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(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la culture reprend donc ses travaux pour la
poursuite du mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale. Il s'agit, pour cette commission, de continuer la
consultation générale en tenant des auditions publiques sur la
proposition de politique de la culture et des arts telle qu'elle a
été déposée à l'Assemblée nationale
le 14 juin dernier.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des députés qui
ont demandé à être remplacés?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le
secrétaire.
L'ordre du jour est connu. Vous m'exempterez d'en faire la lecture.
J'indique dès maintenant à cette commission que des
démarches sont faites de façon à ce que le groupe qui
était prévu à 21 h 30 - il s'agit du Conseil
régional de la culture de l'Outaouais, qui est le seul groupe que nous
avons dans la soirée - soit plutôt convoqué à 18 h
30, de façon que nous puissions les entendre de 18 h 30 à 19 h
15, ce qui ferait que cette commission n'aurait pas à siéger
après le dîner ce soir. Est-ce que j'ai l'accord des membres de la
commission pour que les démarches soient faites dans ce sens?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Doyon): Le premier groupe que nous allons
entendre est le Rassemblement des bibliothèques publiques au
Lac-Saint-Jean et Saguenay. Je les invite à bien vouloir s'avancer.
Maintenant qu'ils sont à s'installer, je leur indique qu'ils
disposeront de dix à quinze minutes pour nous parler de leur
réaction et de leur façon de voir les choses en ce qui concerne
la proposition qui a été déposée au mois de juin
l'an dernier. Ensuite, les membres de la commission vont engager la
conversation et la discussion avec eux pour 25 ou 30 minutes.
Vous avez donc la parole. Si vous voulez bien vous présenter pour
que nous puissions avoir vos noms dans notre Journal des débats.
Vous avez la parole.
RABLES
M. Bouchard (Martin): Martin Bouchard. Je suis responsable de la
bibliothèque municipale d'Alma et, à ce titre, membre du
RABLES.
M. Tremblay (Claude): Claude Tremblay. Je suis responsable de la
bibliothèque de la ville de La Baie et, à ce titre, membre du
RABLES.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue!
M. Bouchard: Je commencerais tout d'abord par excuser la
présidente du RABLES, Mme Francine Laflamme, de Roberval, qui est,
à cette période-ci, sur un déménagement de
bibliothèque dans un édifice plus grand. Donc, c'est une bonne
nouvelle.
Le Président (M. Doyon): Vous lui souhaiterez bonne
chance.
M. Bouchard: Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir
invités à vous donner notre avis et je suis conscient que vous
avez dû en faire une lecture. Alors, je vais essayer d'en sortir les
extraits les plus importants.
Tout d'abord, j'aimerais rendre hommage au ministère des Affaires
culturelles qui, depuis sa naissance, je crois, en 1962, a été un
initiateur et un développeur dans le dossier des bibliothèques
publiques. Avant qu'il y ait des programmes d'incitation au ministère,
on savait qu'il y avait cinq ou six très bonnes bibliothèques au
Québec et c'étaient surtout des bibliothèques anglophones.
Alors, avec les différents programmes, les BCP, le plan Vaugeois en 1979
et le Programme d'aide financière aux équipements culturels et
à la construction de bibliothèques, ça a toujours
été le point de départ pour les municipalités
à créer des bibliothèques.
Cela étant dit, il reste beaucoup à faire. Comme vous
savez, au niveau des statistiques, il nous reste environ 581
municipalités à rejoindre, les petites municipalités. Il y
a encore 29 municipalités de 5000 habitants et plus qui n'ont pas
été rejointes. La moyenne des livres par habitant n'est encore
que de deux, alors qu'elle devrait être d'au moins trois, et la norme
d'espace du ministère n'est atteinte qu'à 64 % en moyenne. Si on
se compare avec les autres provinces - il y a un ouvrage de Mme Mitter-meyer
qui nous a permis de le constater il y a deux ou trois ans - bon, on constate
qu'on est la neuvième province sur neuf dans la plupart des statistiques
qui regardent les bibliothèques publiques.
Et, si on se rapporte principalement à la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, pendant plusieurs années on a constaté,
à la lumière des statistiques du ministère des Affaires
culturelles pour les bibliothèques publiques, que dans notre
région on était toujours à la dernière place
pour la plupart des items observés, que ce soient les heures
d'ouverture, les dépenses par habitant, l'espace par rapport à la
norme. Alors, on se voyait un peu comme l'Ethiopie au niveau des
bibliothèques publiques: les plus pauvres parmi (es pauvres. Et c'est un
peu le message qu'on avait transmis à la commission Sauvageau sur les
bibliothèques publiques.
Le monde du livre, et principalement des bibliothèques publiques,
a remarqué avec stupéfaction le peu de place qu'on nous faisait
dans le rapport Arpin: trois pages à la lecture et trois paragraphes aux
bibliothèques publiques. Et dans ce chapitre intitulé "Favoriser
l'accès à la vie culturelle", on aurait pu s'attendre à
plus d'emphase sur ces deux domaines prioritaires. Pourtant, en page 157 du
rapport, on y lit que le livre est reconnu par tous comme un outil de base
d'accès à la culture. Et cette affirmation renforce ce qui avait
été dit en 1984 dans le document d'orientation du MAC sur "La
lecture au Québec". Alors, on y lit: "La lecture serait donc l'un des
éléments qui contribuent le plus au développement de la
vie culturelle des citoyens. La lecture éveille la curiosité,
développe la créativité et stimule la participation aux
activités culturelles. En effet, selon certaines études, les
adeptes de ta lecture fréquentent plus souvent les salles de
cinéma, de concert, de théâtre et les musées que les
personnes qui ne lisent jamais ou rarement."
Alors, ça, c'est un phénomène qui nous a toujours
frappé, surtout que ça venait des sondages. On pense que
ça devrait être mis dans les politiques du ministère.
Alors, si la lecture est la meilleure porte d'entrée aux arts et
à la culture, nous croyons que le ministère des Affaires
culturelles doit l'établir clairement dans les politiques qui touchent
le domaine, améliorer ses programmes d'aide aux bibliothèques et
instituer un nouveau programme d'aide aux regroupements régionaux et
nationaux.
Au chapitre touchant les municipalités, le rapport Arpin parle de
fonds servant de levier et de partenariat qui recourra à des ententes
globales de développement culturel. Le RABLES propose donc, dans cette
veine, que le Programme d'aide financière aux bibliothèques
existantes soit majoré quant aux dépenses de fonctionnement de 10
% à 25 % - je ne parle pas de la partie des subventions aux livres et
périodiques - et cela, pour les cinq années qui suivent la
construction d'une nouvelle bibliothèque. Donc, on demande cette
majoration pour les nouvelles bibliothèques qui sont relocalisées
ou construites parce que ça aurait pour effet de garantir
l'investissement qu'aurait provoqué le MAC et ainsi éviter le
risque de la coquille vide.
Parce que ce qui arrive souvent dans les municipalités, on a un
beau projet de bibliothèque publique et, finalement, le plan de
développement pour les opérations, ça ne suit pas le
bâtiment, et ce n'est qu'après trois ou cinq ans, quand tout le
monde a découvert et profité du service, qu'on peut dire que
c'est maintenant un acquis, que ce n'est plus un luxe.
Les regroupements de bibliothèques, des partenaires à
soutenir. Il serait grand temps que le ministère reconnaisse le statut
des regroupements régionaux de bibliothèques qui se sont
formés dans toutes les régions à partir de 1976, la
plupart du temps à l'initiative du ministère même,
également pour l'association nationale qu'est l'Association des
directeurs de bibliothèques publiques du Québec. Alors, c'est une
des parties du mémoire qui, pour nous, est une des plus importantes. Au
RABLES, nous sommes passés de six à huit membres et on a fart
beaucoup d'activités. Puis, avec le temps, on perd un certain
enthousiasme ou de l'énergie quand on est tout seul à devoir
mettre l'épaule à la roue. Et on se dit: Si la lecture est,
à ta base, une portée d'entrée à la culture en
général - on compare avec le ministre du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, qui, lui, prétend que t'exercice physique, c'est une
porte d'entrée au sport en général - on se dit que l'on
pourrait avoir un regroupement fort avec quelqu'un qui pourrait, en partie,
travailler pour le regroupement et qui serait un peu un pendant du
coordonnateur Kino-Québec pour le sport.
On a un exemple dans la Mauricie, la région Mauricie-Bois-Francs,
où la DRAC a pris en charge le regroupement qu'elle a aidé
à fonder en 1985 et lui a versé une première subvention de
2500 $. Je sais que pour cette année la subvention est de 13 780 $. On
me dit que c'est une subvention aux projets, mais ce sont des subventions qui
sont versées annuellement. On propose que la subvention que te MAC
pourrait donner aux regroupements, ce serait un nouveau programme d'aide
financière à la coopération. Puis, ça fait partie
de la recommandation 51 du rapport Sauvageau, en fait, que le MAC mette en
place un nouveau programme d'aide financière à la
coopération qui reconnaîtrait du même coup l'existence et
l'importance des regroupements de bibliothèques publiques. Que la
subvention annuelle en découlant soit versée directement à
la corporation ou aux municipalités qui la relaieraient à la
corporation sous forme de cotisation. Et qu'une partie de cette subvention soit
elle-même relayée à l'ADIBIPUQ, qui est l'association
nationale, également comme cotisation participative. Nous croyons qu'un
taux de 0,10 $ par habitant pourrait être un minimum de
départ.
Alors, comme je le disais tout à l'heure, cette
subvention-là nous permettrait de faire beaucoup d'activités
d'animation, de promotion et aussi de formation. C'est ce qu'il nous manque la
plupart du temps en région. Nous croyons que le ministère en
retirerait des bénéfices par une plus grande visibilité
parce que toutes nos activités seraient sous la commandite du minis-
tère en fait.
Cette proposition rejoint les recommandations 76b du rapport Arpin: "...
que le MAQ intervienne de façon continue et par des projets conjoints
auprès des associations et regroupements" ainsi que la recommandation
81: "... que le MAQ travaille étroitement avec les associations et les
regroupements, considérant ces derniers comme des alliés et des
partenaires capables de transcender leurs intérêts particuliers
pour contribuer au développement plus général de la
culture et de la vie culturelle".
Je parlais tout à l'heure de la formation. Le rapport Arpin a un
texte qui se rapporte à ça et qui dit, selon les tableaux, que le
MAQ subventionne pour environ 200 000 $ les organismes nationaux de
bibliothèques. On sait que la plupart des cours et ateliers se donnent
à Montréal et à Québec. Donc, dans la
région, définitivement, on ne peut presque jamais en profiter,
que ce soit donné par la corporation ou l'ASTED. C'est pourtant un
besoin reconnu et apprécié parmi nos membres. Notre proposition
d'aide directe aux regroupements résolverait cette lacune car nous
aurions désormais les moyens de faire venir les formateurs.
Dans un autre ordre d'idées, le rapport écrit en page 157
que la situation de la lecture chez les jeunes et les bibliothèques
publiques devrait être des dossiers prioritaires de la concertation entre
le MAQ et le MEQ, le ministère de l'Éducation du Québec.
Cette affirmation nous a fait penser que les bibliothèques scolaires
perdent beaucoup de budget depuis plusieurs années et, finalement, c'est
les bibliothèques publiques qui ramassent les clientèles
scolaires. Alors, il est très fréquent qu'à la fin de la
journée les jeunes arrivent avec le même sujet alors qu'on a
seulement trois ou quatre livres sur le sujet, mais on a 15 jeunes qui veulent
faire un travail sur le même sujet. On ne veut pas se plaindre de cette
clientèle, c'est juste pour constater le fait qu'on ramasse les
clientèles scolaires. Alors, ça peut faire partie des discussions
entre les deux ministères. (10 heures)
Comme dernier point, il y a le dossier des CRC, des conseils
régionaux de la culture, et des directions régionales des
affaires culturelles. Juste un mot pour dire que ce qui est dit dans le rapport
Arpin laisse supposer qu'on veuille l'élimination de l'un des deux.
Nous, au RABLES, à la suite de l'expérience complète de ce
qui se vit au Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous pensons que les deux organismes
sont nécessaires et très bien implantés dans le milieu
culturel de la région et qu'on développe de très bonnes
relations avec chacun des deux organismes. Alors, nous croyons que les deux
doivent être maintenus.
Un dernier point sur la TPS sur les livres. Naturellement, nous appuyons
toute tentative pour enlever toute taxe sur les livres parce que, à
longue échéance et même à très court terme,
c'est toute l'industrie du livre et, au bout de la ligne, les
bibliothèques publiques qui seraient désavantagées. Alors,
si on peut ne jamais voir de taxe sur les livres, ce serait une bonne chose. Ce
sont les points sur lesquels on voulait attirer votre attention. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Bouchard. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouchard, M. Tremblay.
Bienvenue. Vous parlez, dans votre mémoire, de l'action positive qui a
été faite. Évidemment, il y a des choses à faire.
Il faut s'asseoir avec les municipalités pour procéder aux
diverses recommandations au niveau du rapport Sauvageau. Vous savez comme moi
que ce n'était pas évident l'année passée. Il y a
quand même eu une très grande ouverture après la
commission, d'une part.
Deuxièmement, il y a une étude aussi - j'en ai pris un peu
connaisssance ce matin - au niveau du fédéral qui, à leur
grande surprise, quand vous parlez des taxes et du support, dit que tout le
phénomène de l'édition au niveau québécois
est en bien meilleure santé que dans le reste du Canada à cause
justement des mesures que nous avons prises sur les livres, soit au niveau de
la taxe et au niveau de la loi. Et c'est ce que les gouvernements ont fait
aussi depuis 10 ans, de part et d'autre. Donc, vous avez raison quand vous
dites que la lecture reste quand même la base et qu'il faut continuer de
la protéger.
J'aurais quand même quelques questions. D'une part, quand vous
parlez d'aide au développement des bibliothèques publiques
autonomes, le phénomène d'accroissement de 10 % à 25 %, au
moment où on se parle, depuis six ans, en termes d'infrastructures, on a
investi à peu près 48 000 000 $. Ce qui fait, et ce que vous
dites d'ailleurs justement, que, là, on rejoint 88 %, 90 % de la
population. Ça, je vais y revenir, par exemple, pour vous demander ce
qu'on peut faire avec les autres 10 %, parce qu'il y a certaines
municipalités qui ne veulent pas participer, même si c'est
à petite échelle. Mais il n'en reste pas beaucoup, donc,
phénomène très encourageant aussi.
D'autre part, on dépense, au niveau du fonctionnement, à
peu près 22 000 000 $ par année, ce qui fait qu'on est, dans le
fond, le seul ministère dans tout le gouvernement à payer pour le
fonctionnement d'un équipement qui est très local. Et nous, ce
qu'on voudrait, c'est beaucoup plus d'investir ces mêmes montants et
plus, mais au niveau des collections, parce que vous avez raison au niveau des
coquilles vides.
Au niveau de l'informatisation - parce que les bibliothèques sont
informatisées, bon, certaines d'entre elles, mais elles ne sont pas
reliées - il faut vraiment travailler et beaucoup
plus parce que, justement, on a réussi à bâtir,
conjointement avec les municipalités, des infrastructures qui,
maintenant, rejoignent la presque totalité de l'ensemble de la
population. Là, on voudrait vraiment, nous, nous concentrer beaucoup
plus au niveau justement des collections pour que ça ne devienne pas une
coquille vide et que le fonctionnement - bon, les poubelles, le nettoyage -
soit pris en charge par les municipalités. Alors, vous ne trouvez pas
que, finalement, ça répondrait beaucoup plus au grand besoin -
parce qu'on le sait - d'améliorer justement les collections versus de
continuer à payer au niveau du fonctionnement qui, dans le fond,
n'assure pas? Ce n'est pas une police d'assurance à savoir si la
bibliothèque va s'emplir de livres.
M. Bouchard: C'est parce que pour les nouvelles
bibliothèques... D'ailleurs, je crois que le programme d'aide aux
nouvelles bibliothèques, vraiment, dans des municipalités qui
n'en ont pas encore... Quand le ministère aide à les former, on a
un programme spécial dans les années qui suivent qui est un peu
plus élevé que le programme habituel au fonctionnement. Pourquoi
on demande de l'augmenter de 10 % à 25 %? C'est parce que, justement,
les budgets ne suivent pas le bâtiment. On se sert de la subvention du
ministère qui est de 70 % aux équipements culturels, on fait un
beau bâtiment. Dernièrement, il y a eu un débat au conseil
municipal et on se disait: Bon, si on déménage la petite
bibliothèque qu'on a là dans quatre fois plus grand, ce qui
devrait se faire d'ici 18 mois, et qu'on déménage le même
service, les gens vont dire: Pourquoi vous avez construit une grosse
bibliothèque si vous donnez le même service? C'est sûr qu'il
va y avoir plus d'espace, il va y avoir plus de sièges, mais nos budgets
de fonctionnement n'auront pas augmenté au niveau des livres, des
documents audiovisuels, des services d'animation et tout ça.
Les élus municipaux ne veulent pas toujours suivre parce que ce
n'est pas entré dans les moeurs encore et c'est pour ça que je
dis: dans les cinq premières années qui suivent une nouvelle
construction de bibliothèque, qu'on les aide un peu plus à aller
vers l'excellence et, après, ça va sur une vitesse de
croisière au niveau des budgets. C'est pour assurer l'investissement du
ministère.
Mme Frulla-Hébert: II y a un gros débat qui se fait
et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, qu'il faut absolument s'asseoir avec
les municipalités. Mais, avant de ce faire, j'ai posé la question
à plusieurs, à la plupart des gens oeuvrant au niveau des
bibliothèques publiques, c'est tout le débat de la tarification.
C'est-à-dire, d'une part, rendre accessible le droit à la
lecture, c'est sûr, mais, à cause des nouveaux services que l'on
donne dans les bibliothèques, la bibliothèque n'est plus ce
qu'elle était. Alors, à ce moment-la, est-ce qu'il y a lieu
d'émettre une tarification pour ces nouveaux services?
Évidemment, je me souviens du maire d'Amos qui disait: Vous
autres, donnez-nous le droit. Nous autres, on va faire ce quon a a faire.
Retirez-vous. Mais son point était bon, parce qu'il disait: Dans le
fond, nous, on vit avec la population locale puis, si on fait une erreur, ce
n'est pas long qu'on vient nous le dire. Ça, c'est une façon de
voir. Une autre façon de voir, c'est de dire: II faut faire attention,
parce qu'il ne faut pas d'abus. Mais, vous autres, à ce
niveau-là, où est-ce que vous vous situez, au niveau de cette
tarification, tout en s'entendant qu'il faut garder l'accessibilité
à la lecture quand même?
M. Bouchard: C'est sûr qu'au niveau de la profession et
même au niveau du RABLES on est pour l'accessibilité universelle,
donc, contre la tarification, du moins, pour l'inscription.
Mme Frulla-Hébert: Les services de base.
M. Bouchard: Ça c'est sûr. Mais on vit chacun dans
des municipalités puis il arrive un certain moment où les budgets
sont plus difficiles et, alors, on nous demande de commencer à tarifer
parce qu'on fait partie des services des loisirs puis les services de loisirs
tarifent leurs activités. Mais j'aimerais en venir à un point. Si
le ministère... On prend le Programme d'aide financière aux
équipements culturels. Ils donnent 70 %, donc, ils peuvent exiger des
choses de la municipalité: la mettre au centre-ville, faire une
entrée indépendante, tout ça, plein de normes par rapport
au bâtiment. Les subventions par rapport aux opérations, si le
ministère les augmente, ils peuvent, en plus, exiger plus de choses
qu'il y a en rapport aux autres normes qui concernent les bibliothèques
publiques, donc, la tarification.
Déjà, dans le milieu, on a été surpris quand
même de voir que le projet de loi qui a été
étudié - c'est l'été passé ou le dernier
été - n'exigeait pas des municipalités de ne pas tarifer.
On laissait les municipalités libres de le faire.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Je vais vous dire
honnêtement, c'est pour ça, quand j'ai pris conscience de ce
projet-là, en arrivant l'année passée, c'est là que
je l'ai fait arrêter, parce que je trouvais... Finalement, c'est un
débat aussi, tout ça, cette tarification-là. Ça
part de là, d'une part. Et, deuxièmement, il faut s'asseoir avec
les municipalités, compte tenu des événements. Mais,
encore là, on s'aperçoit quand même... Et dites-moi si j'ai
tort. Mais, tout au long de cette commission, plusieurs municipalités
sont venues. Hier, on a eu une petite perle du regroupement rural. Donc, les
gens sont de plus
en plus conscients de l'importance de la culture et de l'outil que
ça peut apporter au niveau de l'appartenance, etc.
Donc, je ne pense pas - à moins que je me trompe - que les
municipalités, en soi, voudraient se retirer ou, enfin, diminuer leur
implication. Au contraire.
M. Bouchard: Au niveau de la tarification?
Mme Frulla-Hébert: Non, justement, au niveau de leur
implication au niveau des bibliothèques. Parce que vous dites: Ce n'est
pas évident au niveau des conseils. Ce n'est pas évident et les
gens ne sont pas tout à fait convaincus. Évidemment, ceux qui
viennent à la commission nous disent, au contraire, qu'il y a une
certaine croyance qui n'existait pas avant. Mais est-ce que c'est juste, cette
perception?
M. Bouchard: Ça change lorsqu'il y a des nouveaux services
qui s'implantent dans des régions. Comme je vous le disais, dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on a une bonne bibliothèque
moderne qui est à La Baie, chez mon confrère, et dans le bout de
la région. Les élus municipaux, même la population, quand
ils vont dans une autre ville, ne visitent pas la bibliothèque. Ce n'est
pas encore un élément de fierté qu'on rapporte chez soi et
qui fait que ça nous en prend une et tout ça. Ça fait
boule de neige. Comme là, à Aima, il y a un projet; à
Chicoutimi, il y a un projet; Roberval déménage cette
année; Chibougamau l'a fait. C'est l'effet d'entraînement. On veut
une nouvelle bibliothèque parce que les fonctionnaires le demandent et
même des usagers le demandent, mais les gens ne sont pas convaincus de la
nécessité d'une bibliothèque moderne.
Mme Frulla-Hébert: II y a toujours des pôles dans
les régions, des exemples, des pôles. On est allés à
Roberval, tout ça, bon. Chicoutimi a un projet depuis dix ans. Nous, on
est prêts, et la députée, Mme Blackburn, nous aide beaucoup
à pousser et tout ça. Mais si Chicoutimi donnait l'exemple, avec
Aima, est-ce que ça n'aurait pas une espèce d'effet
d'entraînement sur le reste de la région?
M. Bouchard: C'est officiel. Ils auraient dû le donner il y
a dix ans, cet exemple-là. La région serait transformée
depuis cinq ans. Je suis absolument convaincu. Surtout la ville
mère.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Merci, M. le Président. M. Bouchard,
heureux de vous revoir. Quand on m'a donné ce dossier, il y a six ans,
une des toutes premières personnes que j'ai rencontrées pour
discuter culture, c'était vous.
M. Bouchard: À Aima.
M. Boulerice: M. Tremblay, bienvenue à cette
commission.
Il y a quelques années, il y a une importante entreprise qui
avait un "spot" publicitaire, si vous me permettez l'expression, qui disait:
Notre qualité, nos produits, notre force, nos employés. Alors,
dans cette veine, la question que j'aimerais vous poser est: Comment,
concrètement, peut-on répondre de façon beaucoup plus
adéquate à la formation continue du personnel des
bibliothèques publiques et forcément celles en région?
M. Bouchard: On a eu, quelques années, la commission de
formation professionnelle. D'ailleurs, il y a une erreur dans le
mémoire; c'est écrit "fédéral" alors que c'est
provincial. Alors, on a réussi à avoir quelques cours, mais,
comme ça venait des municipalités et qu'il y a des nouvelles
règles à la CFP disant qu'il ne faut pas que ça vienne de
l'administration publique, on va essayer de fonctionner différemment. La
formation, si on ne va pas, à Montréal ou à
Québec... Et c'est toujours des voyages de deux ou trois jours, c'est
toujours très cher, donc, on n'y a pas accès. Il faut la faire
venir. La CFP a été un moyen pour la faire venir, on a eu
quelques cours mais, là, il faut trouver d'autres moyens parce qu'on est
vraiment désavantagés et c'est quelque chose dont on a besoin
soit pour nous, les responsables, ou notre personnel. On veut implanter de
nouveaux services, mais on a besoin de formation.
M. Boulerice: M. le Président, avec le consentement de
l'Assemblée, M. le député de Lac-Saint-Jean.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement de
cette commission pour que M. le député de Lac-Saint-Jean, qui
n'est pas membre de la commission, puisse intervenir?
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Le Président (M. Doyon): Alors, consentement. M. le
député. (10 h 15)
M. Brassard: M. le Président, je prenais connaissance des
statistiques qui apparaissent dans votre mémoire. Je pense que la
conclusion s'impose: le Québec a un vigoureux coup de barre à
donner en matière de bibliothèques publiques. On traîne la
patte, on est à la queue dans presque tous les domaines, aussi bien pour
ce qui est de la collection totale, du nombre de prêts, du nombre
d'employés, du total des dépenses d'opération. Et, au
fond, ce que vous demandez, c'est que le gouvernement du Québec, prenant
conscience de cette situation, en fasse une priorité et soit le
déclencheur de ce coup de
barre. C'est dans cette perspective que vous souhaitez que le
ministère assume un certain leadership pour entraîner à sa
suite les municipalités.
Si je vous ai bien compris, quand vous demandez que le ministère
accroisse sa participation financière au fonctionnement, par exemple,
des bibliothèques, aux opérations, non seulement ça va
améliorer les services, mais, ce que vous dites, c'est qu'il y a une
corrélation directe entre un accroissement de l'action du
ministère des Affaires culturelles et un accroissement de l'action des
municipalités. Le ministère aurait un effet d'entraînement.
Vous êtes convaincu que cet effet d'entraînement apparaîtrait
auprès des municipalités.
M. Bouchard: II l'a eu depuis 25 ans, le ministère. C'a
été vraiment l'initiateur. S'il n'avait pas été
là, on pense qu'il faudrait effacer les 15 dernières
années, parce que c'est juste à cause de l'action du
ministère que les municipalités ont embarqué, parce que ce
n'est pas dans les moeurs du Québec, la lecture, d'avoir une bonne
bibliothèque publique.
Alors, ce qu'on demande, c'est de continuer de faire un effort un peu
plus grand au niveau des nouvelles constructions de bibliothèques pour
ne pas manquer le coup, pour garantir l'investissement du ministère et
de la municipalité. Par après, ça se fait tout seul,
ça rentre dans les moeurs, les municipalités n'attendent plus
après le ministère pour aller chercher une succursale, faire une
nouvelle construction, augmenter les budgets. C'est rentré dans les
moeurs. C'est demandé par des usagers de plus en plus nombreux. On a
quelques exemples de nouvelles bibliothèques qui ont ouvert qui, un an
après, allaient chercher 50 % de la population. Alors, ça entre
assez rapidement dans les moeurs à ce moment-là.
M. Brassard: Mais, pour ce faire, pour atteindre 50 % de la
population, il a fallu évidemment avoir les budgets d'opération
en conséquence.
M. Bouchard: D'avoir un bâtiment accueillant,
espacé, bien situé, avec des budgets pour les livres, beaucoup,
et des heures d'ouverture.
M. Brassard: Parce que c'est vrai, vous avez raison, ce n'est pas
toujours évident pour les élus municipaux que c'est un
investissement prioritaire que de construire une bibliothèque publique.
On en a eu un exemple bien récent, vous et moi, lors de la
dernière campagne électorale municipale à Aima où
les élus, ou enfin certains candidats, mettaient en doute, compte tenu
du contexte économique qu'on vit là-bas, le projet de
bibliothèques municipales, de nouvelles bibliothèques, de
nouvelles constructions à Aima. Puis on n'entrera pas dans les
détails, mais ça confirme ce que vous dites: Les élus
municipaux, on ne peut pas dire qu'ils sont fermés à des projets
de bibliothèques publiques, mais, effectivement, moi, je pense que vous
avez raison de dire qu'il faut que le ministère soit présent
très activement, très concrètement pour assumer un
leadership.
Ce que vous dites, c'est que le ministère l'a assumé ce
leadership-là depuis 15 ans et plus.
M. Bouchard: 25 ans.
M. Brassard: 25 ans même, en fait depuis la
naissance...
M. Bouchard: Des BCP.
M. Brassard: ...la fondation du ministère lui-même.
Mais, si on veut accomplir des progrès dans ce domaine-là, il
faudrait que son leadership soit plus fort et plus présent. Je comprends
bien votre... Et cet accroissement du leadership, cette plus grande
présence du leadership du ministère, bien, ça devrait se
traduire par des programmes d'aide plus importants, ayant des budgets plus
importants.
M. Bouchard: Pour une certaine période de temps, et puis
pour certains projets, comme je le disais, les nouvelles
bibliothèques.
M. Brassard: Ce que vous évaluez à cinq ans. Ce que
vous dites, c'est que pendant cinq ans, si l'aide était accrue,
ça permettrait, à ce moment-là, aux intervenants du
milieu, au conseii municipal, aux permanents de la bibliothèque
d'atteindre des objectifs de fréquentation, etc.
M. Bouchard: Ça ne ferait que revenir au statut
antérieur à 1986 où on pouvait aller chercher des
subventions jusqu'à 25 % et 30 % au total. Maintenant, ça a
descendu autour de 15 % incluant les livres. En tout cas, pour les 10
bibliothèques autonomes de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean,
c'est passé de 25 %à15 %.
M. Brassard: Sur les regroupements...
Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le
député.
M. Brassard: Oui. Dernière question. Vous souhaitez qu'il
y ait une reconnaissance des regroupements régionaux comme le
vôtre. Vous en êtes un depuis maintenant six ou sept ans, si ce
n'est pas plus?
M. Bouchard: C'est notre dixième...
M. Brassard: Dix ans. Vous souhaitez qu'il y ait une
reconnaissance et qu'il y ait aussi une forme d'aide financière de la
part du ministère. Pourquoi? Parce que vous pensez que de tels
regroupements pourraient jouer un rôle très actif et
très positif en termes, par exemple, d'animation, d'augmentation de
l'achalandage des bibliothèques par...
M. Bouchard: Bon. Je peux vous donner...
M. Brassard: Ce serait quoi les avantages d'une telle
reconnaissance?
M. Bouchard: Je peux vous donner un exemple. Cette année,
comme on fête le dixième anniversaire, on avait, depuis un an et
demi, un projet de signets avec un tirage de "best-sellers" passé
à la radio. C'est un projet dont on est allé chercher
l'idée en Abitibi-Témiscamingue. Pendant un an, on s'est
cherché un commanditaire privé et on n'en trouvait pas et,
finalement, c'est une subvention de 2500 $ de la direction régionale qui
nous a permis de faire le projet et c'est un projet de 5000 $. On contribuait
pour le reste. Mais, si on n'avait pas eu la subvention du ministère, on
ne pouvait pas aller chercher, dans nos budgets d'opération, chacun dans
nos huit bibliothèques, pour tenir ce projet-là. Et, depuis 10
semaines, dans cinq postes de radio de la région, il y a deux messages
par jour pour parler de la bibliothèque et des signets à
l'effigie, justement... On a fait des reproductions des oeuvres de la biennale
qui s'est déroulée à Aima.
Alors, c'est le genre de projet qui est possible avec l'aide du
ministère. On en a fait plusieurs projets depuis 10 ans mais c'est de
plus en pius difficile, au niveau financier, d'aller chercher un montant
égal dans chacune des bibliothèques, et c'est de plus en plus
difficile au niveau de l'énergie que ça prend en dehors de notre
travail dans la bibliothèque même pour accorder autant de temps
à la vitalité du regroupement. On fait des réunions mais
les réunions, 11 faut qu'elles débouchent sur des projets et on
aimerait avoir cette aide pour pouvoir réaliser des projets et pour
mettre quelqu'un à temps partiel pour nous décharger de
ça, pour faire de ia promotion, faire de la formation. C'est pour
ça.
Le Président (M. Doyon): Merci. Quelques mots de
remerciement, si vous le voulez bien, M. ie député. M. le
député de Lac-Saint-Jean ou M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Brassard: Bon. Très bien. Alors, je voudrais simplement
les remercier et leur dire aussi, évidemment, que je suis très
conscient et très fier aussi du rôle que joue RABLES dans la
région depuis 10 ans. J'ai eu l'occasion d'être associé
maintes fois à leur action et je ne peux que les encourager à
poursuivre dans le même sens.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, si vous voulez faire de même.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Moi aussi, je me joins à
mon collègue pour vous remercier. C'est drôle parce que, hier
soir, on a beaucoup parlé aussi du rôle de la promotion maintenant
et du marketing au niveau des divers secteurs culturels, ce qu'on ne faisait
pas avant parce qu'on s'imaginait: Bien, ça va se vendre tout seul ou
c'est naturel, bon. Et, là-dessus, vous avez raison dans un sens
où, évidemment, la promotion entraîne la clientèle
et, donc, par cet entraînement de clientèle, évidemment, le
service se développe. Alors, soyez sûrs que, à ces
niveaux-là, ce qui n'existait pas, on va essayer de regarder ça
de très très près. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Au nom
des membres de la commission, je vous remercie d'avoir bien voulu accepter
notre invitation et d'avoir bien voulu alimenter notre réflexion sur
toute cette question de la politique culturelle, en particulier en ce qui
concerne les bibliothèques. Alors, M. Bouchard ainsi que M. Tremblay,
soyez remerciés.
M. Bouchard: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): J'indique aux membres de cette
commission que l'ordre du jour, tel que je l'avais indiqué
précédemment, est modifié de façon à ce que
le Conseil régional de la culture de l'Outaouais, qui devait être
entendu à 21 h 30, soit maintenant entendu à 18 h 30. Et l'ordre
du jour est donc modifié en conséquence.
J'invite maintenant la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain à bien vouloir prendre place à la table de
nos invités. C'est à leur tour maintenant de nous faire
connaître leur réaction, comment ils voient la proposition de
politique qui a été déposée à
l'Assemblée nationale. Les mêmes règles s'appliquent, vous
avez 10-15 minutes pour nous lire votre mémoire ou en extraire les
grandes lignes, comme vous le voudrez. Et ensuite, nous ferons 20-25 minutes de
discussion avec vous sur les sujets que vous aurez bien voulu aborder. Alors,
M. Guilbault, vous avez la parole, ou Mme Lalonde, comme vous voudrez. Je vous
souhaite la plus cordiale des bienvenues.
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
M. Guilbault (Jean): M. le Président, Mme la ministre,
distingués membres de la commission, dans un premier temps, je
désire vous remercier pour l'opportunité que vous nous avez
donnée de vous présenter nos commentaires et nos remarques sur la
culture. J'ai l'intention de vous lire les principaux extraits de notre
mémoire qui n'est pas très long de toute façon et qui va
vous permettre de mieux comprendre l'importance et la portée de la
culture, tout particulièrement
pour la région de Montréal.
Nous souhaitons affirmer l'importance que la culture occupe dans le
positionnement de Montréal et la place que nous lui accordons dans notre
stratégie de développement du Montréal
métropolitain. Nous souhaitons énoncer des besoins en rappelant
ce qu'il faut aux industries et aux organismes culturels de Montréal
pour renforcer cette mission et contribuer de tout leur poids à la
compétitivité de Montréal sur le plan international. Nous
souhaitons expliquer ce que, comme Chambre de commerce, nous tentons de faire
pour la promotion de l'activité artistique à Montréal,
souligner notre intérêt et notre raison de vouloir tisser des
liens entre le milieu des arts et celui des affaires, parler en somme du
partage des rôles en ce qui concerne le financement des arts et des
industries culturelles.
Ce que nous souhaitons ici, c'est de faire partager au gouvernement du
Québec, au chapitre de sa politique des arts et de la culture, notre
stratégie de développement de Montréal, une
stratégie qui compte comme un atout majeur le renforcement du secteur de
nos institutions culturelles. Dans son rapport, le groupe-conseil invite "le
gouvernement québécois à conclure un véritable
pacte culturel avec sa métropole".
Le caractère international de Montréal. Dans sa
stratégie de développement économique pour le
Montréal métropolitain, la Chambre de commerce soutient que
Montréal doit accentuer son caractère de ville internationale et
continuer de se distinguer des autres villes par son exceptionnelle
qualité de vie. Je vous cite un extrait d'un editorial paru dans la
revue Commerce de l'an dernier: "Or, dans le monde moderne, l'industrie
culturelle, plus que toute autre, constitue non seulement un
élément déterminant de cette qualité de vie mais
est aussi un facteur de reconnaissance internationale."
Il n'est pas facile aujourd'hui d'être, encore moins de devenir
une ville à caractère international. Une telle renommée
s'acquiert par l'intensité et la qualité des relations que la
ville entretient quotidiennement avec l'étranger, un
phénomène qui dépend beaucoup de la structure
économique. Une telle renommée s'acquiert aussi au fil des ans.
Elle se mérite encore par des gestes de longue portée, des
investissements d'envergure, des choix de priorités difficiles. (10 h
30)
Du point de vue de la Chambre de commerce, si Montréal peut se
permettre de poursuivre ses efforts dans cette voie, c'est parce qu'elle
dispose d'atouts naturels importants (caractère multiethnique et
position géographique avantageuse) et qu'elle est choyée par une
exceptionnelle qualité de vie. Je vous rappellerai que, dans les
enquêtes qui sont faites à travers le monde, Montréal est
citée comme la seconde ville sur le plan mondial pour sa qualité
de vie et son attrait pour les investisseurs en autant que ce secteur est
concerné. C'est surtout qu'elle a généré depuis des
années cette intensité culturelle qui étonne souvent le
reste du Canada et même, parfois, le New York Times et le reste du
monde!
Mais la compétition pour une renommée internationale ne
tolère aucune faiblesse, aucune faille, aucun ralentissement. Elle est
sérieuse Plusieurs grandes villes de l'Europe ont réinvesti dans
un patrimoine et des institutions culturelles déjà très
riches pour se mériter une notoriété culturelle,
internationale, ou simplement pour devenir un lieu d'attraction
économique au sein de la Communauté économique
européenne, en préparation des marchés mondiaux.
Même mouvement dans plusieurs villes du Nord-Est américain
espérant, en rehaussant leur profil au plan culturel, éducation
et qualité de vie, remplacer les centres industriels d'hier.
Montréal ne doit pas craindre de se doter en son centre-ville,
même où il y a déjà une concentration
d'activités culturelles, d'un seuil critique nécessaire
d'institutions culturelles, dynamiques et d'envergure internationale.
La culture occupe donc une place prépondérante dans la
stratégie de développement de Montréal. Qui le comprendra?
Qui l'appuiera? Le gouvernement du Québec, cela s'impose. Dans son
rapport, le groupe-conseil s'en rapproche puisqu'il reconnaît le
rôle de Montréal comme pôle de développement national
et international. Mais, compte tenu des enjeux, il faut aller plus loin. Il
faut élaborer un plan d'action que le gouvernement du Québec, au
plus haut niveau, s'engage à réaliser.
