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(Dix heures vingt-quatre minutes)
Le Président (M. Doyon): À (ordre!
La commission de la culture continue ses travaux et procède
à la consultation générale qui a été
décidée par l'Assemblée nationale qui a confié
à cette commission le mandat de tenir des auditions publiques pour
étudier la proposition de politique de la culture et des arts telle
qu'elle a été déposée à l'Assemblée
nationale le 14 juin dernier.
Dépôt de documents
Étant donné que c'est le dernier jour du mandat de la
commission et que nous finirons nos travaux aujourd'hui, je dépose la
liste des personnes et des organismes qui sont inscrits sur la liste
maîtresse. Je dépose également tous les mémoires des
personnes et des- organismes qui n'ont pas été entendus par la
commission - il en reste un certain nombre, malheureusement - et qui sont
contenus dans la liste des mémoires déposés. Enfin, je
dépose les lettres d'appui à divers mémoires qui ont
été reçues par la commission. Donc, si vous voulez bien
prendre note de ça, M. le secrétaire. M. le secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements qui ont été
annoncés?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Compte tenu du
fait, comme je l'indiquais, que c'est la dernière journée de nos
travaux, je voudrais, au nom de la ministre, au nom des membres de cette
commission et au nom de l'Opposition officielle, remercier les membres du
secrétariat qui nous ont fort bien secondés. Nous sommes
très heureux de la façon dont les choses se sont
déroulées; il n'y a pas eu de problèmes trop graves en
tout cas.
Je voudrais remercier aussi les membres de la commission pour leur
participation assidue. C'est une commission qui se déroule depuis le 1er
octobre; elle aura entendu près de 200 organismes et personnes
individuelles qui sont venus devant cette commission nous faire part de leur
réaction à la proposition de politique culturelle. Je pense que
c'est un exercice qui a valu la peine et qui a permis au gouvernement ainsi
qu'aux membres de la commission de se faire une idée plus précise
sur les problèmes auxquels les personnes impliquées dans le
domaine des arts et de la culture ont à faire face. En tant que
président, je suis très heureux de la façon dont les
choses se sont déroulées; je m'en réjouis personnellement
et je voulais vous l'indiquer à cette occasion.
Donc, nous avons deux groupes à entendre, enfin un groupe et une
personne. Il y a tout d'abord le Syndicat des professeurs de l'État du
Québec. Je vois que les représentants sont devant nous. Je leur
souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je leur indique que nous disposons de
40 ou 45 minutes pour les entendre; ils peuvent nous faire un
résumé ou nous tracer les grandes lignes de leur mémoire,
étant assurés que ce mémoire a été
distribué aux membres de la commission qui ont eu l'occasion d'en
prendre connaissance. Après ça, le reste du temps va être
partagé, à parts égales, entre les membres du parti
ministériel et du parti de l'Opposition pour discuter avec vous de ce
que vous aurez bien voulu nous soumettre. C'est la façon dont les choses
vont se dérouler cet avant-midi.
Nous aurons, après le Syndicat des professeurs de l'État
du Québec, le plaisir d'entendre le professeur Fernand Dumont qui devait
être entendu la semaine dernière mais qui, malheureusement, suite
à des problèmes de convocation, n'avait pas été
informé d'un changement d'horaire. Donc, nous avons décidé
de l'entendre plutôt aujourd'hui et il a bien voulu accepter. Je veux
l'en remercier et, encore une fois, m'excuser au nom de la commission pour le
petit inconvénient qu'il a dû subir par ce changement
d'horaire.
Comme je le disais, les porte-parole du Syndicat des professeurs de
l'État du Québec sont devant nous. Je les invite à bien
vouloir se présenter pour les fins de la transcription de nos
débats. Après ça, ils pourront commencer dès
maintenant la lecture ou le résumé de (eur mémoire. Vous
avez la parole.
Auditions
Syndicat des professeurs de l'État du
Québec
M. Perron (Luc): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de présenter ceux et celles qui m'accompagnent pour la
présentation de ce mémoire: Mme Paule Savard, professeure au
Conservatoire d'art dramatique de Québec; M. Yvon Thiboutôt,
professeur au Conservatoire d'art dramatique de Montréal; à ma
gauche, Jean-Louis Tremblay, professeur aux Conservatoires de musique de
Rimouski et de Chicoutimi et guitariste; Mme Anisia Campos, pianiste,
professeure au Conservatoire de musique de Montréal, et M. Ro-dolfo
Masella, Conservatoire de musique de Montréal, bassoniste.
Évidemment, Mme Paule Savard et M. Yvon Thiboutôt,
comédienne et comédien, bien sûr.
Je suis accompagné de professeurs artistes comme c'est la nature
même des fonctions des gens des conservatoires de musique et d'art
dramatique. Et, pour ce faire aussi, compte tenu qu'une affiche vaut 1000 mots,
je me suis permis de me faire accompagner aussi de 225 noms qui apparaissent
sur les affiches, comme vous les voyez ici derrière moi, et qui ont
été déposées à chacun et chacune de
vous.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Nous avons tout
ça en main. Merci beaucoup. Si vous voulez procéder.
M. Perron (Luc): Merci. Je pense que les augures nous sont
favorables, suite aux bons échanges de mots que vous avez
adressés au nom des deux partis ou des collègues, des membres de
cette commission parlementaire. Nous venons aujourd'hui tout simplement, non en
guise de dessert, mais pour terminer votre commission, entendre la ministre des
Affaires culturelles nous dire tout simplement que les conservatoires sont des
maisons d'excellence, qu'ils méritent de vivre et, contrairement
à la nouvelle véhiculée le 28 octobre dans les journaux,
qu'ils ne fermeront pas leurs portes et qu'ils vont demeurer sur la carte
culturelle québécoise. C'est tout simplement notre objectif
principal à cette commission ce matin.
Ce que nous ferons, à votre demande, c'est que nous allons
parcourir rapidement le rapport que vous avez devant vous. Nous vous en avons
donné une autre copie ce matin qui est un peu plus fraîche, mais
qui ne change rien sur le fond comme tel.
À la première page, vous avez une citation de Jean
Vallerand qui a été secrétaire général
dès 1942 du Conservatoire de musique et d'art dramatique du
Québec. M. Jean Vallerand, compositeur. Je retire de sa citation que les
conservatoires rendent à la société le centuple de ce que
la société leur donne. Il m'est très agréable,
comme porte-parole de mes collègues, de vous dire que les musiciens
professionnels, les comédiens et comédiennes qui sortent des
conservatoires d'art dramatique produisent dans notre belle
société québécoise une identité culturelle
dont nous ne pouvons absolument pas nous passer. M. Vallerand, fort justement,
dit qu'ils rendent à notre société le centuple de ce que
nous, nous leur avons donné en termes d'investissements dans leur
formation.
À la page suivante, je précise que je remercie la
commission de provoquer au Québec une réflexion sur le monde des
arts et nous en sommes partie. Deux remarques légères s'imposent.
La première: II m'est apparu comme étant une lacune de fond que
dans l'ensemble du rapport de la commission Arpin on ne réussisse pas
à définir te mot "culture". H y a des raisons académiques,
si vous voulez, de ne pas le définir, mais pour nous, c'est malheureux
que les auteurs n'aient pas réussi, pour un lecteur critique à
l'intérieur de l'ensemble du rapport, à définir ce
concept. À la fin de notre exposé, si cela vous intéresse,
nous pourrons vous suggérer une définition du concept
culture.
Une deuxième remarque sur ie rapport, c'est que dans la
première édition, à la page 196, il y apparaissait un
sous-titre: "Les services du conservatoire". Mais c'est un sous-titre qui ne
disait absolument rien en termes de contenu, le contenu ne parlant pas des
conservatoires. J'ose croire que c'est tout simplement une faute
d'écriture et que pour les conservatoires il n'y a pas de
prémonition à l'intérieur de la commission de leur
disparition prochaine. C'est pour ça que, tantôt, dans la
période d'intervention, nous aimerions que Mme Frulla-Hébert nous
dise que les conservatoires sont là pour vivre et se
développer.
A la page suivante, nous vous présentons ce que nous sommes comme
Syndicat des professeurs de l'État du Québec. De manière
particulière, nous sommes très fiers de rappeler aux membres de
la commission qu'il existe une école supérieure d'art
fondée en 1942. On s'apprête à fêter ses 50 ans en
1992. Nous sommes très fiers de dire qu'il existe une institution
nationale qui regroupe maintenant 9 conservatoires de musique et d'art
dramatique. Plus de 230 professeurs de tâches inégales, de plein
temps à temps partiel, si vous voulez, donnent une formation a plus de
1000 élèves présentement. Notre propos, bien sûr,
est que nous avons l'humilité de vous dire à vous autres, les
gouvernants, les élus, le législatif, les gens qui influencent le
législatif: Écoutez, il existe une loi sur le conservatoire et
elle rrjérite, si vous voulez, qu'on lui donne toute la vigueur dont
elle est capable. Donc, à ce moment-là, c'est d'inverser, si vous
voulez, une hypothèse, à notre sens, qui est tout à fait
inacceptable de fermeture d'une telle institution.
Trois questions centrales nous intéressaient dans le rapport
Arpin. La première question, c'était: Est-ce qu'un double
réseau, c'est-à-dire les 9 conservatoires de musique et le
système général d'éducation, peut se justifier en
1991? Nous y répondons avantageusement en disant: Bien sûr que
ça peut exister. Hors de tout doute, l'école de type
conservatoire est reconnue dans le monde. Les derniers rapports, lorsqu'on
parle de Trowsdale dans ce mémoire-là, en 1988, ce sont des
rapports qui confirment l'importance vraiment que les conservatoires
méritent de vivre.
C'est absolument impensable - et cela, ça a été dit
par les penseurs québécois: je pense à Cholette, je pense
à M. Blume de l'Université McGill, à l'époque -
inacceptable d'envisager un mariage entre l'école de type conservatoire
et les autres écoles du système général de
l'éducation. Sinon, c'est viser la perte de ces maisons de formation
professionnelle.
La deuxième question, dans le rapport
Arpin, on peut lire: "Avons-nous suffisamment de lieux de production en
musique pour accueillir tous les diplômés des différents
réseaux de formation?" Si nous pensions comme cela à travers les
maisons de formation que sont les conservatoires, c'est évident qu'il
n'y aurait pas autant de théâtres à Québec. C'est
évident qu'il n'y aurait pas autant de théâtres dans le
Québec comme tel. C'est évident qu'il n'y aurait pas autant
d'orchestres symphoniques. Je pense que les 60 % de la population qui ne va pas
à un concert ou à une pièce de théâtre, qui
n'auditionne pas, je pense qu'il est important de lui donner la
possibilité, dans un temps futur, via ces maisons de formation
professionnelle, de jouir, si vous voulez, de ces possibilités. Il ne
faut pas faire en sorte, par une main malheureuse, que les 40 % qui assistent
à des concerts ou à des pièces de théâtre
diminuent à 30 %, à 20 % ou à 10 %. Notre identité
culturelle en dépend et nous sommes fiers de vous dire qu'il faut,
plutôt que de penser à une diminution des activités des
conservatoires, penser à une augmentation de ces activités.
On dit: La formation professionnelle pourrait-elle se réaliser
selon un nouveau partage des responsabilités à des coûts
moindres? C'est évident que le conservatoire, c'est un système
unique en Amérique du Nord. Vous avez devant vous une affiche qui parle
d'elle-même. Louis Quilico vaut combien dans le marché? Je ne peux
pas vous répondre. Mais ce qui est certain, c'est qu'on a des grands
noms qui ont passé par les conservatoires. On a des élèves
qui ont passé par les conservatoires et qui traduisent vraiment le tissu
culturel québécois tant au Québec, au Canada que dans le
monde.
Dans le mémoire, divisé en trois parties, nous vous
parlons, premièrement, de ses origines et de sa raison d'être et
de son rayonnement. L'éminent musicien qu'était Wilfrid
Pelletier, fondateur du Conservatoire de musique et d'art dramatique, disait
qu'il avait passé 19 ans à cette direction et que ce sont toutes
des belles années qu'il y a passées, remplies de joie. Ce qu'il
faut retenir, c'est qu'il a vu devant lui s'éveiller de vrais
artistes.
Nous sommes convaincus que, depuis 1943, le Conservatoire de musique
s'est imposé auprès des jeunes musiciens québécois
par l'excellence de sa formation confiée à des professeurs
expérimentés et prestigieux, choisis tant au Québec
qu'à l'étranger, et de tradition française.
Je m'attarde quelque peu pour vous dire ce qu'est le Conservatoire,
quelle est sa spécificité. Prendre un temps pour cela, je pense
que c'est important parce qu'on l'ignore et aujourd'hui, dans le romantisme
où tous les genres se confondent, je pense qu'il faut faire en sorte
d'exprimer ce qu'est la vraie nature du Conservatoire.
Des caractéristiques que vous voyez à la page 8, la
première est la gratuité scolaire. Il existe depuis 1943 une
gratuité scolaire dans l'ensemble de ces maisons de formation. Ça
veut dire quoi? Ça veut dire qu'à tous les niveaux de formation
pour un jeune qui peut commencer, de huit ou neuf ans jusqu'à la
vingtaine, ça ne lui coûte rien. D'autant plus que les
conservatoires lui fournissent même les instruments qui lui sont
nécessaires. Deuxième caractéristique bien importante: la
sélection d'élèves par voie de concours au Conservatoire
de musique et par voie d'audition au Conservatoire d'art dramatique. Une autre
caractéristique que vous ne pouvez pas trouver dans un autre
système de formation au Québec: une continuité
pédagogique selon le rythme de l'élève, de la formation
initiale à la formation terminale. C'est-à-dire du premier cycle,
ou du niveau fin primaire ou secondaire, jusqu'au niveau de la maîtrise
universitaire. Il va sans dire que l'originalité des programmes
d'enseignement relatifs à chacune des disciplines dispensées
particularise l'ensemble de ces caractéristiques.
Il y a neuf conservatoires. Il y en a deux qui vont fêter leurs 25
ans l'an prochain. Donc, c'est dans ce sens-là aussi qu'on attend que la
ministre nous donne vraiment ce démenti attendu impatiemment pour leur
permettre de bien fêter l'année prochaine. Et, aussi, celui de
Montréal va fêter ses 50 ans. Je pense que c'est important qu'on
vous entende aujourd'hui nous dire que les conservatoires sont là, bien
sûr, pour rester.
Ces conservatoires contribuent de manière significative à
l'évolution culturelle dans chacun des lieux où ils sont
situés et aussi à l'extérieur et à l'échelle
internationale. Sur l'affiche, seulement quelques noms: Claudine
Côté, Huguette Tourangeau, André Gagnon, Maynard Ferguson,
Ronald Tourigny, Colette Boky, Victor Bouchard, Guy Fouquet, Martin Foster,
Angèle Dubeau, François Morel, André Prévost et
j'en passe. Au Québec, dans tous les orchestres, vous avez des musiciens
professionnels originant des conservatoires. 90 % des musiciens professionnels
proviennent des conservatoires. Au Québec, au Canada et dans le monde,
vous avez des gens qui proviennent des conservatoires.
Dans les conservatoires d'art dramatique, la brochette est aussi
impressionnante. Seulement quelques noms: Marie Michaud, Rémy Girard,
Marie Tifo, Albert Millaire, Robert Lepage, Robert Gravel, Robert Lalonde,
Lorraine Pintal et Catherine Bégin. D'autant plus que la commission
Arpin s'est intéressée à la richesse interethnique au
Québec, nous vous disons que le Conservatoire est une porte
d'entrée réelle de cette richesse interethnique. Mme Campos, ici
présente, si vous lui posez la question, se fera un plaisir de vous
parler de sa classe de piano et de vous montrer qu'à traver ce
modèle type les nouvelles communautés culturelles au
Québec sont vraiment présentes dans ce beau et exigeant milieu de
formation professionnelle.
L'ensemble des premières recommandations
ne vise tout simplement qu'à rendre aux élus la raison
d'être des conservatoires et la réalité de la production
professionnelle des conservatoires.
La deuxième partie du mémoire, la Loi sur le
Conservatoire, c'est une loi de 1942, refondue en 1964. Notre mince ambition,
ce matin, est d'entendre dire par Mme la ministre, au Heu de penser vouloir
faire d'autres lois... Non pas que nous voulions absolument, si vous voulez,
des économies de fabrication de lois, mais il en existe une qui est
valable et il en existe une qui mérite de vivre. Si on la mettait en
application, la coordination et la formation de musiciens professionnels
à l'échelle du Québec se feraient de façon
harmonieuse et il n'y aurait pas cet apparent dédoublement qu'on semble
vouloir souligner.
