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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 12 novembre 1991 - Vol. 31 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant entamer ses travaux. Je demanderais aux différents intervenants, aux différentes personnes membres de cette commission de bien vouloir prendre leur place.

Bonjour, M. le député de Charlevoix. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Comme d'habitude, vous êtes présent à cette commission.

Je rappellerai rapidement le mandat de la commission d'aujourd'hui. D'abord, je déclare qu'il y a quorum à cette commission. Ensuite, bien entendu, la commission est donc maintenant ouverte et je rappellerai le mandat de notre commission pour ce jour.

Des voix:...

Organisation des travaux

Le Président (M. Gobé): Messieurs, s'il vous plaît! Notre mandat est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, au Québec, bien entendu, et c'est suite au dépôt du rapport Arpin et à la demande de Mme la ministre des Affaires culturelles.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de remplacement. Donc, tout le monde est là. Ça fait plaisir. Je donnerai donc maintenant lecture de l'ordre du jour.

Nous allons entendre dès maintenant les représentants du groupe Les Arts du Maurier Itée et, par la suite, à 16 h 15, Solidarité rurale. Nous entendrons, à 17 heures, les représentants du Centaur Theater Company; à 17 h 45, Thomin, Jean-Paul et Chassé, Suzanne.

Nous suspendrons vers 18 h 30 pour reprendre nos travaux vers 20 heures et nous entendrons les représentants du Groupe de recherche interdisciplinaire en développement de l'Est du Québec; vers 20 h 45, les représentants de la Chambre des artistes de Boucherville; à 21 h 30, les représentants du Conseil régional de la culture Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Cha-pais inc. et, à 22 h 15, nous procéderons à l'ajournement des travaux jusqu'au lendemain.

Voilà. Ceci étant fait, je demanderais donc maintenant au premier groupe de bien vouloir... C'est déjà fait, vous vous êtes présentés en avant. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Si je comprends bien, Les Arts du Maurier Itée est représentée par Mme Marie Lambert.

Auditions

Les Arts du Maurier Itée

Mme Lambert (Marie): C'est bien ça.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Bienvenue parmi nous.

Mme Lambert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Ainsi que M. Michel Descôteaux. Bonjour, M. Michel Des-côteaux.

M. Descôteaux (Michel): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): II nous fait plaisir de vous accueillir, vous aussi. Vous pouvez maintenant procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez, pour ce faire, 15 minutes. Par la suite, pour le temps qu'il restera, ce sera un dialogue et une discussion avec chacune des deux parties, le temps étant, bien entendu, partagé en parts égales de chaque côté et la présidence se réservant toujours un peu la discrétion d'ajuster le temps lorsque nécessaire, avec l'un ou l'autre des intervenants. Bonne journée, tout le monde. Vous pouvez maintenant commencer.

M. Descôteaux: M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, Mmes et MM. membres de la commission, Mme Loiselle qui êtes la députée du comté où est situé le siège social de notre entreprise, bonjour. Je tiens à vous remercier de votre invitation à venir vous rencontrer. Je souhaite de tout coeur que les quelques réflexions contenues dans notre mémoire et la discussion d'aujourd'hui pourront vous être utiles dans la poursuite de vos travaux. Permettez-nous d'abord de nous présenter.

Mme Lambert: Je m'appelle Marie Lambert et je siège depuis 1980 au Conseil du Maurier des arts d'interprétation, devenu Les Arts du Maurier Itée en 1988. Je ne suis pas une employée d'Impérial Tobacco, ni même des Arts du Maurier Itée. Je me définirais plutôt comme l'une des personnes-ressources de qui Les Arts du Maurier Itée a souhaité obtenir les avis dans le choix des groupes et organismes culturels qui bénéficieront de son appui financier.

Notre travail consiste essentiellement à

recevoir les demandes de subvention des organismes, à les étudier pour voir dans quelle mesure les propositions qui nous sont faites rencontrent les critères d'admissibilité de la société et à faire ensuite les choix difficiles et, je dirais même, déchirants qui s'imposent. Une fois que les projets acceptés par le comité ont été réalisés, nous contribuons à leur évaluation, tant du point de vue de leur objectif de départ que du point de vue de la visibilité offerte aux commanditaires.

Enfin, nous apportons à l'entreprise nos recommandations quant aux politiques générales de la société Les Arts du Maurier Itée. Il s'agit là, somme toute, d'un travail à la fois passionnant et difficile, mais qui nous apporte la satisfaction de jouer un rôle essentiel au développement des arts au Québec et au Canada. Je serai heureuse de discuter plus en détail avec vous du fonctionnement de notre comité au sein de la société Les Arts du Maurier, si vous le souhaitez, au moment de la période des questions qui suivra notre présentation.

C'est à cause de ma longue association personnelle bénévole à la communauté artistique qu'on a souhaité ma participation. Depuis au-delà de 25 ans, j'ai été associé à un moment ou à un autre et d'une façon ou d'une autre à de nombreux organismes artistiques, dont principalement le Musée des beaux-arts de Montréal, le Centre national des arts du Canada, la Régie de la Place des Arts, l'École nationale de théâtre, les Concours de musique du Canada, l'Orchestre symphonique de Montréal, l'Orchestre de chambre McGill, le théâtre international de la Poudrière, la fondation du théâtre Félix-Leclerc, le Palais de la civilisation, le Studio de musique ancienne, et le reste. Présentement, je siège au conseil d'administration des organismes suivants: l'École nationale de théâtre, le Palais de la civilisation et, depuis 1990, la SOGAM, la Société de gestion des arts de Montréal. Il va sans dire toutefois que je ne me présente pas aujourd'hui ici comme le porte-parole de ces organismes. En conséquence, aucun des commentaires que je pourrais faire ne saurait être interprété comme reflétant de près ou de loin la position de ces institutions.

Comme je le mentionnais précédemment, mon association avec Les Arts du Maurier Itée remonte à 1980. Je ne suis pas la seule qui participe à titre de personne-ressource aux décisions de cette société de promotion. Quatre autres personnes, toutes étrangères à l'entreprise, y siègent aussi; elles proviennent de différentes parties du Canada et Les Arts du Maurier Itée compte sur elles pour apporter aux délibérations de l'entreprise une perspective régionale particulière et une connaissance personnelle de la communauté artistique de leur région. Michel.

M. Descôteaux: Avant de me présenter, Mmes et MM. de la commission, j'ajouterai ici un renseignement que la modestie de Mme Lambert lui a fait taire, c'est qu'elle a été décorée de l'Ordre du Canada en 1986.

Je m'appelle Michel Descôteaux et c'est à plusieurs titres que je me présente aujourd'hui devant vous. Je suis un vieil employé de l'Im-perial Tobacco, plus de 25 ans de service, et j'y travaille aujourd'hui comme directeur des affaires publiques. Je suis également directeur des relations publiques de du Maurier Itée et de Player's Itée, deux sociétés de commandite qui sont affiliées à l'Impérial Tobacco, et j'ai siégé pendant trois ans au Conseil du Maurier des arts d'interprétation qui est devenu depuis Les Arts du Maurier Itée. Finalement, je siège au comité des dons d'Imasco Itée, notre société mère, à titre de représentant d'Impérial Tobacco depuis plus de 10 ans. Je souhaite qu'à nous deux, Mme Lambert et moi saurons vous fournir tous les renseignements dont vous pourriez avoir besoin.

Il ne servirait à rien de vous lire ici le texte du mémoire dont vous avez déjà pris connaissance. Permettez-nous cependant de prendre quelques minutes pour vous en rappeler brièvement les grands axes.

Si nous sommes ici, c'est que nous souhaitons faire profiter la commission de notre expérience en tant que mécène privé des arts. Notre implication en ce domaine compte déjà 20 ans et les sommes investies par les différentes entreprises que Mme Lambert et moi représentons ont été considérables, au-delà de 30 000 000 $ depuis 1971 pour l'ensemble du Canada. Cette contribution prend essentiellement deux formes, soit un versement en espèces et/ou une contribution en services généralement sous la forme d'achat de publicité ou de promotion, et j'exclus ici les frais substantiels relatifs à la gestion de tels programmes comme le temps de nos employés, les frais de déplacement et de représentation, etc. Ce sont des coûts inévitables, mais absolument nécessaires. (15 h 45)

Le deuxième type d'apport, la contribution en services, n'est pas négligeable. Cela peut représentrer parfois jusqu'à 50 % de notre investissement dans un projet donné. Il rend de grands services à l'organisme artistique qui en bénéficie et contribue à répandre dans le public le goût de la fréquentation d'événements artistiques. C'est un aspect souvent oublié de la contribution des mécènes, mais qui devrait mériter une attention plus grande.

Compte tenu de notre longue association avec le milieu artistique et culturel, nous avons cru que notre expérience en ce domaine pourrait s'avérer pertinente pour la commission surtout en ce qui concerne les objectifs du gouvernement de favoriser le financement accru d'organismes artistiques par l'entreprise privée. Essentiellement, nous concluons que le financement privé des arts augmentera le jour où plus d'entreprises comprendront que leur contribution ne constitue pas une dépense, mais bien plutôt un investisse-

ment, investissement qui peut s'avérer tout aussi rentable commercialement que l'achat d'une nouvelle machine plus performante, que la mise au point d'un nouveau produit ou d'un nouveau procédé de fabrication ou que le lancement d'un nouvelle campagne de publicité.

Tout aussi essentiellement, nous concluons que ce financement augmentera le jour où les organismes artistiques et culturels bénéficiaires comprendront mieux les besoins et les attentes de leurs mécènes privés et qu'il est en conséquence de leur plus grand intérêt d'aider leur commandataire à favoriser, sinon à maximiser, le rendement de son investissement. Lorsque ces deux conditions auront été réunies, croyons-nous, et il ne s'agit pas là d'une utopie, les fonds en provenance du secteur privé augmenteront de façon importante. Il suffit de jeter un coup d'oeil même superficiel du côté des États-Unis pour constater qu'une plus grande participation de l'entreprise privée au financement des arts est tout à fait possible.

Le gouvernement peut contribuer considérablement à permettre que survienne cet état de choses. Certaines initiatives privées cherchent déjà à rapprocher entreprises et organismes culturels et artistiques. Elles méritent d'être encouragées, d'être appuyées, d'être multipliées, et le gouvernement lui-même pourrait, sans qu'il en coûte beaucoup - et j'insiste là-dessus, sans qu'il en coûte beaucoup - mettre l'épaule à la roue.

À l'intention des entreprises, il serait, par exemple, relativement facile de mettre sur pied une série de colloques qui permettent aux sociétés commerciales les plus impliquées dans le parrainage des arts d'exposer aux dirigeants de celles qui n'y participent pas encore les raisons qui sous-tendent ces investissements, les coûts en cause et les retombées commerciales obtenues. Tous les gens d'affaires parlent le même language et ils trouveront entre eux le moyen de se comprendre. Je peux vous assurer que du Maurier Itée et Les Arts du Maurier Itée seraient très heureux de participer à de telles rencontres pour répandre ce qu'on pourrait appeler ce nouvel évangile.

Autre exemple, le gouvernement pourrait contribuer à encourager davantage le financement par l'entreprise privée en favorisant la reconnaissance publique des entreprises ou de leurs dirigeants qui font preuve du plus grand dynamisme en ce domaine. La création d'un, deux ou trois prix annuels parrainés soit par le ministère des Affaires culturelles, soit par un regroupement d'organismes culturels et artistiques, non seulement pourrait servir à mettre en valeur la contribution des entreprises commanditaires, mais fournirait aussi l'occasion de rappeler au public, aux entreprises et aux organismes artistiques et culturels que le mariage des intérêts, arts et affaires peut souvent porter des fruits harmonieux dans le meilleur intérêt de toute la

i i collectivité.

Mme Lambert: Du côté des organismes artistiques et culturels, le gouvernement peut également, encore sans qu'il en coûte beaucoup, contribuer à permettre des échanges fructueux entre les organismes culturels qui réussissent à attirer des fonds privés et ceux qui n'ont pas encore trouvé le moyen d'y arriver, de sorte que les seconds découvriront et utiliseront ensuite les recettes des premiers. Organiser ou financer en partie l'organisation de colloques sérieux, réguliers dans les grands centres comme dans les régions ne coûte pas nécessairement très cher, mais il faudrait s'y atteler de façon régulière et sur une base permanente pour répandre les connaissances en cette matière parmi les organismes artistiques et culturels. Dans la mesure où les groupes artistiques et culturels apprendront à mieux connaître les mécènes potentiels, leurs objectifs commerciaux, leurs priorités particulières et leurs attentes précises, ils pourront mettre au point des propositions plus convaincantes, plus excitantes et utiliseront mieux leurs ressources en évitant, par exemple, de perdre temps et argent en sollicitant des entreprises dont les objectifs particuliers ne peuvent pas se marier avec leurs projets soumis. Il n'y a rien de bien difficile dans tout ça; il s'agit tout simplement d'appliquer à la recherche de subventions et de parrainage les mêmes techniques de mise en marché que les entreprises elles-mêmes utilisent pour promouvoir leurs biens et services. Mais vous pouvez en croire notre parole qu'il reste encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là.

M. Descôteaux: II reste encore un élément important, que nous voudrions aborder ici, dans ce résumé de notre mémoire. Dans toute définition de programme qui vise à amener les entreprises à participer en plus grand nombre au financement des arts, il est essentiel de créer, croyons-nous, des conditions telles que la plus grande liberté et la plus grande souplesse soient favorisées. En ce sens, la recommandation du rapport Arpin d'étendre à l'entreprise privée le programme gouvernemental du 1 %, qui deviendrait le programme "Arts et architecture", nous apparaît contre-indiquée. Cette mesure serait perçue, à n'en pas douter, comme une taxe indirecte. En conséquence, loin de susciter l'enthousiasme des milieux d'affaires pour le financement privée de la chose artistique ou culturelle, elle provoquerait résistance et méfiance envers ce qui ne serait plus perçu que comme un autre canal, un autre prétexte, dirons-nous, utile au gouvernement pour augmenter le fardeau fiscal des entreprises.

Pour conclure, Mme Lambert et moi souhaitons, Mmes et MM. de la commission, que notre mémoire et nos propos d'aujourd'hui pourront vous être utiles lors de vos discussions à venir. Pour l'instant, nous serons heureux de vous

fournir tous les renseignements additionnels dont vous pourriez avoir besoin. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup, et vous êtes en plein dans le temps en plus de ça, c'est très bien "timé"...

M. Descôteaux: On a essayé de l'être. Une voix: Chronométré.

Le Président (M. Gobé): Très bien chronométré. Je m'excuse de cet anglicisme. Mme la ministre, vous voulez commencer peut-être?

Mme Frulla-Hébert: Je sais, M. le Président, que vous avez des questions. Je veux simplement vous souhaiter la bienvenue, Mme Lambert, M. Descôteaux, et, pour le bénéfice de mon ami et collègue aussi, dont tous les organismes, vous savez, à cette commission, la plupart des organismes sont dans son comté, alors, là, ça me fait plaisir de dire que M. Descôteaux habite dans mon comté et que Mme Lambert est ma voisine. Alors, à chaque fois...

M. Boulerice: Les exceptions qui confirment les règles.

Mme Frulla-Hébert: Voilà.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

Le Président (M. Gobé): Des organismes qui encouragent les arts en fumant régulièrement des cigarettes du Maurier.

Mme Frulla-Hébert: Ah oui! Ça, oui.

Le Président (M. Gobé): Alors, il paie sa quote-part. C'est un grand bénévole. Excusez, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ça nous fait plaisir de vous accueillir, parce que, comme vous dites, M. Descôteaux, vous espérez que le mémoire nous aidera à réfléchir. En effet, je pense que ce mémoire va atteindre l'objectif que vous vous êtes donné. Il y a plusieurs entreprises qui sont venues nous voir et chacune a sa façon de faire, mais toutes donnent et contribuent au développement de la culture par la voie des arts et par l'expression artistique ici, au Québec.

J'ai certaines questions, voici la première. Vos subventions au niveau des organismes artistiques et culturels ont totalisé, en 1991, 730 000 $, ou à peu près, pour 36 groupes, en subventions, dons, etc. Est-ce que vous croyez que les objectifs ou les incitatifs fiscaux en place vous semblent suffisants pour favoriser, justement, la contribution de l'entreprise privée, d'une part, et, deuxièmement, selon vous, est-ce qu'ils sont suffisamment bien connus aussi?

M. Descôteaux: Je ne saurais répondre que pour Imperial Tobacco, madame.

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Descôteaux: Je ne sais pas comment les autres entreprises considèrent la question des dégrèvements fiscaux lorsqu'elles abordent ces questions-là. Chez nous, je dois vous dire que nous considérons certainement... Parce qu'il y a deux façons de voir ça, il y a un aspect qui est un aspect don, et, à ce moment-là, oui, il y a des dégrèvements fiscaux qui peuvent être utiles. Mais la plupart des subventions aux organismes culturels ou artistiques, surtout chez nous, sont considérées comme des investissements et, donc, si c'est un investissement qui vaut la peine d'être fait dans notre évaluation, nous allons le faire indépendamment des dégrèvements fiscaux qui peuvent y être attachés ou pas. Si nous jugeons que l'investissement n'en vaut pas la chandelle, je doute fort que ce soit un dégrèvement fiscal qui nous amène à poser le geste. Ce n'est pas comme ça que nous concevons notre implication dans le milieu artistique.

Mme Frulla-Hébert: Vous soulignez aussi dans votre mémoire, par exemple, votre implication. En fait, vous soulignez, d'une part, que les organismes artistiques devraient être très conscients de la philosophie de l'entreprise, bien connaître l'entreprise, etc. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu? C'est parce qu'il y a certains organismes qui sont venus nous voir en disant: C'est difficile, justement, les investissements au niveau du secteur privé, parce que, évidemment, on a l'autre côté qui est la liberté d'expression, etc. Qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

M. Descôteaux: Je suis très content que vous souleviez cette question, Mme la ministre. D'abord, Mme Lambert pourra certainement élaborer là-dessus, et peut-être que dans ce secteur-là nous apportons une vision qui est nationale, au sens pancanadien. Et force est de constater que le climat dans lequel on nous approche est un peu différent au Québec de ce qu'il est dans d'autres régions du Canada. Par exemple, il semble y avoir une sorte de réticence ou de réserve, souvent, à solliciter des fonds de l'entreprise privée, en tout cas chez nous, et en y attachant un certain niveau de visibilité. Ce que je vous dirais pour résumer ma pensée, c'est que les groupes artistiques sont un peu frileux, ont un peu peur d'aller trop loin dans la place qu'ils font en termes de visibilité à leurs mécènes importants. Je peux vous assurer, en contrepartie, que, chez nous, nous sommes éminemment respectueux de la liberté des groupes

artistiques et il ne nous viendrait jamais à l'esprit de chercher à influencer un groupe ou un autre dans le contenu de son spectacle.

Ceci dit, si quelqu'un, une troupe de théâtre nous proposait de subventionner une pièce dont le discours était essentiellement antitabac, je pense qu'on ne chercherait pas à les amener à ne pas jouer leur pièce, mais on leur suggérerait de trouver un commanditaire qui soit autre que nous. Je ne vois pas là, personnellement, un geste qui vise à réduire l'intégrité ou la liberté de l'organisme artistique, mais, en même temps, il y a certaines règles du jeu, de base, qui sont évidentes. Et ce sont des cas d'exception. Dans l'ensemble, ces cas-là ne se posent pas.

Mme Lambert qui, elle, reçoit à chaque année et étudie des demandes de la part de groupes artistiques de partout au Canada peut certainement élaborer là-dessus.

Mme Lambert: M. Descôteaux, je crois que vous avez bien exprimé la situation vis-à-vis des demandes de subvention. En effet, il y a certains groupes, probablement par manque d'expérience, qui ne savent pas de quelle façon procéder avec les mécènes, les compagnies qui veulent les aider. Je parle, évidemment, de du Maurier, Les Arts du Maurier, mais j'ai eu aussi l'occasion de faire partie de jurys pour le monde des affaires et des arts et je voyais de quelle façon et je pouvais comparer de quelle façon les demandes étaient faites. Alors, il manque, je pense, de connaissances de la part des groupes québécois, la façon de demander, de savoir qu'il y a quand même... Il faut que ce soit une participation, il faut qu'ils reconnaissent qu'ils ont quelque chose à donner à un mécène, une reconnaissance. Ça veut dire une visibilité. Alors, donc, tant qu'ils n'ont pas compris qu'un mécène, qu'une corporation n'est pas un gouvernement... C'est fait, bien sûr, dans le but d'aider avec générosité, une participation sociale, mais il y a aussi un intérêt, et c'est une forme de reconnaissance vis-à-vis du public, vis-à-vis de la marchandise qu'ils ont à offrir, vis-à-vis des services qu'ils ont à offrir. (16 heures)

Donc, des fois, on a mis beaucoup d'espoir dans un groupe où on a vraiment fait des efforts pour donner des montants subtantiels, parce que, sur le nombre de demandes, je vous assure qu'on est obligé d'en éliminer parce qu'il y en a trop avec le montant d'argent qu'on a à distribuer. Alors, on voit notre nom disparaître le plus possible pour mettre... Moi, je prends une loupe; c'est vrai que mes yeux ne sont pas très bons, mais je dois prendre une loupe pour essayer de grossir notre logo, grossir le nom des Arts du Maurier, et ça, ça m'agace un peu, parce qu'il y en a d'autres qui demandent tellement moins et qui sont tellement plus aptes à participer et à nous faire participer, quoi. Je crois qu'il y a beaucoup d'éducation à faire. Peut-être que le gouvernement aurait un rôle à jouer dans ça.

Je crois que Michel a élaboré dans sa présentation qu'il y a peut-être une façon de faire des colloques, des rencontres - ou si c'est dans notre mémoire, je ne me souviens pas - de faire des colloques et de faire en sorte que ce soit un peu comme une école, leur montrer comment, un peu comme le monde des affaires et des arts fait. L'exercice qu'on avait fait pour le Financial Post qui donnait un pauvre petit 5000 $, les gens ont tellement travaillé pour être le gagnant, on a reçu peut-être 75 demandes à travers tout le Canada, et le but était de leur montrer comment faire une demande à une corporation et quel était l'avantage pour la corporation de participer à un événement artistique.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme Lambert: Alors, enfin, si c'est là votre question, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

Le Président (M. Gobé): Je passerai maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Henri.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à cette commission. Vous avez touché à la section de l'accroissement du financement privé, dont vous avez parlé dans votre mémoire. Dans votre mémoire, vous dites qu'il existe des grandes entreprises, même des petites et des moyennes, qui n'ont pas de politique ni de pratique pour soutenir la contribution en matière culturelle, comme chez vous. Vous suggérez même au ministère de mettre sur pied des forums et des séminaires justement pour sensibiliser ces compagnies-là. J'aimerais savoir quelles suggestions vous pouvez faire au ministère, quels éléments pourraient attirer ces compagnies-là à développer ou à se sensibiliser en matière culturelle, à une politique culturelle.

M. Descôteaux: Oui, vous voulez que je réponde à ça? Je pense qu'un peu comme on le disait il y a une seconde, ça va dans la même veine. Notre mémoire, en fait, tient à peu de chose, et c'est consciemment que nous avons présenté le mémoire dans une vue vraiment très restreinte. Nous ne voulions nous exprimer que sur des sujets sur lesquels nous pensions que nous avions un minimum d'expertise ou de choses intelligentes à exprimer. On ne voulait pas s'aventurer dans d'autres secteurs où on n'y connaissait rien. Dans ce secteur-là, ce que nous cherchons à dire essentiellement, c'est qu'il faut améliorer le niveau de l'éducation, et du côté des mécènes et du côté des groupes artistiques, et la question de Mme la ministre, tantôt, s'adressait

plutôt à ce volet de notre mémoire.

Du côté des mécènes, ce que nous pensons, c'est que s'il n'y a pas plus d'entreprises qui investissent davantage, c'est que, justement, les entreprises perçoivent ça comme des dépenses et non pas comme des investissements et n'ont peut-être pas acquis comme nous la conviction qu'il y a un rendement sur les sommes qui sont investies dans le parrainage d'événements culturels et artistiques. Donc, ce que nous disons, c'est qu'il faut faire l'éducation des entreprises pour leur faire prendre conscience que ce sont là des investissements qui peuvent être rentables et qui n'exigent pas nécessairement des sommes faramineuses. Évidemment, nous sommes un des grands mécènes au Canada, nous investissons beaucoup d'argent dans ce secteur-là. Ce n'est pas à la portée de tout le monde, mais des gens qui ont des moyens bien inférieurs peuvent aussi y trouver leur compte, à la condition de bien définir leurs objectifs, de bien savoir ce qu'ils cherchent à accomplir, et aussi à la condition de pouvoir trouver des organismes artistiques ou culturels qui vont les aider à rencontrer ces objectifs-là.

Alors, ce serait un peu ma réponse: favoriser l'éducation des entreprises. Ça se fait dans d'autres provinces aussi où les groupes bénéficiaires, les entreprises qui sont mécènes et d'autres qui sont curieux de ces choses-là participent à des rencontres conjointes pour savoir comment on peut faire avancer cette cause-là. Ça n'existe pas suffisamment au Québec, ça, nous semble-t-il, en tout cas, et c'est pour ça que nous encourageons le gouvernement à mettre l'épaule à la roue, et ce ne sont pas des choses qui coûtent nécessairement énormément cher. Forcément, vous allez comprendre que, comme je représente une compagnie de tabac, nous sommes un peu frileux à l'idée que le gouvernement dépense des fortunes dans quelque secteur que ce soit parce que c'est souvent les consommateurs de tabac qui paient pour. Donc, nous insistons sur le fait qu'il est possible de faire beaucoup de choses sans qu'il en coûte nécessairement beaucoup. Mais enfin, ça, c'est une décision qui appartient au gouvernement.

Mme Loiselle: Merci. Mme Lambert.

Mme Lambert: En dehors de ça, Michel, je crois que... Mme la ministre, excusez-moi, Mme Loiselle. Il y aurait peut-être une forme d'encouragement aux corporations ou au secteur privé de donner davantage et ce serait peut-être une reconnaissance, justement, du gouvernement. Par exemple, Michel vous a mentionné que j'ai reçu l'Ordre du Canada. Mais pourquoi un individu? Pourquoi une compagnie qui donne n'aurait-elle pas une reconnaissance de la part du gouvernement? Je crois qu'on le mentionne quelque part dans notre mémoire. Mais pourquoi une compa- gnie qui a fait beaucoup pour les arts n'aurait pas, par exemple, une fois par année, une reconnaissance, comme on reconnaît un écrivain, comme on reconnaît un grand artiste? Chacun dans son domaine donne, et alors, on donne selon son talent ou selon ses moyens. Je crois que ce serait une bonne façon d'encourager les corporations à donner et, à tous les ans, reconnaître officiellement avec, je ne sais pas, moi, un petit parchemin, une épingle. Mais reconnaître publiquement.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Lambert, bienvenue à cette commission. M. Descôteaux, je ne vous cacherai pas le vif plaisir que j'ai de vous revoir. Même si vous savez que, quelquefois, je fraie avec des concurrents immédiats de votre société, vous ne semblez pas m'en vouloir. Ha, ha, ha!

M. Descôteaux: Absolument pas. M. Boulerice: Absolument pas.

M. Descôteaux: On peut trouver de bien moins bonnes compagnies que celles-là, M. Boulerice.

M. Boulerice: Voilà. Et que ma collègue, la ministre, et Mme la députée de Saint-Henri trouvent leur profit à cette commission en ayant un organisme qui n'est pas situé dans Sainte-Marie-Saint-Jacques, je ne suis pas égoïste au point de vouloir tout avoir.

Ceci étant dit, je vais me rattacher un peu à ce que Mme la députée de Saint-Henri disait tantôt. Effectivement, à la page 10 de votre mémoire, vous avez fait, à mon point de vue, une excellente suggestion qui est d'instaurer des forums et des séminaires où se rencontreraient des représentants d'entreprises et de compagnies artistiques pour échanger sur leurs attentes et exigences respectives. À la lecture, j'y ai vu également, compte tenu des autres propos que vous tenez dans votre mémoire, qu'il s'agirait aussi pour votre entreprise d'en rencontrer d'autres qui ne contribuent pas au développement culturel, parce que le discours des pairs est toujours important, et de leur prouver, par une démonstration de ce que font Les Arts du Maurier, qu'il est essentiel que les autres entreprises embarquent, si vous me permettez l'expression, dans ce mécénat au niveau de la culture. Il y avait ces deux volets-là, je crois bien.

Vous avez ajouté à la page 11, et Mme Lambert vient de le redire, un prix à la meilleure contribution corporative à la vie des arts. Encore là, je pense qu'il s'agit d'une excellente

suggestion. Dans la vie, tout le monde s'attend à une reconnaissance et la reconnaissance est importante. C'est bon de vous dire bravo! félicitations! merci! Mais je pense qu'il faut le faire de façon plus tangible à quelques occasions. Et j'y vois là aussi un autre incitatif au milieu d'embarquer, si vous me permettez toujours l'expression, puisqu'une citation venant de l'État, venant de son ministère, c'est quand même quelque chose d'intéressant pour une compagnie. Si tout le monde porte sa légion d'honneur, il faudrait peut-être en avoir une pour les compagnies qui investissent.

Allons au questionnement comme tel. Vous proposez divers moyens, notamment la sensibilisation, la reconnaissance, effectivement, comme je le disais, pour inciter un plus grand nombre d'entreprises à investir dans la culture. Pour ce faire, est-ce que la voie des incitatifs fiscaux vous apparaît être un moyen concret pour y arriver? Et que pensez-vous de ce que nous avons connu il y a quelque temps, soit les fonds d'appariement ou ce qu'on appelait en Anglais "the matching grants"?

