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(Dix heures trois minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux. Nous avons une journée assez remplie, donc nous
allons commencer dès maintenant.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); Mme Cardinal
(Châteauguay) est remplacé par Mme Pelchat (Vachon); M.
Charbonneau (Saint-Jean) est remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M.
Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Lafrenière
(Gatineau).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, nous
continuons nos travaux, comme je le disais, et nous allons le faire en recevant
dès maintenant le Regroupement des comités logement et
associations de locataires du Québec et Information-ressources Femmes et
logement. Je les invite dès maintenant à bien vouloir
s'approcher. Je vous signale que les micros vont s'allumer automatiquement,
vous n'avez pas à vous en occuper quand vous avez la parole.
Je vous souhaite donc la plus cordiale des bienvenues. Je vous indique
que nos règles sont les suivantes. Vous disposez de 15 à 20
minutes pour nous faire part de vos représentations, en faisant un
résumé de votre mémoire ou en en faisant la lecture, comme
il vous plaira. Ensuite, les parlementaires disposent d'un partage de temps
égal entre eux pour s'entretenir avec vous et demander certaines
explications, certains éclaircissements, si la chose est
nécessaire.
Si vous voulez bien vous présenter pour les fins de transcription
de nos débats. Vous aurez, dès que vous l'aurez fait, le loisir
de commencer votre présentation. Vous avez la parole.
Regroupement des comités logement et
associations de locataires du Québec
(RCLALQ)
et Information-ressources
Femmes et logement (IRFL)
Mme Côté (Nathalie): Alors, bonjour. Je vous
présente ma collègue, Marlène Dallaire,
d'information-ressources Femmes et logement, qui est un organisme provincial de
promotion et de défense des droits des femmes locataires. Moi, c'est
Nathalie Côté, du Regroupement des comités logement et
associations de locataires du Québec, qui regroupe environ une douzaine
de comités logement et d'associations de locataires au
Québec.
Alors, nous sommes...
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Côté: Pardon?
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Côté: Merci. Nous sommes heureuses de participer
à cette consultation, puisque c'est la première fois que nous
avons l'occasion de nous prononcer publiquement sur cette question. Nous
travaillons quotidiennement sur divers aspects du logement, et une des
questions qui nous préoccupent beaucoup est celle de la cueillette des
renseignements personnels lors de la recherche d'un logement. Donc, dans un
premier temps, nous tenterons de démontrer à quel point il y a
des renseignements personnels qui circulent, dans le secteur du logement, qui
sont recueillis et quels en sont les effets sur la population locataire. Dans
un deuxième temps, Marlène Dallaire présentera notre point
de vue, notre évaluation du projet de loi 68.
La location d'un logement est un service aux caractéristiques
singulières, si on le compare à d'autres services de vente ou de
location de biens. En effet, dans la location d'un logement, la relation
d'affaires est souvent détournée au profit d'une relation plus
personnelle, et ce, à cause du caractère très privé
accolé aux services que les propriétaires offrent.
Lors de la recherche d'un logement, les aspirants locataires sont
souvent contraints à fournir au propriétaire plusieurs
informations personnelles, et cela même avant la conclusion du bail. De
plus en plus de propriétaires demandent des renseignements personnels
et, pour avoir la chance d'obtenir le logement, les aspirants et les aspirantes
locataires n'ont pas d'autre choix que de fournir les renseignements
demandés. La cueillette des renseignements personnels s'effectue par le
biais de formulaires appelés formulaires d'offre de location. Les
propriétaires peuvent également demander ces renseignements de
vive voix ou bien référer à des tiers: organismes
spécialisés, propriétaires précédents ou
bureaux de crédit.
Nous allons vous remettre deux exemplaires de formulaires d'offre de
location. Le premier est celui du Groupe Proprio, utilisé par 1800
propriétaires au Québec, et le second est utilisé par la
SHDM, qui est la Société d'habitation et de développement
de Montréal, qui possède 5350 logements à Montréal.
Les formulaires sont ici, on...
Le Président (M. Doyon): Oui, on va en prendre
connaissance, merci.
Mme Côté: Donc, en 1992, 2250 ménages ont
rempli les formulaires de la SHDM que vous allez avoir entre les mains
bientôt. La SHDM est un organisme paramunicipal, donc il n'est pas
évident que la loi 68 pourra s'appliquer à cet
organisme-là, ni la loi actuelle, la loi 64.
Une voix: La loi d'accès.
Mme Côté: La loi d'accès, oui, à
l'information. Alors, vous avez les formulaires entre les mains?
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Côté: On va jeter un bref coup d'oeil sur les
informations qu'on demande dans le formulaire du Groupe Proprio. Alors, bon, on
demande des renseignements, là, communs, l'adresse du logement, tout
ça, ce qui est normal. Dans la section informations, on demande le
numéro d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale,
l'état civil, le numéro de permis de conduire, cartes de
crédit. On demande aussi à l'éventuel locataire d'indiquer
où il habite actuellement. Alors, on demande des informations:
l'adresse, depuis combien de temps, le montant du loyer, où il habitait
avant et pour qui il travaille. On demande le genre d'emploi, depuis combien de
temps, le numéro de téléphone, le salaire, votre banque,
votre compte de chèques, votre compte d'épargne, enfin une foule
d'informations qui n'ont aucun rapport avec la location d'un logement. On
demande deux références obligatoires parmi votre famille, alors
encore le nom, l'adresse, et, si le bail est signé avec un conjoint, un
ami ou un endosseur, on demande encore les renseignements: numéro
d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale, numéro de
comptes de banque, salaire, genre d'emploi, numéro de
téléphone, etc. Et, en plus, on demande un dépôt,
ici, qui varie, j'imagine, selon le logement, et qui n'engage à rien, en
fait, qui n'engage pas du tout le locataire. C'est un formulaire qui est
strictement demandé lors de la visite du logement. (10 h 10)
Alors, le second formulaire, de la SHDM, demande des informations
similaires. Par contre, ici, on demande des informations plus précises
sur le sexe, les liens de parenté des colocataires ou des conjoints,
l'état civil et la nationalité. Et aussi, bon, on demande les
mêmes choses: les sources de revenus, les propriétaires actuels,
les références bancaires et aussi, en cas d'urgence, les gens
à appeler.
Alors, on sait que la cueillette est simple, facile et présente
peu d'embûches, d'autant plus que les renseignements requis paraissent
souvent anodins, voire légitimes. Et, même si la cueillette se
fait à partir d'autres formulaires, autres que ceux-là, moins
complets, par exemple, le réseau d'information des propriétaires
leur permet d'ob- tenir beaucoup de renseignements sur les locataires seulement
à partir du numéro d'assurance sociale. Cette cueillette de
renseignements est utilisée à des fins précises, parfois
lourdes de conséquences pour les locataires. Alors, les
propriétaires cherchent le locataire ou la locataire idéale, avec
certaines caractéristiques, souvent définies sur la base de
préjugés. Les propriétaires se donnent ainsi le droit de
choisir leurs locataires, ce qui ouvre grande la porte à de la
discrimination.
Ainsi, la cueillette de renseignements personnels est l'un des moyens
utilisés pour séparer le bon grain de l'ivraie, en plus de servir
à constituer des listes noires de locataires. Évidemment, ces
listes noires sont confidentielles et clandestines. Les locataires n'ont aucun
contrôle sur l'utilisation des informations recueillies par les
propriétaires. En plus, les locataires qui font face à un refus
de louer le logement de la part du propriétaire ont beaucoup de
difficultés à faire valoir leurs droits.
Les personnes à qui les propriétaires demandent les
renseignements sont souvent les plus démunies, les familles
monoparentales, les jeunes, les minorités ethniques, et la cueillette de
renseignements personnels est une façon d'exercer une discrimination de
plus en plus subtile et de plus en plus fréquente.
Conséquem-ment, cela a des effets sur les conditions de logement des
locataires discriminés. Lorsque ces locataires sont victimes de
discrimination, ils et elles ont plus de difficultés à se trouver
un logement et se retrouvent souvent avec les logements dont personne ne veut,
c'est-à-dire des logements de moins bonne qualité, mal
situés, trop chers, exigus et parfois même insalubres.
En fait, quelles que soient les conditions sociales des aspirants et
aspirantes locataires, le laisser-aller dans l'utilisation de la cueillette de
renseignements personnels par les propriétaires demeure inacceptable. Vu
que le logement est une nécessité fondamentale comme le pain et
le beurre, les locataires se retrouvent dans un cul-de-sac. Ils sont plus ou
moins obligés de fournir une foule d'informations personnelles dont
l'utilisation éventuelle leur échappe. Soit qu'ils subissent en
silence les indiscrétions sur leur vie privée sans l'assurance
d'avoir le logement convoité, soit qu'ils refusent de fournir les
renseignements au risque de se voir refuser le logement. Merci.
Marlène.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Dallaire (Marlène): Je vais poursuivre sur le projet
de loi 68 comme tel. Je ne sais pas si vous avez déjà eu des
représentations, jusqu'à maintenant, sur la situation dans le
domaine du logement, dans le domaine de l'habitation. Oui? Vous ne serez pas
étonnés qu'il y a certains articles du projet de loi qui ont
particulièrement attiré notre attention, et nos critiques
portent
plus particulièrement sur les articles 5, 6 et 7, qui nous
paraissent, dans une certaine mesure, affaiblir la portée de la Loi sur
la protection des renseignements personnels, qui est à l'étude
aujourd'hui, et même, dans une certaine mesure, trahir l'esprit de la loi
elle-même, c'est-à-dire la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé.
D'abord, l'article 5, où on peut lire que la personne qui
constitue le dossier ne doit recueillir que les renseignements pertinents
à l'objet de celui-ci. Le terme «pertinents», dans un
contexte comme celui qui nous préoccupe, c'est-à-dire le secteur
de l'habitation, nous semble être un terme beaucoup trop ambigu et
très aléatoire, surtout lorsqu'on le relie à l'article 8
du projet de loi, qui donne un droit de refus, une présomption en faveur
des individus qui refuseront de donner des renseignements qu'ils jugeront non
pertinents. Ce qu'on constate, dans notre pratique, c'est que ce qu'un
propriétaire considère comme étant un renseignement
pertinent n'est pas obligatoirement pertinent pour l'objet du dossier en cause,
c'est-à-dire la location du logement comme telle. Selon nous, on ne peut
laisser une disposition aussi importante du projet de loi dans un flou comme
à l'heure actuelle. La notion de pertinence est beaucoup trop large,
beaucoup trop généreuse également, et il nous semble que
le terme «nécessaire» serait plus adéquat.
Pourquoi le terme «nécessaire»? Premièrement,
parce que c'est la notion qui est utilisée dans la loi d'accès
à l'information dans le secteur public. En l'occurrence, il y aurait une
plus grande concordance entre les deux lois, entre la loi pour le secteur
privé et la loi pour le secteur public. En plus de ça, ça
faciliterait grandement la gestion pour les entreprises et la
compréhension aussi pour les consommateurs, de façon
générale, qui n'auraient pas à se prêter à
des règles du jeu différentes, dépendamment qu'ils font
affaire avec des organisations privées ou avec des organisations
publiques.
Deuxièmement, on constate que, de remplacer le terme
«pertinents» par le terme «nécessaires»,
ça traduit beaucoup mieux l'esprit du Code civil du Québec, des
dispositions qui vont entrer en vigueur bientôt, nommément
l'article 37, où on pose comme préalable à la constitution
d'un dossier un intérêt sérieux et légitime pour le
faire. Or, on a vu, tout à l'heure, que, dans le cas des formulaires de
location, on les donne à compléter à des aspirants et des
aspirantes locataires, donc des personnes qui n'ont pas de liens de droit ni
même de liens d'affaires, à proprement parler, avec la personne
qui fait la collecte des renseignements personnels. Le formulaire de location
est un prérequis avant même qu'il y ait un intérêt,
à notre sens, un intérêt légitime pour la
constitution du dossier, dans la mesure où il n'y a pas de lien de droit
entre les deux parties, et ça ne donne aucune obligation au
propriétaire, donc au prestateur du service, de signer un bail ou de
conclure un bail, éventuellement, avec le locataire.
Nous nous rendons compte que les formulaires de location sont
utilisés à des fins discriminatoires très
fréquemment. Alors, nous considérons qu'une bonne façon
d'éliminer à la source plusieurs cas de discrimination serait
d'introduire, dans l'article 5 du projet de loi, la notion de
«donnée sensible». Je pense que vous en avez
déjà entendu parler, notamment par le Groupe de recherche
informatique et droit, et je reprendrai leur définition de
«donnée sensible» tirée du mémoire qu'il vous
ont déjà soumis.
Alors, une donnée sensible est un renseignement susceptible
d'engendrer diverses formes de discrimination condamnées par la Charte.
En l'occurrence, il faudrait interdire la collecte et l'usage de données
comportant un danger de discrimination inéquitable ou d'atteinte aux
droits et libertés fondamentales. Dans les deux formulaires de location
qu'on vous a présentés, des données sensibles, il y en a
de nombreuses, notamment sur le formulaire de la SHDM, où on demande des
informations sur la nationalité, sur l'état civil, sur les
sources de revenus, les revenus de pension, les revenus d'emploi. Ce sont tous
des motifs de discrimination qui sont clairement énoncés dans la
Charte des droits et libertés de la personne. Nous partageons donc cette
recommandation du Groupe de recherche informatique et droit concernant la
notion de donnée sensible et nous pensons que ce serait pertinent de
l'introduire aux fins de l'article 5.
Maintenant, le second article qui a attiré notre attention, c'est
l'article 6, où on nous dit que la personne qui recueille des
renseignements personnels sur autrui doit d'abord les recueillir auprès
de la personne concernée. Toutefois, elle peut recueillir ces
informations auprès d'un tiers à la condition que la collecte
soit faite sans révéler à cette personne un renseignement
dont la loi interdit la communication. (10 h 20)
Dans ce cas-ci, la condition, on la trouve assez simple à remplir
et, surtout, un peu inutile en regard du respect de la vie privée.
C'est-à-dire qu'une personne qui voudrait ne pas donner un renseignement
personnel pour ne pas, éventuellement, dans le secteur du logement,
avoir à subir de la discrimination ne serait pas du tout
protégée, ne pourrait pas savoir d'aucune façon si ce
renseignement-là ne pourrait être obtenu auprès de tiers.
On pense, par exemple, à un ménage qui a un jeune enfant. Le fait
d'avoir des enfants est un motif de discrimination très fréquent
dans le secteur de la location de logement. Eh bien, si ce ménage
voulait cacher l'existence de l'enfant, il n'aurait aucune garantie que
l'information ne serait pas recueillie auprès d'un propriétaire
précédent, ou auprès d'un membre de la famille, ou peu
importe.
Selon nous, il est indispensable de limiter
et de baliser la cueillette des renseignements auprès de tiers et
de la baliser, au moins, en fonction de deux critères. D'abord, la
nature des renseignements. Il faudrait que ce soit précisé dans
la loi que la collecte auprès de tiers ne puisse pas conduire à
de la discrimination, donc, encore là, il faudrait introduire la notion
de donnée sensible. Dans le cas de la collecte auprès de tiers,
il faudrait également la limiter aux renseignements nécessaires
à l'objet du dossier.
Ensuite, un autre article qui nous intéresse beaucoup, c'est
l'article 7 du projet de loi, qui concerne la transparence quant à
l'usage des renseignements recueillis. À l'article 7, le dernier
alinéa, vous l'avez sûrement entendu citer à plusieurs
reprises, on nous dit: «Le présent article ne s'applique pas
à la collecte de renseignements faite à l'occasion de la
fourniture d'un bien ou de la prestation d'un service si elle se limite aux
renseignements normalement recueillis dans de telles circonstances.»
Telle que libellée, cette portion de l'article 7 risque de tuer la Loi
sur la protection des renseignements personnels, parce que ça donne une
légitimité, voire même une certaine légalité
à des pratiques qui sont courantes, qui sont normales, en termes de
fréquence et d'occurence, bien qu'elles soient irréconciliables,
ces pratiques, avec la protection de la vie privée.
Les formulaires d'offre de location, on l'a vu sous ces multiples
formes, ce sont des pratiques qui sont très répandues dans le
secteur du logement locatif. Est-ce qu'on doit comprendre, alors, que tous les
propriétaires de logements locatifs tireront bénéfice de
l'exception prévue à l'article 7? Dans ce cas, l'exception
deviendra plutôt la règle et à peu près tous les
propriétaires privés du Québec pourront ne pas divulguer
les informations auxquelles ils devraient être soumis, suivant l'article
7.
En conclusion, nous nous questionnons également sur
l'efficacité des recours qui sont proposés dans le projet de loi
68, c'est-à-dire les sanctions pénales qui sont prévues
aux articles 83, 84 et 85. À long terme, les sanctions pénales
peuvent avoir un effet dissuasif auprès d'éventuels
délinquants, quoique les procédures pénales étant
longues et ardues, ce n'est pas certain qu'on puisse éventuellement
créer une jurisprudence à ce niveau-là. Nous croyons que,
pour assurer un contrôle de la loi et un respect des droits, il faudrait
davantage. Des recours civils seraient nécessaires, par exemple, des
recours en dommages et intérêts qui permettraient aux personnes
lésées d'obtenir une compensation et qui les encourageraient,
évidemment, à dénoncer les abus, c'est-à-dire les
entreprises qui ne respecteraient pas les dispositions de la loi. Sans
intérêt direct particulier pour la personne lésée,
les chances que les cas soient dénoncés auprès de la
Commission sont beaucoup plus minces. Ensuite, il nous paraît
indispensable que les ressources de la Commission d'accès à
l'information soient augmentées de façon significative pour
qu'elles puissent assumer pleinement les nouveaux pouvoirs et les nouveaux
mandats qui lui seront conférés par la Loi sur la protection des
renseignements personnels.
En résumé, nous recommandons que, à l'article 5,
nous remplacions le mot «pertinents» par le mot
«nécessaires», ensuite, à l'article 6, que la
cueillette de renseignements personnels auprès de tiers soit
limitée suivant des conditions très, très précises,
et puis, concernant l'article 7, nous recommandons que soit retiré de la
loi le dernier alinéa, qui donne des exceptions pour les entreprises
existantes. Voilà. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame.
M. le ministre.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup
pour la présentation du Regroupement et du groupe
Information-ressources. Je vous avoue que c'est la première fois qu'on
nous saisit, membres de la commission, de ces documents qui sont exigés
à l'occasion d'une application pour fins de logement. Hier soir, on a eu
l'occasion de rencontrer des gens, également, qui se portent à la
défense des locataires. Ils nous ont fait état très
largement de ce dont vous nous avez parlé ce matin.
Votre mémoire porte essentiellement, ou, enfin, en très
grande partie, sur la cueillette des renseignements et ses effets. Au
départ, je voudrais vous rassurer en vous disant que, au niveau de
l'article 5, lorsque vous parlez de modifier l'article afin qu'on puisse tenir
compte de ce qui est nécessaire, je pense que la démonstration a
été faite, et elle est très claire, et que, de ce
côté-là, nous allons resserrer cet article-là afin
de tenir compte davantage de ce qui est inclus dans la loi d'accès du
secteur public que de ce qui est inclus au niveau du Code civil.
Vous avez parlé également de la nature des renseignements
auprès des tiers, qui ne doit pas conduire à la discrimination.
Voilà une excellente suggestion. Vous savez, au niveau du
deuxième alinéa, dépendant des groupes qui viennent
témoigner devant nous, tantôt il y en a qui disent que c'est bien
trop sévère et il y en a d'autres qui nous disent: Bien, c'est
trop «laxe». Alors, de ce côté-là, on va
examiner, avec les parlementaires, la possibilité de resserrer. Et la
même chose au niveau de l'article 7, on va examiner aussi la
portée de l'article 7 dans le sens dont vous nous avez parlé.
Ma première question, à la lumière... Et je suis
tout à fait d'accord avec vous qu'il y a là-dedans des documents,
enfin des renseignements hautement sensibles, très délicats et
qui n'ont visiblement aucune espèce de bon sens quant à
une demande d'application. Vous avez parlé de la
nationalité et de la provenance des gens. Ça m'apparaH
carrément discriminatoire, et je pense que, dans ce sens-là,
j'abonde dans la même direction que vous. Le numéro
d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale, le permis de
conduire, la carte de crédit, etc., ça n'a aucune espèce
de bon sens. Donc, il va y avoir un resserrement de ce
côté-là.
Je suis davantage attiré par la petite remarque qui se retrouve
avec le document de la Société d'habitation et de
développement de Montréal, en bas. Vous savez, toujours le
«fine print», comme ils disent en anglais. Et la dernière
phrase dit ceci: Cette demande sera annulée automatiquement après
12 mois. Est-ce que, madame, vous qui oeuvrez dans ce secteur-là et qui
vous préoccupez beaucoup de la cueillette des renseignements et de ses
effets, vous avez des exemples où cette disposition-là n'a pas
été respectée et qu'effectivement on a constitué
d'autres fichiers?
Mme Dallaire: J'ai communiqué, justement, avec la SHDM
vendredi à ce sujet-là pour savoir, effectivement, ce qu'il
advenait des centaines de milliers de demandes qu'ils recevaient à
chaque année, parce que, bon, on m'a dit, l'année dernière
entre autres, qu'ils avaient une centaine de logements vacants, une centaine de
logements qui ont été offerts en location et pour lesquels ils
ont fait remplir quelque 2200 demandes. Alors, ma question était de
savoir ce qu'il advenait de tous ces dossiers qui étaient montés
sur des individus. Je n'ai pas pu savoir de quelle façon c'était
détruit ou de quelle façon c'était géré,
Tout ce que je sais, c'est que, effectivement, il y a des fichiers permanents
qui sont construits à partir de ces formulaires d'offre de location et
que l'information peut circuler de différentes façons. Il n'y a
pas de contrôle plus que ça. (10 h 30)
Ce qu'on m'a dit également, c'est que, à la SHDM, ils
avaient un fichier permanent de - je n'ai pas les chiffres sous les yeux - 1900
et quelques ménages. Ce sont des informations qui touchent souvent plus
qu'une personne puisqu'on demande des informations très précises
sur toutes les personnes qui composent le ménage. Alors, ce sont des
possibilités d'informations qui sont très, très,
très grandes et, effectivement, c'est difficile de savoir comment c'est
géré exactement.
M. Cannon: Mais c'est un organisme public... Mme Dallaire:
Paramunicipal.
M. Cannon: ...qui tombe sous la juridiction de la loi
d'accès à l'information.
Mme Dallaire: Ce n'est pas certain.
M. Cannon: Oui, oui.
Mme Dallaire: Ce n'est pas certain.
M. Cannon: Mon aviseur légal me dit que oui...
Mme Dallaire: Oui?
M. Cannon: ...Michel me dit que non et, vous, vous me dites que
ce n'est pas certain.
Mme Dallaire: Ce n'est pas certain. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Alors, on se fie à l'aviseur légal. Bon.
O.K. Mais vous n'avez pas de cas, par exemple, je ne sais pas, moi, où
l'usage de ces listes, puisqu'il s'agit d'un fichier permanent, peut servir
à d'autres fins, par exemple, que cette liste-là soit vendue
à une firme pour fins d'abonnement à des revues, qu'elle soit
vendue à une firme pour fins de prospection de cartes de crédit,
qu'elle soit, bien sûr... Parce qu'on a parlé des listes noires,
je pense qu'on a couvert cette chose-là. C'est une pratique qui
existait, et M. Péladeau et les autres nous ont largement entretenus
là-dessus depuis des années. Est-ce que vous avez des
soupçons qui ont été effectivement fondés?
Mme Dallaire: On n'a pas fait d'enquête à ce
sujet-là, sauf que, il ne faut pas se le cacher, il y a eu des
révélations récemment à ce niveau-là. M.
Bourdon, entre autres, en parlait dans le cas de sa mère. Dans le
secteur de l'habitation, c'est très clair qu'il y a
énormément de circulation d'informations, et des entreprises,
comme la SHDM, les sociétés paramunicipales, ne sont pas à
l'abri, comment dire, de personnes plus ou moins bien intentionnées qui
pourraient décider de vendre des listes comme celles qui sont
constituées à partir des formulaires d'offre de location. Mais on
n'en a pas eu à notre connaissance. De toute façon, c'est
toujours très difficile...
M. Cannon: C'est sûr, c'est sûr.
Mme Dallaire: ...de connaître la source. l'information
n'est pas enregistrée. il n'y a pas de droit d'auteur qui est
accolé aux informations qui circulent, malheureusement.
M. Cannon: Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: D'abord, je voudrais vous remercier de votre
témoignage. Les Montréalais
sont très, très massivement locataires, de telle sorte
que, poser les problèmes liés à la location d'un logement
à Montréal, c'est poser un problème qui touche plus de 70
% de la population. Maintenant, ce n'est pas simple. Parce qu'un demandeur
d'une location, c'est un peu comme un demandeur d'emploi, il ou elle vit un
rapport de force très inégal, dans ce sens que c'est bien
sûr que les employeurs, par exemple, pour une demande d'emploi,
obtiennent le consentement, entre guillemets, de la personne à lui faire
une prise de sang pour savoir si elle consomme des drogues ou d'autres choses,
parce que la personne veut l'emploi. Alors, dans ce sens-là, la loi fait
bien, je pense, de préciser cette notion-là du consentement pour
limiter, d'une certaine façon, ce à quoi on peut être
requis de consentir. Dans le fond, c'est la même chose pour un locataire.
Il veut un logement.
Les groupes qui sont venus hier, qui représentaient des gens de
différents quartiers, mais qui opèrent à partir de
Côte-des-Neiges, donc en milieu multiethnique, nous disaient que c'est
inouï le nombre de renseignements qu'on demande aux locataires. Mais je
suppose que vous devez vivre la même situation. Ils nous disaient: Ce
n'est pas simple d'obtenir une plainte, parce que la personne qui subit une
discrimination, elle continue de chercher parce qu'elle veut se loger et, une
fois qu'elle a trouvé, elle est peu ou pas intéressée
à faire une plainte contre le propriétaire qui l'a
refusée. En plus, les personnes qui ont le plus de difficultés
pour se trouver un logement et dont on abuse le plus sont, par
définition, des personnes vulnérables. Ce sont des personnes qui
ne veulent pas se singulariser, qui ne veulent pas s'afficher contre un
propriétaire pour se retrouver sur une liste noire.
Hier soir, parmi les choses qu'on nous a proposées, il y avait
l'idée d'un formulaire type de demande de renseignements. Et les
personnes nous disaient que le bail type, c'a fait ricaner pendant des
années, mais que c'est maintenant passé dans les moeurs. C'a
été un progrès dans le sens que le bail type, ça
fait qu'on signé toujours un bail où les chiffres et les
indications peuvent changer, mais qui a un modèle et qui prévoit
des droits pour les deux parties. Est-ce que c'est quelque chose qui vous
apparaîtrait approprié, d'avoir un formulaire type de demande de
renseignements?
Mme Dallaire: Le problème avec le formulaire type, c'est
qu'il est quand même laissé à la discrétion...
Même s'il était obligatoire, il pourrait facilement être
piraté. Dans le cas du bail type, par exemple, c'est très facile
d'ajouter des clauses, d'ajouter des cases. Il n'y aurait pas davantage de
garanties qu'il n'y aurait pas d'abus de cueillette d'information. Non
seulement il n'y aurait pas de garanties, mais ça donnerait une certaine
légitimité, une certaine crédibilité à la
cueillette dans la mesure où ce serait sur un formulaire officiel dont
le propriétaire aurait ajouté, à la dactylo, le type de
renseignement abusif qu'il veut demander. Alors, je ne crois pas que ce soit un
remède adéquat pour le type de problème auquel on fait
face.
M. Bourdon: Maintenant, dans le projet de loi, est-ce que vous
trouvez assez de choses qui, d'après vous, pourraient aider à
redresser la situation en faveur des locataires?
Mme Dallaire: Absolument. Nous sommes, dans l'ensemble,
satisfaites du projet de loi. Il n'y a pas d'équivalent à l'heure
actuelle, et il y a énormément, dans le secteur du logement
locatif, de zones grises au niveau des droits des locataires. Par exemple, la
Régie du logement intervient dans la relation
propriétaire-locataire seulement à partir du moment où il
y a un bail. Donc, toute la section prélocation, toute la relation qui
précède le bail comme tel, notamment avec les formulaires d'offre
de location, la Régie n'a pas de pouvoir là-dessus.
Maintenant, dans les cas de discrimination, ce qui reste aux individus,
c'est de référer à la Commission des droits de la
personne. Or, la Commission des droits de la personne a des pouvoirs
limités également aux motifs de la Charte des droits et
libertés. Et la question de la condition sociale n'est pas encore
clairement définie par la Commission. Il y a d'autres motifs de
discrimination également qui ne sont pas couverts. Donc, à
l'heure actuelle, les recours puis les possibilités de faire valoir ses
droits sont presque inexistants. En tout cas, ils sont très, très
difficiles d'accès.
M. Bourdon: Nos interlocuteurs d'hier soir nous disaient
qu'actuellement il y a une relative accalmie sur le front du logement à
Montréal parce que le taux d'inoccupation voisine au-delà de 7 %.
Mais est-ce que vous partagez leur analyse? Ce qu'ils disaient, c'est que c'est
quand même urgent d'intervenir, notamment par le projet de loi qui est
devant nous, parce que, disent-ils, c'est une situation qui est par nature
temporaire. Et, quand la rareté va se recréer, il y aura encore
des abus. Ils ne disaient pas qu'il n'y a pas actuellement d'abus, mais comme
ils disent...
Mme Dallaire: J'espère! Je serais étonnée,
d'ailleurs, qu'ils aient fait des affirmations comme celles-là.
M. Bourdon: C'est ça. Mais disons que les locataires,
globalement, sont dans une situation relativement plus favorables à
Montréal, parce que les propriétaires ont plus de
difficultés à louer leurs logements. Je ne dis pas que ça
enlève les abus. Mais, eux, ils disaient: Le petit répit qui peut
exister n'est, de toute façon, que temporaire, parce qu'on va revenir
graduellement
à une situation de rareté, puis, s'il n'y a pas eu quelque
chose comme le projet de loi qui est devant nous d'adopté entre-temps,
bien, il y a des choses qui vont revenir.
Maintenant, dans le projet de loi, est-ce que je dois comprendre que
vous êtes d'accord que, les formulaires qu'on remplit, ça finit
par donner lieu à un fichier et que la loi réglementerait aussi
ce fichier, qu'on ne pourrait pas le transmettre et y inscrire n'importe quel
renseignement sans le consentement de la personne?
Mme Dallaire: Absolument. (10 h 40)
M. Bourdon: Puis remarquez que le contrôle n'est pas
simple, mais, quand on trouverait des exemples, les personnes auraient une base
pour faire une plainte à la Commission d'accès.
Je sais que ce n'est pas facile en logement parce qu'il faut, par
définition, mettre la chose juste. Je peux vous dire que, pour la
sollicitation, j'ai un ami qui a trouvé un moyen de trouver les sources
des nombreuses sollicitations. C'est qu'il s'abonne à un magazine puis
il commet volontairement une erreur dans son nom. Puis, après ça,
toutes les épaisses sollicitations qu'il reçoit avec le nom
erroné, il connaît le magazine qui en est la source.
Mais, dans le fond, c'est que, sur un certain nombre d'années,
tous les formulaires que les gens remplissent, ça peut finir par
constituer un fichier impressionnant. Et, comme vous dites, le plus
préoccupant, ce qui a déjà été les listes
noires, c'est ce qu'on finit par mettre aussi qui déborde beaucoup de
même le questionnaire qu'on a, sur les personnes, et qu'on se met
à marquer au fer rouge pour dire à tous les propriétaires:
Ne pas louer à telle, ou telle, ou telle personne.
Mme Dallaire: Absolument. Il y a des associations de
propriétaires qui sont convaincus que, dans le secteur de l'habitation,
il y a des fraudeurs professionnels, il y aurait des locataires qui seraient
des fraudeurs professionnels. Je ne sais pas comment ils peuvent imaginer qu'on
peut faire de l'argent dans ce secteur-là, mais, en tout cas... Il y a
Crédit-Proprio, entre autres, qui invite ses membres à leur
expédier le nom, le numéro d'assurance sociale et les motifs. Ils
appellent ça le fichier des mauvais locataires. C'est très,
très clair. Sauf que, pour le locataire, à l'heure actuelle,
c'est impossible d'avoir accès au fichier qui est fait par
Crédit-Proprio et d'aller vérifier les informations.
M. Bourdon: Et on n'entend pas parler d'une organisation de
locataires qui ferait un fichier des mauvais propriétaires aussi.
