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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 13 novembre 1991 - Vol. 31 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la culture reprend donc ses travaux pour la poursuite du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale. Il s'agit, pour cette commission, de continuer la consultation générale en tenant des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts telle qu'elle a été déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des députés qui ont demandé à être remplacés?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le secrétaire.

L'ordre du jour est connu. Vous m'exempterez d'en faire la lecture. J'indique dès maintenant à cette commission que des démarches sont faites de façon à ce que le groupe qui était prévu à 21 h 30 - il s'agit du Conseil régional de la culture de l'Outaouais, qui est le seul groupe que nous avons dans la soirée - soit plutôt convoqué à 18 h 30, de façon que nous puissions les entendre de 18 h 30 à 19 h 15, ce qui ferait que cette commission n'aurait pas à siéger après le dîner ce soir. Est-ce que j'ai l'accord des membres de la commission pour que les démarches soient faites dans ce sens?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Doyon): Le premier groupe que nous allons entendre est le Rassemblement des bibliothèques publiques au Lac-Saint-Jean et Saguenay. Je les invite à bien vouloir s'avancer.

Maintenant qu'ils sont à s'installer, je leur indique qu'ils disposeront de dix à quinze minutes pour nous parler de leur réaction et de leur façon de voir les choses en ce qui concerne la proposition qui a été déposée au mois de juin l'an dernier. Ensuite, les membres de la commission vont engager la conversation et la discussion avec eux pour 25 ou 30 minutes.

Vous avez donc la parole. Si vous voulez bien vous présenter pour que nous puissions avoir vos noms dans notre Journal des débats. Vous avez la parole.

RABLES

M. Bouchard (Martin): Martin Bouchard. Je suis responsable de la bibliothèque municipale d'Alma et, à ce titre, membre du RABLES.

M. Tremblay (Claude): Claude Tremblay. Je suis responsable de la bibliothèque de la ville de La Baie et, à ce titre, membre du RABLES.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue!

M. Bouchard: Je commencerais tout d'abord par excuser la présidente du RABLES, Mme Francine Laflamme, de Roberval, qui est, à cette période-ci, sur un déménagement de bibliothèque dans un édifice plus grand. Donc, c'est une bonne nouvelle.

Le Président (M. Doyon): Vous lui souhaiterez bonne chance.

M. Bouchard: Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à vous donner notre avis et je suis conscient que vous avez dû en faire une lecture. Alors, je vais essayer d'en sortir les extraits les plus importants.

Tout d'abord, j'aimerais rendre hommage au ministère des Affaires culturelles qui, depuis sa naissance, je crois, en 1962, a été un initiateur et un développeur dans le dossier des bibliothèques publiques. Avant qu'il y ait des programmes d'incitation au ministère, on savait qu'il y avait cinq ou six très bonnes bibliothèques au Québec et c'étaient surtout des bibliothèques anglophones. Alors, avec les différents programmes, les BCP, le plan Vaugeois en 1979 et le Programme d'aide financière aux équipements culturels et à la construction de bibliothèques, ça a toujours été le point de départ pour les municipalités à créer des bibliothèques.

Cela étant dit, il reste beaucoup à faire. Comme vous savez, au niveau des statistiques, il nous reste environ 581 municipalités à rejoindre, les petites municipalités. Il y a encore 29 municipalités de 5000 habitants et plus qui n'ont pas été rejointes. La moyenne des livres par habitant n'est encore que de deux, alors qu'elle devrait être d'au moins trois, et la norme d'espace du ministère n'est atteinte qu'à 64 % en moyenne. Si on se compare avec les autres provinces - il y a un ouvrage de Mme Mitter-meyer qui nous a permis de le constater il y a deux ou trois ans - bon, on constate qu'on est la neuvième province sur neuf dans la plupart des statistiques qui regardent les bibliothèques publiques.

Et, si on se rapporte principalement à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pendant plusieurs années on a constaté, à la lumière des statistiques du ministère des Affaires culturelles pour les bibliothèques publiques, que dans notre

région on était toujours à la dernière place pour la plupart des items observés, que ce soient les heures d'ouverture, les dépenses par habitant, l'espace par rapport à la norme. Alors, on se voyait un peu comme l'Ethiopie au niveau des bibliothèques publiques: les plus pauvres parmi (es pauvres. Et c'est un peu le message qu'on avait transmis à la commission Sauvageau sur les bibliothèques publiques.

Le monde du livre, et principalement des bibliothèques publiques, a remarqué avec stupéfaction le peu de place qu'on nous faisait dans le rapport Arpin: trois pages à la lecture et trois paragraphes aux bibliothèques publiques. Et dans ce chapitre intitulé "Favoriser l'accès à la vie culturelle", on aurait pu s'attendre à plus d'emphase sur ces deux domaines prioritaires. Pourtant, en page 157 du rapport, on y lit que le livre est reconnu par tous comme un outil de base d'accès à la culture. Et cette affirmation renforce ce qui avait été dit en 1984 dans le document d'orientation du MAC sur "La lecture au Québec". Alors, on y lit: "La lecture serait donc l'un des éléments qui contribuent le plus au développement de la vie culturelle des citoyens. La lecture éveille la curiosité, développe la créativité et stimule la participation aux activités culturelles. En effet, selon certaines études, les adeptes de ta lecture fréquentent plus souvent les salles de cinéma, de concert, de théâtre et les musées que les personnes qui ne lisent jamais ou rarement."

Alors, ça, c'est un phénomène qui nous a toujours frappé, surtout que ça venait des sondages. On pense que ça devrait être mis dans les politiques du ministère. Alors, si la lecture est la meilleure porte d'entrée aux arts et à la culture, nous croyons que le ministère des Affaires culturelles doit l'établir clairement dans les politiques qui touchent le domaine, améliorer ses programmes d'aide aux bibliothèques et instituer un nouveau programme d'aide aux regroupements régionaux et nationaux.

Au chapitre touchant les municipalités, le rapport Arpin parle de fonds servant de levier et de partenariat qui recourra à des ententes globales de développement culturel. Le RABLES propose donc, dans cette veine, que le Programme d'aide financière aux bibliothèques existantes soit majoré quant aux dépenses de fonctionnement de 10 % à 25 % - je ne parle pas de la partie des subventions aux livres et périodiques - et cela, pour les cinq années qui suivent la construction d'une nouvelle bibliothèque. Donc, on demande cette majoration pour les nouvelles bibliothèques qui sont relocalisées ou construites parce que ça aurait pour effet de garantir l'investissement qu'aurait provoqué le MAC et ainsi éviter le risque de la coquille vide.

Parce que ce qui arrive souvent dans les municipalités, on a un beau projet de bibliothèque publique et, finalement, le plan de développement pour les opérations, ça ne suit pas le bâtiment, et ce n'est qu'après trois ou cinq ans, quand tout le monde a découvert et profité du service, qu'on peut dire que c'est maintenant un acquis, que ce n'est plus un luxe.

Les regroupements de bibliothèques, des partenaires à soutenir. Il serait grand temps que le ministère reconnaisse le statut des regroupements régionaux de bibliothèques qui se sont formés dans toutes les régions à partir de 1976, la plupart du temps à l'initiative du ministère même, également pour l'association nationale qu'est l'Association des directeurs de bibliothèques publiques du Québec. Alors, c'est une des parties du mémoire qui, pour nous, est une des plus importantes. Au RABLES, nous sommes passés de six à huit membres et on a fart beaucoup d'activités. Puis, avec le temps, on perd un certain enthousiasme ou de l'énergie quand on est tout seul à devoir mettre l'épaule à la roue. Et on se dit: Si la lecture est, à ta base, une portée d'entrée à la culture en général - on compare avec le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui, lui, prétend que t'exercice physique, c'est une porte d'entrée au sport en général - on se dit que l'on pourrait avoir un regroupement fort avec quelqu'un qui pourrait, en partie, travailler pour le regroupement et qui serait un peu un pendant du coordonnateur Kino-Québec pour le sport.

On a un exemple dans la Mauricie, la région Mauricie-Bois-Francs, où la DRAC a pris en charge le regroupement qu'elle a aidé à fonder en 1985 et lui a versé une première subvention de 2500 $. Je sais que pour cette année la subvention est de 13 780 $. On me dit que c'est une subvention aux projets, mais ce sont des subventions qui sont versées annuellement. On propose que la subvention que te MAC pourrait donner aux regroupements, ce serait un nouveau programme d'aide financière à la coopération. Puis, ça fait partie de la recommandation 51 du rapport Sauvageau, en fait, que le MAC mette en place un nouveau programme d'aide financière à la coopération qui reconnaîtrait du même coup l'existence et l'importance des regroupements de bibliothèques publiques. Que la subvention annuelle en découlant soit versée directement à la corporation ou aux municipalités qui la relaieraient à la corporation sous forme de cotisation. Et qu'une partie de cette subvention soit elle-même relayée à l'ADIBIPUQ, qui est l'association nationale, également comme cotisation participative. Nous croyons qu'un taux de 0,10 $ par habitant pourrait être un minimum de départ.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, cette subvention-là nous permettrait de faire beaucoup d'activités d'animation, de promotion et aussi de formation. C'est ce qu'il nous manque la plupart du temps en région. Nous croyons que le ministère en retirerait des bénéfices par une plus grande visibilité parce que toutes nos activités seraient sous la commandite du minis-

tère en fait.

Cette proposition rejoint les recommandations 76b du rapport Arpin: "... que le MAQ intervienne de façon continue et par des projets conjoints auprès des associations et regroupements" ainsi que la recommandation 81: "... que le MAQ travaille étroitement avec les associations et les regroupements, considérant ces derniers comme des alliés et des partenaires capables de transcender leurs intérêts particuliers pour contribuer au développement plus général de la culture et de la vie culturelle".

Je parlais tout à l'heure de la formation. Le rapport Arpin a un texte qui se rapporte à ça et qui dit, selon les tableaux, que le MAQ subventionne pour environ 200 000 $ les organismes nationaux de bibliothèques. On sait que la plupart des cours et ateliers se donnent à Montréal et à Québec. Donc, dans la région, définitivement, on ne peut presque jamais en profiter, que ce soit donné par la corporation ou l'ASTED. C'est pourtant un besoin reconnu et apprécié parmi nos membres. Notre proposition d'aide directe aux regroupements résolverait cette lacune car nous aurions désormais les moyens de faire venir les formateurs.

Dans un autre ordre d'idées, le rapport écrit en page 157 que la situation de la lecture chez les jeunes et les bibliothèques publiques devrait être des dossiers prioritaires de la concertation entre le MAQ et le MEQ, le ministère de l'Éducation du Québec. Cette affirmation nous a fait penser que les bibliothèques scolaires perdent beaucoup de budget depuis plusieurs années et, finalement, c'est les bibliothèques publiques qui ramassent les clientèles scolaires. Alors, il est très fréquent qu'à la fin de la journée les jeunes arrivent avec le même sujet alors qu'on a seulement trois ou quatre livres sur le sujet, mais on a 15 jeunes qui veulent faire un travail sur le même sujet. On ne veut pas se plaindre de cette clientèle, c'est juste pour constater le fait qu'on ramasse les clientèles scolaires. Alors, ça peut faire partie des discussions entre les deux ministères. (10 heures)

Comme dernier point, il y a le dossier des CRC, des conseils régionaux de la culture, et des directions régionales des affaires culturelles. Juste un mot pour dire que ce qui est dit dans le rapport Arpin laisse supposer qu'on veuille l'élimination de l'un des deux. Nous, au RABLES, à la suite de l'expérience complète de ce qui se vit au Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous pensons que les deux organismes sont nécessaires et très bien implantés dans le milieu culturel de la région et qu'on développe de très bonnes relations avec chacun des deux organismes. Alors, nous croyons que les deux doivent être maintenus.

Un dernier point sur la TPS sur les livres. Naturellement, nous appuyons toute tentative pour enlever toute taxe sur les livres parce que, à longue échéance et même à très court terme, c'est toute l'industrie du livre et, au bout de la ligne, les bibliothèques publiques qui seraient désavantagées. Alors, si on peut ne jamais voir de taxe sur les livres, ce serait une bonne chose. Ce sont les points sur lesquels on voulait attirer votre attention. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Bouchard. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouchard, M. Tremblay. Bienvenue. Vous parlez, dans votre mémoire, de l'action positive qui a été faite. Évidemment, il y a des choses à faire. Il faut s'asseoir avec les municipalités pour procéder aux diverses recommandations au niveau du rapport Sauvageau. Vous savez comme moi que ce n'était pas évident l'année passée. Il y a quand même eu une très grande ouverture après la commission, d'une part.

Deuxièmement, il y a une étude aussi - j'en ai pris un peu connaisssance ce matin - au niveau du fédéral qui, à leur grande surprise, quand vous parlez des taxes et du support, dit que tout le phénomène de l'édition au niveau québécois est en bien meilleure santé que dans le reste du Canada à cause justement des mesures que nous avons prises sur les livres, soit au niveau de la taxe et au niveau de la loi. Et c'est ce que les gouvernements ont fait aussi depuis 10 ans, de part et d'autre. Donc, vous avez raison quand vous dites que la lecture reste quand même la base et qu'il faut continuer de la protéger.

J'aurais quand même quelques questions. D'une part, quand vous parlez d'aide au développement des bibliothèques publiques autonomes, le phénomène d'accroissement de 10 % à 25 %, au moment où on se parle, depuis six ans, en termes d'infrastructures, on a investi à peu près 48 000 000 $. Ce qui fait, et ce que vous dites d'ailleurs justement, que, là, on rejoint 88 %, 90 % de la population. Ça, je vais y revenir, par exemple, pour vous demander ce qu'on peut faire avec les autres 10 %, parce qu'il y a certaines municipalités qui ne veulent pas participer, même si c'est à petite échelle. Mais il n'en reste pas beaucoup, donc, phénomène très encourageant aussi.

D'autre part, on dépense, au niveau du fonctionnement, à peu près 22 000 000 $ par année, ce qui fait qu'on est, dans le fond, le seul ministère dans tout le gouvernement à payer pour le fonctionnement d'un équipement qui est très local. Et nous, ce qu'on voudrait, c'est beaucoup plus d'investir ces mêmes montants et plus, mais au niveau des collections, parce que vous avez raison au niveau des coquilles vides.

Au niveau de l'informatisation - parce que les bibliothèques sont informatisées, bon, certaines d'entre elles, mais elles ne sont pas reliées - il faut vraiment travailler et beaucoup

plus parce que, justement, on a réussi à bâtir, conjointement avec les municipalités, des infrastructures qui, maintenant, rejoignent la presque totalité de l'ensemble de la population. Là, on voudrait vraiment, nous, nous concentrer beaucoup plus au niveau justement des collections pour que ça ne devienne pas une coquille vide et que le fonctionnement - bon, les poubelles, le nettoyage - soit pris en charge par les municipalités. Alors, vous ne trouvez pas que, finalement, ça répondrait beaucoup plus au grand besoin - parce qu'on le sait - d'améliorer justement les collections versus de continuer à payer au niveau du fonctionnement qui, dans le fond, n'assure pas? Ce n'est pas une police d'assurance à savoir si la bibliothèque va s'emplir de livres.

M. Bouchard: C'est parce que pour les nouvelles bibliothèques... D'ailleurs, je crois que le programme d'aide aux nouvelles bibliothèques, vraiment, dans des municipalités qui n'en ont pas encore... Quand le ministère aide à les former, on a un programme spécial dans les années qui suivent qui est un peu plus élevé que le programme habituel au fonctionnement. Pourquoi on demande de l'augmenter de 10 % à 25 %? C'est parce que, justement, les budgets ne suivent pas le bâtiment. On se sert de la subvention du ministère qui est de 70 % aux équipements culturels, on fait un beau bâtiment. Dernièrement, il y a eu un débat au conseil municipal et on se disait: Bon, si on déménage la petite bibliothèque qu'on a là dans quatre fois plus grand, ce qui devrait se faire d'ici 18 mois, et qu'on déménage le même service, les gens vont dire: Pourquoi vous avez construit une grosse bibliothèque si vous donnez le même service? C'est sûr qu'il va y avoir plus d'espace, il va y avoir plus de sièges, mais nos budgets de fonctionnement n'auront pas augmenté au niveau des livres, des documents audiovisuels, des services d'animation et tout ça.

Les élus municipaux ne veulent pas toujours suivre parce que ce n'est pas entré dans les moeurs encore et c'est pour ça que je dis: dans les cinq premières années qui suivent une nouvelle construction de bibliothèque, qu'on les aide un peu plus à aller vers l'excellence et, après, ça va sur une vitesse de croisière au niveau des budgets. C'est pour assurer l'investissement du ministère.

Mme Frulla-Hébert: II y a un gros débat qui se fait et c'est pour ça aussi, d'ailleurs, qu'il faut absolument s'asseoir avec les municipalités. Mais, avant de ce faire, j'ai posé la question à plusieurs, à la plupart des gens oeuvrant au niveau des bibliothèques publiques, c'est tout le débat de la tarification. C'est-à-dire, d'une part, rendre accessible le droit à la lecture, c'est sûr, mais, à cause des nouveaux services que l'on donne dans les bibliothèques, la bibliothèque n'est plus ce qu'elle était. Alors, à ce moment-la, est-ce qu'il y a lieu d'émettre une tarification pour ces nouveaux services?

Évidemment, je me souviens du maire d'Amos qui disait: Vous autres, donnez-nous le droit. Nous autres, on va faire ce quon a a faire. Retirez-vous. Mais son point était bon, parce qu'il disait: Dans le fond, nous, on vit avec la population locale puis, si on fait une erreur, ce n'est pas long qu'on vient nous le dire. Ça, c'est une façon de voir. Une autre façon de voir, c'est de dire: II faut faire attention, parce qu'il ne faut pas d'abus. Mais, vous autres, à ce niveau-là, où est-ce que vous vous situez, au niveau de cette tarification, tout en s'entendant qu'il faut garder l'accessibilité à la lecture quand même?

M. Bouchard: C'est sûr qu'au niveau de la profession et même au niveau du RABLES on est pour l'accessibilité universelle, donc, contre la tarification, du moins, pour l'inscription.

Mme Frulla-Hébert: Les services de base.

M. Bouchard: Ça c'est sûr. Mais on vit chacun dans des municipalités puis il arrive un certain moment où les budgets sont plus difficiles et, alors, on nous demande de commencer à tarifer parce qu'on fait partie des services des loisirs puis les services de loisirs tarifent leurs activités. Mais j'aimerais en venir à un point. Si le ministère... On prend le Programme d'aide financière aux équipements culturels. Ils donnent 70 %, donc, ils peuvent exiger des choses de la municipalité: la mettre au centre-ville, faire une entrée indépendante, tout ça, plein de normes par rapport au bâtiment. Les subventions par rapport aux opérations, si le ministère les augmente, ils peuvent, en plus, exiger plus de choses qu'il y a en rapport aux autres normes qui concernent les bibliothèques publiques, donc, la tarification.

Déjà, dans le milieu, on a été surpris quand même de voir que le projet de loi qui a été étudié - c'est l'été passé ou le dernier été - n'exigeait pas des municipalités de ne pas tarifer. On laissait les municipalités libres de le faire.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Je vais vous dire honnêtement, c'est pour ça, quand j'ai pris conscience de ce projet-là, en arrivant l'année passée, c'est là que je l'ai fait arrêter, parce que je trouvais... Finalement, c'est un débat aussi, tout ça, cette tarification-là. Ça part de là, d'une part. Et, deuxièmement, il faut s'asseoir avec les municipalités, compte tenu des événements. Mais, encore là, on s'aperçoit quand même... Et dites-moi si j'ai tort. Mais, tout au long de cette commission, plusieurs municipalités sont venues. Hier, on a eu une petite perle du regroupement rural. Donc, les gens sont de plus

en plus conscients de l'importance de la culture et de l'outil que ça peut apporter au niveau de l'appartenance, etc.

Donc, je ne pense pas - à moins que je me trompe - que les municipalités, en soi, voudraient se retirer ou, enfin, diminuer leur implication. Au contraire.

M. Bouchard: Au niveau de la tarification?

Mme Frulla-Hébert: Non, justement, au niveau de leur implication au niveau des bibliothèques. Parce que vous dites: Ce n'est pas évident au niveau des conseils. Ce n'est pas évident et les gens ne sont pas tout à fait convaincus. Évidemment, ceux qui viennent à la commission nous disent, au contraire, qu'il y a une certaine croyance qui n'existait pas avant. Mais est-ce que c'est juste, cette perception?

M. Bouchard: Ça change lorsqu'il y a des nouveaux services qui s'implantent dans des régions. Comme je vous le disais, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on a une bonne bibliothèque moderne qui est à La Baie, chez mon confrère, et dans le bout de la région. Les élus municipaux, même la population, quand ils vont dans une autre ville, ne visitent pas la bibliothèque. Ce n'est pas encore un élément de fierté qu'on rapporte chez soi et qui fait que ça nous en prend une et tout ça. Ça fait boule de neige. Comme là, à Aima, il y a un projet; à Chicoutimi, il y a un projet; Roberval déménage cette année; Chibougamau l'a fait. C'est l'effet d'entraînement. On veut une nouvelle bibliothèque parce que les fonctionnaires le demandent et même des usagers le demandent, mais les gens ne sont pas convaincus de la nécessité d'une bibliothèque moderne.

Mme Frulla-Hébert: II y a toujours des pôles dans les régions, des exemples, des pôles. On est allés à Roberval, tout ça, bon. Chicoutimi a un projet depuis dix ans. Nous, on est prêts, et la députée, Mme Blackburn, nous aide beaucoup à pousser et tout ça. Mais si Chicoutimi donnait l'exemple, avec Aima, est-ce que ça n'aurait pas une espèce d'effet d'entraînement sur le reste de la région?

M. Bouchard: C'est officiel. Ils auraient dû le donner il y a dix ans, cet exemple-là. La région serait transformée depuis cinq ans. Je suis absolument convaincu. Surtout la ville mère.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Merci, M. le Président. M. Bouchard, heureux de vous revoir. Quand on m'a donné ce dossier, il y a six ans, une des toutes premières personnes que j'ai rencontrées pour discuter culture, c'était vous.

M. Bouchard: À Aima.

M. Boulerice: M. Tremblay, bienvenue à cette commission.

Il y a quelques années, il y a une importante entreprise qui avait un "spot" publicitaire, si vous me permettez l'expression, qui disait: Notre qualité, nos produits, notre force, nos employés. Alors, dans cette veine, la question que j'aimerais vous poser est: Comment, concrètement, peut-on répondre de façon beaucoup plus adéquate à la formation continue du personnel des bibliothèques publiques et forcément celles en région?

M. Bouchard: On a eu, quelques années, la commission de formation professionnelle. D'ailleurs, il y a une erreur dans le mémoire; c'est écrit "fédéral" alors que c'est provincial. Alors, on a réussi à avoir quelques cours, mais, comme ça venait des municipalités et qu'il y a des nouvelles règles à la CFP disant qu'il ne faut pas que ça vienne de l'administration publique, on va essayer de fonctionner différemment. La formation, si on ne va pas, à Montréal ou à Québec... Et c'est toujours des voyages de deux ou trois jours, c'est toujours très cher, donc, on n'y a pas accès. Il faut la faire venir. La CFP a été un moyen pour la faire venir, on a eu quelques cours mais, là, il faut trouver d'autres moyens parce qu'on est vraiment désavantagés et c'est quelque chose dont on a besoin soit pour nous, les responsables, ou notre personnel. On veut implanter de nouveaux services, mais on a besoin de formation.

M. Boulerice: M. le Président, avec le consentement de l'Assemblée, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement de cette commission pour que M. le député de Lac-Saint-Jean, qui n'est pas membre de la commission, puisse intervenir?

Mme Frulla-Hébert: Oui.

Le Président (M. Doyon): Alors, consentement. M. le député. (10 h 15)

M. Brassard: M. le Président, je prenais connaissance des statistiques qui apparaissent dans votre mémoire. Je pense que la conclusion s'impose: le Québec a un vigoureux coup de barre à donner en matière de bibliothèques publiques. On traîne la patte, on est à la queue dans presque tous les domaines, aussi bien pour ce qui est de la collection totale, du nombre de prêts, du nombre d'employés, du total des dépenses d'opération. Et, au fond, ce que vous demandez, c'est que le gouvernement du Québec, prenant conscience de cette situation, en fasse une priorité et soit le déclencheur de ce coup de

barre. C'est dans cette perspective que vous souhaitez que le ministère assume un certain leadership pour entraîner à sa suite les municipalités.

Si je vous ai bien compris, quand vous demandez que le ministère accroisse sa participation financière au fonctionnement, par exemple, des bibliothèques, aux opérations, non seulement ça va améliorer les services, mais, ce que vous dites, c'est qu'il y a une corrélation directe entre un accroissement de l'action du ministère des Affaires culturelles et un accroissement de l'action des municipalités. Le ministère aurait un effet d'entraînement. Vous êtes convaincu que cet effet d'entraînement apparaîtrait auprès des municipalités.

M. Bouchard: II l'a eu depuis 25 ans, le ministère. C'a été vraiment l'initiateur. S'il n'avait pas été là, on pense qu'il faudrait effacer les 15 dernières années, parce que c'est juste à cause de l'action du ministère que les municipalités ont embarqué, parce que ce n'est pas dans les moeurs du Québec, la lecture, d'avoir une bonne bibliothèque publique.

Alors, ce qu'on demande, c'est de continuer de faire un effort un peu plus grand au niveau des nouvelles constructions de bibliothèques pour ne pas manquer le coup, pour garantir l'investissement du ministère et de la municipalité. Par après, ça se fait tout seul, ça rentre dans les moeurs, les municipalités n'attendent plus après le ministère pour aller chercher une succursale, faire une nouvelle construction, augmenter les budgets. C'est rentré dans les moeurs. C'est demandé par des usagers de plus en plus nombreux. On a quelques exemples de nouvelles bibliothèques qui ont ouvert qui, un an après, allaient chercher 50 % de la population. Alors, ça entre assez rapidement dans les moeurs à ce moment-là.

M. Brassard: Mais, pour ce faire, pour atteindre 50 % de la population, il a fallu évidemment avoir les budgets d'opération en conséquence.

M. Bouchard: D'avoir un bâtiment accueillant, espacé, bien situé, avec des budgets pour les livres, beaucoup, et des heures d'ouverture.

M. Brassard: Parce que c'est vrai, vous avez raison, ce n'est pas toujours évident pour les élus municipaux que c'est un investissement prioritaire que de construire une bibliothèque publique. On en a eu un exemple bien récent, vous et moi, lors de la dernière campagne électorale municipale à Aima où les élus, ou enfin certains candidats, mettaient en doute, compte tenu du contexte économique qu'on vit là-bas, le projet de bibliothèques municipales, de nouvelles bibliothèques, de nouvelles constructions à Aima. Puis on n'entrera pas dans les détails, mais ça confirme ce que vous dites: Les élus municipaux, on ne peut pas dire qu'ils sont fermés à des projets de bibliothèques publiques, mais, effectivement, moi, je pense que vous avez raison de dire qu'il faut que le ministère soit présent très activement, très concrètement pour assumer un leadership.

Ce que vous dites, c'est que le ministère l'a assumé ce leadership-là depuis 15 ans et plus.

M. Bouchard: 25 ans.

M. Brassard: 25 ans même, en fait depuis la naissance...

M. Bouchard: Des BCP.

M. Brassard: ...la fondation du ministère lui-même. Mais, si on veut accomplir des progrès dans ce domaine-là, il faudrait que son leadership soit plus fort et plus présent. Je comprends bien votre... Et cet accroissement du leadership, cette plus grande présence du leadership du ministère, bien, ça devrait se traduire par des programmes d'aide plus importants, ayant des budgets plus importants.

M. Bouchard: Pour une certaine période de temps, et puis pour certains projets, comme je le disais, les nouvelles bibliothèques.

M. Brassard: Ce que vous évaluez à cinq ans. Ce que vous dites, c'est que pendant cinq ans, si l'aide était accrue, ça permettrait, à ce moment-là, aux intervenants du milieu, au conseii municipal, aux permanents de la bibliothèque d'atteindre des objectifs de fréquentation, etc.

M. Bouchard: Ça ne ferait que revenir au statut antérieur à 1986 où on pouvait aller chercher des subventions jusqu'à 25 % et 30 % au total. Maintenant, ça a descendu autour de 15 % incluant les livres. En tout cas, pour les 10 bibliothèques autonomes de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est passé de 25 %à15 %.

M. Brassard: Sur les regroupements...

Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le député.

M. Brassard: Oui. Dernière question. Vous souhaitez qu'il y ait une reconnaissance des regroupements régionaux comme le vôtre. Vous en êtes un depuis maintenant six ou sept ans, si ce n'est pas plus?

M. Bouchard: C'est notre dixième...

M. Brassard: Dix ans. Vous souhaitez qu'il y ait une reconnaissance et qu'il y ait aussi une forme d'aide financière de la part du ministère. Pourquoi? Parce que vous pensez que de tels

regroupements pourraient jouer un rôle très actif et très positif en termes, par exemple, d'animation, d'augmentation de l'achalandage des bibliothèques par...

M. Bouchard: Bon. Je peux vous donner...

M. Brassard: Ce serait quoi les avantages d'une telle reconnaissance?

M. Bouchard: Je peux vous donner un exemple. Cette année, comme on fête le dixième anniversaire, on avait, depuis un an et demi, un projet de signets avec un tirage de "best-sellers" passé à la radio. C'est un projet dont on est allé chercher l'idée en Abitibi-Témiscamingue. Pendant un an, on s'est cherché un commanditaire privé et on n'en trouvait pas et, finalement, c'est une subvention de 2500 $ de la direction régionale qui nous a permis de faire le projet et c'est un projet de 5000 $. On contribuait pour le reste. Mais, si on n'avait pas eu la subvention du ministère, on ne pouvait pas aller chercher, dans nos budgets d'opération, chacun dans nos huit bibliothèques, pour tenir ce projet-là. Et, depuis 10 semaines, dans cinq postes de radio de la région, il y a deux messages par jour pour parler de la bibliothèque et des signets à l'effigie, justement... On a fait des reproductions des oeuvres de la biennale qui s'est déroulée à Aima.

Alors, c'est le genre de projet qui est possible avec l'aide du ministère. On en a fait plusieurs projets depuis 10 ans mais c'est de plus en pius difficile, au niveau financier, d'aller chercher un montant égal dans chacune des bibliothèques, et c'est de plus en plus difficile au niveau de l'énergie que ça prend en dehors de notre travail dans la bibliothèque même pour accorder autant de temps à la vitalité du regroupement. On fait des réunions mais les réunions, 11 faut qu'elles débouchent sur des projets et on aimerait avoir cette aide pour pouvoir réaliser des projets et pour mettre quelqu'un à temps partiel pour nous décharger de ça, pour faire de ia promotion, faire de la formation. C'est pour ça.

Le Président (M. Doyon): Merci. Quelques mots de remerciement, si vous le voulez bien, M. ie député. M. le député de Lac-Saint-Jean ou M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Brassard: Bon. Très bien. Alors, je voudrais simplement les remercier et leur dire aussi, évidemment, que je suis très conscient et très fier aussi du rôle que joue RABLES dans la région depuis 10 ans. J'ai eu l'occasion d'être associé maintes fois à leur action et je ne peux que les encourager à poursuivre dans le même sens.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, si vous voulez faire de même.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Moi aussi, je me joins à mon collègue pour vous remercier. C'est drôle parce que, hier soir, on a beaucoup parlé aussi du rôle de la promotion maintenant et du marketing au niveau des divers secteurs culturels, ce qu'on ne faisait pas avant parce qu'on s'imaginait: Bien, ça va se vendre tout seul ou c'est naturel, bon. Et, là-dessus, vous avez raison dans un sens où, évidemment, la promotion entraîne la clientèle et, donc, par cet entraînement de clientèle, évidemment, le service se développe. Alors, soyez sûrs que, à ces niveaux-là, ce qui n'existait pas, on va essayer de regarder ça de très très près. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Au nom des membres de la commission, je vous remercie d'avoir bien voulu accepter notre invitation et d'avoir bien voulu alimenter notre réflexion sur toute cette question de la politique culturelle, en particulier en ce qui concerne les bibliothèques. Alors, M. Bouchard ainsi que M. Tremblay, soyez remerciés.

M. Bouchard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): J'indique aux membres de cette commission que l'ordre du jour, tel que je l'avais indiqué précédemment, est modifié de façon à ce que le Conseil régional de la culture de l'Outaouais, qui devait être entendu à 21 h 30, soit maintenant entendu à 18 h 30. Et l'ordre du jour est donc modifié en conséquence.

J'invite maintenant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain à bien vouloir prendre place à la table de nos invités. C'est à leur tour maintenant de nous faire connaître leur réaction, comment ils voient la proposition de politique qui a été déposée à l'Assemblée nationale. Les mêmes règles s'appliquent, vous avez 10-15 minutes pour nous lire votre mémoire ou en extraire les grandes lignes, comme vous le voudrez. Et ensuite, nous ferons 20-25 minutes de discussion avec vous sur les sujets que vous aurez bien voulu aborder. Alors, M. Guilbault, vous avez la parole, ou Mme Lalonde, comme vous voudrez. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues.

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

M. Guilbault (Jean): M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, dans un premier temps, je désire vous remercier pour l'opportunité que vous nous avez donnée de vous présenter nos commentaires et nos remarques sur la culture. J'ai l'intention de vous lire les principaux extraits de notre mémoire qui n'est pas très long de toute façon et qui va vous permettre de mieux comprendre l'importance et la portée de la culture, tout particulièrement

pour la région de Montréal.

Nous souhaitons affirmer l'importance que la culture occupe dans le positionnement de Montréal et la place que nous lui accordons dans notre stratégie de développement du Montréal métropolitain. Nous souhaitons énoncer des besoins en rappelant ce qu'il faut aux industries et aux organismes culturels de Montréal pour renforcer cette mission et contribuer de tout leur poids à la compétitivité de Montréal sur le plan international. Nous souhaitons expliquer ce que, comme Chambre de commerce, nous tentons de faire pour la promotion de l'activité artistique à Montréal, souligner notre intérêt et notre raison de vouloir tisser des liens entre le milieu des arts et celui des affaires, parler en somme du partage des rôles en ce qui concerne le financement des arts et des industries culturelles.

Ce que nous souhaitons ici, c'est de faire partager au gouvernement du Québec, au chapitre de sa politique des arts et de la culture, notre stratégie de développement de Montréal, une stratégie qui compte comme un atout majeur le renforcement du secteur de nos institutions culturelles. Dans son rapport, le groupe-conseil invite "le gouvernement québécois à conclure un véritable pacte culturel avec sa métropole".

Le caractère international de Montréal. Dans sa stratégie de développement économique pour le Montréal métropolitain, la Chambre de commerce soutient que Montréal doit accentuer son caractère de ville internationale et continuer de se distinguer des autres villes par son exceptionnelle qualité de vie. Je vous cite un extrait d'un editorial paru dans la revue Commerce de l'an dernier: "Or, dans le monde moderne, l'industrie culturelle, plus que toute autre, constitue non seulement un élément déterminant de cette qualité de vie mais est aussi un facteur de reconnaissance internationale."

Il n'est pas facile aujourd'hui d'être, encore moins de devenir une ville à caractère international. Une telle renommée s'acquiert par l'intensité et la qualité des relations que la ville entretient quotidiennement avec l'étranger, un phénomène qui dépend beaucoup de la structure économique. Une telle renommée s'acquiert aussi au fil des ans. Elle se mérite encore par des gestes de longue portée, des investissements d'envergure, des choix de priorités difficiles. (10 h 30)

Du point de vue de la Chambre de commerce, si Montréal peut se permettre de poursuivre ses efforts dans cette voie, c'est parce qu'elle dispose d'atouts naturels importants (caractère multiethnique et position géographique avantageuse) et qu'elle est choyée par une exceptionnelle qualité de vie. Je vous rappellerai que, dans les enquêtes qui sont faites à travers le monde, Montréal est citée comme la seconde ville sur le plan mondial pour sa qualité de vie et son attrait pour les investisseurs en autant que ce secteur est concerné. C'est surtout qu'elle a généré depuis des années cette intensité culturelle qui étonne souvent le reste du Canada et même, parfois, le New York Times et le reste du monde!

Mais la compétition pour une renommée internationale ne tolère aucune faiblesse, aucune faille, aucun ralentissement. Elle est sérieuse Plusieurs grandes villes de l'Europe ont réinvesti dans un patrimoine et des institutions culturelles déjà très riches pour se mériter une notoriété culturelle, internationale, ou simplement pour devenir un lieu d'attraction économique au sein de la Communauté économique européenne, en préparation des marchés mondiaux. Même mouvement dans plusieurs villes du Nord-Est américain espérant, en rehaussant leur profil au plan culturel, éducation et qualité de vie, remplacer les centres industriels d'hier. Montréal ne doit pas craindre de se doter en son centre-ville, même où il y a déjà une concentration d'activités culturelles, d'un seuil critique nécessaire d'institutions culturelles, dynamiques et d'envergure internationale.

La culture occupe donc une place prépondérante dans la stratégie de développement de Montréal. Qui le comprendra? Qui l'appuiera? Le gouvernement du Québec, cela s'impose. Dans son rapport, le groupe-conseil s'en rapproche puisqu'il reconnaît le rôle de Montréal comme pôle de développement national et international. Mais, compte tenu des enjeux, il faut aller plus loin. Il faut élaborer un plan d'action que le gouvernement du Québec, au plus haut niveau, s'engage à réaliser.

