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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
continue ses travaux et exécute le mandat qui lui a été
confié de procéder à une consultation
générale et, pour ça, de tenir des auditions publiques sur
la proposition de politique sur la culture et les arts telle que
déposée à l'Assemblée nationale.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour
a été affiché à la porte de la commission. On me
dispensera d'en faire la lecture.
Je souhaite la bienvenue au Comité Moitié-Moitié
qui est devant nous. Je les invite à prendre de 10 à 15 minutes
pour faire leur présentation. Après ça, les membres de la
commission vont engager la conversation avec eux. Nous sommes régis par
des contraintes de temps, alors je me verrai peut-être dans l'obligation
d'abréger le débat si je vois que nous débordons.
Donc, tout d'abord, si vous voulez bien vous présenter.
Mme Lupien (Lucette): Oui. Bonjour! Je suis Lucette Lupien du
Comité Moitié-Moitié. Je suis une administratice et
gestionnaire de projet dans le domaine de l'audiovisuel, du cinéma et de
la télévision.
Mme Chevigny (Suzanne): Je suis Suzanne Chevigny. Moi aussi, je
suis membre du Comité Moitié-Moitié. Je suis une des
membres fondatrices. Je viens ici, ce matin, à titre de membre du
comité.
Le Président (M. Doyon): Bonjour.
Mme Denault (Jocelyne): Bonjour. Mon nom est Jocelyne Denault. Je
suis professeure de cinéma au cégep de Saint-Laurent.
Le Président (M. Doyon): Bonjour. Vous avez la parole.
Mme Denault: On nous a dit qu'on aurait à peu près
trois quarts d'heure. C'est bien ça? Un quart d'heure environ pour
présenter notre position et environ une demi-heure de questions si
nécessaire.
Le Président (M. Doyon): On rognera peut- être un
peu compte tenu du fait qu'on commence avec un petit peu de retard. Mais on va
s'arranger entre nous. Vous avez la parole.
Comité Moitié-Moitié
Mme Lupien: Merci. Vous avez, tous et toutes, notre
mémoire, je crois, entre les mains. On nous a suggéré - et
je pense que c'était judicieux - de ne pas relire ce que vous avez
déjà eu. On voudrait apporter une réflexion
peut-être un peu générale par rapport à
ça.
Si on revient sur le rapport Arpin, ce qui nous a manqué un peu
dans ce rapport, c'est de mentionner quelque part l'objectif ultime de la
culture et des arts. Pourquoi, dans le fond, faut-il une politique de la
culture et des arts au Québec et pourquoi le gouvernement doit-il
intervenir dans ces domaines? La culture, c'est ce qui caractérise un
peuple et la fonction des artistes, c'est de montrer aux
Québécois et aux Québécoises ce qu'ils sont, leur
montrer leurs aspirations, leurs espoirs et aussi les terreurs cachées,
à l'occasion.
L'art, on peut aussi dire que c'est une forme de thérapie
populaire. Les héros et les héroïnes qu'on crée
servent à nous identifier. Ils prennent sur eux nos espoirs, nos
frustrations et nos colères. Ils sublimisent nos sentiments et ils sont
le reflet de notre imaginaire et de notre inconscient.
Le cinéma est sûrement un des arts où
l'identification à un personnage est la plus forte et où notre
imaginaire collectif est le plus immédiatement sollicité. Si le
gouvernement doit intervenir, c'est pour que nous ne devenions pas les
prisonniers des histoires des autres et non plus de leurs images, surtout les
images et les histoires des cultures dominantes qui ont tendance à
détruire la nôtre, à nous aliéner et à nier
notre existence et notre culture propre, et c'est sûrement pourquoi le
gouvernement a investi dans le domaine du cinéma.
N'oublions pas que nous vivons dans un monde de communication et
particulièrement de communication par l'image. Il est difficile
d'imaginer quelque chose si on n'a pas une image claire de cette
chose-là. Et, aujourd'hui, on a tendance à dire que ce qui ne se
voit pas n'existe tout simplement pas. C'est aussi pourquoi le gouvernement,
lorsqu'il intervient dans le champ de la cinématographie, doit faire en
sorte que les artistes qui recréent l'imaginaire des
Québécois et des Québécoises soient
représentatifs des différents groupes qui composent le peuple
québécois puisque le Québec n'est pas formé d'un
groupe monolithique. Les femmes en particulier, puisqu'on représente 52
% de la
population, on peut dire que les femmes sont en train de devenir
prisonnières des histoires et des images d'un groupe spécifique
de créateurs d'ici, c'est-à-dire le Québécois blanc
francophone, caucasien probablement comme l'appelleraient les policiers
américains. Il en est de même pour les groupes minoritaires, les
autochtones et les groupes ethniques. Ce n'est pas notre propos principal, mais
il nous apparaît important de faire remarquer qu'il n'y a personne qui
nous raconte leur histoire à eux, leur réalité à
eux et qu'il n'y a personne qui leur raconte leur histoire à
eux-mêmes ni à nous, les autres Québécois et
Québécoises. Et c'est important parce que c'est à travers
les histoires qu'on voit de ces gens-là qu'on comprend leur
réalité et la façon dont ils vivent.
Alors, si l'objectif de l'État, dans le domaine du cinéma,
était d'abord de faire connaître le Québec aux
Québécois et à l'étranger, et aux étrangers,
le cinéma ne serait pas d'abord considéré comme une
industrie culturelle, mais bien comme un art, comme un moyen
privilégié de diffusion culturelle et artistique. C'est pourquoi
nous réclamons, nous, l'application du principe de
l'équité homme-femme, que ce soit dans le groupe majoritaire ou
dans n'importe quelle communauté autochtone ou ethnique, parce que le
principe d'équité homme-femme est un principe fondamental pour
l'avenir du Québec comme société démocratique
pluraliste et ouverte aux multiples apports de ses citoyens et de ses
citoyennes.
Nous avons pensé venir vous présenter cette
vision-là parce que je ne crois pas qu'elle ait été
soulevée par personne d'autre à venir jusqu'à maintenant
et c'est extrêmement important pour nous. Parce que la culture, ce n'est
pas juste un bien comme on dit: On a besoin de culture comme on a besoin de
santé. Il faut savoir pourquoi et quel objectif on poursuit en aidant la
culture.
On aimerait maintenant vous présenter les statistiques. Vous avez
reçu quelques tableaux de statistiques avec notre dossier. On voudrait
surtout analyser quelques tendances pour que vous voyiez que finalement,
contrairement à ce qu'on a tendance à croire, ça ne va pas
si bien pour les femmes dans le domaine du cinéma. Alors, je vais
laisser la parole à Suzanne Chevi- gny.
Mme Chevigny: Alors, si vous avez avec vous les documents que
nous vous avons fait parvenir, vous avez des tableaux statistiques qui
ressemblent à ceci, qui vous donnent un peu les tendances qu'on a voulu
vous indiquer par ces tableaux-là.
Mme Lupien: Est-ce que vous les avez avec vous, ces
tableaux-là?
Mme Frulla-Hébert : On en a quelques-uns.
Une voix: Je ne sais pas si ce sont les mêmes, mais on en
a.
Mme Chevigny: Alors, si on se réfère un peu... Je
vais vous parier de ça parce que ce sont des tendances importantes si on
parle d'équité homme-femme. Si vous prenez le programme d'aide
à la production, comme de raison, la SOGIC étant l'institut qui
distribue des fonds publics, dans le premier tableau qui parle de l'aide, on
voit très bien la tendance. En 1984-1985, les femmes recevaient 15,7 %.
Dans ce tableau-là, on voit bien l'enveloppe budgétaire, on voit
les hommes qui sont indiqués dans la deuxième ligne, ta
deuxième tendance, la deuxième courbe, qui suivent très
bien la progression de l'enveloppe budgétaire, alors que, pour les
femmes, le pourcentage qu'elles ont reçu en 1989-1990 a diminué
à 9,4 %. On entend souvent dire que, bon, ça fait assez longtemps
qu'on parle des femmes, que les femmes ont pris leur place, que les femmes
peuvent très bien... que maintenant on a pris toutes les mesures. Alors,
ce ne sont pas les tendances qu'on voit ici.
Et si on se réfère - on ne va pas tous les passer parce
que ça serait trop long - si on regarde dans le long métrage de
fiction, c'est encore plus grave parce que, en 1984-1985, les femmes ont
reçu 15,3 % de l'enveloppe budgétaire en fiction, alors que, en
1989-1990, elles ont reçu: rien. Et quand je parle des femmes, qu'elles
n'ont rien reçu, j'arrête ici. Je parle surtout des
réalisatrices parce que, comme on parle de l'imaginaire, on parle des
postes les plus créateurs. Alors, on parle surtout des
réalisatrices parce que ce ne sont pas les autres postes, ce ne sont pas
les productrices qui créent l'imaginaire québécois, dans
le sens que le poste qui est le plus créatif en cinéma, c'est la
réalisation. C'est pour ça qu'on pense que, si les fonds ne sont
pas donnés à des femmes réalisatrices, on se prive de
l'imaginaire québécois. Alors, c'est un peu comme ça. Je
ne vais pas faire le tour de tous les tableaux qu'on vous a
présentés, mais vous voyez un peu les tendances.
On a aussi préparé ce que Jocelyne vient de vous
distribuer. Ce sont des tartes qu'on a préparées pour vous de
Montréal. On les a apportées comme des bonnes femmes. On a
pensé que ça vous plairait ce matin. C'est un peu tôt pour
manger des tartes, mais quand même. Voilà, c'est l'enveloppe
budgétaire qu'on retrouve dans le long métrage fiction. Si vous
prenez le premier tableau, là, on peut voir le nombre de films en
1989-1990. Le nombre total était de 11 films. Vous voyez bien, les
femmes réalisatrices n'ont fait aucun film. Si on regarde les tendances,
au niveau du documentaire, bien sûr, il y a 50 % de femmes qui
réalisent des films. Mais les femmes ont reçu 40,9 % ou les
femmes ont produit 40,9 % des films. Au niveau du pourcentage qu'elles ont
reçu, vous trouvez ça dans l'autre tableau. Je pense que c'est
important de
regarder ça.
Mais, moi, ce que je voudrais vous dire c'est que, au niveau de tous les
programmes, si on parle de loi, d'équité et tout ça, on
peut dire qu'il existe ça, des lois d'accès à
l'égalité au Québec, et que toutes ces lois-là
couvrent toujours les employés continus. Le cinéma, ça ne
se fait pas avec des employés continus. Le cinéma se fait avec un
certain nombre d'employés continus, mais se fait avec des pigistes.
C'est donc important, ce dont on veut parler, c'est au niveau des
investissements, parce que c'est là qu'on peut faire changer des choses.
Jocelyne va vous parler maintenant des blocages ou de ce qui peut arrêter
les femmes, pourquoi les femmes ne réussissent pas à obtenir plus
d'argent.
Mme Denault: On nous a souvent servi l'argument du nombre
inférieur de projets présentés par les femmes pour
expliquer comment il se fait que les femmes ne reçoivent pas d'argent.
Ce que je voudrais vous expliquer maintenant, c'est comment tout ça est
consécutif d'une situation qui se bâtit progressivement à
diverses étapes. Quand on regarde le nombre d'étudiants qu'on a
au niveau collégial en cinéma et le nombre d'étudiants qui
s'inscrivent au niveau universitaire dans les secteurs cinéma,
communication, scénarisation, on a 50-50 de garçons et de filles.
Et, par ailleurs, en fin d'année, règle générale,
les filles remportent plus de prix que les garçons, donc elles sont
compétentes, elles poursuivent leurs études, elles terminent
leurs études. Et si vous avez besoin de chiffres, il y a un rapport
signé par M. Normand Wener pour l'INIS qui va vous donner le
détail des chiffres en question.
Par contre, quand on regarde ce qui se passe à
l'université, on se rend compte que 15 % seulement des professeurs sont
des professeures. Donc, il y a déjà une image qui s'installe en
place, à savoir que les femmes n'accèdent pas à ce qu'on
appelle les positions modèles qu'on peut regarder pour se
préparer un avenir.
Ensuite, au niveau de l'emploi, quand les gens sortent des
écoles, il y a ce qu'on appelle le phénomène de cooptation
qui consiste à embaucher des gens qui nous ressemblent. Les gars
étant majoritairement présents dans tous les secteurs du
cinéma vont, de façon naturelle, procéder par cooptation
et engager également des hommes. Donc, les filles sont, au
départ, défavorisées.
Quand il y a ensuite les premières demandes de subvention de la
part des filles, évidemment, comme elles ont de la difficulté
à se faire embaucher sur les plateaux, on va être moins
portés à endosser leurs demandes, également. Donc, elles
vont avoir encore plus de difficulté que les garçons à
réaliser leur premier film et, surtout, leur premier long
métrage. Et une des raisons qui explique ça, c'est que, au niveau
des décideurs, au niveau des gens qui sont en position d'accorder des
subventions, majoritairement, ce qu'on retrouve, ce sont des hommes. Et
là arrive le troisième blocage qui est le fait que les hommes et
les femmes ont une culture différente, qui vient de leur vécu
différent. Je pense que personne ne peut nier que le vécu est
différent. Et donc, beaucoup d'hommes, effectivement, avouent, de
façon un peu candide, et on les en remercie, ne pas comprendre les
scénarios et les propositions de projet des femmes, de sorte qu'ils ne
vont pas soutenir ces projets-là jusqu'au niveau des subventions.
Il y a, par ailleurs, ce qu'on appelle l'effet discriminant de
l'application des mêmes règles aux femmes. Comme les femmes ont
effectivement plus de difficultés à entrer dans la profession
à cause du phénomène de cooptation, si on leur applique
les mêmes règles en termes de c.v. et de travail, si vous voulez,
automatiquement, on installe une discrimination à leur endroit. C'est le
même principe que si la STCUM, par exemple, demande à ses
candidates à devenir chauffeur de métro d'avoir 10 ans
d'expérience sur un camion, sachant que les femmes n'ont pas 10 ans
d'expérience sur un dix-roues, on sait très bien qu'à ce
moment-là elles n'auront jamais accès au poste de chauffeur de
métro. C'est le même principe.
Ce principe-là va faire également que les gens qui sont en
position de décider d'acheter des films ou d'investir dans des films,
que ce soit pour la diffusion télé ou pour leur sortie en salle,
vont compter sur ce qui se voit le plus, qui devient à ce
moment-là la norme. Or, ce qui se voit le plus, c'est ce qui se fait le
plus, et on s'installe dans un cercle vicieux. Les femmes ne produisent pas, ne
réalisent pas de films, donc n'ont pas de films sur les écrans
commerciaux et n'auront pas non plus de films sur les écrans de
télévision. Nous avons fait une analyse de la proportion du
nombre de films de femmes présentés à Radio-Québec
dans les dernières années et on se situe au mieux à 10 %
par créneau et par année et, dans certains créneaux, on se
retrouve avec un 0 %.
Il y a ces questions de normes, ces questions de standards, la question
de la rentabilité et aussi la question du public qui n'est pas
habitué à la culture des femmes, au produit culturel des femmes
et qui est un peu désarçonné par le produit culturel des
femmes. Or, si on avait l'imaginaire des femmes sur les écrans, que ce
soit de télévision ou que ce soit de salle de cinéma,
peut-être qu'on pourrait établir effectivement une meilleure
compréhension entre Québécois et
Québécoises. Et c'est ça qui est notre objectif, de faire
en sorte qu'à tous les niveaux il y ait équité
homme-femme, parce que établir des mesures à un niveau n'est
absolument pas suffisant, les autres niveaux vont automatiquement compenser les
mesures positives et, donc, installer de nouveaux blocages. Ce qu'il faut,
c'est comprendre que c'est un système qui
est discriminant, et non pas des individus. Ce n'est pas des individus
qui sont en cause, mais le système comme tel. C'est pour ça que
le principe de base est Important.
Alors, je laisse la parole à Lucette, avec nos demandes.
Mme Lupien: Enfin, on pourrait, si on avait encore une couple de
minutes, dire que, quand, dans l'entreprise, il y a des mesures qui sont prises
et qu'il y a une volonté de changer les choses, on voit qu'il y a des
changements. Et je pense que Suzanne Chevigny peut en faire la
démonstration clairement ici maintenant.
Mme Chevigny: Oui, bien je suis sur le Comité
Moitié-Moitié mais je travaille à l'Office national du
film et je suis la directrice du programme d'équité depuis 1987.
Et c'est sûr que, depuis 1987, ayant mis des mesures en place concernant
les employés continus, bien sûr, et l'équité en
matière d'emploi concernant les employés temporaires, mais
surtout visant les productions, les programmes de production, demandant qu'on
augmente les pourcentages d'argent accordés aux femmes pour produire et
réaliser, je peux voir maintenant, après quatre ans où je
peux regarder les statistiques, que ça fait vraiment effet quand les
gens sont à même de tenir des statistiques et de voir que l'argent
qui est distribué, ça a fait progresser tranquillement le
pourcentage d'argent accordé aux femmes. Ce qui fait qu'à
l'Office on se retrouve avec, en nombre d'employés, 33 % de
réalisatrices; en montants d'argent, bien la progression monte
doucement.
C'est sûr que c'est au niveau documentaire que les femmes,
même à l'Office, ont peut-être plus d'argent, mais, à
l'Office, on fait surtout du film documentaire, on fait très peu de
fiction. Mais, quand même, la part des fonds de l'Office national du film
accordés aux femmes, en fiction, a progressée.
Maintenant, je pense qu'il y a d'autres choses aussi qu'il faut faire.
Il faut aussi aider certaines femmes dans d'autres métiers parce qu'il y
a la réalisation, mais il y a beaucoup de métiers où les
femmes sont sous-représentées. Et je pense que, là, il
faut vraiment les aider, avec des programmes de développement
professionnel, parce qu'elles étudient, comme Jocelyne l'a dit
tantôt, mais elles ne peuvent pas prendre de l'expérience. Alors,
j'ai fait aussi des programmes très spéciaux, des mesures
spéciales, des mesures qui visent à entraîner des femmes
dans les métiers non traditionnels. Ça fait au moins 25 stages
que j'organise, qui sont très efficaces, qui permettent aux femmes
d'avoir accès à des postes techniques après. (10
heures)
Alors, je pense que, quand il y a une volonté de la haute
direction de n'importe quel organisme, quand on regarde où on distribue
des fonds, quand on regarde où on a des employés par groupes
d'emplois, je pense que, automatiquement, on devient conscients qu'il y a des
choses à faire, des choses à changer et qu'on oublie la
moitié ou plus que la moitié de la population. Alors, je pense
que c'est important que des mesures soient prises comme ça.
Mme Lupien: Donc, suite à cette analyse, finalement, on en
est venues à la conclusion que le gouvernement pouvait intervenir pour
aider les femmes dans le domaine du cinéma et c'est ce qui nous a
amenées aux trois conclusions du rapport que vous avez eu entre les
mains, c'est-à-dire qu'à notre avis il est fondamental que la
politique d'équité homme-femme soit intimement liée
à la politique culturelle du Québec. Nous réclamons que le
principe d'équité homme-femme soit inscrit dans la loi et que les
organismes chargés de distribuer les fonds publics y soient soumis, et
nous réclamons que plus que la moitié des fonds publics
alloués au cinéma au Québec soient investis dans des
projets de femmes cinéastes et réalisatrices pour mettre de
l'avant l'imaginaire des femmes, pour qu'elles puissent elles aussi exprimer le
plus intimement ce qu'elles sont et ce qu'elles veulent être. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, madame. C'est parce que
j'essayais de regarder, là, pendant que vous parliez... Nous, on a aussi
des données. Sans en arriver à une guerre de chiffres, parce que
effectivement... Et vous avez raison, on n'a pas tout vaincu. Mais j'essayais
de voir, pour mieux comprendre. Bon, chose certaine, vous vous rappelez, on
s'était rencontrées et il y avait deux choses, au niveau du
principe d'équité, au niveau de la SOGIC, au niveau du plan
d'aide, que vous m'aviez demandées. Et deuxièmement aussi, bon,
la recherche, qu'on attend toujours, à laquelle on a contribué
avec vous, pour voir exactement la mise en situation. Parce que,
évidemment, vous avez vos chiffres, nous, on a les nôtres, et
c'est difficile, finalement, de voir s'il y a une évolution ou au moins
une progression.
Au niveau du plan d'aide, le plan d'aide applicable cette année,
j'ai fait entrer le principe d'équité, qui dit ceci d'ailleurs:
De plus, la SOGIC doit souscrire à l'objectif gouvernemental en
matière d'équité en emploi qui consiste à assurer
l'égalité de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises dans tous les secteurs et en particulier dans le
secteur de l'emploi. Ça, c'est au niveau de la SOGIC ce qui s'applique
aussi dans tous les secteurs, dont les subventions.
Donc, ce principe d'équité là est applicable
maintenant au niveau du plan d'aide financière, plan d'aide qui a
été accepté par le Conseil des
ministres, si ma mémoire est bonne, la semaine dernière.
Parce qu'il faut que tous les programmes soient acceptés et, ensuite de
ça, tout le gros plan. Donc, le principe d'équité est
entré maintenant au niveau de la SOGIC.
Il y a une chose que je veux bien comprendre. Vous parlez des
réalisatrices, donc de l'imaginaire, et j'en suis, c'est ce qui
influence, finalement, toute la pensée et aussi, en bout de ligne, le
rendu, si l'on veut bien, du produit fini, c'est sûr. Mais, quand on
regarde productrices, réalisatrices et scénaristes, on en arrive
presque entre 40 % et 50 %. Donc, là, je reviens au niveau de la
problématique des réalisatrices. Quand on reprend, au niveau du
documentaire, on s'aperçoit, comme vous dites... Et c'est marqué,
de toute façon, dans ce que vous avez et nos chiffres aussi corroborent.
Au niveau du documentaire, les femmes sont très présentes. Quand
on arrive au long métrage, là, il y a un manque; on
s'aperçoit qu'il y a une espèce de bris.
Est-ce que la raison à ça, c'est aussi la question des
réseaux et ce pourquoi vous avez tellement de difficultés
à rentrer dans les réseaux? Parce que c'est toujours comme
ça, finalement. Veux veux pas, ce sont des réseaux et, à
l'intérieur même de ces réseaux-là, on s'emploie, on
s'entraide, c'est partout pareil. Alors, pourquoi les femmes ont-elles tant de
difficultés à entrer au niveau des réseaux du long
métrage ou des choses qui sont plus commerciales, si on veut, versus le
documentaire où, là, c'est vraiment de la création? Mais
c'est tout à fait un autre aspect de la cinématographie.
Mme Lupien: Peut-être que je pourrais amorcer un
début de réponse là-dessus. D'abord, je dirais que, pour
avoir travaillé moi-même à la direction de l'aide à
la création et à la production à la SOGIC, c'était
évident que, lorsqu'il y avait une femme qui était responsable
d'un projet, une chargée de projet avec d'autres... Quand vous parlez de
réseau, effectivement, les femmes ont tendance à aller voir une
femme, parce qu'elles se sentent un peu plus à l'aise, surtout qu'elles
n'ont pas l'habitude des institutions, et qu'elles ont l'impression qu'elles
vont être mieux comprises. Ça se vérifiait quotidiennement
que tous les projets allaient vers cette personne qui était une
femme.
On peut aussi dire une autre chose, c'est que, malheureusement, on a
tendance à dire: Bien, les femmes, pour des courts métrages, pour
des documentaires, ça va, mais - on a même entendu des femmes le
dire, des fois, des femmes en poste élevé - là, les longs
métrages, il y a beaucoup d'argent en question, puis, dans les
séries de télévision, il y a beaucoup d'argent. Comme si
les femmes ne pouvaient pas, lorsqu'il y avait beaucoup d'argent, avoir autant
de capacité.
Et l'autre question qu'il faut prendre en considération, aussi,
c'est que les producteurs...
Je pense que Jocelyne Denault a un peu abordé la question. Vous
savez, c'est clair qu'il n'y a pas beaucoup d'argent pour faire du
cinéma au Québec. Alors, quand une maison de production a
quelques projets en marche, qu'elle doit se présenter à la SOGIC
et que le projet qui va être accepté, le projet de long
métrage, mettons, de cette maison de production, va assurer la survie de
la maison de production pour l'année qui vient, elle a tendance à
se donner toutes les chances possibles de réussir. Alors, entre - je
crois qu'on avait déjà donné l'exemple qui est
peut-être un peu caricatural - un projet de Micheline Lanctôt et un
projet de Denys Arcand, la maison de production, si elle n'a qu'un projet qui
doit passer cette année, c'est évident qu'elle va pousser le
projet de Denys Arcand plutôt que celui de Micheline Lanctôt et
surtout si la vie de la maison de production est en jeu à ce
moment-là. Alors, on a toujours tendance à aller avec nos gros
canons, parce que les critères de sélection ne sont pas ceux de
dire: On veut donner la parole à différents groupes sociaux et on
veut avoir différents imaginaires sur nos écrans.
Mme Frulla-Hébert: Je suis en train de penser, quand vous
parlez... Effectivement, il y a toujours des choix à faire. On parle de
gros canons. Je pense que c'est finalement la chance pour les femmes, parce
qu'on a tellement de retard, d'être considérées comme un
gros canon. Mais le principe du gros canon, il semble s'appliquer partout,
là, quand vient le temps à l'organisme de donner sa subvention,
parce que, supposément, le gros canon est la police d'assurance; puis ce
n'est pas toujours vrai, mais, en tout cas, dans la perception.
Moi, je veux savoir, au niveau de Téléfilm, par exemple,
est-ce que c'est le même fonctionnement? C'est-à-dire qu'encore
là, quand on se présente chez Téléfilm, c'est la
même chose, le principe de la personne reconnue?
Mme Lupien: Vous savez, Téléfilm a beaucoup plus
d'argent et un peu plus de souplesse, probablement, dans ce cadre-là. Je
ne sais si tu veux ajouter.
Mme Frulla-Hébert: Non, c'est parce que c'est important
de...
Mme Chevlgny: Oui, mais, au niveau des téléfilms,
je pense que ce...
Mme Lupien: Vous parlez de Téléfilm Canada?
Mme Chevigny: Au niveau de Téléfilm ou des
téléfilms?
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire
Téléfilm Canada, tu sais, subvention pour subvention.
Vous savez, notre aide, nous, au cinéma... On a découvert
ça finalement - on en pariait beaucoup, mais on l'a rendu public en
commission parlementaire - que Téléfilm donne la majorité
de son aide en subventions, en aide directe. Le gouvernement du Québec
le fait sur deux niveaux. Oui, à la SOGIC, II y a toute l'aide
automatique, en fait, ce qui a remplacé finalement l'abri fiscal qui
aussi est énorme en termes de sous. Et en bout de ligne, c'est à
peu près... Il y a 2 000 000 $ de différence et pas plus,
excepté que la façon d'attribuer, elle est très
différente: Téléfilm y va direct; d'autres, bon, c'est
quasiment par le ministère des Finances. Donc, c'est une autre
façon d'aider, si on veut.
Mais là, je reviens à Téléfilm et justement
à sa façon d'aider, de par les subventions. Est-ce que vous
sentez une certaine différence, une certaine - je ne veux pas dire
discrimination - difficulté à percer?
Mm© Chevigny: Bien, si vous avez l'occasion de lire la
recherche qui a été faite par Toronto Women in FHm", là,
c'est sûr que les statistiques publiées là Indiquaient que
Téléfilm Canada procédait un peu de la même
façon, puisqu'on 1988, de l'enveloppe budgétaire, les femmes
avaient reçu, et c'était au niveau des productrices cette
fois-ci, là, 9,4 %. Alors, c'est sûr que c'était
très bas. C'est sûr que c'est un problème partout.
D'ailleurs, il y a toutes sortes de regroupements de femmes un peu partout.
Vous avez entendu parier, j'imagine, du regroupement de femmes parmi les
radiodiffuseurs, en "broadcasting", qui vient de se former à Toronto. Je
pense que c'est indicatif que tout le monde réalise qu'il y a des gros
problèmes et que les femmes vraiment n'ont pas la part qui leur revient
au niveau des écrans, le petit ou le grand.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la production, par
exemple, il y a Aimée Danis. Est-ce qu'en production le problème
semble être le même? Parce que, quand on combine, comme on dit,
producteur, réalisateur, réalisatrice, productrice, etc.,
là, le chiffre, tout à coup, devient presque la moitié: 50
% ou presque. Alors, est-ce qu'en production ça semble plus facile ou si
c'est vraiment spécifique à la réalisation?
Mme Chevigny: Non, je pense que, si vous combinez les trois
chiffres ensemble, c'est qu'au niveau des scénaristes on a
remarqué qu'il y a beaucoup de femmes scénaristes. Alors, c'est
pour ça que, quand on combine les scénaristes... et il y a un
assez grand nombre de productrices, maintenant, qui travaillent dans les
maisons de production avec des hommes. Elles sont rares, les malsons de
production où ce n'est que des femmes. Elles n'ont pas réussi
à survivre, bon! pour d'autres raisons, dont on ne va pas parier ce
matin. C'est pour ça qu'il faut les différen- cier. Je pense
qu'il faut les séparer si on veut regarder les statistiques. Comme je le
disais tantôt, ce qui est important dans un film... On ne dit jamais: Un
film de telle productrice, ou on ne dit pas: Un livre de tel éditeur, on
dit: Le livre de Michel Tremblay. Alors, c'est un peu la même chose en
cinéma. Le film n'est pas d'un producteur, c'est le film d'un
réalisateur ou d'une réalisatrice. C'est évident.
L'imaginaire ou, en tout cas, la pensée, c'est vraiment au niveau de la
réalisation. C'est sûr que la scénarisation est importante
aussi, mais, si une scénariste travaille avec un homme, elle va
écrire en fonction de l'imaginaire de l'homme. Alors, c'est pour
ça que, quand on confond toutes ces statistiques-là ensemble, on
ne peut pas regarder ça de cette façon-là.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je regrette, Mme la ministre.
M. Boulerice: Oui, mesdames, bienvenue. Étant
député d'une circonsciption où il y a tellement - et mon
tellement" n'est pas une plainte mais, au contraire, une profonde satisfaction
- de groupes qui travaillent à la notion d'équité et
d'avancement des femmes, je dois vous avouer que, si vous ne vous étiez
pas présentées à cette commission, je pense que, quant
à son contenu, elle se serait elle-même amoindrie.
La ministre a parié d'une directive émise à la
SOGIC quant au respect du principe de l'équité. La question que
je vais vous poser: Est-ce que vous croyez que la directive, aussi louable
soit-elle - je ne doute pas du tout des intentions de la ministre - va arriver
à corriger les choses au niveau de la SOGIC, compte tenu de son
passé, compte tenu des attitudes que l'on ne cesse de décrier en
cette commission?
Mme Lupien: Si je peux me permettre, je dirais que c'est
déjà un effort très important. Ça veut dire que la
SOGIC doit tenir compte du principe de l'équité homme-femme et
ça veut dire qu'on peut demander des comptes à la SOGIC aussi,
à partir de maintenant, sur le résultat obtenu en fonction de cet
objectif-là. Cependant, il faudrait s'assurer que la SOGIC aura à
se donner un échéancier précis et des objectifs qu'on
pourra calculer pour voir jusqu'à quel point on progresse d'année
en année. J'aimerais faire remarquer aussi que le gouvernement du
Québec, dans le cinéma, intervient par le biais du
ministère des Affaires culturelles, mais aussi par le biais du
ministère des Communications. Nous avions rencontré M. le
ministre Cannon qui nous avait dit que, par exemple, il pourrait intervenir au
niveau des contrats qu'il attribuait pour la publicité des divers
ministères. Il y a aussi toute la question de Radio-Québec. Au
niveau de la diffusion et de la production,
Radio-Québec peut intervenir de façon massive pour changer
l'image. Nous espérons que le gouvernement puisse prendre ça en
considération que le cinéma déborde du seul
ministère des Affaires culturelles dans ce sens-là.
M. Boulerice: Oui, allez-y, je vous en prie. (10 h 15)
Mme Denault: Si je peux me permettre aussi, nous avons
rencontré les membres du conseil d'administration de l'INIS, le futur
Institut national de l'image et du son, et, effectivement, ils ont
également pris en compte nos demandes d'équité
homme-femme, notamment au niveau des inscriptions des étudiants et
étudiantes et également des professeurs, des tuteurs et tutrices.
C'est un point qui est important également. Ce que j'essayais de faire
voir tantôt, c'est à quel point chaque étape de travail des
réalisatrices et d'entrée dans le milieu est dépendante de
l'étape précédente et de l'étape
subséquente. Et c'est pour ça qu'il est important que le principe
d'équité comme tel soit inscrit dans la loi de façon
globale et générale pour s'appliquer partout. Il faut aussi
penser à toutes les autres étapes au niveau de la diffusion.
Donc, on parlait tantôt de Radio-Québec. Il faut aussi penser aux
professeurs aux niveaux universitaire et collégial qui sont en nombre
restreint. Seulement 15 % sont des femmes. Le principe doit être
clairement établi et s'appliquer partout parce que de l'appliquer
à un endroit ne sera pas suffisant. Il faut craindre cet
aspect-là.
M. Boulerice: Est-ce que vous avez déjà eu
également des rencontres avec le ministère ou la ministre de la
Condition féminine dont c'est quand même un des rôles?
Mme Denautt: On a commencé à établir des
contacts mais on n'a pas encore eu la possibilité de les rencontrer
comme tels; mais le contact est déjà établi avec ces
gens-là.
M. Boulerice: D'accord. Pour revenir encore brièvement
à la SOGIC avant d'aller vers un autre sujet - je sais que mon
collègue, le député de Mercier, serait désireux
aussi d'échanger avec vous - vous nous avez dit tantôt que, dans
le cas de l'ONF, il y avait une personne porteuse du dossier, en l'occurrence
c'est vous. Donc, lorsque le dossier est bien identifié à
quelqu'un, forcément les femmes, les groupes, enfin, connaissent la
porte où ils doivent aller frapper en disant: Bon, bien, c'est Mme
Unetelle ou Mlle Unetelle qui a la responsabilité de ce dossier et qui
en assume un suivi pointu, une évolution, etc. D'ailleurs, on voit que
les suivis se font puisque vos "tartes" sont quand même bien
précises, pour employer l'expression que vous avez utilisée.
Est-ce que vous croyez qu'à la SOGIC ça devrait être un
mandat tel qu'il a été donné, sous forme de directives, ou
si la SOGIC se doit, elle également, de s'attribuer une personne
spécifiquement affectée à ce dossier et non pas de laisser
ça suspendu à la direction générale et
potentiellement au conseil d'administration et que ça revienne toujours
dans le point varia?
Mme Chevigny: Non, je pense qu'effectivement, dans tous les
organismes que je connais - et je connais presque tous les organismes qui ont
des programmes d'équité ou des programmes d'accès à
l'égalité au Québec ou presque partout à travers le
Canada - ce n'est que quand il y a une personne responsable, et à un
très haut niveau, je pense, et qui est très engagée et qui
y croit, en somme, qu'on peut faire bouger des choses. Je pense que c'est
très important qu'il y ait une personne d'identifiée pour suivre
ça. Et, malheureusement, c'est souvent inséré à
l'intérieur des ressources humaines, que je connais bien, j'ai
travaillé dans ce domaine-là une grande partie de ma vie.
Personnellement, je pense que c'est une erreur quand on met une
coordonnatrice à l'intérieur des ressources humaines, parce que
les ressources humaines comprennent tellement d'autres choses que la personne
n'a pas le temps d'y consacrer assez de temps, et ça demande beaucoup
d'efforts et d'énergie, je dois dire, pour faire ce travail-là.
Je pense que, quand on met une personne aux ressources humaines, on oublie les
autres secteurs. Par exemple, à l'Office, je m'en suis occupée un
bout de temps pendant que j'étais au personnel, et on n'avait jamais le
temps d'aller a fond et de faire ce qu'il fallait faire. Et, en plus, on ne
considérait jamais les productions dans ce temps-là. Ce n'est que
depuis que je me rapporte directement à la commissaire du gouvernement
à la cinématogra-phie que je peux faire ça. Je peux
intervenir parce que je suis complètement séparée des
ressources humaines. Je peux donc intervenir auprès des directeurs de
production et des services.
Je pense que c'est très important. Quand il y a un engagement,
ça veut dire qu'il y a un engagement vraiment à la tête. Et
au moment où j'ai été nommée, c'était
François Macerola qui était vraiment engagé et Joan
Pinefather qui a suivi.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Boulerice: II nous reste combien de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): II reste quatre, cinq minutes.
Cinq minutes.
M. Boulerice: Juste une toute petite brève, si mon
collègue me le permet. Je sais que, durant la fin de semaine, vous
étiez à Radio-Canada où
il y avait une démonstration de ses nouvelles technologies:
télévision haute définition, audionumérisation,
etc. Dans l'état actuel des choses, compte tenu de ce qui est
donné aux femmes, est-ce que vous croyez que les femmes vont
bénéficier de ces choses ou si ça ne fera qu'accuser des
retards supplémentaires si, si vous me permettez l'expression, elles ne
sont pas embarquées immédiatement?
Mme Luplen: Encore une fois, la recherche qui va se faire dans le
domaine de la télévision de haute définition, par exemple,
va impliquer des coûts assez importants et on va tenter de ne pas prendre
trop de chances et on va travailler avec des gens qui sont des valeurs
sûres sur le plan économique. Il y a peu de chances que les femmes
puissent être embarquées dans cet aspect-là des choses
directement, à moins qu'il y ait une volonté, encore une fois,
très claire et très nette des institutions en place de faire
place aux femmes dans ces nouvelles technologies là. Enfin, je ne peux
faire autrement que de travailler très fort à pousser les femmes
dans le domaine des nouvelles technologies. J'aurais bien aimé,
d'ailleurs - un petit aparté - présenter quelque chose concernant
les nouvelles technologies qui n'ont pas été abordées de
façon précise par le rapport Arpln. Mais, malheureusement,
ça n'a pas été possible. Mais je reviendrai à la
charge à d'autres moments, ne vous inquiétez pas!
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, pour les quelques minutes qui restent.
M. Godin: Ouf. Ça veut dire combien, ça, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Quatre minutes.
M. Godin: Excellent! C'est plus que d'habitude.
J'aimerais savoir, mesdames, que je salue d'ailleurs, celles que je ne
connais pas et celles que je connais... J'ai constaté que, dans votre
métier, il y avait des problèmes en amont et en aval. En amont,
à la SOGIC, par exemple, sur les jurys qui décident que tel
projet a une subvention pour un scénario, est-ce qu'H y a des femmes qui
siègent sur ces comités et est-ce que vous avez pu constater que,
quand il y a des femmes qui siègent sur ces jurys, les projets des
femmes ont plus de chances d'être acceptés que normalement, que
dans la moyenne habituelle?
Mme Lupien: Pour y avoir travaillé, comme je le disais
tantôt, H est très clair que les femmes se sentent plus à
l'aise d'entrer et même avec un projet à la SOGIC quand il y a des
femmes qui sont là pour recevoir leur projet. Entre autres, à une
certaine époque, les directeurs de projets à la SOGIC
bénéficiaient d'une marge de manoeuvre qui leur permettait
d'investir 10 000 $ ou 15 000 $ sur une recherche en scénarlsation,
disons, pour permettre à quelqu'un qui était en train
d'écrire, un réalisateur ou une réalisatrice qui
était en train d'écrire un scénario, d'avancer davantage
dans sa démarche afin de présenter plus tard son projet à
une maison de production. C'était une démarche sur laquelle le
directeur de projet pouvait prendre une décision par lui-même ou
par elle-même. C'est un risque que prend le directeur de projet. Or, on
ne le faisait pas avec les femmes. On ne prenait pas de chance de cet ordre
avec les femmes quand il n'y avait pas de directrice de projet qui s'occupait
spécifiquement des femmes. On disait: Trouvez-vous un directeur et,
après, vous reviendrez nous présenter votre projet. Parce qu'on
n'osait pas prendre de chance ou aller faire de l'exploration de ce
côté-là.
Et, souvent, quand il y a des femmes... Il faut dire que ce n'est pas
seulement parce qu'il y a une femme quelque part que le problème est
résolu, mais, si cette femme est appuyée par une volonté
de l'institution ou une volonté politique telle que dans le plan d'aide
de la SOGIC, là, elle peut faire avancer les choses beaucoup plus
rapidement et beaucoup plus facilement. Ça prend, comme vous dites, en
amont et en aval, ça prend aussi, en bas et en haut dans la structure ou
dans la hiérarchie d'une entreprise, des volontés qui se
manifestent clairement.
M. Godin: Maintenant, allons en aval. On sait bien que la
critique de films à Montréal et au Québec est une patente
d'hommes. Et, moi, j'ai constaté, pour avoir des amies cinéastes,
que, quand leurs films à elles sortaient, le pire arrivait dans les
journaux. C'était quasiment la curée, comme on le dit à la
chasse au chevreuil en Europe avec les chiens: on déchiquetait le film
et on prenait presque plaisir à humilier l'auteur. Est-ce que vous avez
constaté, vous aussi, la même chose que je vous décris
là par rapport aux activités cinématographiques qui
émanent de l'autre moitié du monde, c'est-à-dire des
femmes?
Mme Denauit: C'est un fait qu'au niveau de la critique H y a plus
d'hommes que de femmes, et que, effectivement, ils ont une plus grande
sympathie aux produits qu'ils comprennent mieux, parce qu'il est de la
même culture que la leur, et que, si on pouvait avoir plus de femmes au
niveau de la critique, il y aurait certainement des critiques
différentes et qui donneraient une ouverture différente
également au film. En plus, ce que ça nous donnerait, ce serait
des personnes qui seraient là pour souligner quand les films de femmes
gagnent des prix à l'étranger. Parce que ce qu'on remarque aussi,
c'est que, quand les hommes gagnent des prix à l'étranger, on a
des articles dans les journaux, on le souligne, on fait des entrevues, etc. Les
femmes gagnent des prix
à l'étranger, on ne le souligne pas, on ne s'en sert pas
au niveau de la publicité des films et on tient tout de façon un
peu cachée. Et le problème que ça représente, c'est
bien sûr qu'au niveau des films ça n'aide pas à la
diffusion, ça n'aide pas au niveau du public, mais c'est encore plus
grave parce que ça reproduit la non-importance de ce que font les
femmes. Même quand elles gagnent des prix à l'étranger,
ça n'est pas important, ça devient minime et tout à fait
trivial. Et c'est un effet qui est encore plus nocif parce que c'est un effet
qui est encore plus insidieux que de simplement reconnaître qu'il y a un
film sur les écrans mais de ne pas reconnaître son importance, de
ne pas reconnaître sa qualité, de ne pas reconnaître ses
prix à l'étranger. C'est absolument épouvantable parce que
c'est tuer tout effort que les femmes font. Et c'est clair qu'au niveau de la
critique la sous-représentation des femmes est importante et qu'elle va
de pair, à mon avis, avec la sous-représentation des femmes au
niveau des institutions d'enseignement, parce que c'est là que les
femmes, effectivement, se bâtissent une pensée critique en
cinéma et qu'elles peuvent ensuite appliquer cette pensée
critique sur les films. Mais c'est sûr qu'on a une
sous-représentation à ce niveau-là et ça nuit.
M. Godin: Donc, au fond, ce qu'il faut faire, c'est une sorte de
révolution. Si on se reporte 30 ans en arrière, on se souviendra
- Mme Lupien, vous étiez peut-être témoin, à ce
moment-là, des événements - il y avait eu occupation par
les cinéastes des locaux du Bureau de la censure du Québec.
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député, s'il vous plaît.
M. Godin: Oui, M. le Président, je termine illico, mais
c'est bien parce que j'y suis forcé parce que, normalement, je
continuerais. J'aimerais savoir, donc, si votre comité va continuer
à être gentil gentil ou si vous envisagez de vous associer
à vos collègues cinéastes hommes pour aller faire des
manifs plus spectaculaires, là où ça ferait mal. Parce
que, au fond, comme le disait Peter Weiss, "les seuls bons gouvernements sont
des gouvernements qui ont peur". On peut le dire aussi des ministères:
Les seuls bons ministères sont ceux qui ont peur. Alors, je vous pose la
question sans vouloir vous demander de dévoiler votre stratégie:
N'est-ce pas que ce serait une bonne idée éventuellement, d'aller
répéter un peu les efforts qui ont été faits au
début pour que le Québec se dote d'une loi du cinéma et
d'autres instruments utiles pour le développement de l'industrie du
cinéma, que le Comité Moitié-Moitié, plus une
moitié de cinéastes connus... Ce serait peut-être
l'occasion, d'ailleurs, de les mettre au pied du mur pour voir s'ils ont des
principes, ces cinéastes, qu'il y ait une occupation d'un lieu important
pour le gouvernement par le comité des femmes pour décrire cette
situation dont on vient de parler et rappeler à tout le monde: Dans
toute circonstance, il ne faut pas oublier qu'il y a des femmes dans la
réalité en question. Il faut absolument que ces femmes-là
aient leur place, aient une part des budgets qui devrait être au moins la
moitié, moitié-moitié. Et là on voit au tableau que
c'est vraiment scandaleux, la situation à la SOGIC, ce qui n'est
guère surprenant quand on connaît la composition de la SOGIC, sa
philosophie et sa naissance, au fond. Ce n'était pas du tout une
institution qui émanait du milieu ça, c'était
parachuté du bureau du premier ministre presque, dont les postes
étaient occupés par ses proches, ses amis.
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
dois vous demander de terminer, s'il vous plaît.
M. Godin: Est-ce que c'est de la censure, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Non. Ce n'est pas de la censure,
ce sont des contraintes de temps qui s'appliquent à vous comme à
tout le monde, M. le député. (10 h 30)
M. Godin: J'espère. Enfin, ça tombe bien. M. le
Président, ça tombe bien, j'ai terminé.
Le Président (M. Doyon): Bon. Alors, malheureusement, la
réponse devra être très courte. L'introduction ayant
été longue, la réponse devra compenser par sa
brièveté.
Mme Lupien: Ah! bien, alors, c'était une longue question
qui implique des principes de base parce que, souvent, on dit: C'est honteux
d'être obligées, comme femmes, d'avoir des mesures
spéciales pour nous aider. Or, il n'y a pas si longtemps, c'est comme
ça qu'on a créé la cinématographie
québécoise. C'est parce que ce n'étaient que des
Français et des Américains qui faisaient du cinéma. On a
dû prendre des mesures spéciales, créer des fonds ici et
faire des mesures qui faisaient en sorte que seuls des Québécois
avaient accès à des fonds de cinéma. Et il faut faire la
même chose avec les femmes. Il n'y a aucune honte là-dedans parce
que c'est notre société qui est en question quand on discute de
ces choses-là.
Et puis, concernant l'aide des gens du milieu, nous avons eu des lettres
d'appui de l'Association québécoise des réalisateurs et
réalisatrices de cinéma et de télévision qui nous
appuient à forte majorité, de même que beaucoup d'autres
groupes du cinéma et du milieu. Et quant à savoir si on devra
prendre des mesures plus graves, plus corsées, ça reste à
voir. Pour le moment, on a choisi une méthode qui est celle du lobby,
des gens qui n'arrêtent pas de pousser
sur cette grosse pierre, si on peut dire. On a l'impression d'être
des Sisyphes, un peu, qui poussons sur un gouvernement, parce que c'est une
très grosse structure à faire bouger. On a choisi de ne jamais
lâcher. S'il faut prendre des mesures plus radicales, on devra se revoir
là-dessus, disons, dans l'année qui vient ou les prochaines
années.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Luplen. Je suis
obligé de vous interrompre, autrement, je sais que vous pourriez en
discuter très longuement. M. le député, voulez-vous, s'il
vous plaît...
M. Godin: Je vais demander qu'on consulte la ministre qui hausse
les épaules en se plaignant presque que ces témoins se fassent
couper le sifflet. Je propose qu'elles aient le droit...
Le Président (M. Doyon): Je ne coupe pas le sifflet, M. le
député, mais je dois vous rappeler que les exigences de notre
horaire nous obligent à mettre fin à des discussions qui sont
extrêmement intéressantes et c'est le rôle du
président défaire...
M. Godin: M. le Président, vous respectez les
règles, je suis d'accord. À l'intérieur des règles,
je demande qu'il y ait cinq minutes de plus données à Mme
Luplen.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
pendant que le président parle, s'il vous plaît! C'est le
rôle du président, avec beaucoup de regrets, de mettre fin
à des discussions qui sont extrêmement intéressantes, bien
sûr, qui pourraient se poursuivre tout l'avant-midi, à la rigueur.
M. le député de...
M. Boulerice: Très brièvement, M. le
Président...
M. Godin: Je demande que la ministre, que tous Ici accordions aux
témoins qui sont devant nous cinq minutes de plus, parce qu'il n'y a pas
eu beaucoup de femmes qui sont venues témoigner ici. Et voilà
l'occasion d'incarner la directive de la ministre que, dorénavant, les
femmes auront plus de place dans la machine créatrice du Québec.
Est-ce que la ministre est d'accord, si je comprends bien, pour cinq minutes de
plus à Mme Lupien et à ses collègues?
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement de
la commission? Ceci ne constitue pas un précédent, parce que
toutes les raisons sont bonnes pour l'accorder à des intervenants qui
font de longs trajets, qui ont des choses importantes à nous dire. Et
cette commission n'entendra pas, dans ces conditions, les 260 intervenants
qu'elle a le devoir d'entendre. C'est la seule préoccupation que j'ai,
comme président. Alors, les cinq minutes seront appliquées
à la lettre et, à 10 h 40, je mettrai fin au débat,
remerciements ou pas. Nous vous écoutons, Mme Lupien.
Mme Lupien: En fait, nous, on voudrait conclure en vous rappelant
que vous êtes en place, que vous pouvez faire changer des choses et que
c'est pour ça qu'on est venues vous rencontrer ce matin. Vous pouvez le
faire au niveau de la commission de la culture, parce que ça a une
implication sur le ministère des Affaires culturelles, mais on vous prie
de vous rappeler que ça a aussi un effet sur le ministère des
Communications et le ministère de l'Éducation et que ça
touche toute notre société. C'est pourquoi on vous demande de
faire place à l'imaginaire des Québécoises. Et on vous
remercie d'avoir bien voulu nous entendre.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Boulerice: Très brièvement, merci. Art, culture
et communications, quant à moi, relèvent du même
ministère. Vous avez proposé des choses pour ce qui est de
l'éventuelle politique. Je vais les regarder très attentivement.