Noblesse oblige: les besoins culturels de Montréal. Quels sont
les éléments de ce plan d'action? Dans notre rapport de 1985 sur
"L'industrie culturelle et le rayonnement international de Montréal",
nous avons déjà fait part du danger que Montréal
régresse sur le plan de la qualité de son produit culturel si
elle n'est pas constamment appuyée dans son secteur et dans son essor
culturels. Nous nous heurtions alors à l'absence d'une volonté
politique de combler les besoins de la région montréalaise en
institutions culturelles permanentes. Nous faisions également
état de la nécessité que nos grands organismes culturels
atteignent une stabilité, un degré d'autonomie, une marge de
manoeuvre financière suffisante pour poursuivre leur progression.
Après six ans, il est utile de refaire le bilan sur ce double front.
L'implantation d'institutions culturelles permanentes. Un progrès
certain a été réalisé avec l'agrandissement du
Musée des beaux-arts, l'implantation du Centre canadien d'architecture,
la construction du nouveau Musée d'art contemporain, l'agrandissement du
musée McCord. Les années quatre-vingt-dix sont celles du
développement muséologique et, au plan de la compétition
internationale, Montréal comblera ainsi un retard susbstantiel à
ce chapitre. Nous désirons le souligner, les contributions du secteur
privé à
trois de ces projets ont dépassé la somme de 60 000 000
$.
Mais pour faire de Montréal une ville d'envergure internationale,
il ne faut pas s'arrêter là. Il faut poursuivre le plan: doter
Montréal d'institutions permanentes de grande envergure; stimuler ses
industries culturelles pour qu'elle continuent à jouer un rôle
économique; consolider ses grands organismes à but non lucratif
et encourager, autant que faire se peut, la création artistique.
À titre d'exemple, Montréal demeure la seule région
métropolitaine de 3 000 000 d'habitants en Amérique du Nord
à n'avoir aucun musée scientifique ou centre de sciences. Ce
problème rejoint un problème d'éducation important. Si
nous voulons - et je me permets un aparté - que nos enfants
développent une culture, s'intéressent à la science et
à la technologie, c'est par la création d'un musée comme
celui-là qu'il nous sera permis de les intéresser et de les
initier. Ça nous apparaît comme un projet qui devrait recevoir la
priorité de nos gouvernements.
Montréal attend son école nationale de limage et du son,
projet auquel participe l'ensemble du milieu du cinéma et de la
télévision, et auquel la Chambre a encore apporté son
appui.
En dépit de plusieurs améliorations et de plusieurs
projets annoncés puis retirés, la région
métropolitaine n'est pas encore bien desservie en grandes salles de
spectacle. Pour une, la salle de l'OSM demeure toujours à l'état
de projet.
La présence d'institutions d'envergure est cruciale pour l'avenir
culturel et pour le développement de Montréal. L'un et l'autre
sont intimement liés.
Les besoins financiers des organismes culturels à but non
lucratif. S'il y a carence au plan des grandes institutions culturelles
permanentes, il y a aussi des besoins chez les organismes culturels existants.
Plusieurs à Montréal souffrent plus souvent qu'autrement de
sous-financement. Des déficits accumulés placent tour à
tour l'Orchestre symphonique de Montréal, les Grands Ballets canadiens,
le Théâtre du Nouveau Monde, l'Opéra de Montréal, le
Musée des beaux-arts, ou d'autres encore, dans des situations
extrêmement fragiles.
Je me permets encore une fois un aparté. J'ai accepté l'an
dernier de coprésider la soirée-bénéfice des Grands
Ballets canadiens. La vente des billets à 200 $ s'est
avérée excessivement difficile. Le montant rapporté par
cette vente de soirée-bénéfice n'était que de 100
000 $, ce qui était quand même une réussite, mais cette
somme était insuffisante. Le conseil d'administration, à la suite
de cette campagne un peu décevante, se posait de sérieuses
questions, à savoir comment il réussirait à payer ses
principales vedettes pour la prochaine année, avec des offres qui leur
venaient de New York, de Los Angeles et de Paris.
Nos organismes ne disposent d'aucune marge de manoeuvre pour faire face
à une difficulté particulière, un événement
moins populaire que prévu, une campagne de financement décevante,
tout comme ils disposent de peu de moyens pour prendre des risques
inhérents à la performance artistique et pour poursuivre leurs
objectifs d'excellence. Sans l'aide de l'État, il n'y aurait que peu de
musique, peu de chanson, peu de cinéma québécois et sans
doute peu d'auteurs publiés. Notre marché est trop étroit
pour rentabiliser certaines industries culturelles, et c'est un fait de la vie
pour tous les pays occidentaux, à l'exception des États-Unis.
Mais, telle que conçue actuellement, l'aide directe et indirecte
de l'État ne permet pas vraiment à ces entreprises de se
capitaliser. Elles demeurent donc fragiles et la plupart vont de projet en
projet, sans assurance de lendemain. Il serait opportun que, par des
régimes fiscaux et l'accessibilité à des capitaux de
risque, elles puissent, à certains stades de leur développement,
renforcer leur structure financière.
En résumé, si la culture est une richesse
stratégique pour Montréal, ses besoins de financement sont
considérables. La place qu'occupe le secteur culturel comme axe de
développement de Montréal, ses retombées sur le
positionnement de Montréal justifient de tels investissements. Mais
c'est pourquoi il faut parler d'engagement de la part du gouvernement du
Québec et de sources de financement additionnelles, comme le
suggère le rapport du groupe-conseil. On ne réussira à
soutenir adéquatement le développement de Montréal qu'en
diversifiant au maximum les sources de financement des arts. L'ampleur des
besoins le commande. Ensuite, le foisonnement de la création passe par
cette multiplicité des sources de fonds. Le secteur privé, le
secteur public et tous les paliers de gouvernement doivent contribuer au
financement de la culture et des arts.
Permettez-nous de commencer par le secteur privé. En effet,
plusieurs grandes entreprises montréalaises contribuent de façon
exemplaire au soutien des arts. Nous ne les nommerons pas, mais elles sont
déjà bien connues car leurs investissements ont des
retombées sur leur image. Leur intérêt est constant, leur
engagement diversifié, et il n'est pas rare qu'elles soient
appelées à augmenter leur partenariat dans les difficiles moments
des crises financières. Ainsi, les grands organismes d'art
d'interprétation et les festivals peuvent compter sur une proportion
substantielle, variant entre 10 % et 40 %, de commandites et de dons
privés. On peut se rappeler le Festival de jazz qui a réussi
à passer à travers grâce à des subventions
substantielles du secteur privé.
Par ailleurs, par de la sollicitation, des campagnes de financement, des
événements spéciaux, un grand nombre d'organismes
culturels vont aussi chercher des contributions moins
visibles chez des entreprises privées, moyennes et petites, qui
ont une affinité avec le domaine artistique. C'est pour
développer cette affinité et augmenter le bassin des
contributions que la Chambre travaille depuis 1989 à stimuler le soutien
de l'entreprise privée aux arts.
Le financement public. La contribution des gouvernements provincial et
fédéral à la culture montréalaise devrait tenir
compte à la fois de son dynamisme et de son rôle dans ia
stratégie de développement de Montréal. La contribution du
secteur privé et celle des municipalités suivront. Dans son
rapport, le groupe-conseil recommande au gouvernement du Québec
d'accorder à la culture et aux arts une priorité
élevée et les budgets qui en découlent. Pour les motifs
expliqués, nous souscrivons d'emblée à cette
recommandation.
Nous voudrions aller plus loin. Dans notre rapport de 1985, nous
affirmions qu'une part majeure du financement de la culture devrait provenir du
gouvernement québécois, notamment pour l'investissement dans les
grands équipements, ainsi que pour supporter les frais d'exploitation,
tant des grands organismes d'interprétation que de ceux de
création et de recherche. Nous continuons à préconiser la
même approche. Tout comme les universités et les collèges,
les institutions culturelles reconnues devraient bénéficier d'un
plan de développement, sur une base pluriannuelle, convenu avec les
gouvernements, et plus particulièrement avec le gouvernement du
Québec. Ce plan devrait inclure leurs projets d'immobilisation et de
développement. On éviterait ainsi les situations instables et
confuses qui ont marqué le développement de chaque
équipement culturel, du moins à Montréal.
La part du gouvernement fédéral. J'insiste bien sur le
fait qu'il s'agit du niveau, mais ce niveau de contribution du gouvernement du
Canada au financement des arts par ses divers ministères et par le
Conseil des arts du Canada devrait demeurer aussi un acquis. Quelle que soit
l'issue du dossier constitutionnel, il faut qu'il en soit ainsi. Il semble que
nous assistions présentement à une enchère vers la baisse
et cela nous apparaît dangereux. D'abord, les fonds consentis à
Radio-Canada, à l'ONF, au Conseil des arts du Canada ont fait et font
encore l'objet de réductions. Il faudrait en mesurer l'ampleur et
l'impact sur l'industrie culturelle montréalaise. Ensuite, le
gouvernement fédéral résistera-t-il à la tentation
de réduire ses contributions en anticipant un retrait du champ culturel
avec compensation?
Dans cette conjoncture, comment conclure que le retrait
fédéral du secteur culturel, pris isolément, favorise la
trésorerie du gouvernement du Québec et non celle du gouvernement
fédéral? Au contraire, ce retrait, indépendamment du futur
statut constitutionnel du Québec, risque d'avoir un impact
négatif sur le financement de l'industrie culturelle et sur le
développement de Montréal. C'est pourquoi nous invitons le gou-
vernement du Québec à être prudent face à la
recommandation du groupe-conseil à cet égard. S'il y a retrait du
gouvernement fédéral et de ses agences du champ culturel, ce doit
être plutôt dans le contexte d'un règlement constitutionnel
global permettant de faire le tour de tous les aspects de la question, de
mesurer les risques et d'apprécier la valeur des compensations.
Uniquement dans un tel contexte, d'ailleurs, pourra-t-on prendre en compte
l'ensemble des interventions du gouvernement fédéral dans le
champ culturel: droits d'auteur, règlements à l'exportation,
fiscalité, libre-échange... et faire valoir une position qui
représente, au minimum, un statu quo pour l'industrie culturelle
québécoise.
Par ailleurs, la position du groupe-conseil à cet égard
semble dictée par un besoin de centralisation du processus
décisionnel. Cette perspective nous inquiète à double
titre. Premièrement l'activité culturelle a besoin d'autonomie,
de latitude, de marge de manoeuvre, non de dirigisme. Les organismes culturels
viendront sans doute le dire. Deuxièmement, du point de vue de la
recherche de financement, cette orientation cache une contradiction. D'un
côté, le groupe-conseil veut inciter les municipalités et
l'entreprise privée à contribuer davantage au financement de la
culture. D'un autre côté, il souhaite canaliser toutes les
interventions vers un seul ministère. Or, centraliser la
décision, au gouvernement par surcroît, et stimuler les
partenariats financiers sont de véritables antidotes. Un élimine
l'autre. Est-il besoin d'insister davantage? (10 h 45)
La contribution des municipalités. La ville et la
Communauté urbaine de Montréal contribuent substantiellement
à soutenir l'activité culturelle dans la région
montréalaise. En plus de s'engager résolument à confier 1
% de leur budget au Conseil des arts de la Communauté urbaine, la ville
gère plusieurs institutions culturelles. Nous voulons le souligner, tout
en leur laissant le soin d'en faire état plus longuement. Nous
souscrivons à la recommandation du groupe-conseil à l'effet de
créer des dispositions pour inciter les municipalités à
s'engager encore davantage dans le soutien aux arts et à la culture.
Dans ce contexte, il nous apparaît souhaitable que le manque à
gagner créé par l'abolition des droits sur les divertissements
pour le secteur culturel donne lieu à une compensation. De façon
générale, il nous apparaît contre-indiqué que le
gouvernement du Québec lance la balle aux municipalités, grandes
et petites, sans leur assurer des sources de financement adéquates. Dans
le modèle français de financement de la culture, le gouvernement
central fournit un financement aux municipalités qui veulent bien s'en
prévaloir et l'affecter selon leurs priorités. Les
résultats sont éloquents.
Le groupe-conseil recommande la mise en
place de stimulants fiscaux permettant aux entreprises d'investir dans
la culture et aux individus de déduire leurs dons. Nous aurions
souhaité qu'il soit plus explicite sur la manière de le faire. La
création de stimulants fiscaux additionnels se justifie pleinement. Elle
entraîne une contribution accrue des trois partenaires: gouvernements,
milieux d'affaires et individus. La culture ayant des rendements sociaux et
économiques externes, tous les partenaires sociaux des entreprises
culturelles - gouvernements, milieux d'affaires, individus - tous doivent y
investir. Enfin, les industries culturelles ont besoin de ces stimulants. Elles
sont de plus en plus fragiles face à la concurrence mondiale. Sans
injection de fonds publics ou de capital de risque, elles subsisteront
difficilement.
En conclusion, d'aucuns peuvent être tentés d'opposer
culture et économie. Au contraire! Interviewé au lendemain de la
dernière récession, le ministre français de la Culture
disait plutôt: "II faut réconcilier l'économie et la
culture, investir dans celle-ci pour sortir de la crise..." Pour nous, la
mission culturelle, éducative, sociale fait partie de la mission
économique et vice versa. Pour nous, la culture est aussi essentielle
à Montréal que la région montréalaise l'est au
Québec. Nous suivons fidèlement le rapport du groupe-conseil en
affirmant que cette réalité bien comprise servira l'ensemble du
Québec. C'est pourquoi nous exprimons l'espoir d'un partenariat
arts-affaires-gouvernement du Québec dans la compréhension et le
soutien du Montréal de demain. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guil-bault. J'indique
aux membres de cette commission que la présentation a pris 25 minutes.
Donc, il reste peu de temps pour la discussion avec les membres de cette
commission. Je verrai à tenir compte du temps écoulé. Mme
la ministre, pour quelques minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Guilbault, merci Mme Lalonde.
C'est avec plaisir que j'entends parler de la culture comme stratégie de
développement importante pour Montréal et de cette recherche que
vous avez faite auprès de 90 décideurs étrangers disant
que tout le phénomène de culture et de qualité de vie est
un des pôles importants... J'aimerais - ça, c'est un souhait -
quand nous sommes assis autour de la table avec le comité
ministériel de Montréal ou d'autres instances, que ce soit dit
fort, ça aussi, et que la culture ne passe pas comme un loisir tel...
Oui, il y a l'industrie du tourisme. La culture, c'est très
différent, parce que c'est aussi la qualité de vie, comme vous le
dites si bien.
Il faudrait vraiment continuer à pousser le message très
fort, non seulement ici, mais ailleurs et au niveau d'autres instances. Au
niveau du développement des équipements... Le temps passe et il y
aurait une foule de choses que je voudrais vous dire. Vous savez, vous dites
dans votre mémoire: On éviterait ainsi des situations instables
et confuses. Au niveau de Montréal, Montréal occupe 57 % du
budget du ministère annuellement, sans compter le service de dette.
Montréal - ça, c'est au grand dam des régions - les
régions viennent nous dire: Vous en donnez trop à
Montréal! Donc, il y a une large part que Montréal vient chercher
et ça, beaucoup à cause des institutions et des grands
équipements. Si le développement des grands équipements a
été fait, ou peut sembler avoir été fait de
façon confuse, c'est beaucoup aussi au niveau du fédéral.
Oui, le fédéral investit beaucoup. Oui, le fédéral
force souvent, par ses priorités, à investir et ce, de
façon confuse et sporadique et non pas dans un - ce que vous souhaitiez
- plan global avec des priorités québécoises, fait par des
Québécois et des Montréalais. Ça, c'est une
réalité. Exemple, l'ouverture du Musée des beaux-arts: 100
000 000 $ investis de part et d'autre, 14 000 000 $ récurrents sur mon
budget par année, le bal du Musée des beaux-arts, sous le haut
patronage de Brian Mulroney. Alors, c'est ce genre de situation qu'il va
falloir corriger une fois pour toutes parce que, effectivement, on a un
développement, on essaie. Je pense qu'on a beaucoup travaillé au
niveau des infrastructures excepté que, quelque part, il y a place
à la consolidation.
Je veux rapidement en venir au niveau de l'entreprise privée et
de tous les partenaires. Si on veut une culture forte, spécialement pour
la métropole, il va falloir aussi aller chercher des partenaires. La
France, au niveau du gouvernement central, dépense 30 % de son budget et
ce sont les départements et les municipalités qui font le reste.
Ce qui est l'inverse avec nous où on dépense beaucoup plus pour
la culture au niveau du gouvernement central.
Au niveau des mesures fiscales. Quelles sont les mesures qu'on pourrait
aller chercher selon vous? Il y a arts, affaires... Vous parlez beaucoup
d'investissements, c'est-à-dire de mesures fiscales pour les
abonnements, par exemple. Là, on a des plans de sauvetage pour l'OSM, on
a des plans de sauvetage pour les Ballets, mais, quelque part, on ne peut pas
toujours se retourner et dire: II y a 2 000 000 $ de déficit, il faut
faire quelque chose. Il faudrait avoir une planification parce que c'est nous,
après ça, qui devons subir tout ça. Mais, au niveau des
mesures fiscales, quelles sont les premières mesures que vous auriez
à suggérer, si on veut?
M. Guilbault: Les premières qui me viennent à
l'esprit sont, par exemple, des sociétés de capital de risque. Un
fonds spécial, style fonds de solidarité pour l'art et la
culture, avec des incidences fiscales intéressantes pour les
investisseurs. Dans les infrastructures, par exemple, des
sociétés en commandite qui pourraient
permettre, comme on l'a connu dans d'autres secteurs de
l'activité économique, mais orientées de façon
régionale... Je pense qu'on devra être innovateurs dans les
approches fiscales, mais elles devront être flexibles et efficaces. Il y
en a plusieurs véhicules qui sont connus au moment où on se parle
et qui s'avèrent totalement inefficaces parce que pas souples - aucune
souplesse - et créateurs d'abus. Je pense à la recherche et au
développement.
Je pense que les mécanismes sont connus. Il s'agit de les... je
dirais "fine tuner" en anglais, de les mettre au point, pour qu'elles soient
applicables dans le secteur de la culture. Je pense qu'on peut facilement, au
niveau concertation entre les partenaires, déterminer exactement comment
ces mécanismes pourraient être efficaces dans le secteur, par
exemple, de l'infrastructure.
Mme Frulla-Hébert: Vous dites qu'il faut continuer
à consolider nos institutions. Il y a d'autres groupes qui viennent nous
dire: Vous avez beaucoup investi dans le béton depuis 1985, ça
serait bon maintenant d'investir aussi dans la création. Au niveau de la
ville, effectivement, la ville s'occupe de différentes institutions, les
maisons de la culture, par exemple, excepté que c'est une entente. Nous,
on prend les grandes institutions. Montréal, évidemment, est une
métropole et en demande beaucoup, Québec aussi, parce qu'elle
soutient les grandes institutions. Comment fait-on un peu la part des choses,
c'est-à-dire le soutien à la création? Il va falloir
retourner au niveau de la création et de l'humain versus ce besoin des
grandes institutions. Est-ce qu'il y a un partenariat encore plus fort sur
lequel on peut capitaliser? Comment voyez-vous ça?
M. Guilbault: Dans les infrastructures, il m'apparaît
important, je pense, de penser en termes de partenariat. Je suis tout à
fait conscient de votre intervention de tantôt sur les problèmes
que présentent les deux paliers de gouvernement - fédéral
et provincial - et les interventions souvent incohérentes entre les
deux. Par contre, au niveau, par exemple, de la création d'un
musée de la science et de la technologie, on pourrait sans doute parler
de partenariat à tous les niveaux, incluant le secteur privé.
Mais, on ne peut pas se passer des gouvernements. Ces institutions-là ne
peuvent pas être rentables en soi. C'est, je pense, en étudiant
les possibilités de partenariat entre chacun des niveaux qu'on
réussira à mettre en place les structures fondamentales
nécessaires. Mais je suis tout à fait d'accord qu'il faut
également investir dans la création.
Il y a eu des salles importantes qui ont été... il y a des
musées qui ont été créés à
Montréal, mais il reste encore des investissements majeurs à
faire, je pense, en termes...
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des petites salles, salles
moyennes.
M. Guilbault: Exactement.
Mme Frulla-Hébert: II y a un bel exemple de partenariat,
celui de ce qu'on appelle en fait le musée pour enfants...
M. Guilbault: Absolument.
Mme Frulla-Hébert: ...sur lequel on travaille
présentement avec les différents groupes, donc l'entreprise
privée, nous, et l'autre palier de gouvernement. Maintenant, il y avait
aussi la suggestion de M. Béland qui disait que c'est aussi très
important d'avoir une maison, un même toit avec plusieurs portes
auxquelles on doit cogner, versus plusieurs maisons où l'un
dépend de l'autre, dépendant évidemment des
priorités de chacun, des individus qui sont en place et de leurs
priorités.
M. Guilbault: Exactement.
Mme Frulla-Hébert: Alors, la planification, dans un sens,
dans ce cas-là, est très très difficile à
avoir.
M. Guilbault: Vous avez parfaitement raison.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Guilbault, Mme Lalonde, je crois que vous
avez tout à fait raison de souligner l'importance de la culture sur le
développement économique et social de Montréal.
D'ailleurs, le portrait que vous tracez, au niveau des équipements, est
on ne peut plus pertinent. Je pense que nous vivons les effets du moratoire
néfaste de 1986, comme tels. Donc, absence d'équipements qui sont
importants.
L'écriture du rapport Arpin, malhabile, maladroite, courte, a
situé Montréal d'une façon telle que bien des
régions se sont senties complètement délestées, ou
délaissées, ce qui a eu pour résultat de provoquer - vous
me permettrez l'expression - une espèce de "backlash"
anti-Montréal. Montréal désire des choses, Montréal
veut voir son statut de métropole consolidé, mais je ne crois pas
qu'il soit dans l'esprit de Montréal et des Montréalais d'avoir
des visées impérialistes et d'être d'un égoïsme
ethnocentrique au point de vouloir s'approprier tout. D'où l'importance,
quand les intervenants de la région métropolitaine viennent,
d'avoir toujours comme préoccupation que les régions ont leur
place. Ce que Montréal souhaite n'est pas, pour employer la vieille
expression, le vieil adage, déshabiller saint Pierre pour habiller saint
Paul. Je ne crois pas que c'est ce que l'on veut
comme tel.
Maintenant, vous avez parlé de sous-capitalisation des
entreprises culturelles et de la nécessité de renforcer leurs
structures financières, notamment en leur facilitant l'accès
à du capital de risque par des moyens fiscaux. Vous avez parlé
des entreprises qui veulent financer l'art et la culture. Mais, dans le cas des
entreprises dites culturelles, ces moyens fiscaux qui pourraient leur permettre
de renforcer effectivement leurs structures, ça serait quoi? Est-ce que
vous avez peut-être un ou deux exemples?
M. Guilbault: D'abord, comme réponse à votre
question, la première remarque que vous avez faite, c'est que, loin de
vouloir tout centraliser, Montréal est parfaitement consciente qu'elle
ne peut pas agir, comme vous le mentionniez, en impérialiste et vouloir
tout accaparer. Mais je pense qu'il est important de réaliser
actuellement qu'au Québec, si on veut que l'économie et que la
culture se développent dans toutes les régions, la région
métropolitaine a un rôle primordial à jouer.
Je pense que les élus ont également un rôle
important à jouer à ce niveau-là. Les élus
représentant les régions doivent faire comprendre aux
régions que ce n'est pas en se déchirant et en tirant la couverte
l'une l'autre qu'on va réussir à gagner le problème de la
récession et de la compétitivité mondiale, mais en faisant
des partenariats et en réalisant la relation qui existe entre l'une et
l'autre. Ça m'apparaît important. (11 heures)
Pour répondre de façon plus particulière aux
avantages et aux bénéfices fiscaux qu'on pourrait mettre en
place, je faisais mention tantôt de la création de fonds
spéciaux style, par exemple, fonds de solidarité dans le domaine
de la culture, avec des incidences fiscales propres, dirigés vers les
organismes culturels si on pense en termes de capital de risque pour les
industries de la culture qui veulent investir et avec des incidences fiscales
pour les entreprises privées qui veulent vraiment investir dans la
culture. Alors, déductions et avantages fiscaux différents selon
l'approche industrie privée ou selon l'approche industrie
culturelle.
M. Boulerice: Je suis heureux d'entendre votre propos, M.
Guilbault, puisque durant la fin de semaine dernière, vous le savez, ma
formation politique donnait un colloque sur le développement
régional. Mme Cousineau, qui est présidente du conseil à
Montréal, a parlé, effectivement, d'assistance mutuelle. Donc,
elle situait Montréal non pas dans un rôle d'opposition mais un
rôle de partenariat avec l'ensemble du Québec.
Vous avez fait allusion - ça, c'est à la page 13, page
chanceuse peut-être - M. Guilbault, au rapport Bovey dans lequel,
d'ailleurs, j'ai trouvé beaucoup d'intérêt. Un rapport qui
date peut-être de 1990, mais je pense qu'il est encore quand même
d'actualité. "Permettre aux individus une exemption fiscale basée
sur leurs dépenses d'abonnement à des programmes culturels.
Permettre aux individus et entreprises d'exempter de la taxe sur les gains en
capital la plus-value sur les biens faisant l'objet de dons à des
fondations." Je pense que, si vous les avez énumérés,
c'est que ce sont des programmes auxquels vous souscrivez comme tel, comme
incitatifs au niveau de la culture.
Par contre, il y a une autre dimension qui est celle du soutien, si vous
voulez, non pas uniquement à l'institution culturelle comme telle,
à l'entreprise culturelle, mais bien à l'achat d'oeuvres ou de
produits. Depuis un certain temps - c'est devenu presque une marotte, M.
Guilbault - j'évoque l'hypothèse d'un REA, régime
d'épargne-art, qui permettrait à l'individu qui, lui,
actuellement, ne peut pas le faire, contrairement à l'entreprise,
d'acquérir une oeuvre d'une artiste ou d'un artiste
québécois et de pouvoir bénéficier d'une certaine
déduction fiscale, ce qui nous permettrait de stimuler le marché
de l'art, d'une part. Deuxièmement, vous connaissez autant, sinon
beaucoup mieux, que moi cette cascade que cela entraîne après, et
qui est augmentation de la production de l'artiste, des revenus meilleurs.
Donc, finalement, l'établissement d'un marché de l'art dans son
sens le plus noble au Québec. Est-ce que des mesures comme celles-ci
recevraient l'agrément de la Chambre de commerce...
M. Guilbault: Tout à fait. M. Boulerice: ...de
Montréal?
M. Guilbault: Je pense que c'est vraiment avec cette
approche-là que peuvent apparaître les solutions au
sous-financement qu'on connaît actuellement. Je pense qu'il faut
être innovateur. Cette proposition dont vous faites état est
certainement un aspect intéressant, une approche intéressante
pour permettre à des artistes de développer un marché et
à des individus de prendre un certain risque, mais d'en
bénéficier également.
M. Boulerice: Une dernière question avant de prendre
congé parce que le président, dans son chronométrage
impartial, va sans doute me faire signe. Vous avez parlé - encore
là, plusieurs intervenants sont venus - de la situation précaire,
voire problématique dans le cas de certains organismes culturels. Bon,
on les a vus, ils sont venus, ils sont intervenus: l'Orchestre symphonique de
Montréal, les Grands Ballets, l'Opéra de Montréal. C'est
la même chose pour l'Orchestre symphonique de Québec. Je pense que
le problème, il est global. Est-ce que vous croyez qu'on peut continuer
longtemps la formule de subventions annuelles ou si on ne devra pas, dans cette
politique, avoir absolument un pro-
gramme - où ce sera clair, net et précis, comme on dit
dans le vocabulaire courant - d'ententes triennales de financement?
Premièrement, ça améliore une certaine stabilité.
Deuxièmement, une manifestation où une oeuvre est quand
même l'objet d'une certaine planification. Vivre au jour le jour parce
que, dans ce secteur-là, une année... ou même chose pour le
commerce et l'industrie, vivre d'année en année, c'est
précaire. Vivre avec une certaine forme de plan, qu'il soit triennal,
quinquennal, etc., m'apparaît beaucoup plus logique et de nature à
consolider, de façon beaucoup plus forte, nos entreprises.
M. Guilbault: Vous avez parfaitement raison, je souscris tout
à fait à cette approche. La planification, sur une base triennale
ou quinquennale, m'apparaît comme un besoin. De laisser des intervenants
majeurs comme l'Orchestre symphonique, les Grands Ballets canadiens et
l'Opéra de Montréal à la merci de campagnes de
financement, de subventions plus ou moins assurées, compromet
l'excellence et compromet le rayonnement de Montréal sur le plan
international et l'existence même de ces organismes-là.
M. Boulerice: Je profite de l'indulgence du président pour
une dernière toute petite sous-question à M. Guilbault.
Le Président (M. Doyon): Très rapidement, oui, et
brève réponse.
M. Boulerice: Si on en venait à des plans triennaux,
est-ce que vous croyez que cela aurait un effet direct au niveau de l'aide
corporative, du mécénat qui, connaissant une planification des
entreprises, pourrait peut-être mieux cibler et planifier les
siennes?
M. Guilbault: Exact. Je pense que les entreprises planifient de
plus en plus actuellement. Il serait important, selon moi, d'appareiller les
deux et de s'assurer que l'intervention gouvernementale va être suivie et
soutenue par une intervention du secteur privé de la même nature
et de la même durée.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guilbault.
M. Guilbault: Alors, juste en terminant, M. le Président,
je veux rassurer la ministre que je me ferai le porte-parole autour des tables
de Montréal pour vendre et soutenir la culture. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, au nom de
la commission, au nom de Mme la ministre, compte tenu du temps qui s'est
écoulé, je vous remercie. C'est comme si la ministre l'avait fait
elle-même et monsieur le représentant de l'Opposition officielle.
Merci beaucoup M. Guilbault. C'est maintenant au tour de l'Union des
écrivains du Canada à bien vouloir s'avancer en avant. Ils ne
peuvent pas s'avancer en arrière, vous allez me dire. Alors, tout
simplement s'avancer. Je souhaite la bienvenue à l'Union des
écrivains du Canada et je leur dis d'entrée de jeu que nous les
écouterons pendant 10-15 minutes sur la présentation qu'ils
voudront bien nous faire, soit qu'ils nous résument leur mémoire
ou nous en extraient les grandes lignes. Après ça, les membres de
la commission discuteront avec eux, suite à leur présentation.
Vous voulez bien donner vos noms, s'il vous plaît.
Union des écrivains du Canada
M. Homel (David): Oui, mon nom est David Homel, H O M E L Je suis
délégué à l'Union des écrivains du Canada,
délégué du Québec et membre exécutif du
conseil national de cet organisme. Je vous présente mon collègue
Scott Lawrence, également membre du groupe québécois.
C'est un honneur d'être ici, surtout dans une si belle salle, et de
parler de ce qui nous réjouit et de ce qui nous inquiète dans ce
rapport.
Premièrement, je suis ici comme porte-parole des quelque 840
membres de cette union dont nos membres sont à travers le Canada et,
évidemment, au Québec aussi, pas seulement dans la région
de Montréal mais à Chicoutimi, à Québec, en Estrie,
etc. Ça fait depuis 1973 que nous existons. Puis, si je suis ici, c'est
un peu pour parler avec la voix des créateurs et créatrices parce
que, selon nous, c'est ce qui manque dans ce rapport. Évidemment, c'est
une voix qui vient de la bataille quotidienne avec l'artiste. Enfin, dans notre
cas, l'écrivain et son travail. C'est ça qui nous inquiète
au début avec le rapport Arpin. Évidemment, ce rapport est
écrit par des gestionnaires, des administrateurs ei administratrices. En
même temps, le rapport, selon nous, semble être un grand plan pour
créer encore des structures administratives, et je constate avec
tristesse le manque d'intérêt. Enfin, c'est sûr que
l'intérêt est là, mais dans le langage du rapport, dans la
vision de la culture, on oublie souvent qu'il faut gérer la culture,
qu'il faut "gestionner" la culture. On oublie trop souvent qui la fait, c'est
pour ça que j'ai décidé de venir au nom de mon
association.
Je n'ai rien, évidemment, contre l'administration.
Moi-même, je travaille comme président d'une commission, qui
s'appelle la Commission du droit de prêt public, qui compense les auteurs
partout au pays pour le prêt de leurs oeuvres en bibliothèque.
Alors, il ne faut quand même pas me voir comme un ennemi de
l'administration en tant que telle.
Une chose à laquelle on croit beaucoup, c'est ce qu'on appelle -
parce que j'entends souvent des mots anglais ici, alors je ne veux
pas être le seul à ne pas en prononcer - le "arm's length
principle". C'est-à-dire... Nous croyons que la subvention, la vie des
arts, la vie de la culture en général fleurissent bien dans un
pays où il n'y a pas une structure gouvernementale trop pesante. Si, par
exemple, on a parlé beaucoup en bien du Conseil des arts, ici, c'est
à cause de cette saine distance entre l'administration et l'argent que
reçoivent les artistes. Ce qui nous inquiète un peu dans le
rapport Arpin, c'est évidemment les phrases telles que: Bon, le nouveau
ministère de la culture devrait être le seul maître
d'oeuvre, etc. L'idée d'une culture d'État, en quelque sorte,
gérée à un niveau par un ministère, ça ne
nous semble pas tout à fait sain pour la vie des arts qui fleurit en
quelque sorte un peu dans le chaos. C'est aussi pour ça que nous
préconisons... Disons que nous n'avons rien contre plusieurs
intervenants dans la subvention des arts. Je sais que le rapport Arpin parle
d'un dédoublement des services, d'un dédoublement des subventions
qui inquiète les auteurs du rapport.
Pour les écrivains, au contraire, ça ne nous
inquiète pas. Nous sommes pour une pluralité de sources de
financement des arts parce que les arts vont mieux sous ce
système-là. Par exemple, moi-même, en tant que romancier,
ça se peut que je fasse une demande, une année, un jour, pendant
une période au Conseil des arts et, à une autre période,
au ministère des Affaires culturelles, ici. Chaque organisme a ses
priorités, a ses besoins. Les jurys qui prennent les décisions
ont des agendas différents. Alors, je pense que cette pluralité,
au contraire, c'est une bonne chose. Je pense que les arts vivent mieux dans
une situation où on a plusieurs sources, où on a plusieurs
opinions en même temps qui arrivent sur la scène culturelle. Je
sais, par exemple, que dans les jurys du Conseil des arts il y a une grande
inquiétude à propos des questions des droits des
minorités, des femmes, etc. Donc, les jurys sont maintenant de plus en
plus composés de minorités visibles, de ceux et de celles qui
appuient très fermement les droits des femmes, etc. Alors, ça
c'est très bon, mais peut-être que ça crée un
désavantage pour certains auteurs. Alors, ces auteurs-là qui
vivent au Québec peuvent se diriger vers le ministère des
Affaires culturelles où, peut-être, leur vision serait mieux
reçue. Je prends ça comme exemple. On pourrait voir le contraire
dans d'autres circonstances politiques. Cette pluralité est quelque
chose qui nous tient à coeur. (11 h 15)
Évidemment, on parle de rivalité, de confusion entre la
source fédérale et la source provinciale dans le rapport Arpin.
Ça me semble assez curieux parce qu'on parle d'une concurrence. Pour
nous, c'est une saine concurrence et je pense que les auteurs du rapport Arpin,
s'ils sont contre la concurrence, ne sont sûrement pas contre la
concurrence lorsqu'il s'agit du mécénat ou du partenariat avec le
secteur privé. Là encore, on aurait une concurrence, en quelque
sorte, entre les sources dans le secteur privé et le gouvernement.
Alors, je décelle un certain glissement dans la logique.
Une chose qui nous inquiète aussi avec le partenariat...
Évidemment, on voit souvent que les grands spectacles ou les grands
événements publics tels le théâtre, la danse, etc.,
sont souvent commandités ou généreusement appuyés
par le secteur privé. Ça, c'est bon pour eux. Mais je pense que,
dans les arts de l'écriture, j'ai rarement vu une grande entreprise du
secteur privé donner de l'argent aux écrivains ou à une
maison d'édition. Évidemment, il y a des prix commandités
par certaines entreprises, mais là je parle d'au jour le jour, de la
création quotidienne qui fait qu'une culture existe.
Une autre critique qu'on a de cette foi dans le mécénat du
secteur privé... C'est sûr que le secteur privé ne va pas
donner son argent ou associer son nom à une pièce d'avant-garde,
à un roman où on fait de l'expérimentation sur la forme,
ou à un roman où des idées politiques sont
véhiculées et qui ne sont peut-être pas tout à fait
conventionnelles. Alors, c'est sûr que les écrivains qui
commencent leur carrière ou qui choisissent le travail dans des formes
ou avec des messages un peu plus indigestes pour le secteur privé seront
moins en mesure de bénéficier de cet appui-là.
Évidemment, pour aller chercher de l'aide dans le secteur
privé, il faut se créer des structures, une administration, une
façon d'aller faire une levée de fonds. Les écrivains ne
possèdent pas ces moyens-là. C'est un secret pour personne que
les écrivains font - enfin, ça dépend des statistiques -
en bas de 10 000 $ par année avec leurs écrits. Alors, ils ne
sont pas en mesure de dépenser le peu de temps qu'ils ont à
créer pour aller se doter de ces structures-là.
Évidemment, au point 7 de mon rapport, je parle de la taxe de vente du
Québec et aussi de l'exemption des livres. Ça a été
beaucoup discuté et réglé entre-temps parce que ce
mémoire a été écrit en septembre.
J'ai fait certaines critiques de ce qui se passe dans le rapport Arpin,
mais il y a aussi des choses qui manquent. Nous, les écrivains, on
s'occupe, on s'inquiète du futur, évidemment, de la lecture, de
nos lecteurs et de nos lectrices futurs. Quand je pense au piètre taux
de fréquentation des bibliothèques, des librairies, quand je
pense à la crise d'analphabétisation au Québec, quand je
pense à tous ceux et celles qui lâchent l'école au niveau
secondaire, pour nous, ce sont autant de questions culturelles. Je constate
avec tristesse encore que le rapport Arpin ne se penche pas sur les questions
qui, pour nous, vont décider de la culture de demain au Québec.
Alors, je passe très brièvement. Ce n'est pas la peine de
répéter ma pensée que vous avez déjà lue. Je
pense qu'il serait peut-être plus
fécond de passer à la discussion.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Homel et M. Lawrence. Vous
avez parlé finalement de ce que vous trouvez dans le rapport Arpin,
d'une part, de certains points positifs et aussi de ses lacunes, effectivement.
C'est sûr qu'au niveau du décrochage, de
l'analphabétisation ce sont des secteurs et des problèmes
cruciaux touchés aussi beaucoup par le ministère de
l'Éducation.
M. Homel: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Bon. D'une part. Deuxièmement,
moi, je voudrais avoir quelques précisions au niveau de votre
association, de ce qu'elle fait et du mandat qu'elle remplit, versus
l'association des écrivains du Québec.
