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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
continue ses travaux. la séance est donc ouverte, et nous continuons
d'exécuter le mandat qui nous a été confié, comme
nous le faisions hier. m. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: M. Bradet (Charlesbourg) est
remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); Mme Cardinal
(Châteauguay) est remplacée par M. Philibert
(Trois-Rivières); M. Leclerc (Tas-chereau) est remplacé par M.
Maltais (Saguenay).
Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour
a été distribué. Vous me dispenserez d'en faire lecture.
Je rappelle les règles qui nous guident. C'est que nous disposons d'une
heure par organisme. Environ 15, 20 minutes sont consacrées à la
présentation du mémoire ou à une synthèse qu'on
peut en faire. Après ça, les parlementaires se partagent le reste
du temps d'une façon égale.
Je vois que nos premiers invités, les représentants de
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, se sont
avancés et ont pris place à la table des invités. Je leur
souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je les invite tout d'abord à
se présenter, pour les fins de transcription de nos débats, et,
après ça, ils disposent d'un 15, 20 minutes pour nous entretenir
du projet de loi 68.
Alors, soit M. Millette, M. Gagné ou M. Roch, vous avez la
parole.
Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes inc. (ACCAP)
M. Millette (Yves): Merci, M. le Président. Alors, je suis
Yves Millette, vice-président principal aux affaires
québécoises de l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma
gauche, de M. Gaétan Gagné, président et chef de la
direction de l'Entraide, assurance-vie - ça, c'est une compagnie
d'assurances - et de M. Alain Roch, vice-président aux affaires
juridiques de la Mutuelle des fonctionnaires du Québec.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Millette: Merci. Alors, je vais faire une brève
présentation de notre mémoire. L'Association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes est une association à
adhésion volon- taire qui représente 102 sociétés
d'assurances de personnes souscrivant environ 98 % de l'assurance-vie et de
l'assurance-maladie au Canada.
Toute l'industrie des assurances de personnes est basée sur
l'utilisation de renseignements personnels qui lui permettent de tarifer de
façon juste et équitable chacune des polices par rapport à
l'ensemble des assurés. La science actuarielle, qui permet
d'évaluer l'espérance de vie ou de morbidité en fonction
de la loi des grands nombres tout en tenant compte de facteurs tels
l'âge, le sexe, l'état de santé, l'occupation ainsi que les
habitudes de vie, est reconnue à travers le monde.
Un contrat d'assurances de personnes est tout d'abord un contrat de
bonne foi entre deux parties. L'assuré s'engage à fournir des
renseignements exacts et complets ou à consentir que l'assureur ait
accès aux renseignements que détiennent des tiers pour permettre
une tarification réaliste basée sur le niveau de risque qu'il
représente. En contrepartie, l'assureur s'engage à verser les
prestations indiquées au contrat au moment où l'assuré en
aura besoin ou y aura droit, ce qui peut se situer très loin dans le
temps, 30 ans et plus, à l'occasion.
Au moment de la réclamation, l'assureur devra évaluer les
déclarations du réclamant et en vérifier la
véracité avant d'exécuter le paiement de la prestation.
Encore là, il aura besoin de consulter les renseignements qu'il
détient déjà et d'obtenir accès aux renseignements
que détiennent le réclamant ou un tiers. Par ailleurs,
l'informatisation, qui permet le traitement rapide des dossiers et des
réclamations, devient un outil essentiel pour offrir à la
clientèle des sociétés d'assurances des produits
adaptés à leur cycle de vie. Des communications
personnalisées avec des clients qui ont déjà
manifesté leur confiance envers l'entreprise constituent un moyen
privilégié de garder le contact et de fidéliser la
clientèle.
En août 1991, l'ACCAP soumettait un mémoire à la
commission des institutions sur le document de consultation
générale intitulé «Vie privée: zone à
accès restreint» qui expose, de façon
détaillée, le fonctionnement de notre industrie et les
mécanismes de protection des renseignements confidentiels que les
sociétés d'assurances de personnes ont mis en place. Pour votre
information, nous avons ajouté une copie de ce mémoire et nous
avons aussi mis une copie du mémoire présenté en
décembre 1992 au Comité sénatorial permanent des banques
et du commerce du Canada. (10 h 10)
Nous croyons que le projet de loi 68 sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé n'ajoute pas aux
principes déjà dis-
cutés en la matière et nous sommes donc d'accord avec le
principe du projet de loi. Nous croyons cependant que le projet de loi est
susceptible de créer de la confusion au niveau de
l'interprétation des principes contenus au Code civil. De plus, les
tracasseries administratives de ce projet de loi alourdiront
considérablement les opérations des sociétés, parce
que, en bonne partie, le projet de loi 68 ne cerne pas de façon
suffisamment précise la réalité du domaine de l'assurance
de personnes.
Mais surtout, l'ACCAP continue de s'opposer vigoureusement à
l'extension du rôle de la Commission d'accès à
l'information. L'industrie des assurances de personnes est déjà
sous la surveillance et le contrôle de l'Inspecteur général
des institutions financières du Québec et du Surintendant des
institutions financières du Canada. La législation sur les
assurances, tant au Québec qu'au Canada, prévoit
déjà la protection des renseignements et la mise en place de
codes de déontologie ainsi que des pénalités pour des
infractions à la loi.
Le gouvernement du Québec devrait reconnaître les
organismes responsables du contrôle et de la surveillance des
institutions financières comme responsables de l'application du projet
de loi 68, en ce qui les concerne, quitte à leur demander de recourir
à l'expertise de la Commission d'accès à l'information
pour la coordination de cette loi et de la loi sur l'accès à
l'information qui s'applique au secteur public. En fait, le principe de
chevauchement des juridictions, qui est reconnu par l'article 87 du projet de
loi, devrait être renversé au profit de l'Inspecteur
général des institutions financières.
Remarquez bien que notre association n'a aucun blâme ou aucun
reproche à faire à la Commission d'accès à
l'information et que cette demande est faite uniquement dans le but de
s'assurer qu'il n'y a pas une duplication indue des organismes qui ont
juridiction sur les institutions financières et, plus
particulièrement, les compagnies d'assurances. En effet, notre industrie
doit déjà se soumettre aux réglementations diverses de 10
provinces, 2 territoires, 1 gouvernement fédéral, sans compter
d'autres législations à l'intérieur de chacune des
provinces. Et, depuis toujours, notre association a insisté pour que, du
moins à l'intérieur de la province de Québec, la
juridiction, la surveillance et le contrôle des institutions
d'assurance-vie soient faits par l'Inspecteur général des
institutions financières, au détriment, par exemple, de la
Commission des valeurs mobilières ou, maintenant, de la Commission
d'accès à l'information.
Bref, l'industrie des assurances de personnes croit que les
mécanismes d'encadrement en place sont suffisants pour protéger
adéquatement la vie privée des consommateurs de services
financiers et qu'il serait beaucoup plus rentable de les consolider, par le
projet de loi 68 notamment, plutôt que de créer une structure
lourde et incompatible avec l'environnement dans lequel évolue le
secteur privé à l'heure actuelle. De façon
générale, ce projet de loi ne tient pas compte de la
réalité de l'industrie des assurances de personnes et laisse des
zones grises incompatibles avec les exigences d'une gestion efficace au profit
des consommateurs.
Dans un premier élément, nous allons parler des dossiers.
Dans le domaine des assurances, le dossier ouvert lors de la souscription du
contrat demeure actif pendant de nombreuses années, sinon durant la vie
de l'assuré. Au fil des événements, réclamations,
changements de bénéficiaires, etc., l'objet du dossier
différera, mais un dossier ne sera pas ouvert. Il en est de même
au niveau des dossiers maintenus par les ressources humaines sur les
employés d'une entreprise, puisque chaque individu peut adhérer
à différents programmes et bénéficier de plusieurs
avantages sociaux.
En assurance collective, les assureurs ne constituent
généralement pas un dossier physique sur chaque individu, comme
c'est le cas en assurance individuelle. Ils conservent uniquement une carte
d'adhésion pour chaque employé. Un assureur n'ouvrira pas 20 000
dossiers pour une entreprise qui a 20 000 employés, mais
procédera au fur et à mesure des réclamations. Pour la
société d'assurances, le client, c'est l'entreprise et non les 20
000 employés. La législation ne doit pas forcer la
société d'assurances à maintenir un dossier par
transaction, ce qui représenterait une dépense énorme en
plus de paralyser le système par un travail de compilation et de tenue
de dossiers des plus considérables.
Deuxième sujet abordé, l'accès aux sources de
renseignements. L'information obtenue de l'assuré est très
importante, mais il est aussi nécessaire d'obtenir de l'information de
source externe, médecin traitant, tests médicaux, etc. Pour ce
faire, la société obtient d'abord l'autorisation du client pour
consulter ces sources qui pourraient autrement nous refuser l'accès
à ces renseignements. Nous demandons que cette pratique des assureurs
soit reconnue.
De même, il est difficile de limiter la période de temps
à laquelle cet accès doit être astreint. Pour certains
assureurs, cette période peut être, comme je l'ai dit
tantôt, la vie de l'assuré. Mentionnons également que cette
mesure contredirait le jugement rendu dans le cas impliquant La
Métropolitaine et l'hôpital Jean-Talon. La Cour suprême a
clairement établi que; à moins que le libellé
de la formule d'autorisation ne stipule qu'une restriction y est
attachée, il s'agit d'une renonciation contractuelle qui autorise
l'assureur à avoir accès au dossier médical de
l'assuré. De plus, combien de temps le consentement donné par
écrit vaut-il? 1 an, 30 ans?
Le troisième sujet que je veux aborder maintenant est
probablement le plus important en ce qui nous concerne, et c'est la notion de
tiers.
II faut que la notion de tiers soit définie plus parfaitement
à la législation. Par exemple, est-ce qu'une filiale est un
tiers? Les agents d'assurances, les courtiers d'assurances, les employeurs dans
le cas de l'assurance collective? Encore là, si ces parties devaient
être des tiers, il en résultera une lourdeur incroyable des
communications entre elles. En assurance collective, nous avons un dossier
d'entreprises et non des dossiers individuels. Souvent, c'est l'employeur qui
fait l'administration des réclamations. Il devient impossible de noter
toutes les communications.
Par ailleurs, lors de transfert de polices ou de changements au niveau
d'une police, c'est-à-dire qu'une police qui va rester en vigueur
pendant de nombreuses années peut être sujette à des
modifications, le courtier ou l'agent va demander des renseignements pour
pouvoir établir une étude comparative des polices comme la
législation sur les intermédiaires de marché l'oblige
à le faire. Donc, à ce moment-là, il devra avoir
accès à des informations qui sont détenues autant par
l'assureur qu'il représente que par l'assureur qui est
déjà à haut risque. Et la législation sur les
intermédiaires oblige déjà ce genre de choses. L'assureur,
à ce moment-là, ne pourrait pas non plus annoter toutes ces
communications qui sont faites sur une base régulière
d'affaire.
De plus, compte tenu de la relation entre un assureur, ses
représentants et les courtiers qui placent des affaires auprès de
lui, la notion de tiers doit aussi être précisée. Dans le
contexte où la force de vente est autonome, un assureur pourrait
être considéré comme un tiers face à cette force de
vente et au courtier qui place des affaires auprès de lui. Il faut donc
que la législation prévoie que l'information puisse circuler
librement entre l'intermédiaire de marché et l'assureur. De
même, la pratique de la réassurance, qui est essentielle pour
répartir les risques, pourrait être bloquée puisque le
réassureur est un tiers par rapport à l'assureur. Enfin, le
décloisonnement des institutions financières, qui permet
d'accroître la synergie entre les sociétés membres d'un
groupe, ne serait pas possible si les sociétés membres du groupe
sont considérées comme des tiers les unes par rapport aux
autres.
Le dernier point que nous considérons comme très important
dans cette législation, c'est la possibilité ou la notion que
l'assureur pourrait être tenu de contracter avec une personne même
qui refuserait de fournir certains renseignements. Puisque, selon le projet de
loi, la société ne pourrait pas refuser la souscription d'une
assurance, que devrait-elle faire si quelqu'un refuse de fournir les
renseignements dont elle a généralement besoin pour
évaluer le risque et calculer les primes? (10 h 20)
Nous ouvrons la porte à une série de contestations, de
refus des critères de sélection et de tarification et de refus de
fournir les renseignements demandés. Si la société ne peut
évaluer les facteurs de risque, elle sera obligée de prendre des
décisions basées sur des perceptions subjectives. C'est toute la
base même de la tarification des sociétés d'assurances qui
serait remise en question. Nous perdons de vue la justesse et
l'équité qui régissent toute l'industrie.
En assurance, il est délicat d'évaluer le capital
santé d'un individu. Notre industrie repose uniquement sur notre
capacité à évaluer correctement l'espérance de vie
des gens, et l'expérience démontre que, sans
réglementation et critères de sélection rigoureux, les
sociétés se dirigeraient vers la faillite. Remettre en question
la nécessité de fournir tous les renseignements
nécessaires à l'étude d'un dossier équivaudrait
à signer l'arrêt de mort de l'industrie. L'assurance devrait
être exemptée de ces obligations concernant le refus de
contracter.
Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes disponibles pour
répondre à vos questions.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Millette.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Alors,
permettez-moi, à mon tour, de vous souhaiter la bienvenue à
l'Assemblée nationale dans le cadre de l'étude du projet de loi
68. Je revois des visages familiers, et il me fait toujours plaisir de vous
accueillir ici.
M. Millette, avant d'entrer dans le coeur des discussions, je voudrais
simplement vous rassurer sur votre dernier point quant à la pertinence
de l'article 15. Vous semblez évoquer que, s'il n'y a pas de
consentement quant à la transmission d'une information, ça
pourrait mettre en péril l'action des assureurs à travers le
Québec et le Canada quant à la façon de faire les
affaires. L'article 15 du projet de loi précisément assouplit un
peu cette notion-là, lorsqu'on indique: «Sous peine de
nullité du contrat, aucun consentement à la communication
à un tiers d'un renseignement personnel ou à son utilisation ne
peut être exigé comme condition à la conclusion d'un
contrat à moins que cette communication ou cette utilisation ne soit
pertinente à la réalisation de l'objet d'un tel contrat.»
Alors, c'est la notion, là, de nécessaire et de légitime
pour cette chose-là. Alors, je voulais vous rassurer
là-dessus.
L'autre point aussi... Lorsque vous m'indiquez que, en principe, vous
êtes favorables au projet de loi, il n'y a pas de problème de ce
côté-là, néanmoins, vous souhaiteriez être
soustraits des applications du projet de loi. La raison pour laquelle nous
avons procédé ainsi, c'est que nous avons jugé qu'il
était tout à fait légitime de confier à un seul
organisme le soin
de chapeauter l'ensemble de la réglementation qui découle
des articles 35 à 41. Et c'est surtout par souci de cohérence
qu'on a voulu que ce soit ainsi.
Maintenant, sur un autre point que vous avec soulevé, vous avez
indiqué: Que la communication à un commettant ou à un
mandant, sans le consentement de la personne concernée, soit permise.
Dans quelles circonstances verriez-vous ça?
Le Président (M. Doyon): M. Roch, peut-être?
M. Roch (Alain): Est-ce que vous pourriez répéter,
s'il vous plaît?
M. Cannon: Vous indiquez dans votre... Laissez-moi le formuler
d'une façon différente. Vous semblez avoir un problème
avec le consentement à la communication d'un renseignement, et
particulièrement lorsque la communication se fait à un commettant
ou à un mandant dans le cadre de renseignements qui pourraient
être transmis.
M. Roch: Non, on n'a aucune objection au consentement comme tel,
mais c'est sur les modalités de ce consentement-là. Le projet de
loi requiert que le consentement désigne spécifiquement les
personnes, les tiers qui possèdent des renseignements. C'est possible,
c'est faisable, mais ça nous semble alourdir énormément le
processus.
Présentement, les assureurs fonctionnent de la façon
suivante. C'est qu'il y a toujours une autorisation qui est signée par
le proposant, l'assuré ou le client, mais cette autorisation-là
est générale, dans le sens suivant. L'autorisation va dire:
J'autorise tout médecin, hôpital, clinique qui possède des
renseignements à mon sujet de les transmettre à l'assureur. Ceci
évite d'avoir à s'échanger des formulaires d'autorisation
où il faudrait indiquer: J'autorise le médecin Untel, la clinique
Unetelle, le CHUL... À ce moment-là, ça nécessitera
une communication, une correspondance soutenue entre l'assureur et le client,
parce que le client va indiquer, dans un formulaire, qu'il a été
traité, par exemple, à tel hôpital, et l'assureur recevra
ce formulaire-là. Il devra, à ce moment-là,
préparer un formulaire d'autorisation spécifique mentionnant le
nom de cet hôpital-là, le retourner à l'assuré qui
là le signera. L'assureur le recevra par la suite, le transmettra
à l'hôpital en question, l'hôpital fournira des
renseignements, et souvent il apparaîtra que le client a
été référé par un autre médecin, ce
qui entraînera un autre échange de correspondance pour obtenir une
autorisation spécifique, parce que le nom de ce médecin-là
n'avait pas été inclus dans l'autorisation initialement. Alors,
il nous semble que ça va alourdir énormément le processus
de sélection des risques, de souscription d'assurances et de
réclamation également.
M. Cannon: Un des points qui semblaient resurgir lorsqu'on a
écouté les commentaires des associations ou des autres personnes
qui se sont présentées devant nous, à la fois à cet
exercice-ci, mais aussi lors des exercices qu'il y a eu antérieurement,
c'est que le consentement semblait illimité et on voulait à tout
prix restreindre le consentement, c'est-à-dire lui fixer des balises. Et
c'est d'ailleurs pourquoi, à l'article 13 du projet de loi, vous
retrouvez ce qui suit, au troisième alinéa, qui se lit comme
suit: «Le consentement à la communication ou à
l'utilisation d'un renseignement personnel doit être donné pour
une période de temps raisonnablement limitée». Et
l'inquiétude que les gens avaient auparavant, c'était
précisément que le consentement semblait avoir été
fourni ad vitam aeternam. C'est ça, le noeud du problème. Je
pense que vous avez un commentaire à formuler.
M. Millette: Oui. Je pense que cette question de durée
limitée du mandat nous pose aussi énormément de
problèmes, et je pense que M. Gagné pourrait vous en
entretenir.
Le Président (M. Doyon): M. Gagné.
M. Gagné (Gaétan): Au niveau du contrat comme tel,
lorsqu'on requiert les autorisations pour analyser le médical d'un
individu, il est important que l'autorisation soit générale,
comme M. Roch le mentionnais, parce que, si l'individu, par mégarde, a
oublié de mentionner un médecin ou un hôpital, le
délai de communication entre les parties - parce que nous traitons des
individus et non des compagnies, donc tout l'élément
rapidité de communication, on doit le faire par courrier - finirait par
aller au-delà du délai de 60 jours que nous avons lorsqu'un agent
d'assurances contracte un contrat sous reçu conditionnel avec
l'assuré.
M. Cannon: est-ce qu'il serait pensable, m. gagné, de
fixer au départ un consentement verbal, quitte à ce qu'il soit
confirmé par écrit plus tard?
M. Gagné: Peut-être qu'il serait mieux d'avoir un
consentement général. Tout ce qui est médical, ça
permet à la compagnie de procéder, dans le cas du contrat qui
lierait... Par exemple, si vous vous assurez avec un assureur, donc vous avez
un agent comme intermédiaire, vous l'autorisez, par exemple, à
faire les recherches dans tel contrat d'assurance pour tout le médical.
C'est une autorisation générale qui serait donnée pour le
dossier médical et non pas avec des individus, des hôpitaux
particuliers, parce que, à ce moment-là, vous allez
excéder le délai de 60 jours, et là, je veux dire, au
niveau de la
correspondance, vous allez vous retrouver six mois plus tard et vous ne
serez pas assuré, et il va peut-être toujours manquer des
informations. Il faudrait que le consentement soit donné en
général au niveau du médical, pas nécessairement
des noms de médecins précis. Est-ce que vous saisissez la
nuance?
M. Cannon: Si on donne un consentement de façon
générale, je pense que la préoccupation, c'est de savoir
à qui ces renseignements-là, qu'on a volontairement souscrits ou
fournis, seront-ils communiqués?
M. Gagné: À l'assureur qui transige avec vous, pas
d'autre personne.
M. Cannon: Je sais que mon collègue de Pointe-aux-Trembles
à envie de vous poser la question qu'il avait posée la
dernière fois, alors je lui laisse la parole.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Pointe-aux-Trembles, vous avez la parole. (10 h 30)
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux d'abord
souhaiter la bienvenue à nos interlocuteurs, leur dire,
évidemment, qu'une entreprise qui consent une assurance-vie de 1 000 000
$, il est tout à fait légitime qu'elle s'interroge sur
l'état de santé de la personne qui demande à contracter
cette police d'assurance. Elle se le doit, à elle-même, pour
réussir dans la vie économique, mais elle le doit aux autres
assurés aussi, parce que, en définitive, en assurance, c'est tout
le monde qui paie, d'une façon ou de l'autre.
Cependant, vous aviez mentionné aussi, et je pense qu'il y a
là un vrai problème: Est-ce qu'on considère comme un tiers
une filiale, un intermédiaire en assurance? Vous avez parlé aussi
de décloisonnement, et, là, ça me laisse songeur. C'est
parce que, si, moi, je contracte une assurance-vie avec la Mutuelle des
fonctionnaires du Québec et que cette société est
décloisonnée et qu'on apprend que je suis dépressif,
est-ce que, si la Mutuelle achète une firme de courtiers en valeurs
mobilières, je vais être placé sur une liste de
déprimés susceptibles d'acheter tel type d'action? Dans ce
sens-là, le décloisonnement va-t-il amener le couplage des bandes
de données?
Parce que, vous savez, on ne peut pas être contre le
décloisonnement comme on ne peut pas faire un discours politique, au
Québec, sans mentionner la globalisation des marchés et la
mondialisation de l'économie. C'est aux années quatre-vingt ce
que l'animation sociale était au début des années
soixante-dix. Est-ce que le décloisonnement, qui comporte, à n'en
pas douter, des avantages, va amener le décloisonnement des bandes de
données? Autrement dit, la Mutuelle des fonctionnaires du Québec,
qui détient mon dossier médical à l'égard de mon
assurance-vie - et la durée est un élément, mais il n'y a
pas que la durée, on a parlé de filiales, tout à l'heure -
est-ce qu'elle le fournit à la société soeur qui fait
telle autre activité? Autrement dit, est-ce qu'on peut être
assurés que vous allez garder un cloisonnement des renseignements
personnels même si votre activité économique est
décloisonnée?
Vous savez, je ne pense pas qu'on puisse l'arrêter. C'est
sûr que le Mouvement Desjardins a maintenant des intermédiaires,
qui sont ses employés, en assurance habitation et automobile, surtout
dans toutes ses succursales. Je ne pense pas que ça puisse être
arrêté, mais, dans le fond, ma question pointue: Est-ce qu'on va
garder un cloisonnement des renseignements de nature personnelle?
Sous-question: Est-ce que vous pensez que le projet de loi devrait être
plus clair à l'égard de ce qu'on appelle le couplage des
données, c'est-à-dire qu'on surimprime à partir de huit
bandes pour en savoir trop, en tout cas, pour trop centraliser les
renseignements sur une personne?
M. Millette: Pour la première partie de la question, je
pense qu'il faut reconnaître une réalité
québécoise et canadienne maintenant, le décloisonnement
des institutions financières. C'est qu'on a permis aux institutions
financières d'être des filiales des unes et des autres, mais on
n'a pas permis à une institution financière d'exercer, à
l'intérieur de ses propres structures, les différentes
activités qui sont exercées. Si on l'avait permis, eh bien, la
question de la définition d'un tiers ne se poserait pas, mais la
question du cloisonnement de l'information continuerait à se poser.
Les codes de déontologie des compagnies d'assurances ainsi que
les codes de déontologie de notre association demandent qu'il y ait un
cloisonnement de l'information et, par exemple, que l'information
médicale soit cloisonnée avec l'information à
caractère économique. Donc, l'information médicale ne
serait pas utilisée pour des fins de couplage, comme vous dites, et les
compagnies d'assurances ne le font pas à l'heure actuelle. La même
chose pour certaines données qui sont utilisées par les secteurs
de réclamation. Ces données-là ne sont pas transmises
à d'autres secteurs à l'intérieur d'une compagnie. Ces
choses-là continueraient, il est évident.
M. Bourdon: Vous parlez du dossier médical, mais, dans le
fond, un des objectifs de la loi, c'est qu'un renseignement ne soit pas
transmis a un tiers à des fins de sollicitation, par exemple, sans
l'accord de la personne. Autrement dit, un travailleur autonome qui souscrit
à un REER auprès d'une compagnie d'assurances, vous ne croyez pas
que ce serait normal qu'on lui demande, au moment où il souscrit
à son REER, s'il veut que les renseignements nominatifs le
concernant soient transmis à d'autres?
Je prends bonne note de votre réponse, les garanties sur le
dossier médical. Mais ce que je veux dire, et je suis bien d'accord avec
ce que vous dites, ça m'apparaît fort correct, mais, si un
travailleur autonome souscrit, par exemple, à une assurance-maladie
auprès d'une société membre de votre organisation et que
cette société-là fait partie d'un groupe économique
plus grand, êtes-vous d'accord qu'on lui demande s'il consent à ce
que le renseignement nominatif, qui n'est pas une information - pardonnez
l'anglicisme -sensible à son égard... C'est juste: A-t-il envie
d'être sollicité par les sept autres bras du même
conglomérat? Est-ce que vous seriez d'accord que la loi dise que,
ça aussi, ça va être offert aux personnes qui font affaire
avec une unité économique plus grande, un conglomérat
financier, si on veut, ou mettons-le autrement, des sociétés
décloisonnées oeuvrant ensemble?
M. Roch: Ma réponse à ça est la suivante:
C'est que nous sommes en présence d'un client qui a fait confiance
à un groupe. Et je pense que ce client-là, peu lui importent les
cloisons artificielles que le législateur a imposées en imposant
des structures juridiques... Parce que, semble-t-il, une compagnie
d'assurances, ça ne peut pas vendre, en même temps, des valeurs
mobilières. Alors, pour éviter ça, l'assureur a
créé une filiale. Nous sommes en présence d'un client qui
a fait confiance à un groupe et qui a un préjugé favorable
envers ce groupe-là. Et je dis: Évitons cette procédure du
consentement spécifique, quitte à ce que, dès qu'il est
sollicité par une autre constituante du groupe, ce client-là, on
lui reconnaisse absolument le droit de demander à ne plus être
sollicité. Et, d'un point de vue informatique, c'est très simple.
Il s'agit qu'une indication apparaisse et ce client-là ne sera plus
jamais importuné - parce que, lui, il se considère comme
importuné - par de la sollicitation non désirée.
M. Bourdon: J'ai tendance à être d'accord sur un
moyen qu'une personne puisse demander à ne plus être
sollicitée. À l'automne 1991, quand on a vu les gens du
télémarketing, certains convenaient que, en tout état de
cause, la personne qui est allergique à la sollicitation fait perdre aux
solliciteurs temps et argent, parce que c'est une personne qui ne veut pas.
Maintenant, sur la confiance au groupe, je vous dirai que, par exemple,
comme député, j'ai une assurance-vie via la SSQ. Ça ne
veut pas dire que je connais toutes les activités de la SSQ, le fait que
je suis dans un régime d'assurance-groupe souscrit. Puis, en plus,
est-ce que la confiance reste? Est-ce que c'est une confiance prospective,
quelles que soient les acquisitions auxquelles le groupe auquel j'adhère
va procéder? Parce que, écoutez, j'adhère à une
société d'assurance qui achète une société
de fiducie, qui achète un truc en valeurs mobilières, puis qui,
avec Joë Norton, achète un hôtel dans Charlevoix. Là,
au moment de l'hôtel dans Charlevoix, je peux commencer à trouver
que ma confiance est entamée.
Mais, trêve de plaisanterie, ce que je veux dire là-dessus,
c'est que ce qui rattrape votre réponse, d'une certaine façon,
c'est que vous convenez qu'une personne qui est sollicitée devrait
être capable d'indiquer qu'elle ne souhaite pas l'être. Mais
convenez-vous que, actuellement, c'est un peu un puzzle puis un jeu de charade
pour un consommateur? (10 h 40)
Moi, il y a une personne que je connais qui identifie la source de la
sollicitation, par exemple, en s'abonnant à un magazine. Elle commet
délibérément une erreur dans son nom, puis, après
ça, quand il arrive de la sollicitation avec l'erreur, elle
connaît la source. Moi, si j'avais fait ça, puis que j'avais
marqué «Bourdone» avec un «e» à la fin,
bien, j'arrêterais de soupçonner le Time pour toutes les
offres que je reçois de Toronto me proposant, contre 2000 $,
d'être millionnaire d'ici quatre mois, puis celui qui me sollicite va
l'être immédiatement si je lui envoie le chèque.
Alors, dans ce sens-là, vous ne pensez pas que ce dont vous
convenez, qui devrait être reconnu à la personne en cours de
route, ne pensez-vous pas que ça pourrait l'être dès le
départ, que la personne dise si elle consent oui ou non à
être informée et sollicitée par d'autres organisations du
groupe?
M. Millette: Si on est prêt à accepter que ce soit
en cours de contrat, je ne vois pas qu'on refuse que ce soit à
l'origine, à condition, cependant, que ça ne nous oblige pas
à retourner chez tous nos anciens clients qui sont nos clients depuis
peut-être 30 ans ou 35 ans. Mais, pour l'avenir, on n'y voit aucune
objection.
M. Bourdon: Ça m'amène à introduire un
élément dans le débat. Vous parlez des futurs clients et,
même si ce n'est pas la même logique, il y a d'autres intervenants
qui ont posé la même question, qui est fondamentale à
l'égard du projet de loi 68. Autrement dit: Est-ce qu'il va y avoir 30
000 000 de lettres qui vont s'écrire suite à l'adoption du projet
de loi?
Moi, je suis préoccupée, en particulier, des rapports de
crédit utilisés par les institutions financières. Est-ce
qu'il n'y aurait pas une approche «étapiste» à
prévoir pour qu'une société d'assurances, ou plus
probablement une banque, ou une caisse populaire, dans le cas des rapports de
crédit, obtienne un certain nombre d'années pour
disséminer l'information qu'elle détient à ses clients, de
façon que ça ne perturbe pas son opération?
Je reviens à l'exemple des rapports de crédit. S'il y en
a, par hypothèse, 14 % qui
contiennent des inexactitudes... Je sais que ça ne touche pas les
compagnies d'assurances directement, mais, comme il y a des groupes et que vous
êtes décloisonné, si ça ne vous touche pas comme
assureur, vous allez finir par l'avoir dans votre banque. Mais est-ce que
ça ne serait pas une approche que de dire qu'on va y aller par
étapes et qu'à mesure qu'on traite avec un client et qu'on
détient une information le concernant, je pense aux rapports de
crédit, on lui fournisse et qu'il ait un moyen de le faire corriger si
besoin était? Et, comme vous dites, la question qui se pose: Si vous
avez, par hypothèse, 1 200 000 clients au Québec, est-ce qu'il
faut envoyer 1 200 000 lettres si on sait, par exemple, que mon assureur
automobile ou mon assureur vie m'écrit régulièrement pour
renouveler ma police et qu'il pourrait, en même temps, me donner le
renseignement auquel j'ai droit?
Autrement dit, ce que vous disiez: Est-ce que vous seriez d'accord que
ça pourrait être le cas pour l'ensemble du projet de loi, qu'on
prévoie que l'entreprise qui est tenue de fournir un renseignement ait
du temps pour le faire et, en plus, qu'on lui reconnaisse la souplesse de le
faire comme graduellement à mesure qu'elle a à communiquer avec
ses clients? Parce que, tout d'un coup, je ne sais pas si vous êtes comme
moi, mais on en a dans notre boîte aux lettres des lettres et des
sollicitations de toute sorte. Si on obtient en même temps 14 lettres:
une de mon assureur qui dit qu'il a mon âge, mon dossier médical,
ce que je sais, puis l'autre, du bureau de crédit qui dit que, comme
j'ai acheté à crédit, il a un dossier... Alors, autrement
dit, ce que vous disiez: Seriez-vous d'accord pour que l'ensemble du projet de
loi reflète que les obligations créées de fournir des
renseignements, ça s'échelonne, que ça ne soit pas d'un
coup sec et que chaque entreprise donne l'information à mesure qu'elle
a, de toute façon, à communiquer avec son client?
M. Millette: Bon, alors, je pense qu'on vient un peu de changer
le débat. On était d'accord tantôt pour dire qu'on est
prêt au fur et à mesure, lorsque de nouveaux produits sont vendus,
à permettre aux gens de refuser de recevoir de la sollicitation directe
par le «mass marketing». Maintenant, est-ce qu'on serait prêt
à permettre, sur une période étalée, à
remettre à chacun de nos clients l'information qu'on possède sur
lui?
Je pense que le problème est très important pour nous,
parce que les... Encore là, le Code civil du Québec
prévoit qu'après deux ans un assureur ne peut plus mettre fin
à une police, sauf s'il y a fraude, pour les déclarations d'un
assuré. Alors, si on revenait après un temps ou après une
période de temps requestionner toutes les déclarations qui ont
été faites, toutes les autorisations de chercher des documents et
que la personne nous en apporte des nouvelles, alors on considérerait
ça comme... Il y a vraiment des problèmes légaux,
fondamentaux, pour nous, à procéder d'une façon comme
ça.
M. Bourdon: Mais je sais qu'il existe actuellement à
Montréal une organisation à laquelle on peut
téléphoner pour demander qu'on retire notre nom de listes de
sollicitation. Et, dans le fond, la question qui se pose, c'est que, si, par
exemple, la sollicitation peut m'être faite à partir de 40 listes
différentes, je pense que vous avez raison, est-ce qu'il n'y aurait pas
une façon simplifiée de concevoir ça? Parce que ça
m'ennuie peut-être d'avoir beaucoup de courrier dans ma boîte aux
lettres, mais je n'ai pas nécessairement envie d'entreprendre 40
démarches pour faire enlever mon nom de 40 listes, surtout que les gens
du télémarketing nous disent qu'il y a quelque chose comme 2 %, 3
% des personnes qui reçoivent la sollicitation qui ne sont pas d'accord
pour la recevoir.
M. Millette: Moi, je peux dire que, de façon
générale, les compagnies d'assurances ne sont pas des vendeuses
de listes. Elles sont des utilisatrices de listes, mais pas des vendeuses de
listes. Et, dans ce sens-là, je ne pense pas que les renseignements
personnels qu'on détient sont détenus pour des fins de
commerce...
M. Bourdon: D'accord.
M. Millette: ...ils sont détenus pour les fins propres de
l'assureur. Certains renseignements nominaux, comme on le disait tantôt,
peuvent servir au «mass marketing» à l'intérieur du
groupe, mais ces listes-là ne sont pas vendues,
généralement, sauf à l'intérieur d'ententes de mise
en marché, pour le profit de vendre une liste. Donc, on n'est pas tout
à fait dans une situation...
M. Bourdon: D'accord.
M. Millette: ...comme un bureau de crédit, par exemple, ou
une autre organisation.
M. Bourdon: Mais, par exemple, si on demandait aux nouveaux
clients, parce que vous parlez de nouvelle clientèle, s'ils autorisent
à fournir les renseignements nominatifs les concernant à d'autres
à des fins de sollicitation, j'ai le sentiment - je ne sais pas ce que
vous en pensez - que, si c'était ciblé, la réponse serait
sans doute plus favorable.
Je vous donne un exemple. Je souscris à un REER à une
société d'assurances qui fait partie d'un groupe plus important.
On m'avise que le groupe a pour politique de ne pas vendre de listes.
Ça, je sais, comme consommateur, que ça veut dire pas le monde
entier, là. Mais est-ce que je consens à ce que mon nom soit
utilisé pour me solliciter pour des produits du groupe?
Je risque d'être plus favorable parce que je connais le groupe, je
lui fais confiance. Et, dans le fond, c'est la même chose pour des
organismes philanthropiques. Personnellement, comme personne qui est membre
d'Oxfam, ça ne m'embêterait pas qu'ils échangent leur liste
avec Amnistie - c'est peut-être autre chose s'ils la vendent à 10
courtiers en liste pour toutes sortes d'autres fins - parce que, si j'ai une
sympathie pour Oxfam, je risque d'avoir le même type de réaction
vis-à-vis d'Amnistie.
M. Millette: Je suis obligé de vous répéter
que notre industrie ne fait pas...
M. Bourdon: Ne fait pas.
M. Millette: ...ce genre de commerce...
M. Bourdon: D'accord.
M. Millette: ...et que, par conséquent, on ne peut pas
s'objecter à une législation si vous croyez qu'elle est utile.
Mais on ne voudrait pas qu'une telle législation ou
réglementation nous empêche d'utiliser nos banques de
données, nos propres banques de données, à
l'intérieur de notre groupe, pour les fins de nos affaires ou de la
prospection de nos affaires. Comme je vous disais tantôt, on n'a pas non
plus d'objection à demander l'autorisation à nos nouveaux clients
de mettre leur nom sur de telles listes qui servent à nos fins.
M. Bourdon: Et vous disiez plus tôt que, un client ancien
qui prend l'initiative de demander de ne plus être sollicité,
ça ne vous embêterait pas de l'enlever de la liste non plus.
M. Millette: Non, exactement.
M. Bourdon: Alors, je vous remercie. (10 h 50)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
M. Millette, je ne voudrais pas vous mettre dans une situation... mais
j'aimerais vous parler des limbes, des compagnies qui disparaissent, type
Coopérants. Qu'advient-il de ces «nonpersons» qui sont
détenteurs de renseignements nombreux et qui se dissolvent, avec les
problèmes qu'on connaît, en passant, qui sont réels et
inquiétants? Je vous écoutais hier justement là-dessus.
Est-ce que l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes
serait prête à prendre la succession de ces
renseignements-là et d'en assurer la préservation, la
conservation et la confidentialité?
M. Millette: là, je ne veux pas faire de la prospection,
parce qu'on parle d'un dossier qui est notre premier dossier, on
n'espère pas qu'il y en ait des centaines.
Le Président (M. Doyon): Souhaitons-le.
M. Millette: Dans le cas qui nous occupe, dans le dossier des
Coopérants, l'information en possession de la compagnie n'est pas
abandonnée, laissée à tout vent ou quoi que ce soit, elle
est entre les mains d'un liquidateur qui va transférer l'information
nécessaire à l'administration des dossiers lorsqu'ils seront
cédés à un assureur qui acceptera d'en prendre la
responsabilité, et les documents et dossiers qui vont lui rester
à la fin de sa période de liquidation, la loi de la liquidation
l'oblige déjà à les déposer auprès je crois
que c'est du président du Conseil du trésor du Canada et, en
conséquence, ces renseignements-là ne sont pas laissés
à tout vent.
Le Président (M. Doyon): Bon. D'accord. C'est juste que,
en fait, ça ne me paraissait pas très clair, mais, en tout cas,
on verra à l'usage. M. le député de Saguenay, vous avez
hâte de poser une question.
M. Maltais: Oui.
Le Président (M. Doyon): J'espère que je ne vous
l'ai pas volée. Ha, ha, ha!
M. Maltais: M. Millette vient de me donner un sale coup en disant
que, oui, il y a un cas avec Les Coopérants. Bien, moi, je lui
rappellerais que La Souveraine existe également, puis c'est chez vous.
En fait, c'est votre association qui présentement, avec le Conseil du
trésor... Il y a un administrateur de nommé
présentement.
M. Millette: Dans ce cas-là aussi, il y a un liquidateur
de nommé.
M. Maltais: Oui, aussi. Et il y en a eu d'autres également
dans le passé. Il y a une chose qui me chicote, et j'écoutais mon
collègue de Pointe-aux-Trembles tantôt. Le principe de
l'assurance, je ne pense pas qu'on puisse dire que les compagnies d'assurances
sont des marchands de renseignements. Pour être depuis toujours dans
l'assurance, comme courtier, je ne crois pas que les compagnies d'assurances,
ni les courtiers ni les agents, soient des marchands de renseignements.
Mais il y a une chose, par exemple, qui me chicote, et c'est au niveau
de la formule. Lorsqu'un assuré, qui est le courtier ou l'agent, remplit
le formulaire demandant une souscription d'assurance, que ce soit de
l'assurance-vie ou autre - parlons d'assurance-vie, puisque c'est votre domaine
- est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité que le formulaire soit
complet au niveau des renseignements personnels, financiers, et,
indépendamment des questions auxquelles on répond, votre service
de sélection va juger si oui ou non il y a un besoin d'un examen
médical et, là, c'est les médecins autorisés qui
donnent
l'information?
Ce qui veut dire qu'il y a deux personnes avec vous autres qui doivent
prendre la parole de l'assuré: d'abord, l'agent ou le courtier qui est
autorisé et qui est couvert par une police
d'assurance-responsabilité, votre service de souscription
également. Tous les renseignements personnels qu'une compagnie doit
savoir sont inscrits là et contresignés par les personnes
autorisées, la question financière également, parce que
c'est beaucoup plus facile pour l'agent ou le courtier d'avoir le portrait
financier.
Je ne vous apprendrai pas les trucs du métier, M. Millette, mais
c'est très facile de savoir si le client est solvable, oui ou non. On
n'a pas besoin d'un actuaire à côté de nous autres.
Règle générale aussi, l'agent ou le courtier qui fait des
affaires veut garder ses affaires. Les mauvaises affaires, il veut en faire le
moins possible, c'est-à-dire qu'il ne veut pas en faire du tout, parce
qu'on connaît les sanctions qui existent vis-à-vis de nous autres
lorsque les affaires ne sont pas bonnes. Donc, la foi de l'agence de courtiers,
la bonne foi de l'assuré, votre service de souscription et... Somme
toute, qu'est-ce que vient faire Équifax pour étudier le
crédit là-dedans? Qu'est-ce qu'il vient confiner?
M. Millette: En fait, Équifax n'est pas
nécessairement utilisé dans tous les cas. Et, souvent, vous
connaissez vos clients, vous pouvez mettre une évaluation, mais il n'est
pas nécessairement dit que c'est vous qui allez la faire ou que vous
pouvez la faire sans vous-même recourir à des méthodes
semblables à celles d'Équifax. Tant mieux si vous pouvez
l'éviter, mais c'est une des raisons pour lesquelles on peut recourir
à Équifax. Il est certain que, si on avait les moyens de s'en
passer, on le ferait volontiers.
