L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 2 mars 1993 - Vol. 32 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture continue ses travaux. la séance est donc ouverte, et nous continuons d'exécuter le mandat qui nous a été confié, comme nous le faisions hier. m. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: M. Bradet (Charlesbourg) est remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); Mme Cardinal (Châteauguay) est remplacée par M. Philibert (Trois-Rivières); M. Leclerc (Tas-chereau) est remplacé par M. Maltais (Saguenay).

Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour a été distribué. Vous me dispenserez d'en faire lecture. Je rappelle les règles qui nous guident. C'est que nous disposons d'une heure par organisme. Environ 15, 20 minutes sont consacrées à la présentation du mémoire ou à une synthèse qu'on peut en faire. Après ça, les parlementaires se partagent le reste du temps d'une façon égale.

Je vois que nos premiers invités, les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, se sont avancés et ont pris place à la table des invités. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je les invite tout d'abord à se présenter, pour les fins de transcription de nos débats, et, après ça, ils disposent d'un 15, 20 minutes pour nous entretenir du projet de loi 68.

Alors, soit M. Millette, M. Gagné ou M. Roch, vous avez la parole.

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

M. Millette (Yves): Merci, M. le Président. Alors, je suis Yves Millette, vice-président principal aux affaires québécoises de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma gauche, de M. Gaétan Gagné, président et chef de la direction de l'Entraide, assurance-vie - ça, c'est une compagnie d'assurances - et de M. Alain Roch, vice-président aux affaires juridiques de la Mutuelle des fonctionnaires du Québec.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Millette: Merci. Alors, je vais faire une brève présentation de notre mémoire. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est une association à adhésion volon- taire qui représente 102 sociétés d'assurances de personnes souscrivant environ 98 % de l'assurance-vie et de l'assurance-maladie au Canada.

Toute l'industrie des assurances de personnes est basée sur l'utilisation de renseignements personnels qui lui permettent de tarifer de façon juste et équitable chacune des polices par rapport à l'ensemble des assurés. La science actuarielle, qui permet d'évaluer l'espérance de vie ou de morbidité en fonction de la loi des grands nombres tout en tenant compte de facteurs tels l'âge, le sexe, l'état de santé, l'occupation ainsi que les habitudes de vie, est reconnue à travers le monde.

Un contrat d'assurances de personnes est tout d'abord un contrat de bonne foi entre deux parties. L'assuré s'engage à fournir des renseignements exacts et complets ou à consentir que l'assureur ait accès aux renseignements que détiennent des tiers pour permettre une tarification réaliste basée sur le niveau de risque qu'il représente. En contrepartie, l'assureur s'engage à verser les prestations indiquées au contrat au moment où l'assuré en aura besoin ou y aura droit, ce qui peut se situer très loin dans le temps, 30 ans et plus, à l'occasion.

Au moment de la réclamation, l'assureur devra évaluer les déclarations du réclamant et en vérifier la véracité avant d'exécuter le paiement de la prestation. Encore là, il aura besoin de consulter les renseignements qu'il détient déjà et d'obtenir accès aux renseignements que détiennent le réclamant ou un tiers. Par ailleurs, l'informatisation, qui permet le traitement rapide des dossiers et des réclamations, devient un outil essentiel pour offrir à la clientèle des sociétés d'assurances des produits adaptés à leur cycle de vie. Des communications personnalisées avec des clients qui ont déjà manifesté leur confiance envers l'entreprise constituent un moyen privilégié de garder le contact et de fidéliser la clientèle.

En août 1991, l'ACCAP soumettait un mémoire à la commission des institutions sur le document de consultation générale intitulé «Vie privée: zone à accès restreint» qui expose, de façon détaillée, le fonctionnement de notre industrie et les mécanismes de protection des renseignements confidentiels que les sociétés d'assurances de personnes ont mis en place. Pour votre information, nous avons ajouté une copie de ce mémoire et nous avons aussi mis une copie du mémoire présenté en décembre 1992 au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce du Canada. (10 h 10)

Nous croyons que le projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé n'ajoute pas aux principes déjà dis-

cutés en la matière et nous sommes donc d'accord avec le principe du projet de loi. Nous croyons cependant que le projet de loi est susceptible de créer de la confusion au niveau de l'interprétation des principes contenus au Code civil. De plus, les tracasseries administratives de ce projet de loi alourdiront considérablement les opérations des sociétés, parce que, en bonne partie, le projet de loi 68 ne cerne pas de façon suffisamment précise la réalité du domaine de l'assurance de personnes.

Mais surtout, l'ACCAP continue de s'opposer vigoureusement à l'extension du rôle de la Commission d'accès à l'information. L'industrie des assurances de personnes est déjà sous la surveillance et le contrôle de l'Inspecteur général des institutions financières du Québec et du Surintendant des institutions financières du Canada. La législation sur les assurances, tant au Québec qu'au Canada, prévoit déjà la protection des renseignements et la mise en place de codes de déontologie ainsi que des pénalités pour des infractions à la loi.

Le gouvernement du Québec devrait reconnaître les organismes responsables du contrôle et de la surveillance des institutions financières comme responsables de l'application du projet de loi 68, en ce qui les concerne, quitte à leur demander de recourir à l'expertise de la Commission d'accès à l'information pour la coordination de cette loi et de la loi sur l'accès à l'information qui s'applique au secteur public. En fait, le principe de chevauchement des juridictions, qui est reconnu par l'article 87 du projet de loi, devrait être renversé au profit de l'Inspecteur général des institutions financières.

Remarquez bien que notre association n'a aucun blâme ou aucun reproche à faire à la Commission d'accès à l'information et que cette demande est faite uniquement dans le but de s'assurer qu'il n'y a pas une duplication indue des organismes qui ont juridiction sur les institutions financières et, plus particulièrement, les compagnies d'assurances. En effet, notre industrie doit déjà se soumettre aux réglementations diverses de 10 provinces, 2 territoires, 1 gouvernement fédéral, sans compter d'autres législations à l'intérieur de chacune des provinces. Et, depuis toujours, notre association a insisté pour que, du moins à l'intérieur de la province de Québec, la juridiction, la surveillance et le contrôle des institutions d'assurance-vie soient faits par l'Inspecteur général des institutions financières, au détriment, par exemple, de la Commission des valeurs mobilières ou, maintenant, de la Commission d'accès à l'information.

Bref, l'industrie des assurances de personnes croit que les mécanismes d'encadrement en place sont suffisants pour protéger adéquatement la vie privée des consommateurs de services financiers et qu'il serait beaucoup plus rentable de les consolider, par le projet de loi 68 notamment, plutôt que de créer une structure lourde et incompatible avec l'environnement dans lequel évolue le secteur privé à l'heure actuelle. De façon générale, ce projet de loi ne tient pas compte de la réalité de l'industrie des assurances de personnes et laisse des zones grises incompatibles avec les exigences d'une gestion efficace au profit des consommateurs.

Dans un premier élément, nous allons parler des dossiers. Dans le domaine des assurances, le dossier ouvert lors de la souscription du contrat demeure actif pendant de nombreuses années, sinon durant la vie de l'assuré. Au fil des événements, réclamations, changements de bénéficiaires, etc., l'objet du dossier différera, mais un dossier ne sera pas ouvert. Il en est de même au niveau des dossiers maintenus par les ressources humaines sur les employés d'une entreprise, puisque chaque individu peut adhérer à différents programmes et bénéficier de plusieurs avantages sociaux.

En assurance collective, les assureurs ne constituent généralement pas un dossier physique sur chaque individu, comme c'est le cas en assurance individuelle. Ils conservent uniquement une carte d'adhésion pour chaque employé. Un assureur n'ouvrira pas 20 000 dossiers pour une entreprise qui a 20 000 employés, mais procédera au fur et à mesure des réclamations. Pour la société d'assurances, le client, c'est l'entreprise et non les 20 000 employés. La législation ne doit pas forcer la société d'assurances à maintenir un dossier par transaction, ce qui représenterait une dépense énorme en plus de paralyser le système par un travail de compilation et de tenue de dossiers des plus considérables.

Deuxième sujet abordé, l'accès aux sources de renseignements. L'information obtenue de l'assuré est très importante, mais il est aussi nécessaire d'obtenir de l'information de source externe, médecin traitant, tests médicaux, etc. Pour ce faire, la société obtient d'abord l'autorisation du client pour consulter ces sources qui pourraient autrement nous refuser l'accès à ces renseignements. Nous demandons que cette pratique des assureurs soit reconnue.

De même, il est difficile de limiter la période de temps à laquelle cet accès doit être astreint. Pour certains assureurs, cette période peut être, comme je l'ai dit tantôt, la vie de l'assuré. Mentionnons également que cette mesure contredirait le jugement rendu dans le cas impliquant La Métropolitaine et l'hôpital Jean-Talon. La Cour suprême a clairement établi que; à moins que le libellé de la formule d'autorisation ne stipule qu'une restriction y est attachée, il s'agit d'une renonciation contractuelle qui autorise l'assureur à avoir accès au dossier médical de l'assuré. De plus, combien de temps le consentement donné par écrit vaut-il? 1 an, 30 ans?

Le troisième sujet que je veux aborder maintenant est probablement le plus important en ce qui nous concerne, et c'est la notion de tiers.

II faut que la notion de tiers soit définie plus parfaitement à la législation. Par exemple, est-ce qu'une filiale est un tiers? Les agents d'assurances, les courtiers d'assurances, les employeurs dans le cas de l'assurance collective? Encore là, si ces parties devaient être des tiers, il en résultera une lourdeur incroyable des communications entre elles. En assurance collective, nous avons un dossier d'entreprises et non des dossiers individuels. Souvent, c'est l'employeur qui fait l'administration des réclamations. Il devient impossible de noter toutes les communications.

Par ailleurs, lors de transfert de polices ou de changements au niveau d'une police, c'est-à-dire qu'une police qui va rester en vigueur pendant de nombreuses années peut être sujette à des modifications, le courtier ou l'agent va demander des renseignements pour pouvoir établir une étude comparative des polices comme la législation sur les intermédiaires de marché l'oblige à le faire. Donc, à ce moment-là, il devra avoir accès à des informations qui sont détenues autant par l'assureur qu'il représente que par l'assureur qui est déjà à haut risque. Et la législation sur les intermédiaires oblige déjà ce genre de choses. L'assureur, à ce moment-là, ne pourrait pas non plus annoter toutes ces communications qui sont faites sur une base régulière d'affaire.

De plus, compte tenu de la relation entre un assureur, ses représentants et les courtiers qui placent des affaires auprès de lui, la notion de tiers doit aussi être précisée. Dans le contexte où la force de vente est autonome, un assureur pourrait être considéré comme un tiers face à cette force de vente et au courtier qui place des affaires auprès de lui. Il faut donc que la législation prévoie que l'information puisse circuler librement entre l'intermédiaire de marché et l'assureur. De même, la pratique de la réassurance, qui est essentielle pour répartir les risques, pourrait être bloquée puisque le réassureur est un tiers par rapport à l'assureur. Enfin, le décloisonnement des institutions financières, qui permet d'accroître la synergie entre les sociétés membres d'un groupe, ne serait pas possible si les sociétés membres du groupe sont considérées comme des tiers les unes par rapport aux autres.

Le dernier point que nous considérons comme très important dans cette législation, c'est la possibilité ou la notion que l'assureur pourrait être tenu de contracter avec une personne même qui refuserait de fournir certains renseignements. Puisque, selon le projet de loi, la société ne pourrait pas refuser la souscription d'une assurance, que devrait-elle faire si quelqu'un refuse de fournir les renseignements dont elle a généralement besoin pour évaluer le risque et calculer les primes? (10 h 20)

Nous ouvrons la porte à une série de contestations, de refus des critères de sélection et de tarification et de refus de fournir les renseignements demandés. Si la société ne peut évaluer les facteurs de risque, elle sera obligée de prendre des décisions basées sur des perceptions subjectives. C'est toute la base même de la tarification des sociétés d'assurances qui serait remise en question. Nous perdons de vue la justesse et l'équité qui régissent toute l'industrie.

En assurance, il est délicat d'évaluer le capital santé d'un individu. Notre industrie repose uniquement sur notre capacité à évaluer correctement l'espérance de vie des gens, et l'expérience démontre que, sans réglementation et critères de sélection rigoureux, les sociétés se dirigeraient vers la faillite. Remettre en question la nécessité de fournir tous les renseignements nécessaires à l'étude d'un dossier équivaudrait à signer l'arrêt de mort de l'industrie. L'assurance devrait être exemptée de ces obligations concernant le refus de contracter.

Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Millette.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Alors, permettez-moi, à mon tour, de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'étude du projet de loi 68. Je revois des visages familiers, et il me fait toujours plaisir de vous accueillir ici.

M. Millette, avant d'entrer dans le coeur des discussions, je voudrais simplement vous rassurer sur votre dernier point quant à la pertinence de l'article 15. Vous semblez évoquer que, s'il n'y a pas de consentement quant à la transmission d'une information, ça pourrait mettre en péril l'action des assureurs à travers le Québec et le Canada quant à la façon de faire les affaires. L'article 15 du projet de loi précisément assouplit un peu cette notion-là, lorsqu'on indique: «Sous peine de nullité du contrat, aucun consentement à la communication à un tiers d'un renseignement personnel ou à son utilisation ne peut être exigé comme condition à la conclusion d'un contrat à moins que cette communication ou cette utilisation ne soit pertinente à la réalisation de l'objet d'un tel contrat.» Alors, c'est la notion, là, de nécessaire et de légitime pour cette chose-là. Alors, je voulais vous rassurer là-dessus.

L'autre point aussi... Lorsque vous m'indiquez que, en principe, vous êtes favorables au projet de loi, il n'y a pas de problème de ce côté-là, néanmoins, vous souhaiteriez être soustraits des applications du projet de loi. La raison pour laquelle nous avons procédé ainsi, c'est que nous avons jugé qu'il était tout à fait légitime de confier à un seul organisme le soin

de chapeauter l'ensemble de la réglementation qui découle des articles 35 à 41. Et c'est surtout par souci de cohérence qu'on a voulu que ce soit ainsi.

Maintenant, sur un autre point que vous avec soulevé, vous avez indiqué: Que la communication à un commettant ou à un mandant, sans le consentement de la personne concernée, soit permise. Dans quelles circonstances verriez-vous ça?

Le Président (M. Doyon): M. Roch, peut-être?

M. Roch (Alain): Est-ce que vous pourriez répéter, s'il vous plaît?

M. Cannon: Vous indiquez dans votre... Laissez-moi le formuler d'une façon différente. Vous semblez avoir un problème avec le consentement à la communication d'un renseignement, et particulièrement lorsque la communication se fait à un commettant ou à un mandant dans le cadre de renseignements qui pourraient être transmis.

M. Roch: Non, on n'a aucune objection au consentement comme tel, mais c'est sur les modalités de ce consentement-là. Le projet de loi requiert que le consentement désigne spécifiquement les personnes, les tiers qui possèdent des renseignements. C'est possible, c'est faisable, mais ça nous semble alourdir énormément le processus.

Présentement, les assureurs fonctionnent de la façon suivante. C'est qu'il y a toujours une autorisation qui est signée par le proposant, l'assuré ou le client, mais cette autorisation-là est générale, dans le sens suivant. L'autorisation va dire: J'autorise tout médecin, hôpital, clinique qui possède des renseignements à mon sujet de les transmettre à l'assureur. Ceci évite d'avoir à s'échanger des formulaires d'autorisation où il faudrait indiquer: J'autorise le médecin Untel, la clinique Unetelle, le CHUL... À ce moment-là, ça nécessitera une communication, une correspondance soutenue entre l'assureur et le client, parce que le client va indiquer, dans un formulaire, qu'il a été traité, par exemple, à tel hôpital, et l'assureur recevra ce formulaire-là. Il devra, à ce moment-là, préparer un formulaire d'autorisation spécifique mentionnant le nom de cet hôpital-là, le retourner à l'assuré qui là le signera. L'assureur le recevra par la suite, le transmettra à l'hôpital en question, l'hôpital fournira des renseignements, et souvent il apparaîtra que le client a été référé par un autre médecin, ce qui entraînera un autre échange de correspondance pour obtenir une autorisation spécifique, parce que le nom de ce médecin-là n'avait pas été inclus dans l'autorisation initialement. Alors, il nous semble que ça va alourdir énormément le processus de sélection des risques, de souscription d'assurances et de réclamation également.

M. Cannon: Un des points qui semblaient resurgir lorsqu'on a écouté les commentaires des associations ou des autres personnes qui se sont présentées devant nous, à la fois à cet exercice-ci, mais aussi lors des exercices qu'il y a eu antérieurement, c'est que le consentement semblait illimité et on voulait à tout prix restreindre le consentement, c'est-à-dire lui fixer des balises. Et c'est d'ailleurs pourquoi, à l'article 13 du projet de loi, vous retrouvez ce qui suit, au troisième alinéa, qui se lit comme suit: «Le consentement à la communication ou à l'utilisation d'un renseignement personnel doit être donné pour une période de temps raisonnablement limitée». Et l'inquiétude que les gens avaient auparavant, c'était précisément que le consentement semblait avoir été fourni ad vitam aeternam. C'est ça, le noeud du problème. Je pense que vous avez un commentaire à formuler.

M. Millette: Oui. Je pense que cette question de durée limitée du mandat nous pose aussi énormément de problèmes, et je pense que M. Gagné pourrait vous en entretenir.

Le Président (M. Doyon): M. Gagné.

M. Gagné (Gaétan): Au niveau du contrat comme tel, lorsqu'on requiert les autorisations pour analyser le médical d'un individu, il est important que l'autorisation soit générale, comme M. Roch le mentionnais, parce que, si l'individu, par mégarde, a oublié de mentionner un médecin ou un hôpital, le délai de communication entre les parties - parce que nous traitons des individus et non des compagnies, donc tout l'élément rapidité de communication, on doit le faire par courrier - finirait par aller au-delà du délai de 60 jours que nous avons lorsqu'un agent d'assurances contracte un contrat sous reçu conditionnel avec l'assuré.

M. Cannon: est-ce qu'il serait pensable, m. gagné, de fixer au départ un consentement verbal, quitte à ce qu'il soit confirmé par écrit plus tard?

M. Gagné: Peut-être qu'il serait mieux d'avoir un consentement général. Tout ce qui est médical, ça permet à la compagnie de procéder, dans le cas du contrat qui lierait... Par exemple, si vous vous assurez avec un assureur, donc vous avez un agent comme intermédiaire, vous l'autorisez, par exemple, à faire les recherches dans tel contrat d'assurance pour tout le médical. C'est une autorisation générale qui serait donnée pour le dossier médical et non pas avec des individus, des hôpitaux particuliers, parce que, à ce moment-là, vous allez excéder le délai de 60 jours, et là, je veux dire, au niveau de la

correspondance, vous allez vous retrouver six mois plus tard et vous ne serez pas assuré, et il va peut-être toujours manquer des informations. Il faudrait que le consentement soit donné en général au niveau du médical, pas nécessairement des noms de médecins précis. Est-ce que vous saisissez la nuance?

M. Cannon: Si on donne un consentement de façon générale, je pense que la préoccupation, c'est de savoir à qui ces renseignements-là, qu'on a volontairement souscrits ou fournis, seront-ils communiqués?

M. Gagné: À l'assureur qui transige avec vous, pas d'autre personne.

M. Cannon: Je sais que mon collègue de Pointe-aux-Trembles à envie de vous poser la question qu'il avait posée la dernière fois, alors je lui laisse la parole.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez la parole. (10 h 30)

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux d'abord souhaiter la bienvenue à nos interlocuteurs, leur dire, évidemment, qu'une entreprise qui consent une assurance-vie de 1 000 000 $, il est tout à fait légitime qu'elle s'interroge sur l'état de santé de la personne qui demande à contracter cette police d'assurance. Elle se le doit, à elle-même, pour réussir dans la vie économique, mais elle le doit aux autres assurés aussi, parce que, en définitive, en assurance, c'est tout le monde qui paie, d'une façon ou de l'autre.

Cependant, vous aviez mentionné aussi, et je pense qu'il y a là un vrai problème: Est-ce qu'on considère comme un tiers une filiale, un intermédiaire en assurance? Vous avez parlé aussi de décloisonnement, et, là, ça me laisse songeur. C'est parce que, si, moi, je contracte une assurance-vie avec la Mutuelle des fonctionnaires du Québec et que cette société est décloisonnée et qu'on apprend que je suis dépressif, est-ce que, si la Mutuelle achète une firme de courtiers en valeurs mobilières, je vais être placé sur une liste de déprimés susceptibles d'acheter tel type d'action? Dans ce sens-là, le décloisonnement va-t-il amener le couplage des bandes de données?

Parce que, vous savez, on ne peut pas être contre le décloisonnement comme on ne peut pas faire un discours politique, au Québec, sans mentionner la globalisation des marchés et la mondialisation de l'économie. C'est aux années quatre-vingt ce que l'animation sociale était au début des années soixante-dix. Est-ce que le décloisonnement, qui comporte, à n'en pas douter, des avantages, va amener le décloisonnement des bandes de données? Autrement dit, la Mutuelle des fonctionnaires du Québec, qui détient mon dossier médical à l'égard de mon assurance-vie - et la durée est un élément, mais il n'y a pas que la durée, on a parlé de filiales, tout à l'heure - est-ce qu'elle le fournit à la société soeur qui fait telle autre activité? Autrement dit, est-ce qu'on peut être assurés que vous allez garder un cloisonnement des renseignements personnels même si votre activité économique est décloisonnée?

Vous savez, je ne pense pas qu'on puisse l'arrêter. C'est sûr que le Mouvement Desjardins a maintenant des intermédiaires, qui sont ses employés, en assurance habitation et automobile, surtout dans toutes ses succursales. Je ne pense pas que ça puisse être arrêté, mais, dans le fond, ma question pointue: Est-ce qu'on va garder un cloisonnement des renseignements de nature personnelle? Sous-question: Est-ce que vous pensez que le projet de loi devrait être plus clair à l'égard de ce qu'on appelle le couplage des données, c'est-à-dire qu'on surimprime à partir de huit bandes pour en savoir trop, en tout cas, pour trop centraliser les renseignements sur une personne?

M. Millette: Pour la première partie de la question, je pense qu'il faut reconnaître une réalité québécoise et canadienne maintenant, le décloisonnement des institutions financières. C'est qu'on a permis aux institutions financières d'être des filiales des unes et des autres, mais on n'a pas permis à une institution financière d'exercer, à l'intérieur de ses propres structures, les différentes activités qui sont exercées. Si on l'avait permis, eh bien, la question de la définition d'un tiers ne se poserait pas, mais la question du cloisonnement de l'information continuerait à se poser.

Les codes de déontologie des compagnies d'assurances ainsi que les codes de déontologie de notre association demandent qu'il y ait un cloisonnement de l'information et, par exemple, que l'information médicale soit cloisonnée avec l'information à caractère économique. Donc, l'information médicale ne serait pas utilisée pour des fins de couplage, comme vous dites, et les compagnies d'assurances ne le font pas à l'heure actuelle. La même chose pour certaines données qui sont utilisées par les secteurs de réclamation. Ces données-là ne sont pas transmises à d'autres secteurs à l'intérieur d'une compagnie. Ces choses-là continueraient, il est évident.

M. Bourdon: Vous parlez du dossier médical, mais, dans le fond, un des objectifs de la loi, c'est qu'un renseignement ne soit pas transmis a un tiers à des fins de sollicitation, par exemple, sans l'accord de la personne. Autrement dit, un travailleur autonome qui souscrit à un REER auprès d'une compagnie d'assurances, vous ne croyez pas que ce serait normal qu'on lui demande, au moment où il souscrit à son REER, s'il veut que les renseignements nominatifs le

concernant soient transmis à d'autres?

Je prends bonne note de votre réponse, les garanties sur le dossier médical. Mais ce que je veux dire, et je suis bien d'accord avec ce que vous dites, ça m'apparaît fort correct, mais, si un travailleur autonome souscrit, par exemple, à une assurance-maladie auprès d'une société membre de votre organisation et que cette société-là fait partie d'un groupe économique plus grand, êtes-vous d'accord qu'on lui demande s'il consent à ce que le renseignement nominatif, qui n'est pas une information - pardonnez l'anglicisme -sensible à son égard... C'est juste: A-t-il envie d'être sollicité par les sept autres bras du même conglomérat? Est-ce que vous seriez d'accord que la loi dise que, ça aussi, ça va être offert aux personnes qui font affaire avec une unité économique plus grande, un conglomérat financier, si on veut, ou mettons-le autrement, des sociétés décloisonnées oeuvrant ensemble?

M. Roch: Ma réponse à ça est la suivante: C'est que nous sommes en présence d'un client qui a fait confiance à un groupe. Et je pense que ce client-là, peu lui importent les cloisons artificielles que le législateur a imposées en imposant des structures juridiques... Parce que, semble-t-il, une compagnie d'assurances, ça ne peut pas vendre, en même temps, des valeurs mobilières. Alors, pour éviter ça, l'assureur a créé une filiale. Nous sommes en présence d'un client qui a fait confiance à un groupe et qui a un préjugé favorable envers ce groupe-là. Et je dis: Évitons cette procédure du consentement spécifique, quitte à ce que, dès qu'il est sollicité par une autre constituante du groupe, ce client-là, on lui reconnaisse absolument le droit de demander à ne plus être sollicité. Et, d'un point de vue informatique, c'est très simple. Il s'agit qu'une indication apparaisse et ce client-là ne sera plus jamais importuné - parce que, lui, il se considère comme importuné - par de la sollicitation non désirée.

M. Bourdon: J'ai tendance à être d'accord sur un moyen qu'une personne puisse demander à ne plus être sollicitée. À l'automne 1991, quand on a vu les gens du télémarketing, certains convenaient que, en tout état de cause, la personne qui est allergique à la sollicitation fait perdre aux solliciteurs temps et argent, parce que c'est une personne qui ne veut pas.

Maintenant, sur la confiance au groupe, je vous dirai que, par exemple, comme député, j'ai une assurance-vie via la SSQ. Ça ne veut pas dire que je connais toutes les activités de la SSQ, le fait que je suis dans un régime d'assurance-groupe souscrit. Puis, en plus, est-ce que la confiance reste? Est-ce que c'est une confiance prospective, quelles que soient les acquisitions auxquelles le groupe auquel j'adhère va procéder? Parce que, écoutez, j'adhère à une société d'assurance qui achète une société de fiducie, qui achète un truc en valeurs mobilières, puis qui, avec Joë Norton, achète un hôtel dans Charlevoix. Là, au moment de l'hôtel dans Charlevoix, je peux commencer à trouver que ma confiance est entamée.

Mais, trêve de plaisanterie, ce que je veux dire là-dessus, c'est que ce qui rattrape votre réponse, d'une certaine façon, c'est que vous convenez qu'une personne qui est sollicitée devrait être capable d'indiquer qu'elle ne souhaite pas l'être. Mais convenez-vous que, actuellement, c'est un peu un puzzle puis un jeu de charade pour un consommateur? (10 h 40)

Moi, il y a une personne que je connais qui identifie la source de la sollicitation, par exemple, en s'abonnant à un magazine. Elle commet délibérément une erreur dans son nom, puis, après ça, quand il arrive de la sollicitation avec l'erreur, elle connaît la source. Moi, si j'avais fait ça, puis que j'avais marqué «Bourdone» avec un «e» à la fin, bien, j'arrêterais de soupçonner le Time pour toutes les offres que je reçois de Toronto me proposant, contre 2000 $, d'être millionnaire d'ici quatre mois, puis celui qui me sollicite va l'être immédiatement si je lui envoie le chèque.

Alors, dans ce sens-là, vous ne pensez pas que ce dont vous convenez, qui devrait être reconnu à la personne en cours de route, ne pensez-vous pas que ça pourrait l'être dès le départ, que la personne dise si elle consent oui ou non à être informée et sollicitée par d'autres organisations du groupe?

M. Millette: Si on est prêt à accepter que ce soit en cours de contrat, je ne vois pas qu'on refuse que ce soit à l'origine, à condition, cependant, que ça ne nous oblige pas à retourner chez tous nos anciens clients qui sont nos clients depuis peut-être 30 ans ou 35 ans. Mais, pour l'avenir, on n'y voit aucune objection.

M. Bourdon: Ça m'amène à introduire un élément dans le débat. Vous parlez des futurs clients et, même si ce n'est pas la même logique, il y a d'autres intervenants qui ont posé la même question, qui est fondamentale à l'égard du projet de loi 68. Autrement dit: Est-ce qu'il va y avoir 30 000 000 de lettres qui vont s'écrire suite à l'adoption du projet de loi?

Moi, je suis préoccupée, en particulier, des rapports de crédit utilisés par les institutions financières. Est-ce qu'il n'y aurait pas une approche «étapiste» à prévoir pour qu'une société d'assurances, ou plus probablement une banque, ou une caisse populaire, dans le cas des rapports de crédit, obtienne un certain nombre d'années pour disséminer l'information qu'elle détient à ses clients, de façon que ça ne perturbe pas son opération?

Je reviens à l'exemple des rapports de crédit. S'il y en a, par hypothèse, 14 % qui

contiennent des inexactitudes... Je sais que ça ne touche pas les compagnies d'assurances directement, mais, comme il y a des groupes et que vous êtes décloisonné, si ça ne vous touche pas comme assureur, vous allez finir par l'avoir dans votre banque. Mais est-ce que ça ne serait pas une approche que de dire qu'on va y aller par étapes et qu'à mesure qu'on traite avec un client et qu'on détient une information le concernant, je pense aux rapports de crédit, on lui fournisse et qu'il ait un moyen de le faire corriger si besoin était? Et, comme vous dites, la question qui se pose: Si vous avez, par hypothèse, 1 200 000 clients au Québec, est-ce qu'il faut envoyer 1 200 000 lettres si on sait, par exemple, que mon assureur automobile ou mon assureur vie m'écrit régulièrement pour renouveler ma police et qu'il pourrait, en même temps, me donner le renseignement auquel j'ai droit?

Autrement dit, ce que vous disiez: Est-ce que vous seriez d'accord que ça pourrait être le cas pour l'ensemble du projet de loi, qu'on prévoie que l'entreprise qui est tenue de fournir un renseignement ait du temps pour le faire et, en plus, qu'on lui reconnaisse la souplesse de le faire comme graduellement à mesure qu'elle a à communiquer avec ses clients? Parce que, tout d'un coup, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais on en a dans notre boîte aux lettres des lettres et des sollicitations de toute sorte. Si on obtient en même temps 14 lettres: une de mon assureur qui dit qu'il a mon âge, mon dossier médical, ce que je sais, puis l'autre, du bureau de crédit qui dit que, comme j'ai acheté à crédit, il a un dossier... Alors, autrement dit, ce que vous disiez: Seriez-vous d'accord pour que l'ensemble du projet de loi reflète que les obligations créées de fournir des renseignements, ça s'échelonne, que ça ne soit pas d'un coup sec et que chaque entreprise donne l'information à mesure qu'elle a, de toute façon, à communiquer avec son client?

M. Millette: Bon, alors, je pense qu'on vient un peu de changer le débat. On était d'accord tantôt pour dire qu'on est prêt au fur et à mesure, lorsque de nouveaux produits sont vendus, à permettre aux gens de refuser de recevoir de la sollicitation directe par le «mass marketing». Maintenant, est-ce qu'on serait prêt à permettre, sur une période étalée, à remettre à chacun de nos clients l'information qu'on possède sur lui?

Je pense que le problème est très important pour nous, parce que les... Encore là, le Code civil du Québec prévoit qu'après deux ans un assureur ne peut plus mettre fin à une police, sauf s'il y a fraude, pour les déclarations d'un assuré. Alors, si on revenait après un temps ou après une période de temps requestionner toutes les déclarations qui ont été faites, toutes les autorisations de chercher des documents et que la personne nous en apporte des nouvelles, alors on considérerait ça comme... Il y a vraiment des problèmes légaux, fondamentaux, pour nous, à procéder d'une façon comme ça.

M. Bourdon: Mais je sais qu'il existe actuellement à Montréal une organisation à laquelle on peut téléphoner pour demander qu'on retire notre nom de listes de sollicitation. Et, dans le fond, la question qui se pose, c'est que, si, par exemple, la sollicitation peut m'être faite à partir de 40 listes différentes, je pense que vous avez raison, est-ce qu'il n'y aurait pas une façon simplifiée de concevoir ça? Parce que ça m'ennuie peut-être d'avoir beaucoup de courrier dans ma boîte aux lettres, mais je n'ai pas nécessairement envie d'entreprendre 40 démarches pour faire enlever mon nom de 40 listes, surtout que les gens du télémarketing nous disent qu'il y a quelque chose comme 2 %, 3 % des personnes qui reçoivent la sollicitation qui ne sont pas d'accord pour la recevoir.

M. Millette: Moi, je peux dire que, de façon générale, les compagnies d'assurances ne sont pas des vendeuses de listes. Elles sont des utilisatrices de listes, mais pas des vendeuses de listes. Et, dans ce sens-là, je ne pense pas que les renseignements personnels qu'on détient sont détenus pour des fins de commerce...

M. Bourdon: D'accord.

M. Millette: ...ils sont détenus pour les fins propres de l'assureur. Certains renseignements nominaux, comme on le disait tantôt, peuvent servir au «mass marketing» à l'intérieur du groupe, mais ces listes-là ne sont pas vendues, généralement, sauf à l'intérieur d'ententes de mise en marché, pour le profit de vendre une liste. Donc, on n'est pas tout à fait dans une situation...

M. Bourdon: D'accord.

M. Millette: ...comme un bureau de crédit, par exemple, ou une autre organisation.

M. Bourdon: Mais, par exemple, si on demandait aux nouveaux clients, parce que vous parlez de nouvelle clientèle, s'ils autorisent à fournir les renseignements nominatifs les concernant à d'autres à des fins de sollicitation, j'ai le sentiment - je ne sais pas ce que vous en pensez - que, si c'était ciblé, la réponse serait sans doute plus favorable.

Je vous donne un exemple. Je souscris à un REER à une société d'assurances qui fait partie d'un groupe plus important. On m'avise que le groupe a pour politique de ne pas vendre de listes. Ça, je sais, comme consommateur, que ça veut dire pas le monde entier, là. Mais est-ce que je consens à ce que mon nom soit utilisé pour me solliciter pour des produits du groupe?

Je risque d'être plus favorable parce que je connais le groupe, je lui fais confiance. Et, dans le fond, c'est la même chose pour des organismes philanthropiques. Personnellement, comme personne qui est membre d'Oxfam, ça ne m'embêterait pas qu'ils échangent leur liste avec Amnistie - c'est peut-être autre chose s'ils la vendent à 10 courtiers en liste pour toutes sortes d'autres fins - parce que, si j'ai une sympathie pour Oxfam, je risque d'avoir le même type de réaction vis-à-vis d'Amnistie.

M. Millette: Je suis obligé de vous répéter que notre industrie ne fait pas...

M. Bourdon: Ne fait pas.

M. Millette: ...ce genre de commerce...

M. Bourdon: D'accord.

M. Millette: ...et que, par conséquent, on ne peut pas s'objecter à une législation si vous croyez qu'elle est utile. Mais on ne voudrait pas qu'une telle législation ou réglementation nous empêche d'utiliser nos banques de données, nos propres banques de données, à l'intérieur de notre groupe, pour les fins de nos affaires ou de la prospection de nos affaires. Comme je vous disais tantôt, on n'a pas non plus d'objection à demander l'autorisation à nos nouveaux clients de mettre leur nom sur de telles listes qui servent à nos fins.

M. Bourdon: Et vous disiez plus tôt que, un client ancien qui prend l'initiative de demander de ne plus être sollicité, ça ne vous embêterait pas de l'enlever de la liste non plus.

M. Millette: Non, exactement.

M. Bourdon: Alors, je vous remercie. (10 h 50)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député.

M. Millette, je ne voudrais pas vous mettre dans une situation... mais j'aimerais vous parler des limbes, des compagnies qui disparaissent, type Coopérants. Qu'advient-il de ces «nonpersons» qui sont détenteurs de renseignements nombreux et qui se dissolvent, avec les problèmes qu'on connaît, en passant, qui sont réels et inquiétants? Je vous écoutais hier justement là-dessus. Est-ce que l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes serait prête à prendre la succession de ces renseignements-là et d'en assurer la préservation, la conservation et la confidentialité?

M. Millette: là, je ne veux pas faire de la prospection, parce qu'on parle d'un dossier qui est notre premier dossier, on n'espère pas qu'il y en ait des centaines.

Le Président (M. Doyon): Souhaitons-le.

M. Millette: Dans le cas qui nous occupe, dans le dossier des Coopérants, l'information en possession de la compagnie n'est pas abandonnée, laissée à tout vent ou quoi que ce soit, elle est entre les mains d'un liquidateur qui va transférer l'information nécessaire à l'administration des dossiers lorsqu'ils seront cédés à un assureur qui acceptera d'en prendre la responsabilité, et les documents et dossiers qui vont lui rester à la fin de sa période de liquidation, la loi de la liquidation l'oblige déjà à les déposer auprès je crois que c'est du président du Conseil du trésor du Canada et, en conséquence, ces renseignements-là ne sont pas laissés à tout vent.

Le Président (M. Doyon): Bon. D'accord. C'est juste que, en fait, ça ne me paraissait pas très clair, mais, en tout cas, on verra à l'usage. M. le député de Saguenay, vous avez hâte de poser une question.

M. Maltais: Oui.

Le Président (M. Doyon): J'espère que je ne vous l'ai pas volée. Ha, ha, ha!

M. Maltais: M. Millette vient de me donner un sale coup en disant que, oui, il y a un cas avec Les Coopérants. Bien, moi, je lui rappellerais que La Souveraine existe également, puis c'est chez vous. En fait, c'est votre association qui présentement, avec le Conseil du trésor... Il y a un administrateur de nommé présentement.

M. Millette: Dans ce cas-là aussi, il y a un liquidateur de nommé.

M. Maltais: Oui, aussi. Et il y en a eu d'autres également dans le passé. Il y a une chose qui me chicote, et j'écoutais mon collègue de Pointe-aux-Trembles tantôt. Le principe de l'assurance, je ne pense pas qu'on puisse dire que les compagnies d'assurances sont des marchands de renseignements. Pour être depuis toujours dans l'assurance, comme courtier, je ne crois pas que les compagnies d'assurances, ni les courtiers ni les agents, soient des marchands de renseignements.

Mais il y a une chose, par exemple, qui me chicote, et c'est au niveau de la formule. Lorsqu'un assuré, qui est le courtier ou l'agent, remplit le formulaire demandant une souscription d'assurance, que ce soit de l'assurance-vie ou autre - parlons d'assurance-vie, puisque c'est votre domaine - est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité que le formulaire soit complet au niveau des renseignements personnels, financiers, et, indépendamment des questions auxquelles on répond, votre service de sélection va juger si oui ou non il y a un besoin d'un examen médical et, là, c'est les médecins autorisés qui donnent

l'information?

Ce qui veut dire qu'il y a deux personnes avec vous autres qui doivent prendre la parole de l'assuré: d'abord, l'agent ou le courtier qui est autorisé et qui est couvert par une police d'assurance-responsabilité, votre service de souscription également. Tous les renseignements personnels qu'une compagnie doit savoir sont inscrits là et contresignés par les personnes autorisées, la question financière également, parce que c'est beaucoup plus facile pour l'agent ou le courtier d'avoir le portrait financier.

Je ne vous apprendrai pas les trucs du métier, M. Millette, mais c'est très facile de savoir si le client est solvable, oui ou non. On n'a pas besoin d'un actuaire à côté de nous autres. Règle générale aussi, l'agent ou le courtier qui fait des affaires veut garder ses affaires. Les mauvaises affaires, il veut en faire le moins possible, c'est-à-dire qu'il ne veut pas en faire du tout, parce qu'on connaît les sanctions qui existent vis-à-vis de nous autres lorsque les affaires ne sont pas bonnes. Donc, la foi de l'agence de courtiers, la bonne foi de l'assuré, votre service de souscription et... Somme toute, qu'est-ce que vient faire Équifax pour étudier le crédit là-dedans? Qu'est-ce qu'il vient confiner?

M. Millette: En fait, Équifax n'est pas nécessairement utilisé dans tous les cas. Et, souvent, vous connaissez vos clients, vous pouvez mettre une évaluation, mais il n'est pas nécessairement dit que c'est vous qui allez la faire ou que vous pouvez la faire sans vous-même recourir à des méthodes semblables à celles d'Équifax. Tant mieux si vous pouvez l'éviter, mais c'est une des raisons pour lesquelles on peut recourir à Équifax. Il est certain que, si on avait les moyens de s'en passer, on le ferait volontiers.