Noblesse oblige: les besoins culturels de Montréal. Quels sont les éléments de ce plan d'action? Dans notre rapport de 1985 sur "L'industrie culturelle et le rayonnement international de Montréal", nous avons déjà fait part du danger que Montréal régresse sur le plan de la qualité de son produit culturel si elle n'est pas constamment appuyée dans son secteur et dans son essor culturels. Nous nous heurtions alors à l'absence d'une volonté politique de combler les besoins de la région montréalaise en institutions culturelles permanentes. Nous faisions également état de la nécessité que nos grands organismes culturels atteignent une stabilité, un degré d'autonomie, une marge de manoeuvre financière suffisante pour poursuivre leur progression. Après six ans, il est utile de refaire le bilan sur ce double front.

L'implantation d'institutions culturelles permanentes. Un progrès certain a été réalisé avec l'agrandissement du Musée des beaux-arts, l'implantation du Centre canadien d'architecture, la construction du nouveau Musée d'art contemporain, l'agrandissement du musée McCord. Les années quatre-vingt-dix sont celles du développement muséologique et, au plan de la compétition internationale, Montréal comblera ainsi un retard susbstantiel à ce chapitre. Nous désirons le souligner, les contributions du secteur privé à

trois de ces projets ont dépassé la somme de 60 000 000 $.

Mais pour faire de Montréal une ville d'envergure internationale, il ne faut pas s'arrêter là. Il faut poursuivre le plan: doter Montréal d'institutions permanentes de grande envergure; stimuler ses industries culturelles pour qu'elle continuent à jouer un rôle économique; consolider ses grands organismes à but non lucratif et encourager, autant que faire se peut, la création artistique.

À titre d'exemple, Montréal demeure la seule région métropolitaine de 3 000 000 d'habitants en Amérique du Nord à n'avoir aucun musée scientifique ou centre de sciences. Ce problème rejoint un problème d'éducation important. Si nous voulons - et je me permets un aparté - que nos enfants développent une culture, s'intéressent à la science et à la technologie, c'est par la création d'un musée comme celui-là qu'il nous sera permis de les intéresser et de les initier. Ça nous apparaît comme un projet qui devrait recevoir la priorité de nos gouvernements.

Montréal attend son école nationale de limage et du son, projet auquel participe l'ensemble du milieu du cinéma et de la télévision, et auquel la Chambre a encore apporté son appui.

En dépit de plusieurs améliorations et de plusieurs projets annoncés puis retirés, la région métropolitaine n'est pas encore bien desservie en grandes salles de spectacle. Pour une, la salle de l'OSM demeure toujours à l'état de projet.

La présence d'institutions d'envergure est cruciale pour l'avenir culturel et pour le développement de Montréal. L'un et l'autre sont intimement liés.

Les besoins financiers des organismes culturels à but non lucratif. S'il y a carence au plan des grandes institutions culturelles permanentes, il y a aussi des besoins chez les organismes culturels existants. Plusieurs à Montréal souffrent plus souvent qu'autrement de sous-financement. Des déficits accumulés placent tour à tour l'Orchestre symphonique de Montréal, les Grands Ballets canadiens, le Théâtre du Nouveau Monde, l'Opéra de Montréal, le Musée des beaux-arts, ou d'autres encore, dans des situations extrêmement fragiles.

Je me permets encore une fois un aparté. J'ai accepté l'an dernier de coprésider la soirée-bénéfice des Grands Ballets canadiens. La vente des billets à 200 $ s'est avérée excessivement difficile. Le montant rapporté par cette vente de soirée-bénéfice n'était que de 100 000 $, ce qui était quand même une réussite, mais cette somme était insuffisante. Le conseil d'administration, à la suite de cette campagne un peu décevante, se posait de sérieuses questions, à savoir comment il réussirait à payer ses principales vedettes pour la prochaine année, avec des offres qui leur venaient de New York, de Los Angeles et de Paris.

Nos organismes ne disposent d'aucune marge de manoeuvre pour faire face à une difficulté particulière, un événement moins populaire que prévu, une campagne de financement décevante, tout comme ils disposent de peu de moyens pour prendre des risques inhérents à la performance artistique et pour poursuivre leurs objectifs d'excellence. Sans l'aide de l'État, il n'y aurait que peu de musique, peu de chanson, peu de cinéma québécois et sans doute peu d'auteurs publiés. Notre marché est trop étroit pour rentabiliser certaines industries culturelles, et c'est un fait de la vie pour tous les pays occidentaux, à l'exception des États-Unis.

Mais, telle que conçue actuellement, l'aide directe et indirecte de l'État ne permet pas vraiment à ces entreprises de se capitaliser. Elles demeurent donc fragiles et la plupart vont de projet en projet, sans assurance de lendemain. Il serait opportun que, par des régimes fiscaux et l'accessibilité à des capitaux de risque, elles puissent, à certains stades de leur développement, renforcer leur structure financière.

En résumé, si la culture est une richesse stratégique pour Montréal, ses besoins de financement sont considérables. La place qu'occupe le secteur culturel comme axe de développement de Montréal, ses retombées sur le positionnement de Montréal justifient de tels investissements. Mais c'est pourquoi il faut parler d'engagement de la part du gouvernement du Québec et de sources de financement additionnelles, comme le suggère le rapport du groupe-conseil. On ne réussira à soutenir adéquatement le développement de Montréal qu'en diversifiant au maximum les sources de financement des arts. L'ampleur des besoins le commande. Ensuite, le foisonnement de la création passe par cette multiplicité des sources de fonds. Le secteur privé, le secteur public et tous les paliers de gouvernement doivent contribuer au financement de la culture et des arts.

Permettez-nous de commencer par le secteur privé. En effet, plusieurs grandes entreprises montréalaises contribuent de façon exemplaire au soutien des arts. Nous ne les nommerons pas, mais elles sont déjà bien connues car leurs investissements ont des retombées sur leur image. Leur intérêt est constant, leur engagement diversifié, et il n'est pas rare qu'elles soient appelées à augmenter leur partenariat dans les difficiles moments des crises financières. Ainsi, les grands organismes d'art d'interprétation et les festivals peuvent compter sur une proportion substantielle, variant entre 10 % et 40 %, de commandites et de dons privés. On peut se rappeler le Festival de jazz qui a réussi à passer à travers grâce à des subventions substantielles du secteur privé.

Par ailleurs, par de la sollicitation, des campagnes de financement, des événements spéciaux, un grand nombre d'organismes culturels vont aussi chercher des contributions moins

visibles chez des entreprises privées, moyennes et petites, qui ont une affinité avec le domaine artistique. C'est pour développer cette affinité et augmenter le bassin des contributions que la Chambre travaille depuis 1989 à stimuler le soutien de l'entreprise privée aux arts.

Le financement public. La contribution des gouvernements provincial et fédéral à la culture montréalaise devrait tenir compte à la fois de son dynamisme et de son rôle dans ia stratégie de développement de Montréal. La contribution du secteur privé et celle des municipalités suivront. Dans son rapport, le groupe-conseil recommande au gouvernement du Québec d'accorder à la culture et aux arts une priorité élevée et les budgets qui en découlent. Pour les motifs expliqués, nous souscrivons d'emblée à cette recommandation.

Nous voudrions aller plus loin. Dans notre rapport de 1985, nous affirmions qu'une part majeure du financement de la culture devrait provenir du gouvernement québécois, notamment pour l'investissement dans les grands équipements, ainsi que pour supporter les frais d'exploitation, tant des grands organismes d'interprétation que de ceux de création et de recherche. Nous continuons à préconiser la même approche. Tout comme les universités et les collèges, les institutions culturelles reconnues devraient bénéficier d'un plan de développement, sur une base pluriannuelle, convenu avec les gouvernements, et plus particulièrement avec le gouvernement du Québec. Ce plan devrait inclure leurs projets d'immobilisation et de développement. On éviterait ainsi les situations instables et confuses qui ont marqué le développement de chaque équipement culturel, du moins à Montréal.

La part du gouvernement fédéral. J'insiste bien sur le fait qu'il s'agit du niveau, mais ce niveau de contribution du gouvernement du Canada au financement des arts par ses divers ministères et par le Conseil des arts du Canada devrait demeurer aussi un acquis. Quelle que soit l'issue du dossier constitutionnel, il faut qu'il en soit ainsi. Il semble que nous assistions présentement à une enchère vers la baisse et cela nous apparaît dangereux. D'abord, les fonds consentis à Radio-Canada, à l'ONF, au Conseil des arts du Canada ont fait et font encore l'objet de réductions. Il faudrait en mesurer l'ampleur et l'impact sur l'industrie culturelle montréalaise. Ensuite, le gouvernement fédéral résistera-t-il à la tentation de réduire ses contributions en anticipant un retrait du champ culturel avec compensation?

Dans cette conjoncture, comment conclure que le retrait fédéral du secteur culturel, pris isolément, favorise la trésorerie du gouvernement du Québec et non celle du gouvernement fédéral? Au contraire, ce retrait, indépendamment du futur statut constitutionnel du Québec, risque d'avoir un impact négatif sur le financement de l'industrie culturelle et sur le développement de Montréal. C'est pourquoi nous invitons le gou- vernement du Québec à être prudent face à la recommandation du groupe-conseil à cet égard. S'il y a retrait du gouvernement fédéral et de ses agences du champ culturel, ce doit être plutôt dans le contexte d'un règlement constitutionnel global permettant de faire le tour de tous les aspects de la question, de mesurer les risques et d'apprécier la valeur des compensations. Uniquement dans un tel contexte, d'ailleurs, pourra-t-on prendre en compte l'ensemble des interventions du gouvernement fédéral dans le champ culturel: droits d'auteur, règlements à l'exportation, fiscalité, libre-échange... et faire valoir une position qui représente, au minimum, un statu quo pour l'industrie culturelle québécoise.

Par ailleurs, la position du groupe-conseil à cet égard semble dictée par un besoin de centralisation du processus décisionnel. Cette perspective nous inquiète à double titre. Premièrement l'activité culturelle a besoin d'autonomie, de latitude, de marge de manoeuvre, non de dirigisme. Les organismes culturels viendront sans doute le dire. Deuxièmement, du point de vue de la recherche de financement, cette orientation cache une contradiction. D'un côté, le groupe-conseil veut inciter les municipalités et l'entreprise privée à contribuer davantage au financement de la culture. D'un autre côté, il souhaite canaliser toutes les interventions vers un seul ministère. Or, centraliser la décision, au gouvernement par surcroît, et stimuler les partenariats financiers sont de véritables antidotes. Un élimine l'autre. Est-il besoin d'insister davantage? (10 h 45)

La contribution des municipalités. La ville et la Communauté urbaine de Montréal contribuent substantiellement à soutenir l'activité culturelle dans la région montréalaise. En plus de s'engager résolument à confier 1 % de leur budget au Conseil des arts de la Communauté urbaine, la ville gère plusieurs institutions culturelles. Nous voulons le souligner, tout en leur laissant le soin d'en faire état plus longuement. Nous souscrivons à la recommandation du groupe-conseil à l'effet de créer des dispositions pour inciter les municipalités à s'engager encore davantage dans le soutien aux arts et à la culture. Dans ce contexte, il nous apparaît souhaitable que le manque à gagner créé par l'abolition des droits sur les divertissements pour le secteur culturel donne lieu à une compensation. De façon générale, il nous apparaît contre-indiqué que le gouvernement du Québec lance la balle aux municipalités, grandes et petites, sans leur assurer des sources de financement adéquates. Dans le modèle français de financement de la culture, le gouvernement central fournit un financement aux municipalités qui veulent bien s'en prévaloir et l'affecter selon leurs priorités. Les résultats sont éloquents.

Le groupe-conseil recommande la mise en

place de stimulants fiscaux permettant aux entreprises d'investir dans la culture et aux individus de déduire leurs dons. Nous aurions souhaité qu'il soit plus explicite sur la manière de le faire. La création de stimulants fiscaux additionnels se justifie pleinement. Elle entraîne une contribution accrue des trois partenaires: gouvernements, milieux d'affaires et individus. La culture ayant des rendements sociaux et économiques externes, tous les partenaires sociaux des entreprises culturelles - gouvernements, milieux d'affaires, individus - tous doivent y investir. Enfin, les industries culturelles ont besoin de ces stimulants. Elles sont de plus en plus fragiles face à la concurrence mondiale. Sans injection de fonds publics ou de capital de risque, elles subsisteront difficilement.

En conclusion, d'aucuns peuvent être tentés d'opposer culture et économie. Au contraire! Interviewé au lendemain de la dernière récession, le ministre français de la Culture disait plutôt: "II faut réconcilier l'économie et la culture, investir dans celle-ci pour sortir de la crise..." Pour nous, la mission culturelle, éducative, sociale fait partie de la mission économique et vice versa. Pour nous, la culture est aussi essentielle à Montréal que la région montréalaise l'est au Québec. Nous suivons fidèlement le rapport du groupe-conseil en affirmant que cette réalité bien comprise servira l'ensemble du Québec. C'est pourquoi nous exprimons l'espoir d'un partenariat arts-affaires-gouvernement du Québec dans la compréhension et le soutien du Montréal de demain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guil-bault. J'indique aux membres de cette commission que la présentation a pris 25 minutes. Donc, il reste peu de temps pour la discussion avec les membres de cette commission. Je verrai à tenir compte du temps écoulé. Mme la ministre, pour quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Guilbault, merci Mme Lalonde. C'est avec plaisir que j'entends parler de la culture comme stratégie de développement importante pour Montréal et de cette recherche que vous avez faite auprès de 90 décideurs étrangers disant que tout le phénomène de culture et de qualité de vie est un des pôles importants... J'aimerais - ça, c'est un souhait - quand nous sommes assis autour de la table avec le comité ministériel de Montréal ou d'autres instances, que ce soit dit fort, ça aussi, et que la culture ne passe pas comme un loisir tel... Oui, il y a l'industrie du tourisme. La culture, c'est très différent, parce que c'est aussi la qualité de vie, comme vous le dites si bien.

Il faudrait vraiment continuer à pousser le message très fort, non seulement ici, mais ailleurs et au niveau d'autres instances. Au niveau du développement des équipements... Le temps passe et il y aurait une foule de choses que je voudrais vous dire. Vous savez, vous dites dans votre mémoire: On éviterait ainsi des situations instables et confuses. Au niveau de Montréal, Montréal occupe 57 % du budget du ministère annuellement, sans compter le service de dette. Montréal - ça, c'est au grand dam des régions - les régions viennent nous dire: Vous en donnez trop à Montréal! Donc, il y a une large part que Montréal vient chercher et ça, beaucoup à cause des institutions et des grands équipements. Si le développement des grands équipements a été fait, ou peut sembler avoir été fait de façon confuse, c'est beaucoup aussi au niveau du fédéral. Oui, le fédéral investit beaucoup. Oui, le fédéral force souvent, par ses priorités, à investir et ce, de façon confuse et sporadique et non pas dans un - ce que vous souhaitiez - plan global avec des priorités québécoises, fait par des Québécois et des Montréalais. Ça, c'est une réalité. Exemple, l'ouverture du Musée des beaux-arts: 100 000 000 $ investis de part et d'autre, 14 000 000 $ récurrents sur mon budget par année, le bal du Musée des beaux-arts, sous le haut patronage de Brian Mulroney. Alors, c'est ce genre de situation qu'il va falloir corriger une fois pour toutes parce que, effectivement, on a un développement, on essaie. Je pense qu'on a beaucoup travaillé au niveau des infrastructures excepté que, quelque part, il y a place à la consolidation.

Je veux rapidement en venir au niveau de l'entreprise privée et de tous les partenaires. Si on veut une culture forte, spécialement pour la métropole, il va falloir aussi aller chercher des partenaires. La France, au niveau du gouvernement central, dépense 30 % de son budget et ce sont les départements et les municipalités qui font le reste. Ce qui est l'inverse avec nous où on dépense beaucoup plus pour la culture au niveau du gouvernement central.

Au niveau des mesures fiscales. Quelles sont les mesures qu'on pourrait aller chercher selon vous? Il y a arts, affaires... Vous parlez beaucoup d'investissements, c'est-à-dire de mesures fiscales pour les abonnements, par exemple. Là, on a des plans de sauvetage pour l'OSM, on a des plans de sauvetage pour les Ballets, mais, quelque part, on ne peut pas toujours se retourner et dire: II y a 2 000 000 $ de déficit, il faut faire quelque chose. Il faudrait avoir une planification parce que c'est nous, après ça, qui devons subir tout ça. Mais, au niveau des mesures fiscales, quelles sont les premières mesures que vous auriez à suggérer, si on veut?

M. Guilbault: Les premières qui me viennent à l'esprit sont, par exemple, des sociétés de capital de risque. Un fonds spécial, style fonds de solidarité pour l'art et la culture, avec des incidences fiscales intéressantes pour les investisseurs. Dans les infrastructures, par exemple, des sociétés en commandite qui pourraient

permettre, comme on l'a connu dans d'autres secteurs de l'activité économique, mais orientées de façon régionale... Je pense qu'on devra être innovateurs dans les approches fiscales, mais elles devront être flexibles et efficaces. Il y en a plusieurs véhicules qui sont connus au moment où on se parle et qui s'avèrent totalement inefficaces parce que pas souples - aucune souplesse - et créateurs d'abus. Je pense à la recherche et au développement.

Je pense que les mécanismes sont connus. Il s'agit de les... je dirais "fine tuner" en anglais, de les mettre au point, pour qu'elles soient applicables dans le secteur de la culture. Je pense qu'on peut facilement, au niveau concertation entre les partenaires, déterminer exactement comment ces mécanismes pourraient être efficaces dans le secteur, par exemple, de l'infrastructure.

Mme Frulla-Hébert: Vous dites qu'il faut continuer à consolider nos institutions. Il y a d'autres groupes qui viennent nous dire: Vous avez beaucoup investi dans le béton depuis 1985, ça serait bon maintenant d'investir aussi dans la création. Au niveau de la ville, effectivement, la ville s'occupe de différentes institutions, les maisons de la culture, par exemple, excepté que c'est une entente. Nous, on prend les grandes institutions. Montréal, évidemment, est une métropole et en demande beaucoup, Québec aussi, parce qu'elle soutient les grandes institutions. Comment fait-on un peu la part des choses, c'est-à-dire le soutien à la création? Il va falloir retourner au niveau de la création et de l'humain versus ce besoin des grandes institutions. Est-ce qu'il y a un partenariat encore plus fort sur lequel on peut capitaliser? Comment voyez-vous ça?

M. Guilbault: Dans les infrastructures, il m'apparaît important, je pense, de penser en termes de partenariat. Je suis tout à fait conscient de votre intervention de tantôt sur les problèmes que présentent les deux paliers de gouvernement - fédéral et provincial - et les interventions souvent incohérentes entre les deux. Par contre, au niveau, par exemple, de la création d'un musée de la science et de la technologie, on pourrait sans doute parler de partenariat à tous les niveaux, incluant le secteur privé. Mais, on ne peut pas se passer des gouvernements. Ces institutions-là ne peuvent pas être rentables en soi. C'est, je pense, en étudiant les possibilités de partenariat entre chacun des niveaux qu'on réussira à mettre en place les structures fondamentales nécessaires. Mais je suis tout à fait d'accord qu'il faut également investir dans la création.

Il y a eu des salles importantes qui ont été... il y a des musées qui ont été créés à Montréal, mais il reste encore des investissements majeurs à faire, je pense, en termes...

Mme Frulla-Hébert: Au niveau des petites salles, salles moyennes.

M. Guilbault: Exactement.

Mme Frulla-Hébert: II y a un bel exemple de partenariat, celui de ce qu'on appelle en fait le musée pour enfants...

M. Guilbault: Absolument.

Mme Frulla-Hébert: ...sur lequel on travaille présentement avec les différents groupes, donc l'entreprise privée, nous, et l'autre palier de gouvernement. Maintenant, il y avait aussi la suggestion de M. Béland qui disait que c'est aussi très important d'avoir une maison, un même toit avec plusieurs portes auxquelles on doit cogner, versus plusieurs maisons où l'un dépend de l'autre, dépendant évidemment des priorités de chacun, des individus qui sont en place et de leurs priorités.

M. Guilbault: Exactement.

Mme Frulla-Hébert: Alors, la planification, dans un sens, dans ce cas-là, est très très difficile à avoir.

M. Guilbault: Vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Guilbault, Mme Lalonde, je crois que vous avez tout à fait raison de souligner l'importance de la culture sur le développement économique et social de Montréal. D'ailleurs, le portrait que vous tracez, au niveau des équipements, est on ne peut plus pertinent. Je pense que nous vivons les effets du moratoire néfaste de 1986, comme tels. Donc, absence d'équipements qui sont importants.

L'écriture du rapport Arpin, malhabile, maladroite, courte, a situé Montréal d'une façon telle que bien des régions se sont senties complètement délestées, ou délaissées, ce qui a eu pour résultat de provoquer - vous me permettrez l'expression - une espèce de "backlash" anti-Montréal. Montréal désire des choses, Montréal veut voir son statut de métropole consolidé, mais je ne crois pas qu'il soit dans l'esprit de Montréal et des Montréalais d'avoir des visées impérialistes et d'être d'un égoïsme ethnocentrique au point de vouloir s'approprier tout. D'où l'importance, quand les intervenants de la région métropolitaine viennent, d'avoir toujours comme préoccupation que les régions ont leur place. Ce que Montréal souhaite n'est pas, pour employer la vieille expression, le vieil adage, déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul. Je ne crois pas que c'est ce que l'on veut

comme tel.

Maintenant, vous avez parlé de sous-capitalisation des entreprises culturelles et de la nécessité de renforcer leurs structures financières, notamment en leur facilitant l'accès à du capital de risque par des moyens fiscaux. Vous avez parlé des entreprises qui veulent financer l'art et la culture. Mais, dans le cas des entreprises dites culturelles, ces moyens fiscaux qui pourraient leur permettre de renforcer effectivement leurs structures, ça serait quoi? Est-ce que vous avez peut-être un ou deux exemples?

M. Guilbault: D'abord, comme réponse à votre question, la première remarque que vous avez faite, c'est que, loin de vouloir tout centraliser, Montréal est parfaitement consciente qu'elle ne peut pas agir, comme vous le mentionniez, en impérialiste et vouloir tout accaparer. Mais je pense qu'il est important de réaliser actuellement qu'au Québec, si on veut que l'économie et que la culture se développent dans toutes les régions, la région métropolitaine a un rôle primordial à jouer.

Je pense que les élus ont également un rôle important à jouer à ce niveau-là. Les élus représentant les régions doivent faire comprendre aux régions que ce n'est pas en se déchirant et en tirant la couverte l'une l'autre qu'on va réussir à gagner le problème de la récession et de la compétitivité mondiale, mais en faisant des partenariats et en réalisant la relation qui existe entre l'une et l'autre. Ça m'apparaît important. (11 heures)

Pour répondre de façon plus particulière aux avantages et aux bénéfices fiscaux qu'on pourrait mettre en place, je faisais mention tantôt de la création de fonds spéciaux style, par exemple, fonds de solidarité dans le domaine de la culture, avec des incidences fiscales propres, dirigés vers les organismes culturels si on pense en termes de capital de risque pour les industries de la culture qui veulent investir et avec des incidences fiscales pour les entreprises privées qui veulent vraiment investir dans la culture. Alors, déductions et avantages fiscaux différents selon l'approche industrie privée ou selon l'approche industrie culturelle.

M. Boulerice: Je suis heureux d'entendre votre propos, M. Guilbault, puisque durant la fin de semaine dernière, vous le savez, ma formation politique donnait un colloque sur le développement régional. Mme Cousineau, qui est présidente du conseil à Montréal, a parlé, effectivement, d'assistance mutuelle. Donc, elle situait Montréal non pas dans un rôle d'opposition mais un rôle de partenariat avec l'ensemble du Québec.

Vous avez fait allusion - ça, c'est à la page 13, page chanceuse peut-être - M. Guilbault, au rapport Bovey dans lequel, d'ailleurs, j'ai trouvé beaucoup d'intérêt. Un rapport qui date peut-être de 1990, mais je pense qu'il est encore quand même d'actualité. "Permettre aux individus une exemption fiscale basée sur leurs dépenses d'abonnement à des programmes culturels. Permettre aux individus et entreprises d'exempter de la taxe sur les gains en capital la plus-value sur les biens faisant l'objet de dons à des fondations." Je pense que, si vous les avez énumérés, c'est que ce sont des programmes auxquels vous souscrivez comme tel, comme incitatifs au niveau de la culture.

Par contre, il y a une autre dimension qui est celle du soutien, si vous voulez, non pas uniquement à l'institution culturelle comme telle, à l'entreprise culturelle, mais bien à l'achat d'oeuvres ou de produits. Depuis un certain temps - c'est devenu presque une marotte, M. Guilbault - j'évoque l'hypothèse d'un REA, régime d'épargne-art, qui permettrait à l'individu qui, lui, actuellement, ne peut pas le faire, contrairement à l'entreprise, d'acquérir une oeuvre d'une artiste ou d'un artiste québécois et de pouvoir bénéficier d'une certaine déduction fiscale, ce qui nous permettrait de stimuler le marché de l'art, d'une part. Deuxièmement, vous connaissez autant, sinon beaucoup mieux, que moi cette cascade que cela entraîne après, et qui est augmentation de la production de l'artiste, des revenus meilleurs. Donc, finalement, l'établissement d'un marché de l'art dans son sens le plus noble au Québec. Est-ce que des mesures comme celles-ci recevraient l'agrément de la Chambre de commerce...

M. Guilbault: Tout à fait. M. Boulerice: ...de Montréal?

M. Guilbault: Je pense que c'est vraiment avec cette approche-là que peuvent apparaître les solutions au sous-financement qu'on connaît actuellement. Je pense qu'il faut être innovateur. Cette proposition dont vous faites état est certainement un aspect intéressant, une approche intéressante pour permettre à des artistes de développer un marché et à des individus de prendre un certain risque, mais d'en bénéficier également.

M. Boulerice: Une dernière question avant de prendre congé parce que le président, dans son chronométrage impartial, va sans doute me faire signe. Vous avez parlé - encore là, plusieurs intervenants sont venus - de la situation précaire, voire problématique dans le cas de certains organismes culturels. Bon, on les a vus, ils sont venus, ils sont intervenus: l'Orchestre symphonique de Montréal, les Grands Ballets, l'Opéra de Montréal. C'est la même chose pour l'Orchestre symphonique de Québec. Je pense que le problème, il est global. Est-ce que vous croyez qu'on peut continuer longtemps la formule de subventions annuelles ou si on ne devra pas, dans cette politique, avoir absolument un pro-

gramme - où ce sera clair, net et précis, comme on dit dans le vocabulaire courant - d'ententes triennales de financement? Premièrement, ça améliore une certaine stabilité. Deuxièmement, une manifestation où une oeuvre est quand même l'objet d'une certaine planification. Vivre au jour le jour parce que, dans ce secteur-là, une année... ou même chose pour le commerce et l'industrie, vivre d'année en année, c'est précaire. Vivre avec une certaine forme de plan, qu'il soit triennal, quinquennal, etc., m'apparaît beaucoup plus logique et de nature à consolider, de façon beaucoup plus forte, nos entreprises.

M. Guilbault: Vous avez parfaitement raison, je souscris tout à fait à cette approche. La planification, sur une base triennale ou quinquennale, m'apparaît comme un besoin. De laisser des intervenants majeurs comme l'Orchestre symphonique, les Grands Ballets canadiens et l'Opéra de Montréal à la merci de campagnes de financement, de subventions plus ou moins assurées, compromet l'excellence et compromet le rayonnement de Montréal sur le plan international et l'existence même de ces organismes-là.

M. Boulerice: Je profite de l'indulgence du président pour une dernière toute petite sous-question à M. Guilbault.

Le Président (M. Doyon): Très rapidement, oui, et brève réponse.

M. Boulerice: Si on en venait à des plans triennaux, est-ce que vous croyez que cela aurait un effet direct au niveau de l'aide corporative, du mécénat qui, connaissant une planification des entreprises, pourrait peut-être mieux cibler et planifier les siennes?

M. Guilbault: Exact. Je pense que les entreprises planifient de plus en plus actuellement. Il serait important, selon moi, d'appareiller les deux et de s'assurer que l'intervention gouvernementale va être suivie et soutenue par une intervention du secteur privé de la même nature et de la même durée.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guilbault.

M. Guilbault: Alors, juste en terminant, M. le Président, je veux rassurer la ministre que je me ferai le porte-parole autour des tables de Montréal pour vendre et soutenir la culture. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, au nom de la commission, au nom de Mme la ministre, compte tenu du temps qui s'est écoulé, je vous remercie. C'est comme si la ministre l'avait fait elle-même et monsieur le représentant de l'Opposition officielle. Merci beaucoup M. Guilbault. C'est maintenant au tour de l'Union des écrivains du Canada à bien vouloir s'avancer en avant. Ils ne peuvent pas s'avancer en arrière, vous allez me dire. Alors, tout simplement s'avancer. Je souhaite la bienvenue à l'Union des écrivains du Canada et je leur dis d'entrée de jeu que nous les écouterons pendant 10-15 minutes sur la présentation qu'ils voudront bien nous faire, soit qu'ils nous résument leur mémoire ou nous en extraient les grandes lignes. Après ça, les membres de la commission discuteront avec eux, suite à leur présentation. Vous voulez bien donner vos noms, s'il vous plaît.

Union des écrivains du Canada

M. Homel (David): Oui, mon nom est David Homel, H O M E L Je suis délégué à l'Union des écrivains du Canada, délégué du Québec et membre exécutif du conseil national de cet organisme. Je vous présente mon collègue Scott Lawrence, également membre du groupe québécois. C'est un honneur d'être ici, surtout dans une si belle salle, et de parler de ce qui nous réjouit et de ce qui nous inquiète dans ce rapport.

Premièrement, je suis ici comme porte-parole des quelque 840 membres de cette union dont nos membres sont à travers le Canada et, évidemment, au Québec aussi, pas seulement dans la région de Montréal mais à Chicoutimi, à Québec, en Estrie, etc. Ça fait depuis 1973 que nous existons. Puis, si je suis ici, c'est un peu pour parler avec la voix des créateurs et créatrices parce que, selon nous, c'est ce qui manque dans ce rapport. Évidemment, c'est une voix qui vient de la bataille quotidienne avec l'artiste. Enfin, dans notre cas, l'écrivain et son travail. C'est ça qui nous inquiète au début avec le rapport Arpin. Évidemment, ce rapport est écrit par des gestionnaires, des administrateurs ei administratrices. En même temps, le rapport, selon nous, semble être un grand plan pour créer encore des structures administratives, et je constate avec tristesse le manque d'intérêt. Enfin, c'est sûr que l'intérêt est là, mais dans le langage du rapport, dans la vision de la culture, on oublie souvent qu'il faut gérer la culture, qu'il faut "gestionner" la culture. On oublie trop souvent qui la fait, c'est pour ça que j'ai décidé de venir au nom de mon association.

Je n'ai rien, évidemment, contre l'administration. Moi-même, je travaille comme président d'une commission, qui s'appelle la Commission du droit de prêt public, qui compense les auteurs partout au pays pour le prêt de leurs oeuvres en bibliothèque. Alors, il ne faut quand même pas me voir comme un ennemi de l'administration en tant que telle.

Une chose à laquelle on croit beaucoup, c'est ce qu'on appelle - parce que j'entends souvent des mots anglais ici, alors je ne veux

pas être le seul à ne pas en prononcer - le "arm's length principle". C'est-à-dire... Nous croyons que la subvention, la vie des arts, la vie de la culture en général fleurissent bien dans un pays où il n'y a pas une structure gouvernementale trop pesante. Si, par exemple, on a parlé beaucoup en bien du Conseil des arts, ici, c'est à cause de cette saine distance entre l'administration et l'argent que reçoivent les artistes. Ce qui nous inquiète un peu dans le rapport Arpin, c'est évidemment les phrases telles que: Bon, le nouveau ministère de la culture devrait être le seul maître d'oeuvre, etc. L'idée d'une culture d'État, en quelque sorte, gérée à un niveau par un ministère, ça ne nous semble pas tout à fait sain pour la vie des arts qui fleurit en quelque sorte un peu dans le chaos. C'est aussi pour ça que nous préconisons... Disons que nous n'avons rien contre plusieurs intervenants dans la subvention des arts. Je sais que le rapport Arpin parle d'un dédoublement des services, d'un dédoublement des subventions qui inquiète les auteurs du rapport.

Pour les écrivains, au contraire, ça ne nous inquiète pas. Nous sommes pour une pluralité de sources de financement des arts parce que les arts vont mieux sous ce système-là. Par exemple, moi-même, en tant que romancier, ça se peut que je fasse une demande, une année, un jour, pendant une période au Conseil des arts et, à une autre période, au ministère des Affaires culturelles, ici. Chaque organisme a ses priorités, a ses besoins. Les jurys qui prennent les décisions ont des agendas différents. Alors, je pense que cette pluralité, au contraire, c'est une bonne chose. Je pense que les arts vivent mieux dans une situation où on a plusieurs sources, où on a plusieurs opinions en même temps qui arrivent sur la scène culturelle. Je sais, par exemple, que dans les jurys du Conseil des arts il y a une grande inquiétude à propos des questions des droits des minorités, des femmes, etc. Donc, les jurys sont maintenant de plus en plus composés de minorités visibles, de ceux et de celles qui appuient très fermement les droits des femmes, etc. Alors, ça c'est très bon, mais peut-être que ça crée un désavantage pour certains auteurs. Alors, ces auteurs-là qui vivent au Québec peuvent se diriger vers le ministère des Affaires culturelles où, peut-être, leur vision serait mieux reçue. Je prends ça comme exemple. On pourrait voir le contraire dans d'autres circonstances politiques. Cette pluralité est quelque chose qui nous tient à coeur. (11 h 15)

Évidemment, on parle de rivalité, de confusion entre la source fédérale et la source provinciale dans le rapport Arpin. Ça me semble assez curieux parce qu'on parle d'une concurrence. Pour nous, c'est une saine concurrence et je pense que les auteurs du rapport Arpin, s'ils sont contre la concurrence, ne sont sûrement pas contre la concurrence lorsqu'il s'agit du mécénat ou du partenariat avec le secteur privé. Là encore, on aurait une concurrence, en quelque sorte, entre les sources dans le secteur privé et le gouvernement. Alors, je décelle un certain glissement dans la logique.

Une chose qui nous inquiète aussi avec le partenariat... Évidemment, on voit souvent que les grands spectacles ou les grands événements publics tels le théâtre, la danse, etc., sont souvent commandités ou généreusement appuyés par le secteur privé. Ça, c'est bon pour eux. Mais je pense que, dans les arts de l'écriture, j'ai rarement vu une grande entreprise du secteur privé donner de l'argent aux écrivains ou à une maison d'édition. Évidemment, il y a des prix commandités par certaines entreprises, mais là je parle d'au jour le jour, de la création quotidienne qui fait qu'une culture existe.

Une autre critique qu'on a de cette foi dans le mécénat du secteur privé... C'est sûr que le secteur privé ne va pas donner son argent ou associer son nom à une pièce d'avant-garde, à un roman où on fait de l'expérimentation sur la forme, ou à un roman où des idées politiques sont véhiculées et qui ne sont peut-être pas tout à fait conventionnelles. Alors, c'est sûr que les écrivains qui commencent leur carrière ou qui choisissent le travail dans des formes ou avec des messages un peu plus indigestes pour le secteur privé seront moins en mesure de bénéficier de cet appui-là.

Évidemment, pour aller chercher de l'aide dans le secteur privé, il faut se créer des structures, une administration, une façon d'aller faire une levée de fonds. Les écrivains ne possèdent pas ces moyens-là. C'est un secret pour personne que les écrivains font - enfin, ça dépend des statistiques - en bas de 10 000 $ par année avec leurs écrits. Alors, ils ne sont pas en mesure de dépenser le peu de temps qu'ils ont à créer pour aller se doter de ces structures-là. Évidemment, au point 7 de mon rapport, je parle de la taxe de vente du Québec et aussi de l'exemption des livres. Ça a été beaucoup discuté et réglé entre-temps parce que ce mémoire a été écrit en septembre.

J'ai fait certaines critiques de ce qui se passe dans le rapport Arpin, mais il y a aussi des choses qui manquent. Nous, les écrivains, on s'occupe, on s'inquiète du futur, évidemment, de la lecture, de nos lecteurs et de nos lectrices futurs. Quand je pense au piètre taux de fréquentation des bibliothèques, des librairies, quand je pense à la crise d'analphabétisation au Québec, quand je pense à tous ceux et celles qui lâchent l'école au niveau secondaire, pour nous, ce sont autant de questions culturelles. Je constate avec tristesse encore que le rapport Arpin ne se penche pas sur les questions qui, pour nous, vont décider de la culture de demain au Québec. Alors, je passe très brièvement. Ce n'est pas la peine de répéter ma pensée que vous avez déjà lue. Je pense qu'il serait peut-être plus

fécond de passer à la discussion.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Homel et M. Lawrence. Vous avez parlé finalement de ce que vous trouvez dans le rapport Arpin, d'une part, de certains points positifs et aussi de ses lacunes, effectivement. C'est sûr qu'au niveau du décrochage, de l'analphabétisation ce sont des secteurs et des problèmes cruciaux touchés aussi beaucoup par le ministère de l'Éducation.