M. Homel: La société des écrivains ou
l'Union des écrivains?
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi, l'Union des
écrivains, l'UNEQ, l'Union des écrivains du Québec
versus... Quels sont les mandats que vous vous donnez? Est-ce que vous
êtes complémentaires?
M. Homel: Oui. Nous sommes complémentaires dans nos
activités. Évidemment, plusieurs membres de l'UNEQ sont membres
de notre union et vice versa. Nous ne sommes pas structurés par la
langue mais, étant donné le modèle de notre pays, on a
plus d'écrivains d'expression anglophone chez nous que dans l'UNEQ.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Homel: Pourtant, il n'y a rien qui m'empêche
d'être membre de l'UNEQ si je veux. Nous avons des politiques des fois
complémentaires. Des fois nous sommes d'accord, des fois en
désaccord sur certains points. Évidemment, j'ai lu la
réponse de l'UNEQ au rapport Arpin et il y a à la fois des
concordances et du désaccord.
Mme Frulla-Hébert: Moi, je veux revenir justement au
rapport de l'UNEQ. L'UNEQ nous dit qu'il serait mieux d'avoir une
centralisation, c'est-à-dire d'avoir une place, de faire affaire avec...
que ce soit un organisme qui est créé - il y a toute la question
du "arm's length", on va y revenir tantôt - mais une place et non pas
aller frapper à deux portes, ce qui demande énormément
d'énergie. Vous semblez dire que c'est mieux d'avoir une
diversification. Vous dites qu'il y a cette centralisation qui fait que
ça peut venir à rencontre de la liberté d'expression.
Par contre, nous, quand on dit qu'on voudrait régionaliser tout
ça, vous dites aussi: Bien, ça aussi, c'est dangereux parce que
ça peut servir à des fins politiques. Moi, j'ai de la
misère à vous suivre là-dedans parce que nous, ce qu'on
préconise, c'est que c'est beaucoup plus facile de travailler avec un
organisme que plusieurs, plusieurs portes justement pour s'assurer de cette
liberté. On n'est pas dans un système où on veut brimer la
liberté d'expression, mais pas du tout. Ce n'est même pas dans nos
moeurs. Mais, encore une fois, j'aimerais que vous vous expliquiez un petit peu
là-dessus.
M. Homel: C'est sûr que c'est là un endroit
où, l'UNEQ et nous, nous ne sommes pas d'accord. Je pense que... Moi,
personnellement, je parie pour les écrivains. J'ai fait affaire avec
Ottawa et le Québec, avec succès des fois, avec insuccès
des fois, mais toujours avec justice. Pour frapper à deux portes ou
à deux édifices, un à Ottawa et l'autre ici, ni à
moi ni à nos membres, ça ne nous a jamais posé de
problème. D'ailleurs, on a même trouvé qu'avec deux
priorités, deux jeux de priorités différentes, des fois on
était mieux reçus. Des fois nous, les écrivains, sommes
mieux reçus ici qu'à Ottawa ou vice versa. Donc, l'idée
qu'on devrait centraliser tout pour la facilité administrative ou la
concentration de pouvoirs ou pour pouvoir mieux se gouverner soi-même, je
pense que les écrivains vont faire ce qu'ils veulent avec leurs oeuvres,
que l'argent vienne d'Ottawa ou de Québec.
C'est vrai que nous prenons un peu plus de distance par rapport au
gouvernement québécois que l'UNEQ, mais je pense que, chez nous
comme chez eux, il y a une méfiance, excusez-moi, mais une
méfiance pas envers votre gouvernement, mais les gouvernements qu'on a
déjà connus ici dans cette belle pièce et à
côté. Lorsqu'on parle de l'histoire du 1 %, lorsqu'on parle d'un
décalage dans le niveau des subventions entre Québec et Ottawa,
je pense que tout ça motive une méfiance, et une saine
méfiance. Les écrivains, les artistes devraient afficher cette
méfiance.
Mme Frulla-Hébert: Mais, c'est drôle que... Quand on
revient à ça, parce qu'il faut quand même aller un peu
gratter. Quand on regarde ça, effectivement, on dit qu'on a besoin de
donner plus d'argent à la création et aux artistes, et j'en suis.
On a donné beaucoup d'argent et vous voyez les besoins. Vous
étiez là, quand vous avez entendu la Chambre de commerce de
Montréal, par exemple. Souvent, le contenant attire le contenu et vice
versa. Alors, on est toujours un peu partagés. Il y a des
périodes où il faut emplir; il y en a d'autres, bon... On le
sait, il y a une sous-capitalisation partout. Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, quand on dit que c'est pour avoir plus de pouvoir,
ce n'est pas vrai. C'est pour avoir un meilleur développement culturel,
de façon beaucoup plus saine. Finalement, pouvoir,
pas pouvoir, ça va revenir au même, puis on l'a pareil.
Alors, c'est beaucoup plus en fonction d'un développement culturel, une
protection de notre culture québécoise en fonction des
années quatre-vingt-dix et 2000, ce qui n'existait pas avant, mais qui
va exister, ne serait-ce que par le changement du paysage audiovisuel et
technologique, ne serait-ce que ça. Il va y avoir certaines... Il y a
une menace là. On se l'est fait dire, d'ailleurs, par certains groupes.
Mais, chose certaine, c'est que pendant que le gouvernement du Québec se
dotait quand même du statut de l'artiste, pendant que le gouvernement du
Québec essayait... l'exemple de la TVQ versus le livre. Le gouvernement
fédéral est encore en train de tergiverser, à savoir:
Qu'est-ce qu'on fait?
Donc, c'est un peu drôle de notre part, en tout cas, cette
attitude-là. Mais je veux revenir à la TVQ parce que ça
m'amène à vous demander: Est-ce qu'il y a des pressions que vous
faites au niveau du gouvernement fédéral? Finalement, on a pris
nos responsabilités. Le gouvernement fédéral va avoir une
étude qui va sortir, d'ici à 15 jours. On a eu le
préliminaire qui dit que l'industrie du livre, à cause de notre
loi, à cause de nos actions, se porte beaucoup mieux que dans le restant
du Canada.
M. Homel: Bien oui, c'est sûr qu'avec les manuels scolaires
qui vont beaucoup mieux ici que dans le reste du Canada... Oui, c'est
sûr. Mais, là, je ne voulais pas... Lorsque les gens arrivent ici
pour faire la revendication, pour s'en plaindre...
Mme Frulla-Hébert: Mais on est là pour ça.
Ce n'est pas...
M. Homel: C'est sûr que le Québec a mené la
bataille dans trois... Enfin, vous avez mentionné les trois points
sur... ou deux des trois. Le troisième, c'est la photocopie. Lorsque, au
Canada, le CanCopy, enfin, l'organisme là-bas pour la
société de perception à venir, peut-être, continue
de travailler pour se mettre en oeuvre... Évidemment, nous recevons des
chèques tous les ans ici à cause de la loi sur la photocopie dans
les maisons d'enseignement. La même chose pour le statut de l'artiste
qui... il faut le dire, c'est un bon principe. Ça ne changera pas le
monde...
Mme Frulla-Hébert: Non, mais on commence par là,
parce que, après ça...
M. Homel: ...pas plus que la loi...
Mme Frulla-Hébert: ...la fiscalité découle
de ça, puis tout ça. C'est quand même au niveau du
principe.
M. Homel: Oui, pas plus que la loi C-7 va changer le monde pour
nous à Ottawa et aussi, évidemment, la taxe sur le livre. C'est
sûr que je me rappelle bien de cette journée où tous les
autobus arrivaient ici et puis je ne sais pas où en chemin, on devait
les retourner de bord pour aller à Ottawa. On continue, l'Union des
écrivains, notre union continue de mettre des pressions sur le
gouvernement de Mulroney. On pensait voir la lumière au bout du tunnel.
Enfin, on n'a pas eu de résultats de chez eux. C'est sûr qu'on se
base sur ce qui s'était passé ici au Québec pour leur
montrer la bonne foi. On ne pense pas que la bataille soit perdue à
Ottawa. On continue de faire du "lobbying" mais, enfin, en nous basant le plus
possible sur notre expérience ici.
Mme Frulla-Hébert: Mais c'est parce que ce qu'on dit,
nous...
M. Homel: Mais, enfin, j'avoue mes frustrations.
Voilà.
Mme Frulla-Hébert: Mais ce qui est difficile - c'est pour
ça que je veux revenir parce que c'est quand même important
d'être clair - c'est que pendant que nous, on fait l'effort
nécessaire, qui est un effort quand même de 32 000 000 $ au niveau
de la TVQ, parce qu'il le faut et parce que c'est de notre devoir... La TPS
fait très mal aux éditeurs et fait très mal aux livres.
Alors, quand on parle de protection de culture et de meilleur
développement, c'est ce qu'on veut dire. Ce n'est pas pour avoir des
pouvoirs ou dire: Là, c'est pour le plaisir d'en avoir plus.
Mais, là, je vais revenir, en terminant, au Conseil des arts. Il
y a beaucoup de gens... On a parlé beaucoup, au niveau du Conseil des
arts, de cet organisme "arm's length" qui distribue. Il y en a qui
étaient pour. Au début de la commission, c'était la
solution. Vers la fin de la commission, on s'aperçoit qu'il y a des gens
qui sortent et qui disent: "Well, it is not that great". Finalement, ça
devient "an old boys club". Effectivement, parce qu'il n'y a pas non plus...
Personne ne peut y toucher, c'est totalement indépendant.
On s'aperçoit aussi qu'après 15, 20 ou 25 ans, on commence
à avoir des lacunes. Mais, vous, vous faites affaire avec le Conseil des
arts. Est-ce que c'est une solution modifiée? Ce ne sera pas un conseil
des arts, on va essayer d'être plus moderne que ça. Mais est-ce
que ce serait une solution?
M. Homel: Oui, c'est ça. C'est sûr que ça
fait quelque temps déjà que, dans notre milieu, on discute d'un
conseil des arts du Québec. Alors, pourquoi pas? Puis, je sais que dans
le mémoire de l'UNEQ on prononce ces mêmes mots, si je ne me
trompe.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je pense que l'UNEQ en parlait du
conseil, malgré qu'on a
aussi des jurys ici. C'est vraiment... Ce n'est pas nous autres qui
décidons, pour l'amour... (11 h 30)
M. Homel: Oui, mais qu'est-ce que ça veut dire? C'est
sûr qu'il y a aussi un tel conseil en Ontario. Puis, lorsqu'on dit ces
mots, à quoi se réfère-t-on? Je pense que c'est un
système de... "arm's length", c'est une distance politique entre un
ministère et les actions culturelles, enfin... Maintenant, c'est un
ministère, mais un conseil possible. Je pense aussi que c'est un conseil
qui est paragouvernemental. Je ne suis pas un expert en matière
légale, mais un conseil, par un acte du Parlement, a ses sources de
fonds...
Mme Frulla-Hébert: Paragouvernemental.
M. Homel: Oui, qui ne sont pas sujettes aux actions d'un
ministère. Je pense que c'est ça. Lorsqu'on parle de "arm's
length", de distance politique, c'est ça. Ce qui est plus frappant,
à Ottawa, c'est qu'on prend l'argent... Les artistes, enfin, les
écrivains prennent l'argent du Conseil des arts et se mettent à
écrire des manifestes contre Ottawa ou contre le
fédéralisme et tout ça. Alors, quand je parle de distance
politique, c'est la forme la plus pure et la plus souhaitable aussi.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends ce que vous voulez
dire. C'est beaucoup plus dans les perceptions parce que, ici, ce sont des
jurys et, finalement, c'est la même chose. Hier, le Centaur est venu nous
dire qu'il s'est fait couper 20 000 $, les Grands Ballets canadiens, sans
avertissement non plus, coupé du Conseil des arts, "and that's it".
Alors, c'est tout ça. Il s'agit de doser parce que, même pour
nous, ça a un gros avantage aussi parce que même si ce sont des
jurys et tout ça, si la perception est que la liberté
d'expression est contrôlée, ce qu'elle n'est pas du tout, on va
changer la structure et dire: Bon, bien, parfait! "That's reality".
M. Homel: Oui. Je ne sais pas si c'est quelqu'un d'autre...
Peut-être que c'est un problème de perception, mais c'est encore
plus parce que, évidemment, le système de jury marche ici. J'ai
reçu, un jour, une subvention; j'en étais content. J'ai vu qui
étaient les jurés; c'était un jury de mes pairs, "you
know, of my peers", comme on dit. Donc, le système marche aussi bien.
Mais je pense que, là où ça peut clocher chez certains,
c'est le mariage entre les actions du ministère et le pouvoir politique,
les exigences politiques de n'importe quel ministère. C'est ça
lorsqu'on parle d'un Conseil des arts.
Je ne veux pas qu'on s'enlise dans cette histoire de subventions parce
que, évidemment, les écrivains sont peut-être moins nantis
que d'autres, mais tout le monde est à la chasse de ce qu'il peut avoir.
Lorsque je parle d'une pluralité de niveaux de financement aux arts, je
ne parle pas seulement de: Bon, allons tout le monde à la mangeoire;
prenons le plus de subventions possible. Il y a une philosophie politique
derrière ça. C'est-à-dire que la pluralité de
sources avec des priorités politiques différentes qui arrivent
sur un même terrain, c est une chose saine pour la vie des arts. Je ne
veux pas qu'on s'enlise dans des histoires de sous.
Mme Frulla-Hébert: Je comprends ce que vous voulez dire,
oui. De toute façon, j'ai l'impression que...
M. Homel: J'anticipe peut-être les questions des
autres.
Mme Frulla-Hébert: Non, on va continuer la discussion, de
toute façon, je pense bien. Merci M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui. M. Homel, M. Lawrence, je vous avoue que
j'étais quand même heureux d'entendre que vous parliez de l'impact
du manuel scolaire qui a aidé l'édition au Québec; c'est
une mesure on ne peut plus louable d'un gouvernement qui était
peut-être sans doute suspect à vos yeux, mais enfin. Ceci est une
autre chose.
Vous savez, dans cette commission, on apprend beaucoup. Vous dites: "Au
fil des ans, le financement de la culture a donné d'excellents
résultats au Canada parce qu'on a su conserver une saine distance entre
la fortune politique des gouvernements transitoires et les programmes
destinés à financer le livre et l'édition. L'octroi de
subsides n'a pas été assujetti aux caprices de la politique;
l'aide financière est accordée ou refusée au
mérite, sans égard aux relations entretenues par les artistes
avec le parti au pouvoir." M. Podbrey, le directeur de Centaur Theater, nous
disait hier qu'il se pratiquait un peu le contraire, que, s'il y avait un
Conseil des arts avec le principe du "arm's length", de plus en plus le
ministère des Communications tarissait les sources de financement du
Conseil des arts et, entre parenthèses, il y aura un
désengagement de 142 000 000 $ du ministère des Communications
l'an prochain, et que ce ministère, tout en tarissant les entrées
au niveau du Conseil des arts du Canada, développait des programmes
parallèles qui permettaient de circonvenir ce qui se passait au Conseil
des arts. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on a entendu.
Par contre, vous dites que rivalité et confusion, rivalité
au niveau du financement, c'est-à-dire à la fois Ottawa et
Québec, c'était bon. Vous dites: "Si c'est le cas, alors pourquoi
ne seraient-elles pas recommandables lorsqu'il
s'agit de la participation de deux paliers de gouvernement?" et vous
faisiez un rapport avec le financement privé. Le financement
privé de soutien aux arts et à la culture au Québec, c'est
moins de 5 %. Moins de 5 %! Donc, est-ce qu'on est mieux servis en fonction des
plusieurs guichets, là? Je ne sais pas.
Ceci étant dit, il y a une chose dans votre mémoire qui a
retenu mon attention, et je vous avoue que j'ai été, le moins
qu'on puisse dire, agacé. Vous dites que le seul critère de
l'excellence artistique doit être retenu pour attribuer le financement
à un artiste ou à un organisme culturel plutôt que de s'en
remettre au critère de lieu de résidence qui engendrerait, selon
vous, la médiocrité. Je trouve cela un petit peu méprisant
pour les régions, M. Homel. Ceci étant dit, et ayant
été dit par vous, comment en arriver à définir des
critères objectifs pour établir ce que vous appelez l'excellence
artistique?
M. Homel: Évidemment, ça, c'est une sorte de mot,
de jargon en quelque sorte, qui veut dire, bon, "excellence"... On n'est pas en
train, enfin le Conseil des arts ou le ministère des Affaires
culturelles, ni l'un ni l'autre n'est en train de prétendre que toutes
les subventions sont destinées aux écrivains excellents, ou qui
font de l'excellence. Ce mot-là est devenu peut-être dans notre
communauté un peu un mot de passe ou un petit morceau de jargon pour
parler de l'expression artistique, une expression artistique valable, viable,
sincère, libre, etc., libre de toute autre priorité politique.
Évidemment, ce qu'un jury pense - j'ai déjà fait partie
des jurys, ici et ailleurs, et on sait que les jurys... Selon les jurys,
l'excellence change. Mais je pense que ça, ça veut dire
l'intégrité d'une expression artistique.
Évidemment, si vous parlez du point no 5, iorsqu'on a
parlé de la régionalisation, évidemment, nous, et toute
association comme nous, nous avons des membres en région. En même
temps, on ne voudrait pas arriver à un point où on dit: Bon, O.
K., nous avons besoin de tel ou tel nombre de subventions par région
pour satisfaire nos critères de promouvoir chaque région, ou
quelque chose. On voudrait que l'argent donné, enfin, donné, soit
sur la base d'excellence que je viens de définir.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Boulerice: Pour être franc avec vous, plus ou moins.
Mais comment, justement, exclure la notion d'excellence? Elle peut se retrouver
en région, et il y a un risque à prendre. Et, s'il y a un domaine
où on doit prendre des risques, c'est dans le domaine de la culture.
Donc, il se peut fort bien qu'à partir du principe d'une enveloppe qui
va en région on puisse, demain, découvrir un auteur
intéressant. Au même titre que, si on le transpose dans le
contexte canadien - c'est bien entendu qu'on va regarder
Toronto ou Vancouver, Montréal - puisque nous en faisons encore
partie, Moose Jaw n'est peut-être pas le plus grand centre de
création littéraire, mais qui nous dit qu'il n'y a pas
potentiellement à Moose Jaw celle qui, demain, va écrire
probablement le best-seller le plus vendu au Canada? Et, même s'il n'est
pas le best-seller, il peut sortir de cette région peut-être un
petit recueil de poésie qui ne sera vendu qu'à 5000, 10 000
exemplaires. Mais, voyez-vous, l'introduction d'une mesure comme celle-ci
permet, d'une part, de peut-être faire éclater un talent et,
deuxièmement, ça permet de contrer certaines perversités
du système, et, dans le domaine de l'édition, vous le savez, si
on n'a pas vendu tel nombre de livres, on ne fait pas ses frais.
M. Homel: C'est sûr. On n'est pas en train de dire que
l'excellence n'existe pas - enfin, l'excellence, comme on vient de la
définir - en région. C'est sûr que, si la plupart des
écrivains sont basés dans la région de Montréal,
c'est peut-être moins comme ça dans le Canada anglais, parce que
personne ne peut plus vivre à Toronto; ça coûte trop cher.
Mais je ne dis pas, enfin, on ne dit pas que l'excellence doit forcément
être montréalaise ou québécoise, mais que
l'excellence devrait être le critère et non pas un critère
qui vise à placer des subventions ou placer l'argent culturel par-ci,
par-là selon un besoin politique de subventionner x montant d'argent
dans x région. Ce qui est valable pour les régions est
également valable pour Montréal. Le même critère
doit être pratiqué à Montréal comme ailleurs dans le
pays. C'est ça. Je peux comprendre que, enfin, vous vous objectez
à cela, mais nous ne sommes pas en train de dire que, dans un petit
village, la vraie écriture ne se fait pas, au contraire. Peut-être
que c'est même mieux que dans la grande cité.
M. Boulerice: Une dernière question avant que le
président ne m'impose le bâillon...
Le Président (M. Gobé): Pas ie bâillon, mais
le silence.
M. Boulerice: Le silence. Vous avez certaines inquiétudes
suite à votre lecture du rapport Arpin - et vous n'êtes quand
même pas les seuls; il faut être honnête, il faut le dire -
sur le rôle du ministère de la culture. Mais si l'on vous donnait
aujourd'hui les garanties qu'il y aura ce principe du "at arm's length"
à travers la création d'un conseil des arts du Québec et
respectant intégralement l'autonomie de ce conseil et sans faire les
"tricky dickies" comme le fait le fédéral actuellement en
essayant de contourner le Conseil des arts, certaines de vos réticences
tomberaient, M. Homel?
M. Homel: Ah! c'est sûr. On regarderait ça avec un
oeil plus positif si on voyait que les
principes, tels qu'on les comprend, d'un conseil des arts étaient
mis en oeuvre. Et c'est vrai qu'une grande source de mes inquiétudes
à la lecture du rapport Arpin, c'est l'idée d'un
superministère qui gère et qui, en gérant, crée ou
aide à créer une culture d'État, enfin, une sorte de grand
chef d'orchestre. Enfin, peut-être que c'est mon imagination
d'écrivain, mais j'entrevoyais une sorte de chef d'orchestre de la
culture qui mettait tout ensemble et qui gérait, mais qui était
là pour gérer. Le scénario que vous venez
d'énoncer, en respectant les principes qu'on reconnaît,
évidemment, on perdrait beaucoup de nos réticences si on avait
cette sorte de structure. Je sais que ça fait des années qu'on en
parle d'ailleurs, ici. Pas ici, mais au Québec, à
Montréal.
M. Boulerice: Je vous remercie. Si jamais vous jugez ma
contribution intéressante, je suis bien prêt à aller
à Ottawa avec vous pour ce qui est de la taxe sur le livre.
M. Homel: Bon. On a besoin de vous...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, en terminant, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Homel, M.
Lawrence. Tout simplement pour vous dire, et vous rassurer là-dessus,
que ce n'est pas notre intention, et de part et d'autre, et ce ne le sera
jamais non plus, d'en arriver à contrôler la liberté
d'expression et la création. Maintenant, quelle structure sera la plus
appropriée? Dépendant des suggestions que nous avons eues et de
ce qui existe aussi, parce qu'on ne réinvente pas la roue non plus, on
va, évidemment, regarder ça de près et essayer de
l'implanter. Merci beaucoup.
M. Homel: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, messieurs. Ceci met fin à votre intervention. Vous pouvez
maintenant vous retirer. Je demanderais au groupe suivant, soit la
Fédération québécoise des sociétés de
généalogie, de bien vouloir prendre place. La séance est
maintenant suspendue pour une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 47)
Le Président (M. Gobé): Nos travaux sont repris.
Bonjour, mesdames. Ça me fait plaisir de vous accueillir. Si je
comprends bien, il y a Mme Jacqueline Faucher-Asselin; vous êtes la
présidente. Bonjour. Vous êtes accompagnée par Mme Diane
Duval, votre vice-présidente. C'est exact?
Bonjour, madame. Alors, vous pouvez commencer votre présentation.
Vous avez une quinzaine de minutes pour ce faire. Par la suite, des questions
pour le reste du temps. Vous pouvez commencer.
Fédération québécoise des
sociétés de généalogie
Mme Faucher-Asselin (Jacqueline): D'accord Merci. Mme la ministre
des Affaires culturelles, M. le Président, M. le Vice-Président,
Mmes, MM. les membres de la commission. La Fédération
québécoise des sociétés de généalogie
que je représente a été invitée pour
présenter ses commentaires sur la proposition de politique de la culture
et des arts soumise à la ministre des Affaires culturelles. Nous vous
remercions de la possibilité que vous nous donnez aujourd'hui d'exprimer
nos réactions sur ce sujet.
Notre organisme, soutenu depuis deux ans par le ministère des
Affaires culturelles comme promoteur de portée nationale dans le domaine
du patrimoine, a pris connaissance de la proposition de politique
rédigée par le comité de M. Arpin, plus
particulièrement des pages qui traitent du patrimoine culturel,
c'est-à-dire 164 et suivantes. Nous profiterons donc du temps qui nous
est imparti pour formuler deux commentaires.
Nous observons d'abord que, si le rapport Arpin excelle sur le plan des
définitions et des acquis dans le domaine, notamment, de l'appropriation
par les communautés locales de ce champ d'intérêt, il nous
laisse, cependant, sur notre appétit quant à l'avenir. Je cite le
rapport à la page 167: "C'est dans la foulée de cette
évolution que le ministère des Affaires culturelles
prépare une politique sur le patrimoine culturel
québécois. Elle sera l'occasion de faire le point sur le chemin
parcouru, de consolider les acquis et d'énoncer des lignes directrices
pour l'avenir." La Fédération s'étonne donc que la
proposition de politique n'inclue pas le patrimoine alors que le mandat du
groupe-conseil, selon la lettre d'invitation de Mme la ministre, consistait, et
je cite: "à examiner l'ensemble des orientations qui définissent
la position gouvernementale en matière culturelle". Qu'en est-il
exactement? C'est là notre premier commentaire.
Le deuxième commentaire nous est inspiré par un corollaire
de la mission du ministère des Affaires culturelles énoncé
dans le rapport à la page 168, et je cite: "La mission du
ministère des Affaires culturelles l'autorise, l'oblige même
à prendre des initiatives en collaboration avec le ministère de
l'Éducation, mais aussi avec les sociétés historiques et
les nombreux organismes de promotion, pour diffuser les connaissances du
patrimoine culturel, le faire connaître, le faire aimer", etc. Sur ce
sujet, nous croyons que toutes les collaborations sont bienvenues,
particulièrement avec le ministère de l'Éducation, pour
développer et diffuser les connaissances en
matière de patrimoine. Mais, au moment où on se parle, il
y a beaucoup plus urgent.
Nous estimons, en effet, que le ministère des Affaires
culturelles doit intervenir auprès d'un autre ministère, celui de
la Justice, où un levier essentiel à la transmission du savoir,
de la mémoire collective, va disparaître. Nous parlons ainsi du
registre de l'état civil qui, jusqu'à ce jour, était
ouvert aux chercheurs et qui, à compter de janvier 1993, avec la
réforme du Code civil, sera fermé. En fait, non seulement les
chercheurs et les généalogistes n'auront plus droit à leur
matière première, c'est-à-dire les informations contenues
dans les actes de l'état civil, mais les registres seront
désormais rapatriés à Montréal et Québec.
Nous nous permettons de sonner ici l'alarme: Qu'en sera-t-il de la transmission
du savoir sur le Québec et la vie de ses habitants si les sources
d'accès à ce savoir sont coupées? C'est ce qui nous attend
si les dispositions actuelles du projet de loi 125 relatives à la tenue
et la publicité du registre de l'état civil sont
adoptées.
Le rapport Arpin fait le voeu qu'en matière de patrimoine, et je
cite à la page 167, "les propositions du ministère
s'harmoniseront sans doute avec les perspectives ébauchées dans
la présente proposition, notamment en ce qui a trait à
l'importance du partenariat et de la prise en charge de la culture par tous
ceux qui ont des responsabilités publiques. " Nous répondons
qu'effectivement le ministère des Affaires culturelles doit avoir une
vision d'ensemble de la culture et qu'il doit investir en priorité les
champs d'action qui influencent déjà radicalement la vie d'un
peuple. Nous comptons, en d'autres termes, sur le leadership du
ministère en matière de culture. Nous pouvons l'assurer, de notre
côté, de la collaboration de près de 10 000
généalogistes du Québec dans la mise en valeur et la
promotion de la culture du Québec. Voilà, pensons-nous, un
potentiel humain extraordinaire à qui sourient la recherche et le
plaisir de la découverte.
Mais, plus encore, la contribution des généalogistes au
développement du Québec doit être prise au sérieux.
Et je citerai, en terminant, quelques exemples de l'utilité de leurs
travaux. Je pense aux collaborations demandées par le Musée de la
civilisation pour le montage d'expositions, aux centaines de répertoires
d'actes de l'état civil qui accélèrent la recherche et
contribuent ainsi à protéger les originaux de manipulations
excessives, aux nombreux dictionnaires de familles, comme je peux vous en
montrer un ici, qui ont été publiés ces dernières
années, à l'utilisation de ces données
généalogiques pour les recherches menées en
génétique par le Centre interuniversitaire de recherche sur les
populations connu sous l'acronyme de SOREP, ou encore celles menées par
le Dr Maziade de l'hôpital Robert-Giffard, enfin, aux nombreux arbres
généalogiques dressés par les généalogistes
en poste à la place Royale pendant la saison touristique
d'été, et tout cela se fait pour répondre aux besoins des
Québécois qui manifestent de plus en plus d'intérêt
pour la connaissance de leur patrimoine vivant.
J'ajouterai, mesdames, messieurs, que les généalogistes
aiment intensément ce qu'ils font et ils en sont fiers.
Je répète, en terminant, que ce sont les recherches de
près de 10 000 généalogistes québécois que
l'on met en péril et ces 10 000 Québécois ne vous
demandent rien d'autre qu'un accès à ces documents. À
titre de comparaison, ce qui se prépare actuellement pour les
généalogistes serait l'équivalent d'adopter une loi pour
empêcher les archéologues d'aller faire des fouilles et des
constatations sur les sites archéologiques.
Ainsi, les résultats du projet de loi 125 en ce qui a trait
à la tenue et la publicité du registre de l'état civil ont
comme conséquence de priver le Québec d'un sain
développement de la culture qui doit nécessairement inclure le
patrimoine.
Je vous remercie de votre attention. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Asselin. Bonjour.
J'aimerais que vous m'expliquiez davantage. Parce que, honnêtement, pour
faire des représentations auprès de mon collègue, entre
autres, c'est quand même une explication brève. Quand vous dites:
Cette loi-là met en péril, finalement, le travail de 10 000
généalogistes, pourriez-vous m'expliquer davantage, dans vos
mots, pour que je comprenne bien?
Mme Faucher-Asselin: C'est que la source des documents
qu'utilisent les généalogistes, ce sont les registres de
l'état civil, le contenu des registres de l'état civil, et tout
ce que ça comporte: baptême, mariage et sépulture, ou
naissance, mariage et décès, et c'est cette source d'information
dont ont besoin les généalogistes pour faire leur travail, soit
de filiation et, comme je vous le disais, ce sont des travaux qui servent
à tous les organismes que j'ai cités dans le mémoire. Ces
informations-là, donc c'est le nom des individus, le nom de leurs
parents, l'endroit, les dates de mariage, pour être capable de faire des
liens avec les générations précédentes.
Ce qui, actuellement, encombre dans la loi 125, c'est
l'accessibilité à cette source d'information que l'on a toujours
eue dans les palais de justice, actuellement. Bien sûr, on va continuer
d'avoir accès aux actes de l'état civil qui sont
déposés aux Archives nationales; donc, pour les années qui
précèdent les 100 dernières années. Mais les
registres qui sont affectés, ce sont ceux
des 100 dernières années qui ne sont pas
déposés aux Archives nationales, qui sont déposés
dans les différents palais de justice à travers la province, et
on veut rapatrier cette documentation. Donc, on enlève des mains des
chercheurs, dans toutes les régions, cette source d'information qui est
primordiale pour continuer de faire ce qu'on a fait depuis 50 ans, parce que
ça fait 50 ans qu'il existe des sociétés de
généalogie au Québec.
J'ai apporté ici un dictionnaire de famille pour vous donner
l'opportunité de constater le travail que ça comporte et de bien
voir le contenu que ça représente. Aussi, j'ai apporté,
justement, un répertoire de mariages qui est l'un des principaux des
généalogistes pour fonctionner dans leurs recherches.
Mme Frulla-Hébert: Mme Duval.
Mme Duval (Diane): Est-ce que vous permettez que j'ajoute quelque
chose? C'est peut-être pour résumer. Le problème, il est
pour les 100 dernières années, disons de 1900 à nos jours,
et ça se perpétuera. Toujours les 100 dernières
années, pour des objectifs de confidentialité, le
ministère de la Justice veut restreindre l'accès aux seuls
fonctionnaires qui auront le droit de compiler, si vous voulez, les
informations ou d'annoter les registres. Comprenez-vous? Donc, ce qui nous
distinguait, le Québec, de l'extérieur, c'est qu'on avait
accès, le public avait accès, moyennant un certain encadrement
quand même, il y a des cartes de membres de demandées dans les
palais de justice... Alors, désormais, à compter de janvier 1993,
l'accès aux 100 dernières années sera fermé pour
des motifs de confidentialité.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, par exemple, en vertu de la
loi sur l'accès à l'information, en fait, les documents publics
sont... Donc, ça ne couvre pas...
Mme Duval: Ça n'a aucun effet. Ça ne s'appliquera
pas.
Mme Frulla-Hébert: Ça n'a aucun effet.
Mme Duval: Non. L'accès sera fermé et, de plus,
alors qu'aujourd'hui il y a à peu près 42 palais de justice au
Québec qui peuvent donner le service aux gens ailleurs en région,
à compter de janvier 1993, et ça se prépare
déjà, les registres seront désormais centralisés
à Québec et à Montréal. Alors, vous comprenez que,
dans les régions... Nous, on représente quand même 14
sociétés de généalogie qui sont à
Québec, mais aussi en région, alors vous comprenez que nos
membres sont très inquiets de ce qui va se produire.
Nous, on est d'accord avec les objectifs de la réforme, mais il y
a des moyens autres de la faire et c'est là-dessus, je pense...
Mme Frulla-Hébert: À ce niveau-là.
Mme Duval:... qu'il y aurait moyen de faire quelque chose. On
n'est quand même pas des passéistes non plus, on est d'accord avec
l'informatisation, mais on pense qu'on doit continuer d'avoir accès
à la seule source officielle, authentique pour établir une
filiation, c'est-à-dire qui est vraiment votre père et votre
mère; c'est l'information contenu dans l'acte de l'état civil. Si
on ne peut plus faire ça, on met en péril la recherche.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la commission
parlementaire qu'ils ont tenue, je ne sais pas si elle siège encore, sur
cette réforme du Code civil, je suppose qu'il y a eu des
représentations de faites. C'est sûr.
Mme Faucher-Asselin: Oui.
Mme Duval: Oui. Mais on n'avait pas droit aux auditions, alors on
n'a pas pu...
Mme Faucher-Asselin: Passer de commentaires autres que le
mémoire déposé. On a demandé, à ce
moment-là, de définir la notion d'accès qui était
contenue dans l'article concerné, l'article 149, je crois, ou 147. On
nous a dit qu'on le laissait entre les mains du...
Mme Duval: La réglementation va aller avec le directeur de
l'état civil...
Mme Faucher-Asselin: Le directeur de l'état civil.
Mme Duval:... qui va avoir à définir lui-même
l'accès. Alors, il y a encore possibilité de faire des choses
parce que la loi n'est pas adoptée en troisième lecture, mais
elle est quand même assez avancée. Je pense que la commission est
sur le point de se terminer, la réforme du Code civil. Enfin, on voulait
vous alerter surtout là-dessus. (12 heures)
Mme Frulla-Hébert: Vous avez bien fait parce que,
honnêtement, dans l'ensemble, le fait de ne pas avoir été
sensibilisés, évidemment, on n'était pas au courant des
problèmes que ça pouvait poser dans votre domaine. Alors, soyez
sûres que les représentations, finalement, pour aller au fond du
dossier, voir le pourquoi, seront faites. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Des
représentants de la Société canadienne-française
pour la généalogie, ou quelque chose, sont venus devant cette
commission et ne nous ont pas fait état de ce problème. Est-ce
que vous avez des contacts avec cette Société?
Mme Faucher-Asselin: Oui. Justement, on a rencontré
plusieurs membres, même l'ancienne présidente,
dernièrement, à un congrès à la
Société de généalogie de Québec, ici, et on
a discuté ensemble du problème et ils nous faisaient tous
confiance pour débattre le sujet.
Le Président (M. Doyon): Ils partagent l'inquiétude
que vous exprimez aujourd'hui.
Mme Faucher-Asselin: Absolument. Tous les
généalogistes, même ceux qui ne sont pas membres de
sociétés de généalogie, vont se retrouver devant le
même problème. Ils sont coupés de la source d'information
pour les 100 dernières années. Donc, impossibilité de
constituer des lignées généalogiques à
l'avenir.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que les membres de cette
Société sont les mêmes qui font partie de la
Fédération québécoise? L'un et l'autre, est-ce que
ça se complète? Est-ce qu'il y a recoupage?
Mme Faucher-Asselin: La Fédération a pour membres
les sociétés de généalogie au Québec; alors,
les sociétés de généalogie ont, à leur tour,
des membres. Quand je vous parle de 10 000 généalogistes, ce sont
ces généalogistes qui sont membres de sociétés. On
parle au nom de tous ces généalogistes-là, finalement.
Toutes les sociétés ne veulent pas, ne souhaitent sûrement
pas le non-accès à cette source d'information qui est
primordiale, qui est leur pain quotidien pour fonctionner dans leur travail de
généalogie.
Le Président (M. Doyon): Là-dessus, j'imagine que
les motifs qui sont à la base de la restriction, c'est la
confidentialité, c'est le respect de la vie individuelle, etc. Vous
soulevez ie problème, mais comment voyez-vous la solution
vis-à-vis du principe qui est quand même valable de la
confidentialité et, en contrepartie, le besoin que vous avez d'avoir
accès à ces listes-là, à ces registres de
l'état civil? Comment concilier les deux? Je conçois très
bien le besoin que vous exprimez, mais, d'un autre côté, je sais
qu'il y a des gens qui visent à préserver la
confidentialité des enfants qu'ils ont mis au monde, qu'ils ont
reconnus, etc. Tout ça se tient et, parfois, il peut y avoir conflit
entre les deux. Comment est-ce qu'on résout ça?
Mme Faucher-Asselin: L'acte de l'état civil en
lui-même n'est pas confidentiel. Les contenus des actes ne sont pas des
éléments confidentiels. C'est très public de savoir qu'un
individu est né à tel endroit, qu'il est né de telle ou
telle personne. Nous autres, nos membres, au moment où ils deviennent
membres d'une société de généalogie, ils ont
à signer un code d'éthique dans lequel, justement, on leur
interdit de publier, par exemple, les cas de divorce, les naissances
illégitimes...
Mme Duval: Désaveux de paternité.
Mme Faucher-Asselin:... les désaveux de paternité,
un paquet de choses comme ça qu'il est interdit de publier dans nos
travaux. Ça n'empêche pas de faire une filiation, mais on
n'indique pas, justement, ces éléments qui sont confidentiels
effectivement. Les cas de changement de nom, on ne doit pas les indiquer non
plus; les cas d'adoption, je crois que je les ai cités tout à
l'heure.
Aujourd'hui, on a le problème des mères porteuses, des
choses qui s'additionnent à ça d'ailleurs. Notre code
d'éthique est en révision actuellement à cause des choses
qui s'additionnent, des éléments qui s'additionnent qui sont
d'ordre confidentiel et qu'on s'engage à respecter.
