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(Onze heures quatre minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture continue ses travaux, et les...
Une voix: Vaillamment.
Le Président (M. Doyon): Vaillamment, oui, oui, contre
vents et marées. Elle continue sa consultation et les auditions qu'elle
a entreprises sur le projet de loi 68, Loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé. M. le secrétaire, est-ce que
nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Philibert (Trois-Rivières); Mme Cardinal
(Châteauguay) est remplacée par M. Gautrin (Verdun); M.
Charbonneau (Saint-Jean) est remplacé par M. Tremblay (Rimouski); M.
Khelfa (Richelieu) est remplacé par M. Camden (Lotbinière).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, nous
recevons comme premiers invités les représentants de
l'Association canadienne du marketing direct. Je leur souhaite la bienvenue. Je
leur indique qu'ils disposent d'une quinzaine de minutes pour nous faire un
exposé, une synthèse de leur mémoire, et après
ça, les parlementaires, pendant quelques minutes après, vont
s'entretenir avec vous, poser des questions et aller plus au fond des choses,
si besoin en est. Alors, après vous être présentés
pour les fins du Journal des débats, je vous invite à
commencer et vous souhaite la plus cordinale des bienvenues.
Auditions
Association canadienne du marketing direct
(ACMD)
Mme Robins (Barbara): Merci beaucoup. Mon nom est Me Barbara
Robins, et je présente M. Paul Poulin, qui est le président de
l'Association canadienne du marketing direct, chapitre de Montréal,
ainsi que le président de la compagnie Cicoma cabinet-conseil en
marketing direct.
L'Association canadienne du marketing direct n'a pas l'intention
aujourd'hui de relancer le débat sur les avantages respectifs d'une
réglementation imposée par loi ou autoréglementation. Nous
comprenons et nous acceptons le fait qu'une loi d'application doit être
adoptée en complément des dispositions du Code civil. Alors, nous
nous proposons donc aujourd'hui d'examiner les dispositions du projet de loi
68, notamment les articles 20 à 23 inclusivement, qui encadrent, pour
nous, le mécanisme du droit de retrait.
Pour mieux saisir notre point de vue, nous tenons à vous rappeler
un certain nombre de détails et de faits particuliers à notre
secteur, et, donc, je cède la parole à M. Poulin.
Le Président (M. Doyon): M. Poulin.
M. Poulin (Paul): M. le Président, membres de la
commission, l'industrie du marketing direct ne maintient pas de dossiers
composés de données sensibles similaires à ceux que l'on
retrouve dans les bureaux de renseignements de crédit, dans des
institutions financières ou des cliniques médicales. Les
entreprises et organismes qui utilisent le marketing direct administrent des
données sur les transactions commerciales de leurs clients et compilent
des listes d'individus susceptibles d'acheter leurs produits, leurs services,
ou de contribuer à leurs campagnes de levée de fonds. Les
entreprises qui utilisent le marketing direct ne diffèrent pas, en ce
sens, des entreprises manufacturières, de distribution ou de commerces
de détail qui n'utilisent pas le marketing direct comme mode de
commercialisation. Les quelques nombreuses listes d'origine
québécoise en circulation dans l'industrie contiennent des
centaines de milliers de noms. Nous savons qu'il serait impossible de
solliciter le consentement positif de tous ces Québécois et
Québécoises. Nous savons aussi qu'une quantité importante
de ces listes sont maintenues sur des systèmes hors Québec.
Nous avons démontré devant cette commission, l'automne
dernier, que d'imposer à l'industrie une forme de consentement positif
équivaudrait à signer son arrêt de mort. Les coûts
impliqués seraient de l'ordre de 38 % des revenus annuels
générés par l'industrie tout entière. De plus,
l'industrie ne pourrait jamais s'en remettre, du fait de l'impossibilité
dans laquelle elle serait de cibler les clientèles potentielles, ce qui
réduirait son efficacité de marketing, au point de la rendre non
concurrentielle avec les entreprises hors Québec, qu'elles soient
canadiennes ou américaines. L'introduction du nouveau produit serait
ralentie. Les boîtes aux lettres du Québec regorgeraient de
demandes de consentement, et les perrons de porte auraient à supporter
une avalanche de courrier non adressé, de circulaires et de
pamphlets.
Devant un tel fléau, l'industrie du marketing direct
considère que les articles 20 à 23, sous leur forme actuelle, ne
constituent pas un cadeau du gouvernement du Québec à
l'industrie, mais une exigence nécessaire pour que les
Québécois et les Québécoises puissent faire
respecter
leur droit de ne pas être sollicités. Les dispositions des
articles 20 à 23 représentent des coûts importants pour
notre industrie. Chaque fois qu'un consommateur demandera que son nom soit
inscrit sur un fichier à ne pas solliciter, l'entreprise
dépensera en moyenne 0,25 $ pour l'enregistrer. Chaque fois qu'une
entreprise devra épurer une liste pour éliminer les
non-sollicita-bles, elle encourra des dépenses additionnelles de 7 $ du
1000 $. Ajoutez à ces coûts ceux nécessaires au
développement informatique, à l'offre pour l'«opting
out», au maintien et à la mise à jour des listes de
non-sollicitables et vous obtiendrez rapidement des chiffres de l'ordre de
plusieurs millions de dollars de dépenses additionnelles que la loi 68
imposera à notre industrie. Ce n'est pas un cadeau que le gouvernement
du Québec nous prépare. Nous espérons seulement que ce
nouveau fardeau nous permettra de maintenir notre position concurrentielle et
nous permettra de continuer à prospérer au même titre que
les entreprises de marketing direct hors Québec.
Il est important de se rappeler l'importance qu'occupe l'industrie du
marketing direct dans l'économie du Québec. Quelques statistiques
suffiront. Nous vous avons remis un cahier dans lequel nous avons
concentré quelques informations et j'aimerais en faire une brève
synthèse. Le marketing direct génère plus de 1 700 000 000
$ de revenus pour les entreprises québécoises. Il procure des
emplois directs à plus de 42 500 individus. Il est responsable de plus
de 148 750 emplois indirects. C'est une industrie qui accuse un taux de
croissance annuel moyen de 14 % au Québec, ce qui la place parmi les
plus prospères. (11 h 10)
Le marketing direct est une forme de commercialisation utilisée
dans tous les secteurs de l'économie québécoise, à
partir des entreprises manufacturières en passant par les commerces, les
bureaux de professionnels jusqu'aux entreprises publiques, gouvernementales ou
organismes voués à la santé ou à la défense
des droits des consommateurs: 66,9 % des entreprises québécoises
qui utilisent le marketing direct sont des PME, dont 63 % ont un chiffre
d'affaires total inférieur à 25 000 000 $; 52 % des entreprises
québécoises qui utilisent le marketing direct transigent
uniquement au Québec, et 69,3 % des entreprises
québécoises visent les marchés grand public.
Parmi les utilisateurs du marketing direct, attardons-nous quelques
instants sur deux groupes majeurs: l'industrie de l'édition et les
organismes sans but lucratif. Bon nombre de maisons d'édition utilisent
le marketing direct comme seul mode de commercialisation, soit Sélection
du Reader's Digest, Sigma, Frémontel, Québec Loisirs et plusieurs
autres que vous connaissez. D'autres utilisent le marketing direct
parallèlement à d'autres modes de distribution, mais
génèrent plus de 50 % de leurs revenus par leurs activités
de marketing direct. C'est le cas du ministère des Communications du
Québec, des éditions Transcontinental, secteur livres, et de tous
les éditeurs de magazines du Québec, incluant Magazine MacLean
Hunter Québec, Magazines Publicor Canada, Éditions
Télémédia, Publications Transcontinental, etc. Tous les
éditeurs de magazines du Québec dépendent presque
exclusivement du marketing direct pour assurer les 300 000 000 $ de leur
chiffre d'affaires. En effet, 85 % des 135 000 000 d'exemplaires produits et
vendus au Québec proviennent des abonnements. Or, les abonnements aux
magazines sont générés exclusivement par des
activités de marketing direct. Un peu plus de 12 000
Québécois et Québécoises dépendent d'emplois
directs ou indirects de l'industrie du magazine québécoise.
Les organismes sans but lucratif. Au Québec, on compte plus d'une
centaine d'organismes voués à la santé, au
bien-être, à la charité, à l'éducation,
à l'écologie, aux arts, à la culture, aux oeuvres
sociales, à la défense des droits des consommateurs, qui
dépendent du marketing direct pour générer les fonds
nécessaires pour accomplir leur mission. Dans le secteur de la
santé et du bien-être, quelque 45 organismes réalisent un
peu plus de 75 000 000 $ lors de campagnes de levée de fonds qui
assurent leur existence. Ajoutons les partis politiques
québécois, à tous les paliers de gouvernement, qui
utilisent le marketing direct pour acquérir, fidéliser et
renouveler leurs membres et qui, de plus, utilisent le marketing direct pour
leurs campagnes de levée de fonds. Or, le succès des campagnes de
levée de fonds est directement lié à la capacité
des organismes de rejoindre les individus qui peuvent s'identifier à
leur cause. Ils dépendent donc de la disponibilité de listes pour
cibler leurs supporteurs et s'assurer un ratio coût-revenu acceptable. En
ce sens, les organismes sans but lucratif sont similaires aux entreprises du
secteur privé, aux ministères et aux organismes publics, qui,
pour vendre leurs produits ou leurs services, doivent découvrir une
liste dans un marché fortement concurrentiel. Mme Robins.
Mme Robins: Merci. Les articles 20 à 23 n'ont pas un
caractère abusif. Ils sont plutôt un compromis équitable
entre les besoins de notre industrie et la liberté d'expression
commerciale, d'une part, et le respect de la vie privée que
réclament les citoyens, d'autre part. Il s'agit d'un arrangement qui est
juste, qui représente un net progrès et qui témoigne d'une
bonne compréhension de nos méthodes.
Quoi qu'il en soit, les activités des entreprises de marketing
direct n'ont rien de néfaste. On critique beaucoup
l'établissement de profils, auxquel elles se livrent, mais sans bien le
comprendre. Les entreprises de marketing direct ne privent pas les particuliers
de crédits, d'em-
plois ou de logements. Elles ne les placent pas dans des situations
gênantes. Nos «M. Beaure-gard» et nos «M. Aubry»
ne sont pas des gens qui se plaignent de se voir refuser un prêt ou un
emploi; ce sont des personnes satisfaites, par exemple, d'avoir
découvert un nouveau livre ou une série de revues pour leurs
enfants.
En bref, il convient de ne pas modifier les principes qui se trouvent
encadrés dans les articles 20 à 23, afin de ne pas priver
l'industrie de ce dont elle a besoin simplement pour survivre. Ces articles
doivent être un témoignage de la conciliation des droits, des
besoins et des intérêts respectifs des parties concernées.
Ils permettent aussi, sous leur forme actuelle, aux citoyens d'exercer un choix
éclairé et de décider à qui ils vont permettre
d'être sollicités et à qui ils vont retirer ce droit. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Robins. M. le
ministre.
M. Cannon: Oui. Brièvement, M. le Président, avec
votre consentement, je vous demanderais de reconnaître mon
collègue de Saint-Hyacinthe. Comme j'ai beaucoup de difficulté
à parler - je l'ai expliqué à nos intervenants - je
m'excuse, mais je demande à être remplacé.
Le Président (M. Doyon): On comprend ça, M. le
ministre. C'est compréhensible. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer Mme
Robins, qui est en même temps vice-présidente, je pense, de
Reader's Digest...
Mme Robins: Oui.
M. Messier: ...et M. Poulin, de leur présentation de
mémoire. Dans votre mémoire, vous présentez ce matin une
sorte de, je ne sais pas... J'aimerais ça l'évaluer avec vous,
là. Vous dites que, comparativement aux États-Unis et au reste du
Canada, le Québec accuse un retard important, et vous disiez, dans votre
mémoire, que le taux de croissance est quand même très
important - 14 %. Qu'est-ce qui fait la différence entre le
Québec versus l'Ontario et versus le reste des États-Unis, qui
fait en sorte qu'on accuse un retard important en
télémarketing?
M. Poulin (Paul): On sait que l'industrie du marketing direct a
été développée aux États-Unis et qu'elle
occupe une place prédominante sur le marché américain.
Comparativement, normalement, dans les secteurs industriels, si le
marché américain est 10 fois plus important que le marché
canadien, alors, à ce moment-là, on dit que notre industrie
canadienne se trouve proportionnelle. Dans le cas de l'industrie du marketing
direct, on parle de 200 000 000 000 $ sur le marché américain,
alors que l'on parle d'une dizaine de milliards sur le marché canadien.
Donc, à ce moment-là, on reconnaît, dès le
départ, que les Canadiens accusent un retard important face aux
États-Unis dans ce sens-là.
Si on compare... Par exemple, dans l'ensemble du Canada, l'industrie du
marketing direct est fondamentalement, je dirais, concentrée à
Toronto. C'a pris plusieurs années avant que les Québécois
s'y adonnent, avant que les Québécois y comprennent quelque chose
et avant que la discipline prenne source dans les entreprises
québécoises. J'en fus un des principaux promoteurs, j'ai
donné de nombreuses conférences, et je peux dire que l'industrie
du marketing direct, au Québec, est présente depuis à peu
près cinq à sept ans.
Alors, c'est ce qui explique, aussi, si vous voulez, notre taux de
croissance de 14 %. C'est que l'intérêt que le marketing direct
génère auprès des entreprises québécoises
fait que, à chaque année, on a de plus en plus d'entreprises qui
s'y adonnent, et les Québécois répondent très bien.
D'ailleurs, si on regarde sur l'ensemble du territoire canadien, si vous
faites, par exemple, une campagne nationale, normalement, le taux de
réponse du Québec est de 10 % supérieur au taux de
réponse moyen canadien. Alors, de ce fait, étant donné
qu'aujourd'hui les marchés sont de plus en plus concurrentiels, les
entreprises québécoises s'intéressent de plus en plus au
marketing direct, c'est une jeune discipline chez nous et c'est ce qui explique
notre taux de 14 % de croissance versus le taux moyen canadien de 10 %. C'est
parce qu'on est en train de faire un certain rattrapage.
M. Messier: O.K. C'est peut-être pour ça qu'on voit
la présence de plus en plus marquée... Par rapport à ce
qu'on reçoit dans nos boîtes à malle, on en reçoit
davantage, de plus en plus, c'est peut-être pour ça que votre taux
de croissance est plus élevé, vous êtes plus agressifs
à ce niveau-là. Les articles qui vous touchent principalement...
Et vous l'avez mentionné, vous disiez tantôt, dans votre
mémoire, qu'on ne vous fait pas un cadeau, que le gouvernement du
Québec ne vous fait pas un cadeau, principalement aux articles 20
à 23. Si je regarde principalement l'article 22, est-ce qu'il va
être possible - parce qu'il y a distribution de listes, et vous
êtes de grands utilisateurs de listes, que vous avez par personnes
interposées - de remonter jusqu'à la source même de la
liste pour rayer les noms: la formule d'«opting out» pour la
personne qui ne voudrait pas être sollicitée par cette
façon que vous avez de faire du télémarketing, ou d'autres
types de marketing? La personne qui voudrait faire rayer son nom d'une liste,
est-ce qu'il est possible de remonter jusqu'à la toute première
liste, et sinon, pourquoi? (11 h 20)
M. Poulin (Paul): Bon. Il serait difficile de remonter
jusqu'à l'origine des listes, de la pre-
mière liste, les raisons étant que, dans la
majorité des cas, les entreprises qui, par exemple, vont louer une liste
qui provient d'autres entreprises et qui vont l'utiliser pour faire une
campagne de marketing direct n'ont pas réellement et physiquement
accès à cette liste de noms là. La liste est tout
simplement transposée sur une bande magnétique, par exemple, et
elle peut être fusionnée avec d'autres listes pour constituer un
fichier d'envoi, d'une part. Alors, ce qu'on comprend du sens de la loi, c'est
que l'entreprise qui fait son envoi postal, elle, va avoir la
responsabilité d'éliminer de ses fichiers, ou de constituer une
liste de non-sollicitables, si vous voulez, pour ses besoins à elle,
dans le sens... Pour mettre ça dans des termes clairs et précis,
supposez que vous recevez un publipostage de la maison Birks, par exemple, et
que vous, vous décidez: Maison Birks, moi, je ne suis pas
intéressé, je ne veux plus recevoir des sollicitations de la
maison Birks; vous allez aviser la maison Birks que vous n'êtes plus
intéressé. Ça va être à la maison Birks de
constituer son fichier de non-sollicitables, et, à chaque fois qu'elle
va louer des listes de l'extérieur ou utiliser ses propres listes,
à ce moment-là, elle devra épurer de la liste les gens qui
ne veulent pas être sollicités par Birks. De cette
façon-là, le consommateur a la possibilité d'exercer son
choix en toute connaissance de cause: il ne veut pas être
sollicité par Birks, mais il peut vouloir être sollicité
par un autre établissement compétitif. Donc, à ce
moment-là, il peut choisir lui-même, après avoir
été sollicité une fois, de qui il va recevoir de la
littérature ou de la sollicitation et de qui il ne veut pas en
recevoir.
M. Messier: Est-ce que vous pensez que les dispositions
inscrites, là, les artices 20 à 23, peuvent favoriser votre
entreprise si les gens sont plus sélectifs sur la liste des envois
qu'ils ont... Comme vous disiez tantôt, on peut être sur une liste
mais pas nécessairement sur une autre. Est-ce que vous pensez que
ça peut vous aider si les gens sont plus sélectifs par rapport
à des listes d'envoi, là? Exemple, je reçois, disons, de
la maison Victor Gadbois... On est peut-être intéressé a
contribuer à la maison Victor Gadbois, qui est une maison où les
gens sont en phase terminale, mais on ne voudrait peut-être pas
nécessairement contribuer à Birks ou à quelque chose du
genre. Mais, étant plus sélectif sur votre clientèle,
est-ce que ça peut vous nuire ou si ça peut vous aider dans votre
secteur d'activité9
M. Poulin (Paul): Bon. Il y a les deux côtés de la
médaille, toujours, dans une situation comme ça.
Nécessairement, plus vous avez un auditoire vaste pour offrir un
produit, plus, nécessairement, éventuellement, vous avez des
chances d'amener quelqu'un à l'acheter. Si, au départ, par la
volonté même des consommateurs, on nous ré- duit notre
auditoire, et qu'on ne peut plus solliciter cet individu-là ou ce groupe
d'individus là, pour une période de temps qui peut être
même prolongée, là, à ce moment-là,
nécessairement, nos chances de vente diminuent. D'un autre
côté aussi, nos coûts de sollicitation vont diminuer
proportionnellement. Donc, à ce moment-là, ça crée
un certain équilibre. Remarquez que notre industrie - on n'est pas des
fous non plus - le marketing direct implique une relation entre l'entreprise
qui offre et l'individu qui achète, mais il y a une relation
étroite, une relation de un à un. On n'est pas
intéressé de faire des envois postaux ou de solliciter des gens
qui ne sont pas ou qui se disent non intéressés à nos
produits. Ça, on est d'accord. Mais, d'un autre côté, on va
aussi rencontrer le fait qu'on n'aura pas cette possibilité-là de
convaincre les individus à plus long terme, comme, par exemple, à
un moment donné, la répétition des annonces à la
télévision ou ces choses-là.
M. Messier: Mais regardez, comme à la
télévision, si on fait un parallèle, à la
télévision, si vous ne voulez pas regarder un commercial, vous
pouvez faire du zapping. Même chose au niveau de la radio, vous pouvez
changer de poste. Mais, au niveau du marketing direct, il faut donner la
possibilité, quand même, aux gens, de rayer leur nom d'une liste
pour ne pas se faire achaler inopinément, là. À ce
niveau-ià, on reçoit énormément - l'expression
anglaise, de «junk mail» - qui fait en sorte que les gens veulent
se soustraire de certaines listes et peut-être pas nécessairement
d'autres.
Moi, à mon niveau, ça va. Il y a peut-être le
député de Lotbinière qui voudrait intervenir.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Dans le fond, si je vous comprends bien, vous
êtes plutôt d'accord avec les dispositions du projet de loi, qu'on
pourrait résumer comme ceci: Pour l'avenir, une personne qui
«adhère à», qui «s'abonne à», qui
«achète de» sera informée de son droit de signifier
qu'elle ne veut pas que son nom soit fourni pour de la sollicitation
philanthropique ou commerciale. Puis, pour le passé - parce qu'on
commence, là, puis on est déjà sur de nombreuses listes -
la sollicitation est faite en informant ia personne que, si elle le veut, elle
peut faire retrancher son nom de la liste à partir de laquelle on la
sollicite.
Je me rappelle qu'à l'automne 1991 - je m'en rappelle parce que
je suis plutôt de la petite minorité qui ne veut pas trop
être sollicitée - on me disait que, quand les gens ont le choix,
il y en a à peu près 3 % qui se désengagent, et j'imagine
que, d'une certaine façon, - excusez l'anglicisme - la sollicitation de
ces personnes-là est contre-productive. Autre-
ment dit, c'est une personne qui dit: Je vais jeter ce que vous allez
m'envoyer, je ne veux pas le lire. Et vous dites: Bien, on n'a aucune chance de
succès avec une personne qui n'est pas réceptive. Qu'elle nous le
dise, ça ne fait pas de drame, et elle ne sera pas
sollicitée.
Maintenant, la question que je vous poserais est la suivante: Est-ce
qu'il n'y a pas un inconvénient ou même un danger à coupler
plusieurs listes de façon à dégager, mettons, un profil de
consommation? Ce que je veux dire, c'est que, finalement, dans notre
société moderne, on s'exprime puis on se manifeste par ce qu'on
consomme. Et même si on a le consentement de la personne, est-ce qu'il
n'y a pas un risque de harcèlement? On nous a mentionné ici,
à l'automne 1991, par exemple, des listes très spéciales
de personnes crédules. À ce moment-là, ça peut
devenir contre-productif. Je fais une différence entre... Si je suis
abonné à Sélection du Reader's Digest, je n'ai sans
doute pas d'objection à être sollicité par le Club du livre
du mois ou le club Québec Loisirs parce que je suis
intéressé à lire. Alors, je vous redonne cet
exemple-là: Un profil qui dégagerait une liste de personnes
crédules, qui sont portées à faire des achats impulsifs, y
voyez-vous un problème, puis est-ce une pratique qui se fait?
M. Poulin (Paul): À ma connaissance, ce n'est pas une
pratique au Canada. J'ai entendu, moi aussi, comme le ministre Cannon, à
un moment donné, une émission américaine qui stipulait que
des entreprises - on pourrait les appeler «plus ou moins
honnêtes», d'après ce que j'ai pu comprendre - avaient
formé ou constitué des listes de gens catégorisés,
comme M. Cannon le disait, de «suckers». À ma connaissance,
ce genre d'opération n'existe pas au Canada. Quelle que soit la forme de
commercialisation qu'une entreprise ou que des individus peuvent utiliser,
ça ne veut pas dire que le marketing direct est exempt de tout fraudeur.
Donc, à ce moment-là, ce n'est pas la pratique chez nous et ce
n'est pas vers quoi on tend non plus.
M. Bourdon: Dans ce sens-là, est-ce que vous seriez
d'accord sur le fait que, au lieu de simplement s'enregistrer, en vertu de la
loi, à la Commission d'accès à l'information, les
entreprises devraient détenir un permis de la Commission d'accès
à l'information? Et je m'explique. Ce n'est pas parce que je veux qu'un
fonctionnaire s'amuse à jouer avec la formule du permis, mais c'est que
ce que vous dites m'apparaît exact. Comme n'importe quelle industrie, la
vôtre doit comporter, à la marge, des gens sans scrupules, des
gens qui fonctionnent n'importe comment - moins ici qu'au États-Unis,
mais vous savez qu'on a tendance à hériter des mêmes choses
qu'eux autres avec quelques années de retard. (11 h 30)
Dans ce sens-là, je vais vous dire pourquoi la suggestion
m'apparaît très bonne. C'est que, dans n'importe quel secteur
d'activité, la crainte de perdre un permis, c'est quelque chose qui
exerce une pression considérable. Ce que je veux dire, à cet
égard, c'est que le permis de Sélection du Reader's Digest
serait une formalité à renouveler, mais que d'autres... Parce
que ma mère, par exemple, qui est sollicitée pour des
préarrangements funéraires, ça, c'est l'oeuvre de
courtiers en listes, qu'on soupçonne de donner des pots-de-vin à
des employés d'une institution publique pour avoir des renseignements.
Je sais très bien que ce n'est pas dans ces ligues que votre industrie
opère, c'est à la marge et à la périphérie.
Alors, ma question: Seriez-vous d'accord, sans que ce soit compliqué et
bureaucratique, qu'on ait un permis pour travailler dans ces
domatnes-là, de façon à ce que les gens qui opèrent
sans permis ou les gens qui opèrent sans scrupule n'obtiennent pas ou
perdent leur permis?
M. Poulin (Paul): Ça existe déjà. La Loi sur
la protection du consommateur oblige déjà les entreprises qui
font de la sollicitation et qui demandent le paiement avant de livrer la
marchandise de fournir un «bond» minimal de 50 000 $. Et l'Office
de la protection du consommateur, d'autre part, suit très bien son
affaire pour les entreprises qui, en fait, dans certains cas, vont survendre
leurs produits et ces choses-là. Donc, je crois que ce serait un
dédoublement de fonctions, si vous voulez, et que ça ne nous
mènerait pas plus loin parce que, dans le fond, ce serait de compliquer
la vie alors qu'on est très bien régi, à l'heure actuelle,
par ça.
N'oubliez pas que notre industrie est régie par la loi
fédérale sur la publicité trompeuse, par la Loi sur la
protection du consommateur du Québec, par la loi sur les pratiques
commerciales. Elle est aussi régie par l'Office de la langue
française, et là, on va être régi par cette loi.
Mme Robins: On est aussi régi par la loi sur la
Régie des courses, pour ceux qui offrent beaucoup de concours. Et votre
question du permis soulève toujours une autre question. Comment...
M. Bourdon: J'ai de la sympathie pour vous autres: être
régis par la Régie des courses, des loteries.
Mme Robins: Ça va très bien. Non, ça va
très bien, je le dis simplement comme un autre nom de loi. Mais, par
exemple, comment est-ce que vous allez obliger une compagnie comme LL Bean, qui
est aux États-Unis, à avoir un permis? Ça soulève
toujours le même genre de problèmes.
M. Bourdon: Je vous remercie et, dans le fond, je pense que,
comme le ministre, je suis
d'avis qu'il n'y a pas de difficulté au niveau du fonctionnement
de votre industrie, à part dans la marge, où il y a à
trouver des moyens, dans le fond, de garantir que les choses se font de la
façon appropriée.
À l'égard de ma mère, je voudrais peut-être
rappeler qu'en décembre l'Assemblée nationale a adopté une
loi interdisant toute sollicitation téléphonique et le porte
à porte en matière de préarrangements funéraires.
La députée de Terrebonne appuyait les groupes nombreux qui
disaient que, dans un centre d'accueil, appeler tout le monde pour proposer des
préarrangements, ça créait une commotion
considérable, Et la loi a dit: La sollicitation se fait par la radio, la
télévision, les journaux, mais pas individualisée, parce
que c'est un sujet qui est compliqué.
Alors, moi, je vous remercie de votre témoignage. Je voudrais
répéter à la personne qui représente
Sélection du Reader's Digest ce que j'ai dit à son
prédécesseur: Je n'aime pas le «junk mail», mais je
trouve que Sélection du Reader's Digest le fait d'une
façon prodigieusement habile et ça m'intéresse
d'être sollicité de cette manière.
Mme Robins: Merci beaucoup, au nom de la compagnie et au nom de
l'Association.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le député de
D'Arcy-McGee, vous avez demandé la parole...
M. Libman: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): ...alors, vous l'avez.
M. Libman: Je suis d'accord sur ce point avec le
député de Pointe-aux-Trembles, sur Reader's Digest, mais,
moi, je vous dis qu'avec la multiplication rapide des listes, avec les
sous-listes, avec le fait que n'importe quelle compagnie peut, en utilisant
l'annuaire, créer elle-même des listes, et avec le fait que cette
loi met le fardeau sur l'individu de faire rayer son nom, est-ce que vous
croyez vraiment que cette loi va changer quelque chose dans votre façon
de faire? Par exemple, si je reçois un appel d'une compagnie de
télémarketing qui veut me vendre des couteaux, si, moi, je dis
«je ne suis pas intéressé, enlevez mon nom de votre
liste», il n'y a pas de différence si je leur dis «je ne
veux pas acheter les couteaux», parce que c'est une seule liste qui
existe parmi plusieurs autres. Alors, moi, je suis très sceptique
à l'effet que cette loi ou ces articles vont vraiment changer quelque
chose pour l'individu. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Poulin (Paul): Je ne suis pas tout à fait d'accord avec
vous dans ce sens-là. C'est que l'entreprise qui veut vous vendre des
couteaux va devoir, à ce moment-là, créer un fichier sur
lequel va apparaître votre nom. Donc, à la prochaine campagne,
lorsqu'ils vont vouloir solliciter pour revendre les mêmes couteaux ou
vendre d'autres produits similaires, en autant que ça émane de la
même compagnie, ils vont devoir épurer votre nom,
c'est-à-dire que vous ne serez pas sollicité une deuxième
fois pour acheter les couteaux ou acheter d'autres produits de cette
compagnie-là. Donc, à ce moment-là, au lieu de dire
simplement au téléphone «non, merci, je ne suis pas
intéressé», leur dire en même temps
«profitez-en donc pour rayer mon nom de votre liste», à ce
moment-là, ça vous procure cette sécurité de ne pas
être sollicité à nouveau.
M. Libman: O.K. Alors, cette même compagnie maintenant, si
cette loi-là est adoptée, quand elle m'appelle, elle doit me dire
d'abord que mon nom est sur une liste et que j'ai le droit de rayer mon nom de
cette liste - parce que je pense que c'est ça qui est dit dans la loi.
Elle dit que la compagnie doit s'identifier et informer la personne à
qui elle s'adresse de son droit de faire retrancher de la liste... Ça
incombe une nouvelle responsabilité à tous ceux qui font du
télémarketing de dire aux personnes qu'ils appellent: Si vous
voulez, vous pouvez enlever votre nom de notre liste. Alors ça pourrait
avoir un impact sur leur capacité de nous vendre quelque chose s'ils
mettent cette question de doute chez la personne qui reçoit cet appel.
Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Poulin (Paul): C'est un fait que ça va... C'est pour
ça qu'on dit que la loi en soi n'est pas un cadeau pour notre industrie.
Et, un peu répondre à la question de M. le député
tout à l'heure, à l'effet qu'il y a deux côtés de la
médaille, c'est que, oui, c'est intéressant pour l'entreprise de
pouvoir identifier les gens qui ne sont pas intéressés à
ses produits, mais, d'un autre côté, c'est lui couper aussi en
même temps un auditoire qui est plus vaste, donc, à ce
moment-là, des chances de vendre davantage.
M. Libman: O.K., mais juste encore sur cet autre
côté de la médaille. En même temps, si je dis
à cette compagnie qui m'appelle pour solliciter pour les couteaux,
d'enlever mon nom de la liste, c'est seulement cette compagnie qui a
rayé mon nom. Ça ne va pas arrêter d'autres compagnies,
d'autres listes d'exister. Alors en effet, cette loi donne aussi à
l'individu un sentiment de sécurité qui est un peu faux. Moi, je
peux savoir que seulement cette seule compagnie qui me vend des couteaux n'a
plus mon nom sur sa liste pour vendre des couteaux, mais...
M. Poulin (Paul): Ce n'est pas un sentiment de
sécurité qui est faux, M. le député, c'est un
respect de la liberté du consommateur de choisir de qui il veut
être sollicité et à qui il veut refuser ce droit-là.
D'autre part, il faut con-
sidérer aussi que l'Association canadienne du marketing direct
offre à l'ensemble de la population canadienne la possibilité de
faire retrancher leur nom de toutes les listes de télémarketing
ou de toutes les listes de publi-postage. Alors, un appel ou, si vous voulez,
envoyez votre nom, etc., à l'Association canadienne et là, tous
les membres de l'Association sont obligés d'éliminer ou
d'épurer leur liste de cette banque de listes là qui contient
au-dessus de 250 000 noms de Canadiens, actuellement, avant de faire leur
sollicitation.
M. Libman: Alors, est-ce que ça, c'est le processus
aujourd'hui? Si, par exemple, je reçois... Même si on n'adopte pas
cette loi, si je reçois cet appel par cette même compagnie de
couteaux et que je lui dis, aujourd'hui, d'enlever mon nom de la liste,
qu'est-ce qu'elle va faire? Est-ce qu'elle va respecter cette demande?
M. Poulin (Paul): Logiquement, c'est de son intérêt
de la respecter. Là, ce que la loi fait, c'est de l'obliger.
M. Libman: O.K. Alors, ça ne change pas vraiment quelque
chose. Si, même aujourd'hui, ils vont faire la même chose, la loi
formalise, en effet, une pratique qui existe déjà.
M. Poulin (Paul): Oui.
Mme Robins: Oui, mais ça crée un nouveau droit
positif pour tous les citoyens et des obligations obligatoires pour les
compagnies. Pour moi, il y a une nette différence entre une pratique et
une loi qui a force de loi, avec des sanctions.
M. Libman: Merci, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee. M. le député de
Pointe-aux-Trembles. (11 h 40)
M. Bourdon: Je voudrais peut-être ajouter à nos
invités qu'à cet égard-là les deux partis
politiques majeurs, en termes de télémarketing, lors de nos
campagnes de financement, on est assez redoutables, mais dans le sens que... Je
prends mon parti, sur 150 000 membres, on en visite à la maison 120 000.
Et j'ajoute que c'est sûr que le lien d'une personne qui adhère au
parti libéral, à son parti, n'est pas de même nature que
celui d'un abonné à un magazine. Mais je peux vous dire que la
personne de mon comté qui est sur la liste des membres, elle entend
parler de nous comme il faut durant la campagne de financement, mais la
perception est différente d'autres formes de sollicitation. Parce que,
dans le fond, ce sont des regroupements par affinités et, d'une certaine
façon... Ma surprise, moi, c'est qu'au temps des Fêtes on a mis
quatre pieds de nourriture dans une assez grande pièce de mon
comté et, cette fois-là, on les appelait pour leur demander de
donner de la nourriture pour des paniers de Noël, pour les
sociétés Saint-Vincent-de-Paul du comté, et les gens
étaient contents d'être sollicités pour ça. Et
même ceux qui n'avaient pas le temps trouvaient que l'idée
était bonne. Mais soyons honnêtes, les partis politiques, le
télémarketing, on pratique ça intensivement au moins une
fois par année. Et je ne vous parle pas des campagnes électorales
là, les gens ont de quoi devenir confondus par tous les appels qu'on
reçoit des différents partis politiques. Mais je mets ça
à part, d'une certaine façon, parce qu'il y a déjà
une affinité d'adhérent. Et je vous dirai même qu'on
reçoit des appels de personnes qui disent: Comment ça se fait que
vous ne m'avez pas appelé pendant la campagne? Il y a un sentiment
d'appartenance.
M. Cannon: Ça, c'est quand tu gagnes. Quand tu perds, ils
ne disent pas ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: C'est quand quoi?
Le Président (M. Gobé): Quand tu gagnes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Quand tu gagnes, ils te disent ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Le ministre a raison, on a toujours plus de monde
quand on gagne que quand on perd. Puis, savez-vous, à cet
égard-là, au Palais du commerce, en 1960, comment René
Lévesque, qui était libéral à l'époque,
avait commencé un discours d'un grand party de victoire? Il avait dit:
«Amis libéraux, les anciens comme les nouveaux».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Poulin (Paul): Mais ce qui se passe dans votre comté,
M. le député, ça se passe aussi dans le vrai monde de
l'industrie. C'est que, par exemple, à un moment donné, pour des
raisons systématiques... Les entreprises qui utilisent des catalogues,
par exemple, si le client n'a pas acheté pendant une période de
trois, quatre ou cinq ans, à un moment donné, elles vont
arrêter, automatiquement, de lui envoyer le catalogue. Et vous seriez
surpris de savoir combien il y a de gens qui appellent ces
entreprises-là et qui disent: Voulez-vous m'envoyer votre catalogue,
même si je n'ai pas acheté depuis un bon bout de temps?
M. Bourdon: C'est vrai.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. C'est tout,
M. le député de Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Ça va.
Le Président (M. Gobé): Ça va, oui? M. le
ministre.
M. Cannon: Ce n'est pas moi, c'est mon porte-parole.
Le Président (M. Gobé): Oh! M. le
député de Lotbinière, je m'excuse.
M. Camden: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): J'accepte vos
remerciements.
M. Camden: M. Poulin, en relation avec toutes ces listes qui
sont, entre guillemets, utilisées par bon nombre d'entreprises, est-ce
que vous pourriez nous quantifier ça, nous chiffrer ça, en
chiffres? Combien ça vaut, une liste qui est vendue, comme ça,
avec un certain nombre d'informations, une liste à caractère
général, avec des noms et des adresses?
M. Poulin (Paul): Une liste nominative, alors ça comprend
le nom, l'adresse, le code postal de l'individu, ça pourra varier dans
les prix. C'est loué d'abord, ce n'est pas vendu.
Une voix: Ce n'est pas vendu.
M. Poulin (Paul): C'est loué pour une seule utilisation.
Et l'entreprise qui loue la liste n'a pas le droit de la modifier ou d'ajouter
des données supplémentaires ou quoi que ce soit, ou en faire des
copies, ou la réutiliser. Et d'ailleurs, on a, à
l'intérieur des listes, ce qu'on appelle dans notre langage, des
poteaux. Alors, ce sont des gens, si vous voulez... On va modifier, par
exemple, !e nom de famille, l'épellation du nom de famille, de
façon à nous permettre d'identifier les utilisations
malhonnêtes ou frauduleuses des listes qui sont mises en circulation.
Alors, une liste louée pour une utilisation va varier, sur le
marché, entre 60 $, un prix de base de 60 $ le 1000, à aller
jusqu'aux alentours de... Ça peut aller, si vous voulez, jusqu'à
150 $ le 1000. Et quelques listes très sélectes vont aller
jusqu'à 350 $ le 1000.
M. Camden: Et lorsque vous référez à une
liste qui peut représenter 350 $ le 1000, j'imagine que vous
référez davantage à une liste où les
créneaux ont été bien identifiés, le niveau de
revenu des personnes, la nature de leurs responsabilités.
M. Poulin (Paul): Bon quand on parle de listes de 350 $ le 1000
à peu près, ce serait, par exemple, les membres du conseil
d'administration de certaines entreprises, des 100 plus grandes entreprises du
Québec; ça, c'est le genre de liste que vous paieriez 350 $ le
1000.
M. Camden: Et vous m'indiquez, ce que j'ai cru comprendre, que,
chaque fois, les listes sont louées et non vendues, et que vous
insérez les noms avec des adresses, j'imagine, des points de
repère qui vous permettent de vérifier combien de fois ces listes
ont été utilisées et à quelles fins elles sont
utilisées.
M. Poulin (Paul): Exact. D'ailleurs, l'entreprise qui met sa
liste en location demeure propriétaire de sa liste et a le droit de
refuser la location de sa liste si elle juge que, par exemple, la promotion de
l'entreprise B, qui veut la louer, n'est pas conforme avec ses standards, soit
au niveau de la qualité de l'offre, au niveau, si vous voulez, de la
clarté de l'offre ou ces choses-là.
M. Camden: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci M. le
député. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Oui, j'aimerais revenir sur une autre question. Je
prends un exemple là, de marketing direct, la fondation Mira et la
Fondation québécoise des aveugles. Par exemple, la fondation
Mira, qui a des penchants pour Saint-Hyacinthe, si je fais une contribution
à Mira, est-ce que Mira va aviser quelqu'un en disant que, oui, j'ai
contribué financièrement à la fondation Mira? Exemple, la
Fondation québécoise des aveugles pourrait savoir que j'ai
contribué à la fondation Mira. Est-ce qu'il y a des listes qui
existent de gens qui ont effectivement contribué? Parce que vous pouvez
faire un «mailing at large» et vous pouvez en envoyer, disons, 100
000. S'il y en a 10 000 qui contribuent financièrement à la
fondation Mira, est-ce qu'il y a une liste de ces 10 000 qui peut être
constituée et fournie à la Fondation québécoise des
aveugles, se disant que, si j'ai un penchant pour acheter un chien pour des
aveugles, directement ou indirectement, je serais peut-être
intéressé à cotiser à la Fondation
québécoise des aveugles?
M. Poulin (Paul): Ce serait possible ça, soyons
honnêtes, que Mira permette que sa liste de donateurs soit louée
à la Fondation québécoise des aveugles. Il n'y a personne
autre que Mira qui peut donner l'autorisation ou qui peut fournir la liste,
parce que, dans le fond, la liste, elle est chez Mira, elle n'est pas ailleurs.
Les noms sont dans le fichier de Mira et ils ne bougent pas de là.
M. Messier: Ce n'est que Mira qui pourrait
louer ou vendre sa liste à la Fondation québécoise
des aveugles, en disant que, si j'ai reçu une contribution de Charles
Messier, possiblement, il serait peut-être intéressé
à la Fondation québécoise des aveugles.
M. Poulin (Paul): C'est ça. Et c'est leur seule
décision. C'est à eux à qui revient le droit de l'accepter
ou de le refuser ou de...
M. Messier: Dans la pratique courante, est-ce que ça se
fait ou si les gens tiennent mordicus à leurs listes en disant que s'ils
ont contribué pour Mira... Parce que, s'il y a une propension à
vendre des listes ou à louer des listes, les gens vont peut-être
moins contribuer financièrement à ces types de fondations
là.
M. Poulin (Paul): Dans le domaine des campagnes de levées
de fonds, à ma connaissance - je ne dis pas que c'est 100 %, je ne le
sais pas là - les organismes sans but lucratif qui font des campagnes de
levées de fonds sont très jaloux de leurs listes. Ce ne sont pas
des listes qui vont circuler aussi facilement que, par exemple, les listes des
abonnés à la revue L'actualité ou au journal Les
Affaires. Il y a des entreprises québécoises comme des
entreprises hors Québec, qui, elles, Reader's Digest ne mettront
jamais leurs listes en circulation, par respect pour leur clientèle, ou
tout simplement parce que c'est leur politique, point final. Puis, ce n'est pas
toutes les entreprises qui font du marketing direct qui vont mettre leur liste
en circulation ou en location, si vous voulez.
M. Messier: Je vous remercie beaucoup de la présentation
de votre mémoire et des réponses que vous nous avez
données ce matin.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député, merci madame, merci monsieur. Ceci met donc fin à
votre intervention. Je vais donc maintenant suspendre les travaux, ceci mettant
fin aux travaux de notre commission pour la matinée. Je suspends donc
les travaux à cet après-midi, 14 heures, en cette salle. La
com-mision est suspendue.
(Suspension de la séance à 11 h 50)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président (M. Doyon): La commission continue ses
travaux en poursuivant sa consultation et les auditions des organismes qui ont
demandé à être entendus sur le projet de loi 68, Loi sur la
protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Nous débutons notre après-midi en recevant les
représentants de la Commission d'accès à l'information. Je
les invite à bien vouloir prendre place à la table de nos
invités. Je vois que M. Comeau est là, accompagné de M.
Ouimet, je pense, et de M. White. Alors, je leur souhaite la bienvenue. Je les
invite à s'installer. Je leur indique, d'entrée de jeu, que nous
sommes extrêmement heureux de les avoir. On a parlé beaucoup d'eux
- ils le savent sans doute - jusqu'à maintenant, dans les rencontres que
nous avons eues et il est important qu'ils viennent nous rencontrer, qu'ils
nous fassent les représentations et qu'ils fassent valoir le point de
vue qui est le leur en ce qui concerne le projet de loi 68. Les parlementaires
auront des questions aussi, j'en suis certain.
Donc, je vous indique que vous disposez de 15 à 20 minutes pour
nous faire part de vos remarques, de vos points de vue ou de vos suggestions en
ce qui concerne le projet de loi 68. Après ça, la discussion va
s'engager pour le restant du temps avec les membres de la commission
parlementaire, M. le ministre, ainsi que le représentant de l'Opposition
officielle, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
Alors, bienvenue. Si vous voulez bien vous identifier, pour les fins du
Journal des débats et, dès ce moment, vous avez la
parole.
Commission d'accès à l'information
(CAI)
M. Comeau (Paul-André): Alors, je vous remercie beaucoup,
M. le Président. Merci également, M. le ministre et MM. les
députés, Mme la députée. Vous avez
déjà présenté Me André Ouimet qui est
à ma droite, secrétaire de la Commission et directeur du service
juridique, et M. Clarence White qui est directeur aux analyses et
enquêtes chez nous.
Alors, je vous signale d'entrée de jeu que je suis heureux de me
retrouver devant la commission de la culture, à peu près un an et
demi exactement après la présentation de notre mémoire sur
la question de la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé. À ce moment-là, notre démarche était
importante, bien sûr, mais elle avait un caractère un peu
théorique. Elle s'inscrivait dans le sillage d'un certain nombre
d'études, de comités de travail, de rapports. Aujourd'hui, ce qui
était théorique hier a maintenant changé de nature.
L'adoption du nouveau Code civil, et plus précisément les
dispositions qui ont trait à la protection des renseignements personnels
ont donné un caractère concret, ont matérialisé en
quelque sorte ce qui était un projet plus ou moins dans l'air depuis
maintenant une dizaine d'années.
Alors, si nous nous présentons aujourd'hui devant vous, c'est
pour appuyer, bien sûr, le mémoire que nous avons
déposé et nous le faisons à un triple titre. Tout d'abord,
il nous semble que, sans une loi d'application, ce qui est la nature
même, nous semble-t-il, du projet de loi 68, l'intention du
législateur, l'intention des
membres de l'Assemblée nationale, aurait toutes les chances de
demeurer des voeux pieux en ce qui concerne les dispositions du Code civil en
question. Il nous serait, en tant que citoyens et citoyennes du Québec,
à peu près impossible d'obtenir le respect de ces droits sans la
présence d'un mécanisme de recours qui soit, bien sûr,
souple du point de vue de la procédure et qui soit peu onéreux
à peu près à tous les points de vue, y compris le point de
vue financier. Je ne pense pas que l'Assemblée nationale, en adoptant le
Code civil, se soit engagée dans une oeuvre théorique et c'est
pourquoi il nous semble opportun d'intervenir à cet égard-ci.
Le second motif qui justifie notre intervention, c'est l'accumulation de
cas et de problèmes concrets, dans le secteur privé, qui ont
été portés à notre attention depuis des
années. Régulièrement, et c'est ce que démontrera
M. White, nous recevons, dans un domaine qui n'est pas de notre
compétence, des plaintes et des informations qui jettent un
éclairage important sur le bien-fondé des dispositions du Code
civil en question et, bien sûr, de la loi d'application qui en
résulte.
Enfin, le troisième motif à la base de notre
démarche, c'est, il faut le reconnaître, l'expérience
acquise et développée par la Commission,
précisément dans le domaine de la protection des renseignements
personnels, mais à l'égard du secteur public. Or, cette
expérience - et elle sera explicitée par Me Ouimet - s'est
développée de façon souple et respectueuse des droits des
citoyens, des grands principes de la justice naturelle et aussi de la justice
administrative, et aussi à l'enseigne d'une efficacité
réelle et à des coûts minimes.
Aujourd'hui, je me présente devant vous et je ne crains pas
d'afficher à cet égard une certaine et une réelle
sérénité. Je ne viens pas en tant que rêveur mais en
tant qu'observateur de la réalité, en ce qui concerne la
protection des renseignements personnels au Québec. Il y a eu, bien
sûr, ces derniers mois, ces dernières semaines, des sondages qui
démontrent les caractéristiques particulières des
préoccupations des Québécois à cet égard.
Mais il y a quand même deux exemples probants qui se sont
développés au cours des dernières années et qui ont
préparé, en quelque sorte, l'avènement de ces dispositions
du Code civil.
D'abord, il faut signaler et souligner l'adoption d'un certain nombre de
codes volontaires, de codes de déontologie dans certains secteurs de
l'industrie, dans certains domaines de l'entreprise. C'est un pas important
dans la voie d'une prise en charge de ces droits nouveaux. De même, nous
avons constaté, au cours des dernières années, la pratique
de l'accès aux dossiers d'employés dans un certain nombre
d'entreprises, pratique qui est maintenant entérinée dans de
nombreuses conventions collectives. Ces deux faits-là nous autorisent
à être sereins et aussi à être optimistes.
La sérénité, je me l'explique, en tout cas, par
l'expérience accumulée par la Commission au cours des 10
dernières années. Et lorsque je regarde l'avenir, et lorsque je
songe au mandat que voudrait nous confier l'Assemblée nationale, je
pense qu'il est relativement simple d'imaginer des solutions pragmatiques et
intelligentes aux problèmes de la vie quotidienne qui vont se
dérouler et se dévoiler au fil des jours. Je ne vois pas de
montagne à ce que les achats de titres de transport, à ce que les
autres transactions soient insurmontables. Je ne vois pas comment on ne
pourrait pas faire ici, avec le même talent, ce que de nombreux autres
pays ont fait avant nous, sans rien empêcher et sans nuire au
fonctionnement des gestes de l'activité quotidienne. Et je suis d'autant
plus confiant que nous pourrons trouver ces solutions pragmatiques et simples
en nous basant sur un certain nombre de faits précis. D'abord, il faut
se rendre compte que les Québécois - et c'est le résultat
des sondages - sont préoccupés par cette question. Il y a donc un
terrain fertile pour une connivence de tous les intervenants dans ce
domaine-là. On doit aussi miser sur l'expérience accumulée
chez nous depuis 10 ans. Le Québec, c'est important de le
répéter, a mis au point, dans le secteur public, un modèle
où l'on concilie l'accès à l'information et la protection
des renseignements personnels, un modèle que copient, l'une après
l'autre, les diverses provinces du Canada, et même maintenant, le
gouvernement fédéral. Il y a un ralliement effectif à ce
modèle qui a été, à l'époque, établi
de façon peut-être pragmatique, mais qui, maintenant,
répond réellement à des besoins. Et je pense que ça
serait mal nous juger, en tant que Québécois, en tant que
société québécoise, et également mal juger
de la qualité de son appareil administratif, s'ils n'étaient pas
capables, eux aussi, et la société et l'appareil administratif,
de relever le défi de la protection des renseignements personnels dans
l'ensemble des secteurs d'activité. Nous avons pu relever le défi
majeur à l'époque, de mettre en oeuvre l'accès à
l'information et la protection des renseignements personnels dans le secteur
public. Nous l'avons fait, je pense, avec souplesse et intelligence, et dans
des conditions qui respectent les idéaux de justice et de
démocratie qui sont à la base de la mise en oeuvre de certains
aspects du droit nouveau.
Alors, si vous le voulez, je vais, avec votre permission, M. le
Président, demander à M. White de nous présenter un
panorama des cas concrets qui nous sont soumis et qui justifient, à mon
point de vue, le bien-fondé de votre démarche.
Le Président (M. Doyon): M. White.
M. White (Clarence): M. le Président, M. le ministre, Mme
la députée, MM. les députés. Comme vous le savez
tous, à la Commission, on
est appelé à répondre à des demandes
d'information venant du public en général, et plus de 20 % de nos
demandes téléphoniques se rapportent à des
difficultés rencontrées dans le secteur privé.
Commençons avec quelques exemples au chapitre de la collecte de
renseignements personnels. Une personne nous signale qu'un propriétaire
d'immeuble lui a demandé son numéro d'assurance sociale, de
même que son numéro de compte de banque avant d'accepter de parler
de location. Des gens se plaignent de la collecte de renseignements de la part
de clubs vidéo; on nous signale que leurs demandes concernent le
numéro d'assurance sociale, le numéro d'assurance-maladie, le
numéro de permis de conduire. Un de ces clubs exigerait même le
numéro du permis de conduire, celui d'assurance sociale, un
numéro de carte de crédit. De plus, l'adhérent devrait
décliner son état de propriétaire ou de locataire et
préciser la valeur de sa propriété, le cas
échéant. (14 h 20)
Alors, on peut voir qu'il y a une panoplie de demandes de renseignements
dans le secteur privé.
Nous avons tous été témoins dans notre vie, au
moins à une reprise, de l'utilisation inappropriée de
renseignements personnels. Voici deux exemples. Un membre d'un tribunal
administratif fut surpris, un jour, d'apprendre, par la voie du courrier, qu'il
avait des démêlés avec la justice et qu'une âme
charitable était disposée à l'aider à se sortir de
ce mauvais pas. Après une petite enquête, il apprit qu'on
assimilait ses prétendues difficultés avec le fait que son nom
apparaissait dans plusieurs dossiers d'appel de ses décisions devant la
Cour du Québec. Récemment, le président d'un organisme
gouvernemental nous soulignait qu'une compagnie émettrice d'une carte de
crédit lui avait refusé sa demande, sous prétexte qu'il
avait plusieurs poursuites contre lui. Il constata alors qu'on avait
compilé toutes les poursuites où il était impliqué
en sa qualité de dirigeant d'organisme.
Au chapitre de la communication d'un renseignement nominatif à
des tiers, les questions qu'on nous soumet sont nombreuses. Plusieurs touchent
le marketing direct. Comment fait-on pour ne plus être sur les listes
d'appel? Un autre veut savoir si son employeur peut transmettre la liste de ses
employés avec leur adresse personnelle à un concessionnaire
automobile. Une commerçante cherche à savoir si une loi lui
interdit de communiquer ses renseignements sur un client à un autre
commerçant. Enfin, un employé affirme que, dans le cadre d'une
assurance-maladie payée par son employeur, ce dernier reçoit
systématiquement de la part de la compagnie d'assurances une copie des
réclamations qui lui sont adressées, avec, naturellement, les
diagnostics et tout et tout.
Enfin, nous arrivons aux cas qui nous sont soumis le plus
fréquemment, c'est-à-dire les refus d'accès. Citons des
cas d'exemples, des cas qui touchent la relation employé-employeur. Un
monsieur est sélectionné par une compagnie de transport. Il passe
un examen dans une clinique de médecine industrielle. On lui refuse
l'emploi, prétextant qu'il a le dos magané. Il aimerait voir le
rapport. À la clinique, on lui dit qu'on le lui donnerait bien, à
la condition d'avoir l'accord de l'employeur. Ce dernier refuse.
Une autre personne a perdu son emploi dans un bureau de comptables. Elle
veut voir son dossier d'employé, son ex-employeur lui refuse. Un
employé d'une corporation professionnelle demande accès à
un rapport d'expertise effectué par un psychiatre pour le compte de son
employeur, alors qu'il était en congé de maladie. De retour au
travail, l'employeur lui refuse l'accès au rapport, même si son
contenu a été communiqué à un supérieur.
Enfin, un emploi est refusé à un individu à la suite d'une
enquête effectuée par la firme Équifax. On lui refuse
accès au dossier. On lui aurait dit qu'il ne s'agissait pas d'un dossier
de crédit, mais d'une investigation effectuée pour un
employeur.
Nous avons déjà souligné devant les membres de
cette commission les difficultés rencontrées par les individus
qui veulent avoir accès au dossier médical qui se retrouve dans
les cliniques privées. Les signalements qui nous sont faits à ce
sujet conservent le même rythme, c'est-à-dire un ou deux par jour,
il y a même des journées où on a six ou sept
téléphones où les gens nous disent qu'ils ne peuvent avoir
les dossiers dans les cliniques privées. Nous sommes toutefois en
mesure, aujourd'hui, de vous dire qu'il n'y a pas seulement des médecins
qui refusent l'accès au dossier de leurs patients, il y a des dentistes,
des psychologues. Un homme veut avoir accès au dossier de son enfant
traité par un psychologue en cabinet privé. Il a consulté
le code de déontologie et il ne comprend pas que le dossier ne soit pas
accessible et qu'aucun motif de refus ne lui soit spécifié. La
seule réponse qu'on lui donne, c'est que c'est confidentiel. Les
compagnies d'assurances ne donnent pas non plus facilement accès
à la personne concernée au dossier constitué à son
sujet. Soulignons l'exemple d'une dame qui se plaint que deux compagnies lui
ont refusé un contrat. Elle veut connaître les raisons de ces
refus. On lui indique qu'on les donnera à son médecin traitant.
Lorsque celui-ci les demande, on refuse là aussi de les lui donner.
Au chapitre de la rectification, nous avons fréquemment - et
encore ce matin, entre 11 heures et midi, deux téléphones - des
témoignages de gens qui nous appellent et nous disent toutes les
difficultés qu'ils ont de pouvoir obtenir des rectifications de dossier
dans les bureaux de crédit. Il semble que c'est là une chose
impossible.
Enfin, je m'en voudrais de terminer ces quelques remarques sans vous
parler du problème
de la destruction des renseignements personnels. Vous avez tous dû
entendre parler de «Scoop». Le plateau de tournage de la
série télévisée était inondé de
documents contenant des renseignements nominatifs. Certains, très
sensibles, provenaient de quatre organismes publics. Avec l'accord du
producteur de la série, des membres du personnel de la Commission se
rendirent sur place et épluchèrent tous les dossiers, feuille par
feuille, afin de retirer les renseignements nominatifs provenant des organismes
publics. Toutefois, plus de 75 % des documents qui s'y trouvaient venaient de
l'entreprise privée. Au palmarès figuraient, notamment, deux
compagnies d'assurances, un trust, un comptable agréé et une
banque. Les renseignements qui y apparaissaient allaient du rapport
d'impôt des particuliers jusqu'aux sorties informatiques de registres de
paie d'entreprises incluant les noms d'employeurs, d'employés, les
gains, les déductions, etc., sans oublier, bien sûr, une
quantité importante de dossiers de réclamation de prestations
d'assurance-maladie qui contenaient le nom, l'adresse du
bénéficiaire, le nom des médicaments, les diagnostics et
le reste. Il y avait aussi des polices d'assurance-vie terminées par le
décès de l'assuré. On y notait des renseignements sur la
personne, sa santé, ses antécédents médicaux, la
cause du décès, le diagnostic, le montant assuré, le nom
du bénéficiaire et le reste. Les documents provenant du trust
concernaient des transactions immobilières, truffées de
renseignements personnels. Il y avait aussi des dossiers de régimes
d'épargne-retraite et d'achats d'actions d'employés d'une
importante compagnie de téléphone. Un accessoiriste a
confié à un membre du personnel de la Commission que
c'était pratique courante que de tels documents se retrouvent sur un
plateau de tournage. C'étaient là les exemples que je voulais
vous donner.
Je vais laisser la parole, si vous voulez, M. le Président,
à Me Ouimet.
Le Président (M. Doyon): Oui, merci M. White. Me
Ouimet.
M. Ouimet (André): M. le Président, comme l'a
précisé M. Comeau. il me fait plaisir de vous expliquer la
façon dont la Commission s'acquitte actuellement des mandats qui lui
sont confiés, en vertu de la loi sur l'accès, dans le secteur
public. Afin de faciliter la compréhension du processus, vous
comprendrez que j'ai éliminé les étapes purement
administratives. Cela permet de comprendre plus facilement les rôles et
fonctions de chacun au sein de la Commission.
Aux fins de la présentation, j'ai d'abord retenu ies deux mandats
principaux de la Commission: d'abord, l'adjudication; ensuite, la surveillance
et le contrôle de l'application de la loi. Enfin, bien qu'aucun mandat
particulier n'apparaisse dans la loi à cet effet, je vous expliquerai
les interventions de la Commission en matière d'information du citoyen
et des organismes publics qui sont assujettis à la loi.
D'abord, le mandat d'adjudication. Lorsqu'un dossier est ouvert à
la Commission, il est immédiatement assigné à un
commissaire. Celui-ci n'en prend pas connaissance immédiatement. Il y a
d'abord une médiation systématique qui est effectuée par
un avocat. Dans environ 30 % des dossiers, cette médiation permet la
fermeture du dossier sans que le commissaire n'en soit saisi. Si la
médiation a échoué, on fixe, à ce moment, une date
d'audience et, dans plus ou moins 20 % des cas, les dossiers se règlent
dès ce niveau. À l'audience - et c'est à ce moment que le
commissaire intervient - il peut prendre connaissance de l'ensemble du dossier
et des pièces, à titre confidentiel évidemment. Ensuite,
une décision est rendue et le dossier est maintenant terminé pour
la Commission.