M. Homel: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Bon. D'une part. Deuxièmement, moi, je voudrais avoir quelques précisions au niveau de votre association, de ce qu'elle fait et du mandat qu'elle remplit, versus l'association des écrivains du Québec.

M. Homel: La société des écrivains ou l'Union des écrivains?

Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi, l'Union des écrivains, l'UNEQ, l'Union des écrivains du Québec versus... Quels sont les mandats que vous vous donnez? Est-ce que vous êtes complémentaires?

M. Homel: Oui. Nous sommes complémentaires dans nos activités. Évidemment, plusieurs membres de l'UNEQ sont membres de notre union et vice versa. Nous ne sommes pas structurés par la langue mais, étant donné le modèle de notre pays, on a plus d'écrivains d'expression anglophone chez nous que dans l'UNEQ.

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Homel: Pourtant, il n'y a rien qui m'empêche d'être membre de l'UNEQ si je veux. Nous avons des politiques des fois complémentaires. Des fois nous sommes d'accord, des fois en désaccord sur certains points. Évidemment, j'ai lu la réponse de l'UNEQ au rapport Arpin et il y a à la fois des concordances et du désaccord.

Mme Frulla-Hébert: Moi, je veux revenir justement au rapport de l'UNEQ. L'UNEQ nous dit qu'il serait mieux d'avoir une centralisation, c'est-à-dire d'avoir une place, de faire affaire avec... que ce soit un organisme qui est créé - il y a toute la question du "arm's length", on va y revenir tantôt - mais une place et non pas aller frapper à deux portes, ce qui demande énormément d'énergie. Vous semblez dire que c'est mieux d'avoir une diversification. Vous dites qu'il y a cette centralisation qui fait que ça peut venir à rencontre de la liberté d'expression.

Par contre, nous, quand on dit qu'on voudrait régionaliser tout ça, vous dites aussi: Bien, ça aussi, c'est dangereux parce que ça peut servir à des fins politiques. Moi, j'ai de la misère à vous suivre là-dedans parce que nous, ce qu'on préconise, c'est que c'est beaucoup plus facile de travailler avec un organisme que plusieurs, plusieurs portes justement pour s'assurer de cette liberté. On n'est pas dans un système où on veut brimer la liberté d'expression, mais pas du tout. Ce n'est même pas dans nos moeurs. Mais, encore une fois, j'aimerais que vous vous expliquiez un petit peu là-dessus.

M. Homel: C'est sûr que c'est là un endroit où, l'UNEQ et nous, nous ne sommes pas d'accord. Je pense que... Moi, personnellement, je parie pour les écrivains. J'ai fait affaire avec Ottawa et le Québec, avec succès des fois, avec insuccès des fois, mais toujours avec justice. Pour frapper à deux portes ou à deux édifices, un à Ottawa et l'autre ici, ni à moi ni à nos membres, ça ne nous a jamais posé de problème. D'ailleurs, on a même trouvé qu'avec deux priorités, deux jeux de priorités différentes, des fois on était mieux reçus. Des fois nous, les écrivains, sommes mieux reçus ici qu'à Ottawa ou vice versa. Donc, l'idée qu'on devrait centraliser tout pour la facilité administrative ou la concentration de pouvoirs ou pour pouvoir mieux se gouverner soi-même, je pense que les écrivains vont faire ce qu'ils veulent avec leurs oeuvres, que l'argent vienne d'Ottawa ou de Québec.

C'est vrai que nous prenons un peu plus de distance par rapport au gouvernement québécois que l'UNEQ, mais je pense que, chez nous comme chez eux, il y a une méfiance, excusez-moi, mais une méfiance pas envers votre gouvernement, mais les gouvernements qu'on a déjà connus ici dans cette belle pièce et à côté. Lorsqu'on parle de l'histoire du 1 %, lorsqu'on parle d'un décalage dans le niveau des subventions entre Québec et Ottawa, je pense que tout ça motive une méfiance, et une saine méfiance. Les écrivains, les artistes devraient afficher cette méfiance.

Mme Frulla-Hébert: Mais, c'est drôle que... Quand on revient à ça, parce qu'il faut quand même aller un peu gratter. Quand on regarde ça, effectivement, on dit qu'on a besoin de donner plus d'argent à la création et aux artistes, et j'en suis. On a donné beaucoup d'argent et vous voyez les besoins. Vous étiez là, quand vous avez entendu la Chambre de commerce de Montréal, par exemple. Souvent, le contenant attire le contenu et vice versa. Alors, on est toujours un peu partagés. Il y a des périodes où il faut emplir; il y en a d'autres, bon... On le sait, il y a une sous-capitalisation partout. Ça, c'est une chose.

Deuxièmement, quand on dit que c'est pour avoir plus de pouvoir, ce n'est pas vrai. C'est pour avoir un meilleur développement culturel, de façon beaucoup plus saine. Finalement, pouvoir,

pas pouvoir, ça va revenir au même, puis on l'a pareil. Alors, c'est beaucoup plus en fonction d'un développement culturel, une protection de notre culture québécoise en fonction des années quatre-vingt-dix et 2000, ce qui n'existait pas avant, mais qui va exister, ne serait-ce que par le changement du paysage audiovisuel et technologique, ne serait-ce que ça. Il va y avoir certaines... Il y a une menace là. On se l'est fait dire, d'ailleurs, par certains groupes. Mais, chose certaine, c'est que pendant que le gouvernement du Québec se dotait quand même du statut de l'artiste, pendant que le gouvernement du Québec essayait... l'exemple de la TVQ versus le livre. Le gouvernement fédéral est encore en train de tergiverser, à savoir: Qu'est-ce qu'on fait?

Donc, c'est un peu drôle de notre part, en tout cas, cette attitude-là. Mais je veux revenir à la TVQ parce que ça m'amène à vous demander: Est-ce qu'il y a des pressions que vous faites au niveau du gouvernement fédéral? Finalement, on a pris nos responsabilités. Le gouvernement fédéral va avoir une étude qui va sortir, d'ici à 15 jours. On a eu le préliminaire qui dit que l'industrie du livre, à cause de notre loi, à cause de nos actions, se porte beaucoup mieux que dans le restant du Canada.

M. Homel: Bien oui, c'est sûr qu'avec les manuels scolaires qui vont beaucoup mieux ici que dans le reste du Canada... Oui, c'est sûr. Mais, là, je ne voulais pas... Lorsque les gens arrivent ici pour faire la revendication, pour s'en plaindre...

Mme Frulla-Hébert: Mais on est là pour ça. Ce n'est pas...

M. Homel: C'est sûr que le Québec a mené la bataille dans trois... Enfin, vous avez mentionné les trois points sur... ou deux des trois. Le troisième, c'est la photocopie. Lorsque, au Canada, le CanCopy, enfin, l'organisme là-bas pour la société de perception à venir, peut-être, continue de travailler pour se mettre en oeuvre... Évidemment, nous recevons des chèques tous les ans ici à cause de la loi sur la photocopie dans les maisons d'enseignement. La même chose pour le statut de l'artiste qui... il faut le dire, c'est un bon principe. Ça ne changera pas le monde...

Mme Frulla-Hébert: Non, mais on commence par là, parce que, après ça...

M. Homel: ...pas plus que la loi...

Mme Frulla-Hébert: ...la fiscalité découle de ça, puis tout ça. C'est quand même au niveau du principe.

M. Homel: Oui, pas plus que la loi C-7 va changer le monde pour nous à Ottawa et aussi, évidemment, la taxe sur le livre. C'est sûr que je me rappelle bien de cette journée où tous les autobus arrivaient ici et puis je ne sais pas où en chemin, on devait les retourner de bord pour aller à Ottawa. On continue, l'Union des écrivains, notre union continue de mettre des pressions sur le gouvernement de Mulroney. On pensait voir la lumière au bout du tunnel. Enfin, on n'a pas eu de résultats de chez eux. C'est sûr qu'on se base sur ce qui s'était passé ici au Québec pour leur montrer la bonne foi. On ne pense pas que la bataille soit perdue à Ottawa. On continue de faire du "lobbying" mais, enfin, en nous basant le plus possible sur notre expérience ici.

Mme Frulla-Hébert: Mais c'est parce que ce qu'on dit, nous...

M. Homel: Mais, enfin, j'avoue mes frustrations. Voilà.

Mme Frulla-Hébert: Mais ce qui est difficile - c'est pour ça que je veux revenir parce que c'est quand même important d'être clair - c'est que pendant que nous, on fait l'effort nécessaire, qui est un effort quand même de 32 000 000 $ au niveau de la TVQ, parce qu'il le faut et parce que c'est de notre devoir... La TPS fait très mal aux éditeurs et fait très mal aux livres. Alors, quand on parle de protection de culture et de meilleur développement, c'est ce qu'on veut dire. Ce n'est pas pour avoir des pouvoirs ou dire: Là, c'est pour le plaisir d'en avoir plus.

Mais, là, je vais revenir, en terminant, au Conseil des arts. Il y a beaucoup de gens... On a parlé beaucoup, au niveau du Conseil des arts, de cet organisme "arm's length" qui distribue. Il y en a qui étaient pour. Au début de la commission, c'était la solution. Vers la fin de la commission, on s'aperçoit qu'il y a des gens qui sortent et qui disent: "Well, it is not that great". Finalement, ça devient "an old boys club". Effectivement, parce qu'il n'y a pas non plus... Personne ne peut y toucher, c'est totalement indépendant.

On s'aperçoit aussi qu'après 15, 20 ou 25 ans, on commence à avoir des lacunes. Mais, vous, vous faites affaire avec le Conseil des arts. Est-ce que c'est une solution modifiée? Ce ne sera pas un conseil des arts, on va essayer d'être plus moderne que ça. Mais est-ce que ce serait une solution?

M. Homel: Oui, c'est ça. C'est sûr que ça fait quelque temps déjà que, dans notre milieu, on discute d'un conseil des arts du Québec. Alors, pourquoi pas? Puis, je sais que dans le mémoire de l'UNEQ on prononce ces mêmes mots, si je ne me trompe.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je pense que l'UNEQ en parlait du conseil, malgré qu'on a

aussi des jurys ici. C'est vraiment... Ce n'est pas nous autres qui décidons, pour l'amour... (11 h 30)

M. Homel: Oui, mais qu'est-ce que ça veut dire? C'est sûr qu'il y a aussi un tel conseil en Ontario. Puis, lorsqu'on dit ces mots, à quoi se réfère-t-on? Je pense que c'est un système de... "arm's length", c'est une distance politique entre un ministère et les actions culturelles, enfin... Maintenant, c'est un ministère, mais un conseil possible. Je pense aussi que c'est un conseil qui est paragouvernemental. Je ne suis pas un expert en matière légale, mais un conseil, par un acte du Parlement, a ses sources de fonds...

Mme Frulla-Hébert: Paragouvernemental.

M. Homel: Oui, qui ne sont pas sujettes aux actions d'un ministère. Je pense que c'est ça. Lorsqu'on parle de "arm's length", de distance politique, c'est ça. Ce qui est plus frappant, à Ottawa, c'est qu'on prend l'argent... Les artistes, enfin, les écrivains prennent l'argent du Conseil des arts et se mettent à écrire des manifestes contre Ottawa ou contre le fédéralisme et tout ça. Alors, quand je parle de distance politique, c'est la forme la plus pure et la plus souhaitable aussi.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends ce que vous voulez dire. C'est beaucoup plus dans les perceptions parce que, ici, ce sont des jurys et, finalement, c'est la même chose. Hier, le Centaur est venu nous dire qu'il s'est fait couper 20 000 $, les Grands Ballets canadiens, sans avertissement non plus, coupé du Conseil des arts, "and that's it". Alors, c'est tout ça. Il s'agit de doser parce que, même pour nous, ça a un gros avantage aussi parce que même si ce sont des jurys et tout ça, si la perception est que la liberté d'expression est contrôlée, ce qu'elle n'est pas du tout, on va changer la structure et dire: Bon, bien, parfait! "That's reality".

M. Homel: Oui. Je ne sais pas si c'est quelqu'un d'autre... Peut-être que c'est un problème de perception, mais c'est encore plus parce que, évidemment, le système de jury marche ici. J'ai reçu, un jour, une subvention; j'en étais content. J'ai vu qui étaient les jurés; c'était un jury de mes pairs, "you know, of my peers", comme on dit. Donc, le système marche aussi bien. Mais je pense que, là où ça peut clocher chez certains, c'est le mariage entre les actions du ministère et le pouvoir politique, les exigences politiques de n'importe quel ministère. C'est ça lorsqu'on parle d'un Conseil des arts.

Je ne veux pas qu'on s'enlise dans cette histoire de subventions parce que, évidemment, les écrivains sont peut-être moins nantis que d'autres, mais tout le monde est à la chasse de ce qu'il peut avoir. Lorsque je parle d'une pluralité de niveaux de financement aux arts, je ne parle pas seulement de: Bon, allons tout le monde à la mangeoire; prenons le plus de subventions possible. Il y a une philosophie politique derrière ça. C'est-à-dire que la pluralité de sources avec des priorités politiques différentes qui arrivent sur un même terrain, c est une chose saine pour la vie des arts. Je ne veux pas qu'on s'enlise dans des histoires de sous.

Mme Frulla-Hébert: Je comprends ce que vous voulez dire, oui. De toute façon, j'ai l'impression que...

M. Homel: J'anticipe peut-être les questions des autres.

Mme Frulla-Hébert: Non, on va continuer la discussion, de toute façon, je pense bien. Merci M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. M. Homel, M. Lawrence, je vous avoue que j'étais quand même heureux d'entendre que vous parliez de l'impact du manuel scolaire qui a aidé l'édition au Québec; c'est une mesure on ne peut plus louable d'un gouvernement qui était peut-être sans doute suspect à vos yeux, mais enfin. Ceci est une autre chose.

Vous savez, dans cette commission, on apprend beaucoup. Vous dites: "Au fil des ans, le financement de la culture a donné d'excellents résultats au Canada parce qu'on a su conserver une saine distance entre la fortune politique des gouvernements transitoires et les programmes destinés à financer le livre et l'édition. L'octroi de subsides n'a pas été assujetti aux caprices de la politique; l'aide financière est accordée ou refusée au mérite, sans égard aux relations entretenues par les artistes avec le parti au pouvoir." M. Podbrey, le directeur de Centaur Theater, nous disait hier qu'il se pratiquait un peu le contraire, que, s'il y avait un Conseil des arts avec le principe du "arm's length", de plus en plus le ministère des Communications tarissait les sources de financement du Conseil des arts et, entre parenthèses, il y aura un désengagement de 142 000 000 $ du ministère des Communications l'an prochain, et que ce ministère, tout en tarissant les entrées au niveau du Conseil des arts du Canada, développait des programmes parallèles qui permettaient de circonvenir ce qui se passait au Conseil des arts. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on a entendu.

Par contre, vous dites que rivalité et confusion, rivalité au niveau du financement, c'est-à-dire à la fois Ottawa et Québec, c'était bon. Vous dites: "Si c'est le cas, alors pourquoi ne seraient-elles pas recommandables lorsqu'il

s'agit de la participation de deux paliers de gouvernement?" et vous faisiez un rapport avec le financement privé. Le financement privé de soutien aux arts et à la culture au Québec, c'est moins de 5 %. Moins de 5 %! Donc, est-ce qu'on est mieux servis en fonction des plusieurs guichets, là? Je ne sais pas.

Ceci étant dit, il y a une chose dans votre mémoire qui a retenu mon attention, et je vous avoue que j'ai été, le moins qu'on puisse dire, agacé. Vous dites que le seul critère de l'excellence artistique doit être retenu pour attribuer le financement à un artiste ou à un organisme culturel plutôt que de s'en remettre au critère de lieu de résidence qui engendrerait, selon vous, la médiocrité. Je trouve cela un petit peu méprisant pour les régions, M. Homel. Ceci étant dit, et ayant été dit par vous, comment en arriver à définir des critères objectifs pour établir ce que vous appelez l'excellence artistique?

M. Homel: Évidemment, ça, c'est une sorte de mot, de jargon en quelque sorte, qui veut dire, bon, "excellence"... On n'est pas en train, enfin le Conseil des arts ou le ministère des Affaires culturelles, ni l'un ni l'autre n'est en train de prétendre que toutes les subventions sont destinées aux écrivains excellents, ou qui font de l'excellence. Ce mot-là est devenu peut-être dans notre communauté un peu un mot de passe ou un petit morceau de jargon pour parler de l'expression artistique, une expression artistique valable, viable, sincère, libre, etc., libre de toute autre priorité politique. Évidemment, ce qu'un jury pense - j'ai déjà fait partie des jurys, ici et ailleurs, et on sait que les jurys... Selon les jurys, l'excellence change. Mais je pense que ça, ça veut dire l'intégrité d'une expression artistique.

Évidemment, si vous parlez du point no 5, iorsqu'on a parlé de la régionalisation, évidemment, nous, et toute association comme nous, nous avons des membres en région. En même temps, on ne voudrait pas arriver à un point où on dit: Bon, O. K., nous avons besoin de tel ou tel nombre de subventions par région pour satisfaire nos critères de promouvoir chaque région, ou quelque chose. On voudrait que l'argent donné, enfin, donné, soit sur la base d'excellence que je viens de définir.

Est-ce que ça répond à votre question?

M. Boulerice: Pour être franc avec vous, plus ou moins. Mais comment, justement, exclure la notion d'excellence? Elle peut se retrouver en région, et il y a un risque à prendre. Et, s'il y a un domaine où on doit prendre des risques, c'est dans le domaine de la culture. Donc, il se peut fort bien qu'à partir du principe d'une enveloppe qui va en région on puisse, demain, découvrir un auteur intéressant. Au même titre que, si on le transpose dans le contexte canadien - c'est bien entendu qu'on va regarder

Toronto ou Vancouver, Montréal - puisque nous en faisons encore partie, Moose Jaw n'est peut-être pas le plus grand centre de création littéraire, mais qui nous dit qu'il n'y a pas potentiellement à Moose Jaw celle qui, demain, va écrire probablement le best-seller le plus vendu au Canada? Et, même s'il n'est pas le best-seller, il peut sortir de cette région peut-être un petit recueil de poésie qui ne sera vendu qu'à 5000, 10 000 exemplaires. Mais, voyez-vous, l'introduction d'une mesure comme celle-ci permet, d'une part, de peut-être faire éclater un talent et, deuxièmement, ça permet de contrer certaines perversités du système, et, dans le domaine de l'édition, vous le savez, si on n'a pas vendu tel nombre de livres, on ne fait pas ses frais.

M. Homel: C'est sûr. On n'est pas en train de dire que l'excellence n'existe pas - enfin, l'excellence, comme on vient de la définir - en région. C'est sûr que, si la plupart des écrivains sont basés dans la région de Montréal, c'est peut-être moins comme ça dans le Canada anglais, parce que personne ne peut plus vivre à Toronto; ça coûte trop cher. Mais je ne dis pas, enfin, on ne dit pas que l'excellence doit forcément être montréalaise ou québécoise, mais que l'excellence devrait être le critère et non pas un critère qui vise à placer des subventions ou placer l'argent culturel par-ci, par-là selon un besoin politique de subventionner x montant d'argent dans x région. Ce qui est valable pour les régions est également valable pour Montréal. Le même critère doit être pratiqué à Montréal comme ailleurs dans le pays. C'est ça. Je peux comprendre que, enfin, vous vous objectez à cela, mais nous ne sommes pas en train de dire que, dans un petit village, la vraie écriture ne se fait pas, au contraire. Peut-être que c'est même mieux que dans la grande cité.

M. Boulerice: Une dernière question avant que le président ne m'impose le bâillon...

Le Président (M. Gobé): Pas ie bâillon, mais le silence.

M. Boulerice: Le silence. Vous avez certaines inquiétudes suite à votre lecture du rapport Arpin - et vous n'êtes quand même pas les seuls; il faut être honnête, il faut le dire - sur le rôle du ministère de la culture. Mais si l'on vous donnait aujourd'hui les garanties qu'il y aura ce principe du "at arm's length" à travers la création d'un conseil des arts du Québec et respectant intégralement l'autonomie de ce conseil et sans faire les "tricky dickies" comme le fait le fédéral actuellement en essayant de contourner le Conseil des arts, certaines de vos réticences tomberaient, M. Homel?

M. Homel: Ah! c'est sûr. On regarderait ça avec un oeil plus positif si on voyait que les

principes, tels qu'on les comprend, d'un conseil des arts étaient mis en oeuvre. Et c'est vrai qu'une grande source de mes inquiétudes à la lecture du rapport Arpin, c'est l'idée d'un superministère qui gère et qui, en gérant, crée ou aide à créer une culture d'État, enfin, une sorte de grand chef d'orchestre. Enfin, peut-être que c'est mon imagination d'écrivain, mais j'entrevoyais une sorte de chef d'orchestre de la culture qui mettait tout ensemble et qui gérait, mais qui était là pour gérer. Le scénario que vous venez d'énoncer, en respectant les principes qu'on reconnaît, évidemment, on perdrait beaucoup de nos réticences si on avait cette sorte de structure. Je sais que ça fait des années qu'on en parle d'ailleurs, ici. Pas ici, mais au Québec, à Montréal.

M. Boulerice: Je vous remercie. Si jamais vous jugez ma contribution intéressante, je suis bien prêt à aller à Ottawa avec vous pour ce qui est de la taxe sur le livre.

M. Homel: Bon. On a besoin de vous...

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, en terminant, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Homel, M. Lawrence. Tout simplement pour vous dire, et vous rassurer là-dessus, que ce n'est pas notre intention, et de part et d'autre, et ce ne le sera jamais non plus, d'en arriver à contrôler la liberté d'expression et la création. Maintenant, quelle structure sera la plus appropriée? Dépendant des suggestions que nous avons eues et de ce qui existe aussi, parce qu'on ne réinvente pas la roue non plus, on va, évidemment, regarder ça de près et essayer de l'implanter. Merci beaucoup.

M. Homel: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, messieurs. Ceci met fin à votre intervention. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je demanderais au groupe suivant, soit la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, de bien vouloir prendre place. La séance est maintenant suspendue pour une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Gobé): Nos travaux sont repris. Bonjour, mesdames. Ça me fait plaisir de vous accueillir. Si je comprends bien, il y a Mme Jacqueline Faucher-Asselin; vous êtes la présidente. Bonjour. Vous êtes accompagnée par Mme Diane Duval, votre vice-présidente. C'est exact?

Bonjour, madame. Alors, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez une quinzaine de minutes pour ce faire. Par la suite, des questions pour le reste du temps. Vous pouvez commencer.

Fédération québécoise des sociétés de généalogie

Mme Faucher-Asselin (Jacqueline): D'accord Merci. Mme la ministre des Affaires culturelles, M. le Président, M. le Vice-Président, Mmes, MM. les membres de la commission. La Fédération québécoise des sociétés de généalogie que je représente a été invitée pour présenter ses commentaires sur la proposition de politique de la culture et des arts soumise à la ministre des Affaires culturelles. Nous vous remercions de la possibilité que vous nous donnez aujourd'hui d'exprimer nos réactions sur ce sujet.

Notre organisme, soutenu depuis deux ans par le ministère des Affaires culturelles comme promoteur de portée nationale dans le domaine du patrimoine, a pris connaissance de la proposition de politique rédigée par le comité de M. Arpin, plus particulièrement des pages qui traitent du patrimoine culturel, c'est-à-dire 164 et suivantes. Nous profiterons donc du temps qui nous est imparti pour formuler deux commentaires.

Nous observons d'abord que, si le rapport Arpin excelle sur le plan des définitions et des acquis dans le domaine, notamment, de l'appropriation par les communautés locales de ce champ d'intérêt, il nous laisse, cependant, sur notre appétit quant à l'avenir. Je cite le rapport à la page 167: "C'est dans la foulée de cette évolution que le ministère des Affaires culturelles prépare une politique sur le patrimoine culturel québécois. Elle sera l'occasion de faire le point sur le chemin parcouru, de consolider les acquis et d'énoncer des lignes directrices pour l'avenir." La Fédération s'étonne donc que la proposition de politique n'inclue pas le patrimoine alors que le mandat du groupe-conseil, selon la lettre d'invitation de Mme la ministre, consistait, et je cite: "à examiner l'ensemble des orientations qui définissent la position gouvernementale en matière culturelle". Qu'en est-il exactement? C'est là notre premier commentaire.

Le deuxième commentaire nous est inspiré par un corollaire de la mission du ministère des Affaires culturelles énoncé dans le rapport à la page 168, et je cite: "La mission du ministère des Affaires culturelles l'autorise, l'oblige même à prendre des initiatives en collaboration avec le ministère de l'Éducation, mais aussi avec les sociétés historiques et les nombreux organismes de promotion, pour diffuser les connaissances du patrimoine culturel, le faire connaître, le faire aimer", etc. Sur ce sujet, nous croyons que toutes les collaborations sont bienvenues, particulièrement avec le ministère de l'Éducation, pour développer et diffuser les connaissances en

matière de patrimoine. Mais, au moment où on se parle, il y a beaucoup plus urgent.

Nous estimons, en effet, que le ministère des Affaires culturelles doit intervenir auprès d'un autre ministère, celui de la Justice, où un levier essentiel à la transmission du savoir, de la mémoire collective, va disparaître. Nous parlons ainsi du registre de l'état civil qui, jusqu'à ce jour, était ouvert aux chercheurs et qui, à compter de janvier 1993, avec la réforme du Code civil, sera fermé. En fait, non seulement les chercheurs et les généalogistes n'auront plus droit à leur matière première, c'est-à-dire les informations contenues dans les actes de l'état civil, mais les registres seront désormais rapatriés à Montréal et Québec. Nous nous permettons de sonner ici l'alarme: Qu'en sera-t-il de la transmission du savoir sur le Québec et la vie de ses habitants si les sources d'accès à ce savoir sont coupées? C'est ce qui nous attend si les dispositions actuelles du projet de loi 125 relatives à la tenue et la publicité du registre de l'état civil sont adoptées.

Le rapport Arpin fait le voeu qu'en matière de patrimoine, et je cite à la page 167, "les propositions du ministère s'harmoniseront sans doute avec les perspectives ébauchées dans la présente proposition, notamment en ce qui a trait à l'importance du partenariat et de la prise en charge de la culture par tous ceux qui ont des responsabilités publiques. " Nous répondons qu'effectivement le ministère des Affaires culturelles doit avoir une vision d'ensemble de la culture et qu'il doit investir en priorité les champs d'action qui influencent déjà radicalement la vie d'un peuple. Nous comptons, en d'autres termes, sur le leadership du ministère en matière de culture. Nous pouvons l'assurer, de notre côté, de la collaboration de près de 10 000 généalogistes du Québec dans la mise en valeur et la promotion de la culture du Québec. Voilà, pensons-nous, un potentiel humain extraordinaire à qui sourient la recherche et le plaisir de la découverte.

Mais, plus encore, la contribution des généalogistes au développement du Québec doit être prise au sérieux. Et je citerai, en terminant, quelques exemples de l'utilité de leurs travaux. Je pense aux collaborations demandées par le Musée de la civilisation pour le montage d'expositions, aux centaines de répertoires d'actes de l'état civil qui accélèrent la recherche et contribuent ainsi à protéger les originaux de manipulations excessives, aux nombreux dictionnaires de familles, comme je peux vous en montrer un ici, qui ont été publiés ces dernières années, à l'utilisation de ces données généalogiques pour les recherches menées en génétique par le Centre interuniversitaire de recherche sur les populations connu sous l'acronyme de SOREP, ou encore celles menées par le Dr Maziade de l'hôpital Robert-Giffard, enfin, aux nombreux arbres généalogiques dressés par les généalogistes en poste à la place Royale pendant la saison touristique d'été, et tout cela se fait pour répondre aux besoins des Québécois qui manifestent de plus en plus d'intérêt pour la connaissance de leur patrimoine vivant.

J'ajouterai, mesdames, messieurs, que les généalogistes aiment intensément ce qu'ils font et ils en sont fiers.

Je répète, en terminant, que ce sont les recherches de près de 10 000 généalogistes québécois que l'on met en péril et ces 10 000 Québécois ne vous demandent rien d'autre qu'un accès à ces documents. À titre de comparaison, ce qui se prépare actuellement pour les généalogistes serait l'équivalent d'adopter une loi pour empêcher les archéologues d'aller faire des fouilles et des constatations sur les sites archéologiques.

Ainsi, les résultats du projet de loi 125 en ce qui a trait à la tenue et la publicité du registre de l'état civil ont comme conséquence de priver le Québec d'un sain développement de la culture qui doit nécessairement inclure le patrimoine.

Je vous remercie de votre attention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Asselin. Bonjour. J'aimerais que vous m'expliquiez davantage. Parce que, honnêtement, pour faire des représentations auprès de mon collègue, entre autres, c'est quand même une explication brève. Quand vous dites: Cette loi-là met en péril, finalement, le travail de 10 000 généalogistes, pourriez-vous m'expliquer davantage, dans vos mots, pour que je comprenne bien?

Mme Faucher-Asselin: C'est que la source des documents qu'utilisent les généalogistes, ce sont les registres de l'état civil, le contenu des registres de l'état civil, et tout ce que ça comporte: baptême, mariage et sépulture, ou naissance, mariage et décès, et c'est cette source d'information dont ont besoin les généalogistes pour faire leur travail, soit de filiation et, comme je vous le disais, ce sont des travaux qui servent à tous les organismes que j'ai cités dans le mémoire. Ces informations-là, donc c'est le nom des individus, le nom de leurs parents, l'endroit, les dates de mariage, pour être capable de faire des liens avec les générations précédentes.

Ce qui, actuellement, encombre dans la loi 125, c'est l'accessibilité à cette source d'information que l'on a toujours eue dans les palais de justice, actuellement. Bien sûr, on va continuer d'avoir accès aux actes de l'état civil qui sont déposés aux Archives nationales; donc, pour les années qui précèdent les 100 dernières années. Mais les registres qui sont affectés, ce sont ceux

des 100 dernières années qui ne sont pas déposés aux Archives nationales, qui sont déposés dans les différents palais de justice à travers la province, et on veut rapatrier cette documentation. Donc, on enlève des mains des chercheurs, dans toutes les régions, cette source d'information qui est primordiale pour continuer de faire ce qu'on a fait depuis 50 ans, parce que ça fait 50 ans qu'il existe des sociétés de généalogie au Québec.

J'ai apporté ici un dictionnaire de famille pour vous donner l'opportunité de constater le travail que ça comporte et de bien voir le contenu que ça représente. Aussi, j'ai apporté, justement, un répertoire de mariages qui est l'un des principaux des généalogistes pour fonctionner dans leurs recherches.

Mme Frulla-Hébert: Mme Duval.

Mme Duval (Diane): Est-ce que vous permettez que j'ajoute quelque chose? C'est peut-être pour résumer. Le problème, il est pour les 100 dernières années, disons de 1900 à nos jours, et ça se perpétuera. Toujours les 100 dernières années, pour des objectifs de confidentialité, le ministère de la Justice veut restreindre l'accès aux seuls fonctionnaires qui auront le droit de compiler, si vous voulez, les informations ou d'annoter les registres. Comprenez-vous? Donc, ce qui nous distinguait, le Québec, de l'extérieur, c'est qu'on avait accès, le public avait accès, moyennant un certain encadrement quand même, il y a des cartes de membres de demandées dans les palais de justice... Alors, désormais, à compter de janvier 1993, l'accès aux 100 dernières années sera fermé pour des motifs de confidentialité.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, par exemple, en vertu de la loi sur l'accès à l'information, en fait, les documents publics sont... Donc, ça ne couvre pas...

Mme Duval: Ça n'a aucun effet. Ça ne s'appliquera pas.

Mme Frulla-Hébert: Ça n'a aucun effet.

Mme Duval: Non. L'accès sera fermé et, de plus, alors qu'aujourd'hui il y a à peu près 42 palais de justice au Québec qui peuvent donner le service aux gens ailleurs en région, à compter de janvier 1993, et ça se prépare déjà, les registres seront désormais centralisés à Québec et à Montréal. Alors, vous comprenez que, dans les régions... Nous, on représente quand même 14 sociétés de généalogie qui sont à Québec, mais aussi en région, alors vous comprenez que nos membres sont très inquiets de ce qui va se produire.

Nous, on est d'accord avec les objectifs de la réforme, mais il y a des moyens autres de la faire et c'est là-dessus, je pense...

Mme Frulla-Hébert: À ce niveau-là.

Mme Duval:... qu'il y aurait moyen de faire quelque chose. On n'est quand même pas des passéistes non plus, on est d'accord avec l'informatisation, mais on pense qu'on doit continuer d'avoir accès à la seule source officielle, authentique pour établir une filiation, c'est-à-dire qui est vraiment votre père et votre mère; c'est l'information contenu dans l'acte de l'état civil. Si on ne peut plus faire ça, on met en péril la recherche.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la commission parlementaire qu'ils ont tenue, je ne sais pas si elle siège encore, sur cette réforme du Code civil, je suppose qu'il y a eu des représentations de faites. C'est sûr.

Mme Faucher-Asselin: Oui.

Mme Duval: Oui. Mais on n'avait pas droit aux auditions, alors on n'a pas pu...

Mme Faucher-Asselin: Passer de commentaires autres que le mémoire déposé. On a demandé, à ce moment-là, de définir la notion d'accès qui était contenue dans l'article concerné, l'article 149, je crois, ou 147. On nous a dit qu'on le laissait entre les mains du...

Mme Duval: La réglementation va aller avec le directeur de l'état civil...

Mme Faucher-Asselin: Le directeur de l'état civil.

Mme Duval:... qui va avoir à définir lui-même l'accès. Alors, il y a encore possibilité de faire des choses parce que la loi n'est pas adoptée en troisième lecture, mais elle est quand même assez avancée. Je pense que la commission est sur le point de se terminer, la réforme du Code civil. Enfin, on voulait vous alerter surtout là-dessus. (12 heures)

Mme Frulla-Hébert: Vous avez bien fait parce que, honnêtement, dans l'ensemble, le fait de ne pas avoir été sensibilisés, évidemment, on n'était pas au courant des problèmes que ça pouvait poser dans votre domaine. Alors, soyez sûres que les représentations, finalement, pour aller au fond du dossier, voir le pourquoi, seront faites. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Des représentants de la Société canadienne-française pour la généalogie, ou quelque chose, sont venus devant cette commission et ne nous ont pas fait état de ce problème. Est-ce que vous avez des contacts avec cette Société?

Mme Faucher-Asselin: Oui. Justement, on a rencontré plusieurs membres, même l'ancienne présidente, dernièrement, à un congrès à la Société de généalogie de Québec, ici, et on a discuté ensemble du problème et ils nous faisaient tous confiance pour débattre le sujet.

Le Président (M. Doyon): Ils partagent l'inquiétude que vous exprimez aujourd'hui.

Mme Faucher-Asselin: Absolument. Tous les généalogistes, même ceux qui ne sont pas membres de sociétés de généalogie, vont se retrouver devant le même problème. Ils sont coupés de la source d'information pour les 100 dernières années. Donc, impossibilité de constituer des lignées généalogiques à l'avenir.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que les membres de cette Société sont les mêmes qui font partie de la Fédération québécoise? L'un et l'autre, est-ce que ça se complète? Est-ce qu'il y a recoupage?

Mme Faucher-Asselin: La Fédération a pour membres les sociétés de généalogie au Québec; alors, les sociétés de généalogie ont, à leur tour, des membres. Quand je vous parle de 10 000 généalogistes, ce sont ces généalogistes qui sont membres de sociétés. On parle au nom de tous ces généalogistes-là, finalement. Toutes les sociétés ne veulent pas, ne souhaitent sûrement pas le non-accès à cette source d'information qui est primordiale, qui est leur pain quotidien pour fonctionner dans leur travail de généalogie.

Le Président (M. Doyon): Là-dessus, j'imagine que les motifs qui sont à la base de la restriction, c'est la confidentialité, c'est le respect de la vie individuelle, etc. Vous soulevez ie problème, mais comment voyez-vous la solution vis-à-vis du principe qui est quand même valable de la confidentialité et, en contrepartie, le besoin que vous avez d'avoir accès à ces listes-là, à ces registres de l'état civil? Comment concilier les deux? Je conçois très bien le besoin que vous exprimez, mais, d'un autre côté, je sais qu'il y a des gens qui visent à préserver la confidentialité des enfants qu'ils ont mis au monde, qu'ils ont reconnus, etc. Tout ça se tient et, parfois, il peut y avoir conflit entre les deux. Comment est-ce qu'on résout ça?

Mme Faucher-Asselin: L'acte de l'état civil en lui-même n'est pas confidentiel. Les contenus des actes ne sont pas des éléments confidentiels. C'est très public de savoir qu'un individu est né à tel endroit, qu'il est né de telle ou telle personne. Nous autres, nos membres, au moment où ils deviennent membres d'une société de généalogie, ils ont à signer un code d'éthique dans lequel, justement, on leur interdit de publier, par exemple, les cas de divorce, les naissances illégitimes...

Mme Duval: Désaveux de paternité.

Mme Faucher-Asselin:... les désaveux de paternité, un paquet de choses comme ça qu'il est interdit de publier dans nos travaux. Ça n'empêche pas de faire une filiation, mais on n'indique pas, justement, ces éléments qui sont confidentiels effectivement. Les cas de changement de nom, on ne doit pas les indiquer non plus; les cas d'adoption, je crois que je les ai cités tout à l'heure.

