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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux et continue le
mandat qui lui a été confié par l'Assemblée
nationale en étudiant la Loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, la loi 68.
Ce matin, nous avons un ordre du jour, vous avez pu en prendre
connaissance. Je n'en ferai pas la lecture. Notre premier invité est le
Conseil interprofessionnel du Québec, et je vois qu'ils sont
déjà avancés. Je leur souhaite la plus cordiale des
bienvenues. Je leur demande de bien vouloir se présenter de façon
à ce que nous ayons leurs noms dans le Journal des
débats.
Je signale aussi qu'ils disposent d'une vingtaine de minutes pour nous
faire la présentation qu'ils ont à nous faire. Le restant du
temps est partagé également entre les deux formations politiques
pour s'entretenir avec vous et demander des éclaircissements, si
nécessaire. Donc, vous avez la parole.
Conseil interprofessionnel du Québec
(CIQ)
M. Frechette (Errol): Merci. M. le Président, M. le
ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je suis Errol Frechette,
directeur administratif du Conseil interprofessionnel. Il me fait plaisir de
vous faire connaître le point de vue de nos membres sur le projet de loi
68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé. À cette fin, je suis accompagné de Me Daniel
Ferron, de la Chambre des notaires, Me André Gariépy, de la
Corporation des psychologues, Me Marc Sauvé, du Barreau.
Comme la nature des activités de l'exercice des professions varie
énormément d'une corporation a l'autre, ceci explique que
certains de nos membres aient jugé nécessaire de présenter
leur point de vue particulier sur le projet de loi. Vous aurez par contre
remarqué, à la lecture de leurs mémoires,
l'unanimité des corporations concernant le point de vue contenu dans le
mémoire du Conseil.
Le système professionnel du Québec, c'est 41 corporations
professionnelles regroupant plus de 240 000 membres, c'est l'Office des
professions, c'est le ministre responsable de l'application des lois
professionnelles, c'est le Conseil interprofessionnel. La protection des
renseignements personnels est une des assises importantes du système
professionnel.
D'abord, il s'agit de l'un des cinq facteurs à considérer
pour la constitution d'une corporation. Suivant l'article 25 du Code, pour
déter- miner si une corporation professionnelle doit ou non être
constituée, on doit tenir compte du caractère confidentiel des
renseignements que les personnes appelées à devenir membre de la
corporation sont susceptibles de connaître dans l'exercice de leur
profession.
Ainsi, plus le caractère confidentiel des renseignements en cause
ressortira, plus il sera indiqué pour la protection du public de
constituer en corporation les personnes qui traitent ces renseignements. Le
caractère confidentiel de ces renseignements justifie ainsi la
création d'une corporation professionnelle essentiellement parce que les
membres de celle-ci seront régis en cette matière par un certain
nombre de règles ressortissant d'un concept fort connu et fort bien
établi, le secret professionnel. Il s'agit d'un concept connu et bien
établi parce qu'il existe depuis fort longtemps et parce qu'il est
applicable aux membres de toutes les corporations professionnelles.
Il faut aussi se rappeler que, suivant l'article 87, paragraphe 3°
du Code, chaque corporation doit adopter un code de déontologie
contenant des dispositions, et je cite, «visant à préserver
le secret quant aux renseignements de nature confidentielle qui viennent
à la connaissance des membres de la corporation dans l'exercice de leur
profession». C'est ainsi qu'on retrouve dans les codes de
déontologie des professions des dispositions assurant le respect de la
réputation et de la vie privée des clients de ces
professionnels.
À titre d'illustration, on peut relever certaines de ces
dispositions dans les codes suivants. Dans le Code de déontologie de la
Chambre des notaires, à l'article 3.05.01, on note: «Le notaire
est tenu de garder le secret de tout renseignement de nature confidentielle
obtenu dans l'exercice de sa profession», 3.05.02: «Le notaire doit
veiller à ce que ses employés ne communiquent à autrui
aucun des renseignements confidentiels dont il a pu avoir connaissance»,
3.05.05: «Le notaire doit éviter les conversations
indiscrètes au sujet d'un client et des services qui lui sont
rendus.»
Ces règles sont spécifiques parce qu'elles s'adressent
à chacun des professionnels d'une façon particulière, et
celui-ci doit s'assurer aussi de la discrétion de ses employés au
sujet non seulement des renseignements portant sur le client, mais aussi sur
les services qui lui sont rendus. Par exemple, le Code de déontologie de
la Corporation professionnelle des physiothéra-peutes, 3.06.02:
«Le physiothérapeute ne peut être relevé du secret
professionnel qu'avec l'autorisation écrite de son client ou lorsque la
loi l'ordonne.» On constate ainsi la rigueur du
secret professionnel par le fait que les exceptions sont réduites
au minimum, soit l'autorisation du client ou lorsque la loi l'ordonne.
Un autre exemple, l'Ordre des chiroprati-ciens, code de
déontologie, article 3.06.03: «Le chiropraticien ne doit pas
révéler qu'une personne a fait appel à ses services
à moins que la nature du cas l'exige.» Cette disposition donne une
idée de l'étendue du secret professionnel qui impose une
protection particulière aux renseignements concernant un individu
à partir du moment où il fait appel aux services du
professionnel. (10 h 10)
De plus, les codes de déontologie peuvent comporter d'autres
règles complémentaires assurant la protection des renseignements
personnels. À titre d'exemple, Corporation professionnelle des
physiothérapeutes, 3.06.03: «Lorsqu'un phy-siothérapeute
demande à un client de lui révéler des renseignements de
nature confidentielle, ou lorsqu'il permet que tels renseignements lui soient
confiés, il doit s'assurer que le client est pleinement au courant du
but de l'entrevue et des utilisations diverses qui peuvent être faites de
ces renseignements.»
Enfin, il est intéressant de retrouver dans le Code de
déontologie de l'Ordre des chiropra-ticiens la règle
d'éthique suivante, à 3.01.07: «Le chiropraticien doit
s'abstenir d'intervenir dans les affaires personnelles de son patient sur des
sujets qui ne relèvent pas de la compétence
généralement reconnue à la profession, afin de ne pas
restreindre indûment l'autonomie de son patient.» On constate que
la protection des renseignements personnels n'est pas seulement une question de
confidentialité, mais aussi une règle de conduite.
Concernant l'accessibilité aux dossiers des professionnels, le
Code des professions impose, suivant l'article 87, paragraphe 4°, aux
bureaux des corporations d'insérer dans leur code de déontologie
«des dispositions concernant le droit d'une personne recourant aux
services d'un professionnel de prendre connaissance des documents qui la
concernent dans tout dossier constitué par ce professionnel à son
sujet et d'obtenir des copies de ces documents».
De plus, suivant l'article 94c du Code, le bureau peut, par
règlement, «fixer des normes relatives à la tenue, à
la détention et au maintien des dossiers» d'un professionnel dans
l'exercice de sa profession. L'avant-projet de loi modifiant le Code des
professions, présentement à l'étude dans une commission
parlementaire juste plus bas dans l'Assemblée, amène d'autres
modifications au Code des professions venant renforcer ce dernier
élément.
À titre d'illustration des règles imposées aux
professionnels en matière d'accessibilité et de tenue des
dossiers, on peut relever celle applicable aux chiropraticiens, qui se lit
comme suit, article 3.07.01: «Le chiropraticien doit respecter le droit
de son patient de prendre connaissance des documents qui le concernent dans
tout dossier constitué à son sujet et d'obtenir une copie de ces
documents.» De la même façon, une personne recourant aux
services de tout professionnel bénéficie du droit
d'accès.
Toujours à titre d'illustration, si on regarde le
Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des
physiothérapeutes, il contient plusieurs dispositions édictant
des mesures complémentaires de protection des renseignements personnels,
par exemple, 2.01: «...un physiothérapeute doit tenir, à
l'endroit où il exerce sa profession, un dossier pour chacun de ses
clients», 2.02: «Un physiothérapeute doit consigner ou
insérer dans chaque dossier les éléments de renseignements
suivants: la date d'ouverture du dossier; les nom, prénoms du client
à sa naissance, son adresse, son numéro de
téléphone, sa date de naissance, son sexe; l'évaluation du
rendement fonctionnel physique du client et, le cas échéant, tout
renseignement ou document pertinent obtenu d'un membre d'une autre corporation
professionnelle; la description des antécédents et conditions
associés à la condition pathologique du client et la description
des problèmes identifiés et énumérés par
ordre d'importance». Enfin, toute une série de renseignements
pertinents doivent être tenus au dossier. 2.03: «Un
physiothérapeute doit tenir à jour chaque dossier jusqu'au moment
où il cesse de rendre des services professionnels à la personne
concernée par ce dossier». 2.04: «Un physiothérapeute
doit conserver chaque dossier pendant au moins cinq ans à compter de la
date du dernier service rendu». 2.05: «Le physiothérapeute
doit conserver ses dossiers dans un local ou un meuble auquel le public n'a pas
librement accès et pouvant être fermé à clé
ou autrement. Le physiothérapeute doit signer ou parafer toute
inscription qu'il introduit dans ce dossier.»
Ainsi, on remarque que, par ces dispositions, on impose des limites aux
professionnels quant à la collecte des renseignements. Il doit s'agir de
renseignements pertinents. On exige aussi du professionnel de tenir à
jour les dossiers, d'entourer ces dossiers de mesures de sécurité
et d'en contrôler le contenu. Enfin, on prescrit un délai minimal
de conservation du dossier permettant ainsi l'exercice du droit d'accès
qu'on y a prévu pour le client.
Enfin, il importe de mentionner que le Code des professions
prévoit aussi d'autres mesures de protection des renseignements
personnels, d'une part, à l'égard des dossiers détenus par
les professionnels cessant d'exercer leur profession et, d'autre part, à
l'égard des membres et du personnel des instances administratives des
corporations professionnelles et de l'Office des professions. Dans le premier
cas, il s'agit de l'article 91 du Code, qui édicté que «le
Bureau doit déterminer, par règlement, les règles,
conditions, modalités et formalités de conservation,
d'utilisation [...] et de destruction des dossiers». C'est ainsi que le
professionnel qui a la garde du dossier d'un client d'un autre professionnel
ayant cessé définitivement ou temporairement d'exercer sa
profession se trouve régi par un règlement qui
réitère le droit d'accès au client à son
dossier.
Ce type de règlement impose aussi à la personne qui a la
garde du dossier de prendre toutes les mesures conservatoires
nécessaires à la sauvegarde des intérêts des clients
en cause comme, par exemple, la protection des renseignements personnels. Dans
le deuxième cas, le Code des professions ou certains règlements
de corporations exigent d'un certain nombre de personnes un serment ou une
affirmation de discrétion comportant la promesse de ne rien
révéler ou de ne faire connaître, sans y être
autorisé par la loi, quoi que ce soit dont elles ont eu connaissance
dans l'exercice de leur charge. Cette obligation de discrétion s'impose
aux personnes suivantes, les membres du Bureau des corporations
professionnelles, les membres et les secrétaires du comité de
discipline, le syndic, les syndics adjoints et les syndics correspondants, les
membres et les enquêteurs du comité d'inspection
professionnelle.
De plus, certaines règles applicables à la corporation
régissent l'accessibilité aux dossiers constitués par les
entités en relevant. Par exemple, le Règlement sur le
comité d'inspection professionnelle de la Corporation professionnelle
des conseillers et conseillères d'orientation du Québec limite le
droit d'accès aux documents du comité d'inspection
professionnelle à certaines personnes qui, on l'a vu, doivent
prêter un serment de discrétion. La disposition se lit comme suit,
paragraphe 7: «Sous réserve de l'article 11, seuls les membres du
comité, le secrétaire du comité, le personnel du
secrétariat et le président de la corporation ont accès
aux dossiers, livres et registres du comité. Avant d'entrer en fonction,
le secrétaire du comité et les membres du personnel du
secrétariat prêtent le serment ou font l'affirmation solennelle
contenue à l'annexe II du Code des professions.» Aussi, un droit
d'accès est réservé aux professionnels concernés
selon la disposition qui suit: «11. Le membre a le droit de consulter son
dossier professionnel au secrétariat du comité en présence
de l'un de ses préposés.»
En somme, on constate que, dans le cadre du système
professionnel, le public bénéficie de mesures significatives en
matière de protection de la vie privée et de la
réputation, et ceci, depuis plusieurs années, et que les
principes de base de même que les mécanismes utiles à leur
application, en matière de protection des renseignements personnels,
sont à la disposition du public dans le cadre actuel du système
professionnel.
Selon nous, il serait inapproprié, pour la protection du public,
de permettre la naissance d'un système parallèle. Hormis le fait
que ce nouveau régime nécessitera une nouvelle bureaucratie et un
dédoublement des énergies et des expertises, il risque de semer
une confusion importante dans le public qui ne fait que commencer à
comprendre pleinement le système professionnel.
Qu'il suffise de se rappeler qu'à l'issue des travaux de la
commission Castonguay-Nepveu, il avait été clairement
établi qu'il y aurait un système au Québec qui devrait
être le seul lieu de contrôle de l'activité professionnelle
pour éviter le foisonnement et nous épargner l'approche à
la pièce. Le législateur a déjà fait sienne cette
position du Conseil, lors des dernières modifications à la Loi
sur l'accès, en exemptant les membres des corporations professionnelles
de certaines modalités entourant le caractère confidentiel des
renseignements nominatifs dont la communication est nécessaire à
l'exercice d'un mandat confié par un organisme public.
Nous sommes d'avis que le chevauchement de deux régimes normatifs
est susceptible de confusion et risque d'amoindrir les garanties et les droits
fondamentaux dans la relation professionnel-client. Le dédoublement,
que, nous espérons, nous avons démontré comme inutile
entre les corporations professionnelles et la Commission d'accès, aurait
aussi des conséquences financières dans une période de
restrictions. La législation professionnelle régissant la
protection des renseignements personnels, la confidentialité, le secret
professionnel et la tenue des dossiers assure une protection solide et est
adaptée aux enjeux du monde professionnel.
Pour ces raisons, nous demandons qu'une disposition et non pas une
clause, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, soit
insérée dans le projet de loi pour qu'il y ait harmonisation
entre les législations, en faisant ressortir la
prépondérance du secret professionnel qui a été
consacrée par la Charte des droits et libertés pour le plus grand
bien du public. (10 h 20)
Le Conseil interprofessionnel remercie les membres de la commission de
la culture de lui avoir donné l'opportunité de présenter
ses commentaires sur le projet de loi 68 et espère que ses
recommandations seront prises en considération. Nous sommes, mes
collègues et moi, à votre disposition pour tenter de
répondre à vos questions. Merci de votre attention.
Le Président
(M. Doyon): merci beaucoup, m.
frechette. je sais que le ministre ainsi que d'autres parlementaires ont
sûrement des points qu'ils veulent soulever avec vous. donc, dès
maintenant, je donne la parole au ministre des communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Bonjour, M. Frechette ainsi que les membres de la corporation
interprofessionnelle qui vous accompagnent. Il me fait plaisir de vous
souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale, à cette
commission.
J'ai écouté attentivement les propos et je pense que nous
pourrions les résumer en disant que vous appuyez l'initiative
gouvernementale qui vise à protéger les renseignements personnels
du secteur privé, mais que la CIQ estime qu'il serait
inapproprié, voire inopportun, pour la protection du public, de
permettre la création d'un système parallèle inconciliable
avec les dispostions du Code des professions.
Vous avez même dit, dans votre déclaration, que
c'était susceptible d'apporter de la confusion. J'ai devant moi une
lettre qui vous a été adressée, le 15 février
dernier, et qui est signée par Augustin Roy, qui est le président
de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et vous
me permettrez de la citer. Cette lettre vous est adressée, M. Frechette,
et, au deuxième paragraphe, on peut lire ce qui suit: «Nous avons
toutefois été étonnés que le mémoire
prétende que ce projet de loi est inconciliable avec les dispositions du
Code des professions, des lois professionnelles et des règlements qui en
découlent. Nous ne croyons pas qu'il soit inconciliable, mais il faut
reconnaître que l'adoption de cette loi créerait deux avenues de
recours pour une personne à qui un professionnel refuserait accès
à son dossier. Elle pourrait avoir recours auprès du syndic de la
corporation et auprès de la Commission d'accès à
l'information.»
Pourriez-vous «adresser» les quelques commentaires de M.
Roy, s'il vous plaît?
M. Frechette: Oui, M. le ministre. M. le Président,
d'abord, c'est un fait que nous appuyons la démarche du gouvernement de
voir une protection des renseignements. La question de la confusion est
justement là. C'est que, si, effectivement, il y a deux... si
l'interprétation... Prenons l'hypothèse que
l'interprétation est à l'effet qu'il y aurait deux avenues pour
une personne d'avoir à contester une question de renseignements
personnels. Laquelle? C'est là qu'est la confusion. Est-ce qu'elle
s'adresserait au syndic de la corporation professionnelle ou à la
Commission? Dédoublement, augmentation des coûts, ça
rejoint les préoccupations de notre mémoire. Mais je proposerais
aussi que, connaissant très bien le Dr Roy... je pense que vous pourriez
peut-être répondre à sa lettre et lui poser la question
plus directement. Je ne voudrais surtout pas essayer d'interpréter plus
longuement ses propos, sentant qu'il est derrière moi aussi. Ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Frechette: Je ne sais pas si les gens qui m'accompagnent
veulent ajouter quelque chose? C'est ça. La confusion est donc
là.
M. Sauvé (Marc): Je pense qu'il faut aborder le
problème de la confusion. Quand on fait une analyse du projet de loi, on
s'aperçoit qu'il y a, finalement, deux régimes normatifs qui
couvrent la même chose. Il faut analyser ces régimes normatifs
là, et on s'aperçoit que le secret professionnel est un droit
fondamental d'un individu, qui lui appartient, et on est un peu les
dépositaires de ce droit-là. Certaines personnes peuvent
prétendre que le secret professionnel est un privilège du
professionnel. Il n'en est rien. Ça a été confirmé
par la Cour suprême. Et, de toute façon, c'est clair dans la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec. On voit
bien que c'est un droit fondamental qui appartient à l'individu.
Le secret professionnel est en soi un régime normatif qui est
beaucoup plus strict à certains égards que la loi qui est devant
nous. Pourquoi est-ce que c'est comme ça? C'est parce que,
historiquement, la relation avec un professionnel a besoin de cette garantie de
confidentialité là pour la validité d'intervention du
professionnel, et on a besoin que, par exemple, si un psychologue rencontre une
personne, cette personne-là se sente en confiance et qu'elle ait la
protection juridique que ce qu'elle nous dit va rester dans le cadre du cabinet
de consultation, pour le bénéfice de cette personne-là.
Donc, c'est un droit qui lui appartient.
À certains égards, on peut questionner le contenu du
projet de loi en comparaison avec la force exécutoire du secret
professionnel et son intensité d'application, là.
M. Cannon: C'est parce que je ne veux pas qu'on prenne tout le
temps sur les questions, réponses, là. Je pense que le temps qui
m'est dévolu est quand même important et j'ai d'autres questions
à vous poser.
La Commission d'accès à l'information nous dit
enregistrer, à chaque jour, de nombreux appels
téléphoniques provenant de personnes se plaignant de la situation
des renseignements personnels dans le secteur privé, dont plusieurs
concernent l'accès à leur dossier chez les professionnels. Or,
vous me dites, dans votre mémoire, que les dispositions
législatives et réglementaires gouvernant le système
professionnel québécois offrent des garanties suffisantes. N'y
a-t-il pas place à amélioration, d'après vous?
Une voix: Oui.
M. Frechette: M. le Président, il faut aussi mettre les
choses dans un contexte. Il y a 240 000 professionnels qui exercent au
Québec. Si vous faites une multiplication simple sans précision
nécessairement exacte, c'est des millions d'actes par jour qui sont
posés, des entrées dans
des dossiers, des millions. Vous faites appel à des chiffres.
Est-ce qu'on parle de 500 000 plaintes par jour, 200 ou 10? Il faut être
relatif dans les demandes d'information à la Commission d'accès.
On parle de choses minimes.
Mais, deuxièmement, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait de la
place pour l'amélioration, et on suggère qu'il y ait une
harmonisation entre les législations pour éviter la confusion et
éviter des dédoublements, mais une harmonisation.
M. Cannon: Je veux simplement vous rappeler... Tout à
l'heure, vous parliez de rétablissement de deux régimes. Soyons
clairs là-dessus. Il y a le Code civil qui a été
adopté. Les articles 35 à 41 sont très spécifiques.
Ce que nous avons ici, dans le projet de loi 68, c'est une loi d'application.
Demain matin, il n'y a pas de loi, c'est le Code civil qui s'applique. On
réalise ça, tout le monde, là, ici. C'est le Code civil.
On a un projet de loi qui va encadrer ces dispositions de protection des
renseignements.
À l'article 86 du projet de loi - je vous invite à le lire
avec moi - on dit: «Les dispositions de la présente loi
prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale
postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette
dernière loi n'énonce expressément s'appliquer
malgré la présente loi. «Toutefois, elles n'ont pas pour
effet de restreindre la protection des renseignements personnels ou
l'accès d'une personne concernée à ces renseignements,
résultant de l'application d'une autre loi, d'un règlement, d'un
décret, d'une convention collective, d'un arrêté ou d'une
pratique établie avant l'entrée en vigueur du présent
article.»
Voilà la compatibilité.
M. Gariépy (André): Bien, une chose qu'on peut
dire, c'est que, quand on parle de secret professionnel, c'est quelque chose
qui, sur le plan de la hiérarchie des normes juridiques, est quand
même supérieur même au Code civil. Donc, là-dessus,
une chose est certaine, toute la législation et les règlements
qui découlent de la notion de secret professionnel sont en soi un
régime normatif qui est hiérarchiquement supérieur
à bien des lois.
Le problème avec l'article 86, c'est que... Bien entendu,
ça n'a pas pour effet de restreindre la protection. Je pense que, dans
le cadre du système professionnel, on bénéficie, avec le
secret professionnel, d'une meilleure protection. Le problème, c'est la
restriction à l'accès peut-être. Là-dessus, on vous
parle d'harmonisation dans le sens où il faut avoir un guichet unique,
peut-être, pour la personne. Quand elle fait affaire avec un
professionnel, il y a des recours, il y a des règlements qui
régissent toute la gestion des dossiers, à la fois la cueillette,
la détention, la transmission et l'accessibilité du dossier. Je
pense qu'on a une législation assez complète qui a fait ses
preuves depuis une vingtaine d'années maintenant. (10 h 30)
II y a toujours place à amélioration, ça, on
s'entend là-dessus, mais je crois que vouloir tout couvrir par une loi,
ça peut être plus pratique sur le plan... pour rechercher les
normes législatives s'appliquant à une situation, mais, dans le
cadre du système profesionnel, on a déjà un régime
qui est bien installé. Alors, voyons à le bonifier. Et, moi, je
ne suis pas contre et le CIQ n'est pas contre, à l'effet de faire
bénéficier les gens qui ont à élaborer les
règlements professionnels de l'avis de la Commission d'accès
à l'information, étant donné que la Commission
d'accès à l'information a une expertise reconnue et qu'elle va
l'acquérir encore plus avec cette nouvelle loi là.
Mais, une chose est certaine, le guichet unique pour une personne de se
plaindre d'un professionnel, que ce soit dans ses actes professionnels ou dans
l'accessibilité à son dossier, je pense que c'est très
favorable, d'autant plus que ce guichet unique là, avec la formule de
financement actuelle du système d'un professionnel, bien, c'est les
professionnels qui le paient. Alors, quand on sait que la Commission
d'accès à l'information, selon les journaux, prend des
années à traiter un cas, je pense que, là-dessus, il y a
le contexte pratique aussi qu'il faut regarder.
Donc, à l'égard du conflit de loi, sur le plan simplement
juridique, de la technique juridique, il n'est jamais aisé de consacrer
un conflit de loi, de le reconnaître dans une loi, de dire: Bien, il peut
y avoir des problèmes, mais on les reconnaît. Bien, ça,
ça crée un aléatoire, des fois, dans les jugements, et je
ne sais pas ce que ça va donner à l'égard de nos cours,
mais il faut dire une chose, je crois que la Commission d'accès à
l'information, dans le passé, a reconnu la primauté du secret
professionnel et, dès qu'il y avait une relation professionnelle et que
ça touchait des choses qui venaient du contenu de la relation
professionnelle, la Commission d'accès à l'information a reconnu
la primauté du secret professionnel et de la législation qui en
découle.
Mais, moi, je me pose la question: Pourquoi permettre à des
citoyens de faire des démarches inutiles auprès d'un organisme
juridictionnel comme la Commission d'accès à l'information qui,
de toute façon, cinq ans plus tard, va leur dire: Écoutez, vous
êtes au mauvais endroit?
M. Cannon: Non, ce n'est pas la question du secret professionnel
qui est en cause. Entendons-nous bien ici, ce matin. C'est l'accès et le
recours. Dites-moi quelque chose. Quels sont les recours des personnes qui
veulent avoir accès à leur dossier ou le faire rectifier au
besoin, chez vous?
M. Gariépy: Bon, à l'égard de
l'accès, il y a
des normes assez précises dans les codes de déontologie et
les règlements sur la tenue de dossier, sur l'accessibilité. Bien
entendu, le principe, comme la loi le dit si bien, c'est que la personne a
accès à son dossier. Ça, c'est le principe. Il peut y
avoir... puisqu'il faut se le dire, le contexte professionnel fait en sorte que
chacune des corporations a des règlements qui varient un petit peu parce
qu'un psychologue, la nature de sa relation avec son client est
différente de celle d'un avocat ou d'un notaire. Donc, il y a des
différences là-dessus, ce qui fait que les législations,
les règlements de déontologie ou les règlements sur la
tenue de dossiers varient un petit peu, mais les principes sont à
l'effet que, pour nous, les psychologues, c'est qu'on peut refuser, il est
légitime quelquefois de refuser à une personne l'accès
à son dossier, notamment dans le cas des psychologues à
l'égard des tests, des protocoles de tests.