Dans son mandat de surveillance et de contrôle, la Commission
ouvre différentes sortes de dossiers. Ainsi, il peut s'agir d'une
demande d'autorisation de recevoir des renseignements nominatifs à des
fins de recherche; il peut s'agir d'une enquête menée soit
à l'initiative de la Commission ou à la demande d'un citoyen; ou
encore, la Commission émet des avis portant sur des projets de loi ou
sur des communications de renseignements nominatifs; elle vérifie aussi,
dans certains organismes, le respect de l'application de la loi; et,
finalement, de plus en plus d'ailleurs, elle élabore des documents
à l'intention des organismes publics pour leur indiquer à
l'avance les exigences et les politiques de la Commission sur certaines
matières. Dès qu'un de ces dossiers est ouvert, il est
assigné à un professionnel de la Commission. Ce professionnel
traite le dossier, élabore un document, un rapport, un avis. Celui-ci
est soumis aux membres de la Commission pour une première analyse.
Ensuite, une consultation est effectuée auprès des parties, s'il
s'agit d'une enquête et, s'il s'agit d'un document d'orientation,
auprès des personnes et organismes intéressés. Au terme de
cette consultation, une décision finale est prise par les membres de la
Commission. (14 h 30)
En matière d'information, comme je vous le précisais, la
Commission n'a aucun mandat particulier en ce sens, mais elle estime quand
même nécessaire, en raison de son expertise et surtout de la
jurisprudence qu'elle a développée au fil des ans, afin
d'éviter des conflits, d'informer à la fois le citoyen et
l'organisme qui fait appel à ses services. Pour ce faire, avec les
moyens du bord, elle a développé quatre principaux moyens.
D'abord, elle répond aux demandes verbales des citoyens; ceux-ci
s'adressent environ 4000 fois par année à la Commission; Elle
répond aux demandes écrites; nous en recevons plus de 200 par
année; Les membres du personnel ainsi que les membres de la Commission
prononcent régulièrement des conférences portant sur
l'applica-
tion de la loi. Et, enfin, la Commission publie des brochures tant
à l'intention du citoyen qu'à l'intention des responsables de
l'accès dans les organismes publics. Cela permet, croyons-nous, d'aider
à la fois les citoyens et les organismes: les uns à mieux
connaître leurs droits, les autres, les obligations qu'ils doivent
rencontrer en vertu de la loi sur l'accès.
À la lumière de cette description des tâches de la
Commission actuelle, vous comprendrez que la Commission pense que les mandats
prévus au projet de loi sur la protection des renseignements personnels
que vous étudiez présentement peuvent facilement
s'intégrer aux activités de la Commission. Il s'agit des mandats
d'examen des mésententes, des autorisations de recherche, des
enquêtes et du mandat d'information. Et cela pourrait s'effectuer sans
changement structurel important tout en assurant aux citoyens et aux
entreprises le haut niveau d'impartialité requis par la Charte des
droits et libertés de la personne.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Ouimet. Alors, est-ce
que ça termine la présentation?
M. Comeau: Ça termine notre présentation, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Comeau. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Comeau, M. White, M.
Ouimet, bienvenue à l'Assemblée nationale, dans ce qui est
quasiment devenu pour vous un pèlerinage, je dirais presque, annuel.
M. Comeau: Agréable.
M. Cannon: Ah! merci. Je vous dirai que, pour des raisons de
santé, je vais céder mon droit de parole, avec la permission de
la présidence, à mon collègue de Saint-Hyacinthe qui
pourra vous interroger parce que, là, je n'ai quasiment plus de
voix.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci beaucoup, M. le ministre, M. le
Président. Je remercie les membres de la Commission. D'ailleurs, on va
se revoir bientôt à l'étude des crédits; j'imagine
que la Commission d'accès à l'information sera interpellée
à l'étude des crédits.
Vous donnez à maintes reprises, disons aux pages 7 et 8 de votre
mémoire, certains exemples probants de la réalité que vous
vivez actuellement au niveau de la Commission d'accès à
l'information et vous recevez des dizaines d'appels
téléphoniques. Vous avez fait une certaine enumeration de
demandes. À ce niveau- là, il n'est pas du mandat de ia
Commission, mais on est en train de regarder le projet de loi, et il y a
certains organismes qui nous ont fait la démonstration, à maintes
reprises, que les codes de déontologie étaient relativement
efficaces. Il semble que vous recevez des appels téléphoniques
disant qu'effectivement il y avait des refus des employeurs, des refus
d'organismes de donner certaines informations telles quelles. Est-ce que le
projet de loi répond à ces attentes-là de ces gens qui se
plaignent ou qui téléphonent à la Commission
d'accès à l'information? Est-ce que le projet de loi qu'on a en
main peut souscrire à toutes ces demandes d'information?
M. Comeau: Je vais vous donner une réponse de praticien;
ensuite je demanderai une réponse de juriste, si vous voulez. Il me
semble que, parce que la Commission, ou enfin le tribunal quasi judiciaire qui
serait mis en place serait installé en dernier recours, cela
lèverait l'impasse, le cul-de-sac dans lequel débouchent la
plupart des demandes qui sont traitées à l'intérieur des
organismes grâce à des codes d'éthique ou à
l'intérieur de corporations professionnelles. Parce que, en bout de
piste, lorsque la bonne volonté est épuisée, le citoyen ne
peut plus aller au-delà et, s'il n'a pas eu gain de cause ou s'il
s'estime lésé, il est incapable... Alors, le projet de loi ne
supplée pas à ce qui existe déjà, il vient
compléter et donner vraiment à chacun des citoyens et à
chacune des citoyennes l'occasion de faire triompher ses droits, si c'est le
cas. Mais, actuellement, il y a une impasse qui ne débouche sur rien
d'autre que la bonne volonté, et la bonne volonté,
malheureusement, n'est pas toujours suffisante pour régler les
problèmes, les torts et les accrocs.
Le Président (M. Doyon): Me Ouimet, vous voulez ajouter
quelque chose?
M. Ouimet: J'ajouterais simplement que ça
répondrait probablement à 99 % des plaintes qu'on reçoit
ici. Le petit pourcentage de plaintes qui ne pourraient être
solutionnées trouve son explication dans la définition
d'«entreprise», au sens du Code civil. Comme vous le savez sans
doute, il y aura de l'interprétation à faire de cette
définition-là, et si un organisme n'est pas assujetti à la
loi, à ce moment-là, on ne pourra pas aider la personne.
M. Messier: Merci. En commission parlementaire, on a eu certaines
interventions, exemple, Équifax ou des organismes qui faisaient mention
du coût très onéreux auquel cela pouvait correspondre ou,
en tout cas, au niveau de l'application du projet de loi par rapport à
la notification en disant que oui, effectivement, il y a eu des transactions,
puis on doit notifier les gens. Que répondrait la Commission
d'accès à l'information par rapport au coût ultime de
l'applica-
tion du projet de loi?
M. Comeau: II faut, je pense, faire deux distinctions au
départ là-dedans: il y a les coûts éventuels qui
incomberaient aux entreprises et les coûts éventuels à la
Commission. Au niveau des entreprises, il y a une chose, quand même, qui
se dégage de la lecture des mémoires qui vous ont
été soumis, c'est que la plupart des entreprises affirment
n'avoir aucun problème, affirment avoir des codes de déontologie
qui fonctionnent bien. Bien, on ne peut que s'en réjouir, ce qui veut
dire que le nombre de cas qui, éventuellement, seraient portés
devant la Commission serait réduit. Je pense qu'il faut être
cohérent: ou il y a des problèmes ou il n'y en a pas. Et comme
tout le monde affirme qu'il n'y en a pas beaucoup, bien, à ce
moment-là, la Commission viendra en suppléance.
Je pense qu'il faut être réaliste là-dessus et
regarder, d'ailleurs, ce qui se fait dans les autres pays. Si on compare la
situation des commissions analogues ou des bureaux de registraires, il n'y a
quand même pas un tas de cas considérables. Dans des pays comme la
Grande-Bretagne, avec 55 000 000 d'habitants, ou la France, avec 52 000 000,
à la fin de l'année, il y a quelques centaines de cas qui sont
étudiés. De là à parler de centaines de milliers de
cas, comme je l'ai iu dans un article de journal, ça me semble
dépasser l'entendement. Je ne pense pas que les Québécois
soient à ce point membres d'une société distincte qu'ils
accumulent les records dans ce domaine-là!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Comeau: Bon, ça, je pense qu'au niveau des entreprises,
pour la majeure partie des entreprises du Québec, ça ne posera
pas de problèmes financiers. Le petit entrepreneur de Saint-Georges de
Beauce, qui a son fichier d'employés, n'aura rien à faire d'autre
que d'accorder l'accès à un employé qui lui demandera de
voir son dossier; il faut simplifier les choses là. J'admets que
certaines entreprises qui se spécialisent dans le renseignement, alors
là, auront plus de problèmes, mais de là à en faire
une montagne, surtout si ces entreprises ont déjà un code
d'éthique et permettent à l'intérieur des recours,
ça ne me semble pas non plus l'Himalaya incarné au Québec.
Alors, moi, je ne vois pas de difficulté insurmontable et ça me
dépasse un peu, surtout si on compare à ce qui s'est passé
ailleurs. Si le Québec innovait et creusait un sillon vierge, toutes les
hypothèses seraient valables et non farfelues, mais je pense qu'il faut
en écarter beaucoup en se basant sur l'expérience engagée
et enregistrée ailleurs.
Au niveau de la Commission, alors là, si vous me permettez, je
vais vous dire qu'on a réfléchi à cette
question-là, mais pas de façon approfondie, parce que ce n'est
pas notre mandat et ce n'est pas non plus là où est notre
expertise. On a regardé un certain nombre d'hypothèses et, je
pourrais vous présenter, si vous le permettez, l'état actuel de
notre réflexion, mais je dis bien réflexion. Si on part de
l'expérience de la Commission et de son histoire de 10 ans, on constate
que, malgré une augmentation significative, importante des cas qui ont
été portés en révision devant la Commission, ce qui
découle, bien sûr, du fait que les Québécois
utilisent de plus en plus la loi - donc, il y a une correspondance logique
entre les deux niveaux - malgré cet accroissement considérable,
le personnel de la Commission, de même que son budget, est demeuré
relativement stable au cours des quatre ou cinq dernières années.
En fait, l'augmentation de budget de la Commission correspond exactement
à la hausse du coût de la vie reflétée par la hausse
des salaires accordée dans la fonction publique. Regardez les chiffres,
d'année en année, c'est cela. (14 h 40)
Mais ce qui est important de comparer aussi, c'est que nous avons
réussi à traiter ces demandes accrues avec le même
personnel et à peu près les mêmes ressources. En
comparaison avec notre voisine, l'Ontario, nous avons de quoi, je pense, nous
rassurer. L'Ontario, avec trois fois plus de personnel et un budget deux fois
et demie plus important, traite un moins grand nombre de causes que nous pour,
surtout, un moins grand nombre d'organismes publics soumis à cette loi.
En Ontario, tout le secteur de la santé, tout le secteur scolaire
échappent à la loi, et pourtant il leur faut - je le
répète - trois fois plus de personnel et 250 % de plus de budget.
Les chiffres, je pense qu'ils doivent nous orienter dans notre
réflexion. Alors, si la loi 68 est adoptée, nous
prévoyons, à titre purement hypothétique, une certaine
augmentation des ressources et du personnel, bien sûr. pour faire face
aux nouveaux mandats qui nous sont confiés. Mais, je pense qu'en raison
de l'expérience et de l'expertise accumulée et aussi de la
présence de ressources spécialisées prêtes à
oeuvrer dans un secteur précis demain matin, il semble que pour le
moment l'ensemble de ces besoins nouveaux se chiffrerait entre 40 et 50 % de
plus que ce que nous faisons actuellement pour prendre en charge l'ensemble du
secteur privé.
Nous avons tenté de réfléchir aussi, puisque c'est
un sujet de préoccupation et pour le gouvernement et pour la
société, comment on pourrait financer, en partie, en tout cas,
ces opérations. Nous avons distingué pour le moment trois
hypothèses ou trois sources hypothétiques. On pourrait imaginer
l'imposition d'une redevance ou d'un droit lorsqu'un individu ou une
société inscrit devant la Commission une demande en
révision; donc, selon des frais à partager, un droit quelconque.
Je vous dirai, en disciple des Jésuites que je ne suis pas, mais que
j'estime.
que cette seule possibilité d'inscrire dans la loi une redevance
va inciter les deux parties à régler chez eux un grand nombre de
problèmes. Il y a un effet dissuasif considérable dans cette
mesure.
De même, on pourrait imaginer l'imposition d'une redevance
quelconque lors de la vente de listes nominatives. Je pense que ça
pourrait facilement être traduit en réalité. On pourrait
aussi imaginer l'imposition d'une redevance quelconque lors de l'enregistrement
des agences de renseignements; il s'agirait de voir également. Mais tout
cela n'est pas énorme, j'en conviens, parce que le marché
québécois, contrairement à ce qu'on peut prétendre,
est un petit marché. Si on prend le cas de la Grande-Bretagne, où
l'enregistrement de l'ensemble des entreprises et non pas seulement des agences
de renseignements suffit pour bâtir le budget du registraire, ce serait
rêver en couleur que d'imaginer la même chose ici. Alors, on peut
imaginer un certain nombre de sources de financement, dont les unes seraient
dissuasives et les autres contribueraient, dans une certaine mesure, au
financement d'une partie des nouvelles tâches qui résulteraient du
mandat de la loi 68. Je ne sais pas si je réponds à votre
question, M. le député.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Comeau. J'ai
peut-être le goût de vous poser une question très
brève avant de permettre...
M. Cannon: C'est beau, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Je
voudrais savoir de votre part, M. Comeau, vous sentez-vous à l'aise dans
le rôle d'adjudication qui sera le vôtre? Est-ce que vous avez un
certain inconfort devant les divers rôles que vous serez appelé
à assumer: conseil, recherche, investigation, adjudication? Est-ce que
c'est un embêtement pour vous ou si ça ne vous dérange
pas?
M. Comeau: Moi, je dois vous dire que j'envisage ça d'un
point de vue très pragmatique. Depuis que je suis à la
Commission, il y a maintenant deux ans, je n'ai jamais vécu cette notion
de conflit. Par exemple, Me Ouimet a signalé le fait que les dossiers en
révision, lorsqu'un citoyen se plaint, j'en prends connaissance la
veille, de sorte que tout le processus antérieur de traitement, de
médiation, m'est complètement étranger. J'arrive, comme
dans toute bonne administration, toute bonne justice administrative, en bout de
piste pour entendre les parties et tenter, à la lumière de la loi
et de mon jugement, de rendre une décision intelligente. Les autres
mandats de conseil, d'enquête, etc., sont joués par des acteurs
différents et ne débouchent à la Commission qu'une fois
les hypothèses et recommandations faites, de sorte que moi, je vous
l'avoue, je n'ai jamais vécu cette notion de conflit qui est
reflétée ou à laquelle on fait allusion un peu partout. Je
ne l'ai jamais ressentie.
Le Président (M. Doyon): Oui. M. White, tout à
l'heure, nous faisait état d'un certain nombre de cas qui avaient
été soumis où, finalement, ils étaient un petit peu
sans capacité d'intervention utile. Ce que je voudrais savoir, par
exemple, dans le cas des rectifications qui sont difficiles à obtenir,
ou refusées, etc.. On parlait aussi des dossiers de justice qui
permettent à des gens de communiquer avec des personnes qui sont
mentionnées ou dont on trouve le nom dans ces dossiers de justice. Les
réflexions qui me viennent à l'idée, premièrement,
c'est que les dossiers de justice, évidemment, sont des documents
publics; et ça, qu'on ait la loi qu'on voudra, si quelqu'un en tire des
mauvaises conclusions, on n'y peut rien. Les dossiers de justice,
d'après moi, doivent continuer d'être publics, les gens ayant
accès à ça, et je pense qu'il est de la nature de la
justice qu'elle soit ouverte et publique.
L'autre affaire que j'aimerais dire, c'est en ce qui concerne... On a eu
quelques cas qui nous ont été rapportés où il
semblait, à première vue en tout cas, d'après la
première version qui était venue à nos oreilles, y avoir
eu des abus, c'est-à-dire qu'on avait faussé des dossiers de
crédit, qu'on avait refusé des rectifications, etc, etc. Mais je
dois dire, ayant assisté à la totalité des interventions
et des présentations ici, que quelques-uns de ces ballons ont
été drôlement dégonflés. Pourquoi ont-ils
été dégonflés? Parce qu'on a eu la version de
l'autre partie.
Ce que je veux savoir de vous autres, quand quelqu'un se plaint - je ne
nie pas que vous ayez des plaintes - est-ce que vous allez voir, de la part de
celui qui fait l'objet de la plainte, sa version? Parce que vous me dites: On a
eu encore ce matin et encore hier, etc., etc. Moi, des plaintes à mon
bureau de comté, j'en ai tant et plus. Mais c'est drôle, quand je
vais chercher l'autre version et que j'ai les deux côtés de la
médaille, ça prend une autre dimension très souvent.
Alors, j'imagine que la Commission, que M. White a pris la précaution,
avant de nous rapporter les plaintes, de s'assurer qu'il n'y avait pas une
version qui faisait que la plainte n'était pas aussi convaincante
qu'elle pouvait l'être à première vue. Est-ce que ça
a été fait?
M. Comeau: J'ai une réponse très précise
à vous faire, M. le Président, là-dessus, c'est que, pour
le moment, en ce qui concerne le secteur privé, nous ne pouvons
qu'enregistrer les plaintes, parce que nous n'avons aucun mandat d'intervenir,
et ce serait mal venu de notre part, je pense, que d'aller creuser cela. Mais
cependant, on connaît les cas où certains de nos collaborateurs
ont été impliqués et où, à ce
moment-là, on a les deux versions. Ça, on en a un certain
nombre de cas, mais c'est quand même réduit et accidentel.
Je voudrais revenir à votre première question en ce qui
concerne le problème des dossiers de justice. Je pense que vous avez
parfaitement raison que le plumitif demeure accessible et doit demeurer
accessible à tout le monde. C'est une des garanties de notre
système de justice; je ne pense pas qu'il faille modifier ça.
Mais là où ça devient inquiétant, c'est qu'à
partir des informations légalement puisées dans ce dossier on
puisse les inscrire dans des dossiers de crédit ou autres des individus
et qu'on ne puisse pas faire modifier les interventions qui y sont
portées, et qui sont des interventions fallacieuses, à ce
moment-là. Ce président d'organisme qui se fait refuser des
cartes de crédit parce qu'il y a des poursuites d'intentées
contre lui dans l'exercice de ses fonctions, c'est absolument invraisemblable.
C'est évident qu'il ne paiera jamais cela. Alors, c'est là le
point de vue différent.
Le Président (M. Doyon): C'est tout simplement... Moi,
j'identifie beaucoup plus la cause de ces choses-là à de
l'incompétence pure et simple. En tout cas, ça ne règle
pas le problème de celui qui en est victime, évidemment...
M. Comeau: C'est cela.
Le Président (M. Doyon): ...mais c'est de
l'incompétence. M. le député de Pointe-aux-Trembles. J'ai
déjà trop parlé.
M. Bourdon: Je voudrais d'abord remercier la Commission de nous
avoir exposé le problème et d'avoir donné son
appréciation du projet de loi selon la rigueur qui est habituelle
à la Commission. Le président de la Commission me permettra de
confesser que je n'ai pas pu réprimer un sourire quand il a
mentionné dans les sources de revenu le paiement d'un droit lors d'une
demande en révision, parce que ça m'a rappelé la
Régie des rentes et le ministère de la Santé et des
Services sociaux dans ie cas de l'Hôtel-Dieu. Ce que je veux dire, c'est
que le gouvernement va de plus en plus systématiquement en
révision et en Cour supérieure à l'égard des
décisions de la Commission d'accès et, dans ce sens-là, la
source serait le gouvernement lui-même.
Des voix: Ha, ha, ha!
(14 h 50)
M. Bourdon: Quant à moi, je souhaiterais que le
gouvernement ne soit pas appelé a verser aussi souvent un droit, parce
qu'en réalité la Commission émane de lui, et voir la
Régie des rentes ruser depuis un an pour me refuser l'accès
à la liste des entreprises de 200 employés et plus qui prennent
un congé de cotisation à leur caisse de retraite, alors que la
Commission m'a donné raison et que, dans la loi, le renseignement est
d'ordre public... Et la Commission faisait observer à juste titre que la
seule chose que je faisais en l'obtenant de la Commission, c'est qu'autrement,
comme député, il faudrait que je trouve 800 employés de
800 entreprises différentes qui me fourniraient le renseignement. Ce
n'était qu'une parenthèse.
M. Comeau: Vous me permettrez de ne rien dire
là-dessus.
M. Bourdon: C'est sûr. Je le dis au ministre des
Communications pour qu'il donne un coup de coude à certains de ses
collègues au Conseil des ministres.
Maintenant, on a eu devant nous des corporations professionnelles et
d'autres organisations - je pense, aux intermédiaires de marché,
entre autres - qui nous ont parlé - et vous en avez parlé - de la
possibilité que la Commission d'accès agisse comme au
deuxième étage des plaintes, en vertu des lois qui gouvernent
déjà leurs activités. Et j'apprécie votre
réponse, dans le sens que la Commission, visiblement, ne cherche pas
à être ia plus lourde et la plus nombreuse en effectifs possibles.
L'avantage qu'il y aurait à ce qu'elle revoie quand même
l'ensemble du processus, c'est qu'on aurait des données; les secteurs
déjà réglementés ne sont sans doute pas les
secteurs à abus les plus nombreux et, s'il y avait abus constatés
éventuellement par la Commission, il sera toujours temps de changer
certaines dispositions.
Je voudrais juste m'assurer... Il y a déjà dans la loi de
la Commission d'accès le fait qu'elle peut interpréter une autre
loi que la sienne pour les questions qui sont portées devant elles. Il y
a une corporation professionnelle qui a mentionné, par exemple, la Loi
sur l'adoption, la curatelle publique qui comportent des exigences et des
restrictions quant à l'usage des renseignements. Mais, dans le fond, je
me demande si l'inverse pourrait être vrai. Si deux lois régissent
le même rapport et que le syndic de la Corporation des médecins a
à statuer, est-ce qu'il pourrait, lui, interpréter la loi qu'on
s'apprête, j'espère, à adopter?
M. Comeau: Me Ouimet, si vous permettez. Le Président
(M. Doyon): Me Ouimet.
M. Ouimet: Au moment où on se parle, tel que le Code des
professions et les lois professionnelles sont libellés, le syndic d'une
corporation professionnelle, aussi bien que le comité de discipline, ne
peut pas ordonner la production d'un document. Si, par exemple, un citoyen
demande accès à son dossier médical et que le
médecin refuse, le citoyen peut se plaindre à la Corporation
professionnelle des médecins. Le seul
rôle que jouent le comité de discipline ou encore le syndic
de la Corporation: ils peuvent le réprimander, ils peuvent le suspendre,
ils peuvent révoquer son permis de pratique, mais ils ne peuvent pas lui
ordonner de donner le dossier au citoyen.
Or, le projet de loi 68 en ce sens est supplétif. Mais il y a
aussi - ça c'est le Code des professions tel qu'il est actuellement - le
fait que, si jamais le Code des professions était modifié, pour
permettre au comité de discipline d'ordonner la production d'un tel
document, à ce moment-là, il y a une disposition
intéressante dans le projet de loi 68, qui est l'article 87, qui
permettrait à la Commission de conclure des ententes lorsque deux
juridictions se chevauchent.
M. Bourdon: C'est donc dire que, dans le fond, comme les syndics
n'ont pas un vrai pouvoir d'adjudication mais un pouvoir de discipline sur les
membres de la Corporation, le pouvoir de discipliner, ça fait d'une
personne investie d'une fonction un médiateur qui peut être assez
efficace: il ne peut pas ordonner de produire, mais il peut suspendre de
l'Ordre si la personne ne produit pas. Dans le fond, ce que vous dites, c'est
que ces pouvoirs qu'il peut exercer - et la Commission viendra en
deuxième lieu - auraient comme avantage de la rendre moins lourde, mais
auraient comme avantage pour les parlementaires que les rapports annuels et
autres de la Commission pourraient faire état de la situation, par
exemple, chez les 240 000 professionnels québécois qui ont depuis
longtemps des lois sur le secret professionnel et un peu sur l'accès.
Dans le fond, si on regarde ça en termes de priorité, il ne
semble pas y avoir là péril en la demeure, mais la
présence de la Commission exercerait une pression salutaire pour que
chaque corporation, dans le fond, tienne sa maison propre et tiendrait les
parlementaires au courant de ce qui va ou ne va pas chez les corporations
professionnelles.
Maintenant, on a fait beaucoup état des différents
rôles de la Commission d'accès à l'information. Rôle
d'information, qui n'est pas écrit dans la loi, mais qui va de soi. Une
Commission d'accès à l'information qui ne ferait pas
d'information, il y aurait là une antinomie fondamentale. Quand, en
plus, le président est un journaliste respecté, on peut
s'attendre à ce qu'il trouve l'information importante. Mais aussi une
fonction conseil, où certains groupes font reproche quand la Commission
fait affaire, par exemple, avec des organismes ou des ministères... Il y
a des organismes qui sont venus devant nous et qui disent que le processus
devrait être plus public et plus ouvert parce que, disent-ils, le conseil
porte à conséquence. Qu'est-ce que vous répondez à
ces critiques?
M. Comeau: Je vais simplement répondre à votre
dernière interrogation et, ensuite, M. White et M. Ouimet iront. Il faut
dire que lorsque la Commission intervient dans son rôle de conseil, elle
le fait toujours en bout de piste, après avoir consulté les
parties en cause. Par exemple, on leur soumet le rapport et ils font leurs
commentaires, une nouvelle version est mise à jour; il y a une
consultation réelle.
Par exemple, lorsque nous avons publié l'an passé ce que
l'on a appelé «les directives en ce qui concerne l'informatisation
des dossiers médicaux», les normes que nous avons
recommandées à l'ensemble des hôpitaux, centres de
traitement et ainsi de suite d'observer, nous avons consulté
formellement 43 groupes et intervenants avant. Le problème, est-ce que
nous allons nous lancer dans des audiences à la BAPE lorsqu'il s'agit de
régler un problème avec un ministère ou un organisme?
Là, il y a un problème de réalisme, mais aussi
d'effectifs. Je pense que nous avons été respectueux
jusqu'à maintenant - et nous allons le demeurer - des droits des parties
en leur demandant de procéder par écrit lorsque nous prenons une
décision ou lorsque nous intervenons de façon
préventive.
M. White avait quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Doyon): M. White.
M. White: Au niveau de votre question, M. le
député, au niveau des syndics, quant aux affirmations à
l'effet que les syndics pourraient régler les choses, qu'on pourrait
faire un rapport au bout de l'année et dire: II y a eu telle et telle
intervention, je dois vous dire qu'à l'heure actuelle quand les gens
nous appellent et que ça concerne des corporations, qu'est-ce qu'on leur
dit? Nous, on ne peut pas intervenir. Plaignez-vous au syndic. Qu'est-ce que
vous pensez que ça fait? Ça ne change absolument rien. On a
quatre appels de plus parce que les syndics ne peuvent pas faire ça. Ils
ne veulent pas, à part ça, je pense, le faire.
M. Comeau: Une dernière précision à la suite
des questions compliquées de M. le député.
M. Ouimet: On a remis au ministre des Communications, au mois de
décembre, un rapport quinquennal. M. le ministre a déposé
le rapport quinquennal à l'Assemblée nationale en
décembre, le 16 décembre, et dans ce rappport, on recommande
justement que dans les avis que la Commission donne sur certaines
communications de renseignements nominatifs ou encore sur la constitution de
certains dossiers informatisés, notamment, il y ait une consultation
publique qui soit effectuée par la Commission.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee, peut-être.
M. Libman: Non, c'est juste que...
M. Bourdon: J'en ai une autre.
Le Président (M. Doyon): Oui, allez, M. le
député.
M. Libman: M. le Président, M. Comeau a bien
répondu à la question que je voulais poser. C'étaient les
inquiétudes exprimées hier soir par la Ligue des droits et
libertés en ce qui concerne les conflits d'intérêts et la
question de multiplication des tâches et des ressources. Je pense qu'il a
bien abordé ce sujet.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: À l'égard de la fonction
d'adjudication, une autre critique qu'on a entendue, c'est la longueur des
délais avant d'arriver à une décision. Est-ce que
ça serait imputable à l'insuffisance des ressources ou bien y
aurait-il d'autres raisons à cette longueur que certains ont
soulignée?
M. Comeau: Me Ouimet, si vous permettez. (15 heures)
M. Ouimet: Comme je vous le disais tantôt, environ 50 % des
dossiers se règlent avant une audience, donc dans des délais
relativement courts en médiation. Lorsqu'il y a une audience,
généralement, les dossiers sont réglés à
l'intérieur d'un délai, entre quatre et six mois. Ça,
c'est de façon générale, de quatre à six mois. Il y
a certains dossiers... Évidemment, quelqu'un peut dire: Moi, ça a
pris plus de cinq mois, ça a pris plus de six mois. Il y a de multiples
raisons à ça. Dans certains cas, c'est des remises
demandées par les parties. Les parties ne sont pas prêtes à
procéder; elles sont en train de négocier ensemble. C'est
reporté, c'est reporté, c'est reporté, et on se retrouve
un an plus tard, il n'y a pas eu encore d'audiences. Dans certains cas, il y a
eu aussi des causes très complexes. On a vu des causes où on
avait des dizaines de tiers d'impliqués, c'est-à-dire des
entreprises qui étaient impliquées dans les dossiers et, avant de
rendre la décision, c'est évident qu'il y a des recherches que
les commissaires font, qui prennent certains délais
supplémentaires. Mais, de façon générale, c'est
entre quatre et six mois pour qu'un dossier se règle.
M. Bourdon: O.K. Maintenant, vous avez parlé des... Le
président de la Commission a parlé d'une structure qui
demeurerait légère, malgré l'adoption du projet de loi,
puisque, pour l'augmentation de vos responsabilités, vous parlez
d'augmenter les effectifs et les budgets de 40 % à 50 %. Est-ce
qu'à cet égard-là vous croyez qu'il serait, pour la
fonction d'adjudication, essentiel, et c'est ce que semble penser le ministre,
d'ajouter deux personnes à la Commission?
M. Comeau: Ça nous semble très, très
logique. Deux commissaires, ça nous semble très logique et
très normal, d'après le volume actuel et d'après ce qu'on
peut prévoir, et il faut aussi un nombre impair de membres à la
Commission pour éviter le «deadlock», en cas de vote ou de
décision majeure. Mais deux commissaires nous semblent quelque chose de
convenable, du moins dans ce qu'on peut voir se dessiner.