Aujourd'hui, on a le problème des mères porteuses, des choses qui s'additionnent à ça d'ailleurs. Notre code d'éthique est en révision actuellement à cause des choses qui s'additionnent, des éléments qui s'additionnent qui sont d'ordre confidentiel et qu'on s'engage à respecter.

Le Président (M. Doyon): En fait, ce que vous nous dites, c'est que, étant donné que nous sommes des généalogistes, le législateur devra nous faire confiance, que, compte tenu du code d'éthique qui est le nôtre, nous allons respecter la confidentialité et nous ferons en sorte que les informations que nous rendrons publiques ne seront pas dommageables pour qui que ce soit. C'est une question de faire confiance à des gens qui sont des "généologues". C'est un peu ce que vous nous dites là.

Mme Duval: Disons que les 14 sociétés de généalogie qui sont membres de la Fédération... Je dois vous dire que les principales publications qui sortent, ce sont les sociétés de généalogie qui les font. À partir du moment où on contrôle, les sociétés de généalogie sont moralement obligées, parce qu'elles signent un code d'éthique où les publications ne mentionneront pas les éléments confidentiels, les éléments nominatifs... Alors, nous, on pense contrôler, enfin, on essaie de... On pense qu'on ne devrait pas fermer la porte à des généalogistes pour des motifs de confidentialité, parce qu'on se dit que nous, on va la contrôler, on va contrôler ce qui se publie. Essentiellement, la majorité des publications peuvent être contrôlées avec le code d'éthique qu'on va faire, que les membres, les personnes, les individus vont signer, mais les sociétés de généalogie aussi sont obligées de le respecter.

Le Président (M. Doyon): Oui, je comprends très bien, mais vous n'êtes pas une corporation professionnelle reconnue.

Mme Duval: Non.

Le Président (M. Doyon): Vous n'avez pas comme tel un comité de discipline qui peut imposer des sanctions, reconnu par la loi. Quand vous dites: On ne publiera pas, d'accord. Ne pas

publier, c'est une chose, mais ne pas prendre connaissance, ça en est une autre. Il est possible qu'il y ait un certain nombre de renseignements qui, de par leur nature, fassent partie du patrimoine personnel d'une personne et qu'à ce titre, non seulement cette personne ne veuille pas le voir publier, ce qui est une affaire, mais peut ne pas vouloir que ça se sache purement et simplement. Et, à ce moment-là, que d'être "généolo-gue"... Je vous soumets le problème. C'est parce que ce n'est pas tout de dire: Ça, ça ne fait pas notre affaire. Si je peux vous mettre sur une piste - et je n'allongerai pas le discours - il faudrait que vous arriviez avec des solutions et celle que vous me proposez ne me paraît pas pouvoir être retenue dans les circonstances, parce que c'est une question de confiance. Et le problème, vous le soulevez fort bien, à juste titre, mais la solution que vous proposez ne me paraît pas pouvoir résoudre le problème auquel on a à faire face.

Là-dessus, sans plus de préambule, je passe la parole au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Asselin et Mme Duval, au départ, André Boulerice, descendant de Jean Bourhis, de Brest, tourneur du roi de son état, arrivé le 13 septembre 1686 en Nouvelle-France, a déjà fait les représentations auprès de la porte-parole de l'Opposition dans ce dossier, Mme Harel, députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vous avoue que j'ai été, moi aussi, un peu sidéré de voir une telle chose. Bien des intervenants sont venus à cette commission en lisant le rapport Arpin et en disant: Mon Dieu, vers quel dirigisme nous nous en allons? Je pense que le plus bel exemple de dirigisme qui vient d'être donné ne s'applique pas au ministère des Affaires culturelles, mais s'applique bien plus au ministère de la Justice comme tel.

Il se peut, comme dit M. le président, que ce que vous avancez n'aide peut-être pas, à cause de l'énoncé, la cause que vous puissiez avoir accès. Mais je pense que le ministère ou tout au moins la commission aurait peut-être pu vous entendre et essayer non pas de faire partie de la question seulement, mais faire partie de la solution. Je trouve que c'est incroyable. Eh oui! il y a des choses de relations, des choses personnelles. Mais, en fin de compte, ce que je veux, c'est la généalogie de ma famille. Je ne veux pas celle du voisin. En vertu de quoi, d'ailleurs, je la voudrais? Curiosité qui me coûterait sans doute des sous et qui me rapporterait peu, peut-être. Je sais pertinemment qu'on me demande régulièrement le nom de ma mère. Le nom de mon père, tout le monde le sait. Mon père a été hospitalisé et on lui a demandé, même à 80 ans, le nom de sa mère, dans un centre hospitalier, et Dieu seul sait qu'il y a confidentialité des dossiers. M'étant occupé de ce dossier dans une commission scolaire... Il n'y a pas là-dedans, dans cette collection des registres de l'état civil, des remarques à l'effet que mon arrière-grand-père avait fait faillite cinq fois, que ma grand-mère fumait à l'époque où l'Église l'interdisait. Encore là, je trouve que c'est un exemple de dirigisme qui est un peu fort. C'est peut-être un inconvénient que vous ne soyez pas une corporation. Mais est-ce qu'il faut être érigé en corporation pour prouver notre bonne foi et notre volonté de nous imposer nous-mêmes une éthique? Les députés ne sont pas une corporation, hein? Et, de façon tacite, nous nous imposons une éthique mutuellement. Alors, je pense qu'on devrait regarder ça.

Je vous dis que votre présence n'aura pas été vaine, Mme Duval, Mme Asselin. Je pense que vous nous avez tous sensibilisés. Je ne crois pas qu'il y ait eu, dans les propos de ma collègue et du président, des objections, mais bien une volonté de vous aider dans ce domaine. Si on me dit qu'avant que je puisse avoir ma généalogie je devrai attendre 100 ans vous vous imaginez l'intérêt que j'ai de l'avoir, hein? Ça devient un peu problématique.

Mais, si on déborde ce cadre, j'aurais quand même une question à vous poser. Quelle devrait être la place de sociétés comme la vôtre à l'intérieur, justement, d'une politique du patrimoine?

Mme Faucher-Asselin: On peut résumer nos interventions en vous disant qu'on est un organisme qui est déjà reconnu par le ministère des Affaires culturelles, annuellement, par une subvention de fonctionnement, comme je vous le disais dans le rapport, de portée nationale. Ce n'est peut-être pas de l'argent qu'on veut, mais plutôt un soutien au niveau de l'accès à l'information pour continuer de faire le travail qu'on fait. C'est un travail qui coûte peu de sous, finalement, actuellement aux organismes qui se servent de ces informations-là, parce que les sociétés de généalogie sont assez autonomes dans leur fonctionnement. C'est les bénévoles qui fournissent tout le support, tout le matériel, toute la présence, tout est fait par bénévolat. Les subventions nous aident actuellement à gérer l'ensemble du travail de l'ensemble des sociétés de généalogie au Québec. Ce qu'on vous demande ici, c'est le soutien quant à l'accès à l'information éventuelle de la source première d'information dont on a besoin pour continuer de faire ce qu'on fait depuis 50 ans.

M. Boulerice: Je vous remercie. C'était peut-être prémonitoire tantôt lorsque, avec un autre groupe, j'ai parlé de perversité du système. J'ai l'impression qu'on vient d'en vivre une et il faudra la corriger le plus rapidement possible. En tout cas, vous pouvez compter sur ma collaboration.

Mme Faucher-Asselin: Merci, M. Boulerice.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon collègue pour... Comme je vous dis, nous, on a été sensibilisés et, comme M. le président le disait aussi, la Société, enfin, les représentants avant vous ne nous ont pas fait part de cette espèce de litige. D'un côté, oui, il y a la protection de la vie privée. Il faut savoir maintenant jusqu'où et quels moyens aussi on peut prendre pour garder les deux principes. C'est sûr qu'il y a tout, maintenant; le Mouvement Retrouvailles crée aussi un peu de controverse, d'une certaine façon. Alors, il s'agit de savoir maintenant le pourquoi et les moyens et nous allons y voir et voir aussi ce qu'on peut faire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Je veux juste vous rassurer. C'est que les débats que nous avons ici sont transcrits et, comme président de la commission, je ferai en sorte qu'ils soient transmis au ministre de la Justice qui en prendra connaissance de façon à ce que le point de vue que vous exprimez soit bien pris en compte. Je voudrais vous remercier et vous féliciter parce que le travail que vous faites contribue grandement à la fierté que nous avons, tous et chacun d'entre nous ici, du Québec, de connaître nos origines. Je sais que Jean Doyon est arrivé en 1643, qu'il était coupeur de long, que ses deux fils ont accompagné d'Iberville à la baie d'Hudson où ils ont fait le coup de feu contre les Anglais. Faits prisonniers en Angleterre, ils se sont échappés et se sont joints à Louis Jolliet et au père Marquette pour découvrir le Mississippi. On voit qu'ils étaient ce qu'il y a de plus coureurs des bois et aventuriers dans le sens le plus noble du mot. Se promener de la baie d'Hudson aux prisons londoniennes et s'en échapper pour se retrouver à l'embouchure du Mississippi, chapeau! il faut le faire! Alors, bravo à Antoine et Thomas Doyon. Grâce à vous, je sais qu'ils ont existé et que c'est un objet de fierté. Je dis ça pour les Doyon et je suis sûr que mon collègue Boulerice pourrait le faire, Mme Cardinal et Mme Hébert aussi. Alors, nous avons comme ça des trésors d'aventures qui pourraient faire l'objet, d'ailleurs, de livres, et qui ont été écrits parfois. Il y en a un d'écrit sur les Doyon avec d'Iberville, qui s'appelle 'The Ceasars of the Wilderness", que j'ai fait venir d'une bibliothèque de New York et dont vous pouvez prendre connaissance. C'est assez intéressant.

Alors, là-dessus, je suspends les travaux de notre commission jusqu'après les affaires courantes, vers 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et mes- sieurs, si vous voulez bien regagner vos places, nous allons débuter les travaux de cette commission pour la période de cet après-midi.

Alors, je ferai une rapide lecture de l'ordre du jour de cet après-midi afin de rappeler à tout le monde quels sont les travaux que nous avons à exécuter. Alors, nous allons, dès la fin de cette lecture, entendre les représentants de l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation. Par la suite, à 16 h 15, nous recevrons les représentants du Conseil de la langue française. À 17 heures, les représentants de la Commission des biens culturels, je présume, du Québec et, à 17 h 45, Architecture Québec. Nous ne suspendrons pas à 18 h 30, car nous rencontrerons par la suite le Conseil régional de la culture de l'Outaouais. Ceci mettra fin à l'ensemble de nos travaux pour cette journée. Donc, nous ajournerons les travaux aux environs de 17 h 15 à peu près.

Alors, ceci étant dit, je vous rappellerai que le temps qui est alloué aux groupes qui viennent nous rencontrer est de 15 minutes pour faire la présentation de leur mémoire et, par la suite, 15 minutes sont allouées à chacun des deux partis, soit Mme la ministre des Affaires culturelles et son vis-à-vis, le représentant de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Alors, voilà. Nous sommes prêts à vous écouter ou à votre disposition, si je ne peux pas employer un autre terme que ça. Alors, peut-être vous pourriez vous identifier et commencer aussitôt votre présentation.

ASTED

M. Bourque (Alain): Alain Bourque, président sortant, président ex-officio pour l'ASTED. M. Louis Cabrai, qui est le directeur général de l'ASTED, est à ma droite...

Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs.

M. Bourque: ...et M. Yvon-André Lacroix, qui est membre du conseil d'administration de l'ASTED, est à ma gauche.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour messieurs.

M. Bourque: Je vous remercie, M. le Président. Nous allons, plutôt que de vous faire lecture de notre document que vous avez déjà entre les mains, vous présenter certains aspects, certains points plus particuliers, vers lesquels nous aimerions faire porter votre attention. M. Louis Cabrai va commencer la présentation et M. Lacroix la terminera sur des points complémentaires.

M. Cabrai (Louis): J'aimerais débuter rapidement par une présentation de ce qu'est

l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, plus simplement appelée ASTED. C'est un organisme professionnel à but non lucratif qui regroupe au-delà de 700 membres qui oeuvrent dans le milieu documentaire. En fait, l'ASTED est héritière d'une tradition de l'Association canadienne des bibliothécaires de langue française et, dès 1973, elle a pris la relève de cette association-là.

Très rapidement, ses buts sont au nombre de trois: promouvoir l'excellence des services et du personnel chez les intervenants du monde de l'information documentaire; inspirer la législation et promouvoir les intérêts respectifs et communs de tous les intervenants du monde documentaire; et jouer un rôle prépondérant dans la francophonie en matière de bibliothéconomie. C'est, rapidement, très vite esquissé, le portrait de l'ASTED.

J'aimerais, à ce moment-ci, aborder, en fait, la place de la culture qui est, finalement, décrite dans la politique de la culture et des arts. On voit que ce rapport du groupe-conseil émane après 30 ans de réflexion, passant d'un livre vert à un bilan action. En fait, on trouve très sains les trois principes qui sont évoqués dans l'aperçu en page 17: "...la culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociale et économique". Donc, on trouve très sain qu'on l'ait, dans un préambule, mentionné derechef. Ces principes philosophiques qui sous-tendent cette politique de la culture et des arts, c'est, ma foi, très salutaire et on y concourt et on y participe d'emblée. Cependant, quand on a examiné la proposition du groupe-conseil, on constate qu'il y a une grande absence, une grande absence au premier titre, celui d'une... On voulait sans doute évoquer les associations du monde documentaire, les gens des bibliothèques. On a trouvé qu'on n'avait pas fait appel à l'expertise bibliothéconomique.

Un ministère qui a une direction des bibliothèques publiques, qui se consacre au développement des bibliothèques publiques, et pour qui la notion des bibliothèques est une partie intégrante de sa mission, en tant que ministère, qu'il n'y ait pas une expertise qui soit membre du groupe-conseil qui aurait pu au moins éclairer, on trouve que c'est, en fait, une pauvreté aussi au niveau de l'argumentation.

Les bibliothèques sont évoquées en termes de statistiques, en termes d'importance, sur lesquelles on devrait se pencher pour élaborer une politique culturelle, mais, effectivement, il y a, tout au long des différentes propositions pour le développement d'une culture, pour le développement d'une politique de la culture, une absence quant à la dimension et à la place que devrait occuper la bibliothèque. On fait - ce n'est pas pour dénigrer l'importance que doivent occuper la création et les créateurs en culture - largement état de l'importance de la création, mais on oublie les lieux de diffusion de cette création-là. Les bibliothèques occupent une large place comme foyers de culture et comme lieux de diffusion, et la création, elle n'est pas le résultat d'une inspiration spontanée, elle est l'héritage d'une tradition qui est conservée soit dans les archives, soit dans les bibliothèques, il y a une tradition culturelle qui amène des gens à écrire des choses dans un moment donné, une oeuvre déterminante à une époque. Il y a des lieux pour conserver cette mémoire-là et la bibliothèque est, ma foi, l'endroit tout indiqué pour ce faire. Je voudrais qu'on comprenne bien que ce n'est pas une diminution et un affaiblissement du rôle du créateur, qui a son importance, mais c'est la place prédominante que doit jouer la bibliothèque.

Quand on regarde, au niveau des absences, on note que la législation actuelle sur les bibliothèques date de 1959. On l'avait d'ailleurs évoqué. Il y a eu une commission en 1987 sur les bibliothèques publiques qui déjà, en 1987, trouvait la loi de 1959 désuète et non conforme à la réalité contemporaine. Que dire, en 1991, de cette situation-là? Je pense que nous devrions nous consacrer à une loi qui, finalement, actualise les préoccupations d'aujourd'hui et qui doit, cette loi-là, nous indiquer des principes directeurs, faire en sorte qu'il y ait des suggestions de normes et que tout ça participe au développement des bibliothèques. Le milieu des bibliothèques publiques attend depuis près de deux ans cette législation-là, attend un plan de développement qui lui dicterait des voies. Tout ça est, ma foi, absent dans cette proposition-là; on n'en fait pas écho.

Je disais à la blague, dans les discussions préparatoires, quand est venu le moment de rédiger le mémoire de l'ASTED à la commission, que nous aurions très bien pu prendre le mémoire de 1987 et d'en changer la page couverture. La situation des bibliothèques, comme vous le savez, au Québec, on dispute bien souvent sur le plan canadien cette place-là à notre ami Clyde Wells de Terre-Neuve, en termes d'espace et de situation. C'est peu reluisant à cet aspect-là. Je céderais maintenant la parole à M. Lacroix pour les autres points.

M. Lacroix (Yvon-André): Alors, M. le Président, nous appuyons, en fait, les recommandations du rapport Arpin en tout ce qui concerne le monde de la création, et je pense que c'est justifié, tout ce qui est mis en valeur dans ce rapport. Notre objectif c'est plutôt de souligner qu'avant toute création il y a une réflexion, justement. Il y a de l'information qui est nécessaire, de la documentation et les connaissances. Ce qui est regrettable, sinon même lamentable, c'est qu'un plan essentiel, et j'insiste sur le mot, à toute culture ait été oublié, à peine effleuré aux pages 156 et 157 et ce, en parlant de la lecture dans le cadre scolaire. Alors, nous

voulons insister sur le livre, l'écrit et les bibliothèques publiques. Si je demande à chacune des personnes qui sont ici pourquoi elles sont ici et comment elles sont arrivées à être ici, c'est parce qu'il y a eu, évidemment l'éducation, mais il y a eu le livre qui a été présent dans la vie de chacune des personnes qui sont ici. Le livre est présent également dans la vie de chacun des citoyens québécois qui veut parvenir à une certaine réussite sociale et économique.

Alors, le livre, le document, quel que soit le nom qu'on lui donne, la bibliothèque, l'information sous toutes ses formes sont essentiels à toute culture. Avec manger, en fait, et être en santé, savoir lire est, dans nos sociétés occidentales et maintenant dans le monde entier, la seule activité essentielle. Même dans nos dites sociétés démocratiques et occidentales, ces deux objectifs, la santé physique et mentale et l'éducation et l'alphabétisation, et l'accès à l'information sont reconnus comme un droit, ce qu'on a d'ailleurs fait au Québec. J'insiste en disant que même les aveugles apprennent à lire. C'est pour dire l'importance de l'objet qu'est un livre sous quelque forme que ce soit. (16 heures)

Alors, ça nous apparaît être un préalable essentiel qui a été oublié, malheureusement, dans le rapport. Un préalable qui permet également l'accessibilité aux autres formes d'art, aux autres expressions de la culture ou des cultures populaires ou élitistes ou tout type de culture. Essentiel à notre point de vue, ça signifie que je peux ne pas fréquenter un musée, je peux ne pas fréquenter l'OSM, mais, dans nos sociétés, je ne peux pas ne pas lire.

C'est là le message qu'on entend livrer, que, pour parvenir dans nos sociétés, la lecture et les bibliothèques publiques sont essentielles. L'endroit justement où on trouve ce moyen d'accéder aux livres et aux connaissances, une fois qu'on est sorti de l'école, pour tout citoyen, c'est la bibliothèque publique. En fait, c'est le plus beau cadeau qu'on peut offrir autant à des individus, si nous sommes parents, qu'on peut offrir à nos enfants - des livres - comme collectivité, comme collectivité québécoise, d'offrir à nos concitoyens des bibliothèques publiques pour avoir accès de 0 à 99 ans à l'information, à l'éducation et à toutes les formes d'expression de la culture.

Malheureusement, ceci est presque absent du rapport, c'est-à-dire la lecture et les bibliothèques publiques. Pourtant, c'est l'institution la plus démocratique - je viens de le dire - la plus accessible à tout le monde, de 0 à 99 ans ou 110 ans - mettez ce que vous voulez - celle qui accueille également le plus de monde comparativement à toutes les autres institutions culturelles regroupées au Québec. Si on se réfère au rapport Samson Bélair, on peut vérifier cette donnée. Les bibliothèques publiques accueillent au moins quatre fois plus de concitoyens québécois que la plupart des institutions culturelles du Québec. C'est aussi l'institution la moins chère, encore là, si on se réfère au rapport Samson Bélair. La plupart des grandes institutions culturelles, pour y avoir accès, ça dépasse les 30 $ par tête de pipe pour chacune des fréquentations alors que la bibliothèque publique est accessible pour 18, 60 $ par tête pour autant de fois qu'on le désire et pour autant de livres et documents visuels, etc., qu'on désire emprunter. C'est également le plus grand diffuseur puisqu'il atteint le plus grand public.

En fait, pour terminer, la bibliothèque, plus de bibliothèques publiques, des bibliothèques publiques mieux organisées, mieux équipées avec plus de livres, c'est une meilleure qualité de langue, donc, de langue française, plus de culture, plus d'auteurs, plus de livres achetés, plus de jobs, une économie plus saine. Également, c'est plus d'autonomie autant individuelle que collective et c'est le meilleur investissement pour une société si on pense à long terme. Autant le système d'éducation est un investissement pour une société, autant les bibliothèques publiques le sont. Finalement, les bibliothèques publiques sont aussi le meilleur gage d'une meilleure démocratie.

Je voudrais terminer - mon collègue tantôt l'a souligné - tout simplement pour, en fait... Le ministère des Affaires culturelles a ses responsabilités quant aux bibliothèques publiques, c'est-à-dire d'énoncer publiquement que les bibliothèques publiques sont importantes pour la société québécoise et de le dire et non pas de le taire ou que ce soit absent comme dans les deux rapports que j'ai énoncés tantôt et qu'il y ait une volonté d'aller de l'avant avec une loi, avec des normes, avec un partenariat avec les municipalités et avec des gens qualifiés pour travailler dans les bibliothèques.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Lacroix. Avant de passer la parole à Mme la ministre, comme député de l'est de Montréal, comté de LaFontaine, j'ai le plaisir de vous entendre parler des bibliothèques. J'aimerais vous mentionner que j'habite dans un quartier montréalais où environ 30 000 personnes résident, où nous n'avons pas de bibliothèques et où les gens doivent encore faire la queue derrière un minibus. On appelle ça un bibliobus, un stand à patates frites, alors que nous sommes un quartier où une très grande majorité sont des jeunes familles, des jeunes ménages avec des enfants et, aussi, il y a des personnes âgées.

Alors, il me fait plaisir d'entendre votre profession de foi envers les bibliothèques et je souhaiterais que votre message ne soit pas seulement entendu par ma collègue et ma grande amie, Mme la ministre des Affaires culturelles, qui trouve cette situation probablement très désolante, mais par M. le maire de Montréal qui, depuis cinq ans, n'a pas été capable de livrer

une bibliothèque dans le quartier de Rivière-des-Prairies. Merci, monsieur. Sur ces commentaires, je passerai maintenant la parole à Mme la ministre. J'avais son consentement pour vous faire cette remarque.

Mme Frulla-Hébert: Merci, messieurs. Vous parliez de bibliothèques et vous parliez de la contemporanisation, si on veut, des bibliothèques. Si on regarde le réseau des bibliothèques au moment où on se parle, on rejoint 88 % de la population, ce qui est quand même un grand pas que nous avons fait depuis 10 ans. La plupart des bibliothèques... Nous avons investi, depuis 1986, 45 000 000 $ en infrastructure et la plupart des bibliothèques offrent maintenant des services audiovisuels, services connexes. Quand vous parlez, justement, d'être à l'ère, de se mettre un peu à l'ère moderne, etc., est-ce que c'est de ça que vous voulez parier, ou vous nous dites encore d'aller plus loin? Si c'est ça, quels sont les moyens pour aller plus loin?

M. Lacroix: En fait, vos chiffres sont exacts. C'est vrai qu'effectivement les bibliothèques publiques ont connu un bon essor depuis on peut dire 10 ans. Maintenant, il reste qu'en tant que collectivité je ne pense pas qu'on ait, au Québec, le sentiment que le gouvernement nous appuie. Dans les bibliothèques publiques, on a le sentiment: Est-ce que ça continue? Où est-ce qu'on s'en va? Est-ce qu'il y a une détermination? Est-ce que la bibliothèque publique, c'est une institution québécoise fondamentale ou non? Est-ce que c'est quelque chose d'important ou non? Qu'on le dise.

Ce qu'on regrette, c'est que ce soit absent d'un ouvrage aussi important que celui-ci et que ça n'apparaisse pas comme étant le fondement d'une culture. Ça, c'est regrettable, je pense. En fait, c'est le message que, nous, on livre. Je ne sais pas si je réponds à votre question, d'ailleurs.

Mme Frulla-Hébert: Maintenant, pour ce faire, justement avant - vous allez peut-être répondre à ma question... Si c'est 22 000 000 $ de fonctionnement, c'est sûr maintenant qu'il y a des choses à faire au niveau des bibliothèques. Au niveau de la loi, je l'avoue, je l'ai arrêtée, la loi, l'année passée parce qu'il y a aussi toute la question de la tarification. Il faut s'asseoir avec les villes pour en parler parce qu'on ne veut quand même pas non plus réduire l'accessibilité. Par contre, il y a peut-être des services... Ce sont des services nouveaux, services offerts à la communauté d'affaires, par exemple, où on pourrait imposer une certaine tarification et, si on le faisait, comment on le ferait, etc. Ça c'est une chose.

Deuxièmement, aussi, c'est notre financement. Est-ce qu'on devrait financer le fonctionnement? On a eu une belle discussion ce matin.

Est-ce qu'on devrait financer le fonctionnement, c'est-à-dire le nettoyage, etc., - on est les seuls à financer, au moment où on se parle, un équipement qui est local - ou plutôt prendre cet argent-là et s'en servir au niveau des collections, au niveau des avenues nouvelles, au niveau de l'informatisation? Alors, qu'est-ce que vous pensez de tout ça?

M. Lacroix: Je pense que, là, avec les relations provinciales-municipales, j'imagine qu'il faut s'asseoir et discuter de ces choses publiquement. Vous parliez de la tarification. Dans le milieu de la bibliothèque, on ne s'attend pas à ce que ce soit tartfié parce que nous jugeons qu'une bibliothèque... Est-ce que c'est essentiel ou non pour une collectivité? Si c'est quelque chose qui est essentiel, on doit le dire, et là le ministère peut donner un son de cloche à savoir qu'il y ait une gratuité. Il peut y avoir des sommes qui sont accordées par Québec d'une façon ou de l'autre, mais qu'il y ait un message qui soit dit, que c'est une institution qui est essentielle, c'est-à-dire que je ne peux pas ne pas lire et que pour ça, probablement, le public doit y avoir accès gratuitement. C'est pour ça que l'UNESCO a posé ce postulat-là à savoir que la bibliothèque doit être gratuite et d'accès gratuit, parce qu'elle est essentielle.

Quand on parie de danse, quand on parie de musique, quand on parie... Je pense que les gens s'attendent à payer pour ces choses-là. Quand on pense de donner des cours de violon à des enfants, à part le système public, je pense que les gens s'attendent à payer pour ce type d'activités. Mais l'accessibilité aux livres, aux connaissances et à l'information, pour tous nos besoins quotidiens, dans chacune de nos vies, je pense que c'est là que l'État devrait donner un message clair et exprimer que la gratuité devrait s'appliquer. C'est ce qu'on fait partout en Occident.

Malheureusement, au Québec, il y a beaucoup de bibliothèques qui déjà tarifient, ce qui fait que, dans la mentalité collective du Québécois moyen et de certains de nos élus, la bibliothèque est une institution négligeable qui doit faire ses frais. Si c'est une institution essentielle, j'insiste toujours sur ça, je pense que c'est là que le ministère peut avoir du leadership, quitte à être prêt à s'asseoir à la table pour savoir qui met quoi, quel argent est mis à quel endroit, mais qu'il y ait un principe qui puisse être reconnu.

Mme Frulla-Hébert: Ce que vous nous dites, finalement, c'est que dans la future politique il s'agit de statuer, d'abord et avant tout, le principe, parce que les actions ont été là, même au niveau des municipalités. Il reste encore 10 % des municipalités, qui ne sont pas, d'ailleurs, les municipalités les moins bien nanties... Je pense à Chicoutimi, je pense à Aima. Ce ne sont quand

même pas de petites municipalités, là. Mais, par contre, à l'inverse, il y a des municipalités qui y croient et qui font plus que leur part. Alors, il s'agirait, selon vous, premièrement, de statuer et d'envoyer un message clair et, à partir de ce message-là maintenant, en en discutant avec eux, savoir où on s'en va et quels services...

M. Lacroix: On compare ça un peu aux années soixante, quand il y a eu la fameuse réforme scolaire. On a crié partout l'importance des polyvalentes, l'importance de l'éducation, l'importance de, de, de... Il y a eu un phénomène collectif, il y a une décision qui a été prise, et il y a eu un engagement. C'est évident qu'ici on est dans une relation provinciale-municipale. Il y a des partenaires, mais je pense qu'il y a moyen de développer davantage et de distribuer les compétences. Il reste qu'on a maintenant, et c'est vrai, des édifices, mais on n'a pas de personnel nécessairement superqualifié, et nos collections sont encore, dans bien des cas...

Mme Frulla-Hébert: Ça, oui.

M. Lacroix: ...relativement pauvres.

M. Bourque: Au fond, on se retrouve devant deux avenues actuellement. La première, c'est celle que nous avons abordé depuis le début, c'est-à-dire que nous considérons qu'il est important actuellement qu'il y ait un message. Et par la suite, avec les partenaires, que ce soient les municipalités, que ce soient les associations comme la nôtre, que ce soient les personnes qui sont impliquées dans le domaine des bibliothèques publiques, on s'assoira une fois que le message aura été exprimé, et on verra ensemble les moyens, les échéanciers et la façon, au fond, d'atteindre un certain nombre d'objectifs sur lesquels on se sera entendu au départ et qui doivent provenir du ministère et du gouvernement.

Il y a une autre approche, évidemment, qui est de dire: Assoyons-nous d'abord, essayons de nous entendre entre nous, d'aplanir déjà les problèmes qui peuvent se créer et, par la suite, on aura une loi ou des normes, etc., qui découleront de nos discussions. Mais tant, pour nous, que cette façon d'agir cause problème... On considère que devant le nombre de sujets, de discussions actuellement, dans les municipalités, la réforme, la fiscalité, etc., il est difficile, tant qu'on n'a pas, de la part du gouvernement et du ministère, une position claire, de dire: Voici la place que nous considérons que les bibliothèques publiques doivent avoir. Il n'est pas sûr que ce genre de discussion va se faire.

Nous avons l'impression que ça va prendre beaucoup de temps alors que s'il y avait, de la part du gouvernement et du ministère, une implication et qu'on disait: Voici ce que nous considérons qui doit être fait, ou voici, au moins, les grands objectifs sur lesquels nous espérons... où nous voulons aller, par la suite, je pense qu'il serait possible de s'asseoir. On ne s'attend pas, une fois que le ministère, que le gouvernement aura mis un certain nombre de grands objectifs sur la table et aura dit: Voici où on va, que ça va se régler en un an. On n'a pas cet objectif-là. On sait que ça va prendre du temps. Mais, au moins, on va avoir une base sur laquelle on va pouvoir s'appuyer, et aussi les municipalités, tout le monde va pouvoir s'appuyer pour dire: Au moins on sait où on veut aller.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous passe maintenant la parole.

M. Boulerice: Oui, M. Bourque, M. Lacroix, M. Cabrai, vous rappelez avec une justesse l'apport fondamental des bibliothèques comme intervenants, véritablement, de première ligne en matière culturelle. Effectivement, je pense que c'est un peu difficile de concevoir un plan d'action à ce niveau sans tenir compte également d'un plan d'action au niveau de Il'analphabétisa-tion. S'il y a des livres et que les gens, malheureusement, ne peuvent les lire, ça devient un petit peu plus difficile. (16 h 15)

On a parlé de l'implication financière des municipalités. Oui, effectivement, on souhaite tous que les municipalités s'assoient avec les ministères, mais vous devez comprendre, dans le contexte, les municipalités doivent apporter leur chaise. Un peu plus et ce n'est pas certain que les municipalités auront les moyens de s'acheter une chaise pour venir s'asseoir avec l'actuel gouvernement.

Vous avez, dans votre mémoire, recommandé l'adoption d'une nouvelle législation sur les bibliothèques publiques. La ministre vous a dit qu'elle l'avait retirée parce qu'il y avait le problème de tarification. Je pense que ce n'était pas uniquement le seul. Il y avait d'autres éléments dans la loi. Elle n'a pas été rendue publique. Je ne l'ai pas officiellement vue, mais je pense qu'elle ne faisait pas l'unanimité du milieu comme tel. Je pense que vous avez quand même développé les principaux paramètres de ce que devrait être cette législation, donc j'irai plutôt à un autre niveau pour le questionnement. Sur la question du droit d'auteur, vous reprochez au rapport Arpin de faire preuve de simplisme et que la question du droit d'auteur cache une réalité plus complexe. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu à ce sujet?

M. Bourque: Le droit d'auteur, actuellement, est une loi fédérale. Le fait est que, lors des discussions que les associations et que ceux impliqués dans le domaine de la documentation ont eues avec le gouvernement à cet effet, la loi devait être en deux parties. Il y avait une

première partie qui a été, effectivement... qui a maintenant force de loi et qui vise à ce que les créateurs soient en mesure, au fond, d'obtenir de l'argent, de recevoir de l'utilisation qui est faite en bibliothèque des livres qu'ils ont écrits une certaine rémunération. Nous sommes absolument d'accord avec cette procédure, avec cette façon d'agir. Nous considérons, effectivement, que nous n'avons rien contre cette position.

Ce que nous avons regretté et qui apparaît peut-être un peu aussi dans le rapport, c'est qu'au fond la deuxième partie, qui devait venir par la suite, n'est jamais venue. C'est celle de reconnaître que les bibliothèques sont un lieu de diffusion de l'information et de la documentation et qu'il y a un certain nombre d'exemptions... Il faut reconnaître aux bibliothèques le cadre dans lequel elles travaillent et qu'il y a un certain nombre d'exemptions qui devraient être accordées par la loi. Donc, la possibilité de faire des copies individuelles pour l'enseignement, etc.

Au fond, ce que nous aimerions, c'est que le gouvernement du Québec, par son ministère des Affaires culturelles, nous appuie, appuie le milieu de la documentation dans les représentations que l'on peut faire au niveau du gouvernement fédéral, pour que la deuxième partie de la loi soit appliquée. Nous considérons que les exemptions que nous demandons, que le milieu documentaire demande, sont tout à fait légitimes, qu'elles ne mettent pas du tout en cause le rôle de l'écrivain, le rôle de la personne qui produit les documents ou le rôle des éditeurs, que ça ne limite pas leur capacité de produire ou d'avoir un revenu, mais que les exemptions que nous demandons sont nécessaires pour permettre aux bibliothèques de remplir efficacement leur rôle.

Donc, c'est plutôt à ce niveau-là que notre demande va, c'est que, dans le rapport Arpin on parle de façon assez rapide du droit d'auteur, mais on semble oublier encore une fois le rôle des bibliothèques et que les bibliothèques devraient avoir certaines exemptions.

M. Boulerice: Vous souhaitez la mise en place d'une véritable politique de la lecture. Est-ce que vous pourriez être un petit peu plus explicite sur les éléments de cette politique de la lecture, mais comme porte d'entrée des individus, particulièrement des jeunes, il va de soi, aux arts et à la culture?

M. Lacroix: En fait, déjà, une politique de la lecture, c'est essentiel à des individus et à une collectivité, autant pour accroître ses propres compétences individuelles et collectives.

Je pense que c'est ça qu'il faut qui soit dit, c'est ça qu'il faut qui soit établi, mais après ça...

M. Boulerice: Les éléments de cette politique de lecture, ce serait...

M. Lacroix: La gratuité, l'accessibilité des gens, le fait qu'on devrait avoir partout au Québec, dans chaque municipalité, des bibliothèques. Il y a des députés qui se sont défendus et qui défendent plutôt d'avoir des bouts de route dans leur comté. Je pense que le jour où on aura des députés qui diront: Je me bats pour avoir une bibliothèque publique dans tel ou tel patelin, et qui voudra le défendre et le défendre vraiment, je pense que, là, on aura progressé et qu'on aura vraiment des bibliothèques aussi partout.

Dans les bibliothèques, on doit avoir un minimum vital, c'est-à-dire un minimum de livres per capita, des collections qui sont à date, pas des collections... Ce n'est pas le nombre de livres qui crée une bibliothèque, des livres qui datent... La bibliothèque de l'Assemblée est pertinente par rapport à vos besoins de députés, mais, pour le citoyen normal, c'est une collection qui ne répond pas à ses besoins. C'est une collection importante. Alors, une bibliothèque publique doit être à date, doit répondre à des besoins concrets, immédiats, quotidiens, répondre à ces besoins-là. L'homme et la femme de tous les jours doivent être certains qu'il y a une réponse justement à leurs questions économique, psychologique, culturelle et spirituelle à leur bibliothèque publique.