Quant à la mesure très particulière dont l'effet pourrait
être immédiat, qui est cette directive auprès de ia SOGIC,
soyez assurées que je vais y porter la plus grande des attentions de
façon à ce qu'il y ait des actions concrètes,
immédiates, pour que vous ayez votre place le plus rapidement possible.
Merci de votre participation.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue pour vous remercier. D'ailleurs, j'en discutais avec ma
sous-ministre; vous savez, ce que vous vivez, on peut l'appliquer à
plusieurs secteurs, surtout les secteurs qui accueillent les femmes depuis tout
récemment. Il n'y a pas beaucoup de sous-ministres féminins non
plus au gouvernement et 6 ministres sur 29, ce n'est pas beaucoup non plus.
Alors, ceci dit, on y est extrêmement sensibles. J'ai
oublié de vous dire aussi qu'en plus de cette règle de
l'équité imposée dans le plan d'aide financière il
y a aussi un rapport qui se doit d'être fait à tous les deux ou
trois mois pour suivre, pour notre part, l'évolution de la situation.
Alors, ce n'est pas juste... On demande aussi un rapport pour être
très, très vigilants là-dessus. Et, évidemment, on
attend la recherche avec impatience.
Mme Lupien: Est-ce qu'il sera public, le rapport, tous les deux
ou trois mois, Mme la ministre?
Mme Frulla-Hébert: Ah! on pourra vous le fournir,
absolument. Je veux dire qu'à la minute
où c'est remis de façon officielle, ça devient un
document public.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Chevigny: J'aurais juste une question, très
brève.
Le Président (M. Doyon): Allez.
Mme Chevigny: Le rapport que vous avez demandé, j'imagine
qu'il ne regroupera pas toutes les productrices, scénaristes et
réalisatrices ensemble. On pourra le consulter
séparément.
Mme Frulla-Hébert: On peut le diviser. On peut le diviser;
ça se fait très bien. On l'a, de toute façon, dans les
demandes.
Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste, comme
président de la commission, à vous remercier. Maintenant, je vous
donne le temps de vous retirer et j'indique à cette commission que
l'heure est venue d'entendre le groupe qui s'appelle Arcand, Coupet,
DeRepentigny et autres chercheurs, qui doit être dans la salle,
j'imagine. Je les vois. Je les invite à bien vouloir prendre place en
avant.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, mesdames et
messieurs. If me fait plaisir de vous accueillir en cette commission. Je vous
demanderai donc de bien vouloir... Si vous vouliez continuer les discussions en
dehors de la salle, je l'apprécierais.
Est-ce que vous pourriez vous présenter et commencer la
présentation de votre mémoire?
M. Arcand (François): M. le Président, Mme la
ministre, distingués membres de la commission, mesdames, messieurs,
bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur.
Arcand, Coupet, DeRepentigny et autres
chercheurs
M. Arcand: Merci de nous avoir invités à nous
présenter aujourd'hui. Nous allons effectivement commencer par nous
présenter et présenter les cosignataires du mémoire, puis
on va procéder à sa présentation.
Alors, mon nom est François Arcand. Je suis directeur d'un bureau
d'études qui s'appelle les consultants Cultur'inc inc., qui se consacre
principalement au monde des arts. Nous travaillons en aide à la gestion,
au développement des politiques culturelles, mais surtout en
implantation d'équipements culturels et en développement des
marchés. On travaille au Canada, on travaille au Québec, on
travaille dans les municipalités. Prochainement sortira à
Montréal l'étude que nous avons préparée sur les
besoins en salles de spectacle pour les cinq prochaines années dans la
grande région de Montréal. Et aussi, au début de l'hiver,
en fait au début de 1992, sortira une étude
réalisée partout au Canada sur les moyens d'augmenter les ventes
en arts d'interprétation et les ventes en arts visuels. Je suis ici
aujourd'hui à titre individuel et non pas au nom de l'entreprise.
M. Coupet (André): Mon nom est André Coupet. Je
suis directeur chez Secor. Je suis un conseiller en administration. Je me
permets tout de suite de vous prier d'excuser l'absence de mon collègue
Guy DeRepentigny, qui travaille avec moi aussi chez Secor. Nous sommes tous
deux, Guy et moi, des économistes, des gestionnaires. Nous travaillons
régulièrement dans le domaine de la gestion des arts. Je crois
que vous connaissez un certain nombre de dossiers sur lesquels nous avons pu
travailler dans le passé: le dossier du cinéma, le dossier de la
musique - le dossier de Lanaudière, pour citer, pour être plus
précis, pour rappeler des bons souvenirs - et, bien sûr,
l'étude sur le financement des arts et de la culture.
Mais nous ne travaillons pas exclusivement là-dedans. Nous sommes
aussi, bien sûr, des conseillers en planification stratégique et
on oeuvre dans des domaines aussi variés que celui de la qualité
totale.
M. Arcand: Lorsqu'on a préparé le mémoire,
on l'a fait comme chercheurs et non pas comme représentants d'organismes
en particulier. On a invité d'autres chercheurs, que je vais nommer
rapidement, à cosigner le mémoire: Clarence Bayne, qui est de
l'Université Concordia, en administration; Claude Benoit,
muséologue que vous avez reçu, je crois, hier; Nathalie-Pascale
Boisseau, avocate; Pierre Bourdon, sociologue, de Cultur'inc aussi; Claude
Brunet, avocat, qui est connu dans le monde du droit d'auteur; Michel de la
Durantaye, professeur à I'UQTR; Carole Laflamme, chargée de cours
à l'UQUAM; Laurent Lapierre, professeur à l'École des
hautes études commerciales, bien connu dans le secteur de la gestion des
arts; Benoit Laplante, sociologue, INRS-Urbanisation; Yves Laplante, urbaniste,
qui travaille dans une grande maison de recherche aussi, un bureau
d'étude privé; Paul Légaré, économiste,
directeur de Compusearch; Claude Martin, professeur à
l'Université de Montréal; Richard Nicol, secrétaire
général à l'organisme Continent; Linda Otis, qui
était aussi responsable de l'étude du financement des arts avec
MM. Coupet et DeRepentigny, et Guy Simard, scénographe de chez
Trizart.
M. Coupet: Alors, les rédacteurs de cette
déclaration, ainsi que les cosignataires, souhaitent attirer l'attention
- si vous voulez, on va commencer à regarder un peu notre document - de
tous ceux qui contribueront à l'énoncé
de la politique des arts pour le Québec sur ce qui leur semble
indispensable pour ancrer cette politique à la fois dans la
réalité et le futur de la société
québécoise. 10 points clés, 10 composantes essentielles,
10 enjeux, a notre avis.
Nous voudrions, à travers ce mémoire, donner
peut-être une grille aux personnes qui auront à rédiger,
à concevoir, à finaliser cette politique des arts et de la
culture au Québec. Il va falloir effectivement une grille pour relire
tout ce qui a été écrit depuis déjà un
certain temps, tout ce qui a été dit et tout ce qui semble encore
être à dire dans les prochains jours, les prochaines semaines.
Alors, nous avons donc un énoncé en 10 points.
M. Arcand: Premier point: la nécessité d'un
engagement de l'État. Dans notre système politique, les citoyens
élisent une Assemblée nationale de laquelle émerge un
premier ministre. Il personnifie l'autorité, dirige l'Etat. Pour que la
politique des arts ait sens, force et vie, le premier ministre de
l'Assemblée nationale et l'Assemblée nationale doivent s'engager
solennellement et concrètement à procéder à son
implantation.
M. Coupet: Deuxième point: un programme d'action. Le
gouvernement du Québec dispose aujourd'hui de tous les
éléments pour se doter d'une véritable politique des arts.
Il s'agit maintenant de concrétiser cette politique par un programme
d'action, des leviers efficaces et un calendrier engageant. La chose est
urgente et doit être faite publiquement.
M. Arcand: Troisième point: les ressources
financières. Une politique des arts signifie orientation,
détermination, leadership. Sans moyens financiers, cela signifiera
rapidement intentions pieuses, statu quo, déception. Aux ressources
actuellement disponibles, de nouveaux moyens financiers devront être
consentis et rapidement annoncés pour relancer et mobiliser le monde des
arts dans le développement culturel du Québec. La
responsabilité financière du gouvernement du Québec ne
s'arrête pas à l'octroi de ressources supplémentaires. Le
monde des arts n'a pas à être la victime de la guerre fiscale
"fédéralo-provincialo-municipale" ni des réductions de
budget réalisées sous le couvert de transferts des
responsabilités à un palier administratif inférieur.
M. Coupet: Quatrième point: la question du rapatriement
des pouvoirs. Le rapatriement des pouvoirs n'est pas une condition liminaire et
encore moins la finalité d'une bonne politique des arts. Dans le
tourbillon constitutionnel des prochains mois, il faudra empêcher la
junte politique d'effectuer un détournement du débat des arts.
Fédéralisme classique, fédéralisme renouvelé
ou asymétrique, souveraineté, indépendance, rien ne
change: le Québec n'a pas de politique des arts et il lui en faut une.
La culture procède du peuple, elle est véhiculée par les
institutions dans un environnement étatique donné et non
l'inverse.
M. Arcand: Cinquième point: une transition. Nous vivons
une époque confuse. La situation constitutionnelle, politique,
économique, fiscale et sociale de la société
québécoise est changeante. Il est probable que la stabilisation,
dont la forme nous échappe pour l'heure, s'étende sur quelques
années. Par ailleurs, l'équilibre du monde des arts est fragile
et dépend, au jour le jour, des réseaux complexes de programmes
gouvernementaux, des premiers acquis de la participation du secteur
privé et des alliances naissantes avec les municipalités. On ne
doit pas sous-estimer l'importance de la tradition, des habitudes ainsi que des
cycles annuels dans la vie des artistes et des organismes artistiques.
L'implantation d'une politique des arts, c'est d'abord assurer survie et
santé au milieu; elle doit donc prévoir des mécanismes de
transition.
M. Coupet: Sixième point: une décentralisation du
pouvoir sur l'art. La vision du gouvernement du Québec a longtemps
été centralisatrice, urbaine, normalisatrice. Il y a d'abord le
centralisme structurel. Certes, le leadership du ministère des Affaires
culturelles doit être renforcé, mais pas au point de tout
régir de façon monopolistique, il risquerait d'ailleurs
d'être étouffé par les demandes, d'errer à
l'occasion, bien sûr, et de se retrouver en situation d'abus de pouvoir.
Les institutions culturelles doivent disposer d'alternatives à une
autorité unique, fût-elle éclairée et bienveillante.
(10 h 45)
II y a aussi le centralisme géographique. Les programmes du MAC
n'ont trop souvent eu de régional que l'adjectif. Or, dans chaque coin
du Québec, la culture, au même titre que l'économique et le
social, doit avoir sa dynamique propre pour contribuer au développement
et ne pas être qu'un débouché des produits
métropolitains. Autorité, pouvoir et ressources doivent
être spécifiques à chaque région et
indépendants du pouvoir central. Jusqu'à présent, on n'a
régionalisé la culture que sur la base de la
déconcentration administrative, en ouvrant des directions
régionales. Il convient à présent de mettre sur pied des
pouvoirs régionaux capables de promouvoir leurs propres projets.
L'État doit donc pourvoir, par la fiscalité ou d'autres moyens,
à l'émergence d'un second pouvoir formé des
municipalités, des MRC, des communautés urbaines, des partenaires
privés, des individus et autres entités existantes ou à
inventer. Décentraliser, ne l'oublions pas, admettons-le, vivons avec,
c'est se donner un second pouvoir.
M. Arcand: Septième point: la Révolution tranquille
est terminée. La politique des arts à
venir doit se distinguer des structures héritées de la
Révolution tranquille pour mieux correspondre aux tendances de la
société québécoise. Autant faire de la culture un
des éléments de la mission de l'État apparaît
souhaitable, autant il est opportun de poser sur la structure du
ministère des Affaires culturelles, sur les sociétés
d'État et d'autres institutions actives dans le secteur un regard
scrutateur, évaluateur et, au sens premier du terme, critique.
Finalité, productivité et efficacité sont des termes qui
peuvent s'appliquer tout autant à un service gouvernemental qu'à
l'entreprise privée. 30 ans de fonctionnement et de croissance,
jusqu'à ce jour sans politique, suffisent pour justifier un examen
approfondi et des réformes. Le temps n'est pas à la
complaisance.
M. Coupet: Huitième point: la recherche, la planification
et la mémoire. Les carences d'instruments et de statistiques sont si
grandes que nul ne connaît réellement la réalité
culturelle et artistique du Québec. Ces carences aveuglent aussi le
ministère des Affaires culturelles qui, à cause d'un haut taux de
rotation du personnel, souffre, de surcroît, de son peu de
mémoire. Pour implanter la politique des arts, le MAC doit commencer par
se renforcer de l'intérieur. Plutôt que l'éparpillement des
analyses dans de multiples satellites, le MAC fera de sa direction de la
recherche et de la planification un véritable centre de réflexion
et d'orientation. Le MAC protégera mieux ses ressources humaines, au
besoin en développant une carrière culturelle, notamment en
privilégiant en son sein la formation et les échanges de
gestionnaires avec les organismes artistiques dans un cadre
stabilisé.
M. Arcand: Neuvième point: horizon minimum, l'an 2000. Il
faut voir loin et juste. On doit distinguer clairement l'action à
réaliser à court terme et le principe derrière celle-ci.
Ainsi, ce qui est urgent, par exemple améliorer la diffusion en
région des produits créés à Montréal, ne
doit pas être érigé en système permanent. Dans 5 ou
10 ans, les marchés actuellement mal desservis seront
éveillés et constitueront une terre fertile pour la production
locale. Celle-ci devra alors être activement soutenue. Cette question
appelle la notion de persistance ou de second souffle. Une politique des arts
pousse ses racines durant des années avant de porter fruit.
M. Coupet: Dixième point: une politique pour tout le
monde. Le Québec mâle, blanc, catholique et francophone des
années soixante appartient aux collections du musée. La
société québécoise vit sous l'effet de la
fragmentation. Les attitudes, les comportements et les attentes varient selon
les tranches d'âge, de revenu, de scolarité et, depuis quelque
temps, par l'apport grandissant des communautés culturelles. Pluri-
ethnique, la société québécoise doit se donner une
culture pluraliste. Instrument vital d'une société, la politique
des arts doit encourager les expressions artistiques d'origine
différente, favoriser les coproductions et les formules de mail-lage
entre les communautés pour assurer l'émergence d'une culture
québécoise ouverte et nettement différenciée
à l'échelle internationale. Merci de votre attention.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup. Maintenant, Mme la ministre, je vous passe la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. Merci, M. Coupet, M.
Arcand. Évidemment, on a travaillé ensemble, alors, quand vous me
parlez de la... parce que... bon, du rapport Coupet, ensuite, du rapport
Arpin... On est ici justement parce qu'on a besoin de réformes
profondes. On est tous d'accord, sinon on n'aurait pas commencé le
processus non plus. Mais quand vous parlez, vous savez, de qualité
totale, je ne pense pas que bien faire du premier coup, à tout coup,
partout, ça "clique" de façon aussi aisée au niveau
culturel; ou cela s'applique-t-il de façon aussi aisée au niveau
culturel? Ça, c'est ma première question. Ma deuxième
question, ou enfin une constatation, c'est que j'aimerais, parmi ceux avec
lesquels votre entreprise travaille ou ceux que votre entreprise influence,
qu'on commence à parler de qualité globale et non pas juste de
qualité totale.
M. Coupet: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Mais, tu sais, bien faire du premier
coup, à tout coup, partout, ce n'est pas évident non plus dans le
domaine culturel.
M. Coupet: Non, dans ce domaine-là de la qualité
totale, Mme la ministre, je crois qu'il y a beaucoup de concepts qui sont
véhiculés et qui sont un petit peu affolants. La qualité
n'est pas forcément la perfection. La qualité totale, ce n'est
pas la perfection. C'est se donner des objectifs et les atteindre. Et il faut
donner des étapes, il faut se donner le temps, l'important étant
de brancher cette qualité sur l'attente du client. C'est ça qu'il
faut bien décoder au départ; c'est de quoi - dans le domaine
culturel, évidemment - la société québécoise
a-t-elle besoin aujourd'hui? Essayer de se brancher sur l'avenir; quelles sont
ses attentes fondamentales? Se donner des objectifs, même par
étapes, et les atteindre. Une entreprise qui atteint... Prenons la file
d'attente dans une banque qui veut implanter la qualité totale. Ce n'est
pas de supprimer la file d'attente, c'est de dire: Elle ne doit pas
dépasser deux minutes, la file d'attente. Atteindre les deux minutes,
c'est parfait, vous êtes dans la qualité totale. Donc, je crois
que la perfection n'est pas de ce monde, enfin, mais H
faut toujours progresser vers elle.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais entendre aussi M. Arcand.
Vous travaillez beaucoup avec nos clientèles. L'approche, à
partir du rapport Coupet, disait: On a développé beaucoup
l'offre; maintenant, il faut développer la demande. Le 60-40, par
exemple, a suscité quand même, au niveau du milieu
créateur, des réactions, en disant: Non, au contraire, II faut
développer la création au maximum et la demande viendra, d'une
part. Puis, deuxièmement, rejoindre 40 % après 30 ans, c'est
quand même bon parce qu'il y a 30 ans on rejoignait peut-être 7
à 8 %. Alors, on a fait du chemin. Mais toute cette approche,
finalement, ce constat-là... Parce que, veux veux pas, il va falloir
faire des choix. On va continuer aussi à aller chercher des moyens parce
que, bon, il le faut, c'est sûr, malgré un plan d'action, parce
qu'on ne fait pas une politique sur les grands principes puis, après
ça, on n'a pas de plan d'action. Ce n'est pas le but non plus. Mais, en
quelque part, il va toujours y avoir des choix à faire. Dans n'importe
quel domaine, dans n'importe quelle société, il y a des choix.
Et, à ce niveau-la, je veux juste vous entendre un peu. Est-ce que vous
avez un peu modifié? Est-ce qu'au niveau du discours ça
s'applique toujours, le fait de dire: Bon, bien... Tu sais, on a parlé
de saupoudrage versus la consolidation, hein? De là émane le
principe. Alors, c'est tout ce principe-là que j'aimerais... M. Coupet,
M. Arcand aussi travaillent avec les clientèles.
M. Arcand: On va y aller par ordre alphabétique pour
celle-là, madame, si vous le permettez. Ha, ha, ha! Je pense qu'il y a
une question de perception et une question de contenu, là. Lorsque le
rapport Coupet est sorti, beaucoup ont lu qu'il fallait limiter l'offre. Selon
mon souvenir, ce qui est dit, c'est que, d'une part, on doit soutenir la
création à la production et que, d'autre part, on doit favoriser
l'augmentation au-delà de la demande pour diminuer l'écart.
Diminuer l'écart, les milieux culturels auront compris tout de suite
qu'il s'agissait de leur couper leurs subventions. On peut les comprendre
d'être sensibles à ça. Mais ma compréhension de
ça, c'est qu'on peut aussi augmenter la demande.
Vous savez qu'en ce moment une tournée, au Québec, d'une
pièce de théâtre, c'est à peu près 40 villes;
c'est une possibilité d'à peu près 30 000 billets vendus.
Actuellement, notre machine nous permet d'offrir 30 000 sièges à
une tournée du TPQ ou de Jean Duceppe, à la moitié du
Québec. Alors, si on doublait la demande, on n'aurait encore que 60 000
billets offerts à 3 000 000 de personnes. Si on la multipliait par 10,
on atteindrait à peine... on se permettrait d'offrir les billets
à 10 % de la population hors Montréal. L'écart entre la
demande actuelle et la demande potentielle est absolument ahurissant et on n'a
même pas commencé à tomber dans les publics non
intéressés, là. On n'a pas égrené encore le
début du commencement du public potentiel et des études qui vont
sortir bientôt tendent à démontrer ça. Il y a de la
place pour aller chercher des gens qui veulent y aller mais qui ne peuvent pas,
pour toutes sortes de contraintes. Alors, j'ai l'impression que, de ce
côté-là, les déclarations fondamentales du document
Arpin ainsi que du document Coupet ont plutôt tendance à
s'accorder dans les grands principes.
Mme Frulla-Hébert: Encore là, je profite de votre
expérience en tant qu'économiste et de ce que vous êtes. On
regarde Montréal, par exemple, hein? On est obligés de prendre
Montréal parce que... le grand bassin Montréal, Québec,
là. Et au moment où on se parie - et je parie de la condition
actuelle - les salles sont remplies à 65 %, 60 %, 50 %? Certains disent,
quoi, 65 %, 68 %, quand on parie des grands: le Grand Théâtre, la
Place des Arts. Effectivement, il y a le prix des billets; la TPS
ajoutée, ça n'a pas aidé. Mais c'est ça pareil.
Mais il y a aussi l'offre, hein? Il y a aussi la compétition qui est
beaucoup plus grande, en termes d'offre, que ce qu'elle était il y a 10
ou 20 ans. Alors, comment peut-on composer avec tout ça? Parce que c'est
vrai que, demain matin, on pourrait investir à travers le Québec,
avoir des salles, partout, partout, petites, moyennes, grandes, bon, mais on
sait que, de façon réaliste, même les municipalités
n'embarqueraient pas là-dedans. Là, on est obligés de se
battre avec les municipalités. Nous autres, on veut leur offrir... On
paie 75 % et les municipalités sont battues par
référendum. La Beauce, la dernière, hier. Bon. Alors,
comment fait-on, finalement? Est-ce qu'il faut y aller par étapes?
Est-ce qu'il faut établir nos objectifs?
M. Coupet: Je pense que, Mme la ministre - on en a parié
dans notre document sur le financement des arts et on s'entend très bien
avec M. Arpin là-dessus - il faut instaurer des politiques de
sélection pour éviter, justement, le saupoudrage. La
sélection ne veut pas dire qu'il y a les bons d'un côté et
les mauvais de l'autre côté. Il va falloir établir un
certain nombre de catégories, un peu comme dans le sport. Je veux dire,
autant il faut soutenir les athlètes quand ils ont 8 ans, 9 ans, 10 ans,
travailler dans les équipes mineures pour avoir des chances d'avoir un
Gretzky ou d'avoir un Guy Lafleur, autant il faut énormément de
talent à la base. On ne développe pas un Yo-Yo Ma sans avoir
énormément de violoncellistes à la base. Mais il faut
faire des choix par le haut et commencer à catégoriser nos
institutions. On ne peut pas les mettre toutes sur le même pied. Et cette
politique sélective là, à ce moment-là, permettrait
d'être efficients avec nos budgets et, en même temps, d'assurer un
support à la création. (11 heures)
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des régions, vous
parlez de fonds régional. Même au niveau de l'analyse, on a
parlé aussi de l'implication des municipalités. Il y a plusieurs
municipalités gui sont venues. Plusieurs municipalités ont...
Evidemment, compte tenu de la situation actuelle avec la réforme, elles
ont semblé quand même ouvertes et beaucoup plus sensibles à
l'apport culturel, même sur la vie économique de la
municipalité, nonobstant ensuite le sentiment d'appartenance que la
ville peut créer, justement, grâce à une vie intense,
à une qualité de vie aussi intense. Mais, malgré tout,
vous parlez de fonds, de créer un fonds régional
décentralisé -et ça, là-dessus, je vous suis
à 100 %; le plus vite on va aérer tout ça et le mieux on
va être, tout le monde - ceci dit, j'aimerais ça que vous
élaboriez un peu. Comment voyez-vous ça? Qui devrait le
gérer? Est-ce que c'est remis directement au milieu?
M. Coupet: C'est l'idée que nous avions émise dans
l'étude sur le financement des arts, en deux pages, de façon
très brève, dans la recommandation no 1. Nous l'avons d'ailleurs
réécrite, cette recommandation. Je ne sais pas si on vous l'a
transmise. Nous avons eu l'occasion de participer, Guy DeRepentigny et moi, au
colloque sur les politiques culturelles à l'HEC, il y a à peu
près deux semaines; on a représenté un document de 20 ou
25 pages élaborant davantage cette possibilité-là. Il
s'agit d'un levier. Ça ne résout pas tout. Cette
proposition-là ne résoudra pas le grand problème de la
nécessaire décentralisation qui s'impose au Québec. Il y a
assez de statistiques et d'examens de la situation sociale et économique
au Québec qui démontrent qu'on a véritablement un "clash"
quelque part qui est en train de s'affirmer de plus en plus. Et, dans la
culture, on le retrouve, ce Québec à deux vitesses, si je puis
dire.
Donc, il s'agit là d'un petit levier qui serait mis en place et
où, dans le fond, c'est le ministère des Affaires culturelles qui
dirait: Avant d'attendre que le Québec se soit donné une
véritable grande politique de décentralisation globale - ce qui
serait souhaitable - concrètement, on pourrait partir des fonds de
développement culturel régionaux un peu partout, par le biais
d'un programme d'appariement. C'est ce que nous proposons. Le ministère,
son action serait de dire: Je mets à la disposition d'un certain nombre
de régions qui veulent partir quelque chose un montant d'argent.
Ça serait remis un peu au milieu. Ce serait au milieu à
s'organiser, à se prendre en main. Ce serait vraiment des gens de la
région, des citoyens, des hommes d'affaires, des artistes, des
intellectuels, ce que vous voulez - mettez tout ça ensemble - qui
sauraient, dans leur région, arriver à collecter certains fonds,
avec évidemment des avantages fiscaux. Autrement dit, on reprend le
principe des avantages fiscaux, la levée de fonds, le mécanisme
d'appariement qui aurait pour but, cette fois-ci, de relier le ministère
des Affaires culturelles avec l'argent collecté des citoyens et, en
même temps, avec l'argent des municipalités. C'est un triple
appariement et non pas un double, comme d'habitude. Alors, par ce biais, on
créerait une dynamique qui ne serait pas la fin du monde, mais qui
serait un enclenchement d'un processus de décentralisation.
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, est-ce que j'ai
une autre question?
Le Président (M. Gobé): Oui, il vous reste un peu
de temps.
Mme Frulla-Hébert: Ah bon! Merci. C'est parce que, je le
sais, le temps presse mais, comme on parle justement de
décentralisation, j'aimerais élaborer un peu. Le fonds
d'appariement est revenu régulièrement. Et le fonds
d'appariement, je pense, comme méthode ou, enfin, comme moyen,
était fort louable. La seule chose, c'est qu'il était tellement
louable qu'à un moment donné c'était devenu
incontrôlable, il n'y avait plus de fonds. Alors, il s'agit vraiment de
revoir ce moyen-là et de l'appliquer à la mesure, finalement, de
ce qu'on est capables d'investir et de fournir. Mais l'objectif est bon.
Moi, je voudrais juste toucher à un autre principe qui a fait un
peu consensus et c'est le principe du "arm's lenght". Vous parlez, bon, qu'il
manque de statistiques et ça, c'est un fait. À travers le Canada,
il manque de statistiques au niveau culturel. Mais il y a eu un autre principe
aussi qui disait qu'on devrait créer une société telle
qu'un conseil des arts, conseil des arts qui avait été
institué en 1966 et qui a été aboli tout simplement par
loi il y a deux ans parce qu'il n'a jamais, jamais servi. Moi, je vois beaucoup
plus une formule améliorée de tout ça, mais vraiment,
là, "arm's lenght", pas une société qui est tout
simplement indépendante. Indépendante, enfin, émanant du
ministère, mais qui a sa gestion tout à fait indépendante
et qui s'occupe, justement, de gérer des fonds. Comment voyez-vous ce
principe? Est-ce qu'on est trop jeunes pour faire ça au Québec
après 30 ans ou est-ce que ça...
M. Coupet: Nous sommes également en phase avec le rapport
de M. Arpin et de son groupe. François et moi avions bien
réfléchi aussi à cette question de conseil des arts versus
le ministère mais, fondamentalement, nous sommes en faveur d'un
ministère des Affaires culturelles extrêmement fort, ayant un
leadership très clair dans le domaine culturel. Donc, l'option d'un
conseil des arts ne nous apparaît pas pertinente dans la
société québécoise pour la bonne raison que nous
croyons que la culture fait partie du développement, au même titre
que l'économique et le social, alors qu'on pourrait
considérer que la culture, c'est la cerise sur le gâteau,
c'est ce qui fait que la qualité de vie est agréable et, à
ce moment-là, on remet cette fonction-là à un organisme
indépendant qui distribue un certain nombre de subventions. Notre option
est beaucoup plus axée sur un ministère qui intervient dans le
développement de la société québécoise.
Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que l'un empêche
l'autre? Parce qu'il y a toujours cette crainte, justement, de dirigisme de
l'État, d'invasion au niveau de la création, ce qui n'est
vraiment pas l'intention, là, entendons-nous.
M. Coupet: Non, effectivement, c'est qu'on peut très bien
avoir un ministère des Affaires culturelles mais qui peut avoir des
formules d'organisation beaucoup moins centralisées, beaucoup moins
d'apparence dirigiste. Je crois que le mot a été lancé
mais, je pense, un peu maladroitement. On peut très bien imaginer des
formules où le ministère lance des politiques à la fols
globales et sectorielles. Il y a un certain montant d'argent qui est disponible
et, après, on peut imaginer des organismes qui gèrent des
programmes. Nous avions d'ailleurs, dans l'étude sur le financement des
arts, l'aspect... Quand on parle des grands événements, par
exemple, nous, on les voyait regroupés à l'Intérieur de ce
qu'on a appelé la société nationale pour la promotion des
arts et de la culture, une société marketing, à toutes
fins pratiques, qui s'occuperait de toutes ces activités qui ont pour
but de développer la demande; les grands événements
s'inscrivent directement dans les outils pour développer la demande
culturelle. Mais on pourrait très bien imaginer d'autres organismes; on
a déjà la SOGIC, mais H pourrait y avoir d'autres formules comme
celle-là pour gérer les programmes.
Le Préskient (M. Gobé): Alors, merci, M. Coupet. Le
temps imparti à Mme la ministre est maintenant écoulé. Il
a filé, comme dirait mon ami et poète, le député de
Mercier. Je vais donc passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, pour une courte période,
à M. le député de Mercier.
M. Boulerice: Oui, M. Arcand, M. Coupet, heureux de vous revoir.
J'espère que votre lundi soir a été très
agréable; du moins, il l'a été pour moi. J'ai quatre
questions. Je vous les pose sans aucun préambule parce que j'estime que
les réponses sont très importantes. Vous y avez fait
déjà une première allusion; quels seraient les autres
moyens concrets pour enclencher une véritable décentralisation de
la culture au Québec?
M. Coupet: Nous avons proposé un levier par ce qu'on
appelle le FDCR, le Fonds de développement culturel régional.
Nous n'en avons pas inventé encore cinq ou six. On n'a pas une serviette
remplie de moyens, mais les autres moyens vont devoir découler d'une
véritable politique de décentralisation régionale. Je
pense que ça a été un petit peu dommage la façon
dont les tables Québec-municipalités se sont
déroulées avec la loi 145, mais cet exercice-là s'impose
à la province de Québec et c'est urgent. D'autres outils pourront
découler de cela, mais, pour le moment, je n'ai pas d'autres
mécanismes concrets à proposer.
M. Boulerice: Bon, vous dites que le climat qu'on a
créé, malheureusement, avec la réforme...
M. Arcand: Je m'excuse, monsieur... M. Boulerice:
Pardon.
M. Arcand: II y a quelque chose qui se passe, qui est un petit
peu curieux. J'ai l'impression que vous cherchez une solution technique
immédiate. C'est un petit peu ce que je sens dans la discussion depuis
le début. Pour ce qui est de la régionalisation ou, enfin, d'une
vraie distribution du pouvoir en région, je pense que ce qui manque, ce
n'est pas une technique ou une méthode. Il y en a plusieurs, solutions.
Je pense que ce qui manque en ce moment, c'est l'intention. Après, on
trouve la manière.
On a des conseils de la culture qui étaient une bonne intention
au début, qui étaient une intention, enfin, bonne ou pas bonne,
mais qui étaient une intention précise. L'instrument a
été créé; il traîne encore dans le
décor et il ne fait absolument plus ce qu'on lui a demandé au
début. Il a un pouvoir qui varie selon les individus dans chaque
région puis, à peu de chose près, il fait une
espèce de première ligne pour le ministère. C'est une
espèce de semi-bureau régional, dans bien des cas. Dans certaines
régions, un bout de temps, c'était le conseil de la culture qui
distribuait des subventions dites régionalisées. Puis, ça
a été ramassé, ça; ça dépendait des
fois.
Alors, on a un moyen qui est sur le terrain en ce moment, qui surgit et
qui est une opération de déconcentration, de
régionalisation, appelez-le comme vous voulez. Mais l'intention n'est
pas là et le pouvoir reste aux programmes, au central, comme on dit.
Même chose lorsqu'on parle avec les municipalités. Les
municipalités sont traitées de partenaires et se sentent souvent
beaucoup plus comme des clientèles à qui on donne une
subvention.
Même chose aussi pour le dirigisme de tout à l'heure. Ma
lecture de la situation, ce n'est pas qu'on craigne que le ministère des
Affaires culturelles soit dirigiste, mais peut-être qu'on se demande s'il
l'est assez. C'est qu'on ne sent pas, depuis les 30 dernières
années, une présence claire, une présence suivie. On ne
sent pas l'intention. C'est sûr que c'est commode d'être
sur un comité "arm's length" lorsqu'on est au Conseil des arts
à Ottawa. Le Conseil des arts, qu'est-ce qu'il fait? Il donne de
l'argent à des choses précises et connues, c'est-à-dire
les arts en majuscules. Il donne plus d'argent aux artistes et plus d'argent
aux organismes artistiques en arts visuels et en arts d'interprétation
qu'en littérature. Il donne plus que le ministère, de son
côté, strictement à ces choses-là. Et puis, il ne se
bâdre pas des régions. Il donne à la qualité, selon
son point de vue. Donc, c'est sûr que les artistes ont plus tendance
à se reconnaître là-dedans. Mais ça ne veut pas dire
que le jour où, pour des raisons de transformation constitutionnelle ou
autres, l'autorité ou la juridiction sera centralisée à
Québec, disons, du côté de l'aide aux artistes... ils ne
demanderont pas obligatoirement un conseil des arts; ils vont demander quelque
chose de fonctionnel, d'efficace, d'intègre.
J'en reviens au sens de mon intervention. Je me demande si on ne devrait
pas plus travailler sur l'intention de distribuer le pouvoir en région,
l'intention de fournir un meilleur service ou une meilleure qualité de
service de la part du ministère, de l'État, plutôt que de
chercher la petite solution qui serait "arm's length" ici un fonds
régional ici, et puis...
M. Boulerice: Mais convenez, M. Arcand, qu'on a bien voulu
distribuer les pouvoirs, sauf que les gens se sont aperçus qu'on leur
distribuait les pouvoirs, les responsabilités, sans leur donner les
ressources. Donc, chat échaudé craint l'eau froide. Et on a
peut-être raté une occasion, en perturbant les esprits par
d'autres législations, de créer le climat propice à une
véritable décentralisation. J'ai l'impression que l'on a
reculé dans le temps pour la réussir, cette
décentralisation.
M. Arcand: Vous savez, M. Boulerice, on est ici, nous, pour vous
parler de l'horizon, l'an 2000, minimum. J'espère que la crise
fédérale-provinciale-municipale sera réglée
à ce moment-là. Mais si vous voulez parler du passé, on
peut dire qu'à peu près tous les gouvernements depuis 1960 ont
fait à peu près la même chose, chacun à sa
manière. Je pense que ce n'est pas une question à régler
seulement selon la crise fiscale actuelle. Il faut essayer de voir ce qui va se
passer après et, une fois que les finances publiques auront
été un petit peu équilibrées, comment on va
redistribuer les cartes pour que ça marche, cette fois-là.
M. Boulerice: Mais, à votre décharge, je vous
rappellerai que le climat de confiance avait été quand même
établi en 1980 avec les municipalités. Ceci étant dit,
allons à la deuxième. Vous parlez de l'urgence de consentir un
effort financier supplémentaire pour relancer et mobiliser le monde des
arts. Est-ce que vous pourriez être plus précis quant au montant
comme tel de cet effort financier additionnel? Et quels secteurs devraient en
bénéficier de façon prioritaire? Parce qu'il y a
des parents pauvres dans le domaine de la culture.
M. Arcand: Non...
M. Boulerice: Aucun n'est très riche, mais il y a, par
exemple, la danse que j'ai toujours appelé les sans-abri de la
culture.
M. Arcand: Je m'excuse. Je pense que ce n'est pas une chose
à laquelle, moi, personnellement, je suis capable de répondre
immédiatement. On a élu des députés qui ont
formé un gouvernement puis qui ont nommé une ministre, et il y a
un appareil en dessous. Quelque part, là, c'est à eux autres de
décider ça, avec toute l'information qui leur est transmise comme
en ce moment. Vous voulez quoi? Un pourcentage? C'est très difficile de
dire ça. Ça dépend de ce que la société veut
se donner. Il n'y a pas de limite à l'investissement dans le monde des
arts.
M. Boulerice: Cette réponse me convient. Vous dites que le
gouvernement du Québec dispose de tous les éléments pour
se doter d'une véritable politique des arts. Est-ce à dire que le
rapatriement non seulement des budgets, mais des pouvoirs de
réglementation du gouvernement fédéral n'est pas
nécessaire? On sait, par exemple, que, dans le secteur de l'audiovisuel,
le Québec n'a pas pu se doter d'une politique intégrée,
faute d'avoir tous les leviers pour y parvenir. Et encore toute la question du
droit d'auteur, dans son sens copyright et dans sa notion européenne de
droit voisin, relève du gouvernement fédéral en vertu de
la Constitution.
M. Coupet: Écoutez, il y a des domaines, effectivement,
où les pouvoirs sont partagés, ou ils sont carrément du
côté du fédéral et non pas du provincial. Mais le
gouvernement provincial dispose de suffisamment de terrains où il peut
exercer son leadership. (11 h 15)
Le leadership du ministère des Affaires culturelles ne se
décrétera pas; on le constatera. C'est comme la qualité.
Une entreprise ne peut pas décréter la qualité, c'est le
client qui va juger si c'est la qualité. On va juger un jour que le
ministère a vraiment pris son leadership en matière d'affaires
culturelles, quel que soit le système constitutionnel dans lequel on
vit. On pourrait rapatrier tous les pouvoirs et ne toujours pas avoir de
leadership.
M. Boulerice: Mais ne convenez-vous pas que c'est quand
même un acte de leadership très important au niveau culturel,
lorsque l'on s'adresse à nos auteurs et à nos compositeurs,
de
leur garantir une véritable loi? Ce que nous ne pouvons faire
actuellement dans une politique que nous aimerions présenter, puisque
tout cela relève d'une autre juridiction.
M. Arcand: M. Boulerice, je pense qu'on doit s'adapter au
contexte dans lequel on vit. Il y a une autre commission qui siège en ce
moment; en fait, il y en a deux autres qui traitent de ces questions-là.
Il y aura un jour des élections ou un référendum, et je
pense qu'on devra en parler à ce moment-là. Et, le jour où
on a un pays, on se donne une loi sur le droit d'auteur, on signe des
conventions internationales ou on décide de ne pas les signer, parce que
ça pourrait être une bonne idée, et puis c'est
réglé! Ça vient avec, là; c'est un kit.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, monsieur.
C'est malheureusement tout le temps qui était imparti. Euh! oui, M. le
député de Mercier. Vous êtes encore en dehors du temps
alloué, mais si votre collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
..
M. Godin: Je suis toujours en dehors du port. M. le
Président, je vous remercie quand même. Je ferai pour le mieux
avec le peu qu'on me donne.
M. Coupet, j'aurais aimé vous laisser sur une citation
d'André Malraux, qui a déjà été citée
ici comme un exemple à suivre. C'est André Malraux qui avait dit:
"Je préfère la création à la perfection." Ce qui
dénote bien que la création, elle, c'est quelque chose
d'impalpable et qui ne tient à aucune technique, mais qui tient à
l'inspiration, donc à la magie des neurones qui créent dans la
tête ou dans le cerveau de tel ou tel citoyen du monde.
D'autre part, j'entends la ministre parler du "arm's length" depuis
qu'on vient siéger ici et, dans le même temps, on entend pis que
pendre de l'exemple du "arm's length" québécois dans le domaine
du cinéma avec la SOGIC. Tout le milieu vomit ce "arm's length"
là. Tout le milieu du cinéma vomit la SOGIC, qui est un
modèle québécois de "arm's length". Mais oui, M.
Coupet.
M. Coupet: Presque, mais il y aurait des nuances.
M. Godin: Oui, M. le Président, j'ai à peu
près terminé, mais je dis qu'il y a "arm's length" et "arm's
length". Si on ne truffe pas une institution qu'on appelle l'Incarnation du
"arm's length" de gens du milieu, comme ça existait avant avec
l'Institut du cinéma, si ce n'est pas le milieu qui décide de ce
qui adviendra des fonds, le "arm's length" pourrit sur place et est vomi de
tout le milieu, comme ça se passe maintenant avec la SOGIC. Par
conséquent, nous, de l'Opposition, nous allons suivre de très
près toute autre expérience de "arm's length" de ce
gouvernement-là, parce qu'à venir jusqu'à maintenant les
résultats n'ont pas été faramineux.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. C'est là tous les... Vous avez une
petite réplique à faire à M. le député de
Mercier? Ça vous était adressé, d'ailleurs.
M. Coupet: Je pense qu'il y a les questions de principe, mais
qu'il y a aussi les modes de fonctionnement dans les organismes. Je veux dire
que les gens de cinéma reprochent beaucoup à la SOGIC ses
résultats. Par contre, Téléfilm fonctionne très
bien. Et Téléfilm, il y a cinq ans, fonctionnait très,
très mal et, aujourd'hui, il fonctionne très, très bien.
Je pense qu'il y a différents niveaux d'analyse, les principes de fond
versus les modes de fonctionnement.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Coupet, je vous
remercie. Cela met fin à votre audition. Un petit mot de remerciement,
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, M. Arcand, M. Coupet...
Le Président (M. Gobé): Très rapidement.
Mme Frulla-Hébert: ...effectivement, il y a le principe et
le fonctionnement. On est conscients que certains fonctionnements ne sont pas
l'idéal, loin de là. Mais, en tout cas, ceci dit, on est ici,
évidemment, pour des changements. Je trouve aussi toute cette
décentralisation... On en est là, d'ailleurs, comme gouvernement.
Aussi, on s'aperçoit que toute cette décentralisation est
nécessaire, non seulement au niveau culturel... Parce qu'on est quand
même le ministère le plus décentralisé et, depuis
avril, les directions régionales ont aussi leur fonds, qu'elles
administrent. Maintenant, allons-y voir aussi avec le mouvement. Est-ce qu'on
s'associe avec le mouvement, est-ce qu'on crée à part? De toute
façon, on va s'en reparler. Merci beaucoup de votre présentation.
C'est toujours un plaisir.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Arcand, M.
Coupet, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Ceci met fin
à votre audition; vous pouvez maintenant vous retirer.
M. Coupet: Merci de votre attention.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
J'appellerai donc le groupe suivant pour leur demander de prendre place, la
Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec. Je vais
donc suspendre une minute, le temps que vous preniez place.
(Suspension de la séance à 11 h 21)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Doyon): Nous avons maintenant avec nous
la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec. Ils
savent comment nous procédons: 10 à 15 minutes pour la
présentation de votre mémoire et, après ça, le
reste du temps est partagé également entre les deux formations
politiques, la présidence appliquant strictement la règle du
temps alloué, autrement nous accumulerons des retards dont nous ne
sortirons jamais. M. le député.
M. Boulerice: Une question de privilège, M. le
Président, juste pour Informer nos invités de la Corporation des
bibliothécaires professionnels du Québec qu'il se peut que je
sois appelé à participer aux travaux de la Chambre; donc, je
devrai quitter cette pièce. Je ne voudrais surtout pas qu'ils
interprètent cette absence momentanée comme un
désintéressement envers les bibliothèques et, notamment,
les bibliothécaires qui les animent et les dirigent.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, vous avez la
parole, après les présentations que vous voudrez bien faire de
vous-même.
Corporation des bibliothécaires professionnels
du Québec
M. Clarke (Robert F.): Merci. Mme la ministre, M. le
Président, mesdames, messieurs. Permettez-moi, à titre de
président de la Corporation des bibliothécaires professionnels du
Québec, de vous faire part de notre satisfaction d'avoir cette occasion
unique pour partager avec vous notre conception d'une politique culturelle.
Comme vous avez déjà pris connaissance de notre
mémoire, je me limiterai à en souligner les points marquants.
Nous tenons à réaffirmer notre soutien total à la place
importante que doit prendre la culture au Québec, au même titre
que le social et l'économique. Ceci dit, nous déplorons le peu de
place accordée aux bibliothèques publiques dans le rapport Arpin.
Faut-il le rappeler, les bibliothèques publiques du Québec
desservent 88,5 % du territoire, soit la majorité. Elles jouent un
rôle essentiel dans la diffusion de la culture, d'une part, par
l'étendue du réseau et, d'autre part, par l'accès à
l'ensemble de la population et à la diversité de ses
communautés. La bibliothèque est un instrument
démocratique qui permet à chaque citoyen de découvrir les
arts et la culture sous leurs diverses formes.
Nous dirions même que les bibliothèques sont le premier
catalyseur de l'intérêt pour les arts et la culture, car le
citoyen est sensibilisé à la littérature du
théâtre, de la musique, du cinéma, de la peinture. Ayant
développé un premier intérêt, il va par la suite
fréquenter les salles de spectacle, musées, galeries d'art pour
approfondir son goût des arts. Peut-on alors ignorer les
bibliothèques comme partenaires majeurs dans la diffusion de la culture
dans une politique culturelle? Il nous semble que la réponse est claire
et même mieux, nous ajoutons qu'il faut soutenir la croissance des
bibliothèques.
Ces dernières années, le ministère des Affaires
culturelles a consenti des efforts certains pour le développement du
réseau des bibliothèques, plus particulièrement en
matière de collections et de technologie. Malheureusement, il n'en a pas
été ainsi pour les ressources humaines qualifiées. On ne
peut dissocier la qualité d'un service du personnel qui l'offre. Une
bibliothèque mieux gérée, mieux animée va chercher
sa population et remplit le rôle pour lequel elle a été
créée. Si on compare la province de l'Ontario avec le
Québec en matière de bibliothèques publiques, mis à
part les écarts de population - Québec, 6 897 016 pour
l'année 1990 et, l'Ontario, 9 248 294 pour la même année -
on ne peut que constater les disparités. Au Québec, 274
bibliothécaires pour l'année 1990, et en Ontario, 1254 pour la
même année; le ratio est presque à un pour quatre.
Nous vous laissons tirer les conclusions qui s'imposent, mais, avant,
nous voulons insister sur les quatre missions distinctes de la
bibliothèque publique, tout aussi importantes l'une que l'autre:
l'information, l'éducation permanente, la culture et les loisirs. Ces
missions sont réellement remplies lorsqu'un professionnel, formé
à cet effet, est en place dans la bibliothèque. Il s'agit du
bibliothécaire. Il serait illusoire d'ignorer le rôle essentiel
qu'assume le bibliothécaire et de limiter la bibliothèque
à un espace physique de stockage de livres. Pour que cette
bibliothèque s'anime, il faut une vision des services à offrir
à la population, particulièrement dans une période
changeante comme la nôtre. Mentionnons seulement le taux
élevé d'analphabétisme au Québec, de
décrochage scolaire. La bibliothèque a, là aussi, une
responsabilité à remplir, et c'est le bibliothécaire qui y
voit et qui peut faire la différence.
Une société peu éduquée et informée
peut difficilement s'ouvrir à la culture et aux arts. Ajoutons que nous
sommes de plus en plus dans une société d'information. C'est le
nouveau pouvoir. Mais sans les services efficaces de référence
par du personnel qualifié, nous risquons de passer outre. Enfin, le
rapport Arpin convient que l'initiation à la vie culturelle passe par
l'éducation. La lecture à l'école est certainement un
moyen de sensibilisation à la culture et la source de découvertes
littéraires, mais, là encore, les enseignants et les
élèves ont besoin d'un soutien efficace sous la forme de
bibliothèques scolaires bien équipées en collections et en
personnel qualifié pour les appuyer dans cette démarche.
Nous aimerions insister sur le partage des responsabilités entre
les partenaires municipaux
et le ministère des Affaires culturelles, qui ne doit surtout pas
se traduire par un désengagement du ministère des Affaires
culturelles envers le développement du réseau des
bibliothèques publiques. Il doit se maintenir en parallèle avec
l'encouragement des municipalités à voir le développement
des bibliothèques sur leur territoire. De plus, nous croyons
nécessaire la concertation des ministères des Affaires
culturelles et de l'Éducation pour le développement de deux
réseaux de bibliothèques, le scolaire et le public. Le
Québec a besoin de bibliothèques modernes et de
bibliothécaires dynamiques.
En terminant, Je laisse la parole à Mme Louise Labory,
vice-présidente de la Corporation, qui se fera un plaisir de
répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, monsieur. Mme
Labory.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Clarke et Mme
Labory.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (11 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Mme Labory, Mme
Horinstein. J'aimerais d'abord aborder avec vous, puisque vous êtes sur
le terrain et que vous représentez des gens qui sont là tout le
temps, une tendance que l'on note un peu partout et que je veux vérifier
à l'intérieur même d'une table
Québec-municipalités qui se dessine pour fin novembre. Parce que,
avant, évidemment, de déposer la loi, il fallait aussi s'asseoir
avec les municipalités et, depuis l'an dernier, c'est un peu difficile.
