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(Quinze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant entamer ses travaux. Je demanderais aux différents
intervenants, aux différentes personnes membres de cette commission de
bien vouloir prendre leur place.
Bonjour, M. le député de Charlevoix. Il nous fait plaisir
de vous accueillir. Comme d'habitude, vous êtes présent à
cette commission.
Je rappellerai rapidement le mandat de la commission d'aujourd'hui.
D'abord, je déclare qu'il y a quorum à cette commission. Ensuite,
bien entendu, la commission est donc maintenant ouverte et je rappellerai le
mandat de notre commission pour ce jour.
Des voix:...
Organisation des travaux
Le Président (M. Gobé): Messieurs, s'il vous
plaît! Notre mandat est de procéder à une consultation
générale et de tenir des audiences publiques sur la proposition
de politique de la culture et des arts, au Québec, bien entendu, et
c'est suite au dépôt du rapport Arpin et à la demande de
Mme la ministre des Affaires culturelles.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de
remplacement. Donc, tout le monde est là. Ça fait plaisir. Je
donnerai donc maintenant lecture de l'ordre du jour.
Nous allons entendre dès maintenant les représentants du
groupe Les Arts du Maurier Itée et, par la suite, à 16 h 15,
Solidarité rurale. Nous entendrons, à 17 heures, les
représentants du Centaur Theater Company; à 17 h 45, Thomin,
Jean-Paul et Chassé, Suzanne.
Nous suspendrons vers 18 h 30 pour reprendre nos travaux vers 20 heures
et nous entendrons les représentants du Groupe de recherche
interdisciplinaire en développement de l'Est du Québec; vers 20 h
45, les représentants de la Chambre des artistes de Boucherville;
à 21 h 30, les représentants du Conseil régional de la
culture Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Cha-pais inc. et, à 22 h 15,
nous procéderons à l'ajournement des travaux jusqu'au
lendemain.
Voilà. Ceci étant fait, je demanderais donc maintenant au
premier groupe de bien vouloir... C'est déjà fait, vous vous
êtes présentés en avant. Il nous fait plaisir de vous
accueillir. Si je comprends bien, Les Arts du Maurier Itée est
représentée par Mme Marie Lambert.
Auditions
Les Arts du Maurier Itée
Mme Lambert (Marie): C'est bien ça.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Bienvenue
parmi nous.
Mme Lambert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Ainsi que M. Michel
Descôteaux. Bonjour, M. Michel Des-côteaux.
M. Descôteaux (Michel): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): II nous fait plaisir de
vous accueillir, vous aussi. Vous pouvez maintenant procéder à la
présentation de votre mémoire. Vous avez, pour ce faire, 15
minutes. Par la suite, pour le temps qu'il restera, ce sera un dialogue et une
discussion avec chacune des deux parties, le temps étant, bien entendu,
partagé en parts égales de chaque côté et la
présidence se réservant toujours un peu la discrétion
d'ajuster le temps lorsque nécessaire, avec l'un ou l'autre des
intervenants. Bonne journée, tout le monde. Vous pouvez maintenant
commencer.
M. Descôteaux: M. le Président, Mme la ministre des
Affaires culturelles, Mmes et MM. membres de la commission, Mme Loiselle qui
êtes la députée du comté où est situé
le siège social de notre entreprise, bonjour. Je tiens à vous
remercier de votre invitation à venir vous rencontrer. Je souhaite de
tout coeur que les quelques réflexions contenues dans notre
mémoire et la discussion d'aujourd'hui pourront vous être utiles
dans la poursuite de vos travaux. Permettez-nous d'abord de nous
présenter.
Mme Lambert: Je m'appelle Marie Lambert et je siège depuis
1980 au Conseil du Maurier des arts d'interprétation, devenu Les Arts du
Maurier Itée en 1988. Je ne suis pas une employée
d'Impérial Tobacco, ni même des Arts du Maurier Itée. Je me
définirais plutôt comme l'une des personnes-ressources de qui Les
Arts du Maurier Itée a souhaité obtenir les avis dans le choix
des groupes et organismes culturels qui bénéficieront de son
appui financier.
Notre travail consiste essentiellement à
recevoir les demandes de subvention des organismes, à les
étudier pour voir dans quelle mesure les propositions qui nous sont
faites rencontrent les critères d'admissibilité de la
société et à faire ensuite les choix difficiles et, je
dirais même, déchirants qui s'imposent. Une fois que les projets
acceptés par le comité ont été
réalisés, nous contribuons à leur évaluation, tant
du point de vue de leur objectif de départ que du point de vue de la
visibilité offerte aux commanditaires.
Enfin, nous apportons à l'entreprise nos recommandations quant
aux politiques générales de la société Les Arts du
Maurier Itée. Il s'agit là, somme toute, d'un travail à la
fois passionnant et difficile, mais qui nous apporte la satisfaction de jouer
un rôle essentiel au développement des arts au Québec et au
Canada. Je serai heureuse de discuter plus en détail avec vous du
fonctionnement de notre comité au sein de la société Les
Arts du Maurier, si vous le souhaitez, au moment de la période des
questions qui suivra notre présentation.
C'est à cause de ma longue association personnelle
bénévole à la communauté artistique qu'on a
souhaité ma participation. Depuis au-delà de 25 ans, j'ai
été associé à un moment ou à un autre et
d'une façon ou d'une autre à de nombreux organismes artistiques,
dont principalement le Musée des beaux-arts de Montréal, le
Centre national des arts du Canada, la Régie de la Place des Arts,
l'École nationale de théâtre, les Concours de musique du
Canada, l'Orchestre symphonique de Montréal, l'Orchestre de chambre
McGill, le théâtre international de la Poudrière, la
fondation du théâtre Félix-Leclerc, le Palais de la
civilisation, le Studio de musique ancienne, et le reste. Présentement,
je siège au conseil d'administration des organismes suivants:
l'École nationale de théâtre, le Palais de la civilisation
et, depuis 1990, la SOGAM, la Société de gestion des arts de
Montréal. Il va sans dire toutefois que je ne me présente pas
aujourd'hui ici comme le porte-parole de ces organismes. En conséquence,
aucun des commentaires que je pourrais faire ne saurait être
interprété comme reflétant de près ou de loin la
position de ces institutions.
Comme je le mentionnais précédemment, mon association avec
Les Arts du Maurier Itée remonte à 1980. Je ne suis pas la seule
qui participe à titre de personne-ressource aux décisions de
cette société de promotion. Quatre autres personnes, toutes
étrangères à l'entreprise, y siègent aussi; elles
proviennent de différentes parties du Canada et Les Arts du Maurier
Itée compte sur elles pour apporter aux délibérations de
l'entreprise une perspective régionale particulière et une
connaissance personnelle de la communauté artistique de leur
région. Michel.
M. Descôteaux: Avant de me présenter, Mmes et MM. de
la commission, j'ajouterai ici un renseignement que la modestie de Mme Lambert
lui a fait taire, c'est qu'elle a été décorée de
l'Ordre du Canada en 1986.
Je m'appelle Michel Descôteaux et c'est à plusieurs titres
que je me présente aujourd'hui devant vous. Je suis un vieil
employé de l'Im-perial Tobacco, plus de 25 ans de service, et j'y
travaille aujourd'hui comme directeur des affaires publiques. Je suis
également directeur des relations publiques de du Maurier Itée et
de Player's Itée, deux sociétés de commandite qui sont
affiliées à l'Impérial Tobacco, et j'ai
siégé pendant trois ans au Conseil du Maurier des arts
d'interprétation qui est devenu depuis Les Arts du Maurier Itée.
Finalement, je siège au comité des dons d'Imasco Itée,
notre société mère, à titre de représentant
d'Impérial Tobacco depuis plus de 10 ans. Je souhaite qu'à nous
deux, Mme Lambert et moi saurons vous fournir tous les renseignements dont vous
pourriez avoir besoin.
Il ne servirait à rien de vous lire ici le texte du
mémoire dont vous avez déjà pris connaissance.
Permettez-nous cependant de prendre quelques minutes pour vous en rappeler
brièvement les grands axes.
Si nous sommes ici, c'est que nous souhaitons faire profiter la
commission de notre expérience en tant que mécène
privé des arts. Notre implication en ce domaine compte
déjà 20 ans et les sommes investies par les différentes
entreprises que Mme Lambert et moi représentons ont été
considérables, au-delà de 30 000 000 $ depuis 1971 pour
l'ensemble du Canada. Cette contribution prend essentiellement deux formes,
soit un versement en espèces et/ou une contribution en services
généralement sous la forme d'achat de publicité ou de
promotion, et j'exclus ici les frais substantiels relatifs à la gestion
de tels programmes comme le temps de nos employés, les frais de
déplacement et de représentation, etc. Ce sont des coûts
inévitables, mais absolument nécessaires. (15 h 45)
Le deuxième type d'apport, la contribution en services, n'est pas
négligeable. Cela peut représentrer parfois jusqu'à 50 %
de notre investissement dans un projet donné. Il rend de grands services
à l'organisme artistique qui en bénéficie et contribue
à répandre dans le public le goût de la
fréquentation d'événements artistiques. C'est un aspect
souvent oublié de la contribution des mécènes, mais qui
devrait mériter une attention plus grande.
Compte tenu de notre longue association avec le milieu artistique et
culturel, nous avons cru que notre expérience en ce domaine pourrait
s'avérer pertinente pour la commission surtout en ce qui concerne les
objectifs du gouvernement de favoriser le financement accru d'organismes
artistiques par l'entreprise privée. Essentiellement, nous concluons que
le financement privé des arts augmentera le jour où plus
d'entreprises comprendront que leur contribution ne constitue pas une
dépense, mais bien plutôt un investisse-
ment, investissement qui peut s'avérer tout aussi rentable
commercialement que l'achat d'une nouvelle machine plus performante, que la
mise au point d'un nouveau produit ou d'un nouveau procédé de
fabrication ou que le lancement d'un nouvelle campagne de publicité.
Tout aussi essentiellement, nous concluons que ce financement augmentera
le jour où les organismes artistiques et culturels
bénéficiaires comprendront mieux les besoins et les attentes de
leurs mécènes privés et qu'il est en conséquence de
leur plus grand intérêt d'aider leur commandataire à
favoriser, sinon à maximiser, le rendement de son investissement.
Lorsque ces deux conditions auront été réunies,
croyons-nous, et il ne s'agit pas là d'une utopie, les fonds en
provenance du secteur privé augmenteront de façon importante. Il
suffit de jeter un coup d'oeil même superficiel du côté des
États-Unis pour constater qu'une plus grande participation de
l'entreprise privée au financement des arts est tout à fait
possible.
Le gouvernement peut contribuer considérablement à
permettre que survienne cet état de choses. Certaines initiatives
privées cherchent déjà à rapprocher entreprises et
organismes culturels et artistiques. Elles méritent d'être
encouragées, d'être appuyées, d'être
multipliées, et le gouvernement lui-même pourrait, sans qu'il en
coûte beaucoup - et j'insiste là-dessus, sans qu'il en coûte
beaucoup - mettre l'épaule à la roue.
À l'intention des entreprises, il serait, par exemple,
relativement facile de mettre sur pied une série de colloques qui
permettent aux sociétés commerciales les plus impliquées
dans le parrainage des arts d'exposer aux dirigeants de celles qui n'y
participent pas encore les raisons qui sous-tendent ces investissements, les
coûts en cause et les retombées commerciales obtenues. Tous les
gens d'affaires parlent le même language et ils trouveront entre eux le
moyen de se comprendre. Je peux vous assurer que du Maurier Itée et Les
Arts du Maurier Itée seraient très heureux de participer à
de telles rencontres pour répandre ce qu'on pourrait appeler ce nouvel
évangile.
Autre exemple, le gouvernement pourrait contribuer à encourager
davantage le financement par l'entreprise privée en favorisant la
reconnaissance publique des entreprises ou de leurs dirigeants qui font preuve
du plus grand dynamisme en ce domaine. La création d'un, deux ou trois
prix annuels parrainés soit par le ministère des Affaires
culturelles, soit par un regroupement d'organismes culturels et artistiques,
non seulement pourrait servir à mettre en valeur la contribution des
entreprises commanditaires, mais fournirait aussi l'occasion de rappeler au
public, aux entreprises et aux organismes artistiques et culturels que le
mariage des intérêts, arts et affaires peut souvent porter des
fruits harmonieux dans le meilleur intérêt de toute la
i i collectivité.
Mme Lambert: Du côté des organismes artistiques et
culturels, le gouvernement peut également, encore sans qu'il en
coûte beaucoup, contribuer à permettre des échanges
fructueux entre les organismes culturels qui réussissent à
attirer des fonds privés et ceux qui n'ont pas encore trouvé le
moyen d'y arriver, de sorte que les seconds découvriront et utiliseront
ensuite les recettes des premiers. Organiser ou financer en partie
l'organisation de colloques sérieux, réguliers dans les grands
centres comme dans les régions ne coûte pas nécessairement
très cher, mais il faudrait s'y atteler de façon
régulière et sur une base permanente pour répandre les
connaissances en cette matière parmi les organismes artistiques et
culturels. Dans la mesure où les groupes artistiques et culturels
apprendront à mieux connaître les mécènes
potentiels, leurs objectifs commerciaux, leurs priorités
particulières et leurs attentes précises, ils pourront mettre au
point des propositions plus convaincantes, plus excitantes et utiliseront mieux
leurs ressources en évitant, par exemple, de perdre temps et argent en
sollicitant des entreprises dont les objectifs particuliers ne peuvent pas se
marier avec leurs projets soumis. Il n'y a rien de bien difficile dans tout
ça; il s'agit tout simplement d'appliquer à la recherche de
subventions et de parrainage les mêmes techniques de mise en
marché que les entreprises elles-mêmes utilisent pour promouvoir
leurs biens et services. Mais vous pouvez en croire notre parole qu'il reste
encore beaucoup de travail à faire de ce
côté-là.
M. Descôteaux: II reste encore un élément
important, que nous voudrions aborder ici, dans ce résumé de
notre mémoire. Dans toute définition de programme qui vise
à amener les entreprises à participer en plus grand nombre au
financement des arts, il est essentiel de créer, croyons-nous, des
conditions telles que la plus grande liberté et la plus grande souplesse
soient favorisées. En ce sens, la recommandation du rapport Arpin
d'étendre à l'entreprise privée le programme
gouvernemental du 1 %, qui deviendrait le programme "Arts et architecture",
nous apparaît contre-indiquée. Cette mesure serait perçue,
à n'en pas douter, comme une taxe indirecte. En conséquence, loin
de susciter l'enthousiasme des milieux d'affaires pour le financement
privée de la chose artistique ou culturelle, elle provoquerait
résistance et méfiance envers ce qui ne serait plus perçu
que comme un autre canal, un autre prétexte, dirons-nous, utile au
gouvernement pour augmenter le fardeau fiscal des entreprises.
Pour conclure, Mme Lambert et moi souhaitons, Mmes et MM. de la
commission, que notre mémoire et nos propos d'aujourd'hui pourront vous
être utiles lors de vos discussions à venir. Pour l'instant, nous
serons heureux de vous
fournir tous les renseignements additionnels dont vous pourriez avoir
besoin. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup,
et vous êtes en plein dans le temps en plus de ça, c'est
très bien "timé"...
M. Descôteaux: On a essayé de l'être. Une
voix: Chronométré.
Le Président (M. Gobé): Très bien
chronométré. Je m'excuse de cet anglicisme. Mme la ministre, vous
voulez commencer peut-être?
Mme Frulla-Hébert: Je sais, M. le Président, que
vous avez des questions. Je veux simplement vous souhaiter la bienvenue, Mme
Lambert, M. Descôteaux, et, pour le bénéfice de mon ami et
collègue aussi, dont tous les organismes, vous savez, à cette
commission, la plupart des organismes sont dans son comté, alors,
là, ça me fait plaisir de dire que M. Descôteaux habite
dans mon comté et que Mme Lambert est ma voisine. Alors, à chaque
fois...
M. Boulerice: Les exceptions qui confirment les
règles.
Mme Frulla-Hébert: Voilà.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Des organismes qui
encouragent les arts en fumant régulièrement des cigarettes du
Maurier.
Mme Frulla-Hébert: Ah oui! Ça, oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, il paie sa
quote-part. C'est un grand bénévole. Excusez, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ça nous fait plaisir de vous
accueillir, parce que, comme vous dites, M. Descôteaux, vous
espérez que le mémoire nous aidera à
réfléchir. En effet, je pense que ce mémoire va atteindre
l'objectif que vous vous êtes donné. Il y a plusieurs entreprises
qui sont venues nous voir et chacune a sa façon de faire, mais toutes
donnent et contribuent au développement de la culture par la voie des
arts et par l'expression artistique ici, au Québec.
J'ai certaines questions, voici la première. Vos subventions au
niveau des organismes artistiques et culturels ont totalisé, en 1991,
730 000 $, ou à peu près, pour 36 groupes, en subventions, dons,
etc. Est-ce que vous croyez que les objectifs ou les incitatifs fiscaux en
place vous semblent suffisants pour favoriser, justement, la contribution de
l'entreprise privée, d'une part, et, deuxièmement, selon vous,
est-ce qu'ils sont suffisamment bien connus aussi?
M. Descôteaux: Je ne saurais répondre que pour
Imperial Tobacco, madame.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Descôteaux: Je ne sais pas comment les autres
entreprises considèrent la question des dégrèvements
fiscaux lorsqu'elles abordent ces questions-là. Chez nous, je dois vous
dire que nous considérons certainement... Parce qu'il y a deux
façons de voir ça, il y a un aspect qui est un aspect don, et,
à ce moment-là, oui, il y a des dégrèvements
fiscaux qui peuvent être utiles. Mais la plupart des subventions aux
organismes culturels ou artistiques, surtout chez nous, sont
considérées comme des investissements et, donc, si c'est un
investissement qui vaut la peine d'être fait dans notre
évaluation, nous allons le faire indépendamment des
dégrèvements fiscaux qui peuvent y être attachés ou
pas. Si nous jugeons que l'investissement n'en vaut pas la chandelle, je doute
fort que ce soit un dégrèvement fiscal qui nous amène
à poser le geste. Ce n'est pas comme ça que nous concevons notre
implication dans le milieu artistique.
Mme Frulla-Hébert: Vous soulignez aussi dans votre
mémoire, par exemple, votre implication. En fait, vous soulignez, d'une
part, que les organismes artistiques devraient être très
conscients de la philosophie de l'entreprise, bien connaître
l'entreprise, etc. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu? C'est parce
qu'il y a certains organismes qui sont venus nous voir en disant: C'est
difficile, justement, les investissements au niveau du secteur privé,
parce que, évidemment, on a l'autre côté qui est la
liberté d'expression, etc. Qu'est-ce que vous voulez dire par
ça?
M. Descôteaux: Je suis très content que vous
souleviez cette question, Mme la ministre. D'abord, Mme Lambert pourra
certainement élaborer là-dessus, et peut-être que dans ce
secteur-là nous apportons une vision qui est nationale, au sens
pancanadien. Et force est de constater que le climat dans lequel on nous
approche est un peu différent au Québec de ce qu'il est dans
d'autres régions du Canada. Par exemple, il semble y avoir une sorte de
réticence ou de réserve, souvent, à solliciter des fonds
de l'entreprise privée, en tout cas chez nous, et en y attachant un
certain niveau de visibilité. Ce que je vous dirais pour résumer
ma pensée, c'est que les groupes artistiques sont un peu frileux, ont un
peu peur d'aller trop loin dans la place qu'ils font en termes de
visibilité à leurs mécènes importants. Je peux vous
assurer, en contrepartie, que, chez nous, nous sommes éminemment
respectueux de la liberté des groupes
artistiques et il ne nous viendrait jamais à l'esprit de chercher
à influencer un groupe ou un autre dans le contenu de son spectacle.
Ceci dit, si quelqu'un, une troupe de théâtre nous
proposait de subventionner une pièce dont le discours était
essentiellement antitabac, je pense qu'on ne chercherait pas à les
amener à ne pas jouer leur pièce, mais on leur suggérerait
de trouver un commanditaire qui soit autre que nous. Je ne vois pas là,
personnellement, un geste qui vise à réduire
l'intégrité ou la liberté de l'organisme artistique, mais,
en même temps, il y a certaines règles du jeu, de base, qui sont
évidentes. Et ce sont des cas d'exception. Dans l'ensemble, ces
cas-là ne se posent pas.
Mme Lambert qui, elle, reçoit à chaque année et
étudie des demandes de la part de groupes artistiques de partout au
Canada peut certainement élaborer là-dessus.
Mme Lambert: M. Descôteaux, je crois que vous avez bien
exprimé la situation vis-à-vis des demandes de subvention. En
effet, il y a certains groupes, probablement par manque d'expérience,
qui ne savent pas de quelle façon procéder avec les
mécènes, les compagnies qui veulent les aider. Je parle,
évidemment, de du Maurier, Les Arts du Maurier, mais j'ai eu aussi
l'occasion de faire partie de jurys pour le monde des affaires et des arts et
je voyais de quelle façon et je pouvais comparer de quelle façon
les demandes étaient faites. Alors, il manque, je pense, de
connaissances de la part des groupes québécois, la façon
de demander, de savoir qu'il y a quand même... Il faut que ce soit une
participation, il faut qu'ils reconnaissent qu'ils ont quelque chose à
donner à un mécène, une reconnaissance. Ça veut
dire une visibilité. Alors, donc, tant qu'ils n'ont pas compris qu'un
mécène, qu'une corporation n'est pas un gouvernement... C'est
fait, bien sûr, dans le but d'aider avec générosité,
une participation sociale, mais il y a aussi un intérêt, et c'est
une forme de reconnaissance vis-à-vis du public, vis-à-vis de la
marchandise qu'ils ont à offrir, vis-à-vis des services qu'ils
ont à offrir. (16 heures)
Donc, des fois, on a mis beaucoup d'espoir dans un groupe où on a
vraiment fait des efforts pour donner des montants subtantiels, parce que, sur
le nombre de demandes, je vous assure qu'on est obligé d'en
éliminer parce qu'il y en a trop avec le montant d'argent qu'on a
à distribuer. Alors, on voit notre nom disparaître le plus
possible pour mettre... Moi, je prends une loupe; c'est vrai que mes yeux ne
sont pas très bons, mais je dois prendre une loupe pour essayer de
grossir notre logo, grossir le nom des Arts du Maurier, et ça, ça
m'agace un peu, parce qu'il y en a d'autres qui demandent tellement moins et
qui sont tellement plus aptes à participer et à nous faire
participer, quoi. Je crois qu'il y a beaucoup d'éducation à
faire. Peut-être que le gouvernement aurait un rôle à jouer
dans ça.
Je crois que Michel a élaboré dans sa présentation
qu'il y a peut-être une façon de faire des colloques, des
rencontres - ou si c'est dans notre mémoire, je ne me souviens pas - de
faire des colloques et de faire en sorte que ce soit un peu comme une
école, leur montrer comment, un peu comme le monde des affaires et des
arts fait. L'exercice qu'on avait fait pour le Financial Post qui
donnait un pauvre petit 5000 $, les gens ont tellement travaillé pour
être le gagnant, on a reçu peut-être 75 demandes à
travers tout le Canada, et le but était de leur montrer comment faire
une demande à une corporation et quel était l'avantage pour la
corporation de participer à un événement artistique.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme Lambert: Alors, enfin, si c'est là votre question, Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Je passerai maintenant la
parole à Mme la députée de Saint-Henri.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue
à cette commission. Vous avez touché à la section de
l'accroissement du financement privé, dont vous avez parlé dans
votre mémoire. Dans votre mémoire, vous dites qu'il existe des
grandes entreprises, même des petites et des moyennes, qui n'ont pas de
politique ni de pratique pour soutenir la contribution en matière
culturelle, comme chez vous. Vous suggérez même au
ministère de mettre sur pied des forums et des séminaires
justement pour sensibiliser ces compagnies-là. J'aimerais savoir quelles
suggestions vous pouvez faire au ministère, quels éléments
pourraient attirer ces compagnies-là à développer ou
à se sensibiliser en matière culturelle, à une politique
culturelle.
M. Descôteaux: Oui, vous voulez que je réponde
à ça? Je pense qu'un peu comme on le disait il y a une seconde,
ça va dans la même veine. Notre mémoire, en fait, tient
à peu de chose, et c'est consciemment que nous avons
présenté le mémoire dans une vue vraiment très
restreinte. Nous ne voulions nous exprimer que sur des sujets sur lesquels nous
pensions que nous avions un minimum d'expertise ou de choses intelligentes
à exprimer. On ne voulait pas s'aventurer dans d'autres secteurs
où on n'y connaissait rien. Dans ce secteur-là, ce que nous
cherchons à dire essentiellement, c'est qu'il faut améliorer le
niveau de l'éducation, et du côté des mécènes
et du côté des groupes artistiques, et la question de Mme la
ministre, tantôt, s'adressait
plutôt à ce volet de notre mémoire.
Du côté des mécènes, ce que nous pensons,
c'est que s'il n'y a pas plus d'entreprises qui investissent davantage, c'est
que, justement, les entreprises perçoivent ça comme des
dépenses et non pas comme des investissements et n'ont peut-être
pas acquis comme nous la conviction qu'il y a un rendement sur les sommes qui
sont investies dans le parrainage d'événements culturels et
artistiques. Donc, ce que nous disons, c'est qu'il faut faire
l'éducation des entreprises pour leur faire prendre conscience que ce
sont là des investissements qui peuvent être rentables et qui
n'exigent pas nécessairement des sommes faramineuses. Évidemment,
nous sommes un des grands mécènes au Canada, nous investissons
beaucoup d'argent dans ce secteur-là. Ce n'est pas à la
portée de tout le monde, mais des gens qui ont des moyens bien
inférieurs peuvent aussi y trouver leur compte, à la condition de
bien définir leurs objectifs, de bien savoir ce qu'ils cherchent
à accomplir, et aussi à la condition de pouvoir trouver des
organismes artistiques ou culturels qui vont les aider à rencontrer ces
objectifs-là.
Alors, ce serait un peu ma réponse: favoriser l'éducation
des entreprises. Ça se fait dans d'autres provinces aussi où les
groupes bénéficiaires, les entreprises qui sont
mécènes et d'autres qui sont curieux de ces choses-là
participent à des rencontres conjointes pour savoir comment on peut
faire avancer cette cause-là. Ça n'existe pas suffisamment au
Québec, ça, nous semble-t-il, en tout cas, et c'est pour
ça que nous encourageons le gouvernement à mettre l'épaule
à la roue, et ce ne sont pas des choses qui coûtent
nécessairement énormément cher. Forcément, vous
allez comprendre que, comme je représente une compagnie de tabac, nous
sommes un peu frileux à l'idée que le gouvernement dépense
des fortunes dans quelque secteur que ce soit parce que c'est souvent les
consommateurs de tabac qui paient pour. Donc, nous insistons sur le fait qu'il
est possible de faire beaucoup de choses sans qu'il en coûte
nécessairement beaucoup. Mais enfin, ça, c'est une
décision qui appartient au gouvernement.
Mme Loiselle: Merci. Mme Lambert.
Mme Lambert: En dehors de ça, Michel, je crois que... Mme
la ministre, excusez-moi, Mme Loiselle. Il y aurait peut-être une forme
d'encouragement aux corporations ou au secteur privé de donner davantage
et ce serait peut-être une reconnaissance, justement, du gouvernement.
Par exemple, Michel vous a mentionné que j'ai reçu l'Ordre du
Canada. Mais pourquoi un individu? Pourquoi une compagnie qui donne
n'aurait-elle pas une reconnaissance de la part du gouvernement? Je crois qu'on
le mentionne quelque part dans notre mémoire. Mais pourquoi une compa-
gnie qui a fait beaucoup pour les arts n'aurait pas, par exemple, une fois par
année, une reconnaissance, comme on reconnaît un écrivain,
comme on reconnaît un grand artiste? Chacun dans son domaine donne, et
alors, on donne selon son talent ou selon ses moyens. Je crois que ce serait
une bonne façon d'encourager les corporations à donner et,
à tous les ans, reconnaître officiellement avec, je ne sais pas,
moi, un petit parchemin, une épingle. Mais reconnaître
publiquement.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Lambert, bienvenue à cette commission.
M. Descôteaux, je ne vous cacherai pas le vif plaisir que j'ai de vous
revoir. Même si vous savez que, quelquefois, je fraie avec des
concurrents immédiats de votre société, vous ne semblez
pas m'en vouloir. Ha, ha, ha!
M. Descôteaux: Absolument pas. M. Boulerice:
Absolument pas.
M. Descôteaux: On peut trouver de bien moins bonnes
compagnies que celles-là, M. Boulerice.
M. Boulerice: Voilà. Et que ma collègue, la
ministre, et Mme la députée de Saint-Henri trouvent leur profit
à cette commission en ayant un organisme qui n'est pas situé dans
Sainte-Marie-Saint-Jacques, je ne suis pas égoïste au point de
vouloir tout avoir.
Ceci étant dit, je vais me rattacher un peu à ce que Mme
la députée de Saint-Henri disait tantôt. Effectivement,
à la page 10 de votre mémoire, vous avez fait, à mon point
de vue, une excellente suggestion qui est d'instaurer des forums et des
séminaires où se rencontreraient des représentants
d'entreprises et de compagnies artistiques pour échanger sur leurs
attentes et exigences respectives. À la lecture, j'y ai vu
également, compte tenu des autres propos que vous tenez dans votre
mémoire, qu'il s'agirait aussi pour votre entreprise d'en rencontrer
d'autres qui ne contribuent pas au développement culturel, parce que le
discours des pairs est toujours important, et de leur prouver, par une
démonstration de ce que font Les Arts du Maurier, qu'il est essentiel
que les autres entreprises embarquent, si vous me permettez l'expression, dans
ce mécénat au niveau de la culture. Il y avait ces deux
volets-là, je crois bien.
Vous avez ajouté à la page 11, et Mme Lambert vient de le
redire, un prix à la meilleure contribution corporative à la vie
des arts. Encore là, je pense qu'il s'agit d'une excellente
suggestion. Dans la vie, tout le monde s'attend à une
reconnaissance et la reconnaissance est importante. C'est bon de vous dire
bravo! félicitations! merci! Mais je pense qu'il faut le faire de
façon plus tangible à quelques occasions. Et j'y vois là
aussi un autre incitatif au milieu d'embarquer, si vous me permettez toujours
l'expression, puisqu'une citation venant de l'État, venant de son
ministère, c'est quand même quelque chose d'intéressant
pour une compagnie. Si tout le monde porte sa légion d'honneur, il
faudrait peut-être en avoir une pour les compagnies qui investissent.
