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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous voulez bien prendre place autour de la table, nous allons
commencer les travaux de cette journée. M. le député de
Charlevoix.
Il me fait plaisir de voir que nous avons maintenant le quorum. Donc,
cette séance est maintenant ouverte.
Je vous rappellerai brièvement le mandat de notre commission qui
est de procéder à une consultation générale et de
tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et
des arts. Ce mandat découle, bien entendu, du dépôt du
rapport Arpin et se tient suite à une demande et suggestion de Mme la
ministre des Affaires culturelles, Liza Frulla-Hébert. M. le
secrétaire, avez-vous des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de
remplacement. Merci. Je vais maintenant donner lecture de l'ordre du jour afin
que nous sachions quel va être notre menu d'aujourd'hui. Alors,
dès 9 h 30, c'est-à-dire tout de suite même si nous avons
un peu de retard, nous allons entendre les représentants du Groupe de
recherche en muséologie et, par la suite, les représentants du
Parti québécois; à 11 heures, la Commission-Jeunesse du
Parti libéral du Québec; à 11 h 45, l'Orchestre
symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous suspendrons les travaux pour le
déjeuner vers 12 h 30 et nous reprendrons à 15 h 30, alors que
les représentants de la Brasserie Molson O'Keefe viendront nous
rencontrer; à 16 h 15, les représentants du Théâtre
de la Marmaille; à 17 heures, L'Institut canadien de Québec;
à 17 h 45, le Centre de musique canadienne. Nous suspendrons les travaux
vers 18 h 30 pour le dîner et nous reviendrons à 20 heures
où, là, nous entendrons les représentants de
l'Université de Montréal; à 20 h 45, le Réseau des
diffuseurs de spectacles
Laurentides-Lanaudière-Montérégie; à 21 h 30, les
représentants du Conseil de la culture de
l'Abitibi-Témiscamingue. Nous ajournerons nos travaux aux environs de 22
h 15 jusqu'au lendemain.
Je vous rappellerai maintenant un peu les règles qui vont
régir notre journée. Le temps alloué à chaque
groupe est d'environ 45 minutes, 15 minutes pour la présentation du
mémoire - vous n'êtes pas obligés de le lire, pour les gens
qui en ont un trop volumineux; les membres de la commission en prennent
connaissance de toute façon - et, par la suite, 15 minutes de chaque
côté pour dialoguer. S'il y a un peu de temps en trop ou en moins,
la présidence se réserve la discrétion de l'allouer selon
les nécessités des intervenants.
Ceci étant dit, je crois que nous pouvons maintenant commencer
sans plus tarder et j'inviterais donc les représentants du Groupe de
recherche en muséologie à bien vouloir se présenter.
Groupe de recherche en muséologie
M. Dubé (Philippe): Merci. Mon nom est Philippe
Dubé. Ma collègue est Andrée Lapointe. Je vais faire une
brève présentation. Je vais devoir lire parce que je voudrais me
limiter dans le temps et vraiment respecter le temps qui nous est
alloué, ce qui fait que je vais essayer de faire une lecture dynamique
tout de même, mais je me suis astreint à me résumer au
meilleur de ma connaissance. Donc, je vais faire une présentation,
Andrée va suivre et rappeler les principaux points de son mémoire
et je vais revenir à la toute fin de sa présentation.
Le Groupe de recherche en muséologie nommé IM-MEDIA
réunit prioritairement d'une manière informelle des chercheurs
qui oeuvrent au sein du diplôme de deuxième cycle en
muséologie à l'Université Laval, soit à titre de
professeurs, d'étudiants, de chargés de cours ou de
professionnels intéressés par ces différents projets.
Depuis la mise sur pied du programme et mon entrée en fonction
à titre de responsable, en décembre 1989, nous avons
dirigé plusieurs études pour le compte de divers organismes
culturels dont, notamment, une pour le Musée François-Pilote et
une autre pour le Musée de la civilisation à Québec. Notre
champ d'expertise se développe principalement à partir d'une
pratique de l'ethnohistoire où, par des exercices typologiques, nous
tentons d'identifier dans le vaste domaine de la muséologie
québécoise les dynamiques en présence.
L'intérêt que nous avons porté à la politique
culturelle ces derniers mois s'inscrit dans un processus de questionnement au
sujet de l'incidence des politiques gouvernementales sur le
développement, tant ancien qu'actuel, de la muséologie d'ici. Nos
travaux nous amènent souvent à traiter non pas seulement
d'études de cas isolés, mais, de plus en plus, à les
relier à un plus large contexte que nous pourrions qualifier de
socioculturel. Nul doute que cette approche contextuelle apporte de
nouveaux
éclairages sur des situations difficilement inextricables
autrement. C'est pourquoi nous sommes maintenant convaincus que les moindres
gestes de la part d'un gouvernement ou même l'absence totale d'une action
volontaire influencent tout de même la vie culturelle et, plus encore,
celle de la muséologie au sens le plus généreux du
terme.
Par intérêt et surtout pour les besoins de l'avancement des
connaissances en ce domaine, nous sommes constamment à la recherche de
modèles conceptuels qui permettront de mieux comprendre les processus
qui animent notre vie culturelle. Par exemple, de vérifier combien le
curieux et le studieux sont des vecteurs signifiants du développement
muséologique occupe depuis le début une part importante de nos
activités de recherche. Ou encore par quelle architecture capricieuse
s'est bâti notre réseau muséal reste une
préoccupation dominante pour notre jeune équipe. Enfin,
dégager des mécaniques de fonctionnement à partir des
mouvements complexes de culture est notre lot quotidien. C'est pourquoi nous
avons pris le temps d'examiner avec soin la proposition sur la politique des
arts et de la culture du groupe Arpin afin d'en extirper, à partir d'un
modèle, l'essence profonde et de profiter de cette occasion pour
exprimer nos attentes à partir du cumul de notre expérience
universitaire.
Le mémoire que nous vous avons soumis est articulé en deux
temps, et là, Je parle du mémoire du 16 septembre. D'abord, un
modèle descriptif de politique culturelle est élaboré pour
mieux saisir éventuellement sa portée, puis nous avons
adopté une prise de position pour une politique culturelle en
transition. Par l'intervention de ce matin, nous tenterons de cerner les
éléments clés qui, à la lumière des
débats en cours, nous semblent encore percutants. D'une part, Mme
Andrée Lapointe va utiliser son modèle descriptif pour
dégager de l'idéal souhaité les composantes d'un
réel possible. Est-il bon de rappeler, et je cite Augustin Girard, dans
"Les enjeux de la fin du siècle", "qu'en matière de culture,
l'enjeu est autant dans les processus que dans les oeuvres, autant dans les
méthodes d'action et les attitudes que dans les objectifs et les
contenus." D'autre part, à titre de responsable de IM-MEDIA, je
conclurai sur les axes qui nous semblent les plus structurants pour une
politique élaborée en fonction d'un développement culturel
démocratique qui rendra le citoyen et la citoyenne plus libres face
à leur destin, sans pour autant les soustraire à leurs
responsabilités. Le rapport Arpin affirme sans ambages que, et je cite
en page 297, "la culture ne trouve tout son sens que dans la liberté,
elle ne souffre pas l'exclusive", et c'est sur la base de ce principe
axiomatique que nous avons appuyé notre point de vue. Andrée.
Mme Lapointe (Andrée): À la lecture du rapport
Arpin, on a un peu l'impression de se trouver devant le menu complet d'un
restaurant offrant la gastronomie la plus large. Face à cette
variété d'éléments et aux interventions nombreuses
qu'ils ont suscitées, cette première partie de notre
présentation va tenter de choisir parmi les propositions de
l'idéal souhaité les articulations qui soutiennent un réel
possible. Donc, notre première partie s'intitule "Les revendications ou
le grand défoulement" et notre deuxième partie s'intitule "Les
choix difficiles".
Ce que j'ai retenu des revendications qui vous ont été
présentées et des commentaires qui vous ont été
présentés depuis le début des débats, que je suis
avec grand intérêt, c'est qu'il y a quatre éléments
qui sont vraiment répétés par plusieurs groupes. D'abord,
ce qui effraie beaucoup d'individus ou de groupes, c'est l'aspect du
financement. On est venu souvent dire, demander: Qui va payer? On est venu
demander: Combien d'argent faudra-t-il? Puisque, évidemment, tout le
monde réclame plus d'argent. On est venu dire que, par exemple, le point
de vue politique, le rapatriement sans l'argent, ça ne donnait rien, ce
n'était pas efficace. C'est vraiment central au point de vue des
commentaires qui ont été présentés devant la
commission. On pourrait résumer ça en disant, de façon
humoristique: Les gens sont venus vous dire que "deux tiens vaut mieux qu'un tu
l'auras".
En deuxième partie, le pouvoir est aussi un aspect qu'on est venu
beaucoup discuter devant la commission. On est venu souligner qu'on ne sent pas
fortement une volonté du gouvernement du Québec d'intervenir au
point de vue culturel. On ne l'a pas sentie dans le passé et on ne la
sent pas encore aujourd'hui. C'est peu convaincant. On est venu exprimer une
certaine méfiance envers les structures et la bureaucratie, je n'ai pas
besoin d'élaborer là-dessus, ça a vraiment
été un point important. Et on est venu dire aussi que certains
créateurs considèrent que le fait d'avoir la possibilité
de faire appel à deux paliers de gouvernement est rassurant, parce que,
quand on ne peut pas réussir d'un côté, on peut toujours
s'adresser à l'autre. Alors, on pourrait résumer ça en
disant qu'on est venu dire que deux têtes valent mieux qu'une.
Après le financement et après le pouvoir, le
troisième point qui était important, on est venu nous dire le
problème de l'importance de la création versus la consommation,
l'importance de l'aspect créateur de l'artiste vis-à-vis de
l'aspect clientèle publique. C'est un débat qui ne finit pas dans
le secteur de la culture. Chaque secteur disciplinaire a une vision
privilégiée de l'équilibre qu'il souhaite. La
création, on est venu dire que c'était l'équivalent de la
recherche. Dans le milieu industriel, la recherche, c'est un investissement
à long terme. On est venu dire: La création, les artistes, c'est
aussi un investissement à long terme par rapport au côté
clientèle consommation qui, lui, est un investissement à
court terme. On est venu dire aussi que, même dans les industries
culturelles, il y a toujours un risque. Le risque culturel est là et on
ne peut pas fonctionner avec les mêmes paramètres que dans
l'industrie.
Le quatrième point que je voudrais faire remarquer, rapidement,
c'est la balance difficile entre l'équilibre territorial et
l'équilibre entre les secteurs disciplinaires. À travers les
politiques culturelles qu'on a eues dans le passé, on a toujours
cherché à les atteindre, à atteindre un équilibre
entre les grands centres par rapport aux régions. Beaucoup de gens sont
venus vous en parler et essayer de marquer l'importance de leurs positions et
aussi l'importance des secteurs disciplinaires entre eux: comment faire un
équilibre entre le théâtre, la danse, des
éléments aussi variés que les arts visuels, les
musées, etc.
Donc, les quatre grands points que j'ai retenus des revendications qui
vous ont été présentées, c'est l'aspect
financement, l'aspect pouvoir, l'aspect création versus consommation et
l'équilibre entre les territoires et entre les secteurs
disciplinaires.
En deuxième partie, ce que je voudrais faire, c'est des choix,
des choix difficiles. La commission de la politique culturelle doit fonctionner
dans un contexte ponctuel d'incertitudes sur le plan politique. Pour la
société québécoise actuelle, la politique
culturelle devra définir un cycle prospectif qui permette une action
immédiate. Le modèle de politique culturelle que vous retrouvez
à la fin du mémoire qui vous a été
présenté nous servira maintenant à proposer ces choix
nécessaires.
La première étape dans l'élaboration d'une
politique culturelle consiste en une évaluation des besoins culturels.
Alors, il y a de nombreuses études qu'il reste à accomplir et que
votre commission devra recommander avant d'élaborer une politique
culturelle. Par exemple, une cartographie des éléments qui
composent les structures sur le territoire. Cette évaluation devra se
faire en fonction de la création, donc en fonction du long terme, et en
fonction de la clientèle, c'est-à-dire en fonction du court
terme.
Passons à la deuxième étape. Après avoir
évalué, la politique culturelle devra faire la planification de
l'évolution des besoins. Cette planification sera un
élément moteur à une nécessaire concertation entre
les différents gouvernements qui agissent ici au Québec. Dans le
court terme, on sait qu'on va toujours avoir affaire au fédéral.
Le provincial devra composer, donc, avec des niveaux de gouvernement
fédéral, municipal et aussi avec le secteur privé. Moi, ce
que je propose, c'est qu'on planifie en fonction de faire du gouvernement
provincial du Québec un élément de concertation, le moteur
de la concertation entre ces différents niveaux de gouvernement dans une
politique culturelle en transition. Il faut tendre à rapatrier les
pouvoirs et les fonds en matière culturelle, mais on sait que ça
ne se fera pas dans l'immédiat. Il faut tendre à remettre les
responsabilités et les moyens au niveau le plus proche du citoyen, donc
essayer, dans une politique en transition, de remettre les moyens et l'argent
au niveau municipal.
En troisième étape, après l'évaluation des
besoins et la planification de l'évolution de ces besoins-là, on
a la détermination de l'échelle des moyens et de son utilisation
optimale. Donc, il faudra d'abord que la politique culturelle tente
d'établir un seuil minimal en deçà duquel aucune politique
culturelle ne sera efficace, et ça n'a jamais été fait. Il
faudra ensuite faire une répartition en surface permettant d'envisager
un maximum, aller voir le minimum en deçà duquel on ne peut pas
fonctionner, aller voir quel serait l'optimum, avec quoi on pourrait accomplir
tout ce qu'on veut faire. Ensuite, il faut faire une ventilation réelle;
cet exercice-là est absolument fondamental. Et, ensuite, on pourra
décider de la nature du soutien financier, législatif et moral
qui sont les trois façons par lesquelles l'État intervient dans
les secteurs comme le secteur culturel.
À la suite de ces démarches-là, il s'agira de faire
la programmation des ressources et c'est ici qu'on va chercher
l'équilibre: l'équilibre entre la création et la
consommation, l'équilibre entre les grands centres et les régions
pour, finalement, arriver à un grand équilibre qui s'exercerait
entre les secteurs disciplinaires et les secteurs territoriaux.
Le dernier élément de la politique culturelle consistera
en la mise en place de structures. On recommande dans le document du rapport
Arpin d'avoir un ministère d'intervention à l'horizontale, et je
crois que c'est très important, un ministère qui peut intervenir
dans les secteurs culturels qui sont dévolus aux autres
ministères québécois; un ministère de concertation
à la verticale, c'est-à-dire un ministère qui peut aller
discuter avec le fédéral, discuter avec le municipal et le
secteur privé pour concerter les actions - qu'on coopère au lieu
de se com-pétitionner et, finalement, qu'on mette en place des
structures d'allocation de fonds qui minimisent les actions d'ingérence,
qu'on se serve des modèles qui existent dans d'autres structures
étatiques pour perfectionner nos structures ministérielles.
Alors, après avoir fait ce tour d'horizon rapide, je cède
maintenant la parole à Philippe Dubé qui, sur la base de
l'analyse que nous avons élaborée, va développer des
principes d'orientation d'une politique culturelle, maintenant, à partir
de l'expérience muséologique.
Le Président (M. Gobé): Je voudrais vous avertir
qu'il vous reste à peu près cinq minutes de votre temps, afin que
vous puissiez...
M. Dubé: Très bien.
Le Président (M. Gobé):... condenser votre
analyse.
M. Dubé: Alors, si on accepte qu'une politique
gouvernementale obéit à un ordre structurel qui lui est propre,
on peut aussi adhérer à l'idée que cette même
politique occupe une certaine volumétrie sociale avec ses pôles
d'activité bien définis. Voici, selon nous, les cinq principaux
champs d'action d'une politique culturelle. Premièrement, la
conservation et mise en valeur du patrimoine est certainement un secteur
clé qui assure l'avenir de l'identité culturelle d'une
société alors que la création, deuxième point, est
la partie vivante et active du bouillon de culture dans lequel cette
société se meut. La formation est certainement le
troisième point, selon nous, qui devrait occuper une part aussi
importante d'un programme d'action puisqu'elle assure la relève et peut
ainsi élever la qualité des produits en circulation. Le
quatrième point, c'est la diffusion et certes l'aboutissant d'une action
gouvernementale dont le but est de faire profiter le plus grand nombre et
d'ainsi améliorer, par cette valeur ajoutée, la vie en
société.
Mais, un aspect sur lequel nous n'insisterons jamais assez, c'est le
dernier point, c'est l'importance de l'animation culturelle du tissu social
afin que l'éventail des interventions mentionnées agisse
profondément au sein d'une population qui vivra réellement de
culture. Certes, l'essentiel de la mission culturelle revient à
l'État qui se doit de doter le public de services adéquats, tant
au niveau des équipements qu'à l'échelle des programmes de
subvention. Cependant, l'ensemble de ces efforts collectifs n'aura de sens que
si la population prend en main la satisfaction de ses besoins en matière
de culture et porte haut cette dernière en la considérant comme
la noblesse du monde. Ce n'est qu'à cette stricte condition qu'une
politique gouvernementale serait justifiée d'être
élaborée en poursuivant l'objectif principal et explicite de
rendre la population plus libre, plus épanouie et encore plus sûre
d'elle. La culture ici n'est qu'un moyen de faire perdre du terrain à
l'ignorance qui a été de tout temps le geôlier des peuples
soumis à sa domination. Est-ce trop exiger d'une politique culturelle
que d'attendre qu'elle soit un outil d'émancipation sociale qui fasse
que la vie au quotidien soit plus enrichissante parce que plus nombreux seront
nos concitoyens et concitoyennes vivant dans la dignité? Et là,
je cite à nouveau Augustin Girard qui dit des choses fort
intéressantes dans "Les enjeux de la fin du siècle": "Culture et
démocratie semblent ainsi pragmatiquement liées, l'une
étant à l'autre son instrument nécessaire en même
temps qu'elle est sa finalité. Dans la démocratie culturelle, la
fin et les moyens, enfin, se rejoignent. "
Il faut comprendre ici qu'il ne s'agit pas d'une profession de foi
idéologique avec un parti pris social en faveur, nécessairement,
des plus démunis, ni d'un élan à la fois coupable et
généreux envers les classes laissées-pour-compte. Non, il
s'agit plutôt d'une orientation globale qui offrirait à la
société qui s'y engage une garantie de civilisation, un rempart
contre la barbarie parfois tranquille de l'ignorance. On pourra toujours
l'entendre comme un plaidoyer socialisant en lui accolant une étiquette
à gauche, mais il faut saisir l'apport important que la culture peut
donner à la dignité humaine. C'est plutôt d'une position
centriste qu'il s'agit, puisque c'est le client qui sera recentré dans
cette nouvelle perspective. (10 heures)
Dans une vision économiste à tous crins, ce rappel peut
sembler être une note discordante de plus dans la cacophonie
déjà régnante, mais nous persistons à croire que la
dimension culturelle est tout aussi garante de la qualité de la vie en
société que le bien-être matériel en est son
fondement. Autrement dit, pour une vie sociale riche et stimulante, on ne peut
pas faire l'économie de la culture, elle en est son ciment.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé,
M. Dubé?
M. Dubé: Tout juste. Je dirais simplement,
peut-être, que ce parti pris envers le public utilisateur découle
des quelques enseignements que la recherche en muséologie nous a
révélés. L'approche clientéliste devrait animer les
architectes de cette future politique culturelle et le sens du service civil
devrait orienter toute son action. Et c'est ainsi que, dans une
société en transition, la culture, l'État et les citoyens
se trouveront en équilibre de développement malgré
l'instabilité du contexte politique.
En conclusion, nous nous déclarons favorables au rapport Arpin
dans son effort surtout de faire de la culture un bien essentiel. Mais nous
souhaitons que la part de revient aux citoyens soit plus manifeste dans une
politique gouvernementale. Ces commentaires sont, en quelque sorte, une
reconnaissance de la valeur d'une telle proposition et nous voudrions ici
saluer cette commission d'avoir soutenu un débat public qui aura,
finalement, le mérite de son courage en prenant le pouls réel de
la situation de la culture au Québec. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dubé. Mme
la ministre, vous avez une dizaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Dubé et Mme
Lapointe. Je vous remercie, d'ailleurs, du mémoire qui est vraiment une
analyse en profondeur du rapport et aussi de la commission. Parce que vous
avez, à date, extrêmement bien résumé les diverses
orientations émises par les groupes qui sont venus discuter avec nous
à cette
commission et, effectivement, les quatre pôles, on les retrouve.
Vous savez comme moi que, une fois cela dit, il y a toujours cet
équilibre, le fameux équilibre entre la création et la
consommation. Évidemment, il y a les entreprises culturelles qui disent:
Nous, on est importants parce qu'on fait travailler. Il y a les
créateurs qui disent: Oui, mais, sans nous, il n'y en aurait pas
d'entreprises culturelles. Et vous parlez toujours du juste équilibre,
vous le touchez dans votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre
là-dessus. Comment on fait, selon vos analyses, pour justement faire une
base? Vous dites: C'est à l'État ensuite à faire
l'équilibre entre les deux. Parce que, veux veux pas... On voudrait bien
faire un consensus et j'espère bien que nous allons réussir, avec
mon collègue d'en face aussi, à faire un consensus. Mais, encore
là, il va y avoir équilibre et avec l'équilibre c'est
toujours délicat. J'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous
élaboriez un peu plus là-dessus.
M. Dubé: Enfin, je vais peut-être me
répéter, mais au fond, à partir de l'expérience,
évidemment, que nous avons, qui est relativement courte, quand on
examine un peu l'histoire de la muséologie, celle qui nous
préoccupe au premier plan, on se rend bien compte que le succès
réel d'une orientation gouvernementale pour la chose culturelle repose
ou reposera sur une attitude, une approche clientéliste des plus
sensibles. Quand on parle de clientèle, évidemment, pour le
ministère, ça veut dire tous les intervenants dans la culture,
jusqu'à un certain point, et c'est beaucoup de monde à
contenter.
Mais, au point de départ, s'il y a une priorité à
donner, à notre avis, c'est du côté de la consommation, des
clientèles, donc des citoyens qui paient pour avoir ces services
collectifs et qui doivent, quelque part, en avoir pour leur argent. Pour parler
crûment, je pense qu'il s'agit vraiment, de notre point de vue, d'avoir
tout au long cette préoccupation de satisfaire les besoins et de donner
aussi les outils aux citoyens pour éventuellement exprimer leurs
besoins. Et ça, au niveau de l'appareil, je ne sais pas très bien
comment ça peut s'exprimer. Mais il reste que le cumul de
l'expérience nous dit - puis ça, ça s'applique, je pense,
dans tous les secteurs d'activité industrielle ou culturelle - que la
sensibilité au client est, somme toute, une garantie de
succès.
Je ne sais pas, Andrée, si tu as des choses à...
Mme Lapointe: Oui, je rajouterais, pour parler
précisément de l'équilibre, que je pense que ce qu'on a
essayé de faire dans le passé, c'est d'avoir une approche
globalisante, de voir comment une politique culturelle s'oriente vraiment du
côté du consommateur. Ce qui a été, la plupart du
temps, le cas puisque c'est une approche: on essaie de rendre la culture au
public, de démocratiser la culture.
Je pense que l'approche la plus logique maintenant dans le contexte dans
lequel on vit, et que les autres pays vivent aussi, c'est l'approche par
secteur disciplinaire. Et on va voir par secteur disciplinaire quelle
importance a la création, quelle importance a la diffusion. C'est bien
évident que pour le secteur des arts visuels ça ne sera pas la
même chose que pour le secteur du théâtre, ça ne sera
pas la même chose que pour le secteur des musées ou du
cinéma, et je pense qu'on le sent dans les mémoires qui ont
été présentés à la commission. Dans certains
mémoires, les gens vont venir dire, les artistes vont venir dire:
Écoutez, on nous oublie, on n'est pas là; c'est bien beau
démocratiser la culture, mais nous, ce qu'on fait, ce n'est pas rentable
à court terme; cependant, dans 20 ans, ça sera
l'actualité; oubliez-nous pas.
Il y a des secteurs disciplinaires où il faut vraiment mettre
l'accent sur l'aspect création, il y en a d'autres où on met
l'accent sur l'aspect consommation et il y en a d'autres où on va
atteindre un équilibre entre les deux. Ce n'est jamais 100 % d'un bord
et 0 % de l'autre côté. La façon, je pense, à
travers laquelle la commission - et la politique culturelle qui devrait en
découler - pourra atteindre cet équilibre par secteur
disciplinaire, c'est de donner la parole aux associations
représentatives d'un secteur disciplinaire et d'aller consulter ces
gens-là lorsqu'on fera l'évaluation. À l'étape de
l'évaluation, c'est là qu'on pourra aller consulter les gens et
trouver quel équilibre est, à ce moment-ci, opportun. Il ne faut
pas s'illusionner. Si l'exercice est fait, par exemple en 1992, il sera
à recommencer au plus tard cinq ans après. Ce sont des
évaluations à court terme qui nous permettent de planifier
à long terme. C'est vraiment la meilleure façon par laquelle je
pourrais exprimer ce que notre analyse nous montre jusqu'à
maintenant.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que mon collègue a une
question?
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Messier: Je crois que c'est vous, Mme Lapointe, qui avez
rédigé le texte en question.
Mme Lapointe: Oui.
M. Messier: Vous avez une très belle plume. Je fais des
études de maîtrise et c'est le style de documents qu'on
reçoit pour faire nos études bien précises.
Vous parlez de responsabilité de l'État, je pense que vous
en avez parlé avec Mme la ministre, et vous parlez aussi de
responsabilité au niveau de l'entreprise privée. Mais on ne voit
pas, dans votre mémoire, la démarcation qu'il
doit y avoir entre où l'État commence et où
l'État termine, où commence l'entreprise privée et
où termine l'entreprise privée. Où est la ligne de
démarcation entre le rôle de l'État et le rôle de
l'entreprise privée?
Mme Lapointe: C'est une question à laquelle je peux
difficilement répondre avec l'état de mes connaissances. Tout ce
que je pourrais dire, c'est que moi, je vois l'État comme ayant un
rôle de concertation. Où est la limite entre ce que l'État
peut accomplir et où le secteur privé intervient? Ce n'est pas le
secteur privé en tout cas - ça, on le sait - qui va être un
moteur de concertation. Ce n'est pas lui qui va venir et qui va dire:
Écoutez, on va tous se rassembler et on va voir ce qu'on peut faire
ensemble: ce que moi, je peux faire et ce que vous autres, vous pouvez faire.
Je crois que c'est vraiment le rôle de l'État d'aller provoquer
des choses. Il devrait être un provocateur. Il devrait être
quelqu'un qui réunit les gens et qui les aide à coopérer.
Et là, la situation dans laquelle on se trouve, c'est non seulement une
situation où l'État ne parle pas tellement au secteur
privé, mais où les différents paliers de gouvernement ne
se consultent même pas entre eux la plupart du temps. C'est
évident qu'on est en transition et c'est évident qu'on est dans
un passage vers autre chose, mais, dans ce passage-là, justement, le
gouvernement québécois a vraiment une opportunité de se
positionner et se positionner en tant que leader, en tant que celui qui va
provoquer des choses. À ce moment-là, je pense que la
démarcation entre le secteur privé et l'État, on ne peut
pas la mettre, de toute façon, de façon définitive parce
que ça aussi, c'est en évolution. Si on regarde le
mécénat d'il y a quelques années, le secteur privé
était très peu présent à l'intérieur de la
culture. On a une évolution là-dedans aussi, et je pense que plus
ça va aller plus on va réussir à travailler ensemble,
à travailler en symbiose. Donc, la démarcation va toujours
évoluer et, espérons-le, elle va devenir beaucoup moins
éloignée et les partenaires vont se rapprocher.
M. Messier: Dans ce rôle globalisant du ministère
des Affaires culturelles, il y a plusieurs organismes qui sont venus nous dire
qu'ils avaient peur du trop grand dirigisme du ministère des Affaires
culturelles. Ça ne vous fait pas peur, ça, de donner, disons, je
ne le sais pas... Au niveau du ministère des Affaires culturelles,
est-ce que vous voyez que le ministère devrait rapatrier tous les
pouvoirs, parce que, au niveau du ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, il y a certaines actions qui sont prises, mais qui ne
relèvent pas du ministère des Affaires culturelles? Est-ce que
vous les regrouperiez pour avoir un guichet unique au niveau du
ministère des Affaires culturelles ou non? Comment vous le voyez?
Mme Lapointe: Non. C'est ce que je voulais dire quand je parlais
d'un ministère d'intervention à l'horizontale. Il y a des
interventions qui sont du domaine culturel et qui vont rester de la
responsabilité d'autres ministères, c'est bien évident. Il
y en a de nombreuses et elles impliquent des fonds assez considérables.
Maintenant, je crois que le ministère des Affaires culturelles devrait
avoir un pouvoir d'intervention à l'horizontale pour avoir la
possibilité d'aller voir ce qui se passe dans les autres
ministères et de s'assurer que c'est fait aussi en concertation avec les
actions, la mission du ministère, la politique culturelle, de s'assurer
que ces autres ministères sont au courant de la politique culturelle qui
est adoptée par le ministère des Affaires culturelles et qu'on
fonctionne tous dans la même direction. Mais je ne crois pas qu'on
pourrait arriver à un ministère des Affaires culturelles qui
rapatrierait, à l'intérieur de sa législation, tous les
aspects culturels de la société. La culture, ça va dans
tous les secteurs de la société; on ne peut vraiment pas arriver
à concentrer ça à l'intérieur d'un seul
ministère.
M. Messier: Dans cette volonté...
Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le
député.
M. Messier: Oui, une petite question. Dans cette volonté
que vous dites de ne pas rapatrier au sein du ministère des Affaires
culturelles, comment voyez-vous le rôle des municipalités ou des
municipalités régionales de comté dans une politique
culturelle?
Mme Lapointe: Moi, je vois leur rôle grandissant. C'est
sûr que, pour l'instant, on a une peur avec la réforme qui s'est
passée dernièrement, on a une peur, encore une fois, et on l'a
sentie beaucoup dans le mémoire présenté, d'hériter
de responsabilités sans hériter des moyens qui vont avec. Moi, je
crois qu'une politique culturelle doit se rapprocher du citoyen, sauf pour ce
qu'on appelle les institutions nationales qui vont demeurer de régime
soit fédéral ou provincial. Mais pour tout ce qui est de la
culture qui touche le citoyen, on devrait vraiment tenter de ramener, dans une
transition, dans une période de long terme - je ne parle pas du court
terme - les responsabilités au niveau municipal et ça, ça
veut dire aussi de "dévoluer" les fonds, d'envoyer les
responsabilités avec les fonds. C'est là que le financement est
le problème no 1. C'est pour ça que je l'ai mis en premier dans
ma liste. Si on n'arrive pas à avoir une volonté politique qui
augmente les fonds au niveau de la culture, on n'arrivera évidemment pas
à construire une politique culturelle qui soit efficace.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme
Lapointe. Ceci met fin aux interventions de M. le député
de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et porte-parole officiel de
l'Opposition en matière d'affaires culturelles.
M. Boulerice: Oui. Mme Lapointe, M. Dubé, je me permettrai
une observation avant d'aller au questionnement. En faisant la lecture de votre
mémoire et compte tenu de l'étendue de son contenu, je ne pouvais
quand même pas m'em-pêcher de faire une relation avec une des
propositions du rapport Arpin qui est la création d'un observatoire. La
question que je me posais était: Est-ce que nous devons créer une
nouvelle structure, un nouvel organisme? Ne pouvons-nous pas utiliser
déjà des ressources existantes, que nous avons, et qui sont
justement nos chercheurs dans les universités? Disons que j'avais
déjà, au départ, un préjugé favorable et
vous le renforcez par votre mémoire.
Ceci étant dit, à la page 8, vous dites: Quelle que soit
la formule constitutionnelle que va choisir le Québec... Vous dites que
le Québec, forcément, doit avoir la compétence exclusive
au chapitre des responsabilités légales, monétaires,
fiscales, et je pense que vous ajoutez même morales, et tout ça en
relation avec le secteur de la culture. Et, du même souffle, vous
souhaitez, par contre, que le gouvernement fédéral ait
juridiction sur certaines institutions nationales. Alors, quelles sont les
institutions que vous souhaitez voir maintenues sous la responsabilité
fédérale? Bref, comment effectuer ce partage des
responsabilités pour consacrer la compétence exclusive du
Québec en matière culturelle?
M. Oubé: Je pourrais peut-être me risquer en disant,
dans un premier temps, qu'au fond, dépendamment du point de vue
où l'on se place, on n'a pas de souhait vraiment exprimé, dans le
sens qu'on n'est pas naïfs non plus, et il est très clair que le
gouvernement fédéral ne laissera pas tomber des secteurs dans
lesquels il a déjà beaucoup investi. Ça, c'est un
scénario qui nous apparaît irréaliste. Par contre, il y a
des éléments qui sont forcément clés dans le
domaine de la culture que ce gouvernement-ci, le gouvernement du Québec,
doit occuper de façon dominante. Et, dans ce sens-là, ça
relève peut-être davantage d'une vision politique de l'avenir
culturel de notre société que réellement d'une approche,
disons, réfléchie sur les responsabilités propres, en
matière de culture, de chacun des gouvernements.
M. Boulerice: Vous dites qu'il n'y a pas d'adéquation
entre la culture canadienne et la culture québécoise. La question
que je pose: Pourquoi ne peut-il y avoir d'adéquation possible entre ces
deux cultures qui se concurrencent par l'intermédiaire de leurs
structures gouvernementales respectives?
Mme Lapointe: Je pense que c'est tout un secteur qu'on a
très peu abordé à l'intérieur du mémoire,
parce que, juste sur la question de l'identité culturelle, on pourrait
écrire trois tomes. Je pense - et, effectivement, on l'exprime de
façon très sommaire dans le mémoire - qu'il ne peut pas y
avoir d'adéquation entre identité canadienne et identité
québécoise, parce que les paramètres qui les
définissent ou, en tout cas, qui tentent de les définir ne sont
pas les mêmes. Et, vraiment, l'effort d'intégrer une
identité québécoise à l'intérieur d'une
identité canadienne, c'est ce qui pose des problèmes depuis les
débuts de tout ce processus qu'on a vu, depuis, finalement,
l'échec du lac Meech. Mais ne rentrons pas là-dedans. Je trouve
que c'est vraiment une question pour laquelle je ne suis pas
spécialiste, et il y a des gens de science politique qui pourraient
probablement vous répondre beaucoup mieux que moi.
Cependant, j'aimerais tout simplement remarquer... Tout à
l'heure, vous parliez d'un observatoire des politiques culturelles et vous avez
bien raison. Un observatoire, c'est un mécanisme comme un autre par
lequel on peut effectuer une certaine recherche, une certaine analyse. Ce sera
aux gens qui développeront la politique culturelle de proposer le
mécanisme le plus adéquat. Cela en est un. Il y a aussi, à
l'intérieur du ministère, un département de la recherche
et la prospective qu'on pourrait développer, et on pourrait le faire,
comme vous dites, à l'intérieur des cercles universitaires qui
sont très présents et très efficaces.
Quant aux institutions ou aux secteurs culturels qui vont demeurer
à des paliers de gouvernement différents, qu'on pense tout
simplement, pour donner des exemples, aux archives ou aux institutions
muséales nationales qui sont instituées du côté
fédéral. Je pense qu'il est utopique, en tout cas, à court
terme, de penser à un transfert de législations en ce qui les
concerne, et de responsabilités, au point de vue provincial. Cependant,
il ne s'agit pas ici d'une guerre entre différents gouvernements pour
obtenir les pouvoirs totaux. Il s'agit tout simplement d'aller faire un partage
qui permette pour le citoyen une utilisation optimale des ressources et des
possibilités. Je pense qu'à l'intérieur des secteurs que
le fédéral couvre en ce moment pour la culture, il y a beaucoup
de choses qui devraient être transférées au niveau
provincial qui, lui, à son tour, dans le long terme, pourra tenter de
redistribuer, au niveau municipal, certaines responsabilités.
M. Boulerice: Est-ce que la compétence exclusive implique
non seulement la récupération du pouvoir de dépenser
fédéral à travers le réseau de ces organismes
subventionnaires, dont le Conseil des arts et Téléfilm, mais
aussi une récupération du pouvoir de réglementation du
gouvernement fédéral, peut-être particulièrement
celui du CRTC?
Mme Lapointe: J'avoue ne pas avoir les compétences pour
vous répondre. Je ne sais pas si Philippe...
M. Dubé: Non plus.
M. Boulerice: Non plus. La quatrième question
découle un peu de la troisième: Est-ce qu'on peut parler de
véritable politique culturelle sans intégrer la dimension des
communications?
M. Dubé: Encore là, c'est une très bonne
question. Le point de vue que nous avons développé est,
évidemment, à partir du développement muséologique.
Donc, toute cette dimension des communications nous est un peu
étrangère. Je ne sais pas, Andrée, si tu as des choses
à dire là-dessus, mais en ce qui me concerne, c'est un
problème qui me dépasse complètement.
Mme Lapointe: Je pense, encore là, que probablement,
à la lumière des évaluations qui seront faites, il y aura
certaines institutions qui demeureront d'instance fédérale. Et
c'est vraiment un point de vue personnel que je vous donne là, sans
être étayé d'aucune recherche. Mais je crois qu'il y a
certains aspects du secteur des communications qui doivent être
transférés du côté des provinces. Maintenant,
lesquels? Ce sera à la lumière des évaluations qu'on
pourra vraiment le savoir.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Cela met fin à votre
intervention. Mme la ministre, un petit mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Dubé et Mme Lapointe,
merci énormément. Merci aussi de la profondeur de cette analyse.
Évidemment, je pense que vous allez continuer à nous suivre
puisque je vois, comme je disais tantôt, l'analyse que vous avez faite de
cette commission qui en est rendue presque à sa moitié. Merci
encore, et c'est sûr que nous allons avoir besoin de collaborateurs pour
tout mettre ça ensemble. Alors, votre ouverture au niveau non seulement
de votre société, mais des cercles universitaires, etc.,
évidemment, est fort bienvenue. Alors, merci. Merci d'être
ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
M. Dubé: Nous vous remercions.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dubé et
Mme Lapointe. Ceci met fin à votre audition. Au nom des membres de cette
commission, je vous remercie. Vous pouvez vous retirer. Je vais maintenant
suspendre les travaux une minute afin de permettre aux représentants du
Parti québécois de s'installer en avant.
(Suspension de la séance à 10 h 20)
(Reprise à 10 h 21)
Le Président (M. Gobé): Veuillez prendre vos
places, la commission va poursuivre ses travaux.
Alors, je rappellerai brièvement le mandat de notre commission,
aujourd'hui, qui est de tenir une consultation générale sur la
proposition de politique de la culture et des arts faisant suite, bien entendu,
au dépôt du rapport Arpin et à l'invitation de Mme la
ministre des Affaires culturelles, Liza Frulla-Hébert.
Nous allons maintenant entendre des représentants du Parti
québécois qui est représenté aujourd'hui par M.
Bernard Landry, vice-président...
M. Landry (Bernard): C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Landry, et Mme
Francine Lalonde, conseillère au programme.
Mme Lalonde (Francine): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme Lalonde.
Alors, vous avez maintenant la parole. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation. Par la suite, nous échangerons avec chacun des deux
côtés. S'il reste du temps, on verra à le répartir
équitablement.
Parti québécois
M. Landry: Mme Lalonde m'accompagne, bien sûr, à
cause de sa compétence et parce qu'elle est notre conseillère au
programme, mais on a pensé aussi que la ministre allait apprécier
qu'un de ses anciens professeurs vienne témoigner devant la commission
où elle joue un rôle aussi important.
Nos députés, M. le Président, hommes et femmes, ont
joué un rôle très assidu auprès de cette commission.
Et je les vois, très nombreux d'ailleurs, outrancièrement
nombreux par rapport à leurs vis-à-vis, mais je crois que c'est
l'attitude qu'il faut adopter devant une commission aussi sérieuse. Si
nos députés ont fait cet effort, pourquoi nous apparaît-il
nécessaire comme parti de venir, en quelque sorte, en rajouter? Tout
simplement pour dire et redire que, pour notre formation politique, la question
culturelle est d'une importance vitale. C'est dans la nature des choses et
c'est facile à comprendre. Je mettrais
en exergue de notre présentation, comme on le fait au
début d'un volume ou d'un chapitre d'un volume, une jolie histoire que
raconte Jacques Godbout, grand écrivain québécois, dans le
dernier numéro de L'actualité, où il parle de deux
individus qui, un vendredi soir, choisissent, l'un, de passer trois heures dans
un centre commercial et l'autre, trois heures à lire des romans russes.
À la fin de la soirée, celui qui est allé au centre
commercial est généralement appauvri; celui qui a lu les romans
russes est généralement enrichi. Ça illustre le sens
global de notre propos.
Nous croyons que la culture, pour n'importe quel peuple, qu'il soit
grand, qu'il soit petit, qu'il soit du tiers monde ou du premier monde, est une
chose vitale parce que c'est un élément majeur de la
qualité de la vie, donc, pour employer un grand mot mais qui est
approprié, un élément majeur du bonheur humain. Il n'y a
pas de mesure du bonheur national brut, comme on le fait matériellement
pour le PNB et le PIB, mais si cette mesure existait, les peuples qui sont
capables de rendre leur population... ou, du moins, de créer des
conditions pour l'épanouissement le plus grand sont ceux qui prennent au
sérieux les questions culturelles et qui ont un niveau culturel
élevé.
Pour le Québec, peuple en nombre plus petit, mais dans une
situation géographique et historique tout à fait
particulière, ce qui s'applique aux grands peuples s'applique de
façon plus imperative encore. Nous sommes les seuls à partager
notre culture dans le monde. Notre culture n'est pas la culture
française, c'est la culture québécoise. Elle est donc sui
generis. En plus, à l'intérieur de notre continent, sauf quelques
exceptions insulaires dans la Caraïbe, nous sommes les seuls à
parler notre langue et, bien sûr, à partager notre culture.
Ça nous donne une spécificité intéressante et
positive, mais ça nous donne un devoir de vigilance aussi
extraordinairement important.
J'en veux pour preuve le rôle que les artistes et les
créateurs ont joué, jouent et joueront dans ce pays. La
Révolution tranquille a commencé de façon plus que
symbolique quand des créateurs ont publié le "Refus global". Les
grands mouvements d'émancipation politique du Québec ont
été très marqués à partir du début
par les créateurs et les créatrices et, sans faire injure ou
ombrage à quiconque, le parti que je représente, sans revendiquer
l'exclusivité de représentation des créateurs et des
créatrices, en a toujours eu un contingent largement majoritaire. Ils et
elles nous ont fait l'honneur de voter pour nous, massivement. Je ne dis pas
qu'il n'y en a pas qui votent pour vous aussi.
Je voudrais également insister sur le fait qu'à l'heure de
la mondialisation de l'économie, qui est maintenant un
phénomène inéluctable, je crois qu'il n'y a plus d'esprit
chagrin qui conteste je fait que les frontières économiques sont
en train de fondre comme neige au soleil et que les espaces économiques
sont en train de s'intégrer en Amérique comme en Europe. Et
même le bloc de l'Est a fini par rejoindre ce qu'on a appelé
l'esprit de Bretton Woods, c'est-à-dire participer lui aussi ou, en tout
cas, en exprimer le désir, au marché mondial des biens
matériels et des services. L'Union soviétique a demandé
son admission, par exemple, au Fonds monétaire international et à
la Banque mondiale et a été admise à titre d'observateur
dans ces institutions, comme au GATT. Donc, c'est inéluctable que
l'économie s'homogénéise.
La meilleure façon de prendre acte de ce phénomène
et de le rendre totalement positif, c'est de faire un vigoureux combat pour les
différences culturelles. Le service des identités et des
différences culturelles devient un contrepoids nécessaire, comme
jamais dans l'histoire humaine, à ce rouleau compresseur de la
mondialisation économique. Être tenté de penser que les
combats d'identités culturelles sont des combats rétrogrades,
c'est faire une erreur. Ce sont les combats d'aujourd'hui et de demain beaucoup
plus que ceux d'hier.
Les quelques idées que nous allons exprimer, enfin, je veux le
dire modestement, ne sont pas exhaustives. Nous ne sommes pas le gouvernement.
Nous avons l'honneur d'être l'Opposition officielle, pour quelque temps
encore. Alors, on ne va pas essayer de faire la politique du gouvernement. On
va simplement contribuer honnêtement à améliorer celle
qu'il tente de mettre de l'avant, comme l'ont fait nos députés
par leur travail assidu à cette commission.
Alors, quatre ou cinq principes de base pour résumer la
pensée culturelle de notre parti à ce jour. Premièrement,
nous croyons que la culture doit faire l'objet d'une approche
intégrée. On ne peut dissocier, surtout dans l'optique
gouvernementale, les arts, qui sont un peu la microéconomie de la
culture, les arts, entendus par lieux mêmes de la création
individuelle ou de groupe, les secteurs culturels, qui sont les institutions,
les industries culturelles et les communications; ils doivent faire l'objet
d'une approche intégrée. C'est une circonstance
intéressante que la ministre ait été titulaire - et je
pense que ce n'est pas arrivé souvent dans l'histoire du Québec -
des deux postes. Elle est bien placée pour comprendre que ces deux
réalités sont indissociables.
Deuxième élément fondamental de notre
présentation, le pouvoir et la structure du pouvoir. Pour souligner,
encore une fois, qu'en matière culturelle ce pouvoir et cette structure
de pouvoir sont entre les mains d'un gouvernement qui n'a pas son siège
dans cette maison, mais à Ottawa. On vous a parlé, j'imagine,
jusqu'à plus soif, des chiffres, des fameux 75 % du temps culturel que
les Québécois consacrent à la radio et à la
télévision. Ces 75 % sont totale-
ment ou à peu près contrôlés par le
gouvernement du Canada. On vous a parlé des 57 % de moyens financiers
qui viennent du gouvernement fédéral. Si on considère que
ces 57 % d'argent fédéral sont largement liés à
l'audiovisuel dont il a le contrôle, les deux phénomènes
s'additionnent. On peut penser que la structure du pouvoir en matière de
culture et d'intervention étatique au Québec est
concentrée à Ottawa. (10 h 30)
Je reviens rapidement sur la globalisation, les grands marchés,
l'Europe. Est-ce que, dans cet espace économique européen qui,
depuis la semaine passée, comporte 19 pays, après en avoir eu 12
et puis 6, on pourrait penser un seul instant que la République
française voudrait que sa politique culturelle soit faite à
Bruxelles, ou que l'Allemagne ou la Hollande décident de confier
à la Commission européenne la culture néerlandophone ou
germanophone? Poser la question, c'est y répondre.
Dans l'optique qui est la vôtre d'un gouvernement provincial, la
question est épineuse. Vous l'avez bien vu, tous les intervenants n'ont
pas partagé votre idée de rapatriement exclusif des pouvoirs.
Dans l'optique de la souveraineté, tout serait beaucoup plus simple,
évidemment: tous les pouvoirs vont être à Québec,
donc ceux qui concernent la culture également. Mais même dans
votre optique provinciale - et je n'ose pas dire provincialiste, je pense que
ce serait réduire votre pensée - je vous recommande, ne serait-ce
que pour préparer le terrain à notre propre optique, de commencer
le rapatriement total et complet de tous les pouvoirs. Le programme du Parti
libéral est clair là-dessus, c'est essentiellement le rapport
Allaire. Je vous le cite. Vos jeunes vont venir vous le dire dans quelques
minutes, si j'ai bien compris. "Le Québec doit exercer la juridiction
exclusive dans tous les champs de compétence et d'intervention touchant
la culture et les communications." Sur ce point, votre formation politique et
la nôtre sont dans une harmonie totale et exemplaire. Votre contexte
d'application de cette mesure est différent du nôtre, mais c'est
une question de contexte et non pas d'essence.
Je voudrais parler maintenant brièvement de financement par
l'État des activités culturelles, pour dire, premièrement,
que l'État doit être très présent et non pas moins
présent dans l'avenir qu'il l'a été dans le passé,
non seulement par ses interventions financières, mais aussi par ses
interventions régaliennes, c'est-à-dire son pouvoir de
réglementation, d'attribution des permis de radiodiffusion et de
télédiffusion, les droits d'auteur, les droits voisins. Je dis
rapidement que pour nous - ce n'est pas parce que je le dis rapidement que ce
n'est pas prioritaire -le Québec doit conserver des institutions
publiques à 100 % de radio et de télévision coexistant
avec un secteur privé abondant, varié. Je n'ai aucune
réserve contre le secteur privé. Je dis qu'on doit garder des
réseaux publics.
En matière de financement toujours, je me joins à
plusieurs intervenants qui ont préconisé que les interventions
financières de l'État soient faites à travers des
intermédiaires. C'est le fameux "arm's length", la distance
nécessaire. Je crois que cette distance est nécessaire pour ne
pas donner au pouvoir exécutif la tentation d'aller au moindre
degré contre la liberté d'expression des créateurs. Je
pense que ce n'est pas le Conseil des ministres ou son agent direct, le
ministère des Affaires culturelles, ou quelque autre ministère
qui doit décider qui recevra l'aide de l'État en ces
matières délicates. Ce doit être des agences où les
créateurs y retrouvent leurs pairs, en particulier.
Je voudrais dire un mot du saupoudrage aussi, qui a fait l'objet de
beaucoup de discussions. Peut-être vous surprendrai-je, M. le
Président, en vous disant que le saupoudrage est une chose qui ne me
scandalise aucunement. S'il n'y avait pas eu de saupoudrage, et si le premier
ministre René Lévesque n'avait pas décidé
lui-même, presque sur ses fonds propres, discrétionnaires, d'aider
le Cirque du soleil, il n'y aurait pas eu la grande aventure du Cirque du
soleil. Et je fais référence au même raisonnement, quand
j'étais responsable de ministères économiques, et
où des gens disaient: Ah! Le saupoudrage... il faudrait consolider les
grands. Bien, celui qui a donné naissance à l'empire Bombardier,
c'était un garagiste d'un petit village des Cantons de l'Est. Alors, si
on avait eu une politique de non-intervention pour les cent fleurs qui peuvent
pousser dans le jardin de l'économie, bien, on serait passé
à côté d'Armand Bombardier, comme on serait passé
à côté du Cirque du soleil et de bien d'autres. Vous me
direz que ce n'est pas facile de concilier consolidation et saupoudrage; je
pense que des balises convenables pour les agences de subventionnement
devraient permettre de réconcilier ces deux réalités.
Le financement de l'État en volume, maintenant. Il
m'apparaît clair que, dans un contexte de souveraineté, le
problème du 1 % est réglé automatiquement et largement,
parce qu'en volume, il ne faut pas, et notre parti s'engage à cela, que
les sommes consacrées à l'intervention culturelle de
l'État soient inférieures à ce que le gouvernement du
Canada y consacre présentement, plus le gouvernement du Québec,
plus les économies relevant de la rationalisation des dépenses.
Ça veut dire qu'on n'est pas dans un "zero-sum gain". Une fois ces
opérations d'addition faites, on a plus de moyens disponibles qu'on en
avait dans le statu quo ante, et j'ajoute, pour faire une analyse un peu plus
fine, que les sommes récupérées de la rationalisation
devraient aller aux arts, qui est toujours le secteur, semble-t-il, qui se sent
le plus démuni.
Je veux dire aussi que, dans la foulée de ce que j'ai
mentionné pour la radiotélévision privée, nous
croyons à l'intervention du privé en matière
culturelle. Nous la souhaitons, nous la sollicitons, mais nous sommes
également réalistes. Dans un peuple de 7 000 000 d'habitants, le
marché, sauf les fulgurantes exceptions internationales que nous
connaissons déjà, ne sera jamais générateur de
profits très abondants. Deuxièmement, même dans la
meilleure hypothèse d'un Québec triomphant sur le plan
économique, nous n'aurons jamais la fondation Ford, la fondation
Rockefeller ou la Guggenheim, dont une seule a des budgets beaucoup plus
importants que ceux du ministère des Affaires culturelles du
Québec et des interventions culturelles d'Ottawa réunis. Donc, le
secteur privé oui, mais nous en subodorons les limites en termes de
capacité de payer.
Enfin, élément essentiel de nos idées de base en
matière de culture: les régions. Nous sommes aujourd'hui en plein
Festival du film de Rouyn-Noranda. Ce n'était pas évident que
dans une politique technocratique de la culture on aurait pensé que
Rouyn-Noranda serait le siège d'un festival du film important. Je suis
originaire de la région de Lanaudière. J'ai vu, presque au cours
du dernier quart de siècle, monter le puissant substrat culturel,
musical en particulier, de cette région. Et je crois que chaque
région du Québec doit faire l'objet d'une attention
particulière en matière de culture, d'abord pour une raison bien
simple, qui est un corollaire de ce que j'ai dit au tout début de mon
propos. Si la culture est un élément essentiel de la
qualité de la vie, tous les Québécois et les
Québécoises, où qu'ils ou elles habitent, ont un droit
à la qualité de la vie, donc un droit à la culture. Alors,
il y a un droit à la qualité culturelle des régions.
Et le problème n'est pas si complexe, en vérité,
puisque dans toutes les régions du Québec, déjà, on
a des pôles assez importants de structuration possible et d'addition.
Dans toutes les régions du Québec actuellement il y a une
université, soit du réseau de l'Université du
Québec, ou, comme l'Université de Sherbrooke, une
université indépendante. Et partout où il y a une
université, il y a aussi des moyens de production de radio et de
télévision importants. Simplement à partir de la
conjonction de ces deux facteurs, on peut facilement consolider des pôles
régionaux. Je pense, en particulier, à ces néfastes
coupures de la desserte des régions par la Société
Radio-Canada. Il est évident que, dans un Québec souverain ou
même dans un Québec provincial bien géré sur le plan
culturel, il faut que les régions soient desservies en termes de
production. Et là, sans mépris pour Saskatoon et Moose Jaw, dont
on entend parler à la télévision de Radio-Canada à
peu près tous les soirs, moi, ce que je voudrais entendre, c'est des
choses venant de Rimouski et de Chicoutimi, et accessoirement de l'univers
entier. Je crois que ce n'est pas correct de privilégier des endroits,
sans doute passionnants, mais qui ne rendent pas justice aux
régions.
Le Président (M. Gobé): M. Landry, je vous
demanderais de bien vouloir conclure, car nous avons déjà
dépassé le temps qui vous est alloué.
M. Landry: Je vous remercie de votre indulgence, M. le
Président, et de votre synchronisme, parce que j'allais conclure de
toute manière.
Le Président (M. Gobé): Alors, nous sommes sur la
même longueur d'onde au moins pour ça.
M. Landry: Absolument. Conclusion en quelques phrases. La culture
est une des missions essentielles de l'État, au même titre que
l'action économique, l'action sociale et l'action régalien-ne.
Deuxièmement, les politiques culturelles sont, évidemment, et
seront complexes. Parce que c'est un univers complexe, comme celui de
l'économie et comme celui du développement social. Mais on ne dit
pas: On ne s'occupera pas de l'économie parce que c'est complexe.
Je dis, en terminant, que l'Opposition se prépare à bien
des choses, évidemment, dont la chose essentielle, celle de remplacer le
gouvernement, mais se prépare aussi en matière culturelle depuis
novembre 1990. Nous avons intensifié nos recherches et nos travaux, en
particulier sous la direction habile et dynamique du député de
Saint-Jacques. Nous ne sommes pas encore en mesure, je l'ai dit, de formuler
une politique définitive. Nous allons continuer les travaux entrepris
dans la concertation avec les divers milieux. Nous allons analyser les
mémoires qui sont présentés ici. Nous allons solliciter
d'autres contacts avec les gens de l'univers de la culture, de façon
à servir au mieux les intérêts non seulement des
créateurs et des créatrices du Québec, mais les
intérêts du Québec tout court.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Landry. Nous
allons maintenant entamer la période de discussion. Et je vais commencer
par Mme la ministre des Affaires culturelles. Vous avez la parole, madame.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Landry, Mme Lalonde. Vous
avez raison, c'est un grand plaisir pour moi de voir mon professeur, qui a
d'ailleurs été un des meilleurs professeurs que j'ai eus en
histoire. Et l'élève, finalement, ne peut pas avoir tourné
aussi mal parce que je crois qu'on peut se rejoindre sur une partie très
importante des positions que vous formulez. Quand on regarde au niveau de
l'avenir, malgré que la méthode est peut-être divergente,
je pense qu'on s'entend tous pour avoir, premièrement, nos leviers de
développement, et deuxièmement, accorder à la culture
l'importance qu'il se doit. Mais, moi, je veux revenir justement, et c'est
à Mme Lalonde, si vous me permettez, M. Landry, que je veux poser la
question...