Mme Dallaire: Non. Ha, ha, ha!
M. Bourdon: À cet égard-là, les deux choses
sont vraies. En tout cas, je vous remercie beaucoup de vos
représentations et soyez assurées qu'on va en tenir compte.
Mme Dallaire: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Merci, madame.
D'autres parlementaires désirent intervenir? Alors, il me reste,
au nom du ministre, au nom du député de Pointe-aux-Trembles et de
tous les membres de la commission, à vous remercier chaleureusement
d'avoir pris la peine de vous rendre ici, à Québec, et de nous
entretenir, présenter un mémoire, premièrement, et venir
l'exposer à cette commission. Je suis certain que les réflexions
que vous nous forcez à faire vont être fructueuses et nous
obligeront à en tenir compte dans le projet de loi. Alors, merci
beaucoup, et bon retour à Montréal.
Mme Dallaire: C'est nous qui vous remercions. Au revoir.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Vous permettant de
vous retirer, j'indique que la commission est maintenant prête a recevoir
l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du
Québec. Si vous voulez bien vous préparer à avancer, s'il
vous plaît.
Alors, j'invite donc M. Gaudelli, M. Savard et Mme Granger à bien
vouloir prendre place en avant, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue
à nos invités à l'Assemblée nationale et en cette
commission de la culture. Je leur indique que les mêmes règles
vont s'appliquer. Ils sont ici depuis le début, je pense. Alors, vous
avez 15, 20 minutes pour nous exposer votre point de vue en ce qui concerne le
projet de loi 68 et, après ça, la discussion va s'engager entre
vous et les parlementaires.
Alors, si vous voulez bien vous présenter pour que nous puissions
savoir qui parle et que nous puissions l'indiquer dans le Journal des
débats, et, tout de suite après, vous pourrez commencer votre
exposé. Vous avez la parole.
Association des intermédiaires en assurance de
personnes du Québec (AIAPQ)
M. Gaudelli (Giovanni): parfait. merci beaucoup. je suis giovanni
gaudelli, le président de i'aiapq, et je suis accompagné
aujourd'hui de mme lucie granger, directrice générale et
secrétaire de i'aiapq, et de m. denis savard, administrateur responsable
de notre comité de fiscalité et des affaires législatives
de i'aiapq.
Le Président (M. Doyon): Bonjour.
M. Gaudelli: Bonjour. L'Association des intermédiaires en
assurance de personnes du Québec a vu le jour à l'automne 1989,
en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché. Nous
sommes donc un organisme à adhésion obligatoire qui
régit le droit de pratique de 12 000 agents et courtiers en assurance de
personnes et de près de 1000 cabinets. Notre mission est double:
protéger le public tout en assurant le professionnalisme de nos membres.
Nous veillons donc à l'application intégrale d'un code de
déontologie très strict qui régit le comportement
professionnel de nos membres et encadre leur pratique. Du reste, en vertu de la
loi qui nous régit, notre comité de discipline peut rendre des
sanctions extrêmement sévères qui vont jusqu'à
l'exclusion.
Récemment, dans le dossier de la liquidation des
Coopérants, nous avons prouvé que nous sommes extrêmement
sérieux dans l'application de nos règlements en prenant
l'initiative d'une enquête qui a conduit à la mise en accusation
de 16 de nos membres pour des manquements graves à notre code
d'éthique. Par ailleurs, l'accès à la profession et au
titre de pratique s'accompagne d'une formation obligatoire au cours de laquelle
les aspirants apprennent le code de déontologie qui régit notre
profession. De plus, nous rappelons régulièrement, dans nos
communications internes, les règlements qui encadrent notre
pratique.
Depuis sa fondation en 1989, notre association n'a donc pas
développé une approche corporatiste, mais a plutôt pris au
sérieux son mandat de protecteur du public. C'est, selon nous, la seule
façon d'assurer la crédibilité de nos membres
auprès du grand public. Cela m'amène à vous parler du
projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le
secteur privé.
D'entrée de jeu, nous vous dirons que nous sommes d'accord avec
l'esprit du projet de loi, mais que les intermédiaires en assurance de
personnes doivent en être exclus. Pourquoi? Simplement parce que nous
sommes déjà réglementés en cette matière et
fort bien, d'ailleurs. Nous nous soumettons déjà au principe de
votre projet de loi. Ni la protection du public ni notre efficacité en
cette matière ne gagneront au sein d'une double structure de
contrôle. L'activité d'intermédiaires en assurance de
personnes est soumise à un ensemble d'obligations semblables à
celles imposées à tout corps professionnel ayant comme objectif
commun de protéger le public.
Le 1er septembre 1991, une importante réglementation,
adoptée en vertu de la Loi sur les intermédiaires de
marché, entrait en vigueur. Cette réglementation détermine
les conditions d'exercice et la déontologie applicable aux
intermédiaires en assurance de personnes. Le Conseil des assurances de
personnes adoptait alors des règles précises sur la tenue des
dossiers des clients et la protection des renseignements personnels qu'ils
contiennent. La confidentialité des renseignements personnels est donc
surveillée et sanctionnée par l'Association, conformément
à cette loi.
Le projet de loi 68 prévoit l'abrogation de l'article 25 de la
Loi sur les intermédiaires de marché. Nous comprenons que
l'intention du législateur est de s'assurer que des mécanismes
efficaces de protection des renseignements personnels soient mis en place dans
toutes les sphères d'activité du secteur privé au
Québec. Nous sommes d'avis que les règles actuellement en vigueur
dans l'industrie permettent déjà de rencontrer rigoureusement les
objectifs poursuivis par le législateur. Cependant, si des ajustements
sont nécessaires, ils doivent être apportés à la
législation existante. À ce titre, l'Association demeure
disposée à contribuer à toute amélioration au cadre
actuel. (10 h 50)
Contrairement à d'autres activités du secteur
privé, l'industrie de l'assurance de personnes a comme
particularité l'interaction de plusieurs intervenants dans la
distribution et la vente de produits et services financiers. La transmission
d'informations entre toutes les personnes appelées à intervenir
doit être permise. Si chacun des intermédiaires entre le client et
l'assureur devait être considéré comme un tiers au sens du
projet de loi, l'application des règles qu'il prévoit se verrait
complexe, voire impossible à appliquer en pratique.
Il demeure important, d'après nous, que l'information puisse
circuler librement entre les différents intermédiaires et
l'assureur impliqués dans la prestation d'un même bien ou d'un
même service. Le règlement du Conseil des assurances de personnes
prévoit déjà laquelle de ces personnes est responsable de
la tenue du dossier, selon les circonstances. Il précise
également ce qu'un intermédiaire qui cesse d'exercer doit faire
avec ses dossiers de clients.
Cela dit, nous estimons que notre association doit conserver la
juridiction exclusive de la protection des renseignements personnels et que
celle-ci doit demeurer une condition d'exercice de l'activité
d'intermédiaires en assurance de personnes. Je vous réfère
aux articles de notre code de déontologie qui concernent
particulièrement les notions de secret professionnel et de la
confidentialité. Notre code évoque aussi notre
responsabilité dans la transmission d'informations aux assureurs afin
qu'ils puissent évaluer convenablement les risques et pour éviter
les cas d'abus et de fraude dans les demandes de protection.
Pour appliquer notre réglementation et protéger le public,
nous avons un comité de surveillance qui examine la conduite de nos
membres et surveille leur pratique professionnelle. La loi lui confère
les pleins pouvoirs d'enquête pour s'acquitter de son mandat. J'ai
déjà, par ailleurs, évoqué les pouvoirs de notre
comité de discipline, qui sont de même nature que tous les
comités de discipline des autres corporations.
Sur ce sujet, vous me permettrez de souligner que notre association a
rendu obliga-
toire l'assurance professionnelle pour tous nos membres. De plus, nous
étudions présentement la possibilité d'inviter des
représentants du grand public à siéger à notre
comité de surveillance. Il est utile de rappeler que notre comité
de surveillance est l'équivalent d'un syndic chez les autres
corporations.
Il est important, chers amis, de souligner que, depuis 1989, nous
n'avons reçu aucune plainte fondée de consommateurs quant
à la divulgation ou l'usage abusif des renseignements confidentiels que
détiennent nos membres. Par ailleurs, notre association relève de
la juridiction de l'Inspecteur général des institutions
financières. Celui-ci s'assure que I'AIAPQ s'acquitte de ses devoirs. Il
ne nous paraît pas utile, pour assurer la protection du public dans le
domaine des renseignements confidentiels, que nous soyons régis par deux
instances. Cela n'est ni économique ni pratique. Cela n'apportera rien
de plus à la protection du public à cet égard.
Voilà, mesdames et messieurs, l'essentiel des remarques que nous
tenions à vous communiquer. Nous souhaitons évidemment que votre
projet de loi soit amendé pour tenir compte de notre intervention
auprès de vous, compte tenu du rôle que nous jouons
déjà dans ce domaine, l'objectif n'étant pas la structure
en soi mais le résultat. Or, tous les moyens sont en place pour que le
résultat de protection du public soit atteint. Nous favorisons, cela va
de soi, un mécanisme de collaboration entre l'Inspecteur
général des institutions financières et la Commission.
Nous pouvons vous assurer de la collaboration de I'AIAPQ dans le cadre
réglementaire actuel pour l'application intégrale de l'esprit de
votre projet de loi. Cela fait partie de notre mission. À ce sujet, je
crois que nous sommes en avance sur plusieurs autres entreprises par la nature
même de la loi qui nous a créés.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Gaudel-li.
M. Gaudelli: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Au départ, je dois vous dire que vous avez un bon code. Mais il y
a un mémoire qui nous a été présenté par le
Conseil des assurances de personnes, qui sera présenté demain, et
qui est favorable au projet de loi. Je ne veux pas devancer, là, mais,
enfin, notre lecture, c'est qu'ils sont favorables au projet de loi. Ce
Conseil, qui a été créé en 1989 par la Loi sur les
intermédiaires de marché, a pour mission principale d'assurer la
protection du public par la surveillance et le contrôle des
activités exercées par les intermédiaires de marché
en assurances de personnes et par les cabinets qui les regrou- pent. Eux sont
pour. Vous, vous êtes pour, mais en disant: Écoutez, on le fait
déjà, on n'en a véritablement pas besoin, on a quand
même une histoire derrière nous qui nous dit que vous n'avez pas
besoin, dans le fond, de nous appliquer à la loi parce qu'on a un code
de conduite.
Moi, je veux simplement vous dire, d'abord, que la loi 68, c'est une loi
plancher, c'est une loi d'application générale qui a
été présentée et sera adoptée pour assurer
une meilleure cohérence à l'intérieur de notre
comportement, dans le secteur privé, au sujet de la protection des
renseignements. D'aucune façon cette loi n'empêche l'existence des
codes. Au contraire, elle l'encourage. À l'article 86, je crois,
où on traite de chevauchements, eh bien, ça, je me suis
engagé, en commission, à date, pour éviter qu'il y ait des
difficultés au niveau de l'application, on va corriger cette
chose-là. Et la commission, bien sûr, pourra, elle, accepter le
code si ça rencontre un certain nombre de principes de base.
Mon questionnement... Ah! peut-être un dernier point, aussi, en
vous disant que le projet de loi a été soumis au Surintendant.
Parce que le processus, évidemment, avant d'arriver en Chambre avec le
dépôt d'un projet de loi et avant son approbation au Conseil des
ministres, c'est que l'ensemble de mes collègues sont
sensibilisés. Donc, ma collègue, la ministre
déléguée aux Finances, l'a soumis au Surintendant et,
effectivement, je présume que l'article 25 dont vous parlez ne fait pas
de difficultés auprès du Surintendant. Au contraire, il y aura
lieu, évidemment, d'avoir des protocoles d'entente entre la Commission
d'accès à l'information et le Surintendant.
On a eu plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer et qui ont dit:
Somme toute, écoutez, nous, on est pour le projet de loi, en principe,
cependant, on voudrait être exclus, puisque notre comportement, un peu
comme vous, ne présage, mais d'aucune façon, des
difficultés avec les dispositions du principe des renseignements. Mais,
dans bien des cas, on s'est aperçus que oui, il y avait un syndic qui
pouvait gouverner le comportement, et peut-être dans votre cas, des
intermédiaires et ceux qui jouent là-dedans, mais que l'individu,
le consommateur, pour qui, dans le fond, cette loi-là a
été construite et faite, lui, n'a peut-être pas autant de
recours.
Alors, ma question est la suivante: Le consommateur qui traite avec vous
a-t-il accès à son dossier en cas de litige? S'il a accès,
tant mieux. Est-ce qu'il peut rectifier son dossier? S'il ne peut pas rectifier
son dossier et on lui refuse accès, quel est son recours?
M. Gaudelli: On ne lui refuse pas accès.
M. Cannon: Comment? (11 heures)
M. Gaudelli: On ne lui refuse pas accès à son
dossier. Il a accès à son dossier n'importe quand; il peut
même avoir les copies de tout ce qui est dans son dossier. Ce qui affecte
son dossier médical, c'est des informations que... Beaucoup de fois,
même l'intermédiaire n:a pas ces
informations-là, parce que c'est très confidentiel.
M. Cannon: C'est transmis par code, hein, je pense?
M. Gaudelli: Oui, et c'est transmis de médecin à
médecin. Donc, l'intermédiaire ne sait même pas le contenu
de ces informations-là. Et ce que nous voulions dire aujourd'hui, ce
n'était pas juste le fait que, peut-être, à date, notre
comportement est bien, mais que nous avons le mécanisme pour que, s'il
n'était pas bien, faire quelque chose. Ce n'est pas juste de dire: Mais
on a fait nos gentils, et là ça nous exclut de la loi. Non. Comme
vous voyez...
M. Cannon: Non, c'est ce que j'ai mentionné au
début, là.
M. Gaudelli: Exactement.
M. Cannon: On ne remet pas en cause votre code. Et je pense que
vous avez indiqué qu'il n'y avait quand même pas beaucoup de
plaintes, là, qui ont été formulées au
départ.
M. Gaudelli: Et je peux vous dire aussi que toute plainte d'un
consommateur qu'on recevrait, pour quelque raison que ce soit, ce serait la
première plainte que nous regarderions. Donc, elle s'en va
automatiquement en haut de la pile de plaintes, là...
M. Cannon: Ah! il y a une pile de plaintes.
M. Gaudelli: ...que le comité de surveillance aurait. Mais
le consommateur est toujours le premier que nous regardons. Toujours, toujours,
toujours.
M. Cannon: O.K. Mais le genre de plainte pourrait être
quoi, par exemple?
M. Gaudelli: Ah! le genre de plainte que nous recevons
présentement, c'est des plaintes de remplacement, d'un client qui sent
que, peut-être, il n'a pas été bien conseillé par un
intermédiaire pour changer un produit d'une compagnie ou d'une autre.
Mais, à date, on n'a pas eu de plainte qu'il y aurait certaines
informations confidentielles qui auraient été
divulguées...
M. Cannon: Transmises ailleurs.
M. Gaudelli: ...à un tiers sans autorisation.
M. Cannon: Alors, c'est davantage des plaintes qui portent sur
l'exercice de la profession plutôt que sur un individu qui, lui, a
été lésé ou se sent lésé et qui
voudrait corriger un tort. Est-ce que c'est bien ça?
M. Gaudelli: Oui.
M. Cannon: Bon. C'est pour ça, là, que, voyez-vous,
tout à l'heure, je vous parlais d'essayer de régler cette
question de chevauchements. Je ne dis pas que ça va se produire demain
matin, mais il est possible qu'un jour ça se produise. Et le projet de
loi qui est ici, devant nous, est un projet de loi qui vise davantage la
protection du consommateur, ce qui ne veut pas dire que ce que vous faites
n'est pas bien. Au contraire, je l'encourage, je le félicite,
même. Mais ça permet une espèce de double protection:
d'abord pour les membres de votre association, vos pairs, mais aussi pour les
individus. Et, dans ce sens-là, je pense que ça ne crée
pas une difficulté outre mesure que de le voir appliqué.
Ça donne simplement recours à l'individu de se présenter
devant la Commission d'accès à l'information où lui
pourra, évidemment, présenter son cas et le faire arbitrer
à ce niveau-là, même avant une médiation, que
sais-je. C'est ça, le principe qui est en cause.
M. Gaudelli: Oui. De la façon que nous le voyons - juste
une idée - dans le cas d'appel, disons qu'une personne fait une plainte
envers nous et qu'elle n'est pas contente de la décision du
comité de discipline, qu'elle fasse appel à la Commission, je
vois un type de travail de ce genre-là fonctionner très bien.
M. Cannon: Oui, c'est ça. Parce que, dans le fond,
voyez-vous, s'il n'y en a pas, de loi d'application, là, il y a le Code
civil.
M. Gaudelli: Exactement.
M. Cannon: C'est ça. O.K. Merci.
M. Gaudelli: Bienvenue.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député.
M. Bourdon: Bien, d'abord, je voudrais vous remercier de votre
mémoire et vous dire que vous êtes à la hauteur, comme vous
l'étiez lors de la consultation, dans le sens que vous conciliez bien,
je trouve, comme association, vos fonctions économiques avec les droits
du citoyen, qui ne sont pas inconciliables mais dont il faut, je pense, tenir
compte. Puis l'article 25 de la loi qui vous régit, si on me permet, je
le trouve mieux fait que l'article 17 du projet de loi. Je changerai
peut-être d'idée après que l'aviseur
légal m'aura bien expliqué, mais, là, c'est un peu
l'ancien négociateur syndical qui parle. Votre texte est de
portée plus générale, et il me semble plus clair. J'ai
appris en négociations que, quand on prévoit des cas et qu'on
fait une liste, ce qu'on a oublié dans la liste n'y est pas, entre
autres.
Votre texte dit: «Sauf s'ils sont requis par une personne ou un
organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication, les
renseignements personnels qu'un intermédiaire de marché en
assurance recueille à l'occasion de l'exercice de ses activités
ne peuvent être divulgués». Alors, je pense aux psychologues
et aux conseillers d'orientation, hier, qui nous disaient: Si vous dites,
à l'article 17, qu'on peut le fournir à un organisme ayant
compétence, ayant le pouvoir de... Mais le projet de loi ne parle pas du
pouvoir de contraindre. Elles nous disent toutes les deux, les deux
corporations: La CSST, ça n'a pas le pouvoir de contraindre, mais il va
falloir qu'on fournisse parce que, si on ne fournit pas, eux autres, ils
peuvent embaucher quelqu'un d'autre, après, pour faire le travail. Donc,
j'aime mieux votre texte, parce qu'on parle d'une personne ou d'un organisme
ayant le pouvoir de contraindre, bon, puis vous dites, dans le fond, par
ça: Bien, si un corps policier obtient un mandat de perquisition, on va
l'exécuter. Mais vous parlez du pouvoir de contraindre. C'est une
affaire qui m'apparait claire.
Je voudrais saluer aussi l'ouverture que vous avez de ce que la loi
actuelle continue de s'appliquer. Puis, comme le ministre le souligne, comme
c'est prévu dans le Code civil et qu'il y aurait un recours
éventuel devant les tribunaux ordinaires, la Commission pourrait se
greffer en appel et se surimprimer à votre comité de discipline.
Et, dans le fond, il y aurait intérêt à le faire pour tous
les professionnels, parce que l'idée n'est pas que la Commission soit
une structure lourde, mais on voudrait qu'elle soit une structure qui sait
vraiment ce qui se passe dans tous les domaines. Et, si les lois ou les
pratiques méritent d'être changées, moi, je compte que la
Commission arrivera avec des suggestions. Mais, a priori, on est mieux de ne
pas faire table rase de ce qui existe déjà, puis dire: Ce qui
marche va continuer de marcher, puis, comme le Code civil prévoit
déjà les droits des citoyens, de dire: Bien, au lieu d'aller en
appel n'importe où, si l'intéressé n'est pas content,
bien, il fera une plainte à la Commission des droits, qui en jugera.
Puis, ça donnerait à la Commission non seulement le pouvoir de
décider - puis elle fait rapport régulièrement à
l'Assemblée nationale - mais je pense que ça lui donnerait une
vision des pratiques, de ce qui se fait. Puis, s'il y a des corrections
à faire, on pourra les faire.
Alors, je n'ai malheureusement pas de questions, pour la bonne raison
que je suis d'accord avec ce que vous dites, puis je n'ai pas de questions
parce que ça fait toujours un peu bebête de poser une question
dans le genre: Êtes-vous d'accord avec moi qui suis d'accord avec
vous?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Je suis d'accord avec vous.
M. Cannon: C'est circulaire, Michel.
Le Président (M. Doyon): Ça risque de le devenir,
en tout cas. Donc, je n'allongerai pas le débat inutilement. La seule
raison, ce serait d'avoir le plaisir de vous garder plus longtemps avec nous,
mais ça ne me parait pas valable dans les circonstances. Il me reste
à vous remercier. Et je pense que le ministre et le député
de Pointe-aux-Trembles ont été suffisamment clairs sur la
façon dont votre point de vue est reçu. Donc, merci beaucoup, et
bon retour, chacun d'entre vous, chez vous. Et soyez assurés que
ça a été - je me répète - un plaisir de vous
avoir. Merci.
Alors, on se donne cinq minutes de suspension.
(Suspension de la séance à 11 h 9)
(Reprise à 11 h 17)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît. Nous sommes un peu en avance sur notre horaire, mais nous allons
quand même poursuivre nos travaux en recevant les représentants -
il y en a un pour le moment, M. Saul-nier; l'autre arrivera peut-être un
petit peu plus tard - de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec. Donc, j'invite M. Saulnier à bien vouloir
prendre place en avant. Et je m'aperçois que M. François Bourque
est absent pour le moment, sauf qu'avec l'accord des membres de la commission,
dès qu'il arrivera, il pourra se joindre à M. Saulnier et
répondre aux questions que les membres de la commission pourront
avoir.
Alors, M. Saulnier, vous êtes au courant de notre façon de
faire. Vous êtes le bienvenu...
M. Saulnier (Alain): Merci.
Le Président (M. Doyon): ...et vous avez la parole
dès maintenant. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Nous vous
écoutons.
Fédération professionnelle des
journalistes du Québec (FPJQ)
M. Saulnier: Oui. Et, comme je sais que votre temps est
très précieux, je ne voulais pas retarder indûment...
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Saulnier: ...cette réunion. Alors, peut-être pour
ceux qui ne sont pas au courant de ce qu'est la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, tout simplement, en
résumant, il y a actuellement 1168 membres enregistrés - de ce
matin - à la Fédération professionnelle des journalistes
du Québec, regroupant au-delà de 150 entreprises dans l'ensemble
du Québec.
Alors, l'objet de notre mémoire, c'est qu'il nous apparaît,
à nous de la Fédération, qu'il y a une certaine
ambiguïté dans un des éléments de la loi, et c'est
à ce niveau-là qu'on voudrait faire porter notre intervention. Je
pense que le projet de loi, tel que le législateur a voulu
l'écrire, n'avait pas comme objectif déclaré de constituer
une entrave au travail des journalistes ou à la liberté de
presse. Mais, en voulant réglementer les entreprises en
général, ce qu'on peut identifier, c'est que le projet de loi en
arrive à frapper par la bande, comme on dit, le travail journalistique
en imposant des mécanismes de contrôle de l'information qui nous
apparaissent, à nous, inacceptables.
Je voudrais attirer votre attention. C'est que, déjà, dans
l'article 1 de la loi, on précise que le projet de loi s'applique
à toute personne qui exploite une entreprise au sens de l'article 1525
du Code civil, qui énonce: «Constitue l'exploitation d'une
entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité
économique organisée, qu'elle soit ou non à
caractère commercial, consistant dans la production ou la
réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou
dans la prestation de services.» Et, déjà, l'article 88 du
même projet de loi étend cette définition à
«une association ou une société qui détient des
renseignements personnels sur ses membres ou sur des tiers».
En d'autres mots, selon les avis juridiques que nous avons obtenus, tout
journaliste, qu'il soit salarié ou pigiste, tombe dans le champ
d'application du projet de loi. C'est l'interprétation de nos experts,
que nous avons consultés, notamment de la firme Lafleur Brown, à
Montréal, dont Marc-André Blanchard était un des avocats
consultés. (11 h 20)
Alors, dans son esprit et sa lettre, le projet de loi 68 vise à
ce que la collecte, la conservation, l'utilisation et la communication des
renseignements personnels soient strictement encadrées. En ce sens,
tenter d'appliquer ces règles aux journalistes reviendrait à nier
ce qu'est le journalisme et, par le fait même, à brimer la
liberté de presse.
L'article 5 prévoit que «la personne qui constitue un
dossier ne doit recueillir que des renseignements pertinents à l'objet
du dossier». Or, le journaliste qui commence une recherche sur un sujet
ne sait pas nécessairement ce qu'il va trouver. Il va à la
pêche, parfois au lac
Delage, parfois au lac à l'Épaule, et les informations
glanées ici et là peuvent le mettre sur des pistes aussi
intéressantes qu'insoupçonnées au point de départ.
Un journaliste accumule toujours beaucoup plus d'information que
nécessaire pour arriver à obtenir celle qu'il jugera d'un
réel intérêt public. Il est souvent impossible de
définir à l'avance les éléments d'information qui
peuvent être pertinents. Dans ce sens-là, l'article 5 serait
absolument inacceptable pour nous et inapplicable.
Le deuxième alinéa qui stipule que «ces
renseignements doivent être recueillis par des moyens licites»,
ça aussi, ça pose problème, parce que ça peut
être à la fois redondant et dangereux. Redondant en ce sens que
nul n'est censé violer la loi, et, à notre avis, les journalistes
ne sont pas au-dessus des règles de la loi. Dangereux parce que cet
alinéa peut servir à empêcher la diffusion d'informations
d'intérêt public obtenues de façon licite par un
journaliste, mais dont la source première serait un acte illicite.
Évidemment, la célèbre affaire Wilhelmy-Tremblay, lors du
référendum, est un exemple éloquent dans ce
sens-là. Mais remontons ailleurs, si vous le voulez bien. L'affaire du
Watergate n'aurait jamais eu lieu si on avait mis en application ce type de
règlement aux États-Unis.
L'article 7 oblige la personne qui collecte l'information à
informer la personne visée de l'objet du dossier et de son droit de le
consulter. À notre avis, le dernier alinéa de cet article
n'exempterait pas les journalistes du journal Le Devoir de s'y
conformer. Pour des motifs évidents, il est pourtant impossible, pour
les journalistes, de se conformer à de telles dispositions. Ils peuvent
avoir à construire des dossiers sur des individus dont les actions sont
répréhen-sibles. Faudrait-il que les journalistes leur
dévoilent à l'avance toutes leurs cartes, risquant par là
de faire échouer le reportage? Pour ies mêmes raisons, le droit de
consultation et de rectification du dossier est impraticable. Plus encore, il
pourrait tarir les sources confidentielles des journalistes, celles-ci sachant
que de tierces personnes peuvent avoir accès aux dossiers des
journalistes.
L'article 11, l'article 12 sont autant, aussi, d'articles qui viennent,
à ce moment-là, limiter l'exercice de la liberté de
presse, à notre avis. Et, en ce qui concerne l'article 24, le droit
d'accès à son dossier, eh bien, ça, à notre point
de vue, ça pourrait vraiment créer une situation tout à
fait inconfortable pour tout journaliste qui fait un travail qu'on appelle le
journalisme d'enquête.
Donc, à notre avis, il est évident que, si les
règles précédentes devaient régir le travail
journalistique, il y aurait là une entrave majeure à la
liberté de presse. Et c'est notre opinion. Les journalistes auraient le
devoir de s'y opposer fermement. L'article 1, d'ailleurs, de la Charte du
journalisme de la Fédération en fait une obligation:
«La lutte pour la liberté de l'information est une obligation.
Toute entrave à l'accès aux sources d'information, à la
recherche des faits, à la diffusion des événements et des
opinions porte atteinte à la liberté de l'information. Les
restrictions, les pressions ou menaces, qu'elles viennent de particuliers ou
d'organismes privés ou publics, doivent être combattues et
dénoncées.»
Et, là-dessus, les journalistes sont assez en bonne compagnie sur
ce terrain, puisque plusieurs jugements viennent confirmer... Par exemple,
l'article 2b de la Charte canadienne des droits et libertés
énonce, parmi les libertés fondamentales: «la
liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y
compris la liberté de presse et des autres moyens de
communication». La Cour suprême aussi, dans un jugement concernant
The Edmonton Journal, a reconnu l'importance particulière du
travail des journalistes et des médias. On a également affirme
que l'importance de ce rôle et la manière dont il doit être
rempli doivent faire l'objet de préoccupations spéciales.
Dans l'affaire concernant la Société Radio-Canada contre
le Procureur général du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême
a affirmé notamment que ce sont les médias qui, en
réunissant et en diffusant des informations, permettent aux membres de
notre société de se former une opinion éclairée sur
les questions susceptibles d'avoir un effet important sur la vie et le
bien-être de tous et chacun.
Dans un autre jugement, l'affaire Société Radio-Canada
contre Lessard, la Cour suprême a affirmé notamment que les
informations détenues par les médias ont droit à une
attention toute particulière en raison de l'importance du rôle que
ceux-ci jouent dans une société libre et démocratique.
Donc, le rôle de la presse a été reconnu dans notre
société comme participant à la recherche de la
vérité sur les questions d'intérêt public.
Ailleurs, et c'est important de le souligner, aux États-Unis, par
exemple, tout le matériel accumulé par les journalistes ou les
médias est inaccessible, à moins qu'il n'y ait des raisons
probables de croire que les personnes qui sont en possession du matériel
aient commis ou soient en train de commettre une infraction criminelle ou qu'il
n'y ait de sérieuses raisons de croire que le matériel en
question soit nécessaire pour sauvegarder la vie humaine ou
prévenir des blessures graves.
En Angleterre, dans un dossier concernant l'affaire Senior contre
Holdsworth, on dit: «II y a la situation très particulière
du journaliste ou du reporter qui recueille des informations
d'intérêt public. Les tribunaux respectent son travail et ne
l'entraveront pas plus qu'il ne le faut.» Vous allez me dire:
Peut-être que ça va changer avec le projet de loi qui s'en vient,
mais, peu importe, pour l'instant, c'est déjà enregistré
dans la jurisprudence en Angleterre.
Et la jurisprudence n'hésite pas, comme on peut le constater,
à reconnaître au travail journalistique des
caractéristiques très particulières dont il faut tenir
compte dans la formulation des lois.
L'automne dernier, par exemple, la Commission européenne a
révisé un premier projet de loi sur la protection des
données. La nouvelle proposition reconnaît le conflit potentiel
entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la
liberté d'expression. La Commission a demandé aux États
membres de la Communauté européenne d'établir des
dérogations pour la presse, les médias audiovisuels et les
journalistes.
Dans le projet de loi - et peut-être que ça aurait pu nous
apparaître comme étant une dérogation intéressante -
on indique que «la présente loi n'a pas pour objet de restreindre
l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin
d'information légitime du public». Alors, à première
vue, on pourrait croire qu'il s'agit là de la clause de
dérogation que souhaiteraient tous les journalistes au Québec.
Mais, à l'examen, cet alinéa paraît insuffisant pour
soustraire l'activité journalistique à l'application des
dispositions prévues dans le projet de loi. On y parle d'utilisation des
renseignements personnels, alors que le projet de loi fait partout une
enumeration beaucoup plus complète de son champ d'application. On y
parle d'«une personne qui recueille, détient, utilise ou
communique» de tels renseignements. Doit-on comprendre que le mot
«utilisation» de l'alinéa 3 recouvre tous ces aspects? Ou
bien doit-on l'entendre dans un sens limité qui exclut la collecte, la
conservation et la communication des renseignements?
L'expression «utilisation licite» pose aussi
problème. Si on tient pour acquis que toute utilisation contraire aux
obligations contenues dans le projet de loi est illicite, des informations d'un
grand intérêt public mais illicites au sens du projet de loi
devraient rester cachées au public.
Également, le mot «légitime» pose
problème. Dans son sens premier, une information légitime est une
information légale. Dans cette acception, il y a, encore une fois,
redondance. Il va de soi qu'une loi ne recommandera pas de poser des actes
illégaux. Le législateur ne parlant pas pour ne rien dire, on
peut donc penser que le mot «légitime» revêt un autre
sens, plus large. Mais lequel? Établi selon quelles balises? En tenant
compte de l'intérêt public, ou pas? Le projet de loi ne dit rien
là-dessus. On peut croire que le législateur a voulu maintenir
une possibilité d'intervention sur le contenu de l'information
médiatique en renvoyant la balle dans le camp des juges. Mais alors, le
projet de loi 68 ferait des juges les nouveaux directeurs de l'information, et
ce n'est pas toujours heureux, laissez-moi vous le dire.