Le Président (M. Doyon): En fait, ce que vous nous dites,
c'est que, étant donné que nous sommes des
généalogistes, le législateur devra nous faire confiance,
que, compte tenu du code d'éthique qui est le nôtre, nous allons
respecter la confidentialité et nous ferons en sorte que les
informations que nous rendrons publiques ne seront pas dommageables pour qui
que ce soit. C'est une question de faire confiance à des gens qui sont
des "généologues". C'est un peu ce que vous nous dites
là.
Mme Duval: Disons que les 14 sociétés de
généalogie qui sont membres de la Fédération... Je
dois vous dire que les principales publications qui sortent, ce sont les
sociétés de généalogie qui les font. À
partir du moment où on contrôle, les sociétés de
généalogie sont moralement obligées, parce qu'elles
signent un code d'éthique où les publications ne mentionneront
pas les éléments confidentiels, les éléments
nominatifs... Alors, nous, on pense contrôler, enfin, on essaie de... On
pense qu'on ne devrait pas fermer la porte à des
généalogistes pour des motifs de confidentialité, parce
qu'on se dit que nous, on va la contrôler, on va contrôler ce qui
se publie. Essentiellement, la majorité des publications peuvent
être contrôlées avec le code d'éthique qu'on va
faire, que les membres, les personnes, les individus vont signer, mais les
sociétés de généalogie aussi sont obligées
de le respecter.
Le Président (M. Doyon): Oui, je comprends très
bien, mais vous n'êtes pas une corporation professionnelle reconnue.
Mme Duval: Non.
Le Président (M. Doyon): Vous n'avez pas comme tel un
comité de discipline qui peut imposer des sanctions, reconnu par la loi.
Quand vous dites: On ne publiera pas, d'accord. Ne pas
publier, c'est une chose, mais ne pas prendre connaissance, ça en
est une autre. Il est possible qu'il y ait un certain nombre de renseignements
qui, de par leur nature, fassent partie du patrimoine personnel d'une personne
et qu'à ce titre, non seulement cette personne ne veuille pas le voir
publier, ce qui est une affaire, mais peut ne pas vouloir que ça se
sache purement et simplement. Et, à ce moment-là, que
d'être "généolo-gue"... Je vous soumets le problème.
C'est parce que ce n'est pas tout de dire: Ça, ça ne fait pas
notre affaire. Si je peux vous mettre sur une piste - et je n'allongerai pas le
discours - il faudrait que vous arriviez avec des solutions et celle que vous
me proposez ne me paraît pas pouvoir être retenue dans les
circonstances, parce que c'est une question de confiance. Et le
problème, vous le soulevez fort bien, à juste titre, mais la
solution que vous proposez ne me paraît pas pouvoir résoudre le
problème auquel on a à faire face.
Là-dessus, sans plus de préambule, je passe la parole au
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Asselin et Mme Duval, au départ,
André Boulerice, descendant de Jean Bourhis, de Brest, tourneur du roi
de son état, arrivé le 13 septembre 1686 en Nouvelle-France, a
déjà fait les représentations auprès de la
porte-parole de l'Opposition dans ce dossier, Mme Harel, députée
de Hochelaga-Maisonneuve. Je vous avoue que j'ai été, moi aussi,
un peu sidéré de voir une telle chose. Bien des intervenants sont
venus à cette commission en lisant le rapport Arpin et en disant: Mon
Dieu, vers quel dirigisme nous nous en allons? Je pense que le plus bel exemple
de dirigisme qui vient d'être donné ne s'applique pas au
ministère des Affaires culturelles, mais s'applique bien plus au
ministère de la Justice comme tel.
Il se peut, comme dit M. le président, que ce que vous avancez
n'aide peut-être pas, à cause de l'énoncé, la cause
que vous puissiez avoir accès. Mais je pense que le ministère ou
tout au moins la commission aurait peut-être pu vous entendre et essayer
non pas de faire partie de la question seulement, mais faire partie de la
solution. Je trouve que c'est incroyable. Eh oui! il y a des choses de
relations, des choses personnelles. Mais, en fin de compte, ce que je veux,
c'est la généalogie de ma famille. Je ne veux pas celle du
voisin. En vertu de quoi, d'ailleurs, je la voudrais? Curiosité qui me
coûterait sans doute des sous et qui me rapporterait peu,
peut-être. Je sais pertinemment qu'on me demande
régulièrement le nom de ma mère. Le nom de mon
père, tout le monde le sait. Mon père a été
hospitalisé et on lui a demandé, même à 80 ans, le
nom de sa mère, dans un centre hospitalier, et Dieu seul sait qu'il y a
confidentialité des dossiers. M'étant occupé de ce dossier
dans une commission scolaire... Il n'y a pas là-dedans, dans cette
collection des registres de l'état civil, des remarques à l'effet
que mon arrière-grand-père avait fait faillite cinq fois, que ma
grand-mère fumait à l'époque où l'Église
l'interdisait. Encore là, je trouve que c'est un exemple de dirigisme
qui est un peu fort. C'est peut-être un inconvénient que vous ne
soyez pas une corporation. Mais est-ce qu'il faut être
érigé en corporation pour prouver notre bonne foi et notre
volonté de nous imposer nous-mêmes une éthique? Les
députés ne sont pas une corporation, hein? Et, de façon
tacite, nous nous imposons une éthique mutuellement. Alors, je pense
qu'on devrait regarder ça.
Je vous dis que votre présence n'aura pas été
vaine, Mme Duval, Mme Asselin. Je pense que vous nous avez tous
sensibilisés. Je ne crois pas qu'il y ait eu, dans les propos de ma
collègue et du président, des objections, mais bien une
volonté de vous aider dans ce domaine. Si on me dit qu'avant que je
puisse avoir ma généalogie je devrai attendre 100 ans vous vous
imaginez l'intérêt que j'ai de l'avoir, hein? Ça devient un
peu problématique.
Mais, si on déborde ce cadre, j'aurais quand même une
question à vous poser. Quelle devrait être la place de
sociétés comme la vôtre à l'intérieur,
justement, d'une politique du patrimoine?
Mme Faucher-Asselin: On peut résumer nos interventions en
vous disant qu'on est un organisme qui est déjà reconnu par le
ministère des Affaires culturelles, annuellement, par une subvention de
fonctionnement, comme je vous le disais dans le rapport, de portée
nationale. Ce n'est peut-être pas de l'argent qu'on veut, mais
plutôt un soutien au niveau de l'accès à l'information pour
continuer de faire le travail qu'on fait. C'est un travail qui coûte peu
de sous, finalement, actuellement aux organismes qui se servent de ces
informations-là, parce que les sociétés de
généalogie sont assez autonomes dans leur fonctionnement. C'est
les bénévoles qui fournissent tout le support, tout le
matériel, toute la présence, tout est fait par
bénévolat. Les subventions nous aident actuellement à
gérer l'ensemble du travail de l'ensemble des sociétés de
généalogie au Québec. Ce qu'on vous demande ici, c'est le
soutien quant à l'accès à l'information éventuelle
de la source première d'information dont on a besoin pour continuer de
faire ce qu'on fait depuis 50 ans.
M. Boulerice: Je vous remercie. C'était peut-être
prémonitoire tantôt lorsque, avec un autre groupe, j'ai
parlé de perversité du système. J'ai l'impression qu'on
vient d'en vivre une et il faudra la corriger le plus rapidement possible. En
tout cas, vous pouvez compter sur ma collaboration.
Mme Faucher-Asselin: Merci, M. Boulerice.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue pour... Comme je vous dis, nous, on a été
sensibilisés et, comme M. le président le disait aussi, la
Société, enfin, les représentants avant vous ne nous ont
pas fait part de cette espèce de litige. D'un côté, oui, il
y a la protection de la vie privée. Il faut savoir maintenant
jusqu'où et quels moyens aussi on peut prendre pour garder les deux
principes. C'est sûr qu'il y a tout, maintenant; le Mouvement
Retrouvailles crée aussi un peu de controverse, d'une certaine
façon. Alors, il s'agit de savoir maintenant le pourquoi et les moyens
et nous allons y voir et voir aussi ce qu'on peut faire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Je veux juste vous rassurer.
C'est que les débats que nous avons ici sont transcrits et, comme
président de la commission, je ferai en sorte qu'ils soient transmis au
ministre de la Justice qui en prendra connaissance de façon à ce
que le point de vue que vous exprimez soit bien pris en compte. Je voudrais
vous remercier et vous féliciter parce que le travail que vous faites
contribue grandement à la fierté que nous avons, tous et chacun
d'entre nous ici, du Québec, de connaître nos origines. Je sais
que Jean Doyon est arrivé en 1643, qu'il était coupeur de long,
que ses deux fils ont accompagné d'Iberville à la baie d'Hudson
où ils ont fait le coup de feu contre les Anglais. Faits prisonniers en
Angleterre, ils se sont échappés et se sont joints à Louis
Jolliet et au père Marquette pour découvrir le Mississippi. On
voit qu'ils étaient ce qu'il y a de plus coureurs des bois et
aventuriers dans le sens le plus noble du mot. Se promener de la baie d'Hudson
aux prisons londoniennes et s'en échapper pour se retrouver à
l'embouchure du Mississippi, chapeau! il faut le faire! Alors, bravo à
Antoine et Thomas Doyon. Grâce à vous, je sais qu'ils ont
existé et que c'est un objet de fierté. Je dis ça pour les
Doyon et je suis sûr que mon collègue Boulerice pourrait le faire,
Mme Cardinal et Mme Hébert aussi. Alors, nous avons comme ça des
trésors d'aventures qui pourraient faire l'objet, d'ailleurs, de livres,
et qui ont été écrits parfois. Il y en a un d'écrit
sur les Doyon avec d'Iberville, qui s'appelle 'The Ceasars of the Wilderness",
que j'ai fait venir d'une bibliothèque de New York et dont vous pouvez
prendre connaissance. C'est assez intéressant.
Alors, là-dessus, je suspends les travaux de notre commission
jusqu'après les affaires courantes, vers 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 15 h 49)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et mes- sieurs, si
vous voulez bien regagner vos places, nous allons débuter les travaux de
cette commission pour la période de cet après-midi.
Alors, je ferai une rapide lecture de l'ordre du jour de cet
après-midi afin de rappeler à tout le monde quels sont les
travaux que nous avons à exécuter. Alors, nous allons, dès
la fin de cette lecture, entendre les représentants de l'Association
pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation. Par la
suite, à 16 h 15, nous recevrons les représentants du Conseil de
la langue française. À 17 heures, les représentants de la
Commission des biens culturels, je présume, du Québec et,
à 17 h 45, Architecture Québec. Nous ne suspendrons pas à
18 h 30, car nous rencontrerons par la suite le Conseil régional de la
culture de l'Outaouais. Ceci mettra fin à l'ensemble de nos travaux pour
cette journée. Donc, nous ajournerons les travaux aux environs de 17 h
15 à peu près.
Alors, ceci étant dit, je vous rappellerai que le temps qui est
alloué aux groupes qui viennent nous rencontrer est de 15 minutes pour
faire la présentation de leur mémoire et, par la suite, 15
minutes sont allouées à chacun des deux partis, soit Mme la
ministre des Affaires culturelles et son vis-à-vis, le
représentant de l'Opposition officielle en matière d'affaires
culturelles, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Alors,
voilà. Nous sommes prêts à vous écouter ou à
votre disposition, si je ne peux pas employer un autre terme que ça.
Alors, peut-être vous pourriez vous identifier et commencer
aussitôt votre présentation.
ASTED
M. Bourque (Alain): Alain Bourque, président sortant,
président ex-officio pour l'ASTED. M. Louis Cabrai, qui est le directeur
général de l'ASTED, est à ma droite...
Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs.
M. Bourque: ...et M. Yvon-André Lacroix, qui est membre du
conseil d'administration de l'ASTED, est à ma gauche.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour
messieurs.
M. Bourque: Je vous remercie, M. le Président. Nous
allons, plutôt que de vous faire lecture de notre document que vous avez
déjà entre les mains, vous présenter certains aspects,
certains points plus particuliers, vers lesquels nous aimerions faire porter
votre attention. M. Louis Cabrai va commencer la présentation et M.
Lacroix la terminera sur des points complémentaires.
M. Cabrai (Louis): J'aimerais débuter rapidement par une
présentation de ce qu'est
l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la
documentation, plus simplement appelée ASTED. C'est un organisme
professionnel à but non lucratif qui regroupe au-delà de 700
membres qui oeuvrent dans le milieu documentaire. En fait, l'ASTED est
héritière d'une tradition de l'Association canadienne des
bibliothécaires de langue française et, dès 1973, elle a
pris la relève de cette association-là.
Très rapidement, ses buts sont au nombre de trois: promouvoir
l'excellence des services et du personnel chez les intervenants du monde de
l'information documentaire; inspirer la législation et promouvoir les
intérêts respectifs et communs de tous les intervenants du monde
documentaire; et jouer un rôle prépondérant dans la
francophonie en matière de bibliothéconomie. C'est, rapidement,
très vite esquissé, le portrait de l'ASTED.
J'aimerais, à ce moment-ci, aborder, en fait, la place de la
culture qui est, finalement, décrite dans la politique de la culture et
des arts. On voit que ce rapport du groupe-conseil émane après 30
ans de réflexion, passant d'un livre vert à un bilan action. En
fait, on trouve très sains les trois principes qui sont
évoqués dans l'aperçu en page 17: "...la culture est un
bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie
en société, au même titre que les dimensions sociale et
économique". Donc, on trouve très sain qu'on l'ait, dans un
préambule, mentionné derechef. Ces principes philosophiques qui
sous-tendent cette politique de la culture et des arts, c'est, ma foi,
très salutaire et on y concourt et on y participe d'emblée.
Cependant, quand on a examiné la proposition du groupe-conseil, on
constate qu'il y a une grande absence, une grande absence au premier titre,
celui d'une... On voulait sans doute évoquer les associations du monde
documentaire, les gens des bibliothèques. On a trouvé qu'on
n'avait pas fait appel à l'expertise bibliothéconomique.
Un ministère qui a une direction des bibliothèques
publiques, qui se consacre au développement des bibliothèques
publiques, et pour qui la notion des bibliothèques est une partie
intégrante de sa mission, en tant que ministère, qu'il n'y ait
pas une expertise qui soit membre du groupe-conseil qui aurait pu au moins
éclairer, on trouve que c'est, en fait, une pauvreté aussi au
niveau de l'argumentation.
Les bibliothèques sont évoquées en termes de
statistiques, en termes d'importance, sur lesquelles on devrait se pencher pour
élaborer une politique culturelle, mais, effectivement, il y a, tout au
long des différentes propositions pour le développement d'une
culture, pour le développement d'une politique de la culture, une
absence quant à la dimension et à la place que devrait occuper la
bibliothèque. On fait - ce n'est pas pour dénigrer l'importance
que doivent occuper la création et les créateurs en culture -
largement état de l'importance de la création, mais on oublie les
lieux de diffusion de cette création-là. Les bibliothèques
occupent une large place comme foyers de culture et comme lieux de diffusion,
et la création, elle n'est pas le résultat d'une inspiration
spontanée, elle est l'héritage d'une tradition qui est
conservée soit dans les archives, soit dans les bibliothèques, il
y a une tradition culturelle qui amène des gens à écrire
des choses dans un moment donné, une oeuvre déterminante à
une époque. Il y a des lieux pour conserver cette
mémoire-là et la bibliothèque est, ma foi, l'endroit tout
indiqué pour ce faire. Je voudrais qu'on comprenne bien que ce n'est pas
une diminution et un affaiblissement du rôle du créateur, qui a
son importance, mais c'est la place prédominante que doit jouer la
bibliothèque.
Quand on regarde, au niveau des absences, on note que la
législation actuelle sur les bibliothèques date de 1959. On
l'avait d'ailleurs évoqué. Il y a eu une commission en 1987 sur
les bibliothèques publiques qui déjà, en 1987, trouvait la
loi de 1959 désuète et non conforme à la
réalité contemporaine. Que dire, en 1991, de cette
situation-là? Je pense que nous devrions nous consacrer à une loi
qui, finalement, actualise les préoccupations d'aujourd'hui et qui doit,
cette loi-là, nous indiquer des principes directeurs, faire en sorte
qu'il y ait des suggestions de normes et que tout ça participe au
développement des bibliothèques. Le milieu des
bibliothèques publiques attend depuis près de deux ans cette
législation-là, attend un plan de développement qui lui
dicterait des voies. Tout ça est, ma foi, absent dans cette
proposition-là; on n'en fait pas écho.
Je disais à la blague, dans les discussions préparatoires,
quand est venu le moment de rédiger le mémoire de l'ASTED
à la commission, que nous aurions très bien pu prendre le
mémoire de 1987 et d'en changer la page couverture. La situation des
bibliothèques, comme vous le savez, au Québec, on dispute bien
souvent sur le plan canadien cette place-là à notre ami Clyde
Wells de Terre-Neuve, en termes d'espace et de situation. C'est peu reluisant
à cet aspect-là. Je céderais maintenant la parole à
M. Lacroix pour les autres points.
M. Lacroix (Yvon-André): Alors, M. le Président,
nous appuyons, en fait, les recommandations du rapport Arpin en tout ce qui
concerne le monde de la création, et je pense que c'est justifié,
tout ce qui est mis en valeur dans ce rapport. Notre objectif c'est
plutôt de souligner qu'avant toute création il y a une
réflexion, justement. Il y a de l'information qui est nécessaire,
de la documentation et les connaissances. Ce qui est regrettable, sinon
même lamentable, c'est qu'un plan essentiel, et j'insiste sur le mot,
à toute culture ait été oublié, à peine
effleuré aux pages 156 et 157 et ce, en parlant de la lecture dans le
cadre scolaire. Alors, nous
voulons insister sur le livre, l'écrit et les
bibliothèques publiques. Si je demande à chacune des personnes
qui sont ici pourquoi elles sont ici et comment elles sont arrivées
à être ici, c'est parce qu'il y a eu, évidemment
l'éducation, mais il y a eu le livre qui a été
présent dans la vie de chacune des personnes qui sont ici. Le livre est
présent également dans la vie de chacun des citoyens
québécois qui veut parvenir à une certaine réussite
sociale et économique.
Alors, le livre, le document, quel que soit le nom qu'on lui donne, la
bibliothèque, l'information sous toutes ses formes sont essentiels
à toute culture. Avec manger, en fait, et être en santé,
savoir lire est, dans nos sociétés occidentales et maintenant
dans le monde entier, la seule activité essentielle. Même dans nos
dites sociétés démocratiques et occidentales, ces deux
objectifs, la santé physique et mentale et l'éducation et
l'alphabétisation, et l'accès à l'information sont
reconnus comme un droit, ce qu'on a d'ailleurs fait au Québec. J'insiste
en disant que même les aveugles apprennent à lire. C'est pour dire
l'importance de l'objet qu'est un livre sous quelque forme que ce soit. (16
heures)
Alors, ça nous apparaît être un préalable
essentiel qui a été oublié, malheureusement, dans le
rapport. Un préalable qui permet également l'accessibilité
aux autres formes d'art, aux autres expressions de la culture ou des cultures
populaires ou élitistes ou tout type de culture. Essentiel à
notre point de vue, ça signifie que je peux ne pas fréquenter un
musée, je peux ne pas fréquenter l'OSM, mais, dans nos
sociétés, je ne peux pas ne pas lire.
C'est là le message qu'on entend livrer, que, pour parvenir dans
nos sociétés, la lecture et les bibliothèques publiques
sont essentielles. L'endroit justement où on trouve ce moyen
d'accéder aux livres et aux connaissances, une fois qu'on est sorti de
l'école, pour tout citoyen, c'est la bibliothèque publique. En
fait, c'est le plus beau cadeau qu'on peut offrir autant à des
individus, si nous sommes parents, qu'on peut offrir à nos enfants - des
livres - comme collectivité, comme collectivité
québécoise, d'offrir à nos concitoyens des
bibliothèques publiques pour avoir accès de 0 à 99 ans
à l'information, à l'éducation et à toutes les
formes d'expression de la culture.
Malheureusement, ceci est presque absent du rapport, c'est-à-dire
la lecture et les bibliothèques publiques. Pourtant, c'est l'institution
la plus démocratique - je viens de le dire - la plus accessible à
tout le monde, de 0 à 99 ans ou 110 ans - mettez ce que vous voulez -
celle qui accueille également le plus de monde comparativement à
toutes les autres institutions culturelles regroupées au Québec.
Si on se réfère au rapport Samson Bélair, on peut
vérifier cette donnée. Les bibliothèques publiques
accueillent au moins quatre fois plus de concitoyens québécois
que la plupart des institutions culturelles du Québec. C'est aussi
l'institution la moins chère, encore là, si on se
réfère au rapport Samson Bélair. La plupart des grandes
institutions culturelles, pour y avoir accès, ça dépasse
les 30 $ par tête de pipe pour chacune des fréquentations alors
que la bibliothèque publique est accessible pour 18, 60 $ par tête
pour autant de fois qu'on le désire et pour autant de livres et
documents visuels, etc., qu'on désire emprunter. C'est également
le plus grand diffuseur puisqu'il atteint le plus grand public.
En fait, pour terminer, la bibliothèque, plus de
bibliothèques publiques, des bibliothèques publiques mieux
organisées, mieux équipées avec plus de livres, c'est une
meilleure qualité de langue, donc, de langue française, plus de
culture, plus d'auteurs, plus de livres achetés, plus de jobs, une
économie plus saine. Également, c'est plus d'autonomie autant
individuelle que collective et c'est le meilleur investissement pour une
société si on pense à long terme. Autant le système
d'éducation est un investissement pour une société, autant
les bibliothèques publiques le sont. Finalement, les
bibliothèques publiques sont aussi le meilleur gage d'une meilleure
démocratie.
Je voudrais terminer - mon collègue tantôt l'a
souligné - tout simplement pour, en fait... Le ministère des
Affaires culturelles a ses responsabilités quant aux
bibliothèques publiques, c'est-à-dire d'énoncer
publiquement que les bibliothèques publiques sont importantes pour la
société québécoise et de le dire et non pas de le
taire ou que ce soit absent comme dans les deux rapports que j'ai
énoncés tantôt et qu'il y ait une volonté d'aller de
l'avant avec une loi, avec des normes, avec un partenariat avec les
municipalités et avec des gens qualifiés pour travailler dans les
bibliothèques.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Lacroix.
Avant de passer la parole à Mme la ministre, comme député
de l'est de Montréal, comté de LaFontaine, j'ai le plaisir de
vous entendre parler des bibliothèques. J'aimerais vous mentionner que
j'habite dans un quartier montréalais où environ 30 000 personnes
résident, où nous n'avons pas de bibliothèques et
où les gens doivent encore faire la queue derrière un minibus. On
appelle ça un bibliobus, un stand à patates frites, alors que
nous sommes un quartier où une très grande majorité sont
des jeunes familles, des jeunes ménages avec des enfants et, aussi, il y
a des personnes âgées.
Alors, il me fait plaisir d'entendre votre profession de foi envers les
bibliothèques et je souhaiterais que votre message ne soit pas seulement
entendu par ma collègue et ma grande amie, Mme la ministre des Affaires
culturelles, qui trouve cette situation probablement très
désolante, mais par M. le maire de Montréal qui, depuis cinq ans,
n'a pas été capable de livrer
une bibliothèque dans le quartier de Rivière-des-Prairies.
Merci, monsieur. Sur ces commentaires, je passerai maintenant la parole
à Mme la ministre. J'avais son consentement pour vous faire cette
remarque.
Mme Frulla-Hébert: Merci, messieurs. Vous parliez de
bibliothèques et vous parliez de la contemporanisation, si on veut, des
bibliothèques. Si on regarde le réseau des bibliothèques
au moment où on se parle, on rejoint 88 % de la population, ce qui est
quand même un grand pas que nous avons fait depuis 10 ans. La plupart des
bibliothèques... Nous avons investi, depuis 1986, 45 000 000 $ en
infrastructure et la plupart des bibliothèques offrent maintenant des
services audiovisuels, services connexes. Quand vous parlez, justement,
d'être à l'ère, de se mettre un peu à l'ère
moderne, etc., est-ce que c'est de ça que vous voulez parier, ou vous
nous dites encore d'aller plus loin? Si c'est ça, quels sont les moyens
pour aller plus loin?
M. Lacroix: En fait, vos chiffres sont exacts. C'est vrai
qu'effectivement les bibliothèques publiques ont connu un bon essor
depuis on peut dire 10 ans. Maintenant, il reste qu'en tant que
collectivité je ne pense pas qu'on ait, au Québec, le sentiment
que le gouvernement nous appuie. Dans les bibliothèques publiques, on a
le sentiment: Est-ce que ça continue? Où est-ce qu'on s'en va?
Est-ce qu'il y a une détermination? Est-ce que la bibliothèque
publique, c'est une institution québécoise fondamentale ou non?
Est-ce que c'est quelque chose d'important ou non? Qu'on le dise.
Ce qu'on regrette, c'est que ce soit absent d'un ouvrage aussi important
que celui-ci et que ça n'apparaisse pas comme étant le fondement
d'une culture. Ça, c'est regrettable, je pense. En fait, c'est le
message que, nous, on livre. Je ne sais pas si je réponds à votre
question, d'ailleurs.
Mme Frulla-Hébert: Maintenant, pour ce faire, justement
avant - vous allez peut-être répondre à ma question... Si
c'est 22 000 000 $ de fonctionnement, c'est sûr maintenant qu'il y a des
choses à faire au niveau des bibliothèques. Au niveau de la loi,
je l'avoue, je l'ai arrêtée, la loi, l'année passée
parce qu'il y a aussi toute la question de la tarification. Il faut s'asseoir
avec les villes pour en parler parce qu'on ne veut quand même pas non
plus réduire l'accessibilité. Par contre, il y a peut-être
des services... Ce sont des services nouveaux, services offerts à la
communauté d'affaires, par exemple, où on pourrait imposer une
certaine tarification et, si on le faisait, comment on le ferait, etc.
Ça c'est une chose.
Deuxièmement, aussi, c'est notre financement. Est-ce qu'on
devrait financer le fonctionnement? On a eu une belle discussion ce matin.
Est-ce qu'on devrait financer le fonctionnement, c'est-à-dire le
nettoyage, etc., - on est les seuls à financer, au moment où on
se parle, un équipement qui est local - ou plutôt prendre cet
argent-là et s'en servir au niveau des collections, au niveau des
avenues nouvelles, au niveau de l'informatisation? Alors, qu'est-ce que vous
pensez de tout ça?
M. Lacroix: Je pense que, là, avec les relations
provinciales-municipales, j'imagine qu'il faut s'asseoir et discuter de ces
choses publiquement. Vous parliez de la tarification. Dans le milieu de la
bibliothèque, on ne s'attend pas à ce que ce soit tartfié
parce que nous jugeons qu'une bibliothèque... Est-ce que c'est essentiel
ou non pour une collectivité? Si c'est quelque chose qui est essentiel,
on doit le dire, et là le ministère peut donner un son de cloche
à savoir qu'il y ait une gratuité. Il peut y avoir des sommes qui
sont accordées par Québec d'une façon ou de l'autre, mais
qu'il y ait un message qui soit dit, que c'est une institution qui est
essentielle, c'est-à-dire que je ne peux pas ne pas lire et que pour
ça, probablement, le public doit y avoir accès gratuitement.
C'est pour ça que l'UNESCO a posé ce postulat-là à
savoir que la bibliothèque doit être gratuite et d'accès
gratuit, parce qu'elle est essentielle.
Quand on parie de danse, quand on parie de musique, quand on parie... Je
pense que les gens s'attendent à payer pour ces choses-là. Quand
on pense de donner des cours de violon à des enfants, à part le
système public, je pense que les gens s'attendent à payer pour ce
type d'activités. Mais l'accessibilité aux livres, aux
connaissances et à l'information, pour tous nos besoins quotidiens, dans
chacune de nos vies, je pense que c'est là que l'État devrait
donner un message clair et exprimer que la gratuité devrait s'appliquer.
C'est ce qu'on fait partout en Occident.
Malheureusement, au Québec, il y a beaucoup de
bibliothèques qui déjà tarifient, ce qui fait que, dans la
mentalité collective du Québécois moyen et de certains de
nos élus, la bibliothèque est une institution négligeable
qui doit faire ses frais. Si c'est une institution essentielle, j'insiste
toujours sur ça, je pense que c'est là que le ministère
peut avoir du leadership, quitte à être prêt à
s'asseoir à la table pour savoir qui met quoi, quel argent est mis
à quel endroit, mais qu'il y ait un principe qui puisse être
reconnu.
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous nous dites, finalement,
c'est que dans la future politique il s'agit de statuer, d'abord et avant tout,
le principe, parce que les actions ont été là, même
au niveau des municipalités. Il reste encore 10 % des
municipalités, qui ne sont pas, d'ailleurs, les municipalités les
moins bien nanties... Je pense à Chicoutimi, je pense à Aima. Ce
ne sont quand
même pas de petites municipalités, là. Mais, par
contre, à l'inverse, il y a des municipalités qui y croient et
qui font plus que leur part. Alors, il s'agirait, selon vous,
premièrement, de statuer et d'envoyer un message clair et, à
partir de ce message-là maintenant, en en discutant avec eux, savoir
où on s'en va et quels services...
M. Lacroix: On compare ça un peu aux années
soixante, quand il y a eu la fameuse réforme scolaire. On a crié
partout l'importance des polyvalentes, l'importance de l'éducation,
l'importance de, de, de... Il y a eu un phénomène collectif, il y
a une décision qui a été prise, et il y a eu un
engagement. C'est évident qu'ici on est dans une relation
provinciale-municipale. Il y a des partenaires, mais je pense qu'il y a moyen
de développer davantage et de distribuer les compétences. Il
reste qu'on a maintenant, et c'est vrai, des édifices, mais on n'a pas
de personnel nécessairement superqualifié, et nos collections
sont encore, dans bien des cas...
Mme Frulla-Hébert: Ça, oui.
M. Lacroix: ...relativement pauvres.
M. Bourque: Au fond, on se retrouve devant deux avenues
actuellement. La première, c'est celle que nous avons abordé
depuis le début, c'est-à-dire que nous considérons qu'il
est important actuellement qu'il y ait un message. Et par la suite, avec les
partenaires, que ce soient les municipalités, que ce soient les
associations comme la nôtre, que ce soient les personnes qui sont
impliquées dans le domaine des bibliothèques publiques, on
s'assoira une fois que le message aura été exprimé, et on
verra ensemble les moyens, les échéanciers et la façon, au
fond, d'atteindre un certain nombre d'objectifs sur lesquels on se sera entendu
au départ et qui doivent provenir du ministère et du
gouvernement.
Il y a une autre approche, évidemment, qui est de dire:
Assoyons-nous d'abord, essayons de nous entendre entre nous, d'aplanir
déjà les problèmes qui peuvent se créer et, par la
suite, on aura une loi ou des normes, etc., qui découleront de nos
discussions. Mais tant, pour nous, que cette façon d'agir cause
problème... On considère que devant le nombre de sujets, de
discussions actuellement, dans les municipalités, la réforme, la
fiscalité, etc., il est difficile, tant qu'on n'a pas, de la part du
gouvernement et du ministère, une position claire, de dire: Voici la
place que nous considérons que les bibliothèques publiques
doivent avoir. Il n'est pas sûr que ce genre de discussion va se
faire.
Nous avons l'impression que ça va prendre beaucoup de temps alors
que s'il y avait, de la part du gouvernement et du ministère, une
implication et qu'on disait: Voici ce que nous considérons qui doit
être fait, ou voici, au moins, les grands objectifs sur lesquels nous
espérons... où nous voulons aller, par la suite, je pense qu'il
serait possible de s'asseoir. On ne s'attend pas, une fois que le
ministère, que le gouvernement aura mis un certain nombre de grands
objectifs sur la table et aura dit: Voici où on va, que ça va se
régler en un an. On n'a pas cet objectif-là. On sait que
ça va prendre du temps. Mais, au moins, on va avoir une base sur
laquelle on va pouvoir s'appuyer, et aussi les municipalités, tout le
monde va pouvoir s'appuyer pour dire: Au moins on sait où on veut
aller.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous passe maintenant la
parole.
M. Boulerice: Oui, M. Bourque, M. Lacroix, M. Cabrai, vous
rappelez avec une justesse l'apport fondamental des bibliothèques comme
intervenants, véritablement, de première ligne en matière
culturelle. Effectivement, je pense que c'est un peu difficile de concevoir un
plan d'action à ce niveau sans tenir compte également d'un plan
d'action au niveau de Il'analphabétisa-tion. S'il y a des livres et que
les gens, malheureusement, ne peuvent les lire, ça devient un petit peu
plus difficile. (16 h 15)
On a parlé de l'implication financière des
municipalités. Oui, effectivement, on souhaite tous que les
municipalités s'assoient avec les ministères, mais vous devez
comprendre, dans le contexte, les municipalités doivent apporter leur
chaise. Un peu plus et ce n'est pas certain que les municipalités auront
les moyens de s'acheter une chaise pour venir s'asseoir avec l'actuel
gouvernement.
Vous avez, dans votre mémoire, recommandé l'adoption d'une
nouvelle législation sur les bibliothèques publiques. La ministre
vous a dit qu'elle l'avait retirée parce qu'il y avait le
problème de tarification. Je pense que ce n'était pas uniquement
le seul. Il y avait d'autres éléments dans la loi. Elle n'a pas
été rendue publique. Je ne l'ai pas officiellement vue, mais je
pense qu'elle ne faisait pas l'unanimité du milieu comme tel. Je pense
que vous avez quand même développé les principaux
paramètres de ce que devrait être cette législation, donc
j'irai plutôt à un autre niveau pour le questionnement. Sur la
question du droit d'auteur, vous reprochez au rapport Arpin de faire preuve de
simplisme et que la question du droit d'auteur cache une réalité
plus complexe. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu à ce
sujet?
M. Bourque: Le droit d'auteur, actuellement, est une loi
fédérale. Le fait est que, lors des discussions que les
associations et que ceux impliqués dans le domaine de la documentation
ont eues avec le gouvernement à cet effet, la loi devait être en
deux parties. Il y avait une
première partie qui a été, effectivement... qui a
maintenant force de loi et qui vise à ce que les créateurs soient
en mesure, au fond, d'obtenir de l'argent, de recevoir de l'utilisation qui est
faite en bibliothèque des livres qu'ils ont écrits une certaine
rémunération. Nous sommes absolument d'accord avec cette
procédure, avec cette façon d'agir. Nous considérons,
effectivement, que nous n'avons rien contre cette position.
Ce que nous avons regretté et qui apparaît peut-être
un peu aussi dans le rapport, c'est qu'au fond la deuxième partie, qui
devait venir par la suite, n'est jamais venue. C'est celle de reconnaître
que les bibliothèques sont un lieu de diffusion de l'information et de
la documentation et qu'il y a un certain nombre d'exemptions... Il faut
reconnaître aux bibliothèques le cadre dans lequel elles
travaillent et qu'il y a un certain nombre d'exemptions qui devraient
être accordées par la loi. Donc, la possibilité de faire
des copies individuelles pour l'enseignement, etc.
Au fond, ce que nous aimerions, c'est que le gouvernement du
Québec, par son ministère des Affaires culturelles, nous appuie,
appuie le milieu de la documentation dans les représentations que l'on
peut faire au niveau du gouvernement fédéral, pour que la
deuxième partie de la loi soit appliquée. Nous considérons
que les exemptions que nous demandons, que le milieu documentaire demande, sont
tout à fait légitimes, qu'elles ne mettent pas du tout en cause
le rôle de l'écrivain, le rôle de la personne qui produit
les documents ou le rôle des éditeurs, que ça ne limite pas
leur capacité de produire ou d'avoir un revenu, mais que les exemptions
que nous demandons sont nécessaires pour permettre aux
bibliothèques de remplir efficacement leur rôle.
Donc, c'est plutôt à ce niveau-là que notre demande
va, c'est que, dans le rapport Arpin on parle de façon assez rapide du
droit d'auteur, mais on semble oublier encore une fois le rôle des
bibliothèques et que les bibliothèques devraient avoir certaines
exemptions.
M. Boulerice: Vous souhaitez la mise en place d'une
véritable politique de la lecture. Est-ce que vous pourriez être
un petit peu plus explicite sur les éléments de cette politique
de la lecture, mais comme porte d'entrée des individus,
particulièrement des jeunes, il va de soi, aux arts et à la
culture?
M. Lacroix: En fait, déjà, une politique de la
lecture, c'est essentiel à des individus et à une
collectivité, autant pour accroître ses propres compétences
individuelles et collectives.
Je pense que c'est ça qu'il faut qui soit dit, c'est ça
qu'il faut qui soit établi, mais après ça...
M. Boulerice: Les éléments de cette politique de
lecture, ce serait...
M. Lacroix: La gratuité, l'accessibilité des gens,
le fait qu'on devrait avoir partout au Québec, dans chaque
municipalité, des bibliothèques. Il y a des députés
qui se sont défendus et qui défendent plutôt d'avoir des
bouts de route dans leur comté. Je pense que le jour où on aura
des députés qui diront: Je me bats pour avoir une
bibliothèque publique dans tel ou tel patelin, et qui voudra le
défendre et le défendre vraiment, je pense que, là, on
aura progressé et qu'on aura vraiment des bibliothèques aussi
partout.
Dans les bibliothèques, on doit avoir un minimum vital,
c'est-à-dire un minimum de livres per capita, des collections qui sont
à date, pas des collections... Ce n'est pas le nombre de livres qui
crée une bibliothèque, des livres qui datent... La
bibliothèque de l'Assemblée est pertinente par rapport à
vos besoins de députés, mais, pour le citoyen normal, c'est une
collection qui ne répond pas à ses besoins. C'est une collection
importante. Alors, une bibliothèque publique doit être à
date, doit répondre à des besoins concrets, immédiats,
quotidiens, répondre à ces besoins-là. L'homme et la femme
de tous les jours doivent être certains qu'il y a une réponse
justement à leurs questions économique, psychologique, culturelle
et spirituelle à leur bibliothèque publique.
Le Président (M. Gobé): Maintenant, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: J'aurais aimé parler de la
Bibliothèque nationale du Québec. Je ne sais pas dans quelle
mesure le nouvel édifice va aider à ce que la Bibliothèque
réponde plus adéquatement. En un autre moment peut-être que
j'aurai la réponse que je souhaitais de vous, là. Je veux vous
remercier de votre participation. Effectivement, les bibliothèques sont
presque une histoire de "Newfie". Nous partageons ce record avec - comme dit M.
Cabrai - notre ami Clyde Wells. Je vous ai dit que j'aimerais bien, dans ce
dossier particulièrement comme dans un autre peut-être, prendre
mes distances face à lui et véritablement devenir une
société distincte de Terre-Neuve. Je vous remercie de votre
participation.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Mme la
ministre, un mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je me joins à
mon collègue et quant à prendre ses distances avec notre ami
Clyde Wells, là-dessus, je m'entends aussi très bien avec lui.