M. Maltais: Je vais vous donner des exemples. Dans les grands
centres, ça va bien, ils ont des bureaux, ils ont des systèmes
d'information, mais, lorsqu'ils arrivent en région, ils ont le barbier,
ils ont le secrétaire-trésorier. Si le
secrétaire-trésorier se décide de haïr le gars qui a
souscrit à une police d'assurance, il peut mettre à peu
près tous les renseignements qu'il veut là-dessus, les trois
quarts que vous n'avez pas besoin de savoir, et, dans 50 % des cas, il faut les
corriger. Vous êtes au courant, vous êtes bien conscient de
ça. Alors, moi, je me pose la question: Est-ce que la compagnie comme
telle n'est pas en mesure de donner ce service-là?
Sur le pian information générale, information
financière et information médicale, ça ne court pas les
rues, c'est le médecin. Le médecin vous fournit, à vous
autres, l'information médicale dont vous avez besoin et ça reste
dans le dossier du client, bien sûr. Sauf que, moi, ce que je ne
comprends pas, c'est qu'on soit obligé de recourir, à l'heure de
l'informatique, aujour- d'hui, à encore autant d'intermédiaires,
qui, on le sait par expérience, ne sont pas toujours sûrs, et vous
le savez. Vous vous en fartes passer, des deux pour des huit, de temps en
temps. Je pense que vous seriez en mesure, comme compagnie, comme organisme, de
vous passer de ces intermédiaires-là d'information.
M. Millette: On n'est pas des enquêteurs de crédit,
au départ...
M. Maltais: Non, non, non.
M. Millette: ...et c'est une des raisons pour lesquelles on
recourt à des enquêteurs de crédit. Je suis tout à
fait d'accord avec vous, si on peut avoir toute l'information nécessaire
et fiable, je ne vois pas pourquoi on recourrait à des enquêteurs
de crédit. Par ailleurs, on serait bien content d'avoir une information
fiable et complète de la part de ces gens-là quand ils nous en
donnent.
M. Maltais: Parce que je vais vous donner un exemple. Lorsqu'un
client souscrit à une police d'assurance-vie de 100 000 $, il y a une
éventualité qui est, bien sûr: si la personne paie la prime
tout le temps, un jour ou l'autre, vous allez verser 100 000 $.
M. Millette: Ça fait partie des risques qu'on assume.
M. Maltais: Ça fait partie des risques. Et là vous
avez un minimum de renseignements. Si la personne est jeune, elle n'a pas
besoin d'examen médical, bon. Vous avez une attache de 100 000 $ que,
éventuellement, vous allez verser, si le client respecte les choses.
Vous allez demander une carte de crédit à Sunoco, de 800 $ de
crédit. Ils vont avoir des renseignements ça d'épais qu'il
vous faut fournir, et ce n'est rien que du crédit. Ça veut dire
que le client est sûr d'une chose: un jour ou l'autre, il va rembourser,
de force ou d'amitié. Alors, moi, je trouve disproportionné, dans
la consommation, les renseignements qu'on demande versus les valeurs, ce qu'on
souscrit chez vous. Alors, je pense qu'il faudrait faire une différence
pour le monde des assurances et pour le monde de la consommation.
M. Millette: Évidemment, beaucoup des renseignements qui
sont demandés par les compagnies d'assurances, quand on parle du dossier
de crédit... Parce que l'assureur n'est pas intéressé au
crédit de l'assuré aux fins du crédit lui-même,
c'est plutôt pour connaître...
M. Maltais: Les habitudes morales.
M. Millette: ...la personne. C'est une étude morale,
exactement. Et c'est la seule raison pour laquelle les renseignements sont
demandés. Ce
n'est pas la raison fondamentale, ce n'est pas des raisons de
crédit qui nous amènent à le faire, c'est pour
compléter une étude de moralité sur le client, parce qu'on
sait que la bonne foi des proposants est essentielle dans le système
d'assurances. Parce que, on l'a vu dans des manifestations récentes, si
des gens se mettent à faire des fausses déclarations, bien, c'est
tout le système qui est faussé. Le système devant
être fait de façon à charger ou à tarifer chacun de
façon équitable, on doit être certain que ces
gens-là sont d'une moralité ou d'une probité suffisante.
Mais, si on connaît le client, évidemment, ce besoin-là est
moins important.
M. Maltais: Merci beaucoup, M. Millette. (11 heures)
Le Président (M. Doyon): Merci. Je pense que ça
fait à peu près le tour de la question. M. le ministre, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, le temps est écoulé,
malheureusement. Alors, il me reste à remercier les représentants
de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et
à les remercier de nous avoir fait part de leur point de vue. Il en sera
sûrement tenu compte dans ce qu'on fera du projet de loi 68. Merci
beaucoup.
Nous sommes maintenant prêts à recevoir les
représentants du Barreau du Québec. Tout en demandant à M.
le député de Pointe-aux-Trembles de bien vouloir reprendre place
pour permettre à la commission de continuer ses travaux, je souhaite la
bienvenue aux représentants du Barreau. Je vois qu'ils sont
censés être représentés par Me Marc Sauvé, Me
Marc-André Blanchard, Me Patrick Glenn ainsi que Me Paul Granda. Je leur
souhaite la bienvenue.
Ils connaissent nos règles. Elles s'appliqueront à eux de
la même façon. Nous sommes heureux de les avoir parmi nous et nous
sommes très intéressés à leur
représentation. Ils disposent de 15, 20 minutes pour nous faire un
résumé de leur mémoire, en faire une synthèse ou
procéder comme ils voudront, ajouter ce qu'ils n'ont pas eu le temps ou
l'espace de mettre dans leur mémoire. Ensuite, la discussion va
s'engager avec les membres de la commission pour le restant du temps. Donc,
bienvenue. Si vous voulez bien vous identifier, pour les fins du Journal des
débats.
Barreau du Québec
M. Sauvé (Marc): Merci, M. le Président. C'est Marc
Sauvé du Service de recherche et de législation au Barreau du
Québec. Je vous présente sans plus tarder les autres membres de
la délégation du Barreau. Alors, à ma gauche, vous avez Me
Patrick Glenn, qui est professeur de droit à l'Université McGill.
Il vous entretiendra principalement de l'orientation générale de
la loi, des mécanismes d'application ainsi que de la question des flux
transfrontières. À ma droite, vous avez Me Paul Granda, de la
firme Desjardins, Ducharme, Stein, Monast, et il traitera principalement de la
question de l'indépendance et de l'impartialité de la Commission
d'accès. Et, au bout de la table, vous avez Me Marc-André
Blanchard, de la firme Lafleur, Brown, qui traitera des questions de
liberté de presse, des sanctions pénales et des exceptions
prévues à l'article 17 du projet de loi. Pour finir, je traiterai
succinctement de l'application du projet de loi aux professionnels et aux
corporations professionnelles.
Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Me Glenn.
M. Glenn (H. Patrick): Merci, M. le Président. Le Barreau
du Québec voit la problématique générale
posée par le projet de loi 68 comme celle d'assurer une protection
adéquate de la vie privée de la personne, sa
particularité, ses droits de personnalité, selon l'expression
classique, sans imposer une réglementation uniforme de caractère
d'ordre public, qui enlève à l'individu toute possibilité
de particularité. Il y a des gens qui aiment recevoir le «junk
mail», on ne voit pas pourquoi on leur refuserait ce plaisir.
Comme l'a bien dit la Cour fédérale constitutionnelle
allemande, c'est au sujet de l'information, d'exercer un contrôle sur
l'information qui le concerne et non pas aux autres organismes, qu'ils soient
privés ou publics. Le Barreau se félicite donc, en
général, du caractère non contraignant de la loi ou du
projet de loi et, notamment, de l'absence d'une réglementation trop
détaillée ou trop contraignante du traitement des données
personnelles dans le secteur privé.
Vu la nécessité de souplesse dans ce secteur,
l'autoréglementation aurait pu fournir les résultats
recherchés. Mais, si l'autoréglementation par secteur industriel
est jugée inacceptable pour des raisons qui ne nous sont pas
entièrement connues, la meilleure solution nous semble être le
type de loi représenté par le projet de loi 68 qui, aussi, dans
ses articles 70, 71 et 75, prévoit d'ailleurs certaines formes
d'autoréglementation.
Ainsi, le Barreau est d'accord que le moyen principal de faire respecter
la loi, c'est l'individu lui-même, en exerçant son droit d'habeas
data, en exerçant un recours devant les tribunaux ordinaires pour
violation de la vie privée ou en exerçant le recours plus
expéditif, du moins nous l'espérons, prévu devant la
Commission d'accès. Si l'individu n'exerce pas ces recours, pour nous,
il n'y a pas de tort, et la loi ne devrait pas intervenir pour imposer d'autres
formes de traitement des données personnelles dans le secteur
privé. Nous sommes donc généralement d'accord avec
l'existence des exceptions au principe de protection établi par la loi,
des exceptions dont la souplesse de formulation devrait permettre à la
Commission et aux tribunaux de tenir compte des situations
particulières
qui peuvent se présenter.
S'il y a un article qui nous trouble de façon
générale - mes confrères parleront d'autres - c'est
l'article 13 et la nécessité d'un consentement écrit pour
chaque communication d'un renseignement personnel. Appliqué dans la
réalité du commerce quotidien, surtout au niveau des petites et
moyennes entreprises, cet article nous semble quasiment inapplicable.
On rappelle que l'article va au-delà de l'article 37 du Code
civil, plus ouvert, lui, à toute forme de preuve d'un consentement
valable. Je peux vous dire que je ne veux pas être troublé
moi-même par plus de formulaires à signer dans ma vie quotidienne.
On rappelle que les articles généraux du Code civil constituent
une toile de fond, qui protège de façon générale la
vie privée et permettent de remédier à toute violation
véritable.
Mes confrères parleront d'autres aspects de la loi, en plus de
détails, mais la question des flux transfrontaliers des données
mérite quelques remarques supplémentaires. Le projet de loi
aurait pu contenir des textes visant les flux transfrontaliers, et le Barreau
aimerait voir un certain contrôle de cet aspect du problème. Nous
voyons cependant des problèmes constitutionnels évidents et des
difficultés pratiques sévères dans tout effort de
réglementer de façon unilatérale les flux
transfrontaliers. C'est pourquoi, notre seule véritable recommandation,
en matière de flux transfrontaliers, serait de renouveler les efforts
pour une résolution transnationale, par convention ou autres, de ce
problème-là.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Glenn.
M. Sauvé: Me Granda.
Le Président (M. Doyon): Me Granda.
M. Granda (Paul R.): Je traite d'un point, qui, je l'ai
noté dans les journaux, a déjà été
traité par d'autres organismes, qui mérite d'être
soulevé encore une fois, et c'est la question du danger de conflit dans
les divers rôles que doit jouer la Commission, dans les fonctions qu'on
lui attribue par sa loi constitutive, mais également par ce nouveau
projet de loi.
On aura noté que la Commission, à toutes fins pratiques, a
un rôle où elle porte trois chapeaux: elle peut être
enquêteur, elle peut être adjudicateur et également
régulateur ou conseiller. Le justiciable, face à cette situation,
et malgré le souhait d'avoir des résolutions plus
expéditives de problèmes, via la Commission, le justiciable,
néanmoins, peut se retrouver devant une situation où il peut
douter justement de l'impartialité de la Commission. Et, le Barreau,
comme il l'a déjà mentionné dans d'autres forums,
s'inquiète du fait que la Commission, justement, porte ces trois
chapeaux et risque de se placer en position de conflit
d'intérêts.
Également, le Barreau, comme il le soulève dans son
mémoire, s'inquiète du fait que la plupart des personnes, qui
siègent au sein de la Commission et qui doivent entendre des causes,
n'aient pas une formation juridique. De plus en plus, les problèmes
seront complexes. Il ne faut pas se leurrer, il y a les questions de Charte qui
se soulèvent de plus en plus, de droit administratif,
d'évocation, etc., où il serait peut-être avantageux de
prévoir un système où il y ait un président de la
Commission qui ait lui-même une formation juridique, assisté
d'assesseurs qui pourront le guider sur certaines questions précises.
Alors, ça, c'est un des points qui inquiètent le Barreau. (11 h
10)
Lorsqu'on regarde la question du pouvoir d'enquête qui est
accordé à la Commission - je vous réfère à
l'article 76 du projet de loi - une des préoccupations du Barreau est
à l'effet que la Commission peut elle-même instituer une
enquête, mais peut également déléguer ou charger une
personne de faire enquête sur toute matière qui est de son
ressort. Cette dernière possibilité inquiète le Barreau en
ce que, dans le cadre d'une audition devant la Commission, où des gens
peuvent être assignés par subpoena etc., il y a des garanties
constitutionnelles qui sont prévues, il y a des mécanismes, il y
a des subpoenas, il y a des façons de procéder où la
garantie des droits est prévue, alors que, si on accorde à une
personne le pouvoir de faire enquête, on peut se retrouver devant une
situation où, par exemple, un enquêteur convoque tout simplement
quelqu'un à son bureau pour faire valoir son point de vue, obtenir des
renseignements de cette personne-là, sans pour autant garantir le droit
à la règle fondamentale de justice naturelle d'audi alteram
partem, par exemple, ou le droit de se taire, le droit de ne pas
s'auto-incriminer; alors, toutes des choses qui sont garanties par les chartes.
Ça, c'est un point qui soulève l'inquiétude du
Barreau.
Également, la Commission peut être appelée à
donner des avis, à formuler des programmes pour des gens, programmes qui
seront peut-être ultérieurement sujets à un débat
devant la Commission, qui siégera à ce moment-là comme
adjudicateur. Alors, c'est un point où le Barreau se demande s'il n'y a
pas moyen de prévoir une façon, aux termes de laquelle la
Commission, qui doit siéger comme adjudicateur, aurait ce rôle
très distinct et limité, et qu'un autre organisme - ça
peut être le ministère tout simplement des Communications et non
plus la Commission d'accès - puisse s'occuper de tout ce qui est
information du public, de tout ce qui peut être enquête, etc.,
pour, au moins, retirer le rôle d'adjudicateur et celui de conseiller, de
régulateur.
Alors, ce sont, somme toute, les points que, moi, je devais traiter.
Comme ils ont déjà été
soulevés à maintes reprises devant la Commission, je vais
laisser plus de temps à mes autres collègues pour débattre
les autres points.
M. Sauvé: Me Blanchard.
Le Président (M. Doyon): Alors, Me Blanchard, nous sommes
prêts à vous écouter.
M. Blanchard (Marc-André): Merci, M. le Président.
Alors, je vais traiter plus particulièrement, dans un premier temps, de
la liberté de presse. L'acticle 1 du projet de loi 68 stipule, à
son troisième alinéa : «La présente loi n'a pas pour
objet de restreindre l'utilisation licite - je souligne - de renseignements
personnels à une fin d'information légitime - je souligne - du
public.»
Premièrement, l'utilisation du mot «licite» nous
apparaît dangereuse dans le cadre du projet de loi 68. En effet, si l'on
prend pour acquis que toute utilisation contraire aux obligations contenues au
projet de loi 68 est illicite, cela peut amener nécessairement comme
conséquence que de l'information éminemment
d'intérêt public, qui est, par contre, illicite au sens du projet
de loi, devrait être cachée du public. À titre d'exemple,
eu égard au projet de loi 68, le fait, pour un journaliste, d'apprendre
par un tiers que le premier ministre du Québec soit atteint d'une grave
maladie, est une information qui est, d'une part, éminemment
d'intérêt public, mais qui, d'autre part, est une information
personnelle que vise à protéger le projet de loi. Donc, bien que
cette information sert légitimement à informer le public, mais,
parce qu'il s'agit d'une utilisation illicite de tels renseignements, cela fera
en sorte que les journalistes pourraient être passibles de sanctions
prévues au projet de loi 68.
Deuxièmement, en ce qui à trait à l'utilisation du
mot «légitime», cela pose problème, selon nous. En
effet, dans ce cadre, l'utilisation de ce mot, dans son acception normale, est
tout à fait redondante, si l'on veut lui donner un sens. Ce mot
désigne, en fait, une activité légale. Or, il est
déjà manifeste que toute utilisation doit être
légale. Le législateur, par l'utilisation de ce mot, veut-il lui
donner une autre définition plus large et, donc, plus contraignante?
Comme le législateur ne parle pas pour ne rien dire, nous sommes
portés à le croire. Cela veut donc dire que l'on considère
les mécanismes de droit, qui existent déjà, comme
insuffisants pour se prémunir d'une utilisation illégale d'une
information.
La Cour suprême, à plusieurs reprises, a reconnu
l'importance particulière du travail des journalistes et des
médias. On a également affirmé que l'importance de ce
rôle et la manière dont il doit être rempli suscitent des
préoccupations spéciales à leur égard. Dans
l'affaire Société Radio-Canada contre Procureur
général du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême a
affirmé, notamment, que ce sont les médias qui, en
réunissant et en diffusant les informations, permettent aux membres de
notre société de se former une opinion éclairée sur
des questions susceptibles d'avoir un effet important sur la vie et le
bien-être de tous et chacun. Dans l'affaire Société
Radio-Canada contre Lessard, la Cour suprême a affirmé, notamment,
que les informations détenues par les médias ont droit à
une attention toute particulière en raison de l'importance et du
rôle que ceux-ci jouent dans une société libre et
démocratique. Le rôle de la presse a été reconnu
dans notre société comme participant à la recherche de la
vérité dans les questions d'intérêt public, et on a
reconnu que sa participation est essentielle à l'épanouissement
de la collectivité ainsi qu'à l'épanouissement personnel
de ses membres. Toujours dans l'affaire Lessard, le juge La Forest laisse
entendre qu'il n'y a pas de doute que la collecte d'information peut être
entravée, si le gouvernement a trop facilement accès aux
renseignements qui sont en possession des médias. Or, nous croyons que
le même danger est à prévoir, si l'on permet à des
tiers de consulter ces informations détenues par des journalistes. Aux
États-Unis, d'ailleurs, tout le matériel qui entre dans le
produit du travail des journalistes ou des médias est inaccessible,
à moins qu'il y ait des raisons probables de croire que les personnes
qui sont en possession du matériel ont commis ou sont en train de
commettre une infraction criminelle ou qu'il y ait de sérieuses raisons
de croire que le matériel en question est nécessaire pour
sauvegarder la vie humaine ou pour prévenir des blessures graves.
Or, nous croyons fermement que le présent projet de loi aura des
conséquences importantes et dangereuses dans le travail quotidien des
journalistes et des médias d'information. En effet, nous croyons que le
présent projet de loi pourra entraîner, notamment, les
conséquences suivantes. Les sources confidentielles pourront craindre de
parler aux journalistes, en raison du fait que celles-ci craindront que des
personnes puissent prendre connaissance du contenu que détient la
presse. Cela pourrait dissuader les journalistes d'enregistrer ou de conserver
certains renseignements recueillis pour s'en servir ultérieurement. Le
traitement et la diffusion des informations pourraient être
gênés dans l'éventualité où les
délibérations internes de la rédaction ou des journalistes
entre eux pourraient être rendues publiques, à la suite de
l'obtention de certains renseignements. Les journalistes ou les médias
pourraient s'autocensurer afin de ne pas révéler le fait qu'ils
détiennent certains renseignements qui pourraient intéresser de
tierces personnes, et ce, afin de protéger leurs sources. Cela pourrait
empêcher leur capacité de recueillir des informations dans
l'avenir. Nous croyons donc que le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura
des répercussions néfastes sur le rôle joué
par les journalistes et les médias, dans un rôle qui leur
est dévolu par la société.
Dans un deuxième temps, j'aimerais attirer l'attention de la
commission sur les articles 83 à 85 du projet de loi, qui sont les
dispositions pénales. À cet égard, je pense que le Barreau
croit que le projet de loi est une illustration de la maxime «deux poids,
deux mesures» en ce que, lorsque l'on regarde la Loi sur l'accès
aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels - notamment, les articles 158 et suivants de cette loi-là -
on se rend compte que, dans le projet de loi 68, quiconque recueille,
détient ou communique à un tiers certains renseignements est
passible d'une infraction pénale. D'une part, on se rend compte que les
citoyens ont un test qui est beaucoup plus contraignant pour eux,
c'est-à-dire que la personne qui veut prouver une contravention a un
test beaucoup moins important à rencontrer qu'à rencontre d'un
organisme public parce que, dans la Loi sur l'accès, on dit:
«...quiconque refuse ou entrave sciemment» et, en matière de
droit, l'utilisation du mot «sciemment» est extrêmement
importante. On retrouve ces mots-là à toutes et chacune des
dispositions pénales de la Loi sur l'accès, par exemple. Donc, le
Barreau croit que le législateur devrait appliquer les mêmes
critères à son égard qu'à l'égard des
citoyens du Québec, d'une part.
D'autre part, il y a les sanctions qui sont prévues au projet de
loi. On parle d'une amende minimum de 1000 $ à 5000 $ à l'article
83 de la loi, de 3000 $ à 5000 $ à l'article 84, alors qu'aux
articles 158 et suivants de la loi, les amendes minimums pour les officiers du
gouvernement sont de 100 $ dans un cas et de 200 $ dans un autre cas. Donc, on
a des obligations, pour les citoyens du Québec, qui sont de l'ordre de 5
à 10 fois plus importantes dans les sanctions pénales, et je
pense qu'il devrait y avoir une harmonisation à ce niveau-là.
Finalement, j'aimerais attirer votre attention, dans le projet de loi,
notamment, à l'article 17 de la loi. Le Barreau croit fermement que les
paragraphes 2° et 3° de l'article 17 sont extrêmement dangereux,
parce qu'ils pourraient permettre à des officiers de police ou à
des tiers d'obtenir des renseignements personnels, ou n'importe quel
renseignement qui, normalement, devrait faire l'objet d'un mandat de
perquisition ou d'une autorisation judiciaire, alors qu'on pourrait utiliser
les paragraphes 2° et 3° de l'article 17 pour permettre à des
personnes d'obtenir ces renseignements sans aucun aval judiciaire. Je pense
qu'il y a un danger sérieux d'abus avec l'utilisation des paragraphes
2° et 3° de l'article 17. Également, le Barreau voit
difficilement l'utilité du paragraphe 4° de l'article 17, qui nous
apparaît tout a fait redondant. Finalement, nous évoquions... (11
h 20)
Ce matin, en venant à Québec, on faisait une relecture de
l'article 17, paragraphe 8°, et on doit vous avouer bien humblement que cet
article-là, pour les buts qu'on vise, quant à nous, devrait
être rédigé de façon beaucoup plus claire, parce
qu'il est à peu près incompréhensible, quant à
nous, et peut porter fruit à diverses interprétations qui ne sont
certainement pas l'objet de la loi.
Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Blanchard.
Me Sauvé.
M. Sauvé: Rapidement, là, quelques minutes, en ce
qui concerne l'application du projet de loi aux membres de corporations
professionnelles et aux corporations professionnelles. Vous le savez, il y a
déjà d'autres intervenants qui sont intervenus à cet
égard-là. Simplement pour dire qu'il y a deux facettes,
là, qui méritent d'être soulignées, à savoir:
le secret professionnel, d'une part, et l'accessibilité aux
dossiers.
Bon, le secret professionnel, vous le savez, ça fait l'objet de
dispositions de droit fondamental dans les chartes. Il y a des dispositions
dans le Code des professions, dans les diverses lois professionnelles, dans les
codes de déontologie. Alors, à cet égard-là, je
pense que la législation professionnelle fait quand même son bon
bout de chemin à cet égard-là.
En ce qui concerne l'accessibilité aux dossiers, il y aurait
peut-être lieu d'aménager des améliorations pour favoriser
une plus grande accessibilité, et on a ouï-dire que, dans certains
secteurs, en particulier le secteur de la santé, il y aurait
peut-être des lacunes. Mais, pour favoriser une meilleure
cohérence de la législation, une plus grande efficacité,
on désirerait et on trouverait peut-être plus opportun que ces
modifications-là, ces aménagements-là soient faits
à l'intérieur de la législation professionnelle, au lieu
de dédoubler ou de créer un régime parallèle de
protection.
On vous signale, par exemple, que, dans la Loi sur l'accès, il y
a un embryon de statut particulier accordé aux professionnels, à
67.2. On signale aussi l'article 300 du nouveau Code civil du Québec,
où on dit que les corporations de droit public sont d'abord
régies par les lois particulières qui s'adressent à elles.
Alors, compte tenu de cela, on pense, nous, que des aménagements peuvent
être faits, en particulier en ce qui concerne l'accessibilité aux
dossiers, mais que ça devrait se faire à l'intérieur de la
législation professionnelle, et qu'à la limite on pourrait
accepter une forme de recours à la Commission, une fois les recours
disciplinaires épuisés, parce que le secret professionnel et
l'accessibilité aux dossiers, ce sont des devoirs déontologiques.
Il y a donc des recours possibles en vertu des lois professionnelles, et une
fois épuisés, ces recours, bien, il pourrait y avoir accès
à la Commission.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Sauvé. Alors, M.
le ministre, maintenant.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Vous me permettrez, M. le Président, de souhaiter la bienvenue
à la représentation du Barreau du Québec, à nos
discussions entourant le projet de loi 68; il me fait plaisir de vous
accueillir.
Au départ, je vous dirai que j'ai été frappé
par les commentaires extrêmement constructs que vous avez eu
l'amabilité de nous formuler. Je peux vous dire que, dans plusieurs cas,
nous sommes à regarder très attentivement les
éléments que vous avez soulevés. Je pense, notamment,
à la question de la liberté de presse. J'ai déjà
indiqué dans mes remarques préliminaires, l'autre jour, que je ne
voyais pas la nécessité, tout au moins, d'avoir un amendement ou
un article de loi, je dirais, dans ce projet de loi, qui, lui, viendrait
contraindre, restreindre la portée d'un autre droit que nous retrouvons
dans la Charte. Donc, dans ce sens-là, on verra à apporter les
corrections.
Peut-être un autre commentaire sur la composition de la Commission
d'accès à l'information. Je crois que c'est Me Glenn qui y
référait tout à l'heure, ou Me Blanchard, je ne sais
trop.
Une voix:...
M. Cannon: Je m'excuse.
Une voix: (I n'y a pas de quoi.
M. Cannon: Vous avez mentionné, de plus en plus, la
complexité des dossiers qui étaient présentés
devant la Commission d'accès à l'information, j'en suis, et c'est
la raison pour laquelle, depuis les dernières années, au moment
du remplacement des commissaires, nous avons jugé, comme parlementaires,
opportun de nommer, dans ces fonctions, précisément des avocats.
La remarque, donc, à cet effet-là, a été comprise
depuis maintenant quelques années, de sorte que, sur les trois
commissaires, vous en avez deux qui sont membres du Barreau du
Québec...
Une voix: Le troisième est journaliste.
M. Cannon: ...et le troisième est journaliste.
Une voix: On ne peut pas avoir toutes les qualités.
M. Cannon: Je comprends, à ce moment-là, que c'est
parfait.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Dans les commentaires que vous nous avez
déposés à l'automne 1991, vous nous avez fait savoir, dans
votre mémoire, qu'une loi d'application prévoyant les recours,
les sanctions et le pouvoir de réglementation était
nécessaire. Et j'ai cru comprendre, à la lecture de votre
mémoire, maintenant, précisément pour les fins de la
discussion du projet de loi 68, que vous étiez beaucoup plus favorables,
maintenant, à l'autoréglementation. Aussi étrange que cela
puisse paraître, vous n'avez pas fait référence au nouveau
Code civil, et particulièrement aux articles 35 à 41. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Blanchard: Écoutez, a priori, là, pour ce qui
est de mon sujet, plus particulièrement, comme je l'ai mentionné,
à l'article 36, vous avez la seule limite qu'il pourrait y avoir
à de la diffusion d'information. D'une part, là, vous avez 36,
5°, qui parle de l'utilisation de «son nom, son image, sa
ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information
légitime du public». À cet égard-là, je pense
que, dans le Code civil, tout comme dans la législation, il y a
l'utilisation des mots «information légitime du public» qui
peut poser problème, et je pense que, ce que le Barreau disait en 1991,
c'est qu'il faudrait, entre guillemets, donner peut-être - passez-moi
l'expression - une chance au coureur, en ce sens qu'il y aurait peut-être
un effort de concertation qui pourrait être fait avec certains secteurs
qui posent problème. Je ne pense pas que, d'une part, les médias
d'information soient ceux qui posent, d'abord et avant tout, problème.
Ce sont peut-être des agences de renseignements personnels ou des agences
de crédit, a priori, qui peuvent poser problème, ou certains
organismes qui détiennent des renseignements personnels, de nature
médicale, par exemple.
Le commentaire qu'on avait à faire, et c'est peut-être le
changement d'orientation du Barreau entre la position de 1991 et celle
d'aujourd'hui, c'est qu'on avait, en 1991, pris la position que ça
prendrait peut-être une législation, une réglementation qui
serait, entre guillemets, du «sur mesure». Et, si vous me passez
l'expression, le projet de loi, dans sa forme actuelle, ressemble plus à
du «prêt-à-porter», ou même plus du
«prêt-à-porter» que du «sur mesure». C'est
peut-être dans cette optique-là, la différence entre la
position que le Barreau a adoptée en 1991 et la position qu'on adopte
aujourd'hui.
M. Sauvé: Peut-être que Me Glenn voudrait
compléter.
Le Président (M. Doyon): Oui, Me Glenn.
M. Glenn: C'est simplement pour dire que la notion
d'autoréglementation n'est pas incompatible avec une loi
spéciale. Le Code civil prévoit un cadre général,
une protection générale pour la protection de la vie
privée, mais les
secteurs sont extrêmement variés, et on peut prévoir
des formes différentes de protection dans les secteurs
différents. Or, on peut envisager une loi spéciale qui
prévoit l'autoréglementation par secteur, qui prévoit des
sanctions pour l'absence d'une telle autoréglementation ou pour la
violation de la protection prévue par l'autoréglementation. On
peut donc prévoir à la fois une loi spéciale et une
autoréglementation. Si l'autoréglementation est exclue, comme
j'ai dit, on pense que le type de loi devant nous, c'est la meilleure
solution.
M. Cannon: Bon, alors, merci. Pour revenir au projet de loi
«sur mesure» et le «prêt-à-porter», vous
avez affirmé, dans votre mémoire, que le projet de loi 68
affecterait inutilement les activités commerciales courantes.
Pourriez-vous me donner quelques exemples?
M. Blanchard: On a nommé la question des agents de
voyages, par exemple, qui détiennent des informations. Prenons un
exemple. Je veux aller en voyage, je demande à mon agent de voyages de
faire mes réservations de billets d'avion, mes réservations
d'hôtel, mes réservations de location de voiture. Alors,
déjà, on a l'utilisation du numéro de carte de
crédit, de l'adresse personnelle, du numéro de
téléphone, du numéro de permis de conduire et
peut-être d'autres informations qui sont pertinentes. Aussi, on peut
avoir des informations à caractère religieux, jusqu'à un
certain point, parce que certaines personnes peuvent demander des mets
particuliers dans les avions, parce qu'elles sont de religion juive, par
exemple. Alors, c'est un renseignement qui est éminemment personnel. On
peut donner des renseignements parce qu'on est diabétique et qu'on a
besoin d'un menu spécial en avion. Donc, il faut demander ça
à notre agent de voyages, qui le demande à la compagnie
aérienne, par exemple. Donc, c'est une série d'informations qui
sont éminemment personnelles, mais qui font l'objet d'un commerce
courant, qui ne pose pas problème pour la plupart des gens. (11 h
30)
Quand j'appelle mon agent de voyages, je prends pour acquis que cette
personne-là va les transmettre aux compagnies en question. Le
problème, quand je vous parlais, entre guillemets, du
«prêt-à-porter» et du «sur mesure», c'est
qu'on peut s'attaquer à la manifestation comme telle, sans
prévoir un mécanisme contraignant comme celui de l'article 13,
par exemple, qui demande l'obtention d'un consentement écrit,
éclairé, valable pour une certaine période de temps et
n'importe quoi. Moi, chaque fois que j'appelle mon agent de voyages, je n'ai
pas l'intention de lui écrire une lettre en lui disant: Tu peux
mentionner aux compagnies aériennes que je suis juif et
diabétique pour les six prochains mois. Alors, je pense que c'est un
exemple parmi tant d'autres, mais qui illustre quand même un peu la
redondance, à quelques égards, de l'article 13 du projet de loi,
par exemple.
M. Sauvé: On pourrait ajouter certains exemples - vous
pouvez en trouver - des inquiétudes qu'on manifeste aux pages 9 et 10 de
notre mémoire. En ce qui concerne l'article 6, par exemple, l'article 6
dit: «La personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui
doit les recueillir auprès de la personne concernée.
«Toutefois, elle peut recueillir ces renseignements auprès d'un
tiers à la condition que la collecte soit faite sans
révéler à ce tiers un renseignement dont la loi interdit
la communication.»
Alors, le commentaire qu'on faisait et l'inquiétude qu'on avait,
c'est que cet article peut entraîner des difficultés pour un
assureur ou un prêteur qui cherche à vérifier auprès
d'un tiers des renseignements fournis par un client potentiel. En effet,
comment recueillir des renseignements personnels sur le client sans risquer de
divulguer ou de révéler des renseignements personnels au tiers?
Alors, ça, c'est un exemple qui avait été soulevé.
Il y a d'autres exemples. Les prêts au téléphone, par
exemple, ça aussi, c'est une difficulté si le consentement
écrit est obligatoire. Alors, c'était le genre d'exemple qui
avait été souligné dans le mémoire, des
inquiétudes qu'on pouvait avoir.
M. Cannon: Est-ce que vous verriez, Me Blanchard ou Me
Sauvé, l'introduction d'une disposition qui vise un consentement verbal?
Exemple concret, vous me parliez de votre agent de voyages. Nul doute
qu'à un moment donné vous allez passer cueillir les billets ou
vous allez avoir un contact autre qu'un contact par téléphone. Il
est fort à parier que vous allez le rencontrer ou que quelqu'un de votre
famille immédiate, je présume, quelqu'un dans votre entourage va
aller chercher les billets. Est-ce qu'on peut supposer la possibilité
d'un consentement verbal, quitte à ce que ce consentement-là soit
confirmé par écrit? Je vous le dis parce que la
préoccupation que nous avons, c'est de restreindre ce consentement,
c'est de nous assurer que le consentement... Je comprends très bien les
exemples que vous nous apportez ce matin, mais c'est de s'assurer
précisément que ces renseignements-là ne se retrouvent pas
partout. Alors, toute cette question de consentement, elle est importante, oui,
mais comment arriverons-nous à mieux encadrer, à mieux
restreindre ce consentement qui a été donné de bonne foi
et qui, présumément, peut avoir peut-être des
difficultés au moment de son application lorsqu'il s'agit d'un
consentement écrit? Moi, je suis prêt à revoir ça,
je l'ai déjà indiqué par le passé, mais avez-vous
des idées là-dessus?
M. Blanchard: Écoutez, je dois vous avouer que, je pense,
le consentement verbal, il y a un problème, entre guillemets,
d'administration d'un tel consentement parce que ça amène des
controverses, ça amène des imbroglios qui sont un peu difficiles
à démêler ensuite et on pense que ça peut amener un
nid de litiges qui n'est pas nécessaire. Je pense que la façon la
plus circonspecte d'attaquer le problème, ce serait de limiter
l'utilisation et le commerce ou le transfert de ces informations-là
uniquement aux fins légitimes pour lesquelles elles ont
été recueillies.
Si on utilisait la raison pour laquelle ces motifs-là ont
été recueillis pour en contrôler ensuite la diffusion ou la
circulation, ça pourrait être un motif qui est plus
adéquat. Comme l'exemple de l'agent de voyages, les fins
légitimes pour lesquelles un agent de voyages recueille certains
renseignements, c'est pour des fins x, mais, si cet agent de voyages commence
à vendre ça à une entreprise de
télémarketing ou à d'autres entreprises, ce n'est pas les
fins pour lesquelles l'information a été donnée. Alors, je
pense qu'il faut s'attaquer, respectueusement, plus à la manifestation
et à l'utilisation des renseignements qu'à la façon dont
le renseignement doit être donné, jusqu'à un certain
point.
M. Cannon: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
D'ailleurs, hier soir, à l'occasion de la présentation des gens
de l'ATAC et des transporteurs, ils ont fait la démonstration, enfin,
plus juridiquement. L'agent de voyages, de façon générale,
était un employé, ni plus ni moins, de la compagnie de transport
et, par conséquent, les dispositions du Code civil ne s'appliquaient pas
à ces gens-là. Donc, constitutionnellement parlant, ça
relevait de la juridiction du gouvernement fédéral puisque le
transport aérien relève de la juridiction du
fédéral.
Ceci étant dit, quoique j'ai beaucoup de réticences
là-dessus, ça m'amène peut-être à une
dernière question à Me Glenn. On a parlé des
difficultés reliées aux flux transfrontières des
données. J'avais indiqué que, nous, on avait une opinion
juridique du ministère de la Justice comme quoi il y a une bonne partie
de la responsabilité qui relève du fédéral.
Cependant, nous pourrions agir auprès des entreprises qui, elles,
oeuvrent et opèrent au Québec et qui peuvent transmettre les
renseignements à l'extérieur du Québec, donc
contrôler en aval et en amont, pour ainsi dire, au niveau du consentement
qui serait fourni par le consommateur au client et, après quoi,
auprès de l'entreprise. Vous avez mentionné tout à l'heure
que vous partagiez, si j'ai bien compris, la difficulté. J'aimerais vous
entendre un peu sur ce problème que le projet de loi peut avoir.
M. Glenn: Je pense qu'il y a deux ordres de difficultés.
Il y a la difficulté d'ordre constitutionnel, et je pense que vous avez
déjà reçu des conseils très pertinents à ce
sujet, et il y a l'autre difficulté qui est beaucoup plus importante.
C'est que je crois qu'il est pratiquement impossible aujourd'hui, étant
donné les moyens de transfert de données, de contrôler les
flux transfrontaliers de données dans l'absence d'un accord
international ou d'un accord intergouvernemental.
On a dit que l'information se transmet par voie capillaire. Il est
impossible d'exercer un contrôle, surtout dans le cas de
frontières qui sont très mal protégées contre les
flux de données. Ça se transmet par voie de lignes
téléphoniques. Comment peut-on, effectivement, bloquer de telles
transmissions de données? Alors, il nous semble que, devant les
difficultés pratiques de réglementer les flux transfrontaliers de
données, le seul moyen pratique d'effectuer un remède quelconque,
c'est par la voie d'accords internationaux. C'est ce qui se fait en Europe avec
la convention d'Europe, c'est ce qui se fait dans le cadre de l'organisation
économique. Il nous semble que c'est ce qui s'impose aussi dans le cadre
nord-américain.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Glenn. M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Me Bourdon, oui, allons-y.
Une voix:...
Le Président (M. Doyon): Ça ne porte pas à
conséquence.
M. Bourdon: J'ai d'autres qualités, mais je ne suis pas
avocat. Je voudrais d'abord m'adres-ser à Me Glenn parce qu'il a dit une
chose que je partage sur la responsabilité individuelle que chaque
citoyenne, chaque citoyen a de faire respecter ses droits. Je voudrais
cependant lui donner un exemple de difficultés pratique. La ville de
Montréal a édicté un règlement qui dit qu'un
citoyen a le droit de ne pas avoir de circulaires chez lui et la ville diffuse
à cet effet une petite vignette. Alors, comme je suis un citoyen
conscient et que je déteste la «junk mail», je suis dans
l'autre partie de l'humanité qui n'aime pas lire tout ça, j'ai
mis ma vignette et j'ai arrêté de recevoir le journal Le
Flambeau qui dessert mon quartier. Je suis député de ce
quartier-là et je veux savoir si ma photo est dans le journal Le
Flambeau. Alors, j'en ai parlé à quelqu'un de
Télé-Média qui m'a dit: Nous sommes propriétaires
à la fois de CKAC, une station FM, et on distribue des circulaires, on
en imprime, puis on a le journal local. Alors, soyons clairs, si vous faites
appliquer le règlement municipal, vous n'aurez plus le journal
local.
Comme je ne suis pas plus courageux que la moyenne des ours, pour avoir
le journal local, j'ai fait la concession d'enlever la vignette que la loi
m'autorisait à placer, j'ai le journal local, mais... Écoutez,
c'est à deux sens. Maintenant, ce
que distribue Télé-Média est dans un sac en
plastique pratique. Il y en a épais. Je les jette directement dans la
poubelle et la liberté d'information, pour moi, a ce prix-là. Je
prends le petit sac en platique. Je le monte en haut de l'escalier et je le
jette dans la poubelle. Ne pensez-vous pas que ça illustre que
l'individu peut parfois être incapable de faire respecter ses droits en
ces matières-là? (11 h 40)
M. Glenn: Non. Avec respect, je pense que ça illustre la
multitude de solutions possibles à ce genre de problème. Je
souligne aussi la possibilité que vous avez, en tant qu'individu, de
poursuivre actuellement devant la Cour des petites créances pour
récupérer des dommages et intérêts pour la violation
de votre vie privée que vous subissez en recevant la «junk
mail» en l'absence de votre consentement explicite ou implicite. La
réalité, c'est que presque personne ne l'a fait,
c'est-à-dire que, dans l'absence d'une plainte formelle de leur part, en
s'appuyant sur les textes actuels, il y a consentement, de la part de ces
individus, de ces dites violations de leur vie privée, mais qui ne le
sont pas, en l'absence d'une plainte formelle de leur part.
Ça rejoint le problème de la nécessité d'un
consentement écrit. En l'absence d'un consentement écrit, il n'y
a qu'un consentement implicite ou oral à toute communication à
une tierce personne. Mais, s'il n'y a pas un consentement écrit et que
l'individu juge que l'emploi fait de ses données personnelles est abusif
et va au-delà de la finalité originale dans la production de ses
données personnelles, cet individu a toujours la possibilité de
porter plainte soit devant les tribunaux, soit devant la Commission. Ce sera
à ce forum-là de juger si le consentement explicite ou implicite
a été violé. Il y a beaucoup de remèdes que nous
avons actuellement.
M. Bourdon: Écoutez, je prends votre conseil et je vais
poursuivre...