La formulation de l'alinéa 3 de l'article 1 laisse entendre que
nos lois actuelles, celles sur le libelle ou la diffamation, par exemple,
ne
sont pas adéquates pour régler les problèmes
causés par la diffusion de certaines informations dans les
médias. Dans la problématique de la protection des renseignements
personnels, il y a pourtant une différence énorme entre les
renseignements colligés, échangés et utilisés par
les entreprises privées dans le plus grand secret et à des fins
de gains et les renseignements détenus par les journalistes.
Alors, pour conclure, chez les journalistes, l'information n'a qu'une
seule finalité possible: être diffusée ou publiée.
Mais, avant d'en arriver là, elle aura été scrutée,
évaluée en termes d'intérêt public. C'est ce qu'on
appelle le traitement journalistique d'une information brute. C'est la
tâche des médias. Si l'information à caractère
personnel ne présente pas un tel intérêt, elle demeure
enfouie dans les calepins de notes, sans avoir le moindre effet sur qui que ce
soit. Le crédit de quelqu'un, par exemple, n'en sera pas le moins du
monde affecté. Si, par contre, cette information est jugée
d'intérêt public, c'est le public en général qui
pourra en prendre connaissance. (11 h 30)
Tout se fait ouvertement, avec l'acceptation des conséquences
possibles: le journaliste et le média peuvent être
traînés en justice sous diverses accusations. Les lois existent
déjà, donc, à cet effet, ce qui n'est pas le cas des
entreprises qui échangent entre elles des informations à
caractère personnel.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que le projet de loi 68
doit être amendé de manière à exclure
spécifiquement le matériel journalistique de son champ
d'application. Nous ne voulons pas soustraire des individus, les journalistes,
à la loi. Je le rappelle et je le souligne, nous ne sommes pas au-dessus
des lois.
Au Québec, il n'y a par contre pas de définition
légale de ce qu'est un journaliste. Ce serait peut-être
très long, ici, d'expliquer les raisons qui invoquent tout cela, mais il
reste une chose, c'est que nous croyons, par contre, qu'il est possible de
soustraire une certaine catégorie de documents du champ d'application de
la loi: le matériel journalistique quel que soit sa forme ou son genre.
Par forme, il faut entendre du matériel écrit ou audiovisuel et,
par genre, les divers genres journalistiques: recherche, édito-riaux,
reportages, analyses, chroniques. C'est pourquoi nous avons un amendement
à proposer, et c'est le seul, c'est l'amendement suivant à
l'article 1: Biffer la phrase «La présente loi n'a pas pour objet
de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une
fin d'information légitime du public» et la remplacer par
«La présente loi ne s'applique pas à la cueillette, la
conservation, l'utilisation et la diffusion de tout matériel
journalistique quel que soit son genre et la forme sous laquelle il peut se
présenter.»
Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saul-nier.
M. le ministre.
M. Cannon: Merci, M. Saulnier, d'avoir bien voulu vous
déplacer et de venir nous rencontrer ce matin sur une question quand
même très importante au niveau de la pratique de votre profession.
À la blague, vous disiez, tout à l'heure, que les journalistes,
souvent, vont à la pêche au lac à l'Épaule, au lac
des Neiges. Je peux vous dire qu'au lac à l'Épaule il ne reste
plus de poisson; il n'y en a plus, là.
Le Président (M. Doyon): C'est pour ça qu'ils se
concentrent sur les politiciens.
M. Cannon: Oui, c'est ça. Ha, ha, ha! Le
Président (M. Doyon): Ha, ha, ha!
M. Saulnier: ...à ce moment-là, c'est qui, le
poisson? Ha, ha, ha!
M. Cannon: Ha, ha, ha! Oui. On me dit: Est-ce que les poissons
sont d'intérêt public?
M. Saulnier: Ah! La surpêche, oui.
M. Cannon: Je veux vous rassurer quant à l'intention que
nous avons. Et quand je dis «nous avons», c'est parce que j'ai
toujours prétendu que cette commission parlementaire examine une
recommandation qui a été faite en 1988, recommandation qui
visait, justement, à faire en sorte - quand je dis
«recommandation», la recommandation de la commission de la culture
-que les dispositions de la loi d'accès soient étendues au
secteur privé. Contrairement à ce qu'on a prétendu hier,
certains porte-parole, que c'était exclusivement limité à
des secteurs dans le secteur privé, la recommandation de la commission
de la culture, c'était de l'étendre partout.
Pour vous rassurer, je vous dirais que nous allons nous inspirer
très largement de ce qui est celle de la directive européenne. Il
n'est nullement notre intention, comme parlementaires, de venir restreindre la
liberté de presse. Pour ajouter à cela, je vous lirai simplement
ce qui est écrit au niveau de la directive européenne, à
l'article 9, où c'est spécifié: «Traitement de
données à caractère personnel et liberté
d'expression. En vue de concilier le droit à la vie privée avec
les règles régissant la liberté d'expression, les
États membres prévoient, pour les traitements de données
à caractère personnel effectués à des fins de
journalisme par les organismes de presse et de l'audiovisuel, ainsi que par les
journalistes, des dérogations aux dispositions de la présente
directive.»
J'ai bien noté l'amendement que vous proposiez au texte. Je ne
peux pas vous dire que
ça sera cet amendement-là, mais ce sera
définitivement dans le sens de la directive européenne.
En passant peut-être rapidement à un autre sujet, c'est une
question que j'ai posée à bien des organismes qui, depuis quatre
jours maintenant, cinq même, se présentent devant nous. Je suis
tenté de vous demander: Est-ce que vous avez un code d'éthique
qui encadre le travail journalistique et qui balise ce qui est
d'intérêt public, dans un premier temps, et, dans un
deuxième temps, si vous seriez assez aimable de nous donner des exemples
des renseignements personnels qui peuvent être diffusés dans
l'intérêt public?
M. Saulnier: En ce qui concerne la première question, je
vous dirai que, de façon générale, au Québec,
l'ensemble des hebdos, les grandes entreprises de presse - je pense à
La Presse, au Journal de Montréal et de Québec,
je pense à TVA, et Radio-Canada a fait oeuvre de pionnier dans ce
domaine - se sont dotés de ce ' qu'on appelle un code d'éthique
ou de déontologie ou une politique journalistique.
En ce qui concerne les journalistes qui ne font pas partie de ces
entreprises, à la Fédération professionnelle, nous avons
adopté, en 1987, ce qu'on appelle, nous, la Charte du journalisme. Cette
Charte du journalisme fait partie des statuts et des règlements de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je
vous dirai que, de manière générale, je pense que la
majorité des journalistes s'en inspirent, d'autant plus que c'est
renforcé par les pressions additionnelles de leurs employeurs qui, eux,
doivent aussi se soumettre à des règles. Bien sûr,
ça ne veut pas dire que certains ne s'en écartent pas à
l'occasion, je serais malhonnête de dire que tout le monde ici, au
Québec, pratique un journalisme hors de tout doute, de la même
manière que c'est le cas dans tous les décors professionnels ici,
au Québec, mais, je pense qu'il existe suffisamment de pressions et de
règles pour qu'il y ait ce que j'appelle une autodiscipline.
Régulièrement, et c'est d'ailleurs une des
responsabilités confiées à la Fédération,
nous voyons nous-mêmes à faire en sorte que, à l'occasion
de colloques, à l'occasion de congrès, il y ait une
réflexion, une véritable autocritique, entre guillemets, qui soit
effectuée par les journalistes pour, justement, s'interroger sur ces
questions.
Je vous donne comme exemple l'affaire Wilhelmy-Tremblay, qui a
été l'objet d'un débat à notre dernier
congrès qui s'est tenu ici, à Québec, en décembre
dernier. Tout ce débat soulevait effectivement la question de la vie
privée et de l'intérêt public. Ce n'est pas facile de
trancher ça au couteau, cette question-là, et, de l'avis de
l'ensemble des experts que nous avons consultés là-dessus, nous,
il n'est pas certain que ce soit aussi facile que l'un et l'autre des camps
pouvaient l'avancer dans le célèbre procès qui a
finalement avorté, qui n'a jamais eu lieu. Moi, pour ma part, je pense
qu'il va falloir que ce procès ait lieu un jour, c'est-à-dire
qu'on soit capable de confronter ces deux données de protection de la
vie privée et d'intérêt public pour faire avancer le droit
et peut-être même éprouver les différentes
prérogatives qui existent à l'intérieur de la charte
canadienne et de la charte québécoise des droits de la personne.
Ça, ça m'apparaît comme important qu'on puisse le faire.
D'ailleurs, je dirais qu'il y va de la responsabilité professionnelle
des journalistes de contribuer à ce débat.
Par ailleurs, en ce qui concerne des exemples de ce qui relève de
la vie privée, de la vie personnelle et ce qui relève de
l'intérêt public, je vous dirais qu'au Québec on a une
tradition particulièrement différente de ce qu'on retrouve dans
l'ensemble de l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, on ne se pose
pas de question, on publie puis on verra après; c'est ça la
règle. Puis, il y aura des procès, on ira jusqu'au bout, en Cour
suprême. De toute manière, même la Cour suprême a
donné raison - dans le cas de l'affaire du Watergate, c'est ce qui s'est
produit - aux journalistes qui avaient le droit de publier les dossiers du
Watergate.
Au Canada anglais, on a pu voir qu'à un certain moment
donné, lors de ce que j'appellerais les événements
concernant des personnages influents de la vie politique, notamment, on a pu
voir, moi, ce que j'appellerais une approche un peu différente où
on accorde un peu plus d'importance et d'insistance à la couverture de
la vie personnelle, de la vie privée des gens. Ici, au Québec, il
y a eu quelques exemples, mais ils sont assez rares, je dirais. Il y a eu un
événement malheureux, il y a quelques années, qui
impliquait un député de l'Assemblée nationale, d'ailleurs,
au sujet de fameux vidéos qui étaient tournés ici, si vous
vous rappelez, et qui, de fait, n'étaient pas tournés.
Est-ce que c'est de la pudeur? Est-ce que c'est l'esprit de famille de
la grande famille québécoise, comme on le dit à
l'occasion, tricotée serrée, qu'on se protège les uns les
autres? Je n'ai pas d'opinion tranchée là-dessus. Mais, ce que je
dirais, c'est que je ne pense pas qu'on puisse accuser les journalistes au
Québec de faire un excès de péché dans ce
sens-là, et encore moins si on se compare avec ce qui se produit en
Grande-Bretagne. Là, c'est la folie furieuse, et Dieu nous
épargne de tout ça ici!
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Merci, M.
Saulnier.
M. le député de Pointe-aux-Trembles. (11 h 40)
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire au
porte-parole de la Fédération que
l'amendement que la Fédération propose m'ap-paraît
correct. Dans une vie antérieure, j'ai été journaliste,
puis syndicaliste dans le secteur des communications, et je considère
que le texte du projet de loi est dangereux, parce que ça dit: «La
présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite - et
je souligne "licite" -de renseignements personnels à une fin
d'information légitime du public.» Alors, à cet
égard-là, «licite», «légitime»,
vous avez raison dans votre mémoire de le souligner, dès qu'il y
a un qualificatif, ça veut dire qu'un avocat peut s'en servir.
Soyons...
Le Président (m.
doyon): j'invite dès
maintenant . m. bourque à se joindre à nous. on s'est permis de
commencer sans vous, m. bourque, étant d'accord pour que vous preniez
place dès votre arrivée. oui, m. le député de
pointe-aux-trembles, excusez-moi.
M. Bourdon: Alors, je salue M. François Bourque,
vice-président de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec. Donc, les deux termes, là,
«licite» et «légitime» ouvraient la porte
à des procédures. Il est certain que, quand un journaliste va
chercher des renseignements en soi personnels, ça peut être sur un
personnage public qui n'a pas intérêt à ce qu'on publie
à son sujet et qui, rapidement, trouverait un avocat pour aller en cour
dire qu'on a fait la cueillette, ou la conservation, ou l'utilisation d'un
renseignement d'une façon qui n'est pas licite ou qui n'est pas
légitime.
Vous aviez raison, M. Saulnier, de dire aussi que la cueillette des
renseignements et leur utilisation appartiennent à des règles
différentes. Dans l'histoire du journalisme nord-américain, il y
a souvent des pas en avant qui ont été faits par des informations
qui n'ont pas toujours été divulguées ou obtenues d'une
façon légale. Le haut-fonctionnaire, dit-on, de la Maison-Blanche
qui rencontrait les journalistes du Washington Post manquait
peut-être à son serment. La question, c'est: Est-ce que
c'était d'intérêt public, ce qu'il révélait
aux deux journalistes? Et, dans ce sens-là, je préfère de
loin votre amendement parce qu'il est plus large et qu'il ne met pas de
qualificatif qui entraînerait presque nécessairement des
procédures pour empêcher que le public soit informé.
À la blague, je dirais que l'information qui me fait mal comme homme
politique, je ne la trouve pas licite ni légitime, c'est comme
normal.
Vous avez mentionné l'attitude des journalistes du Québec
à l'endroit du respect de la vie privée, et je pense qu'ils se
démarquent nettement, à cet égard-là, de ce qui est
pratiqué aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Au Canada anglais,
la tradition est plus ambiguë et il y a des tentations de recourir aux
procédés américains. Je voudrais lire, tel quel, ici,
l'article 8 de votre charte, qui dit: «Les faits touchant la vie
privée des personnes, y compris des personnes publiques, et pouvant
porter atteinte à leur intimité, ne doivent être
révélés que s'ils peuvent avoir des effets sur la vie
collective, et en distinguant ce qui relève de l'intérêt
public ou de la curiosité publique.» Fin de la citation. Je trouve
particulièrement astucieux de faire une distinction entre
l'intérêt public et la curiosité publique. C'est sûr
qu'il y a, dans le public, des personnes qui sont d'une curiosité
insatiable; ça ne veut pas dire que les médias doivent satisfaire
cette curiosité publique.
À l'occasion, il y a eu une occasion récente aussi
où on a pu l'observer, cette pudeur, comme vous mentionniez, cette
décence, quant à moi, là, c'est la maladie de notre
premier ministre. Il y a des médias qui ont sorti des choses, et des
médias et des journalistes qui ont dit: Écoutez, les
témoignages de médecins qui ne sont pas médecins traitants
du premier ministre, ça doit être utilisé avec beaucoup de
discernement, parce qu'il s'agit d'une personne; il est une institution et il
est le premier ministre, mais c'est aussi une personne. Un médecin qui
ne l'a pas soigné qui parle de sa maladie, bien, il y a là comme
un problème.
Je soulignerais, à cet égard, qu'il y a des bons signes,
comme des magazines et des journaux qui ont des chroniques, des médias
où on analyse le travail des médias sans complaisance. C'est un
milieu où l'autocritique est abondamment pratiquée, puis on
pourrait suggérer à bien d'autres professionnels d'avoir un sens
autocritique aussi développé. Et Radio-Canada - je trouve
ça remarquable - a une émission hebdomadaire à la radio et
une à la télévision sur les médias, qui ne porte
pas que sur les questions d'éthique et de comportement, mais où,
à l'occasion, les médias se remettent en cause eux-mêmes
pour voir la façon dont ils traitent des questions.
Alors, dans ce sens-là, moi, je trouve qu'on devrait retenir
votre amendement ou quelque chose s'en approchant parce qu'on enlève de
la loi ce que personne ici, et pas le ministre, n'a voulu y mettre.
L'idée de la loi n'est pas, d'aucune façon, de restreindre la
liberté de presse, et vous en convenez aussi, sauf que, vous savez,
c'est un peu comme dans la chanson: «Visa le noir, tua le blanc.»
Autant être précis et clair.
J'apprécie, entre autres, dans votre amendement, le fait que vous
parliez du matériel journalistique. Je l'apprécie parce que les
entreprises de presse sont des entreprises à la fois journalistiques et
économiques. Mais le magazine L'actualité, ou Le
Soleil, ou La Presse sont aussi des entreprises économiques
au même titre que toutes les autres, et je pense que la loi doit
s'appliquer à elles. Par exemple, si on restreint le commerce des listes
nominatives et qu'un journal ou un magazine contrevient à la loi pour ce
qui est de sa liste d'abonnés, on ne parle plus
de matériel journalistique, on parle d'instrument de travail
économique, pour la partie des entreprises d'information, qui en fait
des entreprises comme toutes les autres. Alors, je pense qu'il y aurait lieu de
le retenir.
Je vous poserais une question qui fait appel au journaliste, dans le
fond: Pensez-vous que les lobbies très puissants qui s'opposent à
l'adoption de la loi qui est devant nous - et vous n'en êtes pas, je
pense à la téléphonie, les assurances, les banques - vont
être assez puissants pour empêcher la volonté de
réforme du ministre de donner des suites législatives?
M. Saulnier: Le piège est large comme ça! Ha, ha,
ha! Écoutez, je représente ici vraiment la
Fédération professionnelle, donc je ne voudrais pas donner mon
opinion personnelle sur ce dossier. En d'autres circonstances, je le ferai
volontiers.
Je voudrais quand même retenir un élément important
de ce que vous avez souligné. Moi, il m'apparaît important que les
journalistes se po-licent eux-mêmes, s'autoréglementent et
s'auto-disciplinent. Et je pense que c'est le signe d'une société
mature, le jour où les journalistes sont capables de faire preuve de
cette force de caractère, de cette force professionnelle que
d'être justement capables eux-mêmes de se donner les balises
à l'intérieur desquelles ils peuvent exercer ce
métier-là.
Il peut parfois être facile pour un législateur - et quel
qu'il soit, de quelque allégeance qu'il soit, et c'est le cas dans tous
les pays occidentaux, dans toutes les démocraties - de vouloir
réglementer sous prétexte d'un excès qui aurait pu se
produire de la part d'un journaliste ou d'un média, de vouloir tenter de
limiter la liberté d'expression, et peut-être même pas dans
un but avoué de vouloir mettre fin ou de ralentir, si on veut, la force
d'un régime démocratique. Mais, pour contrecarrer ce genre
d'excès, moi, je pense que la meilleure règle et la règle
d'or en information, c'est que les journalistes assument cette
responsabilité-là. Ça ne veut pas dire qu'il ne puisse pas
y avoir d'échanges entre le législateur et les journalistes, par
exemple, quant au lien ou cette frontière qu'on doit définir
entre «vie privée» et «intérêt
public», on doit nécessairement constamment échanger sur
ces questions-là. Mais je pense qu'il sera beaucoup plus heureux pour la
démocratie, pour la viabilité de la démocratie et sa
vitalité que les journalistes puissent le faire eux-mêmes.
Moi, je peux vous assurer, en tout cas, au nom de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec,
qu'on entend le faire. On n'est pas une corporation où on
défendrait des intérêts corporatistes au sens
péjoratif du terme, je dirais, ici, nous sommes vraiment un groupe de
journalistes qui ont à coeur la défense du droit du public
à l'information et la défense de la liberté d'expression
dans notre Québec, et, pour nous, c'est important de pouvoir le faire
ainsi.
(11 h 50)
M. Bourdon: Je voudrais peut-être ajouter que les
journalistes ne sont pas indifférents à l'existence de la
Commission d'accès à l'information. Parce que la Commission, elle
a un double rôle: protéger les renseignements personnels et
garantir le droit du citoyen, puis ça inclut le journaliste, à
avoir accès à des informations qui sont d'intérêt
public. Je pense qu'à cet égard il y a une heureuse tradition qui
fait deux choses: d'une p?.rt, généralement, le président
de la Commission est ou a été un journaliste - dans le cas
présent, c'est Paul-André Comeau, un journaliste entouré
d'un grand respect, et un respect qui est justifié - et, d'autre part,
la Commission d'accès permet aux journalistes de faire leur
métier régulièrement en ayant accès à des
documents qui sont publics.
Puis l'autre volet, c'est que la Commission n'est pas soumise au
ministre ou au gouvernement, mais rend des comptes à l'Assemblée
nationale comme telle, ce qui donne une plus grande transparence. Ça
fait partie des fonctions dites réservées dans l'État
québécois, qui sont des comptes du Protecteur du citoyen, de la
Commission des droits de la personne, de la Commission d'accès à
l'information, de se rendre à l'Assemblée nationale directement,
sans passer par des intermédiaires. Et je pense que c'est heureux. Ce
n'est pas parce que l'Assemblée nationale a des vertus
particulières, mais le faire comme ça, c'est empêcher qu'il
y ait des entraves à la liberté d'information, puis à la
liberté d'action de ces grands secteurs où les libertés
fondamentales sont en jeu, d'une certaine façon.
Alors, dans ce sens-là, je pense que, même si chaque
député, à titre individuel, à l'occasion, n'a pas
aimé ce qu'il a lu dans les médias, ce qui est juste un signe de
santé de la part des médias, il reste que l'Assemblée
nationale comme telle se pose en défenseur de la liberté
d'information, et ça, je pense que c'est normal dans une
société. Les partis se succèdent au pouvoir mais
l'Assemblée nationale, comme institution, elle, demeure, puis, dans le
sens le plus élevé, représente l'intérêt
collectif commun de la société qu'elle représente.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
Oui, la situation très particulière des journalistes
oblige le législateur à tenir compte du rôle qui est le
leur. La contrepartie de ça, évidemment, c'est l'obligation
encore plus exigeante qu'ont les journalistes vis-à-vis de la rectitude
et de l'exactitude des renseignements qui sont diffusés. On se rend
compte qu'il y a un effet multiplicateur au travail journalistique. Il est bien
sûr qu'il est désagréable pour une personne de voir sa cote
de crédit mal évaluée par Équifax, sauf que
ça a un effet limité, dans
ce sens que ce n'est pas de notoriété publique et ce n'est
pas publié et répandu à la grandeur de la population,
à la grandeur de la province, parfois du pays. Alors, de là,
d'après moi, doit découler une obligation encore plus stricte
d'exactitude et de rectitude, d'autant plus que les moyens de rectification
sont pratiquement inexistants. Les corporations professionnelles ont un syndic
auquel on peut faire appel en tant que consommateur de services professionnels,
mais le recours, pour faire rectifier une information fausse publiée ou
diffusée, est extrêmement aléatoire.
Je ne sais pas si vous avez des réflexions à ajouter
là-dessus. Je n'annonce rien, je ne dis rien de nouveau dans ce
sens-là, sauf que les faits m'apparaissent militer dans ce
sens-là. Je ne sais pas si vous avez une réflexion. Oui, M.
Bourque.
M. Bourque (François): Oui, j'aurais peut-être envie
de réagir un petit peu à ce que vous venez de dire. Vous avez
raison lorsque vous soulignez le fait que, du côté des
journalistes, il n'y a pas de corporation professionnelle qui oblige les
journalistes ou qui impose des mesures disciplinaires, qui oblige les
journalistes à rectifier les choses. Par contre, il faut se souvenir
qu'il y a quand même un conseil de presse qui existe et qui remplit ce
rôle, bon, parfois avec certains délais qu'on peut
déplorer. Il serait sans doute souhaitable que ces interventions se
fassent plus rapidement, qu'elles soient mieux diffusées, mais, enfin,
ça existe quand même, c'est un recours qu'il est possible
d'utiliser, pour les citoyens et tous les groupes qui se croient
lésés.
On l'a souligné aussi tout à l'heure, il y a plusieurs
émissions d'information qui portent un regard critique sur le travail
des journalistes. Soyez assurés que ce travail d'autocritique se fait
aussi dans toutes les boîtes. Même si ça ne se fait pas en
public, les journalistes, étant critiques de nature, sont souvent les
premiers à regarder leur journal le matin et à déplorer
tel ou tel excès, tel ou tel dérapage. Ce travail de
réflexion est constant, se fait tous les jours, dans à peu
près toutes les boîtes. Alors, ça conduit à une
espèce d'autodiscipline chez les journalistes. Lorsqu'on
s'aperçoit qu'on a erré, qu'on s'est trompé, même si
ce n'est pas fait de façon formelle, lorsqu'on réécrit ou
lorsqu'on republie l'information sur un sujet ou l'autre, je pense qu'il y a
une espèce de correction qui se fait un peu naturellement, aussi.
Il y a aussi des journaux, des médias qui publient
carrément des rectificatifs ou des corrections, soit sous la menace
d'avocats ou parce qu'ils se sont aperçus qu'ils étaient
allés trop loin, qu'ils se sont trompés. Donc, il y a quand
même un certain nombre de mesures qui font en sorte que les journaux et
les médias en général peuvent se corriger, même si
ça ne se fait pas par le biais d'une corporation professionnelle ou d'un
comité de discipline.
Le Président (M. Doyon): Oui. Il me vient une question
à l'esprit. Est-ce que les rédacteurs de titres sont membres de
votre fédération?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Saulnier: Oui.
Une voix: ...de l'autocritique. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Est-ce que ça se parle, ce
monde-là, oui?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Saulnier: Est-ce qu'on est toujours dans la commission qui
parle des renseignements personnels?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Parfois, il arrive que -
ça s'est déjà vu, disons - des titres,
premièrement, peuvent renfermer des renseignements personnels et ne pas
être tout à fait conformes au corps de l'article lui-même.
On sait que, très souvent, les titres ont un impact qui est encore plus
considérable que l'article de fond que vous vous êtes fendus
à travailler et à fouiller. Très souvent, c'est votre
rédacteur de titres qui va laisser la dernière impression, ou
parfois la seule impression, alors que votre article, lui, même s'il est
fouillé, même s'il est bien fait, etc., peu de gens s'en
soucieront, faute de temps, etc.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci. M. le Président, vous soulevez un point
important, et je pense que la question de rigueur, de l'exactitude de
l'information journalistique est très importante. Moi-même, en
effet, j'ai eu quelques expériences avec le Conseil de presse. Moi, j'ai
gagné deux causes devant le Conseil de presse, où le jugement a
été rendu, mais deux ans plus tard, où le contexte de la
plainte est presque inutile. Alors, ça, c'est une question qu'il est
très important que le président mentionne.
Je veux aussi ajouter ma voix à celles du ministre et du
député de Pointe-aux-Trembles, de la volonté de cette
commission de clarifier cette ambiguïté. Le ministre, depuis le
début de ces audiences, a été très clair
là-dessus, qu'il voulait changer ça ou améliorer la loi
pour éliminer cette ambiguïté.
Moi, je veux juste savoir... Vous parlez, dans votre mémoire, de
tout matériel journalistique, quel que soit son genre. Je ne pense pas
que cette loi affecte le média électronique qui, en effet, est
réglementé par le CRTC. Est-ce que
cette loi va toucher le média électronique ou si c'est
seulement le média écrit qui est vraiment affecté par la
loi? Parce que, comme vous le savez, l'électronique est
réglementé directement par le CRTC.
M. Saulnier: Oui. Ce que je dirais en ce qui concerne les
médias électroniques, c'est que, dans notre esprit, en tout cas,
cette loi-là touche au matériel des médias
électroniques. Nous avons, nous, élaboré notre
mémoire en fonction de cet élément-là. Donc,
ça nous apparaît important que cette loi, même si le CRTC
peut exister, ait une certaine forme de juridiction en ce qui concerne la
télédiffusion et la radiodiffusion. À mon avis, cette
loi-là touche aussi l'ensemble de ce qu'on peut appeler les
médias électroniques au Québec. À moins d'avis
contraire, nos avis juridiques à nous confirment ça.
M. Libman: je présume aussi que la question de
l'accès aux notes des journalistes, l'exactitude, toutes ces questions,
vous croyez, tombent à l'intérieur du cadre de cette loi?
M. Saulnier: Oui, de ce qu'on comprend. M. Libman:
O.K.
M. Saulnier: Juste pour ajouter aussi. Vous mentionnez le Conseil
de presse. Vous partiez d'un délai de deux ans. François Bourque,
le vice-président, l'a souligné, à notre avis, il faut
absolument aussi améliorer la performance, si on veut, du Conseil de
presse. La Fédération a été à l'origine de
la création du Conseil de presse du Québec et on souhaite, nous,
lui donner plus de dents, plus de mordant, si on veut. (12 heures)
Actuellement, c'est un tribunal d'honneur qui peut émettre une
conclusion pour qu'il y ait une rectification dans les médias, mais
certains médias au Québec ne publient pas...
M. Libman: Exactement.
M. Saulnier: ...tout bêtement, les conclusions du Conseil
de presse. Nous travaillons activement à l'intérieur du Conseil
de presse pour qu'on puisse faire en sorte que toutes ses décisions
soient vraiment publiées, et pas juste dans un petit cahier, en bas de
page, à côté de la colonne des décès.
M. Libman: Exactement.
Le Président (M. Doyon): Oui, merci. M. le
député de D'Arcy-McGee, vous avez terminé? M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Oui, ce que je voudrais ajouter, pour ce qui est de
l'élément juridictionnel, et que le député de
D'Arcy-McGee a soulevé, c'est que, oui, le CRTC réglemente
l'usage des ondes au Québec, mais le Code civil est de juridiction
québécoise, et c'est même un des effets de l'Acte de
Québec de 1774 de reconnaître le Code civil. À cet
égard-là, les articles 35 à 41, entre autres,
s'appliquent, mais la Loi sur la presse aussi existe en fonction du Code civil
et a toute sa portée. D'ailleurs, on en a eu un signe dans ce qu'on a
convenu d'appeler l'affaire Wilhelmy: la Cour supérieure a pris des
décisions qui touchaient les médias tant électroniques
qu'écrits, parce que c'est de juridiction des tribunaux
québécois. Je pense qu'à cet égard-là il n'y
a pas d'ambiguïté.
M. Cannon: L'exemple de la publicité destinée aux
enfants, Michel, dont tu parlais l'autre jour.
M. Bourdon: La publicité destinée aux enfants en
est un exemple. La Cour suprême a décidé que, oui, le CRTC
réglemente les ondes, mais le Québec a passé une
législation en vertu du Code civil pour interdire la publicité
destinée aux enfants à la radio et à la
télévision, et la Cour suprême a décidé que
le Québec avait exercé ses pouvoirs dans sa juridiction...
M. Cannon: C'est ça.
M. Bourdon: ...parce que le Code civil touche la famille, les
enfants et qu'on peut... Autrement dit, dans ce sens-là, le
Québec a juridiction sur le contenu à l'égard du Code
civil même si le contenant, on le sait, est assujetti au CRTC.
Le Président (M. Doyon): Bon! Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui veulent intervenir? Alors, ça termine pour cet
avant-midi. Il me reste à remercier M. Bourque et M. Saulnier. M.
Bourque, vous voudrez nous excuser d'avoir commencé sans vous. Je sais
que vous étiez convoqué pour midi, alors vous n'étiez pas
coupable de quelque retard que ce soit, mais nous avions l'accord de M.
Saulnier pour commencer.
Donc, je suspends les travaux jusqu'à 16 heures et j'indique
qu'à 16 heures je serai remplacé par le député de
LaFontaine comme président.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Repriseà16h1)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va commencer ses travaux. Je vous rappelle le mandat de notre commission, cet
après-midi, qui est de tenir une consultation générale et
des auditions publiques sur le projet
de loi 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le
secteur privé. Nous entendrons cet après-midi, à partir de
16 heures, les représentants de l'Association sur l'accès et la
protection de l'information; à 17 heures, les représentants du
Bureau d'animation et information logement du Québec
métropolitain inc. Nous suspendrons à 18 heures, pour reprendre
à 20 heures, où nous entendrons l'Association des courtiers
d'assurances de la province de Québec et, à 21 heures, les
représentants de la Ligue des droits et libertés. Ceci mettra fin
aux travaux de la commission pour la journée, aux environs de 22
heures.
M. le ministre, vous avez demandé la parole.
M. Cannon: Oui, simplement pour... À la suite, Michel, de
discussions avec notre aviseur légal, c'est de te remettre le
répertoire des responsables de l'accès aux documents; en effet,
pour la Société d'habitation et de développement de
Montréal, il s'agit de Me François Houle. Je te le laisse,
Michel. C'est bien, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, pour les besoins de
l'enregistrement, ça s'adressait, M. le ministre, à M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
Une voix: Oui. Michel, c'est le député de
Pointe-aux-Trembles.
Le Président (M. Gobé): C'est cela. Alors, merci
beaucoup.
Je vais donc maintenant demander aux représentants de
l'Association sur l'accès et la protection de l'information de bien
vouloir se présenter, du moins, le porte-parole, de présenter les
gens qui l'accompagnent. Par la suite, vous pourrez commencer votre audition,
votre témoignage. Vous avez 20 minutes, approximativement, pour ce
faire; ensuite, 20 minutes appartiennent au côté du gouvernement
et 20 minutes au côté de l'Opposition, avec alternance, si
nécessaire. Si tout va bien, on n'est pas picosseux sur une minute ou
deux.
