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(Neuf heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
continue son travail et poursuit l'exécution du mandat qui lui a
été confié par l'Assemblée nationale. Il s'agit
pour nous de procéder à une consultation générale
attenant à des auditions publiques sur la proposition d'une politique
des arts et de la culture, telle que présentée à
l'Assemblée nationale au mois de juin l'an dernier. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des députés qui ont
demandé à être remplacés?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour
a été affiché à la porte de la salle; donc, on me
dispensera d'en faire lecture. Sans plus de délai, j'invite
l'Association des créateurs et des intervenants de la bande
dessinée, représentée par M. Jean Lacombe, à bien
vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Alors, M. Lacombe, bonjour.
Association des créateurs et des intervenants
de la bande dessinée
M. Lacombe (Jean): Bonjour M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Vous avez 10-15 minutes pour nous
entretenir. Après ça, les membres de la commission vont vouloir
discuter avec vous pour quelques minutes aussi. Alors, soit que vous nous
fassiez la lecture du mémoire que vous nous avez déjà
envoyé, mais vous savez sans doute que les membres ont eu l'occasion
d'en prendre connaissance, ou vous pouvez aussi, tout simplement, à
bâtons rompus comme ça, nous faire part de vos réflexions.
Vous avez la parole, M. Lacombe.
M. Lacombe: Merci, M. le Président. C'est avec un grand
plaisir que nous avons accepté de venir présenter, de vive voix,
notre contribution. Si c'est vrai que le temps est venu de considérer la
culture comme une mission essentielle de l'État, ça nous fait
d'autant plus plaisir. Ça serait un petit peu long de lire de bout en
bout le mémoire. J'ai préparé un petit texte, je vais
essayer de vous faire ça comme un grand.
L'Association des créateurs et des intervenants de la bande
dessinée - son nom le dit assez bien - ça regroupe des
créateurs, donc des dessinateurs, des scénaristes et aussi des
intervenants, soit des éditeurs, des libraires, des journalistes et
même des critiques, tous du monde réuni autour d'une même
idée: la promotion de la bande dessinée québécoise.
L'ACIBD est donc un organisme sans but lucratif dont le but est d'encourager la
réalisation, l'édition, la diffusion et la promotion de la bande
dessinée québécoise. Sa mission est de coordonner les
interventions de ses membres auprès des différentes instances
privées et publiques, de manière à favoriser le
développement de la bande dessinée d'ici.
Pour en venir au mémoire donc, en 1985, lors de sa fondation, un
des premiers gestes posés par notre Association, ça a
été de rédiger le mémoire sur la situation de la
bande dessinée au Québec. Et à l'automne de cette
année, dans la foulée du rapport Arpin, nous avons
procédé à la mise à jour de ce
mémoire-là. C'est bien simple, il contient 19 recommandations qui
sont autant de balises pour que la culture, pour que la bande dessinée
d'ici, c'est-à-dire, prenne toute sa place dans le
réaménagement de la politique sur la culture et qu'elle continue
à participer et participe encore plus activement au développement
de notre culture.
Ces recommandations prennent pour point de départ la
reconnaissance de la bande dessinée, en tant que mode d'expression
artistique à part entière, et qui participe étroitement de
la spécificité culturelle du Québec, d'où l'urgence
du soutien de l'État. Ce soutien devra se concrétiser par la
création d'un secteur BD, spécifiquement distinct des autres,
avec une enveloppe budgétaire, disposant de modes de fonctionnement
autonomes et des jurés spécifiques. C'est la recommandation no 2
que je vous lis à peu près textuellement, quand je vous dis
ça. Si vous voulez, c'est un peu la charnière, le fondement. Ici,
on est au coeur de ce dont il est question.
Il nous apparaît capital que le gouvernement reconnaisse
l'importance de l'ensemble des activités reliées à la
bande dessinée, au même titre qu'il le fait pour, par exemple, la
littérature, le cinéma, le théâtre, etc., tous des
domaines qui bénéficient de programmes variés et vraiment
complémentaires, les uns par rapport aux autres. On parle ici de bourses
de création, de bourses de perfectionnement, d'aide à
l'édition, de programmes de tournée et d'aide à la
promotion et à la mise en marché. On sait que cette
aide-là existe déjà, mais une nouvelle politique
culturelle devra apporter ce coup de pouce de plus, cette véritable
reconnaissance institutionnelle pleine et entière pour la bande
dessinée. C'est ça qui nous fait dire que le gouvernement doit
reconnaître l'importance artistique et culturelle de la bande
dessinée - je l'ai dit, donc, je le répète - en
créant un program-
me, en créant un secteur BD, parfaitement distinct. Justement,
cette simple reconnaissance, étant donné une nouvelle politique
sur la culture, devra se donner des moyens d'intervention au plus près
du terrain, c'est-à-dire favoriser directement la création. Mais
aussi, une nouvelle politique culturelle devra intervenir au niveau de
l'édition et de la mise en marché.
Rappelons qu'il y a trois supports éditoriaux névralgiques
pour la bande dessinée québécoise; ce sont les
périodiques, les albums et aussi les quotidiens. Je voudrais juste
élaborer, tout de suite, sur le support journalistique,
c'est-à-dire les journaux, les quotidiens. Ensuite, si j'ai un petit peu
de temps, je reviendrai sur le support périodiques et albums.
Pour ce qui est du support journalistique, une nouvelle politique
culturelle devra se donner des moyens d'intervention adaptés. En somme,
ici, on est devant une occasion parfaite d'impliquer les groupes de presse, de
les amener à embarquer dans le jeu, et ça, d'une façon
facile, bien pratique et efficace. Les groupes de presse, rappelons-le,
diffusent à peu près exclusivement de la bande dessinée
américaine et européenne. Au départ, il apparaît
exclu que le gouvernement puisse imposer des quotas. Néanmoins, nous
croyons qu'il est possible de soutenir concrètement le marché des
"strips", des bandes quotidiennes québécoises. Les groupes de
presse qui s'engageraient à diffuser des "strips"
québécois ou canadiens pourraient se voir accorder diverses
formes d'exemption fiscale, par exemple des réductions d'impôt, et
puis le gouvernement aussi, conjointement avec les éditeurs de journaux
intéressés, pourrait assumer une partie des frais encourus pour
la fabrication et la diffusion de "strips" québécois.
Ces programmes d'aide combinés pourraient être pris en
charge à travers certains programmes de subvention qui existent
déjà. À la recommandation no 7, on le formule à peu
près comme je viens de vous le dire: Que le gouvernement explore
diverses formes d'exemption fiscale québécois et canadiens
susceptibles d'encourager la production, l'achat et la diffusion de "strips"
par les médias écrits, dans l'ensemble du pays. C'est bien
simple, si demain les journaux quotidiens prenaient, accordaient 50 % de leur
espace qui sont réservés aux "strips" quotidiens et puis qu'ils
prenaient des produits locaux, la bande dessinée
québécoise serait lancée.
Je disais qu'il y a trois supports éditoriaux
névralgiques; je viens de parier des journaux, avec ça il y a,
bien entendu, les périodiques et les albums. Pour ce qui est des
périodiques, actuellement, au Québec, il n'existe pas de revues
professionnelles consacrées exclusivement à la bande
dessinée. Les principaux débouchés
rémunérateurs pour les créateurs de bandes
dessinées d'ici se limitent à Vidéopresse, qui est
un magazine appartenant à des intérêts européens et
qui diffuse une part très importante de matériel étranger.
Il y a, bien sûr, Croc, mais on ne peut pas dire que Croc
est un magazine de bandes dessinées. C'est un mensuel satirique qui
consacre environ 30 % de son contenu à la bande dessinée. Puis il
y a aussi Safarir qui, lui, est un mensuel humoristique dont une large
part du contenu est vouée à la bande dessinée. Il y a de
nombreuses tentatives qui l'ont démontré, les projets de
périodiques québécois de bandes dessinées ne
peuvent espérer connaître un certain succès et un minimum
de continuité que s'ils bénéficient, au départ,
d'une aide gouvernementale appropriée.
Et puis ça nous mène à la recommandation no 10 qui
dit à peu près: Que le gouvernement encourage et soutienne,
à travers ses programmes de soutien aux périodiques, les projets
visant la création de périodiques québécois et
canadiens de bandes dessinées, en prenant en considération le
fait que l'aide est tout particulièrement nécessaire au moment du
démarrage de ces entreprises et au cours des premières
années d'opération.
Troisième support, le support albums, albums de bandes
dessinées. Il en va un petit peu de même pour les albums de bandes
dessinées. Comme le marché québécois de la bande
dessinée est encore très jeune et méconnu, les
éditeurs déjà implantés sont, à juste titre,
craintifs. Depuis quelques années, plusieurs éditeurs
québécois spécialisés se risquent à publier
de la bande dessinée et ce, à perte. Nous croyons que ces
éditeurs devraient pouvoir obtenir des formes d'aide plus
conséquentes, de même que d'autres éditeurs, issus de
l'édition en général, éventuellement
intéressés par ces programmes d'aide appropriés. Dans la
mesure où en matière de bande dessinée l'édition
à compte d'auteur tend également à se développer,
les programmes d'aide devraient prendre en considération ce
phénomène particulier, qui compte pour une part importante de
l'édition de bandes dessinées au Québec et au Canada.
En conclusion, je peux rien que revenir sur ce que j'ai
déjà dit, pour commencer, que si le temps est venu de
considérer la culture comme une mission essentielle de l'État,
tout ce qu'on peut souhaiter, c'est que le gouvernement soit prêt, parce
que nous, on est prêts, on est prêts tout de suite. Et s'il est
prêt, qu'il le démontre, qu'il crée un secteur de bande
dessinée, un secteur de bande dessinée distinct avec son
enveloppe budgétaire et ses jurys spécifiques et puis un
fonctionnement autonome.
Bien, là-dessus, je vous remercie. Je vous remercie de
l'intérêt généreux que vous portez à notre
modeste contribution et je suis disponible, si vous avez des questions.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Lacombe, de
votre exposé. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Lacombe.
Vous avez fait un tour d'horizon un peu... Puis on l'a regardé...
De toute façon, je regardais aussi, je révisais votre
mémoire au niveau, justement, de la bande dessinée. Vous parlez
du soutien et de l'aide. Au moment présent, dans la situation actuelle,
vous avez accès au programme d'aide aux artistes professionnels.
Ensuite, dans le cadre des programmes d'aide à l'édition, cette
discipline a été reconnue prioritaire parce que plus difficile,
évidemment, à percer.
Donc, on offre une subvention aux éditeurs égale à
15 % de leur montant de vente, de bande dessinée versus le roman qui est
à 10 %. Il y a quand même eu des efforts de faits,
considérant la situation un peu différente et délicate, si
on veut, des artisans, des artistes et créateurs de bande
dessinée. Mais en plus de ces mesures, vous dites qu'il faudrait
créer des programmes spéciaux à l'intérieur de...
Il y a beaucoup de disciplines qui sont peut-être un peu
différentes, surtout au Québec, parce que c'est sûr que
notre bassin n'est pas très, très grand. Donc, il y aurait
à créer de multiples programmes d'aide spécifique s'il
fallait vraiment, là, dans différentes disciplines. Alors,
à l'intérieur même de nos programmes, par exemple,
où est-ce qu'il aurait lieu... qu'est-ce que vous voyez en termes d'aide
encore plus percutante que celle-là? Est-ce qu'il y aurait lieu d'aider
à l'exportation? Est-ce qu'il y aurait lieu d'aider ou d'augmenter au
niveau de l'aide à l'artiste?
M. Lacombe: Oui, justement, parlons-en de l'exportation. Il y a
une...
Mme Frulla-Hébert: Parce que c'est difficile, hein, au
niveau de l'exportation.
M. Lacombe: C'est ça, on parle d'un travail à long
terme. C'est faisable, exporter. Il y a des exemples bien heureux d'exportation
qui rendent fier le milieu de la bande dessinée au Québec...
Une voix:...
M. Lacombe: ...c'en est un exemple, oui, c'est ça. Ha, ha,
ha! On a un connaisseur ici. Mais c'est ça, comme je disais, c'est du
long terme, et puis c'est un fait que c'est d'autant plus important pour
ça d'avoir des programmes spécifiques pour l'exportation. Il y a
la recommandation no 12, par exemple, qui encourage le gouvernement, qui
demande au gouvernement, c'est-à-dire, d'encourager la prospection en
direction de marchés étrangers, dans le but de favoriser la
promotion et l'exportation de la bande dessinée
québécoise. (10 heures)
La présence concrète de la production
québécoise et canadienne de bande dessinée sur les
marchés étrangers européens et américains est
à toutes fins pratiques nulle pour l'instant. Pourtant, certains signes
nous montrent qu'en
Europe, par exemple, un certain intérêt commence à
se manifester vis-à-vis de notre production. Dans la mesure où
des projets particuliers se donneraient pour objectif d'exporter des bandes
dessinées québécoises à l'étranger, nous
croyons que le gouvernement devrait nous encourager en mettant à leur
disposition toutes les ressources matérielles et financières
nécessaires, ainsi que l'expertise technique dont il pourrait avoir
besoin. Ça fait qu'on pense que ce ne serait pas grand-chose, une
nouvelle politique sur la culture, de partir avec les programmes qui existent
déjà et d'avoir des dispositions bien spécifiques pour
l'édition de la bande dessinée québécoise, pour la
prospection de marchés étrangers, pour le travail de promotion
à l'étranger.
Mme Frulla-Hébert: On va revenir encore au niveau de la
promotion. Maintenant il y a le Festival de la bande dessinée. Il me
semble qu'il y a quand même un phénomène et, en tout cas,
il y a deux ou trois ans, il y a eu une espèce d'expansion au niveau de
la conscientisation, la notoriété, si on veut, de la bande
dessinée ces dernières années. Dites-moi si j'ai raison ou
tort. Et est-ce qu'au niveau des cégeps, des universités... Parce
que c'est aussi l'outil par excellence pour que les jeunes puissent avoir le
goût à la lecture. C'est difficile de nos jours avec tous les
moyens électroniques etc., finalement, ça entre aussi dans
l'espèce de pattern d'apprentissage, c'est vidéoclip un peu mais,
finalement, ils doivent faire l'effort de lire. C'est déjà
beaucoup. Alors, est-ce que... Deux choses, d'abord. Au niveau des
institutions, par exemple, au niveau de l'éducation, est-ce qu'on se
sert de ça, est-ce qu'on est conscient de ça, d'une part, et,
deuxièmement, au niveau de la promotion, est-ce que le
phénomène, en tout cas, qui semble se créer, est-ce que
ça continue au niveau de la promotion, de la conscientisation dans cette
discipline-là. Ou est-ce que ça a été, ou vous
sentez que ça a été, un vent passager? Et là, il
faut y redonner un autre coup de pouce pour que ça reparte, ou bien vous
me dites: Bien, c'est parti, il y a une conscientisation, mais il faut pousser
plus loin?
M. Lacombe: Non, au contraire, il y a quelque chose qui se passe,
on sent que ça bouillonne, mais je voudrais juste, pour illustrer
ça, prendre l'exemple d'un nouveau magazine qui vient tout juste de
sortir, qui s'appelle Anormal, tout juste, ça remonte au
printemps et ça montre bien le bouillonnement. Les créateurs sont
affamés pour des supports comme ça, ils demandent juste à
être publiés. Il y en a du talent, il faut que ça sorte.
Mais, d'un autre côté, on a l'impression bien souvent que c'est
toujours à recommencer. Ça ne veut pas dire, parce qu'il y a des
revues qui naissent, que ça marche, que ça a du succès,
que ça fait parler d'eux autres. Ça
ne veut pas dire que s'il y a des festivals qui sont bien publicistes et
tout ça, que ça va de soi. Il faut toujours être là,
il faut toujours pousser et, justement, profiter de cet élan-là
pour donner une poussée supplémentaire pour continuer, et que
ça aille encore plus loin. La première partie de votre question,
ça concernait...
Mme Frulla-Hébert: ...l'éducation, de se servir de
ça, parce que la meilleure mise en marché, finalement, c'est
d'habituer le jeune public, ensuite le jeune adulte. Veux veux pas, regardez,
on vient au même phénomène, entre autres Astérix: le
dernier Astérix qui vient de sortir, on l'a tous. C'est automatique, tu
es curieux, tu y vas parce que tu as été habitué aussi et
parce que tu as commencé à lire ça quand tu avais 16,17,18
ans puis...
M. Lacombe: O.K., du bien concret. On pense que ce serait
très simple d'avoir une politique d'achat qui parte des
bibliothèques, des écoles et des municipalités, que tu
aies... appelons ça un quota, mettons, supposons qu'il y a dix albums de
bandes dessinées qui sortent par année, c'est à peu
près ça, ces dix albums se retrouvent systématiquement sur
les rayons des bibliothèques, dans les écoles, dans toutes les
municipalités, et aussi, bien c'est à peu près ça.
C'est un fait que la bande dessinée, c'est un outil...
Mme Frulla-Hébert: Pédagogue.
M. Lacombe: ...avec une force incroyable pour faire passer des
messages. Il y a deux albums, il y a un album et un magazine qui ont
été publiés cette année et qui contiennent de
l'information sur le sida, les maladies transmises sexuellement, les
comportements à risque et tout ça. Bon, c'est des histoires avec
des personnages, une intrigue, un début et un punch à la fin.
Mais là-dedans, tu fais passer des messages, et ça, ça
s'adresse spécifiquement à des jeunes que tu ne pourrais pas
rejoindre d'une autre façon. Comme ces initiatives-là viennent
d'un département de santé communautaire - il y en a à
Victoriaville et il y en a un autre ici à Montréal. Ils se sont
dit: La bande dessinée, c'est ça que ça nous prend. C'est
l'outil parfait pour aller rejoindre le monde qu'on veut rejoindre, je pense
que ça illustre bien.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Lacombe, je veux vous dire que
l'Assemblée nationale a jugé la bande dessinée
extrêmement importante, puisque le Bureau de l'Assemblée nationale
a décidé, il y a déjà un an et demi, de
créer une bande dessinée que nous remettons à tous les
étudiants qui viennent nous visiter. Il me fait plaisir de vous les
offrir, si madame peut vous les apporter.
M. Lacombe: Merci.
M. Boulerice: Vous avez raison, elle est très
pédagogique, elle est vulgarisatrice dans son sens le plus noble. Je me
dois de saluer la qualité de votre mémoire, un mémoire qui
est très articulé sur l'évolution de la bande
dessinée, celle d'ici comme d'ailleurs. Mais, je remarque qu'elle
propose une stratégie qui est cohérente et intégrée
du développement de cet art qu'est la bande dessinée. Je rappelle
d'ailleurs la prestation de votre association, lors du statut de l'artiste, en
1987, c'est ça, lors, justement, de cette commission. Votre
mémoire reprend, pour l'essentiel, les mêmes recommandations qu'en
1987, ce qui m'amène à conclure que vos appels sont
malheureusement restés sans écho, depuis quatre ans au
ministère. Pourtant, la bande dessinée québécoise
se développe et offre de plus en plus de qualités. J'y ai fait
allusion tantôt, je pense qu'il faut le souligner, l'un des plus
importants éditeurs de bandes dessinées, Dargaud édite en
Europe les aventures de notre ineffable Red Ketchup, qu'on peut lire dans
Croc, d'ailleurs, avec Fournier et Godbout, depuis quand même
quelques années. Mais face à la concurrence
étrangère, pour consolider son développement qui, somme
toute, est quand même récent, je pense que la bande
dessinée québécoise doit pouvoir miser sur les autres
formes d'expression du secteur des arts visuels, sinon, on n'en sort pas.
Donc, si j'ai bien interprété votre mémoire, les
problèmes les plus criants des bédéistes
québécois passent par la présence de support
d'édition et par la mise en place des véritables structures de
diffusion et de mise en marché, face à une concurrence qui est
presque dévastatrice. Qu'on n'y voit aucune mauvaise intention, Mme la
ministre a dit: On a tous Astérix. Oui, je l'ai moi aussi, mais il
faudrait qu'on ait tous Gargouille aussi.
La première question que je vais vous poser, M. Lacombe, c'est
compte tenu de l'expertise européenne en matière de bandes
dessinées, si l'on veut assurer une formation, un perfectionnement des
bédéistes, c'est important si on veut percer sur les
marchés internationaux. Et il est vaste notre marché;
francophonie, c'est 200 000 000 et francophilie, c'est 450 000 000 de
personnes. Alors, si on regarde l'expertise européenne, si on veut
assurer une formation de perfectionnement à des bédéistes
québécois, ceux-ci devraient avoir accès à des
bourses de création, de recherche et de séjour à
l'étranger, et ce n'est pas admissible pour vous actuellement.
M. Lacombe: Ça, c'est une chose essentielle, et une
nouvelle politique de la culture devrait
aussi soutenir des projets concrets de coédition. On pense que la
coédition, c'est la solution.
M. Boulerice: D'accord.
M. Lacombe: Mais, par exemple, si Red Ketchup a fait cette
percée sur le marché francophone européen, c'est parce que
les éditeurs de Croc, de Ludcom et Dargaud se sont entendus pour
travailler ensemble dans le cadre d'une coalition. Par exemple, c'est Pitcom
qui publie Croc au Québec, mais l'album porte l'étiquette
Dargaud en Europe. Dargaud a fait refaire la couverture et a conservé
à peu près la même maquette. Ils ont juste changé le
titre et ils ont fait refaire le lettrage à l'intérieur.
Pourquoi? On se le demande. C'est leur caprice à eux. S'il y avait une
nouvelle politique culturelle, qui se donnait des moyens d'intervention, en
plus des bourses pour les voyages d'études à l'étranger,
si elle se donnait en plus des moyens d'intervention pour favoriser des projets
comme ça, des projets de coalition, les partenaires étrangers et
la bande dessinée québécoise, ça serait comme un
minimum.
M. Boulerice: Je pense que ça pourrait être une
avenue, autant pour votre sphère d'activité que pour bien
d'autres, peut-être d'en arriver à une espèce d'office de
mise en marché de nos produits culturels à l'étranger.
D'ailleurs, je pense que notre délégation à Prague a un
secteur culturel qui commence à s'articuler de façon assez
précise. C'est peut-être intéressant, puisque c'est Bilal
qui a prévu, il y a deux ou trois ans, tous les bouleversements de
l'Europe de l'Est. Je pense que vous avez lu cette BD comme moi. Quand je vous
pariais tantôt des bourses de création, de recherche et de
séjour à l'étranger, lorsqu'on discutait de la bande
dessinée, la ministre des Affaires culturelles m'indiquait qu'il n'y
avait pas eu de demandes de bourses de création, de recherche et de
séjour à l'étranger au ministère. Ou s'il y en
avait eu, c'était une toute petite... Vous m'avez dit qu'il y en a
eu...
Mme Frulla-Hébert: ...admissibilité. Depuis 1987,
tout ce qui s'appelle bande dessinée est considéré comme
discipline à part entière. Donc, toute l'accessibilité...
C'est qu'il n'y a pas, à part des 15 %... Ça fait partie de
l'ensemble de la littérature québécoise et aussi de
l'édition spécialisée, mais québécoise.
Donc, au même titre que tous les autres intervenants, tout le monde est
admissible, et c'est inscrit aussi dans la loi du statut de l'artiste, etc.
M. Boulerice: Comment expliquez-vous que nos
bédéistes ne sentent pas le besoin de profiter de ce programme,
puisqu'il existe?
M. Lacombe: J'ai l'impression que s'il n'y a pas encore de
demandes, ça ne va pas tarder à venir. Je suis pas mal sûr
que cet exemple - on revient toujours - Red Ketchup, va donner le goût
à un paquet de créateurs d'essayer d'en faire autant. Il y a
plein d'artistes qui demandent rien que ça, qui se disent: Si Godbout et
Fournier sont capables, pourquoi pas nous autres? C'est pris en note, c'est
bien évident.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie, M. Lacombe. Je crois
que nous allons, sans aucun doute, tous deux, refaire une deuxième
lecture du mémoire que vous nous avez présenté parce qu'il
y a une importante matière, et c'est un secteur de l'édition
québécoise qui éclate, dans son beau sens du terme. Je
pense qu'il faut que cette fleur continue d'éclater et non pas se
refermer, ce serait tragique pour nous. Merci de votre présence et nos
amitiés à Red Ketchup.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue pour vous remercier. Comme mon collègue le disait, il y
a toute la question de la mise en marché, je pense, qui est capitale,
d'une part et, deuxièmement, à l'intérieur même,
c'est beau l'étranger, mais il faut être aussi non pas
prophète dans son propre pays. Au niveau des écoles, des
systèmes d'éducation, c'est peut-être plus dans ce sens
qu'on va orienter aussi nos actions pour encourager la
pénétration. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, au nom des membres de la
commission, M. Lacombe. Je vous remercie d'avoir bien voulu venir nous
entretenir des problèmes que rencontrent les créateurs de bandes
dessinées, vous permettant de vous retirer, M. Lacombe.
Maintenant je vais demander aux représentants de l'Institut
d'histoire de l'Amérique française de bien vouloir prendre place
en avant. Je suspends les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 16)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Doyon): Maintenant que nos invités
ont pu prendre place en avant, je leur souhaite la bienvenue. Je les invite
à nous faire part de leurs représentations pendant 10 ou 15
minutes. Ensuite, la discussion va s'amorcer avec les membres de la commission
pour ce qui restera de temps. Veuillez tout d'abord vous présenter, pour
que nous puissions avoir vos noms dans le Journal des débats.
Institut d'histoire de l'Amérique
française
M. Roy (Jean): Je suis Jean Roy, président de l'Institut.
Ma collègue, Sylvie Dépatie, qui est
la secrétaire, ainsi que Jean-Claude Robert, historien de
l'Université du Québec à Montréal.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Vous avez la
parole.
M. Roy: M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. de la
commission, au nom de l'Institut, je vous remercie de nous recevoir devant
cette commission. L'Institut d'histoire de l'Amérique française a
pour mission de promouvoir la place de l'histoire dans la
société. L'association que nous représentons est
composée de plus de 800 membres individuels pour qui l'enseignement et
la recherche historique sont des préoccupations. Ils travaillent dans
des institutions d'enseignement et de recherche, dans les institutions
culturelles de l'État et privées. D'autres sont consultants.
Où qu'ils soient, ils sont concernés par la proposition contenue
dans le rapport Arpin qui, dans ses énoncés, fait une petite
place à l'histoire, à la culture historique, au lieu de son
expression, c'est-à-dire les musées et les biens patrimoniaux, au
moyen de son enseignement, le livre, par exemple, aux institutions qui
conservent une grande partie des sources utiles à la construction de
l'histoire, telle les Archives nationales et la Bibliothèque nationale
mais, au survol, n'est pas une politique de développement culturel. Si
on veut s'en donner une, il faudra, nous sembie-t-il, prendre en compte
l'histoire du Québec elle-même. Celle-ci est suffisamment longue,
suffisamment riche, suffisamment complexe pour alimenter la réflexion
sur le présent qu'elle a d'ailleurs préparée.
Reprenant la citation de Guy Frégault, placée au
début du rapport, il nous semble, en effet, que la poussière
d'événements qu'agite le vent de l'actualité tomberait
mieux si on s'attardait davantage à expliquer l'histoire qui heurte le
socle des siècles. C'est dans cet esprit, dans cette perspective aussi
que notre mémoire a été présenté. Et je
laisserai maintenant à Mme Dé-patie le soin d'en reprendre les
grandes lignes.
Le Président (M. Doyon): Mme Dépatie.
Mme Dépatie (Sylvie): M. le Président, Mme la
ministre, MM., Mmes de la commission, trois points spécifiques de la
proposition politique de la culture et des arts ont retenu l'attention de
l'Institut: l'éducation culturelle, le partage des
responsabilités en matière culturelle et la recherche sur le
patrimoine. Avant de traiter plus longuement de chacun de ces sujets, qu'il me
soit permis de donner la réaction globale de l'Institut au rapport
Arpin.
Nous nous réjouissons du fait que l'histoire et le patrimoine
soient considérés dans ce rapport comme des
éléments primordiaux de la culture. À plusieurs reprises,
en effet, dans le texte du rapport, on souligne le rôle fondamental de
l'histoire et du patrimoine dans la création et dans l'éducation
culturelles. Cependant, nous déplorons que le rapport propose plus de
moyens concrets pour leur développement et, à l'instar de
plusieurs organismes qui sont déjà venus ici devant la
commission, nous estimons que la proposition politique privilégie le
domaine des arts au détriment des autres éléments de la
culture.
Un bon exemple de cet état de fait est la place
réservée à l'histoire dans l'éducation culturelle.
Selon la proposition politique, l'histoire est une des clés pour la vie
dont devraient être dotés les élèves du primaire et
du secondaire. Le rapport insiste avec raison sur le fait que la connaissance
de l'histoire permet la dissociation critique. L'Institut est évidemment
en accord avec ces propos, mais il note qu'au-delà de la
rhétorique, aucune proposition n'est faite quant aux moyens à
prendre pour favoriser l'acquisition de la connaissance historique.
Or, l'enseignement de l'histoire à tous les niveaux scolaires,
c'est-à-dire primaire, secondaire, collégial, est de nature
à favoriser l'acceptation de l'autre et de ses différences, de
même qu'il peut contribuer à augmenter la cohésion sociale.
De l'avis de l'Institut, cette réalité devrait être
soulignée auprès des ministères responsables de
l'éducation, de la formation des maîtres ainsi que de
l'immigration et des communautés culturelles.
Nous voyons là un bon exemple d'un dossier où la
concertation interministérielle, souhaitée par le rapport,
devrait se manifester. . Le second point du rapport Arpin ayant retenu notre
attention est le partage des responsabilités en matière
culturelle. Ce partage est abordé en deux endroits dans la proposition
de politique. D'une part, au point de vue géographique, lorsqu'il est
question de l'établissement d'un réseau culturel sur l'ensemble
du territoire et, d'autre part, plus directement, lors de la discussion sur le
partage de compétences entre le ministère des Affaires
culturelles et les gouvernements locaux. Le rapport Arpin divise le territoire
québécois en trois pôles et définit des projets et
une vocation pour chacun d'entre eux. À première vue, la
proposition de politique fait une large place à la région de
Montréal dans le développement culturel. Pourtant, à notre
avis, les recommandations qui la concernent sont nettement incomplètes.
Ainsi, alors que le rapport insiste sur la diversité ethnique de la
population, aucun moyen n'est identifié pour tenir compte de cet aspect
dans le développement culturel. Par ailleurs, à la lecture des
différentes recommandations, il est clair que la proposition de
politique préconise une division spatiale des activités
culturelles qu'on peut résumer ainsi: à Montréal et
à Québec, la création; à l'ensemble
régional, la consommation. Cette spécialisation
géographique des activités culturelles ne tient pas compte des
dynamismes et des compétences présentes en région et
en
fait des réceptacles d'une culture créée ailleurs.