M. Glenn: Gardez toujours une poubelle.
M. Bourdon: C'est ça. Je vais envisager de poursuivre
Télé-Média, qui me couvre comme député,
à la Cour des petites créances. Par ailleurs, vous avez
parlé des flux transfrontières. C'est évident qu'en
aviation c'est un cas d'espèce, puis on est revenu dessus hier. Il y a
cependant une autre facette qui m'intrigue un peu, c'est que, si le projet de
loi ne touche pas ce que des citoyens du Québec ont le droit de fournir
à l'étranger et de recevoir de l'étranger, est-ce que vous
ne craignez pas qu'un renseignement, qu'il n'est pas légal de fournir ou
d'obtenir au Québec, pourra transiter par Buffalo, Burlington ou
Plattsburg? De toute façon, dans le monde moderne, avec les changements
technologiques survenus, d'une certaine façon, la ville du monde
d'où transiteraient les renseigne- ments a peu d'importance. C'est
instantané pareil.
Alors, vous ne trouvez pas qu'il y a là une lacune et qu'on
devrait remettre la section VIII du projet de loi qui traitait de ça, la
remettre dedans, sinon l'ensemble de la loi devient d'application très
illusoire parce qu'il suffirait de transiter par l'Ontario ou les
États-Unis pour obtenir tout ce que la loi nous défend
d'obtenir?
M. Glenn: De façon générale, je ne pense pas
qu'on a vu dans le monde des «data havens». Il y a une
réglementation assez stricte sur la protection des données
personnelles dans plusieurs pays européens. Si ça avait
créé des problèmes administratifs sévères,
on aurait pu voir l'exportation du traitement de ces données dans les
«data havens», mais, de façon générale, on ne
l'a pas vu. On peut même dire, et l'argument a été fait,
que la création de telles lois de protection fournit une protection
accrue aux entreprises parce qu'elles savent exactement à quoi il faut
s'en tenir pour être protégé contre toute poursuite. Dans
la mesure où on fournit de telles protections, un tel cadre
législatif, il y a même moins de possibilités que le
traitement de données va être exporté qu'en l'absence d'une
telle loi. Alors, nous ne voyons pas beaucoup de difficultés dans
l'absence d'un tel chapitre dans le projet de loi. Si on mettait un tel
chapitre dans le projet de loi, nous ne verrions pas beaucoup
d'efficacité possible pour un tel chapitre, en l'absence, comme j'ai
dit, d'un texte créé de façon globale, un texte de
portée internationale ou interjuridictionnelle.
M. Bourdon: Mais est-ce qu'il n'y a pas un problème si la
loi me permet de fournir à quelqu'un, qui opère dans un pays
où il n'y a pas une loi comparable à la nôtre, des
renseignements et que j'aurais le pouvoir de lui en demander tout aussi
rapidement sur des citoyens du Québec pour contourner la loi?
Dans le fond, c'est à peu près ce que l'OCDE a mis de
l'avant, d'abord entre pays d'Europe et, ensuite, vis-à-vis de tiers.
Dans le fond, ce que l'OCDE va atteindre, c'est une certaine uniformité
dans toute l'Europe sur la transmission de renseignements personnels. Mais elle
fait savoir aux autres pays, dont le Québec, qu'elle va nous appliquer -
et c'est cohérent - la même logique qu'elle va appliquer sur son
continent, c'est-à-dire que, si on n'a pas une loi comparable, elle va
arrêter le flux de transmission des informations transfrontières,
parce que, en Europe aussi, ils sont conscients, je pense, que, sinon,
l'entreprise européenne qui veut un renseignement qui n'est pas
accessible en Europe pourrait l'avoir par Montréal si on n'a pas des
restrictions comparables. Dans le fond, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable
que le projet de loi, à l'égard de pays tiers, prévoie
qu'on ne peut pas passer par l'étranger pour
réaliser quelque chose que la loi québécoise...
Une voix: Interdit de faire.
M. Bourdon: ...interdit de faire? Ce que je veux dire... parce
que je suis conscient que qui dit frontières dit fédéral.
Bon! On ne recommence pas le débat, le référendum est
derrière nous. Mais, dans le fond, il s'agit de réglementer les
citoyens québécois au Québec. Je pense qu'il y aurait
utilité de mettre une disposition, de dire qu'on ne peut pas passer par
un pays tiers ou une province tierce pour faire quelque chose que la loi
interdit de faire.
Je suis parfaitement d'accord avec vous que, dans le secret du bureau ou
d'un salon, ce que quelqu'un fait avec son ordinateur, on ne peut pas... Mais
l'utilisation qui en est faite, comme vous dites, là, ça
inspirerait peut-être une crainte salutaire d'une entreprise qui dirait:
Oui, c'est bien beau, on a le renseignement par cette voie-là, mais, si
on s'en sert, on est passible de poursuites.
Autrement dit, je ne veux pas, comme tel, qu'on prétende
réglementer les flux transfrontières parce que je suis bien
conscient que c'est du niveau fédéral comme juridiction, comme
ordre de juridiction, mais est-ce qu'on ne pourrait pas mettre dans la loi
qu'on ne peut pas passer par ailleurs pour faire quelque chose qui est
spécifiquement interdit par la loi?
M. Glenn: Je veux dire, il y a deux choses en réponse.
D'abord, il est illusoire de penser qu'on peut garantir aux citoyens de
Québec la protection garantie par la loi dans toutes les transactions
avec le monde extérieur. C'est la même chose avec la Loi sur la
protection du consommateur, le consommateur québécois qui entre
dans un contrat pour l'achat d'un char usagé à Ottawa ne serait
pas, dans la plupart des cas, protégé par la loi
québécoise sur le consommateur. Donc, on ne peut pas
prévoir l'application extra-territoriale de cette loi.
Pour les communications qui ont lieu d'abord entièrement sur le
territoire québécois entre un sujet d'information et la
première personne qui fait la collecte de cette information, la loi
s'applique à ces transactions. La question est de savoir si on peut
empêcher la personne qui fait la collecte originale de transmettre les
données ailleurs aux États-Unis, là où il y a des
systèmes de traitement plus larges, par exemple. On peut mettre
ça dans la loi. Indiscutablement, on pourrait le faire. La question,
pour nous, n'est pas là. La question est de savoir comment on va faire
respecter la loi.
En Europe, on a essayé d'imposer des taxes sur l'exportation de
données personnelles parce qu'on a essayé de protéger
l'industrie locale de traitement de données. C'est très
important, on ne veut pas que le traitement de données soit
exporté. C'est très économique, c'est très
important. On a voulu établir un système d'autorisation ou de
licenciement qui ne permettrait l'exportation qu'avec l'accord d'une
autorité gouvernementale. De façon générale,
aujourd'hui, on renonce. C'est trop lourd, c'est impossible en l'absence d'un
accord international qui s'exécute, en quelque sorte, entre les deux
pays. Alors, si vous avez une commission de trois personnes, comment cette
commission va-t-elle surveiller les lignes téléphoniques entre
l'État de Québec et l'État de New York? Ça ne se
fait pas facilement, même s'il y a un article dans la loi. (11 h 50)
M. Bourdon: Je voudrais...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député.
M. Bourdon: Oui. Deux questions. C'était tellement
passionnant qu'on s'est allongé sur d'autres sujets. Les
différents chapeaux de la Commission d'accès à
l'information, est-ce que vous pensez qu'il est impossible de concilier ces
rôles-là ou s'il y aurait des aménagements possibles? La
fonction de conseil, la fonction d'information, la fonction de
médiation, même, et la fonction d'adjudication.
L'autre question: Pensez-vous qu'il serait pensable de dire que les 240
000 professionnels - et ça inclut les membres du Barreau - pourraient
garder intégralement toutes les lois, les règlements, les
règles qui régissent l'accès à l'information et le
respect du secret professionnel, et prévoir que la Commission
d'accès ne pourrait intervenir qu'à la suite et comme, entre
guillemets, en appel de la mécanique interne de chaque profession?
Autrement dit, au lieu d'avoir la double législation et la double
juridiction, est-il pensable de dire, ce qui est déjà le cas dans
la loi d'accès dans le secteur public, que la Loi sur le Barreau et les
autres lois qui touchent les avocats s'appliquent, que la mécanique
s'applique, mais qu'une personne non satisfaite de la décision pourrait
venir à la Commission, et la Commission serait chargée
d'interpréter la loi constitutive du Barreau ou l'autre loi pertinente,
et non pas la loi générale, et pourrait ainsi recueillir de la
documentation qu'elle introduirait dans son rapport annuel sur comment
ça fonctionne dans les corporations professionnelles? Je vais vous dire
la même chose que les autres, je suppose que le Barreau est infaillible,
mais, dans l'ensemble des 240 000, il pourrait s'en trouver une qui ne serait
pas parfaite.
M. Granda: Si vous me permettez, je vais répondre au
premier volet de votre question, au niveau des trois chapeaux, puisque c'est le
sujet dont j'ai traité au début. Il m'apparaît qu'il y a
des aménagements assez faciles qui pourraient être faits pour
diviser les tâches de la Commis-
sion de sorte qu'elle ne joue pas le double rôle de conseiller, de
médiateur en plus d'adjudica-teur. À ce sujet-là, les
membres, il pourrait y avoir un volet ou une partie de la Commission qui ne
s'occupe que de l'administration quotidienne de la loi, tant de l'accès
que du projet de loi dont on est saisi, et l'autre partie de la Commission, qui
est celle des trois commissaires où il faudra nécessairement en
nommer plus si on regarde l'étendue du champ qu'on lui donne, qui, elle,
décide des mandats.
Ce qui est important, par contre - et on en parlait en descendant
à Québec - c'est qu'il ne faudrait pas qu'on se retrouve avec un
projet de loi qui est adopté mais qui n'est pas mis en vigueur parce
qu'on n'a pas les fonds pour nommer des gens et donner les ressources
nécessaires à la Commission pour qu'elle puisse faire son
travail. Ça, c'est un point important puisqu'on lui accorde des
obligations où on dit... Bon! On lui impose des obligations quand
même assez importantes.
Au niveau des corporations professionnelles, je vais laisser Me
Sauvé répondre, mais je reviens encore à l'article 300 du
Code civil qui dit: Chaque organisme professionnel est régi par sa
propre loi constitutive et chaque organisme pourrait très bien prendre
les mesures nécessaires pour, au niveau de ses propres organismes
internes ou fonctions internes, prévoir le règlement de ces
différends.
Le Président (M. Doyon): Me Sauvé, rapidement parce
que le temps nous presse.
M. Sauvé: Oui, absolument. Alors, ce qui nous avait
frappés en ce qui concerne l'application de ce projet-là aux
membres des corporations professionnelles, c'est que ça
commençait à faire pas mal de monde qui s'occupait de la
même affaire. On a actuellement un avant-projet de loi qui a
été déposé par le ministre du Revenu où
l'article 1205 dit que l'Office des professions va réglementer la
protection des renseignements personnels. Là, il y aurait la Commission,
il y aurait les corporations professionnelles. Ça commence à
faire beaucoup de monde. Dans un débat de rationalisation des
dépenses publiques, on pense que ce n'est peut-être pas la
meilleure voie à suivre. Nous, on pense que, d'abord, ce sont les lois
professionnelles, les recours disciplinaires qui devraient s'appliquer. Si
l'État juge qu'il y a assez d'argent dans la caisse pour aller devant la
Commission et que la Commission fasse des frais à cet
égard-là, à la limite, pourquoi pas? Mais, d'abord, que
les recours disciplinaires soient épuisés.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Sauvé. M. le
député de D'Arcy-McGee, pour trois ou quatre minutes.
M. Libman: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux
souligner l'importance de votre présence aujourd'hui. Vous
suggérez des clarifications très importantes à ce projet
de loi. Moi, je veux aborder un sujet dans votre mémoire. Vous parlez
d'une certitude considérable qui règne au niveau constitutionnel.
Vous partez de la validité constitutionnelle d'une loi
québécoise applicable à des entreprises
fédérales. Alors, je présume que vous invoquez la
possibilité pour des entreprises, par exemple, de contester la
cons-titutionnalité de cette loi. Est-ce que c'est ça, ce que
vous invoquez ce matin, par exemple?
Dans votre mémoire, vous dites que le gouvernement du
Québec doit être prêt à défendre son point de
vue à ce sujet. Me Glenn a mentionné aussi, ce matin, que le
ministre était avisé dans ce sens. Mais je veux juste entendre
vos opinions là-dessus, s'il y a la moindre possibilité pour
l'entreprise de vraiment contester la constitutionnalité de cette loi
devant les tribunaux.
Le Président (M. Doyon): Qui est prêt à
donner son opinion là-dessus? Me Glenn.
M. Glenn: Je ne sais pas si je suis prêt, mais je dirai
qu'il s'agit d'un grand problème constitutionnel. La question est de
savoir dans quelle mesure les lois d'application générale d'une
province s'appliquent aux entreprises au niveau fédéral. Alors,
si j'étais conseiller juridique d'une banque ou d'une compagnie de
téléphone, je dirais que ces lois ne s'appliquent pas à
une entreprise fédérale pour limiter sa capacité de
fonctionnement dans une province. Alors, il faudrait trancher dans quelle
mesure cette loi peut s'appliquer à une entreprise
fédérale. Mais on ne peut pas présumer que tous les
domaines couverts par ces entreprises fédérales vont être
réglementes de façon complète par la loi. il y aurait des
contestations soulevées par les entreprises fédérales au
sujet de l'application de la loi à elles.
M. Libman: Alors, nous pouvons nous trouver dans l'imbroglio
où certaines banques ou institutions fédérales vont
décider de contester cette loi devant les tribunaux. Il existe cette
possibilité. Comment vous allez conseiller le gouvernement du
Québec de se préparer à se défendre à ce
point de vue là?
M. Glenn: Les entreprises fédérales sont
régies par la loi fédérale sur la protection des
données personnelles. En cas d'un conflit entre les deux, sans doute
elles vont suivre le texte fédéral, elles vont s'exposer à
des poursuites en vertu de la loi provinciale et cette question-là sera
résolue dans le cas des litiges individualisés au sujet de chaque
entreprise fédérale. Il n'y a pas moyen d'éviter ça
dans un système fédéral.
Le Président (M. Ooyon): Une autre question,
peut-être, brièvement, si vous en avez une, M. le
député? Non?
M. Libman: Non. Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): J'imagine que cette situation
n'est pas nouvelle. Ce sont des situations qui se reproduisent à tout
moment donné, pour plusieurs lois qui se retrouvent devant les
tribunaux. Les tribunaux décident, la jurisprudence s'établit et,
dans un certain temps, on sait à quoi s'en tenir.
Alors, il me reste, en tant que président, au nom des membres de
la commission, à vous remercier, les membres du Barreau, et le Barreau
qui a pris le temps de se pencher sur ce projet de loi extrêmement
important. Le point de vue que vous avez exprimé nous éclaire
beaucoup. Vous avez mis beaucoup d'efforts là-dessus. Alors, merci
beaucoup d'être venus et au revoir. Au plaisir de vous recevoir de
nouveau!
Donc, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 59)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Khelfa): La commission reprend ses
travaux. Quorum constaté.
M. le président du Conseil du patronat, je vous souhaite la
bienvenue et j'aimerais que vous présentiez les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Alors, M. le Président, je vous
présente mes collègues: à mon extrême gauche, Me
Dorothée Biron, du contentieux de Québec-Téléphone;
à ma toute gauche, M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche
socio-économique au Conseil du patronat, et, à ma droite, Me
Raymond Doray, du bureau de Lavery, de Billy.
Le Président (M. Doyon): Vous êtes les bienvenus.
Vous connaissez les règles, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. Nous
allons faire une présentation en deux volets. Je vais présenter
une position de principe face à l'application pour l'ensemble des
entreprises du projet de loi et je vais demander ensuite à mon
collègue, M. Jacques Garon, d'illustrer, par un certain nombre
d'articles sélectionnés, les difficultés d'application de
ce projet.
Je vous signale - et le secrétaire de la commission est en train
de faire circuler un document - que notre approche a un peu changé par
rapport au dépôt du mémoire - j'en ai prévenu le
ministre tout à l'heure et M. Bourdon - dans le sens qu'on a pris une
approche d'application générale de la loi, alors que, dans le
mémoire, on était beaucoup plus axé peut-être sur
les institutions financières, la téléphonie et le
crédit.
Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais
d'abord dire que le Conseil de patronat souscrit entièrement à la
protection des renseignements personnels des clients des entreprises
privées. Cet accord de principe n'est cependant pas inconditionnel. Il
ne constitue pas un endossement a priori de toute législation ou
réglementation qui viendrait rendre la vie extrêmement difficile
aux entreprises privées sans pour autant améliorer les services
qui seront dispensés aux citoyens, services qui leur coûteront
cependant beaucoup plus cher.
Déjà, en août 1991, devant la commission des
institutions de l'Assemblée nationale du Québec, nous disions
«qu'au lieu de lois et règlements nouveaux, il faut
privilégier des consultations et la concertation entre l'État et
les industries du secteur privé, de manière à favoriser
l'autoréglementation en matière de gestion, de
confidentialité, de cueillette, de divulgation et de commercialisation
des données sur les usagers des services téléphoniques et
des services financiers». Nous maintenons ces commentaires même si
nous pouvons reconnaître d'emblée le bien-fondé pour
certains secteurs d'une intervention législative limitée, quant
à nous, aux renseignements sensibles, conformément aux lignes
directrices de l'OCDE.
Mais, M. le Président, le projet de loi 68 va beaucoup plus loin.
Il propose de réglementer la cueillette, l'utilisation et la
communication des renseignements personnels dans tous les secteurs
d'activité, dans toutes les entreprises québécoises. Il
propose un système de protection de l'information personnelle qui est
beaucoup plus strict, complexe et coûteux que les systèmes en
vigueur dans les autres provinces canadiennes de même que dans les pays
membres de l'OCDE. Sa portée nous apparaît telle qu'il serait
extrêmement dommageable pour l'économie du Québec et, de ce
fait, nous pouvons difficilement y souscrire.
Mais examinons de plus près le projet de loi.
Premièrement, comme nous l'avons dit, il s'applique aux 215 000
entreprises ou à peu près pour contrer des abus qui ne sont
sûrement pas le fait de ces 215 000 entreprises. Au moment où tout
le monde ou à peu près constate que les entreprises sont
surréglementées, que le carcan réglementaire empoisonne
leur vie quotidienne, que l'État les tient en tutelle ou presque, on
leur impose ici une intervention législative démesurée et
généralement injustifiée. Est-ce bien ce que désire
la population qui, pour sa part, semble avoir beaucoup mieux ciblé ses
attentes en matière de confidentialité des renseignements
personnels?
Deuxièmement, ce projet très interventionniste de
l'État en ce qu'il, je le répète, touchera toutes les
entreprises, ne pourra se réaliser qu'à grands frais. Outre la
très grande complexité et la lourdeur des mécanismes que
propose le projet de loi 68, l'entreprise devra mettre sur pied des
mécanismes de renseignement et de contrôle, procéder
à la tenue de registres, rédiger des rapports, recevoir les
fonctionnaires, le tout également au moment où le gouvernement
s'interroge sur les interventions de l'État dans le secteur privé
et sur les coûts que de telles interventions entraînent.
Des coûts, il n'y en aura d'ailleurs pas que pour les entreprises.
Pour contrôler le tout, pour rendre la loi opérante, le
gouvernement lui-même devra se doter d'un corps de surveillance qui ne se
satisfera sûrement pas des ressources humaines et financières
actuellement accordées à la Commission d'accès à
l'information. Est-ce là un exemple de la réduction des
dépenses gouvernementales dont le gouvernement nous entretient en
d'autres lieux?
Troisièmement, parlant d'ailleurs de la Commission d'accès
à l'information, nous nous interrogeons sur le rôle que lui confie
le projet de loi 68. Cette commission devra en effet, dorénavant, agir
comme tribunal, conciliateur, enquêteur, policier, promoteur de la loi et
que sais-je encore? N'est-ce pas là trop demander à un organisme
actuellement crédible et nécessaire, mais dont la carrière
pourrait être vite brisée en tentant de jouer des rôles
aussi contradictoires?
Quatrièmement, quelques mots sur les effets importants qu'aurait
le contenu actuel du projet de loi sur la gestion des ressources humaines dans
toutes les entreprises. Je suis même tout à fait convaincu que le
président du Conseil du trésor n'en a pas mesuré toutes
les conséquences et que, s'il devait lui-même y être
assujetti, en sa qualité d'État-employeur, il y penserait
sûrement à deux fois. Le projet de loi impose en effet à
l'entreprise de divulguer, sur demande de la personne concernée,
l'existence d'un dossier la concernant ainsi que son objet. La personne
concernée possède le droit de consulter son dossier et d'obtenir
la rectification des renseignements personnels la concernant contenus dans ce
dossier.
Bien sûr, M. le Président, les auteurs du projet de loi
avaient en tête, en rédigeant ces dispositions, plus
particulièrement les agences de crédit et, de façon plus
générale, les institutions financières. Mais ces
dispositions affecteront également les relations de travail dans les
entreprises, relations qui s'alimentent de droits, d'obligations, de
règles de jurisprudence bien différents de ceux qui
prévalent pour les agences de crédit. Que de mésententes
en perspective!
Prenons, par ailleurs, toujours dans le domaine de la gestion des
ressources humaines, le texte de l'article 28 qui se lit ainsi: «Toute
personne qui exploite une entreprise doit, sur demande d'une personne physique
à l'égard de qui elle s'apprête à prendre ou elle a
pris depuis moins de six mois une décision négative dans le cadre
d'une relation d'emploi ou de consommation, lui indiquer la source de tout
renseignement personnel la concernant provenant d'un tiers, consigné
dans son dossier et qui a été ou qui sera pris en
considération lors de sa décision.» (14 h 10)
On peut tirer immédiatement trois conséquences possibles
de cet article et, encore là, d'application dans toutes les entreprises.
L'entreprise elle-même et les administrateurs, dirigeants, officiers ou
représentants de celles-ci s'exposent à des poursuites
pénales en cas de non-respect de cette disposition. Deuxièmement,
si vous êtes le donneur d'informations, et ça nous arrive tous,
vous risquez de perdre l'anonymat et de vous exposer à des poursuites en
dommages. Troisièmement, si vous êtes le receveur d'informations,
vous risquez de perdre vos sources, bien sûr, et d'exposer vos
décisions à des critiques a posteriori, voire même à
des poursuites en dommages, si votre décision est basée, en tout
ou en partie, sur des renseignements incomplets ou inexacts obtenus d'une
source extérieure.
M. le Président, de telles dispositions, dans la gestion du
personnel, engendreront l'inefficacité, le mécontentement et ne
sauraient satisfaire tant le monde patronal que syndical ou même
politique. On voudrait bien savoir, M. le Président, dans toutes ces
dispositions, où est le fil qui devait nous conduire à une
meilleure confidentialité dans les relations entreprises-clients. Les
services du personnel des entreprises, les corporations professionnelles, les
associations ne sont pas Équifax et ne devraient pas être
traités comme tel.
M. le Président, dans sa forme actuelle, ce projet de loi
contribuera à alourdir les relations entre les entreprises et leurs
clients, entre les entreprises et leurs employés actuels et potentiels,
notamment par l'instauration d'un processus judiciarisé qui
n'améliorera pas pour autant les services rendus, sera coûteux,
source de conflits constants.
Certaines de ces dispositions, M. le Président, sont même
tout à fait inapplicables. Par exemple, nous voyons mal comment le
Conseil du patronat, comme entreprise qui dispose de plusieurs listes, parce
qu'on a plusieurs listes, pourrait appliquer à la lettre les
dispositions de l'article 11 qui se lit ainsi: «Toute personne qui
exploite une entreprise doit veiller à ce que les dossiers qu'elle
détient sur autrui soient à jour, exacts et complets pour servir
à l'objet de leur constitution.» C'est carrément
irréaliste de croire que cet article est applicable. Je ne connais pas
beaucoup d'entreprises, incluant le Parti libéral et le Parti
québécois, qui sont assujettis à la loi, soit dit en
passant, par le champ d'application et par l'article 88, je ne connais pas de
partis
politiques qui ont toujours à jour les dossiers qu'ils
détiennent sur autrui.
Une voix:...
M. Dufour (Ghislain): Bon, disons qu'on parle du NPD. Or,
rappelons simplement que, selon l'article 83, une infraction à l'article
11 est passible d'une amende de 1000 $ à 5000 $ et, en cas de
récidive, d'une amende de 5000 $ à 10 000 $. Donc, personne ne
pourra échapper à ce genre de pénalité.
M. le Président, M. le ministre, pour tuer une mouche dans les
entreprises privées, en général, on utilise un canon
capable d'abattre un éléphant.
Avant de donner la parole à mon collègue Garon, qui
illustrera par des exemples concrets certaines excentricités de ce
projet de loi, je voudrais conclure de la façon suivante avec nos trois
conclusions.
La première, c'est que, dans son libellé actuel, le projet
de loi applicable à l'ensemble des entreprises québécoises
nous est inacceptable dans le cadre que je viens de vous donner.
Deuxièmement, si le gouvernement veut légiférer dans le
domaine de la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé, qu'il se limite à certaines activités
spécifiques, celles qui sont ciblées par la population en
général, sans aller plus loin, bien sûr, que les
législations que l'on a dans les autres provinces. Donc,
troisième conclusion, que le gouvernement exclue clairement du champ
d'application de la loi ces quelque 200 000, 215 000 entreprises, associations,
corporations profesionnelles qui n'ont pas de problèmes particuliers
à l'égard des renseignements personnels qu'elles
détiennent et que l'on voudrait injustement, quant à nous,
enfermer dans un carcan législatif et réglementaire coûteux
et souvent inapplicable.
Pour vous dire les difficultés qu'on rencontrerait, donc, je
donne la balance de mon temps à mon collègue Garon.
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Garon (Jacques): Merci, M. Dufour.
M. le Président, permettez-nous de vous donner quelques exemples
de certaines dispositions du projet de loi 68 qui rendront ce projet
inacceptable et inapplicable pour l'ensemble des secteurs économiques,
sans compter une augmentation importante des coûts administratifs.
Prenons l'article 6, qui est de portée générale et
qui s'adresse à toutes les entreprises, et je cite: «La personne
qui recueille des renseignements personnels sur autrui doit les recueillir
auprès de la personne concernée. «Toutefois, elle peut
recueillir ces renseignements auprès d'un tiers à la condition
que la collecte soit faite sans révéler à ce tiers un
renseignement dont la loi interdit la communica- tion.» Fin de la
citation.
Selon cette disposition, il sera virtuellement impossible de recueillir
des renseignements personnels sur autrui auprès d'un tiers. En effet,
comment, pratiquement, peut-on recueillir des renseignements sur autrui
auprès d'un tiers sans révéler de ce fait d'autres
renseignements personnels au sujet de la personne qui fait la cueillette? Par
exemple, l'employeur qui cherche à obtenir des informations sur un
candidat à un poste au sein de son entreprise ne pourra poser des
questions sur ce candidat à des tiers puisque, ce faisant, il
révélera des renseignements au sujet de ce candidat, son adresse,
son âge, etc. Autant dire que cette disposition ne saura à peu
près jamais trouver application. Toutes les entreprises sont
concernées par l'application de cet article.
Autre exemple, l'article 12. Je cite: «Nul ne peut communiquer
à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il
détient sur autrui ni les utiliser à des fins incompatibles avec
celles de l'objet de la constitution du dossier, à moins que la personne
concernée n'y consente ou que la présente loi le
prévoit.» Fin de la citation. En bref, cette disposition interdit
à une entreprise de communiquer des renseignements personnels à
une autre entreprise ou à une personne physique extérieure sans
le consentement écrit et spécifique de la personne
concernée. Cette disposition, qui vise toutes les entreprises, aura, par
exemple, pour effet d'empêcher une agence de voyages de faire des
réservations d'avion et d'hôtel pour un client sans le
consentement écrit de ce client. En effet, puisqu'une réservation
d'hôtel ou d'avion implique la transmission de renseignements personnels
à la chaîne hôtelière et à la compagnie
aérienne, il s'agit là de communication de renseignements
personnels qui, au terme de l'article 12, exige le consentement écrit au
préalable du client.
Prenons un exemple précis, celui des entreprises de presse. Tel
que rédigé, le projet de loi 68 s'applique aux entreprises de
presse comme à toute autre entreprise faisant affaire au Québec.
Bien sûr, le troisième alinéa de l'article 1 du projet de
loi prévoit que celui-ci, je cite, «n'a pas pour objet de
restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin
d'information légitime du public.» Fin de la citation. Mais cela
veut dire simplement que les entreprises de presse pourront utiliser les
informations personnelles qu'elles détiennent. Elles sont assujetties
aux règles de cueillette, de constitution et de déclaration de
l'objet du dossier, de communication et de mise à jour de renseignements
personnels. Le droit d'accès et de rectification de la personne
concernée à son dossier s'applique aussi aux entreprises de
presse.
Concrètement, cela veut dire que, lorsque les journalistes
procéderont à une enquête, ils devront respecter les
exigences des articles 6 et 7 du projet de loi. Il leur sera donc interdit
de
recueillir des renseignements personnels auprès d'un tiers si
cela a pour conséquence de révéler des renseignements au
sujet de la personne sur laquelle ils font enquête. De même,
lorsqu'ils recueillent des renseignements auprès de la personne
concernée, les journalistes devront leur indiquer le nom et l'adresse de
leur place d'affaires, l'objet du dossier, l'utilisation qui sera faite des
renseignements, le droit d'accès et de rectification et les
conséquences, pour la personne concernée, du refus de fournir les
renseignements.
A chaque fois qu'ils recueillent des renseignements personnels dans le
cadre d'une enquête, les journalistes devront verser ces renseignements
dans un dossier spécifique relatif à cette personne et en
déclarer l'objet. L'entreprise de presse en question devra s'assurer que
les renseignements sont exacts, à jour et complets. On peut imaginer les
difficultés que cela pourra occasionner pour des journalistes qui, dans
la plupart des cas, sont appelés à suspendre leur enquête
pendant plusieurs mois ou années en attendant qu'un nouvel
événement survienne.
Prenons finalement un autre exemple, l'application du projet de loi 68
aux entreprises de recrutement de personnel. Les entreprises qui
procèdent à du recrutement de personnel, soit des
secrétaires, commissaires comptables, opérateurs d'ordinateurs,
cadres, gestionnaires, etc., comme toutes les entreprises, sont assujetties au
projet de loi 68. Ces entreprises recueillent de nombreux renseignements
personnels au sujet des candidats qui font appel à leurs services pour
se trouver un emploi: nom, adresse, numéro de téléphone,
anciens employeurs, etc. (14 h 20)
Pour respecter le projet de loi 68, les entreprises devront ouvrir un
dossier spécifique pour chaque personne qui fait appel à leurs
services et en déclarer l'objet. Elles devront aussi s'assurer que les
renseignements qu'elles détiennent sont à jour, exacts et
complets. Cette exigence s'appliquera en dépit du fait que l'entreprise
n'a pas entretenu de contacts récents avec un candidat. Lorsqu'elle
recueille des renseignements personnels au sujet d'un candidat pour s'assurer
de son expérience et de sa fiabilité, par exemple, avant de le
référer à un client, ces entreprises devront obtenir au
préalable le consentement écrit de la personne concernée.
Par exemple, elles ne pourront communiquer à leurs clients leur
appréciation subjective d'un candidat sans avoir obtenu
préalablement son consentement.
À l'inverse, si une entreprise de recrutement de personnel
apprend, de la part d'un employeur auprès duquel elle a
référé un candidat, que celui-ci n'est pas satisfait des
services offerts pour telle ou telle raison, elle devra verser ces
renseignements dans le dossier de ce candidat. De même, l'entreprise de
recrutement devra permettre à ce candidat de prendre connaissance de
tous les renseignements personnels détenus à son sujet, incluant
les commentaires qui ont pu être formulés par des clients qui
n'ont pas été satisfaits des services de ce candidat.
On peut d'ici voir, imaginer les nombreux litiges que l'application de
la loi risque d'occasionner à ces entreprises lorsque les candidats
voudront avoir accès à leur dossier, en faire rectifier les
informations, contester l'appréciation subjective qu'on a faite de leurs
qualités et de leurs faiblesses, et j'en passe.
Voilà, M. le Président, quelques exemples qui montrent la
portée démesurée de ce projet de loi en ce qui a trait
à l'ensemble des entreprises québécoises.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.
M. Dufour (Ghislain): Alors, juste pour terminer, M. le
Président, par ces quelques exemples - on aurait pu en apporter d'autres
- on a voulu imaginer la situation difficile dans laquelle l'ensemble des
entreprises seront placées. L'objet de la loi, quant à nous,
n'est pas ça, mais sa résultante, quand on analyse chacun des
articles, nous conduit à ça. Donc, vie impossible pour la
majorité de nos membres, donc les entreprises
québécoises.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Dufour, avez-vous
évalué les coûts? Vous dites que ça va constituer
des coûts exceptionnels. Est-ce que vous avez une évaluation des
coûts? Si oui, pourriez-vous nous les dire?
M. Dufour (Ghisiain): Je pense que c'est vous, M. le ministre,
qui devriez déposer l'analyse coûts-bénéfices avec
votre projet de loi, ce qui n'a pas été fait. On réclame
ça depuis toujours, nous, que, quand un règlement ou un projet de
loi est déposé, on en fasse une analyse
coûts-bénéfices.
Certains de nos secteurs l'ont fait. Vous avez, hier, par exemple,
entendu le BAC qui, lui, plaidait que, dans son propre secteur, ça
coûterait 10 000 000 $. Alors, à partir d'un exemple comme
celui-là, on peut imaginer que ce serait excessivement dispendieux,
dispendieux pour les entreprises, dispendieux aussi pour le gouvernement, comme
on le dit dans notre texte. Ce n'est pas possible pour la Commission
d'accès à l'information de faire le travail que vous allez lui
demander, dans la foulée du projet de loi 68, avec le personnel qu'elle
a actuellement. C'est carrément impensable. Donc, on va doubler, tripler
les budgets de la Commission d'accès a l'information. Donc, voilà
autant de dépenses dont on peut parler.
M. Cannon: Alors, vous supposez donc, si j'ai bien saisi... Et je
présume que c'était à peu près la même chose,
hier, lorsque le BAC a indiqué, devant les membres de la commission,
qu'il y avait uniquement quelque 190 cas et que ça coûtait 10 000
000 $ au niveau de l'opération de la Commission d'accès à
l'information, alors que c'est 2 500 000 $ par année.
Mon propos, M. le Président, n'est pas nécessairement
long. Je tiens à vous remercier d'être avec nous aujourd'hui. Je
pense que c'est toujours important d'avoir, de la part du Conseil du patronat,
un éclairage sur les projets de loi. J'ai écouté
attentivement, j'ai lu votre rapport, j'ai noté les modifications, enfin
la présentation différente que vous nous avez faite. Dans le
fond, on peut résumer votre position en disant que vous êtes, bien
sûr, en faveur de la loi dans son principe même, mais qu'au niveau
de l'application ce n'est pas applicable. Vous êtes donc en faveur, je
présume, de l'autoréglementation.
Ma question est semblable à la question que je vous avais
posée, il y a deux ans maintenant, en vous disant simplement: Ne
croyez-vous pas que la lacune d'un système d'autoréglementation
et l'absence de recours des individus concernés ne créent pas des
problèmes puisqu'on ne peut pas avoir la possibilité de rectifier
par la voie d'autoréglementation et de corriger?
Le Président (M. Doyon): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord revenir sur votre
intervention de départ quand vous dites qu'on présume des
coûts. Il ne faut pas être un grand comptable pour imaginer, M. le
ministre, que cette loi-là va coûter excessivement cher, et je
vous retourne ce que je vous ai dit tout à l'heure. Dans
l'appréciation d'un projet de loi, c'est au ministère
concerné de dire ce que l'application de la loi va représenter et
dans la réglementation qui va en découler. Qu'est-ce que vous
voulez? Ça ne se passe pas, au Québec, nonobstant tous les beaux
discours qui nous avaient été servis, à un moment
donné, que chaque projet de loi, chaque règlement serait
accompagné d'une analyse coûts-bénéfices, ça
ne se passe pas comme ça, mais ce n'est pas nous qui devrons faire
l'étude de votre projet au plan financier. Il y a des choses qui sont
changées.
M. Cannon: Mais ce qui ne vous empêche pas, malgré
tout cela, M. Dufour, d'indiquer que ça va créer des coûts
énormes sur l'entreprise. C'est ce que vous dites, et je vous
écoute.
M. Dufour (Ghislain): C'est évident. M. Cannon: O.K.
Ça va.
M. Dufour (Ghislain): Vous viendrez parler, à mon prochain
meeting avec les gens de Bell et les gens de Northern, de votre projet pour
savoir ce que ça va leur coûter à eux, et on va vous en
faire la démonstration très concrète à partir d'un
certain nombre d'entreprises.
M. Cannon: Vous êtes invité, M. Dufour, à
venir ici devant la commission présenter un mémoire. Alors, je
présume que vous le présentez en leur nom. Je vous
écoute.
M. Dufour (Ghislain): J'espère que ce ne sera pas la seule
rencontre qu'on aura, M. le ministre, pour discuter de ce projet de loi
là. Voyez-vous, Me Doray me dit que le moindre litige devant la
Commission d'accès à l'information coûte au minimum 10 000
$. Alors, vous allez multiplier, c'est évident, surtout pour le volet
qui, moi, m'intéresse cet après-midi et qui est très
clair, c'est la protection de l'ensemble des entreprises au plan de leur
personnel. C'est ça qui me concerne, là. On a d'autres
problèmes. On a des structures dans le domaine des relations
patronales-syndicales pour régler ça. Ne m'amenez pas devant la
Commission d'accès à l'information, s'il vous plaît. On
s'est vu, il y a deux ans.
M. Cannon: Mais, M. Dufour, là, c'est le Code civil qui
s'applique si on n'a pas une loi d'application.
M. Dufour (Ghislain): C'est ce que j'allais vous dire.
M. Cannon: O.K.
M. Dufour (Ghislain): Quand on s'est vu, il y a deux ans...
M. Cannon: C'est ça.
M. Dufour (Ghislain): ...il n'y avait pas le Code civil, il n'y
avait pas l'article 37.
M. Cannon: Alors, là, M. Dufour, ça crée
quand même des problèmes aussi et ça engendre des
coûts également, parce que le principe que vous et moi on tente
d'étendre, et tout le monde ici...
M. Dufour (Ghislain): Mais vous m'opposez principe et
autoréglementation. Nous, on est d'accord avec le principe.
M. Cannon: Non, non, mais, moi, je vous dis simplement que,
devant la Commission d'accès à l'information ou devant un des
tribunaux au Québec...
M. Dufour (Ghislain): Non, non, pas un des tribunaux. On s'en est
donné dans le domaine des relations de travail: la Commission des
normes, les conventions collectives. Alors, là, vous allez me placer
dans un choix entre la convention
collective et la Commission d'accès à l'information.
M. Cannon: M. Dufour, je connais vos commentaires sur les
conventions collectives.
M. Dufour (Ghislain): Ils semblent identiques aux vôtres.
Je reviens au principe. Ne nous opposez pas principe et
autoréglementation. Pour nous, c'est deux choses avec lesquelles on est
d'accord. Dans le cadre actuel de l'article 37, vous n'avez pas le choix. Il
faut que vous procédiez dans le domaine de l'accès à
l'information. Vous n'êtes pas obligé de procéder de cette
façon-là, soit dit en passant. Je peux vous faire d'autres
recommandations, mais c'est sûr que la loi est là et que vous avez
l'obligation stricte de la baliser parce que le Code civil ne la balise
pas.
Mais, là, il y a une possibilité d'aller dans les secteurs
qui sont ciblés. Là, on est d'accord avec vous et on le dit
dès le départ: une intervention législative minimale.
L'autoréglementa-tion, ça, ça s'applique à moi,
ça s'applique à vous et ça s'applique à tout le
monde quand on dit qu'on a de l'information personnelle, et on en a tous. Bien
là, à ce moment-là, il faut la gérer d'une
façon saine, d'une façon correcte, d'une façon morale,
avec éthique. Mais ne mettez pas, parce qu'il y a eu certains
problèmes dans certains secteurs, toutes les entreprises sur le
même pied. C'est ça qu'on essaie de venir vous dire.
M. Cannon: Bien, c'est parce que... Oui.
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais donner, si vous me permettez,
M. le ministre...
M. Cannon: Oui, oui.
M. Dufour (Ghislain): Sur ce sujet, Me Biron.
Le Président (M. Doyon): Me Biron. (14 h 30)
Mme Biron (Dorothée): M. le Président, M. le
ministre, quant au domaine de l'autoréglemen-tation, je pense que
certaines entreprises, au Québec, peuvent faire preuve qu'il s'agit
là d'une démonstration qui est viable.
Québec-Téléphone s'est dotée, en décembre
dernier, d'un code qui prévoit la gestion des renseignements et assure
la protection personnelle tant de ses clients que de ses employés
actuels et retraités. Le code assure le respect, la correction
d'informations erronées, la possibilité d'ajouter, de
sanctionner, crée un ombudsman. De plus, l'entreprise a prévu un
plan de «publicisation» de ce code-là directement pour ses
employés et directement pour les quelque 100 000 clients qu'elle
dessert. Donc, pour répondre à la question du ministre, je pense
qu'il est possible d'avoir une autoréglementation qui permette
d'apporter un respect certain des valeurs et de la protection personnelle des
renseignements.
M. Cannon: Dans le fond, je veux vous indiquer qu'à partir
du principe on a jugé opportun d'avoir une loi d'application, sinon,
d'une certaine manière, ça aurait été à la
va-comme-je-te-pousse et c'est la jurisprudence au niveau du Code civil qui
aurait pu s'appliquer. Aussi bizarre que ça puisse paraître, c'est
des gens de ce milieu-là qui étaient d'accord, effectivement,
avec une loi d'application. On peut, vous et moi aujourd'hui, dire: Une loi
d'application, il y a telle chose qui devrait être modifiée, il y
a telle autre chose qui devrait être modifiée.
M. Dufour, j'ai indiqué devant les membres de la commission que
j'avais effectivement l'intention, dans certains cas, de resserrer des choses,
d'examiner attentivement la notion de consentement au niveau du consentement
écrit versus la restriction du consentement. Ce sont là des
choses qui sont importantes, mais de portée générale.