En 1991-1992, plus de 29 spécialités sont
enseignées dans l'ensemble des conservatoires. De façon
inégale, bien sûr; on n'enseignera pas à Val-d'Or ce qui
est enseigné au Conservatoire de musique de Montréal, il va sans
dire. Nos gens qui sortent des conservatoires ont une note qui leur permet, si
vous voulez, de percer tant au Québec qu'au Canada et à
l'étranger. C'est la loi du conservatoire. Est-il besoin de rappeler que
la Loi sur le Conservatoire du 29 mai 1942 donne à la ministre des
Affaires culturelles la responsabilité de l'exécution de la loi
et non, bien sûr, la responsabilité de faire disparaître
cette institution nationale? La loi a créé des organismes. Il y
en a qui ne vivent pas. Nous pouvons préciser lesquels devraient
vivre.
Il existe des programmes dans les conservatoires, il va sans dire.
Malheureusement, des journalistes en quête de sensations, parfois,
à l'occasion, mal informés, laissent entendre qu'il y a des
programmes qui n'existent pas. Nous serons très à l'aise, avec
mes collègues artistes en avant, de vous préciser que ces
programmes existent. Yvon et Paule se feront un plaisir de vous dire que, dans
les conservatoires d'art dramatique, il existe des programmes rigoureux.
Par rapport à l'application de la loi, il est évident que,
malheureusement, ces 10 dernières années, la direction
générale fait tout pour que le conservatoire, institution qui
devrait être beaucoup plus visible, devienne pratiquement invisible. En
ce sens-là, nous faisons un constat assez sévère et nous
demandons qu'il y ait une transformation, si vous voulez, du comportement de la
direction générale, mais qui fasse en sorte de ne pas cacher nos
talents mais vraiment de les rendre visibles à l'échelle du
Québec.
Nous vous donnons un indice prometteur dans ce mémoire. Le
Conservatoire de musique de Montréal s'est prononcé de
façon très ferme - vous l'avez à la page 15 - en disant
que son document précise "la prolifération coûteuse des
services en matière de formation que nous avons toujours
considérée comme étant inefficace et non
nécessaire". Et ça, nous en sommes contents. Mais je pense qu'il
faut que la direc- tion générale fasse sien, si vous voulez, ce
qui se passe maintenant au niveau de la base, et qu'elle inverse un poids
administratif qui désavantage actuellement l'essor, l'envol de la
formation professionnelle au Québec via cette institution nationale.
Nous vous avons donné des chiffres parce que c'est important.
Nous vous montrons qu'en cinq ans la variation budgétaire a
été seulement de 6 % pour les 9 conservatoires, ce qui est, sans
jeu de mots, dramatique. Les recommandations que nous vous faisons à ce
niveau-là viennent renforcer tout simplement une loi qui existe et, si
nous la mettions en application avec les dents qu'elle a, la formation
professionnelle, dans son développement, se porterait mieux au
Québec.
Nous terminons ce mémoire avec des commentaires du rapport Arpin
où il est écrit: "De telles institutions nationales
privilégient l'excellence et assurent le rayonnement international par
la création d'activités communes dans les grandes institutions
nationales". Nous partageons, bien sûr, ce constat. Au Québec, il
faut se parler franchement, le mécénat, ce n'est pas pour demain.
C'est évident que, si l'État ne fait pas sien par un financement
adéquat le développement des arts, à ce moment-là,
nous serons une société handicapée et je pense que nous ne
voulons pas le devenir. Nous avons le droit de vivre notre identité.
Nous avons le droit de permettre à nos talents, peu importe dans quelle
région du Québec, de s'exprimer et non de les laisser sur une
tablette dans une maison anonyme.
Nous sommes défavorables, si vous voulez, à la
multiplication d'organismes comme: l'Observatoire, la Commission consultative
sur la culture. Nous pensons qu'il existe suffisamment de professionnels dans
le ministère des Affaires culturelles, il existe suffisamment
d'intervenants; d'ailleurs, l'ensemble des mémoires vous l'a
démontré, vous n'avez qu'à lever la main et à
solliciter, si vous voulez, les milieux artistiques et nous nous ferons
entendre. À ce moment-là, vous pourrez exercer un jugement
adéquat. Mais de cela, je pense qu'il ne faut pas créer des
enflures coûteuses qui ne sont pas nécessaires pour le
développement, même en ce qui nous concerne, de la formation
professionnelle. L'ensemble des recommandations dans la troisième partie
va à cet effet-là. (10 h 45)
Nous concluons dans ce rapport avec une citation prise dans le rapport
Arpin où il est écrit que "les responsabilités ont des
fondements législatifs", dont vous êtes. Et: "...le vrai
développement culturel repose d'abord et avant tout sur le dynamisme des
partenaires - dont nous sommes - sur l'ouverture des élus de tous
niveaux de culture". C'est pourquoi aujourd'hui nous entendons et nous sommes
disponibles, bien sûr, à entendre Mme la ministre dire à
cette
commission et à ses collègues qu'elle dément, donc
présente un démenti de la nouvelle du 28 octobre qui laissait
croire que les conservatoires sont sur le point de disparaître. À
cet égard, les effets sont tragiques. Nous avons des collègues
qui peuvent en faire mention, M. Masella, à travers sa classe, peut vous
le mentionner: des élèves de niveau avancé regardent du
côté des États-Unis s'ils ne devraient pas s'y inscrire
l'an prochain. Je pense que cette incertitude ne mérite pas d'être
maintenue. Et c'est dans ce sens-là que nous aimerions que madame se
prononce ce matin là-dessus. Et le véhicule des journaux se fera
par la suite. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
Bienvenue à vous tous, chers professeurs. D'abord, vous êtes
conscients aussi que, comme on doit clôturer la commission, il
était impensable de le faire sans avoir la représentation des
membres du conservatoire. Je ne démentirai pas ce qui n'est pas. Et vous
savez comme moi - on en a tous été victimes une fois de temps en
temps - que ce qui se trouve souvent dans les journaux, ce n'est pas tout
à fait calqué sur la réalité. Donc, je ne
démentirai pas ce qui n'est pas. Mais ce que je peux vous dire, par
exemple, de ma part, de celle de collègues, précisément de
collègues qui sont ici avec nous, et qui sont des ardents croyants des
conservatoires, je vous dis que les conservatoires sont des maisons
d'excellence et ils doivent vivre. Donc, c'est la position officielle mais,
encore une fois, ce n'est pas un démenti parce que l'abolition des
conservatoires, ça n'existe pas. Mais l'affirmation est là, oui,
ce sont des institutions. Nous avons besoin d'institutions d'excellence. Ce
sont des institutions qui ont toujours fourni l'excellence et nous allons nous
organiser, d'ailleurs, pour que, non seulement ça continue à
exister, mais aussi à évoluer. J'espère que cette
réponse vous satisfait.
Maintenant, nous avons eu des représentants des
universités, par exemple. L'Université de Sherbrooke est venue,
l'Université du Québec à Trois-Rivières, du monde
de l'éducation. J'aimerais vous entendre, quand vous dites: II y a un
double réseau; oui, un double réseau peut exister et on peut
être complémentaire sans chevauchement. Parce que, vous savez
comme moi qu'il y a 50 ans, les conservatoires donnaient la formation musicale.
Tout à coup les universités ont décidé, elles
aussi, de la donner. Je pense à la plupart des grosses
universités, d'une part. Comment, selon vous, on peut avoir une
complémentarité? Comment peut-on faire justement qu'il n'y ait
pas de dédoublement, mais que les institutions travaillent ensemble pour
l'évolution non seulement de l'enseignement musical, mais aussi
l'évolution quant à la formation musicale, et la formation
musicale d'excellence?
M. Perron (Luc): Dans la Loi sur le Conservatoire qui existe, qui
a été refondue en 1964, vous avez, si vous voulez, un organisme
qui s'appelle une commission consultative où, là, vous avez le
ministère des Affaires culturelles, à raison de cinq personnes,
et puis avet les universités, il y a quatre partenaires là-dedans
qui doivent s'entendre pour vous conseiller, vous, comme ministre responsable
de l'exécution de la loi, dans le cadre de la coordination des
enseignements. En ce sens-là, vous avez déjà des
réponses qui sont tangibles.
D'autre part, il ne faut pas tomber dans une confusion apparente parce
que les deux mondes existent. Ce sont vraiment deux modèles qui sont
distincts. Il n'existe pas à l'université, d'après ce que
je connais du Québec et des universités du Québec, la
possibilité d'accueillir un jeune de 9 ans ou de 10 ans. Quand vous
parlez des claviers, quand vous parlez des cordes, c'est évident que ces
jeunes-là doivent commencer dès cet âge-là. Il y a
une formation initiale qui est indispensable, qui se situe dans un continuum et
l'université ne peut pas faire cela. Vous avez l'accent, je dirais,
prépondérant du conservatoire où on vise sur le
savoir-faire. On veut vraiment en arriver à faire d'excellents
interprètes. Je ne dis pas que l'université ne peut pas en
arriver à certains résultats, mais il reste que ça lui est
totalement impossible d'épouser une structure de formation qui lui est
totalement étrangère.
Vous, vous avez la chance de regarder à travers les
conservatoires de musique comme tels, si je prends cet exemple-là. C'est
un continuum qui va de 9 ans, pour un jeune, jusqu'à 20 ans, et vous
arrivez avec des résultats à la fin. Tandis que, si vous
étiez ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, vous
seriez déchirée en deux, d'abord, parce qu'il existe aussi un
ministre de l'Éducation et ce serait tronçonné en trois -
l'image est dure, mais c'est juste pour me faire comprendre - parce que vous
avez le niveau secondaire, le niveau collégial et le niveau
universitaire. Alors, quand vous allez arriver à arrimer le niveau
secondaire, mais au . niveau vraiment d'une excellence en formation musicale,
quand vous allez arriver au niveau collégial et vraiment en arriver
à une excellence qui s'arrime, qui s'amalgame ensemble aisément,
facilement au niveau universitaire, on pourra peut-être reprendre cette
discussion-là. Mais j c'est absolument impensable actuellement, avec la
présence de ce tronçonnage-là en trois parties, de faire
en sorte qu'on puisse, par le conservatoire, améliorer ce qui existe
dans le système général d'éducation puis, de toutes
parts, ce sont deux systèmes totalement différents.
Ce qui nous afflige le plus actuellement, c'est que ce sont des gens de
l'extérieur. McGill, ce n'est pas encore à l'extérieur,
c'est au
Québec, bien sûr, mais McGill a déjà
épousé le modèle conservatoire parce qu'il sait que c'est
bon. Le rapport Blume, en 1978, déjà le disait. Si on parle de
formation professionnelle au Québec, on doit épouser le
modèle conservatoire. Et ça a été fait dans le
rapport Trowsdale, plus récent, en 1988. Alors, ça, ça me
déçoit un peu plus, ça vient d'Ottawa. Mais il reste que
lui, il le mentionne. Il dit à tout le Canada: Écoutez,
l'école, si on parle de formation professionnelle et qu'on veut vraiment
atteindre des résultats, je pense que c'est le modèle
conservatoire. Ce n'est pas nous qui le disons.
Moi, ce que j'aimerais et ce que nous ambitionnons, c'est qu'au
Québec les gens, même de l'intérieur, se disent:
Effectivement, écoutez, c'est une maison d'excellence, comme vous l'avez
dit tantôt, mais il y a des conditions qui font en sorte que c'est une
maison d'excellence. N'allons pas les atrophier.
Mme Frulla-Hébert: Pour vous diriger un peu, quand on
parle de complémentarité, moi, je veux bien, mais, encore
là, quand on parlait des universités, elles aussi sont d'accord,
honnêtement, et elles-mêmes disent: On peut vraiment travailler en
complémentarité. Et c'étaient les premières aussi
à dire: Bien, ça ne se fait pas; ça se fait, mais
ça ne se fait pas, on commence. Bon. Alors, là, on en a deux
réseaux. On a deux réseaux et je pense que, finalement, il y a
des forces de part et d'autre, si on capitalise de part et d'autre. Comment on
fait? Là, je comprends qu'il y a un groupe consultatif, etc., mais
comment on fait sur le terrain et dans le milieu pour dire: Parfait, les deux
réseaux vont travailler non pas l'un contre l'autre, mais on va vraiment
travailler ensemble? Comment on fait?
M. Perron (Luc): Malheureusement, si je me base sur
l'expérience, je dois vous répondre un petit peu sur la
négative. Puis, mon exemple va être très simple.
Actuellement, si vous voulez, l'administration à l'intérieur du
ministère des Affaires culturelles, depuis ces cinq dernières
années au moins, privilégie la disparition de cycles au niveau de
certains conservatoires. Pourquoi? Parce qu'ils se disent: La disparition des
cycles - on parle de formation initiale - va faire en sorte que le
ministère de l'Éducation va prendre la relève. C'est
tragique. Ça n'existe pas.
Nous, ce qu'on disait déjà il y a un an: S'il existe des
formules de remplacement où on peut faire des arrimages - je parle, par
exemple, au niveau de la formation initiale - bien, faisons en sorte que
lorsque ça existera on pourra les arrimer ensemble. Mais, actuellement,
ce à quoi nous assistons, nous assistons à un rouleau
administratif qui est déplorable, qui fait en sorte de nous briser. Puis
l'image, c'est de nous couper les pieds actuellement. C'est pire que ça.
Au niveau de la tête dans les conservatoires, si je prends
Trois-Rivières l'an passé, la direction de l'époque a fait
en sorte que tous les finissants s'en aillent de Trois-Rivières. Et on
coupe donc aussi la tête. C'est un petit peu ça, actuellement,
qu'on est en train de faire des conservatoires et par la suite, on leur dira:
Écoutez, maintenant que vous n'avez plus les pieds et la tête,
comment peut-on s'arrimer avec le réseau général de
l'éducation? Ça, c'est la triste réalité dans
laquelle nous sommes.
Ceci dit, conservons les conservatoires, développons ces maisons
de formation professionnelle et, en même temps qu'on accorde cette
reconnaissance et qu'on y injecte ce qui lui est nécessaire en termes de
fonds et de moyens financiers et autres, nous regarderons vraiment de
façon constructive comment on peut s'arrimer, comment on peut vivre avec
les autres réseaux d'éducation. Et ça, c'est possible.
Mais, actuellement, c'est tragique. Parce qu'il y a existence d'un
réseau général d'éducation, je dirais parce qu'il y
a en même temps méconnaissance du réseau des
conservatoires, on est en train d'atrophier et on est en train de tuer de
façon presque irréversible ce réseau-là.
Et nous vous disons, et l'affiche vous le traduit: On a tenté
vraiment, de façon fort simple, avec des noms qui existent, des noms qui
sont là, qui sont dans le métier... Ouvrez le journal
aujourd'hui, ouvrez-le hier, ouvrez-le demain puis vous allez voir des
comédiens, vous allez voir des artistes, vous allez voir des musiciens
professionnels qui sont passés par les conservatoires. Ça parle.
On ne peut pas faire en sorte de se priver de cela.
C'est comme ça d'abord, je pense, qu'il faut le regarder et, par
la suite, on verra vraiment de quelle nature la
complémentarité... même si le terme traduit mal cet
alliage, mais de quelle nature vraiment il pourrait y avoir une impulsion
constructive, une émulation constructive de la présence de ces
différents réseaux.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, on s'entend tous là.
O.K.? On s'entend tous...
M. Perron (Luc): Mais pas sur les moyens.
Mme Frulla-Hébert: ...les conservatoires sont là
pour rester. On s'entend tous. Bon! À partir de là, il faut
travailler ensemble. On peut regarder aussi... On se dit: Parfait, if faut
être efficace, c'est-à-dire efficace dans un sens où il
faut se servir de tous les outils qu'on a, d'une part. Deuxièmement, on
se dit: Bon! Quand on regarde dans l'ensemble - et ça, cest la question
qu'on se pose - est-ce que, d un côté, dans la mesure où le
ministère des Affales culturelles se doit d'être, en fait, un
ministère - on verra plus tard comment on l'appelle - aussi d'influence,
mais de façon horizontale, dans la mesure où on travaille de
très très près avec le ministère de
l'Éducation... Je pense que la preuve a été faite,
ça a été dit, sinon tous les jours,
plusieurs fois par jour, que le développement de la culture passe
d'abord et avant tout aussi par le système de l'éducation. Donc,
dans tout cet ensemble, est-ce que, selon vous - vous y répondez, mais
je veux avoir un peu une explication à ça - le ministère
des Affaires culturelles devrait donner des grandes orientations, finalement,
quant à cet enseignement au développement de la culture et que le
réseau de l'éducation, qui est un réseau habitué au
niveau des opérations, devrait se charger des opérations et,
à ce moment-là, justement, travailler avec les forces vives pour
qu'elles soient complémentaires? Ou encore, est-ce que toute cette
formation-là devrait rester sous le chapeau du ministère des
Affaires culturelles?