Allons au questionnement comme tel. Vous proposez divers moyens,
notamment la sensibilisation, la reconnaissance, effectivement, comme je le
disais, pour inciter un plus grand nombre d'entreprises à investir dans
la culture. Pour ce faire, est-ce que la voie des incitatifs fiscaux vous
apparaît être un moyen concret pour y arriver? Et que pensez-vous
de ce que nous avons connu il y a quelque temps, soit les fonds d'appariement
ou ce qu'on appelait en Anglais "the matching grants"?
M. Descôteaux: Sur cette question des "matching grants", je
vais demander à Mme Lambert de s'exprimer, je pense qu'elle est plus au
courant que moi de ce qui s'est passé dans d'autres entreprises. Avant
de lui céder la parole, je vais revenir sur ce point des incitatifs
fiscaux. Comme je le disais précédemment, en ce qui concerne
Imperial Tobacco et du Maurier, je ne pense pas que ça joue un
rôle fondamental. Ils pourraient disparaître demain que ça
ne changerait rien dans nos programmes; ils pourraient être
doublés demain que ça ne changerait rien dans nos programmes.
Ceci dit, sur la question des "matching funds", est-ce que vous avez des
renseignements ou des opinions?
Mme Lambert: Les renseignements, c'est que je porte un chapeau un
jour et, le lendemain, je porte un autre chapeau. Un jour, je suis celle qui a
le plaisir de donner de l'argent et, le lendemain, je suis celle qui va
enquêter. Alors, donc, je sais ce que veut dire le "matching grant". Il
est extrêmement encourageant d'avoir cette façon de recevoir de
l'argent du gouvernement provincial, mais aussi extrêmement
difficile.
Vous savez, dans les conditions économiques, surtout depuis un an
ou deux, lorsque vous donnez, par exemple, je ne sais pas, on va mettre x
milliers de dollars pour la construction d'un théâtre, puis c'est
à condition qu'on aille chercher le même montant ou
l'équivalent... C'est extrêmement difficile, mais peut-être
que c'est obligatoire pour que les institutions culturelles fassent leur part,
puis pour, justement, réveiller les corporations à aider. Mais si
vous me demandez si c'est facile, c'est extrêmement difficile. Et je ne
sais pas si les gens à qui vous avez donné des montants d'argent
substantiels ont réussi à ramasser le "matching grant" que vous
avez donné, si je réponds bien à votre question.
M. Boulerice: Au sujet de la formule d'appariement, Mme Lambert,
l'on nous a répondu que certains organismes, certaines institutions,
métropolitaines ou de la capitale, y ont trouvé leur profit.
Mais, par contre, il faut bien se rendre compte qu'il n'y a pas Bell, il n'y a
pas l'Alcan, il n'y a pas du Maurier, il n'y a pas Esso dans toutes les villes
du Québec et que la formule d'appariement avait été une
mesure assez intéressante au niveau des régions.
M. Descôteaux: M. Boulerice, je voudrais vous demander une
précision, s'il vous plaît. Quand vous parlez de formule
d'appariement, est-ce que vous parlez d'une formule qui s'adresserait à
des types de sollicitation genre construction de musée ou de
théâtre, ou est-ce que vous parlez d'appariement dans le cadre de
subventions de spectacles ou de théâtre ou d'opéra? Chez
nous, en tout cas, ces deux secteurs sont traités de façon
très différente et peut-être que si vous précisiez
votre pensée, je pourrais vous dire comment Imperial Tobacco voit
ça.
M. Boulerice: Lorsque je parle d'appariement, je ne le vois pas
pour ce qui est de la construction ou des équipements comme tels, je le
vois beaucoup plus, par exemple, dans le cas d'un musée, dans le sens
d'une levée de fonds pour se doter d'une fondation qui, après
ça, aiderait à créer un fonds d'acquisition, parce que
c'est essentiel pour un musée.
Mme Lambert: Ce n'est pas du tout pour la programmation ce que
vous...
M. Boulerice: Non, non.
Mme Lambert: La question que j'ai cru comprendre était
beaucoup plus pour le béton, la structure d'un édifice, ou
acheter des appareils de...
M. Boulerice: Non, c'est plutôt la vie intérieure et
non pas le cadre physique.
Mme Lambert: Oui, et non pas un spectacle devant le public, je
pense, si j'ai bien compris votre question.
M. Boulerice: C'est ça.
M. Descôteaux: Disons que, chez nous, ça n'aurait un
impact que dans la mesure où ça rendrait la vie plus facile aux
organismes. Vous avez constaté le contenu du formulaire de demande de
subvention. Nous tenons à nous assurer d'abord que les organismes qui
font appel à nous sont des organismes qui sont déjà
établis
depuis un certain temps, c'est deux ou trois ans minimum. Nous leur
demandons un tas de renseignements financiers pour nous assurer qu'ils ont
effectivement les moyens d'aller de l'avant avec les projets qu'ils nous
soumettent. (16 h 15)
Ceci dit, il y a généralement, à l'intérieur
de ce financement, souvent, de l'argent du gouvernement. Donc, que cet
argent-là dépende de notre contribution ou pas, en fait,
ça n'entrerait pas dans notre calcul à nous, sinon dans la mesure
où ça permettrait à l'organisme en question de faire la
preuve qu'il a les moyens d'aller de l'avant avec ses projets.
C'est la même chose dans le domaine des dons. Lorsque nous
recevons une demande de la fondation, disons, d'un musée qui cherche
à agrandir - je pense ici au Musée d'art de Joliette, par
exemple, qu'on a forcément, au cours des années, beaucoup
aidé, entre autres parce que nous y avons une usine - nous avons une
formule, au sein du comité des dons de la maison mère, formule
qui nous permet de délimiter au moins certains maxima en termes de
contribution. Pour faire les choses simples, si la fondation d'un musée
nous approche pour la construction d'une aile ou d'un musée, on va
déduire du montant global du coût de l'opération toutes les
subventions gouvernementales et on accordera au maximum 1 % de ce qui reste; et
ça, c'est vraiment le maximum. Dans la plupart des cas, les dons vont se
situer plutôt autour de 0, 4 % à 0, 5 %, parce que ça
s'additionne vite. C'est la même règle en ce qui concerne la
construction d'hôpitaux. C'est la même règle en ce qui
concerne la construction d'universités, etc. Qu'est-ce qui va faire
qu'on ira plutôt du côté de 0, 25 %, de 0, 5 % ou de 1 %? Ce
sont des considérations qui sont propres à notre entreprise. Par
exemple, si on veut construire quelque chose à Joliette, bien,
forcément, on a un préjugé favorable à l'endroit de
Joliette puisqu'on y est établi comme entreprise. C'est la même
chose dans le sud de l'Ontario, parce qu'il y a beaucoup de tabac qu'on cultive
dans le sud de l'Ontario. C'est la même chose à Montréal
puisque notre siège social est là depuis toujours. Par ailleurs,
si on reçoit des demandes qui viennent, disons, des provinces maritimes,
on a tendance à être un peu moins généreux, dans le
cas des provinces maritimes, parce que ces cas-là, on va les traiter
comme la moyenne et on va se retrouver plus probablement autour de 0, 5 %
plutôt que de 1 %. Je ne sais pas si tout ça... C'est
peut-être une longue réponse et je ne suis pas sûr que
ça vous est utile. Je vous laisse, vous, en déduire.
M. Boulerice: J'aurais une autre question très
brève, si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Allez, M. le
député, en terminant.
M. Boulerice: Vous invoquez l'importance de la mise en
marché pour les entreprises culturelles, comme toutes les autres
entreprises, et vous souhaitez qu'on développe davantage chez les
organismes culturels les techniques de recherche sur les publics afin d'adapter
des stratégies de mise en marché appropriées. Est-ce que
cette proposition pourrait aller jusqu'à considérer que dans le
support à la création, à la culture, des entreprises comme
la vôtre pourraient aller également jusqu'à un certain
prêt de services de la part de personnes-ressources que vous avez dans
vos entreprises?
M. Descôteaux: C'est possible de l'envisager. C'est une
formule qui, pour nous, en tout cas, risquerait de poser certains
problèmes, d'abord parce que nous sommes dans une industrie dont les
ventes diminuent d'année en année, vous le savez. Donc, la courbe
de notre personnel suit la même ligne et nous avons moins de ressources
humaines disponibles que nous en avions il y a seulement 10 ans. Nous pourrions
faire appel à des conseillers de l'extérieur qu'on pourrait
mettre à la disposition de certains groupes comme ceux-là et
c'est nous qui réglerions leur facture. C'est une
possibilité.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Descôteaux. M. le
député, en quelques mots.
M. Boulerice: Oui. Merci, Mme Lambert, merci, M.
Descôteaux, pour votre participation. Je pense que vous nous avez
indiqué des pistes qu'il sera utile de retenir et, quant aux baisses des
ventes, vous devrez admettre, M. Descôteaux, que je fais tout pour
contrer, hein?
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre, à
vous maintenant.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue, Mme Lambert et M. Descôteaux, pour vous remercier. Quand
vous parliez de ce manque de connaissances au niveau de l'approche des
entreprises, je l'ai vécu aussi quand j'étais dans l'entreprise
privée et, effectivement, il y a une espèce de réticence
là qu'il faut essayer, tenter de briser. À ce moment-là,
votre suggestion, soit d'un forum, pour sensibiliser peut-être les deux
parties a énormément de sens, d'une part. Je sais que la ville de
Montréal, maintenant, est impliquée avec une recommandation.
C'est ça, hein?
Mme Lambert:... la ville, oui.
Mme Frulla-Hébert: Le prix Arts-Affaires, comme vous
mentionniez. Effectivement, je pense qu'on est dans la bonne voie. Merci
beaucoup d'être ici.
Mme Lambert: Merci, Mme la ministre. Merci, messieurs.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, Mme
Lambert, M. Descôteaux, il me reste à vous remercier d'avoir bien
voulu passer ces quelques minutes avec nous. Merci beaucoup.
M. Descôteaux: Je veux juste vous mentionner, avant de
partir, que si jamais il y avait des précisions additionnelles que vous
vouliez obtenir plus tard nous sommes à votre disposition. Vous n'avez
qu'à communiquer avec nous et nous serons heureux de vous fournir tous
les autres renseignements dont vous pourriez avoir besoin dans votre
réflexion.
Le Président (M. Doyon): Nous en prenons note. Merci
beaucoup.
Mme Lambert: Merci.
Le Président (M. Doyon): Donc, tout en permettant à
nos invités de se retirer de la table, j'indique que le temps est
maintenant venu de recevoir le groupe Solidarité rurale. Je les invite
donc à bien vouloir prendre place à l'avant.
Solidarité rurale
Je souhaite la bienvenue aux deux personnes qui représentent
Solidarité rurale. Je vois qu'il y a M. Jacques Proulx devant nous,
ainsi que probablement Mme Marie-Anne Rainville. Je leur souhaite la bienvenue,
donc, et je les invite à procéder comme nous avons fait
jusqu'à maintenant, c'est-à-dire 10, 15 minutes de
présentation - le mémoire peut être résumé si
vous le désirez - ensuite, la conversation s'engagera avec les membres
de la commission qui discuteront des idées que vous aurez bien voulu
émettre lors de la présentation de votre mémoire ou du
résumé que vous en ferez. Vous avez donc la parole, M. Proulx ou
Mme Rainville.
M. Proulx (Jacques): Merci bien, M. le Président. Mme la
ministre, messieurs, dames de la commission, je voudrais vous remercier, dans
un premier temps, de nous recevoir, d'autant plus que c'est la première
sortie, en fait, de Solidarité rurale, la première fois qu'elle
va présenter, justement, une position de la ruralité, et j'en
suis très fier. Je voudrais dire aussi que Mme Rainville, en plus
d'être aux communications, s'était occupée d'une
façon très spéciale du projet à l'intérieur
des états généraux, du projet de la culture, en fait, elle
s'était occupée de l'élaborer et de le réaliser.
Alors, ces états généraux du monde rural réunissant
à Montréal, les 3, 4 et 5 février 1991, quelque 1200
délégués ont conclu leurs activités par l'adoption
d'une déclaration. Les 28 organismes qui, au nom du monde rural, ont
signé cette déclaration forment aujourd'hui Solidarité
rurale. L'objectif qu'ils poursuivent est de faire la promotion du nouveau
modèle de développement fondé sur les huit orientations de
base formulées dans la déclaration du monde rural que vous allez
trouver d'ailleurs à l'intérieur du mémoire.
Solidarité rurale se croit donc justifiée et juge de sa
responsabilité d'intervenir sur la proposition de politique de la
culture et des arts exposée dans le rapport Arpin et soumise à
votre commission. D'ailleurs, les états généraux du monde
rural ont créé de la controverse et une certaine
inquiétude en prenant comme un de leurs cinq thèmes de travail
"développement rural, culture et production artistique". Le choix de ce
thème a été fondé sur la conviction que la culture
n'est pas un vernis appliqué à la réalité
économique, sociale et politique. Que l'on parle de culture au sens
ethnologique ou dans son acceptation de l'ensemble des productions artistiques,
celle-ci n'est pas une enveloppe de la réalité sociale, mais, au
contraire, elle est au coeur de celle-ci. Nos valeurs socialement
partagées, nos façons de penser, de juger, de sentir, de nous
comporter, en un mot notre culture modèle la société
autant sinon plus que les règles économiques, sociales et
politiques. Elle détermine, par exemple, le genre de
développement qui a conduit le monde rural depuis une vingtaine
d'années à un déclin de plus en plus prononcé.
Voilà le postulat sur lequel a été appuyé le choix
d'un thème culturel aux états généraux du monde
rural.
Le rapport Arpin, pour sa part, affirme ceci dans ses toutes
premières pages: "La présente proposition ne vise donc rien de
moins que d'accorder à la culture une place tout aussi importante que le
social et l'économique à la table des grandes décisions
qui modèlent le Québec et définissent les conditions de
vie et de bonheur de ses citoyens. Elle propose de faire de la culture un
moteur du développement et un point de repère obligé de
toutes les grandes décisions. " Solidarité rurale appuie
totalement cette affirmation fondamentale qui introduit tout le rapport Arpin.
C'est en particulier à cette condition que le modèle de
développement qui a conduit au déclin du monde rural, comme
à la pauvreté urbaine d'ailleurs, pourra être
remplacé par un nouveau modèle qui repose sur des valeurs et des
idéaux renouvelés.
La culture s'exprime et s'alimente à tout et par tout ce qui fait
la vie. Mais elle s'exprime et s'alimente d'une façon
privilégiée dans ce qu'il est convenu d'appeler l'expression ou
la production artistique. Noyer la culture dans l'océan ethnologique,
c'est condamner la campagne au folklore. Or, le rapport Arpin identifie la
pauvreté du milieu rural du point de vue de l'accès à
cette production artistique: "Cela dit, l'ensemble régional du
Québec, sauf exception, n'est pas encore assez bien équipé
pour assurer sa
production locale et recevoir les activités culturelles en
provenance de Québec, Montréal, des régions ou de
l'extérieur du Québec. Mais la situation est encore plus
pénible en ce qui concerne les "contenus". Théoriquement,
l'importance de Montréal et Québec devrait avoir pour effet que
la densité de leur action culturelle déborde sur les
régions. On pense à la formule des tournées, à la
circulation des expositions en provenance des musées d'État.
Solidarité rurale a fait les mêmes constatations et refuse
qu'une telle situation ne soit pas changée. Bien sûr, le milieu a
d'abord à se prendre en main lui-même et à
développer les équipements culturels nécessaires pour
accueillir les activités culturelles ou artistiques les plus valables.
Mais il ne pourra le faire seul et le gouvernement du Québec, en
particulier le ministère des Affaires culturelles, a la
responsabilité d'intervenir de façon importante à ce
niveau.
C'est pourquoi Solidarité rurale appuie les recommandations du
rapport Arpin concernant l'accès à la vie culturelle pour
l'ensemble régional du Québec, recommandations formulées,
et vous m'excuserez de l'erreur qu'il y a là, même si, à la
page 171, on appuie les recommandations, mais c'est la page 169. Mais c'est
évident que les recommandations au niveau du réseau scolaire sont
extrêmement intéressantes aussi pour le milieu rural.
Ce sur quoi Solidarité rurale veut cependant insister encore
davantage auprès de la commission de la culture, c'est le
développement culturel en milieu rural ou la réalisation de
projets culturels au sein même des communautés rurales. Pour ce
faire, nous avons pensé présenter d'abord un exemple de
développement culturel dans une communauté rurale du
Québec. Nous aurions pu choisir plusieurs exemples tels que La fabuleuse
histoire d'un Royaume, à La Baie, au Saguenay, ou encore le Festival du
cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Nous avons choisi
Le P'ttt Bonheur de Saint-Camille.
Cette partie du mémoire, en fait, a été
écrite... la réalisation vous est présentée par la
présidente du groupe, Mme Joëlle Duval.
Saint-Camille est un petit village de 500 personnes situé
à 40 kilomètres de Sherbrooke, en Estrie. En 1984, un groupe de
quatre personnes s'intéressaient à l'acquisition du 162,
Mi-quelon, édifice situé au coeur du village de Saint-Camille,
ancien magasin général avec trois logements. Le projet de base
demeure le même: mise en valeur de l'édifice et
développement de services communautaires et culturels. À
l'été 1988, un groupe de citoyens et citoyennes de Saint-Camille
adhèrent à ce projet et l'Association sans but lucratif, Le P'tit
Bonheur de Saint-Camille, est mise sur pied. La charte de cette Association
précise les objectifs de l'organisme: répondre à des
besoins communautaires et culturels pour la population locale et
régionale. (16 h 30)
De façon plus détaiilée, Le P'tit Bonheur
réalise des activités communautaires et culturelles. Le volet
communautaire a permis d'apporter un support à la mise sur pied de la
Popote roulante, entièrement gérée par les
aînés(es) du village; sa cuisine est située, d'ailleurs,
dans les locaux du P'tit Bonheur. C'est également un support du
Regroupement des jeunes en parrainant ses activités. Le dimanche, le
P'tit Bonheur se transforme en petit café pour offrir des
déjeuners à ses membres et il y a une moyenne de 40 personnes
chaque dimanche à l'année longue.
L'endroit devient lieu de rencontre et d'échange. Le vendredi, le
P'tit Bonheur offre à toute la population une pizza faite maison que les
gens font cuire chez eux. Ce volet communautaire - et c'est un
élément majeur - fait en sorte que la population se sent chez
elle au P'tit Bonheur, parce qu'il fait partie de son quotidien. Il faut noter
que tout le mobilier ainsi que le matériel de restauration ont
été donnés par la population.
Maintenant le volet culturel. Il comporte trois aspects: les arts de la
scène, la formation artistique et les arts visuels. Le P'tit Bonheur
diffuse sept à neuf spectacles professionnels par an: des
auteurs-compositeurs-interprètes de langue française tels Richard
Desjardins et Bob Walsh; la tradition musicale de divers pays telle la musique
de l'Inde, de l'Amérique latine, du Sénégal, le Festival
de musique traditionnelle, et le reste.
Parlons maintenant de la formation artistique. Le P'tit Bonheur organise
des cours réguliers et des stages ponctuels en tai-chi, en musique -
à peu près tous les instruments de musique, en fait - en arts
plastiques et en théâtre. Ces cours et ces stages sont ouverts aux
amateurs, enfants et adultes, et aux professionnels.
Les arts visuels. En avril 1991, le P'tit Bonheur a achevé la
rénovation d'une salle de 800 pieds carrés au premier
étage pour y créer L'espace d'Hortense, lieu de création
et de diffusion en arts visuels. Cet espace se veut un lieu de création
et d'exposition pour les artistes de la région et pour ceux de
l'extérieur. Il est ouvert à tous les médiums: peinture,
sculpture, aquarelle, photographie, art textile et le reste.
Trois expositions ont eu lieu à ce jour: François Myre,
sculpteur de Montréal, Seymour Segal, peintre de Dunham, et ensuite une
exposition des artistes ayant suivi le stage de formation donné par
Seymour Segal.
En conclusion, une population impliquée, une affirmation de sa
différence, un respect et une grande qualité d'accueil, un souci
du professionnalisme et une bonne collaboration avec le milieu régional,
la persévérance et l'amour de ce que l'on fait restent la base du
développement à long terme et le gage de notre réussite.
Cette réalisation exemplaire indique, nous semble-t-il, tant au milieu
rural lui-même qu'aux gouverne-
merits locaux et provincial, une des voies importantes à suivre
pour le développement culturel. Il s'agit de favoriser l'éclosion
et la réalisation de projets similaires dans le milieu rural, des petits
projets locaux surtout; mais des plus importants aussi.
Nous croyons en effet que le développement du monde rural va se
faire principalement à partir de projets locaux et régionaux,
souvent modestes, impliquant les populations elles-mêmes, soutenus et
encouragés par les pouvoirs politiques locaux et le gouvernement du
Québec, beaucoup plus que par de grands projets centralisateurs. Or,
cela nous apparaît tout aussi vrai au plan culturel qu'au plan
économique et social.
L'exemple que nous présentons rencontre un bon nombre des
caractéristiques qu'il est important de retrouver dans un projet de
développement en milieu rural: l'implication du milieu au niveau
financier, au niveau des ressources humaines, au niveau des ressources
matérielles locales disponibles; le développement d'un sens
d'appartenance de la population pour le lieu culturel créé; le
respect et l'utilisation des traits propres au milieu tels que le sens de
l'accueil dans le cas cité; la diversification des services; la
capacité potentielle d'initier un développement plus large,
d'attirer des personnes et des activités nouvelles dans le milieu; la
participation, même si elle est encore très minime, du pouvoir
politique local et du gouvernement du Québec.
L'exemple que nous présentons montre aussi qu'il peut être
opportun en milieu rural de réunir dans un même projet des
activités de natures différentes: des services communautaires,
des activités de loisir culturelles, des activités de
création artistique.
Solidarité rurale, en accord avec la déclaration du monde
rural, recommande que l'adoption d'une nouvelle politique de la culture et des
arts permette au gouvernement du Québec: de stimuler l'engagement des
pouvoirs politiques locaux dans le développement culturel en milieu
rural; de s'engager lui-même davantage dans ce développement en
assouplissant les normes d'intervention pour faire place à plus
d'imagination et d'initiative et plus de confiance au jugement des hommes et
des femmes dans l'administration de cette politique; de favoriser des
interventions, harmonisées entre elles, en provenance de plusieurs
ministères, agences ou programmes gouvernementaux, et appliquées
à un même projet et de consacrer au développement culturel
en milieu rural les fonds qui correspondent à l'importance primordiale
de la culture pour sauver la ruralité, stimuler et orienter le
développement du monde rural.
Le monde rural, même s'il a été beaucoup
oublié au cours des dernières décennies, possède
d'immenses richesses. Ces richesses, il les tient des ressources naturelles et
la nature physique elle-même, mais aussi de son patrimoine
économique, social et culturel inestimable pour le
Québec.
Nous pouvons continuer à détruire ce patrimoine, à
vider les campagnes et à faire disparaître les cultures locales et
régionales. Nous pouvons aussi, comme société, nous lancer
le défi de sauver les campagnes et leurs richesses et d'amorcer un
nouveau développement pour elles. C'est ce défi qu'a choisi
Solidarité rurale et c'est celui-là qu'elle propose au
gouvernement du Québec par la voie, dans le cas présent, de sa
politique de la culture et des arts. Parce que nous savons que "tant vaut le
village, tant vaut le pays". Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Proulx. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Proulx, Mme Rainville. Je
regardais autour, je regardais aussi mon confrère et vous ne pouvez pas
savoir à quel point ça nous fait plaisir de vous accueillir ici,
et ce pour plusieurs raisons dont une en particulier, c'est que plusieurs
intervenants... On va avoir entendu, d'ici à la fin de la semaine,
à peu près 180 mémoires d'organismes, donc plusieurs
intervenants des différentes régions. Je pense que non seulement
l'implication des régions, mais l'importance des régions n'est
plus à démontrer. On a beaucoup parlé, aussi, du sentiment
d'appartenance qu'il fallait créer, notamment par le biais de la culture
et de l'implication culturelle. Et vous en faites état, vous, du
sentiment d'appartenance, vous faites état aussi de projets collectifs;
vous nous avez soumis un petit bijou comme exemple.
D'un autre côté, on nous dit aussi, plusieurs grandes
villes nous disent aussi qu'il y a quand même une certaine
résistance, pour toutes sortes de bonnes raisons. Certaines raisons sont
économiques, mais encore une fois, il y a certaines résistances
au niveau des petites municipalités à justement s'impliquer au
niveau culturel. La culture, eh bien, ça fait partie des dépenses
versus ce que vous dites, c'est-à-dire que c'est un facteur
extrêmement important pour conserver les gens chez soi et se
développer. Quels sont les moyens que vous, vous privilégiez pour
que les municipalités puissent exercer, selon vous - les petites, on
s'entend - correctement ce rôle-là, pour qu'on puisse les
impliquer encore plus, pour qu'elles soient convaincues, elles aussi, non
seulement de s'impliquer, mais aussi d'impliquer leur monde? On n'est pas, nous
autres, toujours sur le terrain, non plus, ou près. Ce sont vraiment les
municipalités qui sont les plus près au niveau collectif.
M. Proulx: Écoutez, il n'y a pas de formule miracle autour
de ça. Je pense qu'on l'a souligné d'une façon
particulière à l'intérieur de ça. C'est qu'il faut
d'abord et avant tout qu'il y ait une volonté du milieu. C'est
évident qu'en même temps il faut que cette
volonté-là transpire, en
fait, ou oblige aussi les pouvoirs politiques à évoluer en
même temps. Il y a une responsabilité à tous les paliers.
Il faut essayer de trouver les solutions - il n'y a pas de solution miracle,
comme je vous l'ai dit - en trouvant la meilleure approche où chacun va
porter ses responsabilités, que ce soient les gouvernements national,
régional, local.
Moi, je pense que c'est justement en développant des politiques
qui vont être inci-tatrices à l'investissement, à chacun
à apporter sa contribution. Je pense que c'est de cette
façon-là et en ayant beaucoup de latitude, aussi, à
l'intérieur de ça. Il ne faut pas tomber dans la standardisation.
Je comprends que ce n'est pas facile, ce n'est pas facile pour l'État de
faire ça, d'autant plus qu'on est allé un peu à l'encontre
de ça au fil des années. Ce n'est pas facile, mais si on n'arrive
pas à trouver justement des approches qui vont être
dégagées, des approches qui vont avoir de la liberté, mais
qui, en même temps, vont avoir un incitatif important, je ne pense pas
qu'on réussisse. Je ne pense pas qu'on réussisse.
Deuxièmement, c'est une question, ça aussi, de
développer à nouveau cette importance de la culture, l'importance
de la présence de la culture dans toutes les décisions. Au cours
des dernières décennies, on a tellement tout
compartimenté, on a tellement tout aligné dans des colonnes,
qu'on a énormément de difficultés à faire les
relations qui doivent exister entre les différentes politiques, les
différents secteurs, et ainsi de suite.
Moi, je pense que des groupes comme Solidarité rurale, des
groupes comme l'exemple qu'on vous a donné - et on aurait pu en donner
d'autres - doivent, comme une des premières missions, rappeler
quotidiennement l'importance... C'est de même qu'on va redonner la place
que doit occuper la culture. Il y a des municipalités qui investissent,
mais c'est évident, beaucoup trop peu. Je pense, par exemple,
qu'à La Baie on a investi - si je me trompe, vous me corrigerez... La
municipalité a dû investir autour de 300 000 $, justement, pour
ceux qui ont eu l'occasion de voir le spectacle qui a été
organisé, mais c'est encore beaucoup trop peu. Il ne faudrait surtout
pas que ça devienne un échappatoire pour un palier quelconque de
gouvernement - et là, je ne vise pas un gouvernement en particulier...
Il ne faudrait pas que l'implication d'un palier à un endroit, que ce
soit au local ou au régional, devienne l'excuse pour un autre palier de
ne pas investir.
Mme Frulla-Hébert: Je vous interromps sur ça parce
que c'est ce qu'on a entendu beaucoup. C'est que plusieurs villes plus grosses
ou municipalités plus grosses nous disaient: Oui, mais, nous, on
investit beaucoup et les petites municipalités environnantes profitent
de nos équipements, mais n'investissent pas. Maintenant, on peut
comprendre que les gens... Il y a une capacité de payer en bout de ligne
aussi, mais si on en fait un projet collectif, finalement, le moindre argent
investi, c'est déjà ça de plus. C'est pour ça que
là-dessus... On a eu de grandes remarques sur ce point-là.
M. Proulx: Cette question-là est excellente. Elle est
excellente dans le sens que c'est toujours la même réaction. Je ne
suis pas surpris qu'ils viennent vous dire ça. C'est le cercle vicieux,
ça. Il n'y a qu'eux autres qui investissent, mais ils existent à
cause de quoi? À cause qu'il y a une multitude de petites
municipalités autour d'eux. C'est l'éternel recommencement,
ça. C'est que tout le monde veut avoir son petit royaume. Moi, ma plus
grosse municipalité, chez nous, dans ma MRC, c'est L'Or-Blanc, c'est
Asbestos, 7000 à 8000 personnes, et qui dépérit
continuellement. Pour elle, c'est naturel qu'elle ait tout, mais elle n'existe
aujourd'hui qu'en fonction justement de ma municipalité, d'une multitude
de petites municipalités autour. Et c'est cette mentalité qu'il
faut changer, de vouloir tout le temps avoir un seul point, un seul point de
rassemblement. Il va falloir décentraliser.
On parle de culture, on va parler de la culture et ça vaut pour
le reste aussi, je l'ai dit. Tant qu'on n'aura pas, dans nos politiques, tant
qu'on ne développera cette importance de décentraliser, il va
toujours y avoir les petits royaumes qui vont vouloir s'établir un peu
partout. Moi, quand je partais de chez nous pour aller voir un spectacle, avant
que j'aie le P'tit Bonheur - je suis aussi bien de vous le dire, c'est ma
municipalité, l'exemple, donc je suis un peu en conflit
d'intérêts, mais en tout cas, c'est un peu normal; il faut se
payer ça de temps en temps - où j'allais à Sherbrooke, je
faisais 40 à 45 kilomètres. C'est des dépenses
supplémentaires. Ça, jamais personne ne le souligne.
C'est pour ça qu'il faut trouver... La contribution, on
l'apporte, et d'autant plus avec les nouvelles MRC, et ainsi de suite, les
nouvelles formules. On la supporte amplement et on a toujours un
supplément à payer autour de ça, chose que les villes
oublient. Je ne dis pas qu'elles n'apportent pas une contribution, mais, si on
faisait le calcul correctement et qu'on regardait l'ensemble globalement, ce
que ça coûte, le rural apporte toujours largement sa contribution.
