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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 1 mars 1993 - Vol. 32 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Quinze heures onze minutes)

Le Président (M. Doyon): Je déclare la séance ouverte et je demande au secrétaire de bien vouloir nous indiquer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); Mme Cardinal (Châteauguay) est remplacée par M. Kehoe (Chapleau); M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Maltais (Saguenay).

Le Président (M. Doyon): Bon. Donc, nous commençons la dernière semaine de nos consultations. C'est la continuation du mandat que nous avons fait la semaine dernière. Il s'agit pour nous de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 68. Il s'agit de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

L'ordre du jour a été distribué. Vous me dispenserez d'en faire lecture. Je vous indique que le temps sera partagé de la même façon qu'auparavant, donc, maximum d'une heure pour chacun des organismes ou personnes invitées et une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire et, ensuite, partage du temps d'une façon égale entre les deux partis pour s'entretenir avec nos invités.

Nos premiers invités sont les représentants du Bureau d'assurance du Canada. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je vois que M. Medza est ici, que je connais. Je vous souhaite la bienvenue particulièrement, ainsi qu'à M. Jean Bouchard et Mme Hélène Lamontagne.

Donc, comme je vous disais, une heure au total et partage du temps de façon égale entre les deux partis. Nous sommes prêts à vous écouter.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Alors, nous avions fait parvenir notre mémoire aux membres de la commission. Je me contenterai non pas de le lire, mais bien de simplement en rappeler certains des aspects qui nous apparaissent les plus essentiels, à ce moment-ci.

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de Mme Lamontagne, qui est conseiller juridique pour le Bureau d'assurance du Canada; M. Medza est le directeur général du Comité du Bureau d'assurance du Canada pour le Québec et j'en suis le président, en plus d'être le président du conseil de La Laurentienne Générale.

Je voudrais d'abord peut-être dire juste deux mots sur ce qu'est le Bureau d'assurance du

Canada. C'est une association qui réunit la presque totalité des compagnies d'assurances de dommages, c'est-à-dire les compagnies qui souscrivent des risques d'assurance automobile, incendie, responsabilité, soit pour les individus ou pour les commerces, et la presque totalité de celles qui font affaire au Québec pour ce qui est du BAC Québec.

Les membres ici - disons ici dans la province - transigent globalement avec environ 2 000 000 d'assurés sur une base annuelle. en 1991, nous avons perçu 3 600 000 000 $ de primes. nous fournissons de l'emploi à près de 35 000 québécois et québécoises. nous avons effectué des placements également de l'ordre de 3 600 000 000 $ et nous avons versé des indemnités de quelque 2 600 000 000 $ aux assurés québécois.

En plus de ça, nous avons, bien sûr, généré, comme de bons citoyens, pour le Trésor québécois, plus de 525 000 000 $ en taxes directes et indirectes, en excluant les impôts sur les profits des corporations. Il est important de réaliser que le Bureau d'assurance du Canada représente des assureurs et non pas des courtiers d'assurances. Les courtiers ont leurs propres instances pour faire valoir leurs propres revendications, et nous nous distinguons des assureurs de personnes qui ont eux aussi leur propre association.

Nous avons étudié attentivement le projet de loi 68 et nous sommes heureux de faire part de nos observations aux membres de la commission de la culture. De façon générale, les assureurs de dommages du Québec appuient la démarche du législateur qui souhaitait s'inspirer des principes et des normes mises de l'avant par l'OCDE dans le but de protéger les renseignements privés. D'ailleurs, les assureurs avaient déjà pris l'initiative de se doter d'un code de conduite en matière de vie privée, dès 1987, qui s'inspirait aussi largement des normes publiées par l'OCDE et que nous avons d'ailleurs fournies en annexe à notre mémoire.

Nous croyons cependant qu'il est primordial de trouver un équilibre entre les besoins réels des consommateurs au chapitre de la protection des renseignements personnels et la flexibilité nécessaire pour la conduite des affaires, de plus en plus mondialisée, où le temps de réaction est crucial, et également l'efficacité de nos organisations. Nous estimons que, dans l'état actuel des finances publiques, le législateur doit évaluer avec beaucoup de rigueur les impacts reliés à cette nouvelle législation. Nous avons d'ailleurs, récemment, dans notre mémoire sur le financement des services publics, recommandé la même approche.

D'abord, je voudrais souligner certains des

points de convergence que nous avons avec le projet qui est devant nous. D'abord, sur les principes, le code de déontologie en matière de protection de la vie privée qui a été adopté par le Bureau d'assurance du Canada, en 1987, que nous avons mentionné antérieurement et auquel ont souscrit individuellement l'ensemble des assureurs de dommages au Québec, a été revu et renforcé au cours de l'année 1992. Il a de nouveau été entériné par l'ensemble des assureurs et a fait l'objet d'un engagement formel par chacun d'entre eux par la signature d'une lettre d'endossement. Vous en trouverez d'ailleurs copie aux annexes II, III et IV qui ont été distribuées avec notre mémoire.

Notre préoccupation pour la protection des renseignements personnels se comprend aisément et n'est pas nouvelle, car l'échange d'information entre assureurs et assurés a toujours joué un rôle primordial dans le commerce de l'assurance. D'abord, la bonne santé financière d'un assureur dépend, en très grande partie, de la qualité et du contrôle qu'il exerce sur la classification équitable des risques, les niveaux de primes qu'il exige, la tarification, et les sommes qu'il verse lors du règlement d'un sinistre. Pour effectuer chacune de ces étapes, l'assureur doit obtenir de l'assuré des informations concernant les biens ou la personne à assurer. Quand je dis «la personne», par exemple, prenons le cas de l'assurance automobile, ce sont des renseignements qui concernent soit son âge, soit son occupation, etc.

Ensuite, il ne faut pas non plus oublier que les assureurs opèrent dans un régime de concurrence. Ils ont tout intérêt à protéger du mieux possible la confidentialité des données qu'ils possèdent sur leurs assurés. Les assureurs de dommages ont donc, depuis toujours, été très sensibles à la protection de ces renseignements.

Rappelons que les articles 177 et 179.1 de la Loi sur l'assurance automobile empêchent déjà les assureurs d'utiliser des informations recueillies pour des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été obtenues et d'en informer les assurés. La Loi sur les assurances, à l'article 420, permet également au gouvernement de déterminer les normes d'usage qu'un assureur peut faire de l'information qu'il possède sur ses assurés, ou sur ses clients, ou sur une autre institution financière dont il offre la vente des produits.

De façon générale, nous sommes d'accord avec une loi d'application. Nous souscrivons à l'idée d'une telle loi à laquelle réfère l'article 41 du Code civil du Québec et dont le but serait effectivement de préciser les droits des citoyens de consulter ou de faire rectifier leur dossier personnel. Le projet de loi 68 va dans ce sens dans un certain nombre de ses articles. Par contre, là s'arrête notre accord. Nous avons de nombreux points de divergence. Nous considérons que le projet de loi 68 introduit une intervention trop massive, trop complexe, trop coûteuse et qu'elle consent trop de pouvoirs à la Commission d'accès à l'information. Par une intervention trop massive, ceci touche la philosophie même entourant la mise en oeuvre de cette législation. Le projet de loi propose une intervention massive et tatillonne de l'État auprès des 215 591 entreprises québécoises (Commission de la santé et de la sécurité, rapport d'activité, 1991) pour régler, au départ, des abus dont le nombre et la nature sont faiblement documentés. (15 h 20)

Nous avons consulté les nombreux documents qui ont pavé la voie au projet de loi. Il ressort clairement que c'est l'attitude «bon père de famille» qui a motivé cette démarche de l'État. Comme nous l'avons dit, nous croyons fermement aux grands principes qui soutiennent la protection des renseignements personnels. Mais nous sommes également d'avis que l'État doit apprendre à subordonner et à moduler ses interventions en fonction des besoins exprimés et documentés des citoyens et citoyennes et éviter le protectionnisme à outrance.

Nous avons tenté de réunir de l'information pour essayer d'évaluer la véritable nature du problème que le législateur veut circonscrire. Nous avons, par exemple, passé en revue les rapports publiés par l'Office de la protection du consommateur, ceux de la Commission d'accès à l'information et, dans notre cas plus précis, ceux de l'Inspecteur général des institutions financières. De plus, nous avons examiné les demandes qui sont adressées chaque année au centre d'information du Bureau d'assurance du Canada, où nous recevons en moyenne 50 000 appels par année.

Comme on peut le voir dans le tableau qui est à la page 7 du mémoire, rien n'indique qu'il existe au Québec un problème d'abus de renseignements de nature personnelle dans le secteur qui nous occupe, dans le secteur privé qui touche l'industrie de l'assurance de dommages. Et ceci semble être un problème presque inexistant. Simplement à titre d'exemple, la Commission d'accès à l'information reçoit au total 925 demandes et, là-dessus, 137 touchent les renseignements de nature privée; l'Inspecteur général des institutions financières, d'après son rapport 1990-1991, reçoit 364 000 appels et aucun d'eux ne semble toucher les renseignements privés; un chiffre du même ordre de la part de l'Office de la protection du consommateur; et, au Bureau d'assurance du Canada, sur les 50 000 appels que nous recevons, pratiquement aucun ne touche les renseignements d'ordre privé.

Alors, même dans le secteur public, le problème n'est pas significatif. Rappelons que l'État a constitué et gère les plus gros fichiers d'information comportant des renseignements personnels. Pourtant, selon le rapport de la Commission, comme je viens de le citer, le nombre de demandes d'accès à leur dossier personnel de la part des citoyens adressées à la Commission n'a

été que de 137, dont 17 demandes de rectification de renseignements, et ce, pour une population de près de 6 800 000 d'habitants.

Il n'y a donc pas preuve qui justifie l'intervention matraque du projet de loi 68. L'approche du gouvernement a surtout porté sur des concepts et des principes qui sont valables, mais qui reflètent peu la réalité du vécu quotidien des entreprises. Comme trop souvent, d'ailleurs, le législateur propose la multiplication de règles, de procédures, de formulaires et l'intervention omniprésente de fonctionnaires pour encadrer dans ses moindres détails tout le processus. Ces mesures surprennent, d'autant plus que le gouvernement s'interroge sur la pertinence des programmes actuels, sur les impacts financiers des lois et sur l'intervention de l'État dans le secteur privé. À notre sens, l'État doit se limiter à intervenir là où il y a motif valable.

Maintenant, la complexité de l'intervention. Notre deuxième point de divergence concerne l'incroyable complexité et la lourdeur des mécanismes que le projet de loi met de l'avant pour garantir le droit à la protection de la vie privée. Le législateur a prévu la publication de renseignements particuliers, la tenue de registres, la mise en place de structures administratives obligatoires, donc, des personnes, des mécanismes de contrôle, pour répondre aux demandes de consultation et de modification de dossiers et pour préparer les rapports qui seront exigés par des fonctionnaires. Il impose également, de façon arbitraire, des conditions d'échange de renseignements et des pénalités que l'on considère abusives et injustifiées, car elles ignorent totalement les contrôles qui existent déjà ou les besoins de chaque secteur d'activité.

Ainsi, toute la section touchant le consentement risque d'avoir un effet paralysant à certaines activités des entreprises. Afin de satisfaire aux exigences de consommateurs pour un service toujours plus rapide, beaucoup de transactions d'affaires, notamment dans le secteur des assurances, s'effectuent de nos jours au téléphone. Comment est-ce compatible avec les délais qu'occasionne la nécessité d'obtenir le consentement par écrit au préalable? D'ailleurs, une étude des différents régimes de protection de renseignements personnels démontre que le Québec propose à ces entreprises le régime le plus lourd et le plus complexe de toutes les provinces canadiennes et même de tous les pays membres de l'OCDE.

Le projet de loi 68 est également une intervention trop coûteuse. Les nombreuses obligations qui sont faites aux entreprises d'obtenir le consentement écrit, de communiquer des copies de dossiers et de tenir des registres exigeront non seulement du temps, mais se traduiront par des coûts administratifs nouveaux qui, nécessairement, seront transférés aux consommateurs éventuellement.

Par exemple, nous avons calculé que l'envoi aux assurés de nos membres de renseignements requis par les articles 7 et 12 pourrait entraîner des dépenses de quelque 10 000 000 $. De plus, il y a actuellement au Québec 2 235 610 travailleurs et travailleuses qui pourraient recevoir de tels renseignements de leurs employeurs, de leurs assureurs - et leurs assureurs, ils peuvent en avoir plusieurs par individu, c'est-à-dire en assurance-vie, en assurance automobile, en assurance habitation, accident-maladie, assurance-salaire, etc. - de leurs institutions financières - cartes de crédit, hypothèques - des bureaux de crédit, des associations auxquelles ils appartiennent, etc. En moyenne, on peut prévoir de 10 à 40 envois par personne, une paperasse incroyable pour s'attaquer, rappelons-le, à un nombre extrêmement limité de cas d'abus.

N'oublions pas non plus que, dans le cadre de cette nouvelle loi, l'État se charge également de plusieurs responsabilités additionnelles. Le législateur a-t-il évalué combien il devrait consentir de nouvelles ressources pour faire appliquer la loi par toutes les entreprises du Québec, quelle que soit leur taille?

Selon le rapport annuel de la Commission d'accès à l'information pour l'année 1991, c'est actuellement un budget de quelque 3 000 000 $... En fait, j'aimerais corriger ici. Il y a une erreur de typographie qui s'est glissée, je crois, dans le mémoire original. Nous disions 10 000 000 $, mais c'est... Je crois qu'il y a eu quelques... C'est une erreur de typographie. Alors, quelque 3 000 000 $ et 35 employés pour s'occuper d'environ 900 demandes annuellement, qui touchent quelques centaines d'organismes gouvernementaux. Qu'en sera-t-il lorsque l'État devra policer les affaires de près de 200 000 entreprises? Au moment où l'État doit apprendre à vivre selon ses moyens et également selon les moyens de ses citoyens, qu'il se propose même de diminuer ses services pour alléger ses dettes, est-il raisonnable et même acceptable d'opter pour un régime de protection de la vie privée qui mise si fortement sur la paperasse et le contrôle par les fonctionnaires et qui entraîne des déboursés importants?

En quatrième lieu, nous croyons que c'est une intervention qui concentre trop de pouvoirs dans un seul organisme. L'aspect le plus troublant du projet de loi est certainement l'étendue des pouvoirs d'intervention au sein des entreprises, consentis à la Commission d'accès à l'information, et ce, sans balises très précise. Cet organisme devient en quelque sorte un quasi-tribunal dont les décisions sont, dans certains cas, sans appel. Elle aura le rôle de juge et partie. Elle pourrait peut-être même prendre des décisions sans consulter les parties en cause.

De plus, dans la version actuelle du projet de loi et, contrairement à la recommandation formulée par le GRID, recommandation 7.1.2, qui a étudié en profondeur cette question, la Commission peut même initier des enquêtes sans qu'il y ait plainte ou évidence d'infraction, ce qui

nous apparaît, d'ailleurs, inacceptable. Ce pouvoir d'enquête et de décision arbitraire qui imposera des sanctions pour lesquelles l'entreprise ne pourra en appeler est contraire aux principes fondamentaux de droit respectés par nos tribunaux et par nos lois.

Nous avons aussi de sérieuses réserves quant au choix de la Commission d'accès à l'information comme maître d'oeuvre de cette nouvelle législation. C'est une chose d'intervenir en milieu gouvernemental, et une autre, dans le secteur privé. Les contraintes que nous imposent la productivité, la compétitivité, la qualité du service à fournir à nos clients, tous des éléments inexistants en milieu gouvernemental, sont carrément incompatibles avec le niveau d'intervention confié à la Commission.

Notre référence à nous, c'est plutôt l'auto-réglementation. Nous considérons que les dispositions du Code civil du Québec sur lesquelles repose ce projet de loi reconnaissent l'autorégle-mentation dans le cadre duquel l'observance de ia loi par les parties, comme dans tout autre domaine, n'est pas sujette au contrôle d'une superstructure administrative, mais aux tribunaux responsables d'appliquer la loi.

Nous nous objectons au pouvoir absolu que se donnera la Commission d'imposer des modèles de code de conduite interne à une entreprise. Ce pouvoir abusif aura un impact sur la réputation et la santé financière même de l'entreprise, alors que celle-ci n'aura aucun moyen de défense. Nous croyons que la façon la plus efficace et la moins coûteuse de s'attaquer à ce dossier est d'opter pour la responsabilisation des entreprises dans cette matière par la voie de l'autoréglemen-tation.

Rappelons également que l'autoréglementa-tion est le choix proposé par l'OCDE pour la mise en oeuvre des régimes de protection de la vie privée. D'ailleurs, le nombre quasiment nul de plaintes à travers le pays concernant l'usage potentiellement abusif de renseignements personnels par les assureurs de dommages démontre, à l'évidence, que les mesures d'autoréglementa-tion - c'est-à-dire les codes de déontologie et ententes de confidentialité lors de l'embauche que nous avons mentionnés tout à l'heure - peuvent porter des fruits.

Dans cette perspective, nous sommes d'avis que le législateur devrait opter pour une approche qui reposerait davantage sur la souplesse, l'incitation et la responsabilisation, selon les besoins des secteurs. C'est ce que recommandent l'OCDE, l'étude effectuée par le GRID et notre organisme. D'autre part, le législateur pourrait proposer une loi d'application qui définirait des conditions et des modalités d'exercice du droit de consultation ou de rectification d'un dossier, tel que prévu par le Code civil. Les entreprises seraient tenues de respecter ces conditions et modalités au même titre que toutes leurs autres obligations qui découlent déjà du Code civil du

Québec. L'État, pour sa part, mettrait en place un mécanisme simple, décentralisé, juste et équitable et facilement accessible aux citoyens ordinaires pour agir sur leurs plaintes. Ce mécanisme pourrait s'inspirer du modèle d'application de la Charte des droits et libertés de la personne. (15 h 30)

Alors, en résumé, nos recommandations se lisent comme suit: mettre en oeuvre une loi d'application qui définirait les conditions et les modalités d'exercice du droit de consultation ou de rectification d'un dossier, tel que prévu au Code civil du Québec, et se limiter à ces aspects; privilégier la responsabilisation des entreprises par la voie de l'autoréglementation plutôt que !a mise en place d'un organisme de contrôle bureaucratique; opter pour un mécanisme de règlement des plaintes qui s'inspire des modalités d'application de la Charte des droits et libertés plutôt que de confier de nouvelles responsabilités à la Commission d'accès, dont le rôle principal doit être de garantir aux citoyens l'accès à l'information gouvernementale; simplifier au maximum les processus administratifs, de façon à minimiser les coûts d'application de la loi par les entreprises.

En conclusion, nous sommes en accord avec les grands principes qui sous-tendent le projet de loi 68. Cependant, nous nous opposons aux moyens que le ministre des Communications propose pour atteindre l'objectif visé. Nous croyons que le législateur doit proposer une loi qui définira les conditions et les modalités d'exercice du droit de consultation ou de rectification prévues au Code civil du Québec. Dans sa forme actuelle, le projet de loi est trop ambitieux quant à sa portée et se démarque trop des régimes adoptés par les principaux partenaires ou concurrents du Québec - les autres provinces et les autres pays - et sa mise en oeuvre entraînera des coûts substantiels qui pénaliseront les entreprises.

Nous estimons également que le projet de loi confère à la Commission d'accès, l'organisme qui assurerait l'application de la loi, des. pouvoirs beaucoup trop étendus. La compétence acquise par la Commission n'est pas automatiquement transférable aux pratiques commerciales des entreprises, et il nous semble que le projet de loi 68 est une solution en quête d'un problème. Nous invitons donc le législateur à revenir à l'esprit des principes proposés par l'OCDE, soit la clarté dans les principes, la simplicité dans les modalités administratives et la souplesse dans la mise en oeuvre. Ceci évitera de créer un autre monstre administratif. Les finances publiques ne pourront s'en porter que mieux et les citoyens également. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci à M. Bouchard. Je suis certain que le ministre voudra engager la discussion avec vous sur certaines de vos remarques. Alors, dès maintenant, je lui cède la parole.

M. Cannon: Merci, M. le Président. Bienvenue aux gens du Bureau d'assurance du Canada. Je vous avoue, au départ, M. Bouchard, que, comme vous, j'ai relevé des erreurs. Vous avez relevé une erreur typographique, je présume, lorsque, dans le document, vous avez indiqué que le budget était de 10 000 000 $ par année, alors qu'il est de 2 588 100 $ et qu'il y a effectivement 35 employés. Mais vous l'avez relevée, cette erreur.

Par contre, il y a d'autres erreurs. Et ça, ça me surprend du Bureau d'assurance du Canada que vous ayez laissé passer des choses semblables. Vous dites, par exemple: «Pourtant, lors de l'exercice 1991-1992, le nombre de demandes d'accès à son dossier personnel émanant de citoyens, adressées à la Commission d'accès à l'information, n'a été que de 137, les demandes de rectification de renseignements que de 17 et ce, pour une population de 6 800 000 d'habitants.» J'attire votre attention, effectivement, sur le rapport annuel 1991-1992 de la Commission d'accès à l'information. Dans l'introduction, à la page 9 de son rapport, M. Paul-André Comeau, qui reçoit son mandat de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, écrit: «On a établi à plus de 310 000 le nombre de requêtes acheminées au ministère, organismes et autres administrations publiques en vertu de la Loi sur l'accès, de juillet 1990 à fin juin 1991.» Plus loin, on peut lire, au chapitre «Le secteur privé»: «Comme si besoin était, les données recueillies par l'enquête annuelle du ministère des Communications viennent confirmer les préoccupations des Québécois en matière de protection des renseignements personnels. L'an dernier, 61 % de toutes les requêtes signifiées à des organismes publics, en vertu de la Loi sur l'accès, ont visé des renseignements personnels détenus par les organismes publics et parapublics. En d'autres termes, 248 258 Québécois ont sollicité accès aux autres renseignements accumulés à leur sujet par l'un ou l'autre organisme, par comparaison aux quelque 62 000 demandes de documents administratifs.» C'est ça, la réalité. C'est ça, les faits.

D'ailleurs, je peux en relever une autre: lorsque vous parlez de l'autoréglementation et que vous citez le document de l'OCDE. Vous n'avez même pas cité le bon paragraphe ni la bonne page. Alors, je suis étonné de la présentation. Je suis étonné de la présentation. J'aurais, tout au moins, accepté un petit peu plus de rigueur dans cette démarche.

Cependant, ceci étant dit, moi, je suis préoccupé, oui, par la rectification, oui, par la consultation, mais je suis également préoccupé par des règles de protection, et vous et moi, nous avons déjà eu l'opportunité d'en discuter, au mois de novembre 1991. Il me semble qu'au sortir de cette discussion-là il y avait quand même des points de convergence.

Alors, M. Bouchard, j'aimerais savoir:

Lorsqu'un citoyen veut se plaindre de la divulgation des renseignements personnels sans son consentement, qu'arrive-t-il? Les recours, est-ce qu'ils sont faciles et efficaces? Quelles sont les sanctions? Qu'arrive-t-il à un individu à qui un assureur refuse l'accès ou la rectification de son dossier? On va commencer avec ça.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, sur les points de correction sur notre rapport, il y en a un que je peux vérifier immédiatement pour citer la source. Quant à l'autre, sur le rapport de l'OCDE, malheureusement, je n'ai pas le document. Les chiffres que nous citons présentement au niveau du nombre de demandes reçues et réglées sont tirés du rapport... C'est publié par l'office que vous me mentionnez, la Commission d'accès à l'information du Québec, Rapport annuel 1991-1992, Tableau 1, Demandes reçues et réglées, 1991-1992, où on a le total: 925 reçues, 605 réglées, 276 désistements...