Le Président (M. Gobé): Maintenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: J'aurais aimé parler de la Bibliothèque nationale du Québec. Je ne sais pas dans quelle mesure le nouvel édifice va aider à ce que la Bibliothèque réponde plus adéquatement. En un autre moment peut-être que j'aurai la réponse que je souhaitais de vous, là. Je veux vous remercier de votre participation. Effectivement, les bibliothèques sont presque une histoire de "Newfie". Nous partageons ce record avec - comme dit M. Cabrai - notre ami Clyde Wells. Je vous ai dit que j'aimerais bien, dans ce dossier particulièrement comme dans un autre peut-être, prendre mes distances face à lui et véritablement devenir une société distincte de Terre-Neuve. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Mme la ministre, un mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je me joins à mon collègue et quant à prendre ses distances avec notre ami Clyde Wells, là-dessus, je m'entends aussi très bien avec lui. Ceci dit, on a beaucoup beaucoup parlé de bibliothèques, énormément, avec une grosse représentation des gens oeuvrant dans les bibliothèques, des municipalités aussi. Pour ce faire... Tout ça pour dire que cette volonté d'en faire justement un pôle central à notre développement culturel, je pense

qu'elle est là. Mais votre suggestion de nous dire de le dire et de le statuer haut et fort est essentielle et, là-dessus, je vous rejoins très très bien. Alors, merci beaucoup de votre participation. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je vais, sans plus attendre, appeler les représentants du groupe suivant qui sont les gens de la Commission des biens culturels, et je leur demanderai... Ah pardon! Je m'excuse, je vais trop vite aujourd'hui. J'appelle donc les représentants du Conseil de la langue française. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter en avant. Nous vous attendons, monsieur. Est-ce que ma langue n'était pas assez française? Ha, ha, ha!

Alors, bonjour, messieurs. Je vous rappelle rapidement les règles qui régissent notre commission. Vous avez droit à une période d'une quinzaine de minutes pour exprimer votre point de vue, présenter votre dossier ou votre mémoire. Par la suite, à la disposition des membres de cette commission, il reste une trentaine de minutes pour la discussion. Cela n'est pas limité dans le temps, en ce qui concerne... plus ou moins; plus, oui, mais moins, non. Alors, vous pouvez commencer sans plus tarder. Nous sommes prêts à vous écouter.

Conseil de la langue française

M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Laissez-moi d'abord vous présenter le secrétaire du Conseil, M. Antoine Godbout, qui a participé activement avec les membres du Conseil - il est d'ailleurs membre du Conseil - à la préparation du mémoire.

Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir invité le Conseil de la langue française à se présenter devant vous pour vous faire part de quelques commentaires que la lecture de la proposition Arpin a suscités chez les membres du Conseil. Langue et culture sont bien sûr intimement liées. C'est ce que nous venons vous dire, mais vous le dire sans prétention, sans prétendre que nos commentaires couvrent tous les aspects traités dans le rapport du groupe présidé par M. Arpin.

Dans l'exercice de ses fonctions, l'une des convictions les plus fermes que le Conseil a acquises est la suivante: le pouvoir d'attraction et de propagation de la langue française au Québec, ailleurs au Canada et sur le plan international est directement proportionnel à son efficacité, à son excellence et a son prestige. Le Conseil considère, par ailleurs, que c'est l'efficacité, l'excellence et le prestige des productions culturelles qui mettent en valeur la langue au point d'en faire une création permanente et une source de fierté collective.

La politique gouvernementale qui soutient cette productivité, comme la politique culturelle relative à l'enseignement, à la recherche, aux publications, aux créations des arts et des lettres sous toutes leurs formes, des plus classiques aux plus modernes, participe d'une certaine façon et même, d'une façon certaine, de la politique de la langue. Il en est de même de la politique de soutien à l'économie ou à la technologie quand ces domaines d'activité réussissent à s'épanouir et à s'imposer en français, tant sur le continent nord-américain qu'ailleurs dans le monde. C'est en s'appuyant sur cette conviction que le Conseil de la langue française s'est intéressé vivement à la proposition d'une politique de la culture et des arts présentée à la ministre des Affaires culturelles du Québec.

Nous croyons que le lien entre langue et culture est fondamental. Sous cet angle, le rapport Arpin, malgré sa puissante dynamique, mérite d'être clarifié et étoffé. Il gagnerait aussi à être enrichi quant à l'intérêt qu'il devrait porter à certains groupes de la population, en particulier à la jeunesse et aux minorités linguistiques et ethniques.

Le mémoire du Conseil à la commission parlementaire de la culture poursuit donc les trois objectifs suivants: clarifier le lien entre langue et culture pour mieux définir la politique culturelle; inclure les sciences et la technologie, autant que les arts et les lettres, dans l'éventail de la culture; considérer de façon particulière la situation des jeunes, d'une part, et des minorités linguistiques et ethniques, d'autre part, dans la définition d'une politique culturelle.

Le lien entre la langue et la culture. Le rapport Arpin aborde la notion de culture dans son sens restreint et en traite comme une des dimensions de la vie sociale. En ce sens, la culture se résume principalement à l'ensemble des activités du domaine des arts. Par ailleurs, la notion de culture prise au sens large se définit comme l'ensemble des manières de voir, de sentir et d'agir distinctives d'une société tant dans son rapport au passé qu'au présent.

Ainsi, lorsqu'on envisage le rapport de la langue à la culture, les perspectives qui s'en dégagent sont très différentes selon le sens qu'on donne à la culture. Si l'on retient le sens restreint, la langue figure essentiellement comme un instrument de production et de diffusion d'une culture qui serait indépendante d'elle. Le rapport de la langue à la culture y est, de plus, représenté comme étant propre à des domaines particuliers de production et de diffusion. Cependant, dans une perspective plus englobante, il devient patent que la culture ne saurait exister en dehors de ces champs de réalisation, que ces champs sont multiples et que la langue y joue un rôle essentiel. Une telle conception

comprend, bien sûr, tous les champs de l'activité culturelle et non pas seulement celui des arts. Le rapport de la langue à la culture devient donc global et débouche sur une vision de la politique culturelle qui touche tous les domaines de la vie sociale.

Les auteurs du rapport, qui ont pris la culture dans son sens restreint, ont tendance à glisser vers une conception instrumental iste de la langue. Celle-ci y est définie comme un moyen d'expression de la culture et comme porteuse des traces du passé culturel. On verra à ce sujet, dans les premières pages du rapport, certains paragraphes importants qui situent la place de la langue pour ses auteurs et qui montrent que le rapport n'opte pas ouvertement pour une conception instrumentaliste alors même que son contenu confirme cette acception restreinte de la notion de culture. Nous croyons qu'il s'agit là d'un glissement qui empêche les auteurs d'apprécier l'étendue du rôle constitutif de la langue dans la culture et des rapports étroits entre politique culturelle et politique de la langue.

Le Conseil considère que la langue est, en quelque sorte, la matrice de la culture de par son rôle et ses multiples fonctions. Bien davantage qu'un outil d'expression et de communication, elle est un outil d'appréhension du réel et du savoir. La langue est le fondement de notre société distincte et elle contribue à sa survie. (16 h 30)

II convient toujours de rappeler qu'à cause de notre place sur le continent nord-américain, de la concurrence internationale entre l'anglais et le français, de notre faible poids démographique il nous faut cultiver notre langue avec un maximum d'excellence et de conviction dans tous les domaines de la culture. La protection de notre identité collective dépend de cette culture quotidienne de la langue dans tous nos milieux de vie. C'est pourquoi le Conseil de la langue française estime qu'un gouvernement qui se propose d'arrêter une politique de la culture au Québec doit reconnaître d'abord qu'une politique culturelle doit rendre compte de l'important volet de la valorisation du français. Nous reviendrons sur cette importante question au moment de traiter de nos recommandations propres à la politique culturelle.

Ainsi que nous l'avons dit dans nos commentaires sur la langue, le rapport Arpin, qui est ample et généreux dans la vision qu'il projette, paraît pourtant réducteur dans l'analyse qu'il fait de la culture. On semble vouloir y éviter de grands débats sur la gamme des définitions virtuelles de la notion de "culture". Ainsi, la liste des composantes de la culture qui est ensuite donnée montre de toute évidence que l'on veut s'en tenir au champ de la politique culturelle dont le ministère des Affaires culturelles est responsable.

De fait, l'ensemble du rapport est centré sur la culture des arts et ses moyens de dif- fusion et cela, malgré l'extraordinaire ampleur qu'on veut bien donner à la culture, la considérant - et je cite - comme "une dimension essentielle de la vie en société, un droit qui doit être accessible à l'ensemble des citoyens, un élément moteur du développement collectif'. Le rapport Arpin précise même que, comparée à l'économie, dont le propre est d'être de l'ordre des moyens, la culture se situe dans l'ordre des fins. Si le rapport valorise de façon maximale la culture, c'est, à la lecture que nous en faisons, à l'évidence pour propulser une politique des arts avec une vigueur nouvelle.

Aussi estimons-nous que la proposition de politique issue du rapport, si l'on s'en tient au contenu actuel, devrait plutôt se présenter comme une proposition de politique des arts ou de la culture des arts plutôt que comme une politique de la culture et des arts. La distinction nous paraît importante à plus d'un titre.

Le domaine des arts, aussi primordial soit-il dans le développement et dans l'expression d'une civilisation, ne peut prétendre constituer à la fois l'essence et la globalité de la culture d'un peuple. Le Conseil pense donc que, si la proposition de politique issue du rapport Arpin élargissait le champ de la culture, elle agrandirait du même coup celui de la politique culturelle avec laquelle la politique de la langue française a besoin de s'arrimer pour intensifier le pouvoir d'attraction et de propagation de la langue, ce qui est la prémisse de ce mémoire. La langue et la culture deviendraient plus facilement alors ensemble le moteur de développement collectif, comme le souligne le rapport Arpin. C'est pourquoi l'inclusion de la science et de la technologie dans le champ élargi de la culture et de la politique culturelle nous paraît s'imposer.

Culture des sciences et culture de la langue. Le Conseil ne peut pas concevoir l'élaboration d'une politique culturelle sans la mise en oeuvre d'une politique de vulgarisation des sciences et de la technologie. Il y a une raison majeure à cela: la culture des sciences et de la technologie, qui est omniprésente dans notre société moderne, est une terre de prédilection où faire germer la culture de la langue. Elle est également quotidienne, puisque nos vies sont pénétrées, notamment, par l'électronique, l'informatique, les progrès de la science médicale et les défis énergétiques et écologiques. Le monde de l'information et de la publicité nous gave de raffinements technologiques. La littérature et le cinéma nous plongent à satiété dans l'imaginaire scientifique. La science et la technologie agissent en permanence autant sur l'inconscient collectif que sur la conscience. Et, pour être plus réaliste encore, faut-il rappeler que l'économie du travail et la concurrence entre les sociétés se jouent au rythme de leur évolution technologique et de l'évolution de la langue qui la pense, l'exprime et détermine jusqu'au choix des publications de prestige et de succès dans les universités. Mais

encore faut-il savoir dans quelle langue s'exprimeraient cette science et cette technologie. Dans son rapport de fin de mandat, Pierre Martel, exprésident du Conseil de la langue française, rappelait la nécessité et l'urgence pour nous de penser la science en français: "L'incapacité de penser la science à l'aide de l'outil incomparable qu'est la langue maternelle peut avoir deux résultats, soit un affaiblissement de la création, soit une adoption de l'anglais comme un équivalent de plus en plus complet de la langue maternelle. Dans les deux cas, on voit bien que c'est toute la vitalité de la culture française qui est menacée. Le travail du chercheur scientifique est un des éléments essentiels du dévelopement d'une culture. Les chercheurs sont les premiers à faire évoluer, à moderniser une langue afin qu'elle réponde aux nouvelles réalités."

Le Conseil a récemment réaffirmé cette prise de position dans son dernier avis au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française qui a pour titre "La situation du français dans l'activité scientifique et technique". Nous ne reprendrons pas ici le contenu de cet avis rendu public en septembre dernier, mais nous le déposons en annexe de ce mémoire auprès de cette commission. Nous croyons que les données qui y sont consignées pourraient être mises à profit, notamment dans le cadre d'une concertation interministérielle infiniment plus poussée et d'une vocation horizontale d'un ministère de la culture dont le rapport Arpin fait la promotion afin d'assurer l'efficacité et le rayonnement de la politique culturelle. Nous appuyons cette proposition du rapport Arpin.

Si nous ne réussissons pas cette indispensable entreprise de maillage culturel, la science et la technologie échapperont comme champ de conquête à notre identité française et nord-américaine. En conséquence, nous ne ferons qu'accroître le risque de folklorisation de notre culture que nous voulons si distincte. À cet égard, le Conseil voudrait souligner l'importance que revêt pour nous la recommandation 36 de notre avis qui propose de créer un lieu d'identification voué à la culture de la science et de la technologie, c'est-à-dire un musée de la science et de la technologie. Nous croyons en effet, au même titre que les musées ont traditionnellement servi de diffuseurs de la culture des arts, qu'un musée de la science pourrait jouer un rôle de diffusion, et partant d'identification, à la culture de la science.

Il s'agit de prendre tous les moyens à notre portée pour mettre fin au traditionnel et stérile divorce entre la culture des arts et des lettres et la culture scientifique. En fait, s'il est heureux que nos écoliers et nos écolières apprivoisent la science, on ne dort pas pour autant négliger la composante de cet apprentissage qui est le discours scientifique. En ce sens, il nous semble que les recommandations 57 à 70 du rapport Arpin sur l'éducation culturelle devraient, en particulier, être reçues dans ce sens, étant donné leur importance pour la jeunesse et pour l'avenir.

Le Conseil recommande donc à la ministre d'inclure dans un prochain projet de politique culturelle une place plus élargie - dont on pourra parler tantôt, si vous le voulez - à ce qu'on pourrait appeler la maîtrise culturelle de la science. Il nous semble qu'il y a ici une donnée absolument fondamentale, à la fois du point de vue de la politique culturelle et du point de vue de la politique québécoise de la langue française.

Le Président (M. Gobé): M. Laporte, je dois maintenant vous aviser que votre temps est maintenant écoulé et que nous allons devoir passer à la période de discussion.

M. Laporte: Ça va.

Le Président (M. Gobé): Je suis désolé. Votre mémoire est assez long et, malheureusement, même si on prenait tout le temps alloué, je pense que nous ne pourrions pas ... Par contre, je peux vous assurer que les membres de la commission prennent connaissance de tous les mémoires. Alors, maintenant, je me dois de passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Madame, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Godbout aussi. Je voudrais profiter de l'expérience de tous les deux, la vôtre, M. Laporte, celle de M. Godbout aussi, puisqu'il a oeuvré au sein du ministère pendant longtemps. Il y a deux choses, deux points, en fait, que je voudrais traiter en premier. Quand vous parlez de la place de la langue française, on a beaucoup parlé évidemment de culture. Hier, nous avions Mme Lafon-taine qui est venue nous voir et qui parlait de culture en disant: Quand on fait une politique culturelle, on devrait partir du sens étymologique, culture, et ensuite descendre et avoir des plans d'action. Bon.

Le rapport Arpin et le groupe-conseil se sont fait plus restreints au niveau de la discussion en disant: Bien, c'est parce que tout peut être culture. Dans un sens, souvent, en voulant tout englober, le projet devient tellement vaste qu'on finit par s'enfarger soi-même et ne plus rien faire. Où on commence et où on arrête? Dans le but aussi d'en arriver avec un plan d'action et aussi avoir une certaine efficacité.

Ceci dit, je veux revenir justement à la langue. Vous dites que c'est une composante essentielle de la politique culturelle. Et ça, vous avez raison. En fait, c'est le fondement même de notre société distincte, entre autres. Maintenant, historiquement, nous avons abordé la question de la langue en des termes qui étaient très, je dirais... comme un peuple menacé, ce que nous

étions. Donc, on pariait beaucoup de protection, de promotion, de préservation. À l'aube de l'an 2000, on parle de mondialisation, on parle d'ouvrir, de s'ouvrir. Est-ce qu'il est nécessaire, finalement, d'aborder le sujet de la langue avec ces mêmes termes ou, à ce moment-là, il y aurait une évalution à envisager?

M. Laporte: Sur la première question, où on s'arrête? je pense, ce que le rapport du Conseil vous dit là-dessus, c'est que le comité Arpin s'arrête trop tôt au sens où il faudrait s'arrêter là où sont les aspects fondamentaux de la culture que l'on considère dans une société moderne, dans une société de haute modernité, et on s'interroge sur - et c'est essentiellement l'argument du mémoire dans la première partie que je viens de vous lire - on s'interroge sur le choix que le rapport Arpin fait d'une notion étroite et même un peu réductrice de la culture et sur les conséquences que ce choix a du point de vue de la perception de certains enjeux.

L'un des enjeux qui nous apparaissent fondamentaux et qui découlent d'une notion élargie de la culture, c'est celui, pour une politique culturelle, d'accorder une attention particulière à la vulgarisation scientifique et technologique. Il nous paraît que la science est une donnée tellement importante de la condition de l'homme et de la femme moderne qu'une politique culturelle qui n'accorde pas une priorité non pas à la science comme activité technique et professionnelle, mais à la science comme représentation du monde par la vulgarisation, c'est une politique culturelle qui, de ce point de vue là, escamote un élément très important de ce qu'est la culture dans une société moderne.

D'ailleurs, j'ajoute là-dessus que ces propos-là ne sont pas étrangers à la pensée de M. Arpin comme telle. Je l'ai entendu dans une conférence à Montréal il y a deux semaines, où il reprenait ces propos pour replacer la science et la vulgarisation scientifique à l'intérieur d'une politique culturelle. Sauf que dans le rapport dont on a pris connaissance il n'y a pas de place pour cet aspect qui nous est apparu comme cardinal de la culture d'une société moderne.

Donc, on s'arrête là où on décide que sont les éléments de la culture d'une société moderne, qui sont les éléments primordiaux. À mon avis, on ne peut pas s'arrêter, compte tenu de la représentation qu'on se fait de la culture moderne au Conseil, à une politique culturelle qui ne met pas l'accent sur la science et sur la vulgarisation de la science comme moyen d'enrichissement des cultures de masse et aussi, dans le cas du Québec, comme moyen de soutenir la motivation des jeunes générations pour la production, l'acquisition de la science en français, ce qu'on a voulu souligner comme étant un manque important dans le rapport, dans le mémoire dont je faisais état plus tôt.

Pour la deuxième question sur le sentiment ou l'évaluation qu'on peut faire du risque que fait encourir à la langue et à la culture françaises la situation démographique et nord-américaine du Québec, je pense que le Conseil, dans ce rapport, dans ce mémoire, ne veut absolument pas se présenter comme étant alarmiste. On a d'ailleurs, au Conseil, des données qui nous indiquent, tout au contraire, que les résultats de la politique linguistique de la langue française ont été tels au cours des 15 ou 20 dernières années qu'on peut même se sentir plus optimiste par rapport à l'avenir du français qu'on l'était il y a 20 ou 25 ans.

Évidemment, il y a encore des situations qui sont alarmantes, à mon avis. La situation la plus alarmante, c'est celle de notre force démographique. Il y a aussi d'autres situations qui sont alarmantes. Les gens qui nous ont précédés l'ont mentionné. Je pense que - et le rapport Arpin en fait état - le déclin de la lecture chez les jeunes ou, si on veut, à partir de données que nous possédons, nous, dont j'aurais fait état plus tard, de données qui concernent le déclin de la consommation des produits culturels québécois francophones par la jeunesse francophone... On peut évidemment s'inquiéter de cette situation.

Les gens, par exemple, mentionnaient tantôt la question des bibliothèques publiques. Nous possédons des données qui nous indiquent, par exemple, que la fréquentation des bibliothèques publiques - ce sont des données de l'IQRC -entre 1983 et 1989, chez les jeunes de 15 à 17 ans, a décliné d'une façon significative. Donc, il y a là des phénomènes, des tendances de désin-vestissement par rapport à la lecture et à la culture québécoise chez les générations montantes, qui sont des tendances nouvelles et qui, elles, sont peut-être encore là de nature à nous inquiéter même si on ne doit pas, je pense, pour autant tomber dans l'alarmisme. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais c'est la réponse que j'y apporterais. (16 h 45)

Mme Frulla-Hébert: Mais je voudrais vous pousser un petit peu là-dessus. On a beaucoup parié aussi, parce que dans notre domaine de la culture et dans tout le domaine des arts, finalement, qui nous touche encore de plus près, enfin, de très près, c'est sûr... Et on a beaucoup parié de création, de soutien aux artistes, de soutien aux créateurs. On a parié tantôt - vous le dites vous-même - de soutien à la lecture, de soutien aux bibliothèques, de promotion de tout ça.

Si, par exemple, on orientait nos actions comme gouvernement beaucoup plus au niveau de la promotion d'abord de tout ce qui est culturel dans son sens large, chez nous, donc, culture, mais culture francophone, au niveau de la création, et à cette orientation on ajustait des investissements qui seraient finalement des investissements égaux à nos ambitions, c'est-à-dire d'avoir une culture qui est forte, qui

rayonne, non seulement chez nous au Québec, mais aussi au niveau international, une culture qui englobe aussi les différentes ethnies, finalement, un pluriculturalisme très interactif, mais toujours avec cette considération première qui est la conservation de notre langue... Donc, on attire les gens chez nous et sans obliger, mais ça devient naturel à ce moment-là de dire: Bon, bien, parfait, il faut fonctionner dans la langue de notre province, finalement, et de notre société au lieu de procéder de cette façon-là, donc, au lieu d'en arriver à maintenir des lois qui sont plus coercitives et punitives.

Voyez-vous ce que je veux dire? C'est qu'au lieu d'arriver... Bon, on avait besoin de certaines lois qui faisaient en sorte qu'il fallait maintenir le visage français et je maintiens encore qu'il faut le conserver, mais est-ce que nos actions maintenant ne devraient pas être plus incitatives, c'est-à-dire d'investir là où il faut et de façon très incitative et d'être peut-être un peu plus dans la réalité, si on veut, avec ce qui va se passer dans les années quatre-vingt-dix, vers les années 2000? C'est-à-dire qu'on veut attirer des capitaux étrangers, on veut se montrer comme étant une société accueillante, mais on a l'objectif premier de protéger notre langue, notre culture francophone.

M. Laporte: Évidemment, ça, c'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre, mais, dans la perspective du Conseil de la langue française, la politique de la langue et la politique de la culture ne sont pas vues comme des politiques qui pourraient être, disons, interchangeables ou... Enfin, je serais assez prudent, si j'étais le gouvernement du Québec, à déréglementer l'usage de la langue au Québec ou à affaiblir, disons, la politique linguistique même du point de vue de son appareil de coercition.

Je pense que la promotion de la langue est évidemment une activité qui ne se fait pas par un recours à la coercition, qui se fait par un recours à l'incitation, mais je pense que la politique québécoise de la langue française n'a peut-être pas, à mon avis, atteint le niveau de succès qui ferait qu'on pourrait dès maintenant commencer à déréglementer d'une façon majeure, en présumant que cette déréglementation en matière d'aménagement de la langue pourrait être compensée par des investissements plus considérables en matière de création culturelle. La raison pour laquelle je dis ça, c'est que - ça fait aussi partie un peu de la problématique de notre rapport - le Québec est, du point de vue culturel et du point de vue linguistique, un espace de concurrence absolument unique au monde. Je pense que c'est un espace de concurrence entre, du point de vue culturel, la culture américaine et la culture que Bouchard et les deux Rocher, dans leur rapport à la CECM de Montréal appellent "la culture francophone québécoise". Il y a là une concurrence qui est très vive.

D'autre part, on a aussi un espace de concurrence très vive du point de vue linguistique entre la langue française et la langue anglaise. Donc, dans ce rapport de concurrence qui, à mon avis, n'est pas appelé à se modifier d'une façon significative au cours des dix ou quinze prochaines années, je pense qu'il faut que l'État continue de soutenir à la fois la culture et la langue.

Mme Frulla-Hébert: Oui, mais moi, finalement, où je voulais en venir, ce n'est pas à une déréglementation, au contraire, mais peut-être - je dis bien peut-être parce que, là, c'est des idées qu'on jette ici sur la table - un assouplissement mais, en même temps, un raffermissement, si on veut, au niveau de l'éducation, par exemple. Il y a des gens qui sont venus ici, le monde de l'éducation est venu nous voir et on s'aperçoit que, bon, au niveau de l'enseignement du français, il y aurait... Finalement, il y a encore beaucoup à faire pour convaincre nos jeunes de se servir de nos infrastructures culturelles, ne serait-ce que ça, pour convaincre nos jeunes à apprécier leur langue, à la connaître, pour les amener à lire plus parce que nos jeunes sont branchés devant le téléviseur, mais ne lisent plus, pour, justement, encourager nos télédiffuseurs publics et privés à donner des émissions de qualité et ce, pour faire investir dans la production. On va parler de télévision à la carte bientôt, on va parler de gens qui vont choisir leurs productions. Ça va demander des investissements massifs au niveau de la production.

Il y a une foule... Encourager, justement, nos écrivains, par exemple, à produire et aider à la distribution de leurs livres et les entrer dans les écoles. Vous allez me dire... Oui, il y a ça, d'une part, et, d'autre part, ne croyez-vous pas... Encore une fois, je ne parle pas de déréglementation, au contraire, parce qu'on est trop fragile. Est-ce que ce ne serait pas plus incitatif et, en bout de ligne, plus payant, si on veut, d'agir de cette façon au lieu de maintenir certains aspects d'une loi sur la langue, ce qui est peut-être rigide face à la compétition qui s'en vient, face à la mondialisation, face aux intérêts étrangers ou, enfin, face aux compagnies étrangères que l'on veut attirer, spécialement à Montréal, par exemple?

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Très rapidement, M. Laporte, car le temps est maintenant écoulé. Est-ce que vous avez une petite réponse?

M. Laporte: C'est-à-dire que je pense que je vous rejoins sur un point. On est sur la même longueur d'onde, enfin, sur un point que je perçois comme étant important dans votre argumentation, là. C'est que, dans les années qui viennent, la coercition ne me paraît pas le

meilleur moyen de promouvoir la langue et la culture.

Je vais vous donner un exemple qui rejoint ce que vous dites. Par exemple, on sait très bien actuellement qu'au Québec l'offre de produits informatiques en français est de beaucoup supérieure à la demande pour les mêmes produits. Ce n'est pas par la coercition que vous allez arriver à faire que les gens vont consommer davantage d'informatique en français. C'est par la promotion de ces produits informatiques en français et aussi par la création de ces produits informatiques en français. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il y a une limite à la coercition et qu'il faut vraiment compenser par des activités d'incitation et de promotion, soit dans le domaine de la langue, soit dans le domaine de la culture.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Laporte. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. La ministre a ralenti son envol en bout de piste parce que j'avais peur qu'elle parte sur un décollage de déréglementation, ce qui fait que j'aurais favorisé un atterrissage forcé.

Une voix: C'est Poulin qu'ils ont chargé de ça.

M. Boulerice: Mais elle ne me le permet pas. M. Laporte, bienvenue. M. Godbout, heureux de vous revoir. Vous avez beaucoup contribué à l'essor des lettres au ministère des Affaires culturelles. J'ai lu de nombreux textes que vous avez produits et je les ai lus avec délectation. Je pourrais même vous dire que vous nous manquez quelquefois. Cela vous rassure, je l'espère.

Je pense que je me dois de vous féliciter pour ce rapport et cet avis sur la situation du français dans l'activité scientifique et technique. Je vous avoue que j'ai trouvé matière à beaucoup de réflexion et beaucoup de discussions, mais que, malheureusement, la commission ne nous laissera pas le choix de le faire aujourd'hui, mais je pense qu'il y a toujours partie remise.

Vous avez forcément énormément parlé d'une politique de vulgarisation au niveau des sciences et de la technologie parce que la situation du français, effectivement, dans l'activité scientifique et technique... Bon. Je ne vais pas relire devant vous l'avis que vous avez déposé. Je pense qu'ils sont là.

Dans le cas de cette fameuse maison des sciences et de la technique qu'on attend et qu'on attend et qu'on attend, et qui a été reportée - je vais prendre M. Godbout à témoin - pouvez-vous me dire, si par malheur on devait encore retarder, dans quelle mesure on ne pourrait peut-être pas arriver à un certain point, au niveau, justement, du français dans l'activité scientifique et technique, en arriver - je vais employer un terme américain, puisque la technologie emploie de l'américain - à un "fail-safe point", à un point de non-retour?

M. Laporte: Je pense que je ne peux pas répondre à cette question-là. Il y a peut-être un seuil au-delà duquel on ne peut pas passer. D'ailleurs, l'idée d'un musée de la science et de la technologie, c'est un moyen qu'on propose ici, entre autres. Ce que je pense que le Conseil de la langue française, à partir de toutes les études qu'il a réalisées là-dessus, peut affirmer, c'est que le développement, la modernisation du français au Québec supposent qu'on prévienne le risque d'un divorce entre l'activité scientifique telle qu'elle se fait dans les universités et telle que la réalisent les savants et la culture de masse et le monde ordinaire. Donc, dans ce sens-là, la vulgarisation non pas de la science comme activité technique, mais de la science comme représentation du monde, ça nous apparaît très important du point de vue de l'enrichissement de la langue. On pourrait donc se retrouver dans une situation où la langue française serait... C'est-à-dire la science, au Québec, étant de plus en plus produite en anglais, on n'aurait pas cette irrigation de la langue par les données de la science qui sont un aspect tellement important de la modernité des langues.

Le musée, de ce point de vue là, est certainement un mécanisme important, mais on met, nous, beaucoup l'accent sur l'importance de la vulgarisation des sciences comme façon d'enrichir la langue, son lexique, mais aussi sa façon de transporter les nouvelles visions du monde qui sont celles de la science et de la technologie. Donc, il n'y a peut-être pas un seuil duquel on se rapproche, mais à mon avis il y a un danger d'appauvrissement à long terme qui est très, très réel.

M. Boulerice: Vous avez donné une statistique assez révélatrice au sujet de la lecture au niveau des jeunes. Au-delà du discours traditionnel qui est la nécessaire concertation entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles, qu'est-ce que l'on pourrait assurer concrètement en termes de revalorisation de la lecture chez les jeunes?

M. Laporte: Évidemment, il y a certainement des décisions qui sont à prendre par le ministère de l'Éducation au niveau de la formation scolaire. Là-dessus, je pense qu'il est devenu de plus en plus clair, depuis quatre ou cinq mois, en particulier étant donné les études qui ont été faites récemment là-dessus, qu'une bonne partie de la désaffectation des jeunes par rapport à la lecture est une conséquence des politiques pédagogiques qui ont été adoptées par le système d'éducation au Québec, au cours des années soixante et soixante-dix. Les jeunes lisent

moins parce qu'ils n'ont pas acquis à l'école cette habitude du livre que nous, de notre génération, on a acquise étant donné les pédagogies scolaires auxquelles on a été exposés. Donc, il y a certainement des décisions à prendre de ce côté-là. Par ailleurs, je pense - bien là, évidemment, c'est une suggestion qui vous apparaît peut-être secondaire - je pense qu'on pourra utiliser la télévision, les médias de masse et la publicité pour faire voir aux jeunes que la lecture est une activité quotidienne, légitime et normale. Je pense que, de la même façon qu'on présente à la télévision, maintenant, des commerciaux où on voit des personnes d'ethnie et de couleur différentes dans le but de promouvoir l'interculturalisme, on pourrait, par le moyen des mass media, essayer de promouvoir aussi le goût du livre et le goût de la lecture chez les jeunes. Ça pourrait être une suggestion qu'on ferait, entre autres, mais je pense que la télévision pourrait jouer un rôle important à cet effet.

M. Boulerice: À ce niveau-là, ne trouvez-vous pas, M. Laporte, que, malheureusement, le groupe Arpin a manqué en n'incluant pas tout le vaste secteur des communications dans son rapport? C'est étroitement relié, arts, culture et communications. En l'an 2000, ça va ensemble.

M. Laporte: C'est-à-dire que dans le rapport Arpin il y a cette idée que je trouve tout à fait intéressante de confier au ministère des Affaires culturelles ou au nouveau ministère de la culture une mission horizontale, donc, qui lui permettrait d'avoir une capacité d'infléchissement sur les politiques des autres ministères qui sont directement ou indirectement importantes du point de vue du succès d'une politique de la culture. Mais c'est clair que la promotion de certaines activités culturelles comme la lecture aurait à gagner d'un recours aux technologies de communication.

Je dois ajouter que des données du Conseil nous indiquent aussi que - je n'ai pas eu le temps de le mentionner - cette question du déclin de la lecture chez les jeunes, c'est un peu la pointe de l'iceberg parce qu'il y a autre chose, chez les jeunes, qui se passe que le déclin de la lecture. Il y a aussi un déclin - on parle des jeunes francophones - de la consommation des produits culturels québécois. Donc, ce n'est pas seulement la lecture qui est en cause ici. C'est la culture francophone qui est moins attrayante pour les jeunes, d'après nos données, en 1990, qu'elle l'était il y a 10 ou 12 ans. Donc, il y a un phénomène de désinvestissement par rapport à la culture francophone chez les jeunes francophones. Je n'ai pas de réponse à ça. Mais je dis que dans une réflexion sur une problématique de la culture, une politique culturelle, il faut absolument se pencher par rapport à la lecture, mais examiner aussi le portrait de la participation culturelle plus large de la jeunesse. C'est la raison pour laquelle, dans notre mémoire, on recommande que le ministère se donne, comme l'une de ses clientèles prioritaires, les jeunes.

M. Boulerice: On pourrait peut-être, mais enfin ça provoquerait une grande discussion, relier tout cela avec ce que vous énonciez. La situation du français dans l'activité scientifique et technique n'y étant pas, le français ne projette pas l'image de modernité. Ne présentant pas l'image de modernité, forcément, l'attrait va décroissant. Je pense qu'on pourrait peut-être fouiller et en arriver à une conclusion. Enfin, c'est une des hypothèses que je soumets et je sais que le président va me demander de conclure.

Je vous dirai, M. Laporte et M. Godbout, que votre participation à cette commission était souhaitée, donc appréciée, mais je pense qu'après cette commission il y aurait lieu à la commission de la culture de regarder plus à fond le rapport et les avis que vous avez émis et d'entreprendre une longue et profonde discussion avec vous à ce sujet. Je pense que c'est éminemment souhaitable. Ça pourrait faire partie d'un mandat d'initiative de cette commission, essayer de voir comment on peut réagir face à ce que vous nous indiquiez. Alors, encore une fois, M. Laporte et M. Godbout, merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un petit mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Laporte et M. Godbout. Vous avez raison. Effectivement, ce qui est le plus inquiétant, c'est justement l'utilisation et l'usage du français chez les jeunes, ces jeunes qui sont aussi très près de toute cette nouvelle technologie, entre autres, et aussi l'invasion, veux veux pas, notamment des produits américains. Alors, il va falloir regarder ça de près, mais nous continuerons cette discussion-là de toute façon.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Godbout et M. Laporte, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous allez donc pouvoir vous retirer.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vais donc maintenant suspendre les travaux deux minutes, le temps que les représentants de la Commission des biens culturels puissent se présenter en avant.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprisée 17 h 7)

Le Président (M. Gobé): Mors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre vos places, nous allons continuer les travaux de notre commission. Alors, bonsoir, madame et messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir. Avant de vous donner la parole, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour faire l'exposé ou la présentation de votre mémoire. Par la suite, s'ensuivra une période de discussion avec Mme la ministre des Affaires culturelles et, par la suite, avec son vis-à-vis, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Je vous demanderai maintenant de bien vouloir vous présenter et, par la suite, je vous donnerai la parole, pour commencer.

Commission des biens culturels du Québec

M. Simard (Cyril): Alors, ici même, la Commission des biens culturels avec, à ma droite, Mme Brunelle-Lavoie, originaire de Sherbrooke, qui est une historienne; à ma droite, M. Jean Simard, de l'Université Laval, qui est historien et ethnologue; à ma gauche, Me Martel, de pratique privée, et M. Jean Lavoie, qui est le vice-président de la Commission des biens culturels. Je suis le président. Cyril Simard est mon nom.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour monsieur. Vous pouvez commencer. Vous avez la parole.

M. Simard (Cyril): M. le Président, Mme la ministre, M. le représentant de l'Opposition, nous sommes très fiers d'être ici aujourd'hui pour contribuer, dans le fond, à notre façon à enrichir ce fameux beau débat sur notre culture collective. Comme vous savez, la CBC est la première institution, le premier groupe-conseil qui a été formé par ce gouvernement, le gouvernement du Québec, il y a 70 ans, pour préserver notre identité. À ce moment-là, c'était des bâtiments. Alors, il ne faudra donc pas se surprendre que pour nous, ici, on vienne aujourd'hui vous parler d'identité 70 ans après.

C'est pour nous un honneur de vous parler de ce projet, et de ne pas vous surprendre dans le sens que le titre de notre mémoire est "Pour une politique culturelle, expression de notre identité", qu'on pourrait dire aussi, pour ceux qui aimeraient un peu plus de fraîcheur, pour une politique culturelle enracinée vivante, mais aussi créatrice de nouvelles traditions.

Notre mémoire, comme vous avez pu le constater, porte exclusivement sur les principes fondamentaux devant conduire à la définition d'une politique. Pourquoi? Parce que la CBC, solidairement, considère qu'il est primordial de déterminer d'abord les éléments constitutifs de cette politique des principaux éléments struc- turants, capables d'obtenir facilement l'adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens. Autrement dit, on vient vous parler de la structure, de la fondation de la structure de la maison, puis on oublie pour le moment les portes, les fenêtres, la décoration puis la robinetterie.