M. Maltais: Je vais vous donner des exemples. Dans les grands centres, ça va bien, ils ont des bureaux, ils ont des systèmes d'information, mais, lorsqu'ils arrivent en région, ils ont le barbier, ils ont le secrétaire-trésorier. Si le secrétaire-trésorier se décide de haïr le gars qui a souscrit à une police d'assurance, il peut mettre à peu près tous les renseignements qu'il veut là-dessus, les trois quarts que vous n'avez pas besoin de savoir, et, dans 50 % des cas, il faut les corriger. Vous êtes au courant, vous êtes bien conscient de ça. Alors, moi, je me pose la question: Est-ce que la compagnie comme telle n'est pas en mesure de donner ce service-là?

Sur le pian information générale, information financière et information médicale, ça ne court pas les rues, c'est le médecin. Le médecin vous fournit, à vous autres, l'information médicale dont vous avez besoin et ça reste dans le dossier du client, bien sûr. Sauf que, moi, ce que je ne comprends pas, c'est qu'on soit obligé de recourir, à l'heure de l'informatique, aujour- d'hui, à encore autant d'intermédiaires, qui, on le sait par expérience, ne sont pas toujours sûrs, et vous le savez. Vous vous en fartes passer, des deux pour des huit, de temps en temps. Je pense que vous seriez en mesure, comme compagnie, comme organisme, de vous passer de ces intermédiaires-là d'information.

M. Millette: On n'est pas des enquêteurs de crédit, au départ...

M. Maltais: Non, non, non.

M. Millette: ...et c'est une des raisons pour lesquelles on recourt à des enquêteurs de crédit. Je suis tout à fait d'accord avec vous, si on peut avoir toute l'information nécessaire et fiable, je ne vois pas pourquoi on recourrait à des enquêteurs de crédit. Par ailleurs, on serait bien content d'avoir une information fiable et complète de la part de ces gens-là quand ils nous en donnent.

M. Maltais: Parce que je vais vous donner un exemple. Lorsqu'un client souscrit à une police d'assurance-vie de 100 000 $, il y a une éventualité qui est, bien sûr: si la personne paie la prime tout le temps, un jour ou l'autre, vous allez verser 100 000 $.

M. Millette: Ça fait partie des risques qu'on assume.

M. Maltais: Ça fait partie des risques. Et là vous avez un minimum de renseignements. Si la personne est jeune, elle n'a pas besoin d'examen médical, bon. Vous avez une attache de 100 000 $ que, éventuellement, vous allez verser, si le client respecte les choses. Vous allez demander une carte de crédit à Sunoco, de 800 $ de crédit. Ils vont avoir des renseignements ça d'épais qu'il vous faut fournir, et ce n'est rien que du crédit. Ça veut dire que le client est sûr d'une chose: un jour ou l'autre, il va rembourser, de force ou d'amitié. Alors, moi, je trouve disproportionné, dans la consommation, les renseignements qu'on demande versus les valeurs, ce qu'on souscrit chez vous. Alors, je pense qu'il faudrait faire une différence pour le monde des assurances et pour le monde de la consommation.

M. Millette: Évidemment, beaucoup des renseignements qui sont demandés par les compagnies d'assurances, quand on parle du dossier de crédit... Parce que l'assureur n'est pas intéressé au crédit de l'assuré aux fins du crédit lui-même, c'est plutôt pour connaître...

M. Maltais: Les habitudes morales.

M. Millette: ...la personne. C'est une étude morale, exactement. Et c'est la seule raison pour laquelle les renseignements sont demandés. Ce

n'est pas la raison fondamentale, ce n'est pas des raisons de crédit qui nous amènent à le faire, c'est pour compléter une étude de moralité sur le client, parce qu'on sait que la bonne foi des proposants est essentielle dans le système d'assurances. Parce que, on l'a vu dans des manifestations récentes, si des gens se mettent à faire des fausses déclarations, bien, c'est tout le système qui est faussé. Le système devant être fait de façon à charger ou à tarifer chacun de façon équitable, on doit être certain que ces gens-là sont d'une moralité ou d'une probité suffisante. Mais, si on connaît le client, évidemment, ce besoin-là est moins important.

M. Maltais: Merci beaucoup, M. Millette. (11 heures)

Le Président (M. Doyon): Merci. Je pense que ça fait à peu près le tour de la question. M. le ministre, M. le député de Pointe-aux-Trembles, le temps est écoulé, malheureusement. Alors, il me reste à remercier les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et à les remercier de nous avoir fait part de leur point de vue. Il en sera sûrement tenu compte dans ce qu'on fera du projet de loi 68. Merci beaucoup.

Nous sommes maintenant prêts à recevoir les représentants du Barreau du Québec. Tout en demandant à M. le député de Pointe-aux-Trembles de bien vouloir reprendre place pour permettre à la commission de continuer ses travaux, je souhaite la bienvenue aux représentants du Barreau. Je vois qu'ils sont censés être représentés par Me Marc Sauvé, Me Marc-André Blanchard, Me Patrick Glenn ainsi que Me Paul Granda. Je leur souhaite la bienvenue.

Ils connaissent nos règles. Elles s'appliqueront à eux de la même façon. Nous sommes heureux de les avoir parmi nous et nous sommes très intéressés à leur représentation. Ils disposent de 15, 20 minutes pour nous faire un résumé de leur mémoire, en faire une synthèse ou procéder comme ils voudront, ajouter ce qu'ils n'ont pas eu le temps ou l'espace de mettre dans leur mémoire. Ensuite, la discussion va s'engager avec les membres de la commission pour le restant du temps. Donc, bienvenue. Si vous voulez bien vous identifier, pour les fins du Journal des débats.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Merci, M. le Président. C'est Marc Sauvé du Service de recherche et de législation au Barreau du Québec. Je vous présente sans plus tarder les autres membres de la délégation du Barreau. Alors, à ma gauche, vous avez Me Patrick Glenn, qui est professeur de droit à l'Université McGill. Il vous entretiendra principalement de l'orientation générale de la loi, des mécanismes d'application ainsi que de la question des flux transfrontières. À ma droite, vous avez Me Paul Granda, de la firme Desjardins, Ducharme, Stein, Monast, et il traitera principalement de la question de l'indépendance et de l'impartialité de la Commission d'accès. Et, au bout de la table, vous avez Me Marc-André Blanchard, de la firme Lafleur, Brown, qui traitera des questions de liberté de presse, des sanctions pénales et des exceptions prévues à l'article 17 du projet de loi. Pour finir, je traiterai succinctement de l'application du projet de loi aux professionnels et aux corporations professionnelles.

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Me Glenn.

M. Glenn (H. Patrick): Merci, M. le Président. Le Barreau du Québec voit la problématique générale posée par le projet de loi 68 comme celle d'assurer une protection adéquate de la vie privée de la personne, sa particularité, ses droits de personnalité, selon l'expression classique, sans imposer une réglementation uniforme de caractère d'ordre public, qui enlève à l'individu toute possibilité de particularité. Il y a des gens qui aiment recevoir le «junk mail», on ne voit pas pourquoi on leur refuserait ce plaisir.

Comme l'a bien dit la Cour fédérale constitutionnelle allemande, c'est au sujet de l'information, d'exercer un contrôle sur l'information qui le concerne et non pas aux autres organismes, qu'ils soient privés ou publics. Le Barreau se félicite donc, en général, du caractère non contraignant de la loi ou du projet de loi et, notamment, de l'absence d'une réglementation trop détaillée ou trop contraignante du traitement des données personnelles dans le secteur privé.

Vu la nécessité de souplesse dans ce secteur, l'autoréglementation aurait pu fournir les résultats recherchés. Mais, si l'autoréglementation par secteur industriel est jugée inacceptable pour des raisons qui ne nous sont pas entièrement connues, la meilleure solution nous semble être le type de loi représenté par le projet de loi 68 qui, aussi, dans ses articles 70, 71 et 75, prévoit d'ailleurs certaines formes d'autoréglementation.

Ainsi, le Barreau est d'accord que le moyen principal de faire respecter la loi, c'est l'individu lui-même, en exerçant son droit d'habeas data, en exerçant un recours devant les tribunaux ordinaires pour violation de la vie privée ou en exerçant le recours plus expéditif, du moins nous l'espérons, prévu devant la Commission d'accès. Si l'individu n'exerce pas ces recours, pour nous, il n'y a pas de tort, et la loi ne devrait pas intervenir pour imposer d'autres formes de traitement des données personnelles dans le secteur privé. Nous sommes donc généralement d'accord avec l'existence des exceptions au principe de protection établi par la loi, des exceptions dont la souplesse de formulation devrait permettre à la Commission et aux tribunaux de tenir compte des situations particulières

qui peuvent se présenter.

S'il y a un article qui nous trouble de façon générale - mes confrères parleront d'autres - c'est l'article 13 et la nécessité d'un consentement écrit pour chaque communication d'un renseignement personnel. Appliqué dans la réalité du commerce quotidien, surtout au niveau des petites et moyennes entreprises, cet article nous semble quasiment inapplicable.

On rappelle que l'article va au-delà de l'article 37 du Code civil, plus ouvert, lui, à toute forme de preuve d'un consentement valable. Je peux vous dire que je ne veux pas être troublé moi-même par plus de formulaires à signer dans ma vie quotidienne. On rappelle que les articles généraux du Code civil constituent une toile de fond, qui protège de façon générale la vie privée et permettent de remédier à toute violation véritable.

Mes confrères parleront d'autres aspects de la loi, en plus de détails, mais la question des flux transfrontaliers des données mérite quelques remarques supplémentaires. Le projet de loi aurait pu contenir des textes visant les flux transfrontaliers, et le Barreau aimerait voir un certain contrôle de cet aspect du problème. Nous voyons cependant des problèmes constitutionnels évidents et des difficultés pratiques sévères dans tout effort de réglementer de façon unilatérale les flux transfrontaliers. C'est pourquoi, notre seule véritable recommandation, en matière de flux transfrontaliers, serait de renouveler les efforts pour une résolution transnationale, par convention ou autres, de ce problème-là.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Glenn.

M. Sauvé: Me Granda.

Le Président (M. Doyon): Me Granda.

M. Granda (Paul R.): Je traite d'un point, qui, je l'ai noté dans les journaux, a déjà été traité par d'autres organismes, qui mérite d'être soulevé encore une fois, et c'est la question du danger de conflit dans les divers rôles que doit jouer la Commission, dans les fonctions qu'on lui attribue par sa loi constitutive, mais également par ce nouveau projet de loi.

On aura noté que la Commission, à toutes fins pratiques, a un rôle où elle porte trois chapeaux: elle peut être enquêteur, elle peut être adjudicateur et également régulateur ou conseiller. Le justiciable, face à cette situation, et malgré le souhait d'avoir des résolutions plus expéditives de problèmes, via la Commission, le justiciable, néanmoins, peut se retrouver devant une situation où il peut douter justement de l'impartialité de la Commission. Et, le Barreau, comme il l'a déjà mentionné dans d'autres forums, s'inquiète du fait que la Commission, justement, porte ces trois chapeaux et risque de se placer en position de conflit d'intérêts.

Également, le Barreau, comme il le soulève dans son mémoire, s'inquiète du fait que la plupart des personnes, qui siègent au sein de la Commission et qui doivent entendre des causes, n'aient pas une formation juridique. De plus en plus, les problèmes seront complexes. Il ne faut pas se leurrer, il y a les questions de Charte qui se soulèvent de plus en plus, de droit administratif, d'évocation, etc., où il serait peut-être avantageux de prévoir un système où il y ait un président de la Commission qui ait lui-même une formation juridique, assisté d'assesseurs qui pourront le guider sur certaines questions précises. Alors, ça, c'est un des points qui inquiètent le Barreau. (11 h 10)

Lorsqu'on regarde la question du pouvoir d'enquête qui est accordé à la Commission - je vous réfère à l'article 76 du projet de loi - une des préoccupations du Barreau est à l'effet que la Commission peut elle-même instituer une enquête, mais peut également déléguer ou charger une personne de faire enquête sur toute matière qui est de son ressort. Cette dernière possibilité inquiète le Barreau en ce que, dans le cadre d'une audition devant la Commission, où des gens peuvent être assignés par subpoena etc., il y a des garanties constitutionnelles qui sont prévues, il y a des mécanismes, il y a des subpoenas, il y a des façons de procéder où la garantie des droits est prévue, alors que, si on accorde à une personne le pouvoir de faire enquête, on peut se retrouver devant une situation où, par exemple, un enquêteur convoque tout simplement quelqu'un à son bureau pour faire valoir son point de vue, obtenir des renseignements de cette personne-là, sans pour autant garantir le droit à la règle fondamentale de justice naturelle d'audi alteram partem, par exemple, ou le droit de se taire, le droit de ne pas s'auto-incriminer; alors, toutes des choses qui sont garanties par les chartes. Ça, c'est un point qui soulève l'inquiétude du Barreau.

Également, la Commission peut être appelée à donner des avis, à formuler des programmes pour des gens, programmes qui seront peut-être ultérieurement sujets à un débat devant la Commission, qui siégera à ce moment-là comme adjudicateur. Alors, c'est un point où le Barreau se demande s'il n'y a pas moyen de prévoir une façon, aux termes de laquelle la Commission, qui doit siéger comme adjudicateur, aurait ce rôle très distinct et limité, et qu'un autre organisme - ça peut être le ministère tout simplement des Communications et non plus la Commission d'accès - puisse s'occuper de tout ce qui est information du public, de tout ce qui peut être enquête, etc., pour, au moins, retirer le rôle d'adjudicateur et celui de conseiller, de régulateur.

Alors, ce sont, somme toute, les points que, moi, je devais traiter. Comme ils ont déjà été

soulevés à maintes reprises devant la Commission, je vais laisser plus de temps à mes autres collègues pour débattre les autres points.

M. Sauvé: Me Blanchard.

Le Président (M. Doyon): Alors, Me Blanchard, nous sommes prêts à vous écouter.

M. Blanchard (Marc-André): Merci, M. le Président. Alors, je vais traiter plus particulièrement, dans un premier temps, de la liberté de presse. L'acticle 1 du projet de loi 68 stipule, à son troisième alinéa : «La présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite - je souligne - de renseignements personnels à une fin d'information légitime - je souligne - du public.»

Premièrement, l'utilisation du mot «licite» nous apparaît dangereuse dans le cadre du projet de loi 68. En effet, si l'on prend pour acquis que toute utilisation contraire aux obligations contenues au projet de loi 68 est illicite, cela peut amener nécessairement comme conséquence que de l'information éminemment d'intérêt public, qui est, par contre, illicite au sens du projet de loi, devrait être cachée du public. À titre d'exemple, eu égard au projet de loi 68, le fait, pour un journaliste, d'apprendre par un tiers que le premier ministre du Québec soit atteint d'une grave maladie, est une information qui est, d'une part, éminemment d'intérêt public, mais qui, d'autre part, est une information personnelle que vise à protéger le projet de loi. Donc, bien que cette information sert légitimement à informer le public, mais, parce qu'il s'agit d'une utilisation illicite de tels renseignements, cela fera en sorte que les journalistes pourraient être passibles de sanctions prévues au projet de loi 68.

Deuxièmement, en ce qui à trait à l'utilisation du mot «légitime», cela pose problème, selon nous. En effet, dans ce cadre, l'utilisation de ce mot, dans son acception normale, est tout à fait redondante, si l'on veut lui donner un sens. Ce mot désigne, en fait, une activité légale. Or, il est déjà manifeste que toute utilisation doit être légale. Le législateur, par l'utilisation de ce mot, veut-il lui donner une autre définition plus large et, donc, plus contraignante? Comme le législateur ne parle pas pour ne rien dire, nous sommes portés à le croire. Cela veut donc dire que l'on considère les mécanismes de droit, qui existent déjà, comme insuffisants pour se prémunir d'une utilisation illégale d'une information.

La Cour suprême, à plusieurs reprises, a reconnu l'importance particulière du travail des journalistes et des médias. On a également affirmé que l'importance de ce rôle et la manière dont il doit être rempli suscitent des préoccupations spéciales à leur égard. Dans l'affaire Société Radio-Canada contre Procureur général du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême a affirmé, notamment, que ce sont les médias qui, en réunissant et en diffusant les informations, permettent aux membres de notre société de se former une opinion éclairée sur des questions susceptibles d'avoir un effet important sur la vie et le bien-être de tous et chacun. Dans l'affaire Société Radio-Canada contre Lessard, la Cour suprême a affirmé, notamment, que les informations détenues par les médias ont droit à une attention toute particulière en raison de l'importance et du rôle que ceux-ci jouent dans une société libre et démocratique. Le rôle de la presse a été reconnu dans notre société comme participant à la recherche de la vérité dans les questions d'intérêt public, et on a reconnu que sa participation est essentielle à l'épanouissement de la collectivité ainsi qu'à l'épanouissement personnel de ses membres. Toujours dans l'affaire Lessard, le juge La Forest laisse entendre qu'il n'y a pas de doute que la collecte d'information peut être entravée, si le gouvernement a trop facilement accès aux renseignements qui sont en possession des médias. Or, nous croyons que le même danger est à prévoir, si l'on permet à des tiers de consulter ces informations détenues par des journalistes. Aux États-Unis, d'ailleurs, tout le matériel qui entre dans le produit du travail des journalistes ou des médias est inaccessible, à moins qu'il y ait des raisons probables de croire que les personnes qui sont en possession du matériel ont commis ou sont en train de commettre une infraction criminelle ou qu'il y ait de sérieuses raisons de croire que le matériel en question est nécessaire pour sauvegarder la vie humaine ou pour prévenir des blessures graves.

Or, nous croyons fermement que le présent projet de loi aura des conséquences importantes et dangereuses dans le travail quotidien des journalistes et des médias d'information. En effet, nous croyons que le présent projet de loi pourra entraîner, notamment, les conséquences suivantes. Les sources confidentielles pourront craindre de parler aux journalistes, en raison du fait que celles-ci craindront que des personnes puissent prendre connaissance du contenu que détient la presse. Cela pourrait dissuader les journalistes d'enregistrer ou de conserver certains renseignements recueillis pour s'en servir ultérieurement. Le traitement et la diffusion des informations pourraient être gênés dans l'éventualité où les délibérations internes de la rédaction ou des journalistes entre eux pourraient être rendues publiques, à la suite de l'obtention de certains renseignements. Les journalistes ou les médias pourraient s'autocensurer afin de ne pas révéler le fait qu'ils détiennent certains renseignements qui pourraient intéresser de tierces personnes, et ce, afin de protéger leurs sources. Cela pourrait empêcher leur capacité de recueillir des informations dans l'avenir. Nous croyons donc que le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura des répercussions néfastes sur le rôle joué

par les journalistes et les médias, dans un rôle qui leur est dévolu par la société.

Dans un deuxième temps, j'aimerais attirer l'attention de la commission sur les articles 83 à 85 du projet de loi, qui sont les dispositions pénales. À cet égard, je pense que le Barreau croit que le projet de loi est une illustration de la maxime «deux poids, deux mesures» en ce que, lorsque l'on regarde la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels - notamment, les articles 158 et suivants de cette loi-là - on se rend compte que, dans le projet de loi 68, quiconque recueille, détient ou communique à un tiers certains renseignements est passible d'une infraction pénale. D'une part, on se rend compte que les citoyens ont un test qui est beaucoup plus contraignant pour eux, c'est-à-dire que la personne qui veut prouver une contravention a un test beaucoup moins important à rencontrer qu'à rencontre d'un organisme public parce que, dans la Loi sur l'accès, on dit: «...quiconque refuse ou entrave sciemment» et, en matière de droit, l'utilisation du mot «sciemment» est extrêmement importante. On retrouve ces mots-là à toutes et chacune des dispositions pénales de la Loi sur l'accès, par exemple. Donc, le Barreau croit que le législateur devrait appliquer les mêmes critères à son égard qu'à l'égard des citoyens du Québec, d'une part.

D'autre part, il y a les sanctions qui sont prévues au projet de loi. On parle d'une amende minimum de 1000 $ à 5000 $ à l'article 83 de la loi, de 3000 $ à 5000 $ à l'article 84, alors qu'aux articles 158 et suivants de la loi, les amendes minimums pour les officiers du gouvernement sont de 100 $ dans un cas et de 200 $ dans un autre cas. Donc, on a des obligations, pour les citoyens du Québec, qui sont de l'ordre de 5 à 10 fois plus importantes dans les sanctions pénales, et je pense qu'il devrait y avoir une harmonisation à ce niveau-là.

Finalement, j'aimerais attirer votre attention, dans le projet de loi, notamment, à l'article 17 de la loi. Le Barreau croit fermement que les paragraphes 2° et 3° de l'article 17 sont extrêmement dangereux, parce qu'ils pourraient permettre à des officiers de police ou à des tiers d'obtenir des renseignements personnels, ou n'importe quel renseignement qui, normalement, devrait faire l'objet d'un mandat de perquisition ou d'une autorisation judiciaire, alors qu'on pourrait utiliser les paragraphes 2° et 3° de l'article 17 pour permettre à des personnes d'obtenir ces renseignements sans aucun aval judiciaire. Je pense qu'il y a un danger sérieux d'abus avec l'utilisation des paragraphes 2° et 3° de l'article 17. Également, le Barreau voit difficilement l'utilité du paragraphe 4° de l'article 17, qui nous apparaît tout a fait redondant. Finalement, nous évoquions... (11 h 20)

Ce matin, en venant à Québec, on faisait une relecture de l'article 17, paragraphe 8°, et on doit vous avouer bien humblement que cet article-là, pour les buts qu'on vise, quant à nous, devrait être rédigé de façon beaucoup plus claire, parce qu'il est à peu près incompréhensible, quant à nous, et peut porter fruit à diverses interprétations qui ne sont certainement pas l'objet de la loi.

Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Blanchard.

Me Sauvé.

M. Sauvé: Rapidement, là, quelques minutes, en ce qui concerne l'application du projet de loi aux membres de corporations professionnelles et aux corporations professionnelles. Vous le savez, il y a déjà d'autres intervenants qui sont intervenus à cet égard-là. Simplement pour dire qu'il y a deux facettes, là, qui méritent d'être soulignées, à savoir: le secret professionnel, d'une part, et l'accessibilité aux dossiers.

Bon, le secret professionnel, vous le savez, ça fait l'objet de dispositions de droit fondamental dans les chartes. Il y a des dispositions dans le Code des professions, dans les diverses lois professionnelles, dans les codes de déontologie. Alors, à cet égard-là, je pense que la législation professionnelle fait quand même son bon bout de chemin à cet égard-là.

En ce qui concerne l'accessibilité aux dossiers, il y aurait peut-être lieu d'aménager des améliorations pour favoriser une plus grande accessibilité, et on a ouï-dire que, dans certains secteurs, en particulier le secteur de la santé, il y aurait peut-être des lacunes. Mais, pour favoriser une meilleure cohérence de la législation, une plus grande efficacité, on désirerait et on trouverait peut-être plus opportun que ces modifications-là, ces aménagements-là soient faits à l'intérieur de la législation professionnelle, au lieu de dédoubler ou de créer un régime parallèle de protection.

On vous signale, par exemple, que, dans la Loi sur l'accès, il y a un embryon de statut particulier accordé aux professionnels, à 67.2. On signale aussi l'article 300 du nouveau Code civil du Québec, où on dit que les corporations de droit public sont d'abord régies par les lois particulières qui s'adressent à elles. Alors, compte tenu de cela, on pense, nous, que des aménagements peuvent être faits, en particulier en ce qui concerne l'accessibilité aux dossiers, mais que ça devrait se faire à l'intérieur de la législation professionnelle, et qu'à la limite on pourrait accepter une forme de recours à la Commission, une fois les recours disciplinaires épuisés, parce que le secret professionnel et l'accessibilité aux dossiers, ce sont des devoirs déontologiques. Il y a donc des recours possibles en vertu des lois professionnelles, et une fois épuisés, ces recours, bien, il pourrait y avoir accès à la Commission.

Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Sauvé. Alors, M. le ministre, maintenant.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Vous me permettrez, M. le Président, de souhaiter la bienvenue à la représentation du Barreau du Québec, à nos discussions entourant le projet de loi 68; il me fait plaisir de vous accueillir.

Au départ, je vous dirai que j'ai été frappé par les commentaires extrêmement constructs que vous avez eu l'amabilité de nous formuler. Je peux vous dire que, dans plusieurs cas, nous sommes à regarder très attentivement les éléments que vous avez soulevés. Je pense, notamment, à la question de la liberté de presse. J'ai déjà indiqué dans mes remarques préliminaires, l'autre jour, que je ne voyais pas la nécessité, tout au moins, d'avoir un amendement ou un article de loi, je dirais, dans ce projet de loi, qui, lui, viendrait contraindre, restreindre la portée d'un autre droit que nous retrouvons dans la Charte. Donc, dans ce sens-là, on verra à apporter les corrections.

Peut-être un autre commentaire sur la composition de la Commission d'accès à l'information. Je crois que c'est Me Glenn qui y référait tout à l'heure, ou Me Blanchard, je ne sais trop.

Une voix:...

M. Cannon: Je m'excuse.

Une voix: (I n'y a pas de quoi.

M. Cannon: Vous avez mentionné, de plus en plus, la complexité des dossiers qui étaient présentés devant la Commission d'accès à l'information, j'en suis, et c'est la raison pour laquelle, depuis les dernières années, au moment du remplacement des commissaires, nous avons jugé, comme parlementaires, opportun de nommer, dans ces fonctions, précisément des avocats. La remarque, donc, à cet effet-là, a été comprise depuis maintenant quelques années, de sorte que, sur les trois commissaires, vous en avez deux qui sont membres du Barreau du Québec...

Une voix: Le troisième est journaliste.

M. Cannon: ...et le troisième est journaliste.

Une voix: On ne peut pas avoir toutes les qualités.

M. Cannon: Je comprends, à ce moment-là, que c'est parfait.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Cannon: Dans les commentaires que vous nous avez déposés à l'automne 1991, vous nous avez fait savoir, dans votre mémoire, qu'une loi d'application prévoyant les recours, les sanctions et le pouvoir de réglementation était nécessaire. Et j'ai cru comprendre, à la lecture de votre mémoire, maintenant, précisément pour les fins de la discussion du projet de loi 68, que vous étiez beaucoup plus favorables, maintenant, à l'autoréglementation. Aussi étrange que cela puisse paraître, vous n'avez pas fait référence au nouveau Code civil, et particulièrement aux articles 35 à 41. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Blanchard: Écoutez, a priori, là, pour ce qui est de mon sujet, plus particulièrement, comme je l'ai mentionné, à l'article 36, vous avez la seule limite qu'il pourrait y avoir à de la diffusion d'information. D'une part, là, vous avez 36, 5°, qui parle de l'utilisation de «son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public». À cet égard-là, je pense que, dans le Code civil, tout comme dans la législation, il y a l'utilisation des mots «information légitime du public» qui peut poser problème, et je pense que, ce que le Barreau disait en 1991, c'est qu'il faudrait, entre guillemets, donner peut-être - passez-moi l'expression - une chance au coureur, en ce sens qu'il y aurait peut-être un effort de concertation qui pourrait être fait avec certains secteurs qui posent problème. Je ne pense pas que, d'une part, les médias d'information soient ceux qui posent, d'abord et avant tout, problème. Ce sont peut-être des agences de renseignements personnels ou des agences de crédit, a priori, qui peuvent poser problème, ou certains organismes qui détiennent des renseignements personnels, de nature médicale, par exemple.

Le commentaire qu'on avait à faire, et c'est peut-être le changement d'orientation du Barreau entre la position de 1991 et celle d'aujourd'hui, c'est qu'on avait, en 1991, pris la position que ça prendrait peut-être une législation, une réglementation qui serait, entre guillemets, du «sur mesure». Et, si vous me passez l'expression, le projet de loi, dans sa forme actuelle, ressemble plus à du «prêt-à-porter», ou même plus du «prêt-à-porter» que du «sur mesure». C'est peut-être dans cette optique-là, la différence entre la position que le Barreau a adoptée en 1991 et la position qu'on adopte aujourd'hui.

M. Sauvé: Peut-être que Me Glenn voudrait compléter.

Le Président (M. Doyon): Oui, Me Glenn.

M. Glenn: C'est simplement pour dire que la notion d'autoréglementation n'est pas incompatible avec une loi spéciale. Le Code civil prévoit un cadre général, une protection générale pour la protection de la vie privée, mais les

secteurs sont extrêmement variés, et on peut prévoir des formes différentes de protection dans les secteurs différents. Or, on peut envisager une loi spéciale qui prévoit l'autoréglementation par secteur, qui prévoit des sanctions pour l'absence d'une telle autoréglementation ou pour la violation de la protection prévue par l'autoréglementation. On peut donc prévoir à la fois une loi spéciale et une autoréglementation. Si l'autoréglementation est exclue, comme j'ai dit, on pense que le type de loi devant nous, c'est la meilleure solution.

M. Cannon: Bon, alors, merci. Pour revenir au projet de loi «sur mesure» et le «prêt-à-porter», vous avez affirmé, dans votre mémoire, que le projet de loi 68 affecterait inutilement les activités commerciales courantes. Pourriez-vous me donner quelques exemples?

M. Blanchard: On a nommé la question des agents de voyages, par exemple, qui détiennent des informations. Prenons un exemple. Je veux aller en voyage, je demande à mon agent de voyages de faire mes réservations de billets d'avion, mes réservations d'hôtel, mes réservations de location de voiture. Alors, déjà, on a l'utilisation du numéro de carte de crédit, de l'adresse personnelle, du numéro de téléphone, du numéro de permis de conduire et peut-être d'autres informations qui sont pertinentes. Aussi, on peut avoir des informations à caractère religieux, jusqu'à un certain point, parce que certaines personnes peuvent demander des mets particuliers dans les avions, parce qu'elles sont de religion juive, par exemple. Alors, c'est un renseignement qui est éminemment personnel. On peut donner des renseignements parce qu'on est diabétique et qu'on a besoin d'un menu spécial en avion. Donc, il faut demander ça à notre agent de voyages, qui le demande à la compagnie aérienne, par exemple. Donc, c'est une série d'informations qui sont éminemment personnelles, mais qui font l'objet d'un commerce courant, qui ne pose pas problème pour la plupart des gens. (11 h 30)

Quand j'appelle mon agent de voyages, je prends pour acquis que cette personne-là va les transmettre aux compagnies en question. Le problème, quand je vous parlais, entre guillemets, du «prêt-à-porter» et du «sur mesure», c'est qu'on peut s'attaquer à la manifestation comme telle, sans prévoir un mécanisme contraignant comme celui de l'article 13, par exemple, qui demande l'obtention d'un consentement écrit, éclairé, valable pour une certaine période de temps et n'importe quoi. Moi, chaque fois que j'appelle mon agent de voyages, je n'ai pas l'intention de lui écrire une lettre en lui disant: Tu peux mentionner aux compagnies aériennes que je suis juif et diabétique pour les six prochains mois. Alors, je pense que c'est un exemple parmi tant d'autres, mais qui illustre quand même un peu la redondance, à quelques égards, de l'article 13 du projet de loi, par exemple.

M. Sauvé: On pourrait ajouter certains exemples - vous pouvez en trouver - des inquiétudes qu'on manifeste aux pages 9 et 10 de notre mémoire. En ce qui concerne l'article 6, par exemple, l'article 6 dit: «La personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui doit les recueillir auprès de la personne concernée. «Toutefois, elle peut recueillir ces renseignements auprès d'un tiers à la condition que la collecte soit faite sans révéler à ce tiers un renseignement dont la loi interdit la communication.»

Alors, le commentaire qu'on faisait et l'inquiétude qu'on avait, c'est que cet article peut entraîner des difficultés pour un assureur ou un prêteur qui cherche à vérifier auprès d'un tiers des renseignements fournis par un client potentiel. En effet, comment recueillir des renseignements personnels sur le client sans risquer de divulguer ou de révéler des renseignements personnels au tiers? Alors, ça, c'est un exemple qui avait été soulevé. Il y a d'autres exemples. Les prêts au téléphone, par exemple, ça aussi, c'est une difficulté si le consentement écrit est obligatoire. Alors, c'était le genre d'exemple qui avait été souligné dans le mémoire, des inquiétudes qu'on pouvait avoir.

M. Cannon: Est-ce que vous verriez, Me Blanchard ou Me Sauvé, l'introduction d'une disposition qui vise un consentement verbal? Exemple concret, vous me parliez de votre agent de voyages. Nul doute qu'à un moment donné vous allez passer cueillir les billets ou vous allez avoir un contact autre qu'un contact par téléphone. Il est fort à parier que vous allez le rencontrer ou que quelqu'un de votre famille immédiate, je présume, quelqu'un dans votre entourage va aller chercher les billets. Est-ce qu'on peut supposer la possibilité d'un consentement verbal, quitte à ce que ce consentement-là soit confirmé par écrit? Je vous le dis parce que la préoccupation que nous avons, c'est de restreindre ce consentement, c'est de nous assurer que le consentement... Je comprends très bien les exemples que vous nous apportez ce matin, mais c'est de s'assurer précisément que ces renseignements-là ne se retrouvent pas partout. Alors, toute cette question de consentement, elle est importante, oui, mais comment arriverons-nous à mieux encadrer, à mieux restreindre ce consentement qui a été donné de bonne foi et qui, présumément, peut avoir peut-être des difficultés au moment de son application lorsqu'il s'agit d'un consentement écrit? Moi, je suis prêt à revoir ça, je l'ai déjà indiqué par le passé, mais avez-vous des idées là-dessus?

M. Blanchard: Écoutez, je dois vous avouer que, je pense, le consentement verbal, il y a un problème, entre guillemets, d'administration d'un tel consentement parce que ça amène des controverses, ça amène des imbroglios qui sont un peu difficiles à démêler ensuite et on pense que ça peut amener un nid de litiges qui n'est pas nécessaire. Je pense que la façon la plus circonspecte d'attaquer le problème, ce serait de limiter l'utilisation et le commerce ou le transfert de ces informations-là uniquement aux fins légitimes pour lesquelles elles ont été recueillies.

Si on utilisait la raison pour laquelle ces motifs-là ont été recueillis pour en contrôler ensuite la diffusion ou la circulation, ça pourrait être un motif qui est plus adéquat. Comme l'exemple de l'agent de voyages, les fins légitimes pour lesquelles un agent de voyages recueille certains renseignements, c'est pour des fins x, mais, si cet agent de voyages commence à vendre ça à une entreprise de télémarketing ou à d'autres entreprises, ce n'est pas les fins pour lesquelles l'information a été donnée. Alors, je pense qu'il faut s'attaquer, respectueusement, plus à la manifestation et à l'utilisation des renseignements qu'à la façon dont le renseignement doit être donné, jusqu'à un certain point.

M. Cannon: Je suis tout à fait d'accord avec vous. D'ailleurs, hier soir, à l'occasion de la présentation des gens de l'ATAC et des transporteurs, ils ont fait la démonstration, enfin, plus juridiquement. L'agent de voyages, de façon générale, était un employé, ni plus ni moins, de la compagnie de transport et, par conséquent, les dispositions du Code civil ne s'appliquaient pas à ces gens-là. Donc, constitutionnellement parlant, ça relevait de la juridiction du gouvernement fédéral puisque le transport aérien relève de la juridiction du fédéral.

Ceci étant dit, quoique j'ai beaucoup de réticences là-dessus, ça m'amène peut-être à une dernière question à Me Glenn. On a parlé des difficultés reliées aux flux transfrontières des données. J'avais indiqué que, nous, on avait une opinion juridique du ministère de la Justice comme quoi il y a une bonne partie de la responsabilité qui relève du fédéral. Cependant, nous pourrions agir auprès des entreprises qui, elles, oeuvrent et opèrent au Québec et qui peuvent transmettre les renseignements à l'extérieur du Québec, donc contrôler en aval et en amont, pour ainsi dire, au niveau du consentement qui serait fourni par le consommateur au client et, après quoi, auprès de l'entreprise. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous partagiez, si j'ai bien compris, la difficulté. J'aimerais vous entendre un peu sur ce problème que le projet de loi peut avoir.

M. Glenn: Je pense qu'il y a deux ordres de difficultés. Il y a la difficulté d'ordre constitutionnel, et je pense que vous avez déjà reçu des conseils très pertinents à ce sujet, et il y a l'autre difficulté qui est beaucoup plus importante. C'est que je crois qu'il est pratiquement impossible aujourd'hui, étant donné les moyens de transfert de données, de contrôler les flux transfrontaliers de données dans l'absence d'un accord international ou d'un accord intergouvernemental.

On a dit que l'information se transmet par voie capillaire. Il est impossible d'exercer un contrôle, surtout dans le cas de frontières qui sont très mal protégées contre les flux de données. Ça se transmet par voie de lignes téléphoniques. Comment peut-on, effectivement, bloquer de telles transmissions de données? Alors, il nous semble que, devant les difficultés pratiques de réglementer les flux transfrontaliers de données, le seul moyen pratique d'effectuer un remède quelconque, c'est par la voie d'accords internationaux. C'est ce qui se fait en Europe avec la convention d'Europe, c'est ce qui se fait dans le cadre de l'organisation économique. Il nous semble que c'est ce qui s'impose aussi dans le cadre nord-américain.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Glenn. M. le député de Pointe-aux-Trembles. Me Bourdon, oui, allons-y.

Une voix:...

Le Président (M. Doyon): Ça ne porte pas à conséquence.

M. Bourdon: J'ai d'autres qualités, mais je ne suis pas avocat. Je voudrais d'abord m'adres-ser à Me Glenn parce qu'il a dit une chose que je partage sur la responsabilité individuelle que chaque citoyenne, chaque citoyen a de faire respecter ses droits. Je voudrais cependant lui donner un exemple de difficultés pratique. La ville de Montréal a édicté un règlement qui dit qu'un citoyen a le droit de ne pas avoir de circulaires chez lui et la ville diffuse à cet effet une petite vignette. Alors, comme je suis un citoyen conscient et que je déteste la «junk mail», je suis dans l'autre partie de l'humanité qui n'aime pas lire tout ça, j'ai mis ma vignette et j'ai arrêté de recevoir le journal Le Flambeau qui dessert mon quartier. Je suis député de ce quartier-là et je veux savoir si ma photo est dans le journal Le Flambeau. Alors, j'en ai parlé à quelqu'un de Télé-Média qui m'a dit: Nous sommes propriétaires à la fois de CKAC, une station FM, et on distribue des circulaires, on en imprime, puis on a le journal local. Alors, soyons clairs, si vous faites appliquer le règlement municipal, vous n'aurez plus le journal local.

Comme je ne suis pas plus courageux que la moyenne des ours, pour avoir le journal local, j'ai fait la concession d'enlever la vignette que la loi m'autorisait à placer, j'ai le journal local, mais... Écoutez, c'est à deux sens. Maintenant, ce

que distribue Télé-Média est dans un sac en plastique pratique. Il y en a épais. Je les jette directement dans la poubelle et la liberté d'information, pour moi, a ce prix-là. Je prends le petit sac en platique. Je le monte en haut de l'escalier et je le jette dans la poubelle. Ne pensez-vous pas que ça illustre que l'individu peut parfois être incapable de faire respecter ses droits en ces matières-là? (11 h 40)

M. Glenn: Non. Avec respect, je pense que ça illustre la multitude de solutions possibles à ce genre de problème. Je souligne aussi la possibilité que vous avez, en tant qu'individu, de poursuivre actuellement devant la Cour des petites créances pour récupérer des dommages et intérêts pour la violation de votre vie privée que vous subissez en recevant la «junk mail» en l'absence de votre consentement explicite ou implicite. La réalité, c'est que presque personne ne l'a fait, c'est-à-dire que, dans l'absence d'une plainte formelle de leur part, en s'appuyant sur les textes actuels, il y a consentement, de la part de ces individus, de ces dites violations de leur vie privée, mais qui ne le sont pas, en l'absence d'une plainte formelle de leur part.

Ça rejoint le problème de la nécessité d'un consentement écrit. En l'absence d'un consentement écrit, il n'y a qu'un consentement implicite ou oral à toute communication à une tierce personne. Mais, s'il n'y a pas un consentement écrit et que l'individu juge que l'emploi fait de ses données personnelles est abusif et va au-delà de la finalité originale dans la production de ses données personnelles, cet individu a toujours la possibilité de porter plainte soit devant les tribunaux, soit devant la Commission. Ce sera à ce forum-là de juger si le consentement explicite ou implicite a été violé. Il y a beaucoup de remèdes que nous avons actuellement.