M. Cannon: Je m'excuse, M. Bouchard. Je m'excuse, là. C'est des demandes de révision, le tableau 1.

M. Bouchard: Demandes reçues et réglées. M. Cannon: C'est des demandes de révision.

M. Bouchard: Que j'ai là? Les chiffres que je vous donne? C'est ce que je...

M. Cannon: J'ai l'auteur du rapport à côté de moi.

M. Bouchard: «Les chiffres dans cette colonne comprennent les dossiers qui émanent [...], qui étaient en suspens au début...» Il y a peut-être erreur. Enfin, s'il y a erreur... De toute façon, on va corriger notre rapport et, s'il y a erreur en cette chose-là, je m'en excuse. Mais ce n'est pas clair, de toute façon, la façon dont ça a été présenté là, et le chiffre et le nombre d'auditions... En réalité, c'est le document qu'on me fournit comme ayant servi d'exemple.

Il reste que ceux qui sont soumis par l'Inspecteur général... Enfin, l'ensemble de ceux qui ont été soumis et ceux de l'Inspecteur général des institutions financières, qui a reçu, je pense, copie de notre mémoire, n'ont pas été nécessairement questionnés. Ceux de l'Office de la protection du consommateur, à ma connaissance, n'ont pas été non plus questionnés, où on cite 385 000 demandes, dont aucune ne touchait réellement les renseignements privés.

Mais, écoutez, s'il y a des erreurs dans notre mémoire qui ont un impact sur les conclusions, elles seront corrigées. Mais il reste que, dans ce que nous vivons, nous, au niveau de l'assurance de dommages, le Bureau d'assurance du Canada, en réalité - et je suis en mesure de

contrôler les chiffres assez précisément - a environ 50 000 demandes ou contacts de la part d'assurés, et le Bureau d'assurance du Canada, comme vous le savez peut-être, agit comme lieu où peuvent s'adresser tous les assurés sur l'ensemble de leur protection, de leur police, etc. Ils agissent un peu au nom de l'industrie, sans prendre nécessairement la responsabilité de chacune des compagnies. Et nous savons très bien qu'aucune de ces demandes-là ne touche les renseignements privés. (15 h 40)

II faut réaliser que, dans le cadre de l'assurance de dommages, l'ensemble de l'information que nous avons est recueillie auprès de nos assurés directement ou par l'entremise des courtiers qui nous représentent. Et les dossiers que nous détenons touchent soit leur véhicule, soit leur dossier à eux comme conducteur, leur âge, etc., le nombre d'années sans accident, etc., leur propriété, leur adresse et des choses comme celles-là. Ce sont tous des documents substan-tifiés par les propositions qui nous ont été communiquées par nos assurés. On leur envoie chaque année une police d'assurance qui reflète exactement les données qu'ils nous ont données, ou un renouvellement lorsqu'ils renouvellent leur police chez nous. À chaque année, on a un contact avec chacun de nos assurés, soit parce qu'on prend le risque, soit parce qu'on le renouvelle.

À ma connaissance, lorsqu'un assuré veut faire corriger une information concernant son dossier de conduite, son âge, son adresse, etc., il nous en avise immédiatement, et je ne connais pas de cas où un assureur aurait refusé, si vous voulez, de changer, de corriger de l'information à ce niveau-là. Nous ne nous échangeons pas, disons, ces renseignements-là entre assureurs. On ne se vend pas nos propres renseignements entre nous. Donc, en ce qui nous touche, disons... Je ne nie pas qu'il puisse y avoir un problème de divulgation dans des secteurs autres que celui de l'assurance de dommages. Je ne suis pas ici pour représenter les autres secteurs. Je ne dis pas non plus que la façon dont se conduisent les différents intervenants qui ont à gérer des documents personnels se conduisent de façon parfaite. Je ne dis pas non plus que chacun qui a un dossier de crédit, disons, ne devrait pas y avoir accès ou ne devrait pas être en mesure de faire corriger les données qui y sont incluses. Je dis que, dans le cas de l'assurance, pour nous, en ce qui nous touche, dans le cas de la manipulation de dossiers, ce que vous nous imposez par cette loi-là, en plus de communiquer avec nos assurés pour leur envoyer des propositions et leur envoyer nos renouvellements, nous imposerait en plus de recommuniquer avec eux.

Quand je dis nos assurés, il faut réaliser que chaque assureur détient des dossiers non pas uniquement pour ses assurés actuels, mais pour ses assurés antérieurs aussi parce que, de par la loi, on est obligés de garder ces documents-là. Lorsque nous avons des réclamations, on est obligés de les garder également et garder en dossier l'ensemble des éléments que nous avons constitués pour régler un sinistre. C'est-à-dire que, si une compagnie a, par exemple, 500 000 assurés, si vous calculez... Une compagnie qui est représentée par des courtiers, de façon générale, renouvelle son nombre d'assurés, et disons qu'il y a au moins entre 20 % et 25 % de ses assurés qui vont s'assurer ailleurs l'année d'ensuite. Ce qui veut dire que, au bout de cinq ans, nous avons accumulé un nombre incroyable de dossiers sur un paquet d'assurés qui ne sont pas chez nous, et la loi nous forcerait quand même à aviser ces gens-là que nous détenons de l'information.

La loi forcerait également, en plus de ça, non pas uniquement de la divulguer, mais donnerait également à la Commission le pouvoir de s'assurer que nous faisons tout ça, donc que nous ferons rapport à la Commission, que la Commission aura des inspecteurs pour venir vérifier qu'on fait bien notre travail, etc. C'est cette complexité-là que vous nous imposez contre laquelle je suis. Ce n'est pas contre les principes.

Je pense que vous mentionnez fort bien que, quand on avait convenu de certains principes... Je pense que nos principes ne vont pas à rencontre du fait que le public ou qu'un individu puisse avoir accès aux données qui le concernent et les faire rectifier, le cas échéant. Je pense qu'on n'a jamais contesté une chose comme celle-là, mais d'arriver avec un encadrement comme celui que vous proposez nous apparaît totalement injuste.

M. Cannon: Non, mais si vous me permettez, M. Bouchard, je reviens à votre mémoire, là, vers la fin. C'est inscrit, il y a un chapitre «Information de base et notes sur le modèle de Code de protection de la vie privée». D'ailleurs, vous en avez parlé un peu. On peut y . lire: «En 1986, le gouvernement fédéral s'est mis à encourager diverses industries du secteur privé à observer volontairement les "Lignes directrices de l'OCDE". Nous croyons, cependant, savoir par le bureau du commissaire fédéral à la protection de la vie privée, que la réponse du secteur privé a été assez limitée.» C'est vous-même qui le dites. Est-ce que vous avez, comme organisme, dépensé ou, dans le cadre de votre publicité, publicise le fait que chaque assuré peut avoir accès à son dossier et la possibilité de corriger son dossier?

M. Bouchard: Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, les dossiers que nous avons sont des dossiers qui nous sont fournis par les assurés eux-mêmes. Ce n'est pas des dossiers que nous requérons. Nous n'allons pas chercher nos renseignements ailleurs que chez les assurés.

M. Cannon: Est-ce que les assureurs, de façon générale, les gens qui sont dans ce milieu-là, de façon générique, pour tout englober, font de la publicité qui dit précisément aux consommateurs: Vous avez accès et vous pouvez corriger vos dossiers?

M. Bouchard: Nous avons pris...

M. Cannon: À votre connaissance, est-ce qu'il y a des campagnes de publicité qui se font de cette nature-là?

M. Bouchard: On ne fait pas de campagne de publicité de cette nature-là. C'est très clair. Je ne pense pas que ce soit non plus le but de l'exercice: Ce que nous avons fait quand même - quand vous dites que la réponse a été limitée - nous avons cité ce que nous, comme industrie, avons fait en tant qu'industrie d'assurances de dommages, dès 1987, et nous avons même corrigé notre code de déontologie, en 1992, pour le rendre encore plus contraignant. Et nous avons eu l'engagement ou l'adhésion de 100 % de nos membres. Je pense qu'on est allés assez loin en tant qu'industrie pour se conformer et également pour être même plus proactifs, si vous voulez, que... Enfin, ce n'est pas à moi de juger les autres secteurs. Je ne le sais pas. Mais je peux vous dire que, dans le cas de l'industrie d'assurance de dommages, nous l'avons fait. Et nous ne manipulons pas nécessairement des dossiers aussi sensibles, tels que la cote de crédit, tels que les renseignements sur la santé des individus, etc. Mais je pense que dans ce que nous faisons et comme notre... Enfin, pour à peu près 75 % de nos membres, nous transigeons par l'entremise d'intermédiaires. Eux-mêmes, ce sont les représentants de nos propres assurés. Alors, je pense qu'eux-mêmes voient à faire corriger - enfin, pour cette partie-là - quand même les renseignements lorsqu'ils s'avèrent ne pas être exacts.

Soit dit en passant, nous possédons encore moins d'information, nous, que peut-être certains des intermédiaires qui nous représentent. Alors...

Le Président (M. Doyon): M. Medza, vous vouliez ajouter quelque chose. Rapidement, s'il vous plaît.

M. Medza (Raymond): Oui, je voulais juste rajouter, à l'intention du ministre, M. le Président, que, quand nous parlons de la réponse de l'industrie, on parle de toutes les industries en général. On ne parle pas de l'industrie des assurances. Quand on poursuit, en faisant la lecture, on voit, à la fin, que plus de 30 participants, notamment le BAC, ont participé à cet échange-là. Comme industrie, nous avons pris des mesures.

Le deuxième point, c'était sur l'information qui est détenue dans les fichiers des assureurs.

Chez les personnes, les informations qui sont détenues sont de deux natures, soit celles qui surviennent au niveau de l'écriture du contrat, et, donc, on les retransmet, parce que la loi nous oblige, en vertu du Code civil, à transmettre une copie du contrat à la personne, qui est un reflet de l'information qu'on possède. Quand on fait la question du règlement, c'est l'information qu'on nous transmet qui nous permet de régler le chèque. C'est ça l'information qu'on détient. Ça, c'est au fichier.

M. Cannon: Oui, enfin...

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Cannon: II faut quand même... Je reconnais d'emblée, M. Bouchard, que le code que vous possédez est un excellent code. Ça, je pense que ça ne fait pas de doute dans l'esprit de qui que ce soit. Ce qui me préoccupe, c'est les règles d'utilisation, les règles de protection, les règles de communication. Vous avez mentionné, bien sûr, les principes et vous y adhérez. Ça, je pense que c'est clair. C'est dans les écrits du code. Là où vous et moi avons une divergence d'opinions, c'est que je ne crois pas que l'autoréglementa-tion soit suffisante pour pouvoir faire ce que nous désirons faire. Là-dessus, on peut avoir évidemment des divergences d'opinions.

J'ai toujours, en vertu de... Votre code dit toujours savoir... Une personne qui a accès à son dossier, quel est le recours que cette personne-là peut avoir pour avoir accès à son dossier? Dans la mécanique, ça fonctionne comment? Si on lui refuse justement accès à son dossier - parce que ça peut se produire, ça - devant qui peut-elle obtenir satisfaction, cette personne-là, ce consommateur, ce client, cet individu pour qui, à l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés, est spécifiquement inscrite la protection de la vie privée?

C'est ça l'exercice qu'on fait. L'exercice se complète aussi par une loi d'application. Vous me dites que la loi est trop lourde. Vous me dites que la loi, elle est trop sévère. Vous me dites que la loi n'est pas applicable dans votre secteur. Il y a d'autres organismes qui sont venus, la semaine dernière, se présenter devant nous, les législateurs, en nous disant exactement la même chose: Nous, on fait telle chose, puis on n'en a pas besoin de cette loi-là, parce qu'on se comporte en bons citoyens. Ce n'est pas une question de mettre en doute la capacité des gens qui se présentent ici, à la commission, et la bonne foi des individus. Ce n'est pas ça. C'est qu'on se dit comme société: On veut se donner une conduite, on veut protéger la vie privée.

Quand vous me parlez de la Commission d'accès à l'information et que vous dites, dans le même document: «II faut, comme responsables élus de l'État, que vous ayez la préoccupation de la gestion des finances publiques», bien, je

comprends qu'on a la préoccupation de la gestion des finances publiques: nous, nous ne doublons pas d'organismes. Vous me proposez, vous, la Commission des droits et libertés ou un organisme semblable à celui-là.

Moi, ce que je vous dis: On prend la Commission d'accès à l'information. D'abord, elle possède de l'expérience, une expérience d'une dizaine d'années et, aussi, elle est efficace. Il y a des choses à corriger. Il y a des choses à corriger, mais on ne changera pas d'opinion là-dessus. On le fait au nom de l'efficacité et de l'efficience de l'appareil étatique. C'est tout ce que j'avais à dire. (15 h 50)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Ça termine votre temps. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux gens du BAC et leur dire d'entrée de jeu que, lorsqu'ils parlent de mécanique complexe, massive et coûteuse, je suis en accord avec eux. Le paradoxe, c'est que la loi prévoit une mécanique très, très, très complexe pour envoyer à tout le monde une lettre disant qu'on a des renseignements à leur sujet, mais sans les donner, ces renseignements-là. On a eu un intervenant, le Bureau de crédit du Nord, qui nous disait: On va écrire à 350 000 personnes pour dire, comme dans les 20 dernières années: Vous avez acheté à crédit; on a un dossier de crédit vous concernant. Ça n'avance pas le monde bien, bien, ça, pour savoir quels renseignements les bureaux de crédit, qui sont les principaux objets de critique, quels renseignements ils ont sur une personne. Le ministre avait raison. Il faut pouvoir consulter le rapport et le faire rectifier, ce qui ne vous touche pas directement parce que vous avez une relation de confiance avec chaque client et que le client, c'est la source. Alors, d'une certaine façon, s'il y a quelque chose d'inexact, ça dépend de lui et chaque client est conscient qu'en cas de réclamation ça pourra lui être opposé, s'il a fourni un faux renseignement.

Moi, ce qui me frappe du jacobinisme de l'État québécois, c'est qu'on va forcer les entreprises à envoyer à peu près 30 000 000 de lettres qui ne diront rien à personne. Moi, j'en ai acheté des choses à crédit. Je sais qu'il y a un dossier de crédit me concernant. Puis après? 30 000 000 de lettres plus tard, je sais qu'ils en ont un, mais je ne l'ai pas. C'est une espèce de strip-tease législatif qu'on veut imposer aux gens et aux entreprises et qui suscite une levée de boucliers fondée, je trouve.

Je répète ma proposition: On peut peut-être encourager nos journaux, dont Le Devoir, que tout le monde aime, en leur disant d'annoncer qu'ils ont des dossiers de crédit, mais encore là, si Équifax apprend au peuple qu'il a des dossiers de crédit le concernant... Tout le monde a lu qu'elle en a 15 000 000 au Canada. Je ne pense pas que c'est ça que le monde voudrait. Ce que la population souhaiterait avoir, c'est le dossier de crédit et pouvoir le corriger, parce que l'ACEF-Centre nous a démontré qu'Équifax refuse de le faire, même quand une compagnie d'assurances ou Esso confirme la fausseté d'un renseignement.

Alors, ça, c'est une première partie, et je vous sonde à cet égard-là. Est-ce que ça aurait du sens, surtout dans le domaine des bureaux de crédit - on passera après au domaine de l'assurance, qui est le vôtre, là - est-ce que ça aurait du sens de donner obligation aux entreprises utilisatrices de rapports de crédit au cours d'une année, mettons, dans la première année d'application de la loi, de la façon appropriée, de remettre le rapport de crédit qu'elles détiennent à chaque personne dans le cadre de la relation d'affaires qu'elles ont avec cette personne-là?

M. Bouchard: II y a essentiellement, enfin, deux choses qui m'apparaîtraient... Puis je ne veux pas nécessairement parler au nom des associations de crédit, mais si vous me posez la question, à savoir s'il est normal qu'un individu puisse avoir accès à son propre dossier de crédit et puisse le faire corriger, je vais vous dire, je vois certainement deux aspects positifs à ça. D'une part, je pense que ça serait normalement, disons, un droit fondamental pour un individu d'au moins être capable de qualifier l'information personnelle qui circule à son sujet, qui peut être donnée, communiquée également à d'autres. Et, en tant qu'entreprises, je pense que, pour les entreprises qui doivent avoir accès à un dossier de crédit d'un individu, il serait préférable également d'avoir un dossier qui se tient que d'avoir un dossier qui est tout croche. Enfin, je pense que ma réaction, disons, une réaction, si vous vouiez, instantanée à ce que vous dites serait ça.

Maintenant, si vous parlez... Évidemment, le commentaire que je peux faire sur... Enfin, je pense que vous semblez d'accord vraiment avec la position qu'on a prise sur la lourdeur, li est bien sûr qu'on peut bien dire qu'on n'est pas d'accord sur l'autoréglementation, on n'est pas d'accord sur ci ou sur ça. Il faudrait voir au moins si l'autoréglementation dans certains des secteurs a réellement causé des problèmes notables dans le public aussi avant de dire: II faut qu'on mette tout le monde dans le même moule.

M. Bourdon: Maintenant, si on revient au document avec lequel la consultation avait été faite, à l'automne 1991, on parlait de la nécessité, après avoir établi un cadre légal et une loi d'application par les articles 37 à 41 du Code civil, d'avoir une période où il y aurait des tables sectorielles pour étudier les réglementations en vigueur et à venir.

Est-ce que vous ne déplorez pas comme moi

que le projet de loi n'en parie plus? Puis, est-ce que ça ne serait pas un moyen d'entrer en relation avec les entreprises d'assurances que vous représentez, entre autres, pour regarder l'autoré-glementation qui est en vigueur et voir s'il n'y aurait pas possibilité que, dans bien des secteurs - je pense aux 240 000 professionnels - l'autoré-glementation soit admise, après avoir épuisé le recours prévu dans le secteur, et que la Commission d'accès puisse intervenir?

Autrement dit, pensez-vous que c'est faisable de mettre tout le monde dans le même moule et d'appliquer la loi tout de suite de la même manière à tout le monde? Permettez-moi de vous dire qu'il y a une grosse différence entre les courtiers de liste, les agences de recouvrement, les agences d'enquête et le Bureau d'assurance du Canada dans sa relation avec les personnes. On ne parle pas de la même chose. Alors, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il serait préférable de prévoir, dans le projet de loi, que les réglementations vont être élaborées en concertation avec chaque secteur concerné en donnant priorité, pour ce qui est de l'accès des citoyens aux rapports de crédit par les bureaux de crédit, pour ce qui est de pouvoir lire ce qu'il y a dedans?

M. Bouchard: Bien sûr, quand on regarde les mémoires qui ont été... Enfin, je n'ai pas eu l'occasion de voir tous les mémoires qui ont été présentés ici, mais je pense que le ministre faisait allusion tout à l'heure également au fait que plusieurs se sont présentés ici en disant: Bien, écoutez, la loi... Il y a les principes, d'accord, mais la loi ne devrait pas être appliquée à nous. Il m'apparaîtrait qu'on est face, disons, à deux positions. Enfin, votre question me rappelle ça. On est face un peu à deux approches, une qui se veut d'une loi générale qui s'appliquerait un peu à l'ensemble de tous les intervenants économiques et sociaux au Québec, et une autre approche qui dirait: Bon, on veut une loi d'application, oui, pour être sûr qu'il y ait au moins un recours quelconque pour quelqu'un qui veut faire, disons, redresser son dossier ou avoir accès à son dossier. Mais, par contre, dans chacun des secteurs, ça pourrait s'appliquer de façon distincte selon l'impact, selon le comportement, selon, enfin, un ensemble de facteurs qui resteraient à déterminer.

Il y a une chose certaine, c'est que nous, je pense, comme Bureau d'assurance du Canada, on a tâché, dans les différents dossiers qu'on a été appelés à débattre, on a été très ouverts à apporter notre contribution et à essayer d'amener au débat un peu l'éclairage tel que perçu dans notre monde. Et si, disons, on en arrivait à avoir une approche telle que vous semblez l'énoncer, il est certain qu'on aimerait être partie au débat pour voir comment ça pourrait s'appliquer dans un cadre comme celui qui nous concerne.

Je ne pense pas qu'on soit... On n'est certainement pas fermés à toute discussion. Je pense qu'au départ il y a une position qui a été prise par un projet de loi. Nous, on dit: Bon, enfin, d'accord avec les principes, mais bon, je pense qu'on prend une approche beaucoup trop globale pour régler des problèmes qui, à notre sens... Enfin, je ne dis pas que ça n'existe pas, qu'il n'y a aucun problème nulle part, mais je dis: Au moins, indépendamment de la quantification sur laquelle on se querelle un peu, là, il existe des problèmes à certains endroits, mais il n'en existe pas à d'autres, ou il en existe beaucoup moins à d'autres. Alors, pourquoi utiliser la même norme pour un ensemble de situations qui représentent des caractéristiques totalement différentes? Une approche comme celle dont vous pariez pourrait certainement être explorée. Oui.

M. Bourdon: D'accord. Maintenant, vous mentionnez dans vos propos que ça ne devrait pas être la Commission d'accès à l'information qui ferait l'adjudication, et je crois comprendre que vous parlez du Tribunal des droits de la personne. Est-ce que votre objection à ce que ça soit la Commission est une objection de principe ou si une séparation claire des tâches de la Commission pourrait vous amener à prendre une position un peu différente?

M. Bouchard: Je demanderais peut-être à Mme Lamontagne de commenter cet aspect.

Le Président (M. Doyon): Mme Lamontagne. (16 heures)

Mme Lamontagne-Gagné (Hélène): Ce que nous avons suggéré, c'est surtout l'expérience de la Commission des droits de la personne, qui elle, évidemment, pour un certain nombre d'années, a entendu tous les dossiers avec ses propres procédures. Elle entendait tous les dossiers, les plaintes qui étaient portées devant la Commission, et, éventuellement, le ministère de la Justice s'est rendu compte qu'il y avait certaines difficultés. Premièrement, lourdeur administrative, délais et tous les problèmes, souvent, qui sont soulevés par les tribunaux administratifs... Ils ont créé, d'ailleurs, l'an dernier ou il y a quelques années, un nouveau tribunal, qui semble être beaucoup plus détaché que le Tribunal des droits de la personne, qui est réellement la Cour du Québec. Nous aimons réellement ce partage. Tant qu'à judiciariser, nous préférons avoir les tribunaux, qui nous semblent, pour nous, beaucoup plus neutres, beaucoup plus détachés du dossier administratif quotidien, un peu comme ça se fait pour le Code civil, plutôt que d'avoir le même organisme, qui se fait à la fois le législateur, le contrôleur, l'enquêteur et aussi la personne qui décide. C'est de cette façon-là que nous l'avons proposé.