M. Landry: Elle est venue pour ça.
Mme Frulla-Hébert: Ce sur quoi je veux revenir aussi,
c'est sur l'ensemble de la question, la question historique et fondamentale.
C'est-à-dire que, au niveau culturel, tout l'exercice que l'on fait
présentement, c'est parce que, bon, depuis 30 ans, on se
développe, les programmes se sont ajoutés, et, là, crac!
la machine, ça ne fonctionne plus. Si on est ici, c'est parce qu'on a
besoin, un profond besoin de changement dans notre façon de faire, dans
notre façon de voir aussi et d'entrevoir la culture, pour la
préparer aussi pour les générations qui suivent.
Mais ça, depuis 30 ans, on n'a jamais réussi... On a beau
dire le fédéral, le fédéral... Je suis comme vous,
là, on se dit: Ils sont partout, ils sont sur notre territoire. Le
pouvoir de dépenser, c'est probablement le pouvoir le plus vicieux qui
existe. Mais, ceci dit, on leur a quand même laissé beaucoup de
place. Et je reviens à ce que M. L'Allier disait: Si on faisait le
ménage chez nous, après ça, on pourrait peut-être
voir ce dont on a besoin. Mais, moi, je veux avoir le "ce pourquoi". On part de
loin, on est rendu maintenant en 1991, mais comment se fait-il qu'on n'a
jamais, de part et d'autre, il faut quand même se l'avouer, laissé
toute la place au développement culturel?
Mme Lalonde: Merci de cette extraordinaire question, mais je
pense que tu sais la réponse. Ma première réponse,
ça va être que la culture, c'est d'abord et avant tout
l'expression de la personnalité d'un peuple. Et ce peuple, je dirais,
aspire profondément à être capable de contrôler sa
destinée. Et le désarroi d'un certain nombre de milieux vient du
fait qu'après avoir fait des progrès étonnants au niveau
culturel... Moi, je me souviens d'avoir accompagné un milieu
spécifique, depuis les années soixante, qui est celui du
cinéma, m'être interrogée de façon angoissée
sur les capacités qu'on avait de faire un cinéma qui soit de
calibre international. Je vols maintenant une floraison extraordinaire mais, en
même temps, des artistes, des artisans qui se demandent si, dans la
nouvelle donne internationale, ils vont être capables d'avoir les moyens
suffisants pour compétitionner avec les autres.
Bernard a fait l'introduction qui, je pense, explique. Nous vivons une
période de mutation, de changement. Nous avons fait un progrès
énorme et je crois que nous vivons une crise de croissance, et, à
ce moment précis, nous avons besoin de part et d'autre des moyens
nécessaires qui vont nous permettre, je dirais, d'assurer les artistes
créateurs et artisans qu'ils ont un État derrière eux, qui
ne leur dit pas quoi faire, mais que les moyens, ils vont les avoir pour
continuer à exprimer leur talent. Je pense que nous vivons effectivement
un moment de crise, au sens de la fin d'un monde et du début d'un
autre.
M. Landry: Est-ce que je pourrais, de façon très
matérialiste, compléter la réponse excellente de ma
collègue? Moi, c'est l'économie que j'enseigne. Et une des
raisons pour lesquelles le gouvernement du Québec n'a pas pris sa place,
c'est parce qu'une loi de base de la science économique, c'est que les
moyens sont limités et rares. Et, comme le gouvernement du Canada,
à la suite de jugements de cour dans l'affaire de la radio ou de la
télévision en particulier, plus tard - ça a
commencé par la radio - a pris à peu près toute la place,
non seulement d'opération mais de taxation, le contribuable
québécois et les gouvernants et gouvernantes du Québec ont
été obligés de prendre acte du fait que les moyens
consacrés à la culture, ils étaient déjà
divertis par le gouvernement du Canada. Et ça aurait été
une injustice fiscale, et même un peu scandaleux de demander aux
Québécois de faire l'effort aux deux niveaux: payer pour l'ONF,
payer pour Radio-Canada, payer pour le Conseil des arts, payer le quart de
toutes les dépenses fédérales, et se faire retaxer ici
pour les mêmes raisons. Dans le contexte d'aujourd'hui, ça serait
la rébellion, c'est sûr! Mais, même dans le contexte
d'autrefois, ça aurait été de l'injustice.
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, on a beaucoup
parié de moyens. C'est sûr que les groupes, plusieurs groupes qui
sont venus nous rencontrer, évidemment, nous disent, et avec raison: Les
moyens ne pleuvent pas. Alors, ils se disent: On ne veut quand même pas
être privés de ce qu'on a déjà, parce que ce n'est
déjà pas assez. Alors, il y a deux réactions. Et, je le
disais hier, il y a une réaction qui dit: Nous autres, ça nous
prend des garanties parce que, veux veux pas, le fédéral plus le
provincial, plus les économies d'échelle au niveau du
dédoublement... Ça, vous avez raison, j'en suis, puis, avec les
calculs qu'on fait rapidement, il en manque encore. Veux veux pas, si on veut
se développer et accéder à l'ambition justement de nos
groupes, il va falloir aussi en ajouter. Mais, ceci dit, on nous dit deux
choses. D'abord, il y a les moyens, les garanties de moyens, mais on nous dit
aussi: On peut aller frapper à deux portes. Donc, des fois, tu vas
frapper, une dit non et l'autre dit oui; des fois, on peut faire pression sur
la première quand l'autre dit oui. Donc, ça devient une police
d'assurance. (10 h 45)
Là, je veux revenir au principe. Qu'est-ce que vous dites de
ça... Parce que j'ai été surprise de cette
réaction-là. Comme M. Campeau l'a dit hier: On a une maison et on
peut faire plusieurs portes dans la maison. Cette réaction-là m'a
surprise, d'une part. Deuxièmement, toute la stratégie du "arm's
length". Parce que ça aussi, c'est revenu beaucoup. Le Conseil des arts.
Tout à coup, le Conseil des arts, c'est la solution
magique. Mais on sait très bien que le Conseil des arts, au
moment où on se parle, a aussi des difficultés et que le bras est
rendu un peu plus court. Alors, c'est dans toute cette... D'abord, qu'est-ce
que vous dites de cette police d'assurance et, deuxièmement,
expliquez-moi un peu cette structure, supposément, de "arm's
length".
M. Landry: Le double niveau, d'abord, je crois que nous sommes
d'accord, Mme la ministre, que c'est plus votre problème que le
nôtre. Quand nous aurons à gouverner le Québec, il n'y aura
plus deux niveaux. Alors, je comprends que les artistes, en attendant, pour
certains d'entre eux, font de la double porte une police d'assurance et, plus
que ça, un credo politique. Ils ne sont pas en faveur de la
souveraineté du Québec - un certain nombre d'entre eux. Mais, ce
que j'ai entendu et décodé de l'immense majorité des
mémoires, c'est qu'ils disent: Tant qu'on aura un système
à deux têtes et qu'on sait que c'est très rare que le
gouvernement fédéral laisse aller de l'argent vers Québec,
on veut l'assurance de la double porte. Mais là, ce n'est plus en soi,
comme le premier groupe dont j'ai parlé, c'est en attendant. Mais
ça, c'est un raisonnement très dangereux. Ça
m'étonne de voir l'élite culturelle tenir ce raisonnement alors
que, pendant la discussion du libre-échange, elle criait au meurtre
parce qu'elle pensait que certains pouvoirs canadiens s'en iraient à
Washington. Pourtant, ça ferait trois portes. Si deux portes c'est bon,
trois portes, c'est mieux. Je pense qu'il n'y a pas une logique implacable
là-dedans.
Vous avez parlé de garantie aussi. Vous avez raison. Quelle est
la meilleure garantie que les gouvernements donnent? C'est celle d'être
dans un contexte démocratique. Les gouvernements s'engagent, parfois
réalisent leurs engagements; s'ils ne réalisent pas leurs
engagements, on change les gouvernements. C'est la démocratie qui donne
la garantie, et il n'y a pas d'autre garantie, dans un système
démocratique, que la parole des dirigeants et des dirigeantes. Si elle
est respectée, bien; si elle ne l'est pas, la sanction est connue.
Quant au mécanisme de distance, je crois que c'est une des choses
intéressantes dont nous avons hérité de la
démocratie britannique, qui a utilisé ça dans toutes
sortes d'organismes culturels ou autres. Les Américains l'ont fait
également; il y a même, en droit de faillite, ce concept qui est
typiquement de droit administratif britannique. C'est très utile, mais
c'est vieillot et ça pourrait être complété par des
normes et des balises qui, en préservant l'essentiel de la philosophie
du système, c'est-à-dire que ce n'est pas le pouvoir
exécutif qui décide, mais des espèces de magistrats, entre
guillemets - c'est bien de ça qu'il s'agit... Si on consolide ce statut
de magistrat, entre guillemets, et qu'on met des balises comme les juges des
tribunaux ordinaires ont des codes pour interpréter la
réalité et régler les différends, je pense qu'on
pourrait tirer, de cette notion d'être "at arm's length", des
virtualités que même les premiers penseurs britanniques n'avaient
pas vues.
Mme Lalonde: Je voudrais ajouter quelque chose, si vous le
permettez, ayant vécu aussi de l'intérieur ce qu'était ce
jugement péremptoire de fonctionnaires qui vont dire oui ou non à
un projet sur lequel on a sué pendant des mois, avec des sacrifices
financiers énormes, sang et eau. Parce que je pense que les artistes et
les artisans sont venus ici crier, pour un grand nombre, que, pour quelques-uns
qui réussissent, il y en a un nombre très important qui vivent
mal, et très mal, et pour qui le BS n'est pas une réprobation
sociale parce qu'ils sont nombreux ou à être là ou à
être passés par là. Alors, je pense que cette expression,
c'est aussi l'expression de la petite misère à laquelle ils sont
habitués et, quand ton projet est refusé, tu penses que c'est
bête. Tu penses que tu es génial ou que tu as bien
travaillé, tu peux au moins aller frapper à l'autre porte. C'est
l'expression, je pense, de la difficulté dans laquelle plusieurs sont et
sur laquelle il faut se pencher. C'est pour ça que nous voulons nous
pencher sur les moyens qu'ont les artistes et artisans qui ne sont pas encore
parvenus à se faire reconnaître de vivre et d'exprimer cette
réalité qu'ils ont en eux et qui est souvent, même avant
qu'elle ne soit exprimée, notre culture.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que je peux poser juste une
petite question, M. le Président, avant que vous passiez la parole?
Juste une petite?
Le Président (M. Gobé): C'est parce que le temps
est écoulé, madame.
Mme Frulla-Hébert: Ah!
Le Président (M. Gobé): Mais on va faire pour vous
un consentement spécial...
Mme Frulla-Hébert: Bon. Un petit consentement.
Le Président (M. Gobé): ...à la demande du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Consentement.
Mme Frulla-Hébert: Le défi du pluricul-turalisme.
Vous l'avez touché un peu. On parle, bon, de multiculturalisme, etc. On
en a beaucoup parlé puis, enfin, on s'en va beaucoup vers
l'interculturalisme, le pluriculturalisme. Plusieurs groupes sont venus aussi,
des groupes de plusieurs communautés culturelles et autochtones.
Comment voyez-vous ce défi-là, qui est surtout pertinent
à la région de Montréal, si on peut dire, mais aussi qui
émane sur tout le Québec? Comment on fait? Est-ce que c'est
vraiment finalement une espèce d'intégration dans la culture
québécoise ou encore une espèce de vase communicant qui
fait en sorte que c'est un enrichissement au niveau de la
communauté?
M. Landry: Mis à part les cas très
spécifiques des autochtones et des anglophones traditionnels du
Québec, nous ne croyons pas au multiculturalisme. Nous croyons en un
Québec pluraliste, multiethnique - il l'est déjà, il va
probablement l'être de plus en plus - mais nous pensons que tous les
Québécois et les Québécoises sont conviés
à construire la culture québécoise, qui est une culture de
langue française, qui a un tronc majoritaire puisé dans les 350
hivers passés ici depuis la découverte et la colonisation, mais
qui s'enrichit des apports venus de partout, de tous les continents, avec
accélération depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mais,
nous croyons que ta notion de multiculturalisme qui est la politique officielle
du Canada, qui a un ministère du Multiculturalisme, est une politique
dangereuse, qu'on ne bâtit pas un pays sur le culte de la
différence payée par les taxes. Ça ne veut pas dire que
sur le plan individuel les gens ne peuvent pas pratiquer toutes les
différences qui les intéressent à l'abri des chartes des
droits et tout cela. Mais on parle de l'intervention de l'État et des
normes officielles, juridiques ou autres du développement culturel. Nous
en sommes restés, après approfondissement, à notre notion
de convergence culturelle plutôt que de multiculturalisme.
La convergence culturelle dans le Québec ouvert d'aujourd'hui,
elle va se faire presque automatiquement. J'aime bien raconter une petite chose
d'observation quotidienne pour moi. J'enseigne dans un département de
sciences administratives de l'Université du Québec à
Montréal, une des meilleures universités du Canada, soit dit en
passant. L'étude de Maclean's est une injure grossière,
non seulement à l'UQAM, mais au système universitaire
québécois. Dans le département de sciences administratives
où j'enseigne, croiriez-vous, madame, qu'une personne sur deux n'a rien
à voir avec des origines Gagnon ou Tremblay, et est arrivée
récemment, et que dans un cas sur deux, même le directeur du
département n'a rien à voir avec les Gagnon et les Tremblay? Je
crois que ça doit être un des cas uniques dans le continent
nord-américain où un corps professoral est à 50 %
recruté dans des arrivées récentes. Je crois que c'est
fantastique, et c'est ça la convergence culturelle. Mais notre
département est un département québécois, de
culture administrative économique québécoise et ouvert sur
le monde.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme Lalonde: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose aussi
sur cette question-là?
Le Président (M. Gobé): Mme Lalonde,
malheureusement...
Mme Lalonde: J'essaierai d'y répondre...
Le Président (M. Gobé): Allez-y. Si c'est court, on
va vous laisser la... Allez-y.
Mme Lalonde: Je veux dire qu'au niveau de l'intégration
des jeunes enfants immigrants, l'expression artistique est souvent une des
meilleures façons de s'intégrer dans le pays d'accueil. Je pense
que la question posée, nous devons nous y adresser. Comment stimuler,
dans le cadre de ce que Bernard a dit, c'est-à-dire dans le cadre d'un
peuple québécois qui fait place à l'expression des
immigrants et immigrantes qui veulent devenir Québécois,
l'expression artistique qui, forcément, enrichit la nôtre? Mais,
je suppose que ce que vous voulez dire, c'est que ça oblige à une
sorte de souplesse dans les programmes. Je n'ai pas de réponse
précise, mais je suis certaine que c'est un vrai problème.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lalonde. Moi,
j'avais une question à poser à M. Landry, mais, malheureusement,
le temps étant passé, j'ai peut-être une petite remarque,
M. Landry. Vous avez fait allusion tout à l'heure à la
Communauté économique européenne et aux pays de l'ALE qui
se sont réunis la semaine dernière. Vous disiez, notamment,
qu'ils n'interviennent pas dans la culture. Ce n'est pas tout à fait
exact, car la Communauté économique européenne intervient
dans certains aspects de la culture par des subventions directes,
particulièrement dans la protection du patrimoine. Et M. le maire
Doré, qui était là la semaine dernière, nous
disait: Le patrimoine, c'est aussi la culture. Et vous avez des endroits en
France, en Belgique et en Allemagne, où le conseil de la
Communauté économique européenne a aidé des projets
de restauration de châteaux, d'édifices ou même va
subventionner des troupes de théâtre ou de ballet-jazz. Alors, il
y a là une implication. Sur quelle base elle se fait exactement? Est-ce
que c'est en accord avec les pays d'origine? Est-ce que c'est en accord avec la
région?
Je sais que dans le Nord-Pas-de-Calais, où les fameux terrils
étaient pour être démolis avec les puits de mines, ils ont
fait un musée du charbonnage. Ça s'est fait avec la région
Nord-Pas-de-Calais, le conseil régional et la Communauté
économique européenne qui a payé pour ça, parce
qu'une partie du patrimoine était pour disparaître. Ceci
étant dit, on n'a pas beaucoup le temps pour en débattre, mais il
y a ce côté-là qui existe dans la Communauté
économique européenne.
M. Landry: M. le Président, aussi brièvement que
vous, je ne peux pas ne pas relever votre intervention. Je n'ai jamais dit que
la Communauté n'intervenait pas. J'ai dit que jamais la
République française ne confierait à Bruxelles sa
politique culturelle. Et les interventions de la Communauté sont
tellement marginales - et si Ottawa voulait faire ça, même
après l'indépendance, ce serait très bien - qu'elles sont
moindres que les interventions de la fondation Rockefeller, qui est très
américaine, pour restaurer des monuments français ou
italiens.
Vous savez, M. le Président - vous le savez sans doute - quel est
le poste essentiel de la dépense de la Communauté
économique européenne à hauteur de 75 %? Ce n'est pas la
culture, c'est l'agriculture. Et il reste 25 % pour tout le reste et la
moitié, à peu près, va en frais de traduction pour la
fonction publique européenne. Alors, on n'est pas du tout dans le
même contexte.
Le Président (M. Gobé): Vous savez que c'est une
fédération en mutation, en mouvance, qui, selon M. Delors, s'en
va de plus en plus... Alors, on verra peut-être dans l'avenir qu'est-ce
qui va arriver avec ça. Malheureusement... J'aurais aimé
ça en parler avec vous longuement. Je pense que vous connaissez bien
ça.
M. Landry: II faudrait convenir que quand le ministère des
Affaires culturelles français sera transporté à Bruxelles,
on pourra refaire une commission parlementaire sur le destin
Québec-Canada.
Le Président (M. Gobé): On en a un ici, nous aussi.
On en a un au Québec, un ministère.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
malheureusement, je vais vous donner la parole. J'aurais aimé ça
continuer, mais...
M. Boulerice: Comment "malheureusement"?
Le Président (M. Gobé): Ou heureusement pour vous
et pour la commission. Ha, ha, ha! Malheureusement pour moi.
M. Boulerice: M. le vice-président, Mme la
conseillère, chers amis, les règles du Parlement font que je suis
assis à ce fauteuil, mais vous savez que, de coeur, j'étais avec
vous à la table de présentation. Le Québec va devenir un
État souverain au moment où un siècle va se terminer et
où va commencer un nouveau millénaire. Donc, ça implique
deux actions: la première, qui est celle de la rigueur, puisqu'il y a un
pays à construire mais, par contre, une grande audace, puisque nous
allons entrer dans un monde nouveau.
Il y a trois questions précises que j'aimerais vous poser. La
première: Pourquoi arts, culture et communications? La deuxième:
Quand vous parlez de rationalisation des dépenses, vous parlez des
coûts de duplication d'administration, je veux dire
l'établissement d'un ministère fédéral dont
l'économie nous permettrait de réinjecter sans doute plus. Au
niveau du "arm's length", donc, la distance comme telle, est-ce que vous songez
à la création d'organismes québécois pratiquant ce
"arm's length" dans le sens de Téléfilm, Conseil des arts,
etc.?
M. Landry: Sur la question de l'intégration - ça ne
vous étonnera pas si je retourne à mes images économiques
- c'est comme si on voulait dissocier la micro-économie de la
macroéconomie et oublier, dans une politique économique, soit la
banque centrale ou soit les PME qui produisent les biens et les services. Pour
tout économiste, l'idée serait absurde. Pour tout
spécialiste de la culture, l'idée doit être absurde aussi
de dissocier ces secteurs. Et je vais vous donner quelques chiffres qui sont
extrêmement convaincants. Globalement, 80 % des revenus des artistes
membres de l'Union des artistes proviennent de la télévision, de
la publicité et du cinéma: 8 sur 10 des dollars gagnés.
Pour le théâtre, par exemple, qui est une activité
extraordinairement riche, c'est un pourcentage presque insignifiant à
côté, c'est moins de 15 %. Alors, dissocier les deux, c'est perdre
le contrôle de la réalité, c'est être un peu
condamné à des interventions, même de bonne foi... (11
heures)
Le ministère des Affaires culturelles du Québec,
fondé par Georges Lapalme, n'a pas fait que des choses absurdes, mais
cette approche intégrée n'a pas été à sa
portée pour les raisons énoncées avant. Tant qu'on n'aura
pas cette approche intégrée, on va s'acharner sur les marges. On
va dire: Je suis le ou la ministre des Affaires culturelles du Québec,
et tout le monde va décoder que c'est une position marginale par rapport
aux interventions étatiques en matière de culture. Donc, il faut
une approche intégrée, sous peine de perdre toute
crédibilité. J'ai vu, comme tous les Québécois et
les Québécoises, la frustration - je crois que c'est le mot - de
certains milieux de création devant cette commission. Elle est
explicable partiellement par la désarticulation institutionnelle et par
le fait qu'ils ne savent plus à quel saint se vouer, ils ne savent plus
à quelle porte frapper. Les ressources ne sont pas à l'endroit
où sont les intentions ou l'inverse. Veux-tu, Francine, prendre la
relève?
Mme Lalonde: Oui. Est-ce que je pourrais ajouter quelques
éléments à ce que Bernard a dit? Quand on veut agir sur la
culture au sens large, il faut savoir quels sont les véhicules
principaux. Bernard vient de dire que 80 % des revenus proviennent des
communications. Or, nous savons que c'est le CRTC, c'est le gouvernement
central qui agit au niveau de l'ensemble de la réglementation, et nous
savons que c'est la
politique radio-canadienne qui va déterminer que, justement, au
lieu d'avoir des nouvelles directes de Chicoutimi et de Rimouski, on aura des
nouvelles de Moose Jaw et de ce qui se passe dans des régions
canadiennes. Alors, on ne peut donc, sur le plan de l'information, sur le plan
du développement du contenu, dissocier le support qui commande le
support de ce qui va être également produit. C'est impensable.
M. Boulerice: Rationalisation des dépenses dans le cadre
d'un rapatriement, M. Landry, vous aviez commencé à
l'aborder.
M. Landry: L'aspect rationalisation, le troisième membre
de l'équation. Les deux premiers, je pense, c'est le budget du
Québec, le budget du Canada au prorata s'additionnant,
dépensé sur le territoire du Québec. Prenons juste les
efforts des ministères québécois des Affaires culturelles
et des Communications au fil des années, incluant l'époque de M.
L'Allier, incluant les périodes bleues, les périodes rouges et
les autres. Une grande partie de l'activité de ces ministères a
été de combattre des politiques fédérales, de
s'opposer à des politiques fédérales avec des
épisodes d'opérette. Il faut se souvenir qu'il y a eu des
opérations de police pour saisir des antennes de
télévision dans le bout de Rimouski. On a frôlé le
ridicule. Mais, pendant tout ce temps-là, pendant qu'on mettait sur pied
le conseil québécois de la radio et de la
télévision, qu'on faisait des audiences publiques, qu'on avait
des commissaires, tout ça était des moyens... des énergies
d'hommes et de femmes dépensées, et de l'argent, en pure perte!
Parce qu'Ottawa n'a jamais cédé un pouce du terrain, ils ont
plutôt avancé, et même par des opérations
policières. Pensez-vous que ça ne coûte pas cher,
ça?
Là, je ne veux pas non plus être amer vis-à-vis de
la ville d'Ottawa ou du gouvernement du Canada - tout le monde sait ce qu'on
pense du gouvernement du Canada et on n'en pense pas que du mal - mais comment
se fait-il que la capitale culturelle du Québec, la métropole du
Québec, Montréal, soit sous-équipée par rapport
à ce qui était, jusqu'à tout récemment, une petite
ville de province, Ottawa? Ottawa a concentré des moyens culturels qui
sont à peu près ceux de la ville de Paris qui a pratiquement
autant d'habitants que le Québec réuni, et plus, si on compte la
banlieue. Est-ce que ça veut dire que la Fédération
canadienne a comme finalité principale le confort culturel des hommes et
des femmes qui habitent la capitale du Canada? Comment se fait-il que
Québec n'ait pas des équipements comparables, ni Montréal,
où est concentrée une telle partie de la population? Je pense
qu'il y a eu une disproportion des efforts et un gaspillage
invraisemblable.
M. Boulerice: Au niveau de la dimension de ce qu'on appelle "at
arm's length", c'est-à-dire à distance de bras, et la
non-ingérence du politique dans l'acte de création, l'attribution
de l'aide de l'État, c'est-à-dire l'État, enfin, par la
voie de son ministère, beaucoup plus partenaire que tuteur comme tel,
notre position est déjà un embryon de réponse, mais
j'aimerais encore vous entendre un petit peu plus à ce
niveau-là.
M. Landry: Moi, je pense que le pouvoir exécutif doit
décider des enveloppes et le ministère jouer son rôle. Et,
une fois que les enveloppes de subvention, qui sont toujours une partie
importante du budget du ministère, sont décidées, elles
devraient être administrées par des organisations
indépendantes du pouvoir exécutif et choisies de façon
à peu près paritaire chez les créateurs, les
représentants du milieu culturel et les usagers, et ayant un statut non
pas de magistrat, parce que je ne veux pas la permanence à vie et les
émoluments plantureux, mais un statut qui s'assimile à celui du
magistrat quant à la liberté de décision - et je reviens
à mes obsessions de comparaisons économiques -un peu comme un
banquier central par rapport au ministre des Finances. Le banquier central
n'est pas aux ordres du ministre des Finances. M. Greenspan, ou ses
successeurs, ou le président de la Bundesbank, ou ses successeurs, ne
sont pas aux ordres du gouvernement de Bonn ou de Washington, mais ils jouent
un rôle central dans l'État. Alors, ces organisations de
subventionne-ment en matière culturelle jouent un rôle central et
ne sont pas aux ordres de l'Exécutif, mais agissent dans des balises
établies par l'Exécutif. Et, dans ces balises, je redis qu'il
doit y avoir la protection des petits. En d'autres termes, le saupoudrage que
certains considèrent comme un mal est plutôt vu par nous comme un
élément positif de disparités et de possibilités
plus grandes d'aider la création.
M. Boulerice: On parle d'une crise au niveau des arts et de la
culture. Ma question serait à Mme Lalonde: Ne croyez-vous pas que, s'il
y a, oui, crise, il y a également crise de croissance?
Mme Lalonde: C'est tout à fait ce que j'ai voulu dire au
début de mon intervention et j'espère que c'a été
bien compris. Quand on regarde ce qu'étaient les différentes
expressions artistiques et culturelles au début des annés
soixante - quand j'enseignais au collège Basile-Moreau - et ce que c'est
maintenant, on peut dire qu'il y a eu un foisonnement extraordinaire. Non
seulement la quantité, mais la qualité est là. Et quand je
disais tantôt qu'il y a crise, c'est que, cependant, nous entrons dans un
monde différent où les supports vont être différents
et exiger davantage de moyens, et je pense que c'est là
l'inquiétude des créateurs et des artisans: leur capacité,
dans ce monde en transfor-
mation, de continuer à être là. Parce que c'est
extraordinaire déjà ce qu'ils font. Et ils l'expriment
peut-être de façon confuse, mais je pense que c'est ce qu'ils
expriment.
Et je tiens à rappeler qu'en ce moment l'action du
ministère des Affaires culturelles touche moins de 20 % de la
réalité culturelle et que le ministère des Communications
touchait, quant à lui, autour de 12 % de la téléphonie et
10 % de la TV. Alors, qu'ils veuillent parler à ceux qui ont du pouvoir
quand ils en ont encore, c'est tout à fait normal mais, nous, notre
projet, c'est de dire: Nous avons un besoin urgent de récupérer
l'ensemble de ces pouvoirs et d'assurer les artistes qu'il y aura un
État avec les moyens suffisants et à distance pour qu'ils
puissent continuer à étonner, dans bien des cas, le Québec
et le monde.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a une question.
M. Boulerice: Une dernière question, M. le
vice-président. On parle de rapatriement des pouvoirs, on parle de
rapatriement de tous les pouvoirs. Nous, nous parlons de rapatriement de tous
les pouvoirs et forcément de tout l'argent, avec un transport
latéral et intégral. Que tout ce qui est dépensé
à Ottawa dans la case arts, culture et communications revienne à
la case arts, culture et communications au Québec. Est-ce que vous
croyez qu'on peut véritablement opérer ce rapatriement dans le
contexte actuel?
M. Landry: Franchement, je n'y crois pas. Je sais que le
gouvernement, lui, a dit à cent reprises que c'était possible, et
le parti gouvernemental a ça comme élément de son
programme. Je ne suis pas le meilleur témoin pour répondre
à cela. Le premier ministre du Canada a redit, à des
époques tout à fait contemporaines, il y a quelques semaines et
il y a quelques mois, que la Société Radio-Canada était
là pour rester, que c'était un élément majeur de
l'unité canadienne. Alors, dans ces conditions, je dis "bonne chance!"
à ceux et celles qui voudraient en rapatrier le contrôle au
Québec. C'est leur problème. Pour des souverainistes, ce n'est
pas un problème. Le transfert latéral, c'est un transfert
universel de tous les moyens et de tous les pouvoirs. Dans un contexte
fédéral souple, il aurait pu être concevable que la
ministre gagne son point, mais le contexte fédéral du Canada
n'est pas souple, comme chacun le sait, et on est plutôt, avec les
dernières offres sur la table, dans une offensive de centralisation que
de décentralisation.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Landry. M. le
député de Mercier, vous avez demandé la parole tout
à l'heure, je crois. Alors, très rapidement, le temps est un peu
dépassé...
M. Godin: II y a déjà longtemps, mais comme je
l'avais écrite ici...
Le Président (M. Gobé): ...mais cette commission
fait toujours un peu...
M. Godin: ...donc je vais m'en rappeler. Deux choses, M. Landry
et Mme Lalonde. Il y a une chose qui me frappe, c'est que la coexistence de
trois sources de financement pour les artistes - le ministère des
Communications à Ottawa, le ministère des Affaires culturelles
à Québec et la ville de Montréal, le mini budget qu'elle a
pour la culture - fait d'eux des péripatéticiennes
perpétuelles. Ils font le trottoir, à la porte des... Ils
remplissent des formules des trois services subventionnâmes et, quand ils
sont chanceux ou chanceuses, ils frappent le "jackpot", comme on dit, ou une
petite loterie temporaire, jusqu'à la prochaine sortie des
péripatéticiennes. Donc, au plus coupant, pour ne pas dire pire -
au plus "tabarslak", comme aurait dit Jean Duceppe - il urge qu'il n'y ait
qu'une porte où frapper et qu'on ne transforme pas les malheureux
artistes du Québec en péripatéticiennes
perpétuelles.
D'autre part, M. le Président, j'aimerais demander aux
porte-parole du PQ ici ce matin, puisque le fédéral après
tant d'années dans les plates-bandes de la culture n'a pas fait que des
conneries: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un inventaire des politiques
qu'il a mises sur pied et dont les résultats sont importants pour les
artistes, nommément la politique qu'il appelle de prêts publics?
À chaque année le fédéral fait faire une
extrapolation du nombre de prêts de livres dans les bibliothèques
publiques de tout le Canada et, à partir des sorties de livres, il
attribue annuellement des montants aux auteurs québécois. Moi, je
connais un grand nombre d'écrivains dont c'est le seul revenu pour toute
l'année. Et je ne veux mentionner à titre d'exemple que Gilbert
Langevin et Gaston Miron, deux grands poètes qui, quand le budget
fédéral est enfin adopté, se mettent à
vérifier le passage du facteur tous les matins pour s'assurer que, le
jour où leur chèque est dans le courrier du matin, à moins
de grève des postiers, ils soient les premiers à le recevoir,
à mettre la main dessus pour aller rembourser quelques dettes, payer
quelques comptes et surtout, dans bien des cas, leur dépanneur. Alors,
ces gens-là sont un peu inquiets de voir le rapatriement de tous les
pouvoirs, de tout l'argent du fédéral, parce qu'ils craignent que
ces programmes-là soient abolis par un gouvernement du Québec
souverainiste ou un ministère des Affaires culturelles unique pour
l'ensemble de la communauté créatrice du Québec.
Le Président (M. Gobé): M. Landry, vous avez la
parole.
M. Landry: C'est Mme Lalonde qui va
commencer.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement, Mme
Lalonde, parce que nous avons maintenant dépassé depuis une
dizaine de minutes.
Mme Lalonde: Avant que le député de Mercier
n'arrive, j'avais soulevé moi-même cette question-là,
à laquelle il faut comme peuple s'adresser, parce que, effectivement,
les artistes créateurs artisans sont souvent dans une situation
pénible. Et ce qu'on reproche à Ottawa, c'est d'être celui
qui fait, pas nécessairement les programmes qui ont été
faits, et je pense que c'est quelque chose qu'il faut retenir. Par ailleurs,
que les créateurs et artisans aient souvent été des
"peddlers" si vous pouvez me permettre l'expression, oui, et ça n'a pas
de sens.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lalonde. M.
Landry, un petit mot à ajouter? Non? (11 h 15)
M. Landry: Oui, pour ajouter que le gouvernement du Canada sur le
territoire du Québec, avec l'aide de générations de
Québécois et de Québécoises du milieu de la
création, a fait des choses extraordinaires: la Société
Radio-Canada, l'Office national du film. Et il faut regarder, sur le plan
historique, que les plus dynamiques en matière de radio, par exemple, au
Canada, ont été des Québécois qui s'appelaient
Geoffrion et autres. C'est la Cour suprême, en définitive, qui a
déplacé vers Ottawa le pouvoir réel, mais l'initiative
était au Québec. Et dans la pensée souverainiste, il n'y a
jamais eu le moindre mépris pour ces extraordinaires réalisations
du gouvernement du Canada, faites dans le cadre institutionnel
fédéral par des Québécois et des
Québécoises sur notre territoire.
Pour le reste, je veux simplement, M. le Président, vous
remercier de votre attention, de votre indulgence, puisque vous nous avez
laissé dépasser un peu le temps. Je remercie également la
ministre, les députés des deux côtés de cette
commission qui nous ont écoutés ou questionnés. Et je les
félicite pour leur persévérance et le sérieux avec
lequel ils s'occupent d'une question aussi sérieuse: la politique
culturelle.
Le Président (M. Gobé): Avec des groupes comme le
vôtre, on aurait pu passer deux ou trois heures, et on aurait eu encore
des choses à dire. Avant de terminer, peut-être, Mme la ministre,
un mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Mme Lalonde, M. Landry, vous
savez, pendant qu'on discutait et pendant que vous parliez... Je pense
qu'ensemble ici, à cette commission parlementaire, nous avons la chance
de nous exprimer sur ce qui fait de nous l'essence même de notre
société distincte, c'est-à-dire notre culture. Il y a
beaucoup de groupes qui sont venus ici et qui ont parlé des politiciens,
des ambitions de politiciens et, mon collègue le sait, je réagis
toujours un peu là-dessus. Parce que, malgré nos divergences
d'opinion au niveau du statut du Québec et ce qui fait partie d'un
ensemble et d'un tout global, il est important, à l'heure de ces grands
changements - et là-dessus on est fondamentalement d'accord au niveau
des objectifs, au niveau de la maturité que nous avons atteinte comme
société - ces grands changements, vous l'avez dit, qu'ils soient
mondiaux... Mme Lalonde, vous l'avez dit: On est à l'heure de ces
changements-là. On est tous d'accord pour dire que notre culture, c'est
ce qui est, chez nous, le plus important, c'est notre essence même, c'est
le "nous" du Québécois. Je pense qu'on prouve maintenant
qu'ensemble, et de part et d'autre, on est capables de se pencher sur ce sujet
qui est capital. J'espère que les Québécois en tirent
aussi une très bonne leçon. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Landry. Au nom des membres de cette commission, je tiens à
vous remercier. Ceci met fin à votre audition et vous pouvez maintenant
vous retirer.
Je vais maintenant appeler les représentants de la
Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec et leur demander
de bien vouloir prendre place en avant.
Mesdames et messieurs, si vous voulez bien reprendre vos places afin que
la commission puisse poursuivre ses travaux. Merci beaucoup. Il nous fait
maintenant plaisir d'accueillir la Commission-Jeunesse du Parti libéral
du Québec qui est représentée aujourd'hui par M. Mario
Dumont, président. Bonjour, M. Dumont.
Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec
M. Dumont (Mario): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Par M. Éric
Montmigny, coordonnateur aux affaires politiques.
M. Montmigny (Éric): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur. Et la
troisième personne qui vous accompagne n'étant pas sur notre
liste, peut-être que vous pourriez la présenter, M. Dumont.
M. Dumont: Oui, c'est M. Martin Lapointe, qui est le
représentant de la région Lac-Saint-Jean, qui a travaillé
sur le dossier culturel au sein de la Commission-Jeunesse.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Lapointe.
Bienvenue parmi nous. Et nous rajoutons votre nom sur nos listes tout de suite.
Alors, M. Dumont, vous avez une quinzaine de
minutes pour faire votre présentation. Par la suite, discussion
avec le côté ministériel et le côté de
l'Opposition officielle pour une autre quinzaine de minutes à peu
près. Donc, vous avez maintenant la parole.
M. Dumont: Merci. D'abord, je voudrais amorcer la
présentation. Elle va être en plusieurs points. Martin et puis
Éric vont me suivre. La Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec, ce sont les membres du Parti libéral du Québec de
25 ans et moins qui, évidemment, font avancer les idées des
jeunes au sein du Parti libéral du Québec et qui, au-delà
de l'action partisane à l'intérieur du parti, se donnent
également un mandat pour prendre position par rapport à des
dossiers d'actualité, par exemple dans le cadre de cette commission sur
la culture.
Évidemment, au sein du Parti libéral du Québec,
c'est assez facile de parler du dossier culturel. Je pense que notre parti a
fait avancer au fil des 30 dernières années, de façon
importante, le dossier culturel. Qu'on pense à la création du
ministère lui-même il y a une trentaine d'années, qu'on
pense plus récemment au statut de l'artiste, à l'accroissement
récent des budgets depuis qu'on est au pouvoir. Je pense que c'est
opportun qu'un gouvernement libéral, à ce moment-ci,
prépare une politique de la culture et des arts et mette en place les
structures nécessaires pour y arriver.
Le moment est particulièrement bien choisi, selon nous, pour
parler d'une politique de la culture et des arts - on sait que le Québec
a été, et va continuer de l'être au cours des prochains
mois, dans des moments de grande réflexion et de grande décision
- et, dans cet esprit-là, je pense qu'on l'a dit et redit, en tant que
société qui est clairement distincte dans toute l'Amérique
du Nord, pour se doter d'une politique qui investit l'État
québécois clairement d'une mission en matière
culturelle.
A priori, la Commission-Jeunesse appuie plusieurs, et même
l'ensemble des grandes idées qui sont inscrites dans le rapport du
groupe Arpin. D'abord, l'idée d'une politique culturelle
elle-même, également le rôle de l'Etat, spécialement
au Québec, compte tenu qu'on est la seule société avec un
gouvernement à majorité francophone en Amérique du Nord;
donc, le rôle que cela confère à notre gouvernement en ce
sens-là au niveau du soutien aux créateurs, du soutien aux
organismes, ça, on est derrière ça.
On est également derrière toute la dynamique qui veut
favoriser l'accès à la vie culturelle, parce que la vie
culturelle, c'est d'abord et avant tout pour notre population. On est
également en faveur des mesures visant à accroître
l'efficacité des interventions, à diversifier le financement.
Alors, il y a là tout le fondement d'une activité culturelle qui
soit fonctionnelle.
Pour nous, une politique de la culture et des arts, ça signifie
un document de base qui puisse finalement donner de grandes orientations,
assurer une cohésion des actions, qui puisse réunir l'ensemble
des intervenants concernés derrière une même vision pour,
évidemment, améliorer l'utilisation des ressources et renforcer
des structures qui sont déjà en place et qu'on a pu construire
depuis 30 ans, depuis, surtout, la création du ministère.
Une des recommandations du rapport, je pense, qui est appuyée par
plusieurs groupes, et qui pour nous autres est fondamentale et essentielle,
c'est de réclamer l'exclusivité des pouvoirs pour le
Québec. Pour la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec, pour nous aussi, il est essentiel que le Québec
détienne l'exclusivité des pouvoirs en cette matière. Et,
d'ailleurs, je pense que ça fait partie clairement de l'historique de
notre parti. Qu'on se réfère aussi loin qu'en 1971, alors que M.
Bourassa parlait de souveraineté culturelle, donc du rapatriement des
pouvoirs en matière de culture et de communications. Et, en ce
sens-là, si vous référez au programme de notre parti,
évidemment, on s'aperçoit que le programme du Parti
libéral réunit et obtient l'adhésion de différents
groupes dans la société québécoise.
De plus en plus, je pense quand même important qu'en tant que
membres du Parti on le réitère. On dit dans le rapport du Parti:
II y a deux niveaux de gouvernement qui sont en concurrence, d'où une
incitation à la surenchère, aux conflits, à
l'inefficacité. Le fédéral s'est taillé une place
de choix dans la vie culturelle du Québec grâce à plusieurs
institutions: les archives publiques, la Galerie nationale, Radio-Canada, le
Conseil national de recherches, l'Office national du film. Certaines
juridictions de nature exclusivement fédérale ont des
répercussions importantes évidemment sur le secteur culturel
québécois et, entre autres, dans le domaine des communications.
Or, le rapport du Parti est clair, le Québec doit exercer la juridiction
exclusive dans tous les champs de compétence et d'intervention touchant
la culture et les communications. Évidemment, cela nous apparaît
incontournable dans l'élaboration d'une politique
québécoise, proprement québécoise, de la culture et
des arts.
Comme on amorçait cette réflexion-là lors de notre
dernier congrès des jeunes cet été, et comme l'a fait le
rapport Arpin, il est essentiel dès maintenant de préparer ce
futur-là, cette situation future où le Québec sera le
responsable de l'ensemble des leviers de son développement, entre autres
en matière culturelle. Et on appuie l'idée qui est dans le
rapport du groupe Arpin, justement, de commencer à mettre en place des
structures en fonction d'un gouvernement du Québec responsable de la
plénitude des pouvoirs en matière culturelle. Or, quand on dit
préparer le Québec à être le seul maître
d'oeuvre en matière culturelle, on veut dire éviter dès
maintenant les objectifs concurrentiels, donner
une orientation claire et donner une vision, donner des objectifs qui
sont conformes, évidemment, aux aspirations du Québec.
On appuie également l'idée d'avoir, comme il est dit dans
l'énoncé de politique, un ministère de la Culture comme
tel. Pour nous, dans la culture, il y a trois grands axes qui sont la
création, la production et la diffusion, et une politique
adéquate de la culture et des arts doit tenir compte des trois axes,
donc de la production, de la création et de la diffusion. Or,
au-delà du changement de nom du ministère, il nous apparaît
foncièrement important de tenir compte de changements en profondeur et,
dans ces changements en profondeur qu'on envisage, on pense que devrait
être étudiée très sérieusement la
possibilité de regrouper justement ces trois axes en un seul
ministère. Et regrouper ces trois axes en un seul ministère,
ça signifie regrouper les deux ministères qui existent
actuellement, donc le ministère des Affaires culturelles ainsi que le
ministère des Communications. Dans ce sens-là, la diffusion, qui
est d'abord et avant tout la responsabilité du ministère des
Communications, est un élément extrêmement important dans
l'élaboration d'une politique culturelle et, pour nous, c'est pour
ça qu'il faut regrouper ça au sein d'un ministère
commun.
En terminant, dans le rapport Arpin qui, je pense, est clair, on
commence déjà à amorcer un élément de
réflexion sur des éléments du ministère des
Communications qui pourraient être rapatriés au sein du
ministère de la Culture ou des Affaires culturelles. Pour nous, il n'y a
qu'un pas entre dire que certains éléments importants doivent
être rapatriés et dire, finalement, au niveau administratif et au
niveau efficacité: Ayons un ministère qui soit englobant.
Finalement, en termes d'efficacité - un dernier commentaire que
je voudrais ajouter - il ne nous apparaît pas opportun de multiplier les
organismes de la nature d'un... on parle d'un observatoire des politiques
culturelles ou d'autres organismes de cette nature-là. Pour nous, il
serait préférable de privilégier une meilleure utilisation
des organismes, des structures qui sont déjà en place. Par
exemple, face au problème du manque de données en matière
culturelle, du manque de statistiques, on voit davantage un rôle pour les
universités, auxquelles il pourrait être commandé justement
ce genre de travail et de réflexion, qui est leur rôle social
fondamental, et qui éviterait la création de nouveaux organismes,
la multiplication des organismes et des structures au sein de l'appareil
gouvernemental. Alors, Martin, au niveau du volet des régions, tu peux
continuer.
M. Lapointe (Martin): Nous, de la Commission-Jeunesse, sommes
quand même d'accord avec le fait que chaque Québécois a
droit à l'accès à la culture, et ce, en région,
spécialement. Cela dit, le rapport Arpin définit sur trois axes
le
Québec: Montréal, Québec et les autres
régions. Nous disons qu'il ne faut quand même pas pour autant
négliger ces régions. Ainsi, nous profitons un petit peu de cette
commission parlementaire pour dire nos inquiétudes concernant les
avenues qui se dégagent du rapport Arpin au niveau de la
problématique culturelle en région.
Donc, nous disons qu'il est peut-être dangereux de simplifier la
spécificité régionale sous le vocable d'"ensemble
régional" puisque chaque région du Québec a une
problématique particulière. Dans les faits, l'Abitibi n'a pas les
mêmes problèmes d'évolution culturelle que la Mauricie ou
la Gaspésie. En plus, le rapport présente une proposition qui
favorise un centralisme accru de l'activité culturelle à
Montréal. Donc, on favorise la production et la création à
Montréal, la construction d'infrastructures et la diffusion dans les
régions pour présenter des créations
montréalaises.
Il est quand même important de dire que l'évolution
culturelle du Québec doit émerger de partout et pas seulement de
la région montréalaise. L'intérêt pour la population
des régions au niveau culturel ne pourra continuer que s'il y a des
activités de création et de production issues de leur milieu, et
des spectacles passagers ou des tournées venant de la région
métropolitaine ne seront peut-être pas une fin en soi. (11 h
30)
À titre d'exemple, une partie de la population du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, d'où j'ai la chance de venir, a un orchestre
symphonique, et je dois dire que cet orchestre symphonique, le fait d'en avoir
un dans la région a vraiment développé un engouement pour
ce qui est de la musique classique en général. Donc, bien
sûr, la production de spectacles en provenance de Montréal est
importante en région, mais la chose n'est pas une base solide pour
initier, éduquer des gens à la culture. Alors, il est important
de donner des outils aux acteurs et aux intervenants régionaux pour
continuer à créer et à produire, car ce sont eux qui, on
pense, sont vraiment les gens qui sont au fait de leur milieu. D'ailleurs, des
organismes comme les conseils régionaux de la culture font un travail
considérable au niveau de la représentation, de la consultation
et de la concertation de l'ensemble des organismes et intervenants du milieu
culturel de leur région. Cependant, le rapport Arpin se questionne sur
le rôle de ces CRC vis-à-vis des directions régionales du
ministère. Je crois que cela nécessite quand même un
éclaircissement pour un meilleur développement au niveau des
régions.
Donc, nous, de la Commission-Jeunesse, proposons que soit
redéfini le rôle des CRC de façon qu'ils deviennent des
instances de concertation et de soutien au développement culturel. De
même, H faudra accroître leur autonomie en augmentant le support
financier ainsi que la liberté de gestion de leur enveloppe
budgétaire
pour répondre plus efficacement aux besoins spécifiques de
leur région.
Pour finir, le gouvernement du Québec doit favoriser la
création ainsi que la pratique des artistes en région. Cela est
d'autant plus important parce qu'on assiste à l'heure actuelle à
un exode massif des populations des régions vers les milieux urbains, ce
qui risque d'augmenter, en fait, le nombre de chômeurs culturels dans la
région métropolitaine.
Nous reconnaissons tout de même le rôle de Montréal
et de Québec à plusieurs niveaux et la nécessité
d'y concentrer des forces. Nous tenons aussi à réaffirmer que le
développement culturel ne doit pas être que le fait d'une
métropole urbaine, mais plutôt le reflet de l'ensemble du
Québec. Donc, des régions fortes pour un Québec fort.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lapointe. C'est
là maintenant tout le temps qui était imparti pour votre
présentation. Vous avez quelque chose à dire, vous, monsieur?
M. Montmigny: Oui. C'est parce que... Je vais peut-être y
aller rapidement.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement,
s'il vous plaît.
M. Montmigny: Un des points majeurs du mémoire, la
Commission-Jeunesse affiche vraiment sa déception de ne pas retrouver
dans le rapport Arpin un volet spécifique pour la jeunesse, donc la
relève. Et, justement, ce qu'on demande présentement à
cette commission-là, c'est que la future politique culturelle
québécoise inclue un volet culturel pour la relève
québécoise. On sait que les problèmes... Actuellement, on
a un manque d'études par rapport justement aux besoins de la
relève. Donc, le premier point à faire, la première
démarche à entreprendre - et on aurait espéré que
le rapport Arpin le fasse -c'est d'enclencher justement une réflexion et
de faire un bilan sur la situation des jeunes artistes.
On sait pourtant que près d'un artiste sur cinq a moins de 30 ans
et que, pour 60 % d'entre eux, ils gagnent moins de 5000 $ par année.
Donc, un des points fondamentaux, je pense, de la nouvelle politique culturelle
du Québec, c'est d'avoir un volet pour venir en aide à la
relève québécoise parce que l'avenir de la culture au
Québec dépend de cette relève-là et de la
capacité de se renouveler.
Je vais peut-être y aller rapidement. Dans le mémoire, on
parle de rayonnement international. C'est là un volet fondamental et
important pour la politique culturelle, et on est d'accord avec les
recommandations du rapport Arpin dans ce sens-là, et on demande que ces
recommandations-là soient appliquées le plus rapidement
possible.
Et, finalement, en terminant, au point de vue du financement, on sait
que le financement, c'est vraiment le nerf de la guerre au point de vue
culturel, on amène quelques points. On sait que le ministère des
Affaires culturelles, depuis les dernières années, a connu une
augmentation substantielle de son budget par rapport aux autres budgets des
autres ministères. Ce qu'on dit, c'est que la Commission-Jeunesse
réitère l'engagement électoral pris en 1985 par le Parti
libéral du Québec et réitéré en 1989
d'accorder le 1 % des dépenses publiques au ministère de la
culture, sauf que le 1 % ne doit pas être seulement une fin en soi. Il
faut aller au-delà du 1 %, surtout quand on regarde l'ensemble des
nouveaux pouvoirs en matière culturelle dont le Québec devrait
être doté et du réaménagement des structures
administratives qu'on propose en matière de communications.
Il est aussi essentiel de développer un partenariat. On parle de
financement accru des municipalités, on parle aussi d'une implication
accrue du secteur privé dans le domaine de la culture. On sait qu'au
Québec, comparativement à ce qui se fait ailleurs, ces deux
secteurs-là ont été moins présents dans le
passé. Donc, on dit qu'il faut que les municipalités participent
davantage et il faut aussi que le secteur privé participe davantage,
mais ça, ça prend des incitatifs. Ça prend des incitatifs
fiscaux, différents incitatifs ou mécanismes pour permettre
justement à l'ensemble de ces paliers-là ou à l'ensemble
des intervenants de s'entendre et de se mettre d'accord sur les orientations
à prendre. Ce partenariat devrait mener aussi à la
création de fonds de capitalisation pour le développement
culturel, un peu comme ça se fait pour le développement
économique, surtout quand on regarde les problèmes de capital de
risque, d'avoir du capital pour développer des grands projets.
Finalement, en terminant, on dit oui à un financement accru du
secteur culturel, mais oui à un financement qui doit être bien
dirigé, c'est-à-dire qui doit vraiment être ciblé et
aller selon les attentes du milieu québécois.
L'efficacité, justement, de ce financement-là et
l'efficacité de la politique culturelle seront évaluées en
fonction de la capacité d'accorder le plus d'aide, le plus de soutien
aux acteurs, aux différents artistes et non aux structures
gouvernementales comme telles. Arpin propose d'éviter le saupoudrage,
comme c'est le cas en France. Et la Commission-Jeunesse trouve ça un peu
dangereux, parce qu'en évitant le saupoudrage, on favorise les
élites et pour qu'il y ait un renouveau des élites, ça
prend de la relève. Et si on n'accorde pas de soutien à la
relève, on n'aura pas de renouvellement continu de la culture
québécoise.
Peut-être un autre point...
Le Président (M. Gobé): En conclusion, s'il vous
plaît, parce que le temps est maintenant...
M. Montmigny: D'accord. Toujours sur la relève, un point
que j'aimerais amener. Au point de vue de ce qui est de la relève
amateur et de la relève profesionnelle, ce qu'on suggère... C'est
parce que, actuellement, tout le point de la relève amateur est au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Et, justement,
en termes d'efficacité, on dit que l'ensemble des politiques de
relève culturelle doivent être au ministère de la
culture.
Finalement, le financement de la culture ne doit pas être
dirigé uniquement vers une élite, mais être plutôt le
reflet d'un société.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Montmigny. Alors,
M. Dumont, c'est là, malheureusement, tout le temps qui était
alloué, mais vous allez pouvoir continuer la discussion avec Mme la
ministre. Auparavant, j'annoncerai aux membres de la commission qu'en vertu de
l'article 132, je requiers leur consentement afin que le député
de Vimont puisse participer à la commission.
M. Boulerice: Sous réserve. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Gobé): Je vois qu'il y a un large
consensus. Donc, M. le député, vous pourrez participer à
nos travaux. Maintenant, Mme (a ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Rapidement, pour laisser la parole
à Benoît. On parle beaucoup des jeunes. On parle beaucoup
d'habitudes de consommation au niveau des jeunes. On parte beaucoup d'habitudes
de consommation versus les produits américains, donc, une
non-sensibilisation - et corrigez-moi si j'ai tort - de cette culture
québécoise provenant peut-être d'un manque au niveau de
notre système d'éducation - ça, c'est à voir. Mais,
dans une politique culturelle, quelles seraient les actions qui seraient
susceptibles de favoriser un accroissement de la consommation des produits
québécois par des jeunes, d'une part? Puis, deuxièmement,
est-ce que c'est faisable? Vous nous dites: On est envahi par tout le monde et
les Américains sont tellement forts... Selon vous?
Le Président (M. Gobé): M. Dumont, vous avez la
parole.
M. Dumont: Je vois un certain nombre d'éléments de
réponse à ça. D'une part, il nous apparaît qu'entre
autres, au niveau du système d'éducation, pour commencer
là, au niveau plus avancé, quand on arrive au collégial,
à l'université, if y a une mise en contact assez importante avec
la chose culturelle. Au niveau secondaire, on sent clairement que c'est plus
faible, à quelques exceptions près - qu'on parle de cours d'arts
plastiques, dans la plupart des écoles, en secondaire I ou II, qui sont
une forme d'art très spécifique - la mise en contact
générale avec des arts comme le cinéma, etc., c'est assez
restreint.
D'autre part, je ne suis peut-être pas aussi pessimiste sur la
question de l'envahissement, par exemple, de la culture américaine. Je
pense que pour qu'il y ait de la consommation, il faut qu'il y ait une
production intéressante qui crée une demande. Et, dans cet
esprit-là, on a de plus en plus de gens au Québec, entre autres,
au niveau de la chanson, du cinéma, qui performent et qui, de par leur
performance... Et, ça, c'est... On a créé un
ministère des Affaires culturelles il y a 30 ans; on n'a pas un
historique de siècles à cet égard-là, mais je pense
que, déjà, on sent les résultats qui se font sentir. Il y
en a de plus en plus, d'artistes québécois, qui
intéressent les jeunes Québécois. Alors, la consommation
est évidemment une question de demande. Je pense que ce sont les
principaux éléments. Et, évidemment, en renforçant
les outils au niveau de la création, comme on propose certaines choses
dans notre mémoire, je pense qu'on pallie une partie du
problème.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dumont. M. le
député de Vimont.