Alors, notre méthode de construction - je suis architecte de profession, je peux vous en parler un peu - une ossature solide, des éléments portants, des principes fondamentaux. Ensuite, une approche mobilisante et respectueuse. On ne veut oublier personne puis on va essayer de prendre les moyens parce qu'on veut avoir la paix sur les chantiers. C'est important, ça. Ensuite, on veut avoir un système pratique que tout le monde comprend. On ne veut pas s'en-farger dans les mots nécessairement, mais que tout le monde comprenne. Je vais prendre des expressions simples, parce qu'il va falloir qu'on explique au monde cette politique-là aussi. O.K.?

Alors, une méthode de construction solide, des matériaux solides, une approche qu'on veut mobilisante, un système pratique qui permet l'évolution de la maison aussi qu'il affiche. Si je vous parle de structure, vous allez pouvoir travailler après avec et pour le monde. Alors, dans ce temps-là, c'est facile de prendre des décisions et c'est plus facile quand la structure est simple, et c'est ça qu'on vient vous présenter, une ossature, et en plus on vous l'amène avec un label de qualité internationale comme référence. Ce n'est pas l'idée d'un tel, de moi, de M. Simard à côté puis de cet avocat-là. C'est un consensus, c'est celui-là; prenez-le donc à la page 6 de notre mémoire. C'est quoi donc, hein?

Il s'agit de la déclaration de la conférence de l'UNESCO sur les politiques culturelles qui s'est passée à Mexico en 1982. C'est une déclaration en 54 principes et en 8 grandes thématiques. Ce n'est pas nous autres qui avons fait ça. Il s'agit donc d'un document de base actuel, un modèle remarquable de sagesse pour guider les nations, les gens, les groupes qui veulent se doter de politiques culturelles. Ça n'a pas été une conférence sur l'apologétique, ça. Ça a été sur les politiques culturelles. Alors, voilà donc notre inspiration, à partir de quoi? Solidairement, les membres de la CBC ont cherché à cerner nos paramètres selon une vision non pas des autres, mais une vision québécoise à nous pour établir les principes fondamentaux de cette politique-là. Autrement dit, il s'agit de notre vision globale de notre propre culture construite sur l'héritage culturel du monde. Ni plus ni moins, c'est ça qu'on pense.

Pourquoi nous définissons d'abord la culture. Pourquoi? Parce que, dans le rapport, il y a toujours le monde, il y a toujours nous autres, puis on essaie de s'inspirer. Voilà. Pourquoi définir la culture? Parce que nous voulons être solidaires de la communauté internationale. C'est important. Parce que nous

croyons au dialogue entre les nations et qu'il faut s'entendre sur le sens des mots. Un chat, c'est un chat. Parce que la définition de l'UNESCO dans sa substance, là, c'est une définition qui ne nous rétrécit pas. Elle donne toute la place à la vie, à l'imaginaire, aux communications. Elle les donne toutes à tout et c'est important, et ce n'est pas du "fossile", cette affaire-là, ni du rafistolage parce qu'il y a eu assez de monde qui a travaillé là-dessus pour dire qu'on peut avoir confiance à ce label de qualité.

Alors, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinc-tifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et la croyance. Cette définition nous apparaît donc comme incontournable. Elle sera pratique aussi puisqu'il faudra bien, un jour, si on veut faire un ministère de la culture, prendre la définition de la culture à quelque part. Voilà.

Maintenant, les grands principes. Je vais résumer, mais on va vous dire ce qu'on pense, pourquoi on les a mis là. Ça peut être interprété, c'est sûr, mais on a fait un effort vraiment très soutenu pour donner du meilleur de nous-mêmes, mes collègues et moi, et nous sommes seulement 12 dans notre Commission. Probablement qu'on a travaillé assez fort pour essayer de donner une synthèse qui peut rendre service. C'est ça notre but, rendre service pour vous donner quelque chose, une ossature autour de laquelle on va être capables de s'accrocher. (17 h 15)

Le Québec a une identité. Notre principe, notre identité culturelle manifestent notre façon d'être en Amérique du Nord et dans le monde. Il est donc de notre responsabilité première de protéger - il ne faut pas oublier de fonctions, là - de défendre et de promouvoir cette identité. Ce qu'elle veut dire pour nous, ça veut dire que le Québec est le foyer historique de la communauté francophone d'Amérique. Ça fait 30 ans à partir de Lesage qu'on nous chante ça, que cette communauté partage ses acquis avec toutes les autres communautés. Elle n'en oublie pas: minorités ethniques, peuples fondateurs, etc. On veut placer tout le monde; on ne veut oublier personne. Le Québec a une personnalité propre et distincte et des traits communs ensemble. C'est ça qui forme une société. C'est pour ça qu'on parie de société distincte. On dit que le Québec possède une richesse inestimable, un atout de taille pour faire contrepoids à la mondialisation des espaces économiques. Sa spécificité, dans le fond, c'est son armature contre l'incolore, l'inodore et le sans saveur. Enfin, cette notion n'est pas une vision passéiste. Notre identité devient notre carte de référence internationale comme tout le monde normal.

Deuxième principe. Vous allez reconnaître Terre des hommes, humanité, humaniser le développement par la culture. Ça veut dire quoi? Le principe de développement doit prendre en compte les impératifs culturels de notre société et respecter ainsi la dignité de l'homme, qui est tout à la fois l'origine et la fin de ce développement. Ça veut dire que nous considérons, nous de la CBC, que l'homme est dans sa dignité comme une fin et le développement comme un moyen et non l'inverse. Ça veut dire que nous devons protéger les cadres de vie et les milieux de vie de nos contemporains pour construire des autoroutes à la bonne place, aménager le coeur de nos villes, de nos villages et de nos montagnes en respectant le monde qui est dessus. Ça veut dire conserver les traces du passé et ne plus banaliser les paysages comme on le fait si souvent, qu'il nous faut humaniser ce développement par l'insertion de données profondes de la culture au coeur de l'économique et du social, car c'est dans la culture qu'on trouve les repères et les symboles d'appartenance qui peuvent tenir le monde ensemble. En termes savants, ça s'appelle la cohésion sociale.

Troisièmement, du plus petit au plus grand, ceux qui aiment les symboles - j'en ai dessiné avec mon crayon - du plus petit au plus grand, la culture est un droit. La culture appartient à toute la population dans l'ensemble de ses composantes sociales et territoriales. Elle émane d'elle et c'est à elle qu'elle doit retourner. Le rôle de l'État est d'aider la population à atteindre ses objectifs, de favoriser la prise en charge éclairée de sa culture par ses usagers et non par les gestionnaires.

Ça veut dire quoi, ça, pour nous de la CBC? Ça veut dire que la culture est un droit parce qu'elle appartient à toute la population et elle est à l'origine, et c'est à elle qu'elle doit retourner. L'État doit être assez équitable et assez juste pour en comprendre les enjeux et mettre des équilibres entre les petites institutions puis équilibrer avec les grandes institutions les cultures populaires et les cultures savantes entre la jeune relève et, ensuite, les professionnels de métier, entre les régions et les grandes capitales, entre les démunis et les moins riches et les plus riches. C'est ça qu'on est venu dire souvent à la commission. J'ai eu la chance de ne pas être très loin et de venir voir ça. J'ai tellement entendu dire ça: équilibrer, équilibrer. Ça veut dire que la culture appartient à tous et que tous peuvent s'enrichir mutuellement, pas se détruire, si on sait confier davantage de responsabilités à ceux qui la font et non ceux qui la régentent, car il ne faut jamais oublier qu'il y a autant d'amour dans une courtepointe de ma tante Blanche à Baie-Saint-Paul qu'il y en a dans un tableau de Betty Goodwin à Montréal.

Quatrième principe. Un arbre et une racine. Le patrimoine culturel doit être reconnu comme le fondement d'une politique culturelle pour le

Québec. Pourquoi? Parce que la notion de patrimoine culturel aujourd'hui, là, elle englobe une vision large qui interpelle toutes les manifestations de la créativité humaine, le tangible, ce qui se tient, et l'immatériel, le populaire et le savant. La définition de l'UNESCO, c'est quoi? Ce n'est pas fermé et ça ne vient pas des fonds de tiroirs. Le patrimoine culturel ou l'héritage culturel d'un peuple s'étend aux oeuvres de ses artistes. En voilà de la création. De ses architectes. En voilà de la création. De ses musiciens. En voilà de la création. De ses écrivains et de ses savants. En voilà de la technologie. Aussi bien qu'aux créations anonymes surgies de l'âme populaire et à l'ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie. Il comprend les oeuvres matérielles et non matérielles qui expriment la créativité de ce peuple, l'âme, les rites, croyances, lieux et monuments historiques, la littérature, les oeuvres d'art, archives et bibliothèques. Comme je vous le dis, ce n'est pas un fond de tiroir. Cet héritage culturel est donc la base de notre identité collective et c'est cette vision actuelle qui éclaire l'ensemble de la politique culturelle. C'est ça l'héritage culturel. C'est nous autres, là. Et ça, il faut favoriser la connaissance de ça. Il faut la protéger. Il faut la conserver. Il faut la mettre en valeur et il faut aussi en être fier.

Le cinquième principe, qui est drôlement important: la création est expression de continuité aussi. Ça ne part pas des nuages. Pour que la culture continue de vivre et de s'épanouir, la création doit puiser à l'ensemble des acquis comme à une source d'inspiration intarissable. Ça veut dire quoi? Que la création est l'air qui permet à la plante de s'épanouir. Chaque jour, elle invente de nouvelles traditions et bâtit l'héritage culturel de demain par le recours aux rêves autant qu'à l'outil informatique dont on vous a parlé tantôt. La création, c'est un aboutissement, c'est la recherche, c'est l'exploration et c'est ça.

En somme, la création, c'est la réactualisation permanente de ce que nous sommes parce qu'on ne crée pas à partir du vide, mais d'un imaginaire Incrusté dans la vie quotidienne et de ce qu'on a de meilleur, moi et vous en face de moi. C'est Riopelle avec ses oies blanches, c'est Gilles Tremblay avec ses Vêpres de la Sainte-Vierge, c'est Armand Bombardier avec ses machines à neige, c'est Tremblay avec son théâtre, c'est Royer avec son imaginaire, c'est Plamondon avec ses chansons, c'est Alphonse Desjardins avec ses caisses et c'est Robert Lepage avec ses scénographies et ses technologies avancées et tout ça. En voulez-vous? En voilà de la vidéo, des films, du laser puis du multi... C'est ça la création et c'est aujourd'hui, et ça fait partie de notre héritage d'aujourd'hui.

Cinquième...

Le Président (M. Gobé): M. Simard, je me dois de vous avertir que votre temps... M. Simard (Cyril): Pardon?

Le Président (M. Gobé): ...achève et je vous demanderais donc de bien vouloir conclure...

M. Simard (Cyril): J'avais l'impression qu'il commençait.

Le Président (M. Gobé): ...dans le sens du temps imparti, alloué pour les discussions avec les partis.

M. Simard (Cyril): Est-ce que je peux continuer encore cinq minutes? Oui. J'achève. Je suis rendu à six et il y en a huit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Cyril): Je veux vous expliquer ça. On a pris... Ça vaut la peine, je pense. Perpétuer la culture, c'est la transmettre. L'école, les médias, les musées - on en a parlé tantôt - sont des instruments par excellence d'acquisition et de transmission des valeurs. Ils doivent donc participer à la mission culturelle parce qu'ils sont les lieux privilégiés de cette synthèse entre les valeurs culturelles héritées et celles qui sont acquises.

Ça veut dire quoi pour nous? Ça veut dire que la CBC pense qu'il ne faut pas seulement utiliser tous les moyens techniques connus, mais explorer toutes les avenues technologiques pour les utiliser aux fins d'acquisition de connaissances et de transmission. Ça veut dire faire du réseau de l'éducation des forums permanents où la connaissance se fait à tous les niveaux puis pas simplement la connaissance, pas simplement la connaissance des livres, mais la connaissance des arts, des artistes, des gens et de la vie. Utiliser tous les moyens de communication comme des instruments de développement et d'appropriation pour que les gens travaillent avec des instruments dans lesquels ils se reconnaissent parce qu'ils ne travaillent plus aujourd'hui avec le pelle seulement et avec le petit cathéchisme.

Troisièmement, transmettre à nos visiteurs et amis une image de notre authenticité et de notre modernité par une approche culturelle qui nous identifie. Ça, c'est toute la notion du tourisme culturel parce que c'est en transmettant notre fierté qu'on a su être capable de bien l'assumer à l'étranger. Alors, ce sont des instruments de transmission: éducation, communication, tourisme culturel, qui sont des notions importantes à développer et qu'il faut mettre dans leur contexte, mais pas seulement celles-là.

Septièmement, mobiliser toutes nos ressources pour la culture. C'est un plus et c'est un moins et j'ai mis un trois en haut parce que ça peut être exponentiel, cette affaire-là. Ça veut dire quoi pour nous? Que les partenaires de

l'État se sentent partie de la gérance et non pris dans la partie d'une administration centralisatrice et bureaucratique, pointue, qui exaspère tout le monde. On en "a-tu" entendu assez parler de cette affaire-là? Pour atteindre cette fin, que l'on développe une vision stratégique de l'État afin de mobiliser, non seulement les armées ministérielles à l'horizontale, mais les conquérir debout par rayonnement, par exemplarité, comme on l'a déjà fait admirablement dans certains programmes du ministère des Affaires culturelles et dans plusieurs programmes.

Le rayonnement aussi, c'est important. Que l'État gère sans écraser par sa lourdeur le dedans des gestions décentralisées, autonomes, des gestions décontractées, des gestions créatives et surtout des actions qui portent par le devant, car le rôle de l'État n'est pas de définir - ça, ça part de Ionesco jusqu'à, mon Dieu, tellement de gens, jusqu'à Morin dernièrement - de soutenir par tous les moyens, par additions, par multiplications, au pluriel et au singulier.

Le huitième - et ce n'est pas le moindre - affirmer notre culture sur le plan international, ça veut dire pour nous - vous avez le texte, mais pour couper court - qu'il faut s'affirmer non seulement sur le plan des affaires, mais aussi sur le plan de la coopération pour contribuer au rapprochement des peuples et au rapprochement de tout le monde, qu'il faut affirmer notre identité et notre personnalité en présentant notre différence comme un atout inestimable et un facteur de développement économique. Ça n'a jamais payé personne de singer et de copier tout le monde. Il faut y aller avec ce qu'on est puis, si on est beau, on y va. Si on n'est pas beau, on dit... on se trouve d'autres qualités, mais on met en valeur nos forces.

Comprendre une fois pour toutes qu'on ne devient pas international si on n'est même pas capable de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il faut d'abord être capable de répondre au voisin qui nous demande une salière. Si ça ne sale pas ici, au Québec, je ne vois pas pourquoi ça salerait au salon international de Milan en design. Alors ça, il faut s'embarquer ça dans la tête une fois pour toutes, également: la qualité, c'est important et on doit être d'ici avant d'être du monde entier. En somme, notre présence au plan international n'aura de valeur que si le Québec joue un rôle taillé sur sa personnalité et son originalité distincte. Comme je le disais tout à l'heure, ce n'est plus le temps d'aller vendre des modèles de meubles espagnols au salon de design international de Milan. C'est fini!

Voici maintenant nos deux recommandations en termimant. La première, plus conceptuelle, témoigne en faveur de l'enracinement et trouve sa raison d'être dans ce qui constitue notre héritage culturel, ce que nous sommes, c'est-à-dire la marque et l'expression de ce que nous sommes actuellement en tant que société, ce que nous avons de meilleur en nous, comme je le disais tout à l'heure. C'est ce qu'on a fait. Alors, que le Québec fasse du patrimoine, de l'héritage culturel, de ce qu'on est comme force, comme génie, comme ce qu'il y a de plus flamboyant parmi nous. Il faut que ce soit ça, notre héritage, il faut que ce soit ça, le fondement. Ça nous englobe tous, nous autres puis vous autres en face aussi.

La deuxième recommandation est plus pragmatique et ça commande l'action. Que le Québec adopte ensuite des plans d'orientation quand il aura établi la grande politique puis des plans d'action sectoriels en conformité avec cette politique.

Ça veut dire exactement ceci: Dans un premier temps, la CBC demande au gouvernement de se prononcer sur les principes fondamentaux qui font consensus, sur lesquels on s'entend. Il y en a, on en a émis quelques-uns, ce n'est pas parfait, mais au moins on a toujours bien un label qui nous dit qu'on a des chances de moins se tromper. Alors, on pense que c'est important et on pense que ce qu'on doit... C'est ça, ce sera ça, la politique culturelle du Québec. Ça aura une certaine pérennité. On ne sera pas obligé de recommencer à toutes les cinq minutes, à tous les cinq ans et à tout...

Mais ensuite, dans un deuxième temps, la CBC recommande que le MAQ, que le gouvernement entreprenne d'établir des grandes orientations, des priorités, des plans sectoriels immédiatement en fonction de cette grande politique, de cette grande ossature que l'on veut. Ce sera enfin le début de l'implantation et de la réalisation du plus beau et du plus noble chantier de cette décennie, la politique culturelle du Québec, une politique enracinée, généreuse, cohérente, raisonnable aussi - il ne faut pas partir dans les nuages - et actuelle, mais aussi, ce qui est bien important, solidaire avec la communauté internationale, ni plus ni moins. On mérite ça. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Simard. Mme la ministre, vous avez la parole une dizaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Simard. Bon, bonsoir à tous. Je n'en attendais pas moins de vous, M. Simard. Vous êtes... Finalement, vous vous êtes prononcé sur les grands principes, et là-dessus je m'adresse à tous les gens de la Commission. Donc, vous nous dites: Qu'on s'entende sur les principes et ensuite de ça viendront les plans d'action. Dans le fond, c'est ça, le message.

M. Simard (Cyril): C'est le message, évidemment, de la Commission. On pense qu'il s'agit d'entreprendre le chantier avec toutes les chances de notre côté, c'est-à-dire faire en sorte qu'on s'entende sur la structure, sur l'ossature. Qu'on décide que ça soit en béton, que ça soit

en géodésique ou que ça soit en pierre, il faut qu'on décide quelque chose. On pense que c'est la structure qui est importante. Lorsque ces colonnes seront là, lorsque ces morceaux, cette géodésique seront là, lorsque ces pierres seront là, eh bien, ensuite, on pourra décider si on les peinturlure en jaune, en rouge ou en bleu. Mais je crois que ce qui est important, c'est vraiment que, fondamentalement, ici, on s'entende sur un consensus, on décide, comme on le voit avec l'UNESCO, si, pour nous autres, c'est important, la démocratie. (17 h 30)

II y a eu du monde, ici, qui est venu dire: On veut participer à la vie culturelle, on veut y être, donnez-nous la chance, etc. Donnez-nous les contrats, que les contrats ne soient pas toujours donnés à des grosses entreprises. On est petits mais on est du monde aussi. Le rapport des évêques, vous vous rappelez, un magnifique rapport. On parlait de la pauvreté, de l'accessibilité. Il faut se décider. Il faut savoir si on est d'accord avec ces principes généreux. Il faut se décider aussi pour savoir si vraiment notre commerce international, c'est simplement pour faire de la business ou si c'est aussi pour se rapprocher des gens, etc. Il faut le dire. On pense, dans notre troisième... que la création est importante, qu'elle est un fer de lance de l'avenir. Mais on vous dit et on pense, si tout le monde est d'accord, que ça ne part pas du mirage, ça part d'un passé de gens qui nous ont précédés. On ne peut pas laisser tout cet héritage. C'est notre richesse et c'est notre label partout dans le monde. C'est celui-là qu'il faut construire. Après, il faut dire: Est-ce qu'on s'entend? Quand on va aller se présenter à l'étranger, c'est sur nos forces créatrices, ce qu'on a de meilleur et c'est sur ça qu'on doit s'entendre.

Alors le rapport est présenté... On a essayé de faire le tour de la question. Notre démarche ne pouvait pas être empirique parce qu'on aurait eu l'impression d'échapper du monde. On n'a pas la prétention, certainement pas, de ne pas avoir oublié des éléments. C'est normal et on serait vraiment pas corrects... Maintenant, on dit: La commission a tout mis de son côté pour offrir au gouvernement une belle chance de ne rien oublier. Quand on a pris cette charte-là on s'est dit: 75 et 80 et 100 peuples, 100 nations ou 100 groupes, avec commission par-dessus commission, vous savez ce que c'est, ont réussi à trouver un filon, un fil conducteur qui fait que les nations peuvent se parler, parce qu'ils ont les mêmes mots. Et culture ça veut dire culture matérielle d'un bord, la même chose, etc., et on s'est entendus. Nous, on croyait que c'était important de référer à ça. Pas parce qu'on est des copieurs. On n'est pas des copieurs. On est des innovateurs dans le sens qu'on essaie d'adapter à des principes plus généraux des choses qui sont plus vraies pour nous. Et c'est pour ça que vous avez toujours dans la page de gauche - et c'est voulu, évidemment - des consensus mondiaux, mais aussi essayer de mobiliser... Alors, l'heure est au consensus. À nous autres de se décider sur des grandes questions. Quand arrivera une politique du patrimoine - ça fait 20 ans qu'il y en a, ça traîne un peu dans le paysage - quand ça arrivera en haut, on ne se demandera pas à quel principe ça s'accroche. Ce sont les gens qui auront à les faire qui viendront s'accrocher spontanément à des grands principes qui ne vont pas dans la cuisine, nécessairement, ni dans la décoration intérieure - je n'ai pas de mépris pour ça, j'en fais et je suis capable d'emmancher ça ausssi - mais ce qui est important, il faut avoir une maison. Et avoir une maison c'est se donner une structure et se donner des éléments qui peuvent, en quelque sorte, faire que nous soyons vraiment maîtres de l'organiser et de l'extensionner. Parce que vous avez une structure... On peut agrandir la maison, on peut... Ça peut être une cohabitation. Ça peut être un bloc à 10 appartements, ça pourrait... Ce qui est là, c'est de vous donner des éléments constituants qui font en sorte que ceux qui auront à faire ces choix les feront, que ceux qui auront à établir des priorités les feront et ceux qui auront à amener les hypothèses pour être capables de faire les choix soient capables de les faire, parce qu'ils sauront qu'en haut on respecte la démocratie, c'est ça qu'on veut. On veut humaniser le développement. Ça, c'est important. On veut faire en sorte que les ressources de l'État soient mises à contribution.

On n'a pas parlé de multiplier par quatre, multiplier par cinq, multiplier par six. On a dit de trouver des manières intelligentes d'introduire la culture partout dans le ministère. Il y a un ministère de la culture, peut-être qu'il devrait y en avoir 21, ministères de la culture.

Mme Frulla-Hébert: M. Simard, vous dites: Que le Québec fasse du patrimoine culturel le fondement de sa politique culturelle. À vous ou à d'autres membres de la Commission: À ce moment-là, quand on parle de patrimoine, de fondement, est-ce que vous pourriez m'expli-quer... Parce que, évidemment on peut regarder ça et dire: Vous êtes un peu partie prenante, quand même. Vous vendez un peu votre salade. Vous êtes dedans, vous y croyez et c'est normal. Mais, Me Martel, ce n'est pas de dire... Qu'est-ce que c'est, le fondement, pour dire ça?

M. Martel (Jean-François): Ce pourquoi nous utilisons cette expression, madame, c'est que, pour nous, la culture n'existe pas pour elle. Elle existe pour la société. M. le président Simard, tantôt, utilisait l'expression "héritage". Si nous faisons fi de l'aspect conservation, préservation, l'aspect patrimonial du passé, nous condamnons les créations d'aujourd'hui et de demain à la disparition à très brève échéance. Elles con-

naîtront, ces créations d'aujourd'hui et de demain, le même sort que celui que nous avons réservé à ce qui existe déjà dans notre patrimoine culturel. Ça nous apparaît une approche généreuse.

Bien sûr, quand on emploie l'expression "patrimoine", peut-être vient-il automatiquement à l'esprit: choses anciennes, du passé; mais la Commission considère que cette notion d'héritage - si je peux utiliser peut-être un mot qui fait ressortir davantage notre pensée - s'applique à tout: ce qui est passé, ce qui est contemporain et ce qui viendra plus tard. Et c'est en ce sens-là que nous recommandons que cette notion d'héritage, de préservation, de conservation, pour la société québécoise, soit à la base, au fondement de la politique culturelle. Sans quoi, à quoi servirait-il de créer une culture si on n'a pas l'intention de la conserver, de la chérir et de la préserver, non seulement pour nous, mais pour les générations qui nous suivent? C'est en ce sens-là que la Commission vous dit: Ce concept devrait être le fondement d'une politique culturelle.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, une dizaine de minutes.

M. Boulerice: Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez une certaine verve, M. le président, pour exprimer votre point de vue. Ce n'est pas pour me plaindre, au contraire. M. Lavoie, Mme Brunelle et quant à vous, M. Martel, bienvenue pour votre seconde comparution à cette commission et M. Simard. J'aurais le goût de me rattacher un peu à ce que vous venez de dire tantôt mais, par contre, interroger votre président, qui est un architecte. Vous disiez: Oui, mais, si on ne protège pas ce qui est d'hier, comment allons-vous vouloir protéger ce qui est demain? J'aurais le goût de vous présenter une question très existentielle: Au niveau de l'architecture, M. Simard, donnez-moi donc un édifice construit dans les 10 dernières années et qui va mériter d'être classé dans 40 ans?

M. Simard (Cyril): Tout de go, le Centre canadien d'architecture de Montréal.

M. Boulerice: Le seul, effectivement. C'est triste pour une ville, une agglomération de 3 000 000 d'habitants.

M. Simard (Cyril): Pardon?

M. Boulerice: J'ai dit: c'est triste pour une agglomération de 3 000 000 d'habitants.

M. Simard (Cyril): Qu'est-ce qui est triste?

M. Boulerice: De n'avoir qu'un seul édifice...

M. Simard (Cyril): Ah, mon Dieu! Vous voulez avoir... Non, à une question, j'ai donné une réponse, mais vous comprenez que l'architecture actuelle qui se fait ressemble beaucoup à notre société qui se fait aussi. Alors, il y a des éléments qui sont porteurs de ce que je disais tout à l'heure, dans un mot que tout le monde va comprendre, de singerie et de copie, mais il y a également beaucoup d'architectes et beaucoup de gens dans le milieu de l'architecture contemporaine qui apportent des contributions. Et ils ne le font pas simplement dans des chefs-d'oeuvre, parce que l'oeuvre de l'architecte n'est pas simplement là, l'architecte n'est pas simplement là pour faire son chef-d'oeuvre à lui. Il est là aussi pour agir auprès des personnes. Je crois, ce qui a évolué beaucoup dans le domaine de la conservation, dans le domaine des architectes, que maintenant vous avez plein d'architectes qui travaillent pour faire avancer la cause du bien-être social, du bien-être dans l'habitation, mais ça ne se traduit pas nécessairement par un prix Massey. Ça se traduit souvent par la reconnaissance du pauvre monsieur qui a été obligé de vivre dans une espèce de taudis toute sa vie et qui, aujourd'hui, a quelque chose de très sain. Et ça, on devrait penser souvent que notre architecture ne se fait pas simplement pour le somptuaire. Quand je parle d'architecture, je parle de quelque chose qui est en vie parce qu'on ne travaille pas simplement avec des matériaux, on travaille avec les gens. Alors, les gens qu'on a, ça peut produire, des fois, du somptuaire, mais aussi ça produit des travaux très humbles. Dans votre comté ou dans Charlevoix, par exemple, chez moi, il y a de petites choses bien faites, toutes simples, etc. Je crois que, de plus en plus, compte tenu de la situation économique et des ressources qui n'y sont pas, on va être obligé de développer une culture pas simplement somptuaire, une culture qui fait état de la pauvreté qu'on a à côté de nous autres. On va être obligé de tenir compte de ça et de faire le maximum avec le minimum.

Alors, c'est de toute cette question-là qu'on parle quand on revient dans notre rapport, la démocratisation de la culture, tout à l'heure. Quand on parle du petit, ça veut dire qu'il y ait aussi des habitations pour le monde ordinaire, qu'il n'y ait pas simplement, au centre-ville, des jardins, simplement pour faire plaisir aux esthètes. Je crois que ça, c'est important. Et c'est ça qu'on veut dire quand je vous ramène à la démocratie, ça veut dire qu'il y en ait pour les petits, pour les humbles, et notre architecture... Je viens de donner un prix somptuaire, je pourrais vous donner d'autres prix, de nombreux petits prix. C'est ça que nos architectes et notre monde doit comprendre aussi, c'est l'économie des moyens pour un maximum d'intensité, et c'est bien important. Alors, il y a des choses qui sont

invisibles pour les yeux, mais compréhensibles pour le coeur.

M. Boulerice: Merveilleux! Vous renforcez mes interventions au niveau de ma circonscription. À quand un concours d'architecture pour les HLM, au lieu d'acheter des "blue-prints" qu'on peut rencontrer dans toutes les villes du monde?

Dans un autre ordre d'idées, quel bilan faites-vous de l'implication des municipalités en matière de protection - parce qu'il ne faut quand même pas oublier que vous êtes la Commission des biens culturels - et de mise en valeur du patrimoine, suite, naturellement, aux responsabilités qui leur ont été confiées au début des années quatre-vingt?

M. Simard (Cyril): Depuis trois ans ou quatre ans, la Commission est saisie des protocoles d'entente que le ministère signe avec les municipalités. Vous êtes au courant du protocole d'entente signé avec la ville de Montréal, avec la vHIe de Québec et avec de nombreuses villes du Québec. Évidemment, nous sommes à un départ. Je pense que la voie semble intéressante, puisqu'elle va permettre, au cours des prochaines années, de peaufiner ces programmes-là et aussi de bien cerner ce qui est important et ce qui n'est pas important. Il faut être sûr que, dans ces programmes-là, il n'y a pas de l'argent, qui, normalement, devrait aller à la voirie qui s'en va pour d'autres choses. Alors, nous en sommes là, de ce côté-là.

Mais je reviens à ce qui est fondamental, c'est que vous savez que, depuis quelque temps, avec le changement de la loi, les villes sont appelées à reconnaître les monuments historiques. Je crois qu'actuellement nous en avons une centaine, et ça, c'est merveilleux. Le jour où toutes les municipalités du Québec reconnaîtront, on ne sera pas sûr... ce ne sera pas une chicane municipale-provinciale, ce sera une conquête du citoyen sur la municipalité; c'est ça que ce sera, et c'est ça qu'on veut.

M. Boulerice: J'espère bien. Dans un autre volet, oui, vous êtes un organisme qui est vieux, vieux dans le temps - ça s'entend, là - jeune dans son conseil. Est-ce qu'il y a la même animation, entre parenthèses, madame, messieurs du conseil? Oui? C'est toujours la même chose?

M. Simard (Cyril): On a du plaisir à travailler ensemble, c'est merveilleux.

M. Boulerice: On ne doit pas s'ennuyer chez vous.

M. Simard (Cyril): On travaille dans le beau, on travaille dans les choses qu'on aime et on sait qu'on rend service.

M. Boulerice: Dans quelle mesure le cadre législatif actuel de votre commission est-il adéquat et approprié? Parce que ça fait quand même un bon bout de temps qu'on parle d'une nouvelle loi, et elle n'est pas encore là.

M. Simard (Cyril): Jusqu'où nous sommes impliqués?

M. Boulerice: Non. Je dis: Dans quelle mesure vous sentez-vous à l'aise, actuellement, d'intervenir et de travailler, compte tenu que le cadre de la loi dans lequel vous évoluez date d'il y a quand même quelques années et qu'il n'a pas encore été renouvelé, quoiqu'on avait donné des intentions, pour ce qui est du parti ministériel? (17 h 45)

M. Simard (Cyril): Vous savez, ce n'est pas le cadre de la loi actuelle qui nous limite. Il y a assez de générosité et il y a assez de projets dans lesquels on peut rendre service qu'actuellement on ne peut pas dire que la loi ne nous permet pas d'être généreux envers le patrimoine. Il y a des secteurs comme, par exemple, le patrimoine intangible, qui n'est pas dans la loi. Ça c'est important et probablement que dans l'aboutissement de cette commission-là, lorsqu'on aura regardé, par exemple, au début de la définition, que le patrimoine culturel, notre héritage c'est l'immatériel, le bâti, probablement que la loi... Et là, ce ne sera pas la responsabilité de la Commission de dire qu'on respecte le bâtiment et le spirituel, ce sera la responsabilité des élus dont vous êtes.

Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le député.

M. Boulerice: Bien, je vous remercie et en concluant, M. Simard, à titre de président de la Commission des biens culturels, je vous fais remettre cette lettre, connaissant la loi, votre mandat et mes droits en tant que citoyen. C'est au sujet de la collection Lavalin.

M. Simard (Cyril): Merci. Nous allons la prendre en considération.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je vais maintenant demander à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir conclure cette audition.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie à vous tous, M. Simard, membres de la Commission. Merci aussi pour cette présentation qui a apporté un élément très nouveau parce que vous êtes partis et vous vous êtes basés sur les grands principes - comme vous le dites - mondiaux généralement acceptés, pour intégrer finalement nos besoins à l'intérieur de ça et nous éclairer aussi. J'ai vu M. Simard ici à plusieurs reprises,

donc, assistant à la commission fidèlement pour être sûr de bien intégrer tous les éléments. Ators, un gros merci à tous pour le travail. La seule chose qu'il me reste à vous dire, c'est: À bientôt.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, messieurs. Au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier. Cela met fin aux auditions, en ce qui vous concerne. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je demanderai aux représentants du groupe suivant, soit Architecture Québec, de bien vouloir venir prendre place en avant.

Mesdames, messieurs, la commission va maintenant reprendre ses travaux. Je demanderais - Bonjour, mademoiselle.

Mme Vanlacthem (France): Bonjour, monsieur.

Le Président (M. Gobé): Si je comprends bien, vous êtes la représentante d'Architecture Québec.

Mme Vanlacthem: Oui.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes donc Mme France Vanlacthem.

Mme Vanlacthem: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bienvenue parmi nous. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Je vous rappelle brièvement les règles. Vous avez une quinzaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, vous pourrez dialoguer avec Mme la ministre et M. le représentant officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Alors, vous avez la parole, madame.

Architecture Québec

Mme Vanlacthem: Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre, bonsoir, M. le député, bonsoir, mesdames et messieurs. Donc, je me présente. Mon nom est France Vanlacthem. Je suis architecte diplômée de l'École nationale supérieure d'architecture des arts visuels de la Cambre à Bruxelles, puisque c'est ainsi que je dois me présenter, n'étant pas membre de l'Ordre des architectes du Québec. Je suis aussi profes-seure au Département de design de l'UQAM et enfin et surtout, puisque c'est à ce titre que j'interviens ce soir, je suis rédactrice en chef de la revue Architecture Québec.

En fait, ce poste, je le remplis depuis deux années, mais je suis membre du comité de rédaction depuis plus longtemps puisque je l'ai rejoint en 1983. Comme vous avez lu le rapport que la revue Architecture Québec a déposé à la commission parlementaire sur la culture, dans ma présentation de ce soir, je me limiterai à en faire ressortir les points saillants et à en réitérer les recommandations. Mais, au préalable, je vous présenterai rapidement la revue Architecture Québec qui est peu connue, puisque son public privilégié est un public spécialisé, c'est la communauté des architectes du Québec. Néanmoins, cette revue a une certaine importance puisqu'elle tire à plus de 5000 exemplaires tous les deux mois.

Architecture Québec est publiée, en fait, depuis une dizaine d'années et elle est une des rares revues d'architecture publiées au Québec et même au Canada. La parution de ce magazine s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris au début des années quatre-vingt par l'Ordre des architectes du Québec pour valoriser l'architecture. Créée par trois architectes, praticiens et enseignants, Architecture Québec est cependant une revue indépendante, tant financièrement qu'intellectuellement. Elle est éditée par un organisme sans but lucratif, le Groupe culturel Préfontaine. À sa rédaction ont collaboré de nombreux membres de la communauté architecturale locale et, à l'occasion, internationale, qu'ils soient praticiens ou enseignants, francophones ou anglophones, architectes établis, professeurs ou jeunes intervenants dans le domaine. Le but premier de la revue est de soutenir la création et la réflexion en architecture, notamment par la présentation de projets et de réalisations construites les plus significatifs ainsi que la publication d'essais et de textes critiques.

Outre sa vocation de diffuseur et de critique de l'architecture au Québec, la revue a cherché à agir simultanément comme révélateur de talents et fondateur d'une tradition architecturale. Depuis 1982, le magazine organise un concours destiné aux jeunes professionnels et aux étudiants en architecture et en design, et ceci grâce au soutien financier de certaines entreprises du secteur de la construction. Mettant l'emphase sur la dimension culturelle plutôt que technique de l'architecture, ces épreuves successives ont sollicité, par leur thème, l'imagination critique des participants au lieu de tester leur capacité à résoudre des problèmes. Par ailleurs, Architecture Québec consacre régulièrement des numéros aux architectes qui ont marqué l'histoire ancienne et récente de l'architecture au Québec. Y ont été célébrés Victor Bourgeau, Jean Orner Marchand, Ernest Cormier, mais encore et surtout des contemporains qui ont contribué de manière indéniable au développement d'une architecture moderne au Québec, les architectes Ray Affleck, Jean-Marie Roy, Evans St-Gelais, André Blouin, Roger D'Astous, et bientôt Louis-Joseph Papineau, André Robitaille, Peter Collins, Marcel Parizeau, Robert Blatter et quelques autres.

