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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 29 octobre 1991 - Vol. 31 N° 50

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La séance est donc ouverte et je rappelle très brièvement le mandat de cette commission. Il s'agit, pour nous, de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, tel que ça a été présenté à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci. On me dispensera de la lecture de l'ordre du jour, étant donné que ça a été distribué à tous les membres de cette commission. Il me reste maintenant, tout simplement, à souhaiter la plus cordiale des bienvenues à nos premiers intervenants. Nous commençons la semaine avec la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Je leur souhaite la bienvenue.

Les règles qui nous gouvernent sont très simples. Un tiers du temps est alloué à votre groupe pour faire la présentation qui est la vôtre, soit par la lecture du mémoire que vous avez déjà transmis à cette commission ou par un résumé du mémoire, comme vous voudrez. Après ça, la conversation s'engage entre vous et les membres de la commission pour le reste du temps. Compte tenu du nombre de groupes que nous avons à entendre, je me verrai dans l'obligation, cependant, de faire respecter l'horaire, ce que vous comprendrez, bien sûr.

Alors, M. Béland, M. Caron ainsi que M. de Pasquale, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous invite à commencer.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Béland (Claude): Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de vous donner les titres de ceux qui m'accompagnent: à ma droite, M. Yvan Caron, deuxième vice-président du conseil d'administration de la Confédération et président de la Fédération des caisses populaires de Québec, et, à ma gauche, M. Dominique de Pasquale, directeur de l'information et des affaires publiques à la Confédération des caisses.

Je veux d'abord vous remercier de donner au Mouvement Desjardins l'occasion de présenter ce mémoire à votre commission. Je pense que si le Mouvement est bien connu au Québec et si on connaît aussi ce succès, ce qui n'est peut-être pas dit souvent, c'est que ce succès n'aurait pas été possible s'il n'avait pas été le produit fidèle d'une culture et s'il n'avait pas continué de s'enraciner et de s'adapter jour après jour, et ça, depuis 90 ans, dans ce Québec qui se fait, qui se vit dans l'ensemble des régions, parce que nous croyons, au Mouvement Desjardins - je pense que nous ne sommes certainement pas les seuls - que l'humain ne vit pas uniquement dans des économies, qu'il vit aussi et, je dirais même, qu'il vit surtout dans des sociétés, ce qui est fort différent. C'est une façon de dire que l'humain est un être complexe, multidimensionnel, qui ne se situe pas seulement dans un cadre économique, mais qui est surtout le produit d'une culture. C'est d'ailleurs de cette culture que relève toute notre vie sociale. Nous, comme fournisseurs de services financiers, la culture nous oblige à la bien connaître pour être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de nos membres. C'est elle qui justifie notre raison d'être et qui nous motive. C'est elle qui nourrit l'imaginaire de nos artistes, qui stimule nos créateurs et qui donne son expression à notre diversité.

C'est évident que, cette culture, le Québec en a besoin car c'est elle qui inscrit notre différence en Amérique du Nord et qui nous distingue des autres peuples. Elle est la source de notre vitalité économique et le moteur de notre société. Nous y accordons beaucoup d'importance, et particulièrement dans le monde d'aujourd'hui, car il suffit d'être le moindrement à l'affût des événements qui secouent les sociétés un peu partout sur la planète pour constater à quel point la culture demeure une préoccupation fondamentale des peuples. Même dans le contexte d'ouverture des frontières et de globalisation des économies et des marchés, nous assistons à une réaffirmation des cultures et à une volonté ferme de consolidation des identités nationales.

S'il est vrai que, sur le plan économique, nous devenons des citoyens du monde, sur le plan des cultures, nous voyons partout resurgir les États-nations. En ce sens, il faut accorder un grand soin à la culture dans ses moindres manifestations. D'abord, cette culture passe par une langue commune qui en est, évidemment, la pierre angulaire, mais elle ne saurait uniquement s'en tenir à celle-ci. Même si la langue est l'élément le plus vital de notre culture et de notre identité, la culture ne peut s'y borner. Cette culture doit aussi prendre source dans son histoire, dans ses origines, dans son évolution. Il faut savoir d'où l'on vient pour mieux savoir qui l'on est et quelle est sa destinée.

Nous pensons qu'il faut donc donner aux jeunes le goût de la culture dès leur bas âge,

susciter, dès l'enfance, leur intérêt à son égard. Ce sont les jeunes, en effet, qui assurent toute politique culturelle à long terme et qui en garantissent la continuité. En ce sens, nous sommes persuadés que la culture ne peut se développer sans que ne se développe également le goût pour une éducation de qualité ainsi que la conviction que la culture doit nécessairement s'arrimer au monde de l'éducation. À notre avis, le groupe-conseil ne semble pas avoir poussé assez loin sa réflexion dans ce domaine.

Les arts constituent aussi, selon nous, un produit essentiel à la survie de notre peuple. C'est en grande partie à travers les arts que nous créons, transmettons, assurons notre continuité et que nous alimentons notre créativité, mais les artistes et le public ont des assises diverses qui ne sont pas toutes urbaines, il ne faut pas l'oublier. Les arts sont aussi l'expression d'une réalité régionale, différente d'une réalité urbaine, et les artistes contribuent au rayonnement de leur région, à sa qualité de vie, à son attrait touristique et, dès lors, à son développement économique.

Les régions du Québec doivent donc occuper une place importante dans toute politique culturelle à venir, ainsi que, je pense, l'influence des autochtones. Je pense que c'est à eux qu'on doit peut-être une partie de notre propre culture. J'allais même dire que c'est peut-être cette culture des autochtones qui nous a permis de survivre. À ce sujet, il convient de préciser que, même si la culture peut donner naissance à des produits qui sont disponibles sur le marché et qu'il existe, à cet égard, une dimension économique essentielle de la culture, celle-ci ne peut être réduite à cette seule dimension et être conçue uniquement comme un bien marchand. Elle est beaucoup plus que cela.

La culture, c'est notre façon à nous, du Québec, d'être au monde, d'agir collectivement et d'affirmer nos différences. Notre culture ne peut donc s'acheter, pas plus qu'elle ne peut se vendre. C'est pourquoi le Mouvement des caisses Desjardins a déjà recommandé devant une autre commission et recommande de nouveau devant celle-ci le rapatriement complet, par Québec, à la fois des pouvoirs et des fonds relatifs à la culture.

Il n'y a pas beaucoup de peuples, je pense, qui accepteraient de confier à un autre le droit de légiférer dans les matières qui peuvent avoir une incidence sur ce qu'ils sont ou sur ce qu'ils vont devenir et qui se satisferaient d'un statut de minoritaire dans les décisions relatives à leur souveraineté culturelle. De plus, l'évident chevauchement qui existe actuellement entre les niveaux de gouvernement en ce qui a trait au partage des compétences est inacceptable non seulement du point de vue des principes, mais aussi en raison du gaspillage de fonds et d'énergie qu'il entraîne.

D'ailleurs, il est assez humiliant d'entendre dire que nous n'aurions pas les moyens de notre souveraineté culturelle et que nous aurions, pour l'assurer, besoin de fonds qui viendraient d'ailleurs. Comme si les Québécois et les Québécoises ne payaient pas d'impôt et de taxes à d'autres généreux gouvernements qui nous soutiennent dans nos efforts culturels. J'ai toujours cru qu'en ce domaine nous recevions autant que nous donnions. Et preuve de chevauchement stérile pour s'en convaincre, on passe beaucoup de temps à calculer ce que nous donnons et ce que nous recevons. Pourtant, en acquérant nos pleins pouvoirs en ce domaine, peut-être passerions-nous moins de temps à comptabiliser et plus de temps à innover et à créer.

L'État du Québec doit lui-même assumer, par une politique culturelle solidement étayée de moyens et de budgets, les pleins pouvoirs en matière de culture. Il doit en être le catalyseur. Et si, dans la conjoncture économique actuelle, il ne peut assumer à lui seul les coûts de cette prise en charge, il doit, comme le groupe-conseil le suggère, avoir recours au secteur privé. On a proposé, depuis quelque temps déjà, que les entreprises consentent à consacrer 1 % de leur profit brut à des oeuvres philanthropiques. L'idée fait son chemin; elle mérite, selon nous, d'être soutenue et encouragée. Le Mouvement des caisses Desjardins appuie cette proposition et accomplira, selon ses possibilités, sa part, comme il l'a fait par le passé. Mais, du moins dans une période de transition, puisque nous avons été habitués à vivre sous le règne de l'État-provi-dence, cette participation des entreprises ou du milieu des affaires, si importante soit-elle, ne peut s'accompagner du désengagement de l'État. Le gouvernement du Québec doit donc, à notre avis, continuer à assumer ses responsabilités de principal bailleur de fonds dans cet important dossier.

Le Mouvement des caisses Desjardins suggère donc à la commission une série de mesures susceptibles de réorienter certaines des propositions énoncées dans le rapport du groupe-conseil. Ainsi, nous recommandons le rapatriement complet, par le Québec, des pouvoirs et des fonds relatifs à la culture. Nous recommandons que le gouvernement envisage immédiatement une politique articulée, étayée de moyens adéquats, qui permette au ministère des Affaires culturelles une intervention rapide dans un dossier qui est pressant. Nous recommandons que le ministère appuie en priorité les arts dans sa politique culturelle et qu'il mette pour cela l'accent sur les artistes et sur la création en augmentant les budgets qui leur sont destinés. Et nous recommandons, spécifiquement dans ce domaine, que le ministère consolide certaines formes d'intervention directe déjà existantes en développant, par exemple, sa politique d'achat d'oeuvres d'art, en favorisant des initiatives régionales, en intégrant plus intimement les autres cultures et en sauvegardant le patrimoine

culturel. En matière de soutien aux arts, nous suggérons au gouvernement de concrétiser sa promesse du 1 %. (15 h 45)

Nous recommandons que le ministère, dans l'application de sa politique, consente une aide aux régions dont nous savons qu'elles constituent une riche réserve de dynamisme et de créativité. Nous recommandons tout particulièrement que le ministère se préoccupe des jeunes en faisant une place importante à la relève; qu'il envisage la nécessité de revoir la formation offerte aux jeunes et aux adultes en matière de culture et d'art. Nous recommandons, dans le domaine des industries culturelles, que le ministère entreprenne les démarches qui s'imposent pour rapatrier le droit d'auteur au Québec et qu'il encourage la mise sur pied d'une société destinée à défendre les intérêts des créateurs et des auteurs québécois dans le domaine du livre, de l'audiovisuel et du film.

Nous recommandons, dans le domaine du financement, que le ministère assure une gestion efficace des dépenses culturelles, notamment par une plus grande concertation des partenaires sociaux et par des mesures fiscales appropriées. Nous recommandons au gouvernement de travailler à sensibiliser le secteur privé à ses responsabilités en matière culturelle, tout en réaffirmant sa détermination à ne pas se désengager du dossier.

Nous recommandons enfin que le gouvernement apporte un meilleur appui aux efforts de diffusion et d'ouverture sur le monde; qu'il appuie la création et la diffusion d'oeuvres québécoises en faisant valoir l'importance et la spécificité.

Parallèlement à cela, nous recommandons que le ministère poursuive les efforts entrepris pour favoriser la traduction et le doublage des films et des téléromans étrangers au Québec. Par ailleurs, nous recommandons aux partenaires du monde des arts et, notamment, aux entreprises d'accentuer leurs efforts de soutien aux arts.

Puisque nous sommes tous conscients que l'État ne saurait assumer seul, à cet égard, l'ensemble des responsabilités et qu'il ne serait d'ailleurs pas souhaitable qu'il le fasse, nous prônons la recherche de solutions nouvelles, sans doute collectives, au financement des arts. Nous croyons qu'il nous reste à trouver ensemble, à ce chapitre, le concept approprié qui pourrait s'inspirer des modèles québécois de concertation entre les différents partenaires socio-économiques.

Ce n'est qu'à ces conditions qu'il sera possible, croyons-nous, de parler d'une politique culturelle et artistique véritable, conçue comme partie intégrante d'un projet de société. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Béland. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Béland, M. Caron et M. de Pasquale, je vous souhaite la bienvenue. Ça nous fait un réel plaisir de vous voir ici, à cette commission parlementaire, d'autant plus que nous voulions et nous encouragions finalement les groupes qui sont nos partenaires économiques, nos groupes au niveau du système de l'éducation, par exemple, à venir aussi parler de culture pour que le débat soit très large.

Je suis aussi sensible, notamment, à l'importance que vous accordez, d'abord, à la relève, deuxièmement, à l'initiative régionale - on a beaucoup parlé des régions, ces dernières semaines, et de l'apport des régions - à l'accueil aussi des diverses cultures et au rôle de l'État et du privé. Je voudrais profiter d'ailleurs de votre expertise comme entreprise au niveau financier pour parler un peu de ce rôle-là.

Vous parlez d'abord et vous dites qu'évidemment il faut que l'État reste le principal moteur, si on veut, de toute l'activité culturelle. Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Par contre, vous qui connaissez bien les milieux d'affaires, quelles sont les mesures... Vous en parlez, de toute façon, au niveau de vos recommandations, quand vous dites: II faut inciter nos partenaires de l'entreprise privée. Vous parlez même de les inciter à investir 1 % de leur budget. Certaines entreprises le font d'emblée, mais d'autres se font quand même tirer l'oreille. Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des mesures - qu'elles soient fiscales ou autres - qui seraient particulièrement efficaces pour encourager les entreprises privées à participer davantage au niveau de leur investissement culturel?

M. Béland: Notre impression là-dessus, c'est que c'est une chose d'encourager les entreprises à être généreuses, mais on se demandait si on ne pouvait pas faire un pas de plus, comme on a fait, par exemple, dans le domaine du développement, dans le domaine de l'emploi. On y pense actuellement. Quand je référais à toutes les tables de concertation qui existent actuellement au Québec, on se disait: Est-ce qu'on peut amener les gens d'affaires à penser en termes d'investissements aussi? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu... Ce n'est pas très fouillé, la proposition que je vous fais, mais est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer un fonds de développement des industries culturelles sur le modèle de fonds de développement qu'on connaît déjà, qui sont assez élaborés actuellement?

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il serait possible de penser... Nous avons eu des représentants de la FTQ, par exemple, qui nous ont dit: Nous, on a des fonds de développement régionaux et les entreprises culturelles peuvent y faire appel. Est-ce qu'il serait possible de penser un peu comme la solution du rapport Coupet, c'est-à-dire de créer un fonds entreprises privées,

municipalités, gouvernement au niveau régional? Voyez-vous ça d'un bon oeil comme montage financier, par exemple?

M. Béland: Ma réponse est oui. Mais je pense qu'il y a d'autres modèles qu'on peut examiner. Je prends, par exemple, celui que le gouvernement actuel a mis sur pied, il n'y a pas tellement longtemps, qui est la Société d'investissement-jeunesse, qui était la constitution d'un grand fonds qui est finalement un fonds de cautionnement. Moi, j'ai le privilège de siéger sur le comité exécutif. On a quand même réussi à obtenir, de l'ensemble des entreprises québécoises, pas loin de 4 000 000 $, ce qui nous permet, en somme, de tripler le financement. Avec une caution de 4 000 000 $, vous êtes capables... vous cautionnez les institutions financières pour des jeunes qui veulent se lancer en affaires s'ils ont un bon projet. Je me disais: Est-ce qu'on peut faire la même chose pour le développement de la culture, pour le développement des arts en particulier? Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer une société de ce genre-là où les gens, évidemment, souscriraient à un fonds de base qui serait un fonds de cautionnement, mais qui permettrait parfois de tripler et même de quintupler le financement à la disposition des artistes et de ceux qui voudraient développer les arts par cette formule-là? Évidemment, il me semble que ça mériterait...

Mme Frulla-Hébert: Ça mériterait d'être regardé. Nos entreprises culturelles se plaignent bien souvent du manque, je dirais, de crédibilité, à certains moments donnés, au niveau de leur gestion, de telle sorte que c'est très difficile pour elles d'avoir justement des prêts bancaires, par exemple. Au niveau des institutions financières, on est quand même très réservé. Quand on arrive et qu'on dit qu'on est des entreprises de l'industrie culturelle, elles semblent beaucoup plus difficiles pour ce genre d'industrie qui est quand même un secteur de développement et qui génère beaucoup d'argent au niveau de notre économie. Il y a encore une réticence. Est-ce que vous sentez que cette réticence-là est en train de diminuer, et aussi un peu le pourquoi de tout ça?

M. Béland: Je pense que, si on se réfère à des entreprises culturelles qui s'autofinancent ou qui... évidemment, il n'y a pas de problème. Ce sont celles dont la continuité est souvent dépendante de subventions qui viennent, la plupart du temps, des gouvernements. Comme les subventions ne sont pas nécessairement garanties à long terme, qu'elles sont à très court terme, il est difficile, pour une institution financière, en regardant les chiffres et en réalisant qu'il y a des revenus qui sont toujours à court terme, qui sont sujets à la décision d'un ministère ou d'un gouvernement, dans ce sens-là, de s'engager à long terme. Ce qu'on dit dans notre mémoire, d'ailleurs, c'est que, s'il y avait moyen de gérer l'aide culturelle en assurant une plus grande permanence, une plus grande garantie de permanence, peut-être que ça aiderait les institutions financières à se montrer plus disposées à faire les financements requis.

Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, notre politique du plan triennal aide...

M. Béland: Oui, absolument.

Mme Frulla-Hébert:... à ce niveau-là.

M. Béland: Plus elle va être - "permanente" est un mauvais mot - durable, plus les banquiers et les caisses, évidemment, vont être ouverts à fournir du financement.

Mme Frulla-Hébert: Je veux toucher un autre sujet et, celui-là, sans être... Parce qu'il faut faire attention. Je ne veux pas, quand même, que ce soit le coeur même du débat parce qu'on a à regarder... Si on est ici, en commission parlementaire, c'est parce qu'on veut des changements et qu'il y a un profond besoin de changement. Cela dit, vous avez parlé du rapatriement des pouvoirs. Il y a quelque temps, et à ma grande surprise finalement, quand j'ai fait la réflexion de la réaction un peu du milieu qui semble craindre le fait que nous sommes, au Québec, qu'on soit le maître d'oeuvre complet au niveau culturel et développement culturel; finalement, il y a eu deux craintes. La première, c'est que, si on rapatrie les pouvoirs, il faut rapatrier l'argent. On ne peut pas en avoir plus qu'on n'en a présentement et il nous en manque déjà. Il y en a une deuxième, moi, qui me fait plus peur, c'est l'espèce de police d'assurance qu'on cherche, c'est-à-dire que certaines personnes ou certains groupes nous disent: On va cogner à une porte, on nous dit non; on va cogner à l'autre porte, on nous dit oui. Alors, deux choses: on a une garantie, d'une part, ou encore on peut se servir de la deuxième porte pour faire des pressions sur la première. Alors, ça, c'est un autre débat. Mais au niveau justement du fait que le Québec, en soi, devrait rapatrier tous les leviers de telle sorte qu'on puisse garantir notre développement et, comme vous l'avez dit si bien aussi, éviter le chevauchement qui nous coûte plusieurs dizaines de millions de dollars, à ce moment-là, qu'est-ce que vous répondriez à ça, vous, M. Béland?

M. Béland: Écoutez, si on rapatrie notre maison, ça n'empêche pas d'avoir deux portes dans notre maison. C'est une question de gestion. C'est le même débat qu'on a fait autour de la Caisse de dépôt. Souvenez-vous quand les gens disaient: On va cogner à la porte de la Caisse de dépôt: si elle nous refuse, bien là, on est mal

pris, il n'y en a pas deux Caisses de dépôt au Québec. Alors, les gens disaient: II faut scinder la Caisse de dépôt. J'ai entendu ça souvent depuis 15 ans que je suis dans le domaine. J'ai entendu ça très souvent et c'était le même argument. On nous disait toujours: Ah! quand les gens de la Caisse de dépôt nous disent non, on est fini. Donc, ça, il faut changer peut-être le mode de gestion à l'intérieur de la Caisse de dépôt, donner des portes additionnelles, donner des droits d'appel, permettre aux gens de revoir le dossier. Mais, là, de dire: Pour être sûr que je peux faire ouvrir des portes, ça me prend deux maisons, moi, je ne suis pas d'accord parce que, là, on retrouve les chevauchements et on retrouve... Ce n'est pas simplement des chevauchements en coût, c'est des chevauchements en orientation.

Moi, j'ai été président de l'Opéra de Montréal et je me souviendrai toujours - ça m'avait frappé, qu'est-ce que vous voulez, on évolue à travers ces expériences-là - que j'allais chercher 800 000 $, à l'époque, au gouvernement fédéral et on me disait: Oui, mais à une condition: vous allez embaucher des artistes étrangers parce qu'on veut un opéra de qualité, et je venais chercher 1 200 000 $ au Québec et on me disait autre chose. On me disait: À la condition que... Et là il fallait que ce soit des artistes d'ici autant que possible. Je naviguais entre ça, un petit peu d'étrangers, un petit peu de Québécois et, l'année suivante, j'espérais que les deux gouvernements me disent oui. Mais, en termes de paperasserie, de bureaucratie, c'est énorme ce qu'on était obligé de faire en perte de temps et en inquiétude. On passait plus de temps, finalement, à gérer ces orientations contradictoires, parce qu'elles étaient vraiment contradictoires. On essaie de gérer avec des indications. On dit: On vous donne 800 000 $, mais faites telle, telle, telle chose, et l'autre nous dit: Faites ça. Donc, on n'est pas capable d'avoir une politique cohérente, on ne sait pas trop où on s'en va et on navigue à travers tout ça. Dans ce sens-là, ça m'apparaît très important d'avoir une maison et si, pour rendre les gens plus secures, pour qu'ils puissent y entrer, ça prend plusieurs portes et plusieurs fenêtres, bien, faisons-le chez nous, mais ce n'est pas nécessaire, à mon sens, d'avoir deux maisons.

Mme Frulla-Hébert: On parle aussi beaucoup des institutions. Justement, vous avez touché... Souvent, on nous pose la question en nous disant: Oui, parfait pour les programmes, mais les institutions, ça serait impossible, etc. Compte tenu de votre expérience - vous parlez de la Caisse de dépôt - si on s'entend sur le principe, on peut ensuite s'entendre au niveau des institutions, j'imagine. (16 heures)

M. Béland: J'imagine. Je ne vois pas de contradiction là-dedans. Ça va.

Mme Frulla-Hébert: Je vais toucher, parce que le temps presse, au niveau régional. Vous avez beaucoup d'implication, évidemment, au niveau régional et c'est aussi très important pour vous, toute cette régionalisation. D'ailleurs, ça fait votre force. Et les régions viennent aussi en grand nombre nous démontrer et plaider avec énormément de vitalité leur apport au niveau de la culture. Mon confrère et moi étions à Rouyn, par exemple, au Festival du film, et on s'est aperçu aussi de tout l'effort, de tout l'engouement et de ce que peut faire un événement semblable dans un région. Je pense au Festival de folklore de Drummondville qui est aussi d'un grand apport économique et de sensibilisation au niveau culturel, etc. Mais au niveau régional, qu'est-ce qu'on peut faire au niveau des municipalités, par exemple, au niveau même de votre organisation? Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut mettre sur pied pour faire plus, justement, pour développer les régions et les convaincre de toute la dimension culturelle?

M. Béland: Oui. Dans notre mémoire, on a suggéré peut-être de se rapprocher des municipalités, de voir des possibilités à travers les unions municipales ou régionales de comté. On n'est pas allé très loin non plus dans ça. Il nous semblait qu'il y avait peut-être des pistes, mais ce qui nous apparaît essentiel, c'est que, si c'est important pour le Québec, la vie culturelle - on dit toujours que c'est la base, on le dit dans notre mémoire, je pense que ça fait l'unanimité - c'est aussi important pour les régions. Les gens qui vivent en région ont fait des choix. C'est sûr que ce ne sont pas des gens qui veulent la qualité de vie d'une ville; ils ont une autre sorte de qualité de vie, mais celle-là ne peut pas non plus se priver de son aspect culturel. Quand on la divise en trois: la création, la production et la diffusion, je pense que la création, en région, est aussi riche et qu'il faut la favoriser. Quand je pense à nos peintres de Charlevoix, quand je regarde nos chansonniers qui viennent de toutes les régions du Québec, la création est extrêmement riche. Il ne faut pas l'empêcher, il ne faut pas l'étouffer. Aujourd'hui, les moyens de production ne sont plus les mêmes qu'ils étaient il y a quelques années. Ils sont quand même possibles en région. Moi, j'ai ce privilège d'aller partout à travers le Québec, fréquemment. J'ai été à Gaspé il n'y a pas tellement longtemps. La vie culturelle, ce n'est pas simplement des choses ponctuelles comme un festival ou une activité à un moment donné. La vie culturelle, il faut qu'elle soit permanente et je sentais qu'en Gaspésie, entre autres, il y avait là quand même une vie culturelle, selon leurs moyens, qui était extrêmement riche.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Béland, M. Caron, M. de Pasquale, bienvenue. Il va de soi que votre mémoire a été lu et il va de soi que la présence de cette puissante Fédération était attendue. C'est une des plus grandes forces économiques du Québec. Je pense qu'il était tout à fait normal que vous interveniez. D'ailleurs, je n'en ai jamais douté.

Ceci étant dit, je vais aller immédiatement au questionnement puisque vous savez que, malheureusement, le temps qui nous est imparti est, malgré tout mince, compte tenu du nombre d'organismes. M. Béland, dans quelques semaines, vous allez présider un important forum qui est le Forum pour l'emploi. Je vais me servir d'un exemple que je voulais surtout adresser aux gens de l'édition qui vont venir dans quelque temps, mais je vais d'abord passer par vous, et ça ne sera pas de la redite, de toute façon. Quand ils viendront, ils auront peut-être senti un apport et un appui des caisses populaires.

Il y a un roman qui a été publié, "Les filles de Caleb. Vous savez, dans toutes les sphères de l'art, la littérature, le livre est celle qui demande le moins d'investissement de l'État. "Les filles de Caleb" a débouché sur une série télévisée qui nous a tous captivés et qui a attiré 150 000 visiteurs dans la région de la Mauricie où le tournage a été fait.

M. Béland, croyez-vous que, notamment en région - et vous avez parlé de la Gaspésie qui est une région qui a des difficultés particulières, le sous-développement permanent, comme dit un livre très actuel - le développement culturel souvent précède le développement économique, dans le sens qu'H l'amène, très assurément?

M. Béland: Dans notre mémoire, je pense qu'on le dit. Il n'y a pas de raison à un développement économique si on ne le fait pas en fonction des individus qui vivent dans une région. Les gens sont là. C'est d'abord l'apport culturel. C'est d'abord ce que sont les gens qui fait qu'ils ont le goût de développer une économie pour pouvoir demeurer là où ils veulent vivre. Dans ce sens-là, l'aspect culturel est fondamental. Il est premier. Les gens sont là parce qu'ils veulent demeurer dans une région. Ils se donnent des activités économiques pour se donner le moyen de vivre dans la région.

La réponse à votre question, c'est sûr que c'est oui. La culture est prioritaire, à notre point de vue. Et c'est ce qui fait qu'il y a des caisses partout. Les gens voulant vivre dans une région, ils se sont donné une caisse. Ils ont trouvé là un moyen de regrouper leurs épargnes pour être capables de vivre dans ce milieu-là, selon la qualité de vie qu'ils voulaient se donner.

M. Boulerice: C'est vrai que, la dimension régionale, c'est une chose qui ne peut pas vous échapper. De toute façon, votre mouvement est parti d'une région, celle de Chaudière-Appala- ches. On peut parler de la culture économique des régions aussi. Et ça a débouché aussi sur la plus grande banque québécoise, une des plus importantes au monde, d'ailleurs, en termes de dépôts.

La deuxième question que j'aimerais vous adresser... Vous avez une longue tradition de mécénat. Mme la ministre a fait allusion au festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue où nous avions le plaisir d'être tous deux. Oui, les caisses populaires étaient éminemment présentes dans le support financier, etc. Même vos directeurs de caisse et employés étaient parmi les nombreux bénévoles qui y travaillaient. Lorsque votre institution comme telle décide au niveau du mécénat, est-ce que vous avez - sans que la règle soit peut-être nécessairement écrite - une préoccupation régionale, en disant: Compte tenu de nos activités, de notre dispersion sur l'ensemble du territoire, nous devons tenir compte effectivement des régions et, notamment, peut-être ajouter une dimension, les régions pour qui le financement au niveau du mécénat pose problème? Parce que, comme je dis, ce n'est pas toutes les régions qui ont des multinationales, ce sont les centres-villes et, de préférence, les centres métropolitains qui ont les puissantes multinationales.

M. Béland: C'est peut-être un des avantages qu'on a. On n'est pas une grande entreprise, on est un grand regroupement de petites entreprises. Donc, le mécénat, chez nous, se fait à travers le réseau des caisses. Les caisses elles-mêmes contribuent localement aux activités de leur milieu, mais c'est surtout au niveau des fédérations que ça se passe. Les grands dossiers nationaux gérés par la Confédération ne sont pas très nombreux, chez nous. Le plus gros budget n'est pas au niveau de la Confédération. Quand on parle de 1 300 000 $, en 1990, c'est la somme totale, finalement, des contributions de chacune des fédérations. Si je prends le niveau de la Confédération, nous, on soutient, par exemple, la Société historique Alphonse Desjardins qui est une forme d'activité culturelle qui rappelle toute l'histoire du Mouvement et, en même temps, un peu du Québec. On a des activités de ce genre-là. Mais c'est au niveau des fédérations surtout qu'on apporte l'aide. L'Orchestre symphonique de Québec... Je pense que M. Caron pourrait parler largement de tout ce que la Fédération de Québec fait, ici, dans la région. Peut-être, M. Caron, voulez-vous ajouter à ça?

M. Caron (Yvan): Oui. D'abord, nous, on participe beaucoup au niveau de l'Orchestre symphonique, au niveau de la Fondation du Trident, de l'Opéra de Québec, du Festival d'été, au niveau du volet culturel. Aussi, comme M. Béland l'a dit, quand on se promène à l'intérieur de notre région et à l'extérieur aussi, jusque sur

la Basse-Côte-Nord, pour chacune de nos caisses, c'est peut-être une de leurs principales occupations de voir à aider le volet culturel dans chacun de leur secteur.

M. Boulerice: II y a une autonomie de gestion, M. Caron?

M. Caron: Oui. En plus, souvent, ce que la caisse populaire ou les caisses populaires, au niveau des régions... On revient avec la Fédération qui en met peut-être autant que nos caisses des régions.

M. Boulerice: Une dernière question de ma part, puisque mon collègue, le député de Mercier, aimerait aussi intervenir. M. Béland, au moment où des milliers de Québécois sont braqués sur leur écran en syntonisant Radio-Québec, se demandant s'ils n'entendront pas: Fin définitive de nos émissions, vous mentionnez, à la page 20 de votre mémoire, l'importance de Radio-Québec et vous dites: "Radio-Québec est une société d'État." Un groupe de parlementaires du parti ministériel vient de suggérer de fermer Radio-Québec. Je vous avoue que ça doit préoccuper bien des gens au Québec. Dans l'optique où on ne persistera pas et où on reviendra à la raison... Est-ce que vous croyez qu'on peut développer une politique des arts et de la culture au Québec en mettant de côté l'immense volet des communications?

M. Béland: Non, ça nous apparaît essentiel. On n'a pas changé d'idée depuis qu'on a écrit le mémoire. Ce qu'on dit là-dedans, évidemment, on y croit. Au contraire, on pense qu'il faut développer davantage Radio-Québec. Mais, quand on aura rapatrié tout ça, ce sera évidemment plus facile de le faire.

M. Boulerice: Mais Radio-Québec en région, à titre non pas uniquement de diffuseur, mais de producteur.

M. Béland: Au moment où s'était décidé l'annulation des centres de production en région, le Mouvement Desjardins s'y était objecté fortement. On a perdu cette bataille, mais... Ça nous arrive.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Mercier, pour un maigre cinq minutes.

M. Godin: Maigre, c'est le mot, mon cher monsieur. M. le Président, j'aimerais vous faire une suggestion qui est en même temps une question et qui s'inspire de ce que j'observe dans mon comté de Mercier depuis 15 ans que je suis député. Ayant l'honneur d'être membre de l'Union des écrivains, beaucoup d'écrivains viennent me voir, beaucoup de créateurs aussi, et ils me disent tous: On est allés à la caisse pop et il n'y a pas de programme, il n'y a pas d'argent à nous prêter à nous. Alors, est-ce qu'il est envisageable que le Mouvement Desjardins établisse, après consultation évidemment avec les instances habituelles, un programme d'aide aux artistes de la relève et arrivés, c'est-à-dire aux jeunes qui, des fois, voient passer sous leurs yeux des lieux à louer tout à fait conformes à leurs aspirations, mais qu'ils ne peuvent pas louer ni faire de dépôt de location parce qu'ils n'ont pas le liquide requis?