Alors, la personne a rempli une fiche pour son test de quotient
intellectuel, et on arrive avec un résultat de 125. C'est une
donnée brute. Si on n'a pas le protocole de test, si on n'a pas la
façon d'interpréter ça, l'écart type, etc., on va
arriver avec une situation où quelqu'un peut avoir 100 comme
donnée brute et l'autre 125. Le gars de 125, il a accès à
son dossier, puis il sait que l'autre, c'est son voisin, puis il a accès
à son dossier, puis il dit: Je suis plus intelligent que toi. Ça
peut être faux.
M. Cannon: Juste une question: Qui refuse l'accès?
M. Gariépy: À ce moment-là, c'est le
psychologue. C'est le psychologue qui peut refuser, dans l'intérêt
de son client, puisque ça peut mettre en péril...
M. Cannon: Et la question de recours, à ce
moment-là, serait quoi?
M. Gariépy: La question de recours serait d'aller au
syndic, le syndic de la corporation qui, lui, va évaluer la situation et
va voir à soit déposer une plainte ou faire des recommandations
D'autant plus qu'actuellement, je voudrais vous le souligner, M. le ministre,
il y a, concurremment à cette commission, une autre commission sur
lavant-projet de loi sur le Code des professions où on voit, justement,
à bonifier certains aspects de la protection des renseignements
personnels, et ces choses-là auront certainement un impact sur
l'accessibilité aussi.
Alors, comme je vous dis, on ne veut rien cacher, on ne veut pas
être un monde à part, sauf qu'on vous dit qu'on concourt aux
mêmes objectifs que vous, sauf qu'il y a une façon
particulière, peut-être, dans le contexte professionnel, qui fait
qu'il y a des droits de l'individu qui sont en jeu et, à ce
moment-là, nous, on est responsables, sur le plan civil, sur le plan
personnel, pour ces choses-là, puis il faut faire attention.
M. Cannon: Écoutez, je ne mets pas en doute votre bonne
foi, là, mais, comme législateurs, nous, on examine un projet de
loi qui est le projet de loi 68. J'ai la Commission des droits, celle qui est
habilitée par le gouvernement pour surveiller les droits de la Charte
qui, hier, nous dit, en commission: Oui, les corporations de même que les
membres devraient être assujettis aux dispositions de la loi. C'est juste
ça que je vous fais comme commentaire, ce matin.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord
demander à nos interlocuteurs s'il n'est pas vrai que, si un employeur
réfère un employé à un professionnel de la
santé, le médecin, le psychiatre ou l'autre spécialiste
n'est non seulement pas tenu au secret professionnel, mais il peut être
appelé à témoigner contre son patient?
M. Gariépy: C'est faux, ça. C'est faux puisque le
secret professionnel est un droit qui appartient à l'individu qui entre
en relation avec le psychologue ou n'importe quel autre professionnel. Donc, la
personne divulgue des renseignements, divulgue, dans le cadre d'une
consultation, ces renseignements-là. Le droit au secret professionnel
couvre ces renseignements-là. Donc, c'est un droit qui appartient
à la personne.
Il est déjà prévu, notamment dans le code de
déontologie des psychologues, qu'il y ait en réalité,
techniquement, genre deux clients. Il y a le client mandant,
c'est-à-dire, peut-être, l'employeur du psychologue ou même
l'employeur de l'employé, et le bénéficiaire en soi, qui
serait le vrai client sur le plan technique, à l'égard du secret
professionnel. Il est prévu que les intérêts du client, je
dirais, bénéficiaire doivent prévaloir sur les
intérêts de l'employeur. Alors, il peut y avoir une dissociation.
C'est vrai ce que vous soulignez parce que ce n'est pas facile souvent
pour...
J'ai eu un cas, dernièrement, un centre de réadaptation
où le psychologue me téléphone, puis me dit:
Écoute, mon patron veut me forcer à aller dire des choses en
cour, alors que moi, je suis lié par le secret professionnel. Alors,
c'est très clair qu'il y a un secret professionnel à cet
égard-là. Et le mandant, c'est-à-dire celui
qui... comme dans le domaine scolaire, la commission scolaire qui demande au
psychologue scolaire de passer en entrevue, en consultation un étudiant,
la commission scolaire n'a droit qu'aux conclusions, aux résultats,
c'est-à-dire l'évaluation:
Cet enfant a une déficience légère, cet enfant a
une déficience lourde, etc. Mais elle n'a pas le droit au contenu de la
consultation, à tous ces aspects-là, puisque ça fait
partie du secret professionnel qui appartient à l'individu et non pas
à l'institution.
M. Bourdon: Oui, mais j'ai déjà plaidé en
arbitrage, quand j'étais syndicaliste, et le médecin est venu
témoigner contre la personne qui avait été
congédiée. Je ne l'ai pas inventé; je ne dis pas une
fausseté. J'ai déjà tenté de référer
des employés d'entreprise en difficulté à des
médecins qui me disaient: Écoutez, je veux que ça soit
clair que c'est l'employé qui retient mes services et non l'employeur,
parce que, si c'est l'employeur, je ne suis pas tenu au secret professionnel et
je peux être appelé à témoigner contro le patient
Alors, à cet égard-là, c'est do pratique courante, en
relations de travail, que le secret professionnel ne s'applique pas, dans ces
cas-là, à ce point que les syndicats préviennent les
employés que le médecin qu'ils voient n'est pas tenu au secret
professionnel et peut être appelé en plus à
témoigner contre la personne.
À cet égard-là, je n'entreprendrai pas, parce que
ce n'est pas dans le mandat de la commission, de parler des médecins qui
n'ont jamais soigné personne de leur vie parce qu'ils sont là
uniquement comme experts pour juger si une personne est apte au travail ou bien
si une personne a vraiment subi un accident de travail.
Ce que je tiens à dire là-dessus, c'est que la
règle du secret professionnel comporte un certain nombre d'exceptions
et, à cet égard-là, je pense qu'il y a là un
problème sérieux, réel. J'ai tendance à être
d'accord avec le ministre quand il dit que la loi doit couvrir les 240 000
professionnels, parce que les corporations professionnelles sont les seuls
groupes organisés de notre société où, quand on a
à se plaindre d'un membre, on s'adresse à l'organisme auquel il
cotise pour juger de cette personne-là. C'est très évident
qu'il faudra que la Commission d'accès à l'information puisse
intervenir parce que, sinon, le syndic y est, d'une certaine façon,
à la fois juge et partie. (10 h 40)
Maintenant, j'ai une question à vous poser. Est-ce que vous
êtes préoccupé de l'accès très facile que les
entreprises d'assurances, entre autres, ont aux dossiers médicaux des
personnes qui demandent à souscrire une assurance, la base étant,
bien sûr, que la personne qui requiert de souscrire une assurance signe
un document autorisant l'assureur éventuel à consulter son
dossier médical? Mais on a eu ici des courtiers d'assurances qui nous
ont fait état d'une organisation nord-américaine qui garde
longtemps les dossiers médicaux en question. Est-ce que c'est un sujet
qui vous a déjà préoccupé?
M. Frechette: Bon. Vous me permettrez, M. le Président,
qu'on aborde plusieurs des points que le membre de la commission a
abordés. D'abord, si on veut parler du système disciplinaire, je
pense qu'il est faux de prétendre que la limite du consommateur de
services professionnels est au niveau du syndic. Il peut toujours faire appel
à un tribunal des professions qui n'est pas composé de membres de
la corporation. Il y a d'autres recours qui sont considérés
à la Commission, et le Conseil a déposé un mémoire
où on parlait d'autres mécanismes pour assouplir le processus
disciplinaire.
Vous comprendrez que c'est que les nombres de cas... Et, là, je
voudrais toujours qu'on précise: Vous parlez de combien de cas qui ne
sont pas satisfaits du système professionnel en ce qui a trait à
la discipline? Je pense qu'on part d'un ou deux cas et on
généralise à un système qui existe depuis des
années et où il y a des millions d'actes. Je pense qu'il y a
très peu de juridictions qui peuvent se vanter de la même
efficacité de service.
Concernant la question, quand une personne poursuit ou prend des
procédures, évidemment, le secret professionnel est levé.
On l'a dit, dans notre mémoire, c'est que le secret appartient au
consommateur de services professionnels. Si, par ces procédures, il
libère le professionnel de son secret, évidemment, il ne peut pas
revenir après et dire: Je voulais le secret professionnel. Maintenant,
en ce qui a trait aux compagnies américaines ou étrangères
qui conservent des... je n'ai aucune idée. Vous avez peut-être
raison que ça existe. Je ne peux pas vous le...
M. Bourdon: Mais je voudrais ajouter que ça ne me rassure
pas d'entendre quelqu'un de votre organisation dire qu'une personne qui a
bénéficié des services d'un psychologue ne devrait pas
avoir accès à son dossier parce qu'il n'est pas
équipé pour évaluer ce que ça veut dire, son
quotient intellectuel, entre autres. Je trouve ça un peu particulier. Je
veux dire, la personne, si elle a passé un test, elle peut vivre sans
doute avec le résultat de son test et, si elle ne veut pas de
résultat de test, il n'y a rien comme de ne pas passer de test. Parce
que, dans le fond, là, on parle du droit d'une personne de consulter son
dossier.
Il me semble qu'il y a une contradiction. C'est que vous dites: Le
secret professionnel lui appartient, et le professionnel est tenu au secret
à l'endroit du bénéficiaire. Parfait, je suis presque
ému. Mais vous dites que le dispensateur de services peut avoir des
secrets pour le bénéficiaire. Là, c'est le secret à
l'endroit du détenteur du secret, du bénéficiaire du
secret. On ne le lui dira pas à lui. Alors, il me semble qu'il y a
quelque chose de proprement absurde là-dedans. C'est tellement secret
que je ne te le dirai pas, même à toi. Mais la personne, c'est son
secret à elle, qu'elle a le droit de garder. Il me semble qu'il y a
quelque chose d'insensé dans
ce que vous dites.
M. Gariépy: M. le Président, vous me permettrez de
répondre à cette question-là en disant que, lundi
prochain, la commission aura le loisir d'entendre la Corporation
professionnelle des psychologues là-dessus, et ça nous fera
plaisir d'apporter plus de précisions. Mais, pour le
bénéfice de la commission, dès aujourd'hui, je dois dire
que ce n'est pas un secret par rapport au bénéficiaire. C'est
qu'il y a des choses...
Prenez, par exemple, un client qui... ça fait plusieurs
consultations qu'il a avec son psychologue. Il y a un phénomène
qu'on appelle le phénomène de transfert, où la personne
est en colère transférentielle à l'égard de son
thérapeute. C'est une étape normale dans une consultation
psychologique. Alors, qu'est-ce qu'elle... Elle est en colère. Alors,
elle dit: Je veux avoir accès à mon dossier. Mais, si, dans le
dossier, c'est marqué... peut-être des éléments de
maniaco-dépressif ou etc., s'il y a des éléments que la
personne se trouve à avoir puis qu'elle n'est pas en état de
recevoir ce genre d'informations là, surtout dans la présentation
technique où c'est placé, bien, il risque d'y avoir une crise de
plus en plus grande pour la personne et son équilibre personnel.
Mais ce que je vous disais sur le plan technique, c'était surtout
à l'égard des tests. C'est qu'un test, sans le protocole, ne vaut
rien; 100 de quotient intellectuel, ça ne veut rien dire. Ca peut
être plus haut que quelqu'un qui a 125. Ça dépend de
l'écart type, ça dépend du protocole de test qui est
appliqué. Alors, si on donne à la personne sa fiche de test
disant: Tu as une donnée brute de 100 ou de 125, ça ne voudra
rien dire et ça pourra lui causer préjudice si elle commence
à bâtir une fausse perception autour deçà.
Je dois vous dire que ce règlement-là est un
règlement adopté et a force de loi en vertu du Code des
professions. C'est le Conseil des ministres qui l'a adopté. C'est pour
ça que, s'il y a des questionnements à l'égard de
certaines réglementations, nous, on est prêt à les regarder
et peut-être à les justifier ou à vous présenter des
justifications très légitimes dans le cadre scientifique d'une
relation professionnelle.
M. Bourdon: Mais comment pourriez-vous justifier que la
Commission d'accès à l'information, en vertu de la loi actuelle,
puisse obliger n'importe quel des 60 000 fonctionnaires de l'État
québécois à révéler à un citoyen ce
qu'on possède à son sujet, puis la Commission le fait tous les
jours, et on dirait qu'on ne peut pas recourir à la même
Commission pour avoir accès à son dossier? C'est 240 000
professionnels.
Dans le fond, je suis assez d'accord avec le ministre. Si le citoyen a
deux recours, tant mieux. Il prendra celui qui apparaîtra le plus
efficace. Là-dessus, je pourrais même jouer une cassette qui est
à la mode sur les bienfaits de la concurrence, mais comment expliquer
que la Commission pourrait obliger n'importe qui des 60 000 fonctionnaires
à révéler à un citoyen ce qu'on a à son
sujet et que la même Commission ne pourrait pas intervenir pour qu'une
personne ait accès à son dossier médical?
Puis je vous repose la question: Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe
flagrant de dire que le bénéficiaire du secret est tenu dans le
secret de son propre dossier? Comment ça peut s'expliquer?
M. Gariépy: II n'est pas tenu dans le secret de son propre
dossier. Il y a des éléments du dossier, comme je vous dis, dans
le cas des psychologues, c'est les fiches psychométriques et les
protocoles de tests, qui ne peuvent pas être transmis en soi. C'est des
éléments. On ne parle pas du tout de dossier. Il ne faut pas en
soi généraliser, à cet égard-là.
M. Frechette: Je pense que, dans notre mémoire, ici, on
parle d'exceptions. Le principe de base, c'est que le client ou le consommateur
de services professionnels a accès à son dossier. C'est son
dossier. Ce qui est illustré, et comme il est expliqué, c'est que
la Corporation professionnelle des psychologues pourrait aller plus loin dans
le cas précis, qu'il isole, lors de sa comparution. Je pense qu'il y a
une ouverture aussi qui doit être faite avec la Commission d'accès
pour harmoniser les législations professionnelles. Ce ne sera pas de
faire une contestation judiciaire sur le dos d'un consommateur, à un
moment donné, à savoir laquelle des législations va
prévaloir.
Je pense que ce qu'on propose, c'est une harmonisation, en ce qui a
trait à l'accessibilité au dossier, avec la Commission et le
système professionnel.
M. Sauvé, voulez-vous...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Sauvé.
M. Sauvé: Peut-être aussi... Oui, Marc Sauvé.
Au deuxième alinéa de 86, quand, effectivement, on dit: Bon,
toutefois, «elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des
renseignements personnels ou l'accès», mais le seul fait
d'être obligé de mentionner ça à la loi, c'est
qu'implicitement on reconnaît qu'il pourra y avoir des débats,
à savoir laquelle des règles est plus avantageuse. Est-ce que
c'est celle-là ou est-ce que c'est l'autre? Ce n'est peut-être pas
la meilleure voie à suivre, et on vous signalait quand même notre
inquiétude de voir des quiproquos et des débats, à cet
égard-là.
C'est un point qui a été soulevé par plu sieurs
observateurs dans le domaine.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député M. Bourdon: Pas d'autres questions.
Le Président (M. Doyon): Pas d'autres questions? À
moins que M. le ministre ait quelques questions supplémentaires?
Alors, je voudrais vous remercier. Vous avez pu voir, par la discussion,
qu'il y a plusieurs points très intéressants qui ont
été soulevés. Je suis certain qu'il en sera tenu compte eh
temps et lieu. (10 h 50)
II me reste maintenant à vous remercier d'être venus nous
rencontrer et nous faire part du point de vue des corporations en ce qui
concerne ce projet de loi. Alors, merci beaucoup, et vous pouvez maintenant
vous retirer
M. Frechette: Merci.
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Le temps est maintenant venu d'entendre les représentants
de la Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et de l'Association coopérative d'économie
familiale du Centre de Montréal. Je les invite à s'avancer
à la table des invités, à y prendre place.
Je vous souhaite donc la bienvenue, vous indiquant que les règles
qui ont été énoncées tout à l'heure vont
s'appliquer en ce qui vous concerne: présentation de votre
mémoire pour une vingtaine de minutes, ou d'un résumé de
ce mémoire, suivi de discussions avec les parlementaires pour le restant
du temps, divisé en parts égales entre les membres du
côté ministériel et ceux de l'Opposition.
Si vous voulez bien, en commençant, vous identifier de
façon à ce qu'au Journal des débats on ait votre
nom quand vous aurez à intervenir.
Donc, bienvenue! Vous avez la parole.
Fédération nationale des associations
de
consommateurs du Québec (FNACQ) et
Association coopérative d'économie
familiale
du Centre de Montréal (ACEF-Centre)
Mme Daiio (Francesca): Bonjour, M. le ministre. Mmes, MM. les
députés, membres de la commission. Nous sommes heureux de
l'occasion qui nous est offerte, aujourd'hui, de vous exprimer notre point de
vue et nos attentes face au projet de loi 68.
Nous avons présenté un mémoire conjoint.
L'Association coopérative d'économie familiale du Centre de
Montréal, l'ACEF-Centre, et la Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec, la FNACQ, sont deux organismes
de protection des consommateurs qui sont préoccupés, depuis
plusieurs années, par la protection de la vie privée, de la
collecte et de l'utilisation des renseignements personnels.
Nous sommes intervenus, lors de la précédente commission
parlementaire, à l'automne 1991, et nous sommes aussi très
impliqués dans le débat sur l'affichage et le mémorisateur
offerts par les compagnies de téléphone. Depuis plusieurs
années, nous rencontrons des problèmes et des plaintes que les
consommateurs nous formulent sur la question des renseignements personnels. Et
je vais laisser Mme Rozon vous en parler.
Mme Rozon (Louise): Je suis Louise Rozon, directrice de
l'ACEF-Centre. Afin d'illustrer aux membres de la commission l'importance pour
le gouvernement d'adopter une loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, nous allons vous faire part de
quelques faits percutants.
Dans le cadre d'une enquête, à l'automne 1991,
l'ACEF-Centre est devenue membre d'Équi-fax. On a ainsi constaté
que n'importe qui peut obtenir des renseignements confidentiels en payant les
frais d'inscription de 60 $ qui étaient exigés par Équifax
et qu'aucun contrôle n'est exercé sur le «membership»
de cette entreprise. Tout ce que nous avons déclaré à
Équifax pour devenir membre, c'est que l'ACEF-Centre avait besoin de
faire des enquêtes sur des commerçants et des consommateurs, et la
préposée avec qui nous avons fait affaire ne nous a même
pas demandé aucune précision par rapport à ces
informations. Alors, chez Équifax, on a tout simplement jugé, sur
la foi de ces affirmations, qu'il s'agissait d'un besoin évident de
connaître la situation financière du consommateur. Et, même
à Équifax, on ne savait pas non plus ce qu'était
l'ACEF-Centre et on nous a classée dans la catégorie
«coopératives d'habitation».
Notre «membership» à Équifax nous a donc
donné la possibilité d'avoir accès à la fiche de
crédit des 3 000 000 de consommateurs et de consommatrices
fichés. Il nous aurait donc été possible de
connaître le dossier de crédit et l'expérience bancaire de
tous les membres de la présente commission. Un coup de
téléphone à Équifax, en transmettant le nom et
l'adresse de la personne, et, 5 minutes plus tard, on obtenait par
télécopieur son dossier de crédit et, 24 heures plus tard,
on obtenait son expérience bancaire.
Ainsi, les informations suivantes nous étaient transmises: les
numéros de comptes, les soldes bancaires, le nombre et l'année
des chèques sans fonds, le nombre et le montant des prêts
personnels contractés, toute information relative à l'utilisation
des cartes de crédit, à une faillite, au dépôt
volontaire, à tout jugement, poursuite, saisie, les nombres de mois en
retard, la cote, évidemment, de crédit qui est accordée au
client, son numéro d'assurance sociale, sa date de naissance, son
état civil, son emploi actuel et précédent. Toutes ces
informations pouvaient nous être transmises sans le consentement de la
personne et sans qu'elle le sache. Et, en aucun temps, Équifax ne nous
demandait les raisons pour lesquelles on désirait obtenir ces
informations.
Les institutions financières, en transmettant l'expérience
bancaire d'un client, se fient exclusivement à la bonne foi
d'Équifax et Équifax, en transmettant les informations aux
entreprises membres, se fie exclusivement à leur bonne foi. On ne fait
aucune vérification quant à la pertinence pour l'entreprise de
connaître la situation financière du consommateur ni si elle a
obtenu son consentement. Seul le consommateur, en consultant son dossier de
crédit, peut se rendre compte qu'on a effectivement demandé des
informations sur son compte sans qu'il ait donné son autorisation et
sans qu'il ait même fait affaire avec l'entreprise.
Nous avons donc reçu quelques plaintes à ce
sujet-là. M. Beauregard a constaté que trois entreprises avec
lesquelles il n'a jamais fait affaire avaient consulté son dossier de
crédit. Après avoir demandé des explications à
Équifax, on lui explique tout simplement qu'on n'a pas à lui
fournir de preuve à l'effet qu'il aurait ou non donné son
consentement à ces entreprises. À chaque fois que M. Beauregard
doit faire une demande pour obtenir un prêt, on lui demande des
explications sur les raisons pour lesquelles ces entreprises-là ont eu
accès à son dossier de crédit. Il ne sait pas quoi
répondre parce qu'il ne le sait pas lui-même.
Par ailleurs, ce même M. Beauregard a constaté que J.-A.
Massé avait transmis de fausses informations dans son dossier de
crédit. Alors, il a demandé que ces informations soient
corrigées. Ni J.-A. Massé, ni Équifax n'ont voulu apporter
les correctifs nécessaires. Et son dossier est présentement entre
les mains d'un avocat.
D'autres consommateurs se sont également plaints du manque total
de contrôle qu'ils ont sur le contenu de leur dossier de crédit et
des conséquences importantes qui peuvent en découler. M. Aubry,
par exemple, après s'être fait refuser un prêt, a
consulté son dossier de crédit. Il constate qu'une seule
information y est indiquée et concerne un jugement qui a
été rendu en 1988 pour une dette de 240 $, dette qu'il a, par
ailleurs, remboursé au complet. Preuve à l'appui, M. Aubry a
demandé à Équifax d'inscrire dans son dossier des
informations relatives à un prêt de 13 000 $ qu'il avait
contracté, remboursé au complet et sans aucun retard, ainsi
qu'à un autre prêt de 3000 $ également remboursé
sans retard. Équifax a refusé d'ajouter ces informations dans son
dossier de crédit qui auraient permis, par ailleurs, à M. Aubry
d'obtenir une meilleure cote de crédit. En conséquence, pour
obtenir son prêt, M. Aubry a dû faire appel à un des membres
de sa famille pour qu'il soit endossé.
M. Cloutier, pour sa part, a contesté devant les tribunaux un
montant de 300 $ qui était réclamé par Esso. M. Cloutier a
perdu sa cause et payé la somme qui était due à Esso.
À cause de cette seule mésaventure, son dossier de crédit
indique une cote 9, soit la plus mauvaise cote.
Compte tenu des circonstances entourant le dossier de M. Cloutier, Esso
a demandé à Équifax de retirer complètement la cote
du dossier de M. Cloutier. Équifax a refusé. Une fois que les
informations sont transmises, l'entreprise ne peut pas décider de les
retirer. Pourtant, M. Cloutier s'est ramassé devant les tribunaux, non
pas parce qu'il n'était pas capable de payer les 300 $ qui
étaient dus à Esso, mais parce qu'il croyait de bonne foi ne pas
devoir cette somme là. Tout ce que M. Cloutier peut faire, c'est
apporter un commentaire dans son dossier de crédit, mais
l'expérience démontre que les créanciers accordent
beaucoup plus d'importance à la cote de crédit qu'aux
commentaires qui sont formulés par les consommateurs.
Un autre consommateur, M. Langlais, s'est fait refuser, lui, un
prêt à la Banque Royale. Dans son dossier, il est
précisé qu'il avait une dette de 224 $ envers une compagnie
d'assurances. Encore la même chose, la compagnie d'assurances a
demandé de retirer cette information-là dans son dossier de
crédit parce qu'elle jugeait, compte tenu des circonstances, que
ça ne valait pas la peine que ça pénalise autant M.
Langlais. Équifax a aussi refusé d'enlever ces informations.
Tous ces consommateurs et un nombre important de citoyens
considèrent qu'est inacceptable le fait qu'ils n'ont aucun
contrôle sur les informations qui circulent à leur sujet. M peut
s'agir d'information sur les dossiers de crédit, mais il peut s'agir
aussi d'autres informations qui circulent sur les gens. On a aussi reçu
des plaintes concernant le «télédémarchage»,
des gens qui sont tannés de se faire harceler par des compagnies qui
communiquent avec eux par téléphone. (11 heures)
Donc, il est grandement temps que l'équilibre entre les droits de
chacune des parties soit rétabli, et seule une législation
permettra de rétablir cet équilibre. C'est donc avec
intérêt que nous avons étudié et formulé
diverses recommandations sur le projet de loi qui est présentement
à l'étude.
Je vais maintenant laisser Francesca Dalio vous parler plus
précisément de nos recommandations. Merci.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Dalio.
Mme Dalio: Merci. Comme vous venez de l'entendre, il y a des
problèmes et des pratiques qui auraient avantage à être
beaucoup mieux contrôlés. Le droit à la vie privée
est indissociable de la liberté et de la dignité. Mais, pour bien
faire respecter ce droit, nous avons besoin d'une loi claire et
particulière, comme l'ont fait, d'ailleurs, la plupart des pays
industrialisés.