M. Fradet: Merci, M. le Président. Je tiens, en premier
lieu, à remercier les membres de me laisser participer à cette
commission et j'aimerais peut-être que le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques me fasse part, éventuellement, de ses
réserves.
M. Boulerice: C'était sur le ton taquin, M. le
député de Vimont. Vous connaissez...
Le Président (M. Gobé): Oui, mais depuis le
début des audiences de cette commission, nous avons adopté une
attitude d'ouverture envers tous les députés qui veulent y
participer et on a vu de nombreux députés libéraux, comme
de l'Opposition, de régions, venir encourager ou questionner les
réglons, les maires et les groupes communautaires, enfin tout le monde,
et vous êtes dans cette tradition-là...
M. Fradet: Alors, je vous remercie, M. le Président...
Le Président (M. Gobé): ...des gens qui suivez.
M. Fradet: ...mais je tiens aussi à remercier les membres
de cette commission pour leur collaboration.
M. Dumont, j'ai trouvé votre mémoire excellent. J'ai aussi
pris en note que vous avez, comme priorité, en matière de culture
au Québec, noté qu'il se doit d'y avoir un rapatriement de la
part du fédéral ou, en tout cas, une pleine
juridiction sur les pouvoirs de la culture et de la communication. Vous
avez fait le parallèle avec le rapport Allaire. On en a parlé
beaucoup, on va continuer d'en parler. Le dossier constitutionnel est toujours
très vivant. Je suis convaincu qu'avec l'aide d'une partie, d'une aile
qui est très dynamique au Parti libéral du Québec, qui est
la Commission-Jeunesse, qui a présenté des mémoires au
gouvernement dans plusieurs dossiers et qui revient aujourd'hui dans le dossier
de la culture, vous pouvez contribuer grandement à l'essor politique du
Québec.
Une voix:...
M. Fradet: Oui, merci, je fais juste des petits commentaires, M.
le Président. Vous parlez, dans votre mémoire, que vous affichiez
- M. Montmigny en a parlé tout à l'heure - une profonde
déception face au rapport Arpin parce que, dans ce rapport, n'a pas
été précisé le rôle ou la
problématique face aux jeunes. Vous avez fait aussi ressortir que plus
d'un artiste sur cinq a moins de 30 ans. Alors, c'est quand même assez
substantiel.
J'aimerais vous poser une question, M. Dumont, ou à un de vos
collaborateurs: Quels sont les moyens concrets que vous pouvez penser ou
proposer en matière d'éducation, que ce soit au secondaire, au
primaire, au cégep ou à l'université? Quels sont les
moyens concrets, quand vous dites, dans votre mémoire, que la future
politique doit tenir compte de la situation et des besoins des jeunes artistes
et mettre en place des outils pour leur permettre de meilleures conditions de
travail? Est-ce que vous avez des idées face aux outils que le
gouvernement devrait donner aux jeunes?
M. Dumont: Je pense qu'Éric a abordé un
élément important au niveau de la distinction entre les artistes
amateurs et les artistes professionnels. Donc, déjà là, il
y a un élément qui est important au niveau du soutien,
spécialement des jeunes parce que la relève, dans n'importe quoi,
ça concerne a priori les jeunes.
En ce qui concerne notre système d'éducation, je
reviendrai avec la question que je soulevais tout à l'heure. Au niveau
du collégial et de l'université, encore là, il me semble y
avoir une structure de formation qui peut être améliorée
comme toute chose, mais qui est assez bien en place, sauf que les niveaux
d'éducation qui précèdent, ça ne donne pas
nécessairement une base au niveau culturel, au niveau de la formation
culturelle qui correspond à ça. Je dirais même que la base
est extrêmement minime.
Les moyens... Il y a un certain nombre de politiques, il y en a
déjà qui existent, qui ont été mises en place par
le gouvernement libéral au cours des années quatre-vingt pour
aider les jeunes, spécifiquement aider la relève artistique.
Donc, je pense qu'il faut continuer dans ce sens- là, peut-être
revoir ça et amplifier ça en fonction des besoins. Là,
c'est ça qu'on aurait aimé là-dedans, avoir une
étude: Qu'est-ce qui en était? Quel est le résultat des
mesures actuelles et comment elles pourraient être
améliorées? Il y a aussi, évidemment, tout le contexte
général du soutien à la relève qui
détermine, finalement, le sort qui va être réservé
aux jeunes. Pour l'instant, le soutien à la relève étant
assez minime dans certains cas, on se retrouve avec la précarité
d'emploi, la précarité du revenu, etc. C'est une situation que
les jeunes vivent de façon générale dans notre
société, on le sait, mais qui, dans le domaine de la culture, est
encore plus pressante. Donc, ça aussi, le soutien général
à la relève, c'est un élément. Je ne sais pas si tu
as des compléments.
M. Fradet: Merci. De un, vous avez dit "jeunes professionnels par
rapport aux amateurs". C'est parce que les jeunes ne sont pas tous amateurs;
c'est la relation que vous vouliez faire entre jeunes professionnels et jeunes
amateurs.
Juste une autre petite question, peut-être. On a des programmes au
secondaire, dans plusieurs écoles secondaires, qui font en sorte qu'il y
a sports-études et culture-études. Le jeune peut se concentrer
activement sur une branche, que ce soit la musique ou l'art dramatique, peu
importe. Pensez-vous qu'on devrait développer davantage ce
concept-là au secondaire? Parce que vous dites qu'au cégep et
à l'université, on a déjà des structures qui sont
bien établies, mais au secondaire, un programme de sports-culture,
admettons, pourrait être développé davantage. (11 h 45)
M. Montmigny: Dans le présent mémoire, on a mis des
idées de l'avant, mais, globalement, pour répondre à la
question, on ne touche pas vraiment à ça dans le mémoire,
sauf que les pistes sur lesquelles on peut réfléchir justement,
c'est que c'est important, comme le rapport Arpin le souligne, qu'il y ait une
sensibilisation accrue des jeunes dès le primaire et dès le
secondaire. Et si, justement, cette modalité-là peut permettre
aux jeunes de développer assez tôt la pratique d'un art, pourquoi
pas? Sauf qu'il existe aussi plusieurs instituts, plusieurs écoles
parallèles qu'il est important de consolider présentement dans le
réseau, qui souffrent d'un sous-financement accru et je pense que la
priorité du réseau, ça doit être vraiment de
soutenir ceux qui sont déjà en place.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Vimont.
M. Fradet: Merci, monsieur. Mais ce que je voulais dire, bien
entendu, c'est dans des programmes spécifiques. Je faisais allusion...
Parce que je connais des gens qui bénéficient de
sports-études, mais je sais qu'il n'y a pas
spécifiquement de culture-études. Ça serait
peut-être quelque chose qu'il faudrait proposer et développer.
Quand vous parlez d'arts plastiques aussi au secondaire - c'est M. Dumont, le
président, qui a parlé de ça tout à l'heure - que
ce soit différents dessins et tout ça - on a tous vécu
ça - croyez-vous que ça ne serait peut-être pas davantage
bénéfique pour les jeunes, pour que la culture soit
inculquée, qu'on ait un programme d'art général, si vous
voulez, plutôt que d'arts plastiques? Sensibilisation à
différents domaines de la culture, que ce soit la musique...
M. Dumont: Moi, il m'apparaît - on n'a pas
développé l'idée dans notre mémoire - en tant que
jeune et de ce que j'ai entendu des jeunes, qu'il est clair que le programme
d'arts plastiques présentement n'est pas très inclusif. C'est: Tu
es habile de tes mains ou tu n'es pas habile de tes mains. Si tu n'es pas
habile de tes mains en arts plastiques, ta sensibilisation par rapport au fait
culturel demeure assez restreinte dans le programme actuel. Des programmes,
évidemment, de culture-études pour ceux qui voudraient aller
encore plus loin, sur le même principe que sports-études, c'est
évidemment un moyen très, très concret de rapprocher un
jeune, de permettre à un jeune, en continuant ses études
secondaires, de se mettre déjà là en contact et de
progresser dans le domaine culturel tout en poursuivant ses études
secondaires.
M. Fradet: Je vous remercie, M. Dumont et MM. les collaborateurs
de la Commission-Jeunesse. Vous avez fait un très bon travail et je suis
convaincu que vous allez continuer à travailler aussi fort pour ce qui
préoccupe davantage les jeunes dans notre société
aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Vimont. Je vais maintenant passer la parole à M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Dumont, M. Montmigny et M. Lapointe, je dois
vous avouer - aveu, non, aveu est culpabilité - je vais plutôt
vous dire qu'à l'exception peut-être d'une petite statistique, je
serais bien tenté d'aller signer votre mémoire. C'est sans doute
M. Lapointe qui a introduit la notion régionale et la présence
des conseils régionaux de la culture. Rassurez-vous, je ne vous le dis
pas de façon prétentieuse, mais c'est le discours que je tiens
depuis six ans. Je suis heureux qu'on travaille ensemble dans la même
direction. Cette dimension régionale est là. Les conseils
régionaux de la culture sont importants. Je suis vraiment très
heureux que vous l'ayez souligné. La toute première question que
j'aimerais vous poser: Vous avez été, la Commission-Jeunesse, le
fer de lance du rapport Allaire. C'était, de toute évidence,
admirable de vous voir travailler sur le plancher du congrès, comme on
dit. Et le rapport Allaire est très clair à ce niveau-là.
Mais, compte tenu des positions actuelles, est-ce que vous en faites toujours
une condition de l'adhésion du Québec à tout arrangement
constitutionnel, ce rapatriement des arts et de la culture?
M. Dumont: Je pense que là-dessus notre rapport est assez
clair comme les positions qu'on a prises antérieurement. Et ces
leviers-là, comme d'autres, sont essentiels, je pense, et la culture, on
pourrait, comme vous le dites, dire plus que les autres, étant
donné que ça fait plusieurs années, à
l'intérieur du Parti libéral du Québec, qu'on
défend ce type de revendications. Donc, on part de 1971 où,
clairement, le Québec revendiquait ça. Or, je pense qu'à
ce moment-ci on pourrait difficilement reculer là-dessus.
M. Boulerice: À la lumière des récentes
propositions constitutionnelles fédérales et des
déclarations très claires du premier ministre
fédéral, M. Mulroney, et du ministre fédéral des
Communications, M. Beatty, Ottawa entend clairement maintenir les
activités de ses institutions culturelles nationales sur le territoire
québécois. Ça, c'est ce qu'ils disent en réponse,
justement, aux requêtes du Québec. Est-ce que vous croyez qu'il
est encore possible pour le Québec de songer au rapatriement de
l'ensemble des responsabilités fédérales en matière
de culture, dans le cadre du régime fédéral qu'on nous
propose, là?
M. Dumont: Bien, écoutez, je ne me lancerai pas à
faire des pronostics sur ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire,
d'obtenir ou de ne pas obtenir. Sur cette question-là, notre position
à nous est claire, elle est connue, et, en fonction des
événements qui suivront, on agira en conséquence. Mais de
là à faire des pronostics sur la possibilité ou les
probabilités, au risque de me tromper, je vais m'abstenir de me
prononcer là-dessus.
M. Boulerice: D'accord, mais je note que c'est toujours une
condition absolue à l'adhésion du Québec à tout
arrangement constitutionnel.
M. Dumont: Oui, comme je l'ai dit tout à l'heure...
M. Boulerice: Oui, effectivement.
M. Dumont:... cette position-là est claire, elle est dans
notre document et dans le programme du Parti: ces leviers-là, comme
d'autres, sont essentiels au Québec, et ça va de soi.
M. Boulerice: Quand vous dites, à la page 8, qu"'il serait
pertinent d'étudier la possibilité de regrouper au sein d'un
ministère de la culture l'ensemble des leviers de soutien, de
création, de
production et de diffusion", est-ce que cette proposition veut dire
l'intégration de l'ensemble des activités du ministère des
Communications au sein du ministère de la culture ou, enfin, peu importe
son appellation, là, par suite du renforcement de son mandat?
M. Dumont: C'est-à-dire que les éléments
qu'on veut souligner là-dedans... Il y a des choses qui se font
présentement au ministère des Communications - on pourrait nommer
Communication-Québec - qui, à mon sens, dans le cas d'une
proposition comme on demande, pourraient être rapatriées, par
exemple, par un ministère comme le ministère des
Approvisionnements et Services, où ça cadrerait autant qu'au
ministère des Communications.
M. Boulerice: D'accord avec vous.
M. Dumont: Mais, dans l'ensemble, quand on parle du rôle de
diffusion de la culture qui est dévolu au ministère des
Communications, bien, cette partie-là, il m'apparaîtrait pertinent
de ramener ça, d'une part, pour l'efficacité, dans un seul et
même ministère et, d'autre part, pour donner davantage de poids
aux porte-parole de ce ministère-là au sein de l'ensemble des
prises de décision, en tant que porte-parole de l'ensemble, comme je le
disais, des trois axes: la création, la production et la diffusion de la
culture au Québec.
M. Boulerice: Nous faisons front commun pour la culture et cela
n'est pas mauvais. Effectivement, ces leviers-là sont trop
interreliés, interdépendants pour les laisser de
côté. Le rapport Arpin parle de saupoudrage - bon, je n'aime pas
le terme mais, de toute façon, c'est celui qu'on emploie - et propose de
mettre fin à ce saupoudrage-là au chapitre du financement, ce
que, nous, nous contestons comme assertion. Vous semblez émettre des
réserves à cet égard, au niveau du saupoudrage. Est-ce que
vous pouvez en préciser le sens?
M. Dumont: Non, attention, il ne faut pas confondre les choses.
Je ne pense pas qu'on puisse être en faveur du saupoudrage, et quand on
dit qu'on veut regrouper en un ministère, qu'on veut éviter que
les artistes amateurs relèvent du MLCP, etc., je pense qu'il y a
là une volonté de clarifier les rôles, et également
d'éviter un saupoudrage un peu disparate de l'aide qui est faite aux
artistes. Là où on a une réserve, c'est de dire que
d'éviter le saupoudrage - il y a des mentions qui peuvent porter
à cette interprétation-là dans le rapport - ça
pourrait mener à une forme d'élitisme, c'est-à-dire qu'on
s'en tienne à la consolidation de ce qui existe déjà ou ce
qui est une élite. Qu'on regarde tout ce qui a eu du succès au
Québec en matière culturelle, et, au départ, je ne pense
pas qu'on puisse dire que c'étaient toutes des élites. Et c'est
dans ce sens-là qu'on dit, en tant que jeunes, a priori, qu'il y a un
danger là. Si on veut simplement financer ce qui va déjà
bien et ce qui est déjà fort et le consolider, on ne peut pas
être contre cet objectif-là de consolider et d'aller encore plus
loin avec ce qui est déjà fort. Mais il ne faudrait pas non plus
le faire aux dépens de la relève qui tente d'émerger et
qui n'est pas encore, de toute évidence, une élite.
M. Boulerice: O.K. Si je vous comprends bien, c'est que oui, il y
a une part nécessaire de consolidation. Par contre, on ne peut pas baser
tout sur le saupoudrage. Le saupoudrage demeure quand même très
souvent une avenue et on pourrait peut-être le prouver en regardant les
activités, ou les organismes, ou les individus qui ont
bénéficié du saupoudrage. Très souvent, l'aide,
justement, à cette relève... Vous étiez présent
dans la salle tantôt, vous avez entendu que le Cirque du soleil, c'a
été un saupoudrage. Le saupoudrage a des fonctions heureuses
à l'occasion, et, notamment, M. Lapointe, des fois, dans les
régions, "saupoudrage" peut signifier existence.
M. Dumont: Ce que je serais porté à répondre
à ça, c'est qu'au niveau du saupoudrage, il y a différents
éléments. Quand on parie de saupoudrage, que n'importe qui lance
des subventions un peu... Dans cet élément, on parie de la
région du Lac-Saint-Jean. Il me semble que si on clarifie le rôle
des organismes en région, ceux-là pourront ensuite apporter - on
peut appeler ça un saupoudrage, peu importe - une aide en fonction des
besoins, une aide qui ne soit pas seulement réservée à
l'élite en région, mais qui puisse être saupoudrée,
entre guillemets, entre d'autres groupes. Mais il faut, je pense, quand
même être prudent. L'amélioration des structures... Quand on
parie, dans le rapport, de l'amélioration de l'efficacité des
structures, on évite une partie du saupoudrage et de l'aide qui provient
de différents organismes, qui provient d'organismes qui n'ont pas de
vocation culturelle, mais qui viennent aider... Évidemment, ça a
pu avoir, dans le passé, des répercussions fort heureuses que,
par exemple, une aide discrétionnaire soit apportée. Sauf que la
question que ça m'amène, c'est: Est-ce qu'il ne serait pas
nécessaire d'avoir en place les structures pour qu'une aide
discrétionnaire, qui ne vient pas du milieu culturel, soit
nécessaire? Ou est-ce que le milieu culturel ne devrait pas être
assez bien structuré pour voir ces besoins-là et les distribuer
de façon efficace? Je pense que c'est ça l'esprit de la partie
qui concerne l'efficacité dans le rapport.
M. Boulerice: Vous avez parié de l'enseignement des arts,
mais vous en avez parié selon deux volets, à la fois l'initiation
aux arts comme
telle, c'est-à-dire dans les programmes académiques, mais
il y a également la formation comme telle. Certains vont peut-être
dire que ce n'est pas décidé, que c'était
hypothétique, que c'était un élément de discussion,
etc., sauf que le pavé a été jeté dans la mare. Il
y a 18 députés ministériels qui ont dit que l'on devrait
fermer les conservatoires de musique et d'art dramatique et fermer
Radio-Québec. Que répondez-vous à ceci?
M. Dumont: Je pense que c'est encore des choses qui sont pour
fins de discussion. Je n'ai pas la nature de ces propositions-là. Je ne
pense pas qu'on veuille éliminer carrément des structures comme
celles-là. Si c'était le cas, je ne pense pas que la
Commission-Jeunesse - et là, je n'ai pas la position de mon groupe par
rapport à ces choses récentes qui sont sorties... Ce que je peux
vous répondre pour aujourd'hui, c'est que je ne pense pas que mon groupe
supporterait ce genre de propositions, et encore moins celle concernant
Radio-Québec.
Le Président (M. Gobé): Si vous vouliez conclure,
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Eh bien, M. le Président, quand
j'écoute la Commission-Jeunesse du Parti libéral, je me dis que
j'ai peut-être fait une phrase qui va passer à l'histoire. J'ai
toujours dit que, quand les vieux renards que nous sommes peut-être
s'allieront aux jeunes loups que vous êtes assurément, il y a bien
des choses qui seront possibles au Québec. Et je vous félicite
pour votre intervention, votre mémoire. Pardon?
M. Brassard: Ça va être inquiétant pour les
poules.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ça va être effectivement
inquiétant pour les poules fédéralistes tous azimuts qui
ne veulent pas donner, effectivement, au Québec les pouvoirs qu'il est
en droit d'obtenir au niveau des arts de la culture. Vous avez parlé
d'"unique et seul responsable". Bon, on n'est plus une société
distincte, il paraît qu'on est une société unique. Je ne
sais pas si, en vous rasant le matin dans le miroir, vous avez cette transe
métaphysique de vous demander si vous êtes unique ou distinct. Je
pense qu'on est à la fois unique et distinct. Mais ça, il y a un
fait, votre réponse, jointe à celle de plusieurs, y compris celle
de ma formation politique, donne un poids aux revendications du Québec.
J'étais vraiment très heureux de vous entendre, M. Dumont, M.
Montmigny et M. Lapointe. Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Moi, je me joins à mon
collègue, évidemment, pour vous dire un gros merci. Et, encore
une fois... On dit toujours: Ce que femme veut, Dieu le veut, mais M. Levesque
l'a dit, alors on peut dire maintenant: Ce que jeunesse veut, Dieu le veut.
Une voix:...
Mme Frulla-Hébert: Non, je parle de Gérard D., en
Chambre. Je vais laisser la parole à mon collègue, si vous
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui. Peut-être
même remercier tout le monde au nom des collègues de cette
commission, M. le député.
M. Fradet: Oui, c'est ça. Je voudrais juste faire une
petite rectification. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
critique en matière de culture, porte beaucoup d'importance au rapport
du comité Poulin. Je voudrais juste rectifier. Le député a
parlé des conservatoires. Je voudrais juste dire que le rapport du
comité Poulin, il n'est pas écrit encore et il n'a pas
été présenté au premier ministre encore. Je pense
qu'il faut que ça soit clair. Il y a eu des choses qui ont
été discutées à un moment donné et qui ont
été mises sur la table, mais qui ont été
rejetées tout de suite.
M. Boulerice: Si ce n'est pas écrit, pourquoi le document
se promène? (12 heures)
M. Fradet: Le rapport du comité n'est pas encore
écrit; il n'a pas encore été présenté au
premier ministre, et je voudrais...
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez
conclure.
M. Fradet: ...en terminant, M. le Président, remercier les
membres de la Commission-Jeunesse de nous avoir présenté un
mémoire et remercier aussi les membres de la commission de la culture
d'avoir bien voulu me permettre de prendre la parole et de participer à
leurs travaux. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. M. Dumont, vos collègues... Vous avez un petit mot
à dire, M. Dumont?
M. Dumont: Ah non.
Le Président (M. Gobé): Non? Je vous voyais lever
les mains, c'est pour cela. Nous vous remercions. Ceci met fin à votre
audition, vous pouvez maintenant vous retirer. Et j'appelle sans plus tarder,
car nous avons une demi-heure de retard, le groupe Orchestre symphonique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je vous demanderais de bien vouloir prendre place en
avant.
Alors, mesdames et messieurs, si vous
voulez bien rejoindre vos places afin que nous puissions continuer les
travaux de cette commission. Merci beaucoup. Il me fait plaisir maintenant
d'accueillir les représentants de l'Orchestre symphonique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bonjour madame mademoiselle. Alors, je vous demanderai
de bien vouloir vous présenter, et présenter les gens qui vous
accompagnent, et vous pourrez commencer votre présentation sans plus
attendre.
Orchestre symphonique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean
Mme Larouche (Lise): D'accord. Alors, je vous remercie en tout
premier lieu, M. le Président, de l'opportunité que vous nous
donnez de faire en sorte que le son des régions se rende et qu'on puisse
y prêter une oreille attentive.
Je me présente, je suis Lise Larouche, vice-présidente de
l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'ai ici, à ma
droite, M. Gilles Larouche qui est directeur administratif de l'Orchestre
symphonique ainsi que Mme Régine Hamelin qui siège sur le conseil
d'administration de notre organisme.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre
présentation.
Mme Larouche: D'accord. Cet organisme est un organisme
régional qui a pour mission de faire la diffusion de la musique
classique et de la musique symphonique sur tout le territoire d'une
région, dont le territoire est non négligeable, et qui fait
partie des régions qui, à mon sens à moi et au sens de
notre organisme, méritent d'avoir le respect qui leur revient.
Alors, ce qui est important pour nous, l'exercice auquel on veut se
prêter ce matin, c'est de vous faire la preuve que la viabilité
d'une infrastructure symphonique, c'est possible dans une région. Et on
peut s'inscrire à ce moment-là comme modèle, je pense, de
développement et d'efficacité. On a démontré, nous,
depuis les 12 dernières années d'existence de notre organisme,
que c'est possible de faire de la diffusion en collaboration, dans des
objectifs qui rejoignent finalement ceux du rapport Arpin, des objectifs de
cohésion au niveau des ressources, de concertation avec le milieu. Et,
jusqu'à maintenant, en tout cas, on vous manifeste un peu nos
inquiétudes par rapport à la place qu'on pourra désormais
obtenir. Et cette place-là, je vous soumets qu'elle est bien prise, dans
le sens qu'on a des acquis qui sont non négligeables et qui tiennent
compte, finalement, du sentiment d'appartenance qu'ont les gens de notre
région envers les organismes culturels; et ce sentiment d'appartenance
est très fort et directement relié à la réussite
des activités.
Il ne faut pas perdre de vue que le taux d'insertion qu'on a
réussi à atteindre fait en sorte qu'on couvre l'ensemble du
territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec des concerts de grande
qualité. Depuis les 10 dernières années, nous avons
accumulé plus de 160 concerts. Si vous vérifiez à
l'annexe, on a un tableau qui illustre très bien, finalement, la
couverture que nous faisons avec des concerts de qualité. C'a
été qualifié comme étant un exemple important.
L'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean est considéré
comme l'orchestre symphonique régional le plus performant du
Québec et je pense que c'est dû à la façon dont
l'infrastructure s'est articulée. Je vous suggérerais
peut-être de jeter un coup d'oeil à l'organigramme pour vous
donner un aperçu visuel de ce que nous sommes, faute de pouvoir faire
entendre notre brillant Quatuor Alcan, dont vous avez sans doute entendu
parler. Il représente, soit dit en passant, un fleuron dont nous sommes
très fiers et qui a fait en sorte, entre autres, récemment, que
la Société d'électrolyse et de chimie Alcan a
remporté le prix du Financial Post pour la participation d'une
multinationale au développement d'une région et de l'art en
région, et pour la contribution à l'amélioration de la
qualité de vie.
Je vous réfère à l'annexe II pour vous
démontrer l'organigramme artistique et faire la preuve qu'une
cohésion au niveau de la gestion administrative et une direction
artistique articulée peut donner des résultats et atteindre des
objectifs de diffusion sans nécessairement qu'on ait à servir,
finalement, de simple élément de diffusion des organismes qui
sont situés dans les grands centres. Vous avez la preuve que nous
réussissons à orchestrer, si vous me permettez l'expression un
orchestre de chambre, le Quatuor à cordes Alcan, un orchestre
préparatoire qui, en fait, contribue au développement de
l'auditoire et à l'avenir de nos ressources de musiciens, en même
temps, un rassemblement des cordes et la production de petits ensembles, tout
ça sous une seule administration. Ça nous apparaît un
exemple évident de cohérence au niveau de l'administration et de
la concentration des ressources malgré que tout ça se fasse en
région. Alors, je pense que ce serait important que la commission puisse
avoir une lecture précise de ce qui peut se faire dans ce
sens-là. Et, à notre sens à nous, j'irais peut-être
jusqu'à dire qu'une région peut se présenter comme
étant une entité distincte en soi, parce que c'est une expression
qui est très populaire de ce temps-ci, mais j'irais jusqu'à vous
dire que chaque région a effectivement son tissu culturel et un
sentiment d'appartenance qui est à la base des performances, sur le plan
culturel, qu'on peut faire en région, qui n'est pas négligeable.
Il serait hasardeux de croire que les orchestres des grands centres puissent
desservir les régions avec succès s'il n'y a pas une structure
comme celle que nous avons.
Le leadership de l'Orchestre a fait des
siennes également. Sur le plan de la diffusion, nous diffusons de
façon régulière sur le réseau national de
Radio-Canada, que ce soit au niveau de notre orchestre de chambre qui est sous
la direction de Jean-François Rivest, qui est également
compositeur... Donc, dans ce sens-là, on se trouve à permettre la
diffusion des créateurs régionaux. Nos directeurs artistiques ne
sont pas en région par dépit; ce sont des personnes
extrêmement compétentes - entre autres, M. Jacques Clément
qui est, en l'occurrence, directeur du Conservatoire de musique de Chicoutimi -
des personnes-ressources qui sont en région, qui connaissent exactement
la réalité régionale et qui sont en mesure de pouvoir
articuler, finalement, la diffusion de la musique dans tous les coins de la
région, et ce n'est pas négligeable.
Ce qu'on a de particulier dans notre région, c'est qu'il faut
couvrir un énorme territoire et, en ce sens, il faudrait s'interroger
sur ce qui en est de la distribution de l'argent au niveau des enveloppes
budgétaires régionales. Si on tient compte, par exemple, que
l'enveloppe régionale du ministère des Affaires culturelles est
de l'ordre de 1,8 % en termes de distribution des subventions par le
ministère des Affaires culturelles, on peut s'interroger sur la
proportion qui pourrait peut-être être ajustée pour tenir
compte de la réalité culturelle de chaque région et de la
dynamique qui peut se produire à ce moment-là. Pour avoir la
lecture la plus adéquate possible de la situation, c'est évident
qu'il faut s'en référer à des critères qui passent
par le principe de dire: On ne peut pas faire de compromis sur la
qualité et il faut s'assurer de rejoindre le plus de monde possible.
C'est ce qui nous distingue, d'ailleurs, au niveau des organismes culturels par
rapport aux organismes des autres PME. On ne peut pas faire de compromis sur la
qualité, nous.
Au niveau de nos différents volets, on ne doit pas perdre de vue
le volet éducatif également que l'Orchestre intègre et qui
nous apparaît très important, considérant le vieillissement
de l'auditoire, constat qui a attiré l'attention de l'Association des
orchestres du Québec et de l'Association des orchestres canadiens, par
ailleurs, et on met le paquet de ce côté-là.
Alors, les efforts que nous avons faits sont concrets. Il y a, dans
notre région, une infrastructure solide et la preuve est faite que
ça marche. Ça marche, pourquoi? Ça marche parce qu'on a le
soutien du milieu. Nous sommes à même de vous dire que nous sommes
un des rares organismes culturels... Et là, on n'est pas là pour
quêter des subventions, je veux que vous ayez une lecture de ce qui se
passe là-bas, parce qu'il m'apparaît qu'il faut que ce
son-là se rende ici. On fait partie des organismes culturels qui
s'autofinancent à 75 % et qui sont subventionnés à 25 %
grâce à un support du secteur privé de l'ordre de 42 %. Je
ne vous dis pas que c'est rose, je ne vous dis pas qu'on n'a pas de
déficit accumulé. Le déficit accumulé que nous
avons est un déficit accumulé de développement qui est
dû à la mise sur pied du Quatuor Alcan. Nous disons que la gestion
d'un organisme culturel en région passe par la saine gestion
administrative et par le meilleur ministère qui est la musique. Il
faudra toujours avoir à l'esprit qu'on ne peut pas faire de compromis
sur la qualité quand on parle de musique. Il faudra toujours s'assurer
que quiconque prendra les décisions en termes de répartition des
sommes budgétaires, que ça passe par une expertise quelque part
au niveau de la définition des attributions de sommes.
La contribution d'un orchestre symphonique et d'une infrastructure
symphonique régionale à l'amélioration de la
qualité de la vie en région est non négligeable. On vous
soumet que, sur le plan économique, les régions ont des besoins.
On ne peut pas taire les besoins des régions. La présence d'un
orchestre symphonique en région contribue à attirer les
compétences professionnelles dans tous les autres domaines. Il ne faut
pas se leurrer. On parle des problèmes qu'on a en matière de
santé et de services sociaux, des besoins qu'on a en termes d'avoir des
médecins spécialistes en région, et des besoins
également au niveau des compétences professionnelles dans
l'ensemble des domaines socio-économiques de la région. C'est
évident que, quand quelqu'un veut aller s'établir dans une
région comme la nôtre, le fait d'avoir une infrastructure
culturelle solide va faire en sorte qu'on va contribuer au maintien et à
la viabilité de la région comme telle et c'est non
négligeable en termes de contribution à la qualité de la
vie.
Il faudrait également tenir compte, s'interroger grandement sur
la preuve de la possibilité d'un partenariat économique
intéressant avec les agents du milieu. Je pense aux contributions des
PME et des multinationales aux secteurs culturels en région, et je ne
saurais de quelle façon vous faire comprendre qu'on ne peut pas faire
autrement que de passer par ce partenariat-là. Et il ne faudrait pas,
à un moment donné, que les efforts qui ont été
faits de la part de ces gens-là pour mettre l'épaule à la
roue puissent être dilués par une perspective de concentration et
de politique de concentration vers les grands centres, parce que j'ai
l'impression qu'à quelque part il y aurait peut-être des joueurs
qui sortiraient du circuit.
Je vais vous dire quelque chose qui pourra peut-être toucher ceux
d'entre vous qui sont plus sensibles aux sports. J'irais jusqu'à vous
dire qu'une "game" de hockey des Canadiens dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean ne vaudra jamais une série des Saguenéens
- je ne sais pas si on me suit là-dessus - et j'irais jusqu'à
dire, de manière à s'assurer que la juste proportion des 3 200
000 personnes que représentent les gens des régions... qu'il ne
faudrait pas faire de ces gens-là des "Val-Jalbert de la culture".
Le Président (M. Gobé): Mme Larouche, je vous
demanderais de bien vouloir conclure, s'il vous plaît, parce que le temps
imparti est maintenant écoulé...
Mme Larouche: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): ...et nous allons devoir
entamer la discussion avec Mme la ministre.
Mme Larouche: On vous dit qu'il peut y avoir de la place pour des
organismes qui se gèrent de façon efficace dans une région
comme la nôtre, dans un souci de concertation, d'économie des
ressources. Et je ne saurais passer sous silence le partenariat exemplaire que
nous avons développé avec le Conservatoire de musique de
Chicoutimi. Nous soumettons que la présence de cette institution
nationale dans notre région est capitale dans le développement
que nous connaissons. Et Dieu sait que ce développement a
été maintes fois cité en exemple. Et le Conseil canadien
pour le monde des affaires et des arts est très intéressé
par la formule que nous avons développée. (12 h 15)
Nous soumettons que ce genre de partenariat et cette grille de
fonctionnement pourraient facilement être adaptés avec la
distinction qui caractérise chaque région. Évidemment, au
niveau du tissu culturel, il faut toujours avoir le souci de regarder ce qui
arrive au niveau du milieu. Je soumets que cette forme de développement
a fait ses preuves et pourrait facilement être adaptée à
d'autres régions. C'est l'éclairage que je voulais apporter
à la commission et je vous en remercie.
Le Président (M. Gobé): II est très clair,
madame. Nous vous remercions. Je donnerai donc maintenant la parole à
Mme la ministre pour une quinzaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Larouche, et vous
tous. Je vous remercie d'abord pour la clarté de vos réflexions
et aussi pour le plaidoyer que vous faites au niveau de la création et
de la diffusion en région. Vous êtes un exemple remarquable - et
je vais revenir là-dessus - au niveau de l'intégration du
conservatoire à la vie culturelle de la région. Et ça ne
se passe pas partout de la même façon. Mais, chez vous, vous
êtes vraiment un exemple. Et quand on s'est vus, quand j'y suis
allée, tout émane, finalement, tout le monde est impliqué.
Alors, expliquez-nous un peu comment ça fonctionne, d'où
ça vient, ne serait-ce que pour donner l'exemple à d'autres.
Mme Larouche: Ce qui existe actuellement, c'est un protocole
d'entente avec le Conservatoire de musique de Chicoutimi qui fait en sorte que
l'Orchestre symphonique permet au Conservatoire de dispenser la classe
d'orchestre aux élèves du Conservatoire. Et, sur la base de cet
échange de services, nous bénéficions des locaux du
Conservatoire et de l'expertise qui s'y trouve. Nous contribuons à
compléter l'infrastructure et il ne faut pas oublier que tout est
intégré au niveau du développement de la musique dans la
région. Il y a également notre implication aussi et nos liens
avec les écoles de musique privées, qui sont les gens qui
préparent les jeunes à l'entrée au conservatoire. Nous, on
complète, en fait, l'orchestration, si vous me permettez le terme, de
tout ça avec notre volet éducatif qui vient boucler la boucle et
qui permet aux jeunes violonistes, par exemple, de pouvoir aspirer à
être dirigés par un vrai chef d'orchestre à quelques
reprises durant l'année. Je parle du rassemblement des cordes et de
l'orchestre préparatoire qui est, en fait, l'orchestre-relève qui
nous permet de puiser des éléments avant qu'ils n'atteignent le
niveau professionnel, de manière à les insérer par la
suite dans le processus d'audition pour faire partie de l'Orchestre
symphonique.
Alors tout ça, on sent là-dedans - c'est ce que je veux
faire ressortir - qu'il y a une cohésion au niveau de la direction
artistique et ça, ce n'est pas négligeable. Il y a une direction
artistique, il y a une ligne de tracée qui fait que chacun trouve sa
place. Tous les organismes musicaux, que ce soient les chorales, que ce soit le
cégep d'Alma qui a une concentration musique également, tout
ça fait en sorte que les artistes peuvent vivre de leur art en
région, que ce soit en obtenant leurs revenus, une partie
d'enseignement, une partie en cachets parce que-Quelque chose qui est assez
rare aussi, c'est qu'il y a 75 % de nos revenus qui sont donnés
directement aux musiciens; 75 % de notre enveloppe budgétaire est en
cachets. On s'autofinance quand même dans une proportion remarquable.
Ça dénote qu'il y a un besoin; ça dénote qu'il y a
un support du milieu et qu'il y a un sentiment d'appartenance.
Mme Frulla-Hébert: Je vais juste pousser un peu
là-dessus parce que je vais laisser la parole, ensuite, à ma
collègue. L'Orchestre symphonique de Québec, par exemple, est
venu nous voir et nous a demandé de qualifier, si on peut dire, certains
organismes. Autrement dit, il y a les organismes dits nationaux - Orchestre
symphonique de Montréal, Orchestre symphonique de Québec - et les
organismes dits régionaux. L'Orchestre symphonique de Québec dans
son mémoire, nous dit qu'il pourrait prendre la fonction d'aller faire
de la tournée en région, mais, d'un autre côté, vous
êtes là. Il y a d'autres orchestres, comme à Rouyn, par
exemple, où ils sont là aussi, au niveau de l'Abitibi. Alors,
qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là? Ou, est-ce qu'il y
aurait une autre formule? Parce que vous
parlez aussi de la qualification de votre orchestre comme organisme
régional.
Mme Larouche: Oui et on pourrait appliquer comme orchestre
professionnel facilement. Ce que je vous dis, c'est qu'au niveau de la
qualité artistique, il faut quand même s'assurer de comparer ce
qui est comparable. O.K.? Il ne faut pas tomber dans le panneau de comparer des
bananes avec des oranges. D'accord? Ce que je vous dis, c'est que c'est
évident que tout le monde y gagnera à pouvoir avoir la visite de
l'OSQ ou de l'OSM, peut-être une fois par année, mais ce que je
dis, c'est qu'il faudra nécessairement qu'ils passent par
l'infrastructure qui est en place et qui, elle, est insérée dans
le milieu. Il ne faut pas s'imaginer qu'on pourra... Ça va être
hasardeux, si on embarque dans le panneau de faire de la diffusion, de se
servir de nos organismes comme étant de simples organismes de diffusion
des grands ensembles. On sent le besoin, effectivement, d'entendre les grands
ensembles. Nous produisons, nous avons produit I Musici de Montréal,
nous avons, dans le temps de l'OJQ, reçu l'OJQ à
l'intérieur de notre structure, et quand ça passait par notre
structure, on avait des succès. Je doute de la possibilité... Je
pense que c'est illusoire de penser, premièrement, que ça va
coûter moins cher...
Parlons-nous de sous, que ce que ça coûte. Ça ne
peut pas faire autrement que de coûter plus cher que ce que ça
coûte actuellement que d'envisager des tournées
systématiques comme ça, sans qu'il y ait l'infrastructure de
base. On ne peut pas penser qu'on va avoir la même mobilisation pour
recevoir un grand ensemble et arriver avec un événement ponctuel
de cette façon-là, une fois par année. On ne peut pas
penser qu'on va atteindre l'objectif de diffusion que nous atteignons, nous, en
faisant plus de 50 activités de concert par année sur l'ensemble
du territoire en allant dans tous les endroits. Je vous avoue que notre mission
régionale coûte cher à l'organisme, mais il ne faut pas
lâcher, il ne faut pas cesser le travail qui a été fait de
ce côté-là parce qu'on ne pourra jamais arriver à
dire... On ne peut pas arriver à prétendre qu'on puisse ratisser
le terrain autant en faisant venir un grand ensemble une fois dans
l'année alors que nous, on balaie le terrain, l'ensemble du territoire,
de façon régulière.
Je ne vous dis pas que ça ne coûte pas cher de
déplacer un orchestre symphonique sur un territoire comme le
nôtre, mais je vous dis, par exemple, qu'on s'est dotés d'une
infrastructure qui permet au Quatuor Alcan, qui coûte moins cher à
déplacer, d'aller dans les moindres petits villages et d'aller donner
des conférences, des ateliers pédagogiques dans les écoles
et de faire en sorte qu'il y ait de la diffusion, de la sensibilisation et du
développement de l'auditoire sur le terrain. Je n'exclus pas la
possibilité même que nous, on puisse aussi faire des
tournées provinciales comme on essaie, des fois, de le faire à
titre de tentatives. L'orchestre de chambre est venu faire le Messie de Haendel
à quelques reprises ici à Québec, avec brio, avec
succès. Le Quatuor Alcan joue à Montréal assez
régulièrement, avec succès d'ailleurs. Je vous
réfère aux annexes, au niveau de la presse que le Quatuor Alcan
peut avoir. Je vous soumets que ce n'est pas parce que ça vient des
régions que ce n'est pas bon. Non, l'inverse peut se faire. Est-ce qu'on
peut penser que ça va coûter plus cher de nous maintenir que de
nous parachuter des choses qui viennent d'ailleurs? Moi, je vous dis: II ne
faut pas rêver là-dessus, parce qu'il y a le sentiment
d'appartenance qu'il ne faut pas négliger. Et ça, c'est une
donnée qui existe dans l'administration culturelle, que j'ai
vérifiée dans mes participations au niveau de l'Association des
orchestres canadiens à plusieurs reprises. On ne pourra jamais passer
à travers le principe du sentiment d'appartenance des gens des
régions envers leurs organismes culturels régionaux. Il n'y a pas
de solution autre que ça à la politique culturelle et à ce
qu'on veut en faire au niveau des régions, la nôtre en tout cas.
Et je voulais vous donner l'éclairage que c'est possible et que
ça marche.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Larouche. Je
vais maintenant passer la parole à Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Vous mentionnez
beaucoup le partenariat entre, non seulement les groupes culturels, les groupes
privés, le secteur privé, mais aussi avec les
municipalités. Est-ce que vous avez des suggestions à faire au
niveau d'un partenariat accru, de façon...
Mme Larouche: Bien sûr. Nous tenons ce discours-là,
ma chère madame, depuis à tout le moins les cinq dernières
années où j'ai siégé sur le conseil
d'administration de l'orchestre. Bien sûr que les municipalités
ont leur place et doivent se sensibiliser davantage à la cause de l'art
dans les régions ou ailleurs. Bien sûr que nous travaillons avec
acharnement à faire en sorte de leur donner l'heure juste sur ce que
devrait être leur contribution. Mais je vous soumets qu'il y a encore
beaucoup de sensibilisation à faire, et qu'à ce stade-ci, il
serait peut-être hasardeux aussi d'envisager de donner des pouvoirs
décisionnels, en termes d'évaluation de qualité
artistique, par exemple. J'ai des réserves à ce stade-ci, parce
qu'on n'assiste pas à une lecture... Actuellement, le constat, c'est
qu'il n'y a pas de politique culturelle municipale dans notre région. A
tout événement, il n'y en a pas qui soit actuellement assez
structurée pour pouvoir faire face à la musique.
Mme Cardinal: Mais, est-ce que vos ap-
proches ont permis d'avoir espérance qu'effectivement les
municipalités vont emboîter le pas, surtout, comme vous l'avez si
bien mentionné, au niveau d'une conservation, pour permettre de rester
dans son milieu, de s'épanouir dans son milieu, et de développer
une culture qui nous soit propre, en rapport avec nos régions?
Mme Larouche: Écoutez, je vous soumets qu'il faut, quand
on parle d'évaluation de la qualité artistique, être
prudent. Il faut être prudent. Quand on parle de l'insistance où
devront se prendre les décisions et qui va attribuer les sommes, il faut
être extrêment prudent.
Mme Cardinal: Et à qui.
Mme Larouche: Dans le sens qu'il faut faire bien attention de ne
pas tomber dans le panneau et dire que ça va se faire de façon
trop administrative. Il faut qu'il y ait une volonté des élus qui
soit manifestée à quelque part - à mon avis, au niveau
central - qu'il y ait des orientations qui soient fixées,
établies, et, rendu à l'application et à savoir comment
les organismes vont passer l'examen, ça prend un professeur
qualifié pour faire passer des examens, il ne faut pas perdre ça
de vue, jamais.
Mme Cardinal: Merci, madame.
Mme Larouche: Et je ne sais pas quelle organisation vous
trouverez, là, quelle solution vous trouverez, mais il ne faut pas
perdre de vue qu'il ne faudra jamais faire de compromis sur la qualité
artistique là-dedans, et il faudra aussi avoir un oeil attentif sur la
façon dont c'est géré. On ne peut plus se permettre... Je
pense que le contexte économique fait qu'il faut être très
attentif dans la façon de faire l'évaluation de la saine gestion
administrative des organismes. Et là-dessus, je pense qu'il y a des
organismes qui vont démontrer qu'ils vont contribuer grandement à
cause de l'énergie qu'il ne faut pas sous-estimer qui est à la
base. Et elle est où? Elle est sur le terrain, cette
énergie-là, et il ne faut pas perdre de vue qu'on ne peut pas
envoyer quoi que ce soit sans passer par l'énergie qu'il y a en
arrière, qui, elle, est significative dans ce qu'on appellera "la
diffusion de la culture québécoise de demain".
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme Larouche: J'apprécie énormément la
possibilité de pouvoir participer à cette affaire.
Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas fini. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous aviez une petite
déclaration à nous faire, semble-t-il? Une petite annonce.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. J'ai deux choses.
Premièrement, Nietzsche disait toujours, à propos de la musique
que, sans elle, la vie serait une erreur. Et je vois que vous en parlez avec
passion de façon à ce que le Saguenay-Lac-Saint-Jean ne sombre
pas dans l'erreur. Et, à date, je pense qu'il est loin d'y tomber,
compte tenu de vos activités. Je vous avoue très candidement que
je connaissais peu l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais
à la lecture de votre mémoire, j'ai bien hâte d'assister
à un de vos concerts. Ceci étant dit, j'ai toujours fait la
remarque que nous sommes 30 députés de ma formation politique, et
si je suis le porte-parole, j'ai la chance d'avoir 29 adjoints au niveau de ce
dossier, dont une spécialement affectée au Saguenay et un autre
spécialement affecté au Lac-Saint-Jean. Vous comprendrez que je
parle de ma collègue, la députée de Chicoutimi, Mme
Blackburn, et de mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean
et whip de l'Opposition. Alors, si vous le permettez, je les laisserai faire le
questionnement pour l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je
pense que quand on parle des régions, et je n'ai jamais bifurqué,
je ne vais pas dire aux régions quoi faire. Je pense que vous allez bien
échanger ensemble.
Mme Larouche: D'accord. (12 h 30)
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En ce qui concerne notre
collègue, le député de Lac-Saint-Jean, je requiers, au nom
de l'article 132, le consentement pour qu'il puisse participer aux travaux de
notre commission. Et je vois que nous l'avons à vos sourires. Vous
êtes donc maintenant habilité à participer, M. le
député. Mme la députée de Chicoutimi...
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): ...vous pouvez parler la
première.
Mme Blackburn: D'abord, il me fait plaisir de vous accueillir,
à titre de membre de cette commission, aux travaux de cette commission.
Votre réflexion, la qualité de votre travail et de vos
réalisations viennent certainement enrichir les réflexions de ce
comité et, d'évidence, c'est un exemple parfait, vivant que Arpin
fait fausse route. Il fait fausse route en concentrant son action à
Québec et à Montréal et en faisant des régions, des
réceptacles.
Je suis heureuse de vous avoir ici parce que ça me permet un peu
de faire état des réalisations des organismes de notre
région; 10 000 personnes par année qui assistent aux
représentations des concerts, et ça n'inclut pas tous les autres
concerts qui sont donnés, auxquels j'assiste
régulièrement, par le Quatuor à cordes Alcan ou
l'Orchestre de chambre. On atteint
ainsi un nombre remarquable de personnes et je suis certaine que, si on
comparait le rapport qualité-prix, c'est-à-dire le nombre de
personnes touchées, la qualité des interventions par rapport
à ce que ça coûte, on serait largement, largement en
deçà de ce qu'il en coûte, par exemple, pour soutenir nos
grandes institutions. Moi, je pense qu'il y a là un exemple tout
à fait parlant de ce qu'il est possible de faire.
Ce que vous dites également et qui m'impressionne beaucoup, et on
ne fait pas souvent ces rapports ici, c'est que la présence de
l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean dans la région permet
non seulement d'éviter l'exode de nos artistes, mais amène et
nous ramène des artistes. L'économie d'une région repose
aussi sur les infrastructures culturelles. Je profite de l'occasion pour
souligner le zèle, la volonté, la détermination et
l'engagement des membres du conseil d'administration. Je pense à Mme
Larouche, à M. Larouche et à Régine, et à tous ces
membres du conseil d'administration que je fréquente
régulièrement et je vois qu'ils consacrent... Mme Larouche, en
particulier, parce que nos bureaux sont voisins, je pense qu'elle doit
consacrer la moitié de son temps à l'Orchestre symphonique.
Je ne vais pas en parler longuement, mais il y a un groupe de travail
composé de députés libéraux, 18, ce qui est
beaucoup, et c'est ce qui m'a étonnée, qui proposaient ni plus ni
moins que la fermeture des conservatoires. Alors, dans votre cas, je comprends
que la fermeture du Conservatoire, à Chicoutimi, c'est
l'équivalent de la mort de l'Orchestre symphonique.
Mme Larouche: Écoutez, le partenariat qu'on a
développé avec le Conservatoire de musique à Chicoutimi,
et le rayonnement du Conservatoire de musique à Chicoutimi dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont sans contredit une preuve de la
possibilité d'une culture accessible. Ça prend des
véhicules en quelque part pour faire en sorte qu'on puisse dynamiser une
région sur le plan culturel et ça prend des leaders qui sont
performants et qualifiés. Et le leadership incontestable que le
Conservatoire de musique de Chicoutimi peut avoir sur la diffusion, finalement,
et sur la formation... Ce qu'on vous dit, c'est que la viabilité de la
musique en région passe par tout ça. Il faut regarder ça
dans une optique globale.
Vous savez qu'il y a beaucoup d'argent d'investi dans la formation de la
musique; il faut qu'il y en ait également dans la diffusion, et l'un va
avec l'autre. Il ne faudrait pas qu'on en arrive à faire en sorte que la
main gauche ne sache pas ce que la main droite est en train de faire. Il faut
qu'il y ait de la cohésion entre la formation et la diffusion. Il faut
s'assurer que les gens qui sont à la tête de ces décisions
se parient. Il faut s'assurer que les musiciens professionnels que les
conservatoires du Québec forment puis- sent être engagés
par des employeurs.
Moi, je vous dis que l'Orchestre symphonique constitue l'employeur qui
va faire en sorte que les musiciens qui sont formés vont pouvoir vivre
de leur musique en région; et c'est vrai que ça peut se faire,
vivre de leur musique dans la région. C'est évident qu'il faut
qu'ils aillent se perfectionner ailleurs dans les grands centres, en Europe et
aux États-Unis. C'est évident que nos jeunes vont partir se
perfectionner, mais il faut qu'ils aient la possibilité d'y revenir.
Alors, les gens qui sont formés au Conservatoire de musique de
Chicoutimi vont pouvoir revenir dans leur région d'origine pour jouer et
vivre de leur musique. L'incidence du Conservatoire de musique dans une
région comme la nôtre est énorme et, effectivement, s'il
advenait... Mais je ne crois pas qu'on puisse arriver à cette
conclusion-là de façon cohérente; ce serait un dur coup
pour toute la vie musicale dans notre région, c'est sûr. Et je ne
suis pas sûre que ça pourrait être remediable. Je vous dis
qu'il y a une infrastructure où tout est interrelié
là-dedans, et ça fonctionne, il y a une cohésion, il y a
de la cohérence, il y a de la rationalisation des ressources. Tout
ça est chapeauté par des administrations qui sont
concentrées, mais sur place, en région, et je vous dis que c'est
un modèle super intéressant et qu'il ne faut pas arriver à
la conclusion de remettre en question ce genre de performance
indéniable.
Mme Blackburn: Je pense que la ministre n'a pas non plus
l'intention de fermer le Conservatoire. Cependant, ce qui est
inquiétant... Le fait qu'on retrouve seulement cette idée dans un
rapport où il y a 18 membres de la deputation ministérielle qui
siègent sur le comité, c'est comme quelque chose... Je
souhaiterais juste - et je le dis a la blague - que jamais une telle
proposition, un tel rapport, ne sorte des frontières du Québec.
C'est parce qu'on ferait rire de nous autres comme ça n'a pas de bon
sens; je veux dire à sa face même.
Je reviens donc... Vous avez réussi à établir des
liens serrés de partenariat avec les médias, avec les
conservatoires, avec les écoles de musique, les villes, les entreprises
privées. Vous avez établi des pôles de diffusion. Vous
êtes un exemple absolument remarquable de ce qu'on peut faire. Deux
questions, parce que je sais que le temps va filer vite et mon collègue
veut aussi poser des questions. Qu'est-ce qu'il faudrait pour mieux soutenir
vos activités, pour mieux soutenir ces activités et leur
permettre de consolider leurs actions? Et la deuxième question: On sait
que vous avez un financement assez soutenu et intéressant de la part
d'Alcan. Mais d'autres entreprises comme Hydro-Québec, c'est ponctuel,
alors qu'on sait qu'ils ont investi beaucoup, à Hauterive, en
particulier. Bell Canada. Abitibi Price, les autres grosses entreprises
ont-elles développé cette habitude d'investir chez nous
plutôt que d'aller investir dans l'Orchestre symphonique de
Montréal ou de Québec?
Mme Larouche: En ce qui concerne l'infrastructure symphonique que
nous gérons, nous avons le partenariat de toutes les grandes entreprises
présentes dans la région, effectivement, pas toutes dans la
même proportion, mais elles sont toutes des partenaires impliquées
dans l'Orchestre. Et ce qui est intéressant de noter, c'est que le
partenariat se fait non seulement en termes d'injection de fonds, mais
également en termes d'insertion à l'intérieur des
entreprises. Les entreprises sont intéressées. Les
papetières, entre autres, sont intéressées - et on le fait
- à faire en sorte que leurs employés, par exemple, puissent
bénéficier d'un concert de Noël, parce que c'est sûr
que c'est plus accessible, et elles vont subventionner l'Orchestre en
conséquence, de manière à permettre une insertion de la
musique classique à l'intérieur des usines. O.K.? On en est rendu
la.
Alors, ce travail, c'est non négligeable. Elles sont non
seulement partenaires sur le plan financier, mais elles sont partenaires
également au niveau de l'intégration de la musique classique
à l'intérieur des entreprises. Une papetière, dont je vous
parle, entre autres, c'est l'exemple précis. Et on a, bien sûr,
Alcan qui y est pour beaucoup et qui s'inscrit non seulement dans le cadre d'un
partenariat économique, mais aussi... En tout cas, je pense qu'il y a un
bon retour au niveau de leur contribution à l'amélioration de la
qualité de la vie. Bien sûr, elles profitent des ressources de la
région, mais je pense qu'on peut considérer leur implication, en
tout cas, sur le plan culturel, de façon assez significative. Et cette
infrastructure, elle est existante et...
Mme Blackburn: Et la première question, le soutien que
vous souhaiteriez pour que...
Mme Larouche: Ce qu'on souhaiterait, c'est que les
municipalités comprennent davantage. Ça, c'est sûr que la
part de subventions... Vous allez dire: On ne vient pas ici pour chercher des
subventions. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il devrait y avoir à
quelque part des primes au mérite, un forme d'indexation,
peut-être, des subventions en fonction des performances artistiques et
administratives. Il ne faudrait jamais dissocier les deux, mais il faut que,
quelque part, il y ait un juste équilibre entre la responsabilité
de l'État en matière culturelle et la responsabilité du
milieu. Toute politique qui sera de nature à provoquer le partenariat -
il y a déjà eu le "matching fund" qu'on appelait, le fonds
d'appariement - à stimuler autant les bénévoles et les
troupes des organismes culturels à la base, ceux qui font que ça
joue puis que ça se crée... Ça stimule de savoir que, plus
ils vont mettre d'efforts, à quelque part, il y a un mécanisme
qui fait qu'ils vont avoir des perspec- tives d'amélioration de leur
situation financière. Et ça, c'est le genre de politiques qui
sont susceptibles de créer une dynamique intéressante et de faire
en sorte qu'on ne tombe pas dans le panneau de croire qu'on n'est pas des
bons... On développe l'auditoire de l'OSM, nous aussi. Il ne faut pas
perdre ça de vue. On développe l'auditoire de l'OSQ aussi. Et
ça va nous faire plaisir d'avoir la visite de l'OSQ. Mais je vous dis
qu'il faudra que ça passe par notre infrastructure parce que, sinon,
peut-être que les gens ne viendront pas. C'est ça que je vous
dis.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Maintenant, je vais passer la parole à M. le député
de Lac-Saint-Jean. Vous avez la parole, M. le député.