Ceci dit, on a beaucoup beaucoup parlé de bibliothèques,
énormément, avec une grosse représentation des gens
oeuvrant dans les bibliothèques, des municipalités aussi. Pour ce
faire... Tout ça pour dire que cette volonté d'en faire justement
un pôle central à notre développement culturel, je
pense
qu'elle est là. Mais votre suggestion de nous dire de le dire et
de le statuer haut et fort est essentielle et, là-dessus, je vous
rejoins très très bien. Alors, merci beaucoup de votre
participation. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant
vous retirer. Je vais, sans plus attendre, appeler les représentants du
groupe suivant qui sont les gens de la Commission des biens culturels, et je
leur demanderai... Ah pardon! Je m'excuse, je vais trop vite aujourd'hui.
J'appelle donc les représentants du Conseil de la langue
française. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter en
avant. Nous vous attendons, monsieur. Est-ce que ma langue n'était pas
assez française? Ha, ha, ha!
Alors, bonjour, messieurs. Je vous rappelle rapidement les règles
qui régissent notre commission. Vous avez droit à une
période d'une quinzaine de minutes pour exprimer votre point de vue,
présenter votre dossier ou votre mémoire. Par la suite, à
la disposition des membres de cette commission, il reste une trentaine de
minutes pour la discussion. Cela n'est pas limité dans le temps, en ce
qui concerne... plus ou moins; plus, oui, mais moins, non. Alors, vous pouvez
commencer sans plus tarder. Nous sommes prêts à vous
écouter.
Conseil de la langue française
M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés. Laissez-moi d'abord vous
présenter le secrétaire du Conseil, M. Antoine Godbout, qui a
participé activement avec les membres du Conseil - il est d'ailleurs
membre du Conseil - à la préparation du mémoire.
Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir invité le
Conseil de la langue française à se présenter devant vous
pour vous faire part de quelques commentaires que la lecture de la proposition
Arpin a suscités chez les membres du Conseil. Langue et culture sont
bien sûr intimement liées. C'est ce que nous venons vous dire,
mais vous le dire sans prétention, sans prétendre que nos
commentaires couvrent tous les aspects traités dans le rapport du groupe
présidé par M. Arpin.
Dans l'exercice de ses fonctions, l'une des convictions les plus fermes
que le Conseil a acquises est la suivante: le pouvoir d'attraction et de
propagation de la langue française au Québec, ailleurs au Canada
et sur le plan international est directement proportionnel à son
efficacité, à son excellence et a son prestige. Le Conseil
considère, par ailleurs, que c'est l'efficacité, l'excellence et
le prestige des productions culturelles qui mettent en valeur la langue au
point d'en faire une création permanente et une source de fierté
collective.
La politique gouvernementale qui soutient cette productivité,
comme la politique culturelle relative à l'enseignement, à la
recherche, aux publications, aux créations des arts et des lettres sous
toutes leurs formes, des plus classiques aux plus modernes, participe d'une
certaine façon et même, d'une façon certaine, de la
politique de la langue. Il en est de même de la politique de soutien
à l'économie ou à la technologie quand ces domaines
d'activité réussissent à s'épanouir et à
s'imposer en français, tant sur le continent nord-américain
qu'ailleurs dans le monde. C'est en s'appuyant sur cette conviction que le
Conseil de la langue française s'est intéressé vivement
à la proposition d'une politique de la culture et des arts
présentée à la ministre des Affaires culturelles du
Québec.
Nous croyons que le lien entre langue et culture est fondamental. Sous
cet angle, le rapport Arpin, malgré sa puissante dynamique,
mérite d'être clarifié et étoffé. Il
gagnerait aussi à être enrichi quant à
l'intérêt qu'il devrait porter à certains groupes de la
population, en particulier à la jeunesse et aux minorités
linguistiques et ethniques.
Le mémoire du Conseil à la commission parlementaire de la
culture poursuit donc les trois objectifs suivants: clarifier le lien entre
langue et culture pour mieux définir la politique culturelle; inclure
les sciences et la technologie, autant que les arts et les lettres, dans
l'éventail de la culture; considérer de façon
particulière la situation des jeunes, d'une part, et des
minorités linguistiques et ethniques, d'autre part, dans la
définition d'une politique culturelle.
Le lien entre la langue et la culture. Le rapport Arpin aborde la notion
de culture dans son sens restreint et en traite comme une des dimensions de la
vie sociale. En ce sens, la culture se résume principalement à
l'ensemble des activités du domaine des arts. Par ailleurs, la notion de
culture prise au sens large se définit comme l'ensemble des
manières de voir, de sentir et d'agir distinctives d'une
société tant dans son rapport au passé qu'au
présent.
Ainsi, lorsqu'on envisage le rapport de la langue à la culture,
les perspectives qui s'en dégagent sont très différentes
selon le sens qu'on donne à la culture. Si l'on retient le sens
restreint, la langue figure essentiellement comme un instrument de production
et de diffusion d'une culture qui serait indépendante d'elle. Le rapport
de la langue à la culture y est, de plus, représenté comme
étant propre à des domaines particuliers de production et de
diffusion. Cependant, dans une perspective plus englobante, il devient patent
que la culture ne saurait exister en dehors de ces champs de
réalisation, que ces champs sont multiples et que la langue y joue un
rôle essentiel. Une telle conception
comprend, bien sûr, tous les champs de l'activité
culturelle et non pas seulement celui des arts. Le rapport de la langue
à la culture devient donc global et débouche sur une vision de la
politique culturelle qui touche tous les domaines de la vie sociale.
Les auteurs du rapport, qui ont pris la culture dans son sens restreint,
ont tendance à glisser vers une conception instrumental iste de la
langue. Celle-ci y est définie comme un moyen d'expression de la culture
et comme porteuse des traces du passé culturel. On verra à ce
sujet, dans les premières pages du rapport, certains paragraphes
importants qui situent la place de la langue pour ses auteurs et qui montrent
que le rapport n'opte pas ouvertement pour une conception instrumentaliste
alors même que son contenu confirme cette acception restreinte de la
notion de culture. Nous croyons qu'il s'agit là d'un glissement qui
empêche les auteurs d'apprécier l'étendue du rôle
constitutif de la langue dans la culture et des rapports étroits entre
politique culturelle et politique de la langue.
Le Conseil considère que la langue est, en quelque sorte, la
matrice de la culture de par son rôle et ses multiples fonctions. Bien
davantage qu'un outil d'expression et de communication, elle est un outil
d'appréhension du réel et du savoir. La langue est le fondement
de notre société distincte et elle contribue à sa survie.
(16 h 30)
II convient toujours de rappeler qu'à cause de notre place sur le
continent nord-américain, de la concurrence internationale entre
l'anglais et le français, de notre faible poids démographique il
nous faut cultiver notre langue avec un maximum d'excellence et de conviction
dans tous les domaines de la culture. La protection de notre identité
collective dépend de cette culture quotidienne de la langue dans tous
nos milieux de vie. C'est pourquoi le Conseil de la langue française
estime qu'un gouvernement qui se propose d'arrêter une politique de la
culture au Québec doit reconnaître d'abord qu'une politique
culturelle doit rendre compte de l'important volet de la valorisation du
français. Nous reviendrons sur cette importante question au moment de
traiter de nos recommandations propres à la politique culturelle.
Ainsi que nous l'avons dit dans nos commentaires sur la langue, le
rapport Arpin, qui est ample et généreux dans la vision qu'il
projette, paraît pourtant réducteur dans l'analyse qu'il fait de
la culture. On semble vouloir y éviter de grands débats sur la
gamme des définitions virtuelles de la notion de "culture". Ainsi, la
liste des composantes de la culture qui est ensuite donnée montre de
toute évidence que l'on veut s'en tenir au champ de la politique
culturelle dont le ministère des Affaires culturelles est
responsable.
De fait, l'ensemble du rapport est centré sur la culture des arts
et ses moyens de dif- fusion et cela, malgré l'extraordinaire ampleur
qu'on veut bien donner à la culture, la considérant - et je cite
- comme "une dimension essentielle de la vie en société, un droit
qui doit être accessible à l'ensemble des citoyens, un
élément moteur du développement collectif'. Le rapport
Arpin précise même que, comparée à
l'économie, dont le propre est d'être de l'ordre des moyens, la
culture se situe dans l'ordre des fins. Si le rapport valorise de façon
maximale la culture, c'est, à la lecture que nous en faisons, à
l'évidence pour propulser une politique des arts avec une vigueur
nouvelle.
Aussi estimons-nous que la proposition de politique issue du rapport, si
l'on s'en tient au contenu actuel, devrait plutôt se présenter
comme une proposition de politique des arts ou de la culture des arts
plutôt que comme une politique de la culture et des arts. La distinction
nous paraît importante à plus d'un titre.
Le domaine des arts, aussi primordial soit-il dans le
développement et dans l'expression d'une civilisation, ne peut
prétendre constituer à la fois l'essence et la globalité
de la culture d'un peuple. Le Conseil pense donc que, si la proposition de
politique issue du rapport Arpin élargissait le champ de la culture,
elle agrandirait du même coup celui de la politique culturelle avec
laquelle la politique de la langue française a besoin de s'arrimer pour
intensifier le pouvoir d'attraction et de propagation de la langue, ce qui est
la prémisse de ce mémoire. La langue et la culture deviendraient
plus facilement alors ensemble le moteur de développement collectif,
comme le souligne le rapport Arpin. C'est pourquoi l'inclusion de la science et
de la technologie dans le champ élargi de la culture et de la politique
culturelle nous paraît s'imposer.
Culture des sciences et culture de la langue. Le Conseil ne peut pas
concevoir l'élaboration d'une politique culturelle sans la mise en
oeuvre d'une politique de vulgarisation des sciences et de la technologie. Il y
a une raison majeure à cela: la culture des sciences et de la
technologie, qui est omniprésente dans notre société
moderne, est une terre de prédilection où faire germer la culture
de la langue. Elle est également quotidienne, puisque nos vies sont
pénétrées, notamment, par l'électronique,
l'informatique, les progrès de la science médicale et les
défis énergétiques et écologiques. Le monde de
l'information et de la publicité nous gave de raffinements
technologiques. La littérature et le cinéma nous plongent
à satiété dans l'imaginaire scientifique. La science et la
technologie agissent en permanence autant sur l'inconscient collectif que sur
la conscience. Et, pour être plus réaliste encore, faut-il
rappeler que l'économie du travail et la concurrence entre les
sociétés se jouent au rythme de leur évolution
technologique et de l'évolution de la langue qui la pense, l'exprime et
détermine jusqu'au choix des publications de prestige et de
succès dans les universités. Mais
encore faut-il savoir dans quelle langue s'exprimeraient cette science
et cette technologie. Dans son rapport de fin de mandat, Pierre Martel,
exprésident du Conseil de la langue française, rappelait la
nécessité et l'urgence pour nous de penser la science en
français: "L'incapacité de penser la science à l'aide de
l'outil incomparable qu'est la langue maternelle peut avoir deux
résultats, soit un affaiblissement de la création, soit une
adoption de l'anglais comme un équivalent de plus en plus complet de la
langue maternelle. Dans les deux cas, on voit bien que c'est toute la
vitalité de la culture française qui est menacée. Le
travail du chercheur scientifique est un des éléments essentiels
du dévelopement d'une culture. Les chercheurs sont les premiers à
faire évoluer, à moderniser une langue afin qu'elle
réponde aux nouvelles réalités."
Le Conseil a récemment réaffirmé cette prise de
position dans son dernier avis au ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue française qui a pour titre "La situation du
français dans l'activité scientifique et technique". Nous ne
reprendrons pas ici le contenu de cet avis rendu public en septembre dernier,
mais nous le déposons en annexe de ce mémoire auprès de
cette commission. Nous croyons que les données qui y sont
consignées pourraient être mises à profit, notamment dans
le cadre d'une concertation interministérielle infiniment plus
poussée et d'une vocation horizontale d'un ministère de la
culture dont le rapport Arpin fait la promotion afin d'assurer
l'efficacité et le rayonnement de la politique culturelle. Nous appuyons
cette proposition du rapport Arpin.
Si nous ne réussissons pas cette indispensable entreprise de
maillage culturel, la science et la technologie échapperont comme champ
de conquête à notre identité française et
nord-américaine. En conséquence, nous ne ferons
qu'accroître le risque de folklorisation de notre culture que nous
voulons si distincte. À cet égard, le Conseil voudrait souligner
l'importance que revêt pour nous la recommandation 36 de notre avis qui
propose de créer un lieu d'identification voué à la
culture de la science et de la technologie, c'est-à-dire un musée
de la science et de la technologie. Nous croyons en effet, au même titre
que les musées ont traditionnellement servi de diffuseurs de la culture
des arts, qu'un musée de la science pourrait jouer un rôle de
diffusion, et partant d'identification, à la culture de la science.
Il s'agit de prendre tous les moyens à notre portée pour
mettre fin au traditionnel et stérile divorce entre la culture des arts
et des lettres et la culture scientifique. En fait, s'il est heureux que nos
écoliers et nos écolières apprivoisent la science, on ne
dort pas pour autant négliger la composante de cet apprentissage qui est
le discours scientifique. En ce sens, il nous semble que les recommandations 57
à 70 du rapport Arpin sur l'éducation culturelle devraient, en
particulier, être reçues dans ce sens, étant donné
leur importance pour la jeunesse et pour l'avenir.
Le Conseil recommande donc à la ministre d'inclure dans un
prochain projet de politique culturelle une place plus élargie - dont on
pourra parler tantôt, si vous le voulez - à ce qu'on pourrait
appeler la maîtrise culturelle de la science. Il nous semble qu'il y a
ici une donnée absolument fondamentale, à la fois du point de vue
de la politique culturelle et du point de vue de la politique
québécoise de la langue française.
Le Président (M. Gobé): M. Laporte, je dois
maintenant vous aviser que votre temps est maintenant écoulé et
que nous allons devoir passer à la période de discussion.
M. Laporte: Ça va.
Le Président (M. Gobé): Je suis
désolé. Votre mémoire est assez long et, malheureusement,
même si on prenait tout le temps alloué, je pense que nous ne
pourrions pas ... Par contre, je peux vous assurer que les membres de la
commission prennent connaissance de tous les mémoires. Alors,
maintenant, je me dois de passer la parole à Mme la ministre des
Affaires culturelles. Madame, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Godbout aussi. Je
voudrais profiter de l'expérience de tous les deux, la vôtre, M.
Laporte, celle de M. Godbout aussi, puisqu'il a oeuvré au sein du
ministère pendant longtemps. Il y a deux choses, deux points, en fait,
que je voudrais traiter en premier. Quand vous parlez de la place de la langue
française, on a beaucoup parlé évidemment de culture.
Hier, nous avions Mme Lafon-taine qui est venue nous voir et qui parlait de
culture en disant: Quand on fait une politique culturelle, on devrait partir du
sens étymologique, culture, et ensuite descendre et avoir des plans
d'action. Bon.
Le rapport Arpin et le groupe-conseil se sont fait plus restreints au
niveau de la discussion en disant: Bien, c'est parce que tout peut être
culture. Dans un sens, souvent, en voulant tout englober, le projet devient
tellement vaste qu'on finit par s'enfarger soi-même et ne plus rien
faire. Où on commence et où on arrête? Dans le but aussi
d'en arriver avec un plan d'action et aussi avoir une certaine
efficacité.
Ceci dit, je veux revenir justement à la langue. Vous dites que
c'est une composante essentielle de la politique culturelle. Et ça, vous
avez raison. En fait, c'est le fondement même de notre
société distincte, entre autres. Maintenant, historiquement, nous
avons abordé la question de la langue en des termes qui étaient
très, je dirais... comme un peuple menacé, ce que nous
étions. Donc, on pariait beaucoup de protection, de promotion, de
préservation. À l'aube de l'an 2000, on parle de mondialisation,
on parle d'ouvrir, de s'ouvrir. Est-ce qu'il est nécessaire, finalement,
d'aborder le sujet de la langue avec ces mêmes termes ou, à ce
moment-là, il y aurait une évalution à envisager?
M. Laporte: Sur la première question, où on
s'arrête? je pense, ce que le rapport du Conseil vous dit
là-dessus, c'est que le comité Arpin s'arrête trop
tôt au sens où il faudrait s'arrêter là où
sont les aspects fondamentaux de la culture que l'on considère dans une
société moderne, dans une société de haute
modernité, et on s'interroge sur - et c'est essentiellement l'argument
du mémoire dans la première partie que je viens de vous lire - on
s'interroge sur le choix que le rapport Arpin fait d'une notion étroite
et même un peu réductrice de la culture et sur les
conséquences que ce choix a du point de vue de la perception de certains
enjeux.
L'un des enjeux qui nous apparaissent fondamentaux et qui
découlent d'une notion élargie de la culture, c'est celui, pour
une politique culturelle, d'accorder une attention particulière à
la vulgarisation scientifique et technologique. Il nous paraît que la
science est une donnée tellement importante de la condition de l'homme
et de la femme moderne qu'une politique culturelle qui n'accorde pas une
priorité non pas à la science comme activité technique et
professionnelle, mais à la science comme représentation du monde
par la vulgarisation, c'est une politique culturelle qui, de ce point de vue
là, escamote un élément très important de ce qu'est
la culture dans une société moderne.
D'ailleurs, j'ajoute là-dessus que ces propos-là ne sont
pas étrangers à la pensée de M. Arpin comme telle. Je l'ai
entendu dans une conférence à Montréal il y a deux
semaines, où il reprenait ces propos pour replacer la science et la
vulgarisation scientifique à l'intérieur d'une politique
culturelle. Sauf que dans le rapport dont on a pris connaissance il n'y a pas
de place pour cet aspect qui nous est apparu comme cardinal de la culture d'une
société moderne.
Donc, on s'arrête là où on décide que sont
les éléments de la culture d'une société moderne,
qui sont les éléments primordiaux. À mon avis, on ne peut
pas s'arrêter, compte tenu de la représentation qu'on se fait de
la culture moderne au Conseil, à une politique culturelle qui ne met pas
l'accent sur la science et sur la vulgarisation de la science comme moyen
d'enrichissement des cultures de masse et aussi, dans le cas du Québec,
comme moyen de soutenir la motivation des jeunes générations pour
la production, l'acquisition de la science en français, ce qu'on a voulu
souligner comme étant un manque important dans le rapport, dans le
mémoire dont je faisais état plus tôt.
Pour la deuxième question sur le sentiment ou l'évaluation
qu'on peut faire du risque que fait encourir à la langue et à la
culture françaises la situation démographique et
nord-américaine du Québec, je pense que le Conseil, dans ce
rapport, dans ce mémoire, ne veut absolument pas se présenter
comme étant alarmiste. On a d'ailleurs, au Conseil, des données
qui nous indiquent, tout au contraire, que les résultats de la politique
linguistique de la langue française ont été tels au cours
des 15 ou 20 dernières années qu'on peut même se sentir
plus optimiste par rapport à l'avenir du français qu'on
l'était il y a 20 ou 25 ans.
Évidemment, il y a encore des situations qui sont alarmantes,
à mon avis. La situation la plus alarmante, c'est celle de notre force
démographique. Il y a aussi d'autres situations qui sont alarmantes. Les
gens qui nous ont précédés l'ont mentionné. Je
pense que - et le rapport Arpin en fait état - le déclin de la
lecture chez les jeunes ou, si on veut, à partir de données que
nous possédons, nous, dont j'aurais fait état plus tard, de
données qui concernent le déclin de la consommation des produits
culturels québécois francophones par la jeunesse francophone...
On peut évidemment s'inquiéter de cette situation.
Les gens, par exemple, mentionnaient tantôt la question des
bibliothèques publiques. Nous possédons des données qui
nous indiquent, par exemple, que la fréquentation des
bibliothèques publiques - ce sont des données de l'IQRC -entre
1983 et 1989, chez les jeunes de 15 à 17 ans, a décliné
d'une façon significative. Donc, il y a là des
phénomènes, des tendances de désin-vestissement par
rapport à la lecture et à la culture québécoise
chez les générations montantes, qui sont des tendances nouvelles
et qui, elles, sont peut-être encore là de nature à nous
inquiéter même si on ne doit pas, je pense, pour autant tomber
dans l'alarmisme. Je ne sais pas si ça répond à votre
question, mais c'est la réponse que j'y apporterais. (16 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Mais je voudrais vous pousser un petit
peu là-dessus. On a beaucoup parié aussi, parce que dans notre
domaine de la culture et dans tout le domaine des arts, finalement, qui nous
touche encore de plus près, enfin, de très près, c'est
sûr... Et on a beaucoup parié de création, de soutien aux
artistes, de soutien aux créateurs. On a parié tantôt -
vous le dites vous-même - de soutien à la lecture, de soutien aux
bibliothèques, de promotion de tout ça.
Si, par exemple, on orientait nos actions comme gouvernement beaucoup
plus au niveau de la promotion d'abord de tout ce qui est culturel dans son
sens large, chez nous, donc, culture, mais culture francophone, au niveau de la
création, et à cette orientation on ajustait des investissements
qui seraient finalement des investissements égaux à nos
ambitions, c'est-à-dire d'avoir une culture qui est forte, qui
rayonne, non seulement chez nous au Québec, mais aussi au niveau
international, une culture qui englobe aussi les différentes ethnies,
finalement, un pluriculturalisme très interactif, mais toujours avec
cette considération première qui est la conservation de notre
langue... Donc, on attire les gens chez nous et sans obliger, mais ça
devient naturel à ce moment-là de dire: Bon, bien, parfait, il
faut fonctionner dans la langue de notre province, finalement, et de notre
société au lieu de procéder de cette
façon-là, donc, au lieu d'en arriver à maintenir des lois
qui sont plus coercitives et punitives.
Voyez-vous ce que je veux dire? C'est qu'au lieu d'arriver... Bon, on
avait besoin de certaines lois qui faisaient en sorte qu'il fallait maintenir
le visage français et je maintiens encore qu'il faut le conserver, mais
est-ce que nos actions maintenant ne devraient pas être plus incitatives,
c'est-à-dire d'investir là où il faut et de façon
très incitative et d'être peut-être un peu plus dans la
réalité, si on veut, avec ce qui va se passer dans les
années quatre-vingt-dix, vers les années 2000?
C'est-à-dire qu'on veut attirer des capitaux étrangers, on veut
se montrer comme étant une société accueillante, mais on a
l'objectif premier de protéger notre langue, notre culture
francophone.
M. Laporte: Évidemment, ça, c'est une question
à laquelle il n'est pas facile de répondre, mais, dans la
perspective du Conseil de la langue française, la politique de la langue
et la politique de la culture ne sont pas vues comme des politiques qui
pourraient être, disons, interchangeables ou... Enfin, je serais assez
prudent, si j'étais le gouvernement du Québec, à
déréglementer l'usage de la langue au Québec ou à
affaiblir, disons, la politique linguistique même du point de vue de son
appareil de coercition.
Je pense que la promotion de la langue est évidemment une
activité qui ne se fait pas par un recours à la coercition, qui
se fait par un recours à l'incitation, mais je pense que la politique
québécoise de la langue française n'a peut-être pas,
à mon avis, atteint le niveau de succès qui ferait qu'on pourrait
dès maintenant commencer à déréglementer d'une
façon majeure, en présumant que cette
déréglementation en matière d'aménagement de la
langue pourrait être compensée par des investissements plus
considérables en matière de création culturelle. La raison
pour laquelle je dis ça, c'est que - ça fait aussi partie un peu
de la problématique de notre rapport - le Québec est, du point de
vue culturel et du point de vue linguistique, un espace de concurrence
absolument unique au monde. Je pense que c'est un espace de concurrence entre,
du point de vue culturel, la culture américaine et la culture que
Bouchard et les deux Rocher, dans leur rapport à la CECM de
Montréal appellent "la culture francophone québécoise". Il
y a là une concurrence qui est très vive.
D'autre part, on a aussi un espace de concurrence très vive du
point de vue linguistique entre la langue française et la langue
anglaise. Donc, dans ce rapport de concurrence qui, à mon avis, n'est
pas appelé à se modifier d'une façon significative au
cours des dix ou quinze prochaines années, je pense qu'il faut que
l'État continue de soutenir à la fois la culture et la
langue.
Mme Frulla-Hébert: Oui, mais moi, finalement, où je
voulais en venir, ce n'est pas à une déréglementation, au
contraire, mais peut-être - je dis bien peut-être parce que,
là, c'est des idées qu'on jette ici sur la table - un
assouplissement mais, en même temps, un raffermissement, si on veut, au
niveau de l'éducation, par exemple. Il y a des gens qui sont venus ici,
le monde de l'éducation est venu nous voir et on s'aperçoit que,
bon, au niveau de l'enseignement du français, il y aurait... Finalement,
il y a encore beaucoup à faire pour convaincre nos jeunes de se servir
de nos infrastructures culturelles, ne serait-ce que ça, pour convaincre
nos jeunes à apprécier leur langue, à la connaître,
pour les amener à lire plus parce que nos jeunes sont branchés
devant le téléviseur, mais ne lisent plus, pour, justement,
encourager nos télédiffuseurs publics et privés à
donner des émissions de qualité et ce, pour faire investir dans
la production. On va parler de télévision à la carte
bientôt, on va parler de gens qui vont choisir leurs productions.
Ça va demander des investissements massifs au niveau de la
production.
Il y a une foule... Encourager, justement, nos écrivains, par
exemple, à produire et aider à la distribution de leurs livres et
les entrer dans les écoles. Vous allez me dire... Oui, il y a ça,
d'une part, et, d'autre part, ne croyez-vous pas... Encore une fois, je ne
parle pas de déréglementation, au contraire, parce qu'on est trop
fragile. Est-ce que ce ne serait pas plus incitatif et, en bout de ligne, plus
payant, si on veut, d'agir de cette façon au lieu de maintenir certains
aspects d'une loi sur la langue, ce qui est peut-être rigide face
à la compétition qui s'en vient, face à la mondialisation,
face aux intérêts étrangers ou, enfin, face aux compagnies
étrangères que l'on veut attirer, spécialement à
Montréal, par exemple?
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Très rapidement, M. Laporte, car le temps est maintenant
écoulé. Est-ce que vous avez une petite réponse?
M. Laporte: C'est-à-dire que je pense que je vous rejoins
sur un point. On est sur la même longueur d'onde, enfin, sur un point que
je perçois comme étant important dans votre argumentation,
là. C'est que, dans les années qui viennent, la coercition ne me
paraît pas le
meilleur moyen de promouvoir la langue et la culture.
Je vais vous donner un exemple qui rejoint ce que vous dites. Par
exemple, on sait très bien actuellement qu'au Québec l'offre de
produits informatiques en français est de beaucoup supérieure
à la demande pour les mêmes produits. Ce n'est pas par la
coercition que vous allez arriver à faire que les gens vont consommer
davantage d'informatique en français. C'est par la promotion de ces
produits informatiques en français et aussi par la création de
ces produits informatiques en français. Donc, dans ce sens-là, je
pense qu'il y a une limite à la coercition et qu'il faut vraiment
compenser par des activités d'incitation et de promotion, soit dans le
domaine de la langue, soit dans le domaine de la culture.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Laporte. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui. La ministre a ralenti son envol en bout de
piste parce que j'avais peur qu'elle parte sur un décollage de
déréglementation, ce qui fait que j'aurais favorisé un
atterrissage forcé.
Une voix: C'est Poulin qu'ils ont chargé de ça.
M. Boulerice: Mais elle ne me le permet pas. M. Laporte,
bienvenue. M. Godbout, heureux de vous revoir. Vous avez beaucoup
contribué à l'essor des lettres au ministère des Affaires
culturelles. J'ai lu de nombreux textes que vous avez produits et je les ai lus
avec délectation. Je pourrais même vous dire que vous nous manquez
quelquefois. Cela vous rassure, je l'espère.
Je pense que je me dois de vous féliciter pour ce rapport et cet
avis sur la situation du français dans l'activité scientifique et
technique. Je vous avoue que j'ai trouvé matière à
beaucoup de réflexion et beaucoup de discussions, mais que,
malheureusement, la commission ne nous laissera pas le choix de le faire
aujourd'hui, mais je pense qu'il y a toujours partie remise.
Vous avez forcément énormément parlé d'une
politique de vulgarisation au niveau des sciences et de la technologie parce
que la situation du français, effectivement, dans l'activité
scientifique et technique... Bon. Je ne vais pas relire devant vous l'avis que
vous avez déposé. Je pense qu'ils sont là.
Dans le cas de cette fameuse maison des sciences et de la technique
qu'on attend et qu'on attend et qu'on attend, et qui a été
reportée - je vais prendre M. Godbout à témoin -
pouvez-vous me dire, si par malheur on devait encore retarder, dans quelle
mesure on ne pourrait peut-être pas arriver à un certain point, au
niveau, justement, du français dans l'activité scientifique et
technique, en arriver - je vais employer un terme américain, puisque la
technologie emploie de l'américain - à un "fail-safe point",
à un point de non-retour?
M. Laporte: Je pense que je ne peux pas répondre à
cette question-là. Il y a peut-être un seuil au-delà duquel
on ne peut pas passer. D'ailleurs, l'idée d'un musée de la
science et de la technologie, c'est un moyen qu'on propose ici, entre autres.
Ce que je pense que le Conseil de la langue française, à partir
de toutes les études qu'il a réalisées là-dessus,
peut affirmer, c'est que le développement, la modernisation du
français au Québec supposent qu'on prévienne le risque
d'un divorce entre l'activité scientifique telle qu'elle se fait dans
les universités et telle que la réalisent les savants et la
culture de masse et le monde ordinaire. Donc, dans ce sens-là, la
vulgarisation non pas de la science comme activité technique, mais de la
science comme représentation du monde, ça nous apparaît
très important du point de vue de l'enrichissement de la langue. On
pourrait donc se retrouver dans une situation où la langue
française serait... C'est-à-dire la science, au Québec,
étant de plus en plus produite en anglais, on n'aurait pas cette
irrigation de la langue par les données de la science qui sont un aspect
tellement important de la modernité des langues.
Le musée, de ce point de vue là, est certainement un
mécanisme important, mais on met, nous, beaucoup l'accent sur
l'importance de la vulgarisation des sciences comme façon d'enrichir la
langue, son lexique, mais aussi sa façon de transporter les nouvelles
visions du monde qui sont celles de la science et de la technologie. Donc, il
n'y a peut-être pas un seuil duquel on se rapproche, mais à mon
avis il y a un danger d'appauvrissement à long terme qui est
très, très réel.
M. Boulerice: Vous avez donné une statistique assez
révélatrice au sujet de la lecture au niveau des jeunes.
Au-delà du discours traditionnel qui est la nécessaire
concertation entre le ministère de l'Éducation et le
ministère des Affaires culturelles, qu'est-ce que l'on pourrait assurer
concrètement en termes de revalorisation de la lecture chez les
jeunes?
M. Laporte: Évidemment, il y a certainement des
décisions qui sont à prendre par le ministère de
l'Éducation au niveau de la formation scolaire. Là-dessus, je
pense qu'il est devenu de plus en plus clair, depuis quatre ou cinq mois, en
particulier étant donné les études qui ont
été faites récemment là-dessus, qu'une bonne partie
de la désaffectation des jeunes par rapport à la lecture est une
conséquence des politiques pédagogiques qui ont été
adoptées par le système d'éducation au Québec, au
cours des années soixante et soixante-dix. Les jeunes lisent
moins parce qu'ils n'ont pas acquis à l'école cette
habitude du livre que nous, de notre génération, on a acquise
étant donné les pédagogies scolaires auxquelles on a
été exposés. Donc, il y a certainement des
décisions à prendre de ce côté-là. Par
ailleurs, je pense - bien là, évidemment, c'est une suggestion
qui vous apparaît peut-être secondaire - je pense qu'on pourra
utiliser la télévision, les médias de masse et la
publicité pour faire voir aux jeunes que la lecture est une
activité quotidienne, légitime et normale. Je pense que, de la
même façon qu'on présente à la
télévision, maintenant, des commerciaux où on voit des
personnes d'ethnie et de couleur différentes dans le but de promouvoir
l'interculturalisme, on pourrait, par le moyen des mass media, essayer de
promouvoir aussi le goût du livre et le goût de la lecture chez les
jeunes. Ça pourrait être une suggestion qu'on ferait, entre
autres, mais je pense que la télévision pourrait jouer un
rôle important à cet effet.
M. Boulerice: À ce niveau-là, ne trouvez-vous pas,
M. Laporte, que, malheureusement, le groupe Arpin a manqué en n'incluant
pas tout le vaste secteur des communications dans son rapport? C'est
étroitement relié, arts, culture et communications. En l'an 2000,
ça va ensemble.
M. Laporte: C'est-à-dire que dans le rapport Arpin il y a
cette idée que je trouve tout à fait intéressante de
confier au ministère des Affaires culturelles ou au nouveau
ministère de la culture une mission horizontale, donc, qui lui
permettrait d'avoir une capacité d'infléchissement sur les
politiques des autres ministères qui sont directement ou indirectement
importantes du point de vue du succès d'une politique de la culture.
Mais c'est clair que la promotion de certaines activités culturelles
comme la lecture aurait à gagner d'un recours aux technologies de
communication.
Je dois ajouter que des données du Conseil nous indiquent aussi
que - je n'ai pas eu le temps de le mentionner - cette question du
déclin de la lecture chez les jeunes, c'est un peu la pointe de
l'iceberg parce qu'il y a autre chose, chez les jeunes, qui se passe que le
déclin de la lecture. Il y a aussi un déclin - on parle des
jeunes francophones - de la consommation des produits culturels
québécois. Donc, ce n'est pas seulement la lecture qui est en
cause ici. C'est la culture francophone qui est moins attrayante pour les
jeunes, d'après nos données, en 1990, qu'elle l'était il y
a 10 ou 12 ans. Donc, il y a un phénomène de
désinvestissement par rapport à la culture francophone chez les
jeunes francophones. Je n'ai pas de réponse à ça. Mais je
dis que dans une réflexion sur une problématique de la culture,
une politique culturelle, il faut absolument se pencher par rapport à la
lecture, mais examiner aussi le portrait de la participation culturelle plus
large de la jeunesse. C'est la raison pour laquelle, dans notre mémoire,
on recommande que le ministère se donne, comme l'une de ses
clientèles prioritaires, les jeunes.
M. Boulerice: On pourrait peut-être, mais enfin ça
provoquerait une grande discussion, relier tout cela avec ce que vous
énonciez. La situation du français dans l'activité
scientifique et technique n'y étant pas, le français ne projette
pas l'image de modernité. Ne présentant pas l'image de
modernité, forcément, l'attrait va décroissant. Je pense
qu'on pourrait peut-être fouiller et en arriver à une conclusion.
Enfin, c'est une des hypothèses que je soumets et je sais que le
président va me demander de conclure.
Je vous dirai, M. Laporte et M. Godbout, que votre participation
à cette commission était souhaitée, donc
appréciée, mais je pense qu'après cette commission il y
aurait lieu à la commission de la culture de regarder plus à fond
le rapport et les avis que vous avez émis et d'entreprendre une longue
et profonde discussion avec vous à ce sujet. Je pense que c'est
éminemment souhaitable. Ça pourrait faire partie d'un mandat
d'initiative de cette commission, essayer de voir comment on peut réagir
face à ce que vous nous indiquiez. Alors, encore une fois, M. Laporte et
M. Godbout, merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un petit
mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Laporte et M.
Godbout. Vous avez raison. Effectivement, ce qui est le plus inquiétant,
c'est justement l'utilisation et l'usage du français chez les jeunes,
ces jeunes qui sont aussi très près de toute cette nouvelle
technologie, entre autres, et aussi l'invasion, veux veux pas, notamment des
produits américains. Alors, il va falloir regarder ça de
près, mais nous continuerons cette discussion-là de toute
façon.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Godbout et M. Laporte, au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous allez donc
pouvoir vous retirer.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vais donc maintenant
suspendre les travaux deux minutes, le temps que les représentants de la
Commission des biens culturels puissent se présenter en avant.
(Suspension de la séance à 17 h 5)
(Reprisée 17 h 7)
Le Président (M. Gobé): Mors, mesdames et
messieurs, si vous voulez bien prendre vos places, nous allons continuer les
travaux de notre commission. Alors, bonsoir, madame et messieurs. Il me fait
plaisir de vous accueillir. Avant de vous donner la parole, je vous rappelle
que vous avez 15 minutes pour faire l'exposé ou la présentation
de votre mémoire. Par la suite, s'ensuivra une période de
discussion avec Mme la ministre des Affaires culturelles et, par la suite, avec
son vis-à-vis, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles.
Je vous demanderai maintenant de bien vouloir vous présenter et, par la
suite, je vous donnerai la parole, pour commencer.
Commission des biens culturels du
Québec
M. Simard (Cyril): Alors, ici même, la Commission des biens
culturels avec, à ma droite, Mme Brunelle-Lavoie, originaire de
Sherbrooke, qui est une historienne; à ma droite, M. Jean Simard, de
l'Université Laval, qui est historien et ethnologue; à ma gauche,
Me Martel, de pratique privée, et M. Jean Lavoie, qui est le
vice-président de la Commission des biens culturels. Je suis le
président. Cyril Simard est mon nom.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour monsieur.
Vous pouvez commencer. Vous avez la parole.
M. Simard (Cyril): M. le Président, Mme la ministre, M. le
représentant de l'Opposition, nous sommes très fiers d'être
ici aujourd'hui pour contribuer, dans le fond, à notre façon
à enrichir ce fameux beau débat sur notre culture collective.
Comme vous savez, la CBC est la première institution, le premier
groupe-conseil qui a été formé par ce gouvernement, le
gouvernement du Québec, il y a 70 ans, pour préserver notre
identité. À ce moment-là, c'était des
bâtiments. Alors, il ne faudra donc pas se surprendre que pour nous, ici,
on vienne aujourd'hui vous parler d'identité 70 ans après.
C'est pour nous un honneur de vous parler de ce projet, et de ne pas
vous surprendre dans le sens que le titre de notre mémoire est "Pour une
politique culturelle, expression de notre identité", qu'on pourrait dire
aussi, pour ceux qui aimeraient un peu plus de fraîcheur, pour une
politique culturelle enracinée vivante, mais aussi créatrice de
nouvelles traditions.
Notre mémoire, comme vous avez pu le constater, porte
exclusivement sur les principes fondamentaux devant conduire à la
définition d'une politique. Pourquoi? Parce que la CBC, solidairement,
considère qu'il est primordial de déterminer d'abord les
éléments constitutifs de cette politique des principaux
éléments struc- turants, capables d'obtenir facilement
l'adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens. Autrement dit, on
vient vous parler de la structure, de la fondation de la structure de la
maison, puis on oublie pour le moment les portes, les fenêtres, la
décoration puis la robinetterie.
Alors, notre méthode de construction - je suis architecte de
profession, je peux vous en parler un peu - une ossature solide, des
éléments portants, des principes fondamentaux. Ensuite, une
approche mobilisante et respectueuse. On ne veut oublier personne puis on va
essayer de prendre les moyens parce qu'on veut avoir la paix sur les chantiers.
