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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 24 février 1993 - Vol. 32 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux et continue le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale en étudiant la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, la loi 68.

Ce matin, nous avons un ordre du jour, vous avez pu en prendre connaissance. Je n'en ferai pas la lecture. Notre premier invité est le Conseil interprofessionnel du Québec, et je vois qu'ils sont déjà avancés. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je leur demande de bien vouloir se présenter de façon à ce que nous ayons leurs noms dans le Journal des débats.

Je signale aussi qu'ils disposent d'une vingtaine de minutes pour nous faire la présentation qu'ils ont à nous faire. Le restant du temps est partagé également entre les deux formations politiques pour s'entretenir avec vous et demander des éclaircissements, si nécessaire. Donc, vous avez la parole.

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Frechette (Errol): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je suis Errol Frechette, directeur administratif du Conseil interprofessionnel. Il me fait plaisir de vous faire connaître le point de vue de nos membres sur le projet de loi 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. À cette fin, je suis accompagné de Me Daniel Ferron, de la Chambre des notaires, Me André Gariépy, de la Corporation des psychologues, Me Marc Sauvé, du Barreau.

Comme la nature des activités de l'exercice des professions varie énormément d'une corporation a l'autre, ceci explique que certains de nos membres aient jugé nécessaire de présenter leur point de vue particulier sur le projet de loi. Vous aurez par contre remarqué, à la lecture de leurs mémoires, l'unanimité des corporations concernant le point de vue contenu dans le mémoire du Conseil.

Le système professionnel du Québec, c'est 41 corporations professionnelles regroupant plus de 240 000 membres, c'est l'Office des professions, c'est le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, c'est le Conseil interprofessionnel. La protection des renseignements personnels est une des assises importantes du système professionnel.

D'abord, il s'agit de l'un des cinq facteurs à considérer pour la constitution d'une corporation. Suivant l'article 25 du Code, pour déter- miner si une corporation professionnelle doit ou non être constituée, on doit tenir compte du caractère confidentiel des renseignements que les personnes appelées à devenir membre de la corporation sont susceptibles de connaître dans l'exercice de leur profession.

Ainsi, plus le caractère confidentiel des renseignements en cause ressortira, plus il sera indiqué pour la protection du public de constituer en corporation les personnes qui traitent ces renseignements. Le caractère confidentiel de ces renseignements justifie ainsi la création d'une corporation professionnelle essentiellement parce que les membres de celle-ci seront régis en cette matière par un certain nombre de règles ressortissant d'un concept fort connu et fort bien établi, le secret professionnel. Il s'agit d'un concept connu et bien établi parce qu'il existe depuis fort longtemps et parce qu'il est applicable aux membres de toutes les corporations professionnelles.

Il faut aussi se rappeler que, suivant l'article 87, paragraphe 3° du Code, chaque corporation doit adopter un code de déontologie contenant des dispositions, et je cite, «visant à préserver le secret quant aux renseignements de nature confidentielle qui viennent à la connaissance des membres de la corporation dans l'exercice de leur profession». C'est ainsi qu'on retrouve dans les codes de déontologie des professions des dispositions assurant le respect de la réputation et de la vie privée des clients de ces professionnels.

À titre d'illustration, on peut relever certaines de ces dispositions dans les codes suivants. Dans le Code de déontologie de la Chambre des notaires, à l'article 3.05.01, on note: «Le notaire est tenu de garder le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l'exercice de sa profession», 3.05.02: «Le notaire doit veiller à ce que ses employés ne communiquent à autrui aucun des renseignements confidentiels dont il a pu avoir connaissance», 3.05.05: «Le notaire doit éviter les conversations indiscrètes au sujet d'un client et des services qui lui sont rendus.»

Ces règles sont spécifiques parce qu'elles s'adressent à chacun des professionnels d'une façon particulière, et celui-ci doit s'assurer aussi de la discrétion de ses employés au sujet non seulement des renseignements portant sur le client, mais aussi sur les services qui lui sont rendus. Par exemple, le Code de déontologie de la Corporation professionnelle des physiothéra-peutes, 3.06.02: «Le physiothérapeute ne peut être relevé du secret professionnel qu'avec l'autorisation écrite de son client ou lorsque la loi l'ordonne.» On constate ainsi la rigueur du

secret professionnel par le fait que les exceptions sont réduites au minimum, soit l'autorisation du client ou lorsque la loi l'ordonne.

Un autre exemple, l'Ordre des chiroprati-ciens, code de déontologie, article 3.06.03: «Le chiropraticien ne doit pas révéler qu'une personne a fait appel à ses services à moins que la nature du cas l'exige.» Cette disposition donne une idée de l'étendue du secret professionnel qui impose une protection particulière aux renseignements concernant un individu à partir du moment où il fait appel aux services du professionnel. (10 h 10)

De plus, les codes de déontologie peuvent comporter d'autres règles complémentaires assurant la protection des renseignements personnels. À titre d'exemple, Corporation professionnelle des physiothérapeutes, 3.06.03: «Lorsqu'un phy-siothérapeute demande à un client de lui révéler des renseignements de nature confidentielle, ou lorsqu'il permet que tels renseignements lui soient confiés, il doit s'assurer que le client est pleinement au courant du but de l'entrevue et des utilisations diverses qui peuvent être faites de ces renseignements.»

Enfin, il est intéressant de retrouver dans le Code de déontologie de l'Ordre des chiropra-ticiens la règle d'éthique suivante, à 3.01.07: «Le chiropraticien doit s'abstenir d'intervenir dans les affaires personnelles de son patient sur des sujets qui ne relèvent pas de la compétence généralement reconnue à la profession, afin de ne pas restreindre indûment l'autonomie de son patient.» On constate que la protection des renseignements personnels n'est pas seulement une question de confidentialité, mais aussi une règle de conduite.

Concernant l'accessibilité aux dossiers des professionnels, le Code des professions impose, suivant l'article 87, paragraphe 4°, aux bureaux des corporations d'insérer dans leur code de déontologie «des dispositions concernant le droit d'une personne recourant aux services d'un professionnel de prendre connaissance des documents qui la concernent dans tout dossier constitué par ce professionnel à son sujet et d'obtenir des copies de ces documents».

De plus, suivant l'article 94c du Code, le bureau peut, par règlement, «fixer des normes relatives à la tenue, à la détention et au maintien des dossiers» d'un professionnel dans l'exercice de sa profession. L'avant-projet de loi modifiant le Code des professions, présentement à l'étude dans une commission parlementaire juste plus bas dans l'Assemblée, amène d'autres modifications au Code des professions venant renforcer ce dernier élément.

À titre d'illustration des règles imposées aux professionnels en matière d'accessibilité et de tenue des dossiers, on peut relever celle applicable aux chiropraticiens, qui se lit comme suit, article 3.07.01: «Le chiropraticien doit respecter le droit de son patient de prendre connaissance des documents qui le concernent dans tout dossier constitué à son sujet et d'obtenir une copie de ces documents.» De la même façon, une personne recourant aux services de tout professionnel bénéficie du droit d'accès.

Toujours à titre d'illustration, si on regarde le Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des physiothérapeutes, il contient plusieurs dispositions édictant des mesures complémentaires de protection des renseignements personnels, par exemple, 2.01: «...un physiothérapeute doit tenir, à l'endroit où il exerce sa profession, un dossier pour chacun de ses clients», 2.02: «Un physiothérapeute doit consigner ou insérer dans chaque dossier les éléments de renseignements suivants: la date d'ouverture du dossier; les nom, prénoms du client à sa naissance, son adresse, son numéro de téléphone, sa date de naissance, son sexe; l'évaluation du rendement fonctionnel physique du client et, le cas échéant, tout renseignement ou document pertinent obtenu d'un membre d'une autre corporation professionnelle; la description des antécédents et conditions associés à la condition pathologique du client et la description des problèmes identifiés et énumérés par ordre d'importance». Enfin, toute une série de renseignements pertinents doivent être tenus au dossier. 2.03: «Un physiothérapeute doit tenir à jour chaque dossier jusqu'au moment où il cesse de rendre des services professionnels à la personne concernée par ce dossier». 2.04: «Un physiothérapeute doit conserver chaque dossier pendant au moins cinq ans à compter de la date du dernier service rendu». 2.05: «Le physiothérapeute doit conserver ses dossiers dans un local ou un meuble auquel le public n'a pas librement accès et pouvant être fermé à clé ou autrement. Le physiothérapeute doit signer ou parafer toute inscription qu'il introduit dans ce dossier.»

Ainsi, on remarque que, par ces dispositions, on impose des limites aux professionnels quant à la collecte des renseignements. Il doit s'agir de renseignements pertinents. On exige aussi du professionnel de tenir à jour les dossiers, d'entourer ces dossiers de mesures de sécurité et d'en contrôler le contenu. Enfin, on prescrit un délai minimal de conservation du dossier permettant ainsi l'exercice du droit d'accès qu'on y a prévu pour le client.

Enfin, il importe de mentionner que le Code des professions prévoit aussi d'autres mesures de protection des renseignements personnels, d'une part, à l'égard des dossiers détenus par les professionnels cessant d'exercer leur profession et, d'autre part, à l'égard des membres et du personnel des instances administratives des corporations professionnelles et de l'Office des professions. Dans le premier cas, il s'agit de l'article 91 du Code, qui édicté que «le Bureau doit déterminer, par règlement, les règles,

conditions, modalités et formalités de conservation, d'utilisation [...] et de destruction des dossiers». C'est ainsi que le professionnel qui a la garde du dossier d'un client d'un autre professionnel ayant cessé définitivement ou temporairement d'exercer sa profession se trouve régi par un règlement qui réitère le droit d'accès au client à son dossier.

Ce type de règlement impose aussi à la personne qui a la garde du dossier de prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires à la sauvegarde des intérêts des clients en cause comme, par exemple, la protection des renseignements personnels. Dans le deuxième cas, le Code des professions ou certains règlements de corporations exigent d'un certain nombre de personnes un serment ou une affirmation de discrétion comportant la promesse de ne rien révéler ou de ne faire connaître, sans y être autorisé par la loi, quoi que ce soit dont elles ont eu connaissance dans l'exercice de leur charge. Cette obligation de discrétion s'impose aux personnes suivantes, les membres du Bureau des corporations professionnelles, les membres et les secrétaires du comité de discipline, le syndic, les syndics adjoints et les syndics correspondants, les membres et les enquêteurs du comité d'inspection professionnelle.

De plus, certaines règles applicables à la corporation régissent l'accessibilité aux dossiers constitués par les entités en relevant. Par exemple, le Règlement sur le comité d'inspection professionnelle de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec limite le droit d'accès aux documents du comité d'inspection professionnelle à certaines personnes qui, on l'a vu, doivent prêter un serment de discrétion. La disposition se lit comme suit, paragraphe 7: «Sous réserve de l'article 11, seuls les membres du comité, le secrétaire du comité, le personnel du secrétariat et le président de la corporation ont accès aux dossiers, livres et registres du comité. Avant d'entrer en fonction, le secrétaire du comité et les membres du personnel du secrétariat prêtent le serment ou font l'affirmation solennelle contenue à l'annexe II du Code des professions.» Aussi, un droit d'accès est réservé aux professionnels concernés selon la disposition qui suit: «11. Le membre a le droit de consulter son dossier professionnel au secrétariat du comité en présence de l'un de ses préposés.»

En somme, on constate que, dans le cadre du système professionnel, le public bénéficie de mesures significatives en matière de protection de la vie privée et de la réputation, et ceci, depuis plusieurs années, et que les principes de base de même que les mécanismes utiles à leur application, en matière de protection des renseignements personnels, sont à la disposition du public dans le cadre actuel du système professionnel.

Selon nous, il serait inapproprié, pour la protection du public, de permettre la naissance d'un système parallèle. Hormis le fait que ce nouveau régime nécessitera une nouvelle bureaucratie et un dédoublement des énergies et des expertises, il risque de semer une confusion importante dans le public qui ne fait que commencer à comprendre pleinement le système professionnel.

Qu'il suffise de se rappeler qu'à l'issue des travaux de la commission Castonguay-Nepveu, il avait été clairement établi qu'il y aurait un système au Québec qui devrait être le seul lieu de contrôle de l'activité professionnelle pour éviter le foisonnement et nous épargner l'approche à la pièce. Le législateur a déjà fait sienne cette position du Conseil, lors des dernières modifications à la Loi sur l'accès, en exemptant les membres des corporations professionnelles de certaines modalités entourant le caractère confidentiel des renseignements nominatifs dont la communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat confié par un organisme public.

Nous sommes d'avis que le chevauchement de deux régimes normatifs est susceptible de confusion et risque d'amoindrir les garanties et les droits fondamentaux dans la relation professionnel-client. Le dédoublement, que, nous espérons, nous avons démontré comme inutile entre les corporations professionnelles et la Commission d'accès, aurait aussi des conséquences financières dans une période de restrictions. La législation professionnelle régissant la protection des renseignements personnels, la confidentialité, le secret professionnel et la tenue des dossiers assure une protection solide et est adaptée aux enjeux du monde professionnel.

Pour ces raisons, nous demandons qu'une disposition et non pas une clause, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, soit insérée dans le projet de loi pour qu'il y ait harmonisation entre les législations, en faisant ressortir la prépondérance du secret professionnel qui a été consacrée par la Charte des droits et libertés pour le plus grand bien du public. (10 h 20)

Le Conseil interprofessionnel remercie les membres de la commission de la culture de lui avoir donné l'opportunité de présenter ses commentaires sur le projet de loi 68 et espère que ses recommandations seront prises en considération. Nous sommes, mes collègues et moi, à votre disposition pour tenter de répondre à vos questions. Merci de votre attention.

Le Président (M. Doyon): merci beaucoup, m. frechette. je sais que le ministre ainsi que d'autres parlementaires ont sûrement des points qu'ils veulent soulever avec vous. donc, dès maintenant, je donne la parole au ministre des communications.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Bonjour, M. Frechette ainsi que les membres de la corporation interprofessionnelle qui vous accompagnent. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale, à cette commission.

J'ai écouté attentivement les propos et je pense que nous pourrions les résumer en disant que vous appuyez l'initiative gouvernementale qui vise à protéger les renseignements personnels du secteur privé, mais que la CIQ estime qu'il serait inapproprié, voire inopportun, pour la protection du public, de permettre la création d'un système parallèle inconciliable avec les dispostions du Code des professions.

Vous avez même dit, dans votre déclaration, que c'était susceptible d'apporter de la confusion. J'ai devant moi une lettre qui vous a été adressée, le 15 février dernier, et qui est signée par Augustin Roy, qui est le président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et vous me permettrez de la citer. Cette lettre vous est adressée, M. Frechette, et, au deuxième paragraphe, on peut lire ce qui suit: «Nous avons toutefois été étonnés que le mémoire prétende que ce projet de loi est inconciliable avec les dispositions du Code des professions, des lois professionnelles et des règlements qui en découlent. Nous ne croyons pas qu'il soit inconciliable, mais il faut reconnaître que l'adoption de cette loi créerait deux avenues de recours pour une personne à qui un professionnel refuserait accès à son dossier. Elle pourrait avoir recours auprès du syndic de la corporation et auprès de la Commission d'accès à l'information.»

Pourriez-vous «adresser» les quelques commentaires de M. Roy, s'il vous plaît?

M. Frechette: Oui, M. le ministre. M. le Président, d'abord, c'est un fait que nous appuyons la démarche du gouvernement de voir une protection des renseignements. La question de la confusion est justement là. C'est que, si, effectivement, il y a deux... si l'interprétation... Prenons l'hypothèse que l'interprétation est à l'effet qu'il y aurait deux avenues pour une personne d'avoir à contester une question de renseignements personnels. Laquelle? C'est là qu'est la confusion. Est-ce qu'elle s'adresserait au syndic de la corporation professionnelle ou à la Commission? Dédoublement, augmentation des coûts, ça rejoint les préoccupations de notre mémoire. Mais je proposerais aussi que, connaissant très bien le Dr Roy... je pense que vous pourriez peut-être répondre à sa lettre et lui poser la question plus directement. Je ne voudrais surtout pas essayer d'interpréter plus longuement ses propos, sentant qu'il est derrière moi aussi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Frechette: Je ne sais pas si les gens qui m'accompagnent veulent ajouter quelque chose? C'est ça. La confusion est donc là.

M. Sauvé (Marc): Je pense qu'il faut aborder le problème de la confusion. Quand on fait une analyse du projet de loi, on s'aperçoit qu'il y a, finalement, deux régimes normatifs qui couvrent la même chose. Il faut analyser ces régimes normatifs là, et on s'aperçoit que le secret professionnel est un droit fondamental d'un individu, qui lui appartient, et on est un peu les dépositaires de ce droit-là. Certaines personnes peuvent prétendre que le secret professionnel est un privilège du professionnel. Il n'en est rien. Ça a été confirmé par la Cour suprême. Et, de toute façon, c'est clair dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. On voit bien que c'est un droit fondamental qui appartient à l'individu.

Le secret professionnel est en soi un régime normatif qui est beaucoup plus strict à certains égards que la loi qui est devant nous. Pourquoi est-ce que c'est comme ça? C'est parce que, historiquement, la relation avec un professionnel a besoin de cette garantie de confidentialité là pour la validité d'intervention du professionnel, et on a besoin que, par exemple, si un psychologue rencontre une personne, cette personne-là se sente en confiance et qu'elle ait la protection juridique que ce qu'elle nous dit va rester dans le cadre du cabinet de consultation, pour le bénéfice de cette personne-là. Donc, c'est un droit qui lui appartient.

À certains égards, on peut questionner le contenu du projet de loi en comparaison avec la force exécutoire du secret professionnel et son intensité d'application, là.

M. Cannon: C'est parce que je ne veux pas qu'on prenne tout le temps sur les questions, réponses, là. Je pense que le temps qui m'est dévolu est quand même important et j'ai d'autres questions à vous poser.

La Commission d'accès à l'information nous dit enregistrer, à chaque jour, de nombreux appels téléphoniques provenant de personnes se plaignant de la situation des renseignements personnels dans le secteur privé, dont plusieurs concernent l'accès à leur dossier chez les professionnels. Or, vous me dites, dans votre mémoire, que les dispositions législatives et réglementaires gouvernant le système professionnel québécois offrent des garanties suffisantes. N'y a-t-il pas place à amélioration, d'après vous?

Une voix: Oui.

M. Frechette: M. le Président, il faut aussi mettre les choses dans un contexte. Il y a 240 000 professionnels qui exercent au Québec. Si vous faites une multiplication simple sans précision nécessairement exacte, c'est des millions d'actes par jour qui sont posés, des entrées dans

des dossiers, des millions. Vous faites appel à des chiffres. Est-ce qu'on parle de 500 000 plaintes par jour, 200 ou 10? Il faut être relatif dans les demandes d'information à la Commission d'accès. On parle de choses minimes.

Mais, deuxièmement, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait de la place pour l'amélioration, et on suggère qu'il y ait une harmonisation entre les législations pour éviter la confusion et éviter des dédoublements, mais une harmonisation.

M. Cannon: Je veux simplement vous rappeler... Tout à l'heure, vous parliez de rétablissement de deux régimes. Soyons clairs là-dessus. Il y a le Code civil qui a été adopté. Les articles 35 à 41 sont très spécifiques. Ce que nous avons ici, dans le projet de loi 68, c'est une loi d'application. Demain matin, il n'y a pas de loi, c'est le Code civil qui s'applique. On réalise ça, tout le monde, là, ici. C'est le Code civil. On a un projet de loi qui va encadrer ces dispositions de protection des renseignements.

À l'article 86 du projet de loi - je vous invite à le lire avec moi - on dit: «Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. «Toutefois, elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des renseignements personnels ou l'accès d'une personne concernée à ces renseignements, résultant de l'application d'une autre loi, d'un règlement, d'un décret, d'une convention collective, d'un arrêté ou d'une pratique établie avant l'entrée en vigueur du présent article.»

Voilà la compatibilité.

M. Gariépy (André): Bien, une chose qu'on peut dire, c'est que, quand on parle de secret professionnel, c'est quelque chose qui, sur le plan de la hiérarchie des normes juridiques, est quand même supérieur même au Code civil. Donc, là-dessus, une chose est certaine, toute la législation et les règlements qui découlent de la notion de secret professionnel sont en soi un régime normatif qui est hiérarchiquement supérieur à bien des lois.

Le problème avec l'article 86, c'est que... Bien entendu, ça n'a pas pour effet de restreindre la protection. Je pense que, dans le cadre du système professionnel, on bénéficie, avec le secret professionnel, d'une meilleure protection. Le problème, c'est la restriction à l'accès peut-être. Là-dessus, on vous parle d'harmonisation dans le sens où il faut avoir un guichet unique, peut-être, pour la personne. Quand elle fait affaire avec un professionnel, il y a des recours, il y a des règlements qui régissent toute la gestion des dossiers, à la fois la cueillette, la détention, la transmission et l'accessibilité du dossier. Je pense qu'on a une législation assez complète qui a fait ses preuves depuis une vingtaine d'années maintenant. (10 h 30)

II y a toujours place à amélioration, ça, on s'entend là-dessus, mais je crois que vouloir tout couvrir par une loi, ça peut être plus pratique sur le plan... pour rechercher les normes législatives s'appliquant à une situation, mais, dans le cadre du système profesionnel, on a déjà un régime qui est bien installé. Alors, voyons à le bonifier. Et, moi, je ne suis pas contre et le CIQ n'est pas contre, à l'effet de faire bénéficier les gens qui ont à élaborer les règlements professionnels de l'avis de la Commission d'accès à l'information, étant donné que la Commission d'accès à l'information a une expertise reconnue et qu'elle va l'acquérir encore plus avec cette nouvelle loi là.

Mais, une chose est certaine, le guichet unique pour une personne de se plaindre d'un professionnel, que ce soit dans ses actes professionnels ou dans l'accessibilité à son dossier, je pense que c'est très favorable, d'autant plus que ce guichet unique là, avec la formule de financement actuelle du système d'un professionnel, bien, c'est les professionnels qui le paient. Alors, quand on sait que la Commission d'accès à l'information, selon les journaux, prend des années à traiter un cas, je pense que, là-dessus, il y a le contexte pratique aussi qu'il faut regarder.

Donc, à l'égard du conflit de loi, sur le plan simplement juridique, de la technique juridique, il n'est jamais aisé de consacrer un conflit de loi, de le reconnaître dans une loi, de dire: Bien, il peut y avoir des problèmes, mais on les reconnaît. Bien, ça, ça crée un aléatoire, des fois, dans les jugements, et je ne sais pas ce que ça va donner à l'égard de nos cours, mais il faut dire une chose, je crois que la Commission d'accès à l'information, dans le passé, a reconnu la primauté du secret professionnel et, dès qu'il y avait une relation professionnelle et que ça touchait des choses qui venaient du contenu de la relation professionnelle, la Commission d'accès à l'information a reconnu la primauté du secret professionnel et de la législation qui en découle.

Mais, moi, je me pose la question: Pourquoi permettre à des citoyens de faire des démarches inutiles auprès d'un organisme juridictionnel comme la Commission d'accès à l'information qui, de toute façon, cinq ans plus tard, va leur dire: Écoutez, vous êtes au mauvais endroit?

M. Cannon: Non, ce n'est pas la question du secret professionnel qui est en cause. Entendons-nous bien ici, ce matin. C'est l'accès et le recours. Dites-moi quelque chose. Quels sont les recours des personnes qui veulent avoir accès à leur dossier ou le faire rectifier au besoin, chez vous?

M. Gariépy: Bon, à l'égard de l'accès, il y a

des normes assez précises dans les codes de déontologie et les règlements sur la tenue de dossier, sur l'accessibilité. Bien entendu, le principe, comme la loi le dit si bien, c'est que la personne a accès à son dossier. Ça, c'est le principe. Il peut y avoir... puisqu'il faut se le dire, le contexte professionnel fait en sorte que chacune des corporations a des règlements qui varient un petit peu parce qu'un psychologue, la nature de sa relation avec son client est différente de celle d'un avocat ou d'un notaire. Donc, il y a des différences là-dessus, ce qui fait que les législations, les règlements de déontologie ou les règlements sur la tenue de dossiers varient un petit peu, mais les principes sont à l'effet que, pour nous, les psychologues, c'est qu'on peut refuser, il est légitime quelquefois de refuser à une personne l'accès à son dossier, notamment dans le cas des psychologues à l'égard des tests, des protocoles de tests.