Alors, vous avez la parole.
Association sur l'accès et la protection de
l'information (AAPI)
M. Fortier (Jocelyn): Merci beaucoup. Alors, mon nom est Jocelyn
Fortier. Dans la vie de tous les jours, je suis vice-président aux
affaires juridiques de la Société des traversiers du
Québec et, également, responsable de l'application de la Loi sur
l'accès à la Société des traversiers du
Québec, d'où mon implication en tant que président de
l'Association sur l'accès et la protection de l'information. À ma
gauche, mon collègue Richard Juneau, qui est chef de division à
la gestion de l'information à la
STCUM dans la vie de tous les jours et qui est également le
trésorier de l'Association; à ma droite, Me Rémi Poliquin,
qui est secrétaire de la commission scolaire Sault-Saint-Louis et,
également, qui est le secrétaire de l'Association sur
l'accès et la protection de l'information.
Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à
cette commission.
M. Fortier: Merci. Je présume, évidemment, que vous
connaissez l'Association sur l'accès et la protection de l'information,
qui a été constituée en 1991 et qui a pour objectif de
regrouper les personnes qui, au sein des organismes publics, effectivement,
oeuvrent à la mise en application de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels.
L'un des objectifs de l'Association est de favoriser la recherche et la
réflexion en matière d'accès à l'information et de
protection des renseignements personnels. En théorie, nous sommes donc
forts d'une expérience d'au moins... d'une expérience de 10 ans
avec une loi qui, à tout le moins sur une partie, est similaire à
celle qui est discutée ici aujourd'hui.
Je ne vous redonnerai pas, évidemment, mon mémoire, qui a
déjà été transmis à la commission. Je vais
plutôt me permettre de souligner certains des points qui, pour nous, sont
les plus importants, des points qui sont majeurs, en me gardant, pour le
dessert, l'aspect des responsables eux-mêmes, que ce soit dans le projet
de loi ou que ce soit dans notre loi. C'est évidemment notre
denrée de tous les jours en tant qu'association.
La première chose qui nous tient particulièrement à
coeur dans ce mémoire, c'est ce qu'on retrouve à la page 2, toute
la notion de pertinence versus nécessaire. On a fait un texte, ici, sur
lequel je ne reviendrai pas. C'est surtout, en fait... Ce qui nous taquine un
peu, qui nous achale un peu, si on veut, c'est qu'on trouve que la notion de
pertinence est un peu trop large et qu'on devrait effectivement s'attacher
à la nécessité d'une information. Ce qui peut être
pertinent pour un organisme ou ce qui peut être pour moi pertinent dans
la gestion d'un dossier ou d'une relation contractuelle n'est pas
obligatoirement nécessaire à cette notion-là. C'est pour
ça qu'on suggère de remplacer le mot «pertinents» par
«nécessaires», et, ça aussi, à la
lumière d'une certaine jurisprudence de la Commission d'accès qui
a déjà défini ce terme.
La deuxième chose qui nous titille un peu, c'est l'aspect de la
mise à jour des fichiers lorsqu'on impose, à notre avis - et
c'est ce qu'on retrouve à la page 3 - une obligation de résultat.
Alors, évidemment, on estime que ce n'est pas toujours facile.
L'expérience des 10 dernières années démontre que
ce n'est pas facile, et ce, même si certaines lois vont imposer
au citoyen d'informer l'organisme de ses changements d'adresse, de ses
modifications. L'expérience enseigne que le citoyen ne le fera pas
toujours, et nous estimons qu'imposer une obligation de résultat
à l'entreprise privée va nécessairement imposer le fardeau
de s'établir des services d'enquête et autres.
À titre d'exemple, qu'on sache seulement que, même à
la RAMQ et a la SAAQ, les dossiers ne sont peut-être pas toujours
à la fine pointe, à tout le moins au niveau des adresses et
coordonnées. Ça se vérifie généralement
quand vient le temps du renouvellement, que ce soit du permis de conduire ou de
la carte-soleil, ou encore quand vient le temps de la perception des amendes
pour les infractions au Code de la sécurité routière.
Occasionnellement, on doit faire des recherches assez longues pour retracer
l'individu. Pourtant, théoriquement, il ne s'est écoulé
qu'une seule année ou, au maximum, deux années.
La troisième chose qu'on retrouve tout au long de notre
mémoire, finalement, c'est qu'à chaque fois qu'on
découvre, dans ce projet de loi, des nouveautés auxquelles nous
applaudissons - et nous ne nous sommes pas gênés pour le faire -
nous mentionnons également qu'il pourrait être avantageux
d'appareiller ces innovations avec la loi actuelle, celle que nous connaissons
mieux, la Loi sur l'accès. Évidemment, on n'est pas ici pour
discuter de la Loi sur l'accès; cependant, un jour ou l'autre, on devra
le faire. Lorsque nous applaudissons à une initiative, nous croyons
qu'elle devrait être implantée éventuellement et que c'est
dans cette optique qu'on devrait le faire: implanter ces choses dans la Loi sur
l'accès de façon à pouvoir appareiller ces deux lois, ce
qui simplifierait la gestion et, éventuellement, la compréhension
aussi pour le citoyen.
Notre point majeur est, évidemment, tout ce qui concerne le
responsable de l'accès ou le responsable de la protection de la vie
privée dans le présent projet de loi et les infractions, entre
autres, les pénalités qu'on peut lui reprocher.
Nous avons, dans un premier temps, dans le texte même,
suggéré qu'on puisse officialiser la possibilité de
délégation à des répondants. C'est une notion qui
est utilisée actuellement dans les entreprises publiques d'envergure.
C'est une réalité qui n'est évidemment pas
formalisée par la Loi sur l'accès, mais qui se vit, où des
responsables qui détiennent déjà une autorité
déléguée ont sous-délégué - je mets
évidemment des guillemets parce que la sous-délégation ne
doit pas être faite - entre guillemets, certaines de leurs fonctions
à des répondants régionaux, locaux ou autres pour
faciliter, justement, l'accès, pour accélérer le processus
de traitement des dossiers.
Il est bien évident que, pour respecter l'esprit de la loi
actuelle et ce projet de loi là, s'il n'y a pas de modifications qui y
sont apportées, les demandes formelles, officielles donnant ouverture
à des recours devant la Commission d'accès doivent être
adressées au responsable. Mais, si on pouvait innover avec la notion du
répondant, on pourrait peut-être effectivement
accélérer ces recours en évitant qu'une demande
adressée à un répondant et qui a été
rejetée, refusée doive être refaite, pour respecter
l'esprit de la loi et pour ouvrir le recours, doive être refaite
formellement, officiellement au responsable qui, lui, à nouveau, la
refusera, mais, cette fois, selon les formes prescrites par la loi. (16 h
10)
C'est ce que nous avions repéré au moment de
l'élaboration de notre mémoire, l'existence, la nomination d'un
responsable et la suggestion d'ajouter un répondant. Nous avons aussi,
dans ce mémoire, émis certains commentaires au niveau des
infractions et des peines, des infractions générales, qu'on
retrouve à la page 9. Notre questionnement était sur la
tête de Turc qu'on vise lorsqu'on établit les infractions de
responsabilité stricte. Nous en arrivions à la conclusion qu'on
ne devrait pas tirer sur le chauffeur, tirer simplement sur le responsable, le
répondant, s'il en est éventuellement, ou même le simple
employé, alors que, dans le fond, l'autorité, le pouvoir
décisionnel, ce n'est pas là qu'il se trouve, mais il se trouve
dans la plus haute autorité de l'organisme.
Ce que nos réflexions additionnelles nous amènent à
suggérer, qu'on ne retrouve pas dans le mémoire comme tel, ici,
c'est peut-être un hybride, partant de ce que le projet de loi ici
suggère et notre loi à nous, aux organismes publics. La Loi sur
l'accès prévoit que le responsable de droit est la plus haute
autorité de l'organisme. La Loi sur l'accès prévoit
également que la plus haute autorité, le responsable de droit
peut déléguer, et c'est ce qui se fait, en fait, dans la
majorité des organismes. Malgré le fait qu'on ait, dans tous les
organismes, un responsable délégué, il n'en demeure pas
moins vrai qu'en bout de piste, l'autorité, la responsabilité de
l'organisme appartient au responsable de droit.
La position que nous occupons, en tant qu'Association sur l'accès
et la protection de l'information, nous a amenés à constater que
- ce n'est pas fréquent maintenant, après 10 ans,
évidemment, mais, malheureusement, ça existe quand même -
certains organismes, certaines autres autorités vont être
tentées de nommer un responsable délégué sans lui
fournir les outils adéquats, sans lui fournir la possibilité
d'acquérir ces outils, sans lui fournir la possibilité
d'acquérir les connaissances appropriées et, en bout de piste,
n'écouteront pas non plus les conseils, recommandations ou demandes
faites par leur responsable délégué. Si on revient
à la présente loi, où le responsable est effectivement
l'équivalent d'un responsable délégué, parce qu'on
ne
vise pas la plus haute autorité, c'est la plus belle
façon, soumettons-nous, de créer des boucs émissaires
désignés. L'entreprise privée étant ce qu'elle est,
ayant une notion de profit, de rentabilité et d'efficacité, il
n'est pas évident, à notre esprit, qu'on favorisera la formation,
la latitude et le pouvoir du responsable, au même titre que la
majorité des entreprises d'État l'ont fait au cours des 10
dernières années.
Nous soumettons qu'il pourrait être avantageux que la
responsabilité de la loi, de l'application de la loi,
générant des infractions de responsabilité stricte, soit
attribuée à la plus haute autorité de l'organisme; que,
dans un deuxième temps, cette plus haute autorité, ce responsable
désigné par la loi puisse avoir le pouvoir de se nommer un
responsable délégué qui, lui, ne serait astreint
qu'à des responsabilités dites de «mens rea», dites
d'établissement de faute volontaire, et, finalement,
troisièmement, que ce responsable délégué puisse
s'adjoindre des répondants, avec possibilité de lui
déléguer certaines fonctions, certains pouvoirs pour
accélérer le traitement des dossiers du justiciable, en bout de
piste.
En conclusion sur cette présentation, on a entendu, depuis deux
semaines, diverses interventions. Il est bien évident que, pour
plusieurs entreprises, plusieurs intervenants, ce projet de loi peut sembler
être un monstre qu'il faille abattre. C'est effectivement,
peut-être, ce que plusieurs organismes d'État avaient comme
sentiment, il y a une douzaine d'années, lorsqu'on était au
niveau de l'étude de la loi sur l'accès et la protection. Pour
un, personnellement, je n'étais pas très, très,
très chaud, en 1982, lorsqu'on a vu apparaître cette loi. C'est la
crainte de l'inconnu, c'est la crainte du nouveau, c'est évident.
Après 10 ans d'application, quelques années de rodage bien
nécessaires, quelques années d'ajustement, l'Association en vient
à la conclusion que la loi qui nous régit, nous, a
été bénéfique, que les contraintes ou les
inconvénients qu'on lui voyait - il y en a eu, qui sont encore fort
probablement là pour nos dirigeants ou nos organismes - sont
drôlement contrebalancés, «contre-équilibres»
par la protection qui est maintenant accordée, à tout le moins au
sein des entreprises publiques, à la vie privée des citoyens.
Face à ce monde où, en tant que citoyen, on est de plus en
plus fiché, si on me permet cette espèce d'anglicisme, je pense
qu'il est nécessaire, effectivement, qu'un projet de l'ordre du projet
de loi 68 puisse être adopté, avec ses difficultés
d'application, oui, mais qui ne sont pas insurmontables, l'entreprise
gouvernementale l'ayant démontré.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier. M. le
ministre, vous avez maintenant une vingtaine de minutes.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
M. Fortier, merci. Merci aux gens de l'Association sur l'accès.
Ça me fait plaisir de vous retrouver aujourd'hui, d'autant plus que je
me rappelle, au château Frontenac, lorsqu'on a présidé au
lancement de cette Association, combien important pour la loi d'accès
à l'information au niveau du secteur public... Et je pense que vos
judicieux conseils, à la fin, quant à
r«insurmontabilité» d'appliquer une loi, je pense qu'on a,
depuis 10 ans, démontré que c'est possible et que, dans le
secteur privé, on va pouvoir y arriver.
Je dois, au départ, vous signifier, évidemment, la grande
expérience et les connaissances que vous possédez comme
association, particulièrement à titre de responsable des
renseignements personnels dans le secteur public. L'ensemble des
recommandations que vous avez proposées sont susceptibles, à mon
avis, d'améliorer le projet de loi 68. Vous me permettrez
peut-être de discuter de quelques articles. Mon attention est
attirée à l'article 11. Je voudrais vous rassurer. On est
prêt à le retravailler, mais nous parlons ici d'obligation de
moyens plutôt que d'obligation de résultats. Lorsque nous avons
inclus dans le texte les termes «doit veiller», c'était,
pour nous, une indication qu'il s'agissait là d'une obligation de moyens
et que, deuxièmement, on est préoccupé par le fait
d'obtenir des informations sur autrui exactes et complètes pour servir
à l'objet de leur constitution, donc, au moment de la prise de
décision. Je sais qu'il y a beaucoup d'associations patronales qui se
sont préoccupées de cette chose-là, lançant en
l'air leurs mains, en disant: Mais c'est absolument impossible, cette
tâche gigantesque, de nous rendre aux obligations que vous nous imposez!
Alors, à vous, je le dis, c'est une obligation de moyens, ici. Il faut
refaire le texte, le resserrer pour qu'il puisse indiquer clairement ce que
nous, comme législateurs, nous pensons. Nous allons le faire.
Il y avait l'autre point qui touche l'article 25, et vous avez
complété sur l'article 25 du projet de loi à
l'égard de celui ou celle qui a la responsabilité d'assurer la
protection des renseignements. J'ai écouté attentivement vos
commentaires là-dessus. À votre opinion, qui devrait être,
dans une entreprise, la personne fondée, désignée
officiellement par la loi pour assumer cette fonction-là? (16 h 20)
M. Fortier: Évidemment, ce que nous connaissons, nous,
c'est les entreprises gouvernementales où on a désigné le
responsable de la loi, la plus haute autorité de l'organisme. Notre
premier réflexe est effectivement, même pour l'entreprise
privée, de nous rabattre sur la plus haute autorité dans
l'organisme. Par contre, nous sommes bien conscients que, dans l'entreprise
privée, il y a certains organismes dont la plus haute autorité se
trouve peut-être à Tombouctou
ou à Zanzibar, ce qui devient plus difficile à rendre
contraignable au sens de la loi. Il faudrait donc peut-être trouver une
façon de l'attribuer à la plus haute autorité de
l'organisme au Québec, de notre juridiction, que ce soit la filiale ou
autre. Mais nous demeurons d'opinion que ce doit être le premier le
responsable, la plus haute autorité de la boîte, là, qui
aura le pouvoir du «black box», mais la plus haute autorité
restant ici, au Québec.
M. Cannon: En tant que juriste, Me Fortier, vous nous
suggérez de l'écrire comme ça?
M. Fortier: Pas tout à fait. M. Cannon: O.K.
M. Fortier: Je ne parle pas en tant que juriste, pour
l'instant.
M. Cannon: Peut-être sur un autre point. Vous avez beaucoup
d'expérience avec la Commission d'accès à l'information.
Je sais qu'il y a eu des inquiétudes, enfin des inquiétudes
tantôt fondées et peut-être tantôt moins
fondées, sur la nécessité de bien encadrer l'action ou le
travail de la Commission d'accès à l'information, d'abord comme
adjudicateur, comme responsable de la communication, parfois comme
médiateur, parfois comme fournisseur d'informations, etc. Il y a un
certain nombre de rôles qu'on veut faire jouer à la Commission
d'accès à l'information. Est-ce que vous vous êtes
penchés sur cette chose-là? Comment pourrions-nous modeler la
Commission d'accès pour éviter ce que certains appellent des
conflits d'intérêts potentiels au niveau de la prise de
décision, dans certains cas, par rapport à une conciliation ou
à un rôle d'information ou de médiation?
M. Fortier: En fait, nous avons quand même
l'expérience de la Commission depuis 10 ans. Je ne crois pas qu'on
retrouve plus de cadres rigides face à la Commission d'accès
à l'information dans la loi qui nous régit, nous, versus le
projet de loi actuel. La Commission, au cours des 10 dernières
années... Bon, des fois on s'est frictionné à elle, on
s'est frotté, mais, malgré toutes les réserves que j'ai pu
avoir au début, je dois dire que, jusqu'à ce jour, elle a fait
son travail professionnellement, quel que soit le chapeau qu'elle portait. Ce
n'est pas non plus la première commission qui porte 2 ou 3 chapeaux
différents et qui accomplit ses devoirs avec honnêteté et
éthique, disons-le. Ça n'empêche pas parfois de ne pas
être toujours d'accord avec ce qu'elle dit ou ce qu'elle fait, mais, moi,
à ce stade-ci, je serais porté à dire: Bien, allons-y; une
loi, ça se modifie, si la Commission charrie. Mais l'expérience
passée ne démontre pas que la Commission charrie. Alors, je
serais porté à dire d'y aller comme ça. S'il faut
éventuellement la restreindre plus, bien, on amendera la loi. J'ai mon
collègue qui aimerait ajouter un mot.
M. Juneau (Richard): Juste renchérir un peu sur le
rôle de la Commission. Effectivement, je pense que ce qui sera
drôlement important, c'est les moyens qu'elle aura pour faire son
travail. Depuis le temps qu'elle est en place, elle fait un travail... M.
Fortier le mentionnait, au niveau de l'éthique, tout ça, oui,
mais, lorsqu'on parle d'information et de communication en matière
d'application de cette loi-là, moi, en tout cas, j'ai, à
certaines occasions, eu des réserves. À titre de responsable dans
les organismes publics, souvent nous sommes les gens qui avons à former
le personnel pour la protection des renseignements personnels. Je me suis
aperçu, au cours de mes années, au moins huit ans que je m'occupe
d'accès dans les organismes publics, que nous sommes ceux qui informons
le personnel sur la protection et la notion de renseignements personnels, et on
prend souvent des exemples de compagnies externes. Tout le monde connaît
les cas qu'on prend lorsqu'on fait de la formation en accès ou en
protection de renseignements personnels. J'ai trouvé qu'on a
peut-être fait, auprès de la population en général,
comme responsable d'accès, parce que nos employés dans nos
organismes sont là, une bonne diffusion ou, en tout cas, on a
sensibilisé les gens à la protection des renseignements
personnels. Ce rôle-là, la Commission l'a fait du mieux qu'elle a
pu avec les moyens qu'elle avait. Le ministère a effectivement fait un
travail là-dedans, mais je pense que, pour l'ensemble des citoyens, il
va falloir mettre un petit peu plus de bouchées doubles.
On en parle depuis deux semaines. On sait que ça fait un bout de
temps, mais, la loi 65, elle existe depuis 10 ans. Mais ça va comme
ça. Alors, il y aura peut-être à donner moyen pour que la
communication, pour que l'information se rende aux gens.
M. Cannon: Peut-être une dernière question, M.
Fortier, qui concerne l'article 17, paragraphe 6°. Vous dites que cette
disposition cause des difficultés dans le secteur public lorsque la
sécurité du public est en danger et qu'il serait judicieux
d'ajouter les mots «ou la sécurité d'autrui par la personne
concernée». Pourriez-vous expliciter davantage cette
idée-là?
M. Fortier: En fait, ce qu'on a vu dans cet article, c'est
justement la possibilité de communiquer à une personne qui est un
tiers des informations parfois hautement sensibles sur une personne dont la vie
est en danger. Bon. Jusque-là, ça va. Je n'ai aucun
problème. J'ai un suicidaire sur le bord de l'édifice ici, que
son psychiatre, son psychanaliste communique au policier en devoir, qui va
essayer de le faire descendre de là, l'information sur son
état
psychologique, je pense que c'est clair, c'est une application claire de
l'article. Mais, si, au lieu d'un suicidaire, on a une prise d'otage et qu'on a
affaire alors à un kidnappeur, entre guillemets, on n'est plus dans le
cas de 17, paragraphe 6°, ici, pour donner de l'information peut-être
à un tiers qui ne sera pas policier autorisé à recevoir
l'information. Je pense à ce qu'on voit souvent, un médiateur du
type Claude Poirier qui peut être appelé à faire de la
médiation dans ce dossier. Là, c'est la sécurité,
c'est la vie d'autrui qui est en danger. L'information est détenue sur
la personne concernée, mais on ne pourrait pas la divulguer parce que M.
Poirier, lui, n'est pas autorisé à recevoir cette
information-là. Par contre, c'est peut-être la personne qui va
dénouer l'impasse.
M. Cannon: Vous dites, là, d'élargir un peu la
disposition.
M. Fortier: Dans ce cas-là, élargir
légèrement la disposition lorsque c'est la sécurité
d'autrui ou du public qui est en danger.
M. Cannon: O.K. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles, pas d'intervention?
Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez la parole.
M. Libman: Bienvenue à notre commission. Je veux parler
des articles 21 et 23. Vous soulignez un problème très important,
ici, dans la loi. On donne l'impression qu'il y a une personne qui
possède une seule liste et que c'est facile pour quelqu'un de corriger
cette petite erreur, mais vous dites avec raison... Vous parlez
également de la liste maîtresse ayant donné naissance
à cette sous-liste et de toute autre sous-liste
générée par la liste maltresse.
Idéalement, ce sera ou c'est l'objectif de cette loi de donner
à quelqu'un la possibilité d'enlever son nom de toutes les listes
en circulation. Mais comment vous voyez pratiquement que ce que vous
suggérez pourrait marcher, votre suggestion, ici?
M. Fortier: En fait, l'idée qui est sous-entendue ici,
c'est peut-être ce qu'on vit tous à un moment ou à un
autre, c'est le téléphone qui sonne un soir chez vous qui est du
télémarketing: M. Fortier, on veut vous vendre une paire de
chaussettes, ou quoi que ce soit d'autre. Évidemment, le projet de loi,
actuellement, prévoit qu'on pourrait, à ce moment-là, dire
au «télémarketeur»: Raie mon nom, je ne veux plus que
vous m'appeliez. Nous, ce qu'on suggère, c'est qu'au surplus, à
partir du moment où on dit à ce démarcheur-là: Raie
mon nom, lui-même doit faire le nécessaire, devra faire le
nécessaire pour faire remonter l'information, retourner l'information
à celui qui a vendu la liste et, à partir de là, celui qui
a vendu la liste devra la rayer et devra la faire rayer des sous-listes
vendues.
Tous ces noms-là viennent d'une liste quelque part. On le
retrouve de deux façons. On le retrouve aussi du point de vue - vous
excuserez l'anglicisme - de ce qu'on appelle le «junk mail» qu'on
retrouve tous dans nos boîtes à lettres. Encore une fois, c'est la
même chose. Notre nom a été vendu à un fabricant de
listes quelque part qui, lui, l'a vendu. Ce n'est pas moi qui ai demandé
d'avoir mon nom là. Ce n'est pas moi qui ai consenti. Or, à
partir du moment où je rejoins l'un de ceux qui me harcèlent et
que je lui dis: Raie et fais rayer, c'est lui qui devrait avoir la
responsabilité de remonter. Je comprends, vous allez me dire: Bien, de
quelle façon on peut le contrôler ou l'appliquer?
M. Libman: La complexité de tout ça est
énorme.
M. Fortier: Mais il y a des façons, à un moment
donné. Si, au bout de un, deux, trois mois, je continue à
recevoir de l'information qui provient de la même liste - et ça,
il y a éventuellement des façons de le reconnaître - bien,
ce sera peut-être un des devoirs de la Commission de prendre les mesures
nécessaires, au même titre qu'elle débarque chez moi,
à l'occasion, si elle a reçu une plainte d'un citoyen à
l'effet que j'aurais transgressé la loi.
M. Libman: Mais, en effet, c'est une complexité
énorme, vous avez raison, que cette commission doit examiner, je pense,
parce que ça commence toute une série... un effet de dominos. Une
fois que votre nom est sur une liste, ça déclenche toutes les
autres listes. Je n'ai aucune idée, à ce moment-là,
comment ça pourrait marcher pratiquement, même votre suggestion,
parce que, quand vous recevrez un appel de télémarketing, un
soir, par quelqu'un qui a été engagé seulement pour faire
un appel, quel accès est-ce que cette personne aura à toutes les
autres listes qui sont en circulation, et même l'autre instance de leur
compagnie pour savoir l'origine, d'où ils ont reçu votre nom, si
vous comprenez ce que je veux dire?
M. Fortier: C'est bien évident que c'est excessivement
complexe. C'est peut-être une utopie, j'en conviens. Je ne crois pas
qu'il faudrait à ce stade-ci retarder l'adoption de cette loi pour cette
problématique, mais nous tenions à la soulever. Nous tenions
à soulever qu'elle existe et qu'à un moment ou l'autre il faudra
peut-être s'y pencher parce que, d'une façon ou de l'autre, c'est
un problème qui va aller en s'amplifiant avec les années, c'est
bien évident. (16 h 30)
M. Libman: Est-ce que vous suggérez, par exemple, que
chaque organisme qui sollicite votre nom, si c'est une revue ou une compagnie
qui vend des listes, doive demander à la personne qui s'abonne à
ce moment-là si elle veut cocher une boîte, par exemple, pour
donner la permission à cette compagnie d'origine de vendre la liste?
Ça c'est une démarche qui pourrait être
légiférée par l'Assemblée nationale, par
exemple.
M. Fortier: Ça, ça peut être une
première étape, mais la loi prévoit qu'on peut
malgré tout, quand même, constituer des listes. Il y a des
façons simples d'en constituer, à tout le moins pour le
télémarketing, en jouant simplement avec l'annuaire
téléphonique. Il suffit de le prendre et d'installer quelqu'un
sur la saisie de données et on va monter une liste de
télémarketing qu'on pourra vendre à n'importe qui. Et
ça, je n'aurai ni consenti ni refusé, parce que j'accepte quand
même que mon nom soit dans l'annuaire téléphonique. Et ce
n'est pas nécessairement Bell Canada qui va donner une copie de sa
disquette avec mon nom dessus. N'importe qui peut la reconstituer, cette
liste-là.
Ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où on permet par
la loi que, pour des fins, ça puisse être fait, parce que, d'un
autre côté, on dit: Si vous le faites et que le citoyen que vous
harcelez en l'utilisant vous dit: Je ne veux plus que vous me harceliez, vous
devrez cesser de le faire... C'est ça qu'on dit dans le fond. Bien nous,
on dit, on va plus loin que ça: si celui qui harcèle n'a pas
constitué la liste, l'a achetée, bien, il faudra qu'il
prévienne son vendeur pour que le vendeur fasse la correction. Mais,
évidemment, c'est une problématique, on en est conscients, de
vérification après; de quelle façon on va donner des dents
à ces aspects-là? C'est pour ça qu'on dit que c'est
peut-être une utopie, ce n'est peut-être pas nécessaire de
retarder l'adoption de la loi pour modifier et trouver la bonne recette, mais
il faudrait le garder parce que, éventuellement, il va falloir amender
pour ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier.
M. Libman: II faut juste examiner une mécanique sur...
Le Président (M. Gobé): M. le ministre.
M. Cannon: Oui. C'est simplement pour dire qu'un jour, vous
pouvez refuser telle sollicitation par voie de télémarketing,
mais rien ne me dit que le lendemain vous n'avez pas changé
d'idée. C'est pour ça, là, il faut...
M. Fortier: Ça, je suis bien d'accord.
M. Cannon: II faut toujours que vous ayez cette
possibilité.
M. Fortier: Ça, je suis d'accord. Je suis d'accord que je
peux dire à un: Ne me sollicitez plus, vous, et arrêter là.
Mais je peux vous dire: Ne me sollicitez plus, et je ne veux plus qu'on
m'appelle, et prévenez l'auteur de votre liste.
M. Cannon: O.K.
Le Président (M. Gobé): M. Fortier, j'aurais
peut-être une...
M. Libman: M. le Président...
Le Président (M. Gobé): M. le député,
oui, allez-y.
M. Libman: J'aimerais avoir vos opinions sur les
inquiétudes de certaines entreprises à cause de l'article 103,
l'obligation de contacter chaque personne. Est-ce que vous êtes sensible
à leurs préoccupations? Il y a la question s'ils doivent
contacter chaque personne par écrit ou par téléphone.
Quelle est votre réaction à trouver peut-être une ligne
d'équilibre entre ces préoccupations et l'importance de cet
article?
M. Fortier: Je vous dirai qu'en tant que représentant des
responsables ça ne m'a pas outré outre mesure, on ne s'est pas
penchés là-dessus, parce que, en tarit que responsables, on n'a
pas de problématique avec cet article. Si vous me demandez mon opinion
en tant que justiciable, je vais vous dire: Bravo a cet article!
M. Libman: Sûrement, ça, je comprends bien, sauf que
nous essayons de trouver la ligne d'équilibre pour satisfaire l'esprit
de la loi mais, en même temps, ne pas imposer un fardeau trop lourd
à certaines entreprises. Si votre position sur la loi est d'essayer de
trouver une façon d'améliorer cette loi, même pour les
entreprises, quelle façon pouvez-vous suggérer?
M. Fortier: Par une déclaration de fichier au public;
mais, encore là, ce n'est pas nécessairement le but exact
poursuivi par 103. On ne s'est pas penchés sur cette
problématique qui, pour nous, n'en est pas une. Je comprends que c'en
est une pour certaines entreprises privées, j'en suis, mais, pour nous,
ça n'en est pas une.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Libman, M. le
député.
M. Fortier, on parlait de sollicitation téléphonique. Vous
savez que les listes- Oui, monsieur, je vous passe la parole dans une minute,
M. le député. Les listes téléphoniques dont vous
parliez sont confectionnées bien souvent à partir de l'annuaire
téléphonique, et on sait que, pour ne pas être dans
l'annuaire téléphonique, il faut payer pour que notre nom
n'apparaisse pas. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait être
intéressant que la décision du
citoyen d'être ou de ne pas être dans l'annuaire
téléphonique soit gratuite? Ça ne faciliterait pas,
à ce moment-là, le libre choix d'être dérangé
par des solliciteurs ou de ne pas être dérangé?
M. Fortier: Je pense que ce serait effectivement une bonne
façon de faciliter le libre choix puisque, pour un, je trouve aberrant
que, parce qu'on veut protéger notre vie privée, on doive payer
plus cher que les autres.
Le Président (M. Gobé): 4 $ par mois. M.
Fortier: Voilà!
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président.
Me Fortier, il m'a semblé comprendre qu'il pourrait y avoir un
marché de listes, de vente et d'achat de listes de noms. Pouvez-vous
nous expliquer qui est l'acheteur, qui est le vendeur et comment ça se
fait?
M. Fortier: mon doux, l'acheteur et le vendeur... l'acheteur est
toute personne voulant acheter un produit, que ce soit par la poste ou par
téléphone.
M. Khelfa: Mais le vendeur?
M. Fortier: Le vendeur, bien, c'est celui qui est assez fin pour
se constituer une liste à quelque part. C'est de la libre...
M. Khelfa: Mais qui peut la constituer?
M. Fortier: N'importe qui peut constituer une liste. N'importe
qui peut constituer une liste à partir de l'annuaire
téléphonique, entre autres, et ça, on le retrouve
fréquemment.
M. Khelfa: Équifax peut la constituer et la vendre?
M. Fortier: Équifax pourrait théoriquement,
à partir de la liste des gens qui sont dans son système,
constituer une liste. Les cartes de crédit. Quelle est l'idée de
base? La plupart des marchands, de plus en plus, lorsque vous payez avec votre
carte de crédit, vous demandent votre numéro de
téléphone. Je m'excuse, ils n'ont pas à avoir ça;
ce n'est pas nécessaire. C'est peut-être pertinent pour eux, mais
ce n'est pas nécessaire; et pourquoi est-ce pertinent, maintenant? Je
dis que ce n'est pas nécessaire parce que, si ma carte fonctionne dans
sa «chick-chick», bien, elle est bonne. C'était
peut-être nécessaire il y a 10 ans, parce qu'on n'était pas
capable de vérifier si la marge de crédit était atteinte,
mais, maintenant, quand on passe la carte de crédit dans
l'électronique, que l'ordinateur central dit:
Oui, la carte de crédit de Jocelyn Fortier est bonne; oui,
j'autorise son achat à 50 $, parce qu'il n'a pas défoncé
sa carte, il n'a pas atteint sa marge, et que du même souffle on me dit:
Signez avec votre numéro de téléphone, je ne le donne
pas.