Ce n'est pas parce que le conseil municipal a refusé une année de
payer le partage en entier qu'il n'apporte pas sa contribution. (16 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, quand vous pariez des
petits royaumes comme ça qui se bâtissent... Effectivement, nous,
dans nos demandes, chacun en bout de ligne, quand on calcule, veut avoir sa
salle de spectacle, veut avoir son équipement, etc., puis souvent ce
sont des muncipalités qui sont très, très près.
Mais est-ce que par le biais, par exemple, des MRC - on
parle de structure; ce n'est pas une nouvelle structure, mais quand
même un rôle qui pourrait peut-être être
attribué aux MRC... Est-ce que cette concertation, parce que ça
prend une concertation pour décider bon, eh bien, toi, tu fais
ça, et on va dans notre milieu créer une dynamique... Est-ce que
vous pensez que la MRC serait peut-être le meilleur palier avec lequel
travailler?
M. Proulx: C'est évident. Oui, c'est évident. Pour
ça comme pour beaucoup d'autres choses, je suis convaincu que la MRC,
c'est vraiment l'endroit où on va être capable, à mon avis
en tout cas, de créer ces consensus-là, de développer des
choses. Quand je parle de décentraliser la culture, je ne veux pas qu'on
tombe dans l'autre exagération de penser qu'on va amener l'Orchestre
symphonique de Montréal chez nous, là. Ce n'est pas ça que
je veux dire. Mais je dis oui à votre question. La MRC devrait
être normalement l'endroit idéal, idéal pour justement
élaborer autour de ça des projets, faire le partage à ce
niveau-là, regarder justement pour que ça soit bien
harmonisé, qu'il y ait vraiment une équité qui
s'établisse entre tous, une accessibilité qui est bien
partagée. C'est sûr que c'est le corps politique, à mon
avis.
Je voudrais rajouter sur ça aussi - je l'ai dit tout à
l'heure et je le répète - c'est toujours ma crainte qu'on fasse
porter la facture à d'autres, qu'on tourne les moyens. À cause de
ça, il va être important que chaque palier, tant provincial, que
régional, que local, assume ses responsabilités dans ça.
C'est en les assumant, justement, qu'on va se permettre d'investir davantage
dans la culture.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous êtes d'accord,
juste en terminant... Bon, on regarde l'évolution de la
société par exemple. Vous dites qu'il est temps maintenant qu'on
amène la culture comme étant un outil important au niveau du
développement. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que
ça, c'est quand même un nouveau discours dans un sens où,
pour nous autres, la culture, ça a beaucoup été culture et
langue, protection de la langue, etc.? Maintenant, vous dites même dans
votre mémoire, par exemple, quand on parle des arts, que de noyer la
culture dans l'océan ethnologique, c'est condamner la campagne au
folklore. Toute cette pensée-là, moi, ça m'encourage et
ça m'enthousiasme parce qu'il me semble que c'est une prise de
conscience, mais une belle évolution aussi comme
société.
Le Président (M. Ooyon): Mme Rainville.
Mme Rainville (Marie-Anne): Oui, effectivement, c'est... J'aurais
presque, Mme la ministre, si vous me permettez, envie de vous raconter un peu
quand les débats ont commencé chez nous. D'abord, c'est
très agréable de parler de la campagne québécoise,
particulièrement parce qu'elle est fort riche au niveau du patrimoine.
On a toujours tendance à en parler d'une façon ethnologique.
D'ailleurs, je me rappelle, dans les travaux des états
généraux, on s'amusait à dire que la campagne était
juste bonne à nous offrir des bons scénarios de
téléromans, parce que, au Québec, ça servait
à ça, les campagnes.
Ça a été des discussions qui ont été
très "questionnantes", si on regarde l'élaboration des travaux
qui ont été faits dans le cadre de la préparation des
états généraux. Je vous dirai même qu'à
l'origine, lorsqu'on a envoyé... C'est d'abord la structure de l'UPA qui
a commencé à travailler ces états généraux
là. Il y avait donc tout un volet de questionnement sur la culture, au
sens de la production artistique. Les gens étaient un peu surpris de
devoir s'interroger là-dessus, mais plus ils s'interrogeaient et plus
ils voyaient la culture comme un outil de leur propre développement,
plus ils se voyaient aussi comme souffrant d'anémie culturelle.
D'ailleurs, le rapport Arpin en fait la constatation de l'appauvrissement.
Effectivement, vous soulignez là un point important de
l'évolution des mentalités. Cette évolution-là
m'apparaît strictement liée à la réflexion,
c'est-à-dire qu'inconsciemment on vit et la culture est souvent une
activité inconsciente. Il a fallu possiblement que quelques personnes
posent des questions pour que, finalement, on voie qu'on est autre chose qu'un
réservoir de belles vieilles scènes pour nos
téléromans, ou encore un lieu paisible où aller
écrire des romans avant de venir les publier à
Montréal.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président, Mme Rainville. M. le
Président, on ne peut pas faire abstraction du fait que vous êtes
président de l'Union des producteurs agricoles. Je vous accueillerai par
une boutade. Il y a quelques années, à titre de porte-parole de
l'Opposition pour la culture, je m'étais présenté à
la commission de l'agriculture et, devant mes collègues un peu
médusés de me voir intervenir, je leur ai répondu qu'entre
sillons et microsillons je ne voyais pas tellement de différence. Ha,
ha, ha!
Je me demandais si quelqu'un viendrait à cette commission et
parlerait de Saint-Camille comme tel et je vois que vous l'avez fait. Mais je
vous dirai d'emblée que je souhaite vivement que les P'tit Bonheur se
multiplient en région parce que c'est une institution, effectivement,
créée par le milieu, une institution adaptée à ses
besoins très spécifiques. Si on veut enrayer le déclin du
monde rural qui est partie prenante de toute cette problématique du
Québec cassé en deux, il nous faut aider justement les
communautés locales à se donner les moyens d'agir.
Bref, je pense qu'il devrait y avoir un programme P'tit Bonheur dans
l'énoncé de politique que l'on veut écrire.
Donc, cet exemple du P'tit Bonheur, c'est d'abord - je l'ai dit et vous
l'avez dit aussi avec peut-être beaucoup plus d'éloquence que moi
-l'initiative du milieu. Est-ce qu'on peut le multiplier, ce P'tit Bonheur, en
offrant une modulation des programmes? Vous avez beaucoup insisté sur la
rigidité des programmes, sur le traditionnel mur à mur qui nous a
habités au Québec durant des années et un carcan,
d'ailleurs, dont on commence à se défaire tranquillement mais
assurément, je l'espère. Quelles sont, puisque vous en parlez,
les difficultés pour les organismes culturels à rencontrer les
normes et les critères d'admissibilité du ministère?
M. Proulx: Bon, à une partie de votre intervention, je
vous dirai que je serais extrêmement malheureux si on multipliait les
P'tit Bonheur, non pas parce que je veux qu'il soit unique parce que,
justement, on tomberait encore une fois dans la facilité de la
standardisation. Pour moi, il peut y avoir des P'tit Bonheur partout, mais qui
respectent justement les identités locales, que les gens soient capables
de se laisser aller librement à leur création. Alors, oui, une
multitude d'initiatives locales... Mais avec ça, j'ai oublié
votre principale question. Excusez-moi, M. le député.
M. Boulerice: Je vous parlais de la difficulté des
organismes culturels à rencontrer...
M. Proulx: Oui, O. K.
M. Boulerice:... les normes et les critères
d'admissibilité du ministère...
M. Proulx: Oui, c'est...
M. Boulerice:... ce mur à mur.
M. Proulx:... sûr qu'il y a énormément de
difficultés, vous savez, et Marie-Anne pourra compléter
peut-être sur ça. Mme Duval et tous ceux et celles qui travaillent
avec elle seraient encore en meilleure posture que moi. C'est extrêmement
difficile. Ça demande énormément de
bénévolat parce que, justement, avant d'être le moindrement
reconnu, il faut que tu produises, que tu produises et que tu reproduises
encore et le plus possible avec des noms connus et reconnus. C'est
évident. Que voulez-vous, les règles sont là. Il y a des
exigences. Les montants d'argent sont de plus en plus rares et ce n'est pas
facile.
Je dirai, encore une fois, que c'est à coups de
bénévolat parce qu'on part de rien, on part de rien. C'est
quelques personnes qui investissent et qui investissent dans une infrastructure
au moins pour se protéger de la pluie, du soleil, de la neige et du
froid. Ensuite, ça prend - je me répète, là - une
volonté, une carapace à toute épreuve pour tout surmonter.
Et c'est justement ça qui va être important.
Quand on parle de flexibilité, d'accessibilité et d'avoir
beaucoup de latitude pour le faire, moi, je pense que si on veut que les
projets, P'tit Bonheur et autres, se développent un peu partout, petits,
moyens et gros, il va falloir vraiment remettre en question et à fond et
il va falloir développer une politique qui va justement être
adaptable à une multitude de situations et de milieux. Moi, je
considère que le P'tit Bonheur a été chanceux d'avoir des
personnes qui n'investissent pas des millions, mais quand même qui
entretiennent, et même pas avec un intérêt de faire un jour
un sou. Ce n'est pas possible partout. Je veux dire, il faut qu'il y ait des
circonstances qui s'y prêtent, une multitude de facteurs qu'il faut qu'il
arrive ensemble. Marie-Anne, peut-être...
Mme Rainville: Si vous me permettez, M. Boulerice, j'aimerais
poursuivre en disant: Si je comprends bien la pensée des gens du P'tit
Bonheur et d'autres organismes ou festivals ou activités culturelles
tenus en région et en milieu rural, plus particulièrement, ce qui
est le mur pour eux, c'est la machine administrative principalement de
l'État québécois. C'est-à-dire que, par exemple -
et je prendrai strictement un exemple dans le P'tit Bonheur - une partie de ces
activités de type communautaire relèvent, lorsqu'on comprend la
multitude des programmes du MLCP, de ce qu'on appelle les loisirs culturels
alors qu'un autre de ces volets relève carrément du
ministère des Affaires culturelles, et je dirais même qu'une
troisième partie des activités du P'tit Bonheur - parce qu'ils ne
sont pas ici représentés - relève du ministère du
Tourisme. Alors, demander à de simples citoyens qui décident,
dans un organisme à but non lucratif, d'investir leurs week-ends, de
comprendre la machine, c'est impossible.
Alors, ces gens-là sont au départ
désavantagés par des programmes mis en place parce qu'ils ne
connaissent même pas leur existence. S'il faut se mettre à
développer les organismes dans d'autres structures gouvernementales qui
seraient là pour informer le simple citoyen où aller, on n'en
finit plus. Ce rôle-là ne peut pas non plus être joué
par des organismes comme Solidarité rurale parce que son mandat, c'est
de supporter le développement. Ce n'est pas d'expliquer la machine.
Évidemment, devant votre question, je vous la retourne,
c'est-à-dire qu'il faudrait trouver des mécanismes. C'est
ça, quand on dit: Essayer de trouver des structures
légères et compatibles. Il y a des projets comme le P'tit Bonheur
qui ne pourront vivre que parce qu'on sera flexible et souple dans
l'application des règles, entre autres, la règle d'un
ministère pour un groupe de
citoyens. Enfin, elle existait quand je travaillais dans le loisir. Je
ne sais pas si elle existe encore, mais lorsqu'un ministère vous a
subventionnés, vous n'êtes plus éligibles... Possiblement
qu'il faudrait, pour permettre un véritable développement rural
qui soit basé sur le développement des différences,
trouver des mécanismes souples, et on parle ici de sommes qui sont
petites. Je finirai en disant, pour ce volet-là de ma réponse,
que ce n'est pas non plus le rôle du député, me
semble-t-il, dans chacun des comtés de faire de l'éducation
à la machine bureaucratique du gouvernement, mais, bref, je vous renvoie
un peu la balle au bond.
Ceci étant dit, il y a un autre... Ce qui peut être venu
dans le cas du P'tit Bonheur - et je pense aussi à d'autres
activités: le Festival de jazz de Rimouski, par exemple... Ce qui a
souvent permis à ces projets de création et de diffusion
artistiques de s'épanouir en milieu régional ou local, c'est la
présence de ce que Joëlle appelle, dans son document, les
néoruraux. L'expression nous a assez souri. Ce sont des milieux qui ont
été capables de se marier entre eux; le mariage entre le rat des
villes et le rat des champs. Les milieux ont été capables de
s'accueillir et de jouer de compétences réciproques et ça,
ça nous apparaît, à Solidarité rurale, quelque chose
de fondamental quand on parle. Pour nous, c'est là que l'idée de
développer aux villes des alternatives valables de vie que sont les
villages n'est plus que des discours. C'est quand des gens choisissant de
rester dans le même milieu de vie que peut être un village
pourront, tout en ayant des provenances diverses, c'est-à-dire des
provenances ethnologiques diverses, améliorer ensemble leur
qualité de vie... Parce que les néo-ruraux sont souvent des
citadins recyclés; ils apportent avec eux une culture et d'autres types
de connaissances. De savoir qu'ils viennent supporter le milieu local et
réciproquement...
Alors, ces jeux, c'est tout ça qui, aussi, fait le succès
d'activités comme le festival international des films de Rouyn ou encore
"La fabuleuse histoire d'un Royaume" ou encore, bon, le P'tit Bonheur.
M. Boulerice: Dans le rapport Arpin, il y a trois axiomes. Le
premier dit: le rapatriement du Québec de tous les pouvoirs en
matière de culture. Jeudi dernier, les Grands Ballets canadiens,
tributaires de subventions fédérales, sont venus nous dire, par
la voix de leur présidente du conseil d'administration et de leur
directrice générale, toutes deux Québécoises et
Québécoises anglophones, qu'ils étaient en faveur de ce
rapatriement des pouvoirs du Québec en matière de culture. C'est
également présent dans le rapport Arpin. Jeudi, la ministre ne
l'a pas relevé - c'était quand même historique de
l'entendre par la voix de ces deux personnes - mais si je vous pose la
question: Cet axiome du rapport Arpin, qui est le rapatriement par le
Québec de tous les pouvoirs dans le domaine de la culture, est-ce que
c'est une chose que Solidarité rurale souhaite?
Mme Rainville: Nous... M. le Président...
M. Proulx: Oui, je commencerai en disant: Comme il n'y a qu'un
pas entre l'agriculture et la culture, on va rester sur les mêmes
positions que pour l'agriculture: On doit rapatrier.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Rainville: Je poursuivrai moi aussi sur une boutade: Tant
vaut le village, tant vaut le pays"; c'est le slogan de Solidarité
rurale. Mais d'entrée de jeu, Solidarité rurale s'est dite en
accord avec la totalité du rapport Arpin. Nous avons
déposé un mémoire qui offrait quelques précisions
sur ce que nous souhaiterions voir être véhiculé par le
ministère quant à son intervention en milieux local et rural,
mais nous adhérons à la grande vision du rapport Arpin.
Évidemment, nous aurions espéré peut-être un
tantinet plus d'imagination sur le développement local, mais nous avons
fort bien compris aussi les réserves exprimées d'entrée de
jeu dans le rapport Arpin, et nous avons fort bien saisi que les gens qui se
sont attablés à ce travail ont décidé de le faire
vite et bien, en pensant qu'il valait mieux en discuter maintenant que
d'attendre six mois de plus, etc. Nous étions, à
Solidarité rurale, et ce pour l'ensemble, je pense, de
l'exécutif, fort sensibles à la fois à la totalité
des recommandations et au contexte dans lequel les gens du rapport Arpin ont
bien voulu travailler.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député, quelques mots de remerciement, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Oui, très brièvement, vous avez
parlé de l'importance du travail du Conseil régional de la
culture de l'Estrie. J'aurais aimé entendre vos propos, mais c'est
là, je crois, une structure souple qui permet au milieu de se concerter,
de travailler et je pense que c'est probablement dans cet esprit que vous
l'aviez évoqué. Pour vous saluer, je vais reprendre effectivement
votre slogan: "Tant vaut le village, tant vaut le pays". Il ne faut pas oublier
que nos racines urbaines sont très récentes, donc, je ne pense
pas qu'on oublie le village bientôt. Du moins, si on devait l'oublier, ce
serait perdre nos racines comme telles. Je vous remercie beaucoup, M. Proulx et
Mme Rainville, d'être venus à cette commission.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: À mon tour de vous
remercier, M. Proulx, Mme Rainville, vous parlez à une
néo-rurale aussi, de week-end. Alors, effectivement, on
s'aperçoit et on sait toute l'importance au niveau des régions et
au niveau aussi du climat que ça peut créer, là, toute
cette activité, alors vous prêchez à une convaincue. Quant
à la flexibilité des normes, ça, on en est très,
très, très conscients. Vous parliez des différents
ministères, nous on ne touche que le professionnel. Loisir, Chasse et
Pêche touche l'amateur. C'est réparti aussi dans d'autres
ministères, ce qui fait que - et vous avez raison - ça prend une
journée pour comprendre comment ça fonctionne, et encore. C'est
là-dessus qu'on veut s'attarder vraiment pour essayer d'apporter un peu
de fraîcheur à tout ça, puis un peu de flexibilité.
Alors, sincèrement, merci beaucoup beaucoup.
M. Proulx: Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste, M. Proulx,
Mme Rainville, au nom de la commission, à vous remercier d'avoir pris la
peine de venir nous entretenir aujourd'hui. Merci beaucoup. Maintenant que nous
avons terminé notre rencontre avec Solidarité rurale, nous avons
le plaisir de recevoir la Centaur Theater Company. Je les invite à bien
vouloir s'avancer et prendre place en avant. Alors, c'est avec beaucoup de
plaisir et d'intérêt que nous allons les entendre. Suspension
d'une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 5)
(Reprise à 17 h 6)
Centaur Theater Company
Le Président (M. Doyon): Bienvenue aux
représentants de la Centaur Theater Company. Je pense que M. Goldbloom
est absent, d'après ce qu'on me dit. Donc, je souhaite la bienvenue
à M. Podbrey et à M. Lafrenière. Je leur dis que nos
règles sont très simples: de 10 à 15 minutes de
présentation et après ça, environ une demi-heure de
discussion avec les membres de la commission. Vous avez la parole. Si vous
voulez bien vous identifier pour les fins du Journal des débats.
M. Lafrenière (Rémi): Certainement. Merci, M. le
Président. Je suis Rémi Lafrenière, président du
conseil d'administration du théâtre Centaur. J'ai avec moi notre
directeur artistique, M. Maurice Podbrey. Notre collègue au conseil
d'administration, M. Jonathan Goldbloom, a dû s'absenter et il me demande
de l'excuser auprès de vous.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les
bienvenus.
M. Lafrenière (Rémi): M. le Président, Mme
la ministre, mesdames et messieurs du comité, je vais me permettre, si
vous le voulez bien, de vous parler un peu du théâtre Centaur,
à la suite de quoi notre directeur artistique, M. Podbrey, vous parlera
plus spécifiquement du rapport Arpin.
Situé dans l'ancien édifice de la Bourse dans le
Vieux-Montréal, le théâtre Centaur existe depuis maintenant
23 ans. Nous avons deux salles de spectacle où nous présentons
sept pièces par saison. Le Centaur compte un public régulier
d'environ 12 000 spectateurs par pièce dont 7500 sont des
abonnés.
Notre mandat accorde la priorité à la création
d'oeuvres nouvelles et plus de la moitié de notre programme saisonnier
est constitué de pièces canadiennes, québécoises ou
originales. Le Centaur loue ses installations à d'autres groupes des
arts d'interprétation et, bien que cette activité ait
été partiellement subventionnée par le Secrétariat
d'État, le Centaur supporte la majeure partie de ces coûts
à même son propre budget.
Le Centaur est le principal théâtre anglophone de
Montréal et, en tant que tel, il doit répondre à un large
éventail de besoins et d'exigences. Son budget d'exploitation se chiffre
à environ 2 500 000 $ provenant des sources suivantes: recettes, 42 %;
location de salles, 5 %; subvention du gouvernement du Canada, 14 %; subvention
du gouvernement du Québec, 11 %; subvention du conseil des arts de la
Communauté urbaine de Montréal, 5 %; levées de fonds, 16 %
et autres, 7 %.
Les artistes qui travaillent au théâtre Centaur viennent
surtout de Montréal, mais nous sommes souvent obligés,
évidemment, d'embaucher des comédiens de Toronto et d'ailleurs.
Les artistes francophones participent souvent à nos productions à
titre de metteurs en scène, de scénographes et de
comédiens. L'an dernier, la distribution de la pièce sur
René Lévesque, qui, soit dit en passant, nous a valu l'honneur
d'être chahutés en pleine salle, en soirée de
première, par le critique du Devoir, comptait six
comédiens francophones.
En janvier prochain, nous reprendrons la pièce "Balconville",
première oeuvre dramatique montréalaise bilingue du
Québécois David Fen-nario. À la fin de la saison, une
distribution québécoise - c'est un détail que je tiens
à souligner car il est très important, M. le Président -
de neuf comédiens bilingues interprétera une oeuvre du dramaturge
espagnol, Arrabal, en versions anglaise et française au Centaur, puis au
Festival d'Avignon et à l'Exposition internationale de Seville, en
Espagne. Il s'agira d'une coproduction entre le Centaur et le
Théâtre du Chêne noir d'Avignon, qui sera
subventionnée par le gouvernement du Québec et - je me permets
ici de corriger notre mémoire - ce n'est pas le gouvernement du Canada,
mais le gouvernement
de la France qui subventionne avec le gouvernement du Québec.
Nous réalisons souvent des tournées de nos pièces à
travers le Canada et nous montons également des coproductions avec
d'autres théâtres régionaux.
Le Centaur est, à l'évidence, un élément
vital et essentiel de la scène culturelle de Montréal. Nous
investissons beaucoup d'énergie dans diverses formes de recherche et de
développement. Nous parrainons des oeuvres originales et nous avons
toujours un dramaturge en résidence, représentant de nombreux
groupes ethniques, que ce soit les communautés grecque, italienne,
juive, noire et même, à l'occasion, si vous me le permettez,
Wasp.
Au cours des trois dernières saisons, nous avons
été aux prises avec un certain nombre de problèmes
financiers qui découlent de la réduction du soutien
gouvernemental et du fait que nos salles sont trop petites pour nous assurer
les revenus dont nous avons besoin et ce, en dépit du fait que nous
menions de très énergiques campagnes de financement. Le Centaur
rejoint chaque année 90 000 spectateurs, l'un des auditoires les plus
nombreux au Québec, mais malheureusement le financement que nous
recevons du gouvernement provincial ne reflète pas cette
réalité.
On croit à tort, à Montréal, que les groupes
anglophones, et le Centaur en particulier, ont aisément accès au
soutien financier des particuliers et des entreprises anglophones. Ce n'est
tout simplement pas le cas. Nous devons travailler très fort pour lever
les fonds nécessaires - en fait, les dons d'entreprises
s'établissent en moyenne à 300 $ - et cette année nous
devrons tripler, je répète, tripler, nos objectifs de
levée de fonds. Mais le Centaur n'est pas la seule institution
culturelle à connaître des difficultés et nous sommes
déterminés à surmonter les problèmes auxquels nous
faisons face actuellement.
Je me permets d'ajouter ici un détail qui n'est pas dans notre
mémoire. C'est que sur cette question de levée de fonds dans le
secteur privé, c'est devenu, à toutes fins pratiques, une
discipline presque à elle seule, où il nous faut aller chercher
de l'expertise un peu spéciale, et c'est ce que nous avons
déjà mis en place chez nous. Je souligne ce fait simplement pour
vous démontrer notre sérieux dans ce domaine.
Donc, sur cette toile de fond, Mme la ministre, MM. les membres du
comité, je demanderais à mon collègue, M. Podbrey, de nous
parler maintenant spécifiquement du rapport Arpin. Merci.
M. Podbrey (Maurice): Regarding the Arpin Report specifically,
you have had many submissions over the past few weeks, and so we would prefer
our approach to be more personal and reflective than dealing on matters that
have already been covered by other groups. The
i
Québec Drama Federation, of which we are a member, submitted to
you on September 17 and it covered a great deal of the Report. We are a member
of that organization and we fully support its submission to you, so I do not
simply want to go over all those points again.
I want to say, however, that my first response to the Arpin Report was
one of some astonishment at seeing such a wholesale commitment to the
importance of culture. It is rare indeed that one finds this recognition of the
profound interdependence of the arts to the health and maturity of its
citizens. Québec already has over the past two decades demonstrated a
tremendous cultural vitality, especially in the field of the performing arts,
but all this can evaporate as quickly as it arrived if we are not supportive
and sensitive to its ongoing needs. The initiatives mentioned in the Report,
especially in education, touring and in guaranteed long-term funding, are
greatly to be applauded.
In a Globe and Mail interview recently, Mr. Arpin is reported as
saying that he is not essentially against the principle of arm's length
funding. He did say, however: "I do not think that the artists who criticize
government intervention really understand the role of a minister in a
parliamentary system. The Minister cannot simply give money to the artists and
then walk away. This is public money and it must be accounted for." He said
also: "Even if we bring in arm's length organizations, it is still in the end
the Minister's responsibility to decide that the money has been well
spent."
This touches the main issue that concerns many individual artists and
cultural organizations. The Government of Québec compares well with
other governments. Its record is overall a good and a strong one in support of
the arts. But how do we persuade governments and bureaucracies generally that,
while they do provide the means, they should content themselves to be more like
parents whose pleasure it is to step back and watch with pride as the youth
finds its own strong place in the world? Programmes cannot create talent. They
can only seed it and nurture it. (17 h 15)
I suppose what it comes down to in the end, finally, is whether or not
one believes in the arts, period. I was Chairman of the Professional
Association of Canadian Theatres, an organization of over 100 Anglophone
members across the country. I was the Chairman for four years and I had many
occasions to meet with the Federal Ministers of Culture, State or
Communications as they are now called. With everyone in turn, we had to
confront this problem of communicating the nature of this particular
sensitivity to them. They did not come to their job prepared or equipped with
that degree of sensitivity we found. To most, it was a political
game. Money spent must equal political advantage. In fact, sadly, over
the past 10 years, there has been a steady political encroachment in Ottawa on
the powers and resources of the Canada Council. Artists are notoriously
individualistic and I suspect they will always react negatively to either
political dictate or overgrown or overcentralized bureaucracy.
I remember very well, after the first election of the Parti
Québécois in 1976, how the 10 institutional organizations in the
Province would gather together at the Place des Arts for monthly meetings to
review the policy of the Government, to establish priorities, priorities which
touched on democratization of the arts, touring, the development of artists, of
writing talent. It was not, to my mind, a tremendously radical programme and I,
in fact... We, at Centaur, were under the impression that we were doing just
that. But I was amazed, at the time, at the hostility that these
representatives of the Government then ran into with these heads of the
institutional theatres, these heads who were in vanguard of the nationalist
movement and you would think would embrace wholeheartedly a social and artistic
policy derived from Government. The opposite was the case. I was astonished at
the language which made me blush as an Anglophone and to sit there and hear
some of the words that were used in that encounter. These meetings did not
continue for many months, I must hasten to add. I was very sorry for that but
to me, it was an example of this incredible sensitivity that exists in this
area.
Centralization of financial control is also a very unhappy prospect and
I am not saying this because I particularly fear the Government of
Québec. Over our 23 years, we have had problems and misunderstandings
with all levels of government at one time or another and we are certainly not
alone in this. I remember the events around the TNM, le Théâtre du
Nouveau Monde, with "Les fées ont soif - I remember that very clearly -
how the City of Montréal decided to demand that they have the scripts in
advance, etc. We have been able, at times like this, to find alternative allies
and alternative funding to keep our projects alive and our artistic policies
intact. In fact, we have become experts at what we call grantsmanship, seeking
out non traditional sources of funding, and often this has made the difference
between success and failure.
This concern with centralization exists for us not only on the political
and funding level but also on the level of the union organization and
representation. To the Status of the Artist Legislation, the Anglophone
community is very much at risk. Every three years, the tribunal decides who are
the negotiating parties for a whole sector of industry and, at any moment, we
could find ourselves within the embrace of the Union des artistes. It would be,
on the practical level, an extremely difficult situation for us to find
ourselves in, but again, it is an example of the centralization that we
fear.
I would like to make a special point of the seeming absence in the Arpin
Report of built-in recognition and support to minority language groups in
Québec. We, as fringe elements to the society, need particular
consideration as it is more difficult for us to access the centres of decision
making and policy planning. Anglophones do not share that grapevine. Is there a
word equivalent for grapevine where the news trickles down not in a
conventional sense, but in an unconventional sense? It trickles down and it
makes all the difference, sometimes, between getting a grant and not getting a
grant, and knowing what is happening and not knowing what is happening. It is
very hard to get these ambiguities that make a big difference. These things can
often make a big difference and I hope that this will be kept in mind.
We do get some help, of course, on the provincial level. It is a very,
very important matter for us because it is very easy to feel isolated from that
process. Finally, I would like to thank you very much for this opportunity and
make sure you come and see "Balconville" which runs through the month of
January at the Centaur. Thank you very much.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.
Madame, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: M. Lafrenière, merci et
bienvenue. Thank you, Mr. Podbrey. J'aurais quelques questions, dont une qui
m'a frappée. Quand on parie finalement de l'aide gouvernemental... You
were talking about governmental help. Of course, I am looking at what we were
giving last year and this year. We are talking about $ 230 000 last year, $ 240
000 this year, which is about 10 % of all activities. You know, for companies
that are well structured and doing well, it is within the norms; it is the same
as other companies, should they be French or English. The thing is the Federal
Government diminished its subvention by 20 000 $. We keep saying that while we
try to raise ours, if they diminish theirs, there will always be a gap because
it is very, very hard for us to compensate the diminution and in some cases, it
was done - we had a case last week - without notice. So that is the incredible,
I would say, lack of coordination of this system.
In the same order of ideas, you are saying that we might as well keep
those different levels because we need those different levels. There was
another concept saying: If everything is centralized, why not have one roof but
different doors, a little bit like la Caisse de dépôt. M.
Béland was saying that before you had the
Caisse de dépôt, "les entreprises" were saying that it was
better knocking at a few doors just in case, and people were afraid. But now,
what happens is you have one centralized place, but different doors to knock
on, not only one, to avoid this overcentralization. I would like you - M.
Lafrenière aussi - to sort of elaborate on that.
M. Podbrey: I recognize the fact that we have had percentage
increases from Québec which have been consistent and very helpful. We
started, however, very late on this ladder. Of the 10 institutional theatres
that exist, we are probably number 7 or number 8. Whereas, I think, in terms of
our work, our productivity, our prominence, we are probably number 2, I would
think. That is my argument, not that you have not supported us. In fact, I have
been very, very happy to be able to quote that right throughout, for the last
15 years, there has been a regular, steady increase from Québec.
Mme Frulla-Hébert: But what I am saying is that it is
still... You see, it is the system. What we are saying is the system does not
work in a way that if one gives, the other takes away. If there is duplication,
then it is very hard to plan, also it is very hard to help different companies
equally and those that are rising too.