M. Perron (Luc): II est évident, Mme la ministre, que la
formation professionnelle, c'est une raison d'être, si vous voulez, entre
autres, du ministère des Affaires culturelles. Je pense qu'on ne peut
pas lui enlever cette mission, à mon sens, qui est fort noble pour le
Québec, d'assumer, comme dans d'autres conservatoires d'État
européens, , cette belle obligation de permettre, via des injections
appropriées, la formation professionnelle musicale et
théâtrale. Je pense que ça va de soi. Il faut, à
partir de votre question... Et je vous réfère au rapport Cholette
de 1976, celui-là, qui justement faisait l'éloge du réseau
conservatorial et qui, en plus de faire l'éloge des conditions justement
qui lui permettaient d'en faire l'éloge, disait que, si on l'arrimait au
réseau général d'éducation, ce serait un
désastre. Et, vraiment, il l'expliquait. Ça fait que je pourrais
ou on pourrait reprendre ultérieurement ces raisons. Je me limite
seulement à une que je juge principale, c'est qu'il ne faut pas
confondre, si je prends le réseau des conservatoires de musique, la
formation musicale et l'éducation musicale. Il ne faut pas confondre la
formation professionnelle musicale et une éducation fort simple. C'est
dans ce sens-là que le concept de la culture aurait peut-être
mérité, je pense, d'être défini par le rapport ou
par la commission Arpin.
Lorsqu'on parle des conservatoires, c'est vraiment le
développement des arts d'interprétation. Nous visons vraiment,
dans les neuf conservatoires, à former des interprètes. Et
ça, ça nous apparaît fondamental et ça crée,
si vous voulez, une spécificité qui caractérise, mais de
façon unique, ce système-là qui n'a aucune parenté
possible actuellement avec le réseau général de
l'éducation. Ça, je pense que c'est important. Que le
ministère des Affaires culturelles en assume, si vous voulez, les
obligations au niveau de son développement,, je trouve que c'est
peut-être une des plus belles raisons d'être de votre
ministère. Dans le rapport Arpin, on l'a dit, écoutez: Le
Québec - nous, on dit le mécénat - ne fera pas vivre les
arts d'interprétation mais, par ailleurs, tout le monde reconnaît
la nécessité culturelle du Québec de faire vivre les arts
d'interprétation. Et vous avez une affiche qui vous le traduit, mais
vraiment sobrement. En ce sens-là, le ministère des Affaires
culturelles ne peut, mais absolument pas, se dérober, ne peut absolument
pas, parce qu'il a des voisins qui sont cossus, le ministère de
l'Éducation et... vos deux ministères. Je pense que, même
si votre ministère occupe encore une petite place dans le monde
politique parmi les élus, je pense que vous, vous pouvez contribuer
à y donner un plus grand espace, une plus grande place. C'est dans ce
sens-là qu'il faut travailler.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, M. Perron, Mmes et MM. les
représentants du Syndicat des professeurs de l'État du
Québec, je vous dirais, en premier lieu, que la réponse de la
ministre quant à votre question, personnellement, ne m'apparaît
pas complète. J'aurais espéré que la réponse
fût plus explicite et je me rattache d'ailleurs à cette citation
que l'on trouve dans votre mémoire, et qui est de Louis Pasteur: "Pour
communiquer le feu sacré, il faut en être plein
soi-même."
La première question que je vous poserais: Est-ce que notre
position à nous est connue quant au réseau des conservatoires
d'art dramatique et de musique au Québec? Quel mandat les conservatoires
doivent-ils avoir dans une politique des arts et de la culture au Québec
et comment peut-on le bonifier, actuellement, ce mandat? (11 heures)
M. Perron (Luc): Au niveau du mandat comme tel dans la politique
des arts et de la culture, c'est évident qu'un des mandats que vous ne
devez pas minimiser pour un Québec, si vous voulez, plein de
maturité, et en étant certain qu'il existe des talents dans
toutes ses régions, c'est vraiment de miser sur une formation
professionnelle à tous les niveaux. En ce sens-là, vous devez
absolument, je veux dire, comme parti, comme gouvernement, faire en sorte que
le Québec ne puisse pas se priver d'institutions ou d'une institution
nationale, les neuf conservatoires via la formation professionnelle
conséquente. Je pense que ça doit être une obligation
politique de toute personne, de tout élu, de toute Assemblée
législative au Québec. Je pense que ça nous apparaît
comme étant évidemment fondamental, c'est-à-dire qu'on ne
peut absolument pas, si vous voulez, laisser à d'autres qu'aux Affaires
culturelles ou laisser à d'autres qu'à l'État, en
l'occurrence, si vous voulez, le devoir d'assumer ses responsabilités
culturelles au niveau du développement des arts d'interprétation.
Nous sommes à même, j'oserais dire, à travers notre
humilité, avec la fiche que nous vous produisons... Nous n'inventons pas
les noms
qui sont là, ce sont des noms qui sont réels. Ce sont tous
des gens, des élèves qui ont déjà été
assis sur (es bancs des conservatoires à une époque ou à
une autre. Le Québec ne peut pas, aujourd'hui, au moment où on se
parle, faire fi de cela. Sans mettre toute notre énergie dans le
passé garant du futur, il reste que, si on veut lire un futur en faisant
abstraction du passé, il me semble que c'est une négation, c'est
une privation, c'est une amputation culturelle qui est totalement
inacceptable.
M. Boulerice: Quoique, dans une réponse
précédente, on se rapprochait un peu de la question, en fait, la
deuxième question que je veux vous poser, je vais quand même
l'énoncer: Comment devrait-on partager les responsabilités entre
les conservatoires et le réseau universitaire institutionnel, mais tout
en respectant la mission particulière des conservatoires de musique et
d'art dramatique?
M. Perron (Luc): Les deux réseaux... La question est
intéressante en tant que telle, mais on doit aller au-delà des
mots qui la composent ou qui la particularisent. On doit vraiment,
au-delà de la question, aller voir c'est quoi, ie réseau
d'éducation, les universités, le type de formation qui y est
donné. Les conservatoires répondent a quels besoins pour le
Québec en termes de formation professionnelle qui y est
dispensée? Je pense qu'on doit être fier et qu'on doit l'afficher
que ce sont deux réseaux qui méritent de vivre. Ce sont deux
réseaux qui méritent possiblement une coordination de
manière plus visible, mais cela, la Loi sur le Conservatoire le permet.
Dans la plate-bande de la formation professionnelle, dans la plate-bande du
développement des arts d'interprétation, La Loi sur le
Conservatoire permet vraiment à une commission d'exister. À ce
moment-là, vous avez un forum qui va permettre à l'ensemble des
intervenants de faire le point là-dessus proprement dit. Alors, en ce
sens-là, il existe. Mais de là à vous dire, aujourd'hui,
dans une vision de futurologue que je ne suis pas, l'harmonie ou
l'harmonisation des deux réseaux qui ne se ressemblent pas, qui ne
répondent pas aux mêmes besoins, aux mêmes prémisses,
qui ne s'articulent pas de la même façon... On les met ensemble,
ça donne quoi? Ça donne une destruction, je pense, de part et
d'autre. Il faut les regarder en termes de développement tels qu'ils
sont.
M. Boulerice: Tels qu'ils sont. Le rapport Arpin a
provoqué, si vous me permettez cette expression un peu
particulière, un krach: Montréal versus régions. Les
régions se sont senties passablement heurtées dans
l'écriture du rapport Arpin, sont intervenues à cette commission
de façon campée. Je pense que rien n'était plus
légitime et je pense que vous devinez un peu le sens de la
troisième question - je vois M.
Tremblay, d'ailleurs, qui me regarde puisqu'on sait qu'il est de
Rimouski - de l'importance des conservatoires comme déclencheurs, si on
peut employer l'expression, de la vie culturelle en région. Votre
portrait à vous?
M. Perron (Luc): J'invite Jean-Louis à vous
répondre à travers ce qui se passe à Rimouski avec la
présence du Conservatoire de Rimouski.
M. Tremblay (Jean-Louis): Merci. Oui, j'enseigne à
Rimouski, j'enseigne également à Chi-coutimi. Je pense qu'il faut
entrevoir les conservatoires de région sous un angle double, soit celui
de la formation, d'une part, très important, et celui de ia diffusion,
d'autre part. Du côté de la formation, il y a d'abord le
recrutement. Il y a des activités de supervision également,
conjointement avec d'autres écoles de musique, et le volet principal, la
formation professionnelle qui, en bout de ligne, donne des musiciens
professionnels. En tant que réseau, les plus récents chiffres
s'accordent à dire que le réseau des conservatoires de musique du
Québec ont formé jusqu'à 90 % des musiciens
professionnels. J'y reviendrai tout à l'heure.
Du côté de la diffusion, les conservatoires de
région sont un instrument privilégié extrêmement
important. Je vous donne quelques exemples. Tous les conservatoires de
région donnent hebdomadairement des concerts étudiants, des
étudiants avancés, des concerts de professeurs. Il y a
également, dans le cadre des activités de diffusion, des classes
de maître. On invite des maîtres de niveau international à
venir prodiguer leur savoir, leurs conseils, non seulement aux
élèves du conservatoire, mais également à toute
personne intéressée. Il y a des ateliers qui sont donnés,
soit par des étudiants avancés ou par des professeurs, à
travers le réseau scolaire, que ce soit au niveau primaire ou au niveau
secondaire, au niveau des cégeps et même au niveau universitaire.
Il y a également des tournées annuelles, des tournées
d'orchestres régionaux qui sont formés à Rimouski, entre
autres, et où on diffuse la musique à travers tout le
Bas-Saint-Laurent, même sur la Côte-Nord.
Si on prend l'exemple aussi des orchestres régionaux, je prends
l'exemple de l'Orchestre de Trois-Rivières, il ne faut pas oublier que
75 % des musiciens qui forment l'Orchestre de Trois-Rivières proviennent
du réseau des conservatoires de musique du Québec et 40 % de ces
musiciens-là émanent directement du Conservatoire de
Trois-Rivières. N'oublions pas que cet orchestre donne de 25 à 30
concerts par année, rejoint entre 20 000 et 30 000 personnes, donne des
matinées symphoniques qui s'adressent à un public très
large qui rejoint environ 4000 élèves des secteurs primaire et
secondaire. Et là, je passe sous silence les activités du
Conservatoire de Chicoutimi et de l'Orchestre du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui
dépend directement des
activités du Conservatoire.
M. Perron (Luc): Les 25 ans qui vont être
fêtés dans la région de Chicoutimi sauront, à leur
juste mesure, rendre vraiment visible le Conservatoire de musique de cette
région-là et son impact.
Mme Blackburn: Pourriez-vous répéter, s'il vous
plaît? Je n'ai pas bien compris.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a
consentement?
Une voix: Elle est membre de la commission
Mme Blackburn: Je suis membre de la commission.
Le Président (M. Doyon): La députée de
Chicoutimi. Oui, oui, bien sûr. Excusez-moi.
M. Perron (Luc): Ils vont fêter les 25 ans, l'année
prochaine. Alors, la belle région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sera
à même d'apprécier vraiment le rayonnement du
Conservatoire.
M. Boulerice: Surtout la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui. Je suis députée de Chicoutimi.
Je connais assez bien le fonctionnement, la performance, j'allais dire, de
l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean et son étroite
collaboration avec le Conservatoire. Il s'est établi là un mode
de fonctionnement remarquable. Pour nous, ça constitue dans notre
région un acquis incontestable. Lorsqu'on parle de la région et
de son attrait, on n'oublie jamais de parler, évidemment, de la
présence chez nous du Conservatoire de musique et d'un orchestre
symphonique parce que les gens ne vivent pas que de pain et de jeux, ils vivent
aussi de culture. Ils devraient davantage vivre de culture!
La question que je me posais... Je connais bien la performance et les
rapports étroits entre l'Orchestre symphonique chez nous et le
Conservatoire. Est-ce que c'est généralement la même
situation qu'on retrouve dans toutes les régions du Québec
où il y a un conservatoire?
M. Perron (Luc): Non, pas vraiment. Vous avez Rimouski, par
exemple, où, au début des années quatre-vingt, vous aviez
un orchestre symphonique qui, compte tenu de la fermeture de classes, compte
tenu de mesures administratives qui ne favorisent pas, justement, l'ouverture
de classes, il y a des faux contingentements, des fausses mesures, c'est
affreux, et, à ce moment-là, il manque des instruments qui leur
sont nécessaires. Trois-Rivières est un très bon exemple.
Je pense que Jean-Louis vient de vous le mentionner, et c'est bien traduit.
À Hull, ça reste à faire. Je pense qu'il y a beaucoup
d'interventions qui devraient être stimulées en ce sens-là.
À Val-d'Or, vous avez une présence qui est très dynamique,
compte tenu de ce qui peut se passer en termes d'activités culturelles
dans la région.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il en va un peu des initiatives des
directeurs de musée? Ou est-ce qu'il y a des empêchements
même liés à la mission des conservatoires?
M. Perron (Luc): Je vous donne un exemple bien
précis...
Mme Blackburn: Budget, vous me dites oui, mais...
M. Perron (Luc): Je vous donne un exemple bien précis.
À Trois-Rivière, par exemple, vous aviez une direction qui a
été changée, ces derniers mois. Sur la fin de cette
dernière direction, le conservatoire était devenu quasiment
invisible, sauf les gens qui se présentaient au centre culturel pour
auditionner le concert de l'orchestre symphonique. Actuellement, il y a eu un
changement de cap important et déjà, malgré des budgets
qui n'ont pas été à la hausse, vous avez une
visibilité à la télévision. C'est-à-dire que
chaque foyer, maintenant, sait qu'il y a des concerts le mercredi soir,
à Trois-Rivières. Et cela, ça se fait compte tenu que vous
avez une direction qui parle et qui agit pour cette maison de formation. Et
ça, ça manque. Ça prendrait vraiment un courant à
l'échelle de tous les conservatoires pour rendre visible la
réussite de cela. Il y avait des pochettes au niveau des finissants et
finissantes des conservatoires, mais qui n'existaient que pour deux
conservatoires seulement: Québec et Rimouski; ça n'existait pas
pour les autres. Il y a un manque d'investissement qui est vraiment chronique.
Je n'ose pas aller sur les préjugés, mais, vous savez, des fois,
c'est toujours plus beau ailleurs. Quand on fait de belles réussites
chez soi, on dirait qu'on a de la gêne à le mentionner.
Chicoutimi, je vais y aller encore vendredi cette semaine rencontrer mes
collègues et je ne sens aucunement cela là-bas. Je pense que
c'est comme ça qu'on devrait agir. Lorsqu'on fait une réussite,
lorsqu'on contribue à une réussite, on devrait en être fier
et on devrait l'exposer. Actuellement, vous n'avez pas cela dans toutes les
régions où il existe un conservatoire, malheureusement.
Mme Blackburn: On parle beaucoup d'économie,
d'économie d'échelle, comment réduire la taille de
l'État. Je me permets de le dire tout de suite, ça ne vient pas
de la ministre, évidemment, mais, comme le rappelait mon
collègue, il n'en demeure pas moins que lancer de tels propos de la part
du comité Poulin, ça laisse toujours quelque chose. Comme on veut
toujours
parier en termes économiques, pourriez-vous nous donner un
aperçu de ce que représente le budget de l'Orchestre symphonique
de Trois-Rivières? Combien de personnes travaillent et gagnent leur vie
autour des écoles de musique et des conservatoires de musique? Parce que
ce sont des revenus. On a toujours l'impression qu'il n'y a que des
dépenses là-dedans et qu'il n'y a pas de revenus. Alors,
j'aimerais savoir ça.
M. Perron (Luc): L'Orchestre symphonique de
Trois-Rivières, par exemple, je sais que ça regroupe une
soixantaine de personnes. De là à vous donner des chiffres
vraiment précis sur le coût de pareilles activités
artistiques, je ne serais pas capable de...
Mme Blackburn: Je sais que l'Orchestre symphonique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean a une quarantaine de musiciens qui ne gagnent pas leur
vie exclusivement à l'Orchestre symphonique, mais qui travaillent, qui
jouent aussi pour le quatuor Alcan, pour l'orchestre de chambre, pour... Il y a
un autre orchestre aussi qui a été formé
d'étudiants. Mais on estime qu'il y a une quarantaine de personnes qui,
bon an mal an, gagnent leur vie, à la fois en travaillant dans les
écoles de musique, au conservatoire et à l'orchestre. Ça
représente quand même un marché du travail, des emplois qui
sont importants dans nos régions. C'est pour ça que je me
demandais si vous aviez les mêmes... On peut penser que
Trois-Rivières, c'est de l'ordre de 60 personnes.