Alors, la personne a rempli une fiche pour son test de quotient intellectuel, et on arrive avec un résultat de 125. C'est une donnée brute. Si on n'a pas le protocole de test, si on n'a pas la façon d'interpréter ça, l'écart type, etc., on va arriver avec une situation où quelqu'un peut avoir 100 comme donnée brute et l'autre 125. Le gars de 125, il a accès à son dossier, puis il sait que l'autre, c'est son voisin, puis il a accès à son dossier, puis il dit: Je suis plus intelligent que toi. Ça peut être faux.

M. Cannon: Juste une question: Qui refuse l'accès?

M. Gariépy: À ce moment-là, c'est le psychologue. C'est le psychologue qui peut refuser, dans l'intérêt de son client, puisque ça peut mettre en péril...

M. Cannon: Et la question de recours, à ce moment-là, serait quoi?

M. Gariépy: La question de recours serait d'aller au syndic, le syndic de la corporation qui, lui, va évaluer la situation et va voir à soit déposer une plainte ou faire des recommandations D'autant plus qu'actuellement, je voudrais vous le souligner, M. le ministre, il y a, concurremment à cette commission, une autre commission sur lavant-projet de loi sur le Code des professions où on voit, justement, à bonifier certains aspects de la protection des renseignements personnels, et ces choses-là auront certainement un impact sur l'accessibilité aussi.

Alors, comme je vous dis, on ne veut rien cacher, on ne veut pas être un monde à part, sauf qu'on vous dit qu'on concourt aux mêmes objectifs que vous, sauf qu'il y a une façon particulière, peut-être, dans le contexte professionnel, qui fait qu'il y a des droits de l'individu qui sont en jeu et, à ce moment-là, nous, on est responsables, sur le plan civil, sur le plan personnel, pour ces choses-là, puis il faut faire attention.

M. Cannon: Écoutez, je ne mets pas en doute votre bonne foi, là, mais, comme législateurs, nous, on examine un projet de loi qui est le projet de loi 68. J'ai la Commission des droits, celle qui est habilitée par le gouvernement pour surveiller les droits de la Charte qui, hier, nous dit, en commission: Oui, les corporations de même que les membres devraient être assujettis aux dispositions de la loi. C'est juste ça que je vous fais comme commentaire, ce matin.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord demander à nos interlocuteurs s'il n'est pas vrai que, si un employeur réfère un employé à un professionnel de la santé, le médecin, le psychiatre ou l'autre spécialiste n'est non seulement pas tenu au secret professionnel, mais il peut être appelé à témoigner contre son patient?

M. Gariépy: C'est faux, ça. C'est faux puisque le secret professionnel est un droit qui appartient à l'individu qui entre en relation avec le psychologue ou n'importe quel autre professionnel. Donc, la personne divulgue des renseignements, divulgue, dans le cadre d'une consultation, ces renseignements-là. Le droit au secret professionnel couvre ces renseignements-là. Donc, c'est un droit qui appartient à la personne.

Il est déjà prévu, notamment dans le code de déontologie des psychologues, qu'il y ait en réalité, techniquement, genre deux clients. Il y a le client mandant, c'est-à-dire, peut-être, l'employeur du psychologue ou même l'employeur de l'employé, et le bénéficiaire en soi, qui serait le vrai client sur le plan technique, à l'égard du secret professionnel. Il est prévu que les intérêts du client, je dirais, bénéficiaire doivent prévaloir sur les intérêts de l'employeur. Alors, il peut y avoir une dissociation. C'est vrai ce que vous soulignez parce que ce n'est pas facile souvent pour...

J'ai eu un cas, dernièrement, un centre de réadaptation où le psychologue me téléphone, puis me dit: Écoute, mon patron veut me forcer à aller dire des choses en cour, alors que moi, je suis lié par le secret professionnel. Alors, c'est très clair qu'il y a un secret professionnel à cet égard-là. Et le mandant, c'est-à-dire celui qui... comme dans le domaine scolaire, la commission scolaire qui demande au psychologue scolaire de passer en entrevue, en consultation un étudiant, la commission scolaire n'a droit qu'aux conclusions, aux résultats, c'est-à-dire l'évaluation:

Cet enfant a une déficience légère, cet enfant a une déficience lourde, etc. Mais elle n'a pas le droit au contenu de la consultation, à tous ces aspects-là, puisque ça fait partie du secret professionnel qui appartient à l'individu et non pas à l'institution.

M. Bourdon: Oui, mais j'ai déjà plaidé en arbitrage, quand j'étais syndicaliste, et le médecin est venu témoigner contre la personne qui avait été congédiée. Je ne l'ai pas inventé; je ne dis pas une fausseté. J'ai déjà tenté de référer des employés d'entreprise en difficulté à des médecins qui me disaient: Écoutez, je veux que ça soit clair que c'est l'employé qui retient mes services et non l'employeur, parce que, si c'est l'employeur, je ne suis pas tenu au secret professionnel et je peux être appelé à témoigner contro le patient Alors, à cet égard-là, c'est do pratique courante, en relations de travail, que le secret professionnel ne s'applique pas, dans ces cas-là, à ce point que les syndicats préviennent les employés que le médecin qu'ils voient n'est pas tenu au secret professionnel et peut être appelé en plus à témoigner contre la personne.

À cet égard-là, je n'entreprendrai pas, parce que ce n'est pas dans le mandat de la commission, de parler des médecins qui n'ont jamais soigné personne de leur vie parce qu'ils sont là uniquement comme experts pour juger si une personne est apte au travail ou bien si une personne a vraiment subi un accident de travail.

Ce que je tiens à dire là-dessus, c'est que la règle du secret professionnel comporte un certain nombre d'exceptions et, à cet égard-là, je pense qu'il y a là un problème sérieux, réel. J'ai tendance à être d'accord avec le ministre quand il dit que la loi doit couvrir les 240 000 professionnels, parce que les corporations professionnelles sont les seuls groupes organisés de notre société où, quand on a à se plaindre d'un membre, on s'adresse à l'organisme auquel il cotise pour juger de cette personne-là. C'est très évident qu'il faudra que la Commission d'accès à l'information puisse intervenir parce que, sinon, le syndic y est, d'une certaine façon, à la fois juge et partie. (10 h 40)

Maintenant, j'ai une question à vous poser. Est-ce que vous êtes préoccupé de l'accès très facile que les entreprises d'assurances, entre autres, ont aux dossiers médicaux des personnes qui demandent à souscrire une assurance, la base étant, bien sûr, que la personne qui requiert de souscrire une assurance signe un document autorisant l'assureur éventuel à consulter son dossier médical? Mais on a eu ici des courtiers d'assurances qui nous ont fait état d'une organisation nord-américaine qui garde longtemps les dossiers médicaux en question. Est-ce que c'est un sujet qui vous a déjà préoccupé?

M. Frechette: Bon. Vous me permettrez, M. le Président, qu'on aborde plusieurs des points que le membre de la commission a abordés. D'abord, si on veut parler du système disciplinaire, je pense qu'il est faux de prétendre que la limite du consommateur de services professionnels est au niveau du syndic. Il peut toujours faire appel à un tribunal des professions qui n'est pas composé de membres de la corporation. Il y a d'autres recours qui sont considérés à la Commission, et le Conseil a déposé un mémoire où on parlait d'autres mécanismes pour assouplir le processus disciplinaire.

Vous comprendrez que c'est que les nombres de cas... Et, là, je voudrais toujours qu'on précise: Vous parlez de combien de cas qui ne sont pas satisfaits du système professionnel en ce qui a trait à la discipline? Je pense qu'on part d'un ou deux cas et on généralise à un système qui existe depuis des années et où il y a des millions d'actes. Je pense qu'il y a très peu de juridictions qui peuvent se vanter de la même efficacité de service.

Concernant la question, quand une personne poursuit ou prend des procédures, évidemment, le secret professionnel est levé. On l'a dit, dans notre mémoire, c'est que le secret appartient au consommateur de services professionnels. Si, par ces procédures, il libère le professionnel de son secret, évidemment, il ne peut pas revenir après et dire: Je voulais le secret professionnel. Maintenant, en ce qui a trait aux compagnies américaines ou étrangères qui conservent des... je n'ai aucune idée. Vous avez peut-être raison que ça existe. Je ne peux pas vous le...

M. Bourdon: Mais je voudrais ajouter que ça ne me rassure pas d'entendre quelqu'un de votre organisation dire qu'une personne qui a bénéficié des services d'un psychologue ne devrait pas avoir accès à son dossier parce qu'il n'est pas équipé pour évaluer ce que ça veut dire, son quotient intellectuel, entre autres. Je trouve ça un peu particulier. Je veux dire, la personne, si elle a passé un test, elle peut vivre sans doute avec le résultat de son test et, si elle ne veut pas de résultat de test, il n'y a rien comme de ne pas passer de test. Parce que, dans le fond, là, on parle du droit d'une personne de consulter son dossier.

Il me semble qu'il y a une contradiction. C'est que vous dites: Le secret professionnel lui appartient, et le professionnel est tenu au secret à l'endroit du bénéficiaire. Parfait, je suis presque ému. Mais vous dites que le dispensateur de services peut avoir des secrets pour le bénéficiaire. Là, c'est le secret à l'endroit du détenteur du secret, du bénéficiaire du secret. On ne le lui dira pas à lui. Alors, il me semble qu'il y a quelque chose de proprement absurde là-dedans. C'est tellement secret que je ne te le dirai pas, même à toi. Mais la personne, c'est son secret à elle, qu'elle a le droit de garder. Il me semble qu'il y a quelque chose d'insensé dans

ce que vous dites.

M. Gariépy: M. le Président, vous me permettrez de répondre à cette question-là en disant que, lundi prochain, la commission aura le loisir d'entendre la Corporation professionnelle des psychologues là-dessus, et ça nous fera plaisir d'apporter plus de précisions. Mais, pour le bénéfice de la commission, dès aujourd'hui, je dois dire que ce n'est pas un secret par rapport au bénéficiaire. C'est qu'il y a des choses...

Prenez, par exemple, un client qui... ça fait plusieurs consultations qu'il a avec son psychologue. Il y a un phénomène qu'on appelle le phénomène de transfert, où la personne est en colère transférentielle à l'égard de son thérapeute. C'est une étape normale dans une consultation psychologique. Alors, qu'est-ce qu'elle... Elle est en colère. Alors, elle dit: Je veux avoir accès à mon dossier. Mais, si, dans le dossier, c'est marqué... peut-être des éléments de maniaco-dépressif ou etc., s'il y a des éléments que la personne se trouve à avoir puis qu'elle n'est pas en état de recevoir ce genre d'informations là, surtout dans la présentation technique où c'est placé, bien, il risque d'y avoir une crise de plus en plus grande pour la personne et son équilibre personnel.

Mais ce que je vous disais sur le plan technique, c'était surtout à l'égard des tests. C'est qu'un test, sans le protocole, ne vaut rien; 100 de quotient intellectuel, ça ne veut rien dire. Ca peut être plus haut que quelqu'un qui a 125. Ça dépend de l'écart type, ça dépend du protocole de test qui est appliqué. Alors, si on donne à la personne sa fiche de test disant: Tu as une donnée brute de 100 ou de 125, ça ne voudra rien dire et ça pourra lui causer préjudice si elle commence à bâtir une fausse perception autour deçà.

Je dois vous dire que ce règlement-là est un règlement adopté et a force de loi en vertu du Code des professions. C'est le Conseil des ministres qui l'a adopté. C'est pour ça que, s'il y a des questionnements à l'égard de certaines réglementations, nous, on est prêt à les regarder et peut-être à les justifier ou à vous présenter des justifications très légitimes dans le cadre scientifique d'une relation professionnelle.

M. Bourdon: Mais comment pourriez-vous justifier que la Commission d'accès à l'information, en vertu de la loi actuelle, puisse obliger n'importe quel des 60 000 fonctionnaires de l'État québécois à révéler à un citoyen ce qu'on possède à son sujet, puis la Commission le fait tous les jours, et on dirait qu'on ne peut pas recourir à la même Commission pour avoir accès à son dossier? C'est 240 000 professionnels.

Dans le fond, je suis assez d'accord avec le ministre. Si le citoyen a deux recours, tant mieux. Il prendra celui qui apparaîtra le plus efficace. Là-dessus, je pourrais même jouer une cassette qui est à la mode sur les bienfaits de la concurrence, mais comment expliquer que la Commission pourrait obliger n'importe qui des 60 000 fonctionnaires à révéler à un citoyen ce qu'on a à son sujet et que la même Commission ne pourrait pas intervenir pour qu'une personne ait accès à son dossier médical?

Puis je vous repose la question: Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe flagrant de dire que le bénéficiaire du secret est tenu dans le secret de son propre dossier? Comment ça peut s'expliquer?

M. Gariépy: II n'est pas tenu dans le secret de son propre dossier. Il y a des éléments du dossier, comme je vous dis, dans le cas des psychologues, c'est les fiches psychométriques et les protocoles de tests, qui ne peuvent pas être transmis en soi. C'est des éléments. On ne parle pas du tout de dossier. Il ne faut pas en soi généraliser, à cet égard-là.

M. Frechette: Je pense que, dans notre mémoire, ici, on parle d'exceptions. Le principe de base, c'est que le client ou le consommateur de services professionnels a accès à son dossier. C'est son dossier. Ce qui est illustré, et comme il est expliqué, c'est que la Corporation professionnelle des psychologues pourrait aller plus loin dans le cas précis, qu'il isole, lors de sa comparution. Je pense qu'il y a une ouverture aussi qui doit être faite avec la Commission d'accès pour harmoniser les législations professionnelles. Ce ne sera pas de faire une contestation judiciaire sur le dos d'un consommateur, à un moment donné, à savoir laquelle des législations va prévaloir.

Je pense que ce qu'on propose, c'est une harmonisation, en ce qui a trait à l'accessibilité au dossier, avec la Commission et le système professionnel.

M. Sauvé, voulez-vous...

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Sauvé.

M. Sauvé: Peut-être aussi... Oui, Marc Sauvé. Au deuxième alinéa de 86, quand, effectivement, on dit: Bon, toutefois, «elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des renseignements personnels ou l'accès», mais le seul fait d'être obligé de mentionner ça à la loi, c'est qu'implicitement on reconnaît qu'il pourra y avoir des débats, à savoir laquelle des règles est plus avantageuse. Est-ce que c'est celle-là ou est-ce que c'est l'autre? Ce n'est peut-être pas la meilleure voie à suivre, et on vous signalait quand même notre inquiétude de voir des quiproquos et des débats, à cet égard-là.

C'est un point qui a été soulevé par plu sieurs observateurs dans le domaine.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député M. Bourdon: Pas d'autres questions.

Le Président (M. Doyon): Pas d'autres questions? À moins que M. le ministre ait quelques questions supplémentaires?

Alors, je voudrais vous remercier. Vous avez pu voir, par la discussion, qu'il y a plusieurs points très intéressants qui ont été soulevés. Je suis certain qu'il en sera tenu compte eh temps et lieu. (10 h 50)

II me reste maintenant à vous remercier d'être venus nous rencontrer et nous faire part du point de vue des corporations en ce qui concerne ce projet de loi. Alors, merci beaucoup, et vous pouvez maintenant vous retirer

M. Frechette: Merci.

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! Le temps est maintenant venu d'entendre les représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et de l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal. Je les invite à s'avancer à la table des invités, à y prendre place.

Je vous souhaite donc la bienvenue, vous indiquant que les règles qui ont été énoncées tout à l'heure vont s'appliquer en ce qui vous concerne: présentation de votre mémoire pour une vingtaine de minutes, ou d'un résumé de ce mémoire, suivi de discussions avec les parlementaires pour le restant du temps, divisé en parts égales entre les membres du côté ministériel et ceux de l'Opposition.

Si vous voulez bien, en commençant, vous identifier de façon à ce qu'au Journal des débats on ait votre nom quand vous aurez à intervenir.

Donc, bienvenue! Vous avez la parole.

Fédération nationale des associations de

consommateurs du Québec (FNACQ) et

Association coopérative d'économie familiale

du Centre de Montréal (ACEF-Centre)

Mme Daiio (Francesca): Bonjour, M. le ministre. Mmes, MM. les députés, membres de la commission. Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte, aujourd'hui, de vous exprimer notre point de vue et nos attentes face au projet de loi 68.

Nous avons présenté un mémoire conjoint. L'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal, l'ACEF-Centre, et la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, la FNACQ, sont deux organismes de protection des consommateurs qui sont préoccupés, depuis plusieurs années, par la protection de la vie privée, de la collecte et de l'utilisation des renseignements personnels.

Nous sommes intervenus, lors de la précédente commission parlementaire, à l'automne 1991, et nous sommes aussi très impliqués dans le débat sur l'affichage et le mémorisateur offerts par les compagnies de téléphone. Depuis plusieurs années, nous rencontrons des problèmes et des plaintes que les consommateurs nous formulent sur la question des renseignements personnels. Et je vais laisser Mme Rozon vous en parler.

Mme Rozon (Louise): Je suis Louise Rozon, directrice de l'ACEF-Centre. Afin d'illustrer aux membres de la commission l'importance pour le gouvernement d'adopter une loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, nous allons vous faire part de quelques faits percutants.

Dans le cadre d'une enquête, à l'automne 1991, l'ACEF-Centre est devenue membre d'Équi-fax. On a ainsi constaté que n'importe qui peut obtenir des renseignements confidentiels en payant les frais d'inscription de 60 $ qui étaient exigés par Équifax et qu'aucun contrôle n'est exercé sur le «membership» de cette entreprise. Tout ce que nous avons déclaré à Équifax pour devenir membre, c'est que l'ACEF-Centre avait besoin de faire des enquêtes sur des commerçants et des consommateurs, et la préposée avec qui nous avons fait affaire ne nous a même pas demandé aucune précision par rapport à ces informations. Alors, chez Équifax, on a tout simplement jugé, sur la foi de ces affirmations, qu'il s'agissait d'un besoin évident de connaître la situation financière du consommateur. Et, même à Équifax, on ne savait pas non plus ce qu'était l'ACEF-Centre et on nous a classée dans la catégorie «coopératives d'habitation».

Notre «membership» à Équifax nous a donc donné la possibilité d'avoir accès à la fiche de crédit des 3 000 000 de consommateurs et de consommatrices fichés. Il nous aurait donc été possible de connaître le dossier de crédit et l'expérience bancaire de tous les membres de la présente commission. Un coup de téléphone à Équifax, en transmettant le nom et l'adresse de la personne, et, 5 minutes plus tard, on obtenait par télécopieur son dossier de crédit et, 24 heures plus tard, on obtenait son expérience bancaire.

Ainsi, les informations suivantes nous étaient transmises: les numéros de comptes, les soldes bancaires, le nombre et l'année des chèques sans fonds, le nombre et le montant des prêts personnels contractés, toute information relative à l'utilisation des cartes de crédit, à une faillite, au dépôt volontaire, à tout jugement, poursuite, saisie, les nombres de mois en retard, la cote, évidemment, de crédit qui est accordée au client, son numéro d'assurance sociale, sa date de naissance, son état civil, son emploi actuel et précédent. Toutes ces informations pouvaient nous être transmises sans le consentement de la personne et sans qu'elle le sache. Et, en aucun temps, Équifax ne nous demandait les raisons pour lesquelles on désirait obtenir ces informations.

Les institutions financières, en transmettant l'expérience bancaire d'un client, se fient exclusivement à la bonne foi d'Équifax et Équifax, en transmettant les informations aux entreprises membres, se fie exclusivement à leur bonne foi. On ne fait aucune vérification quant à la pertinence pour l'entreprise de connaître la situation financière du consommateur ni si elle a obtenu son consentement. Seul le consommateur, en consultant son dossier de crédit, peut se rendre compte qu'on a effectivement demandé des informations sur son compte sans qu'il ait donné son autorisation et sans qu'il ait même fait affaire avec l'entreprise.

Nous avons donc reçu quelques plaintes à ce sujet-là. M. Beauregard a constaté que trois entreprises avec lesquelles il n'a jamais fait affaire avaient consulté son dossier de crédit. Après avoir demandé des explications à Équifax, on lui explique tout simplement qu'on n'a pas à lui fournir de preuve à l'effet qu'il aurait ou non donné son consentement à ces entreprises. À chaque fois que M. Beauregard doit faire une demande pour obtenir un prêt, on lui demande des explications sur les raisons pour lesquelles ces entreprises-là ont eu accès à son dossier de crédit. Il ne sait pas quoi répondre parce qu'il ne le sait pas lui-même.

Par ailleurs, ce même M. Beauregard a constaté que J.-A. Massé avait transmis de fausses informations dans son dossier de crédit. Alors, il a demandé que ces informations soient corrigées. Ni J.-A. Massé, ni Équifax n'ont voulu apporter les correctifs nécessaires. Et son dossier est présentement entre les mains d'un avocat.

D'autres consommateurs se sont également plaints du manque total de contrôle qu'ils ont sur le contenu de leur dossier de crédit et des conséquences importantes qui peuvent en découler. M. Aubry, par exemple, après s'être fait refuser un prêt, a consulté son dossier de crédit. Il constate qu'une seule information y est indiquée et concerne un jugement qui a été rendu en 1988 pour une dette de 240 $, dette qu'il a, par ailleurs, remboursé au complet. Preuve à l'appui, M. Aubry a demandé à Équifax d'inscrire dans son dossier des informations relatives à un prêt de 13 000 $ qu'il avait contracté, remboursé au complet et sans aucun retard, ainsi qu'à un autre prêt de 3000 $ également remboursé sans retard. Équifax a refusé d'ajouter ces informations dans son dossier de crédit qui auraient permis, par ailleurs, à M. Aubry d'obtenir une meilleure cote de crédit. En conséquence, pour obtenir son prêt, M. Aubry a dû faire appel à un des membres de sa famille pour qu'il soit endossé.

M. Cloutier, pour sa part, a contesté devant les tribunaux un montant de 300 $ qui était réclamé par Esso. M. Cloutier a perdu sa cause et payé la somme qui était due à Esso. À cause de cette seule mésaventure, son dossier de crédit indique une cote 9, soit la plus mauvaise cote.

Compte tenu des circonstances entourant le dossier de M. Cloutier, Esso a demandé à Équifax de retirer complètement la cote du dossier de M. Cloutier. Équifax a refusé. Une fois que les informations sont transmises, l'entreprise ne peut pas décider de les retirer. Pourtant, M. Cloutier s'est ramassé devant les tribunaux, non pas parce qu'il n'était pas capable de payer les 300 $ qui étaient dus à Esso, mais parce qu'il croyait de bonne foi ne pas devoir cette somme là. Tout ce que M. Cloutier peut faire, c'est apporter un commentaire dans son dossier de crédit, mais l'expérience démontre que les créanciers accordent beaucoup plus d'importance à la cote de crédit qu'aux commentaires qui sont formulés par les consommateurs.

Un autre consommateur, M. Langlais, s'est fait refuser, lui, un prêt à la Banque Royale. Dans son dossier, il est précisé qu'il avait une dette de 224 $ envers une compagnie d'assurances. Encore la même chose, la compagnie d'assurances a demandé de retirer cette information-là dans son dossier de crédit parce qu'elle jugeait, compte tenu des circonstances, que ça ne valait pas la peine que ça pénalise autant M. Langlais. Équifax a aussi refusé d'enlever ces informations.

Tous ces consommateurs et un nombre important de citoyens considèrent qu'est inacceptable le fait qu'ils n'ont aucun contrôle sur les informations qui circulent à leur sujet. M peut s'agir d'information sur les dossiers de crédit, mais il peut s'agir aussi d'autres informations qui circulent sur les gens. On a aussi reçu des plaintes concernant le «télédémarchage», des gens qui sont tannés de se faire harceler par des compagnies qui communiquent avec eux par téléphone. (11 heures)

Donc, il est grandement temps que l'équilibre entre les droits de chacune des parties soit rétabli, et seule une législation permettra de rétablir cet équilibre. C'est donc avec intérêt que nous avons étudié et formulé diverses recommandations sur le projet de loi qui est présentement à l'étude.

Je vais maintenant laisser Francesca Dalio vous parler plus précisément de nos recommandations. Merci.

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Dalio.

Mme Dalio: Merci. Comme vous venez de l'entendre, il y a des problèmes et des pratiques qui auraient avantage à être beaucoup mieux contrôlés. Le droit à la vie privée est indissociable de la liberté et de la dignité. Mais, pour bien faire respecter ce droit, nous avons besoin d'une loi claire et particulière, comme l'ont fait, d'ailleurs, la plupart des pays industrialisés.