La quantité d'informations et les nombreuses façons dont
on utilise les renseignements personnels augmentent rapidement. Les
nouvelles
technologies ne connaissent pas de frontières, et nous sommes
tentés de parler d'une vie privée sans protection plutôt
que de protection de la vie privée. Les consommateurs perdent confiance
dans les entreprises qui détiennent des renseignements sur eux.
D'ailleurs, un sondage qui a été mené récemment
pour le compte d'Équifax Canada démontre que les trois quarts de
la population québécoise ont beaucoup d'inquiétude eu
égard à la protection de la vie privée. Les consommateurs
doutent aussi de l'exactitude des renseignements qui circulent sur eux et de
l'usage qui est fait de ces renseignements. Ils estiment avoir perdu le
contrôle sur la circulation des informations.
Il importe donc d'avoir une intervention bien structurée au plan
législatif. Il faut établir rapidement des règles
précises pour régir des pratiques liées à la
collecte et à l'utilisation des renseignements personnels dans le
secteur privé. La plupart de nos partenaires commerciaux l'ont fait sans
provoquer de crise grave ou de faillite dès entreprises.
Nous avons fait une étude exhaustive du projet de loi, article
par article, en nous référant à d'autres lois en vigueur
dans le reste du Canada et dans d'autres pays industrialisés. Mais, pour
les besoins de cette présentation, nous nous en tiendrons à
l'énoncé des grands principes qui doivent sous-tendre cette
loi.
Tout d'abord, la transparence du processus de collecte et d'utilisation
des renseignements personnels. Le consommateur doit savoir qu'on recueille des
renseignements, qui les recueille et pourquoi, et qui les détient. La
loi doit aussi assurer que les renseignements recueillis sont indispensables et
qu'ils servent uniquement à des fins précises et
préétablies, que ces renseignements sont recueillis à des
fins et par des moyens légaux et loyaux. L'intervention
législative doit aussi donner l'assurance que le consommateur conserve
un contrôle sur les informations qui le concernent, sur leur
conservation, et l'assurance que ces informations sont détruites
lorsqu'elles ne sont plus indispensables à un dossier.
Nous constatons, par ailleurs, que les recours mis à la
disposition des consommateurs sont minimes, tout comme les sanctions
imposées aux entreprises. Selon nous, la loi doit diversifier les
recours qui sont accordés en s'inspirant notamment de la Loi sur la
protection des consommateurs. On doit permettre aux consommateurs, aux
citoyens, de supprimer ou d'ajouter des renseignements au dossier, selon la
pertinence. On doit aussi prévoir des augmentations substantielles du
montant des amendes auxquelles s'exposeront les contrevenants.
En lisant le projet de loi, on s'étonne que les agents de
renseignements personnels obtiennent si facilement des autorisations pour
exercer leurs activités. Aucun droit payable, aucun contrôle quant
à leur compétence et quant à leur capacité
d'administrer leur entreprise. Nous pensons que la loi doit assurer un
encadrement cohérent des pratiques des agents de renseignements
personnels. Cette loi doit s'harmoniser avec ce qui se passe dans les autres
provinces et avec le droit fédéral aux États-Unis. On
s'étonne, d'autre part, que le législateur n'ait rien
prévu sur les informations qui circulent hors Québec; et,
pourtant, il y en a de plus en plus. On pourrait songer à en
contrôler l'exportation, ou du moins à assurer que le consommateur
ait un droit de recours à l'endroit des détenteurs des
renseignements qui ont été exportés.
Nous glissons un bref commentaire sur la Commission d'accès
à l'information. Il nous semble important d'assurer une
séparation entre le rôle de tribunal de la Commission
d'accès à l'information et son rôle d'information et de
conseil, qu'elle pourrait être appelée à jouer
auprès des entreprises et qui risquerait de mettre la Commission ou les
commissaires en conflit d'intérêts.
Au Québec, nous réclamons depuis plusieurs années
une intervention bien structurée au plan législatif. Nous avons
accueilli le dépôt du projet de loi avec beaucoup d'espoir, mais
nous devons constater que ce projet souffre de lacunes importantes qui font en
sorte qu'il pourrait bien n'avoir aucun impact sur les pratiques des
entreprises. Nous considérons que le projet, dans cette première
ébauche, n'est pas tout à fait à la hauteur des principes
qu'il défend ni à la hauteur de nos attentes en matière de
protection de la vie privée des consommateurs.
Nous devons souligner qu'à plusieurs reprises la formulation des
exceptions, qui sont, par ailleurs, destinées à assurer une
souplesse dans la mise en oeuvre du projet, vient vider le texte de toute sa
substance. On parle d'objet de dossier et de dossier, de pertinence des
renseignements, de renseignements normalement recueillis. Tous ces
concepts-là sont laissés entièrement entre les mains des
entreprises qui auront à en déterminer le contenu.
Nous croyons à la nécessité et à l'urgence
d'adopter une loi sur les renseignements personnels dans le secteur
privé. Notre première recommandation va dans ce sens. Et, dans le
but que cette loi soit claire, moderne et adaptée à l'ensemble
des besoins, nous formulons aussi 70 autres recommandations inspirées
par la volonté de contribuer à l'amélioration du projet
afin qu'il ait un impact réel sur les droits des citoyens et des
consommateurs. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Dalio, merci, Mme
Rozon.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Mme Rozon, Mme Dalio, M. St-Amant, ça me fait plaisir de vous
retrouver à la commission. Il me semble que c'est presque hier qu'on
s'est vus à l'occasion de la commission parlementaire du mois de
novembre 1991, et où vous nous avez fait part, Mme Rozon, je pense, d'un
certain nombre de cas, comme vous venez de le faire, et je pense que c'est
très important qu'on puisse bien camper ces choses-là dès
le départ.
Vous savez, en faisant la lecture des mémoires qui sont
déposés devant les membres de la commission, tantôt on
trouve dos mémoires qui indiquent que nous sommes trop
sévères avec la loi 68 et tantôt nous trouvons des
mémoires qui indiquent que nous sommes trop «laxes» et qu'il
y a effectivement des lacunes, etc. Mais je pense que tous conviennent - et
dans une bonne majorité, je dirais - qu'il faut qu'il y ait une
intervention législative. Et je retiens essentiellement de vos propos ce
matin que, oui, il y a une nécessité d'avoir une loi qui
protège les renseignements personnels dans le secteur privé.
J'ai écouté attentivement, et j'ai lu les principales
recommandations. Ça pose deux principes, ou enfin ça pose
quelques questions au niveau des principes. L'approche, il y en a une,
approche, qui est celle du consentement, de la restriction du consentement.
C'est-à-dire qu'on consent à faire quoi avec l'information? Et
vous avez une approche qui est celle de dire: On doit restreindre possiblement
la collecte. C'est une avenue qui m'apparaît extrêmement
intéressante, cette avenue-là. Je peux m'engager
immédiatement pour vous dire que, oui, on va l'analyser très
attentivement, particulièrement au niveau de l'article 7 du projet de
loi.
Pour ce qui est de la question des informations transfrontières,
là, encore une fois, il y a, comme je l'ai mentionné hier, la
question du consentement, donc, à l'entrée, mais il y aurait
peut-être aussi lieu de resserrer - et j'ai l'intention de le faire aussi
- la loi particulièrement au chapitre des entreprises qui, comme vous
dites, exportent ces renseignements à l'extérieur, soit pour
s'assurer qu'il y ait des engagements de réciprocité, comme on
peut en retrouver dans certains pays européens, ou soit carrément
pour retrouver un mécanisme qui obligerait les entreprises à ne
pas faire en sorte qu'il existe une passoire ou un mécanisme qui aille
à côté de l'objectif premier du projet de loi.
Ce qui me conduit un peu à la question que je voudrais vous
poser: Je sais que vous avez mentionné un certain nombre de points, mais
pourriez-vous énumérer les points forts du projet de loi, parce
que je présume qu'il y en a une couple? M. St-Amant.
Des voix: Ha, ha, ha!
(11 h 10)
M. St-Amant (Jacques): Comment aviez-vous deviné que je ne
pouvais résister au plaisir de vous répondre, M. le ministre?
Effectivement, il y a un ensemble de principes fondamentaux qui se retrouvent
dans notre projet de loi au ni veau... En, fait, au niveau des principes qui
s'incarnent dans ce projet de loi, on n'a pas de problème majeur, sinon
à l'égard de deux questions très précises: le
traitement des agents de renseignements personnels et le traitement en
matière de «télédémarchage», où
l'évolution récente des politiques de l'Association canadienne du
marketing direct fait en sorte que le texte du projet de loi est
peut-être un petit peu en retard sur ce que semblent être
maintenant les politiques de l'industrie.
Je pense que les principes généraux du projet de loi en
termes de transparence, en termes de collecte des renseignements, en termes de
contrôle accordé aux citoyens par l'entremise également des
dispositions du Code civil, tout ça est le reflet du consensus qui
s'établit de plus en plus dans la communauté internationale. Il
est important qu'il y ait des balises là, et elles sont, au niveau des
principes, bien situées.
Là où nous avons des appréhensions - et je pense
que le mémoire a tenté de faire cette nuance-là - c'est au
niveau technique, c'est au niveau de la rédaction, c'est au niveau des
exceptions aménagées pour assurer une souplesse qui est aussi
nécessaire. Au niveau des principes, des points forts du projet, on n'a
pas de difficultés majeures là, au départ.
M. Cannon: O.K. Peut-être une question. Tout à
l'heure, Mme Dalio, vous vous êtes référée à
la Commission d'accès à l'information. Comment verriez-vous
l'aménagement du pouvoir de la Commission d'accès? Vous en avez
parlé, là. Votre vision, c'est quoi? Comment vous verriez
ça, la gestion de la Commission?
Mme Dalio: Ce qui est important, c'est d'assurer que le
rôle de tribunal et le rôle d'agent d'information ne se trouvent
pas au même pied d'égalité. Quand la Commission est
appelée à se prononcer sur des systèmes que les
entreprises vont mettre en place et que, par la suite, des consommateurs ou des
citoyens se plaignent de ces systèmes-là, la Commission a
déjà cautionné ces systèmes-là, a
déjà donné son autorisation, alors ça la place
vraiment dans une situation ambiguë.
M. Cannon: Alors, ce que vous me dites, c'est: Précisons
davantage, essayons de cloisonner un peu ces rôles-là qui
appartiennent à la Commission d'accès à l'information.
Mme Dalio: Évitez de donner deux bras
séparés à la Commission. Et on a aussi une remarque, c'est
qu'on lui donne beaucoup de tâches, à la Commission, et avec
très peu de moyens, finalement. On ne va pas nécessairement
augmenter le nombre de commissaires, on ne va pas nécessairement...
M. Cannon: Oui Lo nombre de commissaires
est augmenté, là.
M. St-Amant: Y a-t-il une disposition dans le projet de loi qui
le précise?
M. Cannon: Non, mais je l'ai mentionné au début,
là. Peut-être que vous ne l'avez pas, mais c'est là. C'est
clair, on va augmenter le nombre de commissaires.
Mme Dalio: Mais c'est surtout de clarifier la position dans
laquelle pourrait se situer la Commission. Éviter que la Commission ne
se retrouve en conflit d'intérêts.
M. Cannon: II y a la fonction d'adjudication, il y a la fonction
d'information et, bon, il y a, bien sûr, le volet de médiation
aussi, là. C'est une expertise que la Commission d'accès à
l'information joue de jour en jour, maintenant, pour alléger davantage
les causes qui sont présentées devant ce tribunal administratif.
Ça aussi, je pense que c'est un facteur important. O.K. Est-ce que vous
avez d'autres commentaires à formuler, particulièrement sur ce
sujet-là?
M. St-Amant: Je pense qu'il va falloir faire attention à
la transposition. Il y a une différence entre le rôle de la
Commission actuellement, qui est de régir, d'une part, le secteur public
qui est relativement uniforme face à l'ensemble du public, et, d'autre
part, régir des milliers d'entreprises. Face à l'ensemble du
public, on ne pourra pas nécessairement faire aussi facilement des
médiations, par exemple. Il y a là tout un ajustement qui peut ne
pas être aussi facile qu'on le voudrait. Il va falloir faire
extrêmement attention.
Je ne connais pas suffisamment l'évolution de l'application de la
Charte des droits et libertés pour faire un parallèle vraiment
précis, mais il me semble qu'on devrait regarder avec attention ce qui
s'est passé. Il y a déjà plusieurs années que la
Commission joue ce rôle de médiation, joue aussi, dans une
certaine mesure, un rôle de tribunal. On a jugé bon de le scinder,
de mettre ce rôle quasi judiciaire dans un tribunal distinct maintenant.
Il y a peut-être là des indications qu'il faut faire attention
à certains cumuls de fonctions parce qu'ils peuvent poser des
difficultés importantes.
M. Cannon: Oui. C'est pour ça aussi qu'on a voulu parler
d'une révision après cinq ans, pour voir l'évolution.
C'est un peu comme l'évolution de tous les autres droits que nous avons.
Dans quelle direction et comment on réussira à baliser? C'est
sûr qu'il y a, bien sûr, des organismes qui vont s'y conformer
peut-être plus que d'autres, alors il s'agit de voir ça. Mais,
quant à moi, ce qui est important, c'est de corriger peut-être les
abus comme ceux dont vous avez fait part plus tôt, dans l'exposé
de votre groupe et de votre organisation. Alors, merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Bon, je voudrais d'abord féliciter les deux
organismes pour leur mémoire que je trouve remarquable; le
résumé et le mémoire aussi, le principal. Je voudrais dire
aussi que j'ai particulièrement apprécié ce matin la
démonstration que vous nous avez faite à l'égard
d'Équifax, avec des noms de personnes et des dossiers que vous avez
traités, parce que, ça, ce sont des faits. Et je pense qu'il y a
un problème très grave de divulgation par Équifax à
peu près à tous venants, comme vous le dites, du détail du
rapport de crédit. Et on sait qu'Équifax a un rôle plus
grand aussi que le crédit: elle fait du recouvrement. Donc, je pense que
c'est très probant, et c'est indispensable qu'on intervienne au plan
législatif.
Je voudrais revenir sur un point, dans votre mémoire, qui
m'apparaît capital. Vous parlez de la dichotomie qui peut exister entre
l'article 35 du Code civil, le chapitre qui s'intitule «Du respect de la
réputation et de la vie privée», à l'égard de
l'article 1 du projet de loi 68. Et, pour les besoins de la cause et du
Journal des débats, je vais lire en partie l'article 1 du projet
de loi, qui dit, et je cite: «La présente loi à pour objet
d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les
articles 35 à 41 du Code civil du Québec en matière de
protection des renseignements personnels, des règles
particulières». Et je ne lis pas le reste de la phrase, mais je
pense qu'il est réel que, dans cet article-là, on ne
répète pas, dans la loi d'application, la raison même
d'exister des articles 35 à 41 du Code civil, dans le sens qu'on ne
parle que de protection des renseignements personnels; et on qualifie comme
ça les articles 35 à 41 du Code civil qui, eux-mêmes, sont
explicites, et par le titre et par le premier article 35, où on dit que
«toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie
privée».
Donc, ce n'est pas juste les renseignements personnels - expression
assez floue, finalement -qui sont protégés par le Code civil. Le
droit qui est établi, c'est le droit au respect de la réputation
et de la vie privée. La vie privée, c'est, par exemple, qu'il n'y
a pas d'affaire à y avoir, chez Équifax ou ailleurs, un
renseignement sur le dossier médical d'un individu. Quant à la
réputation, c'est le droit d'une des personnes - que vous avez
mentionné - d'au moins faire corriger par Esso ou par la compagnie
d'assurances un renseignement faux qu'Équifax diffuse sciemment.
Ça, c'est sa réputation comme emprunteur. (11 h 20)
Alors, à cet égard-là, j'aimerais ça vous
entendre. Ne trouvez-vous pas qu'on devrait, dans l'article 1 de la loi, coller
et répéter l'objet
même des articles 35 à 41 du Code civil? Et le titre est
bien clair «Du respect de la réputation et de la vie
privée».
M. St-Amant: La notion de vie privée, comme vous l'avez
mentionné, c'est extrêmement large. Et le Code civil, tout comme
l'article 5 de la Charte, vise à la protéger de façon
générale. Le projet de loi que vous étudiez
présentement aménage la protection de ce droit-là dans des
domaines très précis. Et ce que nous notions, c'est qu'il serait
peut-être important de préciser dans le projet, justement, que
cette loi va régler la protection des renseignements personnels, qu'elle
n'épuise pas l'ensemble de la protection de la vie privée. Et
c'est une préoccupation qui nous est inspirée notamment par une
décision de la Commission d'accès à l'information il y a
quelques années, où on a dit - de façon assez
étonnante, d'ailleurs - que la loi sur l'accès à
l'information épuise le champ de la vie privée dans le domaine de
la protection des renseignements personnels. Il s'agit de la décision de
Communications Southam contre ville Saint-Laurent. il serait regrettable, je
pense, qu'à cause du libellé actuel de l'article premier du
projet on en arrive à une conclusion semblable, disant: Voici, le projet
formule un certain nombre de droits, de possibilités pour les citoyens;
ça épuise le droit à la vie privée dans ce
domaine-là, et vous ne pouvez rien faire d'autre que ce qui est
protégé par le projet de loi lui-même. Il ne faudrait pas
que le projet de loi vienne, dans le fond, restreindre le caractère
général des articles 35 et 36 du Code et de l'article 5 de la
Charte.
Ce qui est essentiel ou utile de répéter, c'est de
reprendre le texte du Code dans la Loi sur la protection des renseignements
personnels. En principe, le législateur ne parle pas pour ne rien dire,
et on interprète les lois les unes par les autres. Le renvoi qu'on
retrouve actuellement à l'article premier est peut-être suffisant,
mais il faudrait du moins s'assurer que cette disposition-là n'a pas
pour effet de venir réduire, dans le fond, la protection
générale du droit à la vie privée. C'est au moins
ça qui nous paraît fondamental.
M. Bourdon: Si je comprends bien, dans le fond, vous dites: On
peut bien dire que l'objet de la loi, qui est une loi d'application, c'est de
garantir les renseignements confidentiels par diverses mesures, mais, comme
vous dites, ça n'épuise pas et ça ne limite pas la
portée des articles 35 à 41 du Code civil. C'est l'ensemble de la
réputation et de la vie privée et, comme vous dites... Je
déplore comme vous que la commission ait dit que la loi d'accès
actuelle épuise la question de la vie privée. Et là, au
surplus, on a une disposition expresse du Code civil qui l'établit. Mais
je pense que la distinc-lion quo vous faites onI fondamentale et no passe pas
inaperçue chez les intervenants économiques majeurs dans ce
dossier-là, parce que, dans le fond, si ça fait quatre ans qu'on
attend la loi, c'est que ça fait quatre ans qu'il y a des groupes
d'intérêts particuliers qui s'opposent avec succès à
ce que les articles 35 à 41 du Code civil soient mis en vigueur et
promulgués, parce qu'on craignait des décisions de tribunaux qui
viendraient préciser le droit et qui viendraient l'appliquer.
Autrement dit, si on est pour adopter en bout de compte un projet de
loi, il va falloir que ça aille dans le sens d'appliquer le Code civil,
pas de limiter, ni de limiter, entre guillemets, les dégâts. Parce
qu'on aurait pu promulguer il y a quatre ans. Et rien n'empêche le
législateur de corriger une tendance jurisprudentielle s'il y en avait
une néfaste qui s'était faite. Mais, depuis quatre ans, il n'y a
rien qui ait pu s'appliquer, que les timides articles de la Loi sur la
protection du consommateur sur le rapport de crédit, qui ne permettent
même pas à une personne lésée de faire corriger.
Et, à cet égard-là, j'insiste aussi sur ce que vous
avez dit tout à l'heure: la version de l'intéressé,
ça fait juste aggraver son cas dans le rapport de crédit, parce
que la personne qui lit ça dit: Ah! tiens, tiens, il essaye de s'en
dépêtrer. Et, pourtant, vous mentionnez aussi des cas qui sont
probants, où la compagnie d'essence Esso ou la compagnie d'assurances
elle-même demandait de corriger une donnée qu'elle avait fournie.
Et je ne sais pas si vous avez entendu Les Bureaux de crédit du Nord
hier, mais ce qui était évident, c'est que leur approche n'est
pas du tout la même que celle d'Équifax, parce que eux autres
reçoivent régulièrement des institutions bancaires et des
caisses populaires, entre autres, des données concernant les personnes
fichées et, quand ça comporte une correction, ils la font
d'emblée, la correction. Pour eux autres, ils se voient plus comme un
service et des dépositaires de renseignements que des exécuteurs
des oeuvres d'entreprises, d'une certaine façon.
Mais j'ajouterais que, même si ça va de soi, moi, j'aurais
tendance - mais, là, c'est peut-être un réflexe de
négociateur de conventions collectives qui me remonte - à
répéter les termes du Code civil. Parce que, ce que je sais
d'expérience, c'est qu'il faut, autant que possible, qu'un juge qui
aurait envie de se tromper ne reçoive pas, dans le texte, de
prétexte pour se tromper. Et il n'y a rien comme être clair. Mais,
dans le fond, ce que vous dites, je le partage entièrement. Il n'est pas
question que la loi limite la portée du Code civil. Elle vient juste, la
loi, lui apporter - comment je dirais - une application pratique sur des objets
par nature restreints.
Et ça m'amène à ma question Je m'excuse de la
longueur du préambule. Ne trouvez-vous pas que, dans la loi, une des
lacunes majeures, cost quo, flans le fond, il n'y a pas de véritable
encadrement pour tous les agents de renseignements, quels qu'ils soient,
et que les seules timides obligations sont à l'endroit des bureaux de
crédit? Et est-ce que vous partagez l'opinion d'une intervenante qui
disait hier que, comme Équifax est à la fois une agence de
renseignements, une agence de recouvrement et un bureau de crédit, ce
que le statut de bureau de crédit ne permettrait pas de faire, cette
entreprise-là, ou d'autres, pourrait le faire à d'autres titres?
Est-ce que vous croyez comme moi qu'il faut clairement, dans la loi,
établir que ça s'applique à tous les agents de
renseignements, quels qu'ils soient?
M. St-Amant: Comme nous l'avons mentionné un petit peu
plus tôt, malheureusement, une des principales déceptions que nous
avons éprouvées à la lecture du projet de loi fut la
section concernant les agences de renseignements personnels. Ce fut une
déception cruelle. Il faut se souvenir que le sondage mené par
Équifax l'automne dernier indique notamment qu'un nombre croissant de
citoyens s'inquiètent de la qualité des renseignements qui sont
transmis, fournis, utilisés par des agences de renseignements
personnels. Il y a une inquiétude réelle. On a illustré
tantôt un certain nombre de cas problématiques.
Il paraît étonnant que le Québec veuille, si on s'en
tient au texte actuel, adopter un régime qui ferait en sorte que les
entreprises québécoises dans ce domaine-là seraient en
retard de 20 ans sur ce qui se fait aux États-Unis et de 5, 10 ou 15 ans
sur ce qui se fait dans les autres provinces. Aux États-Unis, on a
adopté le «Fair Credit Reporting Act» en 1974, si j'ai bonne
mémoire. Il y a une série de lois provinciales qui existent
depuis les années soixante-dix. C'est un petit peu regrettable d'avoir
à le dire, mais, si le projet de loi était adopté dans son
état actuel, les consommateurs de l'île-du-Prince-Édouard
seraient nettement mieux protégés que ceux du Québec
à l'égard du traitement des renseignements par les agences de
renseignements personnels. Il y a là...
M. Bourdon: C'est l'avantage d'avoir Charlottetown comme
capitale.
M. St-Amant: Bien sûr. Je m'en voudrais qu'on
interprète tout commentaire que je fais comme de la médisance
à l'égard d'une autre ville que Québec.
Oui, je pense qu'il est essentiel, pour toutes sortes de raisons, qu'on
demande aux agences de renseignements personnels qu'il y a au Québec de
se plier aux mêmes règles que celles qui s'appliquent à
cette industrie-là partout en Amérique du Nord. Il n'y a pas de
raison que les services d'Équifax au Québec soient astreints
à des obligations moindres que les services d'Équifax en Ontario
ou aux États-Unis. On se retrou- verait dans la situation très,
très paradoxale où, s'il y avait des renseignements personnels
qui nous concernent et qui seraient détenus par un organisme
québécois, d'une part, et par un organisme dont le siège
social est en Ontario, d'autre part, les renseignements qui me concernent
seraient mieux protégés en vertu des lois ontariennes et à
l'égard d'une compagnie qui est hors du Québec. Il y a là
une anomalie considérable.
Et, si, en 1974, aux États-Unis, entre autres, on a
décidé d'intervenir, c'est que la crédibilité des
agences de renseignements personnels commençait à descendre en
chute libre. Les consommateurs commençaient à être
sérieusement ennuyés par les pratiques. On est venu encadrer la
chose. On est venu dire: Bon! C'est un mal nécessaire que ces
organismes, que ces agences. On va baliser. On va fixer exactement comment
ça fonctionne en donnant une série de droits et d'obligations
à ces agences, qui sont nettement plus sévères et
restrictifs que ce qu'on retrouve actuellement dans le projet de loi,
même si on prend l'ensemble du projet de loi, c'est-à-dire non
seulement la section sur la protection des renseignements personnels.