M. Perron (Luc): Dans l'orchestre, c'est une soixantaine de
personnes. Tantôt, Jean-Louis a mentionné qu'il y en avait 75 %
qui venaient du réseau des conservatoires et 40 % qui venaient des
musiciens professionnels formés dans la région de
Trois-Rivières. Mais la réponse la plus intéressante que
je peux vous mentionner là-dedans - et elle paraît dans le
mémoire aussi, Jean-Louis l'a aussi mentionné - c'est que
l'ensemble de nos finissants, si vous voulez, se trouvent un travail lorsqu'ils
se rendent au sommet, lorsqu'on arrive vraiment au niveau du quatrième
cycle, lorsqu'on parle des conservatoires de musique. Ou lorsqu'ils arrivent
d'un conservatoire d'art dramatique, après ces trois ans, comme
comédiens ou comédiennes ils se trouvent une place dans le
marché artistique. Et ça, c'est excessivement intéressant.
On serait à même de vous fournir des statistiques que nous sommes
malheureusement en train de confectionner à partir de vraies
données, bien sûr. Quand je dis "malheureusement", c'est que ce
n'est pas à nous de le faire, ce serait plutôt à la
gestion. Ce serait un volet de la gestion fort intéressant. Nous sommes
à même de vous dire actuellement, avec ce que nous avons en main,
que les finissants de nos maisons de formation professionnelle, si vous voulez,
trouvent un emploi dans leur domaine. Ça, c'est excessivement
intéressant et valorisant.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Perron. Un mot de
remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerîce: M. Perron, mesdames et messieurs, bien
entendu il y a d'autres questions qu'on aurait aimé vous poser. Les
municipalités, comme le faisait remarquer tantôt ma
collègue, bénéficient beaucoup de la présence des
conservatoires et des activités qu'ils génèrent, toujours
en termes de recettes, parce que c'est vrai que le débat est
vicié. La culture n'est pas une dépense, la culture, c'est
également des revenus, des investissements qui sont intéressants
pour le Québec.
J'aurais aimé poser une question aussi à Mme Campos,
puisque les conservatoires sont des lieux privilégiés de
convergence au niveau de toutes les composantes de la société
québécoise. Je pense que c'est porteur d'avenir, ces
conservatoires-là, au niveau de l'identification d'un Québec.
Mais, malheureusement, c'est tout le temps qu'on a.
Donc, je vais vous remercier pour votre présence à cette
commission et l'extraordinaire qualité de votre mémoire, en vous
rappelant que les conservatoires sont, et seront.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. Perron, à vous tous,
effectivement, on aurait pu continuer de parler longtemps. Vous m'avez dit: On
va vous donner une définition de la culture. Je vais vous dire que, dans
tout l'exercice, je pense que c'est ce qui va être le plus difficile
parce que, bon, il y a le sens étymologique, il y a le sens large, le
sens plus restreint. Alors, ça sera une discussion du futur, mais, chose
certaine, on va arrêter de perdre de l'énergie à savoir si,
oui ou non, on existe. On arrête de perdre de l'énergie. On va
mettre notre énergie à savoir maintenant comment on peut
travailler en plus grande complémentarité et comment, nous, on
peut vous aider aussi à travailler en plus grande
complémentarité, de sorte que les conservatoires en soi sont et
demeureront, et pour longtemps, des institutions qui prônent l'excellence
et qui visent justement à ce que leurs étudiants sortent et aient
la formation que l'État se doit aussi de leur donner. Alors, à
partir de maintenant, c'est là qu'on va mettre notre énergie. Je
vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au
nom des membres de la commission, je vous remercie d'avoir passé cette
heure avec nous, vous permettant de maintenant céder la place à
notre prochain invité, M. Fernand Dumont.
Je pense que M. Dumont est arrivé. Je suspends les travaux pour
une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 20)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'inviterais M. Dumont à bien vouloir prendre place en avant pour
que nous puissions continuer. C'est avec beaucoup de plaisir que je souhaite la
bienvenue au professeur Dumont, dont j'ai été un étudiant,
en passant. Je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux de
l'avoir parmi nous. Je sais qu'il a été contacté pour les
explications que nous lui devions sur l'imbroglio de la semaine
dernière. Donc, lui souhaitant la bienvenue, je lui indique qu'il
dispose de 10 ou 15 minutes pour nous faire part de ses remarques, de son
propos. Les membres de la commission vont l'écouter attentivement et,
après, ils vont s'entretenir avec lui pour le temps qu'il nous restera
sur les 40, 45 minutes qui nous sont réservées. Alors, professeur
Dumont, en vous souhaitant la bienvenue, vous avez la parole.
M. Fernand Dumont
M. Dumont (Fernand): Dans cet exposé préalable, je
me contenterai de résumer surtout, et à très grands
traits, les principaux points du mémoire que j'ai soumis à la
commission.
Dans ce mémoire, je ne me suis pas attardé aux
problèmes de financement et de gestion. J'ai cependant inscrit sur ce
point deux remarques. Je vais résumer très brièvement.
Premièrement, dans le rapport Arpin, on propose de confier au
ministère des responsabilités très considérables,
c'est le moins qu'on puisse dire, je crois. Comment - c'est la question qui
vient tout de suite à l'esprit - allons-nous réunir en une sorte
de temps record l'équipe considérable de gestionnaires qu'il
faudrait pour mettre en oeuvre un pareil plan de travail?
Autre remarque dans le même sens au sujet du conseil consultatif
qui est proposé dans le rapport. Je me suis permis de souligner qu'il
existe déjà beaucoup de ces conseils consultatifs: sur
l'éducation, sur les universités - enfin, je ne ferai pas toute
l'énumération; elle est considérable - en remarquant qu'en
général ces conseils qui, souvent, travaillent très
bien... Sur l'éducation, par exemple, le conseil a publié
régulièrement un certain nombre de rapports très
étoffés, très intéressants. Je les collectionne
d'habitude, mais la portée politique des travaux de ces commissions me
paraît assez mince. On a parfois l'impression que beaucoup de ces
conseils existent un peu comme, pour ainsi dire, adjuvants à des
politiques qui sont rarement mises en oeuvre.
Deuxième remarque sur le support à la création, je
ne me suis pas attardé là-dessus parce que j'ai pensé que
d'autres sont beaucoup plus compétents que moi pour en traiter. J'ai
quand même remarqué que le support à la création ne
consiste pas simplement à distribuer des subventions, mais à
créer des institutions où peuvent oeuvrer les créateurs ou
les chercheurs, puisque les deux occupations se ressemblent. Je me permets de
souligner à nouveau que c'est un point, à mon sens, très
important. Depuis la dernière Guerre mondiale, beaucoup de ces
institutions ont été créées. On pense à
l'expansion de Radio-Canada, on pense à l'Office national du film, on
pense à d'autres institutions du même genre où beaucoup de
créateurs québécois ont pu oeuvrer. Ça, ce n'est
pas simplement une question de subventions. Je crois qu'aujourd'hui encore il
faut se poser la question, à savoir si, pour les jeunes
créateurs, il existe des situations semblables, des institutions qui
pourraient ainsi favoriser leur travail.
Mais j'en arrive à ce qui, je pense, constitue l'essentiel de mon
mémoire. J'ai voulu insister sur le rapport entre la création et
la nécessité de favoriser l'accès à la culture.
Dans le rapport Arpin, on parle de l'accès à la culture. Le
chapitre 2, par exemple, est consacré tout entier à cette
question, mais il me semble que le propos est beaucoup trop optimiste sur ce
point. Par exemple, on fait une sorte de rapport obligé entre la hausse
de la scolarisation depuis plusieurs années et la hausse du niveau de
vie - il aurait fallu dire le niveau de vie pour un certain nombre de
personnes, bien entendu - et puis une espèce de conséquence
obligée quant à la hausse des pratiques culturelles. Je n'aime
pas beaucoup l'expression "pratique culturelle", mais on la trouve dans le
rapport et je vais l'utiliser telle quelle.
Or, dans le rapport, où on cite peu, à mon avis, de
renseignements un peu précis sur la situation actuelle de l'accès
à la culture de notre population, on souligne quand même, par
exemple, que 60 % des Québécois ne vont jamais aux concerts, au
théâtre, au musée. Le taux de fréquentation des
bibliothèques publiques n'a pas bougé de 1983 à 1989. Il
me semble que ça devrait susciter de sérieuses
inquiétudes. J'ai mentionné aussi d'autres indices. Ils sont
connus de tout le monde. La situation catastrophique de la fréquentation
scolaire: 40 % des jeunes qui ne terminent même pas le secondaire; 40 %
qui ne terminent pas le cégep; 50 % probablement qui ne terminent pas
l'université. L'état où se trouve l'apprentissage du
français. Ai-je besoin de souligner au passage que l'apprentissage du
français, ce n'est pas seulement l'apprentissage de l'orthographe? Je
parle, cette fois-ci, en tant que professeur. C'est aussi l'apprentissage de la
lecture et l'apprentissage de la compréhension des textes, chose, me
semble-t-il, essentielle pour accéder à la culture, quelle
qu'elle soit. J'aurais pu aussi insister sur le fait que, sans
doute, dans la formation des jeunes, on arrête beaucoup trop
tôt l'accès à des matières proprement culturelles.
J'aurais pu insister, je ne l'ai pas fait parce que je sais que c'est revenu
très souvent devant la commission, sur la régionalisation, la
carence d'une politique culturelle régionale.
Je me suis donc attardé beaucoup à l'éducation en
pensant que - et c'est une sorte de lieu commun, me semble-t-il - on peut bien,
d'un côté, encourager la création, ce qu'il faut faire,
bien entendu, mais il faut aussi veiller - et je m'excuse de parler en termes
de marchand de tapis - à la clientèle. On pourrait aboutir,
à la limite - ça se voit dans certains pays - à une sorte
de juxtaposition entre une sorte d'élite intellectuelle - j'en parle
sans remords puisque j'en fais partie - et, d'autre part, une population de
moins en moins scolarisée qui n'aurait pas de véritable
accès à la culture, malgré ce que les statistiques,
apparemment, nous disent du progrès de la scolarisation. Donc, j'ai cru
qu'il était important d'insister là-dessus et que ça
concernait aussi cette commission sur la culture, d'autant plus que le rapport
Arpin insiste, avec raison, sur le fait que, si nous voulons avoir une
véritable politique de la culture, il ne faudrait pas commencer par
cloisonner le ministère des Affaires culturelles par rapport à
des questions, par rapport à des projets qui sont intimement liés
comme ceux, par exemple, qui concernent l'éducation.
Pour terminer, je me suis permis de marquer ce que j'appelle la
nécessité d'une nouvelle étape. Je constate comme tout le
monde, surtout depuis la dernière Guerre mondiale, une extraordinaire
floraison de la création dans tous les domaines. Nous avons, je pense,
des écrivains de stature internationale, des chercheurs aussi, des
artistes, des interprètes. Tout ça, je pense, est
extrêmement réjouissant. Nous devons nous demander maintenant,
sans négliger, bien sûr, le support que nous devons accorder
à la création, si la culture a vraiment connu une expansion dans
l'ensemble de notre population.
Pour finir mon mémoire, je me suis permis quelques allusions
à nos débats constitutionnels. Je ne les reprendrai pas ici. Je
formulerai simplement deux questions et je vais terminer là-dessus. Le
rapport Arpin propose de récupérer en entier la maîtrise
d'oeuvre sur la politique culturelle du Québec. Première
question: Peut-on isoler cette récupération de celle des autres
secteurs? Deuxièmement: Si nous ne récupérons pas les
ressources en cause, à quoi sert-il de proposer une politique aux
ramifications considérables sans avoir, par ailleurs, les moyens de la
poursuivre? (11 h 30)
Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé,
M. Dumont?
M. Dumont: Oui.
Le Président (M. Gobé): Merci. Je rappellerai aux
membres de la commission que les manifestations ne sont pas de mise dans une
commission parlementaire. Mme la ministre.
M. Boulerice: Ne sont pas autorisées. C'est bien
différent!
Le Président (M. Gobé): J'ai voulu faire preuve de
délicatesse en leur faisant savoir. En effet, elles ne sont ni de mise
ni autorisées. Je crois que les gens avaient compris ce que je voulais
dire. Merci de cette précision, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, professeur. C'est un honneur
pour nous de vous recevoir, d'une part, surtout que vous êtes finalement,
le dernier intervenant, donc celui qui, en quelque sorte, met au niveau des
intervenants le point final de cette commission.
Vous savez, on a beaucoup parlé, vous y touchez d'ailleurs, du
mariage culture et éducation. Le constat, c'est qu'il y a un consensus,
dans un certain sens, où l'un ne va pas sans l'autre. Vous en parliez.
Vous dites que tous les intervenants reconnaissent l'urgence d'une politique
culturelle pour le Québec. Par contre, vous préconisez aussi que
cette politique devrait s'arrimer avec une politique de l'éducation.
Selon vos constats, dans l'immédiat, quels seraient les moyens que vous
privilégeriez, si on veut, pour décloisonner les deux, pour que
l'on marche vraiment main dans la main et que ça aille de pair?
M. Dumont: Évidemment, je n'entrerai pas dans ce qui
pourrait être des aménagements de l'administration publique.
J'avoue être tout à fait incompétent dans ce secteur. Nous
savons qu'il y a eu des tentatives. Par exemple, il y a un certain nombre
d'années, existaient des comités interministériels; il en
existait un sur le développement culturel, par exemple. Est-ce que
ça a été vraiment efficace? Je n'en sais trop rien, mais,
enfin, il faut trouver, je pense, des formules concrètes de ce genre.
Mais, ça, je ne me fais pas d'illusions sur la complexité des
administrations et des bureaucraties.
Ce sur quoi, dans le sens de votre question, iJ faut insister, c'est que
- et c'est peut-être un lieu commun - il n'y a pas une politique
culturelle. Il y a des politiques culturelles qui sont, au fond,
extrêmement différentes et qui relèvent de critères
assez différents les uns des autres. Par exemple, il me semble que, sans
faire de théorie, on peut dire qu'il y a deux pôles des politiques
culturelles: à un pôle - c'est celui sur lequel j'ai
insisté - se pose la question de la diffusion de la culture. Là,
vous avez des choses aussi disparates que les bibliothèques publiques,
la vulgarisation scientifique, les musées, le pa-
trimoine, etc. Ça pose des problèmes d'infrastructures, je
dirais de régionalisation, bien entendu, et aussi de pédagogie,
en mettant le mot "pédagogie" entre guillemets, si vous voulez. Mais
vous avez là toute une dimension des politiques de la culture qui est
extrêmement proche, si je ne me trompe, de ce qui concerne
l'éducation, à moins que l'on ne conçoive
l'éducation - et ça m'apparaît être une sorte de
préjugé entretenu en Occident et pas seulement ici - à
moins qu'on ne conçoive l'éducation comme cette espèce de
période de la vie durant laquelle on initie les enfants à un
certain nombre de choses fondamentales, les plus brillants, supposément,
allant plus loin, jusqu'à l'université. Par ailleurs, il y a des
musées, il y a des bibliothèques, etc., qui n'auraient aucun
rapport avec cette scolarisation.
C'est la jonction entre les deux qu'il faut faire. Autrement dit, il y a
là une espèce de vaste terrain pédagogique pour lequel il
faut une collaboration extrêmement étroite entre ce que nous
faisons traditionnellement sous le nom de l'éducation et ce que nous
faisons aussi, moins traditionnellement, mais c'est déjà presque
de la routine, sous le nom de la diffusion de la culture.
Alors, vous avez là toute une dimension, me semble-t-il, des
politiques culturelles qui est extrêmement proche de ce qu'un
ministère de l'Éducation doit faire, de ce que les instituteurs,
les professeurs comme moi doivent faire. Il faut trouver cette
jonction-là. Ce doit être possible, me semble-t-il, de briser un
peu les frontières d'administration ou de compétence
officielle.
Vous avez, par ailleurs, un tout autre vecteur, je dirais, des
politiques culturelles qui a, bien sûr, à faire avec ce
premier-là, mais qui est, au fond, d'une autre nature, qui est l'aide
à la création, la subvention de la création, l'entretien
d'un certain nombre d'institutions: théâtres, musées, etc.
Il y a, bien sûr, des rapports entre les deux, mais il faut commencer par
reconnaître qu'il s'agit là, pour ainsi dire, de deux intentions
qui doivent être également respectées.
Quand on pense à un ministère des Affaires culturelles,
malheureusement - et je parle en profane, de l'extérieur - on a un peu
l'impression que le patrimoine, l'aide à la création, la
subvention pour les films, les bibliothèques, tout ça est un
petit peu mêlé et, sans doute, fait partie de services
différents. Mais si on veut faire une politique de la culture, il faut
commencer d'abord par consentir à ce qu'il y ait des politiques de la
culture et à mettre un peu d'ordre là-dedans. Remarquez que je
parle un peu comme un professeur qui, sans doute, a été un peu
trop amoureux de la logique, mais, la logique, ça peut servir
parfois!