La quantité d'informations et les nombreuses façons dont on utilise les renseignements personnels augmentent rapidement. Les nouvelles

technologies ne connaissent pas de frontières, et nous sommes tentés de parler d'une vie privée sans protection plutôt que de protection de la vie privée. Les consommateurs perdent confiance dans les entreprises qui détiennent des renseignements sur eux. D'ailleurs, un sondage qui a été mené récemment pour le compte d'Équifax Canada démontre que les trois quarts de la population québécoise ont beaucoup d'inquiétude eu égard à la protection de la vie privée. Les consommateurs doutent aussi de l'exactitude des renseignements qui circulent sur eux et de l'usage qui est fait de ces renseignements. Ils estiment avoir perdu le contrôle sur la circulation des informations.

Il importe donc d'avoir une intervention bien structurée au plan législatif. Il faut établir rapidement des règles précises pour régir des pratiques liées à la collecte et à l'utilisation des renseignements personnels dans le secteur privé. La plupart de nos partenaires commerciaux l'ont fait sans provoquer de crise grave ou de faillite dès entreprises.

Nous avons fait une étude exhaustive du projet de loi, article par article, en nous référant à d'autres lois en vigueur dans le reste du Canada et dans d'autres pays industrialisés. Mais, pour les besoins de cette présentation, nous nous en tiendrons à l'énoncé des grands principes qui doivent sous-tendre cette loi.

Tout d'abord, la transparence du processus de collecte et d'utilisation des renseignements personnels. Le consommateur doit savoir qu'on recueille des renseignements, qui les recueille et pourquoi, et qui les détient. La loi doit aussi assurer que les renseignements recueillis sont indispensables et qu'ils servent uniquement à des fins précises et préétablies, que ces renseignements sont recueillis à des fins et par des moyens légaux et loyaux. L'intervention législative doit aussi donner l'assurance que le consommateur conserve un contrôle sur les informations qui le concernent, sur leur conservation, et l'assurance que ces informations sont détruites lorsqu'elles ne sont plus indispensables à un dossier.

Nous constatons, par ailleurs, que les recours mis à la disposition des consommateurs sont minimes, tout comme les sanctions imposées aux entreprises. Selon nous, la loi doit diversifier les recours qui sont accordés en s'inspirant notamment de la Loi sur la protection des consommateurs. On doit permettre aux consommateurs, aux citoyens, de supprimer ou d'ajouter des renseignements au dossier, selon la pertinence. On doit aussi prévoir des augmentations substantielles du montant des amendes auxquelles s'exposeront les contrevenants.

En lisant le projet de loi, on s'étonne que les agents de renseignements personnels obtiennent si facilement des autorisations pour exercer leurs activités. Aucun droit payable, aucun contrôle quant à leur compétence et quant à leur capacité d'administrer leur entreprise. Nous pensons que la loi doit assurer un encadrement cohérent des pratiques des agents de renseignements personnels. Cette loi doit s'harmoniser avec ce qui se passe dans les autres provinces et avec le droit fédéral aux États-Unis. On s'étonne, d'autre part, que le législateur n'ait rien prévu sur les informations qui circulent hors Québec; et, pourtant, il y en a de plus en plus. On pourrait songer à en contrôler l'exportation, ou du moins à assurer que le consommateur ait un droit de recours à l'endroit des détenteurs des renseignements qui ont été exportés.

Nous glissons un bref commentaire sur la Commission d'accès à l'information. Il nous semble important d'assurer une séparation entre le rôle de tribunal de la Commission d'accès à l'information et son rôle d'information et de conseil, qu'elle pourrait être appelée à jouer auprès des entreprises et qui risquerait de mettre la Commission ou les commissaires en conflit d'intérêts.

Au Québec, nous réclamons depuis plusieurs années une intervention bien structurée au plan législatif. Nous avons accueilli le dépôt du projet de loi avec beaucoup d'espoir, mais nous devons constater que ce projet souffre de lacunes importantes qui font en sorte qu'il pourrait bien n'avoir aucun impact sur les pratiques des entreprises. Nous considérons que le projet, dans cette première ébauche, n'est pas tout à fait à la hauteur des principes qu'il défend ni à la hauteur de nos attentes en matière de protection de la vie privée des consommateurs.

Nous devons souligner qu'à plusieurs reprises la formulation des exceptions, qui sont, par ailleurs, destinées à assurer une souplesse dans la mise en oeuvre du projet, vient vider le texte de toute sa substance. On parle d'objet de dossier et de dossier, de pertinence des renseignements, de renseignements normalement recueillis. Tous ces concepts-là sont laissés entièrement entre les mains des entreprises qui auront à en déterminer le contenu.

Nous croyons à la nécessité et à l'urgence d'adopter une loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé. Notre première recommandation va dans ce sens. Et, dans le but que cette loi soit claire, moderne et adaptée à l'ensemble des besoins, nous formulons aussi 70 autres recommandations inspirées par la volonté de contribuer à l'amélioration du projet afin qu'il ait un impact réel sur les droits des citoyens et des consommateurs. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Dalio, merci, Mme Rozon.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Mme Rozon, Mme Dalio, M. St-Amant, ça me fait plaisir de vous retrouver à la commission. Il me semble que c'est presque hier qu'on

s'est vus à l'occasion de la commission parlementaire du mois de novembre 1991, et où vous nous avez fait part, Mme Rozon, je pense, d'un certain nombre de cas, comme vous venez de le faire, et je pense que c'est très important qu'on puisse bien camper ces choses-là dès le départ.

Vous savez, en faisant la lecture des mémoires qui sont déposés devant les membres de la commission, tantôt on trouve dos mémoires qui indiquent que nous sommes trop sévères avec la loi 68 et tantôt nous trouvons des mémoires qui indiquent que nous sommes trop «laxes» et qu'il y a effectivement des lacunes, etc. Mais je pense que tous conviennent - et dans une bonne majorité, je dirais - qu'il faut qu'il y ait une intervention législative. Et je retiens essentiellement de vos propos ce matin que, oui, il y a une nécessité d'avoir une loi qui protège les renseignements personnels dans le secteur privé.

J'ai écouté attentivement, et j'ai lu les principales recommandations. Ça pose deux principes, ou enfin ça pose quelques questions au niveau des principes. L'approche, il y en a une, approche, qui est celle du consentement, de la restriction du consentement. C'est-à-dire qu'on consent à faire quoi avec l'information? Et vous avez une approche qui est celle de dire: On doit restreindre possiblement la collecte. C'est une avenue qui m'apparaît extrêmement intéressante, cette avenue-là. Je peux m'engager immédiatement pour vous dire que, oui, on va l'analyser très attentivement, particulièrement au niveau de l'article 7 du projet de loi.

Pour ce qui est de la question des informations transfrontières, là, encore une fois, il y a, comme je l'ai mentionné hier, la question du consentement, donc, à l'entrée, mais il y aurait peut-être aussi lieu de resserrer - et j'ai l'intention de le faire aussi - la loi particulièrement au chapitre des entreprises qui, comme vous dites, exportent ces renseignements à l'extérieur, soit pour s'assurer qu'il y ait des engagements de réciprocité, comme on peut en retrouver dans certains pays européens, ou soit carrément pour retrouver un mécanisme qui obligerait les entreprises à ne pas faire en sorte qu'il existe une passoire ou un mécanisme qui aille à côté de l'objectif premier du projet de loi.

Ce qui me conduit un peu à la question que je voudrais vous poser: Je sais que vous avez mentionné un certain nombre de points, mais pourriez-vous énumérer les points forts du projet de loi, parce que je présume qu'il y en a une couple? M. St-Amant.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 10)

M. St-Amant (Jacques): Comment aviez-vous deviné que je ne pouvais résister au plaisir de vous répondre, M. le ministre? Effectivement, il y a un ensemble de principes fondamentaux qui se retrouvent dans notre projet de loi au ni veau... En, fait, au niveau des principes qui s'incarnent dans ce projet de loi, on n'a pas de problème majeur, sinon à l'égard de deux questions très précises: le traitement des agents de renseignements personnels et le traitement en matière de «télédémarchage», où l'évolution récente des politiques de l'Association canadienne du marketing direct fait en sorte que le texte du projet de loi est peut-être un petit peu en retard sur ce que semblent être maintenant les politiques de l'industrie.

Je pense que les principes généraux du projet de loi en termes de transparence, en termes de collecte des renseignements, en termes de contrôle accordé aux citoyens par l'entremise également des dispositions du Code civil, tout ça est le reflet du consensus qui s'établit de plus en plus dans la communauté internationale. Il est important qu'il y ait des balises là, et elles sont, au niveau des principes, bien situées.

Là où nous avons des appréhensions - et je pense que le mémoire a tenté de faire cette nuance-là - c'est au niveau technique, c'est au niveau de la rédaction, c'est au niveau des exceptions aménagées pour assurer une souplesse qui est aussi nécessaire. Au niveau des principes, des points forts du projet, on n'a pas de difficultés majeures là, au départ.

M. Cannon: O.K. Peut-être une question. Tout à l'heure, Mme Dalio, vous vous êtes référée à la Commission d'accès à l'information. Comment verriez-vous l'aménagement du pouvoir de la Commission d'accès? Vous en avez parlé, là. Votre vision, c'est quoi? Comment vous verriez ça, la gestion de la Commission?

Mme Dalio: Ce qui est important, c'est d'assurer que le rôle de tribunal et le rôle d'agent d'information ne se trouvent pas au même pied d'égalité. Quand la Commission est appelée à se prononcer sur des systèmes que les entreprises vont mettre en place et que, par la suite, des consommateurs ou des citoyens se plaignent de ces systèmes-là, la Commission a déjà cautionné ces systèmes-là, a déjà donné son autorisation, alors ça la place vraiment dans une situation ambiguë.

M. Cannon: Alors, ce que vous me dites, c'est: Précisons davantage, essayons de cloisonner un peu ces rôles-là qui appartiennent à la Commission d'accès à l'information.

Mme Dalio: Évitez de donner deux bras séparés à la Commission. Et on a aussi une remarque, c'est qu'on lui donne beaucoup de tâches, à la Commission, et avec très peu de moyens, finalement. On ne va pas nécessairement augmenter le nombre de commissaires, on ne va pas nécessairement...

M. Cannon: Oui Lo nombre de commissaires

est augmenté, là.

M. St-Amant: Y a-t-il une disposition dans le projet de loi qui le précise?

M. Cannon: Non, mais je l'ai mentionné au début, là. Peut-être que vous ne l'avez pas, mais c'est là. C'est clair, on va augmenter le nombre de commissaires.

Mme Dalio: Mais c'est surtout de clarifier la position dans laquelle pourrait se situer la Commission. Éviter que la Commission ne se retrouve en conflit d'intérêts.

M. Cannon: II y a la fonction d'adjudication, il y a la fonction d'information et, bon, il y a, bien sûr, le volet de médiation aussi, là. C'est une expertise que la Commission d'accès à l'information joue de jour en jour, maintenant, pour alléger davantage les causes qui sont présentées devant ce tribunal administratif. Ça aussi, je pense que c'est un facteur important. O.K. Est-ce que vous avez d'autres commentaires à formuler, particulièrement sur ce sujet-là?

M. St-Amant: Je pense qu'il va falloir faire attention à la transposition. Il y a une différence entre le rôle de la Commission actuellement, qui est de régir, d'une part, le secteur public qui est relativement uniforme face à l'ensemble du public, et, d'autre part, régir des milliers d'entreprises. Face à l'ensemble du public, on ne pourra pas nécessairement faire aussi facilement des médiations, par exemple. Il y a là tout un ajustement qui peut ne pas être aussi facile qu'on le voudrait. Il va falloir faire extrêmement attention.

Je ne connais pas suffisamment l'évolution de l'application de la Charte des droits et libertés pour faire un parallèle vraiment précis, mais il me semble qu'on devrait regarder avec attention ce qui s'est passé. Il y a déjà plusieurs années que la Commission joue ce rôle de médiation, joue aussi, dans une certaine mesure, un rôle de tribunal. On a jugé bon de le scinder, de mettre ce rôle quasi judiciaire dans un tribunal distinct maintenant. Il y a peut-être là des indications qu'il faut faire attention à certains cumuls de fonctions parce qu'ils peuvent poser des difficultés importantes.

M. Cannon: Oui. C'est pour ça aussi qu'on a voulu parler d'une révision après cinq ans, pour voir l'évolution. C'est un peu comme l'évolution de tous les autres droits que nous avons. Dans quelle direction et comment on réussira à baliser? C'est sûr qu'il y a, bien sûr, des organismes qui vont s'y conformer peut-être plus que d'autres, alors il s'agit de voir ça. Mais, quant à moi, ce qui est important, c'est de corriger peut-être les abus comme ceux dont vous avez fait part plus tôt, dans l'exposé de votre groupe et de votre organisation. Alors, merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bon, je voudrais d'abord féliciter les deux organismes pour leur mémoire que je trouve remarquable; le résumé et le mémoire aussi, le principal. Je voudrais dire aussi que j'ai particulièrement apprécié ce matin la démonstration que vous nous avez faite à l'égard d'Équifax, avec des noms de personnes et des dossiers que vous avez traités, parce que, ça, ce sont des faits. Et je pense qu'il y a un problème très grave de divulgation par Équifax à peu près à tous venants, comme vous le dites, du détail du rapport de crédit. Et on sait qu'Équifax a un rôle plus grand aussi que le crédit: elle fait du recouvrement. Donc, je pense que c'est très probant, et c'est indispensable qu'on intervienne au plan législatif.

Je voudrais revenir sur un point, dans votre mémoire, qui m'apparaît capital. Vous parlez de la dichotomie qui peut exister entre l'article 35 du Code civil, le chapitre qui s'intitule «Du respect de la réputation et de la vie privée», à l'égard de l'article 1 du projet de loi 68. Et, pour les besoins de la cause et du Journal des débats, je vais lire en partie l'article 1 du projet de loi, qui dit, et je cite: «La présente loi à pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 41 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières». Et je ne lis pas le reste de la phrase, mais je pense qu'il est réel que, dans cet article-là, on ne répète pas, dans la loi d'application, la raison même d'exister des articles 35 à 41 du Code civil, dans le sens qu'on ne parle que de protection des renseignements personnels; et on qualifie comme ça les articles 35 à 41 du Code civil qui, eux-mêmes, sont explicites, et par le titre et par le premier article 35, où on dit que «toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée».

Donc, ce n'est pas juste les renseignements personnels - expression assez floue, finalement -qui sont protégés par le Code civil. Le droit qui est établi, c'est le droit au respect de la réputation et de la vie privée. La vie privée, c'est, par exemple, qu'il n'y a pas d'affaire à y avoir, chez Équifax ou ailleurs, un renseignement sur le dossier médical d'un individu. Quant à la réputation, c'est le droit d'une des personnes - que vous avez mentionné - d'au moins faire corriger par Esso ou par la compagnie d'assurances un renseignement faux qu'Équifax diffuse sciemment. Ça, c'est sa réputation comme emprunteur. (11 h 20)

Alors, à cet égard-là, j'aimerais ça vous entendre. Ne trouvez-vous pas qu'on devrait, dans l'article 1 de la loi, coller et répéter l'objet

même des articles 35 à 41 du Code civil? Et le titre est bien clair «Du respect de la réputation et de la vie privée».

M. St-Amant: La notion de vie privée, comme vous l'avez mentionné, c'est extrêmement large. Et le Code civil, tout comme l'article 5 de la Charte, vise à la protéger de façon générale. Le projet de loi que vous étudiez présentement aménage la protection de ce droit-là dans des domaines très précis. Et ce que nous notions, c'est qu'il serait peut-être important de préciser dans le projet, justement, que cette loi va régler la protection des renseignements personnels, qu'elle n'épuise pas l'ensemble de la protection de la vie privée. Et c'est une préoccupation qui nous est inspirée notamment par une décision de la Commission d'accès à l'information il y a quelques années, où on a dit - de façon assez étonnante, d'ailleurs - que la loi sur l'accès à l'information épuise le champ de la vie privée dans le domaine de la protection des renseignements personnels. Il s'agit de la décision de Communications Southam contre ville Saint-Laurent. il serait regrettable, je pense, qu'à cause du libellé actuel de l'article premier du projet on en arrive à une conclusion semblable, disant: Voici, le projet formule un certain nombre de droits, de possibilités pour les citoyens; ça épuise le droit à la vie privée dans ce domaine-là, et vous ne pouvez rien faire d'autre que ce qui est protégé par le projet de loi lui-même. Il ne faudrait pas que le projet de loi vienne, dans le fond, restreindre le caractère général des articles 35 et 36 du Code et de l'article 5 de la Charte.

Ce qui est essentiel ou utile de répéter, c'est de reprendre le texte du Code dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. En principe, le législateur ne parle pas pour ne rien dire, et on interprète les lois les unes par les autres. Le renvoi qu'on retrouve actuellement à l'article premier est peut-être suffisant, mais il faudrait du moins s'assurer que cette disposition-là n'a pas pour effet de venir réduire, dans le fond, la protection générale du droit à la vie privée. C'est au moins ça qui nous paraît fondamental.

M. Bourdon: Si je comprends bien, dans le fond, vous dites: On peut bien dire que l'objet de la loi, qui est une loi d'application, c'est de garantir les renseignements confidentiels par diverses mesures, mais, comme vous dites, ça n'épuise pas et ça ne limite pas la portée des articles 35 à 41 du Code civil. C'est l'ensemble de la réputation et de la vie privée et, comme vous dites... Je déplore comme vous que la commission ait dit que la loi d'accès actuelle épuise la question de la vie privée. Et là, au surplus, on a une disposition expresse du Code civil qui l'établit. Mais je pense que la distinc-lion quo vous faites onI fondamentale et no passe pas inaperçue chez les intervenants économiques majeurs dans ce dossier-là, parce que, dans le fond, si ça fait quatre ans qu'on attend la loi, c'est que ça fait quatre ans qu'il y a des groupes d'intérêts particuliers qui s'opposent avec succès à ce que les articles 35 à 41 du Code civil soient mis en vigueur et promulgués, parce qu'on craignait des décisions de tribunaux qui viendraient préciser le droit et qui viendraient l'appliquer.

Autrement dit, si on est pour adopter en bout de compte un projet de loi, il va falloir que ça aille dans le sens d'appliquer le Code civil, pas de limiter, ni de limiter, entre guillemets, les dégâts. Parce qu'on aurait pu promulguer il y a quatre ans. Et rien n'empêche le législateur de corriger une tendance jurisprudentielle s'il y en avait une néfaste qui s'était faite. Mais, depuis quatre ans, il n'y a rien qui ait pu s'appliquer, que les timides articles de la Loi sur la protection du consommateur sur le rapport de crédit, qui ne permettent même pas à une personne lésée de faire corriger.

Et, à cet égard-là, j'insiste aussi sur ce que vous avez dit tout à l'heure: la version de l'intéressé, ça fait juste aggraver son cas dans le rapport de crédit, parce que la personne qui lit ça dit: Ah! tiens, tiens, il essaye de s'en dépêtrer. Et, pourtant, vous mentionnez aussi des cas qui sont probants, où la compagnie d'essence Esso ou la compagnie d'assurances elle-même demandait de corriger une donnée qu'elle avait fournie. Et je ne sais pas si vous avez entendu Les Bureaux de crédit du Nord hier, mais ce qui était évident, c'est que leur approche n'est pas du tout la même que celle d'Équifax, parce que eux autres reçoivent régulièrement des institutions bancaires et des caisses populaires, entre autres, des données concernant les personnes fichées et, quand ça comporte une correction, ils la font d'emblée, la correction. Pour eux autres, ils se voient plus comme un service et des dépositaires de renseignements que des exécuteurs des oeuvres d'entreprises, d'une certaine façon.

Mais j'ajouterais que, même si ça va de soi, moi, j'aurais tendance - mais, là, c'est peut-être un réflexe de négociateur de conventions collectives qui me remonte - à répéter les termes du Code civil. Parce que, ce que je sais d'expérience, c'est qu'il faut, autant que possible, qu'un juge qui aurait envie de se tromper ne reçoive pas, dans le texte, de prétexte pour se tromper. Et il n'y a rien comme être clair. Mais, dans le fond, ce que vous dites, je le partage entièrement. Il n'est pas question que la loi limite la portée du Code civil. Elle vient juste, la loi, lui apporter - comment je dirais - une application pratique sur des objets par nature restreints.

Et ça m'amène à ma question Je m'excuse de la longueur du préambule. Ne trouvez-vous pas que, dans la loi, une des lacunes majeures, cost quo, flans le fond, il n'y a pas de véritable

encadrement pour tous les agents de renseignements, quels qu'ils soient, et que les seules timides obligations sont à l'endroit des bureaux de crédit? Et est-ce que vous partagez l'opinion d'une intervenante qui disait hier que, comme Équifax est à la fois une agence de renseignements, une agence de recouvrement et un bureau de crédit, ce que le statut de bureau de crédit ne permettrait pas de faire, cette entreprise-là, ou d'autres, pourrait le faire à d'autres titres? Est-ce que vous croyez comme moi qu'il faut clairement, dans la loi, établir que ça s'applique à tous les agents de renseignements, quels qu'ils soient?

M. St-Amant: Comme nous l'avons mentionné un petit peu plus tôt, malheureusement, une des principales déceptions que nous avons éprouvées à la lecture du projet de loi fut la section concernant les agences de renseignements personnels. Ce fut une déception cruelle. Il faut se souvenir que le sondage mené par Équifax l'automne dernier indique notamment qu'un nombre croissant de citoyens s'inquiètent de la qualité des renseignements qui sont transmis, fournis, utilisés par des agences de renseignements personnels. Il y a une inquiétude réelle. On a illustré tantôt un certain nombre de cas problématiques.

Il paraît étonnant que le Québec veuille, si on s'en tient au texte actuel, adopter un régime qui ferait en sorte que les entreprises québécoises dans ce domaine-là seraient en retard de 20 ans sur ce qui se fait aux États-Unis et de 5, 10 ou 15 ans sur ce qui se fait dans les autres provinces. Aux États-Unis, on a adopté le «Fair Credit Reporting Act» en 1974, si j'ai bonne mémoire. Il y a une série de lois provinciales qui existent depuis les années soixante-dix. C'est un petit peu regrettable d'avoir à le dire, mais, si le projet de loi était adopté dans son état actuel, les consommateurs de l'île-du-Prince-Édouard seraient nettement mieux protégés que ceux du Québec à l'égard du traitement des renseignements par les agences de renseignements personnels. Il y a là...

M. Bourdon: C'est l'avantage d'avoir Charlottetown comme capitale.

M. St-Amant: Bien sûr. Je m'en voudrais qu'on interprète tout commentaire que je fais comme de la médisance à l'égard d'une autre ville que Québec.

Oui, je pense qu'il est essentiel, pour toutes sortes de raisons, qu'on demande aux agences de renseignements personnels qu'il y a au Québec de se plier aux mêmes règles que celles qui s'appliquent à cette industrie-là partout en Amérique du Nord. Il n'y a pas de raison que les services d'Équifax au Québec soient astreints à des obligations moindres que les services d'Équifax en Ontario ou aux États-Unis. On se retrou- verait dans la situation très, très paradoxale où, s'il y avait des renseignements personnels qui nous concernent et qui seraient détenus par un organisme québécois, d'une part, et par un organisme dont le siège social est en Ontario, d'autre part, les renseignements qui me concernent seraient mieux protégés en vertu des lois ontariennes et à l'égard d'une compagnie qui est hors du Québec. Il y a là une anomalie considérable.

Et, si, en 1974, aux États-Unis, entre autres, on a décidé d'intervenir, c'est que la crédibilité des agences de renseignements personnels commençait à descendre en chute libre. Les consommateurs commençaient à être sérieusement ennuyés par les pratiques. On est venu encadrer la chose. On est venu dire: Bon! C'est un mal nécessaire que ces organismes, que ces agences. On va baliser. On va fixer exactement comment ça fonctionne en donnant une série de droits et d'obligations à ces agences, qui sont nettement plus sévères et restrictifs que ce qu'on retrouve actuellement dans le projet de loi, même si on prend l'ensemble du projet de loi, c'est-à-dire non seulement la section sur la protection des renseignements personnels.

Si on veut parler de globalisation des marchés, si on veut que les entreprises canadiennes soient vraiment compétitives, puisque c'est le discours qu'on nous sert, qu'elles le soient aussi au niveau de leurs méthodes de gestion, et notamment dans ce domaine-là. (11 h 30)

M. Bourdon: Quand on parle des modalités, je suis frappé par celle qui est prévue par le projet de loi, que des dizaines de millions de lettres seraient envoyées aux Québécois pour leur dire qu'on a un rapport à leur sujet, mais sans leur donner le contenu du rapport. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on prévoie plutôt, dans le projet de loi, que les utilisateurs - c'est à double sens - qui ont ces rapports les donnent aux personnes concernées et, d'autre part, qu'on trouve un moyen que le droit à la correction, d'une part, soit inscrit, que la correction s'applique à toutes les agences qui détiennent des renseignements personnels sur la personne et qu'on passe par les utilisateurs pour recevoir les plaintes des citoyens? Parce que, là, perdre une demi-journée pour aller chez Équifax à ville d'Anjou, quand on est un résident de l'île de Montréal... On a plus de chances d'être en contact avec sa caisse populaire qu'avec Équifax.