Si on veut parler de globalisation des marchés, si on veut que
les entreprises canadiennes soient vraiment compétitives, puisque c'est
le discours qu'on nous sert, qu'elles le soient aussi au niveau de leurs
méthodes de gestion, et notamment dans ce domaine-là. (11 h
30)
M. Bourdon: Quand on parle des modalités, je suis
frappé par celle qui est prévue par le projet de loi, que des
dizaines de millions de lettres seraient envoyées aux
Québécois pour leur dire qu'on a un rapport à leur sujet,
mais sans leur donner le contenu du rapport. Est-ce que vous seriez d'accord
qu'on prévoie plutôt, dans le projet de loi, que les utilisateurs
- c'est à double sens - qui ont ces rapports les donnent aux personnes
concernées et, d'autre part, qu'on trouve un moyen que le droit à
la correction, d'une part, soit inscrit, que la correction s'applique à
toutes les agences qui détiennent des renseignements personnels sur la
personne et qu'on passe par les utilisateurs pour recevoir les plaintes des
citoyens? Parce que, là, perdre une demi-journée pour aller chez
Équifax à ville d'Anjou, quand on est un résident de
l'île de Montréal... On a plus de chances d'être en contact
avec sa caisse populaire qu'avec Équifax.
Et les bureaux de crédit font observer, avec raison, qu'ils n'ont
pas pour fonction de traiter directement avec les consommateurs, mais avec des
utilisateurs. Et, parmi les utilisateurs, il y a le Mouvement Desjardins, qui a
1300 points de service dans tout le Québec. Est-ce que vous seriez
d'accord avec cette idée-là? Parce que, moi, je trouve que la loi
actuelle est très jacobine, et c'est quasiment un strip-tease que
l'État organise. On écrit à la personne et on dit:
On a des renseignements sur toi; si tu veux les avoir, il va falloir que
tu les demandes. Ce serait peut-être plus simple...
M. Cannon: C'est un télégramme chantant, Michel.
Ha, ha, ha!
M. Bourdon: C'est ça. Ha, ha, ha! Mais ça serait
plus simple, il me semble, que la personne qui va à sa caisse populaire
ou qui reçoit une lettre de son institution financière, que le
fameux rapport en question on lui donne.
Mais, après ça, il y a un autre problème, c'est
qu'il y a peut-être 30 agences, ou 50, ou 75 agences. Une personne ne
peut pas se transformer à plein temps en correcteur de données,
parce que le citoyen, lui, il ignore même où l'institution qui lui
fait crédit ou qui lui vend un service prend ses renseignements. Il me
semble que la correction devrait être faite partout; et, par
informatique, je pense que, par hypothèse, c'est faisable. Alors, dans
le fond, j'aimerais savoir: Est-ce que vous pensez que c'est une piste qui
vaudrait la peine d'être regardée?
M. St-Amant: L'article 103 du projet, tel qu'il est
présentement rédigé - bon, d'une part, il est curieusement
placé, mais passons - s'inspire d'une préoccupation didactique
qui est tout à fait louable et que nous partageons. Il va aussi avoir
une contribution très nette sur le budget annuel de la
Société canadienne des postes. Mais, compte tenu du nombre
d'erreurs qu'il y a dans les dossiers des agents de crédit, il n'est pas
nécessairement évident que, de toute façon, tous les
consommateurs vont recevoir un dossier à la bonne adresse.
Effectivement, il serait sans doute beaucoup plus intéressant de
penser à un processus semblable à ce que vous évoquez,
où c'est au moment de l'utilisation de renseignements que la personne
qui est le mieux placée pour le faire les communique au citoyen. Parce
que, si un citoyen reçoit demain matin une enveloppe d'Équifax
qui lui dit: Vous avez un dossier de crédit chez nous, bon, j'ai un
dossier de crédit, ça risque fort de se retrouver à la
poubelle. Si, par contre, une banque ou une caisse populaire dit à un
citoyen: Vous avez un dossier de crédit chez Équifax, le voici,
et nous en tenons compte pour étudier la demande de prêt que vous
avez formulée hier, quelque chose me dit que le citoyen va être
beaucoup plus préoccupé par le contenu de ce rapport-là,
et l'impact qui est recherché par le législateur risque nettement
plus d'être atteint. Alors, en ce sens-là, je pense
qu'effectivement il peut être fort intéressant de faire en sorte
que ce soient les utilisateurs de renseignements qui en fassent connaître
la teneur aux consommateurs.
Dans quelle mesure ces gens là peuvent s'échanger des
renseignements, dans quelle mesure ils voudront le faire? Ça, c'est une
question qu'il pourrait être intéressant de leur poser. Et il
faudra voir jusqu'où le législateur veut aller en termes de
contraintes à la circulation de renseignements personnels, encore
là, avec les avantages et les inconvénients que ça peut
comporter. Parce qu'on dit, dans l'hypothèse que vous formulez, par
exemple, à Équifax: Vous devez transmettre les renseignements
corrigés à tous les agents de renseignements personnels. Est-ce
qu'il faut le consentement du citoyen au départ? Bon, il y a une
série d'aménagements qu'il faudrait évaluer, là, et
voir dans quelle mesure c'est possible, aussi.
M. Bourdon: Bien, vous avez raison, et ce que j'ajoute, à
cet égard-là, c'est que, à la rigueur, si la correction
n'est pas faite ailleurs... Mais je pense que c'est un objectif qu'on devrait
poursuivre. Pour le citoyen, ce qui compte, c'est l'utilisateur du
renseignement avec qui il traite et avec qui il fait affaire, parce que, dans
le fond, c'est celui-là qui peut jouer un rôle quant à son
sort. Et je trouve très judicieuse votre observation. Si j'ai fait une
demande de prêt à la Caisse populaire et qu'elle me donne un
rapport en me disant que ce rapport de crédit va influencer sa
réponse, qui contient une erreur manifeste, eh bien, je vais avoir
intérêt à faire corriger l'erreur, parce que ce n'est pas
théorique comme question. C'est bien pratico-pratique. Et je trouve que
cela aurait l'avantage d'être plus large.
Les Bureaux de crédit du Nord, hier, avaient raison de dire
qu'envoyer 300 000 lettres à 300 000 personnes... Et ils avaient
l'honnêteté de dire la même chose que vous, qu'il y a bien
des mauvaises adresses et que les utilisateurs ont des adresses plus à
jour que les bureaux de crédit. Et c'est bien normal. À la caisse
populaire, j'ai intérêt à changer mon adresse parce que je
veux recevoir de la correspondance et tout. Et ce qu'ils disaient est assez
vrai. C'est qu'ils pourraient mettre une annonce dans le journal disant: Toute
personne qui, depuis 20 ans, a obtenu du crédit quelque part est
fichée chez nous.
Pas besoin d'une lettre pour savoir ça. On pourrait convenir
à la grandeur du Québec d'une annonce disant: Si vous avez
déjà acheté à crédit, vous avez un dossier.
Mais l'important, c'est qu'on puisse lire son dossier parce que c'est là
qu'il peut y avoir une erreur. À la commission précédente
- on commence à avoir une longue expérience de la question,
ça fait cinq ans qu'on siège en commission pour parler de
l'opportunité d'adopter une loi - j'avais mentionné mon cas
personnel: un locateur de voitures, qui m'a dit que, dans mon rapport de
crédit, il était indiqué que j'avais eu un jugement pour
défaut de paiement, alors que c'était un litige avec mon
propriétaire. J'avais perdu sur une somme astronomique de 120 $ à
la Cour des petites créances
J'ai demandé correction, il a dit: Non, ils peuvent mettre votre
version... Mais je n'étais pas un mauvais payeur. Je prétendais
que je ne lui devais pas les 120 $ et, quand j'ai été
condamné - parce qu'il avait amené son beau-frère se
parjurer pour me faire perdre...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. St-Amant: Bon! Là, vous invoquez votre immunité
parlementaire?
M. Bourdon: C'est ça. Je me suis tu...
Une voix: M. le Président, on n'a pas le droit de
prêter des intentions.
M. Bourdon: Non, non, non.
Une voix: À son beau-frère, surtout!
Une voix: Surtout à son beau-frère.
M. Bourdon: Au beau-frère de mon ancien
propriétaire.
Une voix: Moi, j'aimerais bien voir sa belle-soeur...
Une voix: On va convoquer le beau-frère. Une voix:
Et la belle-soeur également.
M. Bourdon: J'ai payé le prix du parjure, 120 $, mais ce
que je veux dire, c'est que ma version... Spontanément, je me disais:
J'aggrave mon cas. Vous savez, ce n'est pas grave. Ce n'est pas un jugement
parce que j'étais incapable de payer, c'est un litige et je
prétendais que je ne lui devais pas. Alors, dans ce sens-là, moi,
je pense que le premier brassage que cette loi devrait occasionner, c'est que
l'ensemble des Québécois, dans l'année qui suit, prennent
connaissance, entre autres, de leur rapport de crédit et puissent le
corriger si besoin est.
Moi, j'affirme une chose, c'est qu'au plan du fonctionnement du
système par lequel des entreprises accordent du crédit - parce
qu'il y a un intérêt légitime à savoir si on
prête à quelqu'un qui est solvable et qui est un bon payeur,
ça, personne ne conteste ça - je pense que le système s'en
trouverait amélioré parce que les corrections se feraient, y
compris les corrections d'adresses, et on aurait des données plus
fiables avec lesquelles travailler.
En tout cas, je trouve ça typiquement fonctionnaire, dans un
premier temps, de dire: Vous avez acheté à crédit, donc
vous avez un dossier de crédit. Aïe, ça va coûter
peut-être 10 000 000 $ pour que les Québécois qui ont
acheté à crédit apprennent qu'il y a un dossier de
crédit. Moi, je trouve que l'important, c'est qu'on trouve des moyens
efficaces pour que les gens aient leur dossier de crédit. Mais
après, qu'il y ait un recours réel pour les corriger. Parce que
les exemples que vous avez donnés... Même quand Esso ou la
compagnie d'assurances...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Bourdon: ...dit de corriger, équifax refuse. je
remercie de nouveau les gens de leur mémoire, parce que je n'aurai pas
l'occasion de conclure.
Le Président (m.
doyon): là, je ne voulais
pas vous interrompre. votre démonstration, toute convaincante qu'elle
était, devenait circulaire, alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président. Moi, je veux aborder
avec vous un peu le dilemme qui existe. Le ministre a souligné
tantôt le fait qu'il y a beaucoup de témoins qui viennent ici et
qui disent que la loi est trop «laxe», il y en a beaucoup d'autres
qui disent que c'est trop sévère. Alors, ça, c'est le
défi qu'ont le ministre et notre commission de trouver cette ligne
d'équilibre pour avoir un projet de loi acceptable et fort. Alors, vous
dites que le consommateur doit être au courant de l'existence de tous les
dossiers qui existent, de toutes les entreprises qui détiennent de
l'information sur lui, la nature de cette information, etc. Et, dans l'article
103, on parle du fait que, dans l'année qui suit l'entrée en
vigueur du présent article, tout agent de renseignements personnels doit
informer chaque personne concernée par un dossier qu'il détient,
de l'existence de ce dossier, du droit de consultation.
Alors, ma question est celle-ci: Pour vous, quelle est la
mécanique acceptable que vous pourriez suggérer qui pourrait
satisfaire, en effet, les intentions du projet de loi, mais ne mettrait pas un
fardeau trop lourd sur les entreprises? Est-ce que vous suggérez, en
lisant cet article, que chaque entreprise qui possède un dossier sur
quelqu'un doive informer par écrit chaque personne qu'elle
détient un dossier? Est-ce que vous croyez que ça ne pose pas une
reponsabilité financière trop lourde sur chaque entreprise pour
vous qui demandez de bonifier, de renforcer cette loi, que cette loi, à
présent est un peu trop «laxe»? Où est la ligne
d'équilibre pour vous? Où est la mécanique acceptable qui
pourrait satisfaire d'un côté l'exigence, le principe de la loi et
aussi, en même temps, ne poserait pas ce fardeau trop lourd sur des
entreprises individuelles? (11 h 40)
M. St-Amant: Trois ou quatre observations que je vais souhaiter
cohérentes. D'abord, à l'égard de l'article 103 tel qu'il
est rédigé, actuellement, on l'a interprété, en
général, comme exigeant un envoi personnalisé. Mais, si on
lit le texte qui est écrit, ce n'est pas vraiment nécessaire.
Alors, si le législateur voulait retenir cette hypothèse d'un
envoi personnalisé, il faudrait peut-être qu'il revoie son texte.
Mais ça, c'est un détail.
Le député de Pointe-aux-Trembles évoquait
tantôt l'importance de la qualité des informations, et l'article
103, en principe, y participe. C'est un élément important,
effectivement, pour tous les intervenants que l'information qu'on utilise pour
prendre des décisions soit exacte. Et, à cet égard, il
m'arrive de m'étonner d'un discours qu'on semble entendre de la part de
certaines entreprises ou qu'on a pu lire dans les journaux qui ont sans doute
mal rapporté les propos des porte-parole - quant au respect pour les
journalistes - que ça va coûter cher de mettre une loi comme
celle-là en vigueur.
Nos recommandations sont, sauf erreur, toutes inspirées de ce qui
se fait actuellement ailleurs, soit dans les pays de l'Europe, soit en
Amérique du Nord. Il n'y a rien de nouveau, il n'y a rien de
révolutionnaire dans ce que nous recommandons. Ce sont des choses qui
existent déjà, qui se font, qui fonctionnent, qui assurent a peu
près adéquatement, semble-t-il, à la fois la protection
des droits des citoyens et un fonctionnement économique
adéquat.
Alors, quand on me sert un discours comme: Ça va coûter
cher, j'ai tendance à répliquer, je reviens à ce que je
disais tantôt: Est-ce qu'on veut être concurrentiel
également au niveau des méthodes de gestion? Ou bien est-ce que
les entreprises nous disent: Écoutez, ça nous coûte trop
cher de prendre des décisions fondées sur des renseignements de
qualité, alors on les prend sur les renseignements qu'on a et, au
besoin, on corrige après? Ça me paraît, de la part des
entreprises québécoises, un discours très, très
regrettable et très peu ambitieux, en termes de qualité
totale.
Quant à la suggestion que vous évoquez, elle
soulève un problème qui est extrêmement complexe au niveau
de l'application de la future loi. Est-ce que la loi va s'appliquer à
tous les renseignements présentement détenus par les entreprises,
par exemple? Ce serait évidemment souhaitable. Ça me
paraît, en pratique, difficile à réaliser parce que
ça impliquerait, entre autres, en effet, que toutes les entreprises qui
détiennent actuellement des renseignements communiquent avec tous les
citoyens au Québec. Ça me paraît difficile. Un
régime comme l'article 103 appliqué de façon
générale va faire faire fortune à la Société
canadienne des postes.
Je pense qu'il faudra davantage se concentrer sur les quelques cas les
plus compliqués, les plus sensibles, notamment des agents de
renseignements personnels, en termes de divulgation des renseignements
déjà détenus et, pour l'avenir, s'assurer que la
circulation des renseignements est mieux contrôlée par les
citoyens. On ne peut peut-être pas réparer tout ce qui s'est fait
depuis 20, 30 ou 40 ans, mais on peut, au moins, se donner des bases solides,
pas trop coûteuses, efficaces, comparables à ce qui se fait
ailleurs dans le monde, pour l'avenir.
M. Libman: Est-ce que vous croyez que ce serait acceptable, par
exemple, que chaque entreprise doive mettre une annonce dans les journaux
chaque six mois pour annoncer qu'elle détient des dossiers sur les
Québécois et que chaque Québécois a le droit
d'accès à cette information? Ou peut-être que cette
responsabilité pourrait revenir à la Commission d'accès
à l'information, de mettre une annonce dans les journaux chaque six mois
ou chaque trois mois ou quelque chose pour informer les Québécois
que cette liste des entreprises détient des informations sur les
Québécois et que tous les Québécois ont le droit
maintenant d'avoir accès au dossier. Est-ce que vous croyez que c'est
acceptable au lieu d'obliger chaque entreprise à informer
individuellement chaque personne sur laquelle elle détient un
dossier?
M. St-Amant: L'hypothèse comme celle que vous
évoquez peut mener à des résultats para doxaux. Ou bien
ces annonces de toutes les entreprises sont formulées en termes
très généraux: La banque X, le Mouvement Desjardins, etc.,
détiennent des informations sur les Québécois, mais je
pense que la plupart des Québécois s'en doutent. Ou alors, pour
que cette information-là soit vraiment personnalisée, il faudrait
que la banque X, par exemple, dise: Nous détenons des informations sur
tous nos clients dont la liste est la suivante. Là, les gens vont se
sentir concernés, ils ont des renseignements personnels sur les gens, ce
qui me paraîtrait pour le moins aberrant.
Je ne pense pas qu'une formule aussi précise soit
nécessaire. Il va incomber aux législateurs, au gouvernement,
dans une certaine mesure à nos associations également, de faire
do la publicité, de l'information, de faire savoir qu'il y a une loi, de
faire savoir qu'il y a des droits. Il faut espérer également que
les organismes qui représentent les entreprises, les employeurs vont
également avoir la bonté de jouer ce rôle-là, de
faire appliquer une loi québécoise, de faire en sorte que
l'information circule, peut-être pas de façon précise,
parce qu'on n'a pas besoin de savoir que l'entreprise X détient des
renseignements sur des Québécois, ça va de soi. Elle a des
clients, elle a des employés, il va de soi qu'elle détienne des
renseignements, et on ne peut pas non plus nommer les gens. Alors, il y a de
l'information générale à faire. Je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de le préciser
dans le sens que vous indiquez.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. St-Amant.
Mme Dalio: II ne faudrait pas non plus...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, le temps étant
écoulé. Oui, Mme Dalio.
Mme Dalio: En fait, ce qui est important pour le consommateur, ce
n'est pas tellement de savoir tout ce qui est contenu à son sujet, ce
qui est important, c'est qu'il sache qu'à partir de ces
renseignements-là il y a des décisions qui sont prises sur son
compte, et ça, c'est un point très important. Les consommateurs
peuvent dire: Bon, ça ne me dérange pas qu'on possède des
renseignements sur moi, mais, là où ils s'inquiètent,
c'est qu'est-ce qu'on fait... Un coup que ces renseignements-là sont
arrivés dans une entreprise, qu'est-ce qu'on fait avec et comment c'est
transféré?
Et, aussi, je pense qu'il ne faudrait pas sous-estimer l'imagination des
entreprises. Elles manifestent beaucoup d'imagination pour mettre en place
toutes sortes de mécanismes qui assurent des profits. Je pense qu'elles
peuvent mettre aussi en place des mécanismes qui assurent la circulation
d'informations. On pense juste à des formules types qui sont
données fréquemment aux utilisateurs ou aux consommateurs. On n'a
pas nécessairement à s'engager dans des annonces individuelles
pour tous les citoyens.
M. Libman: Je ne sais si le Conseil...
Le Président (M. Doyon): M. le député,
rapidement, votre temps étant écoulé.
M. Libman: Non, je ne sais pas si le Conseil du patronat, qui va
témoigner la semaine prochaine, va être d'accord avec cette
observation, en effet. Sauf que la loi, présentement, donne une
quasi-obligation à chaque entreprise d'informer individuellement et
même Les Bureaux de crédit du Nord, qui sont venus hier, ont dit
qu'informer chacune des 300 000 personnes sur lesquelles ils ont des dossiers,
ça va leur coûter environ 300 000 $. Alors, ça donne une
responsabilité énorme à certaines entreprises. Je voulais
juste savoir si vous pouviez essayer de justifier l'article 103 pour essayer de
trouver cette ligne d'équilibre qui pourrait satisfaire toujours...
Le Président (M. Doyon): Cette réponse, M. le
député, devra faire l'objet d'un échange particulier entre
vous et les représentants de la Fédération.
Donc, je vous remercie, le temps étant écoulé et
les députés ayant eu l'occasion de s'entretenir avec vous selon
les règles qui nous gouvernent. Je vous remercie donc de nous avoir fait
part de vos remarques et je suis sûr qu'il en sera tenu compte en temps
et lieu. Merci beaucoup. (11 h 50)
Nous en sommes maintenant au groupe suivant. Il s'agit de l'Association
coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal.
Pendant que les gens s'installent, je reçois un communiqué qui se
lit comme suit: En 1984, j'ai eu le privilège de notre parti... Et
ça se continue en disant que M. Mulroney démissionne comme
premier ministre du Canada. Le communiqué de presse est disponible pour
ceux qui veulent en prendre connaissance.
Donc, j'invite les membres de l'Association coopérative
d'économie familiale du Nord de Montréal à bien vouloir
prendre place en avant. Je vois que deux personnes sont en place, je leur
souhaite la bienvenue. Je ne sais pas s'il y en a une troisième qui est
attendue.
Mme Latreille (France): Oui, elle s'en vient.
Le Président (M. Doyon): Je vous souhaite la bienvenue et
je vous indique que nous allons suivre les mêmes règles que
précédemment. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous
faire part de ce que vous avez à nous dire, de vos réflexions sur
le projet de loi, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le
secteur privé, et, ensuite, les parlementaires vont engager la
discussion avec vous, de la même manière que ça a
été fait auparavant. Vous avez la parole. Si vous voulez bien
vous présenter, et soyez les bienvenus.
Association coopérative d'économie
familiale du Nord de Montréal (ACEF du Nord de Montréal)
Mme Latreille: Bonjour. Je suis France Latreille.
M. Goulet (Henri): Henri Goulet. Mme Bourque (Lise): Lise
Bourque. Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Latreille: Bonjour tout le monde. L'ACEF, ou l'Association
coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal, est
un organisme communautaire spécialisé dans les domaines du budget
familial, du crédit et de la consommation. Nous travaillons, entre
autres, auprès de gens qui ont des problèmes de budget et
d'endettement. L'ACEF du Nord de Montréal est membre de la
Fédération des ACEF du Québec qui regroupe 12 ACEF
réparties à travers le Québec. Nous avions
présenté un mémoire en novembre 1991, dans le cadre de la
commission parlementaire sur la protection des renseignements personnels, dans
lequel on invitait le gouvernement québécois à se pencher
sur le principe du détournement de
finalité, eu égard aux renseignements personnels
nominatifs détenus dans les registres publics.
Nous voulions empêcher les redresseurs financiers d'utiliser
largement les données contenues aux plumitifs et aux dépôts
volontaires. Ces données leur permettent de faire des affaires d'or en
profitant d'une clientèle aux prises avec des problèmes
d'endettement. Nous attendions donc avec impatience le dépôt de ce
projet de loi, car, depuis ce temps, les activités de ces redresseurs
financiers sont toujours aussi rentables pour eux.
Notre présent mémoire démontre une profonde
insatisfaction quant au contenu et à la portée du projet de loi
68. Dès le départ, le législateur tient à
préciser, et je cite: «La présente loi n'a pas pour objet
de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une
fin d'information légitime du public». Cette
générosité de la part du législateur nous
déçoit. Nous ne croyons pas que toute constitution de dossiers
à partir de données personnelles soit pertinente, même si
elles sont licites. D'ailleurs, qui décidera si c'est effectivement
licite et comment interpréter une formule aussi large que l'information
légitime du public? Ces expressions sont à définir car
elles laissent beaucoup trop de place à interprétation. Ne
permettent-elles pas une ouverture trop large, une trop grande
possibilité de constitution de banques de données?
L'article 4 stipule que c'est l'entreprise privée elle-même
qui aura dorénavant toute latitude pour définir l'objet du
dossier qu'elle veut constituer. N'est-ce pas affirmer tout bonnement que
l'entreprise en question qui cherche à constituer un dossier sur un
tiers aura toute possibilité de se légitimer par le simple fait
de se définir elle-même un objet?
Ce projet de loi est truffé d'exceptions. Plusieurs articles
affirment de beaux principes, mais les exceptions viennent les annuler. C'est
le cas, par exemple, de l'article 6. À l'article 6, alinéa un,
une volonté de vouloir restreindre la collecte de renseignements
personnels est affirmée pour aussitôt introduire, à
l'article 6, alinéa deux, une notion qu'on pourrait qualifier ici
d'exception universelle en généralisant tout simplement la
constitution, la circulation et la commercialisation des renseignements
personnels.
Aussi, ce projet de loi ne fait qu'effleurer le détournement de
finalité. L'article 12 traite bien d'incompatibilité, mais, comme
c'est celui qui constitue le dossier qui détermine l'objet, tout sera
toujours compatible.
L'article 17, quant à lui, permet à de trop nombreuses
personnes de s'enquérir d'informations sur autrui, sans consentement de
la personne concernée. Comment peut-on légitimer, par cet
article, la communication de renseignements personnels sans le consentement de
la personne autorisée?
Est-ce qu'il n'y a pas une atteinte à la protection
énoncée par l'article 37 du Code civil du Québec? Ne
s'agit-il pas d'une ouverture trop large, sans borne, de la part d'une loi qui
permet la constitution et l'échange des banques de données? En
fin de compte, cette loi serait-elle votée tout simplement pour donner
bonne conscience, pour essayer de faire diminuer les craintes des consommateurs
face au non-respect de la vie privée?
Cette semaine, dans La Presse de lundi, on pouvait lire dans un
article qu'il y a eu une étude à l'automne 1992 qui a
porté sur la protection de la vie privée où 92 % des
Canadiens ont exprimé leur préoccupation, de
modérée à extrême, sur cette question. Accepter
cette loi ne pourrait-il pas signifier ceci: que des compagnies
émettrices de cartes de crédit vendent leurs listes
classées selon les produits consommés à des
commerçants intéressés - ainsi, tous les gens qui ont
acheté des skis recevraient un dépliant promotionnel des centres
de ski; que des clients qui louent des chalets dans les réserves et
parcs du Québec et qui réservent à l'aide de leur carte de
crédit se fassent solliciter par des pourvoiries; que les patients des
dentistes, chiros, acupuncteurs reçoivent une offre d'abonnement d'une
revue santé quelconque? Et, pire encore, est-ce que les pharmaciens ne
pourraient pas vendre leurs listes de clients qui ont acheté des
prescriptions à des compagnies d'assurance-vie, et ce, en toute
légalité? Aussi, des clients des institutions financières
qui ont un compte d'épargne bien garni recevraient des publicité
d'autos luxueuses, etc.