M. Descôteaux: Sur cette question des "matching grants", je vais demander à Mme Lambert de s'exprimer, je pense qu'elle est plus au courant que moi de ce qui s'est passé dans d'autres entreprises. Avant de lui céder la parole, je vais revenir sur ce point des incitatifs fiscaux. Comme je le disais précédemment, en ce qui concerne Imperial Tobacco et du Maurier, je ne pense pas que ça joue un rôle fondamental. Ils pourraient disparaître demain que ça ne changerait rien dans nos programmes; ils pourraient être doublés demain que ça ne changerait rien dans nos programmes. Ceci dit, sur la question des "matching funds", est-ce que vous avez des renseignements ou des opinions?

Mme Lambert: Les renseignements, c'est que je porte un chapeau un jour et, le lendemain, je porte un autre chapeau. Un jour, je suis celle qui a le plaisir de donner de l'argent et, le lendemain, je suis celle qui va enquêter. Alors, donc, je sais ce que veut dire le "matching grant". Il est extrêmement encourageant d'avoir cette façon de recevoir de l'argent du gouvernement provincial, mais aussi extrêmement difficile.

Vous savez, dans les conditions économiques, surtout depuis un an ou deux, lorsque vous donnez, par exemple, je ne sais pas, on va mettre x milliers de dollars pour la construction d'un théâtre, puis c'est à condition qu'on aille chercher le même montant ou l'équivalent... C'est extrêmement difficile, mais peut-être que c'est obligatoire pour que les institutions culturelles fassent leur part, puis pour, justement, réveiller les corporations à aider. Mais si vous me demandez si c'est facile, c'est extrêmement difficile. Et je ne sais pas si les gens à qui vous avez donné des montants d'argent substantiels ont réussi à ramasser le "matching grant" que vous avez donné, si je réponds bien à votre question.

M. Boulerice: Au sujet de la formule d'appariement, Mme Lambert, l'on nous a répondu que certains organismes, certaines institutions, métropolitaines ou de la capitale, y ont trouvé leur profit. Mais, par contre, il faut bien se rendre compte qu'il n'y a pas Bell, il n'y a pas l'Alcan, il n'y a pas du Maurier, il n'y a pas Esso dans toutes les villes du Québec et que la formule d'appariement avait été une mesure assez intéressante au niveau des régions.

M. Descôteaux: M. Boulerice, je voudrais vous demander une précision, s'il vous plaît. Quand vous parlez de formule d'appariement, est-ce que vous parlez d'une formule qui s'adresserait à des types de sollicitation genre construction de musée ou de théâtre, ou est-ce que vous parlez d'appariement dans le cadre de subventions de spectacles ou de théâtre ou d'opéra? Chez nous, en tout cas, ces deux secteurs sont traités de façon très différente et peut-être que si vous précisiez votre pensée, je pourrais vous dire comment Imperial Tobacco voit ça.

M. Boulerice: Lorsque je parle d'appariement, je ne le vois pas pour ce qui est de la construction ou des équipements comme tels, je le vois beaucoup plus, par exemple, dans le cas d'un musée, dans le sens d'une levée de fonds pour se doter d'une fondation qui, après ça, aiderait à créer un fonds d'acquisition, parce que c'est essentiel pour un musée.

Mme Lambert: Ce n'est pas du tout pour la programmation ce que vous...

M. Boulerice: Non, non.

Mme Lambert: La question que j'ai cru comprendre était beaucoup plus pour le béton, la structure d'un édifice, ou acheter des appareils de...

M. Boulerice: Non, c'est plutôt la vie intérieure et non pas le cadre physique.

Mme Lambert: Oui, et non pas un spectacle devant le public, je pense, si j'ai bien compris votre question.

M. Boulerice: C'est ça.

M. Descôteaux: Disons que, chez nous, ça n'aurait un impact que dans la mesure où ça rendrait la vie plus facile aux organismes. Vous avez constaté le contenu du formulaire de demande de subvention. Nous tenons à nous assurer d'abord que les organismes qui font appel à nous sont des organismes qui sont déjà établis

depuis un certain temps, c'est deux ou trois ans minimum. Nous leur demandons un tas de renseignements financiers pour nous assurer qu'ils ont effectivement les moyens d'aller de l'avant avec les projets qu'ils nous soumettent. (16 h 15)

Ceci dit, il y a généralement, à l'intérieur de ce financement, souvent, de l'argent du gouvernement. Donc, que cet argent-là dépende de notre contribution ou pas, en fait, ça n'entrerait pas dans notre calcul à nous, sinon dans la mesure où ça permettrait à l'organisme en question de faire la preuve qu'il a les moyens d'aller de l'avant avec ses projets.

C'est la même chose dans le domaine des dons. Lorsque nous recevons une demande de la fondation, disons, d'un musée qui cherche à agrandir - je pense ici au Musée d'art de Joliette, par exemple, qu'on a forcément, au cours des années, beaucoup aidé, entre autres parce que nous y avons une usine - nous avons une formule, au sein du comité des dons de la maison mère, formule qui nous permet de délimiter au moins certains maxima en termes de contribution. Pour faire les choses simples, si la fondation d'un musée nous approche pour la construction d'une aile ou d'un musée, on va déduire du montant global du coût de l'opération toutes les subventions gouvernementales et on accordera au maximum 1 % de ce qui reste; et ça, c'est vraiment le maximum. Dans la plupart des cas, les dons vont se situer plutôt autour de 0, 4 % à 0, 5 %, parce que ça s'additionne vite. C'est la même règle en ce qui concerne la construction d'hôpitaux. C'est la même règle en ce qui concerne la construction d'universités, etc. Qu'est-ce qui va faire qu'on ira plutôt du côté de 0, 25 %, de 0, 5 % ou de 1 %? Ce sont des considérations qui sont propres à notre entreprise. Par exemple, si on veut construire quelque chose à Joliette, bien, forcément, on a un préjugé favorable à l'endroit de Joliette puisqu'on y est établi comme entreprise. C'est la même chose dans le sud de l'Ontario, parce qu'il y a beaucoup de tabac qu'on cultive dans le sud de l'Ontario. C'est la même chose à Montréal puisque notre siège social est là depuis toujours. Par ailleurs, si on reçoit des demandes qui viennent, disons, des provinces maritimes, on a tendance à être un peu moins généreux, dans le cas des provinces maritimes, parce que ces cas-là, on va les traiter comme la moyenne et on va se retrouver plus probablement autour de 0, 5 % plutôt que de 1 %. Je ne sais pas si tout ça... C'est peut-être une longue réponse et je ne suis pas sûr que ça vous est utile. Je vous laisse, vous, en déduire.

M. Boulerice: J'aurais une autre question très brève, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Allez, M. le député, en terminant.

M. Boulerice: Vous invoquez l'importance de la mise en marché pour les entreprises culturelles, comme toutes les autres entreprises, et vous souhaitez qu'on développe davantage chez les organismes culturels les techniques de recherche sur les publics afin d'adapter des stratégies de mise en marché appropriées. Est-ce que cette proposition pourrait aller jusqu'à considérer que dans le support à la création, à la culture, des entreprises comme la vôtre pourraient aller également jusqu'à un certain prêt de services de la part de personnes-ressources que vous avez dans vos entreprises?

M. Descôteaux: C'est possible de l'envisager. C'est une formule qui, pour nous, en tout cas, risquerait de poser certains problèmes, d'abord parce que nous sommes dans une industrie dont les ventes diminuent d'année en année, vous le savez. Donc, la courbe de notre personnel suit la même ligne et nous avons moins de ressources humaines disponibles que nous en avions il y a seulement 10 ans. Nous pourrions faire appel à des conseillers de l'extérieur qu'on pourrait mettre à la disposition de certains groupes comme ceux-là et c'est nous qui réglerions leur facture. C'est une possibilité.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Descôteaux. M. le député, en quelques mots.

M. Boulerice: Oui. Merci, Mme Lambert, merci, M. Descôteaux, pour votre participation. Je pense que vous nous avez indiqué des pistes qu'il sera utile de retenir et, quant aux baisses des ventes, vous devrez admettre, M. Descôteaux, que je fais tout pour contrer, hein?

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre, à vous maintenant.

Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon collègue, Mme Lambert et M. Descôteaux, pour vous remercier. Quand vous parliez de ce manque de connaissances au niveau de l'approche des entreprises, je l'ai vécu aussi quand j'étais dans l'entreprise privée et, effectivement, il y a une espèce de réticence là qu'il faut essayer, tenter de briser. À ce moment-là, votre suggestion, soit d'un forum, pour sensibiliser peut-être les deux parties a énormément de sens, d'une part. Je sais que la ville de Montréal, maintenant, est impliquée avec une recommandation. C'est ça, hein?

Mme Lambert:... la ville, oui.

Mme Frulla-Hébert: Le prix Arts-Affaires, comme vous mentionniez. Effectivement, je pense qu'on est dans la bonne voie. Merci beaucoup d'être ici.

Mme Lambert: Merci, Mme la ministre. Merci, messieurs.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, Mme Lambert, M. Descôteaux, il me reste à vous remercier d'avoir bien voulu passer ces quelques minutes avec nous. Merci beaucoup.

M. Descôteaux: Je veux juste vous mentionner, avant de partir, que si jamais il y avait des précisions additionnelles que vous vouliez obtenir plus tard nous sommes à votre disposition. Vous n'avez qu'à communiquer avec nous et nous serons heureux de vous fournir tous les autres renseignements dont vous pourriez avoir besoin dans votre réflexion.

Le Président (M. Doyon): Nous en prenons note. Merci beaucoup.

Mme Lambert: Merci.

Le Président (M. Doyon): Donc, tout en permettant à nos invités de se retirer de la table, j'indique que le temps est maintenant venu de recevoir le groupe Solidarité rurale. Je les invite donc à bien vouloir prendre place à l'avant.

Solidarité rurale

Je souhaite la bienvenue aux deux personnes qui représentent Solidarité rurale. Je vois qu'il y a M. Jacques Proulx devant nous, ainsi que probablement Mme Marie-Anne Rainville. Je leur souhaite la bienvenue, donc, et je les invite à procéder comme nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est-à-dire 10, 15 minutes de présentation - le mémoire peut être résumé si vous le désirez - ensuite, la conversation s'engagera avec les membres de la commission qui discuteront des idées que vous aurez bien voulu émettre lors de la présentation de votre mémoire ou du résumé que vous en ferez. Vous avez donc la parole, M. Proulx ou Mme Rainville.

M. Proulx (Jacques): Merci bien, M. le Président. Mme la ministre, messieurs, dames de la commission, je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de nous recevoir, d'autant plus que c'est la première sortie, en fait, de Solidarité rurale, la première fois qu'elle va présenter, justement, une position de la ruralité, et j'en suis très fier. Je voudrais dire aussi que Mme Rainville, en plus d'être aux communications, s'était occupée d'une façon très spéciale du projet à l'intérieur des états généraux, du projet de la culture, en fait, elle s'était occupée de l'élaborer et de le réaliser. Alors, ces états généraux du monde rural réunissant à Montréal, les 3, 4 et 5 février 1991, quelque 1200 délégués ont conclu leurs activités par l'adoption d'une déclaration. Les 28 organismes qui, au nom du monde rural, ont signé cette déclaration forment aujourd'hui Solidarité rurale. L'objectif qu'ils poursuivent est de faire la promotion du nouveau modèle de développement fondé sur les huit orientations de base formulées dans la déclaration du monde rural que vous allez trouver d'ailleurs à l'intérieur du mémoire.

Solidarité rurale se croit donc justifiée et juge de sa responsabilité d'intervenir sur la proposition de politique de la culture et des arts exposée dans le rapport Arpin et soumise à votre commission. D'ailleurs, les états généraux du monde rural ont créé de la controverse et une certaine inquiétude en prenant comme un de leurs cinq thèmes de travail "développement rural, culture et production artistique". Le choix de ce thème a été fondé sur la conviction que la culture n'est pas un vernis appliqué à la réalité économique, sociale et politique. Que l'on parle de culture au sens ethnologique ou dans son acceptation de l'ensemble des productions artistiques, celle-ci n'est pas une enveloppe de la réalité sociale, mais, au contraire, elle est au coeur de celle-ci. Nos valeurs socialement partagées, nos façons de penser, de juger, de sentir, de nous comporter, en un mot notre culture modèle la société autant sinon plus que les règles économiques, sociales et politiques. Elle détermine, par exemple, le genre de développement qui a conduit le monde rural depuis une vingtaine d'années à un déclin de plus en plus prononcé. Voilà le postulat sur lequel a été appuyé le choix d'un thème culturel aux états généraux du monde rural.

Le rapport Arpin, pour sa part, affirme ceci dans ses toutes premières pages: "La présente proposition ne vise donc rien de moins que d'accorder à la culture une place tout aussi importante que le social et l'économique à la table des grandes décisions qui modèlent le Québec et définissent les conditions de vie et de bonheur de ses citoyens. Elle propose de faire de la culture un moteur du développement et un point de repère obligé de toutes les grandes décisions. " Solidarité rurale appuie totalement cette affirmation fondamentale qui introduit tout le rapport Arpin. C'est en particulier à cette condition que le modèle de développement qui a conduit au déclin du monde rural, comme à la pauvreté urbaine d'ailleurs, pourra être remplacé par un nouveau modèle qui repose sur des valeurs et des idéaux renouvelés.

La culture s'exprime et s'alimente à tout et par tout ce qui fait la vie. Mais elle s'exprime et s'alimente d'une façon privilégiée dans ce qu'il est convenu d'appeler l'expression ou la production artistique. Noyer la culture dans l'océan ethnologique, c'est condamner la campagne au folklore. Or, le rapport Arpin identifie la pauvreté du milieu rural du point de vue de l'accès à cette production artistique: "Cela dit, l'ensemble régional du Québec, sauf exception, n'est pas encore assez bien équipé pour assurer sa

production locale et recevoir les activités culturelles en provenance de Québec, Montréal, des régions ou de l'extérieur du Québec. Mais la situation est encore plus pénible en ce qui concerne les "contenus". Théoriquement, l'importance de Montréal et Québec devrait avoir pour effet que la densité de leur action culturelle déborde sur les régions. On pense à la formule des tournées, à la circulation des expositions en provenance des musées d'État.

Solidarité rurale a fait les mêmes constatations et refuse qu'une telle situation ne soit pas changée. Bien sûr, le milieu a d'abord à se prendre en main lui-même et à développer les équipements culturels nécessaires pour accueillir les activités culturelles ou artistiques les plus valables. Mais il ne pourra le faire seul et le gouvernement du Québec, en particulier le ministère des Affaires culturelles, a la responsabilité d'intervenir de façon importante à ce niveau.

C'est pourquoi Solidarité rurale appuie les recommandations du rapport Arpin concernant l'accès à la vie culturelle pour l'ensemble régional du Québec, recommandations formulées, et vous m'excuserez de l'erreur qu'il y a là, même si, à la page 171, on appuie les recommandations, mais c'est la page 169. Mais c'est évident que les recommandations au niveau du réseau scolaire sont extrêmement intéressantes aussi pour le milieu rural.

Ce sur quoi Solidarité rurale veut cependant insister encore davantage auprès de la commission de la culture, c'est le développement culturel en milieu rural ou la réalisation de projets culturels au sein même des communautés rurales. Pour ce faire, nous avons pensé présenter d'abord un exemple de développement culturel dans une communauté rurale du Québec. Nous aurions pu choisir plusieurs exemples tels que La fabuleuse histoire d'un Royaume, à La Baie, au Saguenay, ou encore le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Nous avons choisi Le P'ttt Bonheur de Saint-Camille.

Cette partie du mémoire, en fait, a été écrite... la réalisation vous est présentée par la présidente du groupe, Mme Joëlle Duval.

Saint-Camille est un petit village de 500 personnes situé à 40 kilomètres de Sherbrooke, en Estrie. En 1984, un groupe de quatre personnes s'intéressaient à l'acquisition du 162, Mi-quelon, édifice situé au coeur du village de Saint-Camille, ancien magasin général avec trois logements. Le projet de base demeure le même: mise en valeur de l'édifice et développement de services communautaires et culturels. À l'été 1988, un groupe de citoyens et citoyennes de Saint-Camille adhèrent à ce projet et l'Association sans but lucratif, Le P'tit Bonheur de Saint-Camille, est mise sur pied. La charte de cette Association précise les objectifs de l'organisme: répondre à des besoins communautaires et culturels pour la population locale et régionale. (16 h 30)

De façon plus détaiilée, Le P'tit Bonheur réalise des activités communautaires et culturelles. Le volet communautaire a permis d'apporter un support à la mise sur pied de la Popote roulante, entièrement gérée par les aînés(es) du village; sa cuisine est située, d'ailleurs, dans les locaux du P'tit Bonheur. C'est également un support du Regroupement des jeunes en parrainant ses activités. Le dimanche, le P'tit Bonheur se transforme en petit café pour offrir des déjeuners à ses membres et il y a une moyenne de 40 personnes chaque dimanche à l'année longue.

L'endroit devient lieu de rencontre et d'échange. Le vendredi, le P'tit Bonheur offre à toute la population une pizza faite maison que les gens font cuire chez eux. Ce volet communautaire - et c'est un élément majeur - fait en sorte que la population se sent chez elle au P'tit Bonheur, parce qu'il fait partie de son quotidien. Il faut noter que tout le mobilier ainsi que le matériel de restauration ont été donnés par la population.

Maintenant le volet culturel. Il comporte trois aspects: les arts de la scène, la formation artistique et les arts visuels. Le P'tit Bonheur diffuse sept à neuf spectacles professionnels par an: des auteurs-compositeurs-interprètes de langue française tels Richard Desjardins et Bob Walsh; la tradition musicale de divers pays telle la musique de l'Inde, de l'Amérique latine, du Sénégal, le Festival de musique traditionnelle, et le reste.

Parlons maintenant de la formation artistique. Le P'tit Bonheur organise des cours réguliers et des stages ponctuels en tai-chi, en musique - à peu près tous les instruments de musique, en fait - en arts plastiques et en théâtre. Ces cours et ces stages sont ouverts aux amateurs, enfants et adultes, et aux professionnels.

Les arts visuels. En avril 1991, le P'tit Bonheur a achevé la rénovation d'une salle de 800 pieds carrés au premier étage pour y créer L'espace d'Hortense, lieu de création et de diffusion en arts visuels. Cet espace se veut un lieu de création et d'exposition pour les artistes de la région et pour ceux de l'extérieur. Il est ouvert à tous les médiums: peinture, sculpture, aquarelle, photographie, art textile et le reste.

Trois expositions ont eu lieu à ce jour: François Myre, sculpteur de Montréal, Seymour Segal, peintre de Dunham, et ensuite une exposition des artistes ayant suivi le stage de formation donné par Seymour Segal.

En conclusion, une population impliquée, une affirmation de sa différence, un respect et une grande qualité d'accueil, un souci du professionnalisme et une bonne collaboration avec le milieu régional, la persévérance et l'amour de ce que l'on fait restent la base du développement à long terme et le gage de notre réussite. Cette réalisation exemplaire indique, nous semble-t-il, tant au milieu rural lui-même qu'aux gouverne-

merits locaux et provincial, une des voies importantes à suivre pour le développement culturel. Il s'agit de favoriser l'éclosion et la réalisation de projets similaires dans le milieu rural, des petits projets locaux surtout; mais des plus importants aussi.

Nous croyons en effet que le développement du monde rural va se faire principalement à partir de projets locaux et régionaux, souvent modestes, impliquant les populations elles-mêmes, soutenus et encouragés par les pouvoirs politiques locaux et le gouvernement du Québec, beaucoup plus que par de grands projets centralisateurs. Or, cela nous apparaît tout aussi vrai au plan culturel qu'au plan économique et social.

L'exemple que nous présentons rencontre un bon nombre des caractéristiques qu'il est important de retrouver dans un projet de développement en milieu rural: l'implication du milieu au niveau financier, au niveau des ressources humaines, au niveau des ressources matérielles locales disponibles; le développement d'un sens d'appartenance de la population pour le lieu culturel créé; le respect et l'utilisation des traits propres au milieu tels que le sens de l'accueil dans le cas cité; la diversification des services; la capacité potentielle d'initier un développement plus large, d'attirer des personnes et des activités nouvelles dans le milieu; la participation, même si elle est encore très minime, du pouvoir politique local et du gouvernement du Québec.

L'exemple que nous présentons montre aussi qu'il peut être opportun en milieu rural de réunir dans un même projet des activités de natures différentes: des services communautaires, des activités de loisir culturelles, des activités de création artistique.

Solidarité rurale, en accord avec la déclaration du monde rural, recommande que l'adoption d'une nouvelle politique de la culture et des arts permette au gouvernement du Québec: de stimuler l'engagement des pouvoirs politiques locaux dans le développement culturel en milieu rural; de s'engager lui-même davantage dans ce développement en assouplissant les normes d'intervention pour faire place à plus d'imagination et d'initiative et plus de confiance au jugement des hommes et des femmes dans l'administration de cette politique; de favoriser des interventions, harmonisées entre elles, en provenance de plusieurs ministères, agences ou programmes gouvernementaux, et appliquées à un même projet et de consacrer au développement culturel en milieu rural les fonds qui correspondent à l'importance primordiale de la culture pour sauver la ruralité, stimuler et orienter le développement du monde rural.

Le monde rural, même s'il a été beaucoup oublié au cours des dernières décennies, possède d'immenses richesses. Ces richesses, il les tient des ressources naturelles et la nature physique elle-même, mais aussi de son patrimoine économique, social et culturel inestimable pour le

Québec.

Nous pouvons continuer à détruire ce patrimoine, à vider les campagnes et à faire disparaître les cultures locales et régionales. Nous pouvons aussi, comme société, nous lancer le défi de sauver les campagnes et leurs richesses et d'amorcer un nouveau développement pour elles. C'est ce défi qu'a choisi Solidarité rurale et c'est celui-là qu'elle propose au gouvernement du Québec par la voie, dans le cas présent, de sa politique de la culture et des arts. Parce que nous savons que "tant vaut le village, tant vaut le pays". Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Proulx. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Proulx, Mme Rainville. Je regardais autour, je regardais aussi mon confrère et vous ne pouvez pas savoir à quel point ça nous fait plaisir de vous accueillir ici, et ce pour plusieurs raisons dont une en particulier, c'est que plusieurs intervenants... On va avoir entendu, d'ici à la fin de la semaine, à peu près 180 mémoires d'organismes, donc plusieurs intervenants des différentes régions. Je pense que non seulement l'implication des régions, mais l'importance des régions n'est plus à démontrer. On a beaucoup parlé, aussi, du sentiment d'appartenance qu'il fallait créer, notamment par le biais de la culture et de l'implication culturelle. Et vous en faites état, vous, du sentiment d'appartenance, vous faites état aussi de projets collectifs; vous nous avez soumis un petit bijou comme exemple.

D'un autre côté, on nous dit aussi, plusieurs grandes villes nous disent aussi qu'il y a quand même une certaine résistance, pour toutes sortes de bonnes raisons. Certaines raisons sont économiques, mais encore une fois, il y a certaines résistances au niveau des petites municipalités à justement s'impliquer au niveau culturel. La culture, eh bien, ça fait partie des dépenses versus ce que vous dites, c'est-à-dire que c'est un facteur extrêmement important pour conserver les gens chez soi et se développer. Quels sont les moyens que vous, vous privilégiez pour que les municipalités puissent exercer, selon vous - les petites, on s'entend - correctement ce rôle-là, pour qu'on puisse les impliquer encore plus, pour qu'elles soient convaincues, elles aussi, non seulement de s'impliquer, mais aussi d'impliquer leur monde? On n'est pas, nous autres, toujours sur le terrain, non plus, ou près. Ce sont vraiment les municipalités qui sont les plus près au niveau collectif.

M. Proulx: Écoutez, il n'y a pas de formule miracle autour de ça. Je pense qu'on l'a souligné d'une façon particulière à l'intérieur de ça. C'est qu'il faut d'abord et avant tout qu'il y ait une volonté du milieu. C'est évident qu'en même temps il faut que cette volonté-là transpire, en

fait, ou oblige aussi les pouvoirs politiques à évoluer en même temps. Il y a une responsabilité à tous les paliers. Il faut essayer de trouver les solutions - il n'y a pas de solution miracle, comme je vous l'ai dit - en trouvant la meilleure approche où chacun va porter ses responsabilités, que ce soient les gouvernements national, régional, local.

Moi, je pense que c'est justement en développant des politiques qui vont être inci-tatrices à l'investissement, à chacun à apporter sa contribution. Je pense que c'est de cette façon-là et en ayant beaucoup de latitude, aussi, à l'intérieur de ça. Il ne faut pas tomber dans la standardisation. Je comprends que ce n'est pas facile, ce n'est pas facile pour l'État de faire ça, d'autant plus qu'on est allé un peu à l'encontre de ça au fil des années. Ce n'est pas facile, mais si on n'arrive pas à trouver justement des approches qui vont être dégagées, des approches qui vont avoir de la liberté, mais qui, en même temps, vont avoir un incitatif important, je ne pense pas qu'on réussisse. Je ne pense pas qu'on réussisse.

Deuxièmement, c'est une question, ça aussi, de développer à nouveau cette importance de la culture, l'importance de la présence de la culture dans toutes les décisions. Au cours des dernières décennies, on a tellement tout compartimenté, on a tellement tout aligné dans des colonnes, qu'on a énormément de difficultés à faire les relations qui doivent exister entre les différentes politiques, les différents secteurs, et ainsi de suite.

Moi, je pense que des groupes comme Solidarité rurale, des groupes comme l'exemple qu'on vous a donné - et on aurait pu en donner d'autres - doivent, comme une des premières missions, rappeler quotidiennement l'importance... C'est de même qu'on va redonner la place que doit occuper la culture. Il y a des municipalités qui investissent, mais c'est évident, beaucoup trop peu. Je pense, par exemple, qu'à La Baie on a investi - si je me trompe, vous me corrigerez... La municipalité a dû investir autour de 300 000 $, justement, pour ceux qui ont eu l'occasion de voir le spectacle qui a été organisé, mais c'est encore beaucoup trop peu. Il ne faudrait surtout pas que ça devienne un échappatoire pour un palier quelconque de gouvernement - et là, je ne vise pas un gouvernement en particulier... Il ne faudrait pas que l'implication d'un palier à un endroit, que ce soit au local ou au régional, devienne l'excuse pour un autre palier de ne pas investir.

Mme Frulla-Hébert: Je vous interromps sur ça parce que c'est ce qu'on a entendu beaucoup. C'est que plusieurs villes plus grosses ou municipalités plus grosses nous disaient: Oui, mais, nous, on investit beaucoup et les petites municipalités environnantes profitent de nos équipements, mais n'investissent pas. Maintenant, on peut comprendre que les gens... Il y a une capacité de payer en bout de ligne aussi, mais si on en fait un projet collectif, finalement, le moindre argent investi, c'est déjà ça de plus. C'est pour ça que là-dessus... On a eu de grandes remarques sur ce point-là.

M. Proulx: Cette question-là est excellente. Elle est excellente dans le sens que c'est toujours la même réaction. Je ne suis pas surpris qu'ils viennent vous dire ça. C'est le cercle vicieux, ça. Il n'y a qu'eux autres qui investissent, mais ils existent à cause de quoi? À cause qu'il y a une multitude de petites municipalités autour d'eux. C'est l'éternel recommencement, ça. C'est que tout le monde veut avoir son petit royaume. Moi, ma plus grosse municipalité, chez nous, dans ma MRC, c'est L'Or-Blanc, c'est Asbestos, 7000 à 8000 personnes, et qui dépérit continuellement. Pour elle, c'est naturel qu'elle ait tout, mais elle n'existe aujourd'hui qu'en fonction justement de ma municipalité, d'une multitude de petites municipalités autour. Et c'est cette mentalité qu'il faut changer, de vouloir tout le temps avoir un seul point, un seul point de rassemblement. Il va falloir décentraliser.

On parle de culture, on va parler de la culture et ça vaut pour le reste aussi, je l'ai dit. Tant qu'on n'aura pas, dans nos politiques, tant qu'on ne développera cette importance de décentraliser, il va toujours y avoir les petits royaumes qui vont vouloir s'établir un peu partout. Moi, quand je partais de chez nous pour aller voir un spectacle, avant que j'aie le P'tit Bonheur - je suis aussi bien de vous le dire, c'est ma municipalité, l'exemple, donc je suis un peu en conflit d'intérêts, mais en tout cas, c'est un peu normal; il faut se payer ça de temps en temps - où j'allais à Sherbrooke, je faisais 40 à 45 kilomètres. C'est des dépenses supplémentaires. Ça, jamais personne ne le souligne.

C'est pour ça qu'il faut trouver... La contribution, on l'apporte, et d'autant plus avec les nouvelles MRC, et ainsi de suite, les nouvelles formules. On la supporte amplement et on a toujours un supplément à payer autour de ça, chose que les villes oublient. Je ne dis pas qu'elles n'apportent pas une contribution, mais, si on faisait le calcul correctement et qu'on regardait l'ensemble globalement, ce que ça coûte, le rural apporte toujours largement sa contribution. Ce n'est pas parce que le conseil municipal a refusé une année de payer le partage en entier qu'il n'apporte pas sa contribution. (16 h 45)

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, quand vous pariez des petits royaumes comme ça qui se bâtissent... Effectivement, nous, dans nos demandes, chacun en bout de ligne, quand on calcule, veut avoir sa salle de spectacle, veut avoir son équipement, etc., puis souvent ce sont des muncipalités qui sont très, très près. Mais est-ce que par le biais, par exemple, des MRC - on

parle de structure; ce n'est pas une nouvelle structure, mais quand même un rôle qui pourrait peut-être être attribué aux MRC... Est-ce que cette concertation, parce que ça prend une concertation pour décider bon, eh bien, toi, tu fais ça, et on va dans notre milieu créer une dynamique... Est-ce que vous pensez que la MRC serait peut-être le meilleur palier avec lequel travailler?