Lorsque je regarde l'article 75 qui dit simplement: «La Commission peut
élaborer et proposer aux personnes qui exploitent une entreprise et
recueillent, détiennent, utilisent ou communiquent à des tiers
des renseignements personnels, des modèles de codes de conduite internes
favorisant l'application de la présente loi», je ne voudrais pas
que vous ayez l'impression que nous arrivons avec un projet de loi qui est un
projet de loi matraque, qui va obliger tout le monde, du jour au lendemain,
imposer des coûts exorbitants sur l'ensemble.
Votre analyse et la mienne, elles sont semblables, sauf que l'approche
est différente. Je vous dis: Nous, on part du général et,
à la suite de cela, on pourra, au besoin, avec la Commission
d'accès à l'information, qui, incidemment, en passant, a une
excellente fiche de réalisation, une organisation qui est très
bien vue et qui fait un très bon travail...
M. Dufour (Ghislain): Je ne critique pas ça, on l'a
dit.
M. Cannon: Je le sais. C'est ça. Alors, moi, je vous
explique comment nous en sommes rendus à ce point-là. Dans le
fond, il y a une dernière disposition dans le projet de loi.
C'est quoi, cette disposition-là? C'est dire qu'à tous les cinq
ans nous avons la possibilité, comme dans le cas de la loi
d'accès à l'information, de revoir, de réviser des
choses.
Ce matin, j'entendais les gens faire des parallèles entre la
sanction, la pénalité qui était imposée, aux
articles 80 et quelques. Effectivement, dans la demande de révision qui
a été faite par les gens de la Commission, eux nous demandent
d'être alignés avec les dispositions du projet de loi 68,
c'est-à-dire d'exclure le terme
«sciemment» de l'actuel projet de loi. Alors, oui, mais il y
a un mouvement en avant et, ça, quant à moi, M. Dufour, ce
mouvement-là qui est enclenché au Québec depuis maintenant
plusieurs années qu'on en discute, il m'apparaît tout à
fait souhaitable et inévitable.
M. Dufour (Ghislain): Trois réactions, M. le
Président, avant de donner la parole à mon collègue Doray.
C'est vrai que le Code civil est là, et on le constate tous, sauf qu'il
entrera en application le 1er janvier 1994. Alors, on peut toujours encore en
débattre et voir s'il n'y aurait pas lieu de régler le
problème par des amendements à l'article 37 du Code.
Deuxièmement, vous dites qu'on est sur la même longueur
d'onde au niveau des intentions. Oui, je pense bien que tout le monde est
d'accord pour protéger les renseignements personnels, sauf que vous en
faites une loi d'extension tellement générale, tellement
applicable à tout le monde que vous ne pourrez pas y arriver. Vous ne
pourrez pas. Ce n'est pas possible. Je reviens simplement aux listes dont on
nous demande l'exactitude, ce n'est pas possible. J'en ai, des listes, moi, M.
le ministre. Vous me parlez d'un «sunset», d'une clause
crépusculaire. Bien, clause crépusculaire, d'abord, ce n'est pas
généralement celle-là, c'est que, le projet de loi, il
tombe après cinq ans. C'est ce que vous avez fait dans le dossier de la
loi 178. Ça tombe.
M. Cannon: Non, ça ne tombe pas, là.
M. Dufour (Ghislain): Bien oui, ça tombe. Ici, vous me
parlez d'un «sunset» où on va revoir la loi. Bien oui,
j'espère que vous allez la corriger avant ça si elle ne marche
pas, que vous n'attendrez pas cinq ans. Me Doray.
Le Président (M. Doyon): Oui, Me Doray.
M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le ministre,
simplement...
M. Cannon: Je m'excuse, Me Doray. M. Dufour et moi, nous sommes
toujours au niveau des intentions.
M. Dufour (Ghislain): Les miennes sont louables.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Oui, mais, vous, vous êtes avec le Conseil du
patronat et, moi, je suis avec ie gouvernement. Alors, louable pour louable...
Je voulais simplement vous indiquer, M. Dufour, que, quand vous me parlez des
critiques à l'endroit du projet de loi et que vous me dites: C'est
tellement vaste que ça va créer des problèmes, vous auriez
souhaité, donc, que nous puissions y aller secteur par secteur. C'est
bien ça?
M. Dufour (Ghislain): On vous dit: Vous avez un gouvernement qui
veut répondre à un certain nombre de préoccupations dans
la population. Je regrette, la population n'a aucun intérêt sur
les listes que, moi, j'ai au Conseil du patronat. Elle n'a aucun
intérêt face aux dossiers que j'ai sur mes employés. Il y a
d'autres procédures, il y a d'autres méthodes pour arriver...
M. Cannon: Là, M. Dufour, vous mêlez, vous dites: La
population. Mais l'individu... La Charte québécoise des droits et
libertés, ce n'est pas global, c'est l'individu. C'est ça, la
base même de notre affaire. Je comprends bien, là.
M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas ça, le problème
dans la société québécoise. Le problème dans
la société québécoise, c'est un certain nombre de
secteurs qui sont ciblés, où il y a des problèmes
d'information; vous le savez aussi bien que moi. Ça réfère
à Équifax qui va nous suivre et avec qui vous allez
débattre de tout ce dossier-là, ça réfère
aux institutions financières, ça a référé,
à un moment donné, à l'affichage électronique dans
le téléphone. Ça réfère à des cibles
très précises. Ici, vous prenez tous les problèmes de
renseignements détenus par les 215 000 entreprises et vous
légiférez là-dessus.
M. Cannon: Mais vous avez fait une étude exhaustive pour
savoir que ça se limite uniquement à ces trois
secteurs-là?
M. Dufour (Ghislain): Non, non, je ne vous dis pas ça. Je
dis que vous avez des problèmes bien ciblés. Essayez de
régler ces problèmes-là au lieu de créer des
problèmes à tout le monde. Là, ce n'est plus la population
qui va avoir des problèmes, c'est les entreprises.
Le Président (M. Doyon): M. Doray.
M. Doray: M. le Président, M. le ministre, simplement
certains commentaires à l'égard de ce que M. le ministre a dit
précédemment. Premièrement, on semble, de manière
assez systématique, se retrancher derrière l'article 37 du Code
civil du Québec pour dire qu'il faut absolument une intervention
législative avant l'échéance du 1er janvier 1994,
c'est-à-dire lorsque ces dispositions du Code civil du Québec
entreront en vigueur. Je pense que c'est vrai, dans une large mesure, qu'il
faut une loi d'application qui viendra circonscrire la portée du Code
civil, mais il y a une certaine place qui est aménagée dans
l'article 37 du Code civil. Si on lit bien cet article, il mentionne,
expressément, que «toute personne qui constitue un dossier sur une
autre personne doit avoir un intérêt sérieux et
légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les
renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et
elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou
l'autorisation de la loi...»
Ce que l'on pouvait espérer du projet de loi 68 ou de la loi
d'application des dispositions du Code civil, c'est justement qu'elle vienne
prévoir les autorisations législatives pour permettre une
circulation des informations qui laisse au fonctionnement normal des
activités commerciales la marge de manoeuvre nécessaire.
Cependant, quand on regarde l'article 12 du projet de loi 68, qui impose un
consentement écrit, 12 et 13, spécifique et limité dans le
temps pour toute communication de renseignements, la loi d'application ne vient
pas circonscrire ou atténuer le Code civil, elle vient empirer la
situation. C'est ça qui est un peu troublant.
Deuxième point...
M. Cannon: Me Doray, dans le cas de l'article 17, vous l'avez,
là.
M. Doray: M. le ministre, l'article 17, qui prévoit les
exceptions en matière de consentement, avec toute
déférence pour le législateur, ne règle pas, je
dirais, 90 % des problèmes. Je le dis parce que j'ai eu à me
pencher sérieusement sur le sujet.
M. Cannon: Me Doray, vous avez commencé votre intervention
en disant que ce n'était pas le cas. Alors, je vous rappelle simplement
que l'article 17 existe.
M. Doray: L'article 17, M. le ministre, ne prévoit
aucunement qu'une entreprise puisse faire des enquêtes et communiquer et
recueillir des renseignements pour des fins d'enquêtes, sans le
consentement, alors que, dans le secteur public, l'article 28 a offert à
tous les organismes du gouvernement une exception très large pour toutes
les enquêtes qui sont faites par le gouvernement. C'est un des exemples
de ce que l'article 17 ne prévoit pas en termes d'exceptions à la
règle du consentement. (14 h 40)
M. Cannon: Ce que j'essaie de dire, là... J'essaie
d'être clair. Vous avez indiqué que l'article 37 ne
possédait pas de disposition pour des autorisations. Je vous renvoie
à l'article 17. Je comprends ce que vous me dites, mais c'est simplement
pour être clair, qu'on puisse s'entendre, là.
M. Doray: Ce que je dis, M. le ministre, c'est que l'article 37
n'a pas besoin d'être modifié. Il y a une porte de sortie puisque
l'article 37 pose une règle bien sévère, à savoir
qu'il ne peut y avoir de communication de renseignements personnels sans le
consentement de la personne concernée, à moins d'avoir une
autorisation de la loi. Donc, 37 ouvre la porte et l'on aurait
espéré que le projet de loi 68 soit justement la manifestation de
ces situations où la recherche du consentement... A fortiori, le
consentement écrit est impossible ou impratica- ble. Malheureusement,
l'analyse que l'on fait du projet de loi 68 nous amène à conclure
que ce projet de législation n'a pas prévu toutes les situations
où la recherche du consentement est impossible.
Peut-être que l'article 17 devrait être rallongé, M.
le ministre. C'est peut-être effectivement de cette
façon-là qu'on pourra régler le problème sans avoir
à modifier le Code civil, qui a déjà été
adopté et sanctionné.
Le Président (M. Doyon): Me Doray, je vais permettre
maintenant au député de Pointe-aux-Trembles de continuer la
discussion avec vous, étant donné que le temps a filé pour
ce qui est...
Oui, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire que,
sur les lourdeurs et les complexités excessives du projet de loi, j'ai
eu l'occasion de me faire entendre à plusieurs reprises devant cette
commission. Je ne veux pas revenir là-dessus. Je partage donc les
critiques du Conseil du patronat à cet égard.
Moi, ce qui me trouble, c'est quand, par exemple, Normand Lester, de
Radio-Canada, nous apprend que des employés d'Équifax utilisent
de la fausse représentation pour trouver les adresses de personnes. Par
exemple, on se fait passer pour des fonctionnaires de Revenu Québec qui
veulent donner un chèque de remboursement de la TVQ. Est-ce que, au
Conseil du patronat, vous trouvez que c'est là un comportement qui est
reprehensible?
M. Dufour (Ghislain): Bien, je ne pense pas que la question
appelle même une réponse. C'est évident! Maintenant, il y a
eu des sanctions de prises par Équifax et vous poserez la question
à Équifax qui passe après nous.
M. Bourdon: Mais, à cet égard-là, les
sanctions, est-ce que c'est à cause des actes qu'elles ont
été prises ou parce que les gens se sont fait prendre? On
remarque qu'il y a comme une attitude commune. Puis, comme vous aimez ça
en parler à l'occasion, du secteur public, le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle a fait la même chose. Quand il apprend, par Le Devoir,
que des employés d'Équifax donnent des pots-devin à
des fonctionnaires de son ministère, il annonce des sanctions. Vous
admettrez qu'elles ne sont pas lourdes, au départ. C'est une suspension
avec solde en attendant que l'affaire soit tirée au clair. Mais, pour le
public, ce que ça pose... Est-ce que vous convenez que ça pose la
question et le problème de quelles méthodes on utilise en
recouvrement, en enquête puis en établissement du dossier de
crédit de personnes?
M. Dufour (Ghislain): Là, M. le Président, le
député de Pointe-aux-Trembles est exactement
sur notre terrain parce que c'est ce que l'on dit. Quand on regarde les
institutions de crédit, l'information sensible dans ces
dossiers-là, on est ouvert à une législation minimale.
Mais vous savez très bien, pour en avoir vécu d'autres - et on en
a vécu ensemble - que ce n'est pas parce qu'il va y avoir une loi qu'il
n'y aura plus jamais de ces incidents-là. Il y aura toujours des
employés d'hôpitaux, à quelque part, pour donner de
l'information. Il y aura toujours, dans notre société, nonobstant
une loi, ce genre d'information qui se trafiquera, ou autrement.
Mais vous ne me posez pas la question: Est-ce que ça va se
produire? Vous me posez une question de principe. Puis, là-dessus, je
vous dis: Oui, c'est évident que tout le monde est d'accord que ce genre
de tractations là n'est pas correct, ne doit pas être
toléré. D'ailleurs, à ce que je sache, les entreprises
concernées ne l'ont pas toléré non plus.
M. Bourdon: Ce que je peux remarquer, c'est qu'elles ne l'ont pas
toléré quand les journaux en ont parlé. Mais, le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'elles n'avaient pas une grande vigilance pour s'en
apercevoir avant. Ce que je veux dire, c'est que, avant de dénoncer le
crime, elles ont bénéficié du crime et
qu'Hydro-Québec, qui était cliente dans les cas mentionnés
par Normand Lester, de Radio-Canada, en profitait, de telle sorte que public,
parapublic, privé se rejoignent, là, dans des marécages
que les médias exposent, avec raison.
Le problème, M. Dufour, c'est comment ne légiférer
que sur les bureaux de crédit, par exemple? Et votre proposition ne
manque pas d'une certaine logique. Aux États-Unis, ça fait 20 ans
qu'il y a une loi qui s'appelle le «Fair Credit Reporting Act».
Le Soleil du 24 février nous apprend deux choses. D'abord,
n'importe qui a accès au dossier de crédit de n'importe qui en
payant 60 $ à Équifax. Deuxième chose qu'on nous rapporte,
c'est que des banques qui gèrent des cartes de crédit Master Card
fournissent à Équifax, qui le fournit à n'importe qui qui
lui donne 60 $, le numéro de carte de crédit des personnes.
Là, si on réglemente uniquement par la loi les bureaux de
crédit et pas les banques... L'Association des banquiers du Canada est
venue nous expliquer que, nonobstant Olympia & York, ils sont infaillibles
et parfaits. Bon! Ils disent qu'eux ils ne fournissent pas de renseignements
confidentiels.
Là, je vous pose un cas d'espèce. Si on ne
réglemente pas les renseignements fournis par une banque à
l'égard d'un détenteur de carte de crédit, par exemple, et
qu'un propriétaire que j'approche pour louer un logement obtient mon
numéro de carte de crédit, qu'est-ce qu'on fait si une personne,
qui a le numéro de carte de crédit d'une autre personne...
Une voix: Monsieur...
M. Bourdon: ...peut, au téléphone, prendre un
billet au théâtre et commander des choses et payer avec l'autre
numéro? Autrement dit, si on retenait votre hypothèse de ne
réglementer que les bureaux de crédit, qu'est-ce qui arriverait
des institutions financières nombreuses qui fournissent aux bureaux de
crédit les numéros de cartes de crédit des personnes,
lesquels peuvent être achetés par n'importe qui? Qu'est-ce qu'on
fait à ce moment-là, dans ces cas-là?
M. Dufour (Ghislain): Je répète ce que j'ai dit
tout à l'heure, M. le Président, au député de
Pointe-aux-Trembles. Déjà, quand il me sort ces
exemples-là, il cible et élargit la notion de bureau de
crédit aux institutions financières. Bon! Ça peut
être une façon de regarder le dossier, mais ce n'est pas de
ça que, moi, je suis venu vous parler aujourd'hui. Je suis venu vous
parler des 225 000 entreprises qui, parce que vous avez un certain nombre de
problèmes dans certains secteurs, se retrouvent couvertes par la
loi.
Récemment, vous avez vécu un problème personnel, M.
le député de Pointe-aux-Trembles, dont vous avez fait largement
état sur la place publique, donc c'est de notoriété
publique, on peut en parler. La loi d'accès à l'information dans
le secteur public, elle existe depuis neuf ans. Voulez-vous me donner la liste
des fonctionnaires qui ont fourni le genre d'information dont vous vous
plaignez et qui ont été poursuivis?
M. Bourdon: À cet égard-là, M. le
Président, on peut penser que des employés de l'hôpital
Royal Victoria ont donné à Magnus Poirier, une maison de frais
funéraires, et au Centre commémoratif de Montréal, une
autre maison de frais funéraires, le nom et le numéro de
téléphone de ma mère qui a 72 ans.
M. Dufour (Ghislain): Ce que je veux dire, c'est que, si...
M. Bourdon: Ce que je veux dire, moi, par là, c'est que
les courtiers en listes... Vous avez mentionné les bureaux de
crédit. Il y a aussi une autre catégorie qui s'appelle les
courtiers en listes et c'est eux qui achètent du monde pour mettre des
noms sur des listes pour que la personne, en sortant de l'hôpital, se
fasse proposer des préarrangements. Ce que je veux dire, M. Dufour,
c'est que, si on prend les bureaux de crédit, les banques, les
sociétés de fiducie, les caisses populaires, qui leur fournissent
des renseignements, les courtiers en listes qui obtiennent des noms et qui les
vendent à d'autres, et qu'on prend les firmes d'investigation... Et
Équifax fait de tout. Équifax fait à la fois des rapports
de crédit, du recouvrement, des enquêtes, et pas pour n'importe
qui. Un des très gros clients, c'est le gouvernement. Ce que je
veux dire, c'est comment faire - et je suis d'accord avec vous - pour
éviter que 215 000 entreprises soient touchées par une
législation tatillonne - et je suis en accord avec vous là-dessus
- tout...
M. Dufour (Ghislain): Merci.
M. Bourdon: ...en réprimant les abus qui ont besoin
d'être réprimés? (14 h 50)
M. Dufour (Ghislain): Moi, je ne veux pas embarquer dans le
débat. Vous citez Équifax à tour de bras, je
répète qu'ils seront là tout à l'heure, ils
répondront aux questions que vous voulez leur poser. La seule chose que
j'ai voulu vous dire, M. le député de Pointe-aux-Trembles, c'est
que vous avez connu ce problème avec un hôpital, mais la loi est
là, elle est là depuis neuf ans, et vous l'avez connu pareil.
Alors, est-ce que c'est une loi qui a empêché le genre de
problème que vous avez connu? Non. Non, parce que ça va continuer
à exister. La société est ce qu'elle est, nonobstant les
lois. Ce n'est pas parce qu'on doit aller à je ne sais combien de
kilomètres à l'heure entre Québec et Montréal que
les gens le font. Alors, les lois sont là, mais il y a des gens qui
tournent autour, et nonobstant la loi... Plus la loi est large - et c'est le
cas ici - plus elle englobe de choses, c'est évident que plus on va
avoir de contrevenants.
M. Bourdon: À cet égard-là, est-ce que le
Conseil du patronat n'est pas sensible au fait que, déjà, huit
provinces canadiennes ont des législations applicables? Et qu'est-ce que
vous répondez à l'OCDE qui dit que le flux d'informations venant
vers le Québec ou sortant du Québec va éventuellement
être interrompu si on n'a pas des mesures de protection semblables aux
leurs? Est-ce que vous ne pensez pas que, ça, ce serait de nature
à nuire au développement économique, qui est un souci
constant au Conseil du patronat?
M. Dufour (Ghislain): Je peux demander à Me Doray de vous
répondre, M. le député de Pointe-aux-Trembles, parce que
je ne connais pas l'ensemble des huit législations. Je sais, par
ailleurs, que les législations canadiennes ne réfèrent
qu'au crédit, que vous n'avez nulle part au Canada des
législations de ce genre-là.
Maintenant, Me Doray, pour... Moi, à lire ça vite, j'ai
l'impression que vous êtes... que le législateur est allé
chercher tout ce qu'il y a de mieux dans les huit législations, comme au
niveau du crédit. Mais c'est une affirmation gratuite, je vais la faire
confirmer.
M. Bourdon: O.K. M. Doray: Monsieur...
Le Président (M. Doyon): Me Doray.
M. Doray: M. le Président, il y a peut-être un
élément qui mérite d'être mentionné, puisque
M. Dufour parlait d'une intervention législative plus limitée,
plus «sectorialisée». La Commission d'accès à
l'information, dont le ministre a mentionné, d'ailleurs, la bonne
réputation, tout à l'heure, qui est quand même l'organisme
que l'Assemblée nationale a mandaté de se préoccuper de
questions de protection de la vie privée, elle-même a
suggéré à cette Assemblée, à la commission
parlementaire de 1991, de n'intervenir que dans des secteurs
spécifiques, et non dans l'ensemble de l'activité
québécoise, puisque ce n'était pas dans tous les secteurs
qu'il y avait des problèmes en matière de protection des
renseignements personnels. La Commission d'accès elle-même a
proposé ça, et je pense que c'est important de le souligner.
Deuxièmement, pour ce qui est des législations au Canada
en matière de crédit, il y a effectivement huit provinces qui ont
des législations en matière de crédit, et je pense que
cette discussion-là sera discutée, peut-être, avec plus de
profondeur, tout à l'heure, à l'occasion de la
présentation du mémoire d'Équifax. Pour ce qui est des
législations étrangères, j'ai eu l'occasion de
procéder à une analyse comparative de l'ensemble des
législations étrangères, je suis sûr que le
ministère a fait le même exercice, et je pense qu'on peut affirmer
que la loi qui est présentement proposée à
l'Assemblée nationale serait la plus sévère en Occident,
incluant la nouvelle loi allemande qui permet certains mécanismes
beaucoup plus flexibles que ce qu'on aura dans la loi québécoise
telle que libellée à l'heure actuelle. On a effectivement pris ce
qu'il y a de plus contraignant dans chacune des lois pour faire un tout qui -
et je le dis, c'est une affirmation personnelle, mais je travaille dans ce
secteur-là depuis maintenant 13 ans - sera la loi la plus difficile
d'application, aussi.
M. Bourdon: Mais...
Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: II me reste trois minutes.
Le Président (M. Doyon): Bien, le député de
D'Arcy-McGee vient de me faire signe, à la toute dernière minute,
qu'il voulait intervenir. Je suis obligé de rogner un peu sur le temps
de tout le monde pour lui faire l'aumône de quelques minutes.
M. Libman: ...cinq minutes, confirmé.
M. Bourdon: Oui. Dans le fond, je voudrais vous poser deux
questions. D'abord, une à Me
Doray, et sa réponse peut être courte. Il revient avec
Équifax et il revient à titre personnel jeudi, ça fait
qu'on aura l'occasion d'en discuter longtemps. Donc, une première
question: Convient-il qu'actuellement - je ne parle pas du projet de loi sur la
table - le Québec est de 5 à 20 ans en arrière sur les
autres provinces canadiennes et les États-Unis en matière de
rapports de crédit, à tout le moins?
M. Doray: La réponse, c'est oui.
M. Bourdon: D'autre part, à M. Dufour, je pose la
question: Serait-il d'accord - d'abord, j'ai quasiment envie de dire: Serait-il
d'accord un jour, une fois, sur une intervention gouvernementale - qu'on
revienne à ce qu'il y avait dans le document du ministère, il y a
un peu plus d'un an, qui était d'avoir un cadre général,
des mesures spécifiques en matière de crédit, par
hypothèse, et qu'on ait des tables sectorielles secteur par secteur?
Parce que ce qui me frappe, c'est que le cas des entreprises
d'assurances n'est pas le même que celui des banques, celui des banques
n'est pas le même que celui des bureaux de crédit. En tout cas, il
y a des secteurs en cause. Est-ce que c'est une idée qui vous
apparaîtrait valable, de laisser, à la consultation sectorielle,
des objets... Parce que j'ai tendance à être d'accord quand vous
dites: On ne peut pas tout traiter du même pied et ce n'est pas 30 000
000 de lettres à une piastre qui partiraient un matin qui feraient que,
magiquement, les vertus du jacobinisme feraient que tous les problèmes
seraient réglés.
Une voix: Oh! Oh!
M. Bourdon: J'ai inventé le mot
«jacobinisme».
M. Dufour (Ghyslain): Je vous reconnais bien.
Je pense que le projet de loi qui, à un moment donné, a
circulé, après les travaux de la commission parlementaire en 1991
- en tout cas, un «avant-avant», des documents de base qui
circulaient peut-être à l'insu du ministre, parce que les
consultations ont quand même continué - avait une approche
sectorielle. Nous, une approche sectorielle, c'est ce qu'on vous plaide cet
après-midi, mais à condition que, dans la législation de
base, on ait quand même des orientations qui soient semblables à
ce que l'on a à l'extérieur. Nous, quand ça existe
ailleurs, on fonctionne là-dedans. On l'a toujours dit.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président. Juste pour dire que je
pense que notre commission doit être un peu plus sensible envers
certaines inquiétudes soulevées par le Conseil du patronat. On ne
peut pas sous-estimer l'impact ou le fardeau que cette loi pourrait imposer sur
les entreprises.
Je veux juste, d'abord, demander à M. Dufour qu'est-ce qu'il peut
suggérer pour corriger le préjudice potentiel de l'information
inexacte. Comme vous le savez, nous traversons une période
économique difficile qui va laisser des cicatrices dans les profils
économiques de plusieurs individus. Avec le temps, ces profils
s'améliorent, mais les gens doivent avoir une façon plus efficace
d'être au courant de tous les dossiers qui existent sur leurs
états financiers. Alors, ça, c'est un aspect de la loi qui est
très important, la capacité pour l'individu d'être au
courant qu'un dossier sur lui existe et qu'il puisse avoir accès
à ce dossier pour le corriger et le mettre à date. Qu'est-ce que
vous pouvez nous suggérer dans le mécanisme de tout ça qui
pourrait être acceptable pour vous?
M. Dufour (Ghyslain): Je voudrais revenir à l'intervention
de base, et notre préoccupation est double: le client, l'employé,
parce que l'employé est couvert, lui aussi. On dit que, dans le domaine
des relations patronales syndicales, dans la gestion des ressources humaines,
n'imaginez pas de mécanismes ici, ils existent, ces
mécanismes-là, par la convention collective, par certains
tribunaux, à la Commission des normes, à la Commission des droits
de la personne, etc. Donc, on devrait au moins carrément oublier ce
volet-là.
L'autre volet, c'est la relation commerciale, le volet client. Si on va
sur une base sectorielle avec une espèce de choix que l'on pourrait
faire, il y a des choses que l'on accepte. D'ailleurs, quand on parle de
législation extérieure ou des lignes directrices de l'OCDE, il y
en a déjà, des normes pour fins de correction là-dedans.
Alors, on est tout à fait prêts à débattre de
ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour.
M. Libman: Juste une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M le
député.
M. Libman: C'est la capacité de corriger quelque chose si
nous savons que cette chose existe. C'est ça, la préoccupation du
projet de loi. Comment rendre au courant des gens que certains dossiers
existent pour qu'ils puissent essayer de corriger cette information?
M. Dufour (Ghyslain): Évidemment, il y a beaucoup de
prévention à faire d'abord pour éviter que, justement, il
y ait l'erreur dont vous
pariez. l'exemple de me biron, tout à l'heure, dans une
entreprise, un exemple très concret, évidemment, ce n'est pas le
crédit, ce n'est pas sensible, mais le téléphone
crée des problèmes, nous dit-on. alors, voilà! il y a une
orientation. m. le député de d'arcy-mcgee est un avocat. il y a
des possibilités de correction par...
M. Libman: Je ne le suis pas, non.
M. Dufour (Ghyslain): Vous n'êtes pas avocat?
M. Libman: Architecte, monsieur. M. Dufour (Ghyslain):
Architecte. M. Libman: Ce n'est pas la même chose.
M. Dufour (Ghyslain): En tout cas. Le Code civil permet des
corrections, quand même, dans les dossiers.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre. En terminant,
parce que...
M. Cannon: Une petite vite, M. Dufour, toujours dans la
même foulée du questionnement qui a été posé
par mon collègue de D'Arcy-McGee: Un employé chez vous, il
travaille pour le Conseil du patronat, peut-il se voir refuser l'accès
à son dossier?
M. Dufour (Ghyslain): Non.
M. Cannon: Donc, il a toujours accès à son
dossier?
M. Dufour (Ghyslain): Oui. La loi, d'ailleurs, là-dessus
est précise. S'il y a déjà une poursuite qui est
entamée, par exemple à la CSST ou autrement, je ne suis pas
obligé de le donner; je ne suis quand même pas obligé de
donner mon dossier juridique. Alors, il y a quand même des balises. Mais
ce n'est pas dans les petites boîtes comme chez nous que c'a crée
des problèmes, c'est dans les très grosses boites. Et, je le
répète, c'est parce que vous avez déjà des
mécanismes, à l'Alcan, de conventions collectives. Le syndicat a
déjà prévu ça, l'accès au dossier de
l'employé, donc vous avez déjà des paramètres qui
sont là, très précis.
M. Cannon: Mais c'est sûr que, si vous le regardez du point
de vue des relations patronales-ouvrières...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, je ne vous avais
permis qu'une seule question.
M. Cannon: Est-ce que mon collègue de Pointe-aux-Trembles
me le permet? (15 heures)
Le Président (M. Doyon): C'est le président qui
décide. Allez, M. le ministre.
M. Cannon: Alors, toujours dans la veine des relations
patronales-ouvrières, j'en suis avec vous, mais ce n'est pas tous les
gens au Québec qui sont syndiqués, vous le savez comme moi. La
question que je vous posais simplement, c'était de savoir si l'individu
avait accès à son dossier, s'il y avait possibilité de le
corriger, puisque ça ne se limite pas uniquement dans tel secteur, mais
que ça a une portée beaucoup plus générale.
M. Dufour (Ghislain): De façon générale,
dans les grandes entreprises, il y a déjà des politiques de
gestion du personnel pour ça et il y a d'autres mécanismes. Ce
qu'on essaie de vous dire, c'est que, si vous voulez débattre de
ça, M. le ministre, on va en débattre, on n'a pas d'objection de
principe, sauf qu'il ne faudrait pas être devant la commission de la
culture, il faudrait probablement être devant la commission de
l'économie et du travail pour être capable de regarder les
mécanismes qui existent déjà.
Ce que vous nous proposez, c'est un nouveau tribunal, qui est le
tribunal d'accès à l'information, avec lequel on n'a aucune
culture. Je prends comme exemple le député de
Pointe-aux-Trembles; la culture des relations de travail n'est pas du tout la
culture de la Commission d'accès à l'information.
Le Président (M. Doyon): On n'est peut-être pas
devant le bon forum, sauf que je pense que la discussion a montré qu'il
y avait un certain intérêt et un échange d'informations qui
a sûrement été utile. Il me reste à remercier les
représentants du Conseil du patronat et leur permettre de se
retirer.
On invite maintenant les représentants d'Équifax Canada
inc. à bien vouloir s'approcher et remplacer les représentants du
Conseil du patronat qui viennent de nous quitter. Veuillez prendre place, s'il
vous plaît.
Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Claude Chartrand. Je revois Me
Raymond Doray qui est ici avec nous encore une fois, et M. Michel Globensky. Je
leur souhaite la bienvenue et je les invite à se présenter pour
les fins de transcription de nos débats.
Je sais qu'Équifax, on a parlé beaucoup de vous, il y a
beaucoup de questions et des membres de la commission m'ont déjà
indiqué qu'ils voulaient s'entretenir avec vous, mais nous ne disposons
que d'une seule heure et mon rôle est justement de tenir les
débats à l'intérieur du temps qui nous est imparti. Alors,
vous ne m'en voudrez pas de faire ce qu'il faut pour que nous soyons à
l'intérieur des limites de temps qui nous sont assignées.
Donc, vous êtes les bienvenus. Veuillez vous présenter,
s'il vous plaît, et dès maintenant commencer la
présentation de votre rapport.
Équifax Canada inc.
M. Chartrand (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Vous
avez mentionné qu'on avait seulement 60 minutes. J'ai entendu les
débats qui se sont produits au cours des 30 dernières minutes.
J'ai l'impression qu'on a plus que 60 minutes; déjà, il y a 30
minutes qui ont été dévouées à
Équifax.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, j'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent aujourd'hui: Michel Globensky, qui est vice-président
adjoint chez Équifax, et Me Raymond Doray, de la firme Lavery Billy.
En mon nom personnel et au nom d'Équifax Canada, je tiens tout
d'abord à remercier cette commission de nous avoir invités
à soumettre un mémoire au sujet du projet de loi 68. Je vous
remercie aussi de nous avoir invités à vous rencontrer
aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur cette loi qui
affecte directement, et peut-être plus que toute autre entreprise,
Équifax Canada.
J'aimerais, au départ, dire qu'Équifax souscrit
entièrement au principe de la protection des renseignements personnels
dans le secteur privé. Dans la mesure où elle exerce ses
activités dans le domaine de l'information, elle sait plus que toute
autre qu'il y a lieu d'assurer un équilibre constant entre le droit
à la vie privée des personnes et le droit des commerçants
et des institutions financières aux informations permettant
l'évaluation des risques.
Dans ce sens, j'aimerais, avec votre permission, me
référer à des commentaires que le ministre a faits la
semaine dernière, et je cite: «J'ai affirmé, de plus,
qu'une telle législation ne devrait pas freiner la
compétitivité des entreprises du Québec. Bien au
contraire, la législation québécoise devrait permettre
à nos entreprises d'échanger des renseignements personnels avec
des firmes oeuvrant dans des pays qui se sont donné des règles
équivalentes de protection des renseignements personnels. L'intervention
québécoise s'harmoniserait alors avec les nombreux efforts qui
sont faits sur le plan international, que ce soit à l'OCDE ou à
la Communauté économique européenne, pour faciliter la
circulation de données personnelles tout en s'assurant que celles-ci
soient protégées également d'un pays à
l'autre.»
Un autre commentaire qui a été fait par le ministre, la
semaine dernière, et je cite: «Alors, je voudrais que nous
puissions quand même garder les deux pieds sur terre pour qu'on puisse
s'inspirer de la réalité de tous les jours, du quotidien, quand
on va discuter du projet de loi 68.»
Étant donné les informations qui ont été
diffusées au cours de la dernière semaine, je pense qu'il serait
utile de parler un peu ou de prendre quelques minutes et de couvrir les
activités d'Équifax. À partir de son siège social
situé à Montréal, Équifax exploite à travers
le Canada un réseau informatisé de bureaux de crédit, un
service d'information dans le domaine des assurances ainsi qu'un service de
recouvrement de créances. Elle gère, de plus, un fichier
informatisé sur l'expérience en conduite automobile des
assurés pour le compte du gouvernement du Québec. Nous ne
traiterons pas ici de ce fichier, qui est assujetti à la loi sur
l'accès du secteur public et qui fait l'objet du contrôle et de la
surveillance de la Commission d'accès à l'information.
Mentionnons toutefois que toutes les activités d'Équifax sont
indépendantes les unes des autres et que les informations
détenues par chacun de ses services sont cloisonnées.
Équifax compte 1500 employés au Canada, dont 600 au
Québec, verse plus de 17 000 000 $ par année en salaires et
dépenses et investit près de 10 000 000 $ annuellement pour
l'acquisition de biens et services, notamment dans le domaine de
l'informatique.
Les services d'information de crédit d'Équifax recueillent
auprès des commerçants et institutions financières les
données relatives à l'expérience de crédit des
consommateurs. Après s'être assurée de l'identité du
consommateur, Équifax regroupe ces données dans une fiche ou un
dossier de crédit semblable en tout point au document qui vous a
été distribué il y a quelques instants. Comme on peut le
constater, cette fiche ne contient que des renseignements sur l'identité
du consommateur, son emploi, les prêts contractés par lui
auprès des entreprises membres d'Équifax - hypothèques,
prêts bancaires, cartes de crédit, etc. - de même que la
cote de crédit déterminée par l'institution
financière ou le commerçant qui a vécu une
expérience de crédit avec ce consommateur. Cette cote, qui
répond à une grille prédéterminée, ne
constitue pas le jugement d'Équifax au sujet du consommateur mais bien
l'évaluation que chaque commerçant ou institution
financière a établie en tenant compte de la manière dont
le consommateur s'est acquitté de ses obligations.
La fiche contient, de plus, la liste des demandes de renseignements
reçues des membres, de même qu'une section intitulée
«Archives publiques» qui regroupe les informations issues des
jugements des tribunaux civils qui ont un rapport direct avec la
solvabilité ou la fiabilité financière du
consommateur.
En fait, Équifax est une coopérative d'information qui,
sur une base mensuelle, reçoit, des institutions financières, des
grands magasins et des autres commerçants, les renseignements relatifs
à l'expérience de crédit des consommateurs et qui les
transmet, sur demande, à ses membres afin de leur permettre de prendre
des décisions plus éclairées à l'égard des
consommateurs qui désirent se procurer un bien ou un service par voie
d'emprunt. (15 h 10)
Dans la mesure où les institutions financières, les
commerçants et Équifax ont tout intérêt à ce
que l'information soit la plus fiable possible, on comprendra que des efforts
soutenus et des mesures précises sont mises en oeuvre pour s'assurer de
la rectitude des informations comme de leur mise à jour constante. De
même, puisque le classement des créances s'appuie sur une grille
uniforme d'évaluation, les consommateurs peuvent s'attendre à
être traités équi-tablement. C'est d'ailleurs sur ce
principe d'équité de traitement que notre entreprise a
été fondée, et de lui qu'elle tire son nom.
Les principaux membres ou clients du Service d'informations de
crédit d'Équifax sont les sept grandes banques canadiennes, les
caisses populaires Desjardins, les compagnies émettrices de cartes de
crédit, les compagnies de fiducie, les institutions financières
établies spécialisées dans le domaine du prêt
hypothécaire, du prêt personnel ou du prêt auto, de
même que les grands magasins. Les autres clients de notre Service
d'informations de crédit sont les petites et moyennes entreprises
québécoises qui désirent faire des affaires tout en
limitant les risques de pertes, les commerçants qui font crédit
à leurs clients et veulent connaître leurs
antécédents financiers et les propriétaires de logements
multiples qui s'apprêtent à signer un bail. Plusieurs
ministères du gouvernement sont aussi des clients membres
d'Équifax Canada. contrairement à la croyance populaire, il ne
suffit pas de faire une demande d'adhésion au service d'informations de
crédit d'équifax et de payer une cotisation annuelle pour devenir
membre. bien au contraire. en fait, plus de 40 % des demandes d'adhésion
sont rejetées ou abandonnées en cours de route par les
demandeurs, parce que ceux-ci ne répondent pas à nos
critères. au surplus, les entreprises qui deviennent membres ont fait
l'objet d'une enquête et d'une vérification quant à la
nature de leurs activités en vue de déterminer qu'elles entendent
véritablement offrir des biens et des services ou consentir du
crédit à leurs clients et que c'est à ces fins exclusives
qu'elles requièrent des informations d'équifax.
Notons, entre autres, que tout nouveau membre doit répondre
à un questionnaire détaillé sur ses activités, la
nature de sa clientèle, l'usage de l'information qu'il désire
obtenir d'Équifax. Il doit, de plus, s'engager par écrit à
n'utiliser les renseignements transmis que pour des fins légitimes
d'affaires.
Pour sa part, le Service d'informations d'assurances d'Équifax,
qui est assujetti à la Loi sur les agences d'investigation et de
crédit, procède principalement à des enquêtes pour
les compagnies d'assurances appelées à courir un risque ou
à indemniser un assuré. Le Service d'informations d'assurances
informe aussi les employeurs au sujet de la probité des personnes
auxquelles ils désirent confier des responsabili- tés.
Enfin, le Service de recouvrement des créances d'Équifax
est un agent de recouvrement assujetti à la Loi sur le recouvrement de
certaines créances. Les activités du Service de recouvrement de
créances d'Équifax font l'objet du pouvoir de surveillance de
l'Office de la protection du consommateur. Essentiellement, les employés
de ce Service ont pour mandat de communiquer avec les débiteurs en
défaut afin de leur rappeler leurs obligations. Ce sont, en fait, les
entreprises et commerçants qui ont des créances en souffrance
depuis plusieurs jours ou plusieurs mois qui demandent au Service de
recouvrement d'Équifax d'entreprendre pour eux des démarches en
vue du paiement de leurs comptes. Les clients d'Équifax dans ce domaine
sont essentiellement les mêmes que dans le domaine du crédit,
quoiqu'on y retrouve une plus grande proportion de petits commerçants ou
de moyennes entreprises qui n'ont pas les ressources pour mettre sur pied leur
propre service de perception.
Pour mieux comprendre les préoccupations du public à cet
égard, Équifax Canada, à l'instar d'Equifax U.S., a
commandité, à l'été 1992, soit bien avant le
dépôt du projet de loi 68, un sondage d'envergure nationale
à la société de recherche de renommée
internationale Louis Harris, ainsi qu'au professeur Allan F. Westin, de
l'Université Columbia, sur les attentes des consommateurs face à
la vie privée.
Réalisé en octobre 1992 et rendu public en janvier 1993,
le «Rapport Équifax Canada sur les consommateurs et la vie
privée à l'ère de l'information»
révèle, entre autres, qu'une majorité de
Québécois sont inquiets des menaces qui mettent leur vie
privée en danger. Par contre, une grande majorité de citoyens
sont consentants à fournir des renseignements personnels pertinents afin
d'aider les institutions financières à prendre des
décisions relativement à des demandes de prêt,
d'hypothèque, d'assurance ou de carte de crédit. C'est donc en
visant toujours cet équilibre entre la protection de la vie
privée qui préoccupe les Québécois, d'une part, et
le besoin légitime d'informations des institutions financières et
des commerçants appelés à offrir du crédit aux
consommateurs que nous avons procédé à une analyse du
projet de loi 68. C'est aussi en gardant à l'esprit nos
responsabilités à l'égard des consommateurs sur lesquels
nous détenons des renseignements personnels que nous invitons sans
détour le législateur à adopter une loi visant la
protection des renseignements personnels dans le domaine du crédit.
Au cours des récents mois, beaucoup de rumeurs et de critiques
ont été véhiculées au sujet des activités
d'Équifax Canada. Nous désirons profiter de l'occasion qui nous
est donnée ici, aujourd'hui, pour informer les membres de
l'Assemblée nationale et l'ensemble de la population que, dans une
très large mesure,
ces rumeurs et ces critiques sont non fondées.
Il peut arriver, bien sûr, que les renseignements contenus dans la
fiche de crédit d'un consommateur ne soient pas tout à fait
complets. Il faut bien comprendre que ce n'est pas Équifax qui
établit ces données, encore moins elle qui attribue aux
consommateurs une cote de crédit. Pourtant, sans être d'aucune
façon forcée par la loi, Équifax vérifie
auprès de la source toute information contestée et effectue les
corrections demandées, s'il y a lieu. Si la source réaffirme
l'exactitude du renseignement, le consommateur peut, à sa
discrétion, faire inscrire sa version des faits sur la fiche. Un
renseignement ne pouvant être confirmé ou vérifié
est toujours retranché du dossier.