Ne pourrait-il pas y avoir des recoupements d'information qui
permettrait d'établir le mode de vie des gens et ainsi de les solliciter
pour toutes sortes de biens et services? Si les réponses à ces
exemples sont affirmatives, légaliser de telles pratiques serait
dramatique. Cette loi vient faciliter la voie à toute personne qui veut
constituer et/ou échanger des banques de données.
Nous croyons qu'il ne faut pas adopter ce projet de loi. À notre
point de vue, une mauvaise loi est plus dommageable qu'une absence de loi. Nous
pensons qu'il faut cesser de judiciariser lorsque l'esprit d'une loi n'est pas
clair et laisse place à trop d'interprétation, comme c'est le cas
ici. Les tribunaux sont assez surchargés, il n'est pas nécessaire
d'en ajouter.
Pour revenir aux banques de données publiques, nous avons pris
connaissance de l'étude rendue publique par Équifax Canada sur
les consommateurs et la vie privée à l'ère de
l'informatique. Dans cette étude, il appert que, et je cite, «72 %
des Canadiens trouvent inadmissible ou inquiétant que les compagnies
obtiennent des listes à partir des dossiers publics pour envoyer de
l'information sur des produits ou des services aux consommateurs». Ainsi,
près des deux tiers de la population canadienne serait d'accord pour
limiter l'accès à ces banques de
données publiques.
Nous réitérons donc notre position de principe: À
quand une loi sur l'utilisation abusive des banques de données des
organismes publics afin d'empêcher le détournement de
finalité des données sur la vie personnelle des gens? Notre
souhait le plus vigoureux allait dans le sens de voir apparaître, dans le
projet de loi 68, un ou des articles qui viendraient donner aux consommateurs
la possibilité de contester légalement l'utilisation
détournée de ces renseignements.
Malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut donc que le
législateur refasse ses devoirs. Nous croyons que le projet de loi 68
n'est pas acceptable dans sa forme actuelle. Il faut repenser ce projet de loi
afin de répondre vraiment au respect de la vie privée.
Comme l'article 35 du Code civil le stipule clairement, toute personne a
droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nul ne
peut porter atteinte à la vie privée d'autrui sans le
consentement de celui-ci ou celui de ses héritiers ou sans être
autorisé par la loi.
Il ne faudrait pas que le projet de loi 68 vienne annuler les principes
du Code civil qui traitent du respect de la réputation et de la vie
privée. Merci de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame.
M. le ministre. (12 heures)
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président.
Bonjour mesdames, monsieur. Il me fait plaisir de vous accueillir
à l'Assemblée nationale et à la commission parlementaire.
Je vais aller droit au but. Je crois bien que vous n'êtes pas
nécessairement satisfaits du projet de loi 68. Il y a peut-être...
et je comprends la préoccupation, puisque, lorsqu'on s'était
parlé la dernière fois, vous aviez la préoccupation des
redresseurs financiers et, comme vous, je le déplore. Mais je voudrais
vous rassurer aussi que, dans le projet de loi, nous n'apportons pas
nécessairement de distinction entre des renseignements personnels
à caractère public, qui sont cueillis aux plumitifs, et des
renseignements confidentiels. Quant à nous, on n'a pas fait de
distinction là-dessus. C'est toute la même chose. Je veux vous
rassurer. Je ne sais pas si vous avez des commentaires,
particulièrement, à formuler sur ce que je viens de vous
dire.
Mme Bourque: Je peux y aller. Eh bien, justement, je pense qu'on
est d'accord là-dessus, avec votre point de vue. On doutait; on se
demandait, d'ailleurs, dans notre mémoire si ça s'appliquait
aussi aux plumitifs, par exemple, et je pense que oui. Vous touchez autant les
collectes privées que publiques. Vous arrivez peut-être à
un stade supérieur où il y a trafic de ces informations, sauf que
ce qu'on critiquait un petit peu aussi, c'est qu'il n'y avait rien pour
prévoir certaines mesures restrictives au niveau des collectes
mêmes. Le projet de loi arrive après que la collecte soit
faite.
M. Cannon: Pour qu'on soit clair, Mme Bourque, quand le
renseignement personnel sort du secteur public et se retrouve dans le secteur
privé, il tombe donc sous le projet de loi 68.
Mme Bourque: D'accord. Oui. M. Cannon: C'est
ça.
Mme Bourque: Ce qu'on déplorait, c'est au niveau de la
collecte de ces informations.
M. Cannon: Ça nous ramène au débat qu'on a
eu il y a un an et quelque temps.
Mme Bourque: Probablement.
M. Cannon: O.K. Dans quelle perspective ou dans quel sentier ou
avenue pensez-vous que la vie privée est la plus menacée au
niveau, particulièrement, des redresseurs financiers? Rappelez-moi tout
cet élément de votre discours.
M. Goulet: Je pense que cet aspect des renseignements personnels
qui sont recueillis, qui sont commercialisés, finalement... Nous, c'est
un peu la formule qu'on utilisait, ce n'est pas nous qui l'avons
inventée, la notion de détournement de finalité,
c'est-à-dire que, ce qu'on comprenait par le projet de loi, lorsque la
collecte se fait et que les renseignements deviennent objets, finalement, d'une
entreprise et font partie d'un dossier, ça veut dire que la
commercialisation devient possible et devient légale. Ce qu'on
questionnait, nous, dans le projet de loi, essentiellement, c'était
cette notion de licite, finalement. Qui détermine l'objet, par exemple,
du dossier? Est-ce que, lorsqu'on détermine un objet, automatiquement
ça devient légal de pouvoir le commercialiser?
M. Cannon: Juste pour cet élément-là,
à l'article 1, troisième paragraphe, simplement pour vous
rassurer, c'est particulièrement au niveau de la presse, de la
liberté de presse que nous avons introduit cet aspect. Le projet de loi
doit être appliqué dans le respect des droits qui découlent
de la Charte; ça, c'est clair. Alors, n'allez pas penser que c'est
là un élément qui va à l'en-contre des principes
que l'on peut retrouver dans une charte.
C'est peut-être important de reformuler ma question au niveau des
redresseurs. Ils font quoi, les redresseurs, avec les renseignements
personnels? Donnez-moi des exemples.
M. Goulet: Bon, alors, la dernière information sur les
redresseurs financiers, le plus important, c'était dans le journal, hier
matin. On
avait intitulé ça «M. Faillite fait faillite».
Les redresseurs financiers, essentiellement, ce qu'ils font, c'est qu'ils
utilisent des banques de données publiques et les transforment,
finalement, en banques de données privées, puisqu'ils les
utilisent à des fins très commerciales, vont chercher l'ensemble
des données dans des secteurs très particuliers où,
actuellement, le secteur qui est le plus utilisé, c'est les
données judiciaires, alors le dépôt volontaire et le
plumitif.
Maintenant, il n'y a rien qui nous empêche de penser que,
éventuellement, les dossiers pourraient circuler sur une plus haute
échelle, comme on le mentionnait dans le mémoire,
c'est-à-dire à partir des données d'Équifax, par
exemple, parce que là il y aurait aussi matière à
constituer des dossiers assez importants où des gens, des consommateurs,
des individus sont en difficulté financière. Et, là, le
recrutement devient possible sur une très haute échelle. Et,
nous, dans le projet de loi, on n'a pas vu que ça pouvait empêcher
ce style de pratique, d'où l'aspect un peu sévère,
finalement, du mémoire en disant: Ce qu'on vient de faire, c'est de
légaliser ce genre de commerce, non pas sur une échelle
uniquement à partir des données de renseignements publics, des
données judiciaires, mais aussi à partir des banques de
données privées. C'est ce qu'on vient de faire dans ce projet de
loi; du moins, c'est notre interprétation. Vous allez nous corriger
si...
M. Cannon: Pour revenir juste une seconde aux redresseurs, c'est
en vertu de quelle loi, de quelle disposition qu'ils viennent chercher ces
renseignements-là? Ils sont assujettis à quelle loi, eux autres,
les redresseurs? Est-ce qu'ils sont hors normes ou est-ce qu'ils doivent
être assujettis à une disposition d'une loi quelconque?
M. Goulet: Nous, on a mené des poursuites légales
conjointement avec l'Office de la protection du consommateur. Donc, ça
veut dire que celui qui faisait fonctionner le commerce sur la plus haute
échelle au Québec, Sainte-Marie, lui, on a déposé
des plaintes. Il y a eu poursuites pénales de la part de l'Office, il a
plaidé coupable pour certains articles de la loi de l'OPC sur abus. Bon!
Il y a eu aussi des poursuites sur une question de fraude concernant la Loi sur
la faillite, mais, en général, ce genre de commerce n'est pas
géré par aucune loi.
Donc, dans le moment, la seule emprise qu'on a, c'est la Loi sur la
protection du consommateur, mais ce qu'on souhaitait le plus ardemment, pour
nous, c'était de pouvoir trouver, dans le projet de loi 68, une formule,
une place pour les individus. Les consommateurs pourraient l'utiliser, cet
article, pour se baser sur un article de loi pour dire: Bien, écoutez,
quand vous m'envoyez une lettre, quand vous me sollicitez chez moi, parce que
j'ai des difficultés finan- cières ou parce qu'il y a un dossier
quelque part qui dit que j'ai un arrérage sur ma carte de crédit
ou que j'ai fait un «skip» paiement sur mom prêt personnel ou
mon prêt auto, ou pour toutes sortes de raisons aussi... Il y a des gens
qui, en cause de divorce, reçoivent des lettres de ces gens-là.
Si le marché privé des renseignements personnels devient
accessible à ces gens-là, pour nous...
M. Cannon: O.K. Correct. C'est important ce que vous dites. Dans
le projet de loi 68, c'est à la Commission d'accès
d'évaluer si oui ou non, c'est légitime, la cueillette de ces
renseignements. Je vous renvoie à l'article 37 du Code civil. Si vous me
permettez, je vais simplement vous lire cet article: «Toute personne qui
constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt
sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir
que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du
dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou
l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser
à des fins incompatibles», etc., etc., ce qui est beaucoup plus
fort que la première version, en 1987, des dispositions du Code
civil.
Voyez-vous, on a amélioré le Code civil, sans doute,
depuis les quatre dernières années. Je sais que l'Opposition ne
se retrouve pas là-dedans, mais, effectivement, ça a
été bonifié et amélioré. Lorsque ce sera en
application, le ou vers le début de 1994, sans doute, il va être
beaucoup plus renforcé que ce qui avait été prévu
initialement.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Pas de réaction? Oui.
M. Goulet: Oui. Est-ce qu'on peut poser une question? Oui. Bon.
Est-ce que notre crainte est fondée dans le sens suivant,
c'est-à-dire qu'il est très possible, toujours selon cette
logique de l'objet du dossier, et si les renseignements sont cueillis, sont
accumulés sur des bases licites, que ça veut dire que
l'entreprise va pouvoir avoir accès à un secteur assez
impressionnant d'informations pour relancer l'industrie de ce genre de
commerçants? Est-ce que notre crainte est fondée?
M. Cannon: O.K. C'est à la Commission d'évaluer
cette chose-là. Alors, il suffit de faire une plainte. Tel que nous
l'avons structuré, il suffit de faire une plainte à la
Commission, et c'est la Commission qui jugera si, oui ou non, c'est pertinent
aux redresseurs de monter des dossiers comme ceux dont vous dénoncez
l'existence.
M. Goulet: Parce que l'interprétation qu'on en faisait, de
l'article, c'était que, si l'entreprise
a comme objet le redressement financier, il devient tout à fait
licite de recueillir des données...
M. Cannon: Légitime, je suis d'accord avec vous.
M. Goulet: Légitime, aussi, tel que c'est
formulé.
M. Cannon: Oui, je suis d'accord avec vous. S'il faut resserrer
pour qu'on puisse clairement indiquer ce que je viens de vous dire, on va le
faire. Je veux vous rassurer là-dessus. Je veux vous rassurer
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Moi, je fais un parallèle avec d'autres
intervenants qu'on a entendus à l'automne 1991. Je pense au Conseil
scolaire de IHe de Montréal, puis à la Communauté urbaine
qui nous disaient tous les deux: Nous sommes sollicités de fournir
à des institutions financières la liste complète sur
bandes, utilisables, donc, facilement, de toutes les personnes dont
l'évaluation foncière est faite avec adresse, numéro de
téléphone, le nom du créancier hypothécaire que la
CUM et le Conseil scolaire ont et la date d'échéance de
l'hypothèque. (12 h 10)
Là, dans le fond, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous
dites, c'est licite que les banques et les autres veuillent connaître les
dates d'échéance pour consulter, mais, dans le fond, ça
pose le même problème que le plumitif, dans le sens que ce sont
des renseignements, des informations qui sont publiques de nature, mais le
regroupement en banque et leur utilisation commerciale c'est, comme vous dites,
un détournement de finalité.
On parlait de la presse tout à l'heure. Qu'un journaliste veuille
connaître le nom du créancier hypothécaire d'un
député ou d'un ministre, c'est parfaitement légitime, et
le renseignement est disponible, de la même façon qu'on peut
vérifier s'il y a un jugement contre une personne, mais les redresseurs
financiers dont vous parlez s'en servent pour harceler ces personnes-là
et leur vendre leurs mauvais services. Dans le fond, c'est ça.
La CUM et le Conseil scolaire disaient: Écoutez, c'est sûr
que c'est public. Si, moi, je veux connaître le créancier
hypothécaire du propriétaire d'une maison que je voudrais acheter
pour avoir une idée combien je peux payer, ma foi, il n'y a pas de mal
à ça, mais les deux disaient: Ce qu'on nous demande, c'est une
banque de données complètes pour l'utiliser à des fins
autres que ce pourquoi le renseignement est public.
Là-dessus, ce que je voudrais dire, c'est que je ne saurais
être plus d'accord avec votre point de vue, et c'est vrai que l'usage qui
est fait du plumitif, ça ressemble un peu aux États-Unis, aux
personnes... Les avocats, par exemple, aux États-Unis, se tiennent
près de l'urgence d'un hôpital pour trouver quelqu'un à qui
proposer... ou dans l'ambulance pour proposer une poursuite en
«malpractice». C'est un bâtiment public, un hôpital,
mais aller là pour y recruter un client, ça devient un peu
ennuyeux. Le plumitif me semble être utilisé par les
supposés redresseurs de situation financière comme un moyen pour
trouver des victimes à leur commerce.
Si le président le permet, moi, le conseil que je donnerais
à une personne mal prise, c'est plutôt d'aller voir son ACEF que
de recourir à un supposé redresseur de situation
financière.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Oui. J'aimerais vous poser une question.
Peut-être que ça ne touche pas nécessairement votre
mémoire, mais ça me chicote depuis longtemps parce que, moi,
comme député, il y a bien des gens qui m'en ont parlé et,
moi-même, je fais une crise chaque fois, et sans doute de vos membres;
vous avez dû traiter ce dossier-là. C'est le harcèlement
des marchands, lorsqu'on paie avec une carte de crédit, d'avoir notre
numéro de téléphone. Vous savez que, selon la loi - je ne
le sais pas, peut-être que le ministre ou le président me
corrigera - ils n'ont pas le droit de nous demander notre numéro de
téléphone. Le numéro de téléphone, pour
différentes raisons, ça peut arriver qu'il soit personnel et non
publié.
Je ne sais pas, moi, si je vais m'acheter une paire de caoutchoucs chez
Bâta en passant parce que j'ai perdu les miens, je n'ai pas d'affaire
à leur raconter ma vie. Cette histoire-là, ça ne les
intéresse pas. Il y a de deux choses l'une: soit que la carte que je
leur donne, ils la passent à la machine électronique et le
crédit est autorisé, ils sont payés, qu'ils me foutent la
paix... Ce qu'on s'aperçoit lorsque, par hasard, on donne le
numéro de téléphone, lorsqu'on arrive à notre
boîte à malle, on a un catalogue du magasin, on a ci, on a
ça. Souvent, quelqu'un qui voyage, il va aller, je ne sais pas, moi,
à Montréal, il va aller n'importe où. Moi, à
Montréal, j'y vais deux, trois fois par année. Qu'est-ce que
ça leur donne de m'envoyer une espèce de catalogue de promotion?
Je n'y retournerai pas, là. J'ai acheté chez eux par
nécessité et obligation, de passage.
Souvent, les gens nous disent, dans nos bureaux de comté:
Qu'est-ce que vous attendez pour faire appliquer la loi? Comment on pourrait
faire appliquer cette loi-là alors que ce sont les
employés... Là, tu ne peux pas disputer la petite fille.
Si tu dis: Je ne te le donne pas, bien, elle dit: Le patron... Va le chercher,
le patron. Il n'est jamais disponible quand c'est pour ce cas. Il n'est pas
là, il est en conférence, il est allé prendre un
café, il a une réunion importante, il est avec le
député de Pointe-aux-Trembles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Moi, ce que je voudrais savoir de vous autres, c'est,
d'abord, est-ce que vous avez eu de ce genre de plaintes et quelles sont les
réactions des gens? Sont-ils en maudit comme moi ou en maudit comme les
gens qui m'en ont parlé? Comment ça se passe, chez vous? Est-ce
que ça existe, d'abord?
Le Président (M. Doyon): II y a une solution très
simple, c'est de donner un faux numéro, ce que je fais
régulièrement.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Maltais: Non, mais...
Le Président (M. Doyon): Bien sûr, ça
règle le cas.
M. Maltais: Oui, mais...
Le Président (M. Doyon): Vous voulez avoir un
numéro? Je vais vous en donner un, le voilà. Ce n'est jamais le
même, d'ailleurs, parce que je ne me souviens pas de celui d'avant.
M. Maltais: Non, mais, au sens légal, est-ce qu'ils ont le
droit de le faire ou si c'est une habitude courante?
M. Goulet: En fait, je pense que c'est une habitude très
courante. Je pense qu'il n'y a pas de loi sur laquelle on pourrait se fonder
pour contester cette pratique-là. Je n'en connais pas, du moins pour le
moment. Maintenant, ça va dans la même logique que les exigences
des institutions financières sur les informations qu'on doit donner pour
ouvrir un compte, par exemple, ou pour transiger avec une caisse populaire ou
avec une banque. Il y a plusieurs demandes qui sont faites: la carte
d'assurance-maladie... En principe, on n'est pas obligés, mais il y a
des pratiques qui sont courantes et...
M. Maltais: Parce que, moi, je m'excuse, mais...
M. Goulet: Les gens peuvent carrément refuser. Mais,
là, qu'est-ce qui arrive?
M. Maltais: Bon. Moi, ce que j'ai vu, j'ai vu, dans certains
magasins, des gens qui sont venus me dire: Ils n'ont pas voulu prendre notre
carte parce qu'on n'a pas voulu donner notre numéro de
téléphone, pour toutes les raisons de la terre, on peut avoir un
numéro de téléphone confidentiel. Je suis allé au
magasin avec la personne en question, la dame en question, puis j'ai dit:
D'abord, refaites le même achat. Est-ce que votre carte est bonne? Parce
que le marchand, il faut qu'il la passe... il faut qu'elle soit
autorisée. À partir du moment où l'institution
financière confirme le crédit, ça doit s'arrêter
là. J'ai fait venir le gérant et j'ai dit: Si tu refais
ça, tu vas aller en-dedans. Ça n'a pas l'air de l'avoir
impressionné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Mais, j'ai dit: Tout au moins, on peut les
déclarer à l'Assemblée nationale - et je me propose de le
faire, parce que, vous savez, il n'y a pas de meilleur forum que
l'Assemblée nationale - les dénoncer, ces marchands-là.
Vous allez voir que la liste est longue, parce que je les ai notés
depuis trois ans. Puis ça, à ce moment-là, je pense que
c'est brimer quelqu'un dans ce qu'il a de plus cher pour différentes
raisons.
O.K., le député de Louis-Hébert donne le
numéro de téléphone du député de
Pointe-aux-Trembles, moi, ça, ça ne me fait rien, mais le
consommateur, il n'a pas toujours l'instinct de donner de faux numéros
et puis, souvent, après,, il est encombré avec ces
bebelles-là. En tout cas, moi, ça s'est passé, j'ai eu des
plaintes là-dessus et je voulais savoir si ça se passe chez vous
aussi et quelle est la réaction des gens. Parce que ça devient
harassant, c'est du harcèlement, finalement, dans la vie privée
d'une personne. Voilà, M. le ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup Ces choses
étant dites avec beaucoup d'éloquence, je suspends les travaux de
cette commission jusqu'à 16 heures, en remerciant les
représentants de l'Association coopérative d'économie
familiale du Nord de Montréal d'avoir pris la peine de venir nous
rencontrer. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 16 h 6)
Le Président (M. Maltais): La commission reprend ses
travaux. À l'ajournement de cet avant-midi, on s'était
donné rendez-vous à 16 heures. Nous accueillons maintenant la
Chambre des notaires du Québec, représentée par M. Daniel
Ferron, directeur de la recherche et développement - bienvenue, M.
Ferron - M. Jacques Richer, qui est le directeur général de la
Chambre - M. Richer, bienvenue - M. Jacques Taschereau, qui en est le
président - M. Tas-chereau, bienvenue.
vous connaissez les règles, parce que ce n'est pas la
première fois que vous venez en commission parlementaire. alors, vous
avez un mémoire. on vous écoute attentivement.
Chambre des notaires du Québec
M. Taschereau (Jacques): Merci, M. le Président. Je
voudrais d'abord excuser mon groupe des quelques minutes de retard. Nous
étions devant l'autre commission parlementaire, où nous
étions entendus entre 15 heures et 16 heures.
Le Président (M. Maltais): vous savez, m. le notaire, m.
le président de la chambre des notaires, les parlementaires, c'est comme
les notaires, souvent ils sont mêlés dans leurs horaires.
M. Taschereau: Nous avons préparé un mémoire
de 61 pages. Je n'en ferai pas le récit, simplement vous
référer au sommaire, de même qu'aux conclusions qu'on
retrouve à la fin.
Nous réitérons, la Chambre des notaires, notre appui au
principe de ce projet qui est de protéger les renseignements
privés et qui se trouvait déjà dans la logique du
mémoire que la Chambre avait présenté à la
commission des institutions, en août 1991. Toutefois, nous sommes d'avis
que la loi-cadre proposée ne tient pas compte de la situation
particulière des corporations professionnelles qui sont régies
par le Code des professions et ne tient pas compte des situations
particulières que vivent quotidiennement les membres des corporations
professionnelles, dont la nôtre.
Il y a certaines dispositions proposées qui sont inconciliables
avec les responsabilités et les devoirs des professionnels que nous
sommes. Il est nécessaire, dans l'accomplissement des fonctions de
chaque jour et des responsabilités, d'obtenir des renseignements. Ils
sont nécessaires au travail du notaire pour assurer la qualité et
la sécurité de leurs documents qu'ils sont appelés
à rédiger. L'obtention de ces renseignements est requise. Par
contre, le public est protégé parce que le notaire est tenu
à la confidentialité, au secret professionnel et à des
règles très strictes à ce sujet par le code de
déontologie. (16 h 10)
Nous avons également procédé à une analyse
du projet de loi. Nous avons constaté des imprécisions et des
ambiguïtés qu'il serait souhaitable de faire disparaître pour
éviter des recours multiples à la Commission d'accès
à l'information. Nous signalons que certaines mesures, si les
professionnels du droit ne sont pas exemptés de l'application de la loi,
entraîneront des ralentissements de transactions si on doit
requérir le consentement écrit d'une personne pour l'utilisation
d'un renseignement personnel. C'est que, dans l'accomplissement de la
tâche de notaire, il est nécessaire d'obtenir des informations.
Particulièrement à l'article 37, nous croyons que le
règlement des successions sera également ralenti par suite de la
difficulté d'obtenir des renseignements de caractère
privé, mais que l'administrateur de la succession ou le légataire
doit connaître pour parvenir au règlement de la succession.
Alors, la Chambre des notaires suggère une révision du
projet de loi dans le sens des recommandations qu'on trouve
détaillées dans son mémoire.
Le Président (M. Doyon): C'est terminé? M.
Taschereau: Oui.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Taschereau.
M. le ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Vous me permettrez, Me Taschereau, de vous souhaiter la bienvenue. M.
Ferron, on s'est vus ce matin, votre collègue. Si je résume votre
pensée, vous dites que la Chambre des notaires considère qu'une
intervention législative assurant la protection des renseignements
personnels détenus dans le secteur privé est essentielle.
Jusque-là, ça va, je pense que tout le monde est d'accord avec
ça. Sauf que vous me dites que les corporations professionnelles
devraient normalement être exclues, devraient être exclues pour les
raisons que vous avez évoquées dans votre mémoire.
Hier matin, nous avons entendu la Commission des droits et
libertés, celle qui est habilitée par le gouvernement pour
surveiller particulièrement l'application de la Charte des droits et
libertés, qui nous a dit: Oui, la corporation ou les corporations
professionnelles, oui, les membres des corporations professionnelles devraient
normalement être soumis aux exigences et aux dispositions de cette loi.
Ce matin, en discutant avec la corporation interprofessionnelle, on a
établi, à la suite d'une discussion, que le président de
la Corporation professionnelle des médecins du Québec, le Dr
Augustin Roy, se dissociait de la position qui avait été prise
par cette Corporation en disant: Écoutez, pourquoi ne pas
bénéficier justement de la possibilité d'avoir un recours
aux dispositions de la loi 68 qui sont présentées dans ce projet
de loi et, aussi, se prévaloir de ce qu'il y a comme possibilités
à l'intérieur de la Corporation? À son avis, ça lui
paraissait comme étant une double assurance. Pour employer un peu le
discours de mon collègue de Pointe-aux-Trembles, dans cette
période où on parle de concurrence, pourquoi ne pas susciter de
la concurrence?