Nous le donnons comme exemple, évidem-

ment, mais ce que nous avons mentionné plus tôt... Il s'agit de mettre en vigueur les articles du Code civil. Dans le reste du Code civil, il y a beaucoup d'autres obligations qui sont imposées, ou des droits. On n'a pas créé des relations de tribunaux administratifs de contrôle à d'autres chapitres particuliers dans le même domaine. On aurait peut-être voulu le faire, mais ce n'est pas nécessaire, à ce moment-là, selon les articles très généraux qui sont dans le Code, d'imposer cette superstructure pour appliquer des articles du Code civil. Pour nous, de notre point de vue, le ministère de la Justice aurait peut-être pu le regarder de la même façon que les autres articles, et dire, un peu comme 41 dit, qu'à ce moment-là, s'il n'y a pas d'autre règle, c'est le tribunal qui s'applique; s'il y a des règles, ce sont ies règles qui vont s'appliquer, mais toujours en se référant à l'administration du Code civil, qui est réellement le Code civil, par les tribunaux ordinaires. C'est comme ça qu'on l'a envisagé, nous.

M. Bourdon: Je suis plutôt en désaccord, mais je comprends ce que vous voulez dire. Quand vous faites allusion à la Commission des droits de la personne, vous dites: Dans le fond, la Commission enquêtait sur des plaintes portées à sa connaissance, et, d'une certaine manière, rendait une sorte de jugement. Après ça, ça suivait son cours devant les tribunaux. Mais vous dites: On a créé spécifiquement le Tribunal des droits de la personne où, là, on entend, à partir d'une plainte que la Commission a jugée valide, et où elle se fait, dans le fond, le procureur du plaignant ou de la plaignante, et là, elle s'en va plaider ses choses. Je pense que c'est important ce que vous dites.

Maintenant, je reviens à l'idée de table sectorielle. Si la loi prévoyait un cadre général, un certain nombre de principes et de modalités moins tatillons, si elle prévoyait notamment l'accès aux documents, dans le cas des rapports de crédit qui sont ce qui concerne le plus grand nombre de personnes - ce n'est pas les seuls problèmes, mais c'est les problèmes les plus vécus, parce que des personnes essaient de faire corriger et ne réussissent pas à faire corriger ce qui les concerne, ce qui n'est pas votre cas dans votre relation avec vos clients - trouvez-vous que cela aurait de l'allure de dire, donc, dans ce secteur-là, que la règle s'applique tout de suite? Dans les autres, on fait des tables sectorielles pour essayer de convenir de moyens de faire fonctionner ça, et d'une certaine façon, c'est étonnant que le projet de loi ne contienne rien, parce que le document de consultation du ministère, à l'automne 1991, en parlait de cette nécessité-là.

Autrement dit, ne serait-il pas préférable d'y aller par une approche qui dise: On fait une loi qui est de portée générale et globale, on l'applique au secteur où c'est le plus requis, et, pour l'application aux autres secteurs, on se donne le temps d'en parler avec les intéressés avec une date limite? Il ne s'agit pas de se traîner les pieds, mais est-ce que vous préféreriez cette approche-là?

M. Bouchard: Je pense que la partie 1. enfin, la première recommandation que nous faisons, qui est la mise en oeuvre d'une loi d'application qui définirait les conditions et les modalités d'exercice du droit de consultation ou de rectification d'un dossier, tel que prévu au Code civil du Québec, et qui se limiterait à ces aspects, je pense que ça fait... Enfin, ce que vous dites, disons que ça... Ce que nous disons dans notre première recommandation et ce que vous dites vont certainement dans le même sens.

Maintenant, quant à l'autre aspect qu'on n'a pas examiné, on se dit: Écoutez, s'il s'agissait d'un cadre d'intervention qui fasse que l'État pourrait être plus ou moins interventionniste selon le degré de vulnérabilité, selon, également, la qualité de comportement des secteurs ou le degré de vulnérabilité, peut-être qu'on devrait le regarder, mais on ne l'a pas envisagé de cette façon-là.

M. Bourdon: D'accord.

M. Bouchard: Je pense que c'est quand même quelque chose qu'on pourrait regarder.

M. Bourdon: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M. le député.

M. Bourdon: Oui. Si je comprends bien, vous parlez d'une intervention législative limitée aux secteurs où ça se pose le plus. Moi, je vous dis: une loi globale, mais d'application différente. Comme vous dites, vous n'avez pas mandat de vous prononcer là-dessus, mais ça ne vous apparaît pas absurde, a priori.

M. Bouchard: Ça s'examine, et on serait certainement prêts, disons, à participer à une discussion comme celle-là.

M. Bourdon: D'accord.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre, vous avez une brève question, pour terminer.

M. Cannon: Peut-être là, je peux revenir. Est-ce que, M. Bouchard, vous avez évalué, en termes de coûts, ce que ça pourrait représenter, gérer les tables sectorielles?

M. Bouchard: Écoutez, je ne l'ai pas regardé avant que le député en fasse mention tout à l'heure. Je ne pense pas qu'on parlait de gérer des tables sectorielles. Enfin, s'il fallait

gérer des tables sectorielles, où on aurait, par exemple, je ne sais pas, 10 secteurs au Québec, et qu'il fallait créer des comités sur chacun des secteurs, je ne pense pas que ce soit l'esprit dans lequel, moi, je le verrais. Du moins, je pense qu'il faudrait le regarder avant. Mais s'il fallait gérer des tables sectorielles, un peu comme ça peut se faire, pour employer une analogie, par exemple, comme des tables sectorielles au niveau de la négociation collective, ce n'est pas comme ça que je l'envisageais, disons.

M. Cannon: C'est un petit peu le problème avec la recommandation du GRID. C'est pour ça que, dans notre...

M. Bouchard:...

M. Cannon: Oui. C'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, vous trouvez une clause qui nous dit qu'après cinq ans, tout comme l'expérience qu'on a vécue avec la loi de l'accès à l'information, au niveau public, après cinq ans, il y a une révision. Ça permet aux parlementaires de corriger des lacunes, de corriger ou de resserrer, dans certains cas, de tout revoir ça. C'est ça l'approche qui est envisagée.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Malheureusement, le temps qui nous est imparti est terminé, et nous l'avons fort bien utilisé. Il me reste à remercier M. Bouchard, Mme Lamontagne, ainsi que M. Medza. Je suis sûr que le point de vue qu'ils nous ont exposé sera pris en ligne de compte. Alors, je vous permets de vous retirer, M. Bouchard, Mme Lamontagne et M. Medza, pour que nous puissions continuer nos travaux. Merci beaucoup encore.

Maintenant, nous allons recevoir la Corporation professionnelle des psychologues du Québec. Je pense qu'ils sont avec nous depuis un certain temps, je les invite à bien vouloir venir prendre la place de ceux qui viennent de discuter avec les membres de la commission. Sans plus de préambule, je leur dis que les mêmes règles vont s'appliquer. Je souhaite donc la bienvenue à M. Sabourin et à M. Gariépy. Je leur dis que nous sommes - oui, bonjour M. Medza - prêts à les écouter. Si vous voulez bien vous présenter pour que, dans le Journal des débats, nous puissions vous identifier. Merci.

Corporation professionnelle des psychologues du Québec

M. Sabourin (Michel): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Michel Sabourin, et je suis le président de la Corporation professionnelle des psychologues du Québec. Je vous remercie de nous accueillir et de nous permettre de vous faire part de notre réflexion et de notre analyse du projet de loi 68. Pour ce faire, je suis accompagné de Me André Gariépy, mon adjoint et conseiller juridique.

Disons, d'entrée de jeu, que je ne désire pas, ici, reprendre le contenu du mémoire que notre corporation professionnelle vous a soumis, parce que je présume que vous avez certainement eu l'occasion de le lire. Je préfère aborder directement avec vous les sujets qui font l'objet de nos préoccupations.

Ces sujets sont de plusieurs ordres. Les mémoires qui ont été déposés et les différentes présentations qui ont été faites devant vous précédemment nous indiquent qu'il existe un problème de chevauchement entre les dispositions du projet de loi 68 et celles de la législation professionnelle. De ce problème découlent, à notre avis, deux questions importantes qu'il importe d'aborder directement, soit, premièrement, l'opportunité d'assujettir les professionnels au projet de loi et, deuxièmement, l'opportunité d'assujettir les corporations professionnelles au projet de loi. (16 h 10)

Regroupant, comme vous le savez, des professionnels de la santé mentale, la Corporation professionnelle des psychologues a relevé une autre question qu'il importe aussi d'aborder. Il s'agit de l'article 33 du projet de loi, article qui assujettit des professionnels de la santé à l'avis d'un médecin, dans le cas de refus d'accès au dossier pour cause de préjudice à la santé. Les échanges en commission parlementaire sur ces questions nous indiquent qu'aux yeux, tant du ministre que des représentants de l'Opposition, il existe deux enjeux: soit, premièrement, le respect du principe de l'accessibilité au dossier; et, deuxièmement, l'efficacité des recours. Notre compréhension du stade actuel des travaux de cette commission nous permet donc d'identifier quatre sujets ayant un impact sur les corporations professionnelles et sur leurs membres. Il s'agit, premièrement, du chevauchement des lois; deuxièmement, de l'accessibilité du client à son dossier; troisièmement, de l'efficacité des recours; et, quatrièmement, de l'assujettissement des professionnels de la santé à l'avis d'un médecin en cas de refus d'accès au dossier. Nous allons donc aborder successivement ces quatre items.

Premièrement, le chevauchement des lois. Nous désirons, aujourd'hui, ajouter notre voix à celle des autres représentants du monde professionnel pour vous démontrer l'adéquation de la législation et des structures professionnelles existantes pour répondre aux objectifs visés par le projet de loi. Tous considèrent qu'il n'est pas souhaitable d'ajouter d'autres normes législatives à celles très élaborées et très strictes qui régissent déjà le monde professionnel. Il convient donc de ne pas dédoubler un ensemble législatif spécialisé et fort complet par une législation de

portée générale. Nous pouvons maintenant compter sur l'adhésion à cette position de l'ensemble des intervenants du monde professionnel, incluant l'Office des professions, le Conseil interprofessionnel du Québec et, depuis peu, la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Les membres de corporations professionnelles sont des individus qui, de par leur formation et leurs qualifications, se sont vu accorder une forme d'accréditation officielle et publique. En contrepartie de cette accréditation, les professionnels sont fortement encadrés par la législation professionnelle, en ce qui a trait au contexte et au contenu des services qu'ils dispensent. Ils doivent respecter, comme vous le savez, des normes très exigeantes, dont la plus importante est celle du droit au secret professionnel de leurs clients. Du secret professionnel découle une série de règles touchant la cueillette, la détention, l'utilisation et la transmission de renseignements personnels de même que l'accessibilité du client à son dossier. Un manquement à ces règles enclenche un mécanisme d'enquête, de plainte et d'audition quasi judiciaire, d'inspiration pénale, pouvant mener à la perte du droit de pratique.

Nous croyons qu'il peut y avoir des difficultés réelles d'application suite à un chevauchement du projet de loi et de la législation professionnelle. Par exemple, on peut craindre que les bénéficiaires des exceptions prévues à l'article 17 du projet de loi puissent se croire autorisés à obtenir des renseignements et à faire pression sur le professionnel pour les obtenir, alors que celui-ci devra leur opposer les normes beaucoup plus strictes de la législation professionnelle.

En situation de mandat privé d'un organisme public comme, par exemple, la CSST, cela peut faire porter un fardeau politique très lourd au professionnel qui doit défendre le droit de son client à l'égard de son dossier. Le professionnel qui respecte la législation professionnelle et qui refuse de transmettre des renseignements sans l'accord de son client peut se voir fermer la possibilité d'obtenir des mandats de l'organisme public. On voit bien que l'article 86 peut avoir bien peu d'impacts dans la pratique quotidienne quand la question autour du chevauchement des lois risque plutôt de se décider sur la force de persuasion et ies moyens de pression administratifs et économiques que les bénéficiaires des exceptions de l'article 17 peuvent exercer sur le professionnel.

Le non-assujettissement des membres de corporations professionnelles au projet de loi est donc nécessaire pour éviter la confusion et l'application aléatoire des droits du client. L'exemple de la loi sur l'accès, dans le secteur public, peut nous éclairer sur la pertinence de ne pas assujettir certains dossiers à une loi générale lorsqu'une loi particulière les régit. Ainsi, les articles 2.1 et 2.2 de la loi sur l'accès déclarent que les dossiers d'adoption et les dossiers du

Curateur public sont régis par des lois particulières les concernant, la loi sur l'accès ne s'appliquant que pour l'exercice des pouvoirs d'enquête de la Commission d'accès.

Les corporations professionnelles, quant à elles, existent en vertu d'une loi, le Code des professions, et sont dotées par celui-ci de pouvoirs quasi judiciaires. La législation professionnelle couvre l'ensemble et les moindres détails du fonctionnement des corporations professionnelles. Étant donné la nature des pouvoirs et fonctions des corporations professionnelles ainsi que leur statut de personne moraie de droit public, nous croyons qu'il est tout à fait logique qu'elles ne soient pas assujetties aux dispositions du projet de loi. En effet, un assujettissement de celles-ci provoquerait des difficultés majeures pour l'exercice de ieur mandat public, a fortiori dans les aspects quasi judiciaires de celui-ci. Encore une fois, la loi sur l'accès dans le secteur public peut nous servir d'exemple, puisque le raisonnement que je viens de vous présenter à l'égard des pouvoirs quasi judiciaires des tribunaux administratifs se retrouve dans la loi sur l'accès.

Deuxième problème, l'accessibilité du client à son dossier. La législation professionnelle a comme principe que le client a accès à son dossier. C'est un principe fondamental, un principe de base. Toutefois, il existe des restrictions à l'accès qui sont motivées par des considérations déontologiques et des considérations scientifiques. Par exemple, à l'article 50 du code de déontologie des psychologues, on retrouve trois situations dans lesquelles le psychologue peut ou doit refuser l'accès du client à tout ou à une partie de son dossier: il s'agit de cas où, premièrement, l'accessibilité risque de compromettre la validité d'un test psychométrique; deuxièmement, le dossier est constitué pour un examen de sélection; et troisièmement, la consultation du dossier est préjudiciable au client.

Abordons ces trois éléments l'un après l'autre. Premièrement, les tests psychométriques, comme vous le savez, sont des épreuves standardisées permettant d'évaluer notamment les aptitudes et les capacités d'une personne. Les données brutes obtenues par ces tests ne peuvent être analysées et interprétées que par une personne possédant la formation requise. L'accessibilité et la circulation des tests psychométriques risquent de compromettre la validité scientifique de ceux-ci, une personne pouvant alors se préparer pour déjouer des épreuves visant à faire ressortir certains aspects de sa personnalité.

De plus, l'accès à une fiche de données brutes non interprétées peut engendrer une mauvaise interprétation créant un préjudice certain à la personne concernée. Il suffit de mentionner à titre d'exemple les tests de quotient intellectuel. Il arrive quelquefois que, dans les tests de quotient intellectuel, la simple mention du chiffre représentant le quotient ne nous

permette pas, ou ne permette pas à quelqu'un qui n'a pas la formation requise, de savoir à quel niveau se situe son quotient intellectuel. Prenons l'exemple... Supposons qu'on vous dit que vous avez un quotient intellectuel de 125. Bien, dépendant du test que vous avez subi et dépendant de la dispersion des scores autour de la moyenne, ce qui fait partie des normes du test que vous avez subi, 125 peut vouloir dire tout aussi bien une intelligence très moyenne qu'une intelligence vive. Donc, de donner accès à ces données brutes non interprétées, pour le quidam, ça peut causer des préjudices très sérieux, allant dans un sens ou dans l'autre.

Il est donc, à notre avis, tout à fait justifié de ne pas permettre l'accès du client à cette partie de son dossier. D'ailleurs, on retrouve dans la loi sur l'accès, dans le secteur public, des dispositions qui vont dans ce sens. Ainsi, les articles 23 et 40 de cette loi permettent de refuser l'accès s'il s'agit de tests spécialisés en vue d'une évaluation d'aptitudes, de connaissances ou d'expérience. La jurisprudence de la Commission d'accès est d'ailleurs abondante sur cette question et renforce la justification d'un refus d'accès.

Pour ce qui est du dossier constitué en vue d'un examen de sélection, il est nécessaire d'en refuser l'accès à la personne concernée, puisqu'il n'est pas le client, mais bien le sujet du processus de sélection, et puisque, au départ, en vertu de nos règles déontologiques, ce mandat et ses conséquences lui ont été clairement expliqués et que son consentement a été obtenu.

Enfin, il peut exister des situations où l'état psychologique d'une personne justifie de ne pas lui permettre de consulter son dossier auprès d'un psychologue. À titre d'exemple, une personne qui serait dépressive, à tendance suicidaire, et qui apprendrait tout à coup en lisant son dossier qu'elle souffre d'un début de maladie d'Alzheimer, ça pourrait entraîner un danger réel de passage à l'acte. C'est ce genre de situations que notre code de déontologie essaie d'éviter. Dans ces situations, il convient donc, pour le bien du client, de laisser au professionnel le soin de poser un jugement éclairé sur l'opportunité de donner accès au dossier. (16 h 20)

Troisièmement, l'efficacité des recours. Nous nous sommes informés, au sein de notre Corporation, sur le nombre de situations ligitieuses qui ont impliqué, au cours des 10 dernières années, l'accès d'un client à son dossier. Or, il s'est avéré que celles-ci sont fort peu nombreuses - en moyenne, une situation par année - et qu'elles ont presque toutes été réglées à l'amiable dès la première intervention du syndic ou même du personnel de la Corporation. Donc, nous ne croyons pas qu'il existe de problèmes majeurs d'accessibilité aux dossiers dans la pratique des psychologues québécois. En cas de litige, la législation professionnelle dispose de recours permettant à un client de faire reconnaître ses droits. Le tout débute par une dénonciation auprès du syndic qui, après enquête, peut décider de porter ou non une plainte devant le comité de discipline. Dans le cas de notre Corporation, la décision du syndic pourra aussi faire l'objet d'un avis du comité d'examen des plaintes. Le litige peut aussi être soumis à un mécanisme d'arbitrage ou de conciliation et, après tout ça, si le client ne trouve pas pleine satisfaction, il peut déposer lui-même une plainte privée devant le comité de discipline. Les décisions du comité de discipline, quant à elles, sont appelables devant le tribunal des professions et plus haut, si c'est nécessaire.

Bref, nous croyons que, bien que perfectibles, les recours institués par la législation professionnelle sont adéquats pour traiter les litiges touchant la protection des renseignements personnels et l'accessibilité aux dossiers. En ce moment même, la législation professionnelle fait l'objet d'une consultation en vue de la bonifier, notamment dans les recours qu'elle offre. L'avant-projet de loi modifiant le Code des professions, déposé un peu avant Noël par le ministre Raymond Savoie, prévoit des modifications substantielles au système disciplinaire et l'accroissement des pouvoirs d'enquête et d'intervention de l'Office des professions.

Toutefois, il semble que tant le ministre des Communications que les représentants de l'Opposition à la présente commission souhaitent une multiplicité des recours, ne serait-ce, selon l'expression d'un membre de la commission, que pour maintenir une saine concurrence. Sur le plan pratique, une telle multiplicité équivaudrait à un dédoublement de structures entraînant ainsi des coûts supplémentaires. Les juristes vous souligneront aussi qu'à l'égard des normes de la législation professionnelle on risque de se retrouver avec deux sources de jurisprudence, sans qu'il y ait de hiérarchie entre elles. Il y aurait aussi une certaine confusion de juridictions dans le cas de traitements concomitants d'un même litige par le comité de discipline, d'une part, et par la Commission d'accès, d'autre part. De plus, la formulation actuelle des fonctions, des pouvoirs et des règles de procédure de la Commission d'accès n'est pas tout à fait adéquate pour assurer le respect du secret professionnel dans le cadre de l'exécution de son mandat. Malgré ces coûts et ces complications, nous croyons tout de même que l'idée d'une multiplicité de recours mérite d'être examinée.

Le dernier problème, l'assujettissement des professionnels de la santé à l'avis d'un médecin en cas de refus d'accès au dossier. L'article 33 du projet de loi assujettit les professionnels de la santé à l'avis d'un médecin en cas de refus d'accès au dossier pour cause de préjudice à la santé. L'article 33 du projet de loi est, à peu de choses près, une copie conforme de l'article 87.1 de la loi sur l'accès dans le secteur public. À

notre avis, l'assujettissement à l'avis d'un médecin se justifie, dans le secteur public, parce que ce sont eux qui, de façon purement administrative, admettent, inscrivent et réfèrent les clients dans les établissements de santé, ou qui ont la charge du bénéficiaire, pour la CSST, la SAAQ et la RRQ. Donc, dans les lois et règlements de ces établissements et organismes, on parle alors du médecin traitant, celui qui a la charge du dossier. Voilà donc pourquoi l'article 87.1 est parfaitement justifié dans le secteur public.

Par ailleurs, un tel assujettissement ne correspond absolument pas à la réalité de la consultation privée des professionnels de la santé. En consultation privée, c'est le client qui entre directement en contact avec le professionnel de la santé sans même l'intermédiaire ou la référence d'un médecin. Le professionnel de la santé, en pratique privée, est le seul détenteur et responsable du dossier de son client. Soumettre à quelqu'un d'autre une décision à l'égard de ce dossier serait d'application ardue, voire impossible dans le contexte d'une pratique privée. De plus, l'article 33 du projet de loi va à rencontre du principe d'autonomie professionnelle, qui est un des fondements mêmes du système professionnel québécois. On retrouve ce principe à l'article 26 du Code des professions, qui traite des conditions et des critères de constitution d'une corporation professionnelle.

Selon cet article, une activité est constituée en profession lorsque, notamment, il est difficile de porter un jugement sur son contexte et son contenu sans avoir la même formation ou les mêmes qualifications. Le psychologue, parce qu'il tire son statut du Code des professions, s'est vu reconnaître le fait qu'il pose des actes sur lesquels il est difficile de porter un jugement si l'on ne possède pas une formation et une qualification de même nature. Le psychologue a la formation et les qualifications pour l'évaluation psychologique d'un individu, pour établir un plan d'interventon et le mettre en oeuvre. Le médecin ne possède pas cette formation. Il serait très hasardeux qu'il pose un jugement sur la gravité d'un préjudice potentiel à la santé mentale d'un individu, à la suite d'une consultation rapide du dossier de santé tenu par son psychologue. À plusieurs reprises, la jurisprudence a reconnu la plénitude de l'autonomie professionnelle et, notamment, dans une décision de la Cour d'appel dans l'affaire Corporation professionnelle des médecins contre Larivière, et dans une décision de la commission des affaires sociales, rendue le 27 juin 1991.

Il faut aussi souligner que la décision que le projet de loi entend faire prendre par les médecins n'est pas balisée en ce qui a trait au respect du secret professionnel.

Pour toutes ces raisons, nous proposons que les psychologues ne soient pas soumis à l'article 33 du projet de loi.