C'est important, ça. Ensuite, on veut avoir un système pratique
que tout le monde comprend. On ne veut pas s'en-farger dans les mots
nécessairement, mais que tout le monde comprenne. Je vais prendre des
expressions simples, parce qu'il va falloir qu'on explique au monde cette
politique-là aussi. O.K.?
Alors, une méthode de construction solide, des matériaux
solides, une approche qu'on veut mobilisante, un système pratique qui
permet l'évolution de la maison aussi qu'il affiche. Si je vous parle de
structure, vous allez pouvoir travailler après avec et pour le monde.
Alors, dans ce temps-là, c'est facile de prendre des décisions et
c'est plus facile quand la structure est simple, et c'est ça qu'on vient
vous présenter, une ossature, et en plus on vous l'amène avec un
label de qualité internationale comme référence. Ce n'est
pas l'idée d'un tel, de moi, de M. Simard à côté
puis de cet avocat-là. C'est un consensus, c'est celui-là;
prenez-le donc à la page 6 de notre mémoire. C'est quoi donc,
hein?
Il s'agit de la déclaration de la conférence de l'UNESCO
sur les politiques culturelles qui s'est passée à Mexico en 1982.
C'est une déclaration en 54 principes et en 8 grandes
thématiques. Ce n'est pas nous autres qui avons fait ça. Il
s'agit donc d'un document de base actuel, un modèle remarquable de
sagesse pour guider les nations, les gens, les groupes qui veulent se doter de
politiques culturelles. Ça n'a pas été une
conférence sur l'apologétique, ça. Ça a
été sur les politiques culturelles. Alors, voilà donc
notre inspiration, à partir de quoi? Solidairement, les membres de la
CBC ont cherché à cerner nos paramètres selon une vision
non pas des autres, mais une vision québécoise à nous pour
établir les principes fondamentaux de cette politique-là.
Autrement dit, il s'agit de notre vision globale de notre propre culture
construite sur l'héritage culturel du monde. Ni plus ni moins, c'est
ça qu'on pense.
Pourquoi nous définissons d'abord la culture. Pourquoi? Parce
que, dans le rapport, il y a toujours le monde, il y a toujours nous autres,
puis on essaie de s'inspirer. Voilà. Pourquoi définir la culture?
Parce que nous voulons être solidaires de la communauté
internationale. C'est important. Parce que nous
croyons au dialogue entre les nations et qu'il faut s'entendre sur le
sens des mots. Un chat, c'est un chat. Parce que la définition de
l'UNESCO dans sa substance, là, c'est une définition qui ne nous
rétrécit pas. Elle donne toute la place à la vie, à
l'imaginaire, aux communications. Elle les donne toutes à tout et c'est
important, et ce n'est pas du "fossile", cette affaire-là, ni du
rafistolage parce qu'il y a eu assez de monde qui a travaillé
là-dessus pour dire qu'on peut avoir confiance à ce label de
qualité.
Alors, la culture peut aujourd'hui être considérée
comme l'ensemble des traits distinc-tifs, spirituels et matériels,
intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société
ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les droits
fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les
traditions et la croyance. Cette définition nous apparaît donc
comme incontournable. Elle sera pratique aussi puisqu'il faudra bien, un jour,
si on veut faire un ministère de la culture, prendre la
définition de la culture à quelque part. Voilà.
Maintenant, les grands principes. Je vais résumer, mais on va
vous dire ce qu'on pense, pourquoi on les a mis là. Ça peut
être interprété, c'est sûr, mais on a fait un effort
vraiment très soutenu pour donner du meilleur de nous-mêmes, mes
collègues et moi, et nous sommes seulement 12 dans notre Commission.
Probablement qu'on a travaillé assez fort pour essayer de donner une
synthèse qui peut rendre service. C'est ça notre but, rendre
service pour vous donner quelque chose, une ossature autour de laquelle on va
être capables de s'accrocher. (17 h 15)
Le Québec a une identité. Notre principe, notre
identité culturelle manifestent notre façon d'être en
Amérique du Nord et dans le monde. Il est donc de notre
responsabilité première de protéger - il ne faut pas
oublier de fonctions, là - de défendre et de promouvoir cette
identité. Ce qu'elle veut dire pour nous, ça veut dire que le
Québec est le foyer historique de la communauté francophone
d'Amérique. Ça fait 30 ans à partir de Lesage qu'on nous
chante ça, que cette communauté partage ses acquis avec toutes
les autres communautés. Elle n'en oublie pas: minorités
ethniques, peuples fondateurs, etc. On veut placer tout le monde; on ne veut
oublier personne. Le Québec a une personnalité propre et
distincte et des traits communs ensemble. C'est ça qui forme une
société. C'est pour ça qu'on parie de
société distincte. On dit que le Québec possède une
richesse inestimable, un atout de taille pour faire contrepoids à la
mondialisation des espaces économiques. Sa spécificité,
dans le fond, c'est son armature contre l'incolore, l'inodore et le sans
saveur. Enfin, cette notion n'est pas une vision passéiste. Notre
identité devient notre carte de référence internationale
comme tout le monde normal.
Deuxième principe. Vous allez reconnaître Terre des hommes,
humanité, humaniser le développement par la culture. Ça
veut dire quoi? Le principe de développement doit prendre en compte les
impératifs culturels de notre société et respecter ainsi
la dignité de l'homme, qui est tout à la fois l'origine et la fin
de ce développement. Ça veut dire que nous considérons,
nous de la CBC, que l'homme est dans sa dignité comme une fin et le
développement comme un moyen et non l'inverse. Ça veut dire que
nous devons protéger les cadres de vie et les milieux de vie de nos
contemporains pour construire des autoroutes à la bonne place,
aménager le coeur de nos villes, de nos villages et de nos montagnes en
respectant le monde qui est dessus. Ça veut dire conserver les traces du
passé et ne plus banaliser les paysages comme on le fait si souvent,
qu'il nous faut humaniser ce développement par l'insertion de
données profondes de la culture au coeur de l'économique et du
social, car c'est dans la culture qu'on trouve les repères et les
symboles d'appartenance qui peuvent tenir le monde ensemble. En termes savants,
ça s'appelle la cohésion sociale.
Troisièmement, du plus petit au plus grand, ceux qui aiment les
symboles - j'en ai dessiné avec mon crayon - du plus petit au plus
grand, la culture est un droit. La culture appartient à toute la
population dans l'ensemble de ses composantes sociales et territoriales. Elle
émane d'elle et c'est à elle qu'elle doit retourner. Le
rôle de l'État est d'aider la population à atteindre ses
objectifs, de favoriser la prise en charge éclairée de sa culture
par ses usagers et non par les gestionnaires.
Ça veut dire quoi, ça, pour nous de la CBC? Ça veut
dire que la culture est un droit parce qu'elle appartient à toute la
population et elle est à l'origine, et c'est à elle qu'elle doit
retourner. L'État doit être assez équitable et assez juste
pour en comprendre les enjeux et mettre des équilibres entre les petites
institutions puis équilibrer avec les grandes institutions les cultures
populaires et les cultures savantes entre la jeune relève et, ensuite,
les professionnels de métier, entre les régions et les grandes
capitales, entre les démunis et les moins riches et les plus riches.
C'est ça qu'on est venu dire souvent à la commission. J'ai eu la
chance de ne pas être très loin et de venir voir ça. J'ai
tellement entendu dire ça: équilibrer, équilibrer.
Ça veut dire que la culture appartient à tous et que tous peuvent
s'enrichir mutuellement, pas se détruire, si on sait confier davantage
de responsabilités à ceux qui la font et non ceux qui la
régentent, car il ne faut jamais oublier qu'il y a autant d'amour dans
une courtepointe de ma tante Blanche à Baie-Saint-Paul qu'il y en a dans
un tableau de Betty Goodwin à Montréal.
Quatrième principe. Un arbre et une racine. Le patrimoine
culturel doit être reconnu comme le fondement d'une politique culturelle
pour le
Québec. Pourquoi? Parce que la notion de patrimoine culturel
aujourd'hui, là, elle englobe une vision large qui interpelle toutes les
manifestations de la créativité humaine, le tangible, ce qui se
tient, et l'immatériel, le populaire et le savant. La définition
de l'UNESCO, c'est quoi? Ce n'est pas fermé et ça ne vient pas
des fonds de tiroirs. Le patrimoine culturel ou l'héritage culturel d'un
peuple s'étend aux oeuvres de ses artistes. En voilà de la
création. De ses architectes. En voilà de la création. De
ses musiciens. En voilà de la création. De ses écrivains
et de ses savants. En voilà de la technologie. Aussi bien qu'aux
créations anonymes surgies de l'âme populaire et à
l'ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie. Il comprend les
oeuvres matérielles et non matérielles qui expriment la
créativité de ce peuple, l'âme, les rites, croyances, lieux
et monuments historiques, la littérature, les oeuvres d'art, archives et
bibliothèques. Comme je vous le dis, ce n'est pas un fond de tiroir. Cet
héritage culturel est donc la base de notre identité collective
et c'est cette vision actuelle qui éclaire l'ensemble de la politique
culturelle. C'est ça l'héritage culturel. C'est nous autres,
là. Et ça, il faut favoriser la connaissance de ça. Il
faut la protéger. Il faut la conserver. Il faut la mettre en valeur et
il faut aussi en être fier.
Le cinquième principe, qui est drôlement important: la
création est expression de continuité aussi. Ça ne part
pas des nuages. Pour que la culture continue de vivre et de s'épanouir,
la création doit puiser à l'ensemble des acquis comme à
une source d'inspiration intarissable. Ça veut dire quoi? Que la
création est l'air qui permet à la plante de s'épanouir.
Chaque jour, elle invente de nouvelles traditions et bâtit
l'héritage culturel de demain par le recours aux rêves autant
qu'à l'outil informatique dont on vous a parlé tantôt. La
création, c'est un aboutissement, c'est la recherche, c'est
l'exploration et c'est ça.
En somme, la création, c'est la réactualisation permanente
de ce que nous sommes parce qu'on ne crée pas à partir du vide,
mais d'un imaginaire Incrusté dans la vie quotidienne et de ce qu'on a
de meilleur, moi et vous en face de moi. C'est Riopelle avec ses oies blanches,
c'est Gilles Tremblay avec ses Vêpres de la Sainte-Vierge, c'est Armand
Bombardier avec ses machines à neige, c'est Tremblay avec son
théâtre, c'est Royer avec son imaginaire, c'est Plamondon avec ses
chansons, c'est Alphonse Desjardins avec ses caisses et c'est Robert Lepage
avec ses scénographies et ses technologies avancées et tout
ça. En voulez-vous? En voilà de la vidéo, des films, du
laser puis du multi... C'est ça la création et c'est aujourd'hui,
et ça fait partie de notre héritage d'aujourd'hui.
Cinquième...
Le Président (M. Gobé): M. Simard, je me dois de
vous avertir que votre temps... M. Simard (Cyril): Pardon?
Le Président (M. Gobé): ...achève et je vous
demanderais donc de bien vouloir conclure...
M. Simard (Cyril): J'avais l'impression qu'il
commençait.
Le Président (M. Gobé): ...dans le sens du temps
imparti, alloué pour les discussions avec les partis.
M. Simard (Cyril): Est-ce que je peux continuer encore cinq
minutes? Oui. J'achève. Je suis rendu à six et il y en a
huit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Simard (Cyril): Je veux vous expliquer ça. On a pris...
Ça vaut la peine, je pense. Perpétuer la culture, c'est la
transmettre. L'école, les médias, les musées - on en a
parlé tantôt - sont des instruments par excellence d'acquisition
et de transmission des valeurs. Ils doivent donc participer à la mission
culturelle parce qu'ils sont les lieux privilégiés de cette
synthèse entre les valeurs culturelles héritées et celles
qui sont acquises.
Ça veut dire quoi pour nous? Ça veut dire que la CBC pense
qu'il ne faut pas seulement utiliser tous les moyens techniques connus, mais
explorer toutes les avenues technologiques pour les utiliser aux fins
d'acquisition de connaissances et de transmission. Ça veut dire faire du
réseau de l'éducation des forums permanents où la
connaissance se fait à tous les niveaux puis pas simplement la
connaissance, pas simplement la connaissance des livres, mais la connaissance
des arts, des artistes, des gens et de la vie. Utiliser tous les moyens de
communication comme des instruments de développement et d'appropriation
pour que les gens travaillent avec des instruments dans lesquels ils se
reconnaissent parce qu'ils ne travaillent plus aujourd'hui avec le pelle
seulement et avec le petit cathéchisme.
Troisièmement, transmettre à nos visiteurs et amis une
image de notre authenticité et de notre modernité par une
approche culturelle qui nous identifie. Ça, c'est toute la notion du
tourisme culturel parce que c'est en transmettant notre fierté qu'on a
su être capable de bien l'assumer à l'étranger. Alors, ce
sont des instruments de transmission: éducation, communication, tourisme
culturel, qui sont des notions importantes à développer et qu'il
faut mettre dans leur contexte, mais pas seulement celles-là.
Septièmement, mobiliser toutes nos ressources pour la culture.
C'est un plus et c'est un moins et j'ai mis un trois en haut parce que
ça peut être exponentiel, cette affaire-là. Ça veut
dire quoi pour nous? Que les partenaires de
l'État se sentent partie de la gérance et non pris dans la
partie d'une administration centralisatrice et bureaucratique, pointue, qui
exaspère tout le monde. On en "a-tu" entendu assez parler de cette
affaire-là? Pour atteindre cette fin, que l'on développe une
vision stratégique de l'État afin de mobiliser, non seulement les
armées ministérielles à l'horizontale, mais les
conquérir debout par rayonnement, par exemplarité, comme on l'a
déjà fait admirablement dans certains programmes du
ministère des Affaires culturelles et dans plusieurs programmes.
Le rayonnement aussi, c'est important. Que l'État gère
sans écraser par sa lourdeur le dedans des gestions
décentralisées, autonomes, des gestions
décontractées, des gestions créatives et surtout des
actions qui portent par le devant, car le rôle de l'État n'est pas
de définir - ça, ça part de Ionesco jusqu'à, mon
Dieu, tellement de gens, jusqu'à Morin dernièrement - de soutenir
par tous les moyens, par additions, par multiplications, au pluriel et au
singulier.
Le huitième - et ce n'est pas le moindre - affirmer notre culture
sur le plan international, ça veut dire pour nous - vous avez le texte,
mais pour couper court - qu'il faut s'affirmer non seulement sur le plan des
affaires, mais aussi sur le plan de la coopération pour contribuer au
rapprochement des peuples et au rapprochement de tout le monde, qu'il faut
affirmer notre identité et notre personnalité en
présentant notre différence comme un atout inestimable et un
facteur de développement économique. Ça n'a jamais
payé personne de singer et de copier tout le monde. Il faut y aller avec
ce qu'on est puis, si on est beau, on y va. Si on n'est pas beau, on dit... on
se trouve d'autres qualités, mais on met en valeur nos forces.
Comprendre une fois pour toutes qu'on ne devient pas international si on
n'est même pas capable de répondre aux besoins de nos concitoyens.
Il faut d'abord être capable de répondre au voisin qui nous
demande une salière. Si ça ne sale pas ici, au Québec, je
ne vois pas pourquoi ça salerait au salon international de Milan en
design. Alors ça, il faut s'embarquer ça dans la tête une
fois pour toutes, également: la qualité, c'est important et on
doit être d'ici avant d'être du monde entier. En somme, notre
présence au plan international n'aura de valeur que si le Québec
joue un rôle taillé sur sa personnalité et son
originalité distincte. Comme je le disais tout à l'heure, ce
n'est plus le temps d'aller vendre des modèles de meubles espagnols au
salon de design international de Milan. C'est fini!
Voici maintenant nos deux recommandations en termimant. La
première, plus conceptuelle, témoigne en faveur de l'enracinement
et trouve sa raison d'être dans ce qui constitue notre héritage
culturel, ce que nous sommes, c'est-à-dire la marque et l'expression de
ce que nous sommes actuellement en tant que société, ce que nous
avons de meilleur en nous, comme je le disais tout à l'heure. C'est ce
qu'on a fait. Alors, que le Québec fasse du patrimoine, de
l'héritage culturel, de ce qu'on est comme force, comme génie,
comme ce qu'il y a de plus flamboyant parmi nous. Il faut que ce soit
ça, notre héritage, il faut que ce soit ça, le fondement.
Ça nous englobe tous, nous autres puis vous autres en face aussi.
La deuxième recommandation est plus pragmatique et ça
commande l'action. Que le Québec adopte ensuite des plans d'orientation
quand il aura établi la grande politique puis des plans d'action
sectoriels en conformité avec cette politique.
Ça veut dire exactement ceci: Dans un premier temps, la CBC
demande au gouvernement de se prononcer sur les principes fondamentaux qui font
consensus, sur lesquels on s'entend. Il y en a, on en a émis
quelques-uns, ce n'est pas parfait, mais au moins on a toujours bien un label
qui nous dit qu'on a des chances de moins se tromper. Alors, on pense que c'est
important et on pense que ce qu'on doit... C'est ça, ce sera ça,
la politique culturelle du Québec. Ça aura une certaine
pérennité. On ne sera pas obligé de recommencer à
toutes les cinq minutes, à tous les cinq ans et à tout...
Mais ensuite, dans un deuxième temps, la CBC recommande que le
MAQ, que le gouvernement entreprenne d'établir des grandes orientations,
des priorités, des plans sectoriels immédiatement en fonction de
cette grande politique, de cette grande ossature que l'on veut. Ce sera enfin
le début de l'implantation et de la réalisation du plus beau et
du plus noble chantier de cette décennie, la politique culturelle du
Québec, une politique enracinée, généreuse,
cohérente, raisonnable aussi - il ne faut pas partir dans les nuages -
et actuelle, mais aussi, ce qui est bien important, solidaire avec la
communauté internationale, ni plus ni moins. On mérite ça.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Simard. Mme la
ministre, vous avez la parole une dizaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Simard. Bon, bonsoir à
tous. Je n'en attendais pas moins de vous, M. Simard. Vous êtes...
Finalement, vous vous êtes prononcé sur les grands principes, et
là-dessus je m'adresse à tous les gens de la Commission. Donc,
vous nous dites: Qu'on s'entende sur les principes et ensuite de ça
viendront les plans d'action. Dans le fond, c'est ça, le message.
M. Simard (Cyril): C'est le message, évidemment, de la
Commission. On pense qu'il s'agit d'entreprendre le chantier avec toutes les
chances de notre côté, c'est-à-dire faire en sorte qu'on
s'entende sur la structure, sur l'ossature. Qu'on décide que ça
soit en béton, que ça soit
en géodésique ou que ça soit en pierre, il faut
qu'on décide quelque chose. On pense que c'est la structure qui est
importante. Lorsque ces colonnes seront là, lorsque ces morceaux, cette
géodésique seront là, lorsque ces pierres seront
là, eh bien, ensuite, on pourra décider si on les peinturlure en
jaune, en rouge ou en bleu. Mais je crois que ce qui est important, c'est
vraiment que, fondamentalement, ici, on s'entende sur un consensus, on
décide, comme on le voit avec l'UNESCO, si, pour nous autres, c'est
important, la démocratie. (17 h 30)
II y a eu du monde, ici, qui est venu dire: On veut participer à
la vie culturelle, on veut y être, donnez-nous la chance, etc.
Donnez-nous les contrats, que les contrats ne soient pas toujours donnés
à des grosses entreprises. On est petits mais on est du monde aussi. Le
rapport des évêques, vous vous rappelez, un magnifique rapport. On
parlait de la pauvreté, de l'accessibilité. Il faut se
décider. Il faut savoir si on est d'accord avec ces principes
généreux. Il faut se décider aussi pour savoir si vraiment
notre commerce international, c'est simplement pour faire de la business ou si
c'est aussi pour se rapprocher des gens, etc. Il faut le dire. On pense, dans
notre troisième... que la création est importante, qu'elle est un
fer de lance de l'avenir. Mais on vous dit et on pense, si tout le monde est
d'accord, que ça ne part pas du mirage, ça part d'un passé
de gens qui nous ont précédés. On ne peut pas laisser tout
cet héritage. C'est notre richesse et c'est notre label partout dans le
monde. C'est celui-là qu'il faut construire. Après, il faut dire:
Est-ce qu'on s'entend? Quand on va aller se présenter à
l'étranger, c'est sur nos forces créatrices, ce qu'on a de
meilleur et c'est sur ça qu'on doit s'entendre.
Alors le rapport est présenté... On a essayé de
faire le tour de la question. Notre démarche ne pouvait pas être
empirique parce qu'on aurait eu l'impression d'échapper du monde. On n'a
pas la prétention, certainement pas, de ne pas avoir oublié des
éléments. C'est normal et on serait vraiment pas corrects...
Maintenant, on dit: La commission a tout mis de son côté pour
offrir au gouvernement une belle chance de ne rien oublier. Quand on a pris
cette charte-là on s'est dit: 75 et 80 et 100 peuples, 100 nations ou
100 groupes, avec commission par-dessus commission, vous savez ce que c'est,
ont réussi à trouver un filon, un fil conducteur qui fait que les
nations peuvent se parler, parce qu'ils ont les mêmes mots. Et culture
ça veut dire culture matérielle d'un bord, la même chose,
etc., et on s'est entendus. Nous, on croyait que c'était important de
référer à ça. Pas parce qu'on est des copieurs. On
n'est pas des copieurs. On est des innovateurs dans le sens qu'on essaie
d'adapter à des principes plus généraux des choses qui
sont plus vraies pour nous. Et c'est pour ça que vous avez toujours dans
la page de gauche - et c'est voulu, évidemment - des consensus mondiaux,
mais aussi essayer de mobiliser... Alors, l'heure est au consensus. À
nous autres de se décider sur des grandes questions. Quand arrivera une
politique du patrimoine - ça fait 20 ans qu'il y en a, ça
traîne un peu dans le paysage - quand ça arrivera en haut, on ne
se demandera pas à quel principe ça s'accroche. Ce sont les gens
qui auront à les faire qui viendront s'accrocher spontanément
à des grands principes qui ne vont pas dans la cuisine,
nécessairement, ni dans la décoration intérieure - je n'ai
pas de mépris pour ça, j'en fais et je suis capable d'emmancher
ça ausssi - mais ce qui est important, il faut avoir une maison. Et
avoir une maison c'est se donner une structure et se donner des
éléments qui peuvent, en quelque sorte, faire que nous soyons
vraiment maîtres de l'organiser et de l'extensionner. Parce que vous avez
une structure... On peut agrandir la maison, on peut... Ça peut
être une cohabitation. Ça peut être un bloc à 10
appartements, ça pourrait... Ce qui est là, c'est de vous donner
des éléments constituants qui font en sorte que ceux qui auront
à faire ces choix les feront, que ceux qui auront à
établir des priorités les feront et ceux qui auront à
amener les hypothèses pour être capables de faire les choix soient
capables de les faire, parce qu'ils sauront qu'en haut on respecte la
démocratie, c'est ça qu'on veut. On veut humaniser le
développement. Ça, c'est important. On veut faire en sorte que
les ressources de l'État soient mises à contribution.
On n'a pas parlé de multiplier par quatre, multiplier par cinq,
multiplier par six. On a dit de trouver des manières intelligentes
d'introduire la culture partout dans le ministère. Il y a un
ministère de la culture, peut-être qu'il devrait y en avoir 21,
ministères de la culture.
Mme Frulla-Hébert: M. Simard, vous dites: Que le
Québec fasse du patrimoine culturel le fondement de sa politique
culturelle. À vous ou à d'autres membres de la Commission:
À ce moment-là, quand on parle de patrimoine, de fondement,
est-ce que vous pourriez m'expli-quer... Parce que, évidemment on peut
regarder ça et dire: Vous êtes un peu partie prenante, quand
même. Vous vendez un peu votre salade. Vous êtes dedans, vous y
croyez et c'est normal. Mais, Me Martel, ce n'est pas de dire... Qu'est-ce que
c'est, le fondement, pour dire ça?
M. Martel (Jean-François): Ce pourquoi nous utilisons
cette expression, madame, c'est que, pour nous, la culture n'existe pas pour
elle. Elle existe pour la société. M. le président Simard,
tantôt, utilisait l'expression "héritage". Si nous faisons fi de
l'aspect conservation, préservation, l'aspect patrimonial du
passé, nous condamnons les créations d'aujourd'hui et de demain
à la disparition à très brève
échéance. Elles con-
naîtront, ces créations d'aujourd'hui et de demain, le
même sort que celui que nous avons réservé à ce qui
existe déjà dans notre patrimoine culturel. Ça nous
apparaît une approche généreuse.
Bien sûr, quand on emploie l'expression "patrimoine",
peut-être vient-il automatiquement à l'esprit: choses anciennes,
du passé; mais la Commission considère que cette notion
d'héritage - si je peux utiliser peut-être un mot qui fait
ressortir davantage notre pensée - s'applique à tout: ce qui est
passé, ce qui est contemporain et ce qui viendra plus tard. Et c'est en
ce sens-là que nous recommandons que cette notion d'héritage, de
préservation, de conservation, pour la société
québécoise, soit à la base, au fondement de la politique
culturelle. Sans quoi, à quoi servirait-il de créer une culture
si on n'a pas l'intention de la conserver, de la chérir et de la
préserver, non seulement pour nous, mais pour les
générations qui nous suivent? C'est en ce sens-là que la
Commission vous dit: Ce concept devrait être le fondement d'une politique
culturelle.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, une dizaine
de minutes.
M. Boulerice: Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez une
certaine verve, M. le président, pour exprimer votre point de vue. Ce
n'est pas pour me plaindre, au contraire. M. Lavoie, Mme Brunelle et quant
à vous, M. Martel, bienvenue pour votre seconde comparution à
cette commission et M. Simard. J'aurais le goût de me rattacher un peu
à ce que vous venez de dire tantôt mais, par contre, interroger
votre président, qui est un architecte. Vous disiez: Oui, mais, si on ne
protège pas ce qui est d'hier, comment allons-vous vouloir
protéger ce qui est demain? J'aurais le goût de vous
présenter une question très existentielle: Au niveau de
l'architecture, M. Simard, donnez-moi donc un édifice construit dans les
10 dernières années et qui va mériter d'être
classé dans 40 ans?
M. Simard (Cyril): Tout de go, le Centre canadien d'architecture
de Montréal.
M. Boulerice: Le seul, effectivement. C'est triste pour une
ville, une agglomération de 3 000 000 d'habitants.
M. Simard (Cyril): Pardon?
M. Boulerice: J'ai dit: c'est triste pour une
agglomération de 3 000 000 d'habitants.
M. Simard (Cyril): Qu'est-ce qui est triste?
M. Boulerice: De n'avoir qu'un seul édifice...
M. Simard (Cyril): Ah, mon Dieu! Vous voulez avoir... Non,
à une question, j'ai donné une réponse, mais vous
comprenez que l'architecture actuelle qui se fait ressemble beaucoup à
notre société qui se fait aussi. Alors, il y a des
éléments qui sont porteurs de ce que je disais tout à
l'heure, dans un mot que tout le monde va comprendre, de singerie et de copie,
mais il y a également beaucoup d'architectes et beaucoup de gens dans le
milieu de l'architecture contemporaine qui apportent des contributions. Et ils
ne le font pas simplement dans des chefs-d'oeuvre, parce que l'oeuvre de
l'architecte n'est pas simplement là, l'architecte n'est pas simplement
là pour faire son chef-d'oeuvre à lui. Il est là aussi
pour agir auprès des personnes. Je crois, ce qui a évolué
beaucoup dans le domaine de la conservation, dans le domaine des architectes,
que maintenant vous avez plein d'architectes qui travaillent pour faire avancer
la cause du bien-être social, du bien-être dans l'habitation, mais
ça ne se traduit pas nécessairement par un prix Massey. Ça
se traduit souvent par la reconnaissance du pauvre monsieur qui a
été obligé de vivre dans une espèce de taudis toute
sa vie et qui, aujourd'hui, a quelque chose de très sain. Et ça,
on devrait penser souvent que notre architecture ne se fait pas simplement pour
le somptuaire. Quand je parle d'architecture, je parle de quelque chose qui est
en vie parce qu'on ne travaille pas simplement avec des matériaux, on
travaille avec les gens. Alors, les gens qu'on a, ça peut produire, des
fois, du somptuaire, mais aussi ça produit des travaux très
humbles. Dans votre comté ou dans Charlevoix, par exemple, chez moi, il
y a de petites choses bien faites, toutes simples, etc. Je crois que, de plus
en plus, compte tenu de la situation économique et des ressources qui
n'y sont pas, on va être obligé de développer une culture
pas simplement somptuaire, une culture qui fait état de la
pauvreté qu'on a à côté de nous autres. On va
être obligé de tenir compte de ça et de faire le maximum
avec le minimum.
Alors, c'est de toute cette question-là qu'on parle quand on
revient dans notre rapport, la démocratisation de la culture, tout
à l'heure. Quand on parle du petit, ça veut dire qu'il y ait
aussi des habitations pour le monde ordinaire, qu'il n'y ait pas simplement, au
centre-ville, des jardins, simplement pour faire plaisir aux esthètes.
Je crois que ça, c'est important. Et c'est ça qu'on veut dire
quand je vous ramène à la démocratie, ça veut dire
qu'il y en ait pour les petits, pour les humbles, et notre architecture... Je
viens de donner un prix somptuaire, je pourrais vous donner d'autres prix, de
nombreux petits prix. C'est ça que nos architectes et notre monde doit
comprendre aussi, c'est l'économie des moyens pour un maximum
d'intensité, et c'est bien important. Alors, il y a des choses qui
sont
invisibles pour les yeux, mais compréhensibles pour le coeur.
M. Boulerice: Merveilleux! Vous renforcez mes interventions au
niveau de ma circonscription. À quand un concours d'architecture pour
les HLM, au lieu d'acheter des "blue-prints" qu'on peut rencontrer dans toutes
les villes du monde?
Dans un autre ordre d'idées, quel bilan faites-vous de
l'implication des municipalités en matière de protection - parce
qu'il ne faut quand même pas oublier que vous êtes la Commission
des biens culturels - et de mise en valeur du patrimoine, suite, naturellement,
aux responsabilités qui leur ont été confiées au
début des années quatre-vingt?
M. Simard (Cyril): Depuis trois ans ou quatre ans, la Commission
est saisie des protocoles d'entente que le ministère signe avec les
municipalités. Vous êtes au courant du protocole d'entente
signé avec la ville de Montréal, avec la vHIe de Québec et
avec de nombreuses villes du Québec. Évidemment, nous sommes
à un départ. Je pense que la voie semble intéressante,
puisqu'elle va permettre, au cours des prochaines années, de peaufiner
ces programmes-là et aussi de bien cerner ce qui est important et ce qui
n'est pas important. Il faut être sûr que, dans ces
programmes-là, il n'y a pas de l'argent, qui, normalement, devrait aller
à la voirie qui s'en va pour d'autres choses. Alors, nous en sommes
là, de ce côté-là.
Mais je reviens à ce qui est fondamental, c'est que vous savez
que, depuis quelque temps, avec le changement de la loi, les villes sont
appelées à reconnaître les monuments historiques. Je crois
qu'actuellement nous en avons une centaine, et ça, c'est merveilleux. Le
jour où toutes les municipalités du Québec
reconnaîtront, on ne sera pas sûr... ce ne sera pas une chicane
municipale-provinciale, ce sera une conquête du citoyen sur la
municipalité; c'est ça que ce sera, et c'est ça qu'on
veut.
M. Boulerice: J'espère bien. Dans un autre volet, oui,
vous êtes un organisme qui est vieux, vieux dans le temps - ça
s'entend, là - jeune dans son conseil. Est-ce qu'il y a la même
animation, entre parenthèses, madame, messieurs du conseil? Oui? C'est
toujours la même chose?
M. Simard (Cyril): On a du plaisir à travailler ensemble,
c'est merveilleux.
M. Boulerice: On ne doit pas s'ennuyer chez vous.
M. Simard (Cyril): On travaille dans le beau, on travaille dans
les choses qu'on aime et on sait qu'on rend service.
M. Boulerice: Dans quelle mesure le cadre législatif
actuel de votre commission est-il adéquat et approprié? Parce que
ça fait quand même un bon bout de temps qu'on parle d'une nouvelle
loi, et elle n'est pas encore là.
M. Simard (Cyril): Jusqu'où nous sommes
impliqués?
M. Boulerice: Non. Je dis: Dans quelle mesure vous sentez-vous
à l'aise, actuellement, d'intervenir et de travailler, compte tenu que
le cadre de la loi dans lequel vous évoluez date d'il y a quand
même quelques années et qu'il n'a pas encore été
renouvelé, quoiqu'on avait donné des intentions, pour ce qui est
du parti ministériel? (17 h 45)
M. Simard (Cyril): Vous savez, ce n'est pas le cadre de la loi
actuelle qui nous limite. Il y a assez de générosité et il
y a assez de projets dans lesquels on peut rendre service qu'actuellement on ne
peut pas dire que la loi ne nous permet pas d'être généreux
envers le patrimoine. Il y a des secteurs comme, par exemple, le patrimoine
intangible, qui n'est pas dans la loi. Ça c'est important et
probablement que dans l'aboutissement de cette commission-là, lorsqu'on
aura regardé, par exemple, au début de la définition, que
le patrimoine culturel, notre héritage c'est l'immatériel, le
bâti, probablement que la loi... Et là, ce ne sera pas la
responsabilité de la Commission de dire qu'on respecte le bâtiment
et le spirituel, ce sera la responsabilité des élus dont vous
êtes.
Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le
député.
M. Boulerice: Bien, je vous remercie et en concluant, M. Simard,
à titre de président de la Commission des biens culturels, je
vous fais remettre cette lettre, connaissant la loi, votre mandat et mes droits
en tant que citoyen. C'est au sujet de la collection Lavalin.
M. Simard (Cyril): Merci. Nous allons la prendre en
considération.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je vais maintenant demander
à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir conclure
cette audition.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie à vous tous, M.
Simard, membres de la Commission. Merci aussi pour cette présentation
qui a apporté un élément très nouveau parce que
vous êtes partis et vous vous êtes basés sur les grands
principes - comme vous le dites - mondiaux généralement
acceptés, pour intégrer finalement nos besoins à
l'intérieur de ça et nous éclairer aussi. J'ai vu M.
Simard ici à plusieurs reprises,
donc, assistant à la commission fidèlement pour être
sûr de bien intégrer tous les éléments. Ators, un
gros merci à tous pour le travail. La seule chose qu'il me reste
à vous dire, c'est: À bientôt.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, messieurs. Au
nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier. Cela met
fin aux auditions, en ce qui vous concerne. Vous pouvez donc maintenant vous
retirer. Je demanderai aux représentants du groupe suivant, soit
Architecture Québec, de bien vouloir venir prendre place en avant.
Mesdames, messieurs, la commission va maintenant reprendre ses travaux.
Je demanderais - Bonjour, mademoiselle.
Mme Vanlacthem (France): Bonjour, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Si je comprends bien, vous
êtes la représentante d'Architecture Québec.
Mme Vanlacthem: Oui.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes donc Mme
France Vanlacthem.
Mme Vanlacthem: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bienvenue parmi nous. Il
nous fait plaisir de vous accueillir. Je vous rappelle brièvement les
règles. Vous avez une quinzaine de minutes pour faire votre
présentation. Par la suite, vous pourrez dialoguer avec Mme la ministre
et M. le représentant officiel de l'Opposition en matière
d'affaires culturelles. Alors, vous avez la parole, madame.
Architecture Québec
Mme Vanlacthem: Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme la
ministre, bonsoir, M. le député, bonsoir, mesdames et messieurs.
Donc, je me présente. Mon nom est France Vanlacthem. Je suis architecte
diplômée de l'École nationale supérieure
d'architecture des arts visuels de la Cambre à Bruxelles, puisque c'est
ainsi que je dois me présenter, n'étant pas membre de l'Ordre des
architectes du Québec. Je suis aussi profes-seure au Département
de design de l'UQAM et enfin et surtout, puisque c'est à ce titre que
j'interviens ce soir, je suis rédactrice en chef de la revue
Architecture Québec.
En fait, ce poste, je le remplis depuis deux années, mais je suis
membre du comité de rédaction depuis plus longtemps puisque je
l'ai rejoint en 1983. Comme vous avez lu le rapport que la revue
Architecture Québec a déposé à la commission
parlementaire sur la culture, dans ma présentation de ce soir, je me
limiterai à en faire ressortir les points saillants et à en
réitérer les recommandations. Mais, au préalable, je vous
présenterai rapidement la revue Architecture Québec qui
est peu connue, puisque son public privilégié est un public
spécialisé, c'est la communauté des architectes du
Québec. Néanmoins, cette revue a une certaine importance
puisqu'elle tire à plus de 5000 exemplaires tous les deux mois.
Architecture Québec est publiée, en fait, depuis
une dizaine d'années et elle est une des rares revues d'architecture
publiées au Québec et même au Canada. La parution de ce
magazine s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris au début des
années quatre-vingt par l'Ordre des architectes du Québec pour
valoriser l'architecture. Créée par trois architectes, praticiens
et enseignants, Architecture Québec est cependant une revue
indépendante, tant financièrement qu'intellectuellement. Elle est
éditée par un organisme sans but lucratif, le Groupe culturel
Préfontaine. À sa rédaction ont collaboré de
nombreux membres de la communauté architecturale locale et, à
l'occasion, internationale, qu'ils soient praticiens ou enseignants,
francophones ou anglophones, architectes établis, professeurs ou jeunes
intervenants dans le domaine. Le but premier de la revue est de soutenir la
création et la réflexion en architecture, notamment par la
présentation de projets et de réalisations construites les plus
significatifs ainsi que la publication d'essais et de textes critiques.
Outre sa vocation de diffuseur et de critique de l'architecture au
Québec, la revue a cherché à agir simultanément
comme révélateur de talents et fondateur d'une tradition
architecturale. Depuis 1982, le magazine organise un concours destiné
aux jeunes professionnels et aux étudiants en architecture et en design,
et ceci grâce au soutien financier de certaines entreprises du secteur de
la construction. Mettant l'emphase sur la dimension culturelle plutôt que
technique de l'architecture, ces épreuves successives ont
sollicité, par leur thème, l'imagination critique des
participants au lieu de tester leur capacité à résoudre
des problèmes. Par ailleurs, Architecture Québec consacre
régulièrement des numéros aux architectes qui ont
marqué l'histoire ancienne et récente de l'architecture au
Québec. Y ont été célébrés Victor
Bourgeau, Jean Orner Marchand, Ernest Cormier, mais encore et surtout des
contemporains qui ont contribué de manière indéniable au
développement d'une architecture moderne au Québec, les
architectes Ray Affleck, Jean-Marie Roy, Evans St-Gelais, André Blouin,
Roger D'Astous, et bientôt Louis-Joseph Papineau, André
Robitaille, Peter Collins, Marcel Parizeau, Robert Blatter et quelques
autres.