Mais, aujourd'hui, vous nous indiquez que la corporation des notaires du
Québec ne devrait pas être assujettie à ça, sous
cette loi. Sans
doute que vous êtes tout à fait conscients et au courant
que les articles 35 à 41 du Code civil s'appliqueraient, normalement.
S'il n'y avait pas de loi d'application comme celle que nous voyons ici, c'est
le Code civil qui s'appliquerait. Alors, avant d'arriver avec des cas
précis puisque... Que ce soit la Commission d'accès à
l'information ou d'autres organismes qui sont venus nous rencontrer, je pense
que les corporations professionnelles ne sont pas à l'écart de
difficultés au niveau de la protection des renseignements, bien que
j'avoue qu'il y a des dispositions chez vous qui sont plus rigoureuses que dans
d'autres secteurs. Je pense que tout le monde autour de la table, ici,
l'avoue.
Néanmoins, vous n'êtes pas à l'écart de
difficultés qui pourraient surgir. Alors, pourquoi vous vous opposeriez
justement à ce qu'il y ait finalement une espèce de double
protection pour le consommateur et aussi pour les membres de votre
corporation?
M. Ferron (Daniel): Bon, écoutez, premièrement, on
est conscients que le Code civil est là même s'il n'est pas encore
en vigueur, sauf que la loi d'application que vous proposez, selon notre
analyse, entrerait, à plusieurs égards, en conflit avec certaines
dispositions du Code des professions, des lois professionnelles et des codes de
déontologie.
Moi, je dirais au départ qu'on n'est pas contre l'idée,
pas du tout, d'avoir à s'assujettir à certaines règles au
niveau des renseignements personnels. Pour nous, ça va de soi. C'est
quelque chose qui s'impose. Là où on est inquiets, c'est
justement sur le comment ça va se faire parce que, là, d'un
côté, on a le Code des professions, on a des lois professionnelles
qui nous imposent certaines règles et, de l'autre côté, on
a une loi générale, une loi-cadre, qui ne tient pas du tout
compte des particularités du système professionnel.
M. Cannon: Est-ce que vous me dites maintenant que vous
n'êtes plus... c'est-à-dire que votre position est modifiée
et que vous n'êtes pas favorables à l'exclusion de votre
corporation des dispositions de la loi, mais qu'au contraire, si la loi
était aménagée, vous pourriez vivre avec ça? Est-ce
que je comprends bien ce que vous me dites?
M. Ferron: C'est-à-dire que notre position n'est pas
modifiée telle que présentée, sauf que, si... Nous, on
dit: Tout ce qu'on recherche, finalement, c'est une harmonisation. Si vous me
dites, à ce moment-ci, que la loi fera en sorte qu'à ce
moment-là ce sera les corporations professionnelles ou l'Office des
professions qui aura juridiction pour réglementer ça, là,
on n'a pas d'objection, sauf qu'on se dit: Là, on va se retrouver avec
deux séries de réglementations pour la même chose.
M. Cannon: Pourquoi... Je pose la même question que j'ai
posée ce matin. Alors, probablement que vous me voyez venir,
particulièrement au niveau de l'accès et au niveau des recours
possibles des clients. Alors, il se produit quoi, lorsqu'un individu est
lésé vis-à-vis de la corporation des notaires? Comment
peut-il obtenir accès à son dossier, d'une part, et, d'autre
part, avoir un recours non seulement qui lui permettrait justement d'obtenir
satisfaction et gain de cause, mais... Comment voyez-vous la
mécanique?
M. Richer (Jacques): La position de la Chambre des notaires est
essentiellement liée à cette dualité que nous avons cru
voir dans le projet de loi, dualité à différents niveaux,
par exemple le droit d'accès au dossier de la part de la population et
le droit d'accès ou la nécessité d'accès pour le
notaire à des renseignements précis pour faire son travail. Comme
Me Ferron le disait tantôt, l'autre dualité que nous avons vue,
c'est le danger de conflit de juridictions entre l'Office des professions et la
Commission d'accès à l'information.
Également, on voit et on précise dans notre mémoire
que les corporations professionnelles ne peuvent pas, vis-à-vis d'une
volonté comme celle exprimée dans le projet de loi, être
mises dans le même panier. On est parfaitement conscients comme
consommateurs que l'accès pour une personne à son dossier
d'hôpital ne revêt pas les mêmes difficultés que
l'accès à son dossier chez son notaire. Souvent, et je dirais
presque tout le temps, là où la profession notariale va
être confrontée avec un problème différent,
ça va être de voir dans quelle mesure la population devra
être protégée vis-à-vis des renseignements que les
notaires devront diffuser et continuer à diffuser publiquement par
rapport aux individus.
Alors, essentiellement, notre position, c'est de dire: Oui, nous sommes
d'accord avec le projet de loi et l'intention du gouvernement, mais nous
allumons de petites lumières rouges en disant: Le caractère
particulier des dossiers traités par les notaires et la relation des
notaires avec la population sont très différents des relations
d'autres professionnels avec la population et des problèmes
engendrés par la gestion des dossiers et la gestion des renseignements
qui sont véhiculés dans un sens comme dans l'autre.
C'était surtout ça que notre mémoire voulait mettre en
lumière.
M. Cannon: O.K. Reprenons ça parce que je voudrais bien
comprendre, en termes de hiérarchisation des lois. On a la Charte
québécoise des droits qui dit, à l'article 5, qu'on
garantit la protection de la vie privée. Après cela, on a le Code
civil qui traduit, de façon générale et globale,
l'intention des législateurs. Je retrouve au Code civil, à
l'article 39, celui qui sera promulgué prochainement, au mois de
décembre
ou au mois de janvier, qui a été adopté par les
membres de l'Assemblée nationale, ceci: «Celui qui détient
un dossier sur une personne ne peut lui refuser l'accès aux
renseignements qui y sont contenus à moins qu'il ne justifie d'un
intérêt sérieux et légitime à le faire ou que
ces renseignements ne soient susceptibles de nuire sérieusement à
un tiers.»
Est-ce que vous me dites, aujourd'hui, que la loi ou, enfin, la loi du
Code des professions est plus sérieuse, plus importante, blinde
davantage que cette disposition de l'article 39?
M. Ferron: On ne dit pas ça du tout parce que, en fait, ce
que vous venez de lire reflète à peu près
fidèlement ce qui existe dans les différents codes de
déontologie des corporations professionnelles, sauf... (16 h 20)
M. Cannon: Dans le fond, Me Ferron, vous n'avez pas d'objection
à ça.
M. Ferron: Non, non, pas du tout. Sauf que là où on
a un problème, c'est avec la loi d'application, parce que la loi
d'application va beaucoup plus loin que ce qui est écrit dans le Code
civil. On impose certaines choses qui, à notre sens, vont être
très difficiles d'application. Je vous donne un exemple. Dans un contrat
de vente, un des renseignements que les notaires mettent toujours, c'est
l'état matrimonial. On lit cette loi-là et on se dit: Comment on
va faire pour insérer l'état matrimonial, à ce
moment-là, si c'est un renseignement personnel qu'on n'a pas le droit de
communiquer?
On a d'autres exemples aussi. Il y a, au niveau du règlement des
successions qu'on mentionnait tantôt, tout le processus des transactions
qui va être ralenti à cause de l'obligation d'obtenir le
consentement écrit de la personne à chaque fois qu'on veut
utiliser un renseignement la concernant. Pour nous, les notaires, c'est quelque
chose avec lequel on va devoir vivre quotidiennement et c'est des clients qui
vont se plaindre des retards que ça entraînera.
M. Cannon: je comprends ce que vous me dites, mais le
questionnement que j'avais, la ligne de conduite, c'est au niveau de
l'accès. qui autorise l'accès? est-ce que c'est le notaire qui
autorise l'accès?
M. Ferron: Oui. D'après le Code des professions,
c'est...
M. Cannon: Qui refuse l'accès? Est-ce que c'est le notaire
qui refuse?
M. Ferron: C'est le notaire aussi.
M. Cannon: Ah bon! Mais, à ce moment-là, compte
tenu de l'article 39, comment justifier ça?
M. Ferron: Bien, ce sont des dispositions qui sont dans le Code
des professions et dans le code de déontologie. C'est des dispositions
qui sont déjà prévues, de toute façon,
l'accès au dossier.
M. Cannon: Si vous me refusez l'accès au dossier, devant
qui, moi, je peux me plaindre?
M. Ferron: Devant le syndic, et il y a aussi - on vient de
comparaître devant l'autre commission juste en face - dans l'avant-projet
de loi modifiant le Code des professions, on propose l'instauration d'un
mécanisme d'arbitrage différent. Ça pourra être
justement une chose, un des mandats de ce comité d'arbitrage, de
regarder les plaintes au niveau des...
M. Cannon: Pourtant - on est francs, on se parle, cet
après-midi - je ne pense pas que les décisions ou, tout au moins,
la population soit entichée des décisions qui sont émises
par le syndic au niveau de l'accès. Il faut quand même qu'on soit
francs, cet après-midi. Les plaintes qui sont formulées à
la Commission d'accès à l'information, les plaintes que, moi,
j'ai pu entendre ici depuis le début de cette commission ainsi que les
plaintes que j'ai déjà entendues antérieurement, à
l'occasion de la dernière commission qui s'est tenue au mois de novembre
1991, me laissent tout au moins un goût amer dans la bouche quant
à la performance des syndics de défendre les
intérêts ou, de toute façon, de permettre l'accès au
dossier et de refuser l'accès au dossier. Ils sont à la fois juge
et partie. C'est ça, le problème, voyez-vous. Là, vous me
dites que, dans l'autre pièce à côté, avec mon
collègue Savoie, vous avez proposé un arbitrage.
M. Ferron: Ce n'est pas nous qui l'avons proposé, c'est le
ministre lui-même.
M. Cannon: C'est le ministre qui a proposé un
arbitrage.
M. Ferron: Et je devrais ajouter, à moins que mes
collègues ne me contredisent, que, nous, au niveau de la Chambre des
notaires, on a à peu près pas de plaintes au niveau de
l'accès au dossier. À ma connaissance, il n'y en a à peu
près pas.
M. Cannon: Ça va pour le questionnement. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Juste par hypothèse, est-ce qu'il serait
pensable que la réglementation actuelle, qui régit ça dans
le cas des notaires,
puisse possiblement demeurer inchangée et que le citoyen, qui
aurait possiblement à se plaindre, puisse indifféremment exercer
son recours auprès du syndic ou via la Commission d'accès
à l'information? La loi prévoit que la Commission d'accès
va suggérer, aider les différents secteurs à se donner des
codes de déontologie. D'une certaine manière, les notaires en ont
déjà un. Alors, pourquoi on réinventerait quelque chose
dans ce cas-là? Et, si la question, c'est le recours, est-ce qu'il n'y
aurait pas avantage à ce qu'il y ait un double recours pour le citoyen
qui s'estimerait lésé?
Je vous dis ça parce qu'à ma connaissance les
règles de déontologie qui vous régissent ne font pas
problème comme tel. Ce ne serait peut-être pas Illogique do dire
que le citoyen peut faire une plainte au syndic ou s'adresser à la
Commission d'accès à l'information puisque, de toute
façon, la question du secret professionnel, vous êtes
déjà régis par une loi qui vous impose de le respecter.
Donc, c'est l'accès qui serait l'enjeu. On peut penser que la même
réglementation peut donner lieu à un recours,
indifféremment, au syndic ou à la Commission d'accès.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Richer: À notre connaissance, la Chambre des notaires
et le Barreau sont les deux corporations professionnelles qui ont le plus de
règles à cet égard. Par exemple, lorsqu'un notaire
décède ou cède son greffe ou lorsqu'il quitte
temporairement, même pour 15 jours, l'exercice de sa profession, il y a
tout un paquet de mécanismes prévus pour que ses clients aient
accès à leur dossier et à leurs documents, etc. Je pense
que c'est la même chose au Barreau.
Essentiellement, nous ne croyons pas que ce soit un problème pour
la population d'avoir deux portes où cogner pour avoir accès
à des renseignements qui la concerne. Ce que nous soulevons dans notre
mémoire, c'est, s'il doit y avoir deux portes, essayons de
prévoir des mécanismes pour faire en sorte que ces deux ou
même ces trois portes-là, si on introduit en plus l'Office des
professions en ce qui concerne les corporations professionnelles, parce qu'il
est possible aussi que quelqu'un demande en même temps à l'Office
des professions d'intervenir auprès d'une corporation... Alors, si, pour
la population, il y a trois portes qui lui permettent d'exercer un recours,
à tout le moins il faudrait, en termes de communication, aviser
clairement la population en disant: Bien, s'il s'agit d'un professionnel, la
première porte, c'est celle-là, la deuxième, c'est
celle-là et la troisième, c'est celle-là. Si vous vous
adressez à trois, ça ne donnera pas nécessairement de
meilleurs résultats. C'est le sens qu'on donnait à notre
intervention.
M. Ferron: On pourrait peut-être ajouter à ça
qu'on aura beau critiquer les syndics pour, peut-être, l'impression qu'on
a d'un manque d'objectivité, mais je pense que, si on
réfère tout simplement les gens à la Commission
d'accès à l'information, les gens de la Commission vont devoir
chausser leurs patins. Imaginez le nombre de cas qu'ils vont avoir à
traiter. J'ai l'impression que ça va être des retards aussi.
Ça va être assez long avant que les gens ne puissent se faire
servir et à quel coût aussi.
M. Bourdon: maintenant, je me posais une question. le syndic,
est-ce qu'il a le pouvoir de redonner l'accès s'il reçoit une
plainte d'un citoyen?
M. Richer: l'intervention du syndic est d'abord morale. je pense
que, lorsqu'un professionnel se fait dire par son syndic: écoutez, il
nous apparaît que vous n'appliquez pas votre code de déontologie,
que la demande de monsieur ou de madame est justifiée quant à
l'accès aux renseignements qu'il ou elle désire obtenir, notre
compréhension, c'est que, dans 99,9 % des cas, il y a une collaboration
évidente. là où la collaboration pourrait être un
peu moins rapide, c'est en même temps lorsqu'il y a poursuite au civil
contre un professionnel et que ça enclenche le mécanisme
d'assurabilité où l'assureur dit au professionnel:
écoutez, avant de divulguer de l'information, vous allez d'abord
demander conseil auprès des procureurs du fonds
d'assurance-responsabilité. (16 h 30)
Alors, souvent, j'irais presque jusqu'à dire qu'essentiellement
les problèmes d'accès aux dossiers se produisent dans ces
cas-là. Encore là, le syndic joue pleinement son rôle. Il
nous arrive très souvent de voir le syndic communiquer avec le notaire,
le professionnel et, quelquefois même, avec le fonds
d'assurance-responsabilité qui, chez les notaires, est aussi un
appendice de la corporation pour leur dire: Écoutez, la demande n'a rien
à voir avec la poursuite; livrez les renseignements demandés et
faites diligence. C'est un mécanisme qui fonctionne très
bien.
M. Bourdon: Mais, s'il y avait le double ou même le triple
recours, on peut penser qu'un citoyen qui serait sceptique ou qui n'obtiendrait
pas satisfaction du syndic pourrait faire une plainte à la Commission,
si le syndic n'a pas le pouvoir d'ordonner. Est-ce que je résume bien en
disant qu'essentiellement vous êtes favorables au principe de la loi,
mais que vous dites qu'il y a un certain nombre de lacunes dans le projet de
loi?
Et ça, vous avez une oreille sympathique quand vous dites
ça, quand vous dites, dans vos recommandations, que la rédaction
du projet de loi est vague et ambiguë et qu'elle devrait être
simplifiée et clarifiée, sinon ça encourrait le risque
d'entraîner une avalanche de recours devant la Commission Je suis
parfaitement d'accord là-dessus. Mais, dans le fond, ce que
vous arguez, c'est que votre spécificité... Parce que vous
êtes une des deux professions les plus sensibles à la question du
secret professionnel et, donc, de la protection des renseignements personnels.
Vous voulez juste qu'on tienne compte de votre spécificité et
qu'on ne fasse pas comme si on devait réinventer les règles qui
vous régissent.
Les recours, c'est une autre question qui peut s'arranger, en autant que
la loi, comme vous le disiez tout à l'heure, s'harmonise avec la loi et
le règlement qui vous régissent. Dans le fond, ça aurait
peut-être l'avantage que la Commission d'accès pourrait faire un
tableau global de la situation, mettons, le volet dans les corporations
professionnelles. Parce que, comme vous dites, les cas sont finalement assez
peu fréquents et se posent surtout quand il y a une poursuite et puis
que l'assurance-responsabilité s'applique. En d'autres moments, les
notaires, vis-à-vis de leurs clients, sont bien ouverts, parce que leur
travail consiste justement à aller chercher des renseignements, des
preuves, des trucs. Pour avoir traité avec des notaires, je sais qu'on
reçoit toute la documentation, parce que, par définition, c'est
leur métier d'aller la chercher où elle existe et de la donner au
client pour le rassurer sur les titres qu'il détient.
M. Ferron: En fait, essentiellement, ce qu'on veut, c'est
éviter que, par exemple, l'Office des professions nous dise: Faites
telle chose, et que la Commission nous dise: Faites d'autre chose. C'est un peu
ça qu'on veut éviter.
M. Bourdon: D'accord.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Cannon: Je comprends le problème qui est
soulevé, mais l'article 86 est là. Vous avez pris connaissance de
l'article 86, Me Ferron.
M. Ferron: Oui, mais ça ne m'apparaît pas
suffisamment clair pour dire qu'il n'y aurait pas de conflit possible.
M. Cannon: Dans quel sens?
M. Ferron: Bien, on nous dit, finalement: «Les dispositions
de la présente loi prévalent sur celles d'une loi
générale...»
M. Cannon: Non, au deuxième paragraphe: «Toutefois
elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des renseignements
personnels ou l'accès d'une personne concernée à ces
renseignements, résultant de l'application d'une autre loi».
M. Ferron: Ils n'ont pas pour effet de restreindre la protection
résultant d'une autre loi, mais ils peuvent rajouter des obligations qui
peuvent faire en sorte qu'il y ait quand même des conflits.
M. Cannon: Si ça peut aider le citoyen, tant mieux.
M. Ferron: Oui, mais si ça va à l'encontre de nos
propres règles.
M. Cannon: Ah bien, c'est...
M. Ferron: C'est tout simplement ça qu'on craint. On ne
veut pas du tout se défiler dans le sens... On est conscient qu'il faut
protéger les gens et on a des règles pour ça justement. On
veut tout simplement éviter des conflits.
M. Cannon: Ce que ça dit ici, c'est que, si tout ça
est respecté, tant mieux, parfait.
M. Richer: On peut facilement imaginer que quelqu'un qui se
présenterait à la Commission d'accès à
l'information concernant un professionnel pourrait se faire dire par un
officier: Avez-vous suivi telle ou telle démarche? Et il pourrait se
faire dire: Non, je pensais que c'était la porte où il fallait
cogner, comme ça se produit dans bien d'autres domaines où
souvent les gens cognent à une autre porte que celle de la corporation
pour se faire dire: Écoutez, la porte d'entrée pour poser telle
demande concernant un professionnel, c'est sa corporation. Mais que ça
ajoute des recours additionnels, nous, on est tout à fait pour
ça.
M. Cannon: O.K. Excellent. Merci.
M. Bourdon: Moi, ce que je comprends du rôle qui est
dévolu au syndic, j'aurais tendance à croire que la Commission
d'accès aurait intérêt à inciter les gens à
s'adresser d'abord au syndic pour que ça se règle à
l'amiable. Voilà une corporation professionnelle qui offre
déjà le service de conciliation que, dans le secteur public, la
Commission a mise sur pied, en disant: SI vous n'obtenez pas satisfaction, on
est un recours possible.
M. Richer: C'est ce qui se passe, par exemple, auprès du
Protecteur du citoyen et à la Commission des droits de la personne. Il
peut arriver que des gens s'adressent à ces organismes, mais on leur
dit: Bien, on pense, nous, que la première démarche, c'est de
communiquer avec le syndic de la corporation. Si vous n'obtenez pas
satisfaction, on verra ce qu'on peut faire.
Le Président (M. Doyon): Alors, il n'y a pas d'autres
interventions? Il me reste donc, au nom des membres de la commission, à
vous remercier. Je pense que votre présentation a été fort
intéressante et éclairante. Je vous remercie
beaucoup d'être venus nous rencontrer. Donc, je vous permets de
vous retirer.
La commission va maintenant recevoir les représentants de
l'Association des banquiers canadiens. Je leur demanderais de bien vouloir se
préparer et, aussitôt que nos invités auront quitté
la table, de prendre leur place.
Donc, bienvenue aux représentants de l'Association des banquiers
canadiens. Je les invite maintenant à nous faire part de leur
mémoire ou d'en faire un résumé pendant une vingtaine de
minutes. Sur l'heure que nous pouvons consacrer à cette étude de
votre mémoire, il y aura la moitié du temps qui restera qui sera
dévolue au parti ministériel et le reste du temps au parti de
l'Opposition. Je vous demanderais tout d'abord de bien vouloir vous
présenter, pour les fins du Journal des débats, et,
après, vous pourrez commencer. Je vous souhaite la plus cordiale des
bienvenues. Donc, nous sommes prêts à vous écouter.
Association des banquiers canadiens (ABC)
M. La verdure (Robert): M. le Président, vous voulez qu'on
se présente au tout début?
Le Président (M. Doyon): Oui, s'il vous plaît.
M. La verdure: Alors, je suis Robert Laver-dure, premier
vice-président de la Banque Toronto-Dominion et président de
l'Association des banquiers canadiens pour le Québec.
Le Président (M. Doyon): Vous êtes accompagné
de Mme...
Mme Carron (Christine): Christine Carron. Je suis avocate
à l'Association des banquiers pour la section du Québec.
M. Ballard (Michel): Michel Ballard, vice-président de
l'Association des banquiers canadiens, division du Québec.
Mme Bouchard (Chantai): Chantai Bouchard. Je suis avocate
conseillère aux relations gouvernementales pour l'Association des
banquiers canadiens, division du Québec.
M. Fraser (Bert): Bert Fraser, chef de transition, CGT, Banque
T-D.
M. Hébert (Jacques): Jacques Hébert, directeur des
affaires publiques et relations gouvernementales à l'ABC.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous et
à toutes. Nous sommes à votre écoute.
M. La verdure: Alors, M. le Président, si on peut
commencer avec la présentation de M.
Hébert tout de suite. (16 h 40)
Le Président (M. Doyon): Oui
M. Hébert: L'Association des banquiers canadiens, l'ABC,
est heureuse, au nom de ses membres, les banques à charte, de pouvoir
formuler des commentaires sur le projet de loi 68. Les banques, qui comptent
quelque 34 000 employés au Québec, reconnaissent l'importance de
protéger la confidentialité des renseignements personnels et de
mieux renseigner les clients sur l'obtention, la conservation et l'utilisation
des données.
La confiance et l'intégrité étant deux
éléments essentiels à leurs activités, les banques
ont depuis toujours été préoccupées par la question
de la confidentialité et elles possèdent une longue tradition en
matière de protection des renseignements personnels. Nous appuyons donc
les objectifs du gouvernement du Québec qui consistent à mieux
protéger le consommateur dans ce domaine, mais nous ne sommes aucunement
d'accord avec les moyens proposés. De plus, rien ne justifie une
intervention gouvernementale d'une ampleur du projet de loi 68.
Pour débuter, passons rapidement et succinctement en revue le
régime de réglementation qui s'applique à la collecte,
à l'utilisation et à la conservation des données relatives
aux clients dans les institutions qui nous intéressent de plus
près, à savoir les banques. Dès 1986, le secteur bancaire
a répondu favorablement à l'appel du ministre
fédéral des Affaires extérieures, qui invitait le secteur
privé à adopter des codes de confidentialité. Cette
initiative venait appuyer l'engagement du Canada à l'égard de
l'application des directives de l'Organisation de coopération et de
développement économiques, l'OCDE, sur la protection des
données.
C'est ainsi que l'Association des banquiers canadiens a
élaboré un modèle de code de confidentialité pour
les particuliers à l'intention de ses membres qui contient les principes
devant guider l'industrie bancaire dans la protection et le traitement des
renseignements personnels. Ce code est en vigueur dans toutes les banques
faisant affaire au Canada et, partant, au Québec. Qui plus est,
l'Association des banquiers canadiens s'emploie actuellement à
élaborer des modes de code distincts à l'intention des
employés et des clients commerciaux des banques.
Mais, pour le bénéfice des membres de cette commission
qui, faute de temps, n'auraient pu prendre connaissance de ce code de
confidentialité que se sont donné les banques, en voici, dans le
désordre, quelques extraits, et je cite: Au moment ou avant de
recueillir des renseignements, les banques informent leurs clients de l'usage
qu'elles entendent faire de l'information obtenue et leur demandent
l'autorisation de vérifier et de compléter ces renseignements
auprès de sources externes, au besoin; avant
d'utiliser ces renseignements à d'autres fins que celles pour
lesquelles ils ont été recueillis, les banques doivent obtenir
l'autorisation du client; sauf indication contraire précise dans le code
de confidentialité, l'échange de renseignements personnels avec
des tiers ne peut se faire sans le consentement du client; les clients sont en
droit d'exiger que la banque confirme les renseignements qu'elle possède
sur leur compte et, en cas de refus de la part de la banque, les clients sont
en droit d'exiger une explication et même de contester cette
décision; les clients doivent pouvoir avoir accès aux
renseignements personnels détenus par leur banque, sauf lorsque ceux-ci
ont trait à des opinions juridiques ou à des jugements. Fin des
extraits.