Enfin, les modifications apportées à la fiche de
crédit, suite à une entrevue avec le consommateur et une
vérification, sont communiquées à tout membre qui a eu
accès à cette fiche au cours des six mois
précédents. Équifax a aussi pris l'initiative de ne pas
transmettre à ses membres les consultations de dossiers par les
consommateurs pour que ces derniers n'aient aucune réticence à
prendre connaissance de leur dossier. De même, notre entreprise a
décidé de retrancher de ses dossiers les informations judiciaires
autres que les jugements ou les décisions afin d'éviter toute
interprétation préjudiciable au consommateur.
En dépit de ces rumeurs et critiques, les membres de cette
commission seront intéressés d'apprendre qu'au cours de
l'année 1992 Équifax n'a reçu que deux plaintes au sujet
de l'utilisation des renseignements de crédit par ses membres. Ces deux
plaintes, sur les 50 000 consultations annuelles de dossiers par les
consommateurs, se sont soldées par l'annulation unilatérale des
contrats de membres par Équifax. Qui plus est, l'Office de la protection
du consommateur a confirmé, lors de la commission parlementaire de
décembre 1991 sur la protection des renseignements personnels, qu'elle
n'avait reçu aucune plainte au sujet d'Équifax, de ses services
ou de l'utilisation que ses membres font de l'information de crédit
qu'elle leur transmet. Depuis lors, nous n'avons été
informés d'aucune plainte à cet égard portée
auprès de l'Office. Incidemment, nous vous transmettrons, après
ma présentation, un document qui démontre que les quatre cas
rapportés ici la semaine dernière, par Mme Rozon, de
l'ACEF-Centre, sont non fondés et qu'Équifax ne mérite
nullement les reproches que cet organisme lui fait.
Pour ce qui est du Service de recouvrement des créances
d'Équifax, nous reconnaissons qu'il a pu récemment porter flanc
à la critique. Lorsque nous avons appris, après une enquête
interne, que certains de nos employés utilisaient des subterfuges pour
obtenir des renseignements leur permettant de retracer des débiteurs
disparus sans laisser de trace et sans payer leur compte en souffrance, nous
avons congédié ou remercié les personnes en cause,
incluant les cadres qui n'avaient pas su prévoir ou dénoncer
cette situation. Faut-il répéter ici que ces pratiques n'ont
jamais été, ne sont pas et ne seront pas cautionnées par
notre entreprise, encore moins tolérées par elle? Dans les
circonstances, nous trouvons déplorable que certains veuillent nous
reprocher d'avoir agi avec sévérité pour masquer notre
turpitude, alors que notre seul et unique but était de faire respecter
les principes d'intégrité les plus stricts.
Cela dit, sans attendre l'adoption d'une loi sur la protection des
renseignements personnels, Équifax, depuis de nombreuses années,
a mis en place des mécanismes de sécurité des
renseignements personnels qu'elle détient, a adopté un code de
conduite très strict, a fait signer à ses employés des
engagements de confidentialité et a établi des procédures
d'accès et de rectification qui n'ont rien à envier aux
prescriptions de la loi 68. Les membres de cette commission pourront
apprécier l'importance et le sérieux de ces mesures en lisant
notre mémoire, et constater qu'Équifax applique actuellement, au
Québec, des règles très strictes en matière de
cueillette, d'utilisation, de communication et de destruction des
renseignements personnels. (15 h 20)
Équifax Canada accepte d'emblée une intervention
législative dans le domaine des renseignements personnels. Toutefois,
elle est d'avis qu'une telle intervention doit être limitée aux
renseignements sensibles conformément à ce que prévoient
les recommandations de l'OCDE.
Équifax pense qu'il serait extrêmement dommageable pour
l'économie du Québec de vouloir réglementer la cueillette,
l'utilisation et la communication des renseignements personnels dans tous les
secteurs d'activité, alors que certains d'entre eux sont susceptibles de
poser des problèmes.
Dans le domaine des informations de crédit où elle exerce
un rôle de leader, Équifax reconnaît ses obligations
à l'égard de la protection de la vie privée et invite le
législateur à adopter une loi analogue à celle que l'on
retrouve dans les autres provinces canadiennes. Une loi imposant aux personnes
et aux entreprises qui consultent un bureau de crédit d'obtenir le
consentement de la personne concernée ou de lui faire parvenir un avis
nous semblerait justifié. De cette manière, les consommateurs
pourraient être informés du fait qu'une institution
financière ou un commerçant désire prendre connaissance de
leur dossier de crédit avant de leur consentir un prêt. Par le
biais de ce consentement ou de cet avis, les consommateurs pourraient plus
facilement exercer leur droit d'accès et de rectification.
En contrepartie de leur obligation d'informer par voie d'avis public
l'ensemble de la population de la nature de leurs activités, de
l'identité de leurs sources d'information et des
droits d'accès et de rectification prévus par la loi, les
bureaux de crédit devraient se faire reconnaître le droit de
recueillir les renseignements personnels relatifs à l'expérience
de crédit des consommateurs auprès des commerçants et
institutions financières. Par ce mécanisme d'avis public, les
consommateurs pourraient, à toutes fins utiles, consentir implicitement
à ce que les informations de crédit à leur sujet soient
centralisées. De cette manière, les objectifs poursuivis par le
législateur, dans la foulée des directives de l'OCDE, seraient
entièrement respectés. De même, la volonté du
ministre des Communications et de l'Opposition officielle de placer le
Québec au même niveau que les pays d'Europe à
l'égard de la protection de la vie privée serait accomplie.
Or, le projet de loi 68 n'établit pas un équilibre
raisonnable entre le droit du consommateur au respect de sa vie privée
et le droit des institutions financières et des commerçants de
s'assurer de la fiabilité de leurs débiteurs. En fait, notre
analyse du projet de loi nous porte à conclure que, s'il était
adopté selon son libellé actuel, il forcerait les bureaux de
crédit à fermer leurs portes à plus ou moins brève
échéance. Par voie de conséquence, les risques de pertes
des institutions financières et des commerçants du Québec
augmenteraient, de même que le surendettement des familles, sans parler
du préjudice économique qui incomberait à la vaste
majorité des consommateurs québécois qui sont de bons et
fidèles payeurs de comptes.
L'article 11 du projet de loi impose à toute entreprise de
veiller à ce que les dossiers qu'elle détient soient à
jour, exacts et complets. Équifax se doit de reconnaître qu'il
n'est pas toujours pertinent, ni possible, de tenir à jour des dossiers.
Dans le domaine du crédit, par exemple, un dossier ne pourra souvent
être mis à jour que si la personne concernée contracte un
nouveau prêt ou requiert une nouvelle carte de crédit. Ce n'est
qu'à cette occasion qu'il sera possible d'apprendre qu'une personne a
déménagé, ou encore qu'elle a changé d'employeur.
Dans ce contexte, exiger des entreprises qu'elles mettent à jour et
complètent les dossiers qu'elles ^détiennent peut être un
objectif louable, mais difficilement une obligation législative stricte.
On peut même se demander si la mise en oeuvre de cette obligation
n'aurait pas pour effet de multiplier indûment les ingérences dans
la vie privée en forçant les entreprises à solliciter
systématiquement et périodiquement les personnes
concernées afin de mettre à jour leur dossier.
Le Président (M. Doyon): M. Chart rand, je me dois de vous
indiquer que le temps qui vous était imparti est dépassé
quelque peu. Vous pouvez continuer, cependant, mais je vous indique que les 20
minutes sont déjà dépassées. Vous pouvez continuer,
à moins que les collègues s'y objectent.
M. Cannon: Je n'ai pas d'objection à ce que M. Chartrand
poursuive.
Le Président (M. Doyon): II restera moins de temps pour la
discussion.
M. Cannon: Je pense qu'on pourra rajouter 5 ou 10 minutes
à la fin de la période régulière, avec le
consentement des membres de l'Opposition.
Le Président (M. Doyon): Allez, M. Chartrand, on
verra.
M. Chartrand: Merci, M. le Président. Comme nous l'avons
mentionné précédemment, afin d'alimenter les banques
d'informations, les bureaux de crédit reçoivent
périodiquement des institutions financières et commerçants
les renseignements relatifs à l'expérience de crédit des
consommateurs. Cette transmission d'informations constitue, selon le projet de
loi, une cueillette de renseignements personnels effectuée par
Équifax auprès de tiers, a savoir les institutions
financières et commerçants. Elle constitue aussi une
communication de renseignements personnels au sens de l'article 12 du projet de
loi. Il sera donc nécessaire d'obtenir le consentement écrit,
spécifique et limité dans le temps de chaque consommateur pour
permettre à Équifax de continuer à alimenter ses banques
de données.
Or, l'article 15 du projet de loi indique qu'une entreprise ne pourra
exiger le consentement lorsque la transmission d'informations à des
tiers ou leur utilisation à des fins incompatibles ne sont pas
pertinentes à la conclusion ou à l'exécution du contrat.
Concrètement, cela veut dire que les institutions financières ne
pourront pas requérir de leurs clients, lors de l'adhésion
à un contrat de carte de crédit ou de la signature d'un contrat
de prêt, qu'ils acceptent la transmission de leur expérience de
crédit à Équifax. En effet, on a tout lieu de penser
qu'aux termes du projet de loi la communication de ces renseignements à
Équifax ne serait pas en soi pertinente pour les fins du contrat
d'adhésion...
M. Bourdon: M. le Président...
M. Chartrand: ...ou de prêt en question.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Bourdon: M. le Président, c'est parce qu'on a
accordé 20 minutes à tous les autres intervenants; là, on
est rendu à 25. Comme je connais votre rigueur habituelle - c'est notre
temps de poser des questions qui va être en cause -est-ce qu'on pourrait
demander aux représentants d'Équifax de respecter les mêmes
règles que tous les autres et de conclure pour qu'on puisse poser des
questions? J'en ai quelques-unes.
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, M. Chartrand, comme
je vous l'indiquais, il est de tradition que le temps soit partagé
tiers-tiers-tiers, de façon à ce que, justement, les membres de
la commission puissent s'entretenir avec vous et poser un certain nombre de
questions, ou aller un peu plus au fond des choses. Plusieurs collègues
m'ont indiqué qu'ils voulaient s'adresser à vous. Je me vois dans
l'obligation de vous demander de conclure dans la prochaine minute.
M. Chartrand: M. le Président, vous allez me permettre
peut-être 45 secondes.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chartrand: Je voudrais parler des agences de renseignements
personnels, bien sûr. Par ailleurs, en ce qui a trait à
l'obligation imposée aux agences de renseignements personnels
d'écrire à toutes les personnes sur lesquelles elles
détiennent un dossier afin de les informer de leur droit d'accès
et de rectification, Équifax est d'avis qu'il s'agit d'une exigence
démesurée. Un tel exercice lui coûterait au bas mot 6 000
000 $, en plus d'accroître sensiblement les risques d'atteinte à
la vie privée en raison des nombreux changements d'adresse des
consommateurs. En bout de piste, ce sont les citoyens du Québec qui
paieraient pour ces mesures. Pourtant, le mécanisme des avis publics
publiés dans l'ensemble des régions du Québec offre les
mêmes avantages à moindres frais.
Et vous allez me permettre de conclure, M. le Président, en
disant qu'au terme de son analyse du projet de loi 68 Équifax Canada,
tout en souscrivant au principe de la protection des renseignements personnels
dans le secteur privé, croit nécessaire d'inviter le gouvernement
législateur à réévaluer son intervention. Acceptant
une intervention législative limitée aux renseignements
sensibles, conformément à ce que prévoient les
recommandations de l'OCDE, Équifax pense qu'il serait extrêmement
dommageable pour l'économie du Québec de vouloir
réglementer la cueillette, l'utilisation et la communication des
renseignements personnels dans tous les secteurs d'activité.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chartrand.
M. le ministre, sans plus d'ambages.
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président.
M. Chartrand, M. Globensky, bienvenue à cette commission
parlementaire. Je dois vous dire que ça prend un petit peu de courage
par les temps qui courent. Merci d'être là pour répondre
à nos questions.
D'entrée de jeu, je voudrais dire qu'à l'article 103 du
présent projet de loi je n'ai pas vu, moi, l'obligation d'écrire.
Si je le lis avec vous, c'est inscrit: «Tout agent de renseigne- ments
personnels doit, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du
présent article, informer chaque personne concernée». Je
suis ouvert à des suggestions de ce côté-là; je suis
ouvert à des suggestions. (15 h 30)
Lorsqu'on s'était rencontrés, le 15 octobre 1991, je crois
que c'était M. Globensky qui nous décrivait sommairement... Non,
excusez, pas sommairement, en détail, comment ça fonctionne au
niveau de la cueillette et de la validation des informations. Si vous me
permettez, je vais citer, à la page 1802, le témoignage de M.
Globensky qui, toujours dans le cadre, évidemment, de cette
possibilité de corriger, pour le consommateur, les informations qui s'y
retrouvent, nous décrivait comment ça fonctionne. Donc, il dit,
et je le cite: «Le consommateur a droit d'accès à sa fiche
de crédit, a le droit de contester, de faire vérifier et
corriger, s'il y a lieu, toute information qui s'y trouve. Si, après
vérification, une divergence d'opinions subsiste entre la source
d'information et le consommateur, ce dernier peut faire inscrire sa version des
faits à la fiche. Toute modification faite à la fiche est
communiquée à un client qui a déjà obtenu
l'information.» En moyenne, il y a 2300 demandes qui sont faites par
mois.
Ma question, et vous l'avez expliqué rapidement dans votre
intervention, concerne le témoignage de Mme Rozon, concerne
précisément cette question, cette possibilité pour le
consommateur de pouvoir corriger des informations. Et, aux galées du
Journal des débats, à l'occasion de la présentation
de Mme Rozon - je ne lirai pas tout ça, sauf que je vais me permettre de
vous citer un cas - elle dit: «Les institutions financières - et,
d'ailleurs, parce que vous nous avez dit que vous aviez la possibilité
de corriger ça, ça va vous permettre, justement, de
répondre immédiatement à cette affirmation - en
transmettant l'expérience bancaire d'un client, se fient exclusivement
à la bonne foi d'Équifax et Équifax, en transmettant les
informations aux entreprises membres, se fie exclusivement à leur bonne
foi. On ne voit aucune vérification quant à la pertinence pour
l'entreprise de connaître la situation financière du consommateur
ni si elle a obtenu son consentement. Seul le consommateur, en consultant son
dossier de crédit, peut se rendre compte qu'on a effectivement
demandé des informations sur son compte sans qu'il ait donné son
autorisation et sans qu'il ait même fait affaire avec l'entreprise.
«Nous avons donc reçu quelques plaintes à ce
sujet-là. M. Beauregard a constaté que trois entreprises avec
lesquelles il n'a jamais fait affaire avait consulté son dossier de
crédit. Après avoir demandé des explications à
Équifax, on lui explique tout simplement qu'on n'a pas à lui
fournir de preuve à l'effet qu'il aurait ou non donné son
consentement à ces entreprises. À chaque fois que M. Beauregard
doit faire une
demande pour obtenir un prêt, on lui demande des explications sur
les raisons pour lesquelles ces entreprises ont eu accès à son
dossier de crédit. Il ne sait pas quoi répondre parce qu'il ne le
sait pas lui-même.»
Plus loin, on dit: «D'autres consommateurs se sont
également plaints du manque total de contrôle qu'ils ont sur le
contenu de leur dossier de crédit et des conséquences importantes
qui peuvent en découler. M. Aubry, par exemple, après
s'être fait refuser un prêt, a consulté son dossier de
crédit. Il constate qu'une seule information y est indiquée et
concerne un jugement qui a été rendu en 1988 pour une dette de
240 $, dette qu'il a, par ailleurs, remboursée. Preuve à l'appui,
M. Aubry a demandé à Équifax d'inscrire dans son dossier
des informations relatives à un prêt de 13 000 $ qu'il avait
contracté, remboursé au complet et sans aucun retard, ainsi qu'un
autre prêt de 3000 $ également remboursé sans retard.
Équifax a refusé d'ajouter ces informations dans son dossier de
crédit, ce qui aurait permis, par ailleurs, à M. Aubry d'obtenir
une meilleure cote de crédit. En conséquence, pour obtenir son
prêt, M. Aubry a dû faire appel à un des membres de sa
famille pour qu'il soit endossé.»
Qu'en pensez-vous?
Le Président (M. Doyon): M. Chartrand ou M. Globensky,
comme vous voudrez.
M. Chartrand: Je vais laisser parler M. Globensky concernant le
consentement et peut-être répondre aux commentaires que vous avez
faits au départ, sur ce qu'il avait déclaré au
préalable.
Le Président (M. Doyon): M. Globensky.
M. Globensky (Michel C): Bien, voici, dans le cas de M.
Beauregard ou Dandurand?
M. Cannon: M. Aubry et M. Beauregard.
M. Globensky: M. Beauregard. Dans le cas de M. Beauregard,
effectivement, il y avait trois demandes de renseignements à sa fiche.
Il a demandé comment il se faisait que ces gens-là avaient
demandé des renseignements à son sujet sans son consentement. On
a tâché de lui faire comprendre qu'au Québec, dans le
moment, au niveau législatif, il n'y a pas un besoin de consentement.
Nous avons vérifié avec les trois entreprises en question et nous
avons confirmé qu'il s'agissait de demandes légitimes
d'informations. Dans un cas, M. Beauregard nous a dit qu'il ne connaissait pas
l'entreprise en question et, aussi étrange que ça puisse
paraître, il s'agissait d'un ancien employeur à lui. Alors, les
trois demandes étaient, en fin de compte, légitimes et
appartenaient bien à la fiche de M. Beauregard.
Dans le cas de M. Aubry, il y a là encore quelque chose qui nous
paraît tout à fait un problème de communication. Nous avons
fait une vérification de sa fiche de crédit aussitôt que
nous avons appris qu'il y avait contestation, la semaine dernière. M.
Aubry a communiqué avec nous à deux reprises, si ma
mémoire est fidèle, la première fois en 1989, la
deuxième fois en janvier 1992, pour avoir accès à sa fiche
de crédit. Je vois, à sa fiche de crédit, trois
inscriptions d'expérience de prêts bancaires qui ont
été payés. Ces inscriptions-là ont
été faites en janvier 1992. Alors, comment M. Aubry peut dire que
nous avons refusé d'inscrire ça à sa fiche? Je me
l'explique mal. Et j'anticipe peut-être certaines personnes qui
pourraient dire que nous avons inscrit ces renseignements-là la semaine
dernière. Nous avons la technologie voulue pour prouver que ces
renseignements-là sont dans le dossier depuis des mois et des mois, plus
exactement depuis janvier 1992.
M. Cannon: Ce que vous me dites, c'est que, de façon
générale et de façon spécifique, vous corrigez les
dossiers.
M. Globensky: Absolument. M. Cannon: Preuve à
l'appui?
M. Globensky: Nous demandons au consommateur qui nous dit: Bien,
telle chose est payée, s'il a une quittance. Il n'est pas forcé
de nous fournir une quittance. S'il a une quittance, évidemment,
ça active les choses. S'il ne veut pas ou ne peut pas fournir une
quittance, nous allons vérifier à la source pour confirmer que
ça a été payé, nous inscrivons le fait que c'est
payé et nous invitons le consommateur à inscrire une explication,
pourquoi il y a eu un compte mal payé.
Le Président (M. Doyon): M. Chartrand. M. Chartrand:
M. le Président... Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Chartrand: ...j'ai voulu mentionner au départ que, dans
l'information qui vous a été circulée ou qui va vous
être circulée plus tard, vous avez tous les détails des cas
dont Mme Rozon a fait mention la semaine dernière, et M. Globensky a
voulu, en fait, disons, en faire un sommaire.
Quant au consentement, j'ai également dit au ministre que nous
étions disposés à ce que la notion de consentement ou
d'avis soit inscrite dans une nouvelle loi, ce qui n'existe pas à
l'heure actuelle.
M. Cannon: M. Chartrand, j'ai ici, moi, la convention de services
Équifax Canada inc.,
convention de services qui est signée par les entreprises, types
de commerces, etc. J'imagine que vous êtes familier avec ça. Et
vous indiquez dans cette convention que vous ne pouvez assurer l'exactitude des
renseignements qui sont fournis. Est-ce que c'est pratique courante, ça,
ou est-ce que vous tentez d'essayer de fournir les renseignements les plus
précis? Pourquoi il y a cette disposition-là?
M. Chartrand: C'est sûr que l'on tente de fournir les
renseignements les plus exacts possible. Il faut bien préciser ici que
les informations nous viennent, dans la grande majorité, des
institutions financières avec qui le consommateur a transigé ou
transige. Il peut arriver, dans certains cas, que l'information qui nous est
fournie soit incomplète, dans certains cas peut-être inexacte. Un
exemple. Si vous avez un compte avec un grand magasin, vous avez une carte de
crédit, vous l'utilisez. Vous avez fait des changements dans votre vie,
vous avez changé d'adresse, vous n'avez pas averti l'institution en
question, la malle vient encore à l'ancienne adresse. Vous avez fait
d'autres changements dans votre vie, vous n'avez pas averti l'institution
financière en question. Cette institution financière là va
nous fournir des renseignements qui vont possiblement être
incomplets.
M. Cannon: La fréquence des renseignements, est-ce que
c'est hebdomadaire, bimensuel, mensuel, annuel?
M. Chartrand: Vous voulez dire...
M. Cannon: C'est quoi la fréquence de ces
renseignements?
M. Chartrand: Si vous parlez des bandes magnétiques, c'est
30 jours. À tous les mois. La plupart des institutions
financières nous fournissent les informations à jour tous les 30
jours. Dans certains cas très isolés, 60 jours, mais, dans la
grande, grande majorité des cas, c'est à tous les 30 jours.
M. Cannon: Merci. Je vais peut-être revenir plus tard.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Alors, vous avez parlé des rumeurs et des
critiques des derniers mois. Je voudrais y revenir quelque peu. D'abord, une
première question. Si Radio-Canada ne nous avait pas appris que de vos
agents se faisaient passer pour des fonctionnaires de Revenu Québec pour
obtenir frauduleusement des renseignements de proches de personnes - vous
faisiez du recouvrement pour le compte d'Hydro-Québec - est-ce que j'ai
raison de penser que vous le feriez encore?
(15 h 40)
M. Chartrand: M. le Président, évidemment, c'est
une hypothèse. C'est une situation hypothétique. Je peux vous
dire, à ce moment-là, qu'à l'intérieur de chez nous
il existe un département de vérification interne dont le travail
est, justement, de vérifier les procédures qui sont en place, de
vérifier les systèmes qui sont en place. Je ne peux vous dire non
plus depuis combien de temps ça existait, mais je peux vous dire
qu'éventuellement on aurait sûrement mis à jour cette
pratique qui était illégale. Et je veux vous assurer encore une
fois que, dans le cas présent, ce sont des pratiques qui étaient
complètement inconnues de nous et que, du moment qu'on en a pris
connaissance, l'enquête interne a été faite dans les 5 ou 6
jours qui ont suivi et il y a un total de 10 personnes qui ont
été congédiées.
M. Bourdon: mais, de deux choses l'une, dans le fond, ou bien
vous ne le saviez pas, puis c'est très inquiétant parce que vous
avez des dossiers sur 15 000 000 de personnes, ou bien vous le saviez, puis le
seul reproche que vous faites à ceux dont vous vous êtes
séparés, c'est de s'être fait prendre, dans le fond.
M. Chartrand: M. le Président, il faut préciser. Il
y a deux choses, là, je ne voudrais pas qu'on mélange les pommes
puis les oranges. Le département de dépistage chez Équifax
n'a rien à faire avec la banque de données. La banque de
données est une chose, le département de dépistage en est
une autre, où on avait un certain nombre d'employés dont le
travail était d'essayer de localiser des débiteurs. Ces
gens-là font ce travail-là, c'est-à-dire d'essayer de
localiser les personnes. Il n'y a aucune relation. Les 15 000 000 de
données qu'il y a dans la banque de données, il y a tout un
système de sécurité, de codes d'accès et tout le
restant qui est en place et ce n'est aucunement mêlé au travail de
dépistage de débiteurs.
M. Bourdon: Si je vous suis bien, la banque de données
ignore ce que font les dépisteurs, puis Équifax ignorait aussi ce
que faisaient les dépisteurs illégalement. Parce que, dans le
fond, il y avait une dizaine de personnes d'impliquées puis elles
allaient chercher des renseignements en utilisant des moyens illégaux.
Et comment pouvez-vous expliquer qu'Équifax n'ait pas su ce qui se
passait en son sein?
Parce que ce n'est quand même pas petit de faire de la fausse
représentation, de la supposition de personnes, de l'usurpation
d'identité pour abuser de personnes puis obtenir des renseignements pour
le compte d'un client. Vous le saviez ou vous ne le saviez pas? Comment
ça se fait que vous ne le saviez pas, puis que ça con-
cernait une dizaine de personnes? Est-ce qu'elles le faisaient pour leur
profit, ça, ou si elles le faisaient pour le compte de l'entreprise qui
doit leur fixer comme objectif de retrouver les gens qui n'ont pas payé
leur facture d'électricité?
M. Chartrand: Alors, vous savez, M. le Président, que ces
demandes-là, dans la majorité des cas - parce que ça a
été publicise - c'était pour le compte d
Hydro-Québec. Lorsqu'on reçoit une demande d'Hydro-Québec
pour la localisation d'un débiteur, vérification est faite si on
peut être aidé par une nouvelle adresse qui existe dans le
dossier. À partir de ce moment-là, l'enquête est
donnée à une personne dont le travail consiste à localiser
le débiteur. Alors, à partir de ce moment-là,
l'employé travaille à faire justement la localisation du
débiteur.
Si, dans le cas présent, le ou les employés ont
décidé d'eux-mêmes d'utiliser des pratiques qui
étaient illégales, c'est-à-dire, à ce
moment-là, en se présentant comme étant des personnes
travaillant pour un organisme gouvernemental ou un ministère
gouvernemental qui était faux, ils ont décidé
d'eux-mêmes de faire une chose comme ça ou de même entrer en
contact avec un fonctionnaire public et d'être en mesure d'avoir
accès à des informations qui étaient
privilégiées, ce qui était illégal, cette
initiative-là, qui a été faite par un groupe
d'employés, a été faite par ce groupe d'employés
qui le faisaient dans l'exercice de leurs fonctions.
Quels bénéfices ils en recevaient? Ces
employés-là travaillaient. Bien sûr que l'évaluation
de leur performance était basé sur le travail que ces
personnes-là faisaient et le degré de succès que ces
personnes-là avaient à localiser les débiteurs en
question. C'était, pour nous, l'employeur... En fait, on leur donnait
une somme de travail à effectuer, ils avaient des instructions à
savoir comment faire leur travail et ce qui s'est passé, dans le cas
présent, c'est que ces personnes-là ont pris des initiatives qui
étaient ni connues de l'employeur... certainement pas cautionnées
par l'employeur pour faire leur travail.
M. Bourdon: Maintenant, si Le Devoir ne nous avait pas
appris que de vos employés échangeaient des informations
confidentielles avec des fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre
et de la Sécurité du revenu ou achetaient des informations de
fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, ma question est double: Est-ce que ça
se ferait encore et, deuxièmement, n'est-il pas vrai qu'il est de la
nature de vos rapports avec ce ministère que vous donniez des
renseignements contre des renseignements puis qu'ils vous en fournissent,
à l'occasion, beaucoup par rapport à ceux que vous leur
fournissez?
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Globen-sky.
M. Globensky: Si M. Bourdon fait allusion aux services que nous
rendons à différents ministères de la province de
Québec - des services d'informations de crédit - il faut bien
préciser que tout renseignement qui nous est fourni sous forme
d'interrogation par quelque ministère que ce soit, aucun de ces
renseignements-là ne sert à enrichir notre base de
données. L'interrogation même faite par un ministère
demeure inconnue de qui que ce soit au niveau de notre clientèle. Il y a
seulement le consommateur, lorsqu'il se présente ou qu'il prend
connaissance de son dossier de crédit, qui va apprendre qu'un
ministère ou un autre ministère a demandé des
renseignements à son sujet. Alors, il n'y a aucune information qui nous
est fournie par quelque ministère que ce soit qui entre dans notre
banque de données d'informations de crédit.
M. Bourdon: Mais ça, c'est ce dont vous avez connaissance.
Mais il y a de vos employés qui obtenaient des renseignements par des
moyens frauduleux, puis vous n'en aviez pas connaissance. Puis, là,
l'ACEF-Centre nous dit que, pour 60 $, à peu près n'importe qui
peut avoir accès aux données de crédit d'autres personnes.
Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça? Parce que,
eux, ils se sont facilement inscrits, ils ont donné 60 $, puis,
après ça, ils ont demandé les renseignements de
crédit sur qui ils voulaient.
M. Chartrand: Oui. M. le Président, je suis bien à
l'aise de parler de cette question-là. J'ai mentionné, tout
à l'heure, qu'il y avait 40 % des demandes d'adhésion qui
étaient rejetées.
Dans le deuxième cas, si vous parlez du cas de l'ACEF - et,
encore une fois, vous allez m'obliger à mentionner ce que j'aurais
à mentionner - c'est que l'ACEF a demandé un
«membership» chez nous sous de fausses représentations.
L'ACEF est venue chez nous en nous disant qu'ils avaient un besoin pour des
informations sur des personnes pour qui ils agissaient comme étant les
consultants financiers. On s'est aperçu, un peu plus tard, que les
quatre seules demandes d'enquête que l'ACEF avait faites, c'était
sur quatre employés de l'ACEF. Et, quand on s'en est aperçu, on a
immédiatement cancellé le «membership» de l'ACEF.
C'est la réponse.
M. Bourdon: Vous êtes plus sévères avec
l'ACEF qu'avec Hydro-Québec. L'ACEF nous rapporte aussi qu'à
l'occasion il y a des personnes, par exemple, qui demandaient, avec l'accord de
Esso, qu'une information fausse soit enlevée de leur dossier. Vous avez
refusé. Dans un autre cas, c'était avec l'accord d'une entreprise
d'assurances. Vous avez refusé. Puis, hier, j'ai vérifié
avec un ami personnel qui avait quittance d'une dette que vous rapportiez
impayée dans votre rapport de crédit. Vous lui avez refusé
la
correction et votre préposé lui a dit: On peut faire un
ajout, ça va vous nuire. Et c'est de pratique courante qu'au lieu
d'enlever un renseignement faux des rapports que vous préparez vous
disiez aux gens: On peut mettre votre version, vous allez vous caler
davantage.
Alors, ça, vous ne pensez pas que ça prendrait une loi
pour dire que, quand vous vous êtes trompés - vous n'êtes
pas infaillibles - vous corrigez vos erreurs? Ça «serait-u»
possible aussi qu'on ait des garanties qu'il n'y ait plus de vos
préposés qui vont obtenir des renseignements par des moyens
illégaux et frauduleux? Qu'il va arrêter d'y avoir aussi de vos
préposés qui donnent des pots-de-vin pour obtenir des
renseignements confidentiels ou qui en échangent? Autrement dit, est-ce
que ça ne prendrait pas une loi pour que, advenant qu'un citoyen soit
trompé ou lésé par Équifax, la Commission
d'accès à l'information rende une décision? Parce qu'on ne
peut pas dire que votre crédibilité est forte quand on sait que
tout ce que vous nous répondez, dans le fond, ça peut être
comme dans le cas d'Hydro-Québec ou du ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu; vous ne savez pas tout
ce qui se passe chez vous.
Le Président (M. Doyon): M. Chart rand. (15 h 50)
M. Chartrand: M. le Président, en fait, la réponse
a déjà été donnée au ministre un peu plus
tôt. Permettez-moi de la reprendre. Le consommateur avait un compte en
souffrance depuis plus de cinq mois avec une entreprise
pétrolière. Après des pourparlers avec cette entreprise,
le consommateur a finalement payé son compte et, à la demande des
parties, Équifax a modifé la cote de crédit à
l'égard de ce compte de manière à refléter cette
nouvelle situation. Ça, c'est un des comptes de l'ACEF la semaine
dernière.
Dans le second cas, il s'agissait d'une compagnie d'assurances qui nous
avait demandé un compte en recouvrement. Le consommateur a finalement
payé son dû, mais a demandé à son créancier
de faire retirer cette inscription de son dossier. Malgré qu'une
employée subalterne de la compagnie d'assurances en question nous ait
demandé de retrancher l'information du dossier, les autorités
supérieures de la même compagnie nous ont requis de laisser cette
inscription parce qu'elles étaient d'avis qu'il y avait eu faute de ia
part du consommateur et que celui-ci n'avait nullement pu justifier son
retard.
Le troisième exemple soumis par l'ACEF pour dénoncer nos
pratiques concernait un consommateur qui se plaignait du fait que sa fiche de
crédit avait été communiquée à trois
entreprises sans son consentement. Or, au Québec, il n'existe aucune loi
qui requiert un tel consentement, et on en a parlé tout à
l'heure. Au surplus, les trois communications reprochées ont
été faites à la demande d'entreprises fiables qui avaient
des motifs légitimes de requérir des informations. Notons de plus
que toutes les informations au sujet de ce consommateur ont été
vérifiées et qu'elles étaient exactes, complètes et
à jour.
Enfin, le quatrième cas était celui d'un consommateur dont
la fiche de crédit mentionnait un jugement à régler et qui
reconnaissait la véracité de cette information. Il a cependant
demandé à Équifax d'ajouter à son dossier de
crédit une mention à l'effet qu'il avait rempli ses obligations
correctement et à au moins trois reprises auprès d'autres
institutions et commerçants. Équifax a procédé
à cette vérification et a volontairement inscrit dans le dossier
de ce consommateur qu'il avait effectivement eu une expérience de
crédit favorable avec ces trois institutions ou commerçants. Et
c'est l'exemple dont M. Globensky a fait mention tout à l'heure. Nos
registres démontrent que cette mention a été inscrite dans
la fiche de ce consommateur au cours du même mois de sa demande à
cet effet.
Alors, quand on nous dit à ce moment-là que,
effectivement, on refuse d'enlever des informations ou de rajouter des
informations, encore faudrait-il vérifier et obtenir l'information d'une
façon complète.
Quant à savoir à ce moment-là qu'est-ce qu'on va
faire pour empêcher que nos employés fassent usage de
méthodes qui sont illégales, certainement non acceptées
chez nous, je ne peux pas vous en donner une garantie. Je ne peux pas vous en
donner une garantie totale, comme je ne peux pas empêcher que quelqu'un
va «chauffer» à 150 milles à l'heure pour s'en
retourner chez lui ce soir.
Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a, à
l'intérieur de chez nous, un département de vérification
interne qui fait uniquement ça, de vérifier les systèmes,
les procédures qui sont en place et que, si jamais on s'aperçoit
qu'effectivement il y a quelque chose qui n'est pas correct, qui n'est pas
selon les politiques de la compagnie, on prend une action qui est
immédiate. On est dans le domaine de l'information; je pense qu'on
peut... et je l'ai déjà dit ici, on est des professionnels de
l'information. On vit en fonction de l'information que l'on recueille et que
l'on donne aux institutions financières afin d'aider les consommateurs
à effectuer des transactions d'affaires. C'est notre business à
nous. Alors, on n'a pas d'intérêt vraiment à faire des
choses à moitié et on n'a pas d'intérêt à
garder dans nos dossiers des informations inexactes, incomplètes ou
erronées.
Le Président (M. Doyon): Dernière intervention, M.
le député.
M. Bourdon: S'il n'en tient qu'à moi, on va vous aider
à le faire par une loi parce qu'il est évident qu'il y a des abus
et il est évident que ça prend une loi pour protéger le
consommateur.
Puis, une dernière question: De quel droit fournissez-vous
à tout un chacun le numéro de carte de crédit de
personnes, ce qui les exposent à voir leur numéro de carte de
crédit utilisé par d'autres?
M. Globensky: M. le Président, je peux répondre
là-dessus que, depuis le 23 février, les numéros de cartes
de crédit ne paraissent dans les fiches et ne sont transmis qu'à
nos clients qui sont abonnés chez nous, d'ordinateur à
ordinateur. Ce qui veut dire que, dans au moins 50 % ou plus des cas, les
numéros de cartes de crédit ne sont plus transmis aux clients.
C'est un changement que nous avons demandé l'automne dernier. Ça
prend évidemment du temps pour faire de la programmation pour ce
faire.
Alors, ça a été en deux phases: la première
phase pour couvrir les clients qui ont accès chez nous par terminal
éloigné; la deuxième phase va être les
abonnés, qui sont les institutions financières majeures, qui sont
en communication avec nous d'ordinateur à ordinateur.
M. Bourdon: Est-ce à dire que, si je suis un
employé d'une banque qui communique avec vous par ordinateur, j'ai le
droit d'avoir les numéros de cartes de crédit de plusieurs
dizaines de personnes par votre entremise?
M. Globensky: Comme je l'ai mentionné, M. le
Président, la phase I est complétée. La phase II, la
programmation relativement à nos clients d'ordinateur à
ordinateur, est beaucoup plus compliquée, mais nous n'avons pas voulu
attendre parce que nous avons reconnu de nous-mêmes, l'automne dernier,
qu'il s'agissait de renseignements sensibles et que nous devions agir afin
d'éviter des problèmes.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Globensky.
M. le député de Richelieu. Il reste deux minutes pour
votre collègue de Saint-Hyacinthe et vous.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Ça va être
une question très courte mais à deux volets. Dans le premier
volet...
Une voix: C'est mal parti.
M. Khelfa: ...suite à l'intervention du ministre et celle
de mon collègue de Pointe-aux-Trembles qui mentionnent qu'il y a des cas
qui étaient corrigés et que ça reste quand même dans
la banque de données, combien de temps cette banque de données
conserve-t-elle l'information? À quel moment vous allez
«flusher», vous allez tirer la «flush» sur les
données? Ça, c'est mon premier volet.
Deuxième volet de ma question: Êtes-vous capable de nous
donner à peu près l'ampleur ou bien un exemple des
conséquences que la loi 68 peut engendrer sur une transaction
commerciale au niveau du commerce et du consommateur?
M. Chartrand: M. le Président, quand on parle de la
durée du temps où l'information est gardée en dossier, le
système est ainsi conçu qu'il a des règles de purge, ce
qui veut dire que, dépendant de la nature de l'information, cette
information-là est détruite après un temps qui est bien
spécifique. Il n'existe rien, dans la loi québécoise, qui
nous force à détruire ce genre d'information après un
certain temps. On s'est inspiré de la loi ontarienne. Et, pour vous
donner un exemple, une information sur un jugement est éliminée
du dossier après une période de 7 ans; une information sur une
faillite est éliminée du dossier après 7 ans
également; dans le cas d'une deuxième faillite, 14 ans; une
information concernant un compte en perception est détruite après
4 ans. Alors, il y a tout un ensemble de règles de purge qui existe, qui
fait partie du système informatisé et qui fait en sorte que les
informations sont détruites d'une façon systématique et
automatique.
Quant aux effets de la loi 68, ce qu'on a mentionné tout à
l'heure, si, effectivement, ça exige un consentement pour que
l'information nous soit donnée et que ce consentement-là n'est
pas obligatoire, on pourrait peut-être supposer que, à un moment
donné - on l'a mentionné - ça voudrait peut-être
dire, à toutes fins pratiques, l'élimination des bureaux de
crédit ou des agences d'informations. Ça pourrait peut-être
vouloir dire que, lorsqu'on recevra une demande d'enquête, il nous
faudra, d'une façon manuelle, entrer en communication avec toutes les
compagnies avec qui le consommateur aura eu affaire dans le passé,
c'est-à-dire les compagnies qu'il voudra bien nous fournir. Et il
faudrait communiquer d'une façon manuelle avec ces institutions
financières là, obtenir leur expérience de crédit
pour la fournir à l'institution financière qui demande
l'information. Si on pense, à ce moment-là, au temps que
ça peut requérir, une chose comme ça, il n'est pas anormal
de dire, il n'est certainement pas exagéré, en tout cas, de dire
que ça pourra prendre une ou deux semaines, alors qu'à l'heure
actuelle...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chartrand.
M. Chartrand: ...c'est une question de temps.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, l'inquiétude importante soulignée
par Équifax aujourd'hui est l'application de l'article 103. Je pense que
le ministre nous
doit aussi une précision là-dessus parce qu'il vient de
dire quelque chose qui est un peu différent de ma perception de
l'article 103. (16 heures)
L'article se lit comme suit: «103. Tout agent de renseignements
personnels doit, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du
présent article, informer chaque personne concernée par un
dossier qu'il détient, de l'existence de ce dossier et du droit de
consultation et de rectification que cette personne peut exercer, le cas
échéant.»
Alors, Équifax a écrit dans son mémoire, avec
raison, je crois... Elle a écrit: Concrètement, ces dispositions
impliquent qu'Équifax devra écrire, dans l'année qui suit
l'entrée en vigueur de cet article, à des millions de personnes -
au Québec, je présume - au sujet desquelles elle détient
un dossier de crédit. Et vous avez dit que ça va coûter
à votre organisme 6 000 000 $. Mais c'est quoi, exactement, votre calcul
de ces 6 000 000 $?
M. Chartrand: C'est basé sur le nombre de dossiers que
l'on a...
M. Libman: Au Québec?
M. Chartrand: ...les frais de poste et, évidemment, le
nombre de retours qu'il va y avoir, et notre obligation, bien sûr,
d'essayer d'entrer en communication avec ces consommateurs-là d'une
autre façon que par la poste.
M. Libman: O.K. Merci.
M. Chartrand: Alors, ce faisant, là, le nombre de dossiers
que l'on a sur les gens au Québec, les frais postaux et tout le restant,
on en est venu à la conclusion que ça coûterait environ 6
000 000 $.
M. Libman: En présumant qu'il y a l'article 103, vous
devrez contacter ces personnes par écrit, mais... Alors, c'est ça
la précision que je demande au ministre, M. le Président. Il
vient de dire que l'article 103 ne parle pas de l'importance de contacter par
écrit. Alors, moi, j'ai toujours eu l'impression que c'était le
cas avec 103, et peut-être qu'il souligne ce fait. Ça nous montre
qu'il y a un peu d'ambiguïté concernant l'article 103.