Il est à noter que si dans la proposition d'une politique de la
culture et des arts, élaborée
sous la présidence de M. Roland Arpin, l'architecture est
indirectement reconnue comme une des composantes de la culture, dans les
structures existantes du ministère des Affaires culturelles et les
programmes d'aide qu'il offre, elle est manifestement oubliée, si ce
n'est sous son statut patrimonial. Certes, il est des plus importants de
préserver l'héritage bâti, encore faudrait-il s'assurer que
la production bâtie actuelle soit d'une qualité égale,
sinon supérieure, et d'une signification comparable. De plus, il ne nous
faut plus attendre que cet héritage soit défiguré, sinon
détruit, pour le reconnaître comme bien culturel. Il est urgent de
valoriser le patrimoine architectural moderne et, par là, je n'entends
pas - comment dire? - la construction contemporaine, mais je pourrai
m'expliquer là-dessus lors de la période de questions. La notion
de patrimoine doit donc être réévaluée pour inclure
des ensembles bâtis et des édifices terminés dans un
passé proche, non seulement la maison d'Ernest Cormier construite en
1931, mais encore des bâtiments plus récents, tels le Westmount
Square dessiné par le grand architecte Mies van der Rohe et construit
dans les années soixante.
Cependant, du fait de l'extension même de sa signification, la
notion de patrimoine demande une modulation dans les mesures qu'entraîne
son application. Tous les édifices construits dans le passé,
même lorsqu'ils sont dignes d'être considérés comme
biens culturels, n'ont pas la même valeur; tous ne nécessitent pas
une conservation intégrale. Aussi, une réflexion collective
s'impose sur les rapports que doivent entretenir le patrimoine et la
création architecturale dans la production de notre cadre de vie afin
que celui-ci ne devienne pas anachronique. D'ailleurs, il faut se méfier
d'une utilisation abusive de la notion de patrimoine qui tend à inclure
l'architecture contemporaine et, par là même, conduit à
vider celle-ci de ses potentialités inventives, à disqualifier
d'emblée ses projets les plus novateurs, à nier sa
capacité de participer au développement de notre culture dans ce
qu'elle a de plus actuel, de plus vivant, de plus aventureux. L'architecture
n'est pas que mémoire du passé, elle est surtout invention du
présent.
Dans l'esprit d'une politique de la culture et des arts qui insiste sur
la nécessité d'élaborer un projet de vie culturelle non
seulement enraciné, mais encore complet, dynamique et ouvert, il est
indispensable que l'architecture soit reconnue officiellement comme
création culturelle à part entière et que les architectes
soient vus comme des professionnels de la culture et des arts au même
titre que les peintres, les sculpteurs, les cinéastes, les auteurs, les
traducteurs littéraires et d'autres.
Certes, l'architecture est un art dont la liberté est
limitée et dont la production est lourde et complexe en raison du grand
nombre des intervenants et de l'importance des moyens financiers que sa
réalisation implique. L'architecture est production culturelle, en
même temps qu'elle répond à des besoins sociaux et
participe au développement économique. Sa fonction est non
seulement symbolique, culturelle, mais encore pratique, voire
financière. Son projet créateur est soumis plus que tout autre
aux contraintes extérieures. Si l'architecte est maître d'oeuvre,
il doit composer avec les exigences du maître de l'ouvrage, qu'il soit un
individu ou un organisme.
L'architecture construite de qualité est
généralement le fruit de la conjonction de ces deux
volontés qui doivent agir, ne l'oublions pas, dans le cadre de
réglementations toujours plus étendues. Aussi, il est important
que le ministère des Affaires culturelles soutienne les forces vives de
la création en architecture. Les meilleurs créateurs doivent
être non seulement valorisés publiquement, mais encore
appuyés et encouragés dans leur recherche, en particulier quand
ils débutent dans la pratique, quand leur compétence et leur
talent ne sont pas encore reconnus.
Les architectes doivent pouvoir bénéficier d'aide à
la création-invention à l'égal des autres artistes. Dans
ce domaine comme dans les autres, la demande pour les oeuvres novatrices
étant rare, ils doivent pouvoir se prévaloir d'un programme qui
leur permette d'élaborer leurs projets en dehors de la commande. En
architecture comme en science, la recherche fondamentale existe et doit
être encouragée si l'on veut que se développe ici une
architecture contemporaine originale, facteur d'Identité collective.
Du côté de la commande, dans leur rôle de
maître d'ouvrage, le gouvernement, en général, et le
ministère des Affaires culturelles, en particulier, doivent agir, selon
nous, de manière exemplaire. Leurs réalisations bâties,
quelle que soit leur échelle - aménagement intérieur,
édifice, complexe urbain - doivent tendre à l'excellence et
à la signification culturelle. Pour ce faire, ils doivent faire appel
non seulement aux professionnels les plus expérimentés, mais
encore aux architectes les plus créatifs, qu'ils soient membres
d'agences solidement établies ou jeunes. À cette fin, le concours
d'architecture, la sélection sur la base de projets, s'est montré
un moyen intéressant quand, bien entendu, il est organisé dans
les meilleures conditions. L'expérience française récente
le démontre.
Finalement, pour que l'architecture devienne une composante à
part entière de la culture commune, il faut que sa production soit
comprise et valorisée par le plus grand nombre. Aussi, il faut que
l'histoire de son développement et la connaissance de ses chefs-d'oeuvre
fassent partie de l'éducation scolaire de tous. De plus, il est
nécessaire que la publication et l'exposition en architecture se
développent, mais encore que la création architecturale
contemporaine infléchisse la production du cadre bâti.
Il est des plus importants que soient
encouragés officiellement et financièrement le
fonctionnement des organismes établis qui s'occupent de la diffusion de
l'architecture par le biais de l'édition et de l'exposition ainsi que
les initiatives ponctuelles. Leur rôle est crucial dans le
développement d'une demande plus exigeante en matière de cadre
bâti. (18 heures)
Pour teminer, je voudrais rappeler les recommandations que nous avons
proposées en conclusion à notre rapport. Celles-ci sont au nombre
de six. Premièrement, nous demandons que soit établi un programme
de recherche-création spécifiquement dédié à
l'architecture. Deuxièmement, nous demandons que soit créé
un prix du Québec équivalant au prix Borduas pour les artistes en
arts visuels, qui permettrait de reconnaître les meilleurs
créateurs dans le domaine de l'architecture, mais aussi peut-être
dans le design. Nous souhaitons que le gouvernement, en général,
et le ministère de la culture, en particulier, soient des maîtres
d'ouvrage exemplaires. Pour favoriser cette tendance, nous conseillons que soit
mise en place une politique de concours public d'architecture en vue de choisir
les architectes des futurs équipements et aménagements publics.
Quatrièmement, nous demandons que l'architecture, comme discipline,
fasse partie intégrante des programmes d'éducation scolaire.
Cinquièmement, nous demandons que soit mis en place un programme d'aide
à la diffusion spécifiquement dédié à
l'architecture et, finalement, nous souhaitons que soit créée une
direction de l'architecture au même titre qu'existe aujourd'hui une
direction du patrimoine.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, madame. Je
demanderais maintenant à Mme la ministre des Affaires culturelles de
bien vouloir prendre la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Vanlacthem. C'est comme
ça qu'on prononce votre nom?
Mme Vanlacthem: Vanlacthem.
Mme Frulla-Hébert: II nous fait plaisir de vous recevoir.
Nous avons reçu d'ailleurs l'association des architectes - leur
mouvement - qui sont venus et qui nous ont aussi apporté, justement, des
recommandations et aussi leur vision au niveau de l'intégration, si on
veut, de l'architecture, mais à l'intérieur même de la
politique culturelle, c'est-à-dire la place que l'on doit laisser
à l'architecture à l'intérieur même de la politique
culturelle.
Mon collègue a posé une question à l'organisme
d'avant, c'est-à-dire à la Commission - à M. Simard - en
disant: Qu'est-ce qui s'est fait, finalement, qui pourrait être
considéré, ces 10 dernières années, comme du
patrimoine éventuel? Donc, ça m'amène à vous poser
la question aussi en vous demandant: Est-ce que l'architecture
québécoise contemporaine est bien perçue au plan
international et dans ce qui se fait présentement, par exemple, est-ce
qu'on voit et on vit la fine pointe de l'art?
Mme Vanlacthem: Pour commencer, je vous dirais que je crois que
c'est une fausse question parce que, pour moi, la notion de patrimoine, c'est
une notion qui implique un consensus collectif sur les valeurs - comment dire?
- de l'héritage, enfin des biens culturels qui peuvent être
considérés comme un héritage. C'est une notion qui
implique le passage du temps. Il faut, en fait, que plusieurs années se
passent pour qu'on puisse véritablement juger quelles sont les
contributions fondamentales à l'architecture d'un moment.
Néanmoins, je dirais qu'il y a plusieurs choses intéressantes qui
se font au Québec en matière d'architecture. ARQ a publié
récemment - et je vous en laisserai des copies lors de mon départ
- un numéro sur les théâtres. Et je crois que, en ce
domaine, il y a plusieurs théâtres intéressants qui sont
aujourd'hui soit terminés, soit en voie de finition, voire même
encore en projet. Vous le verrez cette année, les théâtres
sont à l'honneur aux prix d'excellence et je crois véritablement
qu'il y a des choses très intéressantes qui se font au niveau de
l'architecture au Québec. Ces choses-là se font non seulement au
niveau des équipements culturels, des grandes infrastructures urbaines
mais aussi au niveau des interventions d'échelles plus réduites.
Comme, par exemple, on parle souvent, à Montréal, de la
qualité des bars, des cafés, des restaurants qui, au niveau de
leur aménagement intérieur, sont, dans certains cas, des
contributions importantes à l'architecture contemporaine.
Mais, enfin, pour ma part, je suis très prudente vis-à-vis
une utilisation extensible de la notion de patrimoine. Je trouve qu'il faut
garder une tension entre, d'une part, le patrimoine, l'héritage, les
biens culturels que le temps a confirmés et, d'autre part, la
création contemporaine qui, dans un premier temps, peut déranger,
peut choquer, peut - comment dire - ne pas être acceptée. Je crois
que cette tension-là, il est nécessaire, indispensable qu'elle
soit conservée, autrement je crois qu'on affaiblit
énormément la culture.
Mme Frulla-Hébert: Depuis la mise sur pied du programme
d'intégration des arts à l'architecture, on s'est aperçu,
finalement... C'est-à-dire qu'on a vécu une très grande
popularité au niveau de ce programme-là, il y a eu un engouement.
On aimerait peut-être étendre ce programme-là ou
convaincre, que ce soit d'autres organismes publics telles les
municipalités, par exemple. C'était d'ailleurs une suggestion de
l'association des architectes. Ou encore l'étendre à l'entreprise
privée. Mais, selon vous, quel bilan peut-on faire, finalement, de cette
politique, si on regarde ça durant les 10 dernières
années?
Mme Vanlacthem: Je dois vous avouer là que vous me prenez
au dépourvu, parce que c'est un aspect de la production culturelle et
artistique que je ne connais pas bien. Je suis peut-être...
Mme Frulla-Hébert: Non, non, mais moi je parie du
programme du 1 %, c'est-à-dire...
Mme Vanlacthem: Oui, oui, oui, l'intégration des arts et
la collaboration des artistes à l'oeuvre des architectes. Je crois que
c'est un programme très intéressant.
Mme Frulla-Hébert: Mais les architectes sont
appelés à collaborer aussi avec les artistes pour
l'élaboration, si on veut, d'un tout.
Mme Vanlacthem: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Je vais vous dire pourquoi je vous
demande ça, c'est que nous avons eu aussi, ici même, les
architectes paysagers, un représentant, je ne me souviens plus du nom...
En tout cas c'est un architecte paysager qui enseigne à McGill, qui nous
disait que ce programme-là est un programme qui est difficile pour les
architectes, parce qu'il faut finalement construire autour de l'oeuvre versus
parler d'une intégration globale des deux, c'est-à-dire de
l'oeuvre en soi et de l'architecture au niveau environnant, si on veut, donc de
l'architecture paysagère. Est-ce que vous...
Mme Vanlacthem: Je crois en effet que, malheureusement, les
artistes sont souvent appelés une fois que le projet est terminé.
Donc, ils viennent, en fait, s'inscrire dans un cadre établi, un cadre
physique établi. Il est bien certain que la collaboration serait
beaucoup plus fructueuse si elle pouvait démarrer immédiatement
au début de l'élaboration du projet.
Je ne m'étendrai pas tellement sur ce genre de collaboration, que
je ne connais pas bien. Mais, j'en connais une autre mieux, qui se passe un
petit peu dans les mêmes conditions, celle qui lie en fait les
architectes aux ingénieurs. Généralement, on fait appel
aux ingénieurs pour calculer les structures, et, très rarement en
fait, c'est une collaboration intellectuelle, créative qui
s'établit entre les deux. Et je pense qu'il serait souhaitable, que ce
soient les artistes ou les ingénieurs qui collaborent avec l'architecte,
qu'ensemble ils développent le projet, et qu'il y ait un échange
intellectuel, un échange créatif, plutôt que simplement une
collaboration factuelle imposée. Et ça, enfin, dans le domaine
des rapports entre ingénieurs et architectes, c'est très
visible.
Il y a aujourd'hui, au niveau international, des contributions
architecturales qui sont très importantes, et où, en fait,
véritablement, il y a innovation à chacun des plans. Je pense,
par exemple, à un bâtiment comme la Banque de Hong Kong, de Norman
Foster. Toute cette architecture, qu'on a qualifiée de "high-tech", est
issue, en fait, d'une étroite collaboration entre ingénieurs et
architectes. Et je crois que les artistes pourraient peut-être apporter
quelque chose aux architectes si cette collaboration se faisait dans un
échange intellectuel, artistique.
Mme Frulla-Hébert: Dernière question. Vous
souhaitez que la recherche fondamentale, la création, soit davantage
soutenue et encouragée. De quelle manière l'État, selon
vous, devrait intervenir en cette matière.
Mme Vanlacthem: II pourrait intervenir de différentes
façons.
Mme Frulla-Hébert: Parce qu'on veut toujours, on a
toujours aussi, finalement, ce frein, dans un sens où l'État ne
doit pas être dirigiste, l'État ne doit pas intervenir
finalement...
Mme Vanlacthem: Non, mais il peut donner les moyens aux
architectes de pouvoir développer leurs recherches dans une certaine
indépendance financière, en mettant, par exemple, sur pied, comme
le fait d'ailleurs le Conseil des arts, mais de manière assez
limitée, des programmes qui permettent à un architecte de
conduire sa recherche, par exemple, pendant une année.
Il peut aussi soutenir la création architecturale en
lançant des programmes particuliers sur des problèmes que le
ministère pense être des problèmes d'actualité, des
problèmes importants, et faire un appel d'offres en fait auprès
des architectes pour qu'ils déposent des projets et récompenser
les projets les plus importants, mais non pas sur un bâtiment en
particulier, mais peut-être sur des problèmes de notre
époque. Un peu comme ça s'est fait en France, et maintenant en
Europe, avec le programme PAN Construction. Donc, je vois deux moyens.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Mme Vanlacthem, bienvenue. Quand la ministre vous a
posé une question en disant: Y a-t-il une architecture
québécoise?, la réponse n'est pas venue
spontanément, madame. Vous avez dit, finalement, qu'il y avait une
architecture d'intérieur. Vous avez fait allusion à des
établissements...
Mme Vanlacthem: Ah non, j'ai cité d'autres exemples.
M. Boulerice: Vous avez cité d'autres exemples. Je vais
peut-être commettre une grossière erreur, mais j'ai l'impression
qu'on n'a pas développé l'architecture québécoise.
Je
vois une architecture d'intérieur extraordinaire, je vois un
design québécois qui s'affirme avec énormément de
force. D'ailleurs, il y a un mois, il y avait le Salon du design et on voit
toujours des choses vraiment incroyables et, sans vantardise, je pourrais
peut-être vous inviter à mon bureau, parce qu'on a acheté
quelques pièces qui sont très belles et beaucoup mieux que les
objets d'utilisation courante que l'on trouve dans les grandes surfaces. Mais,
au niveau de l'architecture, je mettrais, entre guillemets, immobilière,
personnellement je n'en vois pas.
Mme Vanlacthem: Je crois qu'il y a des contributions...
M. Boulerice: II y a des contributions d'individus, oui.
Mme Vanlacthem: Oui, sûrement. Mais dans le design c'est la
même chose. C'est des contributions d'individus aussi et c'est aussi une
production finalement assez marginale par rapport à la production
globale.
M. Boulerice: À la production globale et,
effectivement...
Mme Vanlacthem: Mais je crois qu'il y a véritablement des
architectes au Québec qui contribuent de manière essentielle
à la production contemporaine en matière culturelle.
M. Boulerice: Mais il n'y a rien pour les supporter.
Mme Vanlacthem: Pardon?
M. Boulerice: II n'y a rien pour les supporter.
Mme Vanlacthem: II n'y a rien pour les supporter.
M. Boulerice: Oui, on dit que Montréal est une ville
où il y a une grande qualité de vie. J'y habite, mais
Montréal, au niveau architectural, y avez-vous vu une certaine
unité? Nos centres d'achats sont des calques du centre d'achats
américain des années cinquante. Et, après ça, il y
a peu de préservation. Écoutez, un des rares édifices de
style art déco, c'est une architecture récente, l'art
déco, qui est ce qu'on appelle l'ancienne pharmacie de Montréal,
je ne sais pas si vous avez connu, qui avait comme slogan "Nous ne fermons
jamais" et, effectivement, il n'y avait pas de porte. On n'a pas
préservé... Et c'était le seul spécimen
d'architecture art déco dans l'est de Montréal - quand je dis
l'est de Montréal, je parle selon la frontière naturelle,
arbitraire de la rue Saint-Laurent - que la prédécesseure de
l'actuelle ministre a refusé de classer et c'est devenu un
édifice avec une immense enseigne Radio Shack et Burger King. Est-ce
qu'on sent - pour employer cette phrase qui m'a toujours marqué, et
j'oublie toujours son nom, mais il est le chroniqueur d'architecture au New
York Times - dans les rues de Montréal que c'est l'édifice
qui d'abord anime la rue? Non.
Mme Vanlacthem: Je crois qu'une des qualités de
Montréal c'est justement sa diversité. C'est justement le choc
des architectures de différentes époques. Je crois que
Montréal a un très beau centre-ville moderne que,
malheureusement, on ne reconnaît pas encore comme patrimoine parce qu'en
fait, dans la valorisation de la production bâtie, il y a des cycles. Au
moment où on produit une architecture, il y a un engouement formidable.
Par après, ces ensembles bâtis montrent généralement
leur limite, il y a une dévalorisation et, comme je le disais
tantôt, il faut une certaine distance temporelle pour qu'on puisse,
finalement, identifier véritablement quelles ont été les
contributions il y a une trentaine, une quarantaine d'années à
l'édification fondamentale et l'édification de notre cadre
bâti. (18 h 15)
Mais je crois qu'il y a des contributions fondamentales au niveau de
l'architecture qui se font aujourd'hui à Montréal mais, bien
sûr, elles sont ponctuelles, elles sont sporadiques. Mais je crois que
c'est une des choses... Vous savez, on prend souvent l'exemple de la France
comme référence, mais, il y a une vingtaine d'années, en
architecture en France, au niveau de la création, il n'y avait pas
grand-chose qui se faisait. Mais il y a eu, en fait, un effort des pouvoirs
publics qui a été fait et, sur le moyen terme, cela a
porté fruit aujourd'hui. La création architecturale
française, comme d'ailleurs le design aussi sont reconnus
internationalement.
M. Boulerice: Voilà, mais...
Mme Vanlacthem: Donc, je crois qu'il faudrait absolument
soutenir... J'ai un cas bien précis. Un jeune architecte, sûrement
le plus authentique de nos jeunes architectes québécois, qui a de
la difficulté à vivre...
M. Boulerice: Oui.
Mme Vanlacthem: Parce qu'en fait, l'architecte, comment vit-il
à travers la commande? Souvent les créations les plus novatrices
sont difficiles à accepter, donc ces architectes-là ont de la
difficulté à trouver des clients. Parce que,
généralement, les promoteurs veulent soit des choses à la
mode, soit des choses conventionnelles. Donc, c'est la raison pour laquelle je
trouve que le gouvernement, dans ses constructions, devrait
véritablement jouer un rôle exemplaire.
M. Boulerice: Je suis heureux de vous entendre tenir ces propos,
madame. Oui, il y a eu des actions en France, des actions énergiques.
Résultat, lorsqu'on est à la Défense et qu'on voit
l'arche, on est soufflé. Dans 50 ans, dans 60 ans, j'ai l'impression
qu'on va avoir encore la même émotion. Vous vous rappelez sans
doute la polémique de Beaubourg, mais n'empêche que Beaubourg est
encore toujours aussi éblouissant, même après une vingtaine
d'années. Toute intervention de l'État... Notamment en France, il
y a un grand débat en disant: Mon Dieu, que ça a
été d'un dirigisme, sauf que ça a donné quand
même de beaux exemples. Donc, quand vous me parlez de cela - et c'est
à cela que je veux rattacher la partie d'échange qu'on vient
d'avoir - vous demandez une direction de l'architecture. Est-ce qu'il ne
faudrait pas avoir d'abord une politique nationale d'architecture, ce que nous
n'avons pas?
Mme Vanlacthem: Sûrement, mais une volonté ferme de
soutenir l'architecture comme production artistique. Parce que, si vous lisez
les programmes du ministère des Affaires culturelles, l'architecture n'y
apparaît pas et on doit comprendre qu'elle fait partie des autres
disciplines qui permettent de regrouper, en fait, des programmes qui
s'adressent à tous les domaines. Donc, l'architecture est une autre
discipline, mais elle n'est pas reconnue. Et je suis bien placée pour le
savoir parce que j'agis particulièrement dans le domaine de la diffusion
depuis une dizaine d'années et, chaque fois que j'ai demandé des
subventions pour agir, j'en ai obtenu mais, en fait, les agents devaient
toujours être, comment dire? très inventifs pour parvenir à
trouver des programmes qui pouvaient nous convenir.
M. Boulerice: L'État, comme maître d'oeuvre
d'équipements et d'édifices publics, peut-il assurer un
développement de l'architecture québécoise, notamment au
chapitre de l'excellence et de la signification culturelle des projets? Est-ce
qu'il pourrait aussi modifier certains concours d'architecture et, si oui, dans
quel sens? J'ai l'impression qu'il y a une immense latitude, mais la latitude
provoque un peu - si vous me permettez l'expression peut-être un peu rude
- de la platitude. Je ne sais pas si vous étiez en salle tantôt
lorsque M. Simard, le président de la Commission des biens culturels,
intervenait. J'aimais bien son propos au sujet de l'architecture. Je lui
disais: On a construit je ne sais combien de HLM dans ma circonscription, mais
tous de même laideur.
Mme Vanlacthem: Sûrement, et je crois que...
M. Boulerice: Et...
Mme Vanlacthem: Est-ce que je peux?
M. Boulerice: Oui, oui.
Mme Vanlacthem: Vous avez fini? Je crois que le ministère
des Affaires culturelles pourrait mettre en place des mesures pour tous les
équipements dont il est le maître de l'ouvrage, qui permettent, en
fait, d'assurer la qualité architecturale de ces constructions. Par
exemple, il pourrait mettre en place pour commencer au niveau
expérimental, une politique de concours d'architecture, qui permette de
choisir les architectes, quelle que soit la taille de l'édifice à
construire. Et cette politique pourrait peut-être être
modulée, en sollicitant les jeunes architectes pour des bâtiments
de plus petite taille et ainsi leur permettre de faire preuve de leur talent,
mais aussi d'acquérir une compétence et de faire appel aux
agences mieux établies, plus expérimentées pour des
équipements de plus grande envergure. Moi, je suis pour les actions
progressives, et je crois que ce serait intéressant, en fait, qu'un tel
programme soit établi, d'abord uniquement au niveau du ministère
des Affaires culturelles et à titre expériemental pour tester
localement et acquérir aussi la compétence localement, pour
organiser ce genre de concours.
M. Boulerice: Je pense que c'est une avenue intéressante
que vous nous indiquez. Effectivement, il y a de petits ensembles qui
pourraient être traités de la façon dont vous
suggérez, quitte, après, à voir progressivement de quelle
façon cela va se dérouler, parce que, sur de petits ensembles,
déjà on en voit. L'Agora de la danse, la rénovation de la
Palestre nationale, l'Agora de la danse, au niveau de l'architecture
intérieure, est quelque chose de stupéfiant. Moi,
j'étais... Bon, vous me permettrez de vous dire que c'est dans une
circonscription électorale que je connais bien, mais j'étais
très heureux de voir ce que les architectes en ont fait. C'est
merveilleux. Alors, si on pouvait obtenir effectivement de - permettez-moi
l'expression - grignoter un peu dans de petits projets en disant: Laissez-nous
les de façon expérimentale et voir de quelle façon on peut
progresser, on pourrait en arriver peut-être, à un moment
donné, pour ce qui est des grands ensembles, à déterminer
des choses. Parce que je ne sais pas si vous avez vu, il se construit un nouvel
édifice ici, tout à côté de la colline parlementaire
et la question que je me posais, en regardant: est-ce heureux? Je n'ai pas
encore trouvé la réponse et cela m'inquiète. Enfin,
écoutez, on pourrait poursuivre très longtemps, surtout que c'est
un débat qui me passionne. Je me rattache toujours à cette phrase
de Raul Castro: 11 n'y a pas de démocratie possible quand c'est laid."
Alors, comprenez mon intérêt à voir la beauté. Je
vous remercie beaucoup, Mme Vanlacthem, et à bientôt,
j'espère.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Rapidement, moi aussi, c'est
à mon tour de vous remercier. Je dois dire que votre apport, ainsi que
l'apport de l'association des architectes, que ce soit paysagers ou... nous ont
ouvert, nous ont finalement fait considérer des choses - et je l'avoue
sincèrement - qu'on n'avait peut-être pas vues, d'une part.
Deuxièmement, quant à l'encouragement aux prix, comme vous
suggérez, au niveau du prix du Québec, cette année, c'est
Michel Dallaire qui a gagné. Et donc, de plus en plus, ça doit
entrer dans nos moeurs, parce que je suis d'accord avec mon collègue, il
faut s'encourager, il faut encourager la beauté, même si c'est
l'innovation, mais c'est la beauté. Alors, merci. Merci beaucoup
d'être venue.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Vanlac-them,
merci beaucoup. Ceci met fin...
Mme Vanlacthem: Est-ce que je peux vous remettre deux
séries de publications?
Mme Frulla-Hébert: Avec plaisir.
Le Président (M. Gobé): À qui voulez-vous
les remettre? À la commission ou à Mme la ministre?
Mme Vanlacthem: Bien, je ne sais pas, je ne connais pas les
procédures. Je peux en remettre un à Mme la ministre et un
à M. le député de l'Opposition.
Le Président (M. Gobé): C'est très bien.
Peut-être que d'autres membres de la commission auraient aimé en
avoir, mais... Ceci met fin à votre intervention. Je vais maintenant
demander aux représentants du groupe suivant, soit le Conseil
régional de la culture de l'Outaouais, de bien vouloir se
présenter, et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise à 18 h 27)
Le Président (M. Gobé): Madame, messieurs, si vous
voulez bien prendre place autour de la table, nous allons recommencer nos
audiences. Sans plus tarder, j'invite les gens du Conseil régional de la
culture de l'Outaouais à prendre place et à s'asseoir. Je
demanderai au représentant ou au porte-parole du groupe de bien vouloir
présenter les gens qui l'accompagnent afin que nous puissions commencer
les travaux. Vous avez un micro en face de vous. C'est ça.
Conseil régional de la culture de
l'Outaouais
M. Massicotte (André): Nom nom est André
Massicotte, président du Conseil régional de la culture,
directeur général de l'Institut des cuivres du Québec. Je
suis accompagné de Nicole Patry, qui est la directrice du Conseil
régional de la culture de l'Outaouais, et de Gilles Gagné, qui
est vice-président du conseil d'administration ainsi que directeur
général du Secrétariat régional de concertation de
l'Outaouais.
Le Président (M. Gobé): Alors, madame, messieurs,
bonjour. Brièvement, je vous rappelle les règles qui
régissent le temps de parole de cette commission. Vous avez
approximativement une quinzaine de minutes pour faire la présentation de
votre mémoire. Par la suite, vous pourrez dialoguer pour une autre
période de temps avec Mme la ministre des Affaires culturelles et, par
la suite, avec M. le représentant de l'Opposition officielle en
matière d'affaires culturelles. Alors, vous avez maintenant la
parole.
M. Massicotte: J'aimerais dire que ce mémoire est
rédigé et diffusé en complémentarité aux
mémoires déposés par la Conférence des conseils de
la culture du Québec. Son contenu est volontairement limité
à la problématique touchant plus spécifiquement
l'Outaouais. Au coeur de notre mémoire, nous aborderons la
problématique générale du développement culturel
régional, sans cibler spécifiquement chaque secteur de
l'activité culturelle. Nous traiterons, en ordre, de la place des
régions dans une politique culturelle, de la production régionale
et de sa diffusion, des diffuseurs régionaux, de la consolidation versus
la relève, du financement et de deux secteurs plus spécifiques,
soit de la place du livre, de la lecture et des bibliothèques dans le
rapport et de l'importance des médias imprimés.
Pour notre point de vue général au rapport du
groupe-conseil Arpin, la lecture du document ne peut que nous rassurer quant
aux grandes orientations et aux grands énoncés de principe visant
à développer le domaine des arts et de la culture, à
favoriser l'accès à la vie culturelle et à accroître
l'efficacité du gouvernement gérée par un ministère
de la culture. Pour ce qui est du rapatriement des pouvoirs, il s'agirait,
selon nous, d'une conséquence logique dans le cas où le
Québec accéderait à son indépendance. Quant au
rôle de maître d'oeuvre que le rapport Arpin veut donner au futur
ministère de la culture en le définissant comme celui qui
conçoit et oriente les activités du secteur culturel, il nous
apparaît que le ministère devrait plutôt exercer un
rôle de chef de file à l'écoute des artistes, des
créateurs, des producteurs, des diffuseurs, enfin de tous ceux qui
conçoivent et orientent l'activité culturelle au
Québec.
On ne peut qu'applaudir à certaines recommandations telles que
l'établissement d'un véritable réseau culturel, le
parachèvement des équipements, l'utilisation des médias
comme promoteurs et diffuseurs de la culture et le rôle des écoles
comme générateur du goût des arts. Mais ce qui
déçoit, c'est la place que l'on donne aux régions sans
s'attarder aux spécificités de celles-ci et le peu de
reconnaissance de la création et de la production régionales. On
ne peut considérer les régions comme de simples consommatrices de
culture. On établira un véritable réseau culturel en
autant que tous les partenaires se sentiront reconnus à part
entière. Si Montréal est le coeur de l'activité culturelle
du Québec, les régions en sont l'âme qui, très
souvent, la nourrit.
Considérations générales. Pour le
développement d'un Québec fort et intimement lié au
développement de ses régions, des considérations
économiques imposent des choix favorisant le développement des
régions. Le monde rural, les zones régionales urbaines,
l'importance du secteur primaire font que le gouvernement doit, dans l'ensemble
de ses politiques, viser la reconnaissance du dynamisme régional. Cela
est aussi vrai dans le secteur culturel. Le gouvernement ne peut se borner
à une conception des régions que comme consommatrices des
spectacles et des arts provenant de la métropole et de la capitale. Il
doit mettre en place un ensemble de mesures visant à favoriser
l'émergence culturelle de l'ensemble des Québécois dans
leur potentiel de création et de production. Le gouvernement doit tenir
compte qu'en région nous ne bénéficions ni de l'aide du
Conseil des arts de Montréal ni de celle de Québec, et affirmer
de façon concrète, par un soutien financier adéquat,
l'importance de la création et de la production hors des grands
centres.
La spécificité de la région de l'Outaouais. On lit,
à la page 121 du document Arpin: "En réalité, le
Québec est constitué de trois grands "pôles": une
métropole, Montréal, qui n'est pas une région; une
capitale, Québec, qui n'est pas non plus une région, et un
ensemble régional mixte, formé d'un certain nombre de villes de
plus ou moins grande importance, entourées chacune de zones rurales
d'étendue variable. C'est selon cette conception du territoire
québécois et de sa population que nous proposons de constituer un
véritable réseau culturel." Nous ne pouvons être d'accord
avec cet énoncé, puisque notre réalité est tout
autre. L'Outaouais est une région qui ne peut se comparer à
aucune autre région du Québec. Sa situation frontalière
avec l'est ontarien et la capitale fédérale en fait une
région qui vit une réalité culturelle très
spécifique. La population de l'Outaouais s'élève à
260 000 personnes dont 79 % vivent dans la Communauté urbaine de
l'Outaouais qui, elle-même, baigne dans un bassin de population d'environ
1 000 000 de personnes, ce qui fait de l'Outaouais la troisième
région la plus importante au Québec.
Si, dans les yeux de ceux qui nous observent, l'Outaouais est une
région assez fortement polarisée par Ottawa, quand on y vit, la
situation nous apparaît tout autre. Quand on a vécu les pas de
géant que cette région a effectués au cours de la
dernière décennie, que ce soit dans le domaine de la
santé, de l'éducation et de la culture, il nous apparaît
pour le moins offensant que la région de l'Outaouais soit
considérée comme une succursale d'Ottawa. Il est justifié
que nous réclamions, dans le domaine culturel comme dans d'autres, que
l'Outaouais soit traitée selon les vraies caractéristiques de ses
besoins et de son potentiel, indépendamment de ce que la province
voisine peut offrir à sa population. D'ailleurs, ces
caractéristiques sont, à elles seules, amplement suffisantes pour
justifier que l'Outaouais occupe une place particulière sur
l'échiquier régional de la future politique culturelle du
Québec. L'agglomération urbaine composée des villes de
Hull, Gatineau et Aylmer constitue la troisième en importance
démographique au Québec. Le voisinage d'un milieu anglophone
démographiquement et économiquement plus important appelle, pour
l'Outaouais, une activité culturelle vigoureuse et diversifiée.
L'activité culturelle étant aussi une activité
économique, il ne faut pas oublier l'opportunité d'attirer la
clientèle ontarienne, et plus spécifiquement la clientèle
francoontarienne, du côté québécois, comme c'est le
cas pour le Salon du livre de l'Outaouais, le troisième en importance au
Québec.
Pour ces raisons, nous recommandons que la région de l'Outaouais
soit considérée comme troisième pôle, pôle
frontière, dans la future politique culturelle du Québec. Vivre
en Outaouais, c'est un défi et une lutte constante pour la conservation
et la survie de la langue française et l'affirmation de sa
spécificité culturelle. À la lecture d'un texte produit
par M. André Cellard, historien et chercheur scientifique pour le projet
"Histoire de l'Outaouais", on pourrait croire que l'Outaouais a relevé
ce défi. La région compte désormais 81,2 % de francophones
contre 17,3 % d'anglophones. Dans l'Outaouais urbain, les anglophones ne
représentent plus que 13,7 % de la population contre 84,2 % de
francophones et 1 % de Portugais.
Les progrès enregistrés par le français dans
l'Outaouais ne sont pas que d'ordre quantitatif. La qualité de la langue
s'est aussi grandement améliorée ces dernières
années. Plus conscients de leur français parlé, les
habitants de l'Outaouais ont épuré une langue autrefois
truffée d'anglicismes, ce que confirmait en 1989 une étude
sociolinguistique menée par l'Université Laval dans la
région Hull-Ottawa.
Même si ces chiffres et ces constatations nous semblent
réjouissants, la partie n'est pas gagnée. Même si certains
pas ont été faits au
cours des dernières années, il est urgent que le
gouvernement du Québec reconnaisse l'importance et le caractère
spécifique de l'Outaouais et qu'un sérieux coup de barre soit
donné, en collaboration avec les municipalités, pour donner
à l'Outaouais les outils nécessaires à son
développement.
La production régionale et sa diffusion. S'il est vrai, comme il
est énoncé dans le document Arpin, que le Québec est dans
une situation géographique bordée par un pays immense, riche et
puissant, de langue anglaise et d'une culture très différente de
la nôtre, soit les États-Unis, il est tout aussi vrai que
l'Outaouais est dans une situation géographique particulière,
étant frontalière avec l'Ontario et la capitale nationale, riche
et puissante, de langue anglaise et d'une culture assez différente de la
nôtre. Quand le consommateur n'a qu'à appuyer sur un bouton pour
accéder aux productions et aux équipements de cette capitale
riche et puissante, ceci crée une énorme pression pour conserver
l'intérêt des consommateurs, et aussi sur le coût des
productions.
Ceci est la dure réalité que vivent nos artistes,
créateurs, producteurs et diffuseurs en Outaouais. Vivre près
d'Ottawa a ses inconvénients mais aussi ses avantages. Nos artistes ont
été habitués à côtoyer, à se comparer
à des artistes et à des productions de haut calibre, ce qui a eu
pour effet de nous donner une production régionale qui atteint
très souvent une qualité exceptionnelle. Malheureusement, ce
n'est que dans de très rares occasions que ces productions ont la chance
d'être diffusées dans les grands équipements de la
capitale.
Or, en raison de la présence à Ottawa d'équipements
d'envergure, tant les municipalités que le gouvernement du Québec
n'ont pas jugé, pendant trop longtemps, de l'importance de doter cette
région éloignée d'infrastructures. Malgré un
certain rattrapage effectué au cours des dernières années,
l'Outaouais souffre encore de sous-équipement. Les productions
régionales se retrouvent souvent dans des lieux désuets,
sous-équipés, qui n'ont aucun attrait pour la population
habituée à fréquenter des lieux de prestige.
Nous recommandons, considérant le caractère unique de la
région de l'Outaouais et l'importance de doter celle-ci
d'équipements culturels adéquats, et compte tenu du rattrapage
à effectuer, que l'Outaouais soit "priorisé" dans le
parachèvement des équipements culturels régionaux au
Québec.
Les diffuseurs régionaux. Le Québec s'est doté, au
cours des années quatre-vingt, d'un réseau de diffusion qui
couvre en bonne partie l'ensemble du territoire québécois. Un
travail important fut accompli par ce regroupement de diffuseurs, très
souvent bénévoles et fort dynamiques, afin d'assurer à la
population du Québec l'accès à la production culturelle
chez eux. Des programmes de soutien financier ont été
élaborés par le MAC afin de soutenir ces organismes. Nous
proposons de créer un volet particulier dans ce programme afin d'inciter
et de soutenir ces diffuseurs dans une diffusion élargie de la
production régionale, et de favoriser les tournées
interrégionales. Cette recommandation pourrait appuyer la recommandation
52 du rapport Arpin, qui se lit comme suit: "Que le ministère des
Affaires culturelles prenne des dispositions pour que les artistes qui se
produisent en région et les organismes qui y évoluent puissent se
manifester ailleurs au Québec."
La consolidation versus la relève. Comment mettre fin à
l'éparpillement des subventions et exercer une sélection plus
rigoureuse, tout en gardant un certain capital de risque pour la relève?