M. Béland: Ma réponse à ça, M. Godin, c'est que, nous, on pense que, lorsqu'on est dans le domaine - on est presque dans le domaine, l'équivalent de la recherche et du développement, quand on est dans le domaine des entreprises -c'est vrai qu'il faut encourager la création en matière d'arts, en matière d'écriture, en matière de musique et d'architecture, et tout ça. Il faut encourager la création, mais, souvent, cette création-là n'est pas encore rentable. C'est la même chose que dans le domaine économique ou dans le domaine des entreprises. La recherche et le développement, ça doit être soutenu et, si ça doit être soutenu par l'entreprise privée, je pense qu'à ce moment-là ça ne peut pas être uniquement la responsabilité d'une institution financière. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on suggérait la création de concertation sur le modèle de la Société d'investissement-jeunesse, sur le modèle du Fonds des travailleurs du Québec et sur d'autres modèles du genre. Lorsqu'on le fait en concertation, au moins sur le plan concurrentiel, on est tous sur le même pied et ça rend les choses beaucoup plus faciles.

M. Godin: M. le Président, je ne crois pas qu'on puisse dire que les artistes se lancent en affaires.

M. Béland: Raison de plus.

M. Godin: Ils ne se lancent pas en affaires, ils se lancent dans la création.

M. Béland: Exact.

M. Godin: Et, dans bien des cas, ce n'est que longtemps, longtemps après que leurs oeuvres, dans quelque domaine que ce soit, leur rapportent, sans compter ce que Revenu Québec et Revenu Canada vont prélever. Je pense, entre autres, à Réjean Ducharme, qui a plusieurs romans à son actif, dont la plupart des livres sont des chefs-d'oeuvre d'ailleurs, qui reçoit un prix de 100 000 $ de la fondation Émile-Nelligan et qui se voit ponctionner à mort, à l'os, à la minute où il le touche, sans avoir le recours, comme Guy Lafleur avait dans le temps, d'étaler ses revenus sur plusieurs années, parce qu'il y a des années 0,00 $ et des années à 100 000 $.

M. Béland: II est certain que, d'une façon ponctuelle, le Mouvement Desjardins, les caisses aident souvent dans des publications de certains auteurs, mais je pensais que vous me parliez de quelque chose de plus permanent et...

M. Godin: Ce que je suggérais, M. le Président, c'est tout simplement la conclusion de ce que j'ai observé dans mon comté. C'est que, s'il y avait dans les caisses pop un sous-comité de prêts qui ne prêtait qu'aux artistes de la relève ou arrivés mais qui ont des besoins imprévus, je crois que les caisses populaires, à ce moment-là, se démarqueraient de l'ensemble des organismes mécènes existants.

M. Béland: C'est bien noté, M. Godin.

M. Godin: Alors, on verra si vous notez avec le bon crayon. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Mercier. Quelques mots de remerciement, si vous le désirez, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (16 h 15)

M. Boulerice: Oui. M. Béland, vous avez dit: Nous ne sommes pas une immense entreprise, nous sommes un immense regroupement de petites entreprises. Mais c'est ça, le domaine des arts, de la culture et de la communication, c'est l'immense regroupement de petites entreprises. C'est, 1989-1990, en termes de dépenses publiques et de revenus de recettes, 13 000 000 000 $ au Québec. Alors, je pense que nous convenons tous deux qu'il est temps que nous gérions nous-mêmes cette immense ressource, d'une part, humaine et financière, sans ingérence de qui que ce soit, n'en déplaise à M. Beatty qui renouvelait hier son engagement de défendre notre bien. Merci, M. Béland. Merci beaucoup, M. Caron et M. de Pasquale.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, à votre tour.

Mme Frulla-Hébert: À vous trois, encore une fois, merci. C'est d'autant plus encourageant de vous voir, justement parce que mon collègue disait que vous regroupez plusieurs entreprises, donc beaucoup de monde. Il faut que la culture, au Québec, se vive et non pas qu'elle soit perçue justement comme un luxe et un investissement. Je pense qu'il est temps maintenant, comme société, qu'on se le dise, d'une part, et merci encore parce que vous avez répondu, vous avez fait le parallèle, par exemple, avec la Caisse de dépôt. Vous avez répondu à certaines appréhensions du milieu. Je suis d'accord avec vous, c'est bien souvent une question de gestion. Merci, monsieur.

M. Béland: Merci, madame.

Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste à mon tour, au nom des membres de la commission, à vous remercier, M. Béland, M. Caron et M. de Pasquale, et à vous permettre de vous retirer pour que nous puissions entendre f'autre groupe. Merci d'être venus nous voir.

M. Béland: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

Bienvenue aux représentants de la société Quebecor. Je vois qu'ils sont déjà à la table de nos invités. Les règles sont connues: une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou un résumé; après ça, la conversation s'engage, la discussion, avec les membres de la commission pour ce qui reste de temps sur les trois quarts d'heure. Si vous voulez bien vous présenter pour les fins du Journal des débats et, ensuite, vous avez la parole.

Quebecor inc.

M. Girard (Jacques): Merci, M. le Président. Avant de présenter mes deux collègues, je voudrais, tout d'abord, nous excuser pour le fait que le mémoire de Quebecor soit arrivé si tardivement, mais je pense que vous en avez maintenant chacun une copie. Il nous a fallu vérifier et revérifier à l'intérieur de tout le réseau Quebecor chacune des données qui apparaissent dans ce mémoire et c'est la raison pour laquelle il vous est parvenu un peu tardivement. Donc, m'accompagnent aujourd'hui Mme Chantai Reid, directrice de distribution Trans-Canada, et M. André Rousseau, président-directeur général du Centre éducatif et culturel. Je suis Jacques Girard, premier vice-président, responsable du secteur de l'édition chez Quebecor.

M. le Président, Quebecor est heureuse de prendre part à cet exercice de consultation sur le développement de la culture et des arts au Québec. Notre but premier a toujours été d'accroître l'accessibilité de la culture. Nous voulons démontrer aux membres de la commission de la culture et des arts que Quebecor est fortement intégrée au milieu artistique québécois. Notre mémoire trace un portrait descriptif de Quebecor et insiste sur ses entreprises particulièrement actives dans la promotion et le développement culturels et artistiques. En conclusion, nous émettrons un certain nombre de commentaires à l'égard du rapport Arpin, qui font l'objet, d'ailleurs, de recommandations précises.

Tout d'abord, un très bref portrait de Quebecor inc. Quebecor a été fondée le 8 janvier 1965 dans le but de regrouper toutes les entreprises d'édition et d'impression acquises ou créées depuis 1950 par M. Pierre Péladeau. Les entreprises de Quebecor plus particulièrement engagées dans le domaine de la culture sont les suivantes: Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, Magazines Publicor Canada inc., les

hebdos artistiques Quebecor, les hebdos régionaux, Distribution Trans-Canada, le Centre éducatif et culturel, les Éditions Quebecor et, finalement, Québec-Livres.

La philosophie de Quebecor à l'égard de la culture et des arts, je pense qu'elle est connue, mais nous voulons quand même insister à nouveau brièvement aujourd'hui. Nous sommes convaincus que les arts et la culture doivent être le reflet du peuple que nous sommes et que leur accessibilité doit être la plus universelle possible. Quebecor a toujours voulu lutter contre une certaine forme d'élitisme de la culture et des arts. Nous pensons y être arrivés et nous y arrivons encore constamment dans nos activités quotidiennes.

Le rapport Arpin souligne l'influence grandissante des médias par rapport aux industries culturelles et à leur développement. Nous sommes d'accord avec cette affirmation et nous sommes en mesure d'affirmer devant vous, cet après-midi, que cette collaboration directe existe bel et bien et qu'elle est en voie constante de développement. La presse quotidienne au Québec est fortement engagée dans le domaine culturel et artistique et l'implication de Quebecor s'effectue, notamment, dans la couverture journalistique, dans la promotion publicitaire et dans les projets spéciaux que peuvent avoir l'un ou l'autre de nos quotidiens.

La couverture journalistique tout d'abord. Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec consacrent une proportion de 10 % de l'ensemble de leurs pages aux activités culturelles et artistiques, soit environ 60 pages par semaine. De ce nombre, la moitié consiste en des reportages et des articles de presse à contenu journalistique.

La promotion publicitaire. L'autre élément qui permet une intégration directe entre le milieu et les grands journaux est celui de la promotion publicitaire des activités. Ce volet comprend deux niveaux. Le premier, celui de l'achat. Nous ne nous attarderons pas sur l'achat puisqu'il s'agit d'une relation commerciale qui se négocie entre l'acheteur et le vendeur.

Les échanges et les dons. Les échanges et les dons en espaces publicitaires démontrent de façon claire et précise qu'il existe un très haut degré de collaboration et d'appui de la part de Quebecor envers le milieu artistique et culturel. Quebecor met à la disposition d'une multitude d'organismes culturels et artistiques son important réseau de publications qui comprend, comme vous le savez, 4 quotidiens, 50 hebdomadaires et plus de 11 magazines. De nombreux espaces publicitaires sont ainsi donnés ou échangés avec le milieu. Chaque année, par exemple, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec donnent, au total, près de 1 400 000 $, soit l'équivalent de 325 pages en espaces publicitaires pour le secteur culturel et artistique. Il serait peut-être utile, M. le Président, que je vous réfère aux pages 12 et 13 du mémoire pour vous donner des exemples de la collaboration que nos deux quotidiens entretiennent, les deux quotidiens francophones, avec le milieu culturel.

Pour ce qui est du Journal de Montréal, dans le cas de la musique classique, c'est avec l'Orchestre métropolitain, l'Orchestre symphoni-que de Montréal et le Pavillon des arts de Sainte-Adèle. Dans le cas des variétés, c'est avec la firme Avanti, Juste pour Rire, les Productions Rozon, Fogel-Sabourin, l'ADISQ pour son gala, les grands prix littéraires du Journal de Montréal et les concours d'orthographe organisés par M. Pivot et diffusés au Québec par Radio-Québec, auxquels Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec sont associés. Pour ce qui est du cinéma, IMAX, Alliance Film, Aska Films, Cinéma Plus, France Film, Cineplex Odeon, Famous Players, Malo Films; littérature, je viens de le mentionner, grands prix littéraires, concours d'orthographe; théâtre, Juste pour rire; exposition, l'Expo-tec, Les Peintres de la Fleur, Festival de la peinture, et, dans le cas de la danse, les Grands Ballets canadiens.

Dans le cas du Journal de Québec, l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières; dans le cas des variétés, spectacle de Michel Courteman-che, présentation de Céline Dion, spectacle de Mario Pelchat, spectacle de Marie-Denise Pelletier, spectacle de Daniel Lemire, spectacle le Groupe Sanguin, Découverte Juste pour Rire, spectacle de Johanne Blouin, Concours international de sculpture sur neige, Concours jeunes créateurs, spectacle de Jean Leloup, Festival international du jazz, Fêtes populaires Desjardins, Cirque du tonnerre; dans le cinéma également, Festival international du film, association pour ce qui est des films "Le prince Casse-Noisette" et "Ding et Dong" et, là aussi, les championnats d'orthographe. Le Journal de Québec est également impliqué pour ce qui est de la littérature et de la danse, notamment pour ce qui est des Grands Ballets canadiens. Je rappelle également que Le Journal de Montréal a mis sur pied, il y a maintenant quatre ans, pour ce qui est de l'édition du samedi, un cahier qui s'appelle "Le cahier weekend" où on retrouve des chroniques littéraires, des chroniques portant sur le cinéma, la musique, la danse. Le Journal de Québec a également l'équivalent avec son cahier du samedi.

Je voudrais mentionner maintenant quelques projets spéciaux. Un autre volet de la collaboration entre les grands quotidiens et le milieu culturel est celui des projets spéciaux. Afin d'inciter les étudiants à la lecture, Le Journal de Montréal a mis sur pied un programme de lecture dans les écoles. Par l'entremise de ce programme, le quotidien est utilisé comme un outil éducatif et culturel dans les classes. Les résultats obtenus sont prometteurs et, bien que l'opération soit coûteuse, nous entendons continuer à favoriser l'expansion de ce programme éducatif.

Les maga2ines. Un aspect important du comportement des organisations de Quebecor est leur désir d'inclure dans la vie culturelle des disciplines non traditionnelles en plus de la chanson, du cinéma et du théâtre. Pour Quebe- cor, la mode vestimentaire, la cuisine, la décoration et l'architecture sont autant de formes d'expression culturelle et artistique. Les 11 magazines publiés par Publicor chaque mois et les nombreux spéciaux publiés annuellement en sont l'illustration.

Les hebdos artistiques. Les deux hebdomadaires artistiques de Quebecor, soit Échos-Vedettes et Hebdo Vedettes, permettent aux Québécois de mieux connaître leurs artistes et d'en faire des vedettes, ce qui est une caractéristique propre au Québec puisque l'équivalent n'existe pas dans le reste du Canada. L'atteinte, par un artiste de chez nous, d'un statut de vedette fait en sorte que sa carrière peut se développer plus rapidement et plus efficacement.

Les hebdos régionaux. Les hebdos régionaux sont au nombre de 44 et couvrent l'ensemble du territoire du Québec, auxquels il faut ajouter 6 mensuels d'affaires intitulés Parlons Affaires et, enfin, le Super Hebdo de Montréal. Ensemble, ces hebdos tirent à plus de 764 000 copies par semaine.

La relation qui existe entre ces hebdos et la communauté artistique et culturelle régionale est, à notre avis, bien articulée. Les décisions éditoriaies se prennent directement en région et ce sont les directeurs des publications hebdomadaires qui déterminent le contenu rédactionnel de leur journal. Ainsi, il est possible aux artistes en région d'avoir accès à une presse locale et d'obtenir une couverture de leurs activités à l'échelle de leur communauté. Cependant, plusieurs artistes et créateurs en région pourraient, à notre avis, bénéficier d'un soutien du ministère des Affaires culturelles pour favoriser leurs relations avec les médias Nous pensons que le ministère devrait confier à ses bureaux régionaux la responsabilité de développer des plans de communication adaptés à chacune des régions du Québec. La presse régionale est un outil unique et puissant qui peut être utile à la communauté artistique et culturelle.

Le disque. L'industrie du disque québécois est en interaction avec trois divisions de Quebecor, toutes intégrées sous la direction de Distribution Trans-Canada: Musicor, qui est un distributeur de disques, One Stop, grossiste, vente de disques, et Kebec Disques et PolySons, qui sont des magasins de disques. L'implication de Quebecor est très importante. Elle rejoint tous les secteurs de l'industrie. Quebecor est, dans ce domaine, l'un des chefs de file et génère plus de 40 000 000 $ par année.

La grande problématique actuelle de l'industrie est l'impossibilité de prévoir le succès et la progression commerciale d'un disque à partir du moment où il est mis en marché dans les magasins. Il n'existe pas d'outil d'évaluation des ventes de disques qui permette à l'industrie d'orienter le ciblage de ses efforts professionnels avec précision. Il est essentiel d'avoir accès à des outils de contrôle et d'évaluation précis si on veut obtenir des résultats satisfaisants lors de la mise en marché. Mme Reid d'ailleurs pourra répondre de façon beaucoup plus précise aux questions que vous pourriez avoir sur le secteur du disque.

Le livre. Quebecor comprend également, là aussi, trois organisations directement impliquées dans le secteur du livre: ce sont le Centre éducatif et culturel inc., possédé à 50 % par Quebecor et à 50 % par le groupe français Hachette, les Éditions Quebecor et Québec-Livres. (16 h 30)

Dans un premier temps, il nous apparaît que les bibliothèques scolaires pourraient faire l'objet d'un plan de relance particulier. Nous aimerions attirer l'attention des membres de la commission de la culture et des arts sur un précédent rapport qui avait été rédigé en mai 1989, le rapport Gilles Bouchard, intitulé "Les bibliothèques scolaires québécoises". Ce rapport concluait qu'il était nécessaire d'implanter un plan de relance afin de s'assurer un réseau de bibliothèques scolaires adéquat. Quebecor suggère fortement au gouvernement québécois, et notamment à son ministère de l'Éducation, de mettre en application les recommandations de ce rapport et de réaliser ce plan de relance des bibliothèques scolaires.

La philanthropie. Au-delà de ses entreprises et de leur engagement envers le milieu culturel et artistique, Quebecor est très active au plan philanthropique. Nous présentons ici ou nous présentons dans le mémoire une description des divers engagements de Quebecor et de son président afin de démontrer - sujet qui a été abordé il y a quelques instants avec la Fédération des caisses populaires - le partenariat qui existe entre le secteur privé et le secteur artistique et culturel québécois. Il y a tout d'abord le Pavillon des arts de Sainte-Adèle. Il y a l'Orchestre métropolitain. Il y a la salle de concert de l'UQAM. Il y a les différents dons et commandites de Quebecor annuellement.

Je me permets de souligner que, depuis 1987, c'est environ 200 000 $ par année que Quebecor a donné à l'Orchestre métropolitain, ce qui fait au total une somme de 1 000 000 $. Et l'engagement pris par Quebecor à l'égard de la salle de concert de l'UQAM est également du même ordre, soit 200 000 $ par année. Je voudrais tout simplement, dans le domaine de la philanthropie, souligner également l'aide que Quebecor a apportée aux journal Le Devoir et continue d'apporter au Devoir.

J'aborderai, maintenant, M. le Président, une question que vous ne serez pas étonné de nous voir aborder, celle de la taxe de vente du

Québec sur les produits culturels. Il nous paraît impérieux de ne jamais appliquer la taxe de vente du Québec aux livres. L'industrie du livre ressent déjà fortement les mauvais effets de la taxe sur les produits et services du gouvernement fédéral. L'application d'une taxe supplémentaire comme la TVQ ne ferait que nuire et réduire la vitalité de ce secteur. Nous en profitons d'ailleurs pour féliciter le gouvernement d'avoir retardé l'application de la TVQ sur les services jusqu'en juillet 1992. Mais, comme je viens de le dire, nous recommandons, pour ce qui est du livre, que cette taxe ne s'applique jamais et nous , recommandons également qu'elle soit éliminée pour ce qui est des journaux quotidiens, des hebdomadaires, des magazines et du disque.

D'ailleurs, nous avons, à cet égard, soumis un mémoire au ministre des Communications, M. Cannon. J'ai eu l'occasion, avec mes collègues des autres quotidiens du Québec de le rencontrer, et nos échanges se poursuivent à l'heure actuelle pour démontrer précisément l'effet néfaste de la TPS et de la TVQ sur les quotidiens et sur les magazines.

L'industrie ne peut pas supporter cette charge financière supplémentaire, dont l'application ne fait que produire une sévère diminution, à notre avis, par voie de ricochet, des activités culturelles et artistiques au Québec et menace de façon dangereuse la qualité des réalisations de ce secteur.

J'en arrive maintenant, M. le Président, aux recommandations. La première: Quebecor suggère au gouvernement de mettre en place un système d'évaluation des ventes de disques au Québec afin de permettre à l'industrie d'établir et d'ajuster de façon précise les stratégies de mise en marché de ces produits.

Recommandation no 2: Afin de favoriser la réalisation de projets conjoints entre les milieux artistique, privé et gouvernemental, Quebecor invite le ministère des Affaires culturelles à prendre en exemple le modèle du Pavillon des arts de Sainte-Adèle afin d'inciter et de collaborer à la création de projets semblables ailleurs au Québec.

Recommandation no 3: Quebecor suggère au gouvernement de mettre en place un système d'évaluation des ventes de livres au Québec afin de permettre à l'industrie d'établir et d'ajuster de façon précise les stratégies de mise en marché de ses produits.

Recommandation no 4: Quebecor recommande au ministère de l'Éducation de mettre en application le plan de relance des bibliothèques scolaires, tel que proposé par le rapport Bouchard, intitulé "Les bibliothèques scolaires québécoises", déposé en mai 1989.

Recommandation no 5: Quebecor suggère l'affectation en région, par le ministère des Affaires culturelles, de ressources humaines spécialisées dont le mandat sera de conseiller les artistes et les créateurs quant à l'établissement de leurs rapports avec la presse régionale hebdomadaire sur le plan de la couverture journalistique et de la promotion publicitaire de leurs activités. Et, enfin, Quebecor manifeste sa satisfaction de voir l'application de la TVQ sur les services reportée jusqu'en juillet 1992. Toutefois, nous demandons au gouvernement de ne jamais imposer la TVQ aux livres et de l'éliminer pour ce qui est des journaux quotidiens et hebdomadaires, des magazines et des disques, de même que pour tous les services qui y sont reliés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. Vous avez remarqué que j'ai laissé dépasser un peu le temps, mais j'ai vu que vous arriviez à vos recommandations. Le débat sera diminué d'à peu près quatre, cinq minutes pour ces raisons-là. Mme la ministre, en tenant compte que, déjà, on a cinq minutes...

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Girard, Mme Reid, M. Rousseau. Vous êtes, d'ailleurs à juste titre, un exemple de soutien. Vous avez parlé de philanthropie. C'est vrai, d'abord, d'un côté, que votre président, M. Péladeau, est très impliqué. Et soutien aussi par les entreprises médiatiques que vous avez et qui sont à très, très grande portée. Je vais en arriver à un débat qui, je pense, est fondamental. Il y a deux pôles à ce débat-là. D'un côté, il y a la culture cultivée, en disant: II faut instruire les gens et les amener à la recherche de l'excellence, à voir l'excellence, etc. Dans votre mémoire, votre orientation, au niveau de l'entreprise, c'est beaucoup plus de dire que la culture, comme vous le disiez tantôt, c'est le reflet d'un peuple. Vous parlez d'accessibilité universelle et vous êtes contre l'élitisme.

Moi, j'aimerais vraiment savoir jusqu'où vous poussez ça. Parce qu'on a souvent tendance à dire: Le Journal de Montréal, Échos-Vedettes, finalement, ce n'est pas de la culture, ça. On diffuse, on donne les nouvelles, mais... Je sais aussi pertinemment que M. Péladeau a toujours dit: On n'est pas là pour les instruire, on est là pour les informer. À partir de ça, j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus: élitisme versus accessibilité, reflet d'un peuple versus ce que ça pourrait être.

M. Girard: Je pense que c'est - et on le dit bien dans le rapport - contre une certaine forme d'élitisme que Quebecor en a. L'élitisme en soi ne peut pas être décrété comme étant nécessairement mauvais. Mais ce qui nous semble mauvais, c'est de vouloir réserver la culture ou les arts à une certaine couche de la société. On pense que tous les citoyens doivent y avoir accès. Et la meilleure façon, pour eux, d'y avoir accès, c'est de les informer que ça existe, de leur dire où ça se passe et pourquoi ils devraient être intéressés. Je pense que ce que Le Journal de Morftréal a fait à l'égard de l'Orchestre

métropolitain, par exemple, ou que ce qu'il fait à l'égard de la danse est de nature à inciter un grand nombre de citoyens, qui, normalement, n'y seraient pas allés, à se rendre à ces spectacles. C'est dans ce sens-là, je pense, que le président de Quebecor, M. Péladeau, a toujours voulu démontré qu'il était actif et qu'il allait continuer de l'être.

Mais la preuve que Quebecor ne voit pas une seule façon de le faire, c'est qu'il y a le Centre éducatif et culturel. Il y a Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, bien sûr, mais il y a également des magazines haut de gamme comme Clin d'oeil, comme Décoration chez soi. La variété, le registre des activités de Quebecor est, je pense, à l'image du registre que l'on retrouve dans une société normale. Mais l'élément essentiel - et je pense que nous l'atteignons avec "Le cahier week-end" - c'est de mettre à la portée du plus grand nombre toute la réalité culturelle; non seulement une certaine réalité culturelle, mais toute la réalité culturelle. Et ce que l'on constate, c'est que les publicitaires, les promoteurs de spectacles se rendent de plus en plus compte que Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec - pour parler de ces deux-là - sont des véhicules extrêmement intéressants, puisqu'ils attirent des spectateurs en salles.

Mme Frulla-Hébert: Quand on parlait du niveau de lecture et de votre cahier des arts, on dit: C'est un niveau de lecture d'à peu près 78 % des gens qui achètent. Il y a certains secteurs... je veux parler du théâtre, par exemple. Nous avons rencontré à plusieurs reprises, autant à Québec qu'à Montréal, soit des compagnies de théâtre des artisans dans le théâtre, et on nous dit souvent: Le secteur ou les secteurs qui sont privilégiés au niveau médiatique sont souvent les industries culturelles, les grosses vedettes. On a fait une petite farce aussi à l'ADISQ en disant "la vente de garage de Ginette Reno". Ça, c'est une chose. Mais tout le développement, par exemple, du théâtre, il y a eu un gros essor. À un moment donné, il y avait une grosse couverture médiatique, autant au niveau de Radio-Canada, autant au niveau de Radio-Québec, et, finalement, ça a été un peu délaissé et on s'aperçoit qu'en bout de ligne c'est aussi directement proportionnel à l'intérêt, si on veut, de la population. Donc, le rôle des médias est finalement phénoménal là-dedans. Alors, expliquez-nous un peu vos choix. Parce que c'est sûr que ça vend bien quand tu as Julie Masse, mais c'est pour ça que je reviens aussi au rôle de reflet de la population, de ce que la population veut, puis aussi à une vocation d'instruire et d'amener la population à pousser peut-être un peu plus loin. Est-ce que c'est faisable, d'abord, ou est-ce qu'on rêve en couleur?

M. Girard: Je pense que c'est faisable. Je pense que nous le faisons, et je pense que nous pourrions le faire davantage, et que nous allons le faire davantage. Par ailleurs, je pense que, quand on est dans le domaine des affaires, il faut regarder la réalité bien face. Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ne sont pas Le Devoir et ne seront jamais Le Devoir. Et ce que je veux dire par là, c'est que ce sont des journaux populaires, des journaux qui informent, mais ce ne sont pas des journaux qui font des analyses ou qui insistent sur des analyses. Il n'en demeure pas moins que la couverture journalistique d'événements est extrêmement importante. Par exemple, lorsque nos chroniqueurs parlent de concerts des orchestres de Montréal, qu'il s'agisse de l'Orchestre symphonique ou de l'Orchestre métropolitain, je pense qu'ils font leur travail. Lorsque M. Leroux parle des spectacles des Grands Ballets, son travail est fait. Et, bien sûr, sur les vedettes populaires, les reportages sont nombreux et ça rejoint un très grand nombre de lecteurs.

Je pense que nous pourrions faire davantage dans le domaine de la littérature. Nous avons commencé à le faire, et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons créé les prix littéraires, et, à ma connaissance...

Mme Frulla-Hébert: Oui, j'ai vu. Félicitations!

M. Girard: ...il n'y a pas d'équivalent: prix littéraires du Journal de Montréal, il n'y a que Le Journal de Montréal qui en remet chaque année. Et ça a été fait précisément la semaine dernière. Donc, je pense que, effectivement, oui les médias et les médias populaires ont un rôle à jouer. Maintenant, il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes et tenter de nous faire jouer un rôle qu'on ne peut pas jouer et qu'on ne jouera pas, de toute façon.

Mme Frulla-Hébert: Mais, justement, je reviens aux prix littéraires, c'est une superbe initiative. Maintenant, à partir du Journal de Montréal version 1976 - puis je sais, j'y ai travaillé, donc je le connais - et maintenant, où on a des prix littéraires, il y a une belle évolution, et vous pariez du reflet d'un peuple. Est-ce que vous sentez justement que c'est le reflet et l'image, finalement, de la société québécoise qui évolue et qui, de plus en plus maintenant, est attirée vers la chose culturelle?

M. Girard: Je pense que nos quotidiens et nos magazines ont évolué avec le lecteur. Je pense que, depuis 15 ans, les lecteurs et les citoyens ont beaucoup évolué et que les deux journaux ont évolué, de même que nos magazines, en suivant précisément l'évolution qui s'est faite au Québec. Et on se rend compte que les lecteurs sont de plus en plus exigeants quant à la diversité du contenu du journal et quant à la

qualité du contenu du journal. Je sais que M.

Rousseau, tantôt, voulait ajouter par rapport à l'éventail et par rapport au domaine du livre en particulier.

M. Rousseau (André): C'est-à-dire que vous vous demandiez jusqu'où Quebecor pouvait aller. Dans le cadre de ses rapports avec le milieu des écoles, le milieu des commissions scolaires, le ministère de l'Éducation du Québec a constaté il y a quelques années que ses programmes d'études en sciences humaines, histoire et géographie ne s'appliquaient pas. Il a fallu uniquement relever cette statistique, pour se rendre compte qu'il y avait peu de minutes consacrées à ce type d'enseignement, pour convaincre le conseil d'administration du Centre éducatif et culturel, qui regroupe, évidemment, Quebecor et Hachette, d'investir massivement dans ce secteur. Et, actuellement, nous pouvons dire, après cinq ans, que toutes les écoles du Québec ont des manuels en sciences humaines, de la première à la sixième année, faits par des auteurs d'ici, des pédagogues d'ici et il n'est plus exact qu'on n'enseigne plus aux enfants des écoles primaires l'histoire de leur petite patrie ou l'histoire de leur pays, autant pour le Québec, en sixième année, que pour le Canada, en cinquième année. (16 h 45)

Même chose dans le domaine des arts. Le ministère de l'Éducation s'est rendu compte, il y a deux ans - et il a été, par là, talonné par le ministère des Affaires culturelles - que, à toutes fins pratiques, mis à part un certain nombre d'écoles en milieu très urbanisé, très peu de programmes d'arts plastiques ou de musique sont actuellement appliqués, même 30 ans après le rapport Rioux, 20 et quelques années après le rapport Parent et, maintenant, plusieurs mois après le rapport Arpin qui fait également état des faiblesses de l'enseignement des arts dans les écoles. Là aussi, Quebecor a investi dans des manuels scolaires pour le préscolaire, de même que pour le primaire et le secondaire, qui sont les seuls manuels scolaires qui répondent à toutes les exigences des programmes du ministère de l'Éducation dans le domaine des arts. C'est à risque, évidemment, puisque les enseignants, les titulaires de classe sont, pour la majorité d'entre eux ou d'entre elles, plutôt, puisque c'est pour la majorité des femmes, bien peu préparés. Mais, le ministère, voyant que le matériel était déjà disponible auprès des écoles, vient d'investir. Le ministère de l'Éducation vient d'investir 750 000 $ pour former des maîtres.

Alors, ça, jusqu'où Quebecor peut aller, c'est souvent très insoupçonné, autant dans ses rapports avec les milieux culturels et artistiques que dans ses rapports avec les milieux éducatifs. On a fait état tantôt des rapports entre les écoles et Le Journal de Montréal, entre les écoles et le Centre éducatif et culturel, et les commissions scolaires, et les cégeps. C'est tout à fait insoupçonné de voir l'impact et les complicités qui se développent dans ces différents réseaux pour favoriser autant l'appropriation du patrimoine local par les jeunes et par les adultes qu'un meilleur rapport avec la culture d'ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau. Merci, Mme la ministre, c'est là tout le temps qui vous était alloué. Je demanderais donc à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir prendre la parole et je l'avise que son collègue de Mercier me fait signe qu'il désirerait peut-être intervenir.

M. Boulerice: Mme Reid, vous me permettrez de vous saluer en premier, puisque je devrai dire à M. Girard, M. mon ancien sous-ministre, et que je devrai dire à M. Rousseau, M. mon ancien directeur général. Donc, un petit brin de nostalgie d'une période fort belle qu'on ne peut pas oublier.

J'irai de deux observations préliminaires et, après, au questionnement. Bon, la première. Oui, vous avez mentionné les taxes sur les journaux, périodiques, magazines, tous les oeuvres et produits issus des arts et de la culture, etc., mais, au départ, vous allez convenir qu'il y a un principe fondamental, et à mon point de vue je le trouve très inquiétant, que nous vivons dans un pays qui taxe le droit à l'information. Je pense que c'est la toute première question que l'on doit se poser.

Et, la deuxième. Bien des organismes se sont présentés avec des recommandations, mais j'ai remarqué la vôtre, la no 5, puisqu'au menu elle s'intitule ainsi. Et, je pense que c'est vraiment le pratico-pratique. Certes, il nous faut une politique, mais il peut y avoir souvent des petites mesures qui peuvent sembler anodines mais qui peuvent faire des merveilles. Et ça, je trouve que c'est une suggestion très intéressante que l'on puisse se servir des directions générales du ministère non pas uniquement à des fins de contrôle, d'évaluation, mais de placer les gens en situation de ressources auprès des groupes. Et là vous avez donné une illustration de ce que pourrait être une scène de la vie quotidienne, spécialement en région, forcément, puisque vous parlez des hebdos régionaux, d'aide à la diffusion de leurs produits culturels. Alors, je dois vous féliciter.

Troisième et dernière remarque. Oui, j'ai pris connaissance, dans votre mémoire, du mécénat que pratique votre puissant groupe, et j'avais le goût de vous accueillir un peu à la blague. Si jadis M. Lewis, le chef du New Democratic Party, avait parlé de "corporate bums", eh bien, je crois que, vous, on devrait dire que vous êtes des "corporate chums" pour ce qui est des arts et de la culture.

Maintenant, je me doute bien forcément que la remarque dans votre mémoire vient de M. Rousseau, connaissant son expérience et l'ayant

côtoyé. Vous avez parlé des bibliothèques scolaires québécoises. Et Dieu seul sait que c'est un sujet que nous avons débattu nous-mêmes. Et nous avons dû le gérer aussi. Mais, les bibliothèques publiques, M. Rousseau, votre constat... Là, vous demandez l'application du rapport Bouchard, mais il y a également le rapport Sauvageau sur les bibliothèques publiques. Est-ce que vous croyez qu'on doive attendre l'énoncé d'une politique globale des arts et de la culture ou si on doit mettre immédiatement ces deux politiques en place?