M. Bourdon: Par ailleurs, est-ce que vous croyez que le budget
d'information... Que ce soit le ministère qui le fasse, d'une certaine
façon, ou la Commission, parce qu'on peut penser que les deux ont un
rôle à jouer, est-ce que vous ne pensez pas que la première
ou même les deux premières années de l'implantation d'une
loi. il serait nécessaire d'avoir des budgets substantiels pour informer
la population des dispositions de la loi et de ce à quoi les personnes
ont droit?
M. Comeau: Ça me semble également vraisemblable,
mais comme je n'ai pas d'expérience... M. White était là
au moment de la création de la Commission. Il a vu comment on a
procédé. C'était, bien sûr, uniquement à
l'égard du secteur public, mais je pense que ça peut nous servir
d'exemple.
M. White: Quand nous avons regardé un peu le projet de loi
et que nous avons essayé de faire des scénarios, on en arrive
à la conclusion que, si on ne veut pas engorger le rôle avec des
mésententes, il faut naturellement viser l'information à deux
clientèles, la première clientèle étant les
entreprises visées par la loi. Et là, sûrement que
ça va prendre un budget. Que ce soit à la Commission ou que ce
soit au ministère des Communications, ça va prendre un budget
pour expliquer aux entreprises visées par la Soi, d'abord qu'il y a une
loi, qu'elles sont obligées de donner accès aux renseignements,
ce qui fera en sorte que le rôle sera... Il y aura moins de demandes de
révision ou de demandes d'appel sur les mésententes. Que ce soit
un an ou deux... La dynamique ne pourra pas être la même que dans
le secteur public, à cet égard-là. Je ne pense pas que la
dynamique puisse être la même. Mais ça prend de
l'information et, après ça, on fera de l'information aussi au
public. Mais il va falloir faire de i'information aux entreprises, en
commençant.
M. Bourdon: D'accord. Une question que j'adresse au
président et qui est revenue souvent pendant ces audiences. Moi, un
défaut que j'ai trouvé au projet de loi, c'est, par exemple, de
prévoir qu'on avise chaque personne qu'on a un dossier la concernant, et
je pense aux bureaux de crédit. On peut penser que ça ferait des
millions de lettres où j'apprendrais qu'Équifax a un dossier me
concernant parce que, dans les 30 dernières années, j'ai
déjà acheté à crédit. Je
faisais valoir qu'il serait peut-être plus efficace d'obliger les
utilisateurs des rapports, dans le cadre de leurs relations avec les personnes,
à fournir les renseignements, à fournir le rapport
d'Équifax, si c'est Équifax qui est utilisée. Parce qu'il
y a au Québec, je pense, 1300 caisses populaires - et ce n'est pas parce
que M. Béland est dans la salle que je le souligne - il reste un certain
nombre de succursales bancaires...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: ...y compris des banques comme la Banque Royale, qui
ne se sont pas signalées dans la prévision, ces derniers mois. Je
pense que, dans le fond, il s'agirait de trouver un moyen pratique. Je verrais
comme deux impératifs: que tout le monde l'ait, le rapport de
crédit, qui est une des sources de conflit, puis ce n'est pas la seule;
que chacun ait un recours réel pour le faire corriger. Je pense que
ça serait mieux de passer par l'utilisateur, quitte à dire que
l'utilisateur a deux ans pour les passer à toutes les personnes qui
dépendent de lui, mais que là, il me semble que ce serait plus
simple que la demande de correction aille de l'utilisateur au bureau de
crédit. Parce que je sais que Équifax a le dos assez large, mais
ce sont des banques qui fournissaient à Équifax les
numéros de cartes de crédit de chaque citoyen. Équifax ne
l'a pas inventé, ça; ce sont les banques qui alimentaient,
à cet égard-là, les rapports. Équifax, d'ailleurs,
a pris des mesures pour corriger, pour que ce ne soit pas aussi aisément
possible d'accéder à ces numéros.
Mais, donc, que la demande de correction vienne, en partie, ou soit
appuyée par l'utilisateur et qu'on trouve un moyen aussi, qu'une
correction soit étendue... Ça existe déjà dans le
télémarketing: il y a dorénavant un endroit où on
peut s'adresser pour se retirer en partie de la société de
consommation et, par ordinateur, ils nous biffent de bien des listes en
même temps, mais on pourrait en corriger à bien des endroits en
même temps et prévoir une mécanique souple pour qu'en cas
de litige entre le citoyen - parce que l'utilisateur le ferait au nom du
citoyen -la Commission d'accès puisse intervenir d'une façon
relativement rapide. Je sais que ma question est un peu longue, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: ...croyez-vous que ça serait quelque chose
d'envisageable?
M. Comeau: C'est une des possibilités. Vous l'avez
envisagée sous un angle. M. White, lui, a fait le même exercice de
scénarios, mais de l'autre côté. Je pense que les deux
propositions, à un moment donné ou l'autre, se rejoignent. Je
vais demander...
M. Bourdon: Oui.
M. Comeau: ...à M. White de nous faire part de ses
scénarios.
M. White: J'ai fait quelques scénarios au sujet de la
communication de ces renseignements, parce que je me disais: Toute loi a, dans
son secteur, des principes où on doit, un, connaître l'existence
du fichier de données: deux, que toute personne puisse connaître
l'information person-neiie détenue par des organismes et les
entreprises.
Comment peut-on faire ça? Est-ce qu'il faut que les bureaux de
crédit envoient cette information-là? Ça fait partie des
hypothèses. Ce que je voyais, c'était... Il y avait plusieurs
hypothèses. J'ai divisé ça en deux groupes. J'ai dit: II y
a une première hypothèse qui fait en sorte qu'il y a une
communication du dossier complet de crédit. Il y a aussi la
possibilité de la communication d'un avis, telle que prévue,
à l'heure actuelle, à l'article 103. Si on parle de la
communication du dossier, dans quelles circonstances pourrait-on parler de
communication du dossier? Moi, j'ai fait l'hypothèse que la
communication se faisait par l'entreprise qui détenait le dossier, en me
disant: C'est le bureau de crédit - Équifax ou un autre, parce
qu'il n'y a pas juste Équifax qui détient le dossier - c'est ce
bureau-là qui fait la communication. (15 h 10)
Communication du dossier complet, dans quelles circonstances? On peut
penser à quatre circonstances. Ça peut être une fois l'an;
ça existe. Ça peut être une fois par année, si le
dossier est interrogé ou utilisé - parce qu'il faut faire la
différence; dans ces cas-là, on peut utiliser ces
dossiers-là pour faire le profil de consommateurs, puis vendre ça
à des clients. Ça peut être une seule fois, lors de la
première année de l'entrée en vigueur de la loi, on envoie
le dossier. Ça peut aussi être une seule fois, mais lors de la
première interrogation ou utilisation du dossier après
l'entrée en vigueur de la loi: on met les compteurs à
zéro, là. On dit à tout le monde: Voici, vous avez un
dossier là. D'ailleurs, il y a une étude qui a été
faite par... Je ne vous l'apprendrai pas, Équifax l'a diffusée
largement, son étude. Il y a 56 % des Québécois qui ne
comprennent pas le rôle des bureaux de crédit. Donc, si on ne leur
dit pas, si on ne leur montre pas ce dont on parle, on risque d'avoir des
gens... Les gens vont continuer à ne pas savoir de quoi on parle.
Qu'est-ce qu'on peut faire aussi? On dit: ce n'est pas tout le dossier;
c'est un avis. Alors, je dis: il y a la même approche qu'on peut
prendre...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, en terminant, M.
White.
M. White: ...au sujet de l'avis, d'un avis écrit. Et il y
a toujours l'approche de la publication, mais elle est déjà
prévue dans la loi à l'article 72. Ce que je pense qu'il faut
faire, c'est une communication, une fois, du dossier, jumelée à
l'avis qui est aux deux ans.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. White. Une
toute dernière question, M. le député.
M. Bourdon: Bien, dans le fond, en conclusion, j'ai pensé
aux utilisateurs pour des raisons d'efficacité parce que, d'abord, si on
prend le Mouvement Desjardins, il y a de très nombreux lieux et
occasions où la diffusion pourrait se faire. Puis je pense que le
rapport de crédit, il y a à peine 3 % des personnes qui le
demandent et qui l'obtiennent. Ça ne veut pas dire qu'après
l'avoir lu les personnes resteraient indifférentes à une erreur,
mettons, et je crois que, comme l'appétit vient en mangeant, les
personnes découvriraient qu'on détient beaucoup d'informations
les concernant. Puis il y aurait une valeur pédagogique aussi;
l'utilisateur expliquerait aux sociétaires ou aux clients à quoi
ça sert le dossier de crédit et pourquoi c'est important de
corriger, si besoin était de corriger.
Mais je vois que, sur le principe, dans le fond, on s'entend. C'est de
trouver un moyen efficace et de donner aux entreprises un délai
raisonnable pour le faire à leur rythme et selon leurs exigences, parce
que ça varie beaucoup d'un endroit à l'autre. Alors, je remercie
beaucoup la commission de...
Le Président (M. Doyon): Alors, ces remerciements
s'ajoutent à ceux que je voulais exprimer. Le temps est malheureusement
déjà fini. Ça a passé trop vite, mais je pense
qu'on aura l'occasion de continuer les contacts dans d'autres forums et par
d'autres façons. Alors, M. Comeau, M. Ouimet, M. White, merci
beaucoup.
En permettant aux gens de la Commission de se retirer, je demande
à la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec de bien vouloir venir prendre la
place qui leur est réservée ici, en avant.
C'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons, donc, les
représentants des caisses Desjardins qui sont
représentées, d'après les renseignements dont je dispose,
par M. Claude Béland, M. Yves Morency, Mme Lise Nadeau ainsi que M.
André Blouin. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Nous
avons hâte des les entendre. Alors, sans plus d'ambages et de retard, je
les invite à s'identifier pour les fins du Journal des débats
et je leur cède la parole.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)
M. Béland (Claude): Alors, merci, M. le Président.
Je suis Claude Béland, président du Mouvement des caisses
Desjardins. À ma gauche, M. Yves Morency, qui est directeur des affaires
stratégiques à la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins; à sa gauche, M. André
Blouin, analyste-conseil en crédit à la
Confédération; et, à ma droite, Mme Lise Nadeau, qui est
avocate.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue
M. Béland: Alors, M. le Président, d'abord, nous
tenons à vous remercier de nous avoir donné cette occasion de
faire connaître notre point de vue sur la question que vous
débattez depuis déjà quelque temps. D'entrée de
jeu, j'aimerais vous dire que nous sommes d'accord avec le projet de loi 68 au
sujet de la protection des renseignements concernant la vie privée des
personnes, c'est-à-dire que nous sommes d'accord avec ce souci qui
indique que notre société est heureusement assez
éveillée et consciente pour pouvoir ou vouloir protéger
ses membres à la fois contre les abus auxquels peut donner lieu la
liberté d'initiative de ses agents, contre ceux qui peuvent naître
de la volonté collective de policer ces agents et contre les puissants
systèmes d'information que peuvent se donner aussi bien l'État
que ses citoyens.
Le projet de loi 68 énonce, dans cette optique, des principes qui
nous apparaissent justes et utiles. D'abord, le fait que toute relation
d'affaires ou d'échanges doit éviter de donner lieu à une
cueillette de renseignements personnels disproportionnée par rapport
à la nature et à l'objet de cette relation. Deuxièmement,
le devoir irrécusable de n'importe quelle personne, organisation ou
entreprise de respecter le caractère personnel et privé des
renseignements concernant la vie intime des citoyens ou des consommateurs avec
lesquels elle est en relation. Troisièmement, le fait que toute personne
doit pouvoir vérifier la nature et la portée des renseignements
détenus à son sujet par des organisations économiques ou
sociales et, le cas échéant, exiger la correction des erreurs qui
y sont contenues. Et, quatrièmement, le droit pour toute personne de
contrôler l'usage et la communication qui peuvent être faits des
renseignements qui la concernent, dans la mesure où
l'intérêt public n'est pas mis en cause.
Mais comme on est dans l'ordre des faits humains, l'importance des
objectifs poursuivis ne doit pas, cependant, nous faire perdre de vue le
caractère limité de nos moyens, dont celui de la loi et de la
nécessité de tenir compte d'impératifs
complémentaires qui sont d'une tout autre nature. Par exemple, toute
intervention législative dans ce domaine, je pense, doit chercher
d'abord à développer la confiance mutuelle entre les citoyens et
non pas contribuer à la miner ou prétendre s'y substituer Elle
doit aussi respecter l'équilibre naturel des droits et
des devoirs, c'est-à-dire un partage équitable des
responsabilités entre les diverses composantes sociales. C'est
particulièrement utile, je pense, dans un mouvement comme le
nôtre, un mouvement coopératif où on cherche à
responsabiliser les gens.
Enfin, elle doit éviter de comporter des coûts
administratifs et sociaux trop élevés, particulièrement
dans une conjoncture comme celle que nous vivons actuellement. Je
réfère en particulier aux coûts administratifs, dans notre
cas. Il n'y a pas si longtemps, nous étions devant une autre commission
qui nous invitait à vivre selon nos moyens. Nous étions aussi
devant d'autres commissions qui parlent de la compétitivité des
entreprises. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue, évidemment, cet
aspect-là.
Le projet de loi 68, à notre avis, rassemble les
éléments essentiels à une pièce législative
sur le sujet de la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé, mais il comporte aussi, dans son libellé actuel, selon
nous, des lacunes et des écueils sérieux. En raison des limites
de temps dont nous disposons pour nos échanges, nous concentrerons ici
nos commentaires sur les points qui, à partir d'une analyse plus
attentive des activités, responsabilités particulières
d'une institution financière qui est déjà
réglementée, nous semblent solliciter les plus importants efforts
de recherche et d'amélioration.
D'abord, en ce qui a trait à la cueillette des renseignements
personnels, à l'article 8, il ne serait pas approprié, dans le
cas d'une demande d'emprunt, de laisser entièrement au requérant
le jugement sur la pertinence des renseignements que lui demande l'institution
prêteuse. Il serait nettement contre-indiqué, également,
que l'institution s'engage à ne consulter à des fins de
vérification que les sources que le requérant veut bien
révéler à l'institution dont il sollicite un
crédit. Les risques dans de tels cas, il faut bien le rappeler, ne sont
pas assumés que par des entreprises privées. Toute perte
réalisée se répercute inévitablement sur les
conditions générales faites aux épargnants et aux autres
emprunteurs. Ça aussi, on nous en parle souvent, de la protection des
épargnes. Et même, le cas échéant, il y a des effets
sur les contribuables qui sont appelés à combler, par
l'intermédiaire d'institutions publiques, les pertes auxquelles des
institutions financières devenues insolvables ne peuvent plus faire
face.
En ce qui concerne la protection du caractère confidentiel des
renseignements détenus, les institutions financières
réglementées sont déjà tenues, en vertu des lois et
réglementations qui les régissent, à des pratiques
rigoureuses. Il faut ajouter que, dans le contexte concurrentiel où
elles opèrent, elles ne trouveraient aucun avantage à ne pas
respecter leurs engagements à l'égard de leurs clients ni
à requérir d'eux une diversité exagérée de
renseignements sur les aspects intimes de leur vie. (15 h 20)
Certains cas d'abus ou de manquement à ces devoirs ont
été signalés, à l'occasion, par des associations de
consommateurs ou des médias, c'est vrai. Jamais un tel manquement ne
doit être pris à la légère, on en convient, car il
risque de causer du tort à des personnes. Celles-ci, dans tous les cas,
doivent pouvoir défendre leur cause et être justement
compensées pour les dommages subis.
Il nous semble toutefois utile de placer ces cas d'exception dans leur
juste perspective. Un réseau comme celui des caisses populaires et des
caisses d'économie Desjardins, par exemple, a traité, en 1992,
plus de 680 000 000 de transactions de convenance: dépôts,
retraits, encaissements de chèques et autres formes de paiement.
À cela s'ajoute la gestion sur une base au moins périodique de
l'information concernant plusieurs millions de comptes d'épargne et de
prêts à la consommation, de prêts étudiants, de
prêts hypothécaires, de prêts agricoles, commerciaux ou
industriels. Je le répète, aucun manquement au devoir de
discrétion et de prudence d'une institution financière ne doit
être considéré comme insignifiant. Cependant, si on tient
compte du volume d'information traité, on avouera que, dans l'ensemble
des institutions financières sérieuses, le taux de respect des
obligations est loin d'être médiocre.
On comprendra du même coup, à propos de la conservation et
de l'utilisation de ces renseignements personnels, que toute disposition
légale ou réglementaire imposant des démarches
additionnelles, l'ajout de formulaires ou de formalités administratives
entraînent très rapidement, dans un tel contexte, des coûts
élevés, puisque le multiplicateur est énorme. Chacun
devine qu'il faut bien peu de complexité administrative pour
dépenser 1 $ en frais de personnel, de paperasse, de communication ou de
poste, par exemple - 1 $, c'est évidemment bien peu si on
considère l'importance des préoccupations qui sont en cause ici,
mais, si ce 1 $ de frais s'ajoute à plusieurs opérations pour
chaque membre ou chaque client et qu'il s'applique, par exemple, dans les
caisses Desjardins, seulement à 5 000 000 de membres, il prend
dès lors des proportions absolument imprévues. Comme chaque
personne ou chaque ménage, à tout le moins, est en relation avec
plusieurs entreprises et plusieurs organisations de toutes sortes, on imagine
facilement que les 0,50 $ ou le petit 1 $ du départ peuvent
représenter sur un an, à l'échelle du Québec,
plusieurs millions ou, plus probablement, plusieurs dizaines de millions de
dollars.
L'objectif de la loi doit donc être d'édicter des principes
clairs de nature à baliser l'action, à susciter des attitudes et
des pratiques saines ainsi qu'à permettre la sanction des abus et des
manquements aux obligations. Elle ne servirait peut-être pas toujours son
objectif essentiel à
vouloir couvrir toute les circonstances des relations économiques
et sociales, surtout si elle impose dans tous les cas les mêmes
modalités sans tenir compte des différences capitales entre les
réalités des divers secteurs d'activité.
Il nous semble, par conséquent, que les articles 10 à 15,
notamment, exigent certains ajustements afin de s'adapter au contexte des
opérations de crédit. Serait-il pertinent et utile, par exemple,
en vertu de l'article 10, que toute consultation du dossier d'un membre ou d'un
client soit notée à son dossier, y compris celle d'un inspecteur
ou d'un vérificateur interne ou externe qui effectue un travail
général de vérification de la validité des
pratiques de gestion? Serait-il souhaitable pour un individu, par exemple, que
soit également inscrite à son dossier la vérification
d'informations effectuée sur mandat par un inspecteur de police? Quelle
est exactement la portée de l'article 11 pour une institution
financière? Serait-elle tenue de maintenir à jour tous les
dossiers de ses emprunteurs et épargnants, peu importe
l'intérêt ponctuel de l'information pour elle?
Par ailleurs, la destruction de l'information, à l'expiration du
délai de réalisation de l'objet du dossier, ne pourrait-elle pas
souvent avoir des incidences négatives pour la plupart des gens que la
mesure doit protéger? Qu'adviendrait-il alors de l'historique de
crédit, qui, la plupart du temps, profite aux gens, si important pour
établir la crédibilité d'un emprunteur et les conditions
qui peuvent lui être consenties? Ce n'est pas tout de connaître la
capacité de payer des gens. Il faut connaître leur volonté
de rembourser aussi. Les gens sont très habiles, ceux qui ont la
capacité parfois de trouver les moyens de ne pas avoir la volonté
de rembourser. Qu'adviendrait-il aussi du dossier d'un employé qu'on n'a
plus à son service? Faudrait-il faire disparaître tous les
renseignements qui le concernent au risque de n'être plus en mesure de
fournir, à son avantage, dans la très grande majorité des
cas, une référence de nature à lui faciliter
l'accès à un autre emploi ou à une promotion?
Quant à l'article 12, poserait-il, en ce qui a trait à la
sollicitation commerciale, des limites qui seraient plus étroites pour
l'entreprise qui a déjà une relation d'affaires avec une personne
que ce qui serait permis par l'article 20 dans n'importe quelle entreprise
extérieure? En ce qui concerne les articles 13 et 15, ils posent des
difficultés d'application des opérations de crédit. Il
semble inévitable, en tout cas, qu'ils doivent accroître
considérablement les frais d'enquête et allonger la période
d'approbation d'une bonne proportion des demandes de crédit. Pourtant,
c'est tout l'inverse que demandent généralement les
consommateurs. Ils se plaignent déjà des délais trop
longs, eux qui désirent toujours un service rapide et au meilleur
coût possible.
Pour ce qui est du droit de la personne d'avoir accès au dossier
des renseignements personnels qui la concernent, cette ouverture est
déjà consacrée par la plupart des codes de
déontologie des institutions financières
réglementées, y compris celui des caisses Desjardins. Certaines
applications des articles 28 et 35 appellent toutefois des réserves
sérieuses. Il nous semblerait, en effet, dangereux que tous les
renseignements, avis ou jugements de nature à influencer
négativement l'accès de consommateurs à des biens ou
à des services dussent être rendus accessibles sans
précaution. Cette obligation risquerait d'exposer nombre
d'employés qui ne font que remplir leurs fonctions de bonne foi, selon
les politiques en usage chez les employeurs, à des représailles
personnelles désagréables ou dangereuses pour leur
sécurité.
Comme l'ont déjà fait certains organismes qui nous ont
précédés à cette table, il nous semble
nécessaire de signaler encore que le projet de loi va parfois trop loin
dans le détail des modalités d'application de certains principes.
On peut mentionner à cet égard l'article 25, qui fait à
toute organisation le devoir de désigner nommément une personne
responsable des dossiers contenant des renseignements personnels ou encore de
rendre publique son identité aux personnes concernées ainsi que
les heures où elle sera disponible pour répondre aux demandes. En
général, croyons-nous, les entreprises et organisations sont en
mesure de prévoir elles-mêmes les mécanismes
appropriés pour rendre possible l'exercice des droits reconnus par la
loi aux citoyens et aux consommateurs du Québec. Conséquemment
à tout ce qui précède ainsi qu'aux diverses analyses plus
détaillées dont il a fait état dans son mémoire, le
Mouvement des caisses Desjardins désire exprimer les conclusions
suivantes.
Premièrement, le Mouvement des caisses Desjardins approuve et
appuie les intentions du projet de loi 68. Deuxièmement, il souhaite que
les principes généraux du projet de loi soient clairement
explicités de manière à en faciliter la
compréhension et la communication. Trois, il estime que les intentions
de la loi seraient, dans certaines de ses applications, mieux servies par un
meilleur ajustement aux situations particulières de certains secteurs,
et il serait disposé - et j'insiste là-dessus - à
participer à un groupe de travail chargé d'analyser les
implications de la loi dans le champ d'action des institutions
financières réglementées et de proposer les meilleures
voies pour permettre la réalisation des objectifs du projet de loi.
Quatrièmement, le Mouvement des Caisses Desjardins invite toutes
les parties concernées à conserver un souci particulier à
l'égard des coûts de toutes sortes qui pourraient découler
de certaines modalités de la loi. Cinquièmement, il demande que
l'éventuelle loi respecte la dynamique propre de sa structure
coopérative. Par exemple, si on considère chacune des caisses
comme des entités autonomes - vous savez que
les caisses sont en relation avec des fédérations, qui
sont des entités autonomes aussi, la Confédération, la
Corporation de fonds de sécurité - si on considère toutes
ces entreprises comme des entreprises indépendantes et autonomes ne
faisant pas partie d'un groupe, qui est une seule institution
financière, finalement, les relations entre les
caisses-fédérations peuvent devenir extrêmement difficiles.
Les caisses vont-elles refuser de donner certains dossiers à leur
fédération, disant que la loi prohibe de le faire? Je pense que,
à ce moment-là, quand on se compare avec les autres institutions
financières, il y a quand même notre nature coopérative
dont il faut tenir compte. (15 h 30)
Finalement, le Mouvement juge de prime importance que, pour des raisons
d'équité concurrentielle, toutes les entreprises, organisations
et institutions en activité au Québec soient assujetties par
secteur à des règles identiques. Je comprends qu'il y a des
opinions juridiques, mais c'est parce que souvent les opinions juridiques sont
contradictoires qu'on se retrouve devant les tribunaux. On ne voudrait pas
revivre ce qui s'est passé sous la loi de la protection du consommateur,
où les banques se sont toujours dites non assujetties. L'Office de la
protection du consommateur a toujours dit qu'elles étaient assujetties,
mais n'a jamais pris le risque de prendre des poursuites pour ne pas se faire
désavouer la loi. Les banques ici prétendent ne pas être
assujetties. Je comprends que le gouvernement ou le Parlement peut
prétendre le contraire, mais il reste que, dans la
réalité, nous allons avoir à vivre avec des concurrents
tous les jours et nous souhaitons qu'ils soient soumis ou qu'on soit soumis aux
mêmes règles que ces concurrents-là. Voilà, M. le
Président, ce que nous voulions vous livrer.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Béland.
M. le ministre, peut-être.
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Vous comprendrez,
M. Béland, qu'il ne me reste pas beaucoup de voix, alors je serai bref
et je demanderai à mon collègue, le député de
Saint-Hyacinthe, de vous poser quelques questions. Mais je tiens d'abord
à vous remercier, vous et les collaborateurs qui vous entourent, pour la
présentation de votre mémoire.
Sur le plan personnel, j'y vois une évolution par rapport
à la présentation qui avait été faite à
l'automne de 1991, et vous me voyez réjoui de ce fait-là. Je puis
vous assurer immédiatement, au départ, quant à la
dernière question que vous avez posée ou tout au moins à
l'interrogation que vous avez soulevée, que nous sommes disposés,
je suis disposé à faire en sorte qu'on puisse modifier la loi
pour que les caisses soient sur le même niveau que les institutions
bancaires. Dans ce sens-là, il n'y aura pas de difficulté de ce
côté-là.
Il y a un certain nombre de conclusions que vous tirez. Je puis vous
dire que les éléments qui sont soulevés, qui sont
mentionnés, nous allons les prendre très sérieusement en
considération. Encore une fois, merci de votre intervention.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci, M. le Président. M. Béiand,
madame, messieurs. Dans votre mémoire, à la page 12, vous faites
mention que vous relevez effectivement de l'Inspecteur général
des institutions financières. Vous avez dû déposer un code
de déontologie qui a dû être approuvé par le
gouvernement. L'ignorance que j'en ai, c'est: Est-ce qu'à
l'intérieur même il y a des mécanismes de protection des
renseignements privés, dans le code de déontologie que vous
avez?
M. Béland: Vous référez à des
sanctions?
M. Messier: Pas nécessairement à des sanctions,
mais, dans le code en question, est-ce qu'il y a des...
M. Béland: Ah! oui, il y a un chapitre... M. Messier:
II y a des chapitres...
M. Béland: ...nommément sur la question de la
communication des informations. Ça s'intitule
«Confidentialité, divulgation de l'information relative à
un membre». Il y a tout un chapitre là-dessus.
M. Messier: O.K. Est-ce qu'à l'intérieur même
il est spécifié qu'il y a une personne responsable à
l'intérieur, soit de la caisse populaire ou de la
Fédération, concernant ce dont vous avez fait mention tout
à l'heure: une personne responsable de l'accès à
l'information telle quelle ou de la divulgation de l'information?
M. Béland: Je vais demander à Mme Nadeau de
répondre.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Nadeau (Lise): Au niveau opérationnel, il semble que
le membre préfère, lorsqu'il a un problème, communiquer
avec la personne avec qui il a l'habitude de faire affaire à la caisse.
Donc, si c'est un problème au niveau du crédit et qu'il
connaît l'agent de crédit, c'est vers lui qu'il va se diriger. Il
y a déjà une relation de confiance d'établie. Si c'est au
niveau d'un certificat de dépôt, si c'est pour l'ouverture de son
compte de sécurité, il y a des gens, je dirais, excusez
l'expression, mais on a des atomes crochus à un moment donné avec
certaines personnes, et c'est
ce qu'on retrouve dans les caisses. À partir du moment où
on oblige à nommer spécifiquement certaines personnes, il y a peu
de personnes qui ont la connaissance de l'épargne, du crédit et
de tous les services des caisses. Alors, on pense qu'on doit laisser à
chaque entreprise le soin d'aller chercher le meilleur moyen, la meilleure
façon de donner un bon service lorsqu'il s'agit de corriger ou de donner
des informations dans un dossier, que ce soit crédit ou
épargne.
M. Messier: Advenant un refus, si un sociétaire se
présente à la caisse populaire et qu'il y a refus de donner de
l'information concernant son dossier, à qui ce sociétaire va-t-il
se référer?
M. Béland: Je peux peut-être répondre
à ça. On a un petit dépliant qu'on remet aux gens, qui
s'appelle «On vous écoute», et qui indique toute la
procédure qui est prévue, d'ailleurs, dans la loi, dans le code
de déontologie et dans nos règlements. Vous savez qu'il existe,
évidemment, un conseil de surveillance. On commence par le directeur.
Sinon, on peut, évidemment, écrire au président du conseil
de surveillance; il a un délai de 60 jours pour donner la
réponse. Si la réponse n'est pas satisfaisante, il y a un appel
à la Fédération. Il y a tout un procédé.
D'ailleurs, quand je regarde le nombre de lettres que je reçois, moi,
rendu au dernier étage, je m'aperçois que ça fonctionne
dans certains cas. Évidemment, vous allez me dire: Peut-être que
la diffusion n'est pas assez grande de cette réglementation, mais on
essaie de la faire la plus grande possible.
M. Messier: C'est davantage un pouvoir moral qu'un pouvoir
effectif ou un pouvoir légal, là. C'est de la bonne entente entre
le directeur de la caisse populaire ou à d'autres niveaux, au niveau de
la Fédération.
M. Béland: Oui, mais, ultimemement, vous savez que, si
vraiment il y avait des abus à ce point-là, rassemblée
générale de la caisse elle-même pourrait changer son propre
règlement et dire à son directeur et à ses
employés: Vous allez me fournir les renseignements, vous allez fournir
les renseignements aux membres. Mais ça ne se rend jamais là,
parce que, dans notre historique, on n'a jamais eu de ces cas-là.
