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(Quinze heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La séance est donc ouverte et je rappelle très
brièvement le mandat de cette commission. Il s'agit, pour nous, de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des
arts, tel que ça a été présenté à
l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci. On me dispensera de la
lecture de l'ordre du jour, étant donné que ça a
été distribué à tous les membres de cette
commission. Il me reste maintenant, tout simplement, à souhaiter la plus
cordiale des bienvenues à nos premiers intervenants. Nous
commençons la semaine avec la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins du Québec. Je leur souhaite
la bienvenue.
Les règles qui nous gouvernent sont très simples. Un tiers
du temps est alloué à votre groupe pour faire la
présentation qui est la vôtre, soit par la lecture du
mémoire que vous avez déjà transmis à cette
commission ou par un résumé du mémoire, comme vous
voudrez. Après ça, la conversation s'engage entre vous et les
membres de la commission pour le reste du temps. Compte tenu du nombre de
groupes que nous avons à entendre, je me verrai dans l'obligation,
cependant, de faire respecter l'horaire, ce que vous comprendrez, bien
sûr.
Alors, M. Béland, M. Caron ainsi que M. de Pasquale, je vous
souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous invite à
commencer.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Béland (Claude): Merci, M. le Président.
D'abord, permettez-moi de vous donner les titres de ceux qui m'accompagnent:
à ma droite, M. Yvan Caron, deuxième vice-président du
conseil d'administration de la Confédération et président
de la Fédération des caisses populaires de Québec, et,
à ma gauche, M. Dominique de Pasquale, directeur de l'information et des
affaires publiques à la Confédération des caisses.
Je veux d'abord vous remercier de donner au Mouvement Desjardins
l'occasion de présenter ce mémoire à votre commission. Je
pense que si le Mouvement est bien connu au Québec et si on
connaît aussi ce succès, ce qui n'est peut-être pas dit
souvent, c'est que ce succès n'aurait pas été possible
s'il n'avait pas été le produit fidèle d'une culture et
s'il n'avait pas continué de s'enraciner et de s'adapter jour
après jour, et ça, depuis 90 ans, dans ce Québec qui se
fait, qui se vit dans l'ensemble des régions, parce que nous croyons, au
Mouvement Desjardins - je pense que nous ne sommes certainement pas les seuls -
que l'humain ne vit pas uniquement dans des économies, qu'il vit aussi
et, je dirais même, qu'il vit surtout dans des sociétés, ce
qui est fort différent. C'est une façon de dire que l'humain est
un être complexe, multidimensionnel, qui ne se situe pas seulement dans
un cadre économique, mais qui est surtout le produit d'une culture.
C'est d'ailleurs de cette culture que relève toute notre vie sociale.
Nous, comme fournisseurs de services financiers, la culture nous oblige
à la bien connaître pour être en mesure de répondre
adéquatement aux besoins de nos membres. C'est elle qui justifie notre
raison d'être et qui nous motive. C'est elle qui nourrit l'imaginaire de
nos artistes, qui stimule nos créateurs et qui donne son expression
à notre diversité.
C'est évident que, cette culture, le Québec en a besoin
car c'est elle qui inscrit notre différence en Amérique du Nord
et qui nous distingue des autres peuples. Elle est la source de notre
vitalité économique et le moteur de notre société.
Nous y accordons beaucoup d'importance, et particulièrement dans le
monde d'aujourd'hui, car il suffit d'être le moindrement à
l'affût des événements qui secouent les
sociétés un peu partout sur la planète pour constater
à quel point la culture demeure une préoccupation fondamentale
des peuples. Même dans le contexte d'ouverture des frontières et
de globalisation des économies et des marchés, nous assistons
à une réaffirmation des cultures et à une volonté
ferme de consolidation des identités nationales.
S'il est vrai que, sur le plan économique, nous devenons des
citoyens du monde, sur le plan des cultures, nous voyons partout resurgir les
États-nations. En ce sens, il faut accorder un grand soin à la
culture dans ses moindres manifestations. D'abord, cette culture passe par une
langue commune qui en est, évidemment, la pierre angulaire, mais elle ne
saurait uniquement s'en tenir à celle-ci. Même si la langue est
l'élément le plus vital de notre culture et de notre
identité, la culture ne peut s'y borner. Cette culture doit aussi
prendre source dans son histoire, dans ses origines, dans son évolution.
Il faut savoir d'où l'on vient pour mieux savoir qui l'on est et quelle
est sa destinée.
Nous pensons qu'il faut donc donner aux jeunes le goût de la
culture dès leur bas âge,
susciter, dès l'enfance, leur intérêt à son
égard. Ce sont les jeunes, en effet, qui assurent toute politique
culturelle à long terme et qui en garantissent la continuité. En
ce sens, nous sommes persuadés que la culture ne peut se
développer sans que ne se développe également le
goût pour une éducation de qualité ainsi que la conviction
que la culture doit nécessairement s'arrimer au monde de
l'éducation. À notre avis, le groupe-conseil ne semble pas avoir
poussé assez loin sa réflexion dans ce domaine.
Les arts constituent aussi, selon nous, un produit essentiel à la
survie de notre peuple. C'est en grande partie à travers les arts que
nous créons, transmettons, assurons notre continuité et que nous
alimentons notre créativité, mais les artistes et le public ont
des assises diverses qui ne sont pas toutes urbaines, il ne faut pas l'oublier.
Les arts sont aussi l'expression d'une réalité régionale,
différente d'une réalité urbaine, et les artistes
contribuent au rayonnement de leur région, à sa qualité de
vie, à son attrait touristique et, dès lors, à son
développement économique.
Les régions du Québec doivent donc occuper une place
importante dans toute politique culturelle à venir, ainsi que, je pense,
l'influence des autochtones. Je pense que c'est à eux qu'on doit
peut-être une partie de notre propre culture. J'allais même dire
que c'est peut-être cette culture des autochtones qui nous a permis de
survivre. À ce sujet, il convient de préciser que, même si
la culture peut donner naissance à des produits qui sont disponibles sur
le marché et qu'il existe, à cet égard, une dimension
économique essentielle de la culture, celle-ci ne peut être
réduite à cette seule dimension et être conçue
uniquement comme un bien marchand. Elle est beaucoup plus que cela.
La culture, c'est notre façon à nous, du Québec,
d'être au monde, d'agir collectivement et d'affirmer nos
différences. Notre culture ne peut donc s'acheter, pas plus qu'elle ne
peut se vendre. C'est pourquoi le Mouvement des caisses Desjardins a
déjà recommandé devant une autre commission et recommande
de nouveau devant celle-ci le rapatriement complet, par Québec, à
la fois des pouvoirs et des fonds relatifs à la culture.
Il n'y a pas beaucoup de peuples, je pense, qui accepteraient de confier
à un autre le droit de légiférer dans les matières
qui peuvent avoir une incidence sur ce qu'ils sont ou sur ce qu'ils vont
devenir et qui se satisferaient d'un statut de minoritaire dans les
décisions relatives à leur souveraineté culturelle. De
plus, l'évident chevauchement qui existe actuellement entre les niveaux
de gouvernement en ce qui a trait au partage des compétences est
inacceptable non seulement du point de vue des principes, mais aussi en raison
du gaspillage de fonds et d'énergie qu'il entraîne.
D'ailleurs, il est assez humiliant d'entendre dire que nous n'aurions
pas les moyens de notre souveraineté culturelle et que nous aurions,
pour l'assurer, besoin de fonds qui viendraient d'ailleurs. Comme si les
Québécois et les Québécoises ne payaient pas
d'impôt et de taxes à d'autres généreux
gouvernements qui nous soutiennent dans nos efforts culturels. J'ai toujours
cru qu'en ce domaine nous recevions autant que nous donnions. Et preuve de
chevauchement stérile pour s'en convaincre, on passe beaucoup de temps
à calculer ce que nous donnons et ce que nous recevons. Pourtant, en
acquérant nos pleins pouvoirs en ce domaine, peut-être
passerions-nous moins de temps à comptabiliser et plus de temps à
innover et à créer.
L'État du Québec doit lui-même assumer, par une
politique culturelle solidement étayée de moyens et de budgets,
les pleins pouvoirs en matière de culture. Il doit en être le
catalyseur. Et si, dans la conjoncture économique actuelle, il ne peut
assumer à lui seul les coûts de cette prise en charge, il doit,
comme le groupe-conseil le suggère, avoir recours au secteur
privé. On a proposé, depuis quelque temps déjà, que
les entreprises consentent à consacrer 1 % de leur profit brut à
des oeuvres philanthropiques. L'idée fait son chemin; elle
mérite, selon nous, d'être soutenue et encouragée. Le
Mouvement des caisses Desjardins appuie cette proposition et accomplira, selon
ses possibilités, sa part, comme il l'a fait par le passé. Mais,
du moins dans une période de transition, puisque nous avons
été habitués à vivre sous le règne de
l'État-provi-dence, cette participation des entreprises ou du milieu des
affaires, si importante soit-elle, ne peut s'accompagner du
désengagement de l'État. Le gouvernement du Québec doit
donc, à notre avis, continuer à assumer ses
responsabilités de principal bailleur de fonds dans cet important
dossier.
Le Mouvement des caisses Desjardins suggère donc à la
commission une série de mesures susceptibles de réorienter
certaines des propositions énoncées dans le rapport du
groupe-conseil. Ainsi, nous recommandons le rapatriement complet, par le
Québec, des pouvoirs et des fonds relatifs à la culture. Nous
recommandons que le gouvernement envisage immédiatement une politique
articulée, étayée de moyens adéquats, qui permette
au ministère des Affaires culturelles une intervention rapide dans un
dossier qui est pressant. Nous recommandons que le ministère appuie en
priorité les arts dans sa politique culturelle et qu'il mette pour cela
l'accent sur les artistes et sur la création en augmentant les budgets
qui leur sont destinés. Et nous recommandons, spécifiquement dans
ce domaine, que le ministère consolide certaines formes d'intervention
directe déjà existantes en développant, par exemple, sa
politique d'achat d'oeuvres d'art, en favorisant des initiatives
régionales, en intégrant plus intimement les autres cultures et
en sauvegardant le patrimoine
culturel. En matière de soutien aux arts, nous suggérons
au gouvernement de concrétiser sa promesse du 1 %. (15 h 45)
Nous recommandons que le ministère, dans l'application de sa
politique, consente une aide aux régions dont nous savons qu'elles
constituent une riche réserve de dynamisme et de
créativité. Nous recommandons tout particulièrement que le
ministère se préoccupe des jeunes en faisant une place importante
à la relève; qu'il envisage la nécessité de revoir
la formation offerte aux jeunes et aux adultes en matière de culture et
d'art. Nous recommandons, dans le domaine des industries culturelles, que le
ministère entreprenne les démarches qui s'imposent pour rapatrier
le droit d'auteur au Québec et qu'il encourage la mise sur pied d'une
société destinée à défendre les
intérêts des créateurs et des auteurs
québécois dans le domaine du livre, de l'audiovisuel et du
film.
Nous recommandons, dans le domaine du financement, que le
ministère assure une gestion efficace des dépenses culturelles,
notamment par une plus grande concertation des partenaires sociaux et par des
mesures fiscales appropriées. Nous recommandons au gouvernement de
travailler à sensibiliser le secteur privé à ses
responsabilités en matière culturelle, tout en réaffirmant
sa détermination à ne pas se désengager du dossier.
Nous recommandons enfin que le gouvernement apporte un meilleur appui
aux efforts de diffusion et d'ouverture sur le monde; qu'il appuie la
création et la diffusion d'oeuvres québécoises en faisant
valoir l'importance et la spécificité.
Parallèlement à cela, nous recommandons que le
ministère poursuive les efforts entrepris pour favoriser la traduction
et le doublage des films et des téléromans étrangers au
Québec. Par ailleurs, nous recommandons aux partenaires du monde des
arts et, notamment, aux entreprises d'accentuer leurs efforts de soutien aux
arts.
Puisque nous sommes tous conscients que l'État ne saurait assumer
seul, à cet égard, l'ensemble des responsabilités et qu'il
ne serait d'ailleurs pas souhaitable qu'il le fasse, nous prônons la
recherche de solutions nouvelles, sans doute collectives, au financement des
arts. Nous croyons qu'il nous reste à trouver ensemble, à ce
chapitre, le concept approprié qui pourrait s'inspirer des
modèles québécois de concertation entre les
différents partenaires socio-économiques.
Ce n'est qu'à ces conditions qu'il sera possible, croyons-nous,
de parler d'une politique culturelle et artistique véritable,
conçue comme partie intégrante d'un projet de
société. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Béland. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Béland, M. Caron et M.
de Pasquale, je vous souhaite la bienvenue. Ça nous fait un réel
plaisir de vous voir ici, à cette commission parlementaire, d'autant
plus que nous voulions et nous encouragions finalement les groupes qui sont nos
partenaires économiques, nos groupes au niveau du système de
l'éducation, par exemple, à venir aussi parler de culture pour
que le débat soit très large.
Je suis aussi sensible, notamment, à l'importance que vous
accordez, d'abord, à la relève, deuxièmement, à
l'initiative régionale - on a beaucoup parlé des régions,
ces dernières semaines, et de l'apport des régions - à
l'accueil aussi des diverses cultures et au rôle de l'État et du
privé. Je voudrais profiter d'ailleurs de votre expertise comme
entreprise au niveau financier pour parler un peu de ce
rôle-là.
Vous parlez d'abord et vous dites qu'évidemment il faut que
l'État reste le principal moteur, si on veut, de toute l'activité
culturelle. Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Par contre, vous
qui connaissez bien les milieux d'affaires, quelles sont les mesures... Vous en
parlez, de toute façon, au niveau de vos recommandations, quand vous
dites: II faut inciter nos partenaires de l'entreprise privée. Vous
parlez même de les inciter à investir 1 % de leur budget.
Certaines entreprises le font d'emblée, mais d'autres se font quand
même tirer l'oreille. Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des mesures -
qu'elles soient fiscales ou autres - qui seraient particulièrement
efficaces pour encourager les entreprises privées à participer
davantage au niveau de leur investissement culturel?
M. Béland: Notre impression là-dessus, c'est que
c'est une chose d'encourager les entreprises à être
généreuses, mais on se demandait si on ne pouvait pas faire un
pas de plus, comme on a fait, par exemple, dans le domaine du
développement, dans le domaine de l'emploi. On y pense actuellement.
Quand je référais à toutes les tables de concertation qui
existent actuellement au Québec, on se disait: Est-ce qu'on peut amener
les gens d'affaires à penser en termes d'investissements aussi? Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu... Ce n'est pas très fouillé, la
proposition que je vous fais, mais est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer un
fonds de développement des industries culturelles sur le modèle
de fonds de développement qu'on connaît déjà, qui
sont assez élaborés actuellement?
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il serait possible de
penser... Nous avons eu des représentants de la FTQ, par exemple, qui
nous ont dit: Nous, on a des fonds de développement régionaux et
les entreprises culturelles peuvent y faire appel. Est-ce qu'il serait possible
de penser un peu comme la solution du rapport Coupet, c'est-à-dire de
créer un fonds entreprises privées,
municipalités, gouvernement au niveau régional? Voyez-vous
ça d'un bon oeil comme montage financier, par exemple?
M. Béland: Ma réponse est oui. Mais je pense qu'il
y a d'autres modèles qu'on peut examiner. Je prends, par exemple, celui
que le gouvernement actuel a mis sur pied, il n'y a pas tellement longtemps,
qui est la Société d'investissement-jeunesse, qui était la
constitution d'un grand fonds qui est finalement un fonds de cautionnement.
Moi, j'ai le privilège de siéger sur le comité
exécutif. On a quand même réussi à obtenir, de
l'ensemble des entreprises québécoises, pas loin de 4 000 000 $,
ce qui nous permet, en somme, de tripler le financement. Avec une caution de 4
000 000 $, vous êtes capables... vous cautionnez les institutions
financières pour des jeunes qui veulent se lancer en affaires s'ils ont
un bon projet. Je me disais: Est-ce qu'on peut faire la même chose pour
le développement de la culture, pour le développement des arts en
particulier? Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer une société de
ce genre-là où les gens, évidemment, souscriraient
à un fonds de base qui serait un fonds de cautionnement, mais qui
permettrait parfois de tripler et même de quintupler le financement
à la disposition des artistes et de ceux qui voudraient
développer les arts par cette formule-là? Évidemment, il
me semble que ça mériterait...
Mme Frulla-Hébert: Ça mériterait
d'être regardé. Nos entreprises culturelles se plaignent bien
souvent du manque, je dirais, de crédibilité, à certains
moments donnés, au niveau de leur gestion, de telle sorte que c'est
très difficile pour elles d'avoir justement des prêts bancaires,
par exemple. Au niveau des institutions financières, on est quand
même très réservé. Quand on arrive et qu'on dit
qu'on est des entreprises de l'industrie culturelle, elles semblent beaucoup
plus difficiles pour ce genre d'industrie qui est quand même un secteur
de développement et qui génère beaucoup d'argent au niveau
de notre économie. Il y a encore une réticence. Est-ce que vous
sentez que cette réticence-là est en train de diminuer, et aussi
un peu le pourquoi de tout ça?
M. Béland: Je pense que, si on se réfère
à des entreprises culturelles qui s'autofinancent ou qui...
évidemment, il n'y a pas de problème. Ce sont celles dont la
continuité est souvent dépendante de subventions qui viennent, la
plupart du temps, des gouvernements. Comme les subventions ne sont pas
nécessairement garanties à long terme, qu'elles sont à
très court terme, il est difficile, pour une institution
financière, en regardant les chiffres et en réalisant qu'il y a
des revenus qui sont toujours à court terme, qui sont sujets à la
décision d'un ministère ou d'un gouvernement, dans ce
sens-là, de s'engager à long terme. Ce qu'on dit dans notre
mémoire, d'ailleurs, c'est que, s'il y avait moyen de gérer
l'aide culturelle en assurant une plus grande permanence, une plus grande
garantie de permanence, peut-être que ça aiderait les institutions
financières à se montrer plus disposées à faire les
financements requis.
Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, notre politique du plan
triennal aide...
M. Béland: Oui, absolument.
Mme Frulla-Hébert:... à ce niveau-là.
M. Béland: Plus elle va être - "permanente" est un
mauvais mot - durable, plus les banquiers et les caisses, évidemment,
vont être ouverts à fournir du financement.
Mme Frulla-Hébert: Je veux toucher un autre sujet et,
celui-là, sans être... Parce qu'il faut faire attention. Je ne
veux pas, quand même, que ce soit le coeur même du débat
parce qu'on a à regarder... Si on est ici, en commission parlementaire,
c'est parce qu'on veut des changements et qu'il y a un profond besoin de
changement. Cela dit, vous avez parlé du rapatriement des pouvoirs. Il y
a quelque temps, et à ma grande surprise finalement, quand j'ai fait la
réflexion de la réaction un peu du milieu qui semble craindre le
fait que nous sommes, au Québec, qu'on soit le maître d'oeuvre
complet au niveau culturel et développement culturel; finalement, il y a
eu deux craintes. La première, c'est que, si on rapatrie les pouvoirs,
il faut rapatrier l'argent. On ne peut pas en avoir plus qu'on n'en a
présentement et il nous en manque déjà. Il y en a une
deuxième, moi, qui me fait plus peur, c'est l'espèce de police
d'assurance qu'on cherche, c'est-à-dire que certaines personnes ou
certains groupes nous disent: On va cogner à une porte, on nous dit non;
on va cogner à l'autre porte, on nous dit oui. Alors, deux choses: on a
une garantie, d'une part, ou encore on peut se servir de la deuxième
porte pour faire des pressions sur la première. Alors, ça, c'est
un autre débat. Mais au niveau justement du fait que le Québec,
en soi, devrait rapatrier tous les leviers de telle sorte qu'on puisse garantir
notre développement et, comme vous l'avez dit si bien aussi,
éviter le chevauchement qui nous coûte plusieurs dizaines de
millions de dollars, à ce moment-là, qu'est-ce que vous
répondriez à ça, vous, M. Béland?
M. Béland: Écoutez, si on rapatrie notre maison,
ça n'empêche pas d'avoir deux portes dans notre maison. C'est une
question de gestion. C'est le même débat qu'on a fait autour de la
Caisse de dépôt. Souvenez-vous quand les gens disaient: On va
cogner à la porte de la Caisse de dépôt: si elle nous
refuse, bien là, on est mal
pris, il n'y en a pas deux Caisses de dépôt au
Québec. Alors, les gens disaient: II faut scinder la Caisse de
dépôt. J'ai entendu ça souvent depuis 15 ans que je suis
dans le domaine. J'ai entendu ça très souvent et c'était
le même argument. On nous disait toujours: Ah! quand les gens de la
Caisse de dépôt nous disent non, on est fini. Donc, ça, il
faut changer peut-être le mode de gestion à l'intérieur de
la Caisse de dépôt, donner des portes additionnelles, donner des
droits d'appel, permettre aux gens de revoir le dossier. Mais, là, de
dire: Pour être sûr que je peux faire ouvrir des portes, ça
me prend deux maisons, moi, je ne suis pas d'accord parce que, là, on
retrouve les chevauchements et on retrouve... Ce n'est pas simplement des
chevauchements en coût, c'est des chevauchements en orientation.
Moi, j'ai été président de l'Opéra de
Montréal et je me souviendrai toujours - ça m'avait
frappé, qu'est-ce que vous voulez, on évolue à travers ces
expériences-là - que j'allais chercher 800 000 $, à
l'époque, au gouvernement fédéral et on me disait: Oui,
mais à une condition: vous allez embaucher des artistes étrangers
parce qu'on veut un opéra de qualité, et je venais chercher 1 200
000 $ au Québec et on me disait autre chose. On me disait: À la
condition que... Et là il fallait que ce soit des artistes d'ici autant
que possible. Je naviguais entre ça, un petit peu d'étrangers, un
petit peu de Québécois et, l'année suivante,
j'espérais que les deux gouvernements me disent oui. Mais, en termes de
paperasserie, de bureaucratie, c'est énorme ce qu'on était
obligé de faire en perte de temps et en inquiétude. On passait
plus de temps, finalement, à gérer ces orientations
contradictoires, parce qu'elles étaient vraiment contradictoires. On
essaie de gérer avec des indications. On dit: On vous donne 800 000 $,
mais faites telle, telle, telle chose, et l'autre nous dit: Faites ça.
Donc, on n'est pas capable d'avoir une politique cohérente, on ne sait
pas trop où on s'en va et on navigue à travers tout ça.
Dans ce sens-là, ça m'apparaît très important
d'avoir une maison et si, pour rendre les gens plus secures, pour qu'ils
puissent y entrer, ça prend plusieurs portes et plusieurs
fenêtres, bien, faisons-le chez nous, mais ce n'est pas
nécessaire, à mon sens, d'avoir deux maisons.
Mme Frulla-Hébert: On parle aussi beaucoup des
institutions. Justement, vous avez touché... Souvent, on nous pose la
question en nous disant: Oui, parfait pour les programmes, mais les
institutions, ça serait impossible, etc. Compte tenu de votre
expérience - vous parlez de la Caisse de dépôt - si on
s'entend sur le principe, on peut ensuite s'entendre au niveau des
institutions, j'imagine. (16 heures)
M. Béland: J'imagine. Je ne vois pas de contradiction
là-dedans. Ça va.
Mme Frulla-Hébert: Je vais toucher, parce que le temps
presse, au niveau régional. Vous avez beaucoup d'implication,
évidemment, au niveau régional et c'est aussi très
important pour vous, toute cette régionalisation. D'ailleurs, ça
fait votre force. Et les régions viennent aussi en grand nombre nous
démontrer et plaider avec énormément de vitalité
leur apport au niveau de la culture. Mon confrère et moi étions
à Rouyn, par exemple, au Festival du film, et on s'est aperçu
aussi de tout l'effort, de tout l'engouement et de ce que peut faire un
événement semblable dans un région. Je pense au Festival
de folklore de Drummondville qui est aussi d'un grand apport économique
et de sensibilisation au niveau culturel, etc. Mais au niveau régional,
qu'est-ce qu'on peut faire au niveau des municipalités, par exemple, au
niveau même de votre organisation? Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut
mettre sur pied pour faire plus, justement, pour développer les
régions et les convaincre de toute la dimension culturelle?
