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(Neuf heures cinquante minutes)
Le Président (M. Doyon): La séance de la commission
de la culture est ouverte. Le mandat de la commission est le suivant, je le
rappelle très brièvement; il s'agit pour nous de procéder
à la consultation qui a été entreprise il y a quelques
semaines, et de tenir des auditions publiques pour discuter et examiner la
proposition de politique de la culture et des arts telle qu'elle a
été déposée à l'Assemblée nationale
le 14 juin dernier.
M. le secrétaire y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Donc aucun remplacement. On me
dispense...
M. Boulerice: II y a M. le député de
Mont-réal-Papineau, qui nous salue du haut de sa grande grandeur.
Le Président (M. Doyon): Ah, le président... M.
Boulerice: Laurier, je m'excuse.
Une voix: Saint-Denis.
M. Boulerice: Saint-Denis... Mais tu voyages tellement!
Le Président (M. Doyon): Un instant, M. le
député. Un petit peu de décorum. Cette commission
parlementaire est... Et vous me permettrez de vous saluer, nous avons pris le
petit déjeuner ensemble. Ça me fait plaisir de vous voir dans les
galeries et de vous souhaiter un bon séjour à Québec. Je
sais que vous êtes ici pour examiner la façon dont les commissions
parlementaires procèdent en ce qui concerne la télévision.
Et vous allez voir comment nous procédons. Alors, à tous et
chacun d'entre vous, bonne journée et bon séjour parmi nous.
M. Gobé: Ça surprendra le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, mais ce sont encore les représentants du
gouvernement fédéral.
M. Boulerice: Je saluais un ami, monsieur.
Le Président (M. Doyon): Donc, on me dispensera de la
lecture de l'ordre du jour. Je vois que nos invités sont
déjà en avant, prêts à nous entretenir du sujet qui
les intéresse, c'est-à-dire la politique de la culture et des
arts au Québec. Il s'agit de la Confédération des
syndicats na- tionaux. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je
leur demande tout simplement de se présenter rapidement. On les
connaît, bien sûr, mais c'est pour les fins de l'enregistrement de
nos débats. Après ça, ils disposent d'une quinzaine de
minutes pour faire leur présentation, un résumé de leur
mémoire, de la façon dont ils voudront bien s'y prendre. Et,
ensuite, le reste du temps est consacré à la discussion avec les
membres de cette commission pour les quelques minutes qui resteront
après vous avoir entendus.
M. Larose, vous avez la parole.
CSN
M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je vous
présente, à ma gauche, M. Pierre Bonnet, qui est conseiller
à l'exécutif de la CSN et responsable des travaux sur la question
de la culture.
Je voudrais, dans un premier temps, vous soumettre que la CSN ne
prétend pas être spécialiste de cette question, même
si elle rassemble dans son organisation quelque chose comme 10 000 professeurs
de cégep, 5000 travailleurs et travailleuses du domaine des
communications; il y a 17 000 personnes qui travaillent dans le soutien au
niveau du réseau scolaire et des cégeps, en même temps que
7000 professeurs ou chargés de cours des universités, de
même que 1000 professeurs d'université.
Mais la CSN prétend, par ailleurs, faire partie du patrimoine
québécois et de la culture québécoise. C'est une
organisation syndicale née en 1921 précisément pour
affirmer le fait québécois dans le cadre du travail chez les
travailleurs et les travailleuses, en même temps que nous
prétendons refléter de façon particulière les
composantes de cette société puisque notre organisation regroupe
plusieurs dizaines de milliers de membres, y compris des anglophones, des
communautés ethniques, des autochtones et, évidemment aussi, des
francophones. Et, si nos objectifs sont de promouvoir et de défendre les
intérêts sociaux, politiques et économiques de nos membres,
c'est également de défendre et de promouvoir leurs
intérêts culturels.
Je voudrais, d'entrée de jeu, affirmer que, pour nous, la
production du rapport Arpin est intéressante et est un cadre
extrêmement valable pour déterminer une politique en
matière des arts et de la culture. Nous souscrivons aux trois principes
qui traversent ce rapport, celui de reconnaître que c'est un bien
essentiel pour la collectivité, qu'il faut en promouvoir par tous les
moyens l'accessibilité, en même temps que l'État doit
être un élément important pour son develop-
pement. Nous partageons aussi, même si nous prenons d'autres mots
que nous avons clairement exprimés dans le mémoire que nous avons
défendu devant la commission Bélanger-Campeau, que la culture,
ça demeure un corps complexe de normes, de symboles et d'images qui
pénètrent les individus pour structurer leurs instincts et
orienter leurs émotions. Ce n'est pas seulement une ou des
activités, c'est un élément définisseur de
l'ensemble de la collectivité et, pour nous, il faut reconnaître
que l'État québécois a à assumer cette fonction
culturelle de la même manière qu'il a à assumer les
fonctions aux plans économique, politique et social.
La culture, c'est un ingrédient essentiel de la qualité de
vie en même temps qu'un élément important pour la
détermination de l'identité collective. C'est quelque chose qui
est très intime à notre collectivité et, dans ce
sens-là, on comprendra facilement qu'en cette matière nous
n'entretenons aucun flou aussi artistique soit-il, quant au rôle du
Québec et de l'État québécois en matière de
culture. Pour nous, en matière juridictionnelle, l'ensemble doit
être rapatrié nettement, complètement, et l'ensemble des
fonds disponibles par ce rapatriement doit être réservé
à la culture. Nous incluons dans cette perspective ce qu'on peut
peut-être trop facilement réduire à l'état de
véhicule, mais qui demeure un support essentiel pour la promotion et le
développement de la culture québécoise, nous incluons les
communications.
Peut-être quelques mots sur un ou deux aspects pour ensuite ouvrir
le débat. Et, quand je dis que je souhaite dire deux ou trois mots sur
des aspects particuliers, ce sont des aspects sur lesquels nous exprimons des
réserves ou nous exprimons des critiques. Il nous semble que le rapport
ne fait pas suffisamment de place au pluralisme culturel de notre
société. Fait partie de la culture québécoise non
seulement son expression francophone, mais aussi son expression anglophone,
ethnique et des autochtones. Là-dessus, nous souhaitons voir une prise
en compte de la réalité pluraliste du Québec moderne.
Un deuxième élément sur lequel nous voudrions
exprimer une part de réserve ou de critique, c'est dans le fait de
privilégier deux grands centres, celui de Montréal, celui de
Québec, en même temps qu'une allusion à l'ensemble
régional. Il nous semble que ça ne correspond pas à la
dynamique qui s'est développée depuis plusieurs années
dans l'ensemble des régions du Québec, dynamique qui s'est
exprimée de façon très forte, notamment lorsque la
commission Bélanger-Campeau a fait ses travaux, qui est la dynamique
régionale. Les régions ne doivent pas être
considérées uniquement comme des réceptacles de grands
centres de production, mais sont également des agents actifs dans la
production et le développement de la culture du Québec.
Un autre élément sur lequel nous attirons votre attention,
c'est d'être vigilant pour que ce qui est production et support à
cette production ne soit pas exclusivement réservé aux
productions de type professionnel ou aux instruments qui ne portent que cette
production-là. Pour nous, la culture demeure un fait de
société. Elle reflète la composition de la
société. Beaucoup de gens en vivent, doivent en vivre et,
là-dessus, il y a des responsabilités particulières
à assumer. Mais il faut se rendre compte que la culture, c'est aussi une
certaine manière de vivre en société pour l'ensemble des
composantes de la société. (10 heures)
Donc, il y a aussi une culture populaire qui passe par de multiples
canaux, de multiples réseaux. Et on peut témoigner de notre
propre expérience. La CSN, sans être un organisme culturel,
produit, par année, moult textes, affiches, pièces de
théâtre, vidéos, fait intervenir des producteurs culturels,
achète des pièces d'art, bref est un élément ou un
réseau où circule une certaine culture. Et il y a comme ça
dans la société plusieurs organisations qui sont, en même
temps, des éléments actifs en termes de production et de
diffusion. Nous souhaiterions que, dans une politique globale, on puisse tenir
compte de ces réseaux moins professionnels ou plus collés sur le
terrain, mais qui peuvent être facilement une armature sur le terrain
pour asseoir et consolider l'ensemble de la production culturelle du
Québec.
Nous attirons également votre attention sur le secteur de
l'éducation. À notre avis, il faut qu'il y ait un apprentissage
plus large de la culture, à travers notre réseau
d'éducation, pour qu'il ne soit pas réduit à seulement une
approche en matière d'arts et de lettres, mais vraiment une approche sur
l'ensemble des sciences et des humanités.
Nous avons tenu un colloque, il y a de cela deux ans, pour les 20 ans du
secteur des cégeps. Guy Rocher, un professeur émérite de
l'Université Laval, était venu faire une démonstration
assez claire d'un certain éclatement du savoir depuis une vingtaine
d'années et d'une difficile interdisciplinarité au niveau de la
transmission du savoir. Et il faisait la remarque qu'il fallait le plus
rapidement possible s'organiser pour que, en matière d'éducation,
la formation ne soit pas uniquement orientée vers le marché du
travail, mais aussi vers l'humain pour précisément consolider un
ensemble culturel qui est un ciment essentiel au développement de notre
société.
Un dernier élément sur lequel nous attirons votre
attention, c'est sur le rôle de l'État, le rôle des
différents instruments que l'État met à la disposition de
l'ensemble des intervenants et des intervenantes. Nous ne nions pas ce
rôle, au contraire. L'État doit assumer, notamment au chapitre des
grands instruments, une stabilité évidente de ces instruments -
je prends un seul exemple qui est celui de Radio-Québec - mais en
aucun cas l'État ne devrait devenir ou l'intervention ne devrait
se transformer en immense machine bureaucratique qui ferait que beaucoup
d'énergie et de filtrage pourrait contrevenir à la fois à
la production et à l'expression libre de la création artistique.
Dans ce sens-là, on partage un certain nombre de réticences qui
ont pu être exprimées devant vous.
Nous nous résumons en disant que cette politique culturelle doit
être davantage travaillée pour inclure les éléments
du pluralisme de la composition de la société
québécoise, doit avoir un développement plus
articulé au niveau des régions et suppose également une
stratégie fiscale particulière pour supporter l'ensemble de cette
production et de cette diffusion. Et la CSN elle-même, à la faveur
de ce débat public sur une politique de la culture et des arts, en plus
de tout ce qu'elle fait annuellement, prend l'engagement de consacrer 10 000 $
supplémentaires pour l'achat et la circulation des
éléments de culture du Québec dans ses propres rangs, dans
ses propres édifices.
Je m'arrêterai là, Mme la ministre, pour pouvoir vous
réserver quelque temps pour débattre, en vous informant que nous
avons un avion à prendre vers les 11 heures.
Le Président (M. Doyon): Cela sera terminé, M.
Larose.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Larose, M. Bonnet.
Cela nous fait plaisir, d'autant plus que vous nous arrivez avec des choses,
une offre tangible qu'on accepte parce que, évidemment, toute aide nous
est extrêmement bénéfique au niveau culturel.
M. Larose, votre organisme, depuis 70 ans, s'est porté à
la défense de tous les travailleurs et travailleuses. À
l'intérieur même de votre organisme, vous représentez
à peu près 10 000 professeurs de cégep, donc le
système d'éducation. Et on a beaucoup parlé de
l'implication de l'éducation au niveau du développement culturel
du Québec. C'est que, je pense, il y a un consensus
général, autant au niveau du monde de l'éducation que du
monde de l'industrie culturelle, que finalement le développement
culturel part de nos tout-petits, part justement du système
d'éducation. Mais quand nos gens, nos compagnies de théâtre
viennent nous voir, spécialement ceux qui sont spécialisés
dans le théâtre pour enfants, par exemple, mais la musique c'est
la même chose, on leur demande: Comment faites-vous pour entrer dans les
écoles? Est-ce que c'est facile? Il semble y avoir entre la
volonté, le constat et la pratique deux mondes. Dans ce sens où
il y en a beaucoup qui nous disent: Bien, c'est difficile parce que c'est
tellement rigide, les quarts de travail sont tellement rigides, donc il n'y a
pas de flexibilité et c'est sûr que, quand on veut inclure la
discipline culturelle, quand on veut faire de la sensibilisation culturelle,
cela prend une certaine flexibilité. Par exemple, on prend les enfants,
on les amène au théâtre, on revient, tu ne finis pas
à 15 h 30, tu finis plus tard, bon. Et il semblerait y avoir, entre
cette rigidité-là au niveau de l'éducation et ce qu'on
voudrait faire deux mondes comme je le disais tantôt.
Est-ce que c'est cela? Est-ce que vous sentez cela et est-ce qu'il y a
des choses à faire pour avoir une espèce de consensus, si on
veut, au niveau de cette sensibilisation culturelle? Un peu le contrat social
que vous êtes en train de faire maintenant et que vous avez fait avec vos
travailleurs et la partie patronale au niveau d'autres industries. Peut-on
viser ça pour la culture?
M. Larose: On ne peut pas nier que tous les réseaux
sécrètent un certain nombre de rigidités. Je pense que
c'est le propre de tous les ensembles de sécréter ça. Mais
prétendre que c'est cette rigidité qui empêche à la
fois les investissements et tout le développement de l'approche au plan
de la culture dans le réseau, je pense que c'est se réfugier
derrière un alibi ou derrière un prétexte. Ça
s'adonne que je connais passablement ce réseau. Non seulement la CSN
représente 1000 professeurs d'université et 7000 chargés
de cours, 10 000 profs de cégep, mais dans ma famille il y a 7
professeurs. Et curieusement, quand elles veulent développer des
activités pour précisément aller au théâtre
ou faire des activités de type culturel, à ce que je sache,
ça n'a jamais été ce genre de rigidité qui a pu les
empêcher de le faire.
Moi, je dis que ce qui manque, c'est un peu l'approche comme pour la
recherche et le développement. Dans notre société, la
culture pour la recherche et le développement, je dirais qu'elle est
déficitaire par rapport à ce qui existe dans d'autres
sociétés. On va finir par assumer cette fonction-là - et
je ferai l'analogie avec la culture tout de suite après - le jour
où ça deviendra collectivement une priorité qu'on s'est
fixée. Et, dans ce sens-là, la recherche et le
développement, les résultats ne sont pas pour demain matin. Ils
sont peut-être pour dans un an, deux ans, peut-être cinq ans. Mais
si on ne fait pas aujourd'hui les investissements en recherche et
développement parce qu'on n'aura pas les résultats tout de suite
demain matin, eh bien, effectivement on ne les fera jamais.
Au plan culturel, je dis qu'il faut à peu près la
même approche. Et, dans ce sens-là, il faut s'organiser pour
démocratiser, pour populariser, pour faire en sorte que l'intervention
soit multiforme. Le réseau scolaire est un des réseaux, mais il
n'y a pas rien que ça. Et je pense qu'il se fait déjà
quand même un peu de choses. Hier, je discutais avec la
fédération des réalisateurs de télévision et
on parlait de l'impact d'une émission qui est celle de
"Passe-Partout",
exemple. Bon, il y a là, je dirais, une approche
pédagogique, y compris au plan culturel parce que, si on a une
conception un peu large de la culture, ce n'est pas rien que d'admirer des
tableaux puis d'aller voir des films. Eh bien, il y a là une approche
pédagogique extraordinaire, bien ciblée au plan
pédagogique et on peut avoir les résultats ou on découvre
déjà des résultats. Enfin, depuis plusieurs années,
ça a eu une influence importante dans l'éducation des enfants. On
peut imaginer que par d'autres médias, y compris par les réseaux
existants, et ce peut être le réseau scolaire, il peut y avoir
semblable stratégie, qui soit plus musclée, plus
organisée. Moi je regrette - c'est moi personnellement qui m'exprime
là-dessus - qu'il n'y ait pas de façon systématique,
à travers le réseau scolaire, une approche par rapport à
la musique des grands orchestres. Ça existait dans mon temps.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
M. Larose: Je dirais que c'était peut-être la seule
chose qui existait à l'époque, mais il me semble que ça
laissait des traces quand même. Alors, des grandes stratégies
comme ça, il me semble qu'il faudait en convenir à travers les
différents ministères responsables de ce type d'activités
là.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais toucher aussi toute la
question du pluriculturalisme, ethnoculturalisme. C'est drôle, parce que,
encore une fois, on a plusieurs termes pour le définir dépendant
de la conception, mais chose certaine, c'est que là aussi il y a un
consensus en disant que les nouveaux arrivants sont une partie importante et
tissent justement non seulement le tissu social, mais culturel du
Québec. Et cet ajout-là fait en sorte que, un, le contexte
change, autant social que culturel, mais c'est un ajout important et
très riche aussi. Quelles seraient les recommandations pour justement
intégrer davantage, selon vous, tout cet apport, spécialement on
voit beaucoup ça dans la région de Montréal, mais pour que
ça déborde aussi la région de Montréal? A
Montréal, c'est une réalité maintenant, mais il faut que
ça déborde aussi la région de Montréal et qu'il y
ait vraiment une intégration qui fait en sorte que tout le monde puisse
participer finalement et bénéficier de cet ajout, d'une part, et
aussi bien intégrer ces nouveaux arrivants au Québec.
M. Larose: D'abord, personnellement, je souhaite qu'on ait une
compréhension plus précise de la composition de la
société québécoise. Je me méfie comme de la
peste du grand rêve canadien multiculturel qui est une immense "balloune"
soufflée pour masquer bien des réalités, plus
particulièrement la réalité québécoise. Il
faut d'abord, à mon avis, faire le consensus sur le fait qu'au
Québec, sur le territoire du Québec, il y a une
société qui a un ciment commun qui est le français. Mais
la composition de cette société-là elle se déploie
au minimum sous quatre volets: oui, il y a une majorité francophone,
mais il y a une minorité anglophone, il y a des communautés
culturelles, et il y a les autochtones. Ces quatre composantes au plan
politique ou au plan sociologique n'ont peut-être pas la même
reconnaissance en termes de droits collectifs. C'est un autre débat
qu'on peut faire, mais je veux dire que les autochtones et l'autre
minorité qui est la minorité anglophone, on peut leur
reconnaître des droits collectifs qu'on ne reconnaîtra pas, par
ailleurs, aux communautés culturelles. Alors, la dynamique en terre
québécoise sera essentiellement une dynamique interculturelle,
c'est-à-dire un échange constant entre les différentes
cultures, mais qui vont partager un tronc commun qui est cette
société québécoise, cimentée par une langue
commune qui est le français. (10 h 15)
Maintenant, comment on peut faire en sorte que cet échange soit
un échange enrichissant les uns pour les autres? Moi, je vais y aller
très directement, je pense qu'il faut avoir une approche qui fasse en
sorte que, pour l'expression culturelle... Et je prends un exemple très,
très précis, je prends, par exemple, les médiums visuels
à la télévision. Moi, je regrette personnellement qu'on
n'ait pas, de façon systématique et à peu près
pondérée, une représentation suffisante à la fois
des autochtones et des communautés culturelles sur nos écrans de
télévision, sur la production en termes d'information ou bien sur
les variétés, etc. Je pense que là-dessus il y a de
l'action positive qu'il nous faut faire. Et, dans ce sens-là, il y a des
responsabilités au niveau de ceux qui travaillent sur la programmation
ou qui ont des responsabilités de cet ordre-là. Je suis convaincu
qu'on ne pourra jamais être mécanique, mais si on veut faire en
sorte qu'il y ait un enrichissement, c'est ce genre d'opération qu'il
faut faire, en étant conscient - puis, là-dessus, il ne faut pas
se cacher la réalité - que, comme société, on vit
dans un rapport de force global au plan continental. Et il est évident
que comme francophones il nous faudra toujours nous assurer qu'on ne perde pas
de terrain, je dirais par l'exercice brut du rapport de force global. Et, dans
ce sens-là, c'est des questions de quantité qu'il nous faut aussi
surveiller. Et, si on veut qu'il y ait un échange et une
intégration de tout le monde, eh bien, je pense qu'il faut aussi avoir
des mécanismes d'accessibilité pour que notamment les
communautés culturelles, la minorité anglophone et les
autochtones puissent avoir accès largement au tronc commun. Et, disons,
il y a plusieurs mécanismes qui peuvent se développer
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. Larose, M. Bonnet, bienvenue à cette
commission. On va faire en sorte que vous ne ratiez pas votre vol de retour,
mais vous connaissez le contexte du retard que nous accusons. Il s'agissait
pour notre formation d'honorer la mémoire de M. Lévesque, donc
son décès.
Je vais vous poser d'emblée les trois questions que je veux vous
adresser et comme ça je pourrai accueillir vos réponses. La
première, vous dites très clairement: Notre culture et notre
identité collective ne peuvent être partagées entre
Québec et Ottawa, et, en conséquence, la souveraineté
culturelle ne peut être acquise qu'avec la souveraineté du
Québec. La deuxième, vous dites que le gouvernement ne doit pas
prendre prétexte des négociations sur le rapatriement des
responsabilités fédérales pour adopter un plan d'action
pour une politique culturelle à partir du rapport Arpin, et vous incitez
l'État québécois à passer immédiatement
à l'action. Quelles devraient être les priorités d'action,
notamment en termes de restauration de l'enveloppe budgétaire? Et la
troisième, à la page 11 de votre mémoire, et
l'énoncé était très important, novateur, la
création de fonds de soutien à la culture et aux arts. Est-ce que
vous pourriez me préciser votre vision quant au mandat et au mode de
financement du fonds auquel votre puissante centrale syndicale serait
intéressée à contribuer?
M. Larose: O.K. Bien, peut-être, commençons par la
question du fonds. Je pense qu'on exprime dans le mémoire notre
disponibilité pour travailler à l'opérationalisation ou,
en tout cas, à la mise en place de fonds comme celui-là. Je pense
qu'on ne va pas dans le détail au niveau du mémoire, mais
supposons qu'on s'entend pour que la politique du 1 % s'applique, et s'applique
de façon systématique, que ce soit la contribution de l'ensemble
des fonds publics, exemple par le biais de la construction des édifices,
etc. Supposons qu'on décide qu'on va y aller de façon
systématique, qu'est-ce qui interdit qu'à chaque projet qui
naît, au niveau gouvernemental, au niveau municipal, et je pense qu'on
peut même penser au niveau du privé... Pourquoi il ne pourrait pas
y avoir des fonds régionaux qui géreraient le 1 %? Et, quand je
dis que la CSN est prête à mettre 10 000 $ de plus, en plus de ce
qu'elle fait, peut-être qu'on pourrait stimuler un ensemble de
contributions annuelles pas nécessairement liées seulement
à la construction de bâtiments, mais ça peut être
à la tenue d'activités publiques. Exemple, nous, quand on
organise des colloques, il y a systématiquement ce qu'on appelle des
soirées de solidarité. On fait venir des gens. Eh bien, si on
pouvait systématiser ça pour la tenue de l'ensemble des
événements d'ordre public, je pense que ça pourrait
être un levier très important pour supporter le
développement de la culture et qui pourrait être de la culture
plus populaire aussi, plus régionale également. Mais c'est
à titre de suggestion là. Des choses comme celles-là, nous
souhaiterions pouvoir en débattre.
Maintenant, un plan d'action, c'est-à-dire les priorités.
Bon. Je vous dirai: Des fois, moi, je trouve que plus on avance, plus on
recule. Y aurait-il moyen qu'en matière de responsabilité dans ce
champ-là on soit clair une fois pour toutes? Parce que les cadres
étant flous - et je parle des juridictions - il me semble qu'il faut
savoir que le demain du Québec, en termes culturels de
responsabilités, de juridictions, ça va être totalement
québécois. Moi, je pense que, là-dessus, il y a à
finir ce débat-là. Deuxièmement, bon, par où on
commence? Moi, je dirais volontiers qu'il faut d'abord voir au maintien et
à la consolidation des instrument existants. J'ai été un
peu scandalisé que, notamment, il y ait eu un groupe pour proposer qu'on
ferme les conservatoires et qu'on hausse le prix des places à la Place
des Arts, etc. J'ai dit que c'était des propos de taverne. Je pense que
c'en était, mais disons que ça illustre un peu le peu de
précautions qu'on a pour la culture. Moi, je pense que là-dessus,
en termes de volonté politique, il faut que ce soit largement
partagé. On est une société particulière en terre
d'Amérique. Si on n'est pas le moindrement vigilant, c'est trop facile,
oui, de dire qu'il vaut mieux un lit d'hôpital qu'une salle de
concerts.
Je dirais que la culture est à la société comme le
bardeau de cèdre à une maison, c'est-à-dire que, s'il n'y
a pas de "clapboard" sur la maison, bien, à terme, la maison, elle va
pourrir debout. La culture, c'est un peu ça. Ça ne paraît
pas évident que le bardeau est important pour tout de suite, mais c'est
quand même à la fois ce qui protège la maison, c'est
à la fois ce qui lui donne une certaine allure, c'est un peu ce qui va
la conserver pendant longtemps. Alors, dans ce sens-là, je pense qu'il
faut que ces investissements-là se poursuivent et qu'on développe
une véritable culture de la culture. Je ne sais pas si c'est...
M. Boulerice: M. le président, M. Bonnet, je sais qu'il y
a la contrainte du vol de retour vers Montréal. Je ne voudrais pas vous
empêcher de le prendre et de manquer à d'autres activités.
Donc, je vous remercierai pour votre excellent mémoire, la
présentation habituelle, colorée du président de la CSN,
en faisant une dernière petite parenthèse. À la page 23,
vous parlez de culture ouvrière ou populaire. Je vous ai posé une
question: Quelles devraient être les priorités d'action? Dans
votre énoncé de la page 23, j'ai lu un appui non équivoque
et une pression forte envers la ministre pour qu'elle donne finalement
l'accréditation à l'Écomusée du Fier-Monde dont
nous sommes des partenaires solides. Je vous
remercie beaucoup, M. Larose, M. Bonnet. Bon retour dans la
métropole.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots,
si vous voulez bien.
Mme Frulla-Hébert: Encore là, oui, je ne veux pas
vous retarder, mais je le savais. Maintenant qu'on sait qu'on a votre appui et
tout ça, quand on va sortir de cette commission, alors, à ce
moment-là, nous allons procéder, d'une part. Deuxièmement,
merci beaucoup, aussi, de votre appui, invitation qui sera évidemment
prise au mot, au niveau d'un comité sur la taxation, d'abord, et,
deuxièmement, au niveau de la création, finalement, de cette
activité dans le fonds régional. Merci d'avoir été
ici et, évidemment, vu l'importance des groupes que vous
représentez, bien, cette prestation était capitale pour nous,
pour nous faire avancer dans notre débat.
Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste, en tant que
président de la commission, à vous remercier aussi, à vous
permettre de vous retirer. Il vous reste une demi-heure pour vous rendre
à l'aéroport et sauter dans l'avion. Bon voyage de retour.
J'invite maintenant l'Association des éditeurs et la
Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec
à bien vouloir s'avancer, à prendre place à la table qui
leur est réservée en avant de cette commission, pour que nous
puissions nous entretenir avec eux.
Maintenant que nos invités sont en place, je leur souhaite la
bienvenue au nom de la commission. Je les invite à bien vouloir se
présenter pour que nous puissions savoir qui nous parie lors de la
transcription des débats. Et ils disposent d'une quinzaine de minutes
pour nous entretenir de leur point de vue sur la politique de la culture.
Ensuite, la commission va discuter avec eux de ce qui découle de leur
présentation. Vous avez la parole.
ADE et SEMSQ
M. Vézlna (Raymond): M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les commissaires, mon nom est Raymond Vézina. Je
représente l'Association nationale de l'industrie du livre qui a
été formée hier, résultat de la fusion des deux
associations: celle présidée par M. Hervé Foulon, qui est
président de l'Association des éditeurs et la
Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec
que je représente.
Vous avez à ma gauche Mme Carole Levert, des éditions
Libre Expression, elle est directrice des éditions. À ma droite,
M. Richard Vézina, qui est trésorier de l'ADE,
président-directeur général des éditions
Saint-Martin, et Mme Johanne Guay, qui est directrice générale de
l'ADE et directrice générale de la nouvelle association, doit-on
dire aussi.
À la lecture de notre mémoire, vous avez constaté
combien nous appuyons votre point de vue sur l'importance du
développement de la culture dans notre société et le
rôle essentiel du livre comme outil de formation, de communication et de
développement. Nous désirons insister particulièrement sur
trois points que nous considérons essentiels et qui constituent les
idées maîtresses de notre mémoire. Premièrement,
l'importance fondamentale du livre et de la lecture comme biens de
première nécessité. Deuxièmement, les forces et les
faiblesses de l'industrie québécoise de l'édition.
Troisièmement, la nécessité d'une volonté politique
réelle du gouvernement de se doter d'une véritable politique
culturelle et de l'appliquer dans des actions précises et
concrètes.
À la suite de tous les mémoires qui ont été
présentés devant cette commission par tous nos partenaires de
l'industrie du livre, les auteurs, les bibliothécaires, les libraires,
les salons du livre, les périodiques culturels, à la suite aussi
de certains mémoires présentés par des entreprises
privées comme Bell Canada, dont nous appuyons fermement les
recommandations, faut-il insister, donc, pour dire que le livre est
l'instrument premier de l'accès à la connaissance, la principale
porte d'entrée dans l'univers de l'imaginaire? On l'utilise d'ailleurs
aussi pour le loisir, pour la détente. C'est un outil essentiel de
formation dans les écoles et les universités, autant que dans
l'entreprise. Le livre possède aussi un caractère de
pérennité qui lui permet souvent de jouer un rôle capital
à un moment donné de l'évolution d'une
société et de continuer à jouer ce rôle à
travers les âges par la suite. Songeons seulement à quelques
grands classiques qui nous sont venus du passé par le livre: "l'Iliade"
et "l'Odyssée", la Bible, des textes de chez nous comme le "Petit
catéchisme", "Les Insolences du Frère Untel", les oeuvres de
Nelligan, de Félix Leclerc, de Jacques Ferron et enfin peut-être
le rapport Arpin, si jamais le gouvernement se décide à y donner
suite, après avoir, hélas, rangé sur une tablette - et on
les a apportés ici - tous les livres bleus, blancs ou verts qu'il a
produits ou commandés dans le passé. (10 h 30)
Mais entrons tout de suite dans le sujet qui constitue notre
spécialité et qui est l'objet de nos principales
préoccupations, c'est-à-dire l'industrie québécoise
du livre. Notre mémoire illustre bien, du moins nous l'espérons,
à la fois la maturité de cette industrie qui a eu une forte
croissance depuis les années soixante et sa fragilité qui tient
à l'étroitesse de notre marché, à la concurrence
que nous livrent sur ce petit marché les géants de
l'édition internationale, à la faiblesse de la capitalisation de
la grande majorité de nos maisons d'édition, qui sont de petites
et moyennes maisons d'édition, faiblesse
qui est accentuée de façon cyclique par les
récessions et par l'imposition de la TPS fédérale, et par
la menace voilée que laisse planer le ministre des Finances du
Québec du rétablissement possible de la TVQ sur le livre.
Rappelons simplement quelques chiffres tirés de notre
mémoire. Premièrement, la moyenne des profits des entreprises
d'édition, après impôt et après subventions,
s'établit à 5,9 % des ventes, ce qui est nettement
inférieur à ce qui se passe dans les pays plus
évolués comme les États-Unis ou la France. Le livre
importé représente environ 70 % des ventes
réalisées en librairie au Québec. Plus de 60 % du chiffre
d'affaires dans le domaine du matériel didactique est
réalisé par des entreprises appartenant à 50 % et plus
à des intérêts étrangers. C'est-à-dire que
toutes nos énergies, finalement, doivent être consacrées en
priorité à l'occupation de notre propre marché, de
préférence à l'exportation. Ce n'est pas que nous
négligeons l'exportation, mais c'est vraiment la conquête du
marché local, qui est notre priorité, tant dans le domaine
littéraire que dans le domaine scolaire.
Quand des maisons d'édition se voient contraintes de se mettre en
vente ou de s'associer à des maisons plus puissantes à cause de
difficultés financières et qu'elles passent très souvent
entre des mains étrangères, comme cela s'est produit au cours des
deux dernières années pour cinq maisons d'édition au motn^
on peut s'interroger longuement sur la valeur du soutien que le gouvernement
accorde présentement à l'industrie nationale du livre et de
l'édition, et l'efficacité de la législation qui a
été mise en place pour la protéger. On notera à ce
sujet que c'est dans le domaine de l'édition que le MAC investit le
moins, alors que ce secteur représente une activité
économique très importante, avec la possibilité de
retombées financières dans le domaine du film, de la
télévision, de la radio, etc. Qu'on pense, par exemple, aux
"Filles de Caleb", au "Matou", au "Déclin de l'empire américain",
au "Chat de l'Oratoire" de la collection "Contes pour tous" et à
quelques autres titres dans cette collection.
D'où l'importance pour nous d'appuyer sans réserve les
recommandations 104 et 72 de la proposition de politique, qui recommandent que
toute l'action du gouvernement soit imprégnée par la conviction
que la culture est un élément moteur du développement
collectif. Et nous croyons, comme Bell Canada, que cela touche directement le
développement économique et la culture technologique; donc, que
la priorité accordée à la culture par le gouvernement
s'exprime au plus haut niveau et soit traduite dans un projet de loi à
cet effet.
C'est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement du
Québec, en particulier au premier ministre, au ministre des Finances,
ainsi qu'au chef de l'Opposition qu'ils se prononcent publiquement sur ces deux
recommandations capitales et qu'ils déclarent solennellement vouloir
donner au futur ministère de la culture la stature requise au sein du
gouvernement et les moyens financiers nécessaires à l'atteinte
des objectifs dont dépendent l'avenir et l'identité propre de la
société québécoise.
Ajoutons que ces engagements doivent être pris ici et maintenant,
indépendamment de tout contexte électoral et du débat
constitutionnel qui occupe présentement, malheureusement, l'esprit de
tout le monde.
N'oublions pas que c'est le livre qui est la principale clé de
notre développement intellectuel, une clé très importante
également dans le domaine du développement économique.
C'est le premier véhicule des idées et un catalyseur essentiel du
développement de l'éducation, des arts et de la culture. Le
gouvernement doit reconnaître cette importance et agir en
conséquence. Je vous remercie de votre attention et vous invite à
nous poser des questions. Mes collègues et moi sommes à votre
entière disposition.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vézina.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Vézina. Je vous
souhaite à tous la bienvenue. Vous savez, quand on parle de l'importance
de tout ce secteur, de l'importance du livre - d'ailleurs, si on regarde au
niveau du rapport Arpin, il y avait un de vos représentants qui
siégeait sur le groupe-conseil - force est d'admettre que le
gouvernement du Québec a quand même pris ses
responsabilités au niveau de la taxe de vente, d'abord, qui était
un investissement du gouvernement, enfin, de 32 000 000 $, pendant que le
fédéral, lui, malgré toutes vos pressions, et les miennes
avec les vôtres, a maintenu sa TPS. Alors, je pense qu'à ce
niveau-là le gouvernement du Québec a justement "priorisé"
le secteur du livre dans sa pensée. Au moment où on se parle - et
je ne parle pas du report de la TVQ - ou l'année dernière,
pendant qu'oh imposait la TVQ, c'est le seul secteur qui a
bénéficié d'une exemption. Je pense que là c'est
une preuve quand même assez évidente de l'importance qu'on accorde
au livre.