M. Rousseau (André): C'est-à-dire que, dans le cas des bibliothèques scolaires, nous avons voulu insister sur cette question, étant donné que Quebecor a également, par le Centre éducatif et culturel, développé cette mission de garantir l'application des programmes d'études du ministère qui nécessitent évidemment un prolongement par le livre de bibliothèque. C'est pour ça que nous avons insisté là-dessus.

En ce qui concerne la bibliothèque publique et le rapport Sauvageau dont vous faites état, et avec qui M. Girard et moi avons le plaisir, dans le cas de M. Philippe Sauvageau, de partager la tâche au sein du conseil d'administration de la Bibliothèque nationale, c'est évident que nous sommes dans une situation où il y a certainement de plus en plus de demandes par rapport aux usagers des bibliothèques. Et ça, c'est un signe qui nous amène à vouloir tenir compte de l'apport autant du monde municipal que du gouvernement du Québec quant au développement des bibliothèques et de l'intérêt pour la curiosité culturelle.

D'autre part, c'est évident qu'une situation économique comme celle que nous traversons amène probablement un très grand nombre d'élus locaux d'administrations locales, eh bien, à devoir faire des choix douloureux et à ne pas prévoir les croissances que nous avons prévues, que nous aurions souhaitées, plutôt. C'est clair que, dans les librairies en général, le chiffre d'affaires n'est pas en croissance exceptionnelle et c'est lié effectivement à une situation économique générale via la TPS. Et il y a aussi, je dirais, les hésitations des gouvernements municipaux et des commissions scolaires à investir davantage dans l'achat du livre. Alors, le rapport Sauvageau avait fait état, évidemment, d'une nécessité de rajeunissement également de collections et c'est la même chose pour le rapport Bouchard dans le cas des bibliothèques scolaires.

M. Boulerice: Une question que j'aimerais adresser à Mme Reid. Les gens de l'ADISQ viendront, mais je sais que vous regardez particulièrement ce secteur. Une des forces au niveau du disque au Québec, bon, vient du fait que, oui, je pense, on a d'excellents auteurs, d'excellents compositeurs, d'excellents interprètes. Nous avons quand même un certain avantage que me faisait remarquer un ami européen et français, il va de soi, lorsqu'il écoutait la radio ici, au Québec, dans ma voiture, en disant: Mais j'entends beaucoup plus de chansons françaises de chez moi que j'en entends à ma propre radio chez moi, à Paris. Donc, les quotas, forcément, du CRTC, qui est peut-être fédéral mais qui, à ce niveau-là, n'a pas agi nécessairement... sans trop, trop nuire... Il pourrait peut-être aider un peu plus, mais c'est quand même deux avantages que nous avons. Mais l'impact actuel de la taxe fédérale et de la taxe québécoise de vente au niveau du disque, est-ce qu'on peut dire, à l'exemple des libraires, des éditeurs: II y a péril en la demeure actuellement?

Mme Reid (Chantai): Les ventes de disques ont énormément baissé l'année dernière. Je pense que l'effet de la taxe fédérale n'a sûrement pas aidé. Quand on regarde le prix auquel on est obligé de vendre les cassettes dans les magasins de détail ou les "compact discs", une cassette est rendue à 15, 50 $; si on ajoute 15 % à ces 15, 50 $ quand le client arrive à la caisse, bien, c'est sûr qu'il ne prendra pas deux cassettes, il va décider d'en prendre seulement une. Je pense que 15 % supplémentaires au prix auquel on est déjà obligé de vendre le produit pour pouvoir aller jusqu'à payer les artistes - parce que ce n'est quand même pas énorme si on regarde le nombre de disques qu'on vend dans une année... Je pense que, oui, les taxes ont énormément nui aux ventes de disques dans la dernière année.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie...

M. Boulerice: À M. Girard, je le réservais pour la fin.

M. Godin: M. le Président vous parlait, M. le député.

M. Boulerice: M. Girard, est-ce que vous croyez que l'on peut établir une politique des arts et de la culture au Québec en écartant - parce qu'on voit le rapport Arpin, c'est de cela qu'on discute - tout l'immense secteur des communications?

M. Girard: Non. Je pense que le secteur des communications est essentiel à toute politique de développement culturel et de développement des arts. Ça me paraît évident. Qu'il s'agisse de la télévision, qu'il s'agisse de la radio ou qu'il s'agisse des quotidiens, ou des hebdomadaires, ou des magazines, ça me paraît une composante essentielle. D'ailleurs, le rapport Arpin insiste sur le rôle déterminant que doivent jouer les médias dans la promotion des arts et de la culture. Je pense que Quebecor est tout à fait d'accord avec cette recommandation.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard.

M. Boulerice: M. Girard, dernière et brève question. Vous avez été président-directeur général de Radio-Québec, notre télévision nationale. M. Beatty, ministre fédéral, a réitéré, ce dimanche, qu'il n'était pas question que les institutions dites nationales relèvent d'autres gouvernements que son gouvernement dit national. Donc, il n'y a pas d'espoir pour nous, dans le contexte actuel, de voir Radio-Québec sous la juridiction d'un ministère québécois des communications ou des arts, de la culture et de la communication, comme nous le proposons. Mais qu'adviendrait-il, selon vous, si Radio-Québec devait disparaître du paysage audiovisuel québécois et de son impact au niveau de la promotion et de la diffusion de la culture québécoise?

M. Girard: M. le Président, je me rappelle avoir défendu Radio-Québec devant des commissions parlementaires comme celle-ci...

M. Boulerice: Avec acharnement.

M. Girard: ...avec acharnement. Après bientôt trois ans chez Quebecor - donc, j'ai quitté Radio-Québec depuis trois ans - je n'ai pas changé d'idée: je crois que Radio-Québec est un outil essentiel dans le cadre du développement d'une politique culturelle québécoise. On a même eu l'occasion de dire, dans le rapport Girard-Peters, remis au gouvernement fédéral, que les deux ordres de gouvernement, soit le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois pour ce qui est de Radio-Québec, se doivent de financer, de façon convenable, les télévisions publiques, faute de quoi, c'est tout le système qui est perturbé.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. M. le député de Mercier, il vous reste quelques minutes.

M. Godin: M. le Président, vous défendez bien mes intérêts.

Le Président (M. Gobé): C'est le rôle du président, M. le député.

Une voix: Pose ta question, Gérald...

M. Godin: Je la poserai comme je veux, mon cher collègue, si vous permettez.

Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole, M. le député de Mercier, nous vous écoutons.

M. Godin: Merci beaucoup. Mme Reid, bienvenue dans votre maison nationale de la culture politique. J'aimerais vous poser la question sur le disque avant que tous les rapports...

Tous ceux qui sont de mon âge se souviendront qu'il y a eu, chaque saison, des rapports: le Bouchard, le Rioux, le Sauvageau, le Arpin, un peu comme les outardes qui reviennent au-dessus de nos têtes une fois par année. Le malheur, c'est que ces belles outardes n'ont pas été mises au four pour être dégustées; elles ont été tirées, se sont écrasées au sol et on n'en a jamais entendu parler par la suite. Je souhaite que Mme la ministre modifie un peu les moeurs de chasseur qu'on connaît à ses prédécesseurs, incluant nos propres ministres de la culture, et que cette outarde, le rapport Arpin, ait des suites.

Mme Reid, à une époque, il y a eu le rapport de Grandpré. C'était un sous-ministre de la culture du Québec qui avait étudié la quantité de produits américains sur les marchés québécois du disque, du film, de l'imprimerie, du livre de poche. On s'est rendu compte qu'il y avait une habitude, qu'on appelait, à l'époque, le "block booking". Si le libraire ou le dépanneur du coin de rue qui vend des livres de poche, des "pocket books" américains, voulait avoir les gros vendeurs, il fallait qu'il emplisse l'étalage de livres de poche américains, de 90 % de produits américains pour avoir les 2 % qu'il voulait avoir. Dans les cinémas, c'est la même chose. Si, dans un cinéma, vous vouliez avoir le nouveau "Rambo", il fallait passer, pendant une année, les cinq, six... je les appellerais "pulp movies" américains que les gens voulaient voir, soi-disant, ce qui justifiait le "major" américain d'imposer son choix sur la majeure partie de la saison. Dans le domaine du disque, c'était semblable.

J'aimerais savoir de vous, Mme Reid, qui êtes dans le domaine du disque, de la diffusion du disque, si ce problème-là existe toujours au Québec. (17 heures)

Mme Reid: Oui, effectivement. On se rend compte que les années, ou les mois, ou les périodes de l'année où il y a un gros vendeur américain qui est attendu, les ventes de disques augmentent beaucoup et le disque québécois se vend un peu plus parce qu'il y a beaucoup d'achats qui se font de façon impulsive. Quand les gens sont dans le magasin, ils vont en même temps prendre un disque québécois à côté. Bon, il y a quelques produits québécois maintenant qui font vendre beaucoup, comme Céline Dion. C'est sûr que le nouveau Céline Dion qui va sortir bientôt est attendu. Les gens vont aller au magasin et vont acheter d'autres disques en même temps. Mais oui, ça existe malheureusement.

M. Godin: II y a encore une concurrence qu'on pourrait qualifier de déloyale de la part des...

Mme Reid: Oui.

M. Godin: ..."majors" du disque américain

qui envahissent le territoire existant pour leurs propres produits et qui menacent les distributeurs indépendants, c'est-à-dire les vendeurs de disques plus petits et moins musculairement et financièrement équipés que Trans-Canada, ou Poly-Sons, ou... Alors, j'aimerais savoir si Mme la ministre peut s'engager aujourd'hui à rendre public le rapport de Grandpré, parce que ce rapport-là n'a jamais été rendu public. Je l'ai obtenu par un fonctionnaire des Affaires culturelles, à l'époque, qui est passé l'autre bord, comme on dit, qui a trépassé, qui est passé de vie à trépas, et je souhaite que Mme la ministre, dans un effort de collaboration avec l'Opposition et surtout d'éclairage du public, rende public le rapport de Grandpré qui compléterait sa réflexion qu'elle mène d'ailleurs très bien ici sur des aspects de la diffusion du produit québécois. Et on doit rendre hommage à Quebecor d'avoir créé des revues, via les publications Publicor par les magazines, qui ont fait concurrence aux produits américains et qui ont pris leur place, d'ailleurs, avec le temps presque sans devoir se battre contre le "block booking". Allez à la gare centrale, comme je le fais toutes les semaines, moi, et regardez l'étalage de magazines et de revues qu'il y a là. Vous allez voir beaucoup plus de "scrap" américaine que de revues de qualité comme Publicor en fait et d'autres éditeurs, nommément Renée Marcoux avec sa propre chaîne, son propre chapelet de magazines. Et s'il s'imposait que le Québec doive gérer ou régenter ce secteur-là, je souhaiterais qu'il y ait une petite annexe à la fin du commentaire de la ministre sur le rapport Arpin qui porterait sur ces questions-là.

Dans le domaine du cinéma, la fameuse entente Bacon-Valenti n'a donné, paraît-il, aucun des résultats qui étaient annoncés avec flonflon et en se pétant les bretelles il y a quelques années; il n'y a eu aucun résultat patent pour les distributeurs québécois de films. Donc, ça veut dire qu'il faut se battre sans cesse, comme Sisyphe qui montait sa pierre tous les matins en haut de la colline dont j'oublie le nom. M. Girard s'en souvient sûrement, lui, avec sa culture très vaste, universelle, comment s'appelle la montagne en haut de laquelle Sisyphe monte sa pierre tous les matins et tous les soirs. Donc, c'est une guerre qui n'est jamais terminée contre l'envahissement de la grande marée culturelle américaine. Si le Québec ne se tient pas debout face à ça, on va être lavés, on va être balayés encore plus sûrement que nos pires optimistes le prévoient ou l'annoncent en cas de souveraineté culturelle.

Le Président (M. Gobé): Merci. En conclusion? Vous avez terminé?

M. Godin: J'ai terminé, M. le Président. Je vous remercie beaucoup de votre sens de l'équité.

Le Président (M. Gobé): Ça me fait plaisir,

M. le député, le président est là pour ça, et vos interventions sont aussi empreintes d'une grande expérience. Vous avez été ministre des Affaires culturelles pendant assez longtemps. Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement en terminant, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je pense que tout a été dit dans votre mémoire. J'apprécie notamment les dernières remarques que vous avez faites, M. Girard, quant à la radiotélévision du Québec.

C'est beau, parler d'une politique, mais si on commence à détruire les institutions qui en ont la garde et la diffusion...

Le Président (M. Gobé): M. le député... M. Boulerice:... c'est risqué.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, s'il vous plaît, très rapidement, un petit mot de remerciement aussi.

Mme Frulla-Hébert: Encore là, merci. Et au niveau du rapport de Grandpré, cher collègue, on regardera ensemble.

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, là... M. Godin: Vous l'avez...

M. Boulerice: Vous l'avez. On va le trouver.

Le Président (M. Gobé): Elle va le chercher. Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: On va le chercher ensemble. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Où est-ce qu'ils l'ont caché?

M. Godin:... dans votre bureau. D'accord. J'en ai une copie.

Mme Frulla-Hébert: Ça fait seulement un an, moi; on va chercher ça ensemble.

M. Godin: J'en ai une copie dans mes archives.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. Merci, M. Girard. Merci, M. Rousseau. Mme Reid, merci. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous

retirer. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Bonsoir.

Sans plus tarder, je demanderais maintenant aux représentants du Conseil québécois du théâtre de bien vouloir prendre place en avant. Nous allons procéder à votre audition.

Bonjour, messieurs. M. Normand Chouinard, vous êtes le président?

M. Chouinard (Normand): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Chouinard, il nous fait plaisir de vous accueillir. M. Rousseau, vous êtes le directeur général. Alors, bonjour, M. Rousseau. Vous représentez le Conseil québécois du théâtre. Notre mandat, aujourd'hui, je le rappelle pour les gens qui viennent de se joindre à nous, consiste à tenir une consultation générale sur la proposition d'une politique de la culture et des arts, cela faisant suite, comme chacun sait, au dépôt du rapport Arpin. Et, bien entendu, c'est une suggestion, à la demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, vous pouvez maintenant commencer votre exposé.

Conseil québécois du théâtre

M. Chouinard: Merci, M. le Président. Le Conseil québécois du théâtre, comme beaucoup d'organismes du milieu des arts, s'est montré très critique dans son mémoire, le mémoire que vous avez devant vous, je crois bien, concernant la proposition d'une politique de la culture et des arts du groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin. Toutefois, vous nous permettrez, avant d'aller plus avant en ce sujet, de vous faire part de quelques observations préliminaires.

Tout d'abord, nous souhaitons vous remercier, Mme la ministre, d'avoir permis ce gigantesque brassage d'idées - au-delà de 250 mémoires, ce n'est pas peu de chose - sur ce que devrait être une réelle politique culturelle pour le Québec. Nonobstant nos critiques concernant le rapport Arpin, nous estimons que le processus actuel, bien qu'ayant été quelque peu précipité, se révèle des plus importants pour le Québec d'aujourd'hui et surtout de demain, alors que se font entendre de partout au Québec des voix de tous les milieux, non seulement culturels et artistiques, mais aussi économiques, sociaux - on en a entendu aujourd'hui quand même quelques-uns - scolaires et autres. Toutes ces voix viennent dire l'importance pour le Québec de se doter d'une politique culturelle.

Le Conseil québécois du théâtre vient ajouter sa voix à toutes les précédentes et vous dire qu'il appuie les travaux de la présente commission dans la mesure où ceux-ci permettront de convaincre tous les autres membres de l'Assemblée nationale et, je suis tenté de dire, par-dessus eux, la population complète du Québec que l'heure est venue de passer aux actes et de prendre partie pour les arts.

M. Rousseau (Pierre): Nous comprenons toutefois que votre tâche n'est pas simple. Depuis un mois, en effet, vous recevez ici même de nombreuses personnalités représentant des centres d'intérêt différents et réclamant chacune un meilleur sort, qui de telles universités ou municipalités, qui de telles régions ou petites compagnies de la relève et ainsi de suite. Et puis, il faut bien le dire, dans la plupart des cas, ils ont bien raison de vouloir s'assurer un plus bel avenir car, de tous les milieux, celui de la culture et des arts est sans contredit le plus négligé.

Aussi, dans un tel contexte, il est plus que temps que le gouvernement du Québec pose enfin un geste concret en faveur des arts. Non pas que le gouvernement québécois n'ait jamais rien fait en ce sens, loin de nous l'idée de prétendre pareille chose, mais si l'on compare tout ce qui s'est fait au Québec depuis 30 ans dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'agriculture, etc., il faut constater que le bilan culturel n'est guère impressionnant. Et lorsque nous nous rendons compte, comme ce fut le cas avec le rapport Arpin, que le gouvernement trouve le moyen de faire disparaître, entre la version préliminaire du rapport diffusée aux journalistes et la version éditée, tout ce qui le concerne directement et qui devrait l'amener à investir davantage, il y a de quoi s'inquiéter de l'avenir de la culture au Québec.

Partant de cet exemple, faut-il s'étonner que des membres de l'Assemblée nationale trouvent encore le moyen de songer à couper dans le maigre budget des Affaires culturelles, allant jusqu'à proposer l'abolition des conservatoires? Faust des temps modernes, ils vendraient leur âme pour acheter l'équilibre budgétaire tant recherché. Le Québec d'aujourd'hui et de demain ne peut se réduire à sa seule réalité économique, surtout s'il se réclame distinct.

M. Chouinard: Cela étant dit, et c'est ce qui rend notre témoignage, nous croyons, essentiel, nous sommes convaincus qu'il est primordial pour le Québec de se doter d'une politique des arts. Aussi, considérons-nous qu'il est préférable de ne plus s'en tenir au rapport Arpin plutôt que d'essayer d'y apporter tous les amendements qu'il nécessite. La tâche peut alors paraître énorme car il ne sera pas facile de répondre aux attentes suscitées depuis la création du ministère, il y a 30 ans.

Aussi, nous vous conseillons fortement de vous inspirer des artistes. En effet, le théâtre, entre autres disciplines, utilise, depuis quelques années, un procédé de création connu sous l'appellation - excusez l'anglais - "work in progress", travail en développement, que la célèbre maxime "cent fois sur le métier remettez votre ouvrage" définit assez bien. Ce procédé

pourrait être avantageusement appliqué au rapport Arpin. Disons simplement que le rapport recèle de bonnes idées à retenir, de grands principes fondamentaux faisant l'unanimité, mais qu'il y a lieu de se remettre au travail à partir de tout ce qui s'est dit ici depuis le début du mois d'octobre.

Les artistes passent leur vie à composer avec la critique et à remettre leur ouvrage sur le métier; ils en attendent autant de vous. Et vous pouvez de plus compter sur une abondante documentation faite de rapports, livres verts, livres blancs - on ne passera pas toutes les couleurs - pour vous inspirer. Sans compter les mémoires présentés à cette commission. C'est plus de matériel que les auteurs n'en disposent habituellement.

M. Rousseau (Pierre): Quant au reste, le milieu des arts a déjà beaucoup donné pour le développement du Québec moderne. Quand un artiste calcule son salaire horaire et qu'il se rend compte qu'il reçoit moins d'un dollar l'heure, un dollar canadien, bien en deçà du salaire minimum, cet artiste peut prétendre qu'il subventionne les arts au Québec. Et c'est exactement ce que font les artistes depuis toujours. Alors, aujourd'hui, ils vous demandent de retourner l'ascenseur, comme le dit l'expression populaire. Et puis, de grâce, vous qui vivez constamment dans les lignes de parti obligatoires, dans les décisions guidées par l'objectif constant d'obtenir ou de conserver le pouvoir, de grâce, épargnez-nous les accusations de ne penser qu'à nos intérêts plutôt qu'à ceux du pays.

Dans le contexte actuel, nous avons déjà beaucoup donné pour ce projet de pays, plus que bien d'autres, et nous ne signerons de chèque en blanc à personne sans avoir un minimum de garanties pour la survie - car on parle de survie, on ne parle même pas de développement - des arts au Québec. Et puis nos intérêts ne sont ni pécuniaires ni corporatistes, ils visent d'abord et avant tout à assurer au Québec de demain une vie culturelle et artistique.

M. Chouinard: Bref, nous vous disons "oui" pour poursuivre le travail, aller de l'avant et doter le Québec d'une véritable politique culturelle et des arts qui serait une réelle politique des arts et surtout pas une politique à rabais qui se présenterait comme un nouveau désengagement de l'État, dans un secteur où l'on ne se bouscule pas à la porte pour acheter des succursales.

À cet égard, nous profitons de l'occasion pour vous soumettre quatre recommandations, succinctes mais fondamentales, concernant la pratique professionnelle des arts en général. Ces recommandations complètent le mémoire du Conseil québécois du théâtre que vous avez déjà entre les mains et dont il nous fera plaisir de discuter avec vous dans les prochaines minutes.

M. Rousseau (Pierre): Recommandations du Conseil québécois du théâtre. Attendu que le document "Une politique de la culture et des arts" propose une technocratisatlon et une bureaucratisation grandissantes du ministère des Affaires culturelles ainsi que la perpétuation d'une confusion entre les arts, la culture et les industries culturelles, le Conseil québécois du théâtre recommande...

M. Chouinard: Que le gouvernement du Québec produise une politique claire destinée enfin à consolider la pratique professionnelle des arts et à en assurer un réel développement au Québec et, de là, qu'il occupe de façon significative, par des mesures concrètes et un soutien financier adéquat, les champs d'action actuels du ministère des Affaires culturelles.

M. Rousseau (Pierre): Que cette politique s'appuie sur les recommandations suivantes.

M. Chouinard: Que les arts deviennent une priorité de l'État québécois; que le rôle premier et fondamental du ministère des Affaires culturelles soit d'assurer un soutien à l'activité artistique professionnelle et, enfin, que le gouvernement du Québec procède au rattrapage qui s'impose dans le financement des arts et assure, avec des moyens adéquats, le soutien et le développement de ces derniers.

M. Rousseau (Pierre): Pour ce qui est du mémoire comme tel, que vous avez entre les mains, comme nous l'expliquons dans le résumé, le Conseil québécois du théâtre ne s'est pas attardé à chacune des recommandations puisque, pour nous, mis à part les grands principes fondamentaux du rapport Arpin, il nous semblait qu'il fallait le reprendre plutôt pour en arriver à une vraie politique des arts. (17 h 15)

Donc, le Conseil québécois du théâtre, quelque part, revient un peu, comme il le faisait devant la commission Bélanger-Campeau, à l'objectif de base qui a amené la création du ministère des Affaires culturelles au début des années soixante, c'est-à-dire favoriser l'épanouissement des arts et des lettres dans la province et leur rayonnement à l'extérieur, mandat qui, selon nous, n'a jamais pu s'accomplir, faute de ressources financières adéquates.

Nous croyons que le rapport du groupe-conseil Ignore des revendications fondamentales et de longue date des milieux artistiques et préconise des orientations auxquelles le milieu théâtral ne peut souscrire. De fait, la mise de l'avant de plusieurs des recommandations du rapport Arpin risque de faire en sorte que les arts soient, tout bien considéré, les grands perdants d'une réforme dont la conséquence première consistera en une réduction de l'importance et du rôle premier du ministère des

Affaires culturelles.

Pour le Conseil québécois du théâtre, il est essentiel que le soutien des arts et l'application de mesures favorisant ceux et celles qui ont choisi de faire de la production artistique leur métier constituent la pierre angulaire de la politique culturelle québécoise. Malheureusement, le document intitulé "Une politique de la culture et des arts" ne va pas dans ce sens et laisse plutôt entrevoir une technocratisation, une bureaucratisation grandissante du ministère et cette confusion entre les arts, la culture et les industries culturelles. À cet égard, il nous semble que, dans le petit chapitre concernant les industries culturelles, nous énonçons un point de vue qui est assez clair et qui fait bien la distinction sur les rôles de chacun dans ce qu'on appelle la culture.

Naturellement, nous nous arrêtons sur la question du rapatriement, bien entendu. Là-dessus, le Conseil québécois du théâtre s'est prononcé pour l'indépendance du Québec devant la commission Bélanger-Campeau. Toutefois, pour ce qui est de rapatrier à la pièce des petits morceaux ici et là, sans aucune garantie, nous nous posons de grandes questions à ce sujet, et vous les retrouvez dans notre rapport. Toutefois, le Conseil québécois du théâtre n'a pas fermé la porte et, éventuellement, dans la mesure où une telle démarche s'appuierait sur une politique culturelle claire, il pourrait appuyer effectivement une démarche du gouvernement du Québec en ce sens, et, à la rigueur, la proposition Desjardins que nous avons entendue tout à l'heure nous semblerait peut-être plus intéressante que la proposition Arpin.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau. Ceci met fin au temps qui vous était alloué. Je demanderai à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir maintenant intervenir.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Chouinard, merci, M. Rousseau. Je me dois ici, par contre, d'apporter un petit correctif dans ce vous dites, avant d'engendrer la discussion. Vous savez que, si on est ici en commission parlementaire, si j'ai demandé une commission parlementaire, c'est parce qu'on a un profond besoin de changement. Les choses doivent changer et, évidemment, après 30 ans, de toute façon, c'est normal. Il y a un profond besoin aussi de mettre en évidence la culture et, vous l'avez très bien dit aussi, le gouvernement et la population doivent en être très conscients. Je pense qu'on n'a jamais tant parlé de culture, comme on parle présentement: débats de fond, discussions.

Par contre, au niveau du groupe-conseil et des gens qui ont formé ce groupe-conseil, des gens qui l'ont fait, d'ailleurs, bénévolement, des gens qui représentaient divers secteurs - au niveau du théâtre, il y avait Marie Tifo - des gens qui l'ont fait en toute honnêteté intellec- tuelle, je peux vous assurer que la version que j'ai reçue était la version finale, et qu'il n'y a pas eu de pression, et que ces gens-là ne se sont jamais, non plus, laissés aller à des pressions pour en arriver à une version finale. Et je le dis, et je veux que ça soit très clair pour l'intégrité de ces gens qui ont donné de quatre à cinq mois et qui ont fait un travail, un boulot énorme et, ceci dit, de façon volontaire et gratuite.

Je veux revenir maintenant au mémoire. Je veux en venir à tout l'aspect du Conseil des arts. Vous avez situé votre débat très clairement. Il y a toute cette discussion - et vous le dites très bien dans votre mémoire - industries culturelles versus les arts. Les industries culturelles disent: C'est à nous, parce que, nous, on fait travailler. L'inverse est aussi vrai. Alors, évidemment, la discussion n'est pas simple, mais elle est très saine.

Parlez-moi un peu du Conseil des arts. Il y a eu une grosse discussion là-dessus et plusieurs organismes sont venus nous vanter, nous louan-ger le Conseil des arts, ici. Par contre, on sait aussi très bien que certains organismes ou certains individus, ensuite, nous disent: Le Conseil des arts, dans le fond, ça ne va pas si bien que ça, en termes de fonds, en termes aussi de diminution, si on veut, des fonds, parce qu'ils n'ont pas augmenté depuis trois ans la somme allouée au Conseil des arts, le gouvernement fédéral, et, deuxièmement, aussi en termes d'attribution. On parle du "arm's length"; le bras semble raccourcir de plus en plus, c'est ce qu'on nous dit. Je veux juste explorer ça avec vous parce qu'il y a toujours cette recommandation versus le fonctionnement du ministère qui, le ministère, aussi fonctionne par jury, jury de pairs, mais c'est le ministère et non pas un organisme indépendant. Alors, parlez-moi un peu du Conseil des arts versus le ministère.

M. Rousseau (Pierre): Bon, dans un premier temps, je pense qu'il faut bien distinguer la question constitutionnelle. Il a beaucoup été question du fédéral, de l'intervention du fédéral au Québec, etc., tout ça. Nous, notre message, le message que nous vous adressons, c'est que, quelque part, pour le moment, on ne se sent pas très en confiance après six ans de règne de gouvernement libéral, si on revient sur la promesse du 1 % qu'on est très loin d'avoir atteint. Alors, quand on nous parle de rapatrier tous les fonds venant du fédéral, on a tout à coup très peur. On a tout à coup très peur. Un, on ne sait pas combien va arriver de là, on n'a aucune garantie de la façon dont ces fonds-là seraient investis, et tout ça. Alors, on dit: Bien, pour le moment, effectivement, sans garantie, on n'est pas prêts, nous, à embarquer dans une démarche comme ça et le système en place n'est pas si mauvais.

Il faut rappeler que le Conseil des arts du

Canada, pour ce qui est du Conseil, ses jurys qui concernent le Québec sont formés de Québécois. Alors, ce ne sont pas des étrangers qui, à ce moment-là, décident pour nous. C'est peut-être un gouvernement étranger qui décide de l'attribution qu'il va faire au niveau des fonds au Conseil des arts et, là-dessus, effectivement, nous nous battons également à Ottawa pour faire augmenter les fonds du Conseil des arts parce que ce sont ceux qui directement s'en vont aux artistes. Et, à cet effet-là, on remarque la même tendance au niveau du ministère des Affaires culturelles. Dans notre mémoire, vous avez deux tableaux où on voit très bien que les fonds d'aide directe aux artistes ou aux organismes producteurs chez vous sont passés de 35 % à 25 % dans votre répartition budgétaire. Alors, c'est ce qui nous inquiète parce que, à quelque part, ce sont les créateurs, au bout de la ligne, qui ont de moins en moins d'argent dans un appareil de plus en plus gros. Alors, c'est ce qui nous inquiète dans toute cette question-là.

Pour ce qui est de la différence entre un conseil des arts et un ministère où, effectivement, il y a des jurys, donc des jurys de pairs, la grande différence c'est peut-être tout simplement que, dans le fonctionnement, à Ottawa, ils sont moins normes, comme on dirait, et, à ce moment-là, effectivement les gens vont discuter davantage des projets artistiques et moins... Bien, là, il y a une petite grille à remplir. Ici, la première section, il faut mettre 25 points, la deuxième, 25 et la troisième, 50, puis, au bout, combien il a sur 100, ce petit groupe-là. Et c'est un peu comme ça que ça se passe malheureusement à Québec. On en arrive à faire un pourcentage, et tel groupe vaut 63,4 %, et tel autre, 72,11 %; c'est pour ça que celui-là a une subvention et pas l'autre. Ça nous semble un petit peu dommage au niveau du fonctionnement, parce que, effectivement, ces jurys passent leur temps à compter, à remplir des grilles d'analyse et finalement discutent très peu des projets artistiques, alors que vous allez faire le même jury a Ottawa et vous allez ne parler que des projets artistiques. La différence fondamentale est là, c'est tout.

Alors, quand vous lisez dans le Devoir que les artistes se sentent plus respectés à Ottawa, c'est que souvent la personne qui leur répond peut leur donner au moins un "feedback" sur le projet artistique et pas seulement: Bien, là, voilà, votre cote est à 63,4 et, en bas de 66, on n'a pas pu donner. Et, à ce niveau-là, bien, c'est un peu dommage dans le rapport entre l'appareil du ministère, si on veut, et celui du Conseil des arts qui, effectivement, paraît toujours bien. Au moins tu dis: Bon, je n'ai pas eu ma subvention mais ils m'ont donné du "feedback". Bon, je pense que c'est une des principales différences et c'est pour ça que les gens disent: On est mieux reçus à Ottawa. Et souvent, en majeure partie des cas, les personnes qui travaillent là, qui sont engagées comme agents, sont des gens qui viennent des milieux artistiques concernés. Les gens en danse, souvent, viennent de la danse; en théâtre, etc.

Il y a un peu ça chez vous. Malheureusement, c'est en minorité. Il y a beaucoup de gens qui sont des fonctionnaires; ils ne font pas leur job de façon malhonnête ou quoi que ce soit, mais souvent la personne a l'impression qu'il faut tout expliquer parce que la personne en face ne comprend pas et ça fait, ça aussi, une grosse différence. Je le sais très bien pour avoir, moi, travaillé au Conseil des arts de la CUM où on était effectivement des spécialistes dans nos domaines. Bien, les gens me disaient au téléphone: Je n'ai pas besoin de te l'expliquer. Et, effectivement, ils n'avaient pas besoin de m'expliquer ce qu'est une tournée, ce qu'est un spectacle, ce qu'est cette dépense-là. Il m'est arrivé, moi-même, en tant que directeur artistique d'une compagnie, d'expliquer des dépenses de tournées à la responsable du fonds de tournées. Alors, c'est simplement à ce niveau-là qu'il faudrait peut-être, à un moment donné, se dire: Bien, ce n'est peut-être pas un ministère comme les autres, et peut-être qu'il y a moyen effectivement d'apporter des transformations. Ne serait-ce qu'au niveau des normes, on a l'impression de travailler pour le Conseil du trésor plutôt que pour le ministère des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, il y a beaucoup de programmes et on les a déjà réduits de moitié ou on est en processus, finalement, de les réduire de moitié et d'essayer un peu d'alléger. Vous comprenez comme moi qu'il y a une question de fonds publics aussi. Alors, ça prend une certaine transparence. Maintenant, j'avoue avec vous que les mesures qui ont été ajoutées au fur et à mesure des années sont peut-être même moins applicables, dans un sens où le milieu a aussi beaucoup mature. Alors, de part et d'autre, il faut s'ajuster.