M. Béland: Oui. Dans notre mémoire, on a
suggéré peut-être de se rapprocher des
municipalités, de voir des possibilités à travers les
unions municipales ou régionales de comté. On n'est pas
allé très loin non plus dans ça. Il nous semblait qu'il y
avait peut-être des pistes, mais ce qui nous apparaît essentiel,
c'est que, si c'est important pour le Québec, la vie culturelle - on dit
toujours que c'est la base, on le dit dans notre mémoire, je pense que
ça fait l'unanimité - c'est aussi important pour les
régions. Les gens qui vivent en région ont fait des choix. C'est
sûr que ce ne sont pas des gens qui veulent la qualité de vie
d'une ville; ils ont une autre sorte de qualité de vie, mais
celle-là ne peut pas non plus se priver de son aspect culturel. Quand on
la divise en trois: la création, la production et la diffusion, je pense
que la création, en région, est aussi riche et qu'il faut la
favoriser. Quand je pense à nos peintres de Charlevoix, quand je regarde
nos chansonniers qui viennent de toutes les régions du Québec, la
création est extrêmement riche. Il ne faut pas l'empêcher,
il ne faut pas l'étouffer. Aujourd'hui, les moyens de production ne sont
plus les mêmes qu'ils étaient il y a quelques années. Ils
sont quand même possibles en région. Moi, j'ai ce privilège
d'aller partout à travers le Québec, fréquemment. J'ai
été à Gaspé il n'y a pas tellement longtemps. La
vie culturelle, ce n'est pas simplement des choses ponctuelles comme un
festival ou une activité à un moment donné. La vie
culturelle, il faut qu'elle soit permanente et je sentais qu'en
Gaspésie, entre autres, il y avait là quand même une vie
culturelle, selon leurs moyens, qui était extrêmement riche.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Béland, M. Caron, M. de Pasquale,
bienvenue. Il va de soi que votre mémoire a été lu et il
va de soi que la présence de cette puissante Fédération
était attendue. C'est une des plus grandes forces économiques du
Québec. Je pense qu'il était tout à fait normal que vous
interveniez. D'ailleurs, je n'en ai jamais douté.
Ceci étant dit, je vais aller immédiatement au
questionnement puisque vous savez que, malheureusement, le temps qui nous est
imparti est, malgré tout mince, compte tenu du nombre d'organismes. M.
Béland, dans quelques semaines, vous allez présider un important
forum qui est le Forum pour l'emploi. Je vais me servir d'un exemple que je
voulais surtout adresser aux gens de l'édition qui vont venir dans
quelque temps, mais je vais d'abord passer par vous, et ça ne sera pas
de la redite, de toute façon. Quand ils viendront, ils auront
peut-être senti un apport et un appui des caisses populaires.
Il y a un roman qui a été publié, "Les filles de
Caleb. Vous savez, dans toutes les sphères de l'art, la
littérature, le livre est celle qui demande le moins d'investissement de
l'État. "Les filles de Caleb" a débouché sur une
série télévisée qui nous a tous captivés et
qui a attiré 150 000 visiteurs dans la région de la Mauricie
où le tournage a été fait.
M. Béland, croyez-vous que, notamment en région - et vous
avez parlé de la Gaspésie qui est une région qui a des
difficultés particulières, le sous-développement
permanent, comme dit un livre très actuel - le développement
culturel souvent précède le développement
économique, dans le sens qu'H l'amène, très
assurément?
M. Béland: Dans notre mémoire, je pense qu'on le
dit. Il n'y a pas de raison à un développement économique
si on ne le fait pas en fonction des individus qui vivent dans une
région. Les gens sont là. C'est d'abord l'apport culturel. C'est
d'abord ce que sont les gens qui fait qu'ils ont le goût de
développer une économie pour pouvoir demeurer là où
ils veulent vivre. Dans ce sens-là, l'aspect culturel est fondamental.
Il est premier. Les gens sont là parce qu'ils veulent demeurer dans une
région. Ils se donnent des activités économiques pour se
donner le moyen de vivre dans la région.
La réponse à votre question, c'est sûr que c'est
oui. La culture est prioritaire, à notre point de vue. Et c'est ce qui
fait qu'il y a des caisses partout. Les gens voulant vivre dans une
région, ils se sont donné une caisse. Ils ont trouvé
là un moyen de regrouper leurs épargnes pour être capables
de vivre dans ce milieu-là, selon la qualité de vie qu'ils
voulaient se donner.
M. Boulerice: C'est vrai que, la dimension régionale,
c'est une chose qui ne peut pas vous échapper. De toute façon,
votre mouvement est parti d'une région, celle de
Chaudière-Appala- ches. On peut parler de la culture économique
des régions aussi. Et ça a débouché aussi sur la
plus grande banque québécoise, une des plus importantes au monde,
d'ailleurs, en termes de dépôts.
La deuxième question que j'aimerais vous adresser... Vous avez
une longue tradition de mécénat. Mme la ministre a fait allusion
au festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue
où nous avions le plaisir d'être tous deux. Oui, les caisses
populaires étaient éminemment présentes dans le support
financier, etc. Même vos directeurs de caisse et employés
étaient parmi les nombreux bénévoles qui y travaillaient.
Lorsque votre institution comme telle décide au niveau du
mécénat, est-ce que vous avez - sans que la règle soit
peut-être nécessairement écrite - une préoccupation
régionale, en disant: Compte tenu de nos activités, de notre
dispersion sur l'ensemble du territoire, nous devons tenir compte effectivement
des régions et, notamment, peut-être ajouter une dimension, les
régions pour qui le financement au niveau du mécénat pose
problème? Parce que, comme je dis, ce n'est pas toutes les
régions qui ont des multinationales, ce sont les centres-villes et, de
préférence, les centres métropolitains qui ont les
puissantes multinationales.
M. Béland: C'est peut-être un des avantages qu'on a.
On n'est pas une grande entreprise, on est un grand regroupement de petites
entreprises. Donc, le mécénat, chez nous, se fait à
travers le réseau des caisses. Les caisses elles-mêmes contribuent
localement aux activités de leur milieu, mais c'est surtout au niveau
des fédérations que ça se passe. Les grands dossiers
nationaux gérés par la Confédération ne sont pas
très nombreux, chez nous. Le plus gros budget n'est pas au niveau de la
Confédération. Quand on parle de 1 300 000 $, en 1990, c'est la
somme totale, finalement, des contributions de chacune des
fédérations. Si je prends le niveau de la
Confédération, nous, on soutient, par exemple, la
Société historique Alphonse Desjardins qui est une forme
d'activité culturelle qui rappelle toute l'histoire du Mouvement et, en
même temps, un peu du Québec. On a des activités de ce
genre-là. Mais c'est au niveau des fédérations surtout
qu'on apporte l'aide. L'Orchestre symphonique de Québec... Je pense que
M. Caron pourrait parler largement de tout ce que la Fédération
de Québec fait, ici, dans la région. Peut-être, M. Caron,
voulez-vous ajouter à ça?
M. Caron (Yvan): Oui. D'abord, nous, on participe beaucoup au
niveau de l'Orchestre symphonique, au niveau de la Fondation du Trident, de
l'Opéra de Québec, du Festival d'été, au niveau du
volet culturel. Aussi, comme M. Béland l'a dit, quand on se
promène à l'intérieur de notre région et à
l'extérieur aussi, jusque sur
la Basse-Côte-Nord, pour chacune de nos caisses, c'est
peut-être une de leurs principales occupations de voir à aider le
volet culturel dans chacun de leur secteur.
M. Boulerice: II y a une autonomie de gestion, M. Caron?
M. Caron: Oui. En plus, souvent, ce que la caisse populaire ou
les caisses populaires, au niveau des régions... On revient avec la
Fédération qui en met peut-être autant que nos caisses des
régions.
M. Boulerice: Une dernière question de ma part, puisque
mon collègue, le député de Mercier, aimerait aussi
intervenir. M. Béland, au moment où des milliers de
Québécois sont braqués sur leur écran en
syntonisant Radio-Québec, se demandant s'ils n'entendront pas: Fin
définitive de nos émissions, vous mentionnez, à la page 20
de votre mémoire, l'importance de Radio-Québec et vous dites:
"Radio-Québec est une société d'État." Un groupe de
parlementaires du parti ministériel vient de suggérer de fermer
Radio-Québec. Je vous avoue que ça doit préoccuper bien
des gens au Québec. Dans l'optique où on ne persistera pas et
où on reviendra à la raison... Est-ce que vous croyez qu'on peut
développer une politique des arts et de la culture au Québec en
mettant de côté l'immense volet des communications?
M. Béland: Non, ça nous apparaît essentiel.
On n'a pas changé d'idée depuis qu'on a écrit le
mémoire. Ce qu'on dit là-dedans, évidemment, on y croit.
Au contraire, on pense qu'il faut développer davantage
Radio-Québec. Mais, quand on aura rapatrié tout ça, ce
sera évidemment plus facile de le faire.
M. Boulerice: Mais Radio-Québec en région, à
titre non pas uniquement de diffuseur, mais de producteur.
M. Béland: Au moment où s'était
décidé l'annulation des centres de production en région,
le Mouvement Desjardins s'y était objecté fortement. On a perdu
cette bataille, mais... Ça nous arrive.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Mercier, pour un maigre
cinq minutes.
M. Godin: Maigre, c'est le mot, mon cher monsieur. M. le
Président, j'aimerais vous faire une suggestion qui est en même
temps une question et qui s'inspire de ce que j'observe dans mon comté
de Mercier depuis 15 ans que je suis député. Ayant l'honneur
d'être membre de l'Union des écrivains, beaucoup
d'écrivains viennent me voir, beaucoup de créateurs aussi, et ils
me disent tous: On est allés à la caisse pop et il n'y a pas de
programme, il n'y a pas d'argent à nous prêter à nous.
Alors, est-ce qu'il est envisageable que le Mouvement Desjardins
établisse, après consultation évidemment avec les
instances habituelles, un programme d'aide aux artistes de la relève et
arrivés, c'est-à-dire aux jeunes qui, des fois, voient passer
sous leurs yeux des lieux à louer tout à fait conformes à
leurs aspirations, mais qu'ils ne peuvent pas louer ni faire de
dépôt de location parce qu'ils n'ont pas le liquide requis?
M. Béland: Ma réponse à ça, M. Godin,
c'est que, nous, on pense que, lorsqu'on est dans le domaine - on est presque
dans le domaine, l'équivalent de la recherche et du
développement, quand on est dans le domaine des entreprises -c'est vrai
qu'il faut encourager la création en matière d'arts, en
matière d'écriture, en matière de musique et
d'architecture, et tout ça. Il faut encourager la création, mais,
souvent, cette création-là n'est pas encore rentable. C'est la
même chose que dans le domaine économique ou dans le domaine des
entreprises. La recherche et le développement, ça doit être
soutenu et, si ça doit être soutenu par l'entreprise
privée, je pense qu'à ce moment-là ça ne peut pas
être uniquement la responsabilité d'une institution
financière. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on
suggérait la création de concertation sur le modèle de la
Société d'investissement-jeunesse, sur le modèle du Fonds
des travailleurs du Québec et sur d'autres modèles du genre.
Lorsqu'on le fait en concertation, au moins sur le plan concurrentiel, on est
tous sur le même pied et ça rend les choses beaucoup plus
faciles.
M. Godin: M. le Président, je ne crois pas qu'on puisse
dire que les artistes se lancent en affaires.
M. Béland: Raison de plus.
M. Godin: Ils ne se lancent pas en affaires, ils se lancent dans
la création.
M. Béland: Exact.
M. Godin: Et, dans bien des cas, ce n'est que longtemps,
longtemps après que leurs oeuvres, dans quelque domaine que ce soit,
leur rapportent, sans compter ce que Revenu Québec et Revenu Canada vont
prélever. Je pense, entre autres, à Réjean Ducharme, qui a
plusieurs romans à son actif, dont la plupart des livres sont des
chefs-d'oeuvre d'ailleurs, qui reçoit un prix de 100 000 $ de la
fondation Émile-Nelligan et qui se voit ponctionner à mort,
à l'os, à la minute où il le touche, sans avoir le
recours, comme Guy Lafleur avait dans le temps, d'étaler ses revenus sur
plusieurs années, parce qu'il y a des années 0,00 $ et des
années à 100 000 $.
M. Béland: II est certain que, d'une façon
ponctuelle, le Mouvement Desjardins, les caisses aident souvent dans des
publications de certains auteurs, mais je pensais que vous me parliez de
quelque chose de plus permanent et...
M. Godin: Ce que je suggérais, M. le Président,
c'est tout simplement la conclusion de ce que j'ai observé dans mon
comté. C'est que, s'il y avait dans les caisses pop un
sous-comité de prêts qui ne prêtait qu'aux artistes de la
relève ou arrivés mais qui ont des besoins imprévus, je
crois que les caisses populaires, à ce moment-là, se
démarqueraient de l'ensemble des organismes mécènes
existants.
M. Béland: C'est bien noté, M. Godin.
M. Godin: Alors, on verra si vous notez avec le bon crayon. C'est
tout, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Mercier. Quelques mots de remerciement, si vous le désirez, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (16 h 15)
M. Boulerice: Oui. M. Béland, vous avez dit: Nous ne
sommes pas une immense entreprise, nous sommes un immense regroupement de
petites entreprises. Mais c'est ça, le domaine des arts, de la culture
et de la communication, c'est l'immense regroupement de petites entreprises.
C'est, 1989-1990, en termes de dépenses publiques et de revenus de
recettes, 13 000 000 000 $ au Québec. Alors, je pense que nous convenons
tous deux qu'il est temps que nous gérions nous-mêmes cette
immense ressource, d'une part, humaine et financière, sans
ingérence de qui que ce soit, n'en déplaise à M. Beatty
qui renouvelait hier son engagement de défendre notre bien. Merci, M.
Béland. Merci beaucoup, M. Caron et M. de Pasquale.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, à votre
tour.
Mme Frulla-Hébert: À vous trois, encore une fois,
merci. C'est d'autant plus encourageant de vous voir, justement parce que mon
collègue disait que vous regroupez plusieurs entreprises, donc beaucoup
de monde. Il faut que la culture, au Québec, se vive et non pas qu'elle
soit perçue justement comme un luxe et un investissement. Je pense qu'il
est temps maintenant, comme société, qu'on se le dise, d'une
part, et merci encore parce que vous avez répondu, vous avez fait le
parallèle, par exemple, avec la Caisse de dépôt. Vous avez
répondu à certaines appréhensions du milieu. Je suis
d'accord avec vous, c'est bien souvent une question de gestion. Merci,
monsieur.
M. Béland: Merci, madame.
Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste à mon
tour, au nom des membres de la commission, à vous remercier, M.
Béland, M. Caron et M. de Pasquale, et à vous permettre de vous
retirer pour que nous puissions entendre f'autre groupe. Merci d'être
venus nous voir.
M. Béland: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
Bienvenue aux représentants de la société Quebecor.
Je vois qu'ils sont déjà à la table de nos invités.
Les règles sont connues: une quinzaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire ou un résumé;
après ça, la conversation s'engage, la discussion, avec les
membres de la commission pour ce qui reste de temps sur les trois quarts
d'heure. Si vous voulez bien vous présenter pour les fins du Journal
des débats et, ensuite, vous avez la parole.
Quebecor inc.
M. Girard (Jacques): Merci, M. le Président. Avant de
présenter mes deux collègues, je voudrais, tout d'abord, nous
excuser pour le fait que le mémoire de Quebecor soit arrivé si
tardivement, mais je pense que vous en avez maintenant chacun une copie. Il
nous a fallu vérifier et revérifier à l'intérieur
de tout le réseau Quebecor chacune des données qui apparaissent
dans ce mémoire et c'est la raison pour laquelle il vous est parvenu un
peu tardivement. Donc, m'accompagnent aujourd'hui Mme Chantai Reid, directrice
de distribution Trans-Canada, et M. André Rousseau,
président-directeur général du Centre éducatif et
culturel. Je suis Jacques Girard, premier vice-président, responsable du
secteur de l'édition chez Quebecor.
M. le Président, Quebecor est heureuse de prendre part à
cet exercice de consultation sur le développement de la culture et des
arts au Québec. Notre but premier a toujours été
d'accroître l'accessibilité de la culture. Nous voulons
démontrer aux membres de la commission de la culture et des arts que
Quebecor est fortement intégrée au milieu artistique
québécois. Notre mémoire trace un portrait descriptif de
Quebecor et insiste sur ses entreprises particulièrement actives dans la
promotion et le développement culturels et artistiques. En conclusion,
nous émettrons un certain nombre de commentaires à l'égard
du rapport Arpin, qui font l'objet, d'ailleurs, de recommandations
précises.
Tout d'abord, un très bref portrait de Quebecor inc. Quebecor a
été fondée le 8 janvier 1965 dans le but de regrouper
toutes les entreprises d'édition et d'impression acquises ou
créées depuis 1950 par M. Pierre Péladeau. Les entreprises
de Quebecor plus particulièrement engagées dans le domaine de la
culture sont les suivantes: Le Journal de Montréal, Le Journal de
Québec, Magazines Publicor Canada inc., les
hebdos artistiques Quebecor, les hebdos régionaux, Distribution
Trans-Canada, le Centre éducatif et culturel, les Éditions
Quebecor et, finalement, Québec-Livres.
La philosophie de Quebecor à l'égard de la culture et des
arts, je pense qu'elle est connue, mais nous voulons quand même insister
à nouveau brièvement aujourd'hui. Nous sommes convaincus que les
arts et la culture doivent être le reflet du peuple que nous sommes et
que leur accessibilité doit être la plus universelle possible.
Quebecor a toujours voulu lutter contre une certaine forme d'élitisme de
la culture et des arts. Nous pensons y être arrivés et nous y
arrivons encore constamment dans nos activités quotidiennes.
Le rapport Arpin souligne l'influence grandissante des médias par
rapport aux industries culturelles et à leur développement. Nous
sommes d'accord avec cette affirmation et nous sommes en mesure d'affirmer
devant vous, cet après-midi, que cette collaboration directe existe bel
et bien et qu'elle est en voie constante de développement. La presse
quotidienne au Québec est fortement engagée dans le domaine
culturel et artistique et l'implication de Quebecor s'effectue, notamment, dans
la couverture journalistique, dans la promotion publicitaire et dans les
projets spéciaux que peuvent avoir l'un ou l'autre de nos
quotidiens.
La couverture journalistique tout d'abord. Le Journal de
Montréal et Le Journal de Québec consacrent une
proportion de 10 % de l'ensemble de leurs pages aux activités
culturelles et artistiques, soit environ 60 pages par semaine. De ce nombre, la
moitié consiste en des reportages et des articles de presse à
contenu journalistique.
La promotion publicitaire. L'autre élément qui permet une
intégration directe entre le milieu et les grands journaux est celui de
la promotion publicitaire des activités. Ce volet comprend deux niveaux.
Le premier, celui de l'achat. Nous ne nous attarderons pas sur l'achat
puisqu'il s'agit d'une relation commerciale qui se négocie entre
l'acheteur et le vendeur.
Les échanges et les dons. Les échanges et les dons en
espaces publicitaires démontrent de façon claire et
précise qu'il existe un très haut degré de collaboration
et d'appui de la part de Quebecor envers le milieu artistique et culturel.
Quebecor met à la disposition d'une multitude d'organismes culturels et
artistiques son important réseau de publications qui comprend, comme
vous le savez, 4 quotidiens, 50 hebdomadaires et plus de 11 magazines. De
nombreux espaces publicitaires sont ainsi donnés ou
échangés avec le milieu. Chaque année, par exemple, Le
Journal de Montréal et Le Journal de Québec donnent,
au total, près de 1 400 000 $, soit l'équivalent de 325 pages en
espaces publicitaires pour le secteur culturel et artistique. Il serait
peut-être utile, M. le Président, que je vous réfère
aux pages 12 et 13 du mémoire pour vous donner des exemples de la
collaboration que nos deux quotidiens entretiennent, les deux quotidiens
francophones, avec le milieu culturel.
Pour ce qui est du Journal de Montréal, dans le cas de la
musique classique, c'est avec l'Orchestre métropolitain, l'Orchestre
symphoni-que de Montréal et le Pavillon des arts de Sainte-Adèle.
Dans le cas des variétés, c'est avec la firme Avanti, Juste pour
Rire, les Productions Rozon, Fogel-Sabourin, l'ADISQ pour son gala, les grands
prix littéraires du Journal de Montréal et les concours
d'orthographe organisés par M. Pivot et diffusés au Québec
par Radio-Québec, auxquels Le Journal de Montréal et Le
Journal de Québec sont associés. Pour ce qui est du
cinéma, IMAX, Alliance Film, Aska Films, Cinéma Plus, France
Film, Cineplex Odeon, Famous Players, Malo Films; littérature, je viens
de le mentionner, grands prix littéraires, concours d'orthographe;
théâtre, Juste pour rire; exposition, l'Expo-tec, Les Peintres de
la Fleur, Festival de la peinture, et, dans le cas de la danse, les Grands
Ballets canadiens.
Dans le cas du Journal de Québec, l'Orchestre symphonique
de Trois-Rivières; dans le cas des variétés, spectacle de
Michel Courteman-che, présentation de Céline Dion, spectacle de
Mario Pelchat, spectacle de Marie-Denise Pelletier, spectacle de Daniel Lemire,
spectacle le Groupe Sanguin, Découverte Juste pour Rire, spectacle de
Johanne Blouin, Concours international de sculpture sur neige, Concours jeunes
créateurs, spectacle de Jean Leloup, Festival international du jazz,
Fêtes populaires Desjardins, Cirque du tonnerre; dans le cinéma
également, Festival international du film, association pour ce qui est
des films "Le prince Casse-Noisette" et "Ding et Dong" et, là aussi, les
championnats d'orthographe. Le Journal de Québec est
également impliqué pour ce qui est de la littérature et de
la danse, notamment pour ce qui est des Grands Ballets canadiens. Je rappelle
également que Le Journal de Montréal a mis sur pied, il y
a maintenant quatre ans, pour ce qui est de l'édition du samedi, un
cahier qui s'appelle "Le cahier weekend" où on retrouve des chroniques
littéraires, des chroniques portant sur le cinéma, la musique, la
danse. Le Journal de Québec a également
l'équivalent avec son cahier du samedi.
Je voudrais mentionner maintenant quelques projets spéciaux. Un
autre volet de la collaboration entre les grands quotidiens et le milieu
culturel est celui des projets spéciaux. Afin d'inciter les
étudiants à la lecture, Le Journal de Montréal a
mis sur pied un programme de lecture dans les écoles. Par l'entremise de
ce programme, le quotidien est utilisé comme un outil éducatif et
culturel dans les classes. Les résultats obtenus sont prometteurs et,
bien que l'opération soit coûteuse, nous entendons continuer
à favoriser l'expansion de ce programme éducatif.
Les maga2ines. Un aspect important du comportement des organisations de
Quebecor est leur désir d'inclure dans la vie culturelle des disciplines
non traditionnelles en plus de la chanson, du cinéma et du
théâtre. Pour Quebe- cor, la mode vestimentaire, la cuisine, la
décoration et l'architecture sont autant de formes d'expression
culturelle et artistique. Les 11 magazines publiés par Publicor chaque
mois et les nombreux spéciaux publiés annuellement en sont
l'illustration.
Les hebdos artistiques. Les deux hebdomadaires artistiques de Quebecor,
soit Échos-Vedettes et Hebdo Vedettes, permettent aux
Québécois de mieux connaître leurs artistes et d'en faire
des vedettes, ce qui est une caractéristique propre au Québec
puisque l'équivalent n'existe pas dans le reste du Canada. L'atteinte,
par un artiste de chez nous, d'un statut de vedette fait en sorte que sa
carrière peut se développer plus rapidement et plus
efficacement.