Or, l'accès à la culture doit être plus qu'un accès
à la consommation culturelle. Une politique culturelle globale doit donc
favoriser les activités de création en région. Cependant,
cette reconnaissance des compétences et des dynamismes dans les
régions ne doit pas amener le ministère à se
désengager totalement de certaines sphères d'activité.
Ainsi, l'Institut s'inquiète de la volonté exprimée
dans le rapport Arpin de confier aux municipalités le mandat de
conserver, de mettre en valeur et de diffuser le patrimoine. Tout en
étant d'accord avec le principe de décentralisation qui inspire
cette mesure, l'Institut doute que les municipalités ait la
capacité financière d'assumer les nouvelles
responsabilités qu'on veut leur confier en matière culturelle.
Par ailleurs, l'Institut remet en cause la proposition d'écarter les
loisirs culturels du domaine de l'intérêt du ministère.
Dans le rapport, on recommande que les loisirs culturels soit
confiés exclusivement aux municipalités. Cette suggestion trahit
à notre avis une conception trop commerciale de la culture et entre en
contradiction avec l'objectif de développer l'éducation
culturelle. Les loisirs culturels peuvent en effet être des lieux de
sensibilisation à la culture, voire des lieux de création. Par
exemple, dans notre domaine, les sociétés historiques locales,
les sociétés d'archéologie, les sociétés de
conservation du patrimoine peuvent jouer un rôle éducatif
important, et même être à la source de projets culturels
valables. Encore faut-il leur en donner les moyens en leur fournissant un
financement et un support technique adéquat.
Le troisième point ayant retenu l'attention de l'Institut est le
traitement réservé à la recherche et au patrimoine dans la
proposition de politique. Il s'agit de l'aspect du rappport Arpin qui suscite
le plus d'inquiétudes du point de vue des historiens. Nous estimons en
effet que le rapport méconnaît totalement le rôle
indispensable de la recherche dans la conservation, la mise en valeur du
patrimoine et, plus globalement, dans le développement de la culture.
Cela tient en partie à une conception statique du patrimoine, et
à une notion étriquée de la création culturelle. La
proposition de politique introduit en effet la notion de patrimoine culturel,
qui dépasse largement la notion plus usuelle de patrimoine historique.
Cette notion englobe toute la culture au sens ethnologique, les productions
matérielles et mentales du passé, et même la
création actuelle définie comme patrimoine futur. Elle se veut
donc en apparence large et dynamique; en réalité, elle est selon
nous restrictive et statique. Le patrimoine culturel est en effet conçu
dans le rapport comme une somme de divers objets. Le rapport oppose l'histoire
qui est réécrite par chaque génération au
patrimoine qui, par sa permanence et son objectivité, assure la
continuité de notre histoire.
En somme, le rapport présente le patrimoine comme existant en
soi; selon cette vision, le patrimoine n'aurait plus qu'à être
conservé, inventorié et mis en valeur. Défini ainsi, le
patrimoine s'oppose à la création. Il est à notre avis,
d'ailleurs, révélateur que le premier chapitre consacré au
développement de la culture n'en fasse pas mention, et que le patrimoine
ne soit traité que dans le chapitre sur l'accès à la vie
culturelle où, fait plus significatif encore, il est rangé parmi
les éléments de l'éducation culturelle, au même
titre que les médias ou l'école. Cela révèle une
conception restreinte de la création culturelle qu'on limite dans le
rapport à la création artistique.
Associée à une notion large mais statique du patrimoine,
qui ne serait qu'une somme d'objets à conserver, cette notion
étriquée de la création culturelle débouche sur une
définition restreinte de la vie culturelle. D'un côté, il y
a les créateurs artistiques qui produisent des oeuvres qui viennent
s'ajouter progressivement au patrimoine culturel; de l'autre, il y a le public
qui consomme la création, passée ou actuelle. Entre les deux, il
y a des gestionnaires et des diffuseurs qui s'occupent de la conservation et de
la mise en valeur du patrimoine côté passé, pour reprendre
l'expression de la politique, et de la diffusion du patrimoine
côté futur.
Cette façon de voir est limitée à plusieurs
égards. Du point de vue des historiens, elle est étroite,
puisqu'elle néglige tout le travail de création, de recherche et
d'analyse scientifique qui précède et accompagne la mise en
valeur du patrimoine. Contrairement à ce que prétend le rapport,
le patrimoine historique n'est pas une somme d'objets matériels ou
mentaux qui s'additionnent à mesure qu'ils deviennent anciens. Le
patrimoine historique n'est ni permanent, ni objectif; il est construit et le
résultat de choix. La recherche historique fondamentale est donc
essentielle au développement du patrimoine historique. Elle ne saurait
cependant, à elle seule, assurer l'accessibilité à ce
patrimoine. La mise en valeur du patrimoine exige également un travail
de recherche appliqué.
À notre avis, les institutions nationales ne sauraient donc pas
se contenter, comme le suggère le rapport, d'assurer la conservation, de
favoriser la connaissance et la diffusion d'objets culturels et de faciliter la
recherche sur des collections d'ouvrages et d'oeuvres d'art. Elles doivent
elles-mêmes être des lieux de recherche.
La recherche historique occupe une place essentielle dans le champ de la
culture. Création culturelle en elle-même, elle est aussi à
la base de plusieurs créations artistiques, du développement et
de la mise en valeur du patrimoine. Dans cette perspective, la qualité
et l'approfondissement de la recherche historique est garante de la
qualité de plusieurs produits culturels, qu'il
s'agisse de la mise en valeur d'un site historique, de la production
d'un spectacle à caractère historique ou de l'écriture
d'un roman.
Compte tenu de l'importance de la recherche historique basée sur
le patrimoine documentaire pour le développement culturel, une politique
de la culture doit définir de façon concrète les moyens
par lesquels les institutions nationales responsables de la conservation et de
la diffusion du patrimoine documentaire - je parle ici notamment des Archives
nationales du Québec et de la Bibliothèque nationale - pourront
remplir leur fonction de base.
Un plan de développement et de relocalisation pour la
Bibliothèque nationale est, bien sûr, nécessaire, comme le
souligne le rapport, mais nous tenons à souligner que, pour
compléter le réseau des institutions nationales, il faut aussi
que les Archives nationales du Québec à Montréal
bénéficient d'une telle décision. De plus, des budgets
suffisants doivent être accordés pour que ces institutions
puissent remplir leur mandat respectif. Évidemment, des sommes
importantes ont été investies en fonction de cet objectif ces
dernières années, mais il faut noter que celui-ci n'est pas
encore atteint. Ainsi, à titre d'exemple, les horaires de la
Bibliothèque nationale en font une institution assez difficile
d'accès pour le public.
Les historiens reconnaissent que des orientations positives se
dégagent de plusieurs actions récentes du ministère des
Affaires culturelles, en ce qui concerne la valorisation et la conservation du
patrimoine. Ainsi, la création de musées régionaux, la
politique de l'agrément des centres d'archives privés, la
politique sur les archives judiciaires sont autant de mesures importantes dont
l'esprit devrait animer les futures politiques du ministère.
Malheureusement, à ce chapitre, la proposition de politique est
restée muette.
En conclusion, nous voulons insister sur le fait que, pour donner lieu
à un projet culturel qu'on veut - je cite le rapport - enraciné,
dynamique, complet et ouvert, la politique culturelle du Québec devra
faire place à tous les éléments de la culture et à
tous les intervenants du domaine culturel. Globalement, cet objectif ne pourra
être atteint que si on met de l'avant une vision de la culture plus large
et moins associée au discours de la consommation. Entre autres, la
compétence et le dynamisme présents en régions devront
davantage être pris en compte, sans que cela entraîne un
désengagement financier de la part de l'État
québécois. (10 h 30)
Plus spécifiquement, dans le champ de l'histoire et du
patrimoine, l'objectif suppose que l'histoire soit reconnue comme une dimension
fondamentale de la culture et que le patrimoine soit considéré
autant comme un élément à construire qu'à conserver
et à diffuser. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme
Dépatie. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, Mme Dépatie.
Bienvenue à tous. Vous savez, vous parlez de l'histoire et de
l'importance, finalement, de l'histoire dans notre système, plus
particulièrement, le système d'éducation.
Honnêtement, on déplore aussi que l'enseignement de l'histoire
soit souvent facultatif, c'est-à-dire au choix de l'élève,
ce qui ne devrait pas être, au contraire. On essaie, d'ailleurs... On va
travailler en collaboration avec le ministère de l'Éducation et
de l'Enseignement supérieur, ne serait-ce que pour la sensibilisation
culturelle, autant au niveau des arts que... culturelle plus globale. Et c'est
sûr que tout le domaine de l'histoire et du patrimoine... Nous, ce qui
nous touche, en fait, où on a des actions immédiates,
évidemment, comme vous le disiez tantôt, toute la question du
patrimoine, d'une part...
On a du retard au niveau du patrimoine. Il y a plusieurs organismes qui
sont venus, qui se spécialisent justement dans la conservation du
patrimoine, qui sont venus nous faire d'excellentes suggestions. Mais on sait,
on en est très conscients aussi, que le retard fait en sorte qu'il y a
d'énormes investissements qui sont là et qui se devront
d'être appliqués; il s'agit juste maintenant de les
répartir dans le temps parce que c'est sûr que c'est une pression
financière énorme au niveau du ministère et du
gouvernement.
Il y a une chose, par exemple. Vous mentionnez dans votre mémoire
que la politique culturelle devrait reconnaître la recherche historique
comme une création culturelle. Je dois vous dire que, là-dessus,
je diffère un peu d'opinion dans un sens. Vous savez, une politique
culturelle... Tout est culture, dans le fond. Notre façon de nous
habiller, la façon de se nourrir, et c'est de la culture. À un
moment donné, pour ne pas être tellement tout et devenir tellement
grand et dilué que ça t'empêche de bouger, il va falloir un
peu centrer nos actions et laisser, et travailler en collaboration avec
d'autres responsables, de telle sorte qu'ils puissent promouvoir dans leurs
champs d'activité les activités dites culturelles, ou qui font
partie de la culture à son sens large.
Mais pourquoi... J'ai de la difficulté à comprendre, non
pas que ce n'est pas créatif en soi, au contraire. Mais il y a tout le
programme du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science, les programmes de recherche, qui seraient une porte, en fait, beaucoup
plus naturelle d'une certaine façon, qu'au niveau des Affaires
culturelles.
Mme Dépatie: Je pense que ce qui était entendu par
cette phrase, ce n'est pas évidemment la recherche fondamentale qui est
menée par des universitaires et qui est subventionnée
par le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur. Ce qui était entendu dans cette phrase, c'est qu'au
point de vue de la mise en valeur du patrimoine, cette mise en valeur exige une
recherche historique qui, elle, doit être conduite par des organismes qui
dépendent du ministère des Affaires culturelles. Et c'est
à ça qu'on faisait référence lorsqu'on demandait
que la recherche historique soit reconnue comme une création, parce
qu'elle crée le patrimoine.
Dans le mémoire, nous donnions l'exemple des édifices
industriels du XIXe siècle qui, sans recherche historique, n'auraient
jamais été considérés comme faisant partie du
patrimoine, mais qui tout à coup le sont devenus parce qu'on s'est rendu
compte qu'ils sont des témoins d'une période de notre histoire.
Donc, nous ne confondons pas les responsabilités respectives des
ministères. C'est tout simplement qu'il y a surtout de la recherche
appliquée qui doit être menée dans les organismes qui
dépendent du ministère des Affaires culturelles, et c'est sur ce
point que nous désirions insister.
Mme Frulla-Hébert: À partir des organismes. Je veux
revenir aussi aux grandes institutions. Vous proposez que les institutions
nationales deviennent des lieux de recherche en collaboration étroite
avec le monde universitaire, par le biais de comités scientifiques.
Est-ce que vous pourriez expliquer davantage votre vision, justement, du
rôle de la Bibliothèque nationale, par exemple, en termes de
recherche? Et finalement, des grandes institutions. Expliquez-nous un peu
comment vous les voyez.
M. Robert (Jean-Claude): Ce qu'on a voulu souligner, c'est moins
l'idée que ces institutions devraient être transformées en
organismes subventionnaires pour créer de la recherche, mais de
souligner l'importance pour ces organismes-là, à l'interne,
d'avoir et de maintenir une fonction recherche.
Je vous donne un exemple précis: les Archives nationales du
Québec viennent de recevoir des kilomètres d'archives des
archives judiciaires du Québec. Pour exploiter ces archives-là,
on doit faire une recherche préalable, ne serait-ce que pour savoir
comment fonctionnaient les cours en 1846, par exemple. Alors, c'est de cette
recherche-là qu'on parle. C'est une recherche qui doit être
menée par l'institution elle-même pour l'exploitation, pour la
compréhension de son patrimoine parce que si on ne fait pas cette
recherche-là - par exemple, je reviens au cas des archives judiciaires -
on ne pourra jamais les utiliser. Les chercheurs ne pourront pas y avoir
accès parce qu'on ne comprendra pas comment ça fonctionne.
Même chose pour la Bibliothèque nationale. La
Bibliothèque nationale a une responsabilité patrimoniale
énorme. Elle doit être capable de faire la recherche qui s'impose.
Je pense simple- ment ici à la controverse autour de la vieille
collection à Saint-Sulpice qui, à mon avis, représente un
bloc important du patrimoine scientifique québécois, qui n'est
pas objet québécois, mais il est partie du patrimoine. Or, pour
le connaître, là aussi, on a besoin de fonction de recherche.
Donc, lorsqu'on a parlé de la recherche dans les institutions,
c'est uniquement en termes de besoins de cette fonction-là pour
constituer le patrimoine, le mettre en valeur, le maintenir et le
développer.
Mme Frulla-Hébert: Alors, en fait, c'est en fonction d'une
meilleure exploitation des ressources que l'on a, dans le fond,
c'est-à-dire que les archives étant ce qu'elles sont, elles
peuvent devenir extrêmement dynamiques quand on sait et quand on en
connaît non seulement le contenu mais le fonctionnement passé
versus les archives sont là alors, elles sont classées,
archivées et...
M. Robert (Jean-Claude): J'irais plus loin que ça. Je
pense que c'est absolument fondamental à l'utilisation du
patrimoine...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
M. Robert (Jean-Claude):... que les organismes qui sont
chargés de la conservation les connaissent parce que, autrement, si on
considère les archives comme un immense dépôt, c'est
absolument inutile. Tout peut être là-dedans, mais comment s'y
retrouver? Et ça, on ne peut répondre à cette question
uniquement que par une recherche. C'est la même chose pour les
musées. Je pense que ça, c'est vraiment très, très
important.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, madame, messieurs, vous dites à la page
7, et je cite: "Associée à une notion large mais statique du
patrimoine qui ne serait qu'une somme d'objets à conserver, cette notion
étriquée de la création culturelle débouche sur une
définition restreinte de la vie culturelle. "
Bon, enfin, c'est le reproche fondamental que vous faites au rapport
Arpin qui vous amène à condamner le peu d'égard du rapport
en ce qui concerne le patrimoine et l'histoire. Tout en reconnaissant comme
vous que les historiens sont à la fois créateurs et diffuseurs de
la culture, je ne vais pas vous questionner sur la notion de patrimoine comme
telle, j'irais plutôt dans l'avenue de l'histoire. Comment on pourrait
assurer une relance de l'enseignement de l'histoire à tous - et je dis
vraiment à tous - les niveaux scolaires et comment y intégrer
aussi davantage la dimension régionale? Les régions ont une
histoire également.
M. Roy: Oui, tout à l'heure j'ai amené cette
citation de Guy Frégault. J'aurais pu poursuivre en disant que j'aurais
aimé que ce soit un fil conducteur pour tout le rapport, pour la suite
de la rédaction du rapport. Ça n'a pas été le cas,
et je le regrette d'une certaine façon parce qu'il aurait
été possible de rappeler à ce moment-là que le
Québec d'aujourd'hui s'est constitué au cours des siècles
à coups de migration, d'immigration, qu'il existe un Québec des
régions, qui a peu à voir avec la région administrative
mais que l'administration étatique dessert aussi. Chacune de ces
régions a son histoire qui, bien sûr, aussi, doit être mise
en relation avec celle de l'État. Mais chacune aussi a ses
particularités, ses témoins architecturaux et patrimoniaux ainsi
que ses paysages. Donc, chacune, à mon point de vue, participe à
l'histoire du Québec. Par extension, on pourrait dire la même
chose de Montréal.
Alors, en résumé, s'il est vrai que le Québec est
davantage que la somme de ses parties ou de ses régions, il est
également vrai qu'aucune d'entre elles n'est un microcosme du
Québec. Il nous semble que le reconnaître, ce serait accorder la
primauté aux Québécois eux-mêmes et à tous
les Québécois. C'est dans cette perspective que la relance de
l'histoire à tous les niveaux demande peut-être une nouvelle prise
en charge de l'histoire récente, mais en lui donnant des
éclairages plus lointains. Et ce qui se passe dans la région
montréalaise, qui sont les événements, pourrait-on dire,
et la poussière des événements qui sont importants, qui
sont cruciaux et qui nous interrogent constamment, doivent être
ramassés, interrogés sur une plus longue période là
où on peut avoir des éclairages. Il me semble que c'est respecter
tout le monde que de le faire ainsi, et c'est l'avenue que je
privilégierais, mais il est certain que... Tout à l'heure on
disait que seule la concertation va permettre cela. Une meilleure formation des
maîtres. Et je crois que beaucoup de l'enseignement de l'histoire doit
partir de là, d'une meilleure connaissance du Québec
contemporain, une meilleure formation, bon, je pourrais ajouter autre chose
aussi, et une plus longue formation, plus profonde.
M. Robert (Jean-Claude): Peut-être pour finir
là-dessus, si je peux me permettre. Je pense que la relance de
l'histoire, c'est quelque chose qui est déjà entamé aussi.
Mon collègue parlait de concertation. C'est d'autant plus important que,
par exemple, au niveau recherche, depuis une quinzaine d'années, avec le
développement, entre autres, du réseau de l'Université du
Québec en région, on a assisté à la constitution
d'une historiographie extraordinairement riche, mais qui est encore à
l'intérieur du cercle des spécialistes. Alors, c'est bien
sûr que nous sommes là dans une deuxième étape et il
faudrait avoir une concertation avec, sans doute, le ministère de
l'Éducation pour être capable de rendre cette histoire-là
plus accessible.
Il y a quelques années, avec deux collègues, je me suis
attelé à la tâche d'écrire une histoire du
Québec contemporain et on n'aurait pas pu faire cette histoire-là
si on n'avait pas eu une mine de mémoires de maîtrise, de
thèses de doctorat faites dans les universités depuis 25 ans.
Alors, le matériel est là. Ça, si vous voulez, le
ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a
assuré ce genre de constitution de patrimoine et, là, il faudrait
trouver des moyens pour utiliser, pour vulgariser, au sens le plus noble du
terme, ces connaissances acquises.
Alors, c'est pour ça que, pour moi, la relance de l'histoire,
c'est quelque chose qui est déjà acquis au niveau, si vous
voulez, de la recherche. Il reste maintenant à la
réinsérer, je dirais, dans la vie culturelle plus large de la
collectivité.
M. Boulerice: Je pense qu'il n'y a pas un pays au monde qui ne
voit pas la nécessité d'avoir deux institutions qui sont vraiment
primordiales. Je pense que la notion de pays n'existe pas si, au départ,
on n'a pas cela: une bibliothèque nationale et des archives nationales.
Nos structures sont là, mais, quant à leur opération -
j'essaie de trouver le mot le plus juste - opération, le rayonnement,
l'accessibilité et, si vous me permettez l'expression un peu vulgaire,
le manque, peut-être, de "glamour" vous fait vous questionner
énormément sur la présence des deux institutions
nationales capitales, entre guillemets. J'aimerais ça vous entendre un
peu plus là-dessus.
M. Robert (Jean-Claude): Volontiers. Je pense que le principal
problème qu'on peut voir, eu égard à ces deux
institutions-là, c'est vraiment le manque de ressources. Ça fait
pitié. Par exemple, je pense à la Bibliothèque nationale
du Québec qui est fermée au public le lundi, le soir, parce qu'on
n'ouvre que du mardi au samedi, de 9 heures à 17 heures. Ça
apparaît aberrant. C'est en plein centre-ville où il y a un public
pour y aller. Pourquoi cette situation s'est développée? Eh bien!
C'est un peu en rognant les budgets à gauche, à droite, on a fini
par faire en sorte que les chercheurs n'y vont plus dans cette
bibliothèque-là. Je me rappelle d'avoir dit devant le
conservateur, qui n'avait pas aimé la chose, que grâce, par
exemple, à leur pratique d'heures d'ouverture et leur pratique de
coûts de photocopies élevés, ils avaient réussi
à protéger leurs collections de Québec ancien en
éloignant les chercheurs, les usagers parce qu'ils n'iront pas, c'est
trop malcommode, c'est trop coûteux d'avoir la reproduction.
Donc, ça, ce sont des éléments de détail
pour vous montrer comment, en ne finançant pas adéquatement ces
institutions-là, on se prépare des lendemains qui ne changeront
pas parce
qu'un jour, on ne pourra plus maintenir ces institutions-là.
(10 h 45)
Les Archives nationales, c'est même pire. Il y a 11
kilomètres linéaires d'archives judiciaires qui s'en viennent.
Ils ne savent pas où les mettre. Si le ministère de la Justice
téléphone aux archivistes à Montréal en disant "Des
camions s'en viennent" ils paniquent. Ils vont paniquer parce que les espaces
de rayonnage ne sont pas là. Les Archives nationales du Québec
à Montréal, qui sont les plus mal logées dans une ancienne
école, qui n'est pas conçue pour la conservation archivistique,
bien, si on ne fait pas quelque chose, on ne pourra même pas recevoir les
versements des ministères qui, pourtant, comme vous le savez, doivent
être reçus en vertu de la Loi sur les archives.
Alors, ça c'est le point principal sur lequel j'aimerais insister
et l'Institut aimerait insister, c'est que trop souvent, ici, on a
sous-financé ces institutions-là en ayant des politiques, en
n'ayant pas les moyens de ces politiques. Je pense qu'il est temps de regarder
si on peut maintenir ces institutions-là ouvertes avant de penser
exten-sionner leur aire d'influence. Je vous dis, j'ai de la crainte pour le
développement de ces institutions-là dans l'état actuel
des choses.
M. Boulerice: Moi je vous avais dit: Je ne parlerai pas de
patrimoine, mais tant pis, je vais revenir sur ma décision. Une question
très brève que je capsule. Est-ce que je vous interprète
bien lorsque l'on parle d'aller vers les municipalités - dans votre cas,
ce n'est pas une objection de principe. C'est tout simplement: Balisons parce
que, bon, je ne vous le cacherai pas, je viens d'une ville, Montréal,
où malheureusement une administration a pratiqué un saccage
éhonté. On a énormément démoli. On a
refusé, comme je le dis, de donner un avenir à notre
passé. Donc, ce n'est pas une objection de principe, c'est: Balisons,
amenons tranquillement et viendra un temps où, à l'exemple
d'autres pays, notamment l'Europe, les municipalités pourront assumer
pleinement leurs responsabilités, mais dans le contexte actuel,
l'État doit demeurer quand même tuteur à certains
égards. C'est dans ce sens-là.
Le Président (M. Doyon): M. Roy, vous aimeriez
réagir, peut-être.
M. Roy: Oui. Moi je suis plutôt heureux qu'une question de
cette nature soit posée. Effectivement, on n'est pas, en principe,
contre une prise en charge beaucoup plus grande de la part des
municipalités. Ça se rapproche ainsi des citoyens qui doivent
être, eux, principalement préoccupés. C'est eux qu'il faut
sensibiliser. Mais il arrive cependant que dans l'état actuel des
choses, nos élus municipaux ont d'autres préoccupations
financières, et ça arrive toujours en bas de liste.
Nous faisons des représentations, et j'en ai fait d'ailleurs
lundi dernier, sur un budget de plusieurs dizaines de millions de dollars, qui
a été présenté, arrive aussi une demande d'une
évaluation dans le bâtiment que nous jugeons importante pour
l'histoire de notre municipalité: 683 $ qu'est l'évaluation. C'a
paru un peu exagéré quand on a fait notre demande. Bien
sûr, quand nous sommes allés en conseil, ils ont dit: Ce n'est pas
beaucoup. Mais reste que c'est ça la réalité dans laquelle
nous vivons quand nous nous préoccupons de ces choses-là.
Deuxièmement, l'autre point: On va parler du point de vue
financier. Mais le point de vue financier, ici, recouvre l'encadrement
nécessaire, à savoir que pour travailler en matière de
patrimoine, il faut aussi avoir des compétences, certaines
compétences. L'intérêt, tous peuvent l'avoir, mais pour
intervenir efficacement et de façon convaincante, il faut des
compétences, il faut des techniciens, il faut aussi des historiens, des
ethnologues. Les municipalités ont-elles cela? Bien évidemment
que non.
Je dirais même que les ministères en régions ne les
ont pas. Ils ont des gens qui gèrent, mais ils ne fournissent pas
l'encadrement, et c'est un des grands malheurs que nous ayons, à savoir
qu'il y a des programmes qui sont bien gérés, on est d'accord
avec ça. Ce n'est pas là que ça se situe. Mais il reste
que quantité de sociétés d'histoire régionales qui
auraient besoin d'une impulsion venant d'un... Et que seul un encadrement
efficace pourrait fournir, ils ne l'ont pas, faute de fonds; elles meurent.
C'est ça aussi la vie culturelle dans les régions.
Le Président (M. Doyon): M. le député, en
terminant.
M. Boulerice: Oui, en terminant. Écoutez, je pense qu'il
est important de dissiper parce que... Bon, les municipalités, vous le
savez, durant des années, des décennies, on pourrait même
dire des siècles, on leur a dit: Écoutez, vous, c'est la
patinoire, c'est l'aqueduc et c'est l'asphalte des rues. Ils se sont
cantonnés dans ce domaine. Que voulez-vous, c'est le mandat qu'on leur
avait donné. Certaines commencent à avoir une nouvelle
sensibilité. Bravo! Sauf que, je vous avoue, j'ai été un
petit peu heurté de voir que certains opposaient un non
catégorique alors que des municipalités voulaient consentir des
efforts, étaient très sensibles. Il y avait une espèce de
braquage.
Donc, je suis content de la nuance que vous apportez à ce
niveau-là. Je vous remercie pour votre participation à cette
commission et peut-être en soulignant que l'an prochain, il y aura quand
même un anniversaire assez important que vous allez
célébrer et qui est les 45 ans de votre revue d'histoire, qui est
d'ailleurs fort intéressante. J'espère qu'il y aura un
numéro tout à fait spécial qui va nous...
Déjà, tous les numéros
sont spéciaux, mais il me semble que celui-ci est attendu avec
plus d'impatience que tous les autres. Je vous remercie de votre
participation.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bien sûr, je vous remercie. Des
fois, vous savez, quand on entend les groupes parler, on se dit: II y a
tellement à faire. Ce n'est pas possible. Et quand vous dites que, bien
souvent, on ne s'est pas donné les moyens des politiques, vous avez
raison, vous avez absolument raison. Mais il faut aussi se rappeler, sans
excuser personne, c'est qu'il y a 30 ans, la société
québécoise était beaucoup plus intéressée
à mettre du beurre sur son pain. Et c'est ce qu'on se fait dire en
régions. Et maintenant, tout à coup, il y a un essor et, Dieu
merci, une conscientisation au niveau du patrimoine, au niveau des arts.
Maintenant, on a le goût de bâtir des bibliothèques versus
des arenas. Alors, on a du chemin de fait, mais il y a beaucoup de chemin
à faire. Au niveau de la Bibliothèque nationale, il y a un projet
de déménagement, les archives aussi. Il s'agit maintenant,
évidemment, de l'acheminer à travers les canaux et passer au
travers le Conseil du trésor. Mais on est très conscients de tout
ça. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il
me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier d'avoir
bien voulu venir nous entretenir des problèmes que vous connaissez et
que vous nous avez fait partager. Merci beaucoup.
En vous permettant de vous retirer, la commission me permettra de faire
état d'une lettre qui m'était adressée par le recteur de
l'Université Laval comme président de la Conférence des
recteurs et des principaux des universités du Québec. Alors, il
ne s'agit pas d'un mémoire à proprement parler. C'est une lettre
qui est adressée au président et elle date du 17 septembre. Elle
vient de m'être remise. Je demanderai tout simplement au
secrétaire de bien vouloir en faire parvenir une copie à tous les
membres de la commission ainsi qu'à Mme la ministre. M. le
secrétaire, si vous voulez bien. Merci.
J'invite maintenant le Conseil de la culture de l'Estrie à bien
vouloir prendre place à la table de nos invités. Alors, leur tour
est venu de nous présenter leur mémoire. Ils le feront, s'ils le
veulent bien, selon les règles qui sont les nôtres, soit 10
à 15 minutes de présentation ou de résumé du
mémoire à proprement parler, étant entendu que les membres
de la commission ont eu en main votre mémoire et qu'ils ont eu
l'occasion d'en prendre connaissance à loisir. Et après
ça, la conversation s'engagera pour un certain temps avec les membres de
la commission.
Si vous voulez bien commencer par vous présenter, de façon
à ce que nous puissions avoir vos noms dans notre transcription des
débats et, après ça, vous avez la parole.
Conseil de la culture de l'Estrie
Mme Marchessault (Jovette): Merci. Mon nom est Jovette
Marchessault. Je suis présidente du Conseil de la culture de l'Estrie.
Je suis une artiste. Je suis peintre, sculpteur, romancière et
dramaturge.
Le Président (M. Doyon): Vous êtes
accompagnée de?
Mme Marchessault: Je suis accompagnée de Danielle Dupuy
qui est une ex... pas présidente pardon, mais l'ex-directrice du Conseil
de la culture et Mme Dupuy est aussi directrice générale du
théâtre du Sang neuf. Elle est membre du Conseil consultatif de la
lecture et du livre. Ensuite, Mme Gertrude Savoie, qui est notre nouvelle
directrice générale au Conseil de la culture de l'Estrie; M.
Pierre Paquet, qui est administrateur du Conseil de la culture de l'Estrie et
animateur du comité culturel de Mégantic en diffusion. Il est
aussi administrateur de la bibliothèque municipale de
Lac-Mégantic et vice-président de la Conférence des
conseils. Ici, à ma gauche, Mme Sylvia Bertolini,
trésorière du conseil d'administration de notre Conseil de la
culture et elle est directrice de la Société d'histoire et
musée Colby-Curtis de Standstead; et Mme Isabelle Boisclair,
secrétaire du conseil d'administration du Conseil de la culture de
l'Estrie et directrice artistique du Salon du livre de l'Estrie.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous et
chacun, chacune.
Mme Marchessault: Avant de commencer la lecture du
mémoire, j'aimerais distribuer ceci, puisque nous sommes autour d'une
grande table.