Voilà quelques passages seulement du code de
confidentialité entériné par les banques qui illustrent
à quel point la confidentialité des renseignements personnels
constitue pour elles un aspect extrêmement important de leurs
opérations quotidiennes. Vous trouverez d'ailleurs ce code en annexe au
mémoire que nous avons déposé doviinl vous
L'ABC croit que le gouvernement du Québec, plutôt que
d'adopter la voie réglementaire, devrait encourager l'ensemble des
institutions placées sous sa juridiction ainsi que les entreprises
privées à appuyer les lignes directrices de l'OCDE et
étendre le principe d'autorégle-mentation à tous les
domaines du secteur privé. De cette façon, on pourrait agir dans
les meilleurs intérêts du consommateur sans avoir à assumer
les coûts inhérents au fonctionnement d'un organisme public de
réglementation. Plus souvent qu'autrement, on le sait, ces coûts
dépassent, et de beaucoup, les prévisions des meilleurs
administrateurs. Compte tenu de l'augmentation considérable de la
tâche qui serait confiée à la Commission d'accès
à l'information, c'est peut-être ce qui risque de se produire.
Alors même que le gouvernement prône de vivre selon ses moyens,
est-ce là la bonne façon d'y arriver?
Les banques suivent de près la question de la
confidentialité des renseignements personnels, non seulement à
cause de sa portée considérable sur les affaires en
général, mais aussi parce qu'elle colle, par tradition, à
l'essence même des activités bancaires. C'est pourquoi nous
tenions à nous prononcer sur les dispositions du projet de loi 68. Pour
les mêmes raisons, nous avons formulé, dans le mémoire que
nous avons déposé devant cette commission, des commentaires
précis sur quelques articles du projet de loi. Permettez que nous nous
arrêtions sur certains d'entre eux.
L'article 10. Il semble que toutes les communications de renseignements,
même celles qui sont courantes, doivent être consignées dans
le dossier de la personne. Si nous sommes d'accord avec l'objectif de cette
disposition, nous croyons, cependant, qu'elle va créer un fardeau
administratif inutile et entraîner une hausse des frais pour le client,
en raison du nombre élevé des communications courantes.
Mentionnons notamment la communication de renseignements aux imprimeurs de
chèques et aux sociétés émettrices de cartes de
crédit.
L'article 11. L'article, en obligeant les institutions
financières à s'assurer que les dossiers sont à jour,
exacts et complets, occasionnerait des frais extrêmement
élevés. On pourrait même ajouter que la plupart des
institutions financières ne seraient pas en mesure de s'y conformer. De
nombreux clients ne reçoivent pas de relevé, par exemple les
titulaires de comptes d'épargne avec livret, et déménagent
souvent sans jamais en informer leur institution financière. En pareil
cas, il est impossible de déterminer si l'adresse figurant dans le
dossier est exacte. Par conséquent, la plupart des institutions
financières ne peuvent, à toutes fins utiles, respecter cette
exigence.
Si le projet de loi était adopté tel quel, ce serait la
responsabilité d'une institution financière de contacter chacun
de ses cients, afin de vorifior si les coordonnées de ces derniers sont
toujours exactes, l'institution financière étant tenue, sous
peine de poursuite pénale, de maintenir constamment à jour et
exact le dossier de renseignements qu'elle détient sur chacun de ses
clients.
Article 12. Selon cet article, les entreprises ne pourront utiliser les
renseignements personnels, exemple adresse, numéro de
téléphone, qu'elles détiennent à des fins dites
incompatibles avec celles prévues au moment de leur cueillette, à
moins que la personne concernée n'y consente. Par exemple, les
renseignements obtenus auprès d'un client lors de l'ouverture d'un
compte de banque ne pourraient être utilisés pour offrir à
ce même client des services de cartes de crédit ou d'assurances.
Il serait même interdit de le solliciter dans le cadre d'une campagne de
souscription. La prospection commerciale d'une entreprise bancaire
auprès de ses propres clients, à partir de ses propres listes,
serait donc interdite.
Pourtant, en vertu de l'article 20, une entreprise pourrait vendre ses
listes de membres ou d'abonnés, pratique, en passant, à laquelle
les banques se refusent, à une firme de télémarketing,
à la condition que ce soit pour des fins commerciales ou
philanthropiques, et ce, sans être tenue de recueillir le consentement
des personnes figurant sur ces listes. Nous croyons déceler ici une
contradiction sérieuse. C'est pourquoi nous pensons que des
éclaircissements s'imposent.
L'article 15. Cet article prévoit qu'aucun consentement à
la communication à un tiers de renseignements personnels ne peut
être exigé comme condition à la conclusion d'un contrat,
à moins que cette communication ne soit pertinente à la
réalisation de l'objet d'un tel contrat. À première vue,
le but recherché par cet article
paraît tout à fait légitime. Dans les faits,
cependant, cette disposition pourrait avoir des conséquences
désavantageuses pour le consommateur. À titre d'exemple, une
banque ne pourrait vérifier l'expérience de crédit de
l'individu avec la rapidité et la fiabilité qu'elle connaît
aujourd'hui sans la possibilité, pour les institutions, de partager les
renseignements financiers avec des bureaux de crédit. Par
conséquent, le consommateur qui jouit d'une bonne expérience et
d'une bonne réputation de crédit se verrait
pénalisé par l'imposition d'un taux d'intérêt qui
reflète l'expérience moyenne de l'ensemble des consommateurs.
Serait également mise en péril la rapidité avec laquelle
certaines banques répondent à des demandes de crédit, qui
sont souvent, à l'heure actuelle, traitées dans un délai
de 48 heures.
On peut également s'interroger quant à l'effet
jumelé de cet article et des articles 6 et 14 sur le devoir
imposé au banquier d'exiger des renseignements supplémentaires
des tiers comme condition de sa participation à une transaction
proposée lorsque ce banquier soupçonne que la transaction
implique des produits de la criminalité. À notre avis, les
exceptions prévues aux sous-articles 7, 2 et 3 devraient être
élargies pour comprendre une telle situation.
Jetons maintenant un coup d'oeil sur l'article 17. Celui-ci
énumère les cas où une personne peut communiquer des
renseignements personnels à un tiers sans le consentement de la personne
concernée. Bien qu'une des exceptions prévues au premier
alinéa soit la communication de renseignements personnels à son
procureur, il serait opportun de modifier son libellé en y ajoutant, et
je cite: «et notamment pour permettre à une personne de
protéger ou faire valoir ses droits», afin d'assurer que, dans le
cadre des procédures judiciaires, une personne ou son procureur puisse
dévoiler des renseignements personnels. (16 h 50)
Article 28. Cet article, en vertu duquel une personne a le droit,
à sa demande, d'avoir accès à des renseignements provenant
de tiers lorsque l'institution s'est servie de ces renseignements pour prendre
une décision qui lui est défavorable, soulève un certain
nombre de questions au chapitre du fonctionnement des entreprises. Par exemple,
nous croyons que les employeurs auraient beaucoup de difficultés
à obtenir une évaluation de rendement honnête, au moment
d'engager de nouveaux employés, puisque les personnes qui donnent ce
renseignement peuvent craindre les actions en libelle diffamatoire ou en
dommages. Nous sommes d'avis que cette disposition pourrait créer un
marché noir de l'information, car plus rien ne serait officiellement
confiné au dossier.
L'article 35. Cette disposition, qui oblige les utilisateurs de
données à permettre au client d'avoir accès aux avis et
aux jugements, donc des faits à caractère subjectif, dès
qu'une décision a été rendue, occasionnerait des
problèmes gigantesques aux institutions financières. Les avis et
les jugements ne sont pas la propriété du client, mais bien de
l'utilisateur des données. Ils représentent des conclusions
auxquelles l'utilisateur est arrivé à la lumière des
renseignements fournis par le client. Les banques sont foncièrement
opposées à la communication aux clients ou à des tiers de
renseignements sur lesquels elles détiennent un droit exclusif, par
exemple les avis et les jugements formulés par les employés.
Elles sont satisfaites de l'exemption qui autorise la communication des
renseignements uniquement lorsque la décision finale a été
rendue. Cependant, elles estiment qu'elle ne répond pas à tous
leurs besoins en matière d'exclusivité, surtout compte tenu du
fait que leurs relations d'affaires s'étalent sur une longue
période.
Comme l'accès aux avis et aux jugements revêt une
importance capitale pour les institutions financières, nous recommandons
également au législateur de passer en revue les pratiques suivies
par les autres pays de l'OCDE à cet égard. Des recherches nous
ont permis de constater que, même dans les pays qui ont adopté une
loi régissant tous les aspects de la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, aucune disposition ne rend obligatoire
l'accès du client aux avis et aux jugements.
Section V. Nous sommes vivement préoccupés par cette
partie du projet de loi qui décrit les pouvoirs de la Commission
d'accès à l'information. Cette dernière se voit
conférer le statut d'organisme quasi judiciaire, ayant de nombreuses
attributions: arbitrage, enquête, poursuite et information. Nous croyons
qu'il est disproportionné d'accorder des pouvoirs aussi vastes à
la Commission, qui risque ainsi d'entrer en conflit avec les institutions
financières. À ce stade, nous recommandons de restreindre comme
suit les pouvoirs de la Commission: aider les partenaires de l'industrie
à établir leur code de pratique et leur mécanisme de
règlement des plaintes, trancher les différends qui opposent les
utilisateurs de données et les personnes visées sans être
habilitée à imposer des sanctions monétaires. À
l'heure actuelle, rien ne laisse croire que les partenaires de l'industrie ont
besoin d'un tel organisme d'exécution
Section VI. Les articles semblent viser les agences d'évaluation
de crédit. Toutefois, sans le vouloir, le législateur peut ainsi
régir les activités des institutions financières qui
recueillent des renseignements en matière de crédit ou autres aux
fins du respect de la loi et de la prévention du crime. Une mention
à l'effet que la confection de rapports de crédit constitue
l'objet de l'exploitation de l'entreprise dissiperait toute
ambiguïté.
Dans le cadre de l'étude du projet de loi 68, nous nous sommes
surtout attardés, comme
vous l'avez remarqué, aux dispositions qui augmenteront
inutilement le coût des services financiers ou entraveront la prestation
efficace de ces services auprès des consommateurs. C'est que les
banquiers du Québec, partenaires financiers du Québec ont acquis
la conviction intime que les contribuables québécois ne
souhaitent nullement, en ces temps difficiles, voir un organisme
gouvernemental, en l'occurrence la Commission d'accès à
l'information, atteindre des proportions gigantesques qu'ils devront financer
à des coûts non moins gigantesques. Ces mêmes contribuables,
qui sont aussi des consommateurs, ne souhaitent pas non plus que soit mise en
place une réglementation inutilement lourde qui paverait
éventuellement la voie à une augmentation possible des frais de
service dans toutes les institutions financières du Québec.
En ce qui a trait à la confidentialité des renseignements
personnels, toutes les banques sans exception ont mis sur pied leur propre
service de traitement des plaintes, auquel tous les clients peuvent se
référer, et qui laisse à ces derniers tout le loisir de
faire valoir leurs vues en cas de mésentente avec leur institution. Pour
les banques, le respect de la confidentialité et des renseignements
personnels ne date pas du dépôt de la loi 68.
À preuve, nous vous invitons à examiner les six brochures
que nous aimerions déposer devant vous, chacune d'elles produite et
distribuée par les six grandes banques canadiennes. Permettez que nous
fassions une rapide nomenclature des titres et de la banque éditrice:
«Strictement entre vous et nous: confidentialité des
renseignements à caractère personnel», publié par la
Banque Nationale du Canada; «Respecter votre confidentialité:
l'engagement T-D», publié par la Banque Toronto-Dominion;
«À la Banque Scotia, vos renseignements personnels sont bien
protégés», une publication de la Banque Scotia;
«Réponses sans détour: marche à suivre pour
régler les plaintes», conçu et distribué par la
banque CIBC; «L'essentiel sur la protection de la vie privée des
clients», publié par la Banque Royale, et, finalement, «En
toute confidentialité», une brochure distribuée par la
Banque de Montréal à sa clientèle.
Comme quoi, mesdames, messieurs, l'autoré-glementation fonctionne
vraiment dans l'industrie bancaire. À preuve, au Bureau du Surintendant
des institutions financières à Ottawa, l'organisme suprême
de surveillance des banques, les plaintes déposées contre ces
dernières relativement à la confidentialité des
renseignements personnels ont été de zéro en 1990-1991 et
de trois en 1991-1992. Traduction: le problème n'existe pas dans
l'industrie bancaire, au point, d'ailleurs, qu'à leur
présentation au Comité sénatorial permanent des banques et
du commerce, qui s'est penché sur la question, des fonctionnaires du
ministère des Finances ont conclu qu'il n'était pas
justifié à ce stade de réglementer davantage les pratiques
suivies par les institutions financières en matière de protection
des renseignements personnels. En fait, si on analyse les pratiques suivies
dans le secteur bancaire aux fins de la protection des renseignements sur les
consommateurs, on constate que l'autoréglementation est solidement
ancrée et que les différents partenaires de l'industrie tirent
parti des progrès réalisés à ce chapitre.
Permettez, en terminant, que nous le répétions, à
notre avis, le gouvernement québécois devrait non pas
légiférer, mais plutôt encourager l'industrie à
prendre d'autres mesures d'autoréglementation. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président.
Alors, il me fait plaisir d'accueillir les gens de l'Association des
banquiers canadiens. Bienvenue et merci d'être là. Je pense que
vos informations et définitivement votre participation aident
considérablement le législateur à formuler une opinion sur
le projet de loi.
Je me rappelle, lorsque vous étiez venus la dernière fois,
vous m'aviez parlé de l'autoréglementation, des bienfaits de
l'autoréglementation et de tout le travail qui avait été
fait. Je pense qu'il faut le souligner, il y a un travail quand même
exceptionnel qui est fait de la part de l'Association et aussi de ceux qui,
quotidiennement, gèrent nos avoirs et nos capitaux.
Ce qui me préoccupe un peu, par contre, c'est que
l'autoréglementation est semblable à une adhésion
volontaire. L'adhésion n'est pas une adhésion qui, elle, soit
réglementée ou autre. Autrement dit, quand vous me parlez de
votre code de conduite, je présume que le code de conduite suppose une
adhésion volontaire. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c'est
ça?
M. Ballard: C'est bel et bien volontaire, oui, mais tout le monde
l'a adopté quand même, les grandes banques canadiennes.
Mme Carron: Non seulement ça, je peux ajouter que, en
vertu de la Loi sur les banques, qui régit les banques, il y a des
devoirs importants imposés aux banques. Entre autres, les
administrateurs d'une banque doivent établir des modalités pour
restreindre l'usage des renseignements confidentiels. Ils doivent aller plus
loin. Ils doivent faire constituer un comité qui doit assurer le respect
de ces modalités pour restreindre l'usage des renseignements personnels.
En plus, ils doivent prendre des précautions raisonnables pour s'assurer
que des personnes non autorisées n'ont pas accès à ces
renseignements ni ne les utilisent. (17 heures)
M. Cannon: Quels sont les recours des gens, maître, si,
justement, les banques ne respectent
pas ces règles-là?
Mme Carron: D'abord, en vertu de la Loi sur les banques, à
l'article 455, ainsi qu'en vertu d'un règlement, une banque doit
établir des procédures pour traiter les réclamations de
ses clients. Aussi, les banques, en vertu des règlements faits par le
gouverneur en conseil, aux termes de la Loi sur les banques, doivent informer
leurs clients qu'ils peuvent déposer copie de la plainte ou de la
réclamation auprès de l'Office du Surintendant des institutions
financières, leur donner l'adresse, le nom de la personne
concernée et les coordonnées. C'est une obligation qui est
imposée par la Loi sur les banques.
M. Cannon: Et au niveau de la rectification?
Mme Carron: Au niveau de la rectification, la loi en parle aussi.
Les banques ont le devoir, aux termes de la Loi sur les banques, de s'assurer
que leurs dossiers, leurs documents et leurs registres sont exacts, dans la
mesure du possible. Aussi, les banques ont le devoir de prendre des
précautions qui facilitent la découverte et la rectification de
leurs registres, dossiers et documents.
M. Cannon: Est-ce que c'est le Surintendant qui peut ordonner
l'accès, le recours et la rectification? Qui le fait, lorsque c'est
volontaire?
Mme Carron: Non, la loi prévoit qu'une banque doit garder
dans ses registres toutes les transactions qui concernent son client et le
client a droit, a accès, aux termes de la loi, à ses
transactions. C'est une obligation juridique.
M. Cannon: C'est-à-dire que, s'il y a un refus
d'accès, le client suit la procédure, se rend jusqu'au
Surintendant. La question, c'est de savoir qui dit à la banque en
question: M. Untel ou Mme Unetelle a gain de cause, vous devez lui permettre
accès, vous devez rectifier et corriger le dossier. Qui fait
ça?
Mme Carron: En principe, c'est le Surintendant des institutions
financières...
M. Cannon: O. K.
Mme Carron:... mais je peux vous dire aussi qu'en 1992, parmi les
10 000 interventions, il n'y avait que trois plaintes pour tout le Canada,
concernant la confidentialité des renseignements privés.
M. Cannon: Dans votre mémoire, à la page 4,
à l'égard de l'application du projet de loi aux banques vous
indiquez, et j'en fais Iecture «Relevant de la compétence
exclusive de l'administration fédérale en vertu de la Loi
constitutionnelle, les banques sont évidemment assujetties à la
réglementation de ce palier de gouvernement. Dans cette optique, les
activités des banques sont soustraites à l'application du projet
de loi 68. Cependant, les banques suivent la question de près
étant donné sa portée considérable sur les affaires
en général. En outre, le projet de loi suscite de
l'appréhension du fait qu'il aborde la question de la
réglementation dans le secteur privé sous un angle
différent. Par conséquent, le précédent ainsi
créé pourrait inciter l'administration fédérale et
les provinces à réglementer davantage la protection des
renseignements personnels dans le secteur des institutions financières.
C'est pourquoi nous tenions à nous prononcer sur les dispositions du
projet de loi 68. »
Pourriez-vous m'expliquer ce que ça veut dire?
M. Ballard: Peut-être que je peux répondre un peu,
M. le ministre. Premièrement, vous nous avez invités ici pour
donner notre point de vue. Même si ce n'est pas clair pour nous ou pour
vous si les banques peuvent être assujetties à cette loi, nous
sommes ici, au Québec, comme nous sommes partout ailleurs, et tout ce
que nous faisons, au Québec, toutes nos affaires commerciales sont
touchées par le projet de loi 68. Nos clients, les PME, les individus,
les bureaux de crédit et tout ce que nous touchons ici sont
affectés par votre projet de loi 68, et c'est pour ça que nous
apprécions l'opportunité d'exprimer notre point de vue.
M. Cannon: Dans le fond, ce que vous me dites, c'est que la
Charte québécoise des droits et libertés et le Code civil
sont là. Donc, vous devez vivre avec.
M. Ballard: Le Code civil est là, et vous nous
présentez le projet de loi 68 comme loi d'application qui reflète
les articles 35 à 41 du Code civil, mais, nous, notre point de vue,
c'est que ce n'est pas évident du tout qu'il existe une justification ou
qu'une telle intervention massive de la part du gouvernement est
nécessaire pour protéger les renseignements au Québec.
M. Cannon: Je pense que c'est important de clarifier tout de
suite au départ. Je ne veux pas vous prêter des intentions en
disant que vous voulez vous soustraire à la loi, puisque l'Association
ou, enfin, les banques relèvent d'une loi fédérale et que,
par conséquent, c'est anticonstitutionnel que le Québec aille
assujettir les banques à une loi comme la loi 68. Je comprends que vous
faites des efforts et qu'il y a des ramifications. Je voulais clarifier
ça tout de suite au départ, parce que j'ai des avis, moi, du
ministère de la Justice, comme quoi les banques
sont, pour cette cause, pour le projet do loi 68, assujetties aux
dispositions de la loi 68. mais c'est un autre discours, c'est une autre
affaire, ça.
M. Ballard: Nous avons des conseils de l'autre côté!
Ha, ha. ha!
M. Cannon: C'est bon pour les avocats, n'est-ce pas?
M. Laverdure: Ce n'est clairement pas... M. le ministre, ce n'est
clairement pas le discours qu'on va avoir aujourd'hui.
M. Cannon: Non, non, je le sais.
M. Laverdure: Je pense qu'on est du même côté
de l'exercice, aujourd'hui.
M. Cannon: O. K. Ça va. Je vais céder la parole,
peut-être pour revenir plus tard, je vais céder la parole
à...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je vous écoutais
parler, puis je me disais: II y a un adage qui dit que la perfection n'est pas
de ce monde. Mais, apparemment, la perfection est dans les banques. Il faudrait
donc penser que, si vous êtes parfait et infaillible, Olympia & York
n'a jamais existé, parce que, manifestement, dans le cas d'Olympia &
York, il y a des prêts qui ont été faits à une
entreprise qui n'était pas capable de rembourser. Mais je vous...
M. Laverdure: ...m'adresser à ce point-là, mais la
banque t-d n'était pas dans le dossier d'olympia & york. alors, je
ne pourrais pas y répondre.
M. Ballard: Et on doit souligner que nous ne discutons pas des
affaires de nos clients non plus!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Vous respectez la confidentialité. Mais je
reviens au sujet qui est sur la table. C'est que, dans le fond, mettons que les
banques sont parfaites et infaillibles, elles vivent dans un monde imparfait et
faillible. Par exemple, Équifax a des employés qui, à un
moment donné, utilisent des moyens illégaux et frauduleux pour
avoir des renseignements sur les personnes qui sont fichées chez elles,
dans sa fonction recouvrement. Des entreprises comme Équifax obtiennent
des renseignements des banques et fournissent des renseignements aux banques.
Donc, si on admet que les banques sont infaillibles et parfaites,
conviennent-elles qu'elles vivent dans un monde faillible ot
imparfait9
Dans ce sens-là, je suis un peu indigné que vous ayez
comme position qu'il n'y a rien qui justifie une intervention
législative du gouvernement quand des personnes vivent des situations.
Ce matin, par exemple, l'ACEF-Centre nous disait que, malgré
l'Intervention d'Esso dans un cas, d'une compagnie d'assurances dans l'autre
cas, Équifax a refusé de corriger des erreurs grossières
dans un rapport de crédit. Ce n'est pas une banque qui l'a faite, mais
on sait que ça fonctionne en réseau, ces informations, ces
renseignements qui circulent, et que les banques y contribuent.
L'autre problème, c'est que le code de déontologie dont
vous partez, vous l'administrez vous-même, puis il n'y a pas un tiers
impartial qui est chargé, en vertu de la loi québécoise,
de corriger les situations qui mériteraient d'être
corrigées. Là où je vous suis parfaitement, c'est que
c'est vrai que le projet de loi qu'on a devant nous prévoit des
dispositions, contient des dispositions d'une lourdeur excessive. J'ai
dénoncé, à quelques reprises, l'idée, par exemple,
que tous les agents de renseignements devraient viser toutes les personnes qui
ont un dossier sur leur compte, sans leur donner copie du dossier.
Justement, les banques et les caisses populaires pourraient les remettre
à leurs clients, ces dossiers-là, quand elles les ont, ce qui
simplifierait les choses. Or, je ne dis pas que le projet de loi est parfait.
Je l'ai établi à plusieurs reprises. (17 h 10) quant à la
juridiction du québec, dans le fond, il y a eu des décisions de
la cour suprême, comme celle au sujet de irwin toy, en 1989, qui
soutenait à peu près le même point de vue que les banques.
la loi régissant la télévision, la loi sur la
radiodiffusion étant fédérale, le québec,
disait-on, n'a pas le droit d'interdire la publicité destinée aux
enfants. pourtant, la cour suprême a dit que oui. la
télévision est de juridiction fédérale, la loi sur
la radiodiffusion est fédérale, mais c'est en vertu du code
civil. c'est une disposition du code civil qui interdit la publicité
destinée aux enfants. alors, la cour suprême a
décidé que c'était parfaitement légal de le faire
et, en l'occurence, ce qu'on a devant nous, c'est une loi d'application des
dispositions des articles 35 à 41 du code civil, qui, lui, est de
juridiction incontestable du québec. et, dans ce sens-là, c'est
sûr que, dans notre système, on peut toujours trouver un avocat
pour dire que c'est fédéral si on est poursuivi par le
provincial, ou dire que c'est provincial si on est poursuivi par le
fédéral. mais, moi, je trouve que les banquiers auraient
intérêt à faire un petit effort pour comprendre ce que
leurs clients vivent, ce qui n'est pas généralement dû
à des activités des banques, effectivement, mais d'un
réseau complet de renseignements personnels, notamment en matière
de crédit, et, en matière de crédit, les
banques y participent. Ce n'est pas les banques qui prennent les
décisions, mais les banques y participent.
Bref, ma question est la suivante: En admettant que vous n'êtes
pas infaillible, est-ce qu'il serait pensable qu'une loi permette au citoyen
lésé de pouvoir faire redresser le tort par la Commission
d'accès à l'information?
M. Laverdure: Disons qu'on ne peut pas argumenter avec ce point
de vue là, parce que, si on pense aux intermédiaires financiers
au Québec, clairement, ce qu'on vend, nous, c'est la
confidentialité, le respect, le trust. C'est ce qu'on vend. Alors, on ne
peut pas argumenter avec ce que vous venez de dire. Alors, l'ouverture d'esprit
est clairement là. On est loin d'être parfait. Des erreurs,
ça arrive à l'occasion. On en a décrit quelques-unes
tantôt. Mais on se demande si, au niveau bénéfices, avec la
lourdeur d'une loi comme celle-ci, il va y avoir vraiment des
bénéfices.
Dans certains domaines, avec certains intermédiaires financiers,
il y a possiblement des abus, il y a possiblement des problèmes. On
n'est pas ici pour défendre un groupe ou un autre, mais vous avez
posé la question, et vous avez fait une longue intervention sur
Équifax, tantôt. Sans en parler longuement, j'aimerais que M.