Mme Frulla-Hébert: Professeur Dumont, vous parliez aussi
de la demande culturelle.
M. Dumont: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Vous savez, quand même, on est
garant de notre culture, dans un sens. Vous aviez raison. Dans votre
mémoire, vous dites qu'il faut quand même que les gens voient, que
les gens touchent, et plus on voit, plus on touche, plus on aime, c'est un
cercle vicieux. Selon votre pensée, qu'est-ce qu'on pourrait faire,
justement, pour encourager cette demande? Encore une fois, est-ce que ça
part du système d'éducation, au niveau de la diffusion, rendre
ça plus accessible? Comment fait-on? Il y a aussi des tendances qui sont
positives. Je regarde seulement notre réseau de bibliothèques.
Nos bibliothèques ne sont pas ce qu'elles étaient. On bâtit
maintenant des bibliothèques qui sont des centres socioculturels
où c'est très ouvert. Tous les centres d'interprétation...
Le patrimoine, ce n'est pas des choses qui sont inertes et froides. Maintenant,
il y a des centres d'interprétation qui font, qui expliquent. Comment
fait-on, maintenant, pour continuer dans cette tendance et, justement, essayer
d'améliorer cette demande-là?
M. Dumont: Je pense que la première chose à faire
serait de se rendre compte de la gravité de la situation. Quand
j'insiste là-dessus, je veux dire que nous devrions nous souvenir que ce
que nous avons essayé de faire dans le domaine de l'éducation est
relativement récent. Il ne faut pas s'étonner, d'ailleurs, qu'il
y ait des ratés. On a voulu aller vite parce qu'on est parti de loin.
Or, cette constatation est valable plus généralement pour
l'accès aux bibliothèques, à la musique, au
théâtre, etc. Donc, je pense que ce qu'il faudrait faire, c'est
d'abord avoir ce sentiment de l'urgence et, je dirais, aussi ce sentiment de la
modestie, à savoir que nous n'avons pas encore fait grand-chose. Nous
avons fait notre possible. Nous avons fait la Révolution tranquille,
nous avons fait notre possible, mais nous n'avons pas fait grand-chose!
Je sors un peu, encore une fois, de ce qu'on appelle étroitement
les affaires culturelles, mais regardez simplement la formation
professionnelle. Depuis 1985, nous sommes en train de redescendre en dessous de
niveaux que nous avions atteints auparavant. Il faut avoir ce sentiment,
à mon avis, de l'urgence, de la précarité de ce que nous
avons fait et, par conséquent, aussi la volonté et le goût
de nous engager dans une nouvelle aventure. Ce qui est vrai pour
l'éducation, c'est vrai pour l'accès à la culture.
Je ne suis pas sûr, parce qu'on a parsemé un peu partout
quelques bibliothèques municipales en les ouvrant, pour ainsi dire, au
public, qu'on ait fait notre possible. Là encore, je reprends mon
parallèle avec l'éducation. Quand on pense que, dans certains
milieux... Prenez, par exemple, le décrochage. On dit: Le
décrochage au secon-
daire, c'est autour de 40 %, probablement 36 % ou 37 %. Oui. Mais, dans
certains coins, c'est 70 %; dans d'autres, à Sillery où j'habite,
ça doit être à peu près 10 % ou 12 %. Eh bien, la
fréquentation des bibliothèques, on n'a pas besoin de faire
d'enquête, on sait très bien que c'est comme ça aussi que
ça se pose! C'est évident que, quand ça coûte 35 $
ou 40 $ le billet pour assister à une pièce de
théâtre, on a exclu ainsi une grande partie de la population,
indépendamment du goût qu'elle pourrait théoriquement avoir
pour le théâtre. Donc, quand j'ai dit qu'il y a une question
d'urgence sur ce plan, ne nous consolons pas des quelques statistiques que nous
avons sur les progrès, par exemple, que laissent déceler les taux
de fréquentation scolaire. C'est l'ensemble de notre population qui a
été tenu dans la misère culturelle pendant un
siècle. Nous n'en sortirons pas par des miracles pendant un an ou deux,
à la condition, encore une fois, de conserver le sens de l'aventure, le
sens aussi de l'urgence. Sur ce plan-là, je pense qu'il n'y a pas
simplement à copier ce qui se fait ailleurs, en disant: Nous avons
semé un peu partout des bibliothèques, mais à entreprendre
pour cette culture-ci, dans la situation où elle se trouve, des
initiatives que j'appelle, moi, sans scrupules, pédagogiques. A mon
avis, c'est cet état d'esprit qui manque. Quand on entend des
municipalités nous dire que les premières choses qu'elles vont
sacrifier après le trottoir de gauche pour le déneigement,
ça va être la culture, ça veut dire, encore une fois, qu'il
faut se rendre compte qu'on n'est vraiment pas rendu loin. C'est ce sentiment
d'urgence qu'il faut d'abord retrouver.
Mme Frulla-Hébert: Sur la même question, professeur,
vous savez, on a reçu la Conférence des évêques, et
eux aussi ont fait un très grand plaidoyer pour l'accessibilité.
Par contre, eux nous disaient quand même que, durant 30 ans, il y a eu
aussi une énorme évolution. Il reste encore beaucoup à
faire au niveau de l'accessibilité. On se rappellera quand même
que le Québécois se battait pour mettre du beurre sur son pain,
il y a 30 ans. Maintenant, on a parié à beaucoup de
municipalités et, encore là, il y a toujours ce
déchirement entre, oui, on va couper le loisir et la culture parce que,
la culture, c'est le luxe. Mais quand on leur pose la question: C'est la
santé d'un peuple, oui ou non? Alors, on choisit quoi? Là, le
discours change. Vous avez raison au niveau de la pédagogie. Ayant
été un observateur de tout ce qui se passe au fil des
années, est-ce qu'il y a, selon vous, des signes encourageants ou si
vous dites: On est au même point qu'avant?
M. Dumont: D'un côté, il y a des signes
encourageants, c'est bien sûr. Quand on pense à la
création, j'en ai parlé tantôt, quand on pense aussi
à ('accès plus aisé au système scolaire, oui. Donc,
on peut citer un certain nombre d'acquis.
Il ne faut pas non plus exagérer dans ce sens-là. Ce sur
quoi j'insistais tout à l'heure, c'est sur le fait que ces
réussites qui sont incontestables peuvent nous masquer des
problèmes de fond. Vous reparliez, il y a un instant, de ce qui se passe
dans les municipalités. Ce n'est pas étonnant. Ça ne sert
à rien de faire de grands éclats à savoir que nos
élus municipaux, à Saint-Onésiphore, n'accordent pas la
priorité à la culture, mais ils doivent être, j'imagine, de
mon âge. Moi, quand j'étudiais à Montmorency, tout
près d'ici, l'école se terminait en neuvième année.
Les commissaires d'écoles, je pense, sauf quelques-uns, ne savaient
même pas lire. On ne pouvait quand même pas leur demander d'avoir
une espèce d'obsession pour la culture. Encore une fois, il faut se
souvenir d'où nous venons. Nous venons d'extrêmement loin. Le
chemin que nous avons parcouru n'est pas aussi long qu'on le dit. Donc, il nous
reste encore beaucoup de choses à faire. Et moi, je répète
ça, c'est une sorte de leitmotiv, c'est que notre société
risque d'être à nouveau bloquée, en se rassurant sur un
certain nombre de progrès qui, encore une fois, sont très
relatifs. On se rend compte qu'ils sont relatifs quand, justement, on se heurte
à des obstacles comme ceux que vous signalez.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
vais maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Professeur Dumont, très heureux de vous
accueillir en cette commission. Je pense que ce n'est pas faire injure à
qui que ce soit et, surtout, à ceux qui vous ont
précédé que de dire que cette commission n'aurait pas
été complète sans votre présence, puisque vous
êtes un intellectuel célébré dans notre pays et,
également, dans l'ensemble de la francophonie. Vous avez
été président de l'Institut québécois de
recherche sur la culture, un organisme extrêmement prestigieux et qui a
fait un travail considérable au niveau du Québec. (11 h 45)
Vous me permettrez de déplorer ce qui est arrivé à
cet institut, d'être profondément attristé. Vous
comprendrez que ce n'est pas nous qui avons pris cette décision, mais
qu'un jour aussi, bien des choses devront être reprises, malheureusement,
dans ce Québec. Mais, là-dessus, ce sera un bonheur de lui
redonner la place qu'il avait. Donc, je ne vous parlerai pas de l'observatoire
dont le rapport Arpin parle. L'observatoire, on l'avait, c'était l'IQRC.
Professeur, on a refait un peu le débat à cette commission entre
Athènes et Rome. On a beaucoup parlé des modèles
français et britannique comme instruments d'intervention et de soutien
de l'État à l'égard de la culture. Alors, la question que
je vous poserai est au-delà de Rome et d'Athènes ou de Londres et
de Paris: Quel devrait être le modèle québécois et
quel devrait être le rôle du ministère des Affaires
culturelles à cet égard?
M. Dumont: Je disais un petit peu, en terminant mon exposé
tout à l'heure, que je crois que, dans le rapport Arpin, parmi la
multitude des propositions qu'on y retrouve, on trouve des suggestions qui
sont, d'ailleurs, très intéressantes. Je n'ai peut-être pas
suffisamment insisté sur le fait que ce rapport m'est apparu, à
moi, comme un bon point de départ de travail. Je le dis dans mon
mémoire. J'aurais dû le répéter oralement.
Je reviens à ce que j'allais dire. Dans ce rapport, il y a donc
un nombre très considérable de propositions. Il y en a une
où il est question, peut-être parce que c'est à la mode,
d'une récupération totale des pouvoirs du Québec en
matière de culture. Eh bien, à mon sens, ce n'est pas une
proposition parmi d'autres. Ce n'est pas une proposition parmi d'autres et je
dis ça, je pense, d'une manière tout à fait objective et,
je dirais, tout à fait logique. Ou bien cette récupération
totale va s'effectuer ou bien la multitude de propositions que contient ce
rapport devient inutile. Ce n'est pas possible, à mon avis,
d'entreprendre une politique culturelle de l'ampleur décrite dans ce
rapport avec les moyens dont nous disposons actuellement. Alors, c'est l'un ou
c'est l'autre. Par conséquent, la réponse à votre
question, d'une certaine manière, est extrêmement simple: Ou bien
nous entreprenons une véritable politique culturelle comme celle qui est
décrite dans le rapport, en la modifiant, sans doute, à la
lumière des multiples suggestions qui ont été faites
à cette commission, ou bien nous nous contentons de faire une
espèce de dépoussiérage de notre politique culturelle
actuelle, de faire notre possible avec les moyens que nous avons et, à
ce moment-là, ce rapport risque d'être une espèce d'alibi
purement, je dirais, verbal et nous aurions, à ce moment-là, ce
matin comme d'autres jours auparavant, causé aimablement de l'avenir de
notre culture. Voilà, je pense, ce qui est l'essentiel.
Mais il y a un autre point que je voudrais souligner et qui me
paraît important et qui se dégage, me semble-t-il, de ce qu'on a
entendu à cette commission, d'après, du moins, ce que j'en ai lu
dans les journaux. C'est que - et je vais jouer encore le pessimiste, si vous
voulez - ma foi, on n'est même pas sûr qu'il est légitime
que nous ayons une politique culturelle. Il me semble que plusieurs
intervenants ont fait allusion à ça. Il y avait des articles,
d'ailleurs, dans Le Devoir, hier, qui insistaient là-dessus. Il
semble que ce n'est pas légitime que nous ayons une politique
culturelle. Plusieurs ont insisté sur le fait qu'il faut faire attention
à l'État, la liberté, la souveraineté de la
création. Moi, j'appartiens à une université où 97
% du budget vient probablement de l'État et personne ne m'a encore
dicté les cours que je dois donner ni les livres que j'écris. Par
conséquent, je soupçonne qu'il y a, derrière ça,
autre chose. Il y a, derrière ça, autre chose et ça sort,
parfois, dans des propos que vous avez entendus ici et qu'on lit ailleurs,
à savoir que faire une politique culturelle au Québec, c'est se
fonder sur une sorte de nationalisme étroit. Nous voudrions faire une
espèce de culture à nous autres qui serait marquée de nos
traits ethniques de je ne sais trop quoi, alors que tous les pays du monde ont
une politique culturelle, à commencer par Ottawa. Quand c'est Ottawa ou
la Finlande ou la France ou les États-Unis - parce que les
États-Unis ont aussi une politique culturelle - il semble que,
là, ce n'est plus dangereux. Il semble que l'Etat est tout à fait
gentil, distant, respectueux, mais lorsque nous, ici, nous pensons à
faire une politique culturelle qui nous convienne, là, la menace de je
ne sais quel spectre nationaliste est là.
Je pense qu'il ne faut pas oublier ça parce que, si vous me
permettez de vous le dire, vous allez rencontrer cet obstacle-là comme
l'obstacle premier. Il n'en est pas question dans le rapport, mais ça
suinte de partout. Avons-nous le droit tout simplement, avant d'en faire une,
avons-nous le droit à la légitimité de faire une politique
culturelle? Voilà, me semble-t-il, la question première. Encore
une fois, à lire certains articles, l'État nous menace de toutes
parts, il faut se délivrer de ce monstre terrible. Mais c'est
drôle, il s'agit toujours de l'État québécois.
Est-ce à dire que l'État fédéral, lui, appartient
à une autre espèce?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Et d'une souplesse exemplaire, effectivement, alors
que, professeur Dumont, vous me permettrez de vous le rappeler, les attaques
les plus acerbes face aux politiques du ministère fédéral
des Communications, etc., sont venues de nos compatriotes
québécois anglophones. Professeur, vous insistez beaucoup - et je
me dis: Pourquoi tant? - sur l'importance des liens entre culture et
éducation.
M. Dumont: Je ne sais pas si vous voulez que je reprenne
cette...
M. Boulerice: Oui, parce qu'elle m'apparait très
importante.
M. Dumont: Mais j'ai peur de me répéter, en ce sens
que, disons, je vais dire autrement ce que je disais tantôt. C'est
impossible que nous ayons, de la part de la population adulte, un accès
largement répandu aux oeuvres de culture si le démarrage n'a pas
été fait, pour ainsi dire, au niveau de l'éducation. S'il
n'y a pas, par conséquent, une sorte de concertation entre ces deux
entreprises. Deuxièmement, ce n'est pas possible non plus si on
considère que la pédagogie, ça doit rester enfermé
dans les écoles et
qu'elle ne peut pas se diffuser, pour ainsi dire, plus largement et par
toutes sortes de moyens dans l'ensemble de fa population. Cela résume
à peu près, si vous voulez, je dirais, l'obsession centrale qui a
présidé à la rédaction de mon bref
mémoire.
M. Boulerice: Merci. Mme la députée...
Mme Blackburn: Oui, M. le Président, avec votre
permission. Bonjour, M. Dumont. C'est avec beaucoup de plaisir que je vous
entends et je vous écouterais sans doute, comme tous mes
collègues ici, à cette commission, longtemps et sans lassitude,
tant il est vrai que vos propos réussissent en peu de mots à
traduire une réalité qui, à certains égards, nous
avait un peu échappé. Votre remarque touchant le droit, selon
certains, du Québec de se doter d'une politique culturelle, il est vrai
que le gouvernement du Québec est souvent perçu comme
étant autoritaire, sclérosant, alors que le gouvernement
canadien, qui a la même politique, semble généreux, ouvert
et compréhensif. Vous avez sans doute raison et ça en portera
sans doute plusieurs à réfléchir sur cet aspect de la
question. Questionner le droit du Québec de se donner une politique
culturelle, c'est questionner son droit à une culture qui lui soit
propre.
Dans votre exposé, tout à l'heure, et dans votre
mémoire, vous avez abordé un certain nombre de questions en
établissant, en questionnant la lecture que fait le rapport Arpin qui
associe étroitement la hausse de scolarité, la hausse des revenus
et la fréquentation des activités culturelles, en disant qu'il
n'y avait pas un rapport aussi étroit que ça. J'aurais
aimé vous entendre davantage là-dessus, à savoir comment
ça se passe dans des pays comparables, à scolarité
équivalente ou à revenus équivalents, et si on a une plus
grande fréquentation.