Mais, dans le fond, ça me sert bien de vous voir avant. C'est toute la
question de la tarification. Évidemment, il y a certaines
municipalités qui, pour certains services, nous disent: Bon, bien, on
aimerait imposer une certaine tarification malgré qu'elle existe aussi
un peu, mais une tarification bien implantée, juste aussi, qui
n'empêcherait pas l'accessiblité à la lecture mais
peut-être pour d'autres services et qui aiderait aussi, qui nous aiderait
à pouvoir réinjecter dans le système. Il y a même le
maire d'Amos qui nous disait: Écoutez, inquiétez-vous pas, si les
tarifications sont trop élevées, nos commettants seront les
premiers à crier et à nous le dire. Donc, on ne peut pas se
permettre non plus d'être abusifs, au contraire. Mais, justement, pour
pouvoir réinjecter et améliorer ou créer d'autres services
au niveau des réseaux, qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Labory (Louise): Tout le monde est pour la vertu et nous
aussi on est pour la gratuité des services, surtout les services de
base, l'accès à l'information. Pour nous, dans une
société comme la nôtre, c'est inadmissible de tarifer
l'accessibilité à cette information. Par contre, on comprend
aussi, étant sur le terrain, le souci des municipalités qui
doivent rationaliser leurs dépenses, doivent rencontrer des
augmentations sans précédent. Il y a effectivement... La solution
est peut-être dans le compromis. Il y a peut-être des services qui
pourraient être tarifés. Je vois là, par exemple, lorsque
des bibliographies sont imprimées pour un usager, la sortie d'Imprimante
pourrait être tarifée. Tous les services qu'on peut qualifier
d'accessoires ou qui s'adressent à des clientèles très
ciblées, les gens d'affaires, parce que vous savez que, dans une
bibliothèque publique, on répond à toutes ces
clientèles-là.
Mais, lorsqu'il s'agit de services qui sont adressés à
l'ensemble... Parce qu'une bibliothèque publique donne un service
universel. Peu importe l'âge des gens, peu importent leurs
affinités, on a de tout pour tout le monde, à la
bibliothèque publique, ce qui fait qu'on ne doit pas tarifer, selon
nous, des services qui s'adressent à l'ensemble. Donc, l'accès
à l'ensemble des collections, le prêt pour l'ensemble des
documents, ça ne devrait pas être tarifé. En tout cas, chez
nous, on fait souvent un calcul lorsqu'on est en mauvaise posture. C'est qu'on
regarde le coût à l'heure d'utilisation du service. Dans une
bibliothèque publique, l'heure d'utilisation coûte, au
gouvernement comme à la municipalité, quelques cents, même
pas la moitié d'un dollar. Et là je ne parle pas des services. On
ne calcule pas les heures qui sont prises pour la lecture à domicile que
les gens apportent avec eux. Ils ne lisent pas sur place. Ils apportent les
documents avec eux. Ça, on ne le calcule pas. Mais c'est quelques cents
par tête. Parce que notre clientèle est très grande et les
gens les utilisent de plus en plus, les bibliothèques.
Donc, s'il y a une tarification, si les municipalités veulent se
venger, la bibliothèque, ça peut être intéressant,
parce que c'est leur service qui fonctionne le plus, c'est là où
il y a le plus de participation, mais l'argent qui va être
récupéré pour la bibliothèque ne servira pas
nécessairement à la bibliothèque. Il va servir à
financer autre chose.
Mme Frulla-Hébert: Oui, si... Non, non, mais, par contre,
il y a encore... C'est pour ça que je voulais discuter avec vous. Parce
que, au niveau de la loi, moi, quand je suis arrivée, j'ai vu ce volet
et j'ai mis un stop d'ailleurs au dépôt à cause de
ça, et, deuxièmement, parce qu'il faut s'asseoir absolument avec
les municipalités. On en est là. Ç'a été
retardé à cause de la réforme, mais on en est là.
Maintenant, si on s'assurait, à l'intérieur même de la loi,
que l'argent perçu par certaines tarifications - parce que je suis
d'accord avec vous au niveau du service de base - soit réinjecté
dans la bibliothèque même à certains niveaux
spécifiques: enrichissement des collections, par exemple, ou
informatisation - on pourrait le déterminer
ensemble...
Mme Labory: Services professionnels.
Mme Frulla-Hébert: Absolument. Pour eux, ils ont le
fonctionnement, donc le personnel. Parce que c'est difficile de se venger,
là, parce que la population elle-même va être
extrêmement réfractaire aussi, comme je le disais, à un
taux abusif au niveau de la tarification. Mais est-ce que ça serait
envisageable?
Mme Labory: De négocier une tarification?
Mme Frulla-Hébert: De réinjecter à
l'intérieur, très bien baliser.
Mme Labory: Absolument.
Mme Frulla-Hébert: Compte tenu des nouveaux services que
les bibliothèques donnent.
Mme Labory: Absolument. Tout est envisageable, sauf qu'il ne faut
jamais perdre de vue que le gouvernement du Québec a beaucoup
aidé, au cours des dernières années, depuis la fin des
années soixante-dix jusqu'à maintenant, le gouvernement a
beaucoup donné et il se voulait tellement incitatif qu'il n'y avait
pratiquement pas d'exigences qui étaient données aux
municipalités. On leur disait: Vous voulez construire une
bibliothèque? On va vous donner l'argent pour la construire, on va vous
aider. À une époque, on a aidé aussi pour le personnel.
C'est très bon. Ça ne nous a pas permis de combler le retard
qu'on continue à accumuler par rapport aux autres provinces canadiennes,
mais ça a beaucoup aidé.
Mais je pense qu'on est rendus à un deuxième stade
où les municipalités devraient rencontrer certaines exigences
pour avoir des subventions pour leurs bibliothèques. Dans le cadre de
cette entente, la tarification ou l'universalité - j'aimerais mieux
parler en termes de gratuité...
Mme Frulla-Hébert: D'accord.
Mme Labory: ...la gratuité des services de base pourrait
en faire partie, mais il y a autre chose aussi qui pourrait en faire partie. Du
personnel professionnel pourrait en faire partie.
Mme Frulla-Hébert: Mais vous dites aussi dans votre
mémoire qu'on rejoint présentement 88 % de la population. Il en
reste 12 %, ce qui est quand même une énorme amélioration
à ce que, comme vous le disiez, on a connu il y a 10 ans. Il y a eu un
développement et c'est vrai, d'ailleurs, qu'on encourage tellement les
municipalités que, bien souvent, on n'a pas mis non plus des balises
extrêmement sévères, ne serait-ce que pour qu'elles
s'impliquent.
Qu'est-ce que vous suggérez, en termes de moyens, maintenant,
pour qu'on puisse rejoindre l'autre 12 % qui est souvent
éparpillé un peu partout? C'est quand même une
population qui est difficile à rejoindre.
Mme Labory: Oui. Et je pense que c'est par la concertation du
ministère des Affaires culturelles et des municipalités qu'on
peut le faire et que c'est uniquement par ce biais qu'on peut y arriver; par
une concertation et une volonté politique. Il n'y a pas d'autre issue
que ça et quand bien même que vous, au MAC, vous auriez
l'intention de créer une bibliothèque dans une
municipalité où les élus n'ont pas d'intérêt,
ça ne marchera pas. Et, vice versa, les municipalités sont
confrontées de façon hebdomadaire à leurs citoyens. Alors,
les groupes de pression peuvent se rendre aux réunions du conseil, les
groupes de pression anti-augmentation de taxes, etc. peuvent se
présenter à toutes les semaines pour dénoncer des projets
de construction de bibliothèques. Alors, les municipalités ont
besoin d'un appui, et c'est un appui, évidemment, financier; on en est
encore là. On a fait un progrès immense, mais on est encore
très vulnérables au Québec.
Il ne faudrait pas qu'il arrive aux bibliothèques ce qui est
arrivé, par exemple, aux arenas. Il n'y a aucune comparaison entre
elles, sauf que ce sont deux types d'équipements qu'on retrouve dans les
municipalités. Il y a eu, dans les années soixante, une vague
d'arénas. Il y a des municipalités qui ont 9000 de population,
qui ont trois arenas couvertes et pas une bibliothèque. Des muscles,
mais rien dans la tête! Et s'il y a un renversement, s'il y a une
évolution, si les municipalités aux alentours en font, il y a un
effet d'entraînement, mais il faut encore continuer à pousser dans
ce sens-là et vraiment travailler en collaboration avec les
municipalités.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, on s'aperçoit
d'ailleurs que les maires qui viennent à la commission, justement, le
réalisent et on sent un mouvement - et j'espère, enfin, qu'il va
durer - de balancier justement contraire maintenant vers la culture.
Mais, M. le Président, je pense que mon collègue...
Mme Labory: Est-ce que je pourrais ajouter une chose
là-dessus, pour finir mon idée avec les arenas? C'est que,
maintenant, dans les colloques de maires ou d'élus municipaux, on se
demande: Mais qu'est-ce qu'on va faire avec ces arénas-là? Est-ce
qu'on peut convertir un aréna en bibliothèque publique? C'est
ça, la question. Et, justement, ils ont cette crainte. Mais, moi, j'ai
une réponse à leur servir. C'est qu'un aréna s'adresse
à une clientèle bien spécifique. Une bibliothèque
s'adresse à l'ensemble de la population. Et le service qui est
donné, c'est de l'information, c'est de l'accès à la
culture d'une
société, mais la culture dans son sens le plus large et le
plus noble.
Le Président (M. Doyon): Brièvement, M. le
député, compte tenu qu'il reste peu de temps.
M. Gobé: Je suis toujours très bref. D'ailleurs,
vous le savez, M. le Président, c'est proverbial dans cette Chambre.
Madame, je partage votre opinion, pas seulement votre opinion mais votre
constatation, de manière complète. J'ai moi-même
vécu, comme député de la région de Montréal,
ce genre de situation dans un quartier qui est un quartier de la ville de
Montréal mais d'une ancienne ville annexée, la ville de
Rivière-des-Prairies où nous avons eu dernièrement la
construction d'une piscine de g 000 000 $, alors une piscine avec une machine
qui fait des vagues, de l'eau à 33 degrés, des palmiers en
plastique, près de l'école secondaire. Et paradoxalement, deux
ans auparavant, lorsque j'avais obtenu les crédits pour construire
l'école secondaire, avec M. Claude Ryan qui était ministre, une
école secondaire qu'il n'y avait pas dans ce quartier-là, mais,
vu qu'on avait une grande croissance au niveau de l'habitation
immobilière, il y avait donc beaucoup de jeunes enfants, ça avait
grandi un peu, enfin on avait besoin d'une école secondaire, M. Ryan
avait fait une proposition à la ville de Montréal à
l'effet que, si la ville mettait une bibliothèque avec l'école
secondaire, il donnerait 700 000 $ ou 800 000 $. Alors, le comité de la
ville, dans sa grande sagesse, a pensé que ce n'était pas
intéressant, qu'il valait mieux mettre la bibliothèque dans un
centre commercial. Alors, ceci étant dit, M. Ryan ne pouvait pas
subventionner cette bibliothèque. Donc, au départ, il perdait les
700 000 $ ou 800 000 $. Le centre commercial n'était pas construit, bien
entendu; c'est le promoteur qui était allé vendre sa salade en
disant: Mettez-nous une bibliothèque, ça va faire marcher mon
centre d'achats. Le centre d'achats a fait faillite et, après ça,
au même endroit, ils ont construit une piscine de 9 000 000 $. Il y a de
l'eau, mais les gens n'ont pas accès à la piscine pour nager,
faire du sport, c'est juste pour se baigner.
Le Président (M. Doyon): Vous êtes de moins en moins
bref.
M. Gobé: C'est une baignade. Alors, ce ne sont même
pas les muscles qu'on a favorisés, on a favorisé le loisir. Mais
je crois que c'est le genre de mentalité que vous tendez à
dénoncer et je crois qu'on se doit de le dénoncer. Si on veut,
comme société québécoise francophone en
Amérique du Nord, le rester, ce n'est pas avec des lois 178, ce n'est
pas ça qui fait qu'on va encore parler français dans 50 ans ou
dans 100 ans parce qu'on ne légifère pas la langue. Une langue,
ça se garde avec la culture. Puis la culture, vous l'avez très
bien dit, ça s'apprend dans les livres. Ça s'apprend quand on
sait d'où on vient. Puis pour savoir d'où on vient, ce n'est pas
sur les bancs de l'école, tout le temps, qu'ils nous l'apprennent. On
l'apprend en lisant, on l'apprend dans les livres d'histoire, on l'apprend dans
les romans, on l'apprend dans les livres de philosophie. Et pour avoir
accès à tout cela, bien, il faut des bibliothèques. C'est
la clé du savoir, c'est l'endroit où tout commence.
Et, moi, je suis assuré que, si on continue à faire des
arenas, des piscines, des baignades à 33 degrés, des palmiers en
plastique, dans les municipalités du Québec, quand même on
mettrait 10 lois 178, dans 50 ans, on n'en parlera plus du français
parce que ça ne sera même plus une culture, ce sera seulement une
langue. Puis, entre deux langues, les gens vont toujours à la plus
facile. Ça sera l'anglais. Alors, madame, je suis tout à fart
d'accord avec vous puis je suis très heureux de voir qu'il y a des gens
qui ont encore le courage de faire valoir ce genre de point de vue
là.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, bonjour. Ça me fait plaisir de vous accueillir au nom de
l'Opposition. Je vais me permettre de rappeler un peu quelques-uns de vos
commentaires avec lesquels je suis tout à fait d'accord. Vous parlez
d'abord de l'importance des bibliothèques. Je suis
particulièrement bien placée pour reconnaître l'importance
des bibliothèques d'autant que - et je le dis pour le déplorer -
la ville de Chicoutimi est la plus pauvre en cette matière, en
matière de bibliothèques publiques. Évidemment, on a le
cégep, on a les écoles, on a la bibliothèque de
l'université, mais on a de moins en moins de librairies. On a perdu la
plus vieille librairie; elle demeure, mais finalement beaucoup moins importante
qu'elle ne l'était antérieurement, et on retrouve moins
facilement les volumes. Il faut de plus en plus les commander. Pourtant, c'est
quand même pas... 11 y a tout près de 70 000 habitants dans la
ville. Il y a Jonquière, Chicoutimi. C'est un bassin, avec La Baie, qui
représente plus de 150 000 habitants. On devrait avoir un peu plus de
librairies, ça nous manque aussi, et on n'a pas de bibliothèque.
La ministre nous dit qu'elle est en train de regarder très
sérieusement ce projet de construction de bibliothèque. C'est
très urgent.
(11 h 45)
Vous avez raison de dire que, lorsqu'on parle de construction de
bibliothèque ou de centre culturel, dans n'importe quelle ville du
Québec, on a beaucoup de citoyens pour s'inquiéter de
l'augmentation des taxes, plus facilement que si on construit une aréna,
ce qui explique que, finalement, la ville de Chicoutimi
soit toujours sans bibliothèque digne de ce nom. Mais vous
parliez des investissements qui ont été faits depuis les
années soixante-dix dans les bibliothèques et dans les
collections des bibliothèques. Je me rappelle, avec un peu de tristesse,
qu'une des premières décisions, concernant les
bibliothèques, ça avait été de couper de 40 % dans
le budget d'acquisition. Et c'a été d'imposer un moratoire sur
les constructions. Ça a été parmi les premières
décisions qui ont été prises par le présent
gouvernement, pour des raisons qui leur appartiennent. Mais on a eu
l'impression de retrouver - et je suis certaine que la ministre va être
en partie d'accord avec moi là-dessus - dans l'attitude du gouvernement,
sensiblement la même attitude qu'on retrouve dans une
municipalité. Le gouvernement semblait plus enclin à construire
des arenas que des bibliothèques. Et je trouve ça un peu triste,
parce qu'on ne peut pas trouver ça drôle, le rapport du
comité Poulin est particulièrement triste à cet
égard et illustre qu'il y a encore cette influence au sein des
élus, même ici, à l'Assemblée nationale. Parce qu'il
se proposait des mesures qui visaient à sabrer profondément et
dramatiquement dans les affaires culturelles, que ce soient les musées
ou les conservatoires. J'ai la conviction, cependant, qu'il va se trouver des
gens, et il y en certainement - j'en ai la conviction - au gouvernement
actuellement pour dire: Vous êtes tombés sur la tête. Je
pense que ça ne devrait pas aller plus loin que ça. Mais juste
l'idée que ça puisse être envisagé, c'est
profondément inquiétant.
À présent, il y a aussi deux autres questions qui touchent
les bibliothèques. D'abord, et on l'oublie, c'est la taxe sur les
livres, qui touche les lecteurs, à tout le moins chaque fois que vous
allez dans une librairie. Je trouve que l'idée de taxer l'emprunt, je ne
pense pas que ce soit une idée souhaitable. Autant que possible, je
pense qu'on ne peut pas taxer la culture, surtout la lecture, la formation et
l'éducation. Ça ne m'apparaîtrait pas une solution
très, très heureuse.
Mais j'aimerais aborder avec vous l'absence... Et, tout à
l'heure, le député de LaFon-taine abordait un peu cette
question-là, les difficultés qu'on éprouve dans les
gouvernements, quels qu'ils soient, à amener une certaine
cohérence entre les ministères pour investir dans un secteur
donné. Je me rappelle d'un événement qui avait
créé des remous quasiment insurmontables, lorsqu'il avait
été question de partager un centre sportif entre la commission
scolaire, la ville de Longueuil et le cégep Édouard-Montpetit. Et
le premier ministre de l'époque, M. Lévesque avait
réglé la situation. Il avait dit: Ça n'a pas de bon sens,
votre affaire. Arrêtez-vous! Parce qu'il y a des lois, parce qu'il y en a
un qui ne voulait pas investir si ce n'était pas la
propriété de la commission scolaire. Et le cégep, la
même chose. Finalement, il l'avait réglée
d'autorité.
Moi, je pense que c'est ça que ça nous prend. Il va
falloir que quelqu'un mette le poing sur la table. À un moment
donné, il va falloir qu'il y ait quelqu'un qui ait assez
d'autorité pour décider que les municipalités, les
commissions scolaires, les cégeps, les universités se mettent
ensemble. Est-ce que vous avez réfléchi à cette
question?
Mme Labory: Je suis d'accord avec votre point de vue en tant que
contribuable. Je suis pour la rationalisation de l'utilisation des ressources
et la maximisation de l'utilisation des ressources. Moi-même, dans la
municipalité où je travaille, on a des protocoles d'entente assez
ardus à régler, mais, enfin, on réussit à
s'entendre. Sauf qu'il ne faudrait pas perdre de vue que cet objectif de
rationaliser ne doit pas se faire au détriment des objectifs promis pour
lesquels on pose des gestes. Lorsqu'on construit une bibliothèque dans
une école, lorsqu'on aménage une bibliothèque à
l'intérieur d'une école, c'est pour répondre à des
besoins bien précis, c'est pour soutenir les programmes
pédagogiques, c'est pour initier, encourager, promouvoir la lecture.
Tout le monde s'entend là-dessus. Dans une bibliothèque scolaire
- je rentre dans des détails, mais je vais les effleurer - on n'a pas
les mêmes collections que dans les bibliothèques publiques. On n'a
pas un même aménagement des espaces. Les bibliothèques
scolaires ont besoin de beaucoup de tables de travail. Les bibliothèques
publiques, c'est le contraire, c'est des rayons et des livres. Dans chacune des
caractérisques de chacun des deux équipements, on est en
confrontation. Ce sont deux bibliothèques qui ont des documents à
l'intérieur, mais, à part ça, c'est tout. On a des
missions complémentaires. Et vouloir régler ce problème en
faisant des protocoles d'entente, attention, non seulement on va mal desservir
les jeunes étudiants, mais on va aussi très mal desservir la
population. Et la population, dans sa grande sagesse, l'a compris parce que les
quelques bibliothèques publiques qui se retrouvent à
l'intérieur d'écoles ne fonctionnent pas du tout.
Et il y a un exemple, je ne nommerai pas la municipalité, mais,
dans la région de Montréal, il y a une municipalité qui a
une bibliothèque centrale et deux ou trois succursales. La
bibliothèque centrale et deux des succursales fonctionnent à
merveille. C'est une des bibliothèques qui rendent le plus de services,
à un maximum de population, tout va bien. Sauf que la succursale qui est
dans une école, c'est dans un quartier qui est très populeux,
cette bibliothèque-là ne rend pas les services, elle n'est pas
utilisée. Et c'est un entêtement, c'est une façade que de
vouloir conserver cette idée d'unifier les deux.
J'aimerais ajouter un point. Lorsqu'on parle de rationalisation, nous,
on est ici non seulement pour parler de bibliothèques, mais aussi pour
parler des bibliothécaires. Dans des périodes
difficiles, comme celle que l'on connaît actuellement, je pense
que l'utilisation des fonds publics doit être faite par du personnel
qualifié, qui est en mesure de faire les choix qui vont être les
plus avantageux pour la population, la population et ses représentants
élus.
Alors, c'est pour ça que, nous, on voudrait que le gouvernement
insiste pour que les municipalités embauchent des
bibliothécaires, qu'il exige au moins un bibliothécaire à
la tête des bibliothèques. On regardait la comparaison avec
l'Ontario: 1 pour 4. C'est terrible, parce qu'on va injecter des fonds, mais
ça va être des gens qui n'y connaissent rien qui vont faire le
développement de collections. On va retrouver des choses
abracadabrantes, ce qui fait que la bibliothèque ne pourra jamais donner
le service qu'elle doit donner.
Mme Blackburn: Petite question technique: 1 pour 4, c'est...
Mme Labory: C'est un bibliothécaire... Mme Blackburn:
Pour quatre employés?
Mme Labory: Un bibliothécaire pour quatre en Ontario. Pour
des populations semblables, là...
Mme Blackburn: Oui. Mais vous comprendrez que la rationalisation,
il me semble que c'est un peu comme obliger. C'est ça ou vous n'avez
rien. J'ai, à la commission scolaire de Chicoutimi, une école
primaire qui n'a pas de livres, comprenez-vous, là? Elle n'a pas de
bibliothèque. Pas de bibliothèque; dans une école,
là! Et j'ai d'autres écoles... Dans un quartier, il y a des
parents qui ont décidé, devant le fait qu'on avait coupé -
parce qu'il y a eu des coupures là aussi, pas seulement dans les
bibliothèques publiques mais dans les bibliothèques scolaires -
qu'ils compensaient en faisant des levées de fonds pour garnir la
bibliothèque.
M. Gobé: On ramasse des vieux livres.
Mme Blackburn: Oui, mais ça n'a pas de bon sens!
Mme Labory: Voulez-vous que je vous dise comment on va acheter
des livres? On va envoyer des gens qui ne savent à peu près pas
lire pour aller faire le choix des volumes. C'est comme ça que ça
se passe dans les écoles, et ça se passe depuis très
longtemps comme ça.
Les bibliothèques scolaires au Québec, c'est zéro.
Il n'y en a pas ou pratiquement pas. Et on se demande après ça
comment ça se fait qu'on a 40 % d'analphabètes au Canada et puis
que la majeure partie se retrouve chez nous.
Mme Blackburn: Mais j'entends le député de
Saint-Hyacinthe - je dis toujours Mercier...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: ...qui dit: II faut encore qu'on ait de l'argent.
Mais le vrai problème, je le répète, le problème
des bibliothèques comme les problèmes des services sociaux et de
la santé, de l'éducation, tous nos problèmes actuellement
ne tiennent pas au coût des services, ils tiennent au chômage. Et
quand on aura 30 % de la population, qui actuellement ne contribue plus
à la caisse, ne paie plus d'impôt, quand on aura un chômage
qui descendra aux alentours de 6 ou 7 %, on n'aura plus de problème de
caisse.
Alors, arrêtons d'attribuer les problèmes de services
à la caisse. Le problème de caisse au Québec, c'est un
problème de chômage. Alors, je le répète, il faut
avoir une politique de plein emploi.
Mais je reviens, donc, parce que ce que vous nous dites, actuellement,
c'est que, dans toutes les commissions scolaires du Québec, il y aurait
une pratique qui voudrait que ce soient des gens non qualifiés - vous
dites quasiment analphabètes - qui achètent les volumes. C'est un
peu insultant, là, vous admettrez avec moi. Parce qu'il me semble que
c'est un peu gros, là.
Mme Labory: Non, ce n'est pas... Madame, j'y suis allée
moi-même. Puis là je ne parie pas des bibliothèques
d'écoles secondaires, qui sont un peu moins défavorisées,
mais je parle des écoles élémentaires. Et c'est à
l'élémentaire que les enfants vont prendre le goût de la
lecture, n'est-ce pas? Bon. Dans les écoles élémentaires,
moi-même qui ai fait longtemps des acquisitions de volumes, j'allais en
librairie faire le choix des volumes. Vers la fin, l'époque de la fin
des budgets des commissions scolaires, je voyais arriver des gens qui disaient:
Bof! ils sont beaux, il y a des belles illustrations, j'en prends un rayon. Je
ne veux pas généraliser, parce que, quand on
généralise, on passe toujours à côté du but,
mais je vous dis que c'est une pratique courante que de confier la
responsabilité de la sélection des documents à n'importe
qui.
Mme Blackburn: Pourtant, les bibliothécaires, ce n'est
pas... J'allais dire: Ce n'est pas un personnel qui coûte cher. Selon les
dernières informations, c'étaient parmi les professionnels les
moins bien payés.
Mme Labory: Oui.
Mme Blackburn: II y avait même un écart dans la
fonction publique. Je reviens donc...
Le Président (M. Doyon): Dernière question, Mme la
députée, parce que je voudrais donner la parole à votre
collègue, le député de Mercier, qui l'a demandée
depuis un certain temps.
Mme Blackburn: Oui, j'ai terminé. Dernière
question. Comment pouvez-vous expliquer que les recommandations fort
pertinentes du rapport Sauvageau, paru en 1987, soient toujours restées
lettre morte?
Mme Labory: Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la
question.
Mme Blackburn: Vous savez quand même... Il y avait eu un
investissement de recherche dans ce secteur et on est toujours en attente.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président et Mme la députée
de Chicoutimi, vous m'avez laissé un peu de...
Le Président (M. Doyon): Très peu. M. Godin:
Très peu, oui.
Mme Blackburn: Tu aurais dû me donner un coup de pied, je
t'aurais laissé la place.
M. Godin: Et vos bas nylon, eux autres? Mme Blackburn:
Non, ils sont indémaillables.
M. Godin: Alors, Mme Labory, M. Clarke et Mme Horinstein, moi, je
viens d'une région et d'une ville où il y avait un
bibliothécaire fantastique que tout le monde a connu au Québec,
Marcel Panneton, qui est le créateur, je pense, du Bibliobus qui, dans
ma région de la Mauricie, se promène de village en village et
ça m'étonne toujours, mais, en tout cas, je trouve ça en
même temps remarquablement prometteur, que, quand le Bibliobus arrive,
mettons, à Champlain où habite ma mère, il y a toujours
une file de gens à la porte du Bibliobus. Et c'est la même chose
dans chaque village que le Bibliobus franchit.
À Trois-Rivières, cette semaine, il y a la Semaine
mondiale de la poésie. Moi, je pense qu'il y a un lien absolument direct
entre le travail de Marcel Panneton comme bibliothécaire, sa passion du
livre et sa passion d'initiation des jeunes aux livres. Et, dans cette
ville-là, cette semaine même, alors que nous siégeons
à la commission de la culture, il y a des poètes qui viennent de
cinq, six pays pour parler de poésie à des milliers de
Trifluviens, les citoyens de la ville. L'Université de
Trois-Rivières est spécialisée en poésie. Donc,
tout ça pour vous dire à quel point j'admire et j'aime les
bibliothécaires parce que ce sont eux qui fournissent aux auteurs, dont
je suis, leur pain quotidien, maintenant et dans l'avenir, parce que, au fond,
chaque bibliothèque, chaque bibliothécaire développe des
lecteurs futurs, des emprunteurs de livres, et je ne puis qu'endosser votre
proposi- tion, Mme Labory, que chaque bibliothèque publique se dote d'un
bibliothécaire, d'un conservateur qui bâtirait la
bibliothèque un peu comme une pyramide de la culture, ce qui ferait que,
qu'on s'intéresse à quelque sujet que ce soit, on trouverait dans
la bibliothèque ce que l'on veut qui alimenterait notre goût de la
culture, ce qui fait des populations des gens qui sont disponibles et ouverts
aux idées, à la beauté des textes classiques et autres. Et
si des auteurs comme Michel Tremblay, Yves Beauchemin, Ariette Cousture peuvent
vivre de leur plume et vivre largement, quasiment aussi bien que Wayne Gretsky
ou Guy Lafleur, toutes proportions gardées, c'est parce qu'il y a eu et
qu'il y a encore, au Québec, des bibliothécaires, des
bibliothèques qui font aimer et lire les livres. Et par effet...
Le Président (M. Doyon): En conclusion, M. le
député, s'il vous plaît. (12 heures)
M. Godin: Alors, je pense que mon message est passé
à l'intention de mes tuteurs et parrains, M. Clarke, Mme Labory, Mme
Horinstein. Merci d'être venus nous dire ce que vous aviez à nous
dire et je vous assure, quant à moi, que je vais me battre à vos
côtés et avec la ministre pour que les bibliothèques, au
Québec, se développent, soient équipées des
meilleurs bibliothécaires possible qui, eux, en retour, feront de la
bibliothèque, comme j'ai dit, une pyramide de culture pour initier les
jeunes - parce que c'est là que la clé de l'avenir se trouve -
à la passion de la lecture, qui est la vraie passion, à mon avis,
peu importe l'âge qu'on ait.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je vous remercie,
premièrement, de votre présence. Deuxièmement, fait
encourageant, le ministre de l'Éducation était avec nous, il y a
15 jours, constatant la pauvreté des bibliothèques scolaires et
promettant pour 1992, d'ailleurs, d'y remédier. Alors, c'est
déjà ça. Évidemment, le rapport Sauvageau, loi,
tout est là, tout est prêt; il faut s'asseoir avec les maires.
Et un message aussi à la députée de Chicoutimi: Mme
la députée, votre maire est venu ici en disant: On ne veut pas,
on ne veut pas. Bien, il faudrait élever aussi votre maire; nous autres,
on est prêts avec la bibliothèque de Chicoutimi; le maire a
certaines réticences. Alors...
Le Président (M. Doyon): Non, le débat ne pourra
pas s'engager là-dessus. Il reste maintenant à la
présidence à vous remercier et à vous permettre de vous
retirer. Merci beaucoup d'être venus nous entretenir. Merci.
S'il vous plaît! L'heure est maintenant
venue d'entendre les représentants de l'Association
littéraire et artistique internationale. Je pense qu'ils sont dans la
salle. Je les invite à bien vouloir s'avancer et à prendre place
à la table ici, qui est devant moi. A l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Association. Je les invite à se présenter, très
brièvement, de façon à ce que le Journal des
débats puisse en faire état, et, ensuite, à nous faire
la présentation qu'ils ont à nous faire pour que nous puissions,
les membres de la commission, engager la conversation avec eux. Vous avez donc
la parole; veuillez vous présenter, s'il vous plaît.
M. Nabhan (Victor): M. le Président, Mme la ministre, M
mes et MM. les députés, nous sommes très heureux
d'être parmi vous aujourd'hui et vous remercions de l'occasion qui nous
est présentée pour vous faire part de nos vues sur le rapport
Arpin.
Je me présente, je m'appelle Victor Nabhan, je suis
président de l'Association littéraire et artistique
internationale, section Canada; à mes côtés, à ma
droite, Mme Elisabeth Schlittler, qui est un membre de notre bureau
exécutif, administratrice, et, à ma gauche, M. Nelson Landry, qui
est vice-président de notre Association pour le Canada.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
ALAI Canada
M. Nabhan: Merci. Eh bien, je ne m'attarderai pas, M. le
Président, sur la présentation de l'ALAI. Le mémoire que
vous avez reçu vous énonce dans les détails quels sont les
buts et objectifs de cette Association. Sachons, de façon très
brève, que nous existons depuis 15 ans au Canada, que nous faisons
partie d'une association internationale qui a plus de 100 ans d'existence et
que notre but, notre objectif est d'assurer la promotion des principes de la
survie et de la sauvegarde du droit d'auteur tant sur le plan national
qu'international. C'est la raison pour laquelle notre mémoire, compte
tenu des objectifs que nous poursuivons, en tant qu'association, va se limiter
dans son contenu à prendre position sur les aspects du rapport Arpin qui
touchent à la politique du droit d'auteur.
Ceci étant dit, il est évident que l'ALAI, comme groupe,
s'associe d'emblée aux préoccupations fondamentales du rapport
Arpin et souscrit à ses objectifs généraux visant à
dégager une politique dans le but de renforcer la culture et les arts au
Québec, sans toutefois que l'on se prononce sur les moyens pour y
parvenir.
Nous tenons aussi, dès l'abord, à spécifier que nos
commentaires et observations que nous formulons lors de ce rapport sont
reliés aux questions de fond qui touchent au droit d'auteur,
indépendamment du contexte constitutionnel dans lequel ces questions
peuvent être débattues. Ainsi, à titre d'illustration, nous
soulignons que ce mémoire ne contiendra aucune prise de position sur
l'opportunité d'un rapatriement de la compétence
législative sur le droit d'auteur au Québec, dans le cadre d'un
remaniement constitutionnel éventuel. Cependant, il est bon de souligner
que, si cette hypothèse vient à se réaliser, il faut avoir
à l'esprit la nécessité, pour toute législation
émanant du Québec, de présenter un minimum de
cohérence et d'harmonisation, tant avec celle du Canada, pour des
raisons évidentes, qu'avec les conventions internationales existant en
ce domaine. La raison est très simple, c'est que les oeuvres de l'esprit
ont la vocation de voyager, de circuler et, par conséquent,
pénètrent de plus en plus des marchés internationaux,
lesquels marchés exigent et stipulent qu'il y ait un minimum
d'harmonisation dans les législations qui existent.
Deuxièmement, toujours en guise de liminaire, ce mémoire
ne prendra pas non plus position sur les champs d'intervention possibles du
gouvernement du Québec dans le cadre constitutionnel qui prévaut
actuellement dans notre pays.
Donc, nos remarques vont porter essentiellement sur les recommandations
34 à 37 du rapport Arpin, qui sont les recommandations qui, comme on le
sait, traitent plus spécialement des questions et entrées au
droit d'auteur. Pour plus de commodité, ce que nous nous sommes
proposés de faire, c'est de les prendre une à une et de les
analyser chacune consécutivement.
Tout d'abord, la recommandation 34. Eh bien, notre Association approuve
et appuie pleinement le principe que le droit d'auteur, et je cite, "qui
représente une partie importante du revenu des créateurs et des
artistes continue à faire l'objet de travaux et de décisions des
gouvernements" et "qu'à cette fin le gouvernement du Québec fasse
les représentations auprès du fédéral pour que soit
revue la loi du droit d'auteur, devenue inadéquate". Ce passage que je
viens de lire était tiré, quasi textuellement, du rapport
Arpin.
Nos commentaires là-dessus sont les suivants. Effectivement, La
loi sur le droit d'auteur a déjà fait l'objet, en 1988, de
modifications importantes qui ont amélioré quelque peu la
situation. La révision qui était entreprise à
l'époque n'a pas été complétée, n'a pas
été menée à bonne fin. Il y a encore des choses qui
restent à être élucidées et nous estimons que,
compte tenu des retombées positives dont pourraient
bénéficier, notamment, les créateurs
québécois suite à la modernisation de la loi, le
gouvernement du Québec a intérêt, effectivement, à
user de son influence auprès de l'interlocuteur fédéral
afin d'obtenir que le processus de révision soit mené à
terme dans les meilleurs
délais.
Quant à la recommandation 35, là aussi, notre Association
approuve pleinement la teneur de cette recommandation. Il nous paraît, en
effet, tout à fait normal et souhaitable que le gouvernement du
Québec ainsi que les divers paliers gouvernementaux au Canada puissent
conformer leur action respective aux préceptes qu'ils prescrivent pour
autrui. À cet égard, l'ALAI remarque que le gouvernement du
Québec peut se flatter d'avoir, jusqu'à ce jour, fait montre
d'une ouverture d'esprit louable envers les principes du droit d'auteur.
L'adoption, notamment assez récente, d'une politique d'acquisition et de
gestion des droits d'auteur au sein de l'appareil gouvernemental
témoigne de cette attitude généreuse et de cette attitude
d'ouverture.
On peut se demander, cependant, si un effort supplémentaire ne
devrait pas être fait pour que le gouvernement du Québec, et je
cite ici le rapport Arpin, "donne l'exemple dans les dispositions qu'il prend
pour assurer le respect des droits d'auteur dans son organisation et dans celle
des réseaux parapublics". Ainsi, à titre d'illustration, on peut
s'interroger si les pratiques de reprographie qui sont accomplies au sein de
l'administration publique ne devraient pas donner lieu à une
rémunération équitable. Il s'agit là, encore une
fois, simplement d'un exemple. À notre sens, les pratiques
gouvernementales, dans leur ensemble et en général,
méritent d'être scrutées au peigne fin.
La recommandation 36 qui, elle, comporte plusieurs sous-recommandations.
Tout d'abord 36a. L'ALAI approuve la recommandation visant à ce que le
gouvernement prenne toutes les mesures afin que "la protection des droits
d'auteur [...] reflète les changements technologiques". Cependant,
l'ALAI voudrait souligner le caractère ambigu et vague de la formule
"prenne toutes les mesures". Par ailleurs, l'ALAI croit devoir attirer
l'attention sur la propriété des mots "les droits de suite"
utilisés dans cette recommandation. En effet, il semble bien que ce qui
est visé par cette recommandation, si l'on réfère à
la page 96, dernier paragraphe, du rapport qui semble soutenir cette
recommandation, soit "le droit de suite", c'est-à-dire le droit pour un
artiste de tirer profit des ventes successives de son oeuvre d'art.
La recommandation 36b. L'ALAI approuve aussi la teneur de cette
recommandation. Les droits voisins ainsi que la reconnaissance des droits sur
la copie privée ont été instaurés dans plusieurs
législations modernes sur le droit d'auteur. Les nouvelles utilisations
d'oeuvres, suite au développement technologique, imposent
l'établissement de ces droits au Canada.
En outre, il y a lieu de considérer sérieusement la
reconnaissance et l'introduction d'un droit de location commerciale. Dans
beaucoup de cas, notamment dans le cas des disques compacts, des logiciels, on
sait très bien que la location est le prélude d'une reproduction
privée qui est illicite.
L'ALAI recommande donc que ces droits soient instaurés selon un
régime qui tienne compte des répercussions monétaires au
plan des échanges internationaux.
La recommandation 36c. L'ALAI soutient pleinement cette recommandation.
Nous favorisons, effectivement, que le Canada puisse adhérer à la
Convention de Berne dans sa version la plus récente.
Et la recommandation 36d, finalement. Compte tenu du rôle
important joué par les sociétés de gestion, tant pour les
créateurs que pour les usagers, d'ailleurs, celles-ci doivent être
encouragées dans leur naissance et leur fonctionnement.
Ainsi, l'ALAI approuve cette recommandation qui tend, et je cite
"à soutenir le travail des sociétés collectives de gestion
qui administrent les droits d'auteur".
Il est cependant important peut-être d'ajouter que la
spécificité de chaque sphère d'activité devrait
être religieusement respectée. Ainsi devrait être
écartée toute tentative d'immixtion indue de l'État dans
le secteur privé, sous forme d'imposition d'une société de
gestion unique au Québec. La diversité des sociétés
est dictée par la variété des secteurs où elles
interviennent et correspond donc à la pratique internationale, nationale
ainsi que québécoise.
Outre les recommandations du rapport Arpin sur lesquelles je me suis
étendu, l'ALAI s'interroge si le gouvernement du Québec ne
devrait pas songer à favoriser une réglementation
particulière des contrats afin d'instaurer un meilleur équilibre
entre les producteurs et les créateurs, les investisseurs et les
créateurs et de corriger peut-être certains excès ou
certaines pratiques abusives qui ont cours jusqu'à ce jour.
Le présent mémoire se contente de soulever ce dernier
point sans se prononcer, encore une fois, sur le palier au niveau duquel cette
réglementation pourrait s'effectuer, compte tenu de certains
problèmes constitutionnels qui peuvent y être inhérents. M.
le Président, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Nabhan. M. Landry, Mme
Schlittler, bienvenue. Vous tombez bien et j'avais hâte, d'ailleurs, de
vous voir aujourd'hui parce que nous avons eu certains groupes, dont la SPACQ,
avec M. Plamondon, avec lequel nous avons discuté justement de ce droit
d'auteur versus le copyright. Et ce n'est pas évident comme loi. C'est
une loi quand même assez compliquée et c'est enchâssé
dans la Constitution fédérale, d'ailleurs, que c'est le
gouvernement fédéral qui s'occupe de toute la
question du droit d'auteur. Mais, selon la SPACQ, entre autres, on nous
dit qu'il serait beaucoup mieux d'avoir une véritable loi sur le droit
d'auteur versus une loi sur le copyright; que la loi sur le droit d'auteur est
beaucoup plus, je dirais, en accord avec notre tradition juridique versus le
copyright tel qu'il existe présentement. Et j'aimerais que vous nous
disiez quelle différence fondamentale vous voyez entre les deux et si
c'est juste, cette affirmation-là, n'étant pas experte. (12 h
15)
M. Nabhan: Merci, Mme la ministre. Vous savez, au printemps
dernier, j'ai été invité à donner un cours de
doctorat à Montpellier, un cours de droit comparé sur les
diverses conceptions et approches copyright versus droit d'auteur. J'y ai
passé cinq semaines et je n'ai pas encore épuisé le sujet
lors de ce séjour. Rassurez-vous, quand même, je ne me propose pas
de vous garder là-dessus jusqu'à la fin de la semaine. Je vais
tâcher, autant que faire se peut, de vous présenter, sous forme de
capsules, si vous voulez, ou de pilules faciles à avaler et à
assimiler, quelques principes généraux qui font en sorte que
circule, dans certains cercles dits généralement bien
informés, cette opposition entre les deux systèmes du droit
d'auteur et du copyright.
Pour schématiser les choses, encore une fois, nous partons de la
notion d'oeuvre de l'esprit, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Selon les
systèmes d'obédience au droit d'auteur, l'acte de création
est protégé, l'oeuvre est protégée en raison d'un
acte de création émanant d'une personne bien spécifique et
l'accent est mis, dans la protection, sur le lien étroit qui existe
entre l'oeuvre et l'auteur. J'illustrerai ceci par des exemples tout à
l'heure. Par contre, d'après la conception dite du copyright, ce qui est
protégé essentiellement est l'oeuvre, encore une fois. Mais,
l'oeuvre étant considérée, si vous voulez, comme une
espèce de bien économique au même titre que n'Importe
quelle autre marchandise qui peut circuler librement, l'accent n'est pas autant
mis sur les liens étroits qui existent entre le créateur et sa
création ou sa progéniture, à savoir, en i'occurence,
l'oeuvre.
Voilà, si vous voulez, les deux affirmations de principe. Mais
qu'est-ce que ça veut dire en pratique? De quelle façon est-ce
que les deux systèmes s'opposent ou se différencient l'un de
l'autre? Eh bien, à divers égards. Si on considère le
système du droit d'auteur où, encore une fois, il y a une
relation étroite entre l'auteur et l'oeuvre, cela peut se traduire par
un certain nombre de règles, dont j'énumérerai, si vous
voulez, les principales, et qui sont les suivantes: tout d'abord, le droit
d'auteur ou la propriété intellectuelle sur l'oeuvre appartient
en tout état de cause à l'auteur. C'est-à-dire que la
question n'est jamais remise en cause. Ce qu'il est convenu d'appeler la
titularité des droits appartient d'emblée à l'auteur.
Celui-ci peut, s'il le veut bien, par contrat, céder ou autoriser autrui
à exploiter, etc., mais nul ne songe à croire qu'une autre
personne que lui puisse être titulaire des droits d'auteur dès la
création de l'oeuvre. Ça, c'est une première
manifestation.
Sur ce sujet-là, le système du copyright est beaucoup plus
nuancé. En droit de copyright, si vous êtes dans une relation
employeur-employé, par exemple - et ce n'est qu'un exemple, il y en a
d'autres - les droits d'auteur appartiennent, dès le départ,
dès la création de l'oeuvre, à l'employeur. Donc, vous
voyez ici que le lien étroit qui existe entre le créateur et la
création est distendu, et ceci, pour des raisons économiques ou
autres. On imagine que, parce que l'employé doit loyauté, doit
ses services à l'employeur, tout ce qu'il a produit, y compris la
propriété intellectuelle, devrait appartenir à
l'employeur. Ça, c'est un premier élément.
Un autre élément, toujours ce lien étroit.
D'après le système des droits d'auteur, nous avons ce que nous
appelons les droits moraux. C'est-à-dire que c'est un ensemble de droits
qui n'ont pas des retombées pécuniaires immédiates, si
vous voulez, et qui ont pour objet, principalement, de protéger la
personnalité de l'auteur: par exemple, le droit de signer, le droit
d'obtenir crédit pour l'oeuvre qu'il a créée, de voir son
nom apposé en relation avec l'oeuvre qu'il a créée.
Deuxièmement, le droit de divulguer. Si l'auteur estime que ce
qu'il a produit n'est pas de qualité suffisante, alors même qu'on
a pu lui commander l'oeuvre en question, il peut dire: Non, je ne permets pas
qu'elle soit diffusée parce qu'il y va de ma réputation, il y va
de ma personnalité.
Troisièmement, la possibilité de s'opposer à toute
modification ou changement de l'oeuvre sans son consentement. Parce que changer
l'oeuvre, c'est en quelque sorte porter atteinte à la personne de
l'auteur.
Donc, voilà une série de prérogatives qui mettent
de l'avant l'importance de l'auteur. Par contre, dans le système du
copyright, sur ce pian-là, la majeure des législations qui
relèvent du système anglo-saxon, du système de la "common
law" ignoraient complètement le droit moral. C'était une notion
qui n'avait aucune espèce d'importance pour eux. Je dis jusqu'à
récemment parce que les choses commencent à changer. Je peux
multiplier les exemples... Oui, madame.
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Je vous écoute parler
et on a beaucoup parlé du système français versus le
système américain, canadien, québécois. Est-ce que,
dans une société jeune comme la nôtre, il est pensable d'en
arriver justement à cette... et ce qui est souhaitable, ça, on le
sait. Mais est-ce qu'il est réaliste de penser qu'on peut en arriver
à cette protection
qui est aussi grande, si on veut, que le droit d'auteur, dans son pur
sens, accorde?
M. Nabhan: Vous savez, je répondrai à deux niveaux.
Tout à l'heure, j'allais finir mon exposé en disant que c'est
vrai que les deux systèmes, en principe, s'opposent, mais il
n'empêche qu'en réalité il y a de plus en plus une
compénétration des deux systèmes. N'oublions pas que, que
vous soyez en France ou en Angleterre, voilà deux pays qui sont membres
de la Convention de Berne. Par conséquent, ils souscrivent à des
principes minimaux de protection qui sont communs.
Deuxièmement, on observe aussi, tant en France que dans les pays
de "common law"... En France, il y a une espèce de
pénétration de certains principes de "common law". Par exemple,
dans le domaine audiovisuel, dans le domaine de la commande publicitaire, les
droits appartiennent au producteur et non plus nécessairement à
l'auteur, pour des raisons purement économiques. Inversement,
récemment, aux États-Unis, en Angleterre, il y a des
débuts d'introduction, dans leur loi respective, de droit moral. Donc,
si vous voulez, on ne peut plus parler d'une opposition radicale et
irréductible entre les deux systèmes. Il y a une espèce
d'osmose, sans parler non plus de similarité, qui voit le jour.
La deuxième partie de votre question: Est-ce qu'il est
réaliste de croire qu'au Québec on puisse penser à une
législation, disons, hexagonale, française pure et dure? C'est
difficile de répondre de façon certaine à cette question.
Je vous donne simplement un exemple. Prenez le cas du droit moral, le droit
à s'opposer à la modification de l'oeuvre. Récemment, en
France, M. Gilles Carle, que nous connaissons tous, c'est un de nos
cinéastes dont on peut tirer fierté, s'est opposé à
ce que le film "Les Plouffe" puisse passer en deux étapes à la
télévision française et, en plus, qu'il y ait des
insertions publicitaires. Ça correspond à la législation,
à l'état d'esprit, aux pratiques françaises. Je verrais
mal, personnellement, une loi québécoise... Je peux me tromper
peut-être, mais, compte tenu de certaines pratiques qui existent dans le
domaine de la télévision, je verrais mal qu'on dise:
Dorénavant, "finito la musica, basta!", plus de publicité. Donc,
je pense qu'il faut être nuancé. C'est évident que certains
principes protecteurs ou plus protecteurs émanant d'un état
d'esprit civiliste ou européen pourraient être introduits. Je ne
pense pas qu'on puisse répondre de façon générale.
Je crois qu'il faut être pragmatique dans ces questions et y
répondre selon le domaine qui est envisagé.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Nabhan. M. le
député de Mercier, peut-être.
M. Godin: M. le Président, merci. Bienvenue messieurs et
madame, dans le parlement, à l'Assemblée nationale du
Québec. Je voudrais vous poser une question. Le gouvernement
fédéral a été abordé et est l'objet de
pressions de tous les côtés au Québec pour qu'il adopte lui
aussi une loi du statut de l'artiste et des politiques fiscales
spécifiques pour les auteurs, les créateurs. Il n'a pas
bougé, sauf qu'il a compensé en établissant une politique
qu'il appelle du prêt public, en vertu de laquelle, chaque année,
il extrapole le nombre de fois où les livres de tel auteur sortent des
bibliothèques publiques. Et, chaque année, il envoie un
chèque couvrant le montant des droits d'auteur dont l'auteur n'a pas
bénéficié, faute de ventes, mais dont il
bénéficie grâce a cette politique dans les
bibliothèques, dans les prêts.
Est-ce qu'il y a d'autres pays, à votre connaissance, ou d'autres
États qui ont des politiques semblables? Je peux vous dire que
celle-là fait l'unanimité parmi les auteurs
québécois parce que, dans bien des cas, c'est les seuls droits
que les auteurs touchent. Et comme, dans certains cas, les budgets des auteurs
ne sont pas énormes, ni leur niveau de vie, cette politique leur semble
essentielle. Est-ce qu'il y a d'autres pays à votre connaissance qui ont
de telles politiques qui sont compensatoires, peut-être, mais qui vont
dans le bon sens?
