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(Neuf heures sept minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission continue ses
travaux. Il s'agit pour nous, comme je le dis à chaque matin ou à
chaque jour, de procéder à de la consultation, comme nous avons
eu le mandat de le faire par l'Assemblée nationale, pour étudier
les propositions de politique culturelle, tel que c'a été
déposé à l'Assemblée au mois de juin l'an
dernier.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau
(Saint-Jean) est remplacé par M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon) et M.
Messier (Saint-Hyacinthe) par M. Philibert (Trois-Rivières).
Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour
est déjà connu, je n'en ferai pas la lecture. Nous allons donc
commencer par entendre les représentants des Sortilèges. Je pense
qu'ils sont ici, je les invite à bien vouloir prendre place en
avant.
Maintenant qu'ils sont installés, je leur souhaite bien sûr
la bienvenue et je leur indique qu'ils disposent de 10-15 minutes pour nous
faire part de leurs réflexions, suite à la connaissance qu'ils
ont prise du rapport sur les arts et la culture. Ils peuvent le faire en nous
faisant un résumé du mémoire, en extrayant les grandes
lignes ou, encore, en en faisant une lecture abrégée s'il est
trop long. Ensuite, les membres de la commission vont s'entretenir avec eux
pour le reste du temps qu'il y aura sur les trois quarts d'heure, les 45
minutes qui sont prévues dans l'ordre du jour. Donc, vous avez la
parole.
Si vous voulez bien tout d'abord vous présenter, dire vos noms
ainsi que vos fonctions, de façon à ce que nous puissions avoir
ça au Journal des débats. Vous avez la parole.
Les Sortilèges
M. Di Genova (Jimmy): Bonjour. Jimmy Di Genova, directeur
artistique de l'ensemble national de folklore Les Sortilèges.
Mme Vincent (Monik): Monik Vincent, adjointe artistique de
l'ensemble national de folklore Les sortilèges également.
Le Président (M. Doyon): Bonjour.
M. Di Genova: Merci. Il y a quelques jours, je rencontrais
quelqu'un et on discutait sur le rapport Arpin. Je soulignais le fait qu'on
avait très peu traité du folklore ou appelons ça, si vous
voulez, les arts et les traditions populaires ou le patrimoine vivant qui
semble être une expression qui se répand de plus en plus au
Québec. La personne me disait: Écoute, on ne peut pas tout
écrire dans un rapport. De là m'est venue la réflexion
suivante, à savoir que le ministère des Affaires culturelles...
la culture et les arts au Québec, c'est comme un très grand
arbre, un très bel arbre, mais l'arbre, c'est ce qu'on voit, mais il y a
aussi les racines qu'on ne voit pas. Souvent, on peut remarquer dans la nature
des arbres qui sont magnifiques, mais qui sont fragiles, ces arbres, parce que
les racines ne sont pas bien profondes. Pour nous, Les Sortilèges, quand
on pense à folklore, arts et traditions populaires, patrimoine vivant,
ce que nous faisons, pour nous, c'est les racines qui nourissent la vie
culturelle et artistique. Ça on pourrait retourner dans le temps et
constater ça à travers l'histoire, jusqu'à quel point ce
qui vient du peuple finit par devenir à un moment donné une
symphonie extraordinaire ou une poésie, etc.
Alors, à ce titre-là, ce que nous voulons faire remarquer,
c'est l'importance à accorder à la danse folklorique, au
patrimoine vivant en général. Nous, ce matin, on est bien
conscients, quand on vient vous voir, qu'un peu partout dans le monde on peut
dire que ça va plus ou moins bien. Les gens réclament beaucoup de
choses. Ce qu'on veut dire, c'est que ça fait 25 ans que nous existons.
Nous ne venons pas quémander, demander. On vient tout simplement
insister sur un point: Vu l'importance du travail que l'on fait, on sent cette
nécessité qu'il y ait un partenariat entre le ministère et
nous. J'irais jusqu'à dire à la limite que, si on regarde du
côté sportif, il faut qu'il y ait une équipe et, au-dessus
de l'équipe, il y a un "coach". Dans le cas qui nous préoccupe
ici, j'irai jusqu'à dire que c'est Mme la ministre qui est en quelque
sorte le "coach" qui permet qu'on puisse aller de l'avant. Quand on dit qu'on
n'est pas dans une situation catastrophique, qu'on ne vient pas crier ce matin
et dire qu'on est pris, c'est qu'on est conscients qu'on fait d'énormes
sacrifices - quand je dis on, nous, c'est les danseurs, la direction - mais,
à un moment donné, on a besoin d'un peu plus d'eau pour les
racines, je dirais, un peu plus d'air pour pouvoir être plus
créateurs, aller davantage de l'avant. On se sent étouffés
par le trop grand nombre de choses qu'on doit faire.
Je dois souligner, ce matin, quelques points très importants,
à savoir que quand on pense à
Sortilèges il faut penser qu'il y a, selon les mois, à peu
près 18 ou 20 danseurs, un personnel de 3-4 personnes et une dizaine
d'administrateurs qui s'impliquent. Quand je dis 18 danseurs, ce n'est pas des
gens qui font ça par amour, des amateurs, des amants de quelque chose
à trois ou six heures par semaine, ce sont des gens qui font ça
à la journée longue. Leur salaire oscille entre une somme que je
qualifierais de dérisoire comme salaire, l'alternance entre ça et
l'assurance-chômage. Ce sont des gens qui essaient de vivre de ça.
C'est bien important parce qu'il y en a beaucoup d'intervenants en folklore.
Ils font ça davantage comme un loisir. D'ailleurs, en parlant de loisir,
on veut aussi dire ce matin l'importance que le ministère
s'intéresse aussi, au-delà de ce qu'on fait comme professionnels,
comme art de la scène, à ceux qui font des activités comme
loisir. Ça aussi, c'est important parce que, dans l'échafaudage
de tout le système, il ne faut pas qu'il y ait seulement des
professionnels quelque part et que le bassin ait sa part avec ceux qui font
l'exercice pour s'amuser ou pour faire une expérience culturelle, mais
comme loisir.
Donc, notre exposé de ce matin, c'est de dire: On ne veut pas
être oubliés, on veut faire partie de la politique. On
espère aussi que, dans ce partenariat, on puisse ensemble trouver des
solutions plus tard et que nous puissions même escompter, à un
moment donné, un rattrapage. Dans le mémoire, on a indiqué
quelque part qu'on se posait des questions; non pas que tout doit être
égal partout, mais, à un moment donné, on peut se poser
des questions. J'ai bien indiqué tantôt que je ne parlais pas de
5-6 danseurs, mais bien de 18 danseurs qui essaient de vivre de cet art. Ce ne
sont pas des gens âgés et ce ne sont pas non plus de jeunes
adolescents. Notre moyenne d'âge, grosso modo, regroupe des hommes et des
femmes entre 20 ans et 30 et quelques années qui, tous les jours, font
leur travail, leurs exercices pour faire des tournées. (9 h 15)
Je pense que je vous livre l'essentiel, me disant que ce n'est pas
tellement le nombre de choses qu'on veut vous dire, mais insister pour enlever
peut-être des clichés quelque part. On ne vient pas la tête
basse. On vient la tête haute, on est très fiers de ce que l'on
fait depuis 25 ans. On compte bien y être dans 25 ans aussi et
peut-être vous rencontrer encore. Mais, à un moment donné,
il y a des choses qu'à long terme on ne peut pas toujours
indéfiniment continuer dans des conditions excessivement difficiles pour
aller de l'avant. Nous avons déjà appris à compter sur le
mécénat. On vous a décrit dans notre rapport des formules
presque impossibles et inimaginables à un moment donné pour nous
autofinancer, mais le partenariat avec le ministère de la culture est
d'une importance capitale pour notre futur. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci de votre
présentation, M. Di Genova. Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Di Genova. Bonjour, Mme
Vincent. Vous allez me permettre d'ailleurs avant de commencer, puisqu'il
n'était pas avec nous hier, de souhaiter bonne fête à notre
député de Mercier. Alors, on vous a manqué hier, mais on
se reprend aujourd'hui.
M. Godin: Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Doyon): Bon anniversaire!
M. Godin: On est dans l'octave pendant encore sept jours, alors,
vous n'êtes pas en retard!
Le Président (M. Doyon): Ha, ha, ha!
M. Godin: N'est-ce pas, M. le Président, vous qui
êtes familier...
Le Président (M. Doyon): Les indulgences sont encore
là, oui.
M. Godin: ...avec le rituel catholique?
Mme Frulla-Hébert: Ceci dit, vous savez, depuis 25 ans,
l'ensemble des Sortilèges fait découvrir le folklore à
tout le monde. À partir de ça aussi, et par cette croyance ou
cette foi, justement, en son patrimoine et patrimoine vivant, a
découlé aussi un grand événement qui est le
Festival du folklore. Nous avons eu des représentants d'ailleurs de la
ville de Drummondville, du Festival même nous parler du Festival et des
retombées aussi au niveau de la région. Alors, quand vous dites
que c'est important aussi de considérer le patrimoine vivant, dont le
folklore, au même titre que les autres disciplines, là-dessus,
j'en suis.
Maintenant, vous dites aussi dans votre mémoire que vous
suggérez que la future politique culturelle comprenne un programme et un
budget voués spécifiquement aux activités de consolidation
et de développement de marché. Vous dites aussi que le programme
devrait être fondé sur un partenariat à quatre composantes:
l'entrepreneur artistique, le mécène privé, les fonds
publics, les consommateurs individuels. J'aimerais que vous nous expliquiez
ça un peu, ça semble une formule extrêmement dynamique,
aussi si on l'applique à un événement qui fonctionne. Mais
j'aimerais maintenant que vous nous élaboriez un peu cette
idée.
M. Di Genova: Bon. Tout d'abord, le premier volet de ce qu'on a
écrit, c'est qu'à un moment donné il peut arriver à
tout organisme qu'il ait un plus à faire quelque part et puis ça
peut amener d'une manière ponctuelle une aide pour
permettre de faire ce saut-là. Donc, on distingue entre la
subvention de fonctionnement, qui permet des activités
régulières, et quelque chose qu'on pourrait prévoir, qui
ferait que, lorsque arrive quelque chose de particulier - est-ce que c'est une
plus grande croissance, à un moment donné, est-ce que c'est une
consolidation? - on puisse compter sur des subventions qui, à notre
connaissance, n'existent pas actuellement. Et il y a aussi l'idée
derrière ça de l'importance qu'on puisse planifier sur trois ans,
si on pouvait aussi avoir une vision triennale.
Quant à l'autre aspect de partenariat et des différentes
composantes qui font qu'une compagnie de danse, entre autres, puisse
fonctionner, nous, notre réalité est la suivante: c'est que dans
un budget de l'ordre de 500 000 $ à 600 000 $, ce qui vient de
l'État, si on prend l'exemple de la Communauté urbaine à
Montréal et des Affaires culturelles, nous n'atteignons même pas
20 % de notre budget total. Donc, on se retrouve avec un autofinancement qui
est disproportionné et, en même temps, on n'a pas
nécessairement les personnes pour faire tout le travail. Donc, on est
quelques-uns qui sommes engorgés d'une façon... Une année,
ça peut aller, deux ans, mais, après quelques années, il y
a risque de manquer de souffle et, à un moment donné, l'aide
gouvernementale, c'est pour faire des choses, mais c'est aussi en même
temps pour qu'on puisse prévoir la continuité. Mais, si
année après année le travail est trop grand, il y a risque
à un moment donné d'essoufflement, d'étranglement, je
dirais. Et ça, c'est aussi pour nos danseurs. Nous, dans notre cas -
j'ai fait allusion que nous, ce n'était pas 5-6 danseurs - en folklore,
18 danseurs ce n'est pas de trop. Quand ils partent en tournée ces
gens-là, on ne peut pas habituellement les accompagner. Donc, le danseur
devient, à la limite, directeur technique; l'autre s'occupe de la
réception du chèque; l'autre s'occupe de la logistique. Alors, on
travaille professionnellement, mais ce n'est pas du luxe qui nous manque
à un moment donné. Il y a des choses que, ailleurs, on a depuis
longtemps.
Je crois - on en a discuté à plusieurs chez nous - qu'il y
a beaucoup de gens dans le théâtre et dans d'autres formes de
danse qui n'auraient pas vécu ça trop longtemps, ce qu'on vit
depuis un certain nombre d'années. Et c'est ça qu'on voudrait,
entre autres, changer.
Mme Frulla-Hébert: Quand vous partez de vos danseurs,
comment faites-vous le recrutement?
Mme Vincent: Le recrutement des danseurs se fait par le biais
d'auditions. Alors, disons, on annonce nos auditions soit au niveau des
écoles de danse professionnelle qui sont dans d'autres domaines de la
danse que la danse folklorique, ce qui permet, par exemple, à des
danseurs, qui n'ont pas ou plus ou moins de débouchés dans
d'autres formes de danse, de pouvoir au moins trouver une façon de faire
carrière en danse par le biais de la danse folklorique. Maintenant, je
ne sais si c'est par préjugé ou parce que le roulement n'est pas
encore très établi, les gens n'envisagent pas ou très peu
une carrière en danse folklorique à long terme. Alors, le
roulement de danseurs est assez fréquent. En plus, nous avons une
école qui est annexée à la compagnie et on doit donner la
formation à ces danseurs à même nos danseurs à la
compagnie. Alors, vous pouvez vous imaginer une équipe de 20 danseurs
dont on doit former ceux qui viennent d'arriver parce que les gens ont
pratiquement peu ou pas de formation en danse folklorique et, en plus,
préparer nos spectacles, conserver la qualité des pièces
de danse, etc. Alors, c'est un gros travail.
Mme Frulla-Hébert: Un événement, par
exemple, comme - je vais passer ensuite la parole à ma collègue -
le Festival de folklore de Drummondville, est-ce que, en termes de
retombées, cet événement-là pour le folklore, selon
vous, est-ce que ça a eu des retombées qui font en sorte que
ça a permis de mettre et de remettre le folklore en évidence par
exemple?
Mme Vincent: Si vous permettez, j'aimerais peut-être vous
répondre par une question à savoir: est-ce que le Festival de
jazz permet à plus de musiciens de jouer de la musique de jazz? C'est la
même chose, c'est-à-dire que ça sensibilise les gens au
folklore, à aller voir des spectacles peut-être, mais, de
là à dire que les gens s'impliquent et font une carrière
en danse, il y a une marge quand même.
M. Di Genova: Je voudrais ajouter...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Châteauguay. Oui, M. Di Genova.
M. Di Genova: Je voudrais ajouter que dans le cas du folklore il
y a quelque chose d'un peu particulier. Par exemple, si on pense au ballet, on
sait qu'il y a beaucoup de gens qui font du ballet pour s'amuser à
apprendre à faire des choses, qui ne pensent pas à la
carrière. Puis, il y a une troupe professionnelle en ballet. Il y a
beaucoup d'intervenants en ballet. Mais, quand on touche le folklore, on est
les seuls au niveau professionnel et il faut toujours rappeler que ce que le
Festival fait à Drummondville est excellent, mais il s'adresse à
l'ensemble des troupes amateures dans le monde. C'est un réseau amateur
tandis que nous, on travaille à un niveau professionnel. Alors,
ça ne nous empêchera pas nécessairement de recevoir des
danseurs de compagnies d'amateurs comme de la danse moderne ou de
l'étranger, mais il reste que ce sont deux mondes. On est allé
deux fois, d'ailleurs, danser au Festival l'été dernier pour
la
première année, mais c'est quand même deux mondes.
Quand j'avais un groupe amateur, je rêvais d'aller en Normandie. On
cherchait un festival, c'était notre projet de l'année ou pour
deux ans, puis on faisait toutes nos activités pour financer ça.
Mais, quand c'est professionnel, on a de la difficulté à un autre
niveau, ce n'est plus la même chose.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Bonjour. Vous
mentionnez dans votre mémoire que vous recommandez que les
activités et les services reliés à la pratique d'un art
comme le loisir culturel fassent partie intégrante d'une politique de la
culture et, de ce fait, relèvent du ministère responsable. Mais
on sait très bien qu'actuellement, et plusieurs intervenants en
faisaient la remarque, ça relève en majeure partie non pas du
MAC, mais du MLCP, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Est-ce que vous pourriez expliciter davantage cette pensée,
à savoir qui doit devenir le responsable, si ce loisir doit devenir sous
la responsabilité du MAC, s'il doit être le responsable du loisir
culturel?
M. Di Genova: Moi, ce que j'ai comme souvenir, c'est que, pour
les dossiers, entre autres, de la danse folklorique, il y avait comme un mur de
bambou entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
et le ministère des Affaires culturelles, si on retournait dans le
temps, et on ne savait jamais où notre dossier était même
si on était professionnels. Ça, c'est un point. Et la question
s'est posée d'ailleurs il y a quelques années, il y a même
eu une boutade à ce sujet-là. De toute façon, ce que je
veux dire ici, c'est que je crois qu'actuellement tout ce qui est culturel,
à notre avis, devrait se retrouver au niveau du ministère des
Affaires culturelles, comme loisir culturel, parce que, que ce soit penser
à préparer de futurs consommateurs, que ce soit en termes qu'il y
ait une espèce de lien entre ceux qui font quelque chose le soir, la fin
de semaine, et qui peuvent devenir de là même des professionnels
éventuellement, il faut encourager le loisir culturel et lui permettre
de mieux s'épanouir et l'ensemble de l'activité culturelle
professionnelle en sera grandi, que ce soit en danse, en musique ou quoi que ce
soit. Si c'est deux ministères, je pense qu'à un moment
donné le ministère de la culture aura une vision, mais le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ne pensera pas en
termes de l'autre ministère.
Mme Cardinal: Vous suggérez effectivement d'étendre
le public à ces organismes, est-ce que vous voyez d'autres moyens
d'aller sensibiliser et d'aller chercher d'autres publics, comme vous l'avez
mentionné antérieurement?
M. Di Genova: Écoutez, il y a deux semaines, on recevait
les représentants de la Cl DEC à Montréal parce qu'on est
la deuxième compagnie à expérimenter le programme
Arts-Affaires qui était à l'étude à la Chambre de
commerce de Montréal. On a reçu de la visite, on s'est mis
à discuter de toutes sortes de choses et, à un moment
donné, on nous a fait la réflexion en disant que Les
Sortilèges, on était des pionniers pour l'introduction ou, je
dirais, la présence culturelle à l'école par nos
matinées scolaires qu'on va faire en décembre. On a deux
programmes pour le réseau scolaire, du moins dans la grande
région de Montréal, à savoir qu'en décembre on
invite les écoles à venir voir nos spectacles en salle et, en
mai, pour les écoles qui n'ont pas pu ou pas voulu se déplacer,
on va à l'école. Mais on préfère les amener en
salle parce que l'expérience complète, c'est de voir un spectacle
sur scène et non pas dans un gymnase. Parfois, il peut y avoir des
petits problèmes de propreté. Mais on constate cependant que
beaucoup de gens ne s'intéressent pas à ça, puis je dirais
même qu'à ce jour je n'ai pas vu de volonté du
ministère de s'intéresser à ce volet-là. On s'est
déjà fait dire d'ailleurs que ce n'était pas quelque chose
qu'on regardait. Or, beaucoup devraient le faire et ça devrait
être encouragé. Il devrait même y avoir plus
d'articulations, de contacts entre les deux ministères - le
ministère des Affaires culturelles et le ministère de
l'Éducation - pour qu'on apporte la culture à l'école. Et
particulièrement quand on parle de patrimoine, quand on pense à
Montréal et à toute la vie interculturelle, il y a tellement de
dimensions à ça.