M. Bourdon: Écoutez, je prends votre conseil et je vais poursuivre...

M. Glenn: Gardez toujours une poubelle.

M. Bourdon: C'est ça. Je vais envisager de poursuivre Télé-Média, qui me couvre comme député, à la Cour des petites créances. Par ailleurs, vous avez parlé des flux transfrontières. C'est évident qu'en aviation c'est un cas d'espèce, puis on est revenu dessus hier. Il y a cependant une autre facette qui m'intrigue un peu, c'est que, si le projet de loi ne touche pas ce que des citoyens du Québec ont le droit de fournir à l'étranger et de recevoir de l'étranger, est-ce que vous ne craignez pas qu'un renseignement, qu'il n'est pas légal de fournir ou d'obtenir au Québec, pourra transiter par Buffalo, Burlington ou Plattsburg? De toute façon, dans le monde moderne, avec les changements technologiques survenus, d'une certaine façon, la ville du monde d'où transiteraient les renseigne- ments a peu d'importance. C'est instantané pareil.

Alors, vous ne trouvez pas qu'il y a là une lacune et qu'on devrait remettre la section VIII du projet de loi qui traitait de ça, la remettre dedans, sinon l'ensemble de la loi devient d'application très illusoire parce qu'il suffirait de transiter par l'Ontario ou les États-Unis pour obtenir tout ce que la loi nous défend d'obtenir?

M. Glenn: De façon générale, je ne pense pas qu'on a vu dans le monde des «data havens». Il y a une réglementation assez stricte sur la protection des données personnelles dans plusieurs pays européens. Si ça avait créé des problèmes administratifs sévères, on aurait pu voir l'exportation du traitement de ces données dans les «data havens», mais, de façon générale, on ne l'a pas vu. On peut même dire, et l'argument a été fait, que la création de telles lois de protection fournit une protection accrue aux entreprises parce qu'elles savent exactement à quoi il faut s'en tenir pour être protégé contre toute poursuite. Dans la mesure où on fournit de telles protections, un tel cadre législatif, il y a même moins de possibilités que le traitement de données va être exporté qu'en l'absence d'une telle loi. Alors, nous ne voyons pas beaucoup de difficultés dans l'absence d'un tel chapitre dans le projet de loi. Si on mettait un tel chapitre dans le projet de loi, nous ne verrions pas beaucoup d'efficacité possible pour un tel chapitre, en l'absence, comme j'ai dit, d'un texte créé de façon globale, un texte de portée internationale ou interjuridictionnelle.

M. Bourdon: Mais est-ce qu'il n'y a pas un problème si la loi me permet de fournir à quelqu'un, qui opère dans un pays où il n'y a pas une loi comparable à la nôtre, des renseignements et que j'aurais le pouvoir de lui en demander tout aussi rapidement sur des citoyens du Québec pour contourner la loi?

Dans le fond, c'est à peu près ce que l'OCDE a mis de l'avant, d'abord entre pays d'Europe et, ensuite, vis-à-vis de tiers. Dans le fond, ce que l'OCDE va atteindre, c'est une certaine uniformité dans toute l'Europe sur la transmission de renseignements personnels. Mais elle fait savoir aux autres pays, dont le Québec, qu'elle va nous appliquer - et c'est cohérent - la même logique qu'elle va appliquer sur son continent, c'est-à-dire que, si on n'a pas une loi comparable, elle va arrêter le flux de transmission des informations transfrontières, parce que, en Europe aussi, ils sont conscients, je pense, que, sinon, l'entreprise européenne qui veut un renseignement qui n'est pas accessible en Europe pourrait l'avoir par Montréal si on n'a pas des restrictions comparables. Dans le fond, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que le projet de loi, à l'égard de pays tiers, prévoie qu'on ne peut pas passer par l'étranger pour

réaliser quelque chose que la loi québécoise... Une voix: Interdit de faire.

M. Bourdon: ...interdit de faire? Ce que je veux dire... parce que je suis conscient que qui dit frontières dit fédéral. Bon! On ne recommence pas le débat, le référendum est derrière nous. Mais, dans le fond, il s'agit de réglementer les citoyens québécois au Québec. Je pense qu'il y aurait utilité de mettre une disposition, de dire qu'on ne peut pas passer par un pays tiers ou une province tierce pour faire quelque chose que la loi interdit de faire.

Je suis parfaitement d'accord avec vous que, dans le secret du bureau ou d'un salon, ce que quelqu'un fait avec son ordinateur, on ne peut pas... Mais l'utilisation qui en est faite, comme vous dites, là, ça inspirerait peut-être une crainte salutaire d'une entreprise qui dirait: Oui, c'est bien beau, on a le renseignement par cette voie-là, mais, si on s'en sert, on est passible de poursuites.

Autrement dit, je ne veux pas, comme tel, qu'on prétende réglementer les flux transfrontières parce que je suis bien conscient que c'est du niveau fédéral comme juridiction, comme ordre de juridiction, mais est-ce qu'on ne pourrait pas mettre dans la loi qu'on ne peut pas passer par ailleurs pour faire quelque chose qui est spécifiquement interdit par la loi?

M. Glenn: Je veux dire, il y a deux choses en réponse. D'abord, il est illusoire de penser qu'on peut garantir aux citoyens de Québec la protection garantie par la loi dans toutes les transactions avec le monde extérieur. C'est la même chose avec la Loi sur la protection du consommateur, le consommateur québécois qui entre dans un contrat pour l'achat d'un char usagé à Ottawa ne serait pas, dans la plupart des cas, protégé par la loi québécoise sur le consommateur. Donc, on ne peut pas prévoir l'application extra-territoriale de cette loi.

Pour les communications qui ont lieu d'abord entièrement sur le territoire québécois entre un sujet d'information et la première personne qui fait la collecte de cette information, la loi s'applique à ces transactions. La question est de savoir si on peut empêcher la personne qui fait la collecte originale de transmettre les données ailleurs aux États-Unis, là où il y a des systèmes de traitement plus larges, par exemple. On peut mettre ça dans la loi. Indiscutablement, on pourrait le faire. La question, pour nous, n'est pas là. La question est de savoir comment on va faire respecter la loi.

En Europe, on a essayé d'imposer des taxes sur l'exportation de données personnelles parce qu'on a essayé de protéger l'industrie locale de traitement de données. C'est très important, on ne veut pas que le traitement de données soit exporté. C'est très économique, c'est très important. On a voulu établir un système d'autorisation ou de licenciement qui ne permettrait l'exportation qu'avec l'accord d'une autorité gouvernementale. De façon générale, aujourd'hui, on renonce. C'est trop lourd, c'est impossible en l'absence d'un accord international qui s'exécute, en quelque sorte, entre les deux pays. Alors, si vous avez une commission de trois personnes, comment cette commission va-t-elle surveiller les lignes téléphoniques entre l'État de Québec et l'État de New York? Ça ne se fait pas facilement, même s'il y a un article dans la loi. (11 h 50)

M. Bourdon: Je voudrais...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le député.

M. Bourdon: Oui. Deux questions. C'était tellement passionnant qu'on s'est allongé sur d'autres sujets. Les différents chapeaux de la Commission d'accès à l'information, est-ce que vous pensez qu'il est impossible de concilier ces rôles-là ou s'il y aurait des aménagements possibles? La fonction de conseil, la fonction d'information, la fonction de médiation, même, et la fonction d'adjudication.

L'autre question: Pensez-vous qu'il serait pensable de dire que les 240 000 professionnels - et ça inclut les membres du Barreau - pourraient garder intégralement toutes les lois, les règlements, les règles qui régissent l'accès à l'information et le respect du secret professionnel, et prévoir que la Commission d'accès ne pourrait intervenir qu'à la suite et comme, entre guillemets, en appel de la mécanique interne de chaque profession? Autrement dit, au lieu d'avoir la double législation et la double juridiction, est-il pensable de dire, ce qui est déjà le cas dans la loi d'accès dans le secteur public, que la Loi sur le Barreau et les autres lois qui touchent les avocats s'appliquent, que la mécanique s'applique, mais qu'une personne non satisfaite de la décision pourrait venir à la Commission, et la Commission serait chargée d'interpréter la loi constitutive du Barreau ou l'autre loi pertinente, et non pas la loi générale, et pourrait ainsi recueillir de la documentation qu'elle introduirait dans son rapport annuel sur comment ça fonctionne dans les corporations professionnelles? Je vais vous dire la même chose que les autres, je suppose que le Barreau est infaillible, mais, dans l'ensemble des 240 000, il pourrait s'en trouver une qui ne serait pas parfaite.

M. Granda: Si vous me permettez, je vais répondre au premier volet de votre question, au niveau des trois chapeaux, puisque c'est le sujet dont j'ai traité au début. Il m'apparaît qu'il y a des aménagements assez faciles qui pourraient être faits pour diviser les tâches de la Commis-

sion de sorte qu'elle ne joue pas le double rôle de conseiller, de médiateur en plus d'adjudica-teur. À ce sujet-là, les membres, il pourrait y avoir un volet ou une partie de la Commission qui ne s'occupe que de l'administration quotidienne de la loi, tant de l'accès que du projet de loi dont on est saisi, et l'autre partie de la Commission, qui est celle des trois commissaires où il faudra nécessairement en nommer plus si on regarde l'étendue du champ qu'on lui donne, qui, elle, décide des mandats.

Ce qui est important, par contre - et on en parlait en descendant à Québec - c'est qu'il ne faudrait pas qu'on se retrouve avec un projet de loi qui est adopté mais qui n'est pas mis en vigueur parce qu'on n'a pas les fonds pour nommer des gens et donner les ressources nécessaires à la Commission pour qu'elle puisse faire son travail. Ça, c'est un point important puisqu'on lui accorde des obligations où on dit... Bon! On lui impose des obligations quand même assez importantes.

Au niveau des corporations professionnelles, je vais laisser Me Sauvé répondre, mais je reviens encore à l'article 300 du Code civil qui dit: Chaque organisme professionnel est régi par sa propre loi constitutive et chaque organisme pourrait très bien prendre les mesures nécessaires pour, au niveau de ses propres organismes internes ou fonctions internes, prévoir le règlement de ces différends.

Le Président (M. Doyon): Me Sauvé, rapidement parce que le temps nous presse.

M. Sauvé: Oui, absolument. Alors, ce qui nous avait frappés en ce qui concerne l'application de ce projet-là aux membres des corporations professionnelles, c'est que ça commençait à faire pas mal de monde qui s'occupait de la même affaire. On a actuellement un avant-projet de loi qui a été déposé par le ministre du Revenu où l'article 1205 dit que l'Office des professions va réglementer la protection des renseignements personnels. Là, il y aurait la Commission, il y aurait les corporations professionnelles. Ça commence à faire beaucoup de monde. Dans un débat de rationalisation des dépenses publiques, on pense que ce n'est peut-être pas la meilleure voie à suivre. Nous, on pense que, d'abord, ce sont les lois professionnelles, les recours disciplinaires qui devraient s'appliquer. Si l'État juge qu'il y a assez d'argent dans la caisse pour aller devant la Commission et que la Commission fasse des frais à cet égard-là, à la limite, pourquoi pas? Mais, d'abord, que les recours disciplinaires soient épuisés.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Sauvé. M. le député de D'Arcy-McGee, pour trois ou quatre minutes.

M. Libman: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux souligner l'importance de votre présence aujourd'hui. Vous suggérez des clarifications très importantes à ce projet de loi. Moi, je veux aborder un sujet dans votre mémoire. Vous parlez d'une certitude considérable qui règne au niveau constitutionnel. Vous partez de la validité constitutionnelle d'une loi québécoise applicable à des entreprises fédérales. Alors, je présume que vous invoquez la possibilité pour des entreprises, par exemple, de contester la cons-titutionnalité de cette loi. Est-ce que c'est ça, ce que vous invoquez ce matin, par exemple?

Dans votre mémoire, vous dites que le gouvernement du Québec doit être prêt à défendre son point de vue à ce sujet. Me Glenn a mentionné aussi, ce matin, que le ministre était avisé dans ce sens. Mais je veux juste entendre vos opinions là-dessus, s'il y a la moindre possibilité pour l'entreprise de vraiment contester la constitutionnalité de cette loi devant les tribunaux.

Le Président (M. Doyon): Qui est prêt à donner son opinion là-dessus? Me Glenn.

M. Glenn: Je ne sais pas si je suis prêt, mais je dirai qu'il s'agit d'un grand problème constitutionnel. La question est de savoir dans quelle mesure les lois d'application générale d'une province s'appliquent aux entreprises au niveau fédéral. Alors, si j'étais conseiller juridique d'une banque ou d'une compagnie de téléphone, je dirais que ces lois ne s'appliquent pas à une entreprise fédérale pour limiter sa capacité de fonctionnement dans une province. Alors, il faudrait trancher dans quelle mesure cette loi peut s'appliquer à une entreprise fédérale. Mais on ne peut pas présumer que tous les domaines couverts par ces entreprises fédérales vont être réglementes de façon complète par la loi. il y aurait des contestations soulevées par les entreprises fédérales au sujet de l'application de la loi à elles.

M. Libman: Alors, nous pouvons nous trouver dans l'imbroglio où certaines banques ou institutions fédérales vont décider de contester cette loi devant les tribunaux. Il existe cette possibilité. Comment vous allez conseiller le gouvernement du Québec de se préparer à se défendre à ce point de vue là?

M. Glenn: Les entreprises fédérales sont régies par la loi fédérale sur la protection des données personnelles. En cas d'un conflit entre les deux, sans doute elles vont suivre le texte fédéral, elles vont s'exposer à des poursuites en vertu de la loi provinciale et cette question-là sera résolue dans le cas des litiges individualisés au sujet de chaque entreprise fédérale. Il n'y a pas moyen d'éviter ça dans un système fédéral.

Le Président (M. Ooyon): Une autre question, peut-être, brièvement, si vous en avez une, M. le député? Non?

M. Libman: Non. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): J'imagine que cette situation n'est pas nouvelle. Ce sont des situations qui se reproduisent à tout moment donné, pour plusieurs lois qui se retrouvent devant les tribunaux. Les tribunaux décident, la jurisprudence s'établit et, dans un certain temps, on sait à quoi s'en tenir.

Alors, il me reste, en tant que président, au nom des membres de la commission, à vous remercier, les membres du Barreau, et le Barreau qui a pris le temps de se pencher sur ce projet de loi extrêmement important. Le point de vue que vous avez exprimé nous éclaire beaucoup. Vous avez mis beaucoup d'efforts là-dessus. Alors, merci beaucoup d'être venus et au revoir. Au plaisir de vous recevoir de nouveau!

Donc, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Khelfa): La commission reprend ses travaux. Quorum constaté.

M. le président du Conseil du patronat, je vous souhaite la bienvenue et j'aimerais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Alors, M. le Président, je vous présente mes collègues: à mon extrême gauche, Me Dorothée Biron, du contentieux de Québec-Téléphone; à ma toute gauche, M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche socio-économique au Conseil du patronat, et, à ma droite, Me Raymond Doray, du bureau de Lavery, de Billy.

Le Président (M. Doyon): Vous êtes les bienvenus. Vous connaissez les règles, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. Nous allons faire une présentation en deux volets. Je vais présenter une position de principe face à l'application pour l'ensemble des entreprises du projet de loi et je vais demander ensuite à mon collègue, M. Jacques Garon, d'illustrer, par un certain nombre d'articles sélectionnés, les difficultés d'application de ce projet.

Je vous signale - et le secrétaire de la commission est en train de faire circuler un document - que notre approche a un peu changé par rapport au dépôt du mémoire - j'en ai prévenu le ministre tout à l'heure et M. Bourdon - dans le sens qu'on a pris une approche d'application générale de la loi, alors que, dans le mémoire, on était beaucoup plus axé peut-être sur les institutions financières, la téléphonie et le crédit.

Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais d'abord dire que le Conseil de patronat souscrit entièrement à la protection des renseignements personnels des clients des entreprises privées. Cet accord de principe n'est cependant pas inconditionnel. Il ne constitue pas un endossement a priori de toute législation ou réglementation qui viendrait rendre la vie extrêmement difficile aux entreprises privées sans pour autant améliorer les services qui seront dispensés aux citoyens, services qui leur coûteront cependant beaucoup plus cher.

Déjà, en août 1991, devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec, nous disions «qu'au lieu de lois et règlements nouveaux, il faut privilégier des consultations et la concertation entre l'État et les industries du secteur privé, de manière à favoriser l'autoréglementation en matière de gestion, de confidentialité, de cueillette, de divulgation et de commercialisation des données sur les usagers des services téléphoniques et des services financiers». Nous maintenons ces commentaires même si nous pouvons reconnaître d'emblée le bien-fondé pour certains secteurs d'une intervention législative limitée, quant à nous, aux renseignements sensibles, conformément aux lignes directrices de l'OCDE.

Mais, M. le Président, le projet de loi 68 va beaucoup plus loin. Il propose de réglementer la cueillette, l'utilisation et la communication des renseignements personnels dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les entreprises québécoises. Il propose un système de protection de l'information personnelle qui est beaucoup plus strict, complexe et coûteux que les systèmes en vigueur dans les autres provinces canadiennes de même que dans les pays membres de l'OCDE. Sa portée nous apparaît telle qu'il serait extrêmement dommageable pour l'économie du Québec et, de ce fait, nous pouvons difficilement y souscrire.

Mais examinons de plus près le projet de loi. Premièrement, comme nous l'avons dit, il s'applique aux 215 000 entreprises ou à peu près pour contrer des abus qui ne sont sûrement pas le fait de ces 215 000 entreprises. Au moment où tout le monde ou à peu près constate que les entreprises sont surréglementées, que le carcan réglementaire empoisonne leur vie quotidienne, que l'État les tient en tutelle ou presque, on leur impose ici une intervention législative démesurée et généralement injustifiée. Est-ce bien ce que désire la population qui, pour sa part, semble avoir beaucoup mieux ciblé ses attentes en matière de confidentialité des renseignements

personnels?

Deuxièmement, ce projet très interventionniste de l'État en ce qu'il, je le répète, touchera toutes les entreprises, ne pourra se réaliser qu'à grands frais. Outre la très grande complexité et la lourdeur des mécanismes que propose le projet de loi 68, l'entreprise devra mettre sur pied des mécanismes de renseignement et de contrôle, procéder à la tenue de registres, rédiger des rapports, recevoir les fonctionnaires, le tout également au moment où le gouvernement s'interroge sur les interventions de l'État dans le secteur privé et sur les coûts que de telles interventions entraînent.

Des coûts, il n'y en aura d'ailleurs pas que pour les entreprises. Pour contrôler le tout, pour rendre la loi opérante, le gouvernement lui-même devra se doter d'un corps de surveillance qui ne se satisfera sûrement pas des ressources humaines et financières actuellement accordées à la Commission d'accès à l'information. Est-ce là un exemple de la réduction des dépenses gouvernementales dont le gouvernement nous entretient en d'autres lieux?

Troisièmement, parlant d'ailleurs de la Commission d'accès à l'information, nous nous interrogeons sur le rôle que lui confie le projet de loi 68. Cette commission devra en effet, dorénavant, agir comme tribunal, conciliateur, enquêteur, policier, promoteur de la loi et que sais-je encore? N'est-ce pas là trop demander à un organisme actuellement crédible et nécessaire, mais dont la carrière pourrait être vite brisée en tentant de jouer des rôles aussi contradictoires?

Quatrièmement, quelques mots sur les effets importants qu'aurait le contenu actuel du projet de loi sur la gestion des ressources humaines dans toutes les entreprises. Je suis même tout à fait convaincu que le président du Conseil du trésor n'en a pas mesuré toutes les conséquences et que, s'il devait lui-même y être assujetti, en sa qualité d'État-employeur, il y penserait sûrement à deux fois. Le projet de loi impose en effet à l'entreprise de divulguer, sur demande de la personne concernée, l'existence d'un dossier la concernant ainsi que son objet. La personne concernée possède le droit de consulter son dossier et d'obtenir la rectification des renseignements personnels la concernant contenus dans ce dossier.

Bien sûr, M. le Président, les auteurs du projet de loi avaient en tête, en rédigeant ces dispositions, plus particulièrement les agences de crédit et, de façon plus générale, les institutions financières. Mais ces dispositions affecteront également les relations de travail dans les entreprises, relations qui s'alimentent de droits, d'obligations, de règles de jurisprudence bien différents de ceux qui prévalent pour les agences de crédit. Que de mésententes en perspective!

Prenons, par ailleurs, toujours dans le domaine de la gestion des ressources humaines, le texte de l'article 28 qui se lit ainsi: «Toute personne qui exploite une entreprise doit, sur demande d'une personne physique à l'égard de qui elle s'apprête à prendre ou elle a pris depuis moins de six mois une décision négative dans le cadre d'une relation d'emploi ou de consommation, lui indiquer la source de tout renseignement personnel la concernant provenant d'un tiers, consigné dans son dossier et qui a été ou qui sera pris en considération lors de sa décision.» (14 h 10)

On peut tirer immédiatement trois conséquences possibles de cet article et, encore là, d'application dans toutes les entreprises. L'entreprise elle-même et les administrateurs, dirigeants, officiers ou représentants de celles-ci s'exposent à des poursuites pénales en cas de non-respect de cette disposition. Deuxièmement, si vous êtes le donneur d'informations, et ça nous arrive tous, vous risquez de perdre l'anonymat et de vous exposer à des poursuites en dommages. Troisièmement, si vous êtes le receveur d'informations, vous risquez de perdre vos sources, bien sûr, et d'exposer vos décisions à des critiques a posteriori, voire même à des poursuites en dommages, si votre décision est basée, en tout ou en partie, sur des renseignements incomplets ou inexacts obtenus d'une source extérieure.

M. le Président, de telles dispositions, dans la gestion du personnel, engendreront l'inefficacité, le mécontentement et ne sauraient satisfaire tant le monde patronal que syndical ou même politique. On voudrait bien savoir, M. le Président, dans toutes ces dispositions, où est le fil qui devait nous conduire à une meilleure confidentialité dans les relations entreprises-clients. Les services du personnel des entreprises, les corporations professionnelles, les associations ne sont pas Équifax et ne devraient pas être traités comme tel.

M. le Président, dans sa forme actuelle, ce projet de loi contribuera à alourdir les relations entre les entreprises et leurs clients, entre les entreprises et leurs employés actuels et potentiels, notamment par l'instauration d'un processus judiciarisé qui n'améliorera pas pour autant les services rendus, sera coûteux, source de conflits constants.

Certaines de ces dispositions, M. le Président, sont même tout à fait inapplicables. Par exemple, nous voyons mal comment le Conseil du patronat, comme entreprise qui dispose de plusieurs listes, parce qu'on a plusieurs listes, pourrait appliquer à la lettre les dispositions de l'article 11 qui se lit ainsi: «Toute personne qui exploite une entreprise doit veiller à ce que les dossiers qu'elle détient sur autrui soient à jour, exacts et complets pour servir à l'objet de leur constitution.» C'est carrément irréaliste de croire que cet article est applicable. Je ne connais pas beaucoup d'entreprises, incluant le Parti libéral et le Parti québécois, qui sont assujettis à la loi, soit dit en passant, par le champ d'application et par l'article 88, je ne connais pas de partis

politiques qui ont toujours à jour les dossiers qu'ils détiennent sur autrui.

Une voix:...

M. Dufour (Ghislain): Bon, disons qu'on parle du NPD. Or, rappelons simplement que, selon l'article 83, une infraction à l'article 11 est passible d'une amende de 1000 $ à 5000 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 5000 $ à 10 000 $. Donc, personne ne pourra échapper à ce genre de pénalité.

M. le Président, M. le ministre, pour tuer une mouche dans les entreprises privées, en général, on utilise un canon capable d'abattre un éléphant.

Avant de donner la parole à mon collègue Garon, qui illustrera par des exemples concrets certaines excentricités de ce projet de loi, je voudrais conclure de la façon suivante avec nos trois conclusions.

La première, c'est que, dans son libellé actuel, le projet de loi applicable à l'ensemble des entreprises québécoises nous est inacceptable dans le cadre que je viens de vous donner. Deuxièmement, si le gouvernement veut légiférer dans le domaine de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qu'il se limite à certaines activités spécifiques, celles qui sont ciblées par la population en général, sans aller plus loin, bien sûr, que les législations que l'on a dans les autres provinces. Donc, troisième conclusion, que le gouvernement exclue clairement du champ d'application de la loi ces quelque 200 000, 215 000 entreprises, associations, corporations profesionnelles qui n'ont pas de problèmes particuliers à l'égard des renseignements personnels qu'elles détiennent et que l'on voudrait injustement, quant à nous, enfermer dans un carcan législatif et réglementaire coûteux et souvent inapplicable.

Pour vous dire les difficultés qu'on rencontrerait, donc, je donne la balance de mon temps à mon collègue Garon.

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Merci, M. Dufour.

M. le Président, permettez-nous de vous donner quelques exemples de certaines dispositions du projet de loi 68 qui rendront ce projet inacceptable et inapplicable pour l'ensemble des secteurs économiques, sans compter une augmentation importante des coûts administratifs.

Prenons l'article 6, qui est de portée générale et qui s'adresse à toutes les entreprises, et je cite: «La personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui doit les recueillir auprès de la personne concernée. «Toutefois, elle peut recueillir ces renseignements auprès d'un tiers à la condition que la collecte soit faite sans révéler à ce tiers un renseignement dont la loi interdit la communica- tion.» Fin de la citation.

Selon cette disposition, il sera virtuellement impossible de recueillir des renseignements personnels sur autrui auprès d'un tiers. En effet, comment, pratiquement, peut-on recueillir des renseignements sur autrui auprès d'un tiers sans révéler de ce fait d'autres renseignements personnels au sujet de la personne qui fait la cueillette? Par exemple, l'employeur qui cherche à obtenir des informations sur un candidat à un poste au sein de son entreprise ne pourra poser des questions sur ce candidat à des tiers puisque, ce faisant, il révélera des renseignements au sujet de ce candidat, son adresse, son âge, etc. Autant dire que cette disposition ne saura à peu près jamais trouver application. Toutes les entreprises sont concernées par l'application de cet article.

Autre exemple, l'article 12. Je cite: «Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins incompatibles avec celles de l'objet de la constitution du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit.» Fin de la citation. En bref, cette disposition interdit à une entreprise de communiquer des renseignements personnels à une autre entreprise ou à une personne physique extérieure sans le consentement écrit et spécifique de la personne concernée. Cette disposition, qui vise toutes les entreprises, aura, par exemple, pour effet d'empêcher une agence de voyages de faire des réservations d'avion et d'hôtel pour un client sans le consentement écrit de ce client. En effet, puisqu'une réservation d'hôtel ou d'avion implique la transmission de renseignements personnels à la chaîne hôtelière et à la compagnie aérienne, il s'agit là de communication de renseignements personnels qui, au terme de l'article 12, exige le consentement écrit au préalable du client.

Prenons un exemple précis, celui des entreprises de presse. Tel que rédigé, le projet de loi 68 s'applique aux entreprises de presse comme à toute autre entreprise faisant affaire au Québec. Bien sûr, le troisième alinéa de l'article 1 du projet de loi prévoit que celui-ci, je cite, «n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin d'information légitime du public.» Fin de la citation. Mais cela veut dire simplement que les entreprises de presse pourront utiliser les informations personnelles qu'elles détiennent. Elles sont assujetties aux règles de cueillette, de constitution et de déclaration de l'objet du dossier, de communication et de mise à jour de renseignements personnels. Le droit d'accès et de rectification de la personne concernée à son dossier s'applique aussi aux entreprises de presse.

Concrètement, cela veut dire que, lorsque les journalistes procéderont à une enquête, ils devront respecter les exigences des articles 6 et 7 du projet de loi. Il leur sera donc interdit de

recueillir des renseignements personnels auprès d'un tiers si cela a pour conséquence de révéler des renseignements au sujet de la personne sur laquelle ils font enquête. De même, lorsqu'ils recueillent des renseignements auprès de la personne concernée, les journalistes devront leur indiquer le nom et l'adresse de leur place d'affaires, l'objet du dossier, l'utilisation qui sera faite des renseignements, le droit d'accès et de rectification et les conséquences, pour la personne concernée, du refus de fournir les renseignements.

A chaque fois qu'ils recueillent des renseignements personnels dans le cadre d'une enquête, les journalistes devront verser ces renseignements dans un dossier spécifique relatif à cette personne et en déclarer l'objet. L'entreprise de presse en question devra s'assurer que les renseignements sont exacts, à jour et complets. On peut imaginer les difficultés que cela pourra occasionner pour des journalistes qui, dans la plupart des cas, sont appelés à suspendre leur enquête pendant plusieurs mois ou années en attendant qu'un nouvel événement survienne.

Prenons finalement un autre exemple, l'application du projet de loi 68 aux entreprises de recrutement de personnel. Les entreprises qui procèdent à du recrutement de personnel, soit des secrétaires, commissaires comptables, opérateurs d'ordinateurs, cadres, gestionnaires, etc., comme toutes les entreprises, sont assujetties au projet de loi 68. Ces entreprises recueillent de nombreux renseignements personnels au sujet des candidats qui font appel à leurs services pour se trouver un emploi: nom, adresse, numéro de téléphone, anciens employeurs, etc. (14 h 20)

Pour respecter le projet de loi 68, les entreprises devront ouvrir un dossier spécifique pour chaque personne qui fait appel à leurs services et en déclarer l'objet. Elles devront aussi s'assurer que les renseignements qu'elles détiennent sont à jour, exacts et complets. Cette exigence s'appliquera en dépit du fait que l'entreprise n'a pas entretenu de contacts récents avec un candidat. Lorsqu'elle recueille des renseignements personnels au sujet d'un candidat pour s'assurer de son expérience et de sa fiabilité, par exemple, avant de le référer à un client, ces entreprises devront obtenir au préalable le consentement écrit de la personne concernée. Par exemple, elles ne pourront communiquer à leurs clients leur appréciation subjective d'un candidat sans avoir obtenu préalablement son consentement.

À l'inverse, si une entreprise de recrutement de personnel apprend, de la part d'un employeur auprès duquel elle a référé un candidat, que celui-ci n'est pas satisfait des services offerts pour telle ou telle raison, elle devra verser ces renseignements dans le dossier de ce candidat. De même, l'entreprise de recrutement devra permettre à ce candidat de prendre connaissance de tous les renseignements personnels détenus à son sujet, incluant les commentaires qui ont pu être formulés par des clients qui n'ont pas été satisfaits des services de ce candidat.

On peut d'ici voir, imaginer les nombreux litiges que l'application de la loi risque d'occasionner à ces entreprises lorsque les candidats voudront avoir accès à leur dossier, en faire rectifier les informations, contester l'appréciation subjective qu'on a faite de leurs qualités et de leurs faiblesses, et j'en passe.

Voilà, M. le Président, quelques exemples qui montrent la portée démesurée de ce projet de loi en ce qui a trait à l'ensemble des entreprises québécoises.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.

M. Dufour (Ghislain): Alors, juste pour terminer, M. le Président, par ces quelques exemples - on aurait pu en apporter d'autres - on a voulu imaginer la situation difficile dans laquelle l'ensemble des entreprises seront placées. L'objet de la loi, quant à nous, n'est pas ça, mais sa résultante, quand on analyse chacun des articles, nous conduit à ça. Donc, vie impossible pour la majorité de nos membres, donc les entreprises québécoises.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Dufour, avez-vous évalué les coûts? Vous dites que ça va constituer des coûts exceptionnels. Est-ce que vous avez une évaluation des coûts? Si oui, pourriez-vous nous les dire?

M. Dufour (Ghisiain): Je pense que c'est vous, M. le ministre, qui devriez déposer l'analyse coûts-bénéfices avec votre projet de loi, ce qui n'a pas été fait. On réclame ça depuis toujours, nous, que, quand un règlement ou un projet de loi est déposé, on en fasse une analyse coûts-bénéfices.

Certains de nos secteurs l'ont fait. Vous avez, hier, par exemple, entendu le BAC qui, lui, plaidait que, dans son propre secteur, ça coûterait 10 000 000 $. Alors, à partir d'un exemple comme celui-là, on peut imaginer que ce serait excessivement dispendieux, dispendieux pour les entreprises, dispendieux aussi pour le gouvernement, comme on le dit dans notre texte. Ce n'est pas possible pour la Commission d'accès à l'information de faire le travail que vous allez lui demander, dans la foulée du projet de loi 68, avec le personnel qu'elle a actuellement. C'est carrément impensable. Donc, on va doubler, tripler les budgets de la Commission d'accès a l'information. Donc, voilà autant de dépenses dont on peut parler.

M. Cannon: Alors, vous supposez donc, si j'ai bien saisi... Et je présume que c'était à peu près la même chose, hier, lorsque le BAC a indiqué, devant les membres de la commission, qu'il y avait uniquement quelque 190 cas et que ça coûtait 10 000 000 $ au niveau de l'opération de la Commission d'accès à l'information, alors que c'est 2 500 000 $ par année.

Mon propos, M. le Président, n'est pas nécessairement long. Je tiens à vous remercier d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que c'est toujours important d'avoir, de la part du Conseil du patronat, un éclairage sur les projets de loi. J'ai écouté attentivement, j'ai lu votre rapport, j'ai noté les modifications, enfin la présentation différente que vous nous avez faite. Dans le fond, on peut résumer votre position en disant que vous êtes, bien sûr, en faveur de la loi dans son principe même, mais qu'au niveau de l'application ce n'est pas applicable. Vous êtes donc en faveur, je présume, de l'autoréglementation.

Ma question est semblable à la question que je vous avais posée, il y a deux ans maintenant, en vous disant simplement: Ne croyez-vous pas que la lacune d'un système d'autoréglementation et l'absence de recours des individus concernés ne créent pas des problèmes puisqu'on ne peut pas avoir la possibilité de rectifier par la voie d'autoréglementation et de corriger?

Le Président (M. Doyon): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord revenir sur votre intervention de départ quand vous dites qu'on présume des coûts. Il ne faut pas être un grand comptable pour imaginer, M. le ministre, que cette loi-là va coûter excessivement cher, et je vous retourne ce que je vous ai dit tout à l'heure. Dans l'appréciation d'un projet de loi, c'est au ministère concerné de dire ce que l'application de la loi va représenter et dans la réglementation qui va en découler. Qu'est-ce que vous voulez? Ça ne se passe pas, au Québec, nonobstant tous les beaux discours qui nous avaient été servis, à un moment donné, que chaque projet de loi, chaque règlement serait accompagné d'une analyse coûts-bénéfices, ça ne se passe pas comme ça, mais ce n'est pas nous qui devrons faire l'étude de votre projet au plan financier. Il y a des choses qui sont changées.

M. Cannon: Mais ce qui ne vous empêche pas, malgré tout cela, M. Dufour, d'indiquer que ça va créer des coûts énormes sur l'entreprise. C'est ce que vous dites, et je vous écoute.

M. Dufour (Ghislain): C'est évident. M. Cannon: O.K. Ça va.

M. Dufour (Ghislain): Vous viendrez parler, à mon prochain meeting avec les gens de Bell et les gens de Northern, de votre projet pour savoir ce que ça va leur coûter à eux, et on va vous en faire la démonstration très concrète à partir d'un certain nombre d'entreprises.

M. Cannon: Vous êtes invité, M. Dufour, à venir ici devant la commission présenter un mémoire. Alors, je présume que vous le présentez en leur nom. Je vous écoute.

M. Dufour (Ghislain): J'espère que ce ne sera pas la seule rencontre qu'on aura, M. le ministre, pour discuter de ce projet de loi là. Voyez-vous, Me Doray me dit que le moindre litige devant la Commission d'accès à l'information coûte au minimum 10 000 $. Alors, vous allez multiplier, c'est évident, surtout pour le volet qui, moi, m'intéresse cet après-midi et qui est très clair, c'est la protection de l'ensemble des entreprises au plan de leur personnel. C'est ça qui me concerne, là. On a d'autres problèmes. On a des structures dans le domaine des relations patronales-syndicales pour régler ça. Ne m'amenez pas devant la Commission d'accès à l'information, s'il vous plaît. On s'est vu, il y a deux ans.

M. Cannon: Mais, M. Dufour, là, c'est le Code civil qui s'applique si on n'a pas une loi d'application.

M. Dufour (Ghislain): C'est ce que j'allais vous dire.

M. Cannon: O.K.

M. Dufour (Ghislain): Quand on s'est vu, il y a deux ans...

M. Cannon: C'est ça.

M. Dufour (Ghislain): ...il n'y avait pas le Code civil, il n'y avait pas l'article 37.

M. Cannon: Alors, là, M. Dufour, ça crée quand même des problèmes aussi et ça engendre des coûts également, parce que le principe que vous et moi on tente d'étendre, et tout le monde ici...

M. Dufour (Ghislain): Mais vous m'opposez principe et autoréglementation. Nous, on est d'accord avec le principe.

M. Cannon: Non, non, mais, moi, je vous dis simplement que, devant la Commission d'accès à l'information ou devant un des tribunaux au Québec...

M. Dufour (Ghislain): Non, non, pas un des tribunaux. On s'en est donné dans le domaine des relations de travail: la Commission des normes, les conventions collectives. Alors, là, vous allez me placer dans un choix entre la convention

collective et la Commission d'accès à l'information.

M. Cannon: M. Dufour, je connais vos commentaires sur les conventions collectives.

M. Dufour (Ghislain): Ils semblent identiques aux vôtres. Je reviens au principe. Ne nous opposez pas principe et autoréglementation. Pour nous, c'est deux choses avec lesquelles on est d'accord. Dans le cadre actuel de l'article 37, vous n'avez pas le choix. Il faut que vous procédiez dans le domaine de l'accès à l'information. Vous n'êtes pas obligé de procéder de cette façon-là, soit dit en passant. Je peux vous faire d'autres recommandations, mais c'est sûr que la loi est là et que vous avez l'obligation stricte de la baliser parce que le Code civil ne la balise pas.

Mais, là, il y a une possibilité d'aller dans les secteurs qui sont ciblés. Là, on est d'accord avec vous et on le dit dès le départ: une intervention législative minimale. L'autoréglementa-tion, ça, ça s'applique à moi, ça s'applique à vous et ça s'applique à tout le monde quand on dit qu'on a de l'information personnelle, et on en a tous. Bien là, à ce moment-là, il faut la gérer d'une façon saine, d'une façon correcte, d'une façon morale, avec éthique. Mais ne mettez pas, parce qu'il y a eu certains problèmes dans certains secteurs, toutes les entreprises sur le même pied. C'est ça qu'on essaie de venir vous dire.

M. Cannon: Bien, c'est parce que... Oui.

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais donner, si vous me permettez, M. le ministre...

M. Cannon: Oui, oui.

M. Dufour (Ghislain): Sur ce sujet, Me Biron.

Le Président (M. Doyon): Me Biron. (14 h 30)

Mme Biron (Dorothée): M. le Président, M. le ministre, quant au domaine de l'autoréglemen-tation, je pense que certaines entreprises, au Québec, peuvent faire preuve qu'il s'agit là d'une démonstration qui est viable. Québec-Téléphone s'est dotée, en décembre dernier, d'un code qui prévoit la gestion des renseignements et assure la protection personnelle tant de ses clients que de ses employés actuels et retraités. Le code assure le respect, la correction d'informations erronées, la possibilité d'ajouter, de sanctionner, crée un ombudsman. De plus, l'entreprise a prévu un plan de «publicisation» de ce code-là directement pour ses employés et directement pour les quelque 100 000 clients qu'elle dessert. Donc, pour répondre à la question du ministre, je pense qu'il est possible d'avoir une autoréglementation qui permette d'apporter un respect certain des valeurs et de la protection personnelle des renseignements.

M. Cannon: Dans le fond, je veux vous indiquer qu'à partir du principe on a jugé opportun d'avoir une loi d'application, sinon, d'une certaine manière, ça aurait été à la va-comme-je-te-pousse et c'est la jurisprudence au niveau du Code civil qui aurait pu s'appliquer. Aussi bizarre que ça puisse paraître, c'est des gens de ce milieu-là qui étaient d'accord, effectivement, avec une loi d'application. On peut, vous et moi aujourd'hui, dire: Une loi d'application, il y a telle chose qui devrait être modifiée, il y a telle autre chose qui devrait être modifiée.

M. Dufour, j'ai indiqué devant les membres de la commission que j'avais effectivement l'intention, dans certains cas, de resserrer des choses, d'examiner attentivement la notion de consentement au niveau du consentement écrit versus la restriction du consentement. Ce sont là des choses qui sont importantes, mais de portée générale. Lorsque je regarde l'article 75 qui dit simplement: «La Commission peut élaborer et proposer aux personnes qui exploitent une entreprise et recueillent, détiennent, utilisent ou communiquent à des tiers des renseignements personnels, des modèles de codes de conduite internes favorisant l'application de la présente loi», je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que nous arrivons avec un projet de loi qui est un projet de loi matraque, qui va obliger tout le monde, du jour au lendemain, imposer des coûts exorbitants sur l'ensemble.