Et les bureaux de crédit font observer, avec raison, qu'ils n'ont pas pour fonction de traiter directement avec les consommateurs, mais avec des utilisateurs. Et, parmi les utilisateurs, il y a le Mouvement Desjardins, qui a 1300 points de service dans tout le Québec. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette idée-là? Parce que, moi, je trouve que la loi actuelle est très jacobine, et c'est quasiment un strip-tease que l'État organise. On écrit à la personne et on dit:

On a des renseignements sur toi; si tu veux les avoir, il va falloir que tu les demandes. Ce serait peut-être plus simple...

M. Cannon: C'est un télégramme chantant, Michel. Ha, ha, ha!

M. Bourdon: C'est ça. Ha, ha, ha! Mais ça serait plus simple, il me semble, que la personne qui va à sa caisse populaire ou qui reçoit une lettre de son institution financière, que le fameux rapport en question on lui donne.

Mais, après ça, il y a un autre problème, c'est qu'il y a peut-être 30 agences, ou 50, ou 75 agences. Une personne ne peut pas se transformer à plein temps en correcteur de données, parce que le citoyen, lui, il ignore même où l'institution qui lui fait crédit ou qui lui vend un service prend ses renseignements. Il me semble que la correction devrait être faite partout; et, par informatique, je pense que, par hypothèse, c'est faisable. Alors, dans le fond, j'aimerais savoir: Est-ce que vous pensez que c'est une piste qui vaudrait la peine d'être regardée?

M. St-Amant: L'article 103 du projet, tel qu'il est présentement rédigé - bon, d'une part, il est curieusement placé, mais passons - s'inspire d'une préoccupation didactique qui est tout à fait louable et que nous partageons. Il va aussi avoir une contribution très nette sur le budget annuel de la Société canadienne des postes. Mais, compte tenu du nombre d'erreurs qu'il y a dans les dossiers des agents de crédit, il n'est pas nécessairement évident que, de toute façon, tous les consommateurs vont recevoir un dossier à la bonne adresse.

Effectivement, il serait sans doute beaucoup plus intéressant de penser à un processus semblable à ce que vous évoquez, où c'est au moment de l'utilisation de renseignements que la personne qui est le mieux placée pour le faire les communique au citoyen. Parce que, si un citoyen reçoit demain matin une enveloppe d'Équifax qui lui dit: Vous avez un dossier de crédit chez nous, bon, j'ai un dossier de crédit, ça risque fort de se retrouver à la poubelle. Si, par contre, une banque ou une caisse populaire dit à un citoyen: Vous avez un dossier de crédit chez Équifax, le voici, et nous en tenons compte pour étudier la demande de prêt que vous avez formulée hier, quelque chose me dit que le citoyen va être beaucoup plus préoccupé par le contenu de ce rapport-là, et l'impact qui est recherché par le législateur risque nettement plus d'être atteint. Alors, en ce sens-là, je pense qu'effectivement il peut être fort intéressant de faire en sorte que ce soient les utilisateurs de renseignements qui en fassent connaître la teneur aux consommateurs.

Dans quelle mesure ces gens là peuvent s'échanger des renseignements, dans quelle mesure ils voudront le faire? Ça, c'est une question qu'il pourrait être intéressant de leur poser. Et il faudra voir jusqu'où le législateur veut aller en termes de contraintes à la circulation de renseignements personnels, encore là, avec les avantages et les inconvénients que ça peut comporter. Parce qu'on dit, dans l'hypothèse que vous formulez, par exemple, à Équifax: Vous devez transmettre les renseignements corrigés à tous les agents de renseignements personnels. Est-ce qu'il faut le consentement du citoyen au départ? Bon, il y a une série d'aménagements qu'il faudrait évaluer, là, et voir dans quelle mesure c'est possible, aussi.

M. Bourdon: Bien, vous avez raison, et ce que j'ajoute, à cet égard-là, c'est que, à la rigueur, si la correction n'est pas faite ailleurs... Mais je pense que c'est un objectif qu'on devrait poursuivre. Pour le citoyen, ce qui compte, c'est l'utilisateur du renseignement avec qui il traite et avec qui il fait affaire, parce que, dans le fond, c'est celui-là qui peut jouer un rôle quant à son sort. Et je trouve très judicieuse votre observation. Si j'ai fait une demande de prêt à la Caisse populaire et qu'elle me donne un rapport en me disant que ce rapport de crédit va influencer sa réponse, qui contient une erreur manifeste, eh bien, je vais avoir intérêt à faire corriger l'erreur, parce que ce n'est pas théorique comme question. C'est bien pratico-pratique. Et je trouve que cela aurait l'avantage d'être plus large.

Les Bureaux de crédit du Nord, hier, avaient raison de dire qu'envoyer 300 000 lettres à 300 000 personnes... Et ils avaient l'honnêteté de dire la même chose que vous, qu'il y a bien des mauvaises adresses et que les utilisateurs ont des adresses plus à jour que les bureaux de crédit. Et c'est bien normal. À la caisse populaire, j'ai intérêt à changer mon adresse parce que je veux recevoir de la correspondance et tout. Et ce qu'ils disaient est assez vrai. C'est qu'ils pourraient mettre une annonce dans le journal disant: Toute personne qui, depuis 20 ans, a obtenu du crédit quelque part est fichée chez nous.

Pas besoin d'une lettre pour savoir ça. On pourrait convenir à la grandeur du Québec d'une annonce disant: Si vous avez déjà acheté à crédit, vous avez un dossier. Mais l'important, c'est qu'on puisse lire son dossier parce que c'est là qu'il peut y avoir une erreur. À la commission précédente - on commence à avoir une longue expérience de la question, ça fait cinq ans qu'on siège en commission pour parler de l'opportunité d'adopter une loi - j'avais mentionné mon cas personnel: un locateur de voitures, qui m'a dit que, dans mon rapport de crédit, il était indiqué que j'avais eu un jugement pour défaut de paiement, alors que c'était un litige avec mon propriétaire. J'avais perdu sur une somme astronomique de 120 $ à la Cour des petites créances

J'ai demandé correction, il a dit: Non, ils peuvent mettre votre version... Mais je n'étais pas un mauvais payeur. Je prétendais que je ne lui devais pas les 120 $ et, quand j'ai été condamné - parce qu'il avait amené son beau-frère se parjurer pour me faire perdre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Amant: Bon! Là, vous invoquez votre immunité parlementaire?

M. Bourdon: C'est ça. Je me suis tu...

Une voix: M. le Président, on n'a pas le droit de prêter des intentions.

M. Bourdon: Non, non, non.

Une voix: À son beau-frère, surtout!

Une voix: Surtout à son beau-frère.

M. Bourdon: Au beau-frère de mon ancien propriétaire.

Une voix: Moi, j'aimerais bien voir sa belle-soeur...

Une voix: On va convoquer le beau-frère. Une voix: Et la belle-soeur également.

M. Bourdon: J'ai payé le prix du parjure, 120 $, mais ce que je veux dire, c'est que ma version... Spontanément, je me disais: J'aggrave mon cas. Vous savez, ce n'est pas grave. Ce n'est pas un jugement parce que j'étais incapable de payer, c'est un litige et je prétendais que je ne lui devais pas. Alors, dans ce sens-là, moi, je pense que le premier brassage que cette loi devrait occasionner, c'est que l'ensemble des Québécois, dans l'année qui suit, prennent connaissance, entre autres, de leur rapport de crédit et puissent le corriger si besoin est.

Moi, j'affirme une chose, c'est qu'au plan du fonctionnement du système par lequel des entreprises accordent du crédit - parce qu'il y a un intérêt légitime à savoir si on prête à quelqu'un qui est solvable et qui est un bon payeur, ça, personne ne conteste ça - je pense que le système s'en trouverait amélioré parce que les corrections se feraient, y compris les corrections d'adresses, et on aurait des données plus fiables avec lesquelles travailler.

En tout cas, je trouve ça typiquement fonctionnaire, dans un premier temps, de dire: Vous avez acheté à crédit, donc vous avez un dossier de crédit. Aïe, ça va coûter peut-être 10 000 000 $ pour que les Québécois qui ont acheté à crédit apprennent qu'il y a un dossier de crédit. Moi, je trouve que l'important, c'est qu'on trouve des moyens efficaces pour que les gens aient leur dossier de crédit. Mais après, qu'il y ait un recours réel pour les corriger. Parce que les exemples que vous avez donnés... Même quand Esso ou la compagnie d'assurances...

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député.

M. Bourdon: ...dit de corriger, équifax refuse. je remercie de nouveau les gens de leur mémoire, parce que je n'aurai pas l'occasion de conclure.

Le Président (m. doyon): là, je ne voulais pas vous interrompre. votre démonstration, toute convaincante qu'elle était, devenait circulaire, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président. Moi, je veux aborder avec vous un peu le dilemme qui existe. Le ministre a souligné tantôt le fait qu'il y a beaucoup de témoins qui viennent ici et qui disent que la loi est trop «laxe», il y en a beaucoup d'autres qui disent que c'est trop sévère. Alors, ça, c'est le défi qu'ont le ministre et notre commission de trouver cette ligne d'équilibre pour avoir un projet de loi acceptable et fort. Alors, vous dites que le consommateur doit être au courant de l'existence de tous les dossiers qui existent, de toutes les entreprises qui détiennent de l'information sur lui, la nature de cette information, etc. Et, dans l'article 103, on parle du fait que, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du présent article, tout agent de renseignements personnels doit informer chaque personne concernée par un dossier qu'il détient, de l'existence de ce dossier, du droit de consultation.

Alors, ma question est celle-ci: Pour vous, quelle est la mécanique acceptable que vous pourriez suggérer qui pourrait satisfaire, en effet, les intentions du projet de loi, mais ne mettrait pas un fardeau trop lourd sur les entreprises? Est-ce que vous suggérez, en lisant cet article, que chaque entreprise qui possède un dossier sur quelqu'un doive informer par écrit chaque personne qu'elle détient un dossier? Est-ce que vous croyez que ça ne pose pas une reponsabilité financière trop lourde sur chaque entreprise pour vous qui demandez de bonifier, de renforcer cette loi, que cette loi, à présent est un peu trop «laxe»? Où est la ligne d'équilibre pour vous? Où est la mécanique acceptable qui pourrait satisfaire d'un côté l'exigence, le principe de la loi et aussi, en même temps, ne poserait pas ce fardeau trop lourd sur des entreprises individuelles? (11 h 40)

M. St-Amant: Trois ou quatre observations que je vais souhaiter cohérentes. D'abord, à l'égard de l'article 103 tel qu'il est rédigé, actuellement, on l'a interprété, en général, comme exigeant un envoi personnalisé. Mais, si on lit le texte qui est écrit, ce n'est pas vraiment nécessaire. Alors, si le législateur voulait retenir cette hypothèse d'un envoi personnalisé, il faudrait peut-être qu'il revoie son texte. Mais ça, c'est un détail.

Le député de Pointe-aux-Trembles évoquait tantôt l'importance de la qualité des informations, et l'article 103, en principe, y participe. C'est un élément important, effectivement, pour tous les intervenants que l'information qu'on utilise pour prendre des décisions soit exacte. Et, à cet égard, il m'arrive de m'étonner d'un discours qu'on semble entendre de la part de certaines entreprises ou qu'on a pu lire dans les journaux qui ont sans doute mal rapporté les propos des porte-parole - quant au respect pour les journalistes - que ça va coûter cher de mettre une loi comme celle-là en vigueur.

Nos recommandations sont, sauf erreur, toutes inspirées de ce qui se fait actuellement ailleurs, soit dans les pays de l'Europe, soit en Amérique du Nord. Il n'y a rien de nouveau, il n'y a rien de révolutionnaire dans ce que nous recommandons. Ce sont des choses qui existent déjà, qui se font, qui fonctionnent, qui assurent a peu près adéquatement, semble-t-il, à la fois la protection des droits des citoyens et un fonctionnement économique adéquat.

Alors, quand on me sert un discours comme: Ça va coûter cher, j'ai tendance à répliquer, je reviens à ce que je disais tantôt: Est-ce qu'on veut être concurrentiel également au niveau des méthodes de gestion? Ou bien est-ce que les entreprises nous disent: Écoutez, ça nous coûte trop cher de prendre des décisions fondées sur des renseignements de qualité, alors on les prend sur les renseignements qu'on a et, au besoin, on corrige après? Ça me paraît, de la part des entreprises québécoises, un discours très, très regrettable et très peu ambitieux, en termes de qualité totale.

Quant à la suggestion que vous évoquez, elle soulève un problème qui est extrêmement complexe au niveau de l'application de la future loi. Est-ce que la loi va s'appliquer à tous les renseignements présentement détenus par les entreprises, par exemple? Ce serait évidemment souhaitable. Ça me paraît, en pratique, difficile à réaliser parce que ça impliquerait, entre autres, en effet, que toutes les entreprises qui détiennent actuellement des renseignements communiquent avec tous les citoyens au Québec. Ça me paraît difficile. Un régime comme l'article 103 appliqué de façon générale va faire faire fortune à la Société canadienne des postes.

Je pense qu'il faudra davantage se concentrer sur les quelques cas les plus compliqués, les plus sensibles, notamment des agents de renseignements personnels, en termes de divulgation des renseignements déjà détenus et, pour l'avenir, s'assurer que la circulation des renseignements est mieux contrôlée par les citoyens. On ne peut peut-être pas réparer tout ce qui s'est fait depuis 20, 30 ou 40 ans, mais on peut, au moins, se donner des bases solides, pas trop coûteuses, efficaces, comparables à ce qui se fait ailleurs dans le monde, pour l'avenir.

M. Libman: Est-ce que vous croyez que ce serait acceptable, par exemple, que chaque entreprise doive mettre une annonce dans les journaux chaque six mois pour annoncer qu'elle détient des dossiers sur les Québécois et que chaque Québécois a le droit d'accès à cette information? Ou peut-être que cette responsabilité pourrait revenir à la Commission d'accès à l'information, de mettre une annonce dans les journaux chaque six mois ou chaque trois mois ou quelque chose pour informer les Québécois que cette liste des entreprises détient des informations sur les Québécois et que tous les Québécois ont le droit maintenant d'avoir accès au dossier. Est-ce que vous croyez que c'est acceptable au lieu d'obliger chaque entreprise à informer individuellement chaque personne sur laquelle elle détient un dossier?

M. St-Amant: L'hypothèse comme celle que vous évoquez peut mener à des résultats para doxaux. Ou bien ces annonces de toutes les entreprises sont formulées en termes très généraux: La banque X, le Mouvement Desjardins, etc., détiennent des informations sur les Québécois, mais je pense que la plupart des Québécois s'en doutent. Ou alors, pour que cette information-là soit vraiment personnalisée, il faudrait que la banque X, par exemple, dise: Nous détenons des informations sur tous nos clients dont la liste est la suivante. Là, les gens vont se sentir concernés, ils ont des renseignements personnels sur les gens, ce qui me paraîtrait pour le moins aberrant.

Je ne pense pas qu'une formule aussi précise soit nécessaire. Il va incomber aux législateurs, au gouvernement, dans une certaine mesure à nos associations également, de faire do la publicité, de l'information, de faire savoir qu'il y a une loi, de faire savoir qu'il y a des droits. Il faut espérer également que les organismes qui représentent les entreprises, les employeurs vont également avoir la bonté de jouer ce rôle-là, de faire appliquer une loi québécoise, de faire en sorte que l'information circule, peut-être pas de façon précise, parce qu'on n'a pas besoin de savoir que l'entreprise X détient des renseignements sur des Québécois, ça va de soi. Elle a des clients, elle a des employés, il va de soi qu'elle détienne des renseignements, et on ne peut pas non plus nommer les gens. Alors, il y a de l'information générale à faire. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le préciser

dans le sens que vous indiquez.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. St-Amant.

Mme Dalio: II ne faudrait pas non plus...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, le temps étant écoulé. Oui, Mme Dalio.

Mme Dalio: En fait, ce qui est important pour le consommateur, ce n'est pas tellement de savoir tout ce qui est contenu à son sujet, ce qui est important, c'est qu'il sache qu'à partir de ces renseignements-là il y a des décisions qui sont prises sur son compte, et ça, c'est un point très important. Les consommateurs peuvent dire: Bon, ça ne me dérange pas qu'on possède des renseignements sur moi, mais, là où ils s'inquiètent, c'est qu'est-ce qu'on fait... Un coup que ces renseignements-là sont arrivés dans une entreprise, qu'est-ce qu'on fait avec et comment c'est transféré?

Et, aussi, je pense qu'il ne faudrait pas sous-estimer l'imagination des entreprises. Elles manifestent beaucoup d'imagination pour mettre en place toutes sortes de mécanismes qui assurent des profits. Je pense qu'elles peuvent mettre aussi en place des mécanismes qui assurent la circulation d'informations. On pense juste à des formules types qui sont données fréquemment aux utilisateurs ou aux consommateurs. On n'a pas nécessairement à s'engager dans des annonces individuelles pour tous les citoyens.

M. Libman: Je ne sais si le Conseil...

Le Président (M. Doyon): M. le député, rapidement, votre temps étant écoulé.

M. Libman: Non, je ne sais pas si le Conseil du patronat, qui va témoigner la semaine prochaine, va être d'accord avec cette observation, en effet. Sauf que la loi, présentement, donne une quasi-obligation à chaque entreprise d'informer individuellement et même Les Bureaux de crédit du Nord, qui sont venus hier, ont dit qu'informer chacune des 300 000 personnes sur lesquelles ils ont des dossiers, ça va leur coûter environ 300 000 $. Alors, ça donne une responsabilité énorme à certaines entreprises. Je voulais juste savoir si vous pouviez essayer de justifier l'article 103 pour essayer de trouver cette ligne d'équilibre qui pourrait satisfaire toujours...

Le Président (M. Doyon): Cette réponse, M. le député, devra faire l'objet d'un échange particulier entre vous et les représentants de la Fédération.

Donc, je vous remercie, le temps étant écoulé et les députés ayant eu l'occasion de s'entretenir avec vous selon les règles qui nous gouvernent. Je vous remercie donc de nous avoir fait part de vos remarques et je suis sûr qu'il en sera tenu compte en temps et lieu. Merci beaucoup. (11 h 50)

Nous en sommes maintenant au groupe suivant. Il s'agit de l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal. Pendant que les gens s'installent, je reçois un communiqué qui se lit comme suit: En 1984, j'ai eu le privilège de notre parti... Et ça se continue en disant que M. Mulroney démissionne comme premier ministre du Canada. Le communiqué de presse est disponible pour ceux qui veulent en prendre connaissance.

Donc, j'invite les membres de l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal à bien vouloir prendre place en avant. Je vois que deux personnes sont en place, je leur souhaite la bienvenue. Je ne sais pas s'il y en a une troisième qui est attendue.

Mme Latreille (France): Oui, elle s'en vient.

Le Président (M. Doyon): Je vous souhaite la bienvenue et je vous indique que nous allons suivre les mêmes règles que précédemment. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de ce que vous avez à nous dire, de vos réflexions sur le projet de loi, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et, ensuite, les parlementaires vont engager la discussion avec vous, de la même manière que ça a été fait auparavant. Vous avez la parole. Si vous voulez bien vous présenter, et soyez les bienvenus.

Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal (ACEF du Nord de Montréal)

Mme Latreille: Bonjour. Je suis France Latreille.

M. Goulet (Henri): Henri Goulet. Mme Bourque (Lise): Lise Bourque. Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Latreille: Bonjour tout le monde. L'ACEF, ou l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal, est un organisme communautaire spécialisé dans les domaines du budget familial, du crédit et de la consommation. Nous travaillons, entre autres, auprès de gens qui ont des problèmes de budget et d'endettement. L'ACEF du Nord de Montréal est membre de la Fédération des ACEF du Québec qui regroupe 12 ACEF réparties à travers le Québec. Nous avions présenté un mémoire en novembre 1991, dans le cadre de la commission parlementaire sur la protection des renseignements personnels, dans lequel on invitait le gouvernement québécois à se pencher sur le principe du détournement de

finalité, eu égard aux renseignements personnels nominatifs détenus dans les registres publics.

Nous voulions empêcher les redresseurs financiers d'utiliser largement les données contenues aux plumitifs et aux dépôts volontaires. Ces données leur permettent de faire des affaires d'or en profitant d'une clientèle aux prises avec des problèmes d'endettement. Nous attendions donc avec impatience le dépôt de ce projet de loi, car, depuis ce temps, les activités de ces redresseurs financiers sont toujours aussi rentables pour eux.

Notre présent mémoire démontre une profonde insatisfaction quant au contenu et à la portée du projet de loi 68. Dès le départ, le législateur tient à préciser, et je cite: «La présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin d'information légitime du public». Cette générosité de la part du législateur nous déçoit. Nous ne croyons pas que toute constitution de dossiers à partir de données personnelles soit pertinente, même si elles sont licites. D'ailleurs, qui décidera si c'est effectivement licite et comment interpréter une formule aussi large que l'information légitime du public? Ces expressions sont à définir car elles laissent beaucoup trop de place à interprétation. Ne permettent-elles pas une ouverture trop large, une trop grande possibilité de constitution de banques de données?

L'article 4 stipule que c'est l'entreprise privée elle-même qui aura dorénavant toute latitude pour définir l'objet du dossier qu'elle veut constituer. N'est-ce pas affirmer tout bonnement que l'entreprise en question qui cherche à constituer un dossier sur un tiers aura toute possibilité de se légitimer par le simple fait de se définir elle-même un objet?

Ce projet de loi est truffé d'exceptions. Plusieurs articles affirment de beaux principes, mais les exceptions viennent les annuler. C'est le cas, par exemple, de l'article 6. À l'article 6, alinéa un, une volonté de vouloir restreindre la collecte de renseignements personnels est affirmée pour aussitôt introduire, à l'article 6, alinéa deux, une notion qu'on pourrait qualifier ici d'exception universelle en généralisant tout simplement la constitution, la circulation et la commercialisation des renseignements personnels.

Aussi, ce projet de loi ne fait qu'effleurer le détournement de finalité. L'article 12 traite bien d'incompatibilité, mais, comme c'est celui qui constitue le dossier qui détermine l'objet, tout sera toujours compatible.

L'article 17, quant à lui, permet à de trop nombreuses personnes de s'enquérir d'informations sur autrui, sans consentement de la personne concernée. Comment peut-on légitimer, par cet article, la communication de renseignements personnels sans le consentement de la personne autorisée?

Est-ce qu'il n'y a pas une atteinte à la protection énoncée par l'article 37 du Code civil du Québec? Ne s'agit-il pas d'une ouverture trop large, sans borne, de la part d'une loi qui permet la constitution et l'échange des banques de données? En fin de compte, cette loi serait-elle votée tout simplement pour donner bonne conscience, pour essayer de faire diminuer les craintes des consommateurs face au non-respect de la vie privée?

Cette semaine, dans La Presse de lundi, on pouvait lire dans un article qu'il y a eu une étude à l'automne 1992 qui a porté sur la protection de la vie privée où 92 % des Canadiens ont exprimé leur préoccupation, de modérée à extrême, sur cette question. Accepter cette loi ne pourrait-il pas signifier ceci: que des compagnies émettrices de cartes de crédit vendent leurs listes classées selon les produits consommés à des commerçants intéressés - ainsi, tous les gens qui ont acheté des skis recevraient un dépliant promotionnel des centres de ski; que des clients qui louent des chalets dans les réserves et parcs du Québec et qui réservent à l'aide de leur carte de crédit se fassent solliciter par des pourvoiries; que les patients des dentistes, chiros, acupuncteurs reçoivent une offre d'abonnement d'une revue santé quelconque? Et, pire encore, est-ce que les pharmaciens ne pourraient pas vendre leurs listes de clients qui ont acheté des prescriptions à des compagnies d'assurance-vie, et ce, en toute légalité? Aussi, des clients des institutions financières qui ont un compte d'épargne bien garni recevraient des publicité d'autos luxueuses, etc.