M. Nabhan: Je ne pourrais vous répondre en détail
à cette question. Je sais, par contre, qu'il existe bien des pays,
notamment en Europe, qui ont adopté des lois de prêts en
bibliothèque, de prêts de livres au public et qui prévoient
un régime d'indemnisation. Ce sont toutes des lois qui se situent en
dehors du domaine du droit d'auteur. La raison est très connue. Parce
que, si vous introduisez votre loi dans la Loi sur le droit d'auteur, vous
êtes tenu d'accorder le traitement national, par conséquent de
traiter les étrangers au même pied d'égalité que vos
propres nationaux. Et comme beaucoup de pays n'ont pas des lois de ce genre, on
a préféré légiférer pour ses propres
ressortissants. Donc, à ma connaissance, je pense qu'il existe à
peu près une vingtaine, peut-être plus, de pays. J'ai ces
renseignements quelque part, si vous le désirez, je pourrai aussi vous
faire acheminer un petit dossier d'information là-dessus. Donc, à
votre question: Oui, il existe des pays qui ont adopté, selon ce mode
d'indemnisation. En pratique, est-ce que les résultats sont meilleurs,
aussi bons ou pires qu'au Canada? Je dois vous dire, en toute
honnêteté, que je ne saurais vous donner une réponse
très précise là-dessus. Mais la question est très
facile à vérifier. Je ne sais pas si l'un ou l'autre de mes
collègues aurait plus de renseignements sur ce point très
précis.
M. Godin: Effectivement, c'est très précis.
J'aimerais donc, M. le président, que vous me fassiez obtenir,
dès que vous aurez mis la main dessus, un document qui décrit la
situation dans
d'autres pays et qui pourrait inspirer les Affaires culturelles du
Québec quand le jour viendra d'être responsable de l'ensemble des
pratiques et des politiques, dans le domaine du droit d'auteur et du livre, ce
qui ne saurait tarder.
M. Nabhan: Alors, la documentation existe et il nous fera plaisir
de vous la faire parvenir dans les meilleurs délais.
M. Godln: Je vous remercie, M. le président. Alors, M. le
Président de la commission, j'ai terminé.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, est-ce que vous voulez remercier nos
invités. Excusez-moi, pour un moment.
Mme Frulla-Hébert: Oui, parce que, justement, je discutais
avec ma sous-ministre. Il y a toute la question aussi du rapatriement de
pouvoirs versus une loi. Ça, on n'a pas eu le temps d'y toucher, mais il
va falloir... De toute façon, on va s'asseoir, nous, avec la SPACQ, tout
de suite après la commission, et il va falloir aussi regarder
l'ensemble. À cause de la loi canadienne, il faut être
extrêmement vigilant, alors on va avoir besoin de vos bons conseils.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier, un mot de remerciement. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je m'excuse.
M. Boulerlce: Je vous remercie de m'excu-ser, j'ai dû
participer aux travaux de la Chambre. Mais soyez certains que j'ai pris
connaissance de votre mémoire, et, personnellement, je souhaiterais
peut-être que l'on puisse se revoir à un autre moment. Parce que,
bon, droit d'auteur, oui, mais compte tenu des immenses changements
technologiques qui s'annoncent, je pense que les notions de droit d'auteur dans
toutes les variantes qui peuvent exister devront être scrutées
à la loupe, puisqu'il y a possibilité de pertes énormes au
niveau des auteurs et des compositeurs. Alors, c'est presque une invitation que
je vous lance ou je vous invite à m'inviter, mais, peu importe, |e pense
que ça sera très agréable de se revoir. Et, encore une
fols, excusez ma brève absence.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, M. Nabhan,
Mme Schlittler et M. Landry, il me reste, au nom des membres de la commission,
à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer et de
nous expliquer ce domaine fort complexe que sont les droits d'auteurs ainsi que
le copyright. Évidemment, il y a beaucoup qui reste à dire, mais,
le temps nous limitant, on est obligé de terminer ici nos travaux.
Je suspends donc les travaux de cette commission jusqu'après les
travaux de l'Assemblée, des affaires courantes, vers 15 h 30 cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprisée 15 h 41)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux et continue
d'exécuter le mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée.
Nous allons tout d'abord cet après-midi... Oui, M. le
député.
M. Boulerice: Sur une question de directive, là. Je vois
une lettre signée par M. Niemi, directeur général.
Ça me semble être son habitude. Il avait demandé un
rendez-vous à mon bureau et il n'est jamais venu, et puis là il
ne vient pas ici. Est-ce qu'on lui substitue un autre groupe?
Le Président (M. Doyon): Probablement qu'il savait que
vous aviez un caucus à 18 heures, M. le député. Je pensais
que c'était une intervention de votre part qui l'avait convaincu que
votre caucus passait en premier et que ça vous arrangeait en même
temps.
M. Boulerice: Non, compte tenu de l'importance que ma formation
attache à la culture, nous avons annulé le caucus pour la
culture.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Quel pouvoir!
Le Président (M. Doyon): Évidemment, personne n'est
sous serment ici, alors... Nous allons continuer quand même.
M. Boulerice: C'est un jugement, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Non, j'ai tout simplement
exprimé une généralité.
M. Boulerice: Mais, excusez, M. le Président, donc il n'y
aura pas de remplacement.
Le Président (M. Doyon): Non, non, non.
M. Boulerice: C'est-à-dire que nous ajournerons
après avoir entendu les gens du Carrefour Art et Art.
Le Président (M. Doyon): C'est ça. Ce n'est pas
plus grave que ça.
Donc, nous allons commencer par recevoir
les gens de la ville de Val-d'Or qui sont Ici. Je leur souhaite la plus
cordiale des bienvenues. Nous allons procéder comme nous l'avons fait
jusqu'à maintenant: 10 à 15 minutes pour la présentation
de votre mémoire, ou si vous voulez en faire un résumé
pendant ce temps-là, après ça, les membres de la
commission vont s'entretenir avec vous pour le reste du temps, à parts
égales. Vous avez la parole. Si vous voulez bien procéder aux
présentations, s'il vous plaît.
M. Pelletier (André): Je vous remercie beaucoup, M. le
Président. Mme la ministre, membres de la commission, j'aimerais vous
présenter, à ma gauche, ma collègue au conseil municipal,
Mme Suzanne Couture-Bordeleau, qui est responsable, à Val-d'Or, des
afffaires culturelles, et, à ma droite, le directeur des affaires
culturelles de la ville de Val-d'Or, M. Claude Paquet.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue. Ville de
Val-d'Or
M. Pelletier: La ville de Val-d'Or a répondu à
l'invitation de Mme la ministre de faire connaître nos opinions au
dépôt du rapport Arpin sur le projet de politique culturelle du
Québec.
Nous aimerions revenir sur notre mémoire, en
résumé, sur deux aspects. Premièrement, nous croyons que
la qualité de vie de nos concitoyens est intimement liée à
la qualité et au développement des activités culturelles
de notre ville. Ce sont deux choses qui vont ensemble. Et, à la lecture
du rapport Arpin, certaines craintes sur l'avenir du développement
culturel en région ont été soulevées.
J'aimerais prendre quelques minutes seulement pour situer l'importance
de Val-d'Or dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Premièrement, nous sommes une toute jeune ville, avec un peu plus de 24
000 de population, ce qui nous place au niveau de l'importance des villes de
notre région.
J'aimerais vous démontrer aussi que notre jeune ville est en
croissance au niveau de sa population dans le sens suivant: au cours des 15
dernières années, on a été la seule ville de notre
région qui a connu une courbe de croissance constante.
Géographiquement et stratégiquement, on a été
consacré porte d'entrée de la région, que ce soit sur
l'Abitibi-Témiscamingue, sur la Baie James et sur l'Ontario, pour tout
ce qui est du Nord du Québec.
Nous avons certaines particularités qui nous démarquent.
Entre autres, nos moyens de communication aérienne sont sûrement
enviables, disposant d'une facilité aéroportuaire qui nous classe
troisième après la région de Montréal-Québec
au niveau des qualités techniques de notre piste, qui nous permet, entre
autres, de recevoir des choses dans le genre de l'avion
Concorde. Nous avons aussi un service technique qui fait que les escales
d'ordre technique entre l'Europe, Chicago et Los Angeles se font à
l'aéroport de Val-d'Or avec les gros transporteurs, ce qui nous permet
d'avoir des services de communication dans ce domaine d'une manière tout
à fait privilégiée.
Au cours des sept dernières années, la ville de Val-d'Or
s'est impliquée dans plusieurs domaines, on reviendra plus en
détail au niveau culturel, mais j'aimerais vous souligner la
préoccupation de développement dans différents domaines
pas seulement en discours, mais par des budgets et des structures. Je vous
dirai qu'au niveau de l'enseignement même, parce qu'il y avait un besoin
criant, la ville de Val-d'Or a payé de deniers publics des études
pour démontrer la nécessité d'un enseignement
supérieur au niveau du cégep.
Au niveau de la santé, il y a cinq, six, sept ans, ce
n'était pas courant de voir les villes s'impliquer au niveau de la
santé et la ville l'a fait avec des deniers publics pour, entre autres,
implanter un bloc de médecine nucléaire à notre
hôpital. En région, vous savez que, malheureusement, il faut
souvent, dans tous les domaines, se débrouiller, parce que, sans
ça, on manquerait davantage de services. La ville, dans ses
développements de services, a aussi beaucoup investi dans l'industrie
sous toutes ses formes, mais aussi dans une industrrie qui n'existait pas chez
nous et qui commence à exister, c'est-à-dire le tourisme. On a
investi dans un office de tourisme et de congrès, on a investi dans un
centre de congrès et, aussi, on a rapatrié de Québec la
gestion du parc La Vérendrye qui était tout à fait dans
notre cour et qui ne se faisait pas du tout par les gens de chez nous.
Au niveau de l'environnement, nous avons été la
première ville au Québec à développer un
réseau intégré d'épuration des eaux. Ça fait
déjà 10 ans que ça marche. Et ça marche tellement
bien que plusieurs viennent visiter nos installations. Et, tout
récemment, nous avons commencé une démarche de gestion
intégrée des déchets, c'est-à-dire qu'on n'a pas
vendu rien aux États-Unis ou aux compagnies américaines. La
gestion des déchets chez nous, on la contrôle par une
décision de gestion intégrée de tout ce qu'on peut appeler
collecte sélective dans les centres de récupération qui
appartiennent aux citoyens de la ville, de chez nous.
Revenant plus spécifiquement au domaine de la culture, au cours
des 10 dernières années, la culture et aussi, un autre domaine
que j'associerai, l'environnement ont été deux secteurs
d'activité à Val-d'Or qui ont connu la plus forte croissance des
budgets. Dans les deux domaines, on a créé des structures de
développement et de protection et puis ces deux secteurs-là ont
connu la plus forte croissance des dépenses de notre ville. Et cette
croissance des dépenses nous a amenés à développer
une salle d'exposition, un
centre d'archives, un centre de musique et de danse et, actuellement,
nous sommes, en collaboration avec le gouvernement du Québec, à
procéder à un agrandissement de notre bibliothèque, un
agrandissement très considérable par rapport à ce qu'on
avait.
Nous avons, en 1987, formé une structure de services culturels
autonomes. Avant, comme plusieurs villes de notre grosseur, on avait un service
culturel et de loisirs. Depuis 1987, nous avons dissocié
complètement ces deux départements pour donner une chance
à la culture de se développer davantage et nous avons
créé une direction avec un budget bien spécifique, dont le
directeur m'accompagne aujourd'hui.
Le budget des affaires culturelles de la ville de Val-d'Or,
d'opération et non d'immobilisation, dépasse ou atteint
maintenant 1 250 000 $. C'est 5 % de la ville de Val-d'Or. En chiffres, pour
vous donner un exemple, en 1980-1981, c'était 100 000 $. Aujourd'hui, on
atteint 1 250 000 $. Et c'est ce qui nous a amenés à
développer certains établissements que je vous ai
mentionnés tantôt.
Les équipements de soutien aux organismes de la ville de
Val-d'Or. Nous avons comme équipements: la bibliothèque, la
société d'histoire. Nous avons un site historique unique qu'on
appelle "Le Village minier", chez nous, qui est un site historique
classé depuis 1980 par le gouvernement du Québec; c'est un site
historique des premières habitations de la ville de Val-d'Or et elles
sont habitées. C'est vraiment un village minier du début des
opérations minières au Québec. Elles sont faites, pour
vous imager, de bois rond extérieurement, au niveau de l'architecture,
et c'est une centaine de maisons. Ça fait une entité, ça
fait un quartier et ça représente d'une manière tout
à fait visuelle l'histoire minière du Québec. La ville
aussi, par protocole avec la commission scolaire, gère une salle de
spectacles de 788 places. Et je mentionnais aussi tantôt l'investissement
dans une école de musique et de danse.
Au niveau culturel, notre vie culturelle est complétée
chez nous d'un regain au niveau du cinéma, avec des salles de
cinéma, trois salles de cinéma tout à fait modernes, d'un
ciné-parc et d'un conservatoire de musique régional, mais aussi
du bureau régional de Radio-Québec. Les deux équipements
que je viens de mentionner, le conservatoire de musique et le bureau
régional de Radio-Québec, sont pour nous des équipements
culturels très importants dans une région
périphérique comme l'Abitibi-Témiscamingue.
Pour l'Abitibi-Témiscamingue, le Centre de musique et de danse,
c'est le débouché qui permet aux jeunes de poursuivre des
études en musique. Nous avons développé à Val-d'Or,
mais aussi dans toutes les villes de la région, des écoles ou des
centres de musique et de danse qui sont, pour imager, des écoles
primaires, des écoles secondaires à notre conservatoire qui, lui,
est comme le cégep et aussi de niveau cégep. En d'autres mots,
dans chaque ville chez nous, avec la collaboration aussi du ministère,
on a une école de musique et de danse qui reçoit 600
élèves. C'est une école populaire et elle nous appartient,
ça n'appartient pas à personne d'autre. D'autres villes ont eu la
chance de se faire donner par des compagnies certains locaux, mais, chez nous,
on a dû investir et l'Abitibi-Témiscamingue a
développé tout ce réseau-là d'écoles
populaires qui fournit une clientèle au conservatoire, chose qui
n'existait pas avant. Donc, c'est plusieurs millions qui ont été
investis par la région dans ce genre d'écoles primaires de la
musique en région. Ça donne un bon soutien, ça fournit les
élèves nécessaires au développement du
conservatoire du Québec qui est situé à Val-d'Or et qui
est un conservatoire régional. Je mets de l'emphase pour vous
démontrer que, si on a investi de l'argent, c'est qu'on croyait en cette
qualité de vie des citoyens de la région et c'est dans ce
sens-là que le conservatoire prend de plus en plus, à chaque
année, toute son importance.
Le ministère des Affaires culturelles doit garantir la
continuité des activités du conservatoire dans son mandat actuel.
Il doit continuer à lui fournir son aide, parce que c'est le
développement de tout ce qui est art musical dans notre région
qui en dépend. Nos jeunes qui passent par nos écoles populaires
doivent, comme au hockey, avoir le goût, ou le dynamisme, ou la
volonté d'aller au plus grand club qui est, dans le cas de la culture
chez nous en région, le conservatoire.
Maintenant, je vous dirai quelques mots de Radio-Québec. Nous ne
sommes que trop conscients des modifications qu'a subies Radio-Québec en
région depuis 1986. Mais, à tout le moins, cette présence
de notre télévision éducative offre un relais pour
certaines émissions - Qu'on pense aux émissions "L'Observateur",
"Feu vert" et "Québec en affaires" - et ça permet de
présenter un reflet de notre région aux autres régions du
Québec et vice-versa. Le Québec doit obtenir la
souveraineté absolue de son développement culturel. À une
période de revendication du Québec de rapatrier ses pouvoirs en
matière culturelle du fédéral, ce avec quoi nous sommes
d'accord, qu'il est important de contrôler 100 % de nos activités
et de nos outils culturels, nous croyons que Québec doit confirmer
Radio-Québec dans son mandat et lui donner le moyen de diffuser
davantage cette culture, spécialement au niveau des régions. Nous
croyons que les populations des régions peuvent se reconnaître
à partir d'émissions qui sont faites par, pour et sur les
populations des régions locales. À Montréal et à
Québec, où les réseaux de communication sont
déjà bien implantés, ça n'a peut-être pas la
même signification que chez nous. , Radio-Québec doit être
davantage le véhicule de diffusion des différentes facettes
de
notre culture régionale. Par Radio-Québec, nous voyons la
possibilité de produire réellement d'une manière
autochtone. Le Québec a une culture générale, mais chaque
région a des facettes différentes à cette
culture-là, et c'est par Radio-Québec qu'on voit la
possibilité de créer ou de diffuser cette culture vers les autres
régions et, en retour, de recevoir des autres régions
l'information culturelle diversifiée de tout le Québec.
Val-d'Or est d'accord dans ce sens-là avec la position du
Mouvement Desjardins pour demander que Radio-Québec soit appelée
à jouer davantage son rôle de locomotive, rôle qu'elle ne
semble pas encore assumer pleinement dans le paysage culturel
québécois. En particulier dans les régions,
Radio-Québec pourrait jouer un rôle important dans la valorisation
de la créativité en servant de relais culturel.
Tantôt, j'ai parlé d'un site historique qui est "Le Village
minier de Bourlamaque". J'y reviens pour seulement une ligne
supplémentaire, pour vous dire que ce "Village minier de Bourlamaque",
qui démontre vraiment l'essence de l'industrie minière, n'est pas
qu'un outil d'appartenance; ça n'appartient pas à Val-d'Or, "Le
Village minier de Bourlamaque", c'est vraiment une manière de
démontrer l'histoire minière du Québec et ça
appartient à l'ensemble du Québec. Le gouvernement du
Québec a reconnu, en 1980, et il reconnaît toujours que cet outil
appartient non pas à une ville, mais qu'il appartient à tout le
Québec, et le ministère, depuis 1980, nous aide à
gérer, sur une base annuelle, ce site historique. Je le mentionne tout
simplement pour souhaiter et souligner aux membres de la commission et au
gouvernement qu'il est important que le gouvernement du Québec continue
à être partenaire du patrimoine minier avec la ville de Val-d'Or
afin de faire rayonner l'histoire sur tout le Québec.
Toujours dans cet esprit du développement de l'histoire
minière au Québec, nous procédons présentement
à des études préliminaires sur un projet de cité de
l'or. Nous sommes à faire des études de faisabilité, aussi
en collaboration avec le gouvernement du Québec, afin de
développer toute une structure autour de l'histoire minière qui
pourrait nous amener, dans le dossier cité de l'or, à la
construction d'équipements de valorisation de toute cette histoire et
aussi à refaire une salle de spectacle. On en a une belle et spacieuse,
mais elle a été construite il y a plus de 20 ans maintenant et
nous devons, au niveau technique, reprendre ou refaire cette construction. (16
heures)
Nous aimerions dire un mot aussi sur la taxe d'amusement. La ville de
Val-d'Or demande au gouvernement du Québec de maintenir le principe de
la taxe d'amusement. Les revenus provenant de cette source servent à
alléger le fardeau des municipalités dans leurs dépenses
culturelles, une ville comme Val-d'Or étant le principal bailleur de
fonds en matière culturelle sur le territoire de notre MRC. Le
principal, c'est à peu près à 95 %, c'est la ville de
Val-d'Or qui défraie l'ensemble des dépenses de
développement culturel. Il s'agit également, la taxe d'amusement,
d'un moyen, du seul moyen dont dispose les municipalités pour faire
participer les non-résidents de cette municipalité aux efforts,
aux dépenses de développement des arts dans notre
région.
Après un an de TPS, nous pouvons affirmer que cette taxe a eu un
effet néfaste sur les consommateurs de culture dans notre ville. Une
baisse de la fréquentation aux spectacles est attribuée en large
partie à cette taxe. Nous souhaitons que le report de la TVQ concernant
les affaires culturelles le soit indéfiniment.
En conclusion et en recommandations, la principale crainte de la ville
de Val-d'Or est qu'un retrait du ministère des Affaires culturelles dans
son soutien financier aux organismes et équipements sur le territoire de
la municipalité et en Abitibi-Témiscamingue risquerait de causer
la perte ou de dégrader la vie culturelle que nous avons soutenue d'une
manière encore plus importante au cours des 10 dernières
années. Val-d'Or et l'Abitibi-Témiscamingue clament leur
spécificité culturelle et réclament l'équité
des dépenses culturelles en région. Nous demandons au
ministère des Affaires culturelles de tenir compte de nos
réalités. Que la base de calcul se fasse à partir des
populations desservies et non pas seulement locales. Je donne un exemple ici.
On est à améliorer notre service de bibliothèque et la
base de calcul d'aide n'est pas faite' en fonction de la population desservie.
On dessert quotidiennement 35 000 personnes et la base de calcul est faite
à partir de la population légale de la ville qui a
l'équipement. Et, même là, la base de calcul remonte
à il y a quelques années. On dessert 35 000 personnes du matin au
soir et notre bibliothèque est soutenue par le ministère des
Affaires culturelles sur la base d'un calcul de 22 000 personnes. En d'autres
mots, on reçoit l'aide et les pieds carrés pour 22 000 personnes
mais on en dessert 35 000. Donc, aussitôt qu'elle sera terminée,
il manquera déjà de l'espace.
Val-d'Or recommande à Mme la ministre d'opter pour une
décentralisation modulée de ses programmes, c'est-à-dire
que le ministère des Affaires culturelles déconcentre
déjà des fonctionnaires, mais qu'il ne déconcentre pas
nécessairement la confection des programmes. Les programmes ne sont pas
conçus en région. Ils sont administrés en région
par des fonctionnaires qui s'y connaissent, qui font du bon travail, mais la
conception du développement des programmes n'a pas la touche
régionale souhaitée.
La ville conclut en réitérant son intérêt
dans le maintien et le développement de la vie culturelle chez nous. Par
contre, elle ne peut assumer un désengagement brutal du gouvernement
sans un transfert complet des ressources
financières ou des mesures compensatoires
échelonnées sur une période de temps qui tienne compte de
la capacité financière de la municipalité et de la
capacité de payer de ses contribuables. Merci beaucoup, M. le
Président. MM. les membres de la commission, nous sommes disposés
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Bienvenue à
vous trois. Merci aussi d'avoir accepté l'invitation. Vous êtes,
je pense, le cinquième représentant de votre région, pour
vous dire, quand vous parlez des régions, comment elles sont actives.
Évidemment, cette représentation-là vous donne raison.
D'ailleurs, il y a un magnifique article dans le Devoir - je suis certaine que
vous l'avez vu - sur la culture en Abitibi. Alors, cette commission aura aussi
pour effet de faire parler de la culture comme jamais on n'en a parlé.
C'était l'un des objectifs.
Je veux revenir à certaines recommandations. Vous parlez d'abord
du partenariat entre le ministère et les municipalités. On a
toujours travaillé de toute façon en partenariat ensemble, ne
serait-ce que pour certains dossiers, dont les bibliothèques. Mais vous
parlez aussi d'ententes intermunicipales obligatoires. Plusieurs maires de
grosses villes, telle la vôtre, sont venus nous voir en nous disant:
C'est bien beau ça, mais, nous, on paie pour des infrastructures et
d'autres municipalités en bénéficient. Et c'est vrai,
certaines municipalités ne sont pas très riches mais pourraient
quand même contribuer au prorata de leur capacité finalement. Mais
qu'est-ce que vous voulez dire exactement par ententes intermunicipales
obligatoires?
M. Pelletier: Ce qu'on veut dire exactement - et j'y touchais un
petit peu indirectement lorsque j'ai parlé de la taxe d'amusement -c'est
que, dans le moment, c'est vraiment le seul moyen, la taxe d'amusement, de
faire payer aux non-résidents une partie du budget nécessaire au
développement des arts dans une communauté, entre autres, comme
la MRC de Vallée-de-l'Or, chez nous, parce que, au niveau des ententes,
s'il n'y a pas une forme d'obligation quelconque, il n'y a pas d'ententes. Et
on vit cette situation-là en Abitibi. Je suis convaincu qu'on la vit
partout à travers le Québec. Les ententes intermunicipales se
signent lorsque, je ne sais pas, si tu n'as pas d'entente, tu n'as pas d'eau.
Là, il se signe des ententes. Mais des ententes volontaires... Quand tu
peux avoir le service sans le payer, les humains sont humains et puis tu n'en
signes pas, d'entente. Il faudrait littéralement barrer nos
édifices culturels avec des cartes d'identification pour... On est 35
000 personnes et il y en a 24 000 qui paient les taxes du développement
culturel. Nos politiques de fusion de municipalités au Québec
sont très arriérées et, contrairement à l'Ontario,
ne favorisent pas le regroupement des communautés. Donc, on est encore,
au Québec, avec 1600 municipalités par rapport à 450 en
Ontario. Et les ententes, on serait favorables à signer toutes sortes
d'ententes, mais, nous, on a déjà le service chez nous. On
dépense déjà l'argent et les voisins qui n'ont pas
d'obligation, qui peuvent obtenir le service quand même, bien, ils n'en
signent pas d'entente.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que c'est réaliste lors
d'une table, par exemple, Québec-municipalités - parce qu'on
essaie justement de retourner à la table de négociation,
ça avait été un petit peu difficile l'année
passée - de penser qu'on puisse s'entendre en soi là-dessus et,
ensuite, le décréter? C'est-à-dire que, si tout le monde
est d'accord - ça ne sera pas tout le monde - si la majorité est
d'accord sur des ententes obligatoires, alors, à ce moment-là, on
y va avec le projet.
M. Pelletier: Depuis la réforme Ryan, moi, je n'y crois
plus à la table Québec-municipalités.
Mme Frulla-Hébert: Mais même sur des secteurs?
M. Pelletier: Bien...
Mme Frulla-Hébert: Je vous donne un exemple.
M. Pelletier: Je suis maire depuis 1980 et la réforme Ryan
a été tellement un désengagement au niveau des unions des
municipalités... J'y ai participé pendant plusieurs années
et c'est vraiment... On n'y croit plus, à la discussion sur le
développement des affaires municipales avec M. Ryan.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je peux comprendre dans certains
secteurs mais, au niveau, par exemple, de la relation affaires culturelles et
municipalités, c'a toujours été une relation qui a
toujours été très positive. Et si on se donne, comme
société finalement, l'intention de mettre la culture en
priorité, toujours selon nos moyens, selon les vôtres, selon les
nôtres, pas question non plus d'en arriver à se décharger
de nos responsabilités. C'est juste de voir si en synergie aussi on est
capables d'en faire plus. Il y a plusieurs municipalités qui commencent
à dire aussi que c'est important, ce qu'on ne voyait pas dans le
temps.
Il y a plusieurs intervenants de groupes culturels aussi qui sont venus
nous voir en disant, pas plus tard que ce matin: Pour une population de 9000,
il y a trois arenas et il n'y avait pas de bibliothèque à
l'époque. Je pense qu'on ne peut plus dire ça maintenant. De
plus
en plus, les municipalités réalisent aussi que, pour
créer un sentiment d'appartenance, ça prend une qualité de
vie, ça prend aussi certains outils et la culture est peut-être
l'outil le plus approprié. Donc, le discours, même s'il est un peu
à répéter, je pense qu'il n'est plus à faire du
début, il n'y a pas autant de pédagogie à faire. Alors,
si, dans ce contexte-là... Parce qu'il va falloir s'asseoir ensemble,
à un moment donné.
M. Pelletier: Je pense que les municipalités, surtout au
cours des dernières années, ont démontré - quand je
dis les dernières années, je veux m'attacher aux 10
dernières années - vraiment une volonté de
développer la culture locale, et régionale, et
québécoise parce que chez nous... Tantôt, je me suis
attardé à parler de chez nous, où on est parti de 100 000
$ et on est rendus à 1 250 000 $ de budget de fonctionnement de la
culture. Et ça a été semblable ailleurs. Je pense que les
municipalités ont vraiment démontré qu'elles
étaient capables de le faire et elles ont démontré
qu'elles veulent continuer à le faire. Et on a démontré
que, lorsque c'est pensé chez nous, bien des fois... Quand c'est plus
pensé chez nous, il y a plus de réussite. Lorsque ça vient
trop parachute d'ailleurs, on n'a pas le niveau d'appartenance à une
décision et ça marche moins bien. Donc, dans toute la discussion,
dans le moment, la grosse crainte, ce n'est pas que les régions ou les
municipalités ne veuillent pas continuer à développer la
culture au Québec - il y a un petit peu une crainte en toile de fond
avec le rapport Arpin, il y a toute la discussion qui est remise en question
avec le rapport Arpin et la commission actuelle - c'est que, maintenant que les
communautés ont goûté aux produits culturels, le
gouvernement se retire.
Et, au niveau des structures, quand on parlait d'une structure
Montréal-Québec et les autres, en désignant les
régions par le mot "autres", ça nous met un petit peu craintifs
et c'est dans ce sens-là qu'on parle de contrat avec le gouvernement
dans le développement de la culture. Les citoyens et les dirigeants
municipaux sont prêts à continuer le développement de la
culture, à y mettre des sous, mais en partenariat avec le gouvernement
du Québec. Et le désengagement dans bien des domaines, surtout au
niveau municipal, avec, entre autres, la réforme Ryan, pour nous autres,
c'est vraiment le désengagement et, en même temps, l'argent n'est
pas coupé, là. Moi, sur mon chèque de paie, sur mon
salaire, je paie toujours la même taxe à Québec. Mais, au
niveau local, j'en paie plus parce qu'il y a quelqu'un qui a gardé
l'argent quelque part.
En tout cas, pour faire une histoire courte, ce n'est peut-être
pas défini d'une manière précise, mais il y a une crainte
assez générale qu'au niveau de la culture on se fasse passer un
sapin comme avec la réforme Ryan.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
Mme Frulla-Hébert: Vous savez, M. Pelletier... Oui,
d'accord, mais juste pour terminer, M. le Président, deux secondes. Vous
savez, en culture, je pense qu'on a tous le même souci, il y a une
sous-capitalisation, on en est tous très conscients. Si on est ici en
commission, c'est justement pour en discuter et y apporter des changements
bénéfiques au développement. On n'est déjà
pas assez, on n'est tout de même pas pour se retirer. On appellera
ça une table collaboration-culture, pour ne pas faire
municipalité.
M. Pelletier: C'est parce qu'on avait un petit dossier, que j'ai
mentionné, Le Village minier de Bouriamaque. C'est un dossier sur lequel
on a eu un partenariat très franc avec le gouvernement depuis 1980, et
cette année, et l'an passé, les montants d'argent sont venus un
petit peu plus tard. En tout cas, on a des signes, là, que... Et ce ne
sont pas des gros budgets, là, je vous parle de 20 000 $. Mais
déjà, dans des petits budgets de même, on sent
l'hésitation. C'est pour ça que je disais que Te Village minier",
chez nous, ce n'est pas une affaire de la ville, c'est le patrimoine minier du
Québec et on ne veut pas assumer tout seuls cette
responsabilité.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe, une brève question.
M. Messier: Oui, rapidement. J'ai déjà
été un Valdorien pendant une année, 1974-1975. J'ai
été un des derniers policiers militaires à quitter la base
située dans votre localité et il semble qu'il y a eu un essor
considérable au point de vue culturel parce que, en 1974-1975, il y
avait un cinéma et trois clubs, à peu près, et mon grand
plaisir, c'était de redescendre à Saint-Hyacinthe deux fois par
semaine. Mais on voit qu'effectivement, depuis que vous êtes maire,
depuis 1980... Parce que j'imagine qu'après 1974 il a dû y avoir
des modifications.
Mais qu'est-ce qui a fait que Vat-d'Or s'est développée au
point de vue culturel comme vous l'avez fait et que, dans d'autres
municipalités similaires à la vôtre, ça ne se fait
pas? C'est quoi, votre recette? (16 h 15)
M. Pelletier: Bon. La recette a été, dès les
années 1982-1983, de commencer à encourager les gens. On a
commencé par former une commission des affaires culturelles, plein de
gens dans le public pour nous conseiller, nous faire des demandes ou nous faire
des suggestions de développement, et c'est de là qu'est venue
aussi notre structure complètement autonome. Dans les
municipalités de notre grosseur, déjà, loisir et culture,
c'était toute une entité. On a vraiment
détaché une direction qui est autonome, qui a son budget,
qui a son conseil d'administration, qui a son directeur avec du personnel. En
1986, on avait fait une consultation populaire au niveau de la ville, et
ça avait débouché sur un service culturel
complètement autonome. C'a été un bon coup d'envoi au
développement des affaires culturelles chez nous.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Messier: Juste une brève question. Les budgets de
fonctionnement, est-ce que vous payez 100 % des budgets de la nouvelle
société?
M. Pelletier: C'est un service municipal.
M. Messier: C'est un service municipal, entièrement
municipal.
M. Pelletier: C'est un service municipal.
M. Messier: Comme le service des loisirs, vous avez un service
culturel.
M. Pelletier: C'est ça.
M. Messier: Merci, monsieur.
M. Pelletier: Et il y a deux raisons bien principales: des
budgets adéquats et une structure indépendante de
développement des affaires culturelles.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le maire, Mme la conseillère
municipale, M. le directeur, mon collègue député
d'Abitibi-Ouest et moi sommes heureux de vous accueillir.
Je vais me rattacher, si vous le permettez, un peu à la question
de M. le député de Saint-Hyacinthe lorsqu'il parlait de budgets.
M. le maire, vous nous avez expliqué que votre budget avait
été multiplié par 10 en l'espace de 10 ans,
représentait maintenant 5 % du budget de votre municipalité,
progression quand même assez rapide, pourcentage intéressant qui
devrait inspirer le gouvernement. Mais comment avez-vous réussi cela
sans alourdir, si vous voulez, la charge fiscale au niveau des citoyens? 10
fois plus et 5 % du budget dans un laps de temps aussi rapproché, je ne
sais pas comment vous avez fait ça.
M. Pelletier: Premièrement, on a mis à contribution
le plus de personnes possible. On a une structure avec des permanents, mais on
a aussi plusieurs conseils d'administration bénévoles. Au niveau
de l'école de musique et de danse, les gens ont été
chercher de l'argent dans les compagnies et dans le public. Ils vont en
chercher à toutes les années et c'est une bonne partie du budget.
Je dirais que le fonctionnement de l'école de musique et de danse est
à peu près à 75 % assumé par la communauté
extérieure de la ville. La ville fournit 30 % et la communauté,
la communauté d'affaire et l'ensemble de la communauté, fournit
la différence.
C'est la même chose dans bien d'autres domaines. Et on y est
parvenu. En 1982, il y avait 100 000 $ de budget et on se faisait dire à
tous les jours que la culture, c'était toujours un déficit. Et
c'était aussi vrai à ce moment-là. Mais on a donné
des directives, puis on a travaillé pour essayer de démontrer que
la culture, ça pouvait être rentable. Et on y est arrivé.
Je vais vous donner un exemple. Nos pièces de théâtre,
toutes nos opérations de salles de spectacle s'autofinancent ou presque.
Des années, ça peut être un peu plus, des années, un
peu moins, mais, là encore, il y a plein de gens qui s'en occupent. Nos
tarifs sont de niveau pour autofinancer. On donne des bons spectacles; tous les
spectacles majeurs que vous pouvez voir ici, on les voit chez nous aussi. Et on
a une organisation, il y a un peu plus de professionnalisme dans l'approche,
puis c'est fait sur une base d'affaires davantage. La ville a été
un petit peu... En d'autres mots, on essaie de faire comprendre le coût
du service à notre population, puis la population répond bien.
Elle le paie en large partie.
On est venu à bout de financer, dans une grande mesure, nos
activités culturelles. Donc, ce n'est pas négatif chez nous. Les
gens ne voient pas la culture comme des trous financiers. Et, ça n'a pas
été non plus un fardeau au niveau du budget de la ville. La ville
de Val-d'Or, dans les 10 dernières années, a fait 8 budgets sans
augmentation de taxes. Donc, c'est faisable.
M. Boulerice: Pardon? Combien?
M. Pelletier: 8.
M. Boulerice: 8 en 10 ans?
M. Pelletier: 8 sur 10 où il n'y a pas eu d'augmentation
de taxes, et pas des "gimmicks" dans le genre de monter l'évaluation
puis des choses de même. L'an passé, les gens ont reçu une
photocopie de la facture de l'année d'avant. 11 y a eu deux
années où ça n'a pas été pareil, mais, au
moins, je pense... Et on l'a fait en développant la culture. En d'autres
mots, la culture n'a pas été un boulet. On a été
capables de vivre en développant en même temps la culture.
Je donnais un autre exemple tantôt, l'environnement. On a
été la première ville au Québec, en Abitibi, en
1980, a faire une usine puis à faire un gros développement pour
l'épuration des eaux. C'est là que ça s'est fait en
premier puis ça marche. Et, au niveau de la culture, ce qu'on a
fait à date, ça marche. On a encore beaucoup de
développement, on pourrait peut-être mettre plus d'emphase sur le
rayonnement extérieur à notre ville. Bien ça, ce sont des
questions de communication. On a d'abord voulu mettre de l'argent au niveau des
moyens de diffusion chez nous. Peut-être que ça serait bon, dans
le futur, de mettre un peu plus de moyens de communication pour faire savoir
aux autres l'importance du développement culturel chez nous, parce qu'on
s'est aperçu qu'au niveau des affaires les usines étaient tout a
fait favorables à nous donner de l'argent pour développer des
activités culturelles parce que ça leur facilitait le recrutement
de leurs employés. Donc, il y a eu un bon mariage à ce
niveau-là.
M. Boulerice: Je vous remercie. M. le Président, je pense
que mon collègue va vous demander le consentement de cette
assemblée.
Le Président (M. Doyon): Oui, est-ce qu'il y a le
consentement de cette commission pour que M. le député
d'Abitibi-Ouest puisse intervenir? Consentement, allez.
M. Gendron: Merci, M. le Président. Rapidement, moi aussi,
je veux remercier le maire de la ville de Val-d'Or, M. Paquet ainsi que Mme
Bordeleau. C'est rafraîchissant de vous entendre, mais c'est surtout
important, compte tenu de l'extraordinaire travail qui a été fait
par la ville de Val-d'Or dans le domaine culturel, de profiter de l'occasion
pour venir donner votre point de vue. J'étais ici quand la ville d'Amos
est venue. J'étais ici quand des organismes régionaux sont venus
à la commission de la culture pour souligner qu'en
Abitibi-Témiscamin-gue il y a certaines villes et il y a des instances
de nature régionale qui ont cru bon, avec raison selon moi, de
réagir - parce qu'il faut quand même situer le débat dans
le contexte - à la politique culturelle publiée dans ce qu'on
appelle le rapport Arpin.
Il est clair que, dans le rapport Arpin, il y a des orientations qui
paraissent intéressantes. Il y a du questionnement significatif, vous
l'avez évoqué d'ailleurs dans votre mémoire, mais je
tenais à ce que des intervenants régionaux... Et là j'ai
l'occasion de saluer ceux de l'Abitibi, mais j'aurais l'occasion de le faire
pour ceux d'autres régions, je leur dirais la même chose. La
dimension régionale forte dans le rapport Arpin à tout le moins
est très questionnable et elle est plutôt absente. Et pour les
intervenants régionaux, qu'ils soient au niveau des villes ou d'autres
organismes représentant des instances régionales, ce qui est
important, je pense, c'est de venir témoigner que vous avez fait la
preuve de l'intérêt aux questions culturelles. Je parie au monde
municipal. Je pense que la ministre en convient aussi, on peut bien, avec 1600
municipa- lités, rappeler qu'en 1991 il y a un certain nombre de
municipalités qui ne se comportent pas comme on le souhaiterait au
niveau culturel, mais la plupart des villes ont fait ces progrès.
Moi, je disais à la ville d'Amos: C'est extraordinaire. Puis je
suis capable de le prouver, puis vous le savez, vous les connaissez. La ville
d'Amos a fait énormément pour le développement de la vie
culturelle dans son milieu. Bon, il y a des raisons qui l'expliquent. Elle a un
passé culturel institutionnel intéressant qui l'appelait à
vivre cette vocation-là de façon un peu plus forte que les autres
villes de l'Abitibi, je pense que vous en convenez. Mais, dans les
dernières 10 années, ce sont toutes les villes de
l'Abitibi-Témiscamingue qui ont quadruplé, quintuplé,
sextuplé leurs efforts. Et l'inquiétude que vous traduisez
aujourd'hui en disant: Bien, depuis la réforme Ryan, on est très
inquiets que le domaine culturel ou le secteur culturel se voit lui aussi
délaissé par l'État québécois, moi, il me
semble que vous traduisez une préoccupation juste, honnête, et le
rapport Arpin en est imprégné. Il ne faut pas se conter des
peurs. Et c'est pour ça que, moi, rapidement, je vais poser deux
questions.
Je pense que des témoignages de régionaux, on n'en aura
jamais assez avec le gouvernement en place qui ne fait pas la preuve qu'il y a
vraiment une sensibilité par rapport à la réalité
régionale. Et ce n'est pas un reproche à la ministre des Affaires
culturelles, c'est un reproche à ce gouvernement-là. Quand un
gouvernement n'a même pas la conscience que, dans le développement
du réseau routier, on ne peut pas considérer tout le monde
pareil... La réponse du gouvernement n'a pas été
ça, c'est: Je n'ai pas d'argent puis la réforme s'applique
partout pareil. Pourtant, l'occupation du sol, ça devient une question
de gouvernement. La meilleure façon de développer le
Québec, c'est de l'occuper. Et là, avec la réforme Ryan,
on ne l'occupera plus dans le rural. C'est clair. Il y a certaines
communautés rurales qui vont disparaître. Moi, si j'avais le maire
de Normétal face à moi plutôt que le maire de la ville de
Val-d'Or, vous ne trouveriez pas, Mme la ministre, qu'il fait grand-chose dans
le domaine de la culture. Puis je le comprends. Et ce n'est pas parce qu'il ne
veut pas en faire; il est étouffé bien noir! Puis il le sera
davantage. Alors, qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse dans le domaine de la
culture? Puis, là, il est trop loin. Même si M. le maire rayonne
beaucoup, avec raison, puis qu'il y a de belles salles de spectacle et qu'il a
des belles affaires à Val-d'Or, il ne fera pas 150 milles pour aller
à un spectacle à Val-d'Or; exceptionnellement peut-être,
là, mais il n'aura pas la capacité de prendre le bien
culturel.
Deux questions, rapidement: Vous dites, M. le maire, que, selon vous, le
rapport Arpin préconise la fin du saupoudrage. La fin du
saupoudrage. À un moment donné, il y a un jugement qui
dit: On va arrêter de saupoudrer (es subventions ou les aides
financières et, vous, vous concluez, par voie de conséquence
là, que ça va contribuer à diminuer la vie culturelle en
région. Alors, moi, je pense que vous avez raison, mais est-ce qu'en
même temps, par exemple, vous ne convenez pas que l'Etat
québécois doit faire des choix culturels, y incluant les
régions? Et ça, dans certains cas, ça signifie que la
même politique de soutien aux grands centres doit également
s'appliquer aux régions. Est-ce que c'est plutôt de cet
avis-là que vous êtes?
M. Pelletier: C'est exactement de cette manière-là
qu'on voit la question du saupoudrage, dans le sens que ce qu'on a vu dans le
rapport. C'est qu'il faisait des structures différentes:
Montréal, Québec et le reste, et on s'est vus, nous autres, dans
le reste. Et je vais vous donner des exemples. Il y a l'Orchestre sym-phonique
à Montréal, puis il y a plein de théâtres à
Montréal et dans la région de Québec, mais il y en a aussi
chez nous. Et notre peur, c'est qu'à un moment donné, pour des
raisons d'économie ou lorsqu'on mettra tout le reste dans une
région, notre développement de théâtre, très,
très local, très régional, ne reçoive pas les
mêmes attentions que les développements du théâtre
dans les grands centres. On a un orchestre symphonique chez nous qui a
été mis sur pied avec beaucoup d'énergie par les gens de
la région et, là aussi, si on est mis à part des grands
centres, notre crainte est que, politiquement, numériquement, on puisse
y perdre. Et c'est dans ce sens-là qu'on voulait...
M. Gendron: O.K. Je vous remercie. Vous avez également
parlé avec raison, selon moi, de la taxe d'amusement. Vous dites:
Écoutez, on aimerait ça que le gouvernement se branche.
Le Président (M. Doyon): M. le député, le
temps passe.
M. Gendron: Oui, très rapidement. Alors, sur la taxe
d'amusement, c'est quoi le pourcentage de vos activités culturelles qui
seraient soutenues ou financées par l'apport de la taxe d'amusement, sur
une base annuelle?
M. Pelletier: Dans le moment, ça peut représenter
100 000 $.
M. Gendron: Disons 10 % du budget.
M. Pelletier: C'est ça. En d'autres mots, si, demain
matin, suite à la commission, il y avait une indication claire, cette
taxe d'amusement chez nous, elle pourrait être encore mieux
développée. Si, demain matin, on arrivait avec une politique
globale, que le gouvernement nous laissait la taxe d'amusement et qu'il se
retirait complètement d'une espèce de TVQ sur les spectacles ou
des choses semblables, on pourrait mieux encore se structurer. Dans le moment,
on n'avance pas trop dans la structure parce qu'il n'y a pas de politique
définie, là, d'une manière. On est en train d'en
discuter.
Le Président (M. Doyon): Merci. Quelques mots de
remerciements, l'un de vous deux.
M. Gendron: Oui, M. le Président, membres de la
commission, je l'ai dit, je tiens à remercier M. le maire, Mme Bordeleau
et M. Paquet de leur bonne contribution. Je pense qu'au-delà des
questions qu'on a pu poser - parce que c'est court - vous avez produit un
mémoire de qualité, un mémoire qui témoigne du
succès culturel que vous avez obtenu dans votre communauté et
j'espère qu'il sera très instructif à la ministre des
Affaires culturelles et qu'il permettra de retenir certains
éléments de suggestions très pertinents pour faire grandir
davantage non seulement ta vie culturelle, mais ces éléments de
support qui sont nécessaires si on veut que ça rayonne dans
toutes les communautés régionales. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour, M. le maire,
de me joindre à mon collègue pour vous remercier. Justement pour
vous rassurer - parce que j'ai un peu la somme des investissements chez vous -
vous savez, on est très conscients aussi de la particularité des
municipalités et des régions dites plus éloignées,
de l'accessibilité. Alors, quand vous parlez de relaxer un peu la
normalisation au niveau des programmes, normes pour tous et pour tout le monde,
en fait c'est l'objectif. C'est vraiment un des objectifs majeurs aussi de
cette politique, que, justement, il n'y ait pas tout pour tout le monde,
c'est-à-dire que ce soit aussi approprié aux différentes
régions. Là-dessus, je veux vous rassurer. Encore une fois, pas
question qu'on ne s'implique plus, au contraire, mais il s'agit de travailler
dans un meilleur partenariat pour que notre création, nos artistes
eux-mêmes aussi en aient plus. Alors, merci. Merci d'être
venus.
Le Président (M. Doyon): M. le maire, Mme la
conseillère, M. le fonctionnaire municipal - je ne sais pas quel titre
vous donner - c'est à mon tour de vous remercier, au nom des membres de
la commission, d'être partis de Val-d'Or pour venir ici. Je sais que ce
n'est pas à la porte et je vous souhaite un bon retour. Merci beaucoup
de votre visite.
M. Pelletier: Merci, M. le Président et membres de la
commission.
Le Président (M. Doyon): Au revoir. J'invite maintenant
les représentants de l'École d'architecture et de paysage. Je
suspends les travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M. Doyon): Donc, c'est au tour de
l'École d'architecture et de paysage de nous entretenir. Je vois qu'ils
sont déjà en avant. Je leur souhaite la bienvenue.
Avant de procéder, j'aimerais avoir le consentement de cette
commission pour que M. Khelfa, qui n'est pas avec nous, puisse être
remplacé, particulièrement ce soir, par M. Gautrin qui
présidera la commission à ma place étant donné que
je dois m'absenter. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Boulerice: En délibéré.
Le Président (M. Doyon): Qui ne dit mot consent.
M. Boulerice: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Je prends ça pour un
consentement. Merci. Merci beaucoup.
Donc, bienvenue aux gens de l'École d'architecture et de paysage.
Je les invite à nous entretenir rapidement de ce qu'ils veulent
soumettre à cette commission pour que les membres puissent discuter avec
eux le temps qui sera nécessaire. Alors, si vous voulez bien vous
présenter.
M. Poullaouec-Gonidec (Philippe): Merci, M. le Président.
Je vais donc commencer par présenter les délégués
de l'École d'architecture de paysage. Avant de commencer à
présenter les délégués de l'École
d'architecture de paysage, j'aimerais juste vous mentionner que le titre, c'est
bien École d'architecture de paysage et non pas "et de paysage".
Le Président (M. Doyon): Ah! de paysage.
M. Poullaouec-Gonidec: Donc, nous représentons une seule
école et la seule école québécoise d'architecture
de paysage au Québec.
Le Président (M. Doyon): II y avait une erreur sur mon
texte, c'est corrigé.
École d'architecture de paysage
M. Poullaouec-Gonidec: Merci beaucoup. Mme Judith-Anne Epstein
est professeure invitée à l'École d'architecture de
paysage, anthropologue et ethnologue sur les paysages; à ma gauche,
M. Peter Jacobs, qui est professeur titulaire à l'École
d'architecture de paysage de l'Université de Montréal et
spécialiste du développement viable et moi-même, directeur
de l'École d'architecture de paysage et plasticien en environnement.
Avant de commencer à décrire l'exposé, j'aimerais
remercier le président, la commission parlementaire sur la culture et
Mme la ministre de nous avoir invités à échanger sur la
proposition de la culture et des arts au Québec.
Pour faciliter la compréhension des propos qui vont suivre entre
moi et mes collègues, j'aimerais définir succinctement la notion
de paysage et la notion d'architecture de paysage. Je pense important de
pouvoir commencer par définir ces termes-là pour bien comprendre
la portée des recommandations que nous formulons auprès de la
commission. Pour nous, le paysage, c'est l'étendue de pays qui nous
entoure. C'est une entité spatiale cernable parce qu'elle a un sens
particulier pour un individu, un groupe ou un pays. L'architecture de paysage,
c'est l'art de faire, de reconnaître, de rendre visible, de mettre en
valeur le paysage urbain et rural. Donc, avec ces deux
définitions-là, nous espérons pouvoir bien comprendre et
vous faire comprendre quelle est la portée de nos propos.
