outside Québec. Is that a
criteria that Alliance Québec has looked at to, perhaps, offer greater
access to English schools? It does not create the problems of two classes of
immigrants. It does not create the problems of language testing or defining
what is a mother tongue, but it specifically speaks of anyone whose parents
were educated in English anywhere in the world outside of Québec as
being eligible for English schooling in Québec. Is that a concept that
Alliance Québec has looked at? And have you any idea of what some of the
statistics would be if access...
Le Président (M. Doyon): Peut-être, M. Keaton, une
réponse d'environ deux minutes, s'il vous plaît. M. Keaton, vous
avez la parole.
M. Keaton: It is close to the Chambers recommandation, that is
very true. And to give you a very frank answer, we have obviously not studied
it that closely, but it is a possibility we will look at.
I think what is important, Mr. Deputy, is to take into account that the
school system would need an influx, annually, of somewhere in the order of 2000
to 3000 students on a student population of over 1 000 000. So, it is not
trying to create a flood into English schools, but trying to stabilize it.
And I think that what we have to hold accountable is the government to
make sure that the figures that they have come up with are figures that are
realistic, and if that can solve the problem in combination... in what seems
that is going to be a combination of different mesures to bring about that
sufficient influx.
M. Libman: Juste une toute petite...
If, you know, for political reasons, the time is not opportune for the
government to introduce in this specific piece of legislation that much needed
breath of fresh air or enlarged access to English education, the Minister has
said: One step at a time, we are dealing with the signs issue this time. Maybe
later we can address...
What do you think... How do you think the Minister or at least
the community should proceed in at least attacking this problem if, in
fact, Bill 86 is adopted without addressing the problem?
M. Keaton: I think one thing, I think the government should be...
For Francophones and Anglophones in the rural areas is that every community has
a right to a school and that the school stays opened, that he will not close a
final school in a community. And that would be, whether it be an English school
or a French school, that every community has a right to a basic school, no
matter... you know, unless there is some extraordinary, extraordinary
situation. But I think that would go a long way for the rural areas: Saguenay,
Gaspé, Baie-Comeau, places like that. In the areas in Montréal, I
think that the government should basically have a close look at the decisions
by school boards for closures, to see, in fact, the impact they would have on
the community, because most of these schools are being closed for financial
reasons which are pretty valid, but they do not take into account the impact it
would have on the community. I think the governments should take a closer look
at that.
But I think that we should all approach this... If the things do not
happen now, we have got to keep the issue alive because I think there are a lot
of problems in our school systems.
Même en français, il y a toutes sortes de problèmes
dans les écoles aussi, pour la communauté francophone: le
décrochage, toutes sortes de problèmes. Je pense que c'est au
gouvernement à vraiment tenir compte de ces problèmes-là
et à trouver les solutions. C'est justement, je dis que nous avons
suggéré les différentes solutions, qui sont
rejetées, soit par ce côté-là, ce
côté-là. C'est à vous, maintenant, de trouver les
solutions. Nous, nous définissons le problème. Mais trouvons
ensemble... On est là pour collaborer avec le gouvernement pour trouver
une solution.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Keaton. M. Libman:
Et, dernièrement...
Le Président (M. Doyon): Je regrette, M. le
député.
Alors, nous avons terminé l'heure qui était prévue
pour écouter les représentations et discuter avec les
représentants d'Alliance Québec. Il me reste à remercier
M. Keaton, M. Rock et Mme Percival-Hilton d'avoir bien voulu venir nous
rencontrer.
Merci beaucoup.
M. Keaton: Je vous remercie infiniment, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Alors, j'indique que nous allons nous retrouver demain matin, à
10 heures, conformément à l'ordre de l'Assemblée
nationale. Alors, à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 7)