Le Président (M. Doyon): On va s'en charger, madame, vous
pouvez laisser ça là.
Mme Marchessault: C'est un napperon culturel qui fait partie de
notre action quotidienne dans l'Estrie. Il est tiré à 10 000
exemplaires et distribué sur tout le territoire.
Alors, je remercie d'abord la commission de cette invitation. Je suis
heureuse de vous revoir, Mme la ministre, et de vous saluer. Je m'adresse
à vous en tant que présidente du Conseil de la culture de
l'Estrie, car le Conseil de la culture de l'Estrie, comme les 10 autres
conseils, est un organisme à vocation régionale. Nous allons,
dans les quelques pages qui suivent, faire entendre la voie d'une des plus
belles régions du Québec, car nous croyons que cette
région sera porteuse
d'art, de beauté, de liberté d'expression tant et aussi
longtemps que les forces vives de ses créateurs et de ses
créatrices, sans discrimination de sexe, d'âge et d'ethnie,
pourront s'y exprimer en pleine, entière et chaleureuse relation avec le
reste des artistes du Québec et du monde.
Les mots "région" ou "régional" ne sont pas très
populaires chez le groupe-conseil. Pourtant, le Petit Robert est
d'accord avec nous pour nous définir comme direction, frontière,
contrée, territoire possédant des caractéristiques
humaines et physiques particulières qui en font une unité
distincte des régions voisines au sein d'un ensemble qui l'englobe.
En vieille Estrie comme en nouvelle Estrie, ce Royaume de l'Est, nous
savons et réaffirmons que les réalités culturelles
régionales sont essentielles au grand projet culturel de notre
Québec. En refusant d'encourager et de financer adéquatement ce
qui constitue l'aspiration de l'âme de toutes les régions que nous
animons, on nie la pertinence de notre existence, ainsi que la force,
l'énergie et la générosité de tout ce qui nous
motive. Ainsi, présenter Montréal comme le principal creuset par
lequel se forme le Québec de l'avenir, page 121, et affirmer quelques
pages plus loin que le développement cuturel passe en effet par la
reconnaissance enthousiaste d'une mission métropolitaine qui prenne
appui sur les forces existantes et qui contribue à baliser les voies de
l'avenir, c'est bien mal poser la question. À titre d'exemple concret,
la seule région métropolitaine de Sherbrooke forme, avec celles
de Montréal et Québec, le triangle industriel le plus important
du Québec. À notre avis, le groupe-conseil propose une vision
partielle et réductrice de la réalité culturelle
régionale en refusant de reconnaître que ce sont aussi nos
artistes régionaux qui, par un exode massif - mais ont-ils le choix? -
vont alimenter ces centrales d'énergie que sont Montréal et
Québec.
Depuis la fondation des conseils de la culture, nous avons
accordé la priorité à la consultation, à la
concertation et au développement. Dans son travail quotidien, un conseil
de la culture, en plus d'encadrer, anime, organise, développe et
crée, dans le milieu où il oeuvre, des interactions qui se
répercutent dans la vie sociale, politique et culturelle. Notre plan
d'action est axé sur trois grands pôles: école et culture,
municipalité et culture, média et culture, où nous avons
mis en place des mécanismes d'intervention. À ce propos, nous
avons constaté avec plaisir que le groupe-conseil a bien saisi ces
dimensions qu'en Estrie nous avions déjà identifiées.
La reconnaissance que nous recevons de nos partenaires régionaux
de l'industrie du tourisme et de la culture prend la forme d'invitations
à siéger sur différents comités qui sollicitent
notre expertise en matière de développement culturel.
Malgré nos maigres ressources financières, notre manque de
personnel, nous avons su créer des alliances avec des organismes
nationaux et sectoriels. Nous travaillons également en étroite
collaboration avec notre communauté anglophone dans les dossiers
concernant l'éducation, le patrimoine, etc. En Estrie, de Sherbrooke
jusqu'à Lac-Mégantic, d'Asbestos à Coaticook jusqu'au
Vermont, nous voyageons vers toutes les destinations de l'intérieur de
nos frontières jusqu'à la Nouvelle-Angleterre. (11 heures)
Les élus municipaux ont toujours eu des responsabilités
à assumer dans le développement culturel. L'histoire de notre
Conseil est jalonnée d'expériences fructueuses avec la
majorité des instances municipales. Du Sherbrooke métropolitain
en passant pas les MRC à la plus petite municipalité, où,
par nos interventions, nous sommes le lien nécessaire entre les besoins
des artistes et ceux des municipalités. Là comme ailleurs, notre
premier souci a été de faire valoir et de faire entendre le point
de vue des créateurs et créatrices dont nous sommes le messager.
Nous sommes sensibles comme milieu et nous comprenons que le monde municipal
doit pouvoir compter sur des programmes nationaux et des crédits de
transfert suffisants pour assumer des responsabilités que vous partagez
avec lui et que vous aurez pris soin de négocier avec leurs
représentants.
À travers le temps, l'évolution des actions et des
mandats, que ce soit la direction générale des Affaires
culturelles qui doit rendre des comptes à ses ministres, d'un
comité culturel qui doit rendre des comptes à ses
municipalités et d'un conseil de la culture qui doit rendre des comptes
à ses artistes, l'évolution de ces mandats, disions-nous, a connu
de courtes périodes de chevauchement. Maintenant que les mandats ne se
chevauchent plus et que les actions s'y harmonisent, ce que le conseil fait,
personne d'autre ne peut le faire: parler au nom des artistes qui, avec nous,
sont libres de s'exprimer sans s'autocensurer. Elles savent et ils savent que
nous ferons entendre leurs voix auprès de ceux qui doivent les entendre,
que nous hausserons le ton auprès de ceux qui se bouchent les
oreilles.
Au lieu de questionner la pertinence de notre existence et malgré
l'évaluation favorable des conseils régionaux de la culture par
la firme Multi-réseau, que le ministère avait mandaté pour
nous évaluer, le groupe-conseil ne reconnaît pas le travail
phénoménal de l'ensemble des conseils de la culture. Nous avons
toujours placé notre coeur et notre intelligence au service des artistes
et de la culture en faisant tout pour que notre action comporte toujours un
objectif utile pour la collectivité québécoise.
En novembre 1990, à l'occasion du Congrès d'orientation de
l'assemblée des conseils, tous les intervenants se sont prononcés
fermement en faveur d'une politique décentralisée, permettant
à
tout le Québec de se développer en matière
culturelle. En Estrie, les actions de notre conseil témoignent de
l'importance accordée au développement culturel fondé sur
le dynamisme des intervenants locaux et régionaux basé sur des
programmes correspondant à leurs véritables besoins, en tenant
compte de la spécificité de notre région, afin d'obtenir
une meilleure cohérence avec le national. Il y a quelque temps, nous
avons entendu quelqu'un déclarer qu'il n'y avait que les grands couteaux
et les gros "guns" pour faire bouger le gouvernement. Cette personne faisait
bien sûr allusion aux bistouris du corps médical et aux revolvers
du corps policier. Mais comme vous le savez, il n'a jamais été
dans la mentalité de ceux et celles, qui sont à la fois le
passé et l'avenir culturel de notre Québec d'adopter une attitude
menaçante ou encore d'utiliser le chantage. Pouvons-nous imaginer un
instant Marie-Claire Blais, qui habite notre région, et Anne
Hébert avec des matraques, Réjean Ducharme, Michel Tremblay avec
des "guns"? Certes, nous déplorons depuis longtemps la lenteur du
gouvernement dans l'important et vital dossier de la culture, mais nous
continuons de croire à l'effet foudroyant des ressources morales mais
aussi financières pour faire évoluer une situation.
Au Conseil de la culture de l'Estrie, nous croyons qu'il est important
de soutenir et d'être soutenus par nos partenaires, les organismes
nationaux et sectoriels, et de faire sortir les fonctionnaires de leur
indétermination. Comme nous ne sommes pas des quêteux et des
quêteuses, nous demandons plus qu'une petite pièce de monnaie;
nous demandons qu'on aille plus loin en faisant enfin quelque chose de concret
en vue d'une répartition plus juste de la richesse collective.
Devons-nous vous rappeler que la force de l'ensemble s'appuie sur celle de
chacune de ses composantes et qu'il est d'intérêt national de
soutenir la qualité, qu'elle soit régionale ou nationale?
Pour nous, Mme la ministre, la culture, ce n'est pas seulement ce que
nous apprenons à l'école ou à l'université. C'est
aussi et surtout ce que nous devenons au cours de notre existence sur la
terre.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Mme Marchessault, il me fait plaisir de
tous vous revoir. D'ailleurs, vous venez d'un des, je pense que c'est le plus
beau coin du Québec - il n'y a personne, on est entre nous - ne
serait-ce qu'un des plus beaux coins du monde; nous en faisions partie, Sutton,
on est maintenant en Montérégie, mais ce n'est pas grave, c'est
un coin qui est magnifique et aussi, extrêmement actif. On a eu la chance
d'avoir énormément de représentants de votre
région; d'ailleurs, j'avais commencé par vous. Et c'est
drôle, parce que votre réaction au niveau de récriture,
comme disait mon collègue, un peu courte du rapport Arpin, au niveau de
Québec, bon, à Montréal, Québec et les
régions et Dieu sait! Je suis certaine que ce n'était pas
l'intention de dire non plus: C'est un bloc monolithique, je vous l'avais dit.
Mais c'est drôle parce que, finalement, je vous avais dit que
c'était pour engendrer une discussion et bien cela a eu une discussion
extraordinaire à travers le Québec et une levée de
boucliers qui fait en sorte qu'il y a une espèce de conscientisation
encore plus grande de la part de Montréal et de Québec, de la
présence des régions et même des régions aussi de se
dire: Nous, on est des forces vives. D'ailleurs, hier, on se rappelle dans Le
Devoir, on parlait de la création en Abitibi, des choses qu'on ne voyait
pas ou plus rarement et j'espère qu'on va continuer à
développer, à voir de plus en plus et à le dire aussi haut
et fort.
Mme Marchessault: Je pense que c'est vraiment
irréversible, Mme la ministre. Il y a vraiment une force de
création et d'énergie résolument unique au Québec,
et je trouve que nous sommes aussi une société qui est
très évoluée.
Mme Frulla-Hébert: Moi aussi. Mme Marchessault, vous qui
avez toujours oeuvré à l'intérieur du... non seulement
vous avez donné un apport extraordinaire au niveau du monde culturel,
des arts. Vous dites, on est une société évoluée.
Moi, je suis d'accord, je pense qu'on a fait un très, très grand
bout de chemin en termes de société.
Mme Marchessault: En très peu de temps.
Mme Frulla-Hébert: Oui c'est ça. Oui parce que d'il
y a 30 ans maintenant.
Mme Marchessault: Vous le disiez tout à l'heure.
Mme Frulla-Hébert: Oui, veux veux pas. On a beau dire
finalement... On peut se donner puis s'accuser de tous les torts, on est ici
parce que l'on a un besoin de changement. Les gens acceptent de venir discuter.
On se dit franchement nos vérités, mais, effectivement, en
très peu de temps. Par contre, je vous donne un exemple: On est tous
à pousser sur une bibliothèque ou encore un centre culturel. Par
exemple, une région qui est venue nous voir - je ne la nommerai pas - et
qui nous disait: Ah! Comparativement, en périphérie de la
capitale, ils nous disaient: Nous autres, comparativement aux investissements,
on n'a rien, on s'organise pour doter d'un équipement dont ils ont
besoin. Référendum: La population, évidemment, c'est une
petite augmentation au niveau de la municipalité, très petite. 50
$ au niveau du compte de taxes annuel, ce n'est pas énorme, ça,
c'est six paquets
de cigarette ou à peu près. Et battu par
référendum et voilà, !e beau projet à
l'eau. Il faut encore recommencer tout ça. Il y a bien des fois, c'est
au niveau, c'est décourageant aussi de l'autre côté.
Alors, vous dites, on est une société
évoluée. Vous dites que c'est irréversible, donc vous nous
encouragez. Mais au niveau de votre région, il semble y avoir une
stimulation énorme et une sensibilisation énorme au niveau
culturel. Dites-nous comment vous faites et versus ce qu'on peut prendre
justement comme exemple puis l'amener dans d'autres régions, parce que
ce n'est pas évident partout.
Mme Marchessault: Le Conseil de la culture, grâce
d'ailleurs à Danielle Dupuy qui est ici avec nous ce matin, s'est donne
il y a quelques années des axes de développement d'ailleurs qu'on
reprend, qui sont dans le rapport Arpin, que nous avions déjà
identifiés avant M. Arpin, et qui sont des axes de développement
très importants: médias et culture, écoles et culture et
municipalités et culture.
Alors, il y a une espèce de, quelque chose que je pourrais
qualifier d'harmonie, je pense, entre les intérêts de chacun et de
chacune. Il faut absolument se serrer les coudes, les temps sont durs, il faut
se serrer les coudes, il faut tirer sur l'attelage dans le même sens.
Maintenant, j'aimerais que Mme Savoie vous parle un peu de ce que l'on fait
parce qu'elle travaille beaucoup en région avec les
municipalités, parce que c'est vraiment... Il faut compter, nous en
avons plusieurs, nous avons beaucoup d'organismes en Estrie qui sont membres du
Conseil de la culture, qui viennent chez nous et qui sont très
attachés au Conseil de la culture, mais Mme Savoie travaille
particulièrement en région, et j'aimerais qu'elle vous en parie
un peu, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Juste un peu avant de commencer, Mme
Savoie, expliquez-moi aussi. Évidemment, les groupes que nous avons
reçus, on a reçu la Société de développement
économique, la ville de Sherbrooke qui se dote d'une politique
culturelle. Finalement, même l'Association touristique en est très
consciente et se sert de la culture. Alors, comment votre organisme... parce
que vous êtes dans une région très bien organisée...
Il y a l'université aussi...
Mme Marchessault: Grâce au Conseil de la culture, parce
qu'on était là pour pousser, pour critiquer, pour chialer, pour
dire: Écoutez, non vraiment, la ville de Sherbrooke s'est donné
évidemment une action culturelle, une politique culturelle, mais
là, ils en sont à la deuxième version. La première
version, nous n'étions pas satisfaits. Quand je dis nous, je parle de
tous les artistes de la région et des organismes que nous
représentons. Alors, ils nous disent: Nous, on aime pas telle ou telle
chose. Donc, on peut, parce qu'on les représente vraiment et qu'on est
vraiment leur porte-parole puis, dans l'espace de quelques heures, on peut
pratiquement se mettre au téléphone et consulter à peu
près tout le monde. Or, on a pu faire des pressions et la ville de
Sherbrooke, parce qu'il y a des gens quand même compétents et de
très bonne foi et qui veulent faire des choses, ont révisé
certaines choses, et on a pu faire avancer les choses grâce à
ça.
M. Paquet (Pierre): Pour le cas auquel vous avez fait allusion,
je pense qu'il faut insister sur le fait... D'abord, je vous dirai que mon
père est originaire de cette région-là, qu'il m'avait dit
qu'ils le perdraient parce qu'il était allé voir ses
beaux-frères et belles-soeurs la fin de semaine
précédente, et si je vous dis ça c'est pour insister sur
l'importance que ces gens-là se laissent convaincre par leurs
semblables, par les gens qui, dans leur milieu, sont les plus vendus à
la chose culture. C'est une région qui n'a pas été
très favorisée dans le sens d'avoir des outils de concertation
culturelle autant qu'ils ont pu en avoir en Estrie par exemple, parce qu'ils
étaient rattachés à une autre région, il y avait 2,
3 régions. C'est ça qui fait la différence entre le gain
et la perte et, pour avoir parlé à la personne qui était
responsable du comité hier sur cette question-là, parce qu'on est
intéressé à les aider et qu'ils viennent nous voir parce
que nous, on ouvre notre bibliothèque et que c'était leur projet
de base, ils vont remettre la roue en branle pour avoir perdu une bataille,
mais pas la guerre. Donc, c'est de maintenir des moyens à ces
gens-là pour qu'ils puissent continuer à opérer ces
sensibilisations-là.
Mme Savoie (Gertrude): Si je peux me permettre de revenir au
travail de Sherbrooke, de la Société de développement,
pour vous dire que nous sommes différents en ce sens que nous sommes
heureux que Sherbrooke se dote d'une politique culturelle, nous sommes heureux
aussi que la MRC de Memphrémagog se dote d'une politique culturelle,
nous y avons travaillé, nous avons travaillé de concertation avec
les élus municipaux pour qu'on puisse y arriver. Mais notre travail se
fait sur tout le territoire. Il ne se concentre pas nécessairement dans
la région de Sherbrooke. Notre territoire est beaucoup plus vaste que la
seule région de Sherbrooke et les environs. Et si je peux me permettre
de revenir à cet axe de développement municipalités et
culture où nous investissons beaucoup de notre temps à
sensibiliser, à informer les élus municipaux de tout notre
territoire de l'importance de se doter de politiques culturelles et de les
soutenir dans ce travail qui est d'autant plus difficile que les
investissements financiers ne sont pas adéquats en ce moment, et
particulièrement avec la réforme qui leur arrive. Nous
investissons du temps au niveau de commissions territoriales où
nous réunissons des élus municipaux, le milieu culturel pour
arriver à concerter les individus autant du côté de la
municipalité que des créateurs et des artistes de la
région pour concerter les besoins, autant d'un côté comme
de l'autre, et arriver à développer, à mettre en place des
plans réels de développement culturel. D'autre part, nous
investissons aussi au niveau d'une activité annuelle,
municipalités et culture, où nous réunissons les
élus municipaux et les créateurs de tout notre territoire pour se
pencher sur des problématiques particulières. Notamment cette
année, nous allons nous pencher sur la fiscalité et la
culture.
Mme Frulla-Hébert: Mme Marchessault, avant de terminer -
parce que le temps presse et je vais laisser la parole aussi à mes
collègues - on nous a beaucoup demandé ici, on nous a
demandé beaucoup d'appuyer et d'améliorer la condition du
créateur. Il y a une grande discussion ici versus création et
industrie culturelle. Même il y en a certains qui poussent l'idée
assez loin, de dire: Les industries culturelles, une fois qu'elles sont bien
parties, devraient bénéficier de programmes du ministère
de l'Industrie et du Commerce, et le ministère des Affaires culturelles
devrait se concentrer beaucoup plus sur la création et tout le
jaillissement créatif, si on veut, et concentrer ses actions
là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez, un peu de création,
créateurs vs entreprises culturelles, ou est-ce qu'il doit y avoir une
juste, finalement, mesure entre les deux? (11 h 15)
Mme Marchessault: Parce qu'on parle de quelque chose qui,
à mes yeux, n'est pas monnayable, combien ça coûte
écrire une pièce de théâtre. Je veux dire... Il faut
voir les conditions de vie, je pense qu'on devrait avoir des conditions, je ne
dirais pas minimum, mais des conditions de vie... C'est extrêmement
difficile, parce que moi, ma priorité, c'est pas de l'argent. J'arrive
bientôt à 54 ans. Je suis toujours en deçà du seuil
de la pauvreté et je ne suis pas angoissée. Parce
qu'évidemment, j'ai d'autres pensées. Je suis habitée par
autre chose.
Maintenant, pour les jeunes artistes, je pense que c'est vraiment
terrible. À l'époque où moi, j'ai sollicité mes
premières bourses - c'est au Conseil des arts du Canada - il y en avait
beaucoup moins. Maintenant, il y a vraiment une explosion. Il faut trouver des
moyens et, entre autres, et c'est là que le rôle des
régions est tellement important, il faut que nos artistes, Mme la
ministre, cessent d'aller grossir les rangs des chômeurs et des
chômeuses à Montréal. Il faut que les... Oui.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que vous dites: là,
à l'époque, il y en avait beaucoup moins. Maintenant, il y a une
prolifération. Et effectivement, au niveau des musiciens, on en forme
beaucoup; au niveau de l'art dramatique, on en forme beaucoup. Il y a deux
choses aussi: on ne peut pas arrêter non plus l'effort et la formation,
parce que... bon... mais d'un autre côté, comment on fait aussi
pour subvenir à tout cet influx positif, oui, mais cette
prolifération?
Mme Marchessault: Je pense que c'est impossible de
l'arrêter. Enfin, à mon avis, moi... Vous parlez de
prolifération... Au contraire, je trouve que c'est ce qui fait aussi la
société, le tissu...
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, oui.
Mme Marchessault: ...la texture même de la
société québécoise, c'est cette, comme vous dites,
entre guillemets, prolifération. C'est qu'il y a des artistes partout.
Et c'est ce qui fait qu'on est une société évoluée.
Et moi, quand je parie d'une société évoluée - j'ai
des amis un peu partout dans le monde, je suis une femme cosmopolite, et je
vois comment ces gens réagissent, et je vois comment nous, nous
réagissons sur le plan humain, sur le plan des artistes, et tout
ça, et je me dis combien nous sommes avancés sur le plan
philosophique, sur le plan historique, sur le plan de la pensée, sur le
plan de la verbalisation. Alors, je dis: II ne faut pas essayer de contenir
cette prolifération. Au contraire, c'est ça qui fait la richesse
de la société maintenant. Je suis obligée d'employer un
mot anglais, de "dealer" avec ça, Mme la ministre. Ça veut dire
qu'il va falloir trouver une place pour tout le monde, d'abord en
commençant par la région, parce que nous, en région, on
vit vraiment un exode massif. Mais moi, je suis l'exemple contraire. J'ai
quitté Montréal pour aller vivre en région. Il y a Michel
Garneau qui est maintenant en région.
Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que...
Mme Marchessault: II y a Marie-Claire Blais...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
Mme Marchessault: ...qui est tout près de chez moi.
Mme Frulla-Hébert: On ne voit pas maintenant, justement,
ce que vous dites...
Mme Marchessault: Comprenez-vous?
Le Président (M. Doyon): Je devrais donner la parole
maintenant à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme Marchessault, ma-
dame la directrice générale, félicitations et
meilleurs voeux de succès dans vos fonctions. Mesdames et M. Paquet, qui
est un habitué des commissions parlementaires et de ce Parlement. Un
tout bref commentaire, une question que je vous adresserai et mon
collègue estrien d'adoption, le député de Mercier aussi,
voudra vous questionner.
La première, je trouve que c'est une victoire à la Pyrrhus
de dire que le rapport Arpin, ayant été court au niveau des
régions, cela permettait aux régions de venir s'affirmer. Je
pense qu'on aurait pu trouver d'autres moyens que celui-ci. La question que je
veux vous poser a deux volets. Je vous la fais le plus bref possible pour
donner le temps à la discussion. Oui, on a menacé les conseils
régionaux de la culture. Résultat: j'ai entendu à cette
commission une MRC s'interroger vraiment sur le rôle du Conseil de la
culture en se disant: Qu'est-ce qu'ils font là comme tel? C'était
celle de Mem-phrémagog, je crois, ce qui me heurtait un peu. Le
deuxième volet est: Quels sont les liens qui existent entre le Conseil
de la culture de l'Estrie et les intervenants culturels de la communauté
anglophone, en Estrie, qui est quand même importante?
Mme Bertolini (Sylvia): Moi, je peux répondre à
cette question parce que je suis de la Société historique de
Stanstead. À Stanstead, on est justement au-dessus de la
frontière américaine-canadienne, et je vais vous dire que le
Conseil de la culture, en ce moment, est en train de monter un programme
échange Québec-Ver-mont. C'est le Conseil de la culture qui est
en train de le faire. Plusieurs d'entre nous, on va descendre... Ça veut
dire les peintres, les artistes, les musiciens, il va y avoir de la danse,
entre autres...
Une voix: Le théâtre.
Mme Bertoloni: ...le théâtre, le patrimoine. Nous
allons tous au Vermont, faire un échange de même type avec des
gens qui sont nos pairs, là-bas, au Vermont. Et c'est un échange
culturel qui se fait, et ce sont des anglophones, et c'est le Conseil de la
culture qui a mis ça sur pied. Et nous, le musée à
Stanstead, le Conseil de la culture nous a aidés
énormément à savoir quelle voie, quel chemin prendre pour
avoir certaines informations.
M. Boulerice: Heureux de cette réponse.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président, je vous remercie. À
force d'attendre, ma question s'est dissoute dans les ténèbres de
la mémoire. Mais je voudrais quand même en profiter pour saluer
mon amie, Jovette Marchessault, qui a contribué au développement
du théâtre québécois, avec des oeuvres qu'on peut
qualifier carrément de révolutionnaires, et qui ont fait reculer
les frontières de la liberté au théâtre, ce qui est
important, parce que ça se transfère dans le comportement des
gens.
J'aimerais savoir de vous pour quelles raisons on ne trouve pas avec
vous, ce matin, les porte-parole du théâtre du Piggery, par
exemple, qui est une des plus anciennes institutions de la région et
qui, malheureusement, n'est pas ici. J'aurais aimé leur poser quelques
questions parce que moi ça m'apparait un peu presque magique que le
Piggery existe toujours, et miraculeux que je dirais quasiment, que le Piggery
existe toujours et qu'il continue à travailler, à produire et
remplir leurs salles. Leur seul défaut peut-être jusqu'à
maintenant c'est qu'ils n'ont pas joué encore une pièce de Mme
Marchessault, mais j'imagine que c'est une question de temps.
Mme Marchessault: Je suis jouée seulement à
Toronto, Gérald. Je ne suis pas rendue encore chez les anglophones des
Cantons-de-l'Est.
M. Godin: Qui sont vos voisins.
Mme Marchessault: Qui sont mes voisins et mes voisines.
Mme Bertolini: ...qui est au théâtre du Piggery, il
fait partie du conseil administratif du Conseil de la culture.
M. Godin: Bon. Alors, ça répond à ma
question.
Mme Marchessault: J'ai laissé plusieurs messages sur son
répondeur et il est peut-être en tournée aux
États-Unis, je ne sais pas, mais il est membre de notre conseil
d'administration, et les relations sont vraiment excellentes.
Une voix: Avec le Piggery. Mme Marchessault: Oui et
Mike.
M. Godin: M. le Président, une toute dernière. Nous
savons de plus en plus maintenant en siégeant ici qu'il y a des
manifestations culturelles en régions. Est-ce qu'on peut
corrol-lairement dire aussi qu'existe une culture des régions qui serait
différente de la culture des régions voisines? Je sais bien que
Trois-Rivières, par exemple, a une forme de culture parce que c'est mon
coin natal. Je connais, par adoption, comme a dit mon collègue de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, la culture de votre région à vous. Et
j'ai constaté des différences.
Pourriez-vous me donner votre opinion là-dessus, si vous en avez
une au moment où on se parle?
Mme Marchessault: Je pense qu'il y a des couleurs, chaque
région a ses couleurs. Mais en-dessous des couleurs, en-dessous des
vêtements, pour moi, il y a du sang, il y a un coeur, il y a un esprit.
Je pense que la dynamique est partout la même. Il y a des endroits
où elle est plus évidente, où il y a plus d'énergie
encore. Mais de ce que je sais, de tous les conseils, des 10 autres conseils de
la culture, parce que j'ai lu les mémoires des autres conseils de la
culture, et moi j'étais absolument estomaquée et emballée
par ce qui se disait, par ce que ces conseils-là de la culture
arrivaient à faire, en consultation et en concertation puisqu'on
représente les artistes, avec les artistes.
M. Paquet: Je pense qu'on doit ajouter qu'il y a des
différences qui sont évidentes, il y en a d'autres qui sont plus
subtiles. Ce qu'il faut, je pense, ce à quoi on s'attend d'une politique
culturelle, c'est qu'elle donne des moyens de consolider les forces dans les
régions. Je pense, par exemple, aux arts de la scène en Estrie,
par rapport à d'autres régions. Il est évident, ne
serait-ce que par la liste des personnes qui reçoivent des subventions
et l'investissement de l'État qui est jumelé à celle du
privé et des artistes dans notre région, c'est plus fort qu'une
autre région.
Dans une autre région, pour la vôtre, je pense qu'il y a
des forces évidentes au niveau de l'édition de la poésie,
et ça ne veut pas dire que tous les autres sont faibles, mais ça
c'est une très grande force par rapport à d'autres
régions.
Ce qu'on doit reconnaître, c'est que la politique culturelle,
enfin, ce qu'on en attend, c'est qu'elle permette aux forces de continuer, de
poursuivre, que ces forces-là, dans des échanges
interrégionaux, puissent servir les autres régions et que la
politique reconnaisse également que les faiblesses dans des
régions puissent avoir accès à des moyens de
développement. Je pense que c'est l'attente la plus grande de tous les
artistes de toutes les régions.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Paquet. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, brièvement puisque déjà,
le temps file et d'autres groupes veulent intervenir. Mme Marchessault s'est
demandé si Marie-Claire Blais et Anne Hébert pouvaient avec des
matraques, Ducharme et Tremblay peut-être avec des "guns"... Tremblay, je
ne le sais pas, mais Ducharme, là, j'aurais des doutes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Mais je peux vous dire...
Mme Marchessault: Je n'ai pas osé mettre mon nom non plus
parce qu'on aurait dit oui, peut-être. Alors... Ha, ha, ha!
M. Boulerice: J'allais dire: Mme Marchessault, vous avez une arme
qui est merveilleuse et qui pourrait constituer une menace pour ceux qui
n'écriront pas une politique culturelle satisfaisante. Vous avez la plus
belle arme dans les mains qui est une plume.
Mme Marchessault: Voltaire serait d'accord avec vous, M.
Boulerice.
M. Boulerice: Je n'ai pas pu le consulter faute de temps
mais...
Mme Marchessault: Non.
M. Boulerice: Ha, ha, ha! Je vous remercie beaucoup Mme
Marchessault ainsi que les collègues.
Mme Marchessault: Pourrais-je ajouter que la culture n'a pas de
frontière et n'a pas non plus de problème de langue.
M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Est-ce qu'il y a
consentement pour... Vous voulez la parole, M. le député?
M. Benoit: Oui, si c'est possible.
Le Président (M. Doyon): Oui, si vous me la demandez, il y
a moyen de s'arranger mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): ...je n'avais pas... Une
voix: Demandez et vous recevrez. Le Président (M. Doyon):
Oui.
M. Boulerice: II y a une entente entre le ministre et le
porte-parole, mais disons que compte tenu que c'est un groupe de l'Estrie,
alors, nous allons...
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement?
Oui?
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
quelques mots de remerciements.
M. Benoit: Alors, Mme Marchessault, merci d'être venue nous
rencontrer. Au nom de la deputation de l'Estrie qui sont tous pris en
commission parlementaire - je l'étais moi-môme jusqu'à il y
a quelques minutes - vous remercier
d'être venus ici. Entre le moment où je suis arrivé
dans l'Estrie il y a 20 ans et aujourd'hui, même à travers les
problèmes que vous nous mentionnez, il y a eu une explosion culturelle.