En guise de conclusion, nous aimerions tout simplement vous rappeler les trois propositions contenues dans notre mémoire: premièrement, qu'une disposition soit ajoutée dans le projet de loi, ayant pour effet de soustraire de son application les membres des corporations professionnelles, dont les psychologues, en ce qui a trait à l'exercice de leur profession; deuxièmement, qu'une disposition soit ajoutée dans le projet de loi, ayant pour effet d'assujettir à ces dispositions les corporations professionnelles, dont la Corporation professionnelle des psychologues, seulement pour les renseignements personnels et les dossiers reliés à leur gestion interne et ne découlant pas directement de l'exécution du mandat défini par les lois particulières le constituant; et, troisièmement, que, dans l'éventualité d'un rejet de notre proposition sur le non-assujettissement des membres de corporations professionnelles, le projet de loi soit amendé à son article 33 pour que les psychologues, comme professionnels de la santé mentale, ne soient pas soumis à l'avis d'un médecin lors du refus d'accès au dossier pour cause de préjudice.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à toute question qui pourrait surgir sur l'ensemble de notre présentation, et plus spécifiquement sur les quatre sujets suivants: le chevauchement des lois, l'accessibilité du client à son dossier, l'efficacité des recours, l'assujettissement des professionnels de la santé à l'avis d'un médecin en cas de refus d'accès au dossier. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Sabourin. M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. Sabourin. Il me fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. J'ai écouté attentivement vos propos et pris connaissance de votre mémoire. En blaguant, puisque, tantôt, vous avez parlé d'une unanimité entre l'Opposition et le gouvernement au sujet de la concurrence, je dois vous dire qu'on est inspirés par Je document, la lettre de M. Frechette à Augustin Roy. Dans une lettre qu'il lui adressait le 15 février dernier, il disait que, quant à lui, comme responsable de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, il n'y voyait aucun inconvénient. Au contraire, quant à lui, c'était important de pouvoir compter sur deux recours, d'abord, au syndic de la corporation et, ensuite de cela, à la Commission d'accès. Alors, il faut croire qu'il y a déjà une personne qui fait partie de la même fraternité que vous, qui est également d'accord avec nous.

Mais, trêve de plaisanterie, je vous demanderais, M. Sabourin... Actuellement, vous avez une loi qui gouverne et qui réglemente l'ensemble de la Corporation de votre profession. Il y a aussi le Code civil, qui vient d'être adopté l'an passé. Et comme vous le savez, puisque vous êtes ici, découlent des articles 35 à 41 un certain

nombre de choses, entre autres, le principe - ce dont nous avons parlé tout à l'heure - de la rectification des dossiers, le principe d'accès, etc., mais aussi des règlements. (16 h 30)

Quand vous nous faites part des chevauchements qu'il pourrait y avoir, j'aimerais, pour une seconde, que nous fassions abstraction du projet de loi 68. Disons, faisons l'exercice que le projet de loi 68 n'existe pas, et qu'il vous reste le Code civil. Comment, comme corporation, seriez-vous capable d'éviter des chevauchements entre les dispositions particulières du Code civil et, évidemment, les règlements qui gouvernent votre Corporation?

M. - Gariépy (André): Alors, M. le Président, on me permettra de répondre à cette question. Tout simplement, l'article 300 du Code civil dit bien que les personnes morales de droit public sont d'abord régies par les lois qui les constituent, et le Code civil sera, à ce moment-là, appliqué de façon supplétive. Et d'ailleurs, je dois souligner que l'ensemble du Code civil, étant donné que c'est du droit commun, c'est du droit supplétif. Le préambule du Code civil est très clair là-dessus. La notion de droit supplétif nous dit que, dans l'éventualité où il n'y a pas de règles, ce sont les règles du Code civil qui s'appliquent. Et le caractère du supplétif, à l'inverse, nous dit que, dès qu'il y a une loi qui couvre quelque chose, le Code civil se retire de ce champ-là. L'ensemble des règles contenues dans le Code civil est supplétif, donc. Et l'article 300 règle le cas des personnes morales de droit public, et je dois vous souligner que les corporations professionnelles sont des personnes morales de droit public, puisqu'elles sont créées par la loi, et elles exercent un mandat général et d'intérêt public.

M. Cannon: Bien, c'est-à-dire pas les membres des corporations, pas les professionnels.

M. Gariépy: Non, ça c'est autre chose. M. Cannon: O.K.

M. Sabourin: En réponse à la première partie de votre question et à la mention que vous avez faite de l'avis du Dr Roy...

M. Cannon: Ha, ha, ha!

M. Sabourin: ...je dois dire que j'ai rencontré cette semaine le Dr Roy. Nous avons longuement discuté de la question, et je pense que le Dr Roy est prêt à se rallier à la position que nous soutenons devant vous. En ce qui concerne les deux recours possibles, la position que nous avons mentionnée tantôt n'exclut pas la possibilité qu'il y ait deux recours, sauf que nous pensons qu'il serait utile, si tel est le cas, qu'il y ait une hiérarchie ou une primauté au niveau des recours. En l'absence de la législation, depuis déjà un bon nombre d'années, nous accueillons des demandes, des dénonciations concernant des difficultés d'accès à son dossier. Comme je l'ai mentionné tantôt, il y en a très peu, par ailleurs, et on les règle toutes simplement à l'amiable, au niveau du bureau du syndic, sans devoir recourir au processus disciplinaire, qui est quand même une possibilité.

Alors, je pense que ce qu'on aimerait soumettre aujourd'hui, comme une hypothèse qu'il y aurait peut-être avantage à approfondir, c'est la question de savoir s'il ne serait pas possible, une fois qu'un client s'estime lésé ou estime qu'il n'a pas accès à son dossier, une fois qu'il s'est adressé à la corporation et qu'il n'a pas obtenu ce qu'il recherchait, c'est-à-dire l'accès à son dossier, à ce moment-là, mais uniquement à ce moment-là et une fois que le premier recours aura été épuisé, qu'il puisse avoir accès à la Commission d'accès à l'information, qu'il puisse utiliser ce recours-là. Nous pensons que c'est une hypothèse qui pourrait être envisagée et qui maintiendrait le fonctionnement et l'intégrité du système professionnel qui existe présentement, mais qui, pour le cas précis d'accessibilité à des dossiers, donnerait aux citoyens, aux justiciables, un recours supplémentaire, et ce avec quoi nous sommes prêts à vivre.

M. Gariépy: J'aurais une petite précision... M. Cannon: Oui.

M. Gariépy: ...avant de vous rendre la parole, malgré moi, là. Les corporations professionnelles, à l'égard du système disciplinaire, sont des tribunaux administratifs et la question de primauté du recours, c'est qu'il y a un principe à l'égard des tribunaux civils, à savoir que, quand tu arrives devant un tribunal civil pour une question qui est prévue devoir être entendue par un tribunal administratif, le juge, sur le plan civil, va dire: Arrête ça, épuise tes recours sur le plan du tribunal administratif et après tu viendras me voir. Alors, à cet égard-là, les corporations professionnelles exercent des pouvoirs de tribunaux administratifs très spécialisés, qu'il convient d'épuiser puisqu'ils ont la primauté pour les questions touchant les règlements professionnels.

M. Cannon: Si je résume un peu votre pensée, que je trouve intéressante, c'est que vous me dites qu'un individu à qui on a refusé l'accès à son dossier, qui va devant le syndic et se voit confirmer cette chose-là pourrait ultime-ment avoir recours devant la Commission d'accès à l'information.

M. Sabourin: Ce qui se passe à ce moment-là, c'est que, comme je l'ai dit, par ailleurs, nous

trouvons que ce ne sera pas un recours qui va s'exercer fréquemment. Au cours des 10 dernières années, il n'y aurait pas eu de recours au niveau de la Commission d'accès parce que tous les problèmes se sont réglés au bureau du syndic, se sont réglés à l'amiable. Donc, nous pensons que le système professionnel, tel qu'il existe présentement, est très bien outillé pour régler ces problèmes-là. Mais, dans l'éventualité où il y aurait problème, nous pensons qu'il serait loisible au citoyen de s'adresser à la Commission d'accès à l'information.

M. Cannon: Encore une fois, je vous répète que ça m'apparaît comme une proposition intéressante puisque, ce qui m'intéresse davantage, là, c'est l'individu dans cette chose-là et de là, sans doute, la nécessité de dire: De façon générale, il y a une règle d'application. L'article 87 du projet de loi indique spécifiquement: «Lorsque sur une matière visée par les articles 74 à 76, la compétence de la Commission chevauche celle d'un organisme public ou d'un ministère, la Commission peut conclure, après approbation [...] une entente...»

M. Sabourin: Un exemple aussi qu'on peut donner, c'est celui qui existe dans la loi d'accès dans le secteur public et qui touche à l'adoption ou au dossier du Curateur public, à savoir que, dans ces deux cas-là, on fonctionne avec les normes édictées pour ces deux cas-là. Par ailleurs, s'il y a problème, c'est la Commission d'accès qui vient comme recours.

M. Cannon: Alors dans le fond, vous rencontrez un peu, tout le monde peut rencontrer les objectifs qu'Augustin Roy mettait de l'avant la semaine passée. Merci.

M. Gariépy: Un de ceux-là.

Le Président (M. Doyon): Une fois n'est pas coutume.

M. Gariépy: Et, soit dit en passant, il est en vacances, actuellement.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais vous dire d'abord que j'ai apprécié le ton de l'échange et, d'une certaine façon, votre présence ici illustre le fait que les 240 000 professionnels qu'il y a au Québec sont les groupes les mieux outillés sans doute jusqu'ici pour traiter des plaintes que la population peut entretenir, ce qui ne veut pas dire que ça soit parfait. Mais je note avec beaucoup de satisfaction que vous ne vous objectez pas à ce que, en bout de course, la Commission d'accès tranche quand la personne n'a pas obtenu satisfaction au niveau du recours qui existe déjà. Quant au chevauchement de lois, je pense que vous avez raison; la loi d'accès prévoit déjà que la Commission peut interpréter une autre loi que la sienne propre en dernière analyse et que d'autres lois d'ordre public qui ont prouvé leur efficacité peuvent ultimement être jointes. On n'invente rien, d'une certaine façon, quand il s'agit des professionnels.

Maintenant, quand vous parlez d'épuiser d'abord le recours prévu par votre loi et d'aller d'abord au syndic, est-ce que vous verriez également comme motif d'intervention de la Commission d'accès les délais indus, s'il y avait des délais indus dans le cas d'une plainte qui a été formulée au syndic?

Le Président (M. Doyon): M. Sabourin.

M. Sabourin: Écoutez, présentement, l'article 123, je pense, du Code des professions, parle de délais raisonnables au niveau de l'examen d'une plainte par le bureau du syndic. Bon! La jurisprudence disciplinaire à ce sujet-là ne s'entend pas parfaitement sur ce qui constituerait un délai indu. Dépendant des causes et dépendant de la complexité des cas, il peut y avoir des délais qui peuvent s'étendre entre quelques mois à près d'une année, ou peut-être même un peu plus d'une année.

Par ailleurs, comme je l'ai mentionné tantôt, concernant les dossiers d'accès, je n'ai pas l'impression que les... Ce ne sont habituellement pas des dossiers complexes qui entraîneraient de pareils délais. Parler de délais indus, il faudrait qu'on ait comme une balise très précise au niveau de la loi pour déterminer qu'à partir de tant de mois c'est un délai indu. Pour l'instant, je pense qu'il faut utiliser l'article 123 du Code des professions et parler de délais raisonnables. Je pense qu'on peut ajouter aussi, au niveau des délais, ce que j'ai lu récemment - je ne suis pas un spécialiste - que la Commission d'accès à l'information n'a pas la réputation d'aller très rapidement non plus. Alors, je pense qu'entre deux délais il faut peut-être choisir le moindre ou, en tout cas, j'ai l'impression, en me basant sur l'expérience antérieure de notre corporation, que ce genre de problématique-là n'a jamais, dans le passé, entraîné de délais. Je ne peux pas présumer du futur, mais ça m'étonnerait qu'il y ait des problèmes majeurs au niveau des délais. (16 h 40)

M. Bourdon: Vous parlez des délais actuels à la Commission d'accès, et moi, c'est une préoccupation que j'ai. C'est que si on prévoit que le recours s'exerce d'abord de la façon prévue pour votre profession, mais pour d'autres aussi, ça peut éviter un engorgement de la Commission d'accès, sans compter, ce qui ne doit pas être négligeable dans le contexte budgétaire actuel, que les professions financent elles-mêmes ce qui les concerne. Mais, la Commission d'accès,

si, comme je l'espère, la loi est en vigueur avant la Saint-Jean cette année, elle va avoir de quoi s'occuper dans des domaines comme le crédit, l'investigation, le recouvrement et autres.

Alors, je voudrais juste vous dire que je suis d'accord avec les positions que vous défendez en général. Et je pense qu'au niveau des délais et des chevauchements de lois il n'y a pas, il me semble, de problèmes insolubles et qu'on doit tenir compte que, chez les 240 000 professionnels, il existe déjà quelque chose, et qu'il s'agirait que la Commission exerce comme un deuxième recours, mais après le premier exercé, pour que les professionnels ne se jugent pas entre eux d'une façon définitive. Que le citoyen qui n'est pas content - je sais que ça n'arrive pas dans bien des cas, pour ce qui est de votre corporation - puisse aller à la Commission d'accès, au bout de la ligne, s'il n'est pas satisfait du résultat qu'il a atteint dans la manière prévue. Je pense que ça dégagerait des ressources et ça prioriserait le travail de la Commission d'accès dans d'autres secteurs qui ont l'inconvénient d'être névralgiques et de ne pas être soumis à rien au moment où on se parle. Je vous remercie beaucoup de votre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Si vous me le permettez, j'aimerais peut-être demander à M. Sabourin: Est-ce que vous êtes dans la situation... Je ne me souviens pas quel organisme nous faisait valoir qu'il y avait certains renseignements dans les dossiers personnels, que même s'ils appartenaient au client ou à la personne qui consultait, il n'était peut-être pas souhaitable que ces renseignements-là soient mis à sa disposition, compte tenu de l'évolution de la consultation, compte tenu des renseignements qui étaient consignés et compte tenu de la capacité de la personne de digérer ça ou de vivre avec ça. Est-ce que c'est un problème que vous reconnaissez, et comment - si ce problème-là existe - vous pouvez en même temps prôner le libre accès aux dossiers personnels et, en même temps, protéger un petit peu contre lui-même... Parce qu'il y a une espèce de conflit qui s'établit entre la protection de l'individu qui a besoin de consulter et la personne qui lui donne les renseignements, lui prodigue des conseils et, très souvent est obligée de consigner dans son dossier un certain nombre de choses, et, en même temps, cette personne-là a le droit de savoir ce qu'il y a dedans. Comment vous conciliez tout ça?

M. Sabourin: Je pense que la conciliation se fait très facilement a l'aide d'une description très précise de ce que doit contenir un dossier de psychologue, description qu'on retrouve à l'article 3 de notre règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation. Dans cette liste du contenu d'un dossier de psychologue, il y a à peu près tous les éléments essentiels qui concernent le résultat d'un entretien qui a eu lieu ou des interventions que le psychologue a faites auprès d'un client particulier.

Par ailleurs, il y a une chose qui n'apparaît pas dans le dossier des clients, parce que c'est notre outil de travail, on ne peut pas le mettre à chaque fois, c'est la question des tests psychométriques. Les tests psychométriques, comme je le mentionnais tantôt, ce sont des instruments de travail ou des instruments d'analyse que le psychologue utilise, interprète dans le but d'en arriver à une conclusion. Dans le dossier du client, on retrouve les conclusions du travail d'analyse, mais le protocole de test - dans notre langage particulier, on appelle ça le protocole de test - on ne le met pas dans le dossier. Ça fait partie de nos instruments de travail. Ça, ça fait partie d'un dossier d'instrument de travail, et ce n'est pas quelque chose, à mon avis, qui devrait être inclus dans le dossier. D'ailleurs, notre règlement ne le prévoit pas. Il y aurait un risque, un risque sérieux que la validité des instruments qu'on utilise soit grandement diminuée de par le fait qu'il faudrait, s'il y avait une diffusion publique du genre de test qu'on utilise, les refaire à tous les six mois ou à tous les ans. Et, à ce moment-là, on serait pris dans une position où on n'aurait pas d'instruments valides à portée de la main dans des cas précis; il faudrait attendre souvent que de nouveaux instruments apparaissent.

Dans bien des cas, actuellement, il arrive que, pour pouvoir évaluer si un client a évolué au niveau de son traitement, on lui fasse d'abord passer un test, et on a prévu déjà, pour certains tests, des formes parallèles. C'est-à-dire que, dans un premier temps, au prétest, on fait passer une forme a, qui est une première version d'un test, et, six mois plus tard ou un an après, une deuxième version, l'objectif étant que, bien sûr, quelqu'un qui connaît déjà le test et qui, même, peut l'avoir appris par coeur ou, en tout cas, puisse s'en inspirer fortement, ne donnera pas des réponses valides. À ce moment-là, notre intervention sera absolument inutile et on va faire perdre le temps à tout le monde. Ça fait que ces données brutes ne figurent pas dans le dossier et ce sont déjà des choses, d'ailleurs, prévues dans l'article 40 et l'article 23 de la loi d'accès dans le secteur public.

Le Président (M. Doyon): Oui. Et une autre chose que vous avez eu l'occasion de signaler à cette commission, c'est que les 10 dernières années, finalement, il n'y avait pas eu de cas problèmes, en fait, que même s'il y avait eu application de cette loi, il n'y aurait pas eu de recours...

M. Sabourin: Non.

Le Président (M. Doyon): ...comme tel. C'est quand même indicatif. Est-ce que c'est dû au fait d'une satisfaction profonde de votre clientèle ou

tout simplement de l'ignorance de la capacité ou du loisir qu'ils ont d'accéder à leur dossier?

M. Sabourin: Écoutez, je mentionnais tantôt que le principe de base que l'on transmet à tous les psychologues - moi, je fais de l'enseignement universitaire, j'ai l'occasion de le leur transmettre d'une façon précise - c'est que le dossier, c'est la propriété du client. Ce n'est pas leur dossier, c'est le dossier de leur client et leur client y a accès. Quand il veut, il peut en prendre copie...

Le Président (M. Doyon): Est-ce que le client est informé de ça lors d'une consultation au tout début?

M. Sabourin: Oui.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Sabourin: Le client est parfaitement informé de la chose. D'ailleurs, les problèmes litigieux sont très rares, de par le fait qu'à peu près tout le monde sait, connaît les règles du jeu. On s'aperçoit que quand il y a litige, dans 95 % des cas, c'est dû à une incompréhension, soit du professionnel, soit de la personne du public sur comment ça fonctionne exactement. C'est très facile pour le syndic, à ce moment-là, de réunir les personnes et, par des techniques de conciliation et de médiation, d'expliquer comment ça fonctionne et de s'arranger pour que tout le monde s'entende. C'est d'ailleurs ce qui se produit dans la réalité.

Le Président (M. Doyon): Je vous remercie beaucoup, M. Sabourin. Je pense que ça fait le tour. Est-ce que d'autres membres de la commission veulent intervenir? Merci à M. Sabourin, merci à M. Gariépy. Je suis sûr qu'on tiendra compte de ce que vous nous avez livré dans la version de la loi. Merci beaucoup.

M. Sabourin: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Maintenant, il nous reste, cet après-midi, à recevoir les représentants de la Société Progestaccès. Est-ce qu'ils sont ici? Je pense que oui. Je les invite à bien vouloir s'avancer et à prendre place en avant.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Société Progestaccès. J'imagine que c'est M. Emmell qui est avec nous? Alors, M. Emmell, je m'aperçois que M. Duplessis, qui devait vous accompagner, n'y est pas. Donc, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à nous faire part de vos commentaires.

Vous avez pu voir comment ça se passait. Vous disposez de 15 ou 20 minutes pour nous expliquer, nous faire un résumé de votre mémoire ou encore nous ajouter certaines réflexions qui vous sont venues après coup et, ensuite, le ministre et le représentant de l'Opposition officielle vont s'entretenir avec vous pour le partage du temps qui va rester. Le président dira peut-être quelques mots, si le ministre le permet. Merci, M. le ministre. Le député de Saguenay aussi! Bon, très bien! Vous avez la parole, M. Emmell.

Société Progestaccès

M. Emmell (Vincent): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. de la commission, la Loi sur la protection des renseignements personnels doit être mise en vigueur le plus rapidement possible, et cela, même si des intervenants la considèrent imparfaite. Des mécanismes existent, dans la loi, pour faire les corrections nécessaires en cours de route, basées sur l'expérience qui sera vécue par l'entreprise privée. L'important, c'est que chaque personne, au Québec, obtienne le droit de contrôler les données qui la concernent. Lors des prochaines étapes vers la mise en vigueur de la loi sur la protection de la vie privée, nous voudrions porter à votre attention les points suivants. (16 h 50)

À l'article 5, renseignements pertinents, nous croyons que la vie privée serait mieux protégée si on limitait les données personnelles recueillies. Lorsque l'on parle de renseignements pertinents, tous les renseignements qui se rapportent à une personne sont pertinents. Il est beaucoup plus facile de déterminer quels sont les renseignements que l'entreprise a besoin de connaître pour conclure une transaction d'affaires lorsque l'on parle de renseignements nécessaires à la réalisation d'un bien ou un service. À titre d'exemple, la couleur d'une personne est pertinente, mais rarement nécessaire à la réalisation de l'objet d'un contrat. Une fois que l'entreprise aura déterminé quels renseignements sont nécessaires et quels renseignements sont discrétionnaires à la réalisation d'un bien et service, il devient beaucoup plus facile de se conformer à l'article 7 concernant les droits et les finalités, et à l'article 13 concernant le consentement à la communication et l'utilisation. Nous recommandons donc que le terme «pertinent» soit remplacé par le terme «nécessaire» dans tous les articles où il est employé dans le projet de loi.

L'article 7, dernier alinéa, «renseignements normalement recueillis». Ce paragraphe est très important pour l'entreprise en autant qu'il ne concerne que les renseignements recueillis sans qu'il y ait constitution d'un dossier ou d'un fichier. Beaucoup de transactions requièrent que la personne donne des renseignements personnels pour que la transaction se réalise et les renseignements personnels donnés ne seront pas col-ligés en dossiers ou fichiers. À titre d'exemple, lorsqu'une personne demande un remboursement,

le préposé demande généralement le nom, l'adresse, le numéro de téléphone et la signature du demandeur. C'est une procédure minimale de contrôle interne. De même, lors d'un paiement par chèque personnel. Nous recommandons donc que soit précisé dans le texte que les renseignements normalement recueillis sont ceux qui ne seront pas colligés dans un dossier ou fichier identifiable à la personne.

Dossiers à jour et exacts - article 11. Il est difficile pour une entreprise de maintenir à jour et exacts tous les dossiers qu'elle possède. Par contre, le degré de difficulté et la logistique de mise à jour diminuent lorsqu'elle est faite au moment où le dossier est utilisé à des fins pour lesquelles il a été constitué. L'obligation de mise à jour devrait se faire au moment de l'utilisation ou au moment où le dossier est consulté pour prendre une décision. Nous recommandons donc que l'obligation de mise à jour soit directement reliée à la finalité du dossier.

L'article 28, renseignements provenant d'un tiers et décision négative. Nous croyons que le contrôle des éléments du dossier serait moins complexe s'il n'existait pas de distinction entre le genre de décision - positive ou négative - la provenance des renseignements et le moment de la décision. Lorsqu'il y a décision sur une relation d'emploi ou de consommation, le dossier doit être accessible avec tous les éléments qu'il contient, quelle que soit leur provenance, tel que prévu à l'article 35. Nous recommandons donc que la notion de provenance des renseignements ainsi que le genre de décision soient abandonnés.