Les hebdos régionaux. Les hebdos régionaux sont au nombre
de 44 et couvrent l'ensemble du territoire du Québec, auxquels il faut
ajouter 6 mensuels d'affaires intitulés Parlons Affaires et,
enfin, le Super Hebdo de Montréal. Ensemble, ces hebdos tirent
à plus de 764 000 copies par semaine.
La relation qui existe entre ces hebdos et la communauté
artistique et culturelle régionale est, à notre avis, bien
articulée. Les décisions éditoriaies se prennent
directement en région et ce sont les directeurs des publications
hebdomadaires qui déterminent le contenu rédactionnel de leur
journal. Ainsi, il est possible aux artistes en région d'avoir
accès à une presse locale et d'obtenir une couverture de leurs
activités à l'échelle de leur communauté.
Cependant, plusieurs artistes et créateurs en région pourraient,
à notre avis, bénéficier d'un soutien du ministère
des Affaires culturelles pour favoriser leurs relations avec les médias
Nous pensons que le ministère devrait confier à ses bureaux
régionaux la responsabilité de développer des plans de
communication adaptés à chacune des régions du
Québec. La presse régionale est un outil unique et puissant qui
peut être utile à la communauté artistique et
culturelle.
Le disque. L'industrie du disque québécois est en
interaction avec trois divisions de Quebecor, toutes intégrées
sous la direction de Distribution Trans-Canada: Musicor, qui est un
distributeur de disques, One Stop, grossiste, vente de disques, et Kebec
Disques et PolySons, qui sont des magasins de disques. L'implication de
Quebecor est très importante. Elle rejoint tous les secteurs de
l'industrie. Quebecor est, dans ce domaine, l'un des chefs de file et
génère plus de 40 000 000 $ par année.
La grande problématique actuelle de l'industrie est
l'impossibilité de prévoir le succès et la progression
commerciale d'un disque à partir du moment où il est mis en
marché dans les magasins. Il n'existe pas d'outil d'évaluation
des ventes de disques qui permette à l'industrie d'orienter le ciblage
de ses efforts professionnels avec précision. Il est essentiel d'avoir
accès à des outils de contrôle et d'évaluation
précis si on veut obtenir des résultats satisfaisants lors de la
mise en marché. Mme Reid d'ailleurs pourra répondre de
façon beaucoup plus précise aux questions que vous pourriez avoir
sur le secteur du disque.
Le livre. Quebecor comprend également, là aussi, trois
organisations directement impliquées dans le secteur du livre: ce sont
le Centre éducatif et culturel inc., possédé à 50 %
par Quebecor et à 50 % par le groupe français Hachette, les
Éditions Quebecor et Québec-Livres. (16 h 30)
Dans un premier temps, il nous apparaît que les
bibliothèques scolaires pourraient faire l'objet d'un plan de relance
particulier. Nous aimerions attirer l'attention des membres de la commission de
la culture et des arts sur un précédent rapport qui avait
été rédigé en mai 1989, le rapport Gilles Bouchard,
intitulé "Les bibliothèques scolaires québécoises".
Ce rapport concluait qu'il était nécessaire d'implanter un plan
de relance afin de s'assurer un réseau de bibliothèques scolaires
adéquat. Quebecor suggère fortement au gouvernement
québécois, et notamment à son ministère de
l'Éducation, de mettre en application les recommandations de ce rapport
et de réaliser ce plan de relance des bibliothèques
scolaires.
La philanthropie. Au-delà de ses entreprises et de leur
engagement envers le milieu culturel et artistique, Quebecor est très
active au plan philanthropique. Nous présentons ici ou nous
présentons dans le mémoire une description des divers engagements
de Quebecor et de son président afin de démontrer - sujet qui a
été abordé il y a quelques instants avec la
Fédération des caisses populaires - le partenariat qui existe
entre le secteur privé et le secteur artistique et culturel
québécois. Il y a tout d'abord le Pavillon des arts de
Sainte-Adèle. Il y a l'Orchestre métropolitain. Il y a la salle
de concert de l'UQAM. Il y a les différents dons et commandites de
Quebecor annuellement.
Je me permets de souligner que, depuis 1987, c'est environ 200 000 $ par
année que Quebecor a donné à l'Orchestre
métropolitain, ce qui fait au total une somme de 1 000 000 $. Et
l'engagement pris par Quebecor à l'égard de la salle de concert
de l'UQAM est également du même ordre, soit 200 000 $ par
année. Je voudrais tout simplement, dans le domaine de la philanthropie,
souligner également l'aide que Quebecor a apportée aux journal
Le Devoir et continue d'apporter au Devoir.
J'aborderai, maintenant, M. le Président, une question que vous
ne serez pas étonné de nous voir aborder, celle de la taxe de
vente du
Québec sur les produits culturels. Il nous paraît
impérieux de ne jamais appliquer la taxe de vente du Québec aux
livres. L'industrie du livre ressent déjà fortement les mauvais
effets de la taxe sur les produits et services du gouvernement
fédéral. L'application d'une taxe supplémentaire comme la
TVQ ne ferait que nuire et réduire la vitalité de ce secteur.
Nous en profitons d'ailleurs pour féliciter le gouvernement d'avoir
retardé l'application de la TVQ sur les services jusqu'en juillet 1992.
Mais, comme je viens de le dire, nous recommandons, pour ce qui est du livre,
que cette taxe ne s'applique jamais et nous , recommandons également
qu'elle soit éliminée pour ce qui est des journaux quotidiens,
des hebdomadaires, des magazines et du disque.
D'ailleurs, nous avons, à cet égard, soumis un
mémoire au ministre des Communications, M. Cannon. J'ai eu l'occasion,
avec mes collègues des autres quotidiens du Québec de le
rencontrer, et nos échanges se poursuivent à l'heure actuelle
pour démontrer précisément l'effet néfaste de la
TPS et de la TVQ sur les quotidiens et sur les magazines.
L'industrie ne peut pas supporter cette charge financière
supplémentaire, dont l'application ne fait que produire une
sévère diminution, à notre avis, par voie de ricochet, des
activités culturelles et artistiques au Québec et menace de
façon dangereuse la qualité des réalisations de ce
secteur.
J'en arrive maintenant, M. le Président, aux recommandations. La
première: Quebecor suggère au gouvernement de mettre en place un
système d'évaluation des ventes de disques au Québec afin
de permettre à l'industrie d'établir et d'ajuster de façon
précise les stratégies de mise en marché de ces
produits.
Recommandation no 2: Afin de favoriser la réalisation de projets
conjoints entre les milieux artistique, privé et gouvernemental,
Quebecor invite le ministère des Affaires culturelles à prendre
en exemple le modèle du Pavillon des arts de Sainte-Adèle afin
d'inciter et de collaborer à la création de projets semblables
ailleurs au Québec.
Recommandation no 3: Quebecor suggère au gouvernement de mettre
en place un système d'évaluation des ventes de livres au
Québec afin de permettre à l'industrie d'établir et
d'ajuster de façon précise les stratégies de mise en
marché de ses produits.
Recommandation no 4: Quebecor recommande au ministère de
l'Éducation de mettre en application le plan de relance des
bibliothèques scolaires, tel que proposé par le rapport Bouchard,
intitulé "Les bibliothèques scolaires québécoises",
déposé en mai 1989.
Recommandation no 5: Quebecor suggère l'affectation en
région, par le ministère des Affaires culturelles, de ressources
humaines spécialisées dont le mandat sera de conseiller les
artistes et les créateurs quant à l'établissement de leurs
rapports avec la presse régionale hebdomadaire sur le plan de la
couverture journalistique et de la promotion publicitaire de leurs
activités. Et, enfin, Quebecor manifeste sa satisfaction de voir
l'application de la TVQ sur les services reportée jusqu'en juillet 1992.
Toutefois, nous demandons au gouvernement de ne jamais imposer la TVQ aux
livres et de l'éliminer pour ce qui est des journaux quotidiens et
hebdomadaires, des magazines et des disques, de même que pour tous les
services qui y sont reliés. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. Vous avez
remarqué que j'ai laissé dépasser un peu le temps, mais
j'ai vu que vous arriviez à vos recommandations. Le débat sera
diminué d'à peu près quatre, cinq minutes pour ces
raisons-là. Mme la ministre, en tenant compte que, déjà,
on a cinq minutes...
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Girard, Mme Reid, M.
Rousseau. Vous êtes, d'ailleurs à juste titre, un exemple de
soutien. Vous avez parlé de philanthropie. C'est vrai, d'abord, d'un
côté, que votre président, M. Péladeau, est
très impliqué. Et soutien aussi par les entreprises
médiatiques que vous avez et qui sont à très, très
grande portée. Je vais en arriver à un débat qui, je
pense, est fondamental. Il y a deux pôles à ce
débat-là. D'un côté, il y a la culture
cultivée, en disant: II faut instruire les gens et les amener à
la recherche de l'excellence, à voir l'excellence, etc. Dans votre
mémoire, votre orientation, au niveau de l'entreprise, c'est beaucoup
plus de dire que la culture, comme vous le disiez tantôt, c'est le reflet
d'un peuple. Vous parlez d'accessibilité universelle et vous êtes
contre l'élitisme.
Moi, j'aimerais vraiment savoir jusqu'où vous poussez ça.
Parce qu'on a souvent tendance à dire: Le Journal de Montréal,
Échos-Vedettes, finalement, ce n'est pas de la culture, ça.
On diffuse, on donne les nouvelles, mais... Je sais aussi pertinemment que M.
Péladeau a toujours dit: On n'est pas là pour les instruire, on
est là pour les informer. À partir de ça, j'aimerais vous
entendre un peu plus là-dessus: élitisme versus
accessibilité, reflet d'un peuple versus ce que ça pourrait
être.
M. Girard: Je pense que c'est - et on le dit bien dans le rapport
- contre une certaine forme d'élitisme que Quebecor en a.
L'élitisme en soi ne peut pas être décrété
comme étant nécessairement mauvais. Mais ce qui nous semble
mauvais, c'est de vouloir réserver la culture ou les arts à une
certaine couche de la société. On pense que tous les citoyens
doivent y avoir accès. Et la meilleure façon, pour eux, d'y avoir
accès, c'est de les informer que ça existe, de leur dire
où ça se passe et pourquoi ils devraient être
intéressés. Je pense que ce que Le Journal de Morftréal
a fait à l'égard de l'Orchestre
métropolitain, par exemple, ou que ce qu'il fait à
l'égard de la danse est de nature à inciter un grand nombre de
citoyens, qui, normalement, n'y seraient pas allés, à se rendre
à ces spectacles. C'est dans ce sens-là, je pense, que le
président de Quebecor, M. Péladeau, a toujours voulu
démontré qu'il était actif et qu'il allait continuer de
l'être.
Mais la preuve que Quebecor ne voit pas une seule façon de le
faire, c'est qu'il y a le Centre éducatif et culturel. Il y a Le
Journal de Montréal, Le Journal de Québec, bien sûr,
mais il y a également des magazines haut de gamme comme Clin d'oeil,
comme Décoration chez soi. La variété, le
registre des activités de Quebecor est, je pense, à l'image du
registre que l'on retrouve dans une société normale. Mais
l'élément essentiel - et je pense que nous l'atteignons avec "Le
cahier week-end" - c'est de mettre à la portée du plus grand
nombre toute la réalité culturelle; non seulement une certaine
réalité culturelle, mais toute la réalité
culturelle. Et ce que l'on constate, c'est que les publicitaires, les
promoteurs de spectacles se rendent de plus en plus compte que Le Journal de
Montréal et Le Journal de Québec - pour parler de ces
deux-là - sont des véhicules extrêmement
intéressants, puisqu'ils attirent des spectateurs en salles.
Mme Frulla-Hébert: Quand on parlait du niveau de lecture
et de votre cahier des arts, on dit: C'est un niveau de lecture d'à peu
près 78 % des gens qui achètent. Il y a certains secteurs... je
veux parler du théâtre, par exemple. Nous avons rencontré
à plusieurs reprises, autant à Québec qu'à
Montréal, soit des compagnies de théâtre des artisans dans
le théâtre, et on nous dit souvent: Le secteur ou les secteurs qui
sont privilégiés au niveau médiatique sont souvent les
industries culturelles, les grosses vedettes. On a fait une petite farce aussi
à l'ADISQ en disant "la vente de garage de Ginette Reno". Ça,
c'est une chose. Mais tout le développement, par exemple, du
théâtre, il y a eu un gros essor. À un moment donné,
il y avait une grosse couverture médiatique, autant au niveau de
Radio-Canada, autant au niveau de Radio-Québec, et, finalement,
ça a été un peu délaissé et on
s'aperçoit qu'en bout de ligne c'est aussi directement proportionnel
à l'intérêt, si on veut, de la population. Donc, le
rôle des médias est finalement phénoménal
là-dedans. Alors, expliquez-nous un peu vos choix. Parce que c'est
sûr que ça vend bien quand tu as Julie Masse, mais c'est pour
ça que je reviens aussi au rôle de reflet de la population, de ce
que la population veut, puis aussi à une vocation d'instruire et
d'amener la population à pousser peut-être un peu plus loin.
Est-ce que c'est faisable, d'abord, ou est-ce qu'on rêve en couleur?
M. Girard: Je pense que c'est faisable. Je pense que nous le
faisons, et je pense que nous pourrions le faire davantage, et que nous allons
le faire davantage. Par ailleurs, je pense que, quand on est dans le domaine
des affaires, il faut regarder la réalité bien face. Le
Journal de Montréal et Le Journal de Québec
ne sont pas Le Devoir et ne seront jamais Le Devoir. Et ce que je veux
dire par là, c'est que ce sont des journaux populaires, des journaux qui
informent, mais ce ne sont pas des journaux qui font des analyses ou qui
insistent sur des analyses. Il n'en demeure pas moins que la couverture
journalistique d'événements est extrêmement importante. Par
exemple, lorsque nos chroniqueurs parlent de concerts des orchestres de
Montréal, qu'il s'agisse de l'Orchestre symphonique ou de l'Orchestre
métropolitain, je pense qu'ils font leur travail. Lorsque M. Leroux
parle des spectacles des Grands Ballets, son travail est fait. Et, bien
sûr, sur les vedettes populaires, les reportages sont nombreux et
ça rejoint un très grand nombre de lecteurs.
Je pense que nous pourrions faire davantage dans le domaine de la
littérature. Nous avons commencé à le faire, et c'est une
des raisons pour lesquelles nous avons créé les prix
littéraires, et, à ma connaissance...
Mme Frulla-Hébert: Oui, j'ai vu. Félicitations!
M. Girard: ...il n'y a pas d'équivalent: prix
littéraires du Journal de Montréal, il n'y a que
Le Journal de Montréal qui en remet chaque année. Et
ça a été fait précisément la semaine
dernière. Donc, je pense que, effectivement, oui les médias et
les médias populaires ont un rôle à jouer. Maintenant, il
ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes et tenter de nous faire
jouer un rôle qu'on ne peut pas jouer et qu'on ne jouera pas, de toute
façon.
Mme Frulla-Hébert: Mais, justement, je reviens aux prix
littéraires, c'est une superbe initiative. Maintenant, à partir
du Journal de Montréal version 1976 - puis je sais, j'y ai
travaillé, donc je le connais - et maintenant, où on a des prix
littéraires, il y a une belle évolution, et vous pariez du reflet
d'un peuple. Est-ce que vous sentez justement que c'est le reflet et l'image,
finalement, de la société québécoise qui
évolue et qui, de plus en plus maintenant, est attirée vers la
chose culturelle?
M. Girard: Je pense que nos quotidiens et nos magazines ont
évolué avec le lecteur. Je pense que, depuis 15 ans, les lecteurs
et les citoyens ont beaucoup évolué et que les deux journaux ont
évolué, de même que nos magazines, en suivant
précisément l'évolution qui s'est faite au Québec.
Et on se rend compte que les lecteurs sont de plus en plus exigeants quant
à la diversité du contenu du journal et quant à la
qualité du contenu du journal. Je sais que M.
Rousseau, tantôt, voulait ajouter par rapport à
l'éventail et par rapport au domaine du livre en particulier.
M. Rousseau (André): C'est-à-dire que vous vous
demandiez jusqu'où Quebecor pouvait aller. Dans le cadre de ses rapports
avec le milieu des écoles, le milieu des commissions scolaires, le
ministère de l'Éducation du Québec a constaté il y
a quelques années que ses programmes d'études en sciences
humaines, histoire et géographie ne s'appliquaient pas. Il a fallu
uniquement relever cette statistique, pour se rendre compte qu'il y avait peu
de minutes consacrées à ce type d'enseignement, pour convaincre
le conseil d'administration du Centre éducatif et culturel, qui
regroupe, évidemment, Quebecor et Hachette, d'investir massivement dans
ce secteur. Et, actuellement, nous pouvons dire, après cinq ans, que
toutes les écoles du Québec ont des manuels en sciences humaines,
de la première à la sixième année, faits par des
auteurs d'ici, des pédagogues d'ici et il n'est plus exact qu'on
n'enseigne plus aux enfants des écoles primaires l'histoire de leur
petite patrie ou l'histoire de leur pays, autant pour le Québec, en
sixième année, que pour le Canada, en cinquième
année. (16 h 45)
Même chose dans le domaine des arts. Le ministère de
l'Éducation s'est rendu compte, il y a deux ans - et il a
été, par là, talonné par le ministère des
Affaires culturelles - que, à toutes fins pratiques, mis à part
un certain nombre d'écoles en milieu très urbanisé,
très peu de programmes d'arts plastiques ou de musique sont actuellement
appliqués, même 30 ans après le rapport Rioux, 20 et
quelques années après le rapport Parent et, maintenant, plusieurs
mois après le rapport Arpin qui fait également état des
faiblesses de l'enseignement des arts dans les écoles. Là aussi,
Quebecor a investi dans des manuels scolaires pour le préscolaire, de
même que pour le primaire et le secondaire, qui sont les seuls manuels
scolaires qui répondent à toutes les exigences des programmes du
ministère de l'Éducation dans le domaine des arts. C'est à
risque, évidemment, puisque les enseignants, les titulaires de classe
sont, pour la majorité d'entre eux ou d'entre elles, plutôt,
puisque c'est pour la majorité des femmes, bien peu
préparés. Mais, le ministère, voyant que le
matériel était déjà disponible auprès des
écoles, vient d'investir. Le ministère de l'Éducation
vient d'investir 750 000 $ pour former des maîtres.
Alors, ça, jusqu'où Quebecor peut aller, c'est souvent
très insoupçonné, autant dans ses rapports avec les
milieux culturels et artistiques que dans ses rapports avec les milieux
éducatifs. On a fait état tantôt des rapports entre les
écoles et Le Journal de Montréal, entre les écoles
et le Centre éducatif et culturel, et les commissions scolaires, et les
cégeps. C'est tout à fait insoupçonné de voir
l'impact et les complicités qui se développent dans ces
différents réseaux pour favoriser autant l'appropriation du
patrimoine local par les jeunes et par les adultes qu'un meilleur rapport avec
la culture d'ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau. Merci,
Mme la ministre, c'est là tout le temps qui vous était
alloué. Je demanderais donc à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir prendre la parole et je l'avise que
son collègue de Mercier me fait signe qu'il désirerait
peut-être intervenir.
M. Boulerice: Mme Reid, vous me permettrez de vous saluer en
premier, puisque je devrai dire à M. Girard, M. mon ancien
sous-ministre, et que je devrai dire à M. Rousseau, M. mon ancien
directeur général. Donc, un petit brin de nostalgie d'une
période fort belle qu'on ne peut pas oublier.
J'irai de deux observations préliminaires et, après, au
questionnement. Bon, la première. Oui, vous avez mentionné les
taxes sur les journaux, périodiques, magazines, tous les oeuvres et
produits issus des arts et de la culture, etc., mais, au départ, vous
allez convenir qu'il y a un principe fondamental, et à mon point de vue
je le trouve très inquiétant, que nous vivons dans un pays qui
taxe le droit à l'information. Je pense que c'est la toute
première question que l'on doit se poser.
Et, la deuxième. Bien des organismes se sont
présentés avec des recommandations, mais j'ai remarqué la
vôtre, la no 5, puisqu'au menu elle s'intitule ainsi. Et, je pense que
c'est vraiment le pratico-pratique. Certes, il nous faut une politique, mais il
peut y avoir souvent des petites mesures qui peuvent sembler anodines mais qui
peuvent faire des merveilles. Et ça, je trouve que c'est une suggestion
très intéressante que l'on puisse se servir des directions
générales du ministère non pas uniquement à des
fins de contrôle, d'évaluation, mais de placer les gens en
situation de ressources auprès des groupes. Et là vous avez
donné une illustration de ce que pourrait être une scène de
la vie quotidienne, spécialement en région, forcément,
puisque vous parlez des hebdos régionaux, d'aide à la diffusion
de leurs produits culturels. Alors, je dois vous féliciter.
Troisième et dernière remarque. Oui, j'ai pris
connaissance, dans votre mémoire, du mécénat que pratique
votre puissant groupe, et j'avais le goût de vous accueillir un peu
à la blague. Si jadis M. Lewis, le chef du New Democratic Party, avait
parlé de "corporate bums", eh bien, je crois que, vous, on devrait dire
que vous êtes des "corporate chums" pour ce qui est des arts et de la
culture.
Maintenant, je me doute bien forcément que la remarque dans votre
mémoire vient de M. Rousseau, connaissant son expérience et
l'ayant
côtoyé. Vous avez parlé des bibliothèques
scolaires québécoises. Et Dieu seul sait que c'est un sujet que
nous avons débattu nous-mêmes. Et nous avons dû le
gérer aussi. Mais, les bibliothèques publiques, M. Rousseau,
votre constat... Là, vous demandez l'application du rapport Bouchard,
mais il y a également le rapport Sauvageau sur les bibliothèques
publiques. Est-ce que vous croyez qu'on doive attendre l'énoncé
d'une politique globale des arts et de la culture ou si on doit mettre
immédiatement ces deux politiques en place?
M. Rousseau (André): C'est-à-dire que, dans le cas
des bibliothèques scolaires, nous avons voulu insister sur cette
question, étant donné que Quebecor a également, par le
Centre éducatif et culturel, développé cette mission de
garantir l'application des programmes d'études du ministère qui
nécessitent évidemment un prolongement par le livre de
bibliothèque. C'est pour ça que nous avons insisté
là-dessus.
En ce qui concerne la bibliothèque publique et le rapport
Sauvageau dont vous faites état, et avec qui M. Girard et moi avons le
plaisir, dans le cas de M. Philippe Sauvageau, de partager la tâche au
sein du conseil d'administration de la Bibliothèque nationale, c'est
évident que nous sommes dans une situation où il y a certainement
de plus en plus de demandes par rapport aux usagers des bibliothèques.
Et ça, c'est un signe qui nous amène à vouloir tenir
compte de l'apport autant du monde municipal que du gouvernement du
Québec quant au développement des bibliothèques et de
l'intérêt pour la curiosité culturelle.
D'autre part, c'est évident qu'une situation économique
comme celle que nous traversons amène probablement un très grand
nombre d'élus locaux d'administrations locales, eh bien, à devoir
faire des choix douloureux et à ne pas prévoir les croissances
que nous avons prévues, que nous aurions souhaitées,
plutôt. C'est clair que, dans les librairies en général, le
chiffre d'affaires n'est pas en croissance exceptionnelle et c'est lié
effectivement à une situation économique générale
via la TPS. Et il y a aussi, je dirais, les hésitations des
gouvernements municipaux et des commissions scolaires à investir
davantage dans l'achat du livre. Alors, le rapport Sauvageau avait fait
état, évidemment, d'une nécessité de rajeunissement
également de collections et c'est la même chose pour le rapport
Bouchard dans le cas des bibliothèques scolaires.