Ne pourrait-il pas y avoir des recoupements d'information qui permettrait d'établir le mode de vie des gens et ainsi de les solliciter pour toutes sortes de biens et services? Si les réponses à ces exemples sont affirmatives, légaliser de telles pratiques serait dramatique. Cette loi vient faciliter la voie à toute personne qui veut constituer et/ou échanger des banques de données.

Nous croyons qu'il ne faut pas adopter ce projet de loi. À notre point de vue, une mauvaise loi est plus dommageable qu'une absence de loi. Nous pensons qu'il faut cesser de judiciariser lorsque l'esprit d'une loi n'est pas clair et laisse place à trop d'interprétation, comme c'est le cas ici. Les tribunaux sont assez surchargés, il n'est pas nécessaire d'en ajouter.

Pour revenir aux banques de données publiques, nous avons pris connaissance de l'étude rendue publique par Équifax Canada sur les consommateurs et la vie privée à l'ère de l'informatique. Dans cette étude, il appert que, et je cite, «72 % des Canadiens trouvent inadmissible ou inquiétant que les compagnies obtiennent des listes à partir des dossiers publics pour envoyer de l'information sur des produits ou des services aux consommateurs». Ainsi, près des deux tiers de la population canadienne serait d'accord pour limiter l'accès à ces banques de

données publiques.

Nous réitérons donc notre position de principe: À quand une loi sur l'utilisation abusive des banques de données des organismes publics afin d'empêcher le détournement de finalité des données sur la vie personnelle des gens? Notre souhait le plus vigoureux allait dans le sens de voir apparaître, dans le projet de loi 68, un ou des articles qui viendraient donner aux consommateurs la possibilité de contester légalement l'utilisation détournée de ces renseignements.

Malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut donc que le législateur refasse ses devoirs. Nous croyons que le projet de loi 68 n'est pas acceptable dans sa forme actuelle. Il faut repenser ce projet de loi afin de répondre vraiment au respect de la vie privée.

Comme l'article 35 du Code civil le stipule clairement, toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nul ne peut porter atteinte à la vie privée d'autrui sans le consentement de celui-ci ou celui de ses héritiers ou sans être autorisé par la loi.

Il ne faudrait pas que le projet de loi 68 vienne annuler les principes du Code civil qui traitent du respect de la réputation et de la vie privée. Merci de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame.

M. le ministre. (12 heures)

M. Cannon: Oui, merci, M. le Président.

Bonjour mesdames, monsieur. Il me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale et à la commission parlementaire. Je vais aller droit au but. Je crois bien que vous n'êtes pas nécessairement satisfaits du projet de loi 68. Il y a peut-être... et je comprends la préoccupation, puisque, lorsqu'on s'était parlé la dernière fois, vous aviez la préoccupation des redresseurs financiers et, comme vous, je le déplore. Mais je voudrais vous rassurer aussi que, dans le projet de loi, nous n'apportons pas nécessairement de distinction entre des renseignements personnels à caractère public, qui sont cueillis aux plumitifs, et des renseignements confidentiels. Quant à nous, on n'a pas fait de distinction là-dessus. C'est toute la même chose. Je veux vous rassurer. Je ne sais pas si vous avez des commentaires, particulièrement, à formuler sur ce que je viens de vous dire.

Mme Bourque: Je peux y aller. Eh bien, justement, je pense qu'on est d'accord là-dessus, avec votre point de vue. On doutait; on se demandait, d'ailleurs, dans notre mémoire si ça s'appliquait aussi aux plumitifs, par exemple, et je pense que oui. Vous touchez autant les collectes privées que publiques. Vous arrivez peut-être à un stade supérieur où il y a trafic de ces informations, sauf que ce qu'on critiquait un petit peu aussi, c'est qu'il n'y avait rien pour prévoir certaines mesures restrictives au niveau des collectes mêmes. Le projet de loi arrive après que la collecte soit faite.

M. Cannon: Pour qu'on soit clair, Mme Bourque, quand le renseignement personnel sort du secteur public et se retrouve dans le secteur privé, il tombe donc sous le projet de loi 68.

Mme Bourque: D'accord. Oui. M. Cannon: C'est ça.

Mme Bourque: Ce qu'on déplorait, c'est au niveau de la collecte de ces informations.

M. Cannon: Ça nous ramène au débat qu'on a eu il y a un an et quelque temps.

Mme Bourque: Probablement.

M. Cannon: O.K. Dans quelle perspective ou dans quel sentier ou avenue pensez-vous que la vie privée est la plus menacée au niveau, particulièrement, des redresseurs financiers? Rappelez-moi tout cet élément de votre discours.

M. Goulet: Je pense que cet aspect des renseignements personnels qui sont recueillis, qui sont commercialisés, finalement... Nous, c'est un peu la formule qu'on utilisait, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, la notion de détournement de finalité, c'est-à-dire que, ce qu'on comprenait par le projet de loi, lorsque la collecte se fait et que les renseignements deviennent objets, finalement, d'une entreprise et font partie d'un dossier, ça veut dire que la commercialisation devient possible et devient légale. Ce qu'on questionnait, nous, dans le projet de loi, essentiellement, c'était cette notion de licite, finalement. Qui détermine l'objet, par exemple, du dossier? Est-ce que, lorsqu'on détermine un objet, automatiquement ça devient légal de pouvoir le commercialiser?

M. Cannon: Juste pour cet élément-là, à l'article 1, troisième paragraphe, simplement pour vous rassurer, c'est particulièrement au niveau de la presse, de la liberté de presse que nous avons introduit cet aspect. Le projet de loi doit être appliqué dans le respect des droits qui découlent de la Charte; ça, c'est clair. Alors, n'allez pas penser que c'est là un élément qui va à l'en-contre des principes que l'on peut retrouver dans une charte.

C'est peut-être important de reformuler ma question au niveau des redresseurs. Ils font quoi, les redresseurs, avec les renseignements personnels? Donnez-moi des exemples.

M. Goulet: Bon, alors, la dernière information sur les redresseurs financiers, le plus important, c'était dans le journal, hier matin. On

avait intitulé ça «M. Faillite fait faillite». Les redresseurs financiers, essentiellement, ce qu'ils font, c'est qu'ils utilisent des banques de données publiques et les transforment, finalement, en banques de données privées, puisqu'ils les utilisent à des fins très commerciales, vont chercher l'ensemble des données dans des secteurs très particuliers où, actuellement, le secteur qui est le plus utilisé, c'est les données judiciaires, alors le dépôt volontaire et le plumitif.

Maintenant, il n'y a rien qui nous empêche de penser que, éventuellement, les dossiers pourraient circuler sur une plus haute échelle, comme on le mentionnait dans le mémoire, c'est-à-dire à partir des données d'Équifax, par exemple, parce que là il y aurait aussi matière à constituer des dossiers assez importants où des gens, des consommateurs, des individus sont en difficulté financière. Et, là, le recrutement devient possible sur une très haute échelle. Et, nous, dans le projet de loi, on n'a pas vu que ça pouvait empêcher ce style de pratique, d'où l'aspect un peu sévère, finalement, du mémoire en disant: Ce qu'on vient de faire, c'est de légaliser ce genre de commerce, non pas sur une échelle uniquement à partir des données de renseignements publics, des données judiciaires, mais aussi à partir des banques de données privées. C'est ce qu'on vient de faire dans ce projet de loi; du moins, c'est notre interprétation. Vous allez nous corriger si...

M. Cannon: Pour revenir juste une seconde aux redresseurs, c'est en vertu de quelle loi, de quelle disposition qu'ils viennent chercher ces renseignements-là? Ils sont assujettis à quelle loi, eux autres, les redresseurs? Est-ce qu'ils sont hors normes ou est-ce qu'ils doivent être assujettis à une disposition d'une loi quelconque?

M. Goulet: Nous, on a mené des poursuites légales conjointement avec l'Office de la protection du consommateur. Donc, ça veut dire que celui qui faisait fonctionner le commerce sur la plus haute échelle au Québec, Sainte-Marie, lui, on a déposé des plaintes. Il y a eu poursuites pénales de la part de l'Office, il a plaidé coupable pour certains articles de la loi de l'OPC sur abus. Bon! Il y a eu aussi des poursuites sur une question de fraude concernant la Loi sur la faillite, mais, en général, ce genre de commerce n'est pas géré par aucune loi.

Donc, dans le moment, la seule emprise qu'on a, c'est la Loi sur la protection du consommateur, mais ce qu'on souhaitait le plus ardemment, pour nous, c'était de pouvoir trouver, dans le projet de loi 68, une formule, une place pour les individus. Les consommateurs pourraient l'utiliser, cet article, pour se baser sur un article de loi pour dire: Bien, écoutez, quand vous m'envoyez une lettre, quand vous me sollicitez chez moi, parce que j'ai des difficultés finan- cières ou parce qu'il y a un dossier quelque part qui dit que j'ai un arrérage sur ma carte de crédit ou que j'ai fait un «skip» paiement sur mom prêt personnel ou mon prêt auto, ou pour toutes sortes de raisons aussi... Il y a des gens qui, en cause de divorce, reçoivent des lettres de ces gens-là. Si le marché privé des renseignements personnels devient accessible à ces gens-là, pour nous...

M. Cannon: O.K. Correct. C'est important ce que vous dites. Dans le projet de loi 68, c'est à la Commission d'accès d'évaluer si oui ou non, c'est légitime, la cueillette de ces renseignements. Je vous renvoie à l'article 37 du Code civil. Si vous me permettez, je vais simplement vous lire cet article: «Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles», etc., etc., ce qui est beaucoup plus fort que la première version, en 1987, des dispositions du Code civil.

Voyez-vous, on a amélioré le Code civil, sans doute, depuis les quatre dernières années. Je sais que l'Opposition ne se retrouve pas là-dedans, mais, effectivement, ça a été bonifié et amélioré. Lorsque ce sera en application, le ou vers le début de 1994, sans doute, il va être beaucoup plus renforcé que ce qui avait été prévu initialement.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Pas de réaction? Oui.

M. Goulet: Oui. Est-ce qu'on peut poser une question? Oui. Bon. Est-ce que notre crainte est fondée dans le sens suivant, c'est-à-dire qu'il est très possible, toujours selon cette logique de l'objet du dossier, et si les renseignements sont cueillis, sont accumulés sur des bases licites, que ça veut dire que l'entreprise va pouvoir avoir accès à un secteur assez impressionnant d'informations pour relancer l'industrie de ce genre de commerçants? Est-ce que notre crainte est fondée?

M. Cannon: O.K. C'est à la Commission d'évaluer cette chose-là. Alors, il suffit de faire une plainte. Tel que nous l'avons structuré, il suffit de faire une plainte à la Commission, et c'est la Commission qui jugera si, oui ou non, c'est pertinent aux redresseurs de monter des dossiers comme ceux dont vous dénoncez l'existence.

M. Goulet: Parce que l'interprétation qu'on en faisait, de l'article, c'était que, si l'entreprise

a comme objet le redressement financier, il devient tout à fait licite de recueillir des données...

M. Cannon: Légitime, je suis d'accord avec vous.

M. Goulet: Légitime, aussi, tel que c'est formulé.

M. Cannon: Oui, je suis d'accord avec vous. S'il faut resserrer pour qu'on puisse clairement indiquer ce que je viens de vous dire, on va le faire. Je veux vous rassurer là-dessus. Je veux vous rassurer là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Moi, je fais un parallèle avec d'autres intervenants qu'on a entendus à l'automne 1991. Je pense au Conseil scolaire de IHe de Montréal, puis à la Communauté urbaine qui nous disaient tous les deux: Nous sommes sollicités de fournir à des institutions financières la liste complète sur bandes, utilisables, donc, facilement, de toutes les personnes dont l'évaluation foncière est faite avec adresse, numéro de téléphone, le nom du créancier hypothécaire que la CUM et le Conseil scolaire ont et la date d'échéance de l'hypothèque. (12 h 10)

Là, dans le fond, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites, c'est licite que les banques et les autres veuillent connaître les dates d'échéance pour consulter, mais, dans le fond, ça pose le même problème que le plumitif, dans le sens que ce sont des renseignements, des informations qui sont publiques de nature, mais le regroupement en banque et leur utilisation commerciale c'est, comme vous dites, un détournement de finalité.

On parlait de la presse tout à l'heure. Qu'un journaliste veuille connaître le nom du créancier hypothécaire d'un député ou d'un ministre, c'est parfaitement légitime, et le renseignement est disponible, de la même façon qu'on peut vérifier s'il y a un jugement contre une personne, mais les redresseurs financiers dont vous parlez s'en servent pour harceler ces personnes-là et leur vendre leurs mauvais services. Dans le fond, c'est ça.

La CUM et le Conseil scolaire disaient: Écoutez, c'est sûr que c'est public. Si, moi, je veux connaître le créancier hypothécaire du propriétaire d'une maison que je voudrais acheter pour avoir une idée combien je peux payer, ma foi, il n'y a pas de mal à ça, mais les deux disaient: Ce qu'on nous demande, c'est une banque de données complètes pour l'utiliser à des fins autres que ce pourquoi le renseignement est public.

Là-dessus, ce que je voudrais dire, c'est que je ne saurais être plus d'accord avec votre point de vue, et c'est vrai que l'usage qui est fait du plumitif, ça ressemble un peu aux États-Unis, aux personnes... Les avocats, par exemple, aux États-Unis, se tiennent près de l'urgence d'un hôpital pour trouver quelqu'un à qui proposer... ou dans l'ambulance pour proposer une poursuite en «malpractice». C'est un bâtiment public, un hôpital, mais aller là pour y recruter un client, ça devient un peu ennuyeux. Le plumitif me semble être utilisé par les supposés redresseurs de situation financière comme un moyen pour trouver des victimes à leur commerce.

Si le président le permet, moi, le conseil que je donnerais à une personne mal prise, c'est plutôt d'aller voir son ACEF que de recourir à un supposé redresseur de situation financière.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Oui. J'aimerais vous poser une question. Peut-être que ça ne touche pas nécessairement votre mémoire, mais ça me chicote depuis longtemps parce que, moi, comme député, il y a bien des gens qui m'en ont parlé et, moi-même, je fais une crise chaque fois, et sans doute de vos membres; vous avez dû traiter ce dossier-là. C'est le harcèlement des marchands, lorsqu'on paie avec une carte de crédit, d'avoir notre numéro de téléphone. Vous savez que, selon la loi - je ne le sais pas, peut-être que le ministre ou le président me corrigera - ils n'ont pas le droit de nous demander notre numéro de téléphone. Le numéro de téléphone, pour différentes raisons, ça peut arriver qu'il soit personnel et non publié.

Je ne sais pas, moi, si je vais m'acheter une paire de caoutchoucs chez Bâta en passant parce que j'ai perdu les miens, je n'ai pas d'affaire à leur raconter ma vie. Cette histoire-là, ça ne les intéresse pas. Il y a de deux choses l'une: soit que la carte que je leur donne, ils la passent à la machine électronique et le crédit est autorisé, ils sont payés, qu'ils me foutent la paix... Ce qu'on s'aperçoit lorsque, par hasard, on donne le numéro de téléphone, lorsqu'on arrive à notre boîte à malle, on a un catalogue du magasin, on a ci, on a ça. Souvent, quelqu'un qui voyage, il va aller, je ne sais pas, moi, à Montréal, il va aller n'importe où. Moi, à Montréal, j'y vais deux, trois fois par année. Qu'est-ce que ça leur donne de m'envoyer une espèce de catalogue de promotion? Je n'y retournerai pas, là. J'ai acheté chez eux par nécessité et obligation, de passage.

Souvent, les gens nous disent, dans nos bureaux de comté: Qu'est-ce que vous attendez pour faire appliquer la loi? Comment on pourrait faire appliquer cette loi-là alors que ce sont les

employés... Là, tu ne peux pas disputer la petite fille. Si tu dis: Je ne te le donne pas, bien, elle dit: Le patron... Va le chercher, le patron. Il n'est jamais disponible quand c'est pour ce cas. Il n'est pas là, il est en conférence, il est allé prendre un café, il a une réunion importante, il est avec le député de Pointe-aux-Trembles.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maltais: Moi, ce que je voudrais savoir de vous autres, c'est, d'abord, est-ce que vous avez eu de ce genre de plaintes et quelles sont les réactions des gens? Sont-ils en maudit comme moi ou en maudit comme les gens qui m'en ont parlé? Comment ça se passe, chez vous? Est-ce que ça existe, d'abord?

Le Président (M. Doyon): II y a une solution très simple, c'est de donner un faux numéro, ce que je fais régulièrement.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Maltais: Non, mais...

Le Président (M. Doyon): Bien sûr, ça règle le cas.

M. Maltais: Oui, mais...

Le Président (M. Doyon): Vous voulez avoir un numéro? Je vais vous en donner un, le voilà. Ce n'est jamais le même, d'ailleurs, parce que je ne me souviens pas de celui d'avant.

M. Maltais: Non, mais, au sens légal, est-ce qu'ils ont le droit de le faire ou si c'est une habitude courante?

M. Goulet: En fait, je pense que c'est une habitude très courante. Je pense qu'il n'y a pas de loi sur laquelle on pourrait se fonder pour contester cette pratique-là. Je n'en connais pas, du moins pour le moment. Maintenant, ça va dans la même logique que les exigences des institutions financières sur les informations qu'on doit donner pour ouvrir un compte, par exemple, ou pour transiger avec une caisse populaire ou avec une banque. Il y a plusieurs demandes qui sont faites: la carte d'assurance-maladie... En principe, on n'est pas obligés, mais il y a des pratiques qui sont courantes et...

M. Maltais: Parce que, moi, je m'excuse, mais...

M. Goulet: Les gens peuvent carrément refuser. Mais, là, qu'est-ce qui arrive?

M. Maltais: Bon. Moi, ce que j'ai vu, j'ai vu, dans certains magasins, des gens qui sont venus me dire: Ils n'ont pas voulu prendre notre carte parce qu'on n'a pas voulu donner notre numéro de téléphone, pour toutes les raisons de la terre, on peut avoir un numéro de téléphone confidentiel. Je suis allé au magasin avec la personne en question, la dame en question, puis j'ai dit: D'abord, refaites le même achat. Est-ce que votre carte est bonne? Parce que le marchand, il faut qu'il la passe... il faut qu'elle soit autorisée. À partir du moment où l'institution financière confirme le crédit, ça doit s'arrêter là. J'ai fait venir le gérant et j'ai dit: Si tu refais ça, tu vas aller en-dedans. Ça n'a pas l'air de l'avoir impressionné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maltais: Mais, j'ai dit: Tout au moins, on peut les déclarer à l'Assemblée nationale - et je me propose de le faire, parce que, vous savez, il n'y a pas de meilleur forum que l'Assemblée nationale - les dénoncer, ces marchands-là. Vous allez voir que la liste est longue, parce que je les ai notés depuis trois ans. Puis ça, à ce moment-là, je pense que c'est brimer quelqu'un dans ce qu'il a de plus cher pour différentes raisons.

O.K., le député de Louis-Hébert donne le numéro de téléphone du député de Pointe-aux-Trembles, moi, ça, ça ne me fait rien, mais le consommateur, il n'a pas toujours l'instinct de donner de faux numéros et puis, souvent, après,, il est encombré avec ces bebelles-là. En tout cas, moi, ça s'est passé, j'ai eu des plaintes là-dessus et je voulais savoir si ça se passe chez vous aussi et quelle est la réaction des gens. Parce que ça devient harassant, c'est du harcèlement, finalement, dans la vie privée d'une personne. Voilà, M. le ministre.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup Ces choses étant dites avec beaucoup d'éloquence, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 16 heures, en remerciant les représentants de l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Maltais): La commission reprend ses travaux. À l'ajournement de cet avant-midi, on s'était donné rendez-vous à 16 heures. Nous accueillons maintenant la Chambre des notaires du Québec, représentée par M. Daniel Ferron, directeur de la recherche et développement - bienvenue, M. Ferron - M. Jacques Richer, qui est le directeur général de la Chambre - M. Richer, bienvenue - M. Jacques Taschereau, qui en est le président - M. Tas-chereau, bienvenue.

vous connaissez les règles, parce que ce n'est pas la première fois que vous venez en commission parlementaire. alors, vous avez un mémoire. on vous écoute attentivement.

Chambre des notaires du Québec

M. Taschereau (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord excuser mon groupe des quelques minutes de retard. Nous étions devant l'autre commission parlementaire, où nous étions entendus entre 15 heures et 16 heures.

Le Président (M. Maltais): vous savez, m. le notaire, m. le président de la chambre des notaires, les parlementaires, c'est comme les notaires, souvent ils sont mêlés dans leurs horaires.

M. Taschereau: Nous avons préparé un mémoire de 61 pages. Je n'en ferai pas le récit, simplement vous référer au sommaire, de même qu'aux conclusions qu'on retrouve à la fin.

Nous réitérons, la Chambre des notaires, notre appui au principe de ce projet qui est de protéger les renseignements privés et qui se trouvait déjà dans la logique du mémoire que la Chambre avait présenté à la commission des institutions, en août 1991. Toutefois, nous sommes d'avis que la loi-cadre proposée ne tient pas compte de la situation particulière des corporations professionnelles qui sont régies par le Code des professions et ne tient pas compte des situations particulières que vivent quotidiennement les membres des corporations professionnelles, dont la nôtre.

Il y a certaines dispositions proposées qui sont inconciliables avec les responsabilités et les devoirs des professionnels que nous sommes. Il est nécessaire, dans l'accomplissement des fonctions de chaque jour et des responsabilités, d'obtenir des renseignements. Ils sont nécessaires au travail du notaire pour assurer la qualité et la sécurité de leurs documents qu'ils sont appelés à rédiger. L'obtention de ces renseignements est requise. Par contre, le public est protégé parce que le notaire est tenu à la confidentialité, au secret professionnel et à des règles très strictes à ce sujet par le code de déontologie. (16 h 10)

Nous avons également procédé à une analyse du projet de loi. Nous avons constaté des imprécisions et des ambiguïtés qu'il serait souhaitable de faire disparaître pour éviter des recours multiples à la Commission d'accès à l'information. Nous signalons que certaines mesures, si les professionnels du droit ne sont pas exemptés de l'application de la loi, entraîneront des ralentissements de transactions si on doit requérir le consentement écrit d'une personne pour l'utilisation d'un renseignement personnel. C'est que, dans l'accomplissement de la tâche de notaire, il est nécessaire d'obtenir des informations. Particulièrement à l'article 37, nous croyons que le règlement des successions sera également ralenti par suite de la difficulté d'obtenir des renseignements de caractère privé, mais que l'administrateur de la succession ou le légataire doit connaître pour parvenir au règlement de la succession.

Alors, la Chambre des notaires suggère une révision du projet de loi dans le sens des recommandations qu'on trouve détaillées dans son mémoire.

Le Président (M. Doyon): C'est terminé? M. Taschereau: Oui.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Taschereau.

M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Vous me permettrez, Me Taschereau, de vous souhaiter la bienvenue. M. Ferron, on s'est vus ce matin, votre collègue. Si je résume votre pensée, vous dites que la Chambre des notaires considère qu'une intervention législative assurant la protection des renseignements personnels détenus dans le secteur privé est essentielle. Jusque-là, ça va, je pense que tout le monde est d'accord avec ça. Sauf que vous me dites que les corporations professionnelles devraient normalement être exclues, devraient être exclues pour les raisons que vous avez évoquées dans votre mémoire.

Hier matin, nous avons entendu la Commission des droits et libertés, celle qui est habilitée par le gouvernement pour surveiller particulièrement l'application de la Charte des droits et libertés, qui nous a dit: Oui, la corporation ou les corporations professionnelles, oui, les membres des corporations professionnelles devraient normalement être soumis aux exigences et aux dispositions de cette loi. Ce matin, en discutant avec la corporation interprofessionnelle, on a établi, à la suite d'une discussion, que le président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, le Dr Augustin Roy, se dissociait de la position qui avait été prise par cette Corporation en disant: Écoutez, pourquoi ne pas bénéficier justement de la possibilité d'avoir un recours aux dispositions de la loi 68 qui sont présentées dans ce projet de loi et, aussi, se prévaloir de ce qu'il y a comme possibilités à l'intérieur de la Corporation? À son avis, ça lui paraissait comme étant une double assurance. Pour employer un peu le discours de mon collègue de Pointe-aux-Trembles, dans cette période où on parle de concurrence, pourquoi ne pas susciter de la concurrence?