Pourquoi est-ce pertinent pour le marchand, ou pourquoi est-ce pertinent
pour Visa ou un autre? Parce qu'à partir de là, avec votre
numéro de téléphone, le type d'achat ou le magasin
où vous avez acheté et votre nom, on vient de savoir quelle sorte
d'acheteur vous êtes. On vient de définir que vous êtes
peut-être un acheteur de jouets d'enfant. Donc, si vous êtes un
acheteur de jouets d'enfant régulièrement, vous avez probablement
des enfants. Donc, vous êtes peut-être un acheteur de couches,
aussi; et, à partir de là, on va remonter la chaîne, et
c'est comme ça qu'on se constitue des listes. Qui vend des listes? Visa
vend des listes. MasterCard vend des listes. American Express vend des listes.
Le Barreau du Québec, probablement. Il n'y a rien qui contrôle
ça.
Une voix: Le Barreau, oui, oui, c'est clair.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M.
Fortier.
Une voix: Sauf l'Association sur l'accès. M. Khelfa:
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier,
merci.
M. Fortier: Effectivement, j'oserais dire que les seuls qui ne
vendent pas de listes, d'après ce que j'en sais, c'est nous,
actuellement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Khelfa: Est-ce que vous en avez l'intention?
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Fortier: De vendre notre liste? Absolument pas. Et,
d'ailleurs, vous remarquerez qu'on applaudit au fait que la loi s'applique
aussi à nous, puisque, de toute façon, implicitement, on
l'applique, actuellement. Nous sommes très jaloux de la protection de
notre liste de membres.
M. Khelfa: Merci, M. Fortier.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Richelieu.
M. le ministre, vous avez la parole. (16 h 40)
M. Cannon: Peut-être, en terminant, une autre question
à M. Fortier et aux gens de l'Association. Je sais que l'Association
est
relativement jeune - par contre, beaucoup d'expérience - et que
cette Association vise à regrouper les gens qui s'occupent de la
protection des renseignements dans le secteur public. Cependant, ce matin, M.
Fortier, les collègues ont eu l'occasion d'entendre un groupe
d'information sur le logement qui est venu nous distribuer une fiche qui
s'intitule «Demande de logement». À la blague, mon
collègue de Pointe-aux-Trembles et moi, on voulait savoir si cette
Société en question, qui s'appelle la Société
d'habitation et de développement de Montréal, tombait sous
l'empire de la loi d'accès. Or, comme préambule, tout à
l'heure, j'indiquais que oui, elle tombe sous l'empire.
Moi, j'aurais un voeu à formuler, puisque, à la lecture de
cette demande-là, je m'aperçois qu'on pose des questions qui
touchent la nationalité des individus, on pose des questions qui
touchent le numéro d'assurance sociale, qui touchent le permis de
conduire, qui touchent l'état civil. Or, ce sont là des
renseignements qui ne sont pas pertinents, qui ne sont pas nécessaires
à une prise de décision pour qu'un individu puisse
ultérieurement avoir un logement décent et raisonnable dans la
région de Montréal. Alors, ma suggestion très simple, M.
le président de l'Association: Vous est-il possible de parler à
ces gens-là, ou même de demander à ce qu'il y ait
quelqu'un, je pense que c'est Me François... C'est qui, Michel, que je
t'avais donné?
Une voix: Qu'il fasse une plainte devant la Commission.
Une voix: Me François Houde.
M. Bourdon: C'est ça, François Houde.
M. Cannon: François Houde. Que quelqu'un fasse une plainte
devant la Commission pour qu'on puisse au moins, là, avancer de ce
côté-là.
M. Fortier: Je serais même porté à vous dire,
M. le ministre, que fort probablement on n'indique même pas ce qu'on va
faire avec ces renseignements-là et quelle en est l'utilité,
pourquoi on les demande à rencontre de la loi. Et, à 99 contre 1,
ce n'est pas le seul organisme qui fait ça, parce que j'ai
déjà piqué moi-même...
M. Cannon: Exact.
M. Fortier: ...des colères en assistant à certains
événements ou autres où des organismes, aussi couverts par
la loi, me demandaient des choses comme mon numéro d'assurance sociale
en me disant: C'est pour aller chercher une subvention. Ça n'a aucun
rapport. C'est pour ça qu'on est là.
M. Cannon: Alors, on va continuer le travail de
l'Association.
M. Fortier: C'est pour ça qu'on est là, pour
essayer de former les gens. C'est pour ça que je vous disais tout
à l'heure aussi que, s'il doit y avoir quelque part des infractions de
responsabilités strictes à accorder, c'est à la plus haute
autorité. Si ces gens-là, si le responsable qui a laissé
passer ce questionnaire-là l'a laissé passer, c'est pourquoi?
Parce qu'il n'est pas formé? Parce qu'il n'a pas assisté à
nos activités? Parce qu'il ne s'est pas payé un cours à
l'ENAP? Ou parce qu'il l'a dit et que son patron l'a envoyé promener? Je
ne sais pas. Mais, si le responsable avait été formé,
saisi de cette problématique, s'il connaissait toute l'ampleur des
devoirs qui lui sont imposés par la loi, vous n'auriez pas ce
formulaire-là, si son patron ne le bloque pas. Et c'est là qu'on
en arrive, effectivement, à la responsabilité de la plus haute
autorité, parce que, même si le responsable fait sa job, s'il dit
à son patron: Ça ne peut pas être fait, voici mes
recommandations, si le patron dit non, bien, il va s'écraser, le
responsable.
M. Cannon: Alors, est-ce qu'on se donne rendez-vous à
l'occasion de la révision de la loi d'accès, secteur public?
M. Fortier: Vous pouvez être assuré que nous serons
présents.
M. Cannon: Je vous promets que ma première question,
justement, portera là-dessus. Ha, ha, ha!
M. Fortier: Excellent, on en prend bonne note.
M. Cannon: O.K.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier. Merci,
M. le ministre.
Ceci met donc fin à votre témoignage, à votre
intervention. Je vous remercie et je demanderais maintenant aux
représentants du Bureau d'animation et information logement du
Québec métropolitain inc. de bien vouloir venir se
présenter. Je vais suspendre les travaux pour ce faire, pour une
minute.
(Suspension de la séance à 16 h 44)
(Reprise à 16 h 45)
Le Président (M. Gobé): II nous fait plaisir
d'accueillir les représentants du Bureau d'animation et information
logement du Québec métropolitain. Je vous demanderais de bien
vouloir vous présenter et, par la suite, vous pourrez commencer votre
témoignage ou votre intervention.
Bureau d'animation et information logement du
Québec métropolitain inc. (BAIL)
M. Cusson (Denis): Bonjour. Mon nom, c'est Denis Cusson, je suis
coordonnateur au Bureau d'animation et information logement. À ma
droite, ma collègue, Nicole Dionne, qui est coordonnatrice à
l'organisation et aussi responsable particulièrement du dossier de la
discrimination et du harcèlement à l'endroit des locataires, et
des femmes en particulier.
Mme Dionne (Nicole): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre
intervention.
M. Cusson: Le mémoire étant relativement bref, nous
allons en faire une lecture non pas exhaustive, mais en reprenant de
façon assez systématique les éléments du dossier du
mémoire, étant donné que de notre côté, on
n'a pas... Il nous apparaît que, si on veut protéger
adéquatement les renseignements personnels, ce n'est pas en
établissant une série de mécanismes de contrôle
qu'on va assurer une protection, mais plutôt peut-être en
réglant le problème à la source, soit dans la collecte
elle-même des données.
Mais, d'abord, qu'est-ce qui fait qu'on arrive à cette
conclusion-là? C'est en regardant quelle est la situation du logement au
Québec et dans quelle mesure la loi 68 peut s'y appliquer. On
reconnaît que le logement au Québec est une question fondamentale,
même si ce n'est pas reconnu dans la Charte québécoise des
droits comme étant un droit du citoyen comme tel, le droit au logement.
Ça n'apparaît pas non plus dans la Charte canadienne des droits de
la personne. Par contre, être locataire, c'est rarement un choix
individuel que les gens font. On se retrouve locataire souvent par obligation
plus que par choix.
Donc, si on regarde la situation de qu'est-ce qu'un locataire à
l'heure actuelle dans la région de Québec, on constate que
consacrer 25 % de ses revenus au logement, c'est le cas de la moitié des
ménages locataires. Consacrer plus de 50 % de ses revenus, c'est une
situation régulière quand on est une personne âgée
ou quand on vit de l'aide sociale. C'est aussi faire face à du
harcèlement et à de l'intimidation quand on est une femme ou une
personne âgée. C'est aussi faire à de la discrimination
quand on est une femme chef de famille, quand on est un jeune, quand on est une
personne à faibles revenus ou sans revenu de travail. Donc, quand on est
pauvre, on se retrouve souvent avec des logements qui sont en voie de
«taudification».
La discrimination est souvent cachée sous le couvert de la
solvabilité. Le logement étant un bien essentiel, le jeu de la
concurrence ne joue pas de la même façon. On est en
présence d'une monopolisation des logements entre les mains d'une
poignée de gros propriétaires immobiliers. À titre
d'exemple, pour la ville de Charlesbourg, 10,7 % des propriétaires
possèdent la moitié du stock de logements de Charlesbourg.
À eux seuls, 1,9 % des propriétaires possèdent 22 % du
stock de logements. Entre les mains de 28 propriétaires, nos 10 %, on
peut se donner les règles du jeu qu'on veut bien pour faire marcher le
marché immobilier du logement dans la ville de Charlesbourg.
Le droit au logement doit être reconnu et protégé
par une législation et une réglementation sévères.
Le locataire doit avoir le droit de louer le logement convoité sans
avoir à traîner le boulet de sa condition sociale, à
s'inventer un conjoint, un emploi ou même à cacher ses enfants.
Depuis 10 ans déjà, des banques d'informations spécifiques
sur les locataires ont été créées par
différentes associations de propriétaires immobiliers. Ces
banques d'informations, que les instigateurs ont qualifié de
«banques de bons locataires», ne sont rien d'autre qu'un moyen pour
faire de la discrimination sous le couvert de la solvabilité du
locataire.
La Charte des droits de la personne, par les articles 10 et 12, interdit
formellement la discrimination, que ce soit fondé sur la race, la
couleur, le sexe, pour raison de grossesse, l'orientation sexuelle,
l'état civil, l'âge, la religion, etc. Par contre, les
propriétaires immobiliers ne diront jamais: Je ne veux pas
d'assistés sociaux, je ne veux pas d'enfants ici. On fait plutôt
remplir une fiche de renseignements personnels qui s'appelle parfois
«Demande de location», comme vous pouvez le voir en annexe et comme
vous en avez discuté tantôt par rapport à la SHDM. La
solvabilité n'est définitivement qu'un faux prétexte
quand, de l'aveu même d'une agence de recouvrement, 78 % de leurs
dossiers sont constitués de personnes ayant un emploi et que 42 % des
propriétaires précédents avaient affirmé que leur
ancien locataire payait bien son loyer.
Qu'ont donné, donc, les recherches de solvabilité? C'est
que, finalement, on s'est basé sur le fait que - vous avez en annexe un
article tiré d'Habitabec - on a loué un logement parce que
c'était un homme qui faisait la demande de location, parce qu'il
travaillait. On n'a pas, à mon sens, cherché à
vérifier, effectivement, la solvabilité des personnes en
question. (16 h 50)
La collecte d'informations personnelles pour la location d'un logement
étant assurément un moyen pour camoufler la discrimination, nous
croyons que le projet de loi devrait explicitement interdire la demande de
collecte et la collecte d'informations pour les besoins de location de
logement.
La loi, un pompier qui arrivera toujours trop tard. Le projet de loi
comporte des éléments fort intéressants pour la protection
des citoyens
et des citoyennes. Nous pensons particulièrement aux articles 5,
8, 11, 28 et 40. Toutefois, dans un domaine comme le logement locatif, les
délais dans les recours jouent en faveur des contrevenants. Nous avons
besoin d'une action directe et immédiate. Après un an et demi,
à la sortie du jugement, le logement ne sera assurément plus
disponible. Il ne faut pas oublier que la discrimination se fait surtout
à l'endroit des personnes démunies économiquement ou
socialement. Les tribunaux, qu'ils soient judiciaires ou administratifs, et les
organismes gouvernementaux ne jouissent pas de la cote d'amour du peuple, des
gens à faibles revenus.
À lui seul, l'article 8 devrait éliminer toute
discrimination en matière de logement, et même rendre la collecte
d'informations personnelles totalement inutile, sauf si le propriétaire
immobilier veut jouer avec le dernier bout de phrase à l'alinéa
1, qui nous dit: «...sauf [...] s'il est pertinent à la conclusion
et à l'exécution du contrat», argument que le
propriétaire va utiliser, justement, pour dire que: Oui, ça me
prend le numéro d'assurance sociale; oui, ça me prend le
numéro de ci et de ça; ça me prend des informations
personnelles pour pouvoir conclure le contrat.
Par contre, l'alinéa 2 nous dit: «En cas de doute, un
renseignement personnel est considéré non pertinent.» Donc,
le locataire peut considérer que le renseignement demandé est non
pertinent. Sauf que, est-ce qu'ici le propriétaire va louer quand
même le logement ou pas? Nous croyons qu'il reviendra aux locataires qui
vont se faire refuser un logement de faire appel à la Commission,
malgré l'alinéa 2. Le propriétaire ne consentira jamais un
logement pour ensuite faire lui-même la demande à la Commission
afin de prouver qu'il est en droit de demander certaines informations
personnelles; le locataire sera donc privé de son logement. Quels seront
les recours du locataire? Pratiquement aucun. Au plus, la Commission dira, par
son article 51, alinéa 2, «de cesser ou de s'abstenir d'accomplir
un acte», donc, de dire au propriétaire: Vous allez arrêter
de demander le numéro d'assurance sociale. Mais ça ne donne pas
plus le logement au locataire.
Le locataire qui s'est vu privé de ce logement ne pourra
même pas avoir de recours en dédommagement puisque le
propriétaire n'a exercé aucune discrimination officiellement,
étant donné que le fait de demander un renseignement personnel,
ce n'est pas exercer de la discrimination, étant donné que le
renseignement sert à masquer la discrimination. À titre
d'exemple, à la Commission des droits de la personne de Québec,
il est extrêmement difficile de réussir à franchir la
frontière du préposé à la réception des
plaintes, dans le sens que, là aussi, il y a une sensibilisation
à faire à la Commission, à Québec, sur qu'est-ce
qui est une discrimination. Ce n'est pas gagné. On y travaille, mais ce
n'est pas gagné.
La question quiz qui se retrouve aujourd'hui, c'est: Qui fera la cause
type en matière de logement? La protection apparente des citoyens et des
locataires, en particulier, est considérablement amoindrie par l'article
12 qui indiquera aux commerçants et aux propriétaires immobiliers
la voie à suivre pour faire fi de l'esprit de la loi. Notre article 12
dit ceci: «Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements
personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les
utiliser à des fins incompatibles avec celles de l'objet de la
constitution du dossier, à moins que la personne concernée n'y
consente ou que la présente loi le prévoit.» On donne ainsi
l'échappatoire nécessaire au propriétaire pour pouvoir
transmettre à un tiers des informations. Cette échappatoire est
déjà utilisée par les propriétaires dans des
demandes de location comme vous avez en annexe 1 où c'est
carrément marqué: J'autorise qu'une enquête de
crédit soit faite sur moi par l'association du propriétaire.
Donc, par cet ajout-là, on se défile de l'esprit de la loi avec
l'article 12, s'il y a un consentement volontaire du locataire.
Contrôler l'échange d'informations ou contrôler la
collecte d'informations. Le meilleur moyen de protéger les citoyens et
citoyennes contre la divulgation de renseignements personnels, c'est d'abord et
avant tout en limitant la collecte d'informations. Le projet de loi 68
s'attaque essentiellement à la divulgation d'informations. Il nous
apparaît un voeu pieux de tenter de contrôler l'échange et
la divulgation d'informations. On ne fait que s'attaquer à des
mécaniques, et vous savez fort bien que ces mécaniques peuvent
être contournées de multiples façons. Vous en avez
prévu une par l'article 12 qui est déjà utilisée
par les propriétaires immobiliers, et même utilisée, je
dirais, par le club Columbia, le club de disques Columbia; quand on devient
membre du club de disques, on reçoit le contrat par la suite où
c'est carrément marqué: J'autorise le club Columbia à
vendre la liste des membres à d'autres organismes. Mais le contrat, on
le reçoit après avoir payé 1,99 $ pour avoir des disques
à moitié prix. Donc, encore là, on a des contrats
prévus où le désistement, il est déjà
indiqué, et on n'a finalement rien à dire après
ça.
Il y a 30 ans, personne n'avait besoin de donner son numéro de
compte bancaire, son numéro d'assurance sociale, son numéro de
permis de conduire pour louer un logement. Comment se fait-il qu'aujourd'hui il
faille donner tout cela à chaque fois que l'on veut seulement visiter un
logement? Avant même de signer notre contrat, on nous demande toutes ces
informations-là. Est-ce que les gens étaient plus solva-bles il y
a 30, 40, 50 ans? Ce n'est pas évident.
De tout temps, on sait qu'il y a des personnes qui sont pauvres,
d'autres qui sont riches. Aujourd'hui, l'immobilier est un moyen de faire de
l'argent rapidement et facilement. Tous les
moyens sont bons: la discrimination et l'intimidation sont les plus
utilisés. Demander des renseignements personnels pour louer un logement
n'a d'autres fins que d'exercer une discrimination à l'endroit des
personnes qui ne cadrent pas dans le profil du locataire que recherchent les
propriétaires immobiliers. On demande donc que le projet de loi
interdise formellement la demande d'informations personnelles pour la location
d'un logement.
On va vous remettre un document qu'on a reçu après avoir
fait parvenir le mémoire, qui va vous éclairer en même
temps sur d'où vient le fait que la SHDM utilise une fiche de
renseignements, comme il a été présenté ce matin,
pour avoir de l'information sur les locataires. La feuille qu'on vous transmet,
c'est une correspondance que la CORPIQ, la Corporation des propriétaires
immobiliers du Québec, fait parvenir à tous les
propriétaires et même à des coopératives
d'habitation. C'est via une coop d'habitation qu'on a pu obtenir ce
renseignement qui nous vante les mérites du bail type de la CORPIQ.
À cette heure, étant donné que la Régie du logement
vend maintenant le bail, les propriétaires ont décidé de
mettre sur pied leur propre bail, ce qui revient, selon la publicité,
à être beaucoup moins coûteux que d'utiliser celui du
gouvernement: la CORPIQ le vend à 1 $ pour deux copies tandis que le
gouvernement le vend à 1,75 $ plus TPS.
Dans cette fiche, ce bail CORPIQ, on peut voir que le bail, ce n'est pas
seulement que la description des lieux loués, mais on demande une
série d'informations. Ce qui est intéressant dans le document,
c'est qu'on nous indique le pourquoi qu'on nous demande toutes ces
informations, et on peut se rendre compte que le seul objectif d'utiliser cette
série d'informations, c'est au cas où le locataire
déguerpirait ou qu'il serait en manque de paiement.
Donc, si on veut que ces informations-là ne soient pas transmises
à gauche et à droite, qu'elles ne servent pas à des fins
détournées de discrimination, je pense qu'il faut interdire
carrément l'utilisation de fiches de renseignements. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cusson. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Cannon: M. Cusson, Mme Dionne, bienvenue. Ça fait
plaisir de rencontrer des gens de la région de Québec qui
viennent parler de logements, parce que, mon collège de
Pointe-aux-Trembles, c'est à Montréal, tous ses problèmes,
et je m'aperçois que, bien sûr, ce n'est pas uniquement un
fléau qui est réservé à un seul endroit, c'est
effectivement répandu.
J'ai été frappé ici, encore une fois, par le
document qui s'intitule «Demande de location». On retrouve que le
numéro d'assurance sociale est requis, le numéro du permis de
conduire, etc., d'autres informations qui sont véritablement d'aucune,
mais d'aucune utilité pour qu'une personne puisse prendre une
décision à savoir si oui ou non on doit louer. (17 heures)
Ce matin, à l'occasion d'un échange que nous avons eu avec
un autre groupe, on a porté notre attention, je dirais, sur l'article 5
du projet de loi au niveau de ce que constituait les termes
«pertinents» et «nécessaires», pour aboutir
à la conclusion que je m'engage à ce que nous puissions changer
le terme «pertinents» par le terme
«nécessaires». La suggestion de ces gens, ce matin,
c'était de dire, bon, qu'on peut faire un historique au niveau de la
solvabilité des individus, après quoi c'est suffisant pour
prendre une décision, à savoir si, oui ou non, la personne peut,
effectivement, occuper le loyer. On n'a pas besoin de fournir d'autres
renseignements. Et j'aimerais, dans un premier temps, connaître un peu
votre opinion là-dessus, là, si on était capable de
resserrer davantage cette chose-là, les informations nécessaires
plutôt que des informations pertinentes, parce qu'on pourra toujours dire
que le numéro d'assurance sociale, c'est pertinent.
M. Cusson: C'est difficile d'établir qu'est-ce qui est
nécessaire à l'allocation d'un logement dans la mesure que, si on
commence à négocier sur des éléments
nécessaires, c'est qu'on accepte le principe même d'une fiche de
renseignements. Et la base même d'une fiche de renseignements, c'est que
ça va amener une discrimination.
M. Cannon: Ça, c'est ma deuxième question, M.
Cusson. Dans le document que vous avez ici, là, avant même que
vous ne le disiez, j'avais souligné les termes «j'autorise qu'une
enquête de crédit soit faite sur moi par l'association du
propriétaire», etc. Avez-vous des indications comme quoi, une fois
que tout ça, c'est terminé et que c'est emmagasiné quelque
part, puis qu'il y a des fiches de renseignements qui ont été
compilées, avez-vous les informations comme quoi on les détruit,
ces fiches, après, bien sûr, je ne sais pas, moi, que la
finalité ou l'objet pour lequel on a sollicité une location a
été complété? Est-ce que vous avez des indications
comme quoi c'est...
M. Cusson: Non. Les fiches ne sont pas détruites. Est-ce
que les fichiers sont bien maintenus? Ça, c'est un problème. En
tout cas, de l'aveu de l'ancien président de la CORPIQ, qui est
maintenant le président de Centraide Québec, le fichier ne serait
peut-être pas en bon état, à l'heure actuelle, sauf que les
fiches qu'il y a à l'intérieur n'ont jamais été
détruites. Donc, des informations qui peuvent dater, pour un locataire,
d'il y a cinq ans sont encore emmagasinées, puis les premières
fiches de la CORPIQ, qu'on n'a pas annexées, allaient même
jusqu'à donner
une appréciation du propriétaire sur le locataire au
niveau de ses comportements, les fois qu'il a pu aller à la
Régie, toutes ces informations-là.
M. Cannon: Ah oui?
M. Cusson: les fiches de départ pour constituer le
fichier, en 1982-1983, allaient jusqu'à une analyse du comportement du
locataire.
M. Cannon: Savez-vous si on fait d'autre chose? Vous me dites que
ces fiches sont dans un état de désuétude. Est-ce que vous
avez l'impression ou est-ce que vous avez des indications comme quoi ces
fiches-là ont déjà servi à d'autres fins, qu'on ait
pu, je ne sais pas, moi, vendre ces fiches, construire des listes noires de
locataires, comme on a vu des cas auparavant?
M. Cusson: La menace est continuelle. Des locataires nous
rapportent encore que, quand ils ont des démêlés avec le
propriétaire, ils se font menacer d'être mis sur la liste noire
et, donc, la crainte d'avoir de la difficulté à se trouver un
nouveau logement est très présente chez les locataires, encore.
Donc, les gens...
M. Cannon: Une espèce de...
M. Cusson: ...vont diminuer leurs demandes ou ils vont les taire,
tout simplement, de peur de se retrouver sur une liste noire, parce que,
étant donné... Quand ils signent la bail, ils ne se rendent pas
compte de l'importance des informations qu'ils ont données. Mais c'est
quand elle se retrouve avec un problème avec le propriétaire,
puis qu'on lui met sous le nez: Je te mets sur la liste noire si tu vas
à la Régie, que la personne, là, se rend compte: Ah! c'est
vrai, j'ai donné mon numéro d'assurance sociale. C'est vrai, j'ai
donné telle information. C'est pour ça que juste le... Est-ce
qu'elle est utilisée, est-ce qu'elle est transmise? On ne le sait pas.
Mais elle sert de menace continuelle.
M. Cannon: Mais le potentiel est là. Tout à
l'heure, plus tôt dans votre intervention, M. Cusson, vous et Mme Dionne
avez référé à des cas de harcèlement sexuel.
Est-ce que vous avez des cas à témoigner aux membres de la
commission?
Mme Dionne (Nicole): Ce que je voudrais préciser, d'abord,
c'est qu'il s'agissait de harcèlement et non pas de harcèlement
sexuel.
M. Cannon: D'accord.
Mme Dionne (Nicole): II faut bien faire la différence,
elle est importante. Pour ce qui est de ces renseignements, pour donner un
exemple concret et récent, hier, au Bureau, quelqu'un qui a
téléphoné mentionnant que son propriétaire
exigeait, évidemment, des renseignements sur lui pour lui accorder un
logement. Ce que le locataire, lui, a consenti à donner, c'est le nom de
son employeur, le nom et les coordonnées de son propriétaire
actuel et c'est tout. Le propriétaire a exigé que son
numéro d'assurance sociale soit aussi mentionné. Moi, je n'ai pas
vu la fiche de location que le locataire a remplie, mais il a exigé que
le numéro d'assurance sociale soit indiqué. Le locataire ayant
refusé et ayant demandé au propriétaire l'utilisation, le
propriétaire i'ji a simplement répondu: J'ai un ami qui est
gérant de banque, je peux avoir tout ce que je veux avec ton
numéro d'assurance sociale. Le locataire, ce qu'il a fait, c'est qu'il a
téléphoné à la Régie du logement. Je ne
mentionnerai pas la réponse de l'agent parce que c'est aberrant, mais le
locataire nous a rappelés et ce que, lui, il me demandait, c'est: Est-ce
que je prends le logement? Le logement m'intéresse, est-ce que je prends
le logement? Moi, ce que je lui ai conseillé: Ne prends pas le logement.
Parce qu'il a déjà eu une menace en disant: Écoute, moi,
ce numéro-là, si je l'obtiens, j'aurai les renseignements sur toi
parce que j'ai un copain qui est gérant de banque. Ce n'est
peut-être pas vrai, mais il y a quand même cette menace-là,
aussi.
Bon, il s'agit de ce cas-là, mais, dans l'ensemble, c'est souvent
les femmes qui subissent ce type de menace là ou de harcèlement
parce que, souvent, elles doivent donner même à la limite le nom
de l'ex-conjoint. Parce que, si la femme, par exemple, a de faibles revenus,
soit des revenus d'aide sociale ou de travail peu
rémunéré, c'est qu'on demande tellement d'informations que
ces femmes-là, qui veulent avoir un logement... Ce n'est pas facile,
pour une femme qui a des faibles revenus et qui a des enfants à charge,
de se trouver un logement à un prix qui lui convient et de
qualité convenable, aussi. Donc, ces femmes-là se font demander
une foule d'informations, une foule de renseignements sur leur vie
privée. Quand on parle de numéros, c'est vraiment tout ce qu'on a
comme numéros qui est demandé, et le propriétaire, parce
que la personne a refusé une augmentation de loyer parce qu'elle a
exigé des réparations ou de l'entretien, commence à faire
des menaces: Écoute, moi, j'ai le nom de ton agent d'aide sociale, je
vais faire des pressions, je vais déclarer que tu as un copain qui vient
les fins de semaine. C'est tout ce genre de menaces là qui s'ajoute tout
le temps à la pression que ces femmes-là subissent
quotidiennement.
Donc, je pense qu'il se fait effectivement du harcèlement parce
que les propriétaires ont beaucoup d'informations sur nous. Quelle
utilisation en font-ils? On n'ose à peu près pas penser
jusqu'où ça peut aller, mais on sait que les menaces, c'est
toujours une épée de Damoclès qui pend sur le tête
des locataires qui ont consenti à donner ces informations-là par
méconnaissance de
leurs droits et qui sont pris avec ça tout le temps. Moi,
j'essaie de faire comprendre aux gens que leur numéro d'assurance
sociale, c'est le numéro qu'ils ont à vie. Même si vous
n'êtes plus locataire de ce logement-là, qui dit que le
propriétaire n'utilisera pas ce numéro-là pour s'informer
sur vous, quand même faire un suivi? Puis c'est la même chose, ils
demandent même les numéros de cartes de crédit, tout
ça. Ça donne quoi de donner notre numéro de carte de
crédit à un propriétaire? Je veux louer un logement, je ne
veux pas acheter une maison, je ne veux pas acheter une voiture, là.
C'est dans ce sens-là qu'effectivement il y a des pressions qui sont
faites auprès des locataires et qu'il y a des conséquences,
aussi, pour les locataires.
M. Cannon: Oui. C'est toujours la question de renseignements qui
sont nécessaires.
Mme Dionne (Nicole): C'est ça. C'est que, moi, je pense,
en tout cas, qu'on arrive comme à un...
M. Cannon: Oui. Et peut-être pour compléter, pour M.
Cusson. On a parlé tantôt de constituer des fichiers, mais il y a
quand même des dispositions, à la fois dans le Code civil,
maintenant, mais aussi dans le projet de loi, qui fixent une durée de
vie aux renseignements qui sont là. Une fois qu'il y a une
décision qui est prise, c'est fini, là. La décision est
prise.
M. Cusson: Avec le système informatique, on peut cacher de
l'information.
M. Cannon: Mais c'est...
M. Cusson: Est-ce qu'il va y avoir un enquêteur qui va se
promener dans toutes les...
M. Cannon: Bien, c'est-à-dire... Non, il y aurait...
M. Cusson: ...chez tous les propriétaires pour
vérifier dans leur système informatique...
M. Cannon: Non, c'est clair, M. Cusson, qu'il n'y aura pas
d'enquêteur, mais c'est la possibilité d'avoir un recours. Tout
à l'heure, lorsque Mme Dionne faisait allusion au cas de la personne qui
a communiqué avec elle hier soir, c'est sûr que, si vous aviez eu
recours devant la Commission d'accès à l'information
immédiatement, vous auriez pu référer l'individu à
la Commission d'accès à l'information en disant: Allez là,
ils vont faire le nécessaire pour pouvoir régler ça.
Mme Dionne (Nicole): Excusez-moi, mais c'est parce que vous me
dites: Oui, ils auraient pu intervenir, tout ça. Oui, mais le locataire,
il l'aurait eu quand, son logement, là?
M. Cusson: Pour donner une idée, on...
Mme Dionne (Nicole): C'est dans ce sens-là qu'il
faut...
M. Cannon: Non, non. Je suis d'accord avec vous, je suis d'accord
avec ça.
Mme Dionne (Nicole): C'est ça.
M. Cannon: Vous allez me dire: II ne l'aurait pas tout de suite.
C'est sûr, c'est sûr. Mais je pense qu'au même titre qu'on a,
il y a 10 ans, créé la loi d'accès à l'information
dans le secteur public, et comme les gens qui ont passé avant vous ont
dit qu'à ce moment-là c'était insurmontable,
c'était quelque chose de grandiose, c'était difficile de
rendre... Aujourd'hui, on entame la même chose pour le secteur
privé et force est de constater qu'avec l'expérience, une fois
qu'on aura établi, par exemple, si on est capable d'arrêter un
formulaire qui, lui, contient les renseignements nécessaires, on va
être capable d'éliminer, quant à moi, les
éléments qui seront superflus. Alors, c'est une question
d'éducation, aussi. Ça ne répond pas - et je suis tout
à fait d'accord avec vous - ça ne donne pas demain matin le
logement à votre type, mais c'est un pas dans la bonne direction, quant
à moi. (17 h 10)
M. Cusson: Mais la Commission d'accès à
l'information, il faudrait qu'il y ait, si on peut dire, une multitude de
commissaires pour pouvoir entendre les causes. Pour donner un exemple, on a
fait une demande, nous, pour avoir des décisions de la Régie du
logement. Le processus entre le moment où on a fait notre demande
à la Régie pour avoir des décisions puis la
démarche avec la Commission d'accès à l'information, on se
retrouve, aujourd'hui, à plus d'un an, entre le moment où on
s'est fait refuser les décisions de la Régie et on a
été entendu en novembre par la Commission d'accès à
l'information, puis, aujourd'hui, on n'a toujours pas la décision
à savoir si on a droit à ces documents. C'est pour ça que,
quand on parle de délai, je veux bien qu'on accepte un délai
d'une semaine, le locataire peut toujours attendre une semaine avant de se
retrouver un nouveau logement, mais, là, quand la décision
finale...