Dans les faits, une école, ça lui coûte plus cher de
louer un autobus pour transporter ses élèves que ce qu'on
reçoit. On sait qu'on ne peut pas aller au-delà de tel niveau
parce que déjà il y a beaucoup d'écoles qui ne peuvent
pas. C'est pour ça qu'on a aussi le programme du mois de mai. Ça,
ça en est un exemple. Nous, on s'est dit: Si on veut que demain, ou dans
10 ans ou dans 15 ans, il y ait des consommateurs, il faut s'en occuper
maintenant. Là, on le fait par nos propres sacrifices actuellement.
Ça en est un exemple, ça.
Mme Cardinal: Merci, monsieur.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. (9 h 30)
M. Boulerice: Oui. M. Di Genova, Mme Vincent, je regardais
à la page 5 de votre mémoire le tableau comparatif. Il y a des
chiffres et les chiffres parient, vous le savez comme moi. Et, par contre, je
retournais à fa page 3 où vous disiez: "Contrairement à
plusieurs, nous
réussissons à vivre avec un budget équilibré
grâce à des loteries et des bingos." Je vous avoue que je suis
tombé à la renverse. Vous savez que je viens d'une
circonscription où il y a une forte présence d'organismes
culturels, n'en déplaise à mes collègues, mais votre
présence, par contre, réjouit M. le député de
Gouin, puisque vous êtes dans sa circonscription. Mais c'est la
première fois que j'entends parler qu'un organisme culturel vit de bingo
et de loto. C'est le bingo de M. L'Abbée, je crois. C'est ça?
M. Di Genova: L'organisateur professionnel, oui. Écoutez,
je vais vous donner l'exemple. Comme directeur, je suis responsable d'un budget
de 500 000 $, mais je suis également responsable - parce qu'on parle de
bingos, mais il y a notre kiosque de Loto-Québec, où il y a une
vente de 2 000 000 $ par année, dont je suis responsable. D'accord, j'ai
des gens qui sont intermédiaires. Je me verrais mal aller vendre
moi-même les 6/49. Mais il reste qu'un budget de 2 000 000 $ nous donne
22 000 $ ou 23 000 $ de profit net pour ajouter aux 500 000 $, 600 000 $. C'est
un peu ce qu'on essaie de décrire dans tout ça ici.
Vous faisiez allusion tantôt à la page 5, qui n'est pas
notre page, qu'on a obtenue du ministère. Mais ça, on a
comparé uniquement pour le budget, pas par nombre, pas par le personnel,
parce que l'ensemble des quatre compagnies qui sont la ont peut-être
cinq, six, sept, huit danseurs pendant vingt semaines, plus quelques personnes.
Je reviens en disant: Nous, c'est toujours un bon noyau de 18 danseurs.
M. Boulerice: II va de soi que vous demandez un
rééquilibrage de votre budget et n'en ayez aucune gêne.
Rien n'est plus normal que de le demander. Par contre, est-ce qu'une mesure -
et plusieurs intervenants sont venus en parler - au départ, qui est
celle du plan triennal, pourrait vous permettre, si ce n'est pas la solution la
meilleure, tout au moins des difficultés existentielles un peu moindres?
Dans ce sens que vous sauriez au moins ce que vous avez pour trois ans, donc,
vous êtes capables d'assumer une certaine planification, même si le
montant qui y est rattaché n'est peut-être pas, au moment
où on se parle, celui que vous souhaitez.
M. Di Genova: Écoutez, comme je vous le disais, on n'est
pas venus revendiquer. On comprend la situation économique. On comprend
les tensions sociales un peu partout. On n'est pas venus dans un climat: il
nous faut ci, il nous faut ça. Mais on dit: Avec ce partenariat qui se
développe, on peut se concerter, on peut regarder des solutions et,
à la limite, cela peut être de dire: D'accord, on se donne trois
ans pour arriver à tel objectif sur lequel on s'est entendus. Il n'y a
pas de problème pour ça.
M. Boulerice: Mais, veux veux pas, on en arrivera toujours
à la fin, M. Di Genova, à faire une colonne et à
additionner et voir dans quelle mesure vous êtes capables de poursuivre.
Parce que, si on va à ce rythme, j'ai bien peur qu'il nous arrivera avec
vous ce qui nous est arrivé avec une troupe qui a une autre expression,
mais qui s'est retrouvée en Floride, et grassement payée en
Floride. C'est donc vrai que la reconnaissance est toujours ailleurs et elle
est souvent post mortem.
Est-ce qu'une mesure comme le fonds d'appariement, ce qu'on appelait
usuellement en anglais le "matching grant", est une mesure dont vous avez
déjà bénéficié des effets?
M. Di Genova: Ça, c'est une forme qui nous plaît
énormément, en effet. Je pense qu'on a vu ça une fois, je
crois, ou deux fois au cours des 10 dernières années. Mais c'est
une forme, évidemment, qui incite les gens, les compagnies' à se
prendre en main mais, en même temps, ce n'est pas un effort... Le danger
qu'on vit, nous, c'est qu'on a l'impression que plus on fait d'efforts, moins
on est aidés par l'État. Tandis qu'une formule comme ça
permet entre autres de venir donner, je dirais, un encouragement à
l'effort qui a été fait à l'interne.
M. Boulerice: J'ai fait allusion aux ballets Eddy Toussaint. Ils
recevaient des subventions de l'État. Lorsqu'ils ont quitté,
est-ce qu'on a redistribué les subventions qu'ils avaient à des
troupes de danse, notamment la vôtre, puisque vous auriez pu faire partie
du partage?
M. Di Genova: À mon avis, cet argent-là a
été conservé au ministère. Je ne sais pas comment
ça a été distribué. Je peux vous assurer que pour
Les Sortilèges ça n'a rien changé à leur situation,
aucunement. C'était quand même une somme, je pense, assez
considérable en rapport avec les budgets disponibles en danse au
ministère. C'est un peu comme un train qui a passé, je pense;
ça ne nous concernait pas. Pourtant, on avait présenté un
dossier, on était conscients de tout ça, mais je pense qu'on n'a
pas été trop trop écoutés. Il y avait d'autres
besoins, apparemment, ailleurs, plus urgents que les nôtres, si je me
souviens; de mémoire, ça m'aurait été dit
verbalement.
M. Boulerice: Vous dites: Troupe nationale. Vous êtes la
seule à porter ce qualificatif au Québec.
M. Di Genova: J'irais plus loin en disant qu'on est, à
notre connaissance, l'une des trois troupes professionnelles en Amérique
du Nord. À notre connaissance, il y a deux troupes professionnelles dans
le domaine de la danse folklorique, et c'est à Mexico. C'est à
l'occasion des 20 ans que cette appellation nous avait été
accordée
par le premier ministre d'alors, M. Pierre Marc Johnson.
M. Boulerice: Vous dites que vous ne venez pas revendiquer, M. Di
Genova, sauf que, pour employer l'expression que j'utilise depuis deux jours,
il y a certaines perversités du système et, là, je pense
qu'il y a une illustration on ne peut plus dramatique comme telle. Dans le
terme d'un rétablissement de budget, il faut une politique; mais il va
falloir avoir les sous pour faire la politique. On peut vous inscrire dans la
loi en disant que, oui, vous êtes beaux, vous êtes fins, vous
êtes gentils, que c'est une priorité, et relier cela avec une
phraséologie qui va être à toute épreuve mais,
demain matin, ça ne vous assure pas que vos danseurs vont danser, que
votre troupe pourra accepter les invitations à circuler à travers
le Québec. Au départ, je pense qu'une troupe nationale commence
par s'occuper de la nation; après, elle va représenter la nation
à l'extérieur. Le minimum des minimums qui vous serait utile, de
façon que vous puissiez continuer - parce que j'ai l'impression que vous
êtes en péril - serait combien? C'est important de le dire parce
qu'on est en train de confectionner le budget; dites-vous cela.
M. Oi Genova: Le minimum minimum, c'est 150 000 $. On a
actuellement 80 000 $. On a beaucoup moins que d'autres troupes qui sont de
taille plus petite mais, en termes de budget, elles sont aussi grosses que
nous, aussi grandes que nous parce qu'elles reçoivent beaucoup de
subventions - qu'on me corrige, je ne veux pas "qualifier" pour les autres -
beaucoup plus de subventions qu'on en reçoit. Dans notre cas, quand on
parle de folklore, il faut faire attention à certaines oreilles,
à certains milieux, des fois, où on le réduit à
"foklore"; on ne parle pas tout à fait de la même chose.
On a une autre réalité qui était vécue,
c'était que le Conseil des arts du Canada excluait beaucoup de formes de
danse, ne conservait, pour fins de subvention, que la danse moderne et le
ballet. Ça, ça change à partir de mai 1992. Ça
aussi, ça venait nous hypothéquer davantage. Mais à partir
de mai 1992, du moins sur un plan théorique, nous sommes
éligibles à des subventions. On pourrait parler d'élitisme
dans tout ça, à un moment donné, jusqu'où on va.
Donc, c'est pour ça que je pense qu'avec 150 000 $... Parce qu'on est
conscients des réalités concrètes, on ne demandera pas...
J'aurais pu, je pourrais justifier un demi-million. Moi, ce que je sais, c'est
que je fonctionne avec 600 000 $; pour faire la même chose - je l'ai
évalué avec d'autres - on devrait fonctionner avec 1 000 000 $.
Mais on se dit que, si le ministère peut faire ce pas actuellement et
nous conduire à 150 000 $, ça ne peut pas faire autrement que
d'avoir des effets bénéfiques à d'autres niveaux en
espérant maintenant qu'en mai 1992 ce ne sera pas lettre morte par
ailleurs. Je ne veux pas apporter un chiffre utopique en quelque sorte ce
matin, mais un chiffre qui est très réaliste pour tout le monde,
je crois.
M. Boulerice: Bien, M. Di Genova, Mme Vincent, je vais vous
remercier là-dessus, en vous disant que vous nous avez fort probablement
ce matin sensibilisés on ne peut mieux sur la réalité de
notre seule troupe nationale. Je pense que, encore là, je me
répète sans doute, mais quand on porte cette
épithète, enfin ce qualificatif plutôt, la nation doit en
tenir compte. Comptez sur moi pour défendre votre dossier lorsque
viendra le mois d'avril et qu'il y a l'étude des crédits du
ministère des Affaires culturelles; je pense qu'il y a un effort
à faire dans ce sens. Merci de votre présence. Mon
collègue, le député de Gouin, vous demande de l'excuser de
ne pas avoir été présent plus longtemps, mais ii devait
retourner de façon urgente à Montréal. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. le Président.
C'est à mon tour de vous remercier. Effectivement - je suis d'accord
avec mon collègue, d'ailleurs - tout le secteur de la danse en
général... Parce que, à l'époque, moi, je n'y
étais pas, mais il y a quatre ans les fonds sont demeurés
à la danse, mais ont été réattribués d'une
autre façon, etc. Bon. Alors, on va regarder ça de très
près; on n'a pas le choix de toute façon, c'est un secteur qui
est nettement défavorisé par rapport aux autres.
Juste une précision, si vous me permettez. Vous dites que pour le
Conseil des arts vous êtes éligibles cette année ou vous
n'êtes plus éligibles, je n'ai pas bien compris?
M. Di Genova: On va être éligibles; on ouvre,
à partir de mal 1992, et c'est pour l'année 1992-1993.
Mme Frulla-Hébert: Ah bon. D'accord.
M. Di Genova: C'est au niveau du principe que c'est
accordé.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, je vous remercie de votre présentation, monsieur, madame. Je
sais les problèmes que vous pouvez connaître. Il y a une troupe
ici, à Québec, que je pensais être professionnelle - vous
dites que vous êtes la seule - la troupe Migration, qui est au moins
semi-professionnelle aussi, qui n'a peut-être pas l'envergure de
Sortilèges, et dont je suis un des patrons d'honneur. Je sais les
efforts qu'eux
doivent faire pour survivre; c'est une lutte de tous les jours et de
tous les budgets. Alors, soyez assurés que ceux que vous faites me sont
aussi connus par personnes interposées et je suis sûr que la
ministre ainsi que les membres de cette commission ont bien entendu votre
message. Je vous remercie, monsieur, madame.
M. Di Genova: Merci. Au revoir. Mme Vincent: Merci.
Le Président (M. Ooyon): Maintenant, la commission va
poursuivre ses travaux en entendant l'Union des municipalité du
Québec. J'invite donc son président, M. le maire Mercier, ainsi
que les gens qui l'accompagnent à bien vouloir prendre place en avant,
à la table de nos invités.
M. Mercier (Ralph): Rebonjourl
Le Président (M. Doyon): La commission a
déjà eu l'occasion d'entendre M. le maire Mercier qui, à
ce moment-là, venait à un autre titre. C'est avec beaucoup de
plaisir que nous l'accueillons une seconde fois. Il sait comment nous
procédons, je ne lui répéterai pas ça. Je lui
indique que les mêmes règles continuent de s'appliquer. S'il veut
bien nous faire sa présentation et nous indiquer qu'est-ce qu'il retient
de la politique qui a été proposée, comment il
réagit à cette proposition de politique, de façon à
ce que la conversation et la discussion puissent s'engager avec les membres de
cette commission. Donc, M. Mercier, vous avez la parole.
Union des municipalités du
Québec
M. Mercier: Merci, M. le Président. Je veux d'abord aussi
vous remercier d'avoir bien voulu nous recevoir ici ce matin. Je m'adressse,
bien sûr, à vous, M. le Président, Mme la ministre et
mesdames, messieurs de cette commission. D'abord, je voudrais vous
préciser que l'Union des municipalités du Québec ne
pouvait manquer, bien sûr, ce rendez-vous. Ainsi, elle devait souligner
l'importance que revêt ce dossier pour ses municipalités
membres.
Mais avant de pousser plus loin nos remarques et commentaires,
permettez-moi de vous rappeler ce qu'est l'Union des municipalités du
Québec. (9 h 45)
Le Président (M. Doyon): M. Mercier, pourriez-vous nous
présenter, s'il vous plaît, les gens qui vous accompagnent juste
pour les fins...
M. Mercier: Oui. Je m'excuse, M. le Président, absolument.
J'ai le plaisir, bien sûr, de retrouver avec moi le directeur
général de l'Union des municipalités du Québec, M.
Raymond L'Italien, à ma droite; à mon extrême gauche, M.
Daniel Jean, qui est conseiller en communication à l'Union, et M. Serge
Gareau, qui est conseiller aux services communautaires à
l'intérieur de la permanence de l'Union.
Le Président (M. Doyon): Très bien, bienvenue.
M. Mercier: M. le Président, bien sûr, l'Union est
un organisme qui regroupe et représente les municipalités, les
MRC et les communautés urbaines du Québec. Notre "membership"
représente 80 % de l'ensemble de la population du Québec. Les
municipalités membres de l'Union gèrent 85 % des budgets
municipaux et emploient 92 % des employés municipaux.
Dans le cadre de cet exercice qui nous rassemble, l'Union des
municipalités du Québec ne compte pas s'improviser critique de
l'ensemble des recommandations du rapport Arpin. L'UMQ présentera
plutôt ses observations et ses préoccupations à
l'égard des principaux éléments du rapport Arpin touchant
directement le monde municipal tels les pôles de reconnaissance, la
régionalisation, la création, Je soutien et la diffusion pour la
pratique artistique des amateurs et des professionnels et le financement des
activités culturelles, notamment par les droits sur les divertissements.
Finalement, l'UMQ se propose d'aller au-delà du rapport Arpin afin de
présenter aux membres de cette commission la vision qu'ont ses membres
du devenir culturel de notre société.
Sur le plan de la dimension de la culture et l'ensemble des
municipalités. Depuis la fin des années soixante-dix, et cela
afin de répondre aux nouvelles demandes, les municipalités ont
investi de façon marquée dans les équipements et les
activités culturelles. Les sommes qu'elles ont consenties
démontrent clairement leur volonté et leur implication et le
budget moyen consacré à la culture est de 3 % du budget total
majoritairement axé aux fins de la pratique artistique des amateurs.
Dans plusieurs villes périphériques ou en région, le
budget culturel a même atteint et atteint, je dirais bien, 7 %.
Comme tous les autres services assurés par les
municipalités, ceux d'ordre culturel doivent se développer en
fonction de la taille et surtout de la capacité de payer et d'agir de
chacune d'entre elles. Or, les normes gouvernementales à l'égard
des équipements culturels ont été écrites en
fonction de standards provinciaux. Elles n'ont malheureusement pas tenu compte
des disparités régionales et des traits distinctifs des
municipalités. De même, l'État déleste aux
municipalités de nouvelles responsabilités financières qui
placent le monde municipal à l'heure des choix, entre autres, en
matière culturelle.
Par ailleurs, le rapport Arpin identifie trois pôles
inégalement répartis en termes de densité de population,
d'équipement et de synergie culturelle, de détermination
territoriale et de moyens: Montréal, Québec et les autres,
c'est-à-
dire le Québec des régions. L'UMQ est d'accord pour
reconnaître Montréal et Québec comme points d'ancrage de la
culture, comme deux pôles majeurs de son développement. Toutefois,
elle regrette de constater que si peu de place soit accordée aux
municipalités à l'extérieur de Montréal et de
Québec.
La culture ne s'arrête pas aux activités à
caractère professionnel et d'envergure nationale ou internationale. La
culture englobe aussi une foule d'activités à résonance
locale qui sont l'âme des régions. Il faut que les
créateurs s'illustrent dans leur milieu naturel. Ne l'oublions pas, les
régions sont génératrices d'idées, d'initiatives et
d'excellents créateurs. L'UMQ considère que négliger ou
ignorer le potentiel culturel des villes en région c'est se nuire
à court terme. D'autre part, le rapport, malgré tous ses
mérites, néglige la place de l'amateur au profit presque exclusif
du professionnel. La municipalité, quant à elle, s'emploie depuis
déjà longtemps à soutenir l'amateur autant au chapitre du
sport, du loisir que de la culture. Les amateurs font partie de la
réalité culturelle du Québec et leurs créations
peuvent les conduire au rang des professionnels s'ils se sentent soutenus.
Aussi, l'UMQ est convaincue que ce fait doit être pris en
considération dans l'élaboration d'une éventuelle
politique culturelle.
À cette étape, il nous apparaîtrait plutôt
irresponsable de passer sous silence le débat sur le financement car,
dans la proposition qui est discutée, on ne sait comment le partage
s'effectuera entre les parties impliquées, de même, quels seront
les coûts de cette implication pour le monde municipal. Doit-on craindre
un autre délestage de responsabilité financière par
l'État dans la cour des municipalités?
Les municipalités sont favorables au développement
culturel et, pour preuve, elles investissent déjà plus de 200 000
000 $ annuellement dans le soutien aux arts et à la culture. Toutefois,
dans le contexte actuel marqué par une récession, de même
que par les transferts financiers issus de la réforme Ryan, il y a fort
à parier que les municipalités devront freiner ou repenser leurs
investissements non seulement en culture, mais dans l'ensemble des services. Un
sondage réalisé auprès de nos membres à l'automne
1990 révèle que 78 % des municipalités du Québec
assurent ne pas avoir les moyens de prendre en charge plus de
responsabilités financières en matière culturelle. De
même, en septembre 1991 les résultats d'un sondage national
auprès de la population révèle qu'advenant le cas
où des coupures de services s'avéreraient nécessaires pour
éviter des hausses de taxes les citoyens autoriseraient leur
municipalité à couper en priorité les dépenses de
culture et de loisir.