M. Proulx: C'est évident. Oui, c'est évident. Pour ça comme pour beaucoup d'autres choses, je suis convaincu que la MRC, c'est vraiment l'endroit où on va être capable, à mon avis en tout cas, de créer ces consensus-là, de développer des choses. Quand je parle de décentraliser la culture, je ne veux pas qu'on tombe dans l'autre exagération de penser qu'on va amener l'Orchestre symphonique de Montréal chez nous, là. Ce n'est pas ça que je veux dire. Mais je dis oui à votre question. La MRC devrait être normalement l'endroit idéal, idéal pour justement élaborer autour de ça des projets, faire le partage à ce niveau-là, regarder justement pour que ça soit bien harmonisé, qu'il y ait vraiment une équité qui s'établisse entre tous, une accessibilité qui est bien partagée. C'est sûr que c'est le corps politique, à mon avis.

Je voudrais rajouter sur ça aussi - je l'ai dit tout à l'heure et je le répète - c'est toujours ma crainte qu'on fasse porter la facture à d'autres, qu'on tourne les moyens. À cause de ça, il va être important que chaque palier, tant provincial, que régional, que local, assume ses responsabilités dans ça. C'est en les assumant, justement, qu'on va se permettre d'investir davantage dans la culture.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous êtes d'accord, juste en terminant... Bon, on regarde l'évolution de la société par exemple. Vous dites qu'il est temps maintenant qu'on amène la culture comme étant un outil important au niveau du développement. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ça, c'est quand même un nouveau discours dans un sens où, pour nous autres, la culture, ça a beaucoup été culture et langue, protection de la langue, etc.? Maintenant, vous dites même dans votre mémoire, par exemple, quand on parle des arts, que de noyer la culture dans l'océan ethnologique, c'est condamner la campagne au folklore. Toute cette pensée-là, moi, ça m'encourage et ça m'enthousiasme parce qu'il me semble que c'est une prise de conscience, mais une belle évolution aussi comme société.

Le Président (M. Ooyon): Mme Rainville.

Mme Rainville (Marie-Anne): Oui, effectivement, c'est... J'aurais presque, Mme la ministre, si vous me permettez, envie de vous raconter un peu quand les débats ont commencé chez nous. D'abord, c'est très agréable de parler de la campagne québécoise, particulièrement parce qu'elle est fort riche au niveau du patrimoine. On a toujours tendance à en parler d'une façon ethnologique. D'ailleurs, je me rappelle, dans les travaux des états généraux, on s'amusait à dire que la campagne était juste bonne à nous offrir des bons scénarios de téléromans, parce que, au Québec, ça servait à ça, les campagnes.

Ça a été des discussions qui ont été très "questionnantes", si on regarde l'élaboration des travaux qui ont été faits dans le cadre de la préparation des états généraux. Je vous dirai même qu'à l'origine, lorsqu'on a envoyé... C'est d'abord la structure de l'UPA qui a commencé à travailler ces états généraux là. Il y avait donc tout un volet de questionnement sur la culture, au sens de la production artistique. Les gens étaient un peu surpris de devoir s'interroger là-dessus, mais plus ils s'interrogeaient et plus ils voyaient la culture comme un outil de leur propre développement, plus ils se voyaient aussi comme souffrant d'anémie culturelle. D'ailleurs, le rapport Arpin en fait la constatation de l'appauvrissement.

Effectivement, vous soulignez là un point important de l'évolution des mentalités. Cette évolution-là m'apparaît strictement liée à la réflexion, c'est-à-dire qu'inconsciemment on vit et la culture est souvent une activité inconsciente. Il a fallu possiblement que quelques personnes posent des questions pour que, finalement, on voie qu'on est autre chose qu'un réservoir de belles vieilles scènes pour nos téléromans, ou encore un lieu paisible où aller écrire des romans avant de venir les publier à Montréal.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, Mme Rainville. M. le Président, on ne peut pas faire abstraction du fait que vous êtes président de l'Union des producteurs agricoles. Je vous accueillerai par une boutade. Il y a quelques années, à titre de porte-parole de l'Opposition pour la culture, je m'étais présenté à la commission de l'agriculture et, devant mes collègues un peu médusés de me voir intervenir, je leur ai répondu qu'entre sillons et microsillons je ne voyais pas tellement de différence. Ha, ha, ha!

Je me demandais si quelqu'un viendrait à cette commission et parlerait de Saint-Camille comme tel et je vois que vous l'avez fait. Mais je vous dirai d'emblée que je souhaite vivement que les P'tit Bonheur se multiplient en région parce que c'est une institution, effectivement, créée par le milieu, une institution adaptée à ses besoins très spécifiques. Si on veut enrayer le déclin du monde rural qui est partie prenante de toute cette problématique du Québec cassé en deux, il nous faut aider justement les communautés locales à se donner les moyens d'agir.

Bref, je pense qu'il devrait y avoir un programme P'tit Bonheur dans l'énoncé de politique que l'on veut écrire.

Donc, cet exemple du P'tit Bonheur, c'est d'abord - je l'ai dit et vous l'avez dit aussi avec peut-être beaucoup plus d'éloquence que moi -l'initiative du milieu. Est-ce qu'on peut le multiplier, ce P'tit Bonheur, en offrant une modulation des programmes? Vous avez beaucoup insisté sur la rigidité des programmes, sur le traditionnel mur à mur qui nous a habités au Québec durant des années et un carcan, d'ailleurs, dont on commence à se défaire tranquillement mais assurément, je l'espère. Quelles sont, puisque vous en parlez, les difficultés pour les organismes culturels à rencontrer les normes et les critères d'admissibilité du ministère?

M. Proulx: Bon, à une partie de votre intervention, je vous dirai que je serais extrêmement malheureux si on multipliait les P'tit Bonheur, non pas parce que je veux qu'il soit unique parce que, justement, on tomberait encore une fois dans la facilité de la standardisation. Pour moi, il peut y avoir des P'tit Bonheur partout, mais qui respectent justement les identités locales, que les gens soient capables de se laisser aller librement à leur création. Alors, oui, une multitude d'initiatives locales... Mais avec ça, j'ai oublié votre principale question. Excusez-moi, M. le député.

M. Boulerice: Je vous parlais de la difficulté des organismes culturels à rencontrer...

M. Proulx: Oui, O. K.

M. Boulerice:... les normes et les critères d'admissibilité du ministère...

M. Proulx: Oui, c'est...

M. Boulerice:... ce mur à mur.

M. Proulx:... sûr qu'il y a énormément de difficultés, vous savez, et Marie-Anne pourra compléter peut-être sur ça. Mme Duval et tous ceux et celles qui travaillent avec elle seraient encore en meilleure posture que moi. C'est extrêmement difficile. Ça demande énormément de bénévolat parce que, justement, avant d'être le moindrement reconnu, il faut que tu produises, que tu produises et que tu reproduises encore et le plus possible avec des noms connus et reconnus. C'est évident. Que voulez-vous, les règles sont là. Il y a des exigences. Les montants d'argent sont de plus en plus rares et ce n'est pas facile.

Je dirai, encore une fois, que c'est à coups de bénévolat parce qu'on part de rien, on part de rien. C'est quelques personnes qui investissent et qui investissent dans une infrastructure au moins pour se protéger de la pluie, du soleil, de la neige et du froid. Ensuite, ça prend - je me répète, là - une volonté, une carapace à toute épreuve pour tout surmonter. Et c'est justement ça qui va être important.

Quand on parle de flexibilité, d'accessibilité et d'avoir beaucoup de latitude pour le faire, moi, je pense que si on veut que les projets, P'tit Bonheur et autres, se développent un peu partout, petits, moyens et gros, il va falloir vraiment remettre en question et à fond et il va falloir développer une politique qui va justement être adaptable à une multitude de situations et de milieux. Moi, je considère que le P'tit Bonheur a été chanceux d'avoir des personnes qui n'investissent pas des millions, mais quand même qui entretiennent, et même pas avec un intérêt de faire un jour un sou. Ce n'est pas possible partout. Je veux dire, il faut qu'il y ait des circonstances qui s'y prêtent, une multitude de facteurs qu'il faut qu'il arrive ensemble. Marie-Anne, peut-être...

Mme Rainville: Si vous me permettez, M. Boulerice, j'aimerais poursuivre en disant: Si je comprends bien la pensée des gens du P'tit Bonheur et d'autres organismes ou festivals ou activités culturelles tenus en région et en milieu rural, plus particulièrement, ce qui est le mur pour eux, c'est la machine administrative principalement de l'État québécois. C'est-à-dire que, par exemple - et je prendrai strictement un exemple dans le P'tit Bonheur - une partie de ces activités de type communautaire relèvent, lorsqu'on comprend la multitude des programmes du MLCP, de ce qu'on appelle les loisirs culturels alors qu'un autre de ces volets relève carrément du ministère des Affaires culturelles, et je dirais même qu'une troisième partie des activités du P'tit Bonheur - parce qu'ils ne sont pas ici représentés - relève du ministère du Tourisme. Alors, demander à de simples citoyens qui décident, dans un organisme à but non lucratif, d'investir leurs week-ends, de comprendre la machine, c'est impossible.

Alors, ces gens-là sont au départ désavantagés par des programmes mis en place parce qu'ils ne connaissent même pas leur existence. S'il faut se mettre à développer les organismes dans d'autres structures gouvernementales qui seraient là pour informer le simple citoyen où aller, on n'en finit plus. Ce rôle-là ne peut pas non plus être joué par des organismes comme Solidarité rurale parce que son mandat, c'est de supporter le développement. Ce n'est pas d'expliquer la machine.

Évidemment, devant votre question, je vous la retourne, c'est-à-dire qu'il faudrait trouver des mécanismes. C'est ça, quand on dit: Essayer de trouver des structures légères et compatibles. Il y a des projets comme le P'tit Bonheur qui ne pourront vivre que parce qu'on sera flexible et souple dans l'application des règles, entre autres, la règle d'un ministère pour un groupe de

citoyens. Enfin, elle existait quand je travaillais dans le loisir. Je ne sais pas si elle existe encore, mais lorsqu'un ministère vous a subventionnés, vous n'êtes plus éligibles... Possiblement qu'il faudrait, pour permettre un véritable développement rural qui soit basé sur le développement des différences, trouver des mécanismes souples, et on parle ici de sommes qui sont petites. Je finirai en disant, pour ce volet-là de ma réponse, que ce n'est pas non plus le rôle du député, me semble-t-il, dans chacun des comtés de faire de l'éducation à la machine bureaucratique du gouvernement, mais, bref, je vous renvoie un peu la balle au bond.

Ceci étant dit, il y a un autre... Ce qui peut être venu dans le cas du P'tit Bonheur - et je pense aussi à d'autres activités: le Festival de jazz de Rimouski, par exemple... Ce qui a souvent permis à ces projets de création et de diffusion artistiques de s'épanouir en milieu régional ou local, c'est la présence de ce que Joëlle appelle, dans son document, les néoruraux. L'expression nous a assez souri. Ce sont des milieux qui ont été capables de se marier entre eux; le mariage entre le rat des villes et le rat des champs. Les milieux ont été capables de s'accueillir et de jouer de compétences réciproques et ça, ça nous apparaît, à Solidarité rurale, quelque chose de fondamental quand on parle. Pour nous, c'est là que l'idée de développer aux villes des alternatives valables de vie que sont les villages n'est plus que des discours. C'est quand des gens choisissant de rester dans le même milieu de vie que peut être un village pourront, tout en ayant des provenances diverses, c'est-à-dire des provenances ethnologiques diverses, améliorer ensemble leur qualité de vie... Parce que les néo-ruraux sont souvent des citadins recyclés; ils apportent avec eux une culture et d'autres types de connaissances. De savoir qu'ils viennent supporter le milieu local et réciproquement...

Alors, ces jeux, c'est tout ça qui, aussi, fait le succès d'activités comme le festival international des films de Rouyn ou encore "La fabuleuse histoire d'un Royaume" ou encore, bon, le P'tit Bonheur.

M. Boulerice: Dans le rapport Arpin, il y a trois axiomes. Le premier dit: le rapatriement du Québec de tous les pouvoirs en matière de culture. Jeudi dernier, les Grands Ballets canadiens, tributaires de subventions fédérales, sont venus nous dire, par la voix de leur présidente du conseil d'administration et de leur directrice générale, toutes deux Québécoises et Québécoises anglophones, qu'ils étaient en faveur de ce rapatriement des pouvoirs du Québec en matière de culture. C'est également présent dans le rapport Arpin. Jeudi, la ministre ne l'a pas relevé - c'était quand même historique de l'entendre par la voix de ces deux personnes - mais si je vous pose la question: Cet axiome du rapport Arpin, qui est le rapatriement par le Québec de tous les pouvoirs dans le domaine de la culture, est-ce que c'est une chose que Solidarité rurale souhaite?

Mme Rainville: Nous... M. le Président...

M. Proulx: Oui, je commencerai en disant: Comme il n'y a qu'un pas entre l'agriculture et la culture, on va rester sur les mêmes positions que pour l'agriculture: On doit rapatrier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Rainville: Je poursuivrai moi aussi sur une boutade: Tant vaut le village, tant vaut le pays"; c'est le slogan de Solidarité rurale. Mais d'entrée de jeu, Solidarité rurale s'est dite en accord avec la totalité du rapport Arpin. Nous avons déposé un mémoire qui offrait quelques précisions sur ce que nous souhaiterions voir être véhiculé par le ministère quant à son intervention en milieux local et rural, mais nous adhérons à la grande vision du rapport Arpin. Évidemment, nous aurions espéré peut-être un tantinet plus d'imagination sur le développement local, mais nous avons fort bien compris aussi les réserves exprimées d'entrée de jeu dans le rapport Arpin, et nous avons fort bien saisi que les gens qui se sont attablés à ce travail ont décidé de le faire vite et bien, en pensant qu'il valait mieux en discuter maintenant que d'attendre six mois de plus, etc. Nous étions, à Solidarité rurale, et ce pour l'ensemble, je pense, de l'exécutif, fort sensibles à la fois à la totalité des recommandations et au contexte dans lequel les gens du rapport Arpin ont bien voulu travailler.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député, quelques mots de remerciement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Oui, très brièvement, vous avez parlé de l'importance du travail du Conseil régional de la culture de l'Estrie. J'aurais aimé entendre vos propos, mais c'est là, je crois, une structure souple qui permet au milieu de se concerter, de travailler et je pense que c'est probablement dans cet esprit que vous l'aviez évoqué. Pour vous saluer, je vais reprendre effectivement votre slogan: "Tant vaut le village, tant vaut le pays". Il ne faut pas oublier que nos racines urbaines sont très récentes, donc, je ne pense pas qu'on oublie le village bientôt. Du moins, si on devait l'oublier, ce serait perdre nos racines comme telles. Je vous remercie beaucoup, M. Proulx et Mme Rainville, d'être venus à cette commission.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: À mon tour de vous

remercier, M. Proulx, Mme Rainville, vous parlez à une néo-rurale aussi, de week-end. Alors, effectivement, on s'aperçoit et on sait toute l'importance au niveau des régions et au niveau aussi du climat que ça peut créer, là, toute cette activité, alors vous prêchez à une convaincue. Quant à la flexibilité des normes, ça, on en est très, très, très conscients. Vous parliez des différents ministères, nous on ne touche que le professionnel. Loisir, Chasse et Pêche touche l'amateur. C'est réparti aussi dans d'autres ministères, ce qui fait que - et vous avez raison - ça prend une journée pour comprendre comment ça fonctionne, et encore. C'est là-dessus qu'on veut s'attarder vraiment pour essayer d'apporter un peu de fraîcheur à tout ça, puis un peu de flexibilité. Alors, sincèrement, merci beaucoup beaucoup.

M. Proulx: Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste, M. Proulx, Mme Rainville, au nom de la commission, à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous entretenir aujourd'hui. Merci beaucoup. Maintenant que nous avons terminé notre rencontre avec Solidarité rurale, nous avons le plaisir de recevoir la Centaur Theater Company. Je les invite à bien vouloir s'avancer et prendre place en avant. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que nous allons les entendre. Suspension d'une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 6)

Centaur Theater Company

Le Président (M. Doyon): Bienvenue aux représentants de la Centaur Theater Company. Je pense que M. Goldbloom est absent, d'après ce qu'on me dit. Donc, je souhaite la bienvenue à M. Podbrey et à M. Lafrenière. Je leur dis que nos règles sont très simples: de 10 à 15 minutes de présentation et après ça, environ une demi-heure de discussion avec les membres de la commission. Vous avez la parole. Si vous voulez bien vous identifier pour les fins du Journal des débats.

M. Lafrenière (Rémi): Certainement. Merci, M. le Président. Je suis Rémi Lafrenière, président du conseil d'administration du théâtre Centaur. J'ai avec moi notre directeur artistique, M. Maurice Podbrey. Notre collègue au conseil d'administration, M. Jonathan Goldbloom, a dû s'absenter et il me demande de l'excuser auprès de vous.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les bienvenus.

M. Lafrenière (Rémi): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs du comité, je vais me permettre, si vous le voulez bien, de vous parler un peu du théâtre Centaur, à la suite de quoi notre directeur artistique, M. Podbrey, vous parlera plus spécifiquement du rapport Arpin.

Situé dans l'ancien édifice de la Bourse dans le Vieux-Montréal, le théâtre Centaur existe depuis maintenant 23 ans. Nous avons deux salles de spectacle où nous présentons sept pièces par saison. Le Centaur compte un public régulier d'environ 12 000 spectateurs par pièce dont 7500 sont des abonnés.

Notre mandat accorde la priorité à la création d'oeuvres nouvelles et plus de la moitié de notre programme saisonnier est constitué de pièces canadiennes, québécoises ou originales. Le Centaur loue ses installations à d'autres groupes des arts d'interprétation et, bien que cette activité ait été partiellement subventionnée par le Secrétariat d'État, le Centaur supporte la majeure partie de ces coûts à même son propre budget.

Le Centaur est le principal théâtre anglophone de Montréal et, en tant que tel, il doit répondre à un large éventail de besoins et d'exigences. Son budget d'exploitation se chiffre à environ 2 500 000 $ provenant des sources suivantes: recettes, 42 %; location de salles, 5 %; subvention du gouvernement du Canada, 14 %; subvention du gouvernement du Québec, 11 %; subvention du conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, 5 %; levées de fonds, 16 % et autres, 7 %.

Les artistes qui travaillent au théâtre Centaur viennent surtout de Montréal, mais nous sommes souvent obligés, évidemment, d'embaucher des comédiens de Toronto et d'ailleurs. Les artistes francophones participent souvent à nos productions à titre de metteurs en scène, de scénographes et de comédiens. L'an dernier, la distribution de la pièce sur René Lévesque, qui, soit dit en passant, nous a valu l'honneur d'être chahutés en pleine salle, en soirée de première, par le critique du Devoir, comptait six comédiens francophones.

En janvier prochain, nous reprendrons la pièce "Balconville", première oeuvre dramatique montréalaise bilingue du Québécois David Fen-nario. À la fin de la saison, une distribution québécoise - c'est un détail que je tiens à souligner car il est très important, M. le Président - de neuf comédiens bilingues interprétera une oeuvre du dramaturge espagnol, Arrabal, en versions anglaise et française au Centaur, puis au Festival d'Avignon et à l'Exposition internationale de Seville, en Espagne. Il s'agira d'une coproduction entre le Centaur et le Théâtre du Chêne noir d'Avignon, qui sera subventionnée par le gouvernement du Québec et - je me permets ici de corriger notre mémoire - ce n'est pas le gouvernement du Canada, mais le gouvernement

de la France qui subventionne avec le gouvernement du Québec. Nous réalisons souvent des tournées de nos pièces à travers le Canada et nous montons également des coproductions avec d'autres théâtres régionaux.

Le Centaur est, à l'évidence, un élément vital et essentiel de la scène culturelle de Montréal. Nous investissons beaucoup d'énergie dans diverses formes de recherche et de développement. Nous parrainons des oeuvres originales et nous avons toujours un dramaturge en résidence, représentant de nombreux groupes ethniques, que ce soit les communautés grecque, italienne, juive, noire et même, à l'occasion, si vous me le permettez, Wasp.

Au cours des trois dernières saisons, nous avons été aux prises avec un certain nombre de problèmes financiers qui découlent de la réduction du soutien gouvernemental et du fait que nos salles sont trop petites pour nous assurer les revenus dont nous avons besoin et ce, en dépit du fait que nous menions de très énergiques campagnes de financement. Le Centaur rejoint chaque année 90 000 spectateurs, l'un des auditoires les plus nombreux au Québec, mais malheureusement le financement que nous recevons du gouvernement provincial ne reflète pas cette réalité.

On croit à tort, à Montréal, que les groupes anglophones, et le Centaur en particulier, ont aisément accès au soutien financier des particuliers et des entreprises anglophones. Ce n'est tout simplement pas le cas. Nous devons travailler très fort pour lever les fonds nécessaires - en fait, les dons d'entreprises s'établissent en moyenne à 300 $ - et cette année nous devrons tripler, je répète, tripler, nos objectifs de levée de fonds. Mais le Centaur n'est pas la seule institution culturelle à connaître des difficultés et nous sommes déterminés à surmonter les problèmes auxquels nous faisons face actuellement.

Je me permets d'ajouter ici un détail qui n'est pas dans notre mémoire. C'est que sur cette question de levée de fonds dans le secteur privé, c'est devenu, à toutes fins pratiques, une discipline presque à elle seule, où il nous faut aller chercher de l'expertise un peu spéciale, et c'est ce que nous avons déjà mis en place chez nous. Je souligne ce fait simplement pour vous démontrer notre sérieux dans ce domaine.

Donc, sur cette toile de fond, Mme la ministre, MM. les membres du comité, je demanderais à mon collègue, M. Podbrey, de nous parler maintenant spécifiquement du rapport Arpin. Merci.

M. Podbrey (Maurice): Regarding the Arpin Report specifically, you have had many submissions over the past few weeks, and so we would prefer our approach to be more personal and reflective than dealing on matters that have already been covered by other groups. The

i

Québec Drama Federation, of which we are a member, submitted to you on September 17 and it covered a great deal of the Report. We are a member of that organization and we fully support its submission to you, so I do not simply want to go over all those points again.

I want to say, however, that my first response to the Arpin Report was one of some astonishment at seeing such a wholesale commitment to the importance of culture. It is rare indeed that one finds this recognition of the profound interdependence of the arts to the health and maturity of its citizens. Québec already has over the past two decades demonstrated a tremendous cultural vitality, especially in the field of the performing arts, but all this can evaporate as quickly as it arrived if we are not supportive and sensitive to its ongoing needs. The initiatives mentioned in the Report, especially in education, touring and in guaranteed long-term funding, are greatly to be applauded.

In a Globe and Mail interview recently, Mr. Arpin is reported as saying that he is not essentially against the principle of arm's length funding. He did say, however: "I do not think that the artists who criticize government intervention really understand the role of a minister in a parliamentary system. The Minister cannot simply give money to the artists and then walk away. This is public money and it must be accounted for." He said also: "Even if we bring in arm's length organizations, it is still in the end the Minister's responsibility to decide that the money has been well spent."

This touches the main issue that concerns many individual artists and cultural organizations. The Government of Québec compares well with other governments. Its record is overall a good and a strong one in support of the arts. But how do we persuade governments and bureaucracies generally that, while they do provide the means, they should content themselves to be more like parents whose pleasure it is to step back and watch with pride as the youth finds its own strong place in the world? Programmes cannot create talent. They can only seed it and nurture it. (17 h 15)

I suppose what it comes down to in the end, finally, is whether or not one believes in the arts, period. I was Chairman of the Professional Association of Canadian Theatres, an organization of over 100 Anglophone members across the country. I was the Chairman for four years and I had many occasions to meet with the Federal Ministers of Culture, State or Communications as they are now called. With everyone in turn, we had to confront this problem of communicating the nature of this particular sensitivity to them. They did not come to their job prepared or equipped with that degree of sensitivity we found. To most, it was a political

game. Money spent must equal political advantage. In fact, sadly, over the past 10 years, there has been a steady political encroachment in Ottawa on the powers and resources of the Canada Council. Artists are notoriously individualistic and I suspect they will always react negatively to either political dictate or overgrown or overcentralized bureaucracy.

I remember very well, after the first election of the Parti Québécois in 1976, how the 10 institutional organizations in the Province would gather together at the Place des Arts for monthly meetings to review the policy of the Government, to establish priorities, priorities which touched on democratization of the arts, touring, the development of artists, of writing talent. It was not, to my mind, a tremendously radical programme and I, in fact... We, at Centaur, were under the impression that we were doing just that. But I was amazed, at the time, at the hostility that these representatives of the Government then ran into with these heads of the institutional theatres, these heads who were in vanguard of the nationalist movement and you would think would embrace wholeheartedly a social and artistic policy derived from Government. The opposite was the case. I was astonished at the language which made me blush as an Anglophone and to sit there and hear some of the words that were used in that encounter. These meetings did not continue for many months, I must hasten to add. I was very sorry for that but to me, it was an example of this incredible sensitivity that exists in this area.

Centralization of financial control is also a very unhappy prospect and I am not saying this because I particularly fear the Government of Québec. Over our 23 years, we have had problems and misunderstandings with all levels of government at one time or another and we are certainly not alone in this. I remember the events around the TNM, le Théâtre du Nouveau Monde, with "Les fées ont soif - I remember that very clearly - how the City of Montréal decided to demand that they have the scripts in advance, etc. We have been able, at times like this, to find alternative allies and alternative funding to keep our projects alive and our artistic policies intact. In fact, we have become experts at what we call grantsmanship, seeking out non traditional sources of funding, and often this has made the difference between success and failure.

This concern with centralization exists for us not only on the political and funding level but also on the level of the union organization and representation. To the Status of the Artist Legislation, the Anglophone community is very much at risk. Every three years, the tribunal decides who are the negotiating parties for a whole sector of industry and, at any moment, we could find ourselves within the embrace of the Union des artistes. It would be, on the practical level, an extremely difficult situation for us to find ourselves in, but again, it is an example of the centralization that we fear.

I would like to make a special point of the seeming absence in the Arpin Report of built-in recognition and support to minority language groups in Québec. We, as fringe elements to the society, need particular consideration as it is more difficult for us to access the centres of decision making and policy planning. Anglophones do not share that grapevine. Is there a word equivalent for grapevine where the news trickles down not in a conventional sense, but in an unconventional sense? It trickles down and it makes all the difference, sometimes, between getting a grant and not getting a grant, and knowing what is happening and not knowing what is happening. It is very hard to get these ambiguities that make a big difference. These things can often make a big difference and I hope that this will be kept in mind.

We do get some help, of course, on the provincial level. It is a very, very important matter for us because it is very easy to feel isolated from that process. Finally, I would like to thank you very much for this opportunity and make sure you come and see "Balconville" which runs through the month of January at the Centaur. Thank you very much.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Madame, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: M. Lafrenière, merci et bienvenue. Thank you, Mr. Podbrey. J'aurais quelques questions, dont une qui m'a frappée. Quand on parie finalement de l'aide gouvernemental... You were talking about governmental help. Of course, I am looking at what we were giving last year and this year. We are talking about $ 230 000 last year, $ 240 000 this year, which is about 10 % of all activities. You know, for companies that are well structured and doing well, it is within the norms; it is the same as other companies, should they be French or English. The thing is the Federal Government diminished its subvention by 20 000 $. We keep saying that while we try to raise ours, if they diminish theirs, there will always be a gap because it is very, very hard for us to compensate the diminution and in some cases, it was done - we had a case last week - without notice. So that is the incredible, I would say, lack of coordination of this system.

In the same order of ideas, you are saying that we might as well keep those different levels because we need those different levels. There was another concept saying: If everything is centralized, why not have one roof but different doors, a little bit like la Caisse de dépôt. M. Béland was saying that before you had the

Caisse de dépôt, "les entreprises" were saying that it was better knocking at a few doors just in case, and people were afraid. But now, what happens is you have one centralized place, but different doors to knock on, not only one, to avoid this overcentralization. I would like you - M. Lafrenière aussi - to sort of elaborate on that.

M. Podbrey: I recognize the fact that we have had percentage increases from Québec which have been consistent and very helpful. We started, however, very late on this ladder. Of the 10 institutional theatres that exist, we are probably number 7 or number 8. Whereas, I think, in terms of our work, our productivity, our prominence, we are probably number 2, I would think. That is my argument, not that you have not supported us. In fact, I have been very, very happy to be able to quote that right throughout, for the last 15 years, there has been a regular, steady increase from Québec.

Mme Frulla-Hébert: But what I am saying is that it is still... You see, it is the system. What we are saying is the system does not work in a way that if one gives, the other takes away. If there is duplication, then it is very hard to plan, also it is very hard to help different companies equally and those that are rising too.

M. Podbrey: The trouble is who is to say who is going to be taking away next year. This year, it is the Federal Government that is taking away. Thank God we can go to another source and supplement our income that way. If the Federal Government was the only authority at the moment, we would be in real problems.