Mais, aujourd'hui, vous nous indiquez que la corporation des notaires du Québec ne devrait pas être assujettie à ça, sous cette loi. Sans

doute que vous êtes tout à fait conscients et au courant que les articles 35 à 41 du Code civil s'appliqueraient, normalement. S'il n'y avait pas de loi d'application comme celle que nous voyons ici, c'est le Code civil qui s'appliquerait. Alors, avant d'arriver avec des cas précis puisque... Que ce soit la Commission d'accès à l'information ou d'autres organismes qui sont venus nous rencontrer, je pense que les corporations professionnelles ne sont pas à l'écart de difficultés au niveau de la protection des renseignements, bien que j'avoue qu'il y a des dispositions chez vous qui sont plus rigoureuses que dans d'autres secteurs. Je pense que tout le monde autour de la table, ici, l'avoue.

Néanmoins, vous n'êtes pas à l'écart de difficultés qui pourraient surgir. Alors, pourquoi vous vous opposeriez justement à ce qu'il y ait finalement une espèce de double protection pour le consommateur et aussi pour les membres de votre corporation?

M. Ferron (Daniel): Bon, écoutez, premièrement, on est conscients que le Code civil est là même s'il n'est pas encore en vigueur, sauf que la loi d'application que vous proposez, selon notre analyse, entrerait, à plusieurs égards, en conflit avec certaines dispositions du Code des professions, des lois professionnelles et des codes de déontologie.

Moi, je dirais au départ qu'on n'est pas contre l'idée, pas du tout, d'avoir à s'assujettir à certaines règles au niveau des renseignements personnels. Pour nous, ça va de soi. C'est quelque chose qui s'impose. Là où on est inquiets, c'est justement sur le comment ça va se faire parce que, là, d'un côté, on a le Code des professions, on a des lois professionnelles qui nous imposent certaines règles et, de l'autre côté, on a une loi générale, une loi-cadre, qui ne tient pas du tout compte des particularités du système professionnel.

M. Cannon: Est-ce que vous me dites maintenant que vous n'êtes plus... c'est-à-dire que votre position est modifiée et que vous n'êtes pas favorables à l'exclusion de votre corporation des dispositions de la loi, mais qu'au contraire, si la loi était aménagée, vous pourriez vivre avec ça? Est-ce que je comprends bien ce que vous me dites?

M. Ferron: C'est-à-dire que notre position n'est pas modifiée telle que présentée, sauf que, si... Nous, on dit: Tout ce qu'on recherche, finalement, c'est une harmonisation. Si vous me dites, à ce moment-ci, que la loi fera en sorte qu'à ce moment-là ce sera les corporations professionnelles ou l'Office des professions qui aura juridiction pour réglementer ça, là, on n'a pas d'objection, sauf qu'on se dit: Là, on va se retrouver avec deux séries de réglementations pour la même chose.

M. Cannon: Pourquoi... Je pose la même question que j'ai posée ce matin. Alors, probablement que vous me voyez venir, particulièrement au niveau de l'accès et au niveau des recours possibles des clients. Alors, il se produit quoi, lorsqu'un individu est lésé vis-à-vis de la corporation des notaires? Comment peut-il obtenir accès à son dossier, d'une part, et, d'autre part, avoir un recours non seulement qui lui permettrait justement d'obtenir satisfaction et gain de cause, mais... Comment voyez-vous la mécanique?

M. Richer (Jacques): La position de la Chambre des notaires est essentiellement liée à cette dualité que nous avons cru voir dans le projet de loi, dualité à différents niveaux, par exemple le droit d'accès au dossier de la part de la population et le droit d'accès ou la nécessité d'accès pour le notaire à des renseignements précis pour faire son travail. Comme Me Ferron le disait tantôt, l'autre dualité que nous avons vue, c'est le danger de conflit de juridictions entre l'Office des professions et la Commission d'accès à l'information.

Également, on voit et on précise dans notre mémoire que les corporations professionnelles ne peuvent pas, vis-à-vis d'une volonté comme celle exprimée dans le projet de loi, être mises dans le même panier. On est parfaitement conscients comme consommateurs que l'accès pour une personne à son dossier d'hôpital ne revêt pas les mêmes difficultés que l'accès à son dossier chez son notaire. Souvent, et je dirais presque tout le temps, là où la profession notariale va être confrontée avec un problème différent, ça va être de voir dans quelle mesure la population devra être protégée vis-à-vis des renseignements que les notaires devront diffuser et continuer à diffuser publiquement par rapport aux individus.

Alors, essentiellement, notre position, c'est de dire: Oui, nous sommes d'accord avec le projet de loi et l'intention du gouvernement, mais nous allumons de petites lumières rouges en disant: Le caractère particulier des dossiers traités par les notaires et la relation des notaires avec la population sont très différents des relations d'autres professionnels avec la population et des problèmes engendrés par la gestion des dossiers et la gestion des renseignements qui sont véhiculés dans un sens comme dans l'autre. C'était surtout ça que notre mémoire voulait mettre en lumière.

M. Cannon: O.K. Reprenons ça parce que je voudrais bien comprendre, en termes de hiérarchisation des lois. On a la Charte québécoise des droits qui dit, à l'article 5, qu'on garantit la protection de la vie privée. Après cela, on a le Code civil qui traduit, de façon générale et globale, l'intention des législateurs. Je retrouve au Code civil, à l'article 39, celui qui sera promulgué prochainement, au mois de décembre

ou au mois de janvier, qui a été adopté par les membres de l'Assemblée nationale, ceci: «Celui qui détient un dossier sur une personne ne peut lui refuser l'accès aux renseignements qui y sont contenus à moins qu'il ne justifie d'un intérêt sérieux et légitime à le faire ou que ces renseignements ne soient susceptibles de nuire sérieusement à un tiers.»

Est-ce que vous me dites, aujourd'hui, que la loi ou, enfin, la loi du Code des professions est plus sérieuse, plus importante, blinde davantage que cette disposition de l'article 39?

M. Ferron: On ne dit pas ça du tout parce que, en fait, ce que vous venez de lire reflète à peu près fidèlement ce qui existe dans les différents codes de déontologie des corporations professionnelles, sauf... (16 h 20)

M. Cannon: Dans le fond, Me Ferron, vous n'avez pas d'objection à ça.

M. Ferron: Non, non, pas du tout. Sauf que là où on a un problème, c'est avec la loi d'application, parce que la loi d'application va beaucoup plus loin que ce qui est écrit dans le Code civil. On impose certaines choses qui, à notre sens, vont être très difficiles d'application. Je vous donne un exemple. Dans un contrat de vente, un des renseignements que les notaires mettent toujours, c'est l'état matrimonial. On lit cette loi-là et on se dit: Comment on va faire pour insérer l'état matrimonial, à ce moment-là, si c'est un renseignement personnel qu'on n'a pas le droit de communiquer?

On a d'autres exemples aussi. Il y a, au niveau du règlement des successions qu'on mentionnait tantôt, tout le processus des transactions qui va être ralenti à cause de l'obligation d'obtenir le consentement écrit de la personne à chaque fois qu'on veut utiliser un renseignement la concernant. Pour nous, les notaires, c'est quelque chose avec lequel on va devoir vivre quotidiennement et c'est des clients qui vont se plaindre des retards que ça entraînera.

M. Cannon: je comprends ce que vous me dites, mais le questionnement que j'avais, la ligne de conduite, c'est au niveau de l'accès. qui autorise l'accès? est-ce que c'est le notaire qui autorise l'accès?

M. Ferron: Oui. D'après le Code des professions, c'est...

M. Cannon: Qui refuse l'accès? Est-ce que c'est le notaire qui refuse?

M. Ferron: C'est le notaire aussi.

M. Cannon: Ah bon! Mais, à ce moment-là, compte tenu de l'article 39, comment justifier ça?

M. Ferron: Bien, ce sont des dispositions qui sont dans le Code des professions et dans le code de déontologie. C'est des dispositions qui sont déjà prévues, de toute façon, l'accès au dossier.

M. Cannon: Si vous me refusez l'accès au dossier, devant qui, moi, je peux me plaindre?

M. Ferron: Devant le syndic, et il y a aussi - on vient de comparaître devant l'autre commission juste en face - dans l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions, on propose l'instauration d'un mécanisme d'arbitrage différent. Ça pourra être justement une chose, un des mandats de ce comité d'arbitrage, de regarder les plaintes au niveau des...

M. Cannon: Pourtant - on est francs, on se parle, cet après-midi - je ne pense pas que les décisions ou, tout au moins, la population soit entichée des décisions qui sont émises par le syndic au niveau de l'accès. Il faut quand même qu'on soit francs, cet après-midi. Les plaintes qui sont formulées à la Commission d'accès à l'information, les plaintes que, moi, j'ai pu entendre ici depuis le début de cette commission ainsi que les plaintes que j'ai déjà entendues antérieurement, à l'occasion de la dernière commission qui s'est tenue au mois de novembre 1991, me laissent tout au moins un goût amer dans la bouche quant à la performance des syndics de défendre les intérêts ou, de toute façon, de permettre l'accès au dossier et de refuser l'accès au dossier. Ils sont à la fois juge et partie. C'est ça, le problème, voyez-vous. Là, vous me dites que, dans l'autre pièce à côté, avec mon collègue Savoie, vous avez proposé un arbitrage.

M. Ferron: Ce n'est pas nous qui l'avons proposé, c'est le ministre lui-même.

M. Cannon: C'est le ministre qui a proposé un arbitrage.

M. Ferron: Et je devrais ajouter, à moins que mes collègues ne me contredisent, que, nous, au niveau de la Chambre des notaires, on a à peu près pas de plaintes au niveau de l'accès au dossier. À ma connaissance, il n'y en a à peu près pas.

M. Cannon: Ça va pour le questionnement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Juste par hypothèse, est-ce qu'il serait pensable que la réglementation actuelle, qui régit ça dans le cas des notaires,

puisse possiblement demeurer inchangée et que le citoyen, qui aurait possiblement à se plaindre, puisse indifféremment exercer son recours auprès du syndic ou via la Commission d'accès à l'information? La loi prévoit que la Commission d'accès va suggérer, aider les différents secteurs à se donner des codes de déontologie. D'une certaine manière, les notaires en ont déjà un. Alors, pourquoi on réinventerait quelque chose dans ce cas-là? Et, si la question, c'est le recours, est-ce qu'il n'y aurait pas avantage à ce qu'il y ait un double recours pour le citoyen qui s'estimerait lésé?

Je vous dis ça parce qu'à ma connaissance les règles de déontologie qui vous régissent ne font pas problème comme tel. Ce ne serait peut-être pas Illogique do dire que le citoyen peut faire une plainte au syndic ou s'adresser à la Commission d'accès à l'information puisque, de toute façon, la question du secret professionnel, vous êtes déjà régis par une loi qui vous impose de le respecter. Donc, c'est l'accès qui serait l'enjeu. On peut penser que la même réglementation peut donner lieu à un recours, indifféremment, au syndic ou à la Commission d'accès. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Richer: À notre connaissance, la Chambre des notaires et le Barreau sont les deux corporations professionnelles qui ont le plus de règles à cet égard. Par exemple, lorsqu'un notaire décède ou cède son greffe ou lorsqu'il quitte temporairement, même pour 15 jours, l'exercice de sa profession, il y a tout un paquet de mécanismes prévus pour que ses clients aient accès à leur dossier et à leurs documents, etc. Je pense que c'est la même chose au Barreau.

Essentiellement, nous ne croyons pas que ce soit un problème pour la population d'avoir deux portes où cogner pour avoir accès à des renseignements qui la concerne. Ce que nous soulevons dans notre mémoire, c'est, s'il doit y avoir deux portes, essayons de prévoir des mécanismes pour faire en sorte que ces deux ou même ces trois portes-là, si on introduit en plus l'Office des professions en ce qui concerne les corporations professionnelles, parce qu'il est possible aussi que quelqu'un demande en même temps à l'Office des professions d'intervenir auprès d'une corporation... Alors, si, pour la population, il y a trois portes qui lui permettent d'exercer un recours, à tout le moins il faudrait, en termes de communication, aviser clairement la population en disant: Bien, s'il s'agit d'un professionnel, la première porte, c'est celle-là, la deuxième, c'est celle-là et la troisième, c'est celle-là. Si vous vous adressez à trois, ça ne donnera pas nécessairement de meilleurs résultats. C'est le sens qu'on donnait à notre intervention.

M. Ferron: On pourrait peut-être ajouter à ça qu'on aura beau critiquer les syndics pour, peut-être, l'impression qu'on a d'un manque d'objectivité, mais je pense que, si on réfère tout simplement les gens à la Commission d'accès à l'information, les gens de la Commission vont devoir chausser leurs patins. Imaginez le nombre de cas qu'ils vont avoir à traiter. J'ai l'impression que ça va être des retards aussi. Ça va être assez long avant que les gens ne puissent se faire servir et à quel coût aussi.

M. Bourdon: maintenant, je me posais une question. le syndic, est-ce qu'il a le pouvoir de redonner l'accès s'il reçoit une plainte d'un citoyen?

M. Richer: l'intervention du syndic est d'abord morale. je pense que, lorsqu'un professionnel se fait dire par son syndic: écoutez, il nous apparaît que vous n'appliquez pas votre code de déontologie, que la demande de monsieur ou de madame est justifiée quant à l'accès aux renseignements qu'il ou elle désire obtenir, notre compréhension, c'est que, dans 99,9 % des cas, il y a une collaboration évidente. là où la collaboration pourrait être un peu moins rapide, c'est en même temps lorsqu'il y a poursuite au civil contre un professionnel et que ça enclenche le mécanisme d'assurabilité où l'assureur dit au professionnel: écoutez, avant de divulguer de l'information, vous allez d'abord demander conseil auprès des procureurs du fonds d'assurance-responsabilité. (16 h 30)

Alors, souvent, j'irais presque jusqu'à dire qu'essentiellement les problèmes d'accès aux dossiers se produisent dans ces cas-là. Encore là, le syndic joue pleinement son rôle. Il nous arrive très souvent de voir le syndic communiquer avec le notaire, le professionnel et, quelquefois même, avec le fonds d'assurance-responsabilité qui, chez les notaires, est aussi un appendice de la corporation pour leur dire: Écoutez, la demande n'a rien à voir avec la poursuite; livrez les renseignements demandés et faites diligence. C'est un mécanisme qui fonctionne très bien.

M. Bourdon: Mais, s'il y avait le double ou même le triple recours, on peut penser qu'un citoyen qui serait sceptique ou qui n'obtiendrait pas satisfaction du syndic pourrait faire une plainte à la Commission, si le syndic n'a pas le pouvoir d'ordonner. Est-ce que je résume bien en disant qu'essentiellement vous êtes favorables au principe de la loi, mais que vous dites qu'il y a un certain nombre de lacunes dans le projet de loi?

Et ça, vous avez une oreille sympathique quand vous dites ça, quand vous dites, dans vos recommandations, que la rédaction du projet de loi est vague et ambiguë et qu'elle devrait être simplifiée et clarifiée, sinon ça encourrait le risque d'entraîner une avalanche de recours devant la Commission Je suis parfaitement d'accord là-dessus. Mais, dans le fond, ce que

vous arguez, c'est que votre spécificité... Parce que vous êtes une des deux professions les plus sensibles à la question du secret professionnel et, donc, de la protection des renseignements personnels. Vous voulez juste qu'on tienne compte de votre spécificité et qu'on ne fasse pas comme si on devait réinventer les règles qui vous régissent.

Les recours, c'est une autre question qui peut s'arranger, en autant que la loi, comme vous le disiez tout à l'heure, s'harmonise avec la loi et le règlement qui vous régissent. Dans le fond, ça aurait peut-être l'avantage que la Commission d'accès pourrait faire un tableau global de la situation, mettons, le volet dans les corporations professionnelles. Parce que, comme vous dites, les cas sont finalement assez peu fréquents et se posent surtout quand il y a une poursuite et puis que l'assurance-responsabilité s'applique. En d'autres moments, les notaires, vis-à-vis de leurs clients, sont bien ouverts, parce que leur travail consiste justement à aller chercher des renseignements, des preuves, des trucs. Pour avoir traité avec des notaires, je sais qu'on reçoit toute la documentation, parce que, par définition, c'est leur métier d'aller la chercher où elle existe et de la donner au client pour le rassurer sur les titres qu'il détient.

M. Ferron: En fait, essentiellement, ce qu'on veut, c'est éviter que, par exemple, l'Office des professions nous dise: Faites telle chose, et que la Commission nous dise: Faites d'autre chose. C'est un peu ça qu'on veut éviter.

M. Bourdon: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.

M. Cannon: Je comprends le problème qui est soulevé, mais l'article 86 est là. Vous avez pris connaissance de l'article 86, Me Ferron.

M. Ferron: Oui, mais ça ne m'apparaît pas suffisamment clair pour dire qu'il n'y aurait pas de conflit possible.

M. Cannon: Dans quel sens?

M. Ferron: Bien, on nous dit, finalement: «Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale...»

M. Cannon: Non, au deuxième paragraphe: «Toutefois elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des renseignements personnels ou l'accès d'une personne concernée à ces renseignements, résultant de l'application d'une autre loi».

M. Ferron: Ils n'ont pas pour effet de restreindre la protection résultant d'une autre loi, mais ils peuvent rajouter des obligations qui peuvent faire en sorte qu'il y ait quand même des conflits.

M. Cannon: Si ça peut aider le citoyen, tant mieux.

M. Ferron: Oui, mais si ça va à l'encontre de nos propres règles.

M. Cannon: Ah bien, c'est...

M. Ferron: C'est tout simplement ça qu'on craint. On ne veut pas du tout se défiler dans le sens... On est conscient qu'il faut protéger les gens et on a des règles pour ça justement. On veut tout simplement éviter des conflits.

M. Cannon: Ce que ça dit ici, c'est que, si tout ça est respecté, tant mieux, parfait.

M. Richer: On peut facilement imaginer que quelqu'un qui se présenterait à la Commission d'accès à l'information concernant un professionnel pourrait se faire dire par un officier: Avez-vous suivi telle ou telle démarche? Et il pourrait se faire dire: Non, je pensais que c'était la porte où il fallait cogner, comme ça se produit dans bien d'autres domaines où souvent les gens cognent à une autre porte que celle de la corporation pour se faire dire: Écoutez, la porte d'entrée pour poser telle demande concernant un professionnel, c'est sa corporation. Mais que ça ajoute des recours additionnels, nous, on est tout à fait pour ça.

M. Cannon: O.K. Excellent. Merci.

M. Bourdon: Moi, ce que je comprends du rôle qui est dévolu au syndic, j'aurais tendance à croire que la Commission d'accès aurait intérêt à inciter les gens à s'adresser d'abord au syndic pour que ça se règle à l'amiable. Voilà une corporation professionnelle qui offre déjà le service de conciliation que, dans le secteur public, la Commission a mise sur pied, en disant: SI vous n'obtenez pas satisfaction, on est un recours possible.

M. Richer: C'est ce qui se passe, par exemple, auprès du Protecteur du citoyen et à la Commission des droits de la personne. Il peut arriver que des gens s'adressent à ces organismes, mais on leur dit: Bien, on pense, nous, que la première démarche, c'est de communiquer avec le syndic de la corporation. Si vous n'obtenez pas satisfaction, on verra ce qu'on peut faire.

Le Président (M. Doyon): Alors, il n'y a pas d'autres interventions? Il me reste donc, au nom des membres de la commission, à vous remercier. Je pense que votre présentation a été fort intéressante et éclairante. Je vous remercie

beaucoup d'être venus nous rencontrer. Donc, je vous permets de vous retirer.

La commission va maintenant recevoir les représentants de l'Association des banquiers canadiens. Je leur demanderais de bien vouloir se préparer et, aussitôt que nos invités auront quitté la table, de prendre leur place.

Donc, bienvenue aux représentants de l'Association des banquiers canadiens. Je les invite maintenant à nous faire part de leur mémoire ou d'en faire un résumé pendant une vingtaine de minutes. Sur l'heure que nous pouvons consacrer à cette étude de votre mémoire, il y aura la moitié du temps qui restera qui sera dévolue au parti ministériel et le reste du temps au parti de l'Opposition. Je vous demanderais tout d'abord de bien vouloir vous présenter, pour les fins du Journal des débats, et, après, vous pourrez commencer. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Donc, nous sommes prêts à vous écouter.

Association des banquiers canadiens (ABC)

M. La verdure (Robert): M. le Président, vous voulez qu'on se présente au tout début?

Le Président (M. Doyon): Oui, s'il vous plaît.

M. La verdure: Alors, je suis Robert Laver-dure, premier vice-président de la Banque Toronto-Dominion et président de l'Association des banquiers canadiens pour le Québec.

Le Président (M. Doyon): Vous êtes accompagné de Mme...

Mme Carron (Christine): Christine Carron. Je suis avocate à l'Association des banquiers pour la section du Québec.

M. Ballard (Michel): Michel Ballard, vice-président de l'Association des banquiers canadiens, division du Québec.

Mme Bouchard (Chantai): Chantai Bouchard. Je suis avocate conseillère aux relations gouvernementales pour l'Association des banquiers canadiens, division du Québec.

M. Fraser (Bert): Bert Fraser, chef de transition, CGT, Banque T-D.

M. Hébert (Jacques): Jacques Hébert, directeur des affaires publiques et relations gouvernementales à l'ABC.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous et à toutes. Nous sommes à votre écoute.

M. La verdure: Alors, M. le Président, si on peut commencer avec la présentation de M.

Hébert tout de suite. (16 h 40)

Le Président (M. Doyon): Oui

M. Hébert: L'Association des banquiers canadiens, l'ABC, est heureuse, au nom de ses membres, les banques à charte, de pouvoir formuler des commentaires sur le projet de loi 68. Les banques, qui comptent quelque 34 000 employés au Québec, reconnaissent l'importance de protéger la confidentialité des renseignements personnels et de mieux renseigner les clients sur l'obtention, la conservation et l'utilisation des données.

La confiance et l'intégrité étant deux éléments essentiels à leurs activités, les banques ont depuis toujours été préoccupées par la question de la confidentialité et elles possèdent une longue tradition en matière de protection des renseignements personnels. Nous appuyons donc les objectifs du gouvernement du Québec qui consistent à mieux protéger le consommateur dans ce domaine, mais nous ne sommes aucunement d'accord avec les moyens proposés. De plus, rien ne justifie une intervention gouvernementale d'une ampleur du projet de loi 68.

Pour débuter, passons rapidement et succinctement en revue le régime de réglementation qui s'applique à la collecte, à l'utilisation et à la conservation des données relatives aux clients dans les institutions qui nous intéressent de plus près, à savoir les banques. Dès 1986, le secteur bancaire a répondu favorablement à l'appel du ministre fédéral des Affaires extérieures, qui invitait le secteur privé à adopter des codes de confidentialité. Cette initiative venait appuyer l'engagement du Canada à l'égard de l'application des directives de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, sur la protection des données.

C'est ainsi que l'Association des banquiers canadiens a élaboré un modèle de code de confidentialité pour les particuliers à l'intention de ses membres qui contient les principes devant guider l'industrie bancaire dans la protection et le traitement des renseignements personnels. Ce code est en vigueur dans toutes les banques faisant affaire au Canada et, partant, au Québec. Qui plus est, l'Association des banquiers canadiens s'emploie actuellement à élaborer des modes de code distincts à l'intention des employés et des clients commerciaux des banques.

Mais, pour le bénéfice des membres de cette commission qui, faute de temps, n'auraient pu prendre connaissance de ce code de confidentialité que se sont donné les banques, en voici, dans le désordre, quelques extraits, et je cite: Au moment ou avant de recueillir des renseignements, les banques informent leurs clients de l'usage qu'elles entendent faire de l'information obtenue et leur demandent l'autorisation de vérifier et de compléter ces renseignements auprès de sources externes, au besoin; avant

d'utiliser ces renseignements à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été recueillis, les banques doivent obtenir l'autorisation du client; sauf indication contraire précise dans le code de confidentialité, l'échange de renseignements personnels avec des tiers ne peut se faire sans le consentement du client; les clients sont en droit d'exiger que la banque confirme les renseignements qu'elle possède sur leur compte et, en cas de refus de la part de la banque, les clients sont en droit d'exiger une explication et même de contester cette décision; les clients doivent pouvoir avoir accès aux renseignements personnels détenus par leur banque, sauf lorsque ceux-ci ont trait à des opinions juridiques ou à des jugements. Fin des extraits.