Je pense à des choses telles que le Musée des beaux-arts de
Sherbrooke, il y a 20 ans, il n'y en avait pas. Il y avait le Séminaire.
Maintenant, on a un beau musée organisé avec des
bénévoles. Je pense à des activités populaires. Je
pense à la Traversée qui a mis une option activités
culturelles et qui, finalement, après quelques années, va
très bien. Le Symposium de peinture, depuis deux années, 5000
à 6000 personnes l'an passé, cette année, 13 000. À
cette vitesse-là, il y aura 100 000 personnes qui viendront voir les
oeuvres d'art de nos peintres dans quelques années. Et je pourrais
continuer. Je pense à votre musée avec le Vermont et combien
d'autres choses.
Oui, il y a des problèmes. On a parlé du mémoire de
la MRC de Memphrémagog qui était ici plus tôt la semaine
dernière. Ce que je retiens du vôtre, c'est que vous avez
mentionné la collaboration ou l'étroite collaboration que vous
avez avec la communauté anglophone. Et ça, on a reproché
à la MRC de Memphrémagog de ne pas l'avoir fait alors qu'on sait
qu'il y a une grande partie des arts qui est venue de ce milieu-là
originalement.
Alors, on vous remercie de votre présence. Les années
à venir seront, espérons-le, un peu plus faciles. Et vous avez
certainement fait avancer la chose des arts ici aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom de la commission,
Mme Marchessault ainsi que tous les gens qui vous accompagnent, il me reste,
comme président, à vous remercier d'avoir bien voulu prendre le
temps de nous entretenir comme vous l'avez fait, d'une façon aussi
convaincante. Et en vous souhaitant un bon retour, je vous permets de vous
retirer de la table. Merci beaucoup encore une fois.
Suspension des travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
(Reprise à 11 h 31)
Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît! La
commission va reprendre ses travaux maintenant. Les conversations peuvent se
poursuivre à l'extérieur de l'assemblée, s'il vous
plaît. M. le député d'Orford. J'invite maintenant la
Société généalogique canadienne-française
à bien vouloir s'installer pour qu'elle puisse s'adresser à la
commission.
Une voix: M. le Président, merci pour votre
collaboration.
Le Président (M. Doyon): Maintenant que M.
Normand Robert a pris place à la table de nos invités, il
me reste tout simplement à lui souhaiter la bienvenue et à
l'inviter à s'adresser à nous, de la même façon que
les autres l'ont fait, 10, 15 minutes et, après ça, nous allons
commencer la discussion avec vous. Vous avez la parole, M. Robert.
Société généalogique
canadienne-française
M. Robert (Normand): Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le
représentant de l'Opposition officielle, M. le Président de la
commission, mesdames, messieurs. Pour situer les membres de la commission,
quelques mots sur la Société généalogique
canadienne-française.
Cet organisme a été fondé en 1943 et fêtera
son 50e anniversaire en 1993. Elle regroupe plus de 3500 membres au
Québec, mais également dans des régions, bon, diverses
provinces canadiennes et aux États-Unis. Et nous avons quelques membres
en Europe, en Afrique, en Asie et même un en Océanie. Donc,
ça nous permet de dire qu'on est international. Elle publie une revue
trimestrielle depuis 1944, qui se compare avantageusement à celle de la
Revue d'histoire de l'Amérique française, là, les
gens qui se sont présentés il y a environ une heure. Elle
entretient une bibliothèque, la plus importante du genre en
Amérique française; elle est située boulevard Rosemont
à Montréal, dans un quartier bien populaire. Elle offre des cours
de formation et de recherche en généalogie; elle publie des
instruments de recherche et organise tous les cinq ans un congrès, qui
attire bon nombre d'Américains à ses activités.
Toutes ses activités fontionnent grâce au
bénévolat indéfectible de ses membres et sans subside
gouvernemental. Notre budget annuel est d'environ... bon, dépasse les
100 000 $; l'année dernière, c'était 115 000 $, ça
varie d'une année à l'autre, là, mais ça tourne
toujours aux alentours de 100 000 $. J'aimerais que les gens de la commission
se souviennent de ce chiffre-là, parce que je vais faire une comparaison
avec notre noble institution, les Archives nationales, tantôt, et je
pense que le chiffre de 100 000 $ va être très explicite.
Signalons également que la généalogie est le
troisième loisir en importance au Québec, après les sports
et les arts, et ce mouvement ne pourra sans doute que s'accentuer, surtout si
l'on songe à la tendance globale du vieillissement de la population.
Maintenant, entrons dans le vif du sujet. J'aimerais signaler, entre
autres, trois recommandations que nous appuyons fortement - bon, nous en
appuyons un certain nombre - mais je vais en souligner trois, qui nous
apparaissent plus importantes.
La première, c'est la recommandation qui demande une modification
de nom au ministère actuel. Nous appuyons cette modification-là,
et nous serions fiers de voir un ministère de la
culture au Québec.
Nous appuyons également la recommandation à l'effet du
rapatriement complet des champs de compétence relevant du domaine
culturel, mais à la réserve d'obtenir les pleines compensations
financières nécessaires à cette prise en charge de ces
nouveaux leviers de développement culturel. Au sujet de l'objectif de 1
% du budget total de l'État accordé à la culture, cela
nous apparaît comme étant un minimum pour le développement
de ce secteur de notre société et il faudrait plutôt penser
à 2 % du budget total de l'État.
Par contre, nous avons été extrêmement
déçus après la lecture des 113 recommandations pour
constater que la majeure partie portait sur les arts. À notre avis,
c'est une importance exagérée et restrictive. D'ailleurs, les
arts ne sont qu'une facette ou une expression de la culture. Nous avons
toujours eu l'impression que la culture commençait au berceau par le
rapport privilégié entre les parents et l'enfant et se
poursuivait à l'école et non par l'assistance à un
spectacle ou la visite d'un musée.
D'ailleurs, nous trouvons également que la dichotomie entre
créateurs, d'un côté, consommateurs de biens culturels et
d'art, de l'autre, est une erreur grossière. Nous devons plutôt
favoriser l'implication de la population dans le processus culturel. La
véritable démocratisation de la culture et des arts passe par une
participation active des citoyens à la culture. Donc, je crois que le
grand succès dans le domaine sportif devrait également
s'appliquer dans le domaine de la culture. Je crois que la culture devrait
laisser une place aux amateurs.
Maintenant, sur un plan plus précis. Comme nous le mentionnons
dans notre mémoire, nous nous intéressons plus
particulièrement au patrimoine archivistique, qui est la mémoire
de notre peuple et la base de notre loisir culturel, la
généalogie. Ce patrimoine nous apparaît
négligé. La direction des Archives nationales du Québec
est, à notre avis, le parent pauvre de la culture. Si le
ministère des Affaires culturelles est le parent pauvre de l'ensemble
des ministères, la direction culturelle des Archives nationales, c'est
le tiers monde carrément.
Je vais vous prouver ça assez facilement. Le budget de
fonctionnement pour l'année 1987-1988 - malheureusement je n'ai pas pu
trouver des chiffres plus à date que ça, mais je crois que c'est
quand même des chiffres qui ne sont pas tellement modifiés. Le
budget donc 1987-1988, 1 000 000 $ pour les Archives nationales. C'est un
chiffre qui peut paraître assez bien comme point de départ par
contre, lorsqu'on sait que 1 000 000 $ est divisé en neuf centres
d'archives pour faire fonctionner un réseau complet, c'est
déjà moins bien. Lorsqu'on regarde la ventilation, par exemple,
là c'est une autre histoire.
Quelques exemples: centre de Rimouski, 14 500 $, pour le budget de
fonctionnement; le centre de Trois-Rivières, 15 000 $; centre de
Sherbrooke, 14 200 $; le centre de Hull, 14 000 $. Ça, c'est un budget
familial en deçà du seuil de pauvreté. C'est environ 250 $
à 300 $ par semaine. Peut-on envisager de promouvoir le domaine
archivistique au Québec avec si peu de fonds? Le salaire des
employés coûte plus cher que leur budget de fonctionnement, et ces
gens-là sont obligés de s'appuyer sur leur milieu pour
réussir à joindre les deux bouts, ce qui m'ap-paraît un
non-sens pour une institution qui devrait être considérée
comme une des institutions nobles au Québec, parce qu'elle conserve
l'ensemble de notre patrimoine archivistique.
Les Archives nationales ont un programme d'aide financière. Non
seulement, eltes sont le parent pauvre, mais en plus elles donnent une partie
de leur avoir pour, entre parenthèses, aider l'archivistique en
régions. Le budget de cette année - au moins pour cette fois-ci,
j'ai des chiffres actuels - pour l'année 1991-1992, le budget est de 186
000 $. La région de Montréal a eu 60 000 $. Donc, la
région de Montréal, quand même, représente plus que
le tiers de la population et plus que le tiers aussi des organismes qui
oeuvrent dans le domaine de l'archivisti-que et de l'histoire et obtient
seulement un tiers.
Bon, dans mon mémoire, je souligne qu'il y a eu 66
présentations de projets; 44 ont été retenus par le jury
de sélection pour la région de Montréal et 11 ont
été lauréats. Divisons les 60 000 $ par 11, ça nous
permet d'avoir 5500 $ grosso modo par organisme, ce qui oblige ces
organismes-là, bien sûr s'ils acceptent la subvention, à
rendre à terme le projet qu'ils ont soumis et de faire des
employés de ces projets-là de gentils artisans - pour employer un
terme qui était la vogue dans les années soixante-dix - du
sous-prolétariat qui, en fin de compte, des gens qui travaillent en fin
de compte en deçà du salaire minimum. Moi, je suis convaincu que
ces gens-là travaillent en deçà de 1 $ de l'heure. Mais il
faut dire que, habituellement, dans le domaine culturel, on est habitué
à ça. On aime ce que l'on fait. Donc, on doit payer
monétatre-ment parce qu'on aime ça. Donc, à mon avis,
ça ne devrait pas exister, cette situation-là. Je pense que tout
le monde devrait avoir au moins droit au chapitre du salaire minimum.
Autre incohérence aux Archives nationales: les gens de l'Institut
tantôt parlaient d'un versement de 11 kilomètres d'archives
judiciaires. La totalité est d'environ 80 kilomètres d'archives
judiciaires. Bien sûr, il faut conserver les archives. C'est une chose,
c'est une bonne chose, et on ne reviendra pas là-dessus. Par contre, il
faut également les mettre en valeur. Je crois que dans l'état
actuel des choses, les archives judiciaires, on ne pourra jamais les mettre en
valeur. 80 kilomètres, qu'est-ce que c'est en termes de distance? 80
kilomètres linéaires, c'est
la distance entre Montréal et Louiseville. Je l'ai
vérifié ce matin en partant de Montréal. Donc, c'est quand
même impressionnant. On ne peut pas conserver des archives pour les
conserver. On conserve les archives pour les mettre en valeur, pour s'en
servir. Donc, il faut se donner les moyens de pouvoir mettre en valeur ce
patrimoine-là, soit en concevant de nouveaux programmes de subventions
afin de s'associer les forces vives du milieu pour les mettre en valeur.
Enfin, en terminant, je dirai... Le rapport Arpin souligne que les
équipements culturels sont complets à l'exception de la BN
à Montréal, la Bibliothèque nationale. Il fait erreur. En
1987, les Archives nationales ont été relocalisées dans
une polyvalente de Pointe-Saint-Charles qui est un quartier, à mon avis,
hasardeux de Montréal. Et on nous disait à l'époque: C'est
une relocalisation temporaire, en février 1987. On attend encore. On
entend parler d'un projet éventuel de relocalisation, mais les budgets
n'ont pas passé encore le Conseil des ministres. Donc, on peut
s'inquiéter si jamais ce projet-là se réalise et d'autant
plus que c'est conservé, comme je vous le disais, dans une polyvalente.
C'est un édifice qui n'est pas conçu pour la conservation des
archives.
En terminant, je vous dirai tout simplement que la culture, nous, nous
prenons ça au sérieux puisqu'elle représente le mortier
qui cimente l'édifice social. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Mme la ministre, des questions? (11 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup.
Nous aussi, on prend ça au sérieux. Ça tombe bien. On
s'adonne sur ce point-là.
Vous parlez du médium de la passivité dans votre
mémoire. Vous parlez du cinéma, de la télévision,
de la radio et du théâtre en disant qu'il faut avoir un retour
à la lecture, évidemment, et qu'elle doit être
encouragée chez les jeunes. On est parfaitement d'accord, mais est-ce
que vous avez des suggestions, quant au champ de priorisation qui devrait
être privilégié en termes de sensibilisation au niveau des
jeunes? Et expliquez-moi donc aussi pourquoi vous mettez le
théâtre, par exemple, qui... évidemment on regarde une
pièce de théâtre, mais quand même, de là
à dire qu'on est passif? Cinéma et télévision, ce
sont des grands courants ou moyens d'influence aussi, au niveau culturel,
alors, j'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, en disant
qu'on est d'accord avec vous, là, la lecture évidemment, c'est le
fondement, c'est la base.
M. Robert (Normand): Mais en fin de compte, il y a deux optiques
différentes. À mon avis, c'est qu'après la lecture du
rapport Arpin, on a l'impression que la culture, c'est environ moins de 1 % de
la population, ce qui m'apparaît tout à fait faux. La culture,
c'est l'ensemble de la population qui la fait, c'est comme la langue,
ça. Ce n'est pas les académiciens qui décident; c'est le
peuple qui décide ce que va être la langue, ce que va être
la culture.
Bon, la passivité, c'est-à-dire s'asseoir devant son
téléviseur le soir, c'est la facilité, bien sûr,
tout le monde le fait, je le fais, là; je ne reviendrai pas
là-dessus, je n'ai pas pris mon téléviseur et je n'ai pas
été le porter dans le sous-sol. J'écoute, il y a certaines
émissions qui m'intéressent; j'écoute même des
séries: on a besoin d'évasion comme tout le monde. Par contre, il
faut impliquer les gens. Si on veut que... Bon. Je vais vous donner l'exemple
d'une jeune fille qui étudie le violon: bien sûr, si elle
étudie le violon, en conséquence, elle va s'intéresser
à la musique; elle va être mieux placée pour
apprécier un concert de l'OSM, pour voir toutes les nuances de ce
concert-là; donc, elle est impliquée elle-même dans la
culture. Et je pense que c'est là qu'il faut aller. À ce
moment-là, il y a de la place pour tous les artistes au Québec,
en tant que professeurs, pour aider les gens à les impliquer dans la
culture et non qu'on enferme les gens dans des salles et qu'on leur serve la
culture, le fast-food de la culture, là. Tandis que si chacun met la
main à la pâte, si moi, j'ai joué dans une pièce de
théâtre, j'ai eu le sentiment, j'ai connu le trac, j'ai
bafouillé en parlant, je vais me rendre compte que je vais être
peut-être plus sensible à l'ensemble du jeu théâtral
d'une troupe de théâtre par la suite. Et je vais être
beaucoup plus sensible aussi à cette activité-là.
Donc, je pense que c'est une optique qu'il faut développer. Notre
loisir, nous, à la Société généalogique,
c'est un loisir culturel, les gens se prennent en charge. Je ne suis
peut-être pas représentatif de mes membres, parce que c'est des
gens surtout retraités qui participent à ça. Les gens du
conseil d'administration, on est plutôt jeunes, on est tous des gens qui
travaillons à l'extérieur, mais les gens qui pratiquent ce
loisir-là le font avec beaucoup de vigueur. Ils ont quitté leur
emploi et ils ont trouvé une nouvelle façon de vivre, de nouveaux
objectifs, ils cherchent leurs ancêtres; ce n'est pas facile. Ils font
une recherche, ils ont la chance de créer et de devenir auteur dans
notre vue. Bien sûr, on a un bon comité de rédaction, qui
relit les textes - parce que ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'avoir
une bonne plume - on polit certains textes, mais ça valorise les
personnes. Et je pense que c'est ça, la culture, et non seulement d'en
consommer en tant qu'auditoire mais aussi d'en faire.
Mme Frulla-Hébert: Dernière question: Vous parlez
et vous dites: C'est le peuple qui décide, finalement, de son...
Dites-moi si je vous interprète mal, là, mais un peu de son
devenir
culturel, ce qu'il veut en faire de cette culture. Et d'un autre
côté, il faut quand même donner ou enfin donner des
directions qui sont assez fermes et spéciales pour que les gens nous
suivent. Je ne pense pas que la culture se serait développée
comme elle s'est développée durant les 30 dernières
années et même avant, là, il y a beaucoup qui s'est fait
avant, mais c'est une évolution. S'il n'y avait pas eu, justement, non
seulement les gouvernements, mais aussi des gens qui y croyaient, autant dans
le monde de l'éducation que dans le milieu culturel pour, justement,
élever la barre assez haute pour que les gens puissent vouloir y
accéder. Et c'est là, quand vous dites, au niveau de la
passivité, moi, je suis plus ou moins d'accord, parce qu'il faut aussi
qu'on voit des choses. Et plus on voit des choses qui nous inspirent et qui
nous aspirent, plus on peut en arriver à une conscientisation culturelle
et à un vouloir culturel fort.
M. Robert (Normand): Permettez-moi... Je ne suis pas tout
à fait d'accord. Bien sûr, il faut viser l'excellence. Bien
sûr, il y a Molière, il y a Einstein dans la pyramide
intellectuelle, si on veut, de l'humanité. Mais je pense que tout le
monde a droit au chapitre. Dans le sport... Le sport, je pense, a un bon
succès. Les gens écoutent le hockey à la
télévision, ils regardent Gretzky. On peut regarder Mario
Lemieux, etc., et aussi on peut pratiquer le sport.
Mme Frulla-Hébert: Ah! oui ça, je suis
d'accord...
M. Robert (Normand): Donc, il est faux... Mme
Frulla-Hébert:... dans ce sens-là.
M. Robert (Normand): Et puis, je pense qu'on a besoin de se
baigner dans la culture pour vraiment en apprécier...
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez juste de la culture. Au
niveau - je ne peux pas dire gérontologie, non - du bel âge, les
gens se trouvent, comme vous dites, une occupation, une passion même. Je
suis de celles qui prônent que la culture, entre autres, peut
régler beaucoup de problèmes sociaux, autant au niveau des jeunes
que du vieillissement de la population, c'est-à-dire qu'on offre une
variété d'activités qui ensuite se développent
vraiment en passions. Je pense que le jour où on cesse d'être
passionné, on vieillit et on meurt. Mais le jour où on conserve
le feu, on reste éternellement jeune.
M. Robert (Normand): Voyez-vous, là-dessus, je suis tout
à fait d'accord avec vous.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Robert, j'ai lu attentivement votre
mémoire. J'ai lu, d'ailleurs, une expression que j'ai trouvé
très belle: les "détectives du passé". Vous avez fait
état aussi, en tout premier lieu... Le dernier des congrès
où la thématique était "Nos ancêtres
n'étaient pas tous français", juste par curiosité, j'ai le
goût de vous en parler. J'ai réussi à mettre la main sur un
document qui nous indiquait que, dans l'équipage de Jacques Cartier, il
y avait trois marins croates.
M. Robert (Normand): Effectivement. En fin de compte,
l'intégration des immigrants s'est toujours faits, dans la
société francophone. Sous le Régime français, il y
avait, grosso modo, 400 à 500 immigrants autres que français dans
la colonie. Il faut dire que la population immigrante était environ 10
000. C'est sûr que la population souche des francophones en
Amérique du Nord, ce n'est pas beaucoup. Par la suite, on a
intégré les Irlandais, les Allemands. Les Allemands sont venus
immédiatement après le Régime français, etc. La
société québécoise a toujours été une
société d'accueil. Par contre, semble-t-il, aujourd'hui, on dit
le contraire, mais ça, c'est un autre problème.
M. Boulerice: C'est vrai que cette découverte que je viens
de faire nous incite sans doute à avoir une pensée
spéciale pour nos amis croates qui sont victimes d'une agression sauvage
de la part non pas de l'armée yougoslave, mais de l'armée serbe.
On massacre - d'ailleurs, en tant que Québécois, je pense qu'on
devrait être solidaires - on est en train de démolir Du-brovnik,
qui est une ville classée patrimoine national, comme notre capitale
à nous.
Ceci étant dit, je vais vous poser la question: D'où nous
vient, nous Québécois, ce goût presque incommensurable de
la généalogie? J'ai même appris une autre chose: tous ceux
qui, au Québec, s'appellent Lippé sont des Van Lippe
Bisterfeld.
M. Robert (Normand): Pardon?
M. Boulerice: Tous ceux qui, au Québec, s'appellent
Lippé sont des Van Lippe Bisterfeld, cousins de la reine Juliana,
à cause du prince Bernard. On apprend des choses incroyables. Ça,
M. Robert, mon collègue, le député de LaFon-taine avec qui
j'étais cet été en Europe... Les Français sont
très impressionnés de voir cette recherche que nous faisons,
arriver dans le petit village en disant: Nous, nous venons de - je ne sais pas,
moi - Saint-Féliu-d'Amont ou Saint-Féliu-D' Avale. Ils sont
toujours impressionnés que je leur dise: Mon ancêtre a
quitté en 1686, à Brest... Ils sont étonnés de voir
qu'on a ce goût-là. Ça nous vient comment?
M. Robert (Normand): C'est difficile à dire.
Pour commencer, on a des archives complètes, ce qui nous permet
de faire des recherches assez facilement. Lorsqu'on compare un arbre
généalogique québécois avec un arbre
généalogique français, par exemple, un Français qui
a réussi à faire, à identifier 15 % ou 20 % de ses
ancêtres, il se trouve totalement heureux tandis que nous, on peut aller
jusqu'à pratiquement 99 % ou 100 % dans certains cas.
Ceci dit, on a la facilité d'utiliser les archives, des archives
complètes et aussi, peut-être, une insécurité pas
sociale, mais culturelle à mon avis. Les gens ont besoin de se raconter.
Ce n'est pas pour rien que c'est surtout des personnes âgées qui
pratiquent ce loisir-là. C'est des gens qui ont besoin... Ils sentent
peut-être qu'ils sont sur les derniers milles. La mort s'en vient, et
tout individu a besoin de se raconter, je crois, et une façon de se
raconter, c'est peut-être de savoir d'où on vient et de remonter
jusqu'à ses racines.
M. Boulerice: Ça, vous avez bien raison, savoir
d'où on vient. De toute façon, si on ne sait pas d'où on
vient, on a bien des chances de ne pas savoir où on va.
Juste deux brèves petites questions parce que mon
collègue, député de Mercier, veut aussi intervenir, et le
président l'autorisera, j'en suis persuadé. Je suis très
préoccupé par les loisirs, j'allais dire: personnes
âgées, je n'aime pas le terme. Chez moi, je les appelle "les
jeunesses prolongées". Je suis très préoccupé, et
tous les députés le savent. Quand on va chez les jeunesses
prolongées, l'occupation principale est le bingo. Je ne peux plus
supporter ça. Je ne peux plus supporter cela. Je me dis: Mais qu'est-ce
qu'on pourrait faire pour leur donner une occupation peut-être un petit
peu plus dynamique, etc.? Est-ce que vous pensez que ce serait possible de
mettre justement des programmes de recherches au niveau
généalogique, mais qui seraient accessibles à des
personnes de quartiers comme ceux qu'on représente?
Et ma deuxième était: Est-ce qu'on pourrait mettre en
place aussi des programmes similaires en se servant d'archives nationales, de
registres d'état civil, etc., et le faire au niveau des écoles?
Il me semble que ce serait intéressant pour un petit bonhomme ou une
petite bonne femme, même du niveau primaire, mais enfin peut-être
les classes terminales du primaire ou très tôt au secondaire,
d'avoir une espèce de travail comme ça, peut-être à
l'intérieur d'un cours d'histoire ou quelque chose de particulier. Je ne
sais pas, mais il me semble qu'il y aurait quelque chose là-dedans.
M. Robert (Normand): Pour les jeunes, je crois que, tantôt,
on parlait... Les gens de l'Institut d'histoire de l'Amérique
française cherchaient une façon d'intéresser la jeunesse
actuelle à l'histoire. La meilleure façon - moi, j'ai
déjà enseigné, il y a quelques années, ça
fait déjà dix ans de ça - et la meilleure façon
d'intéresser les jeunes, c'est de leur parler bien sûr de leur
vécu et leur vécu, c'est très facile, c'est leurs parents,
leurs grands-parents. Et après ça, on remonte d'une
génération et d'une autre et d'une autre. Ils découvrent
à ce moment-là que... Bien sûr, ils peuvent trouver
peut-être leurs grands-parents bizarres de s'être accomodés
seulement de la radio comme passe-temps. Maintenant, on a le Nintendo, la
télévision, etc. Mais ça leur fait découvrir la
perspective historique, ce qui n'est pas évident chez les enfants.
D'ailleurs, même chez les adolescents, le monde commence avec eux. Ils
découvrent tout, le sexe et autre, et c'est comme si les 6 000 000 000
de population qui existent aujourd'hui, on était une
génération spontanée. Donc, toutes les aspirations que,
nous, on a eues dans notre jeunesse et que nous avons encore aujourd'hui pour
construire quelque chose, ça n'existe pas non plus pour eux. Donc, la
meilleure façon d'intéresser les jeunes, c'est en passant par la
généalogie, mais ça, c'est le ministère de
l'Éducation qui devrait créer un programme, effectivement,
où serait inséré un volet généalogique
à l'intérieur de cours d'histoire.
M. Boulerice: D'accord. Oui, merci.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Mercier.
M. Godin: Oui, très brièvement, M. le
Président et monsieur... C'est bien Normand Robert et non pas Robert
Normand?
M. Robert (Normand): Non, je ne travaille pas au Soleil,
malheureusement.
M. Godin: On a dans notre mémoire à tous ici un
Robert Normand qui était sous-ministre aux Finances, qui est maintenant
rendu au Soleil. Les personnes qui l'ont rencontré ne l'ont
jamais oublié.
M. Normand, j'aimerais savoir de vous si, dans vos recherches, vous avez
trouvé des traces de Québécois francophones en
Australie.
M. Robert (Normand): Oui.
M. Godin: Suite à la déportation des...
M. Robert (Normand): C'est à cause... En fin de compte,
les francophones d'Australie...
M. Godin: ...rebelles.
M. Robert (Normand): ...qui sont originaires du Québec, en
réalité, c'est des gens qui ont participé aux troupes de
1837-1838, qui ont été déportés en Australie. Ils
étaient une quarantaine ou une cinquantaine, dans une prison
là-bas et,
lorsqu'est venu le temps de la libération, il y en a certains qui
ont adopté l'Australie comme pays pour y demeurer. D'ailleurs, le membre
que nous avons en Australie est un ancien patriote, un descendant d'un ancien
patriote.
M. Godin: Donc, on pourrait le rejoindre via votre...
M. Robert (Normand): Notre organisme, oui.
M. Godin: ...société.
M. Robert (Normand): Effectivement.
M. Godin: On se verra après la session. M. le
Président, j'ai terminé. Merci.
M. Robert (Normand): Moi, je suis venu ici...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député.
M. Robert (Normand): Est-ce que je peux ajouter un mot?
Le Président (M. Gobé): Oui.
M. Robert (Normand): J'ai fait trois heures de route et
j'aimerais ajouter un mot, si vous le permettez. Je suis venu ici, non pas pour
défendre les intérêts d'une société
particulière, mais je suis venu pour défendre le loisir
généalogique et nous, notre loisir généalogique, il
passe par les Archives nationales. On aimerait que les Archives nationales
aient un budget qui est convenable. Il y a des gens très
compétents aux Archives nationales et ils ne peuvent même pas
exercer leurs compétences, ils n'ont pas de budget pour les exercer. Je
vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Juste pour rajouter à votre chronique sur l'Australie. Je vous
mentionnerai, et probablement que vous le savez aussi, qu'il y a eu, vers 1634,
une grosse immigration de gens qui étaient persécutés au
moment des guerres de religion, en France, et qui sont allés
s'établir en Australie. C'est peut-être des gens d'origine
protestante qui sont allés là-bas; il y en avait peut-être
5000 ou 6000 qui sont partis et qui se sont établis dans la
région de Perth ou quelque chose comme ça. Voilà!
M. Boulerice: M. Normand...
Le Président (M. Gobé): Ça s'ajoute à
vos 40.
M. Bouierice: Pour vous remercier, moi, je vous dis que, non, je
suis persuadé que ni la ministre ni moi-même ne vous avons
perçu comme quelqu'un venant défendre un intérêt
particulier. Au contraire, vous venez défendre notre histoire à
tous, la mienne, la vôtre, celle de ma collègue. Au moment
où on recherche, justement, des formes de loisir culturel plus
valorisantes peut-être pour des personnes, je pense que vous nous avez
apporté des pistes intéressantes.
Le Président (M. Gobé): Merci...
M. Boulerice: Le chemin n'a pas été fait en vain,
mais vous nous indiquez qu'il faut refaire le chemin vers le passé, ce
qui n'est pas mauvais.
Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre, un
mot de remerciement?
Mme Frulla-Hébert: Oui. J'ai eu aussi l'occasion d'aller
visiter, à plusieurs reprises, nos Archives nationales et de constater,
d'une part, et vous avez raison, que les ressources manquent et la location,
effectivement, c'est une location... localisée de façon
très, très temporaire. Donc, pour vous dire qu'on en est plus que
conscients et qu'on a un projet définitif pour les
déménager. Il s'agit juste que le projet fasse son cours, d'une
part.
Deuxièmement, vous nous avez rappelé quand même,
à mon attaché de presse et à moi-même, quelques
souvenirs quand vous avez parlé de généalogie. On s'est
retrouvé, il y a un an et demi, à Brouage, en France, et, des
fois, notre amour de la généalogie nous fait faire des
périples un peu spéciaux. Mais cela dit, je pense que tout le
monde est intéressé à retrouver ses racines et ses
origines. Alors, vous défendez une belle cause, spécialement,
comme mon collègue le dit, au niveau du loisir aussi pour
aînés parce qu'on s'en va tous vers là, veux veux pas!
Alors, merci d'avoir été ici.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Ceci met fin
à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais suspendre
les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 4)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Godin: Tout le monde est à l'ordre.
Le Président (M. Doyon): Ça fait partie du rite.
Oui, à l'ordre. Rien de nouveau à l'Ouest. Donc, la commission de
la culture reprend ses travaux en entendant, tout d'abord, le Centre de
production et de diffusion de l'art actuel.
J'imagine qu'ils sont dans la salle. S'ils sont dans la salle, je les
invite à bien vouloir s'avancer, à prendre place à la
table de nos invités.
M. Godin: M. le Président, avec votre permission et avant
que les "hostilités sympathiques" commencent, je voudrais que vous
m'autorisiez à remettre à la ministre le rapport de
Grandpré dont j'avais fait état il y a déjà
quelques jours, le jour où Mme Reid de Publicor était ici. Alors,
si vous permettez, M. le Président, je vais faire...
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Godin: Je vais passer derrière vous.