Vous savez, quand vous parlez du théâtre, c'est vrai qu'on a beaucoup investi au niveau des infrastructures, au niveau muséal, par exemple; donc, c'est une grosse pression aussi au niveau du budget gouvernemental. Parce qu'on était en retard, d'une part, et, deuxièmement, parce que c'est relativement neuf tout ça.

Par contre, votre budget depuis 1985 a augmenté de 50 %. Vous êtes le secteur qui a augmenté le plus. Bon. Moi, j'aimerais savoir, compte tenu de ça, compte tenu aussi de la prolifération... Maintenant, on subventionne à peu près 92 compagnies. Il y a eu un comité d'évaluation de théâtre fait par le milieu aussi. Il y a toute cette discussion-là: Est-ce qu'on encourage finalement la création ou, sans dire qu'on arrête le développement, pour l'instant, on consolide versus continuer à développer et on favorise finalement l'espèce de parrainage peut-être d'une

compagnie à une autre"? Et ça, c'est partout, pas seulement à Montréal et à Québec, mais aussi en région; c'est-à-dire qu'il faut aussi que la région se développe. Mais, une espèce de consolidation, parce qu'il y a eu prolifération et il semble que, même si on augmente nos budgets de 50 %, sachant que le Conseil des arts, lui, n'a pas augmenté depuis trois ans, il y a un manque à gagner là qu'on ne vient pas à bout de rattraper. Ça, c'est une chose.

Qu'est-ce que vous pensez aussi là de cette consolidation? Est-ce que c'est bon ou bien on devrait finalement continuer? Ça, c'est la première partie de ma question. Puis, deuxièmement, pour vous éclairer, quand il y a des compagnies qui arrivent avec des déficits imprévus de plusieurs centaines de milliers de dollars - imprévus pour toutes sortes de raisons, parce qu'on sait finalement que, bon, d'une année à l'autre, il y a des risques inhérents; mais, imprévus là, je parle de plusieurs centaines de milliers de dollars - est-ce qu'il y aurait une façon, non de contrôler, mais quand même de faire face à ça? Parce que c'est très difficile. C'est très difficile. Malgré une augmentation énorme des budgets, c'est des déficits qui nous arrivent et puis, finalement, il faut tout de même prendre l'argent quelque part.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Rousseau, je vous demanderais de répondre extrêmement vite parce que le temps imparti à Mme la ministre est déjà terminé. Et à moins que vous ne vouliez lui répondre en dehors...

M. Rousseau (Pierre): Je pense que ça va servir l'Opposition aussi au niveau de la réponse. Je voudrais juste dire, la question du... Bon, c'est vrai, en théâtre, cette année, on a eu un comité national d'évaluation. Ce comité s'est penché sur tous les organismes subventionnés. Il a, ce comité-là, quand même dit: Oui, peut-être qu'il y a une vingtaine d'organismes auxquels il faudrait remettre en question l'attribution des subventions.

Dans le rapport Arpin, il est beaucoup question de saupoudrage. De la façon dont c'est dit d'ailleurs dans le rapport Arpin, ça laisse entendre que peut-être qu'il y aurait assez d'argent, mais qu'il est mal distribué et que, effectivement, peut-être qu'on devrait d'abord faire un petit peu le ménage là-dedans, que ça aiderait peut-être, la consolidation, et tout ça.

Sauf que la vingtaine de compagnies en question, sur un budget de 8 000 000 $, représente à peu près 300 000 $, parce que, dans tous les cas, c'a été souvent des petites compagnies, des petits organismes, soit de la relève, soit des compagnies en régions très éloignées, que la direction régionale du ministère avait décidé de soutenir souvent parce que c'était la seule production culturelle locale et que même les compagnies de tournées de Montréal ou de

Québec ne se rendaient même pas jusque-là. Alors, si on enlève la petite compagnie, il n'y a plus de vie culturelle du tout dans la région. Alors, c'a été des choix de cet ordre-là.

Nous, on pense que la réponse aux problèmes monétaires et financiers du théâtre n'est pas nécessairement de récupérer ce 300 000 $, parce que ça nous semble assez... Puisque vous parlez du déficit, ça ne réglerait même pas la moitié du déficit du TNM, effectivement. (17 h 30)

Pour ce qui est de la question des déficits... Vous avez entendu, il n'y a pas longtemps, les gens des HEC. Il y a une loi qui cite abondamment ces gens-là, que je ne connais pas très bien, qui s'appelle la fameuse loi de Baumol, qui dit qu'on a beau arriver avec tous les nouveaux moyens technologiques dans la société, pour faire une pièce de théâtre, ça va toujours prendre six semaines de répétition, ça va toujours prendre du temps-homme qui va toujours être sensiblement le même qu'au temps de Molière. Là-dessus, on ne peut rien gagner, ça ne se peut pas. Un comédien ne peut pas, aujourd'hui, malgré tous les moyens technologiques à sa portée, apprendre son rôle en deux jours, ça ne se peut pas. Le temps de la représentation ne pourrait pas être plus vite, ça ne se peut pas.

Maintenant, là-dessus, les organismes ont fait des efforts incroyables pour en arriver à réduire leur déficit. On coupe des personnages, on coupe des scènes complètes dans des pièces de théâtre pour réduire la distribution sur scène. On a fait tout le répertoire classique à six personnages et moins. Les pièces à six personnages et moins, on les a toutes jouées au Québec. Dans les années quatre-vingt, sur scène, même chez Jean Duceppe, on a vu des pièces à deux personnages, un plateau immense.

Tout ça a été fait, sauf qu'à un moment donné ça ne se peut plus. Il va toujours arriver une année où il y a une mauvaise production et ça y est, bang! c'est le déficit, parce que les compagnies n'ont aucun autre moyen. On fonctionne d'une année à l'autre. À cet effet-là, effectivement, les plans triennaux vont aider un peu à assurer au moins des assises financières plus solides, mais ça, on ne s'en sortira pas.

Vous doubleriez le budget de tous ces organismes... Éventuellement, dans cinq ans, le TNM ou Le Trident pourraient se retrouver avec un nouveau déficit s'il y a une pièce qui ne fonctionne pas dans la saison. On n'a pas de réponse à ça. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que le TNM est passé de 92 acteurs à 59, cette année. Chez Duceppe, ça baisse aussi. Jusqu'où allons-nous descendre comme ça? C'est un peu ça. Quelle culture voulons-nous et quel théâtre voulons-nous? C'est la question et la réponse, elle est aussi dans les choix de société qu'on va faire.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau.

Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Chouinard, M. Rousseau, je fais face à un dilemme. Je ne sais pas si je vais vous poser des questions ou si je vais éclater avec vous.

M. Rousseau (Pierre): Éclatez.

M. Boulerice: Je vais éclater, merci. Votre dernière réponse était bonne, je l'ai appréciée. Vous avez bien fait de le dire, ça va être bon pour l'Opposition aussi. C'est bizarre, quand il vient des organismes de la culture, mon Dieu qu'il y a une introspection: Oui, mais les déficits! Premièrement, moi, je trouve le langage un peu vicieux. Ça accrédite que, si on est artiste, on ne sait pas gérer. J'ai toujours dit que, si l'État gérait comme certaines petites troupes théâtrales, le déficit étatique serait peut-être bien moins que ce qu'il peut être actuellement, tant au niveau fédéral qu'à ce niveau-ci.

Quand il y a une crise économique et qu'il faut sauver un organisme en péril, rassurez-vous, ça se passe dans le cabinet du premier ministre, exemple: Lavalin-SNC. Bye, le problème s'est réglé très vite, sauf qu'il faut avoir une grande introspection lorsqu'il s'agit des déficits au niveau du théâtre. Sur la tête de votre mère, les déficits, est-ce qu'ils sont dus à une mauvaise gestion, oui ou non?

M. Rousseau (Pierre): Pas du tout.

M. Chouinard: Non. Vous avez des déficits qui sont conjoncturels. Ceux qu'on a vus l'an dernier sont dus certainement, en grande partie, à la conjoncture. Ça, ça ne peut pas faire autrement dans une année comme on a connue. Cette année de récession, cette année où on a vu arriver une nouvelle taxe fédérale a fait que le public a choisi de façon plus stricte ses sorties au théâtre, a délaissé certaines sorties qu'il faisait habituellement et des compagnies qui avaient prévu que certaines pièces fonctionneraient se sont retrouvées avec des salles qui étaient moins pleines que d'habitude. Je ne parle pas de toutes les compagnies, mais de celles qui ont fait un déficit.

Cet été, par exemple, pour vous donner un exemple - je sais que ce n'est pas du théâtre subventionné - on s'est étonné de la faible assistance au théâtre d'été. Il y a eu des compagnies où ça s'est bien passé, d'autres où ça s'est moins bien passé. Mais il est évident que, cet été, les gens payaient moins pour les sorties au théâtre que d'habitude.

Cela dit, il y a une autre partie à la réponse, c'est que ce n'est pas de la mauvaise gestion, mais, pour remplir sa mission théâtrale, sa mission artistique, un organisme se doit de monter telle, telle et telle pièce, d'engager des comédiens et d'acheter des décors. À un moment donné, il y a une limite à l'augmentation du prix des billets. Je crois que les compagnies sont vraiment forcées d'augmenter le prix des billets. On ne peut pas charger à Montréal ou à Québec les 45 $, 50 $ qu'on charge à Broadway. Ça ne se peut pas. Passer, d'une année à l'autre, à 20 $ d'augmentation, c'est impossible. On est limité par ces revenus-là.

Laissez-moi vous souligner qu'en ce qui concerne la commandite et les dons de compagnies et d'entreprises, cette année, ça a été une des pires années depuis longtemps et vous comprenez très bien pourquoi. La récession, ce n'est pas seulement pour les individus, c'est pour les corporations. Il faut bien se rendre compte qu'une commandite, comme un don de compagnie, ça fluctue. Une année, ça ne vous tente pas, vous ne donnez rien. Vous n'avez pas de mission étatique à remplir quand vous êtes un président de compagnie. Vous devez faire avancer les intérêts des actionnaires. Donc, si, cette année-là, on ne donne pas, on ne donne pas. Cette année, il y en a beaucoup qui n'ont pas donné de sorte que des compagnies qui comptaient un peu là-dessus - je dirais à 10 % peut-être au maximum de leurs revenus - ont vu ça baisser, d'une part, et ont vu les salles un peu baisser. Par contre, la seule chose qui n'a pas baissé, c'est les dépenses.

M. Boulerice: M. Chouinard, je ne veux pas vous mettre en opposition avec d'autres groupes de la société, mais, quand il y a une immense sécheresse ou qu'il y a une chute des prix sur le marché mondial, on se précipite. Quand il y a un déficit dans le domaine de la culture, il ne faut surtout pas toucher à ça. Mauvais gestionnaires! On va questionner: Est-ce que la culture est vraiment aussi importante que la mission sociale et économique de l'État? C'est beau de l'écrire là, mais il va falloir changer les mentalités.

M. Chouinard: On ne fera pas de cas individuels ou de cas par cas, M. Boulerice. Il est évident que, dans l'histoire du théâtre québécois, des mauvais gestionnaires, c'est comme dans n'importe quelle affaire...

M. Boulerice: C'est ça que je vous dis.

M. Chouinard: ...il y en a eu et il y en a qui ont été sanctionnés comme tels. Dans d'autres cas, il y a eu des gestions qui ont été faites qui ont été convenables. Il y a eu des plans de redressement qui ont été - on ne nommera personne, mais... Il y a des compagnies importantes qui se sont trouvées dans l'obligation de vendre leurs salles, de produire un plan de redressement, de repartir à zéro. Le directeur s'était retrouvé tout seul avec sa comptable pour essayer de repartir le théâtre et ça a réussi. On

n'a donc pas taxé de mauvaise gestion permanente ces théâtres-là. On les a aidé à donner le coup de barre nécessaire pour passer à travers des périodes difficiles, et ça existe.

Il y a aussi - il faut bien le dire - en théâtre, un état d'esprit qu'il faut avoir par rapport à l'investissement qu'on fait dans une compagnie de théâtre, c'est le droit à la recherche et à - je vais le dire ici - l'erreur. On doit pouvoir avoir le droit à la recherche et à l'erreur à l'intérieur de normes raisonnables, évidemment, à l'intérieur de normes qu'on peut être capable de contrôler. Mais le choix d'une pièce, le choix d'un nouvel auteur... On me faisait la remarque, il n'y a pas longtemps, que, pour avoir un Gretzky, combien ça prend de petits gars qui ont passé à côté, sur lesquels les parents ont investi en patins, en toute sorte... Bon. Ce ne sont pas tous des Gretzky. Il y en a un, Gretzky, sur je ne sais pas combien de milliers d'enfants et, pourtant, on n'hésite pas à dire que c'est sur le nombre, sur l'ensemble qu'on va retrouver la qualité, qu'on va ressortir la pièce. Il y a de jeunes auteurs au Québec qu'il faut pouvoir aider.

Là, je vais revenir à un événement de l'été dernier, Mme la ministre, vous me permettrez - je ne sais pas si vous l'entendrez en même temps, M. Boulerice - c'est qu'à force de se partager la petite tarte, actuellement, on nous divise les uns contre les autres au sein même des milieux. C'est la même chose au sein même du budget et de l'argent de l'État au complet. On divise les populations. On parle de lits d'hôpitaux versus subventions à des compagnies de théâtre et c'est malsain, je le sais.

Particulièrement dans notre milieu, on s'est retrouvé, par exemple, l'été dernier, à constater qu'on arrivait à un nouveau système de subventions triennales et d'amélioration de ces subventions. Je pense que c'était bien reçu par la plupart des compagnies, seulement, du même souffle, on nous apprenait, du ministère, dans cette rencontre que nous avons eue avec la ministre et la sous-ministre, qui sont ici en ce moment, que, malheureusement, certains programmes devraient peut-être céder le pas à d'autres. Les auteurs, pour les nommer, se sont retrouvés avec un programme, qui était un programme d'auteurs en résidence, coupé pour cette année. Alors, on s'est retrouvé...

De quoi j'ai l'air? Moi, je suis président du Conseil québécois du théâtre. J'ai, à ma gauche, les compagnies en question qui étaient bien satisfaites, qui étaient contentes, mais je me suis fait ramassé joyeusement par ceux que vous connaissez maintenant assez bien ici, à cette commission, parce que je pense que vous les avez vus retontir. Et c'est pareil pour nous. Vous nous divisez les uns contre les autres dans ce sens-là et je trouve ça...

Il a commencé à y avoir cet état d'esprit, qui n'existait pas, il y a 10 ans, entre les gens de théâtre. Les uns disent: Oui, mais pourquoi lui, pourquoi pas moi? Pourquoi vous donnez plus à lui? Pourquoi j'ai perdu 1200 $? Et je m'aperçois que lui a eu 800 $ de plus et lui a 400 $ de plus. Donc, c'est eux autres qui ont mes 1200 $. On est là à se charogner les uns et les autres sur des montants minimes qui feraient rire bien du monde, mais, enfin, c'est ça. On en est là et je trouve que ça ne débloquera pas tant qu'on n'aura pas analysé les besoins, les fameux besoins de chaque compagnie. On a demandé pendant de grands bouts de temps... On a dit aux compagnies: Demandez selon vos besoins, pour ensuite leur dire: Oui, mais restreignez-vous par contre parce que, là, on est en période de récession.

On a perdu contact avec les besoins réels. On ne sait plus ce que ça coûte un siège de théâtre pour un soir et il faudrait le redécouvrir. Ça ne coûte pas les 25 $ que paie le spectateur, ce qui nous a tenté de dire, à une certaine époque, qu'on subventionnait bien plus le spectateur, pour lui permettre de ne pas payer son billet 40 $, que la compagnie elle-même, puisque ses acteurs plafonnaient dans les salaires et qu'il y avait beaucoup de directeurs qui ne se payaient plus. Donc, on a perdu contact avec la réalité des coûts. Bien sûr, on essaie de s'organiser pour dire: Bon, on va en donner un petit peu plus là, un petit moins là, on va trouver de nouvelles formules; autant de formules sur lesquelles nous n'avons aucune récrimination. Je pense qu'il faudra se mettre à table.

On a regardé le rapport Samson-Bélair. M. Coupet, je l'ai entendu récemment dans un colloque. Il a de belles idées. Des Français sont venus nous parler de ces idées de fonds régionaux. Encore aujourd'hui, vous en avez parlées avec M. Béland. Il y a de belles idées à travailler ensemble, mais le scepticisme actuel, la désillusion, la morosité collective de ce milieu tient bien plus au fait d'une impression: l'État est là pour nous rendre raisonnable et nous dire qu'il n'y a pas d'argent et qu'il n'y en aura jamais plus.

À ce moment-là, on bute sur cette espèce de mur, ce mur qu'on semble trouver inébranlable. Il y a des augmentations, mais elles ne sont pas à la mesure de l'augmentation des coûts. On a perdu le sens des coûts qui grandissent et on a perdu contact avec ces coûts-là. Des gens ne se paient pas pour faire ce métier-là. Ce n'est pas normal. Dans quelque autre métier que ce soit, ce serait fini.

Mais des artistes, il y en aura toujours. C'est comme les malades au Québec. Il y a beaucoup de malades, mais des malades, on espère qu'il n'y en aura pas toujours. Un malade, c'est quelqu'un qu'il faut essayer de rendre en santé, mais un artiste, j'espère que ce n'est pas quelqu'un qu'il faut essayer de raisonner, à qui il faut dire: T'es un artiste, mais il faut que tu comprennes que ça se soigne. Je pense que ça ne

se soigne pas d'être artiste. C'est une maladie qu'on va avoir toute la vie et les jeunes d'aujourd'hui qui regardent la télévision, qui vont au théâtre, qui font ça, ils veulent être artistes aussi un jour. Vous en avez de plus en plus. Allez voir aux portes des conservatoires. Il y en a de plus en plus, des jeunes, qui veulent devenir artistes. On ne sait plus comment faire pour les empêcher de s'exprimer. Est-ce qu'on a perdu le sens du rêve? On a encore le sens du rêve. Il y en a qui l'ont et ils viennent nous le dire. Je m'excuse d'être si long.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Choui-nard.

M. Chouinard: Je m'excuse, M. le Président. C'est parce que j'avais besoin de...

Le Président (M. Gobé): Je vais passer la parole à M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, une seule phrase comme d'habitude, M. le Président. Le système actuel force les compagnies et les gens à faire le trottoir tout simplement. On appelle ça, dans le métier policier; être péripatéticienne. Donc, "cruiser" et aller "cruiser" les communications à Ottawa en passant par le Conseil des arts, venir frapper à la porte, à Québec, de Mme la ministre... Mais, au fond, c'est humiliant et c'est immoral, disons, qu'on force les artistes, les créateurs du Québec à jouer les péripatéticiennes face à leurs clients subventionnaires qui sont ceux qu'on a nommés depuis le début.

Alors, la solution évidemment, c'est s'il y avait un seul ministère responsable de l'ensemble des budgets, des politiques et des jurys, qui soit celui du Québec parce qu'on n'est jamais mieux jugés que par les nôtres pour ce qui touche la création, la valeur d'un tableau, la valeur d'un poème. Et je pense à l'oeuvre de Nelligan, par exemple. Je pense que sa mère fut sa meilleure lectrice et c'est grâce à sa mère s'il a fait 300 poèmes dans sa courte carrière littéraire. Il était, à ce moment-là aussi, prisonnier, si je peux me permettre, de sa famille qui pourvoyait à tous ses besoins en argent, en logement et en vivres... en bouffe, devrais-je dire. (17 h 45)

Donc, il faut un système qui soit moins immoral et qui force moins les compagnies ou les organismes comme le vôtre à aller, comme on dit dans mon comté, téter les ministères et les organismes fédéraux subventionnaires en espérant qu'ils vont ouvrir leurs poches et mettre le trente-sous, comme on fait sur la rue Mont-Royal maintenant, à la porte de chez Jean Coutu et de la caisse pop, avec les gens qui mendient. On force les créateurs du Québec à être des mendiants. C'est ça qui est inacceptable et c'est le message que je voudrais que la ministre comprenne puisqu'elle dit: II faut des change- ments. Le changement fondamental, à mon avis, il est là, c'est de faire disparaître l'obligation de péripatétisme à nos créateurs. C'est de ne pas les forcer plus longtemps à être des péripatéticiennes et leur donner les moyens, avec certaines garanties pour l'avenir, de pouvoir faire leur art et de créer sans entraves, surtout pas financières.

Le Président (M. Gobé): Oui, monsieur, merci, M. le député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Rousseau (Pierre): Je voudrais simplement dire - et ça, je pense que c'est important: On ne demande pas mieux que de faire confiance au ministère des Affaires culturelles...

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau.

M. Rousseau (Pierre): ...mais qu'il nous prouve qu'on peut avoir confiance.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.

M. Boulerice: Eh bien, M. Chouinard, M. Rousseau, merci. J'étais porté à faire confiance, au début de cette commission, et je dois vous avouer que j'ai les mêmes inquiétudes que vous. Je me demande depuis hier soir ce que je fous à cette commission. Quand j'entends, livrées au Téléjournal, les élucubrations de taverniers qui disent qu'il faut fermer le Conservatoire, fermer Radio-Québec, augmenter le prix des billets au Grand Théâtre et à la Place des Arts, j'ai la même préoccupation que vous: Est-ce que je suis en train, moi aussi, de me faire flouer à cette commission parlementaire?

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, puis-je vous rappeler au passage qu'il y a certains mots, dans cette enceinte, qui sont peu recommandés? Je ne les nommerai pas, mais je pense que vous avez compris ce que je veux dire. Alors, j'apprécierais si, dans le débat qui va continuer...

M. Boulerice: Je préfère l'expulsion que les retirer.

Le Président (M. Gobé): ...vous en teniez compte, afin de garder à cette commission de la culture son haut niveau de langage, qui lui est habituel, d'ailleurs. Mme la ministre, vous avez la parole...

M. Boulerice: "Broue" est un grand spectacle québécois.

Le Président (M. Gobé): ...pour le mot de la fin.

Mme Frulla-Hébert: M. Chouinard et M. Rousseau, si j'avais, justement, la même inquiétude et la même... que mon collègue, on pourrait vraiment s'inquiéter, mais il y a des recommandations qui souvent passent du farfelu au plus réaliste et je considère que certaines d'entre elles étaient farfelues. Donc, vous me voyez très calme. Alors, je tiens à encourager mon collègue à tenir bon. Si on a une commission parlementaire, c'est pour des changements et j'apprécie aussi la collaboration de mes vis-à-vis.

On sait très bien, au niveau de l'aide aux artistes, que, oui, les budgets ont beaucoup augmenté pour des besoins et il y a réajustement. On est ici pour des changements et, si tout était bon dans le meilleur des mondes, on ne serait pas ici. Mais, quand je vous vois défendre... Votre groupe a souvent dit que c'est grâce aux artistes que la culture est bien vivante. Ça me fait penser à un éditorialiste qui disait que la culture n'appartient pas aux artistes, que les artistes sont bénéficiaires de l'aide à la création. J'espère que vous allez défendre ça, c'est-à-dire défendre contre, parce que cette idée-là... Je suis parfaitement contre, finalement, cette déclaration, d'une part, et, deuxièmement, si les créateurs et les artistes n'étaient pas là, on ne serait pas ici non plus aujourd'hui. On va essayer d'apporter des changements, croyez-moi.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Chouinard, M. Rousseau, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition et nous vous souhaitons bon retour.

M. Chouinard: Merci.

M. Rousseau (Pierre): Merci.

Le Président (M. Gobé): Je demanderais aux représentants de l'Université de Sherbrooke de bien vouloir se présenter en avant et de prendre place autour de cette table. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous inviterais à regagner votre place, afin que nous puissions commencer l'audition. Alors, je vous remercie, M. le député, de nous rejoindre.

Il me fait plaisir d'accueillir maintenant M. Jean-Guy Ouellet, vice-recteur à l'enseignement de l'Université de Sherbrooke. Bonsoir, M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean-Guy): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes accompagné par M. Jacques Labrecque, directeur du Centre culturel de l'Université de Sherbrooke, bien entendu. Alors, vous allez pouvoir commencer votre présentation et, par la suite, nous dialoguerons. Je vous avise que vous avez une période de 15 minutes. Si vous avez un mémoire à lire, faites-le en version condensée.

Université de Sherbrooke

M. Ouellet: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission parlementaire, mesdames et messieurs, c'est avec grand plaisir que nous venons vous présenter, cet après-midi, les commentaires de l'Université de Sherbrooke relativement au rapport "Une politique de la culture et des arts" préparé par le groupe-conseil placé sous la présidence de M. Roland Arpin. Nous tenons tout d'abord à souligner l'importance de la réflexion effectuée et nous souhaitons préciser que notre intervention d'aujourd'hui, semblable en cela au mémoire que nous avons présenté, portera uniquement sur là réaction aux recommandations touchant la formation en art et sur le rôle tenu par notre Université au plan de la diffusion culturelle.

L'objectif premier de l'Université de Sherbrooke, par sa présence ici aujourd'hui, est de manifester son intérêt pour ces questions et, ce faisant, de signifier sa disponibilité à participer à toute réflexion pouvant faciliter l'atteinte des objectifs exprimés dans le rapport. Nous voulons aussi témoigner de l'importance d'entreprendre une réflexion globale sur l'ensemble des interventions en formation des ressources humaines en art et établir des créneaux spécifiques ou partagés par les différentes structures de formation.

Quelques mots sur l'Université de Sherbrooke. Créée en 1954 pour répondre aux besoins d'enseignement supérieur de l'Estrie, l'Université de Sherbrooke occupe aujourd'hui une place originale au sein du réseau des universités québécoises. Ses programmes d'études attirent des étudiants de toutes les régions du Québec et la réputation de ses chercheurs déborde les frontières du pays.

Organisée selon un modèle facultaire adapté au contexte nord-américain, l'Université compte neuf facultés qui assument la responsabilité immédiate de l'enseignement. Elles regroupent au sein des départements des spécialistes d'une même discipline ou de disciplines connexes. La taille moyenne de l'établissement tout comme le caractère décentralisé de l'administration des programmes ont favorisé l'expression du dynamisme de la base et l'instauration d'une tradition d'ouverture à l'innovation et d'adaptabilité au changement. Aussi bien en matière d'enseignement et de recherche que de services à la collectivité, les manifestations de ce sens de l'innovation sont multiples, une des plus connues étant sans doute le régime coopératif d'enseignement.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me dois de mentionner que nous ne pouvons que déplorer le fait que notre Université n'ait pas été consultée en vue de la préparation de ce rapport. Nous croyons sincèrement que nous aurions pu apporter une contribution valable,

tant à ce qui a trait à la présentation de la situation actuelle qu'en ce qui concerne les avenues de solution. Nous aurions été en mesure de fournir des points de vue tant sur la formation en art comme telle que sur la formation dans des disciplines et des champs d'études comportant des applications possibles dans le domaine des arts: gestion, marketing, communications, didactique, etc.

J'aborderai maintenant la question de l'intervention de l'Université dans la formation en théâtre, en danse, en arts visuels, en littérature et en musique. Situées au carrefour de trois disciplines - études françaises, sociologie et psychologie - les études en théâtre sont orientées vers la formation d'animateurs et d'animatrices qui utilisent le théâtre comme outil de création collective et d'expression pour faire réfléchir, véhiculer les grands débats de l'heure et susciter de nouveaux comportements sociaux.

La majeure en théâtre permet également d'acquérir une connaissance plus générale du phénomène théâtral, c'est-à-dire de s'initier aux différentes techniques de production de spectacles, du choix du texte jusqu'à la première présentation. Cette formation est complétée par l'étude de la littérature dramatique.

Au domaine de la danse, la participation de l'Université se résume à l'offre par la Faculté d'éducation physique et sportive, d'un module en danse et certaines activités pédagogiques comprenant des exercices ou spectacles en public.

En arts visuels, il y a un programme de certificat de 30 crédits offert par la Faculté des lettres et sciences humaines. Ce certificat d'expression artistique stimule et développe l'expression personnelle, l'intériorisation et la créativité.

Quant à la formation en lettres, le Département de lettres et communications de la Faculté des lettres et sciences humaines offre des programmes d'études anglaises et françaises qui touchent notamment la littérature et la création littéraire. Les programmes de 2e et 3e cycles favorisent, en plus, l'expérience de la création littéraire.

Quant au programme de baccalauréat en musique de l'Université de Sherbrooke, il est actuellement en processus d'implantation. L'accueil d'un premier groupe d'étudiants et d'étudiantes est prévu pour le trimestre d'automne 1992. Je vous fais grâce de son contenu.

Un portrait sommaire de l'intervention de l'Université de Sherbrooke étant esquissé, abordons maintenant la partie constituant la réaction de l'Université aux recommandations du rapport concernant la formation en art, comme telle. En ce qui a trait à la participation du réseau universitaire à la réflexion sur la formation en art, rappelons que les recommandations 24, 25 et 26 du rapport favorisent la création d'un groupe de travail qui verrait à identifier les besoins de formation et à dresser un bilan. Si cette idée nous apparaît fort valable, nous ne pouvons nous empêcher de noter que les universités sont exclues du processus. Nous croyons que les universités québécoises devraient être représentées au groupe de travail prévu à la recommendation 24, parce qu'elles offrent de nombreux programmes de formation en art et parce qu'elles trouveraient également leur intérêt dans une démarche visant à - et je cite - "planifier et harmoniser les programmes offerts".

De même, puisque la recommandation 25 prévoit que le groupe de travail procède à un bilan de la situation actuelle quant aux besoins en formation et à la façon dont ils sont satisfaits à l'heure actuelle, nul n'est mieux préparé que les universités elles-mêmes à produire les statistiques et les rapports d'évaluation les plus éclairants et pour commenter leurs propres interventions en formation en art. La recommandation 26 confie également à ce groupe de travail le mandat d'étudier les programmes de formation professionnelle en théâtre et en musique. Les universités peuvent certainement collaborer à une telle étude en tant que dispensatrices de programmes de cette nature.

Lorsqu'il s'agit de formation, le rapport traite abondamment de l'importance de déterminer les besoins de formation des artistes, ce qui est essentiel à toute démarche de formation. Nous croyons qu'il est également important d'aborder la question de la qualité de la formation, ceci tant au plan des contenus que de la pertinence en regard du marché du travail. Ce qui rejoint la préoccupation qui est exprimée par la recommandation 27 du rapport.

Dans la même foulée, nous nous devons de souligner que le souci de la qualité des contenus et de pertinence de la formation n'est pas étranger à la répartition des clientèles et à la rationalisation des interventions des divers ministères et des universités. En effet, le maintien des structures dédoublées dans certains domaines, notamment en musique et en théâtre, peut être extrêmement profitable si des créneaux précis sont envisagés pour chacune des structures, mais peut s'avérer nocif au plan qualitatif s'il empêche d'accéder à la masse critique d'effectif étudiant nécessaire à une formation de qualité. Nous invitons donc le groupe de travail prévu à la recommandation 24 et surtout les ministères concernés à recentrer les vocations des divers intervenants en formation.

La recommandation 28 suggère, quant à elle, que soient davantage développés la formation continue et le perfectionnement maintenant que la formation initiale en art est implantée. Nous nous devons de mentionner à cet égard que, si des activités ponctuelles de formation sont pertinentes, il n'en demeure pas moins qu'il serait souhaitable de favoriser l'accès au programmes existants ou la création de nouveaux programmes permettant d'inclure ces enseignements dans une démarche complète et structurée,

dotée d'une certaine pérennité.

De même, s'il est souvent question, comme à la recommandation 30, de favoriser l'accès des artistes à certains programmes de formation par l'éligibilité aux plans gouvernementaux, il ne faudrait pas pour autant négliger l'incitation à s'investir dans des programmes universitaires de formation initiale en art ou dans des champs d'études pouvant s'appliquer au domaine des arts.

Quant à la recommandation 32 qui traite de la formation des gestionnaires en art, nous ne pouvons que nous réjouir qu'une telle étude soit entreprise. La formation de gestionnaires culturels doit, en effet, faire l'objet d'une réflexion particulière. À cet égard, la formation en régime coopératif pourrait comporter, pour cette clientèle, des avantages importants. En effet, l'alternance session d'études et stage de travail permettrait de dynamiser l'intérêt pour les études en gestion des arts et de pourvoir les entreprises culturelles, dans un premier temps, de stagiaires déjà intéressés par le domaine et, à moyen terme, de ressources humaines compétentes. (18 heures)

Notre Université offre le régime coopératif, notamment au baccalauréat en administration, de même que dans certains programmes du secteur des lettres et communications. Une aide financière permettant aux entreprises culturelles d'embaucher des stagiaires permettrait de former des personnes aptes à intervenir dans les domaines de gestion des arts, du marketing des produits culturels, des communications, etc. Le problème créé par le manque de cas issus du domaine des arts à être traités lors des études en gestion serait ainsi réglé.

J'inviterais maintenant M. Labrecque à vous présenter le point de vue de l'Université en ce qui a trait à la diffusion culturelle. M. Labrecque, s'il vous plaît.

M. Labrecque (Jacques): Le 12 février 1969, le conseil d'administration de l'Université de Sherbrooke crée le Centre culturel de l'Université dont la mission est de favoriser le développement culturel dans la communauté universitaire, dans la ville de Sherbrooke et dans la région de l'Estrie. La salle Maurice-O'Bready devient le lieu de diffusion des arts d'interprétation alors que la galerie d'art intègre ses expositions d'art contemporain dans la programmation artistique du Centre culturel. Depuis 20 ans, le Centre culturel de l'Université de Sherbrooke multiplie ses interventions dans le domaine artistique en procurant aux intervenants du milieu un lieu de production et de diffusion et en offrant à la population une qualité d'événements artistiques comparable à celle des centres de Montréal et de Québec.