Deuxième question. Vous établissez un rapport
extrêmement étroit, d'ailleurs que je partage, et avec raison,
entre l'éducation et la , culture, en disant... Vous disiez, à un
moment, qu'on ne devait pas avoir une politique de la culture, mais bien
plusieurs politiques de la culture. Vous dites: Est-ce qu'on peut se contenter
de récupérer le domaine culturel d'Ottawa, les champs de
juridiction en matière culturelle, et ne pas exiger l'argent
également? Qu'en est-il des autres secteurs de compétence
fédérale, partagés ou dans lesquels on a
empiété? Moi, je voulais savoir. Il me semble qu'à la
lecture j'entends qu'on ne peut se donner de véritable politique
culturelle qu'en étroite association avec le secteur de
l'éducation, ce avec quoi je suis d'accord, dans la
récupération - si tant est qu'il y en a encore qui souhaitent
qu'on reste au sein de la Fédération canadienne - des champs de
compétence. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait insister aussi
sur la récupération des communications? Vous avez beaucoup
parlé d'éducation, mais on ne vous a pas beaucoup entendu parler
des communications et de leur importance dans l'établissement d'une
politique culturelle.
M. Dumont: Je vais essayer de répondre brièvement
aux deux questions. Sur le premier point, c'est-à-dire les rapports
entre scolarisation et, disons, ce que le rapport appelle la pratique
culturelle ou, enfin, l'accès à la culture, une première
chose qu'il faut dire, je pense, c'est que le problème se pose dans tous
les pays. Il se pose aussi bien en France, aux États-Unis qu'ici. Donc,
ce n'est pas un problème exceptionnel. Quand, par exemple, en France, on
veut, je ne sais pas, faire accéder presque tout le monde au
baccalauréat, je dis que c'est un peu de la rhétorique, quoi!
Donc, cette différence, cette distance, elle existe. Elle existe, je
dirais, même à l'intérieur des systèmes
d'éducation. Par exemple, le fait qu'il y ait un pourcentage, et il y
aura toujours un pourcentage de jeunes qui ne terminent pas le secondaire,
ça veut dire qu'ils auraient besoin d'accéder à une autre
culture et non pas simplement d'être renvoyés chez eux comme
inaptes à l'éducation.
Donc, le problème de la diffusion de la culture dans l'ensemble
d'une population, qui se fait, d'une part, par l'éducation et, d'autre
part, par d'autres moyens dont les politiques culturelles, cette tension entre
les deux dimensions, elle existe dans tous les pays, mais - je crois que j'y
faisais allusion tout a l'heure - elle est particulièrement vive ici,
étant donné que la poussée de la scolarisation est un
phénomène encore relativement récent et que l'influence de
la scolarisation, je dirais, sur l'ensemble de la culture, ça prend
beaucoup plus de temps que la durée d'une génération.
Autrement dit, les premiers enfants de gens qui n'avaient à peu
près pas d'instruction et qui sont allés à l'école
à partir des années soixante ne seront pas nécessairement
des diffuseurs de culture dans leur milieu. Un certain nombre d'entre eux sont
allés à l'école parce que, comme on disait, selon le
leitmotiv de l'époque, "Qui s'instruit s'enrichit". Ça fait
qu'ils s'enrichissent et ils ne s'occupent pas beaucoup de la culture.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumont: Ça prend du temps avant de créer des
traditions culturelles, c'est-à-dire avant que, dans les familles, dans
beaucoup de familles, on ait le goût de la musique, le goût de la
lecture, une bibliothèque familiale. Là où il n'y a pas de
bibliothèque familiale, ce serait bien curieux que la
Bibliothèque nationale supplée. Bon. Donc, ça prend du
temps avant que se créent des traditions de diffusion de la culture dans
un milieu. Mais, encore une fois, la fonction d'une politique, ce n'est pas de
remplacer ça. Ça, ça se fait presque naturellement dans
le
cours des choses, mais c'est de pousser un peu là-dessus et
d'être conscient que c'est dans la situation dans laquelle nous sommes.
Nous sommes sortis, il n'y a pas longtemps, du bois et, par conséquent,
il faut pousser un peu plus que d'attendre simplement que, par la force des
choses, de génération en génération, la culture se
répande dans notre milieu.
Deuxième question sur la récupération des pouvoirs
nécessaires à une politique culturelle. C'est bien entendu
qu'à moins qu'on ne considère la politique culturelle, ce que
j'ai essayé de contredire depuis le début, comme un secteur
relativement limité et conventionnel de la culture, c'est l'ensemble, au
moins l'ensemble de ce qui touche à la culture qui doit être
récupéré, c'est-à-dire aussi bien les
communications que, bien sûr, ce qui concerne l'éducation. Au
moins récupérer un ensemble un petit peu cohérent et
où les rapports sont extrêmement étroits. Prenons un
exemple qui a dû revenir, j'imagine, assez souvent devant cette
commission, dans un certain nombre de mémoires: la suppression des
stations de Radio-Canada en région. Eh bien, si ce n'est pas une
question de développement culturel, moi, je n'y comprends rien. Et,
curieusement, c'est une question de développement culturel qui comporte
les deux dimensions de politique de la culture dont je parlais tantôt,
c'est-à-dire, d'une part, la diffusion auprès des gens d'une
certaine image de ce qu'ils sont et, d'autre part, l'existence en région
d'un certain nombre de journalistes, de créateurs, d'intellectuels qui
puissent non seulement parler de réalités concrètes, mais
qui puissent aussi vivre en tant que créateurs - je mets le mot entre
guillemets - en dehors de Montréal et de Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dumont. C'est
là, malheureusement, tout le temps qui était alloué,
même dépassé un petit peu. Je vais demander à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques peut-être un mot de
remerciement en terminant.
M. Boulerice: Oui. Professeur Dumont, de nouveau, je vous
remercie pour votre présence et la présentation de votre texte.
Je retiens de votre observation que le modèle le plus acceptable pour le
Québec est en définitive le modèle
québécois. Si, en art et en culture, on peut créer de
façon originale, je pense qu'en art et en culture on peut gérer
de façon aussi originale. Encore faut-il avoir la compétence
constitutionnelle de le faire et les moyens de mettre cela sur pied.
En deuxième lieu, je retiens que, si l'on veut que la culture ait
un sens et une dimension, il faudra revoir également le sens et la
dimension du mot "éducation". Je vous remercie de nouveau, au nom de
l'ensemble de mes collègues, pour votre participation ce matin en guise
de conclusion à nos travaux.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de
remerciement, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Oui, M. Dumont, je me joins à
mon collègue pour non seulement vous remercier - effectivement, on
aurait pu vous écouter encore très longtemps - mais pour vous
dire aussi que je vais continuer à vous harceler pour avoir un peu de
votre pensée. Je tiens à rappeler que j'ai initié cette
commission parlementaire pour apporter des changements et vous confirmez ce
profond besoin de changements. Vous me donnez aussi la flamme et le courage de
pousser, de le faire. Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir conclu en
beauté. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Dumont, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant
vous retirer.
Merci. La commission va maintenant reprendre ses travaux.
Des voix:...
Le Président (M. Gobé): Où est-elle? La
commission est suspendue encore quelques minutes, pour raison d'absence de la
ministre et du critique de l'Opposition.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 5)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien regagner vos places et faire silence afin que la commission
puisse reprendre le cours normal de ses travaux. Le témoignage
précédent, celui de M. Dumont, étant la dernière
présentation de mémoires et d'invités à cette
commission, nous allons donc maintenant passer à l'étape suivante
qui est celle des remarques finales et des conclusions des différents
groupes qui ont participé à cette commission. Alors, nous allons
disposer d'une enveloppe d'environ 45 minutes, qui se répartira de la
façon suivante: 20 minutes approximativement pour l'Opposition, la
même chose pour le côté ministériel, et les 3 ou 4
minutes qui resteront pour que la présidence puisse procéder
à l'ajournement et aux remerciements d'usage lors de cette
commission.
Alors, dès maintenant, je demanderais à M. le critique
officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, de bien vouloir commencer
ses remarques finales. Vous avez (a parole, monsieur.
Conclusions M. André Boulerice
M. Boulerice: Je vous remercie. M. le Président, M. le
vice-président, Mme la ministre, chers collègues de la
commission, Mmes et MM. les représentants des organismes culturels qui
vous retrouvez aujourd'hui en votre Parlement, le rapport Arpin aura
provoqué un débat en profondeur sur les orientations d'une
politique de la culture et des arts pour le Québec. Pour la
première fois depuis 30 ans, c'est-à-dire depuis la
création du ministère des Affaires culturelles, l'ensemble des
milieux concernés, les organismes culturels au premier chef, ont pu
faire valoir leurs attentes à l'égard d'une politique culturelle.
Plus de 260 mémoires ont été déposés au
secrétariat des commissions parlementaires. 180 organismes ou individus
ont été entendus dans fe cadre de cette consultation
générale sur le rapport Arpin. C'est considérable. Cela
témoigne non seulement de la vitalité de notre culture, mais
aussi de l'atttachement de l'ensemble de la société à son
égard.
Les travaux de la commission parlementaire ont permis un dialogue
construct entre les parlementaires et les représentants des milieux
culturels. Ces travaux ont contribué à approfondir la
réflexion initiée par le rapport du groupe Arpin. La suite des
événements appartient donc essentiellement à la ministre
des Affaires culturelles.
Au cours de ces huit semaines de commission parlementaire, un consensus
assez large s'est forgé autour de certains éléments
majeurs d'une politique culturelle. Au coeur de l'identité
québécoise, la culture doit devenir une mission essentielle de
l'État, au même titre que l'économique et le social, comme
le recommande le rapport Arpin. Il y a une certaine urgence à adopter
une politique culturelle avec comme fondement et pivot central le soutien aux
créateurs. Sans création, il ne peut y avoir
d'interprétation, de diffusion, de distribution de produits culturels ou
d'industries culturelles. L'État doit contribuer à la mise en
place d'un environnement propice à la création pour
l'artiste.
Tous conviennent aussi de l'importance d'une plus grande place de la
culture et des arts à l'école. Ceci implique une
nécessaire concertation entre les ministères de
l'Éducation et des Affaires culturelles. Il est primordial, pour
l'avenir de notre culture, de rendre celle-ci contagieuse auprès des
jeunes. C'est en bas âge qu'il faut sensibiliser les jeunes aux diverses
formes d'expression culturelle. Comme tout citoyen, ils doivent
considérer la culture comme une dimension importante de leur
qualité de vie.
Le rapport Arpin a fait fausse route en consacrant Montréal et
Québec comme pôles de développement culturel, tout en
confinant les autres régions dans un rôle de réceptacle. La
création existe et s'exprime dans l'ensemble des régions. Elle
mérite d'être soutenue. À juste titre, les organismes
culturels des régions sont venus en nombre pour réclamer une voix
au chapitre en matière de conception et de gestion des politiques
culturelles. Les régions possèdent une personnalité
culturelle propre qui appelle une intervention adaptée à leur
réalité, à leurs aspirations.
Cela suppose une modulation des programmes d'aide du ministère.
Les normes sur les projets d'équipements culturels peuvent poser des
contraintes importantes en Gaspésie par rapport à
Montréal. Dans l'optique d'une véritable politique de
développement régional, il faut en finir avec les normes mur
à mur au chapitre des, mesures de soutien à la culture. Plusieurs
plaident en faveur d'une nécessaire décentralisation au niveau de
la conception et de la gestion des programmes. Les régions refusent que
Dieu le Père tout-puissant, à Québec, détermine ce
qui est bon pour elles dans le secteur de la culture. Il faut
réfléchir aux structures appropriées de gestion pour
concrétiser cette décentralisation, permettant aux régions
de se donner les moyens d'agir sur le plan culturel.
La nécessité d'établir un nouveau partage des
responsabilités entre le ministère des Affaires culturelles et
les municipalités a fait l'objet d'un large consensus. Partenaires de
plus en plus actifs en matière de soutien à la culture, les
municipalités désirent que ce nouveau partage de
responsabilités fasse l'objet d'une véritable négociation.
Pas question pour elles d'assumer de nouvelles responsabilités en
matière de culture sans transfert des ressources appropriées.
Cette position est tout à fait légitime, et elle s'inscrit dans
le cadre de (a réforme Ryan qui leur a imposé des
responsabilités accrues sans compensation financière.
Face au désengagement progressif du ministère au chapitre
de l'aide au fonctionnement des bibliothèques publiques depuis 1986, et
qu'elles ont dû compenser, les municipalités craignent
d'être à nouveau victimes de délestage. Il est illusoire de
songer à une implication accrue des municipalités, en
matière de culture, sans un contrat culturel s'appuyant sur des
garanties solides, sur le plan de la fiscalité. À cet
égard, le gouvernement devra réfléchir sérieusement
aux conséquences de l'abolition de la taxe sur les divertissements pour
y substituer la TVQ sur les produits culturels. Les municipalités
financent en bonne partie leur effort budgétaire, en matière de
culture, à même les revenus générés par la
taxe sur les divertissements. Cette question est incontournable dans les
négociations qui doivent avoir lieu entre le ministère des
Affaires culturelles et les municipalités, si l'on désire
vraiment établir un nouveau partenariat entre ces deux intervenants
essentiels au soutien et au développement
culturel.
Sur la question cruciale du financement de la culture, il est clair que
l'État québécois, compte tenu de ses
responsabilités particulières, comme seul État
majoritairement francophone sur ce continent anglo-saxon, doit investir
davantage en matière de soutien à la culture. La grande
majorité des organismes culturels doivent composer avec une situation
financière précaire qui hypothèque lourdement leurs
possibilités de développement. Plusieurs d'entre eux subissent un
sous-financement chronique. Le ministère doit apporter rapidement des
correctifs si l'on veut non seulement assurer leur développement mais,
dans bien des cas, tout simplement le maintien de leurs activités.
À cet égard, deux voies proposées par le rapport
Arpin suscitent l'adhésion des organismes culturels, a savoir une
opération de restauration des assises budgétaires des organismes
de création et de diffusion ainsi que l'élargissement de la
formule d'ententes triennales de financement au plus grand nombre d'organismes
et d'institutions possible. Ces mesures permettraient d'enrayer la
détérioration de la santé financière des organismes
culturels. Grâce à ces mesures, les organismes
bénéficieront d'une plus grande stabilité leur permettant
de mieux planifier leurs activités à court et à moyen
terme. Tous s'entendent aussi pour souhaiter que les entreprises et les
individus investissent davantage dans le secteur de la culture. L'État
doit stimuler ces investissements pour accroître et diversifier les
sources de financement des organismes culturels. Pour certains, il faut
privilégier la voie des incitatifs fiscaux alors que d'autres
préconisent la résurrection du fonds d'appariement aboli en
1988.
Il faut toutefois être conscient que le financement privé
ne constitue pas la panacée aux problèmes de financement de
l'ensemble des organismes culturels. Le financement des entreprises n'est pas
désintéressé et n'est pas accessible non plus à
tous les organismes. La recherche de commandites nécessite des
structures et des efforts considérables pour les organismes culturels.
De plus, une participation financière accrue des entreprises et des
individus dans le développement culturel ne doit pas servir de
prétexte ou de caution à un désengagement financier de
l'État comme le souhaitaient les deux ministres qui ont
précédé l'actuelle ministre.
En ce qui concerne spécifiquement les industries culturelles,
l'État doit trouver, en concertation avec la SOGIC - j'ajouterais une
SOGIC renouvelée - et le ministère de l'Industrie, du Commerce et
de la Technologie, des formules assurant une plus grande disponibilité
de capital de risque pour nos industries culturelles. S'il y a un beau risque,
c'est celui de la culture. (12 h 15)
Toujours sur la question du financement des arts, la proposition du
rapport Arpin favorisant des mesures de rationalisation budgétaire pour
mettre fin au saupoudrage a provoqué l'expression de propos fort
divergeants au sein des milieux culturels, particulièrement ceux des
régions. Le rapport Arpin fait fausse route sur cette question. Sans ce
saupoudrage, le Cirque du soleil ne serait peut-être pas devenu ce qu'il
est devenu aujourd'hui, le foisonnement d'activités culturelles en
région non plus, d'ailleurs, et ce, en dépit de la situation
financière difficile de la très grande majorité de nos
organismes culturels. La fin du saupoudrage ne peut que conduire à la
rationalisation budgétaire et au désengagement financier de
l'État à l'endroit de nombreux organismes culturels.
Dans un marché culturel aux possibilités restreintes comme
le nôtre, l'aide de l'État, si modeste soit-elle, doit s'adresser
au plus grand nombre possible d'organismes et de créateurs. La question
du saupoudrage est une fausse prémisse dans le débat sur le
financement et sert de prétexte à une rationalisation
budgétaire comme alternative à une augmentation de l'effort
financier de l'État québécois consacré à la
culture. En préconisant la fin du saupoudrage, il faut se demander si le
rapport Arpin ne répond pas à l'une des conclusions du rapport
Coupet à l'effet qu'il y a trop d'organismes culturels, une autre
prémisse erronée visant à cautionner le
désengagement de l'État.