Voilà quelques passages seulement du code de confidentialité entériné par les banques qui illustrent à quel point la confidentialité des renseignements personnels constitue pour elles un aspect extrêmement important de leurs opérations quotidiennes. Vous trouverez d'ailleurs ce code en annexe au mémoire que nous avons déposé doviinl vous

L'ABC croit que le gouvernement du Québec, plutôt que d'adopter la voie réglementaire, devrait encourager l'ensemble des institutions placées sous sa juridiction ainsi que les entreprises privées à appuyer les lignes directrices de l'OCDE et étendre le principe d'autorégle-mentation à tous les domaines du secteur privé. De cette façon, on pourrait agir dans les meilleurs intérêts du consommateur sans avoir à assumer les coûts inhérents au fonctionnement d'un organisme public de réglementation. Plus souvent qu'autrement, on le sait, ces coûts dépassent, et de beaucoup, les prévisions des meilleurs administrateurs. Compte tenu de l'augmentation considérable de la tâche qui serait confiée à la Commission d'accès à l'information, c'est peut-être ce qui risque de se produire. Alors même que le gouvernement prône de vivre selon ses moyens, est-ce là la bonne façon d'y arriver?

Les banques suivent de près la question de la confidentialité des renseignements personnels, non seulement à cause de sa portée considérable sur les affaires en général, mais aussi parce qu'elle colle, par tradition, à l'essence même des activités bancaires. C'est pourquoi nous tenions à nous prononcer sur les dispositions du projet de loi 68. Pour les mêmes raisons, nous avons formulé, dans le mémoire que nous avons déposé devant cette commission, des commentaires précis sur quelques articles du projet de loi. Permettez que nous nous arrêtions sur certains d'entre eux.

L'article 10. Il semble que toutes les communications de renseignements, même celles qui sont courantes, doivent être consignées dans le dossier de la personne. Si nous sommes d'accord avec l'objectif de cette disposition, nous croyons, cependant, qu'elle va créer un fardeau administratif inutile et entraîner une hausse des frais pour le client, en raison du nombre élevé des communications courantes. Mentionnons notamment la communication de renseignements aux imprimeurs de chèques et aux sociétés émettrices de cartes de crédit.

L'article 11. L'article, en obligeant les institutions financières à s'assurer que les dossiers sont à jour, exacts et complets, occasionnerait des frais extrêmement élevés. On pourrait même ajouter que la plupart des institutions financières ne seraient pas en mesure de s'y conformer. De nombreux clients ne reçoivent pas de relevé, par exemple les titulaires de comptes d'épargne avec livret, et déménagent souvent sans jamais en informer leur institution financière. En pareil cas, il est impossible de déterminer si l'adresse figurant dans le dossier est exacte. Par conséquent, la plupart des institutions financières ne peuvent, à toutes fins utiles, respecter cette exigence.

Si le projet de loi était adopté tel quel, ce serait la responsabilité d'une institution financière de contacter chacun de ses cients, afin de vorifior si les coordonnées de ces derniers sont toujours exactes, l'institution financière étant tenue, sous peine de poursuite pénale, de maintenir constamment à jour et exact le dossier de renseignements qu'elle détient sur chacun de ses clients.

Article 12. Selon cet article, les entreprises ne pourront utiliser les renseignements personnels, exemple adresse, numéro de téléphone, qu'elles détiennent à des fins dites incompatibles avec celles prévues au moment de leur cueillette, à moins que la personne concernée n'y consente. Par exemple, les renseignements obtenus auprès d'un client lors de l'ouverture d'un compte de banque ne pourraient être utilisés pour offrir à ce même client des services de cartes de crédit ou d'assurances. Il serait même interdit de le solliciter dans le cadre d'une campagne de souscription. La prospection commerciale d'une entreprise bancaire auprès de ses propres clients, à partir de ses propres listes, serait donc interdite.

Pourtant, en vertu de l'article 20, une entreprise pourrait vendre ses listes de membres ou d'abonnés, pratique, en passant, à laquelle les banques se refusent, à une firme de télémarketing, à la condition que ce soit pour des fins commerciales ou philanthropiques, et ce, sans être tenue de recueillir le consentement des personnes figurant sur ces listes. Nous croyons déceler ici une contradiction sérieuse. C'est pourquoi nous pensons que des éclaircissements s'imposent.

L'article 15. Cet article prévoit qu'aucun consentement à la communication à un tiers de renseignements personnels ne peut être exigé comme condition à la conclusion d'un contrat, à moins que cette communication ne soit pertinente à la réalisation de l'objet d'un tel contrat. À première vue, le but recherché par cet article

paraît tout à fait légitime. Dans les faits, cependant, cette disposition pourrait avoir des conséquences désavantageuses pour le consommateur. À titre d'exemple, une banque ne pourrait vérifier l'expérience de crédit de l'individu avec la rapidité et la fiabilité qu'elle connaît aujourd'hui sans la possibilité, pour les institutions, de partager les renseignements financiers avec des bureaux de crédit. Par conséquent, le consommateur qui jouit d'une bonne expérience et d'une bonne réputation de crédit se verrait pénalisé par l'imposition d'un taux d'intérêt qui reflète l'expérience moyenne de l'ensemble des consommateurs. Serait également mise en péril la rapidité avec laquelle certaines banques répondent à des demandes de crédit, qui sont souvent, à l'heure actuelle, traitées dans un délai de 48 heures.

On peut également s'interroger quant à l'effet jumelé de cet article et des articles 6 et 14 sur le devoir imposé au banquier d'exiger des renseignements supplémentaires des tiers comme condition de sa participation à une transaction proposée lorsque ce banquier soupçonne que la transaction implique des produits de la criminalité. À notre avis, les exceptions prévues aux sous-articles 7, 2 et 3 devraient être élargies pour comprendre une telle situation.

Jetons maintenant un coup d'oeil sur l'article 17. Celui-ci énumère les cas où une personne peut communiquer des renseignements personnels à un tiers sans le consentement de la personne concernée. Bien qu'une des exceptions prévues au premier alinéa soit la communication de renseignements personnels à son procureur, il serait opportun de modifier son libellé en y ajoutant, et je cite: «et notamment pour permettre à une personne de protéger ou faire valoir ses droits», afin d'assurer que, dans le cadre des procédures judiciaires, une personne ou son procureur puisse dévoiler des renseignements personnels. (16 h 50)

Article 28. Cet article, en vertu duquel une personne a le droit, à sa demande, d'avoir accès à des renseignements provenant de tiers lorsque l'institution s'est servie de ces renseignements pour prendre une décision qui lui est défavorable, soulève un certain nombre de questions au chapitre du fonctionnement des entreprises. Par exemple, nous croyons que les employeurs auraient beaucoup de difficultés à obtenir une évaluation de rendement honnête, au moment d'engager de nouveaux employés, puisque les personnes qui donnent ce renseignement peuvent craindre les actions en libelle diffamatoire ou en dommages. Nous sommes d'avis que cette disposition pourrait créer un marché noir de l'information, car plus rien ne serait officiellement confiné au dossier.

L'article 35. Cette disposition, qui oblige les utilisateurs de données à permettre au client d'avoir accès aux avis et aux jugements, donc des faits à caractère subjectif, dès qu'une décision a été rendue, occasionnerait des problèmes gigantesques aux institutions financières. Les avis et les jugements ne sont pas la propriété du client, mais bien de l'utilisateur des données. Ils représentent des conclusions auxquelles l'utilisateur est arrivé à la lumière des renseignements fournis par le client. Les banques sont foncièrement opposées à la communication aux clients ou à des tiers de renseignements sur lesquels elles détiennent un droit exclusif, par exemple les avis et les jugements formulés par les employés. Elles sont satisfaites de l'exemption qui autorise la communication des renseignements uniquement lorsque la décision finale a été rendue. Cependant, elles estiment qu'elle ne répond pas à tous leurs besoins en matière d'exclusivité, surtout compte tenu du fait que leurs relations d'affaires s'étalent sur une longue période.

Comme l'accès aux avis et aux jugements revêt une importance capitale pour les institutions financières, nous recommandons également au législateur de passer en revue les pratiques suivies par les autres pays de l'OCDE à cet égard. Des recherches nous ont permis de constater que, même dans les pays qui ont adopté une loi régissant tous les aspects de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, aucune disposition ne rend obligatoire l'accès du client aux avis et aux jugements.

Section V. Nous sommes vivement préoccupés par cette partie du projet de loi qui décrit les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information. Cette dernière se voit conférer le statut d'organisme quasi judiciaire, ayant de nombreuses attributions: arbitrage, enquête, poursuite et information. Nous croyons qu'il est disproportionné d'accorder des pouvoirs aussi vastes à la Commission, qui risque ainsi d'entrer en conflit avec les institutions financières. À ce stade, nous recommandons de restreindre comme suit les pouvoirs de la Commission: aider les partenaires de l'industrie à établir leur code de pratique et leur mécanisme de règlement des plaintes, trancher les différends qui opposent les utilisateurs de données et les personnes visées sans être habilitée à imposer des sanctions monétaires. À l'heure actuelle, rien ne laisse croire que les partenaires de l'industrie ont besoin d'un tel organisme d'exécution

Section VI. Les articles semblent viser les agences d'évaluation de crédit. Toutefois, sans le vouloir, le législateur peut ainsi régir les activités des institutions financières qui recueillent des renseignements en matière de crédit ou autres aux fins du respect de la loi et de la prévention du crime. Une mention à l'effet que la confection de rapports de crédit constitue l'objet de l'exploitation de l'entreprise dissiperait toute ambiguïté.

Dans le cadre de l'étude du projet de loi 68, nous nous sommes surtout attardés, comme

vous l'avez remarqué, aux dispositions qui augmenteront inutilement le coût des services financiers ou entraveront la prestation efficace de ces services auprès des consommateurs. C'est que les banquiers du Québec, partenaires financiers du Québec ont acquis la conviction intime que les contribuables québécois ne souhaitent nullement, en ces temps difficiles, voir un organisme gouvernemental, en l'occurrence la Commission d'accès à l'information, atteindre des proportions gigantesques qu'ils devront financer à des coûts non moins gigantesques. Ces mêmes contribuables, qui sont aussi des consommateurs, ne souhaitent pas non plus que soit mise en place une réglementation inutilement lourde qui paverait éventuellement la voie à une augmentation possible des frais de service dans toutes les institutions financières du Québec.

En ce qui a trait à la confidentialité des renseignements personnels, toutes les banques sans exception ont mis sur pied leur propre service de traitement des plaintes, auquel tous les clients peuvent se référer, et qui laisse à ces derniers tout le loisir de faire valoir leurs vues en cas de mésentente avec leur institution. Pour les banques, le respect de la confidentialité et des renseignements personnels ne date pas du dépôt de la loi 68.

À preuve, nous vous invitons à examiner les six brochures que nous aimerions déposer devant vous, chacune d'elles produite et distribuée par les six grandes banques canadiennes. Permettez que nous fassions une rapide nomenclature des titres et de la banque éditrice: «Strictement entre vous et nous: confidentialité des renseignements à caractère personnel», publié par la Banque Nationale du Canada; «Respecter votre confidentialité: l'engagement T-D», publié par la Banque Toronto-Dominion; «À la Banque Scotia, vos renseignements personnels sont bien protégés», une publication de la Banque Scotia; «Réponses sans détour: marche à suivre pour régler les plaintes», conçu et distribué par la banque CIBC; «L'essentiel sur la protection de la vie privée des clients», publié par la Banque Royale, et, finalement, «En toute confidentialité», une brochure distribuée par la Banque de Montréal à sa clientèle.

Comme quoi, mesdames, messieurs, l'autoré-glementation fonctionne vraiment dans l'industrie bancaire. À preuve, au Bureau du Surintendant des institutions financières à Ottawa, l'organisme suprême de surveillance des banques, les plaintes déposées contre ces dernières relativement à la confidentialité des renseignements personnels ont été de zéro en 1990-1991 et de trois en 1991-1992. Traduction: le problème n'existe pas dans l'industrie bancaire, au point, d'ailleurs, qu'à leur présentation au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui s'est penché sur la question, des fonctionnaires du ministère des Finances ont conclu qu'il n'était pas justifié à ce stade de réglementer davantage les pratiques suivies par les institutions financières en matière de protection des renseignements personnels. En fait, si on analyse les pratiques suivies dans le secteur bancaire aux fins de la protection des renseignements sur les consommateurs, on constate que l'autoréglementation est solidement ancrée et que les différents partenaires de l'industrie tirent parti des progrès réalisés à ce chapitre.

Permettez, en terminant, que nous le répétions, à notre avis, le gouvernement québécois devrait non pas légiférer, mais plutôt encourager l'industrie à prendre d'autres mesures d'autoréglementation. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Alors, il me fait plaisir d'accueillir les gens de l'Association des banquiers canadiens. Bienvenue et merci d'être là. Je pense que vos informations et définitivement votre participation aident considérablement le législateur à formuler une opinion sur le projet de loi.

Je me rappelle, lorsque vous étiez venus la dernière fois, vous m'aviez parlé de l'autoréglementation, des bienfaits de l'autoréglementation et de tout le travail qui avait été fait. Je pense qu'il faut le souligner, il y a un travail quand même exceptionnel qui est fait de la part de l'Association et aussi de ceux qui, quotidiennement, gèrent nos avoirs et nos capitaux.

Ce qui me préoccupe un peu, par contre, c'est que l'autoréglementation est semblable à une adhésion volontaire. L'adhésion n'est pas une adhésion qui, elle, soit réglementée ou autre. Autrement dit, quand vous me parlez de votre code de conduite, je présume que le code de conduite suppose une adhésion volontaire. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c'est ça?

M. Ballard: C'est bel et bien volontaire, oui, mais tout le monde l'a adopté quand même, les grandes banques canadiennes.

Mme Carron: Non seulement ça, je peux ajouter que, en vertu de la Loi sur les banques, qui régit les banques, il y a des devoirs importants imposés aux banques. Entre autres, les administrateurs d'une banque doivent établir des modalités pour restreindre l'usage des renseignements confidentiels. Ils doivent aller plus loin. Ils doivent faire constituer un comité qui doit assurer le respect de ces modalités pour restreindre l'usage des renseignements personnels. En plus, ils doivent prendre des précautions raisonnables pour s'assurer que des personnes non autorisées n'ont pas accès à ces renseignements ni ne les utilisent. (17 heures)

M. Cannon: Quels sont les recours des gens, maître, si, justement, les banques ne respectent

pas ces règles-là?

Mme Carron: D'abord, en vertu de la Loi sur les banques, à l'article 455, ainsi qu'en vertu d'un règlement, une banque doit établir des procédures pour traiter les réclamations de ses clients. Aussi, les banques, en vertu des règlements faits par le gouverneur en conseil, aux termes de la Loi sur les banques, doivent informer leurs clients qu'ils peuvent déposer copie de la plainte ou de la réclamation auprès de l'Office du Surintendant des institutions financières, leur donner l'adresse, le nom de la personne concernée et les coordonnées. C'est une obligation qui est imposée par la Loi sur les banques.

M. Cannon: Et au niveau de la rectification?

Mme Carron: Au niveau de la rectification, la loi en parle aussi. Les banques ont le devoir, aux termes de la Loi sur les banques, de s'assurer que leurs dossiers, leurs documents et leurs registres sont exacts, dans la mesure du possible. Aussi, les banques ont le devoir de prendre des précautions qui facilitent la découverte et la rectification de leurs registres, dossiers et documents.

M. Cannon: Est-ce que c'est le Surintendant qui peut ordonner l'accès, le recours et la rectification? Qui le fait, lorsque c'est volontaire?

Mme Carron: Non, la loi prévoit qu'une banque doit garder dans ses registres toutes les transactions qui concernent son client et le client a droit, a accès, aux termes de la loi, à ses transactions. C'est une obligation juridique.

M. Cannon: C'est-à-dire que, s'il y a un refus d'accès, le client suit la procédure, se rend jusqu'au Surintendant. La question, c'est de savoir qui dit à la banque en question: M. Untel ou Mme Unetelle a gain de cause, vous devez lui permettre accès, vous devez rectifier et corriger le dossier. Qui fait ça?

Mme Carron: En principe, c'est le Surintendant des institutions financières...

M. Cannon: O. K.

Mme Carron:... mais je peux vous dire aussi qu'en 1992, parmi les 10 000 interventions, il n'y avait que trois plaintes pour tout le Canada, concernant la confidentialité des renseignements privés.

M. Cannon: Dans votre mémoire, à la page 4, à l'égard de l'application du projet de loi aux banques vous indiquez, et j'en fais Iecture «Relevant de la compétence exclusive de l'administration fédérale en vertu de la Loi constitutionnelle, les banques sont évidemment assujetties à la réglementation de ce palier de gouvernement. Dans cette optique, les activités des banques sont soustraites à l'application du projet de loi 68. Cependant, les banques suivent la question de près étant donné sa portée considérable sur les affaires en général. En outre, le projet de loi suscite de l'appréhension du fait qu'il aborde la question de la réglementation dans le secteur privé sous un angle différent. Par conséquent, le précédent ainsi créé pourrait inciter l'administration fédérale et les provinces à réglementer davantage la protection des renseignements personnels dans le secteur des institutions financières. C'est pourquoi nous tenions à nous prononcer sur les dispositions du projet de loi 68. »

Pourriez-vous m'expliquer ce que ça veut dire?

M. Ballard: Peut-être que je peux répondre un peu, M. le ministre. Premièrement, vous nous avez invités ici pour donner notre point de vue. Même si ce n'est pas clair pour nous ou pour vous si les banques peuvent être assujetties à cette loi, nous sommes ici, au Québec, comme nous sommes partout ailleurs, et tout ce que nous faisons, au Québec, toutes nos affaires commerciales sont touchées par le projet de loi 68. Nos clients, les PME, les individus, les bureaux de crédit et tout ce que nous touchons ici sont affectés par votre projet de loi 68, et c'est pour ça que nous apprécions l'opportunité d'exprimer notre point de vue.

M. Cannon: Dans le fond, ce que vous me dites, c'est que la Charte québécoise des droits et libertés et le Code civil sont là. Donc, vous devez vivre avec.

M. Ballard: Le Code civil est là, et vous nous présentez le projet de loi 68 comme loi d'application qui reflète les articles 35 à 41 du Code civil, mais, nous, notre point de vue, c'est que ce n'est pas évident du tout qu'il existe une justification ou qu'une telle intervention massive de la part du gouvernement est nécessaire pour protéger les renseignements au Québec.

M. Cannon: Je pense que c'est important de clarifier tout de suite au départ. Je ne veux pas vous prêter des intentions en disant que vous voulez vous soustraire à la loi, puisque l'Association ou, enfin, les banques relèvent d'une loi fédérale et que, par conséquent, c'est anticonstitutionnel que le Québec aille assujettir les banques à une loi comme la loi 68. Je comprends que vous faites des efforts et qu'il y a des ramifications. Je voulais clarifier ça tout de suite au départ, parce que j'ai des avis, moi, du ministère de la Justice, comme quoi les banques

sont, pour cette cause, pour le projet do loi 68, assujetties aux dispositions de la loi 68. mais c'est un autre discours, c'est une autre affaire, ça.

M. Ballard: Nous avons des conseils de l'autre côté! Ha, ha. ha!

M. Cannon: C'est bon pour les avocats, n'est-ce pas?

M. Laverdure: Ce n'est clairement pas... M. le ministre, ce n'est clairement pas le discours qu'on va avoir aujourd'hui.

M. Cannon: Non, non, je le sais.

M. Laverdure: Je pense qu'on est du même côté de l'exercice, aujourd'hui.

M. Cannon: O. K. Ça va. Je vais céder la parole, peut-être pour revenir plus tard, je vais céder la parole à...

Le Président (M. Doyon): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je vous écoutais parler, puis je me disais: II y a un adage qui dit que la perfection n'est pas de ce monde. Mais, apparemment, la perfection est dans les banques. Il faudrait donc penser que, si vous êtes parfait et infaillible, Olympia & York n'a jamais existé, parce que, manifestement, dans le cas d'Olympia & York, il y a des prêts qui ont été faits à une entreprise qui n'était pas capable de rembourser. Mais je vous...

M. Laverdure: ...m'adresser à ce point-là, mais la banque t-d n'était pas dans le dossier d'olympia & york. alors, je ne pourrais pas y répondre.

M. Ballard: Et on doit souligner que nous ne discutons pas des affaires de nos clients non plus!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Vous respectez la confidentialité. Mais je reviens au sujet qui est sur la table. C'est que, dans le fond, mettons que les banques sont parfaites et infaillibles, elles vivent dans un monde imparfait et faillible. Par exemple, Équifax a des employés qui, à un moment donné, utilisent des moyens illégaux et frauduleux pour avoir des renseignements sur les personnes qui sont fichées chez elles, dans sa fonction recouvrement. Des entreprises comme Équifax obtiennent des renseignements des banques et fournissent des renseignements aux banques. Donc, si on admet que les banques sont infaillibles et parfaites, conviennent-elles qu'elles vivent dans un monde faillible ot imparfait9

Dans ce sens-là, je suis un peu indigné que vous ayez comme position qu'il n'y a rien qui justifie une intervention législative du gouvernement quand des personnes vivent des situations. Ce matin, par exemple, l'ACEF-Centre nous disait que, malgré l'Intervention d'Esso dans un cas, d'une compagnie d'assurances dans l'autre cas, Équifax a refusé de corriger des erreurs grossières dans un rapport de crédit. Ce n'est pas une banque qui l'a faite, mais on sait que ça fonctionne en réseau, ces informations, ces renseignements qui circulent, et que les banques y contribuent.

L'autre problème, c'est que le code de déontologie dont vous partez, vous l'administrez vous-même, puis il n'y a pas un tiers impartial qui est chargé, en vertu de la loi québécoise, de corriger les situations qui mériteraient d'être corrigées. Là où je vous suis parfaitement, c'est que c'est vrai que le projet de loi qu'on a devant nous prévoit des dispositions, contient des dispositions d'une lourdeur excessive. J'ai dénoncé, à quelques reprises, l'idée, par exemple, que tous les agents de renseignements devraient viser toutes les personnes qui ont un dossier sur leur compte, sans leur donner copie du dossier.

Justement, les banques et les caisses populaires pourraient les remettre à leurs clients, ces dossiers-là, quand elles les ont, ce qui simplifierait les choses. Or, je ne dis pas que le projet de loi est parfait. Je l'ai établi à plusieurs reprises. (17 h 10) quant à la juridiction du québec, dans le fond, il y a eu des décisions de la cour suprême, comme celle au sujet de irwin toy, en 1989, qui soutenait à peu près le même point de vue que les banques. la loi régissant la télévision, la loi sur la radiodiffusion étant fédérale, le québec, disait-on, n'a pas le droit d'interdire la publicité destinée aux enfants. pourtant, la cour suprême a dit que oui. la télévision est de juridiction fédérale, la loi sur la radiodiffusion est fédérale, mais c'est en vertu du code civil. c'est une disposition du code civil qui interdit la publicité destinée aux enfants. alors, la cour suprême a décidé que c'était parfaitement légal de le faire et, en l'occurence, ce qu'on a devant nous, c'est une loi d'application des dispositions des articles 35 à 41 du code civil, qui, lui, est de juridiction incontestable du québec. et, dans ce sens-là, c'est sûr que, dans notre système, on peut toujours trouver un avocat pour dire que c'est fédéral si on est poursuivi par le provincial, ou dire que c'est provincial si on est poursuivi par le fédéral. mais, moi, je trouve que les banquiers auraient intérêt à faire un petit effort pour comprendre ce que leurs clients vivent, ce qui n'est pas généralement dû à des activités des banques, effectivement, mais d'un réseau complet de renseignements personnels, notamment en matière de crédit, et, en matière de crédit, les

banques y participent. Ce n'est pas les banques qui prennent les décisions, mais les banques y participent.

Bref, ma question est la suivante: En admettant que vous n'êtes pas infaillible, est-ce qu'il serait pensable qu'une loi permette au citoyen lésé de pouvoir faire redresser le tort par la Commission d'accès à l'information?

M. Laverdure: Disons qu'on ne peut pas argumenter avec ce point de vue là, parce que, si on pense aux intermédiaires financiers au Québec, clairement, ce qu'on vend, nous, c'est la confidentialité, le respect, le trust. C'est ce qu'on vend. Alors, on ne peut pas argumenter avec ce que vous venez de dire. Alors, l'ouverture d'esprit est clairement là. On est loin d'être parfait. Des erreurs, ça arrive à l'occasion. On en a décrit quelques-unes tantôt. Mais on se demande si, au niveau bénéfices, avec la lourdeur d'une loi comme celle-ci, il va y avoir vraiment des bénéfices.

Dans certains domaines, avec certains intermédiaires financiers, il y a possiblement des abus, il y a possiblement des problèmes. On n'est pas ici pour défendre un groupe ou un autre, mais vous avez posé la question, et vous avez fait une longue intervention sur Équifax, tantôt. Sans en parler longuement, j'aimerais que M. Ballard réponde à cette partie-là de la question. Mais, clairement, pour ce qu'il s'agit de l'Association des banquiers canadiens, au Québec, il y a une sensibilité au citoyen québécois. C'est probablement notre plus grande sensibilité comme citoyen corporatif du Québec.