M. Podbrey: The trouble is who is to say who is going to be
taking away next year. This year, it is the Federal Government that is taking
away. Thank God we can go to another source and supplement our income that way.
If the Federal Government was the only authority at the moment, we would be in
real problems.
Mme Frulla-Hébert: But would you not be... But then again
- et ça, là-dessus aussi, M. Lafrenière - would you not be
more at ease in a way? We know that we have our problems within, I would say,
not the admission, but "l'accueil" of Anglophones because we are lacking
Anglophone, English-speaking people within the Ministry, we know that. But,
then again, knowing what we lack, and knowing what we need, would you not be
more comfortable having one centralized place with, like I said, different
doors to knock on, but without saying: Well, O. K. now we have one from one
level of government, now we are expecting the other one. We do not know what
the other one is going to do. They have another vision, it is not a lack of
understanding or a lack of will, it is only that they have their priorities,
and they are Canadian. It is normal. We have ours which are Québec
priorities and sometimes they are in conflict.
M. Lafrenière (Rémi): Bien, d'abord, en ce qui
concerne le montant de la subvention du
Conseil canadien, qui a été diminué de 20 000 $, on
est présentement en train d'essayer de convaincre le Conseil de
reprendre sa décision. Et on va interjeter un système
d'appel.
Je comprends très bien ce que vous dites, madame, au sujet d'un
toit et différentes portes. Je suppose qu'aujourd'hui on a,
effectivement, les différentes portes, parce qu'on peut cogner à
plusieurs portes. Je suppose, et je pense que je suis d'accord avec mon
collègue, M. Podbrey, qu'on est toujours peut-être un peu inquiet,
comme vous l'avez souligné, madame, de l'accueil qui se ferait. Et on se
sent peut-être plus à l'aise avec les multiples portes qu'on a
présentement.
Mme Frulla-Hébert: Si, bon, encore une fois... Par
exemple, si vous parlez des besoins des artistes anglophones, je sais que dans
le rapport Arpin on n'a pas voulu créer différents secteurs, pas
secteurs mais des espèces de ghettos, en disant: Bon, ça, c'est
les anglophones, ça, c'est les communautés culturelles, puis
ça, c'est les francophones. Tout simplement on dit, dans le fond, que
l'art n'a pas de langue. On est artiste, on est créateur, bon, quelle
que soit la langue, et les mesures s'appliquent.
Alors, pour pallier vraiment les besoins des artistes anglophones, si on
regarde, quelles sont les mesures les plus urgentes, selon vous, à
mettre en place pour combler les besoins?
M. Lafrenière (Rémi): Vous parlez, madame, des
besoins des artistes anglophones qui se produisent au Québec?
Mme Frulla-Hébert: Oui, en général, et ce,
basé sur votre expérience. If we are talking about Anglophone
artists, then what would be... If we said: We need priorities, we do not want
to have ghettos, but we do need priorities, and we know we have things to
change - we would not be here if everything was perfect - what would be the
first priorities, if you wish, so that the artists and the artists companies
feel very at ease coming and knocking on our door?
M. Podbrey: I think that one of the things that would help is a
theatre officer in Montréal regularly present and available to us. It is
not easy, that, and we have found difficulty over the months and over the years
to get access to the theatre officer. I think the theatre officer is probably
under great stress and great demands, but it is very difficult if one cannot
see one's own theatre officer. I have not seen mine for over a year now and it
does not make life easy on the ground. That would be very helpful, if we could
have somebody with a special awareness of our needs. (17 h 30)
The other thing that I know the Anglophone community needs desperately
is an attention
to some capital investments. We are the only theater, on the English
side, that have our own home. The other groups are itinerant. There are a
couple of others now that are beginning to find a place, but this is a great
need. It is very hard to establish any identity in the public mind if you
cannot play in the same place twice in a row. Everybody else, you know, they
are like gypsies, and that would be a great help if some money could be put
there. It is a great need for Anglophones. I think those two things would be
most helpful.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui. M. Lafrenière, M. Podbrey, merci de
votre participation. Once, Sir Winston Churchill said: "Beware, I will speak
French". I might reverse the sentence and say: Beware, I will speak
English.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice: Mr. Podbrey, as I was mentioning to you almost
seven years ago, so the very first day I was appointed shadow cabinet Minister
for Cultural Affairs, the first invitation to a premiere came from your
theatre, and are still coming from your theatre. I am very grateful to you.
M. Podbrey: Have you been there? That is the...
M. Boulerice: Yes! I can name you the plays.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice: Except that I do not shout. I do applaud. I do
agree with my colleague that we should not create a ghetto, but to my standard,
there is one statement that must be done immediately which is... Well, the
rapport Arpin writing is very short.
M. Podbrey: The what, Sir?
M. Boulerice: Very short on regions, the other parts of
Québec.
M. Podbrey: Ah! The Arpin report.
M. Boulerice: Yes. There is an insistance, of course, on
Montréal, so it has provoked a kind of bashing on Montrealers. At a
certain point, sometimes, you say: Well, I am from Montréal and I am
sorry. But there is one thing that we have to regard when we look at
Montréal, Montréal is the principal centre for cultural
creativity, if I can use that word, for the
Québec Anglophone community. This has to be stated in the policy,
to my standards. As I have always said, Betty Goodwin and Leonard Cohen are
part of my culture, even if they are expressing in a language that is different
from mine.
To go on with the questioning, on page 1, right at the very beginning,
you said: "Nous sommes souvent obligés d'embaucher des comédiens
de Toronto et d'ailleurs. " Does that mean, Mr. Podbrey, that it is because you
want new figures or is it a remark about our schools that are not producing
enough English-speaking young actors and actresses?
M. Podbrey: No. In fact, the schools are doing a very good job.
We have, in Montréal, the cégeps, three cégeps, we have
the two universities, we have the National Theatre School, and then, we have
the francophone institutions of which many of the young performers would like
to work in English as well and are fully bilingual. So the young talent is
really incredible, it matches anywhere, of course, and they are marvellous. The
problem is that once they get to the age of about 35, they want to have a
family, children and have a home of their own, and it becomes very difficult
for them to sustain that standard of living in Montréal.
The Francophone artists have a whole subactivity of television, radio,
etc., which anglophone artists do not have. So, once you want to rise above
7000 $, 8000 $ a year, in revenue, from your chosen profession, you are often
forced to leave Montréal, and that is the sad fact.
M. Lafrenière (Rémi): II s'agirait, si vous
permettez...
Une voix: Je vous en prie, M. Lafrenière.
M. Lafrenière (Rémi):... M. le
député, de souligner le cas de Ron Lea, qui est un
Montréalais, un anglophone, un superbe comédien qu'on retrouve
chez nous souvent, mais qui doit aller à Toronto pour être capable
justement de subvenir à ses besoins financiers parce qu'il n'y en a pas
tout à fait assez pour un artiste anglophone comme lui à
Montréal. Alors, c'est le problème auquel on fait face et c'est
la raison qui nous a portés à faire ce commentaire dans notre
mémoire.
M. Boulerice: On page 4, you seem very critical regarding the
political interference by the Federal Minister of Communications in terms of
help to cultures and also powers and resources of the Art Council. I would like
to hear a little bit more about that because many many groups that came here
talked to us about the Canadian Art Council as being the best - I use the word
- Incarnation of the arm's lenght principle.
M. Podbrey: Yes.
M. Boulerice: It was almost Almighty God.
M. Podbrey: Right! In fact it was founded on the example of the
conseil des arts in Montréal, which Jean Drapeau had started. He was the
one who gave them the example of what a conseil des arts was all about. But
what I am referring to here is really that for the past 10, 15 years, the
Ministers of State in Ottawa have more and more appropriated programmes to
themselves from the Canada Council. They have created programmes where they
have been able to fund artists directly and circumvent the Canada Council. The
Canada Council has had a diminishing responsibility. Also, the grants have been
diminished in real terms and it has become very frustrating.
The activity within the Council is in fact a very fine one. They have
established a very good model of artist collaboration, artist presence, peer
group juries. Sometimes, one thinks, they carry this democracy almost too far
because it can get expensive too. But, in fact, it has the support and
confidence, as much as anybody can, of artists across the country. So, it has
done actually a good body of work. Now, what I mean is that the Federal
Ministers have been practicing political intervention now for quite a time, for
about 15 years, as a deliberate policy and they have just taken over and
created programmes and so on. That is what I mean.
M. Boulerice: Did you observe the same here?
M. Podbrey: No, I have not, actually. It so has always been much
as when I started. The Minister dispersed the funds very directly. It has
always been, I would not say a political situation, but we have not had the
juries, etc., that we have had in Ottawa. No, the policy here has been fairly
consistent. There has been, I feel, sort of a good reception. People have
listened to us. We have been able to make our case. The trouble is that it
would be sometimes good to go and speak to artists or ex-artists or
professionals. One may reach a greater depth of understanding about what one is
trying to do, but I cannot complain with the record in Québec. It has
been a fair one, I think.
M. Boulerice: Is that experience conducting you to have those
kinds of fears when you read the Arpin proposal on the new Québec
Ministry of Culture, because you seem to have a few fears?
M. Podbrey: Well, I am just afraid of any concentration, if that
means there is going to be one source only for all our funding. That is what
concerns me because, as I say, we have had problems over the years with all
levels of funding and, thank God, we have been able to go to somebody else when
we have had that problem. I mean, who is to say, in five years time we might
run into a major problem in Québec. It would then be our one source of
funding. What do we do then? I dare say we would survive, but I am just saying
that the current system has served us fairly well. Although, I must also say
that it does create a great deal of bureaucracy. We figured out the other day
that our controller spends two months of every year filling out forms. That is
all she does: filling out application forms. Two months in every year of her
time is spent doing just that. So, the bureaucracy is now very great, something
we do not appreciate. And I would like to see more forms correspond with each
other, and so that could be cut down.
Sorry, I know what you are saying, and I do not want to make this
Québec bashing, because I do not feel that at all. I feel we have had a
good home here. I would just be nervous if any one body took onto themselves
the total funding. It would scare me, especially today when we are feeling
very, very fragile. We are holding on, everybody is holding on like this right
now and I think that will continue for another six, seven years.
M. Boulerice: Yes. Two more questions. If I cut short what you
are saying, Mr. Podbrey, are you telling us: Create an art council, a
Québec one, to make the bureaucracy a little softer, but do not play
tricky with programmes that you will develop and circle around the
Québec art council that you might create?
M. Podbrey: I am sorry. I am not fully understanding you.
M. Boulerice: O. K. You said that you had fears about
bureaucracy...
M. Podbrey: Yes.
M. Boulerice:... in the terms of the Arpin proposal for the new
Ministry. And my question is: If we look at the Ottawa experience you just
exposed, are you telling us: Create your ministry of culture if you want, but
use a real arm's lenght, do not play tricky as they did by circling around the
Canadian Art Council and creating their own programmes as you exposed a few
minutes ago?
M. Podrey: I think there is a tremendous amount of work in the
Arpin report that would be marvellous. I think it would occupy any government
for the next decade without getting into the full problem of a superministry.
There is enough work there to be done. I think it is tremendous, the amount of
attention paid to...
Even education alone would be marvellous. I do not see that you have to
create an exclusive and total centralization to do that amount of work. I just
do not see that it is necessary to do that.
M. Boulerice: In terms of financing, and I guess that probably
Mr. Lafrenière will want to answer it, it is about the matching grant.
How is it for you?
M. Podbrey: It is a pain in the "arts", you know. Sorry, it is a
bad pun in English.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: It probably would not improve in French.
M. Podbrey: Matching grants are very difficult for us. It is
always a problem. It takes sometimes a year and a half to get an okay from one
level of government, by which time the other application that is going in the
other direction to another level has come and gone and is being reconsidered to
match these things together. To pull them off together at the same time takes a
massive, a massive degree of work over a period of time. I never understood why
grants had to be matching. Maybe, it was a matter of pride: I will give only if
you give. If we could avoid that and just be concerned with what we are giving
for and make sure we are giving to the right cause and so on, it would make our
lives a lot easier, if we did not get into this principle of matching
grants.
M. Boulerice: As I used to say: Let us be creators, not
beggars.
M. Podbrey: Yes, yes.
M. Lafrenière (Rémi): Si vous le permettez, j'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt ce que les gens du
conseil du Maurier ont dit à ce sujet-là et je pense que je
serais certainement d'accord avec ce qu'ils ont dit. C'est très
difficile et on dirait qu'on perd beaucoup de vapeur à aller essayer de
chercher le "matching grant" quand on devrait peut-être s'exercer dans
d'autres sens.
M. Boulerice: Well, the Chairman tells me that it is time to say
good-bye, at least, until January the 7th. By the way, you are probably aware
that the Festival d'Avignon is questioned right now in terms...
M. Podbrey: Which festival?
M. Boulerice: Festival d'Avignon. Many people question the
Festival d'Avignon in terms of creativity. It has become a big institution and
all that stuff. But I have been a fan of the Festival d'Avignon for years and I
do believe it is a great place. It is fun. Everytime there was a Québec
theatre company, the success came on us and I am sure that is what will happen
with your group going to Avignon. So, I will not say the word, I will just say
"le mot de Cambron-ne"...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice:... and I will probably see you also in Avignon.
M. Podbrey: Great!
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de
remerciement?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Il en va de même pour moi,
M. Podbrey et M. Lafrenière. What we are trying to do, now, is, like I
said, bring changes. Changes is the way we function. It is interesting to say
because there were a lot of discussions on the Conseil des arts versus what we
are doing. I just want to bring a precision. We work with the same system, in a
way, that there are juries, but within the Ministry, for different grants,
there are juries by peers. As far as companies and whatever, then it is
different, because it is true, it is more administrative. So, you know, with
the industry, it is more a personal approach in a way that if one has trouble,
then you have to be, I think, more sensitive and closer to your milieu.
But we will have to look into it, le Conseil des arts versus the way we
function. But you sort of brought another point of view, which is very
interesting too. Thank you very, very much.
M. Lafrenière (Rémi): Merci.
M. Podbrey: Thank you very much.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Ceci met
fin à votre intervention. Je vais maitenant demander au groupe suivant
de bien vouloir venir prendre place, soit M. Jean-Paul Thomin et Mme Suzanne
Chassé, et je vais suspendre les travaux pour une minute, à la
demande de mon collègue et ami, le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
(Suspension de la séance à 17 h 47)
(Reprise à 17 h 51)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant reprendre ses travaux. Nous allons maintenant entendre les
représentants Thomin, Jean-Paul et Chassé, Suzanne. Vous pouvez
maintenant commencer votre présentation sans plus attendre. Vous avez
la
parole.
M. Jean-Paul Thomin et Mme Suzanne
Chassé
M. Thomin (Jean-Paul): Merci. Nous voudrions d'abord vous
remercier de nous recevoir, Mme la ministre, MM. les députés.
Notre mémoire porte sur le soutien des institutions muséales
régionales au Québec. Alors, nous l'avons intitulé,
évidemment, "Un levier essentiel pour la démocratisation de la
culture" pour une raison précise, c'est que les petites et moyennes
institutions et, donc, très particulièrement en région,
représentent un processus particulièrement pertinent
d'appropriation par la population des institutions culturelles qui sont,
à ce niveau-ci, le musée ou le centre patrimonial, d'abord, parce
que le musée local représente les valeurs de la communauté
et sait aussi représenter les aspirations, refléter le dynamisme
local. En fait, il constitue une espèce de vitrine du
développement de la vitalité, des valeurs aussi d'une
communauté, pas seulement sur le plan culturel, mais d'abord et surtout
sur le plan économique et social, parce qu'on s'identifie à
l'institution, parce qu'on l'identifie aussi à sa propre vie, à
ce que, culturellement, on vit à tous les jours. On est capable de la
soutenir, de l'appuyer. Et, comme on pourra le voir plus tard avec Mme
Chassé, la petite et moyenne institution en région réussit
quand même remarquablement bien, a un très bon niveau de
performance. Et elle le fait parce qu'elle est intégrée à
sa région.
Évidemment, il y a des problèmes. Il y a un
problème d'épuisement de personnel. D'autres mémoires
l'ont sans doute souligné, j'imagine. Au niveau de la
Société des musées québécois, par exemple,
il y a des problèmes aussi au niveau de la diffusion: beaucoup de
difficultés à tenir des activités de diffusion, des
problèmes évidemment aussi de recherche de commandite parce que,
puisqu'on manque de personnel, on a évidemment assez de
difficultés. C'est une chose, je pense, que le rapport
Samson-Bélair avait déjà soulignée. Aller chercher
des commandites, ça prend beaucoup de temps, donc, de l'argent aussi.
Mais au moins, malgré ça, les institutions fonctionnent assez
bien. Ça nous amène un peu une sorte de paradoxe qui, en
lui-même, est une espèce de corollaire au mémoire. Le
paradoxe, c'est que le musée, traditionnellement, véhicule, si on
veut, d'une façon générale, une image assez froide, un
élément qu'on pourrait dire, peut-être, un peu
aristocratique de la culture, alors qu'en région il s'est
particulièrement rapproché de sa population pour pouvoir
survivre.
Et le corollaire, c'est qu'au niveau de ce qu'on considère comme
une culture accessible on a souvent affaire à ce qu'on pourrait appeller
"les producteurs ou les acteurs de la culture". Même ici, je pense, au
niveau des mémoires, pour autant que moi, j'aie pu les suivre, on a
rarement entendu parler, sauf peut-être dans le mémoire des
évêques du Québec, de la population comme telle qui,
pourtant, est le moteur, l'âme de n'importe quel paysage culturel, parce
que c'est elle qui fait vivre la culture. On a souvent tendance à la
considérer comme un consommateur, c'est-à-dire qu'il y a, d'un
côté, les producteurs, de l'autre côté, les
consommateurs. Et ce que le musée en région est en train de
réussir à faire, c'est de considérer le visiteur comme un
acteur à temps plein de la culture, parce que ce visiteur-là,
justement, pour entrer dans le musée, est amené à se
l'approprier.
Je pense que le phénomène est peut-être pertinent
parce que autant le rapport Coupet que le rapport Arpin ont identifié ou
ont semblé identifier ce qu'ils appelaient "un Québec à
deux vitesses", c'est-à-dire 40 % de la population qui consomme de la
culture; 60 % qui consomme de la culture, mais on va dire de la
télévision. Et c'est certain qu'une politique culturelle, quelle
qu'elle soit, se doit d'impliquer la population comme telle comme acteur. Ce
n'est peut-être pas un scheme qu'on est habitué à envisager
encore dans le monde de la culture, par contre.
Donc, au niveau du développement des institutions en
région, on remarque aussi un certain nombre de phénomènes
qui sont tout à fait parallèles à ça et qui
montrent bien, je pense, le processus actuel. Mme Chassé peut en parler
un peu, je pense.
Mme Chassé (Suzanne): Alors, comme de plus en plus on
tente d'essayer d'avoir des equipments culturels en région, les
intervenants qui, eux, ne sont pas nécessairement des intervenants
culturels, se retournent vers différentes sources pour aller chercher du
financement au niveau des immobilisations. On retourne donc vers des
ministères qui, au premier abord, sont prêts à donner des
montants d'argent. Alors, on s'est rendu compte, dans certaines études
qu'on a réalisées dernièrement, qu'en région, pour
ce qui est des institutions muséales, les principaux intervenants ne
sont pas des intervenants qui, à la base, sont des ministères
reliés à la culture. On remarque, entre autres, tant au niveau du
provincial que du fédéral, des ministères comme l'OPDQ et
le MIST qui ont financé des équipements culturels en
région.
Si on prend seulement l'exemple de l'Est du Québec, on
s'aperçoit que ces deux ministères ensemble ont investi, dans les
dernières années, près de 8 500 000 $ dans des
institutions culturelles. Ça, c'est au niveau des immobilisations,
lorsqu'on regarde aussi d'autres ministères, tels que le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui a aussi
investi dans certains autres musées, les ministères de
l'Enseignement supérieur et de la Technologie, qui financent des
expositions qui ont un rapport avec une thématique scientifique, Emploi
et Immigration fédéral qui finance la formation et le personnel
des institutions muséales, en région, et on pourrait
continuer, disons, au niveau d'autres ministères, comme
ça.
Les municipalités régionales de comté aussi
commencent à s'intéresser. J'écoutais, tout à
l'heure, pas le précédent mémoire, mais celui qui a
précédé... Il y a donc de plus en plus une conscience de
certaines MRC qui commencent à vouloir des équipements culturels
en région. Et lorsque c'est près d'elles, elles sont prêtes
à avancer des montants d'argent pour faire soit des études ou y
aller un petit peu plus tard au niveau des immobilisations.
Donc, on s'aperçoit que la demande a changé. Ceux qui
veulent des équipements culturels sont souvent des intervenants qui ont
un rapport avec la culture, mais ce n'est pas leur priorité, ce n'est
pas leur premier choix. Et comme ces gens-là, on l'a dit tout à
l'heure, sont représentatifs de la population, donc il y en a 60 % parmi
eux qui, souvent, ne consomment pas de produit culturel autre que la
télévision, alors, pour eux, c'est normal de s'en aller vers ces
autres sources de financement.
Quand on s'adresse aux autres paliers, aux autres ministères, le
langage qu'on doit tenir n'est pas le même, parce que lorsqu'on parle
à des ministères à vocation culturelle, évidemment,
il y a des normes culturelles à respecter. Le mot "musée" est
défini, les mots "centre d'interprétation" sont définis et
ça reste près d'une forme de culture où c'est davantage
associé souvent à l'art. Tandis que, quand on s'adresse à
des ministères économiques, on parle davantage de
clientèles. On s'adresse davantage aux visiteurs qui vont venir dans les
institutions culturelles. Et je pense que, de plus en plus, ces
institutions-là conviennent mieux aux besoins des clientèles.
À travers différents groupes de discussion et des
enquêtes qu'on a réalisées au cours des dernières
années, on s'est aperçu que le Québécois, c'est en
vacances qu'il consomme des activités culturelles qui sont d'ordre
muséolo-gique, centre d'interprétation. Il a donc
par-ticulièment le temps, il est ouvert plus aux différents... Et
le temps de ses vacances, c'est un moment privilégié pour aller
le chercher et l'amener à mieux connaître différents
aspects de la culture québécoise. Et pour ça, bien, il
faut davantage faire appel non pas à son cognitrf, au niveau de ses
connaissances, mais davantage au niveau de ses émotions, et
présenter le produit, non pas seulement d'une forme élitiste
culturel-lement, si on peut employer le terme, mais davantage le
présenter comme un attrait, un endroit où... Le musée ou
le centre d'interprétation devient un moment des vacances où on
passe un certain temps et où on va comprendre des
phénomènes sociaux, on va comprendre des dynamismes
économiques en région, on va comprendre des
phénomènes culturels. Donc, les ministères et les
consommateurs sont intéressés par une autre approche.
La même chose, s'apercevoir aussi que là, si on veut tenter
d'aller chercher cette clientèle-là, il va falloir "prioriser"
une approche beaucoup plus marketing, c'est-à-dire faire comme les
autres attraits, les autres équipements et utiliser les mêmes
moyens, c'est-à-dire penser consommateurs, penser davantage demande
avant de penser offre. En marketing, il y a deux façons de travailler.
Souvent, je pense que, dans le cas des institutions muséales, on
néglige cet aspect-là.
Donc, si on pense à l'approche client, il va falloir le
satisfaire. Pour le satisfaire, il faut renouveler le produit, il faut penser
à investir de l'argent pour changer le produit, il faut l'emballer, si
on peut dire, dans quelque chose qui va lui plaire, ne fût-ce que
d'avoir, autour de l'institution muséale, des tables de pique-nique,
etc. Il va falloir, si possible, essayer de plus en plus, de façon
à pouvoir passer les messages culturels, de se rapprocher de la
clientèle et aussi des ministères qui tiennent un autre langage
que celui qui est mené par les différents ministères
intéressés directement par la culture.
M. Thomin: Évidemment, à ce moment-là,
puisqu'on a affaire à une nouvelle forme de demande et d'attitude face
au produit culturel, la réaction, quand on a à planifier ce type
d'installation là, c'est souvent de se rendre compte qu'on doit
réfléchir à de nouvelles définitions de ce qu'on va
offrir en matière d'éléments culturels. On ne peut plus se
permettre d'offrir les mêmes définitions des musées, par
exemple, parce qu'on se rend compte qu'on a affaire à de nouveaux types
de comportements culturels qui ne sont pas ceux auxquels on était
habitué normalement, qui ne sont pas nécessairement non plus
régis par les normes qui sont actuellement celles de tous les
ministères culturels quels qu'ils soient.
Ce que le musée en région amène, c'est toutes ces
nouvelles données. Des données qui sont fondamentales parce que
ça implique évidemment des questions comme: Jusqu'où on
est prêt à aller, dans la culture, pour impliquer un ensemble de
population? Parce qu'à ce moment-là on se rend compte,
évidemment, qu'on ne peut plus juger de la même façon ce
qui a une valeur culturelle et ce qui n'en a pas. On doit évidemment
remettre les critères en question. On doit voir également que
ça implique une multitude d'interventions différentes,
c'est-à-dire que ça met une pression sur la demande, l'offre et
les capacités financières de satisfaire à ça, ce
qui est considérablement différent.
Mais, dans l'état actuel des choses, si on se concentre
strictement sur le musée régional, c'est certain que par
l'exemple qu'il amène, par les nouvelles tendances qui ont cours
actuellement, il vaut certainement la peine d'être soutenu. Mais, pour
être soutenu, il faut peut-être accepter de voir ce
musée-là d'une façon
différente que de la manière dont on est habitué
à considérer habituellement le musée traditionnel.
Notamment, peut-être, en envisageant les musées d'abord comme un
champ de pratique, comme une institution qui vit, qui doit être
appropriée par sa population plutôt que comme un
élément théorique. Évidemment, on a certains
exemples encore aujourd'hui. Par exemple, au niveau de l'architecture, on a
certaines façons de fonctionner au niveau des musées et, donc, un
niveau esthétique qui est sans doute très intéressant mais
qui amène, par exemple, des problèmes de climatisation, de
chauffage, qui affecte de façon considérable le budget de
fonctionnement des musées. Tout ça parce qu'on n'a jamais
pensé à intégrer les éléments de conception
architecturale, par exemple, avec une réelle pratique des musées.
Évidemment, c'est certain qu'au niveau financier les problèmes
qui se posent là, qu'ils soient au niveau du personnel, au niveau de la
promotion des institutions, le marketing, la publicité sont absolument
inexistants dans la plupart des musées en région et, même,
dans la plupart des musées tout court, les infrastructures sont souvent
un peu problématiques, il faut bien le dire parce qu'une infrastructure
performante permet de réduire énormément les
coûts.
Enfin, il y a un phénomène intéressant, c'est qu'on
s'aperçoit que ce qui amène le public vers le musée, ce
n'est pas la vocation traditionnelle du musée qui est de conserver,
c'est la diffusion. Il est rejoint par un musée dans la mesure où
il s'identifie à ce que le musée présente. Pour la plupart
des petites et moyennes institutions, il est pratiquement impossible de tenir
des activités de diffusion conséquentes. Il y a 19 des 30
musées soutenus par le MAC - on ne parle pas des grands musées -
qui ont un budget entre 0 $ et 163 000 $; donc, ça laisse autour de 10 %
ou moins du budget pour faire des activités de diffusion pour aller
chercher la population. Pas d'activité de diffusion, pas d'entrée
et, par le fait même, il y a un effet vicieux, c'est-à-dire pas de
commanditaire non plus.
C'est difficile de faire sentir à des entreprises, à des
MRC, à des ATR ce que le musée peut représenter localement
quand il n'y a pas d'activité de diffusion ou d'expositions. Mais, dans
le contexte actuel, l'effort que les petits et moyens musées, pour
survivre, il faut bien le dire, ont mis dans l'intégration à leur
communauté, donc en allant chercher l'appui, en
"écrémant", même, pourrait-on dire, l'appui local, qu'il
soit au niveau du soutien des caisses populaires, des MRC, de la mairie, etc.,
pour organiser des expositions, pour faire vivre le musée, pour y amener
la population... On connaît même des musées d'art
contemporain qui réussissent à amener du monde, la population
locale, et à faire des très bons "scores", pourrait-on dire, avec
des expositions d'art contemporain, donc, ce qui n'est pas
nécessairement évident à première vue.
Cet exemple-là, je pense, mérite d'être soutenu et
encouragé parce qu'il annonce, je pense, des changements culturels qui
sont déjà perçus à travers l'ensemble de
l'Amérique du Nord, c'est-à-dire qu'on va se diriger vers un
consommateur qui veut de plus en plus devenir partie prenante de la culture. Et
je pense que c'est quand même valorisant que les musées, en
région, puissent constituer, si on veut, une pyramide, une base solide
qui va peut-être nous permettre de définir, éventuellement,
des nouveaux sommets culturels.
Pour ce qui est de regarder d'une façon peut-être plus de
visu la performance, en termes de visiteurs par dollar investi des
musées en région, je pense que Mme Chassé peut
présenter un peu brièvement les tableaux à la fin.
Mme Chassé: Oui. Juste avant de...
Le Président (M. Gobé): Je dois vous aviser que
votre temps est maintenant écoulé, alors peut-être que...
Vous pouvez le faire rapidement, je pense que, de part et d'autre, nous sommes
prêts à vous écouter, mais cela réduira d'autant la
discussion.
Mme Chassé: O.K. Alors, juste pour regarder un petit
peu... Ce que nous, on a tenté de faire, c'est un jeu. On a
essayé de voir, en fonction du nombre de visiteurs et du coût par
visiteur, lesquels de ces musées-là semblaient avoir une
performance intéressante. Évidemment, on est très
conscients qu'il y a des grands musées nationaux qui doivent avoir des
vocations de conservation et que c'est très cher, ces
vocations-là. Mais, malgré tout ça, lorsqu'on regarde, on
s'aperçoit que ça peut aller de 2 $ à 220 $, le coût
par visiteur, dans un musée et qu'il n'y a pas nécessairement de
lien non plus entre le coût par visiteur et le nombre de visiteurs, dans
une institution muséale. Par contre, un lien qu'on peut faire, et pour
revenir un petit peu au point que j'avais dit tout à l'heure, c'est que
lorsqu'on considère qu'il y a une clientèle touristique qui
visite ces endroits-là, évidemment, le coût par visiteur
diminue énormément. Alors, on s'aperçoit donc que cette
clientèle-là est une clientèle intéressante et,
même au niveau du financement, donc, peut devenir un atout pour le
fonctionnement des institutions.
En conclusion, en tout cas, je ne crois pas et on ne croit pas que le
fait de prendre cette approche client, de valoriser l'approche marketing et de
faire en sorte que les collections soient mises en valeur pour se rapprocher
aussi du public, ça va dévaluer le côté culturel et
le message culturel qu'on veut passer en arrière de ces
différentes thématiques.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Chassé, M.