Dans le cadre de la mission qui lui a été octroyée en 1969 et des deux champs d'intervention qui lui sont reconnus, le mandat du Centre culturel se définit de la façon suivante: agir à titre de diffuseur et maintenir une structure d'accueil pour les arts d'interprétation et les arts visuels, favoriser la création et la production par des intervenants locaux et régionaux et gérer les ressources humaines et matérielles mises à sa disposition.

En regard de sa mission et de son mandat, le Centre culturel s'est fixé et a atteint de nombreux objectifs depuis sa création pour répondre aux besoins des intervenants et des communautés qu'il dessert. Dans la poursuite de son développement, il s'est fixé les objectifs suivants: à titre de diffuseur de structures d'accueil, offrir une variété d'activités de qualité de façon à répondre à la diversité des besoins des différentes clientèles, accroître l'accessibilité à la culture en ciblant certaines activités pour des clientèles particulières, assurer une infrastructure qui répond aux besoins de la clientèle, les artistes et les autres intervenants; à titre de promoteur et de diffuseur auprès des intervenants locaux et régionaux, répondre dans la mesure du possible aux demandes exprimées par les intervenants du milieu local et régional et encourager les artistes professionnels établis ainsi que la relève; à titre de gérant des ressources, mettre à jour des modes d'opération de façon à mieux satisfaire la clientèle, moderniser ses équipements, planifier la création d'un nouveau plateau de production, de répétition et de diffusion et planifier la construction d'une galerie d'art selon les exigences muséologiques contemporaines.

Une bonne partie de ces objectifs peuvent être atteintes au rythme de la disponibilité des ressources et grâce aux subventions accordées par le ministère des Affaires culturelles pour les arts d'interprétation et les arts visuels. Par contre, certains de ces objectifs pourront être rencontrés pour autant que la ville de Sherbrooke assortisse sa reconnaissance à un programme de subventions approprié et que le ministère des Affaires culturelles accorde des octrois spécifiques à cette fin.

Chaque année, le Centre culturel accueille au-delà de 150 000 spectateurs en provenance des quatre coins de la région. Les récentes statistiques indiquent la présentation d'environ 170 manifestations en variétés, en théâtre, en musique et en danse, sans compter les représentations cinématographiques. Un grand nombre de ces manifestations sont offertes par des artistes de la région, qu'ils soient amateurs ou professionnels. Cette participation est significative et contribue à la richesse et à l'originalité de la programmation.

L'impact du Centre culturel sur la qualité de vie, sur l'attrait touristique de Sherbrooke est indéniable et le Centre joue un rôle de premier plan sur la vie économique de la région. Une équipe de 18 employés réguliers et une centaine d'occasionnels y travaillent et, pour la saison finissant le 31 mai 1990, les revenus au guichet

ont atteint un sommet de 1 800 000 $. Cette performance est liée non seulement à l'importance de sa machine publicitaire, mais surtout au "membership" grandissant du Centre culturel. En effet, cette année, le Centre culturel compte sur plus de 5000 abonnés dans ses séries en théâtre, musique et variétés. De plus, au-delà de 6000 étudiants du cégep et de l'Université se sont procuré des passeports culturels et, grâce à une toute récente entente avec la Commission scolaire catholique de Sherbrooke, plus de 4000 enfants ont adhéré à une formule de participation aux activités jeunesse du Centre culturel.

Quant à la galerie d'art, elle s'est spécialisée au fil des ans en art contemporain. Une vingtaine d'expositions sont présentées annuellement et plus de 30 000 personnes visiteront la galerie d'art. Les artistes présentés figurent parmi les plus reconnus. C'est grâce à la qualité de sa programmation que la galerie d'art s'est taillé une réputation qui va au-delà de notre ville et qu'elle contribue à projeter une image de Sherbrooke comme étant une ville dynamique en matière de diffusion d'arts visuels.

Le rapport Arpin valorise le partenariat au chapitre de la diffusion, en particulier avec le monde municipal. L'Université se situe dans la logique du partenariat, à la condition que ce terme désigne une implication mutuelle des partenaires. Jusqu'à maintenant, le ministère des Affaires culturelles et l'Université ont été de réels partenaires, chacun oeuvrant avec l'autre au développement de la culture en Estrie et chacun contribuant de façon significative au financement du Centre culturel. La proposition du groupe Arpin semble suggérer un retrait de l'État du financement des opérations des lieux culturels pour laisser cette responsabilité à la municipalité. Ce serait un recul pour notre région. Au contraire, l'État doit maintenir le rôle prépondérant des centres majeurs de diffusion en région, tout comme il le fait dans les grands centres de Montréal et de Québec.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Labrec-que, je vous demanderais de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.

M. Labrecque: II me reste deux mots. L'Université considère avec intérêt les ententes triennales suggérées par le rapport Arpin. Il serait intéressant qu'on profite de l'établissement de ces ententes pour faire en sorte que l'intervention du ministère des Affaires culturelles puisse agir comme levier pour une plus grande implication de la municipalité.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre et, par la suite, à M. le député de

Sherbrooke, avec un consentement général de l'Opposition que mon collègue est venu me chuchoter à l'oreille pendant la présentation.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie d'être venus à la commission, d'une part. Deuxièmement, il ne faut pas... Vous avez mentionné dans le rapport Arpin l'implication que vous auriez souhaitée, mais comme vous l'avez remarqué, le secteur de l'éducation, par exemple, a été fortement interpellé. Comme le rapport, eh bien, c'est une base de discussion. Alors, nous sommes ici pour ça et c'est certain qu'après, lors de la rédaction, c'est sûr qu'on va s'asseoir aussi avec les divers représentants du milieu de l'éducation, soit Enseignement supérieur et Éducation, pour pousser plus loin certaines pensées.

Ma question finalement, avant de laisser la parole à mon collègue, tient des dédoublements. Vous dites dans votre mémoire que vous allez avoir une faculté de musique... et finalement on a aussi les conservatoires. Comment voyez-vous le rôle entre la formation musicale - dans certaines universités, film musical, art dramatique, etc. - donnée dans les universités versus les conservatoires, et la complémentarité, s'il peut y en avoir une? Est-ce qu'il y a, d'abord et avant tout, des dédoublements?

M. Ouellet: Une des conclusions que je voulais faire, c'est qu'au niveau de la formation, autant de l'ordre collégial que des collèges, que des conservatoires, que des écoles, actuellement, toutes ces structures, je pense, devraient être invitées à poser un regard sur leur spécificité et leur complémentarité. Lorsqu'on regarde le rôle des conservatoires - et je vois M. Thibault qui est ici, le directeur des conservatoires - dans l'élaboration du projet qui a mené à avoir l'enseignement supérieur de la musique en Estrie, notamment à l'Université de Sherbrooke, il y a eu des discussions sérieuses à l'effet d'un jumelage, conservatoire-université, pour offrir un programme qui répondrait davantage aux besoins d'une population qui n'était desservie ni par un conservatoire ni par un programme d'enseignement universitaire en musique.

On y a vu là des complémentarités qui étaient possibles. On y a vu là aussi un certain dédoublement, pas nécessairement avec le niveau universitaire, mais avec le niveau collégial ou avec le niveau secondaire, lorsqu'on regarde les volets de formation en interprétation musicale. Mais ça, je pense qu'il y a probablement place pour des gens qui ne sont pas intéressés à poursuivre des études universitaires, mais qui veulent développer leurs aptitudes en musique. Les conservatoires n'ont pas le genre d'exigences que le réseau scolaire a, en termes d'admissibilité puis en termes aussi de progression à l'intérieur de la filière des conservatoires, par rapport au milieu scolaire qui a ses exigences très nettes, que ce soit le collégial... Si on veut avoir un DEC en musique, il faut quand même être capable de réussir le tronc commun et les exigences minimales dans d'autres disciplines, ce qui n'est pas le cas dans le cas d'un conser-

vatoire.

Donc, il y a certainement place, mais il faut, à mon avis, que les spécificités, par exemple, du conservatoire par rapport à l'enseignement collégial, par rapport à l'enseignement au niveau universitaire soient mieux arrimées et qu'on ne dédouble pas, qu'on réponde mieux aux besoins d'une population dans un cadre, si vous voulez, pédagogique et aussi dans un cadre financier qui permette de le faire avec toute la qualité voulue et souhaitée.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. M. le député de Sherbrooke, vous avez la parole.

M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aurais peut-être deux questions, si vous le permettez. Merci de m'autoriser. D'abord, vous savez que l'Université de Sherbrooke, par son régime coopératif, a un régime particulier et assez intéressant. J'aimerais ça que vous développiez davantage cette situation pédagogique qui nous est particulière en nous disant comment le régime coopératif à l'Université pourrait aider davantage nos entreprises culturelles.

M. Ouellet: Ça pourrait être fait de diverses façons. Premièrement, pour expliquer aux membres qui sont moins familiers avec le régime coopératif, on parle ici d'alternance études-travail. Donc, on a deux sessions d'études avec une session en milieu de travail, dans une entreprise, et ces stages-là en entreprise ne sont pas crédités, ils sont rémunérés. Donc, il faut un partenariat avec Pentrepreneurship" parce qu'il doit trouver une place pour l'étudiant dans son entreprise et le payer, avec un cadre financier qui est normalement prédéterminé.

Donc, ceci étant connu, si on veut que certains de nos étudiants, qu'ils soient en administration... S'ils pouvaient aller dans une entreprise culturelle, ça pourrait aider pour cette dimension-là, ou que ce soit sur le plan du marketing, que ce soit sur le plan des communications, ça permettrait, possiblement, à l'entreprise culturelle de bénéficier d'une certaine expertise. Ça permettrait aussi à des étudiants de se sensibiliser à l'entreprise culturelle et, éventuellement, d'avoir des intérêts et une certaine expertise qui s'est développée parce qu'un étudiant, normalement, dans un programme de trois ans, va aller en stage trois fois dans l'entreprise.

Donc, il a l'équivalent de 12 mois d'expérience au moment où il doit se lancer sur le marché du travail, il pourra avoir bénéficié, à ce moment-là, d'une certaine expérience dans ce milieu-là. Donc, il pourrait y avoir quelqu'un en administration, quelqu'un en marketing ou peut-être quelqu'un en communications ou dans d'autres secteurs et possiblement que ça pourrait aider l'entreprise culturelle et probablement aussi mieux préparer nos futurs gestionnaires dans ces secteurs-là.

Le Président (M. Gobé): Allez-y.

M. Hamel: Est-ce que vous auriez l'intention, comme vous avez innové dans beaucoup de choses, de l'implanter bientôt, ce régime coopératif, peut-être au niveau culturel, avec la venue de l'école de musique et ce que vous donnez présentement?

M. Ouellet: Moi, je pense que le milieu culturel pourrait être un milieu, comme on en a dans le domaine des affaires, de l'entreprise, de l'industrie manufacturière. On pourrait à ce moment-là, si les entreprises culturelles avaient la possibilité de rémunérer ces gens-là... Parce que souvent ça nous est dit que ce n'est pas prévu, qu'on n'a pas le moyen de se permettre un stagiaire rémunéré. Mais si on trouvait une modalité qui permettait d'accueillir des étudiants, je pense que ce serait très facile. Il s'agirait d'élargir notre bassin de stages au milieu culturel, dans divers secteurs, que ce soit en administration, en communications, en lettres ou dans d'autres secteurs. Je pense que ce serait facilement réalisable, dans la mesure où ces entreprises-là pourraient se permettre financièrement de les accueillir.

M. Hamel: Merci. Une question à M. Labrecque, si vous le permettez. Vous êtes reconnu pour votre dynamisme. D'ailleurs, l'ADISQ l'a reconnu, RIDEAU l'a reconnu, le dynamisme de la salle Maurice-O'Bready dont vous êtes le directeur. Vous êtes le directeur du Centre culturel. J'aimerais ça, pour le bénéfice des membres de la commission et pour tout le monde, que vous nous donniez peut-être vos principaux éléments de stratégie de mise en marché qui font que ça marche si fort à Sherbrooke. (18 h 15)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hamel: Votre recette, quoi.

M. Labrecque: Remarquez, il est difficile... C'est difficile aussi pour nous, comme pour plusieurs diffuseurs. La situation économique, elle est difficile, mais il n'en demeure pas moins que le Centre culturel, en fait la salle Maurice-O'Bready a été construite en 1964. C'est un amphithéâtre de 1564 places. Il y a donc plus de 27 ans que l'Université gère un équipement culturel dans notre région. Donc, on a peut-être une certaine longueur d'avance par rapport à d'autres régions si on exclut, bien sûr, Québec et Montréal. C'est une intervention majeure dans le chapitre de la diffusion. Ça nous permet ou ça nous autorise peut-être plus d'audace. Il est bon aussi de préciser que le service que je dirige, le service du Centre culturel, ne relève pas d'un

service aux étudiants comme il y a dans plusieurs collèges ou universités. C'est un service à part entière avec les mandats que je vous ai précisés tantôt.

J'ai parlé aussi du dynamisme qu'on a grâce à notre "membership". On parle d'abonnés en nombre assez important. On pourrait dénombrer le nombre de personnes qui s'adjoignent à une formule ou à une autre à peu près à 15 000 ou 16 000. En élargissant notre bassin de population de Sherbrooke en incluant la région, on peut parler quasiment de 150 000 personnes. Donc, on parle de 10 % de la population qui s'implique d'une façon suivie aux activités culturelles, sans compter ceux qui viennent d'une façon un petit peu sporadique. Je crois que ça, ça a fidélisé notre clientèle, et c'est peut-être grâce à la qualité de la programmation. Vous savez, on peut présenter beaucoup de spectacles. On a un équipement quand même suffisant qui a été rénové en 1985. C'est peut-être ce qui explique le succès qu'on a.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Labrec-que. Merci, M. le député de Sherbrooke. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Je vais vous poser des questions sur des sujets que vous n'avez pas abordés, mais que vous avez lus. Et je suis certain que, même si vous ne l'avez pas exprimée dans le texte, vous avez une pensée là-dessus. Le rapport Arpin énonce... Non, il n'énonce pas, il suggère la création d'un observatoire culturel. Vous qui êtes des universitaires, ça vous dit quoi? Est-ce que c'est une glace dans laquelle on va se regarder pour se regarder et employer ce vieil adage "Mirror, mirror on the wall, who is the fairest of them all?" ou bien s'il y a vraiment utilité d'avoir un instrument comme celui-ci?

M. Ouellet: Normalement, quand on érige un observatoire - il y en a à différents endroits, notamment sur le mont Mégantic...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ouellet: ...qui est près de notre région - je pense qu'il y a une vocation très précise. On a déterminé à l'avance ce qu'on voulait faire, puis on s'est donnés les instruments pour le faire. Ce qui est un peu difficile dans votre question, c'est que probablement qu'on aurait besoin d'un observatoire, mais il faudrait, je pense, avec la complexité que tout ce que le mot culture veut bien sous-entendre, définir davantage des cibles d'observation et des façons de faire, et voir, après ça, comment on pourrait intégrer ces diverses observations là pour que le résultat de ça nous donne peut-être une meilleure image de l'ensemble d'une situation, parce que c'est complexe. J'ai un peu de difficultés à définir sur quelle base on monterait un observatoire de la culture au sens large.

M. Boulerice: Ce que je veux vous faire dire, un peu de gré ou de force...

M. Ouellet: Oui, oui...

M. Boulerice: Ne croyez-vous pas que nos universités, donc nos intellectuels, nos chercheurs, ont l'expertise pour être capables, d'une part, soit de faire l'observation elles-mêmes sur des sujets ou des phénomènes très précis ou de répondre à des commandes du ministère? Pourquoi chercher une autre structure, alors que, moi, dans mon for intérieur, j'estime que nos universités ont cette capacité?

M. Ouellet: Moi, je pense que pour... La principale raison de notre présence ici aujourd'hui, c'est qu'on souhaite qu'il y ait une collaboration qui soit beaucoup plus étroite entre le ministère des Affaires culturelles et les universités. À titre d'exemple, je dis les universités, parce que l'Université est très jeune, donc son implication, en termes de formation en ans, etc., n'est pas ce que d'autres universités québécoises ont à offrir actuellement, même si on est en développement et que notre intérêt est là. Mais l'expertise existe de diverses façons dans divers établissements universitaires. Je pense qu'on est disposé à le faire. Il va falloir qu'on privilégie des canaux, des mécanismes qui vont les solliciter davantage et les impliquer davantage, autant au niveau des orientations que des évaluations, que des actions qui ont à être posées dans ces secteurs-là.

Je ne sais pas si c'est assez précis, mais je pense que nous, ce qu'on souhaite, c'est d'être associés de plus près. Une des surprises qu'on a eues, et on l'a dit au début... On s'est retrouvés, l'ensemble des universités, à dire: Est-ce que vous avez reçu une copie? Est-ce qu'on vous a sollicités pour y réagir? Non. Et, même, on avait de la difficulté à en trouver et on était à deux semaines de la date limite des dépôts de mémoires. Donc, c'est un petit peu en catastrophe qu'on a été pris pour réagir à cette situation-là. Et ça, ce n'est pas un signe dans le sens que vous indiquez. Je pense qu'il faudrait qu'on soit davantage sollicités, impliqués, parce que notre mission, notre mandat, nos activités, ont des influences importantes, surtout au niveau de la formation. Peut-être que l'Université de Sherbrooke est un peu particulière au niveau de la diffusion, mate on est un élément important, en tout cas, dans une région du Québec.

M. Boulerice: Pour revenir justement à ce rôle de diffuseur que l'Université de Sherbrooke a, vous avez parlé d'un contexte difficile. Tout le monde s'entend ici, à la commission, pour dire que le contexte difficHe vient, d'une part, d'une

période dite de récession, mais, d'une autre part, de l'impact extrêmement négatif des taxes. Il y a peut-être eu un report temporaire jusqu'en juillet, bon, tant mieux, sauf qu'en juillet ça risque de revenir. Donc, on se ramasserait avec 27 % de taxes sur une manifestation culturelle, etc. Le rapport Arpin, lui, parlait d'une taxe uniforme, universelle de 3 %. Est-ce que vous êtes en faveur d'une taxation du produit des manifestations culturelles, ou êtes-vous beaucoup plus en faveur d'une non-taxation, ou, enfin, de la taxation zéro, puisque j'ai dû expliquer au ministre des Finances qu'en taxation, zéro, c'est un taux de taxation?

M. Ouellet: Ce serait peut-être à M. Labrecque... On a discuté justement de ça durant le trajet pour venir à Québec.

M. Labrecque: Je pense que tout le monde est unanime et tout le monde a dû vous répondre que 27 % de taxes, c'était trop. Il n'en demeure pas moins que j'aimerais attirer votre attention sur l'autre partie du financement public que nous recevons. Le financement public que nous recevons est important de la part du ministère des Affaires culturelles, mais il est vraiment disproportionné par rapport aux centres majeurs que sont les sociétés d'État du Grand Théâtre ou de la Place des Arts. Si on est à quelque part entre les sociétés d'État et les diffuseurs de la province, par la dimension de nos activités, par l'ampleur de notre budget, il n'en demeure pas moins que le financement public est extrêmement modeste.

Là où on devient vraiment inquiet, c'est lorsqu'on aura à gérer ou à devenir un collecteur de taxes pour près d'un demi-million de dollars, soit à peu près quatre fois le montant de la subvention que nous recevons. On devient un percepteur important de taxes. Dans nos opérations, ça devient de plus en plus majeur. Donc, d'une part, on s'inquiète du futur, on s'inquiète que la culture ne soit pas à la portée de tout le monde. On a beau innover par nos formules de passeport, par nos formules de membres, c'est justement pour rendre cette culture-là accessible, mais on ne voudrait pas être le seul joueur à vouloir aller dans ce sens-là. Je pense que le citoyen a besoin d'être encouragé à participer aux activités culturelles et que les diffuseurs doivent être aussi mieux supportés. Il faudrait qu'il y ait un petit peu plus d'équilibre dans ce support-là pour permettre une plus grande programmation, une programmation de qualité, pas seulement dans les centres comme Montréal et Québec, mais aussi en région.

M. Boulerice: Une dernière question, M. le Président. À la page 7, à la toute première ligne, vous dites: "L'Université se situe également dans la logique du partenariat à la condition que ce terme désigne une implication mutuelle des partenaires." Lorsque je l'ai lu, j'ai eu le sentiment - et vous me corrigerez, j'ai tort ou j'ai raison - que, pour l'avoir inscrit comme ceci, vous aviez eu des expériences malheureuses de partenariat. Est-ce que je me trompe?

M. Labrecque: Disons qu'on pourrait peut-être relier cette remarque à ce que je disais tantôt par rapport au retrait de l'Etat au profit des responsabilités municipales en matière de diffusion. On s'inquiète de voir la municipalité arriver comme un autre partenaire, dans notre région en tout cas, sans qu'il y ait des garanties qu'elle s'implique pour supporter les diffuseurs comme c'était le cas auparavant. On ne voudrait pas que ça soit un retrait, mais quelque chose qui soit en plus. Je pense qu'il va falloir, dans ie futur, qu'il y ait de plus en plus de partenaires, mais de vrais partenaires qui s'impliquent et qui vont dans le même sens.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Labrecque. M. le député, un mot de remerciement.

M. Boulerice: Oui...

M. Ouellet: Peut-être pour ajouter à ça, c'est que, dans le cas actuel, la contribution pour le fonctionnement est minimale de la part de la ville. Donc, dans ce sens-là, si on est à grandir par l'intérieur en allant demander aux municipalités, qui ne recevraient pas davantage, d'en donner davantage, on s'inquiéterait énormément de cette chose-là.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Ouellet.

M. Boulerice: Oui, je vous remercie et je vous avoue que, comme membre de la commission également intéressé à ce qui se passe à l'Université, si jamais vous aviez une documentation pour ce qui est de ce programme coopératif que vous avez et qui a beaucoup intrigué, je serais vraiment très heureux de la recevoir. Et pour vous remercier, je pense que personne ne peut le faire mieux que notre collègue, le député de Sherbrooke. Merci d'être venus.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. À votre suggestion, je vais passer la parole à M. le député de Sherbrooke à la toute fin. En attendant, Mme la ministre, vous avez peut-être un petit remerciement, vous aussi, pour les gens de Sherbrooke?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Je vous remercie d'être ici. Encore une fois, évidemment, toutes les universités viennent, sont ici à la commission parlementaire. On a imprimé, je pense, 8000 copies du rapport Arpin. Alors, il était quand même assez disponible. Il y a peut-être la période des vacances qui a fait en sorte que... Mais, ceci dit, c'est sûr que le milieu de l'éduca-

tion, et les réseaux d'éducation - on a eu une grande conversation au niveau des commissions scolaires - et le ministère de l'Éducation doivent aussi s'impliquer au niveau culturel. L'Enseignement supérieur, évidemment, qui vous touche, doit aussi être très à l'affût et s'impliquer au niveau culturel. C'est pour ça que tous les représentants sont ici, à la commission. Alors, soyez certains que vous êtes une partie intégrante, premièrement, de la commission et, deuxièmement, aussi pour nous aider à rejoindre le jeune public, enfin le public de jeunes adultes, si on veut. Et, là-dessus, on a besoin de vous. Alors, merci d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sherbrooke, vous êtes d'ailleurs presque un membre à part entière de la commission. Vous venez souvent. Tous les groupes de Sherbrooke qui viennent nous voir, vous êtes présent pour les rencontrer.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Simplement pour dire que je suis très heureux que notre Université ait accepté de témoigner à la commission de la culture dans ce projet de politique culturelle. Par les innovations originales qu'on a déjà mises sur pied, je suis certain que notre contribution sera encore extrêmement intéressante. Alors, merci, messieurs.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sherbrooke. M. Ouellet, M. Labrecque, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Votre mémoire était intéressant. Soyez assurés qu'il aura certainement laissé un effet. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous retirer.

Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, en cette salle. Bonsoir et bon retour.

(Suspension de la séance à 18 h 30)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux et nous allons commencer par entendre un groupe qui nous vient de la ville de Chicoutimi qui est représentée par M. le maire Blackburn. Je pense qu'il y a M. Demers, M. Dahl et M. Dufour. Alors, je les invite à s'avancer et à prendre place à la table de nos invités.

Au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Tout d'abord, je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement de nos débats, de bien vouloir vous identifier et, après ça, soit de procéder à la lecture de votre mémoire pour une quinzaine de minutes, en prenant pour acquis que les membres en ont pris connaissance, ou d'en faire un résumé; c'est comme vous voudrez. Après ça, pour le reste du temps, sur les trois quarts d'heure qui nous sont dévolus, la conversation va s'engager avec les membres de la commission. Vous avez donc la parole, M. le maire.

M. Blackburn (Ulric): M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, MM. et Mmes les membres de l'honorable commission parlementaire, mesdames et messieurs, je vous présente avec plaisir, à ma droite, M. Denis Dahl, qui est adjoint à la direction générale de la ville de Chicoutimi, et, à ma gauche, M. Jocelyn Dufour, qui est directeur du service des loisirs de la ville de Chicoutimi.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue. Une voix: Bonsoir.

Ville de Chicoutimi

M. Blackburn (Ulric): M. le Président, ça va être un résumé du mémoire que vous avez reçu. Mme la ministre, mesdames et messieurs, il me fait plaisir d'être présent ici et, au nom des membres de mon conseil municipal et des citoyens que je représente, je vous remercie de m'avoir permis de livrer notre perception des orientations de développement culturel contenues dans le rapport du groupe-conseil sur la politique culturelle du Québec. Sachant qu'H s'agit là d'un document de réflexion, j'ai préféré utiliser le terme "perception" plutôt que "critique", lequel m'apparaît mieux approprié sur la base de l'approche partenariale préconisée dans ledit document.

La première perception que nous vous livrons, Mme la ministre, est qu'il s'agit d'un excellent document de réflexion qui fait bien comprendre la complexité du milieu culturel et artistique en tant que tel ainsi que de son développement ou, si l'on veut de sa concurrence avec les autres disciplines tout aussi importantes dans le vécu quotidien des Québécois. Ce document nous aura, entre autres, permis de réaliser qu'une politique culturelle, pour être efficace, se doit d'être globale et que sa finalité fondamentale est de favoriser l'accès à la vie culturelle à tous les citoyens du Québec.

Ledit document nous aura également fait comprendre que la qualité du développement du domaine des arts et de la culture est dépendante du niveau d'accessibilité à cette vie culturelle ainsi que de l'efficacité de l'intervention des acteurs impliqués dans la création et dans la gestion de la mission culturelle.

Notre opinion diffère cependant en ce qui a trait aux moyens et aux orientations de développement proposés pour atteindre cette finalité politique. En effet, notre perception est la suivante: Nous sommes en présence là d'un très

mauvais document d'orientation politique. Bien que ce ne soit qu'à l'usage et à long terme qu'on apprécie l'efficacité des choix politiques - et ma longue vie d'homme politique est là pour en témoigner - je n'ai aucunement l'intention d'expérimenter les propositions ni les orientations stratégiques soumises par le groupe Arpin pour en valider le contenu.

Les choix stratégiques et de développement étant du ressort de l'appareil politique et non bureaucratique, ces choix seront considérés comme tels, à moins, Mme la ministre, que votre gouvernement ne soit d'accord avec les orientations proposées dans le rapport Arpin, ce qui placerait vos partenaires privilégiés, que sont les municipalités, dans une situation politique inacceptable.

Mme la ministre, le premier message que je veux vous livrer est que les conditions de base nécessaires à la participation active des partenaires impliqués, municipalités et gouvernement fédéral, ne sont pas présentes dans la réforme. Deuxièmement, on doute de la capacité réelle des gouvernements législateurs d'agir efficacement, productivité accrue, sur la culture.

Je suis personnellement convaincu que le législateur génère souventefois, par son intervention, des problèmes aussi graves que ceux qu'il veut solutionner. Il est d'ailleurs fort connu que l'État joue généralement mal son rôle en raison de normes arbitraires qu'il s'impose, des coûts excessifs qu'il génère pour atteindre les objectifs idéaux qu'il se donne ainsi qu'en raison de la nature complexe des tâches assignées aux bureaucrates, tâches qu'ils peuvent difficilement réaliser.

Nous faisons référence ici à l'action déformante des processus politiques et bureaucratiques qui, plus souvent qu'autrement, empêche la collectivité d'agir - ce que chacun de ses membres souhaitent - à plus forte raison dans une région excentrique comme la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le cas de Radio-Québec constitue un exemple éloquent de cette réalité dans la mesure où cet organisme d'État passe complètement à côté de son objectif de régionalisation et de sa mission éducative régionale, faute, sans doute, d'un support financier de l'État.

Troisièmement, l'État devrait appliquer davantage la règle du coût-bénéfice, ce qui n'équivaut pas à monnayer la culture, mais bien à rechercher un bénéfice culturel optimum par le biais d'interventions au niveau de la rue, c'est-à-dire où l'art prend racine, et non pas au niveau des grandes institutions comme le propose le rapport Arpin.

Quatrièmement, l'État pourrait, s'il le voulait, récupérer une marge financière substantielle qui pourrait être transférée à des activités culturelles en région qui sont génératrices de bénéfices optimums. Nous sommes plutôt d'opinion, à cet égard, que le développement optimum du domaine des arts et de la culture passe par l'élargissement de l'accessibilité à la vie culturelle - démocratisation - de manière à susciter une synergie culturelle communicative, c'est-à-dire de la rue à la ville, de la ville à la région et de la région à la métropole, et non pas selon un processus inverse comme le propose le rapport Arpin.

Le rapport Samson, Bélair, Deloitte et Touche exprime d'ailleurs avec clarté cette réalité en énonçant que la région métropolitaine de Montréal reçoit 57, 3 % de l'ensemble du budget du ministère des Affaires culturelles avec seulement 27 % de la population du Québec et que la région de Québec accapare 27, 3 % du budget avec 9 % de la population provinciale. La région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour sa part, ne reçoit que 1, 8 % des dépenses budgétaires culturelles de l'État, alors qu'elle regroupe 4, 6 % des citoyens du Québec.

Cinquièmement, on ne croit pas qu'il soit possible de faire du développement culturel sans investissement ou, si on veut, sans introduction d'argent nouveau dans le marché de ia culture. On a, d'autre part, l'impression que le gouvernement du Québec se cherche des partenaires financiers pour opérationaliser sa réforme culturelle. On doute de la capacité du milieu d'affaires, mécénat, en région, de pouvoir contribuer davantage au financement de la culture et ce, en raison de la localisation métropolitaine des maisons mères et de leur propension à subventionner les activités professionnelles prestigieuses.

À ce titre-là, Mme la ministre, je voudrais vous citer l'exemple qui se produit dans le projet de distribution de Théâtre-jeunesse en région, subventionné conjointement par la Fédération des caisses populaires et le ministère des Affaires culturelles. C'est un exemple concret de cette réalité, et ce, dans la mesure où les deux troupes sélectionnées pour ce faire sont de Montréal, alors que notre région est reconnue nationalement et internationalement pour son théâtre pour enfants. Que penser alors du mécenat, sachant qu'il n'y a pas plus régional que le Mouvement des caisses populaires Desjardins? Et, à titre d'exemple, je vous donne, de chez nous, le théâtre Frou-Frou, Les amis de Chiffon et le théâtre le Trac-T-Heure".

Sixièmement, on est contre le partage de la clientèle culturelle entre les régions, municipalités et le gouvernement du Québec, consistant à concentrer l'aide financière du gouvernement au niveau des artistes professionnels, organismes et institutions culturelles d'intérêt national et à laisser aux municipalités la responsabilité du développement des artistes, organismes et institutions culturelles d'intérêt régional.

Nous sommes plutôt d'opinion que le développement optimum du domaine des arts et de la culture passe par l'élargissement de l'accessibilité à la vie culturelle, ce qui implique

que les gros sous des États québécois et canadien doivent prioritairement être placés suivant un processus pyramidal ayant comme base les régions, et non l'inverse, comme le propose le rapport Arpin. La ville de Chicoutimi, incluant les organismes et institutions impliqués dans la culture régionale, a compris depuis longtemps cette réalité, comme en témoigne d'ailleurs la récolte artistique régionale qui se produit sur la scène montréalaise ou même internationale.

Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, voilà un bref résumé du contenu de notre mémoire. Celui-ci se traduit davantage comme l'expression des craintes profondes à l'égard des choix stratégiques énoncés, à l'égard également de la capacité de l'État d'assumer avec efficacité les objectifs collectifs proposés. Ces craintes ne doivent cependant pas laisser croire que notre municipalité et la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont opposées au développement des arts et de la culture, bien au contraire, car nous entendons conserver notre leadership en matière artistique.

Le principal message que je tiens à livrer est que les régions et les municipalités ont un rôle à jouer au niveau des arts. Aidez-nous, par conséquent, à susciter et à promouvoir la création au niveau local où résident les forces d'avenir d'une société et donc où sont les véritables enjeux de la présente réforme. Trop peu d'argent est investi en amont de la production, dans la création et surtout le perfectionnement. Trop peu d'argent est investi en aval de la production, dans la diffusion et aucun budget n'est consacré au support de la demande qui a besoin d'être soutenue, comme le signale d'ailleurs le groupe Samson, Bélair, Deloitte et Touche dans leur étude sur le financement des arts et de la culture au Québec. Cette aide substantielle, distribuée avec discernement, devrait, comme nous le disions précédemment, générer des bénéfices optimums à un coût, somme toute, marginal, comparativement à d'autres investissements culturellement et collectivement moins rentables.