M. Brassard: Très brièvement, compte tenu de
l'heure. Je voudrais d'abord vous dire que je pense que vous avez réussi
à atteindre votre objectif ou à faire la démonstration
qu'il était tout à fait possible, dans une région comme la
nôtre, que puisse d'abord exister, mais aussi développer et mettre
en oeuvre un programme de diffusion tout à fait remarquable, une
institution comme l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. En tout
cas, moi, vous m'avez convaincu. J'espère que c'est le cas aussi des
autres membres de la commission. En plus de ça, ce qu'il est important
de noter, c'est que vous couvrez vraiment tout le territoire de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et c'est un territoire très
vaste. Moi, à Aima, et celui qui aime la musique à Roberval, on
n'a pas besoin de se déplacer à Chicoutimi pour aller assister
à un concert. On vient à Aima et on va à Roberval et on va
à Dolbeau et ça, c'est vraiment tout à fait une dimension
remarquable de la façon dont vous fonctionnez.
Vous avez évoqué le financement. Moi, c'est sur le
financement, surtout. Votre taux d'autofinancement est de l'ordre de 75 %, ce
qui est extrêmement élevé. C'est donc une participation
très active et substantielle de ce que vous appelez "les agents du
milieu", ce qui inclut Alcan. Et je pense que vous avez raison de mentionner le
fait qu'Alcan est un contributeur tout à fait remarquable à la
vie culturelle de la région. À ce chapitre-là, il se
comporte en bon citoyen corporatif. Donc, 75 %, 25 % de subventions du
ministère des Affaires culturelles... Non?
Mme Larouche: 25 % de... Non...
M. Brassard: Non.
Mme Larouche: ...et là, il faut faire la nuance: 25 % de
subventions de toutes sources...
M. Brassard: De toutes sources...
Mme Larouche: On est subventionné par le
Conseil des arts du Canada...
M. Brassard: ...y incluant le Conseil des arts aussi.
Mme Larouche: ...incluant les municipalités, Emploi et
Immigration Canada, incluant tous les projets même de
développement d'emploi.
M. Brassard: Donc, en provenance de tout ce qu'on appelle les
gouvernements dits supérieurs ou...
Mme Larouche: Subventions de toutes sources, M. Brassard.
M. Brassard: Toutes sources. Mme Larouche: Oui.
M. Brassard: Votre financement, 75 %, c'est vraiment le maximum
d'autofinancement. D'après ce que vous me dites et ce que vous faites
dans le milieu, j'ai l'impression que vous ne pouvez pas aller au-delà
de ça.
Mme Larouche: Écoutez, je vous dis que c'est
évident qu'il faudrait qu'il y ait... Il faut qu'il y ait des primes au
mérite, quelque part. C'est évident qu'on a un déficit
accumulé qui prend de l'expansion. Parce que, écoutez, il ne faut
pas se leurrer, c'est écrit dans le rapport. En 1985, le budget de
l'Orchestre était de 50 000 $. Je me souviens, Gilles est arrivé
à ce moment-là. Je suis arrivée l'année d'ensuite
et c'était 59 000 $. Le budget actuel de notre orchestre est maintenant
de 400 000 $. Vous allez dire: Qu'est-ce qui s'est passé? Bien, je vous
dis: Regardez ce qui se passe dans la région, c'est ça qui s'est
passé. Il s'est passé qu'on s'est dotés d'une
infrastructure. Il s'est passé qu'on a informatisé
complètement les opérations de l'Orchestre, et là, pas en
gaspillant de l'argent pour acheter des ordinateurs, en quêtant les
ordinateurs, en quêtant les "fax", en maximisant le rendement de la
gestion administrative au maximum, en faisant une gestion des ressources, qui
passe toujours par la direction artistique. Et c'est faux de dire que les
artistes ne savent pas se gérer. Il faut que les artistes aient le
réflexe de s'aider en s'associant, finalement, à du monde qui ne
demande pas mieux que de leur faire faire ce qu'ils veulent.
Et ce qui est important aussi dans tout organisme et dans une politique
culturelle, c'est de faire en sorte qu'il y ait toujours un vase communicant
entre la direction artistique et la direction administrative de même
qu'avec le conseil d'administration. Elle est là, la recette. Nous, on a
des membres du conseil d'administration qui ont tous une formation musicale.
Alors, ils sont sensibles... Ils n'ont pas besoin d'être convaincus par
une démonstration bien, bien longue. Quand on a un désir qui est
exprimé par un directeur artistique, on regarde la possibilité,
on va quêter en conséquence.
M. Brassard: Ce que je veux dire...
Mme Larouche: Finalement, ce qu'il y a de spécial, c'est
qu'il y a une cohérence au niveau de la direction artistique dans cet
organisme-là. Il y a une stabilité administrative. C'est
ça, la recette.
Le Président (M. Gobé): Je vous demanderai de bien
vouloir conclure, M. le député.
M. Brassard: Ce que je veux dire et ce que je veux que vous
admettiez devant la commission, c'est que, donc, d'aller chercher 75 % -
c'est-à-dire 300 000 $, si on considère le budget que vous avez
présentement - dans le milieu, c'est vraiment le maximum qu'un organisme
comme le vôtre peut faire et que, par conséquent, il faut
être conscient que les 25 % qui sont financés sous forme de
subventions sont absolument essentiels. Ça signifie aussi que vus de
Québec, vus de la capitale, ces 25 % - c'est même moins dans le
cas du ministère des Affaires culturelles - ça peut
apparaître comme étant peut-être du saupoudrage qu'il faut
rationaliser, mais vus de chez nous, ce n'est pas du saupoudrage, c'est une
contribution vitale et essentielle.
Mme Larouche: J'oserais peut-être...
Le Président (M. Gobé): En terminant, madame, parce
que nous avons dépassé le temps.
Mme Larouche: Oui. En terminant, c'est tout simplement...
Le Président (M. Gobé): II y a d'autres
réunions qui...
Mme Larouche: Je vous comprends et j'apprécie votre
qualité d'écoute à cette heure-ci. Maintenant, je vous
rappellerai tout simplement qu'il faudrait peut-être songer. On finit par
une question: Songeons à la répartition du budget du
ministère des Affaires culturelles. Quand on regarde au niveau de la
région métropolitaine, 57,3 % des subventions du ministère
des Affaires culturelles sont donnés là. Pour la région de
Québec, c'est 27,3 % et, en ce qui nous concerne, sauf erreur, il
semblerait que ce soit dans une proportion de 1,8 % de tout le budget du
ministère des Affaires culturelles qui est donné au niveau de
l'enveloppe budgétaire régionale. Ça ne doit pas
être beaucoup plus que 2 %, si mon chiffre n'est pas à jour.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme Larouche: ...mais ce que je peux vous
dire, c'est qu'il faudrait qu'en quelque part on fasse en sorte que tout
ça se tienne. La culture d'un peuple, quand on regarde en Europe, par
exemple, ça passe par la culture qu'il y a sur le terrain. Quels sont
les petits villages en Europe qui n'ont pas leur petit festival international?
Quelles sont les petites municipalités qui n'ont pas, en quelque part,
un orchestre symphonique qui fait, dans le fond, le cachet de toute
l'infrastructure culturelle européenne? Il ne faudrait pas tomber dans
le panneau de ne pas s'inspirer un peu de ça en quelque part.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Larouche.
Mme Larouche: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Je suis
désolé. Mme la ministre, un mot de remerciement, avant de
terminer?
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Larouche.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Mme Frulla-Hébert: Encore félicitations pour votre
dynanisme et le rayonnement aussi au niveau de la région,
l'activité que vous y générez. Finalement, soyez
convaincus qu'au niveau des régions, on sait, on en est très
conscient d'ailleurs, que les régions ont une part importante, autant au
niveau de la création que de la diffusion. Maintenant, c'est sûr
que si on se compare à l'Europe, il faut savoir qu'en Europe il y a les
départements, il y a les municipalités qui participent
énormément. Finalement, le pouvoir, si on l'appelle national, n'y
participe qu'à 30 %. C'est une structure de financement tout à
fait différente.
Le Président (M. Gobé): Merci.
Mme Frulla-Hébert: Alors, il s'agit de trouver des choses
qui sont propres à nous, mais vous êtes vraiment un modèle
en termes de rayonnement musical. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mme Larouche: On va continuer, j'espère bien.
Le Président (M. Gobé): Mme Larouche, M. Larouche,
Mme Hamelin, au nom des membres de cette commission, je vous remercie
d'être venus nous rencontrer. Ceci met fin à notre audition. Je
vais donc maintenant suspendre les travaux de cette commission jusqu'à
15 h 30 cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
(Reprise à 15 h 41)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux et le premier groupe que nous allons entendre cet
après-midi est la Brasserie Molson O'Keefe. Je vois qu'ils sont
déjà en place à la table de nos invités. Je leur
souhaite la bienvenue. Je leur demande de bien vouloir s'identifier pour les
fins du Journal des débats et de procéder à la
lecture ou au résumé de leur mémoire, comme ils voudront,
pour une quinzaine de minutes, après quoi, la conversation va s'engager
avec les membres de la commission pour le temps qu'il restera, le
président se réservant le droit, évidemment, de faire
respecter l'horaire qui est le nôtre. Vous avez la parole. Si vous voulez
bien vous présenter, s'il vous plaît.
Brasserie Molson O'Keefe
M. Asselin (Alban): Oui, Alban Asselin, vice-président,
affaires publiques, Molson O'Keefe.
M. Moisan (Richard): Richard Moisan, directeur des
communications.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Asselin: Merci. Alors, M. le Président, Mme la
ministre, messieurs et mesdames, membres de la commission, je voudrais tout
d'abord excuser M. André Tranchemontagne, le président de la
Brasserie qui devait être ici cet après-midi et qui est retenu par
d'autres priorités. Il m'a demandé de vous faire lecture du
message que nous avons ici. Évidemment, je n'ai pas tout à fait
repris le mémoire tel qu'il était rédigé
initialement parce que j'ai décidé d'y apporter quelques
suggestions à la dernière minute. Alors, si vous me le permettez,
je vais en faire lecture.
Permettez-moi d'abord de féliciter le ministère des
Affaires culturelles d'avoir lancé cette vaste consultation publique sur
une nouvelle politique culturelle québécoise. La Brasserie Molson
O'Keefe a jugé primordial d'exprimer à cette tribune la vision
d'une des plus grandes entreprises du Québec sur l'avenir et le
rayonnement de la culture québécoise. Nous avons
délibérément choisi de limiter nos observations au champ
que nous connaissons le mieux, soit le financement et la commandite, et nous
touchons brièvement le rayonnement en région et le rôle des
médias. Nous laissons donc à d'autres organismes qui nous ont
précédés et qui nous suivront le soin de traiter, mieux
que nous, les autres sujets que désire aborder cette commission. Nous
espérons que notre modeste contribution saura éclairer la
commission sur la perception d'une grande entreprise face au financement et
à la commandite dans le monde de la culture.
Nous avons toujours vécu près du peuple
québécois, et pour une raison très simple: la Brasserie a
des ramifications dans chacune des régions du Québec et s'est
fait un devoir, dès sa fondation, d'être complice de la vie
sociale et communautaire des Québécois. Notre fondateur, John
Molson, avait déclaré en 1786 que les entreprises se devaient de
redonner une partie de ce qu'elles reçoivent à leur
communauté. Je peux vous assurer que plus de 200 ans plus tard, la
famille Maison, qui est l'une des plus grandes familles montréalaises
n'a jamais dérogé à cette philosophie. Cette approche
communautaire est d'ailleurs retransmise aux employés de
génération en génération afin de maintenir ce
fondement de la Brasserie.
L'engagement de Molson O'Keefe s'est exprimé de plusieurs
façons au cours des années, entre autres par des dons ou
commandites à des activités les plus diverses, qu'elles soient
communautaires, philanthropiques et, dans une très large mesure,
culturelles. Du Festival de folklore de Drummondville au Festival
d'été de Québec, la Brasserie Molson O'Keefe soutient
toute une gamme d'activités à caractère culturel, et ce,
partout au Québec. Pour Molson O'Keefe, comme pour les autres
entreprises privées, il s'agit avant tout de réinvestir dans la
communauté en soutenant le développement des formes artistiques
et en permettant au public de développer son goût pour la culture
et de vivre de nouvelles expériences.
Au cours de ma présentation, je décrirai d'abord les
différentes formes de soutien qui sont offertes par la Brasserie et,
afin de bien situer notre intervention dans le domaine de la culture, je
m'attarderai ensuite principalement sur les modes de financement et je
toucherai sommairement la culture en région et l'apport des
médias.
La culture est au coeur des préoccupations de la Brasserie, qui
consacre aux organismes culturels une part importante des budgets et
d'énergie par le biais d'activités en partenariat - les
commandites - et du mécénat - les dons, les bourses et la
participation à des activités de financement.
Je voudrais expliquer ici la distinction que fait la Brasserie entre ces
différentes formes d'aide, puisqu'elles appellent des contextes
différents. Tout d'abord, la commandite, c'est une forme d'association
commerciale qui répond à des critères de rendement et de
visibilité très précis, c'est-à-dire que la
Brasserie verse une somme pour la réalisation d'une activité
culturelle en échange d'une visibilité définie. En termes
de budget, la commandite est la forme d'aide la plus importante apportée
par la Brasserie au secteur culturel; et Richard Moisan qui est ici, à
ma gauche, est directeur du Service des communications et responsable de ce
budget des commandites. La Brasserie verse aussi des dons par l'entremise du
Fonds de bienfaisance des com- pagnies Molson. Ces dons sont
désintéressés, c'est-à-dire qu'une
visibilité minimale est attendue en retour. Et nous ajoutons à
cela des bourses. La Brasserie donne son nom à des prix remis à
des organismes culturels, selon leurs critères, et verse une bourse en
argent aux récipiendaires. Enfin, Molson O'Keefe participe chaque
année à de nombreuses activités de financement dans le
secteur culturel par l'achat de billets pour des galas,
spectacles-bénéfices et autres.
J'aimerais m'attarder maintenant sur les commandites. Je vais
peut-être en étonner quelques-uns ici, le sport n'est pas notre
seul domaine important d'intérêt. Dans le cas de commandites
d'envergure provinciale, la Brasserie consacre tout près - je dis bien
tout près - de la moitié de son budget à des
événements culturels ou artistiques, ce qui est
considérable si l'on tient compte des réalités de la
commandite, dont je vous parlerai plus tard. Les commandites constituent le
levier du soutien financier offert par la Brasserie Molson O'Keefe aux
entreprises culturelles. Elles sont soigneusement élaborées dans
un esprit de partenariat avec le milieu culturel. Les commandites
relèvent du Service de la promotion s'il s'agit de commandites
d'envergure provinciale comme le Gala de l'ADISQ et les tournées de
spectacles, et elles relèvent des services des ventes régionaux
dans le cas d'événements ou d'institutions à portée
locale, tels les théâtres d'été, par exemple. Dans
la plupart des cas, ces commandites se traduisent pour le consommateur - et
c'est très important de le retenir - par un accès à une
plus grande variété de spectacles, la réduction du prix du
billet et, à l'occasion, par des spectacles gratuits, en plus,
évidemment, d'aider au financement et à la promotion des
activités culturelles.
La Brasserie commandite des événements et organismes
culturels variés, mais en raison de la nature de cette aide, elle
s'adresse plus particulièrement aux grands événements
publics capables d'offrir à Molson O'Keefe une visibilité dans la
mesure du soutien financier qu'elle accorde. Ces activités vont de la
musique classique aux théâtres d'été, sans oublier
les différents spectacles au programme des nombreux festivals. La
totalité du budget de promotion de la Brasserie pour le domaine culturel
est versée à des artistes ou promoteurs québécois,
faisant ainsi vivre toute l'industrie, à partir des artistes, en passant
par les techniciens, jusqu'aux professionnels du milieu.
La Brasserîe ne se contente pas d'offrir un appui financier
direct. Elle offre en plus, à l'occasion, une aide aux relations
publiques, à la promotion et à ta réalisation
d'événements, ce qui accroît la visibilité d'un tel
événement et la valeur en argent des commandites. La Brasserie
offre, finalement, une aide plus subtile mais non moins importante en offrant
des produits lors des lancements, réceptions, tournages de films, ou
encore en prêtant l'usage de ses salles de réception
à Montréal et à Québec. La Brasserie a
également fait quelques opérations de sauvetage au cours des
années. Par exemple, dans les années quatre-vingt, la Brasserie
O'Keefe a liquidé une hypothèque de 360 000 $ contractée
par le TNM, permettant ainsi au théâtre de conserver
l'édifice de la rue Sainte-Catherine. Depuis, la Brasserie Molson
O'Keefe est devenue un partenaire privilégié du TNM.
La Brasserie Molson O'Keefe est associée à trois prix
prestigieux remis à des artistes qui se font remarquer dans les domaines
de la littérature - le prix Molson de l'Académie
canadienne-française - des métiers d'arts - le prix Jean-Marie
Gauvreau Molson - et du cinéma - le prix LE. Ouimet Molson. Ces trois
prix sont accompagnés d'une importante bourse. Comme dans le cas des
événements commandités, la Brasserie participe au soutien
promotionnel de la remise de ces bourses, une aide qui est très
appréciée des organismes.
Finalement, les dons. Le Fonds de bienfaisance des compagnies Molson est
une fiducie philanthropique incorporée en vue d'aider toutes les
communautés où Molson est présente au Canada. Chaque
année, le Fonds de bienfaisance distribue un pourcentage des profits des
entreprises des compagnies Molson à la recherche médicale,
à des organismes de bienfaisance, à des organismes culturels,
à des associations liées à l'environnement, aux sports et
au domaine récréatif. La proportion des dons du Fonds de
bienfaisance des compagnies Molson accordés à des organismes
artistiques et culturels québécois a augmenté de
façon constante pour atteindre, en 1990-1991, 11,4 % du budget total
pour tout le Québec.
La nouvelle politique sur la culture aura, évidemment, si elle
est proposée, des retombées budgétaires importantes et,
à ce chapitre, nous demandons à la ministre des Affaires
culturelles de faire preuve de prudence. Il ne faut pas voir l'argent comme la
seule solution à tous les problèmes. Nous croyons que la
réflexion doit être beaucoup plus large et inventorier toutes les
formules de collaboration afin de permettre l'émancipation de la
culture. La situation du financement des arts et de la culture souffre,
à notre avis, d'un important manque d'imagination. Nous croyons
primordial d'innover en matière de commandite, de méthodes de
financement et de sources de financement. Si les entreprises culturelles
pouvaient offrir une visibilité de l'envergure de celle offerte dans le
milieu sportif, les entreprises collaboreraient sans doute davantage en termes
de commandites. Les gens du milieu culturel auraient avantage à innover
avec des formules de visibilité plus appropriées à leur
discipline, qui répondraient aux besoins promotionnels de l'entreprise
privée. Les entreprises sont ouvertes aux formules de commandite offrant
une visibilité originale, dans les limites que les organismes culturels
jugent acceptables, mais tout aussi efficace.
La commandite est un secteur très spécialisé, avec
des critères d'évaluation de plus en plus rigoureux. Aussi, il
faut bien comprendre que le mécanisme même de cette forme d'aide
nécessite une ouverture, une compréhension et une
flexibilité accrues de la part des organismes culturels. Le contexte de
la commandite est très particulier. Un récent sondage Gallup a
révélé que les commandites d'événements
sportifs professionnels sont celles que le public retient le plus, les
commandites d'événements artistiques et culturels n'étant
retenues que dans une proportion de 19 % pour le public, loin derrière
les commandites de sport amateur et d'événements éducatifs
ou scientifiques.
Une entreprise qui prend ces données au pied de la lettre serait
donc portée à consacrer la majeure partie de ses budgets de
commandite aux événements sportifs. Il reste donc beaucoup de
travail à faire pour que les commandites d'activités culturelles
retiennent davantage l'intérêt du public et que les entreprises
offrent leur collaboration tout en respectant les règles de la
commandite. Nous appuyons toute initiative du gouvernement visant à
encourager les organismes culturels à diversifier leurs sources de
financement. Toutefois, pour accroître la participation du secteur
privé, il est nécessaire de mettre en place des formules fiscales
qui porteront les entreprises privées et la population à investir
davantage dans le secteur culturel.
Nous suggérons, par exemple, la création d'un fonds
voué au développement de la culture, c'est-à-dire une
espèce de Centraide de la culture, dont le financement proviendrait de
dons corporatifs et individuels. Tout comme Centraide peut le faire pour les
organismes communautaires, le fonds pourrait être dirigé par des
bénévoles intéressés provenant de différents
milieux. Le fonds servirait à soutenir le développement des
entreprises culturelles et les artistes qui pourraient y avoir accès
moyennant certaines conditions. De plus, le fonds permettrait de canaliser les
demandes de dons corporatifs vers un organisme doté d'une expertise en
développement culturel. Ce fonds, qui pourrait être appuyé
par le ministère, serait un complément aux programmes existants.
Le gouvernement devrait alors mettre en place des incitatifs fiscaux pour
encourager les entreprises, le grand public et même le monde du milieu
culturel à souscrire au fonds de développement. Chaque
région pourrait aussi mettre sur pied son propre fonds régional
de développement de la culture, un peu comme on le fait avec Centraide
dans le domaine communautaire.
Les entreprises et le public sont moins portés à accorder
un appui financier à certaines formes artistiques nouvelles encore en
développement, telles la musique d'avant-garde, la nouvelle danse, la
performance. Ainsi, pour
assurer la viabilité et le développement de la
création artistique québécoise, qui risque fort de faire
partie de notre paysage quotidien dans les 10 ou 20 prochaines années,
le financement des disciplines artistiques plus nouvelles, qui
intéressent encore un public très restreint, devrait être
prioritairement à la charge de l'État, comme le suggère le
rapport Arpin.
Il ne faut pas croire pour autant que les entreprises n'investissent que
dans des valeurs sûres et fuient l'innovation. La Brasserie Molson
O'Keefe a été parmi les tout premiers commanditaires de la Ligue
nationale d'improvisation, un geste visionnaire si l'on considère le
grand succès que connaissent aujourd'hui la LNI et l'improvisation
théâtrale. La Brasserie Molson O'Keefe reçoit
d'année en année un nombre croissant de demandes d'aide
financière d'organismes culturels les plus diversifiés. Nous ne
pouvons répondre à toutes, et pour des raisons évidentes.
Les organismes oeuvrant dans le domaine de la santé, de
l'éducation et des affaires sociales ont aussi des besoins accrus et
nous devons y accorder également une aide importante, surtout en
période de récession.
Comme l'expliquait le groupe-conseil présidé par M. Roland
Arpin, le secteur privé ne peut garantir un niveau d'aide constant
puisqu'il est assujetti aux fluctuations de ses propres revenus. La marge de
manoeuvre du secteur privé est mince. Il faut donc que le secteur
culturel soit assuré de s'autofinancer et de se développer, et
voilà pourquoi le fonds de développement de la culture -
idée que j'ai développée préalablement - devient
très important.
Comme je l'ai expliqué plus tôt, la Brasserie commandite
une variété d'activités culturelles dans toutes les
régions du Québec. Nous sommes à même de constater
l'importance de la culture à l'extérieur de Montréal et de
Québec. Nos dirigeants régionaux des différents coins de
la province jouissent d'une grande latitude pour le choix des activités
locales à commanditer. La majeure partie de celles-ci ont un rayonnement
très limité et ne seront peut-être jamais connues à
l'extérieur de la région. Toutefois, jamais la Brasserie ne
remettra en cause l'importance de faire rayonner la culture en région,
sans nécessairement s'attendre à ce qu'elle rejaillisse dans la
métropole et la capitale.
Vous me permettrez sûrement de glisser quelques mots sur le
rôle des médias. Le rôle des médias est
prépondérant pour assurer le rayonnement de l'activité
culturelle. Cette situation est d'autant plus vraie pour la Brasserie que la
commandite est le soutien le plus important qu'elle accorde au milieu culturel.
En effet, la commandite ne réussit que dans la mesure où il y a
une synergie entre l'entreprise commanditaire, l'organisme commandité et
les médias qui y sont associés. Plutôt que de formuler des
exigences précises à l'égard des médias qui sont
déjà très ouverts à la notion de commandite, nous
voulons ici les encourager à poursuivre et à accroître leur
collaboration et à continuer d'innover dans ce domaine.
M. le Président, voici quelques recommandations que la Brasserie
Molson O'Keefe soumet à la commission, dans les limites de sa
connaissance et de son expérience du milieu culturel. Un, l'État
doit continuer d'investir de façon importante dans la culture au
Québec afin de protéger notre identité dans un
environnement nord-américain. L'État doit encourager les artistes
et les organismes culturels qui font des efforts pour se trouver d'autres
sources de financement que les fonds publics. L'État doit trouver des
formules d'encouragement pour les entreprises et le grand public qui
participent au financement des activités culturelles, par exemple la
création d'un fonds voué au développement de la culture,
type Centraide de la culture. L'État doit subvenir à
l'émancipation des formes d'art moins connues du grand public, et
l'État, les responsables du milieu culturel et les gens d'affaires
doivent faire preuve d'une grande complicité pour promouvoir la culture
au Québec.
M. le Président, j'aimerais conclure en espérant que ces
quelques remarques et nos deux siècles d'engagement dans la
communauté québécoise sauront guider la commission dans
l'élaboration d'une politique culturelle. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Moisan, M. Asselin.
Il me fait plaisir de vous accueillir ici. D'ailleurs, je faisais un signe
à mon collègue d'en face. On a encore plus que la culture en
commun: Vous êtes dans son comté, j'ai travaillé dans le
domaine brassicole pendant sept ans et demi; alors, on est faits pour
s'entendre.
Une voix: Et il boit de la bière.
Mme Frulla-Hébert: Et il boit de la bière, en plus.
Alors, bon, c'est le bonheur total.
M. Boulerice: ...malheureusement. (16 heures)
Mme Frulla-Hébert: C'est le bonheur total. Je voudrais
revenir au niveau de l'implication, justement, des entreprises privées
comme la vôtre. C'est vrai qu'on a toujours eu le réflexe premier
de dire: Bon, bien, les brasseries, c'est le sport. Et, effectivement, je sais,
pour avoir travaillé beaucoup dans ce domaine-là, que le domaine
culturel a pris énormément d'importance. Et vous avez toujours
été aussi très près de ce domaine-là. On dit
souvent, et plusieurs intervenants sont venus nous le dire: C'est difficile de
se fier à l'entreprise privée parce que, évidemment,
compte tenu des fluctuations économiques, l'entreprise privée ne
devrait pas
être considérée, au niveau, par exemple, du
gouvernement, comme une source de financement. Si elle y vient, elle y vient,
mais ça ne devrait pas être considéré comme faisant
partie du partenariat habituel. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça, compte tenu de ce que vous faites, compte tenu de votre implication
au niveau des commandites? M. Moisan.
M. Asselin: Je vais débuter la réponse et je vais
laisser Richard la compléter. Moi, tout simplement, ma réaction
à votre question est la suivante. À la Brasserie - dans notre
document on le mentionne - nous croyons que la culture, c'est une expression
d'une population, d'un groupe, et que la culture n'est pas uniquement l'affaire
de l'État. Et dans ce sens-là, l'entreprise privée a une
responsabilité. Elle y trouve son avantage lorsqu'elle y va par le biais
des commandites - que Richard touchera tantôt - lorsqu'elle retourne
à son public des activités qui lui plaisent.
Par ailleurs, là où c'est plus difficile au niveau des
entreprises, c'est que vous avez des budgets qui sont beaucoup plus
réduits en matière de dons - le mécénat, comme on
l'appelle. Ces fonds-là sont limités et ils sont habituellement
consacrés à des organismes dont on n'attend pas
énormément de visibilité, mais c'est pour leur
développement. Et c'est pour ça que je reviens avec l'idée
de créer un fonds de développement de la culture, avec avantages
fiscaux, un peu comme on peut en obtenir lorsqu'on verse des sommes à
Centraide, par exemple, un fonds ou un véhicule important pour le
développement de la culture, qui ne soit pas un véhicule
d'État. En soi, c'est déjà extrêmement important de
passer, par ailleurs, et de faire appel à l'implication de tous dans ce
domaine-là.
Alors, c'est notre vision. On ne pense pas que l'État soit le
moteur ou le seul moteur du maintien de la culture. Je pense que l'État
a aussi, autant que les entreprises aujourd'hui, des moyens limités, M.
le Président. Alors, Richard, si tu veux compléter.
Le Président (M. Doyon): M. Moisan.
Mme Frulla-Hébert: Avant de commencer, M. Moisan, parce
que ça pourrait peut-être aussi être un complément
à votre réponse, quand vous parlez de fonds, est-ce que c'est
possible - et vous me répondrez en deuxième - de penser à
ce que... Bon, est-ce que vous voulez dire que plusieurs compagnies, par
exemple, participeraient à ce fameux fonds? Ça pourrait
être la compagnie Alcan, la Brasserie, Hydro-Québec, Bell, etc.,
un énorme fonds. Et, à ce moment-là, ce fonds-là
serait dirigé par des bénévoles. Donc, c'est à peu
près ça, là, votre idée.
M. Asselin: Oui. En fait, en termes de concept, c'est un peu
comme Centraide. Vous faites des levées de fonds et, en retour de votre
levée de fonds, vous avez une espèce d'incitatif fiscal qui fait
en sorte que c'est intéressant de placer de l'argent à
l'intérieur de ce fonds-là. Vous pouvez le créer avec des
entreprises et vous pouvez aussi faire appel... Parce que vous avez des
artistes, vous avez des gens du milieu culturel qui, possiblement aussi,
pourraient s'impliquer. Et ce fonds-là pourrait consacrer toute son
activité, être géré par des gestionnaires du monde
privé, de l'entreprise privée intéressée et du
domaine culturel, qui pourraient, selon certains critères, investir dans
le développement des activités, des entreprises ou d'artistes qui
assurent la relève.
M. Moisan: Alors, si je peux me permettre d'ajouter à ce
que M. Asselin vient de dire, dans votre question, Mme la ministre, il y avait
deux volets: Est-ce que l'entreprise privée est en position d'assurer
une certaine garantie permanente ou une espèce de partenariat avec le
milieu culturel et artistique? Je ne pense pas que l'entreprise privée
en général puisse le faire, étant donné qu'il y a
toujours des considérations économiques, comme M. Asselin en a
fait état dans son document ici, dans sa présentation.
Le fonds qu'on suggère de créer aurait peut-être
plus tendance à assurer cette permanence-là qui est
recherchée, une espèce de subvention ou de fonds qui assurerait
la continuité de partenariat de multiples entreprises à ce
fonds-là et qui assurerait un partenariat à l'ensemble de la
communauté culturelle et artistique. D'un autre côté,
étant donné, justement, les restrictions budgétaires que
les entreprises peuvent avoir à l'occasion, elles ne sont pas en mesure
d'assurer à long terme un support constant et toujours au même
niveau du monde culturel en général. Par contre, je dirais que
certains événements culturels peuvent s'assurer d'une certaine
continuité et s'assurer de certaines garanties en fonction des
retombées et des valeurs promotionnelles qu'ils vont livrer à
leurs partenaires commanditaires, dans le sens que si on a une bonne promotion
à travers un bon événement, on va avoir tendance à
protéger ces événements-là.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. Messieurs, il me
fait plaisir de vous saluer ici.
M. Moisan: Bonjour.
M. Gobé: Vous et moi, c'est depuis de nombreuses
années que nous nous connaissons.
Une voix:...
M. Gobé: Ah, je ne gagerais peut-être pas
là-dessus, M. le député. Il me fait plaisir de vous voir
à cette réunion-ci, surtout que je fais un parallèle avec
d'autres rencontres que nous avions eues l'an dernier, puis l'année
précédente, à l'époque où l'association des
brasseurs nous avait réunis pour nous entretenir de certaines
difficultés ou de certains problèmes que votre industrie pourrait
traverser dans le futur, dû à l'augmentation des taxes, la
libéralisation des marchés, la concentration d'entreprises,
enfin... Je trouve ça intéressant. Lorsque vous étiez
venus nous voir, c'était un groupe de pression qui venait voir les
députés pour défendre un intérêt corporatif.
Et là, aujourd'hui, on voit cette même corporation qui vient nous
démontrer que notre appui, tout compte fait, n'est pas si mal que
ça, parce qu'une des retombées, qui est l'action - pas
bénévole - philanthropique d'une entreprise comme la vôtre
exige vraiment... On le voit dans le sport, mais on se dit toujours: Le sport,
c'est parce que ça se passe à la télévision, que
ça ramène de la publicité. Mais, dans la culture, c'est un
peu moins évident. Et c'est donc peut-être le côté
vraiment philanthropique de ce genre d'entreprise qui est plus aigu au niveau
de l'aide à la culture.
Mais ce que je crains qui puisse arriver - ça rejoint notre
dernière discussion ensemble -advenant une libéralisation totale
des marchés et advenant ce que vous craignez ou ce que vous sembliez
craindre en termes d'envahissement du marché canadien par les brasseries
étrangères, on pourrait voir arriver, peut-être, à
un moment donné, la disparition d'une entreprise comme la vôtre au
Québec ou, du moins, son déplacement vers d'autres régions
canadiennes à cause, peut-être, d'une plus grosse concentration de
l'appareil de production pour répondre à la compétition
internationale. À ce moment-là, ça aurait certainement un
impact important sur les commandites philanthropiques que vous faites. Sur le
sport, probablement pas, parce que probablement que Heineken ou Budweiser
sauront reprendre le flambeau publicitaire. Mais je crois qu'au niveau
peut-être plus local, philanthropique, au niveau des petites
communautés, je me demande si on n'assisterait pas là à
une perte sèche ou à une diminution importante des commandites
dites philanthropiques au niveau de la culture.
Le Président (M. Doyon): M. Asselin ou M. Moisan.
M. Asselin: Je vais débuter en essayant de rassurer M.
Gobé. Nous venons d'investir 150 000 000 $ pour l'agrandissement et la
construction de la Brasserie à Montréal. Nous avons porté
nos capacités de production de 2 500 000 hectolitres à 4 000 000
d'hectolitres; nous sommes actuellement en mesure de servir adéquatement
et nous sommes préparés à faire face à la
concurrence internationale. Évidemment, au cours des prochaines
années, l'industrie brassicole canadienne au complet va être
bouleversée.
Vous avez les recommandations du GATT qui viennent de sortir et qui
recommandent que les bières importées soient disponibles en
magasin dans tous les mêmes endroits où vous trouvez la
bière domestique ou, en tout cas, celle qu'on appelle la bière
locale ou domestique. Évidemment, ça risque... Et c'est une
menace, si on tient compte de ce qui s'est passé dans l'Ouest canadien
tout récemment, ou en Ontario. On est conscients de ces
impacts-là sur le plan budgétaire et, évidemment, on
rationalise et on tient compte de ces phénomènes-là
lorsque vient le temps de prendre des décisions.
C'est pourquoi les budgets de dons, ce que j'appellerais les budgets de
mécénat vont être plus affectés que les budgets de
commandite en soi. Parce qu'il reste une chose, c'est que la commandite - je
vous l'ai dit tantôt - c'est une activité ou une association qui a
pour but de nous offrir la visibilité. Là-dessus, je vais laisser
Richard expliquer un peu plus loin comment, lui, il voit ça. Moi, je
pense qu'au niveau de ia rationalisation des budgets... Vous avez parié
de ça tantôt à l'Assemblée. Je suis allé vous
écouter et vous avez parlé de la gestion de la qualité:
faire bien du premier coup, ou juste d'un coup. En tout cas, ça
ressemble à ça. Alors, effectivement, au niveau des commandites
et au niveau de la gestion de la qualité de nos interventions publiques,
on va viser à toujours avoir le meilleur retour sur l'investissement
qu'on va faire.
Mais le budget de mécénat, évidemment, risque
d'être plus touché. C'est pourquoi, si on veut maintenir le
développement de la culture, il faudra avoir un fonds ou un endroit
où on aura une expertise dans le domaine de la culture parce que c'est
très difficile de discriminer à l'intérieur des
différentes demandes que l'on reçoit de troupes de
théâtre, de formes d'expression d'art, d'artistes qui viennent
nous voir pour demander de l'appui. Ils ne nous demandent pas une commandite,
ils nous demandent un don ou une contribution, et c'est très difficile
de déterminer si c'est valable ou pas parce que vous n'avez pas de
critères dans ce domaine-là. Ce n'est pas facile. Il faudrait
pratiquement avoir cet organisme qui serait compétent dans le domaine
culturel, parce que ce n'est pas facile pour quelqu'un qui est assis dans son
bureau, qui est aux affaires publiques et qui a à gérer un fonds
de dons, de dire: Oui, je donne à cette personne-là plutôt
qu'à celle-là ou, éventuellement, à telle troupe de
théâtre ou à telle autre. Je pense qu'on devrait avoir
cette espèce d'organisme en quelque part où on pourrait canaliser
des dons et cet organisme-là verrait à faire en sorte que
l'argent soit distribué à bon escient. Au niveau des
commandites...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je regrette, le temps est terminé. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président, j'espère que
mon collègue, le député de LaFontaine ne prend pas outrage
du fait que nous nous disputons mutuellement M. Asselin. Que voulez-vous? Nous
avons eu tous deux le privilège de jouer dans les mêmes rues de la
même ville, et ça crée des liens très solides, mais
qui ne vous excluent point. J'ai bien des raisons de saluer votre
présence, M. Asselin, M. Moisan. Vous êtes - et cela, je pense,
était tout à fait légitime de votre part de le mentionner
- une des plus anciennes industries au Québec et, de surcroît,
vous êtes situés dans le centre-sud où vous êtes
impliqués. Vous êtes impliqués dans toutes les
activités de toutes les composantes qui forment le tissu social de ce
beau petit coin de ville dont j'ai l'honneur d'être le
député. Et je pourrais même également ajouter que
vous êtes propriétaires d'un édifice patrimonial dont vous
conservez jalousement le cachet et que vous avez même
développé, en quelque sorte, à des dimensions certes
modestes mais qui, quand même, peuvent servir d'exemple, une sorte
d'écomusée de la brasserie. Ce sont des valeurs, effectivement,
qu'il nous faut souligner et je renchérirai sur les propos de M. le
député de LaFontaine. Oui, effectivement, vous êtes venus
défendre des droits corporatifs. Je n'avais aucune gêne à
vous écouter et à vous appuyer dans plusieurs de ces
revendications parce que je sais au départ que vous respectez la
philosophie première du fondateur, donc que vous êtes
effectivement très impliqués dans ce quartier.
Ceci étant dit, M. Asselin, M. Moisan, vous avez donné des
statistiques comme telles. Je serais quand même curieux de voir
l'illustration en chiffres, comme on dit, des investissements de votre
entreprise en matière culturelle sous forme de commandites, de dons et
de bourses. Ça s'élève à combien de milliers de
dollars?
M. Moisan: Ça serait assez difficile de vous donner, M.
Boulerice, un chiffre précis, étant donné que je sais que
nos compétiteurs sont à l'écoute pour savoir combien on
investit dans le domaine de la commandite.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Moisan: Mais, par contre, on peut dire que ça
dépasse largement... Disons que c'est plusieurs millions de dollars
annuellement qui sont investis au Québec en termes de commandites dans
le domaine culturel. Je pourrais en mentionner quelques-unes: les concerts rock
au Forum, qui ne sont pas nécessairement seulement de la culture
québécoise mais qui encouragent toutes les formes de culture, qui
présentent toutes les formes de culture; la Grande Fête Laurentide
Rock; le Festival d'été de Québec; le programme
Relève Laurentide Rock, qui encourage les jeunes musiciens qui ne sont
pas encore connus, qui n'ont pas encore endisqué; le
Théâtre Molson, et j'en passe. Il y en a plusieurs, qui totalisent
au-delà de 2 000 000 $ par année, facilement.
M. Boulerice: On a souvent reproché, M. Moisan, aux
grandes entreprises d'aller uniquement vers la commandite, entre guillemets,
glamour, d'aller dans des manifestations culturelles, entre guillemets,
académiques dans le sens des beaux-arts comme tels, de ne jamais prendre
de risques et d'aller vers la nouveauté. Mais, par contre, vous vous
êtes engagés dans quelque chose qui était nouveau, qui
était le Festival international rock. Ayant piloté ce dossier, je
suis témoin que bien des gens ont fermé la porte, mais vous, vous
l'avez ouverte.
M. Moisan: On l'a ouverte justement l'an dernier. On a
récupéré un organisme qui accusait un déficit
accumulé d'environ 50 000 $. On a tenté de lui donner une
nouvelle vigueur en l'associant de très près à un
événement que nous avions créé pour aller chercher
un peu de visibilité, qui s'appelle la Grande Fête Laurentide
Rock, sur la rue Saint-Denis. Cet organisme-là en a été
reconnaissant, a passé une bonne année. Je pense qu'on lui a
donné une visibilité extraordinaire par rapport à ce qu'il
avait auparavant, une visibilité qu'on pouvait qualifier auparavant de
«underground», si vous me permettez le mot. On l'a mis sur la carte
au cours de l'été dernier. (16 h 15)
Cependant, si je peux me permettre, là, on peut voir un petit peu
de quelle façon le monde culturel est difficile pour nous à
gérer quand on veut s'associer comme commanditaire. Le Festival
international rock de Montréal revient à la charge cette
année avec des demandes extraordinaires en termes de support financier,
qu'on ne sera pas en mesure de lui accorder. Alors, on passe du simple, je ne
dirais pas au double, mais au quadruple en termes de demandes de commandite
d'une année à l'autre, sans égard à ce qu'on a pu
faire l'an dernier. Alors, il faudra gérer ça, parler avec eux et
négocier avec eux. Mais ce sont, dans le monde de la commandite, des
difficultés auxquelles ont fait souvent face. À cet
égard-là, nous, on avait créé pour nous donner
justement la visibilité qu'on recherche à travers la
commandite... On s'associe à des événements à des
fins strictement commerciales, sauf pour la partie dont M. Asselin faisait
état tantôt, le mécénat en général.
Les commandites ont un but commercial, un but d'aller chercher de la
visibilité pour l'une ou l'autre de nos marques et aussi des buts de
vente et d'échantillonnage de nos produits, ce que ne nous donnent pas
toujours l'occasion de faire certaines entreprises du
Festival.
Alors, on a senti le besoin, nous, de créer à
Montréal notre propre événement, de lui donner un nom
qu'on va véhiculer. Par exemple, sur la rue Saint-Denis, la Grande
fête Lauren-tide, qui dure une fin de semaine complète, tout
près de la fête de la Saint-Jean, et ça, on a
créé, on- a donné un nom et une vocation culturelle
à cet événement. Ce sont des entreprises vers lesquelles
on doit se tourner, malheureusement, parce que d'autres entreprises
bénévoles, comme le Festival international rock de
Montréal, ne pourraient pas nous consentir le titre d'un
événement, par exemple. Je pense que, dans le domaine culturel,
c'est difficile à imaginer - pas pour nous - pour certains promoteurs
d'événements culturels, qui imaginent avoir un festival Molson de
jazz, par exemple, à Montréal. Alors, c'est très
difficile. À ce moment-là, on crée nos
événements.
M. Godin: M. le Président, merci beaucoup de me donner le
micro. J'aimerais savoir de vous, M. Asselin, ou de vous, M. Moisan, quel est
le mode de procédure et de distribution des commandites? Est-ce qu'il y
a des jurys qui émanent du milieu ou si c'est la Brasserie qui prend sur
elle de décider elle-même que telle bourse on l'accorde, telle
commandite on la prend? C'est ma question, M. le Président.
M. Asselin: Les commandites sont reçues chez nous par mon
service, le Service de promotion. En général, elles sont
acheminées à d'autres services et, finalement, elles sont
acheminées à notre service de promotion. On a des critères
de sélection très précis et très rigoureux en ce
qui concerne l'attribution d'une commandite. On a des critères que je
pourrais rapidement énumérer. Par exemple, des critères
par lesquels on pourra mesurer la visibilité sur le site d'un
événement; par visibilité, j'entends affichage. Des
critères, à savoir: Est-ce que l'événement a un
impact régional, provincial, local? Si l'événement est un
événement provincial, il retiendra plus notre attention. Est-ce
que l'événement peut nous donner des retombées de presse,
médiatiques, gratuites, entre parenthèses, par l'entremise de la
couverture de presse? Est-ce que l'événement pourra nous donner
des retombées au niveau des ventes ou de l'échantillonnage?
Est-ce que l'événement pourra améliorer notre distribution
de produits? Alors, il y a une série de critères comme ça.
Je pourrais en énumérer plusieurs qui vont nous servir pour
sélectionner un événement par rapport à un
autre.
M. Godin: La formule de Centraide pour les arts me plaît
beaucoup, mais je me demande si le nom ne serait pas vu comme étant mal
choisi pour les artistes qui, déjà, se sentent...
M. Boulerice: Une solidarité.
M. Asselin: Oui, en fait, c'était...
M. Godin: ...un peu misérables et un peu
miséreux.
M. Boulerice: "Solidaire-art".
M. Asselin: Le nom était trouvé. Écoutez,
c'était pour faire image. J'ai appelé ça un fonds de
développement de la culture, et en prenant le concept de Centraide, je
voulais tout simplement rattacher à ça l'idée que, dans
Centraide, vous contribuez dans un endroit centralisé, reconnu,
crédible dans lequel vous versez des sommes, et vous recevez un avantage
fiscal pour avoir contribué. Et cet organisme-là reçoit
une majorité, un grand nombre de demandes, il analyse les demandes et,
ensuite de ça, il alloue des sommes à des organisations. Je dis:
C'est le concept global beaucoup plus que dire: C'est un Centraide. En
réalité, c'était juste pour faire image, ça, parce
que l'idée était d'avoir un fonds de développement de la
culture qui soit mis sur pied et qui soit valorisé. C'est ça qui
était l'idée.
M. Godin: M. Asselin, je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député. Malheureusement, le temps est écoulé.
M. Boulerice: Bien en terminant...
Le Président (M. Doyon): Ou peut-être un mot de
remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: En terminant, moi, j'ai quand même
apprécié que, dans votre mémoire, vous repreniez cette
phrase de Samson, Bélair, Deloit-te & Touche: "II faut cesser de
s'attendre à des retombées financières immédiates
lorqu'on subventionne une entreprise culturelle. C'est un investissement
à long terme qui s'inscrit dans la perspective beaucoup plus large de la
sauvegarde de la culture québécoise." Venant, encore là,
justement d'une entreprise, donc, qui est liée forcément à
la notion de profit, sinon une entreprise n'existe pas, je pense que votre
message est d'autant plus percutant.
Je regrette qu'on n'ait pas plus de temps pour voir l'aide que vous
accordez au niveau d'institutions comme les musées, etc., parce que,
là aussi, on peut jouer le levier de la fiscalité très
facilement de façon à aider à la culture, mais aider aussi
à la culture en région. Je pense que vous nous avez
indiqué des pistes quant à un centre d'aide aux arts, à la
culture, donc aux artistes. Il y a dans votre mémoire matière
à réflexion. Je vous remercie beaucoup, M. Asselin, M. Moisan, et
on se reverra sans doute sur la rue Notre-Dame ou sur la rue
Sainte-Catherine.
M. Asselin: C'est bon signe. Des voix: Ha,ha,
ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, à vous
maintenant.
Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour de me joindre
à mon collègue et de vous remercier. Je vous écoutais
parler, M. Moisan, et vous me rappelez des souvenirs, sept ans et demi de
souvenirs. Mais l'idée, par contre, d'un centre "Solidart", ou qu'on
appelle ça comme on voudra, ce qui est intéressant à
travers cette idée-là, ce n'est pas de se décharger pour
ça, au contraire... Excepté que ça conscientise et
ça force aussi la population en général, les industries en
général aussi, comme concept, à participer, en plus, de ce
qu'on appelle du "over and above", mais quand même à participer.
Et c'est un geste de marketing qui serait massif pour, justement, mettre la
culture sur...
M. Asselin: Sur la place publique.
M. Moisan: Ça permettrait de partager l'effort, surtout,
entre plusieurs...
Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça.
M. Moisan:... qui ne participent pas à la culture.
Mme Frulla-Hébert: En tout cas, c'est finalement une voie
à explorer. Merci encore d'être ici. Merci aussi pour votre
apport.
Évidemment, vous prônez une culture qui soit une culture
accessible, forcément, et je pense qu'on en est là aussi. Il faut
que tout le monde bénéficie de cette culture-là. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, il me reste, au nom
des membres de la commission, à vous exprimer nos remerciements et
à vous permettre de vous retirer de la table, en espérant que
vous ayez...
M. Moisan: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon):... un bon voyage de retour.
Nous recevons maintenant le Théâtre de la Marmaille.
J'invite M. Daniel Meilleur ainsi que M. Pierre Mac Duff à bien vouloir
prendre place en avant. Alors, bienvenue à vous deux. Si vous voulez
bien vous présenter très brièvement et ensuite
procéder à la lecture ou au résumé de votre
mémoire, comme vous voudrez. Après ça, le temps qui
restera va être partagé entre les deux formations politiques pour
discuter de la présentation que vous aurez faite et d'un certain nombre
d'autres idées. Vous avez la parole.
Théâtre de la Marmaille
M. Mac Duff (Pierre): Merci. Bien, je suis Pierre Mac Duff,
directeur général du Théâtre de la Marmaille. Je
suis accompagné par M. Daniel Meilleur, qui est cofondateur et
codirecteur artistique de la compagnie.
Alors, M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles,
mesdames et messieurs de la commission de la culture, nous vous remercions tout
d'abord sincèrement de nous avoir conviés à expliquer la
teneur du mémoire que nous avons soumis dans le cadre de cette
commission. Permettez-nous tout d'abord... Nos premiers mots iraient à
Mme Frulla-Hébert. Nous voudrions féliciter sincèrement la
ministre des Affaires culturelles qui, comme elle s'y était
engagée formellement dès son entrée en fonction, a
réussi à relever le défi de tenir une commission
parlementaire sur la culture, et ce, dans les délais prévus.
C'est quelque chose de très important, d'autant plus que, comme vous le
savez, il s'agit de la première commission de la culture. C'est donc un
événement pour la communauté culturelle mais, plus
largement, pour le Québec. D'ailleurs, comme vous avez pu le constater,
nombre d'artistes et d'organismes artistiques, de corporations publiques et
privées, d'administrations municipales même, en somme d'instances
de toutes sortes ont présenté un mémoire et ont
demandé à comparaître devant cette commission, ce qui
témoigne de l'importance de cette commission elle-même, mais aussi
de l'importance que la société québécoise accorde
à cette première commission parlementaire à se tenir en
vue de l'adoption d'une politique culturelle. Ceci ne devra jamais être
oublié, malgré toutes les réserves que l'on pourrait
émettre à l'endroit du document final soumis par le
groupe-conseil et qui fait l'objet des présentes études.
La Marmaille ne reprendra pas ici chacun des éléments mis
de l'avant dans son mémoire, ni ne répétera ce que vous
avez entendu à maintes reprises par la voix des représentants
d'autres entreprises artistiques. Nous voulons cependant rappeler que nous
sommes d'accord avec les grands principes qui sous-tendent le rapport du groupe
Arpin, à commencer par la nécessité que le gouvernement du
Québec fasse de la culture une priorité de l'État. Nous
tenons aussi à dire que la Marmaille endosse totalement le
mémoire de la Maison-Théâtre quant à la
présentation de la problématique et des besoins des compagnies
qui oeuvrent pour le jeune public. Nous endossons totalement le mémoire
du Conseil québécois du théâtre quant aux appuis,
aux réserves et aux critiques qu'il émet à l'endroit du
rapport Arpin, et particulièrement ses mises en garde face aux
industries culturelles.
Nous tenons également à souligner la qualité et le
grand intérêt à nos yeux du mémoire de la
Société d'histoire du théâtre du Québec,
quant à la fonction que devrait tenir le ministère
des Affaires culturelles et quant à son rôle. Nous voulons
revenir sur ce rôle. Il nous apparaît impératif que le
soutien des arts et des activités artistiques professionnelles doive
demeurer la raison d'être première et fondamentale du
ministère des Affaires culturelles. Il nous apparaît
nécessaire de le rappeler ici, puisque la lecture du rapport du
groupe-conseil a soulevé chez nous de vives inquiétudes, à
cause, notamment, de la confusion des genres qui prévaut entre culture,
art, activités artistiques et, pour reprendre l'expression du
Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec,
"les industries du divertissement."
Ceci nous amène à formuler une première
proposition, que je rappelle, à savoir que, conformément a
l'esprit de la loi qui a prévalu à sa création, le
rôle premier et fondamental du ministère des Affaires culturelles,
quelle que soit la nouvelle appellation qu'il adopterait éventuellement,
demeure d'assurer un soutien à l'activité artistique
professionnelle, ceci constituant la raison d'être du ministère,
et que l'essentiel des budgets de ce ministère soit affecté aux
programmes destinés à soutenir les organismes de création
et les artistes. Or, on le sait, à ce chapitre, il y a
déjà beaucoup de chemin à faire.
Enfin, la Marmaille vient donc témoigner d'une
réalité qui est d'abord la sienne. Nous ne prétendons pas
parler au nom d'une discipline en particulier ou en général, ni
au nom d'un milieu en particulier. Nous venons faire état d'une
réalité qui est la nôtre, celle d'une compagnie qui a 18
ans d'existence à son actif et un nombre significatif de
réalisations théâtrales. Pour vous en parler, je vais
céder la parole au codirecteur artistique et cofondateur de la
Marmaille, Daniel Meilleur.
Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole. (16 h
30)
M. Meilleur (Daniel): Merci. D'abord, nous, on est chanceux
d'être ici. On est entre deux tournées. On arrive de France et on
part à Bruxelles dimanche. Et, quand M. Richard avait fait sa
consultation, il y a quelques années, nous étions encore entre
deux tournées. Alors, nous sommes très contents de pouvoir
être là parce que, évidemment, quand on a travaillé
pendant 18 ans, on a établi, au cours des 18 dernières
années, des rapports privilégiés avec le ministère
des Affaires culturelles. Il est clair pour nous que le ministère des
Affaires culturelles a été attentif à la Marmaille depuis
longtemps, attentif tant au niveau du fonctionnement, de nos projets
internationaux, qu'au niveau des équipements et des projets
spéciaux. Pour nous, le ministère des Affaires culturelles est un
partenaire extrêmement important depuis le début.
Alors, moi, quand j'ai lu le rapport Arpin, j'ai eu une surprise
énorme, surtout dans la première partie, parce que nous nous
sommes reconnus, nous, le Théâtre de la Marmaille, à
travers le rapport Arpin dans le sens suivant. C'est que le rapport Arpin, par
exemple, dit qu'il veut favoriser la création. Or, nous sommes un groupe
de création. Nous avons créé 18 spectacles originaux en 18
ans avec des dizaines d'auteurs québécois. Nous sommes
allés chez les Inuit à partir desquels on a fait un spectacle.
Nous sommes allés en Amérique centrale à partir de quoi on
a fait un spectacle. Nous avons travaillé avec des Italiens,
créé un spectacle qui s'appelait 'Terre promise". On a des
projets maintenant avec des Africains, avec des Vietnamiens, et avec des
Québécois, évidemment. Plusieurs de ces textes ont
été publiés. Donc, favoriser la création dans le
rapport Arpin, oui, c'est la Marmaille.
Deux, assurer la stabilité des organismes culturels que
préconise le rapport. Nous, on aura bientôt 20 ans et ceux qui
sont à la direction de la troupe, avec Monique Rioux, France Mercille et
Michel Robidoux, nous sommes là depuis le début. Alors, cette
stabilité, disons que nous l'avons assurée, et avec un
équilibre budgétaire aussi qui a toujours été
là. Nous avons un budget équilibré et nous tentons de
l'équilibrer. Alors, assurer cette stabilité-là, nous nous
reconnaissons à travers cet objectif.