Un large consensus prévaut au Québec depuis le
début des années soixante sur une forte présence de
l'État dans la vie culturelle. S'ins-pirant du modèle
français, le rapport Arpin propose de faire du ministère de la
culture et des arts le maître d'oeuvre de l'activité culturelle en
renforçant considérablement son mandat par rapport à celui
de l'actuel ministère des Affaires culturelles à partir des
responsabilités suivantes: élaboration des politiques, gestion
des mesures de soutien aux arts, rôle d'expert, rôle d'initiateur,
coordination entre partenaires culturels, instance de recours,
évaluation des politiques et activités culturelles.
Comme corollaire à cette maîtrise d'oeuvre, le rapport
Arpin recommande que les responsabilités culturelles du gouvernement
fédéral sur le territoire québécois fassent l'objet
d'un rapatriement complet avec les fonds correspondants et avec pleine
compensation financière. Les propositions du rapport Arpin sur le
rôle du nouveau ministère de la culture et des arts ainsi que le
rapatriement des responsabilités suscitent la méfiance de
certains organismes culturels. Cette méfiance s'explique essentiellement
par le caractère très interventionniste du ministère
proposé par le rapport Arpin, dans un marché culturel où
l'aide de l'État est incontournable, ainsi que par la crainte que les
sommes rapatriées du gouvernement fédéral ne soient pas
réinjectées dans le soutien à la culture par un
gouvernement qui n'a toujours pas respecté, six ans plus tard,
son engagement solennel de consacrer 1 % du budget de l'État à la
culture.
À aucun moment des travaux de cette commission, la ministre des
Affaires culturelles n'est intervenue pour donner l'assurance que les sommes
rapatriées du fédéral seraient réinjectées
dans la culture. Au contraire, elle a semblé ébranlée par
la méfiance et les inquiétudes des organismes culturels sur la
question du rapatriement. Elle s'en est servi comme prétexte pour
renoncer au rapatriement des responsabilités fédérales en
affirmant que des institutions culturelles fédérales doivent
continuer à exercer leurs activités au Québec. Cette
volte-face constitue un recul par rapport aux revendications constitutionnelles
traditionnelles du Québec, au rapport Allaire et au rapport Arpin. Le
véritable motif du recul de la ministre réside plutôt dans
la fin de non-recevoir des récentes propositions constitutionnelles
fédérales à l'égard du rapatriement au
Québec des responsabilités en matière de culture. Ottawa
entend clairement maintenir les activités de toutes ses institutions
culturelles nationales sur le territoire québécois. Prenant acte
du refus d'Ottawa, le gouvernement québécois baisse pavillon
parce que son parti pris fédéraliste l'amène à
conclure une entente constitutionnelle à tout prix, notamment par une
révision à la baisse de ses revendications.
Pour nous de l'Opposition officielle, le rapatriement des
responsabilités fédérales est incontournable. Sans
structure de pouvoir complète lui permettant de développer, de
financer, de réglementer et d'agir, le Québec ne peut
prétendre à la capacité d'intervention nécessaire
à la mise en oeuvre d'une véritable politique culturelle. Or,
dans le contexte actuel, le Québec est privé de cette
capacité réelle d'agir, particulièrement dans le secteur
des communications. Pour nous, il ne peut y avoir de politique culturelle sans
intégrer le secteur des communications.
Dans l'optique de la souveraineté, le rapatriement devient
inéluctable. À cet égard, nous croyons en une
nécessaire distinction entre la conception de mesures de soutien
à la culture et la gestion des ressources budgétaires qui y
seront consacrées. Il faut s'assurer d'une distance relative entre la
conception et la gestion des politiques de soutien à la culture.
Responsable de la conception des politiques de soutien, le ministère
doit confier la gestion des enveloppes budgétaires en découlant
à un réseau d'organismes subventionnaires dotés d'une
véritable autonomie de fonctionnement respectant le principe du "arm's
length" de façon à ce que le pouvoir politique n'entrave pas la
liberté d'expression des créateurs.
Dans la foulée de la réflexion amorcée par ma
formation politique sur les enjeux d'une politique culturelle, je tiens
à réitérer qu'une telle politique doit avoir comme
finalité d'assurer le développement de l'identité
culturelle de la société québécoise par la mise en
place de conditions favorisant la création artistique, la diffusion des
oeuvres de nos créateurs et l'accès des individus à la
culture d'ici comme d'ailleurs.
Pour concrétiser cette finalité, cinq axes d'intervention
doivent être envisagés: contribuer à l'identité
culturelle du Québec, à son développement et à son
rayonnement sur la scène internationale; soutenir la création et
l'expression artistique; favoriser l'accès des Québécois
et des Québécoises aux oeuvres d'art et aux produits culturels;
appuyer le développement des communications; mettre sur pied une
véritable administration publique et intégrée des arts, de
la culture et des communications. La réflexion de notre parti sur la
définition d'une véritable politique de la culture, des arts et
des communications se poursuivra au cours des prochains mois. Une proposition
de politique sera d'ailleurs soumise à une consultation des milieux
culturels concernés.
En conclusion, comme je le disais au début de mon intervention,
la suite des événements appartient désormais à la
ministre qui aura à rédiger une politique de la culture et des
arts à partir des délibérations de cette commission et des
propositions du rapport Arpin et, ensuite, à la faire adopter par le
Conseil des ministres.
La méfiance des organismes culturels est grande à
l'endroit de son gouvernement qui n'a toujours pas respecté son
engagement, pris il y a six ans, de consacrer 1 % du budget de l'État
à la culture. La présence des représentants de la
Coalition du monde des arts en cette enceinte aujourd'hui constitue un rappel
accablant. Pour établir la crédibilité de son gouvernement
auprès des milieux culturels, la volonté d'agir devra trouver les
moyens d'agir. La ministre devra livrer la marchandise promise. À cet
égard, les crédits qui seront dévolus en mars prochain au
ministère des Affaires culturelles, pour l'exercice financier 1992-1993,
constitueront un indicateur on ne peut plus approprié pour jauger la
volonté du gouvernement de se donner les moyens de faire de la culture
une mission essentielle de l'État.
Nous serons vigilants quant au suivi que le gouvernement entend donner
au rapport Arpin et aux délibérations de cette commission.
Entretemps, des actions urgentes peuvent et doivent être entreprises,
particulièrement au chapitre du soutien aux créateurs, aux
organismes de création et au réseau de bibliothèques
publiques comme intervenants culturels de première ligne. Tous auront
compris que ces dernières lignes sont en quelque sorte un avertissement
renouvelé de ma part à la ministre. Nous ne pourrons jamais
accepter le prétexte, aussi noble soit-il, de l'élaboration
difficile et complexe d'une politique des arts et de la culture pour retarder
des actions concrètes, immédiates afin de corriger des situations
qui ont été dénoncées ici en
commission et qui n'ont pas besoin d'attendre cette politique.
Au moment où le Québec est à la croisée des
chemins, au moment où nous concluons une commission d'une ampleur sans
précédent - je m'en réjouis pleinement - force est de
constater l'absence du premier ministre tout au long de ce débat d'une
importance cruciale pour notre société. À aucun moment, le
premier ministre ne s'est prononcé sur une politique culturelle depuis
le dépôt du rapport Arpin en juin dernier. J'ajouterai, M. le
Président, que ce silence est à la fois indécent, compte
tenu du sujet et des enjeux, et blessant, compte tenu qu'il s'adresse à
ceux qui chantent, jouent, dansent le Québec.
Je remercie les députés membres de cette commission ainsi
que celles et ceux qui sont venus nous rejoindre au fil des débats. Je
remercie également le personnel du secrétariat de cette
commission, les groupes qui se sont présentés ici ainsi que ceux
qui nous ont fait part de leurs préoccupations par leur mémoire,
sans comparaître devant la commission.
Nous avons, je le souhaite, franchi une grande étape avec cette
commission, sous la présidence éclairée du
député de Louis-Hébert, M. Doyon, et également de
la vôtre, M. le député de LaFontaine. Puisque l'on a
appelé Malraux souvent en cette commission, je le citerai: "Le
troisième millénaire sera spirituel ou ne sera pas." Il faut donc
y lire: Le troisième millénaire sera culturel ou ne sera pas. Un
peuple ou une nation accomplit son destin culturel quand tous ses
créateurs participent à l'oeuvre commune en apportant en toute
liberté et en toute dignité leurs témoignages. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je vais maintenant passer
la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles qui, je le
rappelle, a été à l'origine de la tenue de cette
commission. Alors, madame, vous avez le mot de la fin. Il vous reste une
vingtaine de minutes et nous sommes prêts à vous entendre. Vous
avez donc maintenant la parole.
Mme Liza Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président, M. le
vice-président, chers membres de la commission qui ont été
avec nous, certains depuis le début. À vous tous, membres de la
Coalition, dont votre présence constitue pour moi un appui dans
l'étape qui s'engage, je dois vous avouer que je suis émue. On
s'est engagés dans ce processus, processus qui a été long
mais extrêmement riche. La commission parlementaire qui se clôture
aujourd'hui s'inscrit déjà dans l'histoire démocratique du
Québec comme l'une qui aura suscité le plus de participation et
aussi le plus de passion.
En ouvrant le débat sur la culture à tous les publics qui
ont pu ainsi en apprécier à la fois le dynamisme et la
sensibilité, la commission a largement dépassé son mandat
et a rempli sa mission de consultation avec un éclatant succès.
J'ai voulu que le débat soit le plus large possible et que les
intervenants de tous les milieux viennent faire valoir devant nous leur point
de vue avec la plus grande franchise. Nous avons été bien servis.
À ce jour, nous avons entendu 181 témoignages et reçu 264
mémoires, ce qui en fait la deuxième en importance dans
l'histoire du Québec après la commission Bélanger-Campeau.
Nous aurions souhaité, mes collègues et moi, entendre tous les
intervenants, mais nous devons conclure à présent de façon
à pouvoir entreprendre rapidement la prochaine étape. J'ai aussi
la conviction que nous franchissons aujourd'hui une étape historique
car, pour la première fois depuis 30 ans, le milieu culturel,
appuyé par d'autres milieux tels l'éducation, le milieu
socio-économique, le monde municipal, a pu faire entendre sa voix avec
force sur la problématique de son avenir. Nous avons aujourd'hui en
main, avec les 264 mémoires, les principaux éléments pour
élaborer une politique culturelle québécoise.
Là-dessus, j'aimerais dire que l'urgence qui s'est fait jour
à cette commission a été en quelque sorte un appel
général, non pas seulement au gouvernement au pouvoir, mais aussi
à la population et à chacun d'entre nous. On m'a ici
adressé une question qui était en fait une question collective,
une question qu'un ancien ministre des Affaires culturelles, M. Jean-Paul
L'Ailier, a reprise avec beaucoup d'à-propos: Quelle place voulons-nous
donner à la culture dans l'ordre de nos priorités?
Dans le discours du Québec des 30 dernières années,
il n'a jamais fait de doute qu'elle était une priorité absolue
pour notre survie. Dans les faits, la culture est demeurée pour
plusieurs un parent pauvre et nombre d'artistes se sont sentis
abandonnés à eux-mêmes. Au cours des deux derniers mois, de
nombreux artistes sont venus nous transmettre, tantôt leurs attentes,
tantôt leur impatience. Ils sont venus plaider pour une reconnaissance
qu'on ne peut pas leur refuser en tant que société. Ils sont
venus plaider pour que la culture et les arts deviennent une fierté
réelle et contagieuse. (12 h 30)
J'ai été très impressionnée par les
différents visages qu'on a prêtés à la culture. Il
m'a semblé qu'ils tendaient tous vers la recherche d'un sentiment
d'appartenance qu'on ne peut résumer à l'intérieur d'une
seule définition. Des critiques parfois très
sévères ont été formulées sur l'action ou
sur l'inaction des gouvernements. Je m'en félicite, car en initiant
cette commission parlementaire, je réclamais ces critiques afin que
notre projet de politique culturelle soit adapté le plus possible
à une réalité présente et future.
Durant deux mois, on a parlé, entendu parler et fait parler de
culture. La commission a
eu le mérite, dans le cadre d'un exercice démocratique
sans précédent, de jeter un éclairage sur (es femmes et
les hommes qui créent la culture au quotidien. Leur désir
d'être reconnus à part entière et de jouer un rôle
important dans notre société comme créateurs a
été ici exprimé avec force et conviction. À
ceux-ci, je dis: Vous avez été compris. Ces créateurs
n'ont pas manqué de souligner leur longue patience face aux engagements
du gouvernement québécois en matière de culture. Je suis
heureuse de constater que cette patience n'a pas engendré que du
cynisme, mais aussi une grande ferveur face à l'avenir.
En plus de donner la parole aux intervenants du milieu, les nombreux
débats auront permis d'éveiller l'intérêt de tous
les Québécois sur les enjeux de la culture au Québec. On a
souvent répété, à cette tribune, que la culture
était l'affaire de tous. Je suis parfaitement d'accord avec cette
affirmation.
Je puis vous assurer que cette commission historique trouve
déjà un écho dans tous nos milieux. Tous ont convenu que
la culture doit trouver sa place, au même rang que l'économique et
le social. C'est l'un des consensus importants qui s'est dégagé
de cette commission.
Un autre aspect positif de cette commission aura été la
vaste diversité des hommes et des femmes qui se sont
présentés devant nous. En premier lieu, je voudrais souligner
l'apport des créateurs eux-mêmes qui ont interpellé mon
ministère et, à travers lui, le gouvernement, avec une rare
intensité. Il y a ensuite la contribution des élus municipaux qui
a été substantielle et très précieuse pour faire
valoir, entre autres, le point de vue des régions. Je peux
préciser à cet égard que nous poursuivrons nos
échanges à travers la table Québec-municipalités
sous peu.
Je pense également aux représentants des organismes
culturels qui, nombreux, sont venus témoigner de leur expertise et de
leur détermination à travailler pour le développement de
la culture et des arts partout au Québec. Il me faut aussi remercier nos
syndicalistes, nos représentants du milieu de l'éducation, nos
entrepreneurs du secteur privé et aussi les représentants de nos
grandes institutions québécoises qui ont collaboré aux
débats de façon soutenue, et qui ont offert leur collaboration,
pour aider à la mise en oeuvre de la future politique culturelle.
Je tiens à souligner la participation de représentants des
communautés culturelles qui ont mis en évidence la
diversité des cultures au Québec. Par ailleurs, les autochtones
ont témoigné de leur contribution historique à la culture
québécoise et aussi de leur volonté d'être inclus
dans le projet de politique culturelle comme partenaires à part
entière.
La participation des intervenants culturels anglophones a
été importante. Plusieurs nous ont exprimé leur
volonté de partager avec nous leur vision de la culture
québécoise pour l'avenir. On a d'ailleurs dit ici combien la
culture, de par la variété de ses formes d'expression, pouvait
transcender les questions linguistiques pour atteindre l'universel.
De par le nombre et la diversité de ses participants, fa
commission a donné lieu à un brassage d'idées très
enrichissant et même, à l'occasion, très percutant,
sûrement essentiel à l'élaboration d'une politique
culturelle. Je voudrais remercier tous les intervenants qui ont rendu possible
cet exercice démocratique.
Notre milieu culturel a longtemps souhaité un leadership accru du
Québec en la matière. Historiquement, le Québec n'a pas
occupé sa place, son espace. Aujourd'hui, nous faisons face à un
gouvernement fédéral qui a bénéficié de sa
capacité de dépenser pour modifier largement le poids
d'intervention des deux paliers de gouvernement. Ainsi, plusieurs groupes nous
ont exprimé des réserves sur tout projet de rapatriement;
d'autres nous ont fait connaître leur scepticisme face à notre
capacité et même à notre volonté d'agir dans ce
cadre constitutionnel. Cette situation ambiguë est le reflet d'un
héritage de tiraillement, de dédoublement et de chevauchement
entre le Québec et le gouvernement fédéral. Elle est aussi
la conséquence de notre attitude collective face à la culture.
Nous avons tous un examen de conscience à faire là-dessus. Les
Québécoises et les Québécois doivent manifester
plus fortement et plus clairement qu'auparavant leur appui à la culture
et aux arts qui sont le reflet de notre identité.
La question des chevauchements entre le provincial et le
fédéral nous entraîne inévitablement sur le terrain
constitutionnel que je vais aborder dès maintenant. L'action
simultanée des deux gouvernements en matière de culture est
à l'origine du malaise exprimé par certains groupes d'artistes et
certains organismes qui craignent de perdre au change s'il y avait un
rapatriement complet des pouvoirs culturels au Québec. J'aimerais tout
de suite faire le point à ce sujet. Dans cette
éventualité, il m'apparaft fondamental que les pouvoirs
rapatriés et les fonds correspondants soient exclusivement
réservés à la culture. Nous voulons, en conformité
avec les demandes historiques du Québec, disposer des leviers et des
pouvoirs qui assurent notre développement culturel en fonction des
nouveaux défis qui se profilent à quelques années de l'an
2000. La vitalité de notre langue et de nos institutions distinctes en
dépend.