Peut-être qu'il peut nous informer comment on peut informer chaque
personne d'un dossier qu'on détient, si ce n'est pas par
écrit.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee, il y aura l'étude article par article du projet de loi et,
à ce moment-là, le ministre sera en mesure de répondre
à vos questions. Le but de l'exercice, actuellement, est de discuter
avec les gens que nous invitons et non pas d'interpeller le ministre pour des
explications sur les articles.
Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la
parole.
M. Libman: M. le Président, juste en terminant mes cinq
minutes, si je peux terminer...
Le Président (M. Doyon): Vos cinq minutes sont
terminées.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Messier: Merci.
M. Libman: Quelle délicatesse par le président de
notre commission!
Le Président (M. Doyon): Non, c'est fini.
M. Messier: Merci, M. le Président.
Pour connaître un petit peu l'ampleur - vous parlez de 6 000 000 $
- c'est quoi, le nombre de dossiers que vous avez sur les
Québécois? Combien de dossiers fichés vous avez au
Québec?
M. Globensky: Je n'ai pas le chiffre avec moi, mais la
réponse standard qu'on dit là-dessus, c'est que tout adulte qui a
déjà fait affaire à crédit, normalement, devrait
être fiché au bureau de crédit.
M. Messier: Donc, c'est l'ensemble des Québécois et
des Québécoises qui sont sur le marché du travail, donc
une couple de millions.
M. Globensky: En effet.
M. Messier: Donc, c'est l'ensemble du Québec, qui oeuvre
au Québec, sur qui vous avez un fichier. Je voudrais savoir... Vous avez
parlé tout à l'heure des formes de rémunération au
niveau du recouvrement. Est-ce que vous avez bien dit que les gens qui
travaillent chez vous travaillent au mérite, c'est-à-dire qu'ils
ont des «case loads», donc plus de cas ils ont trouvés, et
la forme de rémunération est en fonction du nombre de cas qu'ils
ont trouvés, et tout ça, ou si c'est une forme de salaire
hebdomadaire, et tout ça? Est-ce qu'il y a une forme de
rémunération au mérite, c'est-à-dire: plus de cas
ils trouvent, plus le salaire est augmenté en conséquence?
M. Chartrand: Bien, les deux, M. le Président. C'est un
salaire fixe et un système de boni qui vient s'ajouter au salaire.
M. Messier: En fonction du nombre de cas qu'ils ont
trouvés?
M. Chartrand: En fonction...
M. Messier: Donc, ça favorise un...
M. Chartrand: ...du nombre d'enquêtes qu'ils
complètent, en fonction également d'autres critères. Il y
a une évaluation de performance qui se fait également.
M. Messier: Et la performance est liée aux cas qu'ils ont
trouvés. Ça favorise la fraude. Je veux dire que l'homme...
Où il y a de l'homme, il y a de r«hommerie», donc, dans le
sens que, si, effectivement, on peut augmenter son salaire en fonction du
nombre de cas, donc on peut inciter, comme le député de
Pointe-aux-Trembles, on peut inciter des gens, peut-être, à
frauder le système, donc à augmenter leur
rémunération en fonction de la forme de
rémunération que vous donnez à vos employés. Donc,
il y a peut-être une déficience à ce niveau-là.
M. Chartrand: J'avoue, en fait, qu'il y a, évidemment, ce
danger-là, mais je pense que le système d'«incentive»
ou le système de bonus dans l'entreprise privée, c'est vraiment
de pratique courante. On ne le fait pas uniquement dans le département
ou dans l'unité de dépistage, on le fait également dans le
service de recouvrement. On le fait également dans d'autres secteurs
d'opération chez Équifax, tout simplement parce que, bien
sûr, on essaie de favoriser l'incitation à offrir une performance
supérieure.
M. Messier: Peut-être deux petits points encore.
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député, c'est terminé.
M. Messier: Oui. Merci, M. le Président.
Est-ce que vous êtes soumis à des mécanismes de
vérification externe? Je veux dire, vous avez M. Globensky qui travaille
à l'interne, aux vérifications internes. Est-ce que des gens de
l'extérieur vérifient vos opérations, à savoir
qu'effectivement il n'y a pas de mécanisme à l'intérieur
pour favoriser soit la fraude ou la divulgation de données telles
quelles?
M. Chartrand: Oui. Il existe, bien sûr, l'Office de la
protection du consommateur; il existe la loi sur les agents de collection; il
existe la Loi sur les agences d'investigation et de crédit; il y a, bien
sûr, la Commission d'accès à l'information qui s'occupe du
fichier central du sinistre automobile et, en plus de tout ça, il existe
des vérificateurs externes que l'on a chez nous qui, deux fois par
année, viennent s'enquérir et puis s'assurer, à ce
moment-là, que le travail est bien fait. On a engagé
également... Quand j'ai parlé du docteur Allan Westin
dernièrement, on lui a donné un mandat de faire une
vérification à l'interne de toutes nos poli- tiques, nos
systèmes en termes de sécurité et en termes de protection
de vie privée également, et il est en train de faire son travail
présentement. En fait, c'est le mandat qu'on lui a confié
dernièrement.
M. Messier: O.K. Peut-être le dernier point. J'ai
appelé chez Équifax ce matin pour vérifier mon dossier et
j'ai appris que j'étais un délinquant, peut-être un petit
délinquant, parce que le nombre d'opérations qu'on fait dans une
année, un député... Non, non, mais avec le nombre
d'opérations qu'on peut faire, être classé R2 et ne pas le
savoir, c'est fatigant, ça. J'ai appelé ce matin, et ça
m'a fatigué royalement. J'ai payé un compte; entre 30 et 60 jours
il a été acquitté, sur, je ne sais pas... On peut faire
500 à 600 transactions bancaires, nous autres, les
députés, parce qu'il y a tous les bureaux de comté et nos
comptes personnels; et là j'ai appris que j'étais R2, donc plus
que 30 jours, moins que 60 jours. Et dans combien de temps vous allez effacer
ça? Dans 7 ans?
M. Chartrand: Oui.
M. Messier: Merci. Ça a été fait il y a 2
ans, donc possiblement qu'il me reste 5 ans.
Une voix: Le temps d'un mandat. Une voix: À tout
péché miséricorde.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, il me reste - et
nous avons dépassé le temps - à remercier les gens
d'Équifax. La discussion a été animée et fort
utile. Je suspends les travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 7)
(Reprise à 16 h 13)
Le Président (M. Doyon): Nous reprenons nos travaux en
entendant les représentantes de la Corporation professionnelle des
conseillers et conseillères d'orientation du Québec. Je vois
qu'elles se sont avancées et qu'elles ont pris place. Je leur souhaite
la bienvenue. Il y a Mme Landry, je pense, et Mme Lacharité. Vous vous
identifiez pour savoir qui est qui, pour les fins du Journal des
débats, et nous allons partager le temps comme nous l'avons fait
jusqu'à maintenant, en essayant de le faire le plus
équi-tablement possible, ce qui n'est pas toujours facile. Vous disposez
donc de 10, 15, 20 minutes pour nous faire une présentation de votre
mémoire et, après ça, les parlementaires vont entreprendre
la discussion avec vous.
Vous avez la parole.
Corporation professionnelle des
conseillers et conseillères d'orientation du
Québec (CPCCOQ)
Mme Landry (Louise): Merci. Je suis Mme Louise Landry et,
à ma gauche, Mme Martine Lacharité, qui est secrétaire
générale à la Corporation. Je vous remercie de bien
vouloir nous entendre aujourd'hui.
Juste un petit mot. Nous sommes une corporation professionnelle à
titre réservé, régie par le Code des professions, et notre
mandat est de protéger le public en s'assurant de la qualité des
services professionnels offerts par nos membres et en garantissant au public
tous les droits de recours prévus aux lois professionnelles. Nous
comptons un peu plus de 1500 membres qui travaillent dans les secteurs public,
parapu-blic et privé aussi. Parmi l'ensemble des conseillers et
conseillères, 24 % d'entre eux offrent des services privés, et
nous estimons qu'au-delà de 35 % de nos membres seraient touchés
par le projet de loi 68, les autres étant soumis à la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
La Corporation professionnelle des conseillers et conseillères
d'orientation du Québec accueille favorablement le projet de loi 68
visant à protéger les renseignements personnels dans le secteur
privé. Ce projet de loi constitue un complément à la Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels et permet ainsi de couvrir l'ensemble des lieux
susceptibles de recueillir et de détenir des renseignements personnels.
Nous croyons que cela améliorera considérablement la protection
des individus au regard des dossiers pouvant être constitués
à leur égard et de la divulgation des renseignements les
concernant dans ces dossiers.
Nous désirons cependant exprimer nos inquiétudes en ce qui
a trait aux renseignements personnels détenus par les membres des
corporations professionnelles et ainsi soumis au secret professionnel en vertu
du Code des professions. Il nous est apparu que le projet de loi 68 ne tient
nullement compte du secret professionnel tel que prévu au Code des
professions et en affaiblit ainsi considérablement sa portée.
Cette protection des renseignements personnels a pourtant fait ses preuves et
s'est avérée la meilleure protection en matière de
renseignements personnels. Notre souci premier est de protéger les
renseignements confidentiels que nous détenons sur les individus
reçus en consultation professionnelle, et c'est dans cet esprit que nous
abordons l'analyse du projet de loi 68.
Rappelons d'abord que la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec stipule que chacun a droit au respect du secret
professionnel et que le Code des professions prévoit l'adoption d'un
code de déontologie qui impose à chaque professionnel des devoirs
d'ordre général et particulier envers le public et envers ses
clients, notamment le respect de certaines «dispositions visant à
préserver le secret quant aux renseignements de nature confidentielle
qui viennent à la connaissance des membres de la Corporation dans
l'exercice de leur profession». Ces dispositions, prévues au Code
des professions et à la Charte des droits et libertés de la
personne, sont en vigueur, respectivement, depuis 1973 et 1975. Elles sont
explicites et protègent efficacement les individus en ce qui a trait
à tout renseignement confidentiel les concernant.
Des mesures disciplinaires sont prévues par les lois
professionnelles et appliquées pour tout professionnel contrevenant
à ces dispositions. Cependant, le projet de loi 68 comporte plusieurs
articles remettant en question les dispositions précédentes en
les ignorant totalement. Ainsi, l'article 17 du projet de loi prévoit
une liste de neuf personnes ou organismes à qui il est permis de
communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne
concernée.
Prenons, à titre d'exemple, le paragraphe 4° prévoyant
la communication d'un renseignement personnel sans le consentement de la
personne concernée à un organisme public au sens de la Loi sur
l'accès aux documents, qui, par l'entremise d'un représentant, le
recueille dans l'exercice de ses attributions ou la mise en oeuvre d'un
programme dont il a la gestion. Cet article s'applique notamment à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail qui
gère un programme de prestations pour les personnes devant quitter leur
emploi, temporairement ou non, suite à un accident de travail.
La CSST fait fréquemment appel à des conseillers et
conseillères d'orientation en cabinet privé pour intervenir
auprès de ces personnes afin de les aider à se réorienter
et à envisager leur réinsertion au marché du travail.
Actuellement, le prestataire consultant un conseiller d'orientation dans le
cadre d'un programme de la CSST peut le faire en toute quiétude puisque
les dispositions législatives du Code des professions et de la Charte
protègent cette personne de toute divulgation de renseignements
confidentiels sans son consentement exprès. Les seuls renseignements
transmis à la CSST suite aux rencontres professionnelles portent sur les
conclusions des rencontres par le biais de recommandations quant aux
modalités de réinsertion professionnelle du prestataire.
Cependant, en vertu de l'article 17 du projet de loi, la CSST pourrait
exiger la divulgation d'un renseignement de nature confidentielle concernant
ses prestataires, ce qui est tout à fait contraire à notre code
de déontologie, à nos règlements et à la Charte des
droits et libertés. Cela compromet également l'efficacité
des interventions professionnelles de nos membres, compte tenu de la nature de
ces interventions et
de la nécessité d'établir un climat de confiance
basé sur une garantie de confidentialité très stricte.
Bien que l'article 86 du projet de loi prévoie que les
dispositions de cette loi n'auraient pas pour effet de restreindre la
protection des renseignements personnels, ce qui serait nettement le cas dans
l'exemple cité plus haut, nous croyons que cet article créera des
problèmes d'interprétation et de la confusion aux yeux du public
quant à la protection des renseignements personnels détenus par
les conseillers et conseillères d'orientation.
Nous pourrions citer de multiples exemples de notre pratique
professionnelle susceptibles de soulever les mêmes questions. Mentionnons
simplement que la même situation surviendra concernant les prestataires
de l'aide sociale devant obtenir une recommandation de la part d'un conseiller
ou d'une conseillère quant au bien-fondé de leur projet de
formation ou de stage en vue de leur réinsertion au marché du
travail.
En vertu de l'article 17, toujours, un agent de programme de la CSST, de
l'aide sociale, de la Société de l'assurance-automobile, du
Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels pourraient tous exiger des
informations confidentielles pour justifier l'allocation de prestations. (16 h
20)
La même situation s'applique pour la dispensation de services dans
le cadre d'un programme d'aide aux employés défrayé par
l'employeur dans le cadre d'une convention collective. Nous croyons que
l'ouverture créée par cet article risque de provoquer des abus et
compromet la protection de la vie privée et des renseignements
personnels, ce qui est contraire aux objectifs mêmes du projet de
loi.
Nous pouvons supposer que les agents de programme ou tout organisme ou
personne visés par cet article est de bonne foi. Malheureusement, notre
expérience nous montre que ce n'est pas toujours le cas. Seulement au
cours du mois de janvier dernier, deux conseillers d'orientation nous ont
demandé conseil face aux demandes abusives d'agents de programme qui
exigeaient les dossiers complets des clients prestataires, soi-disant pour
vérifier si le travail avait été fait adéquatement
et si les recommandations étaient vraiment pertinentes. Les conseillers
d'orientation ont tous deux expliqué à l'agent de programme
concerné que les lois professionnelles et la réglementation qui
en découle interdisaient de transmettre des informations autres que le
rapport qu'ils avaient déjà reçu sans l'autorisation du
client, ce que nous avons dû confirmer, d'ailleurs, comme corporation,
par écrit, texte de loi à l'appui.
Dans un cas, face au harcèlement de cet agent et au risque de
perdre son emploi, le conseiller a finalement fourni des rapports complets en
s'assurant toutefois de rayer les noms et informations permettant d'identifier
le client prestataire. Le dossier ne s'arrêtera pas là puisque
l'agent le harcèle toujours pour obtenir des dossiers
personnalisés.
Dans l'autre cas, l'agent de programme a décidé de prendre
contact directement avec les clients pour leur demander de signer un formulaire
autorisant le conseiller d'orientation à lui transmettre le dossier
complet. Les clients ont signé le formulaire d'autorisation, mais
plusieurs d'entre eux ont rapporté au conseiller d'orientation qu'ils
l'avaient signé sous la menace de perdre leurs prestations. Ils refusent
cependant de témoigner à cet effet par crainte des
représailles étant donné leur situation de
dépendance financière à l'égard du programme
qu'administre l'agent de programme.
La protection des renseignements personnels est plus grande dans la
Charte des droits et libertés et dans le Code des professions que dans
le projet de loi 68 en ce qui concerne les renseignements détenus par
les membres des corporations professionnelles. Pourtant, cela n'empêche
pas tous les abus, comme nous venons de le démontrer. Aussi, il nous
apparaît extrêmement dangereux de diminuer, même en
apparence, cette protection. Il faut éviter tout chevauchement de lois
pour que la situation soit claire et permette aux citoyens et aux citoyennes de
bénéficier de cette protection sans devoir faire appel à
des juristes pour clarifier l'interprétation de trois lois s'appliquant
à une même situation.
L'article 17 du projet de loi prévoit un régime
d'exception tellement large et imprécis quant à la transmission
de renseignements sans le consentement de la personne concernée qu'il
diminue dramatiquement la protection des renseignements personnels. En
conséquence, nous recommandons d'ajouter à l'article 17 un
alinéa stipulant que cet article ne s'applique pas aux membres de la
Corporation professionnelle des conseillers et conseillères
d'orientation du Québec, qui sont ainsi tenus au secret
professionnel.
Depuis l'adoption de la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nous en
sommes encore à démêler les imbroglios que suscite la
double juridiction de cette loi avec les lois professionnelles dans les
organismes publics. Par exemple, depuis de nombreuses années, le
ministère de l'Éducation tente de faire le point sur cette
question afin de fournir des informations claires et des modèles de code
de conduite interne favorisant l'application des lois en matière de
protection des renseignements personnels à l'école. La plus
récente version du document, de novembre 1992, a été,
encore une fois, soumise pour consultation à différentes
instances et elle comporte encore des problèmes d'interprétation
quant à la préséance d'une loi sur une autre. Le document
doit être à nouveau révisé et n'est toujours pas
disponible pour les personnels
scolaires concernés. Notons, d'ailleurs, que les problèmes
d'interprétation les plus sérieux concernent les renseignements
détenus par les professionnels soumis au secret professionnel en vertu
du Code des professions.
Nous craignons que la même situation ne se reproduise en ce qui
concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé si le projet de loi 68 était adopté tel quel. Il va
sans dire qu'une telle situation limite considérablement la
portée d'une loi, tout aussi louable que soient ses objectifs.
De plus, nous nous interrogeons sur la pertinence d'assujettir les
conseillers et conseillères d'orientation à cette loi,
étant donné que le Code des professions et les règlements
de la Corporation adoptés en vertu du Code prévoient
déjà des règles particulières pour faire respecter
les droits et obligations à l'égard des renseignements personnels
sur autrui qu'un conseiller ou une conseillère d'orientation recueille,
détient, utilise ou communique à des tiers dans le cadre de ses
fonctions professionnelles, et ce, quel que soit son lieu de travail.
Les conseillers et conseillères d'orientation sont tous
régis par le Code des professions et sont tous soumis au respect du
secret professionnel. La réglementation qui en découle
prévoit des dispositions plus strictes que le projet de loi 68 quant
à la protection des renseignements confidentiels. Des dispositions sont
également prévues par voie réglementaire quant aux
renseignements que doivent contenir les dossiers, quant à l'accès
aux dossiers et quant à la durée et aux modalités de
conservation de ces dossiers pour en faciliter l'accès.
De plus, les mécanismes disciplinaires prévus au Code des
professions fournissent des droits de recours à toute personne qui se
verrait refuser l'accès à son dossier ou qui reprocherait un bris
de confidentialité à un professionnel. Le Code des professions
prévoit des amendes similaires à celles prévues au projet
de loi 68 pour toute infraction en cette matière, en plus de
prévoir la réprimande, la suspension, la limitation du droit
d'exercice et même la radiation temporaire ou permanente.
Nous croyons qu'une protection étendue des renseignements
personnels est d'autant plus importante dans le cas des conseillers et
conseillères d'orientation que la nature de leur travail les
amène à recevoir des confidences d'une nature très intime
sur les personnes qu'elles rencontrent. De plus, les résultats de leurs
interventions exigent l'établissement d'une relation de confiance qui ne
peut exister sans une garantie absolue quant au respect du secret professionnel
et sans l'assurance qu'aucune information confidentielle ne peut être
transmise sans le consentement explicite de la personne concernée. Cette
garantie est sérieusement compromise par le projet 68,
particulièrement dans l'article 17. Nous nous permettons de rappeler que
cette garantie de respect du secret professionnel a été
consacrée par la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec et qu'elle devrait l'être également dans une loi
visant à protéger les renseignements personnels, la vie
privée et la réputation des personnes.
Il y a aussi, évidemment, des chevauchements de mandats, de
structures dans l'application, qui peuvent être ennuyeux, parfois
onéreux aussi, qui ne seraient évidemment pas
nécessairement dramatiques, mais, le problème, comme corporation,
que ça peut nous poser dans le rôle qu'on a à jouer, de
conseil auprès de nos membres pour l'application de tout ce qui concerne
la protection des renseignements personnels, c'est qu'on risque de ne plus s'y
retrouver non plus entre toutes ces lois et de ne pas savoir quelle situation
s'applique pour s'assurer de leur donner les informations adéquates en
la matière.
Ce qu'on a constaté aussi, c'est que, même si l'article 86
prévoit que c'est la meilleure protection qui s'applique, quand on est
face à un employeur ou quand on est en privé, qu'on est face
à quelqu'un qui nous fournit une clientèle, qui est un tiers
payeur pour des services, on n'a pas envie non plus de se retrouver en cour
pour débattre quelle loi est la meilleure dans cette
situation-là. Alors, il risque aussi d'y avoir des pressions indues qui
rendent très difficile l'application par nos membres de cette
réglementation-là.
Le Président (M. Maltais): Merci beaucoup, Mme Landry.
Alors, M. le ministre, pour quelques brèves questions, en vous
rappelant que, moi aussi, j'ai des questions importantes à poser
à Mme Landry.
Alors, M. le ministre, allez-y.
M. Cannon: Vous avez la préséance, mon cher
collègue. Allez donc, et, après quoi, je pourrai entamer. Alors,
allez-y tout de suite.
Le Président (M. Maltais): Alors, Mme Landry, j'aimerais
savoir quel genre de relations votre groupe professionnel entretient, par
exemple, avec les travailleurs des services sociaux et le tribunal de la
jeunesse? Quel genre d'informations se passent entre vos corporations et les
travailleurs sociaux au niveau, pertinemment, des jeunes qui sont souvent en
difficulté, qui sont référés par les services
sociaux via le tribunal de la jeunesse? Est-ce qu'il y a un échange
d'informations qui se fait entre professionnels comme vous?
Mme Landry: C'est-à-dire, qui se fait... L'échange
qui est prévu par la Loi sur la protection de la jeunesse: quand un
enfant est en danger, oui, on transmet l'information et toutes les informations
pertinentes pour l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Sinon, on
ne transmet pas de dossiers sans l'autorisation soit de la personne, si
elle est majeure, ou des parents ou des tuteurs, si la personne est
mineure.
Le Président (M. Maltais): Par exemple, si vous recevez
une demande d'informations du tribunal de la jeunesse, vous traitez des jeunes
dans des écoles, vous recevez une demande d'informations du tribunal de
la jeunesse ou du protecteur des jeunes, comment ça se passe? Est-ce que
d'abord vous devez informer le tuteur ou le parent en conséquence ou si,
de facto, vous transposez l'information au tribunal?
Mme Landry: Est-ce que tu as eu des cas comme ça? (16 h
30)
Mme Lacharité (Martine): Non, on n'a pas eu de cas, sauf
que, si cette demande-là vient dans le cadre de l'application de la Loi
sur la protection de la jeunesse, bon, c'est très clair que les
conseillers et toute personne doivent donner les renseignements. Il faut
nuancer. Si c'est une information d'autre ordre pour faciliter le travail -
ça peut être comme ça - ou en équipe
multidisciplinaire, c'est évident qu'on se doit d'avoir l'autorisation
de la personne - dans les cas de jeunes, c'est du parent - pour travailler ou
donner les informations.
Le Président (M. Maltais): Par exemple, le CSS vous
demande des informations concernant tel jeune ou tel jeune, en indiquant que le
but de ces informations-là, c'est pour aider le CSS à trouver des
foyers d'accueil. Est-ce que ça se fait avec le consentement ou sans le
consentement?
Mme Lacharité: C'est difficile à vous
répondre. Je n'ai pas de cas particulier. Quand c'est un
délégué du directeur de la protection de la jeunesse,
c'est différent. Ça dépend dé quel type,
d'où la demande vient. C'est ça qui est important. C'est quand
même une loi particulière, la Loi de la protection de la jeunesse,
là.
Mme Landry: II y a quelque chose aussi qu'il faut peut-être
démêler. Il y a dès informations qu'on peut transmettre
sans le consentement de la personne. Il y a les renseignements de nature
confidentielle qui sont contenus au dossier et il y a aussi un avis
professionnel qui est émis par le conseiller d'orientation ou la
conseillère qui a reçu cet enfant-là. Quand on a
reçu un jeune en consultation à plusieurs reprises, on a un
diagnostic. On peut avoir des recommandations professionnelles qui ne sont pas
une trahison du secret professionnel.
Alors, quand l'intérêt de l'enfant est en jeu,
évidemment, si c'est une question de sécurité, sa vie est
en danger, tout ça, c'est automatique, là. Il n'y a pas
d'autorisation à demander, c'est même une obligation à
transmettre. Mais, quand ce n'est pas une situation comme ça, que
ça peut être dans l'intérêt de l'enfant, on peut
transmettre un avis professionnel, mais pas des renseignements confidentiels
sans le consentement de l'enfant ou du tuteur ou du parent de l'enfant.
Le Président (M. Maltais): Merci. M. le ministre, à
vous.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Mme Landry et Mme Lacharité, bienvenue. Il nous a fait plaisir de
lire votre mémoire et d'écouter vos commentaires. Je veux me
montrer rassurant un peu, cet après-midi, à l'égard des
appréhensions que vous aviez par rapport à l'article 17 du projet
de loi. Je veux vous dire que ça ne crée pas une obligation de
fournir. C'est facultatif. Parce qu'on dit bien: «Une personne qui
exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne
concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un
dossier qu'elle détient sur autrui». Alors, c'est facultatif,
là. Vous aviez évoqué un facteur contraignant, mais je
veux vous rassurer de ce côté-là.
Mme Landry: J'aimerais quand même préciser une
chose. C'est que, même si, dans la loi, c'est facultatif, dans la
pratique, il va y avoir des contraintes à le faire. Parce qu'on se
retrouve, à ce moment-là, où les conseillers d'orientation
vont être placés entre l'arbre et l'écorce, entre quelqu'un
qui veut un dossier et quelqu'un qui fournit des clients, entre guillemets, aux
conseillers d'orientation. Quand on reçoit, que ce soit les prestataires
du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu ou de l'aide sociale, peu importe, là...
M. Cannon: J'en suis avec vous, là. C'est pour ça
qu'il y a la Commission, puis, s'il y a mésentente, la Commission est
là soit pour faire de la médiation ou pour permettre,
l'accès au dossier ou corriger le dossier.
Mme Landry: Mais sauf que, dans la pratique, moi, ce que je
crains, c'est que les gens...
M. Cannon: Oui, mais je voulais juste peut-être...
Mme Landry: ...au lieu d'aller à ce
mécanisme-là, finissent par transmettre le dossier.
M. Cannon: Mais il y a l'autre élément aussi, Mme
Landry, qui est celui du secret professionnel, à l'article 9 de la
Charte des droits. J'ai mentionné au début, à l'occasion
de mes remarques préliminaires, que je n'avais pas l'intention
d'empiéter sur un droit qui existe par ailleurs dans la Charte, en
protégeant cette
disposition-là de la vie privée. et, tantôt, vous
avez référé à l'article 86 du projet de loi,
particulièrement le deuxième alinéa. il est là
justement pour cette raison-là.
Mme Landry: Mais j'ai envie de vous suggérer, pour plus
de...
M. Cannon: Allez! On est là pour écouter les...
Mme Landry: ...clarification, d'ajouter, vraiment, de
spécifier de façon expresse que ça ne concerne pas le
secret professionnel. Le secret professionnel doit toujours être
préservé, malgré ça. Le secret professionnel, cette
notion-là est définie à plusieurs endroits quand
même dans la Charte, dans le Code des professions. Ça
éviterait tellement de problèmes juridiques, tellement de...
M. Cannon: Ce serait donc, à ce moment-là,
peut-être redondant. Je suis bien prêt à le soumettre aux
spécialistes au niveau de la législation, mais ma
compréhension de tout ça, c'est que ça serait redondant.
On serait obligé d'inscrire tous les éléments de la
Charte. Je vous dis, là, que l'esprit du législateur, ce n'est
pas ça, ce n'est pas dans ce sens-là de vous brimer.
Mme Landry: Je suis ravie d'entendre que ce n'est pas dans
l'esprit du législateur. Mais, des fois, dans l'application, c'est
compliqué, comme on voit les problèmes que ça pose dans
l'application de la loi de l'accès aux documents aussi.
M. Cannon: Je vais vérifier, au niveau de vos
appréhensions, cet élément-là. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Maltais): Merci beaucoup, M. le
ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Bien, d'abord, je voudrais vous dire que je partage
votre appréhension parce que, comme député et, avant
ça, dans un autre métier, j'ai déjà eu affaire
à la CSST. Je voudrais souligner que j'ai réglé mon
premier cas avant Noël avec la CSST. Après trois ans comme
député, c'est quand même mieux que rien.
Mais je reviens à votre crainte et je la comprends. C'est que les
psychologues nous ont exprimé eux aussi la même chose, hier,
à l'égard de la CSST. Ils ont dit: On nous réfère
des personnes. Nous, on a un secret professionnel à préserver et
en dépendent la qualité, la validité de la relation avec
la personne qu'on nous réfère. Même chose pour les
conseillers d'orientation. Si votre secret professionnel n'est pas
protégé d'une façon absolue, votre travail devient
impossible parce que la personne se ferme comme une huître, elle vous
voit comme susceptible de renseigner la CSST sur elle, alors qu'en fait vous
venez l'assister, vous êtes une ressource aidante pour réorienter,
mettons, sa carrière.
Je pense que le ministre devrait voir que, si on met «peut»,
ça va devenir «doit», parce que l'organisme, dans les faits,
ça va devenir «doit», parce que je connais les organismes de
cette taille. Il n'y a qu'à dire à quelqu'un: On peut ne plus
vous donner de contrat si vous ne nous donnez pas un renseignement que la loi
vous autorise à nous donner. Je suis parfaitement d'accord avec le
ministre. Il a raison de dire que, si on met «peut» dans la loi,
ça n'a pas le sens de «doit». Mais, si tu ne peux pas, on
peut ne plus te référer personne. Puis c'est comme ça que
ça se passe en pratique, souvent. Alors, je trouve qu'il faudra trouver
une manière d'avoir comme préséance le secret
professionnel parce que, dans le fond, les psychologues vivent la même
chose que vous autres. Ils disent: Nous, après le processus, on discute
avec la CSST des conclusions...
Mme Landry: Des recommandations.
M. Bourdon: ...et des recommandations d'ordre pratique qu'on
fait. Ça n'a pas le même sens.
En tout cas, cela dit, sur l'ensemble du projet de loi, il n'y a pas
d'opposition partisane dans cette commission parlementaire ci, de telle sorte
qu'on va avoir l'occasion de s'en reparler et de tenir compte de vos
observations. J'ai lu attentivement ce que vous dites à cet
égard-là et je trouve que le secret professionnel doit vous
être imposé, sinon vous allez être soumis à de rudes
pressions, puis, après ça, pour l'organisme, c'est facile d'avoir
une liste de ceux qui fournissent les renseignements et de ceux et celles qui
ne les fournissent pas. Puis, comme par hasard, ceux et celles qui ne les
fournissent pas se retrouvent boycottés. Je ne dis pas que la CSST
entend le faire, mais on sait que la nature a horreur du vide. Quand il y a un
trou qui permet de s'immiscer, tous les organismes sont pareils, ils ont
tendance à vouloir entrer dedans. (16 h 40)
En tout cas, moi, je tiens à vous dire, à cet
égard, que vos préoccupations sont légitimes et je pense
qu'elles ne tiennent pas qu'à votre sort comme «professionnels
de», dans le sens qu'il en va, selon moi, de la relation que vous pouvez
établir avec le bénéficiaire de vos services. Si je sais,
moi, que ce que je dis peut être révélé à un
tiers, je n'ai pas l'ouverture d'esprit et je ne suis pas porté à
la confidence, et votre travail de conseillère, conseiller en
orientation s'en trouve influencé. Ce que je veux dire, les limites de
mes défauts, je ne les mentionnerai pas à quelqu'un qui peut les
donner
à un tiers, mais à une personne qui me dit: Bien, ce n'est
pas la fin du monde de ne pas être capable de faire ça; ce qu'on
veut connaître, c'est ce dont vous êtes capable. Bien là, la
confidence, je pense, est une garantie du succès de votre intervention,
et je souligne qu'hier la Corporation professionnelle des psychologues avait
une préoccupation analogue.
Mme Landry: II y a aussi certains préjudices, si je puis
me permettre. Il y a la partie, évidemment, qui nuit au travail parce
que la relation de confiance n'est plus là, mais il y a des
préjudices réels qui peuvent être causés à
des personnes aussi en transmettant des dossiers.
Je vais vous donner un exemple. Dans le cadre d'un programme d'aide aux
employés qui est mis en place pour une convention collective, alors
l'employeur peut demander si on a reçu, par exemple, une cliente qui
était harcelée sexuellement à son travail et qui veut
changer d'emploi. Ça se comprend, on lui fait passer une batterie de
tests pour ça dans lesquels il y a des tests d'intérêt,
d'aptitudes, de personnalité. Les tests de personnalité vont
forcément faire ressortir des tendances paranoïdes parce que, dans
une situation de harcèlement sexuel, c'est automatique. Ça ne
signifie pas, par contre, que cette personne-là est
paranoïaque.
Un peu plus tard, l'employeur exige d'avoir le dossier. Il dit: Elle
postule pour un nouvel emploi. Vous lui avez fait passer des tests. Moi, je
veux voir ça. Il demande le dossier. Bon, on se retrouve dans une
situation où l'employeur ou un agent de ressources humaines a le dossier
dans le cadre d'une sélection de personnel. Il utilise le test de
personnalité hors contexte. Sans les rapports d'entrevue qui vont avec,
il dit: Cette personne-là est paranoïaque. On n'est pas pour
l'engager dans cette job-là. C'est fini. Cette personne-là n'aura
jamais de promotion dans l'entreprise.
On ne connaît pas l'utilisation qui va être faite des
dossiers si on transmet des dossiers complets, et ça, c'est
extrêmement dangereux pour les personnes qui nous consultent, si on
transmet des choses comme ça, parce qu'on n'a pas le contrôle.
Nous, quand on transmet, c'est selon des normes. On peut s'assurer de comment
ça va être utilisé après, que la personne est en
mesure de l'interpréter et de ne pas l'utiliser à l'encontre de
la personne aussi, là, mais pour les fins pour lesquelles c'était
prévu aussi, alors que, là, il y a un danger.
M. Bourdon: Je trouve votre exemple pertinent parce que les
psychologues, hier, donnaient un exemple tout à fait de même
nature. Ils disaient: La personne a droit de voir son dossier, mais un test
d'intelligence, par exemple, il faut que ça soit mis en contexte, parce
que la donnée seule, isolément, peut porter à fabuler et
à trouver toutes sortes d'interpréta- tions erronées. Je
sais qu'il y a une différence, mais, dans votre cas, tendances
paranoïdes, quand on est soumis à du harcèlement sexuel,
ça s'explique. Les psychologues disaient la même chose.
Dans le fond, si on rend un dossier à une personne, bien, il faut
le faire au complet avec les explications pertinentes, sinon ça peut
être utilisé... Et vous avez raison, à l'égard de la
capacité de promotion de cette personne-là, ça peut la
suivre toute sa vie, dans le fond.
Avant la commission de l'automne 1991, on avait vu un beau film de l'ONF
sur les renseignements personnels, où on voyait un comité de
sélection fictif avoir toutes sortes de renseignements, puis on
s'apercevait que c'est la donnée d'ordre psychologique qui, finalement,
entre deux candidats à peu près d'égale compétence,
faisait qu'il y en avait un d'écarté. Dans la sélection
pour des promotions, on sait comment ces renseignements-là deviennent
ultrasensibles parce que, toutes choses étant égales par
ailleurs, bien, les gens ont encore des préjugés sur les maladies
mentales, puis ça devient tout de suite une chose que le milieu de
l'entreprise a en horreur, un facteur de risque. Alors qu'en
réalité, je reviens à l'exemple que vous donniez, la
personne en question ne présente aucun risque. C'est plutôt son
supérieur, qui est peut-être sur le comité de
sélection, qui est une personne à risques.
Le Président (M. Doyon): D'autres commentaires de la part
des parlementaires?
Alors, il me reste à... Je pense que votre démonstration a
été convaincante. Il n'y a pas trop de chicane avec vos
représentations, d'après ce que je peux voir. Est-ce que vous
avez quelque chose à ajouter, soit Mme Lacharité ou Mme
Landry?
Mme Landry: Non, ça va. Nous... Le Président (M.
Doyon): Oui.
Mme Landry: ...on veut s'assurer que vous ayez bien compris ce
dont on parle. Ça semble être le cas. Nous vous en remercions
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Message reçu cinq sur
cinq. Alors, merci beaucoup.
Alors, maintenant que les gens de la Corporation professionnelle des
conseillers et conseillères d'orientation du Québec nous ont fait
leur présentation, il nous reste, en les remerciant, à inviter
l'Association des compagnies de fiducie du Canada à bien vouloir
s'avancer. Ils sont représentés par M. André Forest ainsi
que par Mme Denise Lancop Costello.
Je leur souhaite la bienvenue et, pendant qu'ils s'installent, je leur
indique que nous allons les écouter avec beaucoup d'attention et que,
une fois qu'ils nous auront fait la présentation qu'ils désirent
nous faire, les parlementaires vont
discuter avec eux d'un certain nombre de points qu'ils ont eu l'occasion
de soulever dans leur mémoire ou le résumé qu'ils en
feront.
Alors, M. Forest ou Mme Costello, vous avez la parole.
Association des compagnies de fiducie du
Canada
M. Forest (André): Alors, M. le Président, M. le
ministre, mesdames, messieurs, ma collègue, Mme Costello, qui est
vice-présidente aux politiques gouvernementales de l'Association des
compagnies de fiducie du Canada, et moi-même, qui en suis le
président dans la section du Québec de l'Association, nous sommes
certainement très heureux d'être ici, aujourd'hui, pour
présenter des commentaires au sujet du projet de loi 68, au nom des
sociétés membres de l'Association.
Notre association, en fait, représente quelque 57
sociétés de fiducie dont plusieurs ont des opérations dans
la province de Québec. L'objet de vos délibérations, le
caractère confidentiel des renseignements personnels détenus dans
le secteur privé, est important. Nos clients ont aussi identifié
cette question comme étant importante et nous avons toutes les raisons
de croire qu'elle ne l'est pas moins pour l'ensemble des consommateurs
québécois. Mais je m'empresse d'ajouter que la
préoccupation de nos clients est une préoccupation
générale et qu'elle n'est fondée sur aucune
expérience personnelle d'abus de renseignements personnels.
Au meilleur de notre connaissance, la mauvaise utilisation des
renseignements personnels - et ça aura peut-être l'air un petit
peu prétentieux - n'est tout simplement pas un problème dans les
sociétés de fiducie. La confidentialité des renseignements
personnels au sujet de nos clients a toujours constitué, pour nous, une
haute priorité. Non seulement cet aspect est-il fondamental aux
activités d'intermédiation financière, mais il est
logique, sur le plan des affaires, de respecter les normes de conduite
rigoureuses qu'attendent de nous nos clients. Nos antécédents de
fiduciaires nous ont aussi inculqué un solide préjugé en
faveur de strictes règles de confidentialité des renseignements
personnels.
Les obligations traditionnelles des institutions financières en
matière de confidentialité ont été
confirmées, vous le savez, il y a déjà longtemps, par les
tribunaux. Ainsi, les principes de Tournier qui définissent seulement
quatre catégories de situations où l'obligation de
confidentialité du banquier envers son client n'est pas absolue ont
été appliqués de façon systématique depuis
le début des années vingt.
La loi du Québec et la loi fédérale sur les
sociétés de fiducie prévoient l'une et l'autre la
possibilité d'adopter un règlement pour protéger la
confidentialité des renseignements personnels.
En vertu de la nouvelle loi fédérale, les administrateurs
d'une société de fiducie sont tenus d'établir des
procédures visant à restreindre l'utilisation des renseignements
confidentiels. Un comité du conseil d'administration doit être
désigné pour assurer un suivi de ces procédures. Les
sociétés de fiducie sont tenues de protéger leurs dossiers
contre la perte, la destruction ou la falsification. Elles doivent faciliter la
détection et rectification des renseignements inexacts et elles doivent
s'assurer que des personnes non autorisées n'ont pas accès ou
n'utilisent pas les renseignements qui se trouvent dans leurs registres et
dossiers. (16 h 50)
Les sociétés doivent établir des procédures
pour traiter les plaintes des clients. Elles doivent désigner un agent
ou un employé qui sera responsable de l'application de ces
procédures et de la réception et du traitement des plaintes. De
plus, elles doivent déposer auprès du Surintendant une copie de
ces procédures. Elles doivent aussi indiquer aux clients qui ont
déposé une plainte comment communiquer avec le Surintendant.
Veuillez noter que de telles procédures sont déjà en place
depuis plusieurs années et que le ministre fait rapport à la
Chambre des communes au sujet des plaintes déposées contre des
institutions financières.
En outre, pour les opérations portant sur des fonds communs de
placements et des titres, les principes de réglementation des
autorités canadiennes en valeurs mobilières renferment des
règles de confidentialité. Le Québec est l'une des
provinces signataires de ces principes. En outre, les règles de
l'Association canadienne des paiements, l'ACP, qui est responsable des
activités de compensation et de règlement, comportent aussi des
exigences de confidentialité relativement à la transmission des
données par voie électronique.
Nous avons donc abordé notre examen du projet de loi 68 en tant
qu'industrie qui est tenue de respecter et qui applique des normes
élevées en ce qui a trait au caractère confidentiel des
renseignements au sujet de ses clients. Nous croyons que notre
expérience nous a amenés à comprendre ce qui devait
constituer un équilibre approprié entre la vie privée et
la libre circulation des renseignements essentiels dans une économie de
marché. Nous appuyons les grands principes de protection de la vie
privée énoncés dans le nouveau Code civil du Québec
et nous sommes en faveur de l'adoption d'une loi d'application raisonnable
visant à interpréter ces principes.
En termes généraux, le projet de loi 68 renferme les
éléments nécessaires pour articuler ces principes, et nous
en partageons l'esprit. De nombreuses dispositions du projet de loi semblent
bien intentionnées, mais, prises ensemble, elles ont des
répercussions extrêmement onéreuses. En outre, certaines
exigences auraient un effet
dévastateur si elles étaient appliquées dans la
réalité des opérations commerciales d'aujourd'hui.
Le projet de loi 68 ne parvient pas à réaliser un
équilibre approprié entre les exigences conflictuelles de la
protection de la vie privée et de la libre circulation des
renseignements. À notre avis, il engendrerait des conditions trop
restrictives au fonctionnement des entreprises. Nous sommes d'avis que, par le
projet de loi 68 dans sa forme actuelle, on établit un cadre pour le
secteur privé qui ne semble pas, à notre avis, au diapason des
lois en matière de protection de la vie privée en vigueur partout
ailleurs dans le monde occidental. Celles-ci visent le maintien de la libre
circulation des données personnelles. Le projet de loi 68 semble vouloir
protéger à tout prix le caractère confidentiel des
renseignements personnels.