M. Cannon: En tout cas, je suis d'accord avec ce que vous me
dites. Moi, j'ai l'impression que, lorsqu'on aura rendu une première
cause où on aura créé jurisprudence dans ce secteur, comme
une traînée de poudre, ça va se répandre
auprès des propriétaires et des locataires, que la Commission
d'accès à l'information a décidé telle chose. C'est
un peu là-dessus que je me base. Je ne peux pas vous dire que, demain
matin, le gouvernement va procéder à l'embauche de dizaines et de
centaines de commissaires qui vont
se déployer sur l'ensemble du territoire, ce serait illusoire de
le penser et même pour moi de le dire. Mais, c'est à la fois les
inconvénients mais aussi la façon que l'on a, dans notre
société, pour régler ces problèmes. Vous et moi, on
peut peut-être, tantôt, aller prendre une bière-
Une voix: Tout régler.
M. Cannon: ...et on en aurait jusqu'à 10 heures demain
matin à discuter de ces choses-là, que vous pouvez
considérer comme étant des injustices. Mais, nous, comme
législateurs, on vit aussi avec l'ensemble du contexte, et c'est
ça.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez la
parole.
M. Bourdon: D'abord, je voudrais vous remercier de la teneur de
votre mémoire. Ça fait trois organisations, trois groupes, parce
que, à l'occasion, il y avait deux organisations ensemble, qui viennent
devant cette commission pour décrire les difficultés que vous
rencontrez. Ma première question, c'est: Pensez-vous que ce serait
praticable d'interdire toute demande de renseignements du futur
propriétaire à une personne qui demande un logement? Dans le sens
que, dans le fond, le pouvoir d'obtenir des renseignements, et qu'il faut, je
pense, limiter et contrôler, il provient du fait que le
propriétaire est libre de louer son logement ou pas. C'est ce qui fait
que le rapport de force est inégal et c'est ce pourquoi il faut que le
législateur intervienne pour que la loi prévoie ce qu'il est
légal de demander. Et j'ai tendance à être d'accord avec
tous ceux qui disent qu'au lieu de «pertinents» il faudrait
demander que ce soit des renseignements «nécessaires».
Spontanément, votre groupe, comme d'autres qui sont venus, disent
que la preuve du revenu, le propriétaire précédent, c'est
ce genre de renseignements qu'il est légitime d'avoir pour savoir si la
personne va pouvoir payer le logement. Dans le fond, le propriétaire
d'avant est une source qui a sa valeur. Il peut donner une mauvaise
référence à l'occasion, mais, en tout cas, lui, au moins,
il a le mérite d'avoir des choses pertinentes à dire parce qu'il
est concerné, il est touché.
Et, dans le fond, je vous dis ça pour ce qui est des
questionnaires, c'est que ce dont on s'aperçoit, c'est que la personne
qui, dans notre société, jouit d'un pouvoir économique
disproportionné par rapport à l'autre, c'est de la que vient la
disproportion de moyens. Parce que, écoutez, j'ai déjà
cherché des logements moi aussi, c'est sûr que le
propriétaire, surtout en période où les logements sont
rares, peut dire: Si ça ne marche pas, je ne te louerai pas. Dans le
fond, c'est là qu'est le problème. Mais, je pense que ce serait
un peu illusoire... Ne pensez-vous pas que ce serait un peu illusoire de dire:
II ne peut pas y avoir de questionnaire?
Je vous donne un exemple. Ce qu'on peut penser, c'est que, s'il n'y a
plus de questionnaire écrit, il va y avoir un questionnaire verbal qui
va avoir tendance à avoir le même effet.
M. Cusson: Notre position à nous, c'est que le
propriétaire devrait être obligé de louer à la
première personne qui est prête à signer le bail. Il faut
considérer que les locataires, ce n'est pas des imbéciles. Une
personne qui va louer un logement est en mesure de faire le calcul de son
effort au logement. Si elle a été dans une situation de devoir
tout le temps payer 30 % de ses revenus, ce n'est pas au nouveau
propriétaire de juger: 30 %, tu ne seras pas capable d'arriver. Si la
personne est tout le temps arrivée avec 30 %, la personne est en mesure
de faire cette évaluation-là.
Donc, de demander le revenu, ça revient à ce que c'est le
propriétaire qui juge si notre effort au logement est adéquat.
Par contre, nous autres, comme locataires, on ne peut pas dire au
propriétaire: Faites-moi la preuve de votre solvabilité parce
que, s'il y a un problème de logement que j'ai, quel moyen j'aurai de me
faire rembourser les pertes que j'aurai eues? Le locataire n'a aucun moyen
d'exiger du propriétaire la même preuve de solvabilité
qu'on veut bien lui faire subir. Entendre cet argument de solvabilité,
ça voudrait dire qu'aujourd'hui Raymond Malenfant ne serait pas capable
de se trouver un logement. C'est ça que ça veut dire. Ça
veut dire que Laurent Gagnon, à Québec, ne serait pas capable de
se trouver un logement. J'en doute. Si Raymond Malenfant vient pour louer un
logement ou Laurent Gagnon, on va lui louer, malgré ses faillites. On ne
fera même pas de recherche de solvabilité. De toute façon,
on peut constater que les banques ne l'ont même pas fait pour leur
prêter.
Donc, la question de la solvabilité, de la recherche de revenu,
ce n'est qu'un moyen d'éliminer à la base les personnes à
faibles revenus. Donc, c'est quoi la marge de personnes dont on peut dire que,
délibérément, elles vont aller se chercher un logement
disant: Je n'ai pas les moyens, je déguerpirai, et tout ça? C'est
reconnu, même de la part de la CORPIQ, que les mauvaises créances
ne représentent guère plus de 3 % de leur revenu; 3 %, c'est le
même taux de perte que le commerce au détail au niveau du vol
à l'étalage, sauf en période de crise où le vol et
le non-paiement de loyer peuvent augmenter. Mais ce n'est pas par mauvaise
volonté de la part du locataire s'il y a des non-paiements de loyer. Et
la loi, le Code civil prévoit des dispositions s'il y a des
non-paiements ou des retards de paiements. Donc, que le propriétaire
utilise les articles prévus au Code civil pour obtenir
justice s'il y a un non-paiement de loyer, mais qu'au départ on
ne prenne pas les locataires comme étant des gens qui ne savent pas
administrer et qui font des dépenses farfelues. Donc, interdire toute
forme de demande, à mon sens, c'est réaliste, parce que ce serait
reconnaître que le logement est un besoin et un droit social et qu'en
conséquence on n'a pas à exercer quelque discrimination que ce
soit.
M. Bourdon: Ma question est la suivante: Reconnaissez-vous, d'une
part, qu'un contrat, ça intervient entre deux parties et, donc, qu'il
faut être deux pour le conclure? Deuxièmement, que
répondez-vous à ceux, hier soir, qui étaient devant nous,
qui s'occupent de logement... Un des intervenants en gère avec d'autres
350 et fait remplir des questionnaires. Autrement dit, quand les
intéressés eux-mêmes se retrouvent dans une
coopérative, par exemple, ils font remplir des questionnaires aux
personnes qui demandent de venir. J'ai connaissance d'une coopérative,
dans mon comté, où il y a 178 sociétaires de la
coopérative et, en 10 ans, ils n'ont pas perdu un sou de loyer. Mais ils
font remplir un questionnaire qui est légal, qui ne comporte pas les
défauts qu'on voit ici. Mais j'ajouterai que, quand il s'agit des
coopératives, la connaissance des personnes est bien supérieure
à ce que d'autres vont chercher dans un fichier ou dans un
questionnaire, de telle sorte que les gens se prémunissent. (17 h
20)
Mais ne pensez-vous pas que de dire que le premier qui est prêt
à signer un bail doit être accepté par le
propriétaire, on ne parle plus de négociation de contrat puisque
vous dites qu'il n'y en a pas deux qui décident, il y en a juste un?
M. Cusson: Peut-on parler de négociation de contrat dans
le domaine du logement locatif à l'heure actuelle? Je ne crois pas, dans
la mesure que le locataire doit se plier souvent, je dirais à 99 %,
à l'offre que le propriétaire lui fait. À l'heure
actuelle, le propriétaire n'indique pas l'ancien loyer le plus bas
payé et le propriétaire n'a aucune pénalité. Le
locataire voudrait avoir une négociation sur un pot de peinture, on lui
dit: C'est comme ça ou tu vas ailleurs. Non, il n'y a pas de
négociation de contrat qui se passe, à l'heure actuelle, dans le
domaine du logement locatif, je m'excuse.
Est-ce que vous accepteriez que, quand vous allez chez Eaton, on vous
demande d'ouvrir votre porte-monnaie et qu'on vérifie si vous avez les
moyens d'acheter avant d'entrer? Parce que vous pourriez faire du vol à
l'étalage si vous n'avez pas les moyens de payer. C'est un peu ça
dans le domaine du logement à l'heure actuelle. C'est qu'on
vérifie, avant même de pouvoir exercer notre relation
contractuelle: As-tu les moyens de payer? Donc, qu'on me dise qu'il y a un
marché du logement qui respecte le système de l'offre et de la
demande et que ça respecte l'ensemble du marché qu'on
connaît comme un bien de marchandise ordinaire, ce n'est pas vrai parce
que, dans le commerce au détail, on n'agit absolument pas de la
même façon quand on vient pour acheter un bien. On ne nous demande
pas, avant de rentrer dans le magasin, si on a les moyens d'acheter. Dans le
logement, c'a l'air d'être rendu ça la règle. Ce n'est pas
normal qu'on doive montrer patte blanche. Là, ça commence. On
prend l'exemple du revenu, mais le revenu, ça cache
énormément de choses. Dans les fiches de renseignements, on
demande l'employeur. À la limite, le propriétaire va
téléphoner à l'employeur. Si l'employeur dit: Oui, c'est
un organisateur syndical, il se passe quoi? Le propriétaire le refuse,
non pas parce qu'il n'a pas d'emploi, mais parce que c'est un potentiel de
quelqu'un qui pourrait organiser les autres dans le bloc. C'est qu'on n'en
finit plus, à la limite, avec les demandes d'informations pour cacher de
la discrimination.
M. Bourdon: Mais, écoutez, moi, je suis
spontanément du côté des locataires, j'en suis un locataire
à Montréal. Mais le propriétaire peut avoir besoin
d'appeler l'employeur pour vérifier si la personne travaille là,
et je ne pense pas qu'on puisse poser que c'est illégitime que celui qui
loue le logement s'enquière de la capacité de payer de celui qui
lui loue son logement. Et, je vous répète, on forme une
coopérative et les gens, d'eux-mêmes, qui ne sont pas un empire
immobilier, le font, parce qu'il me semble que c'est légitime de le
faire. Ce qui n'est pas légitime, c'est de demander la
nationalité de la personne, de demander son origine ethnique, de lui
demander son numéro de carte de crédit, et on peut en ajouter un
grand nombre. Mais, écoutez, je ne ferai pas un long débat
là-dessus, dans le sens qu'il m'apparaft que, si un législateur
mettait dans la loi que le propriétaire n'a pas le droit de se
renseigner d'une façon légale et de demander les renseignements
nécessaires à son locataire, j'ai l'impression que ça
n'irait pas loin.
Cela dit, le problème qui est entier, c'est qu'il n'y a pas
d'encadrement légal, à l'heure actuelle, pour limiter ce que le
propriétaire est en droit de demander comme renseignements. Je pense que
les abus sont fréquents.
M. Cusson: Mais où vous les mettez, les personnes
jugées non solvables, que le propriétaire, que l'ensemble des
propriétaires jugerait non solvables? Vous les mettez où? Vous
les envoyez sur la liste d'attente des HLM? Vous faites quoi avec?
M. Bourdon: Moi, je...
M. Cusson: Si un propriétaire, si des
propriétaires peuvent dire systématiquement: Je refuse
telle et telle personne, la personne va aller loger où? Sur le banc du
parc?
M. Bourdon: Non, mais...
M. Cusson: C'est là qu'on se retrouve avec un
problème d'accès au logement.
M. Bourdon: Non, non, mais il y a une façon de raisonner
qui est par l'extrême. Je suis contre l'itinérance et je connais
des propriétaires qui demandent des renseignements légitimes
avant de louer. Il y a des organisations qui s'occupent de locataires, dans mon
comté mettons, qui me disent que, à l'occasion, un locataire peut
avoir un comportement reprehensible, un locataire, ou une femme, ou une
personne à peau noire, ou un membre du Parti québécois ou
un libéral. Ce que je veux dire c'est que ça ne veut pas dire
qu'on préconise, par exemple, que les gens couchent dehors. Le droit au
logement, à mon avis, existe, sauf que, un contrat, ça se fait
à deux. Il faut limiter ce qu'un propriétaire est en droit de
demander, parce qu'il y a une disproportion de moyens entre la personne qui
veut louer et la personne qui loue, mais je pense qu'on ne peut pas poser que
la personne qui loue n'a pas un droit légitime de se renseigner un peu,
de demander des renseignements nécessaires à la personne qui veut
louer.
Vous disiez tout à l'heure, par exemple, que le
propriétaire n'a pas à poser de jugement de valeur sur la
capacité de payer de la personne qui loue son logement, mais c'est parce
que le créancier hypothécaire, lui, il va demander d'être
payé par le propriétaire. Quelque part, il y a des endroits... Le
propriétaire qui veut demander une hypothèque va avoir à
répondre à des questions avant d'obtenir son hypothèque.
Mais je ne pose pas d'aucune manière que le logement n'est pas un droit,
ça m'apparait certain. Mais, dans notre système d'offre et de
demande, c'est par un contrat que le droit s'exprime et, dans le contrat, je
suis bien obligé de dire qu'il y a deux parties, et il faut
reconnaître l'existence de deux parties.
M. Cusson: Je suis bien d'accord avec vous en principe, mais, si
on prend le contrat qui s'appelle le bail d'un logement, moi, je vous dis que
ce n'est pas un contrat qui se fait entre deux parties égalftaires.
Parce qu'il y a une question de libre choix aussi dans la réalisation
d'un contrat. Si le vendeur ne nous satisfait pas, on peut toujours aller en
voir un autre, sur un bien non essentiel. Mais, quand on tombe sur un bien
essentiel qui, à mon sens, est très peu contrôlé,
à ce moment-là, on se retrouve à voir que la personne qui
a besoin de ce bien-là a plié sur une foule de choses qui peuvent
être sur des informations personnelles.
M. Bourdon: Maintenant, ce que je vous ajouterais
là-dessus, c'est que j'ai négocié des conventions
collectives pendant 20 ans et que je n'ai jamais eu le sentiment que le rapport
était égalitaire. Et, encore, j'étais dans des secteurs
où les travailleurs ne sont pas démunis. Et cela dit, par les
temps qui courent, quand on négocie, on ne peut pas penser que les
membres d'un syndicat ont tous la liberté d'aller travailler ailleurs
s'ils n'aiment pas ça. Tout ça est toujours quelque chose de
relatif.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Merci beaucoup.
M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez demandé la
parole. Vous avez cinq minutes.
M. Libman: Merci, M. le Président.
Juste pour aussi souligner le point de vue du député de
Pointe-aux-Trembles, oui, on comprend votre logique sur un côté de
la médaille, mais il faut regarder l'autre côté de la
médaille aussi. Si on oblige chaque propriétaire à laisser
n'importe quelle personne venir occuper un logement sans vérifier
l'information, ça ouvre la porte à beaucoup d'abus. Qu'est-ce qui
va arrêter quelqu'un de venir et prendre un logement et, deux, trois mois
après, il ne paie plus son loyer? Le propriétaire est dans une
position très délicate s'il n'a aucune façon de savoir
d'avance si cette personne est capable de payer et si elle ne va pas abuser de
ce privilège une fois qu'elle reçoit les clés.
M. Cusson: Moi, je trouve que, quand ça vient, la question
des droits des personnes pauvres, on parle tout le temps d'abus que ces
pauvres-là pourraient faire d'une législation qui leur
accorderait certains droits. Ça, je trouve ça déplorable
que chaque fois que les démunis veulent revendiquer quelque chose ou
qu'on veuille aller chercher un droit, on pense tout le temps qu'on va aller
chercher de l'abus dans ce droit-là. Non, s'il y a une
accessibilité plus grande au logement, je pense que ce que ça va
amener tout simplement, ça va être pas mal moins de stress chez
les gens, chez les locataires et ça va amener peut-être un
véritable marché de négociation entre propriétaires
et locataires. Parce que là, à ce moment-là, si on
enlève la discrimination au niveau de l'accès au logement,
là, je vais pouvoir dire au propriétaire: Moi, à 350 $, je
n'ai pas les moyens de le payer, je le prendrais à 325 $. Lui, s'il dit:
Non, je ne le loue pas à 325 $, j'ai au moins la possibilité
d'aller voir un autre propriétaire et de marchander. Mais, à
l'heure actuelle, ça n'existe pas parce qu'il y a un frein qui se fait
au niveau de l'accès au logement lui-même, par des voies de
discrimination. (17 h 30)
M. Libman: Mais qu'est-ce qui...
M. Cusson: Puis, au niveau du propriétaire immobilier, je
n'ai absolument pas de craintes sur les problèmes financiers qu'il
pourrait avoir parce qu'il n'y a pas beaucoup de propriétaires
immobiliers, dans le locatif, qui se retrouvent en difficultés
financières. Le système fiscal, le système de calcul des
hausses de loyers, à la Régie, favorisent le propriétaire
de façon très satisfaisante. Par exemple, le propriétaire
voit toutes ses dépenses d'exploitation diminuées de ses revenus
bruts, il est imposé sur son profit net. Vous et moi, on n'est pas
imposé sur notre revenu net, si on peut dire, après avoir
calculé toutes nos dépenses de logement, de consommation, etc.,
le propriétaire immobilier, oui. Ce qui fait que les
propriétaires immobiliers, à l'heure actuelle, paient
très, très peu d'impôt, avec toutes les
échappatoires qu'ils ont, et même ils peuvent dire: J'ai un
locataire qui n'a pas payé ce mois-ci, il a déguerpi ou x
raisons; je le mets comme étant une dépense dans mon revenu, donc
je diminue mon revenu imposable. Donc, le propriétaire est
compensé par le système fiscal québécois et
canadien. Je n'ai pas de craintes là-dessus, que les locataires vont
abuser parce que ça va être plaisant de se retrouver à la
Régie avec une cause de non-paiement de loyer ou de retard de paiement.
Ce n'est pas vrai, ça.
M. Libman: Mais examinez le potentiel. Qu'est-ce qui va
arrêter, à ce moment-là, quelqu'un de rentrer dans un
édifice d'appartements de luxe, de signer le bail, parce que le
propriétaire est obligé de lui laisser signer le bail, et de ne
pas payer, après deux mois, trois mois? Qu'est-ce qui va
l'arrêter?
M. Cusson: La loi permet que, le lendemain du 1er, le 2 du mois,
si la personne n'a pas payé, le propriétaire peut aller à
la Régie. Sa cause est entendue d'urgence dans les deux semaines.
M. Libman: Mais c'est très rare.
M. Cusson: Puis, ce sont des causes qui passent en dedans de cinq
minutes, à la Régie du logement, tant à Québec
qu'à Montréal. On a vu des rôles, sur des retards de
paiement, de 137 causes en dedans de deux heures. Ça passe très
rapidement. Le propriétaire, s'il attend trois mois avant de faire un
recours à la Régie, il a un problème, il gère
peut-être mal ses affaires au départ.
M. Libman: Juste la possibilité de quelqu'un de... Le
propriétaire est obligé de lui donner un bail, il rentre deux
semaines dans cet appartement, deux semaines dans un autre appartement, quatre
semaines dans un autre appartement, ça ouvre la porte à beaucoup
d'abus dans ce sens-là.
M. Cusson: Vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui
peuvent se balader d'un logement à l'autre en dedans d'un mois, qui ont
comme seul baggage un «pacsac»? Parce que là, ce que vous me
dites, c'est que la personne, elle se balade, elle fait le tour de la ville de
Montréal ou elle fait le tour de la ville de Québec juste avec un
«pacsac» sur le dos et que ça ne la dérange pas. Moi,
je n'en connais pas beaucoup des gens comme ça; s'il y en a, ça
représente quoi, comme pourcentage, de la population? Est-ce que
ça représente 0,1 %? Est-ce qu'on fait une loi pour 0,1 %?
M. Libman: Non, mais, moi, je parle dans le contexte de votre
suggestion qui oblige un propriétaire à donner un bail à
n'importe quelle personne qui arrive. C'est ça la différence.
M. Cusson: Mais, moi, je joue avec l'intelligence des gens. Les
gens qui n'ont pas les moyens de se payer un condo de luxe n'iront pas
locataire pour le plaisir d'aller habiter là. C'est un
«trip», ah oui, je me suis payé tel condo, le Mérici.
Non, je ne pense pas que les gens «trippent» comme ça. Ce
n'est pas le «trip» du pauvre monde.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee. Merci, M. Cusson.
M. Cusson: J'aurais peut-être une question à poser
pour un éclaircissement sur un article.
Le Président (M. Gobé): Allez-y rapidement parce
que votre temps est dépassé.
M. Cusson: C'est l'article 76 concernant la possibilité
d'enquête.
Le Président (M. Gobé): À qui vous la posez,
votre question?
M. Cusson: À savoir de préciser ce qu'on entend par
«personne intéressée»? Est-ce qu'on veut parler...
Parce que «personne intéressée», à l'heure
actuelle, en tout cas par des jugements soit de la Régie ou d'autres
tribunaux, ça s'est souvent résumé à la personne
lésée. Est-ce qu'on veut parler ici, par «personne
intéressée», des organismes de défenses de droits
tels les associations de locataires, les comités de citoyens?
M. Cannon: Votre opinion là-dessus, c'est quoi?
M. Cusson: Moi, je pense qu'on devrait l'élargir aux
comités de citoyens et associations de locataires dans la mesure
où les personnes lésées sont souvent des personnes
démunies qui, d'elles-mêmes, vont difficilement faire un recours
devant même la Commission d'accès à l'information.
M. Cannon: O.K. Vos remarques sont prises en
considération, M. Cusson. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci. Merci, M. Cusson,
merci, Mme Dionne.
Ceci met fin à nos travaux pour l'après-midi. Je vais donc
suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures. La
commission est suspendue. Bon appétit à tout le monde!
(Suspension de la séance à 17 h 35)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant reprendre ses travaux. Je vous rappelle l'ordre du jour pour ce
soir. Dès 20 heures, nous allons entendre les représentants de
l'association des courtiers d'assurances de la province de québec.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): Par la suite, à 21
heures, nous entendrons les représentants de la ligue des droits et
libertés. ceci mettra fin à nos travaux aux alentours de 22
heures. vous vous rappellerez aussi que les parties ont droit à 20
minutes chacune pour faire la présentation de leur mémoire; par
la suite, le côté ministériel et le côté de
l'opposition officielle, représenté par m. le ministre...
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...le député
de La Peltrie, et M. le député de Pointe-aux-Trembles, ont chacun
20 minutes...
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...afin de pouvoir
dialoguer avec vous. Alors, sans plus attendre, vous pouvez maintenant
présenter les gens qui vous entourent et commencer votre
témoignage.
Association des courtiers d'assurances de la province
de Québec (ACAPQ)
M. Peliand (Pierre): M. le Président de la commission de
la culture, membres de la commission, M. le ministre, j'aimerais
présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à ma
droite, M. Luc Grégoire, courtier d'assurances, premier
vice-président de l'Association et président du comité
d'inspection professionnelle; M. Jacques A. Auger, courtier d'assurances,
vice-président de l'Association et président du comité des
communications; M. Mario Lebrun, directeur général...
Une voix:...
M. Peliand: ...et Mme Suzanne Thomas, directrice des
communications et relations publiques.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs.
M. Peliand: L'Association des courtiers d'assurances de la
province de Québec est heureuse de participer aux
délibérations de cette commission, à l'occasion de la
consultation générale sur le projet de loi 68 sur la protection
des renseignements personnels dans le secteur privé. D'entrée de
jeu, nous félicitons le ministre des Communications de l'initiative
qu'il a eue d'inviter cette commission à traiter les problèmes
que soulèvent la cueillette, le traitement, l'utilisation et la
transmission des renseignements personnels. Nous saluons également le
courage du ministre dans cette démarche de consultation et l'assurons,
à l'avance, de notre engagement à appuyer toute initiative visant
une meilleure protection de la vie privée.
Notre organisation, fondée il y a plus de 75 ans, poursuit une
mission principale de protection du public et son adhésion est
obligatoire pour tous les courtiers en assurance de dommages opérant sur
le territoire du Québec. En cela, nous sommes différents des
autres groupes de l'industrie de l'assurance de dommages qui ont comparu devant
cette commission ou qui défileront prochainement. Si nous avons
décidé d'intervenir dans le débat, c'est principalement
parce que nous estimons que les 5200 courtiers que nous représentons
contribuent, de façon exceptionnelle, au développement
économique du Québec. Regroupés dans un peu plus de 1800
cabinets, ils administrent pour près de 2 800 000 000 $ de primes, dont
environ 1 800 000 000 $ dans le seul domaine des lignes personnelles,
automobile, habitation. C'est dire que les courtiers en assurance de dommages
s'imposent donc comme des intervenants importants, aussi bien au niveau
économique que sur le plan social, et ce, dans toutes les
régions.
Certains membres de cette commission se souviendront qu'en octobre 1991
nous soumettions à la commission parlementaire des institutions un
mémoire relatif à la protection de la vie privée. Nous
réagissions alors à l'analyse et aux recommandations du rapport
d'un comité interministériel intitulé «Vie
privée: zone à accès restreint». Dans ce
mémoire, notre organisme appuyait les efforts du gouvernement du
Québec dans la protection de la vie privée des consommateurs,
particulièrement en ce qui a trait aux renseignements personnels
détenus par le secteur privé. À cet égard, nous
nous disions particulièrement préoccupés par la situation
entourant la constitution des fichiers personnels et des banques de
données, ainsi que leur mise à jour, leur utilisation et leur
transformation.
La position que nous présentions alors
n'était pas différente des représentations que nous
vous exposons aujourd'hui. Nous estimons, en effet, qu'une législation
est devenue essentielle pour assurer une meilleure protection des consommateurs
contre toute ingérence dans leur vie privée. Nous croyons
cependant que le projet de loi 68 n'est pas, pour le secteur du courtage en
assurance de dommages, la solution au problème. En effet, l'article 25
de la Loi sur les intermédiaires de marché, adoptée en
1989, impose déjà aux intermédiaires de marché,
notamment aux courtiers en assurance de dommages, un code de
déontologie, une législation, une structure de contrôle et
des mesures disciplinaires devant régir expressément la
détention de renseignements privés sur la personne. Le
problème - et nous l'énoncions à ce moment-là -
c'est que le cadre de réglementation établi par cette Loi sur les
intermédiaires de marché reste incomplet et déficient
puisque celui-ci ne s'applique qu'aux intermédiaires de marché et
non au personnel à l'emploi des institutions financières. Nous
nous disions alors d'avis - et le sommes toujours - que, même si les
intermédiaires de marché sont régis par des dispositions
législatives quant à la communication et à
l'échange des renseignements personnels, cela ne garantit en rien la
protection des consommateurs vis-à-vis du commerce des informations
personnelles les concernant.
La protection des consommateurs, quant à la transmission des
renseignements personnels à leur égard, ne sera
véritablement assurée que lorsque tous les intervenants et
prestataires de services financiers disposant ou ayant accès à
des renseignements personnels seront, eux aussi, assujettis à des
règles de confidentialité. C'est pourquoi nous recommandions que
le gouvernement étende aux institutions financières la
législation qui régit déjà le secteur du courtage
de l'assurance de dommages plutôt que de développer un nouveau
cadre et une nouvelle législation d'application générale.
(20 h 10}
II ne s'agissait pas pour nous - et nous estimons qu'il ne devrait pas
en être ainsi non plus - d'élaborer un cadre nouveau qui
affecterait, comme le projet de loi 68, l'économie
générale de la Loi sur les intermédiaires de
marché, notamment sur la possibilité offerte au courtier
d'exercer des activités dans plus d'une discipline à la fois ou
encore de s'associer afin de créer un cabinet multidisciplinaire. Depuis
1991, il nous apparaît évident que l'intérêt accru de
la population et des médias sur les utilisateurs des renseignements
personnels ou des banques de données à des fins autres que pour
celles autrement ou initialement prévues, combiné aux
allégations de transmission abusive ou illicite de renseignements
personnels à des tierces parties sont des facteurs qui ont
contribué à accélérer l'intervention du
législateur. Nous ne sommes également pas sans deviner que les
travaux, activités, analyses et mises en garde de toutes sortes
émanant de la Commission d'accès à l'information ont
très certainement eu une influence quelconque sur le dépôt
du projet de loi 68.
Cependant, contrairement à ce que certains voudraient faire
croire, nous sommes d'avis que la constitution, la mise à jour,
l'utilisation et la transformation des renseignements personnels détenus
par le secteur privé peuvent constituer certes un problème, mais
ne justifient pas une intervention législative de la nature des
dispositions contenues au projet de loi 68. Nous croyons que, si des correctifs
apparaissent nécessaires, le projet de loi 68 ne s'impose pas comme la
solution la plus opportune et la plus efficace. De fait, pour ce qui nous
concerne, les dispositions qu'il contient semblent étrangères
à la situation que nous évoquions en 1991. De façon
particulière et en ce qui concerne notre domaine d'expertise du courtage
en assurance de dommages, nous questionnons l'objectif même du projet de
loi 68 et sa pertinence dans la mesure où il propose un cadre juridique
additionnel et d'application générale qui s'ajoute aux
dispositions législatives déjà existantes régissant
les renseignements personnels. En plus d'impliquer un lot de procédures,
de systèmes de contrôle et de surveillance et de sanctions, sans
compter le fardeau administratif et financier, le projet de loi 68
suggère un cadre qui vient chambarder et déstabiliser
l'économie générale d'autres lois existantes.
Comme nous y avons référé antérieurement,
l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché et les
dispositions déontologiques du règlement de l'Association des
courtiers d'assurances de la province de Québec établissent
déjà, à l'égard des courtiers, des règles
strictes de confidentialité, devant régir l'utilisation des
renseignements personnels. Pourquoi vouloir sortir, en quelque sorte, les
courtiers du cadre de la Loi sur les intermédiaires de marché et
les intégrer à l'intérieur d'une législation
d'application générale, sans égard à la nature
particulière du domaine et des activités de courtage? Qui plus
est, en proposant d'abroger l'article 25 de la Loi sur les
intermédiaires de marché, le projet de loi 68 enlève, dans
une certaine mesure, le privilège de non-divulgation des renseignements
que détiennent actuellement les courtiers. C'est dire que ce qui
pourrait être compris comme un secret professionnel par un courtier n'en
sera plus un, lors de l'entrée en vigueur du projet de loi 68.
Également, nous nous interrogeons sur l'approche proposée
afin de réaliser l'objectif de protection de la confidentialité.
Si le consentement préalable apparaît comme le principe central du
projet de loi 68, pourquoi alors prévoir une série d'exceptions
de la nature de celles annoncées aux articles 17, 18 et 20? À la
lecture de ces exceptions, il est permis de se
demander si le non-consentement ne serait pas la règle et le
consentement, l'exception. Comme organisme de contrôle et de surveillance
des activités des courtiers dont la mission est d'assurer la protection
du public, l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec estime qu'il s'agit là de brèches importantes dans
l'obligation actuellement faite aux courtiers de ne divulguer les
renseignements personnels en leur possession qu'avec l'autorisation
spécifique de la personne concernée.
Nous nous inquiétons, en outre, de ce que le projet de loi 68
propose la mise en place d'un système de contrôle et de
surveillance considérablement lourd et complexe. Par l'accroissement du
mandat et des pouvoirs conférés à la Commission
d'accès à l'information, il y a lieu de se demander si de telles
attributions ne ressemblent pas à une tentative de bureaucratisation et
de judiciarisation du domaine des renseignements personnels. Nous sommes
étonnés de constater que le gouvernement veuille aller de l'avant
avec les dispositions institutionnelles de ce projet de loi dans un contexte de
compression des dépenses publiques et de réduction des effectifs
gouvernementaux.