L'article 25, personne responsable. Nous croyons qu'il est important que la personne responsable des dossiers contenant des renseignements personnels possède assez d'autorité dans l'entreprise pour que celle-ci puisse avoir l'influence positive nécessaire pour l'application de la présente loi. De plus, son rôle et ses responsabilités devraient être spécifiés dans la loi à l'exemple de la loi sur l'accès. Nous recommandons donc que le rôle et la responsabilité de la personne responsable, en vertu de l'article 25, soient précisés dans la loi sur la protection de la vie privée.

En terminant, nous tenons à remercier les membres de la commission pour nous avoir offert l'opportunité de nous adresser à elle. Merci de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Emmell. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Emmell, merci de votre présentation et de votre mémoire que je pourrais qualifier de très cons-tructif. Vous supportez le projet de loi 68, vous avez l'expérience dans ce secteur. Peut-être, à titre de préambule, vous dire que cette question de «pertinent et nécessaire», depuis quelques semaines maintenant, retient mon attention. Per- tinent pourquoi? Parce que, effectivement, au niveau du Code civil, on parle de pertinence. Mais je suis ouvert à évaluer la forme: soit pertinent ou nécessaire. Je n'ai pas d'objection à ça et on pourra examiner ça attentivement.

J'aimerais peut-être vous demander, au niveau de... Vous avez été ici, vous avez entendu les commentaires qui ont été formulés de part et d'autre tantôt par la Corporation professionnelle des psychologues, et avant eux, par les gens du Bureau d'assurance du Canada. Il est curieux de voir que ces entreprises-là et ces corporations-là trouvent extrêmement lourde l'application que nous faisons de la protection de la vie privée par l'entremise de la loi 68. Vous avez eu l'opportunité sans doute, en lisant ce projet de loi, de voir ce qu'il en était pour la transmission des informations, la communication.

J'ai deux questions à vous poser. D'abord, l'article 103 du projet de loi qui oblige ou, enfin, confère l'obligation à une entreprise de communiquer à leurs clients, consommateurs, consommatrices, le fait qu'elle possède un dossier à leur sujet: depuis quelques jours maintenant, on laisse entrevoir que c'est complexe, c'est lourd toute cette procédure. À votre avis, existe-t-il d'autres façons d'alerter le consommateur comme quoi il y a des gens qui ont des dossiers sur la personne?

Le Président (M. Doyon): M. Emmell.

M. Emmell: Merci. Je crois que le fait d'avertir les gens, ça peut se faire dans les journaux. Pour communiquer le dossier aux gens, je crois que la logistique serait beaucoup plus facile si les entreprises étaient obligées de communiquer ce genre de renseignements strictement à ceux qui ont été actifs dans l'année parce que...

M. Cannon: Dans l'année, pardon? Dans l'année?

M. Emmell: Dans l'année courante, ceux qui ont été actifs, c'est-à-dire ceux qui ont eu carrément des demandes de crédit, ce genre de dossiers-là qui ont été publiés. Cela, pour les autres entreprises, parce que les entreprises qui font affaire avec les institutions financières et toute autre qui demandent ce genre d'information, leurs clients sont institutionnels. Ça fait qu'ils ne sont pas, à date, vraiment préoccupés du monde en général qui ont l'information là-dedans; ce n'est pas vraiment leurs clients directs. Par contre, lorsqu'ils ont à publier ce genre d'information là, ce serait idéal de mettre à jour et d'avertir les gens, au moins pour la première année. Ensuite, ce serait peut-être un roulement. C'est officiel qu'il y a beaucoup, beaucoup de transactions là-dedans, mais ce n'est pas tout le monde qui va avoir une demande sur ce dossier-là comme tel.

M. Cannon: Est-ce que vous croyez que le projet de loi est trop sévère pour l'entreprise privée?

M. Emmell: Bien, trop sévère, c'est que c'est difficile de savoir dans le moment si c'est trop sévère. Si je me rapporte 10 ans en arrière, les organismes publics disaient que c'était trop sévère, mais, à la pratique, on s'est rendu compte que ce n'était pas si sévère que ça.

M. Cannon: C'est une question de culture, c'est une question d'être capable de s'adapter à ça.

M. Emmell: Bien, il faut qu'ils s'adaptent, de toute façon, parce que ce n'est pas statique, la vie d'une entreprise dans une société. Elle est toujours en évolution.

M. Cannon: O.K. Sur la Commission d'accès à l'information, j'ai déclaré, la semaine passée, mon intention de regarder très attentivement la distinction entre les différents rôles et les tâches que nous voudrions voir jouer à la Commission d'accès à l'information. D'abord, celui d'adjudicateur, celui de communicateur, celui d'arbitre. Est-ce que vous avez eu à penser un peu à cette chose-là? Est-ce que vous avez une opinion ou des idées, des suggestions à nous formuler à cet égard-là? (17 heures)

M. Emmell: II y a un principe en vérification qui dit que celui qui signe le chèque généralement n'est pas celui qui va l'autoriser. Par contre, ia Commission d'accès est quand même assez bien située, même si elle est juge et partie, parce qu'il y a des clauses dans sa loi qui font que, si elle dérogeait à ça, il y aurait tout de suite un changement parce qu'il y a quand même une clause crépusculaire qui pourrait, chaque cinq ans, juger de son action.

M. Cannon: Une clause de révision.

M. Emmell: Une clause de révision qui pourrait juger de son action. Dans le fond, pour sauver de l'argent, je crois qu'on pourrait continuer dans ie moment, tel quel. Par contre, s'il y a abus, il n'y aura pas abus pour plus que cinq ans.

M. Cannon: Bien, c'est précisément l'esprit qui nous a animés lorsqu'on a inclus cette clause de révision, parce qu'on a bien vu qu'elle fonctionnait dans le secteur privé. Alors, comme la société est en mutation et, de par la nature même de la société, elle est dynamique, il y a des choses à corriger au fur et à mesure que nous avançons.

Pour revenir peut-être un peu à l'article 103 du projet de loi, vous me donnez comme balise des dossiers qui seraient actifs, des dossiers actifs de peut-être moins d'un an, en excluant tout ce qui est institutionnel, si j'ai bien saisi ce que vous m'avez dit, parce qu'à travers ça il y a des communications qui peuvent se faire de nature institutionnelle.

M. Emmell: C'est-à-dire que les dossiers, en fin de compte, toute la population semble fichée dans ce genre d'entreprise, mais ce n'est pas toute la population à qui on va demander un rapport de crédit durant l'année. Au moment où le rapport de crédit est demandé, je crois qu'au bout de la ligne il y a quelqu'un qui a demandé un crédit, et ce serait le temps, je crois, ou l'opportunité de lui transmettre son dossier en même temps.

M. Cannon: Si, par exemple, je me présente à une institution financière, que celle-ci soit une des banques canadiennes que nous connaissons, ou bien une caisse, ou un autre organisme de crédit et que, volontairement, je souscris aux exigences de l'entreprise afin de fournir des renseignements de nature confidentielle, nominative, de la pratique que vous possédez, est-ce que l'agent de crédit est en mesure d'aller chercher les renseignements dans chacune des banques d'informations qui peuvent exister? Autrement dit, s'il y a 5 ans ou 10 ans j'ai eu ou j'ai détenu une carte de la compagnie Sears et que j'avais volontairement fourni des informations, mais, aujourd'hui, 5 ans ou 10 ans plus tard, je ne me sers plus de cette carte de crédit... Si j'avais une carte American Express et qu'aujourd'hui je ne l'ai plus, je l'ai remplacée par une autre carte; donc, American Express est inactive. Ma question, dans le fond, c'est de savoir: Est-ce que l'agent de crédit a accès à la multitude de banques qui peuvent exister en ce qui concerne mes transactions antérieures ou s'il se limitera uniquement, je ne sais pas, moi, à la compagnie Équifax avec qui son institution fait affaire?

M. Emmell: Je ne pourrais pas vous répondre précisément là-dessus. Par contre, lorsque ie contact se fait avec l'agent de crédit pour avoir du crédit, les déclarations que vous faites sont strictement pour évaluer votre crédit. Alors, si vous dites que vous avez un compte à telle ou telle banque, vous vous trouvez à autoriser, pour le moment même, de vérifier ce que vous avez donné dans votre demande.

M. Cannon: Non, mais c'était davantage au niveau de la mécanique. C'est sûr que je peux masseoir devant l'agent de crédit à la caisse populaire et lui dire que je suis actuellement un client actif à telle institution financière, que j'ai x, y, z cartes de crédit, mais je n'ai pas à lui dire que, jadis, j'ai eu une carte de crédit de telle chose, que j'ai acheté le véhicule automobile de mon épouse par l'entremise d'un finance-

ment de GMAC ou quelque chose comme ça. Alors, c'est pour ça que je voulais savoir, dans l'enquête de crédit qui s'opère pour fins de prêt ou pour fins d'hypothèque, s'il est de coutume d'aller vérifier plusieurs banques d'informations. C'est ça, la nature de ma question puisque, à partir de cela, on peut déterminer la portée de l'article 103. Quand on pose l'obligation carrément sur les épaules de ceux et celles qui exploitent, pour des fins commerciales, la matière première, qui est quoi?, les renseignements personnels, il me semble que c'est eux qu'on doit responsabiliser, dans une démarche de correction, avant de responsabiliser le citoyen, le consommateur.

Donc, dans un premier temps, ceux qui exploitent doivent rendre des comptes auprès du consommateur, après quoi le consommateur, lui, a la possibilité de pouvoir modifier, de faire changer et d'apporter les corrections qui s'imposent. C'est ça, la démarche. Qu'elle se fasse par envois, quitte, bien sûr, à corriger ou à s'assurer que l'adresse est bel et bien l'adresse, que ça se fasse par une publicité massive à la télévision, à la radio ou bien dans les journaux, moi, mon intention, c'est de m'assurer que le client consommateur... C'est ce que j'ai entendu depuis deux ans maintenant, que lui puisse au moins savoir qu'il y a un dossier puis il y a une possibilité de le corriger. La mécanique, pour l'instant, est importante en autant qu'on puisse s'assurer que les objectifs visés sont rencontrés. Je ne veux pas indûment alourdir, mais je veux protéger un principe. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles, maintenant.

M. Bourdon: D'abord, je voudrais vous féliciter de la tenue du mémoire, puis saluer aussi la connaissance pratique que vous avez de ces questions-là. Je retiens comme intéressante, entre autres, la suggestion que vous faites, à savoir que les entreprises, surtout financières, qui utilisent les rapports de crédit, pour ne mentionner que ceux-là, qui sont une part très importante des renseignements détenus, les remettent graduellement à leurs clients et leurs clientes. Parce que, dans le fond, il n'y a pas plus de 3 % des gens qui demandent accès à leur dossier de crédit. Et, comment s'indigner de leur inexactitude si on ne les connaît pas?

Puis, avant vous, il y a quelqu'un du BAC qui disait: C'est peut-être l'intérêt des entreprises aussi qu'ils soient corrigés quand ils sont erronés, puisque c'est une donnée importante qui sert à établir, notamment, le crédit. Est-ce que vous pensez, comme moi, que la correction pourrait suivre le même chemin? Je vous dis ce qui me frappe. C'est que si on veut avoir accès à son dossier chez Équifax, on prend un jour ouvrable à Montréal et on va à la ville d'Anjou.

On remplit une formule, on demande l'accès et tout ça. C'est complet. Ça explique les 1 % à 3 % de personnes qui le font, mais pour corriger, c'est la croix et la bannière. Mais je pense juste aux 400 succursales de banques qu'il y a au Québec, à peu près, et aux 1300 caisses populaires; si la demande de correction passait par là et s'en retournait au bureau de crédit en prévoyant un moyen pour qu'une correction faite à une place le soit partout - parce qu'on pourrait toujours, vous savez, faire un personnage de pièce de théâtre qui, dans la vie, ferait corriger ses rapports de crédit s'il y en a 21 qui sont erronés... (17 h 10)

Mais est-ce qu'il n'y aurait pas là un moyen, comme vous le disiez, dans le fond, par étapes, qu'en quelques années, chacun a lu son rapport de crédit, l'a fait corriger s'il était besoin, puis que cette partie-là de nos vies qui n'est pas rien soit comme réglée graduellement? Mais, moi, je suis assez d'accord avec vous que, si on passe par les utilisateurs que sont les entreprises financières, entre autres, on risque de moins se compliquer l'existence que de dire: On veut créer un rapport entre le bureau de crédit, mettons, et directement les consommateurs. Ils ne sont pas équipés pour, ils n'ont peut-être pas envie de corriger toujours. Puis, quand on fait affaire avec la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins ou la Banque Royale, je suppose aussi que les moyens pratiques de faire faire les corrections puis d'en aviser l'intéressé pourraient se faire d'une façon plus efficace que de dire: On crée un nouveau lien, du consommateur directement avec le bureau de crédit. Ça suppose, je suppose, nécessairement des démarches, une bureaucratie qui se développe, alors que notre lien à notre banque ou à notre caisse populaire existe, là, et on peut appeler là assez facilement. Et comme vous le disiez, je trouve l'idée intéressante, ça peut être sur trois ou quatre ans que l'information est disséminée et corrigée quand il faut et que, finalement, les choses entrent dans la normale d'une façon graduelle.

M. Emmell: Je crois que les deux voies seraient importantes à avoir, parce que, dans le fond, les compagnies comme Équifax, leur client est institutionnel, ça n'a pas été basé pour avoir des clients comme M. Tout-le-Monde, mais il n'y a rien qui empêche Équifax d'avoir maintenant des clients comme tout le monde, de faire une publicité et de dire à ces clients-là: Si vous voulez avoir un bon dossier de crédit, venez nous voir, on va vous le monter pour un certain prêt et, après ça, vous irez à la banque le porter. Les deux voies doivent exister, d'après moi.

M. Bourdon: Oui, mais je vous dis que les échos de la savane nous disent que ceux qui font

affaire avec Équifax, même quand c'est Esso Impérial ou une firme d'assurances qui leur demande de corriger... J'ai parlé à un consommateur, ce matin. Il avait une quittance pour une dette qu'Équifax lui attribue. Ils lui ont dit: On peut mettre votre version, ça va nuire à votre crédit. Vous savez, il n'y a pas juste les fonctionnaires qui sont fermés dans le secteur public, il y a des fonctionnaires du privé qui sont... Autrement dit, on dit: Vous avez un droit, si vous l'exercez, ça va vous nuire. Il est resté avec sa quittance, et il n'a pas tort, il a une quittance. Et c'est l'usage qu'on fait du chantage. On va mettre votre version et vous allez avoir l'air de quelqu'un d'un peu frauduleux, qui essaie d'influencer les rapports de crédit. Alors que lui, ce qu'il a en main et qu'il leur a envoyé par télécopieur, c'est une quittance. Ça se vérifie, une quittance, on peut appeler celui qui l'a émise et vérifier si vraiment on l'a émise. Ce que je dirais, c'est que votre suggestion n'est pas inopportune, mais mettons que, Équifax, à l'heure actuelle, a surtout développé ses bras et pas assez peut-être le marketing.

M. Emmell: Mais c'est qu'Équifax a un client, c'est les institutions. C'est officiel qu'elle va répondre aux besoins des institutions.

M. Bourdon: Vous avez parfaitement raison.

M. Emmell: Par contre, le projet de loi aujourd'hui va donner recours aux gens pour vraiment faire changer les choses.

M. Bourdon: C'est ça. Dans le fond, vous avez raison, c'est fondamental, il faut être capable de faire modifier sans que ce soit un drame, sans que ce soit compliqué. Mais ce que je veux vous dire, c'est que c'est une erreur grave, même quand on a des clients, de négliger les clients des clients, parce que les clients tiennent compte, eux, de leurs clients, à la longue. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis, mais les clients de nos clients, on est peut-être mieux de les avoir un peu comme amis. En tout cas, je vous félicite de nouveau pour le contenu de votre mémoire et pour la connaissance que vous avez de la réalité. Pour des gens qui vivent dans une bâtisse comme nous ici, c'est toujours bien important de se faire dire par le monde extérieur ce qui se passe dans la réalité.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je pense que les témoignages des deux côtés sont à l'effet que ce que vous nous avez présenté ouvre des avenues intéressantes et que tout le monde s'entend sur les objectifs poursuivis. Je pense qu'il y a un bout de chemin qui peut être fait. Alors, M. Emmell, je vous remercie d'avoir bien voulu participer et contribuer à ce travail de la commission, et je vous souhaite un bon retour. Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Doyon): Le quorum qu'on avait cet après-midi se continue. Nous allons maintenant entendre l'Association des archivistes du Québec. Je les invite à bien vouloir s'avancer, à prendre place à la table de nos invités, s'il vous plaît.

Une voix: Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, je souhaite la bienvenue aux quatre personnes qui viennent de prendre place. Il s'agit de M. Marc Beaudoin, qui est le président, d'après ce que je comprends, de Mme Louise Gagnon-Arguin, M. Éric Lemieux et M. Michel Lévesque. Soyez les bienvenus. Vous allez nous présenter votre mémoire ou en faire un résumé pour 15 ou 20 minutes; après ça, le ministre ainsi que M. le député de Pointe-aux-Trembles et peut-être d'autres membres de la commission s'entretiendront avec vous pour quelques minutes aussi.

Vous êtes invités à bien vouloir vous présenter pour les fins de la transcription de nos débats. Vous avez la parole, nous vous écoutons.

Association des archivistes du Québec inc. (AAQ)

M. Beaudoin (Marc): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Marc Beaudoin, je suis donc président de l'Association des archivistes; à ma droite, il y a Mme Louise Gagnon-Arguin, qui est professeure à l'École de bibliothéconomie et des sciences de la documentation; à ma gauche, M. Éric Lemieux, qui est étudiant en maîtrise et dont le sujet du mémoire est sur l'accès à l'information; il fait sa maîtrise à l'Université de Montréal; et, enfin, M. Michel Lévesque, qui est archiviste de l'Association des archivistes du Québec et qui est spécialiste dans les calendriers de conservation et qui a à son crédit déjà deux publications.

Le Président (M. Doyon): Nous sommes heureux de vous avoir.

M. Beaudoin: Merci. Donc, très brièvement, l'Association des archivistes du Québec a été créée en 1967 et compte plus de 500 membres qui proviennent de différents secteurs d'activité; soulignons, entre autres, 34 % du secteur public et 27 % du secteur privé. L'Association des archivistes regroupe des personnes qui offrent aux organismes et à leurs clientèles des services liés

à la gestion de leur information produite ou reçue dans le cadre du mandat de ces organismes, consignée sur un support quelconque et conservée soit pour leur valeur légale, administrative, financière et même de recherche. L'Association offre à ses membres des services propres à assurer le développement, l'enrichissement et la promotion de la profession et de la spécialité. Elle s'implique activement en favorisant la recherche et le développement de la discipline dans les institutions d'enseignement et en assurant la représentation de la profession dans la société québécoise et auprès des corps publics. C'est d'ailleurs à ce titre que nous nous présentons, ce soir, pour exprimer notre opinion sur le projet de loi relatif à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Forte de 10 ans d'expérience dans l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'une expertise qui tire ses fondements dans les plus anciennes civilisations, les membres de l'Association des archivistes du Québec ont les qualifications nécessaires pour apprécier et évaluer de façon éclairée les dispositions du projet de loi présentement à l'étude. L'Association tient à exprimer son accord de principe quant au bien-fondé d'une telle loi au Québec. Le développement fulgurant de l'informatique au sein des organismes publics et, à plus forte raison, au sein des organismes privés, crée des conditions propices au transfert, à l'échange, au couplage des renseignements et, par conséquent, à l'intrusion dans la vie privée des citoyens.

Déjà, huit provinces canadiennes ont des lois semblables. La Déclaration des droits de l'homme, depuis 1948, veut protéger la vie privée; plusieurs États et même la Communauté européenne ont adopté des législations visant à mieux protéger leurs citoyens. En adoptant cette loi, le Québec se met à l'heure des pays les plus avancés dans le domaine de la protection des droits les plus fondamentaux. Nous sommes donc heureux de constater que l'expérience de l'application de la Loi sur l'accès s'est reflétée dans la rédaction du présent projet de loi. Cette approche des législateurs ne peut qu'être bénéfique au succès d'une loi qui vient renforcer la protection de la vie privée des Québécois.

J'inviterais maintenant M. Éric Lemieux à nous parler de certaines lacunes que nous avons rencontrées dans le projet de loi à l'étude.

Le Président (M. Doyon): M. Lemieux.

M. Lemieux (Éric): Bonsoir, M. le Président. Les lacunes qui ont été relevées par l'Association des archivistes du Québec tiennent essentiellement au fait que la gestion des renseignements personnels, au moment où la durée nécessaire à la réalisation de l'objet du dossier est terminée, il faut absolument... Excusez-moi, je recommence.

La gestion des renseignements personnels, au moment où la durée nécessaire à la réalisation de l'objet du dossier est terminée, doit tenir compte du fait qu'il y a une vie qui suit, justement, l'objet du dossier. Nous sommes ici, donc, pour souligner que, suite à l'épuisement de cet objet, il y a deux possibilités: soit que ces dossiers-là aient une valeur secondaire qui est d'ordre historique ou alors de recherche, ou qu'ils n'aient pas de valeur secondaire et qu'à ce moment-là il faille décider de détruire ces dossiers-là. Dans l'une ou l'autre de ces possibilités-là, il y a une décision à prendre quant à leur sort. (20 h 10)

Or, le projet de loi ne tient pas compte de cette réalité-là qui est une réalité archivistique bien ancrée. Plus particulièrement, ce sont les articles 1, 9, 11 et 38 qui ne tiennent pas compte de cette réalité-là par leur libellé. Il y a donc une espèce de vide juridique, ici, créé par le projet de loi qui fait que les documents ne sont pas protégés, c'est-à-dire que le caractère confidentiel des documents n'est pas protégé suite à la fin de la durée nécessaire de la réalisation de l'objet du dossier.

Il y a bien l'article 26 de la Loi sur les archives qui prévoit, dans le cas d'un organisme privé qui va verser des documents soit à un organisme public ou au conservateur national, une entente quant à la protection des renseignements personnels. Mais c'est justement dans le cas où un organisme privé ne verse pas ces documents, ces dossiers personnels à un organisme public ou au conservateur que les documents ne sont plus protégés. Le projet de loi 68 ne prévoit rien à cet effet et il n'y a aucune loi non plus qui le prévoit. Il y a donc une espèce de vide juridique ici quant à la protection du caractère confidentiel des dossiers.

Donc, c'est la principale lacune sur laquelle le mémoire insiste, veut insister. Nous croyons que c'est important, en tant qu'archivistes, de souligner que les documents n'ont pas qu'une vie active, mais ils ont une vie... On doit les détruire, ces documents-là, ou décider de les conserver et, à ce moment-là, c'est aussi important de préserver le caractère confidentiel que pendant qu'ils sont actifs.

Je dois aussi vous présenter les problèmes terminologiques qui ont été soulevés par l'AAQ et qui découlent un peu, qui découlent même beaucoup du problème que je viens de vous soulever. Donc, dans l'esprit de la gestion des renseignements personnels jusqu'à la destruction ou à la conservation des dossiers, il faut voir que, dans la première sous-section de la section III du projet de loi, il y a une confusion d'intention.

