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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 28 janvier 1992 - Vol. 31 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport d'activités 1990-1991 de la Commission d'accès à l'information


Journal des débats

 

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Doyon): Je constate le quorum et je déclare la séance ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est le suivant: il s'agit d'étudier le rapport d'activités 1990-1991 de la Commission d'accès à l'information conformément à l'article 119. 1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Nous allons prendre environ deux ou trois heures pour accomplir ce mandat. Donc, à 17 heures nous devrions avoir fini. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Khelfa (Richelieu) remplacé par M. Maltais (Saguenay); Mme Loiselle (Saint-Henri) par M. Kehoe (Chapleau).

Le Président (M. Doyon): D'accord. Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires de la part des membres de cette commission? Aucune remarque préliminaire de la part des membres de la commission. J'invite maintenant les représentants de la Commission d'accès à l'information à tout d'abord s'identifier pour les fins de la transcription de nos débats et, ensuite, à nous faire la présentation tel qu'il est d'usage de le faire. M. Comeau, vous avez la parole.

Exposé du président de la CAI M. Paul-André Comeau

M. Comeau (Paul-André): M.le Président, je vous remercie. Mmes les députées, MM. les députés, permettez-moi de vous présenter Me André Ouimet, qui est secrétaire juridique à la Commission, M. Clarence White, qui est directeur de notre direction analyse et enquête, et Mme Dion, derrière, qui est ma collaboratrice immédiate.

Je vous remercie, M. le Président, de nous avoir convoqués et de nous permettre, à mes collègues et à moi, de faire le point après une année. Une remarque au départ: le rapport qui vous a été soumis, je l'ai signé effectivement, mais je dois reconnaître qu'une partie du mandat avait été accomplie par mon prédécesseur, M. O'Bready, et j'ai assumé, bien sûr, les gestes qu'il avait posés avec plaisir évidemment et sans avoir le moindre iota à y retrancher.

Alors, comme vous l'avez constaté sans doute, la Commission a vécu un certain nombre de changements au cours de cette année couverte par le rapport. Non seulement le président a-t-il été remplacé, mais l'une des commissaires, qui était en fonction, d'ailleurs, depuis les débuts, Mme Thérèse Giroux, a quitté la Commission. Elle est maintenant à la CAMLP et nous avons accueilli Me Pierre Cyr qui était avocat au service juridique chez nous, qui avait une expérience de la fonction publique et de la pratique privée, donc, qui apporte chez nous quelque chose d'intéressant, en plus d'être intimement lié depuis six ou sept ans à l'évolution de la Commission.

De façon symbolique, la Commission s'est également transformée quelque peu par l'adoption d'un symbole graphique, d'un logo, qui affirme la personnalité de la Commission, mais qui contribue aussi, et je pense que c'est important, à la distinguer visuellement des services gouvernementaux traditionnels. L'effet recherché par cette démarche est évidemment de permettre aux citoyens de s'identifier à une Commission qui n'est pas directement l'émanation de l'exécutif ou du législatif. Il y a donc un symbole d'indépendance. Le logo et les couleurs de la Commission reflètent ce mandat. Je pense que c'est une façon de permettre au citoyen de chercher chez nous l'indépendance dont il peut avoir besoin lorsqu'il est mal pris.

Au cours de cette année, nous avons également pris possession de nouveaux locaux et nous sommes, au moment où je vous parle, sur le point de devoir faire la même chose en ce qui concerne le bureau de Montréal puisque nous sommes poliment mis à la porte par HydroQuébec qui a regroupé ses services et qui va occuper la majeure partie de la place Dupuis où nous nous trouvons. C'est donc dire, à l'égard des citoyens, un double déménagement, et à Québec et à Montréal, qui entraîne, bien sûr, des habitudes et un programme d'information différents pour permettre aux gens de nous rejoindre plus facilement.

Mais il faut dire que les gens nous rejoignent assez facilement puisque l'an dernier, durant cette période en tout cas, à la suite d'une enquête qui a été menée par une entreprise privée pour le compte du ministère des Communications, on a découvert une chose assez remarquable, c'est-à-dire que, de toutes les requêtes qui ont été soumises dans les organismes publics et parapublics régis par la loi, on a dénombré 38 300 requêtes qui se faisaient explicitement au titre de la loi, ce qui est énorme. J'ai déjà signalé dans une interview que nous avions atteint, durant cette période, exactement le même nombre de requêtes que formulées dans un pays où il y a 10 fois plus de

citoyens, la France qui possède deux lois semblables et où ils ont à peu près 42 000 requêtes. Pour la même période, nous en avons eu 38 000, ce qui est, à mon point de vue, un indice de la pénétration de cette loi dans la culture politique québécoise et aussi de l'utilisation que les citoyens en font, ce qui illustre la valeur de droit nouveau conférée par la loi de 1982.

Ce qu'il est important d'ajouter, c'est que, sur ces 38 000 requêtes, à peu près 90 % ont été satisfaites sur-le-champ par les divers responsables de l'accès dans les organismes publics ou parapubHcs, depuis la toute petite administration municipale jusqu'au superministère à Québec. Là aussi, il y a un encouragement à en dégager, c'est-à-dire que les fonctionnaires, les responsables s'acquittent de leurs obligations en respectant et la lettre et l'esprit de la loi. Je trouve qu'il est appréciable de voir ce chiffre de 90 %.

Cependant, même si ce taux de satisfaction ou de réponses positives est considérable pour une loi qui n'a pas encore 10 ans, il y a nécessairement un volet administratif. C'est que les demandes qui, faute d'une réponse positive de la part des responsables, nous sont transmises en appel ou en révision ont continué à s'accroître. Et, pour cette période de 1990-1991, le nombre de demandes portées à la Commission est passé subitement de 384 à 524, ce qui est un accroissement appréciable après quelques années où la croissance étant beaucoup moins spectaculaire. Ces demandes sont plus nombreuses. Donc, le fardeau de la Commission au chapitre de la révision s'accroît même si le personnel est demeuré relativement stable, ce qui veut dire que la productivité de la Commission s'est accrue et l'esprit de travail ne s'est pas démenti.

Globalement, devant cet accroissement des demandes, nous avons, depuis presque un an, mis en oeuvre une politique de conciliation, je dirais, presque maximale dans l'espoir d'éviter le formalisme et aussi le fardeau des audiences avec tout ce que cela comprend du point de vue juridique. Nous avons confié à deux de nos collaborateurs le mandat de faire de la conciliation dès la réception des demandes et je dois vous dire que, même si l'année n'est pas tout à fait terminée, le taux de succès de cette démarche de conciliation est très appréciable. Je pense que le secrétaire juridique pourra répondre à des questions là-dessus, puisqu'il a au moins quelques esquisses de réponses.

Tout en mettant en oeuvre une politique de conciliation dans l'espoir d'accélérer le processus, donc, de donner plus rapidement satisfaction aux citoyens qui viennent à la Commission, nous avons aussi tenté de mettre en oeuvre à l'égard, cette fois-ci, des organismes qui sont soumis à la loi une démarche préventive, c'est-à-dire que, plutôt que d'accumuler les sujets de plaintes, d'accumuler également les demandes de corrections, la Commission a accepté avec enthousiasme de faire une certaine prévention, donc, de permettre aux gens de prévoir les problèmes.

Je prends un exemple précis. Devant les projets d'informatisation des dossiers médicaux qui surgissent un peu partout au Québec, dans les CLSC, dans les centres d'accueil, dans les hôpitaux, un peu partout, nous avons décidé de jouer le jeu de la prévention. Avec des collaborateurs, en sollicitant aussi des conseils extérieurs, nous avons élaboré, le printemps dernier, un projet - vous me permettrez l'expression, même si elle est pompeuse - de politique d'informatisation des dossiers médicaux de façon à permettre aux entreprises qui, de toute façon, vont informatiser le dossier, de pouvoir prendre, dès le départ, dès le choix des logiciels, dès la mise en oeuvre de leur entreprise, les précautions nécessaires pour respecter la loi au chapitre de la confidentialité des dossiers et également au chapitre du secret professionnel qui est, bien sûr, dans un domaine extrêmement sensible.

Alors, cette démarche a été accomplie et nous avons lancé une consultation. Nous avons invité un certain nombre de représentants de milieux hospitaliers, de groupes d'intérêts, comme la ligue des droits et ainsi de suite, à nous faire valoir leurs observations sur notre projet de politique. À notre grande surprise, nous avions lancé une trentaine d'invitations qui nous semblaient pertinentes, nous avons accepté une quinzaine de groupes différents qui se sont présentés. Je dois vous dire que le résultat de cette consultation, qui vient de s'achever, est assez impressionnant, de sorte que, d'ici un mois ou deux, nous allons pouvoir déposer une politique en bonne et due forme qui servira aux entreprises, aux sociétés et aux hôpitaux à préparer l'informatisation dans le respect des droits des citoyens. Parce que, qu'on le veuille ou non, l'informatisation, elle est là et nous pensons qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

D'ailleurs, si vous avez eu l'occasion de regarder certaines des remarques formulées par le Vérificateur général dans son rapport annuel, il a soulevé la question de la confidentialité des traitements informatiques dans certains ministères ou certains organismes. Nous avions déjà relevé la plupart de ces anomalies et c'est à partir de ces constatations que nous avons pu élaborer ce projet de politique qui vise à limiter les accès aux dossiers médicaux aux strictes personnes qui en ont besoin pour éviter, donc, que le dossier d'un patient ou d'une personne à charge puisse être connu ou, en tout cas, lu par n'importe qui. De même, nous avons comme objectif de resserrer les droits d'écriture et, éventuellement, de correction apportées à ces dossiers, l'objectif étant, évidemment, d'empêcher au maximum la circulation de ces dossiers qui constituent ce qu'il y a de plus intime dans la vie des individus.

Alors, cette entreprise de consultation

préventive nous a, comment dire, rassurés quant au sens de notre démarche et nous allons continuer cette entreprise. C'est ainsi que nous sommes, depuis maintenant presque un an et demi, associés aux démarches menées par la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui va lancer dans quelques semaines ou quelques mois, je ne sais trop, une expérience-pilote dans la région de Rimouski sur la carte de santé à micro-processeur, la carte à puce savante, la "smart card", appelez-la comme vous voudrez, mais nous allons connaître au Québec cette première expérience.

Nous avons profité des démarches menées un peu partout dans un certain nombre de pays pour bâtir quelque chose de cohérent. La Commission d'accès à l'information, avec d'autres groupes et en accord avec la Régie, va tout au long de l'expérience poursuivre sa propre évaluation. En cours de route, nous allons mesurer les problèmes de confidentialité, les problèmes de perte, de bris de cartes, etc., pour pouvoir, une fois l'expérience terminée, rendre un avis intelligent et pertinent si jamais la Régie ou le gouvernement proposait l'installation de ce système pour l'ensemble des citoyens au Québec. Ça fait donc partie également de notre démarche et nous sommes à cet égard en contact avec un certain nombre d'autres chercheurs qui se sont intéressés à cette question qui va nous rejoindre dans une foule de secteurs. Il est évident que, d'ici quelques mois, ce sont les banques qui vont emboîter le pas et qui vont, elles aussi, offrir au citoyen une carte qui va résumer son dossier bancaire et peut-être même son dossier financier. Il y a donc là toute une avenue qui s'ouvre et qui va modifier considérablement le problème de la confidentialité des renseignements personnels.

Alors, nous nous sommes intéressés évidemment aussi aux consultations qui ont été menées par l'une des autres commissions de l'Assemblée nationale qui a tenu des audiences et des séances publiques l'automne dernier sur le problème des renseignements personnels dans le secteur privé, qui est une question importante, qui revient à l'actualité à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale du Code civil, mais aussi par les développements outre-frontières et principalement en Europe. Vous savez sans doute que la Communauté européenne, dans l'élaboration de ce qu'on appelle l'Europe de 1992, mais qui est en fait l'Europe à partir de 1993, a sur sa planche de travail l'une de ses directives ou législations qui va nous toucher directement par son volet externe. C'est-à-dire que les Européens vont d'ici le 1er janvier 1993 harmoniser leurs politiques privées et publiques en ce qui concerne les renseignements personnels, la circulation des renseignements personnels. Le volet extérieur va rejoindre, bien sûr, les sociétés et entreprises, québécoises ou autres, qui sont en relation avec des homologues européens. Nos entreprises seraient placées dans une situation d'infériorité si l'Assemblée nationale ne procédait pas à l'adoption d'une législation qui les dédouanerait vis-à-vis l'Europe, à cet égard, mais tout cela fait partie du projet qui a été accepté par votre commission des institutions et qui, maintenant, chemine dans les arcanes gouvernementaux.