Le Président (M. Doyon): La livraison peut se faire...
M. Godin: "Da mano a mano".
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Godin: De main à main.
Le Président (M. Doyon): C'est ça.
M. Godin: Bonne lecture, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci bien.
Le Président (M. Doyon): Donc, nous aurons le plaisir
d'entendre le Centre de production et de diffusion de l'art actuel, qui sont
installés en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Vous disposez de 10,
15 minutes pour nous faire l'exposé qui est le vôtre et, ensuite,
les membres de la commission vont s'entretenir avec vous pendant quelques
minutes aussi. Si vous voulez bien vous présenter, tout d'abord, et
dès ce moment-là, dès après ça, commencer
votre exposé.
Centre de production et de diffusion de l'art
actuel
Mme Marion (Rachel): Je me présente, Rachel Marion,
vice-présidente de la Corporation de l'Oreille recousue.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. St-Pierre (Luc): Moi, c'est Luc St-Pierre, président de
cette même corporation.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Une voix:
M. le Président, je n'ai pas...
Le Président (M. Doyon): II y a Mme
Marion et M. Luc St-Pierre. Mme Marion est la vice-présidente et
M. Luc St-Pierre est le président, je pense. C'est ça?
M. St-Pierre: C'est bien ça.
Le Président (M. Doyon): Donc, soyez bienvenus. Vous avez
la parole.
M. St-Pierre: Alors, M. le Président, Mme la ministre et
distingués membres de cette commission, les artistes que nous
représentons vous remercient pour cette oreille que vous nous
prêtez aujourd'hui. Je ne veux pas lire, ni en partie ni en
totalité, un quelconque extrait de notre mémoire. Je demanderais
donc que ce mémoire soit consigné aux minutes.
Évidemment, pour ce qui est de cette commission et de son but,
après 30 ans d'existence, il est tout à fait pertinent pour ce
ministère d'aller dans le sens de découvrir une réelle
politique de la culture et des arts au Québec. Nous n'allons pas nous
attarder à regarder ce qui s'est fait dans le passé et, pour
citer notre Gilles Vigneault national, "s'il y a eu tant de temps perdu, c'est
qu'il n'en reste plus tellement à perdre". Dans ce sens-là, nous
croyons humblement pouvoir contribuer à ce débat. Nous ne
viendrons pas déposer ici une liste d'épicerie pour le groupe
particulier que nous représentons, mais nous allons tenter de vous
présenter un point de vue général de la part des artistes
en art visuel qui sont, rappelons-le, des peintres, sculpteurs, graveurs,
photographes.
Tout d'abord, dans le sens politique le plus large, un thème
qu'il nous apparaît extrêmement important de discuter lorsqu'il est
question d'art visuel, c'est de la dignité des artistes. Pour la
majorité de la population, c'est-à-dire plus de 50 % selon les
statistiques, le soutien à la vie artistique, aux individus qui
créent, ne reçoit aucune espèce de soutien. On associe les
artistes créateurs en art visuel à des marginaux et, de
là, on les associe facilement à des êtres pauvres, une race
à nourrir plutôt qu'une race qui nourrit, comme nous nous
considérons.
Pour redresser cette image, nous envisageons une seule
possibilité; c'est que les artistes créateurs en arts visuels
soient capables de pratiquer en toute autonomie, et cette autonomie doit
être autant esthétique, philosophique que financière.
Lorsque le rapport Arpin parle de la vie associative des artistes en arts
visuels, il nous inquiète grandement. Nous concédons qu'il existe
une multitude d'organismes qui représentent les artistes en arts
visuels, mais les artistes en arts visuels constituent autant d'égaux
que le requiert leur pratique. En ce sens-là, ces artistes devraient
bénéficier d'une pleine liberté de s'associer ou non.
Lorsque le rapport Arpin suggère de faire un ménage, de tenter de
distribuer la représentativité des artistes à des groupes
donnés, nous nous opposons à cette mesure.
Si le ministère veut toujours soutenir la vie associative des
artistes, qu'il le fasse au prorata
des memberships de tous les corps constituants ou qu'il s'en retire
totalement. Les artistes contribuent largement à la vie associative de
leur groupe et une telle mesure fait en sorte de différencier certaines
catégories d'associations, les plus subventionnées étant
les plus riches et les plus représentatives et les non
subventionnées étant les plus faibles naturellement.
Ce qui serait important aussi pour maintenir l'autonomie
financière des artistes, c'est de maintenir la concurrence des
différents États, gouvernements et les efforts du secteur
privé. Le secteur des arts visuels n'échappe pas davantage
à la loi de la libre-concurrence que celle de la gravité de
Newton. Nous avons besoin de cette pluralité d'intervenants dans le
secteur.
Pour ce qui est maintenant des subventions directes à l'artiste,
pour ce qui est du mode d'attribution qui existe au Québec, mettons que
ce modèle-là est calqué sur le modèle
français, un modèle que les artistes français eux autres
mêmes contestent depuis plus de 150 ans.
Nous considérons que tenter d'analyser la qualité du
travail d'un artiste par rapport à celui d'un autre est une
opération éminemment subjective, sans compter l'influence qu'elle
peut avoir sur l'état de la création ou sur la liberté
d'expression des artistes. Tout idéal de justice a nécessairement
laissé place à la complaisance en ce domaine et, bien que
n'étant pas ici pour nourrir un quelconque scandale, il est fort
à noter que la subvention directe à l'artiste relève de
l'obscurantisme, et voire même du chauvinisme. (15 h 45)
Nous demandons donc que le ministère des Affaires culturelles
cesse toute forme de subvention directe aux artistes. La meilleure forme de
soutien que l'État pourrait donner aux artistes, c'est de leur ouvrir le
marché, changer l'image que nous décrivions plus tôt par
des campagnes de presse pour faire en sorte que la population reconnaisse ses
artistes et, comme le rapport Arpin le soulignait avec beaucoup de
timidité, instaurer un programme fiscal qui ferait en sorte que les
oeuvres d'art des artistes du Québec bénéficient d'un
dégrèvement fiscal. On parle ici des oeuvres de première
ligne et non pas des oeuvres qui sont vendues pour une xième fois sur
des bases spéculatives. Ça couvre à peu près ce que
notre bref mémoire racontait. Je vous remercie et je serai heureux de
répondre à vos questions.
Le President (M. Doyon): Merci, M. St-Pier-re. Mme la ministre,
vous avez quelques questions?
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. St-Pierre. Bienvenue à
tous les deux. Vous avez une approche qui est un peu différente des
autres... Au niveau du discours, on est tous d'accord que la place du
ministère, d'une part, et c'est toujours le problème, il ne faut
pas s'en cacher non plus, finalement, à savoir et ce, pendant toutes ces
années au gouvernement, quel que soit le gouvernement, est-ce que la
culture et les affaires culturelles ont tenu la place qu'elle, en tant que
culture, se doit. La réponse, c'est non, malgré que...
Je lisais, d'ailleurs, dans votre introduction, à un moment
donné, une citation relevée de François Arcand de
"Culture", dans Le Devoir, François Arcand qui participe aussi
à plusieurs de nos recherches et qui disait que, finalement, le MAC
pouvait lui-même être classé comme site
archéologique. Ça, je ne suis pas d'accord, par exemple, parce
que, s'il n'y avait pas eu le ministre des Affaires culturelles durant 30 ans,
on n'aurait pas développé comme on développe là. Il
y a eu un apport, peut-être pas l'apport qu'on aurait voulu; on n'a pas
pris la place qu'on aurait dû, je suis d'accord avec tout ça, mais
il ne faut quand même pas discréditer les efforts de tous ceux et
celles, autant au niveau des fonctionnaires et des gens qui ont tenu le
ministère, pour dire: C'était inutile. C'était un effort
inutile. Alors, je trouve la critique de M. Arcand un peu sévère
et non appropriée.
Mais ceci dit, vous dites qu'on devrait cesser le soutien, donc on a nos
programmes de l'aide à l'artiste, et vraiment vous aider à
développer des marchés. J'aimerais que vous élaboriez un
peu là-dessus, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui nous disent: Bien
non! Au contraire. Il y a eu le statut de l'artiste, d'une part. On va regarder
de très, très près aussi toute la question de la
fiscalité parce que c'est demandé et redemandé, et les
Finances sont toujours un petit peu plus réticents quand on entre dans
leur domaine, mais là, on fait assez de bruit qu'on sent qu'il peut y
avoir une ouverture. Mais, à part ça, vous dites que l'aide
directe, mieux vaut concentrer cet argent-là justement pour aider
à la mise en marché, pour aider à ce que les gens voient
versus... Parlez-moi donc de ça un peu.
Le Président (M. Doyon): M. St-Pierre.
M. St-Pierre: Compte tenu des moyens qui s'en vont s'amenuisant,
déjà, dans le passé, la subvention directe à
l'artiste était réservée à une très petite
minorité d'artistes, et ces subventions-là revenaient souvent
à des artistes de même acabit ou de même nature. La
subvention directe à l'artiste, à notre sens, est une
opération subjective, dans le sens qu'on doit analyser des artistes par
rapport à d'autres artistes.
Il est facile de juger du rendement d'un comptable par rapport à
un autre comptable puisque ce sont des choses concrètes. Mais comment,
Mme la ministre, chiffrer ou mesurer ou doser cette insaisissable après
lequel court l'artiste? Aussi, ce qui se passe dans le cas de
l'artiste qui est subventionné lui-même, personnellement,
c'est que c'est une aide qui est très ponctuelle, qu'on peut comparer
à l'aide sociale. Cette aide-là prend beaucoup de temps à
venir; cette aide-là prend beaucoup de temps à préparer.
Il y a beaucoup de formulaires; il y a beaucoup d'administration avant,
après, pendant, tout ça pour faire en sorte que l'artiste,
finalement, en retire un revenu. Le choyé artiste qui sera élu en
retire un revenu qui est bien en deçà du seuil de la
pauvreté, qui est même en deçà du seuil des
allocations que le ministère des Affaires sociales donne aux
assistés sociaux, ce qui fait que cette mesure-là est inefficace
dans le sens du soutien de la pratique des arts. Une ouverture du marché
serait éminemment plus rentable pour l'ensemble des artistes.
Mme Frulla-Hébert: il y a eu beaucoup de discussions au
niveau, par exemple, d'un conseil des arts, genre de... Évidemment,
là aussi il y a des forces et des faiblesses. Mais si on parle dans
l'absolu, alors, à ce niveau-là, vous ne voyez pas non plus
l'utilité, si je suis votre pensée, de transformer, finalement,
le ministère en un genre... plus que ça, mais avoir des
organismes qui sont indépendants, donc procéder par jury, etc.,
que le ministère, lui, gère les grandes orientations et que ce
sont les organismes qui font le financement, et organismes gérés
d'une façon ou d'une autre par les pairs, toujours. Il faut toujours
avoir une certaine transparence, ce sont des fonds publics, quand même.
C'est pour ça, les formulaires. Les formulaires, en bout de ligne, il y
a des gens qui nous demandent... Les contribuables nous demandent des
comptes-rendus. À ce moment-là, on n'aurait pas besoin de
ça non plus. Ce serait beaucoup plus - encore là, pour suivre
votre pensée, parce que je veux bien comprendre - une aide beaucoup plus
au développement de marchés, à la diffusion. Carrefour Art
et Art était avec nous hier et eux nous disaient: Nous, on montre les
artistes, on rend ça accessible et, au niveau de l'art visuel, par
exemple, au moins, on s'organise pour que les gens voient nos artistes. C'est
beaucoup plus dans ce sens-là. Finalement, on n'aurait pas besoin de
ça non plus.
Mme Marion: Dans ce sens-là, justement, ce n'est pas juste
la visibilité, la diffusion, mais la vente par des politiques fiscales
qui seraient appliquées. Si la vente est stimulée, à ce
moment-là, les artistes peuvent vivre de leur production. Après
ça, il y a beaucoup de possibilités de diffusion qui s'ouvrent,
à ce moment-là, aux artistes. La stimulation se fait par un
marché ouvert et possible pour les artistes, plus qu'en étant
obligé de se chicaner pour obtenir la subvention cette année.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de l'art qui est beaucoup
plus l'art actuel, par exemple, qui a un aspect beaucoup plus novateur,
à ce moment-là, on situe ça beaucoup plus au niveau de la
recherche, finalement, cette forme d'art, ce qui fait que... Est-ce que vous
voyez, par contre, des mesures d'exception, c'est-à-dire un genre de
fonds recherche, développement, aide aux artistes pour ce
genre-là ou, finalement, vous dites: Quelle que soit la discipline, on
va beaucoup plus aider, justement, finalement à l'acquisition des
oeuvres, etc., et on laisse le marché aussi faire le reste?
Mme Marion: Un aspect qui pourrait continuer d'être
considéré, c'est l'aide à l'équipement, l'aide
à la base, à la production, des locaux, des lieux, des centres
d'art. À ce moment-là, il peut y avoir une assistance au niveau
des lieux, pour produire, où les artistes peuvent faire de la recherche.
Il y a des artistes, je citerais Cristo, qui fait des choses assez
inusitées et qui, en grande partie, se subventionne par ses recherches
et ses dessins d'étude, ses dessins préliminaires et qui vend. Il
y a d'autres possibilités que la subvention pour arriver à faire
un travail de recherche.
M. St-Pierre: Entre autres, la rentabilité. On sait qu'une
entreprise rentable est à même de financer elle-même son
fonds de recherche et de développement. C'est la même chose dans
le cas des artistes.
Mme Frulla-Hébert: Ah oui. Mais non, je vous remercie.
C'est finalement un élément qui est nouveau, qui apporte, en
fait, un aspect nouveau à notre réflexion. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. St-Pierre, Mme Marion, je suis heureux de
vous revoir. Je ne sais pas à quelle heure s'est terminée la
soirée de lundi, mais au moment où je l'ai quittée, elle
allait bien. On en reparlera sans doute cette semaine.
La première chose, ce n'est peut-être pas le meilleur
accueil que l'on puisse réserver à des gens, mais je ne peux pas
esquiver la question. Quand vous parlez de transférer le
ministère des Affaires culturelles à Montréal, je vous
réponds très catégoriquement: Non. Le Québec s'est
donné comme capitale Québec et les ministères demeureront
à Québec. Si vous me demandez ou si vous suggérez à
cette commission et notamment, à la ministre, de renforcer les effectifs
du ministère à Montréal, à ce moment-là, je
vous répondrai que oui, on peut aller dans cette voie, parce que,
effectivement, c'est le plus grand pôle de création au niveau de
la culture. Mais une capitale est le siège du gouvernement et des
ministères, et je ne crois pas qu'un simple
rapprochement géographique pourrait changer les mentalités
comme telles. Travaillons plutôt à changer certaines
mentalités, mais ce n'est pas parce que je serai à un
mètre de vous que je deviendrai peut-être un interlocuteur plus
crédible. À ce niveau-là, je voudrais que la chose soit
très claire, pour ce qui me concerne, et je ne crois pas que ce soit
l'intention du présent gouvernement - ou même si je le combats,
là-dessus, je vais l'appuyer - de transférer les
ministères à Montréal.
Ceci étant dit, quelle devrait être, selon vous, la
politique de reconnaissance des regroupements d'artistes par le
ministère des Affaires culturelles? Vous semblez remettre en question
les deux lois que nous avons votées, dites du statut de l'artiste, qui
favorisaient le regroupement.
M. St-Pienre: Nous ne croyons pas que la pleine reconnaissance du
statut de l'artiste soit en question dans notre mémoire. Ce que notre
mémoire dit, c'est que, au niveau de la représentativité
des groupes d'artistes, il n'appartient pas au ministère des Affaires
culturelles de définir qui représente qui. Les artistes ont le
droit de se constituer des groupes pour les représenter; les artistes
doivent aussi avoir le droit de n'adhérer à aucun groupe. Toute
liberté d'association a son corollaire, qui est la liberté de ne
pas s'associer. Nous demandons simplement que si le ministère veut
continuer à soutenir la vie associative des artistes, il le fasse au
prorata des "memberships" de chaque groupe normalement et sérieusement
constitué ou qu'il retire unilatéralement son aide à la
vie associative des artistes, sinon, la liberté d'association est,
à notre avis, entachée sérieusement.
On sait qu'il y a beaucoup d'organismes qui représentent les
artistes, qui sont des organismes qui transigent du statut ou du prestige en
échange de sommes, bon, on n'en nommera pas, mais ça existe. Les
artistes sont à la constante recherche de reconnaissance et puis, ils
sont les victimes faciles; on peut facilement, en ce qui me concerne, comme
artiste-peintre, être représenté par huit organismes
différents et ne bénéficier d'aucun service autre que
matière à curriculum ou porte d'entrée pour une galerie ou
pour un réseau ou etc. Ce qui fait que cette situation-là, on
devrait laisser la chance aux artistes de faire le ménage dans les
groupes qui les représentent. Il n'appartient pas à aucune
commission ou à aucun ministère de déterminer qui va
représenter qui. C'est le sens de notre mémoire.
M. Boulerice: D'accord. En page 8 de votre mémoire, M.
St-Pierre, vous dites: "Le droit des municipalités de se doter de
politiques culturelles distinctes du ministère des Affaires culturelles
doit être maintenu et n'être altéré d'aucune
façon. Les créateurs en arts visuels ne peuvent faire
l'économie d'aucune de leurs ressources." Remarquez que ça
s'adresse également aux autres créateurs, mais le fait que vous
vous sentiez interpellé en premier lieu est tout à fait normal.
Mais est-ce que vous avez lu, dans le rapport Arpin, une indication à
l'effet que ce serait la volonté du ministère, dans
l'élaboration d'une politique, d'empêcher les municipalités
d'avoir des politiques culturelles qui leur sont propres?
M. St-Pierre: Sans extraire mot à mot des textes de la
commission Arpin, ceci représente plus une mise en garde, puisqu'on est
consulté, on donne une espèce de petite mise en garde. Le
gouvernement a mis ses doigts dans la taxe d'amusement, bon, c'est une
façon d'intervenir dans la vie culturelle municipale, si on touche
à l'argent qui concerne la vie culturelle municipale et puis, on
voudrait simplement que les municipalités qui ont des politiques
culturelles puissent continuer à en avoir tout simplement. (16
heures)
M. Boulerice: Oui. Bon. Là-dessus, je peux vous dire que
nous partageons exactement la même vision. Les municipalités,
d'ailleurs, on les incite fortement à avoir des politiques culturelles.
Nous incitons certaines communautés urbaines à avoir leur conseil
des arts, par exemple, la Communauté urbaine de Québec,
malheureusement, n'en a pas et Montréal a un Conseil des arts pour
lequel les commentaires que j'ai sont relativement bons. Donc, il va de soi,
oui, que les municipalités doivent avoir leur politique et,
naturellement, je dois convenir avec vous qu'une politique, pour l'avoir, il
faut également avoir les moyens. Je vous avoue que dans le contexte
actuel, c'est un peu problématique, compte tenu de la réforme
Ryan qui prive les municipalités de revenus assez importants
puisqu'elles doivent assumer de nouvelles dépenses. Ça rend plus
difficile effectivement, et d'ailleurs rassurez-vous, beaucoup de maires de
grandes villes, de municipalités régionales de comté sont
venus abonder dans le même sens que vous.
Maintenant, l'autre question que j'aimerais vous poser: Pour quelle
raison, d'après vous, le rapport Arpin fait-il fausse route en mettant
en question le rôle et les activités des conseils régionaux
de la culture? Pourquoi souhaitez-vous que les conseils régionaux de la
culture continuent d'être ce qu'ils sont? Je vous avoue que votre opinion
est importante puisque vous êtes Montréalais et qu'il n'y a pas de
conseil de la culture à Montréal; ce sont toujours les conseils
régionaux. Donc de voir un "montréaliste", comme dit avec humour
Doris Lussier, défendre les conseils régionaux de la culture, je
vous avoue que je suis heureux de voir cela.
M. St-Pierre: II existe beaucoup d'artistes à
Montréal qui sont des artistes de région exilés en
ville et il y a certains artistes de la ville qui ont des frères
artistes en région. En ce qui me
concerne, c'est vrai dans les deux sens du terme, j'ai des
frères: personnellement, mon frère qui est artiste et qui
était sur le Conseil régional de la culture
d'Abitibi-Témiscamingue. Les gens en régions ont
développé cette connaissance du milieu régional, ont
développé certaines expertises de la culture en régions,
et il m'apparaît extrêmement important que les comités
régionaux de la culture existent et continuent d'exister, puisque ces
comités sont formés à partir de gens de régions.
Ils ne sont pas des directions régionales d'un bureau de Québec
en régions; ils sont des gens de la région qui tentent de
rayonner vers Québec. Et c'est pour ça que dans les
recommandations du rapport Arpin qu'on cite de 88, 89 et 90, je crois, c'est
extrêmement inquiétant lorsqu'on dit que les conseils
régionaux de la culture peuvent être jusqu'à
éliminés complètement s'ils ne répondent pas aux
nouvelles visées politiques du ministère. C'est très
inquiétant.
M. Boulerice: II y a des mesures fiscales qui existent dans bien
des secteurs d'activité. Quelles seraient, d'après vous, les
mesures fiscales qui permettraient de stimuler le marché de l'art? Je
vais vous donner un exemple. Il y a, mon Dieu, deux ans, deux ans et demi, je
crois, je lançais une idée. Bon. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais
il faut quand même la tester, comme on dit en bon
Québécois, d'un REA, régime épargne art, en me
disant que je n'avais aucun droit d'auteur dessus et que quiconque voudrait la
prendre et l'appliquer, j'en serais le premier heureux, c'est-à-dire
jouer le levier de la fiscalité dans le cas d'un individu, puisque cela
est vrai pour les compagnies, dans le cas d'un individu qui achèterait
une oeuvre d'art ou qui pourrait déduire jusqu'à concurrence de
x, etc. Est-ce que ce serait une mesure intéressante ou si vous en avez
d'autres à nous suggérer?
M. St-Pierre: Ce serait une excellente mesure. Maintenant, il
faudrait voir à ce que les définitions sous-tendant une telle
mesure soient approuvées par les artistes. On entre dans un débat
qui est très épineux, à savoir qu'est-ce qui est une
oeuvre d'art et qu'est-ce qui n'en est pas une. À ce moment-là,
laquelle deviendrait admissible au programme laquelle ne le deviendrait pas?
Pour répondre à ces questions, on proposait la tenue
d'états généraux des arts visuels. Maintenant, il est
évident que ces mesures-là devraient s'appliquer à une
oeuvre de première ligne, c'est-à-dire une oeuvre qui est
produite par un artiste du Québec et qui est vendue pour la
première fois par cet artiste du Québec, son agent ou sa galerie.
On sait que la spéculation sur les oeuvres d'art occupe la majeure
partie du marché des transactions en or, actuellement, sauf que les
artistes vivants ou leurs ayants droit ne retirent aucun bénéfice
de ces gains spéculatifs sur les oeuvres d'art. Et même ironie,
ces gains effectués sur la spéculation d'oeuvres d'art
constituent un gain de capital qui est admissible aux exemptions personnelles
à vie qui sont de 100 000 $, je crois, pour la province de Québec
- qu'on me reprenne si le montant n'est pas exact - et au
fédéral, c'est la même chose.
Pour faire bénéficier les artistes créateurs en art
visuel, il serait très compliqué de collecter des redevances sur
cette spéculation. À notre avis, il apparaîtrait
éminemment plus pertinent de considérer ces gains
spéculatifs comme des gains imposables. C'est une autre des mesures
fiscales qui pourraient servir à supporter l'exemption sur les achats
d'oeuvres d'art.
M. Boulerice: Alors, on convient, là, qu'on ne va quand
même pas jouer au sous-ministre cet après-midi et commencer
à élaborer le régime comme tel.
M. St-Pierre: Non.
M. Boulerice: Mais disons que pour ce qui est du principe, quitte
à le voir, effectivement... Je pense qu'on peut adopter une politique et
quand on voit les programmes, on peut les faire également conjointement.
Vous convenez que cet exemple, enfin, celui que vous apportez, serait des
mesures incitatives importantes, bénéfiques, tout au moins, pour
le milieu des arts visuels.
M. St-Pierre: Tout à fait. M. Boulerice:
D'accord.
Le Président (M. Doyon): Quelques mots de remerciement, M.
le député.
M. Boulerice: Oui, j'ai quelques mots de remerciement. J'aurais
préféré poser une question, parce qu'il a parlé du
financement privé. Alors, au premier chef, je me sentais très
concerné. Je ne sais pas si c'était une critique ou une
incitation au dépassement dans le financement privé, mais on
pourra toujours reprendre la discussion.
Je retiens des choses, effectivement, de votre mémoire. Oui, il y
a des regroupements, effectivement, mais il faut... Enfin, moi, j'appartiens
à une formation politique qui a, comme un des premiers articles, le
droit à la dissidence. Je vous avoue que, quelquefois, je dis: Bien, on
l'invoque trop souvent, sauf qu'il est là, il peut servir. Donc, le
droit au regroupement, certes, est souhaitable et louable, sauf que le droit de
ne pas participer à un regroupement, également, doit être
reconnu, à mon point de vue.
Alors, je vous remercie, M. St-Pierre, Mme Marion, de votre
participation à cette commission. Pour ce qui est de nos autres
transactions et échanges, nous nous reverrons bientôt, j'en suis
persuadé.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je me joins à mon
collègue pour vous remercier M. St-Pierre, Mme Marion. En fait, comme je
vous dis, vous avez apporté quand même des éléments
qui sont neufs à la discussion, et on va les prendre en
considération vraiment sérieusement. Évidemment, on est
ici pour faire des changements. Alors, toute recommandation nouvelle qui
diffère un peu, finalement, de ce qui était dans le passé
est toujours très bienvenue, mais je pense que le milieu en est
là aussi. Le fait de recommander des choses en disant: Nous, on va se
prendre en main, mais ouvrez-nous des marchés et tout ça,
ça veut déjà dire beaucoup aussi de l'évolution du
milieu. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la
commission, M. St-Pierre et Mme Marion, je tiens à vous remercier
d'avoir bien voulu passer ce peu de temps avec nous. Merci beaucoup. Le temps
de vous permettre de vous retirer, et j'inviterai dès maintenant les
représentants des Grands Ballets canadiens à bien vouloir prendre
place à l'avant. Je pense qu'ils sont présents dans la salle.
Oui. Alors, je les invite à s'avancer et à bien vouloir
s'installer à la table de nos invités.
Je constate que les quatre représentants et représentantes
sont installés. Je les invite tout simplement à s'identifier et
à se présenter. Après ça, ils diposeront de 10
à 15 minutes pour nous faire part de leurs réflexions ou de leurs
réactions vis-à-vis ce qui a été publié par
le ministère comme étant une proposition de politique, une
ébauche de politique. Après ça, la conversation va
s'engager avec les membres de la commission pour avoir plus de détails
sur vos prises de position. Vous avez donc la parole.
Grands Ballets canadiens
Mme Pathy (Constance V.): Merci. Je suis Constance Pathy,
présidente du conseil d'administration des Grands Ballets canadiens.
Mme Gaynor (Kim): Kim Gaynor, directrice administrative des
Grands Ballets canadiens.
M. D'Amours (Alban): Je suis Alban D'Amours. Je suis le premier
vice-président de la Confédération des caisses populaires
et d'économie Desjardins et membre du conseil d'administration des
Grands Ballets canadiens.
M. Lebrun (François): Je suis François Lebrun,
vice-président chez Raymond Chabot Martin Paré,
ex-président du conseil d'administration des Grands Ballets canadiens et
toujours membre de ce même conseil.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les
bienvenus.
Mme Pathy: Merci. Mme la ministre, M. le Président, Mmes,
MM. les membres de la commission, au nom des Grands Ballets canadiens et de son
conseil d'administration, j'aimerais vous remercier vivement pour votre
invitation à venir présenter le mémoire des Grands Ballets
canadiens devant la commission parlementaire.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le temps est venu de se pencher
collectivement sur la place que nous voulons accorder aux arts et à
notre culture au cours des prochaines décennies. Une
société qui ne se soucie pas de stimuler la création,
d'encourager ses artistes et de démocratiser la vie culturelle est une
société sans âme, une société sans
renouvellement, une société sans progrès. Un juste
équilibre entre politiques sociales et économiques et politiques
culturelles et artistiques génère le dynamisme nécessaire
pour assurer l'excellence et la compétitivité d'une
société.
Fondée le 17 avril 1957 par Mme Ludmilla Chiriaeff et
installée à Montréal depuis près de 35 ans, la
compagnie des Grands Ballets canadiens a toujours eu comme mandat principal de,
et je cite, "promouvoir le ballet pour qu'il soit reconnu comme moyen
d'expression d'art canadien". Plus concrètement, il s'agit de
présenter des grandes oeuvres du répertoire de ballet et de
créer de nouvelles oeuvres. Et permettez-moi de souligner que la
création a constitué, dès le départ, un des
principaux piliers des Grands Ballets et ce, dans le but de faire
évoluer la discipline de la danse et en faire découvrir toutes
les dimensions au public canadien.
Qualité et excellence ont toujours caractérisé
l'oeuvre des Grands Ballets canadiens. Sous la direction artistique actuelle de
M. Rhodes, la compagnie atteint des sommets artistiques de plus en plus
élevés qui en fait aujourd'hui une institution d'envergure
internationale. La compagnie est désormais un véritable
ambassadeur du Québec par ses tournées à
l'extérieur de la province, à travers le Canada, aux
États-Unis, en Europe, en Amérique latine et en
Extrême-Orient.