Sur la question de l'impact économique du projet de loi 68, il
nous apparaît qu'il est difficile de mesurer avec certitude la valeur que
le consommateur attribue à ce nouveau bien public, qui s'appelle la
confidentialité. On peut penser que le projet de loi pourrait permettre
de réduire les situations d'entrave à la confidentialité,
mais les bénéfices ont-ils été mesurés? En
ce qui concerne notre réseau de courtage, nous ne voyons aucun
bénéfice. De façon coutu-mière, avant l'adoption de
la Loi sur les intermédiaires de marché, en 1989, et depuis son
entrée en vigueur, en 1991, les courtiers ont toujours été
soucieux du respect de la confidentialité des renseignements obtenus de
leurs clients. Il nous apparaît donc que, sur le strict plan
économique, le projet de loi 68 ne saurait générer aucun
bénéfice supplémentaire. Sur le plan des coûts, nous
croyons sincèrement que c'est, une fois de plus, le public en
général qui en défraiera la note. Dans l'ensemble donc,
nous sommes d'avis que les coûts du projet 68 excéderont
très largement les bénéfices, et ce, pour toutes les
parties impliquées, tant pour les assureurs que pour notre réseau
de distribution. L'effet net ne sera-t-il pas d'imposer une taxe
supplémentaire?
Pour toutes ces raisons, nous estimons que les dispositions du projet de
loi 68 entraîneraient des conséquences fâcheuses, tant pour
notre industrie que pour le gouvernement. C'est pourquoi nous invitons ce
dernier à repenser certains aspects du projet de loi 68 en acceptant le
principe que chaque secteur de l'activité économique du
Québec ne connaît pas les mêmes problèmes et qu'en ce
sens la mise en place d'un cadre d'application générale,
indistinctement des caractéristiques propres à chacun, ne nous
paraît pas souhaitable. Comme en octobre 1991, nous estimons, en ce qui
nous concerne, qu'il faut boucler la boucle en étendant aux institutions
financières les règles de déontologie applicables aux
courtiers et qui sont contenues à la Loi sur les intermédiaires
de marché.
S'il était de l'intention du gouvernement d'aller de l'avant avec
le projet de loi 68, l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec lui demande de soustraire l'industrie des intermédiaires
de marché, dont les courtiers en assurance de dommage, de son
application et de maintenir leur assujettissement au cadre d'application
déjà existant à l'article 25 de la Loi sur les
intermédiaires de marché, relativement à la protection des
renseignements personnels. Nous vous remercions de votre attention et nous
sommes maintenant disponibles afin de répondre aux questions des membres
de cette commission.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup,
monsieur.
Je passe maintenant la parole à M. le ministre des
Communications. M. le ministre.
M. Cannon: Merci beaucoup, M. le Président.
Bienvenue à tous et à toutes. Ça me fait plaisir de
vous accueillir à l'Assemblée nationale, particulièrement
dans le cadre de l'étude du projet de loi 68. Je dois vous dire que nous
avons analysé votre rapport, votre mémoire, et j'examine
attentivement ce soir ce que vous nous dites. En bref, vous nous dites: Nous
sommes pour la protection des renseignements personnels; la loi, enfin, c'est
une bonne loi dans une certaine mesure, mais, pour nous, non, pas
nécessairement, on régit déjà nos affaires et puis
ça va bien. Est-ce que je résume à peu près ce que
vous me dites ce soir?
M. Pelland: À peu près. Effectivement, nous sommes
d'accord que le public a besoin de protection au niveau des renseignements
privés. Nous sommes d'accord, effectivement, que des mesures en ce sens
doivent être énoncées par le gouvernement. Nous vous
disons, dans notre énoncé d'ouverture ce soir et notre
mémoire, que les courtiers d'assurances sont déjà
très bien réglementés à ce niveau. Ce que nous
considérons comme lacune, c'est que, nous, au niveau de la porte
d'entrée des informations provenant de la clientèle,
l'information est régie, mais, une fois qu'elle est transmise soit aux
assureurs ou aux institutions financières, là on n'en a plus le
contrôle. Donc, nous trouvons inéquitable d'avoir deux poids, deux
mesures: réglementer l'intermédiaire de marché qui va
chercher l'information et ne pas réglementer les institutions
financières ou les compagnies d'assurances qui vont obtenir
de nous, avec l'assentiment du consommateur, la transmission de ces
informations.
M. Cannon: O.K. Il faut quand même se situer et bien se
comprendre. La loi que nous proposons, c'est une loi d'application qui
découle des dispositions du Code civil. Cette loi d'application a pour
objet d'être un plancher, si je peux m'exprimer ainsi, au niveau de la
protection des renseignements personnels qui sont détenus dans le
secteur privé. (20 h 20)
À plusieurs personnes qui sont venues témoigner devant
nous, je leur posais simplement la question: Qu'en est-il au niveau de
l'accès pour un individu, particulièrement dans le secteur que
vous représentez, à son dossier? Qui autorise l'accès?
Est-ce qu'on lui permet l'accès? Sous quelles conditions? Est-ce que
cette personne-là, effectivement, a le droit de rectification? Si elle a
le droit de rectification, comment ça se produit? Si c'est
refusé, pourquoi c'est refusé, etc.? C'est la série de
questions que je vous pose.
M. Pelland: En ce qui concerne le domaine du courtage en
assurance, les différentes questions que vous venez d'énoncer,
quant à moi, sont déjà parfaitement répondues dans
l'encadrement actuel de la loi 134 et dans notre code de déontologie,
à savoir que le client a constamment accès à son dossier.
Un exemple pratique: un assuré décide de changer de courtier
d'assurances pour aller tout simplement se faire servir ailleurs, va demander
le relevé de ses données. Je n'ai jamais entendu parler de
plainte à l'effet que le consommateur n'était pas capable de
récupérer ces informations. La confidentialité de
l'information a toujours été traditionnellement, avant la loi
134, quelque chose qui nous était très proche.
Mon épouse me reprochait, des fois, d'apprendre par ses amies des
choses, dont les époux étaient assurés chez nous, que,
moi, je savais, et elle me disait: Comment ça se fait que tu ne m'as pas
dit ça? Bien! Ce qu'on apprend dans nos boîtes, c'est
confidentiel. On n'en parle pas. Depuis la loi 134, c'est maintenant
codifié et les règlements de déontologie de
l'Association...
M. Cannon: Est-ce que c'est en vertu de la loi sur le partage du
patrimoine qu'elle était capable de vous le dire?
M. Pelland: Je ne m'embarquerai pas dans ce détail. Depuis
la loi 134, les règlements de déontologie de l'Association des
courtiers, qui régissent les façons de travailler des courtiers,
nous encadrent de façon beaucoup... je ne dirais pas plus stricte
qu'avant, parce que, avant, l'encadrement était peut-être
laissé un petit peu au sens civique de chacun des courtiers, mais,
maintenant, c'est codifié dans un code de déontologie qui est
passablement étanche. Quand on vous dit que la loi 68 ouvre des portes,
toutes les mesures d'exception qui sont indiquées aux articles 17, 18 et
20, si je ne me trompe pas sur les numéros, sont encore plus ouvertes
que ce que nous avons actuellement comme pratique de transmission
d'informations.
M. Cannon: Écoutez, moi, je conclus que, si,
évidemment, vous êtes, comme organisation, à la page, je
dirais, de la protection des renseignements, donc, vous n'avez pas à
vous inquiéter, ça devrait normalement bien se faire.
J'attire votre attention sur les articles 86 et 87. Bien que vous avez
mentionné la question du chevauchement, je me suis engagé ici,
devant les membres de la commission, à revoir toute cette question.
Autrement dit, la Commission d'accès à l'information aurait le
loisir de pouvoir dire: Oui, il y a un code de déontologie dans tel
secteur d'activité économique qui s'applique et ce code nous
apparaît tout à fait respectable des préoccupations que
nous avons à l'égard des renseignements détenus dans le
secteur privé. Alors, de ce côté, je pense que le texte
doit être clarifié, je l'ai mentionné. Je me suis
engagé à le faire.
Par ailleurs, je vous dirai simplement que - peut-être que
ça ne s'applique pas chez vous mais à d'autres gens de ce secteur
- alors que le Code des professions était en application... Plusieurs
ont convenu de dire, ultimement: Bien, oui, c'est vrai. Il y a le Code des
professions qui, somme toute, régit le comportement des membres de cette
profession. Le syndic est là, bien sûr, pour sanctionner, etc. On
connaît tout ça. Mais, dans le fond, la disposition, dans la loi
68, qui permet à un individu qui a été lésé,
justement ou injustement, peu importe, ce n'est pas ça la cause, mais
qui permet à cet individu-là d'avoir recours devant la Commission
d'accès, dans le fond, ce n'est pas une si mauvaise chose que ça.
Et c'est ça que nous proposons avec le projet de loi 68, c'est qu'un
individu, celui qui veut voir son droit à la vie privée
respecté, aura effectivement un recours devant la Commission
d'accès à l'information. Alors, dans ce sens-là, c'est ce
que nous proposons avec le projet de loi.
Je le répète, il y a des choses, au niveau du
chevauchement, qui méritent d'être revues, d'être
resserrées pour qu'effectivement le texte législatif
reflète bien ce que le législateur veut bien dire. En terminant,
je vous dirai que le projet de loi est le fruit d'une étude dans chacune
des commissions et des comités au niveau du Conseil exécutif. Par
conséquent, ma collègue, la ministre
déléguée aux Finances, Mme Robic, a effectivement
consulté le surintendant des institutions financières et, quant
à lui, cette disposition-là ou, enfin, la législation qui
est proposée ne lui crée pas trop de difficultés ou,
enfin, ne lui crée pas de difficultés. Sinon, s'il y avait eu
des difficultés, effectivement, elle aurait été
amendée et on aurait eu des changements. Mais telle qu'elle est ici,
elle a reçu l'aval du surintendant.
Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Ça va.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez la
parole.
M. Bourdon: Je voudrais d'abord vous féliciter du contenu
du mémoire. C'est un de ceux qu'on a reçus jusqu'ici qui
synthétisent le mieux l'état de la question. Dans le fond, ce que
vous soulevez, c'est que le projet de loi, jusqu'à un certain point, est
trop un décalque sur la loi déjà existante sur
l'accès et la protection des renseignements dans le secteur public. Je
dis ça parce que je n'interprète pas votre mémoire comme
signifiant que vous dites: Pas dans ma cour, pas nous. Comme bien d'autres,
vous invoquez qu'il y a déjà une loi qui protège vos
clients et que votre principal problème, c'est qu'il n'y a aucune loi
qui assujettit les compagnies d'assurances à qui vous transmettez des
renseignements. Dans ce sens-là, tout en étant d'accord avec le
principe du projet de loi - et je pense que vous l'êtes, aussi -
là où je trouve qu'il manque sa cible, c'est quand il dit: Tout
le monde, ça va être partout, tout le monde pareil, tout le temps.
Il y a 240 000 professionnels, les professionnels au sens classique, vous en
êtes aussi, qui nous invoquent qu'il y a déjà des
dispositions qui les concernent.
Et votre article 25 ne me déplaît pas. Puis vous parlez de
17, 18 et d'autres et, dans ce sens-là, vous avez raison. Quand on veut
embrasser trop large, mais qu'on sait que l'économie, le secteur
privé, c'est les secteurs privés, ce n'est pas simple, bien,
là, on est obligés de faire bien des exceptions. Je remarque,
à la lecture du texte, que le vôtre est serré:
«...sauf s'ils sont requis par une personne ou un organisme ayant le
pouvoir de contraindre...», etc. Mais, vous autres, c'est plus facile
parce que vous dites que les règlements, ils vont rester là,
à moins qu'on n'ait le consentement de l'intéressé.
Alors, dans ce sens-là, ce sont des dispositions que je trouve,
moi, à concilier. Et, dans ce sens-là, la question que je repose
et que j'ai posée à d'autres, c'est: Est-ce que le projet de loi
ne devrait pas tenir compte des autres législations qui régissent
des tas de secteurs et donner comme mandat à la Commission
d'accès d'agir en appel à la place des tribunaux ordinaires qui
vont le faire en vertu des dispositions de 35 à 41 du Code civil? (20 h
30)
Ce que je veux dire par là, moi, c'est que, dans les assurances,
le problème, on le voit avec Les Coopérants, c'est que la
réglementation n'empêche pas les abus. J'en parle à l'aise
des Coopérants parce que ce n'est pas les intermédiaires de
marché qui sont en cour. Ils ont plutôt ramassé le paquet
sur la gueule en même temps que la population, parce que c'est
l'assurance qui a été dévaluée par ce qui s'est
passé chez Les Coopérants. Donc, on ne peut pas dire qu'en
assurance tous les secteurs sont bien assujettis, puis, dans le fond,
l'Inspecteur général, je ne vois pas de raison de lui donner une
médaille quand on voit ce qui s'est passé aux
Coopérants.
Mais, donc, je pense qu'il y a des accommodements à faire parce
qu'il y a une différence, moi, je trouve, entre un organisme qui dit: Je
suis pour le contrôle, mais, moi, je n'ai pas besoin d'en faire parce
que, moi, je suis bien parfait... Vous avez une mécanique et une loi qui
vous régit. La loi des banques, je vous dirai franchement, ça ne
comporte pas bien, bien de contraintes.
Puis ce qu'on sait, là, dans l'actualité immédiate,
c'est que les banques, entre autres, fournissent les numéros de cartes
de crédit à n'importe qui qui a 60 $ à donner à
Équifax, c'est-à-dire un peu moins, là, depuis le 23
février, vu que Le Soleil en a parlé le 24. Équifax
a commencé à être vertueux le 23. Mais les banques... puis
qui invoquent la constitution, ils sont drapés dedans, là, ils
sont tout de rouge, tout d'érable drapés, puis ils nous disent
qu'ils sont parfaits. Bon.
Puis je vous répète ce que je leur ai dit: Bon, Olympia
& York, ça ne devait pas être idéal, parce qu'ils ont
pris un bouillon considérable, mais, eux autres, ils disent: On ne veut
pas de réglementation, parce qu'on le fait déjà bien, puis
on le fait déjà bien en vertu d'une loi qui est pleine de
lacunes, puis, en plus, ils disent: Ce n'est pas votre pouvoir constitutionnel,
bien que le Code civil, il n'ait pas besoin d'être de mon parti pour en
convenir, ça fait quelques siècles que ça dépend de
la province de Québec.
Mais je reviens à votre mémoire. Est-ce que vous
conviendriez qu'il serait logique que la loi qui vous gouverne continue de
s'appliquer et que la Commission d'accès à l'information
remplisse les fins d'appel et de surveillance, aussi, des décisions qui
pourraient être prises en vertu de votre mécanique actuelle, et
ça, pour remplir les exigences qui sont contenues dans le Code
civil?
Et, là, je fais une parenthèse. Ça ne veut pas dire
qu'il ne faut pas assujettir l'assurance. Je parle des entreprises
d'assurances. Parce que vous avez raison de le souligner. Ça ne se peut
pas que les intermédiaires de marché soient
réglementés, autoréglementés... Mais, vous savez,
l'autoréglementation ne me frappe pas, dans votre cas, de la même
manière que l'Association des banquiers canadiens. Ils nous soumettent
un code d'éthique que, si tu n'es pas content, tu peux en parler au
voisin, en pelletant la neige
devant chez vous, là.
Dans votre cas, les gens ont des recours. Le Code civil en crée
de nouveaux, et la Commission d'accès pourrait être ce recours,
pour une raison, c'est que ce serait un tribunal administratif qui aurait de
l'expertise dans ce genre de questions là et qui deviendrait à
l'accès et à la protection du renseignement, dans le fond,
l'équivalent de ce qu'est le Tribunal des droits de la personne,
maintenant, pour ce qui provient des questions de droits de la personne.
Je m'excuse de la longueur du préambule, mais je vous pose la
question.
M. Pelland: Disons que, dans notre mémoire et dans notre
discours d'ouverture, l'Association reprend une partie de votre
énoncé, à savoir que les courtiers d'assurances, les
intermédiaires de marché qui sont visés par la loi 134
sont déjà correctement cadrés, et ceci, par une loi qui
est tout à fait récente, on parle de 1989, qui est entrée
en vigueur en 1991. Donc, on ne parle pas d'une loi antique, là, qui
devrait être renouvelée, remise, réouverte, et tout
ça. Donc, sur ce point-là, je ne peux pas faire autrement que
d'être d'accord avec vous.
En ce qui concerne le fait de voir la Commission siéger comme
tribunal d'appel, ça pourrait être une solution
intéressante, mais il s'agirait de voir des mécanismes plus
précis, une élaboration plus précise sur ce thème
et, également, des études de coûts de faisabilité et
des répercussions financières de cette machine-là. Mais je
pense que - mes collègues pourraient également être
d'accord avec moi - c'est une approche qui mériterait, en tout cas,
d'être considérée.
M. Bourdon: Ça m'amène à une sous-question,
dans le fond. Le document sur lequel vous vous êtes prononcé, en
1991, parlait d'une loi d'application générale, mais
créait des tables sectorielles pour ajuster l'intervention aux
différents secteurs. Puis, malheureusement, le projet de loi qui est
devant nous a abandonné cette idée-là. Est-ce que c'est
une chose qui pourrait être discutée à l'intérieur
d'une table sectorielle des assurances, par exemple, de voir comment ce
secteur-là pourrait être assujetti à la loi?
M. Pelland: C'est également quelque chose que nous
mentionnons dans notre mémoire et, si je ne m'abuse, également
dans notre discours d'ouverture, que nous n'apprécions pas le fait de
voir une loi uniforme qui traite tout le monde de la même façon,
indépendamment des besoins de chacune des parties constituantes de
l'industrie. Il y a différentes façons de travailler, il y a
différents besoins, tant pour l'industrie que pour le consommateur,
parce qu'il faut se rappeler que l'industrie, quand elle sert mal le
consommateur, elle en prend plein la gueule.
Donc, quand on veut parler de l'industrie, ultimement, on finit toujours
par parler du consommateur parce que c'est lui qui est le meilleur arbitre. si
on fait mal notre ouvrage, on le sait assez vite, on perd le client.
M. Bourdon: Remarquez, quand je pariais de tables sectorielles,
ce n'est pas pour faire des colloques indéfiniment. Moi, je verrais
là-dedans des échéanciers où ça finit par
faire un arrêté en conseil qui prévoit comment ça va
fonctionner par secteur, parce que vous avez raison de dire que le public est
nerveux. Quelqu'un qui a souscrit une assurance aux Coopérants, il peut
se demander, les renseignements le concernant, ils sont rendus où
maintenant? Qui va faire la succession aux Coopérants dans la gestion
des dossiers? Puis je connais la réponse des entreprises d'assurances.
Elles disent: Les risques qui ont été attribués à
d'autres entreprises. Bien oui, mais, des fois, l'information peut rester
à une place et le risque est rendu à l'autre place.
Dans le fond, je me permets de vous la poser la question, même si
ce n'est pas directement de votre ressort: Est-ce que vous avez
été rassuré par le contenu des banques de données
très considérables que Les Coopérants avaient? Est-ce que
vous savez, vous autres, où est-ce qu'elles sont rendues, ces banques de
données là, et qui les gère maintenant?
M. Pelland: C'est un petit peu embêtant à
répondre comme question parce que, d'une part, l'Association des
courtiers est une association qui s'occupe d'assurances dites IARD et non pas
d'assurance-vie.
M. Bourdon: O.K.
M. Pelland: Donc, tout ce qui s'appelle le dossier des
Coopérants regardait plutôt les gens de I'AIAPQ, qui se
présentait devant vous ce matin, et j'essaie d'être prudent en ne
répondant que sur les questions où je me sens un petit peu plus
en terrain familier.
M. Bourdon: D'accord. Mais, dans le fond, je m'en servais pour
illustrer le fait, comme vous le soulignez dans votre mémoire, que les
intermédiaires sont assujettis à des règles, mais que vous
rapportez des données que vous recueillez avec l'accord de
l'assuré à des entreprises qui, elles, ne sont pas
assujetties.
Une voix: Exactement.
M. Grégoire (Luc): Si je peux me permettre. Dans ce
sens-là, effectivement, les intermédiaires qui étaient
à l'emploi des Coopérants ou de tout autre assureur du style sont
réglementés aussi par la loi 134, sous le même article que
25 concernant la divulgation des renseignements de la vie privée.
Maintenant, lorsque le renseignement est rendu dans l'institution
financière, c'est
là qu'on disait, puis on se répète toujours, avec
ce qu'on a dit, il y a deux ans, que, là, il n'y a plus de
réglementation qui vient encadrer la divulgation de ces
renseignements-là. Alors, là, on les perd, on ne sait pas
où ils vont, on ne sait pas ce qui se passe avec ça. La porte
d'entrée, autant chez les agents que chez les courtiers, elle est
réglementée. C'est lorsqu'on arrive dans les institutions
financières que, là, il y a un trou. (20 h 40)
M. Bourdon: Vous avez raison et, pour le public, c'est d'autant
plus inquiétant dans le cas d'une entreprise qui est dissoute, qui est
en faillite, et puis, là, les gens peuvent se demander... (farce que,
écoutez, moi, je suis dans la société de consommation
comme d'autres, je traite avec une courtière en assurance, et le rapport
est éminemment plus proche qu'avec la compagnie, et les règles
qui vous régissent m'apparaissent être des règles
correctes.
Mais, dans le fond, moi, je pose la question: À votre
égard, à l'égard des professionnels, si la loi faisait que
la Commission venait en appel et que les règles particulières
à votre secteur pouvaient être discutées lors d'une table
sectorielle, ce qu'on pourrait voir se développer, au cours des
années, c'est que la Commission d'accès aurait une expertise et
ferait rapport sur ce qui se passe dans des secteurs qui étaient
déjà réglementés et où elle siège en
appel. Parce qu'on le sait que les bureaux de crédit, les agences de
renseignements, les agences d'investigation, les courtiers en listes, ce sont
des secteurs où l'intervention est urgente. Le vôtre, je dis qu'on
pourrait utiliser la loi pour que la mécanique d'appel...
Ce que je veux dire, c'est que, si on n'y prend garde et si on laisse le
Code civil en son état, les causes vous concernant vont finir par
engorger les tribunaux ordinaires qui ne sont pas nécessairement
compétents pour en traiter, et, là, ça va allonger, puis
ça va judiciariser au sens strict, et on peut penser que la Commission a
déjà un peu plus d'expertise dans ces questions-là.
Maintenant, je n'essaie pas de vous arracher un consentement, comme vous dites.
Si vous allez à une table sectorielle, vous allez demander comment, avec
qui, à quel coût et de quelle manière.
Puisqu'on parle des coûts, c'est bien évident que ce que
vous autres et les corporations professionnelles assumez déjà, si
la Commission vient juste en dernier recours s'y ajouter, bien moi, comme
député qui gère les fonds publics, je suis bien conscient
qu'en vous laissant la responsabilité on vous laisse le coût aussi
de ça. Dans ce sens-là, je trouve ça correct de le prendre
en considération, quitte à ce que... Et je vous dis la même
chose que j'ai dite aux corporations professionnelles. Peut-être que,
dans Cinq ans, on dira: II faut que ça change, parce qu'il y a des
corporations professionnelles où ça ne marche pas à notre
gré. Mais les urgences, je ne les sens pas chez vous autant que dans les
entreprises d'assurances, parce que Les Coopérants l'ont
illustré, il y a un danger, on ne sait pas où les données
sont rendues exactement. Puis la même chose en matière de
crédit, là, on peut parler d'une jungle, puis il se passe
n'importe quoi.
M. Pelland: C'est d'ailleurs ce qu'on dit dans notre
mémoire, à l'effet que nous calculons, nous, être bien
encadrés et souhaitons que les intervenants financiers, les institutions
financières avec lesquelles nous transigeons le soient également.
En ce qui nous concerne, nous, nous calculons avoir un encadrement qui est
valable et qui est même, jusqu'à un certain degré,
supérieur à ce que 68 présente.
Donc, je serais très intéressé de voir un projet un
peu plus concrétisé de ce que vous avancez, qui pourrait,
effectivement, être intéressant. Parce que les tribunaux
administratifs ont toujours démontré qu'effectivement il y avait
une expertise plus grande que les tribunaux généraux parce qu'ils
travaillent exclusivement dans un domaine précis et qu'on ne peut pas
faire autrement, à ce moment-là, qu'être beaucoup plus au
fait de ce que ces tribunaux-là ont à gérer comme
matière.
M. Bourdon: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.
M. Cannon: Non, je n'ai plus de commentaires. Ça va.
Le Président (M. Gobé): Alors, ceci met donc fin
à votre intervention. Au nom des membres de la commission, je vous
remercie. Vous pouvez donc vous retirer, et je demanderai au groupe suivant,
soit les représentants de la Ligue des droits et libertés, de
bien vouloir venir prendre place en avant et, pour ce faire, je vais suspendre
une minute.
(Suspension de la séance à 20 h 44)
(Reprise à 20 h 45)
Le Président (M. Gobé): La commission reprend
maintenant ses travaux.
Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous. Sans plus attendre, je
demanderais au représentant de votre groupe de bien vouloir se
présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.
Ligue des droits et libertés
M. McKenzie (Gérald): Bonjour. Mon nom
est Gérald McKenzie. Je suis président de la Ligue des
droits et libertés. J'ai avec moi Pierrot Péladeau, qui est
membre de la Ligue des droits, il est responsable du dossier protection de la
vie privée, télématique et liberté; aussi, Mme
Joanne Barabé, qui est vice-présidente du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, qui a appuyé notre
mémoire et qui interviendra ce soir au Point.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonsoir. Vous pouvez
donc maintenant commencer votre présentation.
M. McKenzie: On vous remercie de nous recevoir, M. le ministre et
MM. les députés.
En 1988, lors d'un grand souper bénéfice marquant le
vingt-cinquième anniversaire de la Ligue des droits et libertés,
le ministre de la Justice est venu annoncer qu'en guise de cadeau
d'anniversaire son gouvernement nous offrait l'adoption d'une
législation de protection des renseignements personnels dans le secteur
privé qui devait entrer en vigueur à la fin de 1989. Aujourd'hui,
on est à notre trentième anniversaire et on vient de recevoir, de
la main du ministre des Communications, le cadeau promis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. McKenzie: J'espère que le ministre de la Justice est
heureux de ça. Pour nous, ce n'est pas un cadeau pour la Ligue,
évidemment, c'est un cadeau pour la population québécoise.
Car, encore aujourd'hui, on reçoit hebdomadairement les cas de plusieurs
personnes non déjà reçus par des associations de
consommateurs et des syndicats.
Par exemple, cette dame en congé pour «burnout», dont
son employeur a demandé une reconfirmation de diagnostic à une
firme de conseil médical privée. Outre les examens
médicaux, la personne s'est volontiers prêtée à une
entrevue où elle a expliqué les conflits entre cadres qui ont
provoqué son «burnout». Or, la firme-conseil n'a pas
uniquement confirmé le diagnostic à l'employeur, mais a
envoyé son dossier médical complet au directeur du personnel
avec, en plus, le verbatim complet de cette entrevue. Ce verbatim a
circulé à travers l'entreprise. En pratique, cette femme
considère qu'elle ne peut plus retourner à son emploi et qu'elle
devra donner sa démission. Elle imagine déjà ses
difficultés à retrouver un emploi avec un «burnout»
dans son curriculum vitae. Elle n'a aucune confiance dans les mesures
disciplinaires des corporations professionnelles et n'a, en pratique, aucun
autre recours d'accès aisé et peu coûteux.
Un autre exemple: Cet homme qui apprend qu'on a utilisé
frauduleusement son nom et son numéro d'assurance sociale pour obtenir
un logement, le téléphone et l'électricité, et dont
des agences de recouvrement lui réclament maintenant les remboursements.
Dans la mesure où il a donné son numéro d'assurance
sociale à tant d'entreprises de toutes sortes qui, précisons-le,
n'étaient pas requises de le demander, il lui est impossible de savoir
d'où vient le bris de confidentialité qui a permis la fraude, et
il n'a pas les moyens d'une telle enquête. Nous avons plusieurs cas de
fraudes utilisant le numéro d'assurance sociale et les entreprises de
services signalent elles-mêmes que les utilisations frauduleuses du
numéro d'assurance sociale d'un tiers sont fréquentes.
D'autres cas sont illustrés dans la brochure «Gérard
et Georgette» que vous avez reçue, «Gérard et
Georgette, citoyens fichés» que nous avons coéditée
en 1986. La commission a reçu une copie de cette brochure. Toutes ces
personnes ont besoin d'un recours rapide, accessible et peu coûteux
auprès d'un organisme ayant l'expertise adéquate. Le projet de
loi 68 vient offrir un tel recours, même si nous avons certaines
réserves sur le cumul des rôles que l'on veut faire jouer à
la Commission.
Par ailleurs, le projet de loi 68 vient enfin assurer la transparence
des pratiques informationnelles des entreprises. Les individus pourront
beaucoup plus aisément connaître quelles sont les informations de
base qui servent à alimenter les processus de décision grands et
petits qui affectent leur vie: embauche, promotion, crédit, assurance,
etc. Ils verront corriger ces informations.
La Ligue des droits et libertés ne peut donc que se
réjouir de la volonté du ministre des Communications et de ce
gouvernement de voir adoptée une législation de protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. Cependant, nous devons
souligner des faiblesses majeures du projet de loi tel qu'actuellement
rédigé. Nous les avons soulignées dans notre
mémoire. Nous en rappellerons ici quelques-unes. (20 h 50)
Un premier principe de protection des renseignements personnels veut
qu'aucune pratique informationnelle, aucun fichier, aucun système
d'information sur les personnes ne doit être secret, et une information
adéquate à leur sujet doit être disponible. Voici une
condition préalable à tout exercice des droits reconnus aux
individus, notamment les droits d'accès et de correction aux
renseignements détenus.
Or, tel que rédigé, l'article 7, prévoyant une
obligation d'informer la personne concernée, ne s'applique pas dans la
quasi-totalité des cas de rapports de consommation. La personne
concernée ne sera donc pas informée des éléments
inscrits sous les numéros 1 à 5. Ceci est inacceptable. En fait,
il faut maintenir l'obligation d'information dans tous les cas, mais laisser le
soin aux entreprises de développer la procédure la plus
adéquate, par des pamphlets, des mentions au contrat ou sur la facture,
des
mentions dans la correspondance, des précisions verbales lors de
la collecte au téléphone, une affiche en vue. Dans notre
mémoire, nous illustrons comment les entreprises donnent
déjà ces informations.
En 4, il faudrait ajouter aux droits de consultation et de rectification
l'information sur les recours disponibles, soit interne à l'entreprise,
s'ils existent, soit auprès de la Commission d'accès à
l'information ou d'un autre tribunal désigné par la loi.
À l'instar d'autres mémoires présentés
devant vous, nous croyons qu'on devrait limiter les renseignements recueillis
et détenus à ce qui est nécessaire à l'objet du
dossier. Le fait qu'à l'article 8 on prenne la peine de préciser
qu'en cas de doute un renseignement personnel est considéré non
pertinent montre qu'on ne veut pas être moins exigeant, mais tout autant.
Ainsi, l'emploi du terme «nécessaire» semble donc
approprié et le seul souhaitable, eu égard à
l'économie du régime de protection des renseignements
personnels.
Aussi, tel que rédigé, l'article 8 semble actuellement
sans grand effet pratique favorable à la personne concernée. En
effet, l'entreprise aura généralement tendance à
considérer que les renseignements qu'elle demande sont pertinents
à la conclusion ou l'exécution d'un contrat. En
conséquence, elle se mettra en position de pouvoir refuser un bien ou un
service.
De plus, cet article ne s'applique tout simplement pas dans les contrats
d'emploi ou de services professionnels, contractuels, pigistes, où de
nombreux problèmes se sont posés, notamment en matière de
collecte de renseignements médicaux. Cet article devrait être
formulé de telle sorte que nul ne puisse refuser un emploi, au sens
large du terme, un bien ou un service s'il y a mésentente sur le
caractère nécessaire d'une information requise par l'entreprise
qui n'est pas obligatoire ou autorisée en vertu de la loi.
L'entreprise serait donc amenée à trouver une solution
à la mésentente par ses mécanismes internes de
résolution de conflits ou par ceux offerts par la Commission. En
pratique, les entreprises chercheraient à définir
sectorielle-ment ce qu'il est nécessaire de recueillir par voie de codes
particuliers ou de formulaires types recommandés.
Quant à l'article 11, outre des considérations d'archives,
une entreprise ne devrait conserver, donc pouvoir utiliser, des renseignements
personnels sous forme nominative au-delà de la durée
nécessaire à la réalisation de l'objet, ce qui n'est pas
clair dans l'article actuel, qui permet une conservation indéfinie des
renseignements.