Alors, la commission d'accès y a présenté un mémoire que nous avons voulu fouillé et simple tout à la fois. Nous avons été, vous l'avez sans doute remarqué, servis par l'actualité. Ceux parmi vous qui dépouillent le Wall Street Journal, qui est un bon journal, aussi bon que Le Devoir, ont pu constater, au cours de l'automne dernier, les démêlés des grandes sociétés américaines, comme Équifax, TRW et le troisième grand, avec précisément des gouvernements d'États américains, à la suite, notamment, d'une erreur de programmation qui a entraîné des refus de crédit assez importants aux citoyens d'une dizaine de petites villes de quatre États de la Nouvelle-Angleterre. Le géant, TRW, avait, par erreur, modifié sa programmation et les citoyens de ces petites villes de moins de 10 000 habitants étaient tous réputés n'avoir pas payé leurs taxes locales depuis cinq ans. Alors, il y a eu des drames très sérieux, des gens qui se sont fait refuser des crédits, des renouvellements d'hypothèque, etc., à la suite de cette erreur administrative de TRW, d'où les procès intentés par des procureurs d'au moins quatre États américains contre ce géant. Alors, tous ces faits ont donné aux consultations de votre commission des institutions un relief particulier et la Commission s'y est associée. Nous avons présenté un certain nombre de propositions et il nous reste, maintenant, à attendre, bien sûr, ce que le législateur entend faire.

En guise de conclusion, avec les activités normales qui ont été poursuivies durant cette année, activités d'enquête, également activités qui nous obligent à rendre des avis sur les projets de loi lorsqu'ils impliquent la cueillette de renseignements personnels, bien sûr l'activité de révision où la Commission joue son rôle de tribunal administratif ou quasi judiciaire, nous avons instauré à l'interne un certain nombre d'activités nouvelles, ce que nous avons notamment appelé le monitoring. C'est-à-dire qu'à l'égard de cinq problèmes que nous avons décidés comme prioritaires, nous avons constitué des équipes de recherche dont l'objectif est de tenir à jour la documentation, ici et ailleurs, sur le sujet. De sorte que, pour les tests de dépistage pour la question du sida, pour la question des identifiants, pour la question des dossiers médicaux et des relations de travail, nous sommes en train de constituer des banques d'informations - vous me permettrez l'anglicisme - up-to-date qui nous permettront d'intervenir rapidement et de pouvoir offrir des conseils et de l'expertise, lorsque nécessaire. Tout le monde, tout le personnel au sein de la Commission, s'est engagé dans cette aventure et ça

commence déjà à donner des résultats concrets.

De même, nous avons accru notre politique d'information selon nos moyens et nous avons publié cette année un certain nombre de brochures, dont on vous a remis, je pense, des exemplaires, qui représentent notre façon de permettre aux citoyens à la fois de découvrir leurs droits et de faire voir également aux organismes comment ils peuvent assurer le respect de ces droits. Nous avons publié trois de ces documentations: en ce qui concerne, par exemple, l'utilisation des télécopieurs ou des fax qui est un problème majeur, une donnée avec laquelle il nous faut vivre. Nous l'avons fait aussi en ce qui concerne le problème beaucoup plus angoissant du sida où, là aussi, le dévoilement de renseignements personnels peut non seulement causer des préjudices, mais aggraver des drames humains. Et puis nous l'avons fait également à l'égard des institutions d'enseignement et des maisons d'enseignement supérieur à propos de leur gestion des renseignements personnels.

En somme, par notre démarche préventive, nous voulons éviter des erreurs, nous voulons aussi permettre de corriger en douce ce qui résulte de l'ignorance ou même de la confusion. En somme, par nos publications, par des activités de recherche, par une participation importante aux activités des organisations et des regroupements d'organismes, ia commission d'accès a joué, je pense, durant cette période, un rôle important et nous voulons, au cours de l'année qui vient, avec les moyens dont nous disposons et le travail de chacun, continuer à favoriser l'implantation et l'enracinement d'une loi dont on va célébrer le dixième anniversaire d'ici peu, ce qui va, d'ailleurs, nous amener à présenter à l'Assemblée nationale le deuxième rapport crépusculaire prévu par la loi ou, si vous voulez, le rapport dit "sunset".

Voilà, c'est l'essentiel du message que je voulais vous livrer. Évidemment, maintenant, je suis à votre disposition, de même que mes collaborateurs parce que vous comprendrez bien que, quelques mois seulement après mon entrée en fonction, je ne possède pas tous les dossiers qui ont fait l'objet de cette année.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le président. Je pense que vous venez de faire un tour d'horizon de ce qu'a été l'année pour vous autres à la Commission. Je sais que les députés veulent s'entretenir avec vous d'un certain nombre de choses; alors, je vous remercie de votre disponibilité. Je donne dès maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe.

Discussion générale Traitement des requêtes

M. Messier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Comeau. Vous faisiez mention tout à l'heure - je regarde dans votre rapport annuel - de 38 300 requêtes et vous dites même dans votre rapport: "De façon moins spectaculaire"; donc, vous n'êtes pas trop fier d'avoir 38 000 requêtes chez vous. De deux choses, l'une: soit que les gens sont mieux informés ou que les ministères ou municipalités ne participent pas à remettre aux citoyens la documentation qui leur est demandée. C'est quoi, l'analyse que vous en faites? Est-ce que c'est l'une ou l'autre?

M. Comeau: Non. Je voudrais faire une précision. Les 38 000 requêtes qui ont été recensées par l'étude en question, ce sont les requêtes qui ont été déposées partout au Québec et 90 % de ces demandes ont été satisfaites sur-le-champ. Ce qui nous arrive chez nous, c'est uniquement lorsqu'il y a un refus...

M. Messier: Ah! O.K.Les 10 %.

M. Comeau: ...de donner le document ou de corriger une erreur dans un fichier qui contient des renseignements personnels, de sorte que tes demandes qui nous sont parvenues sont nettement moins nombreuses même si elles sont en croissance proportionnelles.

M. Messier: Est-ce que, disons, les 10 % des 38 000 passent chez vous, donc 3000 et quelques requêtes.

M. Comeau: Non, parce que...

M. Messier: D'abord, combien de requêtes avez-vous évaluées pour savoir si, oui ou non, la loi d'accès à l'information s'appliquait, disons? Moi, les plaintes que je reçois, c'est sur le délai. Je regarde Le Courrier de Saint-Hyacinthe versus la ville de Saint-Hyacinthe. D'une façon systématique, la ville refuse de remettre aux journalistes certains documents; donc, ils s'en vont directement chez vous. Combien de ce type de plaintes avez-vous qui sont passées chez vous?

M. Comeau: Alors, Me Ouimet, qui n'est pas le comptable, mais qui est le secrétaire, va pouvoir répondre mieux que moi.

Le Président (M. Doyon): Me Ouimet.

M. Ouimet (André): Merci. L'an dernier, il y a eu 524 requêtes de ce type qui ont été présentées à la Commission, la plupart étant des demandes d'accès à des documents administratifs comme vous le décrivez et non pas des demandes d'accès à des renseignements personnels. Celles-là, on constate que, dans la plupart des cas, elles sont données automatiquement par l'organisme public. C'est surtout au niveau des documents administratifs qu'il arrive à l'occasion qu'il y ait un refus. Alors, 524, l'an dernier. (14 h 30)

M. Messier: Donc, les gens sont bien informés et les organismes et municipalités sont bien informés parce qu'il y a un guide qui existe pour leur dire ce qui est disponible et ce qui ne l'est pas au niveau de ce qui est nominatif. O.K.

M. Comeau: Est-ce que je pourrais ajouter une précision?

Le Président (M. Doyon): M. Comeau.

M. Comeau: On arrive à 38 000, mais il faut quand même constater, surtout si je me base sur l'exemple que vous venez de donner, que c'est vraisemblablement beaucoup plus que ça parce que 38 000, c'est là où on a fait une référence explicite à la loi. Mais je prends votre ville voisine de Granby, que je connais bien. À la suite d'une des causes qui ont été entendues au tout début de la Commission, maintenant les journalistes de Granby n'ont plus de problème avec l'Hôtel de ville et ils obtiennent tout ce qu'ils veulent avant les réunions du conseil et après, de sorte qu'ils ne demandent plus les renseignements, mais Ils les obtiennent précisément parce que la loi est là. Je pense qu'il y a toute une série d'habitudes qui se sont créées, qui m'incitent à dire que la loi est un succès parce qu'elle a créé des mécanismes et des habitudes de fonctionnement dans les organismes beaucoup plus importants qu'on le recense.

Carte à puce

M. Messier: Sur un autre sujet, vous avez parlé de la carte à puce. Est-ce que vous avez été associés au départ ou si vous êtes réactifs ou proactifs avec la carte à puce? Je voudrais savoir c'est quoi l'intervention que vous faites, etc.

M. Comeau: Alors, là, M. White qui, depuis le début, suit le dossier pourra vous expliquer les interventions qu'on a faites depuis le début.

Le Président (M. Doyon): M. White.

M. White (Clarence): Alors, effectivement, nous sommes impliqués depuis le départ. Depuis mai 1990 nous sommes dans le dossier de la carte à microprocesseur. Nous avons cheminé avec les gens de la Régie sur un certain nombre de choses surtout au niveau des questions de sécurité, au niveau des renseignements qui seront inscrits sur cette carte, des clientèles visées et sur l'opportunité d'utiliser la carte au niveau de la santé. Comme on sait qu'il y a beaucoup d'autres possibilités que la carte-santé, que c'est un champ en développement, nous suivons de très près tous les développements d'une carte à microprocesseur. Au niveau de la carte-santé, nous sommes dans le dossier depuis le tout début.

M. Messier: Quels sont les renseignements qui vont y être inscrits?

M. White: II va y avoir, naturellement, des renseignements d'identité. D'abord, c'est un projet-pilote pour l'instant. Le projet-pilote se situe, comme vous le savez, dans la région de Rimouski; il va viser des clientèles précises, c'est-à-dire les femmes enceintes, les enfants de 0 à 18 mois, les personnes âgées et il vise également toute la population de la municipalité de Saint-Fabien. Alors, ce projet-là va viser tous ces gens-là. C'est un projet-pilote où ce qui est très important et ce sur quoi la Commission a insisté, c'est qu'il faut que ce soit fait de façon volontaire. Alors, il n'y a pas d'obligation pour personne de s'inscrire au projet-pilote. Vont participer à ce projet-là: le Centre hospitalier régional de Rimouski, le CLSC, des pharmaciens, des médecins en clinique privée et les infirmières pour l'immunisation des enfants. Alors, il va y avoir, comme je vous le disais, des renseignements d'identité; il va y avoir des renseignements d'urgence. Ah oui, les ambulanciers aussi participent au projet. Il va y avoir des renseignements dits d'urgence et un certain nombre de renseignements médicaux. À la Régie, tous les papiers que nous avons vus font en sorte que les gens vont être libres d'inscription ou non, de sorte que, avant d'inscrire des données, le patient pourrait dire au médecin: Écoutez, ce renseignement-là, je ne voudrais pas qu'il soit inscrit. La Régie a fait le choix, après discussions, de ne pas inscrire un certain nombre d'informations; entre autres: avortement ou des choses semblables, des renseignements très sensibles ne seront pas inscrits sur la carte. Il y aura des suivis là: la vaccination ou ces choses. Mais ça ne peut pas contenir des quantités innombrables d'informations parce qu'il y a quelque chose comme huit pages de texte et pas du texte en continu, c'est du...

M. Messier: Ligne par ligne. Donc, les médecins vont pouvoir avoir dans leur cabinet un lecteur...

M. White: Oui.

M. Messier: ...et vont pouvoir inscrire sur la carte certaines informations bien précises.

M. White: Oui.

M. Messier: Et vous allez avoir accès à ces informations-là pour vérification, vous, à savoir s'il n'y a pas dépassement, si vous les suivez au pas. Ça va vous prendre une autorisation, vous, pour y avoir accès, hein?

M. Comeau: Non. M. Messier: Non.

M. Comeau: Je ne pense pas qu'on ait la prétention de demander à avoir accès au dossier médical de personne. Notre objectif, ce sera, d'abord, éventuellement, de suivre comment se déroulent les séances d'information où on va permettre aux citoyens de découvrir le déroulement de l'expérience et les mettre au courant de leurs droits. Nous allons également suivre en cours de route l'utilisation qui est faite. Est-ce que les modalités d'accès, les modalités d'inscription, tout cela est respecté? Alors, là, il y aura des interviews, peut-être même des sondages à faire - je ne sais pas, on est en train d'élaborer le protocole de recherche - ce qui nous permettra de voir si les gens sont satisfaits ou non, s'ils sont déçus, s'ils sont inquiets, etc.