Depuis 1966, quand M. Daniel Johnson déclarait que le
Québec devait être maître d'oeuvre de ce qui a trait
à son épanouissement culturel, les différents
gouvernements qui se sont succédé ont demandé plus de
pouvoirs, sinon tous les pouvoirs en matière de culture. Tant la
commission Béianger-Campeau que le groupe Allaire, au cours de ces
derniers mois, ont mis de l'avant des revendications qui vont dans ce
même sens. Dans le cadre d'un réaménagement
constitutionnel global, je veux ici réaffirmer ma position sur
cette question. Le Québec doit avoir la maîtrise des pouvoirs et
des fonds afférents pour tout ce qui touche la culture et le
développement des arts sur son territoire. Sans les pouvoirs qui
accompagnent nos choix collectifs en matière de culture, je dirais que
la notion de société distincte au Canada et sur le continent
nord-américain perd de son sens.
M. le Président, je veux simplement réitérer, comme
je l'indiquais le 1er octobre dernier, que j'entends fournir sous peu à
la commission parlementaire sur la loi 150 l'analyse de l'impact dans le
domaine culturel des offres fédérales du mois de septembre
dernier. Une fois cette mise au point faite, nous devons veiller à ce
que la politique culturelle soit, dans ses moyens d'application, à la
hauteur de nos ambitions et le reflet fidèle du dynamisme de l'ensemble
des intervenants de tous nos milieux culturels. Cette politique ne doit pas
être et ne sera pas une entreprise bureaucratique servant à ses
propres fins.
J'en viens maintenant aux avenues qui ont été
discutées à la commission pour concrétiser à la
fois le projet de politique culturelle et définir ce que pourrait
être la nouvelle mission du ministère des Affaires culturelles. En
voulant doter le Québec d'une nouvelle orientation culturelle, je
m'engage résolument sur la voie du changement. Ce que j'ai entendu
durant cette commission renforce mes convictions de départ. On doit,
d'abord, s'attaquer à cette crise de confiance que tant d'artistes ont
soulevée devant nous. J'ai encore à la mémoire les propos
de M. René-Daniel Dubois qui, au nom du Centre des auteurs dramatiques,
a exposé, de façon convaincante, cette profonde crise de
confiance. Les mots étaient durs, mais francs. C'est cette franchise que
nous avons appréciée chez les participants de la commission
parlementaire. Selon les termes utilisés par M. Luc Plamon-don - je suis
convaincue qu'ils ont une réson-nance dans tous les milieux artistiques
- si les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, dit-il, il n'y a pas
de création. S'il n'y a pas de création, il n'y a pas de
culture.
Des représentants des municipalités, de
l'éducation, des entreprises et des syndicats sont aussi venus nous dire
que le soutien aux créateurs doit être une priorité pour
assurer la vitalité de la création et, par conséquent, de
la culture.
Le changement qui est réclamé ici dépasse le
soutien financier. On nous parle d'un changement d'attitude fondamental. Des
artistes sont venus nous dire qu'ils se sentaient perçus comme des
"quêteux" et qu'ils étaient mieux considérés quand
ils frappaient à la porte du Conseil des arts à Ottawa. Plusieurs
organismes se sont plaints du manque de souplesse du ministère quant aux
normes exigées. Le Conseil québécois du
théâtre, dans cette optique, a déclaré avoir parfois
l'impression de s'adresser au Conseil du trésor plutôt qu'au
ministère des Affaires culturelles.
Il y a nécessité, et c'est une orientation très
claire, d'établir un climat favorable aux créateurs. Toute notre
politique de développement des arts découlera de cette
orientation. Établir un climat favorable aux créateurs suppose
une flexibilité et un respect que l'on doit retrouver dans nos relations
avec les artistes et les artisans.
Dans ce souci de flexibilité, il faut continuer de
préserver l'indépendance du créateur dans son rôle
de questionnement de la société. Loin de moi l'idée de
limiter sa capacité à faire preuve d'audace et à innover.
C'est en puisant à ces sources que la culture trouve tout son dynamisme
et toute sa vigueur.
Dans un autre volet de discussion, nous avons entendu à cette
commission des témoignages portant sur le financement des organismes
culturels et aussi le financement des arts. Les institutions et les organismes
culturels jouent un rôle clé comme moteur de l'activité
artistique ou comme diffuseur de la culture. C'est souvent par leur entremise
que les créateurs peuvent trouver un public, explorer un marché,
diffuser leurs oeuvres.
Plusieurs de ces organismes éprouvent des difficultés de
capitalisation pour pouvoir fonctionner à moyen ou à long terme.
La commission a entendu leur cri d'alarme qui n'est pas sans rappeler celui des
artistes face à des conditions de vie précaires. Il est
nécessaire d'analyser avec soin la situation de ces organismes et leur
rôle en matière de développement culturel. Cette
démarche doit être amorcée en vue de renforcer ces
organismes tout en ayant pour guide le principe d'une saine gestion des fonds
publics. Pour ce qui est des moyens de financement, la porte est grande ouverte
aux nouvelles idées.
La Fédération des travailleurs du Québec, par la
voix de M. Fernand Daoust, a annoncé qu'elle venait de conclure une
entente avec l'Union des municipalités régionales de comté
du Québec pour la mise sur pied de fonds locaux de développement.
Je me réjouis de l'invitation faite par la FTQ aux organismes culturels
d'aller frapper à ces nouvelles portes. D'autre part, cet exemple peut
servir de modèle à la création de fonds établis en
partenariat qui seraient destinés à soutenir des organismes ou
des projets culturels au niveau régional ou local. On a aussi
évoqué la possibilité d'établir un fonds national,
favorisé par des mesures fiscales pour les entreprises et les individus,
qui servirait de moyen d'investissement dans le domaine de la culture et des
arts.
Quelles que soient les nouvelles formules de financement
souhaitées, un consensus s'impose: le gouvernement ne doit pas se
désengager face à la culture. Au contraire, il doit faire preuve
de leadership. Dans cette optique, par exemple, nous
devons renforcer le soutien à l'innovation et à la
recherche d'avant-garde.
Il nous apparaît aussi, aujourd'hui, de façon plus claire,
que notre système d'éducation doit appuyer notre action. Le
goût de la culture s'acquiert dès le plus jeune âge. Il est
évident que le réseau scolaire représente à cet
égard un partenaire privilégié dans nos efforts pour
inculquer ce goût chez les jeunes. De la même façon, les
collèges et les universités sont nos partenaires dans la
formation des artistes et des intervenants de la culture au Québec.
Nous sommes conscients de l'importance pour le ministère des
Affaires culturelles de coordonner étroitement son action avec le
ministère de l'Éducation. Nous avons entendu, d'ailleurs, le
ministre de l'Éducation, lui-même, démontrer devant notre
commission cette nécessaire collaboration. Le ministre Michel
Pagé a d'ailleurs annoncé, lors de cette commission, des mesures
encourageantes touchant les bibliothèques scolaires pour l'année
1992. Il a aussi indiqué qu'il allait inciter les commissions scolaires
a faire davantage pour l'enseignement des arts d'interprétation. Autre
signe encourageant, les intervenants du milieu de l'éducation nous ont
fait part de leur volonté de poursuivre leurs efforts pour la promotion
et le développement culturel. Ils ont été nombreux
à nous offrir leur appui et je les en remercie.
J'aimerais ici clarifier un point qui tient davantage à l'esprit
de notre projet culturel qu'à sa formulation même.
L'Assemblée des évêques est venue nous mettre en garde,
avec justesse, je crois, contre le danger de n'encourager que les industries
culturelles très organisées et une culture d'élite. En
somme, il faut se préserver d'une vision trop économiste ou
affairiste de la culture qui irait à rencontre du principe de
l'accessibilité, particulièrement à l'endroit des plus
démunis de la société.
L'accès à la culture doit constituer une de nos
priorités. À cet égard, un grand nombre de porte-parole
sont venus défendre la réalité culturelle propre à
leur région. Plusieurs d'entre eux ont dit craindre que la
spécificité culturelle régionale ne soit plus reconnue, et
qu'elle soit mise à la remorque de grands pôles culturels comme
Montréal et Québec. J'en prends pour exemple la région de
l'Abitibi-Témiscamingue qui a délégué ici une forte
représentation d'intervenants régionaux et municipaux. Ceux-ci
ont été d'excellents défenseurs de leur
personnalité régionale et ils ont convaincu l'assemblée,
s'il y avait à la convaincre, que le Québec était
constitué de 16 régions aux particularités propres et au
dynamisme propre sur le plan de la création culturelle.
Mme Michèle Bédard, présidente du Conseil de la
culture de cette région, a insisté dans ses recommandations pour
que nos programmes de soutien en région soient, selon ses termes,
"modulables", c'est-à-dire adaptés à la
réalité régionale. Il y a là un défi pour
nous. Pour sa part, le maire de Sept-îles, M. Jean-Marc Dion, a
formulé une recommandation que beaucoup d'autres maires en région
pourraient sans doute reprendre à leur compte, à savoir: que le
gouvernement, dans le cadre de sa nouvelle culture, reconnaisse l'effort
réel global de la muncipalité en matière culturelle.
Cet effort global, nous l'avons bien compris, c'est autant le soutien
aux initiatives culturelles des écoles que les services de
bibliothèques ou, encore, l'aide aux troupes ou groupes d'artistes.
Beaucoup de municipalités ont recommandé très fortement
pour leur région que ces efforts ne soient pas compromis par une
politique trop centralisatrice. Plus que jamais, le gouvernement recherchera
une association avec les élus et les intervenants régionaux pour
favoriser ce développement. D'autre part, tout en reconnaissant
l'importance d'assurer un développement culturel régional, la
grande majorité des intervenants ont aussi reconnu le rôle de
grands pôles culturels que jouent Montréal et Québec.
Il ne faut pas oublier que même en tant que grands centres
culturels chacune de ces villes a sa personnalité propre. Le maire de
Québec, M. Jean-Paul L'Allier, a présenté sa ville comme
le berceau de notre histoire et le haut lieu de notre richesse patrimoniale. Ce
caractère est indéniable et il est certain que, comme capitale,
la ville de Québec abrite des institutions et des immeubles historiques
qui constituent un trésor national. L'originalité et le
caractère propre de Québec se révèlent à
travers cette richesse culturelle qui est, ne l'oublions pas, une richesse
collective que nous devons appuyer.
Le maire de Montréal, M. Jean Doré, a, quant à lui,
expliqué que le Grand Montréal représentait près de
la moitié de la population totale du Québec, et que cette
population était composée de diverses communautés
culturelles. Cette réalité, bien sûr, modifie les enjeux de
Montréal par rapport à l'ensemble des autres régions du
Québec où les communautés culturelles sont nettement moins
présentes. M. Doré a aussi mentionné les milliers
d'organismes culturels montréalais qui assurent, souvent dans des
conditions difficiles, l'essor et le rayonnement de la culture
québécoise ici et à l'étranger.
C'est d'ailleurs un autre volet de nos discussions: la dimension
internationale. Notre ouverture sur le monde passe nécessairement par le
rayonnement de la culture québécoise. De plus en plus, on se
mesure à l'international dans une optique de concurrence, tantôt
d'alliance, tantôt de course à l'innovation.
La formation de grands blocs commerciaux pose aux cultures nationales un
formidable défi d'affirmation. L'expansion des canaux mondiaux de
diffusion, comme l'a bien souligné M. André Chagnon du groupe
Vidéotron, rend ce défi encore plus complexe. Nous n'y
échappons pas.
Déjà, quelques-uns de nos artistes ont fait la preuve que
nous pouvions jouer sur plusieurs tableaux à la fois, soit en profitant
de la proximité du marché nord-américain, soit en tirant
avantage de nos affinités culturelles avec l'Europe.
Au-delà de ces considérations, la nécessité
d'encourager la diffusion de produits culturels vers le marché
international apparaît essentielle. M. Michel Sabourin, par exemple,
président de l'Association de l'industrie du disque et du spectacle
québécois, nous a fait bien comprendre la réalité
du marché à cet égard. Il faut se tourner vers
l'exportation et investir pour percer de nouveaux marchés,
principalement vers l'Europe francophone. En plus de renforcer nos
réseaux d'échanges et de promotion dans le monde, il ressort de
plusieurs commentaires que le soutien à l'innovation, au
perfectionnement, à la recherche et au développement est tout
aussi essentiel pour faire en sorte que nos créations s'imposent sur le
plan international.
Avant de conclure, M. le Président, permettez-moi de remercier
les membres de cette commission, vous-même, M. le Président, notre
collègue de la circonscription de Louis-Hébert, le
secrétaire, tous les députés qui ont siégé
de ce côté-ci et nos vis-à-vis, dont le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui a assisté
à la représentation de tous les groupes et qui, quand venait le
temps des grands enjeux, m'a toujours offert sa collaboration.
Un merci également au personnel de la commission qui s'est
affairé sans relâche. Un merci spécial aux membres de notre
ministère des Affaires culturelles et à mes collaborateurs,
spécialement Mme Mundy et M. Jean Lemieux, qui ont travaillé
presque jour et nuit pendant deux mois à cette commission.
Je tiens aussi à remercier chaleureusement tous ceux et celles,
individus et organismes, qui nous ont soumis des mémoires et qui sont
venus s'adresser à cette commission. Soyez assurés que les enjeux
qui ont été discutés sur la politique culturelle seront
analysés avec soin dans la suite du processus dans lequel nous nous
sommes tous et toutes engagés et ce, à compter de maintenant.
M. le Président, je m'en voudrais de ne pas remercier les membres
du groupe de travail présidé par M. Roland Arpin qui ont, en
quelque sorte, comme le disait le professeur Dumont, fourni la matière
première des discussions et des consultations qui se sont
déroulées ici. Leur travail effectué dans le respect
d'échéanciers serrés mérite notre plus haute
considération.
Vous savez qu'à mon entrée au ministère, il y a un
peu plus d'un an, je me suis donné pour tâche de vérifier
si le mandat vieux de 30 ans du ministère des Affaires culturelles
était conforme à la réalité et aux besoins d'un
Québec des années quatre-vingt-dix. La mission du
ministère des Affaires culturelles et, par conséquent, celle du
gouvernement, à la lumière de tout ce qui a été dit
à cette commission, dort être profondément
modifiée.
Dans la foulée de cette commission, nous devons maintenant
concentrer nos énergies à doter le Québec d'une politique
culturelle et d'un plan d'action. Mon objectif à cet égard est
d'y parvenir avant le début de l'été 1992.
M. le Président, permettez-moi de vous laisser avec ce message de
conclusion qui souligne à mes yeux l'importance historique de la
commission que nous venons de vivre. L'action du gouvernement
québécois ne sera plus jamais la même en matière de
culture car, M. le Président, ce qui était devait être,
mais ce qui sera se doit d'être mieux. Merci à vous tous, merci de
votre collaboration et vous pouvez compter tous sur notre appui.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
À titre de coprésident de cette commission - mon collègue,
le député de Louis-Hébert, en a présidé une
partie et moi, l'autre partie - vous me permettrez aussi de remercier tous les
gens qui ont participé à cette commission, et de vous dire que
ça a duré longtemps, mais ce ne fut jamais long.
Je tiens particulièrement à faire valoir la
coopération de tous les membres de cette commission, du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, du député de
Shefford en particulier. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
avec sa patience proverbiale et ses connaissances de la culture, a su nous
dérider à l'occasion. Vous, Mme la ministre, par votre grande
attention et l'attention que vous donnez à tous les groupes, vous avez
su montrer le sérieux de cette commission. Croyez-moi, ce fut pour nous
non seulement une grande expérience, mais quelque chose de très
enrichissant et un apport très important à la communauté
québécoise.
Je ne saurais passer sous silence le travail du personnel qui nous a
suivis tout le temps, soit Mme Jocelyne Ouellet, qui était l'adjointe du
secrétariat et M. Grégoire Mathieu, qui est le secrétaire
de cette commission, qui, pendant ces deux mois, ont été
constamment à côté de nous. Ils ont fait en sorte que les
séances se déroulent dans le bon ordre, avec les bonnes
convocations pour les membres, et que tout fonctionne à merveille. Je
tiens à les remercier au nom de tous les membres de cette commission et
je vous remercie tous. Ceci met fin à ces deux mois de travaux, à
ces 181 mémoires que nous avons entendus et à ces presque 8
semaines de travail. Alors, merci beaucoup.
Je vais maintenant ajourner les travaux sine die, la commission ayant
accompli son mandat. Merci. Bonjour et à bientôt,
j'espère.
(Fin de la séance à 12 h 54)