Pour reprendre les mots de la précédente ministre des Affaires culturelles, Mme Bacon, il faut que les oeuvres soient vues, certes, mais je suis d'avis qu'il faut, au préable, que les oeuvres soient conçues. Ce que je vous propose, c'est d'investir dans le présent et le futur tout autant que dans le passé, davantage dans la création que dans la consommation, c'est-à-dire surtout dans l'artiste plutôt que dans nos grandes institutions publiques dont les besoins de financement croissants asphyxient progressivement le développement culturel des régions.

En conclusion, c'est une vision de développement culturel décentralisée où les régions sont considérées comme des pôles privilégiés de développement culturel et des foyers dynamiques de création dont le Québec a besoin pour affronter les défis culturels de l'an 2000.

Je profite, en terminant, de l'occasion qui m'est offerte pour mettre en garde, Mme la ministre, votre gouvernement de l'existence d'un processus de désintégration accéléré des régions périphériques du Québec en voie de s'opérer et que votre réforme, si elle était appliquée telle qu'énoncée, contribuerait à renforcer. Je fais référence ici au phénomène auquel la région de la Gaspésie est confrontée depuis plusieurs années et qui, selon une étude récente réalisée sur le sujet, s'étend progressivement à l'ensemble des régions excentriques du Québec, incluant la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cette étude exhaustive démontre avec clarté que les résidents des collectivités les plus touchées se trouvent, à leur insu, à financer, par leurs taxes et impôts, le sous-développement économique de leur propre région et, par conséquent, le sur-développement des autres.

Sommes-nous en train d'assister à une "montréalisation" progressive de l'espace québécois? Il semble que oui. Et l'État, dans votre propre ministère, Mme la ministre, par la répartition inéquitable de ses dépenses budgétaires, contribue directement à l'amplification de ce phénomène, ce qui équivaut, à mon point de vue, à une déculturation progressive du Québec par l'extinction de ses régions.

Votre réforme ne traite malheureusement pas de cette problématique dont les enjeux en cause sont tout aussi importants que le débat sur le partage des responsabilités fédérales-provinciales en matière culturelle.

Voilà, en résumé, le mémoire que nous vous présentons ce soir.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Ça me fait plaisir de vous recevoir. D'ailleurs, quand on s'était vus, la dernière fois, on s'était donné rendez-vous. Deux choses. Je touve quand même que l'approche au rapport Arpin, finalement, est extrêmement négative. En tout cas, c'est la perception que j'ai et je veux savoir si ça provient du fait de la perception première, parce qu'on l'a retrouvée un peu partout, à savoir qu'on met beaucoup d'importance sur Montréal, Québec et bloc monolithique, les régions devenant des réceptables. C'est une perception du rapport et j'ai l'impression aussi que ça teinte le débat au complet. Est-ce que c'est ça que vous avez lu?

M. Blackburn (Ulric): C'est sûr que le rapport Arpin, de la façon dont c'est présenté, oui, c'est une perception que nous avons actuellement.

Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup discuté du cas et je pense qu'on va beaucoup plus parler de 16 régions interactives, distinctes et interac-

tives, avec une métropole et une capitale. H y a une chose, par exemple, dans le mémoire quand vous dites... Vous parlez du Musée des beaux-arts, par exemple, vous parlez de la Place des Arts, et tout ça, vous dites: Bon, ce n'est pas accessible à tous. Il faut bien que la région de Montréal... L'île c'est 27 %, mais la région c'est quand même 48,6 % de concentration. Il y a tout de même... Et comme métropole ou comme capitale, ça nous prend de grandes infrastructures. Ça, on ne s'en sort pas. Mais vous ne semblez pas être d'accord avec ça.

M. Blackburn (Ulric): C'est-à-dire que nous, quand on regarde ça, on dit: Est-ce que c'est vraiment un investissement optimum? Quand on parle d'optimum, c'est un investissement qui va dans la culture, qui va servir à l'ensemble de la population. Est-ce qu'un investissement comme ça... On n'est pas contre, Mme la ministre, là, on n'est pas contre l'histoire, on dit à ce moment-là: Est-ce que, vraiment, ce que ça engendre comme coût, c'est un investissement optimum? Ça, je pense que c'est difficilement...

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.

M. Blackburn (Ulric): ...perceptible actuellement. Je peux vous dire que nous, de ce côté-là, on pense que non, ça ne l'est pas.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce qu'il y a une circulation de 800 000 personnes par année. À ce moment-là, une salle de concert... C'est parce que, si je poursuis le raisonnement - j'essaie de bien comprendre - je me dis: Une salle de concert, par exemple, à Sept-îles à 9 500 000 $, par exemple, est-ce un investissement optimum?

M. Blackburn (Ulric): Si vous dites quoi? Je n'ai pas compris.

Mme Frulla-Hébert: Une salle de concert de 9 500 000 $ à Sept-îles, tel qu'on a annoncé sur la Côte-Nord, est-ce que c'est un investissement optimum? D'ailleurs, pour le bassin de la population... Si on poursuit le raisonnement.

M. Blackburn (Ulric): Bien voici. Écoutez, je ne connais pas la situation de Sept-îles plus que ça, je peux difficilement me prononcer là-dessus...

Mme Frulla-Hébert: Je donne ça comme exemple. À Baie-Comeau, il y en a un autre aussi de 8 000 000 $.

M. Blackburn (Ulric): Optimum dans le sens que, si la population de Sept-îles peut se servir d'un investissement comme ça, ça sert énormément, oui. Je pense qu'avec un montant de 9 000 000 $, dans un secteur comme Sept-îles, c'est un investissement très, très généreux. Ça, je le pense.

Mme Frulla-Hébert: C'est difficile, parce que j'essaie de voir... C'est difficile de faire le ratio per capita parce qu'à ce moment-là des régions comme vous avez mentionnées, des régions peu peuplées, tu n'y vas pas, parce que tu dis: S'il faut donner per capita, alors il faut quasiment étendre... Et où je vous suis, c'est sur l'accessibilité. Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Mais, comme maire de la ville de Chicou-timi - et vous êtes vice-président aussi de l'Union des municipalités...

M. Blackburn (Ulric): ...que je suis là ce soir.

Mme Frulla-Hébert: Pardon? Non, non, d'accord, d'accord. Non, mais c'est parce que vous connaissez beaucoup la problématique.

M. Blackburn (Ulric): On ne peut pas enlever le chapeau.

Mme Frulla-Hébert: Oui, vous connaissez beaucoup la problématique, c'est pour ça. Comment voyez-vous le rôle des municipalités dans le domaine de la culture? Je sais que les municipalités s'impliquent beaucoup au niveau de la bibliothèque, on vous souhaite bonne chance pour la vôtre, mais comment voyez-vous le rôle des municipalités au niveau de la culture?

M. Blackburn (Ulric): Le rôle des municipalités qui est dévolu dans le rapport Arpin, je pense qu'on peut s'accorder sur une bonne partie de tout ça. On l'a à la page... Je l'ai ici. Quand on dit, par exemple: Les municipalités, conservation et mise en valeur du patrimoine, création d'institutions locales, soutien aux institutions locales, organisation des loisirs culturels, développement des bibliothèques, salles de spectacle, musées locaux, centres d'exposition et soutien à la diffusion, on peut s'accorder là-dessus. Je pense qu'il y a des responsabilités là-dedans. On est très clair. (20 h 30)

Mme la ministre, je ne voudrais pas mélanger les choses, mais je voudrais répéter ceci. J'ai présenté un mémoire, il n'y a pas tellement sur la loi 145. Moi, je vous dis ceci: Oui, les municipalités, nous sommes prêtes à prendre des responsabilités, nous sommes prêtes à les accomplir, nos responsabilités, mais, de grâce, il ne faudrait pas que ce que vous faites actuellement ça revienne à ce qui s'est passé dernièrement, alors que, même si on est venues présenter des mémoires, les municipalités se sont vu dire carrément: C'est ça, vous allez passer par là. Nous sommes prêtes à prendre des responsabilités, nous sommes prêtes à en payer une partie, mais on veut, nous voulons absolument nous

assoeir ensemble et regarder les responsabilités que nous avons à prendre, les responsabilités du gouvernement et le moyen de les financer. On ne veut pas, actuellement, que nous soit imposé ce qui nous a été fait dernièrement. Ça, c'est clair, je vous le dis carrément. Je suis venu pour présenter un mémoire, et, même si on avait des revendications, on s'est foutu de nous, et ça, je sais que vous ne le ferez pas, Mme la ministre, mais ce qu'on veut, c'est s'asseoir avec vous autres et on ne voudrait pas que ce qui est dans ça, ça soit vraiment décidé que ce soit ça. Je pense que vous faites une consultation, il faut que ce soit une véritable consultation. Il y a un dialogue qu'on va entreprendre ensemble pour discuter entre partenaires, qui s'appellent le gouvernement et les municipalités, pour établir nos responsabilités, les responsabilités du gouvernement et surtout le moyen de les financer.

Mme Frulla-Hébert: Là-dessus, je peux vous assurer, premièrement, que ce n'est pas du tout le but et l'intention - je ne peux parler pour les autres ministères, mais, au niveau du ministère des Affaires culturelles, je pense que la collaboration avec les municipalités a toujours été assez intense - effectivement de se décharger de nos responsabilités. Au contraire, c'est seulement pour voir la meilleure façon finalement de fonctionner; là-dessus, je vous suis. Si on peut finir par s'asseoir tous ensemble à une table Québec-municipalités - je la prévois pour fin novembre - à ce moment-là, je pense qu'on va commencer à pouvoir mettre tout ça sur pied.

Dans votre mémoire, vous parlez aussi de la création. Au niveau de la création, par exemple, au niveau des régions, des municipalités, on a beaucoup parlé d'incitation à la création. Comment vous voyez ça? Comme municipalité, qu'est-ce que vous pouvez faire pour justement aider les créateurs? Parce que, bien souvent, les municipalités vont s'occuper d'équipement, de la diffusion, etc. Nous, évidemment, on aide globalement. Mais est-ce qu'il y a quelque chose de plus qu'on peut faire au niveau de la création?

M. Blackburn (Ulric): C'est-à-dire que chez nous, moi, je pense qu'actuellement c'est sûr qu'il y aurait plus à faire pour les municipalités, peut-être, je ne sais pas, dans l'aide technique, etc. Dans notre région, je vous ai parlé de troupes de théâtre qui existent actuellement. J'ai d'ailleurs ici une annonce de la troupe de théâtre les Têtes heureuses qui va présenter "Tartuffe" de Molière très prochainement. Chez nous, la municipalité présente à chaque année ce qu'on appelle les Grands revenants, un théâtre que nous avons préparé qui revient 100 ans en arrière. Comme je vous disais tout à l'heure, nous avons d'autres troupes qui existent comme les Frou-Frou, les Têtes heureuses, etc. C'est évident qu'actuellement l'appui que nous apportons à ces gens-là c'est surtout une question de locaux, c'est surtout une question de les encourager, si vous voulez, quand ils font certaines souscriptions. Comment on peut aider plus pour la création chez nous? Je pense qu'il faut donner à ces gens-là la possibilité de créer eux-mêmes, puis ils sont capables de le faire. Actuellement, ils le font, mais si on ne continue pas à les aider monétairement, si on ne continue pas à mettre à leur disposition certains locaux, ces gens-là ne pourront pas continuer. Alors, on est prêts, je vous l'ai dit tout à l'heure, à regarder la possibilité d'aider plus ces gens-là, mais c'est la façon de financer tout ça qui est importante.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député... Ah! M. Bradet, oui.

M. Bradet: Une question ou deux si le temps me le permet, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Une courte minute.

M. Bradet: On parle beaucoup de concertation régionale. Je sais, pour connaître votre région qui est très près de la mienne, la région de Charlevoix, que votre municipalité a beaucoup de rayonnement culturel au Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'aimerais vous demander si vous seriez en faveur d'un fonds régional de développement culturel et si vous seriez prêts à y participer financièrement.

M. Blackburn (Ulric): Écoutez, je n'ai pas étudié la question à savoir si un fonds régional serait... Je pense que, s'il y avait un fonds régional de développement, oui, ça pourrait aider au développement. Nous, nous sommes prêts à travailler régionalement; je ne vois pas de problème de ce côté-là. Il n'y a pas de problème de ce côté-là, sauf que, si nous avions la possibilité de le faire et de contribuer à un fonds, il faudrait savoir jusqu'où ça va. Actuellement, je peux vous dire qu'à la ville de Chicoutimi on a déjà chez nous ce qu'on appelle la fondation TIMI qui est née, si vous voulez, des jeux TIMI qui ont eu lieu, des Jeux du Québec. La ville de Chicoutimi a laissé à cette fondation un montant d'argent qu'il y avait en surplus. La ville de Chicoutimi a ajouté des montants d'argent et, actuellement, je peux vous dire qu'on aide déjà les artistes qui ont besoin d'argent par des bourses qui sont données chaque année, deux fois par année, avec la fondation TIMI. On a déjà un montant de 235 000 $...

Une voix: Non, 485 000 $.

M. Blackburn (Ulric): ...de 485 000 $ qui est là, et on donne les intérêts chaque année à des artistes et, évidemment, aussi à des athlètes. Alors, actuellement, on participe déjà fortement. C'est sûr que c'est seulement pour la ville de

Chicoutimi, actuellement. Est-ce qu'il y aura un fonds dans ce sens-là sur le plan régional? Je n'ai pas d'objection à ça. On pourra regarder ça.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous accueillir à la commission. C'est un bon document. Vous nous rappelez, il me semble, de façon assez directe certaines grandes vérités qui vous sont apparues à la lecture du rapport Arpin. Vous dites, d'une part, que c'est un bon document de réflexion, qui semble vouloir bien poser la problématique à l'effet qu'une politique globale, dans sa finalité fondamentale, devrait favoriser l'accès à la culture à tous les citoyens du Québec et que, par ailleurs, c'est vraiment un mauvais document d'orientation. Je pense que c'est votre avis et plusieurs groupes sont venus exprimer sensiblement la même chose.

La ministre nous dit qu'elle veut distinguer, qu'elle veut bien reconnaître - et je ne doute pas de sa parole - que les régions ne constituent pas un groupe monolithique et qu'il y a 16 régions. Mais, en même temps, ce qui inquiète les organismes régionaux, et à juste titre, plus particulièrement depuis qu'il y a eu une fuite du groupe de travail sur les finances publiques qui propose ni plus ni moins la fermeture des conservatoires dans les régions comme étant un moyen d'assainir les finances publiques... À Chicoutimi, on a un conservatoire qui vient tout juste de s'installer dans l'ancien palais de justice, avec des restaurations et des rénovations qui ont coûté fort cher, mais, surtout, ça représente un lieu de développement de la vie culturelle extrêmement important dans une région.

Il y a un discours qui ne se tient pas, que je n'entends pas beaucoup, le rapport étroit qui existe entre le développement culturel et le développement économique. C'est rentable économiquement. Une des façons de soutenir les régions économiquement, c'est d'y faire du développement culturel. Vous rappelez justement dans le mémoire qu'à cet égard la région a fait largement ses preuves, plus souvent qu'autrement avec des moyens du bord, avec plus de volonté que de moyens financiers. La proposition qui est faite là, et je le rappelle, à la page 19 - et c'est là-dessus que je voudrais vous entendre - ce que vous dites, c'est qu'on est en train de vouloir diviser le Québec en deux. Vous parlez du partage des clientèles culturelles - c'est le premier mémoire que j'avais lu - entre les régions, les municipalités et le gouvernement du Québec, "lequel partage consiste à concentrer l'action et l'aide financière du gouvernement du Québec au niveau des artistes, organismes, institutions culturelles d'intérêt national et à laisser aux municipalités la responsabilité du développement des artistes, organismes et institutions culturelles d'intérêt régional".

Comment verriez-vous que ça se partage pour que les régions ou les municipalités puissent avoir accès aux moyens qui sont consentis aux grands centres dans ce projet-là, pour permettre non seulement le développement des artistes, mais le soutien aux artistes dans les régions? Parce que c'est un peu ce que je comprends de votre mémoire. Est-ce qu'il y aurait moyen autrement...

M. Blackburn (Ulric): Effectivement, quand on regarde ça... On a donné l'exemple tout à l'heure, par exemple, de la répartition des pourcentages, par rapport à la population, du budget du ministère des Affaires culturelles. On s'aperçoit que, chez nous, on n'a pas notre juste part et on dit, à ce moment-là, que ce serait tout à fait normal que les gens qui déposent un dollar chez nous, le dollar leur revienne, comme ça se fait ailleurs. D'ailleurs, ailleurs, c'est plus qu'un dollar qu'ils reçoivent. Je pense qu'il va falloir réviser ça, cette façon de subventionner ou de faire fonctionner les gens dans les régions.

Je voudrais revenir sur ce dont vous avez parlé au début, en disant que le culturel c'était important pour le développement ou le maintien des régions. Moi, je peux vous dire ceci. Nous constations régulièrement, chaque jour... et c'est la même chose à chaque fois qu'une industrie, à chaque fois qu'une maison d'affaires veut s'installer dans une région... On vient souvent voir le maire en premier, quand on veut s'installer, et la première question qu'on pose: M. le maire, quels sont les services qui sont donnés chez vous dans tous les domaines, et particulièrement dans le domaine culturel? De l'éducation, bien sûr, mais, dans le domaine culturel, on nous pose la question souvent: Quels sont les services que vous avez chez vous dans le domaine culturel? Et quand on est en mesure de leur dire: Nous avons, disons, je ne sais pas, des écoles de ballet, des écoles de musique, notre conservatoire... Et je suis heureux que vous ayez parlé du conservatoire parce que c'est une nouvelle qu'on a appris aussi que peut-être... Bien, ça a été suggéré, mais ça, de toute façon, on n'en parlera pas parce qu'on sait que ça ne se fera pas, ça n'a pas de bon sens. Alors, on dit à ce moment-là: Oui, nous avons ça chez nous et, ça, c'est excessivement important pour le développement des régions.

Mme la ministre - Mme Blackburn, ça me fait plaisir que vous me posiez cette question-là - on regardait, avant de partir de chez nous cet après-midi, le dépeuplement des régions. C'est un désastre, actuellement. Vous savez, Mme Blackburn, qu'il y a un M. Côté chez nous qui a écrit un livre: "Le dépeuplement des régions". Mais quand on regarde ça, tous les points jaunes qui sont sur la carte, c'est désolant. On voit que, dans toutes les régions du Québec, sauf le

point... Puis je n'ai rien contre Montréal et Québec, parce qu'il faut que ça développe puis, ça, c'est très important, sauf que, dans la plupart des régions, vous voyez qu'il y a un dépeuplement qui est inquiétant, vraiment inquiétant, y compris chez nous. Même si on a déjà été d'abord une population plus dense qu'on ne l'est actuellement, ça diminue graduellement.

Alors, ça, je pense qu'au niveau du Québec c'est une question qu'il va falloir regarder de très près, et c'est dans tous les domaines. Et le domaine culturel, je le répète, est un domaine important pour attirer chez nous des industries et, évidemment, des commerces ou tout ce que vous voudrez qui va faire que l'activité économique va augmenter et que la population, au moins, ne diminuera pas; au moins, qu'elle se maintienne. Évidemment, quand on regarde ça, il y a deux endroits au Québec où la population se maintient et augmente un peu, c'est le secteur de Montréal puis le secteur de Québec. Je n'ai rien contre, mais on ne voudrait pas que ce phénomène-là continue à se désagréger dans les régions comme la nôtre et toutes les régions du Québec.

Mme Blackburn: Vous avez raison. Je sais que le dépeuplement et le vieillissement, c'est ce qui marque actuellement les régions. Et c'est pourquoi les propositions, même celles qui touchent la diminution de la fonction publique, le danger, c'est que, chaque fois qu'on parle de ça, c'est les régions d'abord qui y passent. Et ça, ça veut dire des emplois qu'on perdrait éventuellement en région. Mais je voudrais revenir au dossier. Vous êtes prêt à assumer un certain nombre de responsabilités. Est-ce que vous voyez que toutes les municipalités peuvent en faire autant? Et comment est-ce qu'on pourrait organiser la concertation en région?

M. Blackburn (Ulric): Moi, Mme la ministre m'a présenté comme vice-président de l'Union des municipalités. Je peux vous dire que le discours que nous avons tenu et que nous tenons est toujours le même. Nous sommes toujours prêts à nous asseoir comme partenaires avec le gouvernement du Québec, qui est notre gouvernement, et à discuter de responsabilités que nous pouvons prendre, et nous sommes disposés et prêts à prendre des responsabilités, parce qu'on le sait, la municipalité, c'est le gouvernement le plus près du peuple et connaissant le mieux les besoins de la population, sauf qu'évidemment aussi, en prenant des responsabilités, il nous faut les moyens de les financer. Et ça, je pense qu'on est capable d'aller un petit peu plus loin. On est encore capable de demander peut-être à notre population chez nous de contribuer, mais il va falloir aussi que des deux paliers de gouvernement, le gouvernement du Québec et les municipalités, que les sacrifices soient faits des deux côtés et on sera en mesure, à ce moment- là, de financer les responsabilités que nous avons.

(20 h 45)

Mme Blackburn: Parlant de ressources financières ou de moyens, il y a un tableau dans votre mémoire qui illustre que la région ne recevrait, pour une population de 4, 6 % de la population québécoise, que 1, 8 % des budgets du ministère des Affaires culturelles.

M. Blackburn (Ulric): Oui.

Mme Blackburn: Ça représente combien, en argent? Est-ce que...

M. Blackburn (Ulric): Bien, ça n'a pas été chiffré, monsieur...

Mme Blackburn: Ça n'a pas été chiffré?

M. Blackburn (Ulric): C'est des pourcentages que nous avons eus dans les études de...

Mme Blackburn: Oui, de Samson et Deloitte.

M. Blackburn (Ulric): On me dit que c'est à peu près de 1000 $ à 1200 $ par tête d'habitant.

Mme Blackburn: D'accord. Est-ce...

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme la députée.

Mme Blackburn: Oui, oui. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de concertation et, dans votre tout premier message, d'ailleurs, vous dites, en page 4: Le premier message que je veux vous livrer est que les conditions de base nécessaires à la participation active des partenaires impliqués, c'est-à-dire les municipalités et le gouvernement fédéral, ne sont pas présentes dans la réforme, c'est-à-dire que la politique a été déposée sans qu'il y ait de consultation des principaux intervenants. En ce qui concerne les municipalités, je le sais, parce que le rapport n'est pas redescendu, comme vous le dites, dans la rue pour remonter au niveau national. Cependant, dans le rapport Arpin, il y a une proposition qui dit spécifiquement que, si on veut réaliser une véritable politique de développement culturel, ce n'est possible qu'à la condition qu'on rapatrie tous les pouvoirs du gouvernement canadien en matière de développement culturel. Quel est votre avis, là-dessus?

M. Blackburn (Ulric): Là-dessus, Mme Blackburn, Mme la députée, c'est à régler entre les deux niveaux de gouvernement. Nous, ce qu'on dit dans ça... C'est sûr que le gouvernement avec qui nous traitons, c'est le gouvernement du Québec. C'est aux deux paliers de gouvernement, entre eux, de régler ce problème-là. Ce que nous ne voulons pas, que ce soit de

l'un ou de l'autre, c'est qu'il y ait une vision centralisatrice. C'est-à-dire qu'à ce moment-là il faut que ce soit un gouvernement qui le décide, d'accord. Nous, on ne participera pas aux discussions qu'il va y avoir entre les deux niveaux de gouvernement. C'est bien sûr que les municipalités du Québec, c'est avec le gouvernement du Québec qu'elles ont affaire, mais à ce moment-là, que ce soit d'une façon ou de l'autre, la centralisation, ça, on n'en veut pas.

Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur. Un mot de remerciement, Mme la députée.

Mme Blackburn: Je vous remercie, mais j'aurais aimé...

Le Président (M. Doyon): Ah! je le sais, vous avez plein de questions.

Mme Blackburn: Ça me fait plaisir de vous retrouver ici, M. Blackburn, M. Dahl et M. Dufour. J'ai eu l'occasion de vous en parler un peu, c'est un bon mémoire. J'aurais aimé, quand même, qu'au niveau de la décentralisation on puisse déjà un peu nous dire de façon un peu plus explicite - au-delà des municipalités, il y en a de petite taille, de très petite taille, d'autres de plus grande taille - quelle serait la structure porteuse de pouvoir, dans les régions, ou de concertation. Ça m'a fait plaisir de vous accueillir. On me dit que le temps est terminé.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Moi aussi, M. le maire, ainsi que vous tous, merci beaucoup. Évidemment, ce qu'on retient beaucoup, c'est collaboration, oui, mais collaboration - et ça, je pense qu'on est dans la même vision - et, encore là, 16 régions distinctes. Et quant à cette rumeur de l'abolition des conservatoires, etc., évidemment, quand on a un document et qu'on est supposé regarder toutes les possibilités, on prend les possibilités les plus... Finalement, on regarde tout au complet, donc des plus fantaisistes aux plus réalistes. Je peux vous assurer que ce ne sera pas dans le final, ça, c'est certain. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me reste, au nom des membres de la commission, M. le maire, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer pour nous exposer vos vues sur la question du développement culturel au Québec. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Oui, M. le maire?

M. Blackburn (Ulric): Je veux également vous remercier de nous avoir reçus, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Je le crois, vous nous dites que vous allez discuter avec les municipalités. C'est évident que ce n'est pas au niveau de chacune des municipalités qu'on peut parler de ça, ça va être à la table Québec-municipalités. À ce moment-là, vous pouvez être assurés que nous serons très heureux si nous pouvons le faire. Nous sommes prêts, je vous le répète, à prendre des responsabilités et nous sommes prêts à discuter avec vous des moyens de les financer.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Tout en vous permettant de vous retirer, j'indique maintenant à cette commission que le moment est venu d'entendre les représentants de la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec. Je pense qu'ils viennent d'arriver dans notre salle. Alors, je leur demande de bien vouloir se préparer à prendre place à la table de nos invités.

Maintenant que ces personnes sont en place, je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je leur indique, très brièvement, que les règles qui gouvernent nos travaux sont relativement simples. Vous faites une présentation d'une quinzaine de minutes, enfin le temps qu'il faut pour vous exprimer sur la question; le reste du temps est partagé entre les deux formations politiques qui engagent le débat avec vous, vous posent des questions, discutent et échangent; le président se permet d'intervenir quand le temps est fini. Vous avez la parole. Je vous invite, tout d'abord, à vous présenter, pour les fins du Journal des débats, de la transcription de nos discussions. Dès ce moment-là, vous pouvez commencer à vous exprimer. Vous avez la parole.

M. Plamondon (Luc): Bonsoir, je suis Luc Plamondon. Je présente Lise Aubut, vice-présidente de la SPACQ, Sylvain Lelièvre, membre du conseil d'administration de la SPACQ, auteur-compositeur et chanteur, Magda Tadros, directrice générale de la SPACQ...

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

M. Plamondon: ...et mon humble personne, président; je suis président de la SPACQ, président des auteurs-compositeurs du Québec.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous quatre.

Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec

M. Plamondon: Je ne suis pas venu ici pour faire un discours, je suis venu ici pour crier au secours. Excusez-moi, j'avais besoin d'une rime pour commencer.

Alors, Mme la ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, messieurs et mesdames, je veux crier au secours au nom de la chanson québécoise, au nom des auteurs-

compositeurs de la chanson québécoise et au nom de tous les créateurs québécois, qu'ils soient chorégraphes, peintres, écrivains ou cinéastes, au nom de tous ceux grâce à qui on peut dire qu'il y a aujourd'hui une culture québécoise.

J'ai lu le rapport Arpin. On m'en avait dit tellement de mal que j'ai fini par le lire et que j'ai eu plutôt une agréable surprise. C'est sûr que c'est rempli - en dehors de quelques lacunes et de quelques erreurs qui nous concernent et dont Sylvain Lelièvre va vous parler tout à l'heure - de superbes propositions sur la culture et sur la création en général et avec lesquelles, bien sûr, on ne peut qu'être d'accord. Mais la question que je me pose en cette période de récession économique, Mme la ministre, c'est: Où est-ce que vous allez trouver l'argent pour faire tout ça? Si vous voulez réaliser tout ce qu'il y a dans ce beau rapport là, ça va vous prendre 1 000 000 $, 1 000 000 000 $! Pas 1 000 000 $, 1 000 000 000 $! Si cette commission parlementaire vous sert à aller chercher le 1 000 000 000 $ en question ou les fonds, les subsides nécessaires pour réaliser toutes ces belles propositions, bravo! Sinon, évidemment, vous allez devoir faire des choix.

Moi, je vous propose un choix, c'est de privilégier la culture vivante. C'est bien beau d'avoir des musées, de proposer qu'on ait des musées aussi beaux qu'à New York ou à Paris, c'est bien beau de vouloir avoir des compagnies d'opéra qui rivalisent avec Covent Garden ou La Scala de Milan, mais si, dehors, les créateurs crèvent de faim - pour reprendre les mots de René-Daniel Dubois - si ceux qui font la culture québécoise ou crèvent de faim, ou sont obligés de faire un autre métier pour gagner leur vie - ce qui est encore pire - c'est-à-dire crèvent comme auteurs, crèvent comme créateurs, ce qui est pire encore que de crever de faim, s'il faut faire un choix, moi, je dis: Privilégiez la culture vivante. Parce que, moi, quand j'écris une comédie musicale et qu'il faut que j'aille la créer à Paris, pendant que l'Opéra de Montréal a des millions et l'Opéra de Québec a des millions pour monter des opéras qu'on joue cinq soirs et qu'on met à la poubelle cinq soirs après - je parle des décors, des costumes, etc. - et quand, moi, je ne trouve pas les moyens de créer une comédie musicale que j'écris au Québec, je me permets de vous dire: La culture vivante c'est moi, ce n'est pas l'opéra. La culture québécoise c'est moi, ce n'est pas les musées.

Moi, je suis un fan de musées, je suis un "freak" d'opéra et, depuis 20 ans, je vais voir les grands musées du monde, je vais voir des opéras dans tous les pays du monde, mais je pense que, s'il doit y avoir une politique de ia culture au Québec, s'il doit y avoir un ministère de la culture qui ne soit plus un ministère des Affaires culturelles, comme le dit le rapport Arpin, mais un ministère de la culture, tant mieux si on peut rivaliser avec les grands pays du monde pour offrir aux Québécois la culture du passé et la culture étrangère, mais si la culture québécoise ne peut pas vivre, il y a un hic. C'est comme si on disait à Michel Tremblay: On ne jouera plus que du Shakespeare et du Molière au Québec; toi, tu vas aller créer tes pièces à Paris, ou c'est comme si on disait à Yves Beauchemin: II faut que tes romans soient publiés en France avant d'être publiés ici. Bon. Moi, je suis très heureux d'être reconnu en France et je suis très heureux de gagner ma vie en France. Ça fait 20 ans que je m'exile en France pour gagner ma vie. Félix Leclerc avait écrit au-dessus de sa maison, au-dessus de la porte de sa maison de l'île d'Orléans qu'il a construite alors qu'il avait déjà 60 ans passé: "Cette maison a été bâtie avec les droits d'auteur que j'ai gagnés en France."

La semaine dernière, par hasard, j'ai rencontré, sur un trottoir d'Outremont, Marcel Dubé qui est une grande admiration de ma jeunesse, qui est, je peux dire, un des créateurs québécois grâce à qui j'ai commencé à écrire quand j'avais 15 ou 16 ans, quand je regardais ses téléthéâtres à la télévision. J'étais justement en compagnie de Sylvain Lelièvre et de Lise Aubut, en train de préparer notre présentation de ce soir. Il est passé comme ça. On lui a offert de s'asseoir avec nous et de prendre un café. J'ai dit: Vous, M. Dubé, si vous aviez à exprimer un ressentiment, vous, en tant que créateur, vous qui avez 60 ans aujourd'hui, vous qui avez été, bon, un des pionniers de la culture québécoise, quel serait votre grand regret? Il m'a dit: Mon grand regret, c'est de ne pas m'être exilé il y a 30 ans. Et ça, ça m'a fait très ma).

Moi, je n'ai plus besoin du Québec pour vivre, mais ça me fait de la peine. J'aimerais ça gagner ma vie ici. Je viens ici au nom de tous les autres qui ne gagnent pas leur vie au Québec. Moi, j'ai la chance de la gagner ailleurs. On est quelques-uns dans ce cas-là. Mes revenus moyens d'auteur au Québec - j'en ai fait faire la moyenne pour les cinq dernières années; j'ai présenté les documents à la commission du droit d'auteur à Ottawa, en mars de cette année, alors qu'on réclamait des droits sur les concerts dans les salles - depuis cinq ans, moi qui suis probablement, je pense, sans doute, l'auteur le plus chanté, le plus interprété à la radio, à la télévision, sur disque et sur les scènes du Québec, mes revenus moyens pour les cinq dernières sont de 39 000 $ par année et les revenus moyens des auteurs-compositeurs de la SPACQ, dont je suis président, sont de 6000 $ par année. (21 heures)

Dans le rapport Arpin, il y a une liste des regroupements culturels, une liste des regroupements de tous les créateurs, de toutes les associations de créateurs. Ça représente quelques centaines de personnes, pour ne pas dire quelques dizaines de personnes, en fait. Alors que les gouvernements dépensent des millions et des milliards de dollars pour créer parfois quelques

centaines d'emplois, un ministère de la culture doit pouvoir trouver un moyen de faire vivre les créateurs.