M. Messier: Advenant l'application intégrale du projet de
loi tel que libellé, sauf peut-être des modifications que M. le
ministre a apportées dans les deux dernières semaines, sur le
plan administratif, c'est quoi, les grandes contraintes que vous allez avoir,
et au niveau de la compétition?
M. Béland: Ah! bien, c'est... Si vous
référez au mémoire qu'on vient de vous soumettre, c'est
énorme. Dans la présentation, je vous ai signalé certains
articles. S'il fallait vraiment donner suite à ces
modalités-là, je pense que c'est beaucoup de paperasse, beaucoup
de démarches qui sont tout à fait inutiles. C'est comme si on
légiférait pour la petite minorité, finalement. Et on
s'impose des procédés extrêmement lourds, des
procédés complexes pour simplement essayer de corriger certains
abus qui sont, à mon sens, minimes. Je ne sais pas si, M. Morency, vous
pouvez ajouter à ça.
M. Morency (Yves): Ce qui pourrait également survenir, ce
sont des coûts que nous, comme institution financière, on aurait
également à supporter, mais il faut bien penser qu'il y aurait
des coûts sociaux possiblement énormes aussi pour les
consommateurs, parce qu'il y aurait éventuellement des frais
additionnels. Si on nous empêche ou qu'on nous met des bâtons dans
les roues pour avoir accès à des dossiers de crédit, bien,
vous savez qu'une institution financière, quand même, prend des
risques, donc il y a une gestion des risques quelle doit faire. À ce
moment-là, quand même, si on n'a pas, disons, l'historique du
crédit sur une certaine période de temps, on pourrait
éventuellement en arriver à imposer un taux de crédit plus
élevé parce que notre risque va être également plus
élevé, de sorte qu'à trop vouloir imposer des
règles et des pratiques qui feraient en sorte qu'on ne pourrait pas
avoir accès à certaines informations dans des cas bien
précis, ça pourrait se faire quand même au détriment
du consommateur.
M. Messier: O.K. Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Bonjour. Je voudrais d'abord remercier le Mouvement
Desjardins du ton et du contenu du mémoire et dire, d'entrée de
jeu, que je suis assez d'accord qu'il y a des lourdeurs importantes au niveau
de la loi. Et j'ai donné à plusieurs reprises ici l'exemple de
dizaines de milliers de lettres qui partiraient vers les gens pour dire qu'il y
a un fichier concernant leur crédit qui est détenu par un bureau
de crédit, mettons, ce que tout le monde sait déjà, et que
ça ne leur donnerait pas le rapport en question. Alors, je pense
qu'écrire à quelqu'un... Et il y a des personnes qui pourraient
recevoir 21 lettres, disant: Ah! Ah! on a un rapport de crédit vous
concernant et, si vous nous téléphonez ou si vous nous
écrivez, vous allez l'avoir. Bon. On a eu l'occasion de s'en expliquer
avec le ministre, c'est une mécanique qui est trop lourde.
Si on me permettait une critique de bon aioi, j'ajouterais que, si le
Mouvement Desjardins les fournissait, les rapports, à ses
sociétaires depuis quelques années, on aurait été
encore plus
sévères envers les banques quand elles sont venues, parce
que ça n'a pas été... Ça a été
cordial, mais... Qui aime bien châtie bien. À cet
égard-là, je me permets de poser la question: Dans un
délai raisonnable, en laissant au Mouvement Desjardins et à
d'autres institutions qui sont utilisatrices des fichiers de crédit,
est-ce que vous pensez que ce serait faisable qu'elles se chargent
graduellement, selon un plan que chacune adopterait selon sa
réalité, de transmettre les rapports de crédit aux
personnes, parce que... Je ne sais pas si vous en conviendrez, mais ce qui me
frappe de ce qui ressort devant nous, c'est qu'on peut donner une décote
au député de Saint-Hyacinthe parce qu'un été il a
payé un compte de téléphone en retard parce qu'il
était en voyage, ce qui peut arriver même au président du
Mouvement Desjardins de ne pas lire son courrier pendant qu'il est en Europe,
mettons, mais, par ailleurs, les personnes qui font faillite au Québec
ont tendance à - excusez l'expression - «péter» leur
carte de crédit juste avant de faire faillite et, d'une certaine
manière, l'Association des banquiers canadiens en a convenu, on peut de
n'importe où, dans n'importe quelle banque retirer de l'argent de son
compte à une caisse populaire, et c'est une très bonne chose.
Mais, d'une certaine manière, les banquiers nous disaient que les
institutions financières n'échangent pas entre elles des
renseignements sur le crédit des clients. (15 h 40)
Dans le fond, ça m'amène à vous poser la question
double: D'une part, est-ce que les utilisateurs, dont le Mouvement Desjardins,
avec un délai raisonnable et une latitude, ne pourraient pas faire ce
qu'Équifax et d'autres vont faire moins commodément parce qu'ils
ne traitent pas avec les consommateurs, règle générale -
pas par mauvaise foi - et, d'autre part, est-ce qu'il n'y aurait pas des moyens
à trouver - une fois qu'on aura corrigé les rapports de
crédit, et ce n'est pas rien - qui seraient possiblement plus efficaces?
Par exemple, qu'un clignotant rouge entre en opération si une personne
est rendue à sa douzième carte de crédit et que la marge
de l'une sert à rembourser l'autre?
M. Béland: Déjà, quand les membres nous
demandent de consulter... Parce que vous devinez comment ça se produit.
Un membre est refusé, voit son prêt refusé, c'est sûr
qu'il va demander pourquoi. S'il demande à voir son dossier - ça
a été la coutume dans le Mouvement Desjardins - on lui fournit
les informations. Je n'ai certainement pas d'objection à fournir ces
informations-là, mais je pense que ce n'est pas utile d'envoyer
ça à 5 000 000 de membres en disant: On a des dossiers; voici ce
qu'on a sur vous. Les gens vont se demander pourquoi on leur envoie ça.
Il ne faut pas oublier que le Mouvement est la seule institution
financière dans 675 municipalités du Québec. Alors, j'ima-
gine que, dans une municipalité où il y a 300 personnes, s'il
faut écrire aux 300 personnes pour leur dire: Voici votre dossier, elles
vont se dire: Mon directeur est malade, ce matin; il me connaît,
qu'est-ce qui lui prend?
M. Bourdon: C'est pour ça, M. le Président...
M. Béland: Je trouve qu'il y a quelque chose qui ne va pas
dans ça.
M. Bourdon: C'est ça.
M. Béland: Quand on veut faire une règle
générale, on risque...
M. Bourdon: C'est pour ça, M. Béland, je peux vous
dire ce à quoi, moi, j'ai songé. On pourrait dire: L'institution
utilisatrice, dans les deux ans de l'adoption de la loi et par les moyens
qu'elle juge appropriés, communique graduellement les renseignements de
crédit qu'elle a à ses clients, ou à ses
sociétaires s'il s'agit d'une caisse populaire. Ce que je veux dire,
c'est que, par hypothèse, si 26 % des sociétaires d'une caisse
populaire - et c'est arbitraire, là, le choix que je fais -
renouvellent, chaque année, leur hypothèque, bien, à
l'occasion du renouvellement, l'agent de crédit pourrait remettre le
dossier, pour que ce ne soit pas non plus, comme tel, dramatique.
Écoutez, on a l'exemple américain, il y a une partie des
dossiers de crédit qui méritent d'être corrigés. Si
on a deux ans pour les remettre graduellement et que les gens ont une
mécanique pour les faire corriger, on peut penser que, finalement, il
n'y a pas péril en la demeure. Mais moi, je pense qu'il faudrait, dans
le projet de loi, prendre pour acquis que le Mouvement Desjardins, comme
d'autres, est de bonne foi et n'est pas contre le fait de coopérer
à disséminer l'information, si on lui laisse le temps et de la
latitude. Je vous dirais à cet égard-là que notre
État - et ça ne touche pas le ministre qui veut vraiment mettre
fin à des abus sans nombre - est un peu jacobin. On dit: Tout le monde
en même temps, le même jour, va mettre des lettres à la
poste. On dit quasiment par quel chemin on va passer pour aller au bureau de
poste. Mais, dans le fond, ce qui compte, c'est que le premier document, je
pense, qu'une personne a le droit de lire, c'est ce qu'on appelle dans le
jargon son «rapport de crédit», pour que, s'il y a une chose
à corriger, la correction soit faite. On pourrait même penser que
les utilisateurs coopéreraient aussi pour faire corriger et que la
Commission d'accès viendrait vraiment en dernier recours et d'une
façon souple. Parce que, vous avez raison de le souligner, il ne faut
pas rendre toute l'opération lourde pour la minorité de cas
où, si on n'intervient pas, il y a peut-être un abus.
M. Béland: C'est l'équilibre qu'on recherche avec
vous, finalement, parce qu'on est d'accord, comme je le disais, avec le
principe de la loi, sauf que, pour essayer de réglementer des cas qui
m'apparaissent des cas exceptionnels, il ne faudrait pas... Moi, je suis
certain que si on faisait...
M. Cannon: Comme disait le président du Conseil du
patronat, il ne faudrait pas se servir d'un gros «canon».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Béland: Ha, ha, ha! Moi, je suis certain que si on
avisait l'ensemble de nos membres, sans leur envoyer leur dossier, en disant:
Vous savez qu'on a un dossier sur vous... Je serais surpris du faible
pourcentage de gens qui viendraient à la caisse pour dire: Est-ce que je
peux le voir? Les gens, dans leur relation, c'est une relation de confiance. Il
y a simplement dans le cas où il y a un empêchement, où il
y a un refus que les gens disent: Bien, je veux savoir pourquoi vous m'avez
refusé. Parce que les gens ne comprennent pas toujours le refus. C'est
là qu'ils veulent voir leur dossier, et ça, on n'a jamais
refusé ça. Comment on peut améliorer ça? Ça,
ça reste à voir.
M. Bourdon: Parce que, dans le fond, une personne peut avoir
vécu des années avec des refus qu'elle n'arrivait pas à se
justifier, uniquement parce que... Par exemple, je vous donne un cas qui a
été porté à mon attention récemment. Une
personne, une année, refuse de payer 4 $ de frais d'administration
à sa banque - je suis à l'aise pour en parler, ce n'est
même pas une caisse populaire - et, des années plus tard, c'est
rendu un plus gros montant, et ça fait des années que c'est dans
son rapport de crédit et elle se fait refuser des choses parce que sa
cote a tombé. Vous avez raison, quand les gens se font refuser, ils le
demandent plus. Dans le fond, moi, je vous pose la question: Ça ne
serait pas souhaitable que, dans un délai raisonnable, tout le monde
l'aie, selon une stratégie que chaque utilisateur pourrait
s'établir pour que ça se fasse graduellement, de telle sorte que
la minorité de cas problèmes puisse être corrigée?
Je vous ferai observer que les 4 $ de frais d'administration, quand la personne
le découvre, elle se parle toute seule et elle parle à d'autres
pendant un bon moment.
M. Béland: Je demanderais à M. Morency de
compléter la réponse.
M. Morency: Oui. Je crois, M. Bourdon, que votre approche a
beaucoup de mérite. Quand même, il faut comprendre que, même
chez nous, si nous avons au-delà de 4 000 000 de membres, nous ne
détenons pas nécessairement une cote de crédit pour chacun
de nos membres, parce que ce n'est pas tous nos membres, quand même, qui,
nécessairement, font des demandes de crédit. Et parmi nos membres
qui font des demandes de crédit, on ne recourt pas nécessairement
ni obligatoirement à des agences de crédit externes, parce qu'il
peut y avoir une expérience de crédit chez nous qui fait en sorte
que c'est son dossier personnel dans lequel nous avons de l'information. Donc,
à ce niveau-là, notre code de déontologie prévoit
que, si le membre veut consulter de l'information financière que nous
détenons sur lui, le conseiller est toujours disposé à la
lui fournir et à lui donner des explications.
Là où on pourrait faire un pas additionnel sur demande du
membre, c'est de voir: Est-ce qu'effectivement il y aurait, à son
dossier, une cote de crédit qui proviendrait d'une agence quelconque
extérieure et auquel cas on pourrait, à sa demande toujours, lui
expliquer ce que ça veut dire? Parce que ce n'est pas des explications
très longues; ce sont des numéros, des cotes qui apparaissent sur
ces dossiers-là. Donc, dans une relation de conseil que nous
détenons toujours avec notre membre, lui indiquer, lui expliquer la cote
et, également, l'aider, le supporter, s'il n'est pas satisfait, à
faire corriger cette mauvaise cote-là, pour des raisons x, y, z. Je
pense aussi que le membre a une responsabilité de la faire corriger. Il
est mieux de la faire corriger à son agence de crédit qui, elle,
va la communiquer à d'autres personnes à qui elle a
déjà fourni de l'information, parce que, si ça demeure
uniquement chez nous, bien, là, c'est seulement la caisse populaire qui
va avoir corrigé la note de crédit.
Donc, dans une relation d'aide et de support, je pense que les gens des
caisses doivent sûrement, même à l'heure actuelle, supporter
le membre pour corriger la situation. Et quand il y a refus, nous, ce qu'on
fait, entre autres - je suis certain que c'est la même chose un peu
partout ailleurs - on lui explique la raison du refus: c'est sa situation
financière peut-être qui ne le permet pas. On le conseille quand
même pour améliorer sa situation. Donc, il y a toute cette
relation d'aide et de support que nous accordons à nos membres.
M. Bourdon: Bien, pour ce qui est de l'existence d'un rapport de
crédit, parce que ce n'est pas évident que la caisse populaire
l'a dans chaque cas... La mienne n'en a pas à mon sujet et me
prête pareil, parce que le profil, je l'ai établi auprès
d'elle en 25 ans, c'est évident. Mais, là-dessus, vous pouvez
faire confiance au législateur, si on fait un nouveau texte, on va
mettre que l'utilisateur fournit, s'il en est un, le rapport de crédit,
et que ça se fasse dans le cours normal des choses. Là où
je ne suis pas d'accord, moi, c'est qu'on dise: II faut que la personne le
demande. Parce que les gens qui ignorent qu'il y a une erreur dedans, ils ne
le
demanderont pas. Et si la caisse ne s'en occupe pas, parce que j'ai
remarqué aussi, à parler avec des personnes, que c'est pris avec
un quant à soi, un rapport de crédit... C'est parce que,
ailleurs, il peut y avoir des difficultés et ils ignorent la cause. (15
h 50)
Dans le fond - et c'est pour ça que je parlais d'un délai
de deux ans - c'est dire, dans la relation de confiance qu'on a avec un
sociétaire, qu'en deux ans on trouve une occasion pour lui communiquer -
et c'est vrai qu'il faudra que ce soit expliqué - sa cote de
crédit ou sa fiche de crédit, et que les utilisateurs contribuent
à la correction parce que la correction, c'est la croix et la
bannière actuellement dans chaque cas. Équifax dit: Nous autres,
ce n'est pas nous qui avons sorti ce renseignement-là, c'est Bell Canada
qui nous l'a donné, ou la carte de crédit. Et une question que je
pose, pointue: Trouvez-vous normal que, pendant des mois, Équifax a
fourni à quiconque était prêt à payer 60 $ pour
être membre d'Équifax, pour être client, les numéros
de carte de crédit d'à peu près n'importe qui au
Québec?
M. Béland: M. Bourdon, quand on regarde les rapports
d'Équifax, je ne suis pas sûr que le consommateur est très
avancé, parce que c'est sous des formes de codes; il faut
connaître les codes. Je sais bien que dans le réseau des caisses,
souvent, on n'en tient peu compte parce qu'on sait que c'est souvent
sévère ou très exagéré. Dans ce
sens-là, ça prend une relation pour l'expliquer.
M. Bourdon: Oui.
M. Béland: Même si j'envoyais ça par la poste
ou si je disais: Viens le voir, il y a un commis qui ne te connaît pas et
qui va te laisser regarder ton dossier, je ne suis pas certain que le
consommateur va être très avancé.
M. Bourdon: Vous avez raison. Je pense que ce pourquoi je parle
d'une manière et d'un délai, c'est que, dans le fond, le
Mouvement Desjardins trouverait peut-être utile de mettre un petit
feuillet pas compliqué pour savoir comment on utilise ça. J'en ai
lu récemment et ce n'est pas évident. Il faut comprendre ce qu'il
y a dedans. Mais ce que vous dites est vrai aussi, la
sévérité excessive, ça fait que, comment je
dirais... La sévérité excessive rend le document de
crédit moins crédible. Le problème, c'est que la personne
qui n'a jamais eu et qui n'aura jamais de problème à cause de
ça avec sa caisse populaire peut en avoir ailleurs et ignorer de ce que
ça vienne de ça, parce que, pour un autre bien ou un autre
service, on va accorder de l'importance à ça.
Dans le fond, ma question, la dernière: Seriez-vous prêt
à un exercice où, en assouplis- sant ce qui doit l'être
dans la loi, dans le fond, on vous demanderait de vous associer à
quelque chose pour que les rapports soient plus clairs dans l'ensemble de ces
questions-là? Et je vous répète que, quant à moi,
je trouve qu'il faut donner le temps et la latitude aux utilisateurs de
fichiers de crédit, entre autres, pour s'y adapter. Pour être bien
franc, M. Béland, je pense que si le Mouvement Desjardins collabore et
ne va pas en Cour suprême pour savoir si les banques, c'est
fédéral ou provincial...
M. Béland: On va perdre, de toute façon. M.
Bourdon: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'une fois que
le Mouvement Desjardins va l'avoir fait pour ses millions de
sociétaires, s'il y a un peu moins de coopération chez les
banquiers qui ont dû, à la lettre E, demander un rapport de
crédit sur Edper et, à la lettre O, en demander un sur Olympia
& York, bien, on serait quand même assez avancé.
M. Béland: Écoutez, je disais dans mes conclusions
qu'on était disposé à participer à tout groupe de
travail qui pourrait être mis sur pied pour trouver le moyen... Notre
objectif, je pense qu'il est clair, c'est sûr qu'on veut que nos membres,
on veut que les consommateurs en général soient bien
informés de ce qui existe dans leur dossier. L'équilibre qu'il
faut établir, c'est d'arriver à le faire sans qu'on s'impose une
mécanique tellement lourde que, finalement, ce soit l'ensemble des
membres et des épargnants qui en subissent les conséquences.
M. Bourdon: Et seriez-vous d'accord que dans la loi on donne un
échéancier d'application après avoir rencontré les
intéressés, secteur par secteur? Parce que je vais vous dire,
tout n'est pas d'égale valeur à problème dans l'ensemble
des relations des citoyens avec les renseignements.
M. Béland: C'est sûr et, si ça peut
contribuer à développer le sentiment d'appartenance des gens
à leur caisse, moi, je suis d'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci. Je pense que ça
fait le tour de la question. Je veux remercier les représentants des
caisses, M. Béland, M. Morency, Mme Nadeau et M. Blouin, d'avoir pris le
temps de venir nous rencontrer. Je pense que la discussion a été
extrêmement utile. Donc, je vous permets de vous retirer et j'indique
à cette commission que nous allons recevoir dès maintenant M.
Raymond Doray.
Après la prestation de M. Doray, nous ferons une pause.
M. Doray, je m'abstiens de toute présentation, je m'abstiens de
toute directive et je vous laisse la parole.
M. Raymond Doray
M. Doray (Raymond): Je vous remercie, M. le Président. M.
le ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais, en tout premier
lieu, remercier les membres de la commission de m'avoir invité à
venir les rencontrer aujourd'hui pour discuter du projet de loi 68, et ce, en
dépit du fait qu'ils ont eu l'occasion de me voir et de m'entendre
à quelques reprises au cours des deux dernières semaines.
Vous comprendrez qu'avant d'entreprendre des démarches
auprès du secrétariat de la commission parlementaire je me suis
sérieusement posé la question de l'opportunité de me
présenter devant vous à titre personnel, alors que j'avais eu
l'occasion d'assister certains groupes, organismes ou entreprises dans la
préparation ou la présentation de leur mémoire.
Après mûre réflexion, j'en suis venu à la conclusion
que ces deux types d'intervention étaient bien différents; que
les membres de cette assemblée, plus particulièrement de cette
commission, sauraient aisément faire les distinctions qui s'imposent
entre l'avocat qui, à la demande de son client et en fonction des
activités et des préoccupations de celui-ci, procède
à l'analyse d'un projet de loi pour tenter, à la lumière
de son expérience bien sûr, mais surtout des règles
d'interprétation, d'en prévoir les effets, et, d'autre part,
l'avocat qui, parce qu'il a eu l'occasion de participer au cours des 13
dernières années à l'élaboration, à la mise
en oeuvre et à l'application de la loi sur l'accès du secteur
public, peut peut-être, et je le dis bien humblement, avoir quelques
remarques ou commentaires à formuler pour aider le législateur
à accomplir son travail.
C'est donc à ce second titre que je me présente
aujourd'hui devant cette commission et je tiens à souligner, M. le
Président, que je ne me sens ni inféodé ni lié
à qui que ce soit et que c'est véritablement à titre
personnel et sans engagement autre que le mien que je suis ici. Qu'il me soit
permis de conclure sur ce point, M. le Président, en prédisant
que l'adoption du projet de loi 68 provoquera très certainement,
à court ou à moyen terme, une augmentation des avocats de la
pratique privée spécialisés dans le champ de la protection
des renseignements personnels. Il y a donc de très bonnes chances
qu'à l'occasion de la commission parlementaire sur la révision
périodique de la loi 68, d'ici cinq ans, vous n'ayez pas à me
voir aussi souvent.
Je n'ai aucun doute, et je tiens à le dire, sur la pertinence
d'adopter une loi relative à la protection des renseignements personnels
dans le secteur privé, tout d'abord parce que les citoyens sont inquiets
de la protection des renseignements personnels et, d'autre part, parce que
certaines pratiques et usages d'information personnelle requièrent
d'être encadrés. Même s'il est vrai que la directive de
l'OCDE sur la protection des renseignements personnels de même que la
convention de l'Europe et le principe de réciprocité qui s'y
trouve appellent une intervention législative du Québec dans ce
domaine, il ne faudrait cependant pas exagérer la portée de ces
textes internationaux; ce sont bel et bien des principes et non des
règles strictes que l'on retrouve, tant dans la directive de l'OCDE que
dans la convention de l'Europe, Ces textes prévoient, d'ailleurs, une
large flexibilité aux autorités nationales appelées
à légiférer dans ce domaine.
Ainsi, la directive de l'OCDE prévoit qu'en matière de
cueillette de renseignements personnels l'information ou la notification de la
personne concernée peuvent validement remplacer le consentement de cette
dernière. En ce qui a trait à l'utilisation des données
personnelles, la directive prévoit qu'elle doit être
limitée aux finalités déclarées, sauf consentement
ou autorisation de la loi. Il est donc permis aux législateurs nationaux
de soustraire certains secteurs d'activité à l'obligation de
déclarer l'objet du dossier ou ses finalités. Enfin, n'oublions
pas que la directive de l'OCDE ne prévoit nullement le consentement
écrit de la personne concernée comme prérequis à la
communication de renseignements personnels. (16 heures)
Mais, au-delà de ces incitatifs, soit sociopo-litiques, soit
internationaux, il y a surtout les articles 35 à 41 du Code civil du
Québec qui appellent une intervention législative du
Québec dans le domaine de la protection des renseignements personnels.
Et, dans la mesure où l'Assemblée nationale a déjà
accompli un premier pas pour poser des principes en matière de
cueillette, d'utilisation, de mise à jour, de communication des
renseignements personnels, cette réforme, je crois, doit être
complétée. Cela dit, il ne faudrait pas transformer les articles
35 à 41 du Code civil en vaches sacrées avant même qu'ils
ne soient entrés en vigueur. Si l'on peut, dès aujourd'hui,
prévoir certaines difficultés d'application de ces articles, il
vaudrait peut-être mieux apporter dès maintenant les correctifs
nécessaires, et c'est justement dans cette perspective qu'il est
important, selon moi, d'adopter une loi d'application qui vienne circonscrire,
préciser et parfois atténuer la rigueur du Code civil. À
titre d'exemple, l'article 37 du Code civil permet spécifiquement des
exceptions législatives à la règle du consentement
à la communication à des tiers de renseignements personnels, et
le projet de loi 68 prévoit et pourrait prévoir d'autres
exceptions à cette règle.
L'expérience de la loi sur l'accès dans le
secteur public, adoptée en 1982 mais entrée en vigueur en
1984, a permis de constater certaines difficultés, qui m'apparaissent
sérieuses, d'appliquer un cadre législatif uniforme à une
multitude d'organismes publics aussi distincts que l'Assemblée
nationale, les ministères, les hôpitaux, les commissions
scolaires, les municipalités, les régies, les commissions, etc.
En fait, je suis convaincu que c'est le manque de spécificité des
dispositions de la loi sur l'accès dans le secteur public, avec laquelle
je travaille quotidiennement au chapitre de la protection des renseignements
personnels, qui a rendu la tâche de la Commission d'accès à
l'information très difficile, voire même, dans certains cas,
impossible dans le secteur public. Étant donné que cette loi ne
permet pas à la Commission d'établir des règles de
protection des renseignements personnels selon la sensibilité des
informations en cause et que les décisions rendues dans un secteur du
secteur public s'appliquent à tous les autres secteurs, ce tribunal a
souvent été empêché d'apporter des solutions
efficaces, spécifiques ou de rendre des décisions aptes à
régler des problèmes spécifiques de protection de la vie
privée.
Par exemple, les règles qui gouvernent la cueillette, la mise
à jour, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels
dans un hôpital ne devraient pas, selon moi, être les mêmes
que celles applicables dans un organisme qui joue un rôle politique,
comme une municipalité. De la même façon, les règles
applicables à un organisme qui joue un rôle quasi judiciaire - et,
M. le Président, vous en avez parlé vous-même tout à
l'heure, en parlant des renseignements de justice - doivent être
différentes des règles applicables à d'autres types
d'organismes publics comme des écoles ou des commissions scolaires,
parce que la sensibilité des informations n'est pas la même et
qu'en conséquence elle ne requiert pas un traitement identique.
C'est justement en raison de cette absence de flexibilité dans la
loi sur l'accès que tous les organismes se voient appliqués,
à l'heure actuelle, dans le secteur public, le même cadre et les
mêmes règles et que la loi sur l'accès a pu, dans certains
cas, perdre une certaine crédibilité. Par exemple, on pensera au
cas des écoles primaires et secondaires où l'application de la
loi sur l'accès empêche les professeurs de distribuer les notes
des étudiants publiquement, comme cela s'est fait pendant toute notre
enfance et souvent d'une manière qui ne percutait pas la vie
privée. De la même façon, il devient difficile aujourd'hui,
dans une réunion de conseil municipal, de discuter du comportement d'un
fonctionnaire de la municipalité parce que la loi sur l'accès
peut causer certaines difficultés, à tout le moins
d'interprétation.
C'est aussi, à mon avis, parce que la loi sur l'accès ne
tient pas compte de la diversité des contextes et des divers
degrés de sensibilité de l'information que la Commission n'a
jamais pu décréter que le consentement devait être
écrit et limité dans le temps, dans le secteur public, et qu'elle
a plutôt suggéré aux organismes d'obtenir un consentement
écrit. En fait, la Commission a bien compris qu'il serait impraticable
dans certains secteurs du domaine public d'imposer le consentement
écrit, au risque de paralyser complètement l'appareil
d'État.
De cette expérience, M. le Président, les
législateurs québécois devraient tirer des enseignements,
notamment en ce qui a trait aux dangers d'une législation qui cherche
à traiter tous les renseignements personnels concernant un individu dans
le secteur privé sur le même pied en leur imposant un cadre unique
et strict. S'il y a des secteurs qui suscitent des problèmes de
protection des renseignements personnels - et je pense qu'on peut
reconnaître ces secteurs comme, entre autres, le domaine du crédit
- il y en a d'autres où l'application d'un cadre rigide ne serait
d'aucune utilité, voire même contre-productif, pour utiliser le
terme anglo-saxon.
Pensons, par exemple, à toutes les transactions effectuées
par carte de crédit ou encore par chèque. Si on applique à
ces transactions courantes les règles contraignantes du projet de loi
68, notamment en matière de consentement écrit à la
communication de renseignements, je suis convaincu que l'on créera une
bureaucratie inutile et des contraintes dont les consommateurs seront les
premiers à souffrir. La notion de «renseignements
personnels», je pense qu'on peut très clairement aller voir dans
la loi sur l'accès et la jurisprudence adoptée en vertu de cette
loi-là au cours des 10 dernières années pour se rendre
compte que c'est une notion très large, qui touche les renseignements
concernant un individu. Et ce que l'on retrouve, par exemple, sur un
récépissé de carte de crédit ou même sur un
chèque - et on l'oublie souvent - ce sont des renseignements personnels.
Ce sont des renseignements personnels qui sont très banals, mais ce sont
quand même, malgré tout, des renseignements personnels, et leur
circulation pour des fins financières, s'il fallait leur appliquer les
règles du consentement et les règles des articles 6 et 7 sur la
cueillette, causerait de véritables problèmes. Je suis convaincu
que ces problèmes-là, le législateur, et tout
particulièrement le ministre, ne les a pas voulus et qu'il sera
certainement consentant à essayer de baliser ou de réduire
peut-être les effets qui n'avaient pas été prévus
à l'origine.
Je comprends très bien la difficulté, d'ailleurs, je tiens
à le souligner, pour le gouvernement et pour l'Assemblée
nationale, de légiférer dans ce secteur-là, parce que ce
n'est pas facile, pour avoir participé aux travaux de la commission
Paré en 1980. L'information est quelque chose de fluide et de difficile
à saisir. Vouloir établir un cadre applicable à tous les
secteurs d'activité dans le secteur privé, c'est effective-
ment un exercice périlleux, et je pense qu'il faut essayer de se
demander quel sera l'impact ou quelle est l'application de la loi, quels seront
ses effets avant de mettre en vigueur une loi qui a autant d'effets, autant
d'importance.
Dans le même ordre d'idées, vouloir traiter de la
même manière une banque et un dépanneur - parce que les
dépanneurs sont assujettis à cette loi-là - un bureau de
crédit ou la ligue de ringuette de Saint-Joachim-de-Tourelle, qui est
assujettie comme association au sens de l'article 88, ou encore un cabinet
d'avocats, un club vidéo, une compagnie d'assurances, c'est - je le
soumets très respectueusement - risquer de discréditer ia loi et
ia Commission d'accès à l'information, et je suis convaincu que
ce n'est pas ce que !es membres de cette assemblée veulent faire.