Il est à noter que si dans la proposition d'une politique de la culture et des arts, élaborée

sous la présidence de M. Roland Arpin, l'architecture est indirectement reconnue comme une des composantes de la culture, dans les structures existantes du ministère des Affaires culturelles et les programmes d'aide qu'il offre, elle est manifestement oubliée, si ce n'est sous son statut patrimonial. Certes, il est des plus importants de préserver l'héritage bâti, encore faudrait-il s'assurer que la production bâtie actuelle soit d'une qualité égale, sinon supérieure, et d'une signification comparable. De plus, il ne nous faut plus attendre que cet héritage soit défiguré, sinon détruit, pour le reconnaître comme bien culturel. Il est urgent de valoriser le patrimoine architectural moderne et, par là, je n'entends pas - comment dire? - la construction contemporaine, mais je pourrai m'expliquer là-dessus lors de la période de questions. La notion de patrimoine doit donc être réévaluée pour inclure des ensembles bâtis et des édifices terminés dans un passé proche, non seulement la maison d'Ernest Cormier construite en 1931, mais encore des bâtiments plus récents, tels le Westmount Square dessiné par le grand architecte Mies van der Rohe et construit dans les années soixante.

Cependant, du fait de l'extension même de sa signification, la notion de patrimoine demande une modulation dans les mesures qu'entraîne son application. Tous les édifices construits dans le passé, même lorsqu'ils sont dignes d'être considérés comme biens culturels, n'ont pas la même valeur; tous ne nécessitent pas une conservation intégrale. Aussi, une réflexion collective s'impose sur les rapports que doivent entretenir le patrimoine et la création architecturale dans la production de notre cadre de vie afin que celui-ci ne devienne pas anachronique. D'ailleurs, il faut se méfier d'une utilisation abusive de la notion de patrimoine qui tend à inclure l'architecture contemporaine et, par là même, conduit à vider celle-ci de ses potentialités inventives, à disqualifier d'emblée ses projets les plus novateurs, à nier sa capacité de participer au développement de notre culture dans ce qu'elle a de plus actuel, de plus vivant, de plus aventureux. L'architecture n'est pas que mémoire du passé, elle est surtout invention du présent.

Dans l'esprit d'une politique de la culture et des arts qui insiste sur la nécessité d'élaborer un projet de vie culturelle non seulement enraciné, mais encore complet, dynamique et ouvert, il est indispensable que l'architecture soit reconnue officiellement comme création culturelle à part entière et que les architectes soient vus comme des professionnels de la culture et des arts au même titre que les peintres, les sculpteurs, les cinéastes, les auteurs, les traducteurs littéraires et d'autres.

Certes, l'architecture est un art dont la liberté est limitée et dont la production est lourde et complexe en raison du grand nombre des intervenants et de l'importance des moyens financiers que sa réalisation implique. L'architecture est production culturelle, en même temps qu'elle répond à des besoins sociaux et participe au développement économique. Sa fonction est non seulement symbolique, culturelle, mais encore pratique, voire financière. Son projet créateur est soumis plus que tout autre aux contraintes extérieures. Si l'architecte est maître d'oeuvre, il doit composer avec les exigences du maître de l'ouvrage, qu'il soit un individu ou un organisme.

L'architecture construite de qualité est généralement le fruit de la conjonction de ces deux volontés qui doivent agir, ne l'oublions pas, dans le cadre de réglementations toujours plus étendues. Aussi, il est important que le ministère des Affaires culturelles soutienne les forces vives de la création en architecture. Les meilleurs créateurs doivent être non seulement valorisés publiquement, mais encore appuyés et encouragés dans leur recherche, en particulier quand ils débutent dans la pratique, quand leur compétence et leur talent ne sont pas encore reconnus.

Les architectes doivent pouvoir bénéficier d'aide à la création-invention à l'égal des autres artistes. Dans ce domaine comme dans les autres, la demande pour les oeuvres novatrices étant rare, ils doivent pouvoir se prévaloir d'un programme qui leur permette d'élaborer leurs projets en dehors de la commande. En architecture comme en science, la recherche fondamentale existe et doit être encouragée si l'on veut que se développe ici une architecture contemporaine originale, facteur d'Identité collective.

Du côté de la commande, dans leur rôle de maître d'ouvrage, le gouvernement, en général, et le ministère des Affaires culturelles, en particulier, doivent agir, selon nous, de manière exemplaire. Leurs réalisations bâties, quelle que soit leur échelle - aménagement intérieur, édifice, complexe urbain - doivent tendre à l'excellence et à la signification culturelle. Pour ce faire, ils doivent faire appel non seulement aux professionnels les plus expérimentés, mais encore aux architectes les plus créatifs, qu'ils soient membres d'agences solidement établies ou jeunes. À cette fin, le concours d'architecture, la sélection sur la base de projets, s'est montré un moyen intéressant quand, bien entendu, il est organisé dans les meilleures conditions. L'expérience française récente le démontre.

Finalement, pour que l'architecture devienne une composante à part entière de la culture commune, il faut que sa production soit comprise et valorisée par le plus grand nombre. Aussi, il faut que l'histoire de son développement et la connaissance de ses chefs-d'oeuvre fassent partie de l'éducation scolaire de tous. De plus, il est nécessaire que la publication et l'exposition en architecture se développent, mais encore que la création architecturale contemporaine infléchisse la production du cadre bâti.

Il est des plus importants que soient

encouragés officiellement et financièrement le fonctionnement des organismes établis qui s'occupent de la diffusion de l'architecture par le biais de l'édition et de l'exposition ainsi que les initiatives ponctuelles. Leur rôle est crucial dans le développement d'une demande plus exigeante en matière de cadre bâti. (18 heures)

Pour teminer, je voudrais rappeler les recommandations que nous avons proposées en conclusion à notre rapport. Celles-ci sont au nombre de six. Premièrement, nous demandons que soit établi un programme de recherche-création spécifiquement dédié à l'architecture. Deuxièmement, nous demandons que soit créé un prix du Québec équivalant au prix Borduas pour les artistes en arts visuels, qui permettrait de reconnaître les meilleurs créateurs dans le domaine de l'architecture, mais aussi peut-être dans le design. Nous souhaitons que le gouvernement, en général, et le ministère de la culture, en particulier, soient des maîtres d'ouvrage exemplaires. Pour favoriser cette tendance, nous conseillons que soit mise en place une politique de concours public d'architecture en vue de choisir les architectes des futurs équipements et aménagements publics. Quatrièmement, nous demandons que l'architecture, comme discipline, fasse partie intégrante des programmes d'éducation scolaire. Cinquièmement, nous demandons que soit mis en place un programme d'aide à la diffusion spécifiquement dédié à l'architecture et, finalement, nous souhaitons que soit créée une direction de l'architecture au même titre qu'existe aujourd'hui une direction du patrimoine.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, madame. Je demanderais maintenant à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir prendre la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Vanlacthem. C'est comme ça qu'on prononce votre nom?

Mme Vanlacthem: Vanlacthem.

Mme Frulla-Hébert: II nous fait plaisir de vous recevoir. Nous avons reçu d'ailleurs l'association des architectes - leur mouvement - qui sont venus et qui nous ont aussi apporté, justement, des recommandations et aussi leur vision au niveau de l'intégration, si on veut, de l'architecture, mais à l'intérieur même de la politique culturelle, c'est-à-dire la place que l'on doit laisser à l'architecture à l'intérieur même de la politique culturelle.

Mon collègue a posé une question à l'organisme d'avant, c'est-à-dire à la Commission - à M. Simard - en disant: Qu'est-ce qui s'est fait, finalement, qui pourrait être considéré, ces 10 dernières années, comme du patrimoine éventuel? Donc, ça m'amène à vous poser la question aussi en vous demandant: Est-ce que l'architecture québécoise contemporaine est bien perçue au plan international et dans ce qui se fait présentement, par exemple, est-ce qu'on voit et on vit la fine pointe de l'art?

Mme Vanlacthem: Pour commencer, je vous dirais que je crois que c'est une fausse question parce que, pour moi, la notion de patrimoine, c'est une notion qui implique un consensus collectif sur les valeurs - comment dire? - de l'héritage, enfin des biens culturels qui peuvent être considérés comme un héritage. C'est une notion qui implique le passage du temps. Il faut, en fait, que plusieurs années se passent pour qu'on puisse véritablement juger quelles sont les contributions fondamentales à l'architecture d'un moment. Néanmoins, je dirais qu'il y a plusieurs choses intéressantes qui se font au Québec en matière d'architecture. ARQ a publié récemment - et je vous en laisserai des copies lors de mon départ - un numéro sur les théâtres. Et je crois que, en ce domaine, il y a plusieurs théâtres intéressants qui sont aujourd'hui soit terminés, soit en voie de finition, voire même encore en projet. Vous le verrez cette année, les théâtres sont à l'honneur aux prix d'excellence et je crois véritablement qu'il y a des choses très intéressantes qui se font au niveau de l'architecture au Québec. Ces choses-là se font non seulement au niveau des équipements culturels, des grandes infrastructures urbaines mais aussi au niveau des interventions d'échelles plus réduites. Comme, par exemple, on parle souvent, à Montréal, de la qualité des bars, des cafés, des restaurants qui, au niveau de leur aménagement intérieur, sont, dans certains cas, des contributions importantes à l'architecture contemporaine.

Mais, enfin, pour ma part, je suis très prudente vis-à-vis une utilisation extensible de la notion de patrimoine. Je trouve qu'il faut garder une tension entre, d'une part, le patrimoine, l'héritage, les biens culturels que le temps a confirmés et, d'autre part, la création contemporaine qui, dans un premier temps, peut déranger, peut choquer, peut - comment dire - ne pas être acceptée. Je crois que cette tension-là, il est nécessaire, indispensable qu'elle soit conservée, autrement je crois qu'on affaiblit énormément la culture.

Mme Frulla-Hébert: Depuis la mise sur pied du programme d'intégration des arts à l'architecture, on s'est aperçu, finalement... C'est-à-dire qu'on a vécu une très grande popularité au niveau de ce programme-là, il y a eu un engouement. On aimerait peut-être étendre ce programme-là ou convaincre, que ce soit d'autres organismes publics telles les municipalités, par exemple. C'était d'ailleurs une suggestion de l'association des architectes. Ou encore l'étendre à l'entreprise privée. Mais, selon vous, quel bilan peut-on faire, finalement, de cette politique, si on regarde ça durant les 10 dernières années?

Mme Vanlacthem: Je dois vous avouer là que vous me prenez au dépourvu, parce que c'est un aspect de la production culturelle et artistique que je ne connais pas bien. Je suis peut-être...

Mme Frulla-Hébert: Non, non, mais moi je parie du programme du 1 %, c'est-à-dire...

Mme Vanlacthem: Oui, oui, oui, l'intégration des arts et la collaboration des artistes à l'oeuvre des architectes. Je crois que c'est un programme très intéressant.

Mme Frulla-Hébert: Mais les architectes sont appelés à collaborer aussi avec les artistes pour l'élaboration, si on veut, d'un tout.

Mme Vanlacthem: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Je vais vous dire pourquoi je vous demande ça, c'est que nous avons eu aussi, ici même, les architectes paysagers, un représentant, je ne me souviens plus du nom... En tout cas c'est un architecte paysager qui enseigne à McGill, qui nous disait que ce programme-là est un programme qui est difficile pour les architectes, parce qu'il faut finalement construire autour de l'oeuvre versus parler d'une intégration globale des deux, c'est-à-dire de l'oeuvre en soi et de l'architecture au niveau environnant, si on veut, donc de l'architecture paysagère. Est-ce que vous...

Mme Vanlacthem: Je crois en effet que, malheureusement, les artistes sont souvent appelés une fois que le projet est terminé. Donc, ils viennent, en fait, s'inscrire dans un cadre établi, un cadre physique établi. Il est bien certain que la collaboration serait beaucoup plus fructueuse si elle pouvait démarrer immédiatement au début de l'élaboration du projet.

Je ne m'étendrai pas tellement sur ce genre de collaboration, que je ne connais pas bien. Mais, j'en connais une autre mieux, qui se passe un petit peu dans les mêmes conditions, celle qui lie en fait les architectes aux ingénieurs. Généralement, on fait appel aux ingénieurs pour calculer les structures, et, très rarement en fait, c'est une collaboration intellectuelle, créative qui s'établit entre les deux. Et je pense qu'il serait souhaitable, que ce soient les artistes ou les ingénieurs qui collaborent avec l'architecte, qu'ensemble ils développent le projet, et qu'il y ait un échange intellectuel, un échange créatif, plutôt que simplement une collaboration factuelle imposée. Et ça, enfin, dans le domaine des rapports entre ingénieurs et architectes, c'est très visible.

Il y a aujourd'hui, au niveau international, des contributions architecturales qui sont très importantes, et où, en fait, véritablement, il y a innovation à chacun des plans. Je pense, par exemple, à un bâtiment comme la Banque de Hong Kong, de Norman Foster. Toute cette architecture, qu'on a qualifiée de "high-tech", est issue, en fait, d'une étroite collaboration entre ingénieurs et architectes. Et je crois que les artistes pourraient peut-être apporter quelque chose aux architectes si cette collaboration se faisait dans un échange intellectuel, artistique.

Mme Frulla-Hébert: Dernière question. Vous souhaitez que la recherche fondamentale, la création, soit davantage soutenue et encouragée. De quelle manière l'État, selon vous, devrait intervenir en cette matière.

Mme Vanlacthem: II pourrait intervenir de différentes façons.

Mme Frulla-Hébert: Parce qu'on veut toujours, on a toujours aussi, finalement, ce frein, dans un sens où l'État ne doit pas être dirigiste, l'État ne doit pas intervenir finalement...

Mme Vanlacthem: Non, mais il peut donner les moyens aux architectes de pouvoir développer leurs recherches dans une certaine indépendance financière, en mettant, par exemple, sur pied, comme le fait d'ailleurs le Conseil des arts, mais de manière assez limitée, des programmes qui permettent à un architecte de conduire sa recherche, par exemple, pendant une année.

Il peut aussi soutenir la création architecturale en lançant des programmes particuliers sur des problèmes que le ministère pense être des problèmes d'actualité, des problèmes importants, et faire un appel d'offres en fait auprès des architectes pour qu'ils déposent des projets et récompenser les projets les plus importants, mais non pas sur un bâtiment en particulier, mais peut-être sur des problèmes de notre époque. Un peu comme ça s'est fait en France, et maintenant en Europe, avec le programme PAN Construction. Donc, je vois deux moyens.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Mme Vanlacthem, bienvenue. Quand la ministre vous a posé une question en disant: Y a-t-il une architecture québécoise?, la réponse n'est pas venue spontanément, madame. Vous avez dit, finalement, qu'il y avait une architecture d'intérieur. Vous avez fait allusion à des établissements...

Mme Vanlacthem: Ah non, j'ai cité d'autres exemples.

M. Boulerice: Vous avez cité d'autres exemples. Je vais peut-être commettre une grossière erreur, mais j'ai l'impression qu'on n'a pas développé l'architecture québécoise. Je

vois une architecture d'intérieur extraordinaire, je vois un design québécois qui s'affirme avec énormément de force. D'ailleurs, il y a un mois, il y avait le Salon du design et on voit toujours des choses vraiment incroyables et, sans vantardise, je pourrais peut-être vous inviter à mon bureau, parce qu'on a acheté quelques pièces qui sont très belles et beaucoup mieux que les objets d'utilisation courante que l'on trouve dans les grandes surfaces. Mais, au niveau de l'architecture, je mettrais, entre guillemets, immobilière, personnellement je n'en vois pas.

Mme Vanlacthem: Je crois qu'il y a des contributions...

M. Boulerice: II y a des contributions d'individus, oui.

Mme Vanlacthem: Oui, sûrement. Mais dans le design c'est la même chose. C'est des contributions d'individus aussi et c'est aussi une production finalement assez marginale par rapport à la production globale.

M. Boulerice: À la production globale et, effectivement...

Mme Vanlacthem: Mais je crois qu'il y a véritablement des architectes au Québec qui contribuent de manière essentielle à la production contemporaine en matière culturelle.

M. Boulerice: Mais il n'y a rien pour les supporter.

Mme Vanlacthem: Pardon?

M. Boulerice: II n'y a rien pour les supporter.

Mme Vanlacthem: II n'y a rien pour les supporter.

M. Boulerice: Oui, on dit que Montréal est une ville où il y a une grande qualité de vie. J'y habite, mais Montréal, au niveau architectural, y avez-vous vu une certaine unité? Nos centres d'achats sont des calques du centre d'achats américain des années cinquante. Et, après ça, il y a peu de préservation. Écoutez, un des rares édifices de style art déco, c'est une architecture récente, l'art déco, qui est ce qu'on appelle l'ancienne pharmacie de Montréal, je ne sais pas si vous avez connu, qui avait comme slogan "Nous ne fermons jamais" et, effectivement, il n'y avait pas de porte. On n'a pas préservé... Et c'était le seul spécimen d'architecture art déco dans l'est de Montréal - quand je dis l'est de Montréal, je parle selon la frontière naturelle, arbitraire de la rue Saint-Laurent - que la prédécesseure de l'actuelle ministre a refusé de classer et c'est devenu un édifice avec une immense enseigne Radio Shack et Burger King. Est-ce qu'on sent - pour employer cette phrase qui m'a toujours marqué, et j'oublie toujours son nom, mais il est le chroniqueur d'architecture au New York Times - dans les rues de Montréal que c'est l'édifice qui d'abord anime la rue? Non.

Mme Vanlacthem: Je crois qu'une des qualités de Montréal c'est justement sa diversité. C'est justement le choc des architectures de différentes époques. Je crois que Montréal a un très beau centre-ville moderne que, malheureusement, on ne reconnaît pas encore comme patrimoine parce qu'en fait, dans la valorisation de la production bâtie, il y a des cycles. Au moment où on produit une architecture, il y a un engouement formidable. Par après, ces ensembles bâtis montrent généralement leur limite, il y a une dévalorisation et, comme je le disais tantôt, il faut une certaine distance temporelle pour qu'on puisse, finalement, identifier véritablement quelles ont été les contributions il y a une trentaine, une quarantaine d'années à l'édification fondamentale et l'édification de notre cadre bâti. (18 h 15)

Mais je crois qu'il y a des contributions fondamentales au niveau de l'architecture qui se font aujourd'hui à Montréal mais, bien sûr, elles sont ponctuelles, elles sont sporadiques. Mais je crois que c'est une des choses... Vous savez, on prend souvent l'exemple de la France comme référence, mais, il y a une vingtaine d'années, en architecture en France, au niveau de la création, il n'y avait pas grand-chose qui se faisait. Mais il y a eu, en fait, un effort des pouvoirs publics qui a été fait et, sur le moyen terme, cela a porté fruit aujourd'hui. La création architecturale française, comme d'ailleurs le design aussi sont reconnus internationalement.

M. Boulerice: Voilà, mais...

Mme Vanlacthem: Donc, je crois qu'il faudrait absolument soutenir... J'ai un cas bien précis. Un jeune architecte, sûrement le plus authentique de nos jeunes architectes québécois, qui a de la difficulté à vivre...

M. Boulerice: Oui.

Mme Vanlacthem: Parce qu'en fait, l'architecte, comment vit-il à travers la commande? Souvent les créations les plus novatrices sont difficiles à accepter, donc ces architectes-là ont de la difficulté à trouver des clients. Parce que, généralement, les promoteurs veulent soit des choses à la mode, soit des choses conventionnelles. Donc, c'est la raison pour laquelle je trouve que le gouvernement, dans ses constructions, devrait véritablement jouer un rôle exemplaire.

M. Boulerice: Je suis heureux de vous entendre tenir ces propos, madame. Oui, il y a eu des actions en France, des actions énergiques. Résultat, lorsqu'on est à la Défense et qu'on voit l'arche, on est soufflé. Dans 50 ans, dans 60 ans, j'ai l'impression qu'on va avoir encore la même émotion. Vous vous rappelez sans doute la polémique de Beaubourg, mais n'empêche que Beaubourg est encore toujours aussi éblouissant, même après une vingtaine d'années. Toute intervention de l'État... Notamment en France, il y a un grand débat en disant: Mon Dieu, que ça a été d'un dirigisme, sauf que ça a donné quand même de beaux exemples. Donc, quand vous me parlez de cela - et c'est à cela que je veux rattacher la partie d'échange qu'on vient d'avoir - vous demandez une direction de l'architecture. Est-ce qu'il ne faudrait pas avoir d'abord une politique nationale d'architecture, ce que nous n'avons pas?

Mme Vanlacthem: Sûrement, mais une volonté ferme de soutenir l'architecture comme production artistique. Parce que, si vous lisez les programmes du ministère des Affaires culturelles, l'architecture n'y apparaît pas et on doit comprendre qu'elle fait partie des autres disciplines qui permettent de regrouper, en fait, des programmes qui s'adressent à tous les domaines. Donc, l'architecture est une autre discipline, mais elle n'est pas reconnue. Et je suis bien placée pour le savoir parce que j'agis particulièrement dans le domaine de la diffusion depuis une dizaine d'années et, chaque fois que j'ai demandé des subventions pour agir, j'en ai obtenu mais, en fait, les agents devaient toujours être, comment dire? très inventifs pour parvenir à trouver des programmes qui pouvaient nous convenir.

M. Boulerice: L'État, comme maître d'oeuvre d'équipements et d'édifices publics, peut-il assurer un développement de l'architecture québécoise, notamment au chapitre de l'excellence et de la signification culturelle des projets? Est-ce qu'il pourrait aussi modifier certains concours d'architecture et, si oui, dans quel sens? J'ai l'impression qu'il y a une immense latitude, mais la latitude provoque un peu - si vous me permettez l'expression peut-être un peu rude - de la platitude. Je ne sais pas si vous étiez en salle tantôt lorsque M. Simard, le président de la Commission des biens culturels, intervenait. J'aimais bien son propos au sujet de l'architecture. Je lui disais: On a construit je ne sais combien de HLM dans ma circonscription, mais tous de même laideur.

Mme Vanlacthem: Sûrement, et je crois que...

M. Boulerice: Et...

Mme Vanlacthem: Est-ce que je peux?

M. Boulerice: Oui, oui.

Mme Vanlacthem: Vous avez fini? Je crois que le ministère des Affaires culturelles pourrait mettre en place des mesures pour tous les équipements dont il est le maître de l'ouvrage, qui permettent, en fait, d'assurer la qualité architecturale de ces constructions. Par exemple, il pourrait mettre en place pour commencer au niveau expérimental, une politique de concours d'architecture, qui permette de choisir les architectes, quelle que soit la taille de l'édifice à construire. Et cette politique pourrait peut-être être modulée, en sollicitant les jeunes architectes pour des bâtiments de plus petite taille et ainsi leur permettre de faire preuve de leur talent, mais aussi d'acquérir une compétence et de faire appel aux agences mieux établies, plus expérimentées pour des équipements de plus grande envergure. Moi, je suis pour les actions progressives, et je crois que ce serait intéressant, en fait, qu'un tel programme soit établi, d'abord uniquement au niveau du ministère des Affaires culturelles et à titre expériemental pour tester localement et acquérir aussi la compétence localement, pour organiser ce genre de concours.

M. Boulerice: Je pense que c'est une avenue intéressante que vous nous indiquez. Effectivement, il y a de petits ensembles qui pourraient être traités de la façon dont vous suggérez, quitte, après, à voir progressivement de quelle façon cela va se dérouler, parce que, sur de petits ensembles, déjà on en voit. L'Agora de la danse, la rénovation de la Palestre nationale, l'Agora de la danse, au niveau de l'architecture intérieure, est quelque chose de stupéfiant. Moi, j'étais... Bon, vous me permettrez de vous dire que c'est dans une circonscription électorale que je connais bien, mais j'étais très heureux de voir ce que les architectes en ont fait. C'est merveilleux. Alors, si on pouvait obtenir effectivement de - permettez-moi l'expression - grignoter un peu dans de petits projets en disant: Laissez-nous les de façon expérimentale et voir de quelle façon on peut progresser, on pourrait en arriver peut-être, à un moment donné, pour ce qui est des grands ensembles, à déterminer des choses. Parce que je ne sais pas si vous avez vu, il se construit un nouvel édifice ici, tout à côté de la colline parlementaire et la question que je me posais, en regardant: est-ce heureux? Je n'ai pas encore trouvé la réponse et cela m'inquiète. Enfin, écoutez, on pourrait poursuivre très longtemps, surtout que c'est un débat qui me passionne. Je me rattache toujours à cette phrase de Raul Castro: 11 n'y a pas de démocratie possible quand c'est laid." Alors, comprenez mon intérêt à voir la beauté. Je vous remercie beaucoup, Mme Vanlacthem, et à bientôt, j'espère.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le

député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Rapidement, moi aussi, c'est à mon tour de vous remercier. Je dois dire que votre apport, ainsi que l'apport de l'association des architectes, que ce soit paysagers ou... nous ont ouvert, nous ont finalement fait considérer des choses - et je l'avoue sincèrement - qu'on n'avait peut-être pas vues, d'une part. Deuxièmement, quant à l'encouragement aux prix, comme vous suggérez, au niveau du prix du Québec, cette année, c'est Michel Dallaire qui a gagné. Et donc, de plus en plus, ça doit entrer dans nos moeurs, parce que je suis d'accord avec mon collègue, il faut s'encourager, il faut encourager la beauté, même si c'est l'innovation, mais c'est la beauté. Alors, merci. Merci beaucoup d'être venue.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Vanlac-them, merci beaucoup. Ceci met fin...

Mme Vanlacthem: Est-ce que je peux vous remettre deux séries de publications?

Mme Frulla-Hébert: Avec plaisir.

Le Président (M. Gobé): À qui voulez-vous les remettre? À la commission ou à Mme la ministre?

Mme Vanlacthem: Bien, je ne sais pas, je ne connais pas les procédures. Je peux en remettre un à Mme la ministre et un à M. le député de l'Opposition.

Le Président (M. Gobé): C'est très bien. Peut-être que d'autres membres de la commission auraient aimé en avoir, mais... Ceci met fin à votre intervention. Je vais maintenant demander aux représentants du groupe suivant, soit le Conseil régional de la culture de l'Outaouais, de bien vouloir se présenter, et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

(Reprise à 18 h 27)

Le Président (M. Gobé): Madame, messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la table, nous allons recommencer nos audiences. Sans plus tarder, j'invite les gens du Conseil régional de la culture de l'Outaouais à prendre place et à s'asseoir. Je demanderai au représentant ou au porte-parole du groupe de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent afin que nous puissions commencer les travaux. Vous avez un micro en face de vous. C'est ça.

Conseil régional de la culture de l'Outaouais

M. Massicotte (André): Nom nom est André Massicotte, président du Conseil régional de la culture, directeur général de l'Institut des cuivres du Québec. Je suis accompagné de Nicole Patry, qui est la directrice du Conseil régional de la culture de l'Outaouais, et de Gilles Gagné, qui est vice-président du conseil d'administration ainsi que directeur général du Secrétariat régional de concertation de l'Outaouais.

Le Président (M. Gobé): Alors, madame, messieurs, bonjour. Brièvement, je vous rappelle les règles qui régissent le temps de parole de cette commission. Vous avez approximativement une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Par la suite, vous pourrez dialoguer pour une autre période de temps avec Mme la ministre des Affaires culturelles et, par la suite, avec M. le représentant de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles. Alors, vous avez maintenant la parole.

M. Massicotte: J'aimerais dire que ce mémoire est rédigé et diffusé en complémentarité aux mémoires déposés par la Conférence des conseils de la culture du Québec. Son contenu est volontairement limité à la problématique touchant plus spécifiquement l'Outaouais. Au coeur de notre mémoire, nous aborderons la problématique générale du développement culturel régional, sans cibler spécifiquement chaque secteur de l'activité culturelle. Nous traiterons, en ordre, de la place des régions dans une politique culturelle, de la production régionale et de sa diffusion, des diffuseurs régionaux, de la consolidation versus la relève, du financement et de deux secteurs plus spécifiques, soit de la place du livre, de la lecture et des bibliothèques dans le rapport et de l'importance des médias imprimés.

Pour notre point de vue général au rapport du groupe-conseil Arpin, la lecture du document ne peut que nous rassurer quant aux grandes orientations et aux grands énoncés de principe visant à développer le domaine des arts et de la culture, à favoriser l'accès à la vie culturelle et à accroître l'efficacité du gouvernement gérée par un ministère de la culture. Pour ce qui est du rapatriement des pouvoirs, il s'agirait, selon nous, d'une conséquence logique dans le cas où le Québec accéderait à son indépendance. Quant au rôle de maître d'oeuvre que le rapport Arpin veut donner au futur ministère de la culture en le définissant comme celui qui conçoit et oriente les activités du secteur culturel, il nous apparaît que le ministère devrait plutôt exercer un rôle de chef de file à l'écoute des artistes, des créateurs, des producteurs, des diffuseurs, enfin de tous ceux qui conçoivent et orientent l'activité culturelle au Québec.

On ne peut qu'applaudir à certaines recommandations telles que l'établissement d'un véritable réseau culturel, le parachèvement des équipements, l'utilisation des médias comme promoteurs et diffuseurs de la culture et le rôle des écoles comme générateur du goût des arts. Mais ce qui déçoit, c'est la place que l'on donne aux régions sans s'attarder aux spécificités de celles-ci et le peu de reconnaissance de la création et de la production régionales. On ne peut considérer les régions comme de simples consommatrices de culture. On établira un véritable réseau culturel en autant que tous les partenaires se sentiront reconnus à part entière. Si Montréal est le coeur de l'activité culturelle du Québec, les régions en sont l'âme qui, très souvent, la nourrit.

Considérations générales. Pour le développement d'un Québec fort et intimement lié au développement de ses régions, des considérations économiques imposent des choix favorisant le développement des régions. Le monde rural, les zones régionales urbaines, l'importance du secteur primaire font que le gouvernement doit, dans l'ensemble de ses politiques, viser la reconnaissance du dynamisme régional. Cela est aussi vrai dans le secteur culturel. Le gouvernement ne peut se borner à une conception des régions que comme consommatrices des spectacles et des arts provenant de la métropole et de la capitale. Il doit mettre en place un ensemble de mesures visant à favoriser l'émergence culturelle de l'ensemble des Québécois dans leur potentiel de création et de production. Le gouvernement doit tenir compte qu'en région nous ne bénéficions ni de l'aide du Conseil des arts de Montréal ni de celle de Québec, et affirmer de façon concrète, par un soutien financier adéquat, l'importance de la création et de la production hors des grands centres.

La spécificité de la région de l'Outaouais. On lit, à la page 121 du document Arpin: "En réalité, le Québec est constitué de trois grands "pôles": une métropole, Montréal, qui n'est pas une région; une capitale, Québec, qui n'est pas non plus une région, et un ensemble régional mixte, formé d'un certain nombre de villes de plus ou moins grande importance, entourées chacune de zones rurales d'étendue variable. C'est selon cette conception du territoire québécois et de sa population que nous proposons de constituer un véritable réseau culturel." Nous ne pouvons être d'accord avec cet énoncé, puisque notre réalité est tout autre. L'Outaouais est une région qui ne peut se comparer à aucune autre région du Québec. Sa situation frontalière avec l'est ontarien et la capitale fédérale en fait une région qui vit une réalité culturelle très spécifique. La population de l'Outaouais s'élève à 260 000 personnes dont 79 % vivent dans la Communauté urbaine de l'Outaouais qui, elle-même, baigne dans un bassin de population d'environ 1 000 000 de personnes, ce qui fait de l'Outaouais la troisième région la plus importante au Québec.

Si, dans les yeux de ceux qui nous observent, l'Outaouais est une région assez fortement polarisée par Ottawa, quand on y vit, la situation nous apparaît tout autre. Quand on a vécu les pas de géant que cette région a effectués au cours de la dernière décennie, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation et de la culture, il nous apparaît pour le moins offensant que la région de l'Outaouais soit considérée comme une succursale d'Ottawa. Il est justifié que nous réclamions, dans le domaine culturel comme dans d'autres, que l'Outaouais soit traitée selon les vraies caractéristiques de ses besoins et de son potentiel, indépendamment de ce que la province voisine peut offrir à sa population. D'ailleurs, ces caractéristiques sont, à elles seules, amplement suffisantes pour justifier que l'Outaouais occupe une place particulière sur l'échiquier régional de la future politique culturelle du Québec. L'agglomération urbaine composée des villes de Hull, Gatineau et Aylmer constitue la troisième en importance démographique au Québec. Le voisinage d'un milieu anglophone démographiquement et économiquement plus important appelle, pour l'Outaouais, une activité culturelle vigoureuse et diversifiée. L'activité culturelle étant aussi une activité économique, il ne faut pas oublier l'opportunité d'attirer la clientèle ontarienne, et plus spécifiquement la clientèle francoontarienne, du côté québécois, comme c'est le cas pour le Salon du livre de l'Outaouais, le troisième en importance au Québec.

Pour ces raisons, nous recommandons que la région de l'Outaouais soit considérée comme troisième pôle, pôle frontière, dans la future politique culturelle du Québec. Vivre en Outaouais, c'est un défi et une lutte constante pour la conservation et la survie de la langue française et l'affirmation de sa spécificité culturelle. À la lecture d'un texte produit par M. André Cellard, historien et chercheur scientifique pour le projet "Histoire de l'Outaouais", on pourrait croire que l'Outaouais a relevé ce défi. La région compte désormais 81,2 % de francophones contre 17,3 % d'anglophones. Dans l'Outaouais urbain, les anglophones ne représentent plus que 13,7 % de la population contre 84,2 % de francophones et 1 % de Portugais.

Les progrès enregistrés par le français dans l'Outaouais ne sont pas que d'ordre quantitatif. La qualité de la langue s'est aussi grandement améliorée ces dernières années. Plus conscients de leur français parlé, les habitants de l'Outaouais ont épuré une langue autrefois truffée d'anglicismes, ce que confirmait en 1989 une étude sociolinguistique menée par l'Université Laval dans la région Hull-Ottawa.

Même si ces chiffres et ces constatations nous semblent réjouissants, la partie n'est pas gagnée. Même si certains pas ont été faits au

cours des dernières années, il est urgent que le gouvernement du Québec reconnaisse l'importance et le caractère spécifique de l'Outaouais et qu'un sérieux coup de barre soit donné, en collaboration avec les municipalités, pour donner à l'Outaouais les outils nécessaires à son développement.

La production régionale et sa diffusion. S'il est vrai, comme il est énoncé dans le document Arpin, que le Québec est dans une situation géographique bordée par un pays immense, riche et puissant, de langue anglaise et d'une culture très différente de la nôtre, soit les États-Unis, il est tout aussi vrai que l'Outaouais est dans une situation géographique particulière, étant frontalière avec l'Ontario et la capitale nationale, riche et puissante, de langue anglaise et d'une culture assez différente de la nôtre. Quand le consommateur n'a qu'à appuyer sur un bouton pour accéder aux productions et aux équipements de cette capitale riche et puissante, ceci crée une énorme pression pour conserver l'intérêt des consommateurs, et aussi sur le coût des productions.

Ceci est la dure réalité que vivent nos artistes, créateurs, producteurs et diffuseurs en Outaouais. Vivre près d'Ottawa a ses inconvénients mais aussi ses avantages. Nos artistes ont été habitués à côtoyer, à se comparer à des artistes et à des productions de haut calibre, ce qui a eu pour effet de nous donner une production régionale qui atteint très souvent une qualité exceptionnelle. Malheureusement, ce n'est que dans de très rares occasions que ces productions ont la chance d'être diffusées dans les grands équipements de la capitale.

Or, en raison de la présence à Ottawa d'équipements d'envergure, tant les municipalités que le gouvernement du Québec n'ont pas jugé, pendant trop longtemps, de l'importance de doter cette région éloignée d'infrastructures. Malgré un certain rattrapage effectué au cours des dernières années, l'Outaouais souffre encore de sous-équipement. Les productions régionales se retrouvent souvent dans des lieux désuets, sous-équipés, qui n'ont aucun attrait pour la population habituée à fréquenter des lieux de prestige.

Nous recommandons, considérant le caractère unique de la région de l'Outaouais et l'importance de doter celle-ci d'équipements culturels adéquats, et compte tenu du rattrapage à effectuer, que l'Outaouais soit "priorisé" dans le parachèvement des équipements culturels régionaux au Québec.

Les diffuseurs régionaux. Le Québec s'est doté, au cours des années quatre-vingt, d'un réseau de diffusion qui couvre en bonne partie l'ensemble du territoire québécois. Un travail important fut accompli par ce regroupement de diffuseurs, très souvent bénévoles et fort dynamiques, afin d'assurer à la population du Québec l'accès à la production culturelle chez eux. Des programmes de soutien financier ont été élaborés par le MAC afin de soutenir ces organismes. Nous proposons de créer un volet particulier dans ce programme afin d'inciter et de soutenir ces diffuseurs dans une diffusion élargie de la production régionale, et de favoriser les tournées interrégionales. Cette recommandation pourrait appuyer la recommandation 52 du rapport Arpin, qui se lit comme suit: "Que le ministère des Affaires culturelles prenne des dispositions pour que les artistes qui se produisent en région et les organismes qui y évoluent puissent se manifester ailleurs au Québec."

La consolidation versus la relève. Comment mettre fin à l'éparpillement des subventions et exercer une sélection plus rigoureuse, tout en gardant un certain capital de risque pour la relève? Mettre fin au saupoudrage signifie inévitablement une plus grande sélection, donc la disparition des organismes ou artistes jugés moins performants. Encore faut-il établir des paramètres très précis pour évaluer cette performance, qui devraient tenir compte davantage de la démarche artistique et de son originalité que de sa performance au guichet ou de la fréquentation de ces lieux.