L'État souhaite une participation accrue de nos membres mais, du
même souffle, il leur coupe les moyens financiers pour y parvenir.
À titre d'exemple, précisons que, depuis deux ans, les
municipalités voient fondre les subventions au fonctionnement des
bibliothèques, passant de 10 % à 8,5 %. Cette année,
l'aide aux municipalités ne s'élève en moyenne qu'à
7,9 % des budgets de fonctionnement.
Aussi, l'UMQ rappelle qu'à compter du 1er janvier 1992 la
réforme fiscale amorcée par le ministre Ryan réduira de
moitié le rendement des droits de 10 % sur les divertissements culturels
et sportifs. Ce manque à gagner représentera 15 000 000 $. Nous
croyons que la culture est avant tout une responsabilité de
l'État, car seul le palier national est capable de redistribuer la
richesse. Il peut jouer le rôle moteur du développement culturel
et est capable d'assurer une cohésion nationale à ce chapitre.
Toutefois, les élus municipaux reconnaissent que le palier local peut et
doit être partenaire dans l'orientation d'une politique et associé
aux plans d'action en matière culturelle. Ainsi, dans le cadre d'une
politique culturelle clairement définie, la municipalité pourrait
poursuivre à son rythme et à celui des citoyens ses efforts au
niveau du soutien de la pratique artistique pour les amateurs et, au besoin, de
la relève pour les municipalités qui le désirent. Nous
croyons que ni l'État ni la municipalité n'ont suffisamment de
ressources financières ou techniques pour soutenir un
développement anarchique de la culture au Québec. Aussi, le
partenariat et la concertation sont des éléments gagnants pour
l'avenir.
Riche d'une réflexion importante de ses membres, l'UMQ invite le
gouvernement à discuter d'une politique culturelle non pas une fois que
celle-ci sera écrite, mais plutôt au stade de
l'élaboration. Il est grand temps que les représentants du MAC
s'associent avec le monde municipal pour définir les paramètres
des implications et du financement dans le cadre d'une politique
culturelle.
À cet égard, le partage des responsabilités entre
les municipalités et le gouvernement du Québec en matière
culturelle n'a guère fait l'objet de discussions formelles avec le monde
municipal. Afin que la politique culturelle puisse coller à la
réalité de la culture dans le monde municipal et pour favoriser
une implication soutenue des municipalités en matière de
développement culturel, l'UMQ souhaite que le ministère des
Affaires culturelles tienne compte des recommandations suivantes:
Que la place des villes-centres en région puisse être mieux
définie afin qu'aucune ambiguïté ne subsiste quant à
leur rôle et à leurs attributions dans le cadre d'une
éventuelle politique culturelle;
Que le ministère des Affaires culturelles prenne les dispositions
nécessaires dans sa prochaine politique culturelle pour éviter
que la création et la production professionnelle en région ne
s'éteigne au seul profit des créations et des productions en
provenance de Montréal et
de Québec;
Que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse
l'importance du soutien aux créateurs amateurs et que cette
préoccupation se retrouve dans son projet de politique culturelle;
Que le gouvernement témoigne de sa volonté d'appliquer les
recommandations 77 à 80 contenues dans le rapport Arpin quant au
financement et à la place que doit occuper la municipalité dans
le développement de la culture au Québec et qu'il
réévalue sa décision de diminuer le rendement des droits
sur les divertissements dès le 1er janvier prochain afin d'éviter
de tarir une des seules sources de revenus liées à
l'activité culturelle municipale;
Que le ministère des Affaires culturelles s'associe à
l'UMQ avant - je dis bien avant - la rédaction du projet de politique
culturelle pour que soit mieux compris et défini le rôle futur des
municipalités en matière culturelle, de même que son plan
d'action pour réaliser ladite politique. À cet égard,
l'UMQ invite le gouvernement à initier ces discussions à la table
Québec-municipalités en présence de la ministre des
Affaires culturelles. Je vous dis bien que nous sommes disposés,
aujourd'hui, à répondre à l'ensemble des questions que
vous pourriez avoir à nous poser.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire et
président. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. le maire Mercier, M.
Gareau, bienvenue, M. Jean, M. L'Italien. Ça nous fait plaisir de vous
revoir. Je tiens à vous remercier aussi publiquement. Je sais que l'UMQ
a demandé vendredi dernier que la culture, la politique culturelle soit
discutée à la table Québec-municipalités et que
l'initiative, même si j'en ai discuté avec mon collègue, M.
Ryan, vient de vous. Alors, c'est une très bonne nouvelle et je peux
vous assurer d'ailleurs que la politique culturelle ne se fera pas sans que
l'on s'assoie ensemble, d'une part, et, deuxièmement aussi, il faut
être conscient que si les municipalités n'embarquent pas dans le
grand mouvement il n'y en aura pas de politique culturelle. C'est aussi simple
que ça, ça va être impossible à élaborer.
Parce que c'est aussi un grand mouvement collectif, ça part du citoyen
et ça part des différentes instances et il faut que les gens en
soient très très conscients.
J'ai le goût de vous demander quelque chose, par exemple. Vous
savez, le sondage qui est sorti il y a trois semaines, quand 43 % des gens ont
dit "coupez dans le loisir" et 42 % ont dit "coupez dans la culture". C'est un
sondage qui, honnêtement, m'a profondément ébranlée
dans un sens et j'aimerais savoir, selon vous, qui travaillez avec les
municipalités, donc très très près des gens, c'est
quoi la culture, dans le fond. Est-ce que la culture, c'est une dépense
ou est-ce que la culture c'est vraiment une espèce de sang qui coule
dans nos veines et qui fait en sorte qu'on peut se définir dans un
océan anglophone, un océan nord-américain et qu'on peut
dire: Nous autres, là-dedans, on est une société
distincte? C'est sûr que les gens se sont dit: À côté
de la police et à côté des pompiers, qu'est-ce qu'on coupe?
Ils ont dit "on coupe la culture". Mais je ne sais pas si c'est juste de poser
la question de cette façon-là. Alors, moi, j'aimerais juste
savoir si la culture est encore considérée comme de la
dépense versus un élément moteur et essentiel à
notre survie.
M. Mercier: Bon. Pour répondre à votre question,
Mme la ministre, d'abord, moi, j'ai pu personnellement, et je pense que
plusieurs ont aussi fait une lecture quelque peu différente
évidemment du pourcentage ou du choix d'une population lorsqu'on parle
de coupures... Il est bien sûr qu'on peut véritablement laisser
savoir qu'il est important de couper à un endroit puis qu'on
définisse effectivement que ce soit la culture. Mais je pense qu'il faut
voir un autre message à l'intérieur de celui-là, et c'est
celui-là qui me semble être très important: Le citoyen
semble considérer que la culture doit d'abord être soutenue par le
gouvernement central, c'est-à-dire l'État, par le gouvernement du
Québec. Moi, j'en ai fait cette lecture-là et plusieurs gens qui
ont aussi regardé le même sondage en sont venus à peu
près à la même conclusion que la municipalité,
c'était peut-être moins dans son rôle d'investir sur le plan
de la culture et, effectivement, ça arrivait au résultat que je
vous indiquais il y a quelques instants.
Il y a des préférences, bien sûr, à un moment
donné, d'une période où on doit couper et je pense que
pour certains, sur le plan de la municipalité, des investissements qui
se font en diverses matières de services rendus, il semble avoir
été considéré que c'était moins urgent que
la municipalité investisse sur le plan de la culture. Mais, encore une
fois, je pense qu'il faut en faire une autre lecture aussi, c'est que le
citoyen considère que c'est l'État comme tel qui doit soutenir la
culture. (10 heures)
Mme Frulla-Hébert: Quand vous parlez des
municipalités, vous dites: Les municipalités investissent
jusqu'à 3 % dans le loisir. On a eu différents maires, 19
municipalités, qui sont venus, dont vous-même en
représentant la vôtre. C'était très
rafraîchissant parce que ce sont des gens extrêmement convaincus.
À un moment donné, on fait loisirs culturels et culture. Il n'y a
pas vraiment de différence en soi dans un sens où c'est de la
sensibilisation culturelle, et qu'on fasse quoi que ce soit pour sensibiliser
la population à la culture et faire embarquer le monde, c'est
extrêmement positif.
Par contre, nous, au niveau du ministère, on ne touche pas le
loisir culturel et les municipalités ont énormément de
marge de manoeuvre
au niveau du loisir culturel. Nous, on s'implique, au niveau du
ministère en tout cas, on touche le professionnel et les infrastructures
en soi. Êtes-vous capables de nous dire... Vous dites que dans la
politique culturelle il faut avoir absolument un volet loisir culturel, en
fait, et le toucher, comme on va toucher aussi à l'éducation et
on ne chapeaute pas l'éducation, mais c'est en synergie, en
collaboration que nous travaillons avec le ministère de
l'Éducation actuellement.
Alors, expliquez-nous donc ça un peu? Parce que ça me fait
toujours peur, le loisir, parce que vous savez qu'il y a certaines
municipalités, dépendant aussi des gens qui sont là,
dépendant des gens qui sont aux conseils et dépendant des maires,
qui favorisent la culture. On en a vu, des municipalités, par exemple,
dans l'Estrie où les maires sont eux-mêmes fortement "culturels".
Donc, la municipalité a un visage très culturel. Il y en a
d'autres qui sont sportifs. Je me rappelle l'ancien maire de Hull, puis
là c'était tout a fait différent; "loisir" voulait dire
autre chose. Comment peut-on avoir une planification, par exemple?
M. Mercier: II faut voir, peut-être, d'abord, Mme la
ministre, que, sur le plan de la municipalité, de par sa mission, elle a
d'abord à favoriser la participation de l'ensemble de ses citoyens, quel
que soit le type d'activité qu'elle offre à la population. Je
pense que le premier élément, c'est de favoriser le participatif,
donc, la masse de la population. À partir de ce principe, il est bien
évident que la municipalité investit dans des secteurs qui sont,
comme vous le dites, peut-être loisirs culturels, ou associer loisirs et
culturel, mais je pense que, très souvent, c'est à ce
niveau-là qu'on découvre quand même des gens qui avaient
à l'intérieur d'eux des talents insoupçonnés, et on
a vu, au cours des dernières années, des gens émerger d'un
peu partout dans les régions, dans les municipalités avec,
évidemment, des habiletés quasiment extraordinaires. Ça ne
veut pas dire que ça se produit régulièrement, à
tous les jours, sauf que je pense qu'il faut aller vers ça si on veut
tenter de découvrir un peu.
D'un autre côté, lorsqu'on investit en culture, je pense
qu'à ce moment-là, ce que font les municipalités en
investissant en loisirs-culture, ça fait en sorte aussi que les gens ont
une plus grande conscience, développent effectivement une culture. Il
faut quand même admettre que ce n'est peut-être pas
nécessairement jusqu'à maintenant la masse de la population qui
a, je dirais, un esprit culturel très développé, un
état culturel très développé; c'est peut-être
davantage une façon de favoriser, je pense, cet
élément-là. Donc, il ne faut pas que les
municipalités se retirent de là, au contraire.
Maintenant, au moment où des gens qui se sont quand même
fait valoir à l'intérieur de leur municipalité, de leur
région, et qui deviennent des gens bien connus, qui sont rendus
peut-être même sur le plan professionnel, des gens qui pratiquent
à l'intérieur de différentes sphères des arts, je
pense que la municipalité doit moins supporter ces gens-là que
l'État. C'est le rôle de l'État, je pense, de supporter
davantage ces gens-là. Ça ne veut pas dire pour autant que
certaines municipalités n'apportent pas des appuis à ces
gens-là; au contraire, je pense qu'elles le font, mais ce n'est pas
nécessairement leur premier rôle, je ne pense pas.
Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup parlé d'un fonds
régional de développement culturel. La plupart ont accueilli
l'idée avec énormément de positivisme, dépendant
comment ça s'articule, d'une part. Ensuite, les entreprises - je pense
que des entreprises privées, on en a reçu plusieurs et on en a
une aujourd'hui, Aican -sont très prêtes aussi, il semblerait en
tout cas, à embarquer. Mais vous semblez contre dans le mémoire.
Il semble que le concept de fonds régionaux... vous dites: Ne
répond aucunement aux possibilités et pratiques locales.
Pourtant, les MRC, par exemple, collaborent au Fonds de solidarité de la
FTQ. Donc, c'est un concept qui est semblable. Pourquoi ce serait si
différent si on l'appliquait au domaine culturel?
M. Mercier: D'abord, juste avant de répondre à
cette question-là, Mme la ministre, je voudrais peut-être ajouter
que, sur le plan, bien sûr, des municipalités, il faut voir, je
pense, l'activité courante qu'on dit associée surtout, on
Indiquait tantôt, aux loisirs culturels, mais il faut voir aussi, je
pense, les investissements, l'immobilisation que les municipalités ont
quand même consacrés à une foule d'activités
diverses.
Ceci dit, sur le plan du développement ou de regroupement, si
vous voulez, d'un fonds régional, il n'y a rien qui puisse
empêcher nécessairement un fonds régional, sauf qu'il faut
laisser voir ou, du moins, donner l'occasion à chacune des
municipalités de pouvoir facilement s'assumer, de faire ses choix et
d'investir, je pense, à sa mesure et selon ses besoins, sur le plan de
la culture. Lorsqu'on pense, des fois... Je ne sais pas si vous voulez faire
référence à une corporation ou une organisation de -
voyons! le nom m'échappe...
Mme Frulla-Hébert: En fait, ce serait un fonds, tout
simplement, où on participe, les régions participent, le
privé participe.
M. Mercier: Excusez! Ça me revient. La mémoire fait
défaut. Un conseil, par exemple, des arts d'une région
donnée.
Mme Frulla-Hébert: Ah oui! D'accord.
M. Mercier: Alors, je ne pense pas que c'est
nécessairement la formule idéale ou la
formule qui est privilégiée par les villes, les
municipalités dans l'ensemble au Québec. Je pense qu'on
préfère avoir davantage une forme de marge de manoeuvre et aussi
que l'argent puisse être consacré pas nécessairement
uniquement à une région, que ce soit une MRC qui prenne une
décision comme telle, mais que chacune des municipalités retienne
de son autonomie et puisse le faire plus facilement. Vous connaissez le
fonctionnement des MRC. Je pense que les décisions qui s'y prennent, on
les veut bien sages. Mais ça ne veut pas dire nécessairement que
ça puisse être au choix de l'autonomie locale de chacune des
communautés.
Mme Frulla-Hébert: Mais comment essaie-t-on de solutionner
le problème? Par exemple, vous avez les villes-centres qui offrent les
services. Ensuite, s'il n'y a pas de fonds régional, comment... Souvent,
les villes nous disent: Nous autres, on offre tous les services et, en bout de
ligne, on paie pour tout ça et tous les autres qui sont environnants
participent, et gratuitement. Quand on leur demande: Pourquoi le faire, dans le
fond? parce que nous, on est là, d'une part. Il y en a d'autres aussi.
On a eu un mémoire vraiment savoureux de l'Union des producteurs
agricoles, un vibrant plaidoyer, justement, pour la cause culturelle. Ils sont
inquiets de voir les régions agricoles, finalement, se vider. Ils nous
ont amené des exemples de projets culturels qui sont des perles. Eux
croient fermement que c'est un des moyens. Mais, encore là, eux
disaient: II faut que les municipalités... ce sont les MRC et on va
embarquer. Alors, tout revient à vous, dans le fond. Tout revient aux
MRC. Les petites villes nous disaient: Oui, la MRC. Alors, c'est pour ça
que je me disais: Comment peut-on travailler ça?
M. Mercier: Je ne pense pas, Mme la ministre, qu'il faudrait,
dans le fond, comparer le développement régional, où il y
a des intérêts, je pense, très différents, avec le
développement culturel, qui est aussi important. Je ne pense pas qu'il
faille comparer les deux ou, du moins, les formules pour arriver quand
même à des résultats ou des résultantes. Moi, je
vous dis que, sur le plan, par exemple, d'une MRC, sur le plan de la culture,
et on connaît ses structures, vous arrivez dans des cas où ce sont
quand même des municipalités et les dollars proviennent toujours
des membres de la MRC, donc des municipalités en question qui sont
regroupées à l'intérieur de la même MRC. Vous avez
très souvent des municipalités qui sont quand même
d'importance, qui sont appelées, à ce moment-là, de par
des principes de fonctionnement, à contribuer davantage à une
assiette d'investissements. Sur le plan culturel, je suis vraiment loin
d'être convaincu que des villes qui ont leurs propres initiatives, qui
ont quand même, je pense, une importance dans leur région et qui
soutiennent largement la culture dans le moment, tantôt soient d'accord
pour investir davantage ou prendre leur argent pour l'investir dans un fonds
qui soit un fonds régional et qu'il soit réparti parmi d'autres
municipalités d'autres tailles. Je pense que chaque municipalité
devra, bien sûr, s'assumer, être capable d'investir à la
mesure de sa capacité de payer, mais surtout, je pense, être
soutenue par l'État. C'est une mission nationale et, à cet
égard, je pense qu'elle est non négligeable et elle doit
continuer et même, je dirais bien, investir davantage.
Mme Frulla-Hébert: Une dernière question, M. le
Président. Je sais que le temps presse. Au niveau de la taxe
d'amusement, des 10 %, est-ce que, selon vous, les fameux 10 % sont
réinvestis, en général, dans la culture? Des fois, on dit:
Oui, oui, mais tu sais, nous autres, c'est important, puis tout ça.
Mais, finalement, ça fait partie d'une espèce de... appelons
ça un fonds consolidé, qui fait qu'ensuite, quand c'est une
répartition globale, les 10 %, ce n'est pas vraiment là qu'ils
vont. Ils vont là, mais ils vont aussi ailleurs.
M. Mercier: Oui. Encore une fois, peut-être une autre
réponse à retardement, je dirais bien. Sur le plan, par exemple,
du principe de la MRC et de ses investissements, un fonds de région, il
y a un autre aspect aussi. Je pense qu'il y a une question d'autonomie locale,
il y a une question de choix de chacune des municipalités, et pourquoi,
dans le fond, est-ce qu'une MRC - ce pourrait bien être la
communauté urbaine - ou une communauté urbaine décide,
effectivement, de ce qui devrait être investi dans x, y ou z secteurs de
la culture? Je pense qu'on doit laisser ça aux élus municipaux et
ne pas tenter de ramener ça à un organisme qui est, à
toutes fins pratiques, une créature, une créature non pas des
municipalités, mais une créature d'abord du gouvernement et
à l'intérieur de laquelle les municipalités ont quand
même eu l'obligation de fonctionner, et qui fait en sorte que ça
ne fonctionne pas toujours sur des billes. Il faut quand même bien
l'admettre: que ce soit dans les communautés urbaines, que ce soit dans
les MRC, il y a peut-être, à l'occasion, des exceptions, mais je
vous dis que, règle générale, ce n'est pas
nécessairement toujours un heureux mariage. Par contre, sur le plan de
la municipalité, à ce niveau-là, je pense que les gens
sont quand même capables de s'accorder, les élus avec leur
communauté locale, à savoir jusqu'à quel point ou dans
quelle mesure ils doivent investir ou "prioriser" peut-être un peu plus
la culture.