Des solutions à envisager, M. le Président - parce que je
pense que nous avons une responsabilité de vous proposer des avenues et
des solutions pour essayer peut-être de corriger le tir là
où il y a quelques difficultés envisageables - dans les
circonstances, il me semble que l'intervention du Québec dans le domaine
de la protection des renseignements personnels serait nettement pius efficace
et moins controversée si elle se limitait à identifier des
secteurs où l'information sensible requiert des mesures contraignantes.
Ce pourrait être le cas, par exemple, dans le domaine des bureaux de
crédit, des clubs vidéo, des cliniques médicales
privées, des agences d'enquête et d'investigation, peut-être
de l'assurance. À l'inverse, la loi 68 pourrait prévoir que les
entreprises qui ne font pas l'objet d'une réglementation sectorielle
sont assujetties à des principes généraux, tels que
l'obligation de ne recueillir que les renseignements pertinents pour les fins
de leurs activités, l'obligation de permettre à la personne
concernée d'avoir accès à son dossier et d'y faire
rectifier les erreurs, l'obligation de mettre à jour les renseignements,
non pas en tout temps, mais avant de prendre une décision susceptible
d'affecter un individu. On éviterait les problèmes, que le
président du Mouvement Desjardins a soulignés tout à
l'heure, de devoir mettre à jour des dossiers lorsqu'on ne revoit pas
les clients pendant une certaine période de temps. Mais avant de rendre
une décision que les dossiers soient mis à jour, je pense que
c'est une préoccupation tout à fait légitime du
législateur. (16 h 10)
Pour leur part, les règles et normes applicables aux secteurs qui
détiennent des renseignements sensibles pourraient être soit
inscrites dans la loi d'application elle-même, soit adoptées par
la voie réglementaire, parce qu'on n'a pas regardé cette
hypothèse. Il n'y a pas de pouvoirs réglementaires dans le projet
de loi 68 qui viennent permettre une sectorisation, si ce n'est les codes de
conduite. Mais les codes de conduite, M. le Président, je pense qu'il
faut re- connaître qu'ils n'ont pas de valeur contraignante. Ils se
surimposent, dans le projet de loi 68, à des règles, comme
l'article 12 sur les communications de renseignements, qui, elles, sont
contraignantes. Donc, on peut douter de leur véritable
efficacité, surtout que la Commission d'accès va avoir à
suggérer des codes de conduite mais ne pourra pas en forcer le respect.
Par contre, cette même Commission, par la suite, sera appelée
à adjuger et à arbitrer des litiges en matière de
protection des renseignements personnels. Il serait même pensable, M. le
Président, de prévoir, dans la loi, que les entreprises des
secteurs identifiés comme sensibles pourraient participer à
l'élaboration de ces normes qui. lorsqu'elles recevront l'approbation de
la Commission d'accès et du lieutenant-gouverneur, acquerront une force
contraignante.
Je vous dis bien honnêtement que l'expérience que j'ai pu
acquérir dans ce domaine-là, dans le secteur public, au cours des
dernières années me mène à penser, à peu
près de la même façon que le gouvernement, que la simple
adoption de codes de conduite par les différents groupes ou les
différentes industries n'est peut-être pas une solution ni pour
les citoyens ni pour ies entreprises en cause, parce que les litiges vont
naître et il n'y aura pas de moyen de faire respecter ces codes, dont
l'interprétation des fois, aussi, peut poser de sérieux
problèmes. Par contre, une participation active des regroupements
d'entreprises d'un secteur à l'élaboration de normes qui
deviendront des règlements est une façon humble, à mon
avis, de légiférer et une façon moderne de
légiférer. Je pense que c'est cette assemblée qui a
publié, il y a quelques années, un document qui s'appelait
«Légiférer moins et légiférer mieux».
La législation ou réglementation participative est une bonne
façon, je pense, d'en arriver à un juste équilibre.
En terminant, M. le Président, j'aimerais simplement noter que
j'ai remis, tout à l'heure, aux membres de la commission un document qui
est une analyse article par article de différentes difficultés,
non pas pour soulever des controverses, mais bien pour peut-être aider le
législateur à accomplir son travail. Parce que, étant
appelé à travailler dans ce secteur-là quotidiennement, il
y a peut-être des points que j'ai pu voir - peut-être, des fois,
ai-je commis des erreurs dans l'interprétation, mais je pense que c'est
une interprétation raisonnable. Et il y a, je pense, des petites
difficultés, notamment quant aux notions de renseignements personnels
versus renseignements nominatifs. La loi 68 nous parle de renseignements
personnels, alors que la loi sur l'accès nous parle de renseignements
nominatifs. Ça peut sembler une simple erreur cosmétique ou une
simple distinction de mots, mais il y a un véritable problème
sous-jacent dans le choix de ces notions-là, parce que les
«renseignements nominatifs», au sens de la loi sur l'accès
du secteur public, excluent les renseignements à
caractère public tels que les renseignements des archives
judiciaires, les renseignements des archives municipales, alors que la notion
de «renseignements personnels» n'exclut pas les renseignements
à caractère public.
Il faudrait donc conclure, dans l'état actuel du texte, que si la
loi était adoptée selon son libellé proposé, les
renseignements relatifs au jugement des tribunaux judiciaires ou quasi
judiciaires, s'ils étaient transmis dans le secteur privé, se
verraient appliquer les règles de confidentialité que l'on
prévoit dans la loi. Et je ne pense pas que ce soit, de prime abord, la
volonté du législateur de venir restreindre la circulation des
renseignements de justice. C'est un des fondements constitutionnels de notre
société, que la justice soit rendue en public. Mais, par le choix
d'une notion, peut-être, qui est en porte-à-faux avec la loi sur
l'accès, on risque - je le dis bien sincèrement - de causer des
problèmes. Et je pense, M. le Président, que c'est
vous-même qui avez parlé de cette importance de la transparence du
système judiciaire.
Un dernier point, M. le Président, sur la question des
différents rôles de la Commission d'accès à
l'information. Je trouve que la situation que nous avons vécue, tout
à l'heure, lorsque les trois représentants de la Commission
étaient assis à cette table, et vos commentaires et questions que
vous avez posées personnellement, M. le Président, ont
été très éclairants puisque nous l'avons
vécu, ce problème de conflit de rôles. On s'est
retrouvé, pendant un instant, avec le responsable des enquêtes de
la Commission d'accès à l'information, qui a lancé des
accusations contre des entreprises, en en nommant même une, alors que
l'enquête n'était pas terminée. Il était assis avec
le président de la Commission, qui, lui, est membre d'un tribunal
administratif qui va juger des entreprises dans un an, quand la loi va entrer
en vigueur, et le conseiller juridique qui donne des interprétations sur
cette loi-là. Est-ce qu'il serait acceptable, dans le domaine de
l'environnement, que le ministre de l'Environnement soit celui qui fasse les
enquêtes en matière d'environnement, comme il le fait à
l'heure actuelle, mais qu'il soit aussi celui qui rend les décisions
lorsqu'il émet des ordonnances pour fermer une entreprise ou pour
arrêter un acte de contamination? Je pense qu'on réagirait tous de
manière épidermique en disant: Ça n'a pas de sens que le
ministre soit à la fois celui qui procède aux enquêtes,
celui qui fait des déclarations publiques sur les dangers pour
l'environnement et celui qui, en plus, tranche les litiges en matière
d'environnement entre pollueurs et pollués.
Spontanément, je pense que nos règles de justice naturelle
nous empêchent de cautionner une telle façon de procéder.
Pourquoi, en matière d'accès à l'information et de
protection des renseignements personnels, devrions-nous appli- quer une autre
mesure, une autre règle, selon une autre aune? Il me semble qu'il y a un
problème qui n'était pas dramatique lorsque la Commission
agissait à l'égard des organismes publics, puisque... Que le
gouvernement, l'État, se donne des règles de justice naturelle
moins exigeantes pour lui-même, je pense que c'est son problème,
mais quand il viendra juger des entreprises et des conflits
employeurs-employés dans le secteur privé, il est important que
le tribunal qui fera de l'adjudication ait une indépendance et une
crédibilité au-dessus de tout soupçon.
Et il y a un avantage... Et je ne dis pas à cette
assemblée de créer un nouvel organisme - il faut penser aux
ressources pécuniaires - mais je pense qu'on peut séparer les
fonctions de la Commission. Les institutions sont là pour
protéger les droits et il y a moyen de structurer une Commission
d'accès dont le bureau des commissaires est tout à fait
indépendant des enquêteurs et des avocats. Ce n'est pas la bonne
foi de la Commission que je mets en doute, d'aucune façon, loin de
là - d'ailleurs, je me tirerais dans le pied, pour y avoir
travaillé pendant quelques années - mais je pense qu'il faut
prévoir que cette Commission aura besoin d'une plus grande
crédibilité et d'une plus grande indépendance lorsqu'elle
agira dans le secteur privé.
Dans cette mesure-là, on peut même croire qu'il y aurait un
avantage à séparer les fonctions de la Commission. Parce qu'une
Commission dont le volet administratif ne serait pas jouxté ou
associé au volet adjudication aurait beaucoup plus de marge de
manoeuvre. Elle pourrait conseiller les citoyens, elle pourrait faire des
enquêtes qui vont plus loin. Elle pourrait donner des conseils sur la
façon de gérer des banques de données, ce qui est
très difficile pour un organisme qui est appelé, par la suite,
à prendre des décisions.
Alors, c'est l'essentiel de ce que je voulais vous dire, mais l'analyse
plus détaillée, je le souhaite sincèrement, pourra
peut-être vous être utile. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Doray. Je vous signale
que l'analyse et les commentaires que vous nous avez donnés ont
déjà été distribués aux membres de la
commission. N'ayez aucun doute que le ministre de même que les membres de
la commission et les gens qui assistent le ministre dans son travail vont en
prendre connaissance et en faire une étude sérieuse. Oui, M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Me Doray, merci de
votre présentation. Je sais que vous puisez dans une expérience
quand même très vaste au niveau de la protection des
renseignements personnels et de l'accès aux documents. Vous comprendrez
que je n'ai pas de
questions à vous poser, ayant reçu votre document il y a
quelques instants. Cependant, comme le président l'a mentionné,
nous allons faire une lecture attentive et exhaustive des points que vous
soulevez, et nul doute que les représentations que vous faites seront
prises en considération. Alors, merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Je
voudrais dire aussi à M. Doray que les remarques qu'il a faites seront
prises en bonne part et que, comme a eu l'occasion de le dire le ministre, il
ne fait aucun doute que son expérience personnelle de même que la
façon dont il nous présente les choses, tout ça est de
nature à orienter la réflexion de cette commission. Alors, je
sais, pour avoir parlé au député de Pointe-aux-Trembles,
que c'est son opinion aussi. Il m'a demandé de l'excuser, il a dû
s'absenter pour une urgence; je voulais faire le message.
Pour le moment, je vais, tout en vous remerciant, suspendre les travaux
de cette commission jusqu'à 17 heures, disons, et nous recommencerons
à 17 heures. Merci encore, Me Doray.
M. Doray: Merci, M. le Président. (Suspension de la
séance à 16 h 20)
(Reprisée 17 h 1)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
continue ses travaux et est heureuse de recevoir le Conseil des assurances de
personnes, qui est représenté par M. Jean-Claude Boucher, M.
Michel Beaupré ainsi que par Mme Myrella Beaulieu. Je leur souhaite la
bienvenue. Je leur indique qu'on est prêts à les entendre. Si vous
voulez bien vous identifier. Vous disposez d'une quinzaine de minutes pour nous
faire part de vos vues sur le projet de loi 68, et après ça,
selon ce qui sera soulevé, les membres de la commission vont
s'entretenir avec vous pour un certain temps. Alors, vous avez la parole. On
est prêts à vous écouter.
Conseil des assurances de personnes
M. Boucher (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné aujourd'hui de Mme Myrella Beaulieu, qui est la directrice
générale du Conseil, et de M. Beaupré, qui est l'avocat du
Conseil. Mon nom est Jean-Claude Boucher, je suis le vice-président du
Conseil des assurances.
La façon dont on aimerait procéder, c'est de faire
quelques commentaires généraux, tout d'abord, et Mme Beaulieu
s'adressera à vous par la suite, sur certains points que le Conseil a
notés vis-à-vis de la loi.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Boucher: Le Conseil étant un jeune organisme, je me
permets d'en parler quelques minutes. Il a été créé
en 1989 par la Loi sur les intermédiaires de marché. Le Conseil a
pour mission principale d'assurer la protection du public par la surveillance
et le contrôle des activités exercées par les
intermédiaires de marché en assurance de personnes et les
cabinets qui les regroupent. Notre création résulte de la
volonté gouvernementale de remettre à l'industrie la charge de se
réglementer et de se discipliner dans un contexte de
décloisonnement des institutions financières. Nous avons
notamment comme responsabilité de promulguer la réglementation
respectueuse du cadre de la loi précitée pour les
intermédiaires de marché en assurance de personnes. La
réglementation actuelle assure d'ailleurs une excellente protection
à la vie privée et au caractère confidentiel des
renseignements détenus ou sous la responsabilité de
l'intermédiaire. Pour atteindre ces fins, la table du Conseil regroupe
des représentants des consommateurs, des compagnies d'assurances et des
intermédiaires en assurance de personnes. Le Conseil constitue donc un
carrefour naturel de concertation pour l'industrie de l'assurance. Notre
originalité relève donc de la représentation, à une
même table d'échanges, d'intervenants de tous les milieux touchant
ou touchés par l'assurance de personnes. La
représentativité de nos opinions découle de l'adoption
unanime de notre mémoire dans le cadre de l'exercice démocratique
effectué. Le Conseil, à titre d'organisme public, est assujetti
à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels. L'industrie de l'assurance et les
intermédiaires qui assurent la distribution des produits appartiennent,
pour leur part, au secteur privé. Le Conseil représente un lien
charnière entre les deux sphères d'activité.
Puisque le projet, en plus d'abroger l'article 25 de la Loi sur les
intermédiaires de marché et d'affecter certaines dispositions
réglementaires adoptées sous son égide, aura des impacts
sur l'administration de certaines entreprises du secteur privé, le
Conseil tient à participer à la réflexion sur cette
importante réforme. Notons également que le Fonds d'indemnisation
en assurance de personnes, constitué au sein du Conseil sera pour sa
part soumis à la nouvelle législation. L'intervention du Conseil
est d'autant plus légitime que la cueillette, le contrôle et la
circulation de l'information sont devenus des éléments
clés dans le succès des intermédiaires de marché en
assurance de personnes. Le Conseil a à coeur de ne pas paralyser les
opérations de l'entreprise privée tout en protégeant les
intérêts supérieurs des consommateurs. Par
conséquent, nos commentaires, nos inquiétudes et nos
repères feront parfois référence à des situations
dépas-
sant le cadre de l'industrie de l'assurance de personnes.
Le Conseil tient à remercier la commission de la culture pour
l'opportunité qu'elle lui offre de prendre part au débat et de
formuler ses commentaires. De plus, il reconnaît l'ampleur du travail
accompli et adhère aux principes sous-jacents.
Tel que nous en avons fait mention, les intermédiaires de
marché en assurance de personnes sont déjà assujettis
à un ensemble de règles assurant la protection de la vie
privée et le caractère confidentiel des renseignements
personnels. En effet, on retrouve, dans la réglementation du Conseil,
des dispositions relatives à l'accès, à la prise de
copies, à la garde, à la divulgation, à l'échange
et à la destruction de renseignements personnels. Un manquement à
l'une ou l'autre de ces prescriptions réglementaires peut
entraîner des conséquences sur l'autorisation d'exercice
conférée à l'intermédiaire, ou toute autre sanction
jugée appropriée, y compris l'imposition de
pénalités financières.
Les mécanismes actuels, avec leurs imperfections,
confèrent des garanties non négligeables à la personne
lésée dans l'exercice de ses droits. Ces garanties sont, à
certains égards, supérieures à ce que l'on retrouve dans
l'actuel projet de loi. La surveillance et le contrôle des
mécanismes d'encadrement reviennent à l'Inspecteur
général des institutions financières, organisme auquel les
intervenants chargés du contrôle de l'industrie de l'assurance
doivent rendre compte. A priori, il ne semble pas essentiel d'ajouter de
nouvelles structures d'encadrement qui viendront dédoubler, dans bien
des hypothèses, celles existantes. Ce commentaire se justifie d'autant
plus en période d'allégement de la fonction publique et de
désengagement de l'État-providence. Néanmoins, nous sommes
conscients que certains facteurs militent en faveur de la création d'une
loi d'encadrement général du secteur privé. Notamment, il
s'agit d'une loi d'application des grands principes énoncés dans
le Code civil du Québec.
De plus, avec la mondialisation des marchés, les enjeux
internationaux favorisent une loi-cadre simplifiant l'analyse que doivent
souvent effectuer les autres partenaires économiques. En effet, il peut
être fastidieux d'évaluer, par secteur d'activité, la
qualité des protections minimales accordées à la vie
privée et à la protection des renseignements personnels. Ces
analyses sont régulièrement requises pour autoriser le flux
transfrontières des données.
Finalement, les systèmes d'encadrement comme le nôtre ne
peuvent assumer, en toute impartialité, certains recours liés
à l'accès et à la rectification. Les mécanismes
disciplinaires sont mal adaptés pour trancher des litiges relatifs
à ces recours. Par conséquent, le Conseil se rallie au principe
d'une loi-cadre applicable à tous et ne demandera pas le désas...
- je le savais, j'étais parti en disant: Je vais le manquer
celui-là et je l'ai manqué...
M. Cannon: Désengagement.
M. Boucher: Exactement. Merci, M. le ministre. C'est la
troisième fois que j'essaie de le dire aujourd'hui, et maintenant M. le
ministre m'a bien repris - le désengagement des intermédiaires de
marché en assurance de personnes.
Néanmoins, nous sommes fortement préoccupés par la
mise en oeuvre du projet de loi. Le projet de loi doit permettre une
application sectorielle souple et favoriser une protection efficace,
concrète, au meilleur coût possible, évitant les
superstructures. Finalement, il doit être soucieux de ne pas paralyser
les activités économiques par des exigences trop laborieuses
d'application. À la lecture de certaines dispositions
législatives proposées, le Conseil s'inquiète des
coûts d'implantation et de maintien résultant de leur application.
Ces coûts seront, en bout de piste, assumés par le consommateur,
qui ne réclame peut-être pas une protection paternaliste à
certains égards.
À l'opposé, des garanties souhaitées par les
propriétaires de renseignements personnels ne semblent pas trouver leur
place dans le texte légal envisagé. Une juste position doit
être prise entre une protection musclée de la vie privée et
la réalité économique du secteur privé. Nous
comprenons que les droits reconnus par la Charte des droits et libertés
de la personne et le Code civil du Québec doivent trouver leur
aboutissement concret dans le texte légal d'application
générale. Un coût inévitable en résultera,
mais nous considérons que l'exercice démocratique visant à
protéger les droits fondamentaux engendre des coûts
inhérents qui doivent être assumés par les membres de la
société. Néanmoins, il faut se garder de faire
naître des obligations qui n'engendreront que des frais inutiles, sans
ajouter à la protection réclamée par le consommateur.
Au-delà des considérations financières, il faut se
rappeler que nous vivons dans une ère de consommation rapide. Nous ne
pensons pas que le consommateur sera mieux servi et protégé s'il
est obligé de faire des démarches lourdes pour donner suite
à l'exécution des transactions commerciales les plus simples. Le
consommateur qui s'engage dans une opération commerciale définie
dans le cours normal des affaires s'attend à ce qu'il y ait une
circulation normale d'information afin de remplir les exigences raisonnables
d'une semblable transaction. (17 h 10)
À notre avis, le projet de loi actuel ne permet pas cette libre
circulation. Malgré tout, nous pensons que certaines catégories
d'informations à caractère sensible ne devraient pas être
échangées sans le consentement écrit, puisqu'il en
résulterait une situation préjudiciable à la
personne concernée. De même, nous pensons que la libre
circulation des renseignements personnels à travers un
conglomérat ne devrait se faire qu'avec l'autorisation expresse de la
personne concernée. Nous pensons que l'exception permettant la
transmission des renseignements à un tiers, à des fins
philanthropiques ou commerciales, sans l'autorisation de la personne
concernée devrait être plus circonscrite. En effet, il s'agit
d'une exception au principe du consentement. À cet égard, nous
pensons que des listes nominatives permettant d'obtenir des informations
sensibles ne devraient pas être échangées sans le
consentement des personnes visées.
Tel que nous l'avons mentionné, le Conseil favorise une
application sectorielle du projet de loi. Nous sommes préoccupés
de constater que, seul l'article 75, par le biais des codes d'éthique,
permet d'établir des règles s'harmonisant à la
réalité d'une industrie. Nous pensons que le projet comporte de
nouvelles obligations qui peuvent susciter la confusion lors de l'application.
Nous pensons qu'une réglementation sectorielle serait l'alternative
à prioriser afin d'assurer une adhésion des différents
secteurs d'activité économique à l'actuelle
réforme. Cette solution permettrait notamment de définir
certaines notions variant selon la nature de l'industrie, en plus de solliciter
la participation des principaux intervenants et responsables de celle-ci.
Contrairement au code de conduite interne élaboré par la
Commission, la réglementation sectorielle assure force de loi aux
règles adoptées par l'industrie. Des organismes de
contrôle, tel le Conseil, pourraient prendre en charge de promulguer la
réglementation applicable à leur secteur de compétence
respectif. En d'autres termes, le Conseil établirait la
réglementation applicable aux intermédiaires de marché en
assurance de personnes, en matière de protection des renseignements
personnels, trouvant son pouvoir habilitant dans le projet de loi 68. La
Commission devrait assumer cette responsabilité dans les secteurs
d'activité moins encadrés.
De même, le contrôle de cette réglementation pourrait
être remis aux intervenants qui sont actuellement chargés de
l'application des autres règles, dans la mesure où ils demeurent
soumis à la surveillance gouvernementale. En somme, la Commission
conserverait un pouvoir général de surveillance et de
contrôle, tant sur les intervenants chargés de promulguer la
réglementation que sur ceux responsables de son application. Ces
hypothèses réduiraient les coûts de gestion de la loi et
minimiseraient le dédoublement des ressources humaines. Une meilleure
adhésion des intervenants favorisera la mise en application de nouvelles
règles. La réglementation sectorielle devrait notamment porter
sur les notions suivantes: intérêt sérieux et
légitime, pertinent à l'objet du dossier ou à la
réalisation du contrat; renseignements normalement recueillis dans les
circonstances; utilisation à des fins incompatibles; mesures de
sécurité propres à assurer le caractère
confidentiel nécessaire à l'exercice de ses fonctions ou à
l'exécution de son mandat; durée nécessaire à la
réalisation de l'objet du dossier.
Nous compléterons notre argumentation aux sections portant sur
les recours et l'application de la loi lors de l'étude du projet par
section. Advenant que la réglementation sectorielle ne soit pas un
concept retenu, d'autres mécanismes de collaboration devront être
instaurés entre la Commission d'accès et les responsables des
différents secteurs.
En dernier lieu, préalablement à cette étude, nous
aimerions vous sensibiliser au lien étroit qui unit les
intermédiaires de marché en assurance aux compagnies d'assurances
dans le cadre de la distribution des contrats. Nous pensons que ces
intermédiaires devraient avoir les mêmes obligations, qu'ils
soient agents ou courtiers regroupés en corporation ou en
société. De plus, une libre circulation de l'information doit
être permise au sein d'un même cabinet.
Alors, permettez-moi, M. le Président, de passer la parole
à Mme Beaulieu, qui vous fera part de notre réflexion à
l'égard des points jugés essentiels par le Conseil.
Le Président (M. Ooyon): Mme Beaulieu, quelques
minutes.
Mme Beaulieu (Myrella): Merci. Tel que M. Boucher vous l'a
mentionné, de par notre représentativité
stratégique de l'industrie de l'assurance de personnes, nous avons senti
le besoin d'intervenir dans cette grande réflexion collective. Plusieurs
points importants ont retenu notre attention. Néanmoins, compte tenu du
temps limité dont nous disposons, nous concentrerons nos énergies
pour faire ressortir les principales préoccupations du Conseil, ainsi
que les pistes de solution dégagées. Donc, je ferai part de cinq
points qui ont retenu notre attention: deux sur la réglementation,
à savoir la promulgation et l'application; un sur le consentement et
l'accès; un quatrième, sur les listes nominatives; et le dernier,
sur les mesures transitoires.
Donc, notre premier point porte sur un éventuel partage des
responsabilités entre la Commission et les organismes chargés de
promulguer la réglementation. Le Conseil est d'avis que la
réglementation sectorielle s'avère essentielle à
l'application ou à la mise en oeuvre du projet de loi. En effet, tel que
mentionné précédemment, la réglementation a force
de loi, contrairement au code de conduite interne. Par définition, une
loi est d'application générale et ne saurait répondre aux
besoins d'une industrie ni à ceux des clients de celle-ci. Ce projet de
loi jette les grandes balises nécessaires à la protection des
renseignements personnels, mais n'envisage que très peu la
suite des événements. C'est pourtant à ce niveau
que se jouera le succès de l'opération. D'ailleurs, au sein d'une
même industrie, les normes ne peuvent être uniformes pour tous les
intervenants. Les opérateurs économiques ne disposent pas des
mêmes ressources et ne gèrent pas des masses d'information
toujours comparables. Nous suggérons que les organismes d'encadrement
soumis au contrôle gouvernemental soient responsables de promulguer la
réglementation correspondant à leur secteur en vertu du projet de
loi. La Commission approuverait, en dernière instance, avant son
entrée en vigueur, la réglementation soumise par les
différents secteurs encadrés.
De plus, la Commission devrait assumer seule cette responsabilité
pour les secteurs ne bénéficiant pas d'un semblable encadrement.
Des consultations auprès des principaux acteurs des secteurs non
encadrés seraient utiles préalablement à
l'établissement des nouvelles réglementations. Dans ces secteurs
non encadrés, des recoupements par grands champs d'activité
compatibles ou similaires seraient requis afin de ne pas surcharger la
Commission dans sa responsabilité de promulguer des
réglementations pertinentes. Dans tous les cas, une participation plus
active des principaux responsables des secteurs d'activité serait ainsi
atteinte, favorisant une meilleure adhésion du secteur privé
à la réforme.
Corrélativement, les pouvoirs de réglementation sur la
protection des renseignements personnels conférés par d'autres
lois devraient être abolis. Par exemple, les paragraphes 17 et 18 de
l'article 201 de la Loi sur les intermédiaires de marché
devraient être abrogés. À défaut de
privilégier la réglementation sectorielle comme outil utile
à la mise en oeuvre du projet de loi, il faudrait envisager d'autres
mécanismes de collaboration entre la Commission et les responsables de
l'industrie.
Dans la même veine, notre deuxième point
réfère à un éventuel partage des tâches entre
la Commission et les organismes responsables du contrôle de la
réglementation. Nous avons souligné dans les commentaires
généraux qu'il pourrait être souhaitable d'utiliser les
organismes d'encadrement établis afin de faciliter l'application et la
mise en oeuvre de la loi. En effet, selon toute probabilité, la
Commission ne disposera pas des effectifs suffisants pour veiller au
contrôle serré des nouvelles obligations. De plus, il peut
s'avérer fort opportun d'obtenir la collaboration des
spécialistes d'encadrement d'un secteur d'activité
déterminé afin de bien mesurer la portée des
infractions.
Finalement, plusieurs de ces organismes d'encadrement
bénéficient déjà d'une certaine expertise en
matière de protection des renseignements, étant
déjà soumis à la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Cette
expertise peut s'avérer un atout précieux et peu coûteux
dans la mise en oeuvre des nouvelles règles. Cette hypothèse
permettrait de maximiser l'excellent travail de formation accompli par la
Commission. Nous proposons de répartir les responsabilités entre
les organismes d'encadrement soumis à l'autorité gouvernementale
et la Commission. Les organismes d'encadrement pourraient veiller au respect
des dispositions relatives à la collecte, à la consultation,
à la détention, à l'utilisation, à la
communication, à la destruction ou aux autres dispositions pour
lesquelles un manquement peut entraîner une sanction. (17 h 20)
Tel que mentionné dans les commentaires généraux,
la Commission maintiendrait un pouvoir général de surveillance et
de contrôle pour assurer une saine gestion des règles
établies par le secteur. Néanmoins, nous pensons que la
Commission ne devrait pas agir en révision ou en appel des
décisions prises par les organismes d'encadrement, à
défaut de quoi une superstructure en émergera. Dans tous les cas,
des mécanismes d'appel sont déjà prévus à la
Cour du Québec lors d'une insatisfaction légitime du justiciable.
À tous égards, si le législateur est d'avis que les
recours actuels sont insatisfaisants, en termes d'accessibilité, nous
pensons que l'appel auprès de la Commission devrait être
limité aux questions de droit. Une jurisprudence pourrait
s'établir, diminuant la charge des commissaires. De plus, nous pensons
que la Commission devrait statuer sur les demandes d'accès et de
rectification, même dans les secteurs déjà encadrés.
Dans les autres secteurs moins encadrés, la Commission demeurerait le
seul recours pour toute question relevant de sa compétence. Cette
division des responsabilités éviterait une double juridiction et
favoriserait une interprétation plus conforme aux usages et pratiques
d'un secteur donné.
Le troisième point porte sur les modalités du consentement
et l'étendue de la notion de tiers. Le consentement écrit
prévu à l'article 13 peut s'avérer paralysant dans le
cours normal des activités du secteur privé. Nous pensons qu'une
telle protection n'est pas souhaitée par le consommateur qui
bénéficie, par ailleurs, de certains avantages liés
à la rapidité d'exécution des transactions. Nous
suggérons qu'un consentement implicite, mais manifeste, à la
communication de renseignements à un tiers, soit suffisant lorsque le
renseignement personnel est transmis dans le cours normal des activités,
suite à un service ou un bien requis par la personne
concernée.
Dans un autre ordre d'idées, nous pensons que le consentement
à la communication à un tiers, qui n'est pas partie à la
transaction initialement voulue par le consommateur, ou l'utilisation
incompatible des renseignements recueillis devraient être
constatés par un écrit
distinct, Au surplus, le cas échéant, le consentement
devrait identifier la fin pour laquelle le tiers destinataire des
renseignements les utilisera Par conséquent, les informations
recueillies ne pourraient circuler dans un conglomérat sans
l'autorisation écrite de la personne concernée.