Je vais, dans un premier temps, vous donner un résumé
d'une partie des recommandations sur le champ de pratique de l'architecture de
paysage pour, ensuite, laisser la parole à mes collègues avant la
période de questions.
Je ne vais pas reprendre les principaux objectifs que vous avez lus dans
le mémoire que nous avons soumis à la commission. Nous sommes ici
pour réaffirmer ces principaux objectifs dans l'énoncé,
mais on peut rassembler ces principales recommandations-là,
spécifiques, en deux points essentiels. Ces deux points sont les
suivants: premièrement, la reconnaissance de la pratique de
l'architecture de paysage par le ministère et que celui-ci
déclare cette pratique comme une production culturelle
d'intérêt public. Ça, c'est donc la première
recommandation essentielle, à nos yeux. La seconde, c'est la
reconnaissance du paysage comme une ressource culturelle à part
entière. Donc, nos attentes envers le ministère des Affaires
culturelles se situent à ces deux niveaux et elles doivent induire des
mécanismes tangibles de soutien de la part de celui-ci.
Je vais énumérer, donc, les principaux mécanismes
qui ont trait à la pratique de l'architecture de paysage au
Québec avant d'aborder la reconnaissance du paysage comme une ressource
culturelle. Donc, nous retenons trois mécanismes ou trois
recommandations essentielles qui soutiennent la reconnaissance de la pratique
de l'architecture de paysage au Québec. La première est de
stimuler la création et d'assurer une relève en architecture de
paysage, exemple, par des programmes en éducation para-universitaire ou
préuniversitaire, par
des concours, par des prix, mais aussi avec la collaboration du
ministère de l'Éducation du Québec.
Deuxièmement, promouvoir la création en architecture de
paysage. La pratique de l'esthétique est l'une des dimensions
clés de la profession et il ne faut pas l'oublier. Et je pense que le
rapport de la commission sur la culture et les arts semble quelque peu oublier
cette dimension. L'art des jardins est la preuve d'une pratique
esthétique, donc d'une pratique culturelle. Le beau pittoresque, le
sublime sont des notions inventées par les paysagistes au XVIIIe
siècle et constamment utilisées. La mise en scène, la
narration, l'esthétique environnementale constituent les composantes
majeures de notre art de faire des paysages dans une société
postmoderne. Donc, il est important de reconnaître la portée
culturelle et le geste créatif de cette pratique au Québec. Il
faut donc que le ministère reconnaisse l'aspect créatif de la
profession et qu'il développe des mesures qui ne vont pas à
l'encontre de sa mise en valeur.
Le troisième point important, pour nous, qui concerne toujours la
pratique de notre profession, est de promouvoir et de diffuser la production en
architecture de paysage pour communiquer et faire rayonner la pratique tant sur
le plan national qu'international. Il faut donc développer l'implication
auprès des médias, promouvoir les travaux auprès des
différents organismes et susciter et soutenir des expositions. Donc, ces
trois points-là résument un peu les moyens qu'il faut
entreprendre par le ministère.
Et, maintenant, je laisse la parole à Mme Epstein qui va prendre
le relais pour nous parler des moyens pour reconnaître le paysage comme
une ressource culturelle au Québec. Merci.
Mme Epstein (Judith-Anne): Oui. Donc, j'enchaîne d'une
façon que je vais essayer de faire la plus concise possible. Tout ce qui
concerne les mécanismes que nous recommandons au ministère des
Affaires culturelles d'appliquer pour que le paysage soit reconnu comme
ressource culturelle, et là je me réfère donc au point 5
du mémoire que vous avez lu où il est signalé que les
paysages québécois restent à qualifier et qu'ils
constituent un patrimoine culturel à conserver. Donc, à ce sujet,
nous émettons une recommandation de fond qui est une recommandation
globale, que je vais vous exprimer textuellement.
On suggère la création de mesures et de moyens tangibles
pour reconnaître la valeur des paysages québécois comme
patrimoine culturel et pour assurer leur développement et leur
conservation. Ces mesures et ces moyens s'intégreraient dans une
véritable politique des paysages définissant les modalités
de reconnaissance, de développement et de gestion du patrimoine paysager
rural et urbain au Québec, dépassant ainsi la seule prise en
compte des paysages naturels comme patrimoine. Et là je me
réfère à une partie du rapport Arpin,
précisément à la page 163, où il est fait
très explicitement référence au paysage comme patrimoine,
mais toujours dans le sens de paysage naturel, comme patrimoine naturel. Donc,
l'idée d'une politique de paysage serait, au départ,
d'élargir cette notion aux paysages ruraux et urbains d'une façon
plus vaste. Et là je vais vous donner de façon assez concise les
points principaux de cette politique du paysage, donc les recommandations
principales.
Premièrement, il s'agirait de développer des recherches
visant à reconnaître et à définir les
caractères et les qualités spécifiques des paysages locaux
- je précise bien locaux et j'insiste bien là-dessus - et ces
recherches peuvent être organisées sous forme de programmes de
recherche impliquant des ethnologues ou des sociologues, enfin des
spécialistes en sciences humaines qui ont les compétences pour
pouvoir cerner les spécificités des paysages locaux en les
qualifiant de façon fine par observation des pratiques et des
savoir-faire locaux et des cultures traditionnelles ou de ce qu'il en reste,
justement, parce qu'il s'agit bien de cela, de conserver ce qu'il reste de
pratiques locales.
Et là je voudrais juste faire allusion au fait que le
ministère de la Culture en France, donc l'équivalent du
ministère des Affaires culturelles au Québec, a lancé
depuis quatre ou cinq ans des programmes sur le thème spécifique
du patrimoine paysager dans le cadre de la mission du patrimoine
ethnologique.
Ces programmes de recherche valoriseraient et prendraient en compte
aussi, de façon primordiale, les compétences des architectes
paysagistes dont l'expertise s'applique aussi à définir les
caractères locaux des paysages de façon spécifique, aussi
bien les paysages urbains, ruraux et les jardins, mais aussi les paysages et
les marques du patrimoine industriel.
Toujours dans le même cadre de recherches, on peut envisager des
collaborations avec des organismes publics, le ministère des Affaires
culturelles, par exemple, les universités, les organismes de
financement, et aussi des financements privés. Un des buts de ces
travaux serait de déterminer les zones plus vulnérables à
protéger et à mettre en valeur aussi bien en milieu rural
qu'urbain.
La deuxième recommandation serait de faire un inventaire des
paysages comme biens culturels méritant classement et conservation et,
là-dessus, on peut en reparler, si vous voulez, lors du débat qui
va suivre.
Ensuite, il s'agirait de repenser aussi les critères de
définition de l'esthétique des paysages et les critères de
définition des mesures de conservation et de mise en valeur, en
particulier de dépasser la notion, qui est très couramment
utilisée, qui est celle de l'harmonie et du pittoresque, essayant
d'affiner les critères de
valorisation des paysages et de conservation en se rapprochant le plus
possible des caractères locaux et des savoir-faire locaux.
Le quatrième point de cette politique du paysage concernerait la
sensibilisation de la population par l'intermédiaire des médias
et par une diffusion locale, régionale, nationale et aussi
internationale des actions du patrimoine culturel en matière de paysage,
donc des actions de recherche, des actions de qualification des paysages, donc
faire connaître à l'échelle régionale et
internationale ce qui se fait. Et là je pense, au niveau du paysage
local, à la création, par exemple, d'écomusées ou
de musées qui valoriseraient les savoir-faire de maintien du paysage,
les savoir-faire traditionnels et aussi les formes d'esthétisation et de
valorisation locale. Bon, c'est un exemple des possibilités.
Ensuite, le cinquième point serait de repenser la fonction du
paysage comme valeur marchande, c'est-à-dire de mieux gérer les
retombées économiques locales comme le tourisme et la
villégiature, en ayant un rôle de guide et de contrôle sur
les développements et en les situant sur le long terme par opposition
à des intérêts économiques immédiats.
C'est-à-dire que le ministère des Affaires culturelles a un
rôle de supervision et de contrôle vis-à-vis des
aménagements qui se font dans des paysages aussi bien ruraux qu'urbains,
avec une vision, comme je dis, à long terme.
Et le sixième point est spécifiquement de valoriser la
responsabilité du ministère des Affaires culturelles
vis-à-vis des autres ministères et des autres institutions,
gouvernementales et régionales, comme organisme spécialisé
susceptible d'identifier et de gérer le paysage comme bien culturel,
donc de mettre en valeur les compétences du ministère des
Affaires culturelles dans ce domaine-là. Et ça rejoint le point
que je vous avais dit tout à l'heure, avoir un rôle de supervision
en ce qui concerne la gestion des paysages dans les différents domaines.
(16 h 45)
Là, je voudrais juste signaler un point important, c'est qu'il me
paraît important que le ministère des Affaires culturelles
s'implique dans le domaine des caractères culturels des paysages parce
qu'à ma connaissance ce champ est dominé par des recherches
financées par Hydro-Québec qui étudie les impacts des
équipements sur les paysages et sur les perceptions locales. Mais le
problème des recherches d'Hydro-Québec, c'est qu'elles n'ont pas
de visées de développement économique local; elles restent
orientées vers l'implantation d'équipements. Donc, le
ministère des Affaires culturelles pourrait jouer un rôle dans la
reconnaissance et la mise en valeur des paysages, qui s'ouvrirait vers la
collectivité.
D'autres remarques que je vous fais très rapidement avant de
passer la parole à notre troisième collègue, c'est
l'urgence d'agir. Ça, je pense que vous en êtes conscients.
Prévenir la détérioration et la perte du patrimoine
paysager en prenant des mesures assez rapides, donc prévenir la perte
des savoir-faire traditionnels et, d'une façon générale,
l'appauvrissement du cadre de vie culturelle. Et le deuxième point,
c'est d'avoir une vue à très long terme, que j'ai
déjà mentionné à un moment de mon propos.
Donc, si des mesures ne sont pas prises rapidement, dans 20, 50 ou 100
ans, on court vraiment des risques d'une perte radicale de la mémoire
spécifiquement locale et d'une perte des marques traditionnelles de
l'identité des territoires. Je pense que, là, vous en êtes
tous très conscients, et ça figurait tout au début du
rapport Arpin, à fa page 39, où les paysages étaient
mentionnés comme les miroirs de l'identité culturelle
régionale du Québec. Donc, il y a le risque de la banalisation de
l'espace québécois, le risque de ne pas optimiser le
développement économique de la région, le risque
d'invasion de friches dans les espaces agricoles en proie à la
"déprise" et, en milieu urbain, le risque de voir s'étendre des
zones à l'abandon, des quartiers qui tombent en désuétude,
effet de la "déprise" économique et des
déséquilibres socio-économiques. Donc, tout ça,
c'est des risques qu'on court si on ne prend pas en main une gestion des
paysages.
Une dernière remarque que je vais faire très rapidement
aussi, c'est qu'un atout du Québec, de mon point de vue, est de ne pas
encore être trop touché par le développement et de
conserver encore des espaces relativement traditionnels. Et, à ce titre,
il a l'atout de pouvoir prendre des mesures en ce qui concerne les paysages en
évitant les erreurs qui ont été faites dans d'autres pays
plus développés, plus peuplés, qui appliquent des
politiques de patrimoine paysager depuis plus d'années et qui ont fait
des erreurs du genre ville-musée, espaces paysagers rendus beaucoup trop
touristiques et beaucoup trop figés et qui sont maintenant
disqualifiés et critiqués, aussi bien par les populations locales
que par les touristes, par leur aspect surfait et artificiel. Donc, le
Québec, qui pourrait prendre en main ses paysages maintenant, pourrait
éviter de tomber dans ces pièges-là, de créer des
paysages-musées, et avoir à ce titre un rôle novateur dans
la gestion des paysages. Sur ce point, je passe la parole...
Le Président (M. Gobé): Vous ne le pouvez pas,
madame, parce que le temps est maintenant écoulé.
Mme Epstein: Ah!
Le Président (M. Gobé): Mais peut-être que,
si vous pouvez, en quelques minutes, résumer succinctement votre
pensée, on peut faire une petite dérogation. Mais très
rapidement, monsieur, car nous sommes tenus à une règle quand
même assez...
M. Jacobs (Peter): Oui, je comprends.
Le Président (M. Gobé): ...pas trop stricte, mais
quand même assez rigide.
M. Jacobs: Ce ne sera pas la première fois...
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, allez-y
quand même, mais très rapidement, je vous prierais.
M. Jacobs: ...que je me trouve dans une telle situation.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement.
M. Jacobs: Effectivement, je n'ai qu'un ou deux points à
faire. Je ne sais pas combien parmi vous ont eu la chance d'assister, au
Musée des beaux-arts à Montréal, à l'exposition
"Les années 20". C'est une excellente exposition, je la recommande
fortement.
Le leitmotiv de cette présentation était l'art pour l'art.
En effet, on assistait à un genre de révolution dans laquelle les
références et historiques et de lieux ont été mises
en question. Selon moi, on est de nouveau devant un genre de questionnement
assez profond concernant le rôle du paysage dans notre
société.
Nous avons assisté à ce qui est appelé la crise
environnementale. De plus en plus, je suis convaincu que la crise
environnementale est plutôt une crise de paysage. Le mot
"environnemental" étant conçu un peu trop comme des composantes
biophysiques, le mot "paysage" est plutôt porteur de charges
socioculturelles également. Il me semble important que l'idée de
développement viable - et maintenant je parle de l'avenir, - soit
conçue comme étant un concept qui Incorpore et les forces
biophysiques et les forces socioculturelles, mais surtout les forces de nos
valeurs. Et c'est là où je considère que l'intervention
que font ceux qui aménagent les paysages, à la fois sur le plan
de la réhabilitation, de la restauration et des nouveaux paysages qui
sont à concevoir, participe dans des actes profondément
culturels. C'est dans ce sens-là, je pense, que les actes de traitement
de paysage sont des actes qui sont, finalement, des actes culturels beaucoup
plus qu'ils ne sont des actes à caractère biophysique ou
socioculturel. Ils sont les deux. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, monsieur.
Je demanderais maintenant à Mme la ministre de bien vouloir prendre la
parole. Madame.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Jacobs, M. le directeur et
Mme Epstein. Je vous remercie d'être venus ici, à la commission,
parce que, évidemment, ce n'est pas, pardonnez-moi l'expression, usuel,
ce n'est pas de notoriété spontanée le fait de dire: Bon,
oui, parfait, dans une politique culturelle... ou même à
l'intérieur du ministère des Affaires culturelles, à date,
on n'y avait pas ou presque pas touché, à moins qu'on ait des
arrondissements naturels... Alors, vous apportez un élément
nouveau à notre attention, un élément qui se doit,
puisque, quand vous pariez justement de paysage... et vous faites
référence aux grands architectes paysagers en paysage de France
et aussi partout en Europe, en Angleterre, etc., mais ici ce n'est pas
évident. Je vois mon collègue lever le bras; on ira ensemble.
Une voix:...
Mme Frulla-Hébert: Et vous aussi. Ceci dit, il y a deux ou
trois questions que je voudrais vous poser d'abord. Je vais revenir à la
notion d'arrondissement naturel versus paysage. Nous, on classe nos
arrondissements naturels. Alors, quelle est la différence, pour vous,
entre les deux?
M. Jacobs: En effet, un arrondissement naturel, lorsqu'il est
conçu comme étant la protection de la nature telle quelle, on
peut le comprendre comme étant une réserve écologique, un
arrondissement naturel et autres. Il a une charge et une portée qui est
essentiellement de la conservation. Un paysage de patrimoine, je peux vous
citer un exemple, il y en a un ici, les Champs de bataille. Il y en a d'autres,
le Mont-Royal, l'île Sainte-Hélène, qui sont des oeuvres
d'architectes de paysage qui ont remodelé un paysage, qui l'ont
chargé avec une portée culturelle. Lorsque nous avons
travaillé, par exemple, sur l'arrondissement de Mont-Royal, pour
protéger le paysage il fallait l'entourer des règlements qui ne
portent que sur les bâtiments. Autrement dit, le trou dans le beigne
n'était tout simplement valable qu'en fonction de la protection de
l'enceinte du patrimoine bâti. Ce que nous vous proposons, c'est qu'il
faut apporter autant de valeur au paysage qui est le parc Mont-Royal, comme
exemple, que nous allons en apporter aux bâtiments qui l'entourent.
Tandis qu'une réserve écologique a sa valeur en tant que
témoin des forces naturelles en tant que telles, sans qu'elle doive
être changée ou remodelée le moindrement. Mais il y a une
différence.
Mme Frulla-Hébert: Je comprends.
M. Poullaouec-Gonidec: Je veux juste aussi ajouter un point. En
définissant, donc, son paysage, il faut qu'on définisse aussi les
principes esthétiques, c'est-à-dire que, lorsqu'on ne se base pas
sur des critères architecturaux, donc la pierre ou le bois, on se trouve
donc à cerner l'étendue de pays, qui est le paysage, à
travers des principes esthétiques, et là je réfère,
juste-
ment, donc, à l'arrondissement naturel où on dit des
principes esthétiques, tels le pittoresque ou autres. Je pense que l'on
doit développer davantage cette notion de principes d'esthétique
et dépasser ce qu'on a toujours eu au Québec, la notion de
pittoresque; aller au-delà de ça, au deçà du
pittoresque.
Mme Epstein: Au Québec et en France. M.
Poullaouec-Gonidec: Et en France, oui.
Mme Frulla-Hébert: Le temps nous presse. Je veux revenir
à la notion ou à votre définition au niveau du 1 %. Votre
position est surprenante quand on la lit comme ça, parce qu'on a eu
l'Association des architectes, par exemple, qui, eux, nous demandent
d'encourager à ce qu'on retende, évidemment, encore plus et qu'on
incite le privé à se joindre à ce programme-là.
Mais vous semblez réticents versus le 1 %.
M. Poullaouec-Gonidec: Mais, pour nous, le 1 % nous pose un gros
problème, parce que le 1 %, tel qu'il est véhiculé par le
ministère, est copié aussi par, maintenant, les villes, comme la
ville de Montréal. On demande à un artiste d'agir sur un espace
qui est l'espace de l'architecte paysagiste principalement, c'est-à-dire
l'environnement des édifices publics. Et le fait que l'on demande
à un artiste de faire une oeuvre dans un espace extérieur nous
met directement en compétition. Et, de plus en plus, dans les
aménagements que l'on fait dans le cas du 1 %, l'architecte paysagiste
devient l'encadreur de l'oeuvre d'art. Je pense qu'en élargissant la loi
du 1 %... et ça dépend dans quel sens vous voulez
l'élargir. Est-ce que vous voulez l'élargir pour donner, pour
faire passer le statut d'artiste à un statut d'aménagiste? Si
c'est le cas, nous, ça nous confronte directement. Je pense que nous
revendiquons le droit de créer des paysages de plein droit et de ne pas
être un encadreur d'art public, et ça, je pense que c'est
important. Lorsqu'on vit, et actuellement on le vit, M. Peter Jacobs et
moi-même. À la ville de Montréal, lorsqu'on fait une place
publique et lorsque, dans la place publique, on intervient avec le 1 %, c'est
l'oeuvre d'art qui légitime l'espace et non pas le geste paysager.
Alors, nous, ce qu'on vous demande, c'est soit de nous donner des outils
identiques aux artistes ou de changer la loi.
Mme Frulla-Hébert: Si, au niveau du 1 %, par exemple -
ça, ça n'a jamais été conçu... Quand on
parle de l'élargir, c'est-à-dire qu'on va encourager - bon,
évidemment, comme vous dites - d'autres à justement y participer.
Mais est-ce qu'à ce moment-là on pourrait considérer le 1
%, l'élargir en fonction de la clientèle qui pourrait s'y...
M. Poullaouec-Gonidec: Tout à fait. Je pense qu'on
peut...
Mme Frulla-Hébert: C'est plus dans ce sens-là,
hein?
M. Poullaouec-Gonidec: Oui. Moi, je pense qu'on est prêts
à accepter qu'on puisse participer au 1 %, nous-mêmes, tout comme
les artistes. À mon avis, c'est donc une des avenues. Je vous
réfère juste à une nouvelle qui est passée dans
Le Devoir durant l'été. Votre ministère
lançait un concours, un concours d'art public, réservé aux
artistes, pour l'aménagement d'un jardin à l'hôpital de
Laval et, dans le programme du concours, c'était explicite que
c'était un programme d'aménagement paysager et non pas d'oeuvre
d'art. Donc, là, je pense qu'à la fois vous nous invitez à
faire partie du programme, mais aussi à nous méfier du programme
que vous véhiculez dans votre politique.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Vous avez
terminé, je crois? M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous passe la parole. Si vous voulez gagner
votre voyage en Italie avec madame, je vous encouragerai à être
sympathique.
M. Boulerice: Oui, parce que je ne crois pas qu'on avait
engagé des jardiniers, mais plutôt des artistes pour les faire.
C'est une opinion personnelle; vous n'êtes pas obligés de la
partager. M. Poullaouec-Gonidec, Mme Epstein, M. Jacobs, c'est quelques
questions, mais de préférence un débat que j'aurais
aimé avoir avec vous, mais enfin. Il y aura toujours une occasion de se
reprendre. La meilleure question que je pourrais vous poser - et ça,
c'est pour valider si j'ai bien compris votre intervention - alors la question
que je vous poserais: Est-ce que vous étiez partie prenante, est-ce
qu'on vous a consultés, est-ce qu'on a lu ce que vous avez
déjà écrit, est-ce qu'on vous a déjà permis
d'exprimer votre pensée, quand on a fait, à Montréal, des
choses comme la place Roy, au coin de Saint-André et Roy, le nouvel
aménagement du parc Lafontaine - vous allez me dire que je suis
ethnocentrique, que je ne pense qu'à ma circonscription - et l'autre
exemple que je pourrais vous donner, où là je m'interroge, ce
trou béant qui existait et qui était le "square" Berri-UQAM,
où là il semble qu'on plante. de petits arbres et qu'on pile de
petits blocs de béton?
M. Poullaouec-Gonidec: Là, vous touchez un point sensible,
parce que M. Peter Jacobs et moi-même, nous sommes les concepteurs de
place Berri.
M. Boulerice: Oui, mais attention. Répondez aux
premières et on ira à place Berri.
Ha, ha, ha!
M. Pouilaouec-Gonidec: Pour répondre directement à
votre question qui concerne la consultation, non, enfin, nous n'avons pas
été consultés pour ces deux concours. Mais il ne faut pas
oublier une chose, c'est que, là, on parle de la ville de
Montréal. La ville de Montréal construit ses parcs et ses jardins
elle-même, par le module des parcs. Depuis deux ans, la CIDEC, qui est
donc un service de la ville de Montréal, a lancé une politique
d'art public et c'est dans le cadre de la politique d'art public que l'on voit
ce qui se passe à la place Roy et que l'on voit ce qui se passe aussi au
parc Lafontaine et à la place Berri. Donc, je pense que la ville de
Montréal a voulu prendre les éléments du 1 % du
ministère des Affaires culturelles du Québec et a voulu
l'appliquer en milieu urbain, et on s'aperçoit que son application rend
caduque, à mon avis, l'excellence des lieux et aussi rend caduque
l'intervention de l'architecte paysagiste, pleinement, en milieu urbain. (17
heures)
M. Jacobs: Juste un autre petit commentaire. Il ne faut pas le
voir nécessairement de façon exclusivement négative. Il y
a un processus d'apprentissage qui se fait par rapport à tout nouveau
programme et je constate que si, au début, même à la ville
de Montréal, il y avait d'abord l'aménagement d'une place et,
ensuite, un acte artistique implanté là-dedans, au moins, ce qui
était vrai pour deux ou trois des premiers gestes, maintenant, on
assiste de plus en plus à un genre de collaboration entre les
aménageurs et les artistes, ce qui est, d'après moi, une voie
très prometteuse. Ce qu'il faut éviter, c'est d'insister de sorte
qu'un s'impose sur l'autre ou inversement. Ça, c'est peut-être une
autre partie de la politique de 1 % qui mérite d'être quelque peu
révisée. Il faut faire appel à un partenariat entre
plusieurs actes artistiques, y compris celui de l'aménagement, pour
qu'ils soient harmonisés.
Le Président (M. Gobé): Vous vouliez parler?
M. Poullaouec-Gonidec: Oui, pour ajouter à ce
commentaire-là. Je pense qu'il faut, évidemment, voir la pratique
de l'architecte de paysage en milieu public comme pouvant faire partie d'un
groupe qui est composé d'artistes, d'urbanistes, d'architectes,
d'architectes paysagistes. Mais je reviens à dire qu'il faut quand
même laisser la chance aux architectes paysagistes de prouver qu'ils sont
des véritables créateurs.
M. Boulerice: Comme on me fait signe, je ne pourrai pas engager
la polémique sur la place Berri, mais, enfin, on pourra la faire...
Écoutez, si vous êtes allés à Berri, vous connaissez
forcément mon quartier. Vous ne trouvez pas que c'est une espèce
de "free for all", si je peux employer cette "locution latine"? N'importe qui
fait n'importe quoi. Essayez de trouver le fit conducteur, essayez de
trouver un certain minimum d'homogénéité comme on peut
voir dans bien d'autres endroits du monde, vous n'en trouverez pas. Et vos
collègues d'architecture, point, sont venus ici demander une politique
nationale d'architecture, ce à quoi je souscris entièrement. Je
veux dire, c'est affreux actuellement à Montréal. Je vous le
répète, on fait n'importe quoi, n'importe comment, etc. Ce n'est
pas le bâtiment qui anime la rue. Il n'y a absolument rien. Qu'est-ce
qu'il faudrait? D'une part, je pense que vous souscrivez à une politique
nationale d'architecture, mais est-ce que, d'après vous, elle devrait
englober les trois éléments qui sont, d'une part, le vôtre,
l'architecture de paysage, le design et l'architecture, j'allais dire,
"propre"? Mais, enfin, il ne faut pas prendre les mots au pied de la lettre.
Parce que, comme je vous le dis, j'ai l'impression qu'on n'arrivera à
absolument rien d'authentique et d'original. Nous ne serons que des pastiches
et des calques ou de basses imitations mal fabriquées, enfin un petit
peu un Hollywood en "plywood", comme je disais par dérision.
M. Jacobs: Nous avons perdu, en quelque sorte, l'art de faire
construire des villes. Je pense que votre commentaire est quelque peu le reflet
d'un manque de cohérence sur le design urbain. Les objectifs qui visent
un design urbain, qui sont, par exemple, la convivialité, le respect du
patrimoine culturel et naturel, et d'autres, font appel à une politique
intégrée, comme vous avez proposée, pas d'architecture,
mais de l'architecture, d'architecture de paysage, d'immeubles urbains, de tout
ce que vous voulez qui portent sur le plan public, afin de faire effectivement
élever, comme dans le passé, des quartiers vivants, vitaux,
conviviaux, etc. Dans votre quartier, nous assistons à une
transformation très importante et nous sommes très proches de
cette transformation. Évidemment, il y a des changements qui nous
semblent peut-être moins cohérents qu'on n'aurait pu
l'espérer. Je pense que l'idée d'une politique qui porte non
seulement sur le design urbain, mais également sur le design rural, tous
les paysages qui nous entourent, c'est vraiment à l'ordre du jour. Je
pense que votre intuition, si vous voulez, est tout à fait correcte.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Poul-laouec, vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Poullaouec-Gonidec: Oui, je veux ajouter. On n'a pas eu le
temps d'en parler beaucoup, mais Mme Epstein a mentionné la
nécessité d'une politique de paysage et je pense que c'est
vraiment le second point essentiel que nous voulons faire valoir auprès
de la commission, c'est-à-dire de lancer des programmes de recher-
che qui visent à caractériser des paysages qui,
actuellement, n'ont pas le statut de paysage. On a un espace
québécois, mais on a très peu de paysages au
Québec. Je pense qu'on a un rôle à jouer, nous,
l'École d'architecture de paysage, comme centre de recherche. Nous
sommes un centre de recherche actif; on a un rôle à jouer comme
vous, comme partenaire. Je pense qu'il faut rapidement, avant que la situation
se dégrade plus qu'elle n'est dégradée actuellement, par
la "déprise" agricole, par un tas de phénomènes de
banlieue, qu'on arrive donc à caractériser ce qui n'est pas, pour
l'instant, caractérisé. Et on est prêts à jouer ce
rôle-là avec vous, donc on est un partenaire
privilégié pour vous et on espère avoir, de votre
côté, une entente formelle, j'espère.
Le Président (M. Doyon): En conclusion,
peut-être?
M. Boulerice: Je crois que le Président va me demander de
conclure. Je vous ai dit, à l'entrée - et je ne fais pas injure
à qui que ce soit qui est intervenu avant vous: C'est un discours neuf,
un discours inusité, qu'on n'attendait pas, mais qu'on est très
heureux d'accueillir, ma collègue, Mme la ministre, et moi. Donc, je
vous remercie de nous avoir sensibilisés à cette
dimension-là. Je ne veux pas me mettre en concurrence, mais, par la
nature des choses, j'ai commencé à me sensibiliser moi-même
et je pense que je vais vous réquisitionner bientôt pour une
revitalisation du centre-sud avant que l'on meure de laideur. Ha, ha, ha! C'est
d'ailleurs Raoul Castro, l'architecte, qui disait que, quand c'était
laid, il n'y avait pas de démocratie possible.
Le Président (M. Doyon): Et il savait de quoi il
parlait.
Une voix:... et plus beau. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Effectivement. Le beau pourrait être Bofill
et questionnable. Alors, je vous remercie beaucoup, professeur Jacobs,
professeure Epstein et vous, M. Poullaouec-Gonidec.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, même chose pour moi. Je me
joins à mon collègue et aux membres de la commission pour vous
remercier. Effectivement, c'est un discours neuf. On l'avoue, on le dit. Vous
avez laissé une phrase qui est très vraie: On a beaucoup
d'espace, mais on n'a pas, justement, vraiment d'architecture paysagiste en
soi, et c'est vraiment à y penser. Et Dieu merci que vous soyez venus
parce que, honnêtement, on n'y aurait probablement, peut-être
même pas pensé. Alors, on va travailler avec vous et on va voir ce
qu'on peut faire ensemble. Merci.
Une voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Alors, comme vous voyez, votre
passage ici a été fort fructueux. Nous vous remercions au nom des
membres de la commission.
M. Poullaouec-Gonidec: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Bon voyage de retour. Merci
d'être venus nous voir.
J'invite maintenant, sans plus de délai, les gens de Carrefour
Art & Art à bien vouloir s'avancer.
À l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant que nos
invitées, Mme Carmel Desrosiers et Mme Christine Rioux, sont
installées, je leur souhaite la bienvenue. Elles sont avec nous depuis
un moment déjà. Elles savent comment nous procédons. Je
les invite à se présenter, à s'identifier pour que nous
puissions savoir, lors de la transcription des discussions, qui nous parle.
Elles disposent d'un temps de 10, 15 minutes pour nous faire part de leur point
de vue sur la politique proposée et, après ça, nous allons
engager la discussion avec elles. Vous avez donc la parole. Veuillez vous
présenter, s'il vous plaît.
Mme Desrosiers (Carmel): Bonjour. Je suis Carmel Desrosiers.
Mme Rioux (Christine): Je suis Christine Rioux.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenues.
Carrefour Art & Art
Mme Desrosiers: Nous sommes coprésidentes de Carrefour Art
& Art et la raison pour laquelle on a demandé à être
entendues à cette commission, c'est parce qu'on est une très
petite compagnie de diffusion en arts visuels. Cette compagnie a vu le jour par
une évaluation du domaine des arts visuels, le réseau
étant, en général, constitué des musées et
des galeries. Notre concept s'appuie sur une constatation: le fait que les
institutions, le réseau habituel est fréquenté par
à peu près 20 % de la population. On a voulu élargir la
possibilité de diffusion dans le domaine des arts visuels en allant sur
le terrain directement, c'est-à-dire dans des lieux de vie, les lieux de
vie étant des restaurants, des halls d'hôtel, des lieux comme des
petites entreprises, de telle façon que les gens, dans leur milieu de
vie, puissent avoir accès aux arts visuels.
D'autre part, ça donne un lieu de diffusion à autre chose
que des installations, c'est-à-dire des tableaux, des sculptures qui,
par ricochet, font appel au cadre de vie habituel des gens dans leur milieu
naturel, leur maison, leur bureau.
Christine va vous expliquer un peu avec des exemples le travail qu'on a
effectué et on voudrait toucher les points suivants: la diffusion,
c'est-à-dire être vu, la communication en arts visuels,
c'est-à-dire l'éducation et la compréhension, et aussi
l'apport transculturel, c'est-à-dire la diversité de
représentation.
Mme Rioux: O.K. Un des constats que nous avons faits, c'est que
notre culture est en transformation. C'est clair que les changements
technologiques, le bouleversement au niveau des communications, l'immigration
et son apport transculturel, les transformations sociales - qu'on constate
seulement le travail des femmes - et la mondialisation des échanges font
que notre paysage culturel est en complet bouleversement.
Depuis 1986, Art & Art s'est constitué comme un concept, mais
comme une petite entreprise, aussi, de diffusion dans les arts visuels. Notre
orientation a clairement été de sortir des sentiers battus,
d'aller rejoindre les gens dans le milieu où ils sont, où ils
vivent et d'organiser des expositions collectives à l'intérieur
de ces lieux publics pour permettre aux gens d'entrer directement en contact
avec les oeuvres d'art. Depuis cinq ans, notre bilan se situe à une
trentaine d'expositions d'une durée d'environ un à trois mois, la
présentation de 65 artistes et on a évalué qu'on a
touché environ 382 000 personnes. Petite entreprise, petite
énergie, petit budget, gros impact.
Notre organisation ne s'est pas seulement située au niveau de
l'exposition. Ce que nous avons fait, c'est que, dans notre réflexion,
dans le concept d'amener les arts où les gens sont, de permettre au
monde d'entrer en contact avec les arts, on a aussi organisé des
ateliers de sensibilisation à l'art, ce qu'on a appelé
l'art-salon. On a réalisé que les gens étaient
intéressés à l'art, étaient curieux par rapport aux
arts visuels, mais qu'il y avait beaucoup de peurs, de mythes et qu'il fallait
leur donner la chance d'exprimer leurs réserves, leurs craintes et
répondre à ces questions de base que les gens se posent: Pourquoi
une oeuvre est-elle encadrée? etc., le genre de question très,
très simple. L'expérience a été très
concluante. On a reçu des groupes d'infirmières qui, après
ça, nous ont dit qu'elles sont allées pour la première
fois dans une galerie parce qu'elles n'avaient plus peur de rentrer dans une
galerie. Donc, imaginez que le problème est très sérieux
parce que les gens ont des peurs, ont des craintes.
On a aussi organisé des événements
multi-disciplinaires, parce que ce n'est pas seulement d'organiser des
expositions, mais il faut aussi amener les oeuvres dans un milieu bouillant
d'interventions. Un exemple, en 1987 - c'est ça - on a organisé,
dans le cadre du festival "Présence d'une autre Amérique", des
soirées de poésie dans le cadre d'une exposition où il y
avait des artistes venant de l'Amérique du Sud, de l'Amérique
centrale, qui étaient ici et qui vivaient ici, qui travaillaient chez
nous, mais qui n'avaient pas la possibilité d'aller dans des galeries,
qui n'avaient pas la possibilité d'aller dans les musées et
encore moins dans les maisons de la culture. Ces gens-là ont pu
présenter leurs oeuvres, se faire connaître et ça a permis
des choses très heureuses. On a de ces artistes-là qui sont
entrés en contact avec d'autres artistes, qui travaillent maintenant
dans des ateliers avec d'autres artistes québécois. On peut
souligner qu'on avait fait une demande, dans le cadre de cette
expérience-là, pour le programme Mise en marché de l'art.
Tout ce qu'on a reçu comme écho, c'est une demande apeurée
d'un fonctionnaire du gouvernement, qui nous a demandé de
spécifier que les gens avaient bien leur visa d'immigrant reçu ou
étaient bien des réfugiés politiques, parce que, dans le
fond, lorsqu'on s'appelle Juan Raggo, on n'est peut-être pas
nécessairement un Québécois. Donc, on a répondu
à la claque, on a écrit une lettre en certifiant que toutes ces
personnes-là, hé oui! étaient bien des
Québécois qui habitaient ici, qui étaient des artistes et
qui avaient des choses à présenter. (17 h 15)
On fait aussi un travail d'encadrement au niveau des jeunes artistes. Ce
travail-là est très important parce que les jeunes artistes n'ont
pas de débouchés. On vit un cercle vicieux malheureux. On a
très peu de galeries. Les musées sont bloqués avec des
budgets, et ci et ça, on achète peu d'oeuvres d'art de nos
artistes. On a beaucoup d'artistes, et une des choses qui est extraordinaire au
Québec, c'est le potentiel de création et le travail des artistes
d'ici. On a travaillé avec des jeunes artistes, on leur a permis
d'être vus, d'être connus. On les a fait cheminer, on leur a permis
d'entrer dans des galeries. Certains maintenant sont au Musée des
beaux-arts; d'autres ont pu, grâce à notre travail, participer
à des concours, gagner des prix, aller exposer à New York.
Présentement, au moment où je vous parle, il y a un de nos
artistes qui est à la biennale de l'estampe et du papier, à
Valparaiso, au Chili. Donc, on a fait tout ce travail-là pour permettre
et encourager les jeunes artistes a être vus, à être connus,
et on a pu, je pense, atteindre un rayonnement international avec ces
artistes-là.
Bilan de nos contacts avec le ministère des Affaires culturelles:
quatre demandes d'aide pour le programme Mise en marché de l'art, une
demande d'aide à l'exportation, une demande spéciale d'aide
ponctuelle pour la réalisation d'un catalogue. Bilan: aucune aide,
aucune subvention.
Donc, je pense que sans l'aide, sans les subventions du gouvernement, on
a quand même réussi et permis à beaucoup de gens de
connaître nos artistes et de voir ce qu'ils ont.
Les commentaires des fonctionnaires sont très éclairants.
Les fonctionnaires nous ont dit qu'on avait d'excellents artistes, que
c'était un concept très intéressant, très
prometteur, extraordinaire, mais qu'on n'était pas dans le bon
réseau. Il ne fallait pas exposer dans des lieux publics. Il fallait
avoir une galerie. On leur a dit: Est-ce que vous voulez avoir un numéro
de porte? C'est ça que ça vous prend pour avoir la
légitimité et la validité de notre travail? Et on s'est
fait dire en plus que, bon, évidemment, les collectionneurs, au
Québec, il y en avait très peu parce que, pour être
collectionneur, il fallait acheter des oeuvres au-dessus de 5000 $. Les
artistes, quand ils commencent, ils ne vendent pas leurs oeuvres 5000 $. Les
artistes ont besoin d'être vus. On a un cul-de-sac important ici. Si on
ne se pose pas des questions majeures sur la diffusion, on va voir, dans notre
contexte, de plus en plus de galeries fermer parce que les gens qui ne
connaissent pas les artistes ne sont pas intéressés à
aller les voir. Il faut faire connaître les artistes au public. Et les
pauvres galeristes essaient de toutes leurs forces d'amener le public à
aller voir les oeuvres, à aller acheter des oeuvres. Mais, comme les
gens ne les connaissent pas, ils n'y vont pas, ils ont peur d'y aller. Donc, on
se retrouve avec des galeries qui ferment, des galeries qui font faillite, des
oeuvres d'artistes coincées avec les galeries.
Mme Desrosiers: Alors, pour nous, ce qui est important de vous
faire valoir, c'est que, jusqu'à maintenant, notre concept s'est
appuyé sur le besoin d'être près des artistes, près
du public, pour répondre à un besoin qui est identifié et
auquel on répond d'une certaine façon. Ce qu'on doit vous dire,
c'est qu'au début, quand on a commencé à inviter les
artistes à exposer avec nous dans les restaurants, ils étaient
très réticents. Ils ont commencé par dire: Aïe! nous
autres, on va descendre de notre piédestal, on ne s'en va pas là.
Après cinq ans, cette semaine, on a dit à un artiste qu'il serait
peut-être admis pour exposer en solo dans une maison de la culture et il
nous a répondu: Qu'est-ce que ça va me donner de plus? il n'y a
personne qui va là. Alors, on voit le cheminement qui s'est
accompli.
On sait bien que tout ça, ça doit exister, mais ce qu'on
demande pour nous, c'est une reconnaissance au niveau de la perception du
travail qu'on accomplit, qui est un travail de base, de fond, qui fait partie
du réseau, d'une certaine façon, même s'il n'est pas admis
comme étant dans le grand réseau, avec un grand R, et que c'est
une approche innovatrice qui permet vraiment aux artistes... Et tous les
artistes nous disent maintenant: Lâchez pas! lâchez pas! continuez!
Sauf que continuer, ça signifie continuer à ne pas avoir de
subventions, à être toujours... Jamais on s'est payé un sou
là-dedans. On le fait par... On nous dit: Vous êtes des
missionnaires. On le sait, mais il en faut. Mais, quelque part, on se dit que
ce travail de fond doit être connu quelque part et que les artistes,
avant de passer à un autre niveau, ils doivent commencer à
être vus quelque part. Étant vus chez nous, ils arrivent
déjà avec un c.v. où il y a déjà quelque
chose dedans et ils sont repêchés par les galeries,
repêchés par d'autres lieux de diffusion. Et c'est ce
travail-là qu'on souhaite qu'il soit reconnu et ce qu'on veut faire
valoir aussi, c'est qu'à travers ces expositions et à travers
cette éducation du public on a amené des gens à acheter
leur première oeuvre. Acheter une première oeuvre, c'est
difficile. Quand on en achète une première, on passe souvent
à d'autres. Mais, avant que les gens sachent et voient que c'est
possible pour eux et que ce n'est pas toujours pour les autres, il faut aller
les voir où ils sont. Et c'est ça qu'on voulait, en fait, vous
faire valoir aujourd'hui.
Mme Rioux: Peut-être un dernier commentaire. Il faudrait
comprendre une chose très importante. Moi, je suis un peu tannée
d'entendre les artistes dire: Je vais m'en aller à Toronto, je vais m'en
aller à New York. On pense qu'on va avoir un drainage de cerveaux, mais
on est en train d'avoir un drainage d'artistes. Il faut faire attention parce
que les artistes, à un moment donné, sont tannés de ne pas
avoir de place, de ne pas être reconnus, et, lorsqu'on organise et qu'on
essaie de trouver des places et des alternatives différentes, on se fait
dire: Mais, madame, le ministère des Affaires culturelles ne
subventionnera jamais un organisme qui est hors des réseaux
légitimes. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Mme
la ministre, je vous cède maintenant la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je vois mon collègue qui
sourit. Ça lui arrive quelquefois et avec raison. Vous avez
touché un point quand même très pertinent, parce qu'on en a
beaucoup discuté, et c'est tout le phénomène de
l'accessibilité. Vous savez, j'ai l'impression, et c'est par impression
parce que... Même mon collègue qui était là avant
moi pourrait probablement le justifier, tout le phénomène de
diffusion - que ce soit en théâtre, ce n'est pas juste au niveau
des arts visuels - il a fallu le bâtir, d'une part. Deuxièmement,
il est loin d'être parfait. Au moins, on en est conscient. En être
conscient, c'est déjà résoudre la moitié du
problème. Il y a toute une question de légitimité aussi.
Évidemment, encore une fois, quand les moyens sont là et qu'on
doit faire des choix, c'est sûr qu'on
essaie d'aller dans des choix qui sont les plus sûrs. On
bâtit des réseaux, on essaie d'encourager ces réseaux. Il y
a des programmes d'aide aux artistes, H y a d'autres programmes aussi qui font
en sorte que... Il ne faut pas, non plus, penser qu'il n'y a rien et qu'il n'y
a rien qui se fait, au contraire, excepté qu'il y a un nouveau
phénomène et c'est tout le phénomène, je pense, de
l'accessibilité.
Vous avez touché à quelque chose que l'on remarque
beaucoup et dont on parle très peu, c'est la peur des gens d'entrer dans
des galeries d'art. C'est cette gêne. Puis les gens ne viendront pas ici
nous en parler, puis les artistes, eux, ne la volent pas parce que eux
autres... Pourquoi? Ils vivent avec ça. Mais elles existent, cette peur
et cette gêne, chez les gens qui sont peut-être moins
habitués. Quand vous parlez du développement de l'accès,
quand vous parlez aussi tout simplement de l'approche et, finalement, de rendre
tout ça normal et de s'entourer d'art puis d'acheter, d'en parler
même et d'entrer dans une galerie sans même acheter... Mais les
gens ont l'impression qu'ils doivent entrer dans la galerie, puis là:
Bien, si je n'achète pas, ils vont dire quoi? Alors, tu ne rentres pas,
tu es gêné, tu regardes dehors. Alors, là-dessus...
Mme Desrosiers: Ils n'osent même pas entrer dans les
galeries, madame.
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça. Je suis d'accord.
Je dis quand tu regardes la vitrine à l'extérieur, puis que tu
n'oses pas, puis que tu ne bouges pas. Et le jour où les gens vont
pouvoir aller dans les galeries, puis, justement, aller y flâner, bien,
après ça, un jour, ils vont peut-être, justement, en avoir
une, en acheter une ou investir dans une oeuvre et ça fait le...
Mme Desrosiers: Une des choses qu'on a remarquées, c'est
qu'il y avait des artistes qui avaient exposé avec nous dans un
restaurant et que, par la suite, les gens les reconnaissaient, voyaient leurs
noms dans une galerie et osaient entrer, parce qu'ils connaissaient
déjà l'artiste, parce qu'ils l'avaient vu ailleurs. Et, à
plusieurs reprises, c'est arrivé. Mais il faut déjà qu'il
y ait une sensibilisation et cette sensibilisation, on la fait sur le terrain
où sont les gens. Elle est déjà plus facile, elle est plus
naturelle que de l'imposer d'en haut. Quand on l'impose d'en haut, on a
l'impression que c'est encore de l'éducation. Alors, c'est une
éducation en douce, si vous voulez, dans un cadre de vie. Alors, ils se
sentent moins matraqués par le message qu'on devrait y avoir
accès.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Vous autres, vous vous
spécialisez... parce que, effectivement, vous avez parlé quand
même beaucoup de votre organisme et tout ça. Dans votre
mémoire, la présentation est un peu différente, mais
ça ne fait rien, c'est un élément aussi nouveau. Votre
organisation se spécialise vraiment dans le cadre dévie...
Mme Desrosiers: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...c'est-à-dire que ce n'est pas
dans les démonstrations scolaires.
Mme Rioux: Non, non, non.
Mme Frulla-Hébert: C'est vraiment, vraiment dans tout ce
qui est usuel.
Mme Desrosiers: Oui.
Mme Rioux: Oui. On fait de la location d'oeuvres d'art dans les
bureaux, on fait des expositions. C'est vraiment au niveau où les gens
sont. Il faut comprendre une chose. On a parlé de la
société du loisir, mais ce qu'on s'aperçoit, c'est que les
gens travaillent de plus en plus et ont moins de loisirs. Donc, les
déplacements, pour amener les gens quelque part, les gens vont choisir,
vont sélectionner leur temps. Sauf que ce qu'on retrouve, c'est qu'on a
de plus en plus de gens qui sont pressés, qui vont dîner le midi
dans un restaurant, ils vont là peut-être 5, 10, 15 fois durant un
mois. Si, dans cet établissement-là, il y a des oeuvres d'art,
peut-être que, le premier midi, ils ne les remarqueront pas, mais, au
bout de 15 midis, ils vont les remarquer.
Nous, on a eu des expériences assez frappantes de personnes qui
sont venues nous voir après l'exposition en disant: Mais où est
rendue cette oeuvre-là? Je l'aimais, je m'assoyais à
côté; je la veux, je l'achète; je n'ai jamais acheté
d'oeuvre d'art, mais ça fait deux mois que je viens manger ici et je
suis bien à côté de cette oeuvre d'art, j'aime ce que cet
artiste fait. On a eu des gens qui ont découvert... Mais ce n'est pas en
disant: Ce sont les spécialistes dans les lieux consacrés,
légitimés, que les gens vont y aller. Non. Les gens vont
peut-être y aller une fois, deux fois, dans leur pratique de loisirs
durant l'année, mais ils ne pourront pas entrer en contact
quotidiennement avec les artistes et avec ce qui se fait. Et, c'est malheureux,
si vous voyiez les garde-robes, les dessous de lit, les placards et les hangars
pleins d'oeuvres d'artistes valables, intéressants! C'est une vraie
perte, c'est une perte au niveau visuel.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des entreprises que vous
approchez, que ce soit, comme vous dites, les restaurants, etc., d'abord,
quelles sortes d'entreprises sont les plus intéressées et,
deuxièmement, c'est quoi, la réceptivité face à
ça? Quand vous arrivez, vous faites quoi?
Mme Desrosiers: On leur propose des oeuvres, si vous voulez. On
leur dit quel type de
travail on accomplit. Ce qu'on a fait à plusieurs reprises, c'est
qu'on a fait des installations d'oeuvres, on leur a proposé de les
installer. Alors, il est arrivé qu'ils accrochent, et qu'ils aiment
ça beaucoup, et qu'on le fasse gratuitement. On installe ça et
ils vivent avec. Quand on leur dit qu'il y a des frais de location, bien
souvent ils n'ont pas de budget pour les frais de location et ils n'ont pas de
budget d'acquisition non plus. Alors, on est missionnaires, mais il y a des
bouts... On ne peut pas être missionnaires tout le temps. On a vu des
endroits où on a laissé une oeuvre parce qu'on se disait que
c'était quand même un lieu de diffusion et que ça pouvait
peut-être amener des clients éventuellement, sauf que ça
nous demande un travail monstre et, très souvent, on est obligé
de l'enlever parce que ça ne nous subventionne pas nulle part, nous
autres, ça ne nous donne rien d'autre que de faire connaître nos
artistes. Mais, s'ils ne nous paient pas nulle part, les artistes n'en retirent
rien sur le plan financier et nous non plus. Il faut quand même un peu de
roulement pour fonctionner. Mais, au niveau de l'accueil et au niveau de ce que
ça produit comme effet, c'est sûr que c'est valable.