Sur le plan des investissements, sur le plan de la taxe qui est
perçue sur les divertissements et aussi sur la question des
investissements, je vous dirais que dans une large partie, dans une grande
partie, l'argent est réinvesti à l'intérieur
d'activités d'ordre culturel ou à l'avantage ou au
soutien peut-être de ces activités-là. Il ne faut
pas croire et il ne faudra pas arriver tantôt à une solution
où on va dire: Bien, écoutez, vous allez récupérer
10 % à un endroit ou vous allez récupérer 8 % à cet
endroit-là et, d'obligation, vous allez devoir verser 8 % directement
dans certains projets culturels. Je pense qu'on pourrait errer si on faisait
ça, et je vous explique pourquoi. C'est que, lorsque vous avez un
centre, une ville-centre qui a quand même un centre culturel quelconque
et qu'il y a des activités, évidemment,
régulièrement à ce même centre, il y a aussi des
dépenses qui sont inhérentes et elles ne sont pas toutes
assumées nécessairement par la billetterie, c'est bien
évident. Donc, sur le plan de la municipalité qui doit soutenir
toutes ces activités, peut-être par la protection publique,
peut-être par d'autres services qui sont rendus indirectement, dans le
fond, à toute l'infrastructure en question, je pense qu'il y a une
partie, peut-être, de cet argent qui est récupéré
à partir de la taxation qui est réinvestie de ce
côté-là. Alors, il faut faire attention. Il ne faut pas
penser ou croire que, s'il y a 10 % de récupérés, c'est 10
% carrément subventionnâmes à des activités ou
à des groupes culturels, ou n'importe, il peut y avoir un léger
pourcentage qui suffit quand même à répondre à un
besoin qui est directement relié à l'activité proprement
dite.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, je vais resouhaiter la
bienvenue à M. Mercier, M. Gareau, M. Jean et M. L'Italien. J'estime que
le meilleur interlocuteur est probablement, pour M. Mercier, un de ses anciens
collègues, le député de Jonquière, le
député-maire de Jonquière si le cumul des fonctions avait
encore été permis. Ha, ha, ha!
M. Mercier: On est toujours heureux d'entendre ce terme,
député-maire.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que la commission consent
à ce que, exceptionnellement, même s'il n'est pas membre de la
commission, ie député de Jonquière puisse intervenir?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Doyon): Alors, il y a consentement. Vous
avez la parole, M. le député. (10 h 15)
M. Dufour: Merci. Bienvenue aux représentants de l'Union
des municipalités. C'est évident que lorsqu'on écoute le
questionnement de Mme la ministre concernant la culture, la place de la culture
dans les municipalités, la question pour moi, je ne la pose même
pas, puisque les municipalités ont compris depuis très longtemps
et elles se sont impliquées dans ce phénomène ou dans
cette participation collective, d'abord, parce qu'elles y trouvent leur
intérêt sûrement, mais elles trouvent plutôt
l'intérêt de leurs contribuables. C'est non seulement une
activité culturelle, c'est aussi une activité économique
importante dans un milieu...
M. Mercier: Oui, c'est vrai.
M. Dufour: ...et c'est un élément de vie aussi pour
une municipalité. Ça m'amène à poser la
première question. Je me dois de vous féliciter pour le courage
que vous manifestez. Dans l'état actuel des choses, après les
deux orientations majeures que le gouvernement a prises dans les
dernières années, dont une d'aller dans l'impôt foncier
pour augmenter les revenus des commissions scolaires et une deuxième
ponction très importante qu'on appelle la pseudo-réforme que vous
subissez, et le courage que vous manifestez, comment pouvez-vous croire ou
qu'est-ce qui vous donne à penser que vous avez encore cette place
privilégiée vis-à-vis du gouvernement pour discuter de
cette politique culturelle?
M. Mercier: Bien, voici. On ose espérer, quand même,
que les intentions du gouvernement sont réelles; je pense que oui, on
présume bien. Je pense que cette commission qui siège et, par
respect pour la commission, certainement, je pense, tout le milieu culturel...
Je pense que les Intentions du ministère et de la ministre, c'est
certainement de déterminer de façon concertée - je dis
bien "concertée" - une politique. On a bien indiqué aussi, dans
notre mémoire, que c'est ce qu'on espérait. Je pense que Mme la
ministre, tantôt, pouvait nous assurer que, oui - en tout cas, c'est ce
que j'ai compris - on le ferait. C'est évident qu'avec le lourd fardeau
que les municipalités doivent assumer depuis peu, sur le plan des
responsabilités dites responsabilités nouvelles, il y a un
questionnement important sur le plan de l'investissement, et la question s'est
posée aussi, je le répète encore une fois, sur le plan des
sondages. Lorsqu'on demande la préférence des citoyens sur ce qui
doit être coupé dans une municipalité, on semble tenter de
couper quelque chose qui semble être, pour eux peut-être, moins
important pour l'immédiat. D'autre part, je pense que le message, aussi,
est peut-être très vrai, et c'est de cette façon-là
qu'il faut voir cette lecture, c'est que le gouvernement ne doit pas se
désengager sur le plan de la culture. Au contraire, s'il y a quelque
chose qui devrait se produire, malgré le fait que la situation
économique est peut-être difficile, c'est que le gouvernement, sur
le plan culturel, devrait investir même davantage. Or, quand vous posez
la question, M. Dufour: De quelle façon, dans le fond, est-ce que les
municipalités vont pouvoir se gouverner à l'intérieur de
ça? je pense que vous avez raison de poser la question.
Mais, à mon avis, et vous le dites bien, la culture,
l'activité culturelle demeure toujours un élément, souvent
l'élément économique important dans les régions ou
dans les milieux urbains et, à cet égard, je n'ai pas
l'impression... La conviction des élus, c'est de continuer à
investir sur le plan culturel. Mais, encore une fois, si le message, à
partir du citoyen... Si, dans le fond, on continue à se retrouver dans
des situations, comme c'est le cas depuis tout dernièrement, de manque
à gagner, de manque de revenus, je ne peux pas prévoir, moi, ce
que les citoyens, tantôt, vont favoriser comme choix. Le message rendu,
quand même, aux élus municipaux, est-ce que ce sera de se retirer
davantage de ce secteur? J'ose espérer que non.
M. Dufour: Est-ce que vous pensez, M. le président, que,
par rapport à l'état actuel de la situation, il y a des
éléments qui vous permettent de croire que c'est plus rassurant
aujourd'hui qu'hier? Je vous donne un exemple. Il y a eu des changements
d'apportés. Là, on parle d'une politique culturelle, donc quelque
chose de durable. Qu'est-ce qui vous donne a penser que ces
améliorations qui pourraient être apportées...
Vis-à-vis des municipalités, comment ça pourrait se vivre?
Autrement dit, si un gouvernement peut changer les règles du jeu selon
l'humeur du moment ou selon l'humeur des circonstances et que vous nous
dites... Parce qu'une véritable politique, ça veut dire qu'il y a
des balises, qu'il y a un sillon de tracé et qu'on s'en va quelque part.
Et si ça se change, comme ça, est-ce que vous avez actuellement
des lueurs qui vous permettent de croire qu'il y a une attitude du gouvernement
qui est changée par rapport aux municipalités?
M. Mercier: M. le député, je vous comprends de
poser la question parce que les municipalités peuvent se poser
exactement cette question qui est importante et primordiale. Si on tente de
planifier, et c'est le cas des municipalités, elles le font depuis quand
même bon nombre d'années... sur le plan des finances II y a une
planification qui fait en sorte que les municipalités réussissent
à ne pas faire de déficit. Elles font aussi une planification
minimale d'ordre triennal sur le plan de leurs investissements. Il y en a
même plusieurs, actuellement, qui ont mis en pratique une projection
quinquennale. À partir de cela, si c'est une façon d'agir qui se
veut, je pense, intéressante en gestion de fonds publics, il ne faudrait
pas que, d'autre part, on se retrouve dans une situation, où des
politiques ont établi des balises, une voie ou un cheminement, qu'on
vienne du jour au lendemain changer, changer effectivement cette règle
de pratique ou ces convenances sans s'être, je dirais, retrouvés
autour d'une table pour discuter, probablement, et pas à l'improviste,
mais vraiment à long terme dans une intention de planifier, s'asseoir
à la table. Changer les règles du jour au lendemain, ça
peut être inquiétant, c'est bien sûr. Je pense que, sur le
plan des municipalités, c'est une des raisons pourquoi on demande au
gouvernement, particulièrement à la ministre des Affaires
culturelles, avant de définir une politique comme telle, de pouvoir la
discuter, de donner le point de vue des municipalités et de tenter de
retrouver quelque chose qui colle à la réalité des
communautés locales, et d'oser espérer, je dirais bien
même, quasiment d'avoir des garanties qu'on ne nous laissera pas tomber
du jour au lendemain. Quand on vit ces situations, je pense que ça
crée effectivement une inquiétude chez la population, c'est bien
évident, et ça fait en sorte aussi... Si c'est des
périodes économiquement difficiles, à ce moment-là,
le soutien à la culture, est-ce qu'il peut être passé en
deuxième ou en troisième lieu?
M. Dufour: Quand vous parlez de garanties, c'est quoi, pour vous,
une garantie? Comment ça pourrait s'inscrire dans votre esprit?
M. Mercier: Ça ne touche peut-être pas
nécessairement directement la commission ici, mais je peux vous indiquer
qu'à l'Union des municipalités, ce qu'on souhaite, c'est de
retrouver une charte des collectivités locales, ce qui ferait en sorte
que ça établirait une règle de procédure qui
garantirait aux municipalités un minimum de respect à
l'égard des politiques et des règles mises en place sur la plan
du financement et autres par le gouvernement. Et, avant de changer, quel qu'il
soit, un de ces principes ou de ces règles, que ce soit en
fiscalité ou autrement, qu'on ait l'obligation, je dis bien
l'obligation, de s'asseoir à la table et de discuter avec ses
partenaires, alors qu'actuellement ce n'est pas le cas. Vous le savez, on n'a
que des pouvoirs délégués et l'État peut, du jour
au lendemain, se retourner et changer très rapidement ces règles,
comme ça s'est déjà fait peut-être, ne pas
consulter. Je pense qu'avec une charte, une inscription, en somme, à
l'intérieur de la constitution, ça nous permettrait effectivement
d'avoir cette garantie qu'on ne change pas les règles du jour au
lendemain.
M. Dufour: Dernièrement, vendredi dernier pour ne pas le
nommer, il y a eu une table Québec-municipalités. Est-ce que vous
avez eu un certain positionnement de la part des Affaires municipales
concernant ce qu'on appelle la taxe d'amusement, la disparition ou
l'augmentation? Est-ce qu'il y a eu une approche qui permette de croire qu'on
est en lieu d'améliorer le système?
M. Mercier: M. le député, là-dessus, je dois
vous dire que le ministre des Affaires municipales nous a laissé savoir
qu'il pourrait y avoir des modifications d'apportées. Nous avions,
à cette
même table, avec nous, à notre délégation, le
maire de la ville de Montréal, M. Doré. Je pense que M.
Doré est intervenu à la même table, auprès du
ministre, pour lui laisser savoir tous les effets néfastes
là-dessus. M. le ministre, ce qu'il nous a laissé savoir, c'est
qu'on pourrait peut-être reporter l'application jusqu'à la
mi-1992. Je pense qu'encore une fois ce n'est absolument pas une solution parce
qu'une ville, que ce soit Montréal ou les autres, et c'est surtout
Montréal et les grands centres... Il y a beaucoup de grands centres,
dans le fond, qui dépendent des revenus de cette taxe sur les
divertissements. Ils font un budget, pas pour six mois; ils font un budget pour
un an. Donc, ils établissent leurs prévisions budgétaires
en termes de 12 mois. Je pense que, là-dessus, quand même M.
Doré a laissé savoir au ministre qu'il était absolument en
désaccord avec ce principe qui était présenté comme
possibilité, disons, et qu'il considérait que c'était une
chose qui devrait courir pour l'année 1992 et que son budget serait
préparé pour 12 mois et non pour 6 mois. Je pense que,
là-dessus, c'est peut-être une ouverture qui avait
été envisagée par le ministre des Affaires municipales
mais, encore une fois, je pense que la taxe sur les divertissements devrait
demeurer parce que c'est quand même aussi, je dirais bien un acquis, je
dirais un acquis depuis 50 ans. Quand vous parlez de changer les règles,
bien, voilà, on en change une règle, imaginez-vous, 50 ans!
On compte sur la bonne foi du gouvernement. Je pense que vous allez
être capable de réanalyser toute la problématique et faire
en sorte qu'on ne vienne pas pénaliser surtout, surtout le
côté de la culture.
Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le
député.
M. Dufour: Oui. Ça me déçoit parce que
j'aurais plusieurs questions à soulever surtout concernant l'apport du
gouvernement ou du ministère au point de vue des bibliothèques
municipales. Il y a un certain nombre d'éléments
là-dedans, mais il y en a d'autres aussi et je vais les ignorer
volontairement. Je voudrais vous demander si, dans votre esprit, parce qu'on va
regarder vers l'avenir, en supposant que tout est correct, que tout se
rétablit... Il y a beaucoup d'initiatives qui se prennent sur le
territoire de la part de personnes ou d'individus, de groupes, d'associations.
Ces initiatives-là amènent des apports monétaires, pas
juste des apports culturels, mais des apports monétaires, soit du
gouvernement, soit des municipalités ou d'autres organismes. Est-ce que
vous iriez jusqu'à dire que ces nouveaux apports ou ces nouvelles
participations de la part du gouvernement - je ne parlerai pas des
participations privées - à un organisme quelconque dans une
municipalité, est-ce que vous iriez jusqu'à demander ou exiger
que la municipalité soit partie prenante à cette
décision?
M. Mercier: Je vous dirais, M. Dufour, là-dessus, oui. Je
pense que la municipalité a quand même démontré, au
cours des dernières années, toute la sagesse de sa gestion et
aussi des choix qu'elle faisait. Je pense qu'un peu partout les choix qui ont
été faits... la facture est différente d'un endroit
à l'autre dans la province. La facture que paient les contribuables est
très différente. Mais, encore une fois, ça tient compte de
la capacité de payer, ça tient compte également des
préférences d'une population résidente et ça fait
en sorte qu'on puisse retrouver peut-être un certain équilibre qui
respecte le milieu de vie communautaire. Là-dessus, oui, je pense que
c'est extrêmement important.
Le Président (M. Doyon): Merci. Au nom de l'Opposition et
au nom de Mme la ministre, à moins qu'il n'y ait des objections, je
tiens à vous remercier pour votre présentation. Je pense que vous
avez, encore une fois, éclairé le débat
considérablement. Merci d'être venus nous voir. Merci beaucoup. Je
suspends les travaux pour cinq minutes.
M. Mercier: Je vous remercie, M. le Président.
(Suspension de la séance à 10 h 29)
(Reprise à 10 h 38)
Le Président (M. Doyon): C'est avec plaisir que nous
recevons maintenant les représentants de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Itée. Je vois qu'ils sont
déjà à la table. Je leur souhaite la bienvenue et je leur
dis bonjour. Je les invite à nous faire part de leurs réflexions
et de leurs réactions suite à la présentation qui a
été faite d'une proposition de politique culturelle, qu'ils nous
fassent savoir ce qu'ils en pensent, comment ils réagissent et,
après ça, suite aux 10, 15 minutes qu'ils auront, les membres de
la commission vont engager la discussion, vont s'entretenir avec eux pendant
quelques minutes aussi. Vous avez la parole.
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan
M. Bouchard (André J.): Merci, M. le Président.
J'aimerais vous présenter, à ma gauche, M. Jean-Guy Thibault, le
directeur corporatif de la publicité et des commandites, qui m'aidera
dans les échanges que nous aurons avec la commission. Je vais lire le
mémoire.
Le Président (M. Doyon): Et vous êtes M.
Bouchard?
M. Bouchard: Oui.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous deux.
M. Bouchard: Merci. Les membres de cette commission sur la
culture doivent sentir tout le poids que représente le mandat qui leur
échoit à ce moment précis de l'histoire du Québec.
Pour notre part, nous nous sentons privilégiés de nous
présenter devant la commission pour exposer notre point de vue et
contribuer à l'élaboration de propositions qui pourront mieux
établir la part de chacun dans la vie culturelle du Québec de
demain.
On peut se demander pourquoi une entreprise privée comme Alcan,
plus préoccupée par les opérations quotidiennes de
fabrication et de transformation d'aluminium que par les questions de culture,
ait choisi de se présenter aujourd'hui devant vous et quelle
contribution elle peut apporter au débat.
À la première question, il est facile d'établir
à la satisfaction de tout le monde le rôle majeur que notre
entreprise a joué dans le développement de la culture
québécoise depuis un demi-siècle. Qu'il s'agisse des
Plouffe, du théâtre Alcan, du Festival international de jazz et de
beaucoup de manifestations artistiques, Alcan est un participant actif dans
l'expression créative des Québécois et
Québécoises. Plusieurs générations ont
été ravies par les événements culturels rendus
possibles grâce à Alcan. C'est donc à titre de partenaire
à part entière que nous participons aujourd'hui au débat
et que nous soumettons notre point de vue à l'appréciation des
membres de la commission.
Aujourd'hui, j'aimerais cependant adopter une perspective un peu plus
fonctionnelle à partir de l'expérience d'une région du
Québec, avec laquelle nous avons grandi: le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
L'expansion phénoménale qu'a connue le secteur culturel au
Canada et au Québec durant la dernière décennie
témoigne avec éloquence de l'importance croissante que lui
accorde notre société. Seulement pour l'année en cours,
des estimations récentes évaluent son impact économique
à travers le pays à 13 700 000 000 $. 300 000 emplois en seraient
directement tributaires. En 1987, l'activité économique totale de
la culture au Québec a dépassé les 3 300 000 000 $.
Ce phénomène de croissance se vérifie dans à
peu près toutes les disciplines. Au début des années
soixante, période durant laquelle notre entreprise a supporté la
sphère des arts de la scène avec le théâtre Alcan,
on comptait à peine une dizaine de troupes de théâtre
subventionnées. Aujourd'hui, on en compte au-delà de 90.
Mais c'est l'apparition ou le développement
d'événements majeurs ainsi que la maturité qu'ont acquise
nos grands organismes et institutions qui constituent la preuve la plus spec-
taculaire de cet engouement pour la culture. Qu'on pense à l'Orchestre
symphonique de Montréal, au Musée de la civilisation, au Cirque
du Soleil, à des événements courus comme le Festival
d'été de Québec ou celui de jazz à Montréal,
c'est plus de 130 000 000 $ qui sont engagés annuellement lors des
manifestations culturelles majeures ici, au Québec.
Chacun désire évoluer dans un milieu sain et pouvoir en
profiter pleinement, aspirations incarnées par les thèmes de la
santé et de l'environnement. De même, l'idée de profiter
d'un cadre de vie intellectuelle propice à l'épanouissement
individuel dans tout le territoire prend toute sa signification dans le concept
de culture. À l'extérieur des grands centres, en région
comme on dit souvent, se sont également développées des
activités d'envergure impressionnante, telle la Biennale du dessin, de
l'estampe et du papier à Aima. Il est facile de constater que, partout,
le "bouillon de culture" est en pleine ebullition.