Mettre fin au saupoudrage signifie inévitablement une plus grande
sélection, donc la disparition des organismes ou artistes jugés
moins performants. Encore faut-il établir des paramètres
très précis pour évaluer cette performance, qui devraient
tenir compte davantage de la démarche artistique et de son
originalité que de sa performance au guichet ou de la
fréquentation de ces lieux.
Il est surprenant de constater qu'aucune recommandation du projet de
politique ne soit spécifique à la relève. Il serait pour
le moins essentiel de proposer une réserve, un capital de risque. Le
groupe-conseil cerne très bien la relation qui existe entre un soutien
adéquat aux entreprises performantes et leur développement futur
sur les marchés de l'art. Qu'en est-il de la relève? Le
rôle du ministère de la culture ne peut se borner qu'à la
consolidation. Il est de la responsabilité du ministère de
soutenir et de favoriser l'émergence de nouveaux créateurs afin
d'assurer une production toujours renouvelée et originale pour conserver
au Québec son identité propre. Comment ce futur ministère
réussira-t-il à insuffler un dynamisme créateur s'il ne se
réserve pas un important capital de risque?
Nous devons être conscients du danger de remettre en grande partie
cette responsabilité de développement et de prospection de la
relève aux mains des municipalités. Le groupe-conseil, en
omettant une recommandation spécifique sur le sujet, laisse place
à toutes les interprétations. Nous proposons que le
ministère des Affaires culturelles se réserve un important
capital de risque qui servira aux artistes créateurs et aux organismes
de la relève sur tout le territoire du Québec.
Pour ce qui est du financement, pour la taxe de vente du Québec,
vu qu'il y a eu report, nous allons laisser cette recommandation pour
l'instant. Mais nous recommandons que le fonds d'appui au financement
privé soit réinstauré et que ce programme s'adresse
à une clientèle reconnue par le MAC et que soit connue et
diffusée la politique pour accéder aux plans triennaux
s'adressant aux organismes culturels.
Donc, pour le financement, c'est nos recommandations.
Pour le point de la place du livre, de la lecture et des
bibliothèques dans le rapport Arpin, nous vous demandons d'inclure dans
la politique de la culture et des arts les recommandations se retrouvant dans
le rapport de la Commission d'étude sur les bibliothèques
publiques du Québec, dont le principal mandat était de
répondre aux questions suivantes: Quelle doit être la vision de
l'avenir de la bibliothèque publique au Québec? Quelles sont les
responsabilités des différents paliers de gouvernement en ce qui
concerne les bibliothèques publiques? Quelles sont les structures les
plus adéquates pour assurer leur développement de façon
efficace? Quelle importance accorder au problème de l'évaluation
des services? Comment doit-on assurer le financement de ces
bibliothèques publiques? Et, enfin, comment doit se concevoir la
législation qui concerne directement et indirectement la
bibliothèque publique?
Pour l'importance des médias imprimés, au chapitre des
médias, le rapport Arpin s'attache beaucoup à la radio et
à la télévision et ne s'attarde malheureusement pas
beaucoup aux médias imprimés. Il faut reconnaître que la
télévision, en particulier, est un véhicule culturel
extrêmement puissant. L'envers de cette médaille est que la
télévision, avec ses multiples canaux, constitue en même
temps une source puissante d'assimilation culturelle. Sa forte valeur de
divertissement mobilise en moyenne plus de 20 heures par semaine, ce qui fait
dire à beaucoup de Québécois qu'ils n'ont pas le temps de
s'adonner à d'autres activités.
Chez les jeunes, la lecture vient en dernière place dans
l'utilisation du temps libre. Pourtant, ne serait-il pas judicieux de
promouvoir agressivement les médias imprimés? Le monde devient de
plus en plus complexe, les problèmes de plus en plus compliqués.
L'imprimé est essentiel pour analyser, comprendre, évaluer et se
former un jugement sur la question. S'ils ont la qualité
d'instantanéité, les médias électroniques et leurs
informations comprimées servent davantage à créer des
impressions. Est-il pensable que le groupe-conseil Arpin ait pu soumettre son
rapport sous forme de vidéocassette?
Pour ces raisons, le projet de politique culturelle devrait favoriser
davantage l'utilisation des journaux et des revues comme outils d'apprentissage
à l'école. Deuxièmement, accorder aux organismes culturels
un soutien financier suffisant pour qu'ils puissent annoncer leurs
activités dans les médias de leur choix et cesser de
dépendre de la seule générosité ou bonne
volonté des salles de rédaction ou de nouvelles.
Troisièmement, soutenir la demande des éditeurs d'exempter le
lecteur de l'application de la TVQ pour que les médias imprimés
soient sur le même pied que les médias électroniques.
Notons que la portion publicitaire d'un journal ou d'une revue est
déjà taxée aux annonceurs.
Notre conclusion et recommandation. C'est avec beaucoup
d'intérêt que nous avons pris connaissance du rapport du
groupe-conseil Arpin qui a tenté d'établir une base de discussion
pour permettre à tous les intervenants et partenaires du
développement culturel au Québec de faire connaître leur
point de vue et leurs attentes. Suite à cette commission parlementaire,
nous sommes confiants de la volonté de Mme Liza Frulla-Hébert,
ministre des Affaires culturelles, de doter le Québec d'une
véritable politique culturelle.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mas-sicotte.
C'est tout le temps qui vous était imparti. Je demanderai donc à
Mme la ministre...
Auparavant, j'aperçois notre collègue, le
député de Hull, qui est toujours présent à nos
commissions lorsqu'il y a des gens de l'Outaouais. Et en vertu de l'article
132, je crois que consentement vous sera accordé pour que vous puissez
participer à nos travaux, étant donné que ce sont des
représentants de votre région.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, auriez-vous un
consentement?
M. Boulerice: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): J'ai présumé,
oui, connaissant votre grande ouverture d'esprit et votre... (18 h 45)
M. Boulerice: Et connaissant l'intérêt de mon
collègue pour les arts et la culture, je me sentirais odieux de lui
refuser.
Le Président (M. Gobé): Le contraire m'aurait
surpris, M. le député. Alors, M. le député de Hull,
peut-être...
Mme Frulla-Hébert: Avant, je vais...
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre,
peut-être un mot...
Mme Frulla-Hébert: Oui, parce que je vais tout simplement,
premièrement, vous saluer; il me fait plaisir de vous revoir et de vous
remercier, d'ailleurs, pour votre collaboration. On a avancé un peu
votre temps. Avant de passer la parole à mon collègue, deux
choses. On en avait discuté ensemble et d'autres représentants,
d'ailleurs, de la région nous en ont fait part C'est votre situation qui
est particulière. Effectivement, la région de l'Outaouais, c'est
une région avec ses composantes spécifiques, parce que vous
êtes situé à côté de la capitale, ce qui n'est
pas une mince affaire, puisque la capitale bénéficie de toutes
les grandes infrastructures nationales, d'une part; et deuxièmement,
aussi, à cause de la dualité des langues. Donc, comment fait-on
pour rayonner non seulement à l'intérieur de la région
mais aussi aux alentours et dans les environs, c'est-à-dire de
l'autre côté, vers Ottawa, autant que vers Montréal et
Québec? Alors, vous pouvez être assurés que cette situation
particulière va être tenue en ligne de compte lors de
l'élaboration de la politique. Ceci dit, je vais passer la parole
à...
Le Président (M. Gobé): Je vais le faire,
madame.
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi, M. le Président,
vous avez raison. J'ai enfreint de vos pouvoirs, c'est vrai.
Le Président (M. Gobé): Les règlements en
vigueur à cette commission font qu'un membre ne peut passer la parole
à un autre membre, et c'est la présidence qui le fait. Sinon, la
présidence verrait son mandat remis en question illico par l'Opposition.
Alors, M. le député de Hull, vous avez la parole.
M. LeSage: Merci, M. le Président. J'aimerais, en premier
lieu, souhaiter la bienvenue aux gens de l'Outaouais. Bienvenue chez vous. Je
veux aussi vous féliciter pour la qualité du mémoire que
vous avez présenté et pour lequel je ne peux que vous dire que
j'y souscris en grande partie, sauf qu'il y a peut-être des petites
questions qui m'incitent à éclaircir un peu. Dans votre
mémoire, vous recommandez que la région de l'Outaouais soit
considérée comme troisième pôle, pôle
frontière, dans la future politique culturelle du Québec. Ma
question est donc la suivante: Comment souhaiteriez-vous qu'une telle
reconnaissance se traduise dans les faits?
M. Massicotte: Je vais laisser la parole à M.
Gagné.
M. Gagné (Gilles): Premièrement, la raison pour
laquelle la région de l'Outaouais devrait être
considérée comme un pôle. Chacune, bien sûr,
constitue en soi une région particulière, mais l'Outaouais vit -
de toute façon, Mme la ministre l'a souligné - une situation qui
est sans commune mesure avec le reste du Québec. Et dans l'Outaouais,
peut-être pour cette raison, peu importent nos orientations politiques,
il faut qu'il y ait une sorte d'image de la région qui montre un peu
qu'il faut peut-être être plus Québécois que le reste
du Québec, compte tenu de notre contexte.
Et, dans cette optique-là, il est important d'avoir des
infrastructures qui pourront en partie contrebalancer. Évidemment, ce
n'est pas la même mesure mais, au moins, ces infrastructures pourront
permettre à l'Outaouais de se faire valoir comme région. Parce
que vous savez qu'actuellement, bien sûr, il y a des efforts importants,
je pense, qui ont été entrepris. Il y a la Maison de la culture
à Gatineau, etc. Il y aura éventuellement une salle de spectacle
à Hull, on ne sait pas où, mais quelque part, à un moment
donné.
Mais il est important que tous ces éléments-là
puissent au moins être en place dans notre région. En ce
sens-là, ne serait-ce que d'avoir au moins ce qui existe
déjà ailleurs, dans des régions comparables à
l'Outaouais, ce serait déjà un point important. On le mentionne
aussi dans notre mémoire, pour nos artistes, dans la région,
c'est beaucoup plus difficile qu'ailleurs de percer. Par contre, quand on
perce, bien on perce à un niveau assez important. Sans
nécessairement donner des noms, on a quand même des artistes qui
viennent de l'Outaouais et qui sont reconnus dans le domaine de la scène
et dans d'autres domaines; ils sont reconnus internationalement.
Ce qui veut dire que pour que l'Outaouais puisse jouer son rôle,
au fond, il faut que, d'une part, il soit bien rattaché au reste du
Québec et ça, sans nécessairement rajouter ce
dossier-là, parce que ce n'est pas un dossier culturel. Il y a
évidemment le niveau des autoroutes; il faut être bien
rattaché avec le reste de la province, mais, également, il faut
qu'on puisse avoir des structures qui nous permettent, nous, dans la
région de l'Outaouais, de bien faire valoir la culture
québécoise.
Et peut-être un autre élément, qui a un lien avec
l'économie, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus qu'on est
situé à côté d'Ottawa. Il y a 4 500 000 personnes
qui viennent visiter cette région-là. On en reçoit un peu,
mais on sait aussi les liens qu'il y a entre la culture et le tourisme. Et plus
la région de l'Outaouais va être bien dotée de moyens,
plus, en même temps il va y avoir des retombées, mais qui vont
être, à ce moment-là, pour ce côté-ci de la
rivière.
Je ne sais pas, M. le député, si ça répond
entièrement à votre question, mais tout au moins, il faudrait
compléter les équipements culturels qui, normalement, doivent se
retrouver dans une région, et qu'on les retrouve dans l'Outaouais.
Pensons, entre autres, à la question éventuelle d'un musée
régional. On sait que l'Outaouais a quand même, même si elle
est très mal connue, une histoire assez importante et qui remonte,
d'ailleurs, au début de la colonie française, et tout ça.
Il y a quand même beaucoup de choses qui sont actuellement en train de
s'élaborer. L'histoire de l'Outaouais va s'achever bientôt. On a
fait un livre sur l'histoire de l'Outaouais, et on espère que ce
document-là sera très important, à la fois pour
l'identité de notre région mais aussi pour mieux faire valoir la
région de l'Outaouais, son importance dans l'échiquier
québécois. On espère qu'on pourra compléter des
infrastructures, d'une part, et aussi des moyens pour les artistes, pour se
faire valoir.
M. LeSage: M. Gagné, je tiens à vous dire que
j'aime beaucoup la subtilité avec laquelle vous avez passé votre
message pour l'autoroute 50, pour laquelle je vous appuie également.
Ça m'amène à une question. Vous avez mentionné dans
votre réponse qu'il était difficile pour les artistes de percer
dans l'Outaouais québécois. Selon vous, est-ce que les
infrastructures qui existent à Ottawa nous pénalisent directement
dans l'Outaouais québécois? Est-ce que c'est parce que nos
artistes sont attirés de l'autre côté? Dans quel sens
est-ce que ça nous pénalise?
Mme Patry (Nicole): Nos artistes, présentement, ce n'est
pas qu'ils sont attirés de l'autre côté. C'est sûr
que s'ils avaient une facilité d'utiliser les équipements majeurs
qu'il y a de l'autre côté... Il faut bien avouer que le Centre
national des arts a un mandat national et que, pour les artistes
régionaux - et les organismes régionaux se le font dire aussi -
les coûts pour jouer dans ces lieux-là sont extrêmement
chers. Alors, ce n'est pas que les artistes ne voudraient pas. Et dans tout
l'Outaouais, on ne peut pas dire: Allez jouer de l'autre côté et
ça va être très bien, vu que vous aurez des salles. Parce
que les retombées économiques restent de l'autre
côté, à ce moment-là. Le public s'habitue à
consommer de l'autre côté, comme pendant de longues années
il s'est habitué à aller consommer, acheter les robes et toutes
les choses, se faire soigner de l'autre côté, et tout ça.
Ça a été très long de les ramener, et ce n'est pas
encore terminé.
Alors, il faut absolument que nos artistes puissent concurrencer. C'est
certain, on ne demande pas de faire un centre national des arts du
côté de l'Outaouais, ni de musée des beaux-arts non plus,
mais je pense que l'Outaouais a quand même le droit d'avoir des salles
qui sont attrayantes pour le public. Il faut toujours se mettre à la
place du public. Le public va dans des salles attrayantes. Il ne veut plus
aller dans des salles de cégep, il veut aller dans des salles
attrayantes où c'est une vraie sortie. Nos artistes ont le droit de
jouer dans des endroits comme ça, bien équipés, pas dans
des fonds de garages comme ceux où on joue présentement, à
la salle René-Provost, dans des endroits vraiment incroyables, ou dans
des galeries où le toit coule, les fenêtres coulent. Ce sont des
organismes forts, où les artistes sont très très forts,
sont très reconnus, mais ils sont dans des lieux où, finalement,
quand il y a le Musée des beaux-arts de l'autre côté, quand
même qu'on aurait une programmation absolument extraordinaire au niveau
des artistes en art contemporain chez nous - ce qui est quand même une
force - on ne peut pas compétitionner si on ne regarde pas l'Outaouais
comme une région qui fait face à une capitale et qu'il faut lui
donner des outils.
Il faut aussi soutenir davantage les artistes dans leur création,
au niveau financier et au niveau des infrastructures. C'est absolument
essentiel. C'est la seule façon dont l'Outaouais va pouvoir se
démarquer. C'est essentiel. Quand on parle du musée
régional, je sais que présentement il y a des discussions. On me
dit: Ça ne vous donne rien, au Conseil de la culture, de partir
là-dessus. Il y a des moratoires, tout ça. Il va falloir qu'il y
ait un musée régional pour que, premièrement, la
région se comprenne, se connaisse et que les autres régions du
Québec nous connaissent aussi. On est très mal connu des autres
régions du Québec. On n'est vraiment pas regardé comme une
région. On est un peu mystérieux dans la tête des
Québécois et, franchement, ce n'est pas toujours à notre
avantage.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
M. LeSage: C'est possible de rajouter un point?
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Hull, c'est votre temps de parole. C'est à vous, là, M. le
député.
M. LeSage: SI vous le permettez, parce que le temps coule, on
pourrait peut-être y revenir. Il y a un autre aspect que j'aimerais
couvrir, c'est celui de la diffusion interrégionale. Vous mentionnez
dans votre mémoire et vous proposez de créer un volet particulier
dans le programme d'aide à la diffusion du ministère des Affaires
culturelles afin d'inciter et de soutenir les diffuseurs régionaux dans
une diffusion élargie de la production régionale et de favoriser
les tournées interrégionales.
Ma question aura donc deux volets. Quelle catégorie de spectacles
ou de produits artistiques devrait circuler, selon vous, davantage en
région? Et, la deuxième, est-ce que la future politique
culturelle devrait prévoir d'autres mesures pour assurer une circulation
accrue des spectacles en région?
M. Massicotte: Moi, je crois que c'est bien important de
comprendre un petit peu la dynamique de la création, de la production et
de la diffusion en région. C'est qu'on n'est pas rattaché aux
grands centres, ce qui fait qu'il y a quand même de la production de
qualité qui se fait, sauf que les moyens qu'on a pour diffuser ces
productions-là sont très limités. Donc, on met beaucoup
d'énergie à produire un ou deux spectacles qui vont être
présentés une ou deux fois. On croit qu'on pourrait, avec des
stratégies mises en place, permettre à ces spectacles de se
promener un peu partout au Québec, de créer des liens. Parce que
je pense que l'avenir des arts d'interprétation, les arts de la
scène, c'est aussi une question de rejoindre le plus de monde possible
et de permettre de rentabiliser le plus
possible les énergies qui sont mises dans la production des arts,
et de créer des liens entre les régions. C'est le meilleur moyen
de faire tourner nos spectacles et, de plus, d'arriver à une
qualité de spectacles qui vont ensuite pouvoir être
présentés à Montréal et à Québec.
Déjà, on en a des spectacles qui pourraient être
présentés à Montréal, sauf qu'on les fait une fois.
On a peu de moyens financiers, donc toute l'énergie qu'il faut pour
essayer de percer à Montréal, je veux dire que c'est tout
à fait hors de notre portée. Pour ce qui est de la future
politique, je crois que ce serait bien important d'avoir un volet très
spécial. Je crois que c'est important que, dans tout le territoire du
Québec, on ait de la création, on ait de la diffusion, parce que
le Québec, ce n'est pas juste Montréal et Québec. Le
Québec, c'est un grand territoire, et je pense que, quand on veut faire
la promotion du Québec, il faut d'abord habiter notre territoire. Je
pense que c'est un signe de santé aussi lorsqu'il y a beaucoup de
création et lorsque la vie culturelle est riche en région. C'est
un signe de santé. Je pense qu'il faut voir la vie culturelle sur le
même pied que l'économique, que le social. C'est tout à
fait de base, je pense, en 1991, que la culture ne soit pas limitée
juste à Montréal et à Québec.
M. LeSage: Est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose, Mme
Patry?
Mme Patry: Oui, j'aimerais rajouter quelque chose.
Présentement, ce qu'on réalise, c'est que dans l'ensemble des
régions du Québec il y a de la production et de la
création de niveau professionnel vraiment excellente. Pour certaines
régions, c'est plus fort en théâtre, d'autres en arts
visuels ou d'autres en danse. Alors, là, ce serait important de voir un
tableau assez précis de ça et, à partir de là,
quand on a la connaissance de tout ce qui se fait de qualité dans chaque
région, d'essayer d'établir un réseau. (19 heures)
II y a quelques mois, j'ai vu que le ministère des Affaires
culturelles avait donné une subvention pour répertorier toutes
les salles de 300 places et les lieux plus petits pour accueillir des groupes
régionaux qui pourraient circuler à travers le Québec.
C'est très important qu'on connaisse ce qui se fait dans chaque
région du Québec et que, après ça, on regarde
ça et on dise: Ceux-là, ils peuvent aller vers où? Est-ce
qu'on peut les faire tourner dans trois autres régions, que l'Outaouais
reçoive le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Beauce et l'Estrie, et que, nous,
on aille dans la Beauce, dans l'Estrie? Ça prépare tous ces
artistes-là pour une rentrée plus forte à Montréal.
Même les artistes de Montréal font des tournées
régionales pour rentrer à Montréal; alors, ça ne
serait pas tellement différent. Mais, pour ça, il faut que chaque
région ait des infrastructures pour recevoir. On ne demande pas des
salles de spectacle de 1000 places, de 1200 places, des grands châteaux,
ce n'est pas ça; ce sont des salles bien équipées. Quand
on a présenté une salle qui s'appelait le Château d'eau,
à géographie variable, c'était dans cet esprit-là.
Ça s'en allait avec le centre de production, le Château d'eau, les
tournées interrégionales. Alors, c'est ça qu'il faut
comprendre. En tout cas, le milieu culturel de l'Outaouais, c'est ça
qu'il veut; ce n'est pas une salle de 1200 places, c'est une salle de 300
places. Il y a la Maison de la culture qui a 651 places; c'est ça. Dans
d'autres régions du Québec, il y en a, des salles de 300 places.
C'est possible de faire des échanges. Mais c'est très difficile
de faire des échanges avec d'autres régions quand on n'a pas de
lieu; on ne peut pas recevoir. Vous ne pouvez pas recevoir des amis chez vous
si vous n'avez pas de maison; alors, c'est la même chose.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
député de Hull, je vous remercie.
M. LeSage: Oui, merci, M. le Président, et merci aux
intervenants.
Le Président (M. Gobé): Vous aurez l'occasion,
à la fin de l'audition, de les remercier. Vous allez rester avec nous,
je présume. Alors, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez maintenant la parole.
M. Boulerice: Mme Patry, M. Massicotte, M. Gagné, merci
d'avoir consenti à devancer votre arrivée. Nous y trouverons sans
doute un bénéfice mutuel, puisque vous pourrez, si vous le
désirez, passer une soirée dans une capitale où vous
remarquerez que l'on peut s'amuser plus tard que dans celle qui vous fait face.
J'ai toujours dit, d'ailleurs, que le grand avantage d'Ottawa était
d'être en face de Hull.
Vous parlez, Mme Patry, de l'importance de pallier au
sous-développement des équipements culturels en Outaouais. Vous
avez d'ailleurs fait mention de deux, trois équipements qui apparaissent
importants dans le développement de la culture chez vous. Par contre,
vous n'avez pas été sans noter, puisque de toute évidence
- à moins de se fermer les yeux - il y a eu un investissement
considérable du gouvernement fédéral, qui est le
Musée des civilisations. Qu'est-ce que ça a apporté aux
artistes et à la création dans votre région, ce
gigantesque équipement?
Mme Patry: Cet équipement-là, monsieur, c'est
sûr que c'est un très beau musée, en tout cas. Il n'est pas
encore plein à sa pleine capacité, mais c'est quand même
une infrastructure importante. Ça a apporté à la
région beaucoup de monde, beaucoup de touristes. Mais, malheureusement,
on doit vous avouer qu'on n'était pas
vraiment prêts à recevoir tout ce beau tourisme-là.
On ne sait pas toujours quoi faire avec, une fois qu'il est sur le territoire.
Et surtout, étant donné qu'il est presque dans le milieu de la
rivière, les gens ne savent même pas qu'ils ont traversé le
pont et ils se pensent, des fois, à Ottawa. Alors, il faudrait vraiment
que ces gens-là qui viennent au musée... C'est là qu'il
faut absolument leur faire voir immédiatement que, là, c'est la
porte du Québec et qu'ils sont au Québec. Il faut les amener, les
faire sortir, les faire entrer dans la ville. Ils entrent, ils font le tour du
musée, l'autobus les attend à la porte, ils ressortent, ils
reprennent le pont interprovincial et ils s'en vont. Alors, nous, on avait
pensé développer tout le secteur de la rue Montcalm.
C'était une association avec le touriste, à ce moment-là.
On avait dit: Bon! Ça va être merveilleux. Le petit train
Hull-Wakefield, le Château d'eau, la galerie d'art Axe Néo-7 et
l'Université du Québec étaient là. Il y a le
ruisseau de la brasserie qui est très très beau. On va
créer un lieu touristique culturel et on va amener les gens là
avec des petites boutiques, de beaux petits restaurants; ça va au moins
les amener au centre de la ville. Alors, là, ça va
déjà être intéressant.
Là, tout bloque partout; on ne sait pas trop pourquoi. Les
décisions... En tout cas, on ne repartira pas là-dessus, mais
c'est des choses comme ça qu'il faut faire. Il y en a du monde au
musée. Mais, maintenant, comment les sortir de là et les amener
chez nous? C'est là qu'il est, notre problème.
Présentement, vous savez qu'on vit, malheureusement, des
difficultés avec notre centre-ville. Alors, il faut tout régler
en même temps. M. le maire avait pensé que la culture irait sauver
les Promenades du Portage. Bien, voyons donc! Il va falloir, à un moment
donné, être plus réaliste que ça et avoir beaucoup
plus de partenaires. Moi, j'avais trouvé ça merveilleux que le
milieu culturel, le milieu des affaires et le milieu touristique se mettent
ensemble et disent: On va créer un secteur complet et tout
l'aménager, et là ça va être un lieu, mais un lieu
où il y aura parc, culture, tourisme, galeries d'art, tout ça.
Mais ça ne marche pas.
M. Boulerice: Vous parlez d'aménager tout cela, mais c'est
aménager en réaction à la présence de cet
équipement. S'il y avait eu une planification stratégique
à faire dans votre région, cela n'aurait pas été
nécessairement cet édifice. Ça aurait été
autre chose.
Mme Patry: Je ne dis pas que c'a été uniquement
planifié à cause du Musée des civilisations. C'a
été beaucoup plus planifié pour permettre à la
population de l'Outaouais d'avoir un lieu agréable, parce que c'est
devenu difficile, à Hull, de sortir et de se sentir à l'aise dans
sa ville. Alors, là, c'était de créer et de donner aux
Hullois et à la région, quand même, un endroit
intéressant. C'est certain qu'on veut aussi attirer le tourisme
là, mais on veut aussi... Ce n'était pas uniquement
planifié dans le but d'aller chercher le monde au Musée des
civilisations et de l'emmener là. C'est sûr que ça fait
aussi partie de ça.
M. Gagné: Cet équipement-là qui permet quand
même de faire en sorte qu'il y ait des gens qui viennent, c'est
évident que, pour une région, cette dimension-là est aussi
intéressante. Nous, évidemment, on n'a pas un mot à dire
plus spécifiquement en ce qui concerne le Musée des
civilisations, mais il faut trouver de quelle façon on peut, de
façon avantageuse, en profiter au niveau touristique, tout en permettant
à nos artistes de plus souvent pouvoir - au niveau de la peinture, etc.,
- vendre leurs oeuvres ou donner des spectacles. Mais il reste que tout
ça doit s'intégrer à l'intérieur de la vie
francophone dans notre région.
Et l'autre élément qui, je pense, vient compléter
votre question: est-ce que cet équipement-là a permis de
développer davantage des possibilités de nos artistes? J'aurais
tendance à vous dire que, pour le moment, non. De l'autre, c'est
lié à la nature du musée lui-même. Il y a, bien
sûr, de très belles salles qui peuvent éventuellement
servir pour des spectacles. Parfois, d'ailleurs, on peut le faire, mais pour
pouvoir les utiliser, c'est à la fois assez dispendieux et ce n'est pas,
non plus, axé vers ça, c'est-à-dire vers une
facilité pour que des artistes de la région puissent les
utiliser.
M. Boulerice: Manque de coordination.
M. Gagné: Mais ça, à ce moment-là, ce
n'est pas à notre niveau.
M. Boulerice: Je le sais bien, et permettez-moi de le
déplorer. Tout en préconisant, sur un autre sujet... On pourrait
épiloguer bien gros là-dessus et revenir à la notion de
rapatriement de tous les pouvoirs au niveau de la culture, de façon
à éviter des choses comme celles-là qui, en
définitive, n'avaient pas pour but, d'abord et avant tout, de promouvoir
le développement des arts et de la culture dans l'Outaouais. Ce
n'était pas ça qui était le but, de toute
évidence.
Enfin, il y aura bien d'autres occasions de refaire le débat.
Mais pour revenir au rapport Arpin sur lequel vous vous êtes
penchés, tout en préconisant la fin du saupoudrage, vous semblez
quand même un petit peu réticents. Vous semblez donner un peu une
réponse de Normand: peut-être bien que oui, peut-être bien
que non. Est-ce que vous reconnaissez que la fin du saupoudrage implique
nécessairement la disparition d'organismes culturels, de petits
organismes culturels, et risque de poser des contraintes considérables
à ce qu'on appelle la relève? Mon diagnostic à moi, et mon
pronostic, surtout, est que ça va
surtout faire mal en région.
M. Massicotte: Je crois que ce qu'il y a d'important à
comprendre pour arrêter le saupoudrage, c'est que c'est une question de
consolidation, mais pour que des gens restent, pour que des gens disparaissent,
il faut aussi s'entendre sur les critères. Je crois que dans la culture,
autant que dans d'autres domaines, à un moment donné, souvent, on
fait face, entre guillemets, à des droits acquis, à des
organismes, des fois, qui sont très gros, qui sont là depuis des
années et des années et qui ne produisent pas grand-chose, qui
font même du tort, souvent, au développement culturel. Et, d'un
autre côté, il y a des petits organismes qui sont très
dynamiques, mais qui trébuchent devant des contraintes qui sont tout
à fait dérisoires.
C'est parce que, à un moment donné, à force de
saupoudrer certains organismes et d'en renforcer d'autres, il faut bien choisir
les critères, et les critères pour la culture, ce sont des
critères de performance artistique, ce sont des critères, aussi,
d'originalité, des critères de créativité. C'est
bien important de comprendre ça parce que, pour la relève... Dans
le rapport Arpin, on ne fait pas beaucoup référence à la
relève, mais il reste qu'il faut que ça soit nourri, ça,
ce monde culturel là, et souvent... Je crois qu'il faut qu'il y ait une
certaine latitude dans le choix, justement, d'encourager ou de... Une chose est
certaine, il faut que ce soit axé sur les professionnels, sur les
organismes professionnels, sur la performance artistique.
Donc, à partir de là, je pense qu'il faut faire aussi
confiance aux mécanismes et à la structure qui va décider.
Je crois que ça en revient toujours au... Ce n'est pas un
problème, mais c'est une question quand même assez importante.
Qu'on mette n'importe quel système, n'importe quelle structure, ce sera
toujours la qualité des gens qui sont dedans qui va permettre à
ce système-là de bien fonctionner et de faire des choix qui sont
judicieux pour les organismes et les artistes.
M. Boulerice: Ça, je suis d'accord avec vous qu'il doit y
avoir une consolidation, sinon on est en perpétuel recommencement.
M. Massicotte: C'est ça.
M. Boulerice: C'est extrêmement dommageable, sauf que ce
saupoudrage... Mais là je comprends par votre propos qu'il n'y a pas une
opposition ferme de votre part. Vous préférez,
nécessairement, et vous souhaitez qu'il y ait une consolidation; vous ne
semblez pas exclure le saupoudrage. Mon collègue, le
député de Mercier qui, malheureusement, n'est pas ici, à
cette commission, aujourd'hui, vous expliquerait ce que ça fait, le
saupoudrage. Il a un exemple merveilleux. Il y a un petit organisme qui a
obtenu 500 $ de son fonds discrétionnaire. C'est ça, du
saupoudrage. Savez-vous ce qu'il est devenu, ce petit organisme? Il s'appelle
le Cirque du Soleil.
Mme Patry: Oui, mais il n'a pas été
saupoudré longtemps comme ça, parce qu'après ça il
y a eu du gros saupoudrage.
M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous, madame. Il a eu 2
500 000 $ plus tard, justement parce qu'il a été capable de faire
ses preuves. S'il y a un petit organisme dans votre coin, qui a un
créneau drôlement intéressant et que la seule façon
pour lui de le produire une fois et de le montrer est un saupoudrage, cela
s'avère quelque chose de très intéressant.
M. Massicotte: En parlant du saupoudrage, on parle surtout - ce
qui existe déjà, justement - des organismes, des petits
organismes qui, souvent, vivotent, ne répondent même pas aux
critères de sélection des Affaires culturelles, mais, parce que
ça fait un tel nombre d'années, on fait toutes sortes de
sauvetages. Donc, ceci fait qu'à un moment donné d'autres
organismes qui auraient besoin, peut-être, de 2000 $, 5000 $ ou 20 000 $
de plus pour vraiment atteindre un niveau, et dont le potentiel est là,
eux autres, ces organismes-là, sont obligés de restreindre leur
développement. Souvent, c'est appuyé sur l'énergie d'une
ou deux personnes et, après 5 ans, 10 ans, là où il y
avait une créativité, une énergie tout à fait
formidable, bien, les gens s'en vont à Montréal, s'en vont
ailleurs, s'en vont à l'extérieur, justement, où il y a
des moyens plus grands.
M. Gagné:...
M. Boulerice: Oui, je vous en prie.
M. Gagné: Si vous me permettez de compléter, on
peut faire, d'ailleurs, un parallèle avec, peut-être, les petites
entreprises. C'est qu'il faut du capital de démarrage. Il faut du
capital de risque, mais il faut du capital de démarrage. Et c'est
essentiel qu'il puisse y avoir, au niveau culturel, cette dimension-là.
Au niveau du saupoudrage, si on entend soutenir cette dimension-là,
évidemment, on est contre. Qu'il y ait une meilleure rationalisation des
utilisations de fonds par rapport aux organismes existants ou aux troupes
existantes - enfin, peu importe - ceux qui ont une activité culturelle
performante, bien, qu'eux soient soutenus, mais qu'il y ait aussi, pour une
période de temps donnée, des montants qui soient possibles ou,
enfin, des soutiens possibles pour ceux qui sont en phase de démarrage.
Ou encore, pour des secteurs qui peuvent apparaître un peu
spéciaux, bien, qu'on puisse avoir ce qui serait l'équivalent du
capital de risque.
M. Boulerice: D'accord. Vous n'avez pas entendu, mais mon oreille
droite a entendu une voix venant de droite...
Le Président (M. Gobé): C'est cela.
M. Boulerice: ...me soulignant qu'il est 19 h 15. Alors, on me
permettra une dernière petite question, sans aucun doute. Quels sont vos
rapports avec la Direction régionale du ministère?
Mme Patry: Oui. Bon. Présentement, les rapports avec la
Direction régionale, moi, je vais en parler pour le temps que j'y ai
été. Ça fait maintenant six ans que je suis à la
direction du Conseil de la culture de l'Outaouais. Les rapports ont toujours
été assez bons pendant, peut-être, je dirais, les quatre
premières années. J'en ai été même
très satisfaite, et je pense qu'on avait une bonne collaboration.
Présentement, les rapports, ça va très très bien
avec les employés de la Direction, c'est-à-dire les agents. Nous
avons une excellente collaboration de la part des agents du ministère.
Ça va assez bien. Nous avons des problèmes avec la Direction du
ministère des Affaires culturelles dans la région. C'est certain
qu'il y a certains dossiers qui nous sont apparus, des fols, difficiles
à régler. On pensait qu'on était sur la même
longueur d'onde, mais il y avait toujours quelque chose qui accrochait. Alors,
je pense que ça peut être uniquement causé,
peut-être, par deux personnalités qui s'affrontent. Ça
pourrait être ça, mais je pense que l'action du Conseil de la
culture, présentement, est peut-être mal vue par le
ministère; ou il ne comprend pas le rôle qu'on a, en tout cas.
Moi, j'ai cette impression-là.
Souvent, je retourne au rôle des conseils de la culture en me
disant: Je ne me trompe pas, c'est bien ça qu'on est. Je me fais souvent
dire que ce n'est peut-être pas tout à fait notre mandat de faire
ça. Ils ont de la difficulté à accepter qu'on soit des
initiateurs de projets, qu'on puisse être un organisme-conseil ou de
concertation. C'est un peu difficile, mais ça n'a pas été
difficile comme ça avec tous les autres. On a eu quand même M.
Delangie qui était, en tout cas pour nous, une aide qu'on aimait
beaucoup. C'est peut-être parce qu'il connaissait beaucoup l'Outaouais et
on était des complices. Alors, ça allait bien avec Mme Lavigne,
et tout ça. Là, on a un petit problème. On aimerait
ça, réellement, que ça se règle.
M. Boulerice: Mme Patry, M. Massicotte, M. Gagné, merci.
Moi, je vous dirais, en terminant, que, oui, je pense que l'Outaouais
mérite - sans connotation - un statut particulier, compte tenu de la
proximité de qui vous savez, de façon à ce que vous
assumiez cette distinction qui est très québécoise.
D'ailleurs, vous l'avez dit: On veut être autant, sinon plus,
Québécois que les autres.
Je pense qu'il y a, effectivement, une attention particulière qui
doit vous être accordée. Je regrette qu'on n'ait pas eu plus de
temps, mais ce sont les règles immuables de cette commission. Alors, je
vous remercie de votre présence. Je comprends la fierté de mon
collègue, et bonne fin de soirée dans votre capitale.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Pour commencer, Mme la
ministre, un petit mot?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Moi aussi, je vous remercie tous
les trois. Je voulais vous demander une question.
Le Président (M. Gobé): Non.
Mme Frulla-Hébert: Non? Une toute petite. Est-ce que votre
maire, celui de Hull, s'est représenté? Si oui, est-ce qu'il a
gagné?
Mme Patry: M. Légère s'est retiré. C'est M.
Marcel Beaudry qui est maire présentement.
Mme Frulla-Hébert: Donc, ça, c'est une très
bonne nouvelle.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas eu de
recomptage?
Mme Frulla-Hébert: Le Château d'eau,
évidemment, comme vous le savez, c'était un projet qui
était accepté. Alors, probablement qu'on va pouvoir travailler
peut-être un peu mieux avec la municipalité...
Mme Patry: Nous l'espérons beaucoup.
Mme Frulla-Hébert: ...ce qui va faire que ça va
aller.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
M. Boulerice: C'est la décision des
électeurs...
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, avant de terminer et d'ajourner cette
séance - s'il vous plaît! - je demanderai à M. le
député de Hull, qui est le député hôte de
cette délégation, peut-être de bien vouloir clôturer
cette séance de la journée en les remerciant.
M. LeSage: Oui, brièvement, M. le Président.
D'abord, avant de remercier nos interlocuteurs, j'aimerais souligner les
quelques mots que Mme la ministre a eus à l'égard du nouveau
maire et des possibilités de ressasser le dossier
de la salle de spectacle. Je pense que c'est encourageant pour nos
intervenants.
Et, finalement, j'aimerais vous remercier pour le mémoire, encore
une fois vous féliciter, et vous remercier surtout pour la façon
dont vous avez répondu aux questions qui ont été
posées par les parlementaires. Alors, bonne bouffe ce soir, bon
retour!
Mme Frulla-Hébert: Bon voyage de retour!
Le Président (M. Gobé): Madame, messieurs, au nom
des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin
à votre audition. Vous allez pouvoir vous retirer. Mais, auparavant, je
vais ajourner les travaux de cette commission à demain matin, 9 heures,
en la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de ce parlement. Alors, la commission
est maintenant ajournée à demain. Bonsoir et bon appétit
à tout le monde!
(Fin de la séance à 19 h 21)