Il ne reconnaît pas non plus les différences
marquées dans le degré de sensibilité des données
personnelles et les modalités d'opération des secteurs. Il ne
tient aucunement compte des pratiques commerciales légitimes, comme
celles de notre industrie, qui se sont développées au fil des
années pour répondre aux besoins des clients. Il confie, à
notre sens, à la Commission d'accès à l'information des
pouvoirs très étendus et des responsabilités qui
pourraient la placer en conflit d'intérêts.
Enfin, il soulève des attentes qui ne pourront pas être
satisfaites sans une hausse importante des dépenses de la Commission.
Ces fonds proviendront-ils du trésor public, déjà soumis
à des contraintes, ou le gouvernement mettra-t-il de côté
d'autres priorités, ou bien envisage-t-on de demander aux entreprises de
participer au financement du bureau de la Commission, ce qui reviendrait
à demander aux consommateurs de payer ces dépenses par le biais
de prix plus élevés?
Un meilleur équilibre entre la vie privée et la libre
circulation des renseignements aurait certainement pu être
réalisé. Nous avons toutes les raisons de croire que le projet de
loi 68 peut être modifié pour parvenir à un
équilibre approprié. Les problèmes que comporte le projet
de loi 68 semblent centrés autour de la définition d'un dossier,
à l'article 4, et de la détermination de ce qui est pertinent
à la conclusion ou à l'exécution du contrat, et on
réfère aux articles 5 et 8. Une approche moins rigide, plus
simple à ces questions fondamentales aurait, selon nous,
contribué dans une large mesure à résoudre bon nombre des
complexités du projet de loi.
En outre, nous croyons qu'un recours plus étendu à
l'autoréglementation du secteur privé, qui est l'approche
préconisée par l'OCDE et celle adoptée par le gouvernement
fédéral, allégerait le fardeau administratif et financier
de la Commission et soustrairait celle-ci au risque d'un conflit
d'intérêts.
Nous sommes particulièrement intéressés à ce
que l'autoréglementation donne de bons résultats. Cet
intérêt est lié au manque d'harmonie des lois auxquelles
nos sociétés sont assujetties, d'une sphère de
compétence à l'autre, et au sein même de celles-ci. Ce
problème nous impose un fardeau au niveau des coûts et de
l'administration, qui restreint notre capacité de concurrencer les
grandes banques, qui relèvent de la compétence
fédérale. Nous sommes préoccupés au sujet de la
possibilité que ce manque d'harmonie aille en s'aggravant, alors que
chaque gouvernement procède à l'adoption de ses propres exigences
particulières en matière de protection du caractère
confidentiel des renseignements personnels.
En conséquence, nous pensons que ce domaine de la protection du
consommateur offre au gouvernement l'occasion d'inciter l'industrie à
élaborer des normes sectorielles spécifiques qu'elle est en
mesure d'appliquer et qu'elle respectera parce qu'elle aura participé
à leur élaboration. Nous croyons que l'industrie des services
financiers peut s'autoréglementer de cette façon et que cette
autoréglementation se révélera très efficace. Dans
notre industrie si étroitement supervisée, nous sommes d'avis
qu'une combinaison de transparence et de forte concurrence devrait constituer
une garantie d'équité pour les consommateurs.
En conséquence, il y a plus de deux ans, l'Association a
commencé à élaborer un code de pratique pour l'industrie
fiduciaire. Nous avons mis la dernière main à ce code, il y a un
mois, et les sociétés membres s'apprêtent à le
mettre en application. Nous espérons vivement que cet exercice,
entrepris de bonne foi et dans l'intérêt de nos clients, n'aura
pas constitué une vaine initiative.
En conclusion, M. le Président, les membres de l'Association des
compagnies de fiducie du Canada sont d'avis que le projet de loi 68 doit
être modifié pour tenir compte de la réalité des
activités et des besoins des entreprises. Nos sociétés
membres sont prêtes à collaborer à l'élaboration des
modifications techniques requises.
Mme Costello et moi-même seront certainement disposés, M.
le Président, à répondre à vos questions.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Forest. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
M. Forest, Mme Costello, bonjour. Ça me fait plaisir de vous
accueillir ici à l'Assemblée et d'échanger avec vous sur
votre mémoire dans le cadre du projet de loi 68. Je dirais, là,
que, si je résume un peu ce que vous nous avez dit, c'est que vous ne
vous opposez pas en soi au projet de loi ou à ses intentions, mais
plutôt à son contenu, et cette Association
préférerait la voie autoréglementaire encadrée par
une législation. C'est bien ça?
M. Forest: C'est tout à fait juste.
M. Cannon: Est-ce que vous estimez que
l'autoréglementation sans incitation ou sans incitatif législatif
peut donner de bons résultats?
M. Forest: Mme Costello, peut-être que vous aimeriez
commenter sur ce point-là.
Mme Costello (Denise Lancop): Oui, certainement. Je vais
répondre en principe parce que, comme vous l'avez dit, M. le ministre,
nous reconnaissons qu'ici, au Québec, ce n'est pas la situation. Ce
serait une autoréglementation sous une loi d'application sous le Code
civil, et vous avez aussi la loi, qui était le projet de loi 11, qui
peut étendre la portée d'un code de déontologie. Alors,
oui, en principe... Pardon?
M. Cannon: Non, non, juste le projet de loi. C'est juste au
niveau des numéros, là. Je veux dire, c'est tel projet de loi au
nom de mon collègue, M. Savoie. (17 heures)
Mme Costello: En principe, oui, c'est ça ce qui a
été prévu par l'OCDE et supporté par le
gouvernement fédéral. C'est l'autoréglementation ou la
réglementation... Si c'est l'autoréglementation, ça
devrait être l'autoréglementation. Pour notre secteur, un secteur
qui est supervisé de si près, il n'y a pas de question si
ça va fonctionner. La transparence, comme M. Forest l'a dit dans ses
remarques, et la concurrence aident les consommateurs à être
certains que ça soit observé. Aussi, il ne faut pas oublier le
pouvoir du Surintendant. Et puis il y a une entente entre le Surintendant au
niveau fédéral et celui du Québec et celui de l'Ontario
où ils partagent l'information sur les plaintes.
M. Cannon: Toujours dans le cadre des lignes directrices de
l'OCDE, vous savez que le fédéral fait la promotion - et vous
l'avez mentionné plus tôt - des lignes directrices de l'OCDE,
surtout depuis 1985. Une série de questions: Comment se fait-il que
votre association ne s'est donné un code de conduite en matière
de protection des renseignements personnels que tout récemment? Et
dites-moi: Qui l'applique chez vous? Quels sont les recours pour les personnes
concernées? À qui doivent-elles s'adresser? Y a-t-il des
sanctions de prévues et, dans le fond, est-ce qu'on peut en avoir une
copie?
Mme Costello: Vous avez beaucoup de questions, M. le ministre. La
dernière, oui, nous avons apporté des copies. Nous avons juste
fini. Un code de déontologie n'est pas facile à compléter.
C'est un exercice très complexe. Premièrement, nos compagnies de
fiducie ont vraiment peu d'activités à l'étranger. Alors,
nous n'étions pas les premiers à être contactés par
le ministère des Affaires extérieures et le ministère de
la Justice fédéral. Nous avons reçu une approche à
peu près... je pense, en 1989, et puis, à ce moment-là,
nous avons commencé, mais c'est un processus très long. Il faut
aller dans chaque fonction de la compagnie pour examiner quelle information
nous avons, comment elle est retenue, comment on fait la collecte de cette
information, comment on l'utilise.
Aussi, pour nous, nous avons, dans notre association, des compagnies
fédérales, des compagnies provinciales, ontariennes,
québécoises. Les lois sont différentes. Alors, il fallait
examiner la situation présente autant que prévoir la situation
dans l'avenir, avec la nouvelle loi fédérale, quels seraient les
pouvoirs. Alors, nous l'avons pris au sérieux, et c'est un processus
très long, très sérieux, et puis, franchement, ceux qui
ont préparé un code de déontologie vous diraient la
même chose: deux ans, un peu plus que deux ans, ce n'est pas beaucoup de
temps.
M. Cannon: À votre avis, est-ce que c'est plus complexe
qu'un projet de loi? Non, je blague, mais...
Mme Costello: Nous n'avons pas le personnel que vous avez.
M. Cannon: Dites-moi, madame...
M. Forest: C'est certainement aussi complexe, mais ça nous
met moins de limitation.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Oui, ça, O.K. Mais les recours des personnes
concernées, quels sont-ils?
Mme Costello: Dans un code autoréglementaire, il faut
viser surtout les recours de la compagnie, premièrement. Alors, chaque
compagnie doit installer un processus interne pour régler les
différends et, ensuite, il faut qu'ils donnent l'information qu'ils
peuvent aux consommateurs. S'ils ne sont pas satisfaits, apporter leurs
plaintes au Surintendant, et puis il y a des ententes entre les... Parce que,
pour nous, pour nos compagnies, c'est très compliqué. Comment
est-ce qu'on l'explique aux consommateurs? Est-ce qu'il nous faut une
«matrix» sur le mur? C'est une compagnie provinciale, c'est une
compagnie fédérale, c'est une question de confidentialité,
c'est une question de quelque chose d'autre. Alors, il y a une bonne entente,
ça fonctionne très bien. En effet, c'est une extension, disons,
du processus qui a été instauré, en 1988, pour d'autres
plaintes.
M. Cannon: Oui, je comprends un peu la difficulté au
niveau des chevauchements avec le Surintendant, etc., et j'ai eu
l'opportunité d'annoncer, hier, mon intention d'examiner ça
peut-être plus attentivement pour essayer de les éliminer.
Alors, je pense que, sur cet aspect-là, déjà, vous pouvez
être assuré de ma collaboration de ce
côté-là.
Je n'ai plus de questions, M. le Président. Mon collègue
de Pointe-aux-Trembles.
Le Président (M. Doyon): Non, M. le député
de Pointe-aux-Trembles m'a fait signe qu'il n'avait pas d'autres questions.
Alors, je pense que le message que vous nous avez transmis a été
fort bien reçu. Aussi les problèmes que vous rencontrez sont d'un
autre ordre que ceux qui ont été soulevés jusqu'à
maintenant et tout aussi importants, et M. le ministre a indiqué qu'il
était prêt à tenir compte des représentations que
vous aviez faites.
Alors, à moins que vous ayez quelque chose de plus à dire,
il me reste à vous remercier d'avoir pris la peine, premièrement,
de nous faire parvenir votre mémoire... À moins que M. le
député de D'Arcy-McGee... Non? On vous remercie de nous avoir
fait part... de nous avoir envoyé votre mémoire dont nous avons
pu prendre connaissance, il y a un certain temps, et d'avoir pris la peine de
vous déplacer et de venir nous rencontrer. Alors, je vous remercie et
soyez assurés que nous allons tenir compte de vos remarques, de vos
représentations. Merci beaucoup et bon retour.
M. Forest: De notre côté, on veut simplement vous
assurer de notre très entière collaboration.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Forest, merci, Mme
Costello. Merci.
Donc, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
continue ses travaux en recevant l'Organisation éducation et information
logement et le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le
logement. Je leur souhaite la bienvenue à cette commission.
Je leur indique qu'ils disposent de 15, 20 minutes pour nous faire part
de leur mémoire ou en faire un résumé, comme ils voudront.
Nous, on l'a déjà reçu. Vous pouvez en faire une
synthèse, si vous préférez. Après ça, la
discussion va s'engager avec vous pour une période de temps égale
entre les membres de l'Opposition et les membres du parti
ministériel.
Si vous voulez bien, tout d'abord, vous présenter, de
façon à ce que vos noms soient inscrits au Journal des
débats, s'il vous plaît. Je vous souhaite la bienvenue.
Organisation éducation et information
logement (OEIL) et Regroupement des
organismes du Montréal ethnique
pour le logement (ROMEL)
Mme Bélec (Denise): Denise Bélec, de l'OEIL Je suis
responsable des communications.
Mme Hontebeyrie (Isabelle): Isabelle Hon-tebeyrie, du ROMEL
M. Landry (Alain): Alain Landry, de l'Organisation
éducation et information logement. C'est du quartier
Côte-des-Neiges, à Montréal.
M. Oré (Martin): Martin Oré, de ROMEL
Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue. Vous avez la
parole et on est prêt à vous écouter.
Mme Bélec: Avant de commencer, on aimerait vous
présenter, premièrement, nos organismes. Moi, je suis pour l'OEIL
On a été fondé en 1971. On est un organisme à but
non lucratif qui vise l'amélioration des conditions de logement des
résidents du quartier Côte-des-Neiges à Montréal. Ce
quartier est fortement multiethnique et compte environ 86 000 habitants. La
proportion de logements est de 85 % locatifs, qui sont localisés, pour
la plupart, dans des immeubles d'appartements.
Nos interventions et nos services ont comme but de venir en aide aux
moins favorisés et de lutter contre la détérioration des
logements et la pauvreté. Nos interventions dans le quartier se divisent
en deux secteurs, soit l'aide directe aux locataires, ce qui peut inclure la
rédaction de lettres, la préparation de demandes à la
Régie du logement ou des interventions auprès de la ville. Nous
les informons de leurs droits, de leurs obligations et de leurs recours
possibles. Nous cherchons à favoriser la solidarité et le
regroupement des locataires, permettant ainsi des actions communes et plus
efficaces pour le développement du logement social dans le quartier.
Présentement, dans le logement, les candidats locataires ont de
plus en plus besoin de remplir des formulaires de demande de location.
Ça les gêne de donner un nombre excessif de renseignements
personnels. Vous avez d'ailleurs, en annexe à notre mémoire, des
formulaires de demande de location sur lesquels on retrouve des informations
qui ne sont pas nécessairement pertinentes à la demande de
location d'un logement. C'est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir vous
présenter, ce soir, nos points de vue sur le projet de loi. Merci.
Mme Hontebeyrie: Le Regroupement des organismes du
Montréal ethnique pour le logement a été
créé en 1984 pour répondre aux
besoins des communautés culturelles en matière de
logement. Le ROMEL compte aujourd'hui 33 organismes membres qu'il dessert en
habitation. Ayant acquis une certaine expertise dans son domaine d'intervention
qui est le logement, le ROMEL a donc été vivement
intéressé par le projet de loi 68 sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé et, plus
particulièrement, par son application au secteur locatif. Nous vous
remercions donc de nous avoir donné l'occasion de vous adresser un
mémoire et de participer à l'audition publique afin de faire
valoir nos points de vue en tant qu'organisme concerné par les droits
des locataires.
Dans ce contexte, il nous est apparu important, en collaboration avec
nos collègues de l'OEIL, de nous pencher sur la réglementation
des renseignements personnels, qui sont de plus en plus demandés aux
quelques centaines de milliers d'aspirants locataires que compte la ville de
Montréal. En effet, les formulaires de demande de logement ont de plus
en plus tendance à être encombrés de renseignements dont on
ne peut s'empêcher de questionner l'utilité, comme, par exemple,
l'âge et le sexe des colocataires, la nationalité, la langue,
l'état civil et bien d'autres pour lesquels on ne peut que souhaiter une
réglementation ferme, tant pour la cueillette que pour l'utilisation et
leur transmission.
Je laisse donc maintenant à M. Oré, du ROMEL, et à
M. Landry, de l'OEIL, le soin de vous présenter d'une façon plus
détaillée le contenu de nos réflexions.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Landry: Voilà, merci. Alors, comme il a
été mentionné un peu plus tôt, plusieurs candidats
locataires... Et, dans une ville comme Montréal, le
«locatariat», si je puis dire, peut-être malheureusement,
mais c'est encore très important, c'est plus de 70 % de la population.
Alors, dans cette population-là, il est de plus en plus utilisé
des formulaires simplement pour savoir si on va avoir le logement ou non. Ce
qui nous inquiète ou ce qui se produit comme pratique, c'est que ces
formulaires-là sont parfois centralisés à une association
de propriétaires ou à une agence, une espèce d'agence de
crédit, comme le Groupe Proprio le fait à Montréal, une
agence qui va elle-même redonner des dossiers de crédit ou des
bonnes ou mauvaises cotes aux locataires, à leurs membres ou aux
propriétaires qui vont en faire la demande.
Cette question-là a été connue et publicisée
au début des années quatre-vingt. Je vous rappelle
l'épisode des listes noires de locataires, qui a fait pas mal de bruit
publiquement, en 1983, 1984. Des gens, comme Pierrot Péladeau,
maintenant à la Ligue des droits et libertés, et un groupe de
recherche de l'Université de Montréal, le Groupe de recherche
informatique et droit, avaient documenté cet épisode-là
des listes noires en affirmant qu'il y avait près de 50 000 locataires
fichés sur une liste noire, donc fichés comme étant des
locataires indésirables. Et, comme c'est le cas jusqu'ici, on vient ici
parce que la brèche, on l'espère, sera bouclée. À
l'époque, ce dont on s'est rendu compte, c'est que, de telles pratiques,
évinçant quelqu'un du marché du logement et
l'évinçant, à tout le moins, d'une partie du parc
immobilier contrôlé par ces associations de propriétaires,
ces pratiques-là se faisaient dans un vide juridique.
Le deuxième élément historique, même si je me
dépêche, ce qui nous a amenés ici, c'est que, autant le
ROMEL que mon organisme, l'OEIL, on a participé à un
comité de travail il y a un an et demi ou deux ans, avec à la
fois la Commission des droits de la personne et la Régie du logement,
auquel comité ont participé nos groupes comme
représentants de locataires dans un quartier peuplé de beaucoup
de locataires, 60 000 personnes environ, et peuplé aussi de beaucoup de
groupes potentiellement discrimina-bles, notamment les nouveaux arrivants au
Canada, au Québec, nos confrères des communautés
culturelles. À ce comité-là étaient aussi les
principales associations de propriétaires: la CORPIQ, l'Association des
propriétaires du Québec et le Groupe Proprio et
Crédit-Proprio.
Si je relate ici cette expérience-là, c'est pour
simplement résumer que ça s'est terminé sur un
échec et pour constater avec vous que, quand des gens de l'industrie
vous parlent d'autorégle-mentation, on avait, à ce
moment-là, une possibilité avec des espèces de
médiateurs - j'appelle ici la Régie du logement et la Commission
des droits - et les consommateurs, nous, d'un côté, on avait une
possibilité d'autoréglementa-tion. Ça s'est terminé
sur un échec. Ils ont préféré dire: La
législation ne nous oblige à rien maintenant, on n'ira pas plus
loin. Le but de ce comité-là était d'avoir un formulaire
type pour demander des logements, qui excluerait certains renseignements trop
personnels et qui garderait ceux nécessaires à évaluer
notre candidature. Alors, ces gens-là ont arrêté le travail
du comité, ne se sont pas entendus avec nous sur le formulaire type et
ils n'ont depuis, non plus, rien fait. Le dossier avait été
lancé; ils auraient pu, dans notre secteur, l'habitation, faire quelque
chose pour protéger nos renseignements. Ils ne l'ont pas fait. (20 h
10)
Pour me concentrer sur le mémoire pour les cinq minutes qui me
restent environ - plus de cinq minutes pour notre temps, mais je voudrais
laisser l'occasion à M. Oré d'ajouter quelques mots - nous, on
s'est concentrés sur quatre articles, comme vous l'avez vu. Dans un
premier temps, c'est l'article 5. Compte tenu qu'aux locataires on demande
souvent les numéros de permis de conduire, les numéros de comptes
bancaires, il nous semblait que le terme «pertinent» était
un peu trop large. Alors, au bas de
cette page, la première page des analyses et recommandations, on
recommande l'utilisation d'un terme comme «nécessaire»
à l'objet du dossier. Ça nous semblerait plus approprié
que «pertinent». J'ajoute que ce terme-là, selon mes
connaissances, est le terme actuellement utilisé dans la loi pour le
domaine public, pour le domaine gouvernemental. Alors, il y aurait
correspondance entre la loi pour les renseignements dans le secteur
privé et le secteur public.
Le deuxième commentaire, c'est à l'article 6 où on
dit que la personne qui recueille des renseignements personnels doit les
recueillir auprès de la personne concernée. On voudrait s'en
tenir au principe du premier alinéa. Nous craignons toute forme de
collecte faite auprès de tierces personnes, finalement.
À l'article 7 - et j'espère que mon effort
d'accélération ne crée pas de confusion - c'est quelque
chose d'extrêmement important pour nous autres. Souvent, on se
présente à de grosses corporations, parfois des membres d'une
association, et il nous semble pertinent que, par cet article-là, qui
exige que ceux qui vont prendre nos données, qui vont les centraliser et
qui vont constituer des dossiers... il nous semble que ces personnes-là
devraient effectivement nous donner leur nom et leur adresse et les
renseignements minimaux pour qu'on sache comment consulter notre dossier ou le
rectifier, puisqu'on ne sait pas, même une fois
déménagé de notre logement, ce dossier-là peut se
promener.
Alors, le deuxième alinéa de l'article 7, qui dit que
ledit article ne s'applique pas à la collecte de renseignements faite
à l'occasion de la fourniture d'un bien ou de la prestation d'un
service, c'est un alinéa que nous aimerions voir retirer puisqu'on
considère que, quand on loue un logement, on est en train de donner des
renseignements qui visent à la signature d'un contrat, à la
fourniture d'un service, ce qui fait que cet article-là ne
s'appliquerait pas au candidat locataire. C'est bien ça. Je recommande
donc que ce soit biffé.
L'article 8: «Nul ne peut refuser de procurer un bien...»
Ici, c'est la question... Je ne sais pas si ça a été
discuté précédemment par d'autres organismes que le
nôtre, c'est la question du renseignement normalement recueilli qui nous
pose problème. Je sais, pour avoir suivi dans les médias, que la
Commission des droits de la personne s'est justement servi de l'exemple du
logement pour discuter de cet article-ci.
Dans le logement, présentement, et vous le voyez aux annexes,
c'est un peu le «free-for-all». Il y a des choses, comme le nombre
de personnes dans le ménage, la nationalité, qui sont
demandées; le numéro de compte bancaire est assez
systématiquement demandé, l'employeur, moins, mais il l'est
parfois. Alors, comme il y a une pratique depuis 7, 10, 12 ans de demander de
tels renseignements, est-ce que cet article de loi, tel que libellé,
viendrait dire: Bien, c'est quelque chose de normalement demandé, est-ce
qu'on pouvait refuser? Vous ne pouviez pas refuser de donner ça, c'est
normalement demandé. Alors, ça, ça nous inquiète et
c'est une question qu'on pose.
Le dernier élément que j'aimerais souligner au niveau du
corps de la loi, c'est une possibilité que je veux soulever et, en
période de questions, j'aimerais peut-être vous demander si c'est
une chose réalisable et réaliste. On est conscients que la loi
s'adresse à beaucoup de secteurs, alors on a pensé, à
l'article 5, à mon organisme, notamment, de demander qu'on
précise déjà dans la loi que certaines questions ne
devraient pas être posées dans le logement, par exemple
l'état civil, l'état du ménage... Déjà, la
Charte des droits et libertés interdit de discriminer quelqu'un sur le
sexe ou sur le fait d'avoir des enfants.
On a pensé demander à l'Assemblée nationale de
faire une loi qui dirait: Pour le logement, vous ne demandez que tels
renseignements, l'emploi, par exemple, l'ancien propriétaire pour
démontrer que vous êtes capable de payer. Finalement, on s'est
rendu compte que ça pouvait être utopique de faire une...
d'insérer quelque chose de spécifique sur l'habitation dans la
loi, sans compter qu'on avait peur qu'en obligeant à donner quatre
renseignements même ceux qui, actuellement, en demandent deux se mettent
à en demander quatre systématiquement.
Alors, ce qu'on voudrait évaluer, c'est la possibilité...
ou ce qu'on voudrait sensibiliser, c'est, une fois une loi comme celle-ci
adoptée, la possibilité qu'il y ait quelque chose de sectoriel
pour l'habitation, puisque, comme va vous l'expliquer Martin maintenant, non
seulement l'habitation est un bien essentiel, mais, en plus, il y a des risques
de discrimination importants. Discrimination, ça entraîne
concentration ou ghettoïsation de certains groupes sociaux dans un
quartier ou des secteurs donnés. Donc, étant donné le
caractère, je dirais, éminemment social puis étant
donné que c'est le premier item de nos budgets personnels, l'habitation,
on croit qu'un travail dans le secteur de l'habitation locative avec les
associations de propriétaires, avec les agences de crédit,
ça serait drôlement pertinent.
Notre idée à nous, c'est d'avoir un formulaire type qui
serait proposé, qui ne serait pas obligatoire mais qui serait
proposé. Étant proposé par le gouvernement ou par des
organismes comme la Commission d'accès à l'information, ça
pourrait donner une crédibilité qui en faciliterait l'usage et
qui, finalement, instaurerait des habitudes, je dirais, des manières de
fonctionner plus respectueuses de notre vie privée.
Une dernière chose que je veux mentionner, ce projet de
mémoire, même si on a dû le faire rapidement, on a eu le
temps d'en discuter avec les bénévoles de mon organisme dans un
comité. Quand on prend le temps de discuter avec les
citoyens, je peux vous confirmer que l'inquiétude à donner
des renseignements, l'espèce d'hésitation, elle est très
présente. On n'a pas beaucoup de plaintes de gens qui appellent en
disant: Je dois remplir un formulaire. J'en ai eu une, incidemment, il y a deux
semaines. Mais, quand on prend le temps d'en discuter, les gens disent: Je ne
veux pas donner mon numéro d'assurance sociale, et: Va présenter
à Québec quelque chose qui ferait qu'il n'y aura pas de
discrimination.
Martin va conclure. On peut se permettre deux ou trois minutes encore,
M. le Président?
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, oui. M. Landry:
Je vous remercie. Le Président (M. Doyon): M. Oré.
M. Oré: Merci. ROMEL, c'est un organisme qui dessert
l'immigration en matière d'habitation. Vous savez bien qu'il y a plus de
45 000 personnes qui entrent au Québec chaque année. 90 % de ces
personnes-là s'établissent à Montréal et juste 10 %
viennent en région. mais, lorsqu'on fait affaire avec la
clientèle, surtout en habitation, il faut qu'on trouve un logement
à tout ce monde-là. notre organisme dessert 33 organismes de
communautés culturelles qui sont financés par le ministère
des communautés culturelles et de l'immigration du québec,
justement, pour faciliter l'établissement de ces nouveaux arrivants au
pays. ce n'est pas facile, des fois, à surmonter les obligations
auxquelles on fait face dans le quotidien, c'est-à-dire que ce n'est pas
facile, souvent, de trouver un logement immédiatement pour quelqu'un qui
vient de rentrer au pays, surtout lorsqu'on fait face à une série
de formulaires.
Je ne sais pas si vous avez testé la diversité des
formulaires qui existent à Montréal, justement, qui sont remplis
par les aspirants locataires. Des fois, même, chaque petit
propriétaire a bâti son propre formulaire. Donc, il faut remplir
parfois les numéros de passeport, l'origine ethnique, la langue
parlée et ces choses-là. Quand on essaie de concilier ces
aspects, disons, ces questions, sur lesquelles on travaille quand même
depuis à peu près 24 mois, avec la terminologie juridique qui est
proposée à la section 11 du projet de loi 68, notamment les
renseignements pertinents, les renseignements normalement recueillis et les
renseignements nécessaires, on trouve que les termes juridiques ont une
vaste utilisation, une imprécision, et c'est difficile pour nous.
Ça nous préoccupe profondément de savoir ce qui est
un renseignement normalement recueilli, par exemple, à Montréal.
Par exemple, maintenant, à Montréal, c'est normalement requis de
demander une information par rapport à l'ethnicité, à la
langue, au pays d'origine, des choses comme ça. Ces renseignements
normale- ment recueillis, donc, seraient légaux et nécessaires,
seraient pertinents. Ça nous préoccupe. Pourquoi? Parce que vous
savez que, dans toute métropole, il y a des poches de pauvreté,
il y a des poches ethniques. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas
seulement d'assurer la vie privée des citoyens ou des résidents
québécois et québécoises, mais aussi d'enlever la
matière à certains propriétaires de façon à
ce qu'ils ne puissent pas exercer de pratiques discriminatoires.
Justement, ces questions qui n'ont rien à voir avec la location
d'un logement encourageraient certains propriétaires à exercer de
la discrimination pour sélectionner les locataires qui, d'après
eux, seraient plus faciles à assurer leur investissement en
matière d'habitation. C'est quoi, l'effet secondaire, dans la
réalité? C'est alors la concentration de certaines ethnies,
notamment la communauté noire dans un coin de Montréal, les
Arabes dans un coin de Montréal et, maintenant que c'est la mode un peu
au Brésil, entre guillemets, les ménages, les ressortissants de
l'Europe de l'Est qui s'en vont, par hasard, dans l'est de Montréal.
Donc, c'est ça qui pose le défi, justement, de comment
éviter ces concentrations d'immigrants qui, parfois, sont
facilitées par la multiplicité des formulaires qui existent
à Montréal au niveau de la location de logements. (20 h 20)
Donc, notre intérêt de nous asseoir ici, c'est soit de
recommander à la commission que les termes juridiques, je le
répète, qui se trouvent à la section II du projet de loi
en question, les renseignements pertinents par rapport aux renseignements
normalement recueillis, ce n'est pas tellement, je crois, réaliste
lorsqu'on parle de la question immigrante parce que peut-être qu'on va
légaliser ce qui, pour nous, serait une atteinte à la charte
québécoise des droits de la personne concernant l'origine
ethnique, ou la langue, ou le numéro de passeport.
Une autre question qui nous préoccupe, c'est évidemment le
numéro d'assurance sociale auquel sont aussi confrontés les
nouveaux arrivants. Vous savez, je crois que le président de la
commission et M. le ministre et MM. les députés ont tous une
carte d'assurance sociale qui commence avec le numéro 2. Bon. Mais ce ne
sont pas tous les résidents québécois qui ont une carte
d'assurance sociale qui commence avec le numéro 2. Il y a certains
résidents qui ont un numéro de carte d'assurance sociale qui
commence avec le 9. Il y a d'autres personnes qui n'ont même pas de carte
d'assurance sociale avec le 9, mais qui ont un papier jaune qui est un permis
de travail ou un permis temporaire. Alors, c'est encore un autre handicap
auquel on fait face, justement, et qui, parfois, permet aux
propriétaires du secteur privé, pas tous les
propriétaires, bien sûr, certains propriétaires, justement,
de sélectionner ceux qui sont plus
stables au pays, donc, par rapport au numéro du début de
la carte d'assurance sociale comparativement à ceux qui ont des
numéros 9 ou d'autres documents d'identification qui ne seraient pas
nécessairement stables. Donc, c'est plus... On accentue, justement, les
questions, donc on a plus de matière à exercer des pratiques
discriminatoires que, je pense, on est tous contre, surtout dans la
réalité montréalaise actuelle qui, d'ailleurs, s'appelle
l'année de l'harmonie raciale pour l'année 1993.
Donc, voilà l'essentiel de nos préoccupations. J'aimerais
juste vous faire part que, dans la saison de location 1992, pendant la
période de location 1992, pas toute l'année 1992, les plaintes de
discrimination reçues à la Commission des droits de la personne
ont triplé. Donc, c'est un indice inquiétant, bien sûr,
pour tout le monde et c'est ça qu'on voulait exprimer ce soir, ici.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
M. Oré, Mme Bélec, Mme Hontebeyrie, M. Landry, bienvenue.
Merci de venir participer aux délibérations de la commission. Au
départ, je vous avouerai qu'il est regrettable que vous n'ayez pas pu
présenter votre mémoire avant celui du Conseil du patronat qui a
été étonné de la portée de notre
législation et n'avait pas pensé inclure dans ses commentaires
les difficultés auxquelles les gens qui sont les grands
défenseurs, justement, des droits des locataires... n'ont pas pris soin
d'inclure dans leurs commentaires ce groupe. Ils ont parlé d'entreprises
de crédit, etc., mais ils n'ont pas parlé de ça. Je pense
que c'est extrêmement important que vous veniez, ce soir,
témoigner, justement, de votre préoccupation qui, de façon
très légitime, préoccupe beaucoup les parlementaires, je
peux vous l'assurer, tant de ce côté-ci que de l'autre
côté.
On ne met pas et je ne crois pas que vous ayez mis en doute
l'intérêt légitime et sérieux pour un
propriétaire d'aller chercher des renseignements et des informations.
Mais pas n'importe quelles. Je pense que, d'emblée, lorsque vous parliez
de l'étude de la Commission des droits de la personne que vous avez
citée dans votre mémoire, qui a déjà fait
état, bien sûr, de la collecte de certains renseignements, selon
que l'aspirant soit Noir ou Blanc... Vous avez évoqué aussi la
réticence des locataires à fournir des renseignements, et avec
raison là-dessus.
Lorsque vous me parlez de l'article 5 du projet de loi sur la question
de «pertinent» et «nécessaire», avez-vous
à l'esprit quels devraient être les renseignements
nécessaires pour la prise de décision? Je sais que, tout à
l'heure, vous m'avez parlé de quatre ou deux, mais si, demain matin,
vous deviez nous conseiller, le député de pointe-aux-trembles, le
président et les autres parlementaires sur, précisément,
le type de renseignement qui serait nécessaire, ce serait quoi?
M. Landry: Chez nous, le logement locatif pour... Il y a deux
possibilités. Notre opinion personnelle, parce que l'organisme, on a
étudié cette question-là, puis on s'est rabattu sur
quelque chose de plus restrictif possible que «pertinent». Sinon,
la solution qu'il y aurait, c'est que ce qu'un propriétaire doit
vérifier, finalement, le principal, selon nous, ce serait toujours
ça, ça a toujours été clair, c'est l'historique de
paiement, c'est: Est-ce que cette personne est, habituellement, un bon
locataire?
Il y a beaucoup d'assistés sociaux. Malheureusement, à
Montréal, on en est maintenant à 1 personne assistée
sociale sur 8. Je ne dis pas 1 personne pauvre sur 8, mais 1 personne
assistée sociale sur 8. Ces gens-là paient 40 %, 60 % de leurs
revenus pour se loger et certains l'ont fait depuis 20, 25 ans. Alors, ce n'est
peut-être pas un dossier de crédit, ce n'est peut-être pas
le nom de l'employeur qui est important, c'est l'historique de paiement.
L'historique de paiement, en termes de renseignements, ça implique: nom
de l'ancien propriétaire, preuve de paiement, chèque ou preuve de
paiement de comptes d'utilités publiques - je ne sais pas si c'est un
anglicisme - Hydro-Québec, Bell Canada. Ça, c'est un type de
renseignement, donc, ancien propriétaire, preuve de paiement, qui nous
semble correct.
Si on va plus loin, c'est naturellement des questions d'employeurs.
Qu'un candidat locataire qui travaille, ça lui soit demandé,
ça ne nous semble pas abusif. Il y a des catégories d'habitations
où, probablement, quand tu paies 800 $ ou 1000 $, c'est
préférable d'avoir un emploi. Si tu n'en as pas, il y a d'autres
marchés pour ça. Donc, le nom de l'employeur ou une
manière de découvrir qu'on a un emploi, la question de l'emploi
nous semble pertinente.
Il y a la fameuse question des dossiers de crédit. Martin parlait
du numéro d'assurance sociale et nos membres... Moi, je constate que
c'est ce qui est le plus sensible, c'est ce qu'on aime le moins.
Personnellement, c'est ce que je déteste le plus donner aussi, quand je
vais à un endroit, pour un dossier aussi simple que le club
vidéo, par exemple, mon numéro d'assurance sociale, ça
m'est demandé et je me bats chaque fois.
M. Cannon: Mais pourquoi vous le donnez?
M. Landry: Je ne le donne pas, c'est ça, mais, dans le
logement, les propriétaires au fameux comité dont je vous ai
parlé, ils nous disaient: II est essentiel pour aller à
Équifax,
pour aller vérifier le dossier de crédit. L'enquête
de crédit, à mon organisme, l'OEIL, même si on
préfère la question de l'historique de paiement et, donc,
seulement donner le nom de l'ancien propriétaire, il reste que le
dossier de crédit, ça ne nous semble pas aberrant qu'un
propriétaire puisse parfois demander de vérifier notre dossier de
crédit parce que c'est des contrats importants, la location d'un
logement. Je me fait l'apôtre des propriétaires peut-être,
mais c'est des 5000 $, 6000 $, 7000 $ par année comme contrat et c'est
un contrat, sur notre Code civil, qui est renouvelable automatiquement, je
dirais. Il faut qu'il y ait une faute grave de la part du locataire pour que le
propriétaire y mette fin ou des exceptions comme reprendre un logement
pour sa famille ou pour soi-même. C'est un contrat habituellement
renouvelable, donc c'est plus qu'une automobile, finalement.
Qu'on vérifie si j'ai un bon crédit, ça peut nous
sembler correct et, si le numéro d'assurance sociale est essentiel
à ça, bien, je serais porté à admettre le
numéro d'assurance sociale. Mais, en termes d'organisme, autant le ROMEL
que l'OEII, pour venir ici ce soir, cette question-là du NAS est
sensible pour nos membres et on n'a pas fait de consensus à savoir si on
est prêts à accepter ça. Donc, emploi, historique de
paiement et peut-être NAS.
M. Cannon: Vous me dites que, chez les propriétaires, on
peut, à certains égards, demander le numéro d'assurance
sociale en alléguant qu'on a besoin du numéro d'assurance sociale
pour aller chercher les renseignements de crédit chez
Équifax.
M. Landry: À trois réunions de la Commission des
droits et de la Régie, à peu près tous les renseignements
avaient une raison. Le numéro d'assurance sociale et la date de
naissance étaient, selon eux, essentiels pour aller à
Équifax. Si on peut aller au dossier de crédit sans le
numéro d'assurance sociale, il est très clair pour nous qu'on
n'aime pas, qu'on serait contre, qu'on ne voudrait pas qu'il y ait des
formulaires demandant le numéro d'assurance sociale. La seule raison qui
fait qu'on l'accepterait, ce serait que ça justifie une recherche
à Équifax et, même ça, comme position d'organisme,
on a de la difficulté. C'est notre espèce de bon sens, notre
bonne volonté de comprendre qu'il faut enquêter sur notre
crédit, mais, même ça, c'est délicat. Quand j'en
parle à mes membres...
M. Cannon: Non, mais... Je ne veux pas mettre une
responsabilité sur le dos d'Équifax, mais peut-être
auprès des propriétaires. Je ne suis pas convaincu, moi, que les
propriétaires doivent fournir à Équifax le numéro
d'assurance sociale. Je ne suis pas convaincu, là.
M. Landry: Moi non plus.
M. Cannon: on peut aller chercher des vérifications. je
sais qu'il y a des gens en arrière qui sont en mesure de nous fournir
des renseignements, mais, de toute façon, ça...
M. Landry: C'est clair que, si ce n'est pas utile...
M. Cannon: Oui.
M. Landry: ...je ne vois pas d'autre utilité à
donner le numéro d'assurance sociale.
M. Cannon: O.K.
M. Landry: C'est un numéro clé, au Canada, et le
locataire ne voudra pas le donner.
M. Cannon: Là-dessus, je suis absolument d'accord avec
vous. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles. (20 h 30)
M. Bourdon: II y a une chose qui est évidente, c'est que
le numéro d'assurance sociale donne accès à beaucoup plus
de banques de données que juste celles touchant le crédit. Je
pense que c'est la raison pour laquelle il y a des gens qui le demandent.
Je suis d'accord avec ce que vous dites, que ce qu'il est
légitime pour un propriétaire, un locateur de demander, c'est le
propriétaire précédent, pour demander des
références sur la personne et chercher à savoir si la
personne va être en mesure de payer. Mais, d'une certaine manière,
je suis très frappé aussi par la page 22 de votre mémoire
où vous faites état d'études sur les renseignements qui
sont requis par les locateurs suivant la couleur de sa peau, et ça
m'amène à vous poser le dilemme qui se pose d'une certaine
façon. Il y a une disposition dans le projet de loi qui dit qu'on n'a
pas le droit de refuser de vendre un bien ou de louer un service à une
personne parce qu'elle a refusé de répondre à des
questions qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires, peu importe. Mais,
dans le fond, le problème que je me pose et que je vous pose, c'est
comment légiférer pour atteindre les fins qu'on poursuit?
Ce que je veux dire par là, c'est que le rapport de force entre
le locateur et le locataire éventuel est très
disproportionné parce que le locateur peut faire semblant de
s'astreindre à des règles. J'ai déjà cherché
des logements et il y a l'invariable réponse de d'abord se faire dire
qu'il y a trois personnes dont on attend la réponse pour louer et qu'on
va vous mettre sur la liste, ce qui permet d'éviter bien des embarras.
Ça permet de dire: Ah! c'est dommage, il y a justement quelqu'un qui est
arrivé avant vous.
Dans le fond, le problème que je pose... Je
ne dis pas qu'il ne faille pas légiférer, et je pense que
l'Assemblée nationale va le faire, mais comment faire en sorte qu'on
brise ce rapport de force qui est par trop inégal? Parce que le
propriétaire, il peut faire semblant, le locateur, de se soumettre
à toutes sortes de règles, mais il a sa discrétion en bout
de ligne. Je vous pose la question dans le fond: Est-ce qu'il y a des moyens,
à votre avis, qui pourraient être utilisés? Et,
deuxième question, est-ce que le secteur public est plus décent
que le privé dans sa façon de recevoir les demandes de
logement?
M. Landry: Première question, la solution - on n'en
parlera pas beaucoup ce soir - ce serait effectivement de forcer à tenir
un registre des visites et de forcer à louer à la première
personne.
M. Bourdon: Oui.
M. Landry: Mais j'entrevois... Je dis que la solution, ça
serait de forcer à tenir un registre des visites - ça a
été imaginé, en tout cas, de notre côté - et
de forcer à louer à la première personne, disons, solvable
ou quelque chose du genre. Ça serait une solution législative
parfaite, mais on n'en parlera pas trop ce soir, et vous pouvez entrevoir les
difficultés sociales de la faire accepter. Je ne suis pas sûr que
le consensus est là.