Mme Frulla-Hébert: But would you not be... But then again - et ça, là-dessus aussi, M. Lafrenière - would you not be more at ease in a way? We know that we have our problems within, I would say, not the admission, but "l'accueil" of Anglophones because we are lacking Anglophone, English-speaking people within the Ministry, we know that. But, then again, knowing what we lack, and knowing what we need, would you not be more comfortable having one centralized place with, like I said, different doors to knock on, but without saying: Well, O. K. now we have one from one level of government, now we are expecting the other one. We do not know what the other one is going to do. They have another vision, it is not a lack of understanding or a lack of will, it is only that they have their priorities, and they are Canadian. It is normal. We have ours which are Québec priorities and sometimes they are in conflict.

M. Lafrenière (Rémi): Bien, d'abord, en ce qui concerne le montant de la subvention du

Conseil canadien, qui a été diminué de 20 000 $, on est présentement en train d'essayer de convaincre le Conseil de reprendre sa décision. Et on va interjeter un système d'appel.

Je comprends très bien ce que vous dites, madame, au sujet d'un toit et différentes portes. Je suppose qu'aujourd'hui on a, effectivement, les différentes portes, parce qu'on peut cogner à plusieurs portes. Je suppose, et je pense que je suis d'accord avec mon collègue, M. Podbrey, qu'on est toujours peut-être un peu inquiet, comme vous l'avez souligné, madame, de l'accueil qui se ferait. Et on se sent peut-être plus à l'aise avec les multiples portes qu'on a présentement.

Mme Frulla-Hébert: Si, bon, encore une fois... Par exemple, si vous parlez des besoins des artistes anglophones, je sais que dans le rapport Arpin on n'a pas voulu créer différents secteurs, pas secteurs mais des espèces de ghettos, en disant: Bon, ça, c'est les anglophones, ça, c'est les communautés culturelles, puis ça, c'est les francophones. Tout simplement on dit, dans le fond, que l'art n'a pas de langue. On est artiste, on est créateur, bon, quelle que soit la langue, et les mesures s'appliquent.

Alors, pour pallier vraiment les besoins des artistes anglophones, si on regarde, quelles sont les mesures les plus urgentes, selon vous, à mettre en place pour combler les besoins?

M. Lafrenière (Rémi): Vous parlez, madame, des besoins des artistes anglophones qui se produisent au Québec?

Mme Frulla-Hébert: Oui, en général, et ce, basé sur votre expérience. If we are talking about Anglophone artists, then what would be... If we said: We need priorities, we do not want to have ghettos, but we do need priorities, and we know we have things to change - we would not be here if everything was perfect - what would be the first priorities, if you wish, so that the artists and the artists companies feel very at ease coming and knocking on our door?

M. Podbrey: I think that one of the things that would help is a theatre officer in Montréal regularly present and available to us. It is not easy, that, and we have found difficulty over the months and over the years to get access to the theatre officer. I think the theatre officer is probably under great stress and great demands, but it is very difficult if one cannot see one's own theatre officer. I have not seen mine for over a year now and it does not make life easy on the ground. That would be very helpful, if we could have somebody with a special awareness of our needs. (17 h 30)

The other thing that I know the Anglophone community needs desperately is an attention

to some capital investments. We are the only theater, on the English side, that have our own home. The other groups are itinerant. There are a couple of others now that are beginning to find a place, but this is a great need. It is very hard to establish any identity in the public mind if you cannot play in the same place twice in a row. Everybody else, you know, they are like gypsies, and that would be a great help if some money could be put there. It is a great need for Anglophones. I think those two things would be most helpful.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. M. Lafrenière, M. Podbrey, merci de votre participation. Once, Sir Winston Churchill said: "Beware, I will speak French". I might reverse the sentence and say: Beware, I will speak English.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: Mr. Podbrey, as I was mentioning to you almost seven years ago, so the very first day I was appointed shadow cabinet Minister for Cultural Affairs, the first invitation to a premiere came from your theatre, and are still coming from your theatre. I am very grateful to you.

M. Podbrey: Have you been there? That is the...

M. Boulerice: Yes! I can name you the plays.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: Except that I do not shout. I do applaud. I do agree with my colleague that we should not create a ghetto, but to my standard, there is one statement that must be done immediately which is... Well, the rapport Arpin writing is very short.

M. Podbrey: The what, Sir?

M. Boulerice: Very short on regions, the other parts of Québec.

M. Podbrey: Ah! The Arpin report.

M. Boulerice: Yes. There is an insistance, of course, on Montréal, so it has provoked a kind of bashing on Montrealers. At a certain point, sometimes, you say: Well, I am from Montréal and I am sorry. But there is one thing that we have to regard when we look at Montréal, Montréal is the principal centre for cultural creativity, if I can use that word, for the

Québec Anglophone community. This has to be stated in the policy, to my standards. As I have always said, Betty Goodwin and Leonard Cohen are part of my culture, even if they are expressing in a language that is different from mine.

To go on with the questioning, on page 1, right at the very beginning, you said: "Nous sommes souvent obligés d'embaucher des comédiens de Toronto et d'ailleurs. " Does that mean, Mr. Podbrey, that it is because you want new figures or is it a remark about our schools that are not producing enough English-speaking young actors and actresses?

M. Podbrey: No. In fact, the schools are doing a very good job. We have, in Montréal, the cégeps, three cégeps, we have the two universities, we have the National Theatre School, and then, we have the francophone institutions of which many of the young performers would like to work in English as well and are fully bilingual. So the young talent is really incredible, it matches anywhere, of course, and they are marvellous. The problem is that once they get to the age of about 35, they want to have a family, children and have a home of their own, and it becomes very difficult for them to sustain that standard of living in Montréal.

The Francophone artists have a whole subactivity of television, radio, etc., which anglophone artists do not have. So, once you want to rise above 7000 $, 8000 $ a year, in revenue, from your chosen profession, you are often forced to leave Montréal, and that is the sad fact.

M. Lafrenière (Rémi): II s'agirait, si vous permettez...

Une voix: Je vous en prie, M. Lafrenière.

M. Lafrenière (Rémi):... M. le député, de souligner le cas de Ron Lea, qui est un Montréalais, un anglophone, un superbe comédien qu'on retrouve chez nous souvent, mais qui doit aller à Toronto pour être capable justement de subvenir à ses besoins financiers parce qu'il n'y en a pas tout à fait assez pour un artiste anglophone comme lui à Montréal. Alors, c'est le problème auquel on fait face et c'est la raison qui nous a portés à faire ce commentaire dans notre mémoire.

M. Boulerice: On page 4, you seem very critical regarding the political interference by the Federal Minister of Communications in terms of help to cultures and also powers and resources of the Art Council. I would like to hear a little bit more about that because many many groups that came here talked to us about the Canadian Art Council as being the best - I use the word - Incarnation of the arm's lenght principle.

M. Podbrey: Yes.

M. Boulerice: It was almost Almighty God.

M. Podbrey: Right! In fact it was founded on the example of the conseil des arts in Montréal, which Jean Drapeau had started. He was the one who gave them the example of what a conseil des arts was all about. But what I am referring to here is really that for the past 10, 15 years, the Ministers of State in Ottawa have more and more appropriated programmes to themselves from the Canada Council. They have created programmes where they have been able to fund artists directly and circumvent the Canada Council. The Canada Council has had a diminishing responsibility. Also, the grants have been diminished in real terms and it has become very frustrating.

The activity within the Council is in fact a very fine one. They have established a very good model of artist collaboration, artist presence, peer group juries. Sometimes, one thinks, they carry this democracy almost too far because it can get expensive too. But, in fact, it has the support and confidence, as much as anybody can, of artists across the country. So, it has done actually a good body of work. Now, what I mean is that the Federal Ministers have been practicing political intervention now for quite a time, for about 15 years, as a deliberate policy and they have just taken over and created programmes and so on. That is what I mean.

M. Boulerice: Did you observe the same here?

M. Podbrey: No, I have not, actually. It so has always been much as when I started. The Minister dispersed the funds very directly. It has always been, I would not say a political situation, but we have not had the juries, etc., that we have had in Ottawa. No, the policy here has been fairly consistent. There has been, I feel, sort of a good reception. People have listened to us. We have been able to make our case. The trouble is that it would be sometimes good to go and speak to artists or ex-artists or professionals. One may reach a greater depth of understanding about what one is trying to do, but I cannot complain with the record in Québec. It has been a fair one, I think.

M. Boulerice: Is that experience conducting you to have those kinds of fears when you read the Arpin proposal on the new Québec Ministry of Culture, because you seem to have a few fears?

M. Podbrey: Well, I am just afraid of any concentration, if that means there is going to be one source only for all our funding. That is what concerns me because, as I say, we have had problems over the years with all levels of funding and, thank God, we have been able to go to somebody else when we have had that problem. I mean, who is to say, in five years time we might run into a major problem in Québec. It would then be our one source of funding. What do we do then? I dare say we would survive, but I am just saying that the current system has served us fairly well. Although, I must also say that it does create a great deal of bureaucracy. We figured out the other day that our controller spends two months of every year filling out forms. That is all she does: filling out application forms. Two months in every year of her time is spent doing just that. So, the bureaucracy is now very great, something we do not appreciate. And I would like to see more forms correspond with each other, and so that could be cut down.

Sorry, I know what you are saying, and I do not want to make this Québec bashing, because I do not feel that at all. I feel we have had a good home here. I would just be nervous if any one body took onto themselves the total funding. It would scare me, especially today when we are feeling very, very fragile. We are holding on, everybody is holding on like this right now and I think that will continue for another six, seven years.

M. Boulerice: Yes. Two more questions. If I cut short what you are saying, Mr. Podbrey, are you telling us: Create an art council, a Québec one, to make the bureaucracy a little softer, but do not play tricky with programmes that you will develop and circle around the Québec art council that you might create?

M. Podbrey: I am sorry. I am not fully understanding you.

M. Boulerice: O. K. You said that you had fears about bureaucracy...

M. Podbrey: Yes.

M. Boulerice:... in the terms of the Arpin proposal for the new Ministry. And my question is: If we look at the Ottawa experience you just exposed, are you telling us: Create your ministry of culture if you want, but use a real arm's lenght, do not play tricky as they did by circling around the Canadian Art Council and creating their own programmes as you exposed a few minutes ago?

M. Podrey: I think there is a tremendous amount of work in the Arpin report that would be marvellous. I think it would occupy any government for the next decade without getting into the full problem of a superministry. There is enough work there to be done. I think it is tremendous, the amount of attention paid to...

Even education alone would be marvellous. I do not see that you have to create an exclusive and total centralization to do that amount of work. I just do not see that it is necessary to do that.

M. Boulerice: In terms of financing, and I guess that probably Mr. Lafrenière will want to answer it, it is about the matching grant. How is it for you?

M. Podbrey: It is a pain in the "arts", you know. Sorry, it is a bad pun in English.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: It probably would not improve in French.

M. Podbrey: Matching grants are very difficult for us. It is always a problem. It takes sometimes a year and a half to get an okay from one level of government, by which time the other application that is going in the other direction to another level has come and gone and is being reconsidered to match these things together. To pull them off together at the same time takes a massive, a massive degree of work over a period of time. I never understood why grants had to be matching. Maybe, it was a matter of pride: I will give only if you give. If we could avoid that and just be concerned with what we are giving for and make sure we are giving to the right cause and so on, it would make our lives a lot easier, if we did not get into this principle of matching grants.

M. Boulerice: As I used to say: Let us be creators, not beggars.

M. Podbrey: Yes, yes.

M. Lafrenière (Rémi): Si vous le permettez, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que les gens du conseil du Maurier ont dit à ce sujet-là et je pense que je serais certainement d'accord avec ce qu'ils ont dit. C'est très difficile et on dirait qu'on perd beaucoup de vapeur à aller essayer de chercher le "matching grant" quand on devrait peut-être s'exercer dans d'autres sens.

M. Boulerice: Well, the Chairman tells me that it is time to say good-bye, at least, until January the 7th. By the way, you are probably aware that the Festival d'Avignon is questioned right now in terms...

M. Podbrey: Which festival?

M. Boulerice: Festival d'Avignon. Many people question the Festival d'Avignon in terms of creativity. It has become a big institution and all that stuff. But I have been a fan of the Festival d'Avignon for years and I do believe it is a great place. It is fun. Everytime there was a Québec theatre company, the success came on us and I am sure that is what will happen with your group going to Avignon. So, I will not say the word, I will just say "le mot de Cambron-ne"...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice:... and I will probably see you also in Avignon.

M. Podbrey: Great!

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Il en va de même pour moi, M. Podbrey et M. Lafrenière. What we are trying to do, now, is, like I said, bring changes. Changes is the way we function. It is interesting to say because there were a lot of discussions on the Conseil des arts versus what we are doing. I just want to bring a precision. We work with the same system, in a way, that there are juries, but within the Ministry, for different grants, there are juries by peers. As far as companies and whatever, then it is different, because it is true, it is more administrative. So, you know, with the industry, it is more a personal approach in a way that if one has trouble, then you have to be, I think, more sensitive and closer to your milieu.

But we will have to look into it, le Conseil des arts versus the way we function. But you sort of brought another point of view, which is very interesting too. Thank you very, very much.

M. Lafrenière (Rémi): Merci.

M. Podbrey: Thank you very much.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention. Je vais maitenant demander au groupe suivant de bien vouloir venir prendre place, soit M. Jean-Paul Thomin et Mme Suzanne Chassé, et je vais suspendre les travaux pour une minute, à la demande de mon collègue et ami, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

(Reprise à 17 h 51)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. Nous allons maintenant entendre les représentants Thomin, Jean-Paul et Chassé, Suzanne. Vous pouvez maintenant commencer votre présentation sans plus attendre. Vous avez la

parole.

M. Jean-Paul Thomin et Mme Suzanne Chassé

M. Thomin (Jean-Paul): Merci. Nous voudrions d'abord vous remercier de nous recevoir, Mme la ministre, MM. les députés. Notre mémoire porte sur le soutien des institutions muséales régionales au Québec. Alors, nous l'avons intitulé, évidemment, "Un levier essentiel pour la démocratisation de la culture" pour une raison précise, c'est que les petites et moyennes institutions et, donc, très particulièrement en région, représentent un processus particulièrement pertinent d'appropriation par la population des institutions culturelles qui sont, à ce niveau-ci, le musée ou le centre patrimonial, d'abord, parce que le musée local représente les valeurs de la communauté et sait aussi représenter les aspirations, refléter le dynamisme local. En fait, il constitue une espèce de vitrine du développement de la vitalité, des valeurs aussi d'une communauté, pas seulement sur le plan culturel, mais d'abord et surtout sur le plan économique et social, parce qu'on s'identifie à l'institution, parce qu'on l'identifie aussi à sa propre vie, à ce que, culturellement, on vit à tous les jours. On est capable de la soutenir, de l'appuyer. Et, comme on pourra le voir plus tard avec Mme Chassé, la petite et moyenne institution en région réussit quand même remarquablement bien, a un très bon niveau de performance. Et elle le fait parce qu'elle est intégrée à sa région.

Évidemment, il y a des problèmes. Il y a un problème d'épuisement de personnel. D'autres mémoires l'ont sans doute souligné, j'imagine. Au niveau de la Société des musées québécois, par exemple, il y a des problèmes aussi au niveau de la diffusion: beaucoup de difficultés à tenir des activités de diffusion, des problèmes évidemment aussi de recherche de commandite parce que, puisqu'on manque de personnel, on a évidemment assez de difficultés. C'est une chose, je pense, que le rapport Samson-Bélair avait déjà soulignée. Aller chercher des commandites, ça prend beaucoup de temps, donc, de l'argent aussi. Mais au moins, malgré ça, les institutions fonctionnent assez bien. Ça nous amène un peu une sorte de paradoxe qui, en lui-même, est une espèce de corollaire au mémoire. Le paradoxe, c'est que le musée, traditionnellement, véhicule, si on veut, d'une façon générale, une image assez froide, un élément qu'on pourrait dire, peut-être, un peu aristocratique de la culture, alors qu'en région il s'est particulièrement rapproché de sa population pour pouvoir survivre.

Et le corollaire, c'est qu'au niveau de ce qu'on considère comme une culture accessible on a souvent affaire à ce qu'on pourrait appeller "les producteurs ou les acteurs de la culture". Même ici, je pense, au niveau des mémoires, pour autant que moi, j'aie pu les suivre, on a rarement entendu parler, sauf peut-être dans le mémoire des évêques du Québec, de la population comme telle qui, pourtant, est le moteur, l'âme de n'importe quel paysage culturel, parce que c'est elle qui fait vivre la culture. On a souvent tendance à la considérer comme un consommateur, c'est-à-dire qu'il y a, d'un côté, les producteurs, de l'autre côté, les consommateurs. Et ce que le musée en région est en train de réussir à faire, c'est de considérer le visiteur comme un acteur à temps plein de la culture, parce que ce visiteur-là, justement, pour entrer dans le musée, est amené à se l'approprier.

Je pense que le phénomène est peut-être pertinent parce que autant le rapport Coupet que le rapport Arpin ont identifié ou ont semblé identifier ce qu'ils appelaient "un Québec à deux vitesses", c'est-à-dire 40 % de la population qui consomme de la culture; 60 % qui consomme de la culture, mais on va dire de la télévision. Et c'est certain qu'une politique culturelle, quelle qu'elle soit, se doit d'impliquer la population comme telle comme acteur. Ce n'est peut-être pas un scheme qu'on est habitué à envisager encore dans le monde de la culture, par contre.

Donc, au niveau du développement des institutions en région, on remarque aussi un certain nombre de phénomènes qui sont tout à fait parallèles à ça et qui montrent bien, je pense, le processus actuel. Mme Chassé peut en parler un peu, je pense.

Mme Chassé (Suzanne): Alors, comme de plus en plus on tente d'essayer d'avoir des equipments culturels en région, les intervenants qui, eux, ne sont pas nécessairement des intervenants culturels, se retournent vers différentes sources pour aller chercher du financement au niveau des immobilisations. On retourne donc vers des ministères qui, au premier abord, sont prêts à donner des montants d'argent. Alors, on s'est rendu compte, dans certaines études qu'on a réalisées dernièrement, qu'en région, pour ce qui est des institutions muséales, les principaux intervenants ne sont pas des intervenants qui, à la base, sont des ministères reliés à la culture. On remarque, entre autres, tant au niveau du provincial que du fédéral, des ministères comme l'OPDQ et le MIST qui ont financé des équipements culturels en région.

Si on prend seulement l'exemple de l'Est du Québec, on s'aperçoit que ces deux ministères ensemble ont investi, dans les dernières années, près de 8 500 000 $ dans des institutions culturelles. Ça, c'est au niveau des immobilisations, lorsqu'on regarde aussi d'autres ministères, tels que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui a aussi investi dans certains autres musées, les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Technologie, qui financent des expositions qui ont un rapport avec une thématique scientifique, Emploi et Immigration fédéral qui finance la formation et le personnel des institutions muséales, en région, et on pourrait

continuer, disons, au niveau d'autres ministères, comme ça.

Les municipalités régionales de comté aussi commencent à s'intéresser. J'écoutais, tout à l'heure, pas le précédent mémoire, mais celui qui a précédé... Il y a donc de plus en plus une conscience de certaines MRC qui commencent à vouloir des équipements culturels en région. Et lorsque c'est près d'elles, elles sont prêtes à avancer des montants d'argent pour faire soit des études ou y aller un petit peu plus tard au niveau des immobilisations.

Donc, on s'aperçoit que la demande a changé. Ceux qui veulent des équipements culturels sont souvent des intervenants qui ont un rapport avec la culture, mais ce n'est pas leur priorité, ce n'est pas leur premier choix. Et comme ces gens-là, on l'a dit tout à l'heure, sont représentatifs de la population, donc il y en a 60 % parmi eux qui, souvent, ne consomment pas de produit culturel autre que la télévision, alors, pour eux, c'est normal de s'en aller vers ces autres sources de financement.

Quand on s'adresse aux autres paliers, aux autres ministères, le langage qu'on doit tenir n'est pas le même, parce que lorsqu'on parle à des ministères à vocation culturelle, évidemment, il y a des normes culturelles à respecter. Le mot "musée" est défini, les mots "centre d'interprétation" sont définis et ça reste près d'une forme de culture où c'est davantage associé souvent à l'art. Tandis que, quand on s'adresse à des ministères économiques, on parle davantage de clientèles. On s'adresse davantage aux visiteurs qui vont venir dans les institutions culturelles. Et je pense que, de plus en plus, ces institutions-là conviennent mieux aux besoins des clientèles.

À travers différents groupes de discussion et des enquêtes qu'on a réalisées au cours des dernières années, on s'est aperçu que le Québécois, c'est en vacances qu'il consomme des activités culturelles qui sont d'ordre muséolo-gique, centre d'interprétation. Il a donc par-ticulièment le temps, il est ouvert plus aux différents... Et le temps de ses vacances, c'est un moment privilégié pour aller le chercher et l'amener à mieux connaître différents aspects de la culture québécoise. Et pour ça, bien, il faut davantage faire appel non pas à son cognitrf, au niveau de ses connaissances, mais davantage au niveau de ses émotions, et présenter le produit, non pas seulement d'une forme élitiste culturel-lement, si on peut employer le terme, mais davantage le présenter comme un attrait, un endroit où... Le musée ou le centre d'interprétation devient un moment des vacances où on passe un certain temps et où on va comprendre des phénomènes sociaux, on va comprendre des dynamismes économiques en région, on va comprendre des phénomènes culturels. Donc, les ministères et les consommateurs sont intéressés par une autre approche.

La même chose, s'apercevoir aussi que là, si on veut tenter d'aller chercher cette clientèle-là, il va falloir "prioriser" une approche beaucoup plus marketing, c'est-à-dire faire comme les autres attraits, les autres équipements et utiliser les mêmes moyens, c'est-à-dire penser consommateurs, penser davantage demande avant de penser offre. En marketing, il y a deux façons de travailler. Souvent, je pense que, dans le cas des institutions muséales, on néglige cet aspect-là.

Donc, si on pense à l'approche client, il va falloir le satisfaire. Pour le satisfaire, il faut renouveler le produit, il faut penser à investir de l'argent pour changer le produit, il faut l'emballer, si on peut dire, dans quelque chose qui va lui plaire, ne fût-ce que d'avoir, autour de l'institution muséale, des tables de pique-nique, etc. Il va falloir, si possible, essayer de plus en plus, de façon à pouvoir passer les messages culturels, de se rapprocher de la clientèle et aussi des ministères qui tiennent un autre langage que celui qui est mené par les différents ministères intéressés directement par la culture.

M. Thomin: Évidemment, à ce moment-là, puisqu'on a affaire à une nouvelle forme de demande et d'attitude face au produit culturel, la réaction, quand on a à planifier ce type d'installation là, c'est souvent de se rendre compte qu'on doit réfléchir à de nouvelles définitions de ce qu'on va offrir en matière d'éléments culturels. On ne peut plus se permettre d'offrir les mêmes définitions des musées, par exemple, parce qu'on se rend compte qu'on a affaire à de nouveaux types de comportements culturels qui ne sont pas ceux auxquels on était habitué normalement, qui ne sont pas nécessairement non plus régis par les normes qui sont actuellement celles de tous les ministères culturels quels qu'ils soient.

Ce que le musée en région amène, c'est toutes ces nouvelles données. Des données qui sont fondamentales parce que ça implique évidemment des questions comme: Jusqu'où on est prêt à aller, dans la culture, pour impliquer un ensemble de population? Parce qu'à ce moment-là on se rend compte, évidemment, qu'on ne peut plus juger de la même façon ce qui a une valeur culturelle et ce qui n'en a pas. On doit évidemment remettre les critères en question. On doit voir également que ça implique une multitude d'interventions différentes, c'est-à-dire que ça met une pression sur la demande, l'offre et les capacités financières de satisfaire à ça, ce qui est considérablement différent.

Mais, dans l'état actuel des choses, si on se concentre strictement sur le musée régional, c'est certain que par l'exemple qu'il amène, par les nouvelles tendances qui ont cours actuellement, il vaut certainement la peine d'être soutenu. Mais, pour être soutenu, il faut peut-être accepter de voir ce musée-là d'une façon

différente que de la manière dont on est habitué à considérer habituellement le musée traditionnel. Notamment, peut-être, en envisageant les musées d'abord comme un champ de pratique, comme une institution qui vit, qui doit être appropriée par sa population plutôt que comme un élément théorique. Évidemment, on a certains exemples encore aujourd'hui. Par exemple, au niveau de l'architecture, on a certaines façons de fonctionner au niveau des musées et, donc, un niveau esthétique qui est sans doute très intéressant mais qui amène, par exemple, des problèmes de climatisation, de chauffage, qui affecte de façon considérable le budget de fonctionnement des musées. Tout ça parce qu'on n'a jamais pensé à intégrer les éléments de conception architecturale, par exemple, avec une réelle pratique des musées. Évidemment, c'est certain qu'au niveau financier les problèmes qui se posent là, qu'ils soient au niveau du personnel, au niveau de la promotion des institutions, le marketing, la publicité sont absolument inexistants dans la plupart des musées en région et, même, dans la plupart des musées tout court, les infrastructures sont souvent un peu problématiques, il faut bien le dire parce qu'une infrastructure performante permet de réduire énormément les coûts.

Enfin, il y a un phénomène intéressant, c'est qu'on s'aperçoit que ce qui amène le public vers le musée, ce n'est pas la vocation traditionnelle du musée qui est de conserver, c'est la diffusion. Il est rejoint par un musée dans la mesure où il s'identifie à ce que le musée présente. Pour la plupart des petites et moyennes institutions, il est pratiquement impossible de tenir des activités de diffusion conséquentes. Il y a 19 des 30 musées soutenus par le MAC - on ne parle pas des grands musées - qui ont un budget entre 0 $ et 163 000 $; donc, ça laisse autour de 10 % ou moins du budget pour faire des activités de diffusion pour aller chercher la population. Pas d'activité de diffusion, pas d'entrée et, par le fait même, il y a un effet vicieux, c'est-à-dire pas de commanditaire non plus.

C'est difficile de faire sentir à des entreprises, à des MRC, à des ATR ce que le musée peut représenter localement quand il n'y a pas d'activité de diffusion ou d'expositions. Mais, dans le contexte actuel, l'effort que les petits et moyens musées, pour survivre, il faut bien le dire, ont mis dans l'intégration à leur communauté, donc en allant chercher l'appui, en "écrémant", même, pourrait-on dire, l'appui local, qu'il soit au niveau du soutien des caisses populaires, des MRC, de la mairie, etc., pour organiser des expositions, pour faire vivre le musée, pour y amener la population... On connaît même des musées d'art contemporain qui réussissent à amener du monde, la population locale, et à faire des très bons "scores", pourrait-on dire, avec des expositions d'art contemporain, donc, ce qui n'est pas nécessairement évident à première vue.

Cet exemple-là, je pense, mérite d'être soutenu et encouragé parce qu'il annonce, je pense, des changements culturels qui sont déjà perçus à travers l'ensemble de l'Amérique du Nord, c'est-à-dire qu'on va se diriger vers un consommateur qui veut de plus en plus devenir partie prenante de la culture. Et je pense que c'est quand même valorisant que les musées, en région, puissent constituer, si on veut, une pyramide, une base solide qui va peut-être nous permettre de définir, éventuellement, des nouveaux sommets culturels.

Pour ce qui est de regarder d'une façon peut-être plus de visu la performance, en termes de visiteurs par dollar investi des musées en région, je pense que Mme Chassé peut présenter un peu brièvement les tableaux à la fin.

Mme Chassé: Oui. Juste avant de...

Le Président (M. Gobé): Je dois vous aviser que votre temps est maintenant écoulé, alors peut-être que... Vous pouvez le faire rapidement, je pense que, de part et d'autre, nous sommes prêts à vous écouter, mais cela réduira d'autant la discussion.

Mme Chassé: O.K. Alors, juste pour regarder un petit peu... Ce que nous, on a tenté de faire, c'est un jeu. On a essayé de voir, en fonction du nombre de visiteurs et du coût par visiteur, lesquels de ces musées-là semblaient avoir une performance intéressante. Évidemment, on est très conscients qu'il y a des grands musées nationaux qui doivent avoir des vocations de conservation et que c'est très cher, ces vocations-là. Mais, malgré tout ça, lorsqu'on regarde, on s'aperçoit que ça peut aller de 2 $ à 220 $, le coût par visiteur, dans un musée et qu'il n'y a pas nécessairement de lien non plus entre le coût par visiteur et le nombre de visiteurs, dans une institution muséale. Par contre, un lien qu'on peut faire, et pour revenir un petit peu au point que j'avais dit tout à l'heure, c'est que lorsqu'on considère qu'il y a une clientèle touristique qui visite ces endroits-là, évidemment, le coût par visiteur diminue énormément. Alors, on s'aperçoit donc que cette clientèle-là est une clientèle intéressante et, même au niveau du financement, donc, peut devenir un atout pour le fonctionnement des institutions.

En conclusion, en tout cas, je ne crois pas et on ne croit pas que le fait de prendre cette approche client, de valoriser l'approche marketing et de faire en sorte que les collections soient mises en valeur pour se rapprocher aussi du public, ça va dévaluer le côté culturel et le message culturel qu'on veut passer en arrière de ces différentes thématiques.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Chassé, M. Thomin. Vous faites ressortir aussi le lien étroit qui existe entre les municipalités, en fait, le milieu des municipalités, le rôle régional que les institutions muséales ont à jouer, d'une part, et vous faites cette corrélation très intéressante entre les musées et le tourisme. Alors, comme c'est un aspect quand même... On en a discuté, mais je vais profiter de votre expertise pour vous demander si, justement, toute l'industrie touristique, à partir du ministère en descendant, toutes les ATR... Est-ce qu'on se sert suffisamment, justement, de ces institutions à vocation touristique, si on veut, ou ces institutions culturelles mais à vocation touristique parce qu'elles apportent un certain achalandage, est-ce qu'on s'en sert suffisamment comme objet pour en faire du marketing au niveau touristique régional?