On ne peut qu'applaudir l'ensemble des recommandations du rapport Arpin
tant pour l'importance accordée à la création, à
l'excellence, au rayonnement international que pour son intention
d'éliminer la politique de saupoudrage et de concentrer les fonds
disponibles à des projets de haute qualité. La stabilité
financière des Grands Ballets devrait constituer la priorité
principale pour tous. Avec une troupe de 38 danseurs de formation
professionnelle et une équipe de 32 autres personnes employées
dans les secteurs divers de l'administration et des opérations
techniques et artistiques, la compagnie est constamment aux prises avec des
préoccupations de survie quotidienne. (16 h 15)
En ce moment, nous faisons face à la pire crise que nous ayons
connue en raison d'une conjoncture économique tout à fait hors de
notre contrôle. En résumé, notre enveloppe
budgétaire actuelle est nettement trop restreinte pour assurer le
fonctionnement normal de la compagnie. Il est bien clair que: a) pour que les
Grands Ballets continuent à maintenir le niveau de qualité
supérieure de ses spectacles; b) pour pouvoir poursuivre ses
activités de création; c) pour améliorer les conditions de
travail et augmenter l'enveloppe salariale de ses danseurs - un point que,
j'espère, sera plus détaillé dans les questions, dans la
période de questions; d)pour pouvoir continuer à se
développer; e) pour connaître un plus grand rayonnement en
région; il est fondamental que le gouvernement s'engage à: 1)
Augmenter de façon substantielle la base de subventions accordées
aux grandes institutions en proportion de leur envergure et en tenant compte
des coûts réels de fonctionnement; 2) Garantir une planification
triennale proportionnelle à la croissance des activités de
l'institution; 3) Garantir une indexation des subventions ajustée au
coût de la vie; 4) Mettre en place des mécanismes suscitant
l'apport financier du secteur privé pour en arriver, par exemple,
à l'établissement de fonds de dotation et de fonds de
stabilisation ou encore pour encourager les commandites, etc.; 5)
Exonérer les organsimes culturels et artistiques de toute forme de
taxation. Il est incompréhensible qu'on reprenne de la main gauche sous
forme de taxes ce que la main droite a donné en subvention. Par exemple,
la taxe d'amusement que nous devons payer à la Ville de Montréal
diminue de 50 % environ la subvention accordée par le Conseil des arts
de la Communauté urbaine de Montréal, sans compter que de
nouvelles taxes viennent sans cesse s'ajouter, notamment, la TPS et,
bientôt, la TVQ. Et voir à ce sujet notre mémoire pour des
chiffres éloquents en la matière; 6) Favoriser l'accès
à la vie culturelle, en tenant compte tant des exigences
financières que des exigences physiques d'une telle politique. Le
rapport Arpin prend pour acquis que - et je cite - "toute personne a le droit
de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté".
Il ne faut pas oublier que l'accessibilité à la vie culturelle
comporte deux dimensions distinctes: la dimension monétaire ainsi que la
dimension physique.
Premièrement, la dimension monétaire. Pour un grand nombre
d'adeptes du ballet, le prix d'un billet de spectacle des Grands Ballets est
déjà prohibitif et hors de sa portée. Il va de soi qu'un
tel prix exclut une partie substantielle de public potentiel,
particulièrement en période de récession. Si on ajoute
à ce prix d'autres taxes, il est bien évident que l'accès
à la vie culturelle ne restera qu'un voeu pieux. Si l'on désire
réellement en démocratiser la vie culturelle, le gouvernement
devra prendre les mesures financières nécessaires pour corriger
la situation actuelle en sorte que le citoyen ordinaire puisse lui aussi
participer activement.
Quant à la dimension physique, nous sommes tout à fart
d'accord avec l'idée de faire reconnaître Montréal comme
lieu culturel et centre d'incubation de la création par excellence et de
stimuler son développement. Il faudrait donc, grâce à des
politiques appropriées, soutenir et promouvoir l'expression des
multiples disciplines artistiques de façon à faire de notre
métropole le lieu privilégié pour la création et la
représentation culturelles.
Quant à la ville de Québec, nous sommes d'avis que "la
capitale soit considérée comme un pôle
privilégié de développement culturel, des arts vivants et
de l'art actuel", comme le dit le rapport Arpin. Les Grands Ballets canadiens
devraient se produire à Québec comme à Montréal, de
façon régulière, en collaboration avec l'Orchestre
symphonique de Québec. D'ailleurs, ce dossier fait déjà
l'objet de discussions suite à une proposition faite au ministère
des Affaires culturelles.
Quant à l'ensemble régional du territoire, pour que tes
Grands Ballets canadiens puissent s'y produire, il est indispensable qu'on
acquière un réseau d'équipement adéquat,
adapté aux besoins de représentation des arts de la scène.
Les tournées au Québec vues comme partie intégrante du
mandat de la compagnie ne peuvent s'effectuer actuellement que de façon
très fractionnée.
Mon but, cet après-midi, vise essentiellement à souligner
certains points du rapport Arpin et à présenter quelques
recommandations. De toute évidence, la compagnie des Grands Ballets
canadiens est un élément moteur de la vie culturelle de la
province et pourrait y contribuer encore bien davantage. En conséquence,
nous proposons: 1) Qu'une fois pour toutes, l'importance nationale de cette
grande institution soit reconnue; 2) Que le gouvernement garantisse des fonds
substantiels à notre institution afin d'assurer un financement
adéquat et stable à long terme; 3) Qu'on crée un conseil
non politique, tel que le Conseil des arts du Québec, pour assurer un
soutien indépendant aux arts. Le gouvernement actuel appuie le
développement de la culture et le domaine des arts en
général. Il est très important qu'une telle politique de
soutien indépendant soit maintenue de façon à ce que les
arts soient à l'abri des vicissitudes et changements politiques de
toutes sortes. Un organisme
tel que le Conseil éviterait une trop grande bureaucratisation
ainsi qu'une trop grande concentration des pouvoirs au ministère, tout
en garantissant le fonctionnement autonome des organismes culturels; 4) Que
soient créés des fonds de dotation en partenariat avec le secteur
privé par l'intermédiaire d'incitatifs fiscaux.
En conclusion, les arts du Québec ont connu sans contredit un
essor extraordinaire au cours des 30 dernières années. La vie
culturelle de la société québécoise a su se donner
un caractère unique et fort enviable. Nous devons toutefois veiller au
grain et mobiliser toutes nos forces pour traverser la période
d'instabilité actuelle et faire face au défi du prochain
siècle. Nos artistes ont désespérément besoin du
soutien économique et financier de leur gouvernement. Le public aussi a
besoin de politiques gouvernementales qui rendront véritablement ce
droit à la vie culturelle accessible à tous. Un juste
équilibre entre la concertation des interventions, la coordination du
soutien économique et la libre expression en matière de
création artistique et culturelle constituent la clé de
voûte de notre démarche commune en vue d'une plus grande
démocratisation de la vie cultuelle et de l'épanouissement de
notre société. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Pathy, bienvenue. Je veux
vous remercier aussi de l'excellent travail que vous faites, je sais que ce
n'est pas facile, spécialement de nos jours et aussi,
spécialement, dans le secteur de la danse. Je pense qu'il faut regarder
les choses honnêtement et en face et je vais passer d'ailleurs
tantôt, pour ce faire, la parole à ma collègue, la
députée de Châteauguay, dont la fille est professionnelle
en danse, et on va discuter ouvertement aussi du problème que les
danseurs, tel que mon collègue les appelle d'ailleurs, "les sans-abri de
la culture", ont a faire face. Je pense que c'est le temps aussi qu'on mette
ça sur la table et qu'on le dise haut et fort.
Une chose, par exemple, que j'aimerais vous demander. Il y a un
problème au niveau de l'accessibilité. Effectivement, le
coût à la Place des Arts... Ça coûte cher de se
produire à la Place des Arts pour plusieurs raisons, dont une raison au
niveau du syndicat, donc ça coûte cher. Et il y a aussi le public.
Il semble y avoir, ou dites-moi si je me trompe, une certaine résistance
ou un désintéressement de la part du public au niveau de la
danse, mais comment on fait alors pour, justement, aller intéresser les
nouveaux publics? Est-ce qu'on va en régions? Est-ce qu'on brise un peu
le corps de ballet de telle sorte qu'il y a des représentations en plus
petit nombre qui vont dans des plus petites salles, se faire connaître
dans les... ou amener les écoles? Mais qu'est-ce qu'on peut faire
justement pour augmenter, ne serait-ce que le marché, au niveau de la
danse?
Mme Pathy: D'abord, je dois souligner que la compagnie est une
compagnie de 38 danseurs. Alors, notre premier mandat doit être de
présenter des oeuvres qui utilisent toute la troupe. Pour fin de
promotion, sans doute c'est possible de diviser la troupe en deux pour faire
des petites tournées au Québec, dans des lieux où il n'y a
pas de salle propice pour toute la troupe, une quarantaine de danseurs, et
peut-être pour des promotions en ville, à Montréal, mais...
Est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose?
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la tournée, par
exemple, parce que quand je suis... Lors de ma tournée justement, cet
été, j'ai eu plusieurs demandes de gens qui disaient: Nous, nous
essayons de développer des écoles de danse, ça va bien, on
organise des concerts, des récitals, mais ce serait bon d'avoir aussi,
si c'était possible, de voir ou de pouvoir montrer justement,
évidemment, des gens des Grands Ballets, des danseurs solistes, etc.,
des Grands Ballets, de telle sorte qu'on puisse donner un exemple. Alors, c'est
possible de penser à augmenter les tournées
régionales?
Mme Pathy: Alors, on est toujours prêts à regarder
toute proposition. Notre but est d'élargir notre public de façon
épatante. Alors, si ça aidait d'aller en tournée en plus
petite formation, on est prêts à le regarder.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Tout le monde
reconnaît la compétence et la qualité de votre travail en
ce qui concerne les danseurs et la qualité technique aussi qui est
très reconnue. C'est sûr que tous les jeunes qui aspirent à
la danse, évidemment, voudraient aller et être reconnus surtout
par les Grands Ballets. Est-ce que vous pourriez donner davantage, expliciter
vos choix quant à la sélection de ces jeunes? Parce que je sais
que... On peut dire qu'il y a beaucoup d'appelés et très peu
d'élus, et ça serait peut-être intéressant de voir
de quelle façon les jeunes pourraient, dès le départ,
s'attendre ou ce qu'ils peuvent espérer, jusqu'où ils peuvent
aller dans la formation que vous exigez. Parce que vous avez une technique tout
à fait parfaite, vous avez des exigences qui sont à la hauteur,
évidemment, de vos réalisations. (16 h 30)
Mme Pathy: Les Grands Ballets ont, comme premier but, une
excellence de haut niveau, et on essaie toujours d'améliorer la
qualité encore. Je vous remercie de vos compliments, mais,
quand même, on a un bout de chemin à faire, on pense.
Comment est-ce qu'on trouve les danseurs? Alors, on cherche des danseurs de
qualité qui peuvent promouvoir ces buts-là. À
Montréal, très souvent, on a des concours, des auditions pour les
danseurs. Le noyau de votre question, en effet, c'est la formation des
danseurs. La compagnie n'est pas impliquée dans la formation des
danseurs, mais si... Dans le rapport Arpin, la formation est entamée
d'une façon importante, et nous autres, aux Grands Ballets canadiens,
endossons ces idées d'améliorer la formation des danseurs.
Par exemple, il y a une école de danse qui est liée d'une
façon pas formelle aux Grands Ballets canadiens. On prend, chaque
année, à peu près deux apprentis ou, de temps à
autre, un danseur qui entre dans la compagnie, mais, en effet, les danseurs qui
sortent de l'école ne sont pas au niveau exigé par la compagnie
et notre désir est d'avoir un bassin, là, tout de suite pour nos
danseurs. À ce moment-là, s'il y a une école avec des
gradués qui sont à la hauteur, ce n'est pas nécessaire de
chercher ailleurs. Ça facilite notre tâche beaucoup.
Mme Cardinal: II devrait y avoir peut-être une meilleure
collaboration ou peut-être que le terme n'est pas juste là, mais
entre, justement, l'École de formation et les Grands Ballets qui
pourraient avoir un noyau intéressant de jeunes artistes et de jeunes
professionnels qui pourraient profiter, évidemment, des avantages que
vous pouvez leur offrir. Comme vous disiez, l'excellence, je pense bien qu'on
peut toujours y tendre et vous continuez à le faire. Mais est-ce que
cette collaboration, ce partenariat entre l'école de formation de danse
et les Grands Ballets canadiens ne serait pas intéressant pour la
naissance de nos jeunes, non seulement nos jeunes mais de danseurs et danseuses
de qualité qui pourraient, effectivement, répondre mieux à
vos exigences d'après la formation que vous pourriez exiger en
étroite collaboration?
Mme Pathy: C'est Mme Gaynor qui répondra.
Mme Gaynor: Notre directeur artistique participe maintenant d'une
façon très active sur un comité pédagogique
à l'École supérieure de danse. Il s'intéresse
beaucoup à ce qui se passe à l'École. En plus de
ça, on engage souvent ou on fait participer des élèves de
l'École supérieure de danse dans nos productions. Je donne juste
un exemple... qui vient de passer où on avait cinq ou six
étudiants de l'École qui ont participé. D'une façon
régulière aussi, M. Rhodes est là à l'École
pour voir la relève, pour voir les jeunes qui sont là. Alors,
d'une certaine façon, les jeunes qui sont là sont
avantagés par rapport aux autres personnes qui viennent, à
travers le monde, parce que le monde de la danse classique c'est très
international, pour les auditions une fois par année. Donc, on essaie de
chercher les meilleurs et souvent on en trouve à l'École, des
fois on en trouve ailleurs.
Mme Cardinal: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente, Mme la directrice,
M. Lebrun. M. Lebrun, je suis curieux, vous n'étiez pas notre
délégué général à Toronto?
M. Lebrun: II y a déjà longtemps.
M. Boulerice: II y a déjà longtemps, bon!
M. Lebrun: Avant de revenir à la Société de
développement industriel. Donc, ce qui prouve que la culture et
l'industrie, ça peut se concilier.
M. Boulerice: M. D'Amours, bienvenue à cette commission.
Je dois vous dire que ce mémoire... J'essaie de trouver les mots, je ne
vous le cacherai pas. Ça fait au-delà d'un mois et demi que ma
collègue ministre et d'autres collègues députés
sommes à cette commission de 9 h 30 à 22 h 30, ce qui provoque,
vous le savez, une fatigue physique et également une fatigue
intellectuelle, puisque nous devons toujours être en alerte; ce que vous
dites, ce que nous devons vous poser comme question, etc., mais ma fatigue
vient de s'estomper un peu avec votre présentation.
Mme Pathy, je suis sidéré mais heureux de voir qu'une de
mes compatriotes, anglophone, venant d'un secteur où on sait que c'est
là malheureusement que les carrières sont les plus
éphémères, donc les plus fragiles, viennent et ne sont pas
frileux, quoiqu'ils vivent des conditions de précarité, et se
positionnent très clairement en disant que la culture fasse l'objet d'un
rapatriement complet avec les fonds correspondant et une pleine compensation
financière, que les sommes provenant de toute forme de compensation
financière soient affectées en totalité à la
culture par le gouvernement du Québec. Merci.
Mme Pathy: Est-ce que je peux répondre à cette
remarque?
M. Boulerice: Je ne vous en fais pas le reproche, vous le
comprenez bien. Je suis ravi, c'est le mot! Et deuxièmement, ce qui me
touche aussi, c'est l'importance que vous avez attachée dans votre
présentation au rôle que doit avoir Québec comme capitale
culturelle également du Québec. J'aimerais ça que vous
poursuiviez un peu plus dans ces deux énoncés.
Mme Pathy: Au sujet de la première remarque, j'aimerais
dire que les Grands Ballets canadiens siègent à Montréal.
C'est la seule compagnie de ballet de cette envergure dans la province de
Québec. On sent en ce moment que le gouvernement québécois
provincial nous favorise. Au moment où le mémoire a
été écrit, le Conseil des arts du Canada a coupé
notre subvention de 75 000 $ sans préavis. C'est dans cet esprit qu'on a
endossé le rapatriement des fonds.
Quant au sujet de la capitale, Québec, Québec est un lieu
très spécial dans la province. C'est le berceau du patrimoine et
c'est très important que les arts soient développés ici de
la même façon qu'à Montréal. Montréal est une
ville "cosmopolitaine". C'est bien sûr que c'est très important
comme centre culturel, mais ça ne doit pas être le seul centre des
arts et de la culture à Québec. Je trouve que c'est bien
important d'avoir une présence à Québec. M. D'Amours.
M. D'Amours: II faut bien souligner ici le fait que ce que Mme
Pathy nous dit, c'est qu'il s'agit d'une compagnie qui a acquis ses lettres de
noblesse au Québec, qui a été un lieu d'accueil aussi pour
des artistes internationaux et qui a créé donc, au Québec,
un milieu d'accueil extraordinaire pour l'excellence dans le domaine de la
danse. Dans ce sens-là, ça fait partie d'un orgueil des
Québécois que d'avoir cette compagnie, et l'on croit que son
développement sera encore mieux assuré s'il l'est à
l'intérieur de nos politiques québécoises et de nos
orientations québécoises. C'est pour ça qu'on
réclame le rapatriement des pouvoirs et des fonds, évidemment,
qui l'accompagnent. Ce n'est pas un geste qui est anodin, vous l'avez
remarqué, M. le député, dans ce contexte interculturel
où évolue la compagnie. C'est une décision qui est
longuement réfléchie et pesante.
Le Président (M. Doyon): M. le député...
Mme Pathy: Permettez-moi d'ajouter un petit mot. Avant que ces
mesures soient prises, c'est bien nécessaire d'avoir des statuts en
place pour qu'on soit rassurés que les fonds sont vraiment versés
aux organismes culturels. Comme on demande déjà qu'on augmente
notre enveloppe budgétaire, on prend soin de ça aussi, qu'on
augmente l'enveloppe totale de subvention.
M. Boulerice: Je peux vous répondre, Mme Pathy, que, dans
le cas de ma formation politique, II s'agit d'un transfert latéral
intégral de toutes les sommes. Si jamais notre statut politique devait
changer, les économies d'administration devront être
rajoutées à ce ministère. Mais je crois qu'il y a un
député très fier, puisqu'il est député de la
circonscription de Mercier où se trouvent à la fois les Grands
Ballets et l'école, qui aimerait vous poser une question.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, vous voulez avoir la parole?
M. Godin: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Vous lavez, M. le
député.
M. Godin: Mon voisin me dit que je poserais seulement une
question, mais ça ne le concerne pas. C'est vous qui êtes le
patron ici.
Le Président (M. Doyon): C'est ça.
M. Godin: Alors, Mme Gaynor ainsi que ceux qui vous accompagnent,
je me souviens d'une fois, dans une tournée ministérielle,
j'étais allé dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y avait une
école complète qui servait d'école de ballet pour la
région Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je sais que dans beaucoup de
régions du Québec il y a une espèce de passion pour le
ballet qui s'est développée à cause de quelques films qui
ont incité les gens, les jeunes surtout, à se lancer à
corps perdu, je dirais, dans ce très bel art. Et j'aimerais savoir s'il
y a un effet de vases communicants d'une école de ballet du Saguenay, de
Chicoutimi, mettons, et votre école des Grands Ballets, qui est
située à deux pas de mon bureau. J'aimerais savoir si vous
prélevez ou si vous engagez des jeunes qui ont commencé leur
entraînement ou leur formation en dehors de votre école?
Mme Gaynor: D'abord, j'aimerais dire que l'École
supérieure de danse du Québec, ce n'est pas relié, sauf
d'une façon informelle, avec les Grands Ballets canadiens. Donc,
jusqu'à une certaine façon, on ne contrôle pas ce qui se
passe à l'Ecole. Ça, c'est complètement une autre
administration. Mais je dois dire que quand on lance l'appel aux auditions, on
envoie ça à travers le Québec, à travers le Canada,
à travers le monde, finalement, pour chercher les jeunes qui
s'intéressent... qui ont fini leur formation professionnelle, parce que,
ça, c'est important aussi. Il y a beaucoup d'écoles où il
y a la formation en ballet, mais ce n'est pas vraiment une formation
professionnelle et, là, on cherche des professionnels dans le
métier. Mais on envoie notre invitation à l'audition à un
très grand public et on invite les gens de se présenter pour fes
auditions chez nous. Et tout le monde qui est qualifié vient, puis on
fait notre choix parmi ces gens. Il n'y a personne qui est exclu. Je ne sais
pas si ça répond à votre question.
M. Godin: J'aimerais savoir, si c'est possible - sûrement
que ça l'est - si vous pouviez nous fournir, à la commission ici,
une liste des régions qui sont maintenant ou daps les Grands Ballets
canadiens ou dans l'École j nationale de ballet pour savoir si,
effectivement, les Grands
Ballets canadiens et l'École, même si ce n'est pas
lié organiquement, si vous voulez, représentent vraiment le
Québec dans son ensemble et si les Grands Ballets canadiens ne sont pas
déjà le ballet national du Québec, c'est qu'il a des
grandes chances de le devenir, j'espère, dans un avenir pas trop
lointain, et c'est ce que la ministre va souhaiter probablement elle aussi, la
connaissant comme je la connais.
Et, donc, s'il y avait - mais ce n'est pas une condition, si je peux
vous dire, sine qua non - s'il y avait une présence de l'ensemble du
Québec dans les Grands Ballets, elle serait déjà la
compagnie nationale de ballet du Québec. C'est ma question, M. le
Président, j'ai terminé.
Mme Gaynor: Je peux vous dire qu'on a des danseurs dans notre
compagnie qui viennent de partout dans le monde. Pour les danseurs qui viennent
du Québec, on a un grand nombre qui habitent maintenant à
Montréal, évidemment. Je ne peux pas vous dire d'où
viennent ces danseurs sans avoir fait une recherche quelconque. Pour ce qui
concerne l'École, je n'ai vraiment aucune idée. Je peux
m'informer.
Mme Pathy: L'École a sa propre administration, son propre
directeur général, son propre conseil d'administration. Alors,
peut-être qu'on se trouve dans le même édifice, on a un
contact régulier, mais on se mêle, en effet, dans ces
affaires.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Oui, M. Lebrun.
(16 h 45)
M. Lebrun: Je pourrais peut-être, sur cet aspect, à
partir de ce qui a déjà été mentionné, je
vais peut-être vous dire qu'en ce qui nous concerne, nous sommes
déjà les grands ballets du Québec, dans les faits. Et je
pense qu'on fait des efforts pour recruter, le plus possible, de jeunes
danseurs et danseuses. Mais, comme vous savez, nos traditions sont assez
récentes en matière de ballet. L'an prochain, on fête notre
35e anniversaire. Mais c'est assez court dans la vie d'un peuple. Quand Mme
Chiriaeff est arrivée ici, il y a quelques années, c'était
encore péché mortel de danser le ballet.
Donc, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits. Il y a
des cours qui se donnent maintenant dans plusieurs écoles. On invite
beaucoup de jeunes. Il y a des matinées éducatives, comme on les
appelle. On invite les gens des écoles au niveau secondaire et
peut-être primaire à venir voir les Grands Ballets. Donc, on fait
beaucoup d'efforts pour recruter le plus possible de gens d'ici, les
sensibiliser, attirer notre public, mais, en même temps, on voudrait que
cette troupe d'envergure puisse tirer les meilleurs talents d'un peu partout
à travers le monde. On a eu le privilège, il y a quelques
années, d'aller chercher des danseurs exceptionnels en Chine. Cette
année, on vient de faire l'acquisition d'un couple de danseur et
danseuse italiens. Et on est très fiers de ces acquisitions. Donc, en
maintenant un juste équilibre, ça nous permet d'avoir une des
meilleures troupes et de faire rayonner le Québec au plan
international.
M. Boulerice: J'aurais une toute petite question que j'aimerais
poser à M. Lebrun.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: M. Lebrun, ces danseurs que vous réussissez
à amener au Québec, à partir de l'étranger, est-ce
qu'à la fin de leur carrière, pour plusieurs, il y a une
rétention, c'est-à-dire qu'ils restent au Québec et
deviennent des enseignants, soit au bénéfice de l'École
nationale ou d'autres écoles de danse?
M. Lebrun: J'en connais quelques-uns. Mme Gaynor pourra
peut-être compléter. J'en connais quelques-uns. D'abord, il faut
dire que c'est un métier ou une profession où il y a beaucoup de
mobilité. Donc, il y en a qui viennent ici pendant deux ou trois ans, et
le rêve des danseurs, c'est d'aller dans les meilleures troupes du monde.
Heureusement, on fait partie de cette catégorie, je pense qu'il faut le
dire; à l'échelle mondiale, on fait partie des ligues majeures.
En passant, moi, je les ai accompagnés lors d'une tournée
européenne. Je peux vous dire que quand on se déplace, on est
reçus dans les grandes villes de ce monde, on est très fiers
d'être Québécois à ce moment-là, de voir
qu'on rayonne de cette façon-là à l'étranger.
Donc, il y en a - même des Québécois, d'ailleurs -
qui sont à New York, un peu partout, qui font partie de cette
mobilité à l'échelle internationale, mais il y en a
d'autres qui restent. Il y en a d'ailleurs plusieurs qui s'intègrent.
Ces gens-là restent ici. J'en connais quelques-uns qui sont très
heureux au Québec et à Montréal et, après
ça, eh bien, comme vous le savez le cycle d'une carrière de
danseur et danseuse est assez court. Il y en a qu'on a engagé sans doute
comme professeurs. Il y en a d'autres qui doivent retourner à
l'école. Très souvent, ces gens-là ont commencé
à un bas âge, donc, ils arrivent à 35 ans, ils n'ont pas de
métier. Donc, il y en a sûrement qui restent ici. Je n'ai pas les
statistiques. Peut-être que Mme Gaynor pourrait élaborer
là-dessus.
Mme Gaynor: Je n'ai pas les statistiques vraiment non plus, mais
je peux juste donner quelques exemples. On en a quelques-uns qui se sont
mariés avec des Québécois, donc, évidemment ils
sont restés. Ils avaient leur famille ici. Il y a d'autres danseurs
qu'on essaie de recycler, si vous voulez, à l'administration; quand
leur
carrière de danseur est finie, on essaie de leur trouver du
travail à l'administration. Alors, on essaie de les encourager le plus
possible à rester ici évidemment. Je peux vous dire que les
Italiens ont déjà dit qu'ils trouvent la ville de Montréal
une ville superbe, et ce sont des gens qui connaissent le monde. Alors, c'est
un compliment. Ils aimeraient rester ici.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Boulerice: Je crois qu'est venu le temps de prendre
congé. Il y aurait eu bien d'autres questions. Mais de toute
façon, la rue Rivard n'est pas tellement éloignée de ma
circonscription. Donc, il y aura bien des occasions de se revoir. Je vous
remercie de votre participation, Mme Pathy, Mme Gaynor, M. Lebrun et M.
D'Amours, et je vous demanderais de bien vouloir transmettre à Mme
Chiriaeff nos salutations les plus distinguées et surtout nos voeux les
meilleurs.
Mme Gaynor: Merci, et j'aimerais bien vous inviter au prochain
spectacle de "Casse Noisette" qui se déroule ici en décembre.
Alors, c'est très proche.
M. Boulerice: Nous acceptons.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi je me joins à mes
collègues. J'avais oublié de discuter d'ailleurs de ça au
lunch, aujourd'hui, quand j'étais avec vous. Effectivement, tout
l'apport ou enfin l'entrée de nos danseurs québécois dans
les Grands Ballets, je pense que c'est un point qu'il faut toucher. Je
comprends que finalement, ça prend l'excellence, et on est tous
d'accord. Par contre, si je compare, par exemple, à l'Orchestre
symphonique de Montréal, 75 % - et j'étais surprise moi aussi -
de leurs musiciens sont des musiciens du Québec et du Canada. Une grosse
proportion du Québec, des conservatoires, etc. Alors, je pense qu'il ne
faut pas oublier non plus et garder ça en tête parce qu'on forme
énormément et, évidemment, on veut leur donner des
débouchés chez nous. Merci d'être venus.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci
beaucoup. Alors, au nom de la commission, il me reste à vous remercier,
Mme Pathy, Mme Gaynor, M. Lebrun. M. Lacoste devait être là. Il
n'y est pas. Vous lui direz bonjour de ma part. Alors, merci d'être venus
nous rencontrer. Merci d'avoir pris le temps de nous exposer votre point de
vue.
Donc, je suspends les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise à 16 h 53)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Je vais demander que cette commission se mette à l'ordre pour que
nous puissions recommencer nos travaux.
Donc, nous poursuivons avec l'Association Presse Papier. Je vois qu'ils
sont en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Ils sont ici depuis un certain
temps. On va procéder avec eux comme on a procédé avec les
autres. Vous nous faites votre exposé pendant une dizaine de minutes et,
après ça, la conversation va s'engager avec les membres de cette
commission pour quelques minutes aussi.
Alors, si vous voulez bien vous présenter pour que nous puissions
avoir vos noms dans notre journal de la transcription des débats et,
ensuite, vous pourrez commencer sans plus de délai. Vous avez la
parole.
Association Presse Papier
Mme Lanneville (Jo Ann): D'accord. Alors, je suis Jo Ann
Lanneville. Je suis la présidente de l'Association Presse Papier.
M. Charland (Denis): Je suis Denis Charland. Je suis artiste,
membre de l'atelier depuis 13 ans.
M. Langevin (Guy): Mon nom est Guy
Langevin. Je suis artiste et membre de l'atelier.
Le Président (M. Doyon): Je vous souhaite la bienvenue au
nom des membres de la commission.
Mme Lanneville: Mme la ministre, M. le Président, mesdames
et messieurs, j'aimerais d'abord vous remercier de nous entendre à la
commission. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous
présenter l'association que nous sommes.
L'atelier Presse Papier est une association à but non lucratif
d'artistes graveurs professionnels. En 1979, Presse Papier est née de la
volonté des artistes qui l'ont formée de travailler l'estampe
dans la région de Trois-Rivières. L'idée première
était de se regrouper collectivement pour produire et diffuser leur
travail.
Depuis 12 ans, l'oeuvre de l'ensemble des membres de Presse Papier
s'élève à plus d'un millier d'estampes. Les mandats de
Presse Papier se distribuent sur trois avenues: la recherche et production, la
diffusion et l'administration. L'Association, actuellement, est composée
de 18 artistes professionnels et est dirigée par un conseil
d'administration composé de 5 membres, qui travaillent
bénévolement. Notre atelier génère deux emplois
à temps plein, une coordonnatrice et un assistant technique, et un
à temps partiel pour la surveillance de la galerie. En plus des ateliers
de
production, celle-ci administre une galerie d'art actuel et
possède ses propres bâtiments. Les sources de financement de
Presse Papier proviennent en partie du ministère des Affaires
culturelles du Québec pour 55 %, du Conseil des arts du Canada pour 9 %,
de l'aide privée, 5,5 %, des cotisations, 6 %, et ses revenus de loyer
et d'intérêt pour 21 %.
Presse Papier a aussi un grand rôle quant au rayonnement
régional. En choisissant d'avoir pignon sur rue et laissant nos portes
grandes ouvertes, nous sommes conscients d'avoir un rôle éducatif,
tout en étant un lieu de création régional à
vocation nationale et internationale. De plus, depuis 12 ans, Presse Papier a
toujours tenu un rôle très important dans le milieu culturel
trifluvien. Chaque année, Presse Papier invite des artistes
étrangers à venir travailler avec nous pour échanger,
partager techniques et création. À ce jour, nous avons
reçu des artistes des États-Unis, du Mexique, de Cuba, de la
République dominicaine, de la Belgique, de la France et du Japon. En
1992, nous recevrons des artistes provenant de la Tchécoslovaquie et de
l'Espagne. L'inverse se fait aussi. Nos membres vont faire
régulièrement des stages et séjours de travail en pays
étrangers. Ainsi, ils ont pu travailler en France, au Japon, en
Angleterre, en Belgique, en Suisse, dans le Nord canadien, aux
États-Unis, à Terre-Neuve et j'en passe.