M. Ballard: Merci. Oui, juste pour ajouter un peu, je dois répéter ce que nous avons dit au début. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'intention du gouvernement de vouloir protéger les renseignements personnels, aucun argument là. C'est le moyen que le bill 68 prend pour le faire qui nous trouble énormément.

En ce qui concerne les bureaux de crédit, il se peut fort bien, et on peut même soupçonner que la raison d'être de 68, c'est les bureaux de crédit, mais, si c'est le cas, visons les bureaux de crédit. Ne tentons pas d'inclure 200 000 entreprises au Québec ou d'aller capturer ces 200 000 entreprises-là et de les assujettir à une telle loi, qui va leur coûter énormément cher à administrer. À eux comme à nous, la nécessité d'une telle loi, c'est loin d'être évident.

M. Bourdon: Vous avez parlé, dans votre intervention, des coûts supplémentaires que le consommateur serait amené à assumer si une loi était adoptée. Il y en a une aux États-Unis, depuis 20 ans, et en Ontario et à l'île-du-Prince-Édouard, depuis au moins cinq ans. Est-ce que vous pouvez nous dire quels coûts supplémentaires ça a occasionné aux consommateurs aux États-Unis, à l'île-du-Prince-Édouard et en

Ontario?

M. Ballard: Personnellement, je ne suis pas au courant de la loi à laquelle vous vous référez pour l'île-du-Prince-Édouard et l'Ontario. La Loi sur la protection des renseignements personnels?

M. Bourdon: Oui.

M. Ballard: Est-ce que vous êtes au courant?

Mme Carron: Ce que, moi, je comprends - et puis je suis avocate québécoise, je n'ai pas le droit de me prononcer sur les lois d'autres provinces - mais ma compréhension, c'est que ces lois...

M. Cannon: Ça ne sortira pas du Québec, on vous le promet.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Carron: Ma compréhension, c'est que ces lois-là sont quand même plus restreintes dans leur portée, et elles ne sont pas aussi larges que le projet de loi 68 auquel nous faisons face aujourd'hui. Surtout, ce à quoi on s'oppose dans cette loi-là, c'est le manque d'harmonisation entre celle-ci et d'autres législations qui imposent des devoirs aux banquiers, des devoirs positifs, qui seraient en conflit avec cette loi-ci, parce qu'on essaie de rendre le projet de loi 68 applicable à toutes les entreprises, dans toutes les circonstances. Ce qu'on prétend, c'est qu'il devrait y avoir des distinctions faites pour tenir compte des différences.

M. Bourdon: Mais, en fait, je ne vous demandais pas une opinion légale sur la portée ou le contenu des législations de l'Ontario et de l'île-du-Prince-Édouard, mais vous êtes l'Association des banquiers canadiens, alors vous devez avoir des membres qui opèrent des banques en Ontario et à l'île-du-Prince-Édouard, et, que je sache, il n'y a pas eu de problèmes dramatiques parce que ces deux provinces-là sont 5 ans en avance sur le Québec. Idem aux États-Unis, où le Fair Credit Reporting Act existe depuis 20 ans. Je ne sache pas que ça ait créé de problèmes.

Sur le contenu, je vous suis, qu'il y a certaines dispositions qui sont inutilement lourdes, mais, justement, je pense que le banques pourraient jouer un rôle, par exemple dans la divulgation des rapports de crédit, en étant associées dans la loi à l'effort pour les remettre au client. Ce serait une façon possiblement plus simple, plus pratique de le faire. Mais, dans le fond, je répète ma question. Vous êtes l'Association des banquiers canadiens, donc vous ayez des membres en Ontario et à l'île-du-Prince-Édouard, est-ce que les législations comparables - je ne

dis pas mot à mot, mais dans l'intention - semblables sur la confidentialité des renseignements ont créé des problèmes importants aux banquiers de l'île-du-Prince-Édouard ou de l'Ontario?

M. Ballard: Je dois admettre que je ne suis aucunement au courant de législation comparable, ni à l'île-du-Prince-Édouard ni en Ontario. Si nos avocats ne le sont pas non plus, peut-être que quelqu'un d'autre...

M. Bourdon: M. le Président, on pourrait leur faire parvenir.

Le Président (M. Doyon): Oui, je me fie à vous, M. le député. Moi, oui, peut-être nous faire part de ce que vous pensez de certaines expériences qui peuvent arriver à des consommateurs de services bancaires. Hier, j'ai eu une lettre d'une banque importante américaine... Non, c'était une lettre, plutôt, de Southern Bell, m'informant que la banque avait refusé un chèque de 13,65 $ et que, dans les circonstances, on couperait mon téléphone, etc., et de bien vouloir m'organiser avec ça. Sauf qu'il appert que la banque américaine a tout simplement fermé mon compte sans explications, mélange de numéro. J'ai téléphone au gérant, à la gérante; je suis rendu au vice-président. On m'a dit, quand j'ai demandé: Oui, mais l'argent, le chèque que j'ai déposé là, il est rendu où, parce qu'il n'avait pas été crédité à mon compte, on m'a dit: «It is floating around at the Federal Reserve somewhere.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Alors, ça me fait une belle jambe vis-à-vis de Southern Bell, qui n'entend pas à rire du tout et qui, pour un compte de 13,65 $, décide de couper le téléphone. Même chose avec FPL, qui est Florida Power and Light ou quelque chose comme ça. Moi, je n'ai pas trop de difficultés à convaincre la banque que, finalement, il y avait de l'argent dans le compte, etc. mais ce qui m'inquiète, c'est où c'est rendu, ce chèque refusé là, dans la machine d'appréciation de mon crédit personnel. Je vais, bien sûr, recevoir une lettre d'excuses de la banque, qui va me dire: Bon, on s'est trompé, il y a une erreur. On va m'expliquer que ça n'arrivera plus et que ça n'aurait pas dû arriver. Mais le fait demeure que, vis-à-vis de Southern Bell, je suis un client qui n'a pas payé son compte de téléphone, et vis-à-vis de FPL aussi. C'est rendu quelque part dans la machine.

Je me dis que, si ces erreurs-là peuvent arriver aux États-Unis, est-ce que c'est complètement exclu parmi les banques canadiennes? À vrai dire, je dois reconnaître que chose semblable n'est jamais arrivée, à ma connaissance en tout cas, avec des banques canadiennes, mais ce n'était pas la moindre des banques américai- nes avec laquelle je faisais affaire, et je suis pris dans la situation où, finalement, j'ai une mauvaise cote de crédit aux États-Unis, à la grandeur des États-Unis, pour un chèque de 13,65 $, alors qu'il y avait des fonds. «The cheque was floating around somewhere at the Federal Reserve.»

M. Laverdure: M. le Président, je ne veux pas vous répondre d'une façon...

Le Président (M. Doyon): Oui, je pourrais déposer.

M. Laverdure: ...je ne veux pas vous répondre d'une façon légère, mais, comme vous le savez bien, il y a quelques banques canadiennes qui sont bien établies, maintenant, dans le Sud des États-Unis...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laverdure: ...et je pense qu'il faudrait faire affaire avec ces bonnes institutions là.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 20)

M. Laverdure: Mais, d'une façon plus sérieuse, la Chambre de compensation, au Canada, entre les banques, entre les grands intervenants financiers est clairement... Je ne passerai pas quelques heures à vous l'expliquer ici, aujourd'hui, mais elle est clairement bien différente de celle des États-Unis. La frustration que vous ressentez avec ce chèque de 13 $ aux États-Unis, c'est une expérience que très peu de Canadiens, qui sont allés aux États-Unis, n'ont pas vécue, et ça n'a rien à faire avec la Chambre de compensation. Certaines personnes qui envoient des chèques à leurs enfants, par exemple, aux universités américaines, on entend des histoires de ce qu'on appelle le «Black Hole» aux États-Unis, d'une façon continue. Et, si c'est un chèque en dessous de 50 000 000 $ qui passe à travers New York, je vous donne des chances que ça ne passera pas dans votre compte avant, des fois, deux semaines, trois semaines ou quatre semaines. Alors, les banques américaines sont régies différemment qu'on l'est ici. Même si c'est des grandes institutions fières, c'est un système qui est bien différent du nôtre.

Le Président (M. Doyon): Bon, ça me rassure du côté canadien. Ce que je me demande aussi, c'est concernant les renseignements nombreux que vous détenez sur les gens qui ouvrent des comptes, qui font affaire avec les banques un peu partout. Est-ce que ces renseignements-là sont partagés d'une façon systématique entre les diverses banques? Est-ce que le renseignement, par exemple, que ma banque peut avoir sur moi est remis sur simple demande à une autre banque où je peux avoir, par exemple,

une demande de carte de crédit, d'avance de fonds, de marge de crédit, n'importe quoi? Est-ce que c'est automatique?

M. Ballard: Non, absolument pas. Ce n'est pas fait du tout. C'est aussi court que ça. On ne donne pas ces renseignements-là à une autre banque. J'aimerais quand même, M. le Président, ajouter un autre point à ce que mon collègue a dit sur la question aux États-Unis. Même au niveau de l'organisme qui administre les compensations au Canada, l'Association canadienne des paiements, il existe aussi des exigences sur la confidentialité, sur la protection des renseignements et sur... Quand vous pensez aux transactions que vous faites via Interac, entre banques, et même de la Floride à Montréal, vous pouvez retirer de l'argent de votre compte en Floride, même si votre compte est ici, tous ces renseignements-là sont couverts par une autre imposition de règlements sur la sécurité et la confidentialité des renseignements. C'est-à-dire que votre numéro de compte, votre numéro d'identification personnel est transmis, rien d'autre chose, pas l'endroit où vous avez acheté, aucune information sur l'achat, ou sur le nom, ou rien. Donc, il y a même des exigences à ce niveau-là, au niveau de la compensation entre banques.

Le Président (M. Doyon): Oui. Peut-être... Oui, M. le ministre, vous avez quelque chose.

M. Cannon: Oui. Tout simplement comme question additionnelle à ce que posait le président. Donc, il existe précisément des règles, chez vous, à l'Association, en ce qui concerne les flux transfrontières entre les banques canadiennes et les banques américaines? Est-ce que j'ai...

M. Ballard: L'Association canadienne des paiements. C'est l'Association qui est chargée de la compensation et qui est chargée... pas de l'administration. Interac, c'est une société privée, composée de plusieurs institutions financières, mais leurs transactions sont gouvernées par les règlements de l'Association canadienne des paiements. Dans ces règlements-là, on nous impose certaines restrictions en ce qui concerne la confidentialité et la protection des renseignements personnels.

M. Cannon: Vous serait-il possible de nous les faire suivre, au secrétaire, ces dispositions-là?

M. Ballard: Absolument, oui.

M. Cannon: Peut-être, si vous permettez, M. le Président, très rapidement.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Cannon: Tout à l'heure, on par- lait - pour le bénéfice peut-être de mon collègue - si j'ai bien saisi, il s'agissait, bien sûr, en Ontario et à l'île-du-Prince-Édouard, de lois sur les bureaux de crédit.

M. Bourdon: C'est ça.

M. Cannon: je comprends l'étonnement des gens qui sont devant nous, de ne peut-être pas être familiers avec les dispositions de cette loi-là. nous, on parle d'une loi sur la protection des renseignements.

M. Ballard: Ce serait peut-être, donc, un exemple à suivre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Sauf que les bureaux de crédit reçoivent des renseignements des banques, et en fournissent aux banques. Donc, d'une certaine façon, c'est interrelié.

Le Président (M. Doyon): Oui. Peut-être en question supplémentaire, très rapidement, M. le ministre, si vous permettez. En ce qui concerne l'émission des cartes de crédit, la façon dont c'est administré. Chacune de vos banques, j'imagine, a une carte de crédit à laquelle elle est affiliée - Visa, Mastercard. Est-ce que les renseignements qui sont colligés sur la façon dont sont réglés les comptes de cartes de crédit entrent dans le même dossier que pour celui, par exemple, qui a une marge de crédit à la banque, ou qui a une hypothèque, ou je ne sais trop? Est-ce que tout ça est sous un même chapeau pour le consommateur, ou s'il y a des dossiers différents? Parce que, moi.. Très souvent, il y a des gens qui peuvent être un peu négligents en ce qui concerne les cartes de crédit, laisser traîner des comptes un peu trop longtemps, ne pas acquitter le minimum requis à la date prévue et s'acquitter parfaitement des autres obligations en ce qui concerne d'autres remboursements pour les prêts. Mais, est-ce que c'est tout mis dans le même panier et que ça donne le profil de crédit d'une personne?

M. Laverdure: Normalement, tous ces organismes à l'intérieur des banques, c'est des organismes qui sont, pas «arm's length», mais qui sont clairement séparés. Mais, si on regarde le crédit d'un individu dans une banque, on regarde une relation complète. Alors, quand on fait l'évaluation de la validité d'un individu vis-à-vis d'un crédit, il faut absolument regarder tout son crédit avec une institution.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Ça répond à ma question.

M. Cannon: Oui. Peut-être une observation. Je sais que mon collègue de Saint-Hyacinthe a

des questions à vous poser. Vous avez fait état, tout au long de votre mémoire, de la nécessité de maintenir l'autoréglementation et vous avez évoqué également qu'en ce qui concerne les lignes directrices de l'OCDE les pays membres ou les pays qui adhéraient à ces lignes directrices n'avaient pas nécessairement de loi. Les informations que j'ai, moi, sont à l'effet contraire, que les pays membres de l'OCDE, qui adhèrent aux lignes directrices concernant la protection des renseignements, ont soit des lois ou s'apprêtent à adopter des lois. Donc, en ce sens-là, le Québec s'inscrit dans le même flot, dans le même mouvement que l'ensemble mondial, et met donc de côté cette question d'autoréglementation.

Par ailleurs, l'adoption du Code civil, particulièrement les articles 35 à 41, sont des dispositions qui, encore une fois, parlent très, très largement de la protection de la vie privée. Si le projet de loi 68 ne voit pas le jour, il n'en demeure pas moins que les articles 35 à 41 sont là. Ils vont exister, ils ne changeront pas. Or, ce que nous avons, c'est une loi d'application et, par conséquent, même si on voulait que la loi s'en aille, que, par un mouvement de magie, il n'y en ait pas de loi et que les législateurs abandonnent l'idée de faire une loi, tout cela ne se produira pas. Au contraire, nous allons de l'avant avec le projet de loi 68 et, oui, il y aura des resserrements tantôt, il y a des choses, je pense, qui méritent...

Vous avez posé des questions pertinentes. Il y a des choses qui méritent notre attention, j'en conviens, mais ce que je veux vous dire, ce n'est peut-être pas de la musique très douce à vos oreilles, mais c'est que, oui, il y aura une loi, et, forcément, je pense, cette loi-là, avec la collaboration de tous et de chacun, notamment des parlementaires, verra le jour au mois de juin prochain. Ce que nous essayons de faire, c'est que cette loi-là respecte, dans la mesure du possible, le vécu des gens, mais aussi vienne définir, la pratique de la protection de la vie privée.

Mme Carron: Si vous me permettez, M. le ministre...

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Carron: ...ma compréhension de ce qui se passe en Europe est la suivante. À l'heure actuelle, il y a l'Allemagne qui a légiféré dans le domaine. D'autres pays, comme l'Angleterre, ont des codes volontaires. Même s'il est vrai que certains pays songent à légiférer dans le domaine, si on prend l'exemple de l'Allemagne, la législation en question est quand même différente à plusieurs égards de celle proposée sous la forme du projet de loi 68. Par exemple, en Allemagne, les opinions, les avis, les jugements sont exclus et sont considérés la propriété de l'institution ou de l'entreprise. Le consommateur n'a pas accès à ce genre de renseignements. (17 h 30)

Deuxièmement, au niveau du consentement du client, en Allemagne, où il y a déjà en place une législation, ce consentement n'est pas explicitement prévu. Ce qui est prévu à sa place, c'est que, lors de l'ouverture du compte ou de l'établissement du rapport commercial entre l'institution et son client ou l'entreprise et son client, on exige qu'on dévoile l'utilisation qu'on entend faire des renseignements qui seront communiqués par la personne concernée. C'est cette divulgation de l'utilisation proposée qui constitue ou remplace le consentement ou la nécessité d'obtenir un consentement régulièrement, de sorte qu'en cours de route, si l'utilisation proposée change, l'entreprise a le devoir de retourner à son client et de le réinformer de la situation. Donc, à plusieurs égards, la législation en question est différente et suit beaucoup plus les grandes lignes de ce qui est proposé par l'OCDE.

M. Cannon: Non, le point que je voulais faire, maître, c'est simplement de vous indiquer que, oui, effectivement, il y a de la législation, que, peut-être, dans certains cas, elle peut paraître sévère. On me donne ici la liste - et vous me permettrez, M. le Président, de le consigner au procès-verbal - des membres de l'OCDE qui ont de la législation: la République fédérale d'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède. Et ceux qui s'apprêtent à déposer ou à faire des mesures législatives: la Belgique, l'Espagne, la Grèce et la Suisse. Alors, ça fait pas mal de monde là, pas mal de monde.

Mme Carron: Je ne suis pas sûre au sujet du Royaume-Uni. Mes renseignements, c'est que le code, en ce qui concerne les institutions financières, est volontaire dans ce pays. En France, c'est différent. Mais, même dans les pays, telle l'Allemagne, qui ont une législation, mes renseignements sont à l'effet que la législation ne va pas aussi loin que ce qui est proposé dans le projet de loi 68. Même, dans le mémoire «explanatoire» qui accompagne les directives de l'OCDE, à l'item 47, page 28, on mentionne explicitement que le secteur bancaire en est un qui mérite d'être traité de façon différente dans l'application des directives, parce qu'on reconnaît qu'il y a des distinctions qui s'imposent dans le cadre de ce secteur.

M. Cannon: Oui, j'en suis, et il y a peut-être un dernier point avant de céder la parole à mon collègue de Saint-Hyacinthe, c'était l'article... Je pense que c'est l'article 87, c'est ça. L'article 87, lorsqu'on parlait, tout à l'heure, des difficultés au niveau de la compensation, je crois que monsieur se référait aux chevauchements, les

chèques qui circulaient, effectivement.

Alors, l'article 87, parce qu'on y a pensé, se lit comme suit: «Lorsque sur une matière visée par les articles 74 à 76, la compétence de la Commission chevauche celle d'un organisme public ou d'un ministère, la Commission peut conclure, après approbation du gouvernement, une entente avec cet organisme...» Alors, le Surintendant des institutions financières, par exemple, ferait l'objet d'une entente, il aurait... Je comprends qu'on n'irait pas, à chaque fois qu'il y a un chèque qui transige, ou qui est en opération dans le système, vérifier, bien sûr, les autorisations nécessaires pour une dispense. Je pense que ça va de soi.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci. Deux petites questions, M. le Président. Est-ce que l'ensemble des banques canadiennes sont reliées sur le même système de vérification du crédit? Exemple, je fais une demande de prêt hypothécaire à ma banque ou à une autre institution financière, une caisse populaire, on établit toujours le bilan - passif, actif et tout ça. Il y a une feuille qui est remplie, et tout ça. J'imagine qu'ils doivent, à la banque, faire une vérification auprès de l'institution de crédit, j'imagine, avant de m'accorder mon prêt.

M. Fraser: Peut-être que je peux répondre à votre question. Je n'ai pas travaillé dans toutes les institutions financières, mais c'est sensiblement le même processus à chaque institution. On demande de faire le bilan, une liste de l'actif et passif. On demande de faire le détail de vos obligations. On demande de donner des détails au niveau de vos revenus et placements. Ensuite, on procède à une vérification au bureau de crédit pour confirmer les dires du client.

M. Messier: O.K. Est-ce que les banques - Toronto, Banque Nationale, Banque Royale -.sont reliées aux mômes banques informatiques, auprès de la même compagnie?

M. Fraser: Je ne pourrais pas répondre à cette question.

M. Ballard: II y a Équifax. Vous parlez de bureaux de crédit?

M. Messier: II y a combien de compagnies de crédit qui font des vérifications? Comme Toronto-Dominion, vous faites affaire avec qui?

M. Laverdure: On fait affaire avec Équifax.

M. Ballard: Moi, je suis de l'Association des banquiers. On ne fait pas affaire avec des bureaux de crédit.

M. Messier: Non, vous n'en faites pas, mais... O.K.

M. Ballard: On ne les aime pas. Il y a deux ou trois bureaux de crédit. Il y a Trans Union, qui est en train de s'établir. Il y en a d'autres plus petits ici. Ça peut être un ou deux, mais ce n'est pas gros.

M. Messier: Est-ce qu'il y a une interrelation entre...

M. Laverdure: Je pense, pour répondre vraiment à votre question, qu'il n'y a pas d'interrelation entre les banques. Si on décide - et ce n'est pas à toute occasion - de faire une intervention avec Équifax, c'est là que ça se termine. Il n'y a aucune intervention avec la Royale, la Nationale ou autres.

M. Messier: O.K. Si je fais une transaction avec la banque Toronto-Dominion, qui fait affaire avec Équifax, à Saint-Hyacinthe et qu'à Québec je fais une autre transaction immobilière avec, disons, une caisse populaire, qui ne fait pas affaire avec Équifax, de quelle façon les deux vont communiquer ensemble pour savoir... Est-ce que les deux vont communiquer ensemble? Vous ne pensez pas?

M. Laverdure: Pas nécessairement.

M. Messier: Pas nécessairement. Donc, il peut avoir...

M. Laverdure: J'aimerais que ce soit le cas, mais ce ne sera pas nécessairement le cas.

M. Messier: Non, il n'y a pas un monopole.

M. Laverdure: La probabilité, c'est que ce ne le sera pas.

M. Messier: II n'y a pas de monopole, sauf, pout ôtro, Équifax, étant le plus gros au Québec, sinon au Canada...

M. Laverdure: C'est ça

M. Messier: ...pour la vérification de crédit tel quel. Est-ce qu'il est possible - je ne sais pas si le ministre en a une copie - d'avoir un exemple fictif d'une information contenue sur une fiche de crédit personnelle d'un individu, avec des noms fictifs, avec des montants réels, mais avec des noms fictifs? Je suis plus peut-être un visuel qu'un auditif J'aimerais voir ce que ça contient, ça, une fiche de crédit.

M. Laverdure: Vous voudriez en recevoir une copie?

M. Messier: S'il vous plaît.

M. La verdure: On va vous la faire parvenir.

M. Messier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Vous pouvez faire parvenir ça à la commission, M. Laverdure, et on s'occupera de la remettre au député de Saint-Hyacinthe, aux membres de la commission. Le ministre est intéressé aussi, me dit-il. .

Compte tenu du temps qui s'est écoulé, il me reste à remercier les membres de l'Association.

M. Ballard: Est-ce que je peux vous interrompre?

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Ballard: Excusez-moi. Un point à propos de... On n'a pas eu l'opportunité d'en parler, mais j'aimerais le signaler. Dans l'article 17, on parle ici de la possibilité de communiquer à des personnes qui sont chargées de détection, de répression et de prévention du crime, etc. Cette section, je peux vous dire, va nous causer, et causer à d'autres, des ennuis énormes dans la prévention du crime.

Nous avons, dans le secteur bancaire, par exemple - quand je dis le secteur bancaire, j'inclus les caisses Desjardins, les fiducies, et tout ça - un cadre de sécurité d'environ 30 à 35 individus, qui se rencontrent régulièrement. Le but de ces rencontres, c'est d'échanger des renseignements pour empêcher la fraude - de la fraude de toutes sortes, le blanchiment d'argent, ot tout, et tout. Cotto sootion 17 n'est pas assez large pour accommoder un tel échange d'informations. Effectivement, c'est énormément restrictif. Donc, si, dans les discussions, vous pouviez tenir compte...

M. Laverdure: Avant vos commentaires de fermeture, clairement, on aimerait vous remercier de nous avoir invités. Et, en passant, si on veut nous revoir ou si on veut discuter avec nous, à l'occasion, avant que cette loi ne soit bel et bien passée, parce que le ministre a bien mentionné que c'est un projet qui va probablement bel et bien passer, on sera a votre disposition.

M. Cannon: Merci de votre collaboration.

Le Président (M. Doyon): Donc, merci beaucoup à l'Association des banquiers canadiens. Je pense que ça a été extrêmement intéressant et instructif.

Donc, j'ajourne les travaux jusqu'à lundi, le 1er mars, à 15 heures.

(Fin de la séance à 17 h 39)

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