Thomin. Vous faites ressortir aussi le lien étroit qui existe entre les
municipalités, en fait, le milieu des municipalités, le
rôle régional que les institutions muséales ont à
jouer, d'une part, et vous faites cette corrélation très
intéressante entre les musées et le tourisme. Alors, comme c'est
un aspect quand même... On en a discuté, mais je vais profiter de
votre expertise pour vous demander si, justement, toute l'industrie
touristique, à partir du ministère en descendant, toutes les
ATR... Est-ce qu'on se sert suffisamment, justement, de ces institutions
à vocation touristique, si on veut, ou ces institutions culturelles mais
à vocation touristique parce qu'elles apportent un certain achalandage,
est-ce qu'on s'en sert suffisamment comme objet pour en faire du marketing au
niveau touristique régional?
Mme Chassé: Je pense qu'en région, c'est
aléatoire, c'est-à-dire qu'il y a des régions où on
va beaucoup mettre l'accent sur les institutions muséales. Au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, ils sont en train de mettre sur pied un circuit
où les institutions sont très importantes, elles font partie
intégrante du produit touristique. Ailleurs, par contre,
différentes autres régions vont négliger cet
aspect-là. Je pense qu'une des solutions serait de créer des
réseaux, des bannières. Au même titre qu'il y a des
bannières en hôtellerie, c'est-à-dire des chaînes, il
pourrait y avoir des bannières au niveau des institutions
muséales et ensemble travailler pour faire une commercialisation de ces
institutions-là.
Évidemment, quand on pense à rejoindre une
clientèle à l'extérieur du Québec, là, je
suis d'accord que ça prend des institutions qui vont davantage pouvoir
répondre à un besoin qui puisse être tant d'une
clientèle américaine que d'une clientèle
européenne. C'est évident que, dans le cadre du plan marketing de
Tourisme Québec, le produit culturel comme tel n'a pas été
positionné comme un produit parce que, lorsque le plan a
été fait, la qualité des produits au Québec, outre
les grandes institutions dans les grandes villes, c'était difficile de
positionner comme tel le produit du tourisme culturel. Personnellement, je
pense qu'en aidant en région, et avec les efforts qui sont actuellement
faits, de plus en plus, ça va pouvoir devenir une forme de tourisme
intéressante pour le Québec.
Mme Frulla-Hébert: Parce que ce que vous nous dites,
finalement, c'est que les musées, en soi... Bon, on parle des
musées, mais il y a autre chose aussi, dans un sens... Mais là,
dans ce cas-ci, les musées en soi n'étaient pas, en termes de
vocation, assez bien positionnés pour qu'on puisse s'en servir comme
outil de promotion, si on veut, culturelle. Est-ce que c'est ça?
M. Thomin: Peut-être que je pourrais répondre un peu
plus. C'est parce que le musée fait davantage office de symbole que
n'importe quel autre secteur culturel parce que, évidemment, on est
moins représenté, au niveau symbolique, comme vitrine, par une
pièce de théâtre ou un film. Et puis, traditionnellement,
on n'a jamais voulu faire le lien afflux de public et puis qualité
culturelle dans les musées. Parce que ce sont des conservations, c'est
un bien patrimonial, on a toujours été gêné,
jusqu'à aujourd'hui d'ailleurs, d'associer le fait qu'on aHIe chercher
un maximum de visiteurs, donc, on emploie des techniques de marketing, et qu'on
dise en même temps: Maintenir un haut niveau de qualité
culturelle. Et ce type d'attitude là pose un problème. Mais c'est
peut-être plus intéressant, dans le cas des musées, de le
voir parce que, justement, le musée fait office de symbole. Mais quand
on arrive avec ce type d'approche là, nous, on n'a pas
nécessairement de problème à le vendre au musée ou
à la population locale, on a plus de misère quand on arrive face
aux grandes organisations culturelles qui, normalement, donnent des fonds,
d'où qu'elles viennent, ces organisations-là.
Mme Chassé: C'est qu'à partir du moment où
il y a des visiteurs dans un musée, ça sous-entend du personnel,
ça sous-entend un renouvellement d'expositions. Alors, je comprends
très bien que, quand on veut faire du marketing au niveau d'une
région, il faut être assuré de la qualité du produit
et de la pérennité du produit. Actuellement, je pense que c'est
un peu là, le problème. Ça peut varier d'une année
à l'autre ou...
Mme Frulla-Hébert: Oui. En fait, il y a aussi une culture
à changer. Parce que même avec le ministère du Tourisme,
même nos grands musées nationaux, il y a certains produits qui
sont là, qui sont bien campés, souvent... Même pour la
région de Montréal, on oublie... On commence, là. On
oubliait de les utiliser. Alors, je pense qu'il y a aussi, au niveau
touristique, une. espèce de conscientisation à travailler parce
que' C'est moins le cas maintenant, mais elle n'était pas
évidente.
Je veux juste revenir - ma dernière question - au niveau des
musées privés. Je regardais votre tableau, tantôt: les
musées privés versus les musées nationaux. Et vous dites
que, dans le fond, les musées privés attirent même plus de
population, ou enfin plus de visiteurs - en proportion, là, toujours -
que les musées nationaux, par rapport même aussi à
l'investissement gouvernemental dans nos musées nationaux versus les
musées privés. À ce niveau-là, si je poursuis un
peu votre pensée, est-ce qu'il serait mieux, au moment où l'on se
parie, de consolider ce qui existe et les musées dits privés, au
lieu d'accréditer, aider les musées privés mais d'une
autre façon, c'est-à-dire au niveau du personnel, de la
mise en marché, pour en arriver à dire: Bien là, on
procède à des accréditations. Et, finalement, ce n'est
peut-être pas là la solution.
M. Thomin: C'est-à-dire que consolider ce qui existe
déjà, ce serait certainement important parce qu'ils offrent,
justement, une bonne performance. Mais nous, à travers le tour qu'on a
pu faire des régions au cours des derniers mois, on se rend compte
qu'ils sont ce qu'on pourrait appeler au plancher. Ils ont vraiment
écrémé, leur personnel est vraiment épuisé.
Ils ont à peu près utilisé toutes leurs ressources. C'est
certain que de consolider, ça aiderait. (18 h 15)
Maintenant, pour ce qui est des nouveaux projets, on s'est aperçu
qu'il y en avait beaucoup. Souvent, nous-mêmes, on travaille dessus. Ce
dont on s'aperçoit, c'est que l'important, ce n'est peut-être pas
de décider si on va accréditer ou pas, c'est de regarder si le
projet, lui, se positionne, de telle sorte qu'il puisse aller chercher un
maximum de revenus et se situer le mieux possible dans une perspective qui va
tendre le plus possible vers l'autofinancement. Et, pour aller vers
l'autofinancement, fondamentalement, il faut aller vers le visiteur, mais ce ne
sont pas tous les projets qui s'orientent comme ça. Et ça, c'est
vraiment une étude de la pratique des réalités qu'il y a
dans une région, à savoir comment on peut attirer des visiteurs,
comment on peut encadrer la collection, qui va nous amener à
décider qu'on a vraiment le maximum de chances d'aller chercher
suffisamment de visiteurs pour donner à un nouveau projet des revenus
que les musées actuels n'ont pas. Il est actuellement beaucoup plus
facile de regarder ce qui ne fonctionne pas dans les musées existant
déjà, évidemment, parce qu'on peut voir leurs
défauts, les analyser, et de pallier ça avec de nouveaux projets
qui vont faire figure, par exemple, de "role model". Et je pense que c'est
important d'avoir de nouveaux modèles de musées à
suivre.
La seule chose, par contre, c'est que pour définir ce type de
paramètre là, ça prend énormément de
rigueur, et pour décider de soutenir un projet qui serait ce qu'on
pourrait appeler un "role model", il faudrait définir des
critères d'analyse et avec, oui, effectivement, beaucoup de rigueur, de
cohérence. Nous, on pense que c'est possible. On pense qu'il y a des
musées qui peuvent avoir de bien meilleures perspectives
d'autofinancement qu'avant, parce qu'il y a des domaines qui sont
sous-exploités, comme les revenus au guichet, le marketing, la
présentation des collections. Mais il faut être prêt
à envisager ça et il faut qu'au niveau du concept, donc, ce soit
mené avec beaucoup de rigueur.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci Mme la ministre. M.
le député Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Vosu
savez, le rôle des musées est la pomme de discorde souvent entre
la ministre et moi mais j'espère qu'un jour on la trouvera savoureuse et
on la croquera ensemble.
La meilleure façon de vous saluer, je crois, est de souligner la
qualité du mémoire que vous nous avez présenté,
surtout sur la réflexion, sur l'importance du musée comme
instrument de diffusion de la vitalité culturelle des communautés
locales et régionales. Quand vous dites "démocratisation", ma
conception a toujours été que ces musées présentent
d'abord aux gens leur propre culture, ce qui est la meilleure porte
d'entrée pour leur permettre d'accéder à d'autres
cultures. Moi, j'ai un extraordinaire petit musée en voie,
peut-être, de devenir, dans ma circonscription, qui s'appelle
l'Écomusée de la Maison du Fier-Monde. Son succès, il
vient d'où? Parce qu'on a présenté aux gens de notre
quartier leur propre culture et, après, on a été capable
de les amener vers d'autres cultures ou d'autres formes d'expression de la
culture. Mais un des moments les plus magiques a été cette
fameuse démonstration du "toaster" - si vous me permettez d'utiliser le
mot anglais - des origines à nos jours dans un quartier populaire. Ce
n'est pas tout le monde qui avait celui électrique dans les
années quarante et cinquante. Donc, il y a quelque chose
là-dedans.
Et vous parlez de restauration des enveloppes budgétaires.
Ça fait six ans que j'en parle. J'ose espérer que ça va se
concrétiser un jour. Je pense qu'il faut en venir à une forme
d'entente triennale de financement, parce que ce n'est pas possible. Et la
personne qui nous a donné la meilleure illustration de la
nécessaire nécessité, vous me permettez le
pléonasme, des ententes triennales, c'est la directrice du Grand
Théâtre de Québec, qui nous disait: Un créateur
vient nous dire: Dans deux ans, je veux créer telle chose.
Êtes-vous prêts à nous accueillir? Le créateur ne
sait pas si dans deux ans il aura les subventions. Et le Grand
Théâtre, n'ayant pas, lui non plus, un budget triennal, ne peut
pas s'avancer tellement en. disant: Oui, mais même si vous, vous avez la
subvention pour la création, nous, on n'a peut-être pas la
subvention pour permettre la production, après. Je pense que ce sont
là des choses assez impressionnantes.
Si je vous comprends bien - vous me répondrez oui ou non, et
peut-être avec un petit peu d'élaboration - la restauration des
budgets des musées doit être consacrée en priorité
à des activités de diffusion, à un budget de promotion et,
forcément aussi, à une meilleure rémunération du
personnel qui ne travaille pas dans des conditions d'abondance
extrême.
M. Thomin: Non, effectivement. Comme on l'a souligné, et
je pense que d'autres l'ont souligné avant, il y a de gros
problèmes de ce côté-là. Maintenant, c'est une
adéquation connue depuis l'époque grecque, c'est-à-dire
qu'une culture qui est vigoureuse est nécessairement signe,
symptôme, vitrine d'une économie aussi qui l'est. On a eu beaucoup
de succès à date en connectant, si on veut, les projets qu'on
développait avec les réalités sociales et
économiques d'un endroit donné. Parce que ça, on
s'aperçoit qu'on peut aller chercher du soutien, de l'aide des
commandites.
C'est peut-être une partie de la réponse au problème
de financement, certainement pas tout. Ce que nous, on pense, c'est que la
situation pourrait devenir prochainement très complexe. Parce que c'est
un phénomène à la grandeur de l'Amérique du Nord,
on a l'impression que les comportements culturels changent. Donc, parce que les
comportements culturels changent, il va devenir de plus en plus difficile de
les encadrer. Ça prend une espèce d'évaluation culturelle
globale. Parce que la culture, ce n'est pas quelque chose qu'on peut retrouver
dans un secteur donné. Nous, actuellement on se rajuste tous les six
mois. On est obligés de rajuster nos analyses, nos outils, etc. On
n'arrête pas de ramasser des statistiques, des documents, mais,
évidemment, on est une firme, ça va bien. Je ne sais pas quelle
pourrait être la future politique culturelle d'un ministère des
affaires culturelles, mais on se doute bien que ça va être un
travail assez énorme.
Mme Chassé: J'aurais un commentaire à ajouter.
Lorsqu'on dit, actuellement que 40 % des Québécois
fréquentent une institution muséale au cours d'une année,
c'est qu'il y en a 60 % qui n'y vont pas. C'est davantage vers ces 60 % aussi
qu'il faudrait se retourner. Suite à des groupes de discussion qu'on a
réunis à travers différents projets, on s'est rendu compte
que, lorsqu'on s'adresse à ces gens-là, on peut facilement
récupérer encore 25 % à 30 % qui pourraient devenir
d'éventuels visiteurs, donc, comprendre certains messages culturels,
aller dans ces institutions, si on rapproche le musée des gens. Pour
ça, on a pris des exemples, quelquefois, dans ces groupes-là, des
gens qui nous disaient La même exposition dans un musée, on n'y va
pas, puis si vous prenez l'exposition et la mettez dans un hall d'hôtel,
au Hilton, par exemple, on ira. Donc, on doit démystifier
l'équipement comme tel, on doit le rapprocher des gens et pour
ça, il faut non plus penser à ces 40 %, ça, c'est acquis,
il faut davantage aller vers les 25 %, 30 % qui vont suivre.
Je suis bien d'accord qu'il y a 25 % des gens qui ne mettront jamais les
pieds dans un musée, ils préfèrent être dehors, Ils
ont toutes sortes de bons prétextes qui sont justes aussi, mais il nous
reste quand même une clientèle à aller chercher. À
partir de ça, on pourra, plus tard... À partir du moment
où on va démocratiser l'équipement, on va rendre ça
le plus accessible possible à ces gens-là, en "priorisant"
l'aspect plus émotif que cognitif, on va pouvoir après les amener
à un autre niveau. On va partir, disons, de l'objet et, par la suite, on
pourra leur passer des messages culturels. Et c'est souvent
l'enchâssement des collections, la mise en valeur des objets qui font que
ça rebute un peu les gens. C'est statique, c'est froid. Des gens nous
disent: On a l'Impression que ça prend un bac en histoire ou qu'il faut
faire partie de la société des Amis du musée pour entrer
dans un musée. Et c'est ça qu'il faut enlever. Il faut
complètement enlever cette idée-là. La culture, c'est
à tout le monde; la culture, c'est les habitudes de vie d'une
population, d'une collectivité. Donc, tout le monde est touché
par ça. Alors, il faut viser ces 25 % à 30 % de la
population.
M. Boulerice: La question demeure, Mme Chassé. Comment les
amener à...
Mme Chassé: On le peut d'abord, premièrement, par
des expositions qui vont être beaucoup plus près du besoin des
gens. Et les gens, dans des groupes de discussion, nous disent les
thèmes qu'ils aimeraient voir. C'est-à-dire qu'au lieu de
prendre... Disons qu'il y a deux approches possibles, c'est que, lorsqu'on
possède une collection, on a de beaux objets. Le conservateur va vouloir
montrer un bel objet; le client, lui, va davantage être
intéressé par la thématique, l'enchâssement de la
collection, la mise en valeur des objets et, par la suite, on va aller le
chercher par ce qui va entourer l'objet. Par fa suite, on réussira
à lui faire passer le message qu'on voulait et à découvrir
l'objet. Donc, je m'excuse peut-être de la façon là, mais
en marketing on appelle ça un "product-oriented" ou l'approche client.
Moi, je pense qu'à date, dans les musées, on a davantage
"priorisé" l'approche "product-oriented". Et c'est ça qu'il
faudrait arriver à transformer. Et à partir du moment où
il y a une plus grande fréquentation, bien, la clientèle va
exiger des choses, elle va fréquenter les endroits; les entreprises vont
avoir intérêt à commanditer des expositions; ça va
leur permettre de devenir une vitrine pour eux en plus. Et je pense que le
problème a été là; c'est qu'on a davantage vu
ça au niveau du produit, puis là, il faudrait essayer de tourner,
essayer de voir ça au niveau de la clientèle, de la demande.
M. Thomin: C'est parce qu'on se rend compte aussi qu'il n'y a pas
de méthode magique, c'est nécessairement l'analyse de la
pratique. Mais on a l'impression qu'il y a une certaine difficulté
peut-être au Québec à regarder les choses, quand on parle
de culture, d'art, d'une façon pratique. Parce que c'est un
phénomène de mentalité; on est habitué à
considérer beaucoup
le point de vue des artistes, des créateurs culturels. C'est
très bien, mais maintenant quand on dit: II y a 60 % de la population
qui ne s'implique pas autrement que comme simple consommateur, c'est quand
même beaucoup. On peut avoir des artistes qui vont faire des
créations absolument merveilleuses, mais si 60 % des gens continuent
à regarder NBC, CBS et ABC, eux vont continuer à choisir ce qui
fait leur affaire d'un point de vue culturel. Il faut réussir à
les impliquer culturellement. C'est pour ça, je pense, que c'est
peut-être une question d'attitude aussi d'envisager la population comme
un acteur culturel à part entière.
M. Boulerice: Est-ce que vous écoutez TV5? M. Thomin:
Oui, ça m'arrive.
M. Boulerice: Est-ce que vous avez vu ces petites fenêtres
qui s'ouvrent? C'est ce qu'on appelle "les interludes", etc.
M. Thomin: Peut-être une fois, là...
M. Boulerice: Une jolie petite musique, il y a une fenêtre
qui s'ouvre, et on vous parle d'un petit musée ou d'un site historique
ou des choses comme celles-là; je regardais ça cette semaine,
puis j'étais en train de me demander s'il ne faudrait pas créer,
peut-être, une direction générale de l'imagination au
ministère.
Mme Chassé: Je vais...
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée.
M. Boulerice: Deux secondes. On ajourne à 18 h 30, M. le
Président. Il faut amener les gens... Est-ce qu'on on en a, des moyens
de marketing? Est-ce que le ministère, d'après vous, investit
dans le marketing des institutions culturelles?
Mme Chassé: Je vous dirais que la meilleure façon
d'aller rejoindre les gens, c'est de les prendre où ils sont. Alors, si
les gens font leur épicerie dans des chaînes d'alimentation,
qu'ils vont dans des institutions bancaires, moi, je pense que c'est
peut-être dans des endroits comme ça, des lieux publics où
les gens sont. Et on pourrait, entre autres, profiter de ces espaces-là
pour accrocher les gens à travers différents outils de marketing
qui peuvent exister, des outils interracfrfs vidéos, des outils
promotionnels de dépliants, etc. Les budgets de marketing, oui, mais la
façon d'appliquer ces budgets de marketing ça peut être
aussi par des placements-médias à la télévision. Il
y a différentes approches possibles.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. M. le
député, malheureusement, je vous demanderais de conclure.
M. Boulerice: Oui. Puis vous semblez aussi nous indiquer une
autre voie qui est intéressante. C'est dommage qu'on ne puisse pas
discuter plus longtemps. Vous dites aussi: II faut quand même sortir le
musée du musée. Enfin, peut-être pas le musée au
complet, mais que le musée se rende effectivement auprès des
gens, où ils sont, quitte à leur dire: Bien écoutez, vous
en avez vu une partie, maintenant, ce qui reste est dans l'édifice. Et
pourquoi vous n'y venez pas?
Mme Chassé: La station du Louvre.
M. Boulerice: Voilà, qui est un bel exemple; ce n'est
peut-être pas cet exemple-là précis auquel je voulais vous
amener, mais celui-là illustre fort bien, effectivement.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Mme
la ministre, en terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Thomin, je pense, encore une
fois, que vous prêchez à une convaincue, puisque j'ai
oeuvré en marketing toute ma vie. Est-ce que c'est le rôle du
ministère de faire des plans de marketing? Non. Est-ce que c'est le
rôle du ministère? Non. Pour l'avoir fait tout ma vie: Non. Est-ce
que c'est le rôle du ministère, par exemple, de donner une
orientation à forcer à ce qu'on en fasse, à ce que les
plans... Parce que pour avoir du marketing efficace, évidemment, c'est
du marketing qui, comme vous le dites, doit être le plus près
possible de son milieu. Donc, il faut que ce soit aussi les gens en place, mais
qu'on ait des ressources suffisamment pour en faire. Si c'est ça le
problème, oui. Que la société des musées en ait
aussi pour faire du marketing à la grandeur au niveau muséal,
oui, mais il y a différentes façons. Ce qui manque d'ailleurs...
Et c'est drôle parce que, quand on discute de marketing, on commence
à en parler. Il y a quelques années, ce n'était pas
évident. On n'avait pas ce réflexe-là, non plus, de dire:
II faut aller rejoindre les gens, s'annoncer, se faire connaître et
enlever, finalement, cet éloignement entre le public, donc, le
consommateur, et nous. Là-dessus, je trouve que vous avez touché
un très bon point mais, il y a aussi l'industrie culturelle ou, enfin,
les infrastructures culturelles et le tourisme. Ça non plus, ce
n'était pas évident. On commence de plus en plus maintenant.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. La
sonnerie de notre collègue le député nous rappelle
à l'ordre. Quelle minuterie! Alors, ceci met fin à nos auditions
pour cet après-midi. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à
ce soir, 20 heures. Bon appétit!
(Suspension de la séance à 18 h 31)
(Reprise à 20 h 13)
Groupe de recherche interdisciplinaire en
développement de l'Est du Québec
Le Président (M. Doyon): Cette commission reprend ses
travaux en entendant le Groupe de recherche interdisciplinaire en
développement de l'Est du Québec, qui est
représenté par M. Hugues Dionne et Mme Danielle Lafontaine. S'ils
sont ici, je les invite à bien vouloir s'avancer et à prendre
place à la table de nos invités. Je devrais peut-être
parler au singulier! Mme Lafontaine, intallez-vous.
Tout en souhaitant la bienvenue à notre invitée, Mme
Lafontaine, je lui indique que... Ne vous occupez de rien; tout fonctionne
automatiquement. Ha, ha, ha! Vous êtes la première qui avez
réussi à faire ça! Vas-y, mon Jean-Claude. Bravo! Ha, ha,
ha!
Mme Lafontaine (Danielle): ...comprendre qu'on m'entendait.
Le Président (M. Doyon): Ah non! On va vous entendre.
Mme Lafontaine: O.K.
M. Boulerice: Ce n'est pas juste de vous entendre qui est
important.
Le Président (M. Doyon): Et de vous comprendre. Tout en
vous souhaitant la bienvenue, je vous indique que vous devrez prendre 10 ou 15
minutes pour faire valoir votre point de vue. Ensuite, les membres de la
commission vont s'entretenir avec vous pendant 20, 25 ou 30 minutes sur le
sujet que vous nous aurez proposé et, ensuite, vous poseront des
questions pour avoir des explications supplémentaires. Donc, Mme
Lafontaine, je vois que vous êtes seule, je vous donne la parole.
Mme Lafontaine: Bonjour, Mme Hébert, bonjour, messieurs,
mesdames de la commission. Ça me fait très plaisir d'être
ici ce soir. En écrivant leur mémoire, les membres du Groupe de
recherche interdisciplinaire que je représente ici ce soir
espéraient participer, comme d'autres, au débat amorcé, et
qui nous mènera sans doute à l'élaboration d'une politique
de la culture. Alors, nous prolongerons ce soir par une rencontre, parce que
vous avez eu l'amabilité de nous recevoir et nous en sommes très
heureux. M. Dionne a perdu sa mère il y a deux jours, et il ne peut pas
être avec nous ce soir. Je le regrette. Alors, je suis donc seule
à présenter ce mémoire qui a été
élaboré conjointement et qui a aussi été
adopté le 18 octobre par le Groupe.
Le Président (M. Doyon): Vous voudrez bien offrir nos
sympathies à M. Dionne.
Mme Lafontaine: Oui, je vous en remercie, monsieur. Avant de
présenter très brièvement les réflexions du
groupe-conseil sur la proposition de culture et des arts, permettez-moi de dire
quelques mots sur le Groupe, le GRIDEQ. C'est important pour le type de
réflexion qui est le nôtre et pour le mémoire
présenté. Le GRIDEQ est un groupe universitaire qui existe depuis
près de 18 ans et qui s'intéresse au développement: au
développement local, au développement régional, quel que
soit le niveau d'échelle du développement. Puisque le
développement est un phénomène global, il les concerne
tous, surtout, évidemment, le développement régional. Avec
le temps, on a élaboré des travaux avec plusieurs groupes. Nous
avons travaillé avec des groupes populaires, avec des groupes
d'agriculteurs, avec des groupes de pêcheurs, avec la chambre de
commerce. À l'occasion, on a fait aussi des rencontres avec des
partisans politiques de toutes les couleurs. Alors, nous sommes donc un groupe
"apartisan", mais fort engagé, par la recherche-action, par nos travaux,
dans la quête de connaissances sur les processus de développement.
C'est la perspective. C'est un fonds. Alors, au fil des années, nous
avons accumulé des travaux. Nous éditons également des
livres, une dizaine de milliers d'ouvrages vendus ou édités.
Nous faisons des travaux de recherche, et c'est à partir de ce
fonds-là que nous nous exprimons. C'est un fonds modeste -
accumulé au fil des années - par rapport aux problèmes
qu'il s'agit de comprendre et qu'il s'agit de régler, surtout. Mais
c'est à partir de ce fonds-là que nous avons lu le rapport Arpin.
Nous l'avons lu non pas pour en examiner les éléments un à
un, mais pour tenter de comprendre et de discuter l'articulation d'ensemble des
propositions du groupe Arpin.
Le groupe parle lui-même, dans son rapport, de lignes directrices,
de grandes orientations, de cadre et de voies d'action, tout en jugeant que ce
sont ces aspects-là qui, d'après lui, doivent être
examinés et sont l'articulation la plus fondamentale.
Alors, on nous dit que les lignes d'action proposées seraient
censées soutenir le développement de la culture, des arts et de
l'action culturelle sur tout le territoire québécois. La question
que le Groupe s'est posée, c'est: Examinons ces propositions et tentons
d'estimer si elles sont, ou non, de nature à soutenir l'action
culturelle, les arts et la culture sur tout le territoire.
Alors, quelles sont au juste ces grandes lignes, ces voies d'action, ce
cadre? Nous les avons examinés dans le mémoire que certains
d'entre vous auront lu. Concernant les voies d'action suggérées,
on propose, bien entendu, d'établir un réseau
hiérarchisé d'acteurs et d'équipement culturel et
médiatique sur tout le territoire québécois. La
métaphore de l'oléoduc est prise comme une métaphore
très importante
par les auteurs pour expliquer leur point de vue. Cette idée de
constituer un réseau ayant comme tête, bien entendu,
Montréal, est censée développer le domaine, ce qu'on
appelle dans le document "le domaine de la culture et des arts" sur tout le
territoire. Ce domaine, bien sûr, on veut l'industrialiser, on veut en
faire un fer de lance du développement de tout le Québec par une
industrialisation réussie du secteur, mais aussi par une
perçée au niveau international.
Alors, au niveau de ces voies d'action, on parle d'un certain nombre de
considérants. On met l'accent sur la nécessité
d'encourager la compétition, par exemple, et la sélection
à ce niveau-là. Nous avons examiné ces questions. En
filigrane de cet examen attentif de la logique des voies d'action
suggérées par les auteurs du rapport, nous avons
élaboré notre propre point de vue sur la question. Nous pensons
que la conception de la culture, qui est sous-jacente à ces voies
d'action, n'est pas assez étendue, qu'elle est trop articulée,
trop centrée, surtout, sur le domaine des industries culturelles, et que
la notion de culture - non pas comme fin et de l'ordre des moyens, comme il est
dit là - doit être beaucoup plus étendue, qu'on doit la
lier à une conception de l'être humain parlant, travaillant,
vivant, et que ces voies d'action reposent donc sur une conception
réductionniste de la culture.
Concernant le cadre, nous y sommes allés de façon beaucoup
plus détaillée dans le document que vous avez sous les yeux. Ce
cadre incarne ou représente une conception particulière du
territoire et de la territorialité québécoise.
L'oléoduc que l'on doit réaliser serait un oléoduc, mais
qui parcourrait en quelque sorte cette territorialité
québécoise telle que représentée par les auteurs de
la proposition. Cette territorialité à trois pôles -
Montréal, Québec et ce qu'on désigne comme l'ensemble
régional - nous est apparue également insoutenable, trop
restrictive et ne rendant pas suffisamment compte de la géopolitique, de
la territorialité québécoise et des réalités
territoriales québécoises telles qu'elles se sont lentement
constituées au fil du temps à travers les 250 ans d'histoire
québécoise. Alors, ça, ça nous apparaît
également quelque chose d'important.
Quant au troisième point - Quel partenaire? Quel partage des
responsabilités? - nous pensons, encore là, que le rapport
suggère une conception très directionnelle, très
hiérarchisée de la prise de décision et surtout de
l'élaboration des orientations en matière de culture. On assigne
au ministère un rôle quasi exclusif d'élaboration, de
concertation, d'analyse, de recherche, d'évaluation. Encore là,
il nous apparaît que ce pouvoir, maintenant, doit être davantage
réparti pour donner aux régions, et peut-être aux MRC, aux
communautés locales, une part du pouvoir qui doit leur revenir pour
Influencer et pour élabo- rer, en partie du moins, leurs orientations en
matière de développement culturel, de culture et des arts.
Pour ce qui est des lignes directrices, du cadre et du partage des
responsabilités, on retrouve constamment dans le livre l'expression "il
est tout à fait normal que"; "il est tout à fait normal que la
culture soit faite en ville"; "il est tout à fait normal que les
ressources soient concentrées"; "il est tout à fait normal que la
création se fasse dans les villes. " Alors, au contraire de cette
approche de la normalisation, nous pensons qu'il y a dans le monde, et au
Québec en particulier, des efforts qui sont faits pour entrevoir le
développement dans une perspective beaucoup plus globale et le lier
à un projet démocratique de prise de décision - non pas
strictement centralisé - avec une réflexion un peu plus profonde
sur le partage des compétences et des tâches à accomplir.
Alors, ça aussi, nous pensons que c'est important.