Mme Chassé: Je pense qu'en région, c'est aléatoire, c'est-à-dire qu'il y a des régions où on va beaucoup mettre l'accent sur les institutions muséales. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ils sont en train de mettre sur pied un circuit où les institutions sont très importantes, elles font partie intégrante du produit touristique. Ailleurs, par contre, différentes autres régions vont négliger cet aspect-là. Je pense qu'une des solutions serait de créer des réseaux, des bannières. Au même titre qu'il y a des bannières en hôtellerie, c'est-à-dire des chaînes, il pourrait y avoir des bannières au niveau des institutions muséales et ensemble travailler pour faire une commercialisation de ces institutions-là.

Évidemment, quand on pense à rejoindre une clientèle à l'extérieur du Québec, là, je suis d'accord que ça prend des institutions qui vont davantage pouvoir répondre à un besoin qui puisse être tant d'une clientèle américaine que d'une clientèle européenne. C'est évident que, dans le cadre du plan marketing de Tourisme Québec, le produit culturel comme tel n'a pas été positionné comme un produit parce que, lorsque le plan a été fait, la qualité des produits au Québec, outre les grandes institutions dans les grandes villes, c'était difficile de positionner comme tel le produit du tourisme culturel. Personnellement, je pense qu'en aidant en région, et avec les efforts qui sont actuellement faits, de plus en plus, ça va pouvoir devenir une forme de tourisme intéressante pour le Québec.

Mme Frulla-Hébert: Parce que ce que vous nous dites, finalement, c'est que les musées, en soi... Bon, on parle des musées, mais il y a autre chose aussi, dans un sens... Mais là, dans ce cas-ci, les musées en soi n'étaient pas, en termes de vocation, assez bien positionnés pour qu'on puisse s'en servir comme outil de promotion, si on veut, culturelle. Est-ce que c'est ça?

M. Thomin: Peut-être que je pourrais répondre un peu plus. C'est parce que le musée fait davantage office de symbole que n'importe quel autre secteur culturel parce que, évidemment, on est moins représenté, au niveau symbolique, comme vitrine, par une pièce de théâtre ou un film. Et puis, traditionnellement, on n'a jamais voulu faire le lien afflux de public et puis qualité culturelle dans les musées. Parce que ce sont des conservations, c'est un bien patrimonial, on a toujours été gêné, jusqu'à aujourd'hui d'ailleurs, d'associer le fait qu'on aHIe chercher un maximum de visiteurs, donc, on emploie des techniques de marketing, et qu'on dise en même temps: Maintenir un haut niveau de qualité culturelle. Et ce type d'attitude là pose un problème. Mais c'est peut-être plus intéressant, dans le cas des musées, de le voir parce que, justement, le musée fait office de symbole. Mais quand on arrive avec ce type d'approche là, nous, on n'a pas nécessairement de problème à le vendre au musée ou à la population locale, on a plus de misère quand on arrive face aux grandes organisations culturelles qui, normalement, donnent des fonds, d'où qu'elles viennent, ces organisations-là.

Mme Chassé: C'est qu'à partir du moment où il y a des visiteurs dans un musée, ça sous-entend du personnel, ça sous-entend un renouvellement d'expositions. Alors, je comprends très bien que, quand on veut faire du marketing au niveau d'une région, il faut être assuré de la qualité du produit et de la pérennité du produit. Actuellement, je pense que c'est un peu là, le problème. Ça peut varier d'une année à l'autre ou...

Mme Frulla-Hébert: Oui. En fait, il y a aussi une culture à changer. Parce que même avec le ministère du Tourisme, même nos grands musées nationaux, il y a certains produits qui sont là, qui sont bien campés, souvent... Même pour la région de Montréal, on oublie... On commence, là. On oubliait de les utiliser. Alors, je pense qu'il y a aussi, au niveau touristique, une. espèce de conscientisation à travailler parce que' C'est moins le cas maintenant, mais elle n'était pas évidente.

Je veux juste revenir - ma dernière question - au niveau des musées privés. Je regardais votre tableau, tantôt: les musées privés versus les musées nationaux. Et vous dites que, dans le fond, les musées privés attirent même plus de population, ou enfin plus de visiteurs - en proportion, là, toujours - que les musées nationaux, par rapport même aussi à l'investissement gouvernemental dans nos musées nationaux versus les musées privés. À ce niveau-là, si je poursuis un peu votre pensée, est-ce qu'il serait mieux, au moment où l'on se parie, de consolider ce qui existe et les musées dits privés, au lieu d'accréditer, aider les musées privés mais d'une

autre façon, c'est-à-dire au niveau du personnel, de la mise en marché, pour en arriver à dire: Bien là, on procède à des accréditations. Et, finalement, ce n'est peut-être pas là la solution.

M. Thomin: C'est-à-dire que consolider ce qui existe déjà, ce serait certainement important parce qu'ils offrent, justement, une bonne performance. Mais nous, à travers le tour qu'on a pu faire des régions au cours des derniers mois, on se rend compte qu'ils sont ce qu'on pourrait appeler au plancher. Ils ont vraiment écrémé, leur personnel est vraiment épuisé. Ils ont à peu près utilisé toutes leurs ressources. C'est certain que de consolider, ça aiderait. (18 h 15)

Maintenant, pour ce qui est des nouveaux projets, on s'est aperçu qu'il y en avait beaucoup. Souvent, nous-mêmes, on travaille dessus. Ce dont on s'aperçoit, c'est que l'important, ce n'est peut-être pas de décider si on va accréditer ou pas, c'est de regarder si le projet, lui, se positionne, de telle sorte qu'il puisse aller chercher un maximum de revenus et se situer le mieux possible dans une perspective qui va tendre le plus possible vers l'autofinancement. Et, pour aller vers l'autofinancement, fondamentalement, il faut aller vers le visiteur, mais ce ne sont pas tous les projets qui s'orientent comme ça. Et ça, c'est vraiment une étude de la pratique des réalités qu'il y a dans une région, à savoir comment on peut attirer des visiteurs, comment on peut encadrer la collection, qui va nous amener à décider qu'on a vraiment le maximum de chances d'aller chercher suffisamment de visiteurs pour donner à un nouveau projet des revenus que les musées actuels n'ont pas. Il est actuellement beaucoup plus facile de regarder ce qui ne fonctionne pas dans les musées existant déjà, évidemment, parce qu'on peut voir leurs défauts, les analyser, et de pallier ça avec de nouveaux projets qui vont faire figure, par exemple, de "role model". Et je pense que c'est important d'avoir de nouveaux modèles de musées à suivre.

La seule chose, par contre, c'est que pour définir ce type de paramètre là, ça prend énormément de rigueur, et pour décider de soutenir un projet qui serait ce qu'on pourrait appeler un "role model", il faudrait définir des critères d'analyse et avec, oui, effectivement, beaucoup de rigueur, de cohérence. Nous, on pense que c'est possible. On pense qu'il y a des musées qui peuvent avoir de bien meilleures perspectives d'autofinancement qu'avant, parce qu'il y a des domaines qui sont sous-exploités, comme les revenus au guichet, le marketing, la présentation des collections. Mais il faut être prêt à envisager ça et il faut qu'au niveau du concept, donc, ce soit mené avec beaucoup de rigueur.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci Mme la ministre. M. le député Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Vosu savez, le rôle des musées est la pomme de discorde souvent entre la ministre et moi mais j'espère qu'un jour on la trouvera savoureuse et on la croquera ensemble.

La meilleure façon de vous saluer, je crois, est de souligner la qualité du mémoire que vous nous avez présenté, surtout sur la réflexion, sur l'importance du musée comme instrument de diffusion de la vitalité culturelle des communautés locales et régionales. Quand vous dites "démocratisation", ma conception a toujours été que ces musées présentent d'abord aux gens leur propre culture, ce qui est la meilleure porte d'entrée pour leur permettre d'accéder à d'autres cultures. Moi, j'ai un extraordinaire petit musée en voie, peut-être, de devenir, dans ma circonscription, qui s'appelle l'Écomusée de la Maison du Fier-Monde. Son succès, il vient d'où? Parce qu'on a présenté aux gens de notre quartier leur propre culture et, après, on a été capable de les amener vers d'autres cultures ou d'autres formes d'expression de la culture. Mais un des moments les plus magiques a été cette fameuse démonstration du "toaster" - si vous me permettez d'utiliser le mot anglais - des origines à nos jours dans un quartier populaire. Ce n'est pas tout le monde qui avait celui électrique dans les années quarante et cinquante. Donc, il y a quelque chose là-dedans.

Et vous parlez de restauration des enveloppes budgétaires. Ça fait six ans que j'en parle. J'ose espérer que ça va se concrétiser un jour. Je pense qu'il faut en venir à une forme d'entente triennale de financement, parce que ce n'est pas possible. Et la personne qui nous a donné la meilleure illustration de la nécessaire nécessité, vous me permettez le pléonasme, des ententes triennales, c'est la directrice du Grand Théâtre de Québec, qui nous disait: Un créateur vient nous dire: Dans deux ans, je veux créer telle chose. Êtes-vous prêts à nous accueillir? Le créateur ne sait pas si dans deux ans il aura les subventions. Et le Grand Théâtre, n'ayant pas, lui non plus, un budget triennal, ne peut pas s'avancer tellement en. disant: Oui, mais même si vous, vous avez la subvention pour la création, nous, on n'a peut-être pas la subvention pour permettre la production, après. Je pense que ce sont là des choses assez impressionnantes.

Si je vous comprends bien - vous me répondrez oui ou non, et peut-être avec un petit peu d'élaboration - la restauration des budgets des musées doit être consacrée en priorité à des activités de diffusion, à un budget de promotion et, forcément aussi, à une meilleure rémunération du personnel qui ne travaille pas dans des conditions d'abondance extrême.

M. Thomin: Non, effectivement. Comme on l'a souligné, et je pense que d'autres l'ont souligné avant, il y a de gros problèmes de ce côté-là. Maintenant, c'est une adéquation connue depuis l'époque grecque, c'est-à-dire qu'une culture qui est vigoureuse est nécessairement signe, symptôme, vitrine d'une économie aussi qui l'est. On a eu beaucoup de succès à date en connectant, si on veut, les projets qu'on développait avec les réalités sociales et économiques d'un endroit donné. Parce que ça, on s'aperçoit qu'on peut aller chercher du soutien, de l'aide des commandites.

C'est peut-être une partie de la réponse au problème de financement, certainement pas tout. Ce que nous, on pense, c'est que la situation pourrait devenir prochainement très complexe. Parce que c'est un phénomène à la grandeur de l'Amérique du Nord, on a l'impression que les comportements culturels changent. Donc, parce que les comportements culturels changent, il va devenir de plus en plus difficile de les encadrer. Ça prend une espèce d'évaluation culturelle globale. Parce que la culture, ce n'est pas quelque chose qu'on peut retrouver dans un secteur donné. Nous, actuellement on se rajuste tous les six mois. On est obligés de rajuster nos analyses, nos outils, etc. On n'arrête pas de ramasser des statistiques, des documents, mais, évidemment, on est une firme, ça va bien. Je ne sais pas quelle pourrait être la future politique culturelle d'un ministère des affaires culturelles, mais on se doute bien que ça va être un travail assez énorme.

Mme Chassé: J'aurais un commentaire à ajouter. Lorsqu'on dit, actuellement que 40 % des Québécois fréquentent une institution muséale au cours d'une année, c'est qu'il y en a 60 % qui n'y vont pas. C'est davantage vers ces 60 % aussi qu'il faudrait se retourner. Suite à des groupes de discussion qu'on a réunis à travers différents projets, on s'est rendu compte que, lorsqu'on s'adresse à ces gens-là, on peut facilement récupérer encore 25 % à 30 % qui pourraient devenir d'éventuels visiteurs, donc, comprendre certains messages culturels, aller dans ces institutions, si on rapproche le musée des gens. Pour ça, on a pris des exemples, quelquefois, dans ces groupes-là, des gens qui nous disaient La même exposition dans un musée, on n'y va pas, puis si vous prenez l'exposition et la mettez dans un hall d'hôtel, au Hilton, par exemple, on ira. Donc, on doit démystifier l'équipement comme tel, on doit le rapprocher des gens et pour ça, il faut non plus penser à ces 40 %, ça, c'est acquis, il faut davantage aller vers les 25 %, 30 % qui vont suivre.

Je suis bien d'accord qu'il y a 25 % des gens qui ne mettront jamais les pieds dans un musée, ils préfèrent être dehors, Ils ont toutes sortes de bons prétextes qui sont justes aussi, mais il nous reste quand même une clientèle à aller chercher. À partir de ça, on pourra, plus tard... À partir du moment où on va démocratiser l'équipement, on va rendre ça le plus accessible possible à ces gens-là, en "priorisant" l'aspect plus émotif que cognitif, on va pouvoir après les amener à un autre niveau. On va partir, disons, de l'objet et, par la suite, on pourra leur passer des messages culturels. Et c'est souvent l'enchâssement des collections, la mise en valeur des objets qui font que ça rebute un peu les gens. C'est statique, c'est froid. Des gens nous disent: On a l'Impression que ça prend un bac en histoire ou qu'il faut faire partie de la société des Amis du musée pour entrer dans un musée. Et c'est ça qu'il faut enlever. Il faut complètement enlever cette idée-là. La culture, c'est à tout le monde; la culture, c'est les habitudes de vie d'une population, d'une collectivité. Donc, tout le monde est touché par ça. Alors, il faut viser ces 25 % à 30 % de la population.

M. Boulerice: La question demeure, Mme Chassé. Comment les amener à...

Mme Chassé: On le peut d'abord, premièrement, par des expositions qui vont être beaucoup plus près du besoin des gens. Et les gens, dans des groupes de discussion, nous disent les thèmes qu'ils aimeraient voir. C'est-à-dire qu'au lieu de prendre... Disons qu'il y a deux approches possibles, c'est que, lorsqu'on possède une collection, on a de beaux objets. Le conservateur va vouloir montrer un bel objet; le client, lui, va davantage être intéressé par la thématique, l'enchâssement de la collection, la mise en valeur des objets et, par la suite, on va aller le chercher par ce qui va entourer l'objet. Par fa suite, on réussira à lui faire passer le message qu'on voulait et à découvrir l'objet. Donc, je m'excuse peut-être de la façon là, mais en marketing on appelle ça un "product-oriented" ou l'approche client. Moi, je pense qu'à date, dans les musées, on a davantage "priorisé" l'approche "product-oriented". Et c'est ça qu'il faudrait arriver à transformer. Et à partir du moment où il y a une plus grande fréquentation, bien, la clientèle va exiger des choses, elle va fréquenter les endroits; les entreprises vont avoir intérêt à commanditer des expositions; ça va leur permettre de devenir une vitrine pour eux en plus. Et je pense que le problème a été là; c'est qu'on a davantage vu ça au niveau du produit, puis là, il faudrait essayer de tourner, essayer de voir ça au niveau de la clientèle, de la demande.

M. Thomin: C'est parce qu'on se rend compte aussi qu'il n'y a pas de méthode magique, c'est nécessairement l'analyse de la pratique. Mais on a l'impression qu'il y a une certaine difficulté peut-être au Québec à regarder les choses, quand on parle de culture, d'art, d'une façon pratique. Parce que c'est un phénomène de mentalité; on est habitué à considérer beaucoup

le point de vue des artistes, des créateurs culturels. C'est très bien, mais maintenant quand on dit: II y a 60 % de la population qui ne s'implique pas autrement que comme simple consommateur, c'est quand même beaucoup. On peut avoir des artistes qui vont faire des créations absolument merveilleuses, mais si 60 % des gens continuent à regarder NBC, CBS et ABC, eux vont continuer à choisir ce qui fait leur affaire d'un point de vue culturel. Il faut réussir à les impliquer culturellement. C'est pour ça, je pense, que c'est peut-être une question d'attitude aussi d'envisager la population comme un acteur culturel à part entière.

M. Boulerice: Est-ce que vous écoutez TV5? M. Thomin: Oui, ça m'arrive.

M. Boulerice: Est-ce que vous avez vu ces petites fenêtres qui s'ouvrent? C'est ce qu'on appelle "les interludes", etc.

M. Thomin: Peut-être une fois, là...

M. Boulerice: Une jolie petite musique, il y a une fenêtre qui s'ouvre, et on vous parle d'un petit musée ou d'un site historique ou des choses comme celles-là; je regardais ça cette semaine, puis j'étais en train de me demander s'il ne faudrait pas créer, peut-être, une direction générale de l'imagination au ministère.

Mme Chassé: Je vais...

Le Président (M. Gobé): Mme la députée.

M. Boulerice: Deux secondes. On ajourne à 18 h 30, M. le Président. Il faut amener les gens... Est-ce qu'on on en a, des moyens de marketing? Est-ce que le ministère, d'après vous, investit dans le marketing des institutions culturelles?

Mme Chassé: Je vous dirais que la meilleure façon d'aller rejoindre les gens, c'est de les prendre où ils sont. Alors, si les gens font leur épicerie dans des chaînes d'alimentation, qu'ils vont dans des institutions bancaires, moi, je pense que c'est peut-être dans des endroits comme ça, des lieux publics où les gens sont. Et on pourrait, entre autres, profiter de ces espaces-là pour accrocher les gens à travers différents outils de marketing qui peuvent exister, des outils interracfrfs vidéos, des outils promotionnels de dépliants, etc. Les budgets de marketing, oui, mais la façon d'appliquer ces budgets de marketing ça peut être aussi par des placements-médias à la télévision. Il y a différentes approches possibles.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. M. le député, malheureusement, je vous demanderais de conclure.

M. Boulerice: Oui. Puis vous semblez aussi nous indiquer une autre voie qui est intéressante. C'est dommage qu'on ne puisse pas discuter plus longtemps. Vous dites aussi: II faut quand même sortir le musée du musée. Enfin, peut-être pas le musée au complet, mais que le musée se rende effectivement auprès des gens, où ils sont, quitte à leur dire: Bien écoutez, vous en avez vu une partie, maintenant, ce qui reste est dans l'édifice. Et pourquoi vous n'y venez pas?

Mme Chassé: La station du Louvre.

M. Boulerice: Voilà, qui est un bel exemple; ce n'est peut-être pas cet exemple-là précis auquel je voulais vous amener, mais celui-là illustre fort bien, effectivement.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Thomin, je pense, encore une fois, que vous prêchez à une convaincue, puisque j'ai oeuvré en marketing toute ma vie. Est-ce que c'est le rôle du ministère de faire des plans de marketing? Non. Est-ce que c'est le rôle du ministère? Non. Pour l'avoir fait tout ma vie: Non. Est-ce que c'est le rôle du ministère, par exemple, de donner une orientation à forcer à ce qu'on en fasse, à ce que les plans... Parce que pour avoir du marketing efficace, évidemment, c'est du marketing qui, comme vous le dites, doit être le plus près possible de son milieu. Donc, il faut que ce soit aussi les gens en place, mais qu'on ait des ressources suffisamment pour en faire. Si c'est ça le problème, oui. Que la société des musées en ait aussi pour faire du marketing à la grandeur au niveau muséal, oui, mais il y a différentes façons. Ce qui manque d'ailleurs... Et c'est drôle parce que, quand on discute de marketing, on commence à en parler. Il y a quelques années, ce n'était pas évident. On n'avait pas ce réflexe-là, non plus, de dire: II faut aller rejoindre les gens, s'annoncer, se faire connaître et enlever, finalement, cet éloignement entre le public, donc, le consommateur, et nous. Là-dessus, je trouve que vous avez touché un très bon point mais, il y a aussi l'industrie culturelle ou, enfin, les infrastructures culturelles et le tourisme. Ça non plus, ce n'était pas évident. On commence de plus en plus maintenant. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. La sonnerie de notre collègue le député nous rappelle à l'ordre. Quelle minuterie! Alors, ceci met fin à nos auditions pour cet après-midi. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 18 h 31)

(Reprise à 20 h 13)

Groupe de recherche interdisciplinaire en développement de l'Est du Québec

Le Président (M. Doyon): Cette commission reprend ses travaux en entendant le Groupe de recherche interdisciplinaire en développement de l'Est du Québec, qui est représenté par M. Hugues Dionne et Mme Danielle Lafontaine. S'ils sont ici, je les invite à bien vouloir s'avancer et à prendre place à la table de nos invités. Je devrais peut-être parler au singulier! Mme Lafontaine, intallez-vous.

Tout en souhaitant la bienvenue à notre invitée, Mme Lafontaine, je lui indique que... Ne vous occupez de rien; tout fonctionne automatiquement. Ha, ha, ha! Vous êtes la première qui avez réussi à faire ça! Vas-y, mon Jean-Claude. Bravo! Ha, ha, ha!

Mme Lafontaine (Danielle): ...comprendre qu'on m'entendait.

Le Président (M. Doyon): Ah non! On va vous entendre.

Mme Lafontaine: O.K.

M. Boulerice: Ce n'est pas juste de vous entendre qui est important.

Le Président (M. Doyon): Et de vous comprendre. Tout en vous souhaitant la bienvenue, je vous indique que vous devrez prendre 10 ou 15 minutes pour faire valoir votre point de vue. Ensuite, les membres de la commission vont s'entretenir avec vous pendant 20, 25 ou 30 minutes sur le sujet que vous nous aurez proposé et, ensuite, vous poseront des questions pour avoir des explications supplémentaires. Donc, Mme Lafontaine, je vois que vous êtes seule, je vous donne la parole.

Mme Lafontaine: Bonjour, Mme Hébert, bonjour, messieurs, mesdames de la commission. Ça me fait très plaisir d'être ici ce soir. En écrivant leur mémoire, les membres du Groupe de recherche interdisciplinaire que je représente ici ce soir espéraient participer, comme d'autres, au débat amorcé, et qui nous mènera sans doute à l'élaboration d'une politique de la culture. Alors, nous prolongerons ce soir par une rencontre, parce que vous avez eu l'amabilité de nous recevoir et nous en sommes très heureux. M. Dionne a perdu sa mère il y a deux jours, et il ne peut pas être avec nous ce soir. Je le regrette. Alors, je suis donc seule à présenter ce mémoire qui a été élaboré conjointement et qui a aussi été adopté le 18 octobre par le Groupe.

Le Président (M. Doyon): Vous voudrez bien offrir nos sympathies à M. Dionne.

Mme Lafontaine: Oui, je vous en remercie, monsieur. Avant de présenter très brièvement les réflexions du groupe-conseil sur la proposition de culture et des arts, permettez-moi de dire quelques mots sur le Groupe, le GRIDEQ. C'est important pour le type de réflexion qui est le nôtre et pour le mémoire présenté. Le GRIDEQ est un groupe universitaire qui existe depuis près de 18 ans et qui s'intéresse au développement: au développement local, au développement régional, quel que soit le niveau d'échelle du développement. Puisque le développement est un phénomène global, il les concerne tous, surtout, évidemment, le développement régional. Avec le temps, on a élaboré des travaux avec plusieurs groupes. Nous avons travaillé avec des groupes populaires, avec des groupes d'agriculteurs, avec des groupes de pêcheurs, avec la chambre de commerce. À l'occasion, on a fait aussi des rencontres avec des partisans politiques de toutes les couleurs. Alors, nous sommes donc un groupe "apartisan", mais fort engagé, par la recherche-action, par nos travaux, dans la quête de connaissances sur les processus de développement. C'est la perspective. C'est un fonds. Alors, au fil des années, nous avons accumulé des travaux. Nous éditons également des livres, une dizaine de milliers d'ouvrages vendus ou édités.

Nous faisons des travaux de recherche, et c'est à partir de ce fonds-là que nous nous exprimons. C'est un fonds modeste - accumulé au fil des années - par rapport aux problèmes qu'il s'agit de comprendre et qu'il s'agit de régler, surtout. Mais c'est à partir de ce fonds-là que nous avons lu le rapport Arpin. Nous l'avons lu non pas pour en examiner les éléments un à un, mais pour tenter de comprendre et de discuter l'articulation d'ensemble des propositions du groupe Arpin.

Le groupe parle lui-même, dans son rapport, de lignes directrices, de grandes orientations, de cadre et de voies d'action, tout en jugeant que ce sont ces aspects-là qui, d'après lui, doivent être examinés et sont l'articulation la plus fondamentale.

Alors, on nous dit que les lignes d'action proposées seraient censées soutenir le développement de la culture, des arts et de l'action culturelle sur tout le territoire québécois. La question que le Groupe s'est posée, c'est: Examinons ces propositions et tentons d'estimer si elles sont, ou non, de nature à soutenir l'action culturelle, les arts et la culture sur tout le territoire.

Alors, quelles sont au juste ces grandes lignes, ces voies d'action, ce cadre? Nous les avons examinés dans le mémoire que certains d'entre vous auront lu. Concernant les voies d'action suggérées, on propose, bien entendu, d'établir un réseau hiérarchisé d'acteurs et d'équipement culturel et médiatique sur tout le territoire québécois. La métaphore de l'oléoduc est prise comme une métaphore très importante

par les auteurs pour expliquer leur point de vue. Cette idée de constituer un réseau ayant comme tête, bien entendu, Montréal, est censée développer le domaine, ce qu'on appelle dans le document "le domaine de la culture et des arts" sur tout le territoire. Ce domaine, bien sûr, on veut l'industrialiser, on veut en faire un fer de lance du développement de tout le Québec par une industrialisation réussie du secteur, mais aussi par une perçée au niveau international.

Alors, au niveau de ces voies d'action, on parle d'un certain nombre de considérants. On met l'accent sur la nécessité d'encourager la compétition, par exemple, et la sélection à ce niveau-là. Nous avons examiné ces questions. En filigrane de cet examen attentif de la logique des voies d'action suggérées par les auteurs du rapport, nous avons élaboré notre propre point de vue sur la question. Nous pensons que la conception de la culture, qui est sous-jacente à ces voies d'action, n'est pas assez étendue, qu'elle est trop articulée, trop centrée, surtout, sur le domaine des industries culturelles, et que la notion de culture - non pas comme fin et de l'ordre des moyens, comme il est dit là - doit être beaucoup plus étendue, qu'on doit la lier à une conception de l'être humain parlant, travaillant, vivant, et que ces voies d'action reposent donc sur une conception réductionniste de la culture.

Concernant le cadre, nous y sommes allés de façon beaucoup plus détaillée dans le document que vous avez sous les yeux. Ce cadre incarne ou représente une conception particulière du territoire et de la territorialité québécoise. L'oléoduc que l'on doit réaliser serait un oléoduc, mais qui parcourrait en quelque sorte cette territorialité québécoise telle que représentée par les auteurs de la proposition. Cette territorialité à trois pôles - Montréal, Québec et ce qu'on désigne comme l'ensemble régional - nous est apparue également insoutenable, trop restrictive et ne rendant pas suffisamment compte de la géopolitique, de la territorialité québécoise et des réalités territoriales québécoises telles qu'elles se sont lentement constituées au fil du temps à travers les 250 ans d'histoire québécoise. Alors, ça, ça nous apparaît également quelque chose d'important.

Quant au troisième point - Quel partenaire? Quel partage des responsabilités? - nous pensons, encore là, que le rapport suggère une conception très directionnelle, très hiérarchisée de la prise de décision et surtout de l'élaboration des orientations en matière de culture. On assigne au ministère un rôle quasi exclusif d'élaboration, de concertation, d'analyse, de recherche, d'évaluation. Encore là, il nous apparaît que ce pouvoir, maintenant, doit être davantage réparti pour donner aux régions, et peut-être aux MRC, aux communautés locales, une part du pouvoir qui doit leur revenir pour Influencer et pour élabo- rer, en partie du moins, leurs orientations en matière de développement culturel, de culture et des arts.

Pour ce qui est des lignes directrices, du cadre et du partage des responsabilités, on retrouve constamment dans le livre l'expression "il est tout à fait normal que"; "il est tout à fait normal que la culture soit faite en ville"; "il est tout à fait normal que les ressources soient concentrées"; "il est tout à fait normal que la création se fasse dans les villes. " Alors, au contraire de cette approche de la normalisation, nous pensons qu'il y a dans le monde, et au Québec en particulier, des efforts qui sont faits pour entrevoir le développement dans une perspective beaucoup plus globale et le lier à un projet démocratique de prise de décision - non pas strictement centralisé - avec une réflexion un peu plus profonde sur le partage des compétences et des tâches à accomplir. Alors, ça aussi, nous pensons que c'est important.

Donc, dans le texte que vous avez sous les yeux, nous sommes entrés dans le détail beaucoup plus que ce que je peux en dire là, mais c'est la démarche que nous avons suivie. Et, en conclusion, au terme de, je ne dirais pas cette psychanalyse, mais cette quasi-psychanalyse ou, en tout cas, cette révision très très attentive du texte soumis par les auteurs, nous en sommes arrivés à la conclusion que, dans leur état actuel, les grandes lignes, le cadre géopolitique et les voies d'action suggérées ne nous semblaient pas être les meilleurs pour soutenir le développement culturel, la culture et les arts sur tout le territoire québécois. Et, en conséquence, nous avons recommandé à Mme Hébert et au gouvernement de ne pas donner suite aux grandes lignes du rapport Arpin, telles que formulées dans leur état actuel, du moins.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lafontaine. Ça me fait plaisir de vous revoir. Je me souviens, quand on s'est vues à Rimouski, finalement, on avait parlé et je vous avais dit que ça serait intéressant que vous veniez. Donc, je suis d'autant plus contente que vous soyez ici et que vous apportiez quand même un certain élément à la réflexion, un élément de vous.