Un fait essentiel demeure, c'est que toute démonstration
statistique étayant avec éloquence l'apport économique
considérable du secteur de la culture au produit national brut ne
pourrait révéler que la pointe de l'iceberg. Les analystes
sérieux n'éprouvent plus aucune gêne à commenter
l'importance de la stimulation économique, en soi impossible à
comptabiliser, que procurent à la société les valeurs de
créativité, de dépassement et d'excellence transmises
à tous par le dynamique culturelle. L'éminent économiste
John Kenneth Galbraith décrit la culture comme étant, et je cite,
"le stade ultime de l'économie": "...sciemment ou non, l'artiste stimule
de façon vitale le progrès industriel dans notre
société moderne."
Ceci explique peut-être le fait que de plus en plus d'entreprises
du secteur privé s'intéressent à la dynamique culturelle
au point de s'y associer résolument et de participer a sa promotion.
Est-ce une crise de philanthropie aiguë qui a poussé les
corporations canadiennes à accroître de 50 % leur appui à
la culture entre 1980 et 1987? Si c'est le cas, l'épidémie semble
loin de se résorber puisque les données les plus récentes
démontrent une autre progression du don privé, de 8,6 % cette
fois, pour la seule année 1989.
L'existence d'organismes spécifiquement voués à la
promotion de l'association Arts-Affaires, tels l'Assemblée
Arts-Affaires, le Conseil pour le monde des affaires et de la culture, ou le
programme Imagine, prouve en soi le sérieux avec lequel le secteur
privé considère ses relations avec le milieu culturel. La
tendance au déplacement de la commandite privée du sport vers la
culture est un autre indice probant de la prise de conscience globale du monde
des affaires face au potentiel de la culture en tant que source de motivation
profonde de la société.
Il y a eu une époque où on exigeait de la ressource
humaine force, endurance et perfor-
mance, valeurs véhiculées par le sport de haut niveau.
Maintenant qu'il est question de formation, de créativité,
d'excellence ou de qualité totale, les modèles d'identification
transmis par la démarche artistique s'avèrent plus performants et
combien plus près des objectifs poursuivis par l'entreprise. Il faut
conclure de cette démonstration que le développement de la
culture est un phénomène qui plonge ses racines au coeur
même du processus d'évolution de notre société et
qu'il s'identifie fort bien à l'évolution du monde des affaires.
Il s'agit donc d'un rapprochement plus que passager. Dans ces circonstances, il
apparaît urgent que des partenaires sociaux dans les secteurs public,
privé et communautaire bénéficient d'un contexte favorable
à l'union de leurs efforts en vue d'un appui plus efficace à la
culture.
L'appui offert par Alcan à la culture québécoise
remonte déjà à plusieurs années. Qui ne se souvient
pas des prestations magistrales du regretté Jean Duceppe à la
télévision de Radio-Canada lors des soirées du
théâtre Alcan? Cette série aura permis d'initier bien des
Québécois à cet art de la scène. Ce type
d'intervention ponctuelle cadrait alors parfaitement avec les
responsabilités de bon citoyen corporatif dévolues à la
plus grosse entreprise manufacturière du Québec.
Depuis quelque temps, le conseil d'administration d'Alcan
privilégie le secteur culturel comme façon de contribuer à
l'amélioration de la qualité de vie. Plus récemment, Alcan
a décidé d'augmenter sa contribution aux activités
communautaires de protection de l'environnement et de protection de la
santé, sans toutefois mettre en péril sa participation à
la vie culturelle. En effet, pour Alcan, l'investissement dans la culture
répond non seulement à un souci de qualité de vie, mais
également à la transmission de valeurs culturelles. Ce sont ces
raisons qui amènent les dirigeants de notre entreprise à adopter
une prise de position claire concrétisée par une stratégie
d'appui soutenue à plusieurs de ces manifestations.
Parmi les collaborateurs qu'elle encourage, notons les plus connus: le
Festival de jazz, l'OSM, l'OSQ, les Grands Ballets canadiens, les Salons du
livre de Montréal, Québec et Jonquière, ainsi que
l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean et son Quatuor à
cordes Alcan. C'est d'ailleurs cette implication qui a valu à la
compagnie en 1990, et ce pour une seconde fois, le prix Financial Post dans la
catégorie Support à la communauté.
La créativité, le professionnalisme et l'excellence sont
les premiers critères nous guidant dans la sélection des
organismes requérant notre appui. Ces valeurs assurent plus que toute
autre une transmission efficace du message social dont les arts et la culture
sont porteurs. Elles garantissent également, dans l'esprit du
mécénat moderne préconisé par Alcan, le retour
désiré sur l'investissement; visibilité de l'entreprise
lui conférant prestige et attestant de son sens des
responsabilités sociales, association entre la qualité du produit
et celle des activités de l'organisme, symbole d'identification des
employés aux objectifs poursuivis par la compagnie.
Alcan gère son mécénat de la même
façon qu'elle administre ses activités: en visant le maximum
d'efficacité. Ainsi, notre compagnie adhère au programme Imagine:
ses dons annuels correspondent à 1 % de la moyenne de ses profits avant
impôts enregistrés au cours des 10 dernières années.
Cette mesure, fondée sur une moyenne, a pour effet d'atténuer les
fluctuations trop importantes de nos profits annuels et, par conséquent,
dans le montant de nos contributions à nos collaborateurs.
De nos jours, Alcan ne se limite plus à des commandites
exclusives; au contraire, elle préfère maintenant s'associer
à des partenaires qu'elle choisit à partir des mêmes
critères de professionnalisme que ceux qui président à ses
associations lorsqu'il est question de production. Cette ouverture peut
permettre à de plus petits commanditaires d'être associés
à des manifestations sérieuses qui ont déjà fait
l'objet d'une évaluation serrée par nos services. Lorsque nous
recherchons des partenaires, nous évaluons principalement leur
sérieux et leur stabilité. Ceci dit, nous demeurons quand
même ouverts à des initiatives plus avant-gardistes ou
orientées vers la relève, comme, par exemple, Cégep en
spectacle ou le Prix de la sculpture Alcan.
Selon nous, il serait grandement souhaitable que davantage d'organismes
puissent bénéficier des conditions matérielles
nécessaires à l'optimisation de leur potentiel artistique. Le
mécénat moderne, tel que pratiqué par notre entreprise,
s'en trouverait enrichi sous plusieurs aspects. Bien que notre entreprise n'ait
aucunement les moyens de répondre à toutes les demandes, Alcan
considère néanmoins que le contexte actuel, qui ne permet pas au
grand nombre de manifester ses talents, restreint sa liberté de faire
des choix reflétant fidèlement son idéal de commandite
dans le secteur culturel. Nous croyons qu'une société comme la
nôtre jouit d'une maturité suffisante pour offrir à un plus
grand nombre d'artistes et d'organismes de la culture l'accès à
une saine viabilité.
Par comparaison, si le milieu du sport, d'où nous nous sommes
maintenant complètement retirés, a pu attirer des commanditaires
en grand nombre, c'est que ses structures étaient suffisamment
développées pour profiter du contexte avantageux décrit
précédemment. La solidité et l'envergure de ses
organisations combinées à la présence d'infrastructures en
quantité et en qualité ont constitué une véritable
terre d'accueil pour la commandite corporative. Il y a encore beaucoup à
faire avant que le secteur culturel n'acquière un aussi grand potentiel
attractif,
avant qu'y soient réunies les conditions justifiant un soutien
optimal de la part des partenaires du privé. Toutefois, la conjoncture
sociale favorable à une plus grande expansion de la culture nous permet
de conclure que le jeu en vaut la chandelle sur le plan économique,
à condition, bien sûr, qu'on évite de la brûler par
les deux bouts.
On le sait déjà partout dans le monde, l'expertise d'Alcan
se situe principalement au niveau de la production et de la transformation de
l'aluminium. En privilégiant le soutien à ta culture, la
compagnie ne prétend ni n'aspire à diriger le
développement de la vie artistique québécoise. Elle
souhaite, par contre, qu'un leadership compétent s'y exerce afin de
profiter d'un maximum de conditions favorables a son implication. Le discours
actuel prône de plus en plus la discrétion étatique, voire
le désengagement général des différents
gouvernements. Cette rhétorique, dans bien des cas justifiée, ne
saurait s'appliquer au domaine de la culture dont la nature qualitative et
souvent avant-gardiste, un peu à l'instar de la recherche scientifique,
échappe parfois à ta logique primaire d'une rentabilité
économique immédiate.
Alcan s'y connaît bien en recherche et développement
puisqu'elle opère le plus grand centre privé de recherche
industrielle au Québec. Cette aventure a débuté
modestement dans le sous-sol d'un édifice à une époque
où il était difficile de convaincre quiconque de la
rentabilité d'un investissement dont le rendement se mesurait dans le
long terme. Il a suffi de quelques savants "imaginatifs" et de quelques
administrateurs visionnaires pour que le projet devienne réalité.
Si bien qu'aujourd'hui il n'y a personne pour remettre en cause ce qu'on
qualifiait alors de dépense.
Le secteur culturel doit lui aussi vaincre le scepticisme face à
ses chances de rentabilité. Cette réalité, doublée
du contexte particulier au Québec, rend urgente la présence d'un
Investisseur social qui aménagera stratégiquement le terrain du
développement culturel afin de favoriser l'implication d'un plus grand
nombre de partenaires possible. C'est essentiellement le rôle que doit
jouer le gouvernement. Pratiquement, on lui suggère d'agir en tant
qu'agent de développement en se munissant de tout l'arsenal des
techniques modernes de mise en marché, de formation de la ressource
humaine, de gestion, etc.
Ce leadership gouvernemental doit néanmoins s'exercer en
conformité avec l'idéal démocratique propre à notre
société. De plus, ce leadership doit impliquer, selon nous, la
délimitation des secteurs à "prioriser" ainsi que la
stabilisation des organismes en vue de leur développement. Dans une
perspective d'élargissement du partenariat, une des premières
tâches du gouvernement sera d'aider le milieu culturel à devenir
plus compétitif. Le désengagement erratique dans plusieurs
domaines a forcé les organismes caritatifs, les universités et
les hôpitaux, entre autres, à recourir plus intensément
à l'aide privée. Voilà de sérieux concurrents pour
la culture!
En regard de cette situation, le milieu culturel et ses alliés
devront, dans l'optique d'un mécénat moderne, rendre plus
alléchantes les perspectives d'appui par le secteur privé. Pour
ce faire, les organismes doivent d'abord profiter de conditions de survie
décentes de manière à fournir les garanties de
stabilité et de professionnalisme exigées par tout commanditaire
sérieux. Il doit ensuite y avoir suffisamment d'organismes
intéressants pour que le commanditaire potentiel puisse en
dénicher un dont les activités correspondent parfaitement
à ses objectifs de commandite. Il faut, enfin et surtout, abolir le
pernicieux climat de compétition actuel, véritable lutte pour la
survie, qui fait qu'un commanditaire se voit parfois reprocher, en ayant
aidé un intervenant, d'avoir condamné les autres.
La reconnaissance que le gouvernement accorde à des organismes
culturels n'est pas une chose à prendre à la
légère. C'est un sceau de qualité, une sorte de
certificat. Un bon investisseur veille toujours à ne pas
dévaloriser sa marque de commerce. Ainsi, le gouvernement ne peut se
permettre de marquer de son sceau un organisme à qui il offrira ensuite
à peine de quoi survivre. Un tel placement, mal avisé, affecte
négativement la cote du secteur culturel. Malgré les preuves du
désir d'implication du monde des affaires dans la culture, certains
hésitent encore à adopter une stratégie résolue et
dynamique d'ouverture à l'investissement privé. Il y a ici
beaucoup d'éducation à faire pour augmenter le nombre de
contributions.
Certes, il faut tenir compte du caractère cyclique de la
commandite privée qui suit les fluctuations économiques. Cet
écueil n'est cependant pas incontournable. Les entreprises, conscientes
de cet aspect délicat de leur appui, prennent des initiatives
concrètes afin d'y pallier, telle l'adoption du programme Imagine dont
il a déjà été question, il est à souhaiter
que ces activités se généraliseront à mesure que
l'association Arts-Affaires gagnera en maturité.
Deux autres épouvantails sont fréquemment agités
pour annoncer le plafonnement imminent de la commandite privée au
Québec. D'abord, on invoque la présence d'un nombre restreint de
sièges sociaux au Québec pour, ensuite, faire valoir que seuls
les événements majeurs trouvent preneurs parmi les gens
d'affaires. Cela nous confinerait à la notion de visibilité et ce
serait faire peu de cas de la valeur manifeste du message culturel. Alcan ne
partage pas cette vision des choses. L'application à l'échelle
régionale de la politique d'Alcan d'appui à la culture au
Saguenay-Lac-Saint-Jean démontre, comme on va le voir, que ces deux
facteurs ne constituent pas un frein absolu à l'implication du
privé dans le milieu culturel.
J'aimerais maintenant vous entretenir de façon plus
précise du partenariat culturel que nous entretenons depuis un
demi-siècle avec la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Un tel
partenariat, unique au Québec, s'explique par les racines qu'Alcan a
bâties dans la région dont je souhaiterais vous mentionner les
principaux visages.
Dès le début des années vingt, Alcan a
instauré un plan d'expansion audacieux au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui
s'est concrétisé par la construction d'une usine
d'électrolyse, d'une centrale hydroélectrique et même d'une
ville, Arvida, qui est considérée encore comme un endroit
très agréable à vivre. Les deux décennies suivantes
ont permis l'érection du complexe industriel Vaudreuil, à
Jonquière, c'est-à-dire une usine de fabrication d'alumine, ainsi
que la mise en service de l'usine d'électrolyse Isle-Maligne, à
Alma. Plus récemment, on a lancé la production aux usines de
Grande-Baie, à La Baie en 1981, et Laterrière
érigée à Chicoutimi en 1989.
Bien qu'exerçant un rayonnement de portée internationale,
Alcan est toujours demeurée solidement ancrée au Québec et
à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean où elle applique
à l'échelle régionale sa politique d'appui à la
culture. À titre d'exemple, les contributions à l'OSM et à
l'OSQ entraîneront le support à l'Orchestre symphonique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bien que ces activités soient laissées
aux initiatives de la direction régionale, elle permet d'adapter les
grands objectifs de commandite de la compagnie aux particularités
locales et de souligner des exemples régionaux de poursuite de
l'excellence.
En valorisant ainsi l'identité culturelle régionale, il en
résulte une plus grande implication du milieu et des diverses
communautés touchées par les initiatives supportées,
conduisant ainsi à une prise en charge effective de leur
développement de leur qualité de vie. La collaboration qui
s'établit alors entre les différents partenaires sociaux est
toujours d'une efficacité surprenante. La présence
d'interlocuteurs crédibles et fortement reliés au milieu est,
à ce chapitre, déterminante. Un organisme consultatif, tel le
Conseil régional de la culture, contribue à définir des
positions concertées et à harmoniser les discours: c'est
là une condition essentielle pour une saine compréhension entre
les intervenants du privé et ceux de la culture. Alcan apprécie
à sa juste valeur la contribution d'un organisme comme le CRC dans
l'exercice d'adaptation de sa politique d'appui à la culture au
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Une politique culturelle respectueuse des réalités
régionales devrait logiquement mener à des résultats
similaires à ceux obtenus par Alcan. Des mesures allant en ce sens ont
d'ailleurs déjà été éprouvées avec
succès: le Fonds d'appui au financement privé a
généré durant l'exercice financier 1987-1988 du
ministère des Affaires culturelles des investissements totaux
s'élevant à plus de 800 000 $ au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dont
les deux tiers provenaient de l'entreprise privée. Cette injection
massive dans le développement culturel régional a eu des
retombées significatives pour toutes les parties en cause. Malgré
ce succès, ce programme ne fut malheureusement pas reconduit; nous
souhaiterions qu'il fasse partie des nouvelles propositions. Quoi qu'il en
soit, le gouvernement devrait s'en inspirer afin de donner toutes les chances,
grandes ou modestes, à la créativité et à
l'excellence de s'exprimer.
En adaptant leurs actions et appui aux réalités locales,
le gouvernement et ses partenaires privés les plus engagés
fourniraient un cadre concret à ce qui, autrement, apparaît
parfois comme un concept inaccessible: la culture. Ce genre de message est
indispensable pour susciter l'implication de la portion du secteur
privé, les PME, qui hésite encore à appuyer une dynamique
dont elles ne perçoivent pas d'emblée les applications dans leurs
luttes quotidiennes pour la survie. Issues du dynamisme local et ardents
promoteurs d'une prise en charge de leur petite communauté, ces
entreprises ne consentiront jamais qu'à soutenir des initiatives
culturelles respectant leur propre nature. Pour y arriver, il faut cesser de
flatter leurs instincts philanthropiques et sortir l'investissement culturel du
rayon des dons charitables. Appuyer la culture, c'est investir en soi, investir
dans sa communauté, fertiliser la terre où ces organisations
étendent leurs racines.
Les grandes entreprises comme Alcan ne doivent pas être les seules
à propager cette vision des choses. Les associations de
développement économique et de gens d'affaires doivent aussi
l'intégrer à leur discours afin de faire prendre conscience
à leurs membres de tous les avantages que procurent à la
société les valeurs de créativité et de
dépassement transmises par l'activité culturelle. Il existe des
précédents intéressants. La Chambre de commerce d'Alma a
décerné à la Biennale du dessin, de l'estampe et du papier
le titre d'événement de l'année en 1989; à
Montréal, la Chambre de commerce a mis sur pied l'Assemblée
Arts-Affaires.
Il serait évidemment souhaitable que ce type d'initiative se
généralise. Cela pourrait bien arriver le jour où le
secteur privé dans son ensemble réalisera l'énorme
potentiel de la culture en tant que véhicule des traditions, des
aspirations, enfin de ce qu'il y a de mieux dans notre société.
On nomme "culture entrepreneuria-le" le phénomène de prise en
charge effective d'une communauté par elle-même. Certaines
communautés cultivent en effet plus que d'autres l'esprit d'initiative
et relèvent au rang d'héritage à léguer aux
générations à venir. Quiconque souscrit à ces
valeurs universelles sait désormais comment les propager dans sa
communauté et
dans la société toute entière.
Avant de conclure, je veux vous faire partager quelques opinions de
portée plus générale. Nous considérons, chez Alcan,
que le rapport Arpin contient plusieurs excellentes pistes à
considérer dans la mise en place de la toile de fond qui permettra
à tous les partenaires de contribuer à l'essor de la culture
québécoise. Le rapport fait d'ailleurs largement état de
l'importance du secteur privé dans ce développement. À
différents titres, le rapport Arpin constitue un excellent point de
départ; nous souhaitons qu'il guide la réflexion concernant les
orientations nouvelles de la politique culturelle.
Deuxièmement, pour nous, la culture ne repose pas que sur des
événements ou manifestations qui suivent un itinéraire
semblable à celui des montagnes russes, reposant sur le succès
aléatoire de lancements, de vernissages ou d'autres types d'actions
momentanées. La culture est l'expression de valeurs et de convictions
profondes et c'est à ce niveau que nous y sommes associés
étroitement. (11 heures)
Ensuite, nous aimerions nous joindre à d'autres organismes qui
ont comparu devant vous pour réclamer que la proposition de politique de
la culture et des arts fasse mention de l'appui accordé à la
culture scientifique et technique et à sa diffusion. Cela nous semble
être une lacune du document actuel. Nous serions heureux de fournir des
opinions plus spécifiques sur ce sujet en temps opportun.
Enfin, en guise de conclusion, nous croyons que, de tous les secteurs
d'activités, la culture n'est pas l'apanage des grands centres. Les
régions représentent un milieu d'une qualité de vie telle
qu'elle encourage la créativité et la diversité. Toute
proposition, pour être valable, doit faire une place de choix aux
régions et encourager leur manifestation à tous les niveaux.