D'abord, je voudrais vous souhaiter bonne chance dans cette initiative
de fusion de vos associations, d'une part. J'aimerais revenir à ce dont
vous parliez au niveau de l'étroitesse du marché
québécois. Effectivement, qu'on regarde dans tous les secteurs
économiques, notre marché est étroit et il faut trouver
nos opportunités ailleurs, finalement. Vous parlez d'une
stratégie pour augmenter, si on veut, la demande versus travailler sur
l'offre. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus; au
niveau de la demande, quelles sont les actions concrètes maintenant
qu'il faudrait faire? On est impliqué dans les salons du livre, on est
impliqué partout dans la
chaîne, finalement, au niveau du livre. On essaie d'aider aussi au
niveau du marché du côté international, mais qu'est-ce
qu'il faut faire? Est-ce qu'il y a une résistance... Parce qu'on sait
qu'il y a une résistance au niveau de la France. Il y a une
espèce de protectionnisme déguisé, mais qui est là.
Est-ce que c'est réaliste, d'une part, de penser que, oui, on est
capables d'agrandir les marchés? Si oui, comment fait-on et quels sont
les moyens concrets, les priorités à court terme, à moyen
terme à long terme, pour ce faire?
Le Président (M. Doyon): M. Vézina.
M. Vézina: D'abord, sur la question de la TVQ, c'est
sûr que nous avons grandement apprécié le geste du
gouvernement et on l'en a félicité. C'est d'ailleurs
présent dans notre mémoire. Ce que nous voulons essentiellement
sur ce sujet particulier, c'est que la décision soit maintenue, non pas
d'année en année, mais de façon définitive et,
deuxièmement, que le gouvernement du Québec soit notre
allié dans la lutte qu'on va reprendre incessamment pour contrer la TPS.
Et, là-dessus, l'industrie étant plus forte qu'elle était
auparavant, je pense, avec la fusion, on a besoin de l'appui de tous les
ministres impliqués dans le gouvernement et du gouvernement
lui-même. Quant aux moyens concrets, je pense que je vais laisser mon
collègue Hervé Foulon vous en présenter quelques-uns.
Le Président (M. Doyon): M. Foulon.
M. Foulon (Hervé): Merci. Quand on parle d'augmentation de
la demande, je pense qu'il y a un point qui est très important, c'est
que l'on souhaite que la perception du livre dans le marché change par
rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Trop souvent, le livre n'est pas
perçu comme un bien de première nécessité comme
nombre d'autres produits, et ce, dès le premier lieu qui devrait et qui
doit être un lieu de connaissance du livre, de familiarisation avec le
livre, c'est-à-dire l'école. Aujourd'hui, à quoi on
assiste, très souvent, malheureusement, les budgets que les commissions
scolaires ont à leur disposition sont trop restreints et elles
n'arrivent même pas à respecter la loi de l'instruction publique
qui les oblige, normalement, à mettre à la disposition de chaque
élève un manuel pour chaque matière de base. Alors,
comment voulez-vous qu'un Jeune qui n'a pas à sa disposition ces
premiers livres - quand il en a, très souvent, il est obligé de
les laisser à l'école parce qu'ils servent pour plusieurs
classes; il ne peut pas donc rapporter ces livres chez lui pour en faire une
utilisation qui serait constructive, celle de consultation - soit
poussé, après, à la consommation d'autres livres?
On peut prendre également l'exemple des bibliothèques
scolaires aussi, si on se base sur ce marché qui est, à mon avis,
très important parce que c'est là où on va former des
lecteurs, où on va donner le goût. Dans les bibliothèques
scolaires, il y a eu plusieurs rapports qui ont été faits et on
sait la pauvreté des ouvrages qui y existent. Il y a eu des exemples qui
ont été donnés comme quoi des élèves
pouvaient se rendre dans une bibliothèque où on trouvait comme
livres à caractère encyclopédique des ouvrages où
on annonçait bientôt l'arrivée des hommes sur la lune!
C'est évident que ce n'est pas !à non plus des moyens pour
inciter les jeunes à la lecture.
Quand on parle d'augmentation de la demande, c'est en premier lieu
à ce niveau ou dans le milieu de l'enseignement. Et, quand je parie
d'enseignement, je prends cela dans un cadre très large, pas seulement
la classe, mais les bibliothèques et vous parliez des salons, les salons
en sont aussi. C'est d'aller au-delà de l'offre de service, mais de
s'assurer que le produit va être présent, le produit
d'actualité également va être en place, et c'est un moyen
de promouvoir notre culture, nos auteurs qu'on arrive à faire du livre
un produit de première nécessité. Il est inadmissible que,
aujourd'hui, on soit en train de compter les quelques sous pour pouvoir
procurer des ouvrages dans un milieu scolaire, alors qu'on ne se pose jamais la
question à savoir: Est-ce qu'il faut mettre de l'argent disponible pour
- je parle dans les familles - acheter du matériel sportif, par exemple?
On râle souvent sur le coût d'un livre qui peut s'élever
seulement à 15 $ et je n'ai jamais entendu personne se plaindre sur le
coût d'une paire de patins à glace qui peut en coûter 100 $
ou 150 $. C'est surtout dans cette voie qu'on parle d'augmenter la demande.
Mme Levert voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Levert (Carole): En complément à l'intervention
de M. Foulon et c'est votre remarque sur étroitesse du marché qui
me le suggère. Oui, le marché québécois est
étroit et, dans nos discussions, on se disait: Oui, il est encore plus
étroit si on se met à penser que nous n'y occupons que 30 %.
C'est un peu ce défi-là. C'est-à-dire que, oui, le
marché est étroit, mais si on augmente notre part sur ce
marché, pour nous qui sommes habitués à vivre avec 30 %,
si on arrivait à en occuper 70 % tout à coup, il deviendrait
très large. Je pense que les éditeurs québécois ont
démontré qu'ils étaient capables de travailler avec
seulement 20 % et 30 %. Imaginez ce qu'ils pourraient faire s'ils pouvaient
avoir 70 %.
En complément au type d'intervention très
nécessaire que M. Foulon suggérait, il faut "promotionner" le
livre, mais il faut aussi penser à faire une campagne de promotion qui
valorise
notre production. Si nous-mêmes, au Québec, ne valorisons
pas nos créateurs, notre style d'édition qui nous est
particulier, les éditeurs québécois produisent des livres
qui nous ressemblent, si on valorise notre production à nous en premier
lieu, non pas au détriment de personne d'autre, mais en se disant que
c'est nous, on va faire un gain aussi. On va dire aux gens: Oui, on est non
seulement aussi intéressants, mais on est plus intéressants. On
travaille spécifiquement pour vous. Et c'est pour cela qu'une
valorisation qui peut prendre la forme d'une promotion de notre production
favoriserait sûrement un dynamisme des mentalités parce que cela
se fait partout.
On parlait tout à l'heure du milieu scolaire, etc. Cela veut
aussi dire que tous les organismes peuvent travailler à "promotionner"
le livre, mais aussi à faire en sorte que ce soit des livres de nos
auteurs et de nos éditeurs dont on parle le plus souvent, et que cela
soit coordonné. Certainement, une impulsion peut être
donnée par un ministère de la culture; dans les exemples que l'on
donne dans les livres eux-mêmes, pourquoi ne pas prendre des exemples
d'auteurs de chez nous, etc.? C'est un exemple que je donne, mais faire en
sorte que ce soit général et qu'on ait le goût de le faire.
Donc "promotionner" notre production, nos créateurs et notre style
d'édition.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Foulon, MM. Vézina, Mme Levert et
Mme Guay, heureux de vous revoir. Oui, je vais me réjouir que,
maintenant, H y ait, appelons cela ainsi, un consortium, c'est-à-dire
une union - et Dieu seul sait que l'union fait la force - et je pense que dans
ce domaine c'est très important. (10 h 45)
J'ai trouvé intéressant que vous fassiez allusion aux
"Filles de Caleb". Cela a pris un écrivain, un éditeur, des
libraires qui ont vendu, une télévision qui en a fait une
série. Résultat: un afflux touristique d'au-delà de 150
000 en Mauricie. Cela mène loin, un livre. Et vous aurez remarqué
que je n'ai pas pris de chance; je me suis fait accompagner ce matin d'un
auteur, d'un éditeur et ancien ministre de la culture.
Quant à l'engagement solennel que vous avez réclamé
tantôt, je me permettrais de vous rappeler qu'en cette commission,
à sa séance inaugurale, le message de l'Opposition a
été livré en quasi-exclusivité non pas uniquement
par le porte-parole, mais bien par le chef de l'Opposition avec des engagements
très précis; d'ailleurs, je me permettrai de vous envoyer une
transcription de ces débats.
Ceci étant dit, la première question que j'aimerais vous
poser, tout en faisant peut-être encore une petite digression. Il y a une
chute d'Intérêt envers la lecture chez les Jeunes entre la
troisième et la sixième année. Je pense que M. Foulon a
donné aussi quand même un peu un élément de
réponse en parlant de la vétusté des livres qui sont
là, qui ne sont plus actuels. Je pense qu'une bonne partie de
l'explication vient également de là. Sauf qu'il y a quand
même des choses à faire au niveau de l'école. J'aimerais
peut-être vous entendre un petit peu plus là-dessus.
M. Foulon: II y a le problème de la vétusté
des livres ou du manque de budgets. C'est un point. Je ne pense que ce soit la
seule raison pour laquelle il y a une chute de la lecture. Je pense qu'il y a -
et Mme Levert l'avait aussi abordé - un problème au niveau du
souci, dans les programmes qui sont mis de l'avant, de promouvoir et de
s'appuyer sur notre littérature, sur notre culture. Et là,
ça rejoint un point, je pense, qui est très important. C'est le
souci qu'il y ait un lien entre le ministère des Affaires culturelles et
les autres ministères. Quand on parle de culture, on parle
également d'éducation, de formation. Donc, le ministère de
l'Éducation est naturellement très fortement impliqué, le
ministère de l'Enseignement supérieur également et il
serait souhaitable, comme Mme Levert le mentionnait tantôt, que l'on
s'appuie sur nos auteurs, sur nos textes dans des ouvrages de
littérature, dans des ouvrages d'histoire. Il serait aussi utile que
peut-être on resonge dans les programmes d'enseignement à y mettre
l'enseignement de l'histoire de la littérature, à y mettre
également l'enseignement de notre histoire du Québec, et ce, pas
seulement sur une année, mais peut-être réparti beaucoup
plus sur tout le primaire, voire le secondaire, afin que les gens soient
imprégnés de cette culture et, à travers, ça
puissent se référer régulièrement aux livres qui
existent.
M. Boulerice: Nous avons fait un pas assez... Oui, je m'excuse M.
Vézina.
M. Vézina: Pour appuyer M. Foulon dans ce sens, il
faudrait aussi contrer peut-être la photocopie qui est une abomination
dans nos écoles, qui remplace et les manuels scolaires et les textes
littéraires. Alors, en combattant la photocopie... On a, d'ailleurs,
déjà des projets qui ont été faits
là-dessus. Là aussi, on remercie le gouvernement pour ses prises
de position, mais ce n'est pas encore suffisant. Et ce sont des photocopies
massives qui se font encore particulièrement dans les collèges,
les universités où on copie à tour de bras. Dans les
commissions scolaires des écoles du primaire, les enfants, au lieu
d'avoir des livres bien présentés, des textes littéraires,
des romans de nos auteurs, ont des photocopies de chapitres, des extraits, etc.
Dans toute la politique que nous allons défendre auprès du
ministère de l'Éducation, nous allons
insister sur le respect de l'oeuvre littéraire dans les
programmes scolaires.
Et je voulais signaler également une autre initiative du
ministère des Affaires culturelles, qui est le soutien de campagnes de
lecture faites par Communication-Jeunesse comme la Itvromanie, la Itvromagle
qui ont suscité pour les titres qui sont choisis des recettes absolument
intéressantes. Et, d'ailleurs, le soutien à l'édition de
livres pour enfants a fait de l'industrie du livre pour enfants, qui
était moribonde dans les années soixante-dix, un des secteurs de
l'industrie qui est parmi les plus prospères dans le domaine de la
littérature générale. Alors, des campagnes semblables...
On fait des concours d'orthographe à la télévision.
Pourquoi Radio-Québec ne trouverait-elle pas une idée pour
intéresser les gens à un quiz sur les romans
québécois qui nous obligerait à lire? Enfin, tout est
à faire dans ce domaine, dans les médias et dans les
journaux.
M. Boulerice: Tous s'accordent pour dire qu'on a quand même
fait un pas assez intéressant au Québec et là je fais
allusion à la loi 51 sur l'Industrie du livre. Comment peut-on bonifier
l'application de la loi 51?
M. Vézina: Nos associations ont déjà
présenté des points de vue là-dessus, les
bibliothécaires également ont un point de vue. C'est un
problème délicat, parce qu'on est souvent en discussions avec les
libraires qui ne sont pas toujours du même avis que nous. Je pense qu'on
doit s'entendre entre nous dans la profession pour arriver... On sait que dans
les bibliothèques l'imposition de la loi 51 a réduit d'un
pourcentage important l'achat des livres. Ça ne veut pas dire que la loi
51 n'est pas bonne, mais il faudrait peut-être la
réévaluer. De la même façon, tous les ouvrages
utilisés dans les collèges du Québec sont majorés
de presque 15 % parce qu'ils sont soumis à la loi 51. Alors, si la
loi... On ne dit pas que demain matin les prix baisseraient de 15 %, mais II y
aurait au moins une stabilisation et à moyen terme une baisse des prix,
parce que l'économie de l'édition est la même pour tout le
monde. Le prix est toujours fixé en fonction d'une demande, de la
concurrence et des coûts de l'éditeur, compte tenu d'une certaine
rentabilité qui est nécessaire pour réinvestir dans des
projets.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Boulerice: Si vous me permettez, juste une petite
dernière. Est-ce que mes collègues auraient...
M. Godin: Hél Vous, ià! Il m'a donné la
parole, le président. C'est lui qui mène ici; ce n'est pas vous,
mon cher député.
M. Boulerice: Allez-y, M. le député de Mercier.
M. Godln: Alors, cessons nos luttes fratricides. J'aurais deux
questions à poser à MM. Foulon et Vézina. La SOGIC fournit
du capital de risque à l'édition québécoise.
Pourrait-on améliorer le fonctionnement de la SOGIC à cet
égard parce que dans tous les autres domaines dont la SOGIC s'occupe,
comme on dit dans les médias, c'est le bordel? Alors, j'aimerais savoir
si, dans le domaine de l'édition de manuels scolaires, la SOGIC se
conduit de la même manière, aussi brutalement et de façon
aussi impertinente qu'avec le domaine du cinéma, par exemple?
M. Vézina: C'est une question délicate, je vais
demander à mon ami Hervé d'intervenir.
M. Godin: En quoi est-elle délicate? M. Foulon: Je
vais vous...
M. Vézina: Elle a une dimension politique très
importante. C'est tout ce que je peux dire.
M. Godin: Exactement. C'est ça qui me gêne, moi:
quand on pense SOGIC on pense politique et on pense bureau du premier ministre
du Québec, et on ne pense pas a une institution qui est, comment dire,
virginale et respectable totalement. Et c'est bien ce qui est gênant:
pour ce qui touche une partie importante de l'activité du Québec
dans le domaine culturel, la SOGIC, c'est le contraire de ce que les Anglais,
et la ministre aussi, appellent le "arm's length". La SOGIC, c'est le bras, la
main sur l'épaule du demandeur ou du requérant, du
quémandeur parce que au fond à la longue c'est ça qui
s'est développé. Les gens quémandent à la SOGIC et
ne se trouvent pas devant des normes connues, mais presque de l'arbitraire. Je
voudrais savoir si, d'après vous, les rapports entre la SOGIC et le
monde de l'édition des manuels scolaires pourraient être
améliorés et, si oui, comment.
M. Foulon: Mon point de vue sur la SOGIC et, je dirais, sur tout
organisme paragouver-nemental qui pourrait être du même ordre que
la SOGIC, c'est que ce sont des organismes qui doivent être au service de
l'industrie, dans le sens que des programmes ou des politiques peuvent
être énoncés par le gouvernement en consultation avec
l'industrie et que la SOGIC doit tout mettre en oeuvre à ce
moment-là pour aider l'industrie à réaliser ses
développements, ses plans d'action. Quand on regarde actuellement la
manière dont fonctionne la SOGIC, c'est certain qu'on peut se poser
quelques questions. Quand les taux d'intérêt qui sont
accordés par la
SOGIC sont plus élevés que ceux que l'on peut obtenir
auprès d'une banque, effectivement, on se demande quel
intérêt on peut avoir à aller frapper à sa porte.
Quand parfois le souci de la SOGIC est plus de se mettre de l'avant que de
favoriser la vitrine de l'édition ou du livre, enfin de l'édition
en ce qui nous concerne, là aussi on peut se poser des questions. Je
pense que le rôle de la SOGIC n'est pas de se mettre, elle, de l'avant,
mais au contraire de nous aider, nous, à nous développer,
à nous faire connaître et à nous mettre de l'avant. Je
pense que c'est son rôle, je dirais, comme élément
multiplicateur pour favoriser ce développement de l'Industrie du livre,
de l'édition québécoise.
Le Président (M. Doyon): Une autre question, M. le
député de Mercier?
M. Godin: Non, je vous rends le micro, M. le Président, et
disposez-en à votre gré.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Vos collègues libraires nous ont
donné l'impact, enfin m'ont donné à moi l'impact de la
TPS. Le gouvernement fédéral veut continuer d'intervenir,
d'ailleurs. M. Beaty l'a dit, nous voulons votre bien et nous l'aurons. Donc,
vos collègues libraires nous ont donné l'impact de cette
scélérate taxe, comme disait notre ami Pierre Tisseyre, en termes
de diminution en pourcentage des revenus des libraires. Dans le cas des
éditeurs, est-ce que vous avez un portrait sépla sans aucun doute
de la situation?
M. Vézina: Bien, le portrait est aussi désastreux
dans l'édition. Il est cependant plus difficile à distinguer que
dans d'autres secteurs de l'industrie par rapport à l'influence de la
récession. Mais, c'est clair que, si les ventes des libraires baissent
d'une proportion, c'est logique, et c'est la conséquence, que les ventes
des éditeurs le font de la même façon.
Dans le domaine scolaire, l'impact est peut-être moins grand parce
qu'il y a une ristourne. Ça occasionne surtout des tracasseries
administratives. Mais, il reste que le coût du livre a augmenté
pour les commissions scolaires, alors que les budgets restaient stables,
d'environ 30 % à 35 %, plus l'administration de la taxe.
Et, dans le domaine littéraire, enfin mes éditeurs
collègues, je les laisse répondre de l'impact de la taxe sur
chacune de leurs maisons, mais je pense qu'il est aussi considérable que
celui qui a été énoncé par nos libraires. Et,
là-dessus, vous savez la bataille qu'on a menée tous ensemble;
toute l'industrie du livre au complet a fait bloc. Et c'est cette
solidarité qui nous a permis justement de vous convaincre, de vous
aider, en tout cas, à vous convaincre que c'était
Important, l'industrie du livre, et que la taxe devait être
exemptée. Alors, je pense que le mouvement du côté du
fédéral devrait être le même.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, une courte question.
M. Godin: Oui, une question, mais précédée
d'un préambule, comme on dit dans l'autre Chambre à
côté, préambule consistant en deux citations qui touchent
le livre et l'édition.
À Paris, sur la rue Jean-Nicolet, pas loin de ce qu'on appelle
Port-Royal, il y a une citation sur le mur d'une école, de Jean
Guéhenno. La citation dit: "Chaque livre est un instrument de
libération". C'est une réflexion que je me fais souvent, me
souvenant de mon passé d'éditeur, qui m'a mené en prison,
MM. les éditeurs, vous ne vous en souvenez peut-être pas. Et il y
a un autre proverbe aussi, qui lui est chinois, qui dit: "Un éditeur est
une personne qui fait circuler quelques idées et qui meurt
ruinée". Alors, j'aimerais laisser à votre réflexion ces
deux propos, en espérant que vous ne mouriez pas d'abord, ni mourir, ni
être ruinés.
J'aimerais savoir en terminant - une dernière, dernière,
dernière, M. le Président, je vous assure: Est-ce que le
processus de sélection et d'autorisation des manuels scolaires par le
ministère de l'Éducation est aussi interminable qu'il y a
quelques années ou est-ce, encore là, une question à
laquelle vous ne voulez pas toucher parce que c'est trop politique? Vous voulez
y toucher?
M. Vézina: Je pense que vous êtes bien
informé, monsieur, parce que non seulement c'est interminable, mais
c'est pire.
M. Godin: Ah, mon Dieu!
M. Vézina: Et on nous a annoncé récemment,
parce qu'il y avait trop de demandes de la part des éditeurs, qu'on
ajoutait... Il fut un temps où le ministère a pris jusqu'à
six semaines. Ça été leur record. Ensuite, on a
grimpé à 8 semaines, 11 semaines. Et là, on nous annonce
que, pour la prochaine ronde qui arrivera le printemps prochain... Parce qu'on
nous demande de faire des prévisions. On fait des prévisions,
mais ils sont incapables de s'organiser pour répondre à la
demande que nous leur faisons. On nous annonce que le délai va
être étendu à 14 ou 15 semaines. D'autant plus que
ça ferme complètement pendant l'été, alors qu'on
sait que, pour nous, la période de rentrée est capitale et nos
livres autant que possible doivent être approuvés avant la fin de
l'année scolaire. Et, même si ça arrive pendant
l'été, bien, il y a des gens qui retardent leur décision
jusqu'au mois d'août. Si on avait des décisions. Mais c'est un
autre point et, si vous
l'abordez, je suis d'accord pour vous donner entièrement raison
sur cette question. Et c'est un problème. D'ailleurs, nous allons
rencontrer la semaine prochaine des gens du cabinet du ministre pour discuter
précisément de cette question.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Vézina. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion.
M. Boulerice: Oui, en vous remerciant de votre participation
à cette commission. Je pense que le monde du livre se devait
d'intervenir et je vous rappellerai que certains ont parlé des doubles
guichets, mais, malheureusement, ils ont oublié les doubles taxations.
La TPS fait mal. Donc, il faudrait peut-être songer à un
rapatriement. Le rapatriement signifie tous les pouvoirs, tout l'argent. Donc,
impossibilité pour un gouvernement étranger de taxer les produits
qui sont les nôtres. Cette question mérite réflexion. Elle
est plus que politique, elle est existentielle. Alors, M. Foulon, MM.
Vézina, Mme Guay, Mme Levert, encore une fois merci de votre
participation et c'est le 14, je crois, qu'on se revolt. Vous êtes
toujours au salon du livre?
Une voix: Bien sûr.
M. Boulerice: Sauf qu'il y a 50 participants de moins, me dit-on,
à cause de l'impact justement des taxes, etc. Je pense que ce
chiffre-là se devait d'être mentionné. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Sauvé, vous voulez
remercier nos invités au nom de la ministre?
M. Parent: Oui, je vais les remercier, M. le Président.
Mais, avant de les remercier, je voudrais juste faire un petit commentaire ou
une réflexion très, très personnelle, mais, je pense, qui
est importante. J'écoutais le président tout à l'heure,
encore, nous rappeler que le marché québécois du livre est
très restreint et que ça devient très, très
difficile, enfin, d'en faire une Industrie rentable. On sait que la culture est
difficilement rentable, mais dans le domaine du livre c'est peut-être
plus évident.
Je me demande, M. le Président, si notre gouvernement et si la
ministre de la culture ne devraient pas, je pense, sécuriser nos
éditeurs en faisant un effort pour que nos délégations
générales dans la francophonie, nos représentants
spécialement dans l'Afrique de l'Ouest, dans l'Afrique francophone,
soient des structures de soutien et d'aide aux gens qui veulent éditer
des livres et qui veulent les diffuser. Tout à l'heure, la ministre
faisait allusion à un protectionnisme peut-être
déguisé de la France face à un monopole sur le
contrôle de la diffusion du livre, mais je suis certain qu'avec notre
présence en Afrique francophone il y a certainement un marché
intéressant, là, pour nos éditeurs. Alors, j'en ai pour
preuve, enfin, des ententes qui ont été faites
dernièrement encore avec le CEDA, avec nos gens de la
Côte-d'lvoire. Alors, je pense que notre gouvernement devrait mettre
à la disposition des éditeurs toutes les ressources
nécessaires via le MAI, via notre ministère de la francophonie,
via nos délégations générales pour les aider.
MM. Vézina, M. Foulon, Mme Guay, Mme Levert, au nom de la
ministre des Affaires culturelles du Québec, je tiens à vous
remercier et à vous encourager a continuer à faire oeuvre dans le
domaine de l'édition du livre. Un peuple sans livres est un peuple qui
est appelé à disparaître et on ne veut pas
disparaître. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Un court, court,
court mot, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Court. Merci. Je tiens seulement
à rappeler quand même qu'il y a une mission là, au niveau
des éditeurs du livre, et qu'on sera là, enfin notre directeur
sera présent, d'une part. Deuxièmement, vous nous avez
demandé notre partenariat. Je pense qu'on vous l'a accordé et on
va continuer de vous l'accorder. Au niveau des pressions auprès du
fédéral, ça va nous faire plaisir parce que, mon
collègue l'a dit, c'est là le problème: On fait des
actions bénéfiques et, si on n'est pas suivi, bien,
évidemment, tout s'annule. Alors, vous pouvez compter sur notre
collaboration et aussi au niveau de la promotion du livre, promotion et action
promotionnelle aussi. Une chose, par exemple, le ministre de
l'Éducation...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: ...rapidement, était avec nous
jeudi dernier et, on peut le citer, II a dit qu'il faisait des
bibliothèques scolaires et de tout le manuel scolaire une
priorité, et ce, dès l'année 1992. Donc, grande
sensibilisation et bon espoir de collaboration.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, au nom de la
commission...
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Godin: ...me permettrez-vous de poser une petite
dernière question en supplémentaire, comme on dit au hockey?
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
vous signale que le temps est expiré. Cependant...
M. Godin: Bien oui, justement.
Le Président (M. Doyon): ...une exception qui ne sera pas
un précédent.
M. Godin: Si je vous demande une permission
spéciale...
Le Président (M. Doyon): Allez, allez, allez.
M. Godin: ...c'est parce que je sais que c'est
écoulé. Si ce n'était pas écoulé, j'irais
sans vergogne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: Ma question est la suivante: Est-ce que les
éditeurs américains, McGraw-Hill et les autres géants de
la même farine, font une concurrence à l'édition
québécoise, qui est, à vos yeux, importante et même
fortement nuisible en ce qui a trait - et non pas au niveau de, parce qu'on
n'est pas des architectes - à votre marché et à vos ventes
éventuelles?
M. Vézina: Absolument. Dans le cas de McGraw-Hill que vous
citez, c'est évident que c'est un... Vous savez qu'il n'y a pas
très longtemps tout le livre universitaire dans le domaine de la
gestion, c'était des livres en anglais. Mes deux frères ont
étudié dans des livres anglais à l'UQAM, à
Montréal, au début. Maintenant, il y a eu un progrès qui a
été fait: la plupart des ouvrages, des instruments de base sont
en français. Mais, dès qu'on arrive au niveau de la
maîtrise dans le domaine des sciences, de la gestion, n'importe quoi, et
du doctorat, la plupart des ouvrages sont encore en anglais. Ça, il ne
faut pas se le cacher.
Aux niveaux primaire et secondaire, ils sont présents, ils sont
très actifs dans le domaine des langues secondes, du français, et
ce qui est pire, c'est qu'ils sont souvent présents sans qu'on le sache
trop, trop. Par exemple, des maisons d'édition qui appartiennent
à 100 % à des intérêts étrangers s'appellent
Études vivantes, s'appellent HRW, mais ce sont des capitaux à 100
% étrangers, et ces gens-là font évidemment du livre
québécois, des auteurs québécois, on n'a pas le
choix. Nos programmes, heureusement, nous protègent en ce sens qu'ils
sont très spécifiques. On ne peut plus comme autrefois adapter ou
traduire les manuels américains.
Mais c'est quand même des capitaux qui proviennent de
l'étranger et dont le bénéfice retourne à
l'étranger, et sur lesquels on n'a pas de contrôle. La
compétition, je vous évoquais tantôt les 60 %, ça
s'applique aux Américains et aux Français qui, étant
donné la relative stabilité du livre au Québec, ont
tendance à revenir investir, comme ça s'est vu récemment,
dans nos maisons d'édition.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, II me
reste, au nom de la commission, à vous remercier de votre prestation et
à vous souhaiter un bon retour, vous donnant quelques instants pour vous
retirer de la table. J'invite maintenant le Comité d'étude sur
les industries de la culture et des communications au Canada à bien
vouloir prendre votre place.
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Godin: M. le Président... Le Président (M.
Doyon): Suspension. (Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 9)
Le Président (M. Doyon): Maintenant que nos invités
sont en place et que les effusions sont terminées, il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue et de vous inviter à faire les
présentations d'usage pour la transcription de nos débats.
Ensuite, vous disposez de 10, 15 minutes pour faire la présentation de
votre mémoire, ou un résumé que vous voudrez bien en
faire, pour permettre aux membres de cette commission d'engager la conversation
avec vous. Vous avez la parole.
Comité d'étude sur les industries de la
culture et des communications du Canada
M. Greenberg (Harold): Bonjour, mesdames et messieurs. C'est M.
André Bureau et, ici, M. Gordon Ritchie. Avant que je commence, je vais
mettre un peu mes notes... Mme la ministre et tous les députés,
je pense qu'il est temps d'approuver et de vous féliciter pour deux
choses en particulier aujourd'hui. D'abord, pour le dynamisme et le coeur que
vous mettez à remplir vos fonctions, et aussi pour avoir réussi
à organiser cette consultation d'importance critique pour notre avenir,
parce que ses résultats devront orienter la politique gouvernementale.
En un mot, merci.
Bonjour, je suis très heureux d'être à la commission
de la culture aujourd'hui afin de présenter la position du Comité
d'étude sur les industries de la culture et des communications sur la
proposition de politique de la culture et des arts. Les propos soulevés
dans le rapport Arpin au niveau de l'importance de la culture pour notre
société sont autant de notions que notre groupe partage, quoique
nous les évoquons d'un point de vue différent.
Mon nom est Harold Greenberg; je suis président du conseil et
directeur général d'Astral, ainsi que le porte-parole de notre
Comité. J'ai introduit André Bureau et Gordon Ritchie.
André Bureau est le président-directeur
général et vice-président du conseil des communications
à Astral Bellevue et il a occupé le poste de président du
CRTC de 1983 à 1989. Gordon Ritchie est le président de
Stratigico, d'Ottawa. Il a été intimement liée aux
négociations de libre-échange entre le Canada et les
États-Unis. Il siège sur notre Comité.
J'aimerais débuter mon entretien en vous nommant les membres du
Comité et vous énoncer le mandat et les buts que le Comité
d'étude sur les industries de la culture et des communications s'est
proposés. Les membres de notre Comité sont des dirigeants du
monde des affaires dans les industries culturelles. M. Serge Gouin,
président et chef de l'exploitation du Groupe Vidéotron, de
Montréal; M. Andrew Hermat, président de Manta Sound, de Toronto;
M. Doug Holtby, président de Western International communications,
à Vancouver; ' Mme Anna Porter, présidente de Key Porter Books,
à Toronto; M. Philippe De Gaspé-Beaubien, président de
Télémédia, à Montréal; M. André Di
Cesare, président des disques Star, à Montréal; M. Claude
Fournier, président Rose Films, à Montréal; M. Donald
Campbell, président du conseil, MacLean Hunter, à Toronto; M.
John Fisher, président de Southam; et M. Steven Roth, président
de Passport Productions. Mon Dieu, on va être beaucoup de
présidentsl
Notre comité est d'avis que les industries culturelles du Canada
devraient être exclues des négociations de libre-échange
entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le principe de base de la
politique gouvernementale depuis la fin des années 1920 a
été le développement et le renforcement de notre
identité dans les industries de la culture et des communications. Notre
Comité considère que les mesures gouvernementales actuellement en
vigueur au Canada et au Québec pour appuyer, promouvoir et
améliorer ces Industries doivent non seulement ne pas être
affaiblies, mais se doivent d'être affermies.
Les industries de la culture et des communications incluent la
radiodiffusion et la télédiffusion, les magazines, les journaux,
la production et la distribution cinématographiques et
magnétoscopiques, l'édition et la distribution de livres, les
services de télévision payante et spécialisés, la
câblodistribution, les arts et spectacles, ainsi que la production et la
distribution de disques. Ces industries représentent une activité
économique très importante. En effet, elles représentent
une activité économique appréciable au Québec. La
télédiffusion et la radiodiffusion justifient 8200 emplois et
rapportent des revenus annuels d'environ 650 000 000 $. Les productions
indépendantes emploient 2700 personnes et génèrent 175 000
000 $ annuellement.
Les compagnies de câble-vision, de télévision
payante et de services spécialisés embauchent au-delà de
2600 Québécois, touchant des revenus annuels d'environ 400 000
000 $. Les médias écrits emploient environ 7000 travailleurs et
génèrent un peu en deçà de 900 000 000 $ par
année. C'est une sphère importante au niveau des emplois et des
revenus. À ce moment, je veux M. André Bureau pour parler sur les
nouvelles technologies.
Le Président (M. Doyon): M. Bureau.
M. Bureau (André): M. le Président, l'opinion qui
est émise par les industries culturelles vis-à-vis les
négociations qui ont eu lieu entre le Canada, le Mexique et les
États-Unis, tout autant que les négociations qui ont eu lieu au
niveau du GATT, est extrêmement importante lorsqu'on est au courant de ce
que nous réserve le secteur de l'audiovisuel sous peu. Deux
développements technologiques créeront, d'ici quelques
années, un nouvel environnement susceptible d'engendrer des changements
radicaux dans ce secteur d'activité et, partant, d'avoir un impact
important sur l'avenir de nos créateurs, de nos artistes, de nos
techniciens.
Abordons d'abord le sujet de la technique de la compression des signaux
vidéo. Qu'elle se fasse par relais satellite ou par système de
câblodistribution, celle-ce accroîtra de trois à cinq fols
la capacité de distribution actuelle. En d'autres mots, les 32 canaux du
satellite Anlk E de Télésat pourraient distribuer, d'ici deux
ans, de 96 à 128 canaux vidéo plutôt que les 32 qu'ils
offrent actuellement. Les systèmes de câble ayant des
capacités de 50 canaux environ, comme partout Ici au Québec,
pourraient en offrir de 150 à 200 à leurs abonnés.