Dans la première sous-section, dans le titre, on utilise le terme «conservation» alors que, dans les articles 1, 9, 11 et 38, on utilise tout le temps le terme «détient» qui fait référence à la

détention des dossiers. C'est cette confusion qui relève directement du projet de loi, mais il y a aussi dans l'esprit des correctifs que nous avons apportés à l'article 1, dans la section précédente, où le maintien du terme... C'est-à-dire qu'il y a aussi... C'est ça. Dans l'esprit des correctifs apportés à l'article 1, il y a une confusion parce que quand on parle de conservation en archivis-tique, on parle de la seconde vie des dossiers dont je vous parlais tantôt, alors que le projet de loi n'en parle pas du tout, à part pour ce terme-là qui est le titre de la troisième sous-section. Donc, on propose le maintien du terme «conservation», dans l'esprit des correctifs que nous avons apportés dans la première section, pour le titre et les articles 9, 11 et 38.

Mais nous devons aussi mentionner qu'il serait valable d'ajouter le terme «destruction», toujours dans le même esprit des correctifs dont on a fait part dans la première section. Aussi, on devrait inclure le terme «détention» tel qu'il est déjà mentionné dans les articles: on devrait l'inclure dans le titre de cette section pour refléter les articles, justement. Enfin, on devrait aussi ajouter un troisième alinéa, à l'article 11, pour préciser les conditions de disposition qui sont soit ia conservation ou la destruction des dossiers.

L'effet de ces modifications-là, ce serait de responsabiliser les organismes privés pour assurer la protection des renseignements personnels pendant tout le cycle de vie de ces dossiers-là et non pas uniquement pendant qu'ils sont actifs, et aussi de responsabiliser les organismes privés quant à leur obligation sociale de constituer et de conserver la mémoire institutionnelle de ces organismes.

Alors, je vous remercie et je passe la parole à Mme Louise Gagnon-Arguin.

Mme Gagnon-Arguin (Louise): Alors, moi, j'interviendrai sur le sujet des personnes qui sont responsables dans l'organisme de la protection des renseignements personnels. Alors, le projet de loi identifie deux groupes de personnes qui seront responsables. Un premier groupe qui sont les agents de renseignements personnels mais, ces personnes-là, ce sont particulièrement celles qui ont des relations, qui doivent remettre des rapports de crédit. Et on identifie un autre groupe qui sont les chefs d'entreprise. Pour l'agent de renseignements personnels, le rôle est très clair. On identifie très bien son rôle, à l'article 30 quelque chose. On dit bien que son nom doit être rendu officiel, que son nom doit être publié dans une liste, que cette liste-là peut être consultée, que cette personne-là doit informer les gens à l'intérieur de l'organisme des procédures à suivre pour la protection des renseignements personnels. Ça va bien, donc, pour ceux qui sont du secteur de crédit. Lorsqu'on arrive dans les autres entreprises, on croit que la personne responsable - et c'est bien indiqué aux articles 9, 10 et 11 - est le chef d'entreprise. Mais, dans son cas, les responsabilités sont placées, dans le projet de loi, à différents articles, ce qui fait que son rôle est beaucoup plus diffus. Donc, on le retrouve à 9, 10, 11 et 25. À l'article 25, on identifie que le chef d'entreprise doit désigner une personne responsable des renseignements personnels. Donc, on peut croire que, même dans ces entreprises, il doit aussi y avoir une personne, mais c'est beaucoup moins clair. Donc. notre mémoire suggère que, pour le chef d'entreprise et la personne à qui il délègue ses pouvoirs, le rôie soit beaucoup mieux identifié.

Dans la perspective générale de notre mémoire, à savoir que les renseignements personnels sont des renseignements au même titre que d'autres renseignements dans l'entreprise, donc, dans cet esprit-là, nous considérons que cette personne qui sera responsable de la protection des renseignements personnels, de leur conservation ou de leur destruction, s'il y a lieu, que cette personne-là, donc, soit bien identifiée dans le mémoire et que cette personne-là soit aussi responsable en même temps, dans l'entreprise, de l'ensemble de la gestion de l'information produite par l'entreprise. Et je reviens toujours à i'esprit de notre mémoire qui veut que les renseignements personnels, c'est une partie des informations que détient une entreprise pour la gestion de son information.

Le Président (M. Doyon): Je vous remercie, Mme Gagnon-Arguin.

M. Beaudoin: M. Lévesque.

Le Président (M. Doyon): M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel): En fait, moi, c'est pour... Surtout, on avait étudié un peu le projet aussi dans l'optique de ce qui existe déjà au niveau de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics pour, effectivement, faire des parallèles et des corollaires. On salue l'article 40 qui fait en sorte qu'on introduit le recours collectif possible qui, d'après nous, va effectivement renforcer les droits du citoyen vis-à-vis d'un organisme qui léserait ses droits par rapport à l'information, donc un recours collectif pour éviter, effectivement, plusieurs recours possibles. Ça, pour nous, c'est un point majeur, un point important. On trouve que même ce point-là devrait aussi faire l'objet de la loi actuelle sur l'accès aux documents pour les organismes publics.

L'autre point qu'on considère important, c'est la désignation d'un médiateur en cas de mésentente entre les parties. Donc, introduire effectivement ce processus de médiation nous apparaît comme étant un processus intéressant pour éviter que ça traîne en longueur et pour éviter aussi à la Commission de toujours gérer

tout ce qui pourrait exister en tant que mésentente. Donc, pour nous, c'est un autre point qui est intéressant. C'est un point, d'ailleurs, où on remarque que, ça aussi, ça aurait pu faire l'objet, effectivement, de la loi sur l'accès à l'information pour les organismes publics - je vous fais grâce du titre, on sait que le titre est long comme ça pour la loi pour les organismes publics! On considère aussi que l'article 55 qui, finalement, dit qu'une demande d'examen de mésentente, après un an et après les procédures... C'est-à-dire qu'on a fini les procédures, après un an on ne peut plus revenir sur ces cas-là; nous, on trouve ça encore là valable. Ça a pour effet de limiter le temps et pour nous, archivistes, quand on doit déterminer effectivement Ie3 durées de conservation, on est toujours penchés sur ces problèmes-là. Donc, ça, c'est un processus intéressant encore, de limiter, pour vraiment faire en sorte que, s'il n'y a pas eu d'entente, c'est clos.

Le dernier point qu'on trouve effectivement pertinent dans le projet de loi, ce sont deux articles. Le mémoire en mentionne un, l'article 81, mais c'est aussi l'article 82. Donc, les articles 81 et 82 qui font en sorte que, effectivement, on prévoit une durée de cinq ans pour... La Commission devra produire un rapport d'étape à tous les cinq ans. Ça, pour nous, c'est un processus intéressant de révision par un comité qui devra évaluer le rapport produit, comme il existe pour l'autre loi. Ça, pour nous, ça nous apparaît un autre point intéressant dans le projet de loi. Donc, j'avais des points intéressants à vous dire. Voilà.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Beaudoin: Vous permettrez, M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Beaudoin.

M. Beaudoin: ...je voudrais conclure. Simplement vous rappeler que, pour nous, il est important, lorsqu'on veut adopter une loi sur la gestion de l'information, surtout en ce qui concerne les renseignements personnels... Mais, dans l'ensemble, il y a déjà eu une loi sur les archives. On a une loi sur la protection des renseignements tenus par les organismes privés. Maintenant, vous arrivez avec une loi sur la protection des renseignements détenus par des organismes privés. Je pense qu'il est important que cette information-là soit gérée de sa création à sa destruction et qu'en aucun moment on se retrouve avec une possibilité que cette information-là ne soit plus sous aucun contrôle. L'ensemble de notre mémoire et de nos interventions est vraiment dans ce sens-là. Si on retenait uniquement ceci, je pense qu'on aurait atteint notre but. Merci, M. le Président. (20 h 20)

Le Président (M. Doyon): Merci, donc, M. le président. Il appartient maintenant à M. le ministre de discuter de vos représentations avec vous autres.

M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Beaudoin, les gens de l'Association, bienvenue. Merci d'être là. D'abord, vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. C'est un mémoire fort construct. J'ai bien apprécié lire vos commentaires, particulièrement parce que la gestion documentaire, c'est un volet que l'on a souvent le désagréable plaisir de ne pas regarder ou, enfin, de simplement tenter d'évacuer. Quand vous nous dites, à la fin, qu'il serait essentiel que nous puissions gérer la documentation dès son départ, dès sa création jusqu'à sa destruction, je pense que c'est un souci qu'on doit avoir. Merci aussi d'avoir bien indiqué les articles qui, selon vous, en termes de conservation ou de destruction ou de détention, méritent d'être regardés. Je puis vous affirmer que nous allons regarder ça avec beaucoup d'attention.

J'aurais quelques questions à vous poser, toujours par rapport à votre mémoire. Lorsque vous dites que l'article 38, à votre avis, n'est pas clair, n'est pas bien formulé, pourriez-vous me préciser ce que vous entendez précisément par cette formulation, les difficultés que vous rencontrez quant à sa compréhension?

M. Lemieux (Éric): Vous me permettrez de relire l'article un peu.

M. Cannon: Oui, oui. On est là pour ça.

M. Lemieux (Éric): Bon. La confusion tient dans le premier paragraphe. Nous, ce qu'on a remarqué, c'est que, bon... On va lire l'article: «Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une mésentente portant sur l'application à la collecte, à la détention, [...] de toute disposition d'une loi relative à la protection des renseignements personnels.» Nous, on a cru que la formulation suivante serait plus claire, c'est-à-dire: Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une mésentente portant sur l'application de toute disposition d'une loi relative à la protection des renseignements personnels - et là - à la collecte et à la détention. Donc, autrement dit, l'application, vous voyez... Une mésentente portant sur l'application - l'application de quoi? - de toute disposition d'une loi relative. Il nous semble qu'il serait beaucoup plus clair de jumeler ces deux bouts de phrase et, ensuite, de spécifier à quel moment on doit, justement, soumettre cette mésentente.

M. Cannon: O.K. Ça va.

M. Lemieux (Éric): Est-ce que c'est clair?

M. Cannon: C'est noté. Pourriez-vous me donner un exemple de renseignement personnel ayant une valeur historique nécessitant qu'il soit conservé, malgré, évidemment, l'objet ou, enfin, la réalisation de l'objet du dossier?

Mme Gagnon-Arguin: Toute cueillette d'information pour l'administration courante d'une organisation ou d'une entreprise - on est dans le secteur privé - se fait à partir d'un besoin de l'organisation et à partir d'un problème, d'une nécessité quelconque. Dès ce moment-là, cet élément fait partie de la culture de l'organisation, fait partie de son histoire - là, je mettrais ça plutôt entre guillemets, c'est peut-être un peu général - mais fait au moins partie, en tout cas, de son cheminement. Alors, si on annule, à un moment donné, toute cette partie d'information qui peut être un renseignement personnel, vous annulez à ce moment-là tout un volet des activités d'une organisation, parce que la cueillette du renseignement personnel, on l'a faite parce qu'on avait une activité x, on proposait une activité x, on menait une opération quelconque et, dans le temps, le témoignage de cette opération-là disparaîtra. Je ne dis pas, à ce moment-là, qu'il faut tout conserver, au contraire. Ce que les archivistes ont développé comme expertise, c'est justement l'analyse, dès le départ, des informations qui peuvent être utiles. Par exemple, ça pourrait nous amener à effectivement éliminer toute une catégorie de renseignements puisqu'il y a un cumul quelque part de la même information et qui sera souvent dépersonnalisée. Mais quand on dit: II peut y avoir des renseignements, oui, qui atteignent une valeur historique, on se pose la question au moment de leur création, et ça ne veut pas dire qu'on va toujours les conserver. Mais quand on regarde une entreprise - je vous donne un exemple, là - comme l'Alcan, par exemple, qui, actuellement, peut mener des recherches sur le cancer parce qu'elle a les dossiers de ses employés, bien, voilà des renseignements personnels qui se sont accumulés au cours des ans et, maintenant, c'est le cumul de ces renseignements-là qui permet une recherche. Mais, si on avait annulé, par exemple, je ne sais pas, moi, tous les billets d'absence, parce qu'on se dit: Ah, bien, coudon, des billets d'absence, ce n'est pas très grave, bien, qui, à un moment donné, dans 30 ans, pourrait dire que, dans cette entreprise-là, je ne sais pas, moi, il y a eu tant de pourcentage de temps perdu pour des raisons de maladie? Donc, vous voyez, c'est... Mais il faut analyser la cueillette de ces informations-là. On l'analyse, au départ, pour répondre au besoin, le besoin d'information, et puis, dans un deuxième temps, on peut jeter un regard en se disant: Oui, maintenant, dans le temps, quelles informations pourront nous être utiles? Alors, c'est dans ce sens-là qu'un renseignement personnel peut acquérir une valeur de recherche.

M. Cannon: Notre projet de loi, effectivement, ne va peut-être pas aussi loin que ça. Je comprends très bien ce que vous me dites au sujet d'études qui, à un moment donné, compte tenu d'un échantillonnage, nous obligent ou nous permettent de faire des progrès scientifiques et technologiques sur la nature des maladies, peut-être congénitales ou d'autres formes, compte tenu des conditions de travail dans un endroit ou un lieu donné. Je comprends ça. L'objet de notre approche dans le projet de loi en est un de consentement. Je pense que, là...

Une voix: Oui.

M. Cannon: ...il faudrait examiner cette chose-là et aussi s'assurer, bien sûr, que lorsque l'on accepte d'aller au-delà de l'objet pour lequel la réalisation ou l'information a été recueillie, ça puisse être très bien balisé. C'est sûr que vous me parlez de certains cas, mais mon inquiétude, ce serait l'usage de ces renseignements-là par des tiers, pour d'autres fins que celles pour lesquelles on voudrait précisément prescrire; ça, c'est le danger. C'est un gros danger dans notre société. Je comprends, par contre, les exceptions et la ligne ou, enfin, la direction que vous nous tracez.

M. Beaudoin: Vous permettez? M. Cannon: Oui.

M. Beaudoin: Je pourrais simplement vous permettre de... Il y a quand même déjà, dans les pratiques archivistiques, des balises qui nous permettent de protéger quand même des personnes, ne serait-ce que par des délais de ce qu'on pourrait qualifier d'embargo d'accessibilité à une information qui est trop personnalisée, de façon à permettre qu'il y ait un certain temps qui s'écoule entre le moment où les données ont été saisies et le moment où elles sont utilisées. Il y a aussi, de toute façon... Déjà, dans la loi des archives, on avait prévu ces éléments-là et ils pourraient donc s'appliquer de la même façon, en ce qui concerne les renseignements détenus par les organismes privés.

M. Cannon: Précisément sur la même question, est-ce que vous croyez que c'est possible d'établir un calendrier de conservation dans le secteur privé? (20 h 30)

M. Beaudoin: C'est tout à fait possible. Le spécialiste du calendrier va certainement compléter.

M. Lévesque (Michel): C'est possible et même favorable. Je pense que toute entreprise quelle qu'elle soit, et ça, on le constate, effectivement, les grandes entreprises commencent à se doter... Si on va voir aux États-Unis, effective-

ment, de plus en plus, les grandes entreprises et même les petites et les moyennes entreprises commencent à se doter, effectivement, de calendriers de conservation. Un calendrier de conservation, c'est un argument quasiment légal, même devant la cour, c'est-à-dire que ça détermine combien de temps on doit conserver de l'information, justement. Après ça, avec cette information-là, lorsqu'on n'en a plus besoin pour des fins légales ou des fins administratives ou des fins financières, bien, ça nous dit: On la détruit ou, effectivement, on la conserve à des fins historiques. Si on la conserve à des fins historiques, comme le disait Marc Beaudoin, effectivement, il peut y avoir des mécanismes qui font en sorte que... Comme dans la Loi sur les archives, où on prévoit 150 ans de non-accessibilité de ces informations personnelles, où on prévoit pour les documents privés... La Loi sur les archives prévoit pour les documents privés une entente à l'amiable, mais qui ne dépasserait pas 30 ans, si bien que, quand même, il y a des mécanismes pouvant mieux baliser... Mais, à votre question, je pense que oui. C'est sûr que je suis vendu, j'enseigne même les calendriers de conservation et on essaie de développer, effectivement, un peu plus ce nouveau marché - entre guillemets.

M. Cannon: Je le vois par votre enthousiasme.

M. Lévesque (Michel): C'est bien!

M. Cannon: Mais pour revenir un peu à ce que nous échangions plus tôt, la question de conserver des renseignements, des informations - je parlais de balises qu'il faudrait que l'on puisse instaurer - d'abord, il ne faudrait pas que ces renseignements-là ou ces informations-là soient disponibles à tout le monde. Et je sais que, bien sûr, s'inspirant un peu de ce que vous avez déjà fait, ça peut nous guider dans la voie de balises que l'on pourrait établir, je présume.

Mme Gagnon-Arguin: Vous savez, le risque que vous craignez, que vous avez exprimé tout à l'heure, à savoir que justement ces renseignements puissent tomber entre les mains de tiers, je trouve que le risque est très grand dans la loi actuelle parce qu'on ne prévoit rien après la création. On prévoit une détention, éventuellement - puis nous, on a demandé de l'appeler plutôt «conservation» - mais il n'y a rien qui balise. Et même, pire que ça, Éric soulignait tout à l'heure le vide juridique. Si ces documents-là sont déposés dans un dépôt privé, ils ne sont absolument plus protégés par aucune loi. Alors, vous voyez. Je pense que vous avez raison, la loi ne va pas jusque-là, mais ce n'est pas sûr qu'elle ne devrait pas, en tout cas, aller un petit peu plus loin si on veut vraiment protéger ces renseignements comme ça semble être votre préoccupation.

M. Cannon: O.K. Merci. Oui.

M. Lévesque (Michel): J'aimerais ajouter une chose. Il y a des histoires quand même assez farfelues qui arrivent. Quand on lit dans les journaux qu'un avocat, à Montréal, a laissé sur le trottoir les documents de ses clients... Bon, on est indirectement quasiment dans l'entreprise privée, bon, n'importe qui peut passer et ramasser ça, lire ce qui est arrivé avec les clients. Donc, il faut, je pense, en arriver, justement, à convaincre les organismes qu'ils ont besoin d'aller jusqu'au bout du cheminement de vie d'un document comme tel.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Justement, ce qui me frappe de l'exemple que vous donniez d'un avocat qui laisse traîner les dossiers de ses clients, on a tous souvenir aussi d'un hôpital qui laissait des tonnes de documents sur la rue. Des enfants s'étaient amusés avec des dossiers médicaux. Il y a une relative confidentialité de conservée quand l'entreprise juge les renseignements utiles mais, une fois leur durée utile passée, on peut craindre que l'entreprise, n'y voyant plus son compte, n'y voyant plus son utilité, le souci de la personne ne pèse pas beaucoup et elle considère que ça appartient à n'importe qui, vu qu'elle ne s'en sert plus, elle. Dans ce sens-là, il y a peut-être un effort supplémentaire à faire parce que l'employée qui a quitté il y a 14 ans, elle peut trouver qu'il n'y a plus grand intérêt. Sans malice, remarquez. Mais, simplement, quand le renseignement ne lui est plus utile à elle, il faut trouver des moyens qu'elle se rappelle qu'il est personnellement important pour des personnes de toute façon, même si elle peut trouver que ça ne se fait plus d'avoir des brouillons à l'envers d'un papier imprimé, donc, que ça n'a plus de valeur en tant que telle.

M. Beaudoin: C'est vraiment le sens de notre mémoire, M. le député. C'est dans ce contexte-là, dans cette optique-là, justement pour éviter que de telles décisions... Parce que, jusqu'à présent, la gestion de l'information... Puis ça, on pourrait vous raconter une collection d'histoires d'horreur en ce qui concerne la gestion de l'information dans les entreprises où simplement, c'est basé uniquement sur des décisions que je qualifierais de coups de coeur, donc, émotives. Demain matin, on fait le ménage, bon, parce qu'on a eu une mauvaise nuit, etc. C'est pour ça qu'il faut en arriver - et c'est dans ce sens-là que notre mémoire est rédigé - à ce qu'il y ait une véritable gestion de l'information dans les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. On est arrivé à quelque chose au niveau gouvernemental, et je pense que c'est tant mieux, mais il faudrait qu'on en arrive

au même niveau en ce qui concerne l'entreprise privée et qu'il n'y ait plus de ces coups de coeur qui font que le patron d'une entreprise, pour un paquet de raisons, décide de faire son ménage demain matin et de liquider cette information-là. D'où l'importance d'avoir des spécialistes de la gestion de l'information qui, avec l'entreprise, avec le patron, vont établir des calendriers de délais de conservation, vont déterminer de quelle façon on en dispose et, lorsque ce sont des renseignements personnels, des renseignements privés, des informations privées, qu'on en dispose de façon à ce qu'ils ne soient pas divulgués, si on doit les détruire. Et c'est vraiment dans ce sens-là que nous vous présentons notre mémoire.

M. Bourdon: Est-ce que, à l'occasion, on invoque l'argument qui a été invoqué par des intervenants ici, à savoir qu'au plan informatique il n'est pas possible de couper des renseignements en reculant dans l'ordre chronologique? Remarquez que j'étais sceptique quand j'ai entendu l'argument parce que, comme d'autres technologies, l'informatique a le dos large, mais il me semblait que sur le plan de la logique, si on peut déterminer le moment où on commence à constituer un dossier, il me semble que ça devrait être techniquement faisable de dire qu'avant telle année, par hypothèse, on efface les données.

M. Beaudoin: Effectivement, c'est réaliste, mais vous savez très bien que les informaticiens ont des mécanismes, ce qu'ils appellent des copies de sécurité, qui deviennent, dans le cas des bases de données de renseignements personnels, si on parle de ce cas-là, de véritables bombes à retardement si elles ne sont pas gérées de façon sécuritaire. Et souvent, un bon gestionnaire de l'information informatique va se donner une possibilité d'avoir jusqu'à cinq générations de ces copies de sécurité en arrière. Donc, c'est facile de remonter beaucoup plus que simplement le fichier qui est actuellement en exercice.

M. Bourdon: Autrement dit, vous dites qu'il y a dans les ordinateurs l'équivalent de la ruelle pleine des dossiers médicaux de tout un quartier.

M. Beaudoin: D'autant plus que...

M. Bourdon: Puis, s'il y a quelque chose, il y en a peut-être encore plus parce que la capacité de stockage... Dans la ruelle, ils finissent par geler ou être ensevelis par la neige, ce qui n'est pas le cas dans un ordinateur.