Donc, dans le texte que vous avez sous les yeux, nous sommes
entrés dans le détail beaucoup plus que ce que je peux en dire
là, mais c'est la démarche que nous avons suivie. Et, en
conclusion, au terme de, je ne dirais pas cette psychanalyse, mais cette
quasi-psychanalyse ou, en tout cas, cette révision très
très attentive du texte soumis par les auteurs, nous en sommes
arrivés à la conclusion que, dans leur état actuel, les
grandes lignes, le cadre géopolitique et les voies d'action
suggérées ne nous semblaient pas être les meilleurs pour
soutenir le développement culturel, la culture et les arts sur tout le
territoire québécois. Et, en conséquence, nous avons
recommandé à Mme Hébert et au gouvernement de ne pas
donner suite aux grandes lignes du rapport Arpin, telles que formulées
dans leur état actuel, du moins.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lafontaine. Ça me
fait plaisir de vous revoir. Je me souviens, quand on s'est vues à
Rimouski, finalement, on avait parlé et je vous avais dit que ça
serait intéressant que vous veniez. Donc, je suis d'autant plus contente
que vous soyez ici et que vous apportiez quand même un certain
élément à la réflexion, un élément de
vous.
Vous pariez beaucoup de culture en disant: La culture, finalement, c'est
tous les cadres de vie. Mais dans le but d'en arriver à une politique,
si on veut, orientant nos actions - tu as la politique et il y a,
évidemment, ce qui est le plus important aussi, ou l'une des choses les
plus importantes, c'est le plan d'action qui va avec - et dans le but de le
faire, mais de façon réaliste, et aussi en collaboration avec les
autres ministères, etc., quelles devraient être, selon vous, les
grandes finalités, les orientations? Je ne m'attends pas à ce que
vous me disiez: Bon,
voici maintenant de quoi ça va avoir l'air, mais au niveau des
orientations, parce que vous dites que vous vous concentrez beaucoup sur les
industries culturelles...
Mme Lafontaine: Pas moi, le rapport.
Mme Frulla-Hébert: Le rapport, oui, oui, versus tout
l'aspect création. Il y a Mme Ferai qui est venue nous dire: Vous
devriez vous concentrer beaucoup plus sur une politique des arts versus la
culture, parce que la culture, c'est vraiment trop vaste. Alors, c'est,
finalement, un autre point de vue qui a aussi du sens. Mais, selon vous, cette
politique-là, quelles sont les orientations qu'elle devrait prendre?
Mme Lafontaine: Bien, je pense qu'une politique des arts devrait
être subordonnée à une politique de la culture dont nous
avons, à mon avis, le plus urgent besoin. Par politique de la culture,
je veux dire des orientations qui définiraient la culture comme le
fondement de l'humain et de la vie collective. Nous avons besoin d'une
orientation culturelle et d'une politique de la culture qui fassent savoir
qu'une collectivité reconnaît chaque être humain qui parle,
qui vit, et parce qu'il vit, parce que, donc, H parle, parce qu'H pense, parce
qu'il travaille et parce qu'il vit avec les autres, il fait de la culture, et
qui reconnaisse la culture comme étant l'élément
fondamental de l'"humanitude" et, ensuite, qui en déduise des
conséquences pour ce qui est de l'être humain. Puisqu'il parle,
c'est qu'il n'est pas seul. Le langage est, par excellence, un acquis
Intercollectif et, dès lors, une approche de l'être humain qui
parle, qui travaille et qui est en contact avec les autres parce qu'il pense et
parce qu'il parle et, en même temps, il vit avec d'autres. Donc, une
approche qui suppose que l'humain ne se suffit pas nécessairement; qui,
parce qu'il pense et qu'il parle, en fait immédiatement un être
social.
Sur cette grande base, on pourrait fonder ensuite une orientation des
orientations politiques et démocratiques de l'ordre de la participation
sociale; reconnaître à chacun le droit de penser, le droit de
parler, le droit de travailler, le droit de s'exprimer. Si nous les avions,
nous pourrions ensuite replacer l'économie et la politique à leur
plus juste perspective en faisant de la culture, au nom d'une théorie de
l'humain, la base et le pivot de la continuité historique et, en
même temps, des échanges avec les autres. Si nous avions
ça, ensuite nous établirions entre nous de façon claire
que l'économie est un moyen, ce n'est pas la fin. Et la fin, c'est le
développement, l'épanouissement culturel des êtres humains
qui pensent, qui parlent et qui travaillent.
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous dites, c'est les grands
principes...
Mme Lafontaine: Ces principes-là sont fondamentaux.
Mme Frulla-Hébert: ...qui sont quasi philosophiques. Donc,
c'est vraiment des grands principes d'ensemble et, à partir de là
découle une politique propre à la création et aux arts en
général, mais ce sont vraiment les grandes lignes. (20 h 30)
Mme Lafontaine: Madame, j'ajouterais qu'avant on appelait
ça une théorie anthropologique de la culture et que dans les
textes, que ce soient ceux de M. Lapalme, que ce soient tous les textes sur la
culture qui se sont succédé au Québec, au moins des
années soixante aux années quatre-vingt, nous avions cette
dimension anthropologique; elle n'était peut-être pas
complètement élaborée mais elle était
présente. Tandis que, maintenant, le document que nous avons n'a pas ce
réfèrent et je pense que, dès lors, ça explique
qu'on se centre sur le domaine de la culture et des industries; et ce domaine,
c'est celui des moyens, ce n'est pas celui des fins. Alors, je crois que c'est
une absence qui est lourde de conséquences.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je comprends ce que vous dites.
C'est-à-dire, en fait, que c'est une orientation différente parce
que le rapport Arpin a pris une autre orientation, dans un sens où on
touche beaucoup plus le domaine - bon, omission, non - mais le domaine des
arts. De là les industries culturelles. C'est évident qu'il y en
a qui nous disent qu'il n'y a pas assez de place pour la création, mais,
quand même, ça fait partie pareil du rapport versus une approche
qui est beaucoup plus globale, si on veut et, comme vous le dites aussi,
fondamentale.
On parie de production artistique, bon. C'est toute la diffusion. Vous
dites que la production artistique, par exemple, devrait connaître une
diffusion adéquate dans l'ensemble du Québec. Quelle place
devrait-on attribuer, selon vous, aux médias, en regard de cette
politique culturelle? On parle beaucoup maintenant de la transformation des
médias, on parle beaucoup de la télévision, de toute
façon. Comme peuple, on est des gens qui consommons probablement le plus
de télévision au monde. Donc, c'est un média qui nous
domine. Et le paysage audiovisuel va beaucoup se transformer; on parle de
télévision à la carte, etc. Alors, quel serait le
rôle, finalement, des médias et quel rôle pourrait-on jouer?
Parce que, évidemment, il y a les entreprises privées
là-dedans, il y a une intervention d'État qui est là, mais
qui est aussi limitée parce qu'il faut laisser développer quand
même le médium et les marchés.
Mme Lafontaine: Oui. Bien, dans le rapport, là, on lit
"Les industries culturelles et le monde
des médias", et je crois qu'on a raison de dire que c'est
lié et que, compte tenu de l'importance, notamment, des mass media
électroniques, une politique de la culture, d'abord
générale et ensuite particulière - on s'entend - devra
traiter de l'un et de l'autre. Et, dans cette perspective, je crois que,
ensuite, on devra faire une distinction entre les mass media qui
véhiculent de l'information et les mass media qui offrent du
divertissement. Là, j'évoque une coupure, un découpage sur
lequel je pourrais élaborer bien davantage, mais il reste que les mass
media, comme services publics d'information, sont un outil vital pour la
démocratie, pour la compréhension d'un monde en transformation,
et que l'accès, la réception et la participation également
à l'élaboration des représentations sur le monde devraient
être des choses qu'on devrait avoir le souci de répartir,
jusqu'à un certain point, sur le territoire québécois.
On ne parle pas, bien entendu, d'avoir des immenses stations dans tout
le Québec ou dans toutes les municipalités, mais une politique de
la culture qui serait démocratique, avec un cadre géopolitique
intéressant, favoriserait très certainement, je dirais, le
maintien ou l'instauration de mass media régionaux qui donneraient aux
populations, sur des ensembles territoriaux qui restent encore à
définir, une part de participation à l'élaboration d'une
conception du monde. Et on pourrait les relier. Maintenant, à l'heure
des nouvelles technologies, comme il serait intéressant si nous avions
une politique d'occupation de ce territoire, d'occupation et de construction du
Québec, des centres autant que des périphéries. Comme il
serait intéressant de mettre en contact Chicoutimi, Rimouski, Matane,
Montréal, les uns et les autres appelés à
s'échanger des visions non seulement de ce qui se passe en
région, mais de ce qui se passe au niveau du Québec, au niveau du
Canada, au niveau du monde. Il y a là un système
d'interconnexions, d'échange d'information et d'interprétation
qui nourrirait la vie démocratique et nous donnerait un sentiment
d'être ensemble. Et la vision que je propose est celle,
évidemment, d'un territoire que l'on occupe et que l'on habite, et par
rapport auquel on a un projet non pas de réseaux
hiérarchisés où l'on diffuse le pétrole symbolique
du haut en bas, mais où on interconnecte les sociétés
régionales qui ont leurs projets, qui ont leurs créneaux, qui ont
leurs atouts spécifiques; mais on les interconnecte, ce qui est
manifestement une autre conception que celle du territoire
privilégiée dans le rapport Arpin, bien entendu.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Bonsoir, Mme Lafontaine. Mme Lafontaine:
Bonsoir.
M. Boulerice: Je me dois de souligner la qualité et
surtout la pertinence de votre réflexion à l'égard de la
place des régions, du ministère - enfin, son rôle - et de
l'apport de la création. Je pense que vous avez tout à fait
raison de souligner cette espèce de vice de construction fondamental du
rapport Arpin sur la place des régions qui est littéralement
sacrifiée au profit d'une vision qui est reconnue très
centralisatrice et, surtout, très montréalaise de la culture; et
n'oubliez pas que c'est un député montréalais qui vous
parle.
Je pense que, pour vous, il est clair qu'une politique culturelle, pour
être une véritable politique, doit intégrer les
régionalismes et s'appuyer sur une décentralisation. Ce que je
retiens de votre mémoire, c'est que, véritablement, la grande
trame de fond - et je sais que ma formation politique a vécu cela durant
la fin de semaine dans une municipalité voisine de la vôtre,
à Rivière-du-Loup - c'est cette volonté qui
m'éblouit, moi, personnellement, de voir des individus, donc des
collectivités locales, des communautés locales qui veulent
assurer elles-mêmes leur développement, qu'il soit social, qu'il
soit économique et maintenant culturel. Et, ce qui est le plus
étonnant, c'est que ceux qui ont cette plus grande volonté sont
les gens - et j'espère que vous me permettrez l'expression, même
si, à mon point de vue, elle est impropre, mais elle décrit bien
- "poqués", parce que dans les régions, actuellement, ça
ne va pas tellement bien. Quand on parle du Québec cassé en deux,
le Québec est cassé en cinq, en six, en huit, en dix. Donc, je
vous avoue qu'inévitablement, quand on entend le discours des
régions, et notamment le vôtre, et qu'on voit s'exprimer cette
volonté des communautés d'assumer elles-mêmes leur
développement, c'est quand même quelque chose
d'intéressant.
Mais quand vous parlez d'intégrer les régionalismes et de
vous appuyer sur une décentralisation, moi, j'aimerais vous entendre
peut-être élaborer un petit peu plus là-dessus. Et quand on
parle de décentralisation, est-ce que, pour décentraliser une
politique culturelle, pour vous, ça pourrait être une modulation
des programmes en fonction des spécificités régionales,
une gestion en région d'enveloppes budgétaires plus
considérables? Est-ce que, déjà, ce seraient des
éléments intéressants?
Mme Lafontaine: Oui, certainement. Mais je crois aussi qu'il faut
associer les régions à l'élaboration des orientations.
Ça, ça m'apparait fondamental, bien plus que des enveloppes. Le
problème des enveloppes, je ne crois pas que la question soit
fondamentalement un problème de répartition, de quelles
enveloppes, et on les affecte comment. Avant cela, je crois qu'on a besoin
d'une carte québécoise des paliers de vie politique que l'on
souhaite avoir et de leur juridiction territoriale. Quels paliers vont oeu-
vrer? À quel niveau géographique? Quelle mission va-t-on
leur confier et pourquoi? Là, on parle de compétence. Ensuite, on
parlera de tâches. Et on l'a déjà à l'état
embryonnaire, cette espèce de cartographie de l'espace, des partenaires
et des missions qu'on doit leur confier. Et je crois qu'on ne peut pas parler
de décentraliser et d'envoyer une enveloppe ici ou là sans
considérer ça et sans avoir cette armature. Et cette armature,
c'est ce qui nous fait le plus défaut au Québec. Et, pour moi,
ça vient de loin la désarticulation de nos paliers et l'absence
de réflexion structurée qui font qu'on a 28 manières de
découper. On ne s'entend pas sur les niveaux d'action et
d'intervention.
Alors, quand on parle de décentralisation, on le fait un peu en
tout ou en rien, comme si l'État allait décentraliser on ne sait
pas trop quoi vers on ne sait pas trop qui. Moi, je crois que nous avons
vraiment là à nous entendre sur un cadre et à y
insérer ensuite des tâches. Et quelles tâches? Il y en a
beaucoup à déterminer, parce qu'il y a des tâches de
service, de fourniture de services. Il y a les tâches de conception, il y
a les tâches de coordination, de concertation, de recherche. Alors, ce
sont différents niveaux d'intervention qui, notamment par rapport
à la culture, pourraient être confiés à diverses
instances.
Je crois que la municipalité a besoin de formuler pour
elle-même ses propres orientations culturelles, mais la MRC aussi, mais
la région administrative aussi, en y ajoutant le cadre qui est le sien
et d'autres niveaux de préoccupation qui doivent aussi être les
siens, notamment en matière d'économie. Parce que si je suis
contre la conception de la culture réduite aux industries culturelles,
je veux bien, par ailleurs, que chaque municipalité, chaque MRC, chaque
région et le gouvernement du Québec aient leur propre
manière d'envisager les rapports entre l'économie et la culture.
Il ne s'agit pas de l'éliminer. Et, pour ça, il faut que les
instances soient invitées à lier pour elles-mêmes leurs
choses et à tes envoyer à des niveaux supérieurs qui
feront le tri, harmoniseront aussi.
Je suis une ardente régional iste, mais je suis une ardente
régionaliste pour le Québec. Il ne s'agit pas de dissocier le
Québec en autant de royaumes. Je crois que notre plus grand défi,
c'est la mise en commun, c'est véritablement la création,
l'intégration des espaces économiques et culturels du
Québec. Alors, je le fais dans cette perspective-là.
M. Boulerice: Mais vous êtes en train de nous dire, si j'ai
bien saisi votre propos, Mme Lafontaine, qu'il faut être très
prudent quand on parle de décentralisation. Il y a la
décentralisation dans le sens que vous donnez, mais on pourrait
peut-être tomber toujours dans le piège d'avoir une
décentralisation dont les effets seront uniquement d'avoir une
espèce de canal supplémentaire pour relayer des normes et des
directives, donc une surmultiplication qui va être sclérosante
pour le milieu.
Mme Lafontaine: Entre la prudence et l'inaction, il y a une
marge. Entre la prudence à avancer dans cette voie-là et le
retour en arrière, il y a une différence immense. Ce n'est pas
parce que la décentralisation et le pas que nous avons à franchir
dans ce sens-là sont difficiles que nous devenons revenir aux solutions
pré-1960. Depuis 1960, H y a eu une réflexion sur l'espace et une
politique d'occupation du territoire québécois qui doivent se
poursuivre.
Et moi, je suis pour qu'elles se poursuivent, non pas pour que nous
revenions en arrière. Mais le fait est que, lorsqu'on regarde la
thématique de la décentralisation de près, de très
près, elle soulève des questions politiques et des questions de
vie démocratique, aussi, considérables. Mais si nous
avançons dans cette voie, nous serons aussi en lien avec bien d'autres
peuples du monde. Parce que le régionalisme, la question
régionale telle que nous la formulons dans notre mémoire, est une
question d'actualité. C'est un problème auquel sont
confrontés tous les peuples que de revoir leur tissu
démocratique, de revoir les arrangements politiques qui sont les leurs.
Au-delà de l'État-nation, on a à bâtir, pas à
pas, coin de pays par coin de pays, à rebâtir, à se donner
des projets communs, à connecter nos projets. Alors, je crois que la
grande différence, c'est que quand je suis prudente, bien entendu, c'est
que je vois l'ampleur des difficultés et des questions, mais je veux
avancer; je ne veux pas revenir en arrière.
M. Boulerice: On a dit que le ministère était un
des ministères les plus décentralisés. Et là, on
faisait allusion à la présence des directions régionales
du ministère. Est-ce que vous êtes capable d'en tracer un bilan?
(20 h 45)
Mme Lafontaine: Un bilan?
M. Boulerice: Oui.
Mme Lafontaine: Un bilan, non, pas là.
M. Boulerice: Pas là.
Mme Lafontaine: Je pourrais, mais non. Tracer un bilan, ça
serait trop prétentieux. Les directions régionales et les
conseils régionaux de la culture, je crois que leur destin s'inscrit
tout à fait dans les questions que nous avons abordées depuis le
début - et tantôt, en particulier - sur la
décentralisation. À ce compte-là, la question que nous
aurons à régler sera celle des liens entre le ministère
des Affaires culturelles et les directions, et ce point d'interconnection avec
des instances et des services et des lieux d'élaboration
régionale des perspectives sur la
culture. Entre les deux, il faudra que les missions et les tâches
des uns et des autres s'harmonisent et s'articulent pour que l'on ait une
circulation de bas en haut et de haut en bas qui soit un arrimage
fécond. Et je crois que cette réflexion-là, elle devrait
faire l'objet d'un énoncé dans une politique de la culture, non
pas celle que nous avons là mais celle dont nous avons besoin. Ceci
devrait être prévu et bien conçu.
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
vous demanderais de remercier Mme Lafontaine.
M. Boulerice: J'aurais voulu vous parler - et vous aviez raison
de la déplorer - de l'approche passablement réductrice,
création versus industrie culturelle. Vous dites que tous les pays se
ressemblent. Vous savez comme moi que c'est actuellement un débat
passionné en France, cette notion-là, mais puisque le
président m'intime l'ordre de vous remercier, je vais le faire, mais
avec un dernier mot. Dans tous les débats qui ont entouré la
place des régions comme telle, qui semblaient recueillir quand
même beaucoup d'adhésions, je pense que le mémoire qui nous
permet peut-être le mieux de saisir l'immense - je dis "immense", mais ce
n'est pas effrayant - problème qu'on risque de rencontrer, à
savoir les différentes strates qui se retrouvent actuellement en
région, c'est votre mémoire qui nous donne peut-être le
petit signal d'alarme. Parce que si on n'en tient pas compte, effectivement,
j'ai peur qu'on fasse fausse route au niveau des régions. Et s'il y a un
endroit où on ne peut pas se permettre d'échouer, c'est bien en
région parce que, malheureusement, il y a un taux d'échec trop
fort, non pas de la part des populations mais des programmes qui ont toujours
été appliqués face aux régions. Je vous remercie
beaucoup, Mme Lafontaine.
Mme Lafontaine: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue pour vous remercier, Mme Lafontaine. Effectivement, au niveau
de l'importance des régions, je pense qu'elle n'est plus à faire.
On a eu des représentants de partout, autant au niveau des
municipalités - en fait, des différentes villes - que des MRC.
Chacun est venu plaider, finalement, avec tellement d'enthousiasme qu'on
s'aperçoit que toute la force, et le potentiel aussi, réside
beaucoup au niveau de la création.
Il y a aussi toute la dimension culture, dans le sens, comme vous dites,
étymologique versus une politique des arts où il va falloir
vraiment voir, maintenant, jusqu'à quel point on va aller pour se
permettre des orientations. Mais je pense que votre démonstration est
assez claire là-dessus au niveau des grands principes versus les
modalités d'action. Alors, je vous remercie beaucoup d'avoir
été parmi nous.
Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de cette
commission, Mme Lafontaine, je vous remercie d'avoir contribué à
alimenter notre réflexion sur la politique culturelle au Québec.
Merci beaucoup.
Maintenant, la commission de la culture a le plaisir de recevoir la
Chambre des artistes de Boucherville. Ils doivent être dans la salle; je
les invite à bien vouloir prendre place en avant. Tout en leur
souhaitant la bienvenue - ils sont ici depuis le début de nos travaux -
je leur demande de bien vouloir s'identifier pour que nous puissions avoir leur
nom dans la transcription de nos débats. Ensuite, ils disposeront de 10
à 15 minutes pour nous entretenir. Après ça, la
conversation s'engage, comme c'a été le cas
précédemment, avec la ministre et d'autres membres de la
commission ainsi qu'avec le représentant de l'Opposition officielle.
Vous avez la parole.
Chambre des artistes de Boucherville
M. Clermont (Raymond): Moi, je m'appelle Raymond Clermont. Je
suis prêtre. Je travaille dans un hôpital pour malades en soins
prolongés et je travaille aussi dans le social, à la base, les
deux mains dedans, dans les tables de cuisine, et je rencontre plein
d'artistes, de toutes sortes. Beaucoup sont dans la misère. J'ai
d'ailleurs un poème que j'ai composé à Noyant. Il ne faut
pas être trop sérieux ici, parce que c'est sérieux, ce que
vous abordez, très sérieux. J'aurais le goût de vous le
distribuer. Ketty va se présenter tout à l'heure. On a
travaillé là-dessus à deux, parce que Boucherville, c'est
sur la rive sud. Donc, nous sommes, nous autres, très près de
Montréal. Ça ne se sépare pas, dans le fond. Comme
mentalité, ça se ressemble partout. Et Ketty m'a demandé
de commencer, de lui laisser ensuite la parole et, si vous le permettez, je
finirai en vous lisant un poème et je vous le distribuerai. Ça
déride un peu.
J'ai lu votre rapport. Vous avez accompli une tâche magistrale.
Une chance qu'on m'a instruit, moi, parce que ce n'est pas facile à
lire, votre rapport. Il est très rigoureux, et je vous en
félicite. Cependant, le langage fait en sorte que beaucoup de gens que
je connais, qui sont quand même passablement bien scolarisés,
auraient de la misère à aller au bout du rapport. Vous insistez
sur deux pôles: Québec et Montréal. Étant
Montréalais et un amant de Québec - puisque j'y ai de la
parenté - je ne peux pas m'objecter. Je suis né là,
à Montréal, mais je ne peux pas m'empêcher de penser non
plus que si on ampute Montréal de tous ceux qui viennent d'ailleurs, je
vous dis qu'il ne restera pas grand-monde. Et comme j'ai des amis au
Lac-Saint-Jean, et j'ai des amis dans bien des coins de la province, je me dis:
II y a un gros danger, parce
que, tout à l'heure, je pense que ça sera un projet de
loi. Ça, c'est préliminaire. C'est très important.
Ça permet le discours.
Mais combien de personnes vont se rendre ici? Les 15 personnes à
qui j'en ai parlé m'ont dit que je perdais mon temps en venant ici
à mes frais. Mais j'ai dit: Si on n'y va pas, qui va y aller? Et une
dame dont le mari est un artisan, un maître en fourrures... Il part, lui,
de la base, du cuir, il vous fait le patron et va jusqu'au manteau. Il a appris
ça chez les Juifs, parce que c'est les Juifs qui ont le monopole. Il a
été mis dehors aussitôt que ça a commencé
à serrer un peu, et là, il se débrouille dans son
sous-sol. C'est un artiste, vous savez. Il paie un compte ici, il attend
d'avoir un peu d'entrée d'argent, et il ne sait pas s'il ne fermera pas
ses portes.
Mitcha ne peint plus depuis 10 ans. On lui a dit, à Concordia,
qu'elle avait un style qui ressemblait à celui de Gauguin. C'est
sérieux. Le feu a pris dans sa maison, l'assurance n'a pas payé,
et elle n'a pas eu d'argent pour s'acheter le matériel qui est
très dispendieux. Et elle recommence. Des artistes en chômage
à Montréal il y en a plein, qui partent de partout. Et moi, je
tiens simplement à souligner ce que mon évêque... Et je
vous donne le papier, parce qu'il n'y a pas du tout de référence
aux valeurs religieuses dans votre livre. La foi des coupeurs de pitoune
était peut-être mal enveloppée pour nous, les gens
modernes, je suis d'accord avec ça, mais écoutez, elle nous a
rendus jusqu'ici. Si je parle français, ce n'est pas parce que je suis
prêtre, moi. Bien non, c'est parce que je suis Québécois.
Un Félix Leclerc ne partait pas de Montréal, et on ne l'a pas
accepté à Montréal, mais il nous a mis sur la mappe en
France. Il était pourtant de région éloignée.
Ce qui m'inquiète, moi, c'est que je regarde mon peuple. Il est
très silencieux actuellement sur la chose politique. Il regarde les
débats. Il ne se prononce pas encore. Mais ça lui coûte
très cher pour vivre, au point que les gens de la classe moyenne sont en
train de basculer presque au seuil de la pauvreté. C'est le fait d'une
grande partie des gens. Des cadres d'hier paniquent aujourd'hui parce qu'ils
n'ont plus de travail. Et le gouvernement, puisque c'est le prélude
à la loi, vous allez devoir légiférer. Une loi doit avoir
des dents. Il n'y a rien qui indique que les régions
éloignées vont être traitées avec justice. Il n'y a
rien qui indique que les pauvres de nos sociétés, qui
créent... Vous savez, Mitcha, c'est une créatrice; beaucoup le
sont. Il n'y a rien qui indique dans votre document - j'espère que la
loi va le montrer - qu'il va y avoir quelque chose de prévu pour
eux.
Les minorités culturelles, écoutez, ce sont ceux qui
travaillent au salaire minimum: les Laotiens, les Cambodgiens, les Vietnamiens.
Il y en a qui ont été riches, qui sont sortis avec de l'argent,
mais la majorité ne sont pas sortis de leur pays avec de l'argent, et
c'est eux qu'on rencontre là, à la base. Vous savez, les Indiens
- ou les Amérindiens; c'est ainsi qu'on parle maintenant - et les
Indiens métis, on n'en parle pas. Eux sont mal pris; ils ne sont ni
Amérindiens ni tout à fait Blancs. Cest 50 associations au
Québec. Ces gens-là produisent sur le plan culturel. Vous parlez
d'art et de culture. Moi, je crains et je vais vous donner ce que mon
évêque a écrit dans son éditorial.
Premièrement, il n'est pas question des valeurs
évangéliques. Attention, là! C'est important les valeurs
évangéliques; ça dit quelque chose à nos
sociétés. La Charte des droits de la personne s'en est
inspiré: égalité pour tous, le droit à la paix
sociale, le droit d'être entendu et d'avoir son mot à dire.
C'est gênant de venir ici, vous savez, quand on n'a pas
l'habitude. Regardez Ketty; elle était toute nerveuse. Et les gens de
mon groupe, qui viennent du Gabon, étaient nerveux. J'ai eu la chance
d'écouter ce que madame a dit; je n'ai pas le goût d'articuler mon
langage là-dessus. D'ailleurs, je vais terminer bientôt.
Rien n'est dit de la culture de ceux qui sont Québécois
chez nous, qui viennent d'ailleurs et qui ont un passé comme, moi, j'ai
un passé représentatif de mon peuple. Mes ancêtres viennent
de Québec, moi. Il y a du Hamelin là-dedans; il y a du Colborne.
Ils étaient créateurs, mes ancêtres. Il me semble que vous
prenez un océan quand vous touchez à la culture. C'est mon avis.
Ça descend jusqu'au mode de vie dans les maisons. C'est vaste, ce que
vous touchez.
Si on parle des arts, ma crainte, c'est que les multinationales de l'art
et les groupes très organisés qui en font le commerce ont
déjà des gens payés pour étudier, comme des
spécialistes, votre document, qui vont voir venir votre projet de loi
tout à l'heure et qui vont déjà prévoir le lobbying
à faire pour aller chercher le plus gros paquet de marrons. C'est ma
crainte, c'est la crainte des gens du peuple. Je ne suis pas venu ici vous
dire... Vous faites un travail, et je me demande si je le ferais, le
vôtre. C'est très difficile de prévoir aujourd'hui en
politique, très difficile. Qui aurait prévu ce qui arrive en
Russie? Mais ce que je remarque là-bas, c'est qu'on revient à un
nationalisme qui recherche ses valeurs, et on se sépare, on
s'intériorise.
Ce n'est pas seulement en Russie et derrière le Rideau de fer,
c'est partout. Et il me semble que ça s'en va dans ce sens-là un
peu au Québec, pas pour devenir fanatique mais pour rebondir comme
société, parce qu'on ne sait plus de quelle société
on fait partie. Les gens en ont marre de l'après et de l'après
après Meech; ils sont las. C'est sérieux, vous savez. On
n'assiste plus aux commissions fédérales sur la question. C'est
grave quand le peuple québécois ne parle plus. Il faudrait
regarder en arrière dans notre histoire. Quand les
Québécois ne parlaient plus,
ils préparaient quelque chose au fond de leur conscience.
Mais moi, je ne parle pas seulement des Québécois
canadiens-français. Qu'est-ce qu'on fait des Hongrois qui sont ici? Les
Italiens, depuis un bout de temps, ils sont très organisés, eux.
Qu'est-ce qu'on fait des Laotiens, des Cambodgiens, des Chinois qui s'en
viennent avec beaucoup de sous, parce que leur échéancier est
très court, eux autres? Moi, je peux visiter le monde sans sortir du
Québec maintenant. Ah! Je ne verrai peut-être pas les monuments,
mais je vais en connaître beaucoup de la culture.
Vendredi soir, nous avions une réunion - et je termine
là-dessus - et Abraham, qui est ici présent, nous a
expliqué en 10 minutes le sens des danses de son pays. Il a vécu
sept ans au Gabon, et il est Africain pure laine. Après avoir
travaillé d'une façon harrassante sous un soleil de plomb, les
femmes, qui travaillent très dur dans son pays, arrivent pour
préparer le souper. Elles sont fatiguées, elles se mettent
à danser en racontant des choses, genre mélopée; elles
s'"énergisent" et, ensuite, elles préparent le souper et elles
sont en forme pour continuer la soirée, comme les femmes qui travaillent
dans les bureaux vont dans des endroits qui leur coûtent des sous - vous
comprenez ce que je veux dire - s'"énergiser". Elles reviennent et, des
fois, elles font l'amour avec leur mari, peut-être pas toujours. (21
heures)
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a des grands
spécialistes qui savent, qui ont l'instinct de profiter de tout ce qui
bouge quand on peut faire des sous. Mais le grand danger, c'est le
cloisonnement des cultures, ici, nouvelles. Ça va faire dur à
Montréal, si on ne se parle pas, vous savez, très dur! C'est
rendu que c'est la police provinciale et la police de Montréal qui ont
déjà mis en route des choses pour faire se rencontrer les gens.
Ça aussi, c'est de la culture. Moi, je ne veux pas parler toute la
soirée. J'ai dit, je pense, ce que j'avais à dire.