M. Boulerice: Une question que j'aimerais adresser à Mme
Reid. Les gens de l'ADISQ viendront, mais je sais que vous regardez
particulièrement ce secteur. Une des forces au niveau du disque au
Québec, bon, vient du fait que, oui, je pense, on a d'excellents
auteurs, d'excellents compositeurs, d'excellents interprètes. Nous avons
quand même un certain avantage que me faisait remarquer un ami
européen et français, il va de soi, lorsqu'il écoutait la
radio ici, au Québec, dans ma voiture, en disant: Mais j'entends
beaucoup plus de chansons françaises de chez moi que j'en entends
à ma propre radio chez moi, à Paris. Donc, les quotas,
forcément, du CRTC, qui est peut-être fédéral mais
qui, à ce niveau-là, n'a pas agi nécessairement... sans
trop, trop nuire... Il pourrait peut-être aider un peu plus, mais c'est
quand même deux avantages que nous avons. Mais l'impact actuel de la taxe
fédérale et de la taxe québécoise de vente au
niveau du disque, est-ce qu'on peut dire, à l'exemple des libraires, des
éditeurs: II y a péril en la demeure actuellement?
Mme Reid (Chantai): Les ventes de disques ont
énormément baissé l'année dernière. Je pense
que l'effet de la taxe fédérale n'a sûrement pas
aidé. Quand on regarde le prix auquel on est obligé de vendre les
cassettes dans les magasins de détail ou les "compact discs", une
cassette est rendue à 15, 50 $; si on ajoute 15 % à ces 15, 50 $
quand le client arrive à la caisse, bien, c'est sûr qu'il ne
prendra pas deux cassettes, il va décider d'en prendre seulement une. Je
pense que 15 % supplémentaires au prix auquel on est déjà
obligé de vendre le produit pour pouvoir aller jusqu'à payer les
artistes - parce que ce n'est quand même pas énorme si on regarde
le nombre de disques qu'on vend dans une année... Je pense que, oui, les
taxes ont énormément nui aux ventes de disques dans la
dernière année.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie...
M. Boulerice: À M. Girard, je le réservais pour la
fin.
M. Godin: M. le Président vous parlait, M. le
député.
M. Boulerice: M. Girard, est-ce que vous croyez que l'on peut
établir une politique des arts et de la culture au Québec en
écartant - parce qu'on voit le rapport Arpin, c'est de cela qu'on
discute - tout l'immense secteur des communications?
M. Girard: Non. Je pense que le secteur des communications est
essentiel à toute politique de développement culturel et de
développement des arts. Ça me paraît évident. Qu'il
s'agisse de la télévision, qu'il s'agisse de la radio ou qu'il
s'agisse des quotidiens, ou des hebdomadaires, ou des magazines, ça me
paraît une composante essentielle. D'ailleurs, le rapport Arpin insiste
sur le rôle déterminant que doivent jouer les médias dans
la promotion des arts et de la culture. Je pense que Quebecor est tout à
fait d'accord avec cette recommandation.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard.
M. Boulerice: M. Girard, dernière et brève
question. Vous avez été président-directeur
général de Radio-Québec, notre télévision
nationale. M. Beatty, ministre fédéral, a
réitéré, ce dimanche, qu'il n'était pas question
que les institutions dites nationales relèvent d'autres gouvernements
que son gouvernement dit national. Donc, il n'y a pas d'espoir pour nous, dans
le contexte actuel, de voir Radio-Québec sous la juridiction d'un
ministère québécois des communications ou des arts, de la
culture et de la communication, comme nous le proposons. Mais
qu'adviendrait-il, selon vous, si Radio-Québec devait disparaître
du paysage audiovisuel québécois et de son impact au niveau de la
promotion et de la diffusion de la culture québécoise?
M. Girard: M. le Président, je me rappelle avoir
défendu Radio-Québec devant des commissions parlementaires comme
celle-ci...
M. Boulerice: Avec acharnement.
M. Girard: ...avec acharnement. Après bientôt trois
ans chez Quebecor - donc, j'ai quitté Radio-Québec depuis trois
ans - je n'ai pas changé d'idée: je crois que Radio-Québec
est un outil essentiel dans le cadre du développement d'une politique
culturelle québécoise. On a même eu l'occasion de dire,
dans le rapport Girard-Peters, remis au gouvernement fédéral, que
les deux ordres de gouvernement, soit le gouvernement fédéral et
le gouvernement québécois pour ce qui est de Radio-Québec,
se doivent de financer, de façon convenable, les
télévisions publiques, faute de quoi, c'est tout le
système qui est perturbé.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Girard. M. le
député de Mercier, il vous reste quelques minutes.
M. Godin: M. le Président, vous défendez bien mes
intérêts.
Le Président (M. Gobé): C'est le rôle du
président, M. le député.
Une voix: Pose ta question, Gérald...
M. Godin: Je la poserai comme je veux, mon cher collègue,
si vous permettez.
Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole, M. le
député de Mercier, nous vous écoutons.
M. Godin: Merci beaucoup. Mme Reid, bienvenue dans votre maison
nationale de la culture politique. J'aimerais vous poser la question sur le
disque avant que tous les rapports...
Tous ceux qui sont de mon âge se souviendront qu'il y a eu, chaque
saison, des rapports: le Bouchard, le Rioux, le Sauvageau, le Arpin, un peu
comme les outardes qui reviennent au-dessus de nos têtes une fois par
année. Le malheur, c'est que ces belles outardes n'ont pas
été mises au four pour être dégustées; elles
ont été tirées, se sont écrasées au sol et
on n'en a jamais entendu parler par la suite. Je souhaite que Mme la ministre
modifie un peu les moeurs de chasseur qu'on connaît à ses
prédécesseurs, incluant nos propres ministres de la culture, et
que cette outarde, le rapport Arpin, ait des suites.
Mme Reid, à une époque, il y a eu le rapport de
Grandpré. C'était un sous-ministre de la culture du Québec
qui avait étudié la quantité de produits américains
sur les marchés québécois du disque, du film, de
l'imprimerie, du livre de poche. On s'est rendu compte qu'il y avait une
habitude, qu'on appelait, à l'époque, le "block booking". Si le
libraire ou le dépanneur du coin de rue qui vend des livres de poche,
des "pocket books" américains, voulait avoir les gros vendeurs, il
fallait qu'il emplisse l'étalage de livres de poche américains,
de 90 % de produits américains pour avoir les 2 % qu'il voulait avoir.
Dans les cinémas, c'est la même chose. Si, dans un cinéma,
vous vouliez avoir le nouveau "Rambo", il fallait passer, pendant une
année, les cinq, six... je les appellerais "pulp movies"
américains que les gens voulaient voir, soi-disant, ce qui justifiait le
"major" américain d'imposer son choix sur la majeure partie de la
saison. Dans le domaine du disque, c'était semblable.
J'aimerais savoir de vous, Mme Reid, qui êtes dans le domaine du
disque, de la diffusion du disque, si ce problème-là existe
toujours au Québec. (17 heures)
Mme Reid: Oui, effectivement. On se rend compte que les
années, ou les mois, ou les périodes de l'année où
il y a un gros vendeur américain qui est attendu, les ventes de disques
augmentent beaucoup et le disque québécois se vend un peu plus
parce qu'il y a beaucoup d'achats qui se font de façon impulsive. Quand
les gens sont dans le magasin, ils vont en même temps prendre un disque
québécois à côté. Bon, il y a quelques
produits québécois maintenant qui font vendre beaucoup, comme
Céline Dion. C'est sûr que le nouveau Céline Dion qui va
sortir bientôt est attendu. Les gens vont aller au magasin et vont
acheter d'autres disques en même temps. Mais oui, ça existe
malheureusement.
M. Godin: II y a encore une concurrence qu'on pourrait qualifier
de déloyale de la part des...
Mme Reid: Oui.
M. Godin: ..."majors" du disque américain
qui envahissent le territoire existant pour leurs propres produits et
qui menacent les distributeurs indépendants, c'est-à-dire les
vendeurs de disques plus petits et moins musculairement et
financièrement équipés que Trans-Canada, ou Poly-Sons,
ou... Alors, j'aimerais savoir si Mme la ministre peut s'engager aujourd'hui
à rendre public le rapport de Grandpré, parce que ce
rapport-là n'a jamais été rendu public. Je l'ai obtenu par
un fonctionnaire des Affaires culturelles, à l'époque, qui est
passé l'autre bord, comme on dit, qui a trépassé, qui est
passé de vie à trépas, et je souhaite que Mme la ministre,
dans un effort de collaboration avec l'Opposition et surtout d'éclairage
du public, rende public le rapport de Grandpré qui compléterait
sa réflexion qu'elle mène d'ailleurs très bien ici sur des
aspects de la diffusion du produit québécois. Et on doit rendre
hommage à Quebecor d'avoir créé des revues, via les
publications Publicor par les magazines, qui ont fait concurrence aux produits
américains et qui ont pris leur place, d'ailleurs, avec le temps presque
sans devoir se battre contre le "block booking". Allez à la gare
centrale, comme je le fais toutes les semaines, moi, et regardez
l'étalage de magazines et de revues qu'il y a là. Vous allez voir
beaucoup plus de "scrap" américaine que de revues de qualité
comme Publicor en fait et d'autres éditeurs, nommément
Renée Marcoux avec sa propre chaîne, son propre chapelet de
magazines. Et s'il s'imposait que le Québec doive gérer ou
régenter ce secteur-là, je souhaiterais qu'il y ait une petite
annexe à la fin du commentaire de la ministre sur le rapport Arpin qui
porterait sur ces questions-là.
Dans le domaine du cinéma, la fameuse entente Bacon-Valenti n'a
donné, paraît-il, aucun des résultats qui étaient
annoncés avec flonflon et en se pétant les bretelles il y a
quelques années; il n'y a eu aucun résultat patent pour les
distributeurs québécois de films. Donc, ça veut dire qu'il
faut se battre sans cesse, comme Sisyphe qui montait sa pierre tous les matins
en haut de la colline dont j'oublie le nom. M. Girard s'en souvient
sûrement, lui, avec sa culture très vaste, universelle, comment
s'appelle la montagne en haut de laquelle Sisyphe monte sa pierre tous les
matins et tous les soirs. Donc, c'est une guerre qui n'est jamais
terminée contre l'envahissement de la grande marée culturelle
américaine. Si le Québec ne se tient pas debout face à
ça, on va être lavés, on va être balayés
encore plus sûrement que nos pires optimistes le prévoient ou
l'annoncent en cas de souveraineté culturelle.
Le Président (M. Gobé): Merci. En conclusion? Vous
avez terminé?
M. Godin: J'ai terminé, M. le Président. Je vous
remercie beaucoup de votre sens de l'équité.
Le Président (M. Gobé): Ça me fait
plaisir,
M. le député, le président est là pour
ça, et vos interventions sont aussi empreintes d'une grande
expérience. Vous avez été ministre des Affaires
culturelles pendant assez longtemps. Alors, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement en terminant, s'il vous
plaît.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je pense que tout a été dit dans
votre mémoire. J'apprécie notamment les dernières
remarques que vous avez faites, M. Girard, quant à la
radiotélévision du Québec.
C'est beau, parler d'une politique, mais si on commence à
détruire les institutions qui en ont la garde et la diffusion...
Le Président (M. Gobé): M. le
député... M. Boulerice:... c'est risqué.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, s'il vous
plaît, très rapidement, un petit mot de remerciement aussi.
Mme Frulla-Hébert: Encore là, merci. Et au niveau
du rapport de Grandpré, cher collègue, on regardera ensemble.
Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, là... M.
Godin: Vous l'avez...
M. Boulerice: Vous l'avez. On va le trouver.
Le Président (M. Gobé): Elle va le chercher. Ha,
ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: On va le chercher ensemble. Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Gobé): Où est-ce qu'ils
l'ont caché?
M. Godin:... dans votre bureau. D'accord. J'en ai une copie.
Mme Frulla-Hébert: Ça fait seulement un an, moi; on
va chercher ça ensemble.
M. Godin: J'en ai une copie dans mes archives.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. Merci, M. Girard. Merci, M. Rousseau. Mme Reid, merci. Ceci met fin
à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous
retirer. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier. Bonsoir.
Sans plus tarder, je demanderais maintenant aux représentants du
Conseil québécois du théâtre de bien vouloir prendre
place en avant. Nous allons procéder à votre audition.
Bonjour, messieurs. M. Normand Chouinard, vous êtes le
président?
M. Chouinard (Normand): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Chouinard, il
nous fait plaisir de vous accueillir. M. Rousseau, vous êtes le directeur
général. Alors, bonjour, M. Rousseau. Vous représentez le
Conseil québécois du théâtre. Notre mandat,
aujourd'hui, je le rappelle pour les gens qui viennent de se joindre à
nous, consiste à tenir une consultation générale sur la
proposition d'une politique de la culture et des arts, cela faisant suite,
comme chacun sait, au dépôt du rapport Arpin. Et, bien entendu,
c'est une suggestion, à la demande de Mme la ministre des Affaires
culturelles. Alors, vous pouvez maintenant commencer votre exposé.
Conseil québécois du
théâtre
M. Chouinard: Merci, M. le Président. Le Conseil
québécois du théâtre, comme beaucoup d'organismes du
milieu des arts, s'est montré très critique dans son
mémoire, le mémoire que vous avez devant vous, je crois bien,
concernant la proposition d'une politique de la culture et des arts du
groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin. Toutefois, vous nous
permettrez, avant d'aller plus avant en ce sujet, de vous faire part de
quelques observations préliminaires.
Tout d'abord, nous souhaitons vous remercier, Mme la ministre, d'avoir
permis ce gigantesque brassage d'idées - au-delà de 250
mémoires, ce n'est pas peu de chose - sur ce que devrait être une
réelle politique culturelle pour le Québec. Nonobstant nos
critiques concernant le rapport Arpin, nous estimons que le processus actuel,
bien qu'ayant été quelque peu précipité, se
révèle des plus importants pour le Québec d'aujourd'hui et
surtout de demain, alors que se font entendre de partout au Québec des
voix de tous les milieux, non seulement culturels et artistiques, mais aussi
économiques, sociaux - on en a entendu aujourd'hui quand même
quelques-uns - scolaires et autres. Toutes ces voix viennent dire l'importance
pour le Québec de se doter d'une politique culturelle.
Le Conseil québécois du théâtre vient ajouter
sa voix à toutes les précédentes et vous dire qu'il appuie
les travaux de la présente commission dans la mesure où ceux-ci
permettront de convaincre tous les autres membres de l'Assemblée
nationale et, je suis tenté de dire, par-dessus eux, la population
complète du Québec que l'heure est venue de passer aux actes et
de prendre partie pour les arts.
M. Rousseau (Pierre): Nous comprenons toutefois que votre
tâche n'est pas simple. Depuis un mois, en effet, vous recevez ici
même de nombreuses personnalités représentant des centres
d'intérêt différents et réclamant chacune un
meilleur sort, qui de telles universités ou municipalités, qui de
telles régions ou petites compagnies de la relève et ainsi de
suite. Et puis, il faut bien le dire, dans la plupart des cas, ils ont bien
raison de vouloir s'assurer un plus bel avenir car, de tous les milieux, celui
de la culture et des arts est sans contredit le plus négligé.
Aussi, dans un tel contexte, il est plus que temps que le gouvernement
du Québec pose enfin un geste concret en faveur des arts. Non pas que le
gouvernement québécois n'ait jamais rien fait en ce sens, loin de
nous l'idée de prétendre pareille chose, mais si l'on compare
tout ce qui s'est fait au Québec depuis 30 ans dans les domaines de
l'éducation, de la santé, de l'agriculture, etc., il faut
constater que le bilan culturel n'est guère impressionnant. Et lorsque
nous nous rendons compte, comme ce fut le cas avec le rapport Arpin, que le
gouvernement trouve le moyen de faire disparaître, entre la version
préliminaire du rapport diffusée aux journalistes et la version
éditée, tout ce qui le concerne directement et qui devrait
l'amener à investir davantage, il y a de quoi s'inquiéter de
l'avenir de la culture au Québec.
Partant de cet exemple, faut-il s'étonner que des membres de
l'Assemblée nationale trouvent encore le moyen de songer à couper
dans le maigre budget des Affaires culturelles, allant jusqu'à proposer
l'abolition des conservatoires? Faust des temps modernes, ils vendraient leur
âme pour acheter l'équilibre budgétaire tant
recherché. Le Québec d'aujourd'hui et de demain ne peut se
réduire à sa seule réalité économique,
surtout s'il se réclame distinct.
M. Chouinard: Cela étant dit, et c'est ce qui rend notre
témoignage, nous croyons, essentiel, nous sommes convaincus qu'il est
primordial pour le Québec de se doter d'une politique des arts. Aussi,
considérons-nous qu'il est préférable de ne plus s'en
tenir au rapport Arpin plutôt que d'essayer d'y apporter tous les
amendements qu'il nécessite. La tâche peut alors paraître
énorme car il ne sera pas facile de répondre aux attentes
suscitées depuis la création du ministère, il y a 30
ans.
Aussi, nous vous conseillons fortement de vous inspirer des artistes. En
effet, le théâtre, entre autres disciplines, utilise, depuis
quelques années, un procédé de création connu sous
l'appellation - excusez l'anglais - "work in progress", travail en
développement, que la célèbre maxime "cent fois sur le
métier remettez votre ouvrage" définit assez bien. Ce
procédé
pourrait être avantageusement appliqué au rapport Arpin.
Disons simplement que le rapport recèle de bonnes idées à
retenir, de grands principes fondamentaux faisant l'unanimité, mais
qu'il y a lieu de se remettre au travail à partir de tout ce qui s'est
dit ici depuis le début du mois d'octobre.
Les artistes passent leur vie à composer avec la critique et
à remettre leur ouvrage sur le métier; ils en attendent autant de
vous. Et vous pouvez de plus compter sur une abondante documentation faite de
rapports, livres verts, livres blancs - on ne passera pas toutes les couleurs -
pour vous inspirer. Sans compter les mémoires présentés
à cette commission. C'est plus de matériel que les auteurs n'en
disposent habituellement.
M. Rousseau (Pierre): Quant au reste, le milieu des arts a
déjà beaucoup donné pour le développement du
Québec moderne. Quand un artiste calcule son salaire horaire et qu'il se
rend compte qu'il reçoit moins d'un dollar l'heure, un dollar canadien,
bien en deçà du salaire minimum, cet artiste peut
prétendre qu'il subventionne les arts au Québec. Et c'est
exactement ce que font les artistes depuis toujours. Alors, aujourd'hui, ils
vous demandent de retourner l'ascenseur, comme le dit l'expression populaire.
Et puis, de grâce, vous qui vivez constamment dans les lignes de parti
obligatoires, dans les décisions guidées par l'objectif constant
d'obtenir ou de conserver le pouvoir, de grâce, épargnez-nous les
accusations de ne penser qu'à nos intérêts plutôt
qu'à ceux du pays.
Dans le contexte actuel, nous avons déjà beaucoup
donné pour ce projet de pays, plus que bien d'autres, et nous ne
signerons de chèque en blanc à personne sans avoir un minimum de
garanties pour la survie - car on parle de survie, on ne parle même pas
de développement - des arts au Québec. Et puis nos
intérêts ne sont ni pécuniaires ni corporatistes, ils
visent d'abord et avant tout à assurer au Québec de demain une
vie culturelle et artistique.
M. Chouinard: Bref, nous vous disons "oui" pour poursuivre le
travail, aller de l'avant et doter le Québec d'une véritable
politique culturelle et des arts qui serait une réelle politique des
arts et surtout pas une politique à rabais qui se présenterait
comme un nouveau désengagement de l'État, dans un secteur
où l'on ne se bouscule pas à la porte pour acheter des
succursales.
À cet égard, nous profitons de l'occasion pour vous
soumettre quatre recommandations, succinctes mais fondamentales, concernant la
pratique professionnelle des arts en général. Ces recommandations
complètent le mémoire du Conseil québécois du
théâtre que vous avez déjà entre les mains et dont
il nous fera plaisir de discuter avec vous dans les prochaines minutes.
M. Rousseau (Pierre): Recommandations du Conseil
québécois du théâtre. Attendu que le document "Une
politique de la culture et des arts" propose une technocratisatlon et une
bureaucratisation grandissantes du ministère des Affaires culturelles
ainsi que la perpétuation d'une confusion entre les arts, la culture et
les industries culturelles, le Conseil québécois du
théâtre recommande...
M. Chouinard: Que le gouvernement du Québec produise une
politique claire destinée enfin à consolider la pratique
professionnelle des arts et à en assurer un réel
développement au Québec et, de là, qu'il occupe de
façon significative, par des mesures concrètes et un soutien
financier adéquat, les champs d'action actuels du ministère des
Affaires culturelles.
M. Rousseau (Pierre): Que cette politique s'appuie sur les
recommandations suivantes.
M. Chouinard: Que les arts deviennent une priorité de
l'État québécois; que le rôle premier et fondamental
du ministère des Affaires culturelles soit d'assurer un soutien à
l'activité artistique professionnelle et, enfin, que le gouvernement du
Québec procède au rattrapage qui s'impose dans le financement des
arts et assure, avec des moyens adéquats, le soutien et le
développement de ces derniers.
M. Rousseau (Pierre): Pour ce qui est du mémoire comme
tel, que vous avez entre les mains, comme nous l'expliquons dans le
résumé, le Conseil québécois du
théâtre ne s'est pas attardé à chacune des
recommandations puisque, pour nous, mis à part les grands principes
fondamentaux du rapport Arpin, il nous semblait qu'il fallait le reprendre
plutôt pour en arriver à une vraie politique des arts. (17 h
15)
Donc, le Conseil québécois du théâtre,
quelque part, revient un peu, comme il le faisait devant la commission
Bélanger-Campeau, à l'objectif de base qui a amené la
création du ministère des Affaires culturelles au début
des années soixante, c'est-à-dire favoriser
l'épanouissement des arts et des lettres dans la province et leur
rayonnement à l'extérieur, mandat qui, selon nous, n'a jamais pu
s'accomplir, faute de ressources financières adéquates.
Nous croyons que le rapport du groupe-conseil Ignore des revendications
fondamentales et de longue date des milieux artistiques et préconise des
orientations auxquelles le milieu théâtral ne peut souscrire. De
fait, la mise de l'avant de plusieurs des recommandations du rapport Arpin
risque de faire en sorte que les arts soient, tout bien
considéré, les grands perdants d'une réforme dont la
conséquence première consistera en une réduction de
l'importance et du rôle premier du ministère des
Affaires culturelles.
Pour le Conseil québécois du théâtre, il est
essentiel que le soutien des arts et l'application de mesures favorisant ceux
et celles qui ont choisi de faire de la production artistique leur
métier constituent la pierre angulaire de la politique culturelle
québécoise. Malheureusement, le document intitulé "Une
politique de la culture et des arts" ne va pas dans ce sens et laisse
plutôt entrevoir une technocratisation, une bureaucratisation
grandissante du ministère et cette confusion entre les arts, la culture
et les industries culturelles. À cet égard, il nous semble que,
dans le petit chapitre concernant les industries culturelles, nous
énonçons un point de vue qui est assez clair et qui fait bien la
distinction sur les rôles de chacun dans ce qu'on appelle la culture.
Naturellement, nous nous arrêtons sur la question du rapatriement,
bien entendu. Là-dessus, le Conseil québécois du
théâtre s'est prononcé pour l'indépendance du
Québec devant la commission Bélanger-Campeau. Toutefois, pour ce
qui est de rapatrier à la pièce des petits morceaux ici et
là, sans aucune garantie, nous nous posons de grandes questions à
ce sujet, et vous les retrouvez dans notre rapport. Toutefois, le Conseil
québécois du théâtre n'a pas fermé la porte
et, éventuellement, dans la mesure où une telle démarche
s'appuierait sur une politique culturelle claire, il pourrait appuyer
effectivement une démarche du gouvernement du Québec en ce sens,
et, à la rigueur, la proposition Desjardins que nous avons entendue tout
à l'heure nous semblerait peut-être plus intéressante que
la proposition Arpin.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau. Ceci
met fin au temps qui vous était alloué. Je demanderai à
Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir maintenant
intervenir.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Chouinard, merci, M.
Rousseau. Je me dois ici, par contre, d'apporter un petit correctif dans ce
vous dites, avant d'engendrer la discussion. Vous savez que, si on est ici en
commission parlementaire, si j'ai demandé une commission parlementaire,
c'est parce qu'on a un profond besoin de changement. Les choses doivent changer
et, évidemment, après 30 ans, de toute façon, c'est
normal. Il y a un profond besoin aussi de mettre en évidence la culture
et, vous l'avez très bien dit aussi, le gouvernement et la population
doivent en être très conscients. Je pense qu'on n'a jamais tant
parlé de culture, comme on parle présentement: débats de
fond, discussions.