Votre analyse et la mienne, elles sont semblables, sauf que l'approche est différente. Je vous dis: Nous, on part du général et, à la suite de cela, on pourra, au besoin, avec la Commission d'accès à l'information, qui, incidemment, en passant, a une excellente fiche de réalisation, une organisation qui est très bien vue et qui fait un très bon travail...

M. Dufour (Ghislain): Je ne critique pas ça, on l'a dit.

M. Cannon: Je le sais. C'est ça. Alors, moi, je vous explique comment nous en sommes rendus à ce point-là. Dans le fond, il y a une dernière disposition dans le projet de loi. C'est quoi, cette disposition-là? C'est dire qu'à tous les cinq ans nous avons la possibilité, comme dans le cas de la loi d'accès à l'information, de revoir, de réviser des choses.

Ce matin, j'entendais les gens faire des parallèles entre la sanction, la pénalité qui était imposée, aux articles 80 et quelques. Effectivement, dans la demande de révision qui a été faite par les gens de la Commission, eux nous demandent d'être alignés avec les dispositions du projet de loi 68, c'est-à-dire d'exclure le terme

«sciemment» de l'actuel projet de loi. Alors, oui, mais il y a un mouvement en avant et, ça, quant à moi, M. Dufour, ce mouvement-là qui est enclenché au Québec depuis maintenant plusieurs années qu'on en discute, il m'apparaît tout à fait souhaitable et inévitable.

M. Dufour (Ghislain): Trois réactions, M. le Président, avant de donner la parole à mon collègue Doray. C'est vrai que le Code civil est là, et on le constate tous, sauf qu'il entrera en application le 1er janvier 1994. Alors, on peut toujours encore en débattre et voir s'il n'y aurait pas lieu de régler le problème par des amendements à l'article 37 du Code.

Deuxièmement, vous dites qu'on est sur la même longueur d'onde au niveau des intentions. Oui, je pense bien que tout le monde est d'accord pour protéger les renseignements personnels, sauf que vous en faites une loi d'extension tellement générale, tellement applicable à tout le monde que vous ne pourrez pas y arriver. Vous ne pourrez pas. Ce n'est pas possible. Je reviens simplement aux listes dont on nous demande l'exactitude, ce n'est pas possible. J'en ai, des listes, moi, M. le ministre. Vous me parlez d'un «sunset», d'une clause crépusculaire. Bien, clause crépusculaire, d'abord, ce n'est pas généralement celle-là, c'est que, le projet de loi, il tombe après cinq ans. C'est ce que vous avez fait dans le dossier de la loi 178. Ça tombe.

M. Cannon: Non, ça ne tombe pas, là.

M. Dufour (Ghislain): Bien oui, ça tombe. Ici, vous me parlez d'un «sunset» où on va revoir la loi. Bien oui, j'espère que vous allez la corriger avant ça si elle ne marche pas, que vous n'attendrez pas cinq ans. Me Doray.

Le Président (M. Doyon): Oui, Me Doray.

M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le ministre, simplement...

M. Cannon: Je m'excuse, Me Doray. M. Dufour et moi, nous sommes toujours au niveau des intentions.

M. Dufour (Ghislain): Les miennes sont louables.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cannon: Oui, mais, vous, vous êtes avec le Conseil du patronat et, moi, je suis avec ie gouvernement. Alors, louable pour louable... Je voulais simplement vous indiquer, M. Dufour, que, quand vous me parlez des critiques à l'endroit du projet de loi et que vous me dites: C'est tellement vaste que ça va créer des problèmes, vous auriez souhaité, donc, que nous puissions y aller secteur par secteur. C'est bien ça?

M. Dufour (Ghislain): On vous dit: Vous avez un gouvernement qui veut répondre à un certain nombre de préoccupations dans la population. Je regrette, la population n'a aucun intérêt sur les listes que, moi, j'ai au Conseil du patronat. Elle n'a aucun intérêt face aux dossiers que j'ai sur mes employés. Il y a d'autres procédures, il y a d'autres méthodes pour arriver...

M. Cannon: Là, M. Dufour, vous mêlez, vous dites: La population. Mais l'individu... La Charte québécoise des droits et libertés, ce n'est pas global, c'est l'individu. C'est ça, la base même de notre affaire. Je comprends bien, là.

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas ça, le problème dans la société québécoise. Le problème dans la société québécoise, c'est un certain nombre de secteurs qui sont ciblés, où il y a des problèmes d'information; vous le savez aussi bien que moi. Ça réfère à Équifax qui va nous suivre et avec qui vous allez débattre de tout ce dossier-là, ça réfère aux institutions financières, ça a référé, à un moment donné, à l'affichage électronique dans le téléphone. Ça réfère à des cibles très précises. Ici, vous prenez tous les problèmes de renseignements détenus par les 215 000 entreprises et vous légiférez là-dessus.

M. Cannon: Mais vous avez fait une étude exhaustive pour savoir que ça se limite uniquement à ces trois secteurs-là?

M. Dufour (Ghislain): Non, non, je ne vous dis pas ça. Je dis que vous avez des problèmes bien ciblés. Essayez de régler ces problèmes-là au lieu de créer des problèmes à tout le monde. Là, ce n'est plus la population qui va avoir des problèmes, c'est les entreprises.

Le Président (M. Doyon): M. Doray.

M. Doray: M. le Président, M. le ministre, simplement certains commentaires à l'égard de ce que M. le ministre a dit précédemment. Premièrement, on semble, de manière assez systématique, se retrancher derrière l'article 37 du Code civil du Québec pour dire qu'il faut absolument une intervention législative avant l'échéance du 1er janvier 1994, c'est-à-dire lorsque ces dispositions du Code civil du Québec entreront en vigueur. Je pense que c'est vrai, dans une large mesure, qu'il faut une loi d'application qui viendra circonscrire la portée du Code civil, mais il y a une certaine place qui est aménagée dans l'article 37 du Code civil. Si on lit bien cet article, il mentionne, expressément, que «toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi...»

Ce que l'on pouvait espérer du projet de loi 68 ou de la loi d'application des dispositions du Code civil, c'est justement qu'elle vienne prévoir les autorisations législatives pour permettre une circulation des informations qui laisse au fonctionnement normal des activités commerciales la marge de manoeuvre nécessaire. Cependant, quand on regarde l'article 12 du projet de loi 68, qui impose un consentement écrit, 12 et 13, spécifique et limité dans le temps pour toute communication de renseignements, la loi d'application ne vient pas circonscrire ou atténuer le Code civil, elle vient empirer la situation. C'est ça qui est un peu troublant.

Deuxième point...

M. Cannon: Me Doray, dans le cas de l'article 17, vous l'avez, là.

M. Doray: M. le ministre, l'article 17, qui prévoit les exceptions en matière de consentement, avec toute déférence pour le législateur, ne règle pas, je dirais, 90 % des problèmes. Je le dis parce que j'ai eu à me pencher sérieusement sur le sujet.

M. Cannon: Me Doray, vous avez commencé votre intervention en disant que ce n'était pas le cas. Alors, je vous rappelle simplement que l'article 17 existe.

M. Doray: L'article 17, M. le ministre, ne prévoit aucunement qu'une entreprise puisse faire des enquêtes et communiquer et recueillir des renseignements pour des fins d'enquêtes, sans le consentement, alors que, dans le secteur public, l'article 28 a offert à tous les organismes du gouvernement une exception très large pour toutes les enquêtes qui sont faites par le gouvernement. C'est un des exemples de ce que l'article 17 ne prévoit pas en termes d'exceptions à la règle du consentement. (14 h 40)

M. Cannon: Ce que j'essaie de dire, là... J'essaie d'être clair. Vous avez indiqué que l'article 37 ne possédait pas de disposition pour des autorisations. Je vous renvoie à l'article 17. Je comprends ce que vous me dites, mais c'est simplement pour être clair, qu'on puisse s'entendre, là.

M. Doray: Ce que je dis, M. le ministre, c'est que l'article 37 n'a pas besoin d'être modifié. Il y a une porte de sortie puisque l'article 37 pose une règle bien sévère, à savoir qu'il ne peut y avoir de communication de renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, à moins d'avoir une autorisation de la loi. Donc, 37 ouvre la porte et l'on aurait espéré que le projet de loi 68 soit justement la manifestation de ces situations où la recherche du consentement... A fortiori, le consentement écrit est impossible ou impratica- ble. Malheureusement, l'analyse que l'on fait du projet de loi 68 nous amène à conclure que ce projet de législation n'a pas prévu toutes les situations où la recherche du consentement est impossible.

Peut-être que l'article 17 devrait être rallongé, M. le ministre. C'est peut-être effectivement de cette façon-là qu'on pourra régler le problème sans avoir à modifier le Code civil, qui a déjà été adopté et sanctionné.

Le Président (M. Doyon): Me Doray, je vais permettre maintenant au député de Pointe-aux-Trembles de continuer la discussion avec vous, étant donné que le temps a filé pour ce qui est...

Oui, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire que, sur les lourdeurs et les complexités excessives du projet de loi, j'ai eu l'occasion de me faire entendre à plusieurs reprises devant cette commission. Je ne veux pas revenir là-dessus. Je partage donc les critiques du Conseil du patronat à cet égard.

Moi, ce qui me trouble, c'est quand, par exemple, Normand Lester, de Radio-Canada, nous apprend que des employés d'Équifax utilisent de la fausse représentation pour trouver les adresses de personnes. Par exemple, on se fait passer pour des fonctionnaires de Revenu Québec qui veulent donner un chèque de remboursement de la TVQ. Est-ce que, au Conseil du patronat, vous trouvez que c'est là un comportement qui est reprehensible?

M. Dufour (Ghislain): Bien, je ne pense pas que la question appelle même une réponse. C'est évident! Maintenant, il y a eu des sanctions de prises par Équifax et vous poserez la question à Équifax qui passe après nous.

M. Bourdon: Mais, à cet égard-là, les sanctions, est-ce que c'est à cause des actes qu'elles ont été prises ou parce que les gens se sont fait prendre? On remarque qu'il y a comme une attitude commune. Puis, comme vous aimez ça en parler à l'occasion, du secteur public, le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a fait la même chose. Quand il apprend, par Le Devoir, que des employés d'Équifax donnent des pots-devin à des fonctionnaires de son ministère, il annonce des sanctions. Vous admettrez qu'elles ne sont pas lourdes, au départ. C'est une suspension avec solde en attendant que l'affaire soit tirée au clair. Mais, pour le public, ce que ça pose... Est-ce que vous convenez que ça pose la question et le problème de quelles méthodes on utilise en recouvrement, en enquête puis en établissement du dossier de crédit de personnes?

M. Dufour (Ghislain): Là, M. le Président, le député de Pointe-aux-Trembles est exactement

sur notre terrain parce que c'est ce que l'on dit. Quand on regarde les institutions de crédit, l'information sensible dans ces dossiers-là, on est ouvert à une législation minimale. Mais vous savez très bien, pour en avoir vécu d'autres - et on en a vécu ensemble - que ce n'est pas parce qu'il va y avoir une loi qu'il n'y aura plus jamais de ces incidents-là. Il y aura toujours des employés d'hôpitaux, à quelque part, pour donner de l'information. Il y aura toujours, dans notre société, nonobstant une loi, ce genre d'information qui se trafiquera, ou autrement.

Mais vous ne me posez pas la question: Est-ce que ça va se produire? Vous me posez une question de principe. Puis, là-dessus, je vous dis: Oui, c'est évident que tout le monde est d'accord que ce genre de tractations là n'est pas correct, ne doit pas être toléré. D'ailleurs, à ce que je sache, les entreprises concernées ne l'ont pas toléré non plus.

M. Bourdon: Ce que je peux remarquer, c'est qu'elles ne l'ont pas toléré quand les journaux en ont parlé. Mais, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles n'avaient pas une grande vigilance pour s'en apercevoir avant. Ce que je veux dire, c'est que, avant de dénoncer le crime, elles ont bénéficié du crime et qu'Hydro-Québec, qui était cliente dans les cas mentionnés par Normand Lester, de Radio-Canada, en profitait, de telle sorte que public, parapublic, privé se rejoignent, là, dans des marécages que les médias exposent, avec raison.

Le problème, M. Dufour, c'est comment ne légiférer que sur les bureaux de crédit, par exemple? Et votre proposition ne manque pas d'une certaine logique. Aux États-Unis, ça fait 20 ans qu'il y a une loi qui s'appelle le «Fair Credit Reporting Act».

Le Soleil du 24 février nous apprend deux choses. D'abord, n'importe qui a accès au dossier de crédit de n'importe qui en payant 60 $ à Équifax. Deuxième chose qu'on nous rapporte, c'est que des banques qui gèrent des cartes de crédit Master Card fournissent à Équifax, qui le fournit à n'importe qui qui lui donne 60 $, le numéro de carte de crédit des personnes. Là, si on réglemente uniquement par la loi les bureaux de crédit et pas les banques... L'Association des banquiers du Canada est venue nous expliquer que, nonobstant Olympia & York, ils sont infaillibles et parfaits. Bon! Ils disent qu'eux ils ne fournissent pas de renseignements confidentiels.

Là, je vous pose un cas d'espèce. Si on ne réglemente pas les renseignements fournis par une banque à l'égard d'un détenteur de carte de crédit, par exemple, et qu'un propriétaire que j'approche pour louer un logement obtient mon numéro de carte de crédit, qu'est-ce qu'on fait si une personne, qui a le numéro de carte de crédit d'une autre personne...

Une voix: Monsieur...

M. Bourdon: ...peut, au téléphone, prendre un billet au théâtre et commander des choses et payer avec l'autre numéro? Autrement dit, si on retenait votre hypothèse de ne réglementer que les bureaux de crédit, qu'est-ce qui arriverait des institutions financières nombreuses qui fournissent aux bureaux de crédit les numéros de cartes de crédit des personnes, lesquels peuvent être achetés par n'importe qui? Qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là, dans ces cas-là?

M. Dufour (Ghislain): Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, M. le Président, au député de Pointe-aux-Trembles. Déjà, quand il me sort ces exemples-là, il cible et élargit la notion de bureau de crédit aux institutions financières. Bon! Ça peut être une façon de regarder le dossier, mais ce n'est pas de ça que, moi, je suis venu vous parler aujourd'hui. Je suis venu vous parler des 225 000 entreprises qui, parce que vous avez un certain nombre de problèmes dans certains secteurs, se retrouvent couvertes par la loi.

Récemment, vous avez vécu un problème personnel, M. le député de Pointe-aux-Trembles, dont vous avez fait largement état sur la place publique, donc c'est de notoriété publique, on peut en parler. La loi d'accès à l'information dans le secteur public, elle existe depuis neuf ans. Voulez-vous me donner la liste des fonctionnaires qui ont fourni le genre d'information dont vous vous plaignez et qui ont été poursuivis?

M. Bourdon: À cet égard-là, M. le Président, on peut penser que des employés de l'hôpital Royal Victoria ont donné à Magnus Poirier, une maison de frais funéraires, et au Centre commémoratif de Montréal, une autre maison de frais funéraires, le nom et le numéro de téléphone de ma mère qui a 72 ans.

M. Dufour (Ghislain): Ce que je veux dire, c'est que, si...

M. Bourdon: Ce que je veux dire, moi, par là, c'est que les courtiers en listes... Vous avez mentionné les bureaux de crédit. Il y a aussi une autre catégorie qui s'appelle les courtiers en listes et c'est eux qui achètent du monde pour mettre des noms sur des listes pour que la personne, en sortant de l'hôpital, se fasse proposer des préarrangements. Ce que je veux dire, M. Dufour, c'est que, si on prend les bureaux de crédit, les banques, les sociétés de fiducie, les caisses populaires, qui leur fournissent des renseignements, les courtiers en listes qui obtiennent des noms et qui les vendent à d'autres, et qu'on prend les firmes d'investigation... Et Équifax fait de tout. Équifax fait à la fois des rapports de crédit, du recouvrement, des enquêtes, et pas pour n'importe qui. Un des très gros clients, c'est le gouvernement. Ce que je

veux dire, c'est comment faire - et je suis d'accord avec vous - pour éviter que 215 000 entreprises soient touchées par une législation tatillonne - et je suis en accord avec vous là-dessus - tout...

M. Dufour (Ghislain): Merci.

M. Bourdon: ...en réprimant les abus qui ont besoin d'être réprimés? (14 h 50)

M. Dufour (Ghislain): Moi, je ne veux pas embarquer dans le débat. Vous citez Équifax à tour de bras, je répète qu'ils seront là tout à l'heure, ils répondront aux questions que vous voulez leur poser. La seule chose que j'ai voulu vous dire, M. le député de Pointe-aux-Trembles, c'est que vous avez connu ce problème avec un hôpital, mais la loi est là, elle est là depuis neuf ans, et vous l'avez connu pareil. Alors, est-ce que c'est une loi qui a empêché le genre de problème que vous avez connu? Non. Non, parce que ça va continuer à exister. La société est ce qu'elle est, nonobstant les lois. Ce n'est pas parce qu'on doit aller à je ne sais combien de kilomètres à l'heure entre Québec et Montréal que les gens le font. Alors, les lois sont là, mais il y a des gens qui tournent autour, et nonobstant la loi... Plus la loi est large - et c'est le cas ici - plus elle englobe de choses, c'est évident que plus on va avoir de contrevenants.

M. Bourdon: À cet égard-là, est-ce que le Conseil du patronat n'est pas sensible au fait que, déjà, huit provinces canadiennes ont des législations applicables? Et qu'est-ce que vous répondez à l'OCDE qui dit que le flux d'informations venant vers le Québec ou sortant du Québec va éventuellement être interrompu si on n'a pas des mesures de protection semblables aux leurs? Est-ce que vous ne pensez pas que, ça, ce serait de nature à nuire au développement économique, qui est un souci constant au Conseil du patronat?

M. Dufour (Ghislain): Je peux demander à Me Doray de vous répondre, M. le député de Pointe-aux-Trembles, parce que je ne connais pas l'ensemble des huit législations. Je sais, par ailleurs, que les législations canadiennes ne réfèrent qu'au crédit, que vous n'avez nulle part au Canada des législations de ce genre-là.

Maintenant, Me Doray, pour... Moi, à lire ça vite, j'ai l'impression que vous êtes... que le législateur est allé chercher tout ce qu'il y a de mieux dans les huit législations, comme au niveau du crédit. Mais c'est une affirmation gratuite, je vais la faire confirmer.

M. Bourdon: O.K. M. Doray: Monsieur...

Le Président (M. Doyon): Me Doray.

M. Doray: M. le Président, il y a peut-être un élément qui mérite d'être mentionné, puisque M. Dufour parlait d'une intervention législative plus limitée, plus «sectorialisée». La Commission d'accès à l'information, dont le ministre a mentionné, d'ailleurs, la bonne réputation, tout à l'heure, qui est quand même l'organisme que l'Assemblée nationale a mandaté de se préoccuper de questions de protection de la vie privée, elle-même a suggéré à cette Assemblée, à la commission parlementaire de 1991, de n'intervenir que dans des secteurs spécifiques, et non dans l'ensemble de l'activité québécoise, puisque ce n'était pas dans tous les secteurs qu'il y avait des problèmes en matière de protection des renseignements personnels. La Commission d'accès elle-même a proposé ça, et je pense que c'est important de le souligner.

Deuxièmement, pour ce qui est des législations au Canada en matière de crédit, il y a effectivement huit provinces qui ont des législations en matière de crédit, et je pense que cette discussion-là sera discutée, peut-être, avec plus de profondeur, tout à l'heure, à l'occasion de la présentation du mémoire d'Équifax. Pour ce qui est des législations étrangères, j'ai eu l'occasion de procéder à une analyse comparative de l'ensemble des législations étrangères, je suis sûr que le ministère a fait le même exercice, et je pense qu'on peut affirmer que la loi qui est présentement proposée à l'Assemblée nationale serait la plus sévère en Occident, incluant la nouvelle loi allemande qui permet certains mécanismes beaucoup plus flexibles que ce qu'on aura dans la loi québécoise telle que libellée à l'heure actuelle. On a effectivement pris ce qu'il y a de plus contraignant dans chacune des lois pour faire un tout qui - et je le dis, c'est une affirmation personnelle, mais je travaille dans ce secteur-là depuis maintenant 13 ans - sera la loi la plus difficile d'application, aussi.

M. Bourdon: Mais...

Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: II me reste trois minutes.

Le Président (M. Doyon): Bien, le député de D'Arcy-McGee vient de me faire signe, à la toute dernière minute, qu'il voulait intervenir. Je suis obligé de rogner un peu sur le temps de tout le monde pour lui faire l'aumône de quelques minutes.

M. Libman: ...cinq minutes, confirmé.

M. Bourdon: Oui. Dans le fond, je voudrais vous poser deux questions. D'abord, une à Me

Doray, et sa réponse peut être courte. Il revient avec Équifax et il revient à titre personnel jeudi, ça fait qu'on aura l'occasion d'en discuter longtemps. Donc, une première question: Convient-il qu'actuellement - je ne parle pas du projet de loi sur la table - le Québec est de 5 à 20 ans en arrière sur les autres provinces canadiennes et les États-Unis en matière de rapports de crédit, à tout le moins?

M. Doray: La réponse, c'est oui.

M. Bourdon: D'autre part, à M. Dufour, je pose la question: Serait-il d'accord - d'abord, j'ai quasiment envie de dire: Serait-il d'accord un jour, une fois, sur une intervention gouvernementale - qu'on revienne à ce qu'il y avait dans le document du ministère, il y a un peu plus d'un an, qui était d'avoir un cadre général, des mesures spécifiques en matière de crédit, par hypothèse, et qu'on ait des tables sectorielles secteur par secteur?

Parce que ce qui me frappe, c'est que le cas des entreprises d'assurances n'est pas le même que celui des banques, celui des banques n'est pas le même que celui des bureaux de crédit. En tout cas, il y a des secteurs en cause. Est-ce que c'est une idée qui vous apparaîtrait valable, de laisser, à la consultation sectorielle, des objets... Parce que j'ai tendance à être d'accord quand vous dites: On ne peut pas tout traiter du même pied et ce n'est pas 30 000 000 de lettres à une piastre qui partiraient un matin qui feraient que, magiquement, les vertus du jacobinisme feraient que tous les problèmes seraient réglés.

Une voix: Oh! Oh!

M. Bourdon: J'ai inventé le mot «jacobinisme».

M. Dufour (Ghyslain): Je vous reconnais bien.

Je pense que le projet de loi qui, à un moment donné, a circulé, après les travaux de la commission parlementaire en 1991 - en tout cas, un «avant-avant», des documents de base qui circulaient peut-être à l'insu du ministre, parce que les consultations ont quand même continué - avait une approche sectorielle. Nous, une approche sectorielle, c'est ce qu'on vous plaide cet après-midi, mais à condition que, dans la législation de base, on ait quand même des orientations qui soient semblables à ce que l'on a à l'extérieur. Nous, quand ça existe ailleurs, on fonctionne là-dedans. On l'a toujours dit.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président. Juste pour dire que je pense que notre commission doit être un peu plus sensible envers certaines inquiétudes soulevées par le Conseil du patronat. On ne peut pas sous-estimer l'impact ou le fardeau que cette loi pourrait imposer sur les entreprises.

Je veux juste, d'abord, demander à M. Dufour qu'est-ce qu'il peut suggérer pour corriger le préjudice potentiel de l'information inexacte. Comme vous le savez, nous traversons une période économique difficile qui va laisser des cicatrices dans les profils économiques de plusieurs individus. Avec le temps, ces profils s'améliorent, mais les gens doivent avoir une façon plus efficace d'être au courant de tous les dossiers qui existent sur leurs états financiers. Alors, ça, c'est un aspect de la loi qui est très important, la capacité pour l'individu d'être au courant qu'un dossier sur lui existe et qu'il puisse avoir accès à ce dossier pour le corriger et le mettre à date. Qu'est-ce que vous pouvez nous suggérer dans le mécanisme de tout ça qui pourrait être acceptable pour vous?

M. Dufour (Ghyslain): Je voudrais revenir à l'intervention de base, et notre préoccupation est double: le client, l'employé, parce que l'employé est couvert, lui aussi. On dit que, dans le domaine des relations patronales syndicales, dans la gestion des ressources humaines, n'imaginez pas de mécanismes ici, ils existent, ces mécanismes-là, par la convention collective, par certains tribunaux, à la Commission des normes, à la Commission des droits de la personne, etc. Donc, on devrait au moins carrément oublier ce volet-là.

L'autre volet, c'est la relation commerciale, le volet client. Si on va sur une base sectorielle avec une espèce de choix que l'on pourrait faire, il y a des choses que l'on accepte. D'ailleurs, quand on parle de législation extérieure ou des lignes directrices de l'OCDE, il y en a déjà, des normes pour fins de correction là-dedans. Alors, on est tout à fait prêts à débattre de ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour.

M. Libman: Juste une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Rapidement, M le député.

M. Libman: C'est la capacité de corriger quelque chose si nous savons que cette chose existe. C'est ça, la préoccupation du projet de loi. Comment rendre au courant des gens que certains dossiers existent pour qu'ils puissent essayer de corriger cette information?

M. Dufour (Ghyslain): Évidemment, il y a beaucoup de prévention à faire d'abord pour éviter que, justement, il y ait l'erreur dont vous

pariez. l'exemple de me biron, tout à l'heure, dans une entreprise, un exemple très concret, évidemment, ce n'est pas le crédit, ce n'est pas sensible, mais le téléphone crée des problèmes, nous dit-on. alors, voilà! il y a une orientation. m. le député de d'arcy-mcgee est un avocat. il y a des possibilités de correction par...

M. Libman: Je ne le suis pas, non.

M. Dufour (Ghyslain): Vous n'êtes pas avocat?

M. Libman: Architecte, monsieur. M. Dufour (Ghyslain): Architecte. M. Libman: Ce n'est pas la même chose.

M. Dufour (Ghyslain): En tout cas. Le Code civil permet des corrections, quand même, dans les dossiers.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre. En terminant, parce que...

M. Cannon: Une petite vite, M. Dufour, toujours dans la même foulée du questionnement qui a été posé par mon collègue de D'Arcy-McGee: Un employé chez vous, il travaille pour le Conseil du patronat, peut-il se voir refuser l'accès à son dossier?

M. Dufour (Ghyslain): Non.

M. Cannon: Donc, il a toujours accès à son dossier?

M. Dufour (Ghyslain): Oui. La loi, d'ailleurs, là-dessus est précise. S'il y a déjà une poursuite qui est entamée, par exemple à la CSST ou autrement, je ne suis pas obligé de le donner; je ne suis quand même pas obligé de donner mon dossier juridique. Alors, il y a quand même des balises. Mais ce n'est pas dans les petites boîtes comme chez nous que c'a crée des problèmes, c'est dans les très grosses boites. Et, je le répète, c'est parce que vous avez déjà des mécanismes, à l'Alcan, de conventions collectives. Le syndicat a déjà prévu ça, l'accès au dossier de l'employé, donc vous avez déjà des paramètres qui sont là, très précis.

M. Cannon: Mais c'est sûr que, si vous le regardez du point de vue des relations patronales-ouvrières...

Le Président (M. Doyon): M. le ministre, je ne vous avais permis qu'une seule question.

M. Cannon: Est-ce que mon collègue de Pointe-aux-Trembles me le permet? (15 heures)

Le Président (M. Doyon): C'est le président qui décide. Allez, M. le ministre.

M. Cannon: Alors, toujours dans la veine des relations patronales-ouvrières, j'en suis avec vous, mais ce n'est pas tous les gens au Québec qui sont syndiqués, vous le savez comme moi. La question que je vous posais simplement, c'était de savoir si l'individu avait accès à son dossier, s'il y avait possibilité de le corriger, puisque ça ne se limite pas uniquement dans tel secteur, mais que ça a une portée beaucoup plus générale.

M. Dufour (Ghislain): De façon générale, dans les grandes entreprises, il y a déjà des politiques de gestion du personnel pour ça et il y a d'autres mécanismes. Ce qu'on essaie de vous dire, c'est que, si vous voulez débattre de ça, M. le ministre, on va en débattre, on n'a pas d'objection de principe, sauf qu'il ne faudrait pas être devant la commission de la culture, il faudrait probablement être devant la commission de l'économie et du travail pour être capable de regarder les mécanismes qui existent déjà.

Ce que vous nous proposez, c'est un nouveau tribunal, qui est le tribunal d'accès à l'information, avec lequel on n'a aucune culture. Je prends comme exemple le député de Pointe-aux-Trembles; la culture des relations de travail n'est pas du tout la culture de la Commission d'accès à l'information.

Le Président (M. Doyon): On n'est peut-être pas devant le bon forum, sauf que je pense que la discussion a montré qu'il y avait un certain intérêt et un échange d'informations qui a sûrement été utile. Il me reste à remercier les représentants du Conseil du patronat et leur permettre de se retirer.

On invite maintenant les représentants d'Équifax Canada inc. à bien vouloir s'approcher et remplacer les représentants du Conseil du patronat qui viennent de nous quitter. Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Claude Chartrand. Je revois Me Raymond Doray qui est ici avec nous encore une fois, et M. Michel Globensky. Je leur souhaite la bienvenue et je les invite à se présenter pour les fins de transcription de nos débats.

Je sais qu'Équifax, on a parlé beaucoup de vous, il y a beaucoup de questions et des membres de la commission m'ont déjà indiqué qu'ils voulaient s'entretenir avec vous, mais nous ne disposons que d'une seule heure et mon rôle est justement de tenir les débats à l'intérieur du temps qui nous est imparti. Alors, vous ne m'en voudrez pas de faire ce qu'il faut pour que nous soyons à l'intérieur des limites de temps qui nous sont assignées.

Donc, vous êtes les bienvenus. Veuillez vous présenter, s'il vous plaît, et dès maintenant commencer la présentation de votre rapport.

Équifax Canada inc.

M. Chartrand (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Vous avez mentionné qu'on avait seulement 60 minutes. J'ai entendu les débats qui se sont produits au cours des 30 dernières minutes. J'ai l'impression qu'on a plus que 60 minutes; déjà, il y a 30 minutes qui ont été dévouées à Équifax.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: Michel Globensky, qui est vice-président adjoint chez Équifax, et Me Raymond Doray, de la firme Lavery Billy.

En mon nom personnel et au nom d'Équifax Canada, je tiens tout d'abord à remercier cette commission de nous avoir invités à soumettre un mémoire au sujet du projet de loi 68. Je vous remercie aussi de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur cette loi qui affecte directement, et peut-être plus que toute autre entreprise, Équifax Canada.

J'aimerais, au départ, dire qu'Équifax souscrit entièrement au principe de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Dans la mesure où elle exerce ses activités dans le domaine de l'information, elle sait plus que toute autre qu'il y a lieu d'assurer un équilibre constant entre le droit à la vie privée des personnes et le droit des commerçants et des institutions financières aux informations permettant l'évaluation des risques.

Dans ce sens, j'aimerais, avec votre permission, me référer à des commentaires que le ministre a faits la semaine dernière, et je cite: «J'ai affirmé, de plus, qu'une telle législation ne devrait pas freiner la compétitivité des entreprises du Québec. Bien au contraire, la législation québécoise devrait permettre à nos entreprises d'échanger des renseignements personnels avec des firmes oeuvrant dans des pays qui se sont donné des règles équivalentes de protection des renseignements personnels. L'intervention québécoise s'harmoniserait alors avec les nombreux efforts qui sont faits sur le plan international, que ce soit à l'OCDE ou à la Communauté économique européenne, pour faciliter la circulation de données personnelles tout en s'assurant que celles-ci soient protégées également d'un pays à l'autre.»

Un autre commentaire qui a été fait par le ministre, la semaine dernière, et je cite: «Alors, je voudrais que nous puissions quand même garder les deux pieds sur terre pour qu'on puisse s'inspirer de la réalité de tous les jours, du quotidien, quand on va discuter du projet de loi 68.»

Étant donné les informations qui ont été diffusées au cours de la dernière semaine, je pense qu'il serait utile de parler un peu ou de prendre quelques minutes et de couvrir les activités d'Équifax. À partir de son siège social situé à Montréal, Équifax exploite à travers le Canada un réseau informatisé de bureaux de crédit, un service d'information dans le domaine des assurances ainsi qu'un service de recouvrement de créances. Elle gère, de plus, un fichier informatisé sur l'expérience en conduite automobile des assurés pour le compte du gouvernement du Québec. Nous ne traiterons pas ici de ce fichier, qui est assujetti à la loi sur l'accès du secteur public et qui fait l'objet du contrôle et de la surveillance de la Commission d'accès à l'information. Mentionnons toutefois que toutes les activités d'Équifax sont indépendantes les unes des autres et que les informations détenues par chacun de ses services sont cloisonnées.

Équifax compte 1500 employés au Canada, dont 600 au Québec, verse plus de 17 000 000 $ par année en salaires et dépenses et investit près de 10 000 000 $ annuellement pour l'acquisition de biens et services, notamment dans le domaine de l'informatique.

Les services d'information de crédit d'Équifax recueillent auprès des commerçants et institutions financières les données relatives à l'expérience de crédit des consommateurs. Après s'être assurée de l'identité du consommateur, Équifax regroupe ces données dans une fiche ou un dossier de crédit semblable en tout point au document qui vous a été distribué il y a quelques instants. Comme on peut le constater, cette fiche ne contient que des renseignements sur l'identité du consommateur, son emploi, les prêts contractés par lui auprès des entreprises membres d'Équifax - hypothèques, prêts bancaires, cartes de crédit, etc. - de même que la cote de crédit déterminée par l'institution financière ou le commerçant qui a vécu une expérience de crédit avec ce consommateur. Cette cote, qui répond à une grille prédéterminée, ne constitue pas le jugement d'Équifax au sujet du consommateur mais bien l'évaluation que chaque commerçant ou institution financière a établie en tenant compte de la manière dont le consommateur s'est acquitté de ses obligations.

La fiche contient, de plus, la liste des demandes de renseignements reçues des membres, de même qu'une section intitulée «Archives publiques» qui regroupe les informations issues des jugements des tribunaux civils qui ont un rapport direct avec la solvabilité ou la fiabilité financière du consommateur.

En fait, Équifax est une coopérative d'information qui, sur une base mensuelle, reçoit, des institutions financières, des grands magasins et des autres commerçants, les renseignements relatifs à l'expérience de crédit des consommateurs et qui les transmet, sur demande, à ses membres afin de leur permettre de prendre des décisions plus éclairées à l'égard des consommateurs qui désirent se procurer un bien ou un service par voie d'emprunt. (15 h 10)

Dans la mesure où les institutions financières, les commerçants et Équifax ont tout intérêt à ce que l'information soit la plus fiable possible, on comprendra que des efforts soutenus et des mesures précises sont mises en oeuvre pour s'assurer de la rectitude des informations comme de leur mise à jour constante. De même, puisque le classement des créances s'appuie sur une grille uniforme d'évaluation, les consommateurs peuvent s'attendre à être traités équi-tablement. C'est d'ailleurs sur ce principe d'équité de traitement que notre entreprise a été fondée, et de lui qu'elle tire son nom.

Les principaux membres ou clients du Service d'informations de crédit d'Équifax sont les sept grandes banques canadiennes, les caisses populaires Desjardins, les compagnies émettrices de cartes de crédit, les compagnies de fiducie, les institutions financières établies spécialisées dans le domaine du prêt hypothécaire, du prêt personnel ou du prêt auto, de même que les grands magasins. Les autres clients de notre Service d'informations de crédit sont les petites et moyennes entreprises québécoises qui désirent faire des affaires tout en limitant les risques de pertes, les commerçants qui font crédit à leurs clients et veulent connaître leurs antécédents financiers et les propriétaires de logements multiples qui s'apprêtent à signer un bail. Plusieurs ministères du gouvernement sont aussi des clients membres d'Équifax Canada. contrairement à la croyance populaire, il ne suffit pas de faire une demande d'adhésion au service d'informations de crédit d'équifax et de payer une cotisation annuelle pour devenir membre. bien au contraire. en fait, plus de 40 % des demandes d'adhésion sont rejetées ou abandonnées en cours de route par les demandeurs, parce que ceux-ci ne répondent pas à nos critères. au surplus, les entreprises qui deviennent membres ont fait l'objet d'une enquête et d'une vérification quant à la nature de leurs activités en vue de déterminer qu'elles entendent véritablement offrir des biens et des services ou consentir du crédit à leurs clients et que c'est à ces fins exclusives qu'elles requièrent des informations d'équifax.

Notons, entre autres, que tout nouveau membre doit répondre à un questionnaire détaillé sur ses activités, la nature de sa clientèle, l'usage de l'information qu'il désire obtenir d'Équifax. Il doit, de plus, s'engager par écrit à n'utiliser les renseignements transmis que pour des fins légitimes d'affaires.

Pour sa part, le Service d'informations d'assurances d'Équifax, qui est assujetti à la Loi sur les agences d'investigation et de crédit, procède principalement à des enquêtes pour les compagnies d'assurances appelées à courir un risque ou à indemniser un assuré. Le Service d'informations d'assurances informe aussi les employeurs au sujet de la probité des personnes auxquelles ils désirent confier des responsabili- tés.

Enfin, le Service de recouvrement des créances d'Équifax est un agent de recouvrement assujetti à la Loi sur le recouvrement de certaines créances. Les activités du Service de recouvrement de créances d'Équifax font l'objet du pouvoir de surveillance de l'Office de la protection du consommateur. Essentiellement, les employés de ce Service ont pour mandat de communiquer avec les débiteurs en défaut afin de leur rappeler leurs obligations. Ce sont, en fait, les entreprises et commerçants qui ont des créances en souffrance depuis plusieurs jours ou plusieurs mois qui demandent au Service de recouvrement d'Équifax d'entreprendre pour eux des démarches en vue du paiement de leurs comptes. Les clients d'Équifax dans ce domaine sont essentiellement les mêmes que dans le domaine du crédit, quoiqu'on y retrouve une plus grande proportion de petits commerçants ou de moyennes entreprises qui n'ont pas les ressources pour mettre sur pied leur propre service de perception.

Pour mieux comprendre les préoccupations du public à cet égard, Équifax Canada, à l'instar d'Equifax U.S., a commandité, à l'été 1992, soit bien avant le dépôt du projet de loi 68, un sondage d'envergure nationale à la société de recherche de renommée internationale Louis Harris, ainsi qu'au professeur Allan F. Westin, de l'Université Columbia, sur les attentes des consommateurs face à la vie privée.

Réalisé en octobre 1992 et rendu public en janvier 1993, le «Rapport Équifax Canada sur les consommateurs et la vie privée à l'ère de l'information» révèle, entre autres, qu'une majorité de Québécois sont inquiets des menaces qui mettent leur vie privée en danger. Par contre, une grande majorité de citoyens sont consentants à fournir des renseignements personnels pertinents afin d'aider les institutions financières à prendre des décisions relativement à des demandes de prêt, d'hypothèque, d'assurance ou de carte de crédit. C'est donc en visant toujours cet équilibre entre la protection de la vie privée qui préoccupe les Québécois, d'une part, et le besoin légitime d'informations des institutions financières et des commerçants appelés à offrir du crédit aux consommateurs que nous avons procédé à une analyse du projet de loi 68. C'est aussi en gardant à l'esprit nos responsabilités à l'égard des consommateurs sur lesquels nous détenons des renseignements personnels que nous invitons sans détour le législateur à adopter une loi visant la protection des renseignements personnels dans le domaine du crédit.

Au cours des récents mois, beaucoup de rumeurs et de critiques ont été véhiculées au sujet des activités d'Équifax Canada. Nous désirons profiter de l'occasion qui nous est donnée ici, aujourd'hui, pour informer les membres de l'Assemblée nationale et l'ensemble de la population que, dans une très large mesure,

ces rumeurs et ces critiques sont non fondées.

Il peut arriver, bien sûr, que les renseignements contenus dans la fiche de crédit d'un consommateur ne soient pas tout à fait complets. Il faut bien comprendre que ce n'est pas Équifax qui établit ces données, encore moins elle qui attribue aux consommateurs une cote de crédit. Pourtant, sans être d'aucune façon forcée par la loi, Équifax vérifie auprès de la source toute information contestée et effectue les corrections demandées, s'il y a lieu. Si la source réaffirme l'exactitude du renseignement, le consommateur peut, à sa discrétion, faire inscrire sa version des faits sur la fiche. Un renseignement ne pouvant être confirmé ou vérifié est toujours retranché du dossier.