Il est surprenant de constater qu'aucune recommandation du projet de politique ne soit spécifique à la relève. Il serait pour le moins essentiel de proposer une réserve, un capital de risque. Le groupe-conseil cerne très bien la relation qui existe entre un soutien adéquat aux entreprises performantes et leur développement futur sur les marchés de l'art. Qu'en est-il de la relève? Le rôle du ministère de la culture ne peut se borner qu'à la consolidation. Il est de la responsabilité du ministère de soutenir et de favoriser l'émergence de nouveaux créateurs afin d'assurer une production toujours renouvelée et originale pour conserver au Québec son identité propre. Comment ce futur ministère réussira-t-il à insuffler un dynamisme créateur s'il ne se réserve pas un important capital de risque?

Nous devons être conscients du danger de remettre en grande partie cette responsabilité de développement et de prospection de la relève aux mains des municipalités. Le groupe-conseil, en omettant une recommandation spécifique sur le sujet, laisse place à toutes les interprétations. Nous proposons que le ministère des Affaires culturelles se réserve un important capital de risque qui servira aux artistes créateurs et aux organismes de la relève sur tout le territoire du Québec.

Pour ce qui est du financement, pour la taxe de vente du Québec, vu qu'il y a eu report, nous allons laisser cette recommandation pour l'instant. Mais nous recommandons que le fonds d'appui au financement privé soit réinstauré et que ce programme s'adresse à une clientèle reconnue par le MAC et que soit connue et diffusée la politique pour accéder aux plans triennaux s'adressant aux organismes culturels.

Donc, pour le financement, c'est nos recommandations.

Pour le point de la place du livre, de la lecture et des bibliothèques dans le rapport Arpin, nous vous demandons d'inclure dans la politique de la culture et des arts les recommandations se retrouvant dans le rapport de la Commission d'étude sur les bibliothèques publiques du Québec, dont le principal mandat était de répondre aux questions suivantes: Quelle doit être la vision de l'avenir de la bibliothèque publique au Québec? Quelles sont les responsabilités des différents paliers de gouvernement en ce qui concerne les bibliothèques publiques? Quelles sont les structures les plus adéquates pour assurer leur développement de façon efficace? Quelle importance accorder au problème de l'évaluation des services? Comment doit-on assurer le financement de ces bibliothèques publiques? Et, enfin, comment doit se concevoir la législation qui concerne directement et indirectement la bibliothèque publique?

Pour l'importance des médias imprimés, au chapitre des médias, le rapport Arpin s'attache beaucoup à la radio et à la télévision et ne s'attarde malheureusement pas beaucoup aux médias imprimés. Il faut reconnaître que la télévision, en particulier, est un véhicule culturel extrêmement puissant. L'envers de cette médaille est que la télévision, avec ses multiples canaux, constitue en même temps une source puissante d'assimilation culturelle. Sa forte valeur de divertissement mobilise en moyenne plus de 20 heures par semaine, ce qui fait dire à beaucoup de Québécois qu'ils n'ont pas le temps de s'adonner à d'autres activités.

Chez les jeunes, la lecture vient en dernière place dans l'utilisation du temps libre. Pourtant, ne serait-il pas judicieux de promouvoir agressivement les médias imprimés? Le monde devient de plus en plus complexe, les problèmes de plus en plus compliqués. L'imprimé est essentiel pour analyser, comprendre, évaluer et se former un jugement sur la question. S'ils ont la qualité d'instantanéité, les médias électroniques et leurs informations comprimées servent davantage à créer des impressions. Est-il pensable que le groupe-conseil Arpin ait pu soumettre son rapport sous forme de vidéocassette?

Pour ces raisons, le projet de politique culturelle devrait favoriser davantage l'utilisation des journaux et des revues comme outils d'apprentissage à l'école. Deuxièmement, accorder aux organismes culturels un soutien financier suffisant pour qu'ils puissent annoncer leurs activités dans les médias de leur choix et cesser de dépendre de la seule générosité ou bonne volonté des salles de rédaction ou de nouvelles. Troisièmement, soutenir la demande des éditeurs d'exempter le lecteur de l'application de la TVQ pour que les médias imprimés soient sur le même pied que les médias électroniques. Notons que la portion publicitaire d'un journal ou d'une revue est déjà taxée aux annonceurs.

Notre conclusion et recommandation. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance du rapport du groupe-conseil Arpin qui a tenté d'établir une base de discussion pour permettre à tous les intervenants et partenaires du développement culturel au Québec de faire connaître leur point de vue et leurs attentes. Suite à cette commission parlementaire, nous sommes confiants de la volonté de Mme Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires culturelles, de doter le Québec d'une véritable politique culturelle.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mas-sicotte. C'est tout le temps qui vous était imparti. Je demanderai donc à Mme la ministre...

Auparavant, j'aperçois notre collègue, le député de Hull, qui est toujours présent à nos commissions lorsqu'il y a des gens de l'Outaouais. Et en vertu de l'article 132, je crois que consentement vous sera accordé pour que vous puissez participer à nos travaux, étant donné que ce sont des représentants de votre région.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, auriez-vous un consentement?

M. Boulerice: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): J'ai présumé, oui, connaissant votre grande ouverture d'esprit et votre... (18 h 45)

M. Boulerice: Et connaissant l'intérêt de mon collègue pour les arts et la culture, je me sentirais odieux de lui refuser.

Le Président (M. Gobé): Le contraire m'aurait surpris, M. le député. Alors, M. le député de Hull, peut-être...

Mme Frulla-Hébert: Avant, je vais...

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, peut-être un mot...

Mme Frulla-Hébert: Oui, parce que je vais tout simplement, premièrement, vous saluer; il me fait plaisir de vous revoir et de vous remercier, d'ailleurs, pour votre collaboration. On a avancé un peu votre temps. Avant de passer la parole à mon collègue, deux choses. On en avait discuté ensemble et d'autres représentants, d'ailleurs, de la région nous en ont fait part C'est votre situation qui est particulière. Effectivement, la région de l'Outaouais, c'est une région avec ses composantes spécifiques, parce que vous êtes situé à côté de la capitale, ce qui n'est pas une mince affaire, puisque la capitale bénéficie de toutes les grandes infrastructures nationales, d'une part; et deuxièmement, aussi, à cause de la dualité des langues. Donc, comment fait-on pour rayonner non seulement à l'intérieur de la région

mais aussi aux alentours et dans les environs, c'est-à-dire de l'autre côté, vers Ottawa, autant que vers Montréal et Québec? Alors, vous pouvez être assurés que cette situation particulière va être tenue en ligne de compte lors de l'élaboration de la politique. Ceci dit, je vais passer la parole à...

Le Président (M. Gobé): Je vais le faire, madame.

Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi, M. le Président, vous avez raison. J'ai enfreint de vos pouvoirs, c'est vrai.

Le Président (M. Gobé): Les règlements en vigueur à cette commission font qu'un membre ne peut passer la parole à un autre membre, et c'est la présidence qui le fait. Sinon, la présidence verrait son mandat remis en question illico par l'Opposition. Alors, M. le député de Hull, vous avez la parole.

M. LeSage: Merci, M. le Président. J'aimerais, en premier lieu, souhaiter la bienvenue aux gens de l'Outaouais. Bienvenue chez vous. Je veux aussi vous féliciter pour la qualité du mémoire que vous avez présenté et pour lequel je ne peux que vous dire que j'y souscris en grande partie, sauf qu'il y a peut-être des petites questions qui m'incitent à éclaircir un peu. Dans votre mémoire, vous recommandez que la région de l'Outaouais soit considérée comme troisième pôle, pôle frontière, dans la future politique culturelle du Québec. Ma question est donc la suivante: Comment souhaiteriez-vous qu'une telle reconnaissance se traduise dans les faits?

M. Massicotte: Je vais laisser la parole à M. Gagné.

M. Gagné (Gilles): Premièrement, la raison pour laquelle la région de l'Outaouais devrait être considérée comme un pôle. Chacune, bien sûr, constitue en soi une région particulière, mais l'Outaouais vit - de toute façon, Mme la ministre l'a souligné - une situation qui est sans commune mesure avec le reste du Québec. Et dans l'Outaouais, peut-être pour cette raison, peu importent nos orientations politiques, il faut qu'il y ait une sorte d'image de la région qui montre un peu qu'il faut peut-être être plus Québécois que le reste du Québec, compte tenu de notre contexte.

Et, dans cette optique-là, il est important d'avoir des infrastructures qui pourront en partie contrebalancer. Évidemment, ce n'est pas la même mesure mais, au moins, ces infrastructures pourront permettre à l'Outaouais de se faire valoir comme région. Parce que vous savez qu'actuellement, bien sûr, il y a des efforts importants, je pense, qui ont été entrepris. Il y a la Maison de la culture à Gatineau, etc. Il y aura éventuellement une salle de spectacle à Hull, on ne sait pas où, mais quelque part, à un moment donné.

Mais il est important que tous ces éléments-là puissent au moins être en place dans notre région. En ce sens-là, ne serait-ce que d'avoir au moins ce qui existe déjà ailleurs, dans des régions comparables à l'Outaouais, ce serait déjà un point important. On le mentionne aussi dans notre mémoire, pour nos artistes, dans la région, c'est beaucoup plus difficile qu'ailleurs de percer. Par contre, quand on perce, bien on perce à un niveau assez important. Sans nécessairement donner des noms, on a quand même des artistes qui viennent de l'Outaouais et qui sont reconnus dans le domaine de la scène et dans d'autres domaines; ils sont reconnus internationalement.

Ce qui veut dire que pour que l'Outaouais puisse jouer son rôle, au fond, il faut que, d'une part, il soit bien rattaché au reste du Québec et ça, sans nécessairement rajouter ce dossier-là, parce que ce n'est pas un dossier culturel. Il y a évidemment le niveau des autoroutes; il faut être bien rattaché avec le reste de la province, mais, également, il faut qu'on puisse avoir des structures qui nous permettent, nous, dans la région de l'Outaouais, de bien faire valoir la culture québécoise.

Et peut-être un autre élément, qui a un lien avec l'économie, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus qu'on est situé à côté d'Ottawa. Il y a 4 500 000 personnes qui viennent visiter cette région-là. On en reçoit un peu, mais on sait aussi les liens qu'il y a entre la culture et le tourisme. Et plus la région de l'Outaouais va être bien dotée de moyens, plus, en même temps il va y avoir des retombées, mais qui vont être, à ce moment-là, pour ce côté-ci de la rivière.

Je ne sais pas, M. le député, si ça répond entièrement à votre question, mais tout au moins, il faudrait compléter les équipements culturels qui, normalement, doivent se retrouver dans une région, et qu'on les retrouve dans l'Outaouais. Pensons, entre autres, à la question éventuelle d'un musée régional. On sait que l'Outaouais a quand même, même si elle est très mal connue, une histoire assez importante et qui remonte, d'ailleurs, au début de la colonie française, et tout ça. Il y a quand même beaucoup de choses qui sont actuellement en train de s'élaborer. L'histoire de l'Outaouais va s'achever bientôt. On a fait un livre sur l'histoire de l'Outaouais, et on espère que ce document-là sera très important, à la fois pour l'identité de notre région mais aussi pour mieux faire valoir la région de l'Outaouais, son importance dans l'échiquier québécois. On espère qu'on pourra compléter des infrastructures, d'une part, et aussi des moyens pour les artistes, pour se faire valoir.

M. LeSage: M. Gagné, je tiens à vous dire que j'aime beaucoup la subtilité avec laquelle vous avez passé votre message pour l'autoroute 50, pour laquelle je vous appuie également. Ça m'amène à une question. Vous avez mentionné dans votre réponse qu'il était difficile pour les artistes de percer dans l'Outaouais québécois. Selon vous, est-ce que les infrastructures qui existent à Ottawa nous pénalisent directement dans l'Outaouais québécois? Est-ce que c'est parce que nos artistes sont attirés de l'autre côté? Dans quel sens est-ce que ça nous pénalise?

Mme Patry (Nicole): Nos artistes, présentement, ce n'est pas qu'ils sont attirés de l'autre côté. C'est sûr que s'ils avaient une facilité d'utiliser les équipements majeurs qu'il y a de l'autre côté... Il faut bien avouer que le Centre national des arts a un mandat national et que, pour les artistes régionaux - et les organismes régionaux se le font dire aussi - les coûts pour jouer dans ces lieux-là sont extrêmement chers. Alors, ce n'est pas que les artistes ne voudraient pas. Et dans tout l'Outaouais, on ne peut pas dire: Allez jouer de l'autre côté et ça va être très bien, vu que vous aurez des salles. Parce que les retombées économiques restent de l'autre côté, à ce moment-là. Le public s'habitue à consommer de l'autre côté, comme pendant de longues années il s'est habitué à aller consommer, acheter les robes et toutes les choses, se faire soigner de l'autre côté, et tout ça. Ça a été très long de les ramener, et ce n'est pas encore terminé.

Alors, il faut absolument que nos artistes puissent concurrencer. C'est certain, on ne demande pas de faire un centre national des arts du côté de l'Outaouais, ni de musée des beaux-arts non plus, mais je pense que l'Outaouais a quand même le droit d'avoir des salles qui sont attrayantes pour le public. Il faut toujours se mettre à la place du public. Le public va dans des salles attrayantes. Il ne veut plus aller dans des salles de cégep, il veut aller dans des salles attrayantes où c'est une vraie sortie. Nos artistes ont le droit de jouer dans des endroits comme ça, bien équipés, pas dans des fonds de garages comme ceux où on joue présentement, à la salle René-Provost, dans des endroits vraiment incroyables, ou dans des galeries où le toit coule, les fenêtres coulent. Ce sont des organismes forts, où les artistes sont très très forts, sont très reconnus, mais ils sont dans des lieux où, finalement, quand il y a le Musée des beaux-arts de l'autre côté, quand même qu'on aurait une programmation absolument extraordinaire au niveau des artistes en art contemporain chez nous - ce qui est quand même une force - on ne peut pas compétitionner si on ne regarde pas l'Outaouais comme une région qui fait face à une capitale et qu'il faut lui donner des outils.

Il faut aussi soutenir davantage les artistes dans leur création, au niveau financier et au niveau des infrastructures. C'est absolument essentiel. C'est la seule façon dont l'Outaouais va pouvoir se démarquer. C'est essentiel. Quand on parle du musée régional, je sais que présentement il y a des discussions. On me dit: Ça ne vous donne rien, au Conseil de la culture, de partir là-dessus. Il y a des moratoires, tout ça. Il va falloir qu'il y ait un musée régional pour que, premièrement, la région se comprenne, se connaisse et que les autres régions du Québec nous connaissent aussi. On est très mal connu des autres régions du Québec. On n'est vraiment pas regardé comme une région. On est un peu mystérieux dans la tête des Québécois et, franchement, ce n'est pas toujours à notre avantage.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

M. LeSage: C'est possible de rajouter un point?

Le Président (M. Gobé): M. le député de Hull, c'est votre temps de parole. C'est à vous, là, M. le député.

M. LeSage: SI vous le permettez, parce que le temps coule, on pourrait peut-être y revenir. Il y a un autre aspect que j'aimerais couvrir, c'est celui de la diffusion interrégionale. Vous mentionnez dans votre mémoire et vous proposez de créer un volet particulier dans le programme d'aide à la diffusion du ministère des Affaires culturelles afin d'inciter et de soutenir les diffuseurs régionaux dans une diffusion élargie de la production régionale et de favoriser les tournées interrégionales.

Ma question aura donc deux volets. Quelle catégorie de spectacles ou de produits artistiques devrait circuler, selon vous, davantage en région? Et, la deuxième, est-ce que la future politique culturelle devrait prévoir d'autres mesures pour assurer une circulation accrue des spectacles en région?

M. Massicotte: Moi, je crois que c'est bien important de comprendre un petit peu la dynamique de la création, de la production et de la diffusion en région. C'est qu'on n'est pas rattaché aux grands centres, ce qui fait qu'il y a quand même de la production de qualité qui se fait, sauf que les moyens qu'on a pour diffuser ces productions-là sont très limités. Donc, on met beaucoup d'énergie à produire un ou deux spectacles qui vont être présentés une ou deux fois. On croit qu'on pourrait, avec des stratégies mises en place, permettre à ces spectacles de se promener un peu partout au Québec, de créer des liens. Parce que je pense que l'avenir des arts d'interprétation, les arts de la scène, c'est aussi une question de rejoindre le plus de monde possible et de permettre de rentabiliser le plus

possible les énergies qui sont mises dans la production des arts, et de créer des liens entre les régions. C'est le meilleur moyen de faire tourner nos spectacles et, de plus, d'arriver à une qualité de spectacles qui vont ensuite pouvoir être présentés à Montréal et à Québec.

Déjà, on en a des spectacles qui pourraient être présentés à Montréal, sauf qu'on les fait une fois. On a peu de moyens financiers, donc toute l'énergie qu'il faut pour essayer de percer à Montréal, je veux dire que c'est tout à fait hors de notre portée. Pour ce qui est de la future politique, je crois que ce serait bien important d'avoir un volet très spécial. Je crois que c'est important que, dans tout le territoire du Québec, on ait de la création, on ait de la diffusion, parce que le Québec, ce n'est pas juste Montréal et Québec. Le Québec, c'est un grand territoire, et je pense que, quand on veut faire la promotion du Québec, il faut d'abord habiter notre territoire. Je pense que c'est un signe de santé aussi lorsqu'il y a beaucoup de création et lorsque la vie culturelle est riche en région. C'est un signe de santé. Je pense qu'il faut voir la vie culturelle sur le même pied que l'économique, que le social. C'est tout à fait de base, je pense, en 1991, que la culture ne soit pas limitée juste à Montréal et à Québec.

M. LeSage: Est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose, Mme Patry?

Mme Patry: Oui, j'aimerais rajouter quelque chose. Présentement, ce qu'on réalise, c'est que dans l'ensemble des régions du Québec il y a de la production et de la création de niveau professionnel vraiment excellente. Pour certaines régions, c'est plus fort en théâtre, d'autres en arts visuels ou d'autres en danse. Alors, là, ce serait important de voir un tableau assez précis de ça et, à partir de là, quand on a la connaissance de tout ce qui se fait de qualité dans chaque région, d'essayer d'établir un réseau. (19 heures)

II y a quelques mois, j'ai vu que le ministère des Affaires culturelles avait donné une subvention pour répertorier toutes les salles de 300 places et les lieux plus petits pour accueillir des groupes régionaux qui pourraient circuler à travers le Québec. C'est très important qu'on connaisse ce qui se fait dans chaque région du Québec et que, après ça, on regarde ça et on dise: Ceux-là, ils peuvent aller vers où? Est-ce qu'on peut les faire tourner dans trois autres régions, que l'Outaouais reçoive le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Beauce et l'Estrie, et que, nous, on aille dans la Beauce, dans l'Estrie? Ça prépare tous ces artistes-là pour une rentrée plus forte à Montréal. Même les artistes de Montréal font des tournées régionales pour rentrer à Montréal; alors, ça ne serait pas tellement différent. Mais, pour ça, il faut que chaque région ait des infrastructures pour recevoir. On ne demande pas des salles de spectacle de 1000 places, de 1200 places, des grands châteaux, ce n'est pas ça; ce sont des salles bien équipées. Quand on a présenté une salle qui s'appelait le Château d'eau, à géographie variable, c'était dans cet esprit-là. Ça s'en allait avec le centre de production, le Château d'eau, les tournées interrégionales. Alors, c'est ça qu'il faut comprendre. En tout cas, le milieu culturel de l'Outaouais, c'est ça qu'il veut; ce n'est pas une salle de 1200 places, c'est une salle de 300 places. Il y a la Maison de la culture qui a 651 places; c'est ça. Dans d'autres régions du Québec, il y en a, des salles de 300 places. C'est possible de faire des échanges. Mais c'est très difficile de faire des échanges avec d'autres régions quand on n'a pas de lieu; on ne peut pas recevoir. Vous ne pouvez pas recevoir des amis chez vous si vous n'avez pas de maison; alors, c'est la même chose.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Hull, je vous remercie.

M. LeSage: Oui, merci, M. le Président, et merci aux intervenants.

Le Président (M. Gobé): Vous aurez l'occasion, à la fin de l'audition, de les remercier. Vous allez rester avec nous, je présume. Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez maintenant la parole.

M. Boulerice: Mme Patry, M. Massicotte, M. Gagné, merci d'avoir consenti à devancer votre arrivée. Nous y trouverons sans doute un bénéfice mutuel, puisque vous pourrez, si vous le désirez, passer une soirée dans une capitale où vous remarquerez que l'on peut s'amuser plus tard que dans celle qui vous fait face. J'ai toujours dit, d'ailleurs, que le grand avantage d'Ottawa était d'être en face de Hull.

Vous parlez, Mme Patry, de l'importance de pallier au sous-développement des équipements culturels en Outaouais. Vous avez d'ailleurs fait mention de deux, trois équipements qui apparaissent importants dans le développement de la culture chez vous. Par contre, vous n'avez pas été sans noter, puisque de toute évidence - à moins de se fermer les yeux - il y a eu un investissement considérable du gouvernement fédéral, qui est le Musée des civilisations. Qu'est-ce que ça a apporté aux artistes et à la création dans votre région, ce gigantesque équipement?

Mme Patry: Cet équipement-là, monsieur, c'est sûr que c'est un très beau musée, en tout cas. Il n'est pas encore plein à sa pleine capacité, mais c'est quand même une infrastructure importante. Ça a apporté à la région beaucoup de monde, beaucoup de touristes. Mais, malheureusement, on doit vous avouer qu'on n'était pas

vraiment prêts à recevoir tout ce beau tourisme-là. On ne sait pas toujours quoi faire avec, une fois qu'il est sur le territoire. Et surtout, étant donné qu'il est presque dans le milieu de la rivière, les gens ne savent même pas qu'ils ont traversé le pont et ils se pensent, des fois, à Ottawa. Alors, il faudrait vraiment que ces gens-là qui viennent au musée... C'est là qu'il faut absolument leur faire voir immédiatement que, là, c'est la porte du Québec et qu'ils sont au Québec. Il faut les amener, les faire sortir, les faire entrer dans la ville. Ils entrent, ils font le tour du musée, l'autobus les attend à la porte, ils ressortent, ils reprennent le pont interprovincial et ils s'en vont. Alors, nous, on avait pensé développer tout le secteur de la rue Montcalm. C'était une association avec le touriste, à ce moment-là. On avait dit: Bon! Ça va être merveilleux. Le petit train Hull-Wakefield, le Château d'eau, la galerie d'art Axe Néo-7 et l'Université du Québec étaient là. Il y a le ruisseau de la brasserie qui est très très beau. On va créer un lieu touristique culturel et on va amener les gens là avec des petites boutiques, de beaux petits restaurants; ça va au moins les amener au centre de la ville. Alors, là, ça va déjà être intéressant.

Là, tout bloque partout; on ne sait pas trop pourquoi. Les décisions... En tout cas, on ne repartira pas là-dessus, mais c'est des choses comme ça qu'il faut faire. Il y en a du monde au musée. Mais, maintenant, comment les sortir de là et les amener chez nous? C'est là qu'il est, notre problème. Présentement, vous savez qu'on vit, malheureusement, des difficultés avec notre centre-ville. Alors, il faut tout régler en même temps. M. le maire avait pensé que la culture irait sauver les Promenades du Portage. Bien, voyons donc! Il va falloir, à un moment donné, être plus réaliste que ça et avoir beaucoup plus de partenaires. Moi, j'avais trouvé ça merveilleux que le milieu culturel, le milieu des affaires et le milieu touristique se mettent ensemble et disent: On va créer un secteur complet et tout l'aménager, et là ça va être un lieu, mais un lieu où il y aura parc, culture, tourisme, galeries d'art, tout ça. Mais ça ne marche pas.

M. Boulerice: Vous parlez d'aménager tout cela, mais c'est aménager en réaction à la présence de cet équipement. S'il y avait eu une planification stratégique à faire dans votre région, cela n'aurait pas été nécessairement cet édifice. Ça aurait été autre chose.

Mme Patry: Je ne dis pas que c'a été uniquement planifié à cause du Musée des civilisations. C'a été beaucoup plus planifié pour permettre à la population de l'Outaouais d'avoir un lieu agréable, parce que c'est devenu difficile, à Hull, de sortir et de se sentir à l'aise dans sa ville. Alors, là, c'était de créer et de donner aux Hullois et à la région, quand même, un endroit intéressant. C'est certain qu'on veut aussi attirer le tourisme là, mais on veut aussi... Ce n'était pas uniquement planifié dans le but d'aller chercher le monde au Musée des civilisations et de l'emmener là. C'est sûr que ça fait aussi partie de ça.

M. Gagné: Cet équipement-là qui permet quand même de faire en sorte qu'il y ait des gens qui viennent, c'est évident que, pour une région, cette dimension-là est aussi intéressante. Nous, évidemment, on n'a pas un mot à dire plus spécifiquement en ce qui concerne le Musée des civilisations, mais il faut trouver de quelle façon on peut, de façon avantageuse, en profiter au niveau touristique, tout en permettant à nos artistes de plus souvent pouvoir - au niveau de la peinture, etc., - vendre leurs oeuvres ou donner des spectacles. Mais il reste que tout ça doit s'intégrer à l'intérieur de la vie francophone dans notre région.

Et l'autre élément qui, je pense, vient compléter votre question: est-ce que cet équipement-là a permis de développer davantage des possibilités de nos artistes? J'aurais tendance à vous dire que, pour le moment, non. De l'autre, c'est lié à la nature du musée lui-même. Il y a, bien sûr, de très belles salles qui peuvent éventuellement servir pour des spectacles. Parfois, d'ailleurs, on peut le faire, mais pour pouvoir les utiliser, c'est à la fois assez dispendieux et ce n'est pas, non plus, axé vers ça, c'est-à-dire vers une facilité pour que des artistes de la région puissent les utiliser.

M. Boulerice: Manque de coordination.

M. Gagné: Mais ça, à ce moment-là, ce n'est pas à notre niveau.

M. Boulerice: Je le sais bien, et permettez-moi de le déplorer. Tout en préconisant, sur un autre sujet... On pourrait épiloguer bien gros là-dessus et revenir à la notion de rapatriement de tous les pouvoirs au niveau de la culture, de façon à éviter des choses comme celles-là qui, en définitive, n'avaient pas pour but, d'abord et avant tout, de promouvoir le développement des arts et de la culture dans l'Outaouais. Ce n'était pas ça qui était le but, de toute évidence.

Enfin, il y aura bien d'autres occasions de refaire le débat. Mais pour revenir au rapport Arpin sur lequel vous vous êtes penchés, tout en préconisant la fin du saupoudrage, vous semblez quand même un petit peu réticents. Vous semblez donner un peu une réponse de Normand: peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Est-ce que vous reconnaissez que la fin du saupoudrage implique nécessairement la disparition d'organismes culturels, de petits organismes culturels, et risque de poser des contraintes considérables à ce qu'on appelle la relève? Mon diagnostic à moi, et mon pronostic, surtout, est que ça va

surtout faire mal en région.

M. Massicotte: Je crois que ce qu'il y a d'important à comprendre pour arrêter le saupoudrage, c'est que c'est une question de consolidation, mais pour que des gens restent, pour que des gens disparaissent, il faut aussi s'entendre sur les critères. Je crois que dans la culture, autant que dans d'autres domaines, à un moment donné, souvent, on fait face, entre guillemets, à des droits acquis, à des organismes, des fois, qui sont très gros, qui sont là depuis des années et des années et qui ne produisent pas grand-chose, qui font même du tort, souvent, au développement culturel. Et, d'un autre côté, il y a des petits organismes qui sont très dynamiques, mais qui trébuchent devant des contraintes qui sont tout à fait dérisoires.

C'est parce que, à un moment donné, à force de saupoudrer certains organismes et d'en renforcer d'autres, il faut bien choisir les critères, et les critères pour la culture, ce sont des critères de performance artistique, ce sont des critères, aussi, d'originalité, des critères de créativité. C'est bien important de comprendre ça parce que, pour la relève... Dans le rapport Arpin, on ne fait pas beaucoup référence à la relève, mais il reste qu'il faut que ça soit nourri, ça, ce monde culturel là, et souvent... Je crois qu'il faut qu'il y ait une certaine latitude dans le choix, justement, d'encourager ou de... Une chose est certaine, il faut que ce soit axé sur les professionnels, sur les organismes professionnels, sur la performance artistique.

Donc, à partir de là, je pense qu'il faut faire aussi confiance aux mécanismes et à la structure qui va décider. Je crois que ça en revient toujours au... Ce n'est pas un problème, mais c'est une question quand même assez importante. Qu'on mette n'importe quel système, n'importe quelle structure, ce sera toujours la qualité des gens qui sont dedans qui va permettre à ce système-là de bien fonctionner et de faire des choix qui sont judicieux pour les organismes et les artistes.

M. Boulerice: Ça, je suis d'accord avec vous qu'il doit y avoir une consolidation, sinon on est en perpétuel recommencement.

M. Massicotte: C'est ça.

M. Boulerice: C'est extrêmement dommageable, sauf que ce saupoudrage... Mais là je comprends par votre propos qu'il n'y a pas une opposition ferme de votre part. Vous préférez, nécessairement, et vous souhaitez qu'il y ait une consolidation; vous ne semblez pas exclure le saupoudrage. Mon collègue, le député de Mercier qui, malheureusement, n'est pas ici, à cette commission, aujourd'hui, vous expliquerait ce que ça fait, le saupoudrage. Il a un exemple merveilleux. Il y a un petit organisme qui a obtenu 500 $ de son fonds discrétionnaire. C'est ça, du saupoudrage. Savez-vous ce qu'il est devenu, ce petit organisme? Il s'appelle le Cirque du Soleil.

Mme Patry: Oui, mais il n'a pas été saupoudré longtemps comme ça, parce qu'après ça il y a eu du gros saupoudrage.

M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous, madame. Il a eu 2 500 000 $ plus tard, justement parce qu'il a été capable de faire ses preuves. S'il y a un petit organisme dans votre coin, qui a un créneau drôlement intéressant et que la seule façon pour lui de le produire une fois et de le montrer est un saupoudrage, cela s'avère quelque chose de très intéressant.

M. Massicotte: En parlant du saupoudrage, on parle surtout - ce qui existe déjà, justement - des organismes, des petits organismes qui, souvent, vivotent, ne répondent même pas aux critères de sélection des Affaires culturelles, mais, parce que ça fait un tel nombre d'années, on fait toutes sortes de sauvetages. Donc, ceci fait qu'à un moment donné d'autres organismes qui auraient besoin, peut-être, de 2000 $, 5000 $ ou 20 000 $ de plus pour vraiment atteindre un niveau, et dont le potentiel est là, eux autres, ces organismes-là, sont obligés de restreindre leur développement. Souvent, c'est appuyé sur l'énergie d'une ou deux personnes et, après 5 ans, 10 ans, là où il y avait une créativité, une énergie tout à fait formidable, bien, les gens s'en vont à Montréal, s'en vont ailleurs, s'en vont à l'extérieur, justement, où il y a des moyens plus grands.

M. Gagné:...

M. Boulerice: Oui, je vous en prie.

M. Gagné: Si vous me permettez de compléter, on peut faire, d'ailleurs, un parallèle avec, peut-être, les petites entreprises. C'est qu'il faut du capital de démarrage. Il faut du capital de risque, mais il faut du capital de démarrage. Et c'est essentiel qu'il puisse y avoir, au niveau culturel, cette dimension-là. Au niveau du saupoudrage, si on entend soutenir cette dimension-là, évidemment, on est contre. Qu'il y ait une meilleure rationalisation des utilisations de fonds par rapport aux organismes existants ou aux troupes existantes - enfin, peu importe - ceux qui ont une activité culturelle performante, bien, qu'eux soient soutenus, mais qu'il y ait aussi, pour une période de temps donnée, des montants qui soient possibles ou, enfin, des soutiens possibles pour ceux qui sont en phase de démarrage. Ou encore, pour des secteurs qui peuvent apparaître un peu spéciaux, bien, qu'on puisse avoir ce qui serait l'équivalent du capital de risque.

M. Boulerice: D'accord. Vous n'avez pas entendu, mais mon oreille droite a entendu une voix venant de droite...

Le Président (M. Gobé): C'est cela.

M. Boulerice: ...me soulignant qu'il est 19 h 15. Alors, on me permettra une dernière petite question, sans aucun doute. Quels sont vos rapports avec la Direction régionale du ministère?

Mme Patry: Oui. Bon. Présentement, les rapports avec la Direction régionale, moi, je vais en parler pour le temps que j'y ai été. Ça fait maintenant six ans que je suis à la direction du Conseil de la culture de l'Outaouais. Les rapports ont toujours été assez bons pendant, peut-être, je dirais, les quatre premières années. J'en ai été même très satisfaite, et je pense qu'on avait une bonne collaboration. Présentement, les rapports, ça va très très bien avec les employés de la Direction, c'est-à-dire les agents. Nous avons une excellente collaboration de la part des agents du ministère. Ça va assez bien. Nous avons des problèmes avec la Direction du ministère des Affaires culturelles dans la région. C'est certain qu'il y a certains dossiers qui nous sont apparus, des fols, difficiles à régler. On pensait qu'on était sur la même longueur d'onde, mais il y avait toujours quelque chose qui accrochait. Alors, je pense que ça peut être uniquement causé, peut-être, par deux personnalités qui s'affrontent. Ça pourrait être ça, mais je pense que l'action du Conseil de la culture, présentement, est peut-être mal vue par le ministère; ou il ne comprend pas le rôle qu'on a, en tout cas. Moi, j'ai cette impression-là.

Souvent, je retourne au rôle des conseils de la culture en me disant: Je ne me trompe pas, c'est bien ça qu'on est. Je me fais souvent dire que ce n'est peut-être pas tout à fait notre mandat de faire ça. Ils ont de la difficulté à accepter qu'on soit des initiateurs de projets, qu'on puisse être un organisme-conseil ou de concertation. C'est un peu difficile, mais ça n'a pas été difficile comme ça avec tous les autres. On a eu quand même M. Delangie qui était, en tout cas pour nous, une aide qu'on aimait beaucoup. C'est peut-être parce qu'il connaissait beaucoup l'Outaouais et on était des complices. Alors, ça allait bien avec Mme Lavigne, et tout ça. Là, on a un petit problème. On aimerait ça, réellement, que ça se règle.

M. Boulerice: Mme Patry, M. Massicotte, M. Gagné, merci. Moi, je vous dirais, en terminant, que, oui, je pense que l'Outaouais mérite - sans connotation - un statut particulier, compte tenu de la proximité de qui vous savez, de façon à ce que vous assumiez cette distinction qui est très québécoise. D'ailleurs, vous l'avez dit: On veut être autant, sinon plus, Québécois que les autres.

Je pense qu'il y a, effectivement, une attention particulière qui doit vous être accordée. Je regrette qu'on n'ait pas eu plus de temps, mais ce sont les règles immuables de cette commission. Alors, je vous remercie de votre présence. Je comprends la fierté de mon collègue, et bonne fin de soirée dans votre capitale.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Pour commencer, Mme la ministre, un petit mot?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Moi aussi, je vous remercie tous les trois. Je voulais vous demander une question.

Le Président (M. Gobé): Non.

Mme Frulla-Hébert: Non? Une toute petite. Est-ce que votre maire, celui de Hull, s'est représenté? Si oui, est-ce qu'il a gagné?

Mme Patry: M. Légère s'est retiré. C'est M. Marcel Beaudry qui est maire présentement.

Mme Frulla-Hébert: Donc, ça, c'est une très bonne nouvelle.

Le Président (M. Gobé): II n'y a pas eu de recomptage?

Mme Frulla-Hébert: Le Château d'eau, évidemment, comme vous le savez, c'était un projet qui était accepté. Alors, probablement qu'on va pouvoir travailler peut-être un peu mieux avec la municipalité...

Mme Patry: Nous l'espérons beaucoup.

Mme Frulla-Hébert: ...ce qui va faire que ça va aller.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

M. Boulerice: C'est la décision des électeurs...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, avant de terminer et d'ajourner cette séance - s'il vous plaît! - je demanderai à M. le député de Hull, qui est le député hôte de cette délégation, peut-être de bien vouloir clôturer cette séance de la journée en les remerciant.

M. LeSage: Oui, brièvement, M. le Président. D'abord, avant de remercier nos interlocuteurs, j'aimerais souligner les quelques mots que Mme la ministre a eus à l'égard du nouveau maire et des possibilités de ressasser le dossier

de la salle de spectacle. Je pense que c'est encourageant pour nos intervenants.

Et, finalement, j'aimerais vous remercier pour le mémoire, encore une fois vous féliciter, et vous remercier surtout pour la façon dont vous avez répondu aux questions qui ont été posées par les parlementaires. Alors, bonne bouffe ce soir, bon retour!

Mme Frulla-Hébert: Bon voyage de retour!

Le Président (M. Gobé): Madame, messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous allez pouvoir vous retirer. Mais, auparavant, je vais ajourner les travaux de cette commission à demain matin, 9 heures, en la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de ce parlement. Alors, la commission est maintenant ajournée à demain. Bonsoir et bon appétit à tout le monde!

(Fin de la séance à 19 h 21)

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