Par ailleurs, je voudrais féliciter le rapport Arpin d'avoir insisté sur le fait qu'une culture repose sur une langue. Moi, ma langue, c'est mon instrument de travail, c'est mon drapeau, c'est mon pays, c'est ma culture.

Le rapport Arpin dit aussi qu'il faut apporter la culture à toutes les régions du Québec. Je suis d'accord, mais, pour ça, il faut d'abord arriver à créer des spectacles à Montréal - enfin je parle de ce qui nous concerne, nous, de la chanson - ou à Québec avant de pouvoir partir en tournée. C'est devenu presque impossible d'aller en tournée avec un spectacle, sauf si on se fait accompagner d'un piano, d'une guitare ou de trois ou quatre musiciens. Mais il y avait un réseau de salles de spectacle dans les cégeps, dans les écoles, dans les années soixante-dix, où on pouvait aller faire jusqu'à 200 spectacles. Les cégeps et les écoles avaient les moyens de produire des spectacles. On leur a retiré ces moyens. Maintenant, il faut la rentabilité à tout prix.

Nous autres, on est bien tannés d'être considérés comme une industrie culturelle; on aimerait bien que la chanson soit considérée comme un art à part entière. La chanson est entrée au ministère des Affaires culturelles très longtemps après tous les autres arts. Elle est entrée au ministère des Affaires culturelles il y a une quinzaine d'années, mais elle n'est pas encore considérée comme un art à part entière. On est toujours un art mineur, on est toujours une industrie culturelle, mais, nous, on se considère comme des créateurs au même titre que les auteurs de théâtre, les chorégraphes ou les cinéastes. Quand on parle des arts de la scène, on ne parle jamais de la chanson; quand on parle des arts d'interprétation, on nous oublie toujours. Nous, on est toujours relégués aux industries culturelles. On exige de nous la rentabilité immédiate dans un marché où on sait très bien que ce n'est plus possible maintenant.

Je pense que la chanson a été pour le Québec un moyen d'expression, peut-être le moyen d'expression le plus visible depuis 30 ans et certainement l'un des moyens d'expression qui a porté le Québec à l'étranger. On devrait donc reconnaître la chanson comme un art à part entière et reconnaître les créateurs de chansons sur le même pied que les autres créateurs. Et pourquoi ne pas créer un théâtre national de la chanson? Pourquoi ne pas créer des organismes qui aideraient la chanson à l'année longue, à long terme et non plus simplement avec des bourses de quêteux, c'est-à-dire une bourse qui va une année à l'un, une autre année à l'autre? On lui donne une bourse une année, l'année d'après, on le laisse tomber pour donner une bourse à l'autre; une année tu fais un vidéoclip, l'année d'après, tu fais un disque et, l'autre année d'après, tu fais un spectacle.

On a laissé mourir le théâtre Félix-Leclerc qu'on aurait pu transformer en théâtre de la chanson. Pourquoi est-ce qu'il y a deux compagnies d'opéra au Québec? Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas une compagnie de comédie musicale? La comédie musicale est un moyen par lequel les Québécois savent s'exprimer. Plusieurs grands auteurs et compositeurs en ont écrit, que ce soit Michel Tremblay, André Gagnon, Sylvain Lelièvre, François Cousineau, Clémence Desrochers, Marc Drouin, Robert Léger, moi-même ou d'autres, etc. Bon. Tout le monde dans le métier a envie de faire des comédies musicales, mais personne... On sait très bien qu'on n'arrive pas à monter une comédie musicale, au Québec, avec des moyens privés. À chaque fois, on se bat pour monter une comédie musicale plus longtemps qu'on met à l'écrire, alors ne vous demandez pas pourquoi, moi, je vais créer les miennes à Paris. Il y a 50 organismes de musique classique au Québec, il y a 90 troupes de théâtre, il y a 19 troupes de danse. Je pense qu'il pourrait y avoir au moins une compagnie de comédie musicale.

Il faudrait aussi éviter les éléphants blancs. C'est bien beau de recommander des équipements culturels à travers tout le Québec, de construire des belles salles de spectacle, mais si on ne peut plus aller mettre de spectacles dedans, ça sert à quoi? On a la Place des Arts, on a le Grand Théâtre de Québec, on n'a plus les moyens d'y aller. Regardez la programmation de la Place des Arts au mois de novembre de cette année. Vous voyez "The Phantom of the Opera" au théâtre Maisonneuve, et "42nd Street" à la salle Wilfrid-Pelletier. Et moi, pendant ce temps-là, il faut que j'aille créer mes comédies musicales à Paris. Quand je dis "moi", je m'excuse; je me pose en exemple, mais je pense à tous les autres qui ne peuvent même pas les créer. Donc, on voudrait avoir accès à la Place des Arts, on voudrait avoir accès au Grand Théâtre de Québec, qui sont des salles, si je ne m'abuse, qui appartiennent au ministère des Affaires culturelles. Ou alors, vous leur donnez les moyens de produire des spectacles, de produire aussi des chanteurs québécois et des chanteuses québécoises qui ne s'y produisent plus parce qu'ils n'en ont plus les moyens.

Il faudrait aussi supprimer toutes les taxes sur le spectacle. Bon, je crois qu'on vous l'a dit et répété, mais nous, auteurs, ça nous touche beaucoup aussi, parce que vous savez qu'on ne gagne que 2 % de la recette, comme auteurs de chansons, lors des spectacles, alors qu'en France on gagne 10 % et que, dans la plupart des pays d'Europe, la moyenne est de 8 %. Quand on demande des droits d'auteur ici, les producteurs nous disent: On ne peut pas vous payer des droits d'auteur, on a tellement de taxes à payer: on a 10 % de taxes municipales, 8 % de taxes d'Ottawa et bientôt 7 % ou 8 % de taxes de Québec. Donc, ou vous supprimez les taxes, ou

vous les appliquez à un fonds de création pour le spectacle et à un fonds de compensation pour les droits d'auteur. Mais il y a urgence à faire quelque chose en ce domaine-là.

Je voudrais finir en vous lisant une phrase du rapport Arpin, à la page 20: "La création est présentée comme la base de toute vie culturelle, de sa qualité, de sa diversité, de sa vitalité et de sa spécificité. Avec elle, tout est possible. Sans elle, une culture verse rapidement dans la routine et l'aliénation. Aussi bien dire qu'elle disparaît en tant que culture autonome." Je suis, évidemment, parfaitement d'accord avec ça. Si on dit culture, on dit forcément création. On parle beaucoup de création dans le rapport Arpin, on parle moins des créateurs. Mais si on dit création, on dit créateurs. Si les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, si les créateurs doivent passer leur temps à faire autre chose pour gagner leur vie, si les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, il n'y a pas de création. S'il n'y a pas de création, il n'y a pas de culture.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Plamon-don. M. Lelièvre, peut-être.

M. Lelièvre (Sylvain): Alors, pour continuer là-dessus, paradoxalement, très paradoxalement, ce qui, à notre point de vue, illustre le mieux la condition des créateurs au Québec, c'est la composition même du groupe-conseil Arpin. J'ai ici la liste des signataires. On trouve de tout là-dedans, sauf un créateur. Attention, ce sont des hommes et des femmes - il y a deux femmes - respectables et respectés; ce n'est pas ce qu'on dit, mais il n'y a pas l'ombre d'un créateur: pas de poète, pas de sculpteur, pas de romancier, pas de compositeur, pas de peintre, pas de dramaturge, pas de parolier, pas d'archic-tecte, pas de chorégraphe, pas de cinéaste, pas d'écrivain.

Juste pour une minute, essayons d'imaginer qu'au lieu de parler de culture ce soir, on parle d'agriculture. On est, pour une minute, à la commission parlementaire sur l'agriculture et on a en main une proposition, un bouquin de 300 pages commandé par Mme la ministre à un groupe d'intervenants du secteur de l'alimentation, à l'exclusion toutefois des agriculteurs. On se comprend? On y trouverait toutefois, dans le groupe-conseil, des gens de Steinberg et de Provigo, des gens des coopératives agricoles et des conserveries, des agronomes, des diététiciens et des vétérinaires, etc., mais pas l'ombre d'un agriculteur. Vous savez quoi? Si une telle situation se produisait, il y aurait ce soir 10 000 agriculteurs dehors, en face du Parlement, en train de bloquer tous les accès.

Malheureusement, les créateurs culturels n'ont pas ces moyens-là, et c'est très bien expliqué, d'ailleurs, dans le rapport Arpin. Ce soir, ils ne peuvent pas être devant le Parlement, tout simplement parce qu'ils sont en train de gagner leur vie ailleurs, chacun dans sa petite job alimentaire, sa petite job d'appoint, comme commis-libraire, pianiste de piano bar ou professeur de cégep. Vous ne les voyez pas, et pourtant ils sont bien là, ce soir, parmi nous, à vous crier qu'ils sont tannés, tannés du mépris, tannés de la misère, tannés de l'ignorance, tannés de l'inquisition et tannés de l'exil chez soi. Ils sont tannés d'être en voie d'extinction plutôt qu'en extinction de voix.

Quand nous avons signifié à Mme la ministre, en janvier dernier, notre indignation face à l'absence de créateurs dans le groupe-conseil Arpin, elle nous a répondu qu'elle préférait s'entourer de conseillers qui possèdent, et je cite, "une vision globale". Où vouliez-vous que les créateurs se retrouvent là-dedans? De la vision globale au "Refus global", il n'y avait qu'un pas. Le transfert était, pour ainsi dire, induit. Plusieurs d'entre nous, donc, se sont sentis refoulés très loin, en 1948, à l'époque du manifeste de Paul-Émile Borduas. Vous dire que nous les comprenons serait un euphémisme.

Cela dit, parce que c'était important qu'on dise ces choses-là, notre mémoire tente, d'une façon fort polie et fort civile, d'établir la différence entre, d'une part, le créateur sans qui la culture n'existe par et, d'autre part, les autres intervenants sans qui le créateur ne peut absolument pas être entendu; on est d'accord là-dessus. Donc, notre mémoire - je ne vous le résume pas parce que je présume que vous savez lire - parle de façon pratique au niveau de notre salaire, de notre salaire à nous, créateurs de chansons, c'est-à-dire le droit d'auteur. Là-dessus, je cède la parole à Lise Aubut.

Le Président (M. Doyon): Mme Aubut.

Mme Aubut (Lise): Merci. Les créateurs de la chanson sont des parents pauvres. Ils sont continuellement volés, pillés, spoliés. Et que leur propose-t-on? Peu de chose. Quelques aménagements à la loi fédérale pour introduire de nouveaux droits. Et pour qui? Pas pour eux. On ne les protège pas non plus contre les exceptions qui sont proposées dans la phase 2. Vous savez que les auteurs-compositeurs de la chanson sont des créateurs qui ne peuvent tirer leur salaire que des revenus qui proviennent des droits patrimoniaux qui leur sont accordés par la loi fédérale.

Dans ce contexte-là, une loi fédérale qui déposerait, en phase 2, des aménagements qui diraient: Oui, nous allons introduire le droit voisin, ça veut dire quand même... Nous, on est d'accord avec le droit voisin puisqu'on ne peut pas être contre la vertu, mais nous savons que, dans la pratique, ça signifie aussi des droits qui, possiblement, seront pris sur les nôtres, puisqu'on connaît bien la façon de travailler de la Commission d'appel sur le droit d'auteur. Ça veut dire aussi l'introduction d'exceptions dans la loi

Qu'est-ce que ça veut dire, ces exceptions-là? Eh bien, en 1924, le législateur nous a dit: Vous avez un droit d'exécution publique et un droit de reproduction. Depuis 1924, les créateurs, qui étaient bien mal organisés parce qu'ils n'avaient pas les moyens de faire autrement, n'ont pas réussi à percevoir leurs droits. En 1985, ils ont enfin réussi à créer une structure d'accueil. Or, les diffuseurs, quand ils ont vu cette façon de faire, nous ont obligés à les poursuivre en justice pour tenter de nous faire payer. Nous avons dû aller jusqu'à la Cour suprême; la Cour suprême nous a donné raison avec l'arrêt Bishop et nous pensions être à la fin de nos peines. Or, voici maintenant que, 65 ans plus tard, alors que nous pensions le combat gagné, les diffuseurs, qui bénéficient auprès du gouvernement d'un lobby évidemment beaucoup plus puissant que le nôtre, ont réussi à faire admettre au gouvernement fédéral le fait d'introduire des exceptions qui ont pour effet, à toutes fins pratiques, de nous couper de ces revenus auxquels nous n'avons encore jamais eu accès.

D'autre part, je me demande que penser d'un État moderne qui ne légifère pas en matière de copie privée, d'un État qui accepte de percevoir des taxes sur des éléments servant à la contrefaçon et à la concurrence déloyale, sans songer à compenser ceux à qui on a ainsi usurpé leurs droits. Nous croyons que c'est là une question de volonté politique. (21 h 15)

D'autre part, la chanson a depuis longtemps, au Québec, acquis ses lettres de noblesse et ne saurait être considérée comme un art mineur. Cela équivaudrait, bien sûr, à nous déprécier nous-mêmes et à méconnaître nos forces. La chanson est l'expression privilégiée de la culture vivante. Pourtant, ceux qui l'écrivent ne peuvent pas en vivre, et le rapport Arpin ne leur propose pas de solution, ni au niveau de la loi, ni en reconnaissant un fonds de compensation sur la copie privée, ni en s'élevant contre les exceptions prévues dans la phase 2 de la loi fédérale, ni en proposant des lieux où l'on pourrait l'exprimer.

En plus, nous considérons que, dans la pratique quotidienne des politiques du ministère des Affaires culturelles, il y a un vacuum énorme entre la relève et les industries culturelles, il y a tout un volet de la chanson véritable qui est complètement ignoré. Or, si le Québec souhaite que ses créateurs de chansons survivent, il faut faire en sorte que quelqu'un légifère en matière de copie privée, que les créateurs aient accès à une aide directe au niveau de la création, que la Loi sur le droit d'auteur soit retirée de Consommation et Corporations Canada, qu'une véritable loi du droit d'auteur soit créée, qu'elle soit placée dans le ministère où elle devrait être, comme en France, c'est-à-dire dans un ministère de la culture et, si on pense à rapatrier la culture, s'il vous plaît, Mme la ministre, ne laissez pas ses créateurs à Ottawa. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Aubut. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Aubut, M. Lelièvre, Mme Tadros, M. Plamondon. Vous savez, quand vous avez parlé, finalement, du rapport, il était prévu aussi, à partir du rapport, d'avoir cette discussion à une commission parlementaire. Pourquoi? Pour la bonne raison qu'on sait qu'il y a des choses qui clochent. Si tout allait très bien, on ne serait pas ici, personne, parce qu'on est tous très occupés. Évidemment, il faut qu'il y ait des choses qui changent, aussi, et profondément. Bon, aller chercher 1 000 000 000 $, je veux bien et on va bien essayer.

Mais, ceci dit, quand on parle de faire des choix, si jamais on a à faire des choix, à ce moment-là... On a beaucoup parlé de création, effectivement, et on a beaucoup parlé aussi de culture, culture versus les arts, industries culturelles versus création. Je pense que là-dessus la discussion ou, en tout cas, la discussion globale - et elle se continue, d'ailleurs - est très saine. On n'a jamais tant parlé de culture de façon générale non plus; en tout cas, on n'a pas fait ça depuis très longtemps. Ce n'est pas que les gouvernements, aussi; c'est aussi réveiller la société québécoise.

J'aimerais revenir aux droits parce que vous êtes les seuls à... Finalement, on en a parlé vaguement, mais vous êtes les seuls, comme groupe, vraiment, à venir et à prôner tout ça. C'est, disons, un secteur qu'on a moins touché. Au niveau des droits d'auteur, évidemment, c'est enchâssé dans la Constitution comme étant, comme vous l'avez dit tantôt, exclusif au fédéral. Il y a toute cette question, le volet copyright versus droit d'auteur. Bon, c'est quand même assez complexe. Vous, vous vivez ça tous les jours, mais, pour le bénéfice de la commission, vous prônez le droit d'auteur versus le copyright. La différence entre les deux, finalement, pour notre système à nous, qu'est-ce que c'est?

M. Plamondon: La différence, elle est déjà dans les mots. Droit d'auteur, ça veut dire droit qui appartient à l'auteur, au créateur de l'oeuvre. Par exemple, en France, la première phrase de la Loi sur le droit d'auteur dit: 'Tout créateur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur son oeuvre d'un droit inaliénable, intransférable, etc. " Bon. Et un jour que je lisais cette phrase à Marcel Masse, à Ottawa, il m'a dit: Traduis-moi donc ça en anglais pour que je l'explique aux Anglais. Parce qu'en anglais ils ont une toute autre approche du droit d'auteur. Ils appellent ça le copyright, c'est-à-dire le droit de reproduire, "copyright", c'est-à-dire que c'est un droit qui est accordé à l'utilisateur. Et c'est pour ça que la loi, à Ottawa, elle n'est pas dans un ministère qui défend le créateur; elle est à Consommation

et Corporations, c'est-à-dire au ministère des Approvisionnements et Services, donc des utilisateurs. Donc, la loi à Ottawa défend toujours le point de vue contraire à celui du créateur. C'est le principe de la loi... le principe des gens de Consommation et Corporations à Ottawa. C'est comment rendre accessibles, pour le moins cher possible, les oeuvres de l'esprit aux consommateurs et à l'industrie, ce n'est jamais comment faire vivre le créateur, alors qu'en France la loi est au ministère de la Culture. Et quand le ministre de la Culture a dit, il y a trois ou quatre ans: II faut maintenant moderniser la loi, il faut la refaire, le ministre de la Culture avait, en France, le droit de dire: Je refais la loi et j'ai le pouvoir de la refaire, et de la refaire au nom des créateurs.

Ça, c'est un grand problème qui existe entre le monde anglophone et les pays latins, les pays d'Europe en général. La "Copyright Law", c'est l'Angleterre, les États-Unis, le Canada et l'Australie. Ce sont les pays anglophones. Les autres pays du monde, en général, appliquent plutôt le droit d'auteur.

Mme Frulla-Hébert: Alors, si, par exemple, on se dit... parce qu'il y a la phase 2, là. Je sais qu'à Ottawa on pousse très fort pour la phase 2. Et si, par exemple, on se dit: Dans l'ensemble des discussions, dans l'ensemble du rapatriement, il faut aller chercher... Pour qu'on s'applique, nous, à cause justement de notre distinction, à avoir un droit d'auteur versus un copyright, au niveau des ententes, on...

M. Plamondon: Si on rapatrie la culture, il faut rapatrier la loi du droit d'auteur aussi...

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord, c'est ce que je dis.

M. Lelièvre: ...parce que, sinon, comme l'a dit Lise tout à l'heure, c'est rapatrier la culture et laisser la loi sur les créateurs à Ottawa. Ça n'a ni queue ni tête.

Mme Frulla-Hébert: Non, mais c'est exactement ce que je dis. Mais, là, à ce moment-là, au niveau de l'harmonisation avec le reste du Canada, par exemple, et les États-Unis, comment ça peut fonctionner?

M. Lelièvre: Je peux répondre à ça facilement. Il y a de grandes ententes internationales en ce qui concerne le droit d'auteur, notamment les conventions de Genève et de Berne dont le Canada, incidemment, est déjà signataire. Il n'y a absolument rien qui empêcherait le Québec d'en être signataire et d'avoir, comme le Canada en a, des accords de réciprocité, notamment avec la France, même si les lois ne sont pas totalement harmonisées. Il n'y a absolument rien qui empêche ça. Moi, par contre, ce qui m'a un petit peu outré à la proposition 36 du rapport Arpin, c'est qu'on propose de modifier la loi fédérale plutôt que de la rapatrier au Québec. Si on parle de rapatrier la culture au Québec, comment peut-on imaginer de le faire sans rapatrier ce droit de propriété élémentaire? On parle d'un droit de propriété, là. C'est plus proche, dans le fond, du Code civil. Ça devrait, me semble-t-il, être dans les pores de notre peau culturelle, de notre identité comme peuple. Qu'on ne pense pas rapatrier la loi du droit d'auteur... C'est à nous. En fait, ça nous appartient. On n'a pas à discuter de comment ou pourquoi cette erreur-là s'est glissée en 1867. Les circonstances étaient, vous en conviendrez, tout à fait autres. Ce n'est pas dans le rapport Arpin et je n'en fais reproche ni au parti... Je n'en fais pas reproche au parti gouvernemental, parce que ce n'est pas une question qui a été abordée souvent. Même dans le programme, par exemple, du Parti québécois, c'est une question qui n'a jamais été abordée directement.

Alors, je pense qu'on peut en parler d'une façon non partisane, totalement. Ça me paraît absolument primordial. On parle d'un droit de propriété. Il me semble qu'on ne peut pas passer à côté de ça. D'une façon concrète, toutefois, ce que notre mémoire signale, je voudrais vous le rappeler également, c'est qu'avant même toute espèce de modification constitutionnelle, nous croyons, nous, à la SPACQ - et ça fait six ans qu'on fait des représentations à Québec à ce sujet-là - que Québec peut offrir aux auteurs et aux compositeurs de chansons, d'une part, et aux autres ayants droit, c'est-à-dire aux artistes-interprètes et aux producteurs, d'autre part une compensation sur la copie privée.

Nous avions commencé un travail assez approfondi là-dessus avec Mme Bacon. Ça s'est perdu en cours de route, parce qu'on croyait que ça allait se faire à Ottawa et, finalement, on a été bernés, encore une fois.

Mme Frulla-Hébert: Mais revenez donc... C'est tout?

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, je regrette. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous pouvez continuer là-dessus, si vous voulez.

M. Boulerice: Oui, je vais débuter, mais sans aucune mesquinerie, plutôt le contraire, avec beaucoup d'amitié, M. Lelièvre. Page 154. Ha, ha, ha! Je vous dis, par contre, que ce n'est pas antique dans le sens que, effectivement, ça ne date pas d'il y a 15 ans. Ça, je vous l'accorde bien.

M. Lelièvre: On n'arrive pas à lire tout ce que vous produisez.

M. Boulerice: Ah, mais je vous réserve des

surprises. Attendez. Mais, ceci dit, au départ, bienvenue, oui. Bon. Vous avez fait mention de Félix Leclerc. Je pense que Mme Tadros connaît le vécu de ça; on a eu un regard complice, tous les deux. Je vais inaugurer un bar bientôt. Ma seule et unique consolation sera que le restaurant sera une galerie d'art, mais je vous avoue que c'est piètre comme résultat; je suis le premier désolé.

Mais pour revenir... Bon, vous avez déploré, forcément, l'anachronisme de la loi canadienne sur les droits d'auteur, de 1924. Effectivement, ce n'est pas jeune. La ministre dit, et vous y souscrivez: II faudrait reprendre les pouvoirs. Mais là vous dites: Reprendre également le pouvoir des droits d'auteur. Sans être constitu-tionnaliste - Dieu m'en garde, il y en a tellement dans ce pays - je ne suis pas certain qu'on ait la capacité légale, même si on a les droits d'auteur, de signer des conventions internationales. Je ne suis pas certain qu'on ait... On n'a pas la capacité...

Mme Frulla-Hébert: Ça se fait...

M. Boulerice: ...constitutionnelle - je vais peut-être la faire changer de cap - de signer, notamment, la Convention de Rome.

M. Plamondon: Quand vous dites "on", vous voulez dire...

M. Boulerice: Le Québec.

M. Plamondon: Oui, mais vous parlez du Québec...

M. Boulerice: Même avec ce rapatriement des pouvoirs, monsieur...

M. Plamondon: ...maintenant ou du Québec après qu'il aura rapatrié la culture?

M. Boulerice: Même si on rapatrie, M. Plamondon, les arts, la culture et que là-dedans, on dit: La seule juridiction est la juridiction pour les droits d'auteur sur notre territoire à nous, nous n'avons pas la capacité constitutionnelle, dans le régime actuel - et M. Beatty nous l'a dit deux fois: Je veux votre bien et je l'aurai - de signer ces ententes internationales, notamment celle qui serait la plus importante pour nous, qui est la Convention de Rome.

M. Lelièvre: Est-ce que je peux...

M. Boulerice: Oui, oui, je vous en prie.

Le Président (M. Doyon): M. Lelièvre.

M. Lelièvre: Je ne crois pas, personnellement, que la Convention de Rome soit la plus importante. Je ne veux pas faire un débat de droit là-dessus, mais la seule nouveauté de la Convention de Rome, c'est la reconnaissance des droits voisins, c'est-à-dire des droits voisins des droits d'auteur, notamment ceux des artistes-interprètes et ceux des producteurs. Les conventions de base restent celles de Genève et de Berne.

Cela dit, effectivement, selon l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, le Québec n'aurait pas le droit de le faire. Il est évident que la première solution qui nous saute à l'esprit, et nous... Enfin, je pense que la plupart d'entre nous, comme auteurs-compositeurs, on est assez identifiés sur le plan politique; on n'a pas à se faire de cachotteries là-dessus, sur l'idée qu'on se fait du Québec souverain. Ce ne sont pas les gens du rapport Arpin qui ont écrit ni "Mon pays" ni "Le tour de l'île", ce sont des auteurs de chansons. Bon.

Alors, on va dire qu'on souhaite, évidemment, que le Québec soit souverain et on présume qu'à ce moment-là il va légiférer très rapidement sur les droits d'auteur. Toutefois, s'il y avait un nouvel aménagement constitutionnel qui ferait du Québec... enfin qui ferait de ce qui est maintenant le Canada une véritable confédération - et non pas une fédération - d'États souverains, à ce moment-là, le Québec en aurait le droit, comme, par exemple, les anciennes républiques de l'Union soviétique le faisaient. Les 15 républiques de l'Union soviétique étaient séparément signataires des ententes internationales sur le droit d'auteur. Vous me direz que ce n'est pas un exemple. Moi, je vous dis que c'est simplement une référence. Pour note.

M. Plamondon: Mais pour en revenir à la copie privée dont Sylvain parlait tout à l'heure, elle n'est pas dans la Loi sur le droit d'auteur d'Ottawa et comme Ottawa se refuse toujours à la mettre et on sait très bien qu'elle ne fera pas partie du deuxième volet de la Loi sur le droit d'auteur. C'est pour ça qu'on avait entrepris, nous, avec Québec, avec Mme Bacon, il y a trois, ou quatre ans, ou cinq ans, je ne sais plus, de... On s'était dit: Pourquoi pas? Pourquoi est-ce que Québec ne créerait pas une compensation pour les auteurs-compositeurs, pour la copie privée? (21 h 30)

Parce que le Québec l'a fait à une époque, il a créé une taxe sur les vidéocassettes. Bon. Cette taxe-là, malheureusement, allait dans le fonds consolidé et ne retournait pas au monde du cinéma comme il en avait été question au départ. Bon. C'est sûr qu'une taxe doit aller dans le fonds consolidé. Je crois qu'on ne peut pas diriger une taxe, à Québec, à un... Je ne sais pas, c'est discutable, cette chose-là. Je n'ai jamais eu une réponse complètement sûre à ce sujet-là, mais le Québec pourrait très bien créer une taxe, enfin un droit sur les vidéocassettes, sur les cassettes vierges, sur les cassettes audio autant que sur les vidéocassettes et créer un

fonds de compensation pour les créateurs québécois. Nous, à ce point de vue là, on est très protectionnistes. On ne partage pas du tout, du tout l'avis des fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles, qui veulent absolument envoyer des droits à tous les auteurs et compositeurs du monde entier, à tous les interprètes du monde entier et à tous les producteurs du monde entier, c'est-à-dire envoyer à Madonna, à Michael Jackson, à CBS et à Warner la plus grande partie de ces droits-là; nous, on n'est pas d'accord avec les fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles là-dessus. On a beaucoup discuté là-dessus avec eux. Nous, on voudrait que le Québec crée un fonds de compensation. Puisque ça ne peut pas être une taxe, puisque ça ne peut pas être un droit, que ce soit un fonds pour compenser les auteurs-compositeurs, les interprètes québécois et les maisons de disques québécoises. Il en reste encore quelques-unes, Dieu merci, qui sont, comme l'a dit Lise tout à l'heure, spoliées de leurs droits, puisque chaque fois que quelqu'un copie la radio, ou copie une cassette, ou un disque, chaque fois, c'est un vol à l'égard de l'auteur-compositeur, de l'interprète, de l'éditeur et des producteurs de ce disque.

M. Boulerice: M. Lelièvre faisait une comparaison tantôt avec l'agriculture. Il y a une commission de compensation pour les victimes d'actes criminels. Donc, en définitive, il pourrait y avoir une compensation pour les victimes de piraterie intellectuelle, versée où vous le dites.

M. Lelièvre: On a tendance à croire que vous êtes vraiment plus compétents que nous au niveau de la mécanique. Tout ce qu'on sait, c'est que c'est possible et que c'est simplement une question de volonté politique. Ça, on l'a écrit dans le mémoire et je le répète de vive voix. Je pense que si Mme la ministre décidait, ce soir, d'agir en ce sens-là, on pourrait très, très rapidement... Parce que, nous, on est prêts du côté des auteurs, les interprètes sont prêts, les producteurs sont prêts. C'est-à-dire que les mécanismes d'entente entre nous existent. Alors, il reste simplement à harmoniser ça, finalement, avec le gouvernement du Québec qui est le nôtre.

M. Boulerice: II y a une autre question que j'aimerais vous poser. On parle de rapatriement des pouvoirs culturels. Nous, on dit - quand je dis "nous", je parle de ma formation politique; on est dans un système parlementaire, heureusement - que ça ne peut pas être uniquement les arts et la culture; ça doit être aussi tout ce gigantesque secteur des communications qui est radio et télévision. C'est là qu'est le pouvoir de réglementation. C'est là où ça influence combien de fois vous allez jouer, à partir des quotas, par un CP.TC qui, forcément, est fédéral et qui n'est pas exclusivement québécois. Est-ce que vous partagez ce point de vue? Nous, on va un petit peu plus loin en disant que ça doit être le ministère des arts, de la culture et des communications, dans le sens que la radiotélédif-fusion doit relever de la culture de façon à avoir comme mandat principal de promouvoir la culture québécoise, pas à l'excès comme les Américains, où ils sont bornés, mais, au moins, qu'on se serve les premiers, hein!

Mme Aubut: On peut vous dire qu'idéalement, bien sûr, rapatrier aussi les pouvoirs en matière de communications, c'est extrêmement intéressant, mais, dans la pratique, pour nous, ce n'est pas quelque chose d'aussi important parce que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, le CRTC fait un excellent travail. La protection, les quotas qui sont mis en place sont généralement satisfaisants. Il y a des politiques du CRTC, par exemple, qui favorisent le fait que pour obtenir... Dans une promesse de réalisation, par exemple, il faut verser un petit peu d'argent à Musicaction, qui est réinjecté dans la création. À ce niveau-là, c'est moins important que la Loi sur le droit d'auteur parce que d'elle dépend notre sort à nous, en totalité.

J'aimerais faire une petite parenthèse sur ce que mes collègues ont dit tout à l'heure au niveau de la copie privée, parce qu'il y a quelque chose de très original au niveau de la copie privée: c'est que la CISAC, qui est la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et de compositeurs, permet, par exemple dans un lieu où on légifère sur la copie privée, de dire aux ayants droit nationaux qu'ils peuvent conserver jusqu'à 25 % - permettez-moi l'expression - "off the top" de tous les revenus pour les réinjecter dans la création et la diffusion de spectacles vivants. Pour nous, ça nous permettrait d'avoir vraiment des sources d'argent neuf, des sources suffisamment importantes pour faire des choses intéressantes.

Le Président (M. Doyon): M. le député, malheureusement, le temps est déjà écoulé.

M. Boulerice: Bon! Bien, alors, moi, si je vous ai bien compris, c'est que j'ai probablement bien compris tous les autres intervenants aussi, donc je n'errais peut-être pas. Vous allez me répondre: Oui, vous avez raison, ou: Non, vous n'avez pas raison. Depuis le début de la commission, j'ai posé la question à bien des groupes. Oui, d'accord pour une politique des arts et de la culture. Moi, je dis: politique des arts, de la culture, des communications, etc., sauf qu'au<_lelc3a0_ et="" _l27_c3a9_laboration="" _quc3a9_bc3a9_cois2c_="" le="" _concrets2c_="" ce="" _c3a0_="" dans="" ans="" de="" parce="" ait="" _qu27_au="" bien="" affaires="" quand="" utiles="" _mc3aa_me="" jouer="" _d27_attendre="" besoin="" culturelles="" gestes="" y="" _arrc3aa_tons="" seraient="" qui="" des="" lois="" bon="" les="" intervenants.="" _politique2c_="" il="" _donc2c_="" _rc3a9_parateurs="" _parlement2c_="" maytag="" touchent="" en="" a="" pourraient="" _qu27_on="" niveau="" _immc3a9_diats="" _ministc3a8_re="" cette="" _loi2c_="" _faits2c_="" _c3aa_tre="">

dois vous avouer que ce n'est pas moi qui me suis épuisé, comme critique, depuis 1985. Et, entre parenthèses, au moment où...