Enfin, les modifications apportées à la fiche de crédit, suite à une entrevue avec le consommateur et une vérification, sont communiquées à tout membre qui a eu accès à cette fiche au cours des six mois précédents. Équifax a aussi pris l'initiative de ne pas transmettre à ses membres les consultations de dossiers par les consommateurs pour que ces derniers n'aient aucune réticence à prendre connaissance de leur dossier. De même, notre entreprise a décidé de retrancher de ses dossiers les informations judiciaires autres que les jugements ou les décisions afin d'éviter toute interprétation préjudiciable au consommateur.

En dépit de ces rumeurs et critiques, les membres de cette commission seront intéressés d'apprendre qu'au cours de l'année 1992 Équifax n'a reçu que deux plaintes au sujet de l'utilisation des renseignements de crédit par ses membres. Ces deux plaintes, sur les 50 000 consultations annuelles de dossiers par les consommateurs, se sont soldées par l'annulation unilatérale des contrats de membres par Équifax. Qui plus est, l'Office de la protection du consommateur a confirmé, lors de la commission parlementaire de décembre 1991 sur la protection des renseignements personnels, qu'elle n'avait reçu aucune plainte au sujet d'Équifax, de ses services ou de l'utilisation que ses membres font de l'information de crédit qu'elle leur transmet. Depuis lors, nous n'avons été informés d'aucune plainte à cet égard portée auprès de l'Office. Incidemment, nous vous transmettrons, après ma présentation, un document qui démontre que les quatre cas rapportés ici la semaine dernière, par Mme Rozon, de l'ACEF-Centre, sont non fondés et qu'Équifax ne mérite nullement les reproches que cet organisme lui fait.

Pour ce qui est du Service de recouvrement des créances d'Équifax, nous reconnaissons qu'il a pu récemment porter flanc à la critique. Lorsque nous avons appris, après une enquête interne, que certains de nos employés utilisaient des subterfuges pour obtenir des renseignements leur permettant de retracer des débiteurs disparus sans laisser de trace et sans payer leur compte en souffrance, nous avons congédié ou remercié les personnes en cause, incluant les cadres qui n'avaient pas su prévoir ou dénoncer cette situation. Faut-il répéter ici que ces pratiques n'ont jamais été, ne sont pas et ne seront pas cautionnées par notre entreprise, encore moins tolérées par elle? Dans les circonstances, nous trouvons déplorable que certains veuillent nous reprocher d'avoir agi avec sévérité pour masquer notre turpitude, alors que notre seul et unique but était de faire respecter les principes d'intégrité les plus stricts.

Cela dit, sans attendre l'adoption d'une loi sur la protection des renseignements personnels, Équifax, depuis de nombreuses années, a mis en place des mécanismes de sécurité des renseignements personnels qu'elle détient, a adopté un code de conduite très strict, a fait signer à ses employés des engagements de confidentialité et a établi des procédures d'accès et de rectification qui n'ont rien à envier aux prescriptions de la loi 68. Les membres de cette commission pourront apprécier l'importance et le sérieux de ces mesures en lisant notre mémoire, et constater qu'Équifax applique actuellement, au Québec, des règles très strictes en matière de cueillette, d'utilisation, de communication et de destruction des renseignements personnels. (15 h 20)

Équifax Canada accepte d'emblée une intervention législative dans le domaine des renseignements personnels. Toutefois, elle est d'avis qu'une telle intervention doit être limitée aux renseignements sensibles conformément à ce que prévoient les recommandations de l'OCDE.

Équifax pense qu'il serait extrêmement dommageable pour l'économie du Québec de vouloir réglementer la cueillette, l'utilisation et la communication des renseignements personnels dans tous les secteurs d'activité, alors que certains d'entre eux sont susceptibles de poser des problèmes.

Dans le domaine des informations de crédit où elle exerce un rôle de leader, Équifax reconnaît ses obligations à l'égard de la protection de la vie privée et invite le législateur à adopter une loi analogue à celle que l'on retrouve dans les autres provinces canadiennes. Une loi imposant aux personnes et aux entreprises qui consultent un bureau de crédit d'obtenir le consentement de la personne concernée ou de lui faire parvenir un avis nous semblerait justifié. De cette manière, les consommateurs pourraient être informés du fait qu'une institution financière ou un commerçant désire prendre connaissance de leur dossier de crédit avant de leur consentir un prêt. Par le biais de ce consentement ou de cet avis, les consommateurs pourraient plus facilement exercer leur droit d'accès et de rectification.

En contrepartie de leur obligation d'informer par voie d'avis public l'ensemble de la population de la nature de leurs activités, de l'identité de leurs sources d'information et des

droits d'accès et de rectification prévus par la loi, les bureaux de crédit devraient se faire reconnaître le droit de recueillir les renseignements personnels relatifs à l'expérience de crédit des consommateurs auprès des commerçants et institutions financières. Par ce mécanisme d'avis public, les consommateurs pourraient, à toutes fins utiles, consentir implicitement à ce que les informations de crédit à leur sujet soient centralisées. De cette manière, les objectifs poursuivis par le législateur, dans la foulée des directives de l'OCDE, seraient entièrement respectés. De même, la volonté du ministre des Communications et de l'Opposition officielle de placer le Québec au même niveau que les pays d'Europe à l'égard de la protection de la vie privée serait accomplie.

Or, le projet de loi 68 n'établit pas un équilibre raisonnable entre le droit du consommateur au respect de sa vie privée et le droit des institutions financières et des commerçants de s'assurer de la fiabilité de leurs débiteurs. En fait, notre analyse du projet de loi nous porte à conclure que, s'il était adopté selon son libellé actuel, il forcerait les bureaux de crédit à fermer leurs portes à plus ou moins brève échéance. Par voie de conséquence, les risques de pertes des institutions financières et des commerçants du Québec augmenteraient, de même que le surendettement des familles, sans parler du préjudice économique qui incomberait à la vaste majorité des consommateurs québécois qui sont de bons et fidèles payeurs de comptes.

L'article 11 du projet de loi impose à toute entreprise de veiller à ce que les dossiers qu'elle détient soient à jour, exacts et complets. Équifax se doit de reconnaître qu'il n'est pas toujours pertinent, ni possible, de tenir à jour des dossiers. Dans le domaine du crédit, par exemple, un dossier ne pourra souvent être mis à jour que si la personne concernée contracte un nouveau prêt ou requiert une nouvelle carte de crédit. Ce n'est qu'à cette occasion qu'il sera possible d'apprendre qu'une personne a déménagé, ou encore qu'elle a changé d'employeur. Dans ce contexte, exiger des entreprises qu'elles mettent à jour et complètent les dossiers qu'elles ^détiennent peut être un objectif louable, mais difficilement une obligation législative stricte. On peut même se demander si la mise en oeuvre de cette obligation n'aurait pas pour effet de multiplier indûment les ingérences dans la vie privée en forçant les entreprises à solliciter systématiquement et périodiquement les personnes concernées afin de mettre à jour leur dossier.

Le Président (M. Doyon): M. Chart rand, je me dois de vous indiquer que le temps qui vous était imparti est dépassé quelque peu. Vous pouvez continuer, cependant, mais je vous indique que les 20 minutes sont déjà dépassées. Vous pouvez continuer, à moins que les collègues s'y objectent.

M. Cannon: Je n'ai pas d'objection à ce que M. Chartrand poursuive.

Le Président (M. Doyon): II restera moins de temps pour la discussion.

M. Cannon: Je pense qu'on pourra rajouter 5 ou 10 minutes à la fin de la période régulière, avec le consentement des membres de l'Opposition.

Le Président (M. Doyon): Allez, M. Chartrand, on verra.

M. Chartrand: Merci, M. le Président. Comme nous l'avons mentionné précédemment, afin d'alimenter les banques d'informations, les bureaux de crédit reçoivent périodiquement des institutions financières et commerçants les renseignements relatifs à l'expérience de crédit des consommateurs. Cette transmission d'informations constitue, selon le projet de loi, une cueillette de renseignements personnels effectuée par Équifax auprès de tiers, a savoir les institutions financières et commerçants. Elle constitue aussi une communication de renseignements personnels au sens de l'article 12 du projet de loi. Il sera donc nécessaire d'obtenir le consentement écrit, spécifique et limité dans le temps de chaque consommateur pour permettre à Équifax de continuer à alimenter ses banques de données.

Or, l'article 15 du projet de loi indique qu'une entreprise ne pourra exiger le consentement lorsque la transmission d'informations à des tiers ou leur utilisation à des fins incompatibles ne sont pas pertinentes à la conclusion ou à l'exécution du contrat. Concrètement, cela veut dire que les institutions financières ne pourront pas requérir de leurs clients, lors de l'adhésion à un contrat de carte de crédit ou de la signature d'un contrat de prêt, qu'ils acceptent la transmission de leur expérience de crédit à Équifax. En effet, on a tout lieu de penser qu'aux termes du projet de loi la communication de ces renseignements à Équifax ne serait pas en soi pertinente pour les fins du contrat d'adhésion...

M. Bourdon: M. le Président...

M. Chartrand: ...ou de prêt en question.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Bourdon: M. le Président, c'est parce qu'on a accordé 20 minutes à tous les autres intervenants; là, on est rendu à 25. Comme je connais votre rigueur habituelle - c'est notre temps de poser des questions qui va être en cause -est-ce qu'on pourrait demander aux représentants d'Équifax de respecter les mêmes règles que tous les autres et de conclure pour qu'on puisse poser des questions? J'en ai quelques-unes.

Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, M. Chartrand, comme je vous l'indiquais, il est de tradition que le temps soit partagé tiers-tiers-tiers, de façon à ce que, justement, les membres de la commission puissent s'entretenir avec vous et poser un certain nombre de questions, ou aller un peu plus au fond des choses. Plusieurs collègues m'ont indiqué qu'ils voulaient s'adresser à vous. Je me vois dans l'obligation de vous demander de conclure dans la prochaine minute.

M. Chartrand: M. le Président, vous allez me permettre peut-être 45 secondes.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Chartrand: Je voudrais parler des agences de renseignements personnels, bien sûr. Par ailleurs, en ce qui a trait à l'obligation imposée aux agences de renseignements personnels d'écrire à toutes les personnes sur lesquelles elles détiennent un dossier afin de les informer de leur droit d'accès et de rectification, Équifax est d'avis qu'il s'agit d'une exigence démesurée. Un tel exercice lui coûterait au bas mot 6 000 000 $, en plus d'accroître sensiblement les risques d'atteinte à la vie privée en raison des nombreux changements d'adresse des consommateurs. En bout de piste, ce sont les citoyens du Québec qui paieraient pour ces mesures. Pourtant, le mécanisme des avis publics publiés dans l'ensemble des régions du Québec offre les mêmes avantages à moindres frais.

Et vous allez me permettre de conclure, M. le Président, en disant qu'au terme de son analyse du projet de loi 68 Équifax Canada, tout en souscrivant au principe de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, croit nécessaire d'inviter le gouvernement législateur à réévaluer son intervention. Acceptant une intervention législative limitée aux renseignements sensibles, conformément à ce que prévoient les recommandations de l'OCDE, Équifax pense qu'il serait extrêmement dommageable pour l'économie du Québec de vouloir réglementer la cueillette, l'utilisation et la communication des renseignements personnels dans tous les secteurs d'activité.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chartrand.

M. le ministre, sans plus d'ambages.

M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président.

M. Chartrand, M. Globensky, bienvenue à cette commission parlementaire. Je dois vous dire que ça prend un petit peu de courage par les temps qui courent. Merci d'être là pour répondre à nos questions.

D'entrée de jeu, je voudrais dire qu'à l'article 103 du présent projet de loi je n'ai pas vu, moi, l'obligation d'écrire. Si je le lis avec vous, c'est inscrit: «Tout agent de renseigne- ments personnels doit, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du présent article, informer chaque personne concernée». Je suis ouvert à des suggestions de ce côté-là; je suis ouvert à des suggestions. (15 h 30)

Lorsqu'on s'était rencontrés, le 15 octobre 1991, je crois que c'était M. Globensky qui nous décrivait sommairement... Non, excusez, pas sommairement, en détail, comment ça fonctionne au niveau de la cueillette et de la validation des informations. Si vous me permettez, je vais citer, à la page 1802, le témoignage de M. Globensky qui, toujours dans le cadre, évidemment, de cette possibilité de corriger, pour le consommateur, les informations qui s'y retrouvent, nous décrivait comment ça fonctionne. Donc, il dit, et je le cite: «Le consommateur a droit d'accès à sa fiche de crédit, a le droit de contester, de faire vérifier et corriger, s'il y a lieu, toute information qui s'y trouve. Si, après vérification, une divergence d'opinions subsiste entre la source d'information et le consommateur, ce dernier peut faire inscrire sa version des faits à la fiche. Toute modification faite à la fiche est communiquée à un client qui a déjà obtenu l'information.» En moyenne, il y a 2300 demandes qui sont faites par mois.

Ma question, et vous l'avez expliqué rapidement dans votre intervention, concerne le témoignage de Mme Rozon, concerne précisément cette question, cette possibilité pour le consommateur de pouvoir corriger des informations. Et, aux galées du Journal des débats, à l'occasion de la présentation de Mme Rozon - je ne lirai pas tout ça, sauf que je vais me permettre de vous citer un cas - elle dit: «Les institutions financières - et, d'ailleurs, parce que vous nous avez dit que vous aviez la possibilité de corriger ça, ça va vous permettre, justement, de répondre immédiatement à cette affirmation - en transmettant l'expérience bancaire d'un client, se fient exclusivement à la bonne foi d'Équifax et Équifax, en transmettant les informations aux entreprises membres, se fie exclusivement à leur bonne foi. On ne voit aucune vérification quant à la pertinence pour l'entreprise de connaître la situation financière du consommateur ni si elle a obtenu son consentement. Seul le consommateur, en consultant son dossier de crédit, peut se rendre compte qu'on a effectivement demandé des informations sur son compte sans qu'il ait donné son autorisation et sans qu'il ait même fait affaire avec l'entreprise. «Nous avons donc reçu quelques plaintes à ce sujet-là. M. Beauregard a constaté que trois entreprises avec lesquelles il n'a jamais fait affaire avait consulté son dossier de crédit. Après avoir demandé des explications à Équifax, on lui explique tout simplement qu'on n'a pas à lui fournir de preuve à l'effet qu'il aurait ou non donné son consentement à ces entreprises. À chaque fois que M. Beauregard doit faire une

demande pour obtenir un prêt, on lui demande des explications sur les raisons pour lesquelles ces entreprises ont eu accès à son dossier de crédit. Il ne sait pas quoi répondre parce qu'il ne le sait pas lui-même.»

Plus loin, on dit: «D'autres consommateurs se sont également plaints du manque total de contrôle qu'ils ont sur le contenu de leur dossier de crédit et des conséquences importantes qui peuvent en découler. M. Aubry, par exemple, après s'être fait refuser un prêt, a consulté son dossier de crédit. Il constate qu'une seule information y est indiquée et concerne un jugement qui a été rendu en 1988 pour une dette de 240 $, dette qu'il a, par ailleurs, remboursée. Preuve à l'appui, M. Aubry a demandé à Équifax d'inscrire dans son dossier des informations relatives à un prêt de 13 000 $ qu'il avait contracté, remboursé au complet et sans aucun retard, ainsi qu'un autre prêt de 3000 $ également remboursé sans retard. Équifax a refusé d'ajouter ces informations dans son dossier de crédit, ce qui aurait permis, par ailleurs, à M. Aubry d'obtenir une meilleure cote de crédit. En conséquence, pour obtenir son prêt, M. Aubry a dû faire appel à un des membres de sa famille pour qu'il soit endossé.»

Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Doyon): M. Chartrand ou M. Globensky, comme vous voudrez.

M. Chartrand: Je vais laisser parler M. Globensky concernant le consentement et peut-être répondre aux commentaires que vous avez faits au départ, sur ce qu'il avait déclaré au préalable.

Le Président (M. Doyon): M. Globensky.

M. Globensky (Michel C): Bien, voici, dans le cas de M. Beauregard ou Dandurand?

M. Cannon: M. Aubry et M. Beauregard.

M. Globensky: M. Beauregard. Dans le cas de M. Beauregard, effectivement, il y avait trois demandes de renseignements à sa fiche. Il a demandé comment il se faisait que ces gens-là avaient demandé des renseignements à son sujet sans son consentement. On a tâché de lui faire comprendre qu'au Québec, dans le moment, au niveau législatif, il n'y a pas un besoin de consentement. Nous avons vérifié avec les trois entreprises en question et nous avons confirmé qu'il s'agissait de demandes légitimes d'informations. Dans un cas, M. Beauregard nous a dit qu'il ne connaissait pas l'entreprise en question et, aussi étrange que ça puisse paraître, il s'agissait d'un ancien employeur à lui. Alors, les trois demandes étaient, en fin de compte, légitimes et appartenaient bien à la fiche de M. Beauregard.

Dans le cas de M. Aubry, il y a là encore quelque chose qui nous paraît tout à fait un problème de communication. Nous avons fait une vérification de sa fiche de crédit aussitôt que nous avons appris qu'il y avait contestation, la semaine dernière. M. Aubry a communiqué avec nous à deux reprises, si ma mémoire est fidèle, la première fois en 1989, la deuxième fois en janvier 1992, pour avoir accès à sa fiche de crédit. Je vois, à sa fiche de crédit, trois inscriptions d'expérience de prêts bancaires qui ont été payés. Ces inscriptions-là ont été faites en janvier 1992. Alors, comment M. Aubry peut dire que nous avons refusé d'inscrire ça à sa fiche? Je me l'explique mal. Et j'anticipe peut-être certaines personnes qui pourraient dire que nous avons inscrit ces renseignements-là la semaine dernière. Nous avons la technologie voulue pour prouver que ces renseignements-là sont dans le dossier depuis des mois et des mois, plus exactement depuis janvier 1992.

M. Cannon: Ce que vous me dites, c'est que, de façon générale et de façon spécifique, vous corrigez les dossiers.

M. Globensky: Absolument. M. Cannon: Preuve à l'appui?

M. Globensky: Nous demandons au consommateur qui nous dit: Bien, telle chose est payée, s'il a une quittance. Il n'est pas forcé de nous fournir une quittance. S'il a une quittance, évidemment, ça active les choses. S'il ne veut pas ou ne peut pas fournir une quittance, nous allons vérifier à la source pour confirmer que ça a été payé, nous inscrivons le fait que c'est payé et nous invitons le consommateur à inscrire une explication, pourquoi il y a eu un compte mal payé.

Le Président (M. Doyon): M. Chartrand. M. Chartrand: M. le Président... Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Chartrand: ...j'ai voulu mentionner au départ que, dans l'information qui vous a été circulée ou qui va vous être circulée plus tard, vous avez tous les détails des cas dont Mme Rozon a fait mention la semaine dernière, et M. Globensky a voulu, en fait, disons, en faire un sommaire.

Quant au consentement, j'ai également dit au ministre que nous étions disposés à ce que la notion de consentement ou d'avis soit inscrite dans une nouvelle loi, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle.

M. Cannon: M. Chartrand, j'ai ici, moi, la convention de services Équifax Canada inc.,

convention de services qui est signée par les entreprises, types de commerces, etc. J'imagine que vous êtes familier avec ça. Et vous indiquez dans cette convention que vous ne pouvez assurer l'exactitude des renseignements qui sont fournis. Est-ce que c'est pratique courante, ça, ou est-ce que vous tentez d'essayer de fournir les renseignements les plus précis? Pourquoi il y a cette disposition-là?

M. Chartrand: C'est sûr que l'on tente de fournir les renseignements les plus exacts possible. Il faut bien préciser ici que les informations nous viennent, dans la grande majorité, des institutions financières avec qui le consommateur a transigé ou transige. Il peut arriver, dans certains cas, que l'information qui nous est fournie soit incomplète, dans certains cas peut-être inexacte. Un exemple. Si vous avez un compte avec un grand magasin, vous avez une carte de crédit, vous l'utilisez. Vous avez fait des changements dans votre vie, vous avez changé d'adresse, vous n'avez pas averti l'institution en question, la malle vient encore à l'ancienne adresse. Vous avez fait d'autres changements dans votre vie, vous n'avez pas averti l'institution financière en question. Cette institution financière là va nous fournir des renseignements qui vont possiblement être incomplets.

M. Cannon: La fréquence des renseignements, est-ce que c'est hebdomadaire, bimensuel, mensuel, annuel?

M. Chartrand: Vous voulez dire...

M. Cannon: C'est quoi la fréquence de ces renseignements?

M. Chartrand: Si vous parlez des bandes magnétiques, c'est 30 jours. À tous les mois. La plupart des institutions financières nous fournissent les informations à jour tous les 30 jours. Dans certains cas très isolés, 60 jours, mais, dans la grande, grande majorité des cas, c'est à tous les 30 jours.

M. Cannon: Merci. Je vais peut-être revenir plus tard.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, vous avez parlé des rumeurs et des critiques des derniers mois. Je voudrais y revenir quelque peu. D'abord, une première question. Si Radio-Canada ne nous avait pas appris que de vos agents se faisaient passer pour des fonctionnaires de Revenu Québec pour obtenir frauduleusement des renseignements de proches de personnes - vous faisiez du recouvrement pour le compte d'Hydro-Québec - est-ce que j'ai raison de penser que vous le feriez encore?

(15 h 40)

M. Chartrand: M. le Président, évidemment, c'est une hypothèse. C'est une situation hypothétique. Je peux vous dire, à ce moment-là, qu'à l'intérieur de chez nous il existe un département de vérification interne dont le travail est, justement, de vérifier les procédures qui sont en place, de vérifier les systèmes qui sont en place. Je ne peux vous dire non plus depuis combien de temps ça existait, mais je peux vous dire qu'éventuellement on aurait sûrement mis à jour cette pratique qui était illégale. Et je veux vous assurer encore une fois que, dans le cas présent, ce sont des pratiques qui étaient complètement inconnues de nous et que, du moment qu'on en a pris connaissance, l'enquête interne a été faite dans les 5 ou 6 jours qui ont suivi et il y a un total de 10 personnes qui ont été congédiées.

M. Bourdon: mais, de deux choses l'une, dans le fond, ou bien vous ne le saviez pas, puis c'est très inquiétant parce que vous avez des dossiers sur 15 000 000 de personnes, ou bien vous le saviez, puis le seul reproche que vous faites à ceux dont vous vous êtes séparés, c'est de s'être fait prendre, dans le fond.

M. Chartrand: M. le Président, il faut préciser. Il y a deux choses, là, je ne voudrais pas qu'on mélange les pommes puis les oranges. Le département de dépistage chez Équifax n'a rien à faire avec la banque de données. La banque de données est une chose, le département de dépistage en est une autre, où on avait un certain nombre d'employés dont le travail était d'essayer de localiser des débiteurs. Ces gens-là font ce travail-là, c'est-à-dire d'essayer de localiser les personnes. Il n'y a aucune relation. Les 15 000 000 de données qu'il y a dans la banque de données, il y a tout un système de sécurité, de codes d'accès et tout le restant qui est en place et ce n'est aucunement mêlé au travail de dépistage de débiteurs.

M. Bourdon: Si je vous suis bien, la banque de données ignore ce que font les dépisteurs, puis Équifax ignorait aussi ce que faisaient les dépisteurs illégalement. Parce que, dans le fond, il y avait une dizaine de personnes d'impliquées puis elles allaient chercher des renseignements en utilisant des moyens illégaux. Et comment pouvez-vous expliquer qu'Équifax n'ait pas su ce qui se passait en son sein?

Parce que ce n'est quand même pas petit de faire de la fausse représentation, de la supposition de personnes, de l'usurpation d'identité pour abuser de personnes puis obtenir des renseignements pour le compte d'un client. Vous le saviez ou vous ne le saviez pas? Comment ça se fait que vous ne le saviez pas, puis que ça con-

cernait une dizaine de personnes? Est-ce qu'elles le faisaient pour leur profit, ça, ou si elles le faisaient pour le compte de l'entreprise qui doit leur fixer comme objectif de retrouver les gens qui n'ont pas payé leur facture d'électricité?

M. Chartrand: Alors, vous savez, M. le Président, que ces demandes-là, dans la majorité des cas - parce que ça a été publicise - c'était pour le compte d Hydro-Québec. Lorsqu'on reçoit une demande d'Hydro-Québec pour la localisation d'un débiteur, vérification est faite si on peut être aidé par une nouvelle adresse qui existe dans le dossier. À partir de ce moment-là, l'enquête est donnée à une personne dont le travail consiste à localiser le débiteur. Alors, à partir de ce moment-là, l'employé travaille à faire justement la localisation du débiteur.

Si, dans le cas présent, le ou les employés ont décidé d'eux-mêmes d'utiliser des pratiques qui étaient illégales, c'est-à-dire, à ce moment-là, en se présentant comme étant des personnes travaillant pour un organisme gouvernemental ou un ministère gouvernemental qui était faux, ils ont décidé d'eux-mêmes de faire une chose comme ça ou de même entrer en contact avec un fonctionnaire public et d'être en mesure d'avoir accès à des informations qui étaient privilégiées, ce qui était illégal, cette initiative-là, qui a été faite par un groupe d'employés, a été faite par ce groupe d'employés qui le faisaient dans l'exercice de leurs fonctions.

Quels bénéfices ils en recevaient? Ces employés-là travaillaient. Bien sûr que l'évaluation de leur performance était basé sur le travail que ces personnes-là faisaient et le degré de succès que ces personnes-là avaient à localiser les débiteurs en question. C'était, pour nous, l'employeur... En fait, on leur donnait une somme de travail à effectuer, ils avaient des instructions à savoir comment faire leur travail et ce qui s'est passé, dans le cas présent, c'est que ces personnes-là ont pris des initiatives qui étaient ni connues de l'employeur... certainement pas cautionnées par l'employeur pour faire leur travail.

M. Bourdon: Maintenant, si Le Devoir ne nous avait pas appris que de vos employés échangeaient des informations confidentielles avec des fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ou achetaient des informations de fonctionnaires du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, ma question est double: Est-ce que ça se ferait encore et, deuxièmement, n'est-il pas vrai qu'il est de la nature de vos rapports avec ce ministère que vous donniez des renseignements contre des renseignements puis qu'ils vous en fournissent, à l'occasion, beaucoup par rapport à ceux que vous leur fournissez?

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Globen-sky.

M. Globensky: Si M. Bourdon fait allusion aux services que nous rendons à différents ministères de la province de Québec - des services d'informations de crédit - il faut bien préciser que tout renseignement qui nous est fourni sous forme d'interrogation par quelque ministère que ce soit, aucun de ces renseignements-là ne sert à enrichir notre base de données. L'interrogation même faite par un ministère demeure inconnue de qui que ce soit au niveau de notre clientèle. Il y a seulement le consommateur, lorsqu'il se présente ou qu'il prend connaissance de son dossier de crédit, qui va apprendre qu'un ministère ou un autre ministère a demandé des renseignements à son sujet. Alors, il n'y a aucune information qui nous est fournie par quelque ministère que ce soit qui entre dans notre banque de données d'informations de crédit.

M. Bourdon: Mais ça, c'est ce dont vous avez connaissance. Mais il y a de vos employés qui obtenaient des renseignements par des moyens frauduleux, puis vous n'en aviez pas connaissance. Puis, là, l'ACEF-Centre nous dit que, pour 60 $, à peu près n'importe qui peut avoir accès aux données de crédit d'autres personnes. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça? Parce que, eux, ils se sont facilement inscrits, ils ont donné 60 $, puis, après ça, ils ont demandé les renseignements de crédit sur qui ils voulaient.

M. Chartrand: Oui. M. le Président, je suis bien à l'aise de parler de cette question-là. J'ai mentionné, tout à l'heure, qu'il y avait 40 % des demandes d'adhésion qui étaient rejetées.

Dans le deuxième cas, si vous parlez du cas de l'ACEF - et, encore une fois, vous allez m'obliger à mentionner ce que j'aurais à mentionner - c'est que l'ACEF a demandé un «membership» chez nous sous de fausses représentations. L'ACEF est venue chez nous en nous disant qu'ils avaient un besoin pour des informations sur des personnes pour qui ils agissaient comme étant les consultants financiers. On s'est aperçu, un peu plus tard, que les quatre seules demandes d'enquête que l'ACEF avait faites, c'était sur quatre employés de l'ACEF. Et, quand on s'en est aperçu, on a immédiatement cancellé le «membership» de l'ACEF. C'est la réponse.

M. Bourdon: Vous êtes plus sévères avec l'ACEF qu'avec Hydro-Québec. L'ACEF nous rapporte aussi qu'à l'occasion il y a des personnes, par exemple, qui demandaient, avec l'accord de Esso, qu'une information fausse soit enlevée de leur dossier. Vous avez refusé. Dans un autre cas, c'était avec l'accord d'une entreprise d'assurances. Vous avez refusé. Puis, hier, j'ai vérifié avec un ami personnel qui avait quittance d'une dette que vous rapportiez impayée dans votre rapport de crédit. Vous lui avez refusé la

correction et votre préposé lui a dit: On peut faire un ajout, ça va vous nuire. Et c'est de pratique courante qu'au lieu d'enlever un renseignement faux des rapports que vous préparez vous disiez aux gens: On peut mettre votre version, vous allez vous caler davantage.

Alors, ça, vous ne pensez pas que ça prendrait une loi pour dire que, quand vous vous êtes trompés - vous n'êtes pas infaillibles - vous corrigez vos erreurs? Ça «serait-u» possible aussi qu'on ait des garanties qu'il n'y ait plus de vos préposés qui vont obtenir des renseignements par des moyens illégaux et frauduleux? Qu'il va arrêter d'y avoir aussi de vos préposés qui donnent des pots-de-vin pour obtenir des renseignements confidentiels ou qui en échangent? Autrement dit, est-ce que ça ne prendrait pas une loi pour que, advenant qu'un citoyen soit trompé ou lésé par Équifax, la Commission d'accès à l'information rende une décision? Parce qu'on ne peut pas dire que votre crédibilité est forte quand on sait que tout ce que vous nous répondez, dans le fond, ça peut être comme dans le cas d'Hydro-Québec ou du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu; vous ne savez pas tout ce qui se passe chez vous.

Le Président (M. Doyon): M. Chart rand. (15 h 50)

M. Chartrand: M. le Président, en fait, la réponse a déjà été donnée au ministre un peu plus tôt. Permettez-moi de la reprendre. Le consommateur avait un compte en souffrance depuis plus de cinq mois avec une entreprise pétrolière. Après des pourparlers avec cette entreprise, le consommateur a finalement payé son compte et, à la demande des parties, Équifax a modifé la cote de crédit à l'égard de ce compte de manière à refléter cette nouvelle situation. Ça, c'est un des comptes de l'ACEF la semaine dernière.

Dans le second cas, il s'agissait d'une compagnie d'assurances qui nous avait demandé un compte en recouvrement. Le consommateur a finalement payé son dû, mais a demandé à son créancier de faire retirer cette inscription de son dossier. Malgré qu'une employée subalterne de la compagnie d'assurances en question nous ait demandé de retrancher l'information du dossier, les autorités supérieures de la même compagnie nous ont requis de laisser cette inscription parce qu'elles étaient d'avis qu'il y avait eu faute de ia part du consommateur et que celui-ci n'avait nullement pu justifier son retard.

Le troisième exemple soumis par l'ACEF pour dénoncer nos pratiques concernait un consommateur qui se plaignait du fait que sa fiche de crédit avait été communiquée à trois entreprises sans son consentement. Or, au Québec, il n'existe aucune loi qui requiert un tel consentement, et on en a parlé tout à l'heure. Au surplus, les trois communications reprochées ont été faites à la demande d'entreprises fiables qui avaient des motifs légitimes de requérir des informations. Notons de plus que toutes les informations au sujet de ce consommateur ont été vérifiées et qu'elles étaient exactes, complètes et à jour.

Enfin, le quatrième cas était celui d'un consommateur dont la fiche de crédit mentionnait un jugement à régler et qui reconnaissait la véracité de cette information. Il a cependant demandé à Équifax d'ajouter à son dossier de crédit une mention à l'effet qu'il avait rempli ses obligations correctement et à au moins trois reprises auprès d'autres institutions et commerçants. Équifax a procédé à cette vérification et a volontairement inscrit dans le dossier de ce consommateur qu'il avait effectivement eu une expérience de crédit favorable avec ces trois institutions ou commerçants. Et c'est l'exemple dont M. Globensky a fait mention tout à l'heure. Nos registres démontrent que cette mention a été inscrite dans la fiche de ce consommateur au cours du même mois de sa demande à cet effet.

Alors, quand on nous dit à ce moment-là que, effectivement, on refuse d'enlever des informations ou de rajouter des informations, encore faudrait-il vérifier et obtenir l'information d'une façon complète.

Quant à savoir à ce moment-là qu'est-ce qu'on va faire pour empêcher que nos employés fassent usage de méthodes qui sont illégales, certainement non acceptées chez nous, je ne peux pas vous en donner une garantie. Je ne peux pas vous en donner une garantie totale, comme je ne peux pas empêcher que quelqu'un va «chauffer» à 150 milles à l'heure pour s'en retourner chez lui ce soir.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a, à l'intérieur de chez nous, un département de vérification interne qui fait uniquement ça, de vérifier les systèmes, les procédures qui sont en place et que, si jamais on s'aperçoit qu'effectivement il y a quelque chose qui n'est pas correct, qui n'est pas selon les politiques de la compagnie, on prend une action qui est immédiate. On est dans le domaine de l'information; je pense qu'on peut... et je l'ai déjà dit ici, on est des professionnels de l'information. On vit en fonction de l'information que l'on recueille et que l'on donne aux institutions financières afin d'aider les consommateurs à effectuer des transactions d'affaires. C'est notre business à nous. Alors, on n'a pas d'intérêt vraiment à faire des choses à moitié et on n'a pas d'intérêt à garder dans nos dossiers des informations inexactes, incomplètes ou erronées.

Le Président (M. Doyon): Dernière intervention, M. le député.

M. Bourdon: S'il n'en tient qu'à moi, on va vous aider à le faire par une loi parce qu'il est évident qu'il y a des abus et il est évident que ça prend une loi pour protéger le consommateur.

Puis, une dernière question: De quel droit fournissez-vous à tout un chacun le numéro de carte de crédit de personnes, ce qui les exposent à voir leur numéro de carte de crédit utilisé par d'autres?

M. Globensky: M. le Président, je peux répondre là-dessus que, depuis le 23 février, les numéros de cartes de crédit ne paraissent dans les fiches et ne sont transmis qu'à nos clients qui sont abonnés chez nous, d'ordinateur à ordinateur. Ce qui veut dire que, dans au moins 50 % ou plus des cas, les numéros de cartes de crédit ne sont plus transmis aux clients. C'est un changement que nous avons demandé l'automne dernier. Ça prend évidemment du temps pour faire de la programmation pour ce faire.

Alors, ça a été en deux phases: la première phase pour couvrir les clients qui ont accès chez nous par terminal éloigné; la deuxième phase va être les abonnés, qui sont les institutions financières majeures, qui sont en communication avec nous d'ordinateur à ordinateur.

M. Bourdon: Est-ce à dire que, si je suis un employé d'une banque qui communique avec vous par ordinateur, j'ai le droit d'avoir les numéros de cartes de crédit de plusieurs dizaines de personnes par votre entremise?

M. Globensky: Comme je l'ai mentionné, M. le Président, la phase I est complétée. La phase II, la programmation relativement à nos clients d'ordinateur à ordinateur, est beaucoup plus compliquée, mais nous n'avons pas voulu attendre parce que nous avons reconnu de nous-mêmes, l'automne dernier, qu'il s'agissait de renseignements sensibles et que nous devions agir afin d'éviter des problèmes.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Globensky.

M. le député de Richelieu. Il reste deux minutes pour votre collègue de Saint-Hyacinthe et vous.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Ça va être une question très courte mais à deux volets. Dans le premier volet...

Une voix: C'est mal parti.

M. Khelfa: ...suite à l'intervention du ministre et celle de mon collègue de Pointe-aux-Trembles qui mentionnent qu'il y a des cas qui étaient corrigés et que ça reste quand même dans la banque de données, combien de temps cette banque de données conserve-t-elle l'information? À quel moment vous allez «flusher», vous allez tirer la «flush» sur les données? Ça, c'est mon premier volet.

Deuxième volet de ma question: Êtes-vous capable de nous donner à peu près l'ampleur ou bien un exemple des conséquences que la loi 68 peut engendrer sur une transaction commerciale au niveau du commerce et du consommateur?

M. Chartrand: M. le Président, quand on parle de la durée du temps où l'information est gardée en dossier, le système est ainsi conçu qu'il a des règles de purge, ce qui veut dire que, dépendant de la nature de l'information, cette information-là est détruite après un temps qui est bien spécifique. Il n'existe rien, dans la loi québécoise, qui nous force à détruire ce genre d'information après un certain temps. On s'est inspiré de la loi ontarienne. Et, pour vous donner un exemple, une information sur un jugement est éliminée du dossier après une période de 7 ans; une information sur une faillite est éliminée du dossier après 7 ans également; dans le cas d'une deuxième faillite, 14 ans; une information concernant un compte en perception est détruite après 4 ans. Alors, il y a tout un ensemble de règles de purge qui existe, qui fait partie du système informatisé et qui fait en sorte que les informations sont détruites d'une façon systématique et automatique.

Quant aux effets de la loi 68, ce qu'on a mentionné tout à l'heure, si, effectivement, ça exige un consentement pour que l'information nous soit donnée et que ce consentement-là n'est pas obligatoire, on pourrait peut-être supposer que, à un moment donné - on l'a mentionné - ça voudrait peut-être dire, à toutes fins pratiques, l'élimination des bureaux de crédit ou des agences d'informations. Ça pourrait peut-être vouloir dire que, lorsqu'on recevra une demande d'enquête, il nous faudra, d'une façon manuelle, entrer en communication avec toutes les compagnies avec qui le consommateur aura eu affaire dans le passé, c'est-à-dire les compagnies qu'il voudra bien nous fournir. Et il faudrait communiquer d'une façon manuelle avec ces institutions financières là, obtenir leur expérience de crédit pour la fournir à l'institution financière qui demande l'information. Si on pense, à ce moment-là, au temps que ça peut requérir, une chose comme ça, il n'est pas anormal de dire, il n'est certainement pas exagéré, en tout cas, de dire que ça pourra prendre une ou deux semaines, alors qu'à l'heure actuelle...

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chartrand.

M. Chartrand: ...c'est une question de temps.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le Président, l'inquiétude importante soulignée par Équifax aujourd'hui est l'application de l'article 103. Je pense que le ministre nous

doit aussi une précision là-dessus parce qu'il vient de dire quelque chose qui est un peu différent de ma perception de l'article 103. (16 heures)

L'article se lit comme suit: «103. Tout agent de renseignements personnels doit, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du présent article, informer chaque personne concernée par un dossier qu'il détient, de l'existence de ce dossier et du droit de consultation et de rectification que cette personne peut exercer, le cas échéant.»

Alors, Équifax a écrit dans son mémoire, avec raison, je crois... Elle a écrit: Concrètement, ces dispositions impliquent qu'Équifax devra écrire, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de cet article, à des millions de personnes - au Québec, je présume - au sujet desquelles elle détient un dossier de crédit. Et vous avez dit que ça va coûter à votre organisme 6 000 000 $. Mais c'est quoi, exactement, votre calcul de ces 6 000 000 $?

M. Chartrand: C'est basé sur le nombre de dossiers que l'on a...

M. Libman: Au Québec?

M. Chartrand: ...les frais de poste et, évidemment, le nombre de retours qu'il va y avoir, et notre obligation, bien sûr, d'essayer d'entrer en communication avec ces consommateurs-là d'une autre façon que par la poste.

M. Libman: O.K. Merci.

M. Chartrand: Alors, ce faisant, là, le nombre de dossiers que l'on a sur les gens au Québec, les frais postaux et tout le restant, on en est venu à la conclusion que ça coûterait environ 6 000 000 $.

M. Libman: En présumant qu'il y a l'article 103, vous devrez contacter ces personnes par écrit, mais... Alors, c'est ça la précision que je demande au ministre, M. le Président. Il vient de dire que l'article 103 ne parle pas de l'importance de contacter par écrit. Alors, moi, j'ai toujours eu l'impression que c'était le cas avec 103, et peut-être qu'il souligne ce fait. Ça nous montre qu'il y a un peu d'ambiguïté concernant l'article 103. Peut-être qu'il peut nous informer comment on peut informer chaque personne d'un dossier qu'on détient, si ce n'est pas par écrit.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee, il y aura l'étude article par article du projet de loi et, à ce moment-là, le ministre sera en mesure de répondre à vos questions. Le but de l'exercice, actuellement, est de discuter avec les gens que nous invitons et non pas d'interpeller le ministre pour des explications sur les articles.

Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Libman: M. le Président, juste en terminant mes cinq minutes, si je peux terminer...

Le Président (M. Doyon): Vos cinq minutes sont terminées.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Messier: Merci.

M. Libman: Quelle délicatesse par le président de notre commission!

Le Président (M. Doyon): Non, c'est fini.

M. Messier: Merci, M. le Président.

Pour connaître un petit peu l'ampleur - vous parlez de 6 000 000 $ - c'est quoi, le nombre de dossiers que vous avez sur les Québécois? Combien de dossiers fichés vous avez au Québec?

M. Globensky: Je n'ai pas le chiffre avec moi, mais la réponse standard qu'on dit là-dessus, c'est que tout adulte qui a déjà fait affaire à crédit, normalement, devrait être fiché au bureau de crédit.

M. Messier: Donc, c'est l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui sont sur le marché du travail, donc une couple de millions.

M. Globensky: En effet.

M. Messier: Donc, c'est l'ensemble du Québec, qui oeuvre au Québec, sur qui vous avez un fichier. Je voudrais savoir... Vous avez parlé tout à l'heure des formes de rémunération au niveau du recouvrement. Est-ce que vous avez bien dit que les gens qui travaillent chez vous travaillent au mérite, c'est-à-dire qu'ils ont des «case loads», donc plus de cas ils ont trouvés, et la forme de rémunération est en fonction du nombre de cas qu'ils ont trouvés, et tout ça, ou si c'est une forme de salaire hebdomadaire, et tout ça? Est-ce qu'il y a une forme de rémunération au mérite, c'est-à-dire: plus de cas ils trouvent, plus le salaire est augmenté en conséquence?

M. Chartrand: Bien, les deux, M. le Président. C'est un salaire fixe et un système de boni qui vient s'ajouter au salaire.

M. Messier: En fonction du nombre de cas qu'ils ont trouvés?

M. Chartrand: En fonction...

M. Messier: Donc, ça favorise un...

M. Chartrand: ...du nombre d'enquêtes qu'ils complètent, en fonction également d'autres critères. Il y a une évaluation de performance qui se fait également.

M. Messier: Et la performance est liée aux cas qu'ils ont trouvés. Ça favorise la fraude. Je veux dire que l'homme... Où il y a de l'homme, il y a de r«hommerie», donc, dans le sens que, si, effectivement, on peut augmenter son salaire en fonction du nombre de cas, donc on peut inciter, comme le député de Pointe-aux-Trembles, on peut inciter des gens, peut-être, à frauder le système, donc à augmenter leur rémunération en fonction de la forme de rémunération que vous donnez à vos employés. Donc, il y a peut-être une déficience à ce niveau-là.

M. Chartrand: J'avoue, en fait, qu'il y a, évidemment, ce danger-là, mais je pense que le système d'«incentive» ou le système de bonus dans l'entreprise privée, c'est vraiment de pratique courante. On ne le fait pas uniquement dans le département ou dans l'unité de dépistage, on le fait également dans le service de recouvrement. On le fait également dans d'autres secteurs d'opération chez Équifax, tout simplement parce que, bien sûr, on essaie de favoriser l'incitation à offrir une performance supérieure.

M. Messier: Peut-être deux petits points encore.

Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le député, c'est terminé.

M. Messier: Oui. Merci, M. le Président.

Est-ce que vous êtes soumis à des mécanismes de vérification externe? Je veux dire, vous avez M. Globensky qui travaille à l'interne, aux vérifications internes. Est-ce que des gens de l'extérieur vérifient vos opérations, à savoir qu'effectivement il n'y a pas de mécanisme à l'intérieur pour favoriser soit la fraude ou la divulgation de données telles quelles?

M. Chartrand: Oui. Il existe, bien sûr, l'Office de la protection du consommateur; il existe la loi sur les agents de collection; il existe la Loi sur les agences d'investigation et de crédit; il y a, bien sûr, la Commission d'accès à l'information qui s'occupe du fichier central du sinistre automobile et, en plus de tout ça, il existe des vérificateurs externes que l'on a chez nous qui, deux fois par année, viennent s'enquérir et puis s'assurer, à ce moment-là, que le travail est bien fait. On a engagé également... Quand j'ai parlé du docteur Allan Westin dernièrement, on lui a donné un mandat de faire une vérification à l'interne de toutes nos poli- tiques, nos systèmes en termes de sécurité et en termes de protection de vie privée également, et il est en train de faire son travail présentement. En fait, c'est le mandat qu'on lui a confié dernièrement.

M. Messier: O.K. Peut-être le dernier point. J'ai appelé chez Équifax ce matin pour vérifier mon dossier et j'ai appris que j'étais un délinquant, peut-être un petit délinquant, parce que le nombre d'opérations qu'on fait dans une année, un député... Non, non, mais avec le nombre d'opérations qu'on peut faire, être classé R2 et ne pas le savoir, c'est fatigant, ça. J'ai appelé ce matin, et ça m'a fatigué royalement. J'ai payé un compte; entre 30 et 60 jours il a été acquitté, sur, je ne sais pas... On peut faire 500 à 600 transactions bancaires, nous autres, les députés, parce qu'il y a tous les bureaux de comté et nos comptes personnels; et là j'ai appris que j'étais R2, donc plus que 30 jours, moins que 60 jours. Et dans combien de temps vous allez effacer ça? Dans 7 ans?

M. Chartrand: Oui.

M. Messier: Merci. Ça a été fait il y a 2 ans, donc possiblement qu'il me reste 5 ans.

Une voix: Le temps d'un mandat. Une voix: À tout péché miséricorde.

Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, il me reste - et nous avons dépassé le temps - à remercier les gens d'Équifax. La discussion a été animée et fort utile. Je suspends les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Doyon): Nous reprenons nos travaux en entendant les représentantes de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec. Je vois qu'elles se sont avancées et qu'elles ont pris place. Je leur souhaite la bienvenue. Il y a Mme Landry, je pense, et Mme Lacharité. Vous vous identifiez pour savoir qui est qui, pour les fins du Journal des débats, et nous allons partager le temps comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant, en essayant de le faire le plus équi-tablement possible, ce qui n'est pas toujours facile. Vous disposez donc de 10, 15, 20 minutes pour nous faire une présentation de votre mémoire et, après ça, les parlementaires vont entreprendre la discussion avec vous.

Vous avez la parole.

Corporation professionnelle des

conseillers et conseillères d'orientation du Québec (CPCCOQ)

Mme Landry (Louise): Merci. Je suis Mme Louise Landry et, à ma gauche, Mme Martine Lacharité, qui est secrétaire générale à la Corporation. Je vous remercie de bien vouloir nous entendre aujourd'hui.

Juste un petit mot. Nous sommes une corporation professionnelle à titre réservé, régie par le Code des professions, et notre mandat est de protéger le public en s'assurant de la qualité des services professionnels offerts par nos membres et en garantissant au public tous les droits de recours prévus aux lois professionnelles. Nous comptons un peu plus de 1500 membres qui travaillent dans les secteurs public, parapu-blic et privé aussi. Parmi l'ensemble des conseillers et conseillères, 24 % d'entre eux offrent des services privés, et nous estimons qu'au-delà de 35 % de nos membres seraient touchés par le projet de loi 68, les autres étant soumis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

La Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec accueille favorablement le projet de loi 68 visant à protéger les renseignements personnels dans le secteur privé. Ce projet de loi constitue un complément à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et permet ainsi de couvrir l'ensemble des lieux susceptibles de recueillir et de détenir des renseignements personnels. Nous croyons que cela améliorera considérablement la protection des individus au regard des dossiers pouvant être constitués à leur égard et de la divulgation des renseignements les concernant dans ces dossiers.

Nous désirons cependant exprimer nos inquiétudes en ce qui a trait aux renseignements personnels détenus par les membres des corporations professionnelles et ainsi soumis au secret professionnel en vertu du Code des professions. Il nous est apparu que le projet de loi 68 ne tient nullement compte du secret professionnel tel que prévu au Code des professions et en affaiblit ainsi considérablement sa portée. Cette protection des renseignements personnels a pourtant fait ses preuves et s'est avérée la meilleure protection en matière de renseignements personnels. Notre souci premier est de protéger les renseignements confidentiels que nous détenons sur les individus reçus en consultation professionnelle, et c'est dans cet esprit que nous abordons l'analyse du projet de loi 68.

Rappelons d'abord que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec stipule que chacun a droit au respect du secret professionnel et que le Code des professions prévoit l'adoption d'un code de déontologie qui impose à chaque professionnel des devoirs d'ordre général et particulier envers le public et envers ses clients, notamment le respect de certaines «dispositions visant à préserver le secret quant aux renseignements de nature confidentielle qui viennent à la connaissance des membres de la Corporation dans l'exercice de leur profession». Ces dispositions, prévues au Code des professions et à la Charte des droits et libertés de la personne, sont en vigueur, respectivement, depuis 1973 et 1975. Elles sont explicites et protègent efficacement les individus en ce qui a trait à tout renseignement confidentiel les concernant.

Des mesures disciplinaires sont prévues par les lois professionnelles et appliquées pour tout professionnel contrevenant à ces dispositions. Cependant, le projet de loi 68 comporte plusieurs articles remettant en question les dispositions précédentes en les ignorant totalement. Ainsi, l'article 17 du projet de loi prévoit une liste de neuf personnes ou organismes à qui il est permis de communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée.

Prenons, à titre d'exemple, le paragraphe 4° prévoyant la communication d'un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée à un organisme public au sens de la Loi sur l'accès aux documents, qui, par l'entremise d'un représentant, le recueille dans l'exercice de ses attributions ou la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. Cet article s'applique notamment à la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui gère un programme de prestations pour les personnes devant quitter leur emploi, temporairement ou non, suite à un accident de travail.

La CSST fait fréquemment appel à des conseillers et conseillères d'orientation en cabinet privé pour intervenir auprès de ces personnes afin de les aider à se réorienter et à envisager leur réinsertion au marché du travail. Actuellement, le prestataire consultant un conseiller d'orientation dans le cadre d'un programme de la CSST peut le faire en toute quiétude puisque les dispositions législatives du Code des professions et de la Charte protègent cette personne de toute divulgation de renseignements confidentiels sans son consentement exprès. Les seuls renseignements transmis à la CSST suite aux rencontres professionnelles portent sur les conclusions des rencontres par le biais de recommandations quant aux modalités de réinsertion professionnelle du prestataire.

Cependant, en vertu de l'article 17 du projet de loi, la CSST pourrait exiger la divulgation d'un renseignement de nature confidentielle concernant ses prestataires, ce qui est tout à fait contraire à notre code de déontologie, à nos règlements et à la Charte des droits et libertés. Cela compromet également l'efficacité des interventions professionnelles de nos membres, compte tenu de la nature de ces interventions et

de la nécessité d'établir un climat de confiance basé sur une garantie de confidentialité très stricte.

Bien que l'article 86 du projet de loi prévoie que les dispositions de cette loi n'auraient pas pour effet de restreindre la protection des renseignements personnels, ce qui serait nettement le cas dans l'exemple cité plus haut, nous croyons que cet article créera des problèmes d'interprétation et de la confusion aux yeux du public quant à la protection des renseignements personnels détenus par les conseillers et conseillères d'orientation.

Nous pourrions citer de multiples exemples de notre pratique professionnelle susceptibles de soulever les mêmes questions. Mentionnons simplement que la même situation surviendra concernant les prestataires de l'aide sociale devant obtenir une recommandation de la part d'un conseiller ou d'une conseillère quant au bien-fondé de leur projet de formation ou de stage en vue de leur réinsertion au marché du travail.

En vertu de l'article 17, toujours, un agent de programme de la CSST, de l'aide sociale, de la Société de l'assurance-automobile, du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels pourraient tous exiger des informations confidentielles pour justifier l'allocation de prestations. (16 h 20)

La même situation s'applique pour la dispensation de services dans le cadre d'un programme d'aide aux employés défrayé par l'employeur dans le cadre d'une convention collective. Nous croyons que l'ouverture créée par cet article risque de provoquer des abus et compromet la protection de la vie privée et des renseignements personnels, ce qui est contraire aux objectifs mêmes du projet de loi.

Nous pouvons supposer que les agents de programme ou tout organisme ou personne visés par cet article est de bonne foi. Malheureusement, notre expérience nous montre que ce n'est pas toujours le cas. Seulement au cours du mois de janvier dernier, deux conseillers d'orientation nous ont demandé conseil face aux demandes abusives d'agents de programme qui exigeaient les dossiers complets des clients prestataires, soi-disant pour vérifier si le travail avait été fait adéquatement et si les recommandations étaient vraiment pertinentes. Les conseillers d'orientation ont tous deux expliqué à l'agent de programme concerné que les lois professionnelles et la réglementation qui en découle interdisaient de transmettre des informations autres que le rapport qu'ils avaient déjà reçu sans l'autorisation du client, ce que nous avons dû confirmer, d'ailleurs, comme corporation, par écrit, texte de loi à l'appui.

Dans un cas, face au harcèlement de cet agent et au risque de perdre son emploi, le conseiller a finalement fourni des rapports complets en s'assurant toutefois de rayer les noms et informations permettant d'identifier le client prestataire. Le dossier ne s'arrêtera pas là puisque l'agent le harcèle toujours pour obtenir des dossiers personnalisés.

Dans l'autre cas, l'agent de programme a décidé de prendre contact directement avec les clients pour leur demander de signer un formulaire autorisant le conseiller d'orientation à lui transmettre le dossier complet. Les clients ont signé le formulaire d'autorisation, mais plusieurs d'entre eux ont rapporté au conseiller d'orientation qu'ils l'avaient signé sous la menace de perdre leurs prestations. Ils refusent cependant de témoigner à cet effet par crainte des représailles étant donné leur situation de dépendance financière à l'égard du programme qu'administre l'agent de programme.

La protection des renseignements personnels est plus grande dans la Charte des droits et libertés et dans le Code des professions que dans le projet de loi 68 en ce qui concerne les renseignements détenus par les membres des corporations professionnelles. Pourtant, cela n'empêche pas tous les abus, comme nous venons de le démontrer. Aussi, il nous apparaît extrêmement dangereux de diminuer, même en apparence, cette protection. Il faut éviter tout chevauchement de lois pour que la situation soit claire et permette aux citoyens et aux citoyennes de bénéficier de cette protection sans devoir faire appel à des juristes pour clarifier l'interprétation de trois lois s'appliquant à une même situation.

L'article 17 du projet de loi prévoit un régime d'exception tellement large et imprécis quant à la transmission de renseignements sans le consentement de la personne concernée qu'il diminue dramatiquement la protection des renseignements personnels. En conséquence, nous recommandons d'ajouter à l'article 17 un alinéa stipulant que cet article ne s'applique pas aux membres de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, qui sont ainsi tenus au secret professionnel.

Depuis l'adoption de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nous en sommes encore à démêler les imbroglios que suscite la double juridiction de cette loi avec les lois professionnelles dans les organismes publics. Par exemple, depuis de nombreuses années, le ministère de l'Éducation tente de faire le point sur cette question afin de fournir des informations claires et des modèles de code de conduite interne favorisant l'application des lois en matière de protection des renseignements personnels à l'école. La plus récente version du document, de novembre 1992, a été, encore une fois, soumise pour consultation à différentes instances et elle comporte encore des problèmes d'interprétation quant à la préséance d'une loi sur une autre. Le document doit être à nouveau révisé et n'est toujours pas disponible pour les personnels

scolaires concernés. Notons, d'ailleurs, que les problèmes d'interprétation les plus sérieux concernent les renseignements détenus par les professionnels soumis au secret professionnel en vertu du Code des professions.

Nous craignons que la même situation ne se reproduise en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé si le projet de loi 68 était adopté tel quel. Il va sans dire qu'une telle situation limite considérablement la portée d'une loi, tout aussi louable que soient ses objectifs.

De plus, nous nous interrogeons sur la pertinence d'assujettir les conseillers et conseillères d'orientation à cette loi, étant donné que le Code des professions et les règlements de la Corporation adoptés en vertu du Code prévoient déjà des règles particulières pour faire respecter les droits et obligations à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'un conseiller ou une conseillère d'orientation recueille, détient, utilise ou communique à des tiers dans le cadre de ses fonctions professionnelles, et ce, quel que soit son lieu de travail.

Les conseillers et conseillères d'orientation sont tous régis par le Code des professions et sont tous soumis au respect du secret professionnel. La réglementation qui en découle prévoit des dispositions plus strictes que le projet de loi 68 quant à la protection des renseignements confidentiels. Des dispositions sont également prévues par voie réglementaire quant aux renseignements que doivent contenir les dossiers, quant à l'accès aux dossiers et quant à la durée et aux modalités de conservation de ces dossiers pour en faciliter l'accès.

De plus, les mécanismes disciplinaires prévus au Code des professions fournissent des droits de recours à toute personne qui se verrait refuser l'accès à son dossier ou qui reprocherait un bris de confidentialité à un professionnel. Le Code des professions prévoit des amendes similaires à celles prévues au projet de loi 68 pour toute infraction en cette matière, en plus de prévoir la réprimande, la suspension, la limitation du droit d'exercice et même la radiation temporaire ou permanente.

Nous croyons qu'une protection étendue des renseignements personnels est d'autant plus importante dans le cas des conseillers et conseillères d'orientation que la nature de leur travail les amène à recevoir des confidences d'une nature très intime sur les personnes qu'elles rencontrent. De plus, les résultats de leurs interventions exigent l'établissement d'une relation de confiance qui ne peut exister sans une garantie absolue quant au respect du secret professionnel et sans l'assurance qu'aucune information confidentielle ne peut être transmise sans le consentement explicite de la personne concernée. Cette garantie est sérieusement compromise par le projet 68, particulièrement dans l'article 17. Nous nous permettons de rappeler que cette garantie de respect du secret professionnel a été consacrée par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et qu'elle devrait l'être également dans une loi visant à protéger les renseignements personnels, la vie privée et la réputation des personnes.

Il y a aussi, évidemment, des chevauchements de mandats, de structures dans l'application, qui peuvent être ennuyeux, parfois onéreux aussi, qui ne seraient évidemment pas nécessairement dramatiques, mais, le problème, comme corporation, que ça peut nous poser dans le rôle qu'on a à jouer, de conseil auprès de nos membres pour l'application de tout ce qui concerne la protection des renseignements personnels, c'est qu'on risque de ne plus s'y retrouver non plus entre toutes ces lois et de ne pas savoir quelle situation s'applique pour s'assurer de leur donner les informations adéquates en la matière.

Ce qu'on a constaté aussi, c'est que, même si l'article 86 prévoit que c'est la meilleure protection qui s'applique, quand on est face à un employeur ou quand on est en privé, qu'on est face à quelqu'un qui nous fournit une clientèle, qui est un tiers payeur pour des services, on n'a pas envie non plus de se retrouver en cour pour débattre quelle loi est la meilleure dans cette situation-là. Alors, il risque aussi d'y avoir des pressions indues qui rendent très difficile l'application par nos membres de cette réglementation-là.

Le Président (M. Maltais): Merci beaucoup, Mme Landry.

Alors, M. le ministre, pour quelques brèves questions, en vous rappelant que, moi aussi, j'ai des questions importantes à poser à Mme Landry.

Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Cannon: Vous avez la préséance, mon cher collègue. Allez donc, et, après quoi, je pourrai entamer. Alors, allez-y tout de suite.

Le Président (M. Maltais): Alors, Mme Landry, j'aimerais savoir quel genre de relations votre groupe professionnel entretient, par exemple, avec les travailleurs des services sociaux et le tribunal de la jeunesse? Quel genre d'informations se passent entre vos corporations et les travailleurs sociaux au niveau, pertinemment, des jeunes qui sont souvent en difficulté, qui sont référés par les services sociaux via le tribunal de la jeunesse? Est-ce qu'il y a un échange d'informations qui se fait entre professionnels comme vous?

Mme Landry: C'est-à-dire, qui se fait... L'échange qui est prévu par la Loi sur la protection de la jeunesse: quand un enfant est en danger, oui, on transmet l'information et toutes les informations pertinentes pour l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Sinon, on

ne transmet pas de dossiers sans l'autorisation soit de la personne, si elle est majeure, ou des parents ou des tuteurs, si la personne est mineure.

Le Président (M. Maltais): Par exemple, si vous recevez une demande d'informations du tribunal de la jeunesse, vous traitez des jeunes dans des écoles, vous recevez une demande d'informations du tribunal de la jeunesse ou du protecteur des jeunes, comment ça se passe? Est-ce que d'abord vous devez informer le tuteur ou le parent en conséquence ou si, de facto, vous transposez l'information au tribunal?

Mme Landry: Est-ce que tu as eu des cas comme ça? (16 h 30)

Mme Lacharité (Martine): Non, on n'a pas eu de cas, sauf que, si cette demande-là vient dans le cadre de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, bon, c'est très clair que les conseillers et toute personne doivent donner les renseignements. Il faut nuancer. Si c'est une information d'autre ordre pour faciliter le travail - ça peut être comme ça - ou en équipe multidisciplinaire, c'est évident qu'on se doit d'avoir l'autorisation de la personne - dans les cas de jeunes, c'est du parent - pour travailler ou donner les informations.

Le Président (M. Maltais): Par exemple, le CSS vous demande des informations concernant tel jeune ou tel jeune, en indiquant que le but de ces informations-là, c'est pour aider le CSS à trouver des foyers d'accueil. Est-ce que ça se fait avec le consentement ou sans le consentement?

Mme Lacharité: C'est difficile à vous répondre. Je n'ai pas de cas particulier. Quand c'est un délégué du directeur de la protection de la jeunesse, c'est différent. Ça dépend dé quel type, d'où la demande vient. C'est ça qui est important. C'est quand même une loi particulière, la Loi de la protection de la jeunesse, là.

Mme Landry: II y a quelque chose aussi qu'il faut peut-être démêler. Il y a dès informations qu'on peut transmettre sans le consentement de la personne. Il y a les renseignements de nature confidentielle qui sont contenus au dossier et il y a aussi un avis professionnel qui est émis par le conseiller d'orientation ou la conseillère qui a reçu cet enfant-là. Quand on a reçu un jeune en consultation à plusieurs reprises, on a un diagnostic. On peut avoir des recommandations professionnelles qui ne sont pas une trahison du secret professionnel.

Alors, quand l'intérêt de l'enfant est en jeu, évidemment, si c'est une question de sécurité, sa vie est en danger, tout ça, c'est automatique, là. Il n'y a pas d'autorisation à demander, c'est même une obligation à transmettre. Mais, quand ce n'est pas une situation comme ça, que ça peut être dans l'intérêt de l'enfant, on peut transmettre un avis professionnel, mais pas des renseignements confidentiels sans le consentement de l'enfant ou du tuteur ou du parent de l'enfant.

Le Président (M. Maltais): Merci. M. le ministre, à vous.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Mme Landry et Mme Lacharité, bienvenue. Il nous a fait plaisir de lire votre mémoire et d'écouter vos commentaires. Je veux me montrer rassurant un peu, cet après-midi, à l'égard des appréhensions que vous aviez par rapport à l'article 17 du projet de loi. Je veux vous dire que ça ne crée pas une obligation de fournir. C'est facultatif. Parce qu'on dit bien: «Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui». Alors, c'est facultatif, là. Vous aviez évoqué un facteur contraignant, mais je veux vous rassurer de ce côté-là.

Mme Landry: J'aimerais quand même préciser une chose. C'est que, même si, dans la loi, c'est facultatif, dans la pratique, il va y avoir des contraintes à le faire. Parce qu'on se retrouve, à ce moment-là, où les conseillers d'orientation vont être placés entre l'arbre et l'écorce, entre quelqu'un qui veut un dossier et quelqu'un qui fournit des clients, entre guillemets, aux conseillers d'orientation. Quand on reçoit, que ce soit les prestataires du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ou de l'aide sociale, peu importe, là...

M. Cannon: J'en suis avec vous, là. C'est pour ça qu'il y a la Commission, puis, s'il y a mésentente, la Commission est là soit pour faire de la médiation ou pour permettre, l'accès au dossier ou corriger le dossier.

Mme Landry: Mais sauf que, dans la pratique, moi, ce que je crains, c'est que les gens...

M. Cannon: Oui, mais je voulais juste peut-être...

Mme Landry: ...au lieu d'aller à ce mécanisme-là, finissent par transmettre le dossier.

M. Cannon: Mais il y a l'autre élément aussi, Mme Landry, qui est celui du secret professionnel, à l'article 9 de la Charte des droits. J'ai mentionné au début, à l'occasion de mes remarques préliminaires, que je n'avais pas l'intention d'empiéter sur un droit qui existe par ailleurs dans la Charte, en protégeant cette

disposition-là de la vie privée. et, tantôt, vous avez référé à l'article 86 du projet de loi, particulièrement le deuxième alinéa. il est là justement pour cette raison-là.

Mme Landry: Mais j'ai envie de vous suggérer, pour plus de...

M. Cannon: Allez! On est là pour écouter les...

Mme Landry: ...clarification, d'ajouter, vraiment, de spécifier de façon expresse que ça ne concerne pas le secret professionnel. Le secret professionnel doit toujours être préservé, malgré ça. Le secret professionnel, cette notion-là est définie à plusieurs endroits quand même dans la Charte, dans le Code des professions. Ça éviterait tellement de problèmes juridiques, tellement de...

M. Cannon: Ce serait donc, à ce moment-là, peut-être redondant. Je suis bien prêt à le soumettre aux spécialistes au niveau de la législation, mais ma compréhension de tout ça, c'est que ça serait redondant. On serait obligé d'inscrire tous les éléments de la Charte. Je vous dis, là, que l'esprit du législateur, ce n'est pas ça, ce n'est pas dans ce sens-là de vous brimer.

Mme Landry: Je suis ravie d'entendre que ce n'est pas dans l'esprit du législateur. Mais, des fois, dans l'application, c'est compliqué, comme on voit les problèmes que ça pose dans l'application de la loi de l'accès aux documents aussi.

M. Cannon: Je vais vérifier, au niveau de vos appréhensions, cet élément-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Maltais): Merci beaucoup, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, d'abord, je voudrais vous dire que je partage votre appréhension parce que, comme député et, avant ça, dans un autre métier, j'ai déjà eu affaire à la CSST. Je voudrais souligner que j'ai réglé mon premier cas avant Noël avec la CSST. Après trois ans comme député, c'est quand même mieux que rien.

Mais je reviens à votre crainte et je la comprends. C'est que les psychologues nous ont exprimé eux aussi la même chose, hier, à l'égard de la CSST. Ils ont dit: On nous réfère des personnes. Nous, on a un secret professionnel à préserver et en dépendent la qualité, la validité de la relation avec la personne qu'on nous réfère. Même chose pour les conseillers d'orientation. Si votre secret professionnel n'est pas protégé d'une façon absolue, votre travail devient impossible parce que la personne se ferme comme une huître, elle vous voit comme susceptible de renseigner la CSST sur elle, alors qu'en fait vous venez l'assister, vous êtes une ressource aidante pour réorienter, mettons, sa carrière.

Je pense que le ministre devrait voir que, si on met «peut», ça va devenir «doit», parce que l'organisme, dans les faits, ça va devenir «doit», parce que je connais les organismes de cette taille. Il n'y a qu'à dire à quelqu'un: On peut ne plus vous donner de contrat si vous ne nous donnez pas un renseignement que la loi vous autorise à nous donner. Je suis parfaitement d'accord avec le ministre. Il a raison de dire que, si on met «peut» dans la loi, ça n'a pas le sens de «doit». Mais, si tu ne peux pas, on peut ne plus te référer personne. Puis c'est comme ça que ça se passe en pratique, souvent. Alors, je trouve qu'il faudra trouver une manière d'avoir comme préséance le secret professionnel parce que, dans le fond, les psychologues vivent la même chose que vous autres. Ils disent: Nous, après le processus, on discute avec la CSST des conclusions...

Mme Landry: Des recommandations.

M. Bourdon: ...et des recommandations d'ordre pratique qu'on fait. Ça n'a pas le même sens.

En tout cas, cela dit, sur l'ensemble du projet de loi, il n'y a pas d'opposition partisane dans cette commission parlementaire ci, de telle sorte qu'on va avoir l'occasion de s'en reparler et de tenir compte de vos observations. J'ai lu attentivement ce que vous dites à cet égard-là et je trouve que le secret professionnel doit vous être imposé, sinon vous allez être soumis à de rudes pressions, puis, après ça, pour l'organisme, c'est facile d'avoir une liste de ceux qui fournissent les renseignements et de ceux et celles qui ne les fournissent pas. Puis, comme par hasard, ceux et celles qui ne les fournissent pas se retrouvent boycottés. Je ne dis pas que la CSST entend le faire, mais on sait que la nature a horreur du vide. Quand il y a un trou qui permet de s'immiscer, tous les organismes sont pareils, ils ont tendance à vouloir entrer dedans. (16 h 40)

En tout cas, moi, je tiens à vous dire, à cet égard, que vos préoccupations sont légitimes et je pense qu'elles ne tiennent pas qu'à votre sort comme «professionnels de», dans le sens qu'il en va, selon moi, de la relation que vous pouvez établir avec le bénéficiaire de vos services. Si je sais, moi, que ce que je dis peut être révélé à un tiers, je n'ai pas l'ouverture d'esprit et je ne suis pas porté à la confidence, et votre travail de conseillère, conseiller en orientation s'en trouve influencé. Ce que je veux dire, les limites de mes défauts, je ne les mentionnerai pas à quelqu'un qui peut les donner

à un tiers, mais à une personne qui me dit: Bien, ce n'est pas la fin du monde de ne pas être capable de faire ça; ce qu'on veut connaître, c'est ce dont vous êtes capable. Bien là, la confidence, je pense, est une garantie du succès de votre intervention, et je souligne qu'hier la Corporation professionnelle des psychologues avait une préoccupation analogue.

Mme Landry: II y a aussi certains préjudices, si je puis me permettre. Il y a la partie, évidemment, qui nuit au travail parce que la relation de confiance n'est plus là, mais il y a des préjudices réels qui peuvent être causés à des personnes aussi en transmettant des dossiers.

Je vais vous donner un exemple. Dans le cadre d'un programme d'aide aux employés qui est mis en place pour une convention collective, alors l'employeur peut demander si on a reçu, par exemple, une cliente qui était harcelée sexuellement à son travail et qui veut changer d'emploi. Ça se comprend, on lui fait passer une batterie de tests pour ça dans lesquels il y a des tests d'intérêt, d'aptitudes, de personnalité. Les tests de personnalité vont forcément faire ressortir des tendances paranoïdes parce que, dans une situation de harcèlement sexuel, c'est automatique. Ça ne signifie pas, par contre, que cette personne-là est paranoïaque.

Un peu plus tard, l'employeur exige d'avoir le dossier. Il dit: Elle postule pour un nouvel emploi. Vous lui avez fait passer des tests. Moi, je veux voir ça. Il demande le dossier. Bon, on se retrouve dans une situation où l'employeur ou un agent de ressources humaines a le dossier dans le cadre d'une sélection de personnel. Il utilise le test de personnalité hors contexte. Sans les rapports d'entrevue qui vont avec, il dit: Cette personne-là est paranoïaque. On n'est pas pour l'engager dans cette job-là. C'est fini. Cette personne-là n'aura jamais de promotion dans l'entreprise.

On ne connaît pas l'utilisation qui va être faite des dossiers si on transmet des dossiers complets, et ça, c'est extrêmement dangereux pour les personnes qui nous consultent, si on transmet des choses comme ça, parce qu'on n'a pas le contrôle. Nous, quand on transmet, c'est selon des normes. On peut s'assurer de comment ça va être utilisé après, que la personne est en mesure de l'interpréter et de ne pas l'utiliser à l'encontre de la personne aussi, là, mais pour les fins pour lesquelles c'était prévu aussi, alors que, là, il y a un danger.

M. Bourdon: Je trouve votre exemple pertinent parce que les psychologues, hier, donnaient un exemple tout à fait de même nature. Ils disaient: La personne a droit de voir son dossier, mais un test d'intelligence, par exemple, il faut que ça soit mis en contexte, parce que la donnée seule, isolément, peut porter à fabuler et à trouver toutes sortes d'interpréta- tions erronées. Je sais qu'il y a une différence, mais, dans votre cas, tendances paranoïdes, quand on est soumis à du harcèlement sexuel, ça s'explique. Les psychologues disaient la même chose.

Dans le fond, si on rend un dossier à une personne, bien, il faut le faire au complet avec les explications pertinentes, sinon ça peut être utilisé... Et vous avez raison, à l'égard de la capacité de promotion de cette personne-là, ça peut la suivre toute sa vie, dans le fond.

Avant la commission de l'automne 1991, on avait vu un beau film de l'ONF sur les renseignements personnels, où on voyait un comité de sélection fictif avoir toutes sortes de renseignements, puis on s'apercevait que c'est la donnée d'ordre psychologique qui, finalement, entre deux candidats à peu près d'égale compétence, faisait qu'il y en avait un d'écarté. Dans la sélection pour des promotions, on sait comment ces renseignements-là deviennent ultrasensibles parce que, toutes choses étant égales par ailleurs, bien, les gens ont encore des préjugés sur les maladies mentales, puis ça devient tout de suite une chose que le milieu de l'entreprise a en horreur, un facteur de risque. Alors qu'en réalité, je reviens à l'exemple que vous donniez, la personne en question ne présente aucun risque. C'est plutôt son supérieur, qui est peut-être sur le comité de sélection, qui est une personne à risques.

Le Président (M. Doyon): D'autres commentaires de la part des parlementaires?

Alors, il me reste à... Je pense que votre démonstration a été convaincante. Il n'y a pas trop de chicane avec vos représentations, d'après ce que je peux voir. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, soit Mme Lacharité ou Mme Landry?

Mme Landry: Non, ça va. Nous... Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Landry: ...on veut s'assurer que vous ayez bien compris ce dont on parle. Ça semble être le cas. Nous vous en remercions beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Message reçu cinq sur cinq. Alors, merci beaucoup.

Alors, maintenant que les gens de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec nous ont fait leur présentation, il nous reste, en les remerciant, à inviter l'Association des compagnies de fiducie du Canada à bien vouloir s'avancer. Ils sont représentés par M. André Forest ainsi que par Mme Denise Lancop Costello.

Je leur souhaite la bienvenue et, pendant qu'ils s'installent, je leur indique que nous allons les écouter avec beaucoup d'attention et que, une fois qu'ils nous auront fait la présentation qu'ils désirent nous faire, les parlementaires vont

discuter avec eux d'un certain nombre de points qu'ils ont eu l'occasion de soulever dans leur mémoire ou le résumé qu'ils en feront.

Alors, M. Forest ou Mme Costello, vous avez la parole.

Association des compagnies de fiducie du Canada

M. Forest (André): Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, ma collègue, Mme Costello, qui est vice-présidente aux politiques gouvernementales de l'Association des compagnies de fiducie du Canada, et moi-même, qui en suis le président dans la section du Québec de l'Association, nous sommes certainement très heureux d'être ici, aujourd'hui, pour présenter des commentaires au sujet du projet de loi 68, au nom des sociétés membres de l'Association.

Notre association, en fait, représente quelque 57 sociétés de fiducie dont plusieurs ont des opérations dans la province de Québec. L'objet de vos délibérations, le caractère confidentiel des renseignements personnels détenus dans le secteur privé, est important. Nos clients ont aussi identifié cette question comme étant importante et nous avons toutes les raisons de croire qu'elle ne l'est pas moins pour l'ensemble des consommateurs québécois. Mais je m'empresse d'ajouter que la préoccupation de nos clients est une préoccupation générale et qu'elle n'est fondée sur aucune expérience personnelle d'abus de renseignements personnels.

Au meilleur de notre connaissance, la mauvaise utilisation des renseignements personnels - et ça aura peut-être l'air un petit peu prétentieux - n'est tout simplement pas un problème dans les sociétés de fiducie. La confidentialité des renseignements personnels au sujet de nos clients a toujours constitué, pour nous, une haute priorité. Non seulement cet aspect est-il fondamental aux activités d'intermédiation financière, mais il est logique, sur le plan des affaires, de respecter les normes de conduite rigoureuses qu'attendent de nous nos clients. Nos antécédents de fiduciaires nous ont aussi inculqué un solide préjugé en faveur de strictes règles de confidentialité des renseignements personnels.

Les obligations traditionnelles des institutions financières en matière de confidentialité ont été confirmées, vous le savez, il y a déjà longtemps, par les tribunaux. Ainsi, les principes de Tournier qui définissent seulement quatre catégories de situations où l'obligation de confidentialité du banquier envers son client n'est pas absolue ont été appliqués de façon systématique depuis le début des années vingt.

La loi du Québec et la loi fédérale sur les sociétés de fiducie prévoient l'une et l'autre la possibilité d'adopter un règlement pour protéger la confidentialité des renseignements personnels.

En vertu de la nouvelle loi fédérale, les administrateurs d'une société de fiducie sont tenus d'établir des procédures visant à restreindre l'utilisation des renseignements confidentiels. Un comité du conseil d'administration doit être désigné pour assurer un suivi de ces procédures. Les sociétés de fiducie sont tenues de protéger leurs dossiers contre la perte, la destruction ou la falsification. Elles doivent faciliter la détection et rectification des renseignements inexacts et elles doivent s'assurer que des personnes non autorisées n'ont pas accès ou n'utilisent pas les renseignements qui se trouvent dans leurs registres et dossiers. (16 h 50)

Les sociétés doivent établir des procédures pour traiter les plaintes des clients. Elles doivent désigner un agent ou un employé qui sera responsable de l'application de ces procédures et de la réception et du traitement des plaintes. De plus, elles doivent déposer auprès du Surintendant une copie de ces procédures. Elles doivent aussi indiquer aux clients qui ont déposé une plainte comment communiquer avec le Surintendant. Veuillez noter que de telles procédures sont déjà en place depuis plusieurs années et que le ministre fait rapport à la Chambre des communes au sujet des plaintes déposées contre des institutions financières.

En outre, pour les opérations portant sur des fonds communs de placements et des titres, les principes de réglementation des autorités canadiennes en valeurs mobilières renferment des règles de confidentialité. Le Québec est l'une des provinces signataires de ces principes. En outre, les règles de l'Association canadienne des paiements, l'ACP, qui est responsable des activités de compensation et de règlement, comportent aussi des exigences de confidentialité relativement à la transmission des données par voie électronique.

Nous avons donc abordé notre examen du projet de loi 68 en tant qu'industrie qui est tenue de respecter et qui applique des normes élevées en ce qui a trait au caractère confidentiel des renseignements au sujet de ses clients. Nous croyons que notre expérience nous a amenés à comprendre ce qui devait constituer un équilibre approprié entre la vie privée et la libre circulation des renseignements essentiels dans une économie de marché. Nous appuyons les grands principes de protection de la vie privée énoncés dans le nouveau Code civil du Québec et nous sommes en faveur de l'adoption d'une loi d'application raisonnable visant à interpréter ces principes.

En termes généraux, le projet de loi 68 renferme les éléments nécessaires pour articuler ces principes, et nous en partageons l'esprit. De nombreuses dispositions du projet de loi semblent bien intentionnées, mais, prises ensemble, elles ont des répercussions extrêmement onéreuses. En outre, certaines exigences auraient un effet

dévastateur si elles étaient appliquées dans la réalité des opérations commerciales d'aujourd'hui.

Le projet de loi 68 ne parvient pas à réaliser un équilibre approprié entre les exigences conflictuelles de la protection de la vie privée et de la libre circulation des renseignements. À notre avis, il engendrerait des conditions trop restrictives au fonctionnement des entreprises. Nous sommes d'avis que, par le projet de loi 68 dans sa forme actuelle, on établit un cadre pour le secteur privé qui ne semble pas, à notre avis, au diapason des lois en matière de protection de la vie privée en vigueur partout ailleurs dans le monde occidental. Celles-ci visent le maintien de la libre circulation des données personnelles. Le projet de loi 68 semble vouloir protéger à tout prix le caractère confidentiel des renseignements personnels.

Il ne reconnaît pas non plus les différences marquées dans le degré de sensibilité des données personnelles et les modalités d'opération des secteurs. Il ne tient aucunement compte des pratiques commerciales légitimes, comme celles de notre industrie, qui se sont développées au fil des années pour répondre aux besoins des clients. Il confie, à notre sens, à la Commission d'accès à l'information des pouvoirs très étendus et des responsabilités qui pourraient la placer en conflit d'intérêts.