Vous pariez beaucoup de culture en disant: La culture, finalement, c'est tous les cadres de vie. Mais dans le but d'en arriver à une politique, si on veut, orientant nos actions - tu as la politique et il y a, évidemment, ce qui est le plus important aussi, ou l'une des choses les plus importantes, c'est le plan d'action qui va avec - et dans le but de le faire, mais de façon réaliste, et aussi en collaboration avec les autres ministères, etc., quelles devraient être, selon vous, les grandes finalités, les orientations? Je ne m'attends pas à ce que vous me disiez: Bon,

voici maintenant de quoi ça va avoir l'air, mais au niveau des orientations, parce que vous dites que vous vous concentrez beaucoup sur les industries culturelles...

Mme Lafontaine: Pas moi, le rapport.

Mme Frulla-Hébert: Le rapport, oui, oui, versus tout l'aspect création. Il y a Mme Ferai qui est venue nous dire: Vous devriez vous concentrer beaucoup plus sur une politique des arts versus la culture, parce que la culture, c'est vraiment trop vaste. Alors, c'est, finalement, un autre point de vue qui a aussi du sens. Mais, selon vous, cette politique-là, quelles sont les orientations qu'elle devrait prendre?

Mme Lafontaine: Bien, je pense qu'une politique des arts devrait être subordonnée à une politique de la culture dont nous avons, à mon avis, le plus urgent besoin. Par politique de la culture, je veux dire des orientations qui définiraient la culture comme le fondement de l'humain et de la vie collective. Nous avons besoin d'une orientation culturelle et d'une politique de la culture qui fassent savoir qu'une collectivité reconnaît chaque être humain qui parle, qui vit, et parce qu'il vit, parce que, donc, H parle, parce qu'H pense, parce qu'il travaille et parce qu'il vit avec les autres, il fait de la culture, et qui reconnaisse la culture comme étant l'élément fondamental de l'"humanitude" et, ensuite, qui en déduise des conséquences pour ce qui est de l'être humain. Puisqu'il parle, c'est qu'il n'est pas seul. Le langage est, par excellence, un acquis Intercollectif et, dès lors, une approche de l'être humain qui parle, qui travaille et qui est en contact avec les autres parce qu'il pense et parce qu'il parle et, en même temps, il vit avec d'autres. Donc, une approche qui suppose que l'humain ne se suffit pas nécessairement; qui, parce qu'il pense et qu'il parle, en fait immédiatement un être social.

Sur cette grande base, on pourrait fonder ensuite une orientation des orientations politiques et démocratiques de l'ordre de la participation sociale; reconnaître à chacun le droit de penser, le droit de parler, le droit de travailler, le droit de s'exprimer. Si nous les avions, nous pourrions ensuite replacer l'économie et la politique à leur plus juste perspective en faisant de la culture, au nom d'une théorie de l'humain, la base et le pivot de la continuité historique et, en même temps, des échanges avec les autres. Si nous avions ça, ensuite nous établirions entre nous de façon claire que l'économie est un moyen, ce n'est pas la fin. Et la fin, c'est le développement, l'épanouissement culturel des êtres humains qui pensent, qui parlent et qui travaillent.

Mme Frulla-Hébert: Ce que vous dites, c'est les grands principes...

Mme Lafontaine: Ces principes-là sont fondamentaux.

Mme Frulla-Hébert: ...qui sont quasi philosophiques. Donc, c'est vraiment des grands principes d'ensemble et, à partir de là découle une politique propre à la création et aux arts en général, mais ce sont vraiment les grandes lignes. (20 h 30)

Mme Lafontaine: Madame, j'ajouterais qu'avant on appelait ça une théorie anthropologique de la culture et que dans les textes, que ce soient ceux de M. Lapalme, que ce soient tous les textes sur la culture qui se sont succédé au Québec, au moins des années soixante aux années quatre-vingt, nous avions cette dimension anthropologique; elle n'était peut-être pas complètement élaborée mais elle était présente. Tandis que, maintenant, le document que nous avons n'a pas ce réfèrent et je pense que, dès lors, ça explique qu'on se centre sur le domaine de la culture et des industries; et ce domaine, c'est celui des moyens, ce n'est pas celui des fins. Alors, je crois que c'est une absence qui est lourde de conséquences.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Je comprends ce que vous dites. C'est-à-dire, en fait, que c'est une orientation différente parce que le rapport Arpin a pris une autre orientation, dans un sens où on touche beaucoup plus le domaine - bon, omission, non - mais le domaine des arts. De là les industries culturelles. C'est évident qu'il y en a qui nous disent qu'il n'y a pas assez de place pour la création, mais, quand même, ça fait partie pareil du rapport versus une approche qui est beaucoup plus globale, si on veut et, comme vous le dites aussi, fondamentale.

On parie de production artistique, bon. C'est toute la diffusion. Vous dites que la production artistique, par exemple, devrait connaître une diffusion adéquate dans l'ensemble du Québec. Quelle place devrait-on attribuer, selon vous, aux médias, en regard de cette politique culturelle? On parle beaucoup maintenant de la transformation des médias, on parle beaucoup de la télévision, de toute façon. Comme peuple, on est des gens qui consommons probablement le plus de télévision au monde. Donc, c'est un média qui nous domine. Et le paysage audiovisuel va beaucoup se transformer; on parle de télévision à la carte, etc. Alors, quel serait le rôle, finalement, des médias et quel rôle pourrait-on jouer? Parce que, évidemment, il y a les entreprises privées là-dedans, il y a une intervention d'État qui est là, mais qui est aussi limitée parce qu'il faut laisser développer quand même le médium et les marchés.

Mme Lafontaine: Oui. Bien, dans le rapport, là, on lit "Les industries culturelles et le monde

des médias", et je crois qu'on a raison de dire que c'est lié et que, compte tenu de l'importance, notamment, des mass media électroniques, une politique de la culture, d'abord générale et ensuite particulière - on s'entend - devra traiter de l'un et de l'autre. Et, dans cette perspective, je crois que, ensuite, on devra faire une distinction entre les mass media qui véhiculent de l'information et les mass media qui offrent du divertissement. Là, j'évoque une coupure, un découpage sur lequel je pourrais élaborer bien davantage, mais il reste que les mass media, comme services publics d'information, sont un outil vital pour la démocratie, pour la compréhension d'un monde en transformation, et que l'accès, la réception et la participation également à l'élaboration des représentations sur le monde devraient être des choses qu'on devrait avoir le souci de répartir, jusqu'à un certain point, sur le territoire québécois.

On ne parle pas, bien entendu, d'avoir des immenses stations dans tout le Québec ou dans toutes les municipalités, mais une politique de la culture qui serait démocratique, avec un cadre géopolitique intéressant, favoriserait très certainement, je dirais, le maintien ou l'instauration de mass media régionaux qui donneraient aux populations, sur des ensembles territoriaux qui restent encore à définir, une part de participation à l'élaboration d'une conception du monde. Et on pourrait les relier. Maintenant, à l'heure des nouvelles technologies, comme il serait intéressant si nous avions une politique d'occupation de ce territoire, d'occupation et de construction du Québec, des centres autant que des périphéries. Comme il serait intéressant de mettre en contact Chicoutimi, Rimouski, Matane, Montréal, les uns et les autres appelés à s'échanger des visions non seulement de ce qui se passe en région, mais de ce qui se passe au niveau du Québec, au niveau du Canada, au niveau du monde. Il y a là un système d'interconnexions, d'échange d'information et d'interprétation qui nourrirait la vie démocratique et nous donnerait un sentiment d'être ensemble. Et la vision que je propose est celle, évidemment, d'un territoire que l'on occupe et que l'on habite, et par rapport auquel on a un projet non pas de réseaux hiérarchisés où l'on diffuse le pétrole symbolique du haut en bas, mais où on interconnecte les sociétés régionales qui ont leurs projets, qui ont leurs créneaux, qui ont leurs atouts spécifiques; mais on les interconnecte, ce qui est manifestement une autre conception que celle du territoire privilégiée dans le rapport Arpin, bien entendu.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Bonsoir, Mme Lafontaine. Mme Lafontaine: Bonsoir.

M. Boulerice: Je me dois de souligner la qualité et surtout la pertinence de votre réflexion à l'égard de la place des régions, du ministère - enfin, son rôle - et de l'apport de la création. Je pense que vous avez tout à fait raison de souligner cette espèce de vice de construction fondamental du rapport Arpin sur la place des régions qui est littéralement sacrifiée au profit d'une vision qui est reconnue très centralisatrice et, surtout, très montréalaise de la culture; et n'oubliez pas que c'est un député montréalais qui vous parle.

Je pense que, pour vous, il est clair qu'une politique culturelle, pour être une véritable politique, doit intégrer les régionalismes et s'appuyer sur une décentralisation. Ce que je retiens de votre mémoire, c'est que, véritablement, la grande trame de fond - et je sais que ma formation politique a vécu cela durant la fin de semaine dans une municipalité voisine de la vôtre, à Rivière-du-Loup - c'est cette volonté qui m'éblouit, moi, personnellement, de voir des individus, donc des collectivités locales, des communautés locales qui veulent assurer elles-mêmes leur développement, qu'il soit social, qu'il soit économique et maintenant culturel. Et, ce qui est le plus étonnant, c'est que ceux qui ont cette plus grande volonté sont les gens - et j'espère que vous me permettrez l'expression, même si, à mon point de vue, elle est impropre, mais elle décrit bien - "poqués", parce que dans les régions, actuellement, ça ne va pas tellement bien. Quand on parle du Québec cassé en deux, le Québec est cassé en cinq, en six, en huit, en dix. Donc, je vous avoue qu'inévitablement, quand on entend le discours des régions, et notamment le vôtre, et qu'on voit s'exprimer cette volonté des communautés d'assumer elles-mêmes leur développement, c'est quand même quelque chose d'intéressant.

Mais quand vous parlez d'intégrer les régionalismes et de vous appuyer sur une décentralisation, moi, j'aimerais vous entendre peut-être élaborer un petit peu plus là-dessus. Et quand on parle de décentralisation, est-ce que, pour décentraliser une politique culturelle, pour vous, ça pourrait être une modulation des programmes en fonction des spécificités régionales, une gestion en région d'enveloppes budgétaires plus considérables? Est-ce que, déjà, ce seraient des éléments intéressants?

Mme Lafontaine: Oui, certainement. Mais je crois aussi qu'il faut associer les régions à l'élaboration des orientations. Ça, ça m'apparait fondamental, bien plus que des enveloppes. Le problème des enveloppes, je ne crois pas que la question soit fondamentalement un problème de répartition, de quelles enveloppes, et on les affecte comment. Avant cela, je crois qu'on a besoin d'une carte québécoise des paliers de vie politique que l'on souhaite avoir et de leur juridiction territoriale. Quels paliers vont oeu-

vrer? À quel niveau géographique? Quelle mission va-t-on leur confier et pourquoi? Là, on parle de compétence. Ensuite, on parlera de tâches. Et on l'a déjà à l'état embryonnaire, cette espèce de cartographie de l'espace, des partenaires et des missions qu'on doit leur confier. Et je crois qu'on ne peut pas parler de décentraliser et d'envoyer une enveloppe ici ou là sans considérer ça et sans avoir cette armature. Et cette armature, c'est ce qui nous fait le plus défaut au Québec. Et, pour moi, ça vient de loin la désarticulation de nos paliers et l'absence de réflexion structurée qui font qu'on a 28 manières de découper. On ne s'entend pas sur les niveaux d'action et d'intervention.

Alors, quand on parle de décentralisation, on le fait un peu en tout ou en rien, comme si l'État allait décentraliser on ne sait pas trop quoi vers on ne sait pas trop qui. Moi, je crois que nous avons vraiment là à nous entendre sur un cadre et à y insérer ensuite des tâches. Et quelles tâches? Il y en a beaucoup à déterminer, parce qu'il y a des tâches de service, de fourniture de services. Il y a les tâches de conception, il y a les tâches de coordination, de concertation, de recherche. Alors, ce sont différents niveaux d'intervention qui, notamment par rapport à la culture, pourraient être confiés à diverses instances.

Je crois que la municipalité a besoin de formuler pour elle-même ses propres orientations culturelles, mais la MRC aussi, mais la région administrative aussi, en y ajoutant le cadre qui est le sien et d'autres niveaux de préoccupation qui doivent aussi être les siens, notamment en matière d'économie. Parce que si je suis contre la conception de la culture réduite aux industries culturelles, je veux bien, par ailleurs, que chaque municipalité, chaque MRC, chaque région et le gouvernement du Québec aient leur propre manière d'envisager les rapports entre l'économie et la culture. Il ne s'agit pas de l'éliminer. Et, pour ça, il faut que les instances soient invitées à lier pour elles-mêmes leurs choses et à tes envoyer à des niveaux supérieurs qui feront le tri, harmoniseront aussi.

Je suis une ardente régional iste, mais je suis une ardente régionaliste pour le Québec. Il ne s'agit pas de dissocier le Québec en autant de royaumes. Je crois que notre plus grand défi, c'est la mise en commun, c'est véritablement la création, l'intégration des espaces économiques et culturels du Québec. Alors, je le fais dans cette perspective-là.

M. Boulerice: Mais vous êtes en train de nous dire, si j'ai bien saisi votre propos, Mme Lafontaine, qu'il faut être très prudent quand on parle de décentralisation. Il y a la décentralisation dans le sens que vous donnez, mais on pourrait peut-être tomber toujours dans le piège d'avoir une décentralisation dont les effets seront uniquement d'avoir une espèce de canal supplémentaire pour relayer des normes et des directives, donc une surmultiplication qui va être sclérosante pour le milieu.

Mme Lafontaine: Entre la prudence et l'inaction, il y a une marge. Entre la prudence à avancer dans cette voie-là et le retour en arrière, il y a une différence immense. Ce n'est pas parce que la décentralisation et le pas que nous avons à franchir dans ce sens-là sont difficiles que nous devenons revenir aux solutions pré-1960. Depuis 1960, H y a eu une réflexion sur l'espace et une politique d'occupation du territoire québécois qui doivent se poursuivre.

Et moi, je suis pour qu'elles se poursuivent, non pas pour que nous revenions en arrière. Mais le fait est que, lorsqu'on regarde la thématique de la décentralisation de près, de très près, elle soulève des questions politiques et des questions de vie démocratique, aussi, considérables. Mais si nous avançons dans cette voie, nous serons aussi en lien avec bien d'autres peuples du monde. Parce que le régionalisme, la question régionale telle que nous la formulons dans notre mémoire, est une question d'actualité. C'est un problème auquel sont confrontés tous les peuples que de revoir leur tissu démocratique, de revoir les arrangements politiques qui sont les leurs. Au-delà de l'État-nation, on a à bâtir, pas à pas, coin de pays par coin de pays, à rebâtir, à se donner des projets communs, à connecter nos projets. Alors, je crois que la grande différence, c'est que quand je suis prudente, bien entendu, c'est que je vois l'ampleur des difficultés et des questions, mais je veux avancer; je ne veux pas revenir en arrière.

M. Boulerice: On a dit que le ministère était un des ministères les plus décentralisés. Et là, on faisait allusion à la présence des directions régionales du ministère. Est-ce que vous êtes capable d'en tracer un bilan? (20 h 45)

Mme Lafontaine: Un bilan?

M. Boulerice: Oui.

Mme Lafontaine: Un bilan, non, pas là.

M. Boulerice: Pas là.

Mme Lafontaine: Je pourrais, mais non. Tracer un bilan, ça serait trop prétentieux. Les directions régionales et les conseils régionaux de la culture, je crois que leur destin s'inscrit tout à fait dans les questions que nous avons abordées depuis le début - et tantôt, en particulier - sur la décentralisation. À ce compte-là, la question que nous aurons à régler sera celle des liens entre le ministère des Affaires culturelles et les directions, et ce point d'interconnection avec des instances et des services et des lieux d'élaboration régionale des perspectives sur la

culture. Entre les deux, il faudra que les missions et les tâches des uns et des autres s'harmonisent et s'articulent pour que l'on ait une circulation de bas en haut et de haut en bas qui soit un arrimage fécond. Et je crois que cette réflexion-là, elle devrait faire l'objet d'un énoncé dans une politique de la culture, non pas celle que nous avons là mais celle dont nous avons besoin. Ceci devrait être prévu et bien conçu.

Le Président (M. Doyon): M. le député, je vous demanderais de remercier Mme Lafontaine.

M. Boulerice: J'aurais voulu vous parler - et vous aviez raison de la déplorer - de l'approche passablement réductrice, création versus industrie culturelle. Vous dites que tous les pays se ressemblent. Vous savez comme moi que c'est actuellement un débat passionné en France, cette notion-là, mais puisque le président m'intime l'ordre de vous remercier, je vais le faire, mais avec un dernier mot. Dans tous les débats qui ont entouré la place des régions comme telle, qui semblaient recueillir quand même beaucoup d'adhésions, je pense que le mémoire qui nous permet peut-être le mieux de saisir l'immense - je dis "immense", mais ce n'est pas effrayant - problème qu'on risque de rencontrer, à savoir les différentes strates qui se retrouvent actuellement en région, c'est votre mémoire qui nous donne peut-être le petit signal d'alarme. Parce que si on n'en tient pas compte, effectivement, j'ai peur qu'on fasse fausse route au niveau des régions. Et s'il y a un endroit où on ne peut pas se permettre d'échouer, c'est bien en région parce que, malheureusement, il y a un taux d'échec trop fort, non pas de la part des populations mais des programmes qui ont toujours été appliqués face aux régions. Je vous remercie beaucoup, Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon collègue pour vous remercier, Mme Lafontaine. Effectivement, au niveau de l'importance des régions, je pense qu'elle n'est plus à faire. On a eu des représentants de partout, autant au niveau des municipalités - en fait, des différentes villes - que des MRC. Chacun est venu plaider, finalement, avec tellement d'enthousiasme qu'on s'aperçoit que toute la force, et le potentiel aussi, réside beaucoup au niveau de la création.

Il y a aussi toute la dimension culture, dans le sens, comme vous dites, étymologique versus une politique des arts où il va falloir vraiment voir, maintenant, jusqu'à quel point on va aller pour se permettre des orientations. Mais je pense que votre démonstration est assez claire là-dessus au niveau des grands principes versus les modalités d'action. Alors, je vous remercie beaucoup d'avoir été parmi nous.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de cette commission, Mme Lafontaine, je vous remercie d'avoir contribué à alimenter notre réflexion sur la politique culturelle au Québec. Merci beaucoup.

Maintenant, la commission de la culture a le plaisir de recevoir la Chambre des artistes de Boucherville. Ils doivent être dans la salle; je les invite à bien vouloir prendre place en avant. Tout en leur souhaitant la bienvenue - ils sont ici depuis le début de nos travaux - je leur demande de bien vouloir s'identifier pour que nous puissions avoir leur nom dans la transcription de nos débats. Ensuite, ils disposeront de 10 à 15 minutes pour nous entretenir. Après ça, la conversation s'engage, comme c'a été le cas précédemment, avec la ministre et d'autres membres de la commission ainsi qu'avec le représentant de l'Opposition officielle. Vous avez la parole.

Chambre des artistes de Boucherville

M. Clermont (Raymond): Moi, je m'appelle Raymond Clermont. Je suis prêtre. Je travaille dans un hôpital pour malades en soins prolongés et je travaille aussi dans le social, à la base, les deux mains dedans, dans les tables de cuisine, et je rencontre plein d'artistes, de toutes sortes. Beaucoup sont dans la misère. J'ai d'ailleurs un poème que j'ai composé à Noyant. Il ne faut pas être trop sérieux ici, parce que c'est sérieux, ce que vous abordez, très sérieux. J'aurais le goût de vous le distribuer. Ketty va se présenter tout à l'heure. On a travaillé là-dessus à deux, parce que Boucherville, c'est sur la rive sud. Donc, nous sommes, nous autres, très près de Montréal. Ça ne se sépare pas, dans le fond. Comme mentalité, ça se ressemble partout. Et Ketty m'a demandé de commencer, de lui laisser ensuite la parole et, si vous le permettez, je finirai en vous lisant un poème et je vous le distribuerai. Ça déride un peu.

J'ai lu votre rapport. Vous avez accompli une tâche magistrale. Une chance qu'on m'a instruit, moi, parce que ce n'est pas facile à lire, votre rapport. Il est très rigoureux, et je vous en félicite. Cependant, le langage fait en sorte que beaucoup de gens que je connais, qui sont quand même passablement bien scolarisés, auraient de la misère à aller au bout du rapport. Vous insistez sur deux pôles: Québec et Montréal. Étant Montréalais et un amant de Québec - puisque j'y ai de la parenté - je ne peux pas m'objecter. Je suis né là, à Montréal, mais je ne peux pas m'empêcher de penser non plus que si on ampute Montréal de tous ceux qui viennent d'ailleurs, je vous dis qu'il ne restera pas grand-monde. Et comme j'ai des amis au Lac-Saint-Jean, et j'ai des amis dans bien des coins de la province, je me dis: II y a un gros danger, parce

que, tout à l'heure, je pense que ça sera un projet de loi. Ça, c'est préliminaire. C'est très important. Ça permet le discours.

Mais combien de personnes vont se rendre ici? Les 15 personnes à qui j'en ai parlé m'ont dit que je perdais mon temps en venant ici à mes frais. Mais j'ai dit: Si on n'y va pas, qui va y aller? Et une dame dont le mari est un artisan, un maître en fourrures... Il part, lui, de la base, du cuir, il vous fait le patron et va jusqu'au manteau. Il a appris ça chez les Juifs, parce que c'est les Juifs qui ont le monopole. Il a été mis dehors aussitôt que ça a commencé à serrer un peu, et là, il se débrouille dans son sous-sol. C'est un artiste, vous savez. Il paie un compte ici, il attend d'avoir un peu d'entrée d'argent, et il ne sait pas s'il ne fermera pas ses portes.

Mitcha ne peint plus depuis 10 ans. On lui a dit, à Concordia, qu'elle avait un style qui ressemblait à celui de Gauguin. C'est sérieux. Le feu a pris dans sa maison, l'assurance n'a pas payé, et elle n'a pas eu d'argent pour s'acheter le matériel qui est très dispendieux. Et elle recommence. Des artistes en chômage à Montréal il y en a plein, qui partent de partout. Et moi, je tiens simplement à souligner ce que mon évêque... Et je vous donne le papier, parce qu'il n'y a pas du tout de référence aux valeurs religieuses dans votre livre. La foi des coupeurs de pitoune était peut-être mal enveloppée pour nous, les gens modernes, je suis d'accord avec ça, mais écoutez, elle nous a rendus jusqu'ici. Si je parle français, ce n'est pas parce que je suis prêtre, moi. Bien non, c'est parce que je suis Québécois. Un Félix Leclerc ne partait pas de Montréal, et on ne l'a pas accepté à Montréal, mais il nous a mis sur la mappe en France. Il était pourtant de région éloignée.

Ce qui m'inquiète, moi, c'est que je regarde mon peuple. Il est très silencieux actuellement sur la chose politique. Il regarde les débats. Il ne se prononce pas encore. Mais ça lui coûte très cher pour vivre, au point que les gens de la classe moyenne sont en train de basculer presque au seuil de la pauvreté. C'est le fait d'une grande partie des gens. Des cadres d'hier paniquent aujourd'hui parce qu'ils n'ont plus de travail. Et le gouvernement, puisque c'est le prélude à la loi, vous allez devoir légiférer. Une loi doit avoir des dents. Il n'y a rien qui indique que les régions éloignées vont être traitées avec justice. Il n'y a rien qui indique que les pauvres de nos sociétés, qui créent... Vous savez, Mitcha, c'est une créatrice; beaucoup le sont. Il n'y a rien qui indique dans votre document - j'espère que la loi va le montrer - qu'il va y avoir quelque chose de prévu pour eux.

Les minorités culturelles, écoutez, ce sont ceux qui travaillent au salaire minimum: les Laotiens, les Cambodgiens, les Vietnamiens. Il y en a qui ont été riches, qui sont sortis avec de l'argent, mais la majorité ne sont pas sortis de leur pays avec de l'argent, et c'est eux qu'on rencontre là, à la base. Vous savez, les Indiens - ou les Amérindiens; c'est ainsi qu'on parle maintenant - et les Indiens métis, on n'en parle pas. Eux sont mal pris; ils ne sont ni Amérindiens ni tout à fait Blancs. Cest 50 associations au Québec. Ces gens-là produisent sur le plan culturel. Vous parlez d'art et de culture. Moi, je crains et je vais vous donner ce que mon évêque a écrit dans son éditorial.

Premièrement, il n'est pas question des valeurs évangéliques. Attention, là! C'est important les valeurs évangéliques; ça dit quelque chose à nos sociétés. La Charte des droits de la personne s'en est inspiré: égalité pour tous, le droit à la paix sociale, le droit d'être entendu et d'avoir son mot à dire.

C'est gênant de venir ici, vous savez, quand on n'a pas l'habitude. Regardez Ketty; elle était toute nerveuse. Et les gens de mon groupe, qui viennent du Gabon, étaient nerveux. J'ai eu la chance d'écouter ce que madame a dit; je n'ai pas le goût d'articuler mon langage là-dessus. D'ailleurs, je vais terminer bientôt.

Rien n'est dit de la culture de ceux qui sont Québécois chez nous, qui viennent d'ailleurs et qui ont un passé comme, moi, j'ai un passé représentatif de mon peuple. Mes ancêtres viennent de Québec, moi. Il y a du Hamelin là-dedans; il y a du Colborne. Ils étaient créateurs, mes ancêtres. Il me semble que vous prenez un océan quand vous touchez à la culture. C'est mon avis. Ça descend jusqu'au mode de vie dans les maisons. C'est vaste, ce que vous touchez.

Si on parle des arts, ma crainte, c'est que les multinationales de l'art et les groupes très organisés qui en font le commerce ont déjà des gens payés pour étudier, comme des spécialistes, votre document, qui vont voir venir votre projet de loi tout à l'heure et qui vont déjà prévoir le lobbying à faire pour aller chercher le plus gros paquet de marrons. C'est ma crainte, c'est la crainte des gens du peuple. Je ne suis pas venu ici vous dire... Vous faites un travail, et je me demande si je le ferais, le vôtre. C'est très difficile de prévoir aujourd'hui en politique, très difficile. Qui aurait prévu ce qui arrive en Russie? Mais ce que je remarque là-bas, c'est qu'on revient à un nationalisme qui recherche ses valeurs, et on se sépare, on s'intériorise.

Ce n'est pas seulement en Russie et derrière le Rideau de fer, c'est partout. Et il me semble que ça s'en va dans ce sens-là un peu au Québec, pas pour devenir fanatique mais pour rebondir comme société, parce qu'on ne sait plus de quelle société on fait partie. Les gens en ont marre de l'après et de l'après après Meech; ils sont las. C'est sérieux, vous savez. On n'assiste plus aux commissions fédérales sur la question. C'est grave quand le peuple québécois ne parle plus. Il faudrait regarder en arrière dans notre histoire. Quand les Québécois ne parlaient plus,

ils préparaient quelque chose au fond de leur conscience.

Mais moi, je ne parle pas seulement des Québécois canadiens-français. Qu'est-ce qu'on fait des Hongrois qui sont ici? Les Italiens, depuis un bout de temps, ils sont très organisés, eux. Qu'est-ce qu'on fait des Laotiens, des Cambodgiens, des Chinois qui s'en viennent avec beaucoup de sous, parce que leur échéancier est très court, eux autres? Moi, je peux visiter le monde sans sortir du Québec maintenant. Ah! Je ne verrai peut-être pas les monuments, mais je vais en connaître beaucoup de la culture.

Vendredi soir, nous avions une réunion - et je termine là-dessus - et Abraham, qui est ici présent, nous a expliqué en 10 minutes le sens des danses de son pays. Il a vécu sept ans au Gabon, et il est Africain pure laine. Après avoir travaillé d'une façon harrassante sous un soleil de plomb, les femmes, qui travaillent très dur dans son pays, arrivent pour préparer le souper. Elles sont fatiguées, elles se mettent à danser en racontant des choses, genre mélopée; elles s'"énergisent" et, ensuite, elles préparent le souper et elles sont en forme pour continuer la soirée, comme les femmes qui travaillent dans les bureaux vont dans des endroits qui leur coûtent des sous - vous comprenez ce que je veux dire - s'"énergiser". Elles reviennent et, des fois, elles font l'amour avec leur mari, peut-être pas toujours. (21 heures)

Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a des grands spécialistes qui savent, qui ont l'instinct de profiter de tout ce qui bouge quand on peut faire des sous. Mais le grand danger, c'est le cloisonnement des cultures, ici, nouvelles. Ça va faire dur à Montréal, si on ne se parle pas, vous savez, très dur! C'est rendu que c'est la police provinciale et la police de Montréal qui ont déjà mis en route des choses pour faire se rencontrer les gens. Ça aussi, c'est de la culture. Moi, je ne veux pas parler toute la soirée. J'ai dit, je pense, ce que j'avais à dire.