À première vue, ce nouvel apport semble extraordinaire
pour les abonnés. Cette technologie révolutionnaire signifierait,
pour les abonnés, qu'ils pourraient visionner à peu près
sur demande toutes les émissions qu'ils veulent regarder. Cette
augmentation, au niveau de la capacité de distribution, ne crée
pas - et c'est important de le souligner - de besoins additionnels
d'accroître le nombre de postes de télévision, ni le nombre
de services offerts. De fait, dans un environnement comportant 100, 150 ou 200
canaux, les services actuels tels que les services de films comme
SuperÉcran, les services spécialisés comme RDS,
MusiquePlus ou News-world, ou les services de télévision à
la carte, qui commencent dans quelques heures sur Vidéotron, pourraient
présenter leur programmation selon des horaires différents sur
des canaux de distribution différents.
Il n'y a pas donc besoin de nouveaux services de
télévision; il s'agit d'apporter des modifications aux horaires
des services existants. Donc, cette évolution technique paraît
tout à fait bénéfique puisqu'elle offre à
l'abonné la possibilité de voir ce qu'il l'intéresse,
quand ça l'intéresse et quand ça lui convient. Il faut
cependant que Télésat, que les services de
télévision, que les systèmes de
câblodistribution
et que leurs abonnés puissent assumer les frais de cette
technologie nouvelle.
Mais qu'on soit ou non en mesure de défrayer les coûts
occasionnés par cette nouvelle technologie chez nous, une autre
technologie pointe à l'horizon et elle pourrait, elle aussi, avoir des
répercussions de grande portée sur notre système de
radiodiffusion. Je veux parler des services de télévision directe
par satellite, qui nous parviendront des États-Unis et qui offriront,
via un relais satellite de haute puissance qui va utiliser, lui aussi, la
technologie de compression de signaux vidéo, de 60 à 100 canaux
de services de télévision américaine conventionnelle, de
télévision payante américaine et de services de
télévision à la carte américaine.
Ces services seraient relayés directement du satellite à
tous les foyers canadiens équipés d'un récepteur.
Qu'est-ce que ce récepteur-là? C'est une soucoupe de 18 pouces de
diamètre que n'importe qui peut acheter n'importe où et qu'il
peut installer lui-même n'importe où dans sa maison ou dans son
appartement. Pour aussi peu que 700 $ - et sachons que 700 $, c'est moins que
le prix d'un magnétoscope et que 62 % des foyers sont déjà
équipés de magnétoscopes - ce récepteur donnera
donc accès à des canaux de télévision commerciale
américaine, en clair, moyennant un déboursé d'environ 10 $
par mois, la moitié de ce qu'on paie pour le câble, et des
dizaines de services de télévision payante américaine pour
une mensualité d'environ 10 $ à 20 $ par mois, plus des dizaines
de services de télévision à la carte américaine
aussi offrant environ 10 longs métrages par mois, chacun
présenté sur 5 canaux différents. Chaque long
métrage, donc, va commencer à toutes les 12 minutes, ce qui fait
qu'au point de vue "convenience", comme disent les Américains, on ne
peut pas trouver mieux. On est rendu vraiment à la
télévision sur demande.
Il est important de constater qu'à partir du moment où ces
services de télévision directe par satellite commenceront
à transmettre leurs émissions, et en supposant que ces
émissions-là aient un certain caractère attrayant, ces
services deviendront des compétiteurs importants pour nos
systèmes de câble. Il est primordial de noter qu'aucun de ces
services de télévision directe par satellite n'offrira le moindre
contenu canadien ou québécois. Ce service qui comporte un
potentiel menaçant débutera au plus tard au mois de juillet 1994.
Les satellites à haute intensité sont actuellement en phase de
fabrication. Les sociétés Hughes Communications et Hubbard
Broadcasting sont présentement à négocier les droits pour
la programmation.
Ces services de télévision directe américaine par
satellite vont, à cause de leur situation géographique, pleuvoir
sur tous les foyers canadiens, aussi bien que sur le territoire mexicain,
portoricain ou antillais et, de plus, et c'est très important, ces
services-là en télévision directe, parce qu'ils vont avoir
ce potentiel de pénétration extraordinaire, pourraient
négocier des ententes pour avoir l'exclusivité des programmes, ce
qui fait qu'à ce moment-là on n'y a plus accès, nous,
ici.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? Est-ce qu'on peut stopper ces
services-là aux frontières? C'est impossible. Est-ce qu'on peut
les rendre illégaux et poursuivre les hors-la-loi dans chaque foyer
canadien? On n'aura jamais assez de polices pour faire ça. Devons-nous
permettre aux services américains de télévision directe,
puisqu'ils deviennent disponibles, d'être distribués par le
câble? Bien, vous voyez, à ce moment-là, le
déséquilibre incroyable au niveau des systèmes de
câble entre nos produits à nous et le produit américain. Ce
serait une invasion intolérable.
D'après nous, la meilleure solution, c'est celle qui consiste
à s'assurer que nos services de câble vont être en mesure
d'offrir un service comparable et aussi attrayant que le service de DBS
américain. Et cette approche va assurer que les abonnés vont
rester abonnés au câble, donc, que les services de
télévision canadiens et québécois vont continuer
à pouvoir bénéficier de leur auditoire. Est-ce que c'est
faisable? Certainement que c'est faisable. C'est certainement faisable de
s'organiser pour passer de 50 canaux à 100 canaux en s'assurant que nos
services existants réétudient leurs cédules de
programmation pour les rendre disponibles à un plus grand nombre de
gens. Et, si nous n'offrons pas cet univers de 100 canaux par le biais de nos
systèmes de câble, nous risquons un contourne-ment très
important de nos systèmes de câble et, par le fait-même, une
perte d'auditoire importante pour tout notre système de
radiodiffusion.
Alors, donc, Télésat, les systèmes de câble,
les diffuseurs se doivent de s'adapter à ce nouvel environnement, mais
il faut s'entendre sur le plan des stratégies pour permettre à
cet univers de 100 canaux d'être offert par une source que nous
contrôlons chez nous. Il va falloir regarder les lois, les mesures
fiscales et l'encadrement réglementaire pour s'assurer qu'on soit en
mesure de le faire à des coûts qui soient raisonnables.
Ce serait épouvantable de capituler devant cette invasion
américaine des DBS. Ce serait surtout une terrible ironie au moment
où, pour la première fois dans notre histoire, en termes de
producteurs d'émissions de télévision ou de producteurs de
cinéma, mais particulièrement de production d'émissions de
télévision, s'ouvre à nous un potentiel gigantesque en
Europe. Pour la première fols, les Français ont besoin de nous
autres pour vrai. Pour la première fols, ils nous traitent d'égal
à égal. Ça fait du bien. Pour la première fois, ils
ont besoin de l'apport de gens qui ont de l'expertise, qui ont acquis une
expertise en matière de télévision, grâce à
la concurrence qu'on a eu à faire avec les Améri-
cains et qui ont développé un talent qu'eux autres sont en
train de développer.
Mais, ce qu'il est important de retenir, c'est qu'on n'aura accès
à ce marché qu'à la condition que nos traités
actuels - et c'est pour ça que je vous parlais tout à l'heure de
l'importance des négociations du GATT - entre le Canada et une vingtaine
de pays continuent à être respectés, nos traités qui
favorisent les coproductions. Parce que, vous le savez, ces
coproductions-là donnent la double nationalité au produit,
c'est-à-dire la nationalité française là-bas et la
nationalité canadienne ici. Ces coproductions-là, quel est leur
effet? Elles engendrent des productions à haut budget. Elles engendrent
des productions de plus grande qualité et donnent des plus grandes
chances à nos produits, à ceux auxquels on participe,
d'être vendus dans d'autres pays. Et c'est à l'avantage de nos
producteurs. C'est à l'avantage de nos artistes, de nos
réalisateurs et même de nos techniciens. Ces coproductions
pourraient, d'ailleurs, dans une stratégie globale pour les
communications chez nous, devenir le meilleur support financier de notre
industrie de production indépendante.
Je terminerai juste sur un exemple. TF1, la station la plus populaire en
France, et la 5, la station la moins populaire à l'autre bout des
canaux, ensemble ont besoin, cette année, de 600
téléfilms. Ils en ont 112 sur les tablettes, qu'ils peuvent
utiliser, des téléfilms en français. Il y a donc un besoin
de 488 téléfilms. On ne sera jamais capables de faire 10 % de
ça nous-mêmes. Et, si on le faisait, tous nos producteurs
travailleraient pendant toute l'année pour faire ça. Mais,
imaginez-vous si on pouvait percer ce marché-là et si on a le
support nécessaire pour le faire! Je vous signale simplement qu'il faut
s'assurer que, chez nous, notre système continue d'être fort,
parce qu'à l'horizon, enfin, on a les débouchés qui
permettent à nos talents d'être exportés. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
M. Greenberg: M. Gordon Ritchie.
Le Président (M. Doyon): M. Ritchie, à peine
quelques minutes si vous voulez discuter avec les membres, parce que le temps
passe. M. Ritchie.
M. Ritchie (Gordon): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, membres de la commission, je serai très bref. C'est à
mol à vous ramener des ondes pour parler plutôt des choses
banales, des questions de politique commerciale. La politique canadienne
comporte deux volets. Le premier, c'est de garder une ouverture d'esprit et de
marché envers des produits de l'étranger qui se sont
accaparés maintenant entre deux tiers et 100 % de nos marchés au
Canada. Et le deuxième volet, de garder certaines protections minimales
pour assurer la survie des industries canadiennes. Ces protections faisaient
l'objet des demandes américaines dans les négociations de
l'Accord de libre-échange où j'avais l'honneur d'être
l'ambassadeur canadien et font l'objet, aujourd'hui, de demandes dans les
négociations trilatérales et dans les négociations du
GATT.
Brièvement, ces mesures comprennent d'abord le bill C-58, des
incitations fiscales pour encourager à ce que des annonces publicitaires
soient placées dans des journaux et des périodiques canadiens
plutôt qu'étrangers, les règlements pour le contenu
canadien dans la radiodiffusion, une gamme d'instruments pour contrôler
les investissements, une politique d'importation et de distribution des films
et des vidéos, une politique pas encore légiférée,
et quelques subventions avant tout pour les périodiques. Dans les
négociations de l'Accord de libre-échange, les Américains
avaient comme objet de faire disparaître tout ou une bonne partie de ces
mesures-là. Le résultat a été plutôt
l'exemption des industries culturelles de ces négociations, à
l'exception de trois mesures très spécifiques: la
réduction des tarifs, une modification de la politique de Baie-Comeau et
un nouveau régime pour la câbloretransmission. (11 h 30)
Maintenant, nous sommes encore à la table et les mesures de
protection sont encore sur la table, bon gré mal gré. Il est fort
possible qu'il y aura une entente mexico-américalne Les Mexicains
eux-mêmes s'y intéressent. Ils cherchent à avoir un
accès amélioré au grand marché de langue espagnole
aux États-Unis. Mais, pour les États-Unis, l'intérêt
est centré toujours plutôt sur le Canada et plutôt sur ses
mesures de protection. Donc, c'est pour ça que moi et les autres membres
du Comité qui comparaissent devant vous aujourd'hui, nous sommes en
faveur d'une position gouvernementale canadienne qui résiste à
tout prix à négocier le démantèlement de ces
protections minimales qui nous restent. Merci bien.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: D'abord, c'est un très grand
plaisir de vous accueillir ici, M. Greenberg, M. Bureau, M. Ritchie. M.
Greenberg, encore une fois, félicitations pour l'honneur qui vous a
été dévolu par l'Ordre du Canada.
Je vais aller tout de suite au but parce qu'on aurait une foule de
questions à vous poser et on poursuivra probablement ces discussions un
peu plus tard. Mais, pour le bénéfice de cette commission, quand
on vous entend, M. Bureau, parler de tous ces changements, M. Chagnon
était avec nous aussi, qui nous prédisait la même chose. On
sait que le cadre télévisuel, par exemple, va être
complètement chambardé d'ici
quelque temps, et ce, dans un avenir quand même assez
rapproché, à vous écouter. Quand on parle, M. Ritchie, de
faire des ententes et d'essayer, finalement, par nos ententes, de conserver
notre place, moi, là-dessus, sans être pessimiste, je vous demande
sincèrement: Pour la culture québécoise et la protection
de notre culture - on est envahi par un bassin de 330 000 000 d'anglophones -
est-ce que, un, c'est possible et, deuxièmement, qu'est-ce qu'on fait?
Vous allez dire: Oui, la qualité, mais, d'un autre côté,
même si on pousse, est-ce qu'on va avoir les moyens pour contrer,
là, le géant américain? Je négocie
présentement au niveau du film et de la vidéo et on sait que
c'est presque impossible de négocier avec eux. Ils ont la force parce
que nos gens, les consommateurs, veulent avoir aussi de ces produits. C'est
bien facile de dire aux consommateurs: Bon, parfait, on fait du
protectionnisme, ce ne sera que nos produits, mais le consommateur veut avoir
accès aussi à ces produits-là. On ne peut pas, non plus,
l'en blâmer. Il faut quand même avoir une ouverture d'esprit. Mais
est-ce qu'il y a espoir? Et qu'est-ce qu'on fait si oui?
M. Bureau: Bien, écoutez, je vais commencer, mon
collègue, M. Ritchie, pourra ajouter. La première des choses,
c'est qu'il faut réaliser que les 330 000 000 d'anglophones qui nous
entourent, c'est évidemment une constante préoccupation quand on
veut faire des choses en français et continuer à maintenir notre
caractère ici. Mais il faut aussi réaliser que, même pour
nos collègues de langue anglaise du Canada, c'est un péril
immense que d'être face à face avec des gens qui parlent la
même langue et qui peuvent donc entrer chez eux beaucoup plus facilement.
Alors, donc, on participe, à tous les niveaux, anglophones et
francophones, à une situation où il faut se mettre ensemble pour
résister.
La façon de le faire, moi, je pense qu'on a prouvé, au
cours des années, qu'on a trouvé des formules tout le temps pour
empêcher cette invasion-là. Elle n'a jamais été
facile et, écoutez, on est partis de loin. Il a été un
temps où on était des répétiteurs des grands
réseaux américains de radio. Aujourd'hui, on a notre propre
système de radiodiffusion, à 100 % chez nous. Dans le temps, il y
a 30 ans, on était des répétiteurs des réseaux
américains. Alors, on a réussi à gagner du terrain, je
dirais. Et, si on le regarde sur une période un peu plus large et si on
regarde les Initiatives qu'on a prises durant ces années-là, je
ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, on manquerait de ces bonnes idées
qu'on a eues au cours des ans pour se défendre.
J'en arrive à un exemple précis. Par exemple, au
Québec, supposons que, sur les systèmes de câble, on ait
les moyens de se payer un système de câble à 100 canaux,
pour empêcher que nos gens s'achètent la sacrée soucoupe,
qu'ils l'installent à leur fenêtre et qu'ils se mettent à
ne recevoir que du produit américain, en langue anglaise, pour un prix
dérisoire. Supposons qu'on est capables de se le payer. Et ça,
ça devient une question de financement et ça devient une question
de politique de déterminer si on va être capables de donner des
avantages fiscaux à Norsk Hydro et ne pas en donner pour protéger
notre culture. À un moment donné, il va falloir qu'on prenne nos
responsabilités et qu'on se dise: Bien, moi, si je suis capable de
donner des services d'Hydro-Québec à tarif réduit pour
amener des emplois chez nous, je devrais être capable de faire quelque
chose, par exemple, comme des "tax shelter" bien administrés, pour
assurer que les individus investissent dans des entreprises qui vont
protéger ma culture.
Si on est capables de se payer, donc, 100 canaux chez nous, à
partir de ce moment-là, Télé-Métropole prend ses
nouvelles à toutes les heures du jour et les rejoue sur un
deuxième canal, mais en continuité. Alors, si jamais quelqu'un
arrive chez lui et veut voir des nouvelles, il sait qu'au canal 39, 41, 71,
quel que soit le canal, il peut avoir des nouvelles à longueur de
journée, qui lui proviennent des studios de
Télé-Métropole. Ça n'empêchera pas
d'augmenter la valeur de ces nouvelles-là, si on veut, ils le font
déjà avec Vidéoway. Mais ils sont capables facilement de
faire un deuxième canal tout de suite rien qu'au niveau de
l'information. On peut y ajouter les émissions d'affaires publiques. Il
n'y a rien qui empêche ces émissions d'être rejouées
pour atteindre un plus grand auditoire. Il y a toutes sortes de moyens de ce
genre-là qu'on peut faire pour s'assurer qu'on soit capables d'offrir
chez nous des choses qui intéressent les gens. Il ne faut pas se conter
d'histoires: des choses qui intéressent vraiment les gens, pas l'ours
polaire. On va avoir un canal qui va avoir des choses que les gens ont
l'habitude de regarder, mais qu'ils ne sont pas capables de voir parce qu'ils
travaillent à cette heure-là; on va leur rendre ça plus
facile.
M. Ritchie: Si vous me permettez, je peux aussi ajouter que,
d'abord, en tant qu'anglophone, je peux vous assurer que les Anglos se sentent
au moins aussi menacés que les Américains. Et nous, non plus,
nous n'avons pas grand intérêt à parler plutôt
à l'américaine. Il faut reconnaître, par ailleurs, qu'en
faisant front commun, ensemble, on a réussi jusqu'à date à
résister aux Américains et à protéger une partie de
notre marché. Nous ne sommes pas sans force de négociation en
tant que septième pays industrialisé du monde et, donc, c'est
dans ce contexte-là que je crois bien qu'on devrait être en mesure
de maintenir les protections. Mais je termine en notant bien que ce n'est pas
pour protéger tout notre marché, mais le marché qui nous
reste. C'est le tiers au moins de notre marché global ici au Canada et,
quand les Américains cherchent à ouvrir ce
marché-là,
c'est pour avoir le tout. Et ça, ce n'est pas acceptable, ce
n'est pas négociable et, ensemble, on pourrait essayer d'y
résister.
Mme Frulla-Hébert: Juste une question. Par la suite, M.
Greenberg. Vous savez que les Québécois, M. Ritchie, ont
été très pro-libre-échange, en se disant aussi
qu'on a une opportunité parce que, nous, évidemment, c'est un
avantage, notre culture et notre langue, et on a des produits différents
à exporter. Par contre, il y a présentement une crainte, parce
qu'on dit: Oui au libre-échange, mais ça va très vite.
Est-ce que, finalement, nos mécanismes ont été
suffisamment développés pour justement répondre rapidement
à cette compétition et, comme industries, est-ce que, de par ces
mécanismes, on a été suffisamment préparés,
justement, devant toute cette compétition? Oui, il y a de
l'opportunité, mais il y aussi ce qui arrive sur notre marché. Si
je rapporte ça à nos industries culturelles, par exemple, est-ce
que vous pensez qu'en ajoutant la nouvelle technologie, qui va souvent plus
vite que l'Intelligence humaine même, devant ce défi-là, en
termes de gouvernement, en termes de politique, on va être capables de
réagir assez rapidement, justement, pour bénéficier des
opportunités, mais sans être à l'affût de tous les
désavantages du libre-échange?
M. Ritchie: C'est un défi extrêmement difficile et
les gouvernements ne se sont pas montrés à date très
susceptibles de faire les adaptations nécesalres aux changements
technologiques extrêmement vite. Sur le plan encore plutôt banal
des politiques commerciales, oui, je pense qu'il est toujours possible de
garder un certain niveau de protections. Ces protections permettront à
nos industries culturelles de se regrouper et de se restructurer en
arrière de ces barrières qui restent en place. Mais, comme M.
Bureau l'a bien souligné, les pressions technologiques et, en
conséquence, économiques, mais sans libre-échange, sont
extraordinaires et, pour relever ce défi, ça va prendre un effort
extraordinaire.
Mme Frulla-Hébert: II y a d'autres choses aussi, et
même M. Greenberg essaie, vous pouvez embarquer. On parle beaucoup de se
doter soi-même de nos propres leviers de développement. On parle
beaucoup du rapatriement au niveau de la culture et des communications, tout
simplement parce qu'on se dit: Comme société, on est
peut-être plus aptes à cette conscientisation et à,
justement, protéger nous-mêmes cette culture
québécoise et ne pas faire toujours partie du "package deal".
Dans un contexte comme cela, vous avez négocié, est-ce que c'est
réaliste de penser: Oui, il faut être maîtres de notre
propre culture et on est capables de se doter de ces
mécanismes-là pour ce faire?
M. Ritchie: II faut bien reconnaître que les
négociations entre les gouvernements nationaux ont offert jusqu'à
date une protection assez importante pour le gouvernement
québécois. Autrement dit, les engagements qui ont
été acceptés c'était au niveau national, un tout
autre ordre d'engagements que les engagements qui s'appliquent à des
gouvernements provinciaux. Ce qui nous a permis, par le biais je ne dirais pas
du parapluie, mais de la protection que nous offre le palier national, de mieux
protéger notre capacité de réagir dans le domaine de la
culture et dans d'autres domaines au niveau provincial.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. C'est
là tout le temps qui vous était imparti. Vous avez
dépassé, Mme la ministre, de quelques minutes.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous
avertis que le temps sera aussi écourté.
M. Boulerice: Oui, sauf, M. le Président, que le
député n'a jamais ambitionné. M. Greenberg, M. Ritchie et
M. Bureau, je serais presque tenté de dire, sans vouloir faire injure
à qui que ce soit, puisque nous parlons des communications dans leur
sens le plus large, de tout l'audiovisuel et des changements technologiques:
Enfin, les vraies personnes sont devant nous!
Je voudrais aussi que vous ne doutiez pas de ma sincérité
dans le questionnement. Quand J'ai commencé la lutte contre la TPS et la
TVQ sur le livre, j'appelais mon ami Adrian Clarkson, à Toronto, et je
lui disais: Quant à "the Federal GST, do not tax the book reading. "
Pourquoi ne criez-vous pas aussi fort que nous, les Québécois,
puisque le Canada anglais est aussi menacé que le Québec peut
l'être?
Vous me parlez de radiotélévision, vous me parlez de
câblodistribution, vous me parlez de téléphonie, vous me
pariez de satellites, vous me pariez après cela d'encadrement
réglementaire, de lois, de mesures fiscales, de participation à
des tables décisionnelles Internationales telles que le GATT, rien de
tout cela n'est de juridiction québécoise. Tout est à
Ottawa. Je ne vous pose pas la question de façon méchante. Vous
nous sensibilisez et merci, je l'apprécie, vous ne pouvez pas savoir
mais j'ai presque le goût de vous dire: Vous vous trompez peut-être
de Parlement, malheureusement!
M. Bureau: Je ne pense pas! Si on regarde ce qui se passe au
niveau de la télévision et de sa distribution dans la
câblodistribution, au départ, il faut toujours qu'il y ait un
programme. Il faut partir de là: il faut un programme de
télévision. À l'heure actuelle, les experts en fabrication
de programmes de télévision en Europe, il y en a très peu.
Ils viennent chercher l'expertise des Québécois et des Canadiens.
C'est pour cela que je suis très à l'aise pour en parler ici et
j'espère qu'on ne se trompe pas de forum.
Je pense qu'il y a un rôle extrêmement important, même
dans les structures actuelles, à jouer au niveau du Québec pour
soutenir cette exportation de notre expertise. Parce que si on ne le fait
pas-Tantôt, je n'ai pas eu le temps de finir l'exposé que je
donnais quand je disais que je pensais qu'on était capables de faire
face à l'envahissement possible des États-Unis, mais cela passe,
à mon sens, par aller chercher le marché européen, ou une
partie du marché européen, pour tenir tête. Pour tout cela,
on va avoir une sacrée misère. Mais, pour une fois, on a une
chance d'aller chercher une partie du marché européen. Comment
peut-on le faire? Il y avait des 'lax shelters", ici au Québec, qui
étaient une risée parce que, à un moment donné,
c'était devenu une fraude monumentale, cette histoire-là. Mais il
y a des "tax shelters" qui peuvent être faits comme il faut, qui peuvent
être Contrôlés comme il faut et qui, au lieu que le
gouvernement soit obligé d'investir de l'argent dans des agences qui
vont distribuer de l'argent aux producteurs, permettraient à des
individus qui sont prêts, que cela soit des dentistes, des docteurs, des
avocats ou des notaires, je m'en... (11 h 45)
M. Boulerice: On a compris.
M. Bureau: De toute façon, si ces gens-là sont
prêts à épauler l'effort qui doit être fait pour
aller se chercher une partie du marché européen, ça ne
vaut pas la peine, ça? Moi, je trouve que ça vaut au moins autant
la peine que de faire venir Michelin dans les provinces maritimes ou de faire
venir Norsk Hydro de l'autre bord de Trois-Rivières, M. Godln. Je pense
que c'est important qu'on fasse l'effort de ce côté-là.
C'est pour ça que je pense qu'on a le bon forum pour en parler.
M. Greenberg: J'attends pour pouvoir parler. On est ici pour deux
choses: pour montrer le problème des technologies. Je veux vous
répondre. Toute l'affaire qui a été faite au
fédéral, ça a commencé à Québec. Tous
les programmes, toutes les négociations avec les Américains - et
on a deux personnes ici qui connaissent ça - ont été faits
à Québec. Québec, par les personnes qui viennent de
l'industrie, a été en avant de ça. Pour moi, c'est deux
choses. On avait les nouvelles technologies. Je parle ici de vos besoins, le
gouvernement a besoin d'une stratégie industrielle pour le supporter. Je
ne suis pas ici pour demander de l'argent, je ne suis pas ici pour parler de la
SOGIC, je ne suis pas ici pour dire qu'on a besoin de ça. Je dis que
tout le groupe ici, on avait des talents au Québec, on avait des
personnes qui faisaient de la coproduction. Je veux vous dire que la
coproduction l'année passée, c'est plus de 250 000 000 $. Quand
on fait des affaires, nous, on avait des affaires avec les Américains,
les Anglais, les
Français, on avait des coproductions. Parce que la France,
l'Italie ou l'Allemagne, c'est une nouvelle "international strategy" et ici au
Québec on peut jouer dans cette ligue. On avait des problèmes et
on avait besoin de parler de technique. Ce n'est pas nous autres, c'est la
technique de tout le monde. Mais, moi, des fois, on me dit que je suis trop
québécois quand je fais des négociations. Mais, pour la
ministre, j'ai eu un "debate" avec Valenti à New Orleans en
janvier...
Une voix: Pauvre lui! Pauvre Valenti! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Greenberg: ...pour parler de la raison pour laquelle on avait
une politique québécoise, c'est très important. Une autre
partie, c'est canadien en tout. On a besoin d'utiliser toutes nos ressources
pour travailler ensemble parce que, moi, je pense qu'on peut avoir une force
très bonne dans la globalisation, on avait une partie à jouer.
Et, pour moi, je vous laisse ici avec un message: le gouvernement a besoin de
voir que c'est une grosse industrie et beaucoup de travail pour nos
Québécois.
M. Boulerice: Oui.
M. Greenberg: Et on a besoin de penser pas juste à donner
de l'argent pour la culture, mais aussi à donner du travail aux
Québécois. Et, quand j'ai fait mes quatre films, j'ai fait
ça à Toronto et le producteur était un
Québécois. Ils m'ont dit: Pourquoi? On avait beaucoup de
personnes en Ontario. J'ai dit: Pour moi, j'ai mis le "plus bon" homme pour le
faire. Je n'ai pas demandé qui il était. J'ai demandé
qu'il ait du bon sens. O.K.
M. Boulerice: M. Greenberg, vous êtes ici, je ne vous
laisserai pas sortir, je vais en profiter. Vous avez dit: Je ne suis pas ici
pour parler de la SOGIC; M. Greenberg, vous allez m'en parler. Vous êtes
dans le domaine du cinéma. M. Greenberg, vous m'avez dit tantôt
qu'il faut produire massivement des téléfilms, puis vous avez
donné deux beaux exemples, TF1 et la 5. Mais tout le milieu, et c'est
unanime, est en train de nous dire - et je vais faire une figure de style
peut-être un peu forte - que la SOGIC est à l'industrie du
cinéma et de l'audiovisuel ce que Dracula est à la
Croix-Rouge.
M. Greenberg: Je peux faire la réponse. Si vous donnez
à la SOGIC l'argent dont elle a besoin pour faire son travail pour les
industries, ça va changer. La frustration que vit la SOGIC, elle n'a pas
l'argent pour donner. Je connais beaucoup de producteurs, ils viennent me voir.
Ils m'ont expliqué ça. Si vous avez un projet, puis que vous avez
une personne qui vous donne
l'argent, vous l'aimez. Si vous allez à une place, puis qu'ils
n'ont pas d'argent à mettre dans le projet, vous ne les aimez pas.
Peut-être qu'on a besoin de regarder si on a fait ça avant qu'on
dise: C'est bon ou pas bon. Je pense que c'est très important, pas pour
moi, je cite les personnes, de dire: Ce qui ne marche pas, c'est l'argent, pour
voir si dans le système l'argent pour le support est là.
M. Boulerice: Mais les intervenants nous disent que, oui, il y a
un problème d'argent, mais il y a une attitude méprisante et
arrogante envers les gens du milieu du cinéma. Ils nous disent: À
budget pour budget, quand c'était la Société
générale des industries du cinéma avant 1985, on n'avait
pas de problème, ces gens-là avaient la sensibilité. Avec
la SOGIC, on a l'impression d'être reçus en audience.
M. Greenberg: J'ai parlé à beaucoup de monde qui
est venu ici. Avant que je vienne ici, ils m'ont appelé. Ils ont dit:
Forcez dans la présentation que les industries, ce ne sont pas des
enfants qui ont besoin de l'argent tout seul. Donnez les perspectives. Puis,
ils ont parlé de SOGIC, ils ont parlé avec d'autres. Si c'est une
personnalité, ça, je ne suis pas capable de vous le dire. Mais la
fonction de SOGIC est très importante.
M. Boulerice: Bon, je vais convenir que d'envoyer aux orties
Harold Greenberg, c'est peut-être difficile, mais John Doe à la
SOGIC ou Jos Bleau, comme on dit en québécois, lui, il ne se fait
pas recevoir.
M. Bureau: Non, ce n'est pas correct, ça, parce que, nous
autres, on n'a pas accès à la SOGIC.
M. Greenberg: Oui.
Une voix: On n'est pas des producteurs. Alors, on n'a pas du tout
accès à la SOGIC.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député.
M. Boulerice: C'est une figure, une image, M. Bureau. Ne vous
emportez pas. C'est une métaphore.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de
remerciement, s'il vous plaît, très rapidement.
Mme Frulla-Hébert: Alors, merci. Puis, je me joins
certainement à mon collègue. Je vous remercie pour la
qualité de votre intervention. Je pense que mon collègue et moi,
ainsi que tous les membres de cette commission, on aurait pu continuer
très longtemps parce que c'est une menace et c'est une
oppurtunité. Il s'agit maintenant de prendre l'opportunité, mais
de faire face à la menace. Et, quand vous nous dites que les
gouvernements, à date, n'ont pas montré, de part et d'autre, la
volonté, la détermination pour faire face à ce grand
défi, je peux vous dire aussi que c'est inquiétant et on va
travailler ensemble, et il faut absolument pousser dans la même
direction. Merci.
Le Président (M. Gobé): M. Greenberg, M. Ritchie,
M. Bureau, merci. Ceci met fin à votre intervention. Je vais maintenant
appeler les représentants du Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration, et nous allons continuer tout de suite car nous sommes
déjà en retard.
Je demanderais maintenant au représentant ou à la
représentante du Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration... Mme Ray-monde Folco. Bonjour, madame. Il me fait plaisir de
vous voir ici. Vous connaissant personnellement en plus, c'est un double
plaisir.
Mme Folco (Raymonde): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais donc de
bien vouloir commencer votre présentation.
Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration
Mme Folco: Alors, je commencerai très rapidement. Tout
d'abord, je voudrais vous remercier, M. le Président de la commission
parlementaire, Mme la ministre, les membres du gouvernement et MM. les
commissaires, de m'avoir reçue ce matin. Deux mots très rapides
quand même sur le Conseil qui a été créé par
une loi de l'Assemblée nationale du Québec en 1985 et qui est un
organisme permanent et autonome dont la fonction principale est de conseiller
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Le Conseil
a été créé avec un mandat de consultation et de
recherche et il a donc un rôle essentiel à jouer pour convier la
population et les principaux secteurs de la société à une
réflexion collective sur les questions relatives à l'immigration
et aux communautés culturelles. Ainsi, les questions concernant
l'intégration et la participation active de membres des
communautés culturelles au développement culturel et artistique
du milieu québécois font d'emblée partie de son champ
normal de préoccupation et de responsabilité.
Il faut dire que le Conseil a eu l'occasion à quelques reprises
de traiter des enjeux et des difficultés de l'intégration des
membres des communautés culturelles dans les milieux, les réseaux
et les circuits de la création et de la diffusion culturelle et
artistique au Québec. Je ne
vous ferai pas une liste, elle se retrouve à la page 2 de notre
mémoire.
L'énoncé de la politique québécoise en
matière d'immigration et d'intégration identifiait un enjeu
majeur que le Conseil considère important également dans le
contexte de la proposition de politique de la culture et des arts: celui de
l'intégration sociale, économique et culturelle des immigrants et
des membres des communautés culturelles établis au Québec.
C'est évidemment le volet culturel de l'intégration qui nous
concernera plus particulièrement ici dans nos commentaires et
recommandations.
Précisons que, dans ce qui va suivre, l'usage que nous faisons du
vocable "Québécois des communautés culturelles"
désigne l'ensemble des Québécois ayant la
citoyenneté canadienne et dont l'origine nationale est autre que
francophone de souche, britannique ou autochtone.
Avant d'aborder des questions plus particulières traitées
dans la proposition de politique, nous tenons à préciser d'abord
trois points qui nous paraissent importants et qui relèvent des
principes d'orientation générale soulevés dans ce document
majeur. Tout d'abord, la place de la culture comme troisième grand
vecteur des décisions majeures du gouvernement. Le Conseil souscrit
entièrement à cette idée de politique qui est
adoptée comme le premier des trois principes fondamentaux de la
proposition: "la culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est
nécessaire à la vie en société, au même titre
que les dimensions sociale et économique." Le deuxième principe
fondamental établit la jonction entre le droit à la vie
culturelle et la nécessicité de rendre celle-ci accessible
à tous: "le droit à la vie culturelle fait partie des droits de
la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être
accessible à l'ensemble des citoyens." (12 heures)
Le Conseil croit qu'il serait pertinent de rappeler ici, dans le texte
final de l'éventuel énoncé qui fera suite à la
proposition de politique, l'article 43 de la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, qui affirme ce même
droit, encore plus spécifiquement à propos des membres des
communautés culturelles du Québec. Je cite: "Les personnes
appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir
et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de
leur groupe". Au Québec, c'est là un droit au sens strict, alors
que l'article 27 de la Charte canadienne n'a que le statut d'une clause
interprétative.