Évidemment, la loi ne devrait pas avoir d'effets rétroactifs, de
sorte que les renseignements détenus suite à un échange
antérieur d'informations ne sauraient être visés par
l'exigence du consentement écrit. Seuls les nouveaux transferts
nécessiteront l'autorisation écrite.
Finalement, le paragraphe 2° de l'article 13 exige d'identifier
«la personne qui détient les renseignements» Notre
compréhension est à l'effet que le mot «personne»
fait également référence aux personnes morales. Dans
l'éventualité où notre perception ne serait pas conforme
à la réalité, il faudrait préciser que le
consentement doit identifier la personne ou l'organisme qui détient les
renseignements. Nous pensons qu'essayer d'identifier nommément une
personne deviendrait vite un véritable jeu de hasard. Dans cet ordre
d'idées, le consentement relatif à l'échange de
renseignements personnels nécessaires à la formation et à
l'exécution d'un contrat pourrait être écrit, mais
balisé moins strictement. Il pourrait être donné en
fonction de la nature des renseignements requis. Évidemment, les
renseignements recueillis ne pourront servir à d'autres fins que la
formation ou l'exécution du contrat.
Notre quatrième point portera sur la constitution et
l'échange des listes nominatives - j'achève. L'article 20 du
projet de loi permet à une entreprise de communiquer à un tiers
une liste nominative sans le consentement des personnes concernées. Le
tiers qui recueille l'information connaît la nature des critères
ayant servi à constituer la liste et peut, par la suite, accoler des
caractéristiques très spécifiques aux personnes y
figurant. En d'autres termes, c'est la nature de la commande qui peut conduire
à l'obtention de données sensibles. Ces paramètres peuvent
constituer des informations personnelles importantes qui seraient, par
ailleurs, normalement protégées auprès d'organismes
publics. Même si ces informations ne pourront être reprises
qu'à des fins commerciales ou philanthropiques, nous sommes soucieux de
constater qu'il n'y a aucune forme de restriction à la cueillette de
l'information.
Nous suggérons de prohiber la constitution de listes nominatives
basées sur l'un ou plusieurs des paramètres suivants:
l'âge, le statut marital, le revenu, la valeur nette du patrimoine ou les
informations permettant de l'identifier, l'état de santé, les
opinions politiques, les convictions religieuses, l'origine raciale, la vie
sexuelle et le passé criminel ou pénal.
Le dernier point portera sur la nécessaire transition pour
l'implantation d'une semblable réforme. Le Conseil est
préoccupé de ne retrou- ver aucune disposition nécessaire
à la transition et à l'entrée en vigueur de la loi. Forts
de notre expérience, nous pensons que cette question doit être
envisagée avec beaucoup d'attention. Les différents organismes
pourraient avoir une période déterminée pour promulguer la
réglementation adéquate à leur secteur
d'activité.
En conclusion, nous espérons que les commentaires qui
précèdent vous aideront à bonifier le projet de loi 68,
qui, par ailleurs, a le mérite d'assurer une protection
indéniable aux informations personnelles détenues dans le secteur
privé. Compte tenu de notre lien privilégié entre le
secteur public et le secteur privé, nous pensons être en mesure de
contribuer de façon particulière à la recherche de
solutions éclairées Pour ce faire, nous demeurons à votre
entière disposition. Nous sommes maintenant prêts à
répondre aux questions.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Beaulieu. Merci, M.
Boucher. Vous nous avez fait un exposé fort complet. Je me demande si le
ministre a des questions, ou peut-être le député de
Saint-Hyacinthe, compte tenu des difficultés qu'a le ministre à
parler.
M. Cannon: Je ne répéterai pas ce que j'ai dit, M.
le Président, sauf que je suis d'emblée avec le président,
en vous disant: Oui, merci pour la présentation d'un mémoire fort
bien travaillé, particulièrement au niveau du rôle de la
Commission d'accès à l'information. Vous avez grandement retenu
mon attention sur ces points-là, ainsi que sur les autres points, bien
sûr. Je puis vous assurer, M. Boucher, Mme Beaulieu et M. Bédard,
que les représentations que vous nous avez faites cet après-midi
seront bien sûr prises en considération très
sérieusement. Peut-être mon collègue de Saint-Hyacinthe, M.
le Président, avec votre permission.
Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député
de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Votre mémoire, comparativement à
d'autres mémoires qu'on a entendus dans votre secteur d'activité,
je pense qu'il réagit très bien par rapport au projet de loi 68,
principalement aux pages 2 et 3 où, au niveau des commentaires
généraux, vous dites que oui, il y a des mécanismes
actuels et tout ça, mais que vous êtes prêts à vous
ajuster, advenant des modifications à la loi. Le code de
déontologie, vous en avez un tel quel; il y a des mécanismes de
recours tels quels. C'est juste de voir, nous, avec le projet de loi, s'il y a
des interrogations, c'est-à-dire que, si une première
étape est faite chez vous, est-ce que les gens peuvent aller à
une deuxième étape, au niveau de la Commission d'accès
à l'information? Je pense que vous n'y voyez pas d'inconvénient,
je pense que vous êtes ouverts au projet de loi tel quel. Je pense
qu'à ce niveau-là, on ne
peut que vous remercier et... M. Boucher: Merci. M. Messier:
...vous dire qu'on souscrit.
M. Boucher: Merci infiniment. Le Conseil est prêt, à
100 %, à collaborer. D'ailleurs, le rôle du Conseil est la
protection du public, c'est notre mandat. Alors...
Le Président (M. Doyon): Ça découle. Oui, un
petit commentaire, non? Non, ça fait le tour. Oui, M. le ministre.
M. Cannon: Oui. Sachant très bien que Mme Plamondon, qui
siège à votre conseil, elle, quitte, je veux la saluer, parce que
je pense qu'au niveau de la défense de la protection c'est une personne
qui mérite toute notre appréciation, et vous avez une bonne
recrue dans votre groupe.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Beaulieu: Elle nous a inspirés.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Je vois
que vous avez retrouvé la voix pour faire un peu de politique.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste à vous
remercier et à... Ha, ha, ha! Merci beaucoup.
Nous sommes prêts, maintenant, à recevoir le Regroupement
des cabinets de courtage d'assurance du Québec. Je ne sais pas s'ils
sont ici. Alors, nous allons... Si l'Association sécurité
informatique est prête, nous pouvons peut-être les recevoir. Mme
McNicoll, M. de Savoye et... Je vous invite donc à prendre place.
Je souhaite la bienvenue aux gens de l'Association
sécurité informatique de la région de Québec. Je
les remercie d'accepter de devancer un peu leur présentation.
J'espère que ça ne vous crée pas de problèmes. En
tout cas, c'est apprécié de notre côté. Je vous
souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous indique que... Vous avez vu
comment on procédait. On va procéder un peu de la même
façon, et si vous voulez bien vous présenter pour les fins du
Journal des débats, nous sommes tout oreille.
Association sécurité informatique de la
région de Québec (ASIRQ)
M. de Savoye (Pierre): Merci, M. le Président.
L'Association de sécurité informatique est
représentée devant vous, cet après-midi, par Mme Micheline
McNicoll, qui est la coordonnatrice de notre Comité des enjeux sociaux.
Nous avons aussi M. Jean-Claude Beaudin, qui est membre de ce comité et
M. Claude Francoeur, à mon extrême gauche, également membre
de ce comité.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue. (17 h 30)
M. de Savoye: Je suis moi-même le président de
l'Association et mon nom est Pierre de Savoye. M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, l'Association de
sécurité informatique de la région de Québec vous
remercie pour l'occasion qu'on nous donne d'apporter notre contribution
à cette consultation sur le projet de loi 68. Permettez-nous d'abord de
situer pour vous l'association que nous représentons, dans son
rôle et dans ses objets.
La sécurité des systèmes d'information et sa
gestion sont des questions primordiales pour une société moderne.
Elles concernent les utilisateurs des systèmes d'information, les
responsables du bon fonctionnement de ces systèmes et de la bonne garde
de ces informations, les individus touchés par ces systèmes, le
grand public, les gouvernements et les entreprises privées. Toutefois,
cette sécurité est souvent méconnue, mal appliquée,
voire ignorée par les personnes impliquées. Il importe donc que
soit disponible et accessible une expertise afin de favoriser la mise en place
et l'application de ces mesures de sécurité.
À cet effet, l'Association de sécurité informatique
de la région de Québec, incorporée en 1983, s'est
donnée pour mission de promouvoir la sécurité informatique
auprès de la société québécoise.
L'Association compte maintenant plus de 130 membres, dont les deux tiers
appartiennent au secteur public, les autres oeuvrant dans le secteur
privé. Ces personnes sont, pour une bonne part, des professionnels de la
sécurité informatique. Depuis ses débuts, l'Association
organise diverses activités pour le bénéfice de ses
membres et du public intéressé: conférences mensuelles,
séminaires, colloque annuel et la publication bimestrielle de «Mot
de passe», dont la circulation de près de 800 exemplaires rejoint
les lecteurs dans toute la province et au-delà. De plus, depuis deux
ans, et avec la collaboration active et précieuse des
départements d'informatique des cégeps de la région de
Québec, l'Association stimule à la source l'enseignement de la
sécurité informatique, grâce à un programme de
bourses d'études.
Vous comprenez donc qu'il est dans l'ordre des choses que l'Association
s'avance et propose à la commission de la culture, par ce
mémoire, sa contribution au projet de loi 68. Ce projet de loi comporte
de nombreux aspects, tous d'une grande importance, nous le reconnaissons.
Toutefois, dans ce mémoire, nous ne traiterons que des aspects qui
touchent aux domaines de compétence de l'Association, non pas que
ceux-ci jouissent d'une plus grande importance, mais simplement parce que
l'étude des autres aspects relève d'une expertise
différente de la nôtre.
Permettez-nous de débuter par quelques commentaires sur les
articles 9 et 10 du projet de loi 68. Tout d'abord, attardons-nous au plan
technologique et humain, en nous référant à l'article 9,
qui se lit: «9. Toute personne qui exploite une entreprise et recueille,
détient, utilise ou communique des renseignements personnels sur autrui
doit prendre et appliquer des mesures de sécurité propres
à assurer le caractère confidentiel des
renseignements.»
L'Association veut tout d'abord attirer votre attention sur le fait que
la très grande diversité des installations, des systèmes
ainsi que des activités utilisés dans l'entreprise privée
pose un défi quant à la définition de ce que peuvent
être des mesures propres à assurer la sécurité
physique et la sécurité logique des informations détenues
dans une entreprise informatisée.
À titre d'exemple, mentionnons que l'environnement technologique
varie, à la fois selon le type d'activité et selon la taille de
l'entreprise. Même dans un environnement de même type, que ce soit
le type «maxi», «micro», «réseau
local» ou le «client-serveur», les besoins de chacun exigent
des mesures de sécurité informatique différentes. Qui plus
est, le développement des mesures de sécurité informatique
n'a pas atteint le même niveau de maturité dans ces divers types
d'environnement.
Une autre variable est la structure juridique de l'entreprise. Dans un
même secteur d'activité, que ce soit celui de l'alimentation ou
des services financiers, on retrouve des différences qui ont des
conséquences directes sur la conception même des systèmes
d'information. Ainsi, une banque et ses succursales peuvent ne former qu'un
tout. Il n'y aura qu'une seule déclaration fiscale pour toute la grande
famille. Il va donc de soi que les bases de données, leur gestion et
leur utilisation, dont le partage des renseignements détenus, seront
conçues dans cette optique. Il n'en sera toutefois pas de même
pour un autre type d'institution financière ou pour une chaîne
d'alimentation, où chacun des franchisés est une entité
juridique distincte.
Conséquemment, notre première remarque serait à
l'effet qu'il faut aborder cette question avec souplesse, ce qui
n'empêche pas l'application de communs dénominateurs à
l'ensemble des entreprises. Ainsi, aux fins de la protection des renseignements
personnels, il serait essentiel que chaque entreprise visée à
l'article 9 de ce projet de loi établisse un programme de
sécurité où l'on retrouverait obligatoirement le souci de
quelques communs dénominateurs que nous regroupons en trois grands
volets: le volet «contrôle de l'accessibilité des ressources
informationnelles»; le volet «responsabilisation des utilisateurs
et des utilisatrices des ressources informationnelles»; et le volet
«gestion de la mise en place et de l'application des mesures».
Dans le cadre du volet «contrôle de l'acces- sibilité
des ressources informationnelles», voici quelques éléments
qui devraient être tenus en compte: locaux protégés contre
l'intrusion (verrouillés ou gardiennage); équipement accessible
aux seuls utilisateurs (localisation dans des aires à circulation
restreinte); écrans visibles par les utilisateurs concernés
seulement; postes de travail utilisables par leurs utilisateurs seulement (au
moyen d'identifiants et de mots de passe seulement); données
stockées magnétiquement, accessibles aux seuls utilisateurs (par
exemple, chiffrement des données sur leur support magnétique).
Parlant de supports magnétiques, que ceux-ci soient
sécuritairement entreposés (au besoin, sous clef);
imprimés accessibles au seul personnel désigné;
contrôle de la maintenance par des gens de l'extérieur ou par des
gens sur place, au moyen de clauses de confidentialité ou de
l'effacement préalable du disque.
Dans le cadre de la «responsabilisation des utilisateurs des
ressources informationnelles», mentionnons l'usage d'un moyen
d'identification et d'authentification; l'autorisation des utilisateurs (par
des privilèges spécifiques d'utilisation des
«fonctionnalités» qui leur sont requises);
imputabilité, également, des utilisateurs (au moyen d'une
journalisation des accès et des usages); classement des imprimés
à contenu nominatif; et, finalement, destruction des imprimés
périmés à contenu nominatif.
Dans le troisième et dernier volet, la «gestion de la mise
en place et de l'application des mesures», nous parlons de la description
des responsabilités; de la sensibilisation et de la formation
spécifique des utilisateurs et des utilisatrices; de procédures
spécifiques pour ces personnes; et, bien sûr, du suivi de
l'application des mesures de sécurité par la direction.
Que de mesures! Évidemment, on le conçoit aisément,
ces mesures ne seront d'aucune portée réelle, donc, d'aucune
efficacité, si elles ne sont pas précédées et, par
la suite, constamment accompagnées d'un programme continu de
sensibilisation et de formation à la sécurité de
l'information. Car, voyez-vous, la sécurité, ça commence
par l'humain. C'est en ayant cette préoccupation à l'esprit que
notre Association vous demande d'ajouter, à l'article 9, un paragraphe,
qui serait un peu l'équivalent de l'article 71, et qui édicterait
que l'entreprise doit instaurer à l'intention de son personnel un
programme de formation continue et de sensibilisation aux questions relatives
à la sécurité de l'information. Ce programme de
sensibilisation et de formation devrait s'adresser autant aux nouveaux
employés qu'à ceux et celles qui comptent des années de
service. L'expérience nous démontre que la banalisation d'une
tâche, l'exécution routinière d'une procédure ont
tendance à faire perdre de vue l'importance des mesures de
sécurité, qu'il devient dès lors essentiel de rappeler.
(17 h 40)
Nous désirons maintenant vous entretenir
des consultations et des communications, et ce, dans le cadre de
l'article 10, qui dit «Toute personne qui exploite une entreprise et
détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements
personnels sur autrui doit noter les consultations de dossiers par des tiers et
les communications à des tiers de renseignements qui sont contenus dans
ces dossiers.» Cette action de noter les consultations de dossiers par
des tiers, que ce soit des employés de l'entreprise ou des
employés d'un organisme public, et les communications à des tiers
de renseignements personnels se traduit mécaniquement par une technique
communément appelée la «journalisation». Il serait
illusoire de penser que les entreprises pourront «journaliser» tous
les échanges de renseignements personnels qu'elles font. En effet, la
«journalisation» peut entraîner des coûts importants
que plusieurs entreprises ne pourront absorber. Bien que la
«journalisation» soit un bon moyen de vérification a
posteriori, elle ne permet aucunement de détecter la plupart des cas
d'utilisation non autorisée. La majorité des contraventions
identifiées jusqu'à ce jour l'ont été à la
suite de plaintes et non pas par l'analyse d'un journal. La
«journalisation» ne se voit donc justifiée que pour quelques
types d'échanges et non pas pour l'ensemble des communications. C'est
pourquoi notre Association vous suggère d'inscrire, dans le texte du
projet de loi, le contexte de la «journalisation» et des autres
mesures à mettre en place pour prévenir d'éventuelles
contraventions.
En matière d'enregistrement, les communications à des
tiers de renseignements qui sont contenus dans les dossiers devraient
être inscrites dans un registre, conformément aux règles
qui seraient établies par la Commission d'accès à
l'information. Le registre devrait comprendre notamment: la nature ou le type
de renseignements communiqués; les personnes ou entreprises qui
reçoivent cette communication; l'usage projeté de ces
renseignements; les raisons justifiant cette communication; et les supports sur
lesquels les communications sont effectuées. Les communications
nécessaires à l'exercice d'un mandat confié par une
entreprise à une autre personne ou entreprise feraient exception
à cette règle.
En matière de «journalisation», tous les accès
ou consultations au dossier en «mode interactif» - le «mode
interactif», c'est ce mode que vous utilisez lorsque vous allez au
guichet automatique, où vous parlez à l'appareil et l'appareil
vous répond - donc, tous ces accès en «mode
interactif» devraient être «journalisés», comme
ils le sont, d'ailleurs, au guichet, quelle que soit la plate-forme sur
laquelle ils sont emmagasinés. Avec la «journalisation» des
accès, on peut dépister les tentatives d'accès non
autorisées et repérer assez facilement qui a consulté un
dossier; quel dossier a été consulté; par quel type
d'accès, est-ce qu'on l'a créé ou strictement
consulté; est-ce qu'on l'a modifié; et quand cette consulation
a-t-elle eu lieu?
Finalement, en matière de signature d'un protocole d'entente,
mentionnons que tout mandat confié par une entreprise à une autre
personne ou entreprise nécessitant la communication de renseignements
personnels devrait faire l'objet d'un protocole d'entente écrit entre
les deux parties. Ce protocole devrait indiquer les dispositions prévues
par le présent projet de loi ainsi que les mesures à prendre pour
que les renseignements communiqués ne soient utilisés que dans
l'exercice dudit mandat. Le protocole devrait également stipuler que les
renseignements obtenus soient retournés ou détruits lorsque le
mandat aura été complété ou annulé.
Nous aimerions maintenant vous entretenir des défis posés
à la Commission d'accès à l'information dans ce contexte.
Les articles 76 et suivants de ce projet de loi autorisent la Commission
d'accès à l'information à faire enquête ou à
charger une personne de faire enquête sur toute matière relative
à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les
pratiques d'une personne qui exploite une entreprise ou recueille,
détient, utilise ou communique à des tiers de tels
renseignements. Tout en reconnaissant que la Commission d'accès dispose
déjà d'une expertise certaine en matière de contrôle
des systèmes d'information, de par sa compétence sur les
organismes publics, nous désirons quand même vous souligner que,
malgré la diversité des activités, des environnements
technologiques, des processus administratifs du secteur public, ce n'est rien
à côté de ce qui l'attend dans le secteur privé.
Juste à titre d'exemple, mentionnons que, dans certains
ministères, malgré une forte normalisation des
procédés, les dossiers ne sont pas traités de la
même façon, d'une unité administrative à l'autre.
Lorsqu'on aborde le secteur privé, il faut en plus ajouter à
cette réalité le fait que c'est le patron qui donne son style de
gestion à l'entreprise, et cela, même au sein de la grande
entreprise.
Finalement, l'Association insiste donc sur le défi qui attend la
Commission d'accès à l'information lorsque celle-ci voudra, dans
son rôle de surveillance, percer le secret des entreprises. À
cette fin, nous croyons nécessaire que soit élaborée une
solide normalisation préalable des dénominateurs communs auxquels
nous faisions référence plus tôt, et ceci, en vue de
simplifier l'audit de leur mise en place et de leur application. Il faudrait
aussi, bien sûr, que la Commission d'accès dispose en nombre
suffisant du personnel qualifié pour effectuer cet audit dans le secteur
privé.
En conclusion, voilà les principaux points sur lesquels nous
voulions attirer votre attention, M. le Président, M. le ministre, Mmes
et MM. les députés. L'ASIRQ ne saurait trop insister sur le fait
que la véritable sécurité commence par l'humain, qu'il
soit utilisateur ou responsable des
systèmes. La sécurité des renseignements personnels
nous concerne toutes et tous. C'est une précieuse matière
première pour les entreprises qui l'exploitent, mais elle est avant tout
une composante du patrimoine de la personne concernée. À ce
titre, elle a droit à la plus grande protection qui soit.
Ces quelques commentaires, ces quelques suggestions se veulent une
contribution à l'atteinte de cet objectif. L'ASIRQ sait qu'elle
n'effleure ici que la pointe de l'iceberg, mais explorer l'iceberg est beaucoup
plus exigeant. Les aspects techniques de l'informatique ont une telle
importance que nous croyons que le législateur serait bien avisé
de s'adjoindre des spécialistes de la question. C'est pourquoi nous
demeurons respectueusement à votre disposition. M. le Président,
merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. de Savoye. Votre offre
est bien notée. M. le ministre.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. M. de Savoye, Mme
Micheline McNicoll, que l'on connaît très bien dans le secteur, M.
Francoeur et M. Beaudin, merci de votre présentation qui. avouons-le, va
au coeur, au niveau de l'informatique, va dans le détail très,
très, très précis. Je suis convaincu que les commentaires
que vous êtes venus nous formuler ce soir sont de nature, bien sûr,
à nous intéresser, mais, lorsqu'on arrivera à regarder des
formes d'application, au niveau de la réglementation, puisque je
présume que nous devrons songer à apporter des règlements,
à accrocher ça à la Commission d'accès à
l'information, alors, tout ce que vous nous dites sera pris en
considération. Merci de votre intervention.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Pointe-aux-Trembles? Pas de question? Alors, il me reste aussi, au nom de la
Commission, à vous remercier. Ça a été une
présentation fort intéressante et qui est la bienvenue. Les
inquiétudes que vous manifestez ont sûrement leur raison
d'être dans l'expérience quotidienne qui est la vôtre. Je
vous indiquerai que je n'ai pas les mêmes inquiétudes que vous,
compte tenu des difficultés que j'ai d'avoir accès à mon
courrier électronique. Alors, ça me paraît... Je vous envie
un peu de vous inquiéter de ces choses-là. Mon courrier
électronique me paraît complètement à l'abri de tout
le monde, y compris de moi-même! Ha, ha, ha! C'est des choses qui
m'échappent. Alors, merci beaucoup, M. de Savoye. Merci beaucoup.
Alors, le moment est venu d'entendre le Regroupement des cabinets de
courtage d'assurance du Québec. Je les invite à s'avancer et je
leur indique que nous avons interverti un peu l'ordre. Ce n'est pas de leur
faute, nous avons tout simplement pensé que la différence ne
serait pas forte. Vous voyez, il est 17 h 50, finalement, on n'a pas de retard
sur l'horaire indiqué.
Alors, je souhaite la bienvenue à MM. Pierre Young, Jean-Marie
Derome et André Bois. Je les invite, après s'être
présentés, pour les fins de la transcription de nos
débats, à bien vouloir nous faire leur présentation.
Après ça, nous verrons s'il y a lieu de demander des explications
ou des renseignements supplémentaires. Alors, dès maintenant,
vous avez la parole. (17 h 50)
Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec (RCCAQ)
M. Young (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre,
Mmes et MM. les députés. Je suis Pierre Young, le
président actuel du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec. J'ai, à ma droite, notre directeur général,
M. Jean-Marie Derome et, à ma gauche, notre aviseur légal, Me
André Bois.
Le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec
est un syndicat professionnel qui rassemble des petits et moyens cabinets de
courtage d'assurance en vue de défendre leurs intérêts
économiques. L'adhésion au Regroupement est purement volontaire.
Le Regroupement compte 777 cabinets membres, répartis dans toutes les
régions de la province de Québec. À titre d'exemple, notre
président de l'an dernier, M. Gabriel Bastien, est issu d'un cabinet
établi à Lorrainville dans le Témiscamingue. Plus de 2500
courtiers exercent leur profession au sein des 777 cabinets membres du
Regroupement.
Vous vous demandez sûrement pourquoi un syndicat professionnel
voué uniquement à la défense des intérêts
économiques de ses membres demande au législateur d'être
entendu non seulement pour exprimer son appui au principe d'un projet de loi
porteur de contraintes, mais également pour demander le renforcement de
certaines de ses dispositions. Voici ce qui nous motive.
Pour que le jeu de la concurrence soit équitable dans le domaine
de la distribution des produits financiers, il faut que tous les
opérateurs économiques soient soumis à des exigences
équivalentes. Or, dans le domaine de la distribution des produits
financiers, seulement les courtiers et les agents d'assurance sont soumis
à une réglementation. Cette réglementation est certes bien
sommaire, mais elle est là. Nous appuyons donc ce projet de loi dont le
grand mérite consiste à protéger un droit fondamental au
moyen d'une mesure générale applicable, sans distinction,
à tous les opérateurs économiques. Bien sûr, cette
nouveauté législative entraînera des difficultés
d'application qui ne sont pas toutes prévisibles. Cela pourrait
être un sujet
légitime d'angoisse pour les entreprises si la loi ne
prévoyait pas un processus d'examen des difficultés d'application
de la loi dans un délai de cinq ans.
Nous avons, par ailleurs, observé que certains regroupements
d'entreprises ont manifesté un accueil plutôt froid aux mesures du
projet de loi. Nous en sommes étonnés, surtout de la part de
certaines institutions financières. En effet, ces institutions
financières ont obtenu des législateurs fédéraux et
provinciaux l'autorisation de diversifier leurs activités afin,
disaient-elles, de mieux se positionner dans un marché mondialisé
qui exige une certaine symétrie de la réglementation nationale.
Les législateurs ont acquiescé à leur demande et
augmenté leurs pouvoirs. Or, à une symétrie de la
réglementation de pouvoir doit correspondre également une
symétrie de devoir. En d'autres mots, si les institutions
financières canadiennes réclament des pouvoirs équivalents
à ceux des institutions financières étrangères,
elles doivent alors accepter également certaines des contraintes
primordiales auxquelles sont soumises ces institutions financières
à l'étranger.
Les États européens ont conclu, en 1981, une convention
pour la protection des personnes à l'égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel. Cette
convention a été ratifiée par les États
européens les plus importants, entre autres l'Allemagne, la France et le
Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a adopté, en 1984, son «Privacy
Act» et la France a adopté, en 1978, sa loi dite
«informatique et liberté». Nous croyons savoir que les
principales législations européennes ont institué un
organisme de surveillance qui a une juridiction complète sur tous les
organismes privés.
Nous comprenons également de ces législations que les
organismes de surveillance bénéficient de beaucoup plus de
pouvoirs que ceux que vous vous apprêtez à accorder à la
Commission d'accès à l'information. Notre étonnement
devant la réaction très neutre au projet de loi est d'autant plus
grand que plusieurs entreprises québécoises qui oeuvrent en
Europe ne pourraient transférer, par exemple, des renseignements
personnels sur leurs employés, de la succursale européenne vers
leur siège social québécois, tout simplement parce que ce
dernier n'est pas régi par une législation protectrice de la vie
privée.
Enfin, certaines entreprises semblent s'émouvoir parce que le
projet de loi augmenterait leurs coûts d'exploitation en raison d'un
accroissement des formulaires. Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous
pensons plutôt que l'entreprise privée prendra prétexte de
la nouvelle loi pour tisser des liens plus intimes avec sa clientèle,
et, surtout, pour transformer l'application de la nouvelle loi en une
astucieuse opération de marketing, genre «votre intimité
nous tient à coeur».
Ceci dit, je demanderais à notre aviseur légal, Me
André Bois, qui connaît bien nos besoins et nos
préoccupations, puisqu'il nous conseille depuis bientôt 15 ans, de
bien vouloir vous présenter les aspects techniques de notre
mémoire.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Bois (André): Oui. Alors, un bref survol des
observations et des suggestions contenues dans le mémoire. Comme vous
avez pu l'observer, il y a seulement quelques articles qui ont
été abordés ou traités. Il y avait d'abord
l'article 1, où le projet de loi réfère uniquement au Code
civil, et où nous proposons au législateur de
référer également à l'article 5 de la charte
québécoise qui est protectrice de la vie privée. Ce qui
nous amène à faire cette suggestion-là, c'est ceci.
D'abord, c'est pour éviter toute polémique entre plaideurs de la
vie privée sur la question de savoir s'il peut y avoir des dommages
moraux ou pas qui sont réclamables lorsqu'il y a une atteinte à
la vie privée. C'est peut-être clair pour vous, mais entre avocats
chercheurs de querelles ou chercheurs de longs procès, il vaut mieux, je
pense, éclaircir ce qui a à être éclairci.
L'autre raison pour laquelle nous vous proposons d'y
référer, et je sais qu'après les derniers mois douloureux
de bataille constitutionnelle, on ne veut pas en entendre parler, c'est que je
pense que ça serait une affirmation constitutionnelle additionnelle de
la juridiction des provinces en matière de protection de la vie
privée. Vous n'ignorez sans doute pas que le fédéral
allait examiner, en décembre dernier, une réglementation de la
vie privée applicable aux institutions financières - non
seulement les banques, mais les sociétés de fiducie, les
compagnies d'assurances et toutes leurs filiales. Vous savez que, en vertu de
la loi sur les banques et des différentes lois financières, ces
filiales-là, ça peut inclure un courtier en immeubles régi
par des lois provinciales. Alors, je pense que ce petit exercice de se
référer à l'article 5 a plus qu'une valeur symbolique,
mais une valeur affirmative de la compétence provinciale dans le domaine
de la protection de la vie privée.
Nous passons maintenant à la page 6 de notre mémoire, qui
traite des articles 4 et 5, la fameuse règle de l'énoncé
des objets. Ce que, bien respectueusement, nous reprochons au projet de loi sur
la règle de l'objet, c'est de ne pas être assez précis.