Il faut dire qu'on joue dans quelque chose de très surprenant et qui amène des réactions particulières. La première fois, quand je suis allé à la commission où j'ai entendu parler de ce dossier, j'en ai profité et, en allant voir ma mère et l'une de ses cousines dans un centre d'accueil, j'ai parlé d'une carte du genre. La réception des personnes âgées a été absolument phénoménale, en disant: Ça veut dire qu'on ne sera pas obligés, avec une carte comme ça, de recommencer les examens à chaque fois qu'on change d'hôpital ou qu'on change de médecin. Pour ces personnes âgées là, c'était quelque chose de providentiel. Je me suis rendu compte que la réception faite au projet variait très nettement selon les groupes d'âge et, bien sûr, selon les expériences personnelles.

Il y a donc toute une évaluation qui sera faite. On est en train d'élaborer le protocole de recherche en tenant compte de la disponibilité de la RAMQ,mais aussi des recherches qui ont été menées ailleurs. M. White et M. Ouimet ont déjà suivi des expériences en France. Je me suis rendu en Espagne avec M. Ouimet. J'ai également participé à des séances d'information en Belgique. Les chercheurs de ces pays-là sont intéressés à se joindre à nous parce que ce sera probablement la première fois où une expérience du genre sera suivie, du point de vue de la protection des renseignements, dès avant son entrée sur le terrain.

Je dois dire, à cet égard, que la collaboration de la Régie a été exemplaire. Nous avons demandé à plusieurs reprises des modifications de leur programme, des modifications, par exemple, au droit d'accès. Les infirmiers ou les ambulanciers ont droit à certaines zones et pas d'autres. Nos modifications ont toutes été acceptées. Il y a eu une collaboration, quand je suis entré en fonction et avant, qui est assez exceptionnelle à cet égard. Je ne dis pas que la recherche est prête et qu'elle sera un succès, mais les conditions de départ sont, à mon point de vue, exemplaires.

M. White: Est-ce que je peux ajouter? Il y a un certain nombre de choses que nous avons discutées avec la Régie et qui font en sorte qu'on est intéressés au projet. Il y a, entre autres, la question de l'identité. Il ne faut pas que ça devienne une autre carte d'identité. C'est ce qu'on veut éviter. On va me dire, et les gens en informatique me le disent: II n'y a pas de problème; la puce, il n'y a personne qui peut violer ça. Je ne suis pas convaincu que, dans six mois, on n'aura pas un "hiker" qui va avoir trouvé le moyen de passer au travers de la puce et qui va avoir l'information là-dedans. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième des choses qui nous intéressent aussi, c'est l'habilitation, qui est habilité à lire ce qu'il y a là-dessus et qui est habilité à écrire, ce qui est un problème important. En boutade, j'ai dit à la Régie, quand on m'a dit que l'habilitation en urgence se ferait par ambulance: Alors, on responsabilise un "truck" et non les individus. On m'a expliqué pourquoi on responsabilisait un "truck"; c'est parce qu'il y a assez de gens qui agissent comme ambulanciers qu'on se ramasserait avec 120 cartes d'habilitation. Alors, on est aussi bien de donner une carte pour un camion.

Mais c'est les problèmes d'habilitation. Qui va être habilité? Comment on va surveiller l'habilitation de ces gens-là? Est-ce qu'un médecin qui fait de la médecine industrielle, qui agit seulement pour des employeurs, qui fait de la contre-expertise, doit avoir la même habilitation que tous les médecins traitants sur le territoire? Nous autres, on pense que non. On pense qu'un médecin qui agit comme médecin d'une entreprise ne doit pas avoir d'habilitation à avoir accès à cette carte-là. Il doit faire son expertise à partir des données que la personne va lui donner et de son examen, et non pas avoir accès à cette donnée-là. Il ne faut pas que les employeurs deviennent des gens qui ont accès à cette carte-là. Alors, c'est un certain nombre de choses comme ça qu'on veut vérifier sur les questions d'habilitation et d'identité qui nous inquiètent.

Permis de conduire avec photo

M. Messier: Est-ce qu'il y a d'autres projets? On parle de la Régie. Est-ce qu'il y a d'autres projets, disons, comme le ministère des Transports via le permis de conduire avec la photo ou avec une autre pièce? Est-ce qu'il y a d'autres ministères qui ont fait appel à vous dans des projets-pilotes ou si c'est confidentiel ou je ne sais pas quoi?

M. Comeau: Vous avez soulevé le cas du permis de conduire. Alors, nous avons reçu quelque part cet été une demande pour donner notre sentiment et notre avis sur l'inclusion d'une photo dans un nouveau permis de conduire québécois. Je vais demander à Me Ouimet de rappeler l'essentiel de notre avis qui était à la

fois juridique et aussi empirique, d'une certaine façon.

Le Président (M. Doyon): M. Ouimet.

M. Ouimet: Un des principaux éléments soulevés par la Société de l'assurance automobile, c'était que la plupart des provinces canadiennes et des États américains avaient un permis de conduire avec photographie. Nous, on a reconnu à la Commission l'importance d'avoir une photographie sur le permis de conduire, mais on a déterminé deux conditions. On a demandé qu'il n'y ait pas de fichier de photos qui existe au Québec, c'est-à-dire que la seule photo se retrouverait sur le permis de conduire lui-même, donc, le porteur aurait la seule photo, et, deuxièmement, qu'on constitue, dans une loi, soit le Code de la sécurité routière, une infraction à l'utilisation du permis de conduire à d'autres fins que des fins de sécurité routière, ce qui empêcherait, par exemple, une caisse populaire, une banque ou un magasin d'exiger le permis de conduire à des fins d'identification.

Donc, l'essentiel de l'avis de la Commission a été de limiter l'utilisation d'un permis de conduire avec photo à sa fin première, c'est-à-dire la sécurité routière. A ce jour, le gouvernement n'a pas encore donné suite ni à la demande de la Société de l'assurance automobile ni aux conditions, évidemment, déterminées par la Commission. J'imagine que ça va se faire prochainement.

M. Messier: Est-ce que vous l'avez étendue au Directeur général des élections? Disons que, lorsqu'on va voter, des fois, il y a une demande de pièce d'identité prouvant hors de tout doute qu'effectivement l'électeur est bien le... Est-ce que vous l'avez étendue au Directeur général des élections, éventuellement, s'il y avait une photo sur un permis de conduire?

M. Ouimet: Ce qui a été demandé par la Commission, c'est qu'on constitue une infraction de l'exigence de cette carte avec photographie. Donc, toute personne qui demanderait, qui exigerait le permis de conduire avec photo serait en infraction. On s'est inspirés en cela d'une loi ontarienne qui a été votée l'année dernière et qui fait que c'est une infraction maintenant en Ontario d'exiger la carte d'assurance-maladie ontarienne à des fins d'identification. Alors, on limite de plus en plus l'utilisation de ces cartes à leur vocation première: sécurité routière pour le permis de conduire et soins médicaux pour l'assurance-maladie.

M. Messier: Peut-être une dernière question. C'est quoi le grand... Pourquoi pas? Qu'est-ce qu'il y a de si embêtant que ça pour à votre Commission empêcher ça? (14 h 45)

M. Comeau: Là, je pense que vous touchez à un problème majeur, un problème de société. C'est que, par tradition, par histoire et aussi par culture, le Québec comme la plupart des sociétés nord-américaines et certaines sociétés d'inspiration de droit britannique ont refusé, jusqu'à ce jour, la carte d'identité et le registre de population. Il n'y a pas eu de débat sur le sujet, au Québec, depuis 1978 ou 1979, quelque chose comme cela, où on avait, d'ailleurs, étudié un projet de registre permanent électoral et où l'Assemblée nationale avait, finalement, renoncé à son projet; de sorte que la société québécoise, comme telle, s'y est toujours opposée pour des raisons précises, qui remontent à très loin et, de façon plus précise, aux deux conscriptions que nous avons connues. C'est la hantise des Québécois d'avoir un registre de population qui, en cas de guerre, servirait à les amener sous les drapeaux. Ça fait partie de notre folklore collectif.

Il n'y a jamais eu de débat là-dessus et nous estimons que, tant et aussi longtemps que le débat n'aura pas été fait, ce n'est pas à nous de permettre, par la bande, la constitution d'un registre de population et les cartes peuvent servir, précisément, à faire cela. C'est pourquoi, par exemple, nous avons fait accepter, de la Société de l'assurance automobile, de ne pas constituer de fichier de photos. On veut que la carte permette d'identifier l'individu, partait, que l'individu montre sa carte. Si on veut constituer un registre, qu'on le dise et qu'on fasse un débat. Ce n'est pas à nous, je pense, à trancher cette question. Pour le moment, le législateur québécois s'est toujours prononcé contre à l'occasion des deux ou trois reprises où ce débat a été soulevé. Je ne sais pas si je réponds.

M. White: C'est ça. Dans le fond, c'est que nous sommes amenés fréquemment à nous prononcer sur la constitution de fichiers d'identité, au Québec, ou sur la communication, d'un organisme à un autre, de fichiers d'identité. Alors, ce qu'on dit, c'est que c'est faire de façon détournée ce que jamais personne n'a voulu faire de façon claire, nette et précise. Qu'on nous dise de façon claire, nette et précise: II y a un fichier d'identité, partait, ça va régler beaucoup de problèmes, mais à l'heure actuelle, nous, on ne peut pas avaliser ces choses de cette façon-là. Je pense que c'est plus loin que ce qu'on a comme devoir.

M. Comeau: Si je voulais résumer tout cela, je pense que la meilleure expression de notre position, et le raisonnement qui la soutient, on peut la trouver dans le traité de droit administratif du juge Dussault et de M. Borgeat où on a très bien résumé, je pense, l'état de la question, au Québec, sur ce problème de l'identité et des identifiants. C'est là où nous avons assis notre position. Si jamais le législateur veut faire un

pas dans un autre domaine, à ce moment-là, nous modifierons notre position, mais pour le moment nous restons sur les positions qui sont celles, officiellement, en tout cas, du législateur et de l'Assemblée nationale.

M. Messier: Relire le traité de M. Dussault, tomes I et II.

M. Comeau: Moi, je pourrais vous donner la référence précise si vous ne voulez pas vous taper les deux tomes.

M. Messier: On regardera. Parfait. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le président, vous avez parlé du permis de conduire et de la possibilité d'y introduire une photographie. Dans le fond, l'autre document public au sujet duquel on pose la question d'une meilleure identification, c'est la carte d'assurance-maladie, parce qu'il est notoire qu'il y a certains trafics qui se font à même la carte. Si je comprends bien votre position, vous dites: Si le législateur veut introduire un registre de l'état civil et une pièce d'identité, que le débat se fasse sur une chose spécifique. Est-ce que je déduis correctement de votre position que, si, par exemple, on voulait introduire la photographie dans la carte d'assurance-maladie, vous prendriez la même position que cet identifiant ne doit servir que pour les fins pour lesquelles il existe: sécurité routière dans un cas, accès à des services médicaux, dans l'autre?

M. Comeau: Oui, M. le député. D'ailleurs, nous avons été amenés en janvier dernier à remettre un avis sur cette question au moment de l'étude par l'Assemblée nationale du projet de loi de réforme des services de santé et des services sociaux. Encore une fois, je vais demander à M. Ouimet de vous résumer notre position à ce moment-là.

M. Ouimet: Oui. Dans cet avis, on a maintenu exactement la même position que pour le permis de conduire, vous avez raison. Et on a demandé de limiter son utilisation uniquement à des soins de services de santé et de services sociaux.

Données sur les enfants handicapés

M. Bourdon: Par ailleurs, votre Commission donne des avis régulièrement sur des projets de loi et il y en a un, dans le passé récent, qui a eu un certain retentissement; je pense au projet de loi 102 et aux clauses dérogatoires qu'il contenait à l'égard du ministère de l'Éducation et du ministère des Transports. À l'époque, la Commission a parlé du plus grave accroc porté à la loi sur l'accès à l'information. Alors, depuis, il y a eu un autre projet de loi, 139, qui est venu préciser les choses, suite à une entente avec la Commission d'accès à l'information. Est-ce qu'on pourrait avoir plus de détails sur la nature de l'entente qui a réglé le litige qui l'opposait à la Commission?