Enfin, il soulève des attentes qui ne pourront pas être satisfaites sans une hausse importante des dépenses de la Commission. Ces fonds proviendront-ils du trésor public, déjà soumis à des contraintes, ou le gouvernement mettra-t-il de côté d'autres priorités, ou bien envisage-t-on de demander aux entreprises de participer au financement du bureau de la Commission, ce qui reviendrait à demander aux consommateurs de payer ces dépenses par le biais de prix plus élevés?

Un meilleur équilibre entre la vie privée et la libre circulation des renseignements aurait certainement pu être réalisé. Nous avons toutes les raisons de croire que le projet de loi 68 peut être modifié pour parvenir à un équilibre approprié. Les problèmes que comporte le projet de loi 68 semblent centrés autour de la définition d'un dossier, à l'article 4, et de la détermination de ce qui est pertinent à la conclusion ou à l'exécution du contrat, et on réfère aux articles 5 et 8. Une approche moins rigide, plus simple à ces questions fondamentales aurait, selon nous, contribué dans une large mesure à résoudre bon nombre des complexités du projet de loi.

En outre, nous croyons qu'un recours plus étendu à l'autoréglementation du secteur privé, qui est l'approche préconisée par l'OCDE et celle adoptée par le gouvernement fédéral, allégerait le fardeau administratif et financier de la Commission et soustrairait celle-ci au risque d'un conflit d'intérêts.

Nous sommes particulièrement intéressés à ce que l'autoréglementation donne de bons résultats. Cet intérêt est lié au manque d'harmonie des lois auxquelles nos sociétés sont assujetties, d'une sphère de compétence à l'autre, et au sein même de celles-ci. Ce problème nous impose un fardeau au niveau des coûts et de l'administration, qui restreint notre capacité de concurrencer les grandes banques, qui relèvent de la compétence fédérale. Nous sommes préoccupés au sujet de la possibilité que ce manque d'harmonie aille en s'aggravant, alors que chaque gouvernement procède à l'adoption de ses propres exigences particulières en matière de protection du caractère confidentiel des renseignements personnels.

En conséquence, nous pensons que ce domaine de la protection du consommateur offre au gouvernement l'occasion d'inciter l'industrie à élaborer des normes sectorielles spécifiques qu'elle est en mesure d'appliquer et qu'elle respectera parce qu'elle aura participé à leur élaboration. Nous croyons que l'industrie des services financiers peut s'autoréglementer de cette façon et que cette autoréglementation se révélera très efficace. Dans notre industrie si étroitement supervisée, nous sommes d'avis qu'une combinaison de transparence et de forte concurrence devrait constituer une garantie d'équité pour les consommateurs.

En conséquence, il y a plus de deux ans, l'Association a commencé à élaborer un code de pratique pour l'industrie fiduciaire. Nous avons mis la dernière main à ce code, il y a un mois, et les sociétés membres s'apprêtent à le mettre en application. Nous espérons vivement que cet exercice, entrepris de bonne foi et dans l'intérêt de nos clients, n'aura pas constitué une vaine initiative.

En conclusion, M. le Président, les membres de l'Association des compagnies de fiducie du Canada sont d'avis que le projet de loi 68 doit être modifié pour tenir compte de la réalité des activités et des besoins des entreprises. Nos sociétés membres sont prêtes à collaborer à l'élaboration des modifications techniques requises.

Mme Costello et moi-même seront certainement disposés, M. le Président, à répondre à vos questions.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Forest. M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

M. Forest, Mme Costello, bonjour. Ça me fait plaisir de vous accueillir ici à l'Assemblée et d'échanger avec vous sur votre mémoire dans le cadre du projet de loi 68. Je dirais, là, que, si je résume un peu ce que vous nous avez dit, c'est que vous ne vous opposez pas en soi au projet de loi ou à ses intentions, mais plutôt à son contenu, et cette Association préférerait la voie autoréglementaire encadrée par une législation. C'est bien ça?

M. Forest: C'est tout à fait juste.

M. Cannon: Est-ce que vous estimez que l'autoréglementation sans incitation ou sans incitatif législatif peut donner de bons résultats?

M. Forest: Mme Costello, peut-être que vous aimeriez commenter sur ce point-là.

Mme Costello (Denise Lancop): Oui, certainement. Je vais répondre en principe parce que, comme vous l'avez dit, M. le ministre, nous reconnaissons qu'ici, au Québec, ce n'est pas la situation. Ce serait une autoréglementation sous une loi d'application sous le Code civil, et vous avez aussi la loi, qui était le projet de loi 11, qui peut étendre la portée d'un code de déontologie. Alors, oui, en principe... Pardon?

M. Cannon: Non, non, juste le projet de loi. C'est juste au niveau des numéros, là. Je veux dire, c'est tel projet de loi au nom de mon collègue, M. Savoie. (17 heures)

Mme Costello: En principe, oui, c'est ça ce qui a été prévu par l'OCDE et supporté par le gouvernement fédéral. C'est l'autoréglementation ou la réglementation... Si c'est l'autoréglementation, ça devrait être l'autoréglementation. Pour notre secteur, un secteur qui est supervisé de si près, il n'y a pas de question si ça va fonctionner. La transparence, comme M. Forest l'a dit dans ses remarques, et la concurrence aident les consommateurs à être certains que ça soit observé. Aussi, il ne faut pas oublier le pouvoir du Surintendant. Et puis il y a une entente entre le Surintendant au niveau fédéral et celui du Québec et celui de l'Ontario où ils partagent l'information sur les plaintes.

M. Cannon: Toujours dans le cadre des lignes directrices de l'OCDE, vous savez que le fédéral fait la promotion - et vous l'avez mentionné plus tôt - des lignes directrices de l'OCDE, surtout depuis 1985. Une série de questions: Comment se fait-il que votre association ne s'est donné un code de conduite en matière de protection des renseignements personnels que tout récemment? Et dites-moi: Qui l'applique chez vous? Quels sont les recours pour les personnes concernées? À qui doivent-elles s'adresser? Y a-t-il des sanctions de prévues et, dans le fond, est-ce qu'on peut en avoir une copie?

Mme Costello: Vous avez beaucoup de questions, M. le ministre. La dernière, oui, nous avons apporté des copies. Nous avons juste fini. Un code de déontologie n'est pas facile à compléter. C'est un exercice très complexe. Premièrement, nos compagnies de fiducie ont vraiment peu d'activités à l'étranger. Alors, nous n'étions pas les premiers à être contactés par le ministère des Affaires extérieures et le ministère de la Justice fédéral. Nous avons reçu une approche à peu près... je pense, en 1989, et puis, à ce moment-là, nous avons commencé, mais c'est un processus très long. Il faut aller dans chaque fonction de la compagnie pour examiner quelle information nous avons, comment elle est retenue, comment on fait la collecte de cette information, comment on l'utilise.

Aussi, pour nous, nous avons, dans notre association, des compagnies fédérales, des compagnies provinciales, ontariennes, québécoises. Les lois sont différentes. Alors, il fallait examiner la situation présente autant que prévoir la situation dans l'avenir, avec la nouvelle loi fédérale, quels seraient les pouvoirs. Alors, nous l'avons pris au sérieux, et c'est un processus très long, très sérieux, et puis, franchement, ceux qui ont préparé un code de déontologie vous diraient la même chose: deux ans, un peu plus que deux ans, ce n'est pas beaucoup de temps.

M. Cannon: À votre avis, est-ce que c'est plus complexe qu'un projet de loi? Non, je blague, mais...

Mme Costello: Nous n'avons pas le personnel que vous avez.

M. Cannon: Dites-moi, madame...

M. Forest: C'est certainement aussi complexe, mais ça nous met moins de limitation.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Cannon: Oui, ça, O.K. Mais les recours des personnes concernées, quels sont-ils?

Mme Costello: Dans un code autoréglementaire, il faut viser surtout les recours de la compagnie, premièrement. Alors, chaque compagnie doit installer un processus interne pour régler les différends et, ensuite, il faut qu'ils donnent l'information qu'ils peuvent aux consommateurs. S'ils ne sont pas satisfaits, apporter leurs plaintes au Surintendant, et puis il y a des ententes entre les... Parce que, pour nous, pour nos compagnies, c'est très compliqué. Comment est-ce qu'on l'explique aux consommateurs? Est-ce qu'il nous faut une «matrix» sur le mur? C'est une compagnie provinciale, c'est une compagnie fédérale, c'est une question de confidentialité, c'est une question de quelque chose d'autre. Alors, il y a une bonne entente, ça fonctionne très bien. En effet, c'est une extension, disons, du processus qui a été instauré, en 1988, pour d'autres plaintes.

M. Cannon: Oui, je comprends un peu la difficulté au niveau des chevauchements avec le Surintendant, etc., et j'ai eu l'opportunité d'annoncer, hier, mon intention d'examiner ça

peut-être plus attentivement pour essayer de les éliminer. Alors, je pense que, sur cet aspect-là, déjà, vous pouvez être assuré de ma collaboration de ce côté-là.

Je n'ai plus de questions, M. le Président. Mon collègue de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Doyon): Non, M. le député de Pointe-aux-Trembles m'a fait signe qu'il n'avait pas d'autres questions. Alors, je pense que le message que vous nous avez transmis a été fort bien reçu. Aussi les problèmes que vous rencontrez sont d'un autre ordre que ceux qui ont été soulevés jusqu'à maintenant et tout aussi importants, et M. le ministre a indiqué qu'il était prêt à tenir compte des représentations que vous aviez faites.

Alors, à moins que vous ayez quelque chose de plus à dire, il me reste à vous remercier d'avoir pris la peine, premièrement, de nous faire parvenir votre mémoire... À moins que M. le député de D'Arcy-McGee... Non? On vous remercie de nous avoir fait part... de nous avoir envoyé votre mémoire dont nous avons pu prendre connaissance, il y a un certain temps, et d'avoir pris la peine de vous déplacer et de venir nous rencontrer. Alors, je vous remercie et soyez assurés que nous allons tenir compte de vos remarques, de vos représentations. Merci beaucoup et bon retour.

M. Forest: De notre côté, on veut simplement vous assurer de notre très entière collaboration.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Forest, merci, Mme Costello. Merci.

Donc, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture continue ses travaux en recevant l'Organisation éducation et information logement et le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement. Je leur souhaite la bienvenue à cette commission.

Je leur indique qu'ils disposent de 15, 20 minutes pour nous faire part de leur mémoire ou en faire un résumé, comme ils voudront. Nous, on l'a déjà reçu. Vous pouvez en faire une synthèse, si vous préférez. Après ça, la discussion va s'engager avec vous pour une période de temps égale entre les membres de l'Opposition et les membres du parti ministériel.

Si vous voulez bien, tout d'abord, vous présenter, de façon à ce que vos noms soient inscrits au Journal des débats, s'il vous plaît. Je vous souhaite la bienvenue.

Organisation éducation et information

logement (OEIL) et Regroupement des

organismes du Montréal ethnique

pour le logement (ROMEL)

Mme Bélec (Denise): Denise Bélec, de l'OEIL Je suis responsable des communications.

Mme Hontebeyrie (Isabelle): Isabelle Hon-tebeyrie, du ROMEL

M. Landry (Alain): Alain Landry, de l'Organisation éducation et information logement. C'est du quartier Côte-des-Neiges, à Montréal.

M. Oré (Martin): Martin Oré, de ROMEL

Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue. Vous avez la parole et on est prêt à vous écouter.

Mme Bélec: Avant de commencer, on aimerait vous présenter, premièrement, nos organismes. Moi, je suis pour l'OEIL On a été fondé en 1971. On est un organisme à but non lucratif qui vise l'amélioration des conditions de logement des résidents du quartier Côte-des-Neiges à Montréal. Ce quartier est fortement multiethnique et compte environ 86 000 habitants. La proportion de logements est de 85 % locatifs, qui sont localisés, pour la plupart, dans des immeubles d'appartements.

Nos interventions et nos services ont comme but de venir en aide aux moins favorisés et de lutter contre la détérioration des logements et la pauvreté. Nos interventions dans le quartier se divisent en deux secteurs, soit l'aide directe aux locataires, ce qui peut inclure la rédaction de lettres, la préparation de demandes à la Régie du logement ou des interventions auprès de la ville. Nous les informons de leurs droits, de leurs obligations et de leurs recours possibles. Nous cherchons à favoriser la solidarité et le regroupement des locataires, permettant ainsi des actions communes et plus efficaces pour le développement du logement social dans le quartier.

Présentement, dans le logement, les candidats locataires ont de plus en plus besoin de remplir des formulaires de demande de location. Ça les gêne de donner un nombre excessif de renseignements personnels. Vous avez d'ailleurs, en annexe à notre mémoire, des formulaires de demande de location sur lesquels on retrouve des informations qui ne sont pas nécessairement pertinentes à la demande de location d'un logement. C'est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir vous présenter, ce soir, nos points de vue sur le projet de loi. Merci.

Mme Hontebeyrie: Le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement a été créé en 1984 pour répondre aux

besoins des communautés culturelles en matière de logement. Le ROMEL compte aujourd'hui 33 organismes membres qu'il dessert en habitation. Ayant acquis une certaine expertise dans son domaine d'intervention qui est le logement, le ROMEL a donc été vivement intéressé par le projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et, plus particulièrement, par son application au secteur locatif. Nous vous remercions donc de nous avoir donné l'occasion de vous adresser un mémoire et de participer à l'audition publique afin de faire valoir nos points de vue en tant qu'organisme concerné par les droits des locataires.

Dans ce contexte, il nous est apparu important, en collaboration avec nos collègues de l'OEIL, de nous pencher sur la réglementation des renseignements personnels, qui sont de plus en plus demandés aux quelques centaines de milliers d'aspirants locataires que compte la ville de Montréal. En effet, les formulaires de demande de logement ont de plus en plus tendance à être encombrés de renseignements dont on ne peut s'empêcher de questionner l'utilité, comme, par exemple, l'âge et le sexe des colocataires, la nationalité, la langue, l'état civil et bien d'autres pour lesquels on ne peut que souhaiter une réglementation ferme, tant pour la cueillette que pour l'utilisation et leur transmission.

Je laisse donc maintenant à M. Oré, du ROMEL, et à M. Landry, de l'OEIL, le soin de vous présenter d'une façon plus détaillée le contenu de nos réflexions.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Landry: Voilà, merci. Alors, comme il a été mentionné un peu plus tôt, plusieurs candidats locataires... Et, dans une ville comme Montréal, le «locatariat», si je puis dire, peut-être malheureusement, mais c'est encore très important, c'est plus de 70 % de la population. Alors, dans cette population-là, il est de plus en plus utilisé des formulaires simplement pour savoir si on va avoir le logement ou non. Ce qui nous inquiète ou ce qui se produit comme pratique, c'est que ces formulaires-là sont parfois centralisés à une association de propriétaires ou à une agence, une espèce d'agence de crédit, comme le Groupe Proprio le fait à Montréal, une agence qui va elle-même redonner des dossiers de crédit ou des bonnes ou mauvaises cotes aux locataires, à leurs membres ou aux propriétaires qui vont en faire la demande.

Cette question-là a été connue et publicisée au début des années quatre-vingt. Je vous rappelle l'épisode des listes noires de locataires, qui a fait pas mal de bruit publiquement, en 1983, 1984. Des gens, comme Pierrot Péladeau, maintenant à la Ligue des droits et libertés, et un groupe de recherche de l'Université de Montréal, le Groupe de recherche informatique et droit, avaient documenté cet épisode-là des listes noires en affirmant qu'il y avait près de 50 000 locataires fichés sur une liste noire, donc fichés comme étant des locataires indésirables. Et, comme c'est le cas jusqu'ici, on vient ici parce que la brèche, on l'espère, sera bouclée. À l'époque, ce dont on s'est rendu compte, c'est que, de telles pratiques, évinçant quelqu'un du marché du logement et l'évinçant, à tout le moins, d'une partie du parc immobilier contrôlé par ces associations de propriétaires, ces pratiques-là se faisaient dans un vide juridique.

Le deuxième élément historique, même si je me dépêche, ce qui nous a amenés ici, c'est que, autant le ROMEL que mon organisme, l'OEIL, on a participé à un comité de travail il y a un an et demi ou deux ans, avec à la fois la Commission des droits de la personne et la Régie du logement, auquel comité ont participé nos groupes comme représentants de locataires dans un quartier peuplé de beaucoup de locataires, 60 000 personnes environ, et peuplé aussi de beaucoup de groupes potentiellement discrimina-bles, notamment les nouveaux arrivants au Canada, au Québec, nos confrères des communautés culturelles. À ce comité-là étaient aussi les principales associations de propriétaires: la CORPIQ, l'Association des propriétaires du Québec et le Groupe Proprio et Crédit-Proprio.

Si je relate ici cette expérience-là, c'est pour simplement résumer que ça s'est terminé sur un échec et pour constater avec vous que, quand des gens de l'industrie vous parlent d'autorégle-mentation, on avait, à ce moment-là, une possibilité avec des espèces de médiateurs - j'appelle ici la Régie du logement et la Commission des droits - et les consommateurs, nous, d'un côté, on avait une possibilité d'autoréglementa-tion. Ça s'est terminé sur un échec. Ils ont préféré dire: La législation ne nous oblige à rien maintenant, on n'ira pas plus loin. Le but de ce comité-là était d'avoir un formulaire type pour demander des logements, qui excluerait certains renseignements trop personnels et qui garderait ceux nécessaires à évaluer notre candidature. Alors, ces gens-là ont arrêté le travail du comité, ne se sont pas entendus avec nous sur le formulaire type et ils n'ont depuis, non plus, rien fait. Le dossier avait été lancé; ils auraient pu, dans notre secteur, l'habitation, faire quelque chose pour protéger nos renseignements. Ils ne l'ont pas fait. (20 h 10)

Pour me concentrer sur le mémoire pour les cinq minutes qui me restent environ - plus de cinq minutes pour notre temps, mais je voudrais laisser l'occasion à M. Oré d'ajouter quelques mots - nous, on s'est concentrés sur quatre articles, comme vous l'avez vu. Dans un premier temps, c'est l'article 5. Compte tenu qu'aux locataires on demande souvent les numéros de permis de conduire, les numéros de comptes bancaires, il nous semblait que le terme «pertinent» était un peu trop large. Alors, au bas de

cette page, la première page des analyses et recommandations, on recommande l'utilisation d'un terme comme «nécessaire» à l'objet du dossier. Ça nous semblerait plus approprié que «pertinent». J'ajoute que ce terme-là, selon mes connaissances, est le terme actuellement utilisé dans la loi pour le domaine public, pour le domaine gouvernemental. Alors, il y aurait correspondance entre la loi pour les renseignements dans le secteur privé et le secteur public.

Le deuxième commentaire, c'est à l'article 6 où on dit que la personne qui recueille des renseignements personnels doit les recueillir auprès de la personne concernée. On voudrait s'en tenir au principe du premier alinéa. Nous craignons toute forme de collecte faite auprès de tierces personnes, finalement.

À l'article 7 - et j'espère que mon effort d'accélération ne crée pas de confusion - c'est quelque chose d'extrêmement important pour nous autres. Souvent, on se présente à de grosses corporations, parfois des membres d'une association, et il nous semble pertinent que, par cet article-là, qui exige que ceux qui vont prendre nos données, qui vont les centraliser et qui vont constituer des dossiers... il nous semble que ces personnes-là devraient effectivement nous donner leur nom et leur adresse et les renseignements minimaux pour qu'on sache comment consulter notre dossier ou le rectifier, puisqu'on ne sait pas, même une fois déménagé de notre logement, ce dossier-là peut se promener.

Alors, le deuxième alinéa de l'article 7, qui dit que ledit article ne s'applique pas à la collecte de renseignements faite à l'occasion de la fourniture d'un bien ou de la prestation d'un service, c'est un alinéa que nous aimerions voir retirer puisqu'on considère que, quand on loue un logement, on est en train de donner des renseignements qui visent à la signature d'un contrat, à la fourniture d'un service, ce qui fait que cet article-là ne s'appliquerait pas au candidat locataire. C'est bien ça. Je recommande donc que ce soit biffé.

L'article 8: «Nul ne peut refuser de procurer un bien...» Ici, c'est la question... Je ne sais pas si ça a été discuté précédemment par d'autres organismes que le nôtre, c'est la question du renseignement normalement recueilli qui nous pose problème. Je sais, pour avoir suivi dans les médias, que la Commission des droits de la personne s'est justement servi de l'exemple du logement pour discuter de cet article-ci.

Dans le logement, présentement, et vous le voyez aux annexes, c'est un peu le «free-for-all». Il y a des choses, comme le nombre de personnes dans le ménage, la nationalité, qui sont demandées; le numéro de compte bancaire est assez systématiquement demandé, l'employeur, moins, mais il l'est parfois. Alors, comme il y a une pratique depuis 7, 10, 12 ans de demander de tels renseignements, est-ce que cet article de loi, tel que libellé, viendrait dire: Bien, c'est quelque chose de normalement demandé, est-ce qu'on pouvait refuser? Vous ne pouviez pas refuser de donner ça, c'est normalement demandé. Alors, ça, ça nous inquiète et c'est une question qu'on pose.

Le dernier élément que j'aimerais souligner au niveau du corps de la loi, c'est une possibilité que je veux soulever et, en période de questions, j'aimerais peut-être vous demander si c'est une chose réalisable et réaliste. On est conscients que la loi s'adresse à beaucoup de secteurs, alors on a pensé, à l'article 5, à mon organisme, notamment, de demander qu'on précise déjà dans la loi que certaines questions ne devraient pas être posées dans le logement, par exemple l'état civil, l'état du ménage... Déjà, la Charte des droits et libertés interdit de discriminer quelqu'un sur le sexe ou sur le fait d'avoir des enfants.

On a pensé demander à l'Assemblée nationale de faire une loi qui dirait: Pour le logement, vous ne demandez que tels renseignements, l'emploi, par exemple, l'ancien propriétaire pour démontrer que vous êtes capable de payer. Finalement, on s'est rendu compte que ça pouvait être utopique de faire une... d'insérer quelque chose de spécifique sur l'habitation dans la loi, sans compter qu'on avait peur qu'en obligeant à donner quatre renseignements même ceux qui, actuellement, en demandent deux se mettent à en demander quatre systématiquement.

Alors, ce qu'on voudrait évaluer, c'est la possibilité... ou ce qu'on voudrait sensibiliser, c'est, une fois une loi comme celle-ci adoptée, la possibilité qu'il y ait quelque chose de sectoriel pour l'habitation, puisque, comme va vous l'expliquer Martin maintenant, non seulement l'habitation est un bien essentiel, mais, en plus, il y a des risques de discrimination importants. Discrimination, ça entraîne concentration ou ghettoïsation de certains groupes sociaux dans un quartier ou des secteurs donnés. Donc, étant donné le caractère, je dirais, éminemment social puis étant donné que c'est le premier item de nos budgets personnels, l'habitation, on croit qu'un travail dans le secteur de l'habitation locative avec les associations de propriétaires, avec les agences de crédit, ça serait drôlement pertinent.

Notre idée à nous, c'est d'avoir un formulaire type qui serait proposé, qui ne serait pas obligatoire mais qui serait proposé. Étant proposé par le gouvernement ou par des organismes comme la Commission d'accès à l'information, ça pourrait donner une crédibilité qui en faciliterait l'usage et qui, finalement, instaurerait des habitudes, je dirais, des manières de fonctionner plus respectueuses de notre vie privée.

Une dernière chose que je veux mentionner, ce projet de mémoire, même si on a dû le faire rapidement, on a eu le temps d'en discuter avec les bénévoles de mon organisme dans un comité. Quand on prend le temps de discuter avec les

citoyens, je peux vous confirmer que l'inquiétude à donner des renseignements, l'espèce d'hésitation, elle est très présente. On n'a pas beaucoup de plaintes de gens qui appellent en disant: Je dois remplir un formulaire. J'en ai eu une, incidemment, il y a deux semaines. Mais, quand on prend le temps d'en discuter, les gens disent: Je ne veux pas donner mon numéro d'assurance sociale, et: Va présenter à Québec quelque chose qui ferait qu'il n'y aura pas de discrimination.

Martin va conclure. On peut se permettre deux ou trois minutes encore, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Oui, oui, oui. M. Landry: Je vous remercie. Le Président (M. Doyon): M. Oré.

M. Oré: Merci. ROMEL, c'est un organisme qui dessert l'immigration en matière d'habitation. Vous savez bien qu'il y a plus de 45 000 personnes qui entrent au Québec chaque année. 90 % de ces personnes-là s'établissent à Montréal et juste 10 % viennent en région. mais, lorsqu'on fait affaire avec la clientèle, surtout en habitation, il faut qu'on trouve un logement à tout ce monde-là. notre organisme dessert 33 organismes de communautés culturelles qui sont financés par le ministère des communautés culturelles et de l'immigration du québec, justement, pour faciliter l'établissement de ces nouveaux arrivants au pays. ce n'est pas facile, des fois, à surmonter les obligations auxquelles on fait face dans le quotidien, c'est-à-dire que ce n'est pas facile, souvent, de trouver un logement immédiatement pour quelqu'un qui vient de rentrer au pays, surtout lorsqu'on fait face à une série de formulaires.

Je ne sais pas si vous avez testé la diversité des formulaires qui existent à Montréal, justement, qui sont remplis par les aspirants locataires. Des fois, même, chaque petit propriétaire a bâti son propre formulaire. Donc, il faut remplir parfois les numéros de passeport, l'origine ethnique, la langue parlée et ces choses-là. Quand on essaie de concilier ces aspects, disons, ces questions, sur lesquelles on travaille quand même depuis à peu près 24 mois, avec la terminologie juridique qui est proposée à la section 11 du projet de loi 68, notamment les renseignements pertinents, les renseignements normalement recueillis et les renseignements nécessaires, on trouve que les termes juridiques ont une vaste utilisation, une imprécision, et c'est difficile pour nous.

Ça nous préoccupe profondément de savoir ce qui est un renseignement normalement recueilli, par exemple, à Montréal. Par exemple, maintenant, à Montréal, c'est normalement requis de demander une information par rapport à l'ethnicité, à la langue, au pays d'origine, des choses comme ça. Ces renseignements normale- ment recueillis, donc, seraient légaux et nécessaires, seraient pertinents. Ça nous préoccupe. Pourquoi? Parce que vous savez que, dans toute métropole, il y a des poches de pauvreté, il y a des poches ethniques. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas seulement d'assurer la vie privée des citoyens ou des résidents québécois et québécoises, mais aussi d'enlever la matière à certains propriétaires de façon à ce qu'ils ne puissent pas exercer de pratiques discriminatoires.

Justement, ces questions qui n'ont rien à voir avec la location d'un logement encourageraient certains propriétaires à exercer de la discrimination pour sélectionner les locataires qui, d'après eux, seraient plus faciles à assurer leur investissement en matière d'habitation. C'est quoi, l'effet secondaire, dans la réalité? C'est alors la concentration de certaines ethnies, notamment la communauté noire dans un coin de Montréal, les Arabes dans un coin de Montréal et, maintenant que c'est la mode un peu au Brésil, entre guillemets, les ménages, les ressortissants de l'Europe de l'Est qui s'en vont, par hasard, dans l'est de Montréal. Donc, c'est ça qui pose le défi, justement, de comment éviter ces concentrations d'immigrants qui, parfois, sont facilitées par la multiplicité des formulaires qui existent à Montréal au niveau de la location de logements. (20 h 20)

Donc, notre intérêt de nous asseoir ici, c'est soit de recommander à la commission que les termes juridiques, je le répète, qui se trouvent à la section II du projet de loi en question, les renseignements pertinents par rapport aux renseignements normalement recueillis, ce n'est pas tellement, je crois, réaliste lorsqu'on parle de la question immigrante parce que peut-être qu'on va légaliser ce qui, pour nous, serait une atteinte à la charte québécoise des droits de la personne concernant l'origine ethnique, ou la langue, ou le numéro de passeport.

Une autre question qui nous préoccupe, c'est évidemment le numéro d'assurance sociale auquel sont aussi confrontés les nouveaux arrivants. Vous savez, je crois que le président de la commission et M. le ministre et MM. les députés ont tous une carte d'assurance sociale qui commence avec le numéro 2. Bon. Mais ce ne sont pas tous les résidents québécois qui ont une carte d'assurance sociale qui commence avec le numéro 2. Il y a certains résidents qui ont un numéro de carte d'assurance sociale qui commence avec le 9. Il y a d'autres personnes qui n'ont même pas de carte d'assurance sociale avec le 9, mais qui ont un papier jaune qui est un permis de travail ou un permis temporaire. Alors, c'est encore un autre handicap auquel on fait face, justement, et qui, parfois, permet aux propriétaires du secteur privé, pas tous les propriétaires, bien sûr, certains propriétaires, justement, de sélectionner ceux qui sont plus

stables au pays, donc, par rapport au numéro du début de la carte d'assurance sociale comparativement à ceux qui ont des numéros 9 ou d'autres documents d'identification qui ne seraient pas nécessairement stables. Donc, c'est plus... On accentue, justement, les questions, donc on a plus de matière à exercer des pratiques discriminatoires que, je pense, on est tous contre, surtout dans la réalité montréalaise actuelle qui, d'ailleurs, s'appelle l'année de l'harmonie raciale pour l'année 1993.

Donc, voilà l'essentiel de nos préoccupations. J'aimerais juste vous faire part que, dans la saison de location 1992, pendant la période de location 1992, pas toute l'année 1992, les plaintes de discrimination reçues à la Commission des droits de la personne ont triplé. Donc, c'est un indice inquiétant, bien sûr, pour tout le monde et c'est ça qu'on voulait exprimer ce soir, ici. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

M. Oré, Mme Bélec, Mme Hontebeyrie, M. Landry, bienvenue. Merci de venir participer aux délibérations de la commission. Au départ, je vous avouerai qu'il est regrettable que vous n'ayez pas pu présenter votre mémoire avant celui du Conseil du patronat qui a été étonné de la portée de notre législation et n'avait pas pensé inclure dans ses commentaires les difficultés auxquelles les gens qui sont les grands défenseurs, justement, des droits des locataires... n'ont pas pris soin d'inclure dans leurs commentaires ce groupe. Ils ont parlé d'entreprises de crédit, etc., mais ils n'ont pas parlé de ça. Je pense que c'est extrêmement important que vous veniez, ce soir, témoigner, justement, de votre préoccupation qui, de façon très légitime, préoccupe beaucoup les parlementaires, je peux vous l'assurer, tant de ce côté-ci que de l'autre côté.

On ne met pas et je ne crois pas que vous ayez mis en doute l'intérêt légitime et sérieux pour un propriétaire d'aller chercher des renseignements et des informations. Mais pas n'importe quelles. Je pense que, d'emblée, lorsque vous parliez de l'étude de la Commission des droits de la personne que vous avez citée dans votre mémoire, qui a déjà fait état, bien sûr, de la collecte de certains renseignements, selon que l'aspirant soit Noir ou Blanc... Vous avez évoqué aussi la réticence des locataires à fournir des renseignements, et avec raison là-dessus.

Lorsque vous me parlez de l'article 5 du projet de loi sur la question de «pertinent» et «nécessaire», avez-vous à l'esprit quels devraient être les renseignements nécessaires pour la prise de décision? Je sais que, tout à l'heure, vous m'avez parlé de quatre ou deux, mais si, demain matin, vous deviez nous conseiller, le député de pointe-aux-trembles, le président et les autres parlementaires sur, précisément, le type de renseignement qui serait nécessaire, ce serait quoi?

M. Landry: Chez nous, le logement locatif pour... Il y a deux possibilités. Notre opinion personnelle, parce que l'organisme, on a étudié cette question-là, puis on s'est rabattu sur quelque chose de plus restrictif possible que «pertinent». Sinon, la solution qu'il y aurait, c'est que ce qu'un propriétaire doit vérifier, finalement, le principal, selon nous, ce serait toujours ça, ça a toujours été clair, c'est l'historique de paiement, c'est: Est-ce que cette personne est, habituellement, un bon locataire?

Il y a beaucoup d'assistés sociaux. Malheureusement, à Montréal, on en est maintenant à 1 personne assistée sociale sur 8. Je ne dis pas 1 personne pauvre sur 8, mais 1 personne assistée sociale sur 8. Ces gens-là paient 40 %, 60 % de leurs revenus pour se loger et certains l'ont fait depuis 20, 25 ans. Alors, ce n'est peut-être pas un dossier de crédit, ce n'est peut-être pas le nom de l'employeur qui est important, c'est l'historique de paiement. L'historique de paiement, en termes de renseignements, ça implique: nom de l'ancien propriétaire, preuve de paiement, chèque ou preuve de paiement de comptes d'utilités publiques - je ne sais pas si c'est un anglicisme - Hydro-Québec, Bell Canada. Ça, c'est un type de renseignement, donc, ancien propriétaire, preuve de paiement, qui nous semble correct.

Si on va plus loin, c'est naturellement des questions d'employeurs. Qu'un candidat locataire qui travaille, ça lui soit demandé, ça ne nous semble pas abusif. Il y a des catégories d'habitations où, probablement, quand tu paies 800 $ ou 1000 $, c'est préférable d'avoir un emploi. Si tu n'en as pas, il y a d'autres marchés pour ça. Donc, le nom de l'employeur ou une manière de découvrir qu'on a un emploi, la question de l'emploi nous semble pertinente.

Il y a la fameuse question des dossiers de crédit. Martin parlait du numéro d'assurance sociale et nos membres... Moi, je constate que c'est ce qui est le plus sensible, c'est ce qu'on aime le moins. Personnellement, c'est ce que je déteste le plus donner aussi, quand je vais à un endroit, pour un dossier aussi simple que le club vidéo, par exemple, mon numéro d'assurance sociale, ça m'est demandé et je me bats chaque fois.

M. Cannon: Mais pourquoi vous le donnez?

M. Landry: Je ne le donne pas, c'est ça, mais, dans le logement, les propriétaires au fameux comité dont je vous ai parlé, ils nous disaient: II est essentiel pour aller à Équifax,

pour aller vérifier le dossier de crédit. L'enquête de crédit, à mon organisme, l'OEIL, même si on préfère la question de l'historique de paiement et, donc, seulement donner le nom de l'ancien propriétaire, il reste que le dossier de crédit, ça ne nous semble pas aberrant qu'un propriétaire puisse parfois demander de vérifier notre dossier de crédit parce que c'est des contrats importants, la location d'un logement. Je me fait l'apôtre des propriétaires peut-être, mais c'est des 5000 $, 6000 $, 7000 $ par année comme contrat et c'est un contrat, sur notre Code civil, qui est renouvelable automatiquement, je dirais. Il faut qu'il y ait une faute grave de la part du locataire pour que le propriétaire y mette fin ou des exceptions comme reprendre un logement pour sa famille ou pour soi-même. C'est un contrat habituellement renouvelable, donc c'est plus qu'une automobile, finalement.

Qu'on vérifie si j'ai un bon crédit, ça peut nous sembler correct et, si le numéro d'assurance sociale est essentiel à ça, bien, je serais porté à admettre le numéro d'assurance sociale. Mais, en termes d'organisme, autant le ROMEL que l'OEII, pour venir ici ce soir, cette question-là du NAS est sensible pour nos membres et on n'a pas fait de consensus à savoir si on est prêts à accepter ça. Donc, emploi, historique de paiement et peut-être NAS.

M. Cannon: Vous me dites que, chez les propriétaires, on peut, à certains égards, demander le numéro d'assurance sociale en alléguant qu'on a besoin du numéro d'assurance sociale pour aller chercher les renseignements de crédit chez Équifax.

M. Landry: À trois réunions de la Commission des droits et de la Régie, à peu près tous les renseignements avaient une raison. Le numéro d'assurance sociale et la date de naissance étaient, selon eux, essentiels pour aller à Équifax. Si on peut aller au dossier de crédit sans le numéro d'assurance sociale, il est très clair pour nous qu'on n'aime pas, qu'on serait contre, qu'on ne voudrait pas qu'il y ait des formulaires demandant le numéro d'assurance sociale. La seule raison qui fait qu'on l'accepterait, ce serait que ça justifie une recherche à Équifax et, même ça, comme position d'organisme, on a de la difficulté. C'est notre espèce de bon sens, notre bonne volonté de comprendre qu'il faut enquêter sur notre crédit, mais, même ça, c'est délicat. Quand j'en parle à mes membres...

M. Cannon: Non, mais... Je ne veux pas mettre une responsabilité sur le dos d'Équifax, mais peut-être auprès des propriétaires. Je ne suis pas convaincu, moi, que les propriétaires doivent fournir à Équifax le numéro d'assurance sociale. Je ne suis pas convaincu, là.

M. Landry: Moi non plus.

M. Cannon: on peut aller chercher des vérifications. je sais qu'il y a des gens en arrière qui sont en mesure de nous fournir des renseignements, mais, de toute façon, ça...

M. Landry: C'est clair que, si ce n'est pas utile...

M. Cannon: Oui.

M. Landry: ...je ne vois pas d'autre utilité à donner le numéro d'assurance sociale.

M. Cannon: O.K.

M. Landry: C'est un numéro clé, au Canada, et le locataire ne voudra pas le donner.

M. Cannon: Là-dessus, je suis absolument d'accord avec vous. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles. (20 h 30)

M. Bourdon: II y a une chose qui est évidente, c'est que le numéro d'assurance sociale donne accès à beaucoup plus de banques de données que juste celles touchant le crédit. Je pense que c'est la raison pour laquelle il y a des gens qui le demandent.

Je suis d'accord avec ce que vous dites, que ce qu'il est légitime pour un propriétaire, un locateur de demander, c'est le propriétaire précédent, pour demander des références sur la personne et chercher à savoir si la personne va être en mesure de payer. Mais, d'une certaine manière, je suis très frappé aussi par la page 22 de votre mémoire où vous faites état d'études sur les renseignements qui sont requis par les locateurs suivant la couleur de sa peau, et ça m'amène à vous poser le dilemme qui se pose d'une certaine façon. Il y a une disposition dans le projet de loi qui dit qu'on n'a pas le droit de refuser de vendre un bien ou de louer un service à une personne parce qu'elle a refusé de répondre à des questions qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires, peu importe. Mais, dans le fond, le problème que je me pose et que je vous pose, c'est comment légiférer pour atteindre les fins qu'on poursuit?

Ce que je veux dire par là, c'est que le rapport de force entre le locateur et le locataire éventuel est très disproportionné parce que le locateur peut faire semblant de s'astreindre à des règles. J'ai déjà cherché des logements et il y a l'invariable réponse de d'abord se faire dire qu'il y a trois personnes dont on attend la réponse pour louer et qu'on va vous mettre sur la liste, ce qui permet d'éviter bien des embarras. Ça permet de dire: Ah! c'est dommage, il y a justement quelqu'un qui est arrivé avant vous.

Dans le fond, le problème que je pose... Je

ne dis pas qu'il ne faille pas légiférer, et je pense que l'Assemblée nationale va le faire, mais comment faire en sorte qu'on brise ce rapport de force qui est par trop inégal? Parce que le propriétaire, il peut faire semblant, le locateur, de se soumettre à toutes sortes de règles, mais il a sa discrétion en bout de ligne. Je vous pose la question dans le fond: Est-ce qu'il y a des moyens, à votre avis, qui pourraient être utilisés? Et, deuxième question, est-ce que le secteur public est plus décent que le privé dans sa façon de recevoir les demandes de logement?

M. Landry: Première question, la solution - on n'en parlera pas beaucoup ce soir - ce serait effectivement de forcer à tenir un registre des visites et de forcer à louer à la première personne.

M. Bourdon: Oui.

M. Landry: Mais j'entrevois... Je dis que la solution, ça serait de forcer à tenir un registre des visites - ça a été imaginé, en tout cas, de notre côté - et de forcer à louer à la première personne, disons, solvable ou quelque chose du genre. Ça serait une solution législative parfaite, mais on n'en parlera pas trop ce soir, et vous pouvez entrevoir les difficultés sociales de la faire accepter. Je ne suis pas sûr que le consensus est là.