À l'article 4, on dit que celui qui constitue un dossier doit
énoncer l'objet au dossier, et à l'article 5, on dit que, quand
on cueille des renseignements, il faut que les renseignements soient pertinents
à l'objet. Bon. Alors, la seule façon, ou la meilleure
façon, pour une entreprise, de déjouer la règle de
l'objet, c'est d'inscrire un objet le plus vague, le plus large possible, de
sorte que tout sera pertinent. L'exemple qu'on en donne, c'est ceci. Si je
vais
voir une banque pour un emprunt hypothécaire, la banque pourrait
inscrire, à l'ouverture du dossier, la mention suivante «Objet:
services financiers». Alors, «services financiers», comme
vous le savez, dans le monde économique, ça inclut tout ce qui
n'est pas tangible. Donc, les activités bancaires proprement dites, les
activités d'assurance - donc, questionnaires médicaux -les
activités de fiducie - les compagnies de fiducie - et ainsi de suite.
Alors, notre proposition là-dessus, c'était de modifier l'article
4, en prévoyant que l'objet en question ne doit pas être
étranger à l'activité principale de l'entreprise.
Ça permet ainsi d'avoir une règle de droit qui est
précise. Pourquoi précise? Parce qu'on sait que, dans le monde
moderne, la plupart des entreprises sont détentrices de certificats ou
de licences qui précisent leur objet. Vous ne pouvez pas construire,
maintenant, une petite maison sans avoir un permis, si vous êtes
constructeur, de la Régie des entreprises. Vous ne pouvez pas être
assureur si vous n'avez pas un permis d'assureur, et ainsi de suite. Alors, de
la sorte, il serait possible pour le commissaire ou la Commission
d'accès à l'information de vraiment vérifier si la
règle de la finalité est accomplie. Laisser la règle de
l'objet aussi large, c'est laisser aux entreprises pleine faculté,
pleine discrétion pour déterminer elles-mêmes ce qui est
pertinent ou ce qui ne l'est pas. (18 heures)
Nous proposions également, comme modification additionnelle
à l'article 5, d'ajouter, après les mots «pertinents
à l'objet du dossier», ceci: «et qui ne sont pas excessifs
par rapport aux finalités pour lesquelles ils sont recueillis».
Vous direz que c'est une coquetterie de légiste; ce n'est pas le cas.
C'est, encore une fois, pour bien renforcer dans la loi la règle de la
pertinence. Et, si vous voulez savoir d'où je tire cette suggestion,
c'est que c'est une copie carbone de ce que vous retrouvez à l'article
5c de !a convention européenne. Alors, semble-t-il qu'on s'est largement
inspiré - il n'y a pas de faute à cela, il faut commencer quelque
part - de ces textes-là. Je pense qu'on pourrait s'en inspirer jusqu'au
bout.
On passe maintenant à l'article 7 qui régit l'obligation
de divulgation de la personne qui constitue le dossier. Nous avons
proposé d'ajouter à l'article 7 un alinéa additionnel,
qu'on lit en haut de la page 11, qui imposerait à la personne qui
constitue le dossier de dénoncer le caractère obligatoire ou
facultatif des réponses. Dans un contexte de prestation de services
financiers, et surtout en matière de prêts ou d'opérations
de crédit, la personne qui est demanderesse de crédit est
située dans un état d'inégalité avec l'institution
financière. Je pense qu'il est important que l'institution
financière dénonce ce qui est obligatoire de ce qui ne l'est pas.
Alors, la modification viserait précisément à renseigner
la personne sur la partie fantaisiste des réclamations et la partie qui
ne l'est pas.
Nous avons proposé également, et c'est dans la même
foulée que la première proposition qui est faite à
l'article 4, de biffer ou de supprimer le dernier alinéa de l'article 7
où l'on dit que les exigences du premier alinéa ne s'appliquent
pas lorsqu'il s'agit de renseignements normalement recueillis dans de telles
circonstances. Le problème que j'y vois ici, c'est que le test de la
normalité dépend strictement du prestataire de services. Le
prestataire de services va vous dire: Eh bien, c'est normal, ça se fait
toujours comme ça. Alors, il n'y a pas un consommateur qui est capable
de réfuter ça; un. Deux, ça serait établir une
règle de droit dont le contenu serait déterminé
exclusivement par les grandes associations qui regroupent les institutions
financières. Je vais vous donner un exemple. L'Association des banquiers
canadiens établit les formulaires suggérés à ses
membres; alors, même si les formulaires contiennent des demandes de
renseignements excessifs, comme c'est normal dans l'industrie bancaire, le
commissaire à l'information sera obligé de s'en remettre à
cette normalité-là. Alors, dans le droit des contrats, on appelle
ça des clauses purement potestatives, en ce sens que toute la
faculté de déterminer la normalité est laissée
à une partie.
Nous avons également suggéré, aux pages 13 et 14,
de renforcer la règle concernant le transfert des renseignements des
tiers. Ici, je veux dissiper ou nous voulons dissiper certaines
ambiguïtés. Quand on lit les journaux ou qu'on entend, dans les
branches, parler de cette notion de tiers, il semble y avoir une grande panique
devant cette commission sur cette notion-là. Alors, il faudrait la
dissiper tout de suite. Par exemple, entre la Sun Life et son agent, les deux
ne sont pas des tiers. Il faut lire le Code civil pour savoir qu'entre un
mandant et un mandataire, on n'a pas une relation de tiers. Alors, ce vent de
panique qui soufflait sur les obstacles à la transmission d'informations
entre l'agent et son principal, à notre point de vue, ne se pose
pas.
Mais là où on a une modification importante à
suggérer, à l'article 12, c'est de changer le mot
«incompatibles» par le mot «différentes». Si
vous regardez l'article 12, on dit que «Nul ne peut communiquer à
un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il
détient sur autrui ni les utiliser à des fins incompatibles avec
celles de l'objet de la constitution du dossier...» Là aussi... Je
vous parlais tout à l'heure d'arguties de plaideurs. Il faut lire les
manuels. Vous savez qu'en droit on a des dictionnaires où sont
compilés les mots tels qu'interprétés par les tribunaux.
Vous vous amuserez à regarder «incompatible», qui ne peut
pas être associé avec, qui ne peut pas être apparenté
avec. Le test de la compatibilité est tellement large, dans certains
domaines, que le caractère contraignant de l'article 12 risquerait
d'être
purement théorique si on regardait le test de la
compatibilité, et c'est pourquoi nous avons suggéré
plutôt une épithète différente, qui serait
plutôt «à des fins différentes». Le mot
«différent» est plus fort que «compatible», et
l'esprit du texte serait conservé.
Juste en passant - et ce n'est pas inscrit dans le mémoire -
pourquoi sommes-nous si tatillons sur ça? C'est qu'en matière de
protection du secret ou de la vie privée, c'est un peu comme
échapper des plumes au vent. Une fois qu'on les perd, on ne peut pas
toutes les recueillir. Et je pense qu'une législation efficace, c'est
celle qui protège la maîtrise du sujet sur les renseignements
sensibles au moment où, un, il les transfère, et au moment
où celui à qui il les a transférés s'apprête,
à son tour, à les transférer. La notion de maîtrise
de l'information est très importante ici. Vous aurez beau avoir tous les
recours que vous voudrez en dommages, une fois que le secret est parti, c'est
fini. On a vu ça avec certaines conversations
téléphoniques malencontreusement écoutées. Alors,
de là la nécessité, donc, de renforcer l'article 12.
À l'article 13, nous avons proposé d'ajouter en ce qui
concerne la formule de consentement... On dit: «doit être
constaté par un écrit». Nous vous proposons d'ajouter
à l'article 13: «un écrit distinct de tout écrit
servant à constater le contrat ou la proposition de contrat». Et
ça, cette proposition-là, elle est faite à la page 14, en
bas de la page. Pourquoi? Vous savez que les formules de consentement au
transfert d'informations sont souvent enterrées dans des formulaires
très opaques. Par exemple, en assurance-vie, vous pouvez avoir, en bas
de la proposition, les quelques petites lignes qui permettent de
transférer tout votre dossier médical au Medical Information
Bureau, aux États-Unis ou à Toronto, et ça, c'est compris
dans la proposition. Alors, je pense qu'il faut alerter le consommateur, et la
seule façon de l'alerter, c'est de faire en sorte que l'écrit
qu'on lui fait signer de transférer l'information soit bien distinct.
Ça, ici, on n'invente rien, vous avez la même formule dans le
droit des assurances lorsque le contrat est différent de la
proposition.
À la page 18, maintenant, nous avons proposé une
modification du texte de l'article 15. À la dernière ligne... On
voit, à la dernière ligne, qu'on assujettit la peine de la
nullité du contrat à la règle de la pertinence de
réalisation de l'objet du contrat. Et nous vous avons proposé de
préciser la règle de la pertinence à la formation du
contrat et à la réalisation de l'objet du contrat. J'ai toujours
compris, dans le droit des contrats, qu'avant qu'on réalise son objet,
encore faut-il que le contrat soit formé. L'extraction ou l'extorsion de
renseignements privés se fait généralement à la
phase précontractuelle. Alors, la règle de la pertinence devrait
d'abord s'appliquer à la phase de la formation du contrat et
également à la phase de la réalisation de son objet. Tous
ces concepts-là, me semble-t-il, se trouvent dans le merveilleux Code
civil que vous venez de voter, où on a rafraîchi le texte; c'est
des concepts qu'on retrouve dans le Code civil, ça, des concepts de
formation, de réalisation d'objet de contrat. (18 h 10)
Page 19, maintenant, le fameux article 20, l'article le plus sensible de
la loi. Sensible parce que porteur, dans sa version actuelle, d'une permission
sournoise d'intrusion dans la vie privée. À l'article 20, on
permet à une personne qui exploite une entreprise sans le consentement
des personnes concernées de communiquer à un tiers une liste
nominative. Ce qu'on dit là-dedans, c'est: Vous pouvez communiquer une
liste nominative pour des fins de prospection ou des fins philanthropiques.
Ça, ce que ça veut dire, c'est que vous ne transmettez que des
noms et des adresses. Alors, je m'appelle la compagnie, disons, Scotia Life -
elle n'existe peut-être pas encore mais on va la créer, ils ont le
droit de la créer - j'ai une liste nominative et j'extrais de la liste
tous les gens qui ont été surtarifés pour diabète
et qui sont de bons acheteurs de médicaments diabétiques. Je
donne à Johnson & Johnson une liste de noms, où il n'y a pas
de renseignements médicaux, mais d'où j'ai extrait uniquement les
noms de gens qui seraient sensibles à un marketing ciblé. Je
pense que l'article 20 ne ferait pas obstacle à cette pratique-là
et il devrait être renforcé pour prohiber à l'entreprise de
choisir sa liste sur la base de certains renseignements. Et ça, encore
une fois, ce modèle-là, vous allez le retrouver dans un projet de
réglementation fédéral, pas le projet de décembre,
mais un projet qui a été déposé pendant l'hiver de
1992, pour éviter le «target marketing». Je vous
suggère fortement de l'ajouter à l'article 20, sinon l'article 20
ne veut plus absolument rien dire; 20 est une permission d'envoyer, par
exemple, à tous les gens qui ont 65 ans ou qui vont avoir 65 ans, une
sollicitation bien ciblée sur l'achat d'un beau petit condominium au
«hâvre-de-la-brume-qui-lève-où-ils-seront-très-heureux».
Bon.
Les dernières suggestions, vous les retrouvez à la page
22; elles concernent les dispositions modificatives. Nous avons observé
que le projet de loi n'abroge pas les pouvoirs de réglementation
donnés au gouvernement en matière de protection de la vie
privée dans la Loi sur les caisses, la Loi sur les assurances, la loi
sur les compagnies de fiducie. Autrement dit, il y a tout un secteur où
il pourrait y avoir une réglementation qui ne relève pas ou qui
n'est pas faite sous l'empire de la présente loi. Nous pensons que, dans
un sujet d'intérêt général comme la vie
privée, il n'est pas sage de laisser subsister des
réglementations sectorielles. En Grande-Bretagne, avec le «Privacy
Act», toutes les entreprises, quelle que soit leur vocation, sont
réglementées par la même loi. Et je vous
prie de me croire que le «Data Registrar», en
Grande-Bretagne, a des pouvoirs autrement plus forts et plus
discrétionnaires que le pauvre commissaire à l'accès
à l'information, et qu'en France la Commission nationale - du nom
pompeux «de l'informatique et des libertés» - a
également des pouvoirs très larges sur toute espèce
d'entreprise.
Je pense et nous soumettons qu'on devrait abroger les articles que nous
avons énumérés dans notre mémoire, qui habilitent
le gouvernement à adopter des règles traitant de la
confidentialité au sein des institutions financières pour
permettre une législation plus cohérente. Et l'autre raison pour
laquelle nous proposons ceci, c'est que vous savez que les ressources
financières de l'Inspecteur général ne proviennent pas du
fonds consolidé du revenu. Enfin, c'est une façon de parler;
c'est qu'il cotise, l'Inspecteur générai, les institutions
financières, et j'ai vu, dans certains mémoires d'institutions
financières, elles qui contribuent à l'Inspecteur
général et qui versent leur obole à l'Inspecteur
général, elles voudraient bien que l'inspection se fasse avec
leur argent. Je n'irai pas plus loin - il y a des innuendo dans mon propos -
mais je pense que vous comprenez tous ce que je veux dire. Ceci n'empêche
pas, évidemment, le commissaire à l'accès à
l'information, quand des problèmes particuliers se posent, de consulter
l'Inspecteur général des institutions financières et de
consulter le ministre du Travail, parce que, soit dit en passant, le document
du ministère de la Justice fédéral sur les flux
transfrontières de données, publié en 1991, a des
statistiques très intéressantes sur les flux
transfrontières de données. De mémoire, 55 % des cas de
déplacement d'information n'ont pas trait à la prestation de
services, mais ont trait à la gestion du personnel. Alors, le
problème de la vie privée, ce n'est pas un problème
d'institutions financières, c'est un problème de patrons et
employés. En passant, également là-dedans, les
institutions financières en ont, des employés, et à cette
ère où la maladie professionnelle est un sujet de contentieux
énorme, les employeurs ont des dossiers très sensibles sur les
employés, et la loi sur l'accès à l'information, la loi
que vous étudiez présentement, est une loi d'intérêt
public pour eux également; et, à ce que sache, je n'ai pas
entendu les syndicats demander que ce soit le ministre du Travail qui s'occupe
de cette loi-là, tout comme je n'ai pas entendu les entreprises venir
parler d'autodétermination ou d'autorégle-mentation. Ça,
c'est un grand rêve; ça veut dire: Nous sommes plus vertueux que
tout le reste de la population. Comme la vertu est inégalement
répartie, c'est-à-dire qu'elle se trouve chez nous, nous n'avons
pas besoin de loi. Alors, abrogation de ces dispositions-là.
Un dernier propos. Nous avons observé - et ce n'est pas contenu
dans le mémoire - à l'article 28, que cet article-là
accorde à une personne le privilège ou la faculté d'exiger
la source de tout renseignement qui est la cause d'un refus de prestation de
services. Mais ce privilège-là, on le restreint uniquement aux
cas de relations d'emploi et aux cas de contrats de consommation. Bon. Alors,
on sait que les contrats de consommation, ça n'inclut pas les contrats
d'assurances, et ça n'inclut pas non plus les relations entre le
banquier et son client. Il est malheureux, soit dit en passant, que le nouveau
Code civil, contrairement à l'avant-projet, n'ait pas défini
cette notion-là, mais enfin, je pense que vous savez tous que le contrat
d'assurance n'est pas inclus dans le contrat de consommation. Alors, si on veut
être cohérent, si on abroge ce qu'on vous demande d'abroger et
qu'on verse complètement dans cette loi-là le secteur des
institutions financières, bien, il faudrait que l'article 28, en
matière de divulgation des sources de refus, s'applique également
aux contrats d'assurances.
Au cas où une certaine industrie se plaindrait de la rigueur de
la mesure, je voudrais uniquement vous souligner ceci: Aux États-Unis,
il y a une association qui, traduite en français, veut dire
l'Association des surintendants d'assurance - la National Association of
Insurance Commissioners - qui a adopté un code modèle de
confidentialité, lequel a été incorporé dans la
législation de plusieurs États importants, comme l'Illinois, la
Californie, le Connecticut, ou la Virginie. Vous savez qu'on a une
législation encore sectorielle, aux États-Unis, et dans ces
États-là, les assureurs peuvent être contraints de
divulguer au client pourquoi on lui refuse l'assurance, et de lui dire, par
exemple: Bien, écoutez, on a refusé votre proposition parce que
l'enquête d'Équifax, disons, a révélé que
vous êtes alcoolique. Et la personne d'apprendre, finalement, que c'est
son homonyme qui est alcoolique. Et ça, c'est des situations
vécues: j'ai un père qui était dans l'assurance-vie et
j'ai déjà vu ça, une chose comme celle-là. On peut,
quand on peut forcer la divulgation des sources, redresser des problèmes
comme ceux-là.
Alors, voilà, bien brièvement, l'essence des modifications
qui sont demandées et requises par le Regroupement.
Le Président (M. Doyon): Merci. Ça dépasse
le temps que nous accordons normalement, mais, compte tenu de
l'intérêt de votre propos, je vous ai laissé aller et
j'imagine que le ministre ainsi que ses conseillers juridiques feront bon usage
de vos suggestions. Je pense que la transcription qui est assurée de nos
débats fera en sorte que rien de ce que vous avez donné comme
information à cette commission ne tombera dans l'oubli. Alors, M. le
ministre. (18 h 20)
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais aussi,
à mon tour, remercier les gens du Regroupement des cabinets de courtage
d'assu-
ranee du Québec de leur présentation.
Particulièrement à la fin, là, ça devenait
technique, bien sûr, au niveau juridique, mais, avec les
expériences dont vous nous avez fait part et les exemples, je pense que
c'est très bien, d'abord, pour la compréhension de ceux qui vous
écoutent mais aussi dans la formulation de la législation
à venir. Alors, merci beaucoup, ça a été bien
intéressant.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, il me reste, au nom
de la commission, à vous transmettre nos remerciements les plus
sincères. Comme je le disais, l'absence de questions n'indique pas un
manque d'intérêt de notre part; c'est tout simplement que vous
avez fait le tour du sujet et c'est pour ne rien répéter. On a
beau dire «bis repetita placent» mais, parfois, c'est redondant
inutilement et ça prend un temps qui n'est pas nécessaire. Alors,
merci beaucoup, et bon retour.
M. le ministre, quelques remarques finales? Compte tenu que la
commission a terminé ses travaux, à toutes fins pratiques, il
vous reste maintenant à nous faire part de quelques remarques finales si
vous en avez.
Remarques finales M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Oui, en effet, M. le Président. J'ai quelques
remarques finales.
M. le Président, chers collègues, mesdames et messieurs,
les auditions publiques de la commission chargée de procéder
à une consultation générale sur le projet de loi 68 sont
maintenant terminées. Depuis le 23 février dernier nous avons
entendu une quarantaine de groupes venus nous présenter leur
mémoire et répondre aux questions des membres de cette
commission.
Permettez-moi, M. le Président, en premier lieu, de remercier les
représentants de tous ces groupes qui ont eu l'amabilité de
participer aux travaux de la commission et de faire partager leurs
réflexions aux parlementaires présents. Les différents
avis émis ainsi que les recommandations dont nous ont fait part ces
intervenants contribueront, sans aucun doute, à enrichir le projet de
loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale au mois
de décembre dernier.
De prime abord, je crois primordial de rappeler que la volonté
des parlementaires est sans équivoque: Nous voulons faire adopter le
projet de loi 68 d'ici la fin de la prochaine session sans y apporter de
changements significatifs quant à son fond. Tous les intervenants qui
sont venus nous rencontrer ont reconnu le bien-fondé d'une telle loi.
Voilà la convergence que je recherchais à la fin de la commission
parlementaire de novembre 1991.
Je veux, d'autre part, réitérer mon inten- tion de revoir
le dernier alinéa de l'article 1 du projet de loi afin de
répondre aux représentations faites par la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec.
Comme je le mentionnais dans mon allocution d'ouverture de cette commission, il
n'est pas dans mon intention de restreindre la liberté de presse. La
démarche d'adoption de ce projet de loi entre maintenant dans son
étape finale. Plusieurs points feront l'objet d'un réexamen
détaillé et j'introduirai certains amendements afin de le
bonifier et de répondre en partie aux représentations qui nous
ont été faites. Il faut bien garder à l'esprit l'objectif
que veut atteindre le législateur avec cette loi: donner au citoyen la
maîtrise des informations qui le concernent et lui fournir un recours
législatif dans un esprit de justice et de non-partisanerie.
Voilà mon intention, et voilà je crois, M. le Président,
notre intention comme parlementaires.
Je vous rappelle que les flux transfrontières des données
personnelles ne font pas l'objet de mesures spécifiques dans le projet
de loi 68. Plusieurs groupes ont souligné cette absence. Les avis
juridiques en matière constitutionnelle nous confirment qu'une loi
provinciale visant la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé ne doit pas réglementer le commerce extraprovincial de ces
mêmes renseignements, sous peine d'empiétement sur la
compétence exclusive du fédéral en matière de
réglementation des échanges et du commerce. Une province ne peut
réglementer le commerce interprovincial ou international. Le traitement
spécifique, par le projet de loi 68, du commerce des transmissions
extra-territoriales de renseignements personnels apparaît, par
conséquent, à éviter. Nous réévaluerons donc
notre position sur cette question, à la lumière des avis et des
recommandations soumis à notre attention lors des auditions. La
protection et la sécurité des données personnelles des
Québécois et des Québécoises à
l'extérieur des limites territoriales du Québec me
préoccupent tout autant que lorsque ces données sont
détenues ici même, dans notre province.
Par ailleurs, notre volonté d'harmoniser les principes contenus
dans le projet de loi avec ceux des autres législations comparables
ailleurs dans le monde, avec les lignes directrices de l'OCDE et avec les
directives européennes, nous amène à nous
préoccuper particulièrement de cette question. Des amendements
pourront, dans la mesure du possible, être apportés de
façon à resserrer la communication de ces données à
l'extérieur du Québec.
Un deuxième point a fait l'objet de beaucoup de commentaires lors
des auditions, soit la collecte des renseignements. Plusieurs groupes ont
mentionné que les règles régissant la collecte des
renseignements personnels, édictées à la section II du
projet de loi, ne leur semblaient pas refléter suffisamment bien la
réalité qu'ils
ont à vivre. À ce sujet, des groupes de locataires ont
déposé devant les membres de la commission des formulaires
préparés par les associations de propriétaires pour la
collecte de renseignements personnels dont la nécessité est pour
le moins douteuse. Ces règles feront l'objet d'un examen attentif.
À mon avis, si vous savez précisément qui a recueilli des
renseignements sur vous et à quelles fins, vous êtes encore plus
en mesure, lorsque cela s'avérera nécessaire, de contrôler
l'utilisation et la communication de ces informations. De ce fait, le
consentement que vous donnerez ultérieurement pour la communication de
renseignements vous concernant sera plus éclairé.
En ce qui a trait justement à la question de consentement,
plusieurs représentants d'entreprises nous ont fait part de la
difficulté d'appliquer les règles du consentement telles que
libellées aux articles 12 et suivants du projet de loi. La question des
agences de voyages, que plusieurs se sont empressés de nous expliquer, a
été un exemple éclairant à cet égard. Les
règles de consentement écrit, notamment si elles devaient
s'appliquer indistinctement à toute communication de renseignements
personnels, pourraient alourdir excessivement le fonctionnement de ces
entreprises. Ces règles seront donc réévaluées en
tenant compte des avis émis par ces groupes.
Eu égard à l'application édictée à
l'article 103 du projet de loi, qui oblige un agent de renseignements
personnels à informer chaque personne concernée par un dossier
qu'il détient de l'existence de ce dossier, et ce, dans l'année
qui suivra l'adoption de l'article, notre proposition sera aussi
réévaluée. Lors des auditions, plusieurs groupes nous ont
fait part de leurs objections quant aux coûts que pourrait engendrer une
telle disposition, et des difficultés à l'appliquer. Plusieurs
solutions nous ont donc été proposées et nous les
examinerons attentivement. Nous sommes convaincus qu'il sera possible de mettre
en application et de respecter cet article sans engendrer des coûts
exorbitants.
Le problème du chevauchement des règles de protection des
renseignements personnels a été soulevé par plusieurs
groupes lors de ces auditions. Les représentants des corporations
professionnelles et ceux des institutions financières et des assurances
ont tour à tour souligné leur inquiétude face à ce
problème. Ces groupes sont déjà assujettis à des
lois et à des codes relativement à la protection de la vie
privée. Je vous assure que, dans un souci de cohérence, nous
réexaminerons cette question avec toute l'attention qu'elle
mérite et nous apporterons, si nécessaire, des
aménagements au projet de loi.
De nombreux groupes nous ont aussi fait part de leur interrogation quant
aux pouvoirs dévolus à la Commission d'accès: pouvoir
d'élaboration de codes de conduite, pouvoir de surveillance, pouvoir
d'adjudication. La Commission, je vous le rappelle, est l'organisme
désigné par le projet de loi 68 pour principalement surveiller
l'application de la loi et entendre les mésententes résultant de
son application. Cette question sera aussi réexaminée et des
clarifications pourront donc être apportées. Je
réitère cependant ma volonté de confier à la
Commission les principales responsabilités relevant de la loi à
adopter et de lui attribuer les ressources suffisantes pour les assumer d'une
façon adéquate. Dans le but d'être conséquent avec
la volonté gouvernementale de mieux contrôler ses dépenses,
il nous apparaissait illogique de songer à créer un nouvel
organisme de réglementation; nous trouvions beaucoup plus
intéressant de profiter de l'expertise de la commission dans ce
domaine.
Voilà donc, M. le Président, les principales questions
relatives au projet de loi 68 qui feront l'objet d'un réexamen.
J'aimerais rappeler que je n'ai pas l'intention de toucher à la
substance du projet de loi. Les propos que j'ai entendus pendant ces deux
semaines d'audition m'ont confirmé la valeur du projet que j'ai
déposé à l'Assemblée nationale. Les changements qui
seront apportés seront surtout d'ordre technique et ils viseront
à faciliter l'application de la loi dans les différents secteurs
et à faire en sorte que le droit à la vie privée soit
encore mieux respecté.
Lorsque cette étape de réexamen sera franchie, le projet
sera soumis à la commission parlementaire dans le but d'en faire
l'étude article par article. C'est avec plaisir que je retrouverai alors
mes collègues de la commission de la culture dont,
particulièrement, le représentant de l'Opposition officielle avec
qui, je dois dire, M. le Président, j'ai développé, je
pense, et aussi avec les autres membres de la commission, une complicité
franchement non partisane qui fait en sorte que je crois que le travail que
nous allons pouvoir accomplir ensemble, tout le monde, va
bénéficier très largement non seulement aux individus que
nous représentons, mais également à la
société de façon générale.
Alors, j'aimerais, M. le Président, en terminant, vous
réitérer mon intention de procéder, avant la fin de la
session, à l'adoption du projet de loi, tout en vous remerciant de votre
bienveillante attention durant toutes ces délibérations. Merci.
(18 h 30)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, quand on voit la
démocratie québécoise en action, on ne peut jamais faire
autrement que d'être fier, et c'est encore une fois un exercice de
démocratie qui s'est pratiqué ici, à la commission: des
dizaines de groupes sont venus se faire entendre, ont répondu à
nos questions et ont analysé le projet de loi point par point, ce qui
est la meilleure
façon de l'améliorer.
Je voudrais ajouter que ce projet de loi concerne un sujet particulier.
Je pense qu'il n'y a pas une façon particulière à un parti
politique ou l'autre de voir la protection nécessaire de la
confidentialité dans le secteur privé. C'est là un projet
de loi qui touche à notre projet de société comme tel et
je veux dire au ministre, à cet égard, qu'il pourra compter, tout
au long de la route, sur la collaboration active de l'Opposition officielle, et
ce, contre vents et marées. Je pense qu'il est essentiel que cette loi
soit adoptée et je félicite le ministre d'être ferme sur le
fond, souple quant à la manière. Ce qui compte, ce sont les
objectifs de la loi que beaucoup de groupes qui sont venus ici partagent.
Certains autres groupes partagent l'objectif, mais à la condition que
ça ne les touche pas eux, mais ça, ce n'est pas grave. Ce qui est
un débat de société, c'est comment protéger la
confidentialité des renseignements dans le privé maintenant que
c'est mieux assuré par une loi dans le public? D'autre part, de donner
l'accès aux citoyens aux documents les concernant. Donc, je pense
qu'à cet égard le travail qui s'est fait ici est non partisan et
va le demeurer. Et je peux garantir encore une fois au ministre qu'en autant
que les objectifs de la loi sont respectés - et il s'y est engagé
- sur les moyens, il y a toujours possibilité de s'entendre, mais il va
nous trouver à ses côtés pour donner comme parlementaires,
indépendamment de notre parti, de meilleures protections aux
Québécois. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Pointe-aux-Trembles.
Il me reste, comme président de la commission, l'agréable
tâche de remercier et le ministre et les collègues,
particulièrement le député de Pointe-aux-Trembles et les
autres collègues qui ont participé de façon assidue
à ces travaux. Je pense que, pour chacun d'entre nous, ça a
été un exercice fort enrichissant. Nous en avons sûrement
retiré beaucoup et, finalement, je pense que la façon dont cette
commission s'est déroulée peut servir de modèle à
bien d'autres. Ça s'est fait dans la bonne entente, ça s'est fait
d'une façon constructive et sans aucune arrière-pensée.
Alors, pour moi, ça a été un plaisir du début
à la fin que de présider cette commission.
Je veux aussi ajouter mes remerciements à ceux du ministre et du
député de Pointe-aux-Trembles à tous les organismes et les
personnes qui ont pris la peine de venir nous rencontrer et qui ont fait
précéder cette rencontre d'un travail assidu, qui, très
souvent, a été assez long et a demandé des recherches et
beaucoup de travail. Donc, nous leur en savons gré; c'est comme
ça que, finalement, on réussit à mettre au monde des
projets de loi qui vont dans le sens de l'intérêt commun. Alors,
merci à tout le monde.
Mémoires déposés
Avant d'ajourner les travaux, il me reste à déposer
quelques mémoires qui sont parvenus au Secrétariat des
commissions. Il s'agit du mémoire 32M, qui nous est parvenu de la part
de Canada Trust, qui ne sont pas venus ici nous le présenter. Il y a un
autre rapport, 12M, le Projet Genèse, ainsi que 41 M, qui est le rapport
dont nous avons eu un résumé de la part de M. Raymond Doray.
Alors, les travaux de cette commission sont ajournés sine
die.
(Fin de la séance à 18 h 35)