M. Comeau: Je voudrais, dans un premier temps, revenir à la déclaration qui a été faite à ce moment-là sur le plus grave accroc à la loi. Le plus grave accroc ne portait pas précisément sur le fait qu'on pouvait, selon cette loi 102, transmettre les dossiers des enfants handicapés, mais sur le fait que le projet de loi 102, tel qu'il était présenté, soustrayait le ministère de l'Éducation en son entier de - vous me permettrez l'expression - la juridiction de la Commission. Le ministère devenait totalement à l'épreuve de toute tentative de la Commission d'intervenir. Et ça nous semblait énorme. C'était une clause "nonobstant" de mur à mur. Et c'est pourquoi à ce moment-là nous nous sommes élevés avec virulence. Alors, il y a eu un moratoire. D'ailleurs, le projet de loi 102, tel qu'il a finalement été approuvé, laissait entendre très clairement que la loi n'entrerait pas en vigueur avant juin ou quelque chose du genre. Juin ou juillet, je ne me souviens plus. Et, durant cette période, nous avons effectivement négocié avec le ministère de l'Éducation des modalités précises sur l'utilisation éventuelle de ces données d'enfants handicapés et leur transfert depuis les commissions scolaires vers le ministère de l'Éducation. En échange de quoi, le ministre de l'Éducation a accepté de retirer de la loi cette fameuse clause "nonobstant", de sorte que la Commission continue d'avoir un droit de regard moral et peut intervenir, et le ministère se prête à ses interventions.

Quant à la nature même de l'entente, encore une fois, je vais demander à Me Ouimet de vous la résumer; elle est relativement simple et je dois vous dire qu'elle a été à notre grande satisfaction respectée à la lettre jusqu'à maintenant.

M. Ouimet: À la Commission, quand on nous a fait la démonstration que les renseignements étaient effectivement nécessaires au ministère de l'Éducation non seulement pour des fins d'évaluation des programmes, mais aussi pour des fins budgétaires, on a prescrit des conditions en vertu de l'article 124 de la loi sur l'accès qui autorise la Commission à ordonner à un organisme public de se conformer à certaines conditions dans l'utilisation d'un fichier. Je n'ai pas ici les prescriptions comme telles, mais, pour l'essentiel, ces prescriptions-là limitent à certaines personnes au ministère, pas plus qu'une douzaine de personnes, l'accès aux données concernant les enfants en difficulté d'apprentissage et d'adaptation qui étaient l'objet visé par

le projet de loi 102.

Nous avons aussi avisé le ministère qu'au terme d'une année d'application, c'est-à-dire en juin 1992, une vérification sera faite au ministère par la Commission pour voir si les conditions ont été respectées intégralement.

Accès aux systèmes informatiques du gouvernement

M. Bourdon: Par ailleurs, M. le Président, le Vérificateur général dans son rapport s'est inquiété des contrôles en général de l'accès aux renseignements informatiques que le gouvernement détient. Et le Vérificateur général n'avait pas de cas d'espèce où ça avait servi à des fins peu correctes, mais il s'attaquait, j'ai cru comprendre, plutôt au fait que les systèmes informatiques n'avaient pas de verrous suffisants et que l'accès pouvait déborder. Est-ce que la Commission a entrepris, de son propre chef, une enquête à ce sujet-là?

M. Comeau: Je vais vous donner quelques éléments de réponse. Ensuite, je vais demander à M. White, qui est le spécialiste des systèmes, de répondre à votre question de façon plus précise.

Il faut dire que certains des cas identifiés par le Vérificateur avaient déjà été soulevés chez nous, notamment, pour être très franc, celui de la CSST où nous avons non seulement formulé des recommandations, mais nous avons imposé un certain nombre de modifications qui sont en cours. Je me suis également entretenu avec le nouveau Vérificateur, M. Breton, et la plupart des observations contenues dans son rapport portent non pas sur des dossiers de renseignements confidentiels ou nominatifs, mais sur des problèmes d'écritures comptables, de sorte qu'à cet égard nous n'avons aucune compétence. Mais tous les autres cas qu'il a pu relever, on les avait déjà, nous, dans notre collimateur, si vous me pardonnez l'expression. J'aimerais que M. White vous explique un peu, par exemple, ce que ça donne.

Le Président (M. Doyon): M. White.

M. White: Alors, je n'ai pas la liste des problèmes soulevés par le Vérificateur, mais, de mémoire, il y en a un certain nombre. Le Vérificateur parle des systèmes dans les prisons. Alors, sur les systèmes informatiques dans les prisons, nous avons fait une vérification au ministère de la Sécurité publique. Je ne sais pas si c'est dans le rapport annuel de cette année qu'on retrouve ça ou si c'est dans celui de l'année antérieure; c'est 1990-1991 ou 1989-1990, je ne me souviens pas. Nous avons fait une vérification, nous avons demandé des changements aux systèmes informatiques au niveau de la protection des renseignements personnels, chose qui devrait, normalement, être en cours depuis le temps; parce que ça demande du développement, alors ça prend un certain temps, un certain nombre de mois.

Nous avons fait plusieurs enquêtes à la Commission de la santé et de la sécurité du travail que le Vérificateur signale comme étant un problème. Nous avons trouvé, effectivement, des problèmes à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il y a un système informatique énorme. Il y a 2000 employés, au bas mot, qui ont accès aux renseignements qui se trouvent dans le système informatique. Il n'y a aucune trace de consultation dans les dossiers, de sorte que, lorsque nous voulons retrouver, sur plainte, qui a eu accès au système informatique, il nous est impossible de retrouver qui a eu accès aux renseignements. Nous avons demandé - nous avons même émis une ordonnance, si ma mémoire est bonne - à la Commission de modifier son système pour intégrer un logiciel de sécurité, un "log" informatique qui garderait trace de toute consultation. La Commission nous a répondu: Nous sommes en train de modifier notre système informatique, nous avons un projet de cinq ans et, dans le projet de modification, nous allons intégrer un système qui va nous permettre l'enregistrement.

Le Vérificateur parle aussi de la Société de l'assurance automobile du Québec, si ma mémoire est bonne. Je ne saurais vous dire s'il vise des systèmes informatiques contenant des renseignements personnels. Nous avons présentement deux employés à temps partiel, je devrais dire, qui sont en train de vérifier une partie du système de la Société de l'assurance automobile du Québec. Ce qui nous inquiète un peu, c'est de voir le paquet de gens qui ont accès à ces renseignements-là, à la Société de l'assurance automobile du Québec. Quand on sait qu'il y a 15 000 policiers au Québec, donc, il y a 15 000 policiers qui ont accès à ce système-là. Il y a tous les mandataires qui agissent pour la Société de l'assurance automobile du Québec qui ont accès à ce système-là. Il y a, effectivement, je pense, un "log" informatique où on peut voir un enregistrement de qui a consulté, mais c'est tout ça que nous sommes en train de vérifier. On sait qu'il y a des gens qui ont... Dans un cas, entre autres, où on a une enquête, le système a été interrogé; on sait à quel endroit, quand. On essaie de savoir pourquoi, maintenant. Ce n'est pas toujours évident. (15 heures)

Est-ce qu'il y a autre chose, d'autres organismes? Dans le fond, quand le Vérificateur disait qu'il n'avait pas trouvé de bris de confidentialité, on ne peut pas dire que, nous autres aussi, on en a trouvé, mais on a eu quelques plaintes qui ont fait qu'on a "focussé" sur un certain nombre de systèmes informatiques.

M. Bourdon: Bien, en fait, c'est que le Vérificateur, et c'est assez normal, s'attache à

l'aspect administratif des choses et il dit: II y a un système qui se développe sans un contrôle rigoureux de l'accès à ça. Vous parliez de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est sûr que les informations détenues là touchent des dossiers médicaux très fréquemment et, donc, c'est de nature confidentielle, comme allant de soi. Je vous dirai franchement que je suis un peu inquiet des cinq ans qu'on a vous a mentionnés parce que, dans un appareil bureaucratique, un an, d'habitude, c'est plus qu'un an et cinq ans, ça me semble être énormément de temps. Parce qu'il me semble que, dans une gestion rigoureuse un peu, on doit retracer qui demande accès, entre autres. Je trouve que vous mettez le doigt sur un problème précis: identifier la personne qui accède à des renseignements pour savoir si elle est habilitée, si elle a une raison sérieuse d'y être. En tout cas, je vous pose la question: Est-ce que vous ne craignez pas que cinq ans puissent se traduire par jamais?

M. Comeau: J'espère que non. Pour le moment, je ne le crains pas parce qu'ils se sont engagés et ils nous ont même soumis un programme très précis. C'est une question financière. C'est qu'à première vue les modifications nécessaires coûtaient quelque chose comme 700 000 $, ce qui était énorme et imprévu, et ils les ont échelonnées, parce qu'il y a énormément de travaux à faire. Au vu des explications, à ce moment-là, on l'a acceptée, cette échéance de cinq ans, parce que nous avons cru en leur bonne foi et nous croyons toujours en leur bonne foi.

Mais ça m'amène, M. le député, à soulever deux choses. C'est que la Commission poursuit, de façon un peu aléatoire, de véritables entreprises de vérification. Ce que nous faisons à la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, nous l'avons entrepris en juin dernier, mais c'est une opération qui dure à peu près huit mois, de huit mois à un an, avant qu'on ait fait le tour du système et qu'on en ait vraiment un portrait complet. De sorte qu'on fait un certain nombre d'organismes, un ou deux par année, maximum. Mais vous avez soulevé le problème des cinq ans avec pertinence et c'est pour éviter des erreurs comme celles qui ont été commises au moment de la mise en place du système informatique de la CSST que nous avons lancé notre projet de politique d'informatisation des dossiers médicaux, précisément pour que ces erreurs de passoire, ces erreurs d'accès, ces erreurs d'écritures ne puissent pas se produire et qu'on ne puisse pas invoquer le fait: quand on a fait ça, on ne savait pas, on n'en avait jamais entendu parler, on ne s'en doutait pas, etc. Alors, ça fait partie, si vous voulez, du volet préventif qu'on essaie de mettre en oeuvre et de développer de façon très précise. Et on a pris le secteur de la santé parce que, évidemment, c'est un secteur en ebullition et c'est le secteur où les individus sont, en bout de compte, les plus démunis, à ce moment-là, et c'est là où ils ont besoin davantage d'une intervention préventive,.

M. Bourdon: Vous avez mentionné plus tôt, en parlant de l'expérience-pilote dans la région de Rimouski, l'accès aux données médicales par des médecins experts. Et je vous félicite de votre vigilance parce que, dans le cas de la CSST, le système est ainsi fait qu'un accès par des médecins experts à des données ferait que des données confidentielles deviendraient des enjeux et des armes dans des joutes judiciaires parce que, en réalité - et ce n'est pas l'endroit pour le déplorer - à l'intérieur de la loi que gère la CSST, les rapports entre les parties sont judiciarisés de bonne heure. Et il y aurait une crainte - j'aurais cette crainte-là, en tout cas, et je partage votre crainte - que des données médicales deviennent rapidement des armes entre les parties et la personne verrait son dossier médical être invoqué contre elle pour des choses qui, si l'accès n'était pas contrôlé, pourraient n'avoir rien à voir avec l'accident ou la maladie professionnelle dont on parle. Quand on parle de dossiers médicaux, on parle de toutes sortes de choses, y compris des dossiers de nature psychologique et ça pourrait être invoqué contre ces personnes-là.

M. Comeau: Oui, vous avez parfaitement raison et je pourrais ajouter une autre crainte: les médecins qui font des expertises en vue des assurances, s'ils avaient accès à ces données-là aussi, auraient des avantages absolument extravagants et contraires, je pense, à une saine pratique. Alors, c'est ce genre de considérations très, très élémentaires qui nous ont amenés à demander à la Régie de mettre des balises et des freins dès avant le lancement de son expérience-pilote. Je ne dis pas qu'on a fait le tour, mais je pense qu'on en a relevé pas mal.

Règlement accéléré des plaintes

M. Bourdon: Maintenant, dans l'introduction de votre rapport, vous parlez de la mise en oeuvre de mesures pour accélérer le traitement des plaintes qui sont faites à la Commission. Est-ce que vous pourriez nous donner un petit peu de détails sur la nature de ces mesures-là que vous avez l'intention de prendre?

M. Comeau: Je vais demander à M. Ouimet, dont c'est la responsabilité immédiate, de vous exposer un petit peu ce que nous avons fait et là où nous en sommes.