M. Lévesque (Michel): Je pense qu'il faut faire attention aussi avec l'informatique. C'est que, de plus en plus, même les gestionnaires de documents et les archivistes commencent, eux aussi, à prendre conscience de ce problème. Bien, pour nous ça peut être un problème parce que, finalement, il n'y a pas eu de gestion comme telle de l'information mise dans les ordinateurs, mise dans les banques de données. Et là, on est en train de s'apercevoir que les mêmes principes qui s'appliquent lorsqu'on décide de la durée de conservation des informations qu'il y a sur papier, on serait à même de penser faire la même chose avec les documents informatiques, donc avec les données informatiques. Ça pose des problèmes parce que le support comme tel, bien entendu, est plus contraignant qu'une feuille de papier. Mais il reste qu'on peut quand même atteindre et avoir les mêmes principes. (20 h 40)

Je ne suis pas sûr, par contre, qu'à un moment donné... Lorsque les données sont actives et lorsqu'elles sont dans des banques de données où je peux les consulter à tous les jours, là, effectivement, il y a des dangers. Mais quand ils les mettent sur des rubans, quand ils transfèrent les données sur des rubans magnétiques, il y a beaucoup moins de danger parce que... Bon, c'est déjà un problème pour faire refonctionner ces données-là à l'actif. Ici, on a pris la technologie parce que, bon, on est en train de constater aussi que c'est moins pire que le papier, parce que le papier se détruit moins vite, mais les banques de données sur des rubans, ça se détruit beaucoup plus rapidement. Donc, l'information devient, après cinq ans, illisible. Mais il faut quand même penser avoir les mêmes mécanismes de protection et d'élimination, parce que c'est de l'information quand même. C'est le support qui change, mais c'est toujours de l'information.

M. Bourdon: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Cannon: Oui, peut-être une dernière question. À l'occasion du consentement qui serait fourni par le consommateur ou par l'individu, est-ce que vous croyez qu'il serait utile de poser une autre question, à savoir si les gens consentent également à ce que les renseignements qu'ils vont confier soient conservés pour une période de temps?

Mme Gagnon-Arguin: Si, lors de la création de la base d'informations, on a cru bon que ces informations-là soient gardées. Si, au moment de la création, on se dit: Bon, c'est pour un temps x, la formulation que vous utilisez pour l'objet, à ce moment-là, si on a prévu qu'on la détruirait après tant d'années, je pense que ce n'est peut-être pas nécessaire de poser la question. Mais si, lors de la création, toujours, on a identifié ce besoin de conservation, c'est peut-être une bonne idée, justement, mais en l'ayant prévu d'avance; ce n'est pas après coup. Et je pense qu'on ne devrait pas le faire pour tout, parce que ce n'est pas tout qui doit être conservé.

M. Lévesque (Michel): Je pense qu'il devrait y avoir, dans cette optique, une prise de conscience aussi par les gens, par les entreprises que certaines informations, et même personnelles, peuvent servir à la mémoire collective du Québec. On est en train de s'apercevoir aussi qu'il y a tout un pan de mur, tout un pan de la société québécoise, on pourrait dire de la petite histoire québécoise de l'entreprise qui se perd justement comme ça. Et, dans cette information-là, il peut y avoir aussi de l'information confidentielle, mais qui sera accessible peut-être après un certain temps en fonction d'ententes, effectivement, et de durée de conservation déterminée.

M. Cannon: O.K.

Le Président (M. Doyon): II me vient une question à l'esprit. Est-ce que, d'après vous, une information personnelle est un droit qui peut se léguer à quelqu'un d'autre? Est-ce que, disposant d'une information personnelle et disparaissant ce soir en retournant chez moi, mon fils, par exemple, qui est mon successeur universel, aurait le droit de donner des consentements, de récupérer et d'avoir accès, ou si c'est exclusivement attaché à la personne? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

Mme Gagnon-Arguin: Notre spécialiste du Code civil. C'est marqué dans le Code civil?

M. Lévesque (Michel): C'est marqué dans le Code civil? Non, peut-être pas vraiment mais... Non, ce n'est vraiment pas une question facile. De lier les successions à un droit qui appartenait à une personne en propre, ça ferait peut-être l'objet d'un autre mémoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lévesque (Michel): Moi, je dis que ça dépend dans quel but. C'est toute l'utilisation qui en est faite par la suite. Je pense qu'il y a des personnes qui, effectivement, diraient à leur succession: Vous pouvez effectivement léguer ce que j'ai soumis, ce que j'ai donné. Ils pourront utiliser ça sans réticence. Tandis que, pour d'autres, ça dépend toujours. Il y a toujours le fait de la vie privée, le fait qu'il ne faut pas que des choses soient sues, etc. Mais là, ça dépend toujours de la nature de l'information. Il y aurait à analyser tous les critères faisant en sorte que, dans certains cas, bon, ce serait peut-être possible, dans d'autres, bon, peut-être plus difficilement, et là, c'est peut-être plus lié à des personnes données. Je ne sais pas, moi, les archives d'un président, ce n'est peut-être pas comme les archives d'une entreprise plus générale. Il pourrait y avoir des nuances à établir, en tout cas.

Je pense que si on travaille dans l'optique que ces renseignements-là peuvent servir à la mémoire collective, on pourrait faire un avancé vers ça. Je pense. En tout cas, c'est un espoir, peut-être, là.

Le Président (M. Doyon): Moi, je vous inviterais à réfléchir à ça parce que c'est un sujet qui peut nous amener loin. La question peut avoir un certain nombre de conséquences considérables. On pense à des assureurs, par exemple, qui peuvent assurer une personne et obtenir toutes sortes de renseignements de nature très, très personnelle. Il peut être de l'intérêt - et là, il faudrait en discuter - des héritiers ou de la famille ou du bon renom de la personne que même cette personne-là étant disparue, un certain nombre de renseignements restent privés et cachés. Je ne sais pas. Je n'ai pas de réponse à ça. C'est une question qui...

M. Lévesque (Michel): Ça va peut-être dans les fins, dans le sens que, bon, habituellement, on travaille, nous, archivistes, toujours en fonction de cette information confidentielle qui peut être utilisée par la suite, mais surtout à des fins de recherche, pas vraiment à des fins commerciales ou à des fins privées ou à des fins journalistiques. Non, c'est vraiment à des fins de recherche.

Et là, il faut être conscient que c'est toute une responsabilité, mais c'est une responsabilité que, de toute façon, nous avons en tant qu'archivistes. Effectivement, si on laissait passer pour n'importe quelle demande futile certaines informations qui sont conservées dans nos milieux, je ne suis pas sûr qu'il y a des gens qui seraient très, très contents. Non, je pense qu'il faut baliser, effectivement, pour la recherche. C'est vraiment dans cet esprit de recherche et souvent, d'ailleurs, le chercheur se voit imposer des normes de ne pas divulguer telle ou telle information dans son propre travail de recherche. Il va se servir d'une base, effectivement, mais il n'aura pas à diffuser les choses, des noms de personnes ou des numéros. Je pense que ça serait peut-être un premier pas dans ma réflexion ou dans notre réflexion.

Le Président (M. Doyon): Peut-être que vous aurez l'occasion de revenir nous voir à un autre moment, et...

M. Lévesque (Michel): Peut-être.

Le Président (M. Doyon): ...nous pourrons avoir le fruit de votre réflexion. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier et à vous inviter à nous revenir à une autre occasion. Merci beaucoup.

M. Lévesque (Michel): Merci et au revoir.

Le Président (M. Doyon): La commission in-

vite maintenant l'Association du transport aérien du Canada et l'Association du transport aérien international à bien vouloir s'avancer et prendre place à ia table de nos invités.

C'est avec beaucoup de plaisir que je souhaite la bienvenue au Dr Haeck, ainsi qu'à M. Petsikas et M. Goldberg. Je les invite à nous faire part de leurs remarques, les réflexions que peut avoir amenées chez eux la présentation du projet de loi 68; après ça, le ministre et les membres de la commission, particulièrement, M. le député de Pointe-aux-Trembles, j'imagine, voudront discuter quelque peu avec vous.

Si vous voulez bien vous présenter pour les fins du Journal des débats; après ça, vous pourrez commencer votre présentation de mémoire ou son résumé.

Association du transport aérien du Canada

(ATAC) et Association du transport aérien

international (IATA)

M. Petsikas (George): Merci, M. le Président. Mon nom est George Petsikas. Je suis le directeur des affaires gouvernementales chez Air Transat, à Montréal, et je me présente devant vous ce soir en tant que président du comité juridique et législatif de l'Association du transport aérien du Canada. J'ai avec moi ce soir le Dr Louis Haeck, qui est le conseiller juridique et secrétaire adjoint de l'Association du transport aérien international, et M. Howard Goldberg, qui est le vice-président et secrétaire de l'Association du transport aérien du Canada.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Petsikas: Merci. Comme vous le savez possiblement, M. le Président, notre organisme regroupe la grande majorité des entreprises qui évoluent dans tout le secteur de l'aviation commerciale au Canada, que ce soit au niveau du transport aérien de passagers et de marchandises ou au niveau de la formation des pilotes. Ce que j'ai l'intention de faire ce soir, c'est une courte synthèse ou un résumé d'environ cinq à dix minutes de notre mémoire, dont copie, si je ne me trompe pas, a été distribuée à chacun et chacune d'entre vous, mémoire qui englobe, évidemment, notre position sur le projet de loi 68. Ensuite, le Dr Haeck fera une brève présentation au nom de l'Association du transport aérien international, après quoi, vu sa connaissance approfondie de la matière, ça lui fera plaisir de répondre à toutes vos questions. (20 h 50)

Alors, pour commencer, nous nous devons tout d'abord d'émettre nos doutes en ce qui concerne ou en ce qui a trait à l'application potentielle de ce projet de loi. Bien que nous constations l'utilité de cette législation, nous considérons tout simplement qu'elle ne s'applique pas à notre secteur, puisque l'aéronautique et les services en découlant sont du ressort du législateur fédéral. Les droits de juridiction exclusifs sont établis depuis longtemps dans le domaine et, à cet effet, nous pouvons vous référer à plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada qui confirment clairement que l'aéronautique et les éléments connexes ou les éléments qui en font partie intégrante relèvent du fédéral.

Cela nous amène donc à soumettre que ce projet de loi 68, si accepté, ne pourrait s'appliquer à l'industrie aérienne, aux agents de voyages et aux sociétés effectuant du transport de marchandises pour le compte de sociétés aériennes. Maintenant, nonobstant le fait que l'ATAC considère que le projet de loi 68 ne pourra avoir juridiction sur les compagnies aériennes, elle se préoccupe de la protection des droits de ses membres et, à cet effet, j'aimerais vous faire part de quelques-unes de nos préoccupations face à certaines dispositions de votre initiative.

Même si nous considérons que le projet de loi ne s'applique pas aux transporteurs aériens, il est possible qu'une partie du travail des agents de voyages ayant trait au transport aérien puisse être touchée. Bien que l'industrie des agents de voyages relève normalement du provincial, nous estimons que leurs activités, liées directement à la vente des billets pour les transporteurs aériens, c'est-à-dire l'obtention de renseignements personnels sur le client et leur transmission subséquente aux transporteurs ne devraient pas tomber sous le coup de cette loi. En effet, on est en présence ici d'une relation d'agence, car l'agent, en vendant des billets et en prenant des réservations, agit pour le compte exclusif du transporteur. Il s'agit donc d'une activité faisant partie intégrante du transport aérien et qui devrait, de ce fait, être exemptée.

Tout comme pour l'agent de voyages, le même genre de raisonnement s'applique dans le cas du «tour-opérateur» ou, si vous voulez, du grossiste en voyages, le voyagiste. Comme vous le savez possiblement, l'activité commerciale principale du voyagiste est l'affrètement ou le nolisement de sièges d'avion auprès des transporteurs aériens. D'ailleurs, la réglementation fédérale prohibe la vente de sièges directement au public de la part des transporteurs qui exploitent des vols nolisés. Cela doit obligatoirement se faire par le biais de l'affréteur ou du voyagiste. Donc, en achetant ces sièges et en les revendant au public, le voyagiste devient en sorte le «marketeur» si vous voulez, entre guillemets, de facto, du produit, soit le transport aérien, et joue ainsi un rôle primordial et intégral en ce qui concerne le transport aérien nolisé.

De plus, comme nous devons maintenir absolument la garantie des services convenus aux passagers, cette garantie ne peut être obtenue qu'avec l'échange des informations nécessaires.

Prenons, par exemple, la nécessité de transférer de l'information d'un transporteur à un autre dans le cadre de services fournis en commun par plusieurs transporteurs aériens. Or, on parle ici encore d'une relation d'agence puisque l'échange d'informations sur un passager en particulier peut être essentiel afin d'assurer qu'il reçoive bien les services convenus lors du transfert de ce passager d'un transporteur à un autre. Cette mise en commun de services par des transporteurs à travers le monde est connue sous le terme technique de «interlining», entre guillemets, et constitue un élément clé et global du transport aérien. L'ATAC aimerait que les transporteurs canadiens puissent continuer à participer à ce système et apprécierait obtenir confirmation à cet effet.

Il y a un autre point que l'ATAC aimerait soulever, soit celui de la question de la création et du but du fichier. Je vous réfère ici aux articles 4 et 5 de votre projet de loi. Nous pensons qu'il est bon de créer un fichier pour tout voyage par avion d'une personne pour y consigner les renseignements y afférents, mais pas de créer un nouveau fichier pour chaque nouveau vol effectué. D'ailleurs, les logiciels de systèmes de réservation en Amérique du Nord ne permettent pas de créer des dossiers par noms, à l'exception des cas où le passager voyage souvent et requiert des services spéciaux, tels des repas spéciaux, un emplacement spécial à bord, une chaise roulante, etc., services qui doivent être fournis par tous les transporteurs consécutifs d'un même voyage.

Aussi, nous soumettons que les exigences de l'article 5 peuvent être satisfaites sans qu'il soit nécessaire pour les compagnies aériennes de créer un nouveau fichier pour chaque transaction, car le but ou l'objectif de l'ouverture d'un fichier, c'est de créer un dossier dans lequel on met l'information, non seulement pour le voyage par avion en question, mais aussi pour tout voyage subséquent que la personne pourrait entreprendre. Donc, un fichier afin de satisfaire à un seul et unique but: fournir des services de transport aérien.

L'article 24 du projet de loi exige la notification du passager aussitôt qu'un dossier est constitué sur lui, exigence à laquelle ne pourraient se soumettre les transporteurs aériens quand les logiciels des systèmes de réservation en Amérique du Nord n'ont pas été conçus pour y tirer des renseignements par nom, tel que déjà souligné. Une reprogrammation de ceci serait impensable, compte tenu des montants probables à débourser et, de plus, le niveau de sécurité chuterait par rapport au niveau actuel, puisque la recherche par nom sera dorénavant possible.

Alors, tout ça étant dit, sommes-nous là ce soir pour vous dire que voilà, bon, la juridiction du fédéral est là et, par conséquent, on fait ce qu'on veut dans le domaine, en ce qui concerne le traitement des renseignements personnels? La réponse à ça est carrément non. Nous sommes là aussi, ce soir, pour vous dire que, en tant qu'industrie, nous avons même pris des initiatives dans le domaine, une espèce d'autoréglementation, si vous voulez. À cet effet je vous réfère à la résolution 6.4 datée du 2 juillet 1990 et intitulée «Protection du droit à la vie privée et protection des données relatives aux renseignements personnels lors du transport de passagers à l'occasion de vols intérieurs, de vols vers l'étranger ou du transport de marchandises par voie aérienne» - c'est assez long, là - dont vous trouverez copie en annexe à notre mémoire. Je crois que cette résolution est complètement conforme aux normes de l'Association du transport aérien international, IATA, que le Dr Haeck pourra vous décrire plus en détails. Ceci, d'après nous, démontre clairement le désir de l'ATAC de conserver au passager son droit de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. L'ATAC aimerait que les dispositions du projet de loi 68 ne portent pas atteinte à ce besoin d'échange de renseignements, puisque la circulation de l'information est un élément vital de l'activité économique du transport aérien.

Ici, le gouvernement du Québec, l'Assemblée nationale est priée de bien vouloir considérer l'option d'une autoréglementation des entreprises mises en cause afin de ne pas retarder ce flot continu d'informations essentielles à la santé économique de notre industrie, qui connaît, malheureusement, comme vous le savez, des épreuves financières assez importantes. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Oui, Dr Haeck.

M. Haeck (Louis): Oui. Je vais poursuivre immédiatement et répondre aux questions par la suite. L'IATA, comme vous savez, a son siège social à Montréal et jouit d'un statut privilégié au Québec en vertu d'un accord de siège social avec le ministère des relations internationales. Pour nous, lorsque nous avons été contactés par l'ATAC, qui représente les transporteurs canadiens, nous avons pris connaissance de leur mémoire et nous avons pris l'attitude de civilis-tes dans votre Code civil: conjointement et solidairement, nous appuyons les transporteurs canadiens, et d'autant plus que nous devons représenter les intérêts des transports étrangers faisant affaire au Québec. L'IATA représente, comme vous le savez, tous les transporteurs internationaux, et non seulement les transporteurs canadiens que l'ATAC représente. (21 heures)

IATA voudrait vous exposer respectueusement que les transporteurs aériens étrangers qui opèrent au Québec le font en vertu d'accords bilatéraux négociés avec le ministère des Affaires extérieures, et ces accords prévoient des provi-

sions de réciprocité. On ne peut pas imposer à des transporteurs étrangers un fardeau plus lourd. Je vais vous donner un exemple concret concernant la législation des flux de données transfrontières. Lorsque la Finlande, l'Allemagne, les pays Scandinaves ont adopté des législations «privatistes» très fortes, je suis allé en Europe représenter tous les autres transporteurs étrangers de ces pays-là pour leur faire dire que, si vous imposez aux transporteurs étrangers des fardeaux lourds, vous pouvez le faire aux transporteurs nationaux, mais sûrement pas aux transporteurs étrangers, à des conditions qui ne sont pas retenues dans les accords bilatéraux.

L'IATA est notre observateur à l'OCDE sur les flux de données transfrontières depuis plus de 10 ans, et favorise l'importance de la libre circulation des données transfrontières. Quelques années auparavant, nous avons adopté une résolution, dont vous avez copie dans le mémoire, et que ATAC, par la suite, a reproduit pour les transporteurs canadiens, qui est une autoréglementation volontaire des transporteurs, qui est conforme aux lignes directrices de l'OCDE. Nous croyons que ces mesures protègent les passagers et la vie privée de nos clients, d'autant plus que l'ATAC et l'IATA ont collaboré avec le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada afin que ces directives soient respectées par les transporteurs étrangers faisant affaire au Canada.

La complexité du transport aérien international est particulière. Il faut, certes, protéger le droit à la vie privée, mais il faut tenir compte également de la libre circulation des données pour les lignes aériennes, pour opérer normalement. Le consentement écrit nous apparaît loin d'être pratique pour nous, et ce serait une solution qui serait très onéreuse pour les lignes aériennes de demander le consentement écrit, surtout si vous visez non seulement les passagers québécois, mais tous les passagers étrangers qui partiraient d'un aéroport du Québec.

La position américaine, comme vous le savez, favorise le flux des informations, et les États-Unis n'ont pas jugé bon d'avoir une codification de la législation sur la vie privée, mais plutôt une série de législations particulières à chaque industrie. Nous avons tenté, avec Air Canada, l'année dernière, d'exposer à vos fonctionnaires pourquoi l'IATA et la Chambre de commerce internationale avaient plusieurs réserves quant au projet de directives de la CEE et à certaines des législations européennes trop «privatistes». Malheureusement, vos fonctionnaires n'ont pas, peut-être, réalisé le statut exceptionnel des banques de données des lignes aériennes internationales.

L'IATA, ayant un statut d'observateur aux conférences annuelles des commissaires à la vie privée, a bien exprimé la cacophonie des différentes législations européennes sur les flux de données transfrontières. Je vais vous donner un exemple concret. Un passager aimerait bien pouvoir réserver avec une agence de voyages, ici dans la ville de Québec, des services pour un vol d'handicapés, par téléphone, sans consentement écrit, en réservant un siège et un fauteuil spécial, avec des repas non allergènes ou typiques à sa religion, et transmettre des données à des tiers reliés aux opérations de nos membres pour le maintien du flux des données transfrontières, sans mesures de contrôle étatiques trop contraignantes pour les banques de données. La situation économique de nos membres ne peut supporter d'autres charges administratives sans en refléter le coût aux consommateurs.

L'exemple de Lufthansa, avec son ombudsman: on a dû changer tous les systèmes de Lufthansa pour se conformer à la législation. En Allemagne, on l'a fait pour Lufthansa, mais on ne l'a pas imposé aux transporteurs étrangers, à cause des accords bilatéraux. Mais ça a coûté une somme énorme à Lufthansa de tout changer son système de réservations pour pouvoir retrouver par le nom - le nom des passagers - et non par le numéro de vol.

De plus, nous croyons que l'État a déjà beaucoup de fonctionnaires qui exigent un lourd fardeau administratif à nos membres. Il ne faut pas multiplier la réglementation, qui est déjà assez lourde. De plus, dans certains pays, on pense à introduire des législations forçant les transporteurs aériens à donner des renseignements personnels avant que le vol ne se pose, pour des raisons d'immigration, de douanes, de sécurité, afin de faciliter la libre circulation des passagers. Il y aura peut-être plusieurs problèmes de conflit de lois entre États. Sans faire trop de droit comparé, il faut limiter l'extra-territorialité des lois, et favoriser plutôt un régime international. L'IATA est soucieuse de l'intérêt des passagers, de la préservation de la vie privée des passagers, et nous croyons que les résolutions qui existent actuellement, qui régissent les transporteurs internationaux ainsi que les transporteurs canadiens répondent aux critères de droit reconnus dans plusieurs pays occidentaux. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci, docteur. M. Goldberg? Non? M. le ministre.

M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Messieurs, merci, merci de votre présence. Je trouve ça très, très, très important que vous soyez ici devant nous, ce soir, quoique je m'empresse, et je me permets de vous le dire immédiatement, que, quant à celui qui vous parle et les opinions juridiques que nous détenons, nous croyons legitimise dans nos actions d'aller de l'avant avec une loi comme celle qui est ici ce soir, particulièrement en fonction du Code civil. Vous évoquez que le transport aérien est de juridiction fédérale, je suis avec vous. Je pense que mon propos ne portera pas là-dessus, mais il portera davantage sur ce qui est du

ressort des provinces, particulièrement la protection de la vie privée, par conséquent, au Québec, le Code civil.

Ceci étant dit, vous m'avez parlé d'un certain nombre de difficultés que vous avez à rencontrer sur une base quotidienne, quant à la gestion de ces choses-là. Ma première question porte davantage sur la capacité d'un individu d'avoir accès à son dossier. Comment peut-il avoir accès à son dossier? Est-ce qu'on lui donne accès à son dossier? Est-il autorisé à voir son dossier? Si on lui refuse la possibilité de voir son dossier, comment peut-il avoir gain de cause? Où peut-il aller? À qui peut-il s'adresser?

M.- Haeck: Me Petsikas pourra me corriger pour les transporteurs canadiens. Je vais vous avouer franchement, je peux vous répondre par mon expérience en tant que Québécois - j'étais conseiller juridique à Nordair, à l'époque. À Nordair, on avait accès au dossier par le numéro du vol. C'est impossible pour un passager d'arriver au bureau d'une ligne aérienne et de dire: Je m'appelle Dr Haeck, et j'aimerais savoir tout ce que vous avez sur mon dossier. Ça prend absolument une autre clé, non seulement le nom, mais le numéro de vol. Sans le numéro de vol, c'est impossible d'atteindre le dossier, pour la majorité des transporteurs nord-américains.