Nous travaillons continuellement à avoir une grande
visibilité et crédibilité aux niveaux régional,
national et international, sans nécessairement passer par
Montréal. Les membres de Presse Papier sont sollicités
régulièrement à partager leurs connaissances, en donnant
des stages à Chicoutimi, à Joliette, à Rouyn-Noranda,
à Montréal et aux États-Unis.
Alors, dans la présentation de notre mémoire à la
commission, nous avons soulevé deux points importants sur le rapport
Arpin: c'est dans la définition de la culture et sur le territoire. Je
vais passer la parole à mes collègues.
M. Charland: Lorsqu'on parle d'une politique culturelle du
gouvernement du Québec, nous voulons nous interroger en tout premier
lieu sur le sens du mot "culture". Le groupe-conseil, le rapport Arpin, affirme
l'importance du bien essentiel qu'est la culture, de son accessibilité
et de l'importance de l'intervention de l'État au même titre que
le social et l'économique. Il nous apparaît primordial de bien
distinguer la notion de culture comme phénomène d'une
société donnée du champ d'intervention devant être
occupé par un ministère de la culture. L'anthropologue
américaine Margaret Mead définit la culture d'un peuple comme
étant "the way of life", définition englobant l'ensemble des
activités d'une société. Le rôle de l'État
est précisément d'intervenir sur cet ensemble complexe et
interdépendant. Pour ce faire, il a créé différents
ministères devant intervenir dans le domaine du social, de
l'éducation, de la santé, de l'économique et de la
culture.
Le mot "culture" est ambigu si l'on en juge peut-être par le
nombre impressionnant d'organismes qui sont venus ici devant cette commission
pour lui donner un sens correspondant à leur champ d'activité
spécifique et, de manière bien honnête, pour en
réclamer une certaine appropriation. De notre côté, nous
croyons qu'en prémisse à toute réflexion sur une politique
culturelle, le gouvernement doit définir le champ d'action de ce
ministère, il doit identifier la spécificité de ses
interventions. (17 heures)
Et comment la définir? La réponse à cette question
se trouve partiellement dans l'analyse du cheminement des 30 dernières
années du ministère des Affaires culturelles. Le MAC au cours de
ces années a favorisé le développement, souvent même
l'émergence d'institutions à vocation artistique, patrimoniale et
culturelle. Le MAC a soutenu la recherche, les artistes et certains projets de
diffusion.
Cette démarche a-t-elle porté fruit? Oui, souvent, nous le
croyons, mais à quel prix? À celui de l'engagement inconditionnel
de nombreux artistes et intervenants culturels qui ont oeuvré
bénévolement à la réalisation de leurs projets et
de leurs aspirations les plus profondes. Si nous acceptons de nous interroger
sur le rôle de l'État en matière culturelle, c'est qu'il
nous reste beaucoup de chemin à parcourir et que les enjeux en valent la
peine. L'Association Presse Papier propose que le ministère des Affaires
culturelles du Québec soit désigné sous le nom de
"ministère des arts et de la culture". Cette dénomination
affirmerait avec conviction et cohérence la mission spécifique du
ministère, et serait plus signifiante que le "ministère de la
culture" proposé par le groupe-conseil. Cette dénomination irait
dans le prolongement de la démarche antérieure de l'État
en matière de culture artistique et patrimoniale. Ce geste serait en
quelque sorte une reconnaissance concrète de la très grande
importance que l'État accorde à la culture et aux arts.
L'Association Presse Papier propose également d'augmenter
substantiellement les ressources du ministère, l'objectif fixé du
1 % étant déjà insuffisant pour corriger les injustices
subies par le milieu artistique et pour répondre aux besoins de
croissance de ce qu'on appelle l'industrie culturelle. Cet argent neuf
proviendrait certes d'une augmentation du budget de l'État
accordé au ministère des arts et de la culture, mais aussi, il
pourrait être issu de collaborations nouvelles avec d'autres
ministères ou organismes gouvernementaux. La SIQ, entre autres, pourrait
être mise à profit, les Communications, le ministère de
l'Éducation, etc. Nous verrions ainsi une prise en charge plus globale
de la responsabilité de l'État en matière d'arts et de
culture.
L'Association Presse Papier croit aussi à la
nécessité d'accroître le soutien de l'État
aux arts et à la culture. Tout en minimisant les tâches
administratives, la formule d'une entente triennale que nous avons conclue avec
le ministère nous semble un très bon exemple de cet
allègement. L'Association Presse Papier propose aussi d'inclure dans la
nouvelle politique culturelle du Québec des objectifs de diffusion
locale, nationale et internationale et d'y consacrer les ressources
appropriées. Il faudra innover pour mieux informer, il faudra innover
pour impliquer aussi les médias.
Je terminerai ma réflexion sur une mise en garde, celle de
réduire, pour atteindre un plus large public, la qualité et la
profondeur de l'expression artistique. Je vais céder la parole à
Guy Langevin qui va nous parler de la vie artistique en région.
M. Langevin: L'implication du ministère des Affaires
culturelles en région, comme celle des artistes, est de toute
première importance. Unies, les deux énergies que nous
représentons deviennent une force créatrice
génératrice de grandes choses. On n'a qu'à penser aux
équipements culturels dont se sont dotées les régions
depuis quelques années, équipements qui ont, bien sûr,
été Initiés par les artistes eux-mêmes et qui
répondent à un besoin réel, mais dont la mise sur pied
n'aurait peut-être pas été possible sans le soutien des
Affaires culturelles.
Dans la région de Trois-Rivières, citons, outre Presse
Papier, Atelier Silex et Papyrus, l'OSTR, la Biennale nationale de
céramique, le Festival international de la Poésie, la revue
culturelle Le Sabord. On attend toujours Impatiemment notre musée des
arts et traditions populaires. Techniquement, on pourrait croire notre
région très bien équipée, on pourrait se dire
qu'elle a atteint une certaine maturité, mais ce n'est pas tout à
fait le cas. Notre région, comme les autres, a des lacunes, des trous
béants dans ses équipements. En arts visuels, nous
déplorons l'absence d'un centre d'exposition adéquatement
équipé et permettant la présentation d'expositions
d'envergure dans le domaine de l'art actuel. En effet, malgré la
présence et la vivacité des créateurs en art visuel, nous
nous voyons obligés d'exposer dans des salles petites, vétustes
ou inadaptées.
Dans le domaine des arts de la scène, les équipements y
sont mais, comme le dit le rapport Arpin, en page 131, la situation est bien
plus pénible en ce qui concerne le contenu. Des impératifs de
rentabilité font qu'il ne s'y produit aucun événement qui
pourrait constituer un risque financier. On a donc droit à du
théâtre d'été tout l'hiver et à quelques
spectacles commerciaux.
La danse actuelle, la musique actuelle, le théâtre actuel
sont des manifestations qui se passent peut-être actuellement, mais
toujours ailleurs.
Doter une région de quelques équipements est une bonne
chose, mais il faut que l'aide s'étende aussi au fonctionnement de ces
équipements. Il ne saurait être question, bien sûr, de doter
chaque région d'un musée d'art contemporain, d'une place des arts
ou d'une maison d'opéra, mats il est aussi inadmissible que nous soyons
privés de manifestations de qualité.
Nous pensons qu'il est de la responsabilité du MAC de voir
à une certaine circulation d'événements majeurs à
travers le Québec. Par exemple, on serait peut-être surpris de la
réponse du public si une production d'opéra visitait quelques
endroits au Québec à toutes les années. Les régions
sont parties intégrantes du territoire. Quel que soit le gouvernement,
il est de sa responsabilité de voir à ce que ses citoyens, ses
électeurs jouissent d'une qualité de vie comparable.
Dans le mémoire que nous avons déposé, nous
soulignons que la position prise par le rapport Arpin risque de créer un
exode des artistes vers la région de Montréal. La commission,
dans les dernières semaines, a entendu beaucoup de mémoires
dénonçant cette position du rapport. Opérer une politique
centralisatrice ne viendra que diviser le monde artistique en deux
catégories dissemblables, inégales et peut-être même
antagonistes.
Dans cette histoire, on se trouve tous, autant en région
qu'à Montréal, devant le même problème: te manque
chronique de fonds. Ne serait-ce pas le temps de réaliser enfin que le
budget dont disposent les Affaires culturelles ne répond pas à la
demande de la population? Ne serait-ce pas le temps de faire que ce budget
atteigne ou dépasse le 1 % du budget total du Québec? C'est
là une réclamation que tout le milieu culturel fait depuis des
années et qui, jusqu'à présent, ne semble servir
régulièrement que de promesse, et être ensuite
reportée aux calendes grecques. Il faut atteindre et dépasser cet
objectif du 1 % et faire en sotte que cette augmentation du budget du MAC soit,
dans sa plus large part, attribuée à la production et à la
diffusion du produit artistique. Souvenez-vous de l'étude de la firme
Samson Bélair qui disait que dans toute l'industrie culturelle, ce sont
les artistes qui arrivent le plus, difficilement à gagner leur vie.
Pourtant, c'est bien grâce à la vivacité de ces derniers
que cette industrie culturelle existe.
Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de faire vivre artificiellement
tous les artistes ou ceux qui prétendent l'être. Nous ne sommes
pas - et refusons d'être - des bénéficiaires, comme nous
qualifie le rapport Arpin en page 206. Il s'agit plutôt d'un
investissement pour les gouvernements et, qui plus est, un des investissements
les plus rentables politiquement. N'est-ce pas à partir de notre culture
que nous revendiquons notre statut particulier dans cette Amérique?
Pourquoi s'obstiner à créer en région? Une
des raisons primordiales pour un artiste de créer est
l'attachement au lieu. C'est un rapport physique et émotif, un fort
sentiment d'appartenance. Il faut qu'il y ait aussi des créateurs en
région. Ils assurent une saine diversité dans l'oeuvre produite
au Québec. Un artiste qui traite d'un sujet, quel qu'il soit, est
influencé par son lieu, imprégné par son milieu. Il est
fort probable que sa production puisse être différente selon qu'il
habite les îles, le Saguenay, la Mauricie, Québec ou
Montréal. Cependant, il ne faut pas croire que cette différence
signifie que l'oeuvre subisse un quelconque retard proportionnel aux distances
qui séparent l'artiste des grands centres. Dans le monde où nous
vivons, l'uniformisation de l'information et son immense diffusion font que
l'artiste, où qu'il soit sur le territoire, peut se tenir au fait de la
connaissance dans son domaine.
Il faut soutenir de plus en plus la création en région. Le
visage de Montréal change rapidement depuis quelques années.
L'arrivée de différentes ethnies vient enrichir notre
collectivité et diversifier les bases de notre culture collective.
La Présidente (Mme Cardinal): Vous allez devoir terminer,
s'il vous plaît. Vous avez quelques minutes.
M. Lange vin: J'ai deux phrases.
La Présidente (Mme Cardinal): D'accord. Merci.
M. Langevin: Montréal est et restera, pour un certain
temps, le pôle d'attraction de ces nouveaux Québécois. Les
régions, qu'on le veuille ou non, deviendront les derniers bastions de
notre culture francophone, cette différence qui est nôtre au sein
de cette Amérique cosmopolite. Il est donc primordial de continuer,
voire même d'accentuer l'aide qu'on donne déjà à la
création artistique qui se produit en région. Merci.
La Présidente (Mme Cardinal): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Ça me fait plaisir, je
vous le disais tantôt, de vous revoir. Je suis sensible - je vous l'ai
dit, d'ailleurs, quand j'étais chez vous - encore une fois, à
votre vision du dynamisme culturel au plan des régions. Vous avez
raison, d'ailleurs. Je vous l'avais prédit. Il y a eu plusieurs groupes
qui sont venus, justement, nous apporter un fort plaidoyer pour les
régions. Il y a juste une chose, par contre. Il faut quand même
être réaliste, vous savez, et dans votre allocution, vous dites
qu'il est temps qu'on ait, au niveau des affaires culturelles, le budget que la
population demande. Je veux juste vous rappeler un sondage. Il n'y a pas plus
tard que deux semaines, une semaine et demie, quand on a demandé aux
gens s'il fallait couper quelque part, au niveau des municipalités, on a
dit: Les premiers, loisirs et culture, à 43 % et 42 %. Alors, c'est vous
dire que la bataille n'est pas gagnée, ni d'une part ni de l'autre.
Où vous avez parfaitement raison, c'est quand on se plaît
à dire qu'on est une société distincte. Les gens font...
Finalement, oui, on le dit. Le discours est très beau. Oui, pour la
protection de notre langue, mais quand on tombe au niveau culturel, bien, c'est
là qu'on ménage. Alors, c'est juste pour vous dire que,
là-dessus, je partage... Deuxièmement, il va falloir continuer
à faire de la pédagogie parce que veux veux pas, si on a fait de
très grands pas... On écoutait les Grands Ballets qui disaient
que danser le ballet était péché mortel en 1953 ou 1954.
Pas besoin de vous dire qu'on se rappelle ce que ça voulait dire, un
péché mortel. Mme Chiriaeff avait été
excommuniée. Alors, on a fait quand même de grands pas, mais ce
n'est pas acquis. Alors, il va falloir continuer à taper sur le
clou.
Le groupe précédent, c'est-à-dire le Centre de
production et de diffusion de l'art actuel, nous disait, et vous étiez
là: Bien, plutôt que d'encourager l'aide directe aux artistes, il
faudrait plutôt aider un peu - en fait, ce que vous faites - la
production, la diffusion, la mise en marché. Est-ce que vous êtes
d'accord avec ça?
M. Langevin: Pas du tout.
Mme Frulla-Hébert: II me semblait aussi. C'est les
seuls.
M. Langevin: Pas du tout, pour une raison bien simple. Je pense
que la production artistique est la base même de la vie culturelle. Ne
pas aider les artistes à produire, au Québec, créerait un
vacuum épouvantable. Premièrement, avant de soutenir une machine,
il faut soutenir ce qui fait fonctionner cette machine-là,
c'est-à-dire les artistes eux-mêmes.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, au niveau de la production
et de la diffusion, vous parlez de ce qui se passe en région. Vous
êtes extrêmement actifs et votre région, d'ailleurs, elle
est, on se l'était dit, extrêmement active, avec des idées
ou des événements très différents ou, enfin,
uniques, si on peut dire, au Québec. Je pense au Festival international
de la Poésie. Évidemment, c'est naturel avec l'université,
mais quand même. Il y a aussi toute la musique actuelle. Expliquez-moi un
peu, au niveau des régions ou de votre région, d'où vient
tout ce dynamisme, d'une part? Comment peut-on se servir de votre
expérience, justement, pour aider d'autres régions? Vous
n'êtes pas loin de Montréal, c'est loin et ce n'est pas loin. Ce
n'est pas comme Sept-îles, ce n'est pas comme Baie-
Comeau où c'est vraiment un périple de se rapprocher de ce
qu'on appelle la métropole ou de la capitale, mais ce n'est pas votre
cas. (17 h 15)
M. Langevin: Je pense que ce qui arrive avec les artistes dans
notre région, on est un petit peu, comme vous le dites, loin et proche
de la métropole et de la capitale, ce qui fait que pour avoir une vie
culturelle active, on a à se débattre énormément.
C'est une des caractéristiques, premièrement, de notre
région, mais aussi d'à peu près toutes les régions
qui ne sont pas très éloignées des grands centres. Ils
doivent accorder beaucoup d'énergie pour monter des activités
parce que l'attraction des grands centres est d'autant plus forte. Chez nous,
les groupes sont très actifs, le milieu culturel est très actif.
On a encore, comme on disait tantôt, des lacunes énormes, mais je
pense que depuis une dizaine d'années, il y a eu beaucoup de chemin de
fait. Et ça, on l'a dit: C'est, en grande partie, grâce à
l'implication du ministère des Affaires culturelles. À la base,
je pense que c'est l'implication des artistes qui est importante dans les
régions.
Mme Frulla-Hébert: Provenant même du milieu.
M. Chartand: J'ajouterais un commentaire. Je suis d'accord avec
ce que vient de dire Guy, mais j'ajouterais qu'une entreprise ou une
association d'artistes ou une entreprise culturelle ou artistique, c'est
quelque chose qui grandit. C'est quelque chose qui est mobile et qui est
organique. Lorsqu'on démarre une activité un peu comme celle de
Presse Papier, on ne peut plus arrêter. Nos ambitions nous amènent
à vouloir exporter notre produit à l'étranger. De plus en
plus, on acquiert des compétences. On en a encore beaucoup à
acquérir, mais de plus en plus on acquiert des compétences. Le
soutien ou, en tout cas, l'envergure nécessite des ressources de plus en
plus grandes en même temps aussi, d'autant plus que la population -
j'étais très heureux d'entendre 43 % ou 42 % de la population
qui... J'aurais cru que c'était plus bas que ça. Je trouve qu'on
s'approche quand même d'une majorité de gens qui sont conscients
de l'importance des arts et de la culture parce qu'il y a 20 ans, je pense que
le chiffre aurait été de beaucoup inférieur.
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'aurait été 80
%.
M. Charland: Oui. Donc, il y a un bon chemin de parcouru.
Mme Frulla-Hébert: Quand je vous ai visité, vous
aviez une artiste de l'extérieur qui venait vous visiter. On a aussi
parlé, dans cette commission, de tout l'apport et de l'échange
entre artistes, justement, et du besoin d'échange. Pour vous, est-ce que
c'est une activité, si on veut, finalement cruciale ou capitale au
niveau du développement de votre centre?
Mme Lanneville: Oui. On le fait d'abord sur une base
régulière. Cette année, il y avait justement une artiste
qui venait de la Virginie, mais il y avait aussi un Américain qui venait
du Vermont. Cet échange-là qui se fait, cet échange
culturel - parce que c'est vraiment une différence culturelle - c'est
plein de stimulation. Alors, que l'on reçoive des artistes ou que, nous,
on aille visiter des artistes à l'étranger, je pense que c'est
même une mission primordiale pour Presse Papier et, à chaque
année, on met toujours de l'avant des projets, que ce soit de recevoir
ou de voyage, pour justement avoir une plus grande émulation dans notre
domaine a nous.
Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, ce que vous dites aussi,
c'est que dans une future politique, il faudrait traiter la question des
échanges culturels en priorité, d'une certaine façon.
Mme Lanneville: Les échanges culturels?
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire les
échanges, justement, au...
Mme Lanneville: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...niveau international, au niveau
culturel...
Mme Lanneville: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...en priorité. Parfait.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Merci. Mme Lanneville,
M. Langevin et M. Charland, je ne peux pas empêcher ma collègue de
donner des statistiques, sauf que, vous savez, il y a des statistiques qui
invitent aussi à réduire le nombre de députés et
à rétablir la peine de mort. Alors, je pense qu'on ne
bâtira pas une politique culturelle là-dessus. On voit d'ailleurs
ce que ça donne de gouverner par sondage, regardez notre premier
ministre. Ça ne fait pas quelque chose de bien bien fort. Je ne veux pas
parler de vous, j'ai parlé du premier ministre. Vous pouvez prendre vos
distances.
Ceci étant dit, sur un autre ton, vous savez quel est l'avantage
d'un député montréalais? C'est qu'il doit passer par la
ville de Trois-Rivières deux fois par semaine, et vous venez de me
donner une adresse drôlement intéressante. Il est peut-être
bon que vous sachiez à qui vous
parlez. Vous parlez à quelqu'un qui a fumé des Gitanes, bu
des expressos des soirées et des nuits de temps avec une femme qui
s'appelle Francine Beauvais et qui, après ça, a connu Lorraine
Béique, etc. Donc, j'ai l'impression que si j'arrête au 75 de la
rue Saint-Antoine, je vais probablement enrichir ma collection
bientôt.
Ceci étant dit, et j'en discutais justement hier avec un groupe
qui est venu, que je connais bien... Pour ce qui est de tout... appelons
ça arts graphiques. Actuellement, ce qui est le plus accessible - je
parle au niveau financier - c'est la gravure. Comment va-t-on pouvoir en
arriver... Je veux dire, il y a des grandeurs extraordinaires. Je viens d'en
nommer trois, je pourrais en nommer plusieurs dizaines d'autres. Comment
va-t-on arriver à changer les mentalités? Vous savez, le couple
nu en velours noir bordé de doré qu'on achète chez
Woolworth est quelquefois deux fois plus cher qu'une jolie petite gravure.
Une voix: ...originale...
M. Boulerice: ...originale, authentique et qui prend de la
valeur, si on veut regarder cet autre aspect de l'art qui est le marché
de l'art. Comment va-t-on en arriver... Quand on a bâti la loi sur le
statut de l'artiste, aussi perfectible qu'elle peut l'être -
c'était du droit nouveau pour nous - l'Union des artistes faisait un
parallèle avec les producteurs agricoles. Alors, on s'amusait à
des bonnes blagues: culture, agriculture, etc., sauf que pour obtenir leur
statut, ils se servaient du statut qu'avaient obtenu les agriculteurs. Est-ce
qu'on pourrait songer à une espèce d'office de mise en
marché, de promotion, etc., afin de réussir à inculquer
aux gens qu'ils peuvent - parce que c'est accessible, à un prix
abordable, raisonnable - acquérir quelque chose d'original, quelque
chose qui est beau, quelque chose qui prend de la valeur et encourager aussi
des talents qui sont de chez eux. J'ai parlé du couple nu en velours, il
y a aussi l'affiche. On est débordé d'affiches, et ce ne sont
pas, la plupart du temps, des laminages des artistes québécois,
hein? Ça ne nous profite pas comme marché, mais c'est très
populaire. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lanneville: C'est aussi dans le rôle d'éducation
qu'on a, que nous, on s'est donné. On a vraiment, comme je le disais
tout à l'heure, pignon sur rue. Nos portes sont ouvertes. Les gens
peuvent entrer et voir comment se fait la gravure d'abord. Dans un autre temps,
à chaque année, nous avons une campagne d'autofinancement
où on vend des gravures qui sont vraiment offertes à rabais
à toute la population. Alors, en publicisant cette campagne-là, a
chaque année, on s'ouvre à une nouvelle clientèle. Aussi,
on offre la possibilité aux gens de comprendre ce que c'est, la gravure,
et on les habitue à acheter des oeuvres originales. Alors, de cette
façon-là, c'est...
M. Boulerice: Avez-vous un portrait-robot de votre
clientèle?
Mme Lanneville: Non. C'est une clientèle qui se
promène, qui voyage, qui... Je devrais dire qu'au début on avait
une clientèle qui était nos "chums", ceux qui nous encourageaient
parce qu'on débutait. Mais, de plus en plus, notre clientèle
grossit. Maintenant, ceux qui viennent à l'atelier ou à la
galerie, c'est des gens qu'on ne connaît pas. C'est vraiment par une
volonté de connaître, que ce soit la gravure ou une autre
discipline. À la galerie qu'on administre, il n'y a pas que de la
gravure, il y a aussi de la peinture, de la sculpture, des installations.
Alors, c'est une plaque visible dans notre région, et on essaie
d'intéresser les gens le plus possible.
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Boulerice: Qui est un Trifluvien, entre parenthèses.
Vous avez une grande production, en plus de la gravure, de ministres de la
culture: M. Vaugeois, M. Godin, Mme Bacon.
M. Godin: Mme Frulla-Hébert aimerait beaucoup être
de chez nous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: C'est ce qu'elle m'a dit. M. le Président, je
voudrais juste rappeler - puisqu'on a eu ce matin la généalogie -
la généalogie un peu du développement de la culture
à Trois-Rivières. Je pense qu'il n'y a pas de
génération spontanée. Moi, quand je me rappelle ma
jeunesse, il y avait à l'époque, comme peintre, Raymond Lasnier
qui, d'après moi, est un génie de la peinture
québécoise, inconnu. À la même époque, il y
avait Jordi Bonnet qui, lui, est connu mondialement. Il a fait ses classes
à Trois-Rivières, à la galerie de Gilles Lemaire. Il y
avait aussi, à l'époque, la galerie Jacques Gaudreault
près du Nouvelliste. Je ne sais pas si les plus vieux de votre
groupe se souviennent.
M. Langevin: Jean-Marc Gaudreault. M. Godin: Non,
c'était Jacques. M. Langevin: II signait Gaudreault.
M. Godin: II était fleuriste et, dans sa boutique de
fleurs, il y avait aussi...
M. Langevin: Ah! Je ne le connais pas, lui.
M. Godin: ...un espace galerie. Il y avait aussi le vieux moulin
Seigneuriale de Pointe-du-Lac qui est la galerie où Réjean
Ducharme a exposé ses premières oeuvres, ses boites
surréalistes. C'est là que Réjean Ducharme a
commencé à exposer ses oeuvres, ses boîtes, ses tableaux.
Je tiens à le mentionner parce que tout ça illustre le
cheminement généalogique de Presse Papier, de la semaine de
poésie. Je me demande aujourd'hui qui sont les Raymond Lasnier qui vont
enchaîner avec la relève qui s'en vient, qui, elle, se
réclamera de vous? On se rend compte que dans le domaine de l'art, il y
a une espèce de continuité, une chaîne, en fait, qui ne se
coupera jamais.
Si on évoque le temps de Raymond Lasnier, qui était,
à l'époque, son mécène? C'était Maurice
Duplessis lui-même, et la conseillère des arts de Maurice
Duplessis, c'était Mme Auréa Cloutier, sa secrétaire, que
les férus d'histoire connaissent. Il fallait qu'on aille se
présenter au bureau de Mme Cloutier qui consultait son "boss", et qui
disait oui ou non suivant la couleur politique du peintre ou de sa famille.
Donc, tout ça fait partie d'un ensemble.
J'aimerais savoir si, d'après vous, aujourd'hui, il y a des
Raymond Lasnier actuellement à Trois-Rivières qui provoqueront le
déclenchement de la passion pour les arts?
M. Charland: Moi, je pense qu'il y a plusieurs Raymond Lasnier.
En fait, maintenant, on a un phénomène où il y a plusieurs
artistes ou plusieurs personnes talentueuses qui sont formées dans les
écoles alors que, auparavant, il y en avait peu. On assiste finalement
à des générations où il y a un nombre plus
important d'artistes qu'il y a 30 ans. Il y a 30 ou 40 ans, il y avait 2 ou 3
peintres par région et, maintenant, en fait, toute la stimulation du
milieu permet à de nombreux talents de pouvoir s'affirmer et se
développer.
Je voudrais dire aussi que l'estampe, c'est vrai que c'est un produit
qui peut être plus accessible en termes de coûts, mais ça
subit à peu près les mêmes contraintes que la peinture
parce que c'est une idée, c'est un concept actuel, c'est une approche
esthétique qui doit d'abord être acceptée par un public. Au
niveau de la mise en marché - au niveau de l'acceptation, que vous
disiez, M. Boulerice - de la vente, il y a un gros travail à faire au
niveau des médias. C'est un travail de longue haleine, ça ne se
fera pas du jour au lendemain. Il y a certainement des mesures que le futur
ministère des arts et de la culture pourra prendre pour inciter les
médias à couvrir les arts visuels. La presse écrite
dispose de moyens, plein de couleurs pour faire des pages, plein de couleurs...
mais on reproduit rarement des oeuvres d'art. La technologie est là, les
moyens sont là, c'est juste qu'il faut vouloir le faire maintenant.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de...
M. Boulerice: On parle d'incitatifs pour ce qui est du
marché des arts. On parle beaucoup d'abris fiscaux. Je lance depuis
quelque temps une idée qui est celle des REEART. Je crois que vous
étiez ici. Est-ce que vous étiez ici, tantôt, quand j'en ai
parlé. Vous, ça vous dit quoi, quelque chose comme ça?
M. Charland: Oui, je pense qu'ajouter un intérêt
financier à la consommation de l'oeuvre artistique, ça peut
être un incitatif d'ordre matériel qui peut être avantageux.
Il reste que c'est peut-être plus un palliatif. C'est souhaitable, mais
ce qui serait davantage souhaitable, c'est une prise de conscience et un
intérêt général pour les manifestations, pour les
activités artistiques ou le produit artistique. Pour cela, je pense, une
chose que j'aimerais dire, c'est qu'il ne faut pas réduire non plus la
qualité de l'oeuvre artistique pour en vendre davantage. L'important, ce
n'est pas uniquement la quantité de produits artistiques
distribués, c'est aussi la qualité. Il faut garder le niveau et
la qualité de la production artistique, il faut la maintenir, avoir des
programmes qui favorisent le maintien de cette qualité-là.
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
vous demanderais de conclure rapidement.
M. Boulerice: Très brièvement. On devient
consommateur quand on a appris d'ailleurs ce que pouvaient signifier un peu les
techniques, etc. Est-ce que la bibliothèque municipale chez vous est
encore cette espèce d'atelier qu'il y avait pour les plus jeunes?
Une voix: Le samedi. M. Boulerice: C'était le
samedi. M. Charland: Mon fils... Une voix: Je ne pense pas.
M. Charland: ...a deux ans et demi, ii n'a pas encore... Mais je
ne crois pas, je n'ai pas connaissance de ça actuellement. C'est une
bonne façon aussi d'initier les jeunes très tôt, de les
initier à l'art. Ça fera des adultes
intéressés.
M. Boulerice: En vous remerciant, je vais en profiter pour vous
poser une question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas
répondre. Enfin, l'idée est lancée. Je présume que
vous ouvrez également vos ateliers aux classes qui désirent les
voir parce que c'est intéressant de visiter l'atelier d'un peintre, d'un
graveur, d'un sculpteur. Écoutez, je vous remercie, et soyez certain que
je note: 75, rue Saint-Antoine.
Maintenant, vous avez une vente annuelle... Alors, il me fera plaisir de
vous adresser la liste de tous les députés de l'Assemblée
nationale avec leurs adresses et numéros de téléphone. Je
suis certain qu'ils vont encourager... qu'ils vont se précipiter, qu'ils
vont se presser pour aller voir l'atelier Presse Papier. Je vous remercie de
votre présence et bon retour. On se reverra peut-être demain
après-midi. Tenez, je vous l'ai dit, il faut passer par
Trois-Rivières pour retourner à Montréal. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, à vous maintenant.
Mme Frulla-Hébert: Vous me l'avez transformé en
courtier! Seigneur! Ha, ha, ha! Je vous remercie. Je ne veux pas que vous
désespériez par contre. Si je suis une Montréalaise pure
laine, ma sous-ministre est de Trois-Rivières, Mme Courchesne. Alors on
est toujours rappelés. Ha, ha, ha! C'est ça, exactement. Mais on
passe nous aussi. Cela étant dit, merci. Oui, continuez au niveau de
l'éducation parce que veux veux pas... Vous avez raison, on en a fait
beaucoup. On parlait de Duplessis, ça ne fait pas si longtemps que
ça quand même. On donne l'argent, quelle que soit la couleur,
ça ne fait pas si longtemps. Alors, effectivement, on a fait beaucoup ce
matin. Jovette Marchessault nous disait qu'on était une
société très évoluée. Des fois, quand on se
compare, bon... je pense que c'est important parce qu'on s'encourage. Mais cela
étant dit, continuez votre travail en éducation. J'espère
aussi, vous l'avez mentionné, que l'entente triennale vous donne un bon
coup de main parce que c'est une... et on continue. Alors, s'il y a des choses,
faites-nous-le savoir. Merci beaucoup d'être venus. Ça vaut la
peine, effectivement, d'aller faire un tour. Merci.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je vous
remercie d'avoir pris le temps de passer cet après-midi avec nous, de
nous avoir fait part de votre point de vue. Vous permettant de vous retirer, je
vais suspendre les travaux pour une minute ou deux.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 17 h 36)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! Nous avons le
plaisir, maintenant, de recevoir le dernier groupe pour cet après-midi.