La loi qu'il y a actuellement nous donne des outils. Nous, on ne l'a
peut-être pas assez souligné, mais on est bien satisfaits qu'il y
ait enfin une loi. J'ai parlé de listes noires de 50 000 personnes en
1983; on est en 1993, enfin il y a quelque chose. Ensuite, quand on demande de
s'assurer que l'article 7, qui ne fait que nous dire: Voici, ton dossier, il
est à telle place; si tu veux le vérifier, si tu veux le
contester, la procédure, elle est celle-ci... Une feuille
polycopiée qu'on distribue pendant deux ans, ce n'est pas très
compliqué, c'est déjà un outil. Au moins, les gens vont
avoir moins l'impression d'être à la... Présentement, ils
ne prennent même pas copie de ces formulaires-là. On a de la
difficulté à avoir copie des formulaires, les annexes qu'on vous
a mises. Les gens nous disent toujours: Non, je n'en ai pas de copie. Ce n'est
même pas fait en double.
Alors, on officialise un peu, on crée un tribunal, on nous donne
la possibilité, à nous autres - espérons qu'il y aura plus
de moyens que seulement ceux que nos groupes peuvent financer - de faire
certaines causes types. C'est déjà des moyens. Ensuite,
éviter des choses comme Martin en a fait état tantôt, comme
des «normalement» dans la loi; mettre des termes juridiquement plus
restrictifs, plus sévères que du «normalement»; ne
pas avaliser une pratique si une pratique est mauvaise. Déjà,
c'est des outils parce qu'on va pouvoir enfin aller à la
Commission d'accès. Et, en troisième lieu, bien, ça
serait de la sensibilisation et du travail par secteur. Que cette Commission
amène des grandes corporations propriétaires ou amène ceux
qui tiennent des fichiers comme ça à s'asseoir avec elle ou
qu'elle leur impose un cadre. Nous, notre idéal, ça serait
même un formulaire type comme il y a un bail au Québec, comme il y
a un formulaire de la Régie du logement pour le calcul. La distribution
de papiers faits par l'État, habituellement, à la longue,
ça aide à faire développer de nouvelles pratiques. Sinon,
la solution, c'est de forcer à louer au premier.
Pour ce qui est des organismes publics, en gros, c'est beaucoup mieux.
Naturellement, eux, il y a parfois des objectifs sociaux qui font qu'ils ont
besoin... Par exemple, une maison de réfugiés va forcément
avoir besoin de vérifier si c'est des réfugiés; il y a des
discriminations correctes, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a parfois des
problèmes. Il commence à y avoir certaines volontés
d'administration de HLM à limiter un peu l'accès aux nouveaux
arrivants. La population traditionnelle commence à dire que c'est elle
qui y va, il commence à y avoir des problèmes, mais disons qu'on
peut encore faire le débat, puis la porte est encore assez ouverte, je
croirais. Et, au niveau de la discrimination formelle, dans le public,
naturellement, on l'évite.
M. Oré: J'aimerais juste peut-être compléter.
Dans notre organisme, on a une société immobilière qui est
rattachée au ROMEL On est propriétaires de 50 logements locatifs
et on gère environ 350 logements qui appartiennent à la ville de
Montréal, entre autres. On gère aussi des coopératives de
la Société d'habitation du Québec. Donc, le stock de
logements locatifs qu'on gère dans notre organisme, pour un organisme de
communautés ethniques, c'est quand même important. On est les
seuls, je crois, au Québec, à faire une chose semblable.
Lorsqu'on loue nos logements, on ne fait jamais des enquêtes de
crédit, par exemple. C'est-à-dire, la personne qui vient demander
un logement en location, évidemment, elle a un formulaire à
remplir. Mais les questions qu'on pose dans notre formulaire, ce n'est pas des
questions qui vont à l'encontre, justement, de la vie privée ou
des valeurs de la personne.
Donc, on pose juste... son ancien propriétaire. On va
évidemment se référer aux références de
l'ancien propriétaire, parce que, évidemment, si c'est un bail de
500 $, donc c'est 6000 $ par année, et puis la loi dit que la personne a
droit à un maintien dans les lieux. Donc, ça peut se renouveler
jusqu'à la mort. On parle des affaires, des fois, de 50 000 $ ou 60 000
$, etc. C'est de la solvabilité, donc, qu'il faut s'assurer.
Disons, l'accent avec lequel je parle mon français, en quoi
ça va aider un propriétaire à me louer un logement ou non?
C'est ça, la
uestion. Et la couleur de ma peau, en quoi ça va me le donner? Si
on me demande la couleur, c'est peut-être pour me confiner dans un
quartier déterminé ou des choses comme ça. Et ce n'est pas
là, je crois, l'avenir pour le Québec. Donc, c'est ça
qu'on essaie...
Un des moyens qu'on avait essayé de développer au
Québec, c'était à l'intérieur de la Commission des
droits de la personne. Il y avait la Commission des droits de la personne, la
Régie du logement et les trois plus grosses associations du secteur
privé. Pour nous, c'était une réussite quand même de
s'asseoir ensemble, les organismes qu'on appelle communautaires avec les gros
du secteur privé et puis l'instance publique, pour bâtir un
formulaire type.
Vous savez, lorsque le Québec a offert à la
société un bail type, ce n'était pas bien perçu par
le secteur non plus, c'est-à-dire que les propriétaires
privés les boudaient à l'époque. Mais Québec a mis
son bail type au service de ses résidents, des citoyens, et puis c'est
quoi le résultat maintenant? 98 % des propriétaires et des
locataires, on l'utilise et, maintenant, on paie encore 2 $ pour chaque
exemplaire. Alors, c'est ça, c'est une réussite.
C'est-à-dire que c'a mis de l'ordre.
Il y a aussi les formulaires de calcul des augmentations de loyers qui
sont faits par la Régie; donc, tous les propriétaires sont
obligés de le faire pour faire valoir les augmentations. Alors, pourquoi
ne pas continuer la même tendance innovatrice et mettre sur pied un
formulaire type qui serait parrainé et produit par la Régie du
logement, justement, qui mettrait de l'ordre dans la location des logements
privés?
Quand on parle du logement social ou public - évidemment, vous
connaissez - le logement public est tellement
«paramétré», c'est-à-dire adressé
à certaines clientèles... Il faut que la clientèle soit
pauvre et en deçà du seuil de la pauvreté même. Et
puis, tant que tu es pauvre, tu bénéficies de ton logement
social. Donc, pour satisfaire tous les questionnements auxquels justement je me
qualifie pour ce logement, je dois prouver que mon revenu est inférieur
à ça, je dois prouver que ma catégorie est ça, que
mon statut est ceci, justement pour me qualifier à un logement social.
C'est les mêmes programmes, c'est les mêmes droits, les mêmes
politiques d'habitation qui vont justement encourager à le faire et,
oui, je dirais, que ce soit appliqué. (20 h 40)
M. Bourdon: Je voudrais dire, M. Oré, que
j'apprécie ce que vous dites de votre expérience dans la gestion
de logement, parce que, en fait, aucun d'entre vous dit qu'il est
illégitime pour un locateur d'avoir certains renseignements de base. Et,
à cet égard, je suis toujours frappé, quand les gens sont
responsables, de voir comment ils s'en acquittent bien.
J'ai, dans mon comté, une coopérative de 178 logements,
des logements qui ont été rache- tés il y a 10 ans de la
SCHL, et, en 10 ans, le taux de perte de loyer de la coopérative pour
178 locataires est nul. Ils n'ont jamais perdu un sous de loyer de qui que ce
soit. Et, pourtant, le formulaire qu'ils font remplir aux gens ne contient pas
de demandes abusives. Et, dans le fond, comme M. Oré le disait, quand
les gens intéressés le font eux-mêmes, ils savent qu'on
peut faire ça correctement tout en s'assurant que la personne qui
demande un logement est une personne qui est capable de le payer et de bien
l'entretenir. Dans le fond, c'est ça.
Mais le signe que ce que vous dites est vrai, c'est que la loi à
l'égard de la sous-location... Quand un locataire quitte avant terme,
c'est toujours amusant de voir, comme la seule exigence du propriétaire
pour le sous-locataire peut être la solvabilité, comment
rapidement bien des locateurs dégagent de toute obligation la personne
qui veut se trouver un sous-locataire, parce qu'ils n'aiment pas la base sur
laquelle ça va se faire, c'est-à-dire de prouver la
solvabilité. Et on voit ça constamment, que le locateur dise:
Partez, d'abord, je vais trouver quelqu'un, parce que son seul motif de refus,
ça devient la solvabilité.
Mais votre suggestion d'un formulaire type, je pense, est très
opportune, mais déborde peut-être le cadre de notre mandat
à l'égard de la loi, bien qu'on pourrait, par cette loi,
créer les conditions pour que ça devienne plus possible. Vous
avez raison de le souligner, le bail type, il y avait un grand scepticisme,
mais, finalement, à l'usage, on s'est aperçu que c'était
quelque chose de clair, qui renseignait les deux parties sur leurs droits et
qui contenait l'essentiel, et il est maintenant, je dirais, entré dans
les moeurs.
En tout cas, on a pris bonne note de vos observations sur les articles
du projet de loi que vous voudriez voir modifiés. Avant de laisser la
parole au côté ministériel, je voudrais vous remercier du
sérieux, de la qualité de votre mémoire et de votre
implication aussi dans un quartier et dans un domaine où, à
Montréal, il y a besoin d'organisations communautaires comme les
vôtres.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président.
Juste une petite question rapide pour une information. Vous avez
mentionné, M. le Président, que, pour une information de base
pour un bail, il serait intéressant d'avoir l'histoire et l'historique
de paiement du locataire. C'est quoi l'information de base que vous
consentiriez à donner pour un immigrant nouvel arrivant? Il n'a pas
d'histoire. Comment vous pouvez... Quelles sont les informations que vous
pouvez consentir adonner?
M. Landry: Tout juste. Vous avez trouvé...
On s'est posé cette question-là. Est-ce que tu veux
répondre ou si j'y vais un peu?
Une voix: Oui.
M. Landry: C'est un gros problème qu'on a. Effectivement,
on s'est dit: En général, il nous semble... Et quand je dis
«historique», l'entendant dans vos mots, je me rends compte que
ça fait impressionnant, mais ce n'est pas nécessairement les huit
derniers locateurs, c'est le dernier, les deux ou trois dernières
années, un peu comme on le fait en prêt, finalement.
La question des nouveaux arrivants, on s'est posé le
problème. Eux sont désavantagés par cette espèce
d'option, en mettant l'accent là-dessus. Eux, il reste à
démontrer leurs revenus. Il s'agit seulement de calculer un peu si le
loyer va être 60 % ou 40 % de leurs revenus. Donc, j'ai tant de capital
en arrivant et j'ai des revenus de rentes d'environ 1000 $ par mois ou j'ai des
revenus d'aide sociale de 600 $ par mois. Finalement, on en vient à la
capacité de payer.
Mais, nous, on met un peu plus l'accent sur l'historique de paiement
parce que beaucoup de personnes à faibles revenus paient un taux
d'effort qui serait considéré fort. Un propriétaire
pourrait être porté à dire: Ah! 40 % de vos revenus, c'est
vraiment trop, alors que plusieurs le font tout le temps. Mais, pour les
nouveaux arrivants, il y a effectivement un problème.
M. Khelfa: Là, vous venez de consentir à donner une
nouvelle information à l'effet... Vous venez de consentir à
donner son revenu et son état, est-ce qu'il est sur l'aide sociale ou
s'il travaille.
M. Landry: Tout à fait.
M. Khelfa: Donc, c'est une nouvelle information que vous
consentez à donner.
M. Landry: C'est une information plus sensible qu'on demanderait
à quelqu'un de donner parce qu'il n'y a pas l'information sur
l'historique du paiement.
M. Khelfa: Merci.
M. Landry: C'est effectivement un pis-aller.
M. Oré: Juste pour compléter. Vous savez, depuis
l'année dernière, on essaie de bâtir une banque de
logements à louer justement pour celui, la clientèle qui n'a plus
de références, qui n'a pas de références,
malheureusement. On a contacté l'association des propriétaires,
les deux ou trois associations de propriétaires; il y a deux articles
même qui sont parus dans leur journal. Et le privé vient nous
chercher, justement, mais le contexte est de 35 000 logements locatifs à
Montréal, le taux de vacance de 7 %, donc on développe un
partenariat renouvelé avec le secteur privé, puis on est vraiment
des coopérants, quoi.
Mais, vous savez, lorsqu'on essaie de trouver un logement pour quelqu'un
qui n'a pas de références, c'est la bonne foi qui prime,
c'est-à-dire c'est la bonne foi de part et d'autre. Et, souvent, il y a
peu de personnes nouvellement arrivées qui n'ont pas de revenus. Des 100
% de l'immigration, vous savez bien que 61 % des immigrants qui entrent au
Québec appartiennent à l'immigration économique; 21 %,
c'est l'immigraiion familiale et juste 13 % de l'immigration est humanitaire,
donc les milieux défavorisés ou les plus démunis du monde.
Donc, c'est juste sur 13 %, ce qui est faible comparativement aux années
précédentes, que se pose la question. Donc, c'est la
référence.
Et vous savez comment on loue le logement? Avec la
référence d'un organisme d'accueil qui est financé par le
MCCI. Le MCCI, c'est l'abréviation du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, Québec. C'est juste
par cette référence, en intervenant par un organisme non
gouvernemental, qu'on arrive à louer. Et les propriétaires sont
satisfaits surtout de ces nouveaux arrivants parce qu'ils paient avec
ponctualité. Ils sont arrivés ici, ils veulent faire un bon
dossier, justement, pour avoir ces références qui sont souvent
exigées.
M. Khelfa: D'accord. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. Tout
à l'heure, M. Landry, vous avez indiqué que vous n'étiez
pas complètement rébarbatif au fait que des propriétaires
aient recours aux services de maisons de crédit comme Équifax,
etc. Compte tenu de cette expérience, qui semble peut-être assez
commune, est-ce que vous avez beaucoup de plaintes sur la façon dont
sont évalués les gens qui sont référés par
les propriétaires pour faire une évaluation de leur
capacité de payer, de leur crédit, etc.? Est-ce que vous avez des
mauvais rapports de ce côté-là? Comment est-ce que
ça sonne?
M. Landry: Honnêtement, non. Parce que les associations, il
y en a dans un peu tous les quartiers à Montréal, deux, trois
dans la ville de Québec. On a la clientèle qu'on peut bien
desservir; on est limités par nos ressources. Ce n'est pas connu
«at large», donc il y a une limitation en termes de gens qui
viennent, ça fait que je ne vois pas tous les problèmes. Et cette
question-là spécifiquement, je vous avoue qu'elle est rarement
posée. Nous, on a analysé ça de la manière
suivante: Quand on se cherche un logement, même pour des gens avec un bon
revenu, c'est une période intense de... Il faut identifier où on
veut aller, quels revenus on veut mettre, bon, il y a un paquet de
critères. Souvent, tu négocies ça avec un conjoint ou
une
conjointe, bon, c'est dense.
Et, quand ils sont refusés, bien, ils passent au logement
suivant, puis ils passent au logement suivant. Alors, des gens plus
refusés, et même si c'était par une mauvaise communication
dans le dossier de crédit ou par un faux renseignement au dossier de
crédit, c'est comme si on n'a pas le temps de s'y arrêter. Mon
hypothèque, si elle est refusée, je vais aller chercher pourquoi,
c'est important. Mais le logement, j'ai le choix. Je vais aller à
l'autre, je vais aller à l'autre. Puis, une fois qu'ils sont
logés, ils ne veulent plus revenir en arrière, contacter une
association de citoyens, puis chercher à aller au fond de l'affaire.
Honnêtement, on a peu de plaintes. Les plaintes qu'on a, c'est
plus d'ordre général, genre: Ce formulaire me semble
exagéré. Ou des questions genre: Est-ce que je dois vraiment
donner mon numéro de compte? Et là, quand on leur apprend qu'il
n'y a pas de législation spécifique, ils tombent des nues. Mais
c'est plus une question comme ça qu'on a.
Je dois préciser... C'est une chose que, depuis tantôt, je
me disais: C'est vrai, il faudrait le mentionner. Martin y a fait allusion. Le
taux de logements libres, le nombre de logements qui sont à louer
présentement, c'est pratiquement un record. C'est au moins depuis 1978
qu'il n'a pas été aussi haut, et je pense même que c'est
depuis que la Société canadienne d'hypothèques et de
logement fait de telles statistiques. Alors, en 1983, quand on a parlé
de listes noires de locataires, c'était le contraire. Quand le
marché va se resserrer, quand des nouveaux demandeurs vont venir, quand
les jeunes vont retourner chercher des logements puis que les logements vont
devenir rares, là, on est susceptibles d'avoir plus d'utilisation de
formulaires ou de mécanismes pour mieux choisir les gens puis pour
enlever une partie, la meilleure partie des logements, pour exclure de ce
potentiel des gens.
Si l'économie allait très bien, votre projet de loi, dans
le milieu de l'habitation, d'après moi, les gens en auraient
été très conscients puis les propriétaires seraient
peut-être venus se défendre ici parce qu'ils auraient besoin
d'outils pour mieux enquêter sur notre vie privée.
Présentement, ils ont plus tendance à prendre un peu n'importe
qui parce qu'ils se privent d'un revenu en ayant un logement de libre.
L'équilibre est à 3 %. On a même déjà
considéré, les économistes, 2,5 % à 3 %. Là,
c'est rendu 7,8 %, le taux de logements de libres. Alors, depuis deux, trois
ans, on a un contexte tranquille, nous autres: pas beaucoup d'augmentation de
loyer, accès plus facile aux logements. Mais ça, ce n'est pas
pour longtemps. Dans un an, deux ans, trois ans, on va avoir besoin d'une
commission d'accès. (20 h 50)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Landry.
Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous
remercier, de même que ceux qui vous ont accompagné, de nous avoir
présenté votre mémoire et de l'avoir fort bien
défendu. Ça a été extrêmement
intéressant, et félicitations pour le travail que vous effectuez
sur le terrain. Je vais vous permettre de vous retirer pour que nous puissons
maintenant entendre l'autre groupe.
Nous sommes maintenant à recevoir le Service anti-crime des
assureurs. Je les inviterais à bien vouloir prendre place à la
table.
M. Cannon: Évidemment, M. Doray n'a pas besoin de
présentation, c'est la troisième fois. Avez-vous
réservé une chambre ici, à l'Assemblée?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, je vois que M. Doray
s'ajoute aux deux personnes qui étaient indiquées sur l'ordre du
jour. Je souhaite la bienvenue à M. Garand ainsi qu'à M.
Brochier. Je leur demande de se présenter pour les fins du Journal
des débats. Nous allons suivre les mêmes règles. Nous
sommes prêts à vous écouter.
Service anti-crime des assureurs
M. Garand (Gérald R.): M. Garand, et mon adjoint, c'est
Jean-Pierre Brochier.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue!
M. Garand: Merci.
M. Brochier (Jean-Pierre): Merci.
M. Garand: On va essayer de faire ça assez bref.
Le Président (M. Doyon): On est prêts à vous
écouter.
M. Garand: O.K. Merci beaucoup. M. le Président de la
commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais
tout d'abord remercier cette commission de nous avoir permis de lui soumettre
un mémoire au sujet du projet de loi 68 et de nous avoir invités
à ses audiences publiques pour lui faire part de nos commentaires
à l'égard de cette importante réforme entreprise par
l'Assemblée nationale.
Le Service anti-crime des assureurs a pour but primaire de
protéger l'industrie de l'assurance contre les fautes
perpétrées à l'endroit des assureurs. Le public en
général et plus particulièrement les assurés
bénéficient directement des résultats des activités
du Service anti-crime des assureurs. En fait, la détection et
l'élimination des réclamations frauduleuses ont des
répercussions directes sur les primes d'assurance puisqu'elles
permettent de réduire les pertes et,
par voie de conséquence, les primes d'assurance.
Le Service anti-crime des assureurs offre des services d'enquête,
notamment pour les délits d'assurances, tels que incendie volontaire,
cambriolage simulé ou autres, visant à réclamer
frauduleusement une indemnité des assureurs. Dans le cours des
activités, le Service est amené à collaborer
étroitement avec les corps policiers et les services d'incendie, tant
municipaux que volontaires. Le Service anti-crime des assureurs fournit
également des services connexes tels que des services de renseignement
et de consultation aux assureurs et des programmes de formation à
l'intention des assureurs et des services judiciaires.
Au Québec, nous avons des bureaux à Montréal,
Québec, Sherbrooke, Hull, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe,
Saint-Jérôme et Rimouski. De par ces activités, le Service
anti-crime des assureurs est amené à recueillir et transmettre un
nombre considérable de renseignements. La majorité de ces
renseignements sont conservés dans une banque de données
composée de neuf fichiers distincts. Cette banque de données est
alimentée principalement par les compagnies d'assurances, les bureaux
d'experts indépendants en sinistres, les divers corps de police ainsi
que les enquêteurs du Service anti-crime des assureurs. À titre
d'exemple, les compagnies d'assurances membres transmettent les renseignements
pertinents au sujet de chaque réclamation de plus de 3000 $, ainsi que
sur les réclamations suspectes. Il en est de même pour toute
réclamation portant sur les incendies volontaires.
Notons enfin que le Service anti-crime des assureurs n'est pas une
agence d'investigation et de sécurité au sens de la Loi sur les
agences d'investigation ou de sécurité et de renseignements
puisqu'il n'exerce pas des activités proprement dites commerciales. Le
service est en fait un organisme sans but lucratif qui exerce ses fonctions
exclusivement pour les compagnies d'assurances qui en font partie.
Le Service anti-crime des assureurs tient à souligner qu'il est
favorable à l'adoption d'une loi visant la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé. Toutefois, après avoir
attentivement analysé le projet de loi 68, nous avons de sérieux
motifs de croire que, s'il est adopté dans sa forme actuelle, il aura
non seulement pour effet de nuire sérieusement aux activités de
notre organisme, mais qu'il mettrait en péril son existence
même.
Par la nature de ses activités, le Service anti-crime des
assureurs doit recueillir des renseignements personnels. Or, le projet de loi
68 impose des contraintes démesurées qui ont pour effet direct
d'affecter l'efficacité et la fiabilité de la collecte, de la
conservation et de la communication des renseignements détenus par le
Service anti-crime des assureurs. De plus, par la nécessité
d'obtenir des consentements écrits, le projet de loi 68 rend
virtuellement impossible l'obtention de renseignements dans le cadre d'une
enquête.
Notre analyse du projet de loi 68 nous amène à identifier
les principaux problèmes suivants. Les articles 4 et 5 du projet de loi
68 imposent aux entreprises de ne recueillir que des renseignements pertinents
à l'objet déclaré d'un dossier. Nous croyons que ces
notions de dossier et d'objet auront pour effet de compliquer indûment la
gestion interne de notre entreprise. En fait, ces notions n'apportent rien de
vraiment utile à la protection des renseignements personnels. Il aurait
été plus simple et amplement suffisant, selon nous, de se
référer à la norme de la pertinence en
décrétant qu'une entreprise ne peut recueillir des renseignements
personnels que lorsqu'elle a un intérêt sérieux et
légitime à le faire et que ces renseignements sont pertinents
à l'exercice de ses activités.
Les articles 6 et 7 du projet de loi 68 ont pour effet de rendre
illusoire la possibilité de recueillir des renseignements auprès
des tiers. Rappelons que le Service anti-crime des assureurs intervient
principalement en matière de réclamation frauduleuse. On peut
facilement comprendre que, dans ces cas, les personnes
soupçonnées d'être l'auteur d'une réclamation
frauduleuse ne sont pas nécessairement coopératives avec les
enquêteurs. Aussi ceux-ci doivent-ils se tourner vers les tiers afin
d'obtenir les renseignements leur permettant de déterminer les causes
réelles du sinistre. Or, l'alinéa 2 de l'article 6 ne permet pas
de recueillir des renseignements auprès des tiers à moins que la
collecte soit faite sans révéler à ces tiers un
renseignement dont la loi interdit la communication.
En pratique, lorsqu'on s'identifie comme un enquêteur qui
interroge un tiers afin d'obtenir des renseignements concernant un
assuré, on doit révéler l'implication des renseignements
personnels au sujet de cet assuré, notamment que celui-ci a fait l'objet
d'une enquête. Il nous est difficile de voir dans quelle situation un
tiers acceptera de fournir des renseignements personnels au sujet d'une autre
personne sans connaître l'identité de son interlocuteur ou les
raisons de ses questions. Autant dire que l'article 6 interdit la cueillette de
renseignements personnels auprès des tiers. (21 heures)
Quant à l'article 7, il impose à l'enquêteur qui
désire obtenir des renseignements auprès de l'assuré une
procédure lourde et inefficace. Chaque fois qu'un enquêteur
communique avec l'assuré afin d'obtenir des informations
complémentaires, il devrait se conformer préalablement aux
exigences de l'article 7 et lui indiquer le nom et l'adresse de sa place
d'affaires, l'objet de son dossier, l'utilisation qui sera faite des
renseignements demandés, l'identification des personnes qui auront
accès à ces renseignements, le droit d'accès et de
rectification de la personne concernée ainsi que les conséquences
d'un
refus de fournir les renseignements. Est-ce que c'est vraiment
nécessaire? Nous en doutons.
Par ailleurs, l'article 12 du projet de loi 68 interdit aux entreprises
de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la
personne concernée. Or, dans le corps des enquêtes, le Service
anti-crime des assureurs est souvent appelé à échanger des
renseignements avec des organismes tels que le National Insurance Crime Bureau
des États-Unis. Tenant compte des exigences de l'article 12 du projet de
loi, il nous faudra obtenir le consentement de la personne faisant l'objet de
l'enquête de même que de toute autre personne ayant fourni des
renseignements personnels au sujet du sinistre avant de procéder
à quelque échange avec nos interlocuteurs. Cette exigence nous
apparaît intolérable.
Les articles 10 et 11 du projet de loi 68 imposent la tenue d'un
registre et l'obligation, pour chaque entreprise, de veiller à ce que
ses dossiers soient à jour, exacts et complets. Cela nous semble
administrativement lourd et inefficace, voire même inapplicable en
pratique. La tenue d'un registre de consultation de chaque dossier pose un
problème sérieux puisque certains renseignements sont
conservés pour des périodes de temps très longues et font
l'objet de communications à de nombreux intervenants du secteur de
l'assurance. Nous comprenons que, en vertu de l'article 10, il faudrait
inscrire dans chaque dossier une mention à l'effet qu'une communication
a eu lieu. L'application de cette exigence aurait pour effet de rendre
dramatiquement onéreuse la gestion des dossiers au sein de notre
organisme.
Pour ce qui est des exceptions à la règle du consentement
de la personne concernée, nous sommes d'avis que l'article 17 du projet
de loi n'est aucunement de secours pour le Service anti-crime des assureurs
puisque celui-ci n'est pas une agence d'investigation ou de
sécurité au sens de Loi sur les agences d'investigation ou de
sécurité. Rappelons que, lorsque le Service procède
à une enquête, il lui est inévitable d'échanger des
renseignements personnels avec d'autres intervenants dans le dossier. On n'a
qu'à penser aux services de police et aux services d'incendie avec
lesquels nous entretenons des relations privilégiées, aux experts
en sinistres, au ministère de l'Environnement, au ministère des
Transports, à la Société d'assurance automobile du
Québec et aux autres assureurs impliqués dans le dossier. Or, la
liste des exceptions prévues à l'article 17 ne couvre pas ces
situations. Nous serons alors obligés d'obtenir le consentement
écrit de la personne concernée, ce qui est impraticable dans les
faits.
Pour ce qui est du droit d'accès de la personne concernée
à son dossier, il pourrait y avoir de graves conséquences,
notamment en permettant aux fraudeurs de découvrir à l'avance les
pistes de recherche et les témoins qui serviront à
débusquer une illégalité. L'article 35 du projet de loi,
qui permet à une entreprise de refuser de communiquer un renseignement
personnel lorsqu'il est contenu dans un avis ou une recommandation, n'est pas
suffisant pour régler ce problème puisque nos analyses seront
accessibles, et en tout temps, à la personne concernée. Au
surplus, l'article 36, tel que libellé, ne permet pas d'assurer la
confidentialité des témoins et des sources de renseignements.
Inquiets de voir leur identité révélée, ces sources
et témoins seront certainement plus réticents.
Le projet de loi ne contient pas non plus des dispositions qui
permettrait de référer la personne qui demande accès
à son dossier à l'assureur pour lequel l'enquête a
été effectuée. Pourtant, dans bien des cas, l'assureur est
beaucoup mieux placé que le Service anti-crime des assureurs pour
prendre une décision quant à l'accessibilité à nos
rapports de renseignements d'enquête, puisque, à toutes fins
utiles, c'est à lui qu'il appartient de prendre la décision
d'indemniser ou non l'assuré.
Enfin, le Service anti-crime des assureurs tient à faire part au
législateur de son inquiétude face aux nombreux pouvoirs qui sont
conférés par le projet de loi à la Commission
d'accès à l'information. Cette dernière sera
appelée à agir non seulement comme tribunal devant trancher des
litiges en matière d'accès et de protection des renseignements
personnels, mais aussi comme médiateur, comme promoteur de la loi et de
ses objectifs et, enfin, à titre d'organisme quasi réglementaire
habilité à proposer des codes de conduite. Le Service anti-crime
des assureurs est convaincu que ces multiples rôles confiés
à la Commission d'accès à l'information sont
inconciliables et qu'ils risquent de soulever des doutes quant à
l'impartialité et à l'indépendance de cet organisme.
Nous voulons vous remercier de votre attention et nous sommes
disponibles pour répondre à toutes vos questions. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Garand. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci aux gens du Service anticrime. Je dois vous
dire, M. Garand, qu'il y a un certain nombre de points qui ont
été soulevés qui sont exactement semblables aux points que
j'ai entendus, cet après-midi, venant de la bouche du Conseil du
patronat, et sans doute que ça s'explique puisque vous avez le
même aviseur légal.
Ceci étant dit, dans votre mémoire, vous dites que vous
êtes favorable à l'adoption d'une loi visant la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. Pourquoi?
M. Garand: Parce qu'il faut dire qu'aujourd'hui, même si on
n'a pas de loi, on agit de cette façon-là. Effectivement, toute
personne qui
a un dossier peut avoir accès aux informations qu'on a. Elle peut
rectifier, elle peut changer, elle peut modifier. Elle a simplement à
faire une demande écrite nous donnant les informations, l'adresse, la
date de naissance et, nous autres, on lui retourne ce qu'on a en dossier,
effectivement, ce qu'on donne aux compagnies d'assurances. Ce qu'on a dans ces
dossiers-là, c'est simplement les pertes antérieures que la
personne a eues.
M. Cannon: Donc, vous n'aurez pas de difficultés à
appliquer la loi.
M. Garand: Certaines parties de la loi, on n'aura pas de
difficultés, absolument pas. Il y a d'autres exigences, comme je l'ai
mentionné, au point de vue de tenir des registres et ces
affaires-là... Souvent, les dossiers qu'on a durent plusieurs
années. Un individu qui aurait admis, disons, qu'il avait
incendié sa propre maison, cette information-là, on la garde
pendant plusieurs années. Le fait de garder des registres, ça
devient pas mal onéreux.
M. Cannon: Dites-moi quelque chose, pourquoi... Je n'ai pas trop
saisi, tout à l'heure. Vous avez parlé d'organismes à but
non lucratif, que vous n'exerciez pas une fonction commerciale. Pourquoi
n'êtes-vous pas assujetti à la Loi sur les agences d'investigation
ou de sécurité? Est-ce que c'est uniquement la seule raison?
M. Garand: Oui. Je peux demander à mon conseiller
juridique, Me Doray.
M. Cannon: O.K. Oui.
Le Président (M. Doyon): M. Doray.
M. Doray: Avec votre permission, M. le Président, je me
permettrais, cependant, de faire une petite parenthèse pour
répondre à la remarque de M. le ministre qui s'adressait
directement à mon intégrité professionnelle. Je tiens
à noter que je représente différents organismes devant
cette commission, je ne l'ai d'ailleurs jamais caché, mais que, dans le
cadre de mes fonctions, je suis capable d'aviser des gens en fonction de leurs
besoins. Je fais aussi confiance aux personnes qui m'embauchent pour
défendre leurs propres intérêts et ne pas accepter ma
vision personnelle. Je pense que la remarque était peut-être un
peu blessante. Fin de la parenthèse. (21 h 10)
M. Cannon: Ah! bien, M. Doray, je m'excuse. Ne prenez pas
ça personnellement, là. C'est juste parce que vous étiez
occupé. C'est tout.
M. Doray: Je vous remercie, M. le Président. Cela dit,
pour ce qui est du Service anticrime des assureurs, il faut comprendre que la
loi sur les agences d'investigation et de crédit définit ce que
sont des agences d'investigation et de crédit comme étant des
entreprises qui, pour des fins lucratives, procèdent à
différents types d'enquêtes. Donc, juridiquement, il est
impossible pour le Service, à l'heure actuelle, de répondre aux
critères de la loi et, donc, de se qualifier et de faire une demande
pour obtenir un permis à titre d'agence d'investigation de
crédit. C'est ce qui, évidemment, les a amenés à ne
pas faire une telle demande et à faire des représentations devant
cette commission, devant l'Assemblée nationale, pour que l'on tienne
compte de leur statut particulier.
Par exemple, l'un des paragraphes de l'article 17, qui prévoit
certaines exceptions à la transmission de renseignements pour ces
agences, ne peut être applicable. D'une chose ou l'autre, ou
l'Assemblée devra modifier la définition que l'on retrouve dans
la Loi sur les agences d'investigation pour permettre au Service de se faire
reconnaître ce statut ou, à l'inverse, elle devra prévoir,
dans le projet de loi 68, des termes qui permettent de donner au Service
anti-crime des mécanismes de transmission et de communication de
renseignements analogues ou un régime analogue à ce qui pourrait
être offert aux agences d'investigation et de crédit.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Doray.
M. Cannon: Avez-vous un permis pour oeuvrer dans votre
domaine?
M. Garand: Non.
M. Cannon: Quel est votre mandat?
M. Garand: Notre mandat? Notre mandat du Service anti-crime?
Justement, le mandat, c'est de protéger les compagnies d'assurances
ainsi que le public en général. Ça a été
fondé en 1923, ici, à Montréal, lorsque, en 1923, il n'y
avait aucune force policière ou autre qui oeuvrait dans les champs
d'enquête sur les incendies. À ce moment-là, il y avait
beaucoup d'incendies qui avaient été déclarées dans
Montréal, dans la province de Québec et en Ontario. C'est
à ce point-là que le Service anti-crime avait été
fondé, avec le mandat de protéger le public ainsi que l'industrie
de l'assurance contre des individus qui voulaient frauder.
M. Cannon: Vous répondez devant qui? Devant le
surintendant des assurances, devant les compagnies qui vous engagent?
M. Garand: Devant les compagnies qui nous engagent.
M. Cannon: Alors, vous n'êtes redevables que devant les
compagnies qui vous engagent.
M. Garand: On pourrait dire... Oui, juste-
ment. On a une charte, puis on...
M. Cannon: O.K. Plusieurs des objections que vous soulevez dans
votre mémoire concernent les principes déjà adoptés
par le législateur dans le nouveau Code civil: le principe du
consentement, l'accès au dossier, le droit de rectification, etc. Pour
quelle raison votre entreprise ne devrait-elle pas être assujettie
à ses principes?
M. Garand: J'ai dit qu'on était d'accord, qu'un individu
qui a un dossier chez nous a l'accessibilité à ce dossier. On le
fait déjà. On n'est pas contre le principe de la loi, qu'un
individu a accès, de la rectification, de changer, puis... On n'est
aucunement contre ce principe. On est d'accord.
M. Cannon: Tout à l'heure, vous avez glissé dans la
conversation National Insurance Crime Bureau, USA. Qu'est-ce que vous
transmettez au National Insurance Crime Bureau, aux États-Unis?
M. Garand: En premier, il va falloir que je vous explique un peu
le Service anti-crime, ce que c'est. Le Service anti-crime a deux filiales: le
FUIB, Fire Underwriters Investigation Bureau, qui fait des enquêtes sur
les incendies et aussi les vols domiciliaires, et on a aussi le Bureau canadien
des autos volées. Le Bureau canadien des autos volées fait des
enquêtes sur les vols d'automobiles ici, au Canada. Le NICB, aux
États-Unis, est notre contrepartie qui fait des enquêtes sur les
autos volées. Ils ont un fichier sur toutes les autos volées aux
États-Unis; pas toutes, mais dans la majorité des cas.
Là-dessus, nous autres aussi, également. Comme vous le savez, sur
une automobile, il y a un numéro d'identification. C'est seulement le
NICB qui a accès à des numéros confidentiels qui vont avec
le numéro de VIN, le numéro d'identification du véhicule.
C'est là où il faut aller aux États-Unis pour avoir les
informations pour compléter nos enquêtes.
Comme vous le savez, ici, dans la province de Québec, on a,
présentement, le championnat au point de vue des autos volées au
Canada. Des quelque 100 000 véhicules qui sont volés, 45 000 sont
volés ici, au Québec. Beaucoup de ces véhicules-là
sont des véhicules qui sont volés, maquillés, et ils
utilisent les numéros d'identification, les VIN. Nous, on a des membres,
des experts qui identifient, pour nos compagnies d'assurances ainsi que pour la
police, les véhicules, pour qu'on soit capables d'aller devant les
tribunaux. C'est là où on a une association très proche
avec les corps policiers. On les assiste continuellement dans ce
domaine-là.
M. Cannon: Vous avez indiqué, plus tôt, que,
à l'occasion de réclamations supérieures à 3000 $
ou lorsqu'il s'agissait d'un vol ou d'un incendie, les compagnies d'assurances,
généralement, font appel à vous pour enquêter
sur...
M. Garand: Ah non! M. Cannon: Non?
M. Garand: Ça, ce sont les informations qu'on a dans nos
banques de données.
M. Cannon: Oui.
M. Garand: Dans nos banques de données, on a les
réclamations d'au-delà de 3000 $.
M. Cannon: O.K.
M. Garand: Ça, c'est une décision... C'est parce
qu'il y en a tellement en bas qu'on en aurait trop. Quand on fait des
enquêtes, c'est simplement des enquêtes. Habituellement, l'expert
en sinistres a déjà fait son enquête. Quand ça
arrive à nous, il suspecte qu'il y a eu une fraude ou une tentative de
fraude. Nous, on fait des compléments...
M. Cannon: II a un doute raisonnable.
M. Garand: Un doute raisonnable. Nous, on fait des
compléments d'enquête. Les experts en sinistres ont fait leur
boulot. Nous, on arrive et on poursuit l'enquête pour déterminer
si vraiment, oui ou non, il y a eu fraude.
M. Cannon: Pour le complément de l'enquête,
faites-vous affaire avec Équifax? Je présume que oui.
M. Garand: Non.
M. Cannon: Non? Jamais?
M. Garand: Non, pantoute. Les experts en sinistres, c'est leur
partie de l'ouvrage. Nous, on ne fait pas affaire avec Équifax, on n'a
absolument pas de contact avec eux. Définitivement, on reçoit des
fois un rapport d'Équifax parce que c'est l'expert en sinistres qui l'a
demandé, mais, nous, on ne se sert pas de ça.
M. Cannon: Donc, la compagnie d'assurances, ayant un doute
raisonnable à la suite d'informations qu'elle a pu peut-être
obtenir en provenance d'Équifax, peut peut-être vous demander de
poursuivre l'enquête.
M. Garand: Je ne pense pas que la...
M. Cannon: Non, mais, c'est parce que, là, j'essaie de
comprendre comment ça marche, cette patente-là.
M. Garand: O.K. En premier, Équifax, je ne pense pas
qu'ils peuvent nous dire si la personne fraude.
M. Cannon: Je vous dis ça, là, parce que... Je vous
avoue bien franchement, là où je veux en venir, c'est parce qu'il
y a des gens qui s'occupent des archives médicales et qui nous disent
que oui, il arrive parfois qu'Équifax va fouiller dans les dossiers
médicaux. Alors, moi, je veux savoir d'où ça vient. Est-ce
que c'est les compagnies d'assurances? Est-ce que c'est vous autres? C'est qui?
Qui autorise ça et comment ça se fait que ça se produit?
C'est juste ça. C'est pour ça que je suis un petit peu,
là, dans un état d'interrogation. Expliquez-moi tout ça,
là.
M. Garand: O.K. En premier, on ne fait pas affaire avec
Équifax. On ne demande pas à Équifax des renseignements.
Ça, cette partie-là, s'il y a quelqu'urv'quije demande pendant
une de nos enquêtes, c'est l'expert en sinistres. Lui, des fois, va
demander des renseignements d'Équifax, des renseignements de
crédit. Ça n'a rien à faire avec notre enquête.
Nous, notre enquête, c'est une enquête au point de vue de
déterminer s'il y a fraude d'assurances. Ce n'est pas Équifax qui
va nous dire ça.
M. Cannon: Est-ce que ça arrive des fois que vous avez
accès à des dossiers médicaux?
M. Garand: Jamais. M. Cannon: Jamais?
M. Garand: Jamais. Pourquoi on aurait besoin de ça?
N'oubliez pas que, nous autres, on est dans la propriété, on ne
fait pas de...
M. Cannon: Moi, mon cher monsieur, les pourquoi... Ne me posez
pas les questions, moi, je les pose, là. C'est parce que je suis
étonné, après...
M. Garand: N'oubliez pas que, nous, on fait de la
propriété, on ne touche pas à la vie. Ça fait qu'on
a pas accès aux rapports médicaux, on n'en a pas besoin,
effectivement, pour faire nos enquêtes.
M. Cannon: Michel, toi, tu touches la vie, vas-y donc. Tu n'as
pas de questions? O.K. Moi, ça va.
Le Président (M. Doyon): Alors, s'il n'y a pas d'autres
questions, je pense que ça termine les informations que les membres de
la commission étaient intéressés à recevoir, compte
tenu du mémoire que vous nous avez présenté et de la
présentation qui nous avait été faite au début. Je
vous remercie beaucoup. Je suis convaincu que ça va permettre à
cette commission de bonifier le projet de loi 68. Il sera tenu compte de vos
remarques comme de celles des autres groupes et organismes qui se sont
présentés devant nous.
Il me reste à vous remercier, M. Brochier, et à remercier
M. Garand et M. Doray pour une troisième fois. Moi, en tant qu'avocat,
je suis heureux de l'avoir, je n'ai pas de problème avec ça.
Alors, merci beaucoup.
J'ajourne les travaux à 10 heures, demain matin.
(Fin de la séance à 21 h 20)