M. Ouimet: Depuis septembre dernier, une procédure a été mise en place pour essayer de tenter de régler les litiges qui sont présentés devant nous de façon non judiciaire, le plus

simplement possible; on a appelé ça de la conciliation. À l'heure actuelle, après quatre mois d'expérience, ce qu'on peut voir, c'est qu'on a réussi à entamer des procédures de conciliation dans environ 30 % de nos dossiers. Le taux de succès est de 70 % à 75 %. Il y a deux avocats présentement à la Commission qui contactent les deux parties lorsqu'un litige est présenté devant la Commission et qui tentent de les informer, un, de leurs droits de citoyens et, deux, des obligations de l'organisme public vis-à-vis la loi sur l'accès. On tente ainsi un rapprochement pour éviter, justement, qu'on ait à aller devant une commissaire parce qu'à ce moment-là, évidemment, compte tenu des procédures en cours, ça prend plus de temps à régler un litige. Souvent, il y a des tiers qui peuvent être impliqués dans des litiges et, à ce moment-là, il y a beaucoup de monde qui entre dans le décor, ce qui prolonge d'autant les délais.

L'expérience étant assez concluante, on va sûrement la maintenir. Maintenant, on va réévaluer certaines choses, notamment les délais de conciliation. On ne voudrait pas que ça allonge le délai de règlement d'un dossier. Ce n'est pas parce que quelqu'un a présenté une demande chez nous et que c'est allé en conciliation qu'il faudrait que ça prenne un mois de plus à régler son dossier si, ultimement, on doit aller de toute façon devant un commissaire. Alors, afin d'éviter ce petit problème qui est survenu dans un certain nombre de dossiers, on va limiter à une période d'un mois la conciliation. Si, au terme de cette période-là, on s'aperçoit qu'il n'y a pas possibilité de régler le litige, automatiquement, ce sera envoyé à un commissaire qui décidera en adjudication du litige.

M. Bourdon: Est-ce que vous avez un objectif? Là, vous parlez d'un délai pour réussir ou échouer la conciliation. Dans mon cas, il y a eu deux tentatives par la Commission: un échec et une réussite. Dans le cas de l'échec, l'audition s'est faite. Mais est-ce que vous avez un objectif de délai quant au moment de la réception de la plainte, de la conciliation, puis de la décision de la Commission?

M. Ouimet: Oui. À l'heure actuelle, il y a un objectif qui a été fixé par le président l'an dernier, c'est d'atteindre, au maximum, un délai de trois mois pour régler un dossier à partir du moment où il est entré à la Commission.

M. Comeau: Évidemment, c'est un idéal et, comme vers tout idéal, on y tend et on n'y est pas encore arrivés. Il faut dire que l'idéal est soumis à un certain nombre de conditions extérieures, notamment la disponibilité des parties. Nous avons certains clients à la Commission qui se partagent entre ici et d'autres continents, de sorte que certains de leurs dossiers traînent parfois des mois parce qu'ils ne sont pas disponibles, mais globalement nous avons fait un effort. Après les changements au niveau du président et du commissaire, la machine a repris un rythme normal et, règle générale, un dossier, lorsqu'il est arrivé chez nous et qu'il a passé l'étape de la conciliation, est entendu dans les six à huit semaines qui suivent. C'est à peu près la moyenne actuellement.

M. White: Si vous me permettez, j'ajouterais aussi que, de façon générale, c'est vrai que ça va beaucoup plus rapidement. Les cas où on a plus de difficultés à maintenir cet objectif, c'est les cas où c'est fortement judiciarisé, c'est-à-dire où chacune des décisions que va rendre la Commission va se retrouver devant un tribunal judiciaire - on l'a vécu à quelques reprises cette année - ou les cas où il y a beaucoup de tiers qui sont impliqués. De plus en plus on constate que, dans les dossiers où il y a des tiers impliqués, le nombre de tiers impliqués est assez important et il y a une obligation qui est faite à la Commission de contacter chacun de ces tiers-là avant l'audition pour l'informer qu'il y a une audition qui le concerne qui se tient. Or, on a vécu un cas où il y a eu 6000 tiers d'impliqués. Alors, vous pouvez vous imaginer que, ne serait-ce que pour les aviser, avec un personnel de 39 personnes, c'est assez lourd. Or, ces cas-là ont pris plus de temps que les autres avant de se régler.

M. Bourdon: Si on me permet, sur les délais comme vous dites, c'est évident qu'il y a la notion d'une adjudication qui soit rapide, mais il y a les droits des parties qui interviennent comme le droit à une défense, ça veut dire la disponibilité d'un avocat. Même avec ces réserves-là, j'aimerais assez que les délais que vous respectez soient diffusés dans l'ensemble de la fonction publique parce que, quand on regarde des organismes où le délai pour l'adjudication finale va de trois à cinq ans, disons que votre performance est plutôt bonne.

En page 14 du rapport, vous mentionnez que, parmi les modifications qui ont été apportées a la loi, se retrouve la possibilité pour un seul membre de la Commission d'entendre les requêtes des organismes publics en cas de demandes abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. Est-ce que vous pourriez nous illustrer des situations précises où ça s'est posé?

M. Comeau: II faut dire qu'il y a quelques cas cette année. Je suis allé avec M. Ouimet tenter de régler l'un de ces cas dans une petite municipalité tout près de Rouyn, qui s'appelle D'Alembert. Je ne sais pas si vous l'avez déjà visitée, mais ça ne figure pas souvent sur les manuels touristiques. Nous avons là, je pense, le cas parfait de demandes abusives. Nous nous

sommes rendus à la demande de la municipalité de ne pas tenir compte d'une demande. Je pense que Me Ouimet s'en souvient encore mieux que moi parce qu'il y était et c'était assez typique de ce qu'on peut imaginer. Mais vous me permettrez une parenthèse avant de lui céder la parole. Il y avait en fin de semaine dans le journal The Ottawa Citizen un texte consacré à une aventure semblable en Ontario où le même citoyen a inscrit 15 600 demandes en un an. C'est absolument phénoménal. Il faut lire ce texte. C'est un peu clochemeriesque. Ça dépasse ce qu'on a imaginé; nous, on n'en est pas là. Mais je pense qu'il faut que vous voyiez ce qu'on peut entendre par demandes abusives. Le cas de D'Alembert me semble assez représentatif.

M. Ouimet: L'an dernier, on a eu six demandes de cette nature. C'est les organismes publics qui considèrent que le nombre de demandes ou la nature de la demande faite par un demandeur est tellement grande que ça devient abusif. Or, D'Alembert est une petite municipalité, comme disait M. Comeau, où il y a un seul employé et, en plus, à temps partiel. La personne fait 25 heures/semaine. Le même jour, elle a reçu 22 demandes d'accès. Or, chacune des demandes d'accès supposait une multitude de documents. Comme toutes les municipalités, D'Alembert a, elle aussi, à tenir des registres, à faire des règlements, des élections, etc., elle a quand même toutes sortes de documents. Répondre à ce type de demandes, ça paralyse les activités de la municipalité pendant une période qui peut varier de trois à quatre mois parce que la personne qui fait ça, pendant ce temps-là, ne préparera pas l'élection, ne préparera pas les comptes de taxes, etc.

C'est la preuve que doit nous faire l'organisme pour que la Commission décide que la demande est abusive. Nous, ce qu'on tente de faire dans ces cas-là, c'est concilier le plus possible les parties en demandant au demandeur s'il ne pourrait pas réduire la portée de sa demande ou s'il ne pourrait pas l'étaler dans le temps pour éviter que l'organisme justement ait à répondre dans les délais qui sont impartis dans la loi, soit 20 jours, ce qui est un peu difficile à rencontrer pour des petits organismes comme ça quand ils ont une telle demande.

La difficulté qu'on avait, c'est qu'à chaque fois qu'on avait ce genre de demande là il fallait que les trois commissaires, les trois membres de la Commission siègent ensemble pour entendre la demande. Vous pouvez vous imaginer le déplacement à D'Alembert, les trois commissaires qui vont entendre quelqu'un expliquer le problème vécu à D'Alembert. Je comprends que c'est très important pour les gens de la place, mais ça suppose que les trois commissaires ne font rien d'autre pendant cette journée-là, sans compter les coûts de déplacement et tout ça. La Commission avait demandé au législateur de modifier la loi pour prévoir qu'un seul commissaire puisse entendre ce type de demande là, ce qui a été fait en 1990; la loi a été modifiée pour permettre à un seul commissaire d'entendre ce genre de demande. (15 h 15)

M. Bourdon: O.K. Maintenant, à la page 48 de votre rapport, vous reproduisez un tableau qui résume les demandes reçues et réglées par la commission dans l'exercice 1990-1991. Est-ce que vous avez des données plus récentes sur les demandes reçues?

M. Comeau: Encore une fois, je vais demander à Me Ouimet de vous donner les statistiques les plus récentes.

M. Ouimet: J'ai ici les statistiques pour l'année civile, du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, donc à jour il y a maintenant 28 jours. Pour l'essentiel, on a reçu 524 demandes de révision dans le cadre des processus d'adjudication pendant cette année-là. On en a traité 239 et 217 se sont soldées par un désistement. On a ici une illustration notamment du processus de médiation, de conciliation.

Pendant cette période-là aussi, on a reçu 49 demandes d'enquête. Il s'agit de cas où les citoyens allèguent que des renseignements personnels ont été transmis illégalement par un organisme public. J'ai tous les chiffres. Je pourrais vous laisser ça pour chacun de ces types de demandes.

M. Bourdon: C'est ce que j'allais vous suggérer.

M. Ouimet: Oui, ça va être plus simple.

M. Bourdon: Vous pourriez peut-être nous le transmettre. Je ne veux pas vous imposer de...

M. Ouimet: Oui. O.K.

Avis sur des projets de loi

Le Président (M. Doyon): Peut-être deux ou trois petites choses que j'aimerais vous soumettre, M. le président. En ce qui concerne les avis que vous donnez sur des projets de loi qui sont devant l'Assemblée nationale, est-ce que ces avis-là sont globalement suivis? Est-ce que vous connaissez des difficultés avec des ministères en particulier, des ministres en particulier? Comment ça se passe?

M. Comeau: Écoutez, globalement, je pense que les effets sont positifs dans la majeure partie des cas. Mais Me Ouimet s'est amusé en fin de semaine à faire l'inventaire de cela et il a fait le décompte. Je pense qu'il peut vous résumer ça beaucoup plus sérieusement que moi-même.

Le Président (M. Doyon): Oui. D'accord. M. Ouimet.

M. Ouimet: Oui. Globalement, les avis sont suivis par le législateur. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est qu'on donne beaucoup d'avis maintenant avant même que le projet de loi soit déposé à l'Assemblée nationale parce que le gouvernement a pris l'habitude de consulter la Commission avant que le projet de loi devienne un vrai projet de loi déposé à l'Assemblée nationale. De façon générale, on réussit à faire valoir notre point de vue à ce moment-là, de sorte qu'il y a un petit nombre de projets de loi qui contiennent encore des dérogations à la loi sur l'accès et c'est à ce moment-là qu'on sent l'obligation de faire un avis. Mais, dans la majorité des cas, notre avis a été bien reçu par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Doyon): Et l'avis que vous donnez, est-ce que, par exemple, les députés, membres d'une commission, lors de l'étude d'un projet de loi, pourraient avoir cet avis-là avant même que la discussion commence ou s'il est destiné... Parce que, moi, je ne me souviens pas, de mémoire, d'avoir eu en main des avis qui auraient pu me guider dans la décision qu'on a à prendre en tant que législateurs sur certains articles de projets de loi qui peuvent être plus litigieux que d'autres.

M. Ouimet: À ma connaissance, ils sont transmis, ces avis, aux parlementaires, notamment à la commission de la culture.

M. Comeau: Si vous permettez un instant. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Comeau: Parce que la mécanique, je ne la possède pas, mais il me semblait que c'était effectivement fait. Voici la pratique suivie jusqu'à maintenant; c'est que, lorsqu'un projet de loi est étudié par une commission et que nous sommes amenés à nous prononcer sous forme d'avis, l'avis est transmis au président de la commission et aux membres de cette commission avec, règle générale, copie au président de la commission de la culture. Habituellement, c'est la façon dont nous avons procédé, mais il faut dire aussi que les quelques avis liés à des projets de loi majeurs ces derniers mois ont été faits dans la précipitation des fins de session ou des choses du genre. Mais, règle générale, nous envoyons les avis aux membres de la commission concernée.

Le Président (M. Doyon): Je pense que c'est une bonne idée et c'est essentiel, parce que, si on veut que ces avis-là puissent avoir un effet, il faut les avoir en main au moment de l'étude des projets de loi. C'est possible qu'il en ait passé sur mon bureau, mais c'est une inquiétude que j'avais et peut-être que vous pourriez vous assurer que c'est fait dans le sens que vous indiquez. L'autre affaire que je voulais vous demander, c'est: Est-ce que, spontanément, grâce à un pouvoir d'initiative que vous auriez, vous pourriez prendre sur vous, par exemple, d'informer tel ministère, tel ministre, que tel projet de loi, qui n'est pas sous étude, qui n'a pas à être modifié, etc., mériterait une correction dans tel ou tel sens, compte tenu que l'étude que vous en faites vous amène à la conclusion que c'est dérogatoire par rapport à votre loi? Est-ce que vous avez un pouvoir d'initiative ou est-ce que vous pourriez l'utiliser dans ce sens-là?