Développer et maintenir au Québec la compétence
professionnelle. Nous, on a gagné de nombreux prix, ici comme ailleurs.
Je crois que les travaux qu'on a faits ont été
célébrés un peu partout et aussi nous avons donné
des ateliers pendant des années pour assurer une relève, une
relève à nous et une relève aussi au milieu. C'est un
objectif de la Marmaille de développer et de maintenir au Québec
la compétence professionnelle.
En ce qui concerne l'autre objectif du rapport, qui est
d'accroître l'ouverture au monde et l'action internationale, c'est
sûr que nous, nous donnons plus de la moitié de nos
représentations à l'étranger. À titre d'exemple,
cette année, nous ferons en kilomètres l'équivalent de
deux fois et demie le tour de la terre, et on a calculé que, depuis 18
ans, on a parcouru la distance de la terre à la lune en
kilomètres, mais nous n'avons jamais joué à Drummondville,
à Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Amos et à
Thetford-Mines, ma ville natale, à titre d'exemple.
Donc, ce qui m'amène à dire que, dans les volontés
du rapport Arpin, nous sommes là, mais là où il y a des
"mais", c'est que plus nous devenons le rapport Arpin, plus nous sommes le
rapport Arpin, plus l'aide de l'État diminue proportionnellement. C'est
curieux, mais c'est la réalité. Alors, malgré les
performances et malgré aussi les apparences de notre
théâtre, le Théâtre de la Marmaille, notre situation
est précaire. Nous manquons de personnel. Nous sous-payons nos gens et
nous-mêmes, et c'est toujours l'avenir de la troupe qui est en jeu. Bon.
Évi-
demment, si nous jouons à l'étranger, c'est parce que les
réseaux de tournée ici sont déficients, mais je pense que
ça a déjà été dit assez souvent. Nous
aimerions jouer au Québec davantage, mais les théâtres ne
sont pas là et l'argent n'est pas là non plus.
Sur la scène internationale, on a assez voyagé pour
pouvoir vous dire que nous, la Marmaille, et d'autres compagnies
québécoises, donnons l'image d'une société jeune,
dynamique, vivante, vivifiante; c'est de l'oxygène. Dans plusieurs pays,
on nous dit: Mais c'est fantastique ce que vous faites. Qu'est-ce qui se passe
au Québec? Qu'est-ce qui se passe à Montréal, de ce
temps-là, en danse, en musique, en théâtre? Les gens sont
épatés par la production. Il y a vraiment un engouement avec le
cinéma aussi. Alors, nous jouons beaucoup à l'étranger,
mais plusieurs de nos confrères veulent venir au Québec et il y a
un problème. Il n'y a pas de place pour eux et personne n'a d'argent
pour les recevoir. Et ça, qu'on le veuille ou non, on donne l'image
d'une société qui est un peu repliée sur elle-même,
qui est fermée parce qu'il n'y a pas de place.
Je donne un exemple. Amadou Hambâte-Bâ, qui est un auteur
africain, disait: "À chaque fois qu'un vieillard africain meurt, c'est
une bibliothèque qui brûle." Moi, je dis qu'à chaque fois
qu'un festival international meurt au Québec, c'est des ambassades qu'on
ferme. À chaque fois que des artistes étrangers veulent venir au
Québec et qu'on ne peut pas les accueillir, ce sont des ambassadeurs
qu'on refuse. Je crois qu'on doit absolument rendre la pareille. Les
événements internationaux pendant l'année sont rares. Il y
a les festivals, évidemment. Mais on ne peut pas laisser des ambassades
ouvertes deux semaines par année. Je crois qu'il faudrait absolument
faire circuler au Québec les productions marquantes et majeures. Il
devrait y avoir un terrain pour ça.
Alors, nous, ce que nous voulons vous dire, c'est que nous voudrions que
ce gouvernement dise oui à la culture. Nous avons besoin du
ministère des Affaires culturelles pour nous développer. Nous
nous considérons, pour avoir tant voyagé, comme un grand petit
peuple dans une grande province sur un immense continent. Qui, sur cette terre,
a des concitoyens inuit, amérindiens, anglais, polonais, italiens,
grecs, etc.? Nous sommes un peuple unique avec une culture très forte.
Nous avons des histoires à raconter au monde et le monde veut entendre
nos histoires. Donc, nous avons besoin d'un oui à la culture. Je crois
que ce gouvernement, par exemple, du côté de l'agriculture, peut
faire la différence entre celui qui est producteur de lait et celui qui
fait pousser les pétunias. Je ne crois pas que le gouvernement
subventionne la culture des pétunias, même si les pétunias,
c'est beau. Je crois qu'il y a des priorités en agriculture; il devrait
y en avoir aussi en culture, je crois. Et tout est là, à mon
avis, pour qu'on puisse prendre une grande place.
Le Président (M. Doyon): M. Mac Duff, avez-vous quelque
chose à ajouter?
M. Mac Duff: Si ce n'est cette importance... Je crois
qu'au-delà de toutes les réserves qu'on pourrait émettre
sur l'énoncé de politique, ce qui ressort, je vous le dis, sur la
base des mémoires que j'ai lus, et j'en ai lu plusieurs... Vous avez le
privilège de les avoir tous lus ou d'avoir pris connaissance de la
totalité. Mais ce qui m'apparaît ressortir, c'est la
nécessité qu'il y ait un débat de fond sur la place que le
gouvernement du Québec entend faire à l'art et à ses
artistes. Nous sommes un peuple qui a un potentiel extraordinaire au niveau
artistique. Nous sommes conscients que cette dimension artistique, qui fait la
force du Québec, se voit prise dans un discours, dans des
représentations certes légitimes par d'autres groupes
d'intérêts qui disposent de moyens financiers substantiels et qui
ont tout intérêt à entretenir le flou qui existe entre
l'art, l'industrie, la culture, le loisir.
Nous sommes mûrs pour un débat de fond et pour redonner la
place aux arts qui devrait être la sienne dans ce gouvernement, compte
tenu du potentiel de ses artistes, c'est-à-dire la première. Il
est important que le message se rende tant ici qu'à l'étranger
puisque - et c'est une parenthèse que nous ferons - la Marmaille, pour
avoir circulé dans plusieurs pays, est malheureusement en situation de
dire qu'elle fréquente relativement peu les délégations du
Québec à l'étranger, puisque les délégations
du Québec à l'étranger s'intéressent relativement
peu aux arts au Québec.
Alors, je crois qu'il y a un travail énorme à faire aussi,
un travail d'information, un travail au niveau du personnel qui est là,
au niveau des outils qui sont donnés, au niveau des compétences
quant à l'aptitude à comprendre la dynamique profonde de ce qui
se passe au Québec. Il y a là aussi un chemin énorme, et
investir dans la culture, c'est investir dans l'avenir et dans la raison
d'être fondamentale du Québec.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Mac Duff. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Mac Duff. D'abord, M.
Meilleur, M. Mac Duff, on vous souhaite la bienvenue. Bon, M. Mac Duff, pour
avoir beaucoup parlé avec vous... Je vous disais hier: On s'est
ennuyé de vous, hier soir. Par contre, on a la chance de vous retrouver
aujourd'hui. Je veux revenir à deux choses, d'abord - et ça, on
s'en était beaucoup parlé - c'est toute la question de la
consolidation. On sent beaucoup de réserves. La plupart des troupes...
On voit deux choses. On voit des troupes qui, comme la vôtre, sont des
troupes qui sont bien
établies et qui fonctionnent bien, et qui disent: Oui, il faut
consolider. Au moment où on se parle, on a beaucoup
développé. Il faut consolider. On le voit dans votre
mémoire.
Évidemment, il y a d'autres troupes qui disent: Ah oui! mais
c'est parce que là, si vous consolidez puis nous autres, si on n'a
pas... Et, bon, de là le fameux mot "saupoudrage", mais moi, je
préfère parler de consolidation. En tout cas, on dit: Bien oui,
mais c'est parce qu'on a besoin de cet argent-là, nous autres, juste
pour nous partir.
Je veux juste vous demander si, selon vous... Vous avez
énormément d'expérience tous les deux dans le
développement du théâtre, dans le développement des
compagnies de théâtre. Au moment où on se parle, il y a une
grosse effervescence, mais est-ce qu'il n'y a pas lieu, tel que vous le dites
dans votre mémoire, de prendre non pas un temps d'arrêt permanent,
au contraire, mais de dire: Bon, bien, voici maintenant ce qui existe. Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu de se fixer un temps et de dire: Bien là, on
va consolider ce qu'on a? Parce qu'on fait face vraiment à deux
théories, au moment où on se parle.
M. Mac Duff: Le problème, c'est toujours la
différence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. On en arrive, de
ce côté-ci, à avoir le sentiment qu'on travaille avec un
État schizo-phrénique, qui a un discours x et qui a un
comportement y. Nous parlons de consolidation. Ce que nous disions tout
à l'heure, c'est que plus nous devenons le modèle
préconisé par le rapport Arpin, plus, en proportion, l'aide du
gouvernement du Québec se réduit. Il y a un problème.
On parle de consolidation. Or, cette année, une compagnie, par
exemple, comme la Marmaille, qui existe depuis 18 ans et qui est celle que vous
savez, reçoit 150 000 $ par année de fonctionnement. Dans une
ère de consolidation, nous avons reçu 5000 $ de plus et on a dit:
Nous sommes dans la consolidation. Nous sommes probablement dans cette salle
les deux personnes les moins payées de l'assistance. Il y a un
problème.
Moi, je travaille pour la compagnie de théâtre la Marmaille
et j'ai 20 ans d'expérience dans ce métier. Au moment où
je vous parle, je tire mes revenus de l'assurance-chômage et je travaille
pour la compagnie qui, à mes yeux, est la plus performante, la meilleure
au Québec, dont la réputation est internationale. Il y a un
problème. Comment se fait-il qu'au Québec, on ne soit pas capable
de gagner sa vie, même dans les compagnies qui sont les plus
performantes, les meilleures, reconnues à l'étranger, et qui
contribuent à développer le théâtre, les auditoires,
le public de demain, la dramaturgie?
Je sais ce que je fais, pourquoi je le fais, pourquoi je le dis. Et vous
voulez savoir le pire?
Je suis convaincu que, dans cinq ans ou dans dix ans, je ne sais pas ce
que je ferai. Je sais que je travaillerai encore au théâtre et je
sais que je serai probablement, à 50 ans, 55 ans, obligé quand
même de retirer une partie substantielle de mes revenus de
l'assurance-chômage. Il y a un problème, non?
Mme Frulla-Hébert: Oui, il y a un problème. Puis,
d'ailleurs, vous parliez de débat de fond. Si on est ici, c'est parce
qu'effectivement il y a un problème. On l'a tous réalisé:
On a un profond besoin de changement. Il s'agit maintenant de savoir quels sont
les changements et qu'est-ce qu'on veut apporter ensemble en toute
conscience.
Vous parliez, finalement, des problèmes de salle, par exemple,
des tournées. Il y a quelque chose dans votre rapport qui me
crève le coeur et vous avez aussi raison: c'est tout le sujet la Place
des Arts. Parce que c'est quelque chose aussi d'avoir un organisme
d'État fortement subventionné et, en bout de ligne, vous dites
que la programmation est faite par le syndicat parce que là, c'est trop
cher. On parie d'un nouveau contrat social avec les syndicats au niveau de
l'économie, etc. Il va falloir vraiment se pencher aussi sur un contrat
social avec les syndicats et, si c'est possible, au niveau culturel, parce que
c'est d'autant plus pressant.
Mais vous me parlez des salles. Revenons au niveau des salles à
Drummondville. Bon, vous dites: Partout, en tournée et à
Montréal, on a beaucoup investi dans l'équipement, dans des
salles. Seulement, moi, ça fait un an que je suis au ministère et
j'en ai annoncé, j'en ai aussi inauguré quelques-unes parce qu'on
sait qu'il y a un problème au niveau de la tournée. Il semble,
malgré ces investissements-là, que ce soit à Baie-Comeau,
que ce soit à Sept-îies, que ce soit en Gaspésie, qu'on
parle toujours d'un problème de salles. J'aimerais ça que vous
élaboriez un peu là-dessus. Où est-ce qu'il est le
problème? Est-ce que les salles sont trop grandes? Vous parlez de salles
abordables. (16 h 45)
M. Meilleur: Nos conditions économiques étant
difficiles, évidemment, les invitations qu'on reçoit pour aller
aux États-Unis, sans subvention, payés en argent américain
ou avec des cachets en francs français, qui sont trois, quatre, cinq
fois ce qu'on reçoit ici, on ne peut pas refuser ça. Nous, on a
un budget à équilibrer. Il faut gagner notre vie, là. On a
peu d'invitations du Québec. Est-ce que c'est parce que les producteurs
pensent que le public québécois de Drummondville ou d'ailleurs
n'est pas prêt pour nos spectacles? Moi, je ne crois pas à
ça. Moi, ça fart 18 ans que je fais du théâtre.
Ça fait 18 ans que je me fais dire par des producteurs de salle... Ce
spectacle-là, par exemple, un spectacle avec les Inuit, sur les Inuit,
les mythologies, un spectacle pour 100 personnes, c'est parce que
c'est un spectacle où il y a une participation du public. Un
producteur américain très important m'a dit: "You won't sell one
show", vous n'en vendrez pas un aux États-Unis. Eh bien, on en a vendu
des dizaines au prix que ça coûtait, sans subvention.
Donc, ce discours des producteurs: Mon public n'est pas prêt, il
ne viendra pas, il n'aimera pas ça, il n'est pas assez
développé, il aime telle chose et pas telle chose, moi, je le
discute. Si nous écoutions les producteurs, nous ne ferions pas le
théâtre que nous faisons là et nous ne ferions pas le tour
du monde comme on le fait là. Alors, il y a un problème
peut-être là. Il y a un problème, je crois aussi, de
financement. Ça, c'est sûr. En France, par exemple, les conditions
de tournée sont idéales. Il y a de l'argent, il y a une
structure, les villes sont impliquées, le département est
impliqué, l'État est impliqué beaucoup.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, oui.
M. Meilleur: Ensuite, il y a les groupes de travail dans les
usines. Bon, la tradition n'est pas la même, c'est sûr, mais il y a
un travail de fond.
Mme Frulla-Hébert: Mais vous parlez justement... Je veux
profiter de cette expérience-là. C'est vrai, vous parlez de la
France... Il y a une implication qui est globale. Honnêtement, ce n'est
pas juste l'Etat. C'est 30 % de l'État, mais il y a les
départements, les villes, etc., comme vous le dites.
Si on allait par priorités, par exemple, est-ce que c'est
possible? On dit: On s'en va par priorités. Il faut faire
connaître. Il y a tout le réseau, surtout pour vous autres, le
système d'éducation, tout le réseau. On a eu plusieurs
intervenants qui sont venus du réseau de l'éducation, ne
serait-ce que pour sensibiliser très fort et, finalement, créer
l'échange. Eux-mêmes disent qu'en termes d'éducation, il y
a un gros travail à faire. Mais si on y allait en termes de
priorités, quelles seraient les priorités pour dire: Pour nous
autres, ce serait plus facile, par exemple, de se produire au niveau du
Québec?
M. Mac Duff: II ne faut jamais oublier d'où on est partis.
On est partis de tellement loin, il y avait tellement de choses à faire
en si peu de temps que les priorités sont nombreuses et de plusieurs
ordres.
Je voudrais quand même revenir sur la question de la diffusion. Il
ne faut pas oublier qu'au Québec 70 % de la diffusion
théâtrale est faite par les compagnies elles-mêmes, donc,
par les compagnies de théâtre. Celles qui disposent d'un lieu et
celles qui ne disposent pas d'un lieu essaient de se produire; elles doivent
faire affaire soit avec les diffuseurs multidiscipl inaires, soit avec les
quelques compagnies qui disposent d'un lieu.
À mon sens, on a tout intérêt à aller vers la
consolidation des compagnies qui disposent d'un lieu parce que ce sont elles
qui ont développé le public de théâtre; ce ne sont
pas les diffuseurs multidisciplinaires qui ont développé le
public de théâtre au Québec. Le public s'est
développé parce que des compagnies ont pris la parole, ont pris
l'espace, souvent dans des conditions invraisemblables, pour imposer,
développer leurs produits, et, ce faisant, développer un public,
et elles ont souvent été aux prises... On fait état de la
Marmaille, mais combien de compagnies ont eu à faire face à un
discours des diffuseurs pour qui le produit qu'on présente n'est jamais
celui pour lequel leur public est prêt?
Le problème, c'est qu'à force de ne pas présenter
de spectacles pour lesquels le public n'est pas prêt, le public,
finalement, n'est jamais prêt à rien parce qu'il n'a jamais
accès à rien, sinon à ce qu'il connaît. Comment
peut-il avancer si on ne présente que ce qu'il connaît? Donc, une
des attentions particulières du ministère devrait être
à l'endroit des compagnies de théâtre qui ont des lieux,
celles qui veulent en avoir parce que ce sont elles qui ont contribué
principalement à développer le public de théâtre. Il
y a peut-être des exceptions du côté de la diffusion
multidisciplinaire, mais ce sont des exceptions.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Mac Duff, M. Meilleur, si c'est vrai que
nul n'est prophète dans son pays, il est quelquefois... d'avoir raison
en son temps. Je me souviens, quand j'interrogeais la
prédécesseure de la précédesseure de l'actuelle
ministre, sur le moratoire des équipements culturels, elle me
répondait, avec la verdeur qui caractérise son vocabulaire,
qu'elle n'investirait pas dans le béton, mais bien dans l'aide aux
artistes. Au niveau de l'aide aux artistes, je vous écoute et
j'écoute ceux qui sont passés auparavant. Il ne semble pas que
suffisamment a été fait et vous me dites, dans votre texte,
à la page 4, que faute de lieux adéquats... Eh bien, vous
êtes peut-être allés à Bruxelles, etc., mais
Sherbrooke, Drummondville, Jonquière, Trois-Rivières sont des
villes qui sont exclues de votre parcours. Et ça, effectivement,
ça m'apparaît tout à fait anormal que les
Québécois ne puissent pas bénéficier des
productions culturelles qui viennent de leur propre pays. Le vieux dicton peut
s'appliquer, là: Charité bien ordonnée devrait commencer
par soi-même. Qu'on les voie, nous, et après, heureusement, qu'on
les renvoie à l'extérieur.
Ceci étant dit, plus vos activités progressent, plus elles
résonnent... elles rayonnent, je m'excuse. Elles résonnent, oui,
parce que l'écho
revient - c'était peut-être un lapsus voulu. Elles
progressent, elles rayonnent, par contre, l'apport du ministère diminue.
C'est véritablement le contraire d'une incitation au rendement. Mais
quand on vous dit que vous aurez moins, on le motive comment? Comment le
ministère vous motive-t-il cela? Vous êtes bons, vous progressez,
vous grossissez. Bravo! Maintenant, on va vous donner moins cette
année.
M. Meilleur: Quoi dire? Moi, j'étais venu ici dans
l'esprit de parler de façon plus globale de nous, la Marmaille, et en
général de ce qui se passe au Québec. Moi, j'aurais envie
de répondre de façon plus globale, je crois, que l'esprit du
rapport Arpin est clair. On veut reconnaître et inscrire la culture comme
une priorité d'État, c'est-à-dire que, quand ça va
bien, ça va bien pour tous les ministères, puis, quand ça
va mal, ça va mal pour tous les ministères. Mais, dans ce cas-ci,
nous, que ça aille bien ou que ça aille mal, le ministère
des Affaires culturelles est toujours coincé, alors que, si on
reconnaît ça, je crois que le ministère va changer de
budget. Si ça passe, l'idée, pour moi, je le souhaite de tout mon
coeur que ça passe, le budget doublera ou triplera, quoi.
D'autre part, ce budget-là, avec le fonctionnement qu'a le
ministère des Affaires culturelles actuellement, avec les fonctionnaires
que, moi, je connais, et le fonctionnement que je connais du ministère
des Affaires culturelles, il y a en place les gens, les compétences pour
administrer ce double ou ce triple budget. Alors, les fonctionnaires, qui sont
très attentifs - il y en a qui sont là depuis très
longtemps - au lieu de faire des recommandations pour dire: Votre projet est
très bon, mais il n'y a pas d'argent, ils vont dire: Votre projet est
très bon et nous l'appuyons avec tant.
C'est ça que je crois qu'il devrait se passer parce que, si on
parle des 5000 $ du Théâtre de la Marmaille, ça
n'intéresse absolument personne. Moi, c'est mon année qui est en
jeu, mais ça n'intéresse personne dans le débat actuel,
là. Je crois que ça devrait être ça, l'objectif. Je
le souhaite, nous le souhaitons et nous le militons en plus parce que nous
l'avons, cette culture. Nous l'avons. Ça fait 15 ans qu'on fait le tour
du monde. On le sait.
En Australie, ils ont une peur, eux. Ils ont des théâtres
partout dans le pays, un immense pays, comme dans ce pays-ci. Il y a des
théâtres partout et il y a le syndrome du "black box", la
boîte noire: il y a des théâtres, il n'y a rien dedans.
M. Boulerice: Nous, c'est l'inverse.
M. Meilleur: Nous, on a le syndrome du clochard. On a plein
d'artistes, mais ils sont dans la rue. Ça quête pour trouver une
salle, ça quête pour se faire voir, ça quête...
Ça a fait des décors dans de la fripe et ça passe pour des
génies d'avoir fait un décor de fripe de la rue Ontario. Il y a
des limites à tailler dans la fripe. Je pense qu'on est un peuple qui
mérite plus que de la fripe. D'abord, on est une société
riche, on est dans un pays riche et j'aimerais que la culture prenne sa place
dans ce panorama-là. Je suis sûr qu'on a les moyens de ça,
et ce n'est rien dans un budget.
M. Boulerice: Donc, on ne tournera pas autour du pot. La question
que vous posez est... Bravo pour les grands énoncés!
Félicitations pour votre beau programme! Oui, nous voulons une politique
globale des arts et de la culture. Mettons-la dans une charte s'il le faut.
Mais est-ce que cette volonté politique de se donner une politique - en
définitive, c'est la question que vous posez - va procurer au
ministère les moyens financiers d'agir? Donc, les 90 000 000 $ qui
manquent pour atteindre la promesse de 1985 du 1 %, ce serait
déjà énorme.
M. Mac Duff: Oui, mais vous savez, évidemment, il faut que
les budgets suivent. Cela dit, il y a certainement moyen de réorienter
des priorités, au sein même du ministère, qui vont faire en
sorte que la création et l'art vivant vont recevoir autre chose que la
part qui est la leur actuellement. Vous savez, on a souvent tendance à
dire qu'il y a trop d'organismes qui sont subventionnés et que le
ministère procède peut-être à un saupoudrage.
Deux choses là-dessus. Il est important qu'il y ait aussi de
nouveaux groupes, donc, de la relève, faire à la relève la
place qui devrait légitimement être la sienne dans tout domaine.
D'autre part, en théâtre, vous savez, on a calculé le
saupoudrage, c'est-à-dire qu'il a été évalué
à la suite des travaux réalisés par le comité
d'évaluation national, qui avait identifié un certain nombre
d'organismes qui ne répondaient pas nécessairement aux
critères, et à l'endroit desquels le ministère avait
suggéré un retrait; ça totalisait à peu près
300 000 $.
Alors, ce n'est pas avec 300 000 $ qu'on pourrait dire, en
théâtre, être de l'argent qui aurait été
saupoudré, qu'on va régler le problème. 300 000 $, c'est
à peine le seuil minimal d'une compagnie de moyenne envergure. Donc, on
aurait réglé le cas d'une compagnie. Je vous ferais remarquer que
300 000 $, ça demeure quand même le double de ce qu'une compagnie
comme la Marmaille, qui existe depuis 18 ans, reçoit pour son
fonctionnement, du ministère.
Je reviens sur ce qu'on disait quand même au début. Si on
parle de la compagnie, il ne faut quand même pas perdre de vue que nous
estimons être, parmi nos collègues, l'une des compagnies la plus
et la mieux soutenue. Si on se compare aux autres, on est mieux que d'autres.
Ce que nous venons dire ici, c'est: Imaginez les autres aussi, imaginez nos
propres conditions et ima-
ginez les autres qui sont pires que nous. Dans d'autres
sociétés, ça ne prend pas 18 spectacles pour se voir
reconnaître, se voir doter d'instruments. Lorsqu'on demande des lieux de
théâtre, ce qu'on demande, c'est des outils. Vous savez que ces
outils-là, si c'est d'abord les artistes qui en sont les usagers, c'est
quand même la population qui en profite quelque part. Ce qu'on demande,
c'est des outils.
M. Boulerice: M. Mac Duff, si vous dites que le saupoudrage
s'évalue à environ 300 000 $ par année et qu'on ne va
quand même pas couper les autres, c'est-à-dire qu'on ne
déshabille pas saint Pierre pour habiller saint Paul, selon le vieil
adage, vous allez quand même convenir qu'il faut une augmentation
substantielle des budgets.
M. Meilleur: Oui, mais par rapport à la volonté
politique, moi, j'interprète le rapport
Arpin et les travaux qui se font ici comme une volonté politique
devant déboucher sur des énoncés de politique, des projets
de loi et des budgets, sinon... J'espère qu'on n'a pas fait ça
pour rien.
M. Mac Duff: Écoutez, il y a quand même 250 groupes,
organismes et personnes qui ont déposé des mémoires.
Ça me semble suffisamment éloquent de la priorité et de la
nécessité non seulement qu'il y ait une politique culturelle,
mais qu'il y ait une suite logique de ces travaux, c'est-à-dire un
réajustement substantiel à l'endroit du ministère des
Affaires culturelles. Je pense que les travaux que vous tenez
présentement en témoignent avec éloquence. Tout comme il
est normal de faire ici état des points avec lesquels on est moins
d'accord ou qui méritent un réajustement de tir, il ne faut pas
oublier, fondamentalement, que tout le monde estime ces travaux importants,
nécessaires, vitaux et qu'ils doivent être assortis de la suite et
de la volonté politique logique qui devrait s'ensuivre, laquelle
devrait, en toute cohérence, déboucher sur des augmentations
substantielles du budget du ministère. C'est l'impression, en tout cas -
et ce sont les attentes des milieux culturels - sous laquelle tout le monde
est, à juste titre. Cette fois, espérons-nous, aurons-nous
été entendus.
M. Boulerice: Puis-je conclure que le substantiel est, au
minimum, l'objectif fixé, qui est le 1 %. C'est quand même 90 000
000 $ de rajoutés, là.
M. Mac Duff: Dans la mesure où cet argent s'en va aux
forces vives de la création. Le budget du ministère des Affaires
culturelles a augmenté au cours des dernières années, mais
la part du budget qui va soutenir les activités artistiques et les
organismes va, elle, diminuant. Il y a un problème. Donc, oui, il faut
qu'il y ait plus d'argent, mais surtout, il faut que cet argent neuf aille
prioritairement et de toute urgence à la création,
particulièrement - vous comprendrez que je plaide pour les arts
d'interprétation - mais ce n'est pas non plus un constat qui vient
uniquement de nous puisque, dans l'avant-dernière version du rapport
Arpin, le rapport était traversé par d'incessants cris d'alarme
à l'endroit de la précarité des arts
d'interprétation, tous des cris d'alarme qui ont disparu de la version
finale. Je voudrais les rappeler ici.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Mac Duff. M. le
député.
M. Boulerice: Je vous dirai candidement que c'est la
réponse que je souhaitais de votre part, M. Mac Duff, et vous me l'avez
donnée. Dernière question et brièvement...
Le Président (M. Doyon): Rapidement.
M. Boulerice: On parle de rapatriement des pouvoirs à
Ottawa, mais également de tout l'argent, c'est-à-dire un
rapatriement universel avec un transport latéral et intégral des
budgets. Est-ce que vous croyez que ce serait intéressant, compte tenu
que le fédéral dépense au niveau des arts et de la culture
au Québec, mais pas nécessairement en fonction des
priorités que le Québec voudrait se donner lui-même? (17
heures)
Je vais vous donner un exemple. Il y a un immense bâtiment qu'on
devra éventuellement entretenir dans une ville, qui n'était
peut-être pas dans la préoccupation muséale du
Québec, mais qu'on devra entretenir, alors qu'on aurait peut-être
jugé plus important, nous, d'investir l'argent, si nous le
contrôlions tous justement, dans l'aide à la création.
Le Président (M. Doyon): Une brève réponse,
M. Mac Duff, M. Meilleur.
M. Mac Duff: Bien, écoutez, je pense que les artistes sont
ceux qui, dans leur quotidien et dans leur exercice, ont comme
préoccupation fondamentale de voir quels sont les meilleurs
créneaux pour que leurs oeuvres et leur apport à la population se
rendent à la collectivité qui leur a permis de se
développer. Il n'est pas sûr, dans l'actuelle formulation des
recommandations sur lesquelles on travaille, c'est-à-dire le rapport
Arpin, si le rapatriement devait s'exercer selon les paramètres qui sont
définis ou mis de l'avant dans le rapport Arpin, qu'au bout du compte,
la population du Québec y gagnerait et grandirait dans sa
fréquentation de la chose artistique. Un contexte, des paramètres
différents, un projet de loi différent, ce sera un débat
différent et nous serons disposés à le tenir à ce
moment-là, lorsqu'on saura plus précisément quels sont les
enjeux réels et les incidences réelles, tant pour
les artistes que pour la population québécoise. Le
Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
M. Boulerice: Je vous remercierai, M. Mac Duff, M. Meilleur, en
présumant que je vous ai compris, c'est-à-dire oui à une
politique, oui au retour de l'argent, mais vous voudrez bien qu'on discute
ensemble de l'établissement des programmes.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je vous remercie, d'une
part. Deuxièmement, vous avez raison, si on fait tout ça et que,
en bout de ligne, on n'aboutit pas à des changements, bien, finalement,
et vous, et moi, et tout le monde, on aura perdu notre temps. Alors, ce n'est
pas ça, l'objectif, non plus. Maintenant, encore une fois, merci. On va
regarder ça de très près aussi au niveau du rayonnement
des salles en région et de toute la question du réseau. On essaie
de bâtir, mais il semble toujours que, de part... Vous dites: On est
découragés, on n'arrive jamais à rien. Nous, de notre
côté, on se dit: On investit, on investit et, en bout de ligne, on
ne règle jamais les problèmes. Alors, finalement, de là la
commission et on va faire notre possible, on va essayer et je ne pense pas
qu'on perde notre temps à faire ça. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me
reste, au nom de la commission, à vous remercier et à vous
permettre de vous retirer pour que nous puissions entendre le groupe qui vous
suit. Merci beaucoup! À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme la ministre, nous continuerons la prochaine fois pour une... Il ne
sert à rien de tenter de respecter l'horaire si, pendant le battement,
la discussion se continue et que nous ne pouvons pas commencer nos travaux.
C'est absolument inutile. Alors, j'invite L'Institut canadien à bien
vouloir prendre place en avant. Comme président de la commission, je
leur souhaite la bienvenue. Je les invite à se présenter pour les
fins de transcription de nos débats. Ensuite, ils disposeront d'une
quinzaine de minutes pour présenter leur mémoire et le restant du
temps sera employé à discuter avec les membres de la commission.
Vous avez la parole dès maintenant.
L'Institut canadien de Québec
Mme Lelièvre-Bilodeau (Claire): Alors, M. le
Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord
vous présenter mes collègues, M. Jean Payeur, le directeur
général de L'Institut canadien de Québec, et M. Pierre
Mino, le directeur des manifestations culturelles.
Mon nom est Claire Lelièvre-Bilodeau. Je suis présidente
du conseil d'administration.
Alors, L'Institut canadien tient d'abord à féliciter le
ministère des Affaires culturelles pour avoir suscité une
réflexion de fond sur une politique de la culture et des arts et nous
tenons à vous remercier de nous entendre aujourd'hui.
Dans un premier temps, vous me permettrez de vous présenter notre
organisme qui a plus de 140 ans et qui joue un rôle important et
dynamique au sein de la société québécoise.
L'origine de L'Institut canadien de Québec et de son principal volet
d'activité, la Bibliothèque de Québec, se confond parfois
avec l'histoire du Québec. Dès 1848, L'Institut canadien de
Québec s'était donné comme mission de diffuser la culture
française dans une ville aux allures britanniques. Même à
cette époque lointaine, L'Institut était déjà
beaucoup plus qu'une simple salle de lecture. C'était avant tout un
véritable lieu d'échanges où d'illustres
Québécois - Octave Crémazie, François-Xavier Gameau
et les autres - ont puisé une bonne part de leur inspiration mais aussi
de leur détermination à faire survivre le fait français en
Amérique.
L'Institut a toujours été au coeur de la vie culturelle et
artistique de Québec. Il en est à la fois le diffuseur, le
défenseur et le témoin privilégié de son
évolution sur près d'un siècle et demi. Aujourd'hui,
L'Institut canadien administre pour la ville de Québec l'un des plus
importants réseaux de bibliothèques publiques du Québec.
Composé de dix entités réparties à travers la
ville, le réseau reçoit près de 1 500 000 visiteurs par
année et réalise tout autant de prêts de livres. Au coeur
du réseau, la bibliothèque Gabrielle-Roy, située au coeur
de la ville de Québec, offre une grande variété de
services qui ont contribué à faire sa renommée, j'oserais
dire, presque internationale: le prêt d'oeuvres, la consultation de
logiciels, la vidéothèque. De plus, elle réalise chaque
année, via son secteur de manifestations culturelles, plusieurs
expositions et plus de 300 activités reliées aux arts de la
scène.
Depuis les 15 dernières années, les efforts
concertés et soutenus des municipalités et du ministère
des Affaires culturelles ont permis au Québec de sortir de son
état de sous-développement dans le domaine des
bibliothèques publiques. Aujourd'hui, près de 90 % de la
population du Québec est desservie par le réseau des
bibliothèques publiques. Derrière cette donnée statistique
positive se cache pourtant une réalité moins étincelante.
En effet, le réseau des bibliothèques publiques, bien que
présent sur l'ensemble du territoire québécois, demeure
fragile et anémique. Comparativement aux autres provinces canadiennes,
le Québec se situe encore près du dernier rang lorsqu'on tient
compte du nombre de livres, de prêts ou de bibliothécaires par
habitant.
Si le rapport Arpin a reconnu l'importance du livre et de la lecture
dans le développement
et la survie même de notre culture, il a malheureusement
passé sous silence le rôle fondamental des bibliothèques
publiques. Pourtant, L'Institut canadien avait cru que la Commission
d'étude sur les bibliothèques du Québec en avait fait la
démonstration. Depuis le dépôt du rapport de cette
commission, en 1987, nous attendons toujours que le ministère fasse
connaître ses orientations. La situation revêt maintenant un
caractère d'urgence, puisque l'effet combiné de la réforme
Ryan et de la diminution des subventions de fonctionnement risque non seulement
de retarder le développement des bibliothèques, mais compromet
sérieusement les acquis. Dans plusieurs municipalités
émerge déjà le spectre des coupures de services et de la
tarification.
Comme l'affirme le rapport Arpin, L'Institut canadien de Québec
croit qu'une politique culturelle pour une société
démocratique n'a de sens que si elle s'adresse à l'ensemble des
citoyens. Or, les tendances prévisibles dans le secteur des
bibliothèques publiques s'opposeront de plus en plus à ce
principe d'accessibilité universelle. En 1990, 68 % des villes
québécoises de plus de 10 000 habitants n'appliquaient aucune
tarification à l'abonnement de la bibliothèque pour le
résident. Dans l'ensemble des villes où l'abonnement est gratuit,
on observait une participation moyenne de 37,9 %. Or, dans l'ensemble des
villes qui appliquaient une tarification, cette moyenne ne dépassait pas
18 %. Même minime, une tarification en bibliothèque sera toujours
perçue comme un ticket modérateur, une barrière à
l'information et à la connaissance.
L'Institut canadien affirme que le développement et le maintien
d'un réseau de bibliothèques publiques au Québec doit
faire l'objet d'un véritable projet de société. À
l'heure où le Québec prend conscience que son
développement économique doit passer par la
créativité et l'entrepreneurship de sa population, nous croyons
qu'investir dans un réseau de bibliothèques, c'est aussi investir
dans l'avenir. Parce qu'elle transcende la simple notion de loisir culturel, la
mission des bibliothèques publiques doit donc demeurer une
responsabilité a partager, au même titre que l'éducation.
Le réseau des bibliothèques publiques, comme celui des salles de
spectacles et des musées, doit participer au même titre que le
système d'enseignement à élargir l'horizon culturel des
Québécois. Dans certaines régions du Québec, une
amorce de concertation s'est développée entre ces
différents partenaires. Encore trop timide, cette forme de collaboration
doit être encouragée et soutenue, car elle accélère
la prise de contact avec le produit culturel et favorise la
création.
Dans ce contexte, l'émergence, depuis 15 ans, d'un réseau
de biliothèques publiques et de salles de spectacles apparaît
comme l'un des éléments structurants d'une politique culturelle.
Il aurait été souhaitable que le groupe-conseil accorde plus
d'importance à cette dimension. Avant de mettre en place de nouvelles
structures, tel que le propose le rapport Arpin, L'Institut souhaiterait que
l'État cherche à arrimer celles qui existent déjà.
Seule une vision globale de l'activité culturelle peut conduire
l'État à envisager une telle orientation.
Dans l'attente que le processus visant à donner à la
culture la place qui lui revient donne des effets tangibles, et pour combler
les faiblesses identifiées dans le rapport Arpin au niveau de la
formation culturelle des Québécois et de l'accès à
la culture, nous suggérons qu'à court terme soit renforcé
et élargi le mandat de formation et de diffusion culturelle des deux
infrastructures réparties le plus largement sur le territoire
québécois, soient les bibliothèques publiques et les
salles de spectacles, et ce, en cohérence et en continuité avec
les investissements déjà consentis dans ces secteurs. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
madame. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre. Vous avez
la parole, madame.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie sincèrement.
Votre témoignage est d'autant plus précieux qu'il vient, comme on
le disait tantôt, d'un organisme qui existe depuis plus d'un
siècle. De toute façon, vous nous disiez: Nous étions le
ministère des Affaires culturelles, dans le fond, et vous avez raison.
J'aimerais parler aussi un peu du fonctionnement, justement, de votre
organisme. Vous gérez pour la municipalité, finalement, salle de
concert et réseau de bibliothèques. C'est bien ça, si je
comprend bien?
Mme Lelièvre-Bilodeau: Je vais laisser M. Payeur vous
parler.
M. Payeur (Jean): Oui, c'est ça. En fait, L'Institut
canadien est une corporation à but non lucratif qui administre pour la
ville de Québec un réseau de bibliothèques publiques. En
fait, il faut bien dire, pour faire juste un peu d'histoire, que L'Institut
canadien, évidemment, exploitait, bien antérieurement à
celui du réseau des bibliothèques publiques, une
billiothèque privée pour ses membres. En fait, en 1848, quand est
apparue la bibliothèque - on a parlé d'Octave Crémazie et
du fondateur Plamondon - à l'époque, c'était une
bibliothèque réservée aux membres.
Graduellement, au fil de l'histoire, la bibliothèque est devenue
de plus en plus fréquentée par la population en
général et, au tournant des années quarante, la ville de
Québec a fait une proposition à L'Institut canadien. Elle a dit:
Nous sommes prêts à investir dans ce réseau-là, mais
laissez nos citoyens fréquenter votre bibliothèque. De fil en
aiguille, de 1940, on pourrait dire, jusqu'à 1988, où il y a eu
un
protocole formel d'entente signé avec la ville de Québec,
qui liait les deux organismes, la bibliothèque privée est devenue
tout doucement une bibliothèque publique. (17 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il y aurait lieu, par
exemple, de... Vous, vous avez, bon, une tradition, finalement, depuis le
temps, mais est-ce qu'il y aurait lieu d'implanter un fonctionnement semblable
dans d'autres municipalités? Ou, finalement, est-ce que c'est vraiment
propre à Québec d'être capable de gérer ses
choses?
M. Payeur: Je pense que, sauf erreur, il y a à peu
près une dizaine de bibliothèques publiques au Québec qui
sont gérées par des associations et des corporations
privées. En fait, il y a un exemple dans la ville de Saint-Hyacinthe. Je
crois qu'il y a une autre association semblable à la nôtre. Et
c'est un peu aussi à l'image du modèle ontarien, à cette
différence près que la corporation qui gère la
bibliothèque de Québec est une corporation dont les membres du
conseil d'administration sont élus en assemblée
générale, alors que le modèle ontarien est plutôt,
en fait, un modèle de "board" de gestion, où les gens qui
participent au conseil d'administration sont des gens souvent nommés par
la ville, par la municipalité et la communauté. Alors, il y a une
différence entre le modèle ontarien et le nôtre, mais je
pense qu'effectivement notre modèle pourrait facilement s'adapter dans
plusieurs municipalités et donnerait ce qu'on appelle une autonomie de
gestion intéressante aux bibliothèques publiques.
Mme Frulla-Hébert: Ça, c'est que je suis en train
de penser... Vous m'ouvrez la porte sur le modèle ontarien. C'est un
modèle presque idéal. Les bibliothèques, de toute
façon, en Ontario, c'est une longue tradition et elles sont, finalement,
beaucoup mieux équipées que les nôtres - ça, on en
est très conscients - et beaucoup plus avancées dans le
développement non seulement du réseau, mais dans le
fonctionnement au niveau du réseau de bibliothèques. Mais en
quoi, au niveau du Québec, par exemple, voyez-vous... Où est-ce
qu'on pourrait améliorer pour en arriver là au niveau de la
différence? Parce qu'en Ontario les municipalités sont
très impliquées au niveau de leurs bibliothèques et
ça fait partie aussi beaucoup de la tradition, ça fait beaucoup
partie des moeurs. Mais, qu'est-ce qu'on peut faire pour se rendre jusque
là, à part de dire: Oui, il faut que vous investissiez
massivement, bon, et tout ça, mais encore au niveau du
fonctionnement?
M. Payeur: Oui. En fait, on parle beaucoup de la
mentalité. Il y a une habitude de lecture. Les pays anglo-saxons, de
façon générale - il n'y a pas que l'Ontario, mais les
États-Unis et l'Angleterre, en fait - la plupart des pays anglo- saxons
ont une tradition de bibliothèques publiques. C'est, je dirais,
entré dans les moeurs. Mais je pense qu'avant de miser sur une formule,
en fait, de gestion ou de type d'administration, on doit d'abord susciter chez
les Québécois l'habitude de la lecture. Je pense que si, à
ce stade-ci, on essaie de faire voler de ses propres ailes le réseau
québécois en trouvant différentes formules, on risque
l'échec puisqu'il n'y a pas encore véritablement d'habitude de
lecture d'ancrée au Québec. On est encore au niveau du
développement. On a investi beaucoup, depuis les 15 dernières
années, dans la structure, effectivement. Ça commence à
donner des dividendes. Il commence à y avoir un début
d'achalandage.
Nous, on peut dire qu'à Québec, en fait, depuis 15 ans, on
observe qu'il y a un enracinement de la clientèle. Ce n'est pas le cas
dans la plupart des municipalités. Ça demeure très
fragile. Au niveau des collections, si on touche un tant soit peu à la
qualité des services offerts, on sent une désaffection de la part
du public. Je dirais qu'on est dans ce qu'on appelle un point, une zone de
transition très importante actuellement. Moi, je peux dire: Je l'ai vu,
le développement. Je suis sorti de l'école de
bibliothécono-mie, il y a 13 ans, et j'ai vu le développement
à peu près sur toute sa ligne puisque, il y a à peu
près 13 ans, les bibliothèques publiques au Québec, ce
n'était rien. Le réseau de la bibliothèque de
Québec, il y a 13 ans, s'il faut s'y rapporter, c'était un
sous-sol, en fait, d'une église et quelques succursales à
l'intérieur de centres paroissiaux. Aujourd'hui, il faut voir ce que
c'est. Il faut voir aussi que l'habitude de lecture a été longue
à obtenir de la part des gens. Je pense que, avant de créer des
structures qui remettent dans les mains, en fait, des citoyens la gestion de
ces réseaux-là, il y a encore des étapes à
franchir. Il me semble que c'est prématuré à ce stade-ci.
C'est peut-être souhaitable qu'on arrive au modèle ontarien, qu'on
laisse un petit peu plus d'autonomie à des instruments de gestion, mais
on n'est pas encore rendus, à ce stade-ci... On est encore...
Mme Frulla-Hébert: Vous m'encouragez au moins quand vous
dites qu'il y a des réseaux, il y a 13 ans... Parce qu'on n'y pense pas.
On ne pense pas à ce qu'on avait l'air il y a 30 ans. On a tellement
à faire qu'on dirait qu'on veut tout récupérer, que ce
soit en patrimoine, que ce soit, finalement, dans les arts vivants, que ce soit
au niveau du réseau de diffusion, au niveau des bibliothèques; on
a tellement de rattrapage à faire. Ceci dit, je pense que je vais
laisser la parole à ma collègue et, s'il y a quelque chose, je
reprendrai.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la
députée de Châteauguay. Nous sommes...
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je
voudrais quand même vous féliciter pour votre rayonnement
depuis tant d'années, surtout que vous avez gardé votre
dynamisme, et ça, c'est fort encourageant.
Dans votre mémoire, en page 3, vous mentionnez: "Le goût de
s'exprimer ou de "consommer" doit donc être développé en
renforçant chaque élément possédant un potentiel
évolutif, de l'école jusqu'aux lieux de diffusion professionnelle
et de la région jusqu'au rayonnement international." Est-ce que vous
voyez, vous, cette implication dès le départ, au primaire, dans
la formation, d'encourager nos jeunes, premièrement, comme vous l'avez
si bien mentionné, à la lecture, à la culture? Parce que
je pense qu'on tend maintenant davantage à considérer,
peut-être même le niveau secondaire, le niveau cégep et
même universitaire. Alors, de quelle façon voyez-vous
l'implication de l'école quant à la formation dès le
niveau primaire?
Mme Lelièvre-Bilodeau: On pourrait peut-être
demander à M. Mino de répondre à cette
question-là.
M. Mino (Pierre): Bien, on ne s'est pas vraiment
penchés... On n'est pas des spécialistes du milieu scolaire. Mais
ce qu'on a voulu dire, c'est qu'un des problèmes qu'on ressent
actuellement, c'est un peu le manque de cohérence dans les interventions
du gouvernement ou des Affaires culturelles sur les différentes
étapes. Alors, on est d'accord avec ce que dit le rapport Arpin. Il faut
qu'à l'école, déjà, on forme un public plus
cultivé, plus sensible à la culture. Mais il faut aussi qu'en
toute cohérence on forme des gens, des artistes dans une autre
étape, qu'on les aide de façon tout aussi cohérente
à la création et à la production et qu'on aille
jusqu'à la diffusion régionale, provinciale, internationale.
Actuellement, nous sentons une faiblesse, parce que c'est notre
spécialité, au niveau de la diffusion. Particulièrement,
c'est de ça qu'on a traité entre nous et non pas du
problème scolaire. On est d'accord quant à cette
démarche-là. Nous ne sommes pas des spécialistes cependant
de ce secteur-là. Mais ce qu'on souhaite plutôt, c'est qu'au
niveau de la diffusion il y ait un renforcement.
Tout à l'heure, vous avez entendu le Théâtre de la
Marmaille qui témoignait de sa difficulté à circuler au
Québec dans une petite population de quelques millions d'habitants.
Effectivement, c'est ce problème-là: la diffusion est très
faible. Et ce qu'on revendique par cette expression-là, c'est un peu une
intervention cohérente dans toute la chaîne de ce qui constitue la
vie culturelle. Donc, à partir de l'école, de la formation des
artistes dans la création, mais aussi dans la diffusion.
La Marmaille mentionnait qu'en Europe les cachets sont trois ou quatre
fois ce qu'on donne au Québec, mais la raison, c'est que la structure
est différente aussi en Europe. Le diffuseur est beaucoup plus
présent dans la vie artistique. Mais là, je ne voudrais pas faire
un combat entre: Va-t-on donner aux créateurs ou aux diffuseurs? Ce
qu'on revendique, c'est plus une vue d'ensemble d'un système et une vue
équilibrée et cohérente. C'est évident que, depuis
quelques années... J'ai été sept ans sur les jurys des
Affaires culturelles. J'ai été depuis le début au conseil
de la culture de Québec et j'ai vu des artistes et le lobby des artistes
se manifester et, bien sûr, ces gens-là, s'ils n'ont pas de
subsides, sont pris dans des situations un peu comme celle que nous
décrivait le Théâtre de la Marmaille. Cependant, le lobby
est beaucoup moins fort au niveau de l'Éducation, qui ne joue pas encore
tout à fait le rôle qu'il pourrait jouer au niveau du
développement de la culture. Et au niveau des diffuseurs aussi, il y a
des problèmes. Mais peut-être que ce qu'on attendrait d'une
politique, s'il n'y a qu'une chose, ça serait au moins cette
cohérence d'intervention dans l'ensemble des éléments.
Mme Cardinal: Dans une meilleure incidence de coordination dans
l'ensemble des programmes, et d'incitation au niveau de la diffusion et de la
formation.
M. Mino: À tous les niveaux. Mme Cardinal: À
tous les niveaux.
M. Mino: Bien, c'est-à-dire que le ministère des
Affaires culturelles finance peut-être actuellement quelque chose comme
300 - je ne suis pas un spécialiste des chiffres du ministère -
ou 325 groupes. Il n'y en a pas 25 qui font plus de 10 salles au Québec.
Ça, c'est un problème. C'est peut-être parce que la
diffusion ne joue pas tout à fait son rôle ou n'est pas tout
à fait soutenue en fonction de ça.
Mme Cardinal: Merci.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
madame? Alors, je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je ne vous poserai pas, Mme Bilodeau, M. Payeur et
M. Mino, de questions sur l'état des bibliothèques. Quand je suis
arrivé ici, j'ai assisté aux coupures. J'ai visionné cinq
ou six fois "Farhenheit 451", de Truffaut, et je sais qu'on s'en rapproche
grandement. La solution n'est pas compliquée, c'est: II faut un plan
Vaugeois 2. Sinon, on ne s'en sort pas au niveau des bibliothèques, et
on aura le triste record d'avoir été battu par Terre-Neuve. La
fierté nationale va en prendre un coup. Et Rivière-des-Prairies,
effectivement... Je vais être solidaire du président de la
commission qui, lui, a encore un
vieux bibliobus qui ressemble, vous rappelez-vous, aux stands à
patates frites de notre adolescence.
Le Président (M. Gobé): C'est vrai. En plein centre
de Montréal.
M. Boulerice: En plein centre de Montréal. Dans votre
mémoire, vous dites que le rapport Arpin accorde une trop grande
importance au rôle de l'État. Pourquoi?
Mme Lelièvre-Bilodeau: Jean, je te laisse la parole.
M. Payeur: On sent que, dans le rapport Arpin, de toute
façon, on mise beaucoup sur la structure. Nous, on dit, en fait: La
culture ne se décrète pas; la culture apparaît dans la
société et doit être défendue, supportée par
les organismes du milieu. C'est ce qu'on déplore un petit peu du
rapport. Quand on dit qu'on aurait aimé voir, dans le rapport, une
approche systémique, c'est que la culture, en fait, c'est appareillage
à une chaîne écologique, si on veut. On a différents
aspects, de l'école jusqu'à la diffusion. On doit faire
évoluer à la fois les clientèles et faire évoluer
les créateurs. Tout ça doit se faire à tous les niveaux de
l'intervention. Si on avait aimé voir le développement d'une
structure, c'aurait été plutôt à ce
niveau-là. On aurait aimé voir ça transparaître dans
le rapport. Malheureusement, c'est encore plus un positionnement de
l'État que vraiment de voir apparaître une structure ou de
reconnaître que les différents organismes forment entre eux une
structure.
M. Boulerice: Vous parlez de la nécessité d'un
meilleur arrimage entre les composantes du réseau actuel -
bibliothèques publiques, salles de spectacles - avant de créer,
justement, de nouvelles structures. Les problèmes d'arrimage du
réseau, ce sont lesquels?
M. Payeur: Je laisserais peut-être Pierre...
M. Mino: Par exemple, avec le ministère de
l'Éducation, actuellement, à cause de la loi 147, on ne peut pas
contacter les commissions scolaires pour leur faire part des activités,
des manifestations culturelles que l'on tient. Par exemple, je suis dans une
région, je fais venir l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières,
mais je voudrais organiser des activités scolaires en dehors du cadre
scolaire, informer la population que Je ferai une matinée, etc. La
commission scolaire, pour l'instant, ne collaborera pas avec moi parce qu'elle
a des règles strictes de fonctionnement. L'arrimage n'est pas fait.
Pourtant, le diffuseur aura fait l'effort de faire venir l'Orchestre
symphonique de Trois-Rivières et il n'aura pas ça. Alors, disons
qu'avec le ministère de l'Éducation, c'est un exemple, il y a des
démarches à faire pour se servir des ressources du milieu, par
exemple. Mais ça s'applique à tous les éléments.
Quand on dit: se servir des bibliothèques, se servir davantage des
diffuseurs, effectivement, c'est tout ça.
M. Boulerice: J'avais dit que je ne vous parlerais pas... Ce
n'est pas la fatigue, c'est aussi un petit peu le désespoir. Parce que
vous savez que je suis, pour employer l'expression européenne, assez
"branché" avec les directeurs de bibliothèques... Pardon?
Mme Cardinal: Soyez optimiste.
M. Boulerice: Ah, mais madame, quand on a...
Mme Cardinal: Ce n'est pas en étant
dépressif...
M. Boulerice: ...assisté aux millions de coupures que
votre gouvernement a faites dans le réseau des bibliothèques
publiques - des millions, madame - je vous avoue que l'optimisme n'est pas de
rigueur pour le moment.
Le rapport Arpin propose une vision qui est assez limitée du
rôle des bibliothèques. Ça, je suis d'accord avec vous. Le
rattrapage de ce secteur, qui est nécessaire pour faire des
bibliothèques un véritable intervenant culturel de
première ligne, ce serait quoi? Parce que la bibliothèque, dans
presque 90 % des municipalités au Québec, c'est la maison de la
culture. C'est l'endroit culturel, point, dans 90 % des villes du
Québec.
Mme Lelièvre-Bilodeau: C'est sûr que nous croyons
énormément à l'effet synergétique de nos services.
Les enfants qui fréquentent notre bibliothèque aujourd'hui, ce
sont nos usagers de demain. C'est aujourd'hui qu'ils peuvent découvrir
le goût de venir chez nous. Les gens qui viennent à nos
spectacles, à nos expositions, ce ne sont pas nécessairement des
gens qui ont l'habitude de fréquenter nos bibliothèques. S'ils
sont attirés chez nous par un spectacle ou une exposition, ils peuvent
découvrir toutes les richesses qu'on possède et avoir le
goût. Alors, c'est important pour nous de pouvoir offrir des services
polyvalents. C'est une façon, si vous voulez, d'aller chercher les gens
dans ce qui est important pour eux. Jean, as-tu des choses à ajouter?
(17 h 30)
M. Payeur: Juste pour un petit peu aller dans le sens de votre
interrogation. Si vous questionnez, par exemple, les gens de Québec ou
les gens de n'importe quelle ville au Québec et que vous leur demandez:
Quelle est la principale intervention de votre ville en matière
culturelle? ils vont vous répondre tout naturellement: La
bibliothèque. On donnait tout à l'heure des chiffres; dans
beaucoup de municipalités où il n'y
a pas de tarification, il y a environ de 35 % à 37 % de la
population qui participe. Si vous comparez ça à n'importe quel
autre type d'activité de loisir, ou d'activité communautaire,
vous dépassez, en fait, ces quotas-là de beaucoup. J'ai vu
récemment des chiffres de l'IQOP. On avait fait une enquête qui a
été menée par le Service des loisirs de la ville de
Québec sur les habitudes de loisirs à Québec; dans la
plupart des secteurs, on se rend compte que la bibliothèque
dépasse de loin toutes les autres activités confondues: piscine,
aréna, piste cyclable. La bibliothèque est toujours au premier
rang.