Il s'agit de la Société du Grand Théâtre de
Québec à qui je souhaite une bienvenue toute particulière
pour des raisons qui me sont propres. Ils sont ici depuis un certain temps. Ils
savent comment nous procédons. Vous avez 10 minutes environ pour la
présentation de votre mémoire, le président vous faisant
signe, si c'est nécessaire. Après ça, la conversation
s'engage, comme ça, sans plus de cérémonie, avec les
membres de la commission qui voudront s'enquérir de certains
détails qui pourront valoir la peine d'être approfondis. Alors, Me
Vézina, Mme Mercier, vous avez la parole. Voulez-vous juste vous
présenter pour les fins du Journal des débats.
Après ça, nous commencerons.
Société du Grand Théâtre de
Québec
M. Vézina (Louis): Alors, je suis Louis Vézina. Je
suis le président du conseil d'administration de la
Société du Grand Théâtre de Québec. Je suis
accompagné de Mme Michelle Mercier, qui est la directrice
générale et artistique de la Société du Grand
Théâtre.
Le Président (M. Doyon): Je suis très heureux de
vous avoir avec nous.
M. Vézina: Nous partageons ce bonheur. M. le
Président, vous avez entendu, depuis un certain temps, nombre de
mémoires, et j'ai toujours eu beaucoup de difficulté à me
convaincre que nous étions efficaces dans l'ennui. Aussi, je vais
essayer de ne toucher que des points particuliers à la
Société du Grand Théâtre, et éviter de
répéter ce que vous avez entendu, ce que j'ai lu dans le
Journal des débats ou dans les médias.
En autant qu'un organisme culturel comme la Société du
Grand Théâtre est concerné, dans notre mémoire, nous
voulons attirer votre attention sur deux points en particulier. Ceci,
évidemment, ne signifie pas que nous minimisons nos autres
recommandations, mais ce sont peut-être nos deux recommandations, nos
deux souhaits majeurs.
D'abord, à la page 11 de notre mémoire, suite à une
recommandation que l'on retrouve dans le rapport Arpin, à la page 171 -
je me permettrai de la citer parce qu'elle est très courte - où
l'on dit ceci: "Que le réseau des équipements soit graduellement
complété pour qu'on puisse y organiser des activités
culturelles adéquates et recevoir des artistes en provenance de
l'extérieur" et ceci, dans le cadre concernant l'ensemble
régional. C'est une recommandation au niveau d'une région. Nous
ne parlerons donc que de notre région, la région de
Québec.
Nous sommes d'opinion que le réseau des équipements
culturels de diffusion dans la région de Québec risque, à
court terme, d'être sursaturé. Vous avez, actuellement, le Grand
Théâtre de Québec, vous avez la salle Albert-Rousseau, vous
avez le palais Montcalm... J'arrête là, pour le moment. Voici
trois institutions qui font partie de notre vie culturelle, dans lesquelles
l'État québécois a investi des sommes
considérables, soit directement ou indirectement, qui
répondent,
nous semble-t-il, aux besoins et qui répondent
adéquatement aux besoins de la diffusion des spectacles culturels de
notre région.
Il y a peut-être un certain chevauchement entre ces trois
institutions, mais si vous faites l'addition et que vous arrivez au
pointillé, aux "dotted lines" - si vous me permettez l'expression
anglaise - on s'aperçoit que nous avons répondu
adéquatement à peu près à tous les créneaux
en termes de spectacles. La Société du Grand
Théâtre, bien sûr, exerce un leadership incontestable dans
notre région. Nous avons des équipements majeurs. Nous attaquons
et présentons des spectacles dans des créneaux où nous
sommes les seuls. Exemple, la danse.
Permettez-moi de vous souligner que depuis quatre ou cinq ans, de 200 ou
300 abonnements aux spectacles de danse au Grand Théâtre -
à force d'investissements à même notre fonds de production,
à force du travail remarquable de ma collègue, Mme Mercier - nous
sommes rendus à 1300 ou 1400 abonnements pour nos spectacles de danse.
Nous avons également les résidents. C'est majeur pour la vie
culturelle de notre région. Parlons de l'Orchestre symphonique, de
l'Opéra, du Trident, du Club musical, ça joue depuis des
années à Québec, et ça fait partie de notre essence
même. Moi qui suis un Québécois de souche, je me
souviens... On était une famille nombreuse à la maison, les
dollars ne pleuvaient pas, mais quand maman était fatiguée, elle
s'en allait au Club musical. Elle prenait 2 $ ou 3 $ pour aller au Club
musical. J'ai 54 ans et je vous parle d'un souvenir d'il y a 50 ans.
Donc, ces résidents-là font partie essentiellement de la
vie culturelle québécoise. Le Grand Théâtre est
l'endroit où ils peuvent évoluer adéquatement. Si la
politique du gouvernement n'est pas prudente à ce chapitre des
investissements nouveaux, nous risquons de risquer le produit, nous risquons de
mettre en compétition, aux dépens du contribuable amateur de
spectacles, des institutions qui, finalement, auront été
subventionnées par l'ensemble de la population via son gouvernement.
Donc, dans notre recommandation, nous avons certains critères que nous
pensons être des critères valables pour - dans notre région
- décider s'il y a lieu ou non de continuer à investir dans des
équipements culturels.
L'autre recommandation qui nous paraît également
très importante parce qu'elle nous permettrait d'être de meilleurs
gestionnaires des fonds publics que constituent les fonds du Grand
Théâtre, et de meilleurs "prévisionnaires" disons - entre
guillemets, ce n'est pas certain que c'est français - de ce qui peut
arriver dans deux ans, dans trois ans... Vous savez que, chez nous, on prend
des décisions actuellement pour des spectacles qui viendront en 1993, en
1994. C'est le temps de prendre les décisions. Or, nous vivons toujours
dans une certaine incertitude économique. La première chose,
c'est que nous recommandons que la loi soit amendée pour que nos surplus
d'opération nous soient laissés. Nous avons déjà
manifesté ce désir lors du dépôt de notre programme,
de notre plan de développement que nous avons déposé au
ministère, il y a quelque temps.
Ce peut être balisé, il peut y avoir des conditions,
ça c'est de la mécanique. Mais le principe: nous laisser nos
surplus. Qu'est-ce qui arrive en pratique? Pourquoi serais-je motivé
d'aller chercher 5000 $, 10 000 $ ou 25 000 $ dans une gestion plus
serrée, si les fruits de mon travail ne reviennent pas à notre
société? Dans des fonds de production, je suis bien prêt
à baliser l'utilisation de ces fonds pour améliorer encore.
Deuxièmement, si nous connaissions des mécanismes par
lesquels nous pourrions évaluer, sur un plan triennal, continuellement
le quantum de notre subvention, pas nécessairement le montant, mais nous
dire: Comptez sur x dollars. Il peut y avoir un mécanisme
déterminé par règlement du gouvernement ou par loi - je
n'en suis pas sur le véhicule - qui nous permettrait de savoir, à
peu près, à l'avance, de combien, de quelle somme d'argent nous
allons disposer. Pour nos décisions internes, ce serait fondamental. (17
h 45)
Ça nous permettrait, à mon sens, d'avoir une meilleure
gestion, d'avoir des spectacles peut-être encore plus nombreux, d'avoir
des spectacles - parce que vous savez que nous, on est à peu
près, au Grand Théâtre, le seul endroit à
Québec où des gens de l'extérieur, au sens de
"l'extérieur du Québec"... qui présentons des artistes de
l'extérieur d'une façon continue, régulièrement,
que ce soit des troupes de théâtre, des individus, etc. C'est
important de savoir vers quoi on s'en va.
Incidemment, prenez la salle Albert-Rousseau. Vous savez que c'est une
salle qui permet non pas aux artistes de notre région de se faire
valoir, mais aux artistes de Montréal. La très, très
grande majorité des spectacles sont donnés par des artistes de la
région de Montréal. Je n'ai rien contre ça, au contraire,
j'y vais, à Montréal, voir des spectacles. Mais, c'est pour vous
indiquer combien il faut être parcimonieux dans l'établissement
des nouvelles salles et des budgets, et bien savoir l'utilisation qu'on en
fera. On ne peut pas, au Grand Théâtre, avoir le même
rôle local puisqu'on est un peu l'oeil sur le monde pour les gens de
notre région. Les troupes, les individus, les artistes individuels, on
se fait un devoir de les amener à Québec, le plus possible,
justement pour l'ouverture d'esprit. Nos prédécesseurs y ont fait
allusion d'une façon remarquable.
Alors, ce sont là, à peu près, les deux
recommandations majeures pour une boîte comme la nôtre.
Évidemment, je n'ai pas la prétention, ici, de traiter de
l'ensemble d'une politique culturelle. Bien sûr, je n'ai ni la
compétence, ni
la prétention de le faire. Mais mon expérience, au bout
de... ça m'a paru 15 jours, mais je pense que ça fait 4 ans ou 5
ans que je préside à la destinée du Grand
Théâtre, c'est la conviction intime que j'ai acquise. Je vais
demander à Mme Mercier si elle veut ajouter quelque chose sans prendre
inutilement trop le temps de la commission.
Mme Mercier (Michelle): Merci, M. le Président. Je ne peux
que corroborer et appuyer l'essentiel de votre message. Mme la ministre, MM.
les membres de la commission, mesdames et messieurs, je ne peux, comme je vous
le dis, souligner davantage l'importance que la Société du Grand
Théâtre accorde à une utilisation maximale de ses
équipements. Comme M. Vézina vient de vous le souligner, nous
croyons que, présentement, avec les données que nous
possédons, notre région est bien dotée en
équipements culturels pour les arts de la scène pour bien
desservir la population présente. D'autre part, je veux également
vous dire simplement que nous sommes entièrement d'accord avec la
possibilité d'amender la Loi sur la Société du Grand
Théâtre pour lui permettre de garder ses surplus, ce qui lui
permettrait évidemment, dans une planification triennale, de
réinvestir ces sommes-là - s'il y en a, bien sûr - dans la
création, dans la production et dans la diffusion des spectacles. Je
vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la directrice
générale. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie M. Vézina, Mme
Mercier. Ça me fait plaisir, c'est toujours un plaisir, de vous revoir.
D'ailleurs, il faut dire que Mme Mercier a été une des veuves du
rapport Arpin. Alors, on remercie - parce que M. Spickler était du
groupe-conseil, et il y a passé beaucoup de temps et d'énergie.
Je veux revenir... Vous dites: On a beaucoup d'équipements à
Québec et dans la région de Québec. Expliquez-moi donc
pourquoi alors... Si vous me dites: On a beaucoup d'équipements... Le
maire L'Allier voulait absolument avoir son palais Montcalm, c'était
bien important, c'était capital. Il y a le Capitol...
Une voix:...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Il y a aussi le
Capitol qui s'en vient, mais ça a une fonction quand même
touristique qui est peut-être différente parce que c'est un studio
de production aussi. Évidemment, il y a la salle...
Le Président (M. Doyon): Ne parlez pas contre la salle
Albert-Rousseau.
Mme Frulla-Hébert: Je ne parle pas contre l'Albert parce
que nous y avons investi nous- mêmes. Mais il y en a d'autres,
maintenant, qui nous demandent aussi d'investir dans des plus petites salles.
Alors, d'où vient, un, d'un côté, la demande? De l'autre
côté, vous statuez, vous dites qu'on en a assez.
Le Président (M. Doyon): M. Vézina.
M. Vézina: On va commencer par la demande. Le palais
Montcalm existe à Québec depuis 1932. Le maire L'Allier ne veut
pas un palais Montcalm, il y a un palais Montcalm. Ce qu'il veut, c'est changer
la vocation du palais Montcalm, c'est différent. Ce n'est pas une
question d'équipement, c'est une question d'utilisation de
l'équipement et de modification de sa vocation.
J'ai examiné avec beaucoup d'attention le rapport que M. L'Allier
avait fait en 1985 - un rapport assez complet, je pense - dans lequel il nous
disait que, dans la région de Québec, nous avions suffisamment
d'équipement, en 1985. Première partie. Deuxième partie de
la réponse: d'où vient la demande? Il peut y avoir, madame,
certaines demandes spécialisées. Prenons le théâtre
d'avant-garde. Il est possible, je ne ie sais pas, qu'il manque à
Québec certaines petites salles. Il est possible, je ne suis pas
fermé à l'idée. Je parlais dans mon intervention - je
pensais avoir été assez clair, je m'en excuse - des salles
majeures; majeures voulant dire des salles qui peuvent accueillir quelques
centaines, sinon des milliers de personnes. C'est dans ce sens-là que je
disais que l'équipement est suffisant.
Qu'il manque peut-être une salle de 300 places pour du
théâtre d'avant-garde, qu'il manque une salle de 300 places pour
certaines formes de musique de chambre, etc. Vous savez, je n'ai pas
parlé de l'Institut canadien qui fait partie de Québec depuis 100
ans ou environ, qui donne des spectacles de très grande qualité,
une salle d'environ 500, 600, 700 places. Je n'ai pas parlé de
l'auditorium du Collège de Lévis, sur la rive sud, que je connais
particulièrement pour y avoir étudié et chanté, et
qui conserve à peu près 800 à 1000 places. Je n'ai pas
parlé des salles de l'Université Laval qui donnent des spectacles
de théâtre et de musique. Je n'ai pas parlé de la salle de
la bibliothèque Gabrielle-Roy qui a environ 300 places, magnifique salle
récente, neuve, moderne. Je n'ai pas parlé du Capitol où
il y aurait 1400 places.
Que je sache, la population de notre région n'augmente pas, elle
stagne, elle vieillit. Alors, je ne suis pas contre l'idée que
l'entreprise privée - Dieu sait si je suis favorable à
l'entreprise - développe le Capitol, absolument pas. Je me pose des
questions sur l'opportunité d'un investissement public dans le Capitol.
Je pense que c'est différent. Si la population de Québec
décide d'aller au Capitol, on doit respecter son choix, me semble-t-il,
mais c'est à nous - quand je dis nous, je vise les salles majeures
actuelles,
la salle Albert-Rousseau, le palais Montcalm, le Grand
Théâtre - d'offrir des spectacles de qualité. Si elles
veulent faire style un peu boîte de nuit, hôtel
Château-Champlain, etc., c'est merveilleux, c'est magnifique. J'ai des
bonnes amies qui vont sûrement apprécier d'y être
invitées, mais ce n'est pas notre rôle à nous. Ce sera
peut-être leur rôle à eux; ce sera une espèce de
complément d'amusement. C'est dans ce sens-là, madame, que je
disais que nous croyons que l'équipement est suffisant.
Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas oublier... oui, c'est
ça.
M. Vézina: II faut peut-être l'améliorer,
l'équipement, aussi.
Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas oublier non plus que...
Je pourrais revenir au Capitol. Pour être claire, c'est un monument
classé. Alors, à ce moment-là, on est obligés de
participer. C'est à ce titre-là, d'ailleurs, que notre
investissement est là.
M. Vézina: Vous savez, madame, j'ai étudié
à Saint-Louis-de-Gonzague. Nous étions à l'ombre du
Capitol. Quand le soleil se couchait, dans notre cour d'école, on
était dans l'ombre à cause du Capitol. Alors, je le connais de
alpha à oméga. Il n'y a, quant à moi, de valeur que les
chapitaux extérieurs...
Mme Frulla-Hébert: La salle à
l'intérieur.
M. Vézina: ...les colonnes avant, le grand chandelier de
la salle d'accueil. Point à la ligne. C'est mon opinion, madame. Alors,
il faut faire attention à... parce que c'est classé... enfin.
Mme Frulla-Hébert: II y a des opinions différentes.
Mais, de toute façon, quand on regarde, par contre, le Grand
Théâtre... On en a parlé, les Grands Ballets étaient
ici. C'est la même problématique qu'à la Place des Arts. Il
y a, évidemment, le coût de se produire au Grand
Théâtre et à la Place des Arts à cause du syndicat,
tout simplement, l'IATSE. À l'heure où on parle de contrats
sociaux entre la partie patronale et la partie syndicale... C'est partout,
autant au niveau des syndicats de la fonction publique... On a aperçu le
geste, ces mois derniers, où il y a eu un règlement en
partenariat. Même chose aussi dans les entreprises privées
où les gens disent: Bon, il faut contribuer sinon, finalement, comme
société, on risque de perdre tous. Est-ce que c'est possible de
penser travailler ensemble ou voir la même chose? C'est une question
très naïve que je vous pose. C'est une idée que j'ai eu en
parlant aux gens des Grands Ballets qui nous disaient: Ça nous
coûte une fortune d'aller à la Place des
Arts. C'est les organismes qui viennent nous voir et qui nous disent: On
essaie de trouver des salles qui ne sont pas syndiquées, qui ne sont pas
soumises à l'IATSE parce que, nous autres, on n'est pas capables de
payer ça et on ne veut pas y aller. Donc, on se retrouve avec des
équipements que l'on subventionne, d'un côté, et des
équipements d'État, mais dont les gens ne veulent pas se servir
parce que, dans le fond, ils ne sont pas capables d'affronter les coûts.
Est-ce que ce serait possible, est-ce pensable de s'asseoir avec le syndicat et
de l'amener dans le même mouvement? Je vous le dis, c'est une question
comme ça qui me vient parce que vous êtes là, et suite a la
discussion que j'ai eue avec les gens des Grands Ballets, entre autres.
M. Vézina: Je vois que, parce qu'on est là, on fait
naître en vous de magnifiques questions pas faciles.
Mme Frulla-Hébert: Non. Pas faciles, je suis d'accord.
M. Vézina: Nous avons actuellement une réflexion au
Grand Théâtre sur notre relation avec l'IATSE, et les
éléments que vous avez soulevés ont déjà -
je ne dirais pas ont déjà fait l'objet d'un examen complet - mais
ont déjà été mis sur la table et discutés.
Il est certain que, dans un avenir plus ou moins rapproché, il faudra
revoir en profondeur notre relation avec l'IATSE. Dans quelle direction exacte?
À l'intérieur de quelles balises exactement? Je n'ai pas la
prétention d'avoir la réponse ici, ce soir. Mais, sur le principe
de revoir en profondeur notre relation avec l'IATSE, madame, je peux vous
donner l'assurance que, à court terme, la Société du Grand
Théâtre, en collaboration le plus possible avec les
autorités de la Place des Arts, nous voulons revoir en profondeur la
conception même de notre relation de travail, donc avec le syndicat qui
représente les ouvriers, enfin les travailleurs des services
scéniques.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Vézina. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Simplement pour vous encourager, nous,
on a déjà commencé, au niveau du ministère,
à regarder ça. Ça n'a pas été facile,
l'année passée, la négociation parce que le beau bout du
bâton, c'est toujours de dire: Parfait, on sort. Donc, les Grands Ballets
en déficit énorme, l'Orchestre symphonique de Montréal,
entre autres à cause de ça, en déficit énorme.
Alors, c'est du chantage constant. Mais, là-dessus, on va vous
encourager et avec le ministère du Travail aussi parce que ça n'a
pas de bon sens.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Vézina, Mme Mercier, je pense que vous
allez comprendre mon désarroi. La première question que je
voulais vous poser était sur vos surplus budgétaires. Vous y avez
répondu avant que je pose la question. Ma collègue, après,
a posé des questions sur les équipements; c'était ma
deuxième question, à peu près pareille.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ma troisième question était sur le
problème de l'IATSE, puisque j'en ai discuté avec vos
vis-à-vis de la Place des Arts. Alors, je ne le sais pas, mais je pense
que je vais demander...
Le Président (M. Doyon): Est-ce que je peux vous
suggérer quelque chose, M. le député?
M. Boulerice: Oui, oui.
Le Président (M. Doyon): Vous vous êtes fait le
chantre du Capitol. Vous pourriez en prendre la défense et là,
engager la conversation avec notre...
M. Boulerice: Ah oui! Effectivement. Le Capitol, je trouve que
c'est un magnifique bâtiment. C'est le seul bâtiment de style
Beaux-Arts qui existe à Québec. Moi, je voulais qu'on y conserve
une vocation culturelle. On me dit qu'il aura quand même une vocation
culturelle. Qu'il ait une mixité avec une entreprise commerciale, je
n'en suis plus au stade où le négoce est caca - je m'excuse de
l'expression. Non, je pense qu'on peut facilement marier les deux, à
moins que la ministre me passe une question parce que vous comprendrez que le
calcul des questions n'est pas infini sur un sujet.
Mme Frulla-Hébert:... ce qu'on reçoit de
l'extérieur.
M. Boulerice: Pardon?
Mme Frulla-Hébert: Garages versus productions. Vous savez,
les productions locales, ce que vous disiez, versus les productions que l'on
reçoit de l'extérieur.
M. Boulerice: Oui, oui. Non, mais où je veux aller,
d'abord, parce que l'année budgétaire se termine le 31 mars pour
vous aussi.
M. Vézina:...
M. Boulerice: Alors, cette loi - Me Vézina, vous
êtes avocat, je n'ai pas cette qualité - c'est long à
faire, ça? Ce n'est pas compliqué? Je sais que le
dépôt...
M. Vézina: Faire une loi, ça peut être court,
faire une bonne loi, ça peut être long.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Oui. Là, vous m'avez donné une
réponse de juriste...
Une voix: Normand. (18 heures)
M. Boulerice:... normand. Moi, je suis entièrement
d'accord avec cela. L'utilisation que j'y voyais était d'aider justement
des productions dites de la relève - je n'aime pas le mot
"relève", je parle plutôt de continuité, des fois, on les
appelle marginaux, etc. - d'aider de petits, petits producteurs à
réussir à monter quelque chose dans un endroit qui est quand
même prestigieux. Le Grand Théâtre, excusez l'expression
encore une fois, ce n'est pas une binerie. Je le voyais dans ce sens-là.
Je ne sais pas si vous avez des surplus budgétaires cette année,
je vous le souhaite.
M. Vézina: Au 31 août dernier - nous avons pris
connaissance de nos états financiers déposés par le
Vérificateur général, hier soir - il était de
quelque 16 000 $. L'année précédente, il était de
quelque 200 000 $. Cette année, nous avons acheté, acquis en
toute propriété, le terrain et l'édifice du Grand
Théâtre de Québec, du gouvernement du Québec, pour
la somme de 1 $. Mais ça commandait certaines dépenses
accessoires, ce qui fait que ça a rogné un surplus
prévisible qui était autour de 70 000 $.
M. Boulerice: Je vous posais la question, mais j'étais
même prêt à négocier avec la ministre. Si la loi
était facile... La date limite est le 15. Si ça avait
été facile de faire une loi rapidement pour corriger cette
situation-là, et aider le Grand Théâtre et la Place des
Arts, moi, je suis prêt à aller intervenir auprès du leader
de l'Opposition pour accepter le dépôt d'une loi, même
après le 15 novembre, mais qui permettrait au Grand Théâtre
et à la société de la Place des Arts de conserver ces
surplus. Je sais ce que la Place des Arts veut en faire. Donc, je
présume que vous voulez aller dans la même direction, pas faire
les mêmes choses, mais aller dans la même direction. Donc, je pense
que c'est louable, et ça devient un petit peu odieux, effectivement, de
vous saisir cela puisque vous avez été bon gestionnaire, quand on
pourrait vous le laisser et en aider d'autres. Je lui tend la perche. L'absence
de questions aura probablement permis de régler une grande question qui
est celle-ci. Libre à la ministre d'évaluer les bonnes
dispositions de son vis-à-vis, mais qu'elle se dépêche
parce que ça peut changer.
Mme Frulla-Hébert: On a regardé ça parce
qu'on en a parlé aussi. Effectivement, on en a parlé avec les
gens de la Place des Arts. Il s'agit
de savoir maintenant s'il y a un précédent.
Deuxièmement, avec le Conseil du trésor et les Finances parce
que, effectivement, c'est ridicule. Est-ce que c'est créé par
tous les précédents et tout ça? Mais on est prêts
à la faire, nous, en tout cas, à la préparer relativement
rapidement.
Le Président (M. Doyon): M. le député, cette
conversation pouvant se poursuivre à d'autres instants, je vous
demanderai peut-être de conclure.
M. Boulerice: D'accord. Mais je présume que le Grand
Théâtre, forcément, est en faveur des ententes triennales
de financement. Enfin, on dit triennales, certains ont mentionné
quinquennales, mais qu'il y ait au moins une planification budgétaire.
Vous me disiez tantôt, Me Vézina, que vous étiez en train
de programmer des événements de 1994, mais vous ne connaissez pas
votre budget de 1994. Donc, il y a toujours, forcément, une part de
risques chez vous à faire une planification. Donc, une triennale, pour
vous, forcément, ce serait très acceptable, voire même
très souhaitable dans l'immédiat.
M. Vézina: Définitivement. Mme Mercier peut vous en
parler de façon plus particulière, étant responsable de
l'administration de la Société.
Mme Mercier: Bien sûr, les créations... Nous
recevons par exemple, ce soir - et hier soir - Gilles Maheux de Carbone 14. Ces
jeunes compagnies, ces troupes de danse là et d'autres font des
créations ou créent peut-être une oeuvre artistique
à tous les deux ans, compte tenu qu'ils font plusieurs tournées.
Bien sûr, ces compagnies-là ont besoin de soutien dans leur
création et cherchent toujours à compléter leur structure
de financement.
Bien sûr, ils viennent cogner à notre porte et nous disent:
Je suis en train de créer un spectacle. Voici l'allure, le devis du
spectacle qui sera probablement disponible dans un an, un an et demi.
Seriez-vous prêts à contribuer à la production de ce
nouveau spectacle-là qui pourrait être éventuellement
présenté dans vos salles? Comme nous voulons favoriser la
création de nos artistes québécois... Bien sûr,
comme dit M. le Président, nous favorisons également la venue de
spectacles d'ailleurs, mais il faut qu'il y ait un échange. Donc, je
reviens à ceci: Nous voulons favoriser la création
québécoise. Il serait bon de savoir que, dans une planification,
bien sûr, triennale, nous disposons de sommes qui pourront être
investies dans la création. Par exemple, "Le Dortoir" - M. Gilles Maheux
- qui sera créé l'an deux pour être diffusé fin an
deux ou début an trois. Mais nous devons planifier aujourd'hui les
entrées et les sorties de fonds. C'est un exemple.
M. Boulerice: Je vous comprends. Il y a un arrimage
nécessaire entre les deux. Il faut qu'eux aussi aient un plan triennal
et que, vous, vous ayez le vôtre...
Mme Mercier: Tout à fait.
M. Boulerice: ...parce que, eux, peuvent proposer quelque chose
et le financement ne correspondra pas, donc vous ne l'aurez pas. Mais si vous,
non plus, vous ne l'avez pas, leur proposition est hypothétique. Un
moment donné, vous n'êtes pas certain si vous pourrez l'accueH-lir
chez vous. Il y a une certaine complexité effectivement.
Mme Mercier: C'est pour ça que nous sommes d'accord avec
la proposition qui fait partie du rapport Arpin, soit d'appliquer à la
Société du Grand Théâtre les ententes triennales qui
sont déjà amorcées, je crois, avec certaines compagnies.
Alors, justement, ça permettrait à l'ensemble de la
communauté de mieux planifier parce que l'un sans l'autre, on n'existe
pas. Ils dépendent de nous et nous dépendons d'eux.
Le Président (M. Doyon): M. le député, en
terminant.
M. Vézina: Si vous permettez, M. le...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le président.
M. Vézina: M. le Président, à la page 14 de
notre mémoire, on fait état, au milieu de la page:
"...évaluer rigoureusement les plans de développement des
organismes que le ministère subventionne." Il faudrait, à notre
avis, que pour tout organisme subventionné par le ministère, ce
soit un prérequis de déposer des plans de développement
triennaux. Le ministère saurait où il va, il aurait fa profondeur
de la pensée de l'organisme et tout. À mon sens, ce n'est pas
tout de dire: Je veux organiser un festival de la chanson dans mon village. Il
s'agit de savoir comment ça s'intègre dans un plan triennal de
développement de cet organisme-là. Il ne faut pas que ce soit des
sautes d'humeur d'organismes qui font qu'on va au ministère, qu'on
essaie d'avoir des subventions et qu'on crie sur les toits: Ça nous
prend une subvention. Il peut y avoir des choses ponctuelles, bien sûr,
mais excluons ces événements ponctuels. Il faut, à mon
sens - et je me permets de vous le dire, comme on fait dans nos entreprises,
dans nos bureaux - avoir des plans triennaux continuellement sur la table de
travail, et qu'on remodèle, qu'on améliore, auxquels on ajoute...
C'est là qu'on voit le développement, les gens peuvent voir
où on va, et comment on voudrait y aller, me semble-t-il.
M. Boulerice: D'accord.
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Boulerice: Eh bien, voyez-vous, malgré tout, on a
réussi, sans question, à élucider certains points. Me
Vézina, Mme Mercier, je vous remercie. Mme Mercier, vous savez que nous
avons un lourd grief envers vous, cette invitation tentatrice que vous nous
avez envoyée mercredi alors que nous étions en commission
parlementaire. On ne sera pas toujours en commission parlementaire, donc vous
pouvez récidiver, on ne vous en tiendra par rigueur.
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Mercier: Merci. Le
Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. C'est à moi de vous
remercier tous les deux. La loi, évidemment, on la regarde de
près... Plus que ça, on est en train de la changer,
sérieusement. Évidemment, il y a toutes les étapes... Il
reste à savoir s'il y a des précédents ou non... Vous
savez comment ça marche. Mais, ceci dit, encore une fois, il y a une
grosse clé à tout ça, ce sont les relations avec l'IATSE.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, Mme la
ministre. Alors, il me reste, au nom de la commission et à titre de
président, à vous remercier et à porter témoignage
au rôle que joue le Grand Théâtre. Comme vous le savez
peut-être, je suis, depuis 20 ans, un assidu du Grand
Théâtre. Je pense que je fais partie des meubles un peu. Alors,
bravo, continuez votre travail, votre bon travail, comme on dit. Merci
d'être venus nous voir à cette heure tardive. J'ajourne les
travaux de cette commission jusqu'à mardi matin. Ce sera le 12 novembre,
après la période des questions, donc vers 15 heures trente. La
suspension est déclarée.
(Fin de la séance à 18 h 10)