Vous pourrez lire, si vous le voulez, (editorial de mon évêque qui frappe le joint. Si on ne place dans un projet de loi que des réalités implicites, ça n'a pas de sens parce que certains en profitent. Il faut que la loi ait des dents pour donner la justice à tous et, surtout, aux petits qui n'ont pas de défense, particulièrement les étrangers qui nous arrivent et qui sont Québécois, c'est le nouveau Québec. Seulement regarder la réalité tourner vers l'avenir, seulement le présent vers l'avenir, j'ai bien peur de ça. Un individu qui ne se souvient plus de son passé et qui est dans le présent juste tourné vers l'avenir, il tend vers la schizophrénie. Nous ne pouvons pas nous permettre, les Québécois, je pense, comme petit peuple de quelque 6 000 000, d'être des schizophrènes du monde. Nous sommes dans le monde, il y a plein de gens qui sont ici qui nous disent quelque chose du monde. Nous autres, nous allons mettre sur pied une compagnie qui va justement faire en sorte que les gens puissent se parler par le biais de l'art et de la culture pour les rendre accessibles aux petites gens. Ce n'est plus achetable, une oeuvre d'art de qualité, pour les gens moyens. Je suis triste d'avoir entendu aujourd'hui à la radio que la firme Lavalin, ayant fait faillite, va peut-être être obligée de vendre - c'est les journalistes qui disent ça, vous savez comment c'est, j'espère que non - la collection qui nous représente à Toronto. Je n'ai rien contre Toronto, remarquez, j'espère que non. Je ne suis pas venu ici pour ça, mais ça m'attriste.

Le Président (M. Doyon): Madame.

Mme Jean-Pierre (Ketty): La Chambre des artistes est un organisme qui existe depuis un an déjà. Notre but, c'était de mettre sur pied une table de concertation qui permettrait aux gens de dialoguer, de faire la promotion des arts et de la culture à différents niveaux. Nous avons évalué différents éléments qui permettraient aux gens d' avoir accès à la culture. Nous pensons que, pour la culture, l'objectif global doit permettre à tout le monde d'avoir une place et que le développement de la culture concerne l'ensemble de la société québécoise, avec une ouverture sur la mosaïque des humains qui composent notre environnement culturel. Par notre intervention, nous vous proposons une approche humaniste de la réalité culturelle québécoise.

La politique culturelle, pour nous, doit être une alternative complémentaire afin de permettre aux artistes de développer leurs talents innés, pour donner un sens à leur vie, se sentir des êtres libres et responsables, avoir le goût et l'intérêt pour englober des chemins nouveaux. Pour la mise en commun des talents de toutes sortes, une table de concertation, pour nous, je trouve que ce serait propice pour permettre l'éclosion d'une qualité de vie. Chacun de nous possède des talents et c'est de mettre en place les outils pour permettre aux gens de développer leurs talents.

Alors, par une politique de développement culturel adéquate, nous pensons que si on arrivait à créer un réseau humain pour sensibiliser les gens au développement culturel comme une alternative avec des finalités... Dans les finalités, les artistes ont besoin, dans un concept global, de partager leurs talents; ils ont besoin d'une équité sociale, ils ont besoin aussi d'une qualité et de conditions de vie adéquates et ils ont besoin aussi de contacts humains pour s'épanouir et s'intégrer.

Les intervenants. Nous avons besoin d'intervenants aussi pour pouvoir développer la culture; les différents intervenants aux niveaux artistique et culturel qui ont déjà érigé des ressources pour permettre aux gens d'avoir accès aux différents moyens qui leur permettent d'avoir

une meilleure qualité de vie.

Dans ses finalités, la société, face aux artistes, a des exigences. La société attend des artistes. Pour elle, il faut que les artistes soient aussi de bons consommateurs, il faut que les artistes soient aussi de parfaits payeurs de taxes et de parfaits payeurs d'impôt et il faut aussi qu'ils soient de parfaits citoyens et citoyennes. Pour ça, il faut favoriser l'accessibilité de la population à la culture pour permettre aussi aux artistes d'agir en ayant un sentiment d'appartenance au sein d'un concept qui leur permette de s'intégrer aux différentes facettes de leur talent.

Pour pouvoir avoir une base fondamentale, pour moi, la culture doit avoir des liens qui se rattachent au passé, qui font référence au présent et qui s'en vont vers l'avenir. Ces liens étroits, mais au niveau du passé, les artistes doivent pouvoir se référer aux significations des origines qui leur permettent de s'intégrer selon le lieu d'où ils viennent. Avec le présent, les artistes doivent pouvoir avoir accès à l'inventaire des différents éléments artistiques et culturels leur permettant de découvrir leurs talents en vue de s'intégrer au processus de développement de la société. Le lien qui réunit les artistes avec l'avenir, c'est que tous ces éléments recueillis dans le passé et le présent doivent favoriser la qualité de vie pour permettre aux artistes d'envisager le développement culturel comme une situation complexe, mais essentielle et nécessaire, où tous les éléments de notre environnement culturel ont leur importance.

Les moyens concrets pour pouvoir rendre la culture accessible à tous, moi, je le vois dans le cas d'un concept qui permet d'intégrer les arts visuels, les arts de la scène, les arts médiatiques, les métiers d'art, dans un concept qui peut permettre aux gens d'avoir accès à différents niveaux; ça peut être au niveau de la création, de la diffusion, du divertissement, de la coopération ou de la conservation. Au niveau de la création, ça peut être autant les études que la formation ou la pratique des arts ou de la culture. Au niveau de la diffusion, ça peut être tout ce qui permet aux gens d'avoir accès à la culture, que ce soit par des expositions ou la télévision, les moyens de diffusion, les livres et tout. Au niveau du divertissement, c'est tout ce qui permet, par la culture, d'avoir des loisirs, des divertissements, des vacances face à la culture. Au niveau de la coopération, c'est tout ce qui permet aux gens, par leur culture, d'échanger, de coopérer ou de développer la famille pour pouvoir partager avec tous les autres secteurs. Au niveau de la conservation, c'est tout ce qui permet de préserver toutes les traditions, toutes les choses qui nous permettent d'avoir une base pour pouvoir se référer à la culture, pour pouvoir s'intégrer de façon adéquate. Alors, tout ce qui existe au niveau des musées, des écomusées et qui permet aux gens d'avoir une référence pour donner un sens à leur vie.

Les moyens efficaces que j'ai repérés, je pense qu'il devrait y avoir un travail de fond pour permettre d'évaluer les inventaires, pour pouvoir faire déjà le travail au niveau des municipalités d'abord, parce que les gens résident dans les municipalités avant tout et ils doivent avoir, à ce niveau-là, une qualité de vie. Si les moyens pour pouvoir se développer sont dans les grands centres, ce n'est pas facile d'accès quand on demeure dans une localité éloignée. Moi, je pense qu'il serait possible de mettre de l'avant un concept. Avec la Chambre des artistes, nous avons fait le test et nous l'avons utilisé comme une chambre de commerce, sauf que ça représente les arts et la culture. Dans ce concept-là, on regroupe tous les éléments qui permettent aux gens d'avoir accès, que ce soit au niveau du milieu artistique, du milieu socioculturel ou socio-économique. Alors, au niveau artistique, ça peut être d'avoir accès à toutes les informations qui se trouvent au niveau des conseils artistiques; au niveau socioculturel, c'est tous les établissements d'enseignement ou toutes les associations culturelles et, au niveau socio-économique, ça peut être la famille, ça peut être les syndicats, toutes les choses qui nous permettent de mieux comprendre c'est quoi, les éléments qui nous permettent d'avoir une meilleure qualité de vie. Alors, c'est à ce niveau-là.

Pour pouvoir faire l'inventaire, j'ai pensé qu'on pourrait mettre de l'avant une nouvelle forme d'emplois qui sont des planificateurs culturels qui évaluent, selon une municipalité donnée, les besoins spécifiques et qui disent c'est quoi, les besoins fondamentaux d'une municipalité, pour pouvoir mieux en faire part aux décideurs et répartir ensuite les ressources nécessaires dont on a besoin, soit en temps, soit en argent ou en ressources humaines. Ces planificateurs culturels pourront évaluer les moyens de financement, d'autofinancement favorisant cette émergence et qui sont disponibles en temps, en argent, en produits et en services et, ensuite, faire rapport aux décideurs municipaux et gouvernementaux ou à tout autre conseil régional, national ou international régissant les différentes disciplines artistiques et culturelles. Ces planificateurs culturels ainsi désignés pourront préciser les réalités du milieu pour qu'ils nous permettent d'établir l'inventaire pour chaque municipalité afin de fournir les points de repère pour évaluer les besoins fondamentaux réels des individus. Ils seront également en mesure de former, de par leurs fonctions, la coalition de la culture et des arts qui sensibilisera l'ensemble de la communauté à l'importance de la préservation de notre environnement culturel et qui deviendra, par le fait même, le mécanisme de consultation direct et permanent entre les intervenants artistiques et culturels et favorisera l'établissement d'un inventaire reflétant la diversité de notre envi-

ronnement culturel québécois dans le passé, dans le présent et dans l'avenir avec la collaboration des intervenants du milieu concerné.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Je permettrai à Mme la ministre de vous poser quelques questions parce qu'il ne restera finalement pas de temps.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Jean-Pierre. Je veux quand même apporter une précision à propos de ce qui a été dit au début. On va transmettre les félicitations, parce que, effectivement, ça a été un travail énorme au niveau du groupe-conseil. C'est un groupe-conseil indépendant qui a pensé, rédigé et travaillé extrêmement fort pendant quatre ou cinq mois, mais c'est un projet pour réflexion, justement, à partir de gens qui sont de divers milieux et extrêmement compétents. Alors, on leur transmettra vos félicitations, d'une part. (21 h 15)

Deuxièmement, vous dites: Ce sera un projet de loi. Il faut faire attention. Une politique culturelle, c'est aussi un peu... Comme Mme La-fontaine disait, c'est beaucoup plus une façon de faire et de penser au niveau non seulement du gouvernement, mais de la population, avec des plans d'action très précis. S'il y a projet de loi, il peut y avoir un changement au niveau de la ioi au niveau du ministère. Mais ce ne sera pas une loi qui forcera... coercitive, en disant: Voici, on dépose la politique. Au contraire, mais au contraire!

On a beaucoup parlé de liberté d'expression, liberté de création. Et pour vous rassurer aussi, jeudi, on aura entendu 120 groupes, ce qui est énorme. À date, il y a 250 mémoires de déposés de partout, de tous les milieux socio-économiques, d'éducation, des régions et de partout, ce qui fait que c'est aussi une vaste discussion collective et on la veut la plus ouverte possible. Il y a aussi eu des groupes... pour répondre un peu a votre crainte et vous avez raison quand vous dites que le monde ou, enfin, le peuple québécois est en évolution et aussi en ebullition et qu'il y a d'autres intervenants qui rentrent et qui l'enrichissent.

Nous avons eu des représentants des communautés culturelles, nous avons eu les Services communautaires juifs, nous avons eu les groupes autochtones, nous avons eu la Conférence des évêques. Alors, c'est, finalement - comme je le dis et je le répète - une grande discussion collective, à savoir: Maintenant, voici ce qu'on a fait. Où s'en va-t-on et où veut-on aller pour le futur? Ceci dit, une question. On a eu le plaisir de recevoir la ville de Boucherville, une communauté extrêmement dynamique au niveau culturel, autant au niveau du patrimoine qu'au niveau de l'encouragement aux arts, à la culture et à la diffusion au niveau de Boucherville, je dirais même une ville modèle qui s'implique énormé- ment. Selon vous, quel devrait être le rôle du ministère des Affaires culturelles versus les municipalités ou la municipalité, entre autres... parce que vous avez la chance d'être dans une municipalité qui y croit beaucoup et qui y investit beaucoup aussi et, aussi, tout près de Montréal, donc une municipalité qui a aussi réussi à développer, attirer et encourager un caractère spécial aussi, mais près d'une métropole. Ce n'est pas facile.

Selon vous, quel est le rôle, justement, de la municipalité versus le ministère des Affaires culturelles, versus la communauté?

Mme Jean-Pierre: Je pense que le ministre devrait avoir un rôle de partenaire vraiment, qu'on travaille en concertation pour pouvoir permettre aux gens de s'intégrer à tous les niveaux, même au niveau de l'éducation pour pouvoir permettre aux jeunes de... Les jeunes qui décrochent... J'ai posé beaucoup de questions à ce sujet, mais, souvent, ce sont des artistes en herbe. Des fois, j'ai fait faire des tests. Ces jeunes-là, ils ont des talents artistiques, mais, faute de moyens, ils ne peuvent pas s'intégrer. Des fois, ce ne sont pas des jeunes qui ont la possibilité, parce que leurs parents ne sont pas nécessairement fortunés. Les arts, c'est toujours péjoratif encore dans la tête des gens: être un artiste, ce n'est pas une profession. Mais je trouve que c'est essentiel. Surtout quand les jeunes qui ont le talent et puis qui n'arrivent pas à s'en sortir parce qu'il n'ont pas le moyen puis, finalement, ils décrochent et, souvent, ça finit très mal aussi.

Alors, je pense qu'à ce niveau-là, c'est pour ça que, dans mon mémoire, je mettais que c'est important de développer le réseau arts-études pour permettre, déjà au niveau du primaire, d'aider des jeunes à s'intégrer. Alors, ça devient comme un rôle de partenaire à ce niveau-là. Puis, nous, on peut faire avec ces jeunes des activités pour leur permettre de s'intégrer puis de vraiment faire en sorte... Alors, à ce niveau-là. Mais si le ministère, à la base, met les moyens pour pouvoir donner l'éducation et tout, nous, on a les éléments, on peut les dynamiser puis les motiver face à ce qu'ils font. S'il y a de l'éducation puis il n'y a pas de moyens de se promouvoir, ça aussi, c'est de la perte d'énergie. C'est un travail où il y a une cohérence à tous les niveaux.

Mme Frulla-Hébert: Le ministre de l'Éducation était avec nous, il y a 15 jours, lorsque nous avons eu Mme Pagé. Effectivement, je pense que... Et de plus en plus on entend des témoignages, culture et éducation et tout le rôle du ministère de l'Éducation dans le développement non seulement culturel, mais se servir de la culture pour régler certains problèmes, au niveau des jeunes ou encore même au niveau des gens plus âgés.

Mme Jean-Pierre: Oui, au niveau des aînés.

Mme Frulla-Hébert: La solitude. Brièvement parce que le temps passe, j'aimerais vous demander... Vous avez émis une suggestion au niveau d'une espèce de table de concertation, si j'ai bien compris, pour le milieu, une table d'échanges.

Mme Jean-Pierre: D'échanges.

Mme Frulla-Hébert: Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?

Mme Jean-Pierre: Oui. C'est qu'au niveau... Bon, nous, on est de Boucherville, mais on ne peut pas rester isolés. On a besoin, pour avoir plus d'information sur la culture, de collaborer avec les gens d'autres municipalités, d'autres régions même, au niveau international. Des fois, des solutions, on peut en trouver, mais pas nécessairement dans notre municipalité. Ailleurs, il y a des gens qui ont fait des tests sur différentes choses. Alors, si on peut dialoguer avec des gens de différentes sources, de différents endroits, on peut arriver à vraiment atteindre une plénitude des connaissances qui permettent un meilleur réseau de la culture...

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, par exemple, par le biais des CRC qui sont aussi des ressources en terme... non seulement au niveau des différents groupes et de réunir les différents groupes, mais par... organiser ces tables-là. Il y a des CRC partout au Québec, ce qui fait que cette relation peut être faite. Est-ce que ce serait une solution?

Mme Jean-Pierre: Oui, ça peut être chapeauté par les CRC, mais que, nous, l'information nous arrive dans les municipalités. Moi, j'ai eu affaire... J'avais besoin d'une information pour un problème donné. Des fois, la culture, ça nous permet de régler des solutions à nos problèmes. J'ai été obligée d'aller dans cinq villes voisines pour aller chercher l'information. Je disais: Si on avait dans notre municipalité un établissement ou un concept qui nous permettrait, soit par l'informatique, soit par juste une information dans un fichier, de savoir que telle solution existe à nos problèmes. Je dis que tout ça peut permettre aux gens d'avoir une meilleure qualité de vie. Souvent, les gens souffrent parce qu'ils ignorent qu'ils ont des solutions ou des choses culturelles qui peuvent leur permettre de régler leurs problèmes. C'est au niveau des arts et de la culture, ça peut être aussi au niveau de l'économie. Ça peut être savoir gérer un budget, avoir toutes les informations nécessaires.

Moi, je viens d'ailleurs. Ça fait 15 ans que je demeure au Québec. Mais je trouve... Quand les immigrants arrivent ici, on les informe sur toutes sortes de choses qui existent pour pouvoir s'intégrer. Mais il y a beaucoup de Québécois qui ignorent que ces éléments existent. Entre autres, il y a un organisme que je trouve qui est très bien, c'est l'ACEF, qui permet aux gens de bien gérer leur budget, de faire en sorte qu'il y ait une meilleure qualité de vie. Souvent, la gestion du budget, c'est quelque chose qui détériore la qualité de vie des gens. Je trouve que, comme l'ACEF, au niveau d'un organisme comme ia Chambre des artistes, c'est tous des gens avec qui on aimerait communiquer pour permettre aux gens d'avoir accès à ces informations, pour savoir comment gérer leur budget, faire des conférences, faire des choses pour leur permettre d'avoir accès à ces informations.

Le Président (M. Doyon): Je permettrai maintenant au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de poser quelques questions, compte tenu du temps qui s'écoule.

M. Boulerice: Mme Jean-Pierre, M. Cler-mont, bienvenue à cette commission. Vous êtes un organisme qui est jeune, un organisme qui naît et qui, sans aucun doute, va progresser. Je sais que vous travaillez en étroite collaboration et avec le soutien de votre député, mon collègue de Bertrand, M. Beaulne. Personnellement, je m'en réjouis. Je connais son ouverture face à l'art et à la culture.

M. Clermont, quant à vous, vous nous avez rappelé les paroles qui ont été prononcées en cette commission, il a été parmi l'un des tous premiers intervenants, celles de Mgr Hubert, évêque de Saint-Jean et Longueuil, un homme de grande vision, un homme de grand progrès que j'ai côtoyé longtemps lorsque j'oeuvrais sur la rive sud et qui est venu nous rappeler des choses fort importantes lorsqu'on veut faire une politique des arts et de la culture au Québec. S'il est bon dans ce domaine comme dans d'autres que l'on veuille se donner des élites, il faut faire attention à l'éiitisme qui, lui, est un égoïsme, un snobisme égoïste, en nous rappelant justement la place des pauvres dans le développement de la culture et des arts. Eux qui sont exclus de tout ne doivent surtout pas être exclus dans ce qui est - je pense que je reprends bien ses paroles - effectivement l'âme d'un peuple, l'âme d'une collectivité comme telle.

Vous avez aussi fait allusion, je me demande pourquoi je ne reprendrais pas en écho ce que vous avez dit quant à ce qui nous menace, c'est-à-dire les trésors nationaux, l'étoile de Borduas et l'étoile de Riopelle qui, malheureusement, risquent de quitter notre territoire alors qu'ils sont des biens patrimoniaux. Il faut déplorer qu'une telle situation arrive, mais on ne peut pas se permettre que ça nous arrive à tout bout de champ, comme on dit, et se contenter de déplorer. Ce qui me fait dire, Mme Jean-Pierre, que la ministre a raison en vous disant: II n'y aura pas une loi des arts et de la culture, il y

aura une loi pour restructurer le ministère qui devra donner lieu à au moins, au minimum, une quinzaine de lois structurelles et, après, à des programmes. J'ose espérer qu'il y en aura une là-dedans qui, lorsqu'elle parlera de patrimoine, pourra nous empêcher d'assister non pas à un dilapidage, mais à des pertes aussi épouvantables que celles-ci.

Vous parlez, dans votre mémoire, d'élaborer des stratégies visant à sensibiliser les communautés locales aux besoins des milieux culturels et à la pratique de ceux-ci. Donc, je pense que dans cet énoncé, d'une part, non pas en termes de reproches puisque chacun ayant sa préoccupation, quelquefois, malheureusement, on s'éloigne de l'autre, mais que la population n'a pas une connaissance intime de la vie, de la vie créatrice et, surtout, des difficultés que peuvent rencontrer les gens qui oeuvrent dans le domaine des arts et de la culture, je pense que c'est ça que vous avez voulu dire. Quelles seraient, en fin de compte, ces stratégies qu'on pourrait peut-être employer pour permettre ce rapprochement où on connaît l'art? Mais je pense que vous avez raison, on connaît malheureusement mal l'artiste et ses conditions.

Mme Jean-Pierre: Moi, je voyais différentes manières de mettre en place des éléments pour sensibiliser les gens, entre autres, mais mettre en place tous ces organismes qui existent un peu partout, mais qui ont été créés. S'ils ont fait leurs preuves, c'est bien qu'on puisse les avoir dans les localités. Il y a des bénéficiaires d'aide sociale. Je me dis que ces gens-là, ils sont payés parce qu'ils n'ont plus d'emploi ou parce qu'ils disent qu'il n'y a plus d'emploi. Des fois, on n'a pas souvent l'aide dont on a besoin pour développer les organismes, alors, je me demandais pourquoi ces bénéficiaires d'aide sociale ne seraient pas... Quand ils ont leur chèque d'aide sociale, pourquoi est-ce qu'ils n'auraient pas une tâche de s'occuper d'un organisme, soit artistique, culturel ou communautaire? Cela leur permettrait de s'intégrer ou de trouver un emploi ou d'aider ou de soutenir, de mettre la main à la pâte aussi pour pouvoir aider à développer une meilleure qualité de vie. (21 h 30)

M. Boulerice: C'est intéressant, ce que vous dites, puisque c'est actuellement l'objet d'une expérimentation, en France, par la mission interministérielle Solidarité et intégration sociale. Ça donne, d'ailleurs, certains résultats.

Mme Jean-Pierre: Toutes les formes, moi, je trouve ça... Les gens disent: On touche du bien-être social, mais c'est nos taxes. Alors, ils s'assoient et ils sont là, ils sont aptes à travailler. Je dis: S'ils sont aptes à travailler, mais s'ils ne veulent pas ou s'ils n'ont pas de travail, ils sont payés, mais qu'ils fassent quelque chose d'important. Tous ces organismes qu'ils pourront mettre en place pourront permettre à tout le monde d'avoir une meilleure qualité de vie.

M. Boulerice: À la page 11, vous dites: "Les intervenants artistiques ont besoin d'une structure de base physiquement accessible pour promouvoir, recevoir ou élaborer des projets. " Est-ce que, dans cette formulation des besoins fondamentaux que vous dites dans le domaine de la culture et des arts, vous pensez à, je ne sais pas, moi, exemple, galerie populaire, parce qu'il est souvent difficile pour des artistes d'avoir accès à une galerie? Est-ce que vous pensez, dans le cas des peintres, à cette formule qui commence à se développer, des ateliers autogérés où ils ont un lieu de création?

Mme Jean-Pierre: C'est plus que ça. Ça peut être aussi les éléments. Ça peut être des galeries, mais ça peut être aussi les organismes qui existent. Ça peut être... Comme nous, à Boucher-ville, on n'a pas un conseil de la peinture ou un conseil de la sculpture, mais ça existe à Montréal. Avoir accès a ces informations qui existent. Il y a beaucoup d'artistes-peintres ou de sculpteurs avec qui j'ai travaillé à Boucherville. Des fois, ils ne savent pas que ces conseils qui peuvent permettre d'avoir un meilleur accès existent. Ça peut être d'autres... Tous les conseils qui existent pour permettre aux gens de développer un art particulier ou une discipline. Mais si... Le Conseil de la peinture qui est à Montréal, des fois, il a besoin de membres aussi, il a besoin de se développer, mais il n'a pas accès à toutes les régions. S'il pouvait fournir son information un peu partout, ça permettrait d'avoir une meilleure répartition des ressources qui existent.

M. Boulerice: D'accord. Ça n'est pas du tout la notion d'équipement comme tel...

Mme Jean-Pierre: Oui.

M. Boulerice:... mais bien de ressources au niveau des affinités professionnelles. C'est cela. D'accord. Mme Jean-Pierre, je sens que M. le Président va...

Le Président (M. Doyon): Une autre fois, avec regret.

M. Boulerice:... faire tomber la guillotine comme telle. Alors, je vais vous remercier...

Mme Jean-Pierre: Merci.

M. Boulerice:... de votre participation, également M. Clermont. Je ne sais si vous êtes originaire du nord ou du sud, mais, même si on vient du sud, on connaît le mot, on a senti que, pour vous, l'art, c'est... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Jean-Pierre, M. Clermont. Un point d'information quand vous parlez de programmes, de gens qui sont sur l'aide sociale et qui pourraient donner un coup de main. Il y a deux programmes qui existent justement pour ça. Il y a le programme PAIE et le programme EXTRA. Je dois vous dire que plusieurs de nos organismes, d'ailleurs, se servent de ces programmes-là et c'est un peu dans le même... c'est exactement dans le sens dont vous nous faisiez part. Alors, ce...

Mme Jean-Pierre: Mais ça pourrait être plus poussé vraiment.

Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement, par exemple. Même, il pourrait y avoir une obligation, mais, là, tout dépend, à savoir jusqu'où l'État veut aller dans la liberté personnelle, etc.

Mme Jean-Pierre: Mais ça...

Mme Frulla-Hébert: Mais, effectivement, je pense que tout le monde doit contribuer...

Mme Jean-Pierre: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...et ce serait une belle façon de contribuer.

Mme Jean-Pierre: Oui, ils sont payés. Mme Frulla-Hébert: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre contribution. Merci beaucoup.

M. Clermont: ...qui a fait la calligraphie était trop pressé.

Le Président (M. Doyon): J'invite maintenant, en vous laissant le temps de vous retirer, le Conseil régional de la culture Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais inc. à bien vouloir s'avancer. Je suspends les travaux pour 30 secondes.

À l'ordre! Nous recevons les représentants du Conseil régional de la culture du Sague-nay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais inc. Je vois qu'ils sont installés en avant, je leur souhaite la bienvenue. Ils sont avec nous depuis un certain temps. Je les invite à nous faire part de leur réflexion sur la proposition de politique cultuelle, quelle sorte de réflexion cela a suscité chez eux, en leur rappelant que le temps qui restera, s'ils prennent plus de temps pour faire la présentation, la présidence se verra dans l'obligation d'abréger le débat. Si vous en prenez moins, il restera plus de temps pour discuter avec les membres de la commission. C'est votre choix. Vous avez la parole.

Conseil régional de la cuKure Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais inc.

M. Pilote (Bernard): On aime beaucoup la période de questions, alors on va accélérer la présentation. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, ce mémoire régional sur le projet d'une politique sur les arts...

Le Président (M. Doyon): Vous permettez que je vous interrompe. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous identifier, vous présenter pour les fins de la transcription de nos débats?

M. Pilote: Oui. Bernard Pilote, président du Conseil régional de la culture, et M. Daniel Hébert, directeur général.

Le Président (M. Doyon): Excusez-moi. Allez.

M. Pilote: Voilà. Notre document a reçu un très large appui des milieux culturel, municipal et institutionnel du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chi-bougamau-Chapais. En effet, le Conseil régional de la culture a consulté plus de 250 leaders reliés directement ou indirectement à la vie culturelle de notre région. Notre document a reçu aussi un appui unanime des groupes et des artistes présents à notre assemblée générale spéciale du 5 octobre 1991 et des villes et municipalités suivantes: La Baie, Laterrière, Jonquière, Aima, Mistassini, Dolbeau, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est. Donc, ce mémoire représente véritablement une opinion régionale.

L'orientation du mémoire. Eh bien, dans ce mémoire, nous nous sommes donc proposé de délimiter le contexte régional qui prévalait au moment du dépôt du rapport Arpin. Dans une deuxième temps, nous avons procédé à une analyse des finalités et du mode d'application de la proposition de politique de la culture et des arts en regard de notre perception du développement culturel de notre région et dans tout le Québec. Finalement, cet exercice nous a amenés à émettre nos propres recommandations qui conduiront, nous le souhaitons vivement, à l'élaboration d'un plan stratégique de développement des arts et de la culture chez nous.

L'activité culturelle au Saguenay-Lac-Saint-Jean: vitalité et spécificité. Un portrait résumé de l'activité culturelle au Saguenay-Lac-Saint-Jean est nécessaire pour en apprécier le dynamisme spécifique. Ce portrait permet aussi de nuancer l'assertion voulant que le ministère des Affaires culturelles, dans le cadre de ses programmes de subventions, fasse du saupoudrage et que, par conséquent, il devrait se montrer plus sélectif envers ses clients, sa clientèle.

Nous avons recensé chez nous 711 individus actifs au niveau de la création, de la production et de la formation. 195 organismes de toutes sor-

tes oeuvrent dans les différents secteurs et niveaux de l'activité culturelle. De ce nombre, le ministère en subventionne 77, soit 40 % des organismes.

À l'aide d'autres études, nous avons également pu constater que le soutien gouvernemental accordé aux organismes est insuffisant pour assurer à ces derniers une stabilité et une viabilité (constatation corroborée par le rapport Arpin). Cette analyse sommaire nous permet donc d'affirmer qu'il n'y a pas saupoudrage, mais plutôt un manque réel de volonté politique pour appuyer le dynamisme des professionnels de la culture et leurs organismes qui oeuvrent dans les régions du Québec.

Le développement du domaine des arts et de la culture. En pratique, le développement de la culture repose sur ce que le rapport Arpin nomme très prosaïquement sa matière première, c'est-à-dire l'énergie créative et productive de l'humain, de l'artiste créateur à l'interprète, en passant ensuite par le scénographe, le technicien, le formateur, le gestionnaire, le producteur, etc. En un mot: les professionnels de la culture.