Citons aussi le dernier paragraphe de la déclaration du
gouvernement du Québec sur les relations interethniques et
interraciales, datant de 1986, qui rejoint simultanément les trois
principes fondamentaux de la proposition de politique de la culture et des
arts: "Le gouvernement du Québec fera tout ce qui est en son pouvoir
pour favoriser la pleine participation de toute personne, indépendamment
de sa race, de sa couleur, de sa religion, de son origine ethnique ou
nationale, au progrès économique, social et culturel du
Québec."
Le troisième principe fondamental de la proposition de politique
découle du premier: "l'État a le devoir de soutenir et de
promouvoir la dimension culturelle de la société, en utilisant
des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir
les dimensions sociale et économique de cette même
société." Le Conseil souscrit entièrement à ce
principe. "Le monde entier est déjà parmi nous et nous sommes
présents au monde." Cette phrase citée en exergue dans la
proposition visait plus particulièrement l'ouverture au monde et
l'action internationale en matière d'échanges et de diffusion
culturels; mais elle nous rappelle utilement aussi que les citoyens
québécois sont notamment, pour une partie d'entre eux,
originaires d'un grand nombre des pays du monde et qu'ils peuvent être,
pour le Québec, des médiateurs précieux de cette ouverture
aux échanges internationaux dans le domaine culturel, en plus de
contribuer directement déjà, à leur façon
originale, à enrichir le développement du patrimoine culturel et
artistique du Québec lui-même, en diversifiant le fonds humain de
ses sources créatrices. Le texte de la proposition de politique le
souligne, d'ailleurs, fort justement à la page 44.
Le Conseil limitera ses remarques à deux thèmes
traités dans la proposition de politique: le problème d'un
nécessaire "pluralisme des priorités" dans la politique
culturelle d'une société déjà soucieuse de
préserver l'identité de sa propre majorité francophone de
souche, dans un contexte de ressources limitées, et la
nécessité d'accommoder ou de compléter les mesures
générales proposées visant à assurer les conditions
essentielles à l'excellence profesionnelle dans les milieux de la
création et de la diffusion des arts et de la culture, afin de composer
avec les circonstances et les besoins particuliers des artistes et autres
intervenants appartenant aux communautés culturelles et de faciliter
ainsi leur insertion et leur intégration dans ces milieux.
Parmi les divers facteurs évolutifs de la situation, qui doivent
être pris en compte par le ministère des Affaires culturelles dans
l'exercice de ses responsabilités en choisissant "les accents nouveaux,
adaptés à d'autres priorités et s'ins-crivant dans la
logique de la maturité", le texte de la proposition de politique note
"la présence de plus en plus dynamique des communautés ethniques
et le caractère multiethnique du Québec qui s'accentue et qui
remet en question une intervention gouvernementale fortement centrée sur
la préservation de l'identité culturelle francophone".
Rappelons que cette même question, qu'il faut prendre au
sérieux, a été soulevée également
dans l'énoncé de politique en matière d'immigration
et d'intégration. Les règles du jeu gouvernant
l'intégration des immigrants sont résumées dans la formule
d'un contrat moral liant réciproquement les immigrants et le
Québec comme société d'accueil. Or, les droits et
obligations réciproques de ce contrat moral découlent des trois
choix de société définissant le Québec comme une
société résolument francophone, démocratique et
pluraliste où les valeurs de justice et d'égalité sont
respectées. Sur ce point, les auteurs de la proposition de politique
font nommément leurs ces trois principes de l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration.
Rappelons en quels termes est défini le troisième principe
qui nous concerne plus directement ici: "Le Québec est une
société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites
qu'imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la
nécessité de l'échange intercommunautaire."
Si, donc, le pluralisme, notamment, fait partie de l'identité
culturelle des Québécois francophones de souche, cette norme
culturelle devrait normalement se manifester à travers diverses formes
actives d'ouverture à la présence et aux contributions
culturelles et artistiques des Québécois des communautés
culturelles. Agir autrement serait, en quelque sorte, renier une dimension
essentielle du caractère national des francophones de souche, celle qui
nous demande, ici, l'ouverture à des communautés culturelles dont
les membres sont d'abord des citoyens québécois à part
entière, sans compter que ce serait violer l'esprit, sinon la lettre, de
notre propre Charte des droits et libertés de la personne!
En principe donc, le Conseil en tire la conclusion qu'un éventuel
ministère de la culture devra établir ses priorités de
soutien technique et financier en tenant compte explicitement de la
présence différenciée et des besoins particuliers des
Québécois des communautés culturelles oeuvrant ou
cherchant à oeuvrer dans les milieux de la création et de la
diffusion culturelles et artistiques.
La proposition de politique met un très fort accent sur la
nécessité de la professionnalisation comme garant de l'excellence
aussi bien chez les artistes eux-mêmes que chez les gestionnaires des
organismes et entreprises engagés dans des activités de
création et de diffusion culturelles et artistiques. La formation
technique de base et la formation sur mesure sont naturellement
proposées comme des moyens privilégiés de
préparation permettant aux intéressés d'accéder
à cet état de professionnalisme souhaitable.
Il nous semble, toutefois, que de tels dispositifs supposent
déjà acquises et réunies chez les participants
intéressés un ensemble minimal de conditions techniques,
institutionnelles et socio-économiques préalables: celles qui
caractérisent justement la maturité d'expérience des
praticiens d'un domaine particulier de la culture ou des arts, la formation
préalable, l'accès aux moyens techniques de création ou de
production, les contacts familiers avec le milieu, avec ses réseaux de
collaboration ou d'entraide, ses circuits de diffusion et de mise en
marché, avec les règles du jeu qui y ont cours, avec les services
de soutien disponibles et les façons d'y accéder. Or, il n'est
pas évident qu'on puisse prendre pour acquise l'existence d'une masse
critique suffisante de ces conditions préalables chez des personnes plus
récemment arrivées dont les chances d'intégration initiale
ne sont pas aussi minimalement assurées au départ, n'ayant pas
une familiarisation naturelle ni une expérience spontanée
antérieure avec les intervenants et avec les pratiques établies
des milieux concernés en milieu québécois.
Telle est bien, croyons-nous, la situation problématique
vécue par les personnes appartenant aux communautés culturelles
lorsque ces personnes désirent s'insérer dans les circuits actifs
de la création et de la diffusion culturelles et artistiques au
Québec. C'est déjà la situation des jeunes artistes
débutants en général lorsqu'ils cherchent leur point de
percée initiale, mais les artistes - de tous âges - des
communautés culturelles ont à vivre ce problème à
double titre avec des distances encore plus difficiles à franchir. Il
existe pour elles et pour eux un problème important
d'accessibilité des sources de financement et des circuits de diffusion
et de distribution des produits culturels.
Nos observations ne minimisent en rien l'importance stratégique
des diverses mesures préconisées dans la proposition de
politique, bien au contraire. Nos réflexions nous conduisent
plutôt à souhaiter l'ajout d'autres mesures préalables qui
sont nécessaires pour lever - ou aider à franchir plus
aisément - les obstacles à l'insertion et à
l'intégration normales des membres des communautés culturelles
désirant participer activement au développement de la vie
culturelle et artistique dans leur pays d'adoption. Il s'agit, au fond,
d'accommoder ou de compléter sélectivement les mesures
générales proposées et non pas de concevoir un
régime spécial, complet de mesures distinctes
réservées aux communautés culturelles. C'est à
cette condition et dans cet esprit que les artistes des communautés
culturelles pourront entrer et se tailler leur place dans l'espace commun de la
création et de la diffusion culturelles dans notre
société, bref s'y intégrer avec les mêmes chances et
en assumant les mêmes risques que tous les autres intervenants
malgré les distances initiales à réduire, mais avec les
atouts culturels particuliers qui sont aussi les leurs.
Le Président (M. Gobé): Veuillez conclure, Mme
Folco. Il vous reste une minute et demie à peu près.
Mme Folco: Je vais simplement, plutôt que de vous lire
l'ensemble des recommandations, vous dire que nous les avons regroupées
sous trois thèmes ou trois catégories, le premier étant la
consultation de représentants des artistes et producteurs appartenant
aux communautés culturelles où, là, nous faisons cinq
recommandations suggérant justement que des membres des
communautés culturelles soient Inclus dans divers groupes de travail
dans la commission consultative sur la culture, dans les groupes pressentis
lors des consultations préalables au programme d'action, et ainsi de
suite.
Le deuxième thème concerne le soutien aux actions à
entreprendre en partenariat avec les organismes concernés et, en
particulier, avec les organismes culturels associés aux
communautés culturelles où, là, justement, nous
recommandons que soient favorisées, par exemple, toutes formes de mises
en commun de services, en y associant, encore une fois, les associations et
regroupements rejoignant des artistes et producteurs issus des
communautés culturelles. Je passe très rapidement, bien
sûr.
La troisième catégorie inclut les mesures d'accommodation
ou de rattrapage et les mesures complémentaires visant à
créer des conditions équitables d'intégration des artistes
et producteurs issus des communautés culturelles, et à faire une
place visible aux cultures minoritaires dans l'ensemble des manifestations
communes de la culture et des arts. Et là, nous faisons plusieurs
recommandations touchant les ensembles de règles et les mesures de
soutien financier qui pourraient rejoindre les membres des communautés
culturelles dans le domaine des arts et de la culture. Plutôt que de les
passer très rapidement, je pense que je vous donnerai peut-être le
temps de m'adresser des questions. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme Folco.
Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Foulco et je
remercie aussi le Conseil des communautés culturelles et l'immigration
de son mémoire. Vous savez, on a rencontré plusieurs groupes,
évidemment, de diverses communautés, sort des artisans comme le
"Canadian Actor's Equity", le "Playwrights' Workshop", le Congrès ou les
Services communautaires juifs de Montréal, etc. Et il y a aussi
plusieurs autres groupes, telle la CSN qu'on a entendue ce matin, qui parlaient
de l'importance, justement, de cette contribution pluriethnique à notre
tissu culturel québécois.
Et, selon vous, quelles sont les actions les plus urgentes que le
Québec devrait entreprendre - et là, je dirais au-dessus des
actions que nous faisons déjà - pour, justement, finalement,
mousser cette collaboration entre les communau- tés culturelles et
évidemment la communauté francophone
québécoise?
Mme Folco: II me semble qu'il y aurait peut-être deux
grandes orientations à prendre. La première dans la région
de Montréal qui reçoit presque 90 % des nouveaux immigrants; il
me semble que là il y a une reconnaissance accrue à donner
à l'apport des membres des communautés culturelles dans ce
domaine. Et nous suggérons, quelque part dans nos recommandations, que
le gouvernement soit un partenaire, dans la dimension culturelle du Grand
Montréal, à reconnaître et à développer la
diversité, et qu'il y ait même une exposition ou un
événement culturel régulier qui se répète
chaque année ou tous les deux ans, selon, mais qu'il y ait un
événement culturel qui puisse, justement, non seulement valoriser
l'apport des membres des communautés culturelles, mais valoriser
l'apport de tous les Québécois, mais où les membres des
communautés culturelles auraient leur place, eux aussi. Ça, c'est
de façon très générale pour la ville de
Montréal.
Pour l'extérieur de la grande communauté de
Montréal, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a peu d'immigrants
qui s'installent, sauf dans les centres urbains moyens tels que Hull,
Trois-Rivières, Québec et Sherbrooke. Mais il y a quand
même un certain nombre de membres des communautés culturelles qui
s'y installent et il me semble qu'à l'intérieur d'une politique
plus générale de régionalisation de l'Immigration, ce que
le Conseil a recommandé à notre ministre, on pourrait voir assez
facilement que les organismes culturels, les musées, les maisons de la
culture - il y en a plusieurs à travers les régions - que ces
personnes-là, que ces organismes-là incluent les membres des
communautés culturelles non seulement à travers leurs
expositions, mais aussi à travers leurs jurys, leurs membres du conseil
d'administration et ainsi de suite pour que ces personnes-là soient
incluses non seulement à la toute fin du processus, mais à
travers tout le processus. (12 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Je reviens à votre idée
pour Montréal, par exemple, d'un événement pluriethnique.
Il y a quand même à Montréal des événements
qui sont de communautés culturelles, mais spécifiques. Vous, ce
dont vous parlez, c'est d'un événement regroupant toutes les
communautés culturelles de Montréal.
Mme Folco: En partie. Si vous incluez les Québécois
francophones comme étant une communauté culturelle, je dirais
oui. Pour nous, les communautés culturelles, ce sont, excusez
l'expression, les autres, n'est-ce pas? Mais, je ne souhaiterais pas voir une
exposition où il n'y a que les communautés culturelles, les
allophones si vous voulez. Je pense que de plus en plus au Québec on
conçoit des activités où tous les citoyens
québécois sont là ensemble, tout à fait.
Mme Frulla-Hébert: Mais, alors, je reviens à ma
question: Ça ne se fait pas présentement?
Mme Folco: Eh bien, nous avons recommandé, il y a trois
ans, à la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration une Semaine de l'éducation interculturelle qui a
été acceptée et qui a eu lieu l'année
dernière, et qui se répète au mois d'avril 1992.
L'année dernière, la toute première Semaine, a
été, je pense, un franc succès. Mais cela ne touche que
l'éducation interculturelle, donc seulement dans les milieux scolaires.
Et ce qui serait intéressant de voir, c'est d'élargir ou de
diversifier ce type de semaine où, là encore, on réunirait
tous les citoyens sur un thème commun.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir aussi à la
discussion fondamentale que nous avons eue ce matin avec la CSN et d'autres
groupes aussi, où on dit: L'apport est bien, il est souhaitable, bon,
mais il ne faut jamais oublier que la communauté
québécoise est une communauté francophone et qu'il faut
protéger finalement cette francophonie.
Compte tenu de certaines communautés culturelles qui, oui, sont
intégrées presque de force au niveau de la communauté
francophone, est-ce que vous voyez une dichotomie entre les deux ou si on
devrait laisser, si on veut, le libre choix?
Mme Folco: Bien, écoutez, nous sommes dans un pays
démocratique et il est tout à fait normal que les individus aient
le libre choix de leurs actions, n'est-ce pas? Ceci dit, lorsqu'on regarde les
domaines de la culture, qui ne sont pas des domaines purement linguistiques,
-bonjour, Mme la ministre- c'est-à-dire les domaines des arts visuels,
par exemple, les arts visuels n'ont pas de langue. Ils sont internationaux et
ils touchent tous les êtres humains quelle que soit leur culture, quelle
que soit leur nationalité.
Je pense que là on voit déjà l'apport des membres
des communautés culturelles sur la culture québécoise. Ce
que je souhaite, c'est que cet apport soit, comment dirais-je, plus
apprécié de l'ensemble de la population, d'une part, et du
ministère des Affaires culturelles, d'autre part.
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, si ma
collègue...
Le Président (M. Gobé): Oui, madame.
Mme Frulla-Hébert: ...veut souhaiter la bienvenue.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la ministre, en
vertu de l'article 132, si j'ai le consentement de M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.. .
M. Boulerice: Si elle m'a rapporté un cadeau.
Le Président (M. Gobé): ...pour que vous puissiez
intervenir, il me fera plaisir de vous céder la parole pour quelques
minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, M. le
Président, je vous remercie et je remercie ma collègue. Je
voudrais tout simplement saluer la présence de la présidente du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et lui dire que
c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai pris connaissance de son document, et
qu'avec ma collègue nous pourrons donner suite à ce document.
Merci.
Mme Folco: Je vous remercie, Mme Gagnon-Tremblay.
M. Boulerice: Qu'est-ce qu'il y a là?
Le Président (M. Gobé): Non, la parole est toujours
à Mme la ministre. Il lui reste quelques minutes.
Mme Frulla-Hébert: Justement, on parlait de cette
interrogation au niveau francophone, quand vous dites, bon, c'est normal.
Concrètement là, au niveau de vos attentes par rapport à
une politique culturelle... Il y a certains groupes qui nous ont dit: On ne
s'est pas retrouvés au niveau du rapport Arpin. Par contre,
l'idée première du rapport Arpin, c'est un peu ce que vous dites,
c'est-à-dire de ne pas faire de ghettos non plus, mais tout simplement
d'inclure naturellement, parce que c'est naturel à notre tissu
québécois, les nouveaux arrivants et les communautés
culturelles.
Est-ce qu'il y aurait lieu de faire un aparté, enfin pas un
aparté mais un chapitre précis sur les communautés
culturelles ou, tout simplement, d'une façon plus naturelle,
d'intégrer cette dimension au niveau du rapport global?
Mme Folco: Les artistes, membres des communautés
culturelles, vivent les mêmes problèmes que tous les autres
Québécois, mais ils ont des problèmes
supplémentaires que j'ai très rapidement approchés ici. Je
ne souhaiterais pas que, dans l'énoncé de politique, il y ait un
"focus" très long particulièrement sur les membres des
communautés culturelles. Mais il faut dire quand même que ces
personnes-là ont des problèmes supplémentaires qui
complexifient leur accès à des budgets, qui complexrfient leur
accès à des centres de diffusion. Et je pense que les
recommandations que nous vous faisons ici, c'est justement pour... Nous avons
pris l'ensemble des recommandations. Nous sommes d'accord en très grande
partie avec ces recommandations-là, mais ce que nous souhaiterions voir,
c'est, si vous voulez, une reconnaissance et une pénétration
à l'intérieur de ces recommandations de la présence
des membres des communautés culturelles, compétence
étant égale, n'est-ce pas, avec les membres de la
communauté québécoise de souche. Alors, pour
répondre plus directement à votre question, pas
nécessairement un chapitre, mais une reconnaissance diffusée
à travers l'énoncé de politique de la présence et
des difficultés additionnelles que vivent ces personnes-là.
Mme Frulla-Hébert: Je vous écoutais parier et il me
vient une question qui est peut-être beaucoup plus globale. On a beaucoup
parlé de multiculturalisme versus pluriculturalisme versus
ethnoculturalisme versus, bon... Où en êtes-vous au niveau des
communautés culturelles à ce niveau-là? C'est très
global comme question, mais quand môme ça nous situe un peu dans
le débat.
Mme Folco: Écoutez, sur la question politique,
multiculturalisme par rapport à intercul-turalisme, il y a autant
d'opinions qu'il peut y avoir d'Individus peut-être. Je ne voudrais
surtout pas me prononcer sur cet aspect-là ce matin. Je ne peux pas
vraiment parler au nom des communautés culturelles en particulier. Mais
ce que nous souhaitons, et là je peux parler en leur nom, c'est non pas
des communautés qui vivent côte à côte sans
interpénétration les unes dans les autres et sans contact avec la
communauté majoritaire, la communauté québécoise
francophone, mais plutôt des contacts fréquents et une
interpénétration constante de part et d'autre.
Mme Gagnon-Tremblay, dans son énoncé de politique sur
l'immigration et l'intégration des communautés culturelles, je
pense, l'a bien dit. Ce concept de contrat moral où il y a des
responsabilités et des droits de part et d'autre, c'est-à-dire de
la part des personnes nouvellement arrivées et d'autres qui sont venues
avant elles et de la part de la société d'accueil, est un concept
qui me semble fondamental où on voit qu'il n'y à pas deux
directions opposées, mais qu'il y a une interpénétration
constante dans la société d'accueil, chez les groupes culturels
vers un but commun que sont les objectifs de la société
québécoise.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la
ministre, c'est là tout le temps qui vous était alloué. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme Folco, je vais être très
"inorthodoxe". Je vais commencer par une première assertion. Au niveau
de la culture, les Québécois - je le mets au pluriel, donc vous
comprenez - relèvent du ministère de la culture; ils ne doivent
pas relever du ministère des Communautés culturelles. Je trouve
humiliant qu'un Québécois, artiste, quelle que soit son origine,
mais surtout s'il avait une origine autre que "tuque et bas de laine", aille
frapper à un guichet spécifique. Je trouve que c'est dans la
notion de ghetto. Je pense que le rôle du ministère des
Communautés culturelles est de fournir un support aux organismes dits
communautaires et Dieu seul sait que les besoins sont nombreux. On en a souvent
parlé, Mme la ministre et moi. On a fait du boulot ensemble et je pense
qu'on a fait du bon boulot. Au niveau de la culture, ces
Québécois-là ont droit au même ministère de
la culture, ont droit aux mêmes programmes. Je ne conçois pas
qu'il faille aller au ministère des Communautés culturelles si on
veut organiser une exposition d'un jeune peintre québécois
d'origine arménienne, tandis que le "tuque et bas de laine", il va
frapper trois portes plus loin. Cette notion du double guichet,
personnellement, je suis contre. Je ne sais pas si vous partagez mon point de
vue.
Mme Folco: Tout à fait, M. Boulerice.
M. Boulerice: Merveilleux! Maintenant, comme je vous le disais,
ma question "inorthodoxe". Je cherche, je cherche, je cherche. Reggiani,
Montand sont fils d'immigrants italiens. Georges Moustaki est d'origine
grecque. Isabelle Adjani est fille d'Arabes, d'Algériens. Mgr Lustiger,
cardinal archevêque de Paris, est juif polonais. Moi, j'écoute
Oumkaulson à en devenir ivre. Je mange français, chinois et grec.
C'est la réalité de ma circonscription. Mais, avec les Grecs, on
boit un petit peu plus, c'est agréable. Je parle espagnol. Celle qui,
à mon point de vue, le mieux Satie et Ferré, c'est une chanteuse
italienne que j'ai découverte à Rome et qui s'appelle Alice. Vous
la connaissez sans doute. Je me meubre d'art déco, période
allemande. Je fréquente les communautés culturelles à un
point où je suis en train de me demander si une bonne journée ils
ne vont pas me dire: On t'a suffisamment vu, veux-tu, s'il te plaît, nous
lâcher les basques, comme on dit en bon québécois?
Mais, depuis tout ce temps, les deux seules choses que j'ai vues,
à mon point de vue, d'adhésion et de véritable
intégration, ça a été ce groupe
chilien-québécois Exilio qui chante en espagnol les poèmes
de Godin, de Mironm, de Nelligan et c'est à vous fendre l'âme
tellement c'est beau, c'est magnifique. Et Marco Micone qui a écrit sans
aucun doute une des plus belles pièces que j'aie jamais vues
théâtre La Licorne parce que c'était un reflet de
moi-même vu par un Québécois qui, compte tenu de ses
origines, avait une paire de lunettes différentes des miennes. Il me
renvoyait une image de moi que, moi, je ne pouvais pas voir. J'étais
enrichi quand je suis sorti de là, ce n'est pas possible! Sauf que je
n'ai pas encore vu - et c'est la question que je vous pose après ce long
préambule - une jeune Québécoise issue d'une
communauté culturelle devenir la plus grande interprète de
Vigneault ou bien de Leclerc et je ne suis pas
encore capable d'applaudir au théâtre un jeune
Québécois d'origine chinoise qui connaît à la fois
nos grands classiques québécois et nos grands classiques
français, puisqu'on appartient quand même à une gigantesque
culture. Et rarement, dans les manifestations des communautés
culturelles, j'ai entendu un mixage des deux expressions. Ma question, c'est
pourquoi? Mais la grande question, c'est quand? Je le souhaite. Et je ne suis
pas le seul, j'ai l'impression qu'on le partage tous.
Mme Folco: M. Boulerice. M. Boulerice: Oui.
Mme Folco: D'abord, je ne suis pas tout à fait d'accord
avec cette assertion. Il me semble qu'il y a des Québécois des
communautés culturelles, ou leurs enfants ou leurs petits-enfants, qui
sont justement des grandes vedettes québécoises. Sans les pointer
du doigt, comme on dit souvent, quand on parle de Maria Orsini, je pense, qui
est de descendance autre que québécoise pure laine, c'est une
jeune femme qui est très connue, très acceptée et qui
parle à tous les Québécois, et elle est
représentante aussi d'une certaine forme de culture, une des formes de
la culture québécoise. Quand on parle de Roberto Medile, qui est
italien de souche, qui a traduit les chansons de Vigneault, il me semble, en
italien et qui les a chantées à la télévision, et
qui fait des concerts avec Danielle Oddera, sa femme... Je ne veux pas nommer
des noms et des noms. Je pense qu'il n'y en a pas peut-être un nombre
effarant, mais il y en a.
Il faut dire que - et je pense que vous le savez peut-être
même mieux que moi - pour s'approprier une culture, cela prend du temps.
Il ne faut pas nécessairement être né dans une culture pour
pouvoir se l'approprier, mais c'est une question de coeur aussi. Et le coeur,
il faut lui donner le temps de se transformer et de savoir apprécier, et
de savoir aimer. Cela ne veut pas dire qu'il faut laisser au temps toute
l'action, qu'il ne faut pas aider l'action à se développer. Mais,
la question de temps est une question importante dans l'intégration des
immigrants. Et il me semble que, si on revenait se parler d'ici 30 ans, je
pourrais sûrement vous donner plus de 2 noms de personnes qui sont des
communautés culturelles ou qui sont descendants d'anciens immigrants, et
qui font partie complètement de la culture québécoise. Au
fur et à mesure que je vous parle, je pense à d'autres personnes.
La personne qu'on nomme le plus souvent, évidemment, c'est Normand
Brathwaite, il y en a d'autres. Normand Brathwaite, si on fermait les yeux, on
le verrait tout à fait comme un Québécois absolument pure
laine, n'est-ce pas? La seule chose qui le distingue, sur l'écran du
moins...
Alors, là, il y a une question de coeur, il y a une question de
temps, il y a aussi une question, M. Boulerice, d'opportunité.
C'est-à-dire que ce que nous espérons, nous, dans notre
mémoire, c'est que les actions du gouvernement vont aider les immigrants
en particulier et les membres des communautés culturelles en les
amenant, en les aidant à s'intégrer dans ce monde culturel. Nous
avons préparé un avis pour la ministre, justement, il y a deux
ans et demi, portant sur les artistes des communautés culturelles et ce
qu'ils nous ont dit, c'est que la vie est très dure. Évidemment,
la vie est très dure pour tous les artistes. Il faut montrer qu'on a du
talent. Et, même quand on a du talent, que le talent soit reconnu pendant
notre vie, c'est déjà quelque chose qui n'est pas donné
à tout le monde. Mais les artistes nous disent souvent qu'ils n'ont pas
accès aux centres de diffusion, parce que les galeries, ce sont des
centres fermés, des petites coteries d'amis, qu'ils ont difficilement
accès aux subventions, qu'ils ne savent pas trop comment
présenter leurs dossiers. Donc, quand ces personnes-là, qui ont
du talent, veulent accéder à la culture québécoise
et veulent se voir comme faisant partie de la culture québécoise,
il y a des difficultés inhérentes et systémiques dans le
système, qui font que c'est doublement difficile pour ces
personnes-là d'y avoir accès.
M. Boulerice: Je vous écoute, Mme Folco, et,
déjà, il me vient un autre nom, Alice Poz-nanska Parizeau. Mais
je suis montréalais, Mme Folco, je vis dans une ville cosmopolite, je
vis dans une ville où il y a, ne serait-ce qu'en chiffres, une
présence Incroyable, je les côtoie dans la rue. La question que je
vous pose n'est pas une question-traquenard. Je n'en ai pas assez et j'en veux
plus. Je trouve que les scènes de mes théâtres ne
reflètent pas la réalité. Ma télévision la
reflète un petit peu, mais pas encore suffisamment. Est-ce que le
problème vient peut-être... On a beaucoup parle de la relation
art, enseignement des arts, également de l'enseignement de la culture au
niveau de l'éducation. Est-ce qu'on a notre manque à ce premier
maillon, qui fait qu'on ne développe pas ou qu'on ne suscite pas ces
talents?
Il y a peut-être une autre adéquation. Vous l'avez bien
dit: Oui, ce n'est pas facile d'être artiste. Je sais que, quand on est
immigrant, on vient ici pour bien des raisons, mais il y a celle aussi de vivre
dans un contexte économique meilleur. Si j'étais un nouvel
immigrant - bon, donnons un exemple - que, malheureusement, je venais
peut-être d'un coin un peu moins favorisé du Portugal et que
j'annonçais à mon père que je veux être peintre ou
artiste, lui qui avait quitté son Portugal natal pour des raisons
économiques, je ne sais pas s'il m'encouragerait. Il
préférerait peut-être que je devienne un businessman, un
homme d'affaires. Je ne sais pas s'il m'encouragerait.
Mme Folco: Écoutez, c'est bien évident que, quand
les personnes immigrent, la majorité de ces personnes-là ou
presque la totalité de ces personnes-là essaient de se trouver
une vie meilleure, bien entendu pour des raisons économiques ou pour des
raisons politiques, et que la première chose qu'ils cherchent, c'est un
emploi, un logement, une vie décente et honorable pour elles et pour
leur famille. C'est difficile pour les enfants d'immigrants - et M. Micone,
dans une de ses pièces, l'a bien dit, dans A Dolorata en particulier -
de se faire une place en tant qu'artistes parce que leurs parents ont connu des
difficultés d'ordre économique et eux-mêmes ont de la
difficulté aussi à s'insérer dans la communauté
québécoise de souche en ce qui concerne la vie culturelle.
Encore une fois, dans l'avis que nous avions soumis il y a trois ans
à notre ministre, nous avons bien noté que les immigrants ont de
la difficulté à s'insérer dans le système, dans le
réseau de création et de diffusion. Certains nous ont même
parlé d'une "ethnocentricité" dans le milieu artistique. Ils nous
ont parlé, il y a de cela trois ans, du fait que souvent, lorsqu'ils
allaient voir des propriétaires ou des gérants de galeries, ces
gérants-là n'étaient pas en mesure d'évaluer la
qualité artistique de leur oeuvre parce qu'elle venait d'une tradition
tout à fait autre, n'est-ce pas? Donc, ce qui arrivait en bout de ligne,
c'était le refus de vouloir diffuser ces oeuvres-là. Je parle
surtout des oeuvres visuelles, c'est-à-dire des tableaux et des
sculptures. Je ne parle pas des oeuvres écrites où il y a
quelquefois des difficultés additionnelles par rapport à la
langue.
Il y a des difficultés d'ordre économique pour ces
enfants-là qui ont vécu, Jeunes, les difficultés qu'ont
vécues leurs parents. Mais il faut dire aussi que souvent la
société, la société culturelle, si vous voulez, ne
reconnaît pas suffisamment l'apport de ces artistes-là et n'est
pas souvent en mesure de les aider à accéder aux subventions,
à accéder aux centres de diffusion, autant à
Montréal qu'en région, M. Boulerice. Parce que c'est un
problème aussi en région.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement,
s'il vous plaît.
M. Boulerice: Bien, je regrette, malheureusement, qu'on ne puisse
pas continuer, parce qu'on est sur le même bateau, tous les deux, et on
cherche le port d'arrivée le meilleur pour y réussir. Mais vous
avez dit, Mme Folco, que très souvent, pour l'artiste, la reconnaissance
venait après la mort. De peur qu'il m'arrive le même sort en tant
que député, j'aimerais tout simplement vous annoncer qu'il y a
café-galerie qui ouvre dans ma circonscription, le propriétaire
est venu spontanément me voir en disant: Avez-vous des artistes à
suggérer, moi, malheureusement, je ne connais pas ça. J'aime
ça, mais je ne connais pas ça? Et on va commencer avec un
artiste...
Mme Folco: Comment s'appelle cette galerie?
M. Boulerice: On ne lui a pas encore donné de nom, mais
elle va être au coin de Plessis et Sainte-Catherine. On va vous inviter.
Mais on veut débuter avec un jeune québécois d'origine
haïtienne.
Mme Folco: Eh bien, je vous remercie. Si jamais ils veulent avoir
des noms d'artistes, dites-leur de nous appeler, nous nous ferons un plaisir de
leur donner quelques noms. Nous avons tout un réseau au Conseil,
évidemment. Il y a quand même une autre galerie sur la rue
Jean-Talon, Jean-Talon et Berri, la galerie Occurrence qui, de temps en temps,
présente des oeuvres des communautés culturelles. Il faut dire
qu'il y a un début, mais ce début est lent à partir.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
M. Boulerice: Je vais envoyer la transcription de nos
conversations au Musée d'art contemporain, si vous me le permettez.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ça serait une bonne
pièce de musée. Mme la ministre, un mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Folco, pour la clarté
de vos propos. Vos recommandations vont être étudiées. Il
ne faut quand même pas oublier non plus que la ministre des Affaires
culturelles vient d'une communauté culturelle.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, Mme Folco. Merci, Mme la ministre des Communautés culturelles, il
me fait plaisir de vous avoir eu parmi nous. Mme Folco, nous vous remercions
d'être venue nous rencontrer. Et, au nom des membres de cette commission,
je vous souhaite un bon retour. Je vais donc suspendre les travaux de cette
commission jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, en cette salle. Bon
appétit à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président (M. Gobé): La commission va
recommencer ses travaux. Alors, sans plus attendre, j'inviterai les
représentants du Parc archéologique de la Pointe du Buisson
à bien vouloir se présenter en avant. En attendant, je vais
rapidement vous rappeler le but de notre
commission, qui est de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition
de politique de la culture et des arts au Québec, bien entendu, ceci
faisant suite au dépôt du rapport Arpin sur la recommandation ou
l'incitation de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, si vous voulez
vous présenter, vous pouvez commencer votre exposé sans plus
attendre.
Parc archéologique de la Pointe du
Buisson
Mme Reid (Marie-Claude): Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les
membres de la commission parlementaire, au nom du conseil d'administration du
Parc archéologique de la Pointe du Buisson et du conseil municipal de
Melocheville, dont les représentants sont Mme Angélique Jacques,
conseillère municipale, et M. Normand Charette,
secrétaire-trésorier, nous tenons à vous remercier de nous
avoir invités pour vous présenter nos préoccupations et
nos impressions sur votre proposition de politique culturelle.
D'abord, nos propos vont concerner les institutions muséales,
secteur auquel nous nous rattachons. Les points qu'on aimerait mettre en
lumière sont, d'abord, que les institutions muséales en
région contribuent beaucoup au développement, tant au niveau
touristique, économique, social, éducatif, parce qu'on met en
branle plusieurs projets d'exposition, d'activités éducatives, de
recherche tant archéologique qu'historique, et ça, pour des
coûts qui sont relativement bas. Par exemple, au Parc
archéologique, qui est l'organisme que nous représentons, en
1989, la contribution du ministère des Affaires culturelles faisait en
sorte qu'un visiteur qui accédait au parc, ça coûtait 3,50
$, c'est-à-dire que le ministère investissait 3,50 $ par visiteur
au parc. En 1991, le montant est plus important, c'est 4,56 $, parce qu'on a
vécu la crise autochtone et qu'on a connu une baisse importante de nos
visiteurs.