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Est-ce qu'on peut penser,
par exemple, dans un restaurant, que ce soit un peu partout à
Montréal - je parle de Montréal, entre autres, parce qu'il y en a
beaucoup - et à Québec aussi...
Mme Rioux: Bien, on aurait pu travailler aussi au niveau du
Québec. En 1980, j'ai fondé le premier réseau de petites
auberges et de restaurants.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, je m'en venais
là.
Mme Rioux: Au moment de la fondation du réseau, on avait
comme idée d'avoir des expositions itinérantes dans les
établissements. Carmel et moi, lorsqu'on a parti Carrefour Art &
Art, on s'était dit qu'éventuellement on irait rouler dans ces
établissements-là. Sauf que, pour y aller, on aurait eu besoin
d'un coup de pouce, mais on n'a jamais eu de coup de pouce. Ce qu'on a fait, on
a organisé, structuré notre réseau à
Montréal, on a fait nos expériences, parce que c'est quand
même pilote, on sait qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de monde qui a une
organisation structurée. Nos expositions, ce n'est pas juste
d'accrocher. Dans les établissements, on fait des expositions,
vernissages, invitations, cartons, dossiers médias, contacts
médias, etc. Donc, on fait ça dans les règles de l'art.
C'est quand même un produit fini qu'on présente.
On aurait été intéressées, nous, à
aller diffuser dans d'autres établissements. Moi, je viens de la
Gaspésie et, ayant travaillé avec les gens de l'hôtellerie
et de la restauration là-bas, je sais que ces gens-là sont
intéressés, qu'ils veulent en avoir, sauf qu'il n'y a pas de
possibilité, et un montant pour payer le coût de démarrage
pour permettre d'organiser, de structurer l'histoire, on n'en a pas parce qu'on
a un non définitif de la part de vos fonctionnaires.
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de
programme.
Mme Rioux: Donc, à ce moment-là, il faut que vous
compreniez que c'est important. Nous, aujourd'hui, ce qu'on vous dit: II faut
être capable de tenir compte de l'importance du développement, de
l'importance du contact avec les gens dans le quotidien, des expériences
comme ce qu'on est en train de vivre. On a vraiment fait tout le travail de
développement, de fond, d'expérience; ce qui réussit, ce
qui marche, ce qui ne marche pas à l'intérieur de ce
concept-là. (17 h 30)
Maintenant, on serait rendu à une phase plus loin, sauf que c'est
très difficile, lorsqu'on fait de la recherche et du
développement dans les arts visuels, comme on a fait au niveau de notre
concept de diffusion, de pouvoir aller plus loin sans avoir de l'aide. On est
rendu là. Mais on remarque, en tout cas, qu'on a maintenant l'appui des
artistes qui, au début, comme on vous le disait, étaient
très réticents. Maintenant, ce sont eux qui nous disent: On a
besoin de vous, on veut continuer parce qu'on sent qu'effectivement vous
trouvez quelque chose qui n'est pas comblé avec les autres types
de...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Il faut quand
même comprendre qu'au début, c'est sûr que... Moi, je me
mets même à la place du ministère, à
l'époque, quand tu as tellement de demandes, quelque part, tu ne peux
pas... Là, les premiers... On gère des fonds publics, quand
même, tu sais. Alors, finalement, vous avez fait...
Mme Rioux: Non, nous autres, on s'est dit qu'il fallait
établir notre crédibilité et qu'il fallait indiquer aussi,
dans notre organisation, qu'on avait de la continuité, ce qu'on a
prouvé. Alors là on se dit: À travers la
continuité, l'expertise, l'évaluation de l'expérience, il
y a quand même quelque chose qui est là, qui est valable. Alors,
c'est ça qu'on veut faire valoir au niveau, peut-être, d'une
certaine reconnaissance d'une expérience originale et qui a sa raison
d'être.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Mme Rioux: Parce que, dans le fond, ce qu'on fait, on fait de
l'éducation de base...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
Mme Rioux: ...on amène les gens à reconnaître
les artistes vivant et travaillant ici. C'est pas quelque chose, là...
Ces pauvres artistes là, des fois, c'est décourageant de les
entendre dire: Bon, tout le monde attend que je meure pour acheter mes oeuvres.
Ça fait mal au coeur d'entendre ça parce que tu regardes et c'est
du bon travail. Nous, on dit: II faut que les gens les connaissent. Il y a un
gros malheur, c'est que le public ne connaît pas les artistes ici
présents qui travaillent et qui font des choses dans les arts visuels.
Les arts visuels, ce n'est pas aussi vu que les gens du spectacle et ainsi de
suite. C'est un travail de créateur, individuel, dans son coin, à
la petite semaine. Les gens sont peu connus, ils ont peu de moyens. Donc, la
situation est très difficile, très dramatique et c'est
décourageant de voir les artistes, à un moment donné, qui
désespèrent, qui s'en vont à Toronto, qui
déménagent, et tout ça. On perd beaucoup de gens.
Mme Frulla-Hébert: Une dernière petite, petite
question de détail. Est-ce que vous êtes à but lucratif ou
non lucratif, comme compagnie à s'être formée? C'est parce
que c'est important pour nous.
Mme Rioux: On a deux chapeaux, madame. On en a un à but
lucratif et on en a un à but non lucratif. Quand on a fondé notre
compagnie, c'était Carrefour Art & Art à but lucratif. On a
aussi Réseau de diffusion Art & Art qui est à but non
lucratif...
Mme Desrosiers: Qui regroupe tous les artistes...
Mme Rioux: ...parce qu'on nous a dit: Vous ne pouvez pas
fonctionner comme ça, etc. Mais que ce soit d'un côté ou de
l'autre...
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. De
toute façon, d'après ce qu'on entend, ce n'est pas très
lucratif.
Mme Rioux: Pardon?
Le Président (M. Gobé): D'après ce que vous
dites, ce n'est pas très lucratif.
Mme Rioux: Non, monsieur. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, ceci étant
dit, je vais demander à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir continuer cette discussion.
M. Boulerice: Mme Desrosiers, Mme Rioux, si la ministre
tantôt me voyait sourire, c'est pour une raison très simple. C'est
que j'estimais que nous avions devant nous deux personnes qui étaient
capables de livrer un discours de la plus grande authenticité et qui
étaient capables de nous montrer, par leur acharnement, la
détermination qu'elles ont et une ambition qui est vaste. Il faut
rêver dans la vie, sinon ça devient tellement gris, qu'un jour
l'art triomphe dans toutes ses dimensions. Alors, c'est la raison pour
laquelle, oui, j'avais ce large sourire.
Ma première question, Mme Rioux, Mme Desrosiers - d'ailleurs,
j'ai eu très peur qu'elles ne passent pas en commission parlementaire,
mais ça s'est réglé - la première question que
j'aimerais vous poser, ce n'est pas une question piège comme telle,
parce que je vous demande des chiffres, mais ce serait peut-être bon.
Avez-vous un peu un ordre de grandeur des artistes qui exposent, qui vendent,
mais qui ne sont vraiment jamais allés dans une galerie?
Bon. Je peux peut-être prendre l'exemple le plus facile. La
majorité des toiles que j'ai, à deux ou trois exceptions - oui,
entre parenthèses, j'ai fait une très belle acquisition lundi
soir, j'ai hâte que vous la voyiez - ce sont des artistes qui
n'étaient pas dans des galeries, que j'ai trouves, moi aussi, dans des
restaurants. Ils sont peut-être allés dans des galeries
après... La journée où j'ai acheté trois
Jean-Pierre Gagnon, qu'il est venu du beau monde - si vous me permettez
l'expression - dans mon bureau, puis qu'ils ont vu ça, là, je ne
sais pas, là il devenait tentant pour une galerie. Mais avant - je sais
que je ne fais pas injure à mon ami Jean-Pierre - avant, il était
bien trop "freak" pour aller dans une galerie. Il sortait des Foufounes
électriques, vous vous imaginez. Est-ce qu'on va mettre du monde comme
ça dans une galerie? Ça va faire peur. Par malheur, il avait une
couette blonde. Alors, vous vous imaginez que ça n'attire pas. C'est
quoi, l'ordre de grandeur? Je pense que c'est intéressant de le
savoir.
Mme Desrosiers: L'ordre de grandeur, on ne peut peut-être
pas vous le donner, mais en arts visuels comme dans tous les autres types
d'arts, il y a des chapelles, il y a des modes, il y a des tendances. Ces
tendances-là, une fois qu'elles sont identifiées par les leaders
de la communauté qui viennent de l'université, par ceux qui sont
dans la place ou les conservateurs de musée, enfin les gens qui sont
reconnus comme étant des spécialistes, entre guillemets, s'ils
sont reconnus par ceux-là, ils passent, si vous voulez. Mais, avant d'en
arriver là, s'ils sortent un peu de la tendance qui est acceptée
comme étant celle de l'heure, eh bien, avant qu'ils fassent leur chemin,
ça prend un certain temps. Alors, on ne peut pas vous dire quel ordre de
grandeur parce qu'il y en a qui peuvent mijoter pendant
20 ans, 25 ans sans être passés par une galerie et puis,
tout à coup, c'est la révélation. Il y a des images, il y
a des... Chaque artiste a sa propre interprétation du réel ou de
l'univers. Ha, ha, ha! C'est difficile de dire comment ça se produit. Il
y a une certaine magie comme il y a un establishment. Alors, vous dire
précisément les chiffres, on ne le sait pas. On peut
peut-être consulter des gens qui seraient en mesure de nous le dire. Et
encore, souvent, on essaie d'avoir des chiffres et c'est très partiel.
Je ne le sais pas, vraiment.
Mme Rioux: Mais il faut comprendre qu'on a quand même une
intelligentsia, ici, au niveau des arts visuels. On ne se conte pas d'histoires
aujourd'hui en disant ça. Moi, je regarde, j'ai eu beaucoup de dossiers
d'artistes. On en a exposé 65 et on en a vu au moins 400. Dans ces
dossiers d'artistes là, je prends un exemple tout à fait typique.
On a un artiste qui a exposé au Salon international du Japon, à
Paris, qui a gagné des mentions à des concours internationaux et
qui n'a jamais pu dénicher de bourse, ici, au niveau du ministère
des Affaires culturelles ni même du Conseil des arts. Cet
artiste-là a été reconnu à Paris. Il a
été reconnu à New York, mais, ici, il n'a jamais eu de
possibilité. J'ai vu d'autres dossiers d'artistes, une artiste
très gentille et très fine qui a peut-être eu deux solos,
qui n'a jamais exposé à l'international, mais qui a eu cinq
bourses...
Mme Desrosiers: ...deux ans.
Mme Rioux: ...additionnées du Conseil des arts et des
Affaires culturelles. Donc là, des fois, ça fait mal quand on lit
des choses comme ça parce qu'on en voit jour après jour, des
artistes. On regarde les dossiers, on regarde et on dit: Mais qu'est-ce qu'elle
a fait, cette artiste-là, pour pouvoir avoir la manne qui lui tombe sur
la tête par rapport à l'autre artiste qui a réussi à
avoir une reconnaissance au niveau international dans des concours avec des
jurys, pas n'importe qui, des gens du Metropolitan Museum de New York, des
jurys conséquents, où on reconnaît cet artiste-là?
Mais ici, aux Affaires culturelles, après maintes demandes, il n'a
jamais rien eu.
Donc, des fois, il y a des questions à se poser. Il y a des
questions dans les cheminements. Il y a des questions comme: Comment ça
se passe, qu'est-ce qui se passe? Il y a des questions aussi importantes: En
tant que société, qu'est-ce qu'on veut faire au niveau des arts
visuels? C'est quoi la reconnaissance qu'on veut donner à nos artistes?
Ce n'est pas juste en disant: On va donner une subvention. C'est en faisant une
réflexion globale. Et la ligne, le point qu'on veut vous donner, le mot
clé, c'est diffusion. Si on n'embarque pas dans la diffusion, si on ne
devient pas créatif dans notre société de technologie et
de communication au niveau des arts visuels, en tenant compte de ces
éléments-là, on va passer à côté.
Juste un exemple. Si vous prenez le nouveau marché des affiches
de reproduction d'oeuvres d'art, on est inondé. 90 % des affiches qui se
vendent au Québec viennent d'oeuvres d'artistes étrangers. On a
un petit groupe d'éditeurs d'affiches peu reconnus qui revendent, qui
ont peut-être de 5 % à 10 % du marché, qui vont cahin-caha.
Si on regarde ça, ce mode de diffusion là au niveau visuel, c'est
un mode qui va être de plus en plus important parce que
démocratique. Les gens, ça ne sera plus... On ne pourra plus dire
que, Mme Tout-le-Monde, parce qu'elle a de l'argent, elle peut acheter des
oeuvres d'art. Je pense que les gens au Québec vont pouvoir avoir le
bonheur et le plaisir d'avoir au moins une reproduction d'un artiste d'ici.
Mais si les artistes d'ici n'ont pas la possibilité d'être
reproduits, d'être présentés, si la Bibliothèque
nationale se pose des questions encore: Est-ce qu'on devrait accepter? Est-ce
qu'on devrait avoir dans notre collection les reproductions des oeuvres
d'artistes d'ici ou pas... Ce sont des choses importantes, il faut se poser des
questions, il faut essayer d'ouvrir le discours, d'ouvrir notre
réflexion parce qu'on passe à côté.
M. Boulerice: Tantôt, on parlait justement de la galerie
d'art où personne ne voulait entrer parce que ce n'était pas le
milieu qui nous appartenait, on ne se sentait pas à l'aise, etc. Puis,
je dois vous dire que je l'ai déjà vécu, moi aussi, en me
disant: Bien oui, mais je ne suis pas pour entrer parce que je n'ai pas
d'argent, etc. Puis, c'est gênant d'entrer quand tu n'achètes pas,
sauf que tu te rends bien compte que tu te prives d'un plaisir qui est au moins
de les voir. Là, il y a un lieu physique. Mais, par contre, veux veux
pas, tu entres dans le restaurant. Donc, la technique est bonne comme telle,
sauf qu'il faut vendre comme tel. Au niveau de la vente, moi, j'estime qu'il
n'y a pas d'incitatif. Il y a quelques mesures de la part soit de certains
agents, soit de certaines galeries qui se le permettent, mais c'est toujours
à risque, en disant: Bien, écoutez - le prix moyen, on me dit,
actuellement, d'une toile d'un jeune artiste contemporain au Québec,
ça se situe aux alentours de 500 $ - faites-moi cinq chèques de
100 $, je vous fais confiance. Donc, c'est déjà une mesure qui
est là.
Par contre, il y a d'autres mesures qui pourraient être
envisagées. Je l'atteste parce que je me promène avec depuis
deux, trois ans et je dis: Quiconque voudra la prendre peut la prendre, je
n'exige pas de droits d'auteur, de droits voisins, je n'ai signé aucune
des conventions, là. Un régime d'épargne-art.
Écoutez, on joue la fiscalité sur tout. On pouvait acheter des
REER dans les salons funéraires. Alors, je dis un
régime d'épargne-art où on achète une toile
d'un artiste québécois. Je pense que c'est tout à fait
légitime de penser aux nôtres d'abord et avant tout. Il y aurait
une déduction possible jusqu'à concurrence de... Mais ça,
est-ce que vous croyez que c'est un incitatif qui nous permettrait de faire
gonfler le marché et d'inciter aussi, peut-être, une classe de
gens qui, eux, n'ont pas les moyens d'aller mettre 700 $, 800 $, 900 $, 1000 $
régulièrement?
Mme Desrosiers: Bien, pour renchérir sur ce que vous
dites, quand il y a un encan public au profit de la Société
canadienne du cancer ou au profit de toute entreprise qui peut donner un
reçu de charité, les oeuvres d'art se vendent et elles se vendent
très bien, mais elles sont entièrement déductibles.
À ce moment-là, elles sont acquises, les oeuvres, facilement,
sans aucun problème. Donc, ça renchérit sur ce que vous
venez de souligner.
M. Boulerice: Oui, mais ça vient de m'ap-pauvrir parce que
j'en ai acheté, mon Dieu, pour 2200 $ dans un encan, l'an dernier, et
j'ai oublié de demander les reçus. Mais enfin!
Mme Desrosiers: Ah!
M. Boulerice: Ceci dit, mon oeil se réjouit tous les
soirs.
Mme Desrosiers: Vous voyez? Alors, ce que vous venez de souligner
là, c'est vrai. Si vous allez, par exemple, à un encan au centre
Saidye Bronfman qui peut vous donner un reçu de charité, que vous
achetez une oeuvre, elle est entièrement déductible. Alors, c'est
sûr que, avec une incitation comme celle-là, ça peut aider
les gens à acquérir une oeuvre. C'est vrai.
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez conclure, M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, nous allons
devoir...
M. Boulerice: Bien, écoutez, comme seule conclusion, je
dirai que moi, je croyais au message que voulait nous livrer Mme Rioux et Mme
Desrosiers puisque... Bon, on ne va pas le cacher, on n'a aucune gêne,
nous avons discuté de ce sujet et je savais, enfin, les grandes lignes,
non pas le détail, mais je croyais que c'était intéressant
que notre commission ait ce que j'appelle "scène de la vie quotidienne
de deux femmes qui se battent depuis des années". Ce qu'elles
demandaient - vous en avez fait mention - au ministère, c'est ça
qu'on appelle le saupoudrage. Vous ne demandiez pas d'être
institutionnalisées, vous demandiez un coup de pouce. Le coup de pouce
est le saupoudrage, très souvent, et, si on l'abolit, vous allez
convenir avec moi qu'on risque de perdre. Ce petit coup de pouce, à un
moment donné, peut mener loin et l'enlever, bien, ça devient un
coup de pied, ça ne fait pas avancer. Alors...
Mme Rioux: Imaginez qu'on n'a pas eu de coup de pouce depuis cinq
ans, et on est allées quand même assez loin.
Le Président (M. Gobé): M. le
député.
M. Boulerice: Attention, je vous ai trouvé un restaurant
dans le quartier. Ça, c'était ta surprise.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de
remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, vous avez touché
- comme je vous disais tantôt - un point fondamental qui me
préoccupe énormément, et c'est toute la question de
l'accessibilité. Il y a effectivement la culture cultivée pour
certains et... Il y a deux théories, d'ailleurs. Être
élitiste et le reste va découler, ou encore...
Mme Desrosiers: Mais on parte d'être populiste...
Le Président (M. Gobé): La parole est à Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je sais ce que vous dites, dans un
sens, mais c'est parce que c'est une question d'accessibilité. Ce n'est
pas populiste face aux artistes qui... mais c'est quand même populiste
dans un sens où tout le monde le voit. Alors, c'est dans ce
sens-là, et non pas le plaisir réservé à
certains.
Alors, on va regarder de près... C'est évident que c'est
important que vous soyez à but non lucratif parce qu'on a beau faire, on
gère des fonds publics et ça, il faut le comprendre. On
gère des fonds publics, il faut le faire dans la transparence. Oui, il y
a des normes, on va essayer de les faire les plus flexibles possible, mais il
va toujours y en avoir, on n'a pas le choix. On n'est pas une entreprise
privée. Même dans l'entreprise privée - j'y ai
été toute ma vie - il y en a, des normes. Aussi, il y a des
règlements à suivre. Mais, vous nous avez quand même
éclairés sur ce que vous êtes et on vous en remercie
beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Alors Mme Rioux, Mme
Desrosiers, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier. Votre témoignage a été fort intéressant
et soyez assurées que la commission en a pris bonne note. Ceci met fin
à votre audition, vous pouvez donc maintenant vous retirer. Alors, je
vais maintenant suspendre les travaux de cette
commission jusqu'à ce soir, 20 heures. Bon appétit
à tout le monde.
(Suspension de la séance à 17 h 47)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Gautrin): Après avoir
constaté le quorum évidemment, la commission de la culture
reprend ses travaux. Je déclare donc la séance ouverte.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements? Je
rappellerai le mandat de la commission, si vous voulez, qui est de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des
arts. Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: M. Houde remplace M. Bradet.
Le Président (M. Gautrin): M. Houde remplace M.
Bradet.
Une voix: Bien non, bien non, il s'est trompé.
Le Président (M. Gautrin): Mais, enfin, il remplace M.
Bradet. Oui, oui, il remplace M. Bradet. Est-ce qu'il y a consentement pour
qu'il remplace M. Bradet, notre ami M. Houde? Merci.
M. Boulerice: Sous réserve, oui.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je pense qu'ici
le premier groupe que nous avons à entendre est l'Association du
personnel des services documentaires scolaires, représentée par
M. Théberge et M. Marcotte. Je veux leur demander de bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît.
Alors, M. Théberge et M. Marcotte, je vous souhaite la bienvenue
à cette commission. Le temps qui vous est alloué est de 45
minutes qui sera réparti en 15 minutes pour votre présentation,
15 minutes pour l'Opposition et 15 minutes pour la ministre et le parti
gouvernemental, pour vous poser des questions. Remarquez qu'on n'est pas
obligé de prendre tout ce temps. Si vous êtes
particulièrement clair, les gens ne prendront peut-être pas tout
le temps nécessaire. Alors, à vous la parole.
M. Théberge (Jean-Yves): Merci, M. le Président.
Mon nom est Jean-Yves Théberge, président de l'Association du
personnel des services documentaires scolaires, aussi à l'emploi de la
commission scolaire Saint-Jean-sur-Richelieu.
M. Marcotte (Jean-Guy): Mon nom est Jean-Guy Marcotte. Je
travaille à la commission scolaire de Victoriaville au niveau des
bibliothè- ques scolaires.
Association du personnel des services documentaires
scolaires
M. Théberge (Jean-Yves): M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, nous vous remercions
d'abord de nous avoir invités à présenter notre
mémoire devant vous. De prime abord, il peut sembler étrange que
des gens qui oeuvrent dans les bibliothèques scolaires veuillent
réagir au rapport sur la politique de la culture et des arts. Pourtant,
les lecteurs d'aujourd'hui, les scientifiques ou les artistes, tout comme les
analphabètes ou les non-instruits, ont un point en commun: ils sont tous
passés par l'école primaire et, souvent, secondaire. Les
écoles en portent en partie le mérite ou la honte, les
bibliothèques scolaires aussi.
Mesdames et messieurs, il est heureux que le groupe-conseil sur la
politique culturelle du Québec ait donné, dans le chapitre 2 de
son rapport, une place importante à l'éducation culturelle et
consacré quelques pages à cette éducation dans le milieu
scolaire. Comme l'écrivent les auteurs du rapport, et je cite,
"l'éducation est un long processus, soutenu par plusieurs
intervenants... Le milieu familial joue en éducation un rôle
irremplaçable; l'école est tout aussi importante. Toute notre
vie, nous nous référons à ces deux pôles et surtout
aux personnes que nous y avons croisées, nos parents, nos
grands-parents, mais aussi et beaucoup nos éducateurs. Et on sait
l'importance que revêt dans une vie la rencontre d'un seul
éducateur exceptionnel. " Fin de la citation.
Ajoutons tout de suite que l'on sait aussi l'importance que revêt
dans une vie la rencontre d'un livre exceptionnel ou d'un tableau remarquable.
Individuellement, nous ne nous souvenons plus à quel moment les signes
noirs sur la feuille blanche ont pris un sens. Nous avons oublié la
peine et l'effort mis pour apprendre à déchiffrer le sens des
premiers mots écrits, sauf qu'ils furent sans doute une
révélation. Puis, ces caractères insignifiants sont
devenus familiers et lire, après tant de labeur, est devenu un plaisir,
voire un désir comme une drogue. Quand le texte prend du sens, il le
prend chez le lecteur qui, derrière l'alignement apparemment neutre des
lettres, puis des mots et de l'univers créé par l'auteur, y
installe sa propre compréhension, celle qu'il crée tout en la
cherchant, faite de son expérience et de son milieu. C'est en cela
d'abord qu'une oeuvre littéraire ou artistique peut se dire nationale
parce qu'elle prend racine dans chaque individu qui, lui, se définit par
rapport à un passé, un présent, un territoire, une langue,
somme toute une culture.
Pour nous, responsables des centres de documentation des écoles
primaires et secondaires, c'est là la base de notre travail
éducatif.
De là, nous amenons lentement l'élève à se
familiariser avec non seulement l'imaginaire, mais aussi la documentation dans
un sens très large. L'élève devient ainsi autosuffisant et
autosélectif devant la masse de renseignements qui existent et parfois
nous assaillent.
Dans cet esprit, nous accueillons avec plaisir les propositions du
groupe-conseil sur la politique culturelle du Québec concernant
l'éducation scolaire. Les membres de l'Association du personnel des
services documentaires scolaires sont d'accord avec la proposition 62 qui
propose, et je cite, "que la lecture comme pratique éducative et
culturelle fasse l'objet d'un programme de revalorisation et que des mesures de
promotion soient élaborées dans ce but", fin de la citation, mais
aussi avec la proposition 63 qui ajoute: "Que l'État, dans son effort
pour rendre la culture accessible à tous les Québécois,
reconnaisse l'importance fondamentale du livre et de la lecture et qu'en
conséquence il consolide les politiques et les programmes actuels de
soutien." Fin de la citation.
Nous tenons toutefois à ajouter que le rapport du groupe-conseil
n'insiste pas assez sur l'importance de la documentation de toutes sortes dans
la formation des élèves. On y lit pourtant aux pages 154, 155:
C'est par ia lecture d'abord que le tout jeune entre dans le monde du
merveilleux, qu'il développe son imaginaire. C'est, outre le patrimoine,
par la lecture que, plus tard, il intégrera fa dimension historique des
faits et des êtres. C'est toujours par la lecture que, en grande partie,
le jeune connaît et évalue les autres civilisations, les doctrines
et les idéologies, et qu'il accroît sa curiosité
intellectuelle. Et c'est ainsi que la lecture, quand elle est bien
dirigée tout au long des études primaires et secondaires, devient
pour le jeune la vraie porte d'entrée dans le monde des idées,
des arts et de la culture, et aussi le laissez-passer permettant de
fréquenter les grands auteurs, les scientifiques, les artistes et les
philosophes." Fin de la citation.
Ajoutons que c'est aussi par l'image et le logiciel que l'on prend
goût à la culture et que tous ces outils, surtout le livre,
ouvrent la porte à l'éducation permanente. De fait, tout ou
presque tout est à faire dans l'éducation à l'image,
à la peinture, à la sculpture ou à la photographie, tout
comme il faudra un jour, bientôt nous l'espérons, initier les
jeunes à l'utilisation des banques de données et aux choix
à faire dans les sources de renseignements qui se multiplient et sont
des supports à la fois sophistiqués et de plus en plus faciles
à utiliser. Tout cela nous semble nécessaire, mais il est triste
de voir que tant de bibliothèques scolaires sont pauvres, pauvres au
point de se dire qu'il n'y a rien véritablement à y lire, rien
à y découvrir et rien qui donne à l'esprit de quoi
respirer et donner des ailes. Il faudrait donc que ce soit non seulement le
ministère des Affaires culturel- les et le ministère de
l'Éducation qui coordonnent leurs politiques et leurs programmes de
soutien, mais l'Etat dans son ensemble qui devrait reconnaître
l'importance de la bibliothèque scolaire et de son rôle multiple.
N'oublions pas qu'il existe une réalité: trop nombreux sont les
enfants qui, entrant à la maternelle, découvrent pour la
première fois le livre quand, bien sûr, il y a une
bibliothèque dans l'école, sinon on se contente de revues
populaires et à sensation ou, comme on le voit souvent, de livres
démodés et défraîchis qui n'invitent pas à la
lecture. Appréhender et apprivoiser le livre, c'est déjà
un grand pas de fait pour celui ou celle qui, en septembre suivant, se
retrouvera en première année, avec l'énorme tâche
d'apprendre à lire et à écrire.
Quand le groupe-conseil sur la politique culturelle du Québec
écrit, à la page 72, soit à la recommandation
numéro 65, et je cite: "Que le descriptif des actions que mène le
ministère de l'Éducation et les responsabilités qu'il
assume dans la formation culturelle des jeunes fassent l'objet d'un bilan de la
part du ministère de l'Éducation; que ce bilan soit rendu public,
accompagné des objectifs et des moyens prévus pour
améliorer la situation là où cela est nécessaire",
fin de la citation, nous supposons que, dans ce bilan, on tiendra compte de la
documentation scolaire et culturelle. Nous espérons que l'on n'oubliera
pas que la bibliothèque scolaire peut jouer un rôle majeur dans la
formation culturelle des jeunes. Pour s'en convaincre, si cela est
nécessaire, il suffit de voir la réaction des jeunes
élèves quand ils se retrouvent dans une bibliothèque
scolaire qui vient d'être rénovée et redressée. Les
nouveaux livres aux pages couvertures attirantes fascinent les
élèves. C'est inévitable, le taux de prêt augmente
en flèche. La lecture devient, pour la majorité, un besoin et un
plaisir. Si ce besoin et ce plaisir diminuent beaucoup au secondaire, ils
reviennent toujours quelques années plus tard puisqu'ils sont acquis
pour la vie. (20 h 15)
Tout cela dit, il reste que les responsables des bibliothèques
scolaires se sentent quelque peu orphelins depuis une dizaine d'années,
une quinzaine d'années. Ce n'est peut-être pas le moment de faire
l'historique de la négligence dans ce dossier de la part du
ministère de l'Éducation. Remarquons tout de même qu'au
moment où le ministère des Affaires culturelles encourageait
fortement les municipalités du Québec, au tournant de 1980,
à se doter d'une bibliothèque publique, les bibliothèques
scolaires devenaient les parents pauvres du système de
l'éducation.
Les responsables de ce dossier dans les écoles et les commissions
scolaires se croient tout de même chargés d'une mission qui semble
trop souvent impossible. D'un côté, ils doivent répondre
aux exigences des élèves et des enseignants face à fa
documentation nécessaire et en
rapport avec les différents programmes d'études, ce qui
est justement la première mission d'une bibliothèque scolaire.
D'un autre côté, les responsables croient, avec raison, que la
bibliothèque doit jouer un rôle culturel, en donnant aux
élèves du primaire et du secondaire accès à la
culture, dans son sens le plus large et le plus formateur.
À ce propos, nous savons que, dans certaines écoles
primaires et dans plusieurs écoles secondaires, se tient, chaque
année ou presque, une semaine du livre ou une semaine des arts. Mais
cela n'est pas suffisant. Soyons clairs. Des vents de toutes sortes, avec
souvent des allures très pédagogiques, ont fait de l'école
un fourre-tout. On a oublié que c'est aussi un lieu d'ouverture à
la culture. La preuve en est que l'enseignement du français a
délaissé la littérature. Dans la revue
L'actualité du 15 septembre 1991, Jean Larose critiquait
vertement l'enseignement actuel du français. Il proposait ce qui suit,
et je cite: "Je sais qu'il faut d'abord faire lire. Redonner à la
littérature la première place dans l'enseignement du
français et dans l'enseignement tout court." Fin de la citation.
Toutefois, il faut être conscient que la bibliothèque
scolaire, malgré toutes sortes de difficultés, ne s'est pas
encore endormie. À la suite de la publication, en 1989, du rapport du
comité d'étude sur les bibliothèques scolaires, plusieurs
écoles et commissions scolaires se sont lancées dans une
opération de redressement et de valorisation de la bibliothèque.
Il faut aussi se rendre compte que, si la littérature pour la jeunesse
connaît un grand succès au Québec, cela est dû pour
beaucoup à la promotion de ces livres et de leurs auteurs dans les
écoles primaires et secondaires.
Malgré tous ses efforts, la bibliothèque scolaire se sent
isolée et cherche maintenant des partenaires. Elle veut jouer son
rôle qui a toujours été le même: mettre à la
disposition des élèves des outils de culture. Or, si on veut
initier les élèves à la culture et à la
littérature et, partant, à la lecture et à
l'écriture, il faut des bibliothèques dans les écoles.
Malheureusement, il existe trop d'écoles primaires qui n'ont pas de
bibliothèque et trop d'écoles primaires et secondaires où
la collection est vieillotte, gérée par n'importe qui et parfois
dans un état lamentable.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire puisque la
Fédération des comités de parents du Québec, dans
une résolution de son conseil d'administration, en juin 1990,
recommandait au ministre de l'Éducation, et je cite, "d'attribuer aux
commissions scolaires des budgets spéciaux sous forme d'enveloppe
fermée pour assurer l'implantation ou le maintien de locaux
adéquats réservés aux bibliothèques scolaires dans
les écoles québécoises; permettre l'achat et la mise
à jour des volumes et de la documentation; assurer la présence de
personnels qualifiés affectés à l'animation, à
l'organisation et à l'administration des bibliothèques
scolaires." Fin de la citation.
En octobre 1990, l'Association québécoise des professeurs
de français en faisait autant. Il s'agit donc d'un problème qui
ne concerne plus uniquement le ministère de l'Éducation mais
l'État québécois qui doit voir au soutien et au
développement de la culture chez les jeunes. Ces prises de position,
comme nos démarches répétées auprès du
ministère de l'Éducation, n'ont encore, semble-t-il, eu aucun
effet. Pourtant, pour améliorer la situation, il suffirait que le
ministère de l'Éducation assume le leadership dans ce dossier. Ce
serait peut-être suffisant pour que les administrateurs scolaires se
mettent à croire véritablement au rôle éducatif et
culturel de la bibliothèque. On peut tout au moins l'espérer.
Notons toutefois que le ministère de l'Éducation n'a pas
encore une loi sur les bibliothèques scolaires comme il y en a une pour
les bibliothèques publiques au ministère des Affaires
culturelles. Nous savons qu'elle fait l'objet d'une révision importante.
Nous nous en réjouissons puisqu'une bonne bibliothèque municipale
ne peut que rendre service aux jeunes lecteurs qui sont aussi nos
élèves. Il faudrait peu de chose pour que nos
préoccupations, nos efforts et notre travail s'harmonisent. Bien pis,
nous sommes dans l'obligation de dire qu'il n'y a aucun document officiel qui
précise la mission de la bibliothèque scolaire. C'est nous, et
nous seulement, semble-t-il, qui croyons que la bibliothèque joue dans
l'école un rôle à la fois pédagogique et culturel
qui, d'ailleurs, se complètent l'un et l'autre.
Si nous mentionnons cet aspect plutôt négatif des
bibliothèques scolaires, c'est que nous espérons qu'un
véritable ministère de la culture en arrivera à ce que,
comme le précise la recommandation 72 du rapport, et je cite, "la
culture soit traitée comme une priorité de l'État et que
cette volonté s'exprime au plus haut niveau du gouvernement par la
proposition à l'Assemblée nationale d'un projet de loi sur la
culture." Fin de la citation.
À ce propos, et pour terminer, nous formulons les recommandations
suivantes: premièrement, que l'État québécois
crée un véritable ministère de la culture et que celui-ci
s'associe au ministère de l'Éducation pour que l'école
joue tout son rôle culturel. Il y a lieu de se demander ici si, comme
c'est le cas dans certains pays dont le Japon, on ne doit pas songer à
regrouper dans le même ministère l'éducation et la
culture.
Deuxièmement: qu'un vrai ministère de la culture s'associe
avec les commissions scolaires et les écoles publiques et privées
pour développer un éventail d'activités culturelles. Ces
activités de promotion et de sensibilisation doivent porter sur la
lecture mais aussi sur l'image, la peinture, la sculpture, etc. Ces
activités ou ces campagnes de promotion ne doivent pas porter
uniquement
sur les ouvrages de fiction comme c'est le cas trop souvent, mais aussi
sur les ouvrages documentaires.
Troisièmement, que le ministère des Affaires culturelles,
le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires
municipales se penchent sérieusement sur la collaboration possible et la
mise en commun du personnel et de l'équipement entre les
bibliothèques municipales et les bibliothèques scolaires. Cela se
fait déjà sur une petite échelle dans certaines
municipalités desservies par une bibliothèque centrale de
prêt et l'école primaire du village.
Quatrièmement, que le ministère des Affaires culturelles
et le ministère de l'Éducation étudient la
possibilité de créer un unique service des bibliothèques
municipales et scolaires afin d'en arriver à une concertation et d'en
coordonner le développement. Après en avoir étudié
la faisabilité, ce nouveau service pour l'ensemble des
bibliothèques pourrait d'abord se vivre à titre
expérimental dans une région avant de l'étendre a tout le
Québec.
Cinquièmement, que la future commission consultative sur la
culture comprenne un représentant du monde des bibliothèques
scolaires.
Mesdames, messieurs, il ne me reste qu'à vous remercier et
à vous laisser sur ces quelques lignes de Fernand Dumont, dans "Le lieu
de l'homme": "Nous hésitons, dans l'éducation des jeunes, entre
l'encyclopédisme et l'école active. On peut penser, sans
céder à quelque prophétis-me échevelé, que
dans un avenir prochain les maîtres de la documentation seront ceux de
l'histoire: de l'histoire à écrire et de l'histoire à
faire. L'archiviste rejoindrait directement le technocrate par éviction
de l'historien et du politique. Déjà, les sciences de l'homme
sont débordées par le documentalisme... En toutes ces
incertitudes, les sciences de l'homme ne font que mimer la culture
elle-même qui fournit les frontières et le modèle de leur
précaire entreprise. Nous le redirons sans cesse, la culture est, pour
l'homme, distance de soi-même à soi-même. Elle est à
la fois l'origine et l'objet de la parole. " Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Théberge.
Alors, je vais passer la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles, députée de Marguerite-Bourgeoys, pour quelques
questions.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Théberge, M. Marcotte.
Félicitations pour votre mémoire. Vraiment, on se laisse bercer
finalement par ces mots parce que les propos ont tellement de sens. Je dois
vous dire deux choses. D'abord, au niveau des bibliothèques scolaires.
On connaît le piètre état des bibliothèques
scolaires, on ne s'en cachera pas. Le ministre de l'Éducation, M.
Pagé, était avec nous pas plus tard que la semaine
dernière, pour assurer la commission qu'il s'attaquait aux
bibliothèques scolaires en priorité, et ce, dès 1992. En
attendant, pour votre information, il y a un comité qui a
été mis sur pied en juin 1991. Je dois recevoir le rapport en
décembre 1991. Et c'est un comité mixte: Affaires municipales,
Éducation et, évidemment, Affaires culturelles. C'est justement
pour préciser d'abord les mandats respectifs de chacun. C'est aussi un
comité de collaboration et de coopération pour regarder
finalement toute la problématique des bibliothèques scolaires, ce
que, nous, on a développé comme réseaux de
bibliothèques, et voir, bon, qu'est-ce qu'il y a à faire dans un
champ et, ensuite, nous on suit, évidemment, et on sait ce qu'il y a
à faire dans l'autre. Mais comment on peut faire aussi pour faire une
espèce d'interrelation entre les deux? Déjà, il y a plus
qu'une volonté, il y a des actions précises.
Ceci dit, ma question, il y a une recherche qui a été
faite par l'université de Dalhousie, je pense, qui disait que
l'intégration des bibliothèques scolaires et municipales, si on
parle de bibliothèques scolaires et municipales ensemble, - je suis
allée en inaugurer une dans le comté de Portneuf... Donc, quand
on joint les deux, est-ce que, premièrement, c'est faisable, et
deuxièmement... La recherche disait qu'au-dessus de 3000 personnes,
évidemment, ce n'était pas applicable. Qu'est-ce que vous pensez
de ça?
M. Théberge (Jean-Yves): Mme la ministre, je pense que la
question est complexe. Je pense que, si, demain matin, on décidait de
prendre une bibliothèque municipale, d'enlever l'affiche et de la
remplacer par "bibliothèque municipale et scolaire", on s'attirerait un
certain nombre de problèmes. Il faut savoir - je pense que vous le savez
- qu'il y a des pays où ça existe, par exemple au Danemark
où les bibliothèques sont municipales et scolaires. Bien
sûr que, là, la situation politique est un peu différente
puisque les écoles primaires relèvent de la municipalité
et ne relèvent pas d'une commission scolaire comme c'est le cas ici.
Nous pensons sincèrement qu'à la base... Je pense que vous
l'avez remarqué, on n'a pas fait de demande d'aucun sou parce qu'on sait
que c'est difficile, que les commissions scolaires sont en restriction
budgétaire, et tout. Je pense que la solution, c'est le partenariat.
L'avenue n'est pas tracée. Il y a une certaine volonté d'en
arriver à un partenariat avec le monde des bibliothèques
scolaires. Il va falloir prendre le temps de s'y pencher très
sérieusement. Il y a sûrement des solutions. Il y a sûrement
des solutions. Il y a des pièges qu'il faut absolument éviter. Je
ne nommerai pas la ville, mais il y a une ville qui a créé
quelques bibliothèques municipales dans des écoles, et ils
appellent ça des bibliothèques à la fois municipales et
scolaires. Or, en pratique, c'est la ville qui fait les achats des documents.
Alors, ça ne peut pas répondre à un besoin scolaire.
Ça a été pensé de cette façon. Il y a une
erreur à la base. Il faut
qu'il y ait un comité à la fois scolaire et à la
fois municipal, des gens qui s'asseoient et qui disent: À quoi cela
pourrait ressembler une bibliothèque qui peut répondre aux deux
besoins?
Nous sommes convaincus que, si cela peut exister, encore faut-il que
quelqu'un s'y penche sérieusement. Vous me parliez du comité qui
travaille là-dessus depuis 1991, nous n'étions pas au courant. On
a été heureux de le savoir.
Mme Frulla-Hébert: Juin 1991, c'est assez
récent.
M. Théberge (Jean-Yves): II faudrait voir ce qui peut
être fait exactement. On est convaincu qu'il n'y a pas d'autre solution
présentement que le partenariat. Ça, c'est sûr. Nous sommes
disponibles. Nous sommes prêts à y travailler si c'est
nécessaire.
Le Président (M. Gautrin): M. Marcotte, pour les fins de
l'enregistrement.
M. Marcotte: II ne faudrait pas oublier qu'une
bibliothèque municipale et une bibliothèque scolaire ont deux
rôles différents, à un moment donné. Si on disait
qu'on faisait une bibliothèque municipale et scolaire, si la
bibliothèque était dans un autre lieu que l'école,
ça serait très difficile à vivre parce que les
élèves ou les enseignants ont souvent accès à la
bibliothèque. On ne pourrait pas retirer la bibliothèque de
l'école pour l'envoyer au municipal alors que l'inverse pourrait
être possible. Si une école était équipée
d'une bibliothèque et desservait à la fois la municipalité
ou une partie de la municipalité, ça serait peut-être
viable à ce niveau-là. Encore là, la clientèle qui
fréquente une école primaire ou une école secondaire et
les adultes, ce sont trois clientèles différentes. Donc, le fonds
documentaire, il faudrait qu'il soit assez vaste pour être capable de
fournir toute la clientèle qui pourrait venir à la
bibliothèque.
C'est pour ça qu'il faut envisager ça à long terme,
voir dans quel milieu ce serait possible et sous quelle forme ce serait
possible de réaliser ces choses-là. Je sais que, dans le bout de
la Mauricie, il se fait des tentatives au niveau secondaire,
bibliothèque municipale et secondaire. Mais il semblerait qu'ils ont eu
des problèmes de fonctionnement au départ et que ce serait
réglé jusqu'à un certain point.
Encore là, comme le disait Jean-Yves, il y a un problème
d'acquisition de documents aussi. On sait que les écoles secondaires et
les commissions scolaires n'investissent pas beaucoup d'argent dans les fonds
documentaires, alors que, dans les municipalités, on investit
peut-être un peu plus. Il y a toujours la querelle à savoir qui va
mettre l'argent pour le fonds et qui n'en mettra pas, etc. Il y a le même
problème au niveau du personnel. Comme au niveau scolaire, souvent, on
n'a pas de personnel au niveau primaire, alors que, dans les
bibliothèques municipales, ils ont du personnel, mais qui va servir qui
à un moment donné?
C'est toujours le problème où on doit ménager la
chèvre et le chou. C'est dans ce sens-là. (20 h 30)
Mme Frulla-Hébert: C'est de planifier aussi parce qu'on
investit. Remarquez que, là, les bibliothèques, le réseau
public, sans être totalement complété, on rejoint quand
même 88 % de la population maintenant. Il y a eu un grand effort de fait
à partir des années quatre-vingt, d'ailleurs, avec le plan
Vaugeois... Ensuite, il y a eu, dans les années quatre-vingt,
après, dans les années 1986, 1987 et jusqu'à maintenant,
47 000 000 $ d'investis. Ça, c'est de l'infrastructure. On
s'aperçoit aussi que nos bibliothèques, en termes de
collections... Et Dieu sait si on a eu des représentants, justement, du
monde du livre et des bibliothèques pour nous parler. On en est
conscients aussi que les collections ne sont pas très riches et le
personnel compétent ... Mais ce serait d'essayer de pouvoir combiner les
deux, dans un sens où chacun a ses fonctions, mais au moins de
créer une synergie de telle sorte qu'un puisse bénéficier
de l'autre et vice-versa, si jamais c'est possible.
M. Théberge (Jean-Yves): Ce partenariat peut se faire
autour du personnel aussi. Souvent, les bibliothèques municipales ont un
personnel qu'on ne retrouve pas dans nos écoles. Si on prend l'exemple,
au primaire, de l'heure du conte, quand les gens de la bibliothèque
municipale font l'heure du conte, ils le font pour nos élèves,
mais ils ne sont pas à l'école à ce moment-là,
c'est le samedi matin, etc. Donc, il y aurait moyen de combiner, d'utiliser le
personnel au maximum sans que ça coûte nécessairement plus
cher. Il y a sûrement des solutions, sauf que, pour des raisons qui ne me
regardent pas, il y avait comme un mur rempli d'isolant entre les
bibliothèques municipales et les bibliothèques scolaires.
Mme Frulla-Hébert: Là, ce qu'on essaie de faire -
d'ailleurs, vous l'avez mentionné dans votre mémoire - c'est de
combiner de plus en plus, pas de combiner, mais de réintégrer, de
moderniser et d'actualiser tout ça, toute la notion de culture. Donc,
enseignement culturel, c'est-à-dire des arts, ainsi que le
français, etc., dans les écoles et se servir des moyens modernes
et des moyens qu'on a à notre disposition, que l'on a
développés au niveau des Affaires culturelles aussi pour que
ça se fasse. Alors, il y a une ouverture des deux secteurs qui est quand
même assez grande.
Le Président (M. Gautrin): M. Marcotte, vous voulez
répondre?
M. Marcotte: Actuellement, on a un rattra-
page à faire. Moi, par mon expérience - j'ai
été au secondaire pendant des années... En 1985, il y a eu
une intégration des commissions scolaires dans notre région. Au
primaire, il y avait 17 écoles: aucune école n'était
organisée au niveau bibliothèque. Comme on sait que c'est la base
de l'apprentissage de la lecture, on allait à l'inverse. Alors qu'il
aurait fallu donner le goût de lire aux élèves du primaire,
on avait du personnel au secondaire, des écoles avec
bibliothèques équipées et, au primaire, H ne se faisait
rien. On fait du ménage depuis quatre ans dans nos bibliothèques.
On a gardé tout près de 30 000 volumes dans 13 écoles
primaires et, sur les 30 000 volumes, il y en aurait encore 15 000 à
retirer parce que les volumes datent de 1980 et plus... et moins. En tout cas,
50 % des volumes datent de 1980 à aujourd'hui et les autres sont plus
vieux que 1980. Dans certaines écoles, on retrouve un seul volume qui
date de 1980 à aujourd'hui. Donc, on a un rattrapage énorme
à faire à ce niveau-là.
Alors qu'on sait qu'au primaire on devrait avoir, en moyenne, 4000
volumes par école, actuellement, on est à peine à la
moitié de l'inventaire de ce qu'on devrait avoir pour répondre
à un besoin de la clientèle scolaire. C'est pour ça qu'on
dit qu'il faudrait que le municipal, l'éducation et le culturel se
donnent la main parce que c'est important d'investir dans les
bibliothèques scolaires pour les jeunes du primaire. On dit que c'est
vers 10 ans, 11 ans que le jeune prend le goût de lire, et si on ne le
développe pas à ce niveau-là, on le perd pour le restant
de ses jours, en fin de compte. Ce n'est pas au secondaire que le jeune va
prendre le goût de lire s'il ne l'a pas pris au primaire.
L'autre jour, je faisais du ménage dans une école
secondaire et, dans la section littérature québécoise, sur
huit rayons de bibliothèque, il a fallu jeter systématiquement
tous les volumes, il n'y avait aucun volume récent depuis 1980.
Mme Frulla-Hébert: M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Ça va? Bon, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Et porte-parole de l'Opposition pour les arts et la
culture. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Et porte-parole de l'Opposition
pour les arts et la culture. Et quoi encore?
M. Boulerice: Chargé de la francophonie. Le
Président (M. Gautrin): Merci.
M. Boulerice: Membre du Bureau de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Gautrin): Merci.
M. Boulerice: Ceci étant dit, M. Théberge, M.
Marcotte, bienvenue à cette commission. La ministre vous a dit, de
façon fort agréable, qu'elle avait reçu vos paroles comme
une berceuse. Moi, je vous dis: Attention! ne vous laissez pas endormir par sa
contine. Il y a bien des études, mais peu de lois. Enfin, il y a autant
d'études à ce ministère qu'il y a de bonnes intentions qui
parlent d'en faire. Il y a une étude sur les biens historiques, on
attend toujours la loi. On attend toujours la loi sur les bibliothèques
scolaires, bibliothèques centrales de prêt... Enfin, je pourrais
vous en énumérer plusieurs.
La mise en garde ayant été faite, si j'ai bien compris la
dernière intervention de M. Marcotte, et il me corrigera, dans le cas
des bibliothèques scolaires, outre le fait... Entre parenthèses,
dans rénumération, j'aurais pu dire: Et administrateur scolaire
en congé sans solde pour charge publique. Donc, lorsque vous venez me
parler de bibliothèques scolaires, forcément c'est une grande
partie de mon vécu. Outre les écoles qui, malheureusement, n'en
ont pas, pour les actuelles, la priorité prioritaire, comme on dit
très souvent, c'est l'actualisation des collections. C'est bien
cela?