Si les conditions dans lesquelles s'exprime cette énergie humaine sont loin d'être idéales, c'est fondamentalement dû au fait que trop peu d'organismes culturels profitent d'un niveau décent de viabilité.

Les organismes servent à établir le contact entre l'artiste et le consommateur, permettant la circulation entre ces deux pôles de l'énergie créative et productive ainsi que des ressources nécessaires pour en maintenir la transmission. Si les transmetteurs sont en mauvaise état, c'est toute l'efficacité de ce circuit qui est compromise.

La priorité du soutien à la culture: les ressources humaines. Dans le rapport Arpin, on explique le sous-financement chronique par le trop grand nombre d'organismes ainsi que par le manque de ressources que leur consacre le gouvernement. Ces facteurs combinés mèneraient au saupoudrage de l'aide gouvernementale. S'il est essentiel de demander au gouvernement d'accroître l'aide globale qu'il accorde aux organismes, il est tout aussi nécessaire de souligner la part importante de son soutien financier qui échoit aux grandes institutions afin de nuancer l'assertion voulant qu'il y ait trop d'organismes au Québec.

Les grandes institutions absorbent systématiquement la croissance globale du budget de transfert du ministère des Affaires culturelles. Elles ont accru leur part de ce budget de presque 10 % entre 1985 et 1990, passant de 33 % à 42 % de l'enveloppe disponible. De plus, elles accaparent, par le biais des sociétés d'État, 75 % du service de la dette du MAC, soit les sommes consacrées aux équipements. Cette donnée renforce encore le pourcentage réel du soutien financier gouvernement qui échoit aux grandes institutions.

Accès à la vie culturelle. Le groupe Arpin propose rétablissement sur l'ensemble du territoire québécois d'un réseau d'équipements culturels s'appuyant sur trois pôles: Montréal (la métropole), Québec (la capitale) et le reste des régions.

La nécessité de doter le Québec d'un réseau culturel complet et démocratique, donc bien équilibré, est une évidence, mais découvrir en Montréal, Québec et le reste des régions trois pôles de cet éventuel réseau culturel relève d'une capacité peu commune de faire abstraction de la réalité. Le pôle des régions, c'est une vue de l'esprit contraire aux lois universelles.

Notre région a son identité propre, tel que nous l'avons démontré plus tôt, et il est géogra-phiquement impossible de former un pôle avec nos voisins de l'Abitibi, même si, un jour, elle le désirait.

Nous croyons, à l'inverse de toute volonté de polarisation, qu'un réseau culturel devrait mettre en valeur la diversité et les richesses que représente la spécificité d'une culture comme la nôtre, ou celles des autres régions, et surtout la rendre accessible ailleurs. La production régionale doit profiter partout au Québec des mêmes conditions de diffusion que celles dont jouit la production des grands centres.

Cette approche est beaucoup plus près de l'idéal démocratique, elle contribue plus efficacement à promouvoir la liberté de création et d'expression artistique. Il faut créer un réseau interrégional adapté en fonction d'un produit culturel spécifique, un peu à l'instar des maisons de la culture à Montréal. Il faudrait, d'ailleurs, examiner la possibilité d'arrimer ces maisons de la culture au réseau interrégional.

La problématique des régions, maintenant. La question de l'accessibilité à la culture et de la création d'un véritable réseau culturel sur l'ensemble du territoire québécois est indissociable de la problématique du développement des régions en regard du mode de financement pratiqué par le ministère des Affaires culturelles. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean qui représente 4,4 % de la population québécoise n'a reçu, en 1989-1990, que 1,8 % du budget de transfert du MAC, ce qui a représenté un manque à gagner de 4 140 000 $, pour la région. Toutes les régions dites périphériques sont victimes de cette inadéquation entre leur poids démographique et les sommes allouées par le ministère, inadéquation qu'on ne peut justifier par une activité culturelle moins intense. (21 h 45)

Ce sous-financement des régions situées en périphérie des grands centres est encore aggravé par les coûts plus élevés au niveau de la production, de la diffusion et de la consommation du produit culturel qu'entraînent l'éloignement des marchés et la faible concentration urbaine.

La gestion de la mission culturelle. Quand on pense à la gestion de la mission culturelle, il

faut d'abord considérer les programmes du ministère des Affaires culturelles. On a relevé, à la section précédente, l'inadéquation importante entre le poids démographique des régions et ce qu'elles reçoivent en pourcentage de l'aide du MAC. Il faut qu'en vertu des principes élémentaires de démocratie le ministère des Affaires culturelles répartisse plus équitablement ses budgets sur l'ensemble du territoire en adoptant une méthode de calcul, basée à la fois sur le prorata des populations, la superficie du territoire et ta dynamique culturelle spécifique à chacune des régions. S'il veut promouvoir et développer efficacement la culture partout sur son territoire, le gouvernement du Québec doit distribuer ses ressources financières selon un mode de répartition objectif qui soit le moins possible vulnérable aux vents changeants de la politique.

Accroissement du soutien municipal à la culture. Alors, s'il est nécessaire, tel que le souligne le rapport Arpin, d'accroître la participation des municipalités dans le financement de la culture, cela doit se faire strictement sur une base volontaire et incitatrice, de façon à éviter que des antagonismes latents, issus de la réforme Ryan, ne se règlent sur le dos de la culture. Depuis 10 ans, une saine et fructueuse collaboration s'est établie dans la région entre le milieu culturel et les municipalités qui s'impliquent de plus en plus. Le ministère doit tenir compte du contexte explosif né de la loi 145 et éviter que le courroux municipal ne s'abatte sur le monde de la culture. Il faut que les municipalités se dotent d'une politique culturelle. Idéalement, dans l'esprit de l'accroissement de leur implication, les municipalités devraient toutes se doter d'une politique culturelle. Cependant, il faut réaliser que la tendance à vouloir centraliser la culture, facilement observable dans le rapport Arpin, n'est pas du tout propice à convaincre les municipalités. N'auront-elles pas l'impression de ramasser les ruines laissées par le gouvernement lors de sa retraite vers les grands centres? Pour que ces politiques culturelles municipales servent efficacement le développement, il faudra qu'elles soient élaborées en fonction d'une stragégie régionale, elle-même cohérente avec les objectifs d'une politique nationale respectueuse des réalités des régions.

Dans le secteur privé, il est nécessaire que le gouvernement endosse résolument son rôle d'investisseur social capable d'aménager le terrain du développement culturel et de rendre alléchantes les perspectives de commandite culturelle pour le privé. Il doit, pour ce faire, assurer un vaste choix d'organismes stables et viables de façon à ce que le commanditaire potentiel puisse en choisir un qui réponde le mieux possible à ses objectifs de commandite et avoir l'opportunité d'investir dans le développement ou la quête de l'excellence.

Le ministère des Affaires culturelles doit réinstaurer au plus tôt le fonds d'appui au financement privé qui a eu des résultats formidables dans notre région: en 1987-1988, plus de 800 000 $ ont été injectés dans notre développement culturel cette seule année. Finalement, on se doit de stimuler l'implication des PME dans le soutien à la culture en leur fournissant une gamme d'incitatifs fiscaux bien adaptés et savamment dosés.

En conclusion, nous pensons que le partenariat se doit d'être au coeur de la politique de la culture et des arts. Nous distinguons, d'une part, le partenariat interne de l'État, c'est-à-dire l'association des divers ministères du gouvernement interpellés dans le cadre du développement de notre culture québécoise et, d'autre part, le partenariat externe comprenant les gouvernements locaux, les organismes scolaires, le milieu culturel, les entreprises privées.

Le succès du partenariat externe sera atteint si nous nous assurons que les partenaires y trouvent leur compte, que le ministère des Affaires culturelles adopte l'attitude d'aménager un terrain propice à développer le partenariat, qu'une philosophie de gestion culturelle sous-tend la politique culturelle axée sur le partenariat.

Il ne faudra pas négliger l'importance fondamentale des milieux de vie réels et immédiats. Il faut se rappeler - et cela, un citoyen, quel qu'il soit, le sait bien - que la vie des familles, des groupes, des collectivités s'élabore d'abord sur un territoire, dans un environnement délimité et spécifique. Cette réalité est, en tout premier lieu, locale ou régionale. C'est à partir de ces niveaux que se construisent les autres échelons qui renvoient souvent à des infrastructures administratives et politiques. Dans beaucoup d'esprits, malheureusement, l'appellation "régional" indique un niveau inférieur par rapport à d'autres vocables tels "national" et "international". Dans l'échelle des "al", le local est l'échelon du bas, le régional vient ensuite; le national et l'international, troisième et quatrième échelons de cette hiérarchie, identifient pour plusieurs des niveaux plus nobles, plus importants, plus universels, ceux vers lesquels l'excellence doit tendre. Cette échelle de valeurs qui se cache souvent sournoisement dans notre esprit porte, je pense, atteinte à la réalité. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Pilote. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Pilote. Bonsoir, M. Hébert. C'est toujours un plaisir de discuter ensemble. Je pense que je vais vous poser deux ou trois questions sur le régionalisme. On en a beaucoup parlé ensemble et je vais me faire l'avocat; je vais faire, comme mon amie Denise, une espèce de contre-discours.

Vous dites: On devrait distribuer au prorata de la population et tout ça. À ce moment-là, si on calcule que la grande région de Montréal, la grande région, peut aller jusqu'à entre 58 % et

62 % de la population, tout dépend de où... Mettons 58 %. Habituellement, on travaille un peu avec ça. Ensuite, il y a Québec qui est à peu près 11 %; ça, c'est Québec. Le Grand Québec peut aller jusqu'à 13 % ou 14 %. Évidemment, chez vous... Qu'est-ce qui arrive si on fait ça? Si on procède de cette façon-là, qu'est-ce qui arrive avec des régions qui sont éloignées, où il y a un très faible bassin de population difficile à rejoindre? Je pense aux régions plus au nord, je pense à la Gaspésie où il y a un bassin difficile à rejoindre. Si on fonctionne comme ça versus fonctionner au niveau des besoins, au niveau des... Finalement, c'est-à-dire qu'au lieu d'y aller au prorata de la population, y aller selon le développement culturel dont le Québec a besoin. Vous ne trouvez pas que ça fait un peu plus de sens? Parce que je trouve ça dangereux.

M. Pilote: On n'est pas contre les grandes institutions, évidemment. C'est nécessaire. Si on veut atteindre l'excellence quelque part, je pense qu'il est absolument nécessaire d'avoir de grandes institutions, musées, écoles de danse, etc. Mais on pense qu'elles ont eu leur chance depuis... disons, depuis la dernière décennie. Il y a eu pas mal d'argent d'investi dans les grandes institutions et, évidemment, les grandes institutions se situent dans les grands centres. Nous, ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir participer, continuer à participer à la vie du Québec. On s est sentis un petit peu négligés et c'est pour ça qu'on sort des chiffres comme ça. Je veux dire, vous êtes au...

Mme Frulla-Hébert: Fort intéressants, d'ailleurs, parce que, évidemment, ça nous permet aussi d'alimenter... puis, deuxièmement, il faut garder... On a eu tellement une grosse discussion au niveau des régions qu'il faut... C'est de cette façon-là aussi qu'on peut regarder la réalité et voir ce qu'il y a à faire.

M. Pilote: C'est que, nous, dans les régions, malheureusement, les grandes institutions n'y sont pas. Même malgré le souhait que vous faites et que vous demandez aux grandes institutions, aux musées de participer à la vie de l'ensemble du Québec, soit en prêtant des collections, etc., ça demeure juste au niveau de la parole. Alors, je ne pense pas que les institutions nationales se décentralisent vers les régions. Nous, on se sent un peu délaissés et c'est pour ça qu'on revendique pour l'ensemble de nos régions.

La logique. Quelqu'un qui veut vivre, c'est toujours logique. Ses demandes sont toujours logiques, dit-on. Daniel, tu voulais ajouter...

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on peut s'entendre - juste une chose et je vous laisse continuer là-dessus - quand on parle de 16 régions distinctes et interactives, une métropole et une capitale... je pense qu'on ne peut pas, comme société, se nier ça, il me semble.

M. Hébert (Daniel): Oui, on peut s'entendre là-dessus, je pense, le fait qu'il y ait des régions distinctes et distinctives, particulières, spécifiques, dynamiques, différentes qui ont chacune des forces, des faiblesses. Ça, on peut s'entendre très bien, mais on ne peut pas s'entendre comme quoi les régions forment un tout monolithique.

Mme Frulla-Hébert: Je suis d'accord.

M. Hébert: II faut s'entendre d'abord que, les régions, elles ont une géographie, elles ont une spécificité, elles ont nécessairement une culture. En ce qui regarde leur poids démographique et leur poids de financement, dans la documentation qu'on peut retrouver au ministère ou dans la documentation qui nous a été fournie ou qu'on a pu aller chercher du rapport Samson-Bélair, entre autres, en aucun moment, les régions, qu'elles soient situées n'importe où au Québec, même celles qui sont situées dans des extrêmes, soit la Côte-Nord, ou la Gaspésie, ne reçoivent au-delà de ce que leur identifie le prorata de la population. Autrement dit, il n'y a pas une région qui a un pourcentage de population, par exemple, de 2,5 % qui recevrait 2,9 % ou 3 %. Ça n'existe pas actuellement. Donc, il y a, pour nous, ce qu'on appelle un rattrapage à faire sur une base démocratique, sur une base de population.

Deuxième élément fort important, sur une base de territoire. On ne peut pas penser que la Gaspésie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean sont sur une base de territoire semblable. Il y a 300 milles qui séparent Rimouski de Gaspé et ils ont une multitude de municipalités de dimension petite. Chez nous, c'est plusieurs villes qui vont de La Baie jusque... Il y en a 11 qui ont des populations d'au-delà de 10 000 habitants, dont jusqu'à 60 000, et des régions, ce qu'on appelle une conurbation, comme à Chicoutimi, Jonquière et La Baie, qui ont une population de 180 000 habitants. Alors, c'est deux mondes complètement différents. Il faut tenir compte de ça. C'est ce qu'on dit. Et on dit là-dessus que le ministère doit se pencher sur cet aspect-là pour trouver des éléments objectifs qui vont l'amener à asseoir une politique qui va respecter la réalité. Dans le fond, on recherche ça. Nous, notre élément principal quand on amène notre problématique de base, c'est que les artistes en région, c'est que les gens qui oeuvrent en région, les professionnels de la culture, ils ne vivent pas. C'est non viable. Alors, on se dit: II faut nécessairement qu'on les rende sur une base viable. Si on veut avoir une entreprise qui fonctionne, il faut que les gens qui sont dedans puissent y travailler, puissent y gagner leur pain. Ensuite, l'entreprise va développer, ensuite l'entreprise va s'internationaliser. Mais si on n'a pas le minimum, si on n'a pas les éléments de base, on ne

peut pas avancer. On est pris dans des ghettos.

Mme Frulla-Hébert: M. Hébert, vous vous basez beaucoup sur l'humain, en fait - vous le dites, d'ailleurs, dans votre mémoire - tout le travail de la création ainsi que les artisans de la culture, donc s'assurer qu'eux puissent personnellement vivre, finalement, à un niveau décent, en toute respectabilité, de telle sorte que le reste s'ensuit.

Quand vous dites "nos artistes ne peuvent pas en région", je peux vous assurer, que ce soit même dans les grandes villes, autre contexte, les artistes aussi viennent nous voir en disant: On a un peu de difficulté. 75 %, d'ailleurs, des artistes ont un salaire en bas de 25 000 $. Alors, je pense que c'est une situation générale, je ne pense pas que ce soit particulier aux régions. Parce que vous dites qu'en région... Est-ce que vous trouvez que c'est particulier aux régions? C'est sûr qu'à Montréal il y a des opportunités, mais il y a plus de gens qui sont à la file pour ces opportunités-là.

M. Pilote: En fait, la problématique, elle est québécoise.

Mme Frulla-Hébert: Je pense que oui.

M. Pilote: C'est un leurre pour un artiste que de dire: Je vais aller vivre à Montréal. Ça se produit, nos régions se vident de créateurs. Après un mois, six mois, un an qu'ils sont rendus à Montréal, ils s'aperçoivent que ce n'est pas plus facile, c'est même plus difficile. Alors, pourquoi ne pas essayer de les garder dans nos régions...

Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça, je m'en venais...

M. Pilote:... de s'organiser pour avoir des milieux forts dans nos régions et diffuser des productions de ces artistes-là? En tout cas, c'est ce qu'on prône, nous, un réseau de distribution...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Pilote:... de circulation d'expositions, de pièces de théâtre, de concerts qui pourraient circuler dans les régions du Québec, et même Québec et Montréal.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Pilote, M. Hébert, heureux de vous revoir en cette commission. Écoutez, je vous dis tout de suite, sept questions pour vous, donc je vais vous les envoyer d'une "drive", comme on dit dans le vocabulaire du baseball, en vous disant tout de suite que mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, mon ami Brassard, est vraiment désolé de ne pas être ici ce soir, il y a une réunion de dernière minute qui a été convoquée, mais je pense que vous le comprenez, notre ami Brassard a une grande ambition, c'est que les Québécois s'identifient plus au lac Saint-Jean qu'au lac Meech. Tantôt, on a parlé de répartition. Est-ce que vous avez évalué ces correctifs-là dans votre cas? (22 heures)

M. Hébert: Bien, nous, curieusement, effectivement, on a fait un exercice. Ce n'est pas d'une rigueur scientifique à toute épreuve, mais c'est quand même basé sur des études qu'on a faites déjà, en 1987, au niveau des revenus des organismes culturels. Ça correspond à peu près à ce qu'on prévoyait comme taux possible qu'il faudrait corriger sur la base de la population. On a évalué à peu près, nous, à entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $ les besoins qu'on aurait pour rendre un nombre très vaste d'organismes chez nous viables, qui peuvent penser avoir les moyens financiers qui vont leur permettre d'être maintenant des leviers. Vous savez, c'est comme partout ailleurs, dans n'importe quelle entreprise, qu'on prenne une PME, qu'on prenne une entreprise artistique, si tu n'as pas les moyens de base viables pour faire vivre ta production, tu ne peux pas aller loin. C'est évident. Alors, ça prend un minimum de moyens financiers pour avoir des leviers. Et nous, on a évalué, et ça arrive curieusement, on a fait quand même un exercice interne, à à peu près entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $. C'est ce qui correspond à un réajustement qu'il faudrait avoir par rapport au prorata de notre population et au prorata de notre territoire.

M. Boulerice: Une chose qui m'a étonné, enfin, qui ne m'a pas étonné mais que j'ai été heureux de retrouver, vous parlez beaucoup de ressources humaines. Comment situez-vous ça à l'intérieur de vos priorités?

M. Pilote: C'est la priorité numéro un. Alors, on pense que des grandes bâtisses, des équipements sans la ressource humaine, sans le coeur qui est la ressource humaine, on ne voit pas ça nécessaire. Alors, on s'est donné comme priorité numéro un de sauver ou de sauvegarder la ressource humaine dans les 10 prochaines années. Arrrêter de perdre au profit d'autres villes notre ressource humaine.

M. Boulerice: On a parlé de sous. Dans votre mémoire, vous avez parlé du fonds d'appui du MAC. 1987, 1988, vous recommandez, vous, qu'il soit réinstauré et vous dites même qu'il doit être élargi. Je ne sais pas, moi, dans une région comme la vôtre, les répercussions d'un programme comme celui-là, ça fait quoi. Deuxièmement, est-ce qu'il était populaire auprès des entreprises

privées? Je pense que c'est une question importante à poser aussi.

M. Pilote: Si tu me permets. Il y a eu, lors de la mise sur pied de ce programme-là, une étude de faite par la conférence des CRC et, nous, on a évalué que c'était probablement un des programmes les plus utilisés et les plus adéquats pour l'ensemble des régions du Québec, pas seulement pour notre région. Nous, on l'a souligné tout à l'heure, ça a donné des retombées directes et indirectes d'environ 800 000 $ d'argent nouveau qui a été injecté, c'est-à-dire le privé qui investit et le ministère qui vient en fonds d'appui. 800 000 $, ça génère pas mal d'activité dans une région comme la nôtre. Nous, l'entreprise privée avec qui on fait affaire très souvent, la grande entreprise chez nous, a trouvé très dommage, en tout cas, que ce fonds d'appui ne revienne pas. Parce que ça permettait justement aux régions de montrer leur dynamisme. Une région où il y a peu de développement culturel, le privé s'associe peu, alors que la région qui a à coeur de se développer sur le plan culturel, eh bien, l'entreprise privée s'associe et le ministère vient ajouter. Donc, ça fait boule de neige. Si tu veux ajouter...

M. Hébert: Quand on disait qu'il fallait qu'il soit élargi, d'après nous, c'est un programme qu'il faudrait vraiment examiner pour que les municipalités et les partenaires identifiés dans le document du groupe-conseil, c'est-à-dire les municipalités, entre autres, et les commissions scolaires... D'après nous, on devrait sérieusement examiner ces deux partenaires si jamais on revenait à la charge avec un tel programme qui est très efficace, très pertinent, très percutant au niveau d'une région, performant, et il y a beaucoup de municipalités. Quand on a fait notre consultation dans la région, comme on vous l'a dit tout à l'heure, on a réuni tous les services de loisir, les directeurs de loisir et les agents culturels, toutes les municipalités qui ont un service de loisir dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Alors, on était à peu près une trentaine autour de la table et tous nous ont mentionné qu'un fonds d'appui auquel les municipalités seraient invitées à participer... on trouverait ça extrêmement intéressant. Pour eux autres, ça serait vendable à leurs élus politiques parce que ça amène de l'eau au moulin, ça amène de l'énergie et on peut cadrer ce programme-là à travers les autres programmes. Alors, pour eux, il n'y avait aucune difficulté d'intégrer un pareil programme.

Tout à l'heure, on en jasait encore, puis, bien entendu, on génère à mesure qu'on parle dans cette dimension-là d'une politique. Le milieu scolaire serait aussi, je pense, intéressé, le milieu des commissions scolaires serait intéressé à un tel programme si éventuellement... Puis ils ont de la difficulté à s'intéresser, ça serait un moyen de les intéresser efficacement.

M. Boulerice: Vous connaissez ma position face aux conseils régionaux de la culture, ça fait sept ans que je le dis, et je vous préviens que je n'ai pas l'intention de changer d'idée. C'est peut-être un heureux entêtement pour certains, ça en agace peut-être d'autres, mais peu importe.

Vous avez subi cette espèce d'enquête, mais enfin, appelons-le rapport Bernier. Est-ce que-Premièrement, vous avez pris connaissance des recommandations, j'en suis persuadé. Est-ce que vous pensez qu'il est favorable aux conseils de la culture dans son interprétation, enfin, selon votre interprétation?

M. Pilote: Puisque vous en parlez, nous, on a été profondément blessés. Les premières informations qu'on a eues sur le rapport Bernier, ce n'était pas le document officiel, mais il y a des choses qui ont été dites rapidement sur les conseils régionaux de la culture. On nous a classés comme des organismes de pression. Je pense que c'est ne pas connaître c'est quoi, un conseil régional de la culture, que de déclarer ça ou de laisser sous-entendre ça.

Il faut voir tout le travail qui se fait dans les régions, particulièrement dans notre région. À l'occasion, on peut être un groupe de pression parce que, quand on représente des individus, ils nous poussent dans le dos, eux aussi, pour qu'on aille interpeller la direction régionale, pour qu'on vienne interpeller à Québec les directions dans les différents programmes. Mais ce n'est pas ça. Ce ne sont pas des organismes de pression, ce sont des organismes qui veulent la survie des gens des régions. Alors, je pense que... En tout cas, sur cette partie-là, on a été un petit peu déçus. Par contre, ce qui est ressorti, c'est qu'il y a un souhait que les conseils régionaux de la culture demeurent. Mme la ministre, tout à l'heure, soulignait aux intervenants précédents qu'il y a probablement des collaborations qui pourraient s'établir avec les conseils régionaux de la culture dans leurs secteurs, etc.

Alors, je pense que c'est à ça qu'il faut s'attabler, essayer de voir comment les conseils régionaux de la culture peuvent travailler, peuvent concerter dans le milieu. Je pense que c'est du passé, ça, l'idée de tenter de faire disparaître les conseils régionaux de la culture. On l'a déjà dit, ils disparaîtraient et, un mois après, il y aurait d'autres organismes qui prendraient naissance et qui viendraient revendiquer au nom des régions. Alors, aussi bien de - comment on dit ça? - faire bon gré contre mauvaise fortune, et continuer à travailler en collaboration avec les CRC qui existent actuellement.

M. Boulerice: Bon, justement...

M. Hébert: Et comment... Moi, j'aimerais aussi... en tout cas, tandis qu'on en parle... En

tout cas, pour notre région, on a développé... Quand on a vu le rapport Bemier... En tout cas, pour du monde qui a travaillé depuis plusieurs années à développer chez nous des activités culturelles... Entre autres, on prend la Biennale du dessin, de l'estampe et du papier, un événement majeur, la Semaine mondiale de la marionnette, un autre événement majeur. Ce sont tous des dossiers qui sont partis en collaboration avec le CRC et puis le milieu culturel. Ce sont tous des dossiers... Quand on a parti Art-Gestion-Conseil, dans la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, ça a été tout un ouvrage de partir ça. Nous, ce qui nous préoccupe le plus, c'est que dans les instances, dans la sphère des instances décisionnelles du ministère des Affaires culturelles, près de la ministre, on a l'impression que les efforts, les innovations qu'on a faites ne sont pas bien rendues.

Écoutez, l'an passé, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur un budget qui nous est donné par le ministère des Affaires culturelles de 136 000 $...

M. Pilote: Pas tout le Saguenay-Lac-Saint-Jean là, le Conseil régional de la culture.

M. Hébert: Le Conseil régional de la culture, on a doublé le budget. On a doublé le budget. Savez-vous quel effort ça peut prendre pour un conseil de la culture qui n'est pas une implantation comme un CRD ou un CRL, avant d'arriver à faire ça, et arriver à faire vivre des emplois permanents et arriver à développer des services? Ça demande des efforts considérables. Ça demande aussi des analyses des préoccupations. On n'a pas fait ça pour nous autres, on a fait ça pour le milieu, dans le sens qu'il y avait des besoins de gestion. Quand un organisme culturel vient te voir, puis, à un moment donné, il dit: J'ai besoin, j'ai des problèmes de gestion; qu'est-ce que tu fais? Tu y vas. Alors, tu sélectionnes qui pour aller le voir? Et là, à un moment donné, tu en aides un, tu en aides deux, tu en aides trois. Ce n'est pas comme ça, je pense, qu'il faut planifier le développement culturel, il faut avoir une vision plus large. Alors, nous, on a développé des services, puis dans ce sens-là, quand on se rend compte que le ministère, les instances supérieures du ministère ne sont pas au courant de ça, bien, le rapport Bernier qui ne parle pas de ça, on se dit: II y a un problème de communication quelque part; ils n'ont pas vu notre expertise, ils n'ont pas pris connaissance de; à quelle place ont-ils pris leur information? Alors, nous, on se dit: C'est très important qu'on établisse des moyens de communication et qu'on essaie aussi de voir comment des régions ou certaines régions ont pu développer des expertises. Nous, c'est dans certains domaines; dans d'autres régions, c'est dans d'autres domaines.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, deux mots de remer- ciement.

M. Boulerice: Bien, deux mots de remerciement, c'est dommage, parce que vous avez parlé de gestion et... bon, quand même, ça fait au moins six ans, sept ans qu'on se connaît. Je sais qu'en gestion vous avez fait des choses. C'est, au niveau de grille d'analyse, quelque chose qui vous a toujours énormément préoccupés. J'aurais aimé ça vous entendre là-dessus, surtout face aux attentes que vous avez face au ministère à cet égard-là, mais enfin, en nous remerciant, vous pourrez peut-être répondre. Ha, ha, nai Comme ça, on a réglé...

M. Pilote: Ne vous en faites pas, on est au tout début de nos discussions. On commence à établir une politique du développement culturel au Québec, alors on va sûrement avoir l'occasion de se revoir sur certaines questions.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: C'est comme je vous le disais, c'est toujours une... Je le répète, c'est un plaisir de vous recevoir, d'autant plus que votre mémoire est impressionnant parce que, effectivement, vous avez fait un travail énorme de regroupement. Je pense qu'au niveau des CRC, c'est beaucoup plus l'inégalité d'un CRC. Il y a des organismes, même des villes qui nous ont dit: On n'a pas besoin de ça. Il y en a d'autres qui ne peuvent pas vivre sans. Donc, c'est beaucoup plus d'aplanir justement les inégalités et de revoir à travers les nouvelles structures ce qu'on veut faire pour tout ça, le rôle, beaucoup plus de dire: Bon, ça n'a pas sa raison d'être. Au contraire, ça, c'est une chose. Deuxièmement, le mot de la fin, c'est que la région a réussi à fournir et à donner à Montréal - pour vous dire comment c'est important, la création en région -énormément d'artistes, de commentateurs - je pense à l'émission "Le royaume des bleuets" -qui nous l'ont prouvé. Alors, ce n'est certainement pas pour demain, l'abolition des régions, c'est-à-dire un groupe monolithique, les régions plus Montréal et Québec. Merci.

M. Boulerice: ...bleuet, vous avez droit à une tarte!

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission de la culture, il me reste à vous remercier d'avoir bien voulu participer à nos réflexions et à la discussion. J'ajourne les travaux jusqu'à 9 h 30 demain matin. Merci beaucoup et bon retour.

(Fin de la séance à 22 h 13)

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