Les activités que nous avons mises en branle et que nous mettons
en branle sont là pour aider la collectivité à mieux
connaître son patrimoine.
Le Président (M. Gobé): J'aimerais vous rappeler
que vous avez 15 minutes pour faire l'ensemble de votre exposé et de vos
recommandations. D'accord?
Mme Reid: Oui, parfait.
Le Président (M. Gobé): Parce que je vous vois
commencer à faire une présentation. Alors, puis-je vous
mentionner que l'ensemble de l'enveloppe est de 15 minutes? D'accord?
Mme Reld: Merci. Étant donné que nous devons
beaucoup investir dans nos activités et que ces activités sont
faites de façon très professionnelle, les musées, dont le
nôtre, vivent une période de sous-financement chronique. Dans
votre proposition, vous en faites d'ailleurs état à la page 68.
Ceci nous amène à vous demander s'il serait important de
prévoir, dans votre politique, un rattrapage, parce que plus ça
va aller, plus ça va être difficile pour les institutions
muséales de continuer leur mandat.
Pour ce faire, d'ailleurs, nous devons nous joindre plusieurs
partenaires, que ce soit le milieu public par des dons, que ce soient les
entreprises, que ce soit le gouvernement fédéral qui, par ses
programmes de création d'emplois ou ses programmes du ministère
des Communications, nous aide à répondre à nos mandats, et
également sous forme de partenariat avec les municipalités.
Dans votre politique, d'ailleurs, vous encouragez la formule de
partenariat. Nous avons quelques questions par rapport à votre projet
qui encourage le partenariat et qui mentionne qu'il y aura des mesures
incitatives. Nous aimerions savoir lesquelles, qu'est-ce qui sera pris en
considération quand on parle de partenariat. Est-ce que ce sera la
participation de la ville par rapport au montant qu'elle investit au prorata de
ses citoyens ou plutôt l'enveloppe globale de sa contribution soit
monétaire ou en services?
On voudrait des réponses à ça, d'ailleurs, parce
qu'on vit une expérience de partenariat depuis 1986. Cette
expérience-là au point de départ était très
positive. On a déjà d'ailleurs été de bons
porte-parole de cette formule-là auprès du milieu, de la
collectivité et du public, mais je vous dirais que, depuis quelques
années, cette formule-là perd de la popularité
auprès des élus de Melocheville, parce que la contribution dans
le fonctionnement, que nous recevons du ministère des Affaires
culturelles, est toujours allée de façon décroissante,
sans tenir compte de l'indexation au coût de la vie, c'est-à-dire
qu'en 1986 la subvention de fonctionnement était supérieure
à celle que nous avons aujourd'hui, et ça, ça ne tient pas
compte de l'indexation au coût de la vie.
D'autre part, notre partenaire, qui est la municipalité de
Melocheville, elle, a dû compenser et augmenter sa participation de 12
000 $ à 27 500 $. C'est un montant qui peut paraître faible si
c'était pour une municipalité importante, mais, dans le cas
où la municipalité n'a que de 2200 citoyens, c'est un montant
énorme per capita. Alors, on se demande si votre formule de partenariat
est là pour faire en sorte que les partenaires évoluent ensemble
et contribuent de façon équivalente dans le fonctionnement ou si
ça n'a pas pour but de laisser un peu plus la part à la
ville.
Par ailleurs, la formule de partenariat avec les municipalités
est intéressante si elle était sur une base d'entente au moins
triennale, parce que,
quand on parle de fonctionnement, on doit rassembler les
différents partenaires et les différentes formes de
fonctionnement. Dans notre cas, pour l'Université de Montréal,
ça ne se pose pas tellement puisque c'est en services, mais, dans le cas
de la municipalité de Melocheville, ces enveloppes budgétaires
sont prévues en novembre en prévision de leur année de
janvier. Quand on sait que, pour les vôtres, ça se fait de
février, mars en prévision d'avril, on planifie nos années
avec une incertitude dès le départ et on ne sait souvent qu'en
mai ou juin quel est le portrait réel de notre année, ce qui
souvent débalance complètement nos activités. Alors, pour
pouvoir prévoir un développement et pour pouvoir fonctionner de
façon à développer et aussi à réaliser nos
mandats, c'est préférable que ça se fasse sur des ententes
minimales de trois ans.
Je voudrais également rajouter qu'ayant un statut de centre
d'interprétation, de lieu de diffusion ou de site archéologique,
on se trouve dans une position qui est assez difficile puisque nous ne pouvons
pas conserver nos collections de façon à respecter les normes
muséales. Il serait donc important qu'il y ait une politique qui tienne
en ligne de compte l'ensemble des institutions muséales et que les
priorités soient accordées en fonction de leurs fonctions, de
leurs caractéristiques propres plutôt qu'en fonction d'un statut
qui leur a été attribué.
Il nous est impossible, pour l'instant, de bénéficier de
programmes qui concernent les musées accrédités, donc, qui
ont rapport à la gestion des collections, aux mesures de conservation,
puisqu'on est considéré comme un lieu de diffusion et un centre
d'interprétation. Enfin, je voudrais terminer en soulignant que, dans
votre politique, nous avons trouvé peu de place laissée à
l'archéologie. Est-ce que vous prévoyez qu'il y aura des
programmes pour mettre en valeur ou pour activer la recherche dans ce
domaine?
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, madame. Je
vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles. Madame, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup. Vous savez, quand
la Société des musées est venue faire une
présentation, évidemment, avec Mme Gascon, on s'est entendu aussi
pour se rencontrer sur la politique muséale, parce qu'on voulait passer
à travers celle-ci. Comme vous dites, il n'y a pas assez de place pour
l'archéologie, etc., bon. Il faut voir aussi les failles. On s'est
entendu pour se rencontrer le 7 novembre. La commission parlementaire va
s'étendre. Alors, là, on a fixé le 21 novembre, bon. Mais,
aussitôt que la commission parlementaire se termine, on rencontre les
principaux intervenants et, à ce moment-là, on démarre la
politique muséale.
Cela dit, il y a des choses. Quand vous dites le MAC a
intérêt à encourager les petits et moyens musées,
alors que les grands musées coûtent, de par leur coût,
énormément plus cher, c'est sûr, qu'est-ce que vous voulez
dire par là?
Mme Reid: C'est-à-dire que, pour les actions que les
petits musées font, finalement, versus le nombre de visiteurs qu'ils
accueillent, les coûts sont moindres. Alors, ça coûte
beaucoup moins cher de pouvoir investir un peu plus dans les musées en
région pour qu'ils puissent développer davantage leur produit et
faire en sorte, entre autres, de pouvoir accueillir des expositions de grands
musées, ce qu'on ne peut pas faire dans le moment. Beaucoup
d'institutions en région n'ont pas les conditions pour pouvoir
bénéficier des services des grosses institutions.
Alors, au bout de la ligne, le produit, qui est bien, des grosses
institutions ne peut même pas parvenir à nous et ce que, nous,
nous réussissons à produire se fait toujours avec beaucoup de
difficultés, parce que nos ressources ne nous permettent plus de
continuer dans la production, que ce soient des activités au niveau des
écoles, que ce soit la préparation d'expositions, que ce soient
des publications. Mais, par l'argent que vous investissez, par exemple, dans
les activités qui se font chez nous, ça vous coûte quand
même beaucoup moins cher par citoyen qui visite nos institutions.
Mme Frulla-Hébert: Vous parliez du sous-financement des
institutions muséales et vous parliez aussi d'ententes triennales. Mais
qu'est-ce que vous pensez d'un fonds de dotation - il y a certaines
sociétés d'histoire qui ont ça, notamment celle de la
Gaspésie - en partenariat avec l'entreprise privée, par exemple?
Est-ce que c'est possible?
Mme Reid: Vous entendez par là que, si l'entreprise
privée contribue, vous mettez...
Mme Frulla-Hébert: Oui. Ou encore nous, l'entreprise
privée, les municipalités, mais c'est un fonds de dotation. Donc,
les montants sont fixes et, évidemment, il y a toutes sortes de
formules, dont vivre, par exemple, avec les intérêts...
Mme Reid: Effectivement, si c'est une formule qui nous permet
d'opérer et que les fonds permettent de générer
suffisamment pour opérer de façon adéquate, ça peut
être très intéressant.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des municipalités,
vous dites que les municipalités sont moins intéressées
à contribuer. Votre municipalité, vous y avez touché, mais
pourriez-vous élaborer un peu plus pour que je comprenne bien?
Mme Reid: Je vais donner la parole aux gens de la
municipalité; je pense qu'ils vont pouvoir mieux vous
répondre.
Mme Jacques (Angélique): Quand ça a
débuté en 1986, l'ouverture officielle, on était bien
fiers parce qu'on avait un beau site. Melocheville avait été
reconnue, mais ce n'était pas un thème facile à vendre,
l'archéologie. Déjà qu'on disait: On a une entente de
partenariat, nous autres, on croyait qu'au niveau du MAC, à un moment
donné, si on commençait à un montant, peut-être...
On n'en demandait pas terriblement, mais l'indexation... Mais à chaque
année, il y a toujours eu quelque chose qui arrivait. On a
commencé à 78 500 $, là c'était beau;
c'était la première année. On a fait des "pamphlets"
publicitaires, on a sorti un logo, on a tout fait pour faire connaître le
parc archéologique, avec l'archéologie. Ensuite, ç'a
été 75 000 $, mais ils nous disaient: La politique de la culture
s'en vient, c'est pour ça; on ne sait pas sur quelle base on va
s'arrêter. La troisième année, là, on a descendu
à 70 000 $, mais on avait encore une bonne raison, c'était
échelonné sur deux ans.
Quand on regarde ça, on a vécu beaucoup
d'insécurité. De 1986 à 1991, ça fait trois
ministres qui passent, vous êtes la troisième. On a changé,
ç'a été trois agents. On disait: Bien, ils ne connaissent
pas le dossier. Ça va peut-être s'améliorer. Mais on a
toujours eu des déceptions. Ça fait qu'aujourd'hui, si nous
autres, à Melocheville, au niveau des gens... Au début, les gens
n'étaient pas tellement favorables, mais on voulait prouver aux gens de
Melocheville que c'était un projet valable, surtout à la
région et au niveau de la MRC qu'on pouvait faire quelque chose à
Melocheville, montrer aussi au MAC qu'une petite population de 2200 pouvait
faire quelque chose dans la culture. Mais on s'aperçoit qu'on a investi
beaucoup d'énergie et que le MAC a été un peu un vendeur
d'illusions. Il nous a toujours fait accroire: Ah, ça va
s'améliorer! La politique de la culture, on la vit depuis 1986, nous
autres. C'est toujours un peu... Ah! Là, on est rendu à la
Montérégie. Ça a l'air que ça devait
s'améliorer, on n'a pas eu encore d'effet concret.
Donc, au niveau municipal, on se demande, nous autres, avec une
population de 2200: Qu'est-ce qu'on fait au niveau de la culture? Il faut
penser qu'on n'a pas juste le Parc; nous avons un centre multifonctionnel qu'on
vient d'ouvrir, on va avoir une bibliothèque. Quel sera le montant qu'on
devra investir? Nous autres, notre part est réellement faite.
Partenariat, on pensait égal: la municipalité monte, le MAC
monte, mais ce n'est pas ça. Ça n'a pas été
indexé. Nous autres, on a suivi la courbe ascendante. Je ne sais pas si,
au niveau de l'économie, ça fonctionne comme ça, mais, au
lieu de monter, nous autres, on descend. Ça fait qu'on a un rattrapage
énorme. On se demande où on va aller. On est encore prêts
à faire des efforts énormes, mais là on ne peut plus
avancer comme ça. Il va falloir s'asseoir et réellement
discuter.
Aussi, depuis 1986, j'aimerais rappeler que ça fait trois prix
qu'on gagne. Un pour l'innovation touristique; là aussi, on disait: II
va y avoir des retombées. On vit toujours d'espoir. Cette année,
on a gagné deux prix, le prix Miniconsult, la municipalité qui a
eu un apport exceptionnel au niveau de la culture et on a gagné à
l'UMRCQ, le prix Jean-Marie-Moreau. On se demande quand on va avoir des
retombées de tout ça.
Mme Frulla-Hébert: Bon. Je ne peux pas me cacher, c'est
vrai que je suis la troisième. Je pense bien que je vais être
là pour rester.
Mme Jacques: J'espère que vous allez venir nous rendre
visite. Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Mon collègue va trop s'ennuyer.
Je ne peux pas partir. Impossible. Il y a deux choses d'abord, c'est que, sur
que tout le rôle, effectivement, des municipalités, par exemple,
avec le MAC, on prévoit s'asseoir avec une table
Québec-municipalités d'ici peu. Bon, ça, c'est au niveau
des bibliothèques. Par contre, au niveau de l'ensemble, vous avez
raison: quand on a un partenaire, évidemment, il faut encourager le
partenaire. Alors, la seule chose que je peux vous dire à ce
niveau-là, c'est qu'on s'est organisé, de toute façon...
Justement, votre député m'a sensibilisée; on va se voir
d'ici peu et on va voir ce qu'on peut faire.
Maintenant, cela étant dit, pour la grande politique au niveau
archéologique, effectivement, vous dites qu'il y a un manque au niveau
du rapport Arpin, par exemple. Mais est-ce que, selon vous, la question
patrimoniale pourrait englober les deux ou s'il faudrait vraiment faire
une...
Mme Reid: C'est-à-dire qu'elle peut englober les deux en
autant que c'est clairement identifié. C'est que, là, même
la question patrimoniale, on l'aborde, mais est-ce que ça inclut les
lieux de diffusion, toute la diffusion qui peut être faite par les
sociétés historiques? Est-ce que ça touche les programmes
de revitalisation, d'aménagement des lieux patrimoniaux dans les
secteurs municipaux? Est-ce que ça touche l'archéologie?
Ça serait bien que ça soit précisé si ça
touche ça et jusqu'à quel niveau.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé?
Vous voulez parler, M. le député de..
M. Boulerice: S'il veut parler, nous allons lui donner notre
consentement...
Le Président (M Gobé): Alors, c'est ça.
M. Boulerice: ...si c'est la façon de réparer le
mal psychologique qui a été fait pour les conservatoires et
Radio-Québec. Vous faisiez partie du comité, vous, là.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous sortez de la pertinence du dossier
présenté devant nous. On parle d'archéologie, on ne parle
pas de conservatoires. Que je sache, les conservatoires ne sont pas encore dans
la catégorie de l'archéologie et des ruines.
M. Godin: Trêve de billevesées!
Le Président (M. Gobé): Cela étant dit, M.
le député de "Salaberry-Vaudreuil"...
M. Marcil: Soulanges.
Une voix: II aurait du faire de l'archéologie.
M. Marcil: Ou de la géographie.
Le Président (M. Gobé): ...Soulanges, je m'excuse,
en vertu de l'article 132 de notre règlement et vu qu'il y a
consentement, vous pouvez maintenant parler avec le représentant du
groupe de la Pointe du Buisson.
M. Marcil: Merci, M. le Président. Je m'aperçois
que ça fait déjà deux ans que j'occupe le poste de
député de cette nouvelle circonscription électorale qui
est Salaberry-Soulanges, qui, anciennement, s'appelait Beauhar-nois, mais avec
le découpage on a changé des municipalités et notre
circonscription en a pris d'autres. C'est une seigneurie également, la
seigneurie de Soulanges. Malheureusement, je m'aperçois qu'à
l'Assemblée nationale on a tendance à oublier souvent ce
nom-là parce qu'à chaque fois soit le président de
l'Assemblée ou dans une commission et même entre nous,
collègues, on mêle toujours Salaberry-Beauhamois ou
Beauharnois-Salaberry, mais c'est Salaberry-Soulanges, je vais le
répéter une autre fois. C'est à force de le
répéter que les gens vont comprendre.
Le Président (M. Gobé): Nous en prenons bonne note,
M. le député.
M. Marcil: Je veux dire en passant que le Parc
archéologique de la Pointe du Buisson est un parc formidable. Au niveau
du Québec, c'est un des plus beaux parcs dont la thématique
autochtone est mise en valeur parce que c'est un ancien site, justement, de
chasseurs et ainsi de suite, qui accueille beaucoup de visiteurs
également et qui a des difficultés. On en tient compte,
c'est-à-dire on en a pris note. Moi, la question que j'aimerais vous
poser, c'est qu'on s'est aperçu dans le rapport Arpin qu'on n'a pas
tellement touché à ce secteur-là, on n'a pas tellement de
propositions concrètes. Probablement que c'est un domaine qui est un
petit peu, comment je pourrais dire? hors normes par rapport à la
culture en général. Parce que la culture en général
chez nous, c'est la chanson, les théâtres, les musées.
Lorsqu'on tombe dans la recherche, on a tendance à l'oublier parce qu'on
a tendance à penser que l'archéologie a un lien direct avec
plutôt la recherche, le ministère de l'Enseignement
supérieur. On sait que l'Université de Montréal a des
ententes avec vous également. Mais on a tendance à oublier qu'il
y a un patrimoine culturel extraordinaire.
Si vous étiez ministre des Affaires culturelles demain matin et
si Mme la ministre avait une expérience dans votre domaine et avait
travaillé pendant des années dans ce secteur-là, qu'est-ce
que vous proposeriez comme mesures justement pour venir supporter ce genre de
travail que vous réalisez à tous les jours et le genre de sites
également qu'on fait connaître à la population, pas
seulement aux Québécois, mais également à
l'ensemble de la population canadienne et américaine?
Mme Reid: C'est évident que, j'imagine, comme tous les
secteurs de la culture, ce que nous jugeons important en archéologie,
c'est d'avoir des programmes qui permettent de faire de la recherche de
terrain, mais également de l'analyse, pour pouvoir par la suite la
diffuser au public. Donc, c'est un ensemble, je pense, qui est important. C'est
de faire comprendre aux gens que le patrimoine archéologique est
important, mais c'est également leur permettre d'y avoir accès
et, pour y avoir accès, également de pouvoir leur offrir et leur
donner de l'information; donc, faire de la fouille, faire de l'analyse, rendre
les résultats connus, donc par des programmes d'accès, de
vulgarisation et de mise en valeur. Alors, à ce moment-là, on
pourrait mieux comprendre le patrimoine archéologique tant au niveau
préhistorique qu'historique.
Je voudrais juste dire qu'au fédéral, dans le moment, ils
ont mis un programme d'accès à l'archéologie. Je vous
dirais que, dans le contexte actuel, pour nous, il nous a été
utile puisqu'on avait des collections d'archéologie historique, qui
dataient de 1965 jusqu'à aujourd'hui, qui n'avaient pu être
analysées et, grâce à une subvention de ce
programme-là, on pourra au moins connaître le matériel et,
par la suite, informer le public du contenu de nos collections. Par contre,
autant le côté de l'information est important, quand on fait de
l'archéologie, il y a tout le côté de la conservation qui
est important et, à ce moment-là, à qui revient la
conservation et à qui revient la gestion des collections? C'est
également un problème qu'on vit; donc, pour nous, c'est important
de pouvoir à la fois les conserver, les gérer, permettre aux
chercheurs d'y avoir accès, de même qu'au grand
public. Or, à ça, il y a également des coûts
qui, souvent, ne se retrouvent pas dans une enveloppe plus que dans une autre.
Parce qu'on n'a pas un statut où on est considéré comme un
musée accrédité qui peut accéder aux fonds, souvent
les formules qui s'offrent à nous sont difficiles parce que, justement,
les représentants du ministère nous disent: Bon, il faudrait voir
si ça s'adresse à un programme ou à l'autre et ce n'est
pas clairement identifié. Donc, nos statuts ne sont pas clairs et
l'accès à ces programmes-là n'est pas clair et, souvent,
ils ont peu de fonds. Tout ça fait en sorte que l'archéologie, de
même que sa mise en valeur, n'est pas encore bien, bien
établie.
M. Marcil: Est-ce qu'il devrait exister, à votre avis, des
programmes, je n'emploierai pas le mot "bilatéraux" mais des programmes
conjoints entre l'Enseignement supérieur et le ministère des
Affaires culturelles, compte tenu que vous avez une double mission
également?
Mme Reid: Oui, c'est sûr que ça serait
intéressant. D'ailleurs, on a pu, grâce à un programme
Étalez votre science, aménager une partie de notre laboratoire en
salle d'exploration en archéologie pour permettre aux visiteurs de
comprendre la démarche scientifique d'analyse en laboratoire. Mais,
encore là, il serait important qu'il y ait des ententes au niveau du
fonctionnement, parce que, au bout de la ligne, il y a des programmes pour
développer ou mettre en valeur, mais le problème, c'est qu'un
coup que les installations sont là on revit toujours le même
problème de départ qui est: on a besoin d'opérer pour
ouvrir ces installations-là. Par exemple, chez nous, il y a un
employé permanent, deux employés six mois par année et,
dans la mesure où nos budgets de fonctionnement sont
décroissants, notre saison, qui ouvrait de mai à octobre, sera
probablement pour 1992 écourtée à la fin d'août.
Donc, après tout l'effort qu'on a fait dans le milieu de
l'éducation, surtout secondaire et cégep qui est très
difficile à accéder et qui viennent nous voir à l'automne,
on ne pourra probablement plus continuer à les accueillir parce que,
justement, même si on a les installations adéquates, on n'a pas
les ressources nécessaires pour pouvoir continuer.
Vous savez, c'est difficile à demander à un partenaire.
Nous, Alcan est très présente dans nos activités
d'animation, c'est visible. C'est facile à vendre pour une entreprise,
mais lui vendre le compte d'électricité, c'est une autre paire de
manches. La même chose aux élus municipaux. Quand ils ont
payé la facture, ils se demandent: L'année prochaine, est-ce que
ce sera l'ensemble des factures? Tout ça crée une situation
où on avance dans notre développement et on régresse dans
notre fonctionnement. Donc, à un moment donné, on ne pourra plus.
On va devoir fermer ou faire en sorte d'offrir un produit qui sera ce qu'on
appelle souvent un produit de site dont on dit: Bon, c'est juste saisonnier. Ce
n'est pas grave si on ne renouvelle pas ça, c'est la trois mois par
année. Je regrette, mais je pense que, quand on veut faire de la
muséologie, quand on veut faire du développement en
archéologie, on doit offrir un produit, le maintenir toujours avec un
calibre professionnel et faire en sorte que toutes les ressources humaines qui
sont professionnelles, l'expertise qu'on va chercher à
l'extérieur se retrouvent et évoluent dans le centre. C'est pour
ça qu'on croit qu'une formule de partenariat comme on vit, elle est
intéressante si nos partenaires peuvent continuer à nous
supporter de la même façon qu'ils ont fait au début.
M. Marcil: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
M. le député? Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole
à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en vous
mentionnant que votre collègue, le député de Mercier, m'a
souligné qu'il aimerait peut-être intervenir par la suite. Alors,
vous avez la parole.
M. Boulerice: Mme Reid, Mme Jacques, M. Charest, j'ai trois
très, très, brèves questions à vous poser. La
première en est une de curiosité.
Le Président (M. Gobé): M. le député,
vous me verrez dans l'obligation de vous interrompre car nous allons avoir un
vote dans notre Chambre.
M. Boulerice: Ah bon!
Le Président (M. Gobé): J'ai été
averti auparavant que, lorsque la cloche sonnerait, ce serait pour un vote.
M. Boulerice: Donc, nous sommes interrompus, si je vous ai bien
compris?
Le Président (M. Gobé): Alors, je vais donc
suspendre Ses travaux le temps de ...
M. Boulerice: Ma première, c'était facile. Je vais
vous confier un secret.
Le Président (M. Gobé): C'est une motion
d'ajournement.
M. Boulerice: Quand j'étais au collège, je voulais
devenir archéologue.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mais les votes
de la Chambre ont priorité sur tous nos autres travaux pour permettre
aux membres de l'Assemblée nationale de faire leur devoir qui est de
voter en priorité. Je vais donc suspendre les
travaux pour la durée de la période du vote. Nous
reviendrons par la suite.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 25)
Le Président (M. Gobé): Faites donc une motion, M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, j'aurais une motion de
blâme à présenter envers les députés qui ont
voté en faveur de l'ajournement des travaux de la Chambre.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Nous étions en
train de discuter. Vous aviez fa parole relativement aux représentants
du Parc archéologique de la Pointe du Buisson. Je pense qu'il serait
plus sage, étant donné qu'on a perdu un peu de temps, d'y
retourner rapidement. Alors, M. le député, vous avez la
parole.
M. Boulerice: Comme je le disais à Mme Reid, à Mme
Jacques et à M. Charette, j'avais trois questions. On a
déjà élucidé la première. La
deuxième. Dans un secteur comme le vôtre et surtout dans une
région géographique comme la vôtre, on sait que les
multinationales, on ne trouve pas ça à tous les coins de rue,
là, contrairement à un centre-ville de métropole. Il y a
eu une mesure, à mon point de vue, extraordinaire qui a
été mise sur pied par Clément Richard, l'ancien ministre
des Affaires culturelles, qui était le fonds d'appariement. Vous avez
été reconnus en 1986, je crois. C'est ça. Le fonds
d'appariement existait encore, quoiqu'il avait été
légèrement modifié. Nous, c'était 1 $ pour 1 $. Mme
Bacon l'avait réduit à 1 $ et 0,50 $. Est-ce que vous avez
profité de ce fonds d'appariement?
Mme Reid: C'est-à-dire que la Corporation des amis de la
Pointe du Buisson en avait bénéficié.
M. Boulerice: Est-ce que c'était stimulant pour vous?
Mme Reid: Oui. Évidemment, ça avait
été stimulant pour les bénévoles, sachant bien que
l'argent qu'ils ramassaient ne serait pas doublé, mais, quand
même, qu'ils bénéficieraient de 50 % de plus que le montant
qu'ils avaient ramassé, finalement.
M. Boulerice: Vous avez parlé de budgets non
indexés, etc. Est-ce que vous pourriez peut-être nous faire le
portrait de ce que ça peut représenter, pour vous, une
non-indexation?
M. Charette (Normand): Oui. Si on regarde le budget qui
était alloué par le ministère, en 1986, on parlait d'une
subvention de 78 500 $, qui est descendue, en 1990, à 70 000 $ pour
remonter à 72 900 $ en 1991. Si on avait seulement indexé la
subvention initiale à 4,5 %, ce qui est quand même un taux assez
raisonnable si on tient compte du coût de la vie, on devrait avoir,
aujourd'hui, 101 500 $ de subvention. Si la subvention du ministère
avait suivi la même courbe que celle de l'augmentation de la contribution
de la municipalité, on devrait parler de 179 700 $. Donc, on voit que le
ministère n'a pas tout à fait suivi sa politique de partenariat.
C'est ce qui est notre gros problème de fonctionnement aujourd'hui.
M. Boulerice: Je vous avoue que c'est vrai que les chiffres
parlent, mais, dans votre cas, c'est un peu éloquent. Mais, avec le
budget que vous avez actuellement, les perspectives d'avenir sont quoi? Il y a
des choses que vous devrez nécessairement laisser tomber si on ne
ramène pas ça aux chiffres que vous nous avez cités.
Mme Reid: Disons que cette année ce sera la
première année où on clôturera notre exercice
financier avec un déficit de 12 000 $, ce qui veut dire que ça
laisse déjà prévoir qu'en 1992, s'il n'y a pas un
réajustement en partant, excluant le déficit qu'on
prévoit, on ne sera pas en mesure d'opérer pour l'année
complète puisque, en partant, on sait bien qu'il nous manquera un
minimum de 15 000 $, de 15 000 $ à 18 000 $ minimalement.
Ce qui serait intéressant, c'est que M. Charette vous explique...
C'est difficile à chiffrer, la participation d'une ville dans un projet
comme celui-là. C'est sûr qu'on parle toujours, nous, de 27 500 $
comme contribution de la municipalité, mais on oublie souvent beaucoup
de services, on oublie les dons, par exemple, de photocopieurs, de mobilier; on
ne comptabilise pas le vandalisme sur les bâtiments et là on dit
aux employés de la ville de venir réparer. Également, on
ne comptabilise pas les pertes - je pense que M. Charette peut vous en parler -
au niveau de revenus pour les terrains et des choses comme ça.
M. Charette: Oui. On a fait un petit calcul. Disons que, si au
lieu d'utiliser le site pour la culture, on avait utilisé ça tout
simplement pour des bungalows, on aurait pu générer sur ce site
une évaluation d'environ 15 000 000 $, donc, qui nous aurait
rapporté peut-être 100 000 $ de taxes annuellement. Et il y a
aussi la valeur du terrain qui vaut environ 1 000 000 $ si on l'avait vendu,
donc, un autre 100 000 $ si on l'avait placé seulement à 10 %. Si
on regarde tout ça, ça fait 200 000 $, la contribution de la
municipalité, plus les 27 000 $ de fonctionnement, plus tous les
services qui n'ont pas été comptés,
comme Mme Reid vous le disait, on arrive à un chiffre minimum de
227 000 $ comme contribution de la municipalité annuellement. Parce
qu'on a quand même un manque à gagner. La culture, on est
d'accord; on le voulait, le site, mais il faut quand même aussi
être réaliste. Si on prend ces chiffres-là, on en arrive
à une contribution municipale de 94,74 $ par habitant et par
année. Donc, on pense qu'on fait réellement un effort qui est
louable.
M. Boulerice: Ça, inévitablement, M. le
secrétaire-trésorier, quand on regarde la taille de votre
municipalité et ce que vous donnez en subvention au Parc, c'est
effectivement une partie assez importante du budget. Vous avez
privilégié la culture; vous avez eu foi en cela en disant que
ça avait un impact également sur l'industrie touristique. Et il y
a des intervenants précédents qui nous ont dit qu'on était
avantagés au Québec parce qu'on était en situation de
monopole, culture différente, histoire différente. Donc, on avait
des atouts majeurs dans un contexte nord-américain et, dans votre cas,
il ne semble pas que l'on veuille aider. Je sais qu'il y a des
municipalités qui ont avancé un principe qui était: oui,
mais il y a des municipalités qui malheureusement ne font rien;
incitons-les à faire des choses. Pour les municipalités qui,
elles, s'engagent, et s'engagent de façon éclatante, il faudrait
peut-être qu'il y ait une certaine prime au rendement. Là, quand
on regarde la non-indexation, la perte que vous avez, je vous avoue que c'est
inquiétant.
L'autre question que j'aimerais vous poser, celle-ci est plutôt
sur la nature de vos activités comme telles. J'ai pu voir une
expérience assez heureuse au niveau de fouilles archéologiques
cet été, où on invitait la population à participer
aux fouilles archéologiques, c'était une espèce
d'initiation, de participation. Donc, forcément ça a
procuré après une énorme sensibilisation à
l'archéologie. Est-ce que vous avez un programme similaire?
Mme Reid: Nous, on aura au printemps une sensibilisation par
notre salle d'exploration, c'est-à-dire que le visiteur pourra
expérimenter la phase d'analyse en laboratoire. Par contre, sur le
terrain, pour l'instant, on n'y a pas encore touché, parce que le
matériel préhistorique est beaucoup plus difficile à
identifier que le matériel historique. C'est-à-dire qu'entre un
éclat provenant d'une pierre et, par exemple, une monture de lunettes,
il y a une différence, ou un morceau de céramique glacée
par rapport à un morceau de poterie, le fond d'un morceau de poterie
brûlé, c'est difficile à identifier. Donc, avec les
archéologues, pour l'instant on a choisi de "prioriser" le secteur
d'analyse en laboratoire plutôt que de sensibilisation sur le terrain.
Par contre, on a de mai à août des archéologues qui
fouillent devant le public, c'est-à-dire que le visiteur va directement
au chantier de fouilles et discute avec l'archéologue pour en savoir
davantage sur sa technique, tout ça, mais, par contre, il ne peut pas
fouiller lui-même.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. M. le député de Mercier, vous vouliez la
parole? Alors, vous l'avez.
M. Godin: Vous lisez dans mon esprit, mon cher
président.
Le Président (M. Gobé): Votre collègue, le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques vous cède une partie
du temps imparti.
M. Godin: M. Charette, quand vous nous avez
énuméré les millions qui vous volent dans la tête
quand vous rêvez à transformer ce parc archéologique en un
terrain subdivisé en lots, je vous avoue que ça me semble une
pensée sacrilège.
M. Charette: Oui. C'est sûr que, nous aussi, on est pour la
culture. Si on pense économique, c'est sûr que c'est beaucoup plus
rentable d'aller avec des bungalows. Mais le conseil et la population de
Melocheville sont d'accord avec la culture. C'était seulement à
titre d'exemple pour vous montrer l'apport, la contribution qui est faite par
la municipalité. Parce qu'il y a quand même, qu'on le veuille ou
non, un manque à gagner. C'est très bien, la culture; tout le
monde est d'accord avec la culture. Mais il faut aussi voir les coûts que
ça implique, surtout quand on parle d'une petite
municipalité.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous
terminé?
M. Godin: Les coûts, M. le trésorier, c'est
certainement de votre poste de trésorier que viennent ces
pensées, ces péchés mortels.
M. Boulerice: Non, ce n'était pas leur intention,
Gérald.
M. Godin: Non, mais je veux dire: II a fait une étude dans
sa tête, j'imagine, ou peut-être même sur papier pour savoir
combien ça rapporterait, la subdivision en lots et l'érection de
bungalows. C'est un parc avec de l'archéologie indienne, si je comprends
bien. À ma courte honte, je ne connais pas votre Parc
archéologique de la Pointe du Buisson. Je pense qu'il y a un
défaut de publicité dans votre parc parce qu'il est
étonnant qu'on en sache si peu en dehors du comté de mon
collègue Marcil, de Salaberry-Soulanges.
M. Charette: On en revient toujours à la question du
montant de fonctionnement. Si on n'a pas de budget de fonctionnement, c'est
très difficile de faire de la publicité. Le premier
endroit où on coupe, quand on doit couper, c'est la
publicité. C'est sûr qu'on ne peut pas couper sur le personnel.
Donc, invariablement, plus les budgets vont descendre, plus la publicité
va descendre et probablement aussi fa fréquentation du parc.
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Oui. Une dernière
question, M. le député.
M. Godin: Oui, une dernière, mais, enfin, ne me poussez
pas trop dans le coin parce que je n'aime pas ça. Il y a une revue
américaine, qui s'appelle Archeology, que sûrement l'un ou
l'une d'entre eux connaît, dans laquelle revue il y a des annonces de
parcs archéologiques américains. Récemment, justement, il
y a eu aux États-Unis une grande campagne pour sauver un parc
archéologique où les Américains allaient chaque week-end,
chaque fin de semaine, faire de l'archéologie, je dirais, profane ou
populaire. Il y avait des centaines de gens qui allaient faire de
l'archéologie dans ce parc-là.