Par contre, au niveau du groupe-conseil et des gens qui ont formé
ce groupe-conseil, des gens qui l'ont fait, d'ailleurs,
bénévolement, des gens qui représentaient divers secteurs
- au niveau du théâtre, il y avait Marie Tifo - des gens qui l'ont
fait en toute honnêteté intellec- tuelle, je peux vous assurer que
la version que j'ai reçue était la version finale, et qu'il n'y a
pas eu de pression, et que ces gens-là ne se sont jamais, non plus,
laissés aller à des pressions pour en arriver à une
version finale. Et je le dis, et je veux que ça soit très clair
pour l'intégrité de ces gens qui ont donné de quatre
à cinq mois et qui ont fait un travail, un boulot énorme et, ceci
dit, de façon volontaire et gratuite.
Je veux revenir maintenant au mémoire. Je veux en venir à
tout l'aspect du Conseil des arts. Vous avez situé votre débat
très clairement. Il y a toute cette discussion - et vous le dites
très bien dans votre mémoire - industries culturelles versus les
arts. Les industries culturelles disent: C'est à nous, parce que, nous,
on fait travailler. L'inverse est aussi vrai. Alors, évidemment, la
discussion n'est pas simple, mais elle est très saine.
Parlez-moi un peu du Conseil des arts. Il y a eu une grosse discussion
là-dessus et plusieurs organismes sont venus nous vanter, nous louan-ger
le Conseil des arts, ici. Par contre, on sait aussi très bien que
certains organismes ou certains individus, ensuite, nous disent: Le Conseil des
arts, dans le fond, ça ne va pas si bien que ça, en termes de
fonds, en termes aussi de diminution, si on veut, des fonds, parce qu'ils n'ont
pas augmenté depuis trois ans la somme allouée au Conseil des
arts, le gouvernement fédéral, et, deuxièmement, aussi en
termes d'attribution. On parle du "arm's length"; le bras semble raccourcir de
plus en plus, c'est ce qu'on nous dit. Je veux juste explorer ça avec
vous parce qu'il y a toujours cette recommandation versus le fonctionnement du
ministère qui, le ministère, aussi fonctionne par jury, jury de
pairs, mais c'est le ministère et non pas un organisme
indépendant. Alors, parlez-moi un peu du Conseil des arts versus le
ministère.
M. Rousseau (Pierre): Bon, dans un premier temps, je pense qu'il
faut bien distinguer la question constitutionnelle. Il a beaucoup
été question du fédéral, de l'intervention du
fédéral au Québec, etc., tout ça. Nous, notre
message, le message que nous vous adressons, c'est que, quelque part, pour le
moment, on ne se sent pas très en confiance après six ans de
règne de gouvernement libéral, si on revient sur la promesse du 1
% qu'on est très loin d'avoir atteint. Alors, quand on nous parle de
rapatrier tous les fonds venant du fédéral, on a tout à
coup très peur. On a tout à coup très peur. Un, on ne sait
pas combien va arriver de là, on n'a aucune garantie de la façon
dont ces fonds-là seraient investis, et tout ça. Alors, on dit:
Bien, pour le moment, effectivement, sans garantie, on n'est pas prêts,
nous, à embarquer dans une démarche comme ça et le
système en place n'est pas si mauvais.
Il faut rappeler que le Conseil des arts du
Canada, pour ce qui est du Conseil, ses jurys qui concernent le
Québec sont formés de Québécois. Alors, ce ne sont
pas des étrangers qui, à ce moment-là, décident
pour nous. C'est peut-être un gouvernement étranger qui
décide de l'attribution qu'il va faire au niveau des fonds au Conseil
des arts et, là-dessus, effectivement, nous nous battons
également à Ottawa pour faire augmenter les fonds du Conseil des
arts parce que ce sont ceux qui directement s'en vont aux artistes. Et,
à cet effet-là, on remarque la même tendance au niveau du
ministère des Affaires culturelles. Dans notre mémoire, vous avez
deux tableaux où on voit très bien que les fonds d'aide directe
aux artistes ou aux organismes producteurs chez vous sont passés de 35 %
à 25 % dans votre répartition budgétaire. Alors, c'est ce
qui nous inquiète parce que, à quelque part, ce sont les
créateurs, au bout de la ligne, qui ont de moins en moins d'argent dans
un appareil de plus en plus gros. Alors, c'est ce qui nous inquiète dans
toute cette question-là.
Pour ce qui est de la différence entre un conseil des arts et un
ministère où, effectivement, il y a des jurys, donc des jurys de
pairs, la grande différence c'est peut-être tout simplement que,
dans le fonctionnement, à Ottawa, ils sont moins normes, comme on
dirait, et, à ce moment-là, effectivement les gens vont discuter
davantage des projets artistiques et moins... Bien, là, il y a une
petite grille à remplir. Ici, la première section, il faut mettre
25 points, la deuxième, 25 et la troisième, 50, puis, au bout,
combien il a sur 100, ce petit groupe-là. Et c'est un peu comme
ça que ça se passe malheureusement à Québec. On en
arrive à faire un pourcentage, et tel groupe vaut 63,4 %, et tel autre,
72,11 %; c'est pour ça que celui-là a une subvention et pas
l'autre. Ça nous semble un petit peu dommage au niveau du
fonctionnement, parce que, effectivement, ces jurys passent leur temps à
compter, à remplir des grilles d'analyse et finalement discutent
très peu des projets artistiques, alors que vous allez faire le
même jury a Ottawa et vous allez ne parler que des projets artistiques.
La différence fondamentale est là, c'est tout.
Alors, quand vous lisez dans le Devoir que les artistes se
sentent plus respectés à Ottawa, c'est que souvent la personne
qui leur répond peut leur donner au moins un "feedback" sur le projet
artistique et pas seulement: Bien, là, voilà, votre cote est
à 63,4 et, en bas de 66, on n'a pas pu donner. Et, à ce
niveau-là, bien, c'est un peu dommage dans le rapport entre l'appareil
du ministère, si on veut, et celui du Conseil des arts qui,
effectivement, paraît toujours bien. Au moins tu dis: Bon, je n'ai pas eu
ma subvention mais ils m'ont donné du "feedback". Bon, je pense que
c'est une des principales différences et c'est pour ça que les
gens disent: On est mieux reçus à Ottawa. Et souvent, en majeure
partie des cas, les personnes qui travaillent là, qui sont
engagées comme agents, sont des gens qui viennent des milieux
artistiques concernés. Les gens en danse, souvent, viennent de la danse;
en théâtre, etc.
Il y a un peu ça chez vous. Malheureusement, c'est en
minorité. Il y a beaucoup de gens qui sont des fonctionnaires; ils ne
font pas leur job de façon malhonnête ou quoi que ce soit, mais
souvent la personne a l'impression qu'il faut tout expliquer parce que la
personne en face ne comprend pas et ça fait, ça aussi, une grosse
différence. Je le sais très bien pour avoir, moi,
travaillé au Conseil des arts de la CUM où on était
effectivement des spécialistes dans nos domaines. Bien, les gens me
disaient au téléphone: Je n'ai pas besoin de te l'expliquer. Et,
effectivement, ils n'avaient pas besoin de m'expliquer ce qu'est une
tournée, ce qu'est un spectacle, ce qu'est cette
dépense-là. Il m'est arrivé, moi-même, en tant que
directeur artistique d'une compagnie, d'expliquer des dépenses de
tournées à la responsable du fonds de tournées. Alors,
c'est simplement à ce niveau-là qu'il faudrait peut-être,
à un moment donné, se dire: Bien, ce n'est peut-être pas un
ministère comme les autres, et peut-être qu'il y a moyen
effectivement d'apporter des transformations. Ne serait-ce qu'au niveau des
normes, on a l'impression de travailler pour le Conseil du trésor
plutôt que pour le ministère des Affaires culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, il y a beaucoup de
programmes et on les a déjà réduits de moitié ou on
est en processus, finalement, de les réduire de moitié et
d'essayer un peu d'alléger. Vous comprenez comme moi qu'il y a une
question de fonds publics aussi. Alors, ça prend une certaine
transparence. Maintenant, j'avoue avec vous que les mesures qui ont
été ajoutées au fur et à mesure des années
sont peut-être même moins applicables, dans un sens où le
milieu a aussi beaucoup mature. Alors, de part et d'autre, il faut
s'ajuster.
Vous savez, quand vous parlez du théâtre, c'est vrai qu'on
a beaucoup investi au niveau des infrastructures, au niveau muséal, par
exemple; donc, c'est une grosse pression aussi au niveau du budget
gouvernemental. Parce qu'on était en retard, d'une part, et,
deuxièmement, parce que c'est relativement neuf tout ça.
Par contre, votre budget depuis 1985 a augmenté de 50 %. Vous
êtes le secteur qui a augmenté le plus. Bon. Moi, j'aimerais
savoir, compte tenu de ça, compte tenu aussi de la
prolifération... Maintenant, on subventionne à peu près 92
compagnies. Il y a eu un comité d'évaluation de
théâtre fait par le milieu aussi. Il y a toute cette
discussion-là: Est-ce qu'on encourage finalement la création ou,
sans dire qu'on arrête le développement, pour l'instant, on
consolide versus continuer à développer et on favorise finalement
l'espèce de parrainage peut-être d'une
compagnie à une autre"? Et ça, c'est partout, pas
seulement à Montréal et à Québec, mais aussi en
région; c'est-à-dire qu'il faut aussi que la région se
développe. Mais, une espèce de consolidation, parce qu'il y a eu
prolifération et il semble que, même si on augmente nos budgets de
50 %, sachant que le Conseil des arts, lui, n'a pas augmenté depuis
trois ans, il y a un manque à gagner là qu'on ne vient pas
à bout de rattraper. Ça, c'est une chose.
Qu'est-ce que vous pensez aussi là de cette consolidation? Est-ce
que c'est bon ou bien on devrait finalement continuer? Ça, c'est la
première partie de ma question. Puis, deuxièmement, pour vous
éclairer, quand il y a des compagnies qui arrivent avec des
déficits imprévus de plusieurs centaines de milliers de dollars -
imprévus pour toutes sortes de raisons, parce qu'on sait finalement que,
bon, d'une année à l'autre, il y a des risques inhérents;
mais, imprévus là, je parle de plusieurs centaines de milliers de
dollars - est-ce qu'il y aurait une façon, non de contrôler, mais
quand même de faire face à ça? Parce que c'est très
difficile. C'est très difficile. Malgré une augmentation
énorme des budgets, c'est des déficits qui nous arrivent et puis,
finalement, il faut tout de même prendre l'argent quelque part.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Rousseau, je vous
demanderais de répondre extrêmement vite parce que le temps
imparti à Mme la ministre est déjà terminé. Et
à moins que vous ne vouliez lui répondre en dehors...
M. Rousseau (Pierre): Je pense que ça va servir
l'Opposition aussi au niveau de la réponse. Je voudrais juste dire, la
question du... Bon, c'est vrai, en théâtre, cette année, on
a eu un comité national d'évaluation. Ce comité s'est
penché sur tous les organismes subventionnés. Il a, ce
comité-là, quand même dit: Oui, peut-être qu'il y a
une vingtaine d'organismes auxquels il faudrait remettre en question
l'attribution des subventions.
Dans le rapport Arpin, il est beaucoup question de saupoudrage. De la
façon dont c'est dit d'ailleurs dans le rapport Arpin, ça laisse
entendre que peut-être qu'il y aurait assez d'argent, mais qu'il est mal
distribué et que, effectivement, peut-être qu'on devrait d'abord
faire un petit peu le ménage là-dedans, que ça aiderait
peut-être, la consolidation, et tout ça.
Sauf que la vingtaine de compagnies en question, sur un budget de 8 000
000 $, représente à peu près 300 000 $, parce que, dans
tous les cas, c'a été souvent des petites compagnies, des petits
organismes, soit de la relève, soit des compagnies en régions
très éloignées, que la direction régionale du
ministère avait décidé de soutenir souvent parce que
c'était la seule production culturelle locale et que même les
compagnies de tournées de Montréal ou de
Québec ne se rendaient même pas jusque-là. Alors, si
on enlève la petite compagnie, il n'y a plus de vie culturelle du tout
dans la région. Alors, c'a été des choix de cet
ordre-là.
Nous, on pense que la réponse aux problèmes
monétaires et financiers du théâtre n'est pas
nécessairement de récupérer ce 300 000 $, parce que
ça nous semble assez... Puisque vous parlez du déficit, ça
ne réglerait même pas la moitié du déficit du TNM,
effectivement. (17 h 30)
Pour ce qui est de la question des déficits... Vous avez entendu,
il n'y a pas longtemps, les gens des HEC. Il y a une loi qui cite abondamment
ces gens-là, que je ne connais pas très bien, qui s'appelle la
fameuse loi de Baumol, qui dit qu'on a beau arriver avec tous les nouveaux
moyens technologiques dans la société, pour faire une
pièce de théâtre, ça va toujours prendre six
semaines de répétition, ça va toujours prendre du
temps-homme qui va toujours être sensiblement le même qu'au temps
de Molière. Là-dessus, on ne peut rien gagner, ça ne se
peut pas. Un comédien ne peut pas, aujourd'hui, malgré tous les
moyens technologiques à sa portée, apprendre son rôle en
deux jours, ça ne se peut pas. Le temps de la représentation ne
pourrait pas être plus vite, ça ne se peut pas.
Maintenant, là-dessus, les organismes ont fait des efforts
incroyables pour en arriver à réduire leur déficit. On
coupe des personnages, on coupe des scènes complètes dans des
pièces de théâtre pour réduire la distribution sur
scène. On a fait tout le répertoire classique à six
personnages et moins. Les pièces à six personnages et moins, on
les a toutes jouées au Québec. Dans les années
quatre-vingt, sur scène, même chez Jean Duceppe, on a vu des
pièces à deux personnages, un plateau immense.
Tout ça a été fait, sauf qu'à un moment
donné ça ne se peut plus. Il va toujours arriver une année
où il y a une mauvaise production et ça y est, bang! c'est le
déficit, parce que les compagnies n'ont aucun autre moyen. On fonctionne
d'une année à l'autre. À cet effet-là,
effectivement, les plans triennaux vont aider un peu à assurer au moins
des assises financières plus solides, mais ça, on ne s'en sortira
pas.
Vous doubleriez le budget de tous ces organismes...
Éventuellement, dans cinq ans, le TNM ou Le Trident pourraient se
retrouver avec un nouveau déficit s'il y a une pièce qui ne
fonctionne pas dans la saison. On n'a pas de réponse à ça.
Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que le TNM est passé de 92 acteurs
à 59, cette année. Chez Duceppe, ça baisse aussi.
Jusqu'où allons-nous descendre comme ça? C'est un peu ça.
Quelle culture voulons-nous et quel théâtre voulons-nous? C'est la
question et la réponse, elle est aussi dans les choix de
société qu'on va faire.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau.
Je vais maintenant passer la parole à M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Chouinard, M. Rousseau, je fais face à un
dilemme. Je ne sais pas si je vais vous poser des questions ou si je vais
éclater avec vous.
M. Rousseau (Pierre): Éclatez.
M. Boulerice: Je vais éclater, merci. Votre
dernière réponse était bonne, je l'ai
appréciée. Vous avez bien fait de le dire, ça va
être bon pour l'Opposition aussi. C'est bizarre, quand il vient des
organismes de la culture, mon Dieu qu'il y a une introspection: Oui, mais les
déficits! Premièrement, moi, je trouve le langage un peu vicieux.
Ça accrédite que, si on est artiste, on ne sait pas gérer.
J'ai toujours dit que, si l'État gérait comme certaines petites
troupes théâtrales, le déficit étatique serait
peut-être bien moins que ce qu'il peut être actuellement, tant au
niveau fédéral qu'à ce niveau-ci.
Quand il y a une crise économique et qu'il faut sauver un
organisme en péril, rassurez-vous, ça se passe dans le cabinet du
premier ministre, exemple: Lavalin-SNC. Bye, le problème s'est
réglé très vite, sauf qu'il faut avoir une grande
introspection lorsqu'il s'agit des déficits au niveau du
théâtre. Sur la tête de votre mère, les
déficits, est-ce qu'ils sont dus à une mauvaise gestion, oui ou
non?
M. Rousseau (Pierre): Pas du tout.
M. Chouinard: Non. Vous avez des déficits qui sont
conjoncturels. Ceux qu'on a vus l'an dernier sont dus certainement, en grande
partie, à la conjoncture. Ça, ça ne peut pas faire
autrement dans une année comme on a connue. Cette année de
récession, cette année où on a vu arriver une nouvelle
taxe fédérale a fait que le public a choisi de façon plus
stricte ses sorties au théâtre, a délaissé certaines
sorties qu'il faisait habituellement et des compagnies qui avaient prévu
que certaines pièces fonctionneraient se sont retrouvées avec des
salles qui étaient moins pleines que d'habitude. Je ne parle pas de
toutes les compagnies, mais de celles qui ont fait un déficit.
Cet été, par exemple, pour vous donner un exemple - je
sais que ce n'est pas du théâtre subventionné - on s'est
étonné de la faible assistance au théâtre
d'été. Il y a eu des compagnies où ça s'est bien
passé, d'autres où ça s'est moins bien passé. Mais
il est évident que, cet été, les gens payaient moins pour
les sorties au théâtre que d'habitude.
Cela dit, il y a une autre partie à la réponse, c'est que
ce n'est pas de la mauvaise gestion, mais, pour remplir sa mission
théâtrale, sa mission artistique, un organisme se doit de monter
telle, telle et telle pièce, d'engager des comédiens et d'acheter
des décors. À un moment donné, il y a une limite à
l'augmentation du prix des billets. Je crois que les compagnies sont vraiment
forcées d'augmenter le prix des billets. On ne peut pas charger à
Montréal ou à Québec les 45 $, 50 $ qu'on charge à
Broadway. Ça ne se peut pas. Passer, d'une année à
l'autre, à 20 $ d'augmentation, c'est impossible. On est limité
par ces revenus-là.
Laissez-moi vous souligner qu'en ce qui concerne la commandite et les
dons de compagnies et d'entreprises, cette année, ça a
été une des pires années depuis longtemps et vous
comprenez très bien pourquoi. La récession, ce n'est pas
seulement pour les individus, c'est pour les corporations. Il faut bien se
rendre compte qu'une commandite, comme un don de compagnie, ça fluctue.
Une année, ça ne vous tente pas, vous ne donnez rien. Vous n'avez
pas de mission étatique à remplir quand vous êtes un
président de compagnie. Vous devez faire avancer les
intérêts des actionnaires. Donc, si, cette année-là,
on ne donne pas, on ne donne pas. Cette année, il y en a beaucoup qui
n'ont pas donné de sorte que des compagnies qui comptaient un peu
là-dessus - je dirais à 10 % peut-être au maximum de leurs
revenus - ont vu ça baisser, d'une part, et ont vu les salles un peu
baisser. Par contre, la seule chose qui n'a pas baissé, c'est les
dépenses.
M. Boulerice: M. Chouinard, je ne veux pas vous mettre en
opposition avec d'autres groupes de la société, mais, quand il y
a une immense sécheresse ou qu'il y a une chute des prix sur le
marché mondial, on se précipite. Quand il y a un déficit
dans le domaine de la culture, il ne faut surtout pas toucher à
ça. Mauvais gestionnaires! On va questionner: Est-ce que la culture est
vraiment aussi importante que la mission sociale et économique de
l'État? C'est beau de l'écrire là, mais il va falloir
changer les mentalités.
M. Chouinard: On ne fera pas de cas individuels ou de cas par
cas, M. Boulerice. Il est évident que, dans l'histoire du
théâtre québécois, des mauvais gestionnaires, c'est
comme dans n'importe quelle affaire...
M. Boulerice: C'est ça que je vous dis.
M. Chouinard: ...il y en a eu et il y en a qui ont
été sanctionnés comme tels. Dans d'autres cas, il y a eu
des gestions qui ont été faites qui ont été
convenables. Il y a eu des plans de redressement qui ont été - on
ne nommera personne, mais... Il y a des compagnies importantes qui se sont
trouvées dans l'obligation de vendre leurs salles, de produire un plan
de redressement, de repartir à zéro. Le directeur s'était
retrouvé tout seul avec sa comptable pour essayer de repartir le
théâtre et ça a réussi. On
n'a donc pas taxé de mauvaise gestion permanente ces
théâtres-là. On les a aidé à donner le coup
de barre nécessaire pour passer à travers des périodes
difficiles, et ça existe.
Il y a aussi - il faut bien le dire - en théâtre, un
état d'esprit qu'il faut avoir par rapport à l'investissement
qu'on fait dans une compagnie de théâtre, c'est le droit à
la recherche et à - je vais le dire ici - l'erreur. On doit pouvoir
avoir le droit à la recherche et à l'erreur à
l'intérieur de normes raisonnables, évidemment, à
l'intérieur de normes qu'on peut être capable de contrôler.
Mais le choix d'une pièce, le choix d'un nouvel auteur... On me faisait
la remarque, il n'y a pas longtemps, que, pour avoir un Gretzky, combien
ça prend de petits gars qui ont passé à côté,
sur lesquels les parents ont investi en patins, en toute sorte... Bon. Ce ne
sont pas tous des Gretzky. Il y en a un, Gretzky, sur je ne sais pas combien de
milliers d'enfants et, pourtant, on n'hésite pas à dire que c'est
sur le nombre, sur l'ensemble qu'on va retrouver la qualité, qu'on va
ressortir la pièce. Il y a de jeunes auteurs au Québec qu'il faut
pouvoir aider.
Là, je vais revenir à un événement de
l'été dernier, Mme la ministre, vous me permettrez - je ne sais
pas si vous l'entendrez en même temps, M. Boulerice - c'est qu'à
force de se partager la petite tarte, actuellement, on nous divise les uns
contre les autres au sein même des milieux. C'est la même chose au
sein même du budget et de l'argent de l'État au complet. On divise
les populations. On parle de lits d'hôpitaux versus subventions à
des compagnies de théâtre et c'est malsain, je le sais.
Particulièrement dans notre milieu, on s'est retrouvé, par
exemple, l'été dernier, à constater qu'on arrivait
à un nouveau système de subventions triennales et
d'amélioration de ces subventions. Je pense que c'était bien
reçu par la plupart des compagnies, seulement, du même souffle, on
nous apprenait, du ministère, dans cette rencontre que nous avons eue
avec la ministre et la sous-ministre, qui sont ici en ce moment, que,
malheureusement, certains programmes devraient peut-être céder le
pas à d'autres. Les auteurs, pour les nommer, se sont retrouvés
avec un programme, qui était un programme d'auteurs en résidence,
coupé pour cette année. Alors, on s'est retrouvé...
De quoi j'ai l'air? Moi, je suis président du Conseil
québécois du théâtre. J'ai, à ma gauche, les
compagnies en question qui étaient bien satisfaites, qui étaient
contentes, mais je me suis fait ramassé joyeusement par ceux que vous
connaissez maintenant assez bien ici, à cette commission, parce que je
pense que vous les avez vus retontir. Et c'est pareil pour nous. Vous nous
divisez les uns contre les autres dans ce sens-là et je trouve
ça...
Il a commencé à y avoir cet état d'esprit, qui
n'existait pas, il y a 10 ans, entre les gens de théâtre. Les uns
disent: Oui, mais pourquoi lui, pourquoi pas moi? Pourquoi vous donnez plus
à lui? Pourquoi j'ai perdu 1200 $? Et je m'aperçois que lui a eu
800 $ de plus et lui a 400 $ de plus. Donc, c'est eux autres qui ont mes 1200
$. On est là à se charogner les uns et les autres sur des
montants minimes qui feraient rire bien du monde, mais, enfin, c'est ça.