M. Comeau: Je ne sais pas si vous avez des dons de prophète, mais je dois vous dire qu'actuellement nous avons un cas, qui n'est pas un projet de loi, où nous tentons un certain nombre d'interventions de cabinet ou de couloir, si vous me permettez l'expression, précisément en vue d'éviter un problème. Je conçois, en me basant sur les témoignages de certains homologues dans d'autres pays, mon rôle comme étant un négociateur avant le fait accompli et je pense que nous avons intérêt, plutôt que d'attendre que le projet de loi débouche à l'Assemblée nationale ou qu'un problème n'éclate sur la place publique, à trouver des solutions et à arriver à des ententes.

C'est arrivé, depuis que je suis en fonction, à deux reprises et, là, j'ai un problème sur les bras qui n'a rien de législatif et que j'essaie, avec mes collaborateurs, de négocier directement, évidemment sans faire de tapage sur la place publique. Mais ça me semble lié à la fonction et, si je regarde les commissaires à la vie privée - puisque c'est comme ça qu'on les appelle ailleurs - c'est comme ça que la plupart d'entre eux, enfin, ceux qui réussissent, travaillent. Je pense qu'il ne faut pas attendre à la précipitation des fins de session ou des choses du genre pour intervenir. Et, là-dessus, du moins, depuis que je suis en fonction - peut-être que c'était le cas avant - nous sommes informés par les ministères très tôt lorsqu'ils songent à des modifications législatives et que ces modifications pourraient, d'une façon ou de l'autre, toucher le problème des renseignements personnels ou de l'accès, et nous avons, très souvent, des papiers qui nous arrivent ou même des consultations, avant même que les papiers ne soient écrits, à cet égard.

Je pense qu'il y a là un changement. Je l'impute, moi, au fait que les valeurs qui sont contenues dans la loi ou qui entourent la loi sur l'accès sont de plus en plus acceptées et propagées dans l'appareil administratif et les gens s'en soucient. C'est une loi qui n'a pas 10 ans; il ne faut pas demander de miracles. Mais je pense, moi, qu'il y a des progrès. M. White, qui est notre vétéran, qui a été de la commission Paré et ainsi de suite, pourrait mieux que moi résumer cela. Moi, c'est une impression d'un an. Mais,

lui, il est là depuis le début et c'est l'un des pères de la loi, des pères dans l'ombre, évidemment. D'ailleurs, ce sont souvent les seuls.

Le Président (M. Doyon): Alors, allez-y de votre paternité, M. White!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. White: Je ne veux pas revendiquer de paternité. Effectivement, je pense qu'il y a des changements d'attitude vis-à-vis la loi, son application. Les gens nous voient moins, je crois, aujourd'hui, comme des policiers et sont prêts à travailler et à collaborer avec nous. On le voit dans plusieurs dossiers où des organismes nous soumettent: Écoutez, si on fait telle chose, voici quelles sont les conséquences sur le plan de loi. Ce sont des choses qui ne se faisaient pas spontanément au début. On ne nous expliquait pas quelles étaient les conséquences. Il fallait les trouver nous-mêmes, tandis, qu'aujourd'hui on le fait et on nous dit: Voici, ça va avoir telle conséquences. On croit que, sur le plan de la protection des renseignements personnels ou du côté accès, ça va à l'encontre de la loi. Je pense que ça entre dans la mentalité. La loi entre de plus en plus dans la mentalité. C'est vrai qu'il n'y a pas loin de 10 ans maintenant que la loi a été votée par l'Assemblée nationale, ça va être dans quelques mois, et il y a 9 ans à peu près qu'elle est en vigueur. Il faut que ça évolue et je pense que ça évolue du bon côté.

Le Président (M. Doyon): À mon sens, la commission que nous tenons aujourd'hui est justement pour vous permettre, en tant que Commission, de nous faire part, par exemple, de récalcitrants, s'il y en avait. Étant donné que vous êtes comptable, finalement, à l'Assemblée nationale directement, c'est la tribune toute choisie pour nous faire part de certaines difficultés que vous pourriez rencontrer. Mais le discours que vous tenez actuellement, à l'effet qu'il y a une nette amélioration et qu'il se fait un échange de renseignements qui permet à chacun d'évaluer sa situation particulière et de s'ajuster en conséquence, je pense que, ça, c'est une excellente nouvelle. J'espère que les choses vont continuer de s'améliorer dans ce sens-là.

Renseignements permettant les retrouvailles

L'autre affaire que je voulais vous soumettre concerne la notion de renseignements personnels privilégiés, confidentiels, etc., qui est difficile, parfois, à cerner. Moi, à quelques reprises, j'ai eu des représentations de gens qui sont des enfants adoptés et qui considèrent qu'ils ont le droit de connaître leur père ou leur mère biologique. J'ai eu aussi des représentations, d'un autre côté, de parents qui m'ont dit que c'était là un renseignement privilégié, etc. Moi, selon qui est devant moi, très souvent, je serais porté, si je m'écoutais, à donner raison au dernier qui m'en a parlé et je me dis que, n'étant pas Salomon, peut-être que ce serait un sujet... J'aimerais que vous, la Commission, à un moment donné, simplement en théorie, puissiez - je ne sais pas si ça a été fait et, si ça a été fait, tant mieux, j'aimerais la trouver - faire une étude sur où s'arrête la confidentialité de renseignements de la nature de parents biologiques par rapport à l'enfant, et vice versa, et comment on fait pour concilier des intérêts qui sont divergents dans un cas comme ça, l'enfant voulant connaître ses parents qui, eux, ne sont pas désireux d'être connus par l'enfant. Parfois, ça peut être le contraire, chacun pouvant prétendre que ce renseignement-là est personnel et lui appartient. Il ne peut pas appartenir aux deux. Est-ce que le droit de savoir qui est mon père n'est pas fondamentalement un renseignement confidentiel qui m'appartient en tant que créature de mon père ou si ce renseignement d'avoir été père d'un enfant que je n'ai pas revu depuis 25 ans est un renseignement qui m'est totalement personnel, à l'exclusion de l'enfant lui-même? Alors, on a une difficulté de réconciliation, c'est le moins qu'on puisse dire, entre les deux. Vous autres, vous êtes placés pour faire des études, j'imagine, plus poussées dans ce domaine-là et moi, comme député, ça m'aurait intéressé d'avoir votre point de vue là-dessus.

M. Comeau: Je dois vous dire, M. le Président, que c'est aussi l'un des problèmes qui me semblent le plus difficiles à résoudre. La Commission s'était déjà penchée là-dessus. Nous avons eu, l'an passé, des demandes. Personnellement, j'ai beaucoup de problèmes à trouver la juste voie là-dedans. Je regarde également ce qui se fait aux États-Unis sur le sujet. Le Congrès américain vient de passer une loi, qui n'est pas une loi d'exception, mais qui est peut-être une loi exceptionnelle, pour permettre des retrouvailles au sujet des enfants laissés par les Américains en Grande-Bretagne durant la Deuxième Guerre mondiale. C'est évident que le problème, maintenant qu'il est réglé aux Etats-Unis, va se poser, de ce côté-ci de la frontière, d'une nouvelle façon et que nous serons obligés d'y faire face aussi. Ce sera un cas très précis, mais qui va quand même poser toute la question des retrouvailles. J'aimerais que M. Ouimet et M. White vous disent comment nous avons traité le problème, chez nous, de façon plus précise.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. Ouimet.

M. Ouimet: Actuellement, on a eu un certain nombre de demandes. Évidemment, le principal problème qui se posait eu égard à la loi sur l'accès, c'est que les personnes qui sont chargées de faire des recherches sur les antécédents biologiques - dans les organismes, le

réseau de la santé, ce seront les CSS, les centres de services sociaux, qui seront chargés des retrouvailles - avaient une difficulté par rapport à la loi sur l'accès parce qu'elle les obligeait à s'identifier, à dire ce qu'elles allaient faire avec les renseignements qui allaient être fournis, et on parlait du caractère obligatoire ou facultatif de la demande. C'étaient les prescriptions de l'article 65 de la loi sur l'accès. Alors, vous voyez la situation. La personne fait des recherches pour retrouver des parents biologiques et, là, elle est obligée de dire à quoi ça va servir, pourquoi il faut répondre à ces demandes-là, qu'elle agit au nom d'un organisme public. Beaucoup de gens se fermaient automatiquement et disaient: Non, on ne parie plus, on arrête ça. (15 h 30)

Alors, le moyen qu'avaient trouvé certains CSS, c'était de se faire passer pour d'autres personnes. Ils disaient qu'ils appelaient au nom d'une autre personne et ils réussissaient à retracer les antécédents d'un individu. Alors, la loi d'accès étant un petit peu un empêcheur de tourner en rond pour ces gens-là, il a été introduit, en 1990, une disposition qui dit justement qu'"une personne dûment autorisée par un organisme public qui détient des dossiers ayant trait à l'adoption de personnes et qui recueille un renseignement relatif aux antécédents d'une personne visée dans l'un de ces dossiers ou permettant de retrouver un parent ou une personne adoptée n'est pas tenue d'informer la personne concernée ou le tiers de l'usage auquel est destiné le renseignement ni des catégories de personnes qui y auront accès."

Alors, dans une certaine mesure, ça facilite toute la question des retrouvailles, mais je pense que le principal problème actuellement, en tout cas de la façon dont on le comprend à la Commission, quant aux retrouvailles, c'est un problème de délai, à ce qu'on nous a expliqué. C'est que les CSS sont débordés par le nombre de demandes. Ce n'est évidemment pas leur mandat premier de faire des retrouvailles et, bien qu'on ait assoupli les dispositions législatives ou l'obstacle que posait l'article 65 de la loi sur l'accès, il reste toujours qu'il y a des milliers de demandes qui restent en suspens dans les CSS et paraît-il qu'il n'y aurait pas suffisamment de personnes pour les traiter. Mais là ça sort de notre juridiction, bien évidemment. Nous, on pense que, eu égard à la loi sur l'accès, il n'y a plus les problèmes qu'on connaissait avant.

Le Président (M. Doyon): Juste pour continuer là-dedans - je vais revenir à M. White -est-ce à dire que vous considérez que, pour un enfant adoptif, de connaître qui est sa mère est un renseignement qui lui appartient à lui-même d'une façon totale et que c'est un droit qui lui appartient? Ou si, vice versa, une personne, qui est la mère d'un enfant adoptif, a le droit de dire: Le renseignement concernant mon enfant est confidentiel et je veux le garder pour moi? Les deux ne peuvent pas, à mon sens, en tout cas, avoir le droit sur le même renseignement. À un moment donné il y a collision. Vous faites quoi là-dedans?

M. Ouimet: Nous, on n'a pas eu à trancher ça, parce que de mémoire il y a un jugement de la Cour d'appel qui a dit qu'il appartenait aux organismes publics tels les CSS de prendre les moyens pour effectuer des retrouvailles, mais on a en même temps dit, si ma mémoire est bonne, qu'on ne pouvait pas forcer des retrouvailles, de sorte qu'il faut un peu l'avis des deux, le consentement des deux personnes. On a tranché la ligne un petit peu dans le milieu et on a dit: Si un tiers vient demander le consentement à un et le consentement à l'autre, puis si les deux sont d'accord, on va les mettre ensemble, mais, dès qu'une des deux personnes va s'objecter, il n'y aura plus de retrouvailles. De sorte que, nous, on n'est pas intervenus directement et on n'a pas eu à trancher si le renseignement personnel appartenait à l'un ou à l'autre. C'est la Cour d'appel qui a eu à le faire. Je vous dis ça sous toutes réserves, parce que ça fait déjà plusieurs années que ce débat-là a été réglé au niveau de la Cour d'appel. Si ça vous intéresse, je pourrais vous faire parvenir la décision là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Avant d'entendre M. White encore une fois, non, je suis au courant de la façon dont le problème a été résolu, c'est-à-dire l'accord des deux, mais ça ne tranche pas le point fondamental. Est-ce que le droit de connaître son père biologique ou sa mère biologique est un droit confidentiel personnel ou pas? Ou est-ce que le droit de reconnaître un enfant ou pas est un droit qui nous appartient et, si on reconnaît un droit d'un côté, on ne peut pas le reconnaître à l'autre? Évidemment, la solution qui a été trouvée dans les circonstances, c'est de dire: Si les deux sont d'accord, évidemment il y aura retrouvailles, sinon il n'y en a pas. Mais ça équivaut, dans la plupart des cas actuels où il n'y a pas retrouvailles, à donner raison à une partie par rapport à l'autre et ce n'est pas toujours la même partie qui a raison. Alors, on est dans les limbes totalement. M. White.