À un moment donné, l'État américain a eu la
même pensée sacrilège que la vôtre, M. le
trésorier. Ils ont dit: On va laisser l'exploitation
pétrolière entrer là. Il y a eu des manifestations
jusqu'à la Maison-Blanche, Mme la présidente du Parc, Mme Reid
plutôt. En fin de compte, la décision a été
renversée; il n'y aurait point d'exploitation pétrolière
sur ce terrain-là parce qu'on préférait que les
Américains s'initient eux-mêmes à l'archéologie et
apprennent ainsi à préserver ce qui peut se trouver dans leur
sous-sol national. Ils ont estimé qu'à long terme c'était
un meilleur choix que de laisser le pétrole être exploité,
comme ils vont le faire, mettons, en Alaska. Ils vont ouvrir de grands champs
de neige de Prudhoe Bay pour se rassurer par rapport à des guerres
éventuelles dans le Golfe, d'où vient, actuellement, la majeure
partie du pétrole que les Américains consomment. Tout ça,
c'est la revue Archeology qui m'a appris ça. J'ai vu dans cette
revue-là des placards publicitaires, justement, de ces parcs
archéologiques américains et du Nouveau-Mexique. Je n'ai vu,
malheureusement - j'aurais peut-être appris, si je l'eusse vu,
l'existence du Parc de chez vous - aucune mention de l'existence, au
Québec, à quelques minutes de Montréal en fin de compte,
d'un tel parc.
Mme Reid: Je peux vous dire que, dans le National Geographic
du mois de novembre, ils ont incorporé une carte de lieux et sites
archéologiques dans laquelle on mentionnait Melocheville, la Pointe du
Buisson, ainsi que son centre d'interprétation.
Pour ce qui est des calculs de M. Charette, c'est évident que la
ville, si elle a choisi, en 1985, de transformer son site en parc
archéolo- gique auquel elle contribue activement depuis cinq ans, ce
n'est absolument pas pour en faire un développement domiciliaire. C'est
pour faire comprendre, c'est pour expliquer que, quand on parle d'une
contribution d'une municipalité à la culture, c'est souvent plus
qu'un chiffre qu'on avance en disant 27 500 $, ça va plus loin. C'est
également pour faire comprendre qu'on a besoin d'avoir un support pour
continuer une action aussi importante qui est la sensibilisation à
l'archéologie, parce qu'un site comme la Pointe du Buisson, c'est 66
arpents, avec deux bâtiments, un laboratoire, des salles d'exposition et
que les coûts pour opérer un centre comme ça, c'est
dispendieux. Alors, la ville peut faire ce qu'elle est en mesure de faire,
mais, à un moment donné, ses citoyens ont aussi des
priorités qui ne sont pas toujours... Même si un espace vert et de
la culture qui conserve des vestiges préhistoriques sont
intéressants, ils ont également d'autres obligations.
Alors, la ville de Melocheville n'a pas l'idée de vendre ces
terrains, mais c'est pour vous expliquer que sa contribution n'est pas
simplement de 27 500 $, mais qu'elle est la aussi par d'autres... D'ailleurs,
juste en choisissant de transformer son site en parc archéologique,
c'était une contribution énorme à la culture.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député. Le temps est maintenant écoulé.
M. Godin: J'aimerais savoir combien de touristes chaque
année vont à votre parc.
Mme Reid: C'était 20 000; maintenant, depuis la crise
autochtone, c'est 15 000. Alors, là, on veut faire de la promotion,
mais, avant de faire de la promotion, on va devoir avoir des fonds pour pouvoir
justement faire une promotion pour d'abord informer les gens qu'on existe et
aussi panser les blessures qu'il y a parce que Melocheville est située
entre Saint-Régis, Kah-nawake et en face d'Oka. Alors, on est vraiment
dans le secteur qui a été bloqué par la crise autochtone
et, quand on parle à des gens de Châteauguay de venir voir un site
préhistorique autochtone, ce n'est pas aussi facile que c'était
en 1986.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député.
M. Godin: Ça répond à toutes mes questions,
M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je suis
désolé, M. le député, le temps est maintenant
dépassé. Je suis vraiment désolé, mais on doit
maintenant conclure. Mme la ministre, un mot de remerciement?
Mme Frulla-Hébert: Pour ça, je vais passer
la parole... Un gros merci d'être ici.
Le Président (M. Gobé): Vous allez passer la parole
à...
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je vais laisser
la parole au député.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député de Salaberry-Soulanges, comme c'est un peu de tradition,
quand on a un député de région qui vient voir un de ses
groupes, on lui laisse dire le dernier mot. C'est votre tour maintenant.
M. Marcil: J'aurais aimé, M. le Président, qu'on
permette encore au député de poser au moins une dernière
question, du moins en guise de conclusion. Je tiens à remercier les gens
de Melocheville qui font un travail extraordinaire, plus
particulièrement Mme Reid, et ajouter quelques informations aussi. Le
problème, c'est un problème au niveau du budget de
fonctionnement. Mais on reçoit également certaines subventions;
on a reçu dernièrement une subvention de 35 000 $ de
l'Enseignement supérieur pour la mise en place d'un laboratoire. On
reçoit également une subvention de tout près de 10 000 $
pour permettre un système de signalisation sur les routes pour pouvoir
bien identifier le site. Moi, je me propose également de m'asseoir avec
eux pour essayer de voir... Au niveau du ministère du Tourisme, il
existe des programmes de promotion touristique à l'extérieur du
Québec et ces programmes, ça vaudrait la peine de les exploiter.
Merci beaucoup et félicitations pour votre merveilleux travail!
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Salaberry-Soulanges. Merci, mesdames et messieurs. Il
m'a fait plaisir de vous accueillir ici. Ceci met fin à votre audition.
Sans plus tarder, je vais appeler les représentants du groupe suivant,
soit les représentants de la MRC de Memphrémagog. Je leur
demanderais de bien vouloir se présenter en avant sans plus tarder.
Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien reprendre votre place,
nous allons maintenant recommencer nos travaux. Il me fait plaisir d'accueillir
les représentants de la MRC de Memphrémagog. Je vois que nous
avons à côté de nous, qui s'est joint à nous, le
député d'Or-ford. Bonjour, M. le député. Il me fait
plaisir de vous accueillir à cette commission. On sait que c'est un
groupe de votre région qui est là et c'est pour cette raison que
vous êtes avec nous. Alors, en vertu de l'article 132, je pense qu'il
n'est point nécessaire de redemander le consentement. C'est
généralement accordé avec gracieuseté par tous les
membres de cette commission pour tous les députés qui viennent
voir un de leurs groupes. Alors, je vous demanderais maintenant, sans plus
tarder, de bien vouloir vous présenter et commencer votre
exposé.
MRC de Memphrémagog
M. Petitclerc (Raoul): M. le Président, Mme la ministre,
messieurs et madame, j'aimerais vous présenter ici mes collègues:
Paul-René Gilbert, maire de la ville de Magog; Jacques Oelorme, maire du
canton d'Orford; Pierre Riverin, maire du canton de Stukely. (16 h 45)
Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs, ou
bonsoir. Vous pouvez commencer maintenant votre présentation.
M. Petitclerc: En février 1988, entrait en vigueur le
schéma d'aménagement de la MRC de Memphrémagog par lequel
notre région se dotait d'un document d'orientation et de planification
du développement de son territoire. Au cours de l'élaboration de
ce schéma, la MRC avait reconnu l'importance de préciser le
portrait culturel régional. Ce portrait fit ressortir certains constats
qui ont fait l'objet de recommandations précises au schéma
d'aménagement. En 1988, la MRC de Memphrémagog confirmait donc sa
préoccupation et formulait des recommandations visant à doter
notre région d'un véritable plan de développement
culturel.
Cette affirmation régionale vis-à-vis le
développement culturel a suscité, de la part de certains
élus municipaux, un intérêt accru pour ce volet de
l'activité régionale. Plusieurs maires souhaitèrent la
formation d'un comité culturel qui aurait pour mandat de promouvoir le
développement de la vie culturelle régionale, d'aider à la
coordination d'activités, d'encourager la communication à
même le milieu culturel et, finalement, d'aider à la diffusion et
à la promotion de la vie culturelle en région. Ce comité
fut mis en place en mars 1989. Dès sa formation, le comité s'est
attelé à la tâche en reprenant les recommandations du
schéma d'aménagement. On précisa davantage le portrait
culturel régional, on effectua une réflexion en profondeur du
devenir culturel régional et on confirma le tout par
l'élaboration d'un plan de développement culturel
déposé officiellement en mai 1991.
Aujourd'hui, ce comité attaque la mise en oeuvre du plan avec
enthousiasme et conviction. Jusqu'à ce jour, le comité croit que
la démarche réalisée est saine et souhaitable puisqu'elle
a réussi à rallier les intérêts du milieu, à
favoriser la concertation, à impliquer les municipalités et,
finalement, à harmoniser le développement culturel
régional.
Aujourd'hui, nous prenons connaissance du rapport Arpin. Les
orientations proposées, les principes invoqués et les moyens
présentés sont loin de satisfaire notre comité. Au
contraire, ce rapport tend à refroidir drôlement l'ardeur du
comité qui voit ainsi ses orientations s'inscrire à
contre-courant de la proposition de politique. Le comité perçoit
donc cette proposition comme un danger à notre développement
régional. Bien sûr,
certains éléments de la proposition constituent des points
positifs et il importe de les souligner au même titre que les points
jugés négatifs.
Dans son objectif d'accroître l'efficacité du gouvernement,
la proposition de décentralisation des services du ministère vers
les régions est saluée. Nous avons expérimenté le
dialogue avec la direction régionale et croyons qu'il s'agit de
l'approche la plus efficace. L'utilisation de services encore
centralisés impose une lourdeur et une longueur administratives loin
d'être essentielles et on gagnera en efficacité par la
décentralisation. L'amorce d'un dialogue sera d'autant plus facile qu'il
y aura réduction des intermédiaires. Ce dialogue, lié
à "la connaissance de l'action sur le terrain des fonctionnaires
régionaux", ne pourra qu'être positif, à notre avis.
Il est tout à fait vrai que le développement culturel des
enfants constituera la culture de demain. L'éducation actuelle ne laisse
pas assez de place à la culture et cet aspect doit être
amélioré. Certains efforts ont été
réalisés en éducation, mais il en faut davantage pour
permettre à nos générations futures de développer
la culture. Qu'il s'agisse de patrimoine, d'arts visuels, d'architecture,
d'arts d'interprétation, il est évident que l'éducation
scolaire peut faire davantage pour donner une base de connaissances qui
suscitera l'intérêt des jeunes. Il est aussi vrai qu'il ne faut
pas donner toute la responsabilité au milieu scolaire. La proposition en
ce sens est appréciable et fondée.
La recommandation 100 du rapport veut inciter les municipalités
à s'engager davantage dans le soutien aux arts et à la culture.
En général, nous sommes d'accord avec cette recommandation et les
comparaisons avec d'autres pays et le reste du Canada démontrent bien
qu'il y a des efforts à faire de ce côté. Jusqu'à
récemment et dans la majorité des municipalités, la part
culturelle accordée dans les budgets était quasi nulle ou
carrément absente. Cependant, cette situation tend à changer et
il y a lieu de poursuivre cet effort.
Le soutien à la culture par le citoyen représente un atout
non négociable qui, par la recommandation 102, serait réalisable
et fort probablement efficace.
Les aspects critiqués de la proposition. La définition
d'organisme culturel présentée dans la proposition est choquante
et lourde de conséquences, à notre avis. Le fait de ne
considérer que les organismes professionnels, tel que le sous-tend la
définition, laisse croire que la politique culturelle s'adresse
exclusivement à ce type d'organismes et qu'elle laissera en plan tout le
secteur à but non lucratif dont font partie la plupart des groupes et
activités qui s'activent dans les régions. Implicitement, en plus
de vouloir remettre aux municipalités la responsabilité des
organismes et équipements à caractère régional et
local, elles devront composer avec tout ce qui est non professionnel.
La détermination des trois pôles, dont un englobera toute
la province sauf Montréal et Québec, démontre une
piètre opinion de l'activité culturelle des régions et une
faible reconnaissance de ces mêmes régions qui ont toute leur
propre authenticité et méritent d'être maintenues. Depuis
l'avènement de la loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, les
municipalités régionales de comté ont été
créées selon le sentiment d'appartenance des citoyens en vue d'en
faire un véritable intervenant régional. Depuis ce temps, les MRC
se sont acharnées à se faire reconnaître par les
différents ministères. Elles méritent d'être
également maintenues et reconnues par le ministère des Affaires
culturelles. Que l'on donne à l'un ou à l'autre une
spécificité particulière est tout à fait possible.
Mais que l'on accorde à Montréal et Québec tous les atouts
et que l'on fasse de l'ensemble régional un lieu d'accueil de ce qui se
fait dans les deux autres pôles va tout simplement détruire le
dynamisme des régions qui ont maintes fois initié des projets ou
talents aujourd'hui reconnus.
Dans sa proposition, le groupe-conseii a clairement indiqué son
intention de faire de l'ensemble régional (auquel nous nous objectons)
un lieu d'accueil à la création qui se développe dans les
deux pôles urbains. Qui plus est, on veut également donner au
gouvernement la responsabilité des équipements à
caractère national qui pourraient être localisés dans
l'ensemble régional. Toujours dans la même tangente, c'est le
ministère, avec les organismes professionnels, qui établira
l'admissibilité au financement gouvernemental.
Finalement, les municipalités devront composer avec le reste et
tenter tant bien que mal d'assurer la survie d'une certaine vie culturelle
intrinsèque qui n'intéressera plus le ministère et qui
n'aura aucune chance d'atteindre les standards de Montréal ou
Québec. On va rafistoler et consolider les équipements
nécessaires à l'accueil de la culture métropolitaine, on
va intéresser les jeunes à la culture et on les Invitera à
compléter leur recherche ou leur désir de créer à
Montréal ou à Québec, ou à l'étranger. La
première impression que nous avons ressentie s'appelle indignation. Nous
désapprouvons totalement cette approche.
La nouvelle politique viserait à accentuer le rôle des
municipalités en ce qui a trait à la culture et aux arts. Nous
l'avons mentionné, nous sommes d'accord à ce que les
municipalités s'impliquent davantage.
Le rapport laisse entendre, à la recommandation 78, son souci de
ne pas donner une impression de délestage de la part du gouvernement.
Pourtant, dans son contenu, la proposition confirme un délestage
évident, selon nous. On remet aux municipalités les
responsabilités de financement de tout ce qui n'est pas profession-
nel et de tout ce qui est professionnel, mais qui n'atteint pas le seuil
établi par le ministère. Toutes ces propositions sont faites
unilatéralement et sont proposées sans concertation avec le
milieu municipal. Il est facile de remettre dans la cour du voisin lorsque ce
dernier est absent. Il est cependant beaucoup plus souhaitable, en vue de
maximiser l'efficacité d'un projet, de l'élaborer en concertation
avec toutes les parties concernées.
Voilà l'essentiel de nos impressions sur cette proposition. Nous
nous sommes tracé, en tant que région, un plan culturel à
réaliser auquel nous croyons et qui permet aux municipalités de
s'impliquer progressivement à l'action culturelle. Cette
démarche, nous la recommandons, mais elle exige une étroite
collaboration avec les intervenants et le ministère. Nous pensons que la
proposition nuira grandement à notre projet. Nous croyons que le
rôle accordé aux réglons et aux municipalités est
Inadéquat et contesté.
À défaut de présenter des propositions
concertées avec les parties concernées, nous doutons fortement
que cette politique, si elle ne change pas, puisse atteindre les objectifs
visés. Nous croyons que le monde municipal et régional est
prêt à collaborer, qu'il est prêt à mettre
l'épaule à la roue, dans la mesure où il est
consulté et écouté. La loi 145 a laissé un
goût amer et une extrême méfiance du monde municipal envers
les visées du gouvernement provincial. Le rapport Arpin ne dissipe en
rien cette impression et nous ne voulons pas croire que le ministère des
Affaires culturelles veuille s'inspirer des mêmes méthodes envers
le monde municipal.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Je
vais maintenant demander à Mme la ministre des Affaires culturelles de
bien vouloir prendre la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Petit-clerc. MM. les
maires, je vais répondre tout de suite à votre dernière
affirmation. Vous savez, le ministère des Affaires culturelles, qui est
le plus décentralisé au gouvernement, a toujours travaillé
en étroite collaboration avec les municipalités et ce partenariat
a fait en sorte que nous avons développé un réseau de
bibliothèques. Même s'il n'est pas parfait, je pense qu'on peut
quand même en être fier, considérant d'où nous
partions il y a 15 ans. On prouve qu'avec le partenariat, d'ailleurs, on peut
faire de grandes choses. Croyez-moi, ce partenariat-là va continuer. Il
n'est pas question de délestage, au contraire, mais tout simplement de
voir ensemble ce qu'on peut faire de plus.
Maintenant, aussi au niveau des régions, la définition que
nous privilégions et qui semble faire consensus, c'est beaucoup plus 16
régions distinctes et interactives, avec, évidemment, une
métropole et une capitale; ça, on n'en sort pas, c'est là.
Mais ce sont 16 régions distinctes et interactives qui contribuent
énormément aussi à tout l'apport à la vie
culturelle du Québec. Alors, ça aussi, ça semble faire
consensus un peu partout, à la commission parlementaire et chez les
différents groupes, et on y croit fermement.
Ceci dit, M. le Président, comme on a la chance d'avoir le
député avec nous, si vous permettez, je vais lui passer la
parole.
Le Président (M. Gobé): Vous ne pouvez pas la lui
passer.
Mme Frulla-Hébert: Enfin, je vous demande-Le
Président (M. Gobé): Vous pouvez demander qu'on la lui
passe.
Mme Frulla-Hébert: ...M. le Président qu'on lui
passe la parole.
Le Président (M. Gobé): Car les droits de la
présidence seraient là usurpés et je crois qu'il y aurait
des plaintes de la part des membres. Oui, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: En vertu du principe qu'il y a également
deux autres députés de cette commission, qui sont très
Impliqués dans l'Estrie, M. le député de Mercier et M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à Graniteville.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Shefford, vous n'êtes pas loin de là non plus.
M. Paré: Juste à côté.
Le Président (M. Gobé): Ça veut dire qu'on a
donc quatre députés, plus la ministre, ça fait cinq. Mme
la députée de Châteauguay?
Mme Cardinal: Non, je vais attendre.
Le Président (M. Gobé): Non, un peu moins?
L'ensemble des députés aime l'Estrie, d'après ce que je
peux voir. Alors, c'est là une très bonne chose. M. le
député d'Orford, ceci étant dit, vous avez la parole.
M. Benoit: M. le Président, merci. Je viens de rajouter un
nouvel électeur de Graniteville, que je ne connaissais pas. Je le salue.
Je connaissais les autres, mais je ne connaissais pas ce nouveau
résident de Graniteville...
M. Boulerice: "Estivalier" seulement.
M. Benoit: ...qui est une belle municipalité. Les routes
n'étaient pas très bonnes, d'ailleurs, dans cette
région-là, au printemps.
Alors, je voudrais saluer, moi aussi, M.
Petitclerc qui est de la commission culturelle de la MRC, qui est un
pédagogue et un échevin d'Austin. Les trois autres personnes sont
des maires. M. Gilbert est un artiste peintre dans ses temps libres. Jacques
Delorme est un architecte de grande réputation non seulement chez nous,
mais beaucoup plus largement que ça. Et Pierre Riverin, qui est connu
par sa galerie d'art contemporain, est aussi maire d'une ville de la MRC. C'est
une des grandes galeries d'art contemporain en Amérique. Je tiens aussi
à souligner la réalisation, Mme la ministre, d'une oeuvre, d'un
bouquin qui a été fait par la MRC récemment sur les
réalisations et les beautés de notre patrimoine dans la MRC, un
magnifique bouquin. (17 heures)
Je voudrais rappeler aux gens qui sont ici aujourd'hui que notre MRC a
une longue tradition culturelle. Ne pensez qu'au Camp des jeunesses musicales
où vous avez eu le plaisir d'être présente il y a quelque
temps. Les écrivains, ça va aussi loin qu'Alfred Desrochers, un
des grands poètes du Québec. Les peintres, nous avons Normand
Hudon et une multitude d'autres. Je rappellerai le Symposium de peinture qui a
eu un succès absolument extraordinaire cette année. On a une des
grandes galeries d'art naïf de l'Amérique à North Hatley,
que le député connaît sûrement, et cette galerie
d'art contemporain, sans oublier les autres. Au niveau de la musique, on a le
Quatuor Orford qui a maintenant une réputation mondiale. Le
Théâtre de Marjolaine, le théâtre le Piggery, des
institutions qui ont dépassé les barrières, bien entendu,
de notre MRC et nous en sommes très fiers.
Messieurs, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai lu votre
mémoire et j'aimerais peut-être aller un peu plus en profondeur.
Vous nous parlez d'un plan de développement culturel. Pourriez-vous nous
indiquer les grandes lignes, d'abord, de ce plan de développement
culturel? Et j'aimerais connaître, après la liste que je viens de
faire, quels sont les effets économiques - on sait que des villes comme
Boston, New York ont eu des regains grâce à la culture - de la
culture dans notre patelin, à Magog, à Eastman, à North
Hatley. Est-ce qu'on est capable de quantifier ça à ce
point-ci?
M. Petitclerc: D'abord, peut-être pour parler de nos
objectifs majeurs, c'est sûr que, dans une région comme la
nôtre, le respect des initiatives culturelles ou patrimoniales qui
proviennent du milieu, ça, c'est bien important. Et puis, un autre
aspect aussi, c'est dans nos objectifs de créer les conditions
fondamentales à l'émergence d'un sentiment d'appartenance. Et
puis, tout ça, ça donnera un peu des résultats. C'est une
région touristique et on est intéressés à amener un
bon menu à nos touristes qui viennent nous visiter. Alors, quand on a de
la qualité, on attire aussi la qualité. Alors, c'est un peu dans
ce sens-là qu'on était préoccupés par cette
définition.
Et il y a l'autre aspect aussi. C'est que dans notre milieu on a des
permanents et des saisonniers. Et il y a tout l'autre aspect de gens qui sont
en permanence dans notre région et la qualité de vie,
l'accès à la vie culturelle, c'est important pour eux autres.
C'est un peu dans ce sens-là aussi qu'on a parlé dans notre
développement de politique culturelle de ces deux aspects-là.
M. Benoit: Est-ce que le développement de votre MRC passe
par le monde culturel? Est-ce que c'est important comme axe de
développement? M. le maire me parle souvent du monde touristique, du
monde industriel. Est-ce que le monde culturel est un monde qui aura des
répercussions importantes dans votre MRC?
M. Gilbert (Paul-René): M. Benoit, je dois vous dire une
chose, c'est que la région de la MRC de Memphrémagog, si nous
allons dans le passé et regardons l'histoire de cette région
depuis de nombreuses années, a toujours été dotée
d'équipements culturels très importants. Lorsqu'on veut comparer
les activités culturelles et les équipements que nous avons dans
notre région, ça ne peut pas faire autrement qu'avoir eu un
impact sur l'attrait que créent ces activités et ces
équipements. On n'a qu'à prendre le Centre d'arts Orford qui,
depuis plus de 30 ans, a une réputation qui dépasse de beaucoup
le Québec et le Canada, et nous avons d'autres équipements ou
d'autres activités, tels les théâtres d'été.
On une autre activité qui prend beaucoup d'ampleur au Québec au
point de vue commercial, si on veut prendre le culturel commercial comme le
Vieux Clocher à Magog. Nous avons une diversité
d'activités et de choix, un menu culturel qui est très
intéressant et qui est très attirant, je crois, comme
réputation et comme attrait touristique. On emploie le mot
"touristique", mais c'est attirer les gens dans la région.
M. Benoit: Je voudrais revenir au développement culturel,
M. Petitclerc, dans ses grandes lignes. Au moment où vous avez fait ce
travail-là, dans son élaboration, est-ce que vous avez
réussi à mettre toutes les municipalités finalement sur
l'ensemble du projet? Comment avez-vous procédé? Il y a plein
d'autres gens qui vous écoutent ou qui vont lire ce que vous dites ici.
On est un modèle; je m'exclus, je ne suis pas partie de votre travail,
mais je pense que vous êtes un modèle, finalement, au
Québec. Comment vous vous y êtes pris pour arriver à voir
tout ce beau monde là s'entendre sur un développement culturel et
sur un programme de développement culturel?
M. Petitclerc: C'est-à-dire que le programme
a été voté au niveau de la table de la MRC. Tous
les maires ont voté en faveur, mais, maintenant - c'est là qu'est
le travail en profondeur - on veut s'allier tous les conseils municipaux. Des
fois, il y a de petites contradictions; un maire peut-être voter pour une
politique à la MRC, mais c'est plus laborieux quand ça arrive au
niveau du conseil local. Alors, on est rendus à ce point-là. On
est rendus à cette étape-là. C'est sûr que notre
objectif, nous, c'est de voir les 23 municipalités accepter ce principe
de développement culturel dans la MRC. Je dois vous avouer que c'est un
travail qui est assez laborieux, qui est assez long.
M. Benoit: Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de penser qu'il
y aura un partage des coûts dans les équipements? Dans votre
vision des choses, jusqu'où on peut aller? Je sais qu'il y a de bonnes
rumeurs de symposium, par exemple, de sculpture qui pourrait être
à la grandeur de la MRC ou de la région. Est-ce qu'on peut penser
que l'ensemble des municipalités pourrait embarquer dans un partage de
coûts ou si c'est rêver en couleur?
M. Delorme (Jacques): En fait, un partage de coûts, on a
déjà commencé à faire l'expérience, l'an
dernier, avec une tournée de concerts dans certaines petites
municipalités de la région et les coûts ont
été partagés, en fait, même supportés
totalement dans certains cas par certaines municipalités. Dans d'autres
projets qu'on regarde à l'heure actuelle, il y a des
municipalités, c'est sûr, qui sont prêtes à
s'embarquer dans des projets au niveau de la MRC, mais, comme le disait M.
Petitclerc, même si le plan est adopté au niveau de la MRC, il y a
encore un travail en profondeur qui reste à faire auprès de
plusieurs municipalités. Par contre, il y en a certaines qui ont
déjà adopté le plan et qui fonctionnent là-dedans.
Mais il y a une volonté, en tout cas, de plusieurs des maires, au niveau
de la MRC, de s'impliquer carrément là-dedans. On est conscients
qu'une partie de l'argent doit venir des municipalités.
Maintenant, pour répondre à votre question, du
côté économique, que vous avez posée tout à
l'heure, il n'y a pas eu d'étude encore, chez nous, pour évaluer
ce que peut être l'impact au niveau économique de ce qui se fait
au niveau culturel dans la région. Il y a beaucoup de choses qui se
passent. Je peux donner un exemple: dans une petite municipalité comme
chez nous, où il y a 500 habitants, avec ce qu'on percevait au niveau
des taxes avec le Théâtre de Marjolaine, c'était presque
des fois 10 % du budget de la municipalité. Alors, c'est sûr que
ça nous permettait de faire des choses culturelles, ça. On va le
perdre éventuellement, il semblerait, mais c'est un impact.
M. Benoit: Dans votre mémoire, vous parlez du champ
d'intervention des municipalités en matière culturelle. Quel
devrait être, selon vous, ce champ d'intervention des
municipalités en matière culturelle? Je sais que vous faites une
distinction entre les professionnels et les moins professionnels.
Jusqu'où on doit aller là-dedans comme gouvernement? Ou
jusqu'où êtes-vous prêtes à aller, devrais-je dire,
les municipalités?
M. Riverin (Pierre): Là-dessus, Je peux dire que les
certaines municipalités sont prêtes à aller très
loin. Mon confrère vous a mentionné qu'actuellement il y a des
municipalités qui ont embarqué, d'emblée, dans le projet.
Pour la première manifestation qu'il y a eu l'an passé, avec une
tournée de concerts, six municipalités de la MRC y sont
allées d'emblée, y ont mis de l'argent, ont reçu les
activités qui étaient sous forme d'un concert. Ça a eu et
ça aura dans l'avenir certainement un effet d'entraînement
auprès des autres municipalités dont les conseils sont
peut-être un peu moins sensibilisés à l'aspect culturel ou
au développement culturel de la MRC. Ça, c'est ce qu'on
espère actuellement.
Le comité culturel de la MRC n'a pas un rôle
d'exécutant; il a un rôle de concertation pour faciliter les
échanges, pour faciliter ce volet-là. Aussitôt que les
maires se rendent compte que le volet culturel a un intérêt pour
la population, c'est évident que, d'emblée, ils vont embarquer et
d'emblée ils vont mettre l'argent nécessaire à la
réalisation des projets. Là-dessus, je peux vous dire que, dans
la MRC, il y a plusieurs municipalités qui ont une très forte
volonté de ce côté-là.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. MM. les maires, M. le conseiller municipal et
président du comité culturel, ma première question, tout
de suite, ça va être: Oui, vous représentez une
municipalité régionale de comté. Mais, là, je vois
que vous m'avez parlé, enfin vous nous avez parie... Entre
parenthèses, je m'excuse, notre collègue a malheureusement
oublié dans le domaine de la littérature, un eminent estrlen qui
est Mordecai Ritchler, mais qui est plutôt du style pamphlétaire,
ces derniers temps.
Ceci étant dit, vous m'avez parlé d'un comité
culturel. À date, je n'ai pas entendu beaucoup de MRC me dire qu'elles
avaient un comité culturel. Je ne vous en fais pas le reproche, au
contraire.
M. Deiorme: On est effectivement la première MRC à
avoir un comité culturel, comité culturel qui n'est pas
formé uniquement de maires; il y a des gens qui viennent du milieu aussi
et il faut dire qu'on a eu la collaboration aussi des gens du ministère
au niveau régional. Mais on est la seule MRC présentement qui a
un
plan de développement culturel.
M. Bouler/ce: Bien, alors, au départ, moi, je vous en
félicite. Je suis vraiment très heureux d'apprendre cela. J'ose
espérer - comme disait notre collègue, vous allez être
entendus et lus - que ce soit incitatif à ce niveau-là et que les
MRC se donnent la même implication que vous avez.
Forcément, vous venez d'une région, une vaste
région avec sa densité de population qui est n'est quand
même pas négligeable. L'Estrie, c'est quand même assez
populeux. Depuis 1985, il va de sol que le discours du ministère face
aux conseils régionaux de la culture n'a pas été le plus
motivant pour les conseils régionaux de la culture. Il est
inévitable qu'à un moment donné certains ont
peut-être pu décoder que régions, ça n'avait pas
tellement d'importance; d'où une écriture passablement
déficiente du rapport Arpin quand il s'agit des régions comme
telles.
Quelle est la relation que vous avez, votre comité culturel,
l'instance politique dite de la municipalité régionale de
comté et votre conseil régional de la culture, celui de l'Estrie
que je connais très bien et qui est très actif, très
articulé?
M. Pet it clerc: Je dois vous dire que le conseil régional
de la culture en Estrie, par rapport à notre région - on est 23
autres municipalités, c'est un petit, peu plus loin que Sherbrooke -
quand on a élaboré notre politique de développement
culturel, c'est qu'on l'a fait plutôt avec la direction du
ministère des Affaires culturelles régional. Et même, je me
souviens, on s'était plaint à un moment donné; on se
demandait cet autre organisme qui était le conseil de la culture,
qu'est-ce qu'il faisait, c'était quoi sa mission et on s'est posé
la question à ce moment-là. Mais, par contre, on s'est pris en
main, on a eu le soutien du ministère des Affaires culturelles
régional et je pense qu'il y avait une volonté de la part du
milieu municipal pour pousser, élaborer notre plan culturel.
M. Boulerice: D'accord. Il n'était peut-être pas
présent au moment de l'élaboration de votre comité
culturel, mais est-ce qu'il y a eu un rapprochement, est-ce que vous avez
commencé à établir - le mot est à la mode, il est
peut-être galvaudé, mais quelquefois il est bien appliqué -
un partenariat avec eux?
M. Delorme: Écoutez, on a peut-être senti au
départ que le conseil culturel était peut-être un petit peu
loin de chez nous. Il n'y a pas eu, au cours de toutes les rencontres
nombreuses qui ont eu lieu pour bâtir ce plan de développement
là, de rencontre avec le conseil de la culture comme tel. En dernier,
toutefois, quand il y a eu les rencontres publiques, effectivement, le
président est venu faire ses recommandations. C'est à peu
près le seul contact qu'on a eu avec eux. On s'est pris en main, nous,
pour notre région et on a fonctionné sans trop s'occuper de ce
qui se passait à Sherbrooke.
M. Gilbert: J'aimerais rajouter un petit élément
aussi à ça. On sait qu'au niveau des régions on a le
conseil de la culture qui est régional, on a des tables des MRC et on a
un lot d'organisations régionales qui regroupent beaucoup plus que nos
MRC. Mais, lorsque vient le temps de parler de développement
économique et de plusieurs catégories de concertation ou de
développement, si on parle surtout de développement
économique, il semblera peut-être curieux que chez nous, au niveau
de la MRC, on favorise trois secteurs au niveau du développement
économique, qui sont le secteur industrie, le secteur touristique et, au
niveau de notre MRC dans notre développement, on a aussi un secteur
culturel. Ce sont trois secteurs très identifiés qui regroupent
les 23 municipalités de la MRC et qui doivent fonctionner en
collaboration.
Alors, le but du comité est aussi de regrouper les gens de notre
MRC à travailler ensemble dans tout le secteur développement,
tout en étant partie de ces organismes régionaux là qui
dépassent de beaucoup notre région immédiate. (17 h
15)
M. Boulerice: Que vous ayez identifié la culture comme un
secteur de développement à être "priorisé", pas
après les autres, mais en même temps que les autres, je ne peux
pas vous le reprocher, tout au contraire. Moi, je vais dans votre belle
région parce qu'il y a des belles montagnes, des lacs et des
rivières canadiennes-françaises et catholiques. Mais j'y vais
également parce que je sais que je vais trouver - là, je
m'adresse en particulier peut-être au maire de Magog - effectivement des
produits culturels, des manifestations culturelles qui m'intéressent.
Ça fait partie de ma motivation. Le lac est beau, il y va de soi, mais
le soir j'aime bien entendre... Il y a une petite boîte de jazz,
d'ailleurs, qui est extraordinaire; le théâtre, vous en avez fait
mention, il va de soi.
Lorsque vient le temps de parler des régions, c'est
inévitable, on a parlé beaucoup du délestage que le
ministre des Affaires municipales a fait dans les cours, le gravier est
tombé dans votre cour. Malheureusement, la poussière avec le vent
vient toujours vers la ministre à cause des actions de son
collègue. Mais les gens posent toujours la question en disant: Oui, on
est prêts à s'impliquer, mais on ne va pas s'impliquer si on n'a
quand même pas les sous pour le faire. Lorsque vient le temps de parler
des sous, la majorité des intervenants, qu'on a rencontrés et qui
vivent la même réalité que vous disent: Donnez-nous une
enveloppe, nous, en région, et nous sommes capables, en partenariat avec
tous les intervenants, de gérer cette enveloppe. Nous
avons suffisamment l'expertise de notre milieu pour le faire
nous-mêmes en toute autonomie, tout en respectant les grandes lignes
d'une politique nationale que vous votere2. C'est votre attitude
également? Quoi que vous ayez mis à "région" effectivement
une petite nuance et je vous comprends, M. le maire.