Vous pourrez lire, si vous le voulez, (editorial de mon
évêque qui frappe le joint. Si on ne place dans un projet de loi
que des réalités implicites, ça n'a pas de sens parce que
certains en profitent. Il faut que la loi ait des dents pour donner la justice
à tous et, surtout, aux petits qui n'ont pas de défense,
particulièrement les étrangers qui nous arrivent et qui sont
Québécois, c'est le nouveau Québec. Seulement regarder la
réalité tourner vers l'avenir, seulement le présent vers
l'avenir, j'ai bien peur de ça. Un individu qui ne se souvient plus de
son passé et qui est dans le présent juste tourné vers
l'avenir, il tend vers la schizophrénie. Nous ne pouvons pas nous
permettre, les Québécois, je pense, comme petit peuple de quelque
6 000 000, d'être des schizophrènes du monde. Nous sommes dans le
monde, il y a plein de gens qui sont ici qui nous disent quelque chose du
monde. Nous autres, nous allons mettre sur pied une compagnie qui va justement
faire en sorte que les gens puissent se parler par le biais de l'art et de la
culture pour les rendre accessibles aux petites gens. Ce n'est plus achetable,
une oeuvre d'art de qualité, pour les gens moyens. Je suis triste
d'avoir entendu aujourd'hui à la radio que la firme Lavalin, ayant fait
faillite, va peut-être être obligée de vendre - c'est les
journalistes qui disent ça, vous savez comment c'est, j'espère
que non - la collection qui nous représente à Toronto. Je n'ai
rien contre Toronto, remarquez, j'espère que non. Je ne suis pas venu
ici pour ça, mais ça m'attriste.
Le Président (M. Doyon): Madame.
Mme Jean-Pierre (Ketty): La Chambre des artistes est un organisme
qui existe depuis un an déjà. Notre but, c'était de mettre
sur pied une table de concertation qui permettrait aux gens de dialoguer, de
faire la promotion des arts et de la culture à différents
niveaux. Nous avons évalué différents
éléments qui permettraient aux gens d' avoir accès
à la culture. Nous pensons que, pour la culture, l'objectif global doit
permettre à tout le monde d'avoir une place et que le
développement de la culture concerne l'ensemble de la
société québécoise, avec une ouverture sur la
mosaïque des humains qui composent notre environnement culturel. Par notre
intervention, nous vous proposons une approche humaniste de la
réalité culturelle québécoise.
La politique culturelle, pour nous, doit être une alternative
complémentaire afin de permettre aux artistes de développer leurs
talents innés, pour donner un sens à leur vie, se sentir des
êtres libres et responsables, avoir le goût et
l'intérêt pour englober des chemins nouveaux. Pour la mise en
commun des talents de toutes sortes, une table de concertation, pour nous, je
trouve que ce serait propice pour permettre l'éclosion d'une
qualité de vie. Chacun de nous possède des talents et c'est de
mettre en place les outils pour permettre aux gens de développer leurs
talents.
Alors, par une politique de développement culturel
adéquate, nous pensons que si on arrivait à créer un
réseau humain pour sensibiliser les gens au développement
culturel comme une alternative avec des finalités... Dans les
finalités, les artistes ont besoin, dans un concept global, de partager
leurs talents; ils ont besoin d'une équité sociale, ils ont
besoin aussi d'une qualité et de conditions de vie adéquates et
ils ont besoin aussi de contacts humains pour s'épanouir et
s'intégrer.
Les intervenants. Nous avons besoin d'intervenants aussi pour pouvoir
développer la culture; les différents intervenants aux niveaux
artistique et culturel qui ont déjà érigé des
ressources pour permettre aux gens d'avoir accès aux différents
moyens qui leur permettent d'avoir
une meilleure qualité de vie.
Dans ses finalités, la société, face aux artistes,
a des exigences. La société attend des artistes. Pour elle, il
faut que les artistes soient aussi de bons consommateurs, il faut que les
artistes soient aussi de parfaits payeurs de taxes et de parfaits payeurs
d'impôt et il faut aussi qu'ils soient de parfaits citoyens et
citoyennes. Pour ça, il faut favoriser l'accessibilité de la
population à la culture pour permettre aussi aux artistes d'agir en
ayant un sentiment d'appartenance au sein d'un concept qui leur permette de
s'intégrer aux différentes facettes de leur talent.
Pour pouvoir avoir une base fondamentale, pour moi, la culture doit
avoir des liens qui se rattachent au passé, qui font
référence au présent et qui s'en vont vers l'avenir. Ces
liens étroits, mais au niveau du passé, les artistes doivent
pouvoir se référer aux significations des origines qui leur
permettent de s'intégrer selon le lieu d'où ils viennent. Avec le
présent, les artistes doivent pouvoir avoir accès à
l'inventaire des différents éléments artistiques et
culturels leur permettant de découvrir leurs talents en vue de
s'intégrer au processus de développement de la
société. Le lien qui réunit les artistes avec l'avenir,
c'est que tous ces éléments recueillis dans le passé et le
présent doivent favoriser la qualité de vie pour permettre aux
artistes d'envisager le développement culturel comme une situation
complexe, mais essentielle et nécessaire, où tous les
éléments de notre environnement culturel ont leur importance.
Les moyens concrets pour pouvoir rendre la culture accessible à
tous, moi, je le vois dans le cas d'un concept qui permet d'intégrer les
arts visuels, les arts de la scène, les arts médiatiques, les
métiers d'art, dans un concept qui peut permettre aux gens d'avoir
accès à différents niveaux; ça peut être au
niveau de la création, de la diffusion, du divertissement, de la
coopération ou de la conservation. Au niveau de la création,
ça peut être autant les études que la formation ou la
pratique des arts ou de la culture. Au niveau de la diffusion, ça peut
être tout ce qui permet aux gens d'avoir accès à la
culture, que ce soit par des expositions ou la télévision, les
moyens de diffusion, les livres et tout. Au niveau du divertissement, c'est
tout ce qui permet, par la culture, d'avoir des loisirs, des divertissements,
des vacances face à la culture. Au niveau de la coopération,
c'est tout ce qui permet aux gens, par leur culture, d'échanger, de
coopérer ou de développer la famille pour pouvoir partager avec
tous les autres secteurs. Au niveau de la conservation, c'est tout ce qui
permet de préserver toutes les traditions, toutes les choses qui nous
permettent d'avoir une base pour pouvoir se référer à la
culture, pour pouvoir s'intégrer de façon adéquate. Alors,
tout ce qui existe au niveau des musées, des écomusées et
qui permet aux gens d'avoir une référence pour donner un sens
à leur vie.
Les moyens efficaces que j'ai repérés, je pense qu'il
devrait y avoir un travail de fond pour permettre d'évaluer les
inventaires, pour pouvoir faire déjà le travail au niveau des
municipalités d'abord, parce que les gens résident dans les
municipalités avant tout et ils doivent avoir, à ce
niveau-là, une qualité de vie. Si les moyens pour pouvoir se
développer sont dans les grands centres, ce n'est pas facile
d'accès quand on demeure dans une localité
éloignée. Moi, je pense qu'il serait possible de mettre de
l'avant un concept. Avec la Chambre des artistes, nous avons fait le test et
nous l'avons utilisé comme une chambre de commerce, sauf que ça
représente les arts et la culture. Dans ce concept-là, on
regroupe tous les éléments qui permettent aux gens d'avoir
accès, que ce soit au niveau du milieu artistique, du milieu
socioculturel ou socio-économique. Alors, au niveau artistique,
ça peut être d'avoir accès à toutes les informations
qui se trouvent au niveau des conseils artistiques; au niveau socioculturel,
c'est tous les établissements d'enseignement ou toutes les associations
culturelles et, au niveau socio-économique, ça peut être la
famille, ça peut être les syndicats, toutes les choses qui nous
permettent de mieux comprendre c'est quoi, les éléments qui nous
permettent d'avoir une meilleure qualité de vie. Alors, c'est à
ce niveau-là.
Pour pouvoir faire l'inventaire, j'ai pensé qu'on pourrait mettre
de l'avant une nouvelle forme d'emplois qui sont des planificateurs culturels
qui évaluent, selon une municipalité donnée, les besoins
spécifiques et qui disent c'est quoi, les besoins fondamentaux d'une
municipalité, pour pouvoir mieux en faire part aux décideurs et
répartir ensuite les ressources nécessaires dont on a besoin,
soit en temps, soit en argent ou en ressources humaines. Ces planificateurs
culturels pourront évaluer les moyens de financement, d'autofinancement
favorisant cette émergence et qui sont disponibles en temps, en argent,
en produits et en services et, ensuite, faire rapport aux décideurs
municipaux et gouvernementaux ou à tout autre conseil régional,
national ou international régissant les différentes disciplines
artistiques et culturelles. Ces planificateurs culturels ainsi
désignés pourront préciser les réalités du
milieu pour qu'ils nous permettent d'établir l'inventaire pour chaque
municipalité afin de fournir les points de repère pour
évaluer les besoins fondamentaux réels des individus. Ils seront
également en mesure de former, de par leurs fonctions, la coalition de
la culture et des arts qui sensibilisera l'ensemble de la communauté
à l'importance de la préservation de notre environnement culturel
et qui deviendra, par le fait même, le mécanisme de consultation
direct et permanent entre les intervenants artistiques et culturels et
favorisera l'établissement d'un inventaire reflétant la
diversité de notre envi-
ronnement culturel québécois dans le passé, dans le
présent et dans l'avenir avec la collaboration des intervenants du
milieu concerné.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Je permettrai
à Mme la ministre de vous poser quelques questions parce qu'il ne
restera finalement pas de temps.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Jean-Pierre. Je veux quand
même apporter une précision à propos de ce qui a
été dit au début. On va transmettre les
félicitations, parce que, effectivement, ça a été
un travail énorme au niveau du groupe-conseil. C'est un groupe-conseil
indépendant qui a pensé, rédigé et travaillé
extrêmement fort pendant quatre ou cinq mois, mais c'est un projet pour
réflexion, justement, à partir de gens qui sont de divers milieux
et extrêmement compétents. Alors, on leur transmettra vos
félicitations, d'une part. (21 h 15)
Deuxièmement, vous dites: Ce sera un projet de loi. Il faut faire
attention. Une politique culturelle, c'est aussi un peu... Comme Mme
La-fontaine disait, c'est beaucoup plus une façon de faire et de penser
au niveau non seulement du gouvernement, mais de la population, avec des plans
d'action très précis. S'il y a projet de loi, il peut y avoir un
changement au niveau de la ioi au niveau du ministère. Mais ce ne sera
pas une loi qui forcera... coercitive, en disant: Voici, on dépose la
politique. Au contraire, mais au contraire!
On a beaucoup parlé de liberté d'expression,
liberté de création. Et pour vous rassurer aussi, jeudi, on aura
entendu 120 groupes, ce qui est énorme. À date, il y a 250
mémoires de déposés de partout, de tous les milieux
socio-économiques, d'éducation, des régions et de partout,
ce qui fait que c'est aussi une vaste discussion collective et on la veut la
plus ouverte possible. Il y a aussi eu des groupes... pour répondre un
peu a votre crainte et vous avez raison quand vous dites que le monde ou,
enfin, le peuple québécois est en évolution et aussi en
ebullition et qu'il y a d'autres intervenants qui rentrent et qui
l'enrichissent.
Nous avons eu des représentants des communautés
culturelles, nous avons eu les Services communautaires juifs, nous avons eu les
groupes autochtones, nous avons eu la Conférence des
évêques. Alors, c'est, finalement - comme je le dis et je le
répète - une grande discussion collective, à savoir:
Maintenant, voici ce qu'on a fait. Où s'en va-t-on et où veut-on
aller pour le futur? Ceci dit, une question. On a eu le plaisir de recevoir la
ville de Boucherville, une communauté extrêmement dynamique au
niveau culturel, autant au niveau du patrimoine qu'au niveau de l'encouragement
aux arts, à la culture et à la diffusion au niveau de
Boucherville, je dirais même une ville modèle qui s'implique
énormé- ment. Selon vous, quel devrait être le rôle
du ministère des Affaires culturelles versus les municipalités ou
la municipalité, entre autres... parce que vous avez la chance
d'être dans une municipalité qui y croit beaucoup et qui y
investit beaucoup aussi et, aussi, tout près de Montréal, donc
une municipalité qui a aussi réussi à développer,
attirer et encourager un caractère spécial aussi, mais
près d'une métropole. Ce n'est pas facile.
Selon vous, quel est le rôle, justement, de la municipalité
versus le ministère des Affaires culturelles, versus la
communauté?
Mme Jean-Pierre: Je pense que le ministre devrait avoir un
rôle de partenaire vraiment, qu'on travaille en concertation pour pouvoir
permettre aux gens de s'intégrer à tous les niveaux, même
au niveau de l'éducation pour pouvoir permettre aux jeunes de... Les
jeunes qui décrochent... J'ai posé beaucoup de questions à
ce sujet, mais, souvent, ce sont des artistes en herbe. Des fois, j'ai fait
faire des tests. Ces jeunes-là, ils ont des talents artistiques, mais,
faute de moyens, ils ne peuvent pas s'intégrer. Des fois, ce ne sont pas
des jeunes qui ont la possibilité, parce que leurs parents ne sont pas
nécessairement fortunés. Les arts, c'est toujours
péjoratif encore dans la tête des gens: être un artiste, ce
n'est pas une profession. Mais je trouve que c'est essentiel. Surtout quand les
jeunes qui ont le talent et puis qui n'arrivent pas à s'en sortir parce
qu'il n'ont pas le moyen puis, finalement, ils décrochent et, souvent,
ça finit très mal aussi.
Alors, je pense qu'à ce niveau-là, c'est pour ça
que, dans mon mémoire, je mettais que c'est important de
développer le réseau arts-études pour permettre,
déjà au niveau du primaire, d'aider des jeunes à
s'intégrer. Alors, ça devient comme un rôle de partenaire
à ce niveau-là. Puis, nous, on peut faire avec ces jeunes des
activités pour leur permettre de s'intégrer puis de vraiment
faire en sorte... Alors, à ce niveau-là. Mais si le
ministère, à la base, met les moyens pour pouvoir donner
l'éducation et tout, nous, on a les éléments, on peut les
dynamiser puis les motiver face à ce qu'ils font. S'il y a de
l'éducation puis il n'y a pas de moyens de se promouvoir, ça
aussi, c'est de la perte d'énergie. C'est un travail où il y a
une cohérence à tous les niveaux.
Mme Frulla-Hébert: Le ministre de l'Éducation
était avec nous, il y a 15 jours, lorsque nous avons eu Mme Pagé.
Effectivement, je pense que... Et de plus en plus on entend des
témoignages, culture et éducation et tout le rôle du
ministère de l'Éducation dans le développement non
seulement culturel, mais se servir de la culture pour régler certains
problèmes, au niveau des jeunes ou encore même au niveau des gens
plus âgés.
Mme Jean-Pierre: Oui, au niveau des aînés.
Mme Frulla-Hébert: La solitude. Brièvement parce
que le temps passe, j'aimerais vous demander... Vous avez émis une
suggestion au niveau d'une espèce de table de concertation, si j'ai bien
compris, pour le milieu, une table d'échanges.
Mme Jean-Pierre: D'échanges.
Mme Frulla-Hébert: Pouvez-vous élaborer un peu
là-dessus?
Mme Jean-Pierre: Oui. C'est qu'au niveau... Bon, nous, on est de
Boucherville, mais on ne peut pas rester isolés. On a besoin, pour avoir
plus d'information sur la culture, de collaborer avec les gens d'autres
municipalités, d'autres régions même, au niveau
international. Des fois, des solutions, on peut en trouver, mais pas
nécessairement dans notre municipalité. Ailleurs, il y a des gens
qui ont fait des tests sur différentes choses. Alors, si on peut
dialoguer avec des gens de différentes sources, de différents
endroits, on peut arriver à vraiment atteindre une plénitude des
connaissances qui permettent un meilleur réseau de la culture...
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, par exemple, par le biais
des CRC qui sont aussi des ressources en terme... non seulement au niveau des
différents groupes et de réunir les différents groupes,
mais par... organiser ces tables-là. Il y a des CRC partout au
Québec, ce qui fait que cette relation peut être faite. Est-ce que
ce serait une solution?
Mme Jean-Pierre: Oui, ça peut être chapeauté
par les CRC, mais que, nous, l'information nous arrive dans les
municipalités. Moi, j'ai eu affaire... J'avais besoin d'une information
pour un problème donné. Des fois, la culture, ça nous
permet de régler des solutions à nos problèmes. J'ai
été obligée d'aller dans cinq villes voisines pour aller
chercher l'information. Je disais: Si on avait dans notre municipalité
un établissement ou un concept qui nous permettrait, soit par
l'informatique, soit par juste une information dans un fichier, de savoir que
telle solution existe à nos problèmes. Je dis que tout ça
peut permettre aux gens d'avoir une meilleure qualité de vie. Souvent,
les gens souffrent parce qu'ils ignorent qu'ils ont des solutions ou des choses
culturelles qui peuvent leur permettre de régler leurs problèmes.
C'est au niveau des arts et de la culture, ça peut être aussi au
niveau de l'économie. Ça peut être savoir gérer un
budget, avoir toutes les informations nécessaires.
Moi, je viens d'ailleurs. Ça fait 15 ans que je demeure au
Québec. Mais je trouve... Quand les immigrants arrivent ici, on les
informe sur toutes sortes de choses qui existent pour pouvoir
s'intégrer. Mais il y a beaucoup de Québécois qui ignorent
que ces éléments existent. Entre autres, il y a un organisme que
je trouve qui est très bien, c'est l'ACEF, qui permet aux gens de bien
gérer leur budget, de faire en sorte qu'il y ait une meilleure
qualité de vie. Souvent, la gestion du budget, c'est quelque chose qui
détériore la qualité de vie des gens. Je trouve que, comme
l'ACEF, au niveau d'un organisme comme ia Chambre des artistes, c'est tous des
gens avec qui on aimerait communiquer pour permettre aux gens d'avoir
accès à ces informations, pour savoir comment gérer leur
budget, faire des conférences, faire des choses pour leur permettre
d'avoir accès à ces informations.
Le Président (M. Doyon): Je permettrai maintenant au
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de poser quelques questions,
compte tenu du temps qui s'écoule.
M. Boulerice: Mme Jean-Pierre, M. Cler-mont, bienvenue à
cette commission. Vous êtes un organisme qui est jeune, un organisme qui
naît et qui, sans aucun doute, va progresser. Je sais que vous travaillez
en étroite collaboration et avec le soutien de votre
député, mon collègue de Bertrand, M. Beaulne.
Personnellement, je m'en réjouis. Je connais son ouverture face à
l'art et à la culture.
M. Clermont, quant à vous, vous nous avez rappelé les
paroles qui ont été prononcées en cette commission, il a
été parmi l'un des tous premiers intervenants, celles de Mgr
Hubert, évêque de Saint-Jean et Longueuil, un homme de grande
vision, un homme de grand progrès que j'ai côtoyé longtemps
lorsque j'oeuvrais sur la rive sud et qui est venu nous rappeler des choses
fort importantes lorsqu'on veut faire une politique des arts et de la culture
au Québec. S'il est bon dans ce domaine comme dans d'autres que l'on
veuille se donner des élites, il faut faire attention à
l'éiitisme qui, lui, est un égoïsme, un snobisme
égoïste, en nous rappelant justement la place des pauvres dans le
développement de la culture et des arts. Eux qui sont exclus de tout ne
doivent surtout pas être exclus dans ce qui est - je pense que je
reprends bien ses paroles - effectivement l'âme d'un peuple, l'âme
d'une collectivité comme telle.
Vous avez aussi fait allusion, je me demande pourquoi je ne reprendrais
pas en écho ce que vous avez dit quant à ce qui nous menace,
c'est-à-dire les trésors nationaux, l'étoile de Borduas et
l'étoile de Riopelle qui, malheureusement, risquent de quitter notre
territoire alors qu'ils sont des biens patrimoniaux. Il faut déplorer
qu'une telle situation arrive, mais on ne peut pas se permettre que ça
nous arrive à tout bout de champ, comme on dit, et se contenter de
déplorer. Ce qui me fait dire, Mme Jean-Pierre, que la ministre a raison
en vous disant: II n'y aura pas une loi des arts et de la culture, il y
aura une loi pour restructurer le ministère qui devra donner lieu
à au moins, au minimum, une quinzaine de lois structurelles et,
après, à des programmes. J'ose espérer qu'il y en aura une
là-dedans qui, lorsqu'elle parlera de patrimoine, pourra nous
empêcher d'assister non pas à un dilapidage, mais à des
pertes aussi épouvantables que celles-ci.
Vous parlez, dans votre mémoire, d'élaborer des
stratégies visant à sensibiliser les communautés locales
aux besoins des milieux culturels et à la pratique de ceux-ci. Donc, je
pense que dans cet énoncé, d'une part, non pas en termes de
reproches puisque chacun ayant sa préoccupation, quelquefois,
malheureusement, on s'éloigne de l'autre, mais que la population n'a pas
une connaissance intime de la vie, de la vie créatrice et, surtout, des
difficultés que peuvent rencontrer les gens qui oeuvrent dans le domaine
des arts et de la culture, je pense que c'est ça que vous avez voulu
dire. Quelles seraient, en fin de compte, ces stratégies qu'on pourrait
peut-être employer pour permettre ce rapprochement où on
connaît l'art? Mais je pense que vous avez raison, on connaît
malheureusement mal l'artiste et ses conditions.
Mme Jean-Pierre: Moi, je voyais différentes
manières de mettre en place des éléments pour sensibiliser
les gens, entre autres, mais mettre en place tous ces organismes qui existent
un peu partout, mais qui ont été créés. S'ils ont
fait leurs preuves, c'est bien qu'on puisse les avoir dans les
localités. Il y a des bénéficiaires d'aide sociale. Je me
dis que ces gens-là, ils sont payés parce qu'ils n'ont plus
d'emploi ou parce qu'ils disent qu'il n'y a plus d'emploi. Des fois, on n'a pas
souvent l'aide dont on a besoin pour développer les organismes, alors,
je me demandais pourquoi ces bénéficiaires d'aide sociale ne
seraient pas... Quand ils ont leur chèque d'aide sociale, pourquoi
est-ce qu'ils n'auraient pas une tâche de s'occuper d'un organisme, soit
artistique, culturel ou communautaire? Cela leur permettrait de
s'intégrer ou de trouver un emploi ou d'aider ou de soutenir, de mettre
la main à la pâte aussi pour pouvoir aider à
développer une meilleure qualité de vie. (21 h 30)
M. Boulerice: C'est intéressant, ce que vous dites,
puisque c'est actuellement l'objet d'une expérimentation, en France, par
la mission interministérielle Solidarité et intégration
sociale. Ça donne, d'ailleurs, certains résultats.
Mme Jean-Pierre: Toutes les formes, moi, je trouve ça...
Les gens disent: On touche du bien-être social, mais c'est nos taxes.
Alors, ils s'assoient et ils sont là, ils sont aptes à
travailler. Je dis: S'ils sont aptes à travailler, mais s'ils ne veulent
pas ou s'ils n'ont pas de travail, ils sont payés, mais qu'ils fassent
quelque chose d'important. Tous ces organismes qu'ils pourront mettre en place
pourront permettre à tout le monde d'avoir une meilleure qualité
de vie.
M. Boulerice: À la page 11, vous dites: "Les intervenants
artistiques ont besoin d'une structure de base physiquement accessible pour
promouvoir, recevoir ou élaborer des projets. " Est-ce que, dans cette
formulation des besoins fondamentaux que vous dites dans le domaine de la
culture et des arts, vous pensez à, je ne sais pas, moi, exemple,
galerie populaire, parce qu'il est souvent difficile pour des artistes d'avoir
accès à une galerie? Est-ce que vous pensez, dans le cas des
peintres, à cette formule qui commence à se développer,
des ateliers autogérés où ils ont un lieu de
création?
Mme Jean-Pierre: C'est plus que ça. Ça peut
être aussi les éléments. Ça peut être des
galeries, mais ça peut être aussi les organismes qui existent.
Ça peut être... Comme nous, à Boucher-ville, on n'a pas un
conseil de la peinture ou un conseil de la sculpture, mais ça existe
à Montréal. Avoir accès a ces informations qui existent.
Il y a beaucoup d'artistes-peintres ou de sculpteurs avec qui j'ai
travaillé à Boucherville. Des fois, ils ne savent pas que ces
conseils qui peuvent permettre d'avoir un meilleur accès existent.
Ça peut être d'autres... Tous les conseils qui existent pour
permettre aux gens de développer un art particulier ou une discipline.
Mais si... Le Conseil de la peinture qui est à Montréal, des
fois, il a besoin de membres aussi, il a besoin de se développer, mais
il n'a pas accès à toutes les régions. S'il pouvait
fournir son information un peu partout, ça permettrait d'avoir une
meilleure répartition des ressources qui existent.
M. Boulerice: D'accord. Ça n'est pas du tout la notion
d'équipement comme tel...
Mme Jean-Pierre: Oui.
M. Boulerice:... mais bien de ressources au niveau des
affinités professionnelles. C'est cela. D'accord. Mme Jean-Pierre, je
sens que M. le Président va...
Le Président (M. Doyon): Une autre fois, avec regret.
M. Boulerice:... faire tomber la guillotine comme telle. Alors,
je vais vous remercier...
Mme Jean-Pierre: Merci.
M. Boulerice:... de votre participation, également M.
Clermont. Je ne sais si vous êtes originaire du nord ou du sud, mais,
même si on vient du sud, on connaît le mot, on a senti que, pour
vous, l'art, c'est... Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Jean-Pierre, M.
Clermont. Un point d'information quand vous parlez de programmes, de gens qui
sont sur l'aide sociale et qui pourraient donner un coup de main. Il y a deux
programmes qui existent justement pour ça. Il y a le programme PAIE et
le programme EXTRA. Je dois vous dire que plusieurs de nos organismes,
d'ailleurs, se servent de ces programmes-là et c'est un peu dans le
même... c'est exactement dans le sens dont vous nous faisiez part. Alors,
ce...
Mme Jean-Pierre: Mais ça pourrait être plus
poussé vraiment.
Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement, par exemple.
Même, il pourrait y avoir une obligation, mais, là, tout
dépend, à savoir jusqu'où l'État veut aller dans la
liberté personnelle, etc.
Mme Jean-Pierre: Mais ça...
Mme Frulla-Hébert: Mais, effectivement, je pense que tout
le monde doit contribuer...
Mme Jean-Pierre: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...et ce serait une belle façon
de contribuer.
Mme Jean-Pierre: Oui, ils sont payés. Mme
Frulla-Hébert: Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la
commission, je vous remercie de votre contribution. Merci beaucoup.
M. Clermont: ...qui a fait la calligraphie était trop
pressé.
Le Président (M. Doyon): J'invite maintenant, en vous
laissant le temps de vous retirer, le Conseil régional de la culture
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais inc. à bien vouloir
s'avancer. Je suspends les travaux pour 30 secondes.
À l'ordre! Nous recevons les représentants du Conseil
régional de la culture du Sague-nay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais
inc. Je vois qu'ils sont installés en avant, je leur souhaite la
bienvenue. Ils sont avec nous depuis un certain temps. Je les invite à
nous faire part de leur réflexion sur la proposition de politique
cultuelle, quelle sorte de réflexion cela a suscité chez eux, en
leur rappelant que le temps qui restera, s'ils prennent plus de temps pour
faire la présentation, la présidence se verra dans l'obligation
d'abréger le débat. Si vous en prenez moins, il restera plus de
temps pour discuter avec les membres de la commission. C'est votre choix. Vous
avez la parole.
Conseil régional de la cuKure
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais inc.
M. Pilote (Bernard): On aime beaucoup la période de
questions, alors on va accélérer la présentation. M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, ce
mémoire régional sur le projet d'une politique sur les
arts...
Le Président (M. Doyon): Vous permettez que je vous
interrompe. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous identifier, vous
présenter pour les fins de la transcription de nos débats?
M. Pilote: Oui. Bernard Pilote, président du Conseil
régional de la culture, et M. Daniel Hébert, directeur
général.
Le Président (M. Doyon): Excusez-moi. Allez.
M. Pilote: Voilà. Notre document a reçu un
très large appui des milieux culturel, municipal et institutionnel du
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chi-bougamau-Chapais. En effet, le Conseil
régional de la culture a consulté plus de 250 leaders
reliés directement ou indirectement à la vie culturelle de notre
région. Notre document a reçu aussi un appui unanime des groupes
et des artistes présents à notre assemblée
générale spéciale du 5 octobre 1991 et des villes et
municipalités suivantes: La Baie, Laterrière, Jonquière,
Aima, Mistassini, Dolbeau, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est. Donc, ce
mémoire représente véritablement une opinion
régionale.
L'orientation du mémoire. Eh bien, dans ce mémoire, nous
nous sommes donc proposé de délimiter le contexte régional
qui prévalait au moment du dépôt du rapport Arpin. Dans une
deuxième temps, nous avons procédé à une analyse
des finalités et du mode d'application de la proposition de politique de
la culture et des arts en regard de notre perception du développement
culturel de notre région et dans tout le Québec. Finalement, cet
exercice nous a amenés à émettre nos propres
recommandations qui conduiront, nous le souhaitons vivement, à
l'élaboration d'un plan stratégique de développement des
arts et de la culture chez nous.
L'activité culturelle au Saguenay-Lac-Saint-Jean: vitalité
et spécificité. Un portrait résumé de
l'activité culturelle au Saguenay-Lac-Saint-Jean est nécessaire
pour en apprécier le dynamisme spécifique. Ce portrait permet
aussi de nuancer l'assertion voulant que le ministère des Affaires
culturelles, dans le cadre de ses programmes de subventions, fasse du
saupoudrage et que, par conséquent, il devrait se montrer plus
sélectif envers ses clients, sa clientèle.
Nous avons recensé chez nous 711 individus actifs au niveau de la
création, de la production et de la formation. 195 organismes de toutes
sor-
tes oeuvrent dans les différents secteurs et niveaux de
l'activité culturelle. De ce nombre, le ministère en subventionne
77, soit 40 % des organismes.
À l'aide d'autres études, nous avons également pu
constater que le soutien gouvernemental accordé aux organismes est
insuffisant pour assurer à ces derniers une stabilité et une
viabilité (constatation corroborée par le rapport Arpin). Cette
analyse sommaire nous permet donc d'affirmer qu'il n'y a pas saupoudrage, mais
plutôt un manque réel de volonté politique pour appuyer le
dynamisme des professionnels de la culture et leurs organismes qui oeuvrent
dans les régions du Québec.
Le développement du domaine des arts et de la culture. En
pratique, le développement de la culture repose sur ce que le rapport
Arpin nomme très prosaïquement sa matière première,
c'est-à-dire l'énergie créative et productive de l'humain,
de l'artiste créateur à l'interprète, en passant ensuite
par le scénographe, le technicien, le formateur, le gestionnaire, le
producteur, etc. En un mot: les professionnels de la culture.