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député.

M. Boulerice:... on se parle, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais 18 députés ministériels font rapport et suggèrent que l'on ferme les conservatoires de musique. J'aurais aimé vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. le député, le temps étant terminé, je vous demande tout simplement de remercier nos invités.

M. Boulerice: On se donnera notre réponse plus tard. Merci beaucoup à M. Plamondon, Mme Aubut, M. Lelièvre.

M. Lelièvre: Est-ce que vous me permettez un commentaire sur les conservatoires de musique?

Le Président (M. Doyon): Brièvement.

M. Lelièvre: Je serai très bref là-dessus. Je le déplore absolument, mais je signale en même temps à l'attention de tous les députés qui sont là que la chanson est le seul, mais vraiment le seul domaine où il n'existe au Québec aucun programme de formation.

Le Président (M. Doyon): C'est noté. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bon. Alors, les conservatoires de musique, quand vous voyez la ministre très calme, c'est parce qu'il n'y a rien là, comme on dit. Maintenant, dans un...

M. Boulerice: Bien, coudon!

Mme Frulla-Hébert: Bien non, mais... Quand on regarde les recommandations, on part des plus rock'n roll aux plus réalistes. Mais ceci dit, il y a une chose que nous allons faire tout de suite après la commission, c'est qu'on va... Vous dites que vous êtes prêts, alors on va regarder les possibilités avec vous, ne serait-ce que pour me faire pardonner que vous n'étiez pas sur le rapport Arpin. N'empêche que c'est un besoin et, effectivement, on n'est quand même pas pour attendre une politique culturelle. C'est quelque chose. On travaille dans un cadre constitutionnel global - il faut bien s'entendre sur global - et non pas dans la culture comme celle de la carotte. Mais au niveau des droits et tout ça, on va regarder ça avec vous autres de près, tout de suite après la commission qui devrait se terminer ces prochaines semaines. Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, M. Plamondon, Mme Aubut, M. Lelièvre ainsi que Mme Tadros, il me reste à vous remercier au nom des membres de la commission, à vous souhaiter bon retour et à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Bonne chance!

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, le président a la responsabilité de continuer les travaux de cette commission. Je demande aux membres de bien vouloir prendre leur place, y compris Mme la ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, la prochaine fois, nous continuerons les échanges de façon à ce qu'ils soient enregistrés pour le bénéfice de tous. Ça sera plus simple.

J'invite maintenant les représentants de l'Institut culturel et éducatif montagnais à bien vouloir prendre place en avant. Ce sont nos prochains invités.

Maintenant que le brouhaha est terminé, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous inviter à présenter votre mémoire selon les règles qui se sont appliquées jusqu'à maintenant: une quinzaine de minutes et, après ça, la discussion s'engage pour le restant du temps avec les membres de cette commission. Veuillez vous présenter de façon à ce que le Journal des débats sache à qui nous avons affaire. Vous avez la parole.

Mme Robertson (Johanne): Merci, M. le Président. Je suis Johanne Robertson, présidente et directrice générale de l'Institut culturel et éducatif montagnais. Je suis moi-même Monta-gnaise, de Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean.

Mme Boivin (Hélène): Bon, moi, je suis Hélène Boivin, coordonnatrice du développement culturel montagnais à l'ICEM. Je suis aussi Montagnaise, originaire de la communauté de Mashteuiatsh.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue. Mme Boivin: Merci.

Institut culturel et éducatif montagnais

Mme Robertson: Merci. Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais tout d'abord remercier Mme la ministre des Affaires culturelles d'avoir retenu notre mémoire et de nous donner la possibilité de vous le présenter, ainsi que l'opportunité d'échanger sur les atten-

tes de la nation montagnaise en regard du ministère des Affaires culturelles et de sa prochaine politique de la culture et des arts.

L'Institut éducatif et culturel montagnais est un organisme à but non lucratif qui regroupe les neuf communautés constituant la nation montagnaise au Québec.

La raison d'être de l'ICEM est de sauvegarder et de développer la culture montagnaise, ainsi que d'assurer le développement de l'éducation de la nation. L'ICEM existe depuis 13 ans et a, à son crédit, plusieurs grandes réalisations dans le domaine éducatif et culturel.

Si vous me permettez, je vais vous donner quelques exemples pour vous faire mieux comprendre notre travail, et, à cet effet aussi, je vous ai fait transmettre notre rapport annuel; je vous invite à en prendre connaissance. Brièvement, si on parle du domaine éducatif, je vous dirai qu'on élabore et qu'on dispense des programmes de formation de niveau universitaire, en partenariat avec l'Université du Québec à Chi-coutimi, entre autres un programme de baccalauréat en intervention communautaire. Nous avons mis sur pied différents programmes spéciaux accrédités par différentes institutions d'enseignement postsecondaire; on parle de programme en soins infirmiers, de programme de gestion intégrée du territoire et d'un programme de formation en muséologie et en animation culturelle. On parle de mise sur pied de comités locaux, de concertation de la formation ainsi que de tables de concertation régionale.

Dans le domaine culturel maintenant, certaines grandes réalisations de l'ICEM ont été rendues possibles grâce au soutien du ministère des Affaires culturelles, dont, par exemple, l'étude sur les équipements culturels en milieu montagnais, qui a permis d'inventorier les quelques équipements culturels existants - ils sont très peu nombreux - d'évaluer les besoins de la nation montagnaise et de proposer les équipements culturels correspondant aux besoins. Entre autres, le concept des maisons de transmission culturelle a été grandement retenu par la nation montagnaise. (21 h 45)

Malheureusement, depuis le dépôt de cette étude, aucune suite n'a été donnée. On aura l'occasion d'en reparier. On parle aussi de la présentation par l'ICEM d'un mémoire à la commission d'étude sur les bibliothèques publiques, qui a permis à la commission Sauvageau d'élaborer une recommandation à l'effet d'effectuer une étude afin de cerner les besoins spécifiques des communautés autochtones et de proposer des solutions. L'ICEM a alors saisi l'opportunité et a demandé au ministère des Affaires culturelles de réaliser lui-même cette étude. L'analyse des besoins a été déposée en mars dernier. Toujours en attente d'une réponse de Mme la ministre, nous croyons nécessaire d'élaborer avec elle les suites à donner aux recommandations de ces études.

De plus, nous avons signé, en 1990, un protocole d'entente de fonctionnement avec le MAC. Il se terminera à la fin de cette présente année financière, soit à la fin mars 1992. Cette nouvelle façon de fonctionner nous a réjouis et c'est avec beaucoup d'enthousiasme et d'espoir que nous l'avons signé, en présence de tous les représentants de la nation montagnaise de même que de Mme Robillard, qui était à l'époque ministre des Affaires culturelles.

Je dois cependant vous avouer que nous pensons qu'il faut aller au-delà d'un protocole de fonctionnement très limité pour permettre un réel développement culturel de la nation montagnaise. De plus, j'aimerais vous faire part d'une récente consultation menée par l'assemblée générale de l'ICEM sur l'avenir éducatif et culturel de la nation montagnaise. Les conclusions de l'enquête sont très significatives et ont permis à l'ICEM, réuni en assemblée générale spéciale, la semaine dernière, de dégager les grandes orientations de la nation montagnaise en regard de son devenir éducatif et culturel.

Permettez-moi de vous lire la grande orientation culturelle de la nation montagnaise. "Que chaque Montagnais et Montagnaise soit fier de son identité. Qu'il manifeste un sentiment d'appartenance à une culture commune et assume sa responsabilité de membre de la nation." De plus, afin de s'assurer qu'on se dirige vers cette grande orientation, la nation montagnaise s'est fixé de grands objectifs. Sans vouloir vous en faire toute la lecture, permettez-moi de vous en citer un, un très important qui, à mon avis, est très significatif et sera déterminant dans plusieurs de nos actions futures. Il se lit ainsi: "Que, d'ici décembre 1996, la nation montagnaise ait pris en charge son propre développement culturel." Je vous laisse là-dessus afin de permettre à Hélène de vous présenter notre opinion concernant le rapport Arpin, pour revenir discuter avec vous lors de la période des questions. Merci.

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Boivin: Alors, je vais faire une petite introduction en montagnais. (S'exprime dans sa langue). Excusez-moi, je suis un petit peu nerveuse. Merci, Mme la ministre et MM. les commissaires, de nous avoir permis de faire entendre nos vues sur la proposition de politique de la culture et des arts.

Dans l'ensemble, nous sommes d'accord sur les trois principes fondamentaux de la commission. Comme les Québécois, la nation montagnaise doit développer le domaine des arts et de la culture, en favoriser l'accès à la population autochtone et non autochtone, et nous croyons qu'il est nécessaire d'accroître l'intervention gouvernementale en matière culturelle, et ce, sous forme de partenariat entre les institutions

autochtones responsables du développement culturel et le gouvernement. .

Par contre, nous déplorons l'absence des cultures autochtones dans ce rapport. En tant que premiers habitants de ce pays, nous possédons aussi une culture, une langue, des traditions et des valeurs qui nous sont propres. De ce fait, nous nous distinguons des autres groupes qui composent la société québécoise, soit les Québécois francophones, les Québécois anglophones et les immigrants. Ce manque est d'autant plus difficile à comprendre, considérant que le ministère des Affaires culturelles est un des ministères ayant contribué le plus au développement des sociétés amérindiennes.

Loin de vouloir remettre en question votre intervention, nous avons voulu soulever dans ce mémoire les problématiques auxquelles nous sommes confrontés en tant qu'organisme responsable de la culture montagnaise, telles que la transmission et la conservation de nos valeurs traditionnelles, la relève au niveau artistique, la langue, les équipements culturels et le développement culturel. Sur ces problématiques se greffe celle de l'accessibilité aux programmes, des critères qui font partie de ces programmes, du manque de financement et de l'absence des autochtones sur les jurys ou dans le processus décisionnel.

Les modes de fonctionnement que le rapport Arpin propose au niveau de la vie culturelle, entre autres la responsabilité que la commission propose au niveau des municipalités, ne s'appliquent pas et ne peuvent pas s'appliquer à la réalité autochtone. Comme vous le savez, les conseils de bande ne sont pas des perceveurs de taxes ni d'impôt, donc peuvent arriver difficilement à investir et à contribuer à la vie culturelle au niveau des communautés. On parle de métropoles comme Montréal, comme Québec; on parle aussi de la particularité des régions qui sont, pour la plupart, des régions périphériques, mais on ne considère pas la particularité de l'éloignement très grand des communautés améridiennes qui sont, pour la plupart, inaccessibles par voie de terre; on doit y aller par voie d'air. Alors, sur ce, je terminerai mon intervention et je laisserai le temps aux membres ou bien à Mme Robertson de rajouter des choses si cela est nécessaire.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Ça va? Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie beaucoup d'être ici. Comme vous l'avez mentionné, il y a toujours eu une très bonne collaboration entre le ministère des Affaires culturelles et les différentes communautés autochtones. Maintenant, il y a quand même des précisions à apporter. Au niveau de votre mémoire, vous revendiquez la mise en oeuvre, dans et par votre milieu, de la politique sur la culture et les arts; c'est ce que vous disiez tantôt. On en a signé une, d'ailleurs, politique, il y a deux ans. Par contre, là, on veut aller plus loin. À vos yeux, est-ce qu'il y a une formule particulière que vous nous proposez, qui puisse servir de base, si on veut, dans le but de constituer, finalement, une étape? Disons qu'on en a fait une, là, mais, maintenant, une étape future, si on veut, au développement de la culture montagnaise?

Mme Robertson: Je pense qu'il faut effectivement se servir de ce qu'on a actuellement. En 1990, comme je le disais tout à l'heure, on a signé un protocole d'entente de fonctionnement. C'est intéressant comme première étape. Ce que l'on trouve dommage dans ce protocole, c'est qu'il nous permet des possibilités de fonctionnement à l'intérieur de nos neuf communautés, mais que cela ne nous a pas permis, comme d'ailleurs cela nous avait été dit par Mme Robillard à l'époque, d'avoir un meilleur accès à tous les autres programmes existants au sein du ministère des Affaires culturelles.

Donc, malgré des besoins très spécifiques - et il faut bien comprendre que chacune des communautés peut avoir accès à différents programmes - malgré cette difficulté de l'accessibilité, nous, en tant qu'organisme représentatif de ces neuf communautés-là, nous allons plus prôner des besoins qui sont communs à ces neuf communautés. Donc, encore là, c'est plus difficile d'avoir accès à ces programmes parce que les besoins en matière culturelle dans nos communautés sont assez primaires, si je peux m'exprimer ainsi. Vous savez, dans nos communautés, on n'a pas de structure comme telle, on n'a pas de répondants culturels. Ce n'est pas pareil comme quand on parle de l'éducation. En éducation, il y a des prises en charge qui sont existantes dans les communautés depuis déjà une quinzaine d'années. On a une structure éducative, alors qu'au niveau culturel on n'a pas, comme telle, de structure, donc tout est à faire.

Et, donc, on présente aux Affaires culturelles des projets, des besoins en ce sens et, malheureusement, selon les critères actuels des programmes, on ne peut pas avoir réponse à ces choses-là. Donc, quand je vous parle de cette consultation, de cette grande enquête que nous venons de mener à travers toute la nation montagnaise - il y a 505 personnes qui ont été consultées - ce que la nation veut, ce n'est pas de vous demander d'assouplir vos critères ou de modifier vos programmes pour les rendre plus accessibles. C'est de permettre à l'ICEM, qui est l'organisme mandaté par la nation montagnaise, de prendre en charge. Donc, par "prendre en charge" - et pour répondre à votre question, parce que je suis très consciente que je m'en suis éloignée - on entend de pouvoir avoir l'argent pour administrer ces programmes-là, donc de pouvoir nous-mêmes faire les critères

qui feront en sorte que les autochtones ou la nation montagnaise aura réponse, mais aussi avoir la responsabilité qui va avec ces sommes d'argent, donc de pouvoir avoir les responsabilités ministérielles.

Mme Frulla-Hébert: Oui, il faudrait peut-être prévoir par entente, parce que, évidemment, quand on gère des fonds publics, de part et d'autre, le transfert de responsabilités, c'est plus difficile dans un sens où elles émanent, finalement, d'une source; donc, on parle d'une délégation de pouvoirs. Mais, à ce niveau-là, par exemple, on peut le faire par entente, c'est-à-dire continuer et prolonger des ententes qui seront peut-être plus approfondies, ou couvrant les besoins, ou, enfin, tous les besoins. Parce que si je me fie à certains projets, que ce soit le musée de Pointe-Bleue, par exemple, ou que ce soit même au niveau des groupes, avec Kashtin, par exemple, on a beaucoup participé au niveau des projets. Mais ce que vous voulez, c'est vraiment plus une espèce d'entente globale qui ferait en sorte que vous pourriez l'autogé-rer.

Mme Robertson: Je différencie deux choses. Je vous disais tout à l'heure que les communautés elles-mêmes, en tant que communautés à part entière, peuvent solliciter des projets. On parle du Musée amérindien de Pointe-Bleue; c'est un projet local d'une communauté, qui est celle de Mashteuiatsh, qui vous a présenté des besoins. Kastin est un groupe qui, heureusement, est reconnu comme étant un groupe professionnel chez vous. Et je ne veux pas glisser non plus sur tout ce problème qu'on a à faire reconnaître nos artistes, parce que les critères actuels du ministère des Affaires culturelles demandent qu'un artiste soit professionnel s'il est reconnu, s'il a fait des expositions, alors que, pour nous, c'est très difficile d'assurer une relève avec ces critères-là.

Je me permets de faire une parenthèse et je vais revenir à votre question. La semaine dernière, en assemblée générale, on a beaucoup discuté de ce problème de critères au niveau des artistes professionnels et, ensemble, avec les représentants de la nation montagnaise, des neuf communautés, on s'est dit: Est-ce qu'il faut demander au ministère des Affaires culturelles - et je reprends un peu ce que je vous disais tout à l'heure - d'assouplir ses critères ou de faire en sorte que son critère pour reconnaître un artiste autochtone ou montagnais soit différent? Est-ce que, nous, on ne pourrait pas lui en proposer, des critères? Et puis, finalement, la conclusion de toute cette discussion-là, qui a été très longue, ça a été de dire: Non. Pourquoi est-ce qu'on n'administrerait pas, nous, ce programme-là? Qui est mieux placé que nous? (22 heures)

Et je ne vais pas aussi loin qu'une déléga- tion de pouvoirs parce qu'on sait que, bon, la nation montagnaise et la nation attikamek sont en négociations présentement. Mais, moi, je pense qu'en attendant l'aboutissement de ces négociations-là, où on verra quelle sorte de gouvernement ça pourra donner, un gouvernement autonome, mais, en attendant ça, je pense qu'il y a moyen de faire des protocoles d'entente. Je pense que l'esprit est là. On a fait un très grand pas. Il suffit d'aller un peu plus loin et de permettre à la nation montagnaise, par le biais de l'ICEM qui est un organisme reconnu et, je le souhaite, compétent, d'administrer ces programmes-là, de gérer ces programmes-là et de pouvoir développer, peut-être, des critères avec vous. C'est bien évident que ça ne sera pas une gestion totalement autonome. On parle d'un protocole, donc il y aura un suivi. C'est bien sûr que, si on administre des fonds publics, il faudra le faire en collaboration avec vous.

Mme Frulla-Hébert: Je vais laisser la parole, si vous permettez, M. le Président, à ma collègue qui...

Le Président (M. Doyon): Mme la députée.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Bonsoir mesdames.

Le Président (M. Doyon): II reste relativement peu de temps.

Mme Cardinal: Oh bon! Alors, dans les recommandations 4, 5 - vous me bousculez - et 7, on parle surtout de financement. Vous mentionnez ici, et je vais essayer de le faire très brièvement: "Que les autochtones assurent eux-mêmes la mise en application de la politique québécoise de la culture et des arts et que les structures qu'ils auront désignées reçoivent et administrent les ressources humaines et financières nécessaires à son application." Évidemment, on relève que vous relevez du gouvernement fédéral et que vous avez aussi des octrois. Vous avez aussi le côté provincial et, évidemment, vous aimeriez aussi faire partie de ce partenariat. Alors, comment pourrions-nous améliorer effectivement, dans l'esprit de ce que vous avez mentionné antérieurement, Mme la ministre, cette espèce de partenariat afin que vous puissiez assurer, par exemple, le support financier pour le développement de votre culture? J'y vais très brièvement. Et, également, vous mentionnez, à la recommandation 5, l'absence de financement pour le développement culturel. Alors, est-ce que vous avez une vision d'un meilleur partenariat?

Mme Boivin: Moi, je me permettrais de dire juste une chose. Ça serait de nous impliquer...

Mme Cardinal: Davantage.

Mme Boivin: ...et de nous consulter. Mme Cardinal: Oui.

Mme Boivin: Je pense que c'est la seule façon qui peut être envisageable pour identifier de quelle façon il pourrait y avoir une intervention de la part du gouvernement et, en même temps, une intervention de la part de l'institution reconnue comme étant mandatée pour assurer le développement culturel. Je pense que c'est juste ça.

Mme Cardinal: Alors, je pense que ça serait intéressant de nous suggérer des moyens d'avoir une meilleure communication entre les communautés autochtones et nous, du Québec.

Mme Boivin: Vous savez, le MAC, c'est le gros morceau; l'ICEM est tout petit. Plutôt que ça soit deux choses complètement à part, que ça soit deux choses qui fonctionnent de façon parallèle.

Mme Cardinal: D'accord. Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, si vous le permettez, je céderai la parole à mon collègue, député de Duplessis, dont les relations avec votre communauté sont anciennes, dans le sens très positif du terme. Il est jaloux et sans partage, je vais vous le dire tout de suite. Il est très fier de cette relation.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, vous me permettrez sûrement de dire à ces dames qui sont devant nous des paroles qui étaient prononcées à plusieurs reprises par mon ami, M. Marcel Jourdain, un vieux sage de Sept-îles, lorsque, toutes les fois qu'il me rencontrait - il ne parlait ni français ni anglais, mais il parlait montagnais - il me disait: (s'exprime en monta-gnais). Ça voulait dire, en fait: Bonjour, salut, salut! Après ça, il passait la parole à sa fille qui était Marie. C'était dans des discussions qu'on avait régulièrement avec M. Jourdain.

Je voudrais d'abord, bien sûr, vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique et je vous remercie de nous avoir remis le rapport de l'Institut culturel et éducatif montagnais, mentionné comme ICEM. Je dois vous dire que le document, c'est-à-dire le mémoire que vous nous avez présenté est extrêmement important parce qu'il démontre que vous avez énormément de besoins pour faire promouvoir et pour promouvoir, aussi, votre propre culture montagnaise et, aussi, la culture autochtone. Je pense que la façon dont vous avez élaboré votre mémoire sert en quelque sorte à éduquer les membres de la commission, en espérant que la population blanche du Québec va aussi comprendre l'essentiel de vos commentaires. Vous avez démontré très clairement les orientations que vous vouliez prendre ainsi que les besoins financiers que vous aviez.

Parlant de besoins financiers, je pense concrètement que, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas des ententes intervenues, et ce, à tous les niveaux, entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones, dont celle que vous représentez, le gouvernement du Québec se doit de faire tous les efforts nécessaires pour vous aider financièrement, sans parler, en tous les cas au début, de ce qu'on appelle le partenariat financier, parce qu'on sait que les nations autochtones sont extrêmement pauvres au Québec et on sait que les besoins financiers se font sentir de plus en plus à cause que vous voulez faire connaître votre culture et la promouvoir.

Je suis heureux aussi de constater que, dans votre mémoire, vous mentionnez 3 des 15 principes se rapportant à 1983 et se rapportant en quelque sorte à la mémoire de René Lévesque qui avait présenté la motion en 1985. C'est la troisième fois que je participe à cette commission face à des représentants et représentantes de la nation autochtone. Moi, j'ai compris que les nations autochtones, si elles avaient voté à l'Assemblée nationale, auraient sûrement voté pour les 15 principes en question et la motion de M. Lévesque, parce que c'était vraiment le début, contrairement - je n'en veux pas à la ministre, elle n'était pas là à ce moment-là - aux 47 libéraux qui avaient voté contre à ce moment-là.

M. le Président, avant de poser des questions, je voudrais rappeler aux membres de la commission la conclusion du rapport qui, pour moi, est extrêmement importante. La conclusion, à la page 12, se lit comme suit: "En guise de conclusion, nous sollicitons l'appui du ministère des Affaires culturelles du Québec en faveur d'une plus grande participation des nations autochtones au patrimoine et à la culture du Québec. En ce sens, nous espérons que les recommandations émises dans le présent mémoire seront considérées par l'État - j'ai bien compris l'État québécois. Sans cela, il est évident que des organismes comme le nôtre arriveront difficilement à combler les besoins exprimés par les communautés et à assurer le développement et la sauvegarde de la culture chez celles-ci."

Une chose qui est remarquable dans votre mémoire, c'est que vous parlez de la culture montagnaise qui peut même être différente d'une communauté montagnaise à une autre, qui est aussi très différente de la nation autochtone que vous représentez par rapport aux autres nations autochtones du Québec; qu'on parle des Abénakis, qu'on parle des Micmacs, qu'on parie des Cris,

qu'on parle des Naskapis, qu'on parle des Mon-tagnais, c'est très différent au niveau de la culture. Il y a des choses qui se rapprochent, bien sûr, mais c'est quand même très différent.

Une première question que je voudrais vous poser... D'ailleurs, les recommandations que vous faites sont extrêmement intéressantes, puis je pense qu'elles méritent vraiment d'être regardées, pas entre nous autres, mais entre nous autres et vous autres; et ça, c'est important. Si on veut arriver à des choses concrètes dans le futur, il faut qu'on se parle et il faut qu'on en vienne à des ententes. La première question. À la page 4 de votre mémoire, vous signalez que les Monta-gnais se distinguent dans leur culture, tant des autres groupes autochtones que du reste de la société québécoise. Là-dessus, c'est vrai, je viens de le mentionner. Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun de créer, dans une future politique culturelle du ministère des Affaires culturelles, autant de volets spécifiques qu'il y a de nations autochtones? Ou encore croyez-vous qu'un seul volet touchant l'ensemble des premières nations pourrait être envisageable? Ça revient, en quelque sorte, à ce que j'ai dit tout à l'heure: la différence entre les nations.

Mme Robertson: Si je peux me permettre, Hélène, je pense que, dans un premier temps, déjà d'avoir un volet pour les nations autochtones au Québec, ce serait déjà un très grand pas.

M. Perron: Au niveau culturel? Mme Robertson: Oui, oui. M. Perron: D'accord.

Mme Robertson: Parce que je pense qu'il faut quand même être réalistes. C'est vrai qu'on a des particularités d'une nation à l'autre, mais, à partir de rien, je pense que, si on avait un volet spécifique pour les nations autochtones au Québec... Bon, s'il reste des spécificités, je pense que ce serait toujours possible de les régler une à une, mais, dans un cadre global, je pense qu'il est possible de penser à un volet autochtone pour les nations autochtones du Québec.

M. Perron: Donc, j'ai bien compris que ce serait un excellent début si un programme culturel spécifique s'adressait à l'ensemble des nations autochtones, dans lequel les Montagnais, les Montagnaises pourraient aller piger, si je peux m'exprimer ainsi, puis d'autres nations, comme les Cris ou les Inuit, etc., pourraient faire la même chose.

Lors de la présentation de leur mémoire la semaine dernière, les représentants de la nation crie ont signalé le danger de repli sur soi que représente une politique culturelle spécifique et gérée uniquement par un groupe distinct. D'ailleurs, je pense que vous avez ce type d'approche dans votre mémoire. L'apport culturel montagnais étant extrêmement important pour le Québec, en particulier dans mon comté et même dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, comment pourriez-vous assurer qu'une telle situation ne se produise pas, c'est-à-dire qu'il y ait un bris entre les nations?

Mme Boivin: Vous savez, c'est quelque chose qui risque de ne pas se produire parce qu'à l'ICEM, au secteur culturel, on fait beaucoup de choses pour que l'ensemble des Québécois puissent profiter de différents aspects de la culture autochtone. On vous a remis un rapport annuel. Vous pouvez voir, dans le programme Promotion, le nombre de conférences qu'on donne dans les différents secteurs d'activité, autant au niveau des écoles qu'au niveau des associations privées, pour permettre justement de faire part des préoccupations en matière culturelle de la nation montagnaise. On a aussi des collaborations avec des maisons d'exposition. Je vais vous donner un exemple. Ici, justement à Québec, la Vieille maison des Jésuites. Ça fait déjà deux ans qu'on collabore et on a mis sur pied trois expositions afin de faire connaître la culture montagnaise, l'histoire des Montagnais et certains aspects du patrimoine montagnais. On participe aussi à différents colloques ou conférences.

Je prends, par exemple, tout récemment, il y a eu le Forum des jeunes du Conseil permanent de la jeunesse et un groupe de Montagnais est allé représenter la nation à ce Forum des jeunes. Et, dans une autre optique, on s'implique de façon très intensive dans d'autres niveaux. Prenez, par exemple, le projet de synthèse d'histoire régionale de la Côte-Nord; on fait partie du comité directeur pour, justement, donner une présence et un cachet particulier à ce projet-là.

Je pense que, pour nous en tout cas, il n'y a aucun danger qu'il y ait un repli sur soi, au contraire. Et si vous saviez le nombre de téléphones qu'on a de gens qui veulent organiser des échanges, organiser des visites, organiser des rencontres avec les Montagnais, c'est surprenant. Moi, chaque matin, j'ai trois ou quatre téléphones, entre autres de jeunes qui viennent de partout. J'ai même des gens qui m'appellent de l'Afrique du Sud pour venir ici pour nous rencontrer. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de chances qu'il y ait un repli sur soi. Au contraire, on est très ouverts et on essaie le plus possible de donner à l'ensemble du Québec et aux autres aussi ce qui nous particularise comme nation.

Mme Robertson: Si vous me permettez, juste pour conclure, et dans le même sens qu'Hélène, on ne veut donc pas développer notre culture en vase clos. On veut gérer notre développement culturel pour nous permettre d'être sur la scène

avec tous les Québécois.

M. Perron: Merci, ça répond à la question que je voulais poser, parce que je pense qu'il y a toute une éducation à faire face aux cultures autochtones du Québec, aux cultures des différentes nations autochtones en rapport avec les Blancs. On peut parler de ce qui s'est passé dans les années passées, mais il reste une chose, c'est que ce qui s'est passé, par exemple l'an dernier - je ne veux pas en parler du tout, pas plus que ça - ça n'aide pas les choses au niveau de la compréhension entre les peuples qui demeurent sur le territoire du Québec, c'est-à-dire le territoire de 1912. Mais il reste que je suis très heureux de vous entendre dire que les échanges culturels entre les nations autochtones et la nation québécoise feraient en sorte qu'on se connaisse beaucoup mieux, puis ça permettrait d'évoluer ensemble dans un contexte culturel qui serait extrêmement particulier face à l'ensemble du restant du monde international. Si on peut en arriver là, je pense que c'est une chose qui serait extrêmement importante.

Le Président (M. Doyon): Un dernier mot de remerciement, M. le député. Le temps est terminé.

M. Perron: Je vais remercier en posant une autre question, M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Doyon): Un petit spécial, mais...

M. Perron: Dans le cadre de l'autonomie gouvernementale que vous connaissez quelque peu - mais je ne veux pas rentrer dans le vif des négociations, ce n'est pas là du tout mon but - comment pourrait s'inscrire la gestion de ia politique culturelle autochtone à l'intérieur de cette formule? Parce que je pense que c'est extrêmement important qu'on le sache en vue de l'avenir, parce que vous en faites une priorité, de la culture.

Mme Robertson: Vous me dites: La gestion, comment elle pourrait s'inscrire dans les négociations actuelles?

M. Perron: Oui. Comment pourrait s'inscrire la gestion de la politique culturelle que vous préconisez, c'est-à-dire celle des autochtones, à, l'intérieur de la formule dite d'autonomie gouvernementale? Il faut qu'on se comprenne bien là-dessus.

Mme Robertson: Oui. Je pense qu'il faudrait poser la question à nos politiciens, mais nous, comme on le disait tout à l'heure, je pense qu'en attendant d'en arriver à une autonomie gouvernementale, ce qu'on propose comme gestion...

D'abord, si vous me permettez, je sais qu'on termine bientôt et j'aimerais dire à Mme Hébert que, quand on parie de politique en matière culturelle, un volet autochtone, vous en avez un qui est tout prêt, hein. On a bien hâte qu'il devienne officiel. J'ai été très étonnée que, dans le rapport Arpin, on n'en fasse aucunement mention. Il est là, il est tout prêt et il est intéressant. Je pense qu'il y a peut-être des améliorations à y apporter, mais c'est un très, très bon début.

Donc, la façon dont on pourrait gérer ce développement culturel là, je me limiterai à répondre comme je le disais tout à l'heure, dans le cadre de protocoles, mais beaucoup plus loin que ce qu'on a présentement, qui se limite à un protocole de fonctionnement excessivement limitatif. Mais la gestion des programmes par la nation montagnaise, par les organismes en place, ce serait déjà nous donner l'expérience qu'il faut pour ensuite avoir la pleine autonomie de notre développement culturel.

M. Perron: Enlever le mur à mur.

Mme Robertson: Oui.

Le Président (M. Doyon): Merci.

Mme Boivin: J'aurais juste deux petites choses.

Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme Boivin.

Mme Boivin: O.K. Ça va s'intégrer au même titre que la prise en charge en éducation et aussi l'instauration du développement économique parce que, actuellement, les communautés en sont au tout début au niveau du développement économique. Ça va s'inscrire à ce niveau-là. Là, on est en train de travailler ça graduellement pour que ce soit quelque chose d'instauré et d'implanté de façon formelle.

M. Perron: Mettre les pièces du casse-tête en place.

Mme Boivin: C'est ça.

M. Perron: Pièce par pièce.

Mme Boivin: Pièce par pièce.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Perron: Merci, madame.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Un gros merci. Vous savez, hier, vous m'avez fait réfléchir parce que je disais ça à Mme Courchesne, qu'un de nos

récipiendaires du prix du Québec, M. Trigger, dans son discours, disait qu'il fallait - il a étudié beaucoup, aussi, toute la question autochtone et il se spécialise d'ailleurs là-dedans -beaucoup apprendre, finalement, d'une communauté à l'autre. Quand je vous écoutais et quand vous disiez: Nous autres, ce qu'on veut faire, c'est nous gérer pour mieux rayonner, bien, c'est à peu près la même chose qu'on dit, nous aussi, à Ottawa. Alors, c'est ce qui fait qu'on est faits pour s'entendre.

La politique dont vous parliez tantôt, en fait, elle est officielle; c'est parce qu'elle n'a pas été lancée, puis tout ça. Mais ce qu'on va faire - c'est une bonne base, elle est en application - c'est la reprendre ensuite pour voir s'il y a des améliorations et, après ça, on fera à l'intérieur même un lancement qui, finalement, sera comme il se doit. Alors, merci encore pour votre contribution.

Mme Boivin: Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la commission, il me reste à vous remercier et à vous souhaiter un bon voyage de retour; je sais que ce n'est pas à la porte pour vous. Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 19)

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