M. Gilbert: Regardez, moi, je vous ai embarqués dans un
nouvel élément lorsque j'ai mis culture dans développement
économique. Il est entendu que la culture fait partie de la
qualité de vie. Il y a un point, c'est qu'en région on a des
équipements déjà existants. Mais notre région est
une région assez âgée. Lorsque ce comité
régional a été formé, il a été
formé parce qu'on a réalisé et on constatait un manque
d'équipements qui auraient dû être en place. Exemple, ce
n'est pas un fleuron qu'on a à s'envoyer, mais on sait que la
bibliothèque de Magog n'a été municipalisée qu'en
1990. Alors, il est entendu qu'on était beaucoup en retard sur d'autres
régions. Et il y a d'autres projets à vocation culturelle, pour
la diffusion de la culture. Le but du comité a été de
diffuser la culture au niveau de la région et des 23
municipalités. Il est entendu que, pour coordonner ce
développement au niveau de notre propre région, au niveau des
échanges intermunicipaux, il y a un besoin d'équipements qui
devront être améliorés ou peut-être rajoutés.
Il est entendu que, si le ministère nous arrive avec une proposition
d'une enveloppe globale, je crois qu'on sera en mesure de la gérer.
Mais un petit élément peut-être très simple.
Le comité de la MRC existe depuis deux ans déjà. Je dois
vous dire que nous évaluons ça actuellement et nous
réalisons que les municipalités, pour leur fonctionnement de
l'élément culturel, nous avons procédé selon nos
propres moyens et avec nos propres deniers. Il est entendu que le
développement va amener peut-être un éclatement parce qu'on
est une région où on n'a pas de personnel qui est affecté
à la chose culturelle officiellement, mais on devra, avec
révolution qui se produit aujourd'hui, aller vers l'engagement
d'animateurs culturels, de gens spécialisés dans le domaine et,
à ce moment-là, on compte peut-être sur une collaboration
et une participation des gouvernements supérieurs.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, il reste à peine deux minutes au maximum.
M. Godin: Oui, comme d'habitude! Je ramasse les miettes, mais je
m'en satisfait, M. le Président. C'est pour ça...
Le Président (M. Doyon): Je n'y suis pour rien, M. le
député.
M. Godin: Non, non je sais que...
M. Boulerice: Job est allé au paradis.
M. Godin: ...que ce n'est pas de votre faute, M. le
Président. Vous devez passer les gens à mesure qu'ils
lèvent la main. Moi, qui habite North Hatley la moitié de
l'année, la belle saison en fait, ce qui me frappe en regardant notre
belle région qui inclut Magog et tout le reste, les 23
municipalités, c'est qu'il y a des manifestations de toutes sortes, de
tous ordres dans la région. Entre autres, il y a de l'abbaye
Saint-Benoît-du-Lac qui attire beaucoup de personnes. Il y a le Vieux
Moulin. J'aimerais poser une question sur le Vieux Moulin. Est-ce que la
municipalité aide au fonctionnement du Vieux Moulin
budgétairement ou autrement?
M. Gilbert: Je pense que le Vieux Moulin n'est peut-être
pas... C'est le Vieux Clocher.
M. Godin: Le Vieux Clocher, oui.
M. Gilbert: Le Vieux Clocher de Magog. L'année 1990, je
dois vous dire que c'est la première année où il y a une
participation de la municipalité, un budget d'encouragement au Vieux
Clocher. Mais ce n'était qu'un début. Ça continuera.
M. Godin: II y a aussi la traversée du lac
Memphrémagog, qui attire beaucoup, beaucoup de gens...
M. Gilbert: Oui.
M. Godin: ...et qui a sûrement des retombées
économiques multiples et diverses pour au moins la fin de semaine ou le
week-end où ça a lieu. Vous avez aussi le Festival du bison. Je
ne sais pas si ça existe encore.
M. Gilbert: Ça n'existe plus.
M. Godin: Le bison est mort de vieillesse.
M. Gilbert: Ce qui est intéressant, lorsque vous
mentionnez la traversée du lac Memphrémagog, qui est devenue un
événement touristique important au Québec, c'était
une activité qui était strictement sportive et de
compétition. Et, depuis les quatre dernières années, la
traversée du lac Memphrémagog a ajouté justement à
ses activités un volet culturel. L'an dernier, le comité culturel
de la ville de Magog a participé beaucoup à l'organisation
d'animation culturelle, en commençant par les enfants plus jeunes, par
des activités d'éducation, de participation du public. Encore
là, il y a une contribution municipale et aussi il y a beaucoup de
contributions gouvernementales.
Le Président (M. Doyon): Malheureusement, le temps est
écoulé. Un mot de remerciement.
M. Godin: M. le Président, si vous me permettez, suite
à la semaine du domaine de ski Montjoye, il y a eu un afflux de
touristes qui voulaient voir ce lieu-là. Ce qui me fait dire qu'au fond
le public était un peu naïf. Aussi bien, l'année
passée, 7000 personnes sont arrêtées à
Trois-Pistoles pour voir la cabane de Junior, un personnage de
"L'Héritage", aussi, ils ont été voir le manoir du centre
de ski Montjoye pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la
télévision, autrement que le bulletin de nouvelles.
Évidemment, on ne peut pas prévoir chaque année
qu'il y aura un lieu qui sera ainsi béni des dieux, mais ça me
frappe qu'il y a une multitude d'activités culturelles, de près
ou de loin dans la région, qui attestent - comment dire ça? - de
son côté fontaine de jouvence. Parmi les écrivains qui sont
dans votre coin, qui y vivent, au-delà d'Alfred Desrochers, il y a aussi
encore maintenant Hugh MacLennan, à moins que je me trompe. À
l'époque, il avait une très belle résidence à North
Hatley.
Il y avait aussi le théâtre le Piggery qui marche toujours
très bien. Chaque fois que j'y passe, moi, à l'heure du
théâtre, c'est plein de voitures dans le stationnement. Mais ce
qui me désole un peu, en tant que pêcheur sportif, c'est que le
lac Massawippi, lui, a été abandonné, a été
laissé en friche comme lieu de pêche depuis quelques
années, suite à la fermeture d'une entreprise de pourvoirie, qui
était celle de M. Reed, qui louait des chaloupes et des moteurs. Je
souhaitais que quelqu'un reparte l'entreprise parce qu'il y avait à
l'époque, chaque soir, à la tombée du soleil, des
pêcheurs qui allaient là et qui achetaient chez Reid, qui est
d'ailleurs l'oncle de Reed Scowen, un de nos anciens collègues...
Le Président (M. Doyon): M. le député, vous
allez être obligé d'abréger un peu. Pouvez-vous conclure,
s'il vous plaît?
M. Godin: J'abrège. Non seulement j'abrège, mais je
termine, M. le Président. On se reverra à North Hatley.
Le Président (M. Doyon): Merci. Malheureusement, le temps
manque. Je sais que tous ces propos sont fort intéressants. Tout
simplement, merci, M. le député, compte tenu qu'il ne reste plus
de temps.
M. Boulerice: Oui, merci, et je vous avoue que j'aurais
aimé poser une question au maire qui, de surcroît, est architecte.
Puisque l'Ordre des architectes a proposé une politique nationale
d'architecture, j'aurais aimé voir comment l'architecte réagit
compte tenu du fait qu'il est un élu. Mais on peut peut-être se
donner rendez-vous quand la belle saison va revenir sur les bords du lac ou en
haut de la montagne. Alors, je vous remercie beaucoup d'être...
M. Riverin: J'en serais fort heureux, M. le
député.
M. Boulerice: Fort heureux. Merveilleux! Alors, nous prenons
rendez-vous, M. le maire.
M. Riverin: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots
aussi.
Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je vous remercie.
D'ailleurs, on vous a beaucoup aidés à vous regrouper. Je pense
que c'est un exemple aussi à étendre dans plusieurs autres
municipalités et, M. le Président, je vais laisser la
parole...
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le
député.
M. Benoit: Messieurs de la MRC, merci d'être venus ici.
C'est un exemple à suivre au Québec, votre MRC, au niveau de la
culture, et je pense qu'on a fait avancer un peu la chose culturelle au
Québec par vos interventions ici, cet après-midi. Merci
infiniment.
Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la
commission, laissez-moi vous remercier et vous permettre de vous retirer pour
que vous puissiez céder la place aux gens qui vous suivent. Il y a
d'autres groupes qui sont prêts à nous entretenir.
M. Godin: Les archéologues.
Le Président (M. Doyon): Les archéologues.
L'Association des archéologues. J'invite l'Association des
archéologues à bien vouloir prendre place en avant.
Suspension.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 28)
Le Président (M. Doyon): Je les prie de bien vouloir
prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue au nom de la commission
et je les invite à se présenter pour les fins de la transcription
de nos discussions et, ensuite, à procéder à leurs propos
tout simplement pour 10, 15 minutes. Ensuite, les membres de la commission vont
s'entretenir avec eux. Vous avez la parole.
Association des archéologues du
Québec
Mme Duguay (Françoise): Bonjour, Mme la ministre, Mmes et
MM. les membres de cette commission. J'aimerais vous présenter mon
collègue, Jean-Yves Pintal, archéologue lui aussi, qui est le
représentant de l'Association des
archéologues auprès du Forum du patrimoine. Moi, je suis
la présidente de l'Association, Françoise Duguay.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Duguay: Je voudrais d'abord vous remercier de cette
invitation au nom de tous les membres de l'AAQ. Notre Association est un
organisme à but non lucratif, qui regroupe une grande part des
archéologues professionnels québécois. Ses objectifs sont
de veiller à la bonne gestion des ressources archéologiques, de
définir et de promouvoir une éthique professionnelle et des
standards de la pratique archéologique, d'étudier,
d'établir, de définir, de défendre et de développer
les intérêts professionnels et sociaux de ses membres,
d'entretenir des liens privilégiés avec la communauté
archéologique hors Québec et d'être un interlocuteur dans
l'élaboration des politiques archéologiques au Québec.
Les réalisations de l'AAQ vont toutes en ce sens, que ce soit
dans le cadre du colloque annuel, des cycles de conférences, des
publications ou d'une implication dans les dossiers qui concernent la gestion
des ressources archéologiques et les droits collectifs de ses
membres.
Il est nécessaire de souligner que notre présentation
portera essentiellement sur la situation de l'archéologie au
Québec et plus particulièrement au ministère des Affaires
culturelles puisque la dimension culturelle de l'archéologie est,
à toutes fins, absente de la politique proposée sur la culture et
les arts. On ne relève, en effet, dans le texte du rapport que de courts
passages qui se rapportent de loin à l'archéologie. "Le
patrimoine - et je cite - c'est également la culture au sens
ethnologique du terme avec les différentes manifestations de la
pensée et de l'agir des humains, les croyances, les légendes, les
coutumes, les vêtements, les mobiliers, les outils, et quoi encore,
considérés et retenus dans le patrimoine comme des témoins
de la vie quotidienne des différentes collectivités qui ont
habité notre terre à travers les siècles."
On retrouve dans ce même document que "le patrimoine culturel,
c'est aussi l'histoire au présent, que l'on voit devant soi, quand on
visite un site archéologique." On y pose même les questions
suivantes: "Pourquoi la mémoire des choses et des lieux? Pourquoi des
personnes consacrent-elles leur vie professionnelle à
l'archéologie?" Même si les deux premières citations ne le
laissent pas présager de prime abord, ces questions restent sans
réponse définie puisque le flot du propos se maintient presque
exclusivement au niveau des productions culturelles de type artistique.
Certaines des recommandations qui concernent le patrimoine culturel
pourraient avoir un impact positif en archéologie, mais
l'évacuation de la dimension archéologique est telle au sein de
la politique proposée qu'il nous est permis de douter de leur
applicabilité. L'archéologie est liée aux sciences
sociales par le fait qu'elle étudie les comportements humains à
travers les vestiges concrets qui demeurent de l'utilisation d'un lieu.
L'archéologie étudie les cultures dans le sens anthropologique du
terme à travers les vestiges concrets laissés sur place.
Étude de ces phénomènes qui, à titre de
phénomènes culturels, proviennent d'une transformation de leur
état naturel en état aménagé, que ce soit au niveau
des structures, des objets ou des écofacts, l'archéologie permet
de révéler des exemples concrets de notre passé culturel
qui, autrement, demeureraient dissimulés à nos yeux.
Au Québec, ce type d'études prend de l'ampleur dès
les années soixante, soit à partir du moment où
l'archéologie est vraiment encadrée sur une base
académique et par la création d'un service d'archéologie
au ministère des Affaires culturelles. La foi des biens culturels,
adoptée en 1972, permet de légaliser l'existence même de
l'archéologie en assurant le contrôle et la gestion des ressources
archéologiques. Ces dernières se devaient d'être
protégées étant donné leur caractère non
renouvelable et le fait qu'elles requièrent des méthodes de
protection spécifiques. On se doutera aisément que la gestion de
tels phénomènes est complexe et que des standards internationaux
ont dû être définis par des organismes comme l'UNESCO et
ICOMOS.
La nature particulière des méthodes d'acquisition des
données exige d'ailleurs que les activités archéologiques
se déroulent sous la direction d'archéologues professionnels dans
le but d'assurer leur enregistrement adéquat. Le statut professionnel
des archéologues est maintenant reconnu à cet égard. Il
demeure toutefois qu'il reste encore un long chemin à parcourir en ce
qui concerne l'acceptation des archéologues à titre de
professionnels de la culture. Il est donc nécessaire de confirmer le
statut des archéologues professionnels à titre d'intervenants
dans le domaine culturel et de prévoir leur présence à
toutes les étapes des projets archéologiques, tant sur le terrain
qu'en laboratoire, mais aussi dans le cadre de projets multidisciplinaires tels
que la mise en valeur des sites ou des objets archéologiques. Leur
apport dans l'élaboration des politiques culturelles offre aussi
l'avantage d'obtenir une vision élargie du patrimoine et de la
culture.
L'encadrement du travail des archéologues doit se faire par une
définition des mandats de chacun des intervenants, que ce soit au niveau
provincial ou régional. Le principe directeur du mandat du
ministère des Affaires culturelles en est déjà un de
protection, de conservation et de mise en valeur des ressources
archéologiques. Il s'agit donc d'un mandat global qui ne tient pas
compte des situations particulières.
Certains centres urbains tels que Montréal
et Québec ont su se doter de services d'archéologie
municipaux qui sont déjà à l'oeuvre dans le but
d'élaborer des politiques spécifiques à
l'archéologie. Malheureusement, pour sa part, le ministère des
Affaires culturelles ne poursuit toujours pas sur sa lancée de 1987 qui
avait vu naître une première phase d'élaboration d'une
politique patrimoniale nationale qui comportait un volet archéologique.
Cette situation pourrait perdurer car l'actuelle politique proposée de
la culture et des arts fait fi de ces premiers travaux en intégrant mal
l'archéologie et le patrimoine en général au milieu
culturel.
Une vision restreinte de la culture confinée au seul domaine
artistique est aujourd'hui dépassée car les notions de patrimoine
et de culture se sont beaucoup élargies et diversifiées au fil
des ans. De nombreux intervenants se sont adaptés à cette
situation, si l'on considère que des services d'archéologie sont
maintenant présents dans plusieurs organismes gouvernementaux
fédéraux comme le ministère de l'Environnement, celui des
Communications, ainsi qu'à la Société du Vieux-Port de
Montréal. On retrouve également des archéologues au sein
de quelques organismes paragouvernementaux comme HydroQuébec, ainsi que
d'autres types d'institutions tels les musées et les universités.
Certains organismes autochtones se sont aussi dotés
d'archéologues. Avataq, chez les Inuit, l'Administration
régionale crie et le Conseil Atti-kamek-Montagnais en sont des
exemples.
Le MAC s'est pourtant doté au fil des ans d'un personnel et
d'outils de gestion archéologique efficaces qui facilitent tant la
tâche des gestionnaires que celle des autres archéologues. Les
éléments de cette infrastructure comportent, entre autres, la
centralisation des données scientifiques, l'inventaire des sites, le
laboratoire d'archéologie, la réserve des collections, le centre
de conservation, ainsi que le système des permis. Ces services encadrent
les interventions archéologiques au Québec et permettent
d'accroître la qualité de nos activités. Ces acquis doivent
continuer à être reconnus et conservés pour maintenir les
standards actuels.
Plus encore, il nous apparaît primordial que le rôle du
ministère des Affaires culturelles se diversifie, et la politique de la
culture et des arts devrait en être le reflet. Cette dernière
devrait chercher à sensibiliser et à responsabiliser d'autres
ministères québécois. En effet, seul le ministère
des Transports dispose d'archéologues, mais le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche et ceux de l'Environnement et de
l'Énergie et des Ressources, pour ne citer que ceux-là, ont un
impact parfois important sur les ressources archéologiques dans le cadre
de leurs projets d'aménagement.
Les propositions contenues dans la politique proposée devraient
aussi viser à favoriser l'accès du public aux ressources
archéologiques et la diffusion de l'information. Pour ce faire, il
serait nécessaire de tisser des liens étroits avec les
ministères de l'Éducation et des Communications, ce qui
permettrait le rayonnement de l'information, entre autres, auprès de la
clientèle scolaire.
Les sites archéologiques sont aussi de puissants moteurs du
développement régional car ils sont aptes à servir de
points d'ancrage à l'élaboration d'une politique touristique
locale. Les fouilles archéologiques, tant dans un cadre de recherche
académique que dans celui dès firmes privées, ont toujours
eu l'heur d'intéresser la population en général. Ce n'est
donc pas seulement les sites et leurs composantes qui doivent être mis en
valeur, mais aussi le travail même des archéologues.
Le processus d'accessibilité à l'archéologie se
doit donc de développer une approche qui tient compte de ces facteurs en
favorisant la participation du public aux projets archéologiques qui s'y
prêtent. Cette optique prend d'autant plus de sens lorsque l'on
considère non seulement l'archéologie des peuples
euroquébécois ou ceux d'autres provenances, mais aussi celle des
nations autochtones.
La diffusion de certains types d'archéologie est
déjà amorcée dans le cadre de quelques expositions et de
projets de mise en valeur. Mais une exposition permanente sur l'histoire des
autochtones n'existe toujours pas, au même titre que leur histoire est
évacuée des manuels scolaires. Les données
archéologiques recouvrées au fil des ans pourraient maintenant
être utilisées de façon à compléter la
documentation disponible. Cette forme de diffusion pourrait se faire à
partir d'une institution muséologique indépendante ou
s'incorporer à une institution déjà existante.
Les commentaires soumis à votre attention soulignent le manque
d'intégration de la dimension archéologique au sein du milieu
culturel québécois. Cette absence semble découler d'une
vision restreinte de la culture parce que réduite au seul sens que lui
confère son association aux productions artistiques.
L'élargissement de la notion de culture aurait pour conséquence
de mieux intégrer l'archéologie et le patrimoine en
général au domaine culturel. Nous espérons que la vision
particulière des archéologues en matière de culture sera
prise en considération lors de la version finale de la politique de la
culture, et des arts et c'est avec plaisir que l'AAQ s'impliquerait par la
suite dans l'élaboration d'une future politique du patrimoine et de son
volet archéologique qui, nous le souhaitons, prendra forme d'ici peu. Je
vous remercie de l'intérêt que vous démontrez aux questions
patrimoniales et plus spécifiquement à celles qui touchent
l'archéologie québécoise.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Duguay. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
Mme Duguay, M. Pintal, au niveau de la politique du patrimoine, elle est
là, elle est prête. Il fallait passer au travers justement cet
exercice, ne serait-ce que ça, pour justement voir qu'est-ce qui manque
et donc votre suggestion de nous aider à améliorer le volet
archéologie est acceptée d'emblée. Je veux vous dire
aussi... Vous avez vu l'historique du ministère et, de part et d'autre,
je pense, on est convaincus que l'archéologie, c'est une partie
intégrante de notre culture, évidemment, et aussi de notre
histoire, au même titre que les musées, au même titre que
les biens culturels et le patrimoine.
J'aimerais quand même vous demander quelques questions. Vous
déplorez qu'au niveau régional les interventions soient
très inégales d'une région à l'autre. Vous dites
aussi que certaines régions sont laissées pour compte dans le
domaine de l'archéologie et que le ministère devrait
démontrer plus de dynamisme pour une intervention qui serait convenable
en région. D'après vous, quelle serait justement cette
intervention convenable du MAC en région?
M. Pintal (Jean-Yves): Si on parle région par
région, ça serait un petit peu compliqué. Parlons
de...
Mme Frulla-Hébert: Mais dans l'ensemble? Parce qu'il y a
des régions qui sont très actives, on le sait, on s'implique,
bon, et il y a d'autres régions où c'est difficile, les
municipalités y croient moins. On a vu d'ailleurs qu'à Pointe du
Buisson ils y croient.
M. Pintal: Oui. Ça nous prendrait un projet d'envergure
nationale à ce moment-là, parce que l'archéologie, on a
beau dire qu'en région, effectivement, ça amène un
développement régional, mais si on a un projet national, par
exemple, de quand date le peuplement initial du Québec par les
autochtones, à ce moment-là, on pourrait traverser les Cantons de
l'Est, rejoindre l'Outaouais et peut-être rejoindre aussi la Mauricie.
Donc, avec un projet d'envergure nationale, on pourrait stimuler certaines
régions et, par le fait même, stimuler la recherche
archéologique et, en même temps un peu favoriser
l'intérêt de l'archéologie dans la population.
Mme Frulla-Hébert: Une sous-question à ça:
Si on en arrivait à développer un projet justement d'envergure
nationale - je trouve que l'idée est très bonne - est-ce que vous
parlez du ministère versus les autres ministères et de la
synergie entre les deux? Parce que je vois très bien, évidemment,
l'Éducation, l'Enseignement supérieur, etc. Qu'est-ce que...
M. Pintal: II y a un mariage essentiel entre les
ministères pour ça. Du point de vue de l'archéologie, nous
sommes une science ou une discipline qui se veut scientifique, mais c'est
évident qu'il y a un mariage essentiel entre les ministères,
particulièrement au point de vue de l'archéologie,
l'éducation supérieure, oui, l'Environnement, c'est essentiel,
les Transports chaque fois qu'il y a une route, Hydro-Québec investit
beaucoup. Donc, le ministère des Affaires culturelles a
créé une ossature pour le travail archéologique, qui est
très bonne, qui mérite d'être bonifiée
légèrement et que nous voulons garder centralisée
absolument, mais, si on greffe un projet d'envergure nationale à cela,
c'est évident qu'il va falloir s'associer des partenaires qui sont les
universités, certaines municipalités, certaines MRC, les
cégeps particulièrement, de façon à aller chercher
les gens. Nous, ce qu'on veut, c'est faire un projet d'envergure nationale ou
des projets régionaux, mais aller chercher soit des autochtones, soit
des gens qui vivent dans les régions pour les impliquer dans ces
régions-là de façon à ce que nos recherches aient
des répercussions locales.
Mme Frulla-Hébert: Je trouve votre idée excellente.
À ce moment-là, il faudrait justement l'implication, comme vous
dites, et du privé et des municipalités, donc c'est vraiment un
partenariat collectif...
M. Pintal: C'est un partenariat complet, oui.
Mme Frulla-Hébert:... oui, ainsi que des citoyens.
Mme Duguay: Au niveau des MRC et à tous les niveaux...
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.
Mme Duguay:... même au niveau des municipalités.
Parce que ce qu'on remarque, c'est que l'archéologie est surtout
concentrée dans les grands centres urbains et, à part de
ça, ça suit le développement, si on veut, ça suit
au niveau des études d'impact dans la plupart des cas. Dans le
développement dans le nord avec HydroQuébec, il y a de
l'archéologie qui se fait à ce moment-là. Même au
niveau des municipalités aussi, c'est encore dans un cadre
d'étude d'impact à mesure que le développement progresse.
Et c'est ça qu'il faudrait peut-être un peu modifier pour mieux
encadrer l'ensemble des activités archéologiques pour que
ça ait un but; sinon, on va ramasser des données pendant des
années et ça n'arrivera à rien.
M. Pintal: De là viennent nos recommandations au niveau
des rapports avec le ministère de l'Éducation pour que ces
données soient présentes dans les manuels d'histoire. Aussi, je
pense que certains des intervenants de la commission de la culture qui ont fait
référence à une culture scientifique et
l'archéologie s'Intègre tout à fait
dans ce domaine-là, c'est-à-dire que les gens
s'intéressent à la culture, mais, par le fait même, ils
vont s'intéresser à la géologie, à
l'éthologie animale. Donc, on va étendre la conception de la
culture à l'ensemble du territoire québécois par notre
compréhension complète de l'environnement.
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la députée
de Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
à l'implication des villes étant donné qu'on a beaucoup
parlé de l'implication des villes davantage au niveau des arts, au
niveau de la culture. Vous mentionnez évidemment l'implication des
villes de Montréal et de Québec, mais parallèlement, si
nous parlons des municipalités, elles n'ont quand même pas les
mêmes moyens. Alors, comment pouvez-vous inciter les municipalités
en région, par exemple, à s'impliquer davantage?
Mme Duguay: C'est pour ça qu'on parlait de partenariat,
parce que c'est l'évidence même que les municipalités,
surtout les petites municipalités, vont avoir moins de moyens
financiers; donc, il faut absolument qu'il y ait des partenaires. Donc, il
faudrait que ça se fasse au niveau d'un regroupement de
municipalités ou d'un partenariat avec un ministère, comme le
ministère des Affaires culturelles ou d'autres ministères qui
interviennent dans certaines régions.
Mme Cardinal: Effectivement, si vous parlez de partenariat, c'est
très intéressant, mais encore faudrait-il que les
municipalités croient à l'importance du patrimoine
archéologique. (17 h 45)
M. Pintal: C'est qu'on leur propose un nouvel axe de
développement. On parle beaucoup de culture. Moi - je vais prendre un
exemple personnel - je travaille en Basse-Côte-Nord. On est dans une
région qui a une ressource naturelle qui est exploitable. Ils n'ont pas
d'autres axes de développement possibles. On leur propose
l'archéologie comme étant un axe de développement
touristique et en même temps éducatif. Donc, l'idée, c'est
de les inciter à voir l'archéologie non pas comme étant
une recherche, une acquisition de données, mais comme étant un
axe de développement possible dans leurs produits touristiques,
culturels et éducatifs.
Mme Cardinal: Alors, je vais vous inviter dans ma région.
Moi, j'ai, évidemment, Kah-nawake qui est un centre très
intéressant près de Châteauguay et j'aimerais bien qu'on
puisse, par une collaboration ville et réserve, développer ce
secteur. Ce serait peut-être une façon de reprendre le bon
voisinage, enfin, suite aux événements sur lesquels on ne
reviendra pas, de toute façon, de l'été 1990.
M. Pintal: C'est pour ça qu'on propose le musée des
autochtones, parce que c'est inacceptable qu'au Québec on ne retrouve
aucun endroit où l'histoire des autochtones est exposée au grand
public. Il y a un travail énorme à faire à ce
niveau-là. Il faudrait aller chercher chacune des premières
nations et essayer de travailler avec elles afin de proposer un produit
touristique, culturel et éducatif au Québec à ce
niveau-là.
Mme Cardinal: Alors, j'aimerais bien avoir vos impressions
à savoir comment arriver à cette confiance et à cette
collaboration que nous pourrions...
M. Pintal: II y a des archéologues qui travaillent avec
les premières nations, ici.
Mme Duguay: Justement, il y a notre collègue, ici, qui va
sûrement intervenir un peu plus tard, qui travaille avec les Cris. C'est
un déroulement courant au Québec que les archéologues
travaillent conjointement avec... Pas juste conjointement, les groupes
autochtones engagent carrément des archéologues pour faire des
interventions archéologiques. C'est une des provinces où
ça se produit le plus souvent. Donc, il faudrait continuer en ce
sens-là et l'exemple de Kahnawake, ce n'en est pas un mauvais.
Effectivement, il y aurait sûrement des ententes qui pourraient se faire
parce que, généralement, les conseils de bande sont
intéressés à avoir de la formation auprès des
jeunes surtout qui vont trouver là une espèce de travail
d'été, si vous voulez, qui est intéressant pour eux, mais
ça va beaucoup plus loin que ça aussi, parce qu'il y en a qui
continuent. Il y a des autochtones qui vont faire des études
académiques plus tard, qui vont se retrouver à
l'université pour aboutir à avoir des archéologues qui
proviennent des nations autochtones, ce qui est encore plus
intéressant.
Mme Cardinal: Et c'est intéressant dans la recherche de
leur identité et dans une meilleure compréhension de leur...
Mme Duguay: Bien, c'est-à-dire qu'à ce
moment-là ils sont impliqués directement dans leur passé
culturel. Ce n'est pas juste des gens qui arrivent de l'extérieur, comme
nous qui sommes des non-autochtones, qui viennent dans leur culture. Ils sont
complètement intégrés à tout ce
processus-là.
Mme Cardinal: Bien, ce serait très souhaitable et
j'apprécierais beaucoup avoir ce privilège de collaborer dans ce
domaine. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, merci, M. le Président. Mme Duguay, M.
Pintal, juste une petite curiosité avant de commencer. Est-ce que vous
connaissez Denis Faubert? Oui?
M. Pintal: Oui. Mme Duguay: Oui.
M. Boulerice: D'accord. C'est parce que c'est mon voisin.
Mme Duguay: Ah bon!
M. Boulerice: Ça m'entretient. Le Plateau-Mont-Royal, vous
savez, étant le pivot cosmique et le centre de l'univers culturel
montréalais, on discute souvent. Je sais qu'il a fait des choses sur la
terrasse Dufferin il y a quelque temps, je pense, il y a deux ans ou quelque
chose comme ça. Voilà!
Moi, je voudrais aborder une piste différente de celle de mes
collègues, non pas parce qu'elles n'ont pas d'intérêt, mais
faute de temps, inévitablement, implicitement, il y a toujours un
certain partage du questionnement. Bien oui, l'archéologie,
forcément, c'est une science, une science qui m'a longuement
tenté. Je ne sais pas si vous étiez témoins quand j'ai
fait cette confession tantôt que ça avait été mon
rêve de jeunesse, mais que ça ne s'est pas
matérialisé. Au niveau de la formation en archéologie au
Québec, votre évaluation?
Mme Duguay: II y a deux types de formation académique en
archéologie. Il y en a. une qui se fait dans le cadre des
départements d'anthropologie et une autre qui se fait surtout au niveau
de l'histoire, mais les deux demeurent dans les sciences sociales. Donc, quand
même, on demeure au niveau des études de l'espèce humaine,
des êtres humains. L'évaluation de ça, c'est comme dans
tous les domaines: on apprend les données théoriques à
l'université et on les applique ensuite dans le cadre d'une vie
professionnelle ou dans un cadre académique. Je ne crois pas qu'on
puisse dire que le niveau académique de l'archéologie est mauvais
au Québec, au contraire.
M. Boulerice: Mais est-ce qu'elle l'est suffisamment pour dire:
Bon, ça va, je suis bien armé, si vous me permettez cette
expression, ou si elle nécessite quand même - je vais employez le
mot, entre guillemets - un parachèvement dans des universités
étrangères?
Mme Duguay: Non, absolument pas, parce que, dans la plupart des
cas, les personnes qui veulent s'en aller en archéologie vont
étudier ici et s'impliquer dans une archéologie
nord-américaine. Dans certains cas, on peut étudier une
archéologie qu'on dit plus classique et, à ce moment-là,
qui conduit vers des sites européens, et les étudiants qui
veulent poursuivre dans cette veine-là vont généralement
s'en aller en Europe. Mais, quand on demeure en archéologie
nord-américaine, on ne va pas étudier en Europe. On peut aller
aux États-Unis, on peut aller dans une province canadienne, mais on
n'ira pas étudier en Europe parce que le niveau théorique et les
éléments mêmes qui sont étudiés sont
différents.
M. Boulerice: Dans tout ce vaste domaine reviennent très
souvent les notions de R-D, c'est-à-dire recherche-développement.
L'archéologie a besoin de recherche; l'archéologie doit utiliser
des techniques qui existent. Quand je parie de techniques, il y a
également des instruments... J'emploie encore là le mot
"mécaniques", mais ce n'est peut-être pas le terme le plus
approprié. Au Québec, on en est où?
Mme Duguay: Au niveau des techniques?
M. Boulerice: Au niveau des techniques. Est-ce que nos
archéologues sont bien équipés?
Mme Duguay: Oui, nos archéologues sont très bien
équipés. Il y a même des cas d'expertises où on est
à l'avant-garde, si on compare... Pour l'archéologie historique
du XVIIIe siècle, les Français vont venir chercher une expertise
chez nous, parce que de l'archéologie du XVIIIe siècle, ils n'en
ont jamais fait. Donc, c'est très dynamique, l'archéologie au
Québec. C'est en croissance constante; c'est l'avantage d'avoir une
science jeune. C'est qu'on poursuit une phase de dynamisme pendant très
longtemps. As-tu quelque chose à ajouter?
M. Pintal: La seule chose c'est que, oui, on est très
dynamiques, on s'intègre beaucoup personnellement. Par contre,
financièrement on n'est pas très appuyés par... Disons
que, si on fait un projet de recherche, on est bien payés pour la
fouille; quand vient le temps des analyses, les subventions diminuent et, quand
vient le temps des publications, il faut se battre énormément
pour arriver à publier quelque chose. Donc, dès qu'on arrive
à la diffusion, il y a un problème qui se crée. Pour les
analyses, il faut fournir nos ordinateurs, il faut acheter nos propres
programmes, il faut payer de notre poche pour analyser le matériel
trouvé.
Mme Duguay: Le gros problème de diffusion qui se passe
tout le temps, et c'est ce qui fait que les gens voient l'archéologie
souvent comme étant une salade pour spécialistes, c'est que
justement on ne peut pas sortir les publications qui permettraient à
l'ensemble de la population
de comprendre que justement ce n'est pas un ramassis de techniques
seulement, l'archéologie, mais c'est quelque chose qui se vit, quelque
chose qui se voit et quelque chose qui s'explique.
M. Boulerice: Je m'excuse, j'avais une autre question. O.K.
D'accord. Vous avez presque fait mention, vous m'avez presque dit que
l'archéologue au Québec était un petit peu dans la
même situation que bien des gens au niveau des arts: il était plus
souvent qu'autrement pigiste.
Mme Duguay: Oui. Il y a quand même une certaine
répartition des archéologues. Il y a des archéologues qui
sont impliqués dans les universités, dans tout le niveau
académique; il y en a d'autres qui sont au niveau des gestionnaires dans
certains organismes; il y en a d'autres qui sont dans les musées et
d'autres organismes de ce type-là, mais le gros de la population dans le
domaine archéologique va se situer au niveau des experts, des
consultants.