À l'instar des associations d'archivistes, nous souhaitons une
mention des archives. Ainsi, la Ligue des droits et libertés archive
à l'UQAM ses dossiers inactifs, dont certains contiennent des
renseignements à caractère personnel sur son personnel, son
conseil d'administration, ses bénévoles, son
«membership». Ces dossiers servent régulièrement
à des fins de recherche interne et externe, sauf que l'accès aux
renseignements à caractère personnel est strictement
encadré. Il faut donc faire respecter le principe de limitation en
matière de conservation des renseignements personnels sans pour autant
nous couper de l'histoire.
Quant à l'article 33 sur les restrictions à
l'accès, nous proposons un test simple: si le professionnel de la
santé physique ou mentale a considéré que la personne
pouvait librement et en toute connaissance de cause consentir elle-même
au traitement et, donc, signer les autorisations à cette fin, alors rien
ne devrait interdire l'accès au dossier découlant du travail
professionnel auquel elle a consenti.
Sur la question des flux transfrontières, nous croyons qu'il est
possible, dans de nombreux cas, d'assurer l'exercice des droits des personnes
concernées lorsque l'information est soit recueillie, soit
détenue, soit utilisée par une personne ou une entreprise au
Québec. Dans ces cas, c'est à travers la personne ou
l'entreprise, au Québec, qui a recueilli, détenu ou
utilisé les renseignements personnels que la personne devrait pouvoir
exercer ses droits d'accès ou de correction à des informations
qui sont détenues à l'étranger. Une application effective
pourra donc nécessiter que les entreprises québécoises
prennent des ententes contractuelles avec leurs correspondants
étrangers. Si l'île-du-Prince-Édouard en était
capable, nous ne doutons pas que le Québec le soit.
Enfin, il est probable que la question du cumul des mandats de la
Commission d'accès soit réglée lors d'autres discussions
à venir sur la réforme des tribunaux administratifs et la
révision quinquennale de la loi sur l'accès à
l'information. Cependant, nous croyons que, dans tous les cas, en
matière de conseil, d'autorisation de communication, de
régulation et de code de pratiques, la Commission devrait être
tenue d'aviser préalablement les populations concernées de
fournir toute information pertinente et d'entendre toute partie
intéressée.
En conclusion, il est évident que nos commentaires se sont
consacrés aux faiblesses du projet de loi 68. Les délais
étaient assez courts pour nous, avec les moyens qu'on a. Nous n'avons
pas réalisé une analyse article par article. Nous avons choisi un
certain nombre d'éléments qui nous intéressaient. Le temps
manquait et nous avons décidé de traiter d'un certain nombre de
faiblesses où il faudrait consacrer des efforts.
Ceci dit, nous tenons à réitérer notre appui au
principe d'une législation en ces matières. Il reste cependant
des corrections majeures au projet de loi 68 pour qu'il soit à la
hauteur des principes dont il s'inspire et dont il cherche à assurer
l'application. Je vais passer la parole à
Mme Barabé, qui va vous entretenir d'un certain nombre
d'éléments qu'on n'a pas touchés.
Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole,
madame.
Mme Barabé (Joanne): Le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec adhère au mémoire de la Ligue des
droits et libertés de la personne au nom de l'ensemble de ses membres.
On sait de quoi il retourne en matière d'accès à
l'information dans la fonction publique, en particulier. On se porte fort bien
avec la loi d'accès qui existe et on souhaite que le privé ait
quelque chose de similaire. C'est quelque chose qui urge, pour nous.
On a dénoncé dans les journaux, dernièrement, la
situation de fonctionnaires qui, pour le bien de leur ministère ou du
MMSR, ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu, donnaient, dans la majorité des cas, des informations ou
échangeaient des informations. Il y a pourtant une loi, vous allez me
dire, au public, qui leur dit bien qu'ils ne devraient pas donner des
informations sur des bénéficiaires d'aide sociale, sauf que,
comme il faut toujours une occasion de pécher et que, quand on n'en a
pas, on reste sain et pur, l'entreprise privée leur donne cette
occasion-là, et on pense qu'il faut boucler la boucle à
l'étape où on est. Les fonctionnaires qui font ça - et
j'ai parlé personnellement à certains d'entre eux - le font pour
le bien du ministère, pour sauver de l'argent aux contribuables. Mais on
pense aussi que «Big Brother» doit être circonscrit dans
l'ensemble de son action. Or, c'est un aspect pour lequel on pense que la
boucle doit être bouclée. Il faut, au privé, le pendant de
ce qui existe déjà au public.
Dans un autre champ qui me préoccupe particulièrement, au
niveau des tests d'embauché et des enquêtes
d'antécédents médicaux dans l'ensemble de la
société actuelle, les gens recueillent le plus d'informations
possible sur tout le monde. On embauche des gens et on veut savoir le plus
possible ce à quoi ils rêvent la nuit, ce qu'ils pensent et ce
qu'ils ne disent à personne. Les tests d'embauché peuvent
être une occasion, si on ne les circonscrit pas à cette
étape, de ficher carrément des gens qui se cherchent du travail.
Dieu sait qu'il y en a beaucoup, dans la société
québécoise, de gens qui cherchent du travail, et on prône
même la réinsertion sociale des ex-psychiatrisés.
Que penser d'une situation où des firmes se spécialisent
dans les tests d'embauché, dans des enquêtes de
préembauche, dans des enquêtes d'antécédents
médicaux, qui pourraient ficher systématiquement chacun des
travailleurs potentiels, des travailleuses potentielles, à leur grand
dam? À moins que la loi nous assure, par deux éléments
particuliers... Un, la notion de nécessité, alors qu'on ne puisse
recueillir que les informations nécessaires. Qu'on vérifie qu'un
pi- lote d'avion ait un électrocardiogramme impeccable, j'en suis, mais
qu'on s'assure des antécédents psychiatriques d'une
téléphoniste-réceptionniste, ça me pose
problème. (21 heures)
Alors, premièrement, la notion de nécessité et,
deuxièmement, la notion du consentement explicite. C'est une chose de
consentir, au moment où on cherche un emploi, à ce qu'on
inventorie, à ce qu'on pose des questions, à ce qu'on
vérifie des choses, mais que ce fichier circule à la grandeur des
employeurs québécois par le biais d'une firme qui se
spécialiserait dans le domaine, c'est une autre chose fort dangereuse
pour l'ensemble de la population et, en ce sens-là, on souhaite que la
loi puisse circonscrire au maximum.
Il y a un autre niveau, M. McKenzie y a fait référence
tantôt, le cumul des mandats. Bon. Premièrement, le cumul des
mandats, ça laisse à la Commission d'accès à
l'information une masse de travail importante. Moi, je sais déjà,
par expérience, qu'entre le moment où je demande une information
à la Commission et le moment où on y répond, il peut
s'écouler des délais importants. En décembre 1991, j'ai
adressé à la Commission actuelle une demande d'information, une
simple demande d'information, pas une procédure, et je n'ai eu ma
réponse qu'en mai 1992. Six mois se sont écoulés entre la
lettre où j'ai demandé une information sur un caractère
qui me semblait confidentiel et le moment où un enquêteur a
été disponible pour me répondre.
Qu'en sera-t-il si on surcharge la Commission de toutes les
responsabilités qui sont déjà prévues dans la loi?
Que la Commission soit apte à donner des avis, qu'elle soit apte
à faire des enquêtes, qu'elle soit apte à agir comme
tribunal pose évidemment tout le problème des conflits
d'intérêts, surtout que les avis, on ne les fait pas en
présence de toutes les parties, on les fait... Les conseils, on va les
donner quand l'entreprise vient demander conseil, mais on ne consultera pas
l'ensemble de la population là-dessus.
Mais, moi, ce que je pense, quand même, qui peut être le
risque le plus important, c'est que ce conflit d'intérêts
potentiel là soit utilisé par des entreprises qui ont
intérêt à mettre des bâtons dans les roues le plus
possible aux gens qui vont vouloir utiliser la loi pour contester des choses
qui seraient plus ou moins acceptables au sens de la législation. Or,
imaginez-vous le prétexte qui pourrait être invoqué par des
entreprises - le conflit d'intérêts - pour mener des débats
judiciaires, des longues sagas qui pourraient se rendre jusqu'à la Cour
suprême et, à toutes fins pratiques, paralyser l'ensemble du
système. Alors, je pense qu'on a intérêt, toutes les
parties ont intérêt à avoir le maximum de transparence dans
ce domaine-là.
L'expérience de la CDPQ devrait d'ailleurs nous guider à
cet égard-là. La CDPQ a cru bon
de créer le tribunal; je pense que l'analyse qu'elle en a fait -
depuis les années qu'elle travaille avec ça - est sûrement
une analyse fort pertinente à cet égard-là. La Charte des
droits et libertés reconnaît le droit à la vie
privée comme un droit supralégislatif, il faut s'en rappeler. Et
je pense que la population québécoise compte sur vous pour faire
de ce principe qui est à la Charte quelque chose qui puisse s'articuler
d'une façon concrète, technique, praticable et accessible pour
tout le monde. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
vice-présidente.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Cannon: Oui, merci. Au départ, vous me permettrez, M.
McKenzie, Mme Barabé, M. Péladeau, de vous souhaiter la
bienvenue. Je sais que M. Péladeau suit de près les
délibérations de cette commission et des commissions
antérieures. Ce n'est pas par déférence à vous que
je vais limiter mes commentaires, c'est parce que, là, je n'ai presque
plus de voix.
Je vous dirai, au départ, que je suis très heureux d'avoir
entendu vos propos ce soir. Je vais me charger personnellement de transmettre
votre mémoire à M. Dufour, du Conseil du patronat, qui semblait,
hier, nous laisser présager ou nous laisser savoir que le respect des
lois de la vie privée était uniquement sectorisé,
ciblé dans quelques secteurs et que, de toute façon, ça
allait terriblement bien au Québec, qu'on n'avait pas à se
soucier de quoi que ce soit. Je suis aussi conscient que c'est une veille
constante qui est exercée par les gens de la Ligue, et c'est une veille
constante non seulement chez nous, mais également ailleurs. Alors,
ça, j'en conviens parfaitement.
Je veux peut-être aborder avec vous non pas nécessairement
l'essentiel, puisque je peux vous assurer tout de suite, au départ, que
les remarques que vous avez formulées dans votre mémoire à
l'égard des amendements à apporter seront prises en
considération. Le projet de loi est effectivement un projet. Donc, par
conséquent, il est perfectible. Et, moi, je considère que ce
n'est pas simplement le projet de loi du ministre des Communications qui rend
aujourd'hui le cadeau qui a été promis au mois de... je ne sais
pas quand en 1988.
Une voix: En décembre.
M. Cannon: En décembre 1988. C'est le fruit d'un travail,
quand même, de longue haleine, auquel plusieurs députés ont
participé, et plusieurs associations. Et, moi, je ne suis qu'un des
instruments à travers ça. Il y a mon collègue de
Pointe-aux-Trembles, de D'Arcy-McGee, et tous les autres députés.
Alors, on va essayer, Mme Barabé, d'être à la hauteur des
attentes que vous nous avez fixées de ce
côté-là.
C'est plutôt cette notion de tables sectorielles. Je vous avoue
que mon collègue de Pointe-aux-Trembles revient avec ça et, moi,
je vais vous dire, j'y ai pensé, j'y ai pensé
sérieusement, à cette chose-là. Mais, au départ,
non pas que je l'aie évacuée, mais ça m'apparaissait comme
étant peut-être une façon de retarder, de reporter la mise
en place des dispositions de la loi.
Je pars du principe que le petit monde que j'ai vu, qui est venu ici
témoigner de ses difficultés, de ses problèmes, a besoin
d'un recours efficace et immédiat. C'est sûr que ce n'est
peut-être pas la meilleure chose au monde, ce n'est pas la chose la plus
parfaite, mais ce petit monde a besoin de ça. Et mon inquiétude,
c'est que, si je constitue des tables sectorielles, c'est vrai que c'est
coûteux puis... Bon. Mais ça serait peut-être une
opportunité pour des gens du secteur privé de dire: Bien,
écoutez, on va constituer une table, 15, 20 personnes dans tel secteur,
puis, dans 3 ans ou dans 5 ans, on va revenir et on va vous donner nos
recommandations quant au code de conduite qu'on doit appliquer. Or, la
Commission d'accès ou le législateur dirait: Bien, oui, il me
semble qu'on devrait leur laisser l'opportunité de le faire. Il me
semble que ça fait au moins, comme mon collègue de
Pointe-aux-Trembles me dit, une bonne dizaine d'années qu'on en discute;
je pense que c'est le temps d'agir.
Ce que nous avons introduit dans le projet de loi, c'est une disposition
semblable à celle de la loi d'accès à l'information qui
dit: Écoutez, après cinq ans, on pourra, tout le monde, s'asseoir
ensemble pour voir quelle a été l'évolution dans une
société qui se veut dynamique. Est-ce que c'est vrai que telle
chose a été aussi marquée? Est-ce que c'est vrai que nous
avons commis des abus dans tel secteur? Ça va nous permettre, il me
semble, de rajuster notre tir au fur et à mesure et de ne pas nous doter
d'une structure large. Mon conseiller juridique me dit qu'aux Pays-Bas - et
peut-être que M. Péladeau est en mesure de le confirmer - il y a
un système comme celui qui est proposé, de tables sectorielles
et, après trois ans d'attente, il n'y a que 10 % des secteurs
industriels qui ont déjà consenti. Et ce n'est pas les secteurs
industriels ou les secteurs d'activité économique les plus
importants: les banques n'y sont pas, les compagnies d'assurances n'y sont pas.
C'est le petit qui dit: Bon, bien, dans le fond, je n'ai rien à
perdre.
Alors, moi, je veux, avec ce projet de loi là, qu'on passe
à l'action. Je veux, avec ce projet de loi là, qu'on puisse dire:
Bien oui, il y a un recours; oui, les syndics existent, et ça
n'empêche pas, dans le fond, les associations, comme on l'a vu, de
déposer des codes de conduite ici. Et tant mieux si les codes de
conduite sont bien blindés, tant mieux! Quand je
dis qu'on va voir à ce que le chevauchement soit corrigé,
on verra à ce que le chevauchement soit corrigé pour que tout le
monde puisse, sur le même pied, avoir une certaine cohérence dans
l'application.
C'est pour ça que je rejette formellement l'idée de tables
du GRID et tous les autres. En tout cas, je voulais faire cette
sortie-là en disant que je m'excuse, que je ne voulais pas parler
longtemps, mais j'ai l'impression d'avoir parlé très longtemps.
Je me suis emporté. Alors, je vous laisse ça, et peut-être
que M. Péladeau peut nous parler un peu de ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
M. Péladeau.
M. Péladeau (Pierrot): Bon! C'est ça. Vous avez
parlé du GRID; je vais d'autant plus en parler que j'étais un des
coauteurs de l'étude du GRID de 1986, et ça se situait aussi dans
le contexte de 1986 où, quand on parlait d'autoré-glementation,
on disait qu'il y avait une loi plancher et que, là, il y avait, pour
l'application des principes, des tables sectorielles. Et c'était dans un
objectif, à l'époque, d'éviter la politisation des
débats entre les représentants des citoyens et les entreprises.
Sauf que, bon, il y a beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts depuis.
Il y a de l'expérience qui est rentrée.
Et l'autre aspect important aussi, c'est la mécanique. On a une
loi devant nous qui impose une mécanique, c'est-à-dire qu'elle
propose justement une loi plancher, et il y a une ouverture pour les codes qui
pourrait être aménagée pour qu'elle soit beaucoup mieux
balisée, mais... Et là, en pratique, ça va peut-être
ressembler à des tables sectorielles, mais, dans la mesure où on
adopte le cadre et que le cadre est là, moi, je pense que, pour les
entreprises comme les agences de renseignements, les courtiers en listes, en
tout cas, ces entreprises qui posent le plus problème, moi, l'impression
que j'ai - j'en ai discuté avec des gens qui connaissent bien
l'industrie durant le courant de la semaine -c'est clair que ces
entreprises-là vont faire la queue pour faire adopter des codes
sectoriels, parce qu'elles veulent un minimum de prévisibilité
dans l'application des normes. (21 h 10)
Donc, je pense que, là où, par contre, l'idée de
tables sectorielles est intéressante, c'est au niveau suivant. C'est que
ce ne serait pas une histoire entre la Commission... Comme,
présentement, ça se passe au niveau des avis qui sont
donnés par la Commission, c'est une affaire entre la Commission, comme
une espèce de fiduciaire des droits de la population ou fiduciaire,
surtout, d'une loi, qui négocie ou qui donne un avis à un
organisme qui fait une demande. Ici, ce serait un code plus qu'un projet
précis, ou ça pourrait être un projet précis
aussi.
Nous, ce qu'on suggère - on le fait clairement dans notre
mémoire - c'est que, quand il y aura une demande d'avis pour faire
approuver un code ou pour développer un avis sur un système
particulier - il y a des systèmes transsectoriels aussi - dans ces
cas-là, dans tous les cas les populations concernées seront mises
dans le coup. C'est-à-dire, c'est leurs droits à elles,
après tout, qu'on cherche à protéger, et il faut les
entendre.
Donc, dans ce sens-là, je pense que l'idée de codes
sectoriels a cet aspect-là. C'est d'asseoir - et puis, prenons des cas;
on parle des assurances, de choses dans le genre - c'est d'asseoir -
l'idée est encore bonne - c'est d'asseoir la Commission, d'asseoir
peut-être des gens du ministère des Communications, d'autres
ministères, des organismes, comme ça pourrait être l'Office
des professions ou l'Office de la protection des consommateurs,
dépendant du secteur, du côté gouvernemental, d'asseoir les
entreprises et d'asseoir les représentants des populations
concernées de façon à ce qu'on regarde, qu'on adopte, par
exemple, des codes sectoriels de façon éclairée et que ce
ne soit pas rien que du «rubber stamping». C'est ça,
l'objectif, à ce niveau-là.
On pariait de l'expérience hollandaise. Il faut dire que la loi
ouvrait la porte à ça, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas de
codes sectoriels, il ne se passe pas grand-chose. Il reste aussi qu'il faut se
rendre compte que, dans certains secteurs où c'est fortement
politisé ou que les intérêts sont vraiment divergents...
Hier, on a eu le mémoire des associations de locataires, ou
c'était très clair qu'ils ont tenté, avec la Commission
des droits de la personne, depuis des années, alors que le
problème date de 1982... Avec les listes, au nom des locataires, ils ont
tenté, pendant des années, la Commission des droits de la
personne, la Régie du logement, les associations de locataires, les
associations de propriétaires, d'établir un formulaire type. Ils
ne se sont jamais entendus. Et le secteur privé ne s'est jamais,
entre-temps, même s'ils ne sont pas entendus,
autoréglementé. Je pense que cette approche-là,
effectivement, a échoué. Par contre, à partir du moment
où on a une loi plancher, là, les droits sont là, les
accès sont là; ce qui reste à décider, c'est de
préciser ce qui est nécessaire, dans un contexte, pour des fins
de prévention des causes devant la Commission. Là, je pense que
c'est une autre dynamique où je pense qu'il va y avoir des secteurs
d'entreprises qui vont, comme je vous dis, courir devant la Commission pour y
aller.
Donc, dans ce sens-là, je pense que, effectivement, l'idée
d'avoir un code de base, une loi-cadre qui établit les principes, avec
l'ouverture aux codes sectoriels ou aux codes transsectoriels, c'est bon. Mais
je pense que, de l'idée des tables sectorielles, il faut garder
l'idée que tous les intervenants qui ont un mot à dire
vont pouvoir avoir l'occasion d'être entendus et, comme en
commission parlementaire quand on adopte, ici, pour la loi
générale, au niveau de la loi spécifique, on pourra, dans
un temps x, entendre toutes les parties et adopter un code de conduite en
conséquence de cause.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Péladeau.
M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je voudrais saluer nos amis et leur dire d'abord, en
préliminaire, qu'il n'y a pas une façon péquiste ou
libérale ou Parti Égalité de voir cette
question-là. C'est une question de société qui nous
interpelle comme parlementaires, tous, et qui touche la population. Les gens
savent ce que ça veut dire, ce qui coule, et les journaux nous en
entretiennent régulièrement. Vous avez raison de dire que, dans
le crédit, c'est présentement plus visible, mais il y a des
cabinets de psychologues et de médecins qui en commettent des grosses
aussi, qui ont des conséquences très cruelles pour des
citoyens.
Moi, je voudrais ajouter que, pour moi, les tables sectorielles, ce
n'est pas pour qu'on fasse moins, mais ça serait pour qu'on fasse mieux
ce qu'il y a à faire. Je ne parle pas de colloques et de tables de
discussion, puis je dis, moi, que la loi doit avoir une portée
générale, puis avoir des dents, puis être claire sur les
endroits où on veut aller. Un exemple: je ne crois pas que c'est une
solution de dire à tout le monde qu'Équifax a un dossier si on a
acheté à crédit, on le sait déjà. J'aimerais
ça avoir mon rapport de crédit et que tous ceux qui ont le droit
de l'avoir l'aient. Puis, pour ça, on peut passer par les utilisateurs.
Mais, après ça, c'est la croix et la bannière pour faire
corriger, parce que des agences comme Équifax sont là pour vendre
des renseignements, elles ne sont pas là pour corriger leurs
renseignements. Et ce n'est pas centralisé, ça, la correction.
Qui va prendre trois semaines pour aller corriger 21 rapports de crédit
dans 21 bureaux de crédit? Si ma caisse populaire me donne mon rapport
de crédit et que, moi, je note une inexactitude dedans puis qu'elle le
transmet à Équifax ou à d'autres avec qui elle fait
affaire, je voudrais qu'il y ait un mécanisme pour que corrigé
à une place, ce soit corrigé dans toutes les places. Puis, pour
ça, on n'a pas besoin d'une armée de fonctionnaires.
Il y a 1300 caisses populaires, puis il y 400 succursales bancaires au
Québec. Bien, qu'ils rendent service au monde, qu'ils leur donnent les
renseignements qu'ils ont à leur sujet, puis qu'ils reçoivent les
plaintes. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a une demi-journée
pour aller à Anjou, chez Équifax, se faire niaiser par un
formulaire, puis un fonctionnaire du privé. Ça peut être
aussi arrogant qu'un fonctionnaire du public quand ça décide de
l'être. Je ne dis pas que c'est la seule chose, les rapports de
crédit, mais il va y avoir 5 000 000 de Québécois qui vont
lire le leur. Je ne peux pas croire qu'il n'y a pas quelque chose de
pédagogique là-dedans et qu'on ne leur dirait pas: Si tu penses
que tu as vu des horreurs dans ton rapport de crédit, attends de lire
ton rapport médical, puis attends de savoir qui l'a lu, ton rapport
médical. Moi, c'est dans ce sens-là. Et je ne veux surtout pas
polémiquer avec le ministre, parce que je sais qu'il y a, sur ce
bâtiment puis au téléphone, une nuée de iobbyistes
au travail. Ce n'est pas parce que Bell n'est pas venu devant nous que Bell,
qui a inventé le téléphone, n'a pas le
téléphone. Ils en ont, des téléphones. Ils en
louent, ils en utilisent, puis ils sont déjà au travail.
Mais, à cet égard-là, je trouve qu'on a une
responsabilité, comme parlementaires, de dire: On ne peut pas faire
comme si on ignorait le problème. Et vous le posez bien, puis vous le
posez large. Mais, par quel angle prendre ça pour qu'il se fasse quelque
chose de concret? J'aime mieux une loi imparfaite que pas de loi, mais je
voudrais une loi de portée générale; puis les tables
sectorielles, je les vois simples, rapides, executives, avec des délais,
puis, à la fin du délai, c'est encore l'État qui
décide, là. Je ne veux pas proposer un corporatisme nouveau
genre, mais, moi, j'aimerais ça qu'Équifax, à huis clos,
dise comment ça pourrait se corriger, un rapport de crédit
croche, autrement que de se faire dire: On peut mettre ta version; ça va
te nuire. Et puis je voudrais que les institutions financières s'en
occupent, parce que, écoutez, l'Association des banquiers, qui est
infaillible et parfaite, nous a confirmé que les banques ne se
communiquent pas de renseignements les unes aux autres. Elles ont une
façon commune de retirer de l'argent dans un guichet mais ne se
communiquent pas les renseignements. Puis, si quelqu'un veut faire faillite, il
n'y a rien comme avoir 12 cartes de crédit, avec 12 marges de
crédit de 5000 $, avant de faire faillite.
C'est parce que le système n'est pas juste mauvais pour les
droits de la personne, il n'est pas efficace. Ce qu'on fait avec une grande
exactitude, c'est nous dire que le député de Saint-Hyacinthe a
payé son compte de téléphone en retard un
été qu'il est allé en voyage. Mais, quand on est rendu
à sept cartes de crédit, il n'y a pas un voyant lumineux qui
s'allume nulle part. Sept cartes à 5000 $ chacune, quand tu en gagnes 21
000 $, ça devrait... Et pas dans le sens de la répression tout le
temps. J'ai hâte de voir le Mouvement Desjardins. Je suis sûr que,
eux autres, ils vont être sensibles à ça, de revenir
peut-être aux sources, quand on s'occupait de dire au monde que, si on
dépense deux fois plus qu'on ne gagne, on va finir par avoir des
problèmes.
Mais je reviens à ça. Pour moi, dans les documents
importants qui nous concernent, il y a les rapports de crédit, parce
que, pour le citoyen moyen, il va découvrir que, depuis le temps
qu'il
achète, c'est suivi à la trace puis il y a quelqu'un qui
en sait beaucoup sur lui. C'est sûr que ça va être comme aux
États-Unis; il va découvrir qu'il y a des erreurs, puis il va
pouvoir les faire corriger. Puis, par tables sectorielles ou autrement, on va
finir par étendre ça à d'autres domaines. Il faut
prévenir la dissémination. Je trouve que M. McKenzie avait raison
de dire que, pour ce qui est des flux transfrontières, on n'est pas
obligé de s'en aller à la frontière puis de dire que le
Québec est un pays, puis des affaires comme ça. Mais on sait que
le Code civil nous donne mandat de réglementer ce qu'on a le droit
d'utiliser comme information au Québec, d'où que ça
vienne. Puis c'est par cet angle-là, je pense, qu'on peut en venir
à bout.
Mais, pour être franc, je n'ai pas vraiment de questions à
vous poser...
Des voix: Ha, ha, ha!
(21 h 20)
M. Bourdon: ...parce que, dans le fond, je peux vous le dire, je
suis en parfait accord avec ce que j'ai entendu, puis je pense que, sur
l'essentiel, on s'entend avec le ministre. Mais, le problème, c'est
qu'il faudrait arriver avec la meilleure loi possible pour qu'elle s'applique
et qu'elle fasse qu'on commence à étendre les droits des gens. Ce
qui est commencé dans le secteur public - on va faire un bilan - ce
n'est pas parfait, mais, au moins, il y a une loi, et c'est plus facile d'en
amender une que d'en adopter une. Et je trouve que, parmi les personnes et
organismes qui comptent pour nous aider à faire ça, il y a la
Ligue des droits et libertés parce que, comme parlementaires, on ne peut
pas ignorer ce qui se passe. Et, au surplus, même au plan de la
rationalité économique, si on ne le fait pas, on va prendre du
retard vis-à-vis d'autres pays. Il y a déjà huit provinces
qui sont en avance sur nous, et on ne dira jamais assez ce que ça peut
être que l'île-du-Prince-Édouard soit allée plus
vite, plus loin que nous autres. Puis c'est dit en toute amitié pour
l'île-du-Prince-Édouard, mais il faudrait qu'on accouche de
quelque chose.
M. Cannon: C'est quoi, les huit provinces qui sont en avant de
nous autres?
M. Bourdon: II y a l'Ontario et
l'île-du-Prince-Édouard.
M. Cannon: non, mais c'est quoi, les huit provinces qui sont en
avant de nous autres? est-ce que c'est au niveau des bureaux de crédit
ou...
M. Bourdon: Les bureaux de crédit.
M. Péladeau: C'est au niveau des bureaux de
crédit...
M. Cannon: Ah!
M. Péladeau: ...de l'utilisation du détecteur de
mensonge. C'est à cause qu'ils ont, dans les autres provinces, une
législation très, très sectorielle au niveau des agences.
Par exemple, au niveau des agences d'investigation qui font des rapports sur
les consommateurs, il y a de la législation aussi. Bon! C'est un peu
comme le modèle américain, où il y a des
législations; et c'est beaucoup des législations copiées
sur les Américains. Donc, c'est beaucoup à ce
niveau-là.
Juste peut-être un commentaire, là, sur la question des
dossiers de crédit. Tout ça, effectivement, il va falloir
préciser les règles. Et, d'ailleurs, il y a une recommandation
très claire en page 25 de notre mémoire, qui dit que plutôt
que d'essayer de le faire un petit peu à la pièce, de raboudiner
quelque chose d'ici le mois de juin pour l'adoption de la loi,
établissons la loi-cadre et donnons mandat exprès à la
Commission d'accès de s'engager dans l'élaboration de codes de
pratique ayant force réglementaire, prioritairement dans le secteur des
intermédiaires de renseignements; puis, à l'intérieur de
ça, prioritairement au niveau des agences de renseignements. Puis, nous,
ce qu'on ajoute, ce qui ressemble beaucoup à l'idée de tables
sectorielles, c'est-à-dire que cette élaboration devrait
être faite publiquement, pas à huis clos, et avec la participation
des populations concernées.
Ça fait que, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on a effectivement...
Parce que, effectivement, si on veut essayer d'embarquer dans la loi,
immédiatement, plein d'affaires, ça va arriver. Et je pense qu'il
faut que ça soit fait de cette façon-là parce que, ce qui
risque d'arriver, c'est que... Il y a quatre projets de loi qui ont
été préparés par le gouvernement depuis 1974, ici.
On pourrait les ressortir, ils sont copiés sur les législations
américaines. Sauf qu'on a de l'expérience, depuis 1970, sur ces
lois-là. Les États-Unis pensent à réviser les
leurs, et on a aussi de l'expérience au Québec. Ça fait
qu'il faudrait le mettre, justement... Les questions que vous posez concernant
l'application précise dans des cas précis, bien, c'est ça
qui serait discuté, avec l'expérience des gens qui ont
vécu et des plaintes... Parce qu'on les a, les plaintes, là.
C'est ça.
Donc, je pense, là-dessus... Je n'ai pas... En fait,
j'espère que ma non-réponse à une non-question a
été comprise.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Pointe-aux-Trembles, avez-vous terminé?
M. Bourdon: Bien, je pense que ça fait le tour. Et
l'idée de donner ce mandat-là à la Commission ne me
déplaît pas, à condition que ça soit plus
transparent que sa fonction conseil habituelle. Moi, je pense que, si les
intéressés avaient été là quand on a
donné cinq ans à la CSST pour mettre un voile de
sécurité, un peu,
sur ce qu'il y a dans son ordinateur, il y a quelqu'un qui aurait dit
que ça devrait être trois ans au lieu de cinq, je pense. En tout
cas, ça ne veut pas dire qu'elle est parfaite, la Commission, mais vous
avez raison, il ne s'agit pas d'organiser des palabres mais de dire à la
Commission qu'elle doit opérationaliser en commençant par les
agences de renseignements, secteur par secteur, ce qui va être contenu
dans la loi de portée; générale, et ne pas attendre de
tout avoir opérationalisé pour la mettre en vigueur. Et
elle-même,; la Commission, va pouvoir, de cette façon-là -
je trouve votre suggestion excellente - suivre le rythme de l'implantation,
avec tout ce que ça comporte, parce que ça ne se fera pas du jour
au lendemain. Parce que, si on pense: que le secteur public est complexe, le
privé, c'est complexe. C'est d'évidence que ça ne sera pas
demain la veille, mais j'aime l'idée de confier le mandat à la
Commission de le faire. Et on dit: En commençant par le plus grave et en
aboutissant à des résultats.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.
M. Cannon: Ça pourrait être la Commission, mais
ça pourrait être aussi le ministère des Communications.
Parce que, tantôt, là, la Commission va en avoir, des mandats.
C'est... Pauvre Paul-André!
Le Président (M. Gobé): Merci, messieurs. M.
Cannon: Madame.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je m'excuse,
je suis désolé. Madame, messieurs, merci. Ceci met donc fin
à votre intervention. Vous pouvez donc vous retirer. Et ça met
fin également aux travaux de notre commission pour ce jour. Je vais donc
ajourner les travaux à demain matin, 11 heures, en cette salle.
(Fin de la séance à 21 h 26)