On en est là et je trouve que ça ne débloquera pas tant
qu'on n'aura pas analysé les besoins, les fameux besoins de chaque
compagnie. On a demandé pendant de grands bouts de temps... On a dit aux
compagnies: Demandez selon vos besoins, pour ensuite leur dire: Oui, mais
restreignez-vous par contre parce que, là, on est en période de
récession.
On a perdu contact avec les besoins réels. On ne sait plus ce que
ça coûte un siège de théâtre pour un soir et
il faudrait le redécouvrir. Ça ne coûte pas les 25 $ que
paie le spectateur, ce qui nous a tenté de dire, à une certaine
époque, qu'on subventionnait bien plus le spectateur, pour lui permettre
de ne pas payer son billet 40 $, que la compagnie elle-même, puisque ses
acteurs plafonnaient dans les salaires et qu'il y avait beaucoup de directeurs
qui ne se payaient plus. Donc, on a perdu contact avec la réalité
des coûts. Bien sûr, on essaie de s'organiser pour dire: Bon, on va
en donner un petit peu plus là, un petit moins là, on va trouver
de nouvelles formules; autant de formules sur lesquelles nous n'avons aucune
récrimination. Je pense qu'il faudra se mettre à table.
On a regardé le rapport Samson-Bélair. M. Coupet, je l'ai
entendu récemment dans un colloque. Il a de belles idées. Des
Français sont venus nous parler de ces idées de fonds
régionaux. Encore aujourd'hui, vous en avez parlées avec M.
Béland. Il y a de belles idées à travailler ensemble, mais
le scepticisme actuel, la désillusion, la morosité collective de
ce milieu tient bien plus au fait d'une impression: l'État est là
pour nous rendre raisonnable et nous dire qu'il n'y a pas d'argent et qu'il n'y
en aura jamais plus.
À ce moment-là, on bute sur cette espèce de mur, ce
mur qu'on semble trouver inébranlable. Il y a des augmentations, mais
elles ne sont pas à la mesure de l'augmentation des coûts. On a
perdu le sens des coûts qui grandissent et on a perdu contact avec ces
coûts-là. Des gens ne se paient pas pour faire ce
métier-là. Ce n'est pas normal. Dans quelque autre métier
que ce soit, ce serait fini.
Mais des artistes, il y en aura toujours. C'est comme les malades au
Québec. Il y a beaucoup de malades, mais des malades, on espère
qu'il n'y en aura pas toujours. Un malade, c'est quelqu'un qu'il faut essayer
de rendre en santé, mais un artiste, j'espère que ce n'est pas
quelqu'un qu'il faut essayer de raisonner, à qui il faut dire: T'es un
artiste, mais il faut que tu comprennes que ça se soigne. Je pense que
ça ne
se soigne pas d'être artiste. C'est une maladie qu'on va avoir
toute la vie et les jeunes d'aujourd'hui qui regardent la
télévision, qui vont au théâtre, qui font ça,
ils veulent être artistes aussi un jour. Vous en avez de plus en plus.
Allez voir aux portes des conservatoires. Il y en a de plus en plus, des
jeunes, qui veulent devenir artistes. On ne sait plus comment faire pour les
empêcher de s'exprimer. Est-ce qu'on a perdu le sens du rêve? On a
encore le sens du rêve. Il y en a qui l'ont et ils viennent nous le dire.
Je m'excuse d'être si long.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Choui-nard.
M. Chouinard: Je m'excuse, M. le Président. C'est parce
que j'avais besoin de...
Le Président (M. Gobé): Je vais passer la parole
à M. le député de Mercier.
M. Godin: Oui, une seule phrase comme d'habitude, M. le
Président. Le système actuel force les compagnies et les gens
à faire le trottoir tout simplement. On appelle ça, dans le
métier policier; être péripatéticienne. Donc,
"cruiser" et aller "cruiser" les communications à Ottawa en passant par
le Conseil des arts, venir frapper à la porte, à Québec,
de Mme la ministre... Mais, au fond, c'est humiliant et c'est immoral, disons,
qu'on force les artistes, les créateurs du Québec à jouer
les péripatéticiennes face à leurs clients
subventionnaires qui sont ceux qu'on a nommés depuis le
début.
Alors, la solution évidemment, c'est s'il y avait un seul
ministère responsable de l'ensemble des budgets, des politiques et des
jurys, qui soit celui du Québec parce qu'on n'est jamais mieux
jugés que par les nôtres pour ce qui touche la création, la
valeur d'un tableau, la valeur d'un poème. Et je pense à l'oeuvre
de Nelligan, par exemple. Je pense que sa mère fut sa meilleure lectrice
et c'est grâce à sa mère s'il a fait 300 poèmes dans
sa courte carrière littéraire. Il était, à ce
moment-là aussi, prisonnier, si je peux me permettre, de sa famille qui
pourvoyait à tous ses besoins en argent, en logement et en vivres... en
bouffe, devrais-je dire. (17 h 45)
Donc, il faut un système qui soit moins immoral et qui force
moins les compagnies ou les organismes comme le vôtre à aller,
comme on dit dans mon comté, téter les ministères et les
organismes fédéraux subventionnaires en espérant qu'ils
vont ouvrir leurs poches et mettre le trente-sous, comme on fait sur la rue
Mont-Royal maintenant, à la porte de chez Jean Coutu et de la caisse
pop, avec les gens qui mendient. On force les créateurs du Québec
à être des mendiants. C'est ça qui est inacceptable et
c'est le message que je voudrais que la ministre comprenne puisqu'elle dit: II
faut des change- ments. Le changement fondamental, à mon avis, il est
là, c'est de faire disparaître l'obligation de
péripatétisme à nos créateurs. C'est de ne pas les
forcer plus longtemps à être des péripatéticiennes
et leur donner les moyens, avec certaines garanties pour l'avenir, de pouvoir
faire leur art et de créer sans entraves, surtout pas
financières.
Le Président (M. Gobé): Oui, monsieur, merci, M. le
député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Rousseau (Pierre): Je voudrais simplement dire - et ça,
je pense que c'est important: On ne demande pas mieux que de faire confiance au
ministère des Affaires culturelles...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Rousseau.
M. Rousseau (Pierre): ...mais qu'il nous prouve qu'on peut avoir
confiance.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.
M. Boulerice: Eh bien, M. Chouinard, M. Rousseau, merci.
J'étais porté à faire confiance, au début de cette
commission, et je dois vous avouer que j'ai les mêmes inquiétudes
que vous. Je me demande depuis hier soir ce que je fous à cette
commission. Quand j'entends, livrées au Téléjournal, les
élucubrations de taverniers qui disent qu'il faut fermer le
Conservatoire, fermer Radio-Québec, augmenter le prix des billets au
Grand Théâtre et à la Place des Arts, j'ai la même
préoccupation que vous: Est-ce que je suis en train, moi aussi, de me
faire flouer à cette commission parlementaire?
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, puis-je vous rappeler au passage qu'il y a
certains mots, dans cette enceinte, qui sont peu recommandés? Je ne les
nommerai pas, mais je pense que vous avez compris ce que je veux dire. Alors,
j'apprécierais si, dans le débat qui va continuer...
M. Boulerice: Je préfère l'expulsion que les
retirer.
Le Président (M. Gobé): ...vous en teniez compte,
afin de garder à cette commission de la culture son haut niveau de
langage, qui lui est habituel, d'ailleurs. Mme la ministre, vous avez la
parole...
M. Boulerice: "Broue" est un grand spectacle
québécois.
Le Président (M. Gobé): ...pour le mot de la
fin.
Mme Frulla-Hébert: M. Chouinard et M. Rousseau, si
j'avais, justement, la même inquiétude et la même... que mon
collègue, on pourrait vraiment s'inquiéter, mais il y a des
recommandations qui souvent passent du farfelu au plus réaliste et je
considère que certaines d'entre elles étaient farfelues. Donc,
vous me voyez très calme. Alors, je tiens à encourager mon
collègue à tenir bon. Si on a une commission parlementaire, c'est
pour des changements et j'apprécie aussi la collaboration de mes
vis-à-vis.
On sait très bien, au niveau de l'aide aux artistes, que, oui,
les budgets ont beaucoup augmenté pour des besoins et il y a
réajustement. On est ici pour des changements et, si tout était
bon dans le meilleur des mondes, on ne serait pas ici. Mais, quand je vous vois
défendre... Votre groupe a souvent dit que c'est grâce aux
artistes que la culture est bien vivante. Ça me fait penser à un
éditorialiste qui disait que la culture n'appartient pas aux artistes,
que les artistes sont bénéficiaires de l'aide à la
création. J'espère que vous allez défendre ça,
c'est-à-dire défendre contre, parce que cette
idée-là... Je suis parfaitement contre, finalement, cette
déclaration, d'une part, et, deuxièmement, si les
créateurs et les artistes n'étaient pas là, on ne serait
pas ici non plus aujourd'hui. On va essayer d'apporter des changements,
croyez-moi.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Chouinard, M. Rousseau, au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier. Ceci met fin à votre audition et nous vous
souhaitons bon retour.
M. Chouinard: Merci.
M. Rousseau (Pierre): Merci.
Le Président (M. Gobé): Je demanderais aux
représentants de l'Université de Sherbrooke de bien vouloir se
présenter en avant et de prendre place autour de cette table. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous inviterais à
regagner votre place, afin que nous puissions commencer l'audition. Alors, je
vous remercie, M. le député, de nous rejoindre.
Il me fait plaisir d'accueillir maintenant M. Jean-Guy Ouellet,
vice-recteur à l'enseignement de l'Université de Sherbrooke.
Bonsoir, M. Ouellet.
M. Ouellet (Jean-Guy): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes
accompagné par M. Jacques Labrecque, directeur du Centre culturel de
l'Université de Sherbrooke, bien entendu. Alors, vous allez pouvoir
commencer votre présentation et, par la suite, nous dialoguerons. Je
vous avise que vous avez une période de 15 minutes. Si vous avez un
mémoire à lire, faites-le en version condensée.
Université de Sherbrooke
M. Ouellet: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM.
les députés, membres de la commission parlementaire, mesdames et
messieurs, c'est avec grand plaisir que nous venons vous présenter, cet
après-midi, les commentaires de l'Université de Sherbrooke
relativement au rapport "Une politique de la culture et des arts"
préparé par le groupe-conseil placé sous la
présidence de M. Roland Arpin. Nous tenons tout d'abord à
souligner l'importance de la réflexion effectuée et nous
souhaitons préciser que notre intervention d'aujourd'hui, semblable en
cela au mémoire que nous avons présenté, portera
uniquement sur là réaction aux recommandations touchant la
formation en art et sur le rôle tenu par notre Université au plan
de la diffusion culturelle.
L'objectif premier de l'Université de Sherbrooke, par sa
présence ici aujourd'hui, est de manifester son intérêt
pour ces questions et, ce faisant, de signifier sa disponibilité
à participer à toute réflexion pouvant faciliter
l'atteinte des objectifs exprimés dans le rapport. Nous voulons aussi
témoigner de l'importance d'entreprendre une réflexion globale
sur l'ensemble des interventions en formation des ressources humaines en art et
établir des créneaux spécifiques ou partagés par
les différentes structures de formation.
Quelques mots sur l'Université de Sherbrooke. Créée
en 1954 pour répondre aux besoins d'enseignement supérieur de
l'Estrie, l'Université de Sherbrooke occupe aujourd'hui une place
originale au sein du réseau des universités
québécoises. Ses programmes d'études attirent des
étudiants de toutes les régions du Québec et la
réputation de ses chercheurs déborde les frontières du
pays.
Organisée selon un modèle facultaire adapté au
contexte nord-américain, l'Université compte neuf facultés
qui assument la responsabilité immédiate de l'enseignement. Elles
regroupent au sein des départements des spécialistes d'une
même discipline ou de disciplines connexes. La taille moyenne de
l'établissement tout comme le caractère
décentralisé de l'administration des programmes ont
favorisé l'expression du dynamisme de la base et l'instauration d'une
tradition d'ouverture à l'innovation et d'adaptabilité au
changement. Aussi bien en matière d'enseignement et de recherche que de
services à la collectivité, les manifestations de ce sens de
l'innovation sont multiples, une des plus connues étant sans doute le
régime coopératif d'enseignement.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me dois de mentionner que nous
ne pouvons que déplorer le fait que notre Université n'ait pas
été consultée en vue de la préparation de ce
rapport. Nous croyons sincèrement que nous aurions pu apporter une
contribution valable,
tant à ce qui a trait à la présentation de la
situation actuelle qu'en ce qui concerne les avenues de solution. Nous aurions
été en mesure de fournir des points de vue tant sur la formation
en art comme telle que sur la formation dans des disciplines et des champs
d'études comportant des applications possibles dans le domaine des arts:
gestion, marketing, communications, didactique, etc.
J'aborderai maintenant la question de l'intervention de
l'Université dans la formation en théâtre, en danse, en
arts visuels, en littérature et en musique. Situées au carrefour
de trois disciplines - études françaises, sociologie et
psychologie - les études en théâtre sont orientées
vers la formation d'animateurs et d'animatrices qui utilisent le
théâtre comme outil de création collective et d'expression
pour faire réfléchir, véhiculer les grands débats
de l'heure et susciter de nouveaux comportements sociaux.
La majeure en théâtre permet également
d'acquérir une connaissance plus générale du
phénomène théâtral, c'est-à-dire de s'initier
aux différentes techniques de production de spectacles, du choix du
texte jusqu'à la première présentation. Cette formation
est complétée par l'étude de la littérature
dramatique.
Au domaine de la danse, la participation de l'Université se
résume à l'offre par la Faculté d'éducation
physique et sportive, d'un module en danse et certaines activités
pédagogiques comprenant des exercices ou spectacles en public.
En arts visuels, il y a un programme de certificat de 30 crédits
offert par la Faculté des lettres et sciences humaines. Ce certificat
d'expression artistique stimule et développe l'expression personnelle,
l'intériorisation et la créativité.
Quant à la formation en lettres, le Département de lettres
et communications de la Faculté des lettres et sciences humaines offre
des programmes d'études anglaises et françaises qui touchent
notamment la littérature et la création littéraire. Les
programmes de 2e et 3e cycles favorisent, en plus, l'expérience de la
création littéraire.
Quant au programme de baccalauréat en musique de
l'Université de Sherbrooke, il est actuellement en processus
d'implantation. L'accueil d'un premier groupe d'étudiants et
d'étudiantes est prévu pour le trimestre d'automne 1992. Je vous
fais grâce de son contenu.
Un portrait sommaire de l'intervention de l'Université de
Sherbrooke étant esquissé, abordons maintenant la partie
constituant la réaction de l'Université aux recommandations du
rapport concernant la formation en art, comme telle. En ce qui a trait à
la participation du réseau universitaire à la réflexion
sur la formation en art, rappelons que les recommandations 24, 25 et 26 du
rapport favorisent la création d'un groupe de travail qui verrait
à identifier les besoins de formation et à dresser un bilan. Si
cette idée nous apparaît fort valable, nous ne pouvons nous
empêcher de noter que les universités sont exclues du processus.
Nous croyons que les universités québécoises devraient
être représentées au groupe de travail prévu
à la recommendation 24, parce qu'elles offrent de nombreux programmes de
formation en art et parce qu'elles trouveraient également leur
intérêt dans une démarche visant à - et je cite -
"planifier et harmoniser les programmes offerts".
De même, puisque la recommandation 25 prévoit que le groupe
de travail procède à un bilan de la situation actuelle quant aux
besoins en formation et à la façon dont ils sont satisfaits
à l'heure actuelle, nul n'est mieux préparé que les
universités elles-mêmes à produire les statistiques et les
rapports d'évaluation les plus éclairants et pour commenter leurs
propres interventions en formation en art. La recommandation 26 confie
également à ce groupe de travail le mandat d'étudier les
programmes de formation professionnelle en théâtre et en musique.
Les universités peuvent certainement collaborer à une telle
étude en tant que dispensatrices de programmes de cette nature.
Lorsqu'il s'agit de formation, le rapport traite abondamment de
l'importance de déterminer les besoins de formation des artistes, ce qui
est essentiel à toute démarche de formation. Nous croyons qu'il
est également important d'aborder la question de la qualité de la
formation, ceci tant au plan des contenus que de la pertinence en regard du
marché du travail. Ce qui rejoint la préoccupation qui est
exprimée par la recommandation 27 du rapport.
Dans la même foulée, nous nous devons de souligner que le
souci de la qualité des contenus et de pertinence de la formation n'est
pas étranger à la répartition des clientèles et
à la rationalisation des interventions des divers ministères et
des universités. En effet, le maintien des structures
dédoublées dans certains domaines, notamment en musique et en
théâtre, peut être extrêmement profitable si des
créneaux précis sont envisagés pour chacune des
structures, mais peut s'avérer nocif au plan qualitatif s'il
empêche d'accéder à la masse critique d'effectif
étudiant nécessaire à une formation de qualité.
Nous invitons donc le groupe de travail prévu à la recommandation
24 et surtout les ministères concernés à recentrer les
vocations des divers intervenants en formation.
La recommandation 28 suggère, quant à elle, que soient
davantage développés la formation continue et le perfectionnement
maintenant que la formation initiale en art est implantée. Nous nous
devons de mentionner à cet égard que, si des activités
ponctuelles de formation sont pertinentes, il n'en demeure pas moins qu'il
serait souhaitable de favoriser l'accès au programmes existants ou la
création de nouveaux programmes permettant d'inclure ces enseignements
dans une démarche complète et structurée,
dotée d'une certaine pérennité.
De même, s'il est souvent question, comme à la
recommandation 30, de favoriser l'accès des artistes à certains
programmes de formation par l'éligibilité aux plans
gouvernementaux, il ne faudrait pas pour autant négliger l'incitation
à s'investir dans des programmes universitaires de formation initiale en
art ou dans des champs d'études pouvant s'appliquer au domaine des
arts.
Quant à la recommandation 32 qui traite de la formation des
gestionnaires en art, nous ne pouvons que nous réjouir qu'une telle
étude soit entreprise. La formation de gestionnaires culturels doit, en
effet, faire l'objet d'une réflexion particulière. À cet
égard, la formation en régime coopératif pourrait
comporter, pour cette clientèle, des avantages importants. En effet,
l'alternance session d'études et stage de travail permettrait de
dynamiser l'intérêt pour les études en gestion des arts et
de pourvoir les entreprises culturelles, dans un premier temps, de stagiaires
déjà intéressés par le domaine et, à moyen
terme, de ressources humaines compétentes. (18 heures)
Notre Université offre le régime coopératif,
notamment au baccalauréat en administration, de même que dans
certains programmes du secteur des lettres et communications. Une aide
financière permettant aux entreprises culturelles d'embaucher des
stagiaires permettrait de former des personnes aptes à intervenir dans
les domaines de gestion des arts, du marketing des produits culturels, des
communications, etc. Le problème créé par le manque de cas
issus du domaine des arts à être traités lors des
études en gestion serait ainsi réglé.
J'inviterais maintenant M. Labrecque à vous présenter le
point de vue de l'Université en ce qui a trait à la diffusion
culturelle. M. Labrecque, s'il vous plaît.
M. Labrecque (Jacques): Le 12 février 1969, le conseil
d'administration de l'Université de Sherbrooke crée le Centre
culturel de l'Université dont la mission est de favoriser le
développement culturel dans la communauté universitaire, dans la
ville de Sherbrooke et dans la région de l'Estrie. La salle
Maurice-O'Bready devient le lieu de diffusion des arts d'interprétation
alors que la galerie d'art intègre ses expositions d'art contemporain
dans la programmation artistique du Centre culturel. Depuis 20 ans, le Centre
culturel de l'Université de Sherbrooke multiplie ses interventions dans
le domaine artistique en procurant aux intervenants du milieu un lieu de
production et de diffusion et en offrant à la population une
qualité d'événements artistiques comparable à celle
des centres de Montréal et de Québec.
Dans le cadre de la mission qui lui a été octroyée
en 1969 et des deux champs d'intervention qui lui sont reconnus, le mandat du
Centre culturel se définit de la façon suivante: agir à
titre de diffuseur et maintenir une structure d'accueil pour les arts
d'interprétation et les arts visuels, favoriser la création et la
production par des intervenants locaux et régionaux et gérer les
ressources humaines et matérielles mises à sa disposition.
En regard de sa mission et de son mandat, le Centre culturel s'est
fixé et a atteint de nombreux objectifs depuis sa création pour
répondre aux besoins des intervenants et des communautés qu'il
dessert. Dans la poursuite de son développement, il s'est fixé
les objectifs suivants: à titre de diffuseur de structures d'accueil,
offrir une variété d'activités de qualité de
façon à répondre à la diversité des besoins
des différentes clientèles, accroître
l'accessibilité à la culture en ciblant certaines
activités pour des clientèles particulières, assurer une
infrastructure qui répond aux besoins de la clientèle, les
artistes et les autres intervenants; à titre de promoteur et de
diffuseur auprès des intervenants locaux et régionaux,
répondre dans la mesure du possible aux demandes exprimées par
les intervenants du milieu local et régional et encourager les artistes
professionnels établis ainsi que la relève; à titre de
gérant des ressources, mettre à jour des modes d'opération
de façon à mieux satisfaire la clientèle, moderniser ses
équipements, planifier la création d'un nouveau plateau de
production, de répétition et de diffusion et planifier la
construction d'une galerie d'art selon les exigences muséologiques
contemporaines.
Une bonne partie de ces objectifs peuvent être atteintes au rythme
de la disponibilité des ressources et grâce aux subventions
accordées par le ministère des Affaires culturelles pour les arts
d'interprétation et les arts visuels. Par contre, certains de ces
objectifs pourront être rencontrés pour autant que la ville de
Sherbrooke assortisse sa reconnaissance à un programme de subventions
approprié et que le ministère des Affaires culturelles accorde
des octrois spécifiques à cette fin.
Chaque année, le Centre culturel accueille au-delà de 150
000 spectateurs en provenance des quatre coins de la région. Les
récentes statistiques indiquent la présentation d'environ 170
manifestations en variétés, en théâtre, en musique
et en danse, sans compter les représentations cinématographiques.
Un grand nombre de ces manifestations sont offertes par des artistes de la
région, qu'ils soient amateurs ou professionnels. Cette participation
est significative et contribue à la richesse et à
l'originalité de la programmation.
L'impact du Centre culturel sur la qualité de vie, sur l'attrait
touristique de Sherbrooke est indéniable et le Centre joue un rôle
de premier plan sur la vie économique de la région. Une
équipe de 18 employés réguliers et une centaine
d'occasionnels y travaillent et, pour la saison finissant le 31 mai 1990, les
revenus au guichet
ont atteint un sommet de 1 800 000 $. Cette performance est liée
non seulement à l'importance de sa machine publicitaire, mais surtout au
"membership" grandissant du Centre culturel. En effet, cette année, le
Centre culturel compte sur plus de 5000 abonnés dans ses séries
en théâtre, musique et variétés. De plus,
au-delà de 6000 étudiants du cégep et de
l'Université se sont procuré des passeports culturels et,
grâce à une toute récente entente avec la Commission
scolaire catholique de Sherbrooke, plus de 4000 enfants ont
adhéré à une formule de participation aux activités
jeunesse du Centre culturel.
Quant à la galerie d'art, elle s'est spécialisée au
fil des ans en art contemporain. Une vingtaine d'expositions sont
présentées annuellement et plus de 30 000 personnes visiteront la
galerie d'art. Les artistes présentés figurent parmi les plus
reconnus. C'est grâce à la qualité de sa programmation que
la galerie d'art s'est taillé une réputation qui va
au-delà de notre ville et qu'elle contribue à projeter une image
de Sherbrooke comme étant une ville dynamique en matière de
diffusion d'arts visuels.
Le rapport Arpin valorise le partenariat au chapitre de la diffusion, en
particulier avec le monde municipal. L'Université se situe dans la
logique du partenariat, à la condition que ce terme désigne une
implication mutuelle des partenaires. Jusqu'à maintenant, le
ministère des Affaires culturelles et l'Université ont
été de réels partenaires, chacun oeuvrant avec l'autre au
développement de la culture en Estrie et chacun contribuant de
façon significative au financement du Centre culturel. La proposition du
groupe Arpin semble suggérer un retrait de l'État du financement
des opérations des lieux culturels pour laisser cette
responsabilité à la municipalité. Ce serait un recul pour
notre région. Au contraire, l'État doit maintenir le rôle
prépondérant des centres majeurs de diffusion en région,
tout comme il le fait dans les grands centres de Montréal et de
Québec.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Labrec-que, je
vous demanderais de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.