Quand on parlait tout à l'heure de la fréquentation des
bibliothèques publiques et de l'état de pauvreté des
bibliothèques dans l'ensemble du Québec, moi, ma principale
préoccupation, c'est de me rendre compte, finalement, que, dans beaucoup
de municipalités, ce sont les services de loisirs qui administrent les
bibliothèques publiques et on se rend bien compte que, pour eux, ce
n'est que la dimension du loisir culturel ou de l'activité communautaire
qui est vraiment prise en compte. On néglige... On n'a pas de vision
généralement, à part les grands centres peut-être,
mais, je dirais, dans 80 % des municipalités du Québec, on ne
reconnaît qu'un mandat de loisir culturel aux bibliothèques
publiques. Je dirais que c'est le principal vice de forme actuellement, ou la
principale préoccupation des bibliothécaires au Québec
actuellement, c'est ça, c'est de se faire reconnaître un autre
mandat que celui du loisir culturel, entre guillemets, alors qu'on a bien
d'autres dimensions. À mon avis, le rôle des bibliothèques
publiques est tout aussi important que celui de l'éducation
permanente.
M. Boulerice: J'ai une dernière et brève question
à vous poser, mais, en pensant à la formuler, j'ai peur que vous
me répondiez: Mais, M. Boulerice, vous êtes en train de faire de
la futurologie. C'est vrai que c'est une science d'avenir, la futurologie. Vous
savez, par exemple, quand on est à Paris, on prend le Minitel, on
compose sur le clavier et on est branché avec la bibliothèque du
XXe arrondissement et on peut voir si le dernier roman - et vous me permettrez
d'être égoïste, de prendre un auteur nouvellement
québécois qui habite ma circonscription - si le dernier roman
d'Yves Navarre est disponible à la bibliothèque, disons, du XXe
arrondissement, métro Saint-Fargeau. Vous allez me dire: Bien oui, c'est
beau, mais dans l'état où on est, nous, on n'a même pas
pensé cinq secondes à cela. Mais est-ce que déjà,
dans le milieu, on commence à s'interroger? En plus du retard qu'on a au
niveau de l'implantation des bibliothèques... Puis, attention, notre
Minitel s'en vient, ça s'appelle Vidéoway; c'est ça qui va
être notre Minitel à nous, les Québécois. Oui, il y
a les problèmes d'acquisition de volumes récents, les taxes qui
s'ajoutent, diminution... Les municipali- tés viennent d'être
délestées. Je veux dire, là, c'est l'abri nucléaire
actuellement... Est-ce qu'on a déjà commencé à
réfléchir, au niveau des bibliothèques, à
l'introduction des nouvelles technologies, et dans quelle mesure on n'est pas
en train de se placer dans un état tel que ces nouvelles technologies
qui sont là, bien, à nous, malheureusement, ne nous seront pas
utiles?
M. Payeur: Je vous dirais, au risque de vous étonner, que
la bibliothèque de Québec avait fait une étude de
faisabilité, il y a cinq ans, sur le jumelage d'une banque de
données avec le système Minitel, à l'époque. Parce
que vous vous rappelez que Minitel a failli s'implanter au Québec.
M. Boulerice: II a failli, oui.
M. Payeur: Bon. Ensuite, on a fait des démarches, qui ont
été un petit peu plus loin, avec Bell Canada, avec le
système Alex qui, malheureusement, ne viendra pas à Québec
- ce n'est pas pour demain - et on a étudié aussi, mais on n'a
pas de démarches entreprises formelles avec Vidéoway. Bien
sûr, pour des raisons budgétaires, on doit ignorer ces
orientations-là. Si on avait un projet d'ensemble... C'est ce qu'en fait
on espère avec l'apparition d'une étude sur l'informatisation,
une étude qui vient d'être publiée par le ministère
des Affaires culturelles, en collaboration avec l'ADIBIPUQ. Cette étude
préconise, entre autres, l'instauration de réseaux
régionaux. En fait, une des principales recommandations va dans ce
sens-là, et nous, on l'appuie énormément.
Évidemment, pour l'instant, cette étude-là ne va pas
au-delà de ce qu'on appelle l'échange informatique à
l'intérieur de réseaux structurés et ne fait pas encore
appel à la notion de ce qu'on appelle la télématique grand
public, comme dans le cas de Minitel, c'est de la télématique
grand public. Nous, on y voit cependant, au niveau local... Le COBIPUQ, le
Comité des bibliothèques publiques de la région de
Québec, s'est déjà penché sur la question dans un
sens d'économie: Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque part la
possiblité d'échanger ou de voir ce que le voisin a, via ces
systèmes-là, ou d'orienter le public? Mais tout ça suppose
au préalable qu'il y ait des ententes intermunicipales qui permettent
l'échange de documents. On est loin encore de cette dimension-là.
Je vois l'intérêt d'un système comme Vidéoway, mais
à la condition qu'à l'intérieur d'une région
donnée on puisse se donner des instruments d'échange et,
évidemment, avec les contentieux qui existent souvent dans certaines
régions, il est difficile d'en arriver à des consensus.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député.
M. Boulerice: Oui, je sentais que la guil-
lotine était pour tomber. Alors, Mme Bilodeau, M. Payeur et M.
Mino, merci de votre présence, et en espérant que L'Institut
canadien ne sera pas le dépositaire de la dernière copie de la
cassette, piratée peut-être, de Fahrenheit 451.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, un bref merci?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Pour encourager mon
collègue député, que j'aime bien, on a quand même
mis 45 000 000 $ en investissements immobiliers et on rejoint 88 % de la
population; 24 000 000 $ de fonctionnement. Il reste à faire, mais vous
êtes plus encourageant. Il faut lui remonter le moral.
M. Boulerice: Rivière-des-Prairies. Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Oui, et on va aider le
député à en avoir une - parce que je pense que c'est
urgent - à Rivière-des-Prairies. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Ceci dit, le rapport Sauvageau,
évidemment, tout est prêt, c'est qu'il faut s'asseoir avec les
municipalités, à une table
Québec-municipalités.
M. Boulerice: ...la chaise, ils ne peuvent plus s'asseoir. Ha,
ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Non, non. Mais pas avec le
ministère, c'est parce qu'ils nous ont dit, au contraire, les
municipalités qui sont venues ici sont très très
dynamiques.
Le Président (M. Gobé): Madame a la parole.
M. Boulerice: Non, mais c'est votre "chum", là, qui a tout
fait ça.
Mme Frulla-Hébert: Non, les municipalités sont ici.
Elles ont présenté un visage très dynamique, d'ailleurs,
de leur volonté au niveau culturel, évidemment, avec une promesse
de non-délestage, ce qui n'est pas du tout notre intention. Ceci dit,
c'est sûr qu'aussitôt qu'on pourra s'asseoir, et on le
prévoit vers la fin de novembre, avec les municipalités, c'est
une priorité. D'ailleurs, c'est tout là, c'est tout prêt.
Alors, merci de votre apport.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.
D'ailleurs, madame, pour vous connaître depuis quelques années
maintenant, je dois dire qu'en effet la culture, ça vous
intéresse, ça vous concerne. Et je dois dire que je ne me sens
pas du tout menacé dans aucun acquis culturel tant que vous serez
à ce ministère, car votre manière de défendre les
dossiers est assez vive et décidée que je ne vois pas qui oserait
s'y frotter.
M. Boulerice: Les budgets maintenant. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Gobé): Ceci étant dit, je
vous remercie beaucoup d'être venus devant nous et cela met fin à
votre intervention. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais demander aux
représentants du Centre de musique canadienne, soit le groupe suivant,
de bien vouloir venir prendre place en avant et nous allons commencer la
présentation.
Centre de musique canadienne au Québec
Bonsoir, mesdames. Mme Anne Lauber, vous êtes la
présidente?
Mme Lauber (Anne): C'est ça. Le Président (M.
Gobé): Bonsoir. Mme Lauber: Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes
accompagnée par Mme Mireille Gagné, directrice du Québec.
Est-ce exact?
Mme Gagné (Mireille): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, madame.
Mme Gagné: Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez maintenant
commencer votre présentation. Vous avez une quinzaine de minutes et le
temps qu'il restera sera utilisé par les députés
présents. Vous avez la parole.
Mme Lauber: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM.
les membres de la commission, j'aimerais tout d'abord vous remercier, au nom de
Mme Gagné et de moi-même, de l'occasion que vous nous donnez
aujourd'hui de nous exprimer devant vous. Dans un premier temps, pour faire un
résumé rapide de ce qu'est le Centre de musique canadienne,
plutôt que de lire le mémoire, j'aimerais aller droit au but,
c'est-à-dire vous donner un aperçu de notre travail dans les
grandes lignes.
Le Centre de musique canadienne a un double mandat: celui, d'une part,
de sauvegarder le patrimoine, c'est-à-dire les manuscrits de nos
compositeurs, et celui plus dynamique de promouvoir la musique
québécoise. J'aimerais tout de suite faire une distinction
importante: quand je parle de musique canadienne et de musique
québécoise, il s'agit de la musique dite de concert ou de la
musique dite sérieuse - je
n'aime pas beaucoup ce terme - disons, musique de concert. Nos besoins
sont très différents de la musique plus populaire, qui est une
musique de divertissement. Nos problèmes ne sont pas les mêmes,
nos besoins ne sont pas les mêmes non plus. Alors, c'est bien de cette
musique-là que je parle. Depuis 1953, nous avons senti ici le besoin de
mettre nos efforts en commun. Les compositeurs ont voulu se regrouper pour
aider à promouvoir leurs oeuvres, parce que nous n'avons pas d'agent,
nous n'avons pas, non plus, de maison d'édition. En 1959, le Centre de
musique canadienne a vu le jour à Toronto, le national, et, en 1973,
grâce à une subvention du ministère des Affaires
culturelles, le Centre de musique canadienne a vu le jour au Québec.
Depuis, évidemment, nous avons grandi. Plusieurs de nos compositeurs
sont reconnus aux États-Unis, à l'étranger, en Europe, un
peu partout. Il y a un grand rayonnement. Mais, depuis 1985, beaucoup de nos
projets n'ont pu voir le jour à cause des coupures budgétaires.
Donc, je pense qu'il est vraiment temps de se pencher sur le problème de
cette musique et sur les difficultés que nous rencontrons et
d'établir une politique générale sur la culture qui soit
basée sur l'excellence et qui représente nos créateurs ici
au Québec.
Je voudrais passer la parole à Mme Gagné qui vous
expliquera un peu mieux que moi les détails.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, Mme Gagné,
vous avez la parole.
Mme Gagné: Merci. Je crois qu'on est ici, d'une part,
parce que, entre autres, on est bien d'accord avec la démarche
entreprise par le ministère des Affaires culturelles. Moi, ce qui m'a
plu lorsque j'ai lu le rapport Arpin, c'est évidemment le premier
chapitre, la création. Ça ne veut pas dire que c'est
nécessairement la première priorité qui sera élue
du fameux chapeau dans lequel il y a peut-être 75 priorités, mais,
en tout cas, j'étais heureuse de voir ce terme-là. Et,
évidemment, nous sommes relativement d'accord avec les cinq propositions
qui concernent le chapitre de la création.
Mais j'aimerais quand même, même si on parle de
création, et surtout à cause de la création en musique,
c'est-à-dire la composition musicale, j'aimerais quand même redire
une chose qui, d'après nous, ne semble pas encore tout à fait
comprise, c'est-à-dire que la création, dans le domaine des arts
d'interprétation, précède tout acte artistique. Lundi soir
dernier, lors de la remise des Prix du Québec, Gilles Tremblay,
compositeur de musique d'avant-garde qui a reçu ce prix d'excellence de
la part du ministère, a signalé cette chose et,
évidemment, nous surenchérissons là-dessus. Donc, pour
bien établir ce principe que la création précède
l'acte artistique, l'interprétation, il faut faire certains pas pour
reconnaître l'importance de la création.
En musique, la création musicale est donc ensevelie dans la
section des arts d'interprétation et, entre autres, les compositeurs ont
accès à un programme qui s'intitule Soutien à la pratique
professionnelle. Où est le mot "création" dans ça?
Où est le mot "composition"? Il est fort loin et ça permet
justement, je ne veux pas dire des abus, mais ça permet quand même
des glissades ou des attributions de subventions à des projets qui ne
sont pas nécessairement spécifiquement de création. Or, ce
que nous considérerions comme premier pas à faire, ce serait de
sortir la création musicale, pour ne pas avoir l'air trop
égoïste et dire: Bien, faites un programme juste juste juste pour
la création musicale, quoique ça se fasse au niveau du Conseil
des arts du Canada... Mais, si ça semble trop compliqué à
administrer, il serait important que toutes créations - le rapport Arpin
le dit, la création, c'est pluriel: il y a de la création en
littérature, en chorégraphie, en cinéma, donc en musique
aussi... Alors, peut-être réaménager les programmes du
ministère pour faire en sorte que tout travail ou toute demande de la
part des artistes au niveau de la création soit inclus dans un programme
spécifiquement réservé à la création. (17 h
45)
Deuxième pas, je souligne encore l'intervention de M. Gilles
Tremblay, lundi soir dernier. Il disait: Le gouvernement du Québec n'a
pas de programme officiel de commandes aux compositeurs. Or, ça fait
plusieurs fois, dans plusieurs mémoires, que le Centre de musique
canadienne au Québec recommande que lors d'événements
officiels, lorsqu'il y a des inaugurations d'édifices, enfin, des
activités d'envergure nationale et internationale, il y ait des
commandes officielles, au même titre qu'on peut commander une oeuvre
artistique picturale ou sculpturale pour inaugurer un édifice ou qu'on
peut commander aussi, parfois, des musiques, mais, enfin, plutôt rarement
et même quasiment jamais, dans le domaine de la musique de concert, comme
notre présidente vous l'a souligné. Il faudrait aussi,
évidemment, établir un programme de commandes à longueur
d'année, pour permettre un appui plus sérieux aux compositeurs
qui ont besoin... enfin, qui vivent de ça. Ce ne sont pas tous les
compositeurs qui enseignent dans les universités ou dans les
conservatoires. Alors, ceux qui ne vivent que de création, eh bien, ce
n'est pas une petite commande à 5000 $ par année qui peut
permettre, n'est-ce pas, de vivre décemment. Et aussi, apporter une
attention particulière... Parce que ça arrive fort souvent que
ces compositeurs reçoivent des commandes d'organismes internationaux.
Alors, il serait important d'encourager ce domaine-là pour permettre aux
compositeurs d'avoir un rayonnement, pas seulement au pays, mais aussi à
l'étranger.
Troisième pas à faire, il faudrait, évidemment,
donner, vous le comprendrez, du temps et des sous aux compositeurs pour leur
permettre de
réfléchir, de chercher et d'écrire leurs oeuvres,
au même titre que le domaine des industries encourage... La plupart des
grandes industries, des grandes compagnies ont un secteur recherche qui leur
permet d'aller plus loin dans l'excellence et dans la qualité des
produits qu'elles veulent offrir à la population. Donc, ce serait un
petit peu la même chose: considérer la création comme un
acte à la fois de recherche, de découverte, une manière de
nous distinguer, une manière de nous aider à nous sortir de
l'anonymat, une manière aussi de promouvoir l'art musical du
Québec.
Évidemment, le saupoudrage, ça, c'est un des graves
problèmes; donner 5000 $ à un compositeur pour écrire une
oeuvre et, après, il n'y a pas d'argent pour recopier l'oeuvre. Si c'est
une oeuvre pour un orchestre symphonique qui compte 100 musiciens, chaque
musicien doit avoir sa partition, et ça, ça coûte des sous
et, souvent, il n'y a pas d'argent pour ça. Alors, le compositeur dort,
en plus, réécrire chacune des partitions. Ça demande un
temps fou et il n'est pas payé pour ça. Donc, il faut aussi faire
attention, lorsqu'on accorde une commande, qu'on inclue à la fois
l'argent pour la créer et aussi la mettre sur un support de diffusion
nécessaire.
Donc, une reconnaissance officielle est essentielle de la part du
ministère des Affaires culturelles parce que la musique d'avant-garde,
c'est une aventure risquée, on l'a entendu de la part de la Brasserie
Molson O'Keefe, quoiqu'elle ait déjà donné des
subventions, des dons, mais ce n'est pas une aventure qu'en
général le secteur privé aime entreprendre. Donc, pour
nous, le fait qu'il y aurait une reconnaissance officielle de la part du
ministère et du gouvernement en général constituerait une
sorte d'appui, aurait sûrement un effet d'entraînement
auprès de ce secteur privé qui se sent parfois mal outillé
pour dire: Bien, oui, O.K., on s'embarque dans cette aventure-là, parce
que, bon, il ne sait pas ce qu'il pourrait en ressortir. Ce serait une sorte de
garantie d'excellence et de qualité si notre ministère,
évidemment, appuyait de façon très nette la
création. Il faudrait aussi travailler énormément à
la création d'incitatifs fiscaux sérieux, intéressants,
spécifiques au domaine de la musique d'avant-garde ou, enfin, même
de tout le secteur de l'avant-garde, pour inciter ces compagnies-là, qui
sont plus craintives, à s'engager, comme je le disais, dans ce domaine.
Il faut aussi, quatrième pas, donner des outils efficaces pour la
promotion et la diffusion de ces oeuvres artistiques, de ces oeuvres musicales,
dont le Centre est un outil.
Alors, je pense que notre présence vous a fait comprendre que
c'est important de soutenir le Centre pour nous permettre d'aider à
promouvoir les oeuvres des compositeurs. Au niveau du disque, c'est un outil
primordial. Aujourd'hui, les chefs d'orchestre, les musiciens n'ont pas grand
temps, ils regardent la partition, et ce n'est, évidemment, pas toujours
un langage aussi facile à lire qu'une partition de Beethoven que
ça fait 150 fois qu'ils jouent, la musique contemporaine, c'est un petit
peu plus délicat à lire. Alors, avoir un support sur disque pour
les aider à apprivoiser ou à comprendre cette oeuvre-là,
c'est essentiel. L'édition musicale, il y a très peu de choses
aussi qui se font dans le domaine de l'édition musicale. Il y a peu de
compagnies qui osent se risquer dans ce domaine-là parce que ce n'est
pas payant. On a aussi besoin de l'appui d'agents spéciaux de promotion
qui nous aideraient à promouvoir notre musique ailleurs. Aussi, un autre
domaine très important, les médias. On a besoin, on ne peut pas
vivre sans les médias, et nous sommes quasi absents... Au niveau radio,
ça peut aller, mais au niveau télévision et vidéo,
nous n'avons pas accès à ces médias.
Priorité, oui, à la création, mais aussi à
l'éducation. Nous avons mentionné dans notre mémoire
l'importance de développer un dialogue entre le ministère de
l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles. Il est
absolument urgent... S'il y a une baisse d'assistance aux concerts, s'il y a
une baisse d'assistance ou d'intérêt aux arts en
général, c'est, entre autres, parce que les jeunes du primaire,
même de la maternelle, si vous voulez, ne sont pas sensibilisés,
n'ont pas accès à toutes sortes de formes d'art. Donc, c'est
absolument important qu'il y ait une commission permanente
interministérielle entre ces deux ministères et qu'il y ait des
consensus d'établis, qu'il y ait une collaboration, un partenariat,
qu'on s'entende sur des projets et qu'on ne les fasse pas juste pour deux ans
ou trois ans, mais qu'ils soient vraiment maintenus à long terme.
L'action internationale, bien sûr, elle est essentielle. Le
rayonnement de la musique québécoise au Canada, ça ne va
pas si mal, mais il faut aussi développer, il faut sortir de notre cour,
il faut absolument qu'elle soit mise sur la scène internationale.
Donc, en conclusion, nous avons besoin d'un énoncé non
équivoque pour la culture et les arts principalement. C'est un
élément essentiel de la société et nous voyons
ça d'un très bon oeil que ça devienne le quatrième
pilier de notre société, c'est-à-dire avec
l'économique, le politique et le social. Il faudra, avec cet accord de
principe, que cela s'incarne dans un déblocage de fonds substantiels
pour intégrer l'art à toutes les étapes de la vie.
Évidemment, le soutien politique et économique devra faire preuve
de souplesse, d'ouverture, si possible sans attaches, pour permettre une grande
liberté à la création. Et il faudra aussi essayer de voir
à sortir les arts du ballottement, d'une élection à
l'autre. C'est très difficile de faire de la planification, de faire du
développement lorsque, comme je vous le disais, un programme dure trois
ans et, au bout de trois ans, on n'y a plus accès. Donc, ce serait
important pour nous, pour nous permettre une meil-
leure planification à court et moyen terme. Et, donc, en finale,
nous avons besoin d'un ministère fort qui puisse aller parler pour nous,
et aller chercher les sous qu'il nous faut. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
Cette question s'adresse directement à Mme la ministre, et c'est la
meilleure personne pour y répondre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lauber, Mme Gagné.
Ça nous fait plaisir de vous avoir ici. Vous avez été
très patientes d'ailleurs; vous avez été avec nous pour
toute la partie, enfin, une bonne partie de l'après-midi.
En conservant les manuscrits originaux, votre centre contribue à
bâtir un patrimoine musical du Québec, d'une part, et nous vous en
remercions, et aussi, vous agissez au niveau de la promotion de toute cette
musique contemporaine. Je veux en venir à cette musique-là parce
que, effectivement, quand vous... Au niveau des écoles, par exemple, au
niveau de l'éducation, vous disiez que c'est très très
important d'entrer dans le réseau de l'éducation. C'est vrai que
les médias, par exemple, vous couvrent. Bon, il y a Radio-Canada qui va
vous couvrir, niais, finalement, les grands médias populaires ne vous
couvrent pas. Alors, comment on fait? Parce que ce n'est pas évident,
non plus. C'est une musique qui surprend. C'est une musique qu'il faut
apprendre à connaître et à apprivoiser. Alors, comment
faites-vous, finalement, pour, justement, travailler à la promotion de
cette musique-là?
Mme Lauber: J'aimerais répondre à ça parce
que, en tant que compositeur, je suis confrontée moi-même à
ce genre de musique. Tout d'abord, il y a une chose importante dont il faut
tenir compte, c'est qu'on a trop tendance, et c'est dommage, à tout
mettre dans le même panier. C'est vrai que cette musique est difficile
d'accès, mais c'est surtout vrai qu'elle est très
diversifiée et les gens ne le savent pas. Il y a des musiques difficiles
et il y a des musiques faciles d'accès. Je ne citerai pas de noms, mais
il y a certains compositeurs qui écrivent dans un langage très
traditionnel et d'autres qui sont beaucoup plus avant-gardistes. Alors, il faut
faire une grande distinction et le grand public n'est pas au courant.
En ce qui concerne l'éducation dans les écoles, j'ai
moi-même participé une fois, par intérêt, à
une classe d'immersion française à Ottawa. C'étaient des
enfants surdoués, de 10 ans, et j'ai fait des tests avec ça,
justement. Alors, je leur ai fait entendre différentes sortes de musique
et, pour certaines musiques, la première réaction était
vraiment surprenante. Ils trouvaient que c'était du bruit. Ils
trouvaient que c'était drôle. Ils trouvaient que ce n'était
pas de la musique. Et, après l'avoir réécoutée,
après avoir expliqué comment c'était fait, ils aimaient
ça. Ils ont compris aussi qu'il y avait différentes sortes de
musique. Et même ces enfants-là, à la fin du cours, ont
commencé à composer eux-mêmes paroles et musique en
inventant leurs propres instruments de musique avec des cartons, avec toutes
sortes de choses. Donc, pour faire connaître cette musique, je pense
qu'il faut d'abord faire comprendre qu'elle n'est pas toute pareille. Elle est
très différente.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je pense que ça, c'est la
base parce que, si je ne me réfère, finalement, qu'aux spectacles
que nous avons eus ou, enfin, à la pause musicale que nous avons eue,
lundi, par exemple, il y avait une variété. L'oeuvre de Gilles
Tremblay était plus difficile comparativement à d'autres. Alors,
on a vu cette variété-là et, effectivement, les gens sont
plus ou moins au courant. Ce qui m'amène à la proposition, quand
vous dites le programme du 1 % dans la politique d'intégration - et M.
Tremblay en a parlé d'ailleurs en disant: II faudrait, finalement, qu'on
commande des oeuvres de la même façon qu'on le fait
automatiquement au niveau des arts d'architecture. Expliquez-moi donc un peu
comment vous voyez ça? Au niveau des Olympiques, par exemple, je me
souviens, en 1976, l'oeuvre était commandée. Pour le 350e,
non...
Mme Gagné: Oui, c'est une commande, mais enfin...
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord, mais je parle des grands
événements. Le 350e de Montréal, supposément, il y
a une oeuvre de commandée. Mais c'est ça là, on me dit
ça, on a vécu des choses demandées par les
municipalités, et tout ça. Mais, ce n'est pas ça. Selon
votre réaction, ce n'est pas de ça que vous parlez.
Mme Gagné: Non, bien, enfin, comme on essaie d'expliquer,
c'est ça, c'est qu'il y a différentes musiques et, à
l'intérieur de la grande musique, il y a différents styles. Ce
qu'on a souvent tendance à faire, comme je vous le disais, au niveau des
grands spectacles... Il y a eu tous les maires des villes qui sont venus
à Montréal...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Mme Gagné: Ce qu'on a présenté - je ne sais
pas, je n'ai même pas tout regardé - en tout cas, entre autres, un
gros "show" autour de Diane Dufresne. Ce n'est pas mauvais, ce n'est pas contre
ça qu'on lutte. Par contre, nous, on se dit: Où est-ce qu'on se
situe? Quand est-ce qu'on va entendre notre musique, même si c'est une
musique... Justement, le Centre peut aider les organisateurs de grands
événements comme ça. Si on me dit, évidemment, que
c'est un événement populaire...
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça, c'est
sûr.
Mme Gagné: ...je n'irai pas vous proposer le compositeur
qui écrit la musique la plus compliquée au monde. Je vais
comprendre le contexte et on a 11 000 titres dans notre bibliothèque.
Alors, je pense que parmi ça il y a des oeuvres et il y a des
compositeurs qui sont capables de comprendre et d'écrire en fonction de
circonstances précises.
Mme Frulla-Hébert: Je vais passer la parole à ma
collègue. Vous savez, de toute façon, ma collègue, sa
fille est artiste, alors c'est pour ça qu'elle participe beaucoup
à la commission.
Mme Cardinal: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Châteauguay, vous avez la parole.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, en page 6 - recommandation 6 -vous recommandez
"l'établissement d'un réseau de diffusion des oeuvres
d'avant-garde à travers la province et en communication avec d'autres
réseaux déjà existants comme en Nouvelle-Angleterre..."
Selon vous, comment un tel réseau peut-il être établi? Et,
dans le même ordre d'idées, quel rôle le gouvernement
pourrait-il jouer, et particulièrement le ministère des Affaires
culturelles, pour la mise en place d'un tel réseau de
création?
Mme Gagné: C'est un petit peu comme avec le
Théâtre de la Marmaille, c'est le problème d'aller
présenter des spectacles, ou des concerts d'avant-garde ou de
création, ou même de musique plus traditionnelle. Dès qu'on
dit que c'est un produit québécois d'un compositeur contemporain,
les diffuseurs se bouchent les oreilles. Et je pense que le problème est
souvent plus au niveau des diffuseurs qu'au niveau nécessairement du
public. S'il y a un travail de sensibilisation, s'il y a un battage
publicitaire qui précède la venue de la SMCQ ou d'un nouvel
ensemble moderne qui vont jouer des oeuvres de musique contemporaine, s'il y a
des ateliers-explications avec le public, les gens vont embarquer, parce qu'on
en a fait des expériences comme ça et les gens embarquent. Le
problème, c'est de convaincre ces diffuseurs, ces propriétaires
de salles qui décident, en fait, pour le public. (18 heures)
Et c'est un peu la même chose au niveau des professeurs dans les
écoles. Le problème auquel on se bute continuellement, ce sont
les professeurs, ce ne sont pas les étudiants. Les professeurs n'ont pas
eu accès eux-mêmes à cette musique et, donc, ne se sentent
pas outillés, ne se sentent même pas intéressés,
impliqués, à la diffuser, à l'enseigner, à la faire
comprendre aux gens. Donc, c'est un des problèmes. Et ce réseau
de diffusion, il peut suivre le même réseau que le
théâtre, la danse. On peut bénéficier de ce
même développement. Ça pourrait profiter à tous les
autres arts. Nous, on embarquerait dans ça, tout simplement. Mais il
faut arriver à convaincre les diffuseurs d'un intérêt
à présenter cette chose-là, et promouvoir,
évidemment, la musique contemporaine. Les arguments pour décider
un diffuseur ne sont pas les mêmes que de dire: Bon, bien, achète
donc l'OSM qui va aller jouer la Neuvième de Beethoven. Ça
demande des gens un petit peu plus aguerris à la chose.
Mme Cardinal: Vous avez raison parce qu'on est rarement
prophète en son pays. Il faut s'expatrier assez souvent pour se faire
reconnaître. J'en sais quelque chose.
Mme Gagné: Ce serait le "fun" qu'on change le dicton et
qu'on en invente un nouveau.
Mme Cardinal: J'en sais quelque chose puisque, justement, ma
fille est à l'extérieur. Ceci dit, vous affirmez qu'il est
primordial pour le Centre de musique canadienne au Québec qu'on lui
impute un statut spécial, au même titre que les Archives ou la
Bibliothèque nationale. Pouvez-vous me préciser davantage votre
pensée quant à ce statut?
Mme Gagné: J'ai de grandes ambitions pour le Centre.
Mme Cardinal: Bravo! Allez-y!
Mme Gagné: Ça fait 11 ans que j'y travaille et je
sens que... Bien sûr, on peut continuer notre petit train-train, comme
ça, mais, si on veut se développer et s'installer dans le
firmament des vedettes de la musique, il faut passer à une autre
étape, et le fait d'avoir une reconnaissance plus officielle en tant
qu'organisme qui est le seul en son genre... Nulle part au Canada, vous ne
pouvez obtenir les manuscrits, les partitions des compositeurs, ce n'est qu'au
Centre. Alors, on n'est pas en compétition avec personne et, donc, on
est un organisme essentiel à la vie et au rayonnement de la musique.
Pour nous, l'importance de cette mission nous fait penser que ce serait
important qu'on nous aide. Les manuscrits des compositeurs sont
conservés, au Centre, à l'air, sur une tablette de bois. Je suis
dans le Vieux-Montréal, dans un édifice où il y a de
belles poutres en bois. Alors, un feu, puis floue! c'est parti, c'est
détruit soit par l'eau ou par le feu. Alors, je n'ai pas de conditions
acceptables. Et référer ces partitions-là au centre
d'archives existant ou à la Bibliothèque nationale, ce n'est pas
la solution idéale. Ou, en tout cas, qu'on nous permette, à ce
moment-là, de faire des copies maîtresses pour nous permet-
tre de diffuser. Parce que ce n'est pas au centre d'archives ou à
la Bibliothèque de prêter le matériel qui va aller en
France, en Italie ou au Japon, c'est le rôle du Centre de faire
ça. Mais on le fait toujours à partir du manuscrit, pour nous
permettre de photocopier ces choses-là de façon plus propre.
Donc, on a besoin, justement, de conditions qui soient des conditions normales
de conservation d'archives. Ou alors, si ce n'est pas ça, qu'on nous
donne, à ce moment-là, des budgets suffisants pour nous permettre
de tout doubler et de prendre ce matériel-là, ces
manuscrits-là et de les déposer dans un centre d'archives ou
à la Bibliothèque nationale.
Le Président (M. Gobé): Vous avez fini, Mme la
députée de Châteauguay?
Mme Cardinal: Merci. Si mon temps est écoulé...
Le Président (M. Gobé): Oui, un petit peu...
Mme Cardinal: C'était fort intéressant. J'aurais pu
continuer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour le temps qu'il reste.
M. Boulerice: Oui. Quelques brefs commentaires en guise de
préambule, tout en vous souhaitant la bienvenue et en vous disant que
votre présence est particulière, dans le sens que c'est vraiment
un domaine malheureusement négligé et, que vous nous apportiez
cette sensibilité-là, je l'apprécie
énormément. Je ne peux souscrire à votre prémisse
de remplacer un ministère de la culture par un simple Conseil des arts
du Québec. Ça reviendrait un peu à retourner à
l'époque où l'éducation relevait du ministère de
l'Agriculture. Vous vous rappelez ça? L'instruction publique relevait du
ministre de l'Agriculture. Je pense qu'on peut avoir un ministère qui se
donne, justement, le principe dit britannique, mais qui n'est quand même
pas le modèle parfait, même s'il a certains avantages, "at arm's
length", donc, un conseil des arts du Québec. Sauf que, pour la petite
histoire de notre commission, j'aimerais vous rappeler, Mme Lauber et Mme
Gagné, que le Conseil des arts du Québec existait, mais le
gouvernement l'a aboli il y a deux ans. Et j'avais dit: II ne faut pas abolir,
tout d'un coup ça pourrait nous servir. Et voyez-vous que, voilà,
on va être obligés de le revoter. Bon.
Ceci étant dit, je pense qu'il faut arrêter de dire que la
musique contemporaine est inaccessible, qu'elle est difficile d'accès.
Vous savez, la ministre m'en parlait, lundi soir, elle a été
impressionnée par le petit concert qui a été donné.
Et on discutait, on disait: Oui, nos artistes peintres contemporains sont
célébrés, il y a des expositions partout; nos metteurs en
scène... La danse contemporaine a quand même sa place. Et elle me
disait: Mais quand avons-nous entendu pour la dernière fois une oeuvre
de Papineau-Couture? Quand? Je serais curieux... Je trouvais que la question
qu'elle me posait était pertinente. Malheureusement...
Le Président (M. Gobé): Aviez-vous la
réponse?
M. Boulerice: Pardon?
Le Président (M. Gobé): Aviez-vous la
réponse?
M. Boulerice: Malheureusement non. Je ne me souviens pas quand il
y a eu une interprétation publique d'une oeuvre de Jean
Papineau-Couture. J'étais sensible aux propos que la ministre
m'exprimait.
Mme Frulla-Hébert: II y a eu un concert l'an dernier, je
pense. C'est ça que tu me dis? Mais ce n'est pas évident. C'est
ça.
M. Boulerice: Un concert l'an dernier? Ce n'est pas
évident. Au mois de juin, oui. Mais ce n'est pas évident,
voyez-vous?
Mme Gagné: Au mois de juin, oui, pour le 25e anniversaire
de la SMCQ, il y a eu une oeuvre... Mais, enfin!
M. Boulerice: Voyez-vous, c'est grâce à madame qu'on
a pu s'en rappeler parce qu'il n'y a rien qui supporte... Vous, vous parlez de
la difficulté au niveau de l'enregistrement du disque. Sans avoir un
ministère, je suis quand même équipé, j'ai un
bénévole, si vous voulez, qui travaille le dossier de la musique
à mon bureau, M. Duchesne, et M. Duchesne m'a longuement parlé de
l'expérience française, l'étiquette Errato. Est-ce que
vous croyez qu'une mesure comme celle-ci serait peut-être une seule
mesure, mais, au départ, un grand pas pour régler les
difficultés que l'on rencontre dans ce secteur?
Mme Lauber: Si je peux répondre à ça...
M. Boulerice: Je m'excuse, madame, je ne dis pas que ça va
tout régler, mais, au départ, si déjà on
commençait à songer à investir à ce
niveau-là.
Le Président (M. Gobé): Mme Lauber, vous avez la
parole.
Mme Lauber: II n'y a pas que la difficulté de
l'enregistrement sur disque, il y a aussi la difficulté de la
distribution; nous avons une compagnie de disques, mais c'est de distribuer
ces disques-là. Quand nos compositeurs écrivent pour
orchestre, une oeuvre pour orchestre sur disque coûte des fortunes.
Alors, c'est encore un autre problème. Nous avons la
Société nouvelle d'enregistrement, Gilles Poirier, qui a des
disques, mais qui n'a pas de réseau de distribution. Nous avons
Centredisques. Nous avons démarré une maison de disques, mais il
n'y a pas de service de distribution. Quand on veut mettre des oeuvres de
valeur sur disque, on est toujours limité au choix de la musique de
chambre parce que c'est moins coûteux.
Mme Gagné: Là aussi, c'est parce que...
Excusez-moi, si je peux rajouter.
M. Boulerice: Je vous en prie.
Mme Gagné: II y a aussi un problème. Je pense qu'on
parlait de syndicat tout à l'heure. La Guilde des musiciens,
évidemment, ne collabore pas beaucoup parce qu'ils demandent,
évidemment, des tarifs, des cachets supplémentaires, et ça
coûte toujours très cher de faire un concert, faire un disque.
Alors, c'est une entrave.
Mme Lauber: Un grand problème.
Mme Gagné: On parle de distribution, mais aussi de
promotion. Si on nous donnait le même montant pour promouvoir un disque
d'un compositeur qu'on donne à la musique rock, ou à la musique
pop ou à la musique country, je pense qu'on pourrait se mettre sur la
carte nationale et internationale, nous aussi. Mais quand on vous donne 2000 $
pour faire la promotion d'un disque de musique contemporaine, où est-ce
que vous voulez aller avec ça? Qu'est-ce que vous voulez faire avec
ça? C'est aussi un autre problème.
M. Boulerice: 2000 $ seulement, vous me dites?
Mme Gagné: Oui, entre autres. "Le Bestiaire", "La belle et
les bêtes", de Christine Lemelin, elle a eu 2000 $ pour faire une
promotion.
M. Boulerice: Vous me donnez un chiffre qui porte à
réfléchir. Et si on voulait bonifier nos intentions au chapitre
du soutien à la création, justement dans votre domaine, exception
faite de la sensibilisation au niveau du ministère de
l'Éducation, donc des jeunes publics, etc., ce serait quoi?
Mme Lauber: Qu'est-ce que vous entendez par "bonifier"?
M. Boulerice: Je dis "bonifier" le soutien à la
création.
Mme Lauber: Le soutien. Il y a le program- me de commandes aux
compositeurs aussi, c'est sûr.
M. Boulerice: Qui est une formule, je vous avoue, assez
intéressante. Le 1 % aux arts, est-ce que ça doit être
nécessairement de la sculpture? Ça, je suis d'accord.
Mme Lauber: II ne faut pas oublier une chose, aussi, et
j'aimerais bien souligner ce fait, c'est que de la bonne et de la mauvaise
musique, il y en a, il y en a toujours eu, et on ne peut pas aujourd'hui savoir
quelle musique est bonne, laquelle n'est pas bonne, c'est très
difficile. Il faut tenir compte que les oeuvres de Jean-Sébastien Bach
sont restées 100 ans dans le tiroir avant qu'on le découvre.
L'oeuvre qui va être promue aujourd'hui, c'est peut-être la bonne,
ça peut aussi ne pas être la bonne. Comme on disait, c'est une
organisation à risque. C'est pour ça aussi que le secteur
privé s'intéresse moins à ce genre de choses. La musique,
c'est l'âme d'un peuple, hein? C'est la première chose qu'il
faut... Je ne sais pas comment l'expliquer, mais il faut que les gens soient
tenus au courant. Alors, il y a beaucoup de façons de le faire: plus
d'accès dans les écoles... Peut-être qu'il y aurait moyen
d'avoir des connexions avec le ministère de l'Éducation pour
avoir des entrées dans les écoles, comme ça se fait en
Ontario. Il y a un programme qui s'appelle "Composer in the classroom"; le
compositeur va dans les écoles, il parle de son travail. Les gens sont
surpris de voir qu'un compositeur, ça parle, que c'est vivant, que ce
n'est pas une vieille barbe enterrée, et qu'on ne vit pas dans une tour
d'ivoire. Il y a tout un mythe qu'il faut démystifier dans ça. On
n'est pas dans une tour d'ivoire, on n'est pas des gens détraqués
qui se réveillent à minuit pour écrire une symphonie, puis
qui dorment jusqu'à midi le lendemain. Ce n'est pas vrai. C'est
très structuré, c'est beaucoup de discipline, il faut recommencer
souvent, et c'est de tout ça que le public est mal informé.
Alors, c'est une façon de la promouvoir, cette musique, parce qu'on sait
à ce moment-là qu'on est des êtres humains, des
créateurs, mais qui sont confrontés à des problèmes
normaux que tout le monde connaît. Il y a l'histoire du compositeur, qui
aide à faire comprendre sa musique. Donc, il faut en parler. Il faut la
faire entendre et la faire entendre plusieurs fois, parce que la
première écoute, souvent, est surprenante. Donc, le disque est
une façon.
Les contacts avec les conservatoires, les universités, nous les
avons, mais nous faisons constamment des pressions, c'est toujours à
recommencer, et nous manquons de personnes-ressources, de gens qui pourraient
faire de la promotion. Mme Gagné ne peut pas tout faire. Moi, je fais du
bénévolat là-dedans; j'enseigne à côté
de ça. Donc, c'est comme tous les compositeurs, on est pris par d'autres
activités. Puis
quand on veut créer une oeuvre, il faut plus que trois jours en
ligne pour la faire; autrement, on perd le fil. C'est difficile d'avoir... Je
ne peux pas m'asseoir et me dire: Bon, j'ai une heure, je vais écrire
quelque chose. Ça ne marche pas comme ça. Donc, Mme Gagné,
elle passe son temps à faire des contacts et à recommencer, mais
elle est seule, en plus de l'administration et tout. On a besoin de ressources
humaines et de fonds pour les payer. Quelqu'un qui ferait le marketing, la
promotion, quelqu'un qui s'occuperait de l'administration, et que le
compositeur puisse avoir plus que trois jours en ligne pour travailler, ce
serait l'idéal.
M. Boulerice: Vous parlez des problèmes de diffusion,
forcément des problèmes de promotion, vous parlez de la
création, mais il y a d'abord et avant tout la formation de l'artiste
comme telle. Et la question que je vais vous poser: Comment
réagissez-vous quand 18 députés libéraux, dont 3
qui sont membres de la commission de la culture, lancent un document où
ils parlent de fermeture des conservatoires de musique?
Mme Lauber: C'est la dernière chose à fermer,
à mon avis, en tout cas.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'est là le temps
qui nous est imparti.
Mme Lauber: Ça nous fait très peur.
M. Boulerice: Bien. Tantôt, vous avez parlé de la
musique de Bach qui a été dans les tiroirs durant une centaine
d'années. Bach composait de la musique contemporaine, hein?
Mme Lauber: Oui. Nous aussi.
M. Boulerice: Bien, voilà! La musique contemporaine
devient une...
Mme Lauber: Voilà!
M. Boulerice: ...musique classique.
Mme Lauber: Et Bach, on considérait qu'il était
trop mathématique et que c'était trop académique.
Aujourd'hui, on l'écoute d'une autre oreille.
M. Boulerice: Voilà! Je pense que vous...
Mme Lauber: Alors, je vous en prie, ne fermez pas les
conservatoires. Il y a beaucoup de talents au Québec.
M. Boulerice: Nous nous battrons très fort, madame.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas faire la chasse aux
sorcières, quand même, mon cher ami. Il ne faut pas. Non, non,
non. C'est que c'est dans un contexte où on remet tout en question.
Mais, autant on a demandé aussi aux détenus de payer leur
pension... Il y a donc des solutions des plus farfelues aux plus
réalistes. Ça faisait partie de ça.
M. Boulerice: C'est plutôt les pas farfelues! Voyons!
Mme Frulla-Hébert: Non, évidemment, il n'en est pas
question. D'ailleurs, il y a un communiqué qui est sorti exactement
là-dessus. Justement, il n'en est pas question.
M. Boulerice: Ah! vous rejetez catégoriquement, Mme la
ministre, cette assertion. Non, mais c'est important pour cette commission.
Mme Frulla-Hébert: Non, absolument. Même dans la
volonté... Le député, ce matin, qui était sur le
comité, l'a dit lui-même que ce n'est même pas retenu comme
solution éventuelle dans le document éventuel; c'est un document
de travail tout simplement qui a été coulé.
M. Boulerice: Mais y avoir pensé est déjà
péché.
Mme Frulla-Hébert: Mais ceci dit, on connaît...
Le Président (M. Gobé): II ne faut pas faire des
procès d'intention, M. le député, il faut attendre d'aller
aux actes, aux faits.
Mme Frulla-Hébert: Ah! il y en a qui sont plus ou moins
sensibilisés, mais ça... On parle de sensibilisation, on parle
justement de promotion, de faire de la pédagogie. Or, il reste de la
pédagogie à faire; autant nous, il nous en reste que vous, il
vous en reste. Mais, chose certaine, ce qui est important aussi, c'est de
pouvoir donner accès à toutes sortes et à toutes formes
d'oeuvres de culture et de musique aussi. Alors, je pense que l'action que vous
faites est fort importante et merci encore de votre contribution.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, mesdames. Merci, M, le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ceci met fin à notre travail pour cet
après-midi. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir 20
heures, en cette salle, et nous vous remercions d'être venues nous voir.
Bon repas et bon appétit!
(Suspension de la séance à 18 h 16)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux en entendant comme
premier groupe les représentants de l'Université de
Montréal qui sont ici présents, je pense. Je les invite à
s'avancer. Prenez place à la table de nos invités. Oui, c'est
celle-là, oui.
Université de Montréal
Alors, je vous souhaite la bienvenue et je vous indique que notre
façon de procéder est la suivante: Vous disposez d'une quinzaine
de minutes pour faire la présentation de votre mémoire, ou un
résumé, comme vous voudrez. Ensuite, la discussion s'engage avec
les membres de la commission. Les micros fonctionnent automatiquement. Vous ne
touchez à rien, tout va bien aller quand ça sera le temps. Et,
donc, la conversation s'engage avec les membres de la commission pour ce qui
reste des 45 minutes qui vous sont allouées.
Tout d'abord, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter,
pour les fins de la transcription de nos débats.
Mme Cinq-Mars (Irène): D'accord, je vous remercie. Je vais
d'abord me présenter, Irène Cinq-Mars, et M. Jacques Boucher.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus. Vous avez la
parole dès maintenant.
Mme Cinq-Mars: Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions
de nous avoir donné l'occasion ce soir de présenter le
mémoire de la direction de l'Université de Montréal.
Avant de commencer j'aimerais toutefois faire une réserve qui
m'apparaît importante. Le document que vous avez lu, qui est
déposé, ne prétend pas représenter le point de vue
de l'ensemble des collègues de l'Université. Nous n'avons pas pu,
faute de temps, procéder à une consultation élargie.
Néanmoins, grâce à la collaboration de Mme Demers, qui est
malheureusement absente ce soir, qui est directrice scientifique des Presses de
l'Université, de M. Robert Leroux, doyen de la Faculté de
musique, ainsi que de M. Jacques Boucher, nous pouvons réagir aux
objectifs visés par la commission, et en particulier sur les
recommandations concernant la formation et l'éducation. C'est
principalement ce secteur du rapport sur lequel nous nous sommes
attardés. Alors, dans un premier temps, je vais commenter les
principales idées contenues dans le mémoire, je ne vais pas en
faire lecture, et M. Boucher va présenter ensuite quelques aspects
particuliers.
Nous sommes partis du constat que les recommandations 22 et 23 du
rapport Arpin, comme on l'appelle, parlent avant tout de la formation et du
perfectionnement des artistes, des créateurs, des gestionnaires et des
professionnels du milieu des arts, mais que, par ailleurs, les recommandations
57 à 70 réfèrent à l'idée de
développer l'éducation culturelle dès l'enseignement
primaire. Alors, partant de ce constat, nous affirmons... Nos trois principales
idées, si vous voulez, s'appuient sur un postulat qui nous
apparaît fondamental, à savoir que l'éducation de toute la
population constitue l'assise d'une politique sur le développement
culturel. Alors, partant de là, nous avons développé trois
idées principales.
La première veut que les universités soient des
institutions dépositaires d'une part importante du patrimoine collectif
à préserver, à transmettre et à développer.
La seconde stipule que la mission d'enseignement et de recherche des
universités leur confère un rôle privilégié
à jouer pour favoriser le développement culturel. Et, enfin, la
troisième propose que les universités soient des partenaires dans
l'élaboration d'une politique et aussi dans sa mise en place, et qu'il
faut maintenir vivant, dans chaque personne, le désir de la
création, pour que chacun s'approprie sa part de responsabilité
dans la participation au développement de la culture. Ce sont les trois
principales idées. J'aimerais les commenter brièvement.
Pour affirmer, donc, que les universitaires sont dépositaires
d'un patrimoine culturel, nous nous sommes référés
à une définition large de la culture, qui recouvre un champ plus
vaste que celui des arts d'interprétation, en particulier. Nous pensons
que la culture s'étend aux manières de penser, d'être et de
faire d'une société. Ce sont autant les expressions culturelles
propres aux artistes qui nous intéressent, propres aux professionnels de
la culture que celles, savantes, des scientifiques, et les autres, populaires
ou vernaculaires.
La culture, pour nous, c'est ce qui émane de la
société, une société qui veut s'ouvrir à
d'autres cultures et à d'autres sociétés. Donc, nous
associons à la production culturelle des artistes celle d'autres
pratiques qu'on peut considérer comme étant également
culturelles, parce qu'elles participent à la production du cadre de vie,
à son amélioration, peu importe sur quel plan on se situe:
fonctionnel, esthétique, technologique, etc.
Je vais passer à la prochaine idée. Dès lors, dans
la mesure où on trouve réunies dans les universités une
diversité d'acteurs formés, une diversité de programmes
dans différents secteurs, arts et sciences, des activités de
recherche également qui transmettent et développent ces
manières de penser, d'être et d'agir, le concept de patrimoine
auquel on référait se trouve là, présent. Les
universités sont donc dépositaires et responsables de la
préservation et de la trans-
mission de ce patrimoine. Par ailleurs, la deuxième idée,
qui dit que la mission d'enseignement et de recherche confère aux
universités un rôle privilégié, s'appuie sur deux
principes qu'on retrouve d'ailleurs dans le rapport.
Vous dites... enfin, vous dites... le rapport dit que le
développement de la culture s'appuie sur la formation de
spécialistes et sur leur perfectionnement. Nous sommes tout à
fait d'accord avec ça. Et c'est d'ailleurs un des objectifs
ciblés dans les missions d'enseignement, dans les universités, en
particulier à l'Université de Montréal. Le
développement de la culture, pour nous, s'appuie également sur
l'élévation du niveau de scolarité, sur le
développement de la personne de manière à favoriser la
prise en compte de l'amélioration du cadre de vie. Au premier cycle, il
est dit expressément dans notre document qui s'appelle
"Énoncé de mission" que la formation vise l'acquisition d'une
pensée autonome, créatrice d'habiletés de communication et
de ressources d'adaptation à l'évolution rapide des savoirs et
des pratiques. Et, aux cycles supérieurs, on veut développer les
aptitudes à l'innovation, à la créativité, etc.,
inciter le renouvellement d'une critique constructive de la
société. On dit aussi dans le rapport que le développement
de la culture s'appuie sur la vigueur de la création. Nous sommes tout
à fait d'accord avec ça.
Également, dans T'Énonce de mission" de
l'Université, on lit: "L'existence des grandes universités de
recherche... Parce que, chez nous, la création, ça s'appuie aussi
sur les activités de recherche et nous avons plusieurs types de
recherche: fondamentale, appliquée, créative. On dit que ces
activités sont essentielles à la vie, au progrès, à
l'avenir d'une société. Ces missions de recherche dans les
universités doivent occuper une place centrale dans nos valeurs, parce
que nous contribuons au développement technologique, économique
et culturel de la société.
Alors, à l'Université de Montréal, à
l'instar des autres partenaires du réseau, nous voulons maintenir
vivante la création d'oeuvres artistiques et scientifiques tout autant
que la réflexion sur fa création. À partir de cela, nous
considérons que les universités doivent être des
partenaires dans l'élaboration et la mise en place d'une politique. Nous
appuyons la création d'un groupe de travail formé de
représentants, comme il est dit à la recommandation 24, mais ce
que nous souhaiterions, c'est de considérer les milieux universitaires
comme partenaires, d'une part, et, d'autre part, que le mandat de ce
comité s'appuie sur une définition élargie de la culture
et reconnaisse l'éducation culturelle comme devant être accessible
à toute la population.
Nous n'avons pas insisté, dans cette présentation, sur
d'autres principes évoqués dans le mémoire concernant la
gestion de la mission culturelle, du moins pas dans cette présentation
orale, mais dans le document que vous avez lu, on y fait
référence. Ce que j'aimerais dire, par contre, j'aimerais
souligner une dimension importante concernant cette gestion, justement, c'est
qu'elle peut être, disons, encadrée par les institutions -
ministères, universités, etc. - mais ces institutions ne doivent
pas se substituer à la volonté et à la
responsabilité de chaque personne. C'est plutôt en tant que
souteneur ou soutien qu'on devrait regarder la mission, enfin, le rôle
des institutions dans la gestion du développement culturel. La
volonté et la responsabilité de chaque personne garantissent
l'engagement. Et, sans cet engagement, comment espérer le
développement de la culture dans une société? C'est
pourquoi nous disons que l'éducation constitue l'assise du
développement culturel. C'est par l'éducation que l'on peut
provoquer, stimuler la motivation personnelle, moteur d'une culture vivante et
renouvelable.
M. Boucher a peut-être quelques aspects à
développer. Est-ce qu'on a encore du temps?
Le Président (M. Doyon): Oui, quelques minutes encore. M.
Boucher. (20 h 15)
M. Boucher (Jacques): Quelques minutes. M. le Président,
Mme la ministre, MM. et Mmes les députés. À la
recommandation 28, on parle de formation continue et de perfectionnement, mais
dans une perspective relativement étroite. Je me permets d'insister sur
la nécessité d'élargir par rapport à la culture
cette notion de formation permanente et cette notion de formation continue,
sous deux aspects. Le premier. Je dirige une faculté qui, par exemple,
est responsable de ce qu'on appelle "Les Belles Soirées", qui sont
effectivement une institution culturelle dans le Montréal
métropolitain et qui rassemblent de 8000 à 10 000 personnes par
année autour d'événements à caractère
culturel et où les personnes viennent se ressourcer autour
d'événements particuliers. Les universités jouent un
rôle de ce côté-là.
Je pense que, qui dit culture, dans une société comme la
nôtre, dit nécessairement, et pour l'ensemble de la population,
une formation continue, un perfectionnement qui doit être permanent. Il
me semble que c'est une notion sur laquelle il faut insister davantage qu'on ne
le fait - soumis respectueusement dans ce mémoire - pour l'ensemble de
la population et aussi pour les créateurs. La relation des
créateurs avec le monde de l'éducation est un peu
spéciale. Les créateurs se vantent d'avoir été peu
exposés ou mal exposés à l'école, à
l'université, d'y être restés en marge et d'en être
sortis bien rapidement. Je comprends cette espèce de réaction,
mais il reste quand même que, pour les créateurs, comme pour les
architectes, les avocats, les informaticiens ou les infirmières, le
besoin d'une formation permanente et d'un ressource-ment continuel autour de
bases, autour de
formations fondamentales, autour de nouvelles techniques, autour de
nouvelles approches m'apparaît absolument fondamental, et je ne suis pas
certain que les créateurs sont suffisamment conscients de cette
nécessité de retourner se ressourcer. Je ne dis pas
nécessairement à l'université, je ne dis pas
nécessairement au cégep, mais ils ont besoin, eux aussi, dans
leur processus créateur, de se renouveler, et c'est une chose sur
laquelle, je pense, une politique de la culture devrait insister en tout
premier lieu.
Deuxième remarque. À la recommandation 58 - et je ne suis
pas certain que je comprends bien - on parle de formes de collaboration avec le
ministère de l'Éducation, bien sûr, et de nombreuses
démarches visant à rénover la formation fondamentale. Il
n'y a pas de culture pour une société sans le retour à des
valeurs fondamentales et, notamment, à la maîtrise des langages de
base. Dans une société comme la nôtre,
nord-américaine et internationale, la maîtrise, bien sûr, du
français au Québec, mais d'une deuxième langue est un
élément absolument essentiel d'une culture valable. De même
également, dans une société comme celle dans laquelle nous
vivons et surtout dans laquelle nous vivrons demain, la connaissance des
langages de base en mathématiques et en informatique est aussi une
notion ou un besoin pour des personnes éclairées et
cultivées. Et, après ça, à mon sens, une fois que
ça c'est maîtrisé, la culture, l'humanisme - une culture
scientifique ou en sciences humaines ou une ouverture aux humanités -
peut devenir possible. Et, bien sûr, un cinquième langage - le
français, un deuxième langage, les mathématiques,
l'informatique - c'est la sensibilité au langage artistique, et
ça se fait à partir du primaire. Tout cela pour dire que le
ministère des Affaires culturelles doit, à tout prix, être
en cheville avec le ministère de l'Éducation qui est un
partenaire et, à sa façon, lui aussi, un maître d'oeuvre de
la politique et de la réalisation d'une culture au Québec.