M. Marcotte: Actuellement, c'est qu'on veut renouveler les fonds
documentaires pour que les jeunes puissent avoir accès à des
volumes récents. Ça fait deux ans que je fais le tour des
écoles, je fais l'initiation des élèves à la
bibliothèque, à raison de trois jours par semaine. Je rencontre
tout près de 150 groupes d'élèves. Il y a des volumes que
je vois sur les tablettes et qui n'ont pas bougé depuis deux ans. La
façon dont je fais l'initiation, je prends les mêmes titres de
jour en jour, de mois en mois et les volumes n'ont pas bougé. Hier, pas
plus tard qu'hier, je faisais une expérience. Je prenais deux volumes de
la bibliothèque, un qui datait de 1961 et l'autre de 1990, et je les
montrais aux élèves en disant: Lequel vous liriez dans ces deux
livres-là? Automatiquement, les élèves sautent sur le plus
récent. L'autre, ils ne veulent même pas le voir. Actuellement, on
a 50 % de notre fonds documentaire qui est beaucoup trop vieux. Il nous en
reste 50 %. On a à peine le quart des volumes qu'on devrait avoir dans
nos bibliothèques scolaires pour répondre aux besoins des
élèves.
M. Boulerice: Bon, vous pourriez me dire - peut-être que
mes collègues pourraient faire cette remarque également - que ce
n'est pas ici la commission de l'éducation. Mais, pour cerner le
problème, je crois que la question doit être posée et la
réponse, forcément entendue. Au niveau du personnel dans les
bibliothèques scolaires, à la lecture de votre mémoire et
après avoir entendu vos réponses tantôt, c'est loin de
l'abondance?
M. Théberge (Jean-Yves): Présentement, il y a une
pénurie de personnel, une pénurie assez grande, surtout dans les
écoles primaires. Mais je voudrais faire une remarque sur ce que vous
disiez juste avant. Je pense qu'il est assez clair qu'on a minimisé le
rôle de la lecture et de l'écriture dans les écoles et que
c'est la première porte d'entrée de la culture. Ça ne sert
à rien si on ne met pas des livres intéressants à lire
entre les mains des élèves. La lecture et l'écriture,
ça se développe, mais marginalement. Pourquoi marginalement?
Parce que les gens qui les développent ont acquis cette
habitude-là chez eux. Donc, on voit ça surtout dans les
centres-villes, dans les milieux un peu moins riches. C'est à
l'école à faire entrer les élèves dans le monde de
la lecture, de l'écriture, de la documentation, et de tout, et de tout.
De toute façon, on constate très rapidement que ce ne sont pas
les ouvrages de fiction qui accrochent le plus les élèves. Mais
comme tout être humain a un intérêt pour un sujet
quelconque, dès qu'il trouve des volumes qui traitent de ce
sujet-là, que ce soit le guide de la moto, comme on voit souvent,
l'espace ou les avions, etc., c'est la porte d'entrée, finalement,
à la culture.
Mais je reviens au personnel. C'est sûr qu'on a un problème
de personnel. Prenons un exemple très précis. Dans les
écoles primaires, il y a beaucoup de parents bénévoles,
mais ils sont généralement très mal encadrés.
Alors, il y a une énergie très grande qui, finalement, est
très mal utilisée. Les gens, ils se désintéressent
du travail qu'on leur demande de faire, du travail qui n'a finalement aucun
sens ou qui... Il n'y a pas de débouché avec ça alors que
ça pourrait être beaucoup plus rentable s'il y avait quelqu'un
pour les entourer, fixer le travail qu'il y a à faire. Sans dire
"utiliser" ces gens-là, il y a souvent là-dedans d'excellentes
mères de famille qui pourraient, par exemple, faire l'heure du conte.
Ça se fait dans certaines écoles après entente avec les
enseignants et ça va très bien. Il y a là du personnel
possible. Souvent, c'est le personnel pour gérer. Ça, c'est une
autre paire de manches. En général, dans les écoles
secondaires, ça va, mais pas toujours. Il y a des secrétaires qui
gèrent les bibliothèques de 1500 et 2000 élèves. Ce
n'est pas très gai, ça, ou une technicienne en documentation.
Mais ça va mieux au secondaire qu'au primaire.
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Gautrin): M. le député.
M. Boulerice: Le rapport Arpin nous a rappelé qu'il y
avait une très forte diminution de l'intérêt de la lecture
chez les jeunes. Par contre, c'était très ciblé entre la
troisième année et la sixième année du primaire.
Comment peut-on l'expliquer? Le manque d'incitation du milieu scolaire comme
tel, le trop fort attrait d'autres véhicules comme - je ne sais pas, moi
- la télévision, la radio, etc. ou la pauvreté des
bibliothèques, de certaines bibliothèques? Ou est-ce que c'est un
amalgame d'à peu près toutes les hypothèses que je viens
d'énoncer?
M. Théberge (Jean-Yves): II est sûr que la
télévision a une force d'attraction que les bibliothèques
scolaires n'ont pas ou ne semblent pas avoir, en tout cas. Mais, je ne vous
donnerai qu'un exemple. À la commission scolaire chez nous, la
responsable d'une bibliothèque secondaire me disait la semaine
dernière: Je ne comprends pas, les prêts ont doublé cette
année, mais en septembre et octobre. Si ça n'avait
été qu'un mois, mais au mois de septembre et au mois d'octobre,
les prêts ont doublé par rapport à septembre et octobre
1990. Or, on a constaté que ces élèves viennent
d'écoles secondaires où les bibliothèques ont
été redressées il y a deux ans. Il y a deux ans, deux ans
et demi, où il y avait 4000 livres, on en a gardé à peu
près une dizaine sur une tablette et on a fait entrer - on a eu un
budget intéressant - entre 3000 et 3500 nouveaux livres de fiction et
documentaires. On avait noté dans ces écoles que le prêt de
volumes avait explosé; c'est incroyable la quantité
d'élèves qui se sont mis à emprunter des livres, dans ces
écoles primaires là. Or, ils arrivent au secondaire et on
constate que le prêt double par rapport à ce que c'était
l'année précédente. Donc, il est sûr qu'il y a une
diminution, pour des raisons tout à fait normales. Quand les
élèves entrent au secondaire, les intérêts vont
parfois plus rapidement chez le voisin ou la voisine, tenant compte de
l'âge qu'ils ont, et la lecture prend le bord un peu. Mais, quand
même, on voit que, s'ils ont été initiés, s'ils ont
eu la chance de lire des volumes agréables à lire au primaire,
bien, au secondaire, il y a un effet.
M. Boulerice: Oui. D'accord.
M. Théberge (Jean-Yves): Ça reste à voir,
ça, dans la pratique, avec une enquête beaucoup plus
précise.
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Gautrin): Bon...
M. Boulerice: Je sens que le président va m'informer que
mon temps est écoulé, mais j'aurais aimé...
Le Président (M. Gautrin): Non, non. Vous êtes
presque à la limite, mais enfin...
M. Boulerice: Presque à la limite... Vous l'avez
évoquée sans globaliser, mais, effectivement, il y a une
restructuration des commissions scolaires, donc un partage qui doit
nécessaire-
ment se faire. Vous sembliez dire que le partage au niveau des
bibliothèques a été catastrophique, c'est ça?
M. Théberge (Jean-Yves): De quel partage?
M. Boulerice: Bien, monsieur a parlé tantôt de
l'intégration des commissions scolaires. Les cartes scolaires sont en
train d'être modifiées en fonction de l'intégration. Donc,
ça implique forcément le partage territorial. Les
équipements doivent suivre, il va de soi. Il semble qu'il y a bien des
secteurs où une commission se retrouve dans un degré de
pauvreté et d'autres, dans un degré non pas d'abondance - parce
que je ne pense pas que les gens soient riches - mais, au niveau des
bibliothèques, mieux équipée, d'où un effort peut
être plus soutenu au niveau scolaire.
M. Marcotte: Ça, c'est parce que dans notre région,
à vïctoriaville, on avait une régionale, quatre commissions
scolaires élémentaires. À l'élémentaire, il
y a une seule commission qui était responsable de la
bibliothèque. Avec l'intégration, on se ramasse avec deux
commissions scolaires qui n'ont aucun responsable de bibliothèque alors
qu'il y en a deux qui en ont. Moi, j'étais au secondaire; j'arrive au
primaire. Actuellement, je consacre 95 % de mon temps au primaire. Au
secondaire, il y a déjà du personnel. Donc, on y va du temps dont
on dispose dans ce sens-là. C'est pour ça qu'on dit actuellement
que, dans la région 04, H y a beaucoup d'inégalités au
niveau des commissions scolaires par rapport aux responsables de
bibliothèques. Il y a des commissions où il n'y a aucun
responsable. On a des rencontres régionales régulièrement
et il y a des commissions qu'on ne voit jamais apparaître alors qu'il y
d'autres commissions qui sont très organisées. L'autre jour, je
discutais avec une personne. Il y a un phénomène inverse qui
s'est produit dans la région. Sur la rive nord, il y a des commissions
scolaires qui avaient des responsables de bibliothèques depuis des
années alors que, nous autres, on n'en avait pas. Actuellement, c'est
l'inverse. On aurait pris le dessus par rapport à eux parce que eux
autres ont diminué au niveau efficacité, au niveau documentation
et au niveau personnel. Donc, il y a eu un balancement à ce
niveau-là. Actuellement, au niveau scolaire, on est en bas du minimum
vital au niveau fonds documentaire, fonds en personnel et fonds en ressources
matérielles.
M. Boulerice: Oui, d'accord. M. Théberge, M. Marcotte, je
vous remercie de votre présence à la commission et...
Le Président (M. Gautrin): Oui, j'aurais une petite
question, moi.
M. Boulerice: ...je serai attentif quant aux suites de la
contine.
Le Président (M. Gautrin): Bien, attendez! Moi, j'ai une
question encore - il nous reste un peu de temps - si vous me permettez.
J'aurais une question de volet pour bien savoir si j'ai compris ce que vous
dites.
Premièrement, au point de vue pédagogique, vous dites:
C'est bon qu'il y ait un certain lien entre les bibliothèques
municipales et les bibliothèques scolaires, mais, physiquement, dans
chaque école, il doit encore y avoir une bibliothèque. C'est
ça que vous me dites? Pour que les enfants puissent fréquenter...
Vous ne pensez pas, par exemple, que, dans la grande bibliothèque
municipale, il y a aussi des collections pour les jeunes? Ce n'est pas
ça que vous voulez?
M. Théberge (Jean-Yves): Non. Je pense qu'à la base
il faut que les élèves aient accès, en fonction de leur
horaire, à une bibliothèque et le plus souvent possible.
Le Président (M. Gautrin): Située dans
l'école?
M. Théberge (Jean-Yves): Autant que possible. Ça
peut être dans l'immeuble à côté.
Le Président (M. Gautrin): Je comprends, mais accessible
facilement de l'école.
M. Théberge (Jean-Yves): Oui.
Le Président (M. Gautrin): Deuxième question:
Est-ce que vous envisagez, à ce moment-là, qu'il puisse y avoir,
dans une municipalité, un fonds commun à toutes les écoles
et qu'il y ait circulation des volumes entre les différentes
écoles et la municipalité? Est-ce que c'est ça que vous
pouvez envisager?
M. Théberge (Jean-Yves): C'est une formule qui serait
pensable. On ne l'a pas mentionnée, nous, mais ça vaudrait
peut-être la peine de se pencher sur une telle proposition. Non seulement
une documentation qui pourrait servir et le monde scolaire et les gens de la
municipalité, mais peut-être aussi le personnel qui gravite autour
de ça.
Le Président (M. Gautrin): M. Marcotte, vous voulez...
M. Marcotte: La semaine dernière, j'étais à
faire du ménage dans une école - parce que chaque classe avait
une bibliothèque de classe - et il y a deux enseignants qui m'ont dit:
Nous autres, actuellement, on va s'alimenter à notre bibliothèque
municipale parce que, dans l'école, on n'a acheté aucun volume
depuis six ans. Donc, à chaque semaine ou à chaque deux semaines,
l'enseignante va à la bibliothèque municipale et rapporte 30, 40,
50 volumes. Elle les apporte en classe, puis, après deux semaines,
elle les rapporte. Alors, c'est une forme d'échange mais, moi, je
dis qu'actuellement, à cette école-là, il y a une carence
au niveau de la bibliothèque parce qu'il y a des volumes qui datent des
années cinquante, soixante. Il ne se fait plus rien, à ce
moment-là.
Le Président (M. Gautrin): Écoutez, je vous
remercie pour l'éclairage que vous avez apporté à... M.
Marcotte, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Marcotte: J'aurais un souhait à faire. Le
Président (M. Gautrin): Allez-y.
M. Marcotte: Suite à un échange qui a eu lieu au
Danemark en 1988, deux personnes de la région 04 sont allées y
passer deux semaines. Au Danemark, il y a une politique qui est
systématiquement établie: pour tout volume qui est produit par
les gens du Danemark, automatiquement, il y a une copie qui apparaît dans
chaque école. Est-ce que ça pourrait être une
possibilité au niveau du ministère des Affaires culturelles?
Toute maison québécoise qui édite un volume,
automatiquement, pour chaque volume, il y aurait une copie qui serait
envoyée dans chacune des écoles, et ça, à
même le budget, comme on disait tout à l'heure, soit du
ministère des Affaires culturelles, du ministère des Affaires
municipales ou du ministère de l'Éducation.
Actuellement, il y a des écoles - moi, je fais l'inventaire -
où il y a à peine un rayon de volumes, de documents
québécois. On sait - j'ai fait un inventaire - que, depuis une
dizaine d'années, il s'est écrit tout près de 800 volumes
pour les élèves du primaire.
Le Président (M. Gautrin): Je comprends.
M. Marcotte: Certaines écoles ont à peine 30 ou 40
volumes.
Le Président (M. Gautrin): Écoutez, je vous
remercie de cette suggestion. Je suis sûr que ce sera pris en
considération par la ministre, le cas échéant.
M. Boulerice: ...souveraine.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, M.
Théberge et M. Marcotte, je vous remercie. Évidemment, votre
recommandation no 3, on y voit déjà, ce n'est pas une contine. Il
faut se dépêcher parce que notre ministre de l'Éducation
veut avoir un plan d'action pour 1992, statué et dit ici parce que,
honnêtement, la situation est intenable. Je pense qu'on est tous d'accord
avec ça, ça n'a pas de bon sens. Je suis certaine que, dans le
processus... Ensuite, au niveau des commissions scolaires, etc. Là,
à ce moment-là, avec le ministre et le ministère de
l'Éducation, vous allez être partie prenante, finalement, de ces
plans d'action. Alors, merci beaucoup, merci d'avoir été ici,
merci de nous sensibiliser aussi. Je pense que c'est important.
Le Président (M. Gautrin): M. Théberge et M.
Marcotte, je tiens à vous remercier au nom de la commission. Je vais
maintenant demander la Société d'histoire du théâtre
du Québec, représentée par M. Bourassa, M. David, Mme
Gurik et Mme Chantai Hébert.
Merci. Est-ce que vous voulez suspendre pour quelques minutes? Non?
Est-ce que vous voulez une brève suspension? Alors, une minute de
suspension.
(Suspension de la séance à 20 h 50)
(Reprise à 20 h 51)
Le Président (M. Gautrin): Nous allons reprendre nos
travaux, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et le
porte-parole de l'Opposition en matière de langue et de culture.
Bonjour, monsieur. Vous êtes M. Bourassa?
M. Bourassa (André G.): Je suis André Bourassa.
Le Président (M. Gautrin): C'est vous qui êtes le
porte-parole. Vous avez compris, actuellement, qu'il y a 45 minutes qui vous
sont allouées et qu'on doit partager de la manière suivante: 15
minutes pour votre présentation, 15 minutes pour les commentaires du
parti gouvernemental et 15 minutes pour les commentaires du parti de
l'Opposition. Alors, vous avez la parole.
Société d'histoire du
théâtre du Québec
M. Bourassa (André G.): M. le Président, madame,
messieurs les membres de la commission parlementaire sur la culture et les
arts, c'est avec plaisir que nous venons vous rencontrer et vous parler de nos
principales préoccupations en matière d'arts et de culture.
Nous avions pensé procéder d'une façon un peu
différente à l'idée que vous aviez probablement lu ce
document ou qu'on avait attiré votre attention, en tout cas, sur
certains points, de sorte que nous pourrions tout simplement attirer
l'attention à nouveau sur les points essentiels de ce projet
plutôt que de lire les 20 pages que vous avez là.
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr.
M. Bourassa (André G.): Ensuite, ça vous laissera
peut-être plus de temps pour les questions que vous partagerez à
votre choix.
Alors, je vous présente Mme Renée Noiseux Gurik, à
ma droite, qui est membre de la Société
et professeur de théâtre au collège Lionel-Groulx,
section scénographie en ce qui la concerne et M. Gilbert David, qui est
chargé de cours à différentes universités du
Québec en théâtre, notamment à l'UQAM, à
Chicoutimi et à l'Université de Montréal pour l'instant.
Il est aussi critique de théâtre au Devoir. M. Alonzo
Leblanc, qui remplace Mme Chantai Hébert pour la circonstance, occupe
sensiblement les mêmes fonctions que Mme Hébert,
c'est-à-dire professeur de théâtre et de littérature
au Département d'études littéraires de l'Université
Laval.
Nous sommes une société d'histoire, bien sûr, mais,
en réalité, en mutation, une société qui devient de
plus en plus une société de recherche en théâtre.
Donc, ça n'est pas seulement l'histoire qui nous préoccupe, mais
aussi tout ce qui est approche sociologique, psychologique ou esthétique
du théâtre. Nous sommes une société de recherche,
mais une recherche essentiellement axée sur l'art dramatique, sur le
théâtre pratique. Donc, ce n'est pas d'abord une
société de recherche sur les textes ou sur la dramaturgie, bien
que ce soit inclus dans l'ensemble.
Nous avons prévu vous parler de certaines grandes
préoccupations soulevées par votre rapport. Premièrement,
nous sommes très heureux de cette idée d'une politique des arts.
Ça nous a paru sain, cette volonté de se donner une politique. Il
reste à savoir quelle politique et jusqu'où va une politique des
arts. C'est justement, au fond, de ça que vous débattez depuis
plusieurs jours!
Par exemple, le rapport Arpin soulève des questions qui nous
laissent sur notre faim sur les rapports qu'il peut y avoir entre les arts et
la culture, entre la culture et l'industrie culturelle. Nous croyons qu'il ne
faut absolument pas confondre les deux, que la création, que le
théâtre - puisque c'est surtout ça qui nous
préoccupe - de création a besoin de l'aide du ministère
des Affaires culturelles plus encore que l'industrie culturelle. Une
idée que nous aurions, c'est qu'à partir du moment où un
art, où une troupe, où un projet fonctionne de façon
rentable et à grande échelle, c'est beaucoup plus du
côté du ministère de l'Industrie et du Commerce qu'il
devrait s'adresser que d'aller drainer les fonds du ministère des
Affaires culturelles qui, lui, devrait, au contraire, être à la
trace de toute nouvelle forme de création, de tout besoin de soutien de
la part de ceux qui sont l'avenir de notre culture et qu'on n'a pas encore
réussi à voir passer ou qu'on n'a pas encore réussi
à appuyer. C'est ceux-là, au fond, il nous semble, que le
ministère des Affaires culturelles doit aller dénicher et
appuyer, plus encore que ceux qui sont capables de voler de leurs propres
ailes. De toute façon, l'expérience a déjà
été faite. Mon éditeur a déjà obtenu de
faire, entre autres, une promotion des livres auxquels j'ai participé
à même les fonds du ministère de l'Industrie et du
Commerce et non pas des Affaires culturelles.
Le rapport Arpin laisse entendre que les industries, comment dire, les
institutions culturelles sont complètes et en place. Nous sommes
d'accord qu'il y a beaucoup de chemin qui a été fait, qu'il y a
effectivement des institutions très importantes qui ont
été mises sur pied. Il en manque une à notre point de vue.
Il y a un art pour lequel il n'existe ni bibliothèque centrale, ni
institut de recherche, ni musée, et c'est le théâtre. Je
pense qu'il est grandement temps qu'on fasse quelque chose et qu'il ne faut pas
attendre que ça se fasse à Toronto. Il ne faut pas attendre que
ce soit le gouvernement fédéral qui le fasse pour nous. Tant
mieux s'il le fait, mais je pense que nous avons, nous, comme
Québécois, le devoir de préserver la culture
québécoise dans son côté théâtre. Tout
se perd, tout ce qui est décor, maquettes, costumes. Dans certains cas,
c'est peut-être sans conséquence, mais, dans d'autres cas, au
contraire, ça devrait être préservé comme c'est
préservé dans bien des pays, comme c'est préservé
en France, comme c'est préservé aux États-Unis. Il faut
savoir préserver certains artefacts, par exemple. Il n'y a nulle part
d'endroit où ça peut se faire, sauf pour certaines troupes qui
ont la chance d'avoir des espaces plus grands que d'autres, qui vont conserver
- parce qu'elles y sont attachées -des maquettes, quelques costumes,
quelques éléments de décor. Donc, je pense que ça
fait partie de notre histoire, ça fait partie de notre culture.
Un autre problème qui est lancé par le rapport Arpin,
vis-à-vis duquel il faut vraiment que le gouvernement bouge rapidement,
c'est l'arrimage entre le ministère des Affaires culturelles et le
ministère de l'Éducation. Encore dernièrement, on
lançait l'idée de supprimer les conservatoires, par exemple.
Ça ne nous paraît pas un débat qui a été
fait. Ça ne nous paraît pas une solution à laquelle on doit
céder tant qu'on n'aura pas fait, une fois pour toutes, l'inventaire de
l'arrimage entre les différents lieux de formation de nos
étudiants en théâtre, qu'on n'aura pas défini leurs
objectifs et défini le temps qui leur est alloué.
C'est-à-dire qu'il y a deux cégeps, par exemple, qui en font une
option de trois ans; il y en a même un qui est rendu à une
quatrième année. Il y a un conservatoire, deux conservatoires
provinciaux. Il y a une école nationale à fonds
fédéraux, y incluant des fonds venant du Québec. Il y a
une université qui a une majeure, deux universités qui ont des
mineures. Chacune a ses objectifs. Je pense qu'ils doivent être
précisés et que les liens entre le ministère des Affaires
culturelles et le ministère de l'Éducation sont à
définir. Nous ne prétendons pas avoir de recette. Nous ne
prétendons pas vous donner de leçon. Nous sommes simplement
conscients qu'il y a des gestes à poser et qu'il ne faut pas attendre
qu'il soit trop tard pour essayer de réparer des choses après
coup.
Arrimage, comme j'ai dit aussi tantôt, entre le ministère
des Affaires culturelles et le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Je ne donnerai pas de nom, mais on a donné une subvention énorme
à une industrie du rire qui fart bien ses frais. Bon, tant mieux! Je
pense qu'elle a besoin d'être appuyée comme toute bonne industrie
a besoin d'être appuyée. Il n'est pas évident que tous ces
millions, c'est là qu'ils devaient aller. Il y a bien d'autres projets
urgents qui sont l'avenir de notre culture et qui ont besoin de support autant
et plus que ce genre d'industrie que je respecte, par ailleurs, et que nous
respectons.
Il y a certainement, dans les problèmes qui sont à
soulever, des problèmes de redéfinition des liens entre le
primaire, le secondaire et le milieu des arts. On dit que le programme de mise
en contact des artistes avec le milieu de l'éducation a
été supprimé. Ça, c'est vraiment dommage parce que
ce n'est pas évident dans toutes les régions que les
étudiants de nos écoles primaires ou secondaires savent vraiment
ce que c'est un artiste autrement que cette vedette abstraite qu'ils voient sur
un écran de télévision. Ils doivent savoir que l'art est
une chose qui est à leur portée, que l'artiste est quelqu'un de
vivant, de simple, avec lequel ils sont capables d'entrer en contact et qu'ils
seront capables de remplacer un jour. Ce n'est pas seulement en les voyant sur
des écrans qu'ils vont comprendre ce que c'est, que la carrière
d'artiste se compare à n'importe quelle autre carrière.
Vous remarquerez que, dans le domaine des arts, c'est bien souvent par
famille que ça fonctionne, c'est-à-dire qu'il y a des
générations de père, fils, fille, mère, fils, fille
qui fonctionnent, et c'est tant mieux. Mais si beaucoup plus de nos jeunes
étaient en contact plus fréquemment avec des artistes, on verrait
peut-être naître des vocations d'artistes dans tous les milieux et
dans toutes les régions.
Nous croyons qu'il y a des efforts à faire au niveau
supérieur, au niveau universitaire. On vous l'a dit, je sais que mon
recteur est passé avant moi, je suis professeur à l'UQAM, je sais
qu'il est passé avant moi pour vous rappeler un projet dont je suis
responsable. Nous sommes à mettre au point un doctorat en étude
et pratique des arts. Il n'y a pas, au Québec, de doctorat en
étude et pratique des arts. Un doctorat d'histoire, un projet de
doctorat d'histoire de l'art, bon. Mais, en aucun cas, il n'est possible
actuellement pour un artiste de prétendre arriver au niveau doctoral. On
peut se demander s'il est nécessaire pour un artiste, peintre ou autre,
d'avoir un diplôme. Mais, en réalité, c'est moins la
diplomation, le papier qu'on accroche qui est important pour l'artiste que la
nécessité pour lui de pousser toujours plus avant la recherche et
l'expérimentation en arts. La demande est fréquente pour
ça. Je donne surtout des cours du niveau de la maîtrise en arts.
Nous avons, en théâtre, constamment des inscriptions de gens qui
ont fait le conservatoire, qui ont fait l'École nationale, qui ont fait
le cégep en théâtre et qui veulent aller toujours plus
avant parce qu'ils veulent être en contact avec la nouvelle recherche.
Ils veulent savoir ce qui se fait non seulement au Québec, mais à
l'étranger, pas rien qu'aux États-Unis, mais en France, en
Pologne, en Italie. Il y a un besoin au Québec pour la recherche et
l'expérimentation de niveau supérieur. Bien sûr, c'est en
un sens la responsabilité du ministère de l'Éducation,
mais je crois que le ministère des Affaires culturelles doit suivre
cette question de très près parce qu'il y a un besoin chez nos
artistes de progresser et de progresser toujours de plus en plus.
Voilà pour ce qui est de certains points. On pourrait toujours
prendre ensuite la liste des recommandations que nous faisons à la fin,
mais que vous avez.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Alors, vous
voulez passer à la période de questions. Si vous me permettez une
boutade, je peux vous dire et je peux témoigner ici que vous avez en la
ministre des Affaires culturelles une farouche défenderesse des
conservatoires.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: On ne se battra pas; on dit un mot une
fois et c'est tout. Je vous remercie d'être ici. Je veux profiter aussi
de votre expérience comme professeur. Pour la plupart, vous êtes
dans des institutions qui sont très actives - je pense à
Lionel-Groulx, je pense à l'UQAM - qui sont aussi très actives au
niveau des arts, autant au niveau de l'enseignement de la discipline que de la
conscientisation auprès des élèves.
Quand on parle du ministère des Affaires culturelles, vous avez
dit d'abord - et vous êtes les seuls à l'avoir fait d'ailleurs -
que les industries culturelles ou les événements qui sont
maintenant d'envergure, etc. devraient aller au ministère de l'Industrie
et du Commerce. Le ministère des Affaires culturelles devrait se
concentrer beaucoup plus sur le développement de la création et
la création. Vous êtes les seuls à avoir dit ça et
j'aimerais juste que vous élaboriez peut-être un peu
là-dessus.
M. Bourassa (André G.): Je parle d'une expérience
personnelle. J'ai fait un livre en 1977 et mon éditeur, cette
année-là, avait sept ou huit livres qui arrivaient, comme, par
exemple, "Les vrais propriétaires de Montréal" d'Henry Aubin qui
est éditorialiste à The Gazette. Une des personnes dont le
livre était lancé avait appris que le ministère de
l'Industrie et du Commerce avait subventionné des tournées de
chanteurs à l'étranger pour faire la promotion de leurs disques.
Alors, elle s'est dit: Pourquoi on n'obtiendrait pas des fonds semblables pour
faire
une tournée de promotion de livres? Elle s'est adressée,
avec l'éditeur, au ministère de l'Industrie et du Commerce. Nous
avons été les bienvenus. Nous sommes allés en Europe, nous
avons réussi, effectivement, à vendre un certain nombre de livres
et surtout contribué à faire connaître l'édition au
Québec. Je ne veux pas dire que le ministère des Affaires
culturelles se débarrasse de la culture quand elle devient capable de
voler de ses propres ailes. Je pense qu'il doit y garder un oeil puisque c'est
la culture, mais je ne vois pas pourquoi, puisque c'est une industrie, le
ministère de l'Industrie et du Commerce ne contribuerait pas.
Mme Frulla-Hébert: Dans ce sens-là... Encore,
ça se fait aussi à certains niveaux.
M. Bourassa (André G. ): Mais ça s'est fait, en
tout cas.
Mme Frulla-Hébert: Je pense aux métiers d'art, par
exemple, où on veut développer aussi, parallèlement
à l'Industrie et Commerce, un plan de commercialisation, etc.
M. Bourassa (André G. ): Exactement.
Mme Frulla-Hébert: On travaille aussi en
parallèle... Mais là je comprends mieux parce que, sur le coup,
je trouvais l'idée quand même, en fait, nouvelle, là.
Au niveau de l'éducation - je veux revenir à ça -
vous dites: II y a des cours, maintenant, qui se donnent en termes de gestion
des arts, par exemple. Vous parlez de doctorat. Vous êtes des gens
beaucoup de théâtre et, au niveau de toute la discipline, on sent
une certaine rigueur maintenant - pas une certaine, une rigueur - au niveau de
nos gens, en fait, des différentes compagnies de théâtre.
On sent aussi ce souci, une responsabilité au niveau d'une certaine
gestion. Est-ce que, finalement, c'est l'apanage d'un ou deux ou si vous sentez
aussi que c'est une espèce de tendance?
M. Bourassa (André G. ): Nous donnons
régulièrement le cours de gestion de troupe. C'est un cours,
donc, où ils apprennent tout ce qui est nécessaire à la
gestion de troupe, y compris comment faire une demande de subvention, comment
faire un budget et tout ce qui vient avec cette notion de gestion de troupe. Au
niveau de la maîtrise, nous avons quelques étudiants qui sont
allés faire leur maîtrise aux Hautes Études, à
l'Université de Montréal, où il y a un cours - de niveau
de maîtrise - de gestion des arts. Dans d'autres cas, ils sont
allés aux États-Unis avant que ce cours soit au point parce que
c'est quand même un cours relativement récent. Mais, comme vous
savez, la plupart des troupes, maintenant, ont des conseils d'administration,
enfin les grandes surtout. Je pense que ça fonctionne très
sérieusement et ils administrent des sommes énormes. Ils sont
bien conscients qu'ils ne peuvent pas s'improviser administrateurs de sommes
pareilles.
Mon collègue me faisait la remarque, dans sa classe... La
génération actuelle est très studieuse, très
attentive et l'une des raisons, c'est peut-être qu'elle est très
consciente que la barre est de plus en plus élevée, que les
postes sont occupés et que, s'ils veulent vraiment percer, ils doivent
être très forts et très compétents. Ça, on le
constate.
Le Président (M. Gautrin): C'est bien.
Mme Frulla-Hébert: De notre professeur d'université
lui-même, M. le Président. Une question aussi concernant toute la
formation professionnelle en art dramatique et le rôle joué par
nos institutions justement pour préparer la relève, parce que
vous dites: Bon, le rapport Arpin ne fait pas état de la relève
suffisamment.
M. Bourassa (André G. ): Non.
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, il y a le
Conservatoire d'art dramatique, d'une part. Il y a aussi la formation qui se
donne ailleurs. Est-ce que, un, il y a une complémentarité
à développer entre les deux? D'abord, un, est-ce qu'il y en a
une? Deuxièmement, est-ce qu'elle se fait automatiquement? Au niveau de
la relève aussi, est-ce qu'on les forme bien?
M. Bourassa (André G. ): Il y a un comité qui
fonctionne actuellement et qui tente de trouver une solution dans ce
va-et-vient et ces objectifs des différents niveaux scolaires. Une des
solutions que, nous, nous préconisons - mais là je parle en tant
que professeur de l'UQAM en théâtre et non pas comme
spécialiste de l'histoire du théâtre - c'est qu'il devrait
y avoir, dans certains cégeps, comme en arts plastiques, deux
années de cours généraux en arts - ça se fait
d'ailleurs, Saint-Laurent vient de le mettre sur pied - préparatoires
à l'université ou au conservatoire. Donc, situation
différente de celle des deux cégeps qui, eux, avaient
été conçus pour former, en techniques d'art dramatique,
des interprètes, des scénographes ou alors des techniciens, ce
qu'ils font très bien. Sauf que, bien sûr, l'étudiant qui a
fait trois ou même quatre ans dans un cégep, s'il vient à
l'université ou s'il va au conservatoire - c'est presque impossible
qu'il pense aller au conservatoire - if y aura des cours à ne pas
reprendre et c'est un peu difficile à arrimer. Mais, enfin, il y en a
qui le font.
Le conservatoire se définit maintenant comme
postcollégial. C'est relativement récent, ça ne date pas
de tellement d'années. Il arrive que certains étudiants du
conservatoire viennent finir un bac chez nous, mais pour obtenir le
permis d'enseignement. On sait qu'on peut avoir, au Québec, un
doctorat en mathématiques, mais ça ne nous donne pas le permis
d'enseigner au primaire et au secondaire. Il faut avoir un brevet
d'enseignement.
Même chose en art dramatique. C'est-à-dire que quelqu'un
qui a suivi des cours du conservatoire ou du cégep, même s'il est
très bon comédien, il n'est pas autorisé pour autant
à enseigner au primaire et au secondaire parce qu'il n'a pas le permis
d'enseignement. Donc, il arrive relativement souvent que des étudiants
du conservatoire, qui sont de bons comédiens, veulent se donner une
corde nouvelle à leur arc et se présentent chez nous pour obtenir
un permis d'enseignement. Donc, ils suivent des cours de psychologie, à
ce moment-là.
Le Président (M. Gautrin): Mme Noiseux Gurik.
Mme Noiseux Gurik (Renée): Oui, il y a une chose qui est
un peu à côté du problème, mais qui éclaire
aussi ce problème. Il ne faut pas oublier que les écoles de
théâtre qui font la pratique théâtrale donnent
beaucoup de travail aux gens qui gagnent assez mal leur vie, souvent, dans le
métier, et qui peuvent équilibrer leur vie de façon plus
intéressante en ayant des cours. Alors, dans cet esprit, depuis
déjà 25 ans, on dit qu'il y a trop d'écoles. Depuis
l'époque où j'étais à l'École nationale,
lorsqu'elle a été créée, et qu'on venait de
créer un conservatoire, il y avait à peine une dizaine
d'années, on avait déjà protesté, à
l'époque.
Lorsque les cégeps se sont formés, on a aussi
protesté. Mais, quelque part, il y a toujours de bonnes choses qui
sortent du chaos. Je pense que le problème est de taille et ce n'est pas
la première année non plus que deux paliers de gouvernement,
l'Éducation et les Affaires culturelles, eux aussi, défendent
chacun leur bien, quoi. La difficulté, elle est de faire le choix: qui
est plus fin que l'autre, est-ce qu'il y en a un qui est plus gentil ou plus
intelligent que l'autre?
C'est très difficile parce que finalement, chacun y trouve son
compte et le milieu ne s'en tire pas si mal. Si le gouvernement qui prendra une
décision un jour en prend une, je pense que les gens devront être
très conscients qu'ils doivent la prendre avec les recommandations de
beaucoup de niveaux, dans le milieu, parce que chacun le voit de façon
différente. Alors, c'est un point très délicat, en tout
cas. Je le considère très difficile à finaliser.
Le Président (M. Gautrin): Merci, madame. Est-ce qu'il y a
d'autres questions? M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
porte-parole pour les arts et la culture pour l'Opposition et membre du Bureau
de l'Assemblée nationale.
M. Boulerice: Et chargé de la francophonie, vous avez
oublié.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): Ah, ah, j'avais oublié
celle-là, mon ami.
M. Boulerice: C'est un vaste et très beau chantier, je
serais navré qu'on l'oublie.
Le Président (M. Gautrin): La francophonie. Mais on est
dans les arts, ici.
M. Boulerice: Voilà. M. Bourassa, Mme Gurik, M. Leblanc...
Je m'excuse, la fatigue, peut-être. Monsieur.... Aidez-moi, s'il vous
plaît.
M. David (Gilbert): David.
M. Boulerice: M. David, je m'excuse. Bon, alors, au moins, on en
est... on peut se situer, on sait que la ministre ne fréquente pas le
"Cheap Bar" qui est un petit bar tout près, ici, à
côté, fréquenté par les députés
ministériels, et qui a donné lieu à ce qu'on appelle le
"Cheap Bar Committee", qui a osé penser abolir les conservatoires. Ils
ne le font pas...
Le Président (M. Gautrin): Le comité n'a pas
pensé à cela.
M. Boulerice: II ne l'a pas pensé, il l'a
exprimé.
Le Président (M. Gautrin): Un membre du comité l'a
suggéré.
M. Boulerice: Déjà, cela est péché,
monsieur. Ceci étant dit... Il est mort, ce pécheur? Alors, que
le diable ait son âme. Ce matin, M. Arcand et M. Coupet nous
présentaient un mémoire et on pouvait lire, à la page V:
"Les carences d'instruments et de statistiques sont si grandes que nul ne
connaît réellement la réalité culturelle et
artistique du Québec. Ces carences aveuglent aussi le ministère
des Affaires culturelles qui, à cause de son haut taux de rotation du
personnel, souffre de surcroît de son peu de mémoire." (21 h
15)
Je pense que cette analyse était très pertinente comme
telle. Dans le rapport Arpin, j'ai porté beaucoup d'attention à
cette suggestion d'un observatoire des politiques culturelles. J'ai
remarqué que vous le repreniez - mais vous me direz si je me trompe - et
je crois que vous le reprenez sensiblement dans le même esprit que moi.
Vous l'avez probablement peut-être pensé avant moi, mais on a
cheminé, j'ai l'impression, selon la même ligne. Si je vous
interprète bien, vous ne voulez pas, tout comme moi, que ce soit
une autre structure ou un organisme, mais bien mettre à
contribution les chercheurs, les intellectuels de haut calibre que nous avons
déjà dans nos universités et qu'ils n'aient pas besoin
d'être tentés d'aller ailleurs. Ils sont là. C'est bien
cela?
M. David: Oui, vous avez très bien compris l'esprit dans
lequel on souhaiterait que le ministère travaille, c'est-à-dire
qu'il y a des ressources, des gens - il y a des gens très
qualifiés - qui pourraient donner leur expertise, qui pourraient
fonctionner sur des comités provisoires, qui n'ont pas besoin
d'être permanents et qui pourraient donner des avis sur des questions
précises. Bien sûr, le problème d'avoir accès
à des données sérieuses et fondées pose un certain
nombre de difficultés. Souvent, on n'a pas toujours accès,
hélas - nous-mêmes, dans nos recherches, on s'en plaint parfois -
à toutes les données qui nous permettraient de porter, si vous
voulez, une évaluation précise sur certains
phénomènes qu'on peut observer par ailleurs. AJors, je pense
qu'il y a moyen que le ministère puisse avoir un service de la
statistique fort bien documenté, mais, en même temps, il pourrait
commander des études pointues, comme on dit maintenant, sur certains
phénomènes et, à ce moment-là, permettre, je pense,
la contribution d'une partie importante de gens qui pensent la
réalité au Québec. Il y a nos universités et
l'Institut québécois de recherche sur la culture dont le mandat a
connu, à notre sens, peut-être une petite dérive,
c'est-à-dire qu'on souhaiterait peut-être qu'on reformule plus
précisément son mandat. On pourrait l'inviter à se pencher
sur les problèmes qui appellent une réflexion en profondeur.
Le Président (M. Gautrin): Merci, monsieur. Est-ce que
vous avez d'autres questions?
M. Boulerice: Oui, j'ai d'autres questions. Ne précipitez
rien, M. le Président, contentez-vous de me suivre, vous irez loin, au
départ je vous le promets.
Le Président (M. Gautrin): J'essaie.
M. Boulerice: Donc, on s'entend. Il s'agit d'utiliser au maximum
les ressources, les compétences que nous avons, ça ne fait aucun
doute. Maintenant, vous préconisez la création d'un conseil des
arts. Je vais être obligé de vous corriger. Vous préconisez
la recréation d'un conseil des arts puisqu'il existait et qu'il a
été aboli il y a deux ans. J'avais mis le gouvernement en garde
en disant: N'y touchez pas. Ça pourrait peut-être un jour servir.
Vous allez plus loin. Dans le texte, vous dites... Ah oui! vous parlez de
diktat de la majorité. Je n'ai pas, à ce moment-là,
pigé. J'ai l'impression que M. Leblanc va m'éclairer.
M. Leblanc (Alonzo): Ce n'est pas moi qui ai
élaboré le texte, mais, si j'ai bien compris le texte, je
crois...
Le Président (M. Gautrin): Pour les fins d'enregistrement,
pourriez-vous vous identifier, monsieur?
M. Leblanc: Là, vous comprenez? Ça y est? Est-ce
que ça sort?
Le Président (M. Gautrin): Non, ça marche,
monsieur, ça se fait automatiquement. Mais, pour les fins
d'enregistrement, auriez-vous la gentillesse de dire votre nom.
M. Leblanc: Ah! Alonzo Leblanc... Le Président (M.
Gautrin): Merci.
M. Leblanc: ...professeur du Département des
littératures de l'Université Laval. C'est en dernière
heure qu'on m'a invité à cette commission. Maintenant, je suis
quand même depuis très longtemps la réalité
théâtrale à Québec et à Montréal,
lorsque c'est possible. Je crois que la question que vous soulevez, c'est le
fait au fond du théâtre de création. C'est évident
que les expériences théâtrales pointues - employons le mot
que vous avez employé tout à l'heure - ne sont pas toujours
immédiatement rentables, ni immédiatement populaires. Je ne sais
pas si c'est ça qu'est l'idée, mais je crois que toute
société permet et subventionne au moins - ça demeure
peut-être marginal - ce type de recherche. Autrement dit, il y a dans le
champ théâtral des gens qui vont toujours vouloir être
à l'avant-garde. Il y a toujours eu une avant-garde. Moi, j'ai
vécu ça à Québec, au Trident. Il y a eu des saisons
où, malheureusement, avec trop d'avant-garde, on a plongé,
c'est-à-dire qu'on s'est ramassé avec des salles qui ne faisaient
pas leurs frais.
Alors, je sais qu'il y a des rajustements qui ont eu lieu aussi bien au
Trident qu'au Théâtre du Nouveau Monde, mais à
côté de ça subsistent quand même des groupes
d'avant-garde. Je crois que l'esprit, l'un des esprits qu'H y a dans cette
recommandation, c'est quand même de toujours maintenir ça, c'est
nécessaire.
Moi, si je me permets d'intervenir ici, c'est que le
théâtre, à mon avis en tous cas, à travers tout le
champ que vous couvrez, qui est celui de la culture, c'est celui de la
représentation de l'action, la représentation de la vie. Je crois
qu'on peut dire qu'on reconnaît le stade culturel d'une
société à la vitalité de sa vie
théâtrale, au bouillonnement de la vie théâtrale.
C'est vrai dans les anciennes cultures, c'était vrai en Grèce,
c'était vrai en France à partir du Moyen Âge et dans
l'épanouissement du théâtre classique. C'est vrai
également en Allemagne, c'est vrai dans tous les pays qui se respectent,
je
dirais, au monde, dans cette représentation qu'ils font
d'eux-mêmes. Je crois que c'est une chose importante de prendre
conscience de ça. Le jour où il n'y aura plus sur nos ondes, par
exemple, de séries - ça a l'air peut-être loin du
phénomène théâtral - où le peuple
québécois se reconnaît comme tel, eh bien, à ce
moment-là, nous serons vraiment finis au point de vue culturel. On
regardera les autres.
Je crois qu'il faut être extrêmement conscient de cette
réalité. Autrement dit, le théâtre est à la
fine pointe de l'art et d'un ensemble des arts. Alors, à ce
moment-là, ça justifie toutes les recommandations de notre
rapport. Quand on parle, par exemple, de recueillir des artefacts, des
maquettes, des costumes, bien, il y a quand même, malgré tout,
malgré sa faiblesse, une longue tradition théâtrale
à Montréal. Évidemment, cette maison devrait être
à Montréal. Mais même à Québec, aussi, il y a
une tradition théâtrale. Alors, ça me permet de soulever le
problème de la tentation de tout centraliser à Montréal.
Il y a eu une pensée qui s'est développée dans ce
sens-là. Je sais que mon collègue, le député de
Lévis, a fait une sortie récente là-dessus.
Derrière lui, il y a beaucoup de gens qui pensent également qu'il
faut maintenir à Québec une vie théâtrale, une vie
culturelle importante.
Dans ce climat, enfin dans cette discussion, je me permets de dire une
opinion. Il faut maintenir la Quinzaine internationale du théâtre,
malgré tous ses déboires, malgré les hauts et les bas,
malgré le côté personnel qu'on a voulu y voir. J'ai
été mêlé de près, moi, au
Théâtre du Bois de Coulonge en 1978. J'ai collaboré, comme
universitaire, à l'action de Jean-Marie Lemieux et de Rachel Lortie.
Mais, indépendamment des personnalités, c'est un
phénomène que Québec, à mon avis - si on
perçoit la ville de Québec comme une capitale - doit pouvoir
offrir non seulement aux Québécois, mais aussi aux gens de
Montréal parce que, parmi ces auditeurs assidus, ces spectateurs qui
viennent à la Quinzaine du théâtre, il y a un grand nombre
de gens de Montréal. Il y a une sorte d'échange là. Alors,
moi, je crois que ça c'est un point.
Plus profondément, sans vouloir prolonger mon intervention, c'est
que je crois que c'est la mentalité même, à la fois des
dirigeants de la classe politique et peut-être aussi notre propre
mentalité. Prenons un exemple. On a trouvé 18 000 000 $ ici,
à Québec, pour acheter les Nordiques. On les a trouvés. On
n'a pas trouvé l'argent voulu pour acheter Le Soleil dont le
propriétaire réside à Londres, avec tout le respect que je
lui dois. C'est un problème culturel. C'est un problème de
mentalité.
M. Boulerice: "Résidait". Maxwell, oui,
résidait.
M. Leblanc: Réside à Londres, M. Conrad
Black, qui était à Toronto. Maintenant, il est plus
souvent à Londres, d'après ce que j'ai pu lire. Alors, je n'ai
rien contre.
M. Boulerice: Ah! Black, je pensais que c'était
Maxwell.
M. Leblanc: C'est le propriétaire du Soleil. Ce que
je veux dire, c'est qu'il y a un problème de valeurs, il y a un
problème de mentalités. Je crois qu'on peut faire toutes les
structures que l'on veut, mais, si ça n'est pas changé, bien, il
n'y aura pas de vie culturelle.
Un autre exemple. On avait ici, autrefois, à Québec
certaines productions culturelles significatives récentes. Anne-Marie
Dussault conduisait des dossiers assez pointus à Radio-Canada,
Québec. Elle lançait des choses, elle critiquait certaines
choses. On est venu nous la chercher. On l'a intégrée à
Montréal dans un ensemble où, à mon avis - excusez le mot
- elle a perdu du punch qu'elle avait dans son émission
québécoise. Je donne ça comme une des vocations possibles,
avec la distance qu'on a de Québec parfois, de maintenir donc une
production culturelle, non seulement au théâtre,
évidemment, mais même dans le champ télévisuel et,
plus largement, culturel. Alors, je crois que j'ai assez parlé. Vous
voyez un peu l'esprit que je voulais exprimer...
Le Président (M. Gautrin): II y avait M. David qui voulait
ajouter quelque chose. Voulez-vous y aller?
M. David: Je vais essayer d'être court. Concernant la
préoccupation que l'on a, et celle-ci concernant l'art, la valeur
artistique d'une chose ne se décide pas par un vote. L'art, hélas
peut-être, n'est pas l'objet, si vous voulez, d'une décision
démocratique, c'est-à-dire qu'on ne décide pas de la
qualité d'un artiste par un vote à la majorité.
Il faut donc qu'il y ait, de la part de l'État, et au-delà
des partis, au-delà des gouvernements, une pensée critique qui
soit alimentée pour permettre de déceler les vrais talents et
qu'on puisse encourager ceux-là. C'est toujours difficile,
évidemment. Il y a des sociétés qui nous donnent
l'exemple, la France, les pays européens en règle
générale, qui ont une tradition plus longue que nous, mais qui
nous donnent, à mon avis, l'exemple qu'il y a moyen d'avoir une
politique culturelle précise qui favorise les artistes et qui va, quand
on a peu de moyens... Ici, au Québec, on sait que, parfois, on n'a pas
toujours les moyens d'aider tout le monde. Mais qu'on soit capable de discerner
et qu'on mette l'argent là où l'art... Favorisons les artistes!
C'est un peu cette emphase qu'on a voulu mettre. Bien sûr, en
deuxième plan, vient tout de suite la diffusion culturelle, mais, pour
qu'il y ait diffusion culturelle, il faut qu'il y ait
d'abord de la création. On ne peut pas diffuser s'il n'y a rien
qui se crée. Voilà.
Le Président (M. Gautrin): Brièvement, une
dernière question, parce qu'on arrive à la fin du temps, mon cher
ami.
M. Boulerice: Brièvement, oui et non. Bon. Alors, notre
échange prend une tournure peut-être un peu différente,
mais nous gardons toujours le cap sur la même chose qui est l'art et la
culture. Je pourrais répondre au professeur Leblanc que ses
préoccupations rejoignent effectivement les miennes. Lorsque vous avez
parlé du théâtre comme tel, vous avez parlé du
théâtre de création, donc ce que j'appelle, moi, souvent,
le théâtre de confrontation puisqu'il bouleverse, il
dérange. Je pense que c'est là une des plus belles
utilités de l'art, c'est de nous mettre un peu devant nos certitudes et
de nous ébranler, sauf que c'est extraordinaire.
Dans le rapport Arpin, il y a un danger, et je pense que votre
pensée se rattachait à cela. Il y a le danger dit de
l'institutionnalisation où, malheureusement, la création risque
d'être freinée. L'instrument par lequel on pourrait freiner cette
création, c'est cette donnée qui est: Enlevons le saupoudrage.