M. Boulerice: D'accord. C'est revenu souvent, les populations
autochtones. C'est une lapalissade de vous dire qu'ils sont arrivés ici
avant nous. Vous avez parlé de projets avec les autochtones. Vous en
avez quand même vécu plusieurs. Est-ce que ce sont plutôt
eux qui vous approchent ou si c'est plutôt vous qui allez vers eux?
Mme Duguay: C'est très variable. Ça va
dépendre de l'implication des gens dans la communauté. Hem!
Excusez-moi, j'ai un chat.
M. Boulerice: Je vous en prie.
Mme Duguay: Ça va se produire de plusieurs façons.
Il peut y avoir un organisme à but non lucratif qui va approcher un
organisme autochtone qui va approcher des archéologues ou des
archéologues, qui veulent faire quelque chose, qui vont aller approcher
un groupe autochtone. Tout dépend du contexte. C'est très
variable, ce n'est pas à sens unique.
M. Boulerice: Est-ce que ça arrive dans votre profession
que l'entreprise privée fasse appel à vous? Parce que j'ai un bel
exemple à vous donner. Mme Duguay, je me demande pourquoi on le
cacherait, on vient du même coin de ville et vous savez que la Brasserie
Molson est en train d'agrandir ses installations. Les installations seront
souterraines. Mon Dieu! Je suis en train de me regarder et je pense que je
commence à parler comme Scully à la télévision.
C'est peut-être la fatigue. Donc, ils sont en train de faire des choses
souterraines, mais il faut bien voir où est située la Brasserie
Molson. Elle est géographiquement dans l'endroit... Je m'excuse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Elle est géographiquement dans l'endroit
où furent vraiment les premières installations de
Montréal, donc une possibilité énorme. Et, lorsque je suis
allé voir la belle petite maison historique, complètement perdue
à côté de chez Molson, et que je voyais ces excavations,
ça a été la première pensée que j'ai eue. Je
ne voyais pas de gens qui travaillaient, je ne voyais pas de cordon; donc, je
ne vous voyais pas, en définitive. Je ne dis pas vous personnellement,
mais dans le sens que je ne voyais pas d'archéologues. Je
l'écoute trop souvent peut-être.
Mme Duguay: Premièrement, idéalement, à
chaque fois qu'il y a un impact, n'importe où, qui risque d'endommager
des ressources archéologiques qui sont, répétons-le, non
renouvelables...
M. Boulerice: Oui.
Mme Duguay: ...il faudrait intervenir sur une base
archéologique. Il y a une question de budget. Je ne vois pas quel
archéologue... Mais oui, j'en ai déjà vu qui vont le
faire, qui vont se pointer quelque part, qui vont voir qu'il se produit une
destruction archéologique et qui vont le signifier aux fonctionnaires
adéquats, soit au niveau municipal ou québécois, au
ministère des Affaires culturelles. Mais il y a des niveaux
budgétaires. Donc, s'il y a des organismes ou des ministères
gouvernementaux qui vont faire des interventions, naturellement, ils vont faire
des études d'impact et, dans le cadre des études d'impact, on va
étudier le potentiel archéologique et éventuellement faire
des activités sur le territoire. Dans le cas des promoteurs
privés, c'est très difficile de les obliger. J'ai vu quelques cas
où des promoteurs privés, à force de persuasion, se sont
impliqués pour donner quelques milliers de dollars pour une intervention
archéologique, mais ce n'est pas vraiment un cas qui se
répète - je vais reprendre vos mouvements - et qui revient de
façon perpétuelle dans le cadre du développement au
Québec.
M. Boulerice: C'est peut-être une piste puisque Mme la
ministre et moi avons quand même nos relations. On essaie de mettre un
peu d'humour parce que vous comprendrez que ce sont des semaines lourdes,
à la fois autant pour vous que nous. Vous préparez des
mémoires, des choses, nous, on les entend. Bon. Disons, en bon
québécois, qu'on a des contacts à la Brasserie Molson par
la force des choses. La ministre est une ancienne brasseuse...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Moi, c'est situé dans ma circonscription,
enfin dans notre circonscription.
Je ne sais pas dans quelle mesure... Non, parce que vous convenez,
là, on fait de l'humour, mais on garde toujours quand même le cap
sur le sérieux de cela, un terrain qui est probablement très
fertile. Je ne sais pas dans quelle mesure, fort, entre guillemets, de l'appui
de la ministre, du contre-ministre, on pourrait peut-être aller frapper
à la porte de chez Molson, parce que, moi, ça
m'inquiète.
Mme Duguay: D'ailleurs, on le disait bien dans le texte du
mémoire qu'il y a trop de projets de développement qui
échappent encore aux études d'impact. À ce
moment-là, ce serait probablement un point Important à noter dans
une future politique du patrimoine, une politique qui contiendrait un volet
archéologique, que des études d'impact, les
"développeurs", excusez, c'est un terme anglais, les promoteurs
devraient être sensibilisés à ça et ça
devrait être probablement un des rôles du MAC de faire
ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député...
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Doyon): ...quelques mots de remerciement,
s'il vous plaît.
M. Boulerice: Mme Duguay, M. Pintal, vraiment, je vous remercie
beaucoup d'être venus à cette commission. Le mot peut-être
semble galvaudé, mais croyez mon propos très sincère, vous
nous avez sensibilisés à une facette que, non pas par mauvaise
volonté, mais par trop de sollicitations à côté, on
a peut-être négligée. Mais, là, je pense qu'avec
votre mémoire, vos observations, vous avez visé juste. Dans votre
cas, comme dans le cas d'autres groupes qui sont intéressés
à la grande notion de patrimoine, moi, je donne toujours, en guise de
salutation de départ, un slogan que j'avais inventé et mon Dieu
que j'en suis fier: Donnons un avenir à notre passé. Alors, je
vous remercie beaucoup de votre présence.
Mme Duguay: Merci infiniment.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup, Mme Duguay et M.
Pintal. Je me joins à mon collègue pour vous remercier, d'une
part. Et, deuxièmement, surtout que mon collègue était un
ex-aspirant archéologue, alors croyez-moi que l'archéologie ne
sera pas oubliée dans la politique du patrimoine. De toute façon,
comme je vous le dis, on prend votre invitation au sérieux pour nous
aider à y voir et à l'élaborer.
Mme Duguay: Je crois aussi que monsieur votre collègue a
réalisé que je pourrais le per- sécuter étant
presque sa voisine. Mme Frulla-Hébert: Ah bon! M. Boulerice:
Oui!
Mme Frulla-Hébert: Alors, c'est encore mieux!
M. Boulerice: Mais j'aime ça!
Le Président (M. Doyon): Pourvu que vous n'en fassiez pas
une ruine!
M. Boulerice: Je prendrais de la valeur, peut-être avant
mon temps.
Le Président (M. Doyon): II me reste à vous
remercier et à vous permettre de vous retirer pour que nous puissions
entendre les suivants.
Mme Duguay: Merci infiniment. Le Président (M. Doyon):
Suspension. (Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprisée 18 h 3)
Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses
travaux. Je vais maintenant inviter les gens de la Société pour
la promotion de la science et de la technologie à bien vouloir s'avancer
et à prendre les fauteuils qui leur sont réservés en
avant. Bienvenue. J'imagine que nous avons M. Bois devant nous.
M. Bois (Michel): Exact.
Le Président (M. Doyon): Oui, alors, bienvenue, M. Bois.
Vous êtes ici depuis un certain temps. Vous connaissez les règles.
Je vous laisse, dès maintenant, la parole.
Société pour la promotion de la
science
et de la technologie et Conseil de
développement du loisir scientifique
M. Bois: Je vous remercie, M. le Président, Mme la
ministre et Mmes et MM. les députés. Je voudrais d'abord excuser
quelques membres du conseil d'administration, qui ne sont pas avec moi et qui
devaient l'être. Un changement du moment d'audition nous a
occasionné des difficultés d'horaire. Et une personne a dû
se décommander à la dernière minute pour des raisons de
maladie. La grippe fait partie de notre culture ici. Alors, il faut vivre
avec!
J'aimerais d'abord rapidement vous présenter la
Société pour la promotion de la science et de la technologie, qui
est un organisme sans but lucratif qui regroupe des personnes provenant
des milieux de l'enseignement supérieur et des entreprises, qui
se sont regroupées dans le but d'intéresser davantage le public,
en général, et les jeunes en particulier aux questions
scientifiques.
Et l'organisme qui présente conjointement le mémoire, le
Conseil de développement du loisir scientifique, oeuvre, quant à
lui, auprès des jeunes surtout dans la pratique d'activités, que
l'on pense, entre autres, aux expo-sciences, au club des petits
débrouillards pour les plus jeunes, qui sont tous des programmes qui ont
été implantés au cours des dernières années
par cet organisme.
L'objectif que nous avons poursuivi en vous présentant notre
mémoire, d'abord, on n'avait pas l'intention de se prononcer sur les
différentes recommandations inscrites au rapport du groupe Arpin. Le
groupe a fait un choix de problématiques initiales qui touchent à
un certain nombre de domaines reliés à la culture et on entendait
laisser aux organismes ainsi concernés le soin de réagir sur ces
propositions. Notre objectif est, avant tout, de vous convaincre de
l'importance d'intégrer la culture scientifique comme une des
constituantes de toute politique culturelle gouvernementale qui se veut moderne
et au diapason des réalités du monde d'aujourd'hui.
Pourquoi intégrer la culture scientifque dans une politique
culturelle? L'extrait de la Déclaration universelle des droits de
l'homme, qui a été reprise, d'ailleurs, dans le rapport Arpin,
dit: Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie
culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au
progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent."
Ce que nous disons, en conséquence, c'est que la culture ne peut
se réduire aux domaines traditionnels et qu'il manque une pièce
maîtresse à l'édifice culturel québécois, tel
qu'il est présenté dans le rapport, soit, évidemment, la
culture scientifique.
Voilà pour l'élément que l'on pourrait
peut-être qualifier d'un peu théorique, mais ce n'est sans doute
pas à la légère que l'UNESCO avance ses positions en
matière culturelle. Si on regarde du côté de la lorgnette
un peu plus concret, je prendrais comme exemple la France, un pays où la
culture occupe une large place. On y revient toujours, à ce pays, mais,
au sein de la population, la culture est importante et ceci se reflète
également du. côté des politiques gouvernementales. Dans
tout cet ensemble, la culture scientifique là-bas est reconnue comme un
fait de société. Celle-ci bénéficie, d'ailleurs, de
politiques particulières qui se traduisent par des gestes concrets
à tous les paliers de l'administration publique, du niveau local
jusqu'aux grandes institutions nationales.
On compte sur le territoire français quelque 400 musées
scientifiques. La Cité des sciences et de l'industrie de la Villette,
à Paris, compte plus de 1200 personnes qui travaillent à diffuser
au grand public tout ce qui touche la science et la technologie. On le voit
tout de suite, la culture scientifique fait partie intégrante de la
politique culturelle du gouvernement français.
Au Québec, malgré des initiatives originales et certains
programmes de soutien élaborés par le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, nous accusons tout de
même un retard important dans ce domaine. Les équipements grand
public sont plus que limités et se concentrent autour des sciences
naturelles. Des institutions Importantes, comme le Jardin botanique de
Montréal, le Planétarium, le musée Redpath de
l'Université McGill, ont été créées il y a
plusieurs années. Aucune de ces institutions n'a pu
bénéficier du support du gouvernement du Québec pour ses
opérations. Des projets plus récents sont en voie de
réalisation comme le Biodôme et le Musée des sciences et
des techniques de Montréal. Aucun n'a encore les garanties
gouvernementales nécessaires pour opérer sur une base
régulière. Parce que les musées scientifiques
n'opèrent pas sur des bases identiques aux musées patrimoniaux,
ils cadraient difficilement dans les politiques du ministère des
Affaires culturelles. Ils ont ainsi été largement
défavorisés dans l'attribution de subventions et plusieurs ne
peuvent même pas être reconnus et subventionnés.
Le ministère des Affaires culturelles a annoncé son
intention de se retirer complètement de ce secteur pour se concentrer
sur le patrimoine. La décision est logique et sans doute bonne, mais le
gouvernement du Québec a-t-il envisagé de confier ce mandat
particulier à un autre ministère, comme l'Enseignement
supérieur et la Science, avant de le retirer des Affaires culturelles?
Il semble bien se dessiner ici un trou administratif qu'il faudrait combler
rapidement. Pourquoi cette hésitation face à la culture
scientifique? Pourtant, je n'exagère pas en disant que la science est
devenue un objet de culture de masse. Tout le monde parle de l'effet de serre,
de l'impact de la diminution de la couche d'ozone, des conséquences de
la pollution. On connaît depuis 10 ans une pénétration
croissante de la technologie dans nos vies quotidiennes. Même le milieu
de la production culturelle n'y échappe pas. Pour le grand public,
cependant, aucun mécanisme de base n'a été conçu
pour favoriser l'appropriation de ces technologies. Les utilisateurs se la
voient souvent imposer et, parce que souvent ils ne comprennent pas leurs
principes de fonctionnement, ils donnent aux machines le bon Dieu sans
confession. Ça marche, donc je n'ai pas à me poser de
questions.
L'intérêt du public est là comme l'a
démontré une recherche publiée l'an dernier et
réalisée par deux professeurs de l'UQAM. Près de la
moitié des répondants considèrent qu'il n'y a pas assez
d'information scientifique dans les médias, contre seulement moins de 2
% qui considéraient qu'il y en avait trop. 90 % de ces
répondants
appuyaient l'implantation d'un musée des sciences et des
techniques à Montréal. Il y a beaucoup à faire avant que
les gens puissent avoir accès à cette information de base
nécessaire à une compréhension minimale des outils
technologiques qui nous entourent et des enjeux véritables reliés
aux grandes questions de développement.
Ce qui est en cause ici, c'est la capacité des individus à
jouer véritablement leur rôle de citoyens responsables à
l'intérieur d'une société dite démocratique. La
population fait actuellement face à plusieurs problématiques
cruciales en matière d'environnement notamment. En l'absence de culture
scientifique, la population risque d'être à la merci de quelques
individus ou organisations qui se diront spécialistes. Grande-Baleine ne
doit pas être un débat entre les Cris et Hydro-Québec, mais
bien un choix collectif en matière d'énergie. Établir nos
choix de société est un exercice de démocratie, qui exige
d'informer sur les enjeux et de faire valoir le pour et le contre. Nous sommes
de plus en plus exposés à faire ce genre de choix et la culture
scientifique nous aide à faire la démarche avec un meilleur
éclairage. D'ailleurs, le niveau d'intérêt de la population
pour les questions scientifiques augmente. En 1990, 87 % de la population
estimaient que, si on leur donne de bonnes explications, ils pourront
comprendre les sujets scientifiques. En 1985, ce pourcentage
s'établissait à 82 %.
Pourquoi insister sur l'importance de développer la culture
scientifique? Malgré certaines réticences qu'on peut relever dans
le milieu culturel lorsqu'on aborde les questions sous l'angle
économique, je voudrais tout de même faire ressortir quelques
éléments fondamentaux qui militent en faveur d'une plus grande
implication du gouvernement du Québec dans ce domaine, en plus des
enjeux que j'ai soulevés précédemment.
L'avenir des Québécois et le maintien de notre niveau de
vie ici sont concernés. Notre avenir économique et social est
lié à notre capacité de concevoir de nouvelles formes de
production et de développer de nouveaux produits à valeur
ajoutée. La seule façon d'y arriver, tout en respectant
l'environnement, c'est d'accélérer notre développement
scientifique et technologique par l'Innovation et l'Implantation de nouvelles
techniques. Il n'y a pas d'autre solution. Pour cela, il nous faut multiplier
les efforts en recherche et développement.
Or, au lieu de gagner du terrain par rapport aux leaders mondiaux, nous
en perdons. La Suède, les États-Unis, l'Allemagne, le Japon
consacrent près de 3 % de leur produit intérieur brut en
recherche-développement. Le Québec, c'est 1,16 %, soit la
moitié, moins de la moitié même. Cette triste performance
marque même un recul par rapport à 1985 alors que nous
étions à 1,38 %. Per capita, le Québec consacre 224 $
à la recherche-développement. Les États-Unis, 556 $, et la
Suède, 419 $.
Ce n'est pas en soi une question d'argent ou de subventions. C'est une
question de ressources humaines formées et disponibles. C'est surtout
une question de mentalité collective, de culture. Au Québec, la
population n'a pas une sensibilité assez grande face aux questions
scientifiques. Les médias n'en parlent pas suffisamment et nous devons,
par le biais d'une politique de culture scientifique, essayer
d'améliorer cette situation. La situation actuelle n'est pas très
étonnante parce que longtemps confinées dans les laboratoires,
exclues de nos préoccupations quotidiennes et trop absentes de nos
médias, on en est sans doute venu individuellement à
considérer que les sciences étaient l'affaire des autres et qu'il
ne s'agissait surtout pas de culture.
Par la force des choses, les mentalités progressent actuellement
et le public en demande davantage. Mais les organisations et les politiques
gouvernementales tardent à prendre le virage nécessaire et je le
répète: Ce n'est pas nécessairement une question d'argent.
Pour beaucoup de nos décideurs, la science représente encore
quelque chose d'inaccessible et que l'on craint d'aborder. Les
conséquences d'une telle situation sont dramatiques pour nous tous.
Notre balance commerciale se détériore et nous avons connu, en
1989, notre premier déficit à cette balance depuis 13 ans. (18 h
15)
Nous sommes le pays industrialisé qui exporte la plus forte
proportion de produits provenant de nos richesses naturelles par rapport
à des produits finis. Nous représentons un cas unique. Le
Québec manque de compétences. C'est un problème d'ailleurs
qui est canadien, mais le Québec ne remonte pas la moyenne canadienne.
Au Canada, 40 000 scientifiques et chercheurs; au Japon, 665 000; 1 000 000 aux
États-Unis. Si on ramène ça aux proportions de la
population, on remarque quand même un décalage très
important. Nous ne formons certainement pas assez de spécialistes pour
gagner la bataille des cerveaux. Les inscriptions dans nos universités
en sciences pures et en sciences appliquées stagnent ou
déclinent: 36 900 Inscriptions en 1987, 40 000 en 1985. Quelques
secteurs ont augmenté au cours des dernières années, mais
c'est Insuffisant. Généralement, la tendance est à la
diminution. Déjà, une forte proportion de nos entreprises
n'arrivent pas à recruter le personnel dont elles ont besoin pour
poursuivre leur développement, au moment où nous connaissons un
taux de chômage important au Québec. Il est primordial
d'intéresser nos jeunes à la science.
Dans un rapport récent, le Conseil de la science et de la
technologie prônait avec raison le développement et l'enracinement
de la culture scientifique chez nous. Il nous faut promouvoir davantage, et
plus que jamais, la culture scientifique partout dans notre
société, non pas
comme le seul élément nécessaire au
développement social harmonieux, bien au contraire, mais comme un atout
essentiel à l'équilibre social futur.
Il faut que la société, de façon
générale, valorise davantage les sciences et s'y intéresse
comme élément nécessaire à la culture moderne.
Notre culture scientifique est faible, très faible. Nous n'arrivons pas
à intéresser les jeunes aux carrières scientifiques,
même s'ils ont la personnalité et les aptitudes requises. Cette
responsabilité incombe en partie aux responsables de nos politiques
culturelles. Nous avons beaucoup de chemin à faire pour y parvenir. Le
gouvernement du Québec ne peut ignorer l'aspect scientifique dans
l'élaboration de ses politiques culturelles. Il n'est pas pour autant
obligé de confier au ministère des Affaires culturelles le mandat
d'appliquer les politiques qu'il pourra adopter pour ce secteur en particulier,
mais il appartient sans doute aux responsables des affaires culturelles de
sensibiliser le gouvernement à cette problématique.
Fernand Seguin disait, quelque temps avant sa mort, que ia seule
façon de susciter l'intérêt général envers la
réalité scientifique, c'est de développer cher nous une
véritable culture scientifique, mais, si les gens qui sont responsables
de l'épanouissement de ia culture dans notre société ne
s'en préoccupent pas, qui va s'en occuper?
Le Président (M. Doyon): M. Bois, je vous signale qu'il
reste à peine quelques minutes aux membres pour vous poser quelques
questions. Si vous voulez peut-être abréger un peu. Autrement, il
ne restera pas de temps ou à peu près pas de temps pour vous
poser au moins une question.
M. Bois: J'avais terminé, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Allez, M. Bois.
M. Bois: J'avais de l'information sur le Québec par
rapport à la sitaution sur le plan fédéral, au
gouvernement fédéral; si ça peut intéresser les
membres, je pourrai y répondre.
Le Président (M. Doyon): Les membres ont
déjà pris connaissance de votre mémoire, M. Bois. Mme la
ministre, peut-être que vous pouvez...
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Bois. On est tous
d'accord, d'abord, sur deux choses. Le développement technologique, on a
des gens qui sont venus nous en parier à plusieurs reprises, que ce soit
dans le domaine de l'audiovisuel, que ce soit aussi dans le domaine de la
création, comme vous le mentionnez dans votre mémoire. Par
contre, dans le rapport Arpin, c'est vrai, il y a culture et arts, et il y a eu
de grandes discussions, d'ailleurs, à savoir soit qu'on s'étend
et tout peut être culture ou encore, au niveau du ministère des
Affaires culturelles, on se restreint, c'est-à-dire on coordonne au
niveau des autres ministères et on s'occupe beaucoup plus des arts, de
la diffusion des arts, ce qui n'exclut pas, évidemment, tout l'apport
technologique et scientifique. Au niveau des musées, proprement dits,
scientifiques, nous en avons quelques-uns, je vous l'accorde, que ce soit, le
Musée minéra-logique et minier de la région de l'Amiante,
le Musée du Séminaire de Sherbrooke, le Centre canadien
d'architecture. Il y en a d'autres qui sont dans nos cartons. Par contre, le
musée des sciences et technologies, effectivement, vous avez raison,
c'est au MESS parce que, pour tout le domaine du développement
technologique, du développement scientifique relié avec les
universités, quelque part, finalement, le lien se fait de façon
beaucoup plus naturelle, beaucoup plus efficace entre l'Enseignement
supérieur, comme vous l'avez dit, et les universités, et il a
justement les outils pour que les universités puissent en profiter.
À l'intérieur de ça, donnons un exemple, aussi: le
Musée de la civilisation et la communauté scientifique, dans le
cadre du deuxième Festival international du film scientifique, sont en
partenariat. C'est un exemple intéressant où, à ce
moment-là, le ministère des Affaires culturelles, par le biais de
ses infrastructures, et la communauté scientifique peuvent faire un
mariage intéressant.
Mais, pour pousser plus loin cette pensée, comment voyez-vous
là-dedans le rôle du MAC? Moi, personnellement, je vois mal le
MAC, par exemple, être le maître d'oeuvre là-dedans. Je
verrais beaucoup plus le MAC être coordonnateur et jouer un rôle de
support à ce niveau-là, quand je parle des grands musées
scientifiques.
Le Président (M. Doyon): M. Bois.
M. Bois: Ce qu'on essaie de faire valoir, je pense, c'est qu'il y
a peut-être une certaine responsabilité du ministère des
Affaires culturelles vis-à-vis du gouvernement, de lui dire:
Écoutez, la culture scientifique est un éléments
important. Éventuellement, compte tenu de ia problématique
particulière ou inhabituelle par rapport aux activités du
ministère, c'est un autre ministère qui peut s'en occuper, mais,
au niveau gouvernemental, je pense qu'il doit y avoir une politique
articulée, très bien établie. Il n'y a actuellement, je
pense, que des orientations, en matière de culture scientifique, qui ont
été établies par le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science, mais aucune politique gouvernementale. Ce
qu'on dit, c'est que le Québec, s'il veut se doter d'une politique
culturelle, ne peut pas passer à côté de la culture
scientifique, même si ce n'est pas spécifiquement le
ministère des Affaires culturelles qui en a la responsabilité
d'application.
Mme Frulla-Hébert: Là-dessus, je vous suis
très, très bien. Au niveau du développement technologique,
vous dites qu'on est en retard, etc. Je pense que, comme société,
et ça fait partie de l'éveil total, autant au niveau canadien
qu'au niveau québécois, on s'aperçoit qu'effectivement on
est en retard. On est en retard dans notre développement, notre
productivité. Notre main-d'oeuvre accuse énormément de
retard et, vous le dites vous-même, c'est difficile d'aller chercher des
gens, maintenant, pour remplir les postes qui sont ouverts. Si on prend le
développement technologique, par exemple, au niveau de nos industries,
dans le domaine des arts proprement dits, comment voyez-vous, justement, le
rôle et l'apport de cette conscientisation technologique versus nos
industries et aussi des industries qui sont moins habituées à
avoir affaire à la haute technologie ou au domaine scientifique?
M. Bois: Je pense que ce qu'il faut arriver à faire, c'est
très bien informer les jeunes sur ce que sont les activités
professionnelles en technologie, que ce soit appliqué aux arts ou
à d'autres domaines. Mais, parce que les sciences ont été
très longtemps considérées comme étant l'affaire de
chercheurs, tout seuls, isolés dans leurs laboratoires, les jeunes ne
comprennent pas et ne se font qu'une idée très partielle de ce
que peut être le travail de chercheur. J'ai entendu, il y a quelque
temps, quelqu'un qui me disait qu'un orienteur, dans une école ici
à Québec, a dit à ses étudiants: Écoutez, si
vous voulez travailler tout seuls, allez-vous-en en sciences; si vous voulez
plus travailler en équipe, prenez d'autres secteurs. C'est aberrant
d'entendre des choses comme ça. Pourquoi on les entend encore? Parce que
ces gens-là n'ont pas eu de contact, lorsqu'ils étaient sans
doute plus jeunes, avec la culture scientifique. Il n'y a pas d'institution
majeure au Québec en culture scientifique. Cette mentalité face
aux sciences se reflète dans tous les créneaux de
société, dans les organisations, dans les syndicats, dans la
population en général. Alors, il faut faire un changement de cap
par rapport à la perception des gens face aux sciences. Le seul moyen,
c'est la culture scientifique.
Mme Frulla-Hébert: Je...
Le Président (M. Doyon): Dernière question, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. le Président. En
tout dernier, la ministre de l'Enseignement supérieur, pas plus tard que
lundi, à la remise des prix du Québec, a incite - je ne sais pas
si vous y étiez...
M. Bois: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...les femmes aussi à
s'impliquer au niveau des sciences et de la recherche scientifique et
technologique. Donc, il y a une ouverture au niveau... C'est-à-dire
qu'il y a tout un changement, je pense, en tout cas, et une ouverture d'esprit
au niveau de l'Enseignement supérieur. Non? Est-ce que vous sentez
ça?
M. Bois: Oui. Il y a une volonté, je pense, de faire
avancer les choses, mais ce que j'allais dire dans la section sur le
fédéral, qui n'apparaît pas au mémoire de toute
façon, c'est que le Québec a assuré un leadership sur te
plan canadien dans ce domaine-là, en termes de politique concrète
d'appui aux organismes, par exemple. Maintenant, le gouvernement
fédéral a pris conscience de l'importance de sensibiliser le
public aux sciences et à la technologie, et a investi des fonds
importants en campagnes publicitaires à travers le Canada, y compris en
français au Québec. Si le Québec veut garder son
rôle de leader dans ce domaine-là, il se doit aussi
d'établir clairement où il veut aller avec sa politique en
culture scientifique. C'est peut-être une démarche qu'il reste
à faire.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: J'aurais le goût de poser une question
vicieuse: Comment se fait-il que le rapport Arpin soit aussi muet, alors que M.
Arpin est un des administrateurs de votre société?
M. Bois: Nous lui avons posé la question, bien
évidemment.
M. Boulerice: Ha, ha, ha! Bien évidemment.
M. Bois: Dans notre mémoire, on le disait un peu, je pense
qu'il y a eu un choix de fait au départ par rapport à une
problématique qui était relativement cohérente pour un
secteur du domaine culturel. On respecte ce choix-là. Ce qu'on dit,
c'est que, si le gouvernement établit, après ça, sa
politique générale en culture, là on ne peut pas passer
à côté de la culture scientifique. Alors, c'est plus le
rapport Arpin qu'il faudrait que le gouvernement établisse comme
politique.
M. Boulerice: M. Bois, vous allez sans doute me répondre
que ma vie privée ne vous regarde pas, mais je l'ai déjà
dit: J'ai la chance d'être le parrain d'un adorable petit monstre qui a
10 ans. On a fait une expérience qui a été celle de
l'Insectarium qui est magnifique, qui est de toute beauté, et du
Planétarium. J'ai pu voir la curiosité de cet enfant, le
désir énorme de questionnement. Et, entre parenthèses, le
parrain au niveau des réponses, je vous avoue qu'à un
moment donné ça venait court, mais, comme je suis ses
progrès scolaires assez régulièrement, sa maîtresse,
comme il dit, donc son institutrice, déjà avait noté des
changements. Oui, il y a un manque, au niveau du Québec, au niveau des
carrières scientifiques, au niveau des carrières technologiques.
J'ai visité la Villette, je l'ai visitée à plusieurs
reprises. Entre parenthèses, l'adjointe au directeur des relations
publiques est une jeune Québécoise, il ne faudrait
peut-être pas l'oublier. J'ai toujours été
fasciné... Et celui de Toronto aussi n'est quand même pas un
élément négligeable, mais celui de la Villette est
probablement l'un des plus beaux exemples au monde à ce
niveau-là.
Dans quelle mesure, un musée de cette nature n'est pas justement
le plus bel incitatif auprès des jeunes puisqu'il y a tout l'attrait de
la nouveauté, et c'est présenté d'une façon... Il y
a une vulgarisation. On sait comment les jeunes sont attirés vers les
nouvelles techniques, les gadgets, etc. Ce n'est pas, d'après vous, le
plus bel incitatif qui peut peut-être être, à un moment
donné, le déclencheur? Parce que c'est souvent très jeune
qu'à un moment il y a un choc et, plus tard, on se dit: Ah! Bien moi, je
veux faire ça. Si on faisait - excusez l'expression - une psychanalyse,
on s'apercevrait que ça vient peut-être de l'âge de 7 ans, 9
ans, 10 ans, etc. Et là, je ne pourrai quand même pas
m'em-pêcher de tourner avant la fin de la commission, en disant: Ce
musée-là, nous l'avions prévu et, en 1985, on nous a dit:
Aïe! Il ne faut pas construire du béton! Le béton,
c'était horrible sauf que, le résultat, on ne l'a pas, et on
accuse les retards immenses que vous avez montrés.
M. Bois: Oui, le Musée des sciences est effectivement une
pièce maîtresse d'une politique de culture scientifique pour le
Québec. Je pense que c'est l'essentiel et l'impact, au niveau des
clientèles scolaires, notamment, n'est plus à démontrer si
on regarde ce qui se passe dans les autres pays avec de telles institutions. Ce
qu'il faut dénoncer, effectivement, c'est qu'en 1991 le Québec
n'en ait pas un seul d'importance. Ça, je pense qu'il faut y voir, mais
ce n'est pas, non plus, suffisant parce que c'est quand même
centré à Montréal. Il faut aller plus loin que ça
et nous avons, au Québec, beaucoup de ressources qui sont capables de
s'investir vis-à-vis des jeunes.
Je donnerai comme exemple, rapidement, une opération que la
Société a lancée, récemment. Avec relativement peu
d'efforts, nous avons sollicité des entreprises, grandes et moyennes.
Ça s'appelle le parrainage scientifique. Alors, sur 20 jours, il y a eu
500 jeunes - fin secondaire, collégial - qui sont allés passer
une journée complète en milieu de travail en entreprise, avec un
scientifique; donc 500 jeunes, 500 scientifiques. Ces jeunes-là ont
décpuvert ce que c'était que le travail en sciences, que ce
n'était pas chercher tout seul dans un laboratoire. Il faut absolument
inciter les entreprises, les commissions scolaires qui ont des ressources
importantes. C'est uniquement une question de préoccupation, de
mentalités. Ce n'est pas une question d'argent ni de subventions, je
pense, mais il faut qu'il y ait quelqu'un, quelque part - et je pense que
ça revient au gouvernement du Québec - qui dise: Oui, c'est
Important. Oui, il faut que les gens, dans leur milieu respectif, y participent
et, avec un certain nombre d'organismes qui sont dans le milieu, qui peuvent
coordonner et bâtir des programmes intéressants, lancer
véritablement une opération de sensibilisation et de
développement de culture scientifique, en plus du musée qui va
devenir une plaque tournante autour de laquelle plusieurs de ces initiatives
pourront s'appuyer. Mais il est urgent de bouger là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le
député, puis-je vous demander de remercier notre
invité?
M. Boulerice: La ministre dit un gros merci à chaque fois.
Je la taquine en disant: Quand allez-vous dire un petit merci? Je vais vous
dire un gros merci, moi aussi, pour l'exposé. Je pense, enfin, que le
gouvernement qui était issu de mon parti avait pris une position
là-dessus. Alors, le gouvernement actuel a pris sa décision. Il a
"scrappé" le projet, si vous me permettez l'expression vulgaire, mais le
geste l'était peut-être autant. Mais, durant ce temps-là,
on perd du temps. Des fois, ce n'est pas vrai que le temps nous permet de
récupérer le temps. Vous le savez autant que moi. Merci de votre
participation.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je ne sais pas si je dois vous dire
encore un gros merci quand même.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Je pense qu'il y a une conscientisation
maintenant auprès du gouvernement, ne serait-ce que vous nous
sensibilisez et, effectivement, il y a ce projet. On n'a pas parlé
d'Ottawa non plus là-dedans. D'une part, on s'aperçoit aussi, au
niveau de l'Enseignement supérieur, qu'il y a un éveil et au
niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce qui s'aperçoit
du retard et qui pousse énormément. Ce qui fait que cette
sensibilisation-là se doit d'être éminente.
Félicitations encore, d'ailleurs, pour tout l'aspect vulgarisation, si
on peut dire, et promotion de cette culture scientifique. Évidemment,
avec M. Arpin, nous restons quand même en contact. Alors, on va y
voir.
M. Bois: Je vous remercie.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je me
joins aux remerciements qui viennent de vous être adressés et,
sans plus d'ambages, j'ajourne les travaux jusqu'à mardi...
M. Boulerice: À mi-temps de notre commission...
Le Président (M. Doyon): À mi-temps de notre
commission ou à peu près.
M. Boulerice:... nous avons déjà vu la
moitié des groupes et il ne nous en reste que 130.
Le Président (M. Doyon): On a la moitié des
mémoires à peu près d'entendus. Alors, nous ajournons
à mardi, au moment où le leader du gouvernement annoncera que
nous devrons nous réunir à nouveau. Ajournement.
(Fin de la séance à 18 h 33)