Si les conditions dans lesquelles s'exprime cette énergie humaine
sont loin d'être idéales, c'est fondamentalement dû au fait
que trop peu d'organismes culturels profitent d'un niveau décent de
viabilité.
Les organismes servent à établir le contact entre
l'artiste et le consommateur, permettant la circulation entre ces deux
pôles de l'énergie créative et productive ainsi que des
ressources nécessaires pour en maintenir la transmission. Si les
transmetteurs sont en mauvaise état, c'est toute l'efficacité de
ce circuit qui est compromise.
La priorité du soutien à la culture: les ressources
humaines. Dans le rapport Arpin, on explique le sous-financement chronique par
le trop grand nombre d'organismes ainsi que par le manque de ressources que
leur consacre le gouvernement. Ces facteurs combinés mèneraient
au saupoudrage de l'aide gouvernementale. S'il est essentiel de demander au
gouvernement d'accroître l'aide globale qu'il accorde aux organismes, il
est tout aussi nécessaire de souligner la part importante de son soutien
financier qui échoit aux grandes institutions afin de nuancer
l'assertion voulant qu'il y ait trop d'organismes au Québec.
Les grandes institutions absorbent systématiquement la croissance
globale du budget de transfert du ministère des Affaires culturelles.
Elles ont accru leur part de ce budget de presque 10 % entre 1985 et 1990,
passant de 33 % à 42 % de l'enveloppe disponible. De plus, elles
accaparent, par le biais des sociétés d'État, 75 % du
service de la dette du MAC, soit les sommes consacrées aux
équipements. Cette donnée renforce encore le pourcentage
réel du soutien financier gouvernement qui échoit aux grandes
institutions.
Accès à la vie culturelle. Le groupe Arpin propose
rétablissement sur l'ensemble du territoire québécois d'un
réseau d'équipements culturels s'appuyant sur trois pôles:
Montréal (la métropole), Québec (la capitale) et le reste
des régions.
La nécessité de doter le Québec d'un réseau
culturel complet et démocratique, donc bien équilibré, est
une évidence, mais découvrir en Montréal, Québec et
le reste des régions trois pôles de cet éventuel
réseau culturel relève d'une capacité peu commune de faire
abstraction de la réalité. Le pôle des régions,
c'est une vue de l'esprit contraire aux lois universelles.
Notre région a son identité propre, tel que nous l'avons
démontré plus tôt, et il est géogra-phiquement
impossible de former un pôle avec nos voisins de l'Abitibi, même
si, un jour, elle le désirait.
Nous croyons, à l'inverse de toute volonté de
polarisation, qu'un réseau culturel devrait mettre en valeur la
diversité et les richesses que représente la
spécificité d'une culture comme la nôtre, ou celles des
autres régions, et surtout la rendre accessible ailleurs. La production
régionale doit profiter partout au Québec des mêmes
conditions de diffusion que celles dont jouit la production des grands
centres.
Cette approche est beaucoup plus près de l'idéal
démocratique, elle contribue plus efficacement à promouvoir la
liberté de création et d'expression artistique. Il faut
créer un réseau interrégional adapté en fonction
d'un produit culturel spécifique, un peu à l'instar des maisons
de la culture à Montréal. Il faudrait, d'ailleurs, examiner la
possibilité d'arrimer ces maisons de la culture au réseau
interrégional.
La problématique des régions, maintenant. La question de
l'accessibilité à la culture et de la création d'un
véritable réseau culturel sur l'ensemble du territoire
québécois est indissociable de la problématique du
développement des régions en regard du mode de financement
pratiqué par le ministère des Affaires culturelles. Le
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui représente 4,4 % de la population
québécoise n'a reçu, en 1989-1990, que 1,8 % du budget de
transfert du MAC, ce qui a représenté un manque à gagner
de 4 140 000 $, pour la région. Toutes les régions dites
périphériques sont victimes de cette inadéquation entre
leur poids démographique et les sommes allouées par le
ministère, inadéquation qu'on ne peut justifier par une
activité culturelle moins intense. (21 h 45)
Ce sous-financement des régions situées en
périphérie des grands centres est encore aggravé par les
coûts plus élevés au niveau de la production, de la
diffusion et de la consommation du produit culturel qu'entraînent
l'éloignement des marchés et la faible concentration urbaine.
La gestion de la mission culturelle. Quand on pense à la gestion
de la mission culturelle, il
faut d'abord considérer les programmes du ministère des
Affaires culturelles. On a relevé, à la section
précédente, l'inadéquation importante entre le poids
démographique des régions et ce qu'elles reçoivent en
pourcentage de l'aide du MAC. Il faut qu'en vertu des principes
élémentaires de démocratie le ministère des
Affaires culturelles répartisse plus équitablement ses budgets
sur l'ensemble du territoire en adoptant une méthode de calcul,
basée à la fois sur le prorata des populations, la superficie du
territoire et ta dynamique culturelle spécifique à chacune des
régions. S'il veut promouvoir et développer efficacement la
culture partout sur son territoire, le gouvernement du Québec doit
distribuer ses ressources financières selon un mode de
répartition objectif qui soit le moins possible vulnérable aux
vents changeants de la politique.
Accroissement du soutien municipal à la culture. Alors, s'il est
nécessaire, tel que le souligne le rapport Arpin, d'accroître la
participation des municipalités dans le financement de la culture, cela
doit se faire strictement sur une base volontaire et incitatrice, de
façon à éviter que des antagonismes latents, issus de la
réforme Ryan, ne se règlent sur le dos de la culture. Depuis 10
ans, une saine et fructueuse collaboration s'est établie dans la
région entre le milieu culturel et les municipalités qui
s'impliquent de plus en plus. Le ministère doit tenir compte du contexte
explosif né de la loi 145 et éviter que le courroux municipal ne
s'abatte sur le monde de la culture. Il faut que les municipalités se
dotent d'une politique culturelle. Idéalement, dans l'esprit de
l'accroissement de leur implication, les municipalités devraient toutes
se doter d'une politique culturelle. Cependant, il faut réaliser que la
tendance à vouloir centraliser la culture, facilement observable dans le
rapport Arpin, n'est pas du tout propice à convaincre les
municipalités. N'auront-elles pas l'impression de ramasser les ruines
laissées par le gouvernement lors de sa retraite vers les grands
centres? Pour que ces politiques culturelles municipales servent efficacement
le développement, il faudra qu'elles soient élaborées en
fonction d'une stragégie régionale, elle-même
cohérente avec les objectifs d'une politique nationale respectueuse des
réalités des régions.
Dans le secteur privé, il est nécessaire que le
gouvernement endosse résolument son rôle d'investisseur social
capable d'aménager le terrain du développement culturel et de
rendre alléchantes les perspectives de commandite culturelle pour le
privé. Il doit, pour ce faire, assurer un vaste choix d'organismes
stables et viables de façon à ce que le commanditaire potentiel
puisse en choisir un qui réponde le mieux possible à ses
objectifs de commandite et avoir l'opportunité d'investir dans le
développement ou la quête de l'excellence.
Le ministère des Affaires culturelles doit réinstaurer au
plus tôt le fonds d'appui au financement privé qui a eu des
résultats formidables dans notre région: en 1987-1988, plus de
800 000 $ ont été injectés dans notre développement
culturel cette seule année. Finalement, on se doit de stimuler
l'implication des PME dans le soutien à la culture en leur fournissant
une gamme d'incitatifs fiscaux bien adaptés et savamment
dosés.
En conclusion, nous pensons que le partenariat se doit d'être au
coeur de la politique de la culture et des arts. Nous distinguons, d'une part,
le partenariat interne de l'État, c'est-à-dire l'association des
divers ministères du gouvernement interpellés dans le cadre du
développement de notre culture québécoise et, d'autre
part, le partenariat externe comprenant les gouvernements locaux, les
organismes scolaires, le milieu culturel, les entreprises privées.
Le succès du partenariat externe sera atteint si nous nous
assurons que les partenaires y trouvent leur compte, que le ministère
des Affaires culturelles adopte l'attitude d'aménager un terrain propice
à développer le partenariat, qu'une philosophie de gestion
culturelle sous-tend la politique culturelle axée sur le
partenariat.
Il ne faudra pas négliger l'importance fondamentale des milieux
de vie réels et immédiats. Il faut se rappeler - et cela, un
citoyen, quel qu'il soit, le sait bien - que la vie des familles, des groupes,
des collectivités s'élabore d'abord sur un territoire, dans un
environnement délimité et spécifique. Cette
réalité est, en tout premier lieu, locale ou régionale.
C'est à partir de ces niveaux que se construisent les autres
échelons qui renvoient souvent à des infrastructures
administratives et politiques. Dans beaucoup d'esprits, malheureusement,
l'appellation "régional" indique un niveau inférieur par rapport
à d'autres vocables tels "national" et "international". Dans
l'échelle des "al", le local est l'échelon du bas, le
régional vient ensuite; le national et l'international, troisième
et quatrième échelons de cette hiérarchie, identifient
pour plusieurs des niveaux plus nobles, plus importants, plus universels, ceux
vers lesquels l'excellence doit tendre. Cette échelle de valeurs qui se
cache souvent sournoisement dans notre esprit porte, je pense, atteinte
à la réalité. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Pilote. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. Pilote. Bonsoir,
M. Hébert. C'est toujours un plaisir de discuter ensemble. Je pense que
je vais vous poser deux ou trois questions sur le régionalisme. On en a
beaucoup parlé ensemble et je vais me faire l'avocat; je vais faire,
comme mon amie Denise, une espèce de contre-discours.
Vous dites: On devrait distribuer au prorata de la population et tout
ça. À ce moment-là, si on calcule que la grande
région de Montréal, la grande région, peut aller
jusqu'à entre 58 % et
62 % de la population, tout dépend de où... Mettons 58 %.
Habituellement, on travaille un peu avec ça. Ensuite, il y a
Québec qui est à peu près 11 %; ça, c'est
Québec. Le Grand Québec peut aller jusqu'à 13 % ou 14 %.
Évidemment, chez vous... Qu'est-ce qui arrive si on fait ça? Si
on procède de cette façon-là, qu'est-ce qui arrive avec
des régions qui sont éloignées, où il y a un
très faible bassin de population difficile à rejoindre? Je pense
aux régions plus au nord, je pense à la Gaspésie où
il y a un bassin difficile à rejoindre. Si on fonctionne comme ça
versus fonctionner au niveau des besoins, au niveau des... Finalement,
c'est-à-dire qu'au lieu d'y aller au prorata de la population, y aller
selon le développement culturel dont le Québec a besoin. Vous ne
trouvez pas que ça fait un peu plus de sens? Parce que je trouve
ça dangereux.
M. Pilote: On n'est pas contre les grandes institutions,
évidemment. C'est nécessaire. Si on veut atteindre l'excellence
quelque part, je pense qu'il est absolument nécessaire d'avoir de
grandes institutions, musées, écoles de danse, etc. Mais on pense
qu'elles ont eu leur chance depuis... disons, depuis la dernière
décennie. Il y a eu pas mal d'argent d'investi dans les grandes
institutions et, évidemment, les grandes institutions se situent dans
les grands centres. Nous, ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir participer,
continuer à participer à la vie du Québec. On s est sentis
un petit peu négligés et c'est pour ça qu'on sort des
chiffres comme ça. Je veux dire, vous êtes au...
Mme Frulla-Hébert: Fort intéressants, d'ailleurs,
parce que, évidemment, ça nous permet aussi d'alimenter... puis,
deuxièmement, il faut garder... On a eu tellement une grosse discussion
au niveau des régions qu'il faut... C'est de cette
façon-là aussi qu'on peut regarder la réalité et
voir ce qu'il y a à faire.
M. Pilote: C'est que, nous, dans les régions,
malheureusement, les grandes institutions n'y sont pas. Même
malgré le souhait que vous faites et que vous demandez aux grandes
institutions, aux musées de participer à la vie de l'ensemble du
Québec, soit en prêtant des collections, etc., ça demeure
juste au niveau de la parole. Alors, je ne pense pas que les institutions
nationales se décentralisent vers les régions. Nous, on se sent
un peu délaissés et c'est pour ça qu'on revendique pour
l'ensemble de nos régions.
La logique. Quelqu'un qui veut vivre, c'est toujours logique. Ses
demandes sont toujours logiques, dit-on. Daniel, tu voulais ajouter...
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on peut s'entendre - juste
une chose et je vous laisse continuer là-dessus - quand on parle de 16
régions distinctes et interactives, une métropole et une
capitale... je pense qu'on ne peut pas, comme société, se nier
ça, il me semble.
M. Hébert (Daniel): Oui, on peut s'entendre
là-dessus, je pense, le fait qu'il y ait des régions distinctes
et distinctives, particulières, spécifiques, dynamiques,
différentes qui ont chacune des forces, des faiblesses. Ça, on
peut s'entendre très bien, mais on ne peut pas s'entendre comme quoi les
régions forment un tout monolithique.
Mme Frulla-Hébert: Je suis d'accord.
M. Hébert: II faut s'entendre d'abord que, les
régions, elles ont une géographie, elles ont une
spécificité, elles ont nécessairement une culture. En ce
qui regarde leur poids démographique et leur poids de financement, dans
la documentation qu'on peut retrouver au ministère ou dans la
documentation qui nous a été fournie ou qu'on a pu aller chercher
du rapport Samson-Bélair, entre autres, en aucun moment, les
régions, qu'elles soient situées n'importe où au
Québec, même celles qui sont situées dans des
extrêmes, soit la Côte-Nord, ou la Gaspésie, ne
reçoivent au-delà de ce que leur identifie le prorata de la
population. Autrement dit, il n'y a pas une région qui a un pourcentage
de population, par exemple, de 2,5 % qui recevrait 2,9 % ou 3 %. Ça
n'existe pas actuellement. Donc, il y a, pour nous, ce qu'on appelle un
rattrapage à faire sur une base démocratique, sur une base de
population.
Deuxième élément fort important, sur une base de
territoire. On ne peut pas penser que la Gaspésie et le
Saguenay-Lac-Saint-Jean sont sur une base de territoire semblable. Il y a 300
milles qui séparent Rimouski de Gaspé et ils ont une multitude de
municipalités de dimension petite. Chez nous, c'est plusieurs villes qui
vont de La Baie jusque... Il y en a 11 qui ont des populations d'au-delà
de 10 000 habitants, dont jusqu'à 60 000, et des régions, ce
qu'on appelle une conurbation, comme à Chicoutimi, Jonquière et
La Baie, qui ont une population de 180 000 habitants. Alors, c'est deux mondes
complètement différents. Il faut tenir compte de ça. C'est
ce qu'on dit. Et on dit là-dessus que le ministère doit se
pencher sur cet aspect-là pour trouver des éléments
objectifs qui vont l'amener à asseoir une politique qui va respecter la
réalité. Dans le fond, on recherche ça. Nous, notre
élément principal quand on amène notre
problématique de base, c'est que les artistes en région, c'est
que les gens qui oeuvrent en région, les professionnels de la culture,
ils ne vivent pas. C'est non viable. Alors, on se dit: II faut
nécessairement qu'on les rende sur une base viable. Si on veut avoir une
entreprise qui fonctionne, il faut que les gens qui sont dedans puissent y
travailler, puissent y gagner leur pain. Ensuite, l'entreprise va
développer, ensuite l'entreprise va s'internationaliser. Mais si on n'a
pas le minimum, si on n'a pas les éléments de base, on ne
peut pas avancer. On est pris dans des ghettos.
Mme Frulla-Hébert: M. Hébert, vous vous basez
beaucoup sur l'humain, en fait - vous le dites, d'ailleurs, dans votre
mémoire - tout le travail de la création ainsi que les artisans
de la culture, donc s'assurer qu'eux puissent personnellement vivre,
finalement, à un niveau décent, en toute respectabilité,
de telle sorte que le reste s'ensuit.
Quand vous dites "nos artistes ne peuvent pas en région", je peux
vous assurer, que ce soit même dans les grandes villes, autre contexte,
les artistes aussi viennent nous voir en disant: On a un peu de
difficulté. 75 %, d'ailleurs, des artistes ont un salaire en bas de 25
000 $. Alors, je pense que c'est une situation générale, je ne
pense pas que ce soit particulier aux régions. Parce que vous dites
qu'en région... Est-ce que vous trouvez que c'est particulier aux
régions? C'est sûr qu'à Montréal il y a des
opportunités, mais il y a plus de gens qui sont à la file pour
ces opportunités-là.
M. Pilote: En fait, la problématique, elle est
québécoise.
Mme Frulla-Hébert: Je pense que oui.
M. Pilote: C'est un leurre pour un artiste que de dire: Je vais
aller vivre à Montréal. Ça se produit, nos régions
se vident de créateurs. Après un mois, six mois, un an qu'ils
sont rendus à Montréal, ils s'aperçoivent que ce n'est pas
plus facile, c'est même plus difficile. Alors, pourquoi ne pas essayer de
les garder dans nos régions...
Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça, je m'en
venais...
M. Pilote:... de s'organiser pour avoir des milieux forts dans
nos régions et diffuser des productions de ces artistes-là? En
tout cas, c'est ce qu'on prône, nous, un réseau de
distribution...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Pilote:... de circulation d'expositions, de pièces de
théâtre, de concerts qui pourraient circuler dans les
régions du Québec, et même Québec et
Montréal.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Pilote, M. Hébert, heureux de vous
revoir en cette commission. Écoutez, je vous dis tout de suite, sept
questions pour vous, donc je vais vous les envoyer d'une "drive", comme on dit
dans le vocabulaire du baseball, en vous disant tout de suite que mon
collègue, le député de Lac-Saint-Jean, mon ami Brassard,
est vraiment désolé de ne pas être ici ce soir, il y a une
réunion de dernière minute qui a été
convoquée, mais je pense que vous le comprenez, notre ami Brassard a une
grande ambition, c'est que les Québécois s'identifient plus au
lac Saint-Jean qu'au lac Meech. Tantôt, on a parlé de
répartition. Est-ce que vous avez évalué ces
correctifs-là dans votre cas? (22 heures)
M. Hébert: Bien, nous, curieusement, effectivement, on a
fait un exercice. Ce n'est pas d'une rigueur scientifique à toute
épreuve, mais c'est quand même basé sur des études
qu'on a faites déjà, en 1987, au niveau des revenus des
organismes culturels. Ça correspond à peu près à ce
qu'on prévoyait comme taux possible qu'il faudrait corriger sur la base
de la population. On a évalué à peu près, nous,
à entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $ les besoins qu'on aurait pour rendre
un nombre très vaste d'organismes chez nous viables, qui peuvent penser
avoir les moyens financiers qui vont leur permettre d'être maintenant des
leviers. Vous savez, c'est comme partout ailleurs, dans n'importe quelle
entreprise, qu'on prenne une PME, qu'on prenne une entreprise artistique, si tu
n'as pas les moyens de base viables pour faire vivre ta production, tu ne peux
pas aller loin. C'est évident. Alors, ça prend un minimum de
moyens financiers pour avoir des leviers. Et nous, on a évalué,
et ça arrive curieusement, on a fait quand même un exercice
interne, à à peu près entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $.
C'est ce qui correspond à un réajustement qu'il faudrait avoir
par rapport au prorata de notre population et au prorata de notre
territoire.
M. Boulerice: Une chose qui m'a étonné, enfin, qui
ne m'a pas étonné mais que j'ai été heureux de
retrouver, vous parlez beaucoup de ressources humaines. Comment situez-vous
ça à l'intérieur de vos priorités?
M. Pilote: C'est la priorité numéro un. Alors, on
pense que des grandes bâtisses, des équipements sans la ressource
humaine, sans le coeur qui est la ressource humaine, on ne voit pas ça
nécessaire. Alors, on s'est donné comme priorité
numéro un de sauver ou de sauvegarder la ressource humaine dans les 10
prochaines années. Arrrêter de perdre au profit d'autres villes
notre ressource humaine.
M. Boulerice: On a parlé de sous. Dans votre
mémoire, vous avez parlé du fonds d'appui du MAC. 1987, 1988,
vous recommandez, vous, qu'il soit réinstauré et vous dites
même qu'il doit être élargi. Je ne sais pas, moi, dans une
région comme la vôtre, les répercussions d'un programme
comme celui-là, ça fait quoi. Deuxièmement, est-ce qu'il
était populaire auprès des entreprises
privées? Je pense que c'est une question importante à
poser aussi.
M. Pilote: Si tu me permets. Il y a eu, lors de la mise sur pied
de ce programme-là, une étude de faite par la conférence
des CRC et, nous, on a évalué que c'était probablement un
des programmes les plus utilisés et les plus adéquats pour
l'ensemble des régions du Québec, pas seulement pour notre
région. Nous, on l'a souligné tout à l'heure, ça a
donné des retombées directes et indirectes d'environ 800 000 $
d'argent nouveau qui a été injecté, c'est-à-dire le
privé qui investit et le ministère qui vient en fonds d'appui.
800 000 $, ça génère pas mal d'activité dans une
région comme la nôtre. Nous, l'entreprise privée avec qui
on fait affaire très souvent, la grande entreprise chez nous, a
trouvé très dommage, en tout cas, que ce fonds d'appui ne
revienne pas. Parce que ça permettait justement aux régions de
montrer leur dynamisme. Une région où il y a peu de
développement culturel, le privé s'associe peu, alors que la
région qui a à coeur de se développer sur le plan
culturel, eh bien, l'entreprise privée s'associe et le ministère
vient ajouter. Donc, ça fait boule de neige. Si tu veux ajouter...
M. Hébert: Quand on disait qu'il fallait qu'il soit
élargi, d'après nous, c'est un programme qu'il faudrait vraiment
examiner pour que les municipalités et les partenaires identifiés
dans le document du groupe-conseil, c'est-à-dire les
municipalités, entre autres, et les commissions scolaires...
D'après nous, on devrait sérieusement examiner ces deux
partenaires si jamais on revenait à la charge avec un tel programme qui
est très efficace, très pertinent, très percutant au
niveau d'une région, performant, et il y a beaucoup de
municipalités. Quand on a fait notre consultation dans la région,
comme on vous l'a dit tout à l'heure, on a réuni tous les
services de loisir, les directeurs de loisir et les agents culturels, toutes
les municipalités qui ont un service de loisir dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Alors, on était à peu près une
trentaine autour de la table et tous nous ont mentionné qu'un fonds
d'appui auquel les municipalités seraient invitées à
participer... on trouverait ça extrêmement intéressant.
Pour eux autres, ça serait vendable à leurs élus
politiques parce que ça amène de l'eau au moulin, ça
amène de l'énergie et on peut cadrer ce programme-là
à travers les autres programmes. Alors, pour eux, il n'y avait aucune
difficulté d'intégrer un pareil programme.
Tout à l'heure, on en jasait encore, puis, bien entendu, on
génère à mesure qu'on parle dans cette dimension-là
d'une politique. Le milieu scolaire serait aussi, je pense,
intéressé, le milieu des commissions scolaires serait
intéressé à un tel programme si éventuellement...
Puis ils ont de la difficulté à s'intéresser, ça
serait un moyen de les intéresser efficacement.
M. Boulerice: Vous connaissez ma position face aux conseils
régionaux de la culture, ça fait sept ans que je le dis, et je
vous préviens que je n'ai pas l'intention de changer d'idée.
C'est peut-être un heureux entêtement pour certains, ça en
agace peut-être d'autres, mais peu importe.
Vous avez subi cette espèce d'enquête, mais enfin,
appelons-le rapport Bernier. Est-ce que-Premièrement, vous avez pris
connaissance des recommandations, j'en suis persuadé. Est-ce que vous
pensez qu'il est favorable aux conseils de la culture dans son
interprétation, enfin, selon votre interprétation?
M. Pilote: Puisque vous en parlez, nous, on a été
profondément blessés. Les premières informations qu'on a
eues sur le rapport Bernier, ce n'était pas le document officiel, mais
il y a des choses qui ont été dites rapidement sur les conseils
régionaux de la culture. On nous a classés comme des organismes
de pression. Je pense que c'est ne pas connaître c'est quoi, un conseil
régional de la culture, que de déclarer ça ou de laisser
sous-entendre ça.
Il faut voir tout le travail qui se fait dans les régions,
particulièrement dans notre région. À l'occasion, on peut
être un groupe de pression parce que, quand on représente des
individus, ils nous poussent dans le dos, eux aussi, pour qu'on aille
interpeller la direction régionale, pour qu'on vienne interpeller
à Québec les directions dans les différents programmes.
Mais ce n'est pas ça. Ce ne sont pas des organismes de pression, ce sont
des organismes qui veulent la survie des gens des régions. Alors, je
pense que... En tout cas, sur cette partie-là, on a été un
petit peu déçus. Par contre, ce qui est ressorti, c'est qu'il y a
un souhait que les conseils régionaux de la culture demeurent. Mme la
ministre, tout à l'heure, soulignait aux intervenants
précédents qu'il y a probablement des collaborations qui
pourraient s'établir avec les conseils régionaux de la culture
dans leurs secteurs, etc.
Alors, je pense que c'est à ça qu'il faut s'attabler,
essayer de voir comment les conseils régionaux de la culture peuvent
travailler, peuvent concerter dans le milieu. Je pense que c'est du
passé, ça, l'idée de tenter de faire disparaître les
conseils régionaux de la culture. On l'a déjà dit, ils
disparaîtraient et, un mois après, il y aurait d'autres organismes
qui prendraient naissance et qui viendraient revendiquer au nom des
régions. Alors, aussi bien de - comment on dit ça? - faire bon
gré contre mauvaise fortune, et continuer à travailler en
collaboration avec les CRC qui existent actuellement.
M. Boulerice: Bon, justement...
M. Hébert: Et comment... Moi, j'aimerais aussi... en tout
cas, tandis qu'on en parle... En
tout cas, pour notre région, on a développé...
Quand on a vu le rapport Bemier... En tout cas, pour du monde qui a
travaillé depuis plusieurs années à développer chez
nous des activités culturelles... Entre autres, on prend la Biennale du
dessin, de l'estampe et du papier, un événement majeur, la
Semaine mondiale de la marionnette, un autre événement majeur. Ce
sont tous des dossiers qui sont partis en collaboration avec le CRC et puis le
milieu culturel. Ce sont tous des dossiers... Quand on a parti
Art-Gestion-Conseil, dans la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, ça a
été tout un ouvrage de partir ça. Nous, ce qui nous
préoccupe le plus, c'est que dans les instances, dans la sphère
des instances décisionnelles du ministère des Affaires
culturelles, près de la ministre, on a l'impression que les efforts, les
innovations qu'on a faites ne sont pas bien rendues.
Écoutez, l'an passé, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur un
budget qui nous est donné par le ministère des Affaires
culturelles de 136 000 $...
M. Pilote: Pas tout le Saguenay-Lac-Saint-Jean là, le
Conseil régional de la culture.
M. Hébert: Le Conseil régional de la culture, on a
doublé le budget. On a doublé le budget. Savez-vous quel effort
ça peut prendre pour un conseil de la culture qui n'est pas une
implantation comme un CRD ou un CRL, avant d'arriver à faire ça,
et arriver à faire vivre des emplois permanents et arriver à
développer des services? Ça demande des efforts
considérables. Ça demande aussi des analyses des
préoccupations. On n'a pas fait ça pour nous autres, on a fait
ça pour le milieu, dans le sens qu'il y avait des besoins de gestion.
Quand un organisme culturel vient te voir, puis, à un moment
donné, il dit: J'ai besoin, j'ai des problèmes de gestion;
qu'est-ce que tu fais? Tu y vas. Alors, tu sélectionnes qui pour aller
le voir? Et là, à un moment donné, tu en aides un, tu en
aides deux, tu en aides trois. Ce n'est pas comme ça, je pense, qu'il
faut planifier le développement culturel, il faut avoir une vision plus
large. Alors, nous, on a développé des services, puis dans ce
sens-là, quand on se rend compte que le ministère, les instances
supérieures du ministère ne sont pas au courant de ça,
bien, le rapport Bernier qui ne parle pas de ça, on se dit: II y a un
problème de communication quelque part; ils n'ont pas vu notre
expertise, ils n'ont pas pris connaissance de; à quelle place ont-ils
pris leur information? Alors, nous, on se dit: C'est très important
qu'on établisse des moyens de communication et qu'on essaie aussi de
voir comment des régions ou certaines régions ont pu
développer des expertises. Nous, c'est dans certains domaines; dans
d'autres régions, c'est dans d'autres domaines.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, deux mots de remer- ciement.
M. Boulerice: Bien, deux mots de remerciement, c'est dommage,
parce que vous avez parlé de gestion et... bon, quand même,
ça fait au moins six ans, sept ans qu'on se connaît. Je sais qu'en
gestion vous avez fait des choses. C'est, au niveau de grille d'analyse,
quelque chose qui vous a toujours énormément
préoccupés. J'aurais aimé ça vous entendre
là-dessus, surtout face aux attentes que vous avez face au
ministère à cet égard-là, mais enfin, en nous
remerciant, vous pourrez peut-être répondre. Ha, ha, nai Comme
ça, on a réglé...
M. Pilote: Ne vous en faites pas, on est au tout début de
nos discussions. On commence à établir une politique du
développement culturel au Québec, alors on va sûrement
avoir l'occasion de se revoir sur certaines questions.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: C'est comme je vous le disais, c'est
toujours une... Je le répète, c'est un plaisir de vous recevoir,
d'autant plus que votre mémoire est impressionnant parce que,
effectivement, vous avez fait un travail énorme de regroupement. Je
pense qu'au niveau des CRC, c'est beaucoup plus l'inégalité d'un
CRC. Il y a des organismes, même des villes qui nous ont dit: On n'a pas
besoin de ça. Il y en a d'autres qui ne peuvent pas vivre sans. Donc,
c'est beaucoup plus d'aplanir justement les inégalités et de
revoir à travers les nouvelles structures ce qu'on veut faire pour tout
ça, le rôle, beaucoup plus de dire: Bon, ça n'a pas sa
raison d'être. Au contraire, ça, c'est une chose.
Deuxièmement, le mot de la fin, c'est que la région a
réussi à fournir et à donner à Montréal -
pour vous dire comment c'est important, la création en région
-énormément d'artistes, de commentateurs - je pense à
l'émission "Le royaume des bleuets" -qui nous l'ont prouvé.
Alors, ce n'est certainement pas pour demain, l'abolition des régions,
c'est-à-dire un groupe monolithique, les régions plus
Montréal et Québec. Merci.
M. Boulerice: ...bleuet, vous avez droit à une tarte!
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission de la
culture, il me reste à vous remercier d'avoir bien voulu participer
à nos réflexions et à la discussion. J'ajourne les travaux
jusqu'à 9 h 30 demain matin. Merci beaucoup et bon retour.
(Fin de la séance à 22 h 13)