Mais le saupoudrage... On pourrait peut-être prendre un exemple dont se
sert souvent mon collègue, l'ancien ministre des Affaires culturelles,
le député de Mercier, M. Godin. Le Cirque du Soleil, ça a
été un saupoudrage: ça a été 500 $
donnés par le fonds discrétionnaire d'un député qui
ont permis à une bande de joyeux éclatés - je le dis avec
beaucoup d'affection - qui leur ont donné la chance d'exercer quelque
chose d'extraordinaire. Maintenant, il est un ambassadeur merveilleux pour le
Québec. Quant à Québec comme telle, M. Leblanc, j'ai
toujours prétendu - et je continuerai - que, lorsque l'on donne à
une ville qui n'est pas la métropole le statut de capitale,
l'État est tenu à des devoirs supplémentaires envers cette
ville, pour lui permettre d'assumer ce statut de capitale. Il est
indéniable que Québec doit avoir des choses.
Le Président (M. Gautrin): En conclusion, M. le
député.
M. Boulerice: En conclusion, eh bien, M. Leblanc me connaît
bien, il sait que je suis peut-être "montréaliste", comme dit
Doris Lussier, mais un ardent défenseur de ma capitale nationale. Je
concluerai - et je sais que M. Bourassa voudrait dire un mot, vous allez
l'autoriser, j'en suis persuadé, M. le Président - en disant
à M. Leblanc que je ne suis pas intervenu encore au sujet de la
Quinzaine, mais je vous dis... La ministre me dit que je n'ai pas besoin. La
ministre a besoin, elle, de me donner les garanties les plus fermes, peu
importe le titre que cela portera, qu'il y aura un événement
similaire qui sera de nouveau créé à Québec. C'est
essentiel pour notre capitale.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors,
brièvement. J'imagine que vous voulez...
Mme Frulla-Hébert: Remercier, oui.
Le Président (M. Gautrin): ...remercier brièvement,
Mme la ministre.
M. Boulerice: M. Bourassa voulait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Gautrin): Vous voulez ajouter quelque
chose, M. Bourassa? Brièvement, parce que le temps, vous savez, file
avec une vitesse.
M. Bourassa (André G.): D'accord. C'est qu'on parlait,
tantôt, de démocratie, de diktat de la population, etc. Je pense
que nous sommes d'accord avec l'idée d'une politique des arts, mais,
évidemment, nous ne pensons, en aucun cas, au dirigisme en arts.
Ça n'a jamais rien donné de bon, ça a toujours
été le baiser de la mort. Que ce soit pour Staline ou pour
Mussolini, de gauche ou de droite, le résultat est toujours mauvais. Par
exemple, quand vous avez un bonhomme comme Brecht, qui est socialiste, qui
écrit des pièces qui lui viennent spontanément, qui les
fait belles et qu'on joue encore, ça va. Mais, à partir du moment
où Staline a décidé d'imposer l'idéologie
socialiste même à la musique, où Chostakovitch s'est cru
obligé d'écrire une symphonie sur le reboisement, c'a
donné de la merde. Je pense que c'est clair que ce n'est pas ça.
Je peux finir par une boutade. Mon père était un petit jazzman du
nom de Bourassa. Je pense que tant qu'on aura comme premier ministre quelqu'un
qui est le père d'un jazzman, le dirigisme n'est pas pour demain. Je ne
m'attends pas non plus à ce qu'il y ait du dirigisme d'un autre parti.
Je pense qu'on est passés, j'espère qu'on est passés
au-delà de ces phases-là.
Le Président (M. Gautrin): Je ne sais pas, vous savez.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Je tiens à vous
remercier. Je pense que vous avez eu tout votre temps. Deuxièmement, le
dirigisme, ce n'est pas notre intention, loin de là, au contraire. Moi,
des garanties, je n'ai pas à en donner à personne à part
d'en donner au milieu. Je vous donne la garantie que vous allez avoir un
événement d'envergure internationale. Il y a deux projets qui
nous sont soumis cette semaine, dont un viable et valable. Il y a des choses
qu'on ne peut plus accepter, alors, à ce moment-là, on les
remplace, mais par des choses qui sont non seulement de meilleure
qualité, mais qui remplis-
sent un objectif, l'objectif initial. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Ne partez pas un débat.
Vous êtes à la période où vous dites: Merci et au
revoir. Alors, je voudrais vous remercier, M. Bourassa, M. David, Mme Gurik, M.
Leblanc, d'avoir informé la commission. Je vais suspendre pour une
minute pour permettre aux gens de se serrer la main. J'appellerai le Conseil de
la culture des Laurentides.
(Suspension de la séance à 21 h 33)
(Reprise à 21 h 34)
Le Président (M. Gautrin): Le débat étant
terminé, les poignées de main ayant été
données, le Conseil de la culture des Laurentides s'ap-prochant... M. le
député de Labelle. Oui, j'essaie de les rappeler à
l'ordre. Alors, nous allons reprendre nos travaux. M. Arène, vous
êtes le président du Conseil de la culture des Laurentides.
Pouvez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent? Vous
comprenez que vous avez 45 minutes: 15 minutes pour votre présentation,
15 minutes pour le parti gouvernemental et 15 minutes pour le parti de
l'Opposition pour vous poser des questions. M. Arène.
Conseil de la culture des Laurentides
M. Arène (Jean-Luc): J'aimerais premièrement
remercier Mme la ministre, M. le député de l'Opposition, critique
officiel...
Le Président (M. Gautrin): En arts, culture et
francophonie ainsi que membre du Bureau de l'Assemblée nationale.
M. Arène: ...ainsi que MM. les députés et
autres personnes présentes. Je voudrais d'abord vous présenter
les personnes qui sont avec moi: Diane Ouellet, qui est directrice
générale du Conseil de la culture; Diane Laurier, qui est membre
du Conseil et artiste en arts visuels; Gleason Théberge qui est
vice-président du Conseil de la culture, représentant du
patrimoine et aussi membre de l'exécutif de la Corporation de
développement des Laurentides.
Nous autres non plus, on ne vous lira pas le document, surtout pas
à cette heure-là. J'espère que vous en avez pris
connaissance un peu. On va plutôt y aller juste en sautant sur certains
points et en vous disant qu'aux pages 18, 19 et 20, vous avez les propositions.
M. Théberge va mettre la table. Après ça, j'interviendrai
un peu comme président du Conseil et Diane Laurier, elle, parlera des
artistes et de l'école. Alors, on va commencer par Gleason
Théberge.
M. Théberge (Gleason): Oui, on vous a
préparé une petite surprise dans la mesure où la
thématique majeure de notre intervention, vous la devinerez à
mesure que le texte va se dérouler. Vous remarquerez que dans cette
fable, qui prend la forme de la littérature, il y a exceptionnellement
une rime inhabituelle. On fait rimer artistes avec riches. Vous savez que ce
n'est pas tout à fait la situation concrète dans laquelle sont
placés les artistes.
Ça va comme suit. Une princesse, un jour, fit venir au fauteuil,
sénéchaux, troubadours, plus ou moins écureuils, pour un
vaste projet qu'elle avait. Chacun se crut choisi, pensant au mariage, mais la
rumeur grandit, portée de page en page. Le royaume appauvri s'en allait
au naufrage. Plutôt que d'être couronnées, les têtes
pourraient bien tomber. Pendant que, polis, plusieurs venaient défendre
le peu qui leur restait de vie, les autres accusaient les autres de trop
prendre. Bref, chacun se rentrait la tête dans le cou, et souvent
finissait par demander des sous. Mais quand on n'en a guère, où
trouver les millions, disaient les commentaires à la
télévision. Déjà, sans récession, c'est la
culture qu'on triche. Qui serait sacrifié? Sénéchal ou
artiste? Abandonner l'éclat ou laisser les régions? Nous savons
tous, madame, en ce grand rendez-vous, qu'avec les autres princes
critiqués de partout, vous avez le pouvoir, et la marge est bien mince,
de trouver au mémoire solution à ce drame. S'il nous vient
courage d'un conseil, nous vous dirons: Notre culture, madame et messieurs,
c'est notre paysage, ce sont nos mains, nos yeux, c'est ce que nous serons,
qui, depuis trop longtemps restés au carrefour, demandons le printemps
des régions anoblies autrement qu'en discours, devenus compagnons et
compagnes. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Merci, monsieur.
M. Arène: Alors, maintenant, je vais prendre une partie
qui est peut-être un peu moins légère. J'aimerais d'abord
vous dire que le rapport a été fait avant que la
conférence témoigne, avant que certains autres conseils
témoignent ici. Donc, on ne reprendra pas tout le débat et tout,
sauf qu'on veut quand même relever un petit côté du rapport
Arpin sur les régions.
Nous vivons actuellement au Québec une prise de conscience,
collective en ce qui concerne le devenir des régions. De nombreux
groupes l'ont exprimé lors de la commission Bélanger-Campeau.
Quant à lui, le sociologue Fernand Dumont livrait, devant les
États généraux du monde rural, un message de
revitalisation des régions à partir du développement
culturel. Nous voulons, ici, faire un parallèle avec la vision
proposée par la politique culturelle du rapport Arpin, en ce sens
qu'elle assèche la vie culturelle régionale en la privant de
moyens de développement sous prétexte qu'elle ne peut
produire des activités d'aussi haut niveau qu'à
Montréal. Cependant, par souci de justice, le rapport propose de
redistribuer aux gens des régions le produit culturel
montréalais. Assisterons-nous bientôt à l'apparition de
l'assurance-culture pour les régions qui ne peuvent atteindre
l'excellence? Les régions ne sont pas imperméables à la
vie culturelle de Montréal ou d'ailleurs; elles ne sont cependant pas
des réceptacles culturels.
Je pense que, en tant que président du Conseil de la culture,
mais aussi en tant qu'artiste, j'ai été choqué un peu de
sentir que Montréal était... On ne veut pas faire de conflit avec
Montréal, mais on se rend compte aussi que, dans les régions, il
y a beaucoup, beaucoup de création. On n'est pas des réceptacles,
mais on pense qu'on peut plutôt être des vases communicants avec
Montréal. Pour moi, le plus bel exemple, en tant qu'artiste de cirque...
On parlait tout à l'heure du Cirque du Soleil, le Cirque du Soleil est
né à Baie-Saint-Paul. Il y a beaucoup d'autres exemples qu'on
pourrait prendre comme ça. En tout cas, c'était juste pour
revenir sur les régions.
Une autre chose. On a essayé de situer la région des
Laurentides. Dans le rapport Arpin, on a hésité entre la banlieue
de Montréal ou une région dite éloignée. Pour nous,
les gens qui vivent dans les Laurentides, ils y vivent par choix. C'est une
région véritable, ce n'est pas juste un coin touristique. Je
pense qu'il y a beaucoup de choses qui se passent là. Le Conseil a fait
beaucoup, surtout depuis les années quatre-vingt. Il y a beaucoup
d'activités qui ont eu lieu là, autant au niveau de la
création, des arts visuels que des salles de spectacle. Alors, on est
venus dire qu'on est réellement une région et non pas une
banlieue de Montréal. Pour ma part, c'est tout ce que j'avais à
amener. Il y a des questions que vous pourrez poser après. Je passe la
parole à Diane.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Arène.
Mesdames, voulez-vous intervenir?
Mme Laurier (Diane): Oui. Mon nom est Diane Laurier. Je vais vous
livrer un propos d'artiste. Je voudrais vous entretenir sur quatre points: en
premier, la situation financière des artistes; en second, les artistes
qu'on dit de la relève; par la suite, en troisième lieu, l'art
actuel et, plus particulièrement, comment se vit la sensibilisation
à l'heure actuelle dans la région des Laurentides, en vous
donnant un exemple, finalement, je vais terminer avec l'éducation
culturelle, la sensibilisation des jeunes en milieu scolaire.
La situation générale des artistes - je pense que vous le
savez tous - est lamentable dans le sens que la plupart des artistes, qu'ils
soient du niveau des arts visuels ou, enfin, de toute autre discipline, ont de
la difficulté financièrement, et c'est de façon chronique.
Si on regarde au niveau des régions, on ne peut ajouter à
ça que... Par exemple, un artiste en arts visuels, il a des frais
supplémentaires pour exposer ses oeuvres étant donné que
les centres d'exposition sont souvent éloignés. Le
matériel inhérent à sa discipline, ça aussi c'est
encore des frais supplémentaires si on compare à Montréal
ou a des choses comme ça. Donc, situation financière très,
très précaire.
Maintenant, concernant la situation de la relève. Il me semble
que ça semble important d'encourager la relève parce que, pour
l'avenir, c'est elle qui va construire, si vous voulez, une culture
authentique. J'amène ce point-là parce que, surtout en situation
économique difficile, on a tendance à oublier la relève,
à oublier de subventionner la relève. Il ne faudrait pas
l'oublier, à mon sens.
En troisième point, la sensibilisation à l'heure actuelle.
Évidemment, à l'heure actuelle, c'est un art qui se vend mal, un
art mal connu, mais, pourtant, un art aussi de l'avenir. Alors, dans ce
sens-là, je pense que, comme le dit le rapport Arpin, il faudra y voir
comme il faut. Ah oui! je voulais vous donner un petit exemple. La
sensibilisation, à l'heure actuelle, en région, se fait
différemment de Montréal. Par exemple, il y a un groupe de
L'Annonciation qui s'appelle Boréal Multimédia et qui jouit d'une
reconnaissance assez intéressante. Lorsque le groupe expose ou qu'un
artiste du groupe expose dans une petite galerie, à la gare, eh bien,
c'est un petit peu tout le village qui s'endimanche et qui va voir
l'exposition. Donc, vous voyez ici le contact entre l'artiste, l'art dit actuel
et M. et Mme Tout-le-Monde, ce qu'on ne retrouve pas... Ce n'est pas pour faire
une comparaison, enfin ce n'est pas pour dénigrer Montréal, ou
ci, ou ça, mais ça se vit différemment. Lorsqu'on parle
d'une sensibilisation des arts actuels, je pense qu'elle part, si vous voulez,
des régions. (21 h 45)
Maintenant, dernier point, l'éducation culturelle. À mon
sens à moi, et comme ie disait M. Bourassa, il y a eu un projet fort
intéressant qui s'appellait Sensibilisation des jeunes en milieu
scolaire, projet tout à fait innovateur et intéressant qui
mettait vraiment en contact un artiste d'ici, de la région ou national,
avec les élèves, les enfants. Quand on parle de sensibilisation,
je pense qu'il faut commencer à la base, c'est-à-dire à
l'école primaire et au secondaire. Si la sensibilisation ne se fait pas
là, où est-ce qu'elle va se faire? Alors, à mon sens
à moi, je pense que ça serait intéressant qu'un projet
comme ça revoit, si vous voulez, le jour.
Quand on parle aussi de sensibilisation, vous allez dire: Bien oui, mais
on touche le milieu scolaire. Évidemment, le ministère de
l'Éducation du Québec est responsable, en partie, d'une forme de
subvention. Je regardais ce qui se passait au niveau des États-Unis et
de la France.
Eux aussi ont des programmes fort intéressants qui fonctionnent
depuis un certain temps et, la plupart du temps, il y a un partenariat, oui,
mais, souvent, le ministère dont relève la culture investit
énormément dans ce genre de projet.
Je voudrais finir en disant une chose. Lorsqu'on a comme priorité
de favoriser la création, il me semble qu'on devrait la favoriser
à la base, soit où elle se fait. Qui la fait? L'artiste. Il
serait peut-être intéressant qu'on donne des fonds un peu plus
à l'artiste. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Quand? Merci beaucoup. Mme la
ministre, vous avez... Je pense qu'il va y avoir quelques questions.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Avant de passer la parole à
mon collègue... Moi, vous savez, je ne suis qu'une princesse qui cherche
une baguette magique au moment où on se parle.
Cela dit, au niveau des régions... Vous savez, je vous l'avais
expliqué quand je vous ai vus, le rapport Arpin a eu une écriture
- pour employer l'opinion de mon collègue - un peu courte au niveau des
régions, effectivement. Mais je pense qu'il y a un consensus qui se fait
présentement où on définit le Québec comme
étant 16 régions distinctes interactives, une métropole
culturelle et une capitale. Ça, on ne peut pas s'en... Il y a une
métropole et il y a une capitale. Ça, on ne s'en sort pas, mais
c'est tout de même 16 régions en soi qui sont distinctes et
interactives, ce qui fait qu'il n'est pas question non plus d'en
négliger une par rapport à l'autre, spécialement au niveau
de la création. Mais ce qu'il est important, par exemple, de bien
comprendre, c'est qu'il faut que les 1500 municipalités au Québec
- déjà ça, ça n'a pas de bon sens - s'entendent
pour partager - vous le mentionnez d'ailleurs - des équipements. Si on
écoute tout le monde, tout le monde va avoir tout son équipement
fourni par le gouvernement dans sa municipalité. Alors, au moins qu'il y
ait une synergie entre les municipalités des différentes
régions, qu'il y ait une collaboration, avec le gouvernement toujours,
mais qu'il y ait aussi cet échange ou cette collaboration qui se doit
d'exister. Je crois sincèrement qu'elle est possible. On a eu des
témoignages de municipalités qui nous ont vraiment beaucoup
stimulés. Il y a aussi l'importance que la culture semble prendre
maintenant - comparativement aux sports avant - dans les municipalités,
ne serait-ce que pour créer un sentiment d'appartenance, un sentiment de
qualité de vie. Les gens en demandent maintenant et en demandent plus.
Alors, je tiens juste à vous rassurer là-dessus.
Une question avant de passer la parole à mon collègue.
Quand on s'était vus, on avait parlé de la difficulté
d'être en périphérie de Montréal, que ce
n'était pas facile. C'est comme les villes ici, la difficulté
d'être en périphérie de Québec aussi. Comment
voyez-vous cette difficulté et comment peut-on aplanir ce fait-là
qui va toujours exister et demeurer? Maintenant, il y a des régions qui
sont plus ou moins près, mais Sainte-Adèle, Saint-Sauveur,
Sainte-Thérèse, c'est tout près là, ce n'est
pas...
Le Président (M. Gautrin): M. Théberge.
M. Théberge (Gleason): Oui. La question de la
proximité est une question qui déborde du champ culturel;
ça, c'est certain. On est ici ce soir essentiellement pour parler du
domaine culturel, limitons-nous-y. On a pris l'habitude, en fonction de cette
proximité, d'attribuer aux Laurentides une fonction qui est
essentiellement d'être un lieu de passage pour les Montréalais. Il
en a découlé une vision qui a amené les investissements
à être faits, peut-être plus, comme vous le soulignez, en
fonction des sports et peut-être plus en fonction de tous les
équipements d'amusement, si on peut dire. Or, il y a une population qui
vit déjà, bien sûr, dans les Laurentides et qui n'est pas
la population saisonnière, mais à laquelle se joint une
population saisonnière. Ces populations, elles sont déjà
sensibilisées à des secteurs culturels, d'une part, parce qu'il y
a eu implantation de centres d'exposition, parce qu'il y a eu
bibliothèques, parce qu'il y a eu comités culturels, parce qu'il
y a eu décisions en matière patrimoniale, par exemple le
réseau des gares qui est en train de se construire. Il y a
déjà une certaine appartenance qui s'est définie. Pour
réussir à définir les Laurentides autrement que comme une
région trop proche de Montréal, il faut qu'on mette l'accent sur,
comme vous le soulignez très justement, à mon avis, les
municipalités. C'est pourquoi le Conseil de la culture se
présente avec une préoccupation qui est centrée sur celle
des municipalités.
On a l'impression, nous... parce qu'on est à même d'avoir
fait, dans certaines municipalités, des batailles pied à pied
avec des négociateurs qui visaient à investir davantage dans des
arenas qui n'étaient peut-être pas toujours nécessaires ou
des centres culturels et d'avoir, dans certains cas, réussi à
faire orienter les débats vers l'idée que les intervenants locaux
disaient: On va s'entendre, les gens du sport et les gens de la culture. On va
avoir une aréna cette année, peut-être, mais ce sera un
centre culturel dans quatre ans, par exemple. Il y a souvent eu des
négociations qui ont été faites comme ça et le
Conseil de la culture est peut-être le lieu qui nous apparaît comme
le plus propice pour être capable de s'ajuster à chacune des
situations qui prévalent dans les municipalités, qui sont, comme
vous le savez, loin d'être semblables.
Alors, à votre question: Comment on se débrouille pour ne
pas être nécessairement noyauté par Montréal? Bien,
à notre avis, ça passe par les volontés municipales et
ça passe,
d'une certaine façon, par un esprit régional. Il s'est
développé dans les Laurentides une espèce d'identification
plus grande à la culture parce qu'il y a eu, non seulement des grands
noms, des personnes importantes qui ont habité les Laurentides, mais
aussi parce qu'il y a eu des pierres qui ont été posées.
Le vieux palais de justice de Saint-Jérôme en a été
une; les deux projets de salles de spectacle de Saint-Eustache et de
Sainte-Thérèse sont actuellement des projets qui permettent, en
quelque sorte, de ramener la perspective qu'on peut assister à des
spectacles d'envergure à cause de la quantité de sièges -
donc productions considérables - dans les Laurentides plutôt
qu'à Lavai, plutôt qu'à Montréal.
La ligne de démarcation, pour nous, elle passe par un appui qui
serait reçu du ministère des Affaires culturelles par rapport aux
démarches qui, souvent, sont déjà entreprises par le
Conseil de la culture, bien sûr, en collaboration avec le bureau
régional de Montréal, mais d'abord par le Conseil de la culture
qui travaille avec les municipalités. Alors, cette idée d'une
démarcation, pour nous, elle passe par la plus petite unité. La
plus petite unité, c'est la municipalité. Les MRC se greffent
ensuite là-dessus. La culture a déjà, en quelque sorte,
mis le pied dans les municipalités et dans les MRC par les
schémas d'aménagement, par les bibliothèques qui ont
été généralement les premières
démarches à être entreprises. Les bibliothèques ont
été généralement perçues comme
nécessaires, ça allait presque de soi. Je ne dis pas que c'est
toujours réussi, mais, quand même, c'est un processus qui est bien
installé. Les schémas d'aménagement ont fait
reconnaître la valeur patrimoniale, donc, dans une certaine mesure,
l'idée qu'on pouvait avoir des lieux intéressants pour que
d'autres personnes se mettent à venir chez nous et que,
nous-mêmes, on se mette à regarder nos bâtiments d'une
façon différente. Là, on est rendus avec des centres
culturels, des centres d'exposition; il y en a maintenant cinq dans les
Laurentides, alors qu'en 1980 il y en avait un seul et, encore, ce
n'était pas une galerie publique, c'était essentiellement une
galerie privée. Alors, en 10 ans, on a comme développé,
à l'aide évidemment du ministère, mais ce sont les
énergies des gens sur place dans chacune des municipalités qui
l'ont fait.
Nous, on n'est pas inquiets de ce que les Laurentides peuvent devenir.
On est inquiets de la façon dont les décisions vont pouvoir
intervenir pour nous empêcher, peut-être, d'aller plus loin et plus
vite.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Deux-Montagnes, est-ce que vous voulez intervenir, s'il vous plaît?
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Mme la ministre,
messieurs de l'Opposition...
M. Boulerice: Nous consentons en vertu de l'article 134 de notre
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): C'est bien ce que j'avais
compris implicitement, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je m'excuse, c'était 132.
Le Président (M. Gautrin): Oui, mais, enfin, ce
n'était pas grave à cette heure-ci.
M. Bergeron: Vous n'avez pas votre chandail?
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Bergeron: Premièrement, je voudrais souhaiter la
bienvenue à M. Jean-Luc Arène, à Mme Laurier, à Mme
Oueflet et à M. Théberge. Tout de suite au départ, je dois
dire que vous nous avez lu une fable qui était des plus
intéressantes, où vous nous avez parlé d'artistes,
où artistes et riches ne rimaient pas. Je pense qu'on est tous d'accord
là-dessus. Mais je pense qu'artistes et riches, dans la région
des Laurentides, si on ne parle pas de sous, ça va ensemble lorsqu'on
considère le magnifique travail que vous faites et tout le
dévouement et l'implication que vous faites dans la région des
Laurentides. Je pense que votre renommée s'étend du sud de la
région des Laurentides jusqu'au nord. Je pense que c'est grâce
à vous si on a des projets, on l'espère, qui pourront être
concrétisés dans quelques années ou dans quelques mois si
c'est possible. C'est sûr que j'ai une déformation de maire.
Lorsque j'ai lu votre mémoire... Vous parlez des
municipalités, vous parlez d'ententes intermunicipales. Il y a un point
sur lequel vous n'avez pas insisté et que, moi - avec ma
déformation, comme je vous le disais tout à l'heure - je trouve
Important. C'est les MRC. C'est sûr que vous recherchez une base afin de
monter la pyramide, afin de réussir dans vos projets. Selon moi, je
pense que la base la plus solide, ce ne sont pas les municipalités, et
ce ne sont peut-être pas les ententes intermunicipales, mais plutôt
les MRC.
Je m'explique mal que vous ne confiez aucune responsabilité aux
MRC. Vous allez me dire qu'il y en a plusieurs. Je pense qu'il y en a huit dans
la région des Laurentides. Je pense que la base la plus solide pour
monter la pyramide, ce serait de frapper à la porte des MRC. À ce
moment-là, elles ont une force beaucoup plus grande et plus dynamique
qu'une municipalité laissée toute seule, à moins que l'on
ne prenne une municipalité comme Saint-Eustache, où il y a 40 000
de population, ou Saint-Jérôme, ou Sainte-Thérèse. A
ce moment-là, vous laissez les autres de côté.
Le Président (M. Gautrin): Si vous voulez répondre,
M. Théberge.
M. Théberge (Gleason): Je vais poursuivre, c'est le
secteur dont je suis, en quelque sorte, responsable. C'est ce qui fait que
c'est moi qui parle; ce n'est pas nécessairement parce que les autres ne
sont pas au fait de la question.
Le Président (M. Gautrin): Non, non, je comprends.
M. Théberge (Gleason): Le problème qu'on rencontre
dans les Laurentides - et, dans une certaine mesure, je pense que c'est
semblable à la grandeur du Québec - c'est que les MRC sont encore
en train de se définir un créneau, comme on dit, dans l'ensemble
des démarches. On leur a attribué certaines
responsabilités qu'elles ont accomplies d'office: rôle
d'évaluation, schéma d'aménagement. On a deux types de MRC
dans les Laurentides: une, mettons, qui est celle du nord, où un certain
nombre de municipalités sont à peu près égales,
même si Mont-Laurier apparaît comme un pôle majeur dans la
municipalité régionale de comté du nord. Il reste que les
autres municipalités sont relativement égales, ce qui donne aux
discussions au sein de la MRC une espèce de justice ou
d'égalité dans la façon dont les gens interviennent, dont
les maires peuvent intervenir. À mesure qu'on se rapproche du sud - et
ça, c'est vrai à plusieurs niveaux, autant sur le plan culturel
qu'à d'autres niveaux dans les Laurentides - on se rapproche de grands
centres et de villes qui établissent, à l'intérieur d'une
MRC, une espèce d'hégémonie qui vient du fait qu'ils ont
plus de droits de vote en quelque sorte.
Ce que ça a donné comme résultat, c'est que la
plupart des MRC du sud... Je pense surtout à celle de La
Rivière-du-Nord qui est comme l'endroit pivot - qui est comme, dans une
certaine mesure, paralysée dans sa capacité d'assumer des
responsabilités nouvelles parce que l'ensemble des maires des petites
municipalités qui sont autour de cette municipalité reine, en
quelque sorte, ou dominante ont tendance à ne pas vouloir confier
à la MRC des responsabilités majeures. Lorsqu'on a fait les
démarches auprès des MRC et des municipalités concernant
les schémas d'aménagement, on a senti déjà les
réticences que certaines municipalités avaient de voir tel pont
couvert, tel édifice majeur chez eux être perçu et
identifié dans le schéma d'aménagement de la MRC comme un
lieu important parce qu'on se demandait, dans une certaine mesure, qu'est-ce
que la MRC ferait, quelle sorte de pouvoirs elle aurait.
Vous avez raison de dire que la MRC devrait être le meilleur lieu.
Ça, je suis d'accord avec vous. Mais, dans les faits, actuellement, les
MRC sont à mi-chemin entre une structure véritablement forte et
une structure qui n'est pas encore arrivée à le devenir. Elle est
potentiellement forte, cette MRC. Je pense que c'est dans ce sens-là que
va l'avenir. À mon avis, la MRC va devenir certainement un lieu
important de décisions et nous, au Conseil de la culture, entre autres,
pour ne vous en donner qu'un exemple, on est en train d'envisager que notre
conseil d'administration puisse compter au sein de ses membres une personne par
MRC, qui puisse représenter précisément le secteur
général, plutôt qu'une personne par municipalité. On
y songe et on s'en va dans le sens de ce que vous indiquez. On ne l'a pas
indiqué dans nos recommandations parce que ce serait
prématuré, chez nous, dans les Laurentides, de souhaiter que les
MRC prennent un pouvoir supplémentaire. On indique qu'il faudrait qu'il
y ait des ententes intermunicipales pour que, précisément, dans
les MRC où c'est possible, ce soit les MRC qui l'assument et, dans les
MRC où ce n'est pas possible, que ce soient des municipalités qui
sont d'accord pour le faire qui l'assument. Vous voyez ce que je veux dire?
M. Bergeron: Oui, je comprends. Mais je dois vous dire qu'une MRC
c'est comme une belle fille. Il s'agit de la courtiser et, des fois, elle
répond à l'attente. Ce que je veux dire, en fait...
M. Théberge (Gleason): II y en a qui...
M. Bergeron: C'est un peu l'impression que j'ai des MRC dans le
sud des Laurentides; dans le nord, je ne le sais pas. Mais, dans le sud,
définitivement, c'est cette mentalité-là qui existe.
Vous pariez aussi, et je suis à même de le constater...
Le Président (M. Gautrin): J'imagine qu'il y a
consentement unanime pour poursuivre? Je le demande. Continuez.
M. Bergeron: Excusez, est-ce que j'abuse de mon temps?
Le Président (M. Gautrin): Non, non. Il y a consentement
unanime pour prolonger. (22 heures)
M. Bergeron: Très bien. Alors, ma dernière
question. Au niveau des municipalités, je pense qu'il y a un seul point
d'attraction; ce sont nos bibliothèques. C'est sûr, je pense, que
chacune des municipalités fait un effort pour que sa bibliothèque
puisse propager la culture le plus possible, organiser des
événements. Mais le plus loin qu'une municipalité peut
aller, à part une grosse ville - ce qui est l'exception dans notre
région, chez nous - c'est des petites réunions, un invité,
un orateur qui vient à l'occasion. Ça ne peut pas aller plus loin
que ça. Comment est-ce qu'on peut sortir de ça pour encore monter
la pyramide dont vous rêvez, j'en suis convaincu?
Mme Ouellet (Diane): Je peux peut-être, M. Bergeron,
répondre à votre question.
Le Président (M. Gautrin):...
Mme Ouellet: Merci. Je crois qu'il y a des municipalités
de petite taille qui réussissent quand même à animer une
vie culturelle. Je vous donne l'exemple dont on parlait tout à l'heure,
les arts visuels à L'Annonciation. Je pense que c'est une bonne
façon d'impliquer, par exemple, une municipalité. On a un
bâtiment qui est une gare, des artistes qui ont décidé et
choisi de vivre dans cette région-là. Il y a eu une ouverture de
la part de la municipalité qui a dit: Pourquoi ne pas faire animer ce
bâtiment par ce regroupement d'artistes?
Il y a également les bibliothèques. Je pense qu'un peu
partout le développement de bibliothèques a été le
moteur, mais je crois également que les municipalités sont en
mesure de faire des efforts pour développer d'autres secteurs
d'activité avec les moyens dont elles disposent. Je pense que, souvent,
de la part des municipalités, il y a un manque, des fois, de
connaissance de ce qu'on peut faire. Nous, on travaille beaucoup avec les
municipalités et on peut le réaliser. Les municipalités
vont nous demander, par exemple: Qu'est-ce que je peux faire chez moi? J'ai une
bibliothèque. Comment est-ce que je peux animer ça? Est-ce que je
peux faire une exposition? Est-ce que je peux aussi obtenir des ressources?
Pourtant, il y a tellement d'information qui circule, et les
municipalités sont quand même un peu démunies, si vous
voulez, en termes de ressources. Mais je pense qu'il y a des actions
concrètes qui peuvent être amenées.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, membre du Bureau de
l'Assemblée nationale et porte-parole de l'Opposition en matière
d'arts, de culture et de francophonie.
M. Boulerice: Vint un jour un manant, avec promesse d'argent.
"Votez pour moi, implorait-il, je vous promets un pour cent." Qu'en
arriva-t-il? Trois intendantes furent engagées avec mandat de faire
retarder. Le député de Saint-Laurent est celui qui, maintenant,
commande toutes les lois. Comme Mme de Pompadour à Louis XIV, je lui
dis: "Sire, soyez roi ou avouez votre mauvaise foi. Donnez-nous loi et argent
lourd car troubadours en ont assez de vos petits tours."
Le Président (M. Gautrin): Bon! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Arène: On peut vous engager dans notre troupe.
M. Boulerice: Je vous avoue que ce serait beaucoup plus
réjouissant d'être avec vous que d'avoir devant moi ce que je vois
à longueur de journée, avec un premier ministre et un
gouvernement qui a honteusement menti au milieu de la culture.
Le Président (M. Gautrin): Bon!
M. Boulerice: Ceci étant dit... Non, parce que les
vérités, quand on les rappelle, gênent: il n'y a pas le 1
%. Vous appartenez à un conseil régional de la culture. Le
rapport Arpin, d'ailleurs, remet en question votre positionnement comme
intervenant au niveau de la culture, mais ce n'est pas étonnant que
ça se fasse puisque le groupe Arpin a sans doute décodé
les messages que les ministres des Affaires culturelles du présent
gouvernement ont lancés très souvent: gel de vos subventions,
non-indexation, évaluation par-dessus évaluation, etc.
Ceci étant dit, vous connaissez notre position quant à la
place et au rôle des conseils régionaux de la culture. J'aimerais
vous réitérer cet engagement très ferme que nous avons de
considérer les conseils régionaux de la culture comme des
interlocuteurs privilégiés dans la gestion du domaine des arts et
de la culture, et, dans notre cas, nous parlons également des
communications. Maintenant, vous avez remarqué de toute évidence
que mon collègue, le député de Labelle, est ici. Il est
député de votre région et je pense qu'il aurait... enfin,
je ne pense pas, je suis certain, dis-je plutôt, qu'il a des questions
à vous adresser puisqu'il a une connaissance plus intime que moi de vos
réalisations, de votre implication.
Le Président (M. Gautrin): Merci, j'imagine qu'il y a
consentement virtuel pour laisser parler notre ami le député de
Labelle. M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, je
voudrais souhaiter la bienvenue au Conseil de la culture des Laurentides et
à ses représentants. Je voudrais, effectivement, témoigner
comme eux qu'il existe une culture grandissante dans les Laurentides, depuis
fort longtemps d'ailleurs, de différents types aussi. On a fait
référence, tout à l'heure, à Mont-Laurier. Je
voudrais simplement porter à votre attention, et à l'attention de
Mme la ministre, que l'une des plus vieilles troupes de théâtre du
Québec, sinon la plus vieille troupe de théâtre amateur du
Québec, la troupe Montserrat, fonctionne depuis au moins 20 ans, 21 ans
maintenant à Mont-Laurier, avec un répertoire qui a
évolué au cours des années. Je pense qu'ils ont
présenté au-delà de 20 pièces de
théâtre. Alors ça, c'en est un exemple de culture en
région qui s'appuie, je pense, sur un milieu socioculturel très
actif, très dynamique, qui est là depuis longtemps,
malgré, d'ailleurs, une situation économique peu reluisante, et
qui
continue de fonctionner. On a parlé de L'Annonciation. Je
pourrais dire que cette année, par exemple, c'est une chambre de
commerce, la Chambre de commerce de Saint-Jovite, qui a organisé une
semaine des arts qui a eu beaucoup de succès. Simplement pour dire que,
dans les Laurentides, la culture et l'économique vont de pair.
Je pourrais témoigner qu'au cours des années il y a eu une
évolution considérable dans ce sens-là. Les touristes ou
le tourisme qui venait dans les Laurentides au début venait se reposer,
point à la ligne, sur le bord des lacs. C'était un tourisme de
pêcheurs, de trucs comme ça, très naturels, très
près de la nature. Il l'est encore d'ailleurs, mais il
s'intéresse de plus en plus à la culture. Pendant une fin de
semaine de ski, on peut faire une activité culturelle et, lors d'une
autre fin de semaine de villégiature, l'été, c'est
très intéressant d'aller au théâtre et c'est
intéressant d'aller au cinéma. Je pense qu'il y a matière
à réflexion considérable là-dessus. Je comprends
que le Conseil régional dise: Nous ne sommes pas une banlieue de
Montréal. Moi, je vois très bien les deux milieux en symbiose, et
ça sera d'autant plus intéressant qu'il y aura une vie culturelle
propre dans les Laurentides.
Je pourrais dire aussi qu'une bonne partie des villégiateurs et
des touristes sont des gens qui sont partis des Laurentides il y a 10, 15, 20,
30 ans et qui y reviennent, parfois, simplement en fin de semaine mais aussi
pour y prendre leur retraite. Lorsque ces personnes ont pris des habitudes
culturelles à Montréal, lorsqu'elles reviennent pour demeurer
dans les Laurentides, elles s'attendent à trouver un milieu culturel
riche et je crois que ça doit être fourni par le milieu. Je pense
que les deux vont de pair, beaucoup. La réalité économique
pour un milieu touristique comme celui des Laurentides, c'est qu'il y a une
réalité culturelle parce qu'au-delà de la nature, des
sports, la culture prend de plus en plus sa place.
J'aurais peut-être une question à adresser. Tout le monde
sait que je suis de très près révolution des MRC,
l'évolution des municipalités, dans ces domaines-là
surtout. J'aimerais que vous répondiez à la question suivante:
Comment voyez-vous l'évolution dans le temps du rôle des
municipalités et des MRC dans la culture? On peut tirer un constat d'une
réalité actuelle, mais supposons qu'on essaie de prévoir
pour 5 ans, 10 ans, 25 ans, je pense que c'est ça qu'il faut avoir en
tête lorsqu'on veut légiférer. Comment voyez-vous la
réalité? Comment pensez-vous que ça devrait
évoluer?
M. Théberge (Gleason): On va être confinés
à des opinions tout à fait personnelles. Il est difficile de
parler au nom du Conseil en pareille matière, mais...
M. Léonard: Bien, vous avez une certaine marge
d'autonomie, je suis sûr.
M. Théberge (Gleason): Oui. 25 ans, c'est beaucoup.
À mon avis, l'idée du partage des responsabilités,
à la fois au niveau de la culture et dans les autres domaines, ne peut
pas conduire autrement qu'à un partage des pouvoirs qui puisse arriver
à donner aux régions une certaine forme de gouvernement. Je parle
en mon nom personnel.
Les gens qui sont en région sont confrontés à des
problèmes quotidiens qui les mettent en relation avec leurs concitoyens
immédiats. On a parlé tout à l'heure du village de
L'Annonciation. L'artiste qui va chercher en fin de semaine son pain, son
beurre, son épicerie et qui rencontre au comptoir une dame qui est
allée à son exposition en fin de semaine n'est pas quelqu'un
d'inatteignable qui fait de l'art quelque chose qui est perçu comme
venant des nuages. Il est perçu comme un pareil, un semblable, il est
perçu comme quelqu'un de la collectivité.
Une culture qui redonnerait à la base cette part de
responsabilités, qui permettrait que les gens les plus proches aient le
pouvoir, dans une certaine mesure, le plus grand - parce qu'il est le plus
immédiat sur leur propre devenir - serait une garantie de succès
certain.
La culture, on la perçoit toujours comme de l'étranger. On
regarde la culture du Québec comme si nous étions des New-Yorkais
ou des Tokyoftes en train d'essayer d'évaluer quels sont les meilleurs,
les plus représentatifs de la nation. Or, la culture, telle qu'on la vit
au Conseil de la culture, c'est le combat jour après jour d'artistes qui
veulent réussir à aller plus loin, comme ça a
été dit dans les interventions précédentes, ce
soir, de gens qui veulent créer du neuf.
Vous me demandez ce que ça peut devenir les MRC. À mon
avis, si on ne s'oriente pas vers un partage des pouvoirs entre les
régions et un gouvernement central, on va continuer à vivre tout
ce qu'il peut y avoir de problèmes... Il y en aura d'autres, je le sais.
Je ne veux pas vous présenter une vision idéale, niais imaginons
un tout petit instant - je ne veux pas être trop long - qu'une certaine
forme de pouvoir, une certaine capacité de décision soit
donnée aux régions; les débats se feraient entre personnes
qui se connaissent, qui vivent les drames de toutes les querelles municipales,
mais qui pourraient, au niveau d'une région, arriver à des
consensus, comme on a l'a vécu dans certains sommets, dans certaines
biennales. Même si, des fois, on a tendance à considérer
que les gens exagèrent ou qu'il ne vont pas tout à fait dans le
sens de ce qu'on souhaite, on va être prêt à leur donner ce
qu'ils veulent pourvu qu'ils nous donnent ensuite ce que nous voulons. Il y a
une notion d'échanges constante dans la région. Est-ce que, dans
25 ans, on aura vécu ça? Je ne le sais pas. Mais ce qui me semble
certain, c'est que, si on commence par la culture, on corn-
mence par la base.
Le Président (M. Gautrin): M. Arène.
M. Arène: Je veux juste faire remarquer au
vice-président que c'est quand même personnel, son opinion. C'est
que, dans le rapport même, à un moment donnné, quand on
parle des partenaires en région, quand on parle des
municipalités, du secteur privé, des associations et
regroupements, on demandait justement que ce soit soutenu par un accroissement
du pouvoir décisionnel régional et, aussi, par une confiance
accrue du ministère en ces partenaires-là. Ce n'était pas
rien que personnel.
J'en profite pendant que je suis revenu au micro. Tout à l'heure,
Mme la ministre a demandé, étant donné qu'on est en
périphérie de Montréal, qu'on n'est pas loin, comment on
peut faire pour susciter la culture régionale. Moi, j'ai toujours pris
l'exemple... Ça fait longtemps que je suis dans les Laurentides. Avant,
j'y étais comme touriste et, maintenant, comme résident depuis 11
ans. Il y a longtemps qu'au niveau économique on allait maganiser aux
Galeries d'Anjou. Après ça, on a construit le carrefour Laval,
les gens des Laurentides allaient au carrefour Laval. Maintenant, il y a le
Carrefour du Nord, il y a Sainte-Agathe qui est en train de développer.
Je pense que, pour le Conseil et les intervenants régionaux, c'est de
créer une habitude. Bon, c'est une question d'équipement, mais il
y a aussi toute une question d'habitude de faire de la culture chez nous comme
on fait des achats chez nous. Maintenant, c'est aussi bête que ça,
mais c'est un travail qu'on va avoir à faire et qu'on fait depuis 10 ans
là-dessus.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Une dernière
question, M. le député de Labelle. (22 h 15)
M. Léonard: Oui. Je pense qu'il y a une certaine
ambiguïté qui subsiste au sujet du mot "régional". On a la
municipalité régionale de comté, puis on a la
région administrative. Ce sont deux réalités assez
différentes. Entre les deux, est-ce que vous voyez plutôt une
évolution vers des responsabilités prises par la MRC, auquel cas
- étant donné que j'ai juste une question - il faut
prévoir les revenus correspondants, ou bien si vous voyez une
évolution plus accentuée vers une prise en charge par la
région qui, elle, est constituée ou administrée
plutôt par des fonctionnaires délégués en
région? Qu'est-ce que vous répondez?
Le Président (M. Gautrin): Qui va être bon? M.
Théberge.
M. Théberge (Gleason): II faut penser vite. Le
Président (M. Gautrin): Ah!
M. Théberge (Gleason): Je suis, entre autres, à la
Corporation de développement des Laurentides où j'ai l'occasion
de me poser ce genre de question assez régulièrement. Je ne peux
pas trancher. Je ne peux pas dire si l'évolution me semble plus
marquée dans un sens ou dans l'autre. Ce qu'il y a de certain, c'est
que, chaque fois qu'il y a eu de grandes opérations régionales,
il y a eu des progrès qui ont suivi. Mais c'est lourd à organiser
parce qu'il n'y a pas de structures permanentes, véritables qui puissent
mettre tous les intervenants en contact.
Il y a le secteur culturel, il y a le secteur des loisirs et il y a le
tourisme. Les MRC témoignent d'une vivacité qui, à mesure
qu'on s'éloigne de Montréal, est plus grande. Il y a des MRC, par
exemple, qui s'apprêtent à se lancer dans le
phénomène de la récupération des rejets, qui vont
le faire collectivement, en tant que MRC. Ça se trace dans les
Laurentides. Il y a donc là un signe de progrès. D'autres MRC,
par contre, ont l'air effectivement d'être très réticentes.
Les municipalités qui sont membres des MRC sont très
réticentes à l'idée de donner plus de pouvoirs.
Alors, au niveau du portrait général des Laurentides,
même si c'est en région que les progrès ont
été les plus marqués lorsqu'il y a eu concertation - parce
que c'est plus difficile et parce que c'est toujours très lourd - on ne
peut pas dire, on ne peut pas être sûr que ça va continuer.
Le débat est là, je pense, entre les deux structures. Quant
à la notion de l'opposition entre les fonctionnaires qui proviendraient
directement du ministère - j'imagine que c'est le sens de votre
question, plus ou...
M. Léonard: Oui.
M. Théberge (Gleason): ...moins - et les intervenants du
milieu, ce qu'on a vécu, nous, au niveau de la culture, nous permet de
répondre qu'il y a un accord possible. Ce n'est pas le cas de toutes les
régions et les témoignages qu'on entend parfois disent qu'il y a
des risques.
Dans les Laurentides, on a déjà vécu des heurts
avec la direction régionale. Mais, ces dernières années,
même si ça ne se passe pas tout à fait comme on le souhaite
et qu'on n'a pas tout à fait la place qu'on mérite ou qu'on pense
mériter, en général, on arrive à s'entendre assez
bien avec les gens qui représentent le ministère des Affaires
culturelles à Montréal. Alors, si ce n'est qu'une question
d'individus, ce n'est pas une vraie réponse, parce que c'est un peu
ça que je suis obligé de vous répondre en quelque sorte.
Ça dépend des individus.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. Arène, est-ce
que vous voulez ajouter quelque chose à la question?
M. Arène: Non. La seule chose que je vais
dire, c'est que, justement, en tant que conseil, peut-être qu'on
découvre tranquillement - comme on répondait tout à
l'heure - les MRC. Ce n'est que tout récemment qu'on a pensé,
justement, changer la structure même du Conseil. À la place
d'avoir la région du nord, le centre, le sud, on avait quatre
régions. Maintenant, on veut le faire par MRC. Mais le débat
lui-même entre les MRC et la région... Pour le moment, au Conseil,
c'est la région, mais on voit les MRC rentrer... En tout cas, je pense
que l'avenir est beaucoup avec les MRC en ce moment, mais l'avenir, on n'y est
pas encore.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Pour remercier, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et porte-parole officiel de
l'Opposition en matière d'arts, de culture...
M. Boulerice: Mon collègue va vous remercier.
Après, vous entendrez la ministre me relancer la balle, sauf que vous
avez remarqué que c'est moi qui l'ai écrit. Elle, elle se l'est
fait écrire.
Le Président (M. Gautrin): Oui, oui, c'est bien.
Continuons. M. le député de Labelle, pour remercier.
M. Léonard: Je voudrais remercier les membres du Conseil
de la culture d'avoir bien voulu présenter un mémoire ici. Je
pense que cela témoignait de leur intérêt pour la
consultation qui est en cours, mais aussi de l'importance qu'ils accordaient
aux enjeux qui sont en cause. Quant à moi, je pose cette question aussi
systématiquement. Ce soir, c'est sur la culture. Je vois très
bien qu'il y a quand même des distinctions qu'il est important de faire,
entre une MRC qui peut avoir un support administratif et le gouvernement qui,
lui, peut déléguer un support administratif. C'est deux
choses.
Le Président (M. Gautrin): On remercie, là.
M. Léonard: II reste encore le besoin d'une instance de
concertation qu'est le Conseil de la culture. Alors, je pense que vous l'avez
fait ressortir. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Deux-Montagnes, pour remercier.
M. Bergeron: Je voudrais vous remercier d'être venus ce
soir. Enfin, vous connaissant très bien, je ne suis pas surpris que vous
soyez partis de la région des Laurentides pour venir rencontrer Mme la
ministre ici, devant la commission. Je vous remercie infiniment et
j'espère qu'on se reverra dans un avenir rapproché. Continuez le
bon travail que vous faites. Merci beaucoup.
Le President (M. Gautrin): Mme la ministre et
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, moi aussi je me joins
à mes collègues pour vous remercier. Vous savez, quand il y a eu
questionnement au niveau du rôle des CRC, les CRC ne jouent pas un
rôle égal dans toutes les régions. Il y a certains CRC qui
sont extrêmement actifs, comme le vôtre, il y en a d'autres qui
sont venus en nous disant: C'est quoi le rôle? Il faudrait le refaire. Il
y en a d'autres qui nous ont dit: On n'en a pas besoin. Alors, c'est tout
ça qu'il faut jauger au niveau des régions. Je pense que de plus
en plus il faudra maintenant avoir des structures propres à certaines
régions et, évidemment, être plus flexibles. C'est ce sur
quoi on travaille au niveau des normes.
Il y a un point aussi que je voudrais souligner. Les membres du
comité Arpin sont des gens qui ont travaillé de façon
très indépendante. Il s'agit de ne pas en douter ou qu'on ne vous
en fasse pas douter parce que ça voudrait dire que les Serge Turgeon,
Marie Tifo, Antoine Del Busso, Peter Krausz, etc., ce sont des gens qui
seraient foncièrement achetables et influençables. Je ne pense
pas que ce soit le cas. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Ah! Merci. On va vous remercier
de votre présence et on ajourne les travaux de la commission au 7
novembre, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 22)