Elles viennent renforcer l'expression du tout québécois et
garantissent l'autonomie, le dynamisme et la diversité de la
culture.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouchard. Mme la
ministre, pour quelques minutes seulement.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouchard, bienvenue M.
Thibault. D'abord, je tiens à souligner non seulement votre
participation à la commission, mais votre rapport. Je sais que vous
êtes extrêmement présent dans le développement
culturel au Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais aussi partout à travers le
Québec. Nous avons eu des témoignages de plusieurs entreprises
privées et ces témoignages ont fait avancer le débat. Vous
avez touché un point tantôt, et vous n'êtes pas le seul. On
a parlé aussi à Arts du Maurier. Vous dites que les entreprises
culturelles ou dans le domaine culturel, des fois, hésitent à
venir cogner ou viennent cogner, mais elles n'ont pas non plus toujours la
façon de faire. Souvent, on va chercher un commanditaire, mais on y va
à reculons. Vous dites aussi qu'il faudrait éviter le fait que,
si on en encourage un, le reste du milieu nous dise: Pourquoi lui et pas nous?
Finalement, l'entreprise - je le sais pour avoir été dans une
très grande entreprise aussi - veut bien faire et se retrouve avec un
tas de problèmes qui font en sorte que, souvent, on se dit que le
domaine culturel c'est bien compliqué. Alors, on va encourager d'autres
domaines qui semblent peut-être un peu plus faciles et accessibles.
Alors, si vous avez des suggestions à faire au niveau de nos
entreprises ou s'il y a, finalement, des méthodes à leur
communiquer de telle sorte que c'est plus facile pour eux de bien comprendre,
d'une part, et de bien approcher les entreprises pour le développement
de fonds privés, quelles seraient-elles?
M. Bouchard: Si vous me le permettez, Mme la ministre,
j'hésite à fournir des formules. Mais, de toute façon, il
y a quand même certaines règles que les organismes culturels
doivent suivre - s'ils ne les connaissent pas, ils devraient, à mon
avis, les apprendre - pour qu'une activité de commandite puisse
réussir. On a quand même certains critères et j'aimerais
peut-être en souligner quelques-uns qui feraient en sorte qu'un organisme
ou une activité culturelle puisse avoir bonne oreille.
Concentrer ses efforts sur un nombre limité de domaines et de
projets, à chaque année, là où Alcan a
déjà créé des bons liens. Au départ,
ça définit les orientations. Favoriser les projets qui ont un
meilleur potentiel de continuité. Considérer le potentiel de
développement et d'innovation de même que la valeur
éducationnelle et les. conséquences à long terme du projet
imposé. Mesurer la complémentarité entre les traditions
régionales et provinciales, et assurer le respect des
différences. Évaluer les impacts de la présence ou de
l'absence de commanditaires. Analyser la santé financière de
l'organisme et, finalement, évaluer attentivement, surtout
attentivement, le potentiel de cette commandite pour l'entreprise à
l'égard de ses communications extérieures, de la couverture des
médias, de la publicité et du potentiel de communication
interne.
Ce sont les critères qui nous guident dans l'analyse des
différentes demandes de commandite.
Mme Frulla-Hébert: Comme corporation, parce qu'il y a des
corporations qui nous disent: Nous, on n'a pas vraiment de critères
définis dans un sens où... Dépendant des actions qu'on
veut faire pour cette année-là, dépendant des budgets,
etc., on ne veut pas non plus se baliser dans des critères très
définis. Vous privilégiez, comme corporation ou comme compagnie,
des
critères quand même plus définis.
M. Thibault (Jean-Guy): Si vous me permettez. Effectivement, on a
élaboré... Ce n'est pas encore le document final, mais j'aimerais
juste vous montrer un guide d'évaluation à l'intérieur
d'Alcan, et ça a été fait pour Alcan,
spécifiquement pour nous. Maintenant, je comprends fort bien que
différentes entreprises peuvent avoir différents critères
pour évaluer leur implication. Je vous donne l'exemple historiquement.
Au début des années soixante, Claude Beaubien, qui était
à ce moment-là le vice-président aux affaires publiques
chez Alcan, avait décidé de favoriser le théâtre
québécois. Le théâtre québécois, il y
avait à peu près une dizaine de troupes dont Les Compagnons de
Saint-Laurent, et ces troupes-là vivotaient. Peut-être que la
présence d'Alcan à l'intérieur du théâtre
Alcan, à la Société Radio-Canada, a permis à des
millions de Québécois, je pense, d'avoir accès au
théâtre pour la première fois de leur vie. Lorsqu'on est
revenus en commandite de façon majeure, à la fin des
années soixante-dix, nous avons regardé les différents
secteurs d'activité culturelle et, à ce moment-là, on a
décidé de faire porter nos efforts dans le domaine du
cinéma parce que les cinéastes, le réalisateur-producteur
de cinéma québécois n'avaient pas de moyens suffisants
pour faire éclater le cinéma québécois. Alors,
c'est pour ça que nous nous sommes impliqués dans de grosses
productions comme Les Plouffe, Maria Chapdelaine. On avait regardé
Bonheur d'occasion, on avait regardé Le Matou, on avait regardé
toutes ces productions-là. Conjointement avec Radio-Canada, on avait
fait un plan sur cinq ans, où on voulait mettre en cinéma et en
séries de télévision les grandes oeuvres, les grands
romans québécois qui n'avaient jamais été
portés en cinéma. Alors, on a fait porter cette action-là
pendant cinq, six ans et, ensuite, une fois que le cinéma a
commencé à rouler au Québec, là, on s'est
retirés de ce domaine-là, tranquillement. Il y a des
intérêts à la fois d'entreprises comme commanditaires et,
aussi, il faut que ces intérêts, comme entreprises, soient un peu
coordonnés avec les intérêts de la société
dans laquelle vous travaillez.
Mme Frulla-Hébert: Oui...
M. Thibault: Ce qui nous intéresse tout
particulièrement chez Alcan... C'est sûr que faire des
commandites, bon, votre nom paraît un peu partout et il y a tout l'aspect
des retombées publicitaires ou des retombées de bon citoyen
corporatif, que vous recevez, mais ce qui est important, à mon avis,
c'est de faire du développement. Ce qu'on essaie de faire... À
titre d'exemple, vous avez des commandites qui ne sont pas de la dimension du
Festival de Jazz. Si je peux me permettre d'en citer, je vais citer
Cégep en spectacle, la Maison-Théâtre pour l'enfance et la
jeunesse. On commandite Cégep en spectacle parce qu'on permet à
des jeunes - 2000 jeunes au Québec, dans 40 cégeps à
travers le Québec - d'avoir le trac, mais de monter des choses et de
monter sur scène. De cet événement-là sont sortis
des Martine St-Clair, Marie-Denise Pelletier, Michel Courteman-che, Luc de La
Rochelière. C'est tout sorti de ce réseau-là. En
même temps, on fait du développement du public. Même chose
pour la Maison-Théâtre pour l'enfance et la jeunesse. Alcan n'a
pas commercialement d'intérêt à commanditer du
théâtre pour des enfants, sauf que le petit gars de cinq, six ans
ou la petite fille de cinq, six ans qui regarde une pièce de
théâtre pour la première fois de sa vie et qui aime
ça, risque, à 30 ans, à 40 ans, de continuer à
fréquenter le théâtre québécois. Alors, on
fait du développement de jeunes troupes de théâtre en
même temps qu'on fait du travail de développement du public. Je
pense que c'est important d'avoir cette perspective à long terme.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. Bouchard, M. Thibault. Je dois vous avouer
que j'ai été agréablement surpris de voir l'étendue
des activités d'Alcan. Bon, effectivement, c'est un nom que l'on voit
très souvent en commandite, mais disons qu'il y a toujours l'envers du
décor. Il y a peut-être une grande production, mais j'ai vu que
vous vous impliquiez dans des événements qui n'avaient
peut-être pas une très grande visibilité, mais
c'était quand même essentiel au développement culturel.
J'ai noté d'ailleurs dans votre mémoire... et ça,
personnellement, ça me réjouit.
Deuxièmement, ça fait sans aucun doute
énormément plaisir à mon collègue, le
député de Jonquière, qui, en définitive, est votre
député, du moins pour une très grande partie de vos
installations, de voir cet enracinement très profond que vous avez dans
votre région. Vous êtes vraiment du Saguenay, du Lac-Saint-Jean,
et on le voit par les illustrations que vous nous donnez. J'ai également
aimé le ton, quand vous dites en page 12: Tour y arriver, il faut cesser
de flatter leurs instincts philanthropiques et sortir l'investissement culturel
du rayon des dons charitables: appuyer la culture, c'est investir en soi,
investir dans sa communauté, fertiliser la terre où ces
organisations étendent leurs racines." Je vous avoue que ce n'est pas un
discours auquel on était habitués lorsqu'il s'agit de puissantes
entreprises, de corporations. Vous arrivez là avec un vocabulaire qui
est neuf, qui est intéressant. Deux brèves questions. Vous
êtes la première société, qui, forcément, est
en région - ça va de soi - et qui parle du Conseil
régional de la culture. Vous savez que le rapport Arpin, s'il n'est pas
avare, est un peu restrictif
quant à la présence des conseils régionaux de la
culture, mais vous, vous en parlez comme un partenaire dans votre
région. Quels sont véritablement les liens que vous avez avec
eux?
M. Bouchard: Je vais répondre à la question. Nous
utilisons le Conseil régional de la culture dans son ensemble. Nous
participons à des activités de concertation. Dans l'ensemble des
activités qui touchent le développement de la région, la
culture fait partie intégrante de cette enveloppe. Pour nous, le Conseil
régional de la culture est un interlocuteur privilégié
pour nous conseiller souvent sur les orientations de nos politiques culturelles
en région. On définit, avec le conseil, la valeur, non pas
monétaire, mais la valeur d'orientation de nos commandites ou de nos
activités culturelles.
On considère que le Conseil a quand même une connaissance
approfondie du milieu. Même si nous prétendons également
connaître le milieu, on vit dans une activité de production
industrielle et le Conseil est plus près, si vous voulez, de la
concertation culturelle que nous le sommes. Donc, on fait appel souvent
à leurs services sur ce côté-là.
M. Boulerice: ...toute brève avant que mon collègue
intervienne. Vous dites: Les régions représentent un milieu de
qualité de vie tel qu'elles encouragent la créativité et
la diversité. Bien des gens ont dit oui à la culture en
région, mais je crois que dans cette phrase - vous me corrigerez si je
me trompe - vous avancez aussi l'énoncé qu'il y a une culture des
régions.
M. Bouchard: Oui. Écoutez, je voudrais éviter de
donner une réponse de nature politique à cette
interrogation-là. Nous vivons dans une région où beaucoup
de gens travaillent pour l'entreprise. Nos gens qui viennent travailler
également de l'extérieur sont très
intéressés par un environnement de vie agréable, autant
sur le plan physique que sur le plan intellectuel. Donc, pour nous, il est
important que nous assurions pour nos employés également
l'accès à ces activités de nature culturelle. Est-ce que
par cela on doit comprendre qu'il existe une culture de région? Oui,
dans un sens, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean offre beaucoup
à la société québécoise en termes de
création.
D'ailleurs, on voit que beaucoup d'artistes ont pris racine chez nous.
Est-ce que c'est une culture de région ou si ça fait partie de la
culture québécoise? Je ne suis pas en mesure de juger.
M. Boulerice: De toute façon, n'hésitez pas, M.
Bouchard. Votre région est un royaume associé au
Québec!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: C'est l'illustration parfaite qu'il y a une culture
régionale!
Le Président (M. Doyon): La présidence se doit de
vous indiquer que, malheureusement, le temps est en train de se terminer. Il
reste à peine une minute pour M. le député de
Jonquière. C'est malheureux, mais c'est les exigences de notre horaire
qui le veulent, M. le député.
M. Dufour: Ça me permettra juste de les saluer, bien
sûr, M. Bouchard et celui qui l'accompagne, M. Thibault, pour leur
participation à cette commission. Il est évident que, pour moi,
il y a un point qu'ils ont à soulever, c'est le sceau de la
qualité qui est confirmé par le ministère des Affaires
culturelles. Quand on sait qu'il y a une certaine subjectivité par
rapport à ce qui est qualifiable ou pas, s'il est de qualité ou
pas... Qui aurait dit, voilà 30 ans, qu'Arthur Villeneuve c'était
un grand peintre? Moi, je vous dis... J'ai présidé son vernissage
et je ne me suis même pas procuré de toile. Je n'ai pas eu le
sentiment assez fin...
Mme Frulla-Hébert: Vous devez vous haïr
aujourd'hui!
M. Dufour: Ah bien, il me l'a offert après, mais les prix
étaient inabordables. Tout ça pour dire que, quand vous nous
dites ça, est-ce que vous croyez que ce sont les seuls
éléments? Vous m'avez dit "non". Mais est-ce que cet
élément-là entre vraiment en ligne de compte ou si vous
avez, des fois, d'autres préoccupations ou d'autres orientations pour
prendre des décisions?
M. Bouchard: Oui, dans le sceau de qualité, je pense qu'il
faut comprendre beaucoup. Il faut comprendre la capacité de ces
organismes-là à faire leur développement de
marchés, avoir des budgets, être viables. Enfin, il faut que tous
ces éléments-là soient présents pour qu'on puisse
s'associer à un événement. La peinture, l'expression d'un
peintre n'est pas, à mon avis, une activité de commandite. C'est
une expression individuelle: le peintre par lui-même fait son propre
développement. Je ne pense pas que le ministère doit faire un
saut là-dedans. Mais il y a des secteurs que le gouvernement, je pense,
devrait pouvoir qualifier comme étant intéressants dans ses
orientations de développement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouchard. Alors, au nom
des membres de l'Opposition, bien sûr, ainsi que de la ministre, il me
reste à vous remercier bien sincèrement. Le débat n'aurait
pas été complet sans votre participation. L'éclairage que
vous nous apportez est extrêmement précieux. Merci beaucoup.
M. Bouchard: Merci, M. le Président.
M. Thibault: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Suspension pour 1 minute 30
secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 18)
Le Président (M. Doyon): La commission va maintenant
reprendre ses travaux. La reprise des travaux s'effectue maintenant en
entendant les représentants de la ville de Laval, qui doivent être
dans la salle. Je les invite à bien vouloir s'avancer, à prendre
place à la table pour que nous puissions les entendre. Mme la
ministre...
Veuillez prendre place, s'il vous plaît.
M. Vaillancourt (Gilles): ...attendre quelques secondes la
commission.
Le Président (M. Doyon): Pas du tout, sentez-vous bien
à l'aise. Donc, c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous recevons.
En tant que président, au nom des membres de la commission, je vous
souhaite la bienvenue. On sait que la ville de Laval est une ville
extrêmement importante au Québec. Alors, c'est avec beaucoup de
plaisir que nous allons entendre ce que vous avez à nous dire sur la
politique proposée en ce qui concerne la culture et les arts. Je vous
indique que vous disposez de 10, 12 ou 15 minutes au maximum pour faire votre
présentation. Les minutes qui suivent sont consacrées à
des échanges avec les membres de la commission. Si vous voulez bien,
tout d'abord... Avant de commencer la présentation de votre
mémoire, que vous pouvez résumer ou dont vous pouvez faire une
lecture abrégée, si vous voulez bien présenter, M. le
maire, les gens qui vous accompagnent ainsi que vous-même pour que nous
puissions, dans le Journal des débats, faire
référence à vos noms.
Ville de Laval
M. Vaillancourt: Merci, M. le Président, de nous
accueillir ce matin. Merci, Mme la ministre. J'aimerais d'abord
présenter ceux qui m'accompagnent. À ma gauche, Me André
Boileau, qui est membre du comité exécutif de la ville de Lavai
et chargé des dossiers culturels; M. Paul Lemay, directeur du Service
des arts; Mme Monique Normandin, directrice du Service de la
bibliothèque, et Mme Chapleau.
Alors, Mme la ministre, mesdames et messieurs membres de la commission,
permettez-moi, dans un premier temps, de souligner l'attention que nous
accordons à la démarche qu'a entreprise le gouvernement pour
doter le Québec d'une politique des arts et de la culture. Nous
comprenons l'importance et la complexité de votre démarche
d'autant plus que Laval est aussi en plein processus de rédaction de sa
propre politique culturelle. Notre projet de politique fait présentement
l'objet de consultations auprès des milieux des arts, du patrimoine et
des bibliothèques de Laval et nous devrions pouvoir l'adopter dès
le début de 1992.
Aussi, notre présentation n'a pas la prétention de
réagir à chacune des 113 recommandations contenues dans le
rapport intitulé "Une politique de la culture et des arts",
préparé par le groupe-conseil de M. Arpin. Toutefois, il
s'attardera à certaines des recommandations qui touchent la
réalité municipale et plus particulièrement celle de
Laval. D'abord, certains rappels historiques s'imposent. Avec ses 313 000
habitants, Laval est depuis 25 ans la deuxième ville du Québec.
C'est donc avec une certaine compréhension toute lavaloise du processus
et du sujet que nous sommes ici devant vous aujourd'hui. En 1984, Laval fut une
des premières villes du Québec à se doter d'un service
municipal voué au développement des arts et à se
définir une vocation de soutien à l'art professionnel. En 1985,
par la signature d'un protocole d'entente avec le ministère des Affaires
culturelles et son renouvellement jusqu'en 1990, Laval a démontré
sa volonté de travailler au développement des arts avec le
ministère des Affaires culturelles. En cinq ans, Laval a investi plus de
1 500 000 $ au développement des arts avec ce seul protocole d'entente -
1 500 000 $, c'est la contribution municipale.
Avec son programme, "Nous sommes des gens d'affaires... culturelles",
qui vise surtout à rapprocher le milieu des affaires de celui des arts,
Laval a su, sur une période de quatre années, faciliter le
transfert de plus de 1 000 000 $ en fonds privés vers les arts. Les
organismes et les intervenants artistiques lavai-lots se sont
développés à un rythme accéléré
durant ces années, si bien qu'ils se sont implantés en grand
nombre sur le territoire, tant sur le plan professionnel que sur le plan
amateur.
Laval possède également un Service de la
bibliothèque, comprenant un réseau de 10 bibliothèques,
qui s'est développé plus particulièrement au cours des 10
dernières années, et qui contribue largement à la
diffusion de la culture sur l'ensemble de son territoire et même du reste
de la région. Les budgets de fonctionnement du Service des arts - 2 500
000 $ - et du Service de la bibliothèque - 6 500 000 $ -
représentent plus de 3,5 % du budget d'opération de la ville de
Laval.
Laval renferme également un patrimoine riche et diversifié
qui a fait l'objet, depuis une dizaine d'années, d'interventions visant
la conservation, la mise en valeur et la diffusion. Laval reconnaît ce
potentiel dans son schéma d'aménagement et s'est de plus
dotée d'une Commission consultative du patrimoine.
Ce rappel de certaines données historiques
nous apparaît important, compte tenu du fait qu'en contrepartie le
ministère des Affaires culturelles vient tout juste de reconnaître
Laval comme faisant partie intégrante de la région
Laval-Laurentides-Lanaudière, région distincte de
Montréal, et qu'il réduisait son investissement à Laval de
75 000 $ en 1991, et que le rapport Arpin semble confiner Laval à ce
qu'il est maintenant convenu d'appeler l'ensemble régional ou le reste
du Québec.