M. Labrecque: II me reste deux mots. L'Université
considère avec intérêt les ententes triennales
suggérées par le rapport Arpin. Il serait intéressant
qu'on profite de l'établissement de ces ententes pour faire en sorte que
l'intervention du ministère des Affaires culturelles puisse agir comme
levier pour une plus grande implication de la municipalité.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre et, par la suite, à
M. le député de
Sherbrooke, avec un consentement général de l'Opposition
que mon collègue est venu me chuchoter à l'oreille pendant la
présentation.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie d'être venus
à la commission, d'une part. Deuxièmement, il ne faut pas... Vous
avez mentionné dans le rapport Arpin l'implication que vous auriez
souhaitée, mais comme vous l'avez remarqué, le secteur de
l'éducation, par exemple, a été fortement
interpellé. Comme le rapport, eh bien, c'est une base de discussion.
Alors, nous sommes ici pour ça et c'est certain qu'après, lors de
la rédaction, c'est sûr qu'on va s'asseoir aussi avec les divers
représentants du milieu de l'éducation, soit Enseignement
supérieur et Éducation, pour pousser plus loin certaines
pensées.
Ma question finalement, avant de laisser la parole à mon
collègue, tient des dédoublements. Vous dites dans votre
mémoire que vous allez avoir une faculté de musique... et
finalement on a aussi les conservatoires. Comment voyez-vous le rôle
entre la formation musicale - dans certaines universités, film musical,
art dramatique, etc. - donnée dans les universités versus les
conservatoires, et la complémentarité, s'il peut y en avoir une?
Est-ce qu'il y a, d'abord et avant tout, des dédoublements?
M. Ouellet: Une des conclusions que je voulais faire, c'est qu'au
niveau de la formation, autant de l'ordre collégial que des
collèges, que des conservatoires, que des écoles, actuellement,
toutes ces structures, je pense, devraient être invitées à
poser un regard sur leur spécificité et leur
complémentarité. Lorsqu'on regarde le rôle des
conservatoires - et je vois M. Thibault qui est ici, le directeur des
conservatoires - dans l'élaboration du projet qui a mené à
avoir l'enseignement supérieur de la musique en Estrie, notamment
à l'Université de Sherbrooke, il y a eu des discussions
sérieuses à l'effet d'un jumelage,
conservatoire-université, pour offrir un programme qui répondrait
davantage aux besoins d'une population qui n'était desservie ni par un
conservatoire ni par un programme d'enseignement universitaire en musique.
On y a vu là des complémentarités qui
étaient possibles. On y a vu là aussi un certain
dédoublement, pas nécessairement avec le niveau universitaire,
mais avec le niveau collégial ou avec le niveau secondaire, lorsqu'on
regarde les volets de formation en interprétation musicale. Mais
ça, je pense qu'il y a probablement place pour des gens qui ne sont pas
intéressés à poursuivre des études universitaires,
mais qui veulent développer leurs aptitudes en musique. Les
conservatoires n'ont pas le genre d'exigences que le réseau scolaire a,
en termes d'admissibilité puis en termes aussi de progression à
l'intérieur de la filière des conservatoires, par rapport au
milieu scolaire qui a ses exigences très nettes, que ce soit le
collégial... Si on veut avoir un DEC en musique, il faut quand
même être capable de réussir le tronc commun et les
exigences minimales dans d'autres disciplines, ce qui n'est pas le cas dans le
cas d'un conser-
vatoire.
Donc, il y a certainement place, mais il faut, à mon avis, que
les spécificités, par exemple, du conservatoire par rapport
à l'enseignement collégial, par rapport à l'enseignement
au niveau universitaire soient mieux arrimées et qu'on ne
dédouble pas, qu'on réponde mieux aux besoins d'une population
dans un cadre, si vous voulez, pédagogique et aussi dans un cadre
financier qui permette de le faire avec toute la qualité voulue et
souhaitée.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. M. le
député de Sherbrooke, vous avez la parole.
M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aurais peut-être
deux questions, si vous le permettez. Merci de m'autoriser. D'abord, vous savez
que l'Université de Sherbrooke, par son régime coopératif,
a un régime particulier et assez intéressant. J'aimerais
ça que vous développiez davantage cette situation
pédagogique qui nous est particulière en nous disant comment le
régime coopératif à l'Université pourrait aider
davantage nos entreprises culturelles.
M. Ouellet: Ça pourrait être fait de diverses
façons. Premièrement, pour expliquer aux membres qui sont moins
familiers avec le régime coopératif, on parle ici d'alternance
études-travail. Donc, on a deux sessions d'études avec une
session en milieu de travail, dans une entreprise, et ces stages-là en
entreprise ne sont pas crédités, ils sont
rémunérés. Donc, il faut un partenariat avec
Pentrepreneurship" parce qu'il doit trouver une place pour l'étudiant
dans son entreprise et le payer, avec un cadre financier qui est normalement
prédéterminé.
Donc, ceci étant connu, si on veut que certains de nos
étudiants, qu'ils soient en administration... S'ils pouvaient aller dans
une entreprise culturelle, ça pourrait aider pour cette
dimension-là, ou que ce soit sur le plan du marketing, que ce soit sur
le plan des communications, ça permettrait, possiblement, à
l'entreprise culturelle de bénéficier d'une certaine expertise.
Ça permettrait aussi à des étudiants de se sensibiliser
à l'entreprise culturelle et, éventuellement, d'avoir des
intérêts et une certaine expertise qui s'est
développée parce qu'un étudiant, normalement, dans un
programme de trois ans, va aller en stage trois fois dans l'entreprise.
Donc, il a l'équivalent de 12 mois d'expérience au moment
où il doit se lancer sur le marché du travail, il pourra avoir
bénéficié, à ce moment-là, d'une certaine
expérience dans ce milieu-là. Donc, il pourrait y avoir quelqu'un
en administration, quelqu'un en marketing ou peut-être quelqu'un en
communications ou dans d'autres secteurs et possiblement que ça pourrait
aider l'entreprise culturelle et probablement aussi mieux préparer nos
futurs gestionnaires dans ces secteurs-là.
Le Président (M. Gobé): Allez-y.
M. Hamel: Est-ce que vous auriez l'intention, comme vous avez
innové dans beaucoup de choses, de l'implanter bientôt, ce
régime coopératif, peut-être au niveau culturel, avec la
venue de l'école de musique et ce que vous donnez
présentement?
M. Ouellet: Moi, je pense que le milieu culturel pourrait
être un milieu, comme on en a dans le domaine des affaires, de
l'entreprise, de l'industrie manufacturière. On pourrait à ce
moment-là, si les entreprises culturelles avaient la possibilité
de rémunérer ces gens-là... Parce que souvent ça
nous est dit que ce n'est pas prévu, qu'on n'a pas le moyen de se
permettre un stagiaire rémunéré. Mais si on trouvait une
modalité qui permettait d'accueillir des étudiants, je pense que
ce serait très facile. Il s'agirait d'élargir notre bassin de
stages au milieu culturel, dans divers secteurs, que ce soit en administration,
en communications, en lettres ou dans d'autres secteurs. Je pense que ce serait
facilement réalisable, dans la mesure où ces
entreprises-là pourraient se permettre financièrement de les
accueillir.
M. Hamel: Merci. Une question à M. Labrecque, si vous le
permettez. Vous êtes reconnu pour votre dynamisme. D'ailleurs, l'ADISQ
l'a reconnu, RIDEAU l'a reconnu, le dynamisme de la salle Maurice-O'Bready dont
vous êtes le directeur. Vous êtes le directeur du Centre culturel.
J'aimerais ça, pour le bénéfice des membres de la
commission et pour tout le monde, que vous nous donniez peut-être vos
principaux éléments de stratégie de mise en marché
qui font que ça marche si fort à Sherbrooke. (18 h 15)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hamel: Votre recette, quoi.
M. Labrecque: Remarquez, il est difficile... C'est difficile
aussi pour nous, comme pour plusieurs diffuseurs. La situation
économique, elle est difficile, mais il n'en demeure pas moins que le
Centre culturel, en fait la salle Maurice-O'Bready a été
construite en 1964. C'est un amphithéâtre de 1564 places. Il y a
donc plus de 27 ans que l'Université gère un équipement
culturel dans notre région. Donc, on a peut-être une certaine
longueur d'avance par rapport à d'autres régions si on exclut,
bien sûr, Québec et Montréal. C'est une intervention
majeure dans le chapitre de la diffusion. Ça nous permet ou ça
nous autorise peut-être plus d'audace. Il est bon aussi de
préciser que le service que je dirige, le service du Centre culturel, ne
relève pas d'un
service aux étudiants comme il y a dans plusieurs collèges
ou universités. C'est un service à part entière avec les
mandats que je vous ai précisés tantôt.
J'ai parlé aussi du dynamisme qu'on a grâce à notre
"membership". On parle d'abonnés en nombre assez important. On pourrait
dénombrer le nombre de personnes qui s'adjoignent à une formule
ou à une autre à peu près à 15 000 ou 16 000. En
élargissant notre bassin de population de Sherbrooke en incluant la
région, on peut parler quasiment de 150 000 personnes. Donc, on parle de
10 % de la population qui s'implique d'une façon suivie aux
activités culturelles, sans compter ceux qui viennent d'une façon
un petit peu sporadique. Je crois que ça, ça a
fidélisé notre clientèle, et c'est peut-être
grâce à la qualité de la programmation. Vous savez, on peut
présenter beaucoup de spectacles. On a un équipement quand
même suffisant qui a été rénové en 1985.
C'est peut-être ce qui explique le succès qu'on a.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Labrec-que.
Merci, M. le député de Sherbrooke. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Je vais vous poser des questions sur des
sujets que vous n'avez pas abordés, mais que vous avez lus. Et je suis
certain que, même si vous ne l'avez pas exprimée dans le texte,
vous avez une pensée là-dessus. Le rapport Arpin énonce...
Non, il n'énonce pas, il suggère la création d'un
observatoire culturel. Vous qui êtes des universitaires, ça vous
dit quoi? Est-ce que c'est une glace dans laquelle on va se regarder pour se
regarder et employer ce vieil adage "Mirror, mirror on the wall, who is the
fairest of them all?" ou bien s'il y a vraiment utilité d'avoir un
instrument comme celui-ci?
M. Ouellet: Normalement, quand on érige un observatoire -
il y en a à différents endroits, notamment sur le mont
Mégantic...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ouellet: ...qui est près de notre région - je
pense qu'il y a une vocation très précise. On a
déterminé à l'avance ce qu'on voulait faire, puis on s'est
donnés les instruments pour le faire. Ce qui est un peu difficile dans
votre question, c'est que probablement qu'on aurait besoin d'un observatoire,
mais il faudrait, je pense, avec la complexité que tout ce que le mot
culture veut bien sous-entendre, définir davantage des cibles
d'observation et des façons de faire, et voir, après ça,
comment on pourrait intégrer ces diverses observations là pour
que le résultat de ça nous donne peut-être une meilleure
image de l'ensemble d'une situation, parce que c'est complexe. J'ai un peu de
difficultés à définir sur quelle base on monterait un
observatoire de la culture au sens large.
M. Boulerice: Ce que je veux vous faire dire, un peu de
gré ou de force...
M. Ouellet: Oui, oui...
M. Boulerice: Ne croyez-vous pas que nos universités, donc
nos intellectuels, nos chercheurs, ont l'expertise pour être capables,
d'une part, soit de faire l'observation elles-mêmes sur des sujets ou des
phénomènes très précis ou de répondre
à des commandes du ministère? Pourquoi chercher une autre
structure, alors que, moi, dans mon for intérieur, j'estime que nos
universités ont cette capacité?
M. Ouellet: Moi, je pense que pour... La principale raison de
notre présence ici aujourd'hui, c'est qu'on souhaite qu'il y ait une
collaboration qui soit beaucoup plus étroite entre le ministère
des Affaires culturelles et les universités. À titre d'exemple,
je dis les universités, parce que l'Université est très
jeune, donc son implication, en termes de formation en ans, etc., n'est pas ce
que d'autres universités québécoises ont à offrir
actuellement, même si on est en développement et que notre
intérêt est là. Mais l'expertise existe de diverses
façons dans divers établissements universitaires. Je pense qu'on
est disposé à le faire. Il va falloir qu'on privilégie des
canaux, des mécanismes qui vont les solliciter davantage et les
impliquer davantage, autant au niveau des orientations que des
évaluations, que des actions qui ont à être posées
dans ces secteurs-là.
Je ne sais pas si c'est assez précis, mais je pense que nous, ce
qu'on souhaite, c'est d'être associés de plus près. Une des
surprises qu'on a eues, et on l'a dit au début... On s'est
retrouvés, l'ensemble des universités, à dire: Est-ce que
vous avez reçu une copie? Est-ce qu'on vous a sollicités pour y
réagir? Non. Et, même, on avait de la difficulté à
en trouver et on était à deux semaines de la date limite des
dépôts de mémoires. Donc, c'est un petit peu en catastrophe
qu'on a été pris pour réagir à cette
situation-là. Et ça, ce n'est pas un signe dans le sens que vous
indiquez. Je pense qu'il faudrait qu'on soit davantage sollicités,
impliqués, parce que notre mission, notre mandat, nos activités,
ont des influences importantes, surtout au niveau de la formation.
Peut-être que l'Université de Sherbrooke est un peu
particulière au niveau de la diffusion, mate on est un
élément important, en tout cas, dans une région du
Québec.
M. Boulerice: Pour revenir justement à ce rôle de
diffuseur que l'Université de Sherbrooke a, vous avez parlé d'un
contexte difficile. Tout le monde s'entend ici, à la commission, pour
dire que le contexte difficHe vient, d'une part, d'une
période dite de récession, mais, d'une autre part, de
l'impact extrêmement négatif des taxes. Il y a peut-être eu
un report temporaire jusqu'en juillet, bon, tant mieux, sauf qu'en juillet
ça risque de revenir. Donc, on se ramasserait avec 27 % de taxes sur une
manifestation culturelle, etc. Le rapport Arpin, lui, parlait d'une taxe
uniforme, universelle de 3 %. Est-ce que vous êtes en faveur d'une
taxation du produit des manifestations culturelles, ou êtes-vous beaucoup
plus en faveur d'une non-taxation, ou, enfin, de la taxation zéro,
puisque j'ai dû expliquer au ministre des Finances qu'en taxation,
zéro, c'est un taux de taxation?
M. Ouellet: Ce serait peut-être à M. Labrecque... On
a discuté justement de ça durant le trajet pour venir à
Québec.
M. Labrecque: Je pense que tout le monde est unanime et tout le
monde a dû vous répondre que 27 % de taxes, c'était trop.
Il n'en demeure pas moins que j'aimerais attirer votre attention sur l'autre
partie du financement public que nous recevons. Le financement public que nous
recevons est important de la part du ministère des Affaires culturelles,
mais il est vraiment disproportionné par rapport aux centres majeurs que
sont les sociétés d'État du Grand Théâtre ou
de la Place des Arts. Si on est à quelque part entre les
sociétés d'État et les diffuseurs de la province, par la
dimension de nos activités, par l'ampleur de notre budget, il n'en
demeure pas moins que le financement public est extrêmement modeste.
Là où on devient vraiment inquiet, c'est lorsqu'on aura
à gérer ou à devenir un collecteur de taxes pour
près d'un demi-million de dollars, soit à peu près quatre
fois le montant de la subvention que nous recevons. On devient un percepteur
important de taxes. Dans nos opérations, ça devient de plus en
plus majeur. Donc, d'une part, on s'inquiète du futur, on
s'inquiète que la culture ne soit pas à la portée de tout
le monde. On a beau innover par nos formules de passeport, par nos formules de
membres, c'est justement pour rendre cette culture-là accessible, mais
on ne voudrait pas être le seul joueur à vouloir aller dans ce
sens-là. Je pense que le citoyen a besoin d'être encouragé
à participer aux activités culturelles et que les diffuseurs
doivent être aussi mieux supportés. Il faudrait qu'il y ait un
petit peu plus d'équilibre dans ce support-là pour permettre une
plus grande programmation, une programmation de qualité, pas seulement
dans les centres comme Montréal et Québec, mais aussi en
région.
M. Boulerice: Une dernière question, M. le
Président. À la page 7, à la toute première ligne,
vous dites: "L'Université se situe également dans la logique du
partenariat à la condition que ce terme désigne une implication
mutuelle des partenaires." Lorsque je l'ai lu, j'ai eu le sentiment - et vous
me corrigerez, j'ai tort ou j'ai raison - que, pour l'avoir inscrit comme ceci,
vous aviez eu des expériences malheureuses de partenariat. Est-ce que je
me trompe?
M. Labrecque: Disons qu'on pourrait peut-être relier cette
remarque à ce que je disais tantôt par rapport au retrait de
l'Etat au profit des responsabilités municipales en matière de
diffusion. On s'inquiète de voir la municipalité arriver comme un
autre partenaire, dans notre région en tout cas, sans qu'il y ait des
garanties qu'elle s'implique pour supporter les diffuseurs comme c'était
le cas auparavant. On ne voudrait pas que ça soit un retrait, mais
quelque chose qui soit en plus. Je pense qu'il va falloir, dans ie futur, qu'il
y ait de plus en plus de partenaires, mais de vrais partenaires qui
s'impliquent et qui vont dans le même sens.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Labrecque. M. le
député, un mot de remerciement.
M. Boulerice: Oui...
M. Ouellet: Peut-être pour ajouter à ça,
c'est que, dans le cas actuel, la contribution pour le fonctionnement est
minimale de la part de la ville. Donc, dans ce sens-là, si on est
à grandir par l'intérieur en allant demander aux
municipalités, qui ne recevraient pas davantage, d'en donner davantage,
on s'inquiéterait énormément de cette chose-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Ouellet.
M. Boulerice: Oui, je vous remercie et je vous avoue que, comme
membre de la commission également intéressé à ce
qui se passe à l'Université, si jamais vous aviez une
documentation pour ce qui est de ce programme coopératif que vous avez
et qui a beaucoup intrigué, je serais vraiment très heureux de la
recevoir. Et pour vous remercier, je pense que personne ne peut le faire mieux
que notre collègue, le député de Sherbrooke. Merci
d'être venus.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. À votre suggestion,
je vais passer la parole à M. le député de Sherbrooke
à la toute fin. En attendant, Mme la ministre, vous avez peut-être
un petit remerciement, vous aussi, pour les gens de Sherbrooke?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Je vous remercie d'être ici.
Encore une fois, évidemment, toutes les universités viennent,
sont ici à la commission parlementaire. On a imprimé, je pense,
8000 copies du rapport Arpin. Alors, il était quand même assez
disponible. Il y a peut-être la période des vacances qui a fait en
sorte que... Mais, ceci dit, c'est sûr que le milieu de
l'éduca-
tion, et les réseaux d'éducation - on a eu une grande
conversation au niveau des commissions scolaires - et le ministère de
l'Éducation doivent aussi s'impliquer au niveau culturel. L'Enseignement
supérieur, évidemment, qui vous touche, doit aussi être
très à l'affût et s'impliquer au niveau culturel. C'est
pour ça que tous les représentants sont ici, à la
commission. Alors, soyez certains que vous êtes une partie
intégrante, premièrement, de la commission et,
deuxièmement, aussi pour nous aider à rejoindre le jeune public,
enfin le public de jeunes adultes, si on veut. Et, là-dessus, on a
besoin de vous. Alors, merci d'être ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sherbrooke, vous êtes d'ailleurs presque un
membre à part entière de la commission. Vous venez souvent. Tous
les groupes de Sherbrooke qui viennent nous voir, vous êtes
présent pour les rencontrer.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Simplement pour dire que
je suis très heureux que notre Université ait accepté de
témoigner à la commission de la culture dans ce projet de
politique culturelle. Par les innovations originales qu'on a déjà
mises sur pied, je suis certain que notre contribution sera encore
extrêmement intéressante. Alors, merci, messieurs.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sherbrooke. M. Ouellet, M. Labrecque, au nom de tous
les membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Votre
mémoire était intéressant. Soyez assurés qu'il aura
certainement laissé un effet. Ceci met fin à votre audition. Vous
pouvez donc maintenant vous retirer.
Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, en
cette salle. Bonsoir et bon retour.
(Suspension de la séance à 18 h 30)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux et nous allons commencer par entendre
un groupe qui nous vient de la ville de Chicoutimi qui est
représentée par M. le maire Blackburn. Je pense qu'il y a M.
Demers, M. Dahl et M. Dufour. Alors, je les invite à s'avancer et
à prendre place à la table de nos invités.
Au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale
des bienvenues. Tout d'abord, je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement de nos débats, de bien vouloir vous identifier et,
après ça, soit de procéder à la lecture de votre
mémoire pour une quinzaine de minutes, en prenant pour acquis que les
membres en ont pris connaissance, ou d'en faire un résumé; c'est
comme vous voudrez. Après ça, pour le reste du temps, sur les
trois quarts d'heure qui nous sont dévolus, la conversation va s'engager
avec les membres de la commission. Vous avez donc la parole, M. le maire.
M. Blackburn (Ulric): M. le Président, Mme la ministre des
Affaires culturelles, MM. et Mmes les membres de l'honorable commission
parlementaire, mesdames et messieurs, je vous présente avec plaisir,
à ma droite, M. Denis Dahl, qui est adjoint à la direction
générale de la ville de Chicoutimi, et, à ma gauche, M.
Jocelyn Dufour, qui est directeur du service des loisirs de la ville de
Chicoutimi.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue. Une voix:
Bonsoir.
Ville de Chicoutimi
M. Blackburn (Ulric): M. le Président, ça va
être un résumé du mémoire que vous avez reçu.
Mme la ministre, mesdames et messieurs, il me fait plaisir d'être
présent ici et, au nom des membres de mon conseil municipal et des
citoyens que je représente, je vous remercie de m'avoir permis de livrer
notre perception des orientations de développement culturel contenues
dans le rapport du groupe-conseil sur la politique culturelle du Québec.
Sachant qu'H s'agit là d'un document de réflexion, j'ai
préféré utiliser le terme "perception" plutôt que
"critique", lequel m'apparaît mieux approprié sur la base de
l'approche partenariale préconisée dans ledit document.
La première perception que nous vous livrons, Mme la ministre,
est qu'il s'agit d'un excellent document de réflexion qui fait bien
comprendre la complexité du milieu culturel et artistique en tant que
tel ainsi que de son développement ou, si l'on veut de sa concurrence
avec les autres disciplines tout aussi importantes dans le vécu
quotidien des Québécois. Ce document nous aura, entre autres,
permis de réaliser qu'une politique culturelle, pour être
efficace, se doit d'être globale et que sa finalité fondamentale
est de favoriser l'accès à la vie culturelle à tous les
citoyens du Québec.
Ledit document nous aura également fait comprendre que la
qualité du développement du domaine des arts et de la culture est
dépendante du niveau d'accessibilité à cette vie
culturelle ainsi que de l'efficacité de l'intervention des acteurs
impliqués dans la création et dans la gestion de la mission
culturelle.
Notre opinion diffère cependant en ce qui a trait aux moyens et
aux orientations de développement proposés pour atteindre cette
finalité politique. En effet, notre perception est la suivante: Nous
sommes en présence là d'un très
mauvais document d'orientation politique. Bien que ce ne soit
qu'à l'usage et à long terme qu'on apprécie
l'efficacité des choix politiques - et ma longue vie d'homme politique
est là pour en témoigner - je n'ai aucunement l'intention
d'expérimenter les propositions ni les orientations stratégiques
soumises par le groupe Arpin pour en valider le contenu.
Les choix stratégiques et de développement étant du
ressort de l'appareil politique et non bureaucratique, ces choix seront
considérés comme tels, à moins, Mme la ministre, que votre
gouvernement ne soit d'accord avec les orientations proposées dans le
rapport Arpin, ce qui placerait vos partenaires privilégiés, que
sont les municipalités, dans une situation politique inacceptable.