Une dernière remarque. Je sais qu'on a beaucoup contesté
le rapatriement de l'argent et des pouvoirs au sujet de la culture. Un exemple
dans le monde qui est celui des universitaires, nous avons notre double forum,
nous aussi. Nous avons une source de financement qui est, par exemple, le FCAR,
au Québec, et nous avons aussi les grands conseils
fédéraux. Rapatrier l'argent, dans l'hypothèse où
cet argent serait entièrement consacré... ne règle pas le
problème. Les universitaires ont besoin d'un forum élargi
où ils viennent, je m'excuse, se coltailler avec leurs pairs à un
niveau national ou international. Et ce n'est pas seulement une question
d'argent que cette question de rapatriement, c'est la possibilité,
encore une fois, de faire face à des normes plus vastes que celles
auxquelles on a à faire face d'une façon quotidienne. Donc,
quelques remarques, M. le Président, qui ne sont pas dans le rapport,
j'en conviens, mais qui en découlent, d'une certaine façon, et
qui peuvent peut-être éclairer le débat, du moins, je
l'espère.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le doyen. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Ça me fait
plaisir de vous avoir ici. On a eu, d'ailleurs, plusieurs représentants
de différentes universités du Québec, du monde de
l'enseignement et de l'éducation. D'ailleurs, le ministre de
l'Éducation était avec nous, la semaine dernière, pour
recevoir Mme Pagé, et Mme Robillard, évidemment, ayant
passé une courte année au ministère, mais quand
même, elle est assez sensibilisée à toute cette question.
Vous avez raison, je pense que la base, le fondement même d'une culture
forte, c'est, évidemment, nos jeunes qui sont sensibilisés.
Ça part de là, ça part de l'éducation et ça
part de la culture entrée de façon importante au niveau du
primaire, du secondaire et aussi à l'enseignement supérieur.
Maintenant, je voudrais revenir un peu aux précisions que vous
avez apportées, justement, et je pense que ma collègue, Mme
Cardinal, va aussi poser des questions. D'abord, je voudrais vous demander...
Il y a toute la question de l'enseignement de la musique, par exemple, ou de
l'enseignement dans les diverses écoles, que ce soit de la musique, de
l'art dramatique au niveau des conservatoires versus les universités,
d'abord, et encore là, tout l'enseignement général des
arts, est-ce que ça doit relever du ministère des Affaires
culturelles? Même si le ministère est un grand coordonnateur, au
niveau de la formation, au niveau de la technique même, est-ce que
ça devrait relever du ministère de l'Éducation? Alors, ce
sont des questions qu'on se pose.
Je vous écoute parler et vous parlez de connaissances
obligatoires, autant en mathématiques, en informatique - et ça,
j'en suis, et vous avez raison. Par contre, il y a d'autres intervenants qui
sont venus nous voir en disant: Le système est trop rigide -
l'École de cirque, par exemple - nous, on a besoin de beaucoup plus de
flexibilité. On a besoin d'une structure, ne serait-ce qu'au niveau du
temps, qui est très différente, et d'une flexibilité qui
est très différente du contexte rigide du système de
l'éducation actuelle, autant à l'enseignement supérieur
qu'au niveau du système d'éducation primaire et secondaire.
Qu'est-ce que vous répondez à ça? Est-ce que c'est
possible de penser à avoir une certaine flexibilité, de telle
sorte qu'on puisse s'épanouir aussi au niveau de l'art et ne pas
être soumis à des contraintes qui sont aussi rigides, par exemple,
que dans d'autres secteurs?
Mme Cinq-Mars: Bon. J'aimerais apporter des
éléments de réponse. Je n'ai pas la prétention, et
personne ne l'a d'ailleurs, je pense, d'apporter tout ce qu'il faut dire
là-dessus. Vous
avez posé deux questions: La première concerne la
répartition, en gros, des territoires de responsabilité entre le
MESS et le ministère des Affaires culturelles. Je vois bien, en ce qui
concerne les contenus effectivement, et comme vous le disiez, l'aspect plus
technique proche du développement des programmes, la création et
tout ça, que le ministère de l'Éducation et le MESS soient
près de ça et peut-être qu'il pourrait y avoir une
coordination au niveau du ministère des Affaires culturelles. Vous
l'avez dit vous-même, et je serais plutôt d'accord avec ce genre de
situation-là, parce que, sinon, il risque d'y avoir double emploi;
ça peut devenir très compliqué en termes de chevauchement
et de cheminement de programmes. En tout cas, c'est tout un univers en soi et
qui fonctionne relativement bien pour le moment. Alors, c'est peut-être
plus la mission de coordination via des tables de concertation, je ne sais pas,
qu'il faudrait regarder.
Pour ce qui est de l'enseignement des matières de base, à
savoir si ce qui concerne les arts constituerait un enseignement fondamental,
une façon de répondre à ça, c'est de dire: Oui, il
faut de la flexibilité, mais il faudrait aussi regarder du
côté des formules pédagogiques, des modèles
d'enseignement. Quand je vous écoute, j'entends un peu des gens au
niveau universitaire qui enseignent des disciplines au premier cycle et qui
nous disent: Vous savez, les connaissances évoluent tellement qu'on
voudrait tout mettre, on voudrait en mettre beaucoup beaucoup, mais on est pris
avec un temps x, avec des contraintes telles qu'il faudrait allonger les
études de cinq ans, six ans, sept ans pour arriver à tout donner
à nos étudiants du premier cycle. C'est un peu ce que j'entends,
par analogie, dire: Bien, mon Dieu, au primaire, on est pris aussi avec des
problèmes concrets d'aménagement de l'enseignement. Alors, je me
dis: Est-ce qu'on fait l'effort de chercher des formules, des méthodes
d'enseignement? Qu'on définisse la formation en termes d'objectifs,
plutôt que de dire: Ça prend telle matière, plus telle
matière, plus telle matière, plus ça, plus ça, plus
ça. Je ne sais pas si je me fais comprendre. Est-ce qu'on ne pourrait
pas dire: Bien, l'objectif, justement, c'est de développer la
personnalité, développer l'ouverture d'esprit chez nos jeunes,
leur donner le goût de se cultiver, comment on fait ça? Alors,
c'est peut-être à l'occasion de projets pédagogiques
où, là, on leur demande, justement, de s'intéresser autant
à la musique qu'à l'écriture, qu'à la
mathématique. Je ne le sais pas, mais je pense qu'il faudrait regarder,
répondre de ce côté-là, de l'innovation
pédagogique.
Mme Frulla-Hébert: On parle, par exemple, de formation.
Vous parlez de formation professionnelle, de ressourcement. Je vous donne un
exemple: les facultés de musique versus les conservatoires. Pour qu'il
n'y ait pas, justement, de double emploi... Les conservatoires sont importants
parce qu'ils rayonnent aussi dans leur milieu énormément, mais
pour qu'il n'y ait pas de double emploi... Parce que là, tout à
coup, il y a eu les facultés de musique dans les universités qui
se sont développées. Alors, comment fait-on pour que les deux
soient vraiment en parfaite harmonie, si on veut, que l'un complète
l'autre, ou qu'il y ait une certaine synergie?
Mme Cinq-Mars: II faudrait peut-être commencer par arriver
à ce que ces gens-là se parlent, c'est-à-dire trouver une
façon de regarder, de faire le bilan, d'abord, des enseignements:
Où est-ce qu'il y a chevauchement? Où est-ce qu'il y a
complémentarité? Les missions des universités sont
spécifiques. La formation, habituellement, dans certains programmes,
c'est en vue de poursuivre aux études supérieures, ce n'est pas
nécessairement de s'arrêter à la première formation.
Mais, je ne peux pas vous dire: Telle discipline ou tel champ appartient
à l'université, tel autre au conservatoire. Je pense qu'il y
aurait besoin de faire un bilan, d'amener ces gens-là à discuter
ensemble et de voir comment ils pourraient se compléter plutôt que
de se nuire. Il faudrait peut-être plus définir leur mission
réciproque.
M. Boucher: Est-ce que je peux ajouter un commentaire, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr.
M. Boucher: Dans certains systèmes, les facultés de
musique se contentent de faire de la musicologie et ne touchent pas aux
instruments. À ma connaissance, dans le système français,
il n'y a pas, comme telles, des facultés de musique. Tout ce qui
s'appelle formation musicale et interprétation se fait dans des
conservatoires. Aux États-Unis, ce qui se rapproche... Ils n'ont pas de
conservatoires, tout se fait dans les facultés de musique. Nous avons un
système un peu spécial, c'est vrai; c'est notre
caractéristique. Ce que je peux dire, c'est qu'à
l'Université de Montréal, tout au moins, nous avons un
très fort secteur de musicologie qui, à ma connaissance, n'est
pas présent dans les conservatoires. Par ailleurs, la Faculté de
musique, nous tenons à ce qu'elle soit bien imbriquée dans le
milieu et qu'elle soit, par conséquent, en cheville avec la
Faculté des sciences de l'éducation, avec le Département
d'histoire de l'art, avec le Département d'histoire, avec
l'anthropologie, etc., pour que nos étudiants en musique aient quelque
chose de plus que simplement des instrumentistes. Et on insiste beaucoup, en
tout cas, dans notre université, sur une formation de base qui, à
ma connaissance, n'est pas la caractéristique de ce qui se fait dans les
conservatoires, où on forme des techniciens, au sens large et noble du
terme. Il n'y a rien de péjoratif dans ce que je viens
de dire. (20 h 30)
Est-ce qu'il y a de la place pour les deux formules dans une
société comme la nôtre? Je pense que oui. Je ne pense pas
qu'il faille faire machine arrière et essayer de fondre ces deux
courants-là. Je pense que les deux ont leur place. Certains forment, et
à partir de l'âge des tout-petits, des enfants, dans le cas des
conservatoires où on forme des interprètes. Et, dans les
facultés de musique, l'on forme pour une part des interprètes,
mais aussi avec une forte - en tout cas la plus forte possible - culture
générale et une exposition à d'autres domaines, y compris
la musicologie, l'histoire de l'art, etc. Ça peut être un
début de réponse.
Mme Frulla-Hébert: Je vais laisser la parole à ma
collègue.
Mme Cinq-Mars: Moi, j'aimerais bien que la réponse vienne
des gens qui enseignent et qui sont les experts dans ces disciplines-là.
C'est pour ça que je faisais appel à la concertation entre
eux.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord.
Le Président (M. Ooyon): Mme la députée,
est-ce que vous me demandez la parole?
Mme Cardinal: Oui, s'il vous plaît.
Le Président (M. Doyon): Oui? Alors, si vous le faites,
vous l'aurez, mais si vous ne la demandez pas, vous ne l'aurez pas.
Mme Cardinal: Non? Mme la ministre me l'a offerte.
Le Président (M. Doyon): Non, ce n'est pas à Mme la
ministre à faire ça.
Mme Cardinal: Non? Ce n'est pas suffisant?
Le Président (M. Doyon): Malgré tous les pouvoirs
dont elle dispose, ce n'est pas un des siens.
Mme Cardinal: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Avec plaisir, allez.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Bonsoir. Vous
mentionnez dans votre mémoire, en page 5, article 3, "Accroître
l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la
mission culturelle." Est-ce que vous pourriez expliciter un peu votre
pensée?
Mme Cinq-Mars: Bien, je pense que nous avons repris là vos
propres... "Vos"! J'ai toujours tendance à penser que je suis devant la
commis- sion... C'est un des objectifs du rapport comme tel. Alors, ce qu'on
expliquait tout à l'heure, c'est que, face à cet
objectif-là, nous avons des commentaires à faire. Alors, les
commentaires sont ici.
En gros, je ne vais pas reprendre la lecture, mais nous sommes d'accord
qu'il faut rationaliser. Il y a un effort de rationalisation probablement des
ressources... Il faut favoriser la stabilité dans l'existence des
organismes culturels, comme nous le disons dans le texte, et nous appuyons un
engagement du gouvernement là-dedans. Mais, plus loin, ce que nous
disons, c'est que le gouvernement, enfin, le ministère n'est pas seul...
Il ne devrait pas être le seul maître d'oeuvre dans ça. Il y
a d'autres partenaires, pas seulement à consulter, mais avec lesquels il
peut élaborer une éventuelle politique. Alors, ça, c'est
une chose.
L'autre chose, c'est de faire attention de ne pas s'immiscer, de ne pas
se substituer, ce serait le mot plus juste, en voulant gérer,
coordonner, consolider, etc. Il ne faut quand même pas se susbtituer
à la responsabilité que chaque individu doit avoir dans notre
société concernant le développement de la culture.
Alors, ce qu'on fait là, c'est une sorte de mise en garde:
Attention, en en faisant trop, de ne pas mettre les gens dans un état de
dépendance en quelque sorte qui fait qu'à un moment donné
on a tendance à dire: Bon, bien l'État va le faire, le
gouvernement va le faire, etc. C'est cet équilibre-là, je pense,
qui est une réserve, qui constitue la réserve qu'on émet
ici.
Mme Cardinal: En un mot, c'est de supporter, d'appuyer, mais non
pas d'avoir une mainmise proprement dite sur...
Mme Cinq-Mars: Ou se substituer... Mme Cardinal: Ou se
substituer au...
Mme Cinq-Mars: ...au fait que chaque individu dans notre
société doit être responsable. Et ça, cette
idée-là, cette valeur-là, c'est par l'éducation
qu'on la transmet.
Mme Cardinal: Effectivement, on a actuellement besoin de laisser
cette plus grande liberté, cette prise en charge individuelle, au lieu
d'être toujours plutôt dépendant de l'État ou
d'autres organismes concernés. Alors, je vous remercie, madame.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Mme Cinq-Mars, M.
Boucher. M. Boucher doit se douter que ma première question va aller
vers lui, c'est inévitable, puisqu'il a abordé le
problè-
me du rapatriement. Il a dit... Bon, ce n'est peut-être pas
textuel, mais je retiens ceci de son intervention: Quoique le total de l'argent
pourrait être garanti dans un milieu universitaire, il est
préférable d'avoir deux portes. Est-ce que vous pourriez
m'expliquer plus à fond les avantages d'avoir deux portes?
M. Boucher: Le système universitaire fonctionne sur la
reconnaissance par les pairs et la stimulation, et encore une fois, la course,
si je peux dire de façon non péjorative, aux subventions. Il est
clair que pour les universitaires, être reconnus sur un forum ou un
conseil de recherche en sciences naturelles ou en génie
représente une étape différente de celle d'un forum
purement local. De même que ceux qui sont reconnus également dans
les forums internationaux sont à un autre niveau aussi. Ce sur quoi je
veux insister, pour faire le lien avec le débat qui a lieu ici,
ça n'est pas le plaisir de profiter de deux portes plutôt qu'une;
ça n'est pas d'avoir deux fois le montant d'argent qu'on pourrait avoir;
c'est tout simplement de faire face à une concurrence sur une plus
grande échelle. C'est comme nos entreprises. Dans ce sens-là, je
pense que ça a une valeur instructive. Maintenant, où est-ce
qu'on s'arrête? Ça, c'est une autre question.
M. Boulerice: Où est-ce qu'on s'arrête? Pourquoi pas
trois portes? Et par votre raisonnement, M. Boucher, vous êtes en train
de me dire que les universités françaises, les universités
britanniques, les universités allemandes - et on pourrait faire une
longue enumeration - sont très nettement défavorisées par
rapport aux universités québécoises qui, elles, ont deux
portes, alors qu'eux n'ont qu'une seule porte. Je pense qu'en Allemagne la
seule porte de financement est le gouvernement allemand, et le seul financement
pour la France et la Grande-Bretagne est le gouvernement français et le
gouvernement britannique.
Mme Cinq-Mars: Je pense que l'idée qu'on veut soumettre
ici, c'est qu'au processus de financement se raccorde un processus, donc,
d'évaluation. Ça, je pense que vous avez compris ça. On ne
dit pas : II ne faut pas un ou deux financements. Mais s'il y a un financement,
quel qu'il soit, il faudrait s'assurer qu'on puisse, du moins en s'appuyant sur
ce qui se vit dans les universités, bénéficier d'un
système d'évaluation qui nous permette de nous comparer et
d'être stimulés par cette comparaison avec des collègues
à l'échelle nationale et à l'échelle
internationale.
M. Boucher: C'est bien ça.
M. Boulerice: Vous êtes en train de me dire que votre
évaluation n'est valable que dans la mesure où vous êtes
évalués par vos collègues du Canada. Si vous
n'étiez évalués que par vos collègues du
Québec, l'évaluation serait moins pertinente.
Mme Cinq-Mars: On ne dit pas que c'est moins pertinent, ça
ajoute; ça n'enlève rien, ça ajoute et c'est même
stimulant.
M. Boulerice: Là, vous me dites que les universités
québécoises sont dans la meilleure situation au monde en ayant ce
système-là?
Mme Cinq-Mars: Disons qu'elles sont dans une situation qui permet
aux professeurs et aux chercheurs, en tout cas, de relever des défis.
Tout dépend des secteurs, bien sûr. On ne peut peut-être pas
comparer, je ne sais pas, moi, le secteur de la physique nucléaire avec
le secteur de l'architecture ou de l'architecture de paysage, pour parler du
mien, parce que je le connais bien, et on commence à le
développer au Québec. À l'Université de
Montréal... Il y a une seule école francophone dans toute
l'Amérique du Nord, et elle se trouve à l'Université de
Montréal, pour votre information. Alors, il est évident que,
quand, nous, on se fait évaluer, on est un peu piégés
parce qu'on n'a pas d'autres partenaires dans le réseau
québécois. Donc, on est obligés de comparer notre
production à celle des Canadiens, des Américains et des
Français. Mais c'est très stimulant. Disons que cette
avenue-là, ou cette possibilité-là, on souhaiterait
qu'elle soit maintenue. C'est aussi simple que ça. Donc, c'est à
l'occasion du financement qu'on en parle. Ça pourrait être autre
chose.
M. Boulerice: D'accord, mais vous dites que ce type de
financement vous permet de subir une évaluation de vos voisins. Mais
à ce moment-là... Les universités canadiennes n'ont qu'un
subven-tionnement, celui de l'État fédéral. Dans le cas
des autres provinces, c'est Ottawa, ce n'est pas la province.
M. Boucher: M. le député. M. Boulerice:
Oui.
M. Boucher: La question n'est pas de savoir si on a une porte ou
deux portes. Bien sûr, les Allemands ont une porte et les Français
en ont une. Ce n'est pas un avantage d'en avoir deux plutôt qu'une. Je
vous dis qu'il y a, dans un système d'évaluation qui nous vient
d'un financement à une plus grande échelle, une stimulation qui a
sa valeur et dont il ne faut pas négliger l'importance. On peut bien
décider, nous, comme collectivité, qu'on va se retirer. Je vous
dis qu'il y a un prix à payer à ce retrait. C'est la seule raison
pour laquelle on mentionnait cette dimension-là. Il y a un prix à
payer. Il y a des avantages et il y a des inconvénients.
M. Boulerice: Je dois vous avouer que j'aimerais bien poursuivre
le débat là-dessus, et sans aucun doute que mon collègue,
le député de Labelle, que vous connaissez bien, serait
intéressé d'y participer. On pourrait peut-être se donner
rendez-vous à l'université, de préférence. Ce
serait peut-être l'endroit idéal.
Cela dit, je passerai à une autre question. Vous dites à
la page 4: "Le rapport préconise un enseignement personnalisé -
pour les créateurs -et laisse sous-entendre que les universités
ne peuvent assurer un tel type d'encadrement. Cette affirmation provient
davantage d'une perception que des faits." Est-ce que vous pourriez
préciser ceci davantage?
Mme Cinq-Mars: Oui, ce qu'on a voulu dire par là, c'est
qu'il nous a semblé à la lecture du rapport que les
universités, comme je le disais tout à l'heure, ne sont pas, je
ne dirais pas valorisées, mais en tout cas ne sont pas suffisamment
considérées comme des partenaires dans l'élaboration de la
polititique. Peut-être qu'une des raisons pour cela... Bien, il y a
plusieurs raisons pour cela. Mais une des raisons, on l'a trouvée: On
affirme dans le rapport que les universités n'ont pas de façon
d'encadrer et de suivre la formation des créateurs parce que, bon, on a
des grands groupes-cours. Il y a une sorte de perception - de là le
terme "perception" - comme quoi les modèles d'enseignement à
l'université sont inappropriés pour la formation,
l'accompagnement pédagogique, je dirais, des créateurs.
Or, pour ce qui est de l'Université de Montréal, on forme
des gens dans le domaine du design, des concepteurs dans ce domaine-là,
on forme des gens en écriture, en création littéraire, on
forme des gens - on parlait de musique tout à l'heure - en histoire de
l'art, il y a des majeures en cinéma. Tous ces types d'enseignement et
de formation exigent des heures et des heures d'encadrement
personnalisé. Tout ce qu'on veut dire là-dedans - et c'est
probablement vrai à l'Université du Québec à
Montréal, enfin, dans d'autres universités - c'est qu'il est
possible de développer des programmes dans les universités - ils
existent déjà, il est possible d'en créer d'autres - des
programmes dont les objectifs sont de former des créateurs. C'est
simplement ça qu'on veut dire ici.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir, moi
aussi, comme mon collègue, sur l'aspect des deux portes. Comment, d'une
manière, dire que c'est stimulant, que vous pouvez relever des
défis, que le fait d'être évalué, ça vous
permet une meilleure vision, et qu'en même temps, constamment, le
gouvernement se retrouve devant des demandes des universités qui disent
être sous-financées? Est-ce que ce défi-là vraiment
et concrètement vous apporte les ressources financières
nécessaires?
M. Boucher: Écoutez, je pense que c'est deux
problèmes différents. Ce n'est pas ici que je vais dire que les
universités ne sont pas sous-financées. Mon recteur me
remercierait demain matin, j'imagine, si je disais une chose pareille. Je crois
effectivement qu'on a des problèmes de sous-financement. Je pense que
tout le monde le reconnaît. C'est une chose. L'autre chose est que nous
avons dans le système actuel deux portes, comme on l'a dit. Le FCAR a
joué un rôle capital dans le développement. Le forum
québécois, si je remets ça dans le cadre de la discussion
de ce soir, ajoute quelque chose de fondamental dans le développement de
la recherche, dans la compétitivité, et dans le démarrage,
dans certains cas, et dans le rattrapage des chercheurs, on pourrait dire des
artistes québécois.
Par ailleurs, le forum national qui a aussi d'autres perspectives, qui a
des ressources qui sont différentes, offre des avantages
différents. Ça ne comble pas les lacunes du sous-financement.
Ça permet bien sûr aux universitaires d'aller chercher de l'argent
qui leur appartient puisque nous sommes dans un système où les
taxations sont doubles. Par conséquent, il s'agit pour nous d'aller
concurrencer à un autre niveau. Et ce que je vous dis tout simplement,
que ce soit pour les artistes, que ce soit pour les médecins, que ce
soit pour les biologistes, que ce soit pour les juristes, c'est un exercice
extrêmement stimulant. (20 h 45)
D'abord, il y a un double niveau de participation. Premièrement,
on présente des projets de recherche à cet endroit-là et
on est jugés par des pairs à une échelle nationale.
Deuxièmement, on est invités également à participer
aux jurys et, à ce compte-là, on est exposés, là
aussi, de l'autre côté de la clôture, à l'ensemble
des idées. Pour l'avoir vécu à de multiples reprises et
pour avoir vécu également la même expérience au
FCAR, dans des jurys, comme président de groupe, etc., c'est un exercice
qui est fascinant. Et je vous dis que, si on choisit d'en abandonner un, il y a
un prix à payer, c'est tout. Maintenant, ça ne règle pas
le problème du sous-financement des universités. Ce sont deux
choses qui me semblent un peu différentes.
Mme Caron: Dans certains pays, il y a une seule porte, et on ne
souffre pas de sous-financement. Il n'y a peut-être pas de défi,
mais on ne souffre pas de sous-financement
Vous avez parlé d'être partenaires, donc partenaires,
évidemment, avec le gouvernement, le ministère des Affaires
culturelles, le ministère de l'Éducation, le ministère de
l'Enseignement
supérieur. Est-ce que vous voyez d'autres partenaires qui
pourraient se greffer?
Mme Cinq-Mars: Le rapport en identifie. Il identifie ce qu'il
appelle les milieux culturels. Alors, j'imagine que ça englobe plusieurs
types d'acteurs, donc, ça en fait partie. Il identifie les
municipalités... Enfin, je ne sais pas s'il faut que je reprenne la
nomenclature.
Mme Caron: Non. Votre rôle de partenaire à vous,
avec ces milieux-là, vous le voyez comment?
Mme Cinq-Mars: Avec ces milieux-là? Tout dépend de
la forme que pourrait prendre - comment dire? - le travail en concertation:
s'il s'agit d'une commission, s'il s'agit d'une table de concertation, s'il
s'agit d'un forum, je ne sais pas. Je le vois comme - je ne sais pas si je
saisis bien votre question - un échange, un échange
d'idées, une mise en commun, une recherche de solution autour de
certains problèmes en commun. Je ne suis pas sûre d'avoir saisi
votre question clairement. Peut-être que je réponds à
côté.
Mme Caron: Vous parlez de la nécessité de
redéfinir le mandat des Affaires culturelles. Bien concrètement,
vous souhaitez quels changements par rapport à la situation actuelle et
vous voyez votre rôle comment, à l'intérieur de ce nouveau
mandat des Affaires culturelles qui va être défini avec les
différents partenaires?
Mme Cinq-Mars: Un exemple très simple: La constitution, la
composition même de la commission aurait pu inclure des
représentants universitaires. Comprenez-vous?
Mme Caron: Oui. Mme Cinq-Mars: Bon.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être un mot de conclusion.
M. Boulerice: Oui. Écoutez, c'est toujours quand
même très intéressant d'avoir l'opinion d'universitaires,
sauf que je vais toujours relancer la balle à M. Boucher. Je suis ouvert
pour un débat là-dessus. Je voudrais bien qu'on vide la question.
Ha, ha, ha! C'est un défi que nous nous lançons et qui ajoute aux
vôtres et sans doute aux miens. Ceci dit, abandonnons le ton badin. Je
vous remercie beaucoup, Mme Cinq-Mars et M. Boucher, d'être venus
à la commission. Du choc des idées, effectivement, jaillit la
lumière.
Le Président (M. Doyon): C'est terminé, M. le
député de Mercier, mais je vous permets un seul mot.
M. Boulerice: Je m'excuse. Vous avez dit, madame...
Mme Cinq-Mars: J'ai dit: C'est ce que nous nous tuons à
dire à nos étudiants.
M. Boulerice: Oui. Ha, ha, ha! Avec succès?
Mme Cinq-Mars: Parfois.
M. Godin: Mme Cinq-Mars souligne qu'elle aurait souhaité
que quelqu'un du monde universitaire siège ici. Mais, madame, pour
siéger ici...
Mme Cinq-Mars: Pas ici, à la commission Arpin.
M. Godin: Arpin.
Mme Cinq-Mars: Non, parce qu'ici, je comprends qu'il y a tout un
mode d'élection. Je parlais de la commission Arpin.
M. Godin: Prenons-les un par un. Ici, il faut être
élu comme député pour siéger.
Mme Cinq-Mars: Je comprends tout à fait.
M. Boulerice: Mais un diplôme universitaire ne nuit pas,
pour être élu. Ha, ha, ha!
Mme Caron: Mais ce n'est pas nécessaire.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Cinq-Mars. Merci, M.
Boucher. Effectivement, il faut la participation du milieu de
l'éducation, en général, malgré que nous soyons
à une commission de la culture, donc, spécifiquement aussi pour
étudier la culture et les arts, d'une part. Deuxièmement, il faut
aussi se rappeler que M. Arpin était sous-ministre à
l'Éducation. Il a participé énormément à
l'élaboration de tout le système d'éducation que l'on
connaît actuellement. Alors, il avait une expertise. Et c'est toujours en
fonction aussi de la commission parlementaire, pour ensuite prendre l'ensemble
des idées et les mettre sur une table de travail pour livrer une
politique. Alors, vous allez être partie prenante, c'est sûr. Et je
me fie aussi sur vous, je me fie aussi sur les universités et le
système d'éducation pour en faire la promotion à
l'intérieur même du réseau, parce qu'on s'aperçoit
aussi qu'il y a des lacunes graves à ce niveau-là quant à
toute la dimension culturelle.
M. Boucher: Est-ce qu'il est trop tard pour dire un petit mot, M.
le Président?
Le Président (M. Doyon): Oui, allez, en
terminant, rapidement.
M. Boucher: En terminant, rapidement, l'impression - mais c'est
vraiment seulement une impression sans doute et j'espère que j'ai tort -
est que, d'une part, nous, comme université, nous sommes une entreprise
culturelle importante dans une société comme le Québec et
que, par ailleurs, le ministère des Affaires culturelles ne
considère pas les universités comme faisant partie de son monde.
Je comprends qu'il y a un autre ministère qui en est le titulaire et je
ne veux pas entrer dans ces querelles-là, mais il reste quand même
que la culture, puisque c'est de ça dont il s'agit ce soir, est quelque
chose qui dépasse de beaucoup les limites étroites du monde des
artistes. Nous en faisons partie et on aurait souhaité, dans certains
cas, être un peu plus impliqués et ne pas se sentir en marge,
comme des gens qui viennent ajouter un petit son de cloche ou un peu de
crème sur le gâteau.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boucher. Alors, il me
reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier et à
vous souhaiter un bon retour. Votre apport à nos débats est
sûrement très apprécié. Merci beaucoup.
Il est maintenant l'heure de recevoir le Réseau des diffuseurs de
spectacles Laurentides-Lanaudière-Montérégie, me dit-on.
Je les invite à s'avancer, à prendre la place qui leur est
réservée en avant.
Bienvenue. Vous êtes ici depuis tout à l'heure. Alors, vous
savez comment on procède. Vous vous présentez et vous disposez
d'une quinzaine de minutes pour nous expliquer ce que vous avez à nous
proposer, quel est le genre de débat que vous voulez engager avec les
membres de la commission et, après ça, on prend le temps qui
reste pour discuter avec vous. Vous avez la parole.
Réseau des diffuseurs de spectacles
Laurentides-Lanaudière-Montérégie
M. Goulet (Claude): D'accord. M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs. Les personnes qui m'accompagnent: Mme
Christine Bellefleur, présidente du Réseau des diffuseurs, de la
ville de Mont-Laurier; M. Jean-Pierre Leduc, de Valspec. Mme Diane Perreault,
du cégep de Saint-Jérôme, était censée
être des nôtres, mais elle a eu une contrainte de dernière
minute.
Tout d'abord, avant de céder la parole à mes
confrères, je vais faire une courte description du Réseau et de
ce qui nous a amenés à déposer un mémoire dans le
cadre de la commission parlementaire. D'abord, juste pour situer les gens, le
Réseau des diffuseurs de spectacles
Laurentides-Lanaudière-Montérégie regroupe 15 salles de
spectacles majeures et intermédiaires qui ont un gabarit de 500 à
1000 sièges dans les régions, comme je le disais tantôt, de
la Monté-régie, des Laurentides et de Lanaudière. On fait
de 700 à 800 représentations-année dans des salles de
spectacles professionnelles, et ça, de septembre à mai. Ce qui
veut dire que ça exclut tout le théâtre
d'été. Le bassin de population dans lequel on retrouve nos
membres comprend à peu près le tiers du Québec,
c'est-à-dire dans les régions mentionnées. C'est assez
important comme bassin de population.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais aussi faire une espèce de
correction. Dans notre mémoire, à la page 6... Ce n'est pas une
correction, plutôt une mise en garde. C'est-à-dire que dans les
chiffres qu'on retrouve à la page 6, on n'a pas tenu compte, bien
entendu, comme il est mentionné, des chiffres de la
Montérégie parce qu'ils ont été inclus dans le
Réseau seulement à partir du 27 septembre. Aussi, on a omis
volontairement de mettre, si on veut, les ventes de billets au niveau du
théâtre jeune public, qui représentaient 41 000 $
l'année dernière et 61 000 $... C'est important parce que
ça vient changer drôlement les chiffres.
Pourquoi on a présenté le mémoire à la
commission, c'est qu'on était très inquiets de toute
l'espèce d'esprit de centralisation qu'on retrouvait dans le rapport
Arpin. Quant aux pouvoirs qu'on accordait dans ce rapport-là au
ministère des Affaires culturelles, on dit: Oui, mais, de grâce,
pas encore une superstructure, on n'a pas envie de vivre avec ça. Tout
est orienté en fonction des organismes nationaux. On semble oublier
complètement les régions. De plus, tout est orienté en
fonction de Montréal et de Québec. On oublie la tendance
réelle du développement des régions en
périphérie de Montréal. Enfin, on parle d'éliminer
le saupoudrage. Nous sommes tous pour la vertu, mais qui va définir le
saupoudrage? Les lobbies? Une superstructure établie à
Montréal? Sommes-nous le saupoudrage, le Réseau?
Finalement, l'organigramme qu'on présente dans le document,
à la page 9, est un cadre de référence. Il vous dit
où on intervient dans le maillon de la chaîne de diffusion au
Québec et il démontre un peu le rôle qu'on joue. On est
très indépendants de l'offre. Si on veut, on est le
dépanneur du coin. On reçoit le produit. On n'a aucun
contrôle sur l'offre qui nous est proposée et c'est nous,
pourtant, qui avons le lien direct avec le consommateur, l'acheteur de billets.
On a un intérêt très spécifique à mieux
connaître la demande, parce qu'on fait face à plein de produits
concurrentiels.
Donc, en résumé, c'est un peu le cadre de
référence sur lequel on s'est appuyés pour faire le
Réseau. Je cède la parole à Mme Bellefleur qui va vous
expliquer, qui va vous parler des propositions 1 à 3. Moi, je vais
revenir pour la proposition 4, et M. Leduc va conclure avec les propositions 5
et 6.
Le Président (M. Doyon): Mme Bellefleur.
Mme Bellefleur (Christine): Oui. Donc, comme M. Goulet l'a
exprimé, notre première démarche a été de
réagir sur l'hypothèse de centraliser dans de grandes
institutions. Comme réseaux régionaux, on a aussi
été inquiets de la réponse de l'Union des
municipalités à qui on demandait sur quoi elle sacrifierait, le
cas échéant, et qui a répondu sans hésitation: Sur
les loisirs et sur la culture, dont nous faisons aussi partie, et
évidemment, des incidences d'une économie qui est très
fragile et dont on ne voit pas le moment où elle va reprendre son
élan. Donc, l'exercice de consolider les partenaires devient de plus en
plus important et nous nous considérons, nous, comme réseaux,
comme un partenaire. Parce que pour être partenaire, il ne s'agit pas
nécessairement d'injecter de l'argent neuf, mais d'activer des dossiers
et, ça, les réseaux régionaux le font. Nous sommes des
quatre-roues, nous sommes des gens de tout-terrain et nous exerçons ce
travail-là quotidiennement, avec ou sans politique nationale sur le
développement de la culture parce que, constamment, on doit
répondre à la demande qui nous provient de façon
très directe du consommateur de spectacles.
Donc, il est nécessaire, avec les heures qu'on vit maintenant au
Québec, d'être cohérent dans la poursuite de nos objectifs
et qu'ils soient communs. C'est important d'être complémentaire et
de bien s'entendre sur le rôle que chacun devra jouer, mais il va aussi
falloir faire des choix. En région, on ne peut pas être des
organismes de diffusion spécialisée. On ne peut pas se concentrer
dans un champ d'action donné. On doit être capable d'offrir un
programme spécialisé dans toutes les disciplines. On doit offrir
au public ce qu'il aime, mais on doit aussi lui faire aimer ce que le
marché offre. L'offre, elle est bien connue. On a réussi, avec
des organismes nationaux, à répertorier quand même assez
bien ce qui s'offre comme produits artistiques. Les coûts aussi peuvent
être assez bien déterminés, mais il faut former la demande.
On parlait d'éducation avant nous. Ce n'est pas parce que les jeunes ou
les adultes vont être des spécialistes dans la musique ou vont
être formés à une forme d'art qu'on forme
nécessairement des spectateurs, et le rôle de l'éducation
est aussi de former des spectateurs, ce que nous faisons.
Donc, il vaut mieux comprendre la demande pour être plus
rationnel, évidemment, par les années où l'argent est plus
rare, mais il faut aussi - et c'est là toute la difficulté qu'on
rencontre - ne pas sacrifier des formes d'art pour des raisons strictement
économiques. Donc, ce qu'on demande, nous, comme réseaux
régionaux, c'est d'être capable d'étudier le marché,
de se donner des outils et que le ministère, dans cette démarche
que nous lui proposons, nous garantisse des sommes d'argent et des outils qui
vont nous permettre, par exemple, d'exécuter, comme l'année
dernière, une étude de marché pour la région
Laurentides-Lanaudière, qui nous a permis d'identifier les forces et les
faiblesses de notre marché. À titre d'exemple, le diffuseur de
Sainte-Thérèse a pu, suite à ça, exercer une
activité de groupe de discussion auprès des consommateurs, ce qui
lui a permis de diriger sa programmation vers du théâtre et lui a
nettement donné raison de s'être orienté selon les groupes
de discussion. (21 heures)
Donc, ça, c'est des faits, et ça se traduit par une
économie d'argent, parce qu'on augmente nos assistances. Alors, toute la
proposition que vous retrouvez, qui dit que nous recommandons au
ministère de favoriser l'acquisition de nouveaux outils, c'est
strictement par un souci de rationalisation dans notre démarche, pour
que l'on cesse de donner et d'investir dans des secteurs inutilement, mais
qu'on soit capables de mesurer aussi ce que cela nous rapporte à long
terme. Il faut être capable d'avoir le souffle de faire des choses
à long terme, ce qui nous manque souvent dans la diffusion. On est
confrontés quotidiennement à l'obligation de renégocier
des ententes avec le ministère, et l'es-souflement qui est
conséquent à ça fait en sorte qu'on va peut-être
moins aller courtiser d'autres partenaires financiers dans nos milieux, parce
que, s'il faut d'abord convaincre le ministère, vous comprendrez que
c'est de l'énergie qu'on n'a pas pour convaincre d'autres
partenaires.
Ensuite, l'autre recommandation que nous faisons, à l'effet de
créer un fonds régional de promotion pour les spectacles dits
à risque, alors ceci vient aussi rejoindre... Une des failles dans
l'organisation de la circulation des spectacles au Québec, c'est que,
souvent, les spectacles sont lancés à Montréal, ou il y a
organisation d'événements artistiques à Montréal et
on ne prévoit à peu près pas de mécanismes de
retombées en région. Alors, quand, nous, on achète, sur
l'élan de la promotion montréalaise, un spectacle, on devient
finalement comme le dernier client du producteur et nous devons ensuite
assumer, avec peut-être une cinquantaine d'affiches, toute la mise en
marché du produit dans nos régions. Il manque de soutien
financier à cet égard-là; il manque de prolongement de
coordination dans ces efforts-là. Évidemment, ce n'est pas parce
qu'un artiste va passer quelques minutes à "Ad Lib" que cela va remplir
nos salles. Alors, on a besoin d'un support qui est plus important que
ça.
Enfin, pour ce qui est dans la même lignée, nous
recommandons de pouvoir avoir accès, avec les producteurs, aux
programmes du ministère sur les industries culturelles, de façon
à pouvoir coordonner dès le départ la mise en
marché d'un produit artistique. Parce que, comme nous le citions
précédemment, nous sommes quand même
sur le terrain et nous devons combiner le besoin du spectateur avec le
produit qui est offert et qui, souvent, ne va pas nécessairement
répondre aux besoins du spectateur. La création est
indisciplinée, et c'est une expression qui est à la base de
l'expression d'un individu, mais qui doit aussi rencontrer celle de sa
collectivité pour pouvoir connaître son cheminement. II est
important, quand même, que l'on puisse, nous, comme diffuseurs,
participer à la mise en forme d'une tournée qui est
subventionnée par le ministère, mais qui prend souvent fin au
Spectrum. Alors, voilà!
M. Goulet: Concernant les recommandations 3 et 4, tout est
orienté, bien entendu, en fonction de la demande. Comment veut-on
développer la demande ou intéresser le consommateur quand on fait
le tour... On n'a qu'à faire le tour des salles de spectacles en
région et, je vous le dis, le mot "brailler" est même
désuet, est même petit, à regarder les équipements.
Si on veut intéresser, si on a à se positionner dans le
marché des arts d'interprétation, il faut qu'on ait les
équipements techniques. Le ministère a identifié
très simplement des programmes par lesquels il intervient
financièrement au niveau de la diffusion des partenaires dans les
régions. Si ces partenaires-là ont une entente et que ça
va bien avec le ministère, le ministère devrait au moins donner
la chance à ces diffuseurs-là d'avoir les outils, les
équipements techniques pour enfin pouvoir se développer,
s'ajuster et travailler la demande. Parce que, effectivement, quand on paie 23
$, 24 $ ou 25 $ pour un billet de spectacle, qu'on arrive et que le banc n'est
plus là, c'est un peu catastrophique.
Donc, c'est intéressant de vérifier ça et aussi de
regarder... On parle toujours, en termes d'équipement, de
mégasalles, c'est-à-dire des salles de 1200 et 1500
sièges; ça fait simplement plaisir au producteur, et on n'a pas
nécessairement besoin de ça, au Québec, de construire des
mégasalles de cet ordre-là. On devrait s'orienter vers des salles
d'un gabarit de 1000 et moins, et ça, ça répondrait
suffisamment à la demande. Ça, je pense que ça devrait
aussi être une priorité au niveau du ministère.
Et aussi, au niveau de la quatrième proposition, au niveau des
festivals - ça fait aussi un lien avec ce que Mme Bellefleur disait
tantôt -on voit souvent des festivals à Montréal. On parle
des FrancoFolies, qui auront lieu dans peut-être deux semaines, trois
semaines, du Festival de nouvelle danse, du Festival de théâtre
des Amériques. Il n'y a aucune connexion qui se fait avec le
marché en périphérie de Montréal. On a des artistes
qui viennent, des fois, d'un peu partout dans le monde. Simplement, ce n'est
pas pour rien que ces événements-là sont
créés à Montréal, c'est parce que ces
festivals-là cherchent un cadre événementiel, sinon il n'y
a personne qui assiste aux spec- tacles. Donc, si on peut travailler avec des
réseaux régionaux - et on a un outil avec les diffuseurs - pour
qu'on puisse enfin en présenter, de la danse, enfin en présenter,
du théâtre, qui finit souvent à La Licorne ou à Fred
Barry, qui ne va pas en région. Il y a des pièces, souvent, qui
sont excellentes.
Aussi, bien entendu, on a une certaine crainte. C'est-à-dire que
le ministère, aussi, intervient financièrement avec ce qu'on
appelle de l'incohérence, des fois, au niveau de l'aide
financière. Au niveau de certains festivals en région, souvent,
ça devient ce que j'appelle du "dumping" culturel. C'est-à-dire
que le festival en région, comme il est écrit dans le
mémoire, va vendre un artiste ou trois artistes à 9,99 $. Nous,
la journée qu'on essaie de le développer en salle, on est
obligés de le vendre 24 $, 25 $, le prix réel du marché.
Comment veut-on intéresser le public à long terme et expliquer au
public que, nous, on est obligés de vendre un billet 24 $ ou 25 $, quand
le festival du coin l'a vendu 9 $? Et là, je ne dis pas au
ministère de venir, si on veut, mettre la main dans l'ensemble des
festivals, mais au moins dans les festivals dans lesquels il intervient. Je
pense au cas bien précis d'un événement qui s'est
passé cet été à Lanau-dière. Quand il y a
des équipements qui servent comme ça, ça vient tuer tout
le marché qu'on essaie de développer en salle depuis 19 ans.
Donc, je cède la parole maintenant à M. Jean-Pierre Leduc.
M. Leduc (Jean-Pierre): II m'est imparti, mesdames et messieurs,
de vous présenter les deux dernières recommandations de notre
mémoire. Je voudrais simplement me situer personnellement, parce que
j'ai l'intention de me prendre en exemple. Valspec est un organisme de
diffusion de spectacles qui existe depuis 1977. Donc, on va fêter notre
quinzième anniversaire et je peux témoigner, moi, qu'au cours des
quinze dernières années, au Québec, un des
phénomènes culturels les plus extraordinaires, ça s'est
passé au niveau de la diffusion de spectacles, de l'essor de nombreuses
salles de spectacles qui n'existaient pas, de la création d'organismes
de diffusion. Une effervescence absolument exceptionnelle de toute cette
dynamique de la diffusion de spectacles en région. Et nous sommes
maintenant face, je crois, à un point tournant dans ce
développement-là, oui, où il sied bien au ministère
de réfléchir sur son orientation de politique
générale. Je pense qu'il faudra que le ministère fasse une
large réflexion sur l'appui et la contribution qu'il entend faire pour
soutenir, maintenir, je dirais, le développement de ces salles de
spectacles.
J'ai dit que j'allais me donner en exemple. À Valspec, quand nous
avons commencé en 1977, nous avions un budget de 8000 $ et nous avons
réalisé sept activités. L'an dernier, nous avons
réalisé 114 activités de spectacles avec un budget
de 760 000 $. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. À
travers le Québec, il y a plein d'organismes du genre qui ont connu un
essor exceptionnel, lié au fait qu'il y a un engouement qui se
développe de plus en plus dans la population. Les gens ont de plus en
plus le goût de voir des spectacles, il y a des habitudes de vie qui sont
en train de changer. Les gens sont moins orientés vers les arenas et
vers les spectacles sportifs et, de plus en plus, la qualité de vie est
reliée à la possibilité d'avoir, dans son milieu,
accès à une bibliothèque, à un musée,
à une salle de spectacles. Et cette dynamique-là, elle est
là pour rester. J'ai même ouï-dire que ça faisait
maintenant partie de certains critères pour certaines entreprises, pour
s'installer ou ne pas s'installer dans un milieu, de savoir s'il y avait, oui
ou non, bibliothèques, salles de spectacles, etc.
Un autre phénomène - et là, ça
m'amène à la recommandation qui est là - c'est le
regroupement de ces diffuseurs-là en réseaux régionaux. Je
dois vous avouer qu'il y a 10 ans je n'envisageais même pas que Valspec
puisse faire partie d'un réseau régional monterégien. Je
n'envisageais même pas la Montérégie à cette
époque, c'est vous dire. On a appris à vivre avec la
Montérégie. Mme Cardinal, ici présente, a assisté,
elle aussi, à toute cette identification du milieu à une
région montérégienne. Et, pourquoi, aujourd'hui, la
Montérégie va-t-elle se coller avec Lanaudière et
Laurentides? Faites le petit exercice suivant: Prenez un compas, mettez le pic
du compas sur l'île de Montréal, en plein centre, et tracez un
cercle; vous allez retrouver 14 de nos 15 membres, le quinzième
étant, madame, Mont-Laurier, qui est un peu un cas d'espèce.
Mont-Laurier a décidé un jour de se raccrocher à la
région des Laurentides, de, finalement, basculer du côté
métropole montréalaise et, par conséquent, Mont-Laurier
fait partie de notre réseau. Mais, nous avons plein de choses en commun.
À proximité de Montréal, j'ai, dans ma salle à
Valleyfield, le même genre de problèmes que Marcel Laporte a dans
sa salle à Joliette. Donc, ce réseau-là s'est
développé - et je tiens à le dire et à l'affirmer -
sur la volonté du milieu. Les diffuseurs de la Montérégie,
tous et unanimement, ont décidé qu'il était de leur
intérêt de se regrouper avec Laurentides-Lanau-dière et que
ça deviendrait un outil de développement qui nous permettrait
à tous d'aller plus loin.
Je crois que, si c'est vrai pour les diffuseurs de
Laurentides-Lanaudière-Montérégie, c'est vrai pour ceux de
la Côte-Nord, de la Gaspésie, de l'Abitibi-Témiscamingue.
Donc, ce phénomène des réseaux régionaux doit
être pris en compte par le ministère comme étant
l'aboutissement d'une volonté du milieu. Je crois que le
ministère doit entrevoir très sérieusement de
déterminer les cadres d'un "partnership" avec ces
réseaux-là, et on va aller très loin.
Peut-être, tantôt, aurons-nous l'occasion de répondre
à une question concernant le réseau national et la
compétition qu'il pourrait y avoir entre le réseau national et
les réseaux régionaux. Je me ferai un plaisir de répondre
si quelqu'un me pose la question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leduc: II y a un autre point de notre mémoire qui est
très important, qui ressuscite d'une certaine manière le fonds
d'appariement. Je ne sais pas s'il y a des gens qui sont au ministère
depuis assez longtemps... Parce que, dans ce ministère des Affaires
culturelles, les gens, malheureusement, changent trop vite, les ministres en
particulier, pour nous permettre de véritablement avoir prise et
développer quelque chose avec ce ministère. Il y avait un fonds
d'appariement et la ministre de l'époque nous avait dit: Chaque fois
qu'un organisme culturel ira chercher un dollar dans le milieu, je donnerai un
dollar. C'était à peu près ça. Pardon?
M. Boulerice: C'est Clément Richard qui a fait
ça.
M. Leduc: Clément Richard, bon, en tout cas.
M. Boulerice: Mme Bacon l'a modifié.
M. Leduc: Elle a simplement continué le processus.
Toujours est-il que cette histoire n'a pas marché parce que la gageure
que le milieu n'avait pas le dynamisme pour aller chercher l'argent a
été perdue par le ministère. Nous avons le dynamisme pour
aller chercher de l'argent dans le milieu. Nous l'avons prouvé.
L'absence du fonds d'appariement est la preuve que nous avons ce dynamisme.
Maintenant, je pense qu'il faut prendre un autre chemin, et notre
proposition, c'est d'aller, par des mesures fiscales, faire en sorte que les
entreprises et les organismes de nos milieux que nous allons solliciter
puissent mettre de l'argent dans nos industries culturelles en
bénéficiant de mesures fiscales. Et, de cette façon, ce
sera indirectement un fonds d'appariement, mais où le ministère
n'aura pas la douloureuse tâche d'encaisser les impôts et de nous
les redonner. On va prendre nos impôts nous-mêmes en allant offrir
à des entreprises des mesures fiscales, des allégements fiscaux,
parce qu'elles contribuent à soutenir un fonds régional de
développement au niveau des organismes de diffusion et des organismes
culturels en général.
Le Président (M. Doyon): Bon, on va permettre à la
ministre ou à quelqu'un d'autre de vous poser des questions, autrement,
il ne restera plus de temps. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, ça me fait plaisir de vous
entendre. De toute façon on s'était rencontrés quand j'ai
fait ma tournée. Je vais laisser la parole à mon collègue
de votre région. Mais, avant, on a beaucoup parlé de la baisse de
fréquentation au niveau du réseau des salles. Bon, effectivement,
il y a la crise économique, il y a eu l'ajout aussi de la TPS qui n'a
pas aidé. Mais, il y a quelqu'un qui s'occupe justement de salles, en
fait, qui est promoteur, et qui me disait la semaine dernière qu'on
parle très peu de la qualité. Dans un sens où on nous dit:
Oui, c'est ça, c'est à cause de la condition économique et
tout ça, mais la qualité? Sur la qualité des spectacles
qui sont offerts maintenant, cette personne-là, qui est très bien
connue, disait que, en fait, on a un souci moins grand, c'est-à-dire
qu'on a un artiste, on se dépêche à le pousser. Bon,
l'artiste a fait une ou deux chansons et, tout de suite, il doit s'en aller
faire une tournée de spectacles, ce qui fait en sorte que la
qualité baisse. Évidemment, le public n'est pas dupe et le public
n'y va plus. Compte tenu aussi du choix que l'on offre maintenant, une
qualité de son - là, je vais parler plutôt des arts
d'interprétation, mettons - le disque laser, etc., tout le choix qui
s'offre - autant au niveau du cinéma -tout entre en ligne de compte,
maintenant. Est-ce que vous avez vu ça, vous autres? Est-ce que vous
percevez ça de façon peut-être aussi... Ou est-ce que vous
êtes aussi critiques?
M. Goulet: Je pourrais débuter en disant: Vous savez,
c'est que, si on travaille... En ce moment, l'ensemble de l'industrie fait en
sorte qu'on travaille à court terme. C'est-à-dire, comme vous le
dites, aussitôt qu'un produit est là et qu'un artiste a fait deux,
trois chansons, on le lance sur le marché. On ne travaille pas pour
demain. Et c'est pour ça que, quand on parle d'avoir accès
à des programmes d'aide à la production, c'est essentiel. Ce
n'est pas parce qu'un artiste a fait deux, trois spectacles à
Montréal... Et on peut parler d'artistes connus, des fois, dans bien des
cas. Et là, la journée où ils arrivent en région,
il n'y a pas de support, rien. C'est vraiment lancé et là, on a
peu de promotion, il n'y a rien de fait pour développer l'artiste. Et la
journée où il n'y a pas d'artistes connus qui sont disponibles et
qu'on essaye de présenter un artiste qu'on peut qualifier de la
relève mais qui ne l'est pas vraiment... Je pense à des artistes
comme Laurence Jalbert, et même Jim Corcoran, à la limite, parce
que Jim Corcoran, ça a été catastrophique, la
dernière tournée qu'il a faite au Québec.
C'est-à-dire que ces artistes... On n'a pas eu de tournée avant.
On n'a pas amené le public à se déplacer en salle. On n'a
rien travaillé pour développer le goût du public à
ça. Et c'est ça aussi. Il faut travailler à long
terme.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce n'est pas la faute,
à ce moment-là... Si on regarde la responsabilité, nous
autres, on développe toute la chaîne, on développe la
chaîne au niveau de la relève et tout ça. C'est une action
gouvernementale. Mais, n'est-ce pas aussi un peu la responsabilité du
producteur, par exemple, qui veut lancer, ou enfin qui veut faire de l'argent
tout de suite, et celle de l'agent, même, de l'artiste, qui va le
pousser, tout simplement, et l'exploiter trop vite au lieu, justement, de lui
donner le temps de maturer, comme on le faisait peut-être avant, quand il
y avait moins d'opportunités, donc que les gens avaient le temps,
peut-être, de mûrir un peu plus longtemps?
Mme Bellefleur: Moi, je trouve qu'il y a comme deux questions
dans votre question. En fait, il y a comme deux discussions qui pourraient se
faire. Parce que, d'une part, c'est vrai, le départ
précipité en tournée, parfois, de certains artistes, mais
je ne pense pas que ce soit une question - quand vous parlez de qualité
de spectacle - qui fait qu'il y ait eu une diminution des spectateurs. Parce
que, moi, je suis plutôt très fière, règle
générale, de ce qui circule dans nos salles. Je trouve que les
artistes au Québec ont quand même un assez grand respect de leur
public pour se présenter en salle. On ne parlera pas des exceptions,
là, mais je pense que, globalement, ce n'est pas la qualité des
spectacles qui fait que les assistances ont peut-être diminué. On
parlait de chiffres. Bon, il y a 10 ans, quand on vendait la compagnie Jean
Duceppe en tournée, les billets étaient à 6, 50 $ et
là, c'était très cher parce qu'on était
passé de 4, 50 $ à 6, 50 $. Je ne peux pas vous dire, il y a 10
ans, le salaire moyen, de combien il était, mais aujourd'hui, pour
produire la compagnie Jean Duceppe à Mont-Laurier, il faudrait compter
32 $ avec les taxes. Donc, c'est une sortie de 64 $ parce que, c'est connu,
c'est un fait de couples, souvent. Ça aussi, ça fait que les gens
sont plus sélectifs, mais pas nécessairement parce que le produit
théâtral est moins bon qu'avant. Tandis que l'espèce de
parachutage qu'on fait des artistes en tournée, ça répond,
ça, je pense, à une habitude de consommation de fast-food des
Québécois, un peu du genre: C'est annoncé, on le veut tout
de suite. Puis il y a aussi l'état star system qui entre en ligne de
compte. Quand on veut voir un artiste à tout prix... (21 h 15)
M. Leduc: Pour répondre aussi à votre question
concernant la qualité, il faut séparer les disciplines. Il tourne
beaucoup de théâtre actuellement au Québec. Dans notre
salle, nous allons présenter 11 pièces cette année, et je
dois vous dire qu'au cours des 15 dernières années, j'ai
assisté, quant à moi, à une amélioration de la
qualité. Les présentations théâtrales sont d'une
qualité de plus en plus grande, parce que c'est le secteur du
marché, selon moi, au niveau tournée, qui est le mieux
organisé, et c'est le secteur du
marché où les relations producteurs-diffuseurs sont les
plus harmonieuses. Là où il y a eu aussi une notable
amélioration de qualité, notamment dans une salle comme la
nôtre, c'est qu'on a, grâce à une subvention du
ministère, de l'OPDQ et de la ville, pu améliorer nos
équipements techniques. Notre salle a été
rénovée pour 1 200 000 $, et la qualité de
présentation des spectacles s'en est trouvée immédiatement
quintuplée.