Ballard réponde à cette partie-là de la question. Mais,
clairement, pour ce qu'il s'agit de l'Association des banquiers canadiens, au
Québec, il y a une sensibilité au citoyen
québécois. C'est probablement notre plus grande
sensibilité comme citoyen corporatif du Québec.
M. Ballard: Merci. Oui, juste pour ajouter un peu, je dois
répéter ce que nous avons dit au début. Nous sommes tout
à fait d'accord avec l'intention du gouvernement de vouloir
protéger les renseignements personnels, aucun argument là. C'est
le moyen que le bill 68 prend pour le faire qui nous trouble
énormément.
En ce qui concerne les bureaux de crédit, il se peut fort bien,
et on peut même soupçonner que la raison d'être de 68, c'est
les bureaux de crédit, mais, si c'est le cas, visons les bureaux de
crédit. Ne tentons pas d'inclure 200 000 entreprises au Québec ou
d'aller capturer ces 200 000 entreprises-là et de les assujettir
à une telle loi, qui va leur coûter énormément cher
à administrer. À eux comme à nous, la
nécessité d'une telle loi, c'est loin d'être
évident.
M. Bourdon: Vous avez parlé, dans votre intervention, des
coûts supplémentaires que le consommateur serait amené
à assumer si une loi était adoptée. Il y en a une aux
États-Unis, depuis 20 ans, et en Ontario et à
l'île-du-Prince-Édouard, depuis au moins cinq ans. Est-ce que vous
pouvez nous dire quels coûts supplémentaires ça a
occasionné aux consommateurs aux États-Unis, à
l'île-du-Prince-Édouard et en
Ontario?
M. Ballard: Personnellement, je ne suis pas au courant de la loi
à laquelle vous vous référez pour
l'île-du-Prince-Édouard et l'Ontario. La Loi sur la protection des
renseignements personnels?
M. Bourdon: Oui.
M. Ballard: Est-ce que vous êtes au courant?
Mme Carron: Ce que, moi, je comprends - et puis je suis avocate
québécoise, je n'ai pas le droit de me prononcer sur les lois
d'autres provinces - mais ma compréhension, c'est que ces lois...
M. Cannon: Ça ne sortira pas du Québec, on vous le
promet.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Carron: Ma compréhension, c'est que ces lois-là
sont quand même plus restreintes dans leur portée, et elles ne
sont pas aussi larges que le projet de loi 68 auquel nous faisons face
aujourd'hui. Surtout, ce à quoi on s'oppose dans cette loi-là,
c'est le manque d'harmonisation entre celle-ci et d'autres législations
qui imposent des devoirs aux banquiers, des devoirs positifs, qui seraient en
conflit avec cette loi-ci, parce qu'on essaie de rendre le projet de loi 68
applicable à toutes les entreprises, dans toutes les circonstances. Ce
qu'on prétend, c'est qu'il devrait y avoir des distinctions faites pour
tenir compte des différences.
M. Bourdon: Mais, en fait, je ne vous demandais pas une opinion
légale sur la portée ou le contenu des législations de
l'Ontario et de l'île-du-Prince-Édouard, mais vous êtes
l'Association des banquiers canadiens, alors vous devez avoir des membres qui
opèrent des banques en Ontario et à
l'île-du-Prince-Édouard, et, que je sache, il n'y a pas eu de
problèmes dramatiques parce que ces deux provinces-là sont 5 ans
en avance sur le Québec. Idem aux États-Unis, où le Fair
Credit Reporting Act existe depuis 20 ans. Je ne sache pas que ça ait
créé de problèmes.
Sur le contenu, je vous suis, qu'il y a certaines dispositions qui sont
inutilement lourdes, mais, justement, je pense que le banques pourraient jouer
un rôle, par exemple dans la divulgation des rapports de crédit,
en étant associées dans la loi à l'effort pour les
remettre au client. Ce serait une façon possiblement plus simple, plus
pratique de le faire. Mais, dans le fond, je répète ma question.
Vous êtes l'Association des banquiers canadiens, donc vous ayez des
membres en Ontario et à l'île-du-Prince-Édouard, est-ce que
les législations comparables - je ne
dis pas mot à mot, mais dans l'intention - semblables sur la
confidentialité des renseignements ont créé des
problèmes importants aux banquiers de
l'île-du-Prince-Édouard ou de l'Ontario?
M. Ballard: Je dois admettre que je ne suis aucunement au courant
de législation comparable, ni à
l'île-du-Prince-Édouard ni en Ontario. Si nos avocats ne le sont
pas non plus, peut-être que quelqu'un d'autre...
M. Bourdon: M. le Président, on pourrait leur faire
parvenir.
Le Président (M. Doyon): Oui, je me fie à vous, M.
le député. Moi, oui, peut-être nous faire part de ce que
vous pensez de certaines expériences qui peuvent arriver à des
consommateurs de services bancaires. Hier, j'ai eu une lettre d'une banque
importante américaine... Non, c'était une lettre, plutôt,
de Southern Bell, m'informant que la banque avait refusé un
chèque de 13,65 $ et que, dans les circonstances, on couperait mon
téléphone, etc., et de bien vouloir m'organiser avec ça.
Sauf qu'il appert que la banque américaine a tout simplement
fermé mon compte sans explications, mélange de numéro.
J'ai téléphone au gérant, à la gérante; je
suis rendu au vice-président. On m'a dit, quand j'ai demandé:
Oui, mais l'argent, le chèque que j'ai déposé là,
il est rendu où, parce qu'il n'avait pas été
crédité à mon compte, on m'a dit: «It is floating
around at the Federal Reserve somewhere.»
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, ça me fait une
belle jambe vis-à-vis de Southern Bell, qui n'entend pas à rire
du tout et qui, pour un compte de 13,65 $, décide de couper le
téléphone. Même chose avec FPL, qui est Florida Power and
Light ou quelque chose comme ça. Moi, je n'ai pas trop de
difficultés à convaincre la banque que, finalement, il y avait de
l'argent dans le compte, etc. mais ce qui m'inquiète, c'est où
c'est rendu, ce chèque refusé là, dans la machine
d'appréciation de mon crédit personnel. Je vais, bien sûr,
recevoir une lettre d'excuses de la banque, qui va me dire: Bon, on s'est
trompé, il y a une erreur. On va m'expliquer que ça n'arrivera
plus et que ça n'aurait pas dû arriver. Mais le fait demeure que,
vis-à-vis de Southern Bell, je suis un client qui n'a pas payé
son compte de téléphone, et vis-à-vis de FPL aussi. C'est
rendu quelque part dans la machine.
Je me dis que, si ces erreurs-là peuvent arriver aux
États-Unis, est-ce que c'est complètement exclu parmi les banques
canadiennes? À vrai dire, je dois reconnaître que chose semblable
n'est jamais arrivée, à ma connaissance en tout cas, avec des
banques canadiennes, mais ce n'était pas la moindre des banques
américai- nes avec laquelle je faisais affaire, et je suis pris dans la
situation où, finalement, j'ai une mauvaise cote de crédit aux
États-Unis, à la grandeur des États-Unis, pour un
chèque de 13,65 $, alors qu'il y avait des fonds. «The cheque was
floating around somewhere at the Federal Reserve.»
M. Laverdure: M. le Président, je ne veux pas vous
répondre d'une façon...
Le Président (M. Doyon): Oui, je pourrais
déposer.
M. Laverdure: ...je ne veux pas vous répondre d'une
façon légère, mais, comme vous le savez bien, il y a
quelques banques canadiennes qui sont bien établies, maintenant, dans le
Sud des États-Unis...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Laverdure: ...et je pense qu'il faudrait faire affaire avec
ces bonnes institutions là.
Des voix: Ha, ha, ha!
(17 h 20)
M. Laverdure: Mais, d'une façon plus sérieuse, la
Chambre de compensation, au Canada, entre les banques, entre les grands
intervenants financiers est clairement... Je ne passerai pas quelques heures
à vous l'expliquer ici, aujourd'hui, mais elle est clairement bien
différente de celle des États-Unis. La frustration que vous
ressentez avec ce chèque de 13 $ aux États-Unis, c'est une
expérience que très peu de Canadiens, qui sont allés aux
États-Unis, n'ont pas vécue, et ça n'a rien à faire
avec la Chambre de compensation. Certaines personnes qui envoient des
chèques à leurs enfants, par exemple, aux universités
américaines, on entend des histoires de ce qu'on appelle le «Black
Hole» aux États-Unis, d'une façon continue. Et, si c'est un
chèque en dessous de 50 000 000 $ qui passe à travers New York,
je vous donne des chances que ça ne passera pas dans votre compte avant,
des fois, deux semaines, trois semaines ou quatre semaines. Alors, les banques
américaines sont régies différemment qu'on l'est ici.
Même si c'est des grandes institutions fières, c'est un
système qui est bien différent du nôtre.
Le Président (M. Doyon): Bon, ça me rassure du
côté canadien. Ce que je me demande aussi, c'est concernant les
renseignements nombreux que vous détenez sur les gens qui ouvrent des
comptes, qui font affaire avec les banques un peu partout. Est-ce que ces
renseignements-là sont partagés d'une façon
systématique entre les diverses banques? Est-ce que le renseignement,
par exemple, que ma banque peut avoir sur moi est remis sur simple demande
à une autre banque où je peux avoir, par exemple,
une demande de carte de crédit, d'avance de fonds, de marge de
crédit, n'importe quoi? Est-ce que c'est automatique?
M. Ballard: Non, absolument pas. Ce n'est pas fait du tout. C'est
aussi court que ça. On ne donne pas ces renseignements-là
à une autre banque. J'aimerais quand même, M. le Président,
ajouter un autre point à ce que mon collègue a dit sur la
question aux États-Unis. Même au niveau de l'organisme qui
administre les compensations au Canada, l'Association canadienne des paiements,
il existe aussi des exigences sur la confidentialité, sur la protection
des renseignements et sur... Quand vous pensez aux transactions que vous faites
via Interac, entre banques, et même de la Floride à
Montréal, vous pouvez retirer de l'argent de votre compte en Floride,
même si votre compte est ici, tous ces renseignements-là sont
couverts par une autre imposition de règlements sur la
sécurité et la confidentialité des renseignements.
C'est-à-dire que votre numéro de compte, votre numéro
d'identification personnel est transmis, rien d'autre chose, pas l'endroit
où vous avez acheté, aucune information sur l'achat, ou sur le
nom, ou rien. Donc, il y a même des exigences à ce
niveau-là, au niveau de la compensation entre banques.
Le Président (M. Doyon): Oui. Peut-être... Oui, M.
le ministre, vous avez quelque chose.
M. Cannon: Oui. Tout simplement comme question additionnelle
à ce que posait le président. Donc, il existe
précisément des règles, chez vous, à l'Association,
en ce qui concerne les flux transfrontières entre les banques
canadiennes et les banques américaines? Est-ce que j'ai...
M. Ballard: L'Association canadienne des paiements. C'est
l'Association qui est chargée de la compensation et qui est
chargée... pas de l'administration. Interac, c'est une
société privée, composée de plusieurs institutions
financières, mais leurs transactions sont gouvernées par les
règlements de l'Association canadienne des paiements. Dans ces
règlements-là, on nous impose certaines restrictions en ce qui
concerne la confidentialité et la protection des renseignements
personnels.
M. Cannon: Vous serait-il possible de nous les faire suivre, au
secrétaire, ces dispositions-là?
M. Ballard: Absolument, oui.
M. Cannon: Peut-être, si vous permettez, M. le
Président, très rapidement.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Cannon: Tout à l'heure, on par- lait - pour le
bénéfice peut-être de mon collègue - si j'ai bien
saisi, il s'agissait, bien sûr, en Ontario et à
l'île-du-Prince-Édouard, de lois sur les bureaux de
crédit.
M. Bourdon: C'est ça.
M. Cannon: je comprends l'étonnement des gens qui sont
devant nous, de ne peut-être pas être familiers avec les
dispositions de cette loi-là. nous, on parle d'une loi sur la protection
des renseignements.
M. Ballard: Ce serait peut-être, donc, un exemple à
suivre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Sauf que les bureaux de crédit
reçoivent des renseignements des banques, et en fournissent aux banques.
Donc, d'une certaine façon, c'est interrelié.
Le Président (M. Doyon): Oui. Peut-être en question
supplémentaire, très rapidement, M. le ministre, si vous
permettez. En ce qui concerne l'émission des cartes de crédit, la
façon dont c'est administré. Chacune de vos banques, j'imagine, a
une carte de crédit à laquelle elle est affiliée - Visa,
Mastercard. Est-ce que les renseignements qui sont colligés sur la
façon dont sont réglés les comptes de cartes de
crédit entrent dans le même dossier que pour celui, par exemple,
qui a une marge de crédit à la banque, ou qui a une
hypothèque, ou je ne sais trop? Est-ce que tout ça est sous un
même chapeau pour le consommateur, ou s'il y a des dossiers
différents? Parce que, moi.. Très souvent, il y a des gens qui
peuvent être un peu négligents en ce qui concerne les cartes de
crédit, laisser traîner des comptes un peu trop longtemps, ne pas
acquitter le minimum requis à la date prévue et s'acquitter
parfaitement des autres obligations en ce qui concerne d'autres remboursements
pour les prêts. Mais, est-ce que c'est tout mis dans le même panier
et que ça donne le profil de crédit d'une personne?
M. Laverdure: Normalement, tous ces organismes à
l'intérieur des banques, c'est des organismes qui sont, pas «arm's
length», mais qui sont clairement séparés. Mais, si on
regarde le crédit d'un individu dans une banque, on regarde une relation
complète. Alors, quand on fait l'évaluation de la validité
d'un individu vis-à-vis d'un crédit, il faut absolument regarder
tout son crédit avec une institution.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Ça
répond à ma question.
M. Cannon: Oui. Peut-être une observation. Je sais que mon
collègue de Saint-Hyacinthe a
des questions à vous poser. Vous avez fait état, tout au
long de votre mémoire, de la nécessité de maintenir
l'autoréglementation et vous avez évoqué également
qu'en ce qui concerne les lignes directrices de l'OCDE les pays membres ou les
pays qui adhéraient à ces lignes directrices n'avaient pas
nécessairement de loi. Les informations que j'ai, moi, sont à
l'effet contraire, que les pays membres de l'OCDE, qui adhèrent aux
lignes directrices concernant la protection des renseignements, ont soit des
lois ou s'apprêtent à adopter des lois. Donc, en ce
sens-là, le Québec s'inscrit dans le même flot, dans le
même mouvement que l'ensemble mondial, et met donc de côté
cette question d'autoréglementation.
Par ailleurs, l'adoption du Code civil, particulièrement les
articles 35 à 41, sont des dispositions qui, encore une fois, parlent
très, très largement de la protection de la vie privée. Si
le projet de loi 68 ne voit pas le jour, il n'en demeure pas moins que les
articles 35 à 41 sont là. Ils vont exister, ils ne changeront
pas. Or, ce que nous avons, c'est une loi d'application et, par
conséquent, même si on voulait que la loi s'en aille, que, par un
mouvement de magie, il n'y en ait pas de loi et que les législateurs
abandonnent l'idée de faire une loi, tout cela ne se produira pas. Au
contraire, nous allons de l'avant avec le projet de loi 68 et, oui, il y aura
des resserrements tantôt, il y a des choses, je pense, qui
méritent...
Vous avez posé des questions pertinentes. Il y a des choses qui
méritent notre attention, j'en conviens, mais ce que je veux vous dire,
ce n'est peut-être pas de la musique très douce à vos
oreilles, mais c'est que, oui, il y aura une loi, et, forcément, je
pense, cette loi-là, avec la collaboration de tous et de chacun,
notamment des parlementaires, verra le jour au mois de juin prochain. Ce que
nous essayons de faire, c'est que cette loi-là respecte, dans la mesure
du possible, le vécu des gens, mais aussi vienne définir, la
pratique de la protection de la vie privée.
Mme Carron: Si vous me permettez, M. le ministre...
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Carron: ...ma compréhension de ce qui se passe en
Europe est la suivante. À l'heure actuelle, il y a l'Allemagne qui a
légiféré dans le domaine. D'autres pays, comme
l'Angleterre, ont des codes volontaires. Même s'il est vrai que certains
pays songent à légiférer dans le domaine, si on prend
l'exemple de l'Allemagne, la législation en question est quand
même différente à plusieurs égards de celle
proposée sous la forme du projet de loi 68. Par exemple, en Allemagne,
les opinions, les avis, les jugements sont exclus et sont
considérés la propriété de l'institution ou de
l'entreprise. Le consommateur n'a pas accès à ce genre de
renseignements. (17 h 30)
Deuxièmement, au niveau du consentement du client, en Allemagne,
où il y a déjà en place une législation, ce
consentement n'est pas explicitement prévu. Ce qui est prévu
à sa place, c'est que, lors de l'ouverture du compte ou de
l'établissement du rapport commercial entre l'institution et son client
ou l'entreprise et son client, on exige qu'on dévoile l'utilisation
qu'on entend faire des renseignements qui seront communiqués par la
personne concernée. C'est cette divulgation de l'utilisation
proposée qui constitue ou remplace le consentement ou la
nécessité d'obtenir un consentement régulièrement,
de sorte qu'en cours de route, si l'utilisation proposée change,
l'entreprise a le devoir de retourner à son client et de le
réinformer de la situation. Donc, à plusieurs égards, la
législation en question est différente et suit beaucoup plus les
grandes lignes de ce qui est proposé par l'OCDE.
M. Cannon: Non, le point que je voulais faire, maître,
c'est simplement de vous indiquer que, oui, effectivement, il y a de la
législation, que, peut-être, dans certains cas, elle peut
paraître sévère. On me donne ici la liste - et vous me
permettrez, M. le Président, de le consigner au procès-verbal -
des membres de l'OCDE qui ont de la législation: la République
fédérale d'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, la
France, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas,
le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède. Et ceux qui s'apprêtent
à déposer ou à faire des mesures législatives: la
Belgique, l'Espagne, la Grèce et la Suisse. Alors, ça fait pas
mal de monde là, pas mal de monde.
Mme Carron: Je ne suis pas sûre au sujet du Royaume-Uni.
Mes renseignements, c'est que le code, en ce qui concerne les institutions
financières, est volontaire dans ce pays. En France, c'est
différent. Mais, même dans les pays, telle l'Allemagne, qui ont
une législation, mes renseignements sont à l'effet que la
législation ne va pas aussi loin que ce qui est proposé dans le
projet de loi 68. Même, dans le mémoire «explanatoire»
qui accompagne les directives de l'OCDE, à l'item 47, page 28, on
mentionne explicitement que le secteur bancaire en est un qui mérite
d'être traité de façon différente dans l'application
des directives, parce qu'on reconnaît qu'il y a des distinctions qui
s'imposent dans le cadre de ce secteur.
M. Cannon: Oui, j'en suis, et il y a peut-être un dernier
point avant de céder la parole à mon collègue de
Saint-Hyacinthe, c'était l'article... Je pense que c'est l'article 87,
c'est ça. L'article 87, lorsqu'on parlait, tout à l'heure, des
difficultés au niveau de la compensation, je crois que monsieur se
référait aux chevauchements, les
chèques qui circulaient, effectivement.
Alors, l'article 87, parce qu'on y a pensé, se lit comme suit:
«Lorsque sur une matière visée par les articles 74 à
76, la compétence de la Commission chevauche celle d'un organisme public
ou d'un ministère, la Commission peut conclure, après approbation
du gouvernement, une entente avec cet organisme...» Alors, le
Surintendant des institutions financières, par exemple, ferait l'objet
d'une entente, il aurait... Je comprends qu'on n'irait pas, à chaque
fois qu'il y a un chèque qui transige, ou qui est en opération
dans le système, vérifier, bien sûr, les autorisations
nécessaires pour une dispense. Je pense que ça va de soi.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci. Deux petites questions, M. le
Président. Est-ce que l'ensemble des banques canadiennes sont
reliées sur le même système de vérification du
crédit? Exemple, je fais une demande de prêt hypothécaire
à ma banque ou à une autre institution financière, une
caisse populaire, on établit toujours le bilan - passif, actif et tout
ça. Il y a une feuille qui est remplie, et tout ça. J'imagine
qu'ils doivent, à la banque, faire une vérification auprès
de l'institution de crédit, j'imagine, avant de m'accorder mon
prêt.
M. Fraser: Peut-être que je peux répondre à
votre question. Je n'ai pas travaillé dans toutes les institutions
financières, mais c'est sensiblement le même processus à
chaque institution. On demande de faire le bilan, une liste de l'actif et
passif. On demande de faire le détail de vos obligations. On demande de
donner des détails au niveau de vos revenus et placements. Ensuite, on
procède à une vérification au bureau de crédit pour
confirmer les dires du client.
M. Messier: O.K. Est-ce que les banques - Toronto, Banque
Nationale, Banque Royale -.sont reliées aux mômes banques
informatiques, auprès de la même compagnie?
M. Fraser: Je ne pourrais pas répondre à cette
question.
M. Ballard: II y a Équifax. Vous parlez de bureaux de
crédit?
M. Messier: II y a combien de compagnies de crédit qui
font des vérifications? Comme Toronto-Dominion, vous faites affaire avec
qui?
M. Laverdure: On fait affaire avec Équifax.
M. Ballard: Moi, je suis de l'Association des banquiers. On ne
fait pas affaire avec des bureaux de crédit.
M. Messier: Non, vous n'en faites pas, mais... O.K.
M. Ballard: On ne les aime pas. Il y a deux ou trois bureaux de
crédit. Il y a Trans Union, qui est en train de s'établir. Il y
en a d'autres plus petits ici. Ça peut être un ou deux, mais ce
n'est pas gros.
M. Messier: Est-ce qu'il y a une interrelation entre...
M. Laverdure: Je pense, pour répondre vraiment à
votre question, qu'il n'y a pas d'interrelation entre les banques. Si on
décide - et ce n'est pas à toute occasion - de faire une
intervention avec Équifax, c'est là que ça se termine. Il
n'y a aucune intervention avec la Royale, la Nationale ou autres.
M. Messier: O.K. Si je fais une transaction avec la banque
Toronto-Dominion, qui fait affaire avec Équifax, à
Saint-Hyacinthe et qu'à Québec je fais une autre transaction
immobilière avec, disons, une caisse populaire, qui ne fait pas affaire
avec Équifax, de quelle façon les deux vont communiquer ensemble
pour savoir... Est-ce que les deux vont communiquer ensemble? Vous ne pensez
pas?
M. Laverdure: Pas nécessairement.
M. Messier: Pas nécessairement. Donc, il peut avoir...
M. Laverdure: J'aimerais que ce soit le cas, mais ce ne sera pas
nécessairement le cas.
M. Messier: Non, il n'y a pas un monopole.
M. Laverdure: La probabilité, c'est que ce ne le sera
pas.
M. Messier: II n'y a pas de monopole, sauf, pout ôtro,
Équifax, étant le plus gros au Québec, sinon au
Canada...
M. Laverdure: C'est ça
M. Messier: ...pour la vérification de crédit tel
quel. Est-ce qu'il est possible - je ne sais pas si le ministre en a une copie
- d'avoir un exemple fictif d'une information contenue sur une fiche de
crédit personnelle d'un individu, avec des noms fictifs, avec des
montants réels, mais avec des noms fictifs? Je suis plus peut-être
un visuel qu'un auditif J'aimerais voir ce que ça contient, ça,
une fiche de crédit.
M. Laverdure: Vous voudriez en recevoir une copie?
M. Messier: S'il vous plaît.
M. La verdure: On va vous la faire parvenir.
M. Messier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Vous pouvez faire parvenir
ça à la commission, M. Laverdure, et on s'occupera de la remettre
au député de Saint-Hyacinthe, aux membres de la commission. Le
ministre est intéressé aussi, me dit-il. .
Compte tenu du temps qui s'est écoulé, il me reste
à remercier les membres de l'Association.
M. Ballard: Est-ce que je peux vous interrompre?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Ballard: Excusez-moi. Un point à propos de... On n'a
pas eu l'opportunité d'en parler, mais j'aimerais le signaler. Dans
l'article 17, on parle ici de la possibilité de communiquer à des
personnes qui sont chargées de détection, de répression et
de prévention du crime, etc. Cette section, je peux vous dire, va nous
causer, et causer à d'autres, des ennuis énormes dans la
prévention du crime.
Nous avons, dans le secteur bancaire, par exemple - quand je dis le
secteur bancaire, j'inclus les caisses Desjardins, les fiducies, et tout
ça - un cadre de sécurité d'environ 30 à 35
individus, qui se rencontrent régulièrement. Le but de ces
rencontres, c'est d'échanger des renseignements pour empêcher la
fraude - de la fraude de toutes sortes, le blanchiment d'argent, ot tout, et
tout. Cotto sootion 17 n'est pas assez large pour accommoder un tel
échange d'informations. Effectivement, c'est énormément
restrictif. Donc, si, dans les discussions, vous pouviez tenir compte...
M. Laverdure: Avant vos commentaires de fermeture, clairement, on
aimerait vous remercier de nous avoir invités. Et, en passant, si on
veut nous revoir ou si on veut discuter avec nous, à l'occasion, avant
que cette loi ne soit bel et bien passée, parce que le ministre a bien
mentionné que c'est un projet qui va probablement bel et bien passer, on
sera a votre disposition.
M. Cannon: Merci de votre collaboration.
Le Président (M. Doyon): Donc, merci beaucoup à
l'Association des banquiers canadiens. Je pense que ça a
été extrêmement intéressant et instructif.
Donc, j'ajourne les travaux jusqu'à lundi, le 1er mars, à
15 heures.
(Fin de la séance à 17 h 39)