Mme la ministre, le premier message que je veux vous livrer est que les
conditions de base nécessaires à la participation active des
partenaires impliqués, municipalités et gouvernement
fédéral, ne sont pas présentes dans la réforme.
Deuxièmement, on doute de la capacité réelle des
gouvernements législateurs d'agir efficacement, productivité
accrue, sur la culture.
Je suis personnellement convaincu que le législateur
génère souventefois, par son intervention, des problèmes
aussi graves que ceux qu'il veut solutionner. Il est d'ailleurs fort connu que
l'État joue généralement mal son rôle en raison de
normes arbitraires qu'il s'impose, des coûts excessifs qu'il
génère pour atteindre les objectifs idéaux qu'il se donne
ainsi qu'en raison de la nature complexe des tâches assignées aux
bureaucrates, tâches qu'ils peuvent difficilement réaliser.
Nous faisons référence ici à l'action
déformante des processus politiques et bureaucratiques qui, plus souvent
qu'autrement, empêche la collectivité d'agir - ce que chacun de
ses membres souhaitent - à plus forte raison dans une région
excentrique comme la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le cas de
Radio-Québec constitue un exemple éloquent de cette
réalité dans la mesure où cet organisme d'État
passe complètement à côté de son objectif de
régionalisation et de sa mission éducative régionale,
faute, sans doute, d'un support financier de l'État.
Troisièmement, l'État devrait appliquer davantage la
règle du coût-bénéfice, ce qui n'équivaut pas
à monnayer la culture, mais bien à rechercher un
bénéfice culturel optimum par le biais d'interventions au niveau
de la rue, c'est-à-dire où l'art prend racine, et non pas au
niveau des grandes institutions comme le propose le rapport Arpin.
Quatrièmement, l'État pourrait, s'il le voulait,
récupérer une marge financière substantielle qui pourrait
être transférée à des activités culturelles
en région qui sont génératrices de bénéfices
optimums. Nous sommes plutôt d'opinion, à cet égard, que le
développement optimum du domaine des arts et de la culture passe par
l'élargissement de l'accessibilité à la vie culturelle -
démocratisation - de manière à susciter une synergie
culturelle communicative, c'est-à-dire de la rue à la ville, de
la ville à la région et de la région à la
métropole, et non pas selon un processus inverse comme le propose le
rapport Arpin.
Le rapport Samson, Bélair, Deloitte et Touche exprime d'ailleurs
avec clarté cette réalité en énonçant que la
région métropolitaine de Montréal reçoit 57, 3 % de
l'ensemble du budget du ministère des Affaires culturelles avec
seulement 27 % de la population du Québec et que la région de
Québec accapare 27, 3 % du budget avec 9 % de la population provinciale.
La région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour sa part, ne reçoit que
1, 8 % des dépenses budgétaires culturelles de l'État,
alors qu'elle regroupe 4, 6 % des citoyens du Québec.
Cinquièmement, on ne croit pas qu'il soit possible de faire du
développement culturel sans investissement ou, si on veut, sans
introduction d'argent nouveau dans le marché de ia culture. On a,
d'autre part, l'impression que le gouvernement du Québec se cherche des
partenaires financiers pour opérationaliser sa réforme
culturelle. On doute de la capacité du milieu d'affaires,
mécénat, en région, de pouvoir contribuer davantage au
financement de la culture et ce, en raison de la localisation
métropolitaine des maisons mères et de leur propension à
subventionner les activités professionnelles prestigieuses.
À ce titre-là, Mme la ministre, je voudrais vous citer
l'exemple qui se produit dans le projet de distribution de
Théâtre-jeunesse en région, subventionné
conjointement par la Fédération des caisses populaires et le
ministère des Affaires culturelles. C'est un exemple concret de cette
réalité, et ce, dans la mesure où les deux troupes
sélectionnées pour ce faire sont de Montréal, alors que
notre région est reconnue nationalement et internationalement pour son
théâtre pour enfants. Que penser alors du mécenat, sachant
qu'il n'y a pas plus régional que le Mouvement des caisses populaires
Desjardins? Et, à titre d'exemple, je vous donne, de chez nous, le
théâtre Frou-Frou, Les amis de Chiffon et le théâtre
le Trac-T-Heure".
Sixièmement, on est contre le partage de la clientèle
culturelle entre les régions, municipalités et le gouvernement du
Québec, consistant à concentrer l'aide financière du
gouvernement au niveau des artistes professionnels, organismes et institutions
culturelles d'intérêt national et à laisser aux
municipalités la responsabilité du développement des
artistes, organismes et institutions culturelles d'intérêt
régional.
Nous sommes plutôt d'opinion que le développement optimum
du domaine des arts et de la culture passe par l'élargissement de
l'accessibilité à la vie culturelle, ce qui implique
que les gros sous des États québécois et canadien
doivent prioritairement être placés suivant un processus pyramidal
ayant comme base les régions, et non l'inverse, comme le propose le
rapport Arpin. La ville de Chicoutimi, incluant les organismes et institutions
impliqués dans la culture régionale, a compris depuis longtemps
cette réalité, comme en témoigne d'ailleurs la
récolte artistique régionale qui se produit sur la scène
montréalaise ou même internationale.
Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, voilà
un bref résumé du contenu de notre mémoire. Celui-ci se
traduit davantage comme l'expression des craintes profondes à
l'égard des choix stratégiques énoncés, à
l'égard également de la capacité de l'État
d'assumer avec efficacité les objectifs collectifs proposés. Ces
craintes ne doivent cependant pas laisser croire que notre municipalité
et la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont opposées au
développement des arts et de la culture, bien au contraire, car nous
entendons conserver notre leadership en matière artistique.
Le principal message que je tiens à livrer est que les
régions et les municipalités ont un rôle à jouer au
niveau des arts. Aidez-nous, par conséquent, à susciter et
à promouvoir la création au niveau local où
résident les forces d'avenir d'une société et donc
où sont les véritables enjeux de la présente
réforme. Trop peu d'argent est investi en amont de la production, dans
la création et surtout le perfectionnement. Trop peu d'argent est
investi en aval de la production, dans la diffusion et aucun budget n'est
consacré au support de la demande qui a besoin d'être soutenue,
comme le signale d'ailleurs le groupe Samson, Bélair, Deloitte et Touche
dans leur étude sur le financement des arts et de la culture au
Québec. Cette aide substantielle, distribuée avec discernement,
devrait, comme nous le disions précédemment,
générer des bénéfices optimums à un
coût, somme toute, marginal, comparativement à d'autres
investissements culturellement et collectivement moins rentables.
Pour reprendre les mots de la précédente ministre des
Affaires culturelles, Mme Bacon, il faut que les oeuvres soient vues, certes,
mais je suis d'avis qu'il faut, au préable, que les oeuvres soient
conçues. Ce que je vous propose, c'est d'investir dans le présent
et le futur tout autant que dans le passé, davantage dans la
création que dans la consommation, c'est-à-dire surtout dans
l'artiste plutôt que dans nos grandes institutions publiques dont les
besoins de financement croissants asphyxient progressivement le
développement culturel des régions.
En conclusion, c'est une vision de développement culturel
décentralisée où les régions sont
considérées comme des pôles privilégiés de
développement culturel et des foyers dynamiques de création dont
le Québec a besoin pour affronter les défis culturels de l'an
2000.
Je profite, en terminant, de l'occasion qui m'est offerte pour mettre en
garde, Mme la ministre, votre gouvernement de l'existence d'un processus de
désintégration accéléré des régions
périphériques du Québec en voie de s'opérer et que
votre réforme, si elle était appliquée telle
qu'énoncée, contribuerait à renforcer. Je fais
référence ici au phénomène auquel la région
de la Gaspésie est confrontée depuis plusieurs années et
qui, selon une étude récente réalisée sur le sujet,
s'étend progressivement à l'ensemble des régions
excentriques du Québec, incluant la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cette étude exhaustive démontre avec
clarté que les résidents des collectivités les plus
touchées se trouvent, à leur insu, à financer, par leurs
taxes et impôts, le sous-développement économique de leur
propre région et, par conséquent, le sur-développement des
autres.
Sommes-nous en train d'assister à une "montréalisation"
progressive de l'espace québécois? Il semble que oui. Et
l'État, dans votre propre ministère, Mme la ministre, par la
répartition inéquitable de ses dépenses
budgétaires, contribue directement à l'amplification de ce
phénomène, ce qui équivaut, à mon point de vue,
à une déculturation progressive du Québec par l'extinction
de ses régions.
Votre réforme ne traite malheureusement pas de cette
problématique dont les enjeux en cause sont tout aussi importants que le
débat sur le partage des responsabilités
fédérales-provinciales en matière culturelle.
Voilà, en résumé, le mémoire que nous vous
présentons ce soir.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Ça me fait
plaisir de vous recevoir. D'ailleurs, quand on s'était vus, la
dernière fois, on s'était donné rendez-vous. Deux choses.
Je touve quand même que l'approche au rapport Arpin, finalement, est
extrêmement négative. En tout cas, c'est la perception que j'ai et
je veux savoir si ça provient du fait de la perception première,
parce qu'on l'a retrouvée un peu partout, à savoir qu'on met
beaucoup d'importance sur Montréal, Québec et bloc monolithique,
les régions devenant des réceptables. C'est une perception du
rapport et j'ai l'impression aussi que ça teinte le débat au
complet. Est-ce que c'est ça que vous avez lu?
M. Blackburn (Ulric): C'est sûr que le rapport Arpin, de la
façon dont c'est présenté, oui, c'est une perception que
nous avons actuellement.
Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup discuté du cas et
je pense qu'on va beaucoup plus parler de 16 régions interactives,
distinctes et interac-
tives, avec une métropole et une capitale. H y a une chose, par
exemple, dans le mémoire quand vous dites... Vous parlez du Musée
des beaux-arts, par exemple, vous parlez de la Place des Arts, et tout
ça, vous dites: Bon, ce n'est pas accessible à tous. Il faut bien
que la région de Montréal... L'île c'est 27 %, mais la
région c'est quand même 48,6 % de concentration. Il y a tout de
même... Et comme métropole ou comme capitale, ça nous prend
de grandes infrastructures. Ça, on ne s'en sort pas. Mais vous ne
semblez pas être d'accord avec ça.
M. Blackburn (Ulric): C'est-à-dire que nous, quand on
regarde ça, on dit: Est-ce que c'est vraiment un investissement optimum?
Quand on parle d'optimum, c'est un investissement qui va dans la culture, qui
va servir à l'ensemble de la population. Est-ce qu'un investissement
comme ça... On n'est pas contre, Mme la ministre, là, on n'est
pas contre l'histoire, on dit à ce moment-là: Est-ce que,
vraiment, ce que ça engendre comme coût, c'est un investissement
optimum? Ça, je pense que c'est difficilement...
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.
M. Blackburn (Ulric): ...perceptible actuellement. Je peux vous
dire que nous, de ce côté-là, on pense que non, ça
ne l'est pas.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce qu'il y a une circulation
de 800 000 personnes par année. À ce moment-là, une salle
de concert... C'est parce que, si je poursuis le raisonnement - j'essaie de
bien comprendre - je me dis: Une salle de concert, par exemple, à
Sept-îles à 9 500 000 $, par exemple, est-ce un investissement
optimum?
M. Blackburn (Ulric): Si vous dites quoi? Je n'ai pas
compris.
Mme Frulla-Hébert: Une salle de concert de 9 500 000 $
à Sept-îles, tel qu'on a annoncé sur la Côte-Nord,
est-ce que c'est un investissement optimum? D'ailleurs, pour le bassin de la
population... Si on poursuit le raisonnement.
M. Blackburn (Ulric): Bien voici. Écoutez, je ne connais
pas la situation de Sept-îles plus que ça, je peux difficilement
me prononcer là-dessus...
Mme Frulla-Hébert: Je donne ça comme exemple.
À Baie-Comeau, il y en a un autre aussi de 8 000 000 $.
M. Blackburn (Ulric): Optimum dans le sens que, si la population
de Sept-îles peut se servir d'un investissement comme ça,
ça sert énormément, oui. Je pense qu'avec un montant de 9
000 000 $, dans un secteur comme Sept-îles, c'est un investissement
très, très généreux. Ça, je le pense.
Mme Frulla-Hébert: C'est difficile, parce que j'essaie de
voir... C'est difficile de faire le ratio per capita parce qu'à ce
moment-là des régions comme vous avez mentionnées, des
régions peu peuplées, tu n'y vas pas, parce que tu dis: S'il faut
donner per capita, alors il faut quasiment étendre... Et où je
vous suis, c'est sur l'accessibilité. Là-dessus, vous avez
parfaitement raison. Mais, comme maire de la ville de Chicou-timi - et vous
êtes vice-président aussi de l'Union des
municipalités...
M. Blackburn (Ulric): ...que je suis là ce soir.
Mme Frulla-Hébert: Pardon? Non, non, d'accord, d'accord.
Non, mais c'est parce que vous connaissez beaucoup la problématique.
M. Blackburn (Ulric): On ne peut pas enlever le chapeau.
Mme Frulla-Hébert: Oui, vous connaissez beaucoup la
problématique, c'est pour ça. Comment voyez-vous le rôle
des municipalités dans le domaine de la culture? Je sais que les
municipalités s'impliquent beaucoup au niveau de la bibliothèque,
on vous souhaite bonne chance pour la vôtre, mais comment voyez-vous le
rôle des municipalités au niveau de la culture?
M. Blackburn (Ulric): Le rôle des municipalités qui
est dévolu dans le rapport Arpin, je pense qu'on peut s'accorder sur une
bonne partie de tout ça. On l'a à la page... Je l'ai ici. Quand
on dit, par exemple: Les municipalités, conservation et mise en valeur
du patrimoine, création d'institutions locales, soutien aux institutions
locales, organisation des loisirs culturels, développement des
bibliothèques, salles de spectacle, musées locaux, centres
d'exposition et soutien à la diffusion, on peut s'accorder
là-dessus. Je pense qu'il y a des responsabilités
là-dedans. On est très clair. (20 h 30)
Mme la ministre, je ne voudrais pas mélanger les choses, mais je
voudrais répéter ceci. J'ai présenté un
mémoire, il n'y a pas tellement sur la loi 145. Moi, je vous dis ceci:
Oui, les municipalités, nous sommes prêtes à prendre des
responsabilités, nous sommes prêtes à les accomplir, nos
responsabilités, mais, de grâce, il ne faudrait pas que ce que
vous faites actuellement ça revienne à ce qui s'est passé
dernièrement, alors que, même si on est venues présenter
des mémoires, les municipalités se sont vu dire carrément:
C'est ça, vous allez passer par là. Nous sommes prêtes
à prendre des responsabilités, nous sommes prêtes à
en payer une partie, mais on veut, nous voulons absolument nous
assoeir ensemble et regarder les responsabilités que nous avons
à prendre, les responsabilités du gouvernement et le moyen de les
financer. On ne veut pas, actuellement, que nous soit imposé ce qui nous
a été fait dernièrement. Ça, c'est clair, je vous
le dis carrément. Je suis venu pour présenter un mémoire,
et, même si on avait des revendications, on s'est foutu de nous, et
ça, je sais que vous ne le ferez pas, Mme la ministre, mais ce qu'on
veut, c'est s'asseoir avec vous autres et on ne voudrait pas que ce qui est
dans ça, ça soit vraiment décidé que ce soit
ça. Je pense que vous faites une consultation, il faut que ce soit une
véritable consultation. Il y a un dialogue qu'on va entreprendre
ensemble pour discuter entre partenaires, qui s'appellent le gouvernement et
les municipalités, pour établir nos responsabilités, les
responsabilités du gouvernement et surtout le moyen de les financer.
Mme Frulla-Hébert: Là-dessus, je peux vous assurer,
premièrement, que ce n'est pas du tout le but et l'intention - je ne
peux parler pour les autres ministères, mais, au niveau du
ministère des Affaires culturelles, je pense que la collaboration avec
les municipalités a toujours été assez intense -
effectivement de se décharger de nos responsabilités. Au
contraire, c'est seulement pour voir la meilleure façon finalement de
fonctionner; là-dessus, je vous suis. Si on peut finir par s'asseoir
tous ensemble à une table Québec-municipalités - je la
prévois pour fin novembre - à ce moment-là, je pense qu'on
va commencer à pouvoir mettre tout ça sur pied.
Dans votre mémoire, vous parlez aussi de la création. Au
niveau de la création, par exemple, au niveau des régions, des
municipalités, on a beaucoup parlé d'incitation à la
création. Comment vous voyez ça? Comme municipalité,
qu'est-ce que vous pouvez faire pour justement aider les créateurs?
Parce que, bien souvent, les municipalités vont s'occuper
d'équipement, de la diffusion, etc. Nous, évidemment, on aide
globalement. Mais est-ce qu'il y a quelque chose de plus qu'on peut faire au
niveau de la création?
M. Blackburn (Ulric): C'est-à-dire que chez nous, moi, je
pense qu'actuellement c'est sûr qu'il y aurait plus à faire pour
les municipalités, peut-être, je ne sais pas, dans l'aide
technique, etc. Dans notre région, je vous ai parlé de troupes de
théâtre qui existent actuellement. J'ai d'ailleurs ici une annonce
de la troupe de théâtre les Têtes heureuses qui va
présenter "Tartuffe" de Molière très prochainement. Chez
nous, la municipalité présente à chaque année ce
qu'on appelle les Grands revenants, un théâtre que nous avons
préparé qui revient 100 ans en arrière. Comme je vous
disais tout à l'heure, nous avons d'autres troupes qui existent comme
les Frou-Frou, les Têtes heureuses, etc. C'est évident
qu'actuellement l'appui que nous apportons à ces gens-là c'est
surtout une question de locaux, c'est surtout une question de les encourager,
si vous voulez, quand ils font certaines souscriptions. Comment on peut aider
plus pour la création chez nous? Je pense qu'il faut donner à ces
gens-là la possibilité de créer eux-mêmes, puis ils
sont capables de le faire. Actuellement, ils le font, mais si on ne continue
pas à les aider monétairement, si on ne continue pas à
mettre à leur disposition certains locaux, ces gens-là ne
pourront pas continuer. Alors, on est prêts, je vous l'ai dit tout
à l'heure, à regarder la possibilité d'aider plus ces
gens-là, mais c'est la façon de financer tout ça qui est
importante.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député... Ah! M. Bradet, oui.
M. Bradet: Une question ou deux si le temps me le permet, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Une courte minute.
M. Bradet: On parle beaucoup de concertation régionale. Je
sais, pour connaître votre région qui est très près
de la mienne, la région de Charlevoix, que votre municipalité a
beaucoup de rayonnement culturel au Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'aimerais vous
demander si vous seriez en faveur d'un fonds régional de
développement culturel et si vous seriez prêts à y
participer financièrement.
M. Blackburn (Ulric): Écoutez, je n'ai pas
étudié la question à savoir si un fonds régional
serait... Je pense que, s'il y avait un fonds régional de
développement, oui, ça pourrait aider au développement.
Nous, nous sommes prêts à travailler régionalement; je ne
vois pas de problème de ce côté-là. Il n'y a pas de
problème de ce côté-là, sauf que, si nous avions la
possibilité de le faire et de contribuer à un fonds, il faudrait
savoir jusqu'où ça va. Actuellement, je peux vous dire
qu'à la ville de Chicoutimi on a déjà chez nous ce qu'on
appelle la fondation TIMI qui est née, si vous voulez, des jeux TIMI qui
ont eu lieu, des Jeux du Québec. La ville de Chicoutimi a laissé
à cette fondation un montant d'argent qu'il y avait en surplus. La ville
de Chicoutimi a ajouté des montants d'argent et, actuellement, je peux
vous dire qu'on aide déjà les artistes qui ont besoin d'argent
par des bourses qui sont données chaque année, deux fois par
année, avec la fondation TIMI. On a déjà un montant de 235
000 $...
Une voix: Non, 485 000 $.
M. Blackburn (Ulric): ...de 485 000 $ qui est là, et on
donne les intérêts chaque année à des artistes et,
évidemment, aussi à des athlètes. Alors, actuellement, on
participe déjà fortement. C'est sûr que c'est seulement
pour la ville de
Chicoutimi, actuellement. Est-ce qu'il y aura un fonds dans ce
sens-là sur le plan régional? Je n'ai pas d'objection à
ça. On pourra regarder ça.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la
députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de vous accueillir à la commission. C'est un bon document. Vous nous
rappelez, il me semble, de façon assez directe certaines grandes
vérités qui vous sont apparues à la lecture du rapport
Arpin. Vous dites, d'une part, que c'est un bon document de réflexion,
qui semble vouloir bien poser la problématique à l'effet qu'une
politique globale, dans sa finalité fondamentale, devrait favoriser
l'accès à la culture à tous les citoyens du Québec
et que, par ailleurs, c'est vraiment un mauvais document d'orientation. Je
pense que c'est votre avis et plusieurs groupes sont venus exprimer
sensiblement la même chose.
La ministre nous dit qu'elle veut distinguer, qu'elle veut bien
reconnaître - et je ne doute pas de sa parole - que les régions ne
constituent pas un groupe monolithique et qu'il y a 16 régions. Mais, en
même temps, ce qui inquiète les organismes régionaux, et
à juste titre, plus particulièrement depuis qu'il y a eu une
fuite du groupe de travail sur les finances publiques qui propose ni plus ni
moins la fermeture des conservatoires dans les régions comme
étant un moyen d'assainir les finances publiques... À Chicoutimi,
on a un conservatoire qui vient tout juste de s'installer dans l'ancien palais
de justice, avec des restaurations et des rénovations qui ont
coûté fort cher, mais, surtout, ça représente un
lieu de développement de la vie culturelle extrêmement important
dans une région.
Il y a un discours qui ne se tient pas, que je n'entends pas beaucoup,
le rapport étroit qui existe entre le développement culturel et
le développement économique. C'est rentable
économiquement. Une des façons de soutenir les régions
économiquement, c'est d'y faire du développement culturel. Vous
rappelez justement dans le mémoire qu'à cet égard la
région a fait largement ses preuves, plus souvent qu'autrement avec des
moyens du bord, avec plus de volonté que de moyens financiers. La
proposition qui est faite là, et je le rappelle, à la page 19 -
et c'est là-dessus que je voudrais vous entendre - ce que vous dites,
c'est qu'on est en train de vouloir diviser le Québec en deux. Vous
parlez du partage des clientèles culturelles - c'est le premier
mémoire que j'avais lu - entre les régions, les
municipalités et le gouvernement du Québec, "lequel partage
consiste à concentrer l'action et l'aide financière du
gouvernement du Québec au niveau des artistes, organismes, institutions
culturelles d'intérêt national et à laisser aux
municipalités la responsabilité du développement des
artistes, organismes et institutions culturelles d'intérêt
régional".
Comment verriez-vous que ça se partage pour que les
régions ou les municipalités puissent avoir accès aux
moyens qui sont consentis aux grands centres dans ce projet-là, pour
permettre non seulement le développement des artistes, mais le soutien
aux artistes dans les régions? Parce que c'est un peu ce que je
comprends de votre mémoire. Est-ce qu'il y aurait moyen autrement...
M. Blackburn (Ulric): Effectivement, quand on regarde
ça... On a donné l'exemple tout à l'heure, par exemple, de
la répartition des pourcentages, par rapport à la population, du
budget du ministère des Affaires culturelles. On s'aperçoit que,
chez nous, on n'a pas notre juste part et on dit, à ce moment-là,
que ce serait tout à fait normal que les gens qui déposent un
dollar chez nous, le dollar leur revienne, comme ça se fait ailleurs.
D'ailleurs, ailleurs, c'est plus qu'un dollar qu'ils reçoivent. Je pense
qu'il va falloir réviser ça, cette façon de subventionner
ou de faire fonctionner les gens dans les régions.
Je voudrais revenir sur ce dont vous avez parlé au début,
en disant que le culturel c'était important pour le développement
ou le maintien des régions. Moi, je peux vous dire ceci. Nous