En ce qui a trait au rapport du groupe-conseil, nous croyons qu'il
comporte plusieurs pistes de réflexion fort intéressantes.
À titre d'exemple, nous adhérons fortement aux recommandations en
regard de la nécessité de l'éducation aux arts et à
la culture. Toutefois, il nous semble que le projet de politique du rapport
offre une analyse incomplète du champ culturel. Entre autres, compte
tenu des principes fondamentaux sur lesquels s'appuie la proposition de
politique de la culture et des arts, il est pour le moins étonnant que
le domaine des bibliothèques publiques soit à peu près
passé sous silence, d'autant plus étonnant qu'en avril dernier,
à l'occasion du congrès de l'Association des directeurs de
bibliothèques publiques du Québec, à Laval, la
représentante du ministère disait et je cite: "1991 est une
année charnière durant laquelle nous jetterons ensemble les bases
d'une nouvelle politique culturelle. Sans vouloir présumer du contenu de
cette politique, il m'apparait que le rôle des bibliothèques
publiques ne pourra qu'y être confirmé." C'est la fin de la
citation. Nos attentes allaient également dans ce sens. La
bibliothèque publique n'est-elle pas l'institution culturelle de base,
celle qui est à la portée de tous les citoyens, sans
barrières économique, géographique, linguistique ou autre?
De plus, elle représente souvent pour le citoyen un premier contact avec
la culture et, dans bien des cas, c'est elle qui suscitera la demande pour
d'autres biens culturels. Compte tenu de son rayonnement, de sa contribution
à la diffusion de la culture, au développement des connaissances
et à la qualité de vie des citoyens, la bibliothèque
publique doit être reconnue comme agent fondamental de
développement dans une politique culturelle qui s'adresse à
l'ensemble des citoyens. Nous savons, de plus, que les bibliothèques
publiques sont les établissements culturels les plus
fréquentés après les sites historiques. Il apparaît
donc essentiel qu'à l'heure où des efforts sont faits pour offrir
à tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, cette
activité culturelle de base qu'est la lecture le gouvernement maintienne
ses programmes d'aide financière pour le développement des
bibliothèques, l'achat des volumes, le fonctionnement des
bibliothèques et l'implantation de nouvelles bibliothèques.
Dans la même veine, bien que le rapport fasse mention à
quelques reprises de la problématique du patrimoine, il nous
apparaît que la préoccupation, face au patrimoine régional,
y est presque absente. Pourtant, le patrimoine régional possède
lui aussi une richesse, une diversité, une identité propre et
digne de mention. Laval ne fait pas exception et renferme un patrimoine riche
et diversifié, reflet de l'évolution de la ville, de son
histoire, du mode de vie et des activités de notre communauté.
Cet héritage culturel s'exprime de bien des façons: dans les
ensembles construits, tant urbains que ruraux, dans les lieux naturels et dans
ceux porteurs d'histoire ou de valeurs archéologiques.
Laval reconnaît ce potentiel dans son schéma
d'aménagement et par ses interventions visant la conservation, la mise
en valeur et la diffusion. Pourtant, la politique de la culture et des arts ne
contient aucune recommandation visant à favoriser l'accès au
patrimoine à l'intérieur de l'ensemble régional. Ceci
illustre, une fois de plus, l'approche hiérarchique adoptée par
le groupe-conseil. En fait, le rapport laisse plutôt présager un
certain désengagement du ministère des Affaires culturelles en
matière de patrimoine et le transfert des responsabilités vers
les municipalités. Ainsi, au chapitre de la répartition des
crédits par programme, peut-on constater depuis cinq ans une chute dans
les intérêts du ministère dans ce domaine. Cette tendance,
si elle se poursuit et si elle inspire la future politique du patrimoine, n'est
pas sans nous inquiéter.
Finalement, parmi les thématiques absentes du rapport, et qui
devraient pourtant faire l'objet d'une préoccupation dans notre vision
culturelle, on retrouve aussi la pratique amateure de l'art. En effet, il nous
apparaît incomplet de confiner les moyens de développer les
composantes de la culture à la ressource professionnelle, au
réseau de diffusion - lieux et médias - et à
l'éducation scolaire. On oublie d'envisager cette pratique amateure des
arts, celle qui contribue fortement à intéresser la population
à l'art et qui, en ajoutant à l'instruction, l'expérience
vécue, contribue à l'éducation culturelle
véritable. À cause, particulièrement, de la quasi absence
du gouvernement dans ce domaine, les municipalités en ont fait un de
leurs rôles fondamentaux. À Laval, nous avons ajouté
à ce rôle ceux de soutien de la pratique professionnelle et de sa
diffusion. Mais nier l'existence et ta contribution du loisir culturel et de la
pratique amateure ne contribue pas à faire évoluer le dossier
culturel au Québec car il nous prive d'un levier populiste très
répandu de l'expression culturelle.
Dans un premier temps, il nous apparaissait important de relever ces
grandes thématiques oubliées que sont la bibliothèque
publique, le patrimoine régional et la pratique amateure des arts. (11 h
30)
Dans un autre ordre d'idées, le rapport aborde directement et
abondamment la probléma-
tique de l'art, tant en matière de création que de sa
diffusion. Toutefois, là encore, Laval doit inscrire son
inquiétude quant à l'approche. En effet, le rapport identifie un
ordre de priorités très clair, soit celui de Montréal, la
métropole, Québec, la capitale, et le reste du Québec,
l'ensemble régional. Nous comprenons, bien sûr, qu'une partie de
la réponse aux questions de développement culturel passe par
Montréal. Mais le rapport nous apparaît ambigu dans ses
distinctions entre Montréal, la ville, la communauté urbaine ou
la région métropolitaine.
Par exemple, en matière d'équipement, l'installation
à Laval ou à Longueuil d'une salle de spectacle, d'une galerie
d'art ou d'un musée est-elle considérée comme
répondant à une priorité de Montréal, la
métropole, ou de l'ensemble régional? Cet ordre de
priorités comporte aussi des risques. Entre autres, il nous
apparaît qu'une stratégie de développement basée sur
ces priorités risque de contribuer à accélérer la
situation décrite au rapport Samson, Bélair, soit celle du
Québec à deux vitesses, à moins que ne soient investies de
nouvelles sommes substantielles par le gouvernement du Québec.
Laval est une ville fière et dynamique, c'est aussi la
deuxième ville en importance au Québec. Comme partenaire de
l'ensemble des municipalités du Québec, nous souhaitons que soit
évité ce piège du Québec à deux vitesses et,
particulièrement, nous refusons que soit ralenti notre rythme de
développement culturel. De plus, le rapport semble bien comprendre et
analyser avec acuité les problématiques de Montréal et de
Québec, mais sa vision de la réalité régionale nous
apparaît beaucoup plus floue.
En effet, en plus de la question du patrimoine régional, absent
de l'analyse, en ce qui a trait à l'art en région, le rapport
fait preuve, malgré des annonces de décentralisation, d'une
vision plutôt centralisée des affaires culturelles. L'ensemble
régional nous est surtout décrit comme un marché de
consommation qui a bien droit, lui aussi, de bénéficier de ce qui
se fait dans la métropole et dans la capitale. Il nous apparaît
que peu de recommandations portent sur le rôle de capitale
régionale ou des grands centres urbains hors de Montréal et de
Québec, de même que peu de suggestions sont faites pour
répondre aux problèmes de l'art en région,
problèmes qui mettent en cause son existence même.
Le gouvernement doit éviter le piège de traiter de
décentralisation du pouvoir, de services, de budget ou de
responsabilités avec un oeil qui est plutôt centralisé.
Finalement, le projet de politique interpelle fréquemment les
municipalités comme partenaires au financement des arts et de la
culture.
Laval a décidé depuis longtemps d'investir dans son
développement culturel et, à ce titre, nous sommes d'accord pour
assumer les responsabilités que ce choix comporte. Mais il nous
apparaît Important de préciser que ce rôle ne doit pas
suppléer au retrait du ministère des Affaires culturelles. Il
doit, au contraire, nous permettre d'aller plus loin.
Le ministère, dans son désir de développer un
partenariat avec les municipalités, devrait assouplir ses programmes
afin de leur permettre de mieux répondre aux aspirations
différentes de ses partenaires. Mais, au même titre que pour
l'ensemble du dossier du transfert des responsabilités de Québec
vers les municipalités, nous réaffirmons que la recherche de
partenariat municipal ne doit pas servir de prétexte au délestage
que le groupe-conseil suggère pourtant d'éviter.
En terminant, j'aimerais vous lire les recommandations qui sont
contenues dans notre rapport. 1° Que le gouvernement garantisse le maintien
et l'amélioration de son intervention en région en favorisant,
entre autres, la négociation d'ententes conjointes avec les
municipalités et l'ajustement de ses programmes aux
réalités régionales. 2° Que le gouvernement
définisse plus clairement le rôle des capitales régionales
et des grandes agglomérations hors Montréal et Québec, en
collaboration avec celles-ci. 3° Que le gouvernement définisse une
politique démontrant clairement son désir de fournir le soutien
nécessaire au développement et à la survie de l'art en
région, dans l'esprit d'une véritable décentralisation.
4° Que le gouvernement collabore avec l'Union des municipalités du
Québec pour mettre en place une table de concertation municipale
chargée de discuter du partenariat municipal en matière
culturelle. 5° Que la politique culturelle et le rôle éventuel
du ministère de la Culture tiennent compte aussi du champ du loisir
culturel et de la pratique amateure de l'art, et reconnaissent sa contribution
à la sensibilisation et au développement de la culture
québécoise. 6° Que la politique de la culture et des arts
reconnaisse clairement la contribution essentielle de la bibliothèque au
développement de la culture de même que son rôle majeur
comme diffuseur de la culture. 7° Que le gouvernement, dans l'application
de la recommandation 63 de la politique de la culture et des arts,
considère la bibliothèque publique comme un outil indispensable
de culture et d'éducation et, à ce titre, maintienne ses
programmes actuels de développement. 8° Que la politique de la
culture et des arts prenne position clairement en faveur du patrimoine et
reconnaisse la valeur et la spécificité du patrimoine en
région. 9° Que le gouvernement maintienne et intensifie ses
politiques et ses programmes de soutien au patrimoine en région.
Mme la ministre, voilà la modeste contribu-
tion de la deuxième plus grande ville du Québec. Nous
sommes ici pour discuter avec vous. Avant de terminer, j'aurais
évidemment un autre sujet qui n'apparaît pas dans mon
mémoire, mais je voudrais profiter de l'occasion pour en jaser avec
vous. Le gouvernement doit, bientôt, enfin, au mois de juillet, reporter
sa décision d'appliquer la TVQ. Quand on regarde les villes et,
particulièrement, une ville comme Laval, les droits de divertissement
s'appliquant sur ce qui est l'art et la culture, ajoutés à la
TPS, ajoutés à la TVQ, auront un effet qui va être
très déstructurant sur tout ce monde merveilleux qui commence
à peine à s'éclore.
On comprend que le gouvernement ne peut pas commencer à faire,
peut-être, des exemptions et, finalement, soustraire certains champs de
l'activité à l'application de cette taxe. Considérant
ceci, il nous apparaît maintenant que la seule voie de solution serait
que vous interveniez auprès du ministère des Finances pour
compenser les villes pour les sommes qu'elles perdraient. Puis-je vous dire
que, dans le cas de la ville de Laval, il s'agit d'une somme qui atteindrait
facilement 1 250 000 $ par année. Donc, une somme d'importance et, qui,
par la voie d'un choix que nous avons fait localement, est en grande partie
redistribuée aux organismes.
Donc, finalement, nous priver de cette recette équivaut à
priver directement les organismes.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Vous allez
avoir l'occasion d'en discuter avec Mme la ministre qui va sûrement
revenir là-dessus. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
Peut-être que je pourrais laisser la parole à M. Joly.
Une voix: Incidemment, on va pouvoir s'arranger probablement.
M. Joly: M. le Président, est-ce que je peux avoir
exceptionnellement le droit de parole dû au fait que je ne suis pas
membre de cette commission?
Le Président (M. Doyon): Je vais requérir de la
commission le consentement pour qu'à titre exceptionnel...
M. Joly: Je pense que, d'emblée, M. le
député de Saint-Jacques... Je pense qu'il ne peut pas s'objecter
à cela.
Le Président (M. Doyon): Un instant, vous ne l'avez pas
encore, M. le député. On va essayer de s'arranger. Est-ce qu'il y
a consentement de cette commission pour que le député de Fabre
puisse intervenir à titre exceptionnel, même s'il n'est pas membre
de cette commission?
M. Boulerice: Qu'il compte sur mon assurance.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, vous avez le consentement,
vous pouvez y aller.
M. Joly: Merci aux membres de cette commission, merci, M. le
Président. Je m'en serais voulu sûrement de ne pas profiter de
cette occasion pour venir saluer les gens de Laval, dont M. le maire, M.
Boileau, Mme Normandin, M. Lemay et, aussi, je pense, Mme Chapleau qui
accompagne M. Caron en arrière. Je pense que Laval a toujours
prouvé hors de tout doute son dynamisme dans, je dirais, à peu
près tous les dossiers, et aussi son intérêt marqué
dans le domaine des arts et du côté culturel.
Lorsqu'on regarde la brochette qui est là, Mme la ministre, qui
est en avant de nous, eux aussi, hors de tout doute, ont prouvé que, si
le passé est garant de l'avenir, je pense qu'à Laval on peut dire
qu'on est entre bonnes mains. Alors, je suis drôlement fier de m'associer
à la démarche que la ville de Laval fait, ce matin, avec la
présentation du mémoire, et je suis convaincu que
l'échange qui existera entre les membres de cette commission et
spécialement vous, Mme la ministre, va sûrement apporter un
résultat concret.
Je reconnaissais M. le maire, tantôt, de profiter de la tribune et
de souligner ce qui pourrait être perdu par Laval, compte tenu de,
peut-être, cette taxe que tout le monde décrie, mais qui, d'un
autre côté, est sûrement nécessaire,
considérant que tout le monde demande un petit peu partout. Il faut
quand même avoir des champs de taxation quelque part.
Alors, je ne sais pas si ce sera à titre exceptionnel qu'on
pourra réussir à convaincre M. le ministre des Finances,
justement, de faire ces exceptions, mais je pense que la voix des gens de Laval
se doit d'être entendue parce qu'à chaque fois il y a toujours
quelqu'un qui, en bout de piste, paie. S'il n'y a pas de compensation d'un
autre côté, eh bien, c'est certain que nous, de Laval, devrons
trouver d'autres façons d'en arriver à donner les mêmes
services et les mêmes convictions parce qu'on a quand même
bâti des structures à Laval, et ces structures-là sont
souvent menacées par le fait qu'il y a toujours, disons, des petites
coupures à gauche et à droite.
Je comprends, étant un législateur, que mon rôle
c'est de faire des lois. Je comprends que mon deuxième rôle, c'est
de protéger les finances publiques. Je comprends aussi que mon
troisième rôle, c'est d'être un interlocuteur entre,
nécessairement, le gouvernement et ma population. Alors, à tous
les trois, j'attribue au moins 33 1/3 % de responsabilités et, tant et
aussi longtemps que je serai en poste, je supporterai
toute politique qui, à mon sens, mérite d'être
débattue. Alors, encore une fois, je dis merci aux gens de Laval de
continuer d'y croire, et soyez assurés que nous sommes en arrière
de vous. Merci beaucoup. Merci de m'avoir permis d'intervenir.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Alors, je peux compter sur votre
appui parce que, évidemment, il n'est pas question que le monde culturel
paie pour un manque à gagner, un monde qui est déjà
très pauvre. J'ai quelques questions à vous poser. Comme vous
voyez, je suis entre voisines, alors ça va bien. Vous êtes le
troisième Vaillancourt de la pièce, alors... Vous avez une
situation qui est plus que particulière. Vous êtes la
deuxième plus grosse ville au Québec, en importance, et vous
êtes évidemment collés sur Montréal. C'est toujours
l'anecdote. Je me souviendrai tout le temps quand j'étais au bal de la
Chambre de commerce et qu'on appelait la ville de Montréal la banlieue
de Laval. Alors, c'est pour dire comment cette relation est là, elle est
proche.
Comment faites-vous, d'abord, pour développer la synergie avec la
ville de Montréal? On a beaucoup parlé durant cette commission
d'équipements culturels et de ce besoin aussi d'essayer de se regrouper,
de combler nos besoins, et de se regrouper face à d'autres
équipements d'importance. Le rôle que nous avons au gouvernement
et que vous avez vous-même au niveau des municipalités, des
villes, c'est de gérer des fonds publics. Alors, à ce
moment-là, on veut gérer le plus efficacement possible, pas
doubler. Il n'est pas question de doublage au niveau des services. C'est ce
qu'on décrie d'ailleurs de la relation
fédérale-provinciale: un doublage et un chevauchement qui nous
coûtent beaucoup d'argent. Ils coûtent au milieu beaucoup d'argent.
Alors, comment fait-on pour planifier tout ça? Vous êtes une ville
qui n'arrête pas de s'étendre et de grossir, d'une part, et,
d'autre part, il y a aussi Montréal. Après ça il va y
avoir la rive sud et il y a des gens de chez vous qui vont à
Montréal - ce n'est pas assez loin - et vice versa. Alors, comment
fait-on pour maximiser devant ce contexte?
M. Vaillancourt: Mme la ministre, je dirais qu'on a vraiment
arrêté de s'étendre, on est même en train de se
concentrer un peu, mais ça ne fait qu'augmenter finalement notre
possibilité de développer notre population. Nous avons un rythme
de croissance qui est réel et qui n'arrête pas. Tous nos dossiers,
que ce soit le dossier culturel ou que ce soient les autres dossiers qui sont
régionaux, font appel au même sens de la concertation et nous
avons toujours un objectif de complémentarité. C'est
intéressant d'être à côté de Montréal
parce que Montréal, c'est évidemment le coeur de la
région; c'est ce qui lui a donné son nom d'ailleurs.
On essaie toujours de travailler le plus efficacement possible. Ce n'est
pas toujours facile, ça consomme beaucoup d'énergie parce que
Montréal, qui est en difficulté actuellement, a toujours peur de
perdre quelque chose. Elle s'imagine que s'il se produit quelque chose
ailleurs, c'est qu'elle a perdu quelque chose. Une réalité que
Montréal n'a peut-être pas encore comprise, c'est que ce qu'elle a
perdu, il y a déjà 25 ans ou 50 ans qu'elle l'a perdu. La
réalité d'aujourd'hui est que la population de Laval est de 315
000 personnes, à peu près, additionnée à la
population de la basse couronne nord, un autre 350 000 personnes; ça
fait quand même un bassin de population qui a besoin d'un certain nombre
de services qui sont absents. Prenez les équipements culturels ou les
grands équipements gouvernementaux, dans la région nord de
Montréal, c'est probablement l'endroit où il y en a le moins.