Maintenant, je dois vous mettre en garde. Les transporteurs étrangers, je pense à Air France, je ne sais pas, moi... Qui est-ce qui fait affaire ici? Lufthansa vient ici. Les banques de données de ces transporteurs ne sont probablement pas ici, mais j'imagine, grâce aux satellites, qu'on peut accéder, peut-être avec un délai plus long, à des banques de données situées dans des pays étrangers pour avoir accès à ces données. Mais je ne crois pas qu'on refuse à des passagers l'accès... C'est peut-être plus long pour les transporteurs étrangers, vu que les banques de données ne sont pas au Québec, mais je crois qu'en définitive ils ont accès, si c'est ça votre question, M. le ministre.

M. Cannon: Oui. Alors, on est toujours au Québec, et je m'appelle Lawrence Cannon. J'ai fait le vol 735 de Nordair ou d'Air Canada, en provenance de Québec sur Montréal. J'ai accès à mon dossier?

M. Haeck: Avec le numéro de vol, oui, vous pouvez aller à un comptoir et leur demander ce qui y est indiqué, quel genre de réservation vous avez fait. Vous, vous allez voir votre dossier, certainement.

M. Cannon: Et on ne me refusera pas l'accès à mon dossier?

M. Haeck: Vous parlez de votre dossier de réservation, là. C'est ça, on s'entend?

M. Cannon: Oui.

M. Haeck: Vous voulez savoir. Je ne vois pas pourquoi on refuserait votre dossier de réservation. Vous voulez savoir si vous êtes confirmé ou pas confirmé, etc. Vous allez avoir accès même par téléphone à votre dossier, on peut le faire immédiatement.

M. Cannon: Est-ce qu'il y a une règle écrite? Est-ce qu'il y a une directive? Est-ce qu'ii y a un code de...

M. Haeck: Oui.

M. Cannon: ...déontologie? Vous avez parlé, je pense...

M. Haeck: C'est ça.

M. Cannon: ...de l'article 6.4, si je ne m'abuse.

M. Haeck: Vous avez, dans vos documents, à l'annexe I, la résolution 1774, qui est la résolution internationale que tous les transporteurs doivent suivre, et l'accès au dossier est inclus. L'ATAC a un autre numéro pour le Canada. George...

M. Petsikas: C'est ça, je vous réfère à l'article 3.3.1 de la résolution 6.4 que vous avez en annexe, qui exprime clairement l'objectif qu'on voulait atteindre, c'est-à-dire que le passager peut avoir accès à son dossier en le demandant.

M. Cannon: Des fois... Si, demain matin, j'allais à l'aéroport, toujours dans le même cas, et qu'on me refuse l'accès, devant qui je peux me plaindre?

M. Haeck: Si vous parlez d'Air Canada, je suis convaincu que Me Cameron Desbois, le chef du contentieux, va obtempérer. Mais je crois que le «station manager», le gérant d'Air Canada sur place... Vous pouvez aller voir la direction.

M. Cannon: Est-ce que...

M. Haeck: II n'y a pas de difficulté, généralement, je crois, à obtenir son dossier.

M. Cannon: O.K. Dans vos banques, la durée de l'objet de l'information, elle est de combien de temps? (21 h 10)

M. Haeck: L'exemple que vous m'avez donné, peut-être d'une journée, si vous faites un vol Montréal-Québec, mais si vous faites le tour du monde avec votre famille, ça peut être six mois, parce que vous avez plusieurs correspon-

dances; alors, tout dépendant de la durée du voyage des passagers.

M. Cannon: Est-ce que ces informations-là peuvent servir à d'autres fins?

M. Haeck: À d'autres fins, à l'extérieur de la ligne aérienne?

M. Cannon: Par exemple, pour compiler des statistiques sur... Des statistiques nominatives...

M. Haeck: Je crois qu'il est possible...

M. Cannon: ...sur, par exemple, je ne sais pas, moi, en provenance de la région de Québec. C'est des gens du comté du président de la commission qui...

Le Président (M. Doyon): Très intéressant.

M. Cannon: Très intéressant, oui. Des gens de Sainte-Foy, qui sont portés à prendre davantage le vol de 7 h 15 sur Montréal que ceux qui viennent de Limoilou, je ne sais trop. Est-ce que vous vous servez de ces renseignements-là pour d'autres fins que celles qui sont prescrites dans votre code?

M. Haeck: Je ne peux pas tellement parler pour les transporteurs canadiens auxquels vous faites allusion, mais je peux vous dire que pour les lignes internationales, c'est bien évident qu'on a des renseignements nominatifs. Si on sait que les Canadiens partant de Québec aiment beaucoup le jus d'orange, on va emmagasiner plus de jus d'orange sur les vols de Quebecair qui vont vers la Floride. Par contre, si vous allez vers Tel-Aviv, on va avoir plus de repas kascher à cause de la clientèle. Il y a des renseignements nominatifs pour les lignes internationales, qui peuvent servir pour le bienfait des passagers, mais pour les lignes canadiennes, je ne sais pas la situation exacte.

M. Petsikas: C'est plus ou moins le même cas, en ce qui concerne les besoins spéciaux des passagers à cet effet-là, oui.

M. Haeck: Mais on n'a pas besoin du nom du passager. L'important, c'est de savoir...

M. Cannon: O.K. Non, non, ça, je comprends ça. Mais ce que vous me dites, c'est que vous, comme entreprise, comme organisation, vous ne faites pas de profil nominalisé des individus pour en tirer de grands constats plus tard.

M. Haeck: Au meilleur de ma connaissance, je ne croirais pas.

M. Cannon: O.K. Merci.

Le Président (M. Doyon): Si vous me permettez, est-ce que certains renseignements nominatifs - c'est-à-dire mon nom, mon adresse, mon numéro de téléphone, mon âge, la fréquence de mes voyages, par exemple, qui serait de nature à intéresser American Express - peuvent leur être remis, suite à des ententes que vous avez avec eux de quelque façon, et qu'ils pourraient, après, me solliciter comme client éventuel pour devenir détenteur d'une carte American Express? Est-ce que vous avez des ententes là-dessus? De cette nature-là, pas avec American Express, mais semblables à ça?

M. Haeck: Je ne crois pas qu'il y ait des ententes avec des cartes de crédit commerciales, parce que ça ferait de la compétition aux propres cartes des lignes aériennes. Si vous faîtes allusion, par exemple, à En Route, à British Airways, qui ont leur propre carte, évidemment, ils favorisent les leurs, ils ne donneront pas ça à des étrangers. Je connais plus les informations internationales, mais on semble me dire qu'au point de vue canadien on ne remet pas ces renseignements-là à des gens comme des banques ou des institutions privées, qui ne font pas partie des lignes aériennes. Vous êtes bien au courant qu'il y a des points, vous avez un système de points, «the frequent flyer»...

Le Président (M. Doyon): On connaît ça. M. Haeck: Parfait.

Le Président (M. Doyon): Mais votre réponse m'inquiète un peu, pour ne rien vous cacher, parce que ça ne m'apparaît pas découler de la plus haute des morales, hein? C'est parce que vous y voyez un désavantage éventuel de donner des renseignements à des concurrents, mais vous n'auriez pas d'objection de principe à le faire si vous y voyiez un avantage quelconque. Moi, ce que j'aurais aimé vous entendre dire - vous ne me l'avez pas dit - c'est «nous autres, quand quelqu'un fait affaire avec nous autres, ça reste avec nous autres». Ça, c'est important. Parce que, moi, je ne suis pas intéressé à être sollicité par American Express, même si c'est plus payant pour vous autres. Je ne suis pas intéressé à me faire solliciter par des hôtels à Paris, puis à Hong-Kong, puis à Londres, où je vais voyager comme client éventuel: Si vous allez à Londres, M. Doyon, venez donc rester chez nous, on va vous faire un rabais, puis vous allez avoir le «penthouse», etc., etc. Si vous m'aviez dit: Nous autres, quand vous faites affaire avec nous autres, c'est avec nous autres que vous faites affaire, puis ça finit là. Ça, ça aurait été de la musique à mes oreilles, probablement pour le ministre aussi.

M. Haeck: Je peux peut-être confirmer votre appréhension ou plutôt, vous donner plus

d'information... Ce que j'ai voulu dire, c'est que certains transporteurs aériens ont leur propre carte. Si vous allez sur un vol d'Air Canada et que vous remplissez la carte En Route ou celle de British Airways, vous n'allez pas la recevoir si vous n'avez pas demandé la carte de la ligne aérienne. Alors, on ne donne pas l'information, ni aux filiales qui ont leur propre carte - comme En Route, maintenant, vous savez qu'elle a été vendue - et on ne la donne pas non plus à des tiers. Alors, l'information reste à l'intérieur de la ligne aérienne exclusivement. Si c'est ça, votre question, ça reste à l'intérieur, chez nous.

Le Président (M. Doyon): Oui. Je parlais des cartes de crédit, mais je le faisais à titre d'exemple. On peut avoir 50 autres exemples qu'on pourrait donner. Vous parlez des hôtels, on peut avoir des agences de location de voitures, on peut avoir tout ce qui peut finalement tourner autour de quelqu'un qui voyage et qui se déplace. En d'autres termes, les renseignements que je donne quand je dis que je m'appelle Réjean Doyon, que je demeure à Sillery, etc., etc., soit à une compagnie de cartes de crédit, soit à une chaîne d'hôtels, soit à une compagnie de location de voitures, ce que vous pouvez imaginer, est-ce que d'autres peuvent avoir ces renseignements-là de votre part ou si, question de principe, quand c'est donné à Air Canada, par exemple, ça reste à Air Canada, quand c'est donné à Canadien, ça reste à Canadien et ça ne sort pas? Pas parce que ça serait désavantageux pour vous de donner des renseignements à des concurrents. Ça, c'est une affaire et ça peut changer aujourd'hui pour demain parce que, En Route, ça peut cesser d'exister, et vous pouvez faire un «joint venture» avec Visa, demain matin; ça fait que l'objection ne demeurerait pas. Ce que je veux savoir, c'est: Est-ce que, question de principe... Dans le code de déontologie, est-ce qu'il est écrit, quelque part, que les renseignements personnels que je vous remets, ça ne doit pas sortir de chez vous, pour aucune considération, même s'il n'y a pas de concurrents - qu'il y en ait ou pas?

M. Haeck: La réponse, c'est oui, ça reste à l'intérieur, et c'est interdit à l'article 3.1.2: «stored for specified and legitimate purposes and not used in a way incompatible with those purposes» - c'est même écrit. Alors, on ne donnera pas le renseignement à l'agence de location de voitures, à l'hôtel qui est affilié à la ligne aérienne. Si vous n'avez pas coché vous-même dans une revue quelconque, on vous envoie la publicité... On va se limiter à votre vol. On peut vous offrir, comme vous savez, dans la pochette en avant de vous, un tas de services que vous ne voulez pas, mais on ne donnera pas l'information à des tiers ni à des filiales internes reliées à nous.

Le Président (M. Doyon): Pas de problème avec ça. Pas de télémarketing non plus?

M. Haeck: Pas de télémarketing, non plus, chez nous.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: J'ai relu les articles 3.3.1, 3.3.2 et 3.3.3, et ça m'apparaît des rédactions très correctes. J'aimerais savoir si...

M. Haeck: De quelle résolution vous parlez? De AT AC ou IATA? Je veux suivre, je m'excuse.

M. Bourdon: L'ATAC. M. Haeck: ATAC.

M. Bourdon: O.K. Ça m'apparaît très correct. Je me posais la question. Quels moyens vous prenez pour informer les passagers de leurs droits en vertu de ces articles-là?

M. Haeck: Si vous regardez dans le mémoire de l'IATA, on dit que tous les billets d'avion ont une référence - à la page 2 de mon mémoire - aux «Conditions générales de transport des passagers et des bagages». J'ai cité l'article 3. Sur tous les billets, c'est indiqué et n'importe quel passager a accès aux conditions générales de transport. Dans les conditions générales de transport, il est bien indiqué que les renseignements personnels sont privilégiés. Pour chaque transporteur, à chaque bureau - comme vous savez, au Canada, on appelle ça le «tarif» - vous avez le droit de consulter les conditions tarifaires qui s'occupent de votre transport. Le passager a accès non seulement à l'écrit, aux conditions générales de transport, mais il a accès au texte des deux résolutions. C'est public et c'est sans frais.

M. Bourdon: D'accord. Dr Haeck, je peux vous faire un aveu. J'ai pris l'avion quelquefois dans ma vie, et je vous dirai bien candidement, même quand le voyage était long, que je n'ai jamais lu le contrat en question. Dans le fond, je reposerais ma question autrement. Est-ce que vous avez des statistiques sur les passagers qui s'informent comme ça des renseignements que vous détenez? Avez-vous des statistiques sur qui peut les faire corriger à l'occasion?

M. Haeck: II semblerait qu'au Canada, et je crois que c'est la même chose dans les pays étrangers - en tout cas, du moins, occidentaux - où je voyage surtout, très peu de passagers se prévalent de ça parce qu'ils ont confiance en la ligne aérienne. Ils savent que c'est accessible et qu'on est contrôlés par les États. Comme vous le savez, ces tarifs doivent être,

comme on dit en anglais, «filed» auprès des autorités compétentes. Au Canada, c'est maintenant l'Office national du transport qui vérifie ça, mais je crois que vous avez raison, qu'il y a peut-être peu de passagers qui se prévalent de leur droit, mais le droit est là.

Ce qui est très important pour l'IATA, c'est ce consentement implicite et non pas explicite. Un consentement écrit, pour nous, serait dévastateur au point de vue coûts, et vous imaginez avoir la signature de tous les passagers, des millions de passagers qu'on a dans le monde, leur demander un consentement écrit? Ça va être une... On va doubler notre personnel. (21 h 20)

M. Bourdon: Ce que je voudrais ajouter, dans le fond, qui éclaire votre activité, c'est que non seulement il y a un consentement implicite, mais la personne se place sous vos soins dans un des avions de vos entreprises aériennes affiliées. Ce que je veux dire, c'est que vous n'êtes pas n'importe où, mais vous avez la charge de vos passagers, ce qui veut dire que vous devez être capable d'assurer leur sécurité et de répondre à des questions, par exemple, d'un proche: Est-ce que mon père ou mon conjoint est bien sur le vol? Quant à moi, il n'y a pas de difficulté quant à ça. Puis, écoutez, s'il y a des abus, on n'en a jamais entendu parler. Puis, on peut vous dire que, dans d'autres domaines de la loi qu'on fait, les abus sont exprimés.

Mais, dans le fond, l'autre question que je poserais - vous le mentionnez dans le mémoire - a trait aux voyagistes, aux agences de voyages où, d'une part, la question de juridiction du fédéral ne se pose pas de la même façon, puis, où, disons, écoutez, je ne le dis pas pour faire une blague de mauvais goût, mais eux, ils sont à terre. Puis, est-ce qu'il y a un certain contrôle de la commercialisation des données qu'ils recueillent? Parce que, dans le fond, je peux comprendre qu'il y a un flux de renseignements d'une compagnie aérienne à l'autre, et ce qu'une compagnie doit avoir dans l'intérêt de ses propres passagers... Et je comprends facilement que par nature c'est international et même que nos réservations - qu'on peut faire à Québec ou à Montréal - peuvent passer par une ville américaine, puis il n'y a rien d'anormal là-dedans. C'est juste que les voyagistes, les grossistes, avec qui vous traitez des affaires, peuvent-ils, eux, utiliser les renseignements que vous leur donnez à des fins de commercialisation, par exemple?

M. Haeck: Écoutez, j'ai lu l'opinion d'une très bonne étude d'avocats, qui a été mandatée par l'ATAC, concernant votre législation. Je ne suis pas expert en droit constitutionnel - je vais être franc avec vous, je suis expert en droit aérien - mais je vais demander à Me Petsikas de répondre à ça parce que, lui-même, il a une de ses filiales qui est une compagnie voyagiste, comme vous dites. Moi, je représente strictement les transporteurs aériens internationaux, mais Me Petsikas pourrait vous répondre dans un contexte québécois.

M. Petsikas: Mais si j'ai bien compris votre question, vous êtes en train de me demander: Est-ce que, nous, on a un contrôle sur l'information que, nous, on donne sur nos passagers à nos grossistes? Mais je dirais que c'est le contraire, par exemple. Je dirais que c'est le grossiste qui a toutes les informations en ce qui concerne les passagers, et c'est lui qui nous fournit ça. Il ne faut pas oublier que le grossiste en voyages, comme je l'ai mentionné, c'est lui qui distribue le produit, c'est lui qui a un contact avec le client, ce n'est pas nous, le transporteur. Donc, c'est lui qui contrôle les informations. Alors, je dirais que c'est même le contraire: c'est le grossiste qui nous fournit ces informations, et ce n'est pas comme vous venez de le mentionner.

M. Bourdon: Mais ce que j'ajouterais, dans le fond, c'est que, si moi, je m'adresse à une agence ou à un grossiste pour acheter un billet d'avion, je passe une sorte de contrat implicite avec lui. Je lui donne des renseignements pour qu'il me procure le service dont j'ai besoin. Dans le fond, la question se pose: Est-ce que les renseignements que je lui donne, il les procure non pas à la compagnie aérienne ou à d'autres activités reliées directement au voyage que je veux faire, mais justement à un tiers qui, lui, peut en avoir besoin pour me solliciter? C'est parce que, là, il me semble qu'on n'est pas dans le même contrat, et que, dans ce sens-là, une revue ou d'autres activités qui pourraient être touchées ne font pas partie du contrat que je contracte, par son entremise, avec la compagnie aérienne. Autrement dit, s'il donne le nom à une entreprise qui me sollicite pour me faire abonner à une carte de crédit ou à un magazine, peu importe, je ne suis plus dans ma volonté à moi, qui était de lui donner des renseignements aux fins de me procureur le service que l'ATAC et I ATA procurent par leurs membres affiliés.

M. Haeck: Vous avez raison en partie, et je vais compliquer le problème. Je ne veux pas faire de nuances juridiques, mais vous avez des agents de voyages qui ne sont pas approuvés par l'ATAC ni par l'IATA, et ça complique le problème, surtout que, comme vous le savez, les agences de voyages sont de juridiction provinciale. Nonobstant cette affirmation-là, la théorie juridique du Code civil s'applique, qui dit - et c'est bien clair - que les agents de voyages de l'IATA ne peuvent vendre que des billets de ligne de l'IATA, et moi, je peux sanctionner seulement les agences de voyages de l'IATA. En d'autres termes, vous aviez raison pour les agences de voyages qui seraient indépendantes. Généralement, ce sont des agences de voyages de

minorités ethniques, qui n'appartiennent pas à l'ATAC ni à l'IATA, parce qu'à chaque année toutes les agences de voyages dans le monde doivent obtenir un certificat de l'IATA. Pour l'ATAC, l'ATAC nous a mandatés, nous, l'IATA, pour leur programme canadien. Je pourrais sanctionner l'agence de voyages IATA qui ne se conforme pas à nos directives. Je pourrais l'exclure, et je pourrais prendre des mesures en rapport avec une agence IATA ou ATAC, parce que j'ai un mandat de ATAC.

Mais je reviens à mon affirmation. Je comprends que le gouvernement du Québec et le Code civil, une application générale... Je suis civiliste - je suis notaire de formation - je suis très soucieux de la protection du droit civil, mais il ne faut pas oublier que les lignes aériennes, le contrat qu'elles ont avec l'agent de voyages... L'agent de voyages n'agit pas pour lui, il agit au nom de la ligne aérienne. C'est un mandat très, très clair. «He acts for the carrier.» Quand l'agent de voyages vous vend un billet, il ne vend pas un billet de l'agence de voyages Bellejoie, je ne sais pas, moi, de Limoilou, il vend un billet émis sur un transporteur X, il est l'agent. Alors, le transporteur est responsable de son agent. C'est pour ça que l'opinion en droit constitutionnel qu'on a reçue trouve que, lorsque c'est un vol aérien, en tout cas, sûrement un vol international, la juridiction fédérale, avec toute la déférence que je dois à votre juridiction, s'appliquerait. Maintenant, si c'est des vols internes, au Québec, ça, c'est une question constitutionnelle qu'on pourra débattre dans un autre forum. Mais vous avez raison, en partie, pour les agences de voyages indépendantes, je crois que oui.

M. Bourdon: Mais même une agence bona fide avec l'ATAC ou IATA, si elle y déroge... Je comprends que vous pouvez appliquer une sanction - je n'en doute pas - mais, par ailleurs, la loi qu'on va adopter peut s'appliquer à elle, je pense, dans le sens que - et j'évite le problème constitutionnel, parce qu'on est tanné d'en entendre parler, il paraît - en termes de contrat, moi, je contracte comme un engagement vis-à-vis de l'agence pour me procurer un billet d'avion. Dans le fond, c'est ça, et ça, ça comporte des dispositions qui apparaissent sur mon billet, et qui viennent comme rendre écrit le contrat, même si je ne l'ai pas signé avec la compagnie aérienne.

Mais ce que je veux dire, c'est que s'ils donnent mon nom à quelqu'un qui m'achale au téléphone pour me vendre bien d'autres choses qu'un billet d'avion, je comprends que je peux toujours faire une plainte à l'IATA ou à l'ATAC et qu'on peut lui enlever sa certification, mais, par ailleurs, en vertu de la loi qu'on va adopter, je pense que je pourrais faire une plainte a la Commission d'accès à l'information, disant: II a fourni à un tiers un renseignement que je lui avais fourni expressément à une fin.

M. Haeck: Oui. Je comprends très bien votre point, mais je crois que vous seriez mieux servi avec l'exemple de la législation américaine, parce que l'Office de la protection du consommateur, comme vous le savez, a un département qui s'occupe des agences de voyages. Vous pourriez faire une plainte, et il va y avoir un avocat de la couronne qui va être payé pour poursuivre l'agence de voyages du Québec qui relève de votre juridiction. Je préférerais, moi, comme juriste, de beaucoup la solution américaine, plutôt que d'avoir une loi générale du Code civil qui n'exclut pas les transporteurs aériens, parce que, déjà, votre passager a un mécanisme de contrôle. Si votre agence de voyages, par votre propre juridiction - c'est vous, d'ailleurs, qui nommez le régisseur qui s'occupe de toutes les agences de voyages du Québec - pouvait réglementer cet aspect-là à votre satisfaction par une loi précise et sectorielle... Le danger d'une loi d'application du Code civil, c'est que les transporteurs aériens étrangers se trouvent pris à la gorge avec une loi d'application générale. On est pour le principe de votre loi, mais c'est dans son application. On n'a pas vu la réglementation. On ne veut pas anticiper, là, mais si, dans la réglementation, il n'y a pas d'exclusions pour les transporteurs étrangers, je peux vous assurer qu'il va y avoir des notes diplomatiques qui vont être servies à Ottawa, de protestation.

Le Président (M. Doyon): Merci. Les messages sont bien reçus, je pense. Alors, la discussion a été extrêmement intéressante. S'il n'y a pas d'autres interventions, il me reste, au nom des membres de la commission, à remercier le Dr Haeck, M. Petsikas et M. Goldberg d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Ça a été extrêmement intéressant. Il sera tenu compte de vos avis.

M. Haeck: Merci beaucoup. Bonne soirée, messieurs.

Le Président (M. Doyon): Merci, bonsoir. J'ajourne les travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 30)

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