M. White: Ce que je voulais ajouter pour compléter ce que M. Ouimet disait: ce qui nous a été soumis, c'est les problèmes de moyens dans ce secteur. C'est ce sur quoi nous nous sommes prononcés à une couple de reprises. Comment on fait pour répondre à la décision du tribunal pour les CSS? Comment les CSS peuvent-ils répondre à cette demande-là? Comme les CSS n'ont pas de personnel, ils ont cherché des moyens pour avoir accès à des renseignements personnels. Ils ont trouvé un certain nombre de moyens. Il y en a

un qui nous a été soumis, c'était une entente avec la Régie des rentes du Québec. Il y avait transfert de renseignements de la part de la Régie des rentes, un couplage, si vous voulez, avec les dossiers d'adoption du CSS. Alors, le CSS a envoyé une série de dossiers demandant à la Régie des rentes: Pouvez-vous retrouver du monde là-dedans? Nous, là-dessus, on a eu quelques problèmes. On s'est posé un certain nombre de questions justement à savoir: Est-ce que c'est nécessaire à l'application d'une loi, pour commencer? Ce n'était pas très évident.

On s'est posé des questions d'opportunité, surtout quand on sait que les gens qui recherchent des parents ou des enfants, dans plusieurs cas... Entre autres, pour les parents, on a eu des engagements à la plus stricte confidentialité. À cette époque-là, vous le savez comme moi, M. le Président, quelqu'un qui était enfant illégitime, on donnait une garantie stricte à la mère que jamais quelqu'un pourrait l'identifier. On est pris avec ces problèmes-là. On se disait: Est-ce que, nous, on va dire maintenant: La garantie qui a été donnée à la mère dans les années quarante ou dans les années cinquante, ça ne tient plus aujourd'hui et on va autoriser un couplage avec le fichier de la Régie des rentes du Québec? On s'est dit: Si c'est vrai que c'est un problème comme ça, ça devrait être au législateur à le trancher et à dire qu'effectivement il y a possibilité de couplage. Je pense, André, si ma mémoire est bonne, que le législateur vient de le faire dans la loi 120 où on permet aux CSS, à des fins de retrouvailles, d'avoir accès au fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Si ça est mis en vigueur, là, les CSS vont pouvoir retrouver, retracer des gens. Naturellement, là, il y a le problème, après ça, d'essayer de voir s'il y a un consentement. Est-ce que les parents consentent? Est-ce que l'enfant consent? Ça, c'est difficile pour nous de trancher cette situation-là.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Shefford.

Listes noires de locataires

M. Paré: Oui, M. le Président. Juste deux questions. Vous avez déposé dans les documents qui étaient ici un mémoire concernant la protection de la vie privée, eu égard aux renseignements personnels détenus par le secteur privé. Je sais qu'il a été souvent question de ce qu'on appelle la fameuse liste noire des locataires. D'après tout ce que vous connaissez du dossier et les interventions que vous avez faites, est-ce que vous pouvez confirmer la présence de listes noires? Si oui, vos commentaires. Est-ce que ça existe? Est-ce que vous en avez entendu parler? Est-ce que vous avez eu à intervenir là-dessus? Parce que, dans le domaine de l'habitation, on en entend parler souvent; les gens disent qu'il y a des listes qui se vendraient pour, finalement, identifier des locataires - comment je dirais bien? - non désirables ou non recom-mandables. La liste serait disponible, on pourrait l'acheter. Est-ce que vous en avez déjà entendu parler? Est-ce que vous avez eu à vous prononcer là-dessus?

M. Comeau: II n'y a eu, je pense - ils viennent de me le confirmer - aucune plainte, aucune demande d'information à la Commission comme telle. Il y a une raison très simple à cela, c'est que, comme la Commission n'a aucun droit de regard sur le secteur privé, ça ne viendrait pas chez nous. S'il y a un lieu probablement où ça devrait aller, ce serait soit à la Commission des droits de la personne ou à l'Office de la protection du consommateur, mais, chez nous, étant donné que notre mandat est limité aux secteurs public et parapublic, ça n'est jamais arrivé. J'ai, comme vous, entendu des rumeurs à ce sujet-là, mais ce n'est jamais arrivé chez nous. Jamais.

M. Paré: Je vous le demandais parce que j'ai cru que peut-être la Régie du logement aurait pu demander un avis ou quelque chose. Donc, à votre connaissance, il n'y a jamais...

M. Comeau: Non. D'ailleurs, on ne pourrait pas se prononcer étant donné que c'est le secteur privé. À moins qu'on apprenne, par hasard, qu'il y a un organisme quelconque, une coopérative d'habitation régie par le secteur public qui ferait... Alors, là, on interviendrait, mais, à part ça...

Le Président (M. Doyon): M. White.

M. White: Je pense que, sans que ce soit venu chez nous - je ne veux pas jouer à l'autruche, on n'en a pas entendu parler comme tel, sauf qu'on l'entend à gauche et à droite - il y a sûrement une possibilité de constituer une telle banque. La Régie du logement, si ma mémoire est bonne - et mon avocat me corrigera - c'est un tribunal. Et toute cause entendue devant la Régie est publique. Il y a un registre et n'Importe qui peut aller consulter ça et constituer un dossier déjà à partir de ces renseignements-là. Alors, il y a une base; après ça, tous les gens qui peuvent faire affaire avec Équifax et compagnie, enrichir... Je sais qu'il y a des associations de propriétaires. Si elles s'échangent des informations entre elles, les associations de propriétaires, elles enrichissent leurs banques constamment. Mais nous, comme tels, nous n'avons jamais été saisis d'une telle chose.

M. Paré: O.K. Une autre question dans un domaine complètement différent: Est-ce qu'il serait normal qu'un organisme public, en l'occurrence un centre hospitalier, refuse de donner aux

gens qui le demandent les noms des gens ou du responsable du comité des bénéficiaires? Et, si on réussit à obtenir le nom, on nous refuse les coordonnées pour être capable de l'atteindre.

M. Ouimet: C'est une opinion juridique. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: S'il s'agit de ses coordonnées à la maison, je comprendrais que ce soit refusé, c'est des renseignements nominatifs. S'il s'agit de ses coordonnées au bureau ou dans l'hôpital, ça devrait normalement être accessible.

M. Paré: Parce que, effectivement, c'est connu et, si c'est un comité de bénéficiaires, peu importe que ce soit un bénéficiaire ou une autre instance qui veuille rapporter un cas ou en discuter, il faut qu'il y ait un moyen d'accès. Il faut qu'on puisse atteindre cette personne-là. Est-ce que c'est dans la loi et c'est une obligation au centre hospitalier?

M. Ouimet: Ce que je pourrais vous répondre, c'est par rapport au projet de loi 120 qui, dans sa majeure partie, n'est pas encore en vigueur, c'est la réforme de la santé. C'est maintenant assez clair que le comité de bénéficiaires est assujetti à la loi. C'est donc comme un organisme public. Il répond comme un établissement de santé. Et, à ce titre-là, les personnes qui seront membres du comité de bénéficiaires vont être des personnes dont le nom va être accessible; les coordonnées au bureau, nom, adresse, numéro de téléphone où on les rejoint, vont être accessibles. Ça va être clairement exprimé. Ce n'est pas très clair actuellement dans la loi qui gouverne le régime de santé et des services sociaux.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Ouimet. M. le député de Gatineau, de Chapleau, excusez.

Éventuelle législation pour le secteur privé

M. Kehoe: Oui, M. le Président, juste une courte question. L'automne passé, deux commissions parlementaires ont entendu différents mémoires présentés concernant la protection de la vie privée et il y a eu dans des mémoires différentes approches possibles, soit par autodiscipline par les institutions elles-mêmes, soit par la législation. Dans le mémoire que vous avez présenté, vous prenez une position bien claire, bien nette, vous demandez qu'une législation soit adoptée avant l'année 1994, avant janvier 1994. Ma question est fort simple, c'est de savoir où est rendu le dossier. Depuis que des auditions de mémoires ont été présentées, êtes-vous au courant si votre souhait que la loi soit adoptée avant janvier 1994 sera une réalité ou si c'est un voeu pieux? Où en est rendu le dossier?

M. Comeau: Écoutez, il y a eu d'abord des conciliabules entre les deux ministres qui ont piloté le dossier et qui ont coprésidé les audiences, c'est-à-dire le ministre de la Justice et le ministre des Communications. Il y a eu un accord entre eux sur la nécessité et le principe d'une législation et, la semaine dernière, j'ai appris qu'on allait commencer, dans les jours à venir, les démarches en vue de l'élaboration de la loi. Le ministre des Communications, dont relève la Commission d'accès à l'information, m'a informé qu'il y aurait donc un groupe de travail tripartite, ministère de la Justice, ministère des Communications et commission d'accès, pour travailler là-dedans. L'objectif, c'est de respecter l'échéance, effectivement.

M. Kehoe: Effectivement, est-ce que ce sera la commission d'accès qui va appliquer cette loi-là?

M. Comeau: Alors, là...

M. Kehoe: "C'est-u" votre souhait ou "c'est-u" votre recommandation?

M. Comeau: ...c'est notre recommandation très claire pour des raisons d'économie, pour des raisons de cohérence législative et aussi pour des raisons d'expérience. C'est le souhait que nous avons formulé. Est-ce que le législateur le retiendra? Je le souhaite vivement, mais vous me permettrez de ne pas me prononcer à votre place.

M. Kehoe: Mais, dans l'ensemble, pour votre voeu que ce soit adopté pour janvier 1994, que ça entre en vigueur en janvier 1994, vous avez beaucoup d'espoir encore.

M. Comeau: Oui, oui, parce qu'on a le temps, je pense. Comme, maintenant, il y a une expérience accumulée à la Commission et au sein du gouvernement à cet égard, comme aussi on peut profiter des expériences étrangères dans le domaine, donc on ne part pas de presque rien comme c'était le cas à l'époque de la commission Paré. Je pense qu'on peut arriver à respecter les échéances et à présenter un projet de loi honnête et bien fait, peut-être en dedans d'un an, sans doute en dedans d'un an, ce qui ensuite pourrait permettre de l'adopter et de le faire sanctionner avant janvier 1994.

Il faut dire qu'il y a une autre raison à cela, c'est le fait que, le Code civil étant maintenant adopté dans son intégrité, il faut traduire les dispositions qui ont trait à cela en quelque chose de concret; sinon, ça demeure là également un voeu pieux. (15 h 45)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, à la page 26, vous parlez d'une cause qui implique le Syndicat des techniciens et techniciennes d'Hydro-Québec. Il y a tout un dédale juridique qui a été suivi dans cette cause-là et vous dites à la fin. "Le juge a suspendu la requête des requérants - dans le cas présent, il s'agissait d'Hydro-Québec -tant et aussi longtemps que les recours n'auront pas été épuisés devant la Commission - votre Commission d'accès à l'information - et devant la Cour du Québec." Est-ce que, depuis la rédaction du rapport, il y a eu de nouvelles péripéties dans ce dossier-là?

M. Comeau: Me Ouimet, si vous le permettez.

M. Ouimet: Effectivement, sans entrer dans les détails, et vous comprendrez pourquoi, il y a une commissaire à la Commission qui est chargée de ce dossier-là et elle entend les parties depuis au moins le début de 1991, c'est-à-dire de l'année financière, depuis mars 1991; ça fait plusieurs jours d'auditions qu'ils ont dans ce dossier-là. Le Procureur général est maintenant un intervenant là-dedans parce qu'il y a des questions constitutionnelles qui sont soulevées. Alors, on souhaite pouvoir rendre une décision au cours de l'année.

M. Bourdon: Dans le fond, mon intérêt pour la question, c'est que, par une autre instance, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, on a appris avant les fêtes qu'Hydro-Québec était rendue à la Cour suprême sur un cas impliquant une journée et demie de travail de la part d'un travailleur d'Hydro-Québec. Il y a comme une disproportion entre la somme qu'Hy-dro-Québec veut protéger et la somme que consacre la société d'État à des frais juridiques, entre autres.

Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les relations qui existent entre votre Commission et la Direction de la loi sur l'accès au ministère des Communications? De quelle façon s'organisent les rapports?