Je pense que ça, c'est toute une démarche que le
ministère a entreprise. Le ministère doit absolument
compléter cette amélioration des équipements de
présentation de spectacles à travers le Québec. Une chose
qu'il faudrait aussi liquider, je pense, qui est un petit peu dangereuse dans
le rapport Arpin, c'est cette espèce de théorie selon laquelle le
monde devrait aller voir des spectacles à Montréal et à
Québec. Les gens de Valleyfield, par exemple, qui sont à 45
minutes ou une heure de route, pourquoi ne vont-ils pas à
Montréal? Ils ne vont pas à Montréal parce qu'ils n'y vont
pas. Ils n'iront pas plus si on décide qu'ils doivent y aller.
Il y a une étude de Cultur'inc qui vient d'établir qu'en
Montérégie, le pourcentage de fuite des amateurs de spectacles
vers Montréal est de l'ordre de 6 %. Donc, 94 % des gens qui voient des
spectacles en Montérégie les voient dans leur milieu. Avec toute
cette organisation plus ou moins cahotique, très inégale, les
gens préfèrent quand même voir des spectacles au coin de la
rue. Et je sais, moi, dans ma ville, où je travaille depuis 15 ans, que
j'ai des spectateurs... Nous avons 744 abonnés au théâtre,
et je peux prétendre qu'il y a 25 % ou 30 % de ces gens-là qui
n'ont jamais vu de théâtre ailleurs que dans notre salle et qui,
si demain nous arrêtons d'en produire, n'iront pas en voir ailleurs parce
que c'est comme ça qu'ils ont appris à apprécier le
théâtre et à apprécier les spectacles.
L'autre problème de qualité, c'est au niveau des
variétés. Et là...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, parce que je dois
donner la parole au représentant de l'Opposition.
M. Leduc: Ce n'est pas que les spectacles qui sont de mauvaise
qualité, c'est la structure et l'organisation de mise en marché
de tout le produit, depuis sa création jusqu'à son arrivée
dans notre salle. Et ça, c'est un vaste problème au niveau des
variétés, sur lequel le ministère devrait aussi se pencher
et voir quel pourrait être son rôle pour améliorer
ça.
Le Président (M. Doyon): Bien. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Brièvement, M. le Président. Bon. On
s'est aperçu que vous aviez grossi, parce que c'était
Laurentides-Lanaudière, et là, on voit que...
M. Goulet: Le titre du mémoire porte les trois
régions, M. Boulerice.
M. Boulerice: Je le sais bien, mais quand on vous a
annoncés, c'était Laurentides-Lanaudière; on a
été heureux de voir que Montérégie était
avec vous. Ce n'est pas un reproche que je vous fais.
M. Goulet: Ah non, non. M. Boulerice: Voilà!
M. Goulet: On était malheureux, nous, de voir que ce
n'était pas inscrit.
M. Boulerice: M. Leduc, j'espère que vous avez compris,
tantôt, quand j'ai dit "encore vous". C'est que, malheureusement, je vous
ai confondu avec quelqu'un qui a une étonnante ressemblance et qui est
venu deux fois.
M. Leduc: Heureux homme! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Heureux homme! Alors, j'ai dit spontanément:
Encore vous!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Mais votre discours est tellement passionnant qu'on
pourrait peut-être s'arranger pour que vous reveniez. Écoutez,
très brièvement, parce que ma collègue, la
députée de Terrebonne, Mme Caron, veut vous poser des questions.
Dans votre mémoire, justement, vous y êtes revenu, vous avez
parlé de la mise en commun des ressources, des diffuseurs, et de la
nécessité de le faire. Quels bénéfices comme tels
avez-vous tirés du regroupement en ce qui regarde le
développement de marchés à long terme?
Mme Bellefleur: Un des programmes sur lesquels on travaille
depuis deux ans, parce que... Malheureusement, je ne sais pas ce que vous
considérez comme du long terme. Nous autres aussi on aimerait ça
travailler à long terme avec le ministère, sauf qu'à
toutes les années il faut redemander nos programmes. Mais il y a un
programme en particulier dont on est très fiers, qui se destine au
développement du marché pour le théâtre jeune
public, qu'on a structuré quand même assez rapidement, avec deux
années de fonctionnement, et qui est très efficace. On
mentionnait déjà à Mme la ministre, lors d'une rencontre,
que l'argent injecté dans le programme l'Aventure T...
représentait finalement une contribution de 0, 33 $ par enfant, parce
qu'on
avait, la première année, 41 000 abonnements d'enfants, et
on s'est adressés directement au milieu scolaire. L'objectif est de
permettre à des enfants, dès leur jeune âge, d'assister
à des représentations de théâtre professionnel dans
des lieux professionnels et non pas dans les gymnases de leurs écoles
primaires. Donc, on a reçu un bon accueil de la part du milieu scolaire,
même si cela signifiait pour eux de sortir de leurs écoles, de
prendre l'autobus, et tout l'exercice que cela constitue. Cet
investissement-là, de 0, 33 $, comparativement à des institutions
qui ont à peu près le même mandat qu'on s'est donné,
de développer le marché jeune public... Vous pourrez
vérifier, ces institutions, à Montréal, utilisent presque
3 $ par enfant pour venir à bout de financer cette
opération-là. Donc, on pense qu'on a été assez
efficaces et, la deuxième année, nous le serons parce qu'on a
maintenant atteint - Claude, combien d'abonnements?
M. Goulet: 61 000.
Mme Bellefleur: 61 000 abonnements au théâtre, chez
de jeunes enfants. Nous, ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir - quand on parlait
de souffle assez long - soutenir ce programme-là dans les milieux
scolaires. Évidemment, c'est une clientèle qui est captive, donc
qu'on oblige, finalement, à venir assister aux spectacles. Quand on
parlait tantôt de formation du spectateur, c'est un peu
l'opération qu'on veut faire. Mais pour pouvoir constater des
retombées de ça, il faudrait être capable d'attendre que
cette cuvée-là, de jeunes enfants qui auront profité du
programme, arrive à l'âge adulte pour pouvoir mesurer l'impact.
Maintenant, on ne considère pas que c'est un investissement
énorme parce que, là, on parle d'à peu près 30 000
$ pour rejoindre 71 000 abonnés. Il y a un lien qui peut se créer
comme ça et qui, en même temps, rejoint l'objectif de
développement de marchés. Le milieu scolaire, c'est un partenaire
privilégié.
Le Président (M. Doyon): J'ai négligé tout
à l'heure de demander le consentement de cette commission pour permettre
à Mme la députée de Terrebonne d'intervenir, elle qui
n'est pas membre de la commission.
M. Gobé: Le député de Prévost
voudrait le consentement pour, lui aussi, poser une question.
Le Président (M. Doyon): Ah! On verra. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Gobé: M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, seriez-vous d'accord que mon collègue de
Prévost, de Laurentides-Lanaudière...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît! Est-ce que j'ai le consentement de la
commission?
M. Gobé: Si, en contrepartie du député de
Prévost.
M. Boulerice: S'il vous plaît! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Godin: On n'est pas à Madrid, ici, M. Gobé.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Terrebonne, vous avez la parole.
Une voix: Donnant donnant.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors,
évidemment, à titre de députée de
Laurentides-Lanaudière, j'apprécie beaucoup votre mémoire
et je pense que vous décrivez très bien la situation de la
couronne de Montréal,
Laurentides-Lanau-dière-Montérégie, qui est une population
en pleine croissance démographique et qui a besoin de spectacles. Pour
les spectacles que j'ai vus - et j'en a) vu plusieurs - je pense qu'au niveau
de la qualité, il n'y a pas de doute, la qualité est là et
le besoin est là. Je suis très heureuse aussi que vous parliez
beaucoup de formation des spectateurs parce que je pense que c'est la base
première. Si on ne forme pas de spectateurs, même si on forme des
créateurs, on ne peut pas aller plus loin. Vous avez parlé d'une
étude qui a été faite de la demande des spectacles. Quels
sont les principaux résultats de cette étude?
M. Goulet: Je peux répondre. La première
étude de base qui a été faite - à l'époque,
la Montérégie ne faisait pas partie du réseau
-c'était une étude de marketing pour chacune des salles.
C'était pour connaître les forces et les faiblesses de chacune des
salles et voir sur quoi elles devaient s'aligner par rapport... Donc, chacune
des salles a eu un plan de promotion qui était bien spécifique.
Ça allait de la banque de données, si on veut, à des
enquêtes, à faire des "focus". Mais ça a été
vraiment pour connaître le portrait, forces et faiblesses de chacun, du
diffuseur, de la programmation et du théâtre, c'est-à-dire:
Est-ce qu'on connaît le théâtre, dans le milieu? Est-ce
qu'on connaît c'est quoi, un diffuseur? C'est en ça que ça
consistait.
La deuxième phase, ça a été les groupes de
discussion que mentionnait Mme Bellefleur tantôt, qu'on a faits
spécifiquement à Sainte-Thérèse pour voir
exactement le potentiel, parce qu'il y a une salle qui n'est pas loin, qui est
à Laval, et il y a une salle qui travaille aussi à
Saint-Eustache. On voulait voir exactement sur quoi le diffuseur devait
s'orienter en termes de programmation. Donc, on a confié à une
firme privée ce mandat-là. Elle a réuni 10 personnes
alentour d'une salle.
C'est une technique qui est utilisée depuis un bon nombre
d'années en marketing; au niveau des arts, ça n'a jamais
été traité. Et ça a vraiment permis, comme le
disait Mme Bellefleur, aux diffuseurs de Sainte-Thérèse
d'orienter une programmation en théâtre qui est tout à
l'opposé de ce qui se passe dans les régions voisines ou chez le
diffuseur voisin et atteindre un public cible, tel qu'elle le voulait, avec le
résultat escompté au niveau des abonnements.
Le Président (M. Doyon): Merci. Un mot pour conclure, Mme
la députée, malheureusement.
Mme Caron: Un seul mot. Eh bien, je vous remercie. L'autre point
que vous avez soulevé dans votre mémoire et sur lequel j'aurais
aimé vous interroger, c'est évidemment les équipements qui
sont désuets et aussi les équipements inexistants dans certaines
municipalités de ces régions. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
députée. J'ai le consentement de cette commission pour permettre
au député de Prévost de remercier.
M. Forget: Juste une petite question. Une voix: Le
député régional.
Le Président (M. Doyon): ...en
délibéré. Alors, M. le député de
Prévost. (21 h 30)
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
féliciter pour votre mémoire. Moi, c'est une petite question
très courte. Tout à l'heure, j'entendais un monsieur de la
région de la Montérégie qui disait tout simplement: II
faut garder les gens chez nous, au niveau des régions. C'est vrai. Mais,
par contre, il faut faire attention parce que c'est un échange avec
Montréal. Il faut, au niveau des régions, donner un spectacle
peut-être supérieur à celui de Montréal et on va
attirer les gens de Montréal en région. Alors, c'est
drôlement important. Parce que, lorsqu'on dit: On veut garder tout chez
nous et on ne veut pas envoyer ailleurs, alors, je me pose des questions des
fois. Ça m'inquiète un petit peu au niveau des spectacles.
M. Leduc: Je vous répondrai deux choses
là-dessus.
M. Forget: Oui.
M. Leduc: Peut-être qu'on aurait dû souligner le fait
qu'un réseau comme le nôtre a aussi comme objectif de faire
émerger dans la région même nos propres artistes, parce que
nous avons aussi nos propres créateurs. On a l'impression que tous les
créateurs sont à Montréal, mais il y a des spectacles de
production... En tout cas, dans certaines de nos salles, il y a des spectacles
qui sont carrément montés par nous et qui mettent en
lumière les ressources artistiques de notre milieu. Et, bien sûr
qu'on espère que les gens de Montréal viendront voir ça.
D'autre part, Montréal aura toujours sa place. "Les Misérables",
je ne présenterai jamais ça chez nous, ni "Le Fantôme de
l'Opéra".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: "Les Misérables", c'est à
Montréal. Ha, ha, ha!
M. Gobé: C'est Rivière-des-Prairies.
M. Leduc: Je ne vous demanderai pas d'élargir le cadre de
scène chez nous, qui fait 30 pieds, à 75 pieds. Il y aura
toujours une vocation pour Montréal, certains produits
spécialisés au niveau culturel. Bon, l'Opéra de
Montréal, l'Orchestre symphonique de Montréal, j'ai des gens,
chez nous, qui sont abonnés. Je n'essaierai pas de les amener chez moi
entendre de la musique classique, mais dans les disciplines qui sont
populaires, le théâtre, la danse, etc., il y a place sur nos
scènes pour les artistes de Montréal.
M. Forget: Merci, M. Leduc.
Le Président (M. Doyon): Très brève
remarque, M. le député de Mercier.
M. Godin: Merci, M. le Président. M. Leduc, très
souvent, viennent à Montréal, dans mon comté, dans les
théâtres ethniques, des Amalia Rodriguez, des Melina Mercouri de
la relève. Je me demande s'il n'y a pas un marché pour ces
produits-là, des chanteurs ou des chanteuses de fados portugais, des
chanteurs grecs avec des bouzoukis, comme on en a vu dans le film "Never on
Sunday". Je me pose toujours la question, moi, quand je vais dans ces
salles-là. Est-ce que ça ne pourrait pas marcher également
à Trois-Rivières, Sherbrooke, Hull...
Mme Caron: Terrebonne.
M. Godin: ...Terrebonne, ou n'importe où dans le reste du
Québec, puisque le peuple est le même partout? Est-ce qu'il n'y
aurait pas une clientèle pour Amalia Rodriguez, à Sherbrooke, par
exemple?
M. Leduc: Moi, je me mets de mon point de vue du diffuseur de
spectacles à Valleyfield et je vous réponds: Quel cachet me
demandez-vous? Ça va dépendre du cachet qu'on va me demander et
selon quelles conditions on va pouvoir mettre ce produit-là sur notre
marché. Moi, je suis ouvert à tous les produits. La seule chose
que je demande, c'est de pouvoir fonctionner en relation
d'affaires avec des producteurs sur des bases claires, et quand on
développe des produits nouveaux et qu'on fait des expériences
nouvelles, d'être appuyés là-dedans, d'une part, par le
producteur et, d'autre part, par le ministère. Parce que ça
pourrait peut-être être une forme d'intervention du
ministère de faire des expériences de marché avec
nous.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. Godin:
Merci, M. Leduc.
Le Président (M. Doyon): Alors, je me vois dans
l'obligation d'interrompre cette fort intéressante discussion. Au nom
des membres de la commission, aussi bien de Mme la ministre que des
représentants de l'Opposition, je vous remercie et je vous permets de
vous retirer de la table pour que nous puissions recevoir les gens qui vous
suivent. Merci beaucoup.
Sans plus de délai, Mme la ministre, chers amis. MM. les
parlementaires, il y a d'autres moments pour entreprendre des discussions.
J'invite maintenant le Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue
à bien vouloir prendre place en avant. J'avertis qu'à 22 h 15 je
terminerai la séance, quoi qu'il arrive.
Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil de
la culture de l'Abitibi-Témiscamingue. Je les invite à se
présenter rapidement et à procéder à la lecture ou
à un exposé de leur mémoire pour que les membres de la
commission puissent discuter avec eux. Vous avez la parole.
Conseil de la culture de
l'Abitibi-Témiscamingue
Mme Bédard (Michelle): Alors, M. le Président, Mme
la ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Michelle
Bédard. Je suis présidente du Conseil de la culture et les
membres de la délégation sont M. Réal Couture, qui est
professeur d'expression dramatique à l'école secondaire
Marcel-Raymond, de Lorrainville; il est président de la salle
Augustin-Chénier, de Ville-Marie, qui est une salle multifonctionnelle,
et il est aussi actionnaire de l'hebdomadaire Le Reflet Témis-camien;
M. Michel Vincent, qui est président de la compagnie
théâtrale la Poudrerie, comédien et metteur en
scène, représentant de l'Abitibi-Témiscamingue au
comité des régions du Conseil québécois du
théâtre; Mme Margot Lemire, qui est poète et dramaturge,
auteure de la pièce de théâtre "La chambre froide", mise en
scène par Alice Ronfard, à Montréal, en 1987, et
récipiendaire du prix littéraire de
l'Abitibi-Témiscamin-gue. Mme Lemire écrit à temps plein
depuis six ans. Et M. Pierre Lapointe, qui est directeur général
du Conseil de la culture.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Bédard: Alors, nous ne sommes pas les premiers
à vous dire que la proposition du groupe-conseil présidé
par M. Roland Arpin traduit une vision du développement culturel des
régions qui est totalement inacceptable. Nous ne sommes pas les seuls
à vous souligner à quel point il serait inquiétant pour
l'avenir des arts et de la culture au Québec que ce soit cette vision
qui prévale dans la politique culturelle de l'État.
Si on tenait tant à venir exprimer notre point de vue devant
cette commission, ce n'est surtout pas parce qu'on trouve agréable et
normal d'être obligés, à tout bout de champ, de justifier
la légitimité des aspirations des régions à un
développement culturel équilibré, ajusté à
nos besoins et à nos particularités. Pour vous dire franchement,
on en a assez qu'on remette régulièrement en cause l'importance
de soutenir les artistes et les organismes culturels des régions.
Enfin, c'est parce que l'actuelle démarche visant à amener
le gouvernement québécois à se donner une politique
culturelle nous apparaît comme fondamentale, et c'est parce qu'il est
essentiel que cette politique repose sur un principe d'équité
pour l'ensemble du Québec que nous sommes ici aujourd'hui et que nous
avons fait valoir à de nombreux organismes de notre milieu l'importance
de se manifester dans ce débat.
La place réservée aux régions dans le rapport Arpin
nous a en quelque sorte facilité les choses, comme en font foi les
nombreuses réactions de notre région que vous avez pu tire et
entendre depuis le début des auditions. Ce qu'on s'est attachés
à mettre en lumière dans le mémoire qu'on vous a soumis,
c'est que, oui, il existe une vie culturelle intense et stimulante dans les
différentes zones de notre vaste région. Oui, les artistes et les
organismes culturels de l'Abitibi-Témiscamingue sont performants. Ils
travaillent d'arrache-pied et font de véritables miracles avec les
ressources limitées dont ils disposent pour continuer à
créer, à produire, à diffuser, à dispenser une
formation artistique, à assurer la conservation et la mise en valeur de
notre jeune patrimoine.
Oui, la région a pris en main son développement culturel.
C'est incroyable tout ce qui a pu se faire depuis les 20 dernières
années parce que, justement, nous avons, en
Abitibi-Témis-camingue, des artistes, du personnel d'animation et de
gestion, des bénévoles qui croient au potentiel artistique et
culturel de leur milieu, qui poursuivent des démarches originales,
profondément enracinées dans le paysage et l'âme de la
région. Des gens compétents, convaincus et
déterminés, qui contribuent, et veulent continuer de le faire, au
rayonnement des arts et de la culture sur notre territoire, et dont plusieurs
voient la qualité de leur travail reconnue au-delà de nos
frontières, participant ainsi à l'enrichis-
sement de l'expression artistique du Québec tout entier.
À titre d'exemple, des auteurs comme Jeanne-Mance Delisle, qui a
obtenu le Prix du gouverneur général en 1988, Margot Lemire,
Denys Chabot, aussi Prix du gouverneur général en 1982, l'auteur
compositeur et interprète Richard Desjardins, Grand Prix de la chanson
d'expression française en 1990 et trois Félix au dernier gala. En
arts visuels, des artistes comme Louis Brien, Virginia Bordeleau, Jean-Yves
Brie, le photographe Arnold Zageris et tant d'autres, dont les oeuvres sont
diffusées au Québec et à l'étranger.
Un bout de chemin remarquable a été parcouru, mais il faut
bien comprendre que les acquis sont fragiles et qu'ils ne peuvent être
maintenus et augmentés sans les efforts constants du milieu des arts et
de la culture et l'engagement soutenu des partenaires. C'est pourquoi nous ne
saurions trop insister sur l'absolue nécessité de fonder la
politique culturelle du Québec sur un principe d'équité
territoriale. C'est vrai que l'espace québécois est immense, que
ses particularités démographiques posent un défi
considérable, mais ce n'est pas nécessairement en ignorant ces
réalités, en concentrant les ressources dans les seuls grands
centres urbains et en niant à près de la moitié de la
population du Québec le droit à un développement culturel
complet et intégré qu'on assurera aux arts et à la culture
cette place fondamentale que préconise le groupe Arpin.
S'il est incontestable que Montréal et Québec sont des
pôles majeurs de vie culturelle, la désignation sommaire et
monolithique de tout le reste du Québec comme "l'ensemble
régional" ne reflète en rien la diversité et les
particularités des régions. Ce qui est le plus inacceptable dans
l'actuelle proposition de politique culturelle, c'est que dans les
recommandations se rapportant à cet ensemble régional, on n'en
voit pas une seule qui affirme la nécessité de soutenir la
création et la production artistique dans les régions. Pas une
seule non plus qui souligne une préoccupation pour la protection et la
mise en valeur du patrimoine sur l'ensemble du territoire.
Or, si on veut réellement doter le Québec d'une politique
culturelle qui soit valable sur tout son territoire, il faudra obligatoirement
y inclure une véritable politique de régionalisation. Ça
veut dire que les programmes de soutien du ministère des Affaires
culturelles ou de la culture doivent absolument être modulables de
façon à tenir compte des conditions particulières de
création et de production dans les régions.
Le resserrement des critères d'admissibilité, la
sélection rigoureuse de quelques élus - qu'on pense aux pratiques
de pointe, aux grands organismes nationaux appelés par le rapport Arpin,
renvoyant tout ce qui n'entre pas dans cette vision restrictive et
élitiste de la culture à d'autres sources de financement, les
municipa- lités - eh bien, si c'est cela qui devrait prévaloir
dans la politique culturelle du Québec, ça voudrait dire que les
arts et la culture qui se pratiquent dans la population restante seraient
condamnés au sous-développement et à l'asphyxie. Sachez
que nous n'accepterons jamais une politique culturelle qui confinerait les
régions à n'être que des terres d'accueil des productions
de l'extérieur. Ça aussi, c'est de la vassalisation et, pour
nous, l'époque de la colonisation est terminée.
Comme nous vous l'avons souligné dans notre mémoire, nous
aspirons à un développement culturel équilibré,
ouvert sur l'extérieur, certes, mais qui se fonde aussi sur cette
dimension essentielle qu'est le dynamisme généré et nourri
par la création et la production des artistes et l'intervention des
organismes de la région. Notre mémoire contient, en page 10,
quelques statistiques qui illustrent la fréquentation des
établissements culturels de l'Abitibi-Témiscamingue. Une
réponse du public qui est remarquable, compte tenu de la population de
la région, et qui démontre l'évidente corrélation
entre la pratique culturelle et la proximité géographique des
activités et des services.
Pour vous donner un aperçu de ce que signifierait le retrait du
soutien du ministère des Affaires culturelles, je prendrai l'exemple
d'un de nos réseaux, qui est actuellement menacé, celui des
écoles de musique. Et je vous prie de croire que la recommandation du
rapport Arpin qui réclame une nouvelle étude à l'intention
des ministères de l'Éducation et des Affaires culturelles sur la
formation musicale est loin d'être rassurante. Les quelque 2000 personnes
provenant de tous les coins du Québec et de tous les secteurs
d'intervention musicale qui ont participé à la démarche du
sommet et de la biennale sur l'avenir de la formation musicale au Québec
sont en droit d'être insultés que le groupe Arpin n'ait pas tenu
compte de cette démarche.
Mais revenons-en à l'exemple de notre réseau
d'écoles de musique. L'aide accordée par le ministère des
Affaires culturelles ne représente que 8 % à 10 % du budget de
ces écoles. Mais celles-ci ne pourraient survivre à un
désengagement du ministère, car les écoles de musique font
déjà plus que le maximum pour diversifier leurs sources de
financement, et l'aide que le MAC apporte est un incitatif indispensable pour
aller chercher la collaboration des autres partenaires que sont les
municipalités - déjà - les commissions scolaires, les
entreprises privées et pour faire des levées de fonds
auprès du public. La limite pour une hausse des frais de
scolarité est atteinte et les monter encore plus, c'est empêcher
des gens d'y avoir accès. Si ces écoles ne peuvent plus continuer
à fonctionner, ça signifie qu'un millier d'enfants dans la
région, qui est petite, d'adolescents, ne pourront plus poursuivre une
formation en musique dans les sept écoles de la région. Ça
veut dire aussi
qu'une soixantaine de professionnels de la musique qui oeuvrent dans le
milieu, dont une vingtaine sont à temps plein, perdront leur gagne-pain
et devront, pour la plupart, quitter la région. Or, l'existence des
écoles avait justement permis de ramener et d'attirer des professeurs
qualifiés, et le rapport Arpin souligne l'importance de
développer et de maintenir la compétence professionnelle au
Québec. (21 h 45)
Ça veut dire également que l'Orchestre symphonique de
l'Abitibi-Témiscamingue sera privé de nombreux musiciens et
n'aura plus accès à une relève. Ça veut dire aussi
que le Conservatoire n'aura plus sa raison d'être puisqu'il n'y aura plus
d'élèves qualifiés qui pourront entrer au conservatoire.
Et ça signifie, enfin, que la région perdra un attrait favorisant
la venue chez nous de diverses ressources professionnelles qui
considèrent important que leurs enfants puissent avoir accès
à des cours de musique dispensés dans des établissements
affiliés à des institutions reconnues.
La synergie engendrée par la présence de ces praticiens
actifs localement dans leur secteur, et originalement, lors d'activités
de rassemblement, d'événements en musique, se vérifie
également dans d'autres disciplines comme le théâtre, la
muséologie, la conservation et l'interprétation historique, entre
autres. C'est pourquoi nous considérons qu'il est essentiel qu'une
politique culturelle affirme avec vigueur la nécessité de
soutenir le développement des arts et de la culture dans toutes les
zones d'appartenance, territoires et MRC des régions.
D'autre part, nous sommes loin de partager l'avis du groupe-conseil
quand il réclame du ministère de la culture qu'il exclue de son
champ d'intervention toute pratique non reconnue comme professionnelle.
L'histoire du développement de la pratique d'un métier en
Abitibi-Témiscamingue nous a, au contraire, convaincus qu'il ne faut pas
mettre de cloison étanche entre des pratiques de loisir en voie de
profession-nalisation et les professionnels, parce que toutes ces sources
viennent alimenter le dynamisme culturel et contribuent à l'avancement
des disciplines. Il serait aberrant qu'on ne puisse pas compter sur un
ministère des affaires culturelles ou de la culture pour être
attentif aux initiatives qui permettent de professionnaliser l'intervention
artistique et culturelle et d'accroître la qualité des
productions.
C'est pourquoi nous vous réitérons la recommandation de
notre mémoire à l'effet que le ministère des Affaires
culturelles doit reconnaître sa mission à l'égard de la
pratique culturelle non professionnelle et qu'il doit mettre en place des
programmes accessibles à ceux qui ne peuvent se qualifier dans les
programmes réguliers. Non pas en détournant des crédits
destinés à la pratique professionnelle, mais en rapatriant, par
exemple, les mandats et pouvoirs d'intervention culturelle
transférés au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et en confiant la gestion de ces programmes aux directions
régionales des Affaires culturelles. Voilà une mesure qui, nous
le croyons, s'inscrit tout à fait dans l'objectif du rapport Arpin
d'accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires
dans la gestion de la mission culturelle.
Vous me permettrez, à propos de cet objectif, de resouligner
qu'en Abitibi-Témis-camingue, le partage des responsabilités
entre la Direction des affaires culturelles et le Conseil de la culture est
bien délimité et que nous entretenons des pratiques
d'échange et de collaboration qui nous permettent de conjuguer nos
efforts, afin de maximiser le soutien au milieu culturel régional et de
faire davantage avec les ressources dont nous disposons.
Et, puisqu'il est question d'efficacité des partenaires, vous ne
m'en voudrez pas de prêcher pour notre paroisse en vous redisant que les
conseils de la culture jouent un rôle majeur dans le développement
culturel des régions et qu'ils doivent être maintenus et soutenus
par le ministère des Affaires culturelles. Parce qu'ils sont bien
implantés dans leur milieu et qu'ils rassemblent des intervenants de
toutes les zones géographiques et de toutes les disciplines, les
conseils assument un rôle clé pour stimuler des démarches
d'ensemble, amener les gens à déterminer des objectifs et des
priorités de développement, à identifier les moyens
disponibles et les actions à mettre en oeuvre pour accentuer le
rayonnement des arts et de la culture dans leur région.
Nous avons aussi, comme conseil, à véhiculer les besoins
et les intérêts du milieu, notamment auprès des
regroupements disciplinaires nationaux, à collaborer avec les
associations pour les aider à rejoindre les artistes des régions,
et parfois à suppléer à l'absence ou à
l'inacces-sibilité en région des services de ces organismes.
Ainsi, en Abitibi-Témiscamingue, le Conseil de la culture est actif
depuis 15 ans. Son "membership" en 1991 est de 242 organismes et individus. Ce
qu'il met au service de ses membres et du milieu culturel, c'est son expertise
en animation-concertation, son support pour l'élaboration de plans de
communication-marketing, la recherche de partenariat financier, l'organisation
de sessions de perfectionnement, l'entrée et la mise à jour de
dossiers d'artistes, en plus d'initier ou de coordonner des projets qui
permettent d'augmenter la visibilité, la promotion des arts et de la
culture.
Et, pour conclure sur le partenariat dans le développement
culturel, nous pensons qu'effectivement il faut viser un accroissement de la
participation des municipalités à la vie culturelle, mais
certainement pas en leur refilant des factures sans tenir compte de leur taille
et de leur capacité de payer. La progression de ce
dossier exigera la mise en place par l'État de mesures
compensatoires suffisamment étalées dans le temps et de leviers
qui soient de nature à susciter un engagement accru des gouvernements
municipaux.
Il ne faut surtout pas perdre de vue que le soutien constant du
ministère des Affaires culturelles restera toujours l'incitatif le plus
convaincant qui soit pour amener les municipalités et l'entreprise
privée à faire davantage pour les arts et la culture. Ce n'est
pas en changeant quatre trente sous pour une piastre qu'on avance. Il faut
investir davantage, et cela vaut pour tous les partenaires, l'État au
premier chef, s'il veut véritablement assurer le développement
des arts et de la culture sur l'ensemble de son territoire.
Créer un ministère de la culture qui ait une plus grande
autorité politique, oui, mais à condition de lui donner les
moyens d'intervention et les ressources financières qui correspondent
à sa mission. À la condition aussi que son action soit
guidée par une politique culturelle véritablement adaptée
à la réalité québécoise dans toute sa
richesse et ses particularités, et acceptée largement par la
société québécoise, incluant, faut-il le rappeler,
cette population restante de 3 000 000 d'habitants. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Mme la ministre,
pour les quelques minutes qui restent.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, Mme Bédard.
Bienvenue à tous, surtout que vous avez attendu, là, et il se
fait tard. Mais on a beaucoup parlé, de toute façon, de la
situation en région. Vous savez comme moi qu'il n'est pas question non
plus de ne pas considérer les régions comme des touts. Et je vous
disais 16 régions distinctes; il y a une métropole et une
capitale, mais 16 régions vraiment distinctes et très actives. Je
veux tomber quand même sur une première question. On me dit
toujours que je parle trop, alors je vais laisser ensuite la parole à
mon collègue député. Mais une chose. Vous affirmez dans
votre mémoire que la politique culturelle doit inclure une
véritable politique de régionalisation - ça, c'est une
chose - avec des normes qui tiennent compte des besoins de la région.
Parce qu'effectivement votre région est spécifique. On ne couvre
que le professionnel, mais dans certaines régions on élargit, si
on veut, le terme "professionnel. " Mais, d'un autre côté, vous
dites aussi que vous n'êtes pas opposés à
l'établissement de normes nationales fondées sur l'excellence.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer, sur un plan concret, comment on peut,
finalement, harmoniser les deux?
Mme Bédard: Je pense qu'on pourrait prendre l'exemple des
théâtres d'été et, à ce moment-là,
ça serait plus Michel qui pourrait vous répondre. Quand on
regarde, dans la région, il y a beaucoup d'épinettes, c'est loin,
les gens se demandent encore si on a l'eau courante, et tout ça. Et les
troupes professionnelles, je ne suis pas convaincue qu'elles sont prêtes
à venir jouer en été. Alors, le problème, je vais
laisser Michel l'expliquer.
M. Vincent (Michel): En ce qui concerne... En tout cas, c'est ce
que vous souligniez, quand on parle d'excellence... Je vais peut-être
être un peu bâtard quelque part. On demande aux troupes
d'être professionnelles, de viser à avoir toujours des gens de
chez nous qui veulent vivre de ce métier-là, et on sait que la
réalité, elle est autre parce que c'est évident qu'il n'y
a personne par chez nous qui peut vivre de l'art de la création, entre
autres, du théâtre. En contrepartie, on est prêts, nous,
à faire des efforts, ça va de soi, pour s'améliorer. Et je
pense que tout organisme qui a un peu de bon sens vise à ça. En
théâtre, c'est ce qu'on vise. En contrepartie, on n'a rien contre
l'excellence parce que c'est ça qu'on vise aussi, à un moment
donné, à sortir de nos barèmes, à sortir de notre
champ, de notre milieu géographique. Mais il me semble qu'il y a des
fois où on ne prend pas connaissance de la réalité du
milieu comme tel. C'est bien évident que, chez nous, lorsqu'on parle de
professionnels, on n'en aura pas des tonnes et on n'en aura pas tant qu'on en
veut. Et si on en veut, il va falloir, à un moment donné, aller
dans les grands centres, en faire venir chez nous pour travailler avec nous.
Et, à ce moment-là, ça augmente les coûts, ça
augmente un paquet d'affaires; il y a un paquet de difficultés.
Le plus bel exemple que j'ai à l'heure actuelle, c'est que, moi,
je vais faire une mise en scène qui s'appelle "Aurélie, ma
soeur". C'est sûr que le ministère des Affaires culturelles
espère bien, parce que j'ai deux interprètes, que ces deux
interprètes-là auront dans leur bagage le goût de vivre de
l'art, de vivre du théâtre. Et dans notre tête, c'est ce
qu'on vise et on l'espère. En contrepartie, le fait que je sois
obligé d'aller chercher une interprète à Montréal,
qui veut vivre de l'art - parce que, par chez nous, pour un des personnages,
c'est plus difficile de trouver une interprète de calibre dit
"professionnel" ou qui veut vivre de l'art - ça oblige la troupe, entre
autres, la Poudrerie, à des frais de logement qui s'accumulent en cours
de route. À un moment donné, on en vient à se poser de
sérieuses questions: Jusqu'à quel point le ministère
est-il conscient de ces difficultés qu'on a en région?
On vise l'excellence. On regarde ce qui se passe autour de chez nous
puis, des fois, on est quand même surpris. Entre autres, au sein de la
Poudrerie, on reste surpris, quand on fait une demande de subvention, des
exigences, des critères, qui sont peut-être normaux, qui font
partie de la "game", entre guillemets. Mais, en même temps, lorsque je
regarde les infrastruc-
tures et les structures d'accueil - je pense au Théâtre du
cuivre, je pense à la salle d'Amos et compagnie, qui sont
subventionnés directement ou indirectement, soit par les
municipalités ou par le gouvernement, et qui accueillent chez eux,
à un moment donné, je pourrais dire, des productions de
théâtre... Je n'ai rien contre Michel Forget ni Michaud,
personnellement, mais c'est drôle, par exemple, qu'on n'exige pas de ces
gens-là autant de critères, je pourrais dire, professionnels dans
le sens d'exigences de recherche, de création de théâtre,
et compagnie. C'est ce qu'on exige de nous, de tout le temps faire cette
recherche-là, et, en contrepartie, on est toujours prêt à
nous cogner sur les doigts si on fait, entre autres, du théâtre
d'été. On laisse sous-entendre que c'est de moindre goût,
c'est moins ci, c'est moins ça. Mais pourtant, dans ces centres
d'accueil - j'appelle ça des centres d'accueil parce que c'est un peu
ça aussi, des fois - ces places-là, on va encourager cette forme
de théâtre-là. Et, en même temps, on se pose toujours
la même question, nous autres: Pourquoi nous, on est
pénalisés lorsqu'on veut faire cette démarche-là
et, en contrepartie, pourquoi ces salles d'accueil, ces salles de spectacles
là ne sont jamais pénalisées? Alors, c'est un peu cette
ambivalence-là qu'on vit, nous autres aussi, quelque part.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends. Ce que vous dites,
finalement, c'est que, bon, Forget, Michaud, etc., c'est des gens qui sont...
C'est privé, complètement privé. Il n'y a aucune
subvention de part et d'autre. Bon, ils fonctionnent, ils produisent, et puis,
finalement, ils font ce qu'on appelle du théâtre très
populaire. Mais ce que vous dites, c'est que, par exemple, la salle d'Amos, le
Théâtre du cuivre, les salles qui ont été
aidées au niveau de l'infrastructure, évidemment, leur but
premier, c'est de remplir leurs salles et de vendre leurs sièges. Mais
est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer, du fait qu'on impose -
parce que ça, c'est difficile pour nous autres; on va pousser ça
jusqu'au bout, là - tant de jours, ou enfin tant de semaines à un
autre genre de théâtre, que ce soit plus à risque, plus...
bon, qualifiez-le comme vous voulez...
M. Vincent: À risque, oui, effectivement, Mme la ministre,
et je trouve ça important. Par chez nous, à l'heure actuelle, on
a une problématique qui est grave. On parle de formation par chez nous.
On parle aussi de problèmes matériels, de problèmes
financiers, effectivement, pour les troupes. Mais, entre autres, quand on veut
se ressourcer, quand on veut agrandir et atteindre la fameuse excellence qu'on
cherche toujours à atteindre, c'est curieux, on est toujours
obligé de s'expatrier, de s'en venir dans les grands centres pour
réussir à se ressourcer, à se refaire du sang neuf quelque
part. Et, en contrepartie, chez nous, dans notre milieu, dans notre
région, quand on travaille ça, c'est beaucoup plus difficile.
Mais, en contrepartie, on n'a jamais la chance, nous, par exemple... Si
je pense - bon, c'est peut-être plus difficile - à "Carbone 14" ou
à n'importe quel type de production de théâtre
expérimental, c'est très rare qu'on ait la chance et l'occasion
de recevoir ça chez nous. Je trouve ça pertinent et important,
quand on parle d'équité, quelque part, à un moment
donné, que nous autres aussi on ait cette possibilité-là.
Il me semble que le ministère, à un moment donné, pourrait
regarder aussi, avoir un regard un peu critique en ce qui concerne ça
aussi.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que je peux laisser...
Le Président (M. Doyon): Oui, merci. M. le
député de Charlevoix.
M. Bradet: J'aurais peut-être une question, M. le
Président. Dans votre mémoire, vous affirmez que, malgré
les efforts qui ont été faits pour développer des
activités, développer du financement, les organismes culturels
demeurent assez fragiles. Ce qui ne vous empêche pas, je pense, d'avoir
un Festival international du cinéma et beaucoup d'autres
activités, grâce à votre dynamisme. Vous dites qu'il faut
trouver des moyens de soutenir davantage les organismes pour qu'ils puissent
poursuivre leur action et faire face aux problèmes que posent les
régions, c'est-à-dire l'éloignement, le marché un
petit peu plus difficile et les coûts d'opération. J'aurais
peut-être une question à deux volets. Dans votre esprit, est-ce
que la consolidation d'organismes dont vous parlez s'adresse uniquement aux
organismes professionnels? Et, deuxièmement, quelles seraient les
mesures prioritaires à mettre en place pour consolider ces
organismes-là? (22 heures)
M. Lapointe (Pierre): Je vais tenter de répondre à
votre question. En fait, la consolidation d'organismes, pour nous autres... On
mentionne quelque part dans notre mémoire que, pour nous, en
Abitibi-Témiscamingue, c'est certain qu'il faut soutenir nos organismes
professionnels. C'est très important, puis je pense qu'il faut leur
donner des moyens accrus par rapport à ceux qu'ils ont
déjà. Il faut trouver des moyens de leur donner plus d'argent
pour qu'ils produisent mieux et qu'ils produisent plus, mais il faut aussi, en
même temps, développer chez nous une relève et ça,
c'est important de le mentionner. Et il faut aussi soutenir ces
organismes-là d'une autre façon. On le mentionne dans notre
mémoire.
Il n'est pas question, à un moment donné, de prendre des
sous qui, normalement, devraient être dévolus à des
organismes professionnels pour soutenir des organismes de relève, mais
il faudrait trouver une façon de faire, au ministère des Affaires
culturelles, pour créer des program-
mes qui permettraient aux organismes de relève de se
développer. Et, à ce moment-là, ces organismes-là
deviendront tranquillement aussi, à leur tour, des organismes
professionnels. C'est un peu comme ça qu'on a vu naître, entre
autres, par exemple, la troupe de théâtre la Poudrerie qui, je
pense - tu me corrigeras, Michel - est née en 1965 ou alentour. Mais, au
départ, cette troupe-là, ce n'était pas une troupe
professionnelle; c'était une troupe tout à fait amateur qui
faisait du théâtre pour le plaisir et, tranquillement, elle a
développé une expertise, un professionnalisme et, aujourd'hui,
elle a le statut de troupe professionnelle. Bien, il faut donner des moyens
à ces organismes-là aussi, qui ne sont pas des organismes
professionnels, de pouvoir se développer, les moyens étant en
fonction, bien sûr, de ce qu'ils font. C'est certain qu'on ne donnera pas
la même somme d'argent à un organisme qui est en voie de se
professionnaliser qu'à un organisme qui est déjà
professionnel. Je pense que ça va de soi.
Le Président (M. Doyon): M. Lapointe, vous me permettrez
maintenant de donner la parole au représentant de l'Opposition. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le Président. Je me suis senti
tellement à l'aise et confortable chez vous durant la fin de semaine que
M. Trudel a dû me rappeler, lundi matin, que c'était lui le
député; alors, je pense que je vais le laisser dialoguer avec
vous. Je ne veux pas me faire d'ennemis; je me suis fait trop d'amis durant la
fin de semaine.
M. Trudel: Merci, M. le député.
Le Président (M. Doyon): Un instant! Est-ce qu'il y a
consentement de la commission pour que M. le député puisse
intervenir? Vous n'êtes pas membre, n'est-ce pas?
M. Gobé: À la demande du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, on ne peut rien refuser, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Alors, il y a consentement.
Allez!
M. Trudel: Merci, M. le Président, et merci aux membres de
la commission. J'aimerais d'abord souligner, parce que je sais que le temps va
filer rapidement et que ce sont de longs travaux qu'ont entrepris et que
poursuivent les membres de la commission parlementaire, mais je veux, Mme la
ministre, et les membres, que vous notiez ceci: Ces gens ont fait 10 heures de
voiture pour se rendre devant la commission, cette commission de
l'Assemblée nationale, pour venir nous dire que les régions du
Québec veulent également être partie de la politique des
arts et de la culture.
Et quand on dit que c'est souvent un petit peu plus difficile de faire
de la culture et les arts en région, comme dans bien d'autres secteurs,
c'est une illustration parfaite: ils ont quitté ce matin à 7
heures, en automobile, parce qu'ils n'ont pas les moyens de venir nous dire,
pour les gens de théâtre, pour les gens du Témiscamingue,
pour les gens du Conseil de la culture, pour les auteurs dramaturges, etc.,
pour Mme la présidente, ils n'ont pas les moyens de venir nous voir ici
et de nous dire que l'Abitibi-Témiscamin-gue, elle veut être du
Québec, et pleinement du Québec, et participer au
développement à l'intérieur de cette politique, Mme la
ministre, que vous aurez à élaborer suite à cette
consultation.
C'est important de le noter, parce que ces efforts-là, ce n'est
pas juste des gens qui se présentent devant nous à 9 h 30 le soir
et qui, parfois, oui, répètent un message qu'on a peut-être
déjà entendu ici. Il est modulé, ce message, non seulement
par la foi, mais les oeuvres également, avec ce qu'ils font en
région et ce qu'ils représentent dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Je voulais le souligner ici.
Comme ce ne sera pas très long comme moment d'interrogation, je
voudrais parler à M. Couture, qui est de la région du
Témiscamingue. On a, oui, effectivement, de belles réussites,
comme, par exemple, le Festival international de cinéma - Mme la
ministre était là dimanche soir, mon collègue de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, samedi soir, etc.. Ce sont de belles grandes
réalisations et des chiffres assez impressionnants qui nous sont
énumérés à la page 10 de votre mémoire.
Comment une politique des arts et de la culture peut-elle intégrer ce
qu'on appelle communément la sous-région, la région dans
la région? Comment est-ce possible de prendre ça en
considération, et qu'est-ce qu'il faudrait inclure dans cette politique
des arts et de la culture pour que la sous-région du
Témiscamingue puisse avoir le droit, elle aussi, de vivre et
d'être de culture et des arts dans ce Québec-là? J'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
M. Couture (Réal): D'accord. D'abord, ça va me
permettre peut-être juste de rajouter que, pour la majorité des
personnes, c'est 10 heures, mais pour moi, c'est 11 h 30.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couture: Je suis parti à 5 h 30 ce matin.
M. Trudel: Ce qui fera 23 heures aller-retour.
M. Couture: Effectivement, c'est une région
éloignée, mais en plus, nous, on est, à l'intérieur
de cette région-là, encore un petit peu plus
éloignés et, deuxièmement, on vit aussi un contexte un peu
particulier. C'est que la région est éloignée, mais en
même temps, c'est une
région à faible densité de population et,
ça, je pense que c'est important de le souligner. C'est une
région où il y a 17 000 personnes qui sont regroupées dans
21 petites municipalités sur un vaste territoire. Donc, quand on regarde
l'organisation culturelle de ce milieu-là, ça devient important
et très différent d'autres grands centres, à ce
moment-là.
Je pense, entre autres, à la salle Augustin-Chénier qu'on
a chez nous depuis déjà un certain nombre d'années, qui
est une salle d'exposition accréditée, mais, à
l'intérieur de cette salle-là, on fait d'autres choses parce que
ce sont les besoins de la population. C'est la seule salle professionnelle en
termes d'équipement pour produire de petits spectacles d'ordre
professionnel puisqu'elle n'a qu'une capacité de 100 places. Alors, vous
comprendrez d'abord que, dans une région comme la nôtre, les
besoins en équipement sont encore là et sont encore très
importants puisque c'est le seul lieu culturel. Du moment qu'on veut
bénéficier de spectacles d'envergure, on en voit quelques-uns
produits dans un gymnase ou on doit se déplacer à 85 milles,
à 140 kilomètres de chez nous, au Théâtre du cuivre,
à Rouyn. Donc, ça aussi, c'est un phénomène qui est
important.
Alors, on vit énormément le problème de la
fragilité de l'organisation culturelle chez nous et là, on ne
parle pas de budget dans les six chiffres. Chez nous, c'est 75 000 $ à
85 000 $ que nous coûte l'administration de la petite salle, qui est un
domaine excessivement important. Alors, c'est pour ça que, quand on
parle de saupoudrage, si le saupoudrage veut dire ça, je vous assure
que, pour nous autres, c'est l'élément vital. Ce n'est pas un
besoin qu'on rajoute mais un élément qui est vital au niveau de
l'organisation culturelle dans un milieu comme le nôtre.
Alors, je pense que ça, c'est important et très,
très essentiel à développer quand on parle de
décentralisation, quand on parle aussi de la spécificité
d'un milieu, au niveau de l'organisation et de la gestion des activités
culturelles. Ça ne se fait pas du tout. Même si
Augustin-Chénier ressemble un peu au principe d'une maison de la
culture, ça ne s'administre pas comme une maison de la culture à
Montréal, c'est impossible. On vit des contextes beaucoup trop
différents. Je planifie un spectacle, à un moment donné,
le 24 janvier. Malheureusement, le 24 janvier en après-midi, il y a une
tempête de neige. Vous comprenez les conséquences. Je veux dire
que financièrement on a à supporter, à un moment
donné, ces situations-là parce que les gens ne sont pas dans la
même municipalité, les gens doivent se déplacer sur le
territoire pour participer aux activités culturelles dans notre
région.
M. Trudel: Très bien. J'aimerais aussi aller du
côté des créateurs. Margot Lemire, poète et
dramaturge de l'Abitibi-Témiscamingue. Qu'est-ce qu'il doit y avoir dans
cette politique des arts et de la culture pour qu'une poète et
dramaturge de l'Abitibi-Témiscamingue puisse vivre dans sa région
et apporter une contribution significative à l'ensemble du
Québec? Est-ce que c'est possible? Qu'est-ce qu'il faudrait inclure,
aussi, dans cette politique des arts et de la culture? Et peut-être
aussi, comment on vit ça actuellement dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, avec un territoire de 300 000 kilomètres
carrés, 160 000 de population? Comment on vit ça, Mme Lemire?
Mme Lemire (Margot): Bon, il y a là-dedans le vécu
journalier ou quotidien d'être artiste, ou écrivain, ou
poète en Abitibi-Témiscamingue. Ce n'est pas évident. Ce
n'est pas évident dans le sens qu'il n'y a pas d'activités
périphériques. Quand on a fait le tour de 10 écoles pour
aller donner des ateliers de poésie, quand on a fait... bon, bien,
ça va. Aussi, quand on a vu les étudiants une fois, une
année, bien, l'année d'après, ils invitent quelqu'un
d'autre. On ne peut pas gagner notre vie avec les activités
périphériques de l'écriture. C'est impossible, à
moins de développer autre chose qui va nous sortir de l'écriture,
et il va être difficile, finalement, de faire un arrimage entre
l'écriture et l'alimentaire, je dois dire.
Ce qui est difficile aussi, c'est les systèmes de subventions. Le
soutien à la création qui arrive dans la région, c'a
beaucoup augmenté depuis six ans, l'enveloppe globale a beaucoup
augmenté. Mais le petit cochon est encore bien maigre. Alors, il y a
beaucoup de monde qui se présente vis-à-vis du trou de la
tirelire et on a comme une entente tacite qu'entre créateurs, chez nous,
on vit... L'alimentaire va être fourni, par exemple, par l'aide sociale.
On accepte ça, pour ne pas gruger dans la bourse. Même si on a le
droit de demander 1000 $ de frais par mois, par exemple, pour vivre pendant
qu'on va créer notre oeuvre, ce n'est pas ça qui se passe chez
nous. Par exemple, si j'ai demandé une bourse, si je ne demande pas
l'alimentaire dedans, qui va me permettre de vivre, en tout cas, de manger
pendant ce temps-là, bien, peut-être que Jean-Yves Brie,
peut-être que Louis Brien vont pouvoir avoir aussi une bourse pour les
aider à créer. Ça, c'est comme une entente tacite.
C'est difficile aussi, parce qu'on est loin des grands centres, au
niveau du ressourcement. C'est toujours le même problème.
Ça nous prend plus d'argent pour sortir, aller voir les spectacles. Tout
est cher. Il y a les transports en commun qui ne sont absolument pas... Il n'y
a pas de métro, là. Alors, là, c'est toujours difficile,
c'est toujours cher pour se déplacer. On doit également tout
faire parce qu'en étant artiste on doit aussi être quelqu'un qui
s'occupe de multiples comités parce que, bon, c'est comme ça. On
n'est pas grand monde. On est des
pionniers dans tout. On fait tout.
L'autre patente, c'est que l'artiste n'a pas... En tout cas, je n'ai pas
rencontré d'artiste en Abitibi-Témiscamingue qui avait un plan de
carrière, style échelle de salaire des fonctionnaires: là,
on fait une étape, là, on va faire une autre étape, et
là, on veut déboucher, comme s'il y avait un bouchon quelque part
et que tout le monde poussait dessus. En tout cas, chez nous, il me semble que
c'est comme ça, l'artiste ne cherche pas à déboucher. Il
cherche à créer. Et créer, ça veut dire
déboucher au centre de soi. Et, au centre de moi, moi, je suis faite
avec le paysage, les hivers et les mouches noires de l'Abitibi. Alors, plus
j'entre au centre de moi, qu'on me mette n'importe où, à New
York, à Paris, je vais quand même trouver le paysage de l'Abitibi
en superposition de ce que je vois. Ce n'est pas ce que je veux offrir, mais
c'est ce que je suis obligée d'offrir en tant qu'artiste. C'est ce qui
sort de moi quand je produis. Et ça, ça donne un miroir aux
Abitibiens et aux Abiti-biennes de ce que, moi, j'en vois. Alors, là, il
y a comme un échange, et la culture ou le feeling passe entre nous comme
ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lemire. M. le
député, quelques mots de remerciement, malheureusement.
M. Trudel: Quelques mots de remerciement pour avoir fait ce
déplacement. J'aurais aimé poser la question aussi, parce que les
conseils de la culture, M. le directeur général, Mme la
présidente, ont reçu leur préavis de licenciement dans le
rapport Arpin. Je suis sûr que vous auriez pu faire la
démonstration que, comme instrument de concertation dans la
région de VAbitibi-Témiscamingue - c'est éloquemment
présenté ici - ça demeure, le Conseil de la culture, un
endroit de ralliement, un instrument de concertation, de support et d'animation
qui est essentiel pour la sous-région, pour la région, pour
l'ensemble de l'Abitibi-Témiscamingue.
Merci d'avoir fart cet effort de déplacement et d'être
venus nous dire qu'on peut être tout cela, bien réussir et
contribuer à faire un Québec plus fort puis se développer,
même quand on est à 900 kilomètres de la capitale
nationale, ou 800 kilomètres, quelque chose comme ça, de la
métropole. Merci. C'a été un grand plaisir de vous
entendre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement, Mme Bédard,
d'abord, vous savez, votre région, même si je n'y habite pas, j'y
suis quand même allée quatre fois en l'espace de quatre mois,
alors je m'en viens une régulière.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Et même, j'ai eu la chance
d'avoir un recueil de poèmes et odes de Mme Lemire. Quand je suis avec
mon "chum" aussi, j'en lis une couple. En tout cas. Ceci dit, oui, il y a du
talent tout plein en région, et c'est une façon aussi de rendre
la culture très accessible. Alors, vous prêchez à une
convaincue, d'une part. Au niveau des CRC, dans une région comme la
vôtre, les CRC, effectivement, sont extrêmement actifs. Il y a
d'autres régions qui sont venues nous voir et qui nous ont dit: Bon,
bien, là, les CRC se cherchent une vocation. Alors, c'est un peu,
là, pour regarder, finalement, l'ensemble des actions et voir, bon:
Est-ce qu'il y a des structures du même genre, mais qui s'appliquent plus
dans une région versus une autre, et qu'est-ce qu'on fait?
Vous savez, chez vous, c'est particulier. On parle beaucoup de
régionalisation. On a le ministère le plus
décentralisé du gouvernement. On a l'intention aussi de
capitaliser sur cette décentralisation-là et de dégager.
C'est ça, finalement, le but de tout l'exercice, de cette discussion. Et
finalement, ce n'est pas pour alourdir, mais c'est surtout pour alléger
et, à ce moment-là, vraiment, encourager l'énergie et non
pas centraliser, devenir tout à fait lourd et anticréateur.
Alors, merci encore. J'espère que vous ne partez pas ce soir.
Profitez-en un peu. À la prochaine!
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, je vous remercie beaucoup. Je vous souhaite un bon voyage de
retour. Je sais que c'est très loin; je suis bien au courant de la
géographie québécoise. Ayant marié une fille d'Amos
et y ayant demeuré moi-même, je sais de quoi je parle.
Alors, les travaux sont ajournés jusqu'à demain matin, 9 h
30.
(Fin de la séance à 22 h 17)