Or, dans ce sens-là, parce que Montréal est en
difficulté, elle a toujours tendance à penser, finalement, que,
si nous réclamons des équipements ou de l'infrastructure, nous
voulons la déposséder. Or, cette partie-là de la
complémentarité des rôles n'est pas encore très bien
perçue par l'ensemble des partenaires et fera en sorte qu'au cours des
prochains mois nous serons obligés de travailler encore plus fort
à les convaincre que nous pouvons être d'excellents partenaires,
que nous ne voulons rien enlever à personne. Au contraire,
établir un meilleur équilibre. Nous avons un pôle de
croissance démographique et économique qui est solide, qui est
bien identifié. La position géographique de Laval ne changera
pas, nous serons toujours entre deux aéroports. Tout à l'heure,
nous serons probablement la porte d'entrée nord d'un éventuel TGV
en provenance de Toronto. On ne déplacera ni la capitale de
Montréal, ni celle de Toronto. (11 h 45)
Donc, à ce moment-là, cette
réalité-là tarde encore à pénétrer le
discours montréalais, mais je sens qu'on est beaucoup plus proche. Je
sens qu'au cours des prochains mois chacun des partenaires arrivera à
mieux définir son rôle, à mieux comprendre la
réalité des autres et être capable de travailler dans une
plus grande synergie qui fait en sorte que, sur le plan de l'efficacité,
on ne bâtira pas deux fois et trois fois les mêmes
équipements.
Mme Frulla-Hébert: Vous avez, au niveau des arts, par
exemple, la chance d'avoir des entreprises chez vous, au niveau du
privé, qui sont très actives, ne serait-ce que la
mentalité de Laval de se serrer les coudes et de foncer vers l'avant.
Vous avez un fonds, je pense, une fondation, finalement, d'aide aux arts.
Comment ça fonctionne cette fondation-là? On a parié
beaucoup de fondations...
M. Vaillancourt: Cette fondation-là...
Mme Frulla-Hébert: ...d'implantation de fondations.
M. Vaillancourt: ...elle tient à un tournoi de golf annuel
que je préside et qui, enfin, ramasse plus de 50 000 $ par année
de fonds. Elle fait également des campagnes de recrutement de fonds
auprès de l'entreprise en général, et un conseil
d'administration alloue ces sommes au développement i'e jeunes artistes
à travers un système de bours .
Mme Frulld Hébert: Alors, ce que vous avez fait, c'est que
tout simplement vous avez développé... c'est l'entreprise
privée...
M. Vaillancourt: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...finalement qui, uniquement, y
participe?
M. Vaillancourt: Oui, ça c'est un volet absolument
privé. La municipalité n'intervient pas dans ce
volet-là.
Mme Frulla-Hébert: Bon, autre question aussi. On a
parlé beaucoup du rôle des grosses villes versus les petites. Par
exemple, au niveau des plus petites municipalités. Les grosses villes
sont bien équipées. Donc, elles bénéficient
finalement de gens venant d'ailleurs, et profitant de leurs infrastructures
qu'elles paient. Il y a certaines petites municipalités qui se disent:
Je n'ai pas besoin d'investir parce qu'il y en a d'autres qui le font à
notre place, et on va mettre ça ailleu .. Alors, on avait une discussion
fort intéressante avec M. Mercier ce matin. Est-ce que vous auriez des
suggestions pour que - moi, je déteste la méthode coercitive, ce
n'est pas du tout ça le but - les gens, d'emblée, participent,
pour que chacun fasse sa part, pour que les autres municipalités aussi y
croient, fassent leur part, à leur façon et dans la mesure de
leur potentiel, mais participent à la cause culturelle?
M. Vaillancourt: Vous identifiez... Quand vous dites:
"participent à la cause culturelle", vous dites: participent
financièrement à la cause culturelle...
Mme Frulla-Hébert: Oui, oui, absolument.
M. Vaillancourt: ...bon. C'est un peu la quadrature du cercle.
Dans le monde municipal, le discours est généralement de
concertation, le discours est très généreux, sauf
lorsqu'on vient pour se partager la facture. C'est particulièrement
vrai, et ça va être encore plus drastique pour les granoos villes,
enfin les villes qui prendront à l
Or, dans ce sens-là, ça relance toute la
problématique de comment on va financer l'opération de ces grands
équipements. Ce n'est pas facile. Je vous avoue que Laval veut se doter
d'une salle de concert, a déjà une entente avec votre
ministère, avec la ministre précédente, que vous avez
d'ailleurs reconduite, et à laquelle vous participez. Dans les revenus
d'équilibre de cette salle-là, évidemment, il y a un
montant important annuellement qui représente les droits de
divertissement. Au moment où ils disparaissent, Laval vient de choisir,
à travers son assiette foncière, d'absorber les dépenses
inhérentes à l'activité hors de son territoire, à
l'activité culturelle. Or, dans ce sens-là, les moyens restent
encore à être...
Vous savez, ce n'est pas facile parce qu'au niveau des arts les petites
municipalités n'ont jamais compris que c'était essentiel, et
très peu de municipalités veulent faire des efforts. Je voudrais
tout simplement vous souligner qu'un jour Laval donnait des services de
transport à des territoires au nord de chez elle, et que ces
gens-là ne voulaient pas taxer un cent de plus des 100 $
d'évaluation pour le maintien du transport. Aujourd'hui, ils
accepteraient que ça soit deux ou trois cents parce qu'ils ont
vécu une réalité, parce qu'on s'est retiré de ces
territoires-là et, finalement, ils ont créé des CIT.
Finalement, pour un service moindre, ils paient probablement des frais plus
élevés que ceux que nous leur demandions à
l'époque. Mais il faut se rappeler que des maires réunis dans une
assemblée ont refusé d'imposer un sou de plus des 100 $. Monter
de 0,03 $ à 0,04 $ des 100 $ pour le transport en commun leur
apparaissait inacceptable alors que, nous, on était déjà
probablement autour de 0,15 $ ou de 0,18 $. Des qu'on parle de la facture... Je
n'ai pas trouvé encore de méthode qui me permettrait de dire
à mes collègues des autres régions: On va bâtir un
équipement culturel et voici la façon dont on va se le partager,
au niveau de l'opération.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Vaillancourt: Mais je serais ouvert à une discussion.
Probablement qu'il y aurait là une
excellente table de concertation qui pourrait être animée
par le ministère pour trouver des formules qui permettraient... La
cogestion, je n'ai pas d'objection, moi, comme maire, à ce que d'autres
partenaires soient sur un conseil d'administration et viennent apporter
à la fois leur savoir, leur intérêt et, aussi, accepter la
facture qui en découle.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, mesdames, messieurs. M. le maire,
je crois qu'il était de bon ton qu'en conclusion vous parliez de ces
taxes iniques. Pierre Tisseyre les traitait de scélérates parce
que ça fait 27, 5 % de taxes. Si on ajoute les coûts de production
qui ne vont qu'en augmentant pour les manifestations culturelles, il y a des
coûts, ils augmentent. Je pense que c'est la plus simple économie.
On risque d'en arriver effectivement à tuer à la fois la poule et
l'oeuf, puisque ça entraînera une baisse de fréquentation.
Vous aurez la plus belle salle de concert qu'il n'y a pas, si on en est rendu
à un coût moyen du billet de 45 $, 50 $, 60 $, eh bien ça
ne sera limité qu'à une certaine partie de vos concitoyens et
concitoyennes. Donc, on aura, à ce moment-là, raté un des
éléments essentiels qui s'appelle démocratisation de la
culture, donc son accessibilité pour tout le monde. Je pense qu'il ne
doit y avoir aucune gêne de votre part d'en avoir parlé.
Dans vos recommandations, l'une m'a frappé: "Que le gouvernement
collabore, avec l'Union des municipalités du Québec, pour mettre
en place une table de concertation municipale, chargée de discuter du
partenariat municipal en matière culturelle. " Eh bien, le vieux dicton
nous dit: Chat échaudé...
M. Vaillancourt:... craint généralement l'eau.
M. Boulerice: Oui. Au niveau de la concertation, vous n'avez pas
été gâtés récemment. Il y a eu un pacte
signé en 1980 qui a été brisé. On a appelé
ça "réforme". On peut employer des euphémismes, si
ça convient au ministre qui en est responsable. Là, vous dites
que vous êtes prêt à vous rasseoir à une table, moi
je fais la blague en disant: Apportez votre chaise parce que le gouvernement ne
les fournit pas. J'ose espérer qu'il vous reste des sous pour vous en
acheter. Pour vous rendre à cette table, il y a quand même, pour
vous, des conditions, des prérequis et des sine qua non.
M. Vaillancourt: Certainement, M. Boulerice, qu'il y a des
conditions et des prérequis, ils sont largement connus. Vous savez, les
municipalités - ça peut se vérifier dans l'histoire, sous
tous les gouvernements - chaque fois qu'il y a une crise, le gouvernement
trouve toujours qu'il a à la fois l'autorité, la
légitimité pour décider si le niveau fiscal municipal est
assez élevé ou non. Dans ce sens-là, même les
conversations les plus récentes à ce sujet ressemblaient
drôlement à des conversations qui étaient probablement
tenues dans des parlements avant même que je sois au monde. Dans ce
sens-là, et tant qu'on n'aura pas reconnu dans les municipalités
et les gouvernements, par des voies législatives, un certain cadre qui
précise le niveau d'intervention que l'un ou l'autre peut faire, nous,
les municipalités, vous savez, par simple décision, et dès
que ce serait passé en troisième lecture ce soir, le gouvernement
pourrait décider que la ville de Laval ou toutes les villes existent
plus. Peu importe qu'elles soient bien gérées ou mal
gérées, il a l'autorité pour le aire. Ce n'est pas facile,
quand on détient une autorité aussi grande, de s'apercevoir qu'on
est en train de piler sur les pieds des autres et qu'on est peut-être en
train de défaire des structures qui allaient bien.
Cela étant dit, je ne veux pas non plus élaborer plus
longtemps sur la réforme fiscale. J'ai déjà eu l'occasion
de démontrer que, dans le cas de la ville de Laval, entre autres, sur le
transport en commun, elle aurait des effets désastreux. Je dois
reconnaître toutefois que la ministre, ici, à plusieurs reprises,
a déjà indiqué publiquement - elle me l'a indiqué
également en privé - que, quant à elle, la TVQ qui devait
arriver bientôt sur tout ce qui s'appelle activités culturelles
lui déplaisait énormément et qu'elle entendait combattre.
Dans ce sens-là, je ne peux pas prétendre qu'elle n'a pas reconnu
une certaine sympathie vis-à-vis de la demande que les villes font.
Quant à moi, je n'ai pas d'hésitation à rappeler que, pour
nous, notre infrastructure culturelle qui est en développement pourrait
se voir freiner d'une façon dramatique si on rajoutait par-dessus la TVQ
et droits d'investissement. Si on les perd, on perd le revenu qui, justement,
nous permettait de continuer à l'absorber. Dans ce sens-là, le
problème reste entier. Je pense que le gouvernement a probablement senti
que la façon autoritaire avec laquelle il avait procédé
dans le transfert fiscal n'est pas acceptable. Je souhaite, en tout cas, que
plus jamais les municipalités aient à se débattre de la
façon dont on a dû se débattre, et qu'on soit plutôt
considérés comme de véritables partenaires.
En ce sens-là, si vous me demandez mon opinion, j'ai hâte
que le gouvernement pense réellement que les municipalités, c'est
des partenaires et non pas des filiales quelconques auxquelles on peut dicter,
du conseil central d'administation, la volonté. Rappelons-nous, tout le
monde, que, finalement, ce sont les villes qui ont fait les pays et ça
n'a jamais été l'inverse. "Great cities make great countries". Le
jour où les villes n'auront plus les deniers, les ressources pour bien
s'administrer, le gouvernement qui se
sent actuellement en péril se retrouvera davantage en
péril.
M. Boulerice: Vous me permettez, avec un peu d'humour, de donner
une traduction latine de ce que M. Proulx, des producteurs agricoles, disait:
"Tant va le village, va le pays". C'est un peu la même chose. Ma question
va sans doute s'adresser à Mme Normandin qui vous...
M. Vaillancourt: Sauf que nous, on a un grand village, hein!
M. Boulerice: Grand village, oui, mais très beau village,
surtout Sainte-Dorothée, ce quartier que j'aime bien. M. Vaillancourt,
aucun maire n'est venu à cette commission sans dire que le pivot de la
vie culturelle dans sa municipalité... Quand je dis aucun maire, je vous
dis qu'il y avait toutes les tailles; il y avait des villes de 10 000, de 50
000, de 60 000 et là, maintenant, il s'agit d'une grande ville, puisque
vous êtes la deuxième. Tous ont souligné l'importance de la
bibliothèque comme étant le pivot central de toute vie
culturelle. Bon, on ne se le cachera pas parce que, dans votre texte, on voit
que vous avez bien fouillé les chiffres fournis par le Bureau de la
statistique, les états financiers, les comptes publics, etc. Au niveau
des bibliothèques, 11 y a eu des gestes qui ont été
posés durant les dernières années qui n'ont pas
été en mesure de favoriser le développement des
bibliothèques. Chez vous, votre réseau de bibliothèques,
si on voulait en faire un constat, quel est-il?
M. Vaillancourt: Je vais laisser Mme Normandin vous faire un
court tableau de ce qu'est notre réseau. Pour nous, je n'utiliserai
peut-être pas le mot pivot, mais j'utiliserai certainement la figure
suivante: notre réseau de bibliothèques, c'est la base du
développement culturel chez nous. C'est ce qui soutient tout notre
développement culturel. Or, c'est très important, et je vais
laisser Mme Normandin vous le décrire.
Mme Normandin (Monique): Effectivement, depuis 10 ans, le
réseau des bibliothèques s'est considérablement
développé à la ville de Lavai. Le dernier maillon de ce
développement, c'est la bibliothèque multiculturelle qui sera
inaugurée la semaine prochaine, quoi! Par contre, il y a encore du
développement à faire puisque le plan de développement qui
avait été visé en 1985 n'est pas complètement
terminé. Il nous reste encore des bibliothèques de secteur
à relocaliser ou à agrandir. Mais c'est un fait qu'en quelques
années les collections ont presque triplé. La clientèle
n'a pas nécessairement doublé, mais a augmenté
considérablement, et la demande est là de plus en plus. Je pense
que c'est vraiment, comme on le dit, le pivot du développement culturel
qui vient bien compléter... Contrairement à certaines petites
municipalités où la bibliothè- que joue un peu le
rôle de maison de la culture, si vous voulez, à Laval, on a
déjà un Service des arts qui remplit cette fonction à la
fois auprès des artistes et auprès de la population. La
bibliothèque garde quand même toute sa place en ce qui concerne
les activités culturelles reliées plus particulièrement au
domaine du livre. Alors, ça aussi, c'est maintenu, c'est demandé,
c'est fréquenté, etc.
M. Boulerice: Est-ce que votre réseau de
bibliothèques a une politique de tarification?
Mme Normandin: Non, pas pour le moment. Nous n'avons aucune
politique de participation. De la part des citoyens, vous voulez dire?
M. Boulerice: Quand vous me dites: Pas pour le moment...
Mme Normandin: Pas encore, quoi.
M. Boulerice: Pas encore. Mme Normandin: II n'y en a
pas.
M. Boulerice: Ce n'est pas sur la planche de travail? Non?
Mme Normandin: Je pense que ça va être... Je vais
laisser M. le maire répondre à cette question.
M. Vaillancourt: La tarification... Mme Normandin: II
s'agit de l'avenir.
M. Boulerice: Je veux que le maire se commette. Ha, ha, ha!
M. Vaillancourt: La tarification, c'est un sujet
intéressant, mais quand on regarde au niveau de la culture, de sa
possibilité, je ne crois pas qu'il y ait là un marché bien
drôle. On ne voudrait pas que la tarification, pour autant qu'on
recherche de nouvelles sources de revenus... Finalement, un des défis
des municipalités, c'est justement d'être capables d'identifier
des niveaux-créneaux de revenus parce que la diminution des
entrées de fonds en provenance de Québec va nous obliger à
diversifier nos revenus.
En fait, ce qui s'appellerait une tarification qui aurait un effet de
ticket modérateur au niveau de la culture, pour nous, on n'a pas retenu
ça. Il y a beaucoup d'autres champs qui compensent la tarification qui
peuvent être très intéressants et qui peuvent même
jouer, jusqu'à un certain point, un rôle important, entre autres,
dans le comportement societal des gens face à l'environnement. Mais,
face à la culture, je vous avoue que, pour l'instant, on ne pense pas
à ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.
M. Boulerice: Une toute petite brève brève
question.
Le Président (M. Doyon): Oui, rapidement, M. le
député.
M. Boulerice: Est-ce que, dans votre ville, M. le maire, vous
pratiquez, pour ce qui est des équipements - enfin, je parle des
bâtiments -une politique du 1 %?
M. Vaillancourt: Si vous regardez notre budget
d'opération, nous consacrons à la culture plus de 3,5 %.
M. Boulerice: Non, je m'excuse, 1 % consacré à
l'art dans la construction.
M. Vaillancourt: Oui. Chaque fois que nous bâtissons?
Oui.
M. Boulerice: D'accord.
Le Président (M. Doyon): Merci...
M. Vaillancourt: Tous nos bâtiments publics ont
été l'objet, d'une façon rigoureuse, de cet
investissement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Alors, au nom
des membres de la commission, au nom de la ministre et au nom de M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, il me reste à vous
remercier d'avoir bien voulu venir passer ces trois quarts d'heure avec nous,
et d'avoir amené avec vous des gens en aussi grand nombre qui ont pu
éclairer cette commission sur les problèmes auxquels vous avez
à faire face dans votre belle ville de Laval. Alors, merci beaucoup.
Suspension des travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! À midi,
cette commission devait entendre M. Fernand Dumont. Nous l'attendions avec
beaucoup de plaisir. Je vois Mme Richer, ici, que je dois féliciter au
nom de la commission, au nom de la ministre et sûrement au nom de M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour l'excellent travail
d'assiduité. On n'a pas eu l'honneur d'avoir autant de suivi de la part
de toute la presse. Elle a d'autres chats à fouetter et je le comprends
fort bien. Mais Mme Richer a servi, et peut servir d'exemple là-dessus,
et je veux la remercier. C'est avec beaucoup de peine que je lui annonce la
déception, qui est aussi la nôtre, que M. Dumont, pour des raisons
- je demande au secrétaire de me faire rapport là-dessus - que
j'ignore... M. Dumont - c'est M. Yves Martin qui vient de m'en informer, c'est
un ami personnel de M. Martin - est un de mes anciens professeurs, de
même que M. Yves Martin. J'anticipais avec beaucoup de plaisir l'occasion
de le rencontrer mais, malheureusement, ce n'est pas possible.
Je demande donc à M. le secrétaire de voir ce qui s'est
passé. On devait informer M. Dumont que l'heure - 15 h 30 - avait
été changée, et qu'on devait l'entendre plutôt
à midi. M. Yves Martin m'informe que M. Dumont a été
informé à deux reprises - dont, par écrit, hier - que son
audition aurait Heu à 15 h 30. Je n'y comprends absolument rien, et je
demande à M. le secrétaire de bien vouloir faire rapport au
président là-dessus.
Dans les circonstances, je n'ai d'autre alternative que d'ajourner les
travaux sine die, en indiquant à cette commission que nous aurons
sûrement le plaisir, si M. Dumont accepte, bien sûr - avec les
excuses que je demande au secrétaire de bien vouloir lui transmettre en
l'appelant au numéro de téléphone que je lui transmets
sur-le-champ pour lui exprimer nos regrets, nos excuses, et lui donner
certaines explications - de l'entendre plus tard. Nous ferons en sorte, bien
sûr, qu'il soit averti à temps et nous continuerons nos travaux
à un autre moment. Il y une séance de travail qui est
prévue pour la semaine prochaine, qui nous permettra de faire le point
sur la situation et quand nous serons en mesure de continuer nos travaux.
Dans les circonstances, à titre de président, j'ajourne
les travaux sine die. Donc, ajournement.
(Fin de la séance à 12 h 16)