La loi qu'il y a actuellement nous donne des outils. Nous, on ne l'a peut-être pas assez souligné, mais on est bien satisfaits qu'il y ait enfin une loi. J'ai parlé de listes noires de 50 000 personnes en 1983; on est en 1993, enfin il y a quelque chose. Ensuite, quand on demande de s'assurer que l'article 7, qui ne fait que nous dire: Voici, ton dossier, il est à telle place; si tu veux le vérifier, si tu veux le contester, la procédure, elle est celle-ci... Une feuille polycopiée qu'on distribue pendant deux ans, ce n'est pas très compliqué, c'est déjà un outil. Au moins, les gens vont avoir moins l'impression d'être à la... Présentement, ils ne prennent même pas copie de ces formulaires-là. On a de la difficulté à avoir copie des formulaires, les annexes qu'on vous a mises. Les gens nous disent toujours: Non, je n'en ai pas de copie. Ce n'est même pas fait en double.

Alors, on officialise un peu, on crée un tribunal, on nous donne la possibilité, à nous autres - espérons qu'il y aura plus de moyens que seulement ceux que nos groupes peuvent financer - de faire certaines causes types. C'est déjà des moyens. Ensuite, éviter des choses comme Martin en a fait état tantôt, comme des «normalement» dans la loi; mettre des termes juridiquement plus restrictifs, plus sévères que du «normalement»; ne pas avaliser une pratique si une pratique est mauvaise. Déjà, c'est des outils parce qu'on va pouvoir enfin aller à la

Commission d'accès. Et, en troisième lieu, bien, ça serait de la sensibilisation et du travail par secteur. Que cette Commission amène des grandes corporations propriétaires ou amène ceux qui tiennent des fichiers comme ça à s'asseoir avec elle ou qu'elle leur impose un cadre. Nous, notre idéal, ça serait même un formulaire type comme il y a un bail au Québec, comme il y a un formulaire de la Régie du logement pour le calcul. La distribution de papiers faits par l'État, habituellement, à la longue, ça aide à faire développer de nouvelles pratiques. Sinon, la solution, c'est de forcer à louer au premier.

Pour ce qui est des organismes publics, en gros, c'est beaucoup mieux. Naturellement, eux, il y a parfois des objectifs sociaux qui font qu'ils ont besoin... Par exemple, une maison de réfugiés va forcément avoir besoin de vérifier si c'est des réfugiés; il y a des discriminations correctes, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a parfois des problèmes. Il commence à y avoir certaines volontés d'administration de HLM à limiter un peu l'accès aux nouveaux arrivants. La population traditionnelle commence à dire que c'est elle qui y va, il commence à y avoir des problèmes, mais disons qu'on peut encore faire le débat, puis la porte est encore assez ouverte, je croirais. Et, au niveau de la discrimination formelle, dans le public, naturellement, on l'évite.

M. Oré: J'aimerais juste peut-être compléter. Dans notre organisme, on a une société immobilière qui est rattachée au ROMEL On est propriétaires de 50 logements locatifs et on gère environ 350 logements qui appartiennent à la ville de Montréal, entre autres. On gère aussi des coopératives de la Société d'habitation du Québec. Donc, le stock de logements locatifs qu'on gère dans notre organisme, pour un organisme de communautés ethniques, c'est quand même important. On est les seuls, je crois, au Québec, à faire une chose semblable. Lorsqu'on loue nos logements, on ne fait jamais des enquêtes de crédit, par exemple. C'est-à-dire, la personne qui vient demander un logement en location, évidemment, elle a un formulaire à remplir. Mais les questions qu'on pose dans notre formulaire, ce n'est pas des questions qui vont à l'encontre, justement, de la vie privée ou des valeurs de la personne.

Donc, on pose juste... son ancien propriétaire. On va évidemment se référer aux références de l'ancien propriétaire, parce que, évidemment, si c'est un bail de 500 $, donc c'est 6000 $ par année, et puis la loi dit que la personne a droit à un maintien dans les lieux. Donc, ça peut se renouveler jusqu'à la mort. On parle des affaires, des fois, de 50 000 $ ou 60 000 $, etc. C'est de la solvabilité, donc, qu'il faut s'assurer.

Disons, l'accent avec lequel je parle mon français, en quoi ça va aider un propriétaire à me louer un logement ou non? C'est ça, la

uestion. Et la couleur de ma peau, en quoi ça va me le donner? Si on me demande la couleur, c'est peut-être pour me confiner dans un quartier déterminé ou des choses comme ça. Et ce n'est pas là, je crois, l'avenir pour le Québec. Donc, c'est ça qu'on essaie...

Un des moyens qu'on avait essayé de développer au Québec, c'était à l'intérieur de la Commission des droits de la personne. Il y avait la Commission des droits de la personne, la Régie du logement et les trois plus grosses associations du secteur privé. Pour nous, c'était une réussite quand même de s'asseoir ensemble, les organismes qu'on appelle communautaires avec les gros du secteur privé et puis l'instance publique, pour bâtir un formulaire type.

Vous savez, lorsque le Québec a offert à la société un bail type, ce n'était pas bien perçu par le secteur non plus, c'est-à-dire que les propriétaires privés les boudaient à l'époque. Mais Québec a mis son bail type au service de ses résidents, des citoyens, et puis c'est quoi le résultat maintenant? 98 % des propriétaires et des locataires, on l'utilise et, maintenant, on paie encore 2 $ pour chaque exemplaire. Alors, c'est ça, c'est une réussite. C'est-à-dire que c'a mis de l'ordre.

Il y a aussi les formulaires de calcul des augmentations de loyers qui sont faits par la Régie; donc, tous les propriétaires sont obligés de le faire pour faire valoir les augmentations. Alors, pourquoi ne pas continuer la même tendance innovatrice et mettre sur pied un formulaire type qui serait parrainé et produit par la Régie du logement, justement, qui mettrait de l'ordre dans la location des logements privés?

Quand on parle du logement social ou public - évidemment, vous connaissez - le logement public est tellement «paramétré», c'est-à-dire adressé à certaines clientèles... Il faut que la clientèle soit pauvre et en deçà du seuil de la pauvreté même. Et puis, tant que tu es pauvre, tu bénéficies de ton logement social. Donc, pour satisfaire tous les questionnements auxquels justement je me qualifie pour ce logement, je dois prouver que mon revenu est inférieur à ça, je dois prouver que ma catégorie est ça, que mon statut est ceci, justement pour me qualifier à un logement social. C'est les mêmes programmes, c'est les mêmes droits, les mêmes politiques d'habitation qui vont justement encourager à le faire et, oui, je dirais, que ce soit appliqué. (20 h 40)

M. Bourdon: Je voudrais dire, M. Oré, que j'apprécie ce que vous dites de votre expérience dans la gestion de logement, parce que, en fait, aucun d'entre vous dit qu'il est illégitime pour un locateur d'avoir certains renseignements de base. Et, à cet égard, je suis toujours frappé, quand les gens sont responsables, de voir comment ils s'en acquittent bien.

J'ai, dans mon comté, une coopérative de 178 logements, des logements qui ont été rache- tés il y a 10 ans de la SCHL, et, en 10 ans, le taux de perte de loyer de la coopérative pour 178 locataires est nul. Ils n'ont jamais perdu un sous de loyer de qui que ce soit. Et, pourtant, le formulaire qu'ils font remplir aux gens ne contient pas de demandes abusives. Et, dans le fond, comme M. Oré le disait, quand les gens intéressés le font eux-mêmes, ils savent qu'on peut faire ça correctement tout en s'assurant que la personne qui demande un logement est une personne qui est capable de le payer et de bien l'entretenir. Dans le fond, c'est ça.

Mais le signe que ce que vous dites est vrai, c'est que la loi à l'égard de la sous-location... Quand un locataire quitte avant terme, c'est toujours amusant de voir, comme la seule exigence du propriétaire pour le sous-locataire peut être la solvabilité, comment rapidement bien des locateurs dégagent de toute obligation la personne qui veut se trouver un sous-locataire, parce qu'ils n'aiment pas la base sur laquelle ça va se faire, c'est-à-dire de prouver la solvabilité. Et on voit ça constamment, que le locateur dise: Partez, d'abord, je vais trouver quelqu'un, parce que son seul motif de refus, ça devient la solvabilité.

Mais votre suggestion d'un formulaire type, je pense, est très opportune, mais déborde peut-être le cadre de notre mandat à l'égard de la loi, bien qu'on pourrait, par cette loi, créer les conditions pour que ça devienne plus possible. Vous avez raison de le souligner, le bail type, il y avait un grand scepticisme, mais, finalement, à l'usage, on s'est aperçu que c'était quelque chose de clair, qui renseignait les deux parties sur leurs droits et qui contenait l'essentiel, et il est maintenant, je dirais, entré dans les moeurs.

En tout cas, on a pris bonne note de vos observations sur les articles du projet de loi que vous voudriez voir modifiés. Avant de laisser la parole au côté ministériel, je voudrais vous remercier du sérieux, de la qualité de votre mémoire et de votre implication aussi dans un quartier et dans un domaine où, à Montréal, il y a besoin d'organisations communautaires comme les vôtres.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président.

Juste une petite question rapide pour une information. Vous avez mentionné, M. le Président, que, pour une information de base pour un bail, il serait intéressant d'avoir l'histoire et l'historique de paiement du locataire. C'est quoi l'information de base que vous consentiriez à donner pour un immigrant nouvel arrivant? Il n'a pas d'histoire. Comment vous pouvez... Quelles sont les informations que vous pouvez consentir adonner?

M. Landry: Tout juste. Vous avez trouvé...

On s'est posé cette question-là. Est-ce que tu veux répondre ou si j'y vais un peu?

Une voix: Oui.

M. Landry: C'est un gros problème qu'on a. Effectivement, on s'est dit: En général, il nous semble... Et quand je dis «historique», l'entendant dans vos mots, je me rends compte que ça fait impressionnant, mais ce n'est pas nécessairement les huit derniers locateurs, c'est le dernier, les deux ou trois dernières années, un peu comme on le fait en prêt, finalement.

La question des nouveaux arrivants, on s'est posé le problème. Eux sont désavantagés par cette espèce d'option, en mettant l'accent là-dessus. Eux, il reste à démontrer leurs revenus. Il s'agit seulement de calculer un peu si le loyer va être 60 % ou 40 % de leurs revenus. Donc, j'ai tant de capital en arrivant et j'ai des revenus de rentes d'environ 1000 $ par mois ou j'ai des revenus d'aide sociale de 600 $ par mois. Finalement, on en vient à la capacité de payer.

Mais, nous, on met un peu plus l'accent sur l'historique de paiement parce que beaucoup de personnes à faibles revenus paient un taux d'effort qui serait considéré fort. Un propriétaire pourrait être porté à dire: Ah! 40 % de vos revenus, c'est vraiment trop, alors que plusieurs le font tout le temps. Mais, pour les nouveaux arrivants, il y a effectivement un problème.

M. Khelfa: Là, vous venez de consentir à donner une nouvelle information à l'effet... Vous venez de consentir à donner son revenu et son état, est-ce qu'il est sur l'aide sociale ou s'il travaille.

M. Landry: Tout à fait.

M. Khelfa: Donc, c'est une nouvelle information que vous consentez à donner.

M. Landry: C'est une information plus sensible qu'on demanderait à quelqu'un de donner parce qu'il n'y a pas l'information sur l'historique du paiement.

M. Khelfa: Merci.

M. Landry: C'est effectivement un pis-aller.

M. Oré: Juste pour compléter. Vous savez, depuis l'année dernière, on essaie de bâtir une banque de logements à louer justement pour celui, la clientèle qui n'a plus de références, qui n'a pas de références, malheureusement. On a contacté l'association des propriétaires, les deux ou trois associations de propriétaires; il y a deux articles même qui sont parus dans leur journal. Et le privé vient nous chercher, justement, mais le contexte est de 35 000 logements locatifs à Montréal, le taux de vacance de 7 %, donc on développe un partenariat renouvelé avec le secteur privé, puis on est vraiment des coopérants, quoi.

Mais, vous savez, lorsqu'on essaie de trouver un logement pour quelqu'un qui n'a pas de références, c'est la bonne foi qui prime, c'est-à-dire c'est la bonne foi de part et d'autre. Et, souvent, il y a peu de personnes nouvellement arrivées qui n'ont pas de revenus. Des 100 % de l'immigration, vous savez bien que 61 % des immigrants qui entrent au Québec appartiennent à l'immigration économique; 21 %, c'est l'immigraiion familiale et juste 13 % de l'immigration est humanitaire, donc les milieux défavorisés ou les plus démunis du monde. Donc, c'est juste sur 13 %, ce qui est faible comparativement aux années précédentes, que se pose la question. Donc, c'est la référence.

Et vous savez comment on loue le logement? Avec la référence d'un organisme d'accueil qui est financé par le MCCI. Le MCCI, c'est l'abréviation du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, Québec. C'est juste par cette référence, en intervenant par un organisme non gouvernemental, qu'on arrive à louer. Et les propriétaires sont satisfaits surtout de ces nouveaux arrivants parce qu'ils paient avec ponctualité. Ils sont arrivés ici, ils veulent faire un bon dossier, justement, pour avoir ces références qui sont souvent exigées.

M. Khelfa: D'accord. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. Tout à l'heure, M. Landry, vous avez indiqué que vous n'étiez pas complètement rébarbatif au fait que des propriétaires aient recours aux services de maisons de crédit comme Équifax, etc. Compte tenu de cette expérience, qui semble peut-être assez commune, est-ce que vous avez beaucoup de plaintes sur la façon dont sont évalués les gens qui sont référés par les propriétaires pour faire une évaluation de leur capacité de payer, de leur crédit, etc.? Est-ce que vous avez des mauvais rapports de ce côté-là? Comment est-ce que ça sonne?

M. Landry: Honnêtement, non. Parce que les associations, il y en a dans un peu tous les quartiers à Montréal, deux, trois dans la ville de Québec. On a la clientèle qu'on peut bien desservir; on est limités par nos ressources. Ce n'est pas connu «at large», donc il y a une limitation en termes de gens qui viennent, ça fait que je ne vois pas tous les problèmes. Et cette question-là spécifiquement, je vous avoue qu'elle est rarement posée. Nous, on a analysé ça de la manière suivante: Quand on se cherche un logement, même pour des gens avec un bon revenu, c'est une période intense de... Il faut identifier où on veut aller, quels revenus on veut mettre, bon, il y a un paquet de critères. Souvent, tu négocies ça avec un conjoint ou une

conjointe, bon, c'est dense.

Et, quand ils sont refusés, bien, ils passent au logement suivant, puis ils passent au logement suivant. Alors, des gens plus refusés, et même si c'était par une mauvaise communication dans le dossier de crédit ou par un faux renseignement au dossier de crédit, c'est comme si on n'a pas le temps de s'y arrêter. Mon hypothèque, si elle est refusée, je vais aller chercher pourquoi, c'est important. Mais le logement, j'ai le choix. Je vais aller à l'autre, je vais aller à l'autre. Puis, une fois qu'ils sont logés, ils ne veulent plus revenir en arrière, contacter une association de citoyens, puis chercher à aller au fond de l'affaire.

Honnêtement, on a peu de plaintes. Les plaintes qu'on a, c'est plus d'ordre général, genre: Ce formulaire me semble exagéré. Ou des questions genre: Est-ce que je dois vraiment donner mon numéro de compte? Et là, quand on leur apprend qu'il n'y a pas de législation spécifique, ils tombent des nues. Mais c'est plus une question comme ça qu'on a.

Je dois préciser... C'est une chose que, depuis tantôt, je me disais: C'est vrai, il faudrait le mentionner. Martin y a fait allusion. Le taux de logements libres, le nombre de logements qui sont à louer présentement, c'est pratiquement un record. C'est au moins depuis 1978 qu'il n'a pas été aussi haut, et je pense même que c'est depuis que la Société canadienne d'hypothèques et de logement fait de telles statistiques. Alors, en 1983, quand on a parlé de listes noires de locataires, c'était le contraire. Quand le marché va se resserrer, quand des nouveaux demandeurs vont venir, quand les jeunes vont retourner chercher des logements puis que les logements vont devenir rares, là, on est susceptibles d'avoir plus d'utilisation de formulaires ou de mécanismes pour mieux choisir les gens puis pour enlever une partie, la meilleure partie des logements, pour exclure de ce potentiel des gens.

Si l'économie allait très bien, votre projet de loi, dans le milieu de l'habitation, d'après moi, les gens en auraient été très conscients puis les propriétaires seraient peut-être venus se défendre ici parce qu'ils auraient besoin d'outils pour mieux enquêter sur notre vie privée. Présentement, ils ont plus tendance à prendre un peu n'importe qui parce qu'ils se privent d'un revenu en ayant un logement de libre. L'équilibre est à 3 %. On a même déjà considéré, les économistes, 2,5 % à 3 %. Là, c'est rendu 7,8 %, le taux de logements de libres. Alors, depuis deux, trois ans, on a un contexte tranquille, nous autres: pas beaucoup d'augmentation de loyer, accès plus facile aux logements. Mais ça, ce n'est pas pour longtemps. Dans un an, deux ans, trois ans, on va avoir besoin d'une commission d'accès. (20 h 50)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Landry.

Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier, de même que ceux qui vous ont accompagné, de nous avoir présenté votre mémoire et de l'avoir fort bien défendu. Ça a été extrêmement intéressant, et félicitations pour le travail que vous effectuez sur le terrain. Je vais vous permettre de vous retirer pour que nous puissons maintenant entendre l'autre groupe.

Nous sommes maintenant à recevoir le Service anti-crime des assureurs. Je les inviterais à bien vouloir prendre place à la table.

M. Cannon: Évidemment, M. Doray n'a pas besoin de présentation, c'est la troisième fois. Avez-vous réservé une chambre ici, à l'Assemblée?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Alors, je vois que M. Doray s'ajoute aux deux personnes qui étaient indiquées sur l'ordre du jour. Je souhaite la bienvenue à M. Garand ainsi qu'à M. Brochier. Je leur demande de se présenter pour les fins du Journal des débats. Nous allons suivre les mêmes règles. Nous sommes prêts à vous écouter.

Service anti-crime des assureurs

M. Garand (Gérald R.): M. Garand, et mon adjoint, c'est Jean-Pierre Brochier.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue!

M. Garand: Merci.

M. Brochier (Jean-Pierre): Merci.

M. Garand: On va essayer de faire ça assez bref.

Le Président (M. Doyon): On est prêts à vous écouter.

M. Garand: O.K. Merci beaucoup. M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, j'aimerais tout d'abord remercier cette commission de nous avoir permis de lui soumettre un mémoire au sujet du projet de loi 68 et de nous avoir invités à ses audiences publiques pour lui faire part de nos commentaires à l'égard de cette importante réforme entreprise par l'Assemblée nationale.

Le Service anti-crime des assureurs a pour but primaire de protéger l'industrie de l'assurance contre les fautes perpétrées à l'endroit des assureurs. Le public en général et plus particulièrement les assurés bénéficient directement des résultats des activités du Service anti-crime des assureurs. En fait, la détection et l'élimination des réclamations frauduleuses ont des répercussions directes sur les primes d'assurance puisqu'elles permettent de réduire les pertes et,

par voie de conséquence, les primes d'assurance.

Le Service anti-crime des assureurs offre des services d'enquête, notamment pour les délits d'assurances, tels que incendie volontaire, cambriolage simulé ou autres, visant à réclamer frauduleusement une indemnité des assureurs. Dans le cours des activités, le Service est amené à collaborer étroitement avec les corps policiers et les services d'incendie, tant municipaux que volontaires. Le Service anti-crime des assureurs fournit également des services connexes tels que des services de renseignement et de consultation aux assureurs et des programmes de formation à l'intention des assureurs et des services judiciaires.

Au Québec, nous avons des bureaux à Montréal, Québec, Sherbrooke, Hull, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, Saint-Jérôme et Rimouski. De par ces activités, le Service anti-crime des assureurs est amené à recueillir et transmettre un nombre considérable de renseignements. La majorité de ces renseignements sont conservés dans une banque de données composée de neuf fichiers distincts. Cette banque de données est alimentée principalement par les compagnies d'assurances, les bureaux d'experts indépendants en sinistres, les divers corps de police ainsi que les enquêteurs du Service anti-crime des assureurs. À titre d'exemple, les compagnies d'assurances membres transmettent les renseignements pertinents au sujet de chaque réclamation de plus de 3000 $, ainsi que sur les réclamations suspectes. Il en est de même pour toute réclamation portant sur les incendies volontaires.

Notons enfin que le Service anti-crime des assureurs n'est pas une agence d'investigation et de sécurité au sens de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité et de renseignements puisqu'il n'exerce pas des activités proprement dites commerciales. Le service est en fait un organisme sans but lucratif qui exerce ses fonctions exclusivement pour les compagnies d'assurances qui en font partie.

Le Service anti-crime des assureurs tient à souligner qu'il est favorable à l'adoption d'une loi visant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Toutefois, après avoir attentivement analysé le projet de loi 68, nous avons de sérieux motifs de croire que, s'il est adopté dans sa forme actuelle, il aura non seulement pour effet de nuire sérieusement aux activités de notre organisme, mais qu'il mettrait en péril son existence même.

Par la nature de ses activités, le Service anti-crime des assureurs doit recueillir des renseignements personnels. Or, le projet de loi 68 impose des contraintes démesurées qui ont pour effet direct d'affecter l'efficacité et la fiabilité de la collecte, de la conservation et de la communication des renseignements détenus par le Service anti-crime des assureurs. De plus, par la nécessité d'obtenir des consentements écrits, le projet de loi 68 rend virtuellement impossible l'obtention de renseignements dans le cadre d'une enquête.

Notre analyse du projet de loi 68 nous amène à identifier les principaux problèmes suivants. Les articles 4 et 5 du projet de loi 68 imposent aux entreprises de ne recueillir que des renseignements pertinents à l'objet déclaré d'un dossier. Nous croyons que ces notions de dossier et d'objet auront pour effet de compliquer indûment la gestion interne de notre entreprise. En fait, ces notions n'apportent rien de vraiment utile à la protection des renseignements personnels. Il aurait été plus simple et amplement suffisant, selon nous, de se référer à la norme de la pertinence en décrétant qu'une entreprise ne peut recueillir des renseignements personnels que lorsqu'elle a un intérêt sérieux et légitime à le faire et que ces renseignements sont pertinents à l'exercice de ses activités.

Les articles 6 et 7 du projet de loi 68 ont pour effet de rendre illusoire la possibilité de recueillir des renseignements auprès des tiers. Rappelons que le Service anti-crime des assureurs intervient principalement en matière de réclamation frauduleuse. On peut facilement comprendre que, dans ces cas, les personnes soupçonnées d'être l'auteur d'une réclamation frauduleuse ne sont pas nécessairement coopératives avec les enquêteurs. Aussi ceux-ci doivent-ils se tourner vers les tiers afin d'obtenir les renseignements leur permettant de déterminer les causes réelles du sinistre. Or, l'alinéa 2 de l'article 6 ne permet pas de recueillir des renseignements auprès des tiers à moins que la collecte soit faite sans révéler à ces tiers un renseignement dont la loi interdit la communication.

En pratique, lorsqu'on s'identifie comme un enquêteur qui interroge un tiers afin d'obtenir des renseignements concernant un assuré, on doit révéler l'implication des renseignements personnels au sujet de cet assuré, notamment que celui-ci a fait l'objet d'une enquête. Il nous est difficile de voir dans quelle situation un tiers acceptera de fournir des renseignements personnels au sujet d'une autre personne sans connaître l'identité de son interlocuteur ou les raisons de ses questions. Autant dire que l'article 6 interdit la cueillette de renseignements personnels auprès des tiers. (21 heures)

Quant à l'article 7, il impose à l'enquêteur qui désire obtenir des renseignements auprès de l'assuré une procédure lourde et inefficace. Chaque fois qu'un enquêteur communique avec l'assuré afin d'obtenir des informations complémentaires, il devrait se conformer préalablement aux exigences de l'article 7 et lui indiquer le nom et l'adresse de sa place d'affaires, l'objet de son dossier, l'utilisation qui sera faite des renseignements demandés, l'identification des personnes qui auront accès à ces renseignements, le droit d'accès et de rectification de la personne concernée ainsi que les conséquences d'un

refus de fournir les renseignements. Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Nous en doutons.

Par ailleurs, l'article 12 du projet de loi 68 interdit aux entreprises de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée. Or, dans le corps des enquêtes, le Service anti-crime des assureurs est souvent appelé à échanger des renseignements avec des organismes tels que le National Insurance Crime Bureau des États-Unis. Tenant compte des exigences de l'article 12 du projet de loi, il nous faudra obtenir le consentement de la personne faisant l'objet de l'enquête de même que de toute autre personne ayant fourni des renseignements personnels au sujet du sinistre avant de procéder à quelque échange avec nos interlocuteurs. Cette exigence nous apparaît intolérable.

Les articles 10 et 11 du projet de loi 68 imposent la tenue d'un registre et l'obligation, pour chaque entreprise, de veiller à ce que ses dossiers soient à jour, exacts et complets. Cela nous semble administrativement lourd et inefficace, voire même inapplicable en pratique. La tenue d'un registre de consultation de chaque dossier pose un problème sérieux puisque certains renseignements sont conservés pour des périodes de temps très longues et font l'objet de communications à de nombreux intervenants du secteur de l'assurance. Nous comprenons que, en vertu de l'article 10, il faudrait inscrire dans chaque dossier une mention à l'effet qu'une communication a eu lieu. L'application de cette exigence aurait pour effet de rendre dramatiquement onéreuse la gestion des dossiers au sein de notre organisme.

Pour ce qui est des exceptions à la règle du consentement de la personne concernée, nous sommes d'avis que l'article 17 du projet de loi n'est aucunement de secours pour le Service anti-crime des assureurs puisque celui-ci n'est pas une agence d'investigation ou de sécurité au sens de Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité. Rappelons que, lorsque le Service procède à une enquête, il lui est inévitable d'échanger des renseignements personnels avec d'autres intervenants dans le dossier. On n'a qu'à penser aux services de police et aux services d'incendie avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées, aux experts en sinistres, au ministère de l'Environnement, au ministère des Transports, à la Société d'assurance automobile du Québec et aux autres assureurs impliqués dans le dossier. Or, la liste des exceptions prévues à l'article 17 ne couvre pas ces situations. Nous serons alors obligés d'obtenir le consentement écrit de la personne concernée, ce qui est impraticable dans les faits.

Pour ce qui est du droit d'accès de la personne concernée à son dossier, il pourrait y avoir de graves conséquences, notamment en permettant aux fraudeurs de découvrir à l'avance les pistes de recherche et les témoins qui serviront à débusquer une illégalité. L'article 35 du projet de loi, qui permet à une entreprise de refuser de communiquer un renseignement personnel lorsqu'il est contenu dans un avis ou une recommandation, n'est pas suffisant pour régler ce problème puisque nos analyses seront accessibles, et en tout temps, à la personne concernée. Au surplus, l'article 36, tel que libellé, ne permet pas d'assurer la confidentialité des témoins et des sources de renseignements. Inquiets de voir leur identité révélée, ces sources et témoins seront certainement plus réticents.

Le projet de loi ne contient pas non plus des dispositions qui permettrait de référer la personne qui demande accès à son dossier à l'assureur pour lequel l'enquête a été effectuée. Pourtant, dans bien des cas, l'assureur est beaucoup mieux placé que le Service anti-crime des assureurs pour prendre une décision quant à l'accessibilité à nos rapports de renseignements d'enquête, puisque, à toutes fins utiles, c'est à lui qu'il appartient de prendre la décision d'indemniser ou non l'assuré.

Enfin, le Service anti-crime des assureurs tient à faire part au législateur de son inquiétude face aux nombreux pouvoirs qui sont conférés par le projet de loi à la Commission d'accès à l'information. Cette dernière sera appelée à agir non seulement comme tribunal devant trancher des litiges en matière d'accès et de protection des renseignements personnels, mais aussi comme médiateur, comme promoteur de la loi et de ses objectifs et, enfin, à titre d'organisme quasi réglementaire habilité à proposer des codes de conduite. Le Service anti-crime des assureurs est convaincu que ces multiples rôles confiés à la Commission d'accès à l'information sont inconciliables et qu'ils risquent de soulever des doutes quant à l'impartialité et à l'indépendance de cet organisme.

Nous voulons vous remercier de votre attention et nous sommes disponibles pour répondre à toutes vos questions. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Garand. M. le ministre.

M. Cannon: Merci aux gens du Service anticrime. Je dois vous dire, M. Garand, qu'il y a un certain nombre de points qui ont été soulevés qui sont exactement semblables aux points que j'ai entendus, cet après-midi, venant de la bouche du Conseil du patronat, et sans doute que ça s'explique puisque vous avez le même aviseur légal.

Ceci étant dit, dans votre mémoire, vous dites que vous êtes favorable à l'adoption d'une loi visant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Pourquoi?

M. Garand: Parce qu'il faut dire qu'aujourd'hui, même si on n'a pas de loi, on agit de cette façon-là. Effectivement, toute personne qui

a un dossier peut avoir accès aux informations qu'on a. Elle peut rectifier, elle peut changer, elle peut modifier. Elle a simplement à faire une demande écrite nous donnant les informations, l'adresse, la date de naissance et, nous autres, on lui retourne ce qu'on a en dossier, effectivement, ce qu'on donne aux compagnies d'assurances. Ce qu'on a dans ces dossiers-là, c'est simplement les pertes antérieures que la personne a eues.

M. Cannon: Donc, vous n'aurez pas de difficultés à appliquer la loi.

M. Garand: Certaines parties de la loi, on n'aura pas de difficultés, absolument pas. Il y a d'autres exigences, comme je l'ai mentionné, au point de vue de tenir des registres et ces affaires-là... Souvent, les dossiers qu'on a durent plusieurs années. Un individu qui aurait admis, disons, qu'il avait incendié sa propre maison, cette information-là, on la garde pendant plusieurs années. Le fait de garder des registres, ça devient pas mal onéreux.

M. Cannon: Dites-moi quelque chose, pourquoi... Je n'ai pas trop saisi, tout à l'heure. Vous avez parlé d'organismes à but non lucratif, que vous n'exerciez pas une fonction commerciale. Pourquoi n'êtes-vous pas assujetti à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité? Est-ce que c'est uniquement la seule raison?

M. Garand: Oui. Je peux demander à mon conseiller juridique, Me Doray.

M. Cannon: O.K. Oui.

Le Président (M. Doyon): M. Doray.

M. Doray: Avec votre permission, M. le Président, je me permettrais, cependant, de faire une petite parenthèse pour répondre à la remarque de M. le ministre qui s'adressait directement à mon intégrité professionnelle. Je tiens à noter que je représente différents organismes devant cette commission, je ne l'ai d'ailleurs jamais caché, mais que, dans le cadre de mes fonctions, je suis capable d'aviser des gens en fonction de leurs besoins. Je fais aussi confiance aux personnes qui m'embauchent pour défendre leurs propres intérêts et ne pas accepter ma vision personnelle. Je pense que la remarque était peut-être un peu blessante. Fin de la parenthèse. (21 h 10)

M. Cannon: Ah! bien, M. Doray, je m'excuse. Ne prenez pas ça personnellement, là. C'est juste parce que vous étiez occupé. C'est tout.

M. Doray: Je vous remercie, M. le Président. Cela dit, pour ce qui est du Service anticrime des assureurs, il faut comprendre que la loi sur les agences d'investigation et de crédit définit ce que sont des agences d'investigation et de crédit comme étant des entreprises qui, pour des fins lucratives, procèdent à différents types d'enquêtes. Donc, juridiquement, il est impossible pour le Service, à l'heure actuelle, de répondre aux critères de la loi et, donc, de se qualifier et de faire une demande pour obtenir un permis à titre d'agence d'investigation de crédit. C'est ce qui, évidemment, les a amenés à ne pas faire une telle demande et à faire des représentations devant cette commission, devant l'Assemblée nationale, pour que l'on tienne compte de leur statut particulier.

Par exemple, l'un des paragraphes de l'article 17, qui prévoit certaines exceptions à la transmission de renseignements pour ces agences, ne peut être applicable. D'une chose ou l'autre, ou l'Assemblée devra modifier la définition que l'on retrouve dans la Loi sur les agences d'investigation pour permettre au Service de se faire reconnaître ce statut ou, à l'inverse, elle devra prévoir, dans le projet de loi 68, des termes qui permettent de donner au Service anti-crime des mécanismes de transmission et de communication de renseignements analogues ou un régime analogue à ce qui pourrait être offert aux agences d'investigation et de crédit.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Doray.

M. Cannon: Avez-vous un permis pour oeuvrer dans votre domaine?

M. Garand: Non.

M. Cannon: Quel est votre mandat?

M. Garand: Notre mandat? Notre mandat du Service anti-crime? Justement, le mandat, c'est de protéger les compagnies d'assurances ainsi que le public en général. Ça a été fondé en 1923, ici, à Montréal, lorsque, en 1923, il n'y avait aucune force policière ou autre qui oeuvrait dans les champs d'enquête sur les incendies. À ce moment-là, il y avait beaucoup d'incendies qui avaient été déclarées dans Montréal, dans la province de Québec et en Ontario. C'est à ce point-là que le Service anti-crime avait été fondé, avec le mandat de protéger le public ainsi que l'industrie de l'assurance contre des individus qui voulaient frauder.

M. Cannon: Vous répondez devant qui? Devant le surintendant des assurances, devant les compagnies qui vous engagent?

M. Garand: Devant les compagnies qui nous engagent.

M. Cannon: Alors, vous n'êtes redevables que devant les compagnies qui vous engagent.

M. Garand: On pourrait dire... Oui, juste-

ment. On a une charte, puis on...

M. Cannon: O.K. Plusieurs des objections que vous soulevez dans votre mémoire concernent les principes déjà adoptés par le législateur dans le nouveau Code civil: le principe du consentement, l'accès au dossier, le droit de rectification, etc. Pour quelle raison votre entreprise ne devrait-elle pas être assujettie à ses principes?

M. Garand: J'ai dit qu'on était d'accord, qu'un individu qui a un dossier chez nous a l'accessibilité à ce dossier. On le fait déjà. On n'est pas contre le principe de la loi, qu'un individu a accès, de la rectification, de changer, puis... On n'est aucunement contre ce principe. On est d'accord.

M. Cannon: Tout à l'heure, vous avez glissé dans la conversation National Insurance Crime Bureau, USA. Qu'est-ce que vous transmettez au National Insurance Crime Bureau, aux États-Unis?

M. Garand: En premier, il va falloir que je vous explique un peu le Service anti-crime, ce que c'est. Le Service anti-crime a deux filiales: le FUIB, Fire Underwriters Investigation Bureau, qui fait des enquêtes sur les incendies et aussi les vols domiciliaires, et on a aussi le Bureau canadien des autos volées. Le Bureau canadien des autos volées fait des enquêtes sur les vols d'automobiles ici, au Canada. Le NICB, aux États-Unis, est notre contrepartie qui fait des enquêtes sur les autos volées. Ils ont un fichier sur toutes les autos volées aux États-Unis; pas toutes, mais dans la majorité des cas. Là-dessus, nous autres aussi, également. Comme vous le savez, sur une automobile, il y a un numéro d'identification. C'est seulement le NICB qui a accès à des numéros confidentiels qui vont avec le numéro de VIN, le numéro d'identification du véhicule. C'est là où il faut aller aux États-Unis pour avoir les informations pour compléter nos enquêtes.

Comme vous le savez, ici, dans la province de Québec, on a, présentement, le championnat au point de vue des autos volées au Canada. Des quelque 100 000 véhicules qui sont volés, 45 000 sont volés ici, au Québec. Beaucoup de ces véhicules-là sont des véhicules qui sont volés, maquillés, et ils utilisent les numéros d'identification, les VIN. Nous, on a des membres, des experts qui identifient, pour nos compagnies d'assurances ainsi que pour la police, les véhicules, pour qu'on soit capables d'aller devant les tribunaux. C'est là où on a une association très proche avec les corps policiers. On les assiste continuellement dans ce domaine-là.

M. Cannon: Vous avez indiqué, plus tôt, que, à l'occasion de réclamations supérieures à 3000 $ ou lorsqu'il s'agissait d'un vol ou d'un incendie, les compagnies d'assurances, généralement, font appel à vous pour enquêter sur...

M. Garand: Ah non! M. Cannon: Non?

M. Garand: Ça, ce sont les informations qu'on a dans nos banques de données.

M. Cannon: Oui.

M. Garand: Dans nos banques de données, on a les réclamations d'au-delà de 3000 $.

M. Cannon: O.K.

M. Garand: Ça, c'est une décision... C'est parce qu'il y en a tellement en bas qu'on en aurait trop. Quand on fait des enquêtes, c'est simplement des enquêtes. Habituellement, l'expert en sinistres a déjà fait son enquête. Quand ça arrive à nous, il suspecte qu'il y a eu une fraude ou une tentative de fraude. Nous, on fait des compléments...

M. Cannon: II a un doute raisonnable.

M. Garand: Un doute raisonnable. Nous, on fait des compléments d'enquête. Les experts en sinistres ont fait leur boulot. Nous, on arrive et on poursuit l'enquête pour déterminer si vraiment, oui ou non, il y a eu fraude.

M. Cannon: Pour le complément de l'enquête, faites-vous affaire avec Équifax? Je présume que oui.

M. Garand: Non.

M. Cannon: Non? Jamais?

M. Garand: Non, pantoute. Les experts en sinistres, c'est leur partie de l'ouvrage. Nous, on ne fait pas affaire avec Équifax, on n'a absolument pas de contact avec eux. Définitivement, on reçoit des fois un rapport d'Équifax parce que c'est l'expert en sinistres qui l'a demandé, mais, nous, on ne se sert pas de ça.

M. Cannon: Donc, la compagnie d'assurances, ayant un doute raisonnable à la suite d'informations qu'elle a pu peut-être obtenir en provenance d'Équifax, peut peut-être vous demander de poursuivre l'enquête.

M. Garand: Je ne pense pas que la...

M. Cannon: Non, mais, c'est parce que, là, j'essaie de comprendre comment ça marche, cette patente-là.

M. Garand: O.K. En premier, Équifax, je ne pense pas qu'ils peuvent nous dire si la personne fraude.

M. Cannon: Je vous dis ça, là, parce que... Je vous avoue bien franchement, là où je veux en venir, c'est parce qu'il y a des gens qui s'occupent des archives médicales et qui nous disent que oui, il arrive parfois qu'Équifax va fouiller dans les dossiers médicaux. Alors, moi, je veux savoir d'où ça vient. Est-ce que c'est les compagnies d'assurances? Est-ce que c'est vous autres? C'est qui? Qui autorise ça et comment ça se fait que ça se produit? C'est juste ça. C'est pour ça que je suis un petit peu, là, dans un état d'interrogation. Expliquez-moi tout ça, là.

M. Garand: O.K. En premier, on ne fait pas affaire avec Équifax. On ne demande pas à Équifax des renseignements. Ça, cette partie-là, s'il y a quelqu'urv'quije demande pendant une de nos enquêtes, c'est l'expert en sinistres. Lui, des fois, va demander des renseignements d'Équifax, des renseignements de crédit. Ça n'a rien à faire avec notre enquête. Nous, notre enquête, c'est une enquête au point de vue de déterminer s'il y a fraude d'assurances. Ce n'est pas Équifax qui va nous dire ça.

M. Cannon: Est-ce que ça arrive des fois que vous avez accès à des dossiers médicaux?

M. Garand: Jamais. M. Cannon: Jamais?

M. Garand: Jamais. Pourquoi on aurait besoin de ça? N'oubliez pas que, nous autres, on est dans la propriété, on ne fait pas de...

M. Cannon: Moi, mon cher monsieur, les pourquoi... Ne me posez pas les questions, moi, je les pose, là. C'est parce que je suis étonné, après...

M. Garand: N'oubliez pas que, nous, on fait de la propriété, on ne touche pas à la vie. Ça fait qu'on a pas accès aux rapports médicaux, on n'en a pas besoin, effectivement, pour faire nos enquêtes.

M. Cannon: Michel, toi, tu touches la vie, vas-y donc. Tu n'as pas de questions? O.K. Moi, ça va.

Le Président (M. Doyon): Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je pense que ça termine les informations que les membres de la commission étaient intéressés à recevoir, compte tenu du mémoire que vous nous avez présenté et de la présentation qui nous avait été faite au début. Je vous remercie beaucoup. Je suis convaincu que ça va permettre à cette commission de bonifier le projet de loi 68. Il sera tenu compte de vos remarques comme de celles des autres groupes et organismes qui se sont présentés devant nous.

Il me reste à vous remercier, M. Brochier, et à remercier M. Garand et M. Doray pour une troisième fois. Moi, en tant qu'avocat, je suis heureux de l'avoir, je n'ai pas de problème avec ça. Alors, merci beaucoup.

J'ajourne les travaux à 10 heures, demain matin.

(Fin de la séance à 21 h 20)

Document(s) associé(s) à la séance