M. Comeau: C'est l'une des premières questions que je me suis posée quand je suis entré en fonction et que j'ai découvert ça, je ne comprenais pas très bien. Je comprends un peu mieux, mais je ne comprends pas tout, je vais être très franc. Dans mon esprit, la Commission s'occupe de la mise en oeuvre de la loi, de l'adjudication et remplit ses fonctions à l'égard du mandat qui lui a été confié. Tandis que la direction auprès du ministère, bien sûr, conseille son ministre à cet égard, mais, par une entente qui a été conclue à l'amiable il y a quelques années par mes prédécesseurs, la direction de l'accès au sein du ministère est surtout responsable de la formation, de la publicité dans les ministères, dans les organismes. Elle a un rôle pédagogique pour permettre aux gens de découvrir la loi, comment s'en servir, etc. Donc, H y a une répartition de tâches qui s'est opérée, mais je voudrais demander à mes deux collaborateurs de voir peut-être plus loin que ce que je perçois, moi, de mon côté.

M. Ouimet: C'est sensiblement ça. Quand on a produit un rapport sur la révision de la loi en 1987, et je présume que ça va être la même chose en 1992, on le produit au gouvernement et le ministre des Communications, qui est responsable aussi de l'application de la loi sur l'accès, demande à son service de la loi sur l'accès de faire des études sur ce rapport-là. C'est donc comme un point de vue plus neutre peut-être pour le ministre des Communications afin d'examiner certains rapports fournis par la Commission. Pour l'essentiel, c'est ce service-là qui s'occupe d'aider les responsables de l'accès dans les différents organismes publics à appliquer la loi. Parce qu'il est assez difficile pour nous d'intervenir directement auprès de certains responsables compte tenu qu'éventuellement ils sont susceptibles de se retrouver devant nous en révision.

M. Comeau: C'est pour éviter, je pense, d'être juge et partie de façon trop flagrante, mais je dois vous dire que les relations sont très bonnes, qu'il n'y a pas de problème et qu'il y a même eu au sein de cette direction l'une des fonctionnaires qui est maintenant l'âme dirigeante d'un regroupement des responsables d'accès. Ils se sont constitués en un genre d'association québécoise et ils tiennent des activités importantes. Us auront leur premier congrès au mois de mai, si je me souviens bien. Ça sert d'élément de diffusion et de formation de façon précieuse, je crois.

Le Président (M. Doyon): Merci.

Autorisations de recherches dans les établissements de santé

M. Bourdon: Dans les cas d'espèce, en page 29, vous parlez d'une recherche qui a été faite par une personne auprès d'un certain nombre d'établissements hospitaliers. Dans le rapport, vous déplorez qu'on ait transmis des "renseignements au chercheur sans poser aucune condition relative à leur confidentialité, à leur usage, à leur conservation et à leur destruction." Vous avez discuté de la question avec des regroupements d'établissements hospitaliers. J'aimerais savoir s'il y a du nouveau dans ce dossier-là.

M. Comeau: M. White, s'il vous plaît.

Le Président (M. Doyon): M. White. M. White: A quel dossier? 3.3.1.3? M. Bourdon: C'est ça, oui, c'est ça.

M. White: L'un des problèmes qu'on a avec les établissements de santé, c'est qu'en vertu de l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux les autorisations de recherches à l'intérieur des établissements sont données par les directeurs de services professionnels - je ne me souviens pas de la rédaction exacte - selon les critères établis à la loi sur l'accès. Les établissements, les directeurs de services professionnels ne semblent pas connaître ces prescriptions lorsqu'ils donnent des autorisations de recherches. C'est tout un champ qui nous échappe, qui échappe à la juridiction de la Commission. Aussitôt que nous parlons de recherches dans un établissement de santé, nous n'avons pas un mot à dire. Nous allons intervenir si le chercheur veut avoir accès à des renseignements détenus par le ministère pour ensuite aller dans les établissements. Plusieurs fois, les chercheurs, ce qu'ils nous demandent, c'est des échantillons. Ils veulent retrouver des gens et c'est dans ce temps-là qu'on peut intervenir. Mais, à partir du moment où c'est une étude de dossiers à l'intérieur d'un établissement, on n'a pas un mot à dire. Je pense que ce qui nous est arrivé, c'est qu'on a dû se rendre compte qu'on avait un problème, qu'il n'y avait aucune condition justement qui avait été stipulée. Ce n'est pas nouveau et on en a encore aujourd'hui. Certains DSP donnent accès sans aller beaucoup plus loin que donner l'accès et faire confiance aux gens.

M. Comeau: Si vous me permettez, M. le député, je vais demander à M. Ouimet de préciser. Nous sommes intervenus là-dessus de façon très précise au moment de l'adoption de la loi 120.

M. Ouimet: Lors de l'adoption de la réforme de la santé, ce qui était proposé dans le projet de loi initial, compte tenu qu'on faisait disparaître le DSP, c'était que le directeur général ou la personne qu'il désigne se verrait confier la responsabilité d'accorder les autorisations de recherches. Or, nous, on s'est dit: On a déjà eu des difficultés avec les DSP; s'il faut maintenant transférer ça à un directeur général qui, lui, n'est pas du tout impliqué dans les services professionnels, ce serait probablement encore plus difficile d'application. On a demandé au législateur de modifier ça et de prévoir que ce serait au moins un médecin en charge qui aurait cette responsabilité-là. Finalement, le gouvernement a réintroduit le directeur des services professionnels dans le projet de loi 120 et c'est resté comme ça. De sorte que, nous, on a écrit à l'Association des hôpitaux et aux différentes associations d'archivistes pour s'assurer que les DSP allaient appliquer les critères qui sont prévus à l'article 125 de la loi sur l'accès quand ils décernent des autorisations de recherches. i

M. White: M. le député, dans le cas que vous avez souligné, si ma mémoire est bonne - il faudrait que je ressorte le dossier - je pense qu'il y avait aussi un chercheur qui n'était pas soumis au secret professionnel. Le DSP avait communiqué les renseignements sans vraiment s'inquiéter. C'était ça, notre problème, ici.

M. Bourdon: D'accord. Et, parmi les démarches initiées par la Commission, vous mentionnez dans le rapport l'Association québécoise des archivistes médicales, entre autres. En fait, je ne vous demande pas une réponse immédiatement. Je fais juste poser la question: Est-ce qu'il y a un suivi qui devrait se faire de ça? Parce que la question m'apparaît importante et vos possibilités d'intervention ne sont pas certaines. Il me semble qu'il y a là un problème parce que l'ensemble de ce qui se dégage dans le rapport, c'est qu'il me semble qu'on a transmis des renseignements d'une façon un peu allègre, sans s'assurer qu'ils étaient utilisés d'une façon conforme à l'éthique.

M. White: Ce qu'on fait plusieurs fois dans des autorisations de recherches, nous allons faire une vérification du respect des conditions émises par la Commission. Naturellement, on ne les vérifie pas tous parce que, si on devait le faire, je pense que je n'aurais pas assez d'employés pour le faire. Mais on en vérifie un certain nombre, on fait un suivi et... C'est parce qu'on retrouve à peu près tout le temps les mêmes chercheurs. Ça revient fréquemment, ce qui nous permet de voir comment ils se comportent vis-à-vis de la loi. Je ne voudrais pas non plus qu'on joue trop, trop à la police avec les établissements. On a essayé de les responsabiliser. La journée où on va trouver quelque chose, bien, là, on les mettra sur le crochet comme on dit, ce qu'on va peut-être faire dans d'autres secteurs parce qu'on en a trouvé récemment dans d'autres secteurs.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, si vous avez quelques remarques finales à faire, M. le président, la commission est prête à vous écouter avant que nous terminions nos travaux.

Remarques finales

M. Comeau: Bien, écoutez, je voudrais vous remercier de l'intérêt que vous avez porté à cette rencontre annuelle et de l'ampleur des questions également qui ont été soulevées. C'est encourageant pour mes collaborateurs et pour

moi-même. Évidemment, si j'ai un souhait, c'est de pouvoir compter sur votre appui lorsque le temps viendra pour approuver et bonifier une éventuelle législation sur le secteur privé. Je pense que vous aurez là un rôle fondamental à jouer. Je pense que le Québec, qui a été, à l'égard de l'adoption de la loi sur l'accès, un pionnier dans ce domaine au Canada et en Amérique du Nord, n'aura pas à rougir d'adopter également une loi dans le secteur privé, même si d'autres s'y opposent, même si les gens considèrent qu'il s'agit d'une invention farfelue. Je pense que nous avons maintenant, à l'égard du secteur privé, accumulé suffisamment de preuves et de cas qui démontrent la nécessité d'une intervention au moment où l'informatique devient la règle dans tous les secteurs. Depuis le dépanneur du coin jusqu'à la multinationale, tous utilisent l'informatique, tous contrôlent ou non des renseignements personnels, tous, en quelque sorte, en savent un petit peu, parfois beaucoup, sur notre vie privée.

Je pense que le Québec peut prendre le leadership dans ce domaine-là. La preuve, c'est que les autres suivent. Je voudrais simplement, en terminant, vous dire que ce qu'on appelle maintenant le modèle québécois, c'est-à-dire une législation qui coiffe à la fois l'accès et la protection des renseignements personnels, fait des petits. L'Ontario nous a imités je ne dirais pas servilement, mais a copié notre loi et notre fonctionnement presque intégralement et, depuis une semaine, bien, ce sont nos amis de Victoria qui frappent à notre porte pour nous demander de les aider dans la mise en place d'une législation et d'une commission analogues à la nôtre.

Si nous faisons un pas dans le secteur privé, je suis sûr que nous allons répondre au voeu des citoyens du Québec, nous allons traduire en réalité les dispositions et les principes du Code civil à cet égard et nous allons tracer un sillon dans lequel les autres pourront s'engager.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais féliciter et remercier la Commission de son rapport et de l'échange qu'on a eu. Je voudrais souligner, au passage, que la Commission, c'est, pour l'essentiel, 30 et quelques personnes et je trouve remarquable le travail qui est fait en regard de l'effectif que ça représente puisqu'il s'agit d'une Commission qui garantit un droit fondamental double: à la confidentialité et d'accès aux renseignements qui sont de nature publique. Pour ce qui est d'étendre les dispositions au secteur privé, je voudrais que vous ne doutiez pas de notre appui à l'idée que la Commission a qu'on devrait étendre au secteur privé l'essentiel de ce qui protège déjà les citoyens dans le secteur public. Les dernières choses que j'ai lues de nos amis ministériels à cet égard-là un peu avant les fêtes, c'est qu'il semblait que, là aussi, on était d'accord qu'il faut qu'une loi-cadre soit déposée à l'Assemblée nationale pour régir les droits. En tout cas, je vous félicite du rapport et du travail, en général, que la Commission effectue.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Alors, au nom des membres de la commission, je veux aussi vous remercier. Le rapport que vous nous avez présenté et les explications que vous avez fournies nous permettent de nous rendre compte du chemin qui a été parcouru depuis 10 ans. Étant député depuis ce temps-là, avec d'autres qui sont ici autour de cette table, on peut se rendre compte qu'il y a eu beaucoup de chemin de parcouru. Le travail de persuasion de la Commission, par sa compétence, par le sérieux de ses recommandations et le sérieux de ses décisions, a amené, comme vous le disiez tout à l'heure, une collaboration de la part des ministères. Alors qu'on pouvait sentir, auparavant, des réticences et des difficultés à ce niveau-là, il semble que tout est en train de rentrer dans l'ordre et que, maintenant, la Commission d'accès à l'information est devenue une partie prenante, un joueur accepté dans l'équipe. On doit tenir compte de votre avis et de vos opinions, et ça fait partie du processus législatif ni plus ni moins.

Maintenant, vous faites appel aux membres de cette commission en ce qui concerne une expansion de votre mandat. J'y suis, avec d'autres, très, très sensible. Il est bien sûr que tous et chacun de nous pouvons être suivis à la piste par les achats que nous faisons avec notre carte Visa, par les appels que nous plaçons par l'interurbain de Bell Canada à qui nous parions. On peut faire un profil de notre vie assez précis en recoupant tous ces renseignements-là, ce qui fait que chacun des renseignements semblant anodin en lui-même sert, finalement, à tracer un tableau global de l'individu, qui permet, finalement, de le voir presque nu. Je pense que la protection qui doit être accordée est nécessaire et c'est dans ce sens-là que, tous ensemble, nous devrons évaluer les inconvénients, parce qu'il y en aura sûrement, et les avantages d'une législation qui irait jusque-là.

Ceci étant dit, je vous remercie beaucoup de votre disponibilité et, sans plus d'ambages, je dis que le mandat d'étudier le rapport 1990-1991 de la Commission d'accès à l'information a été accompli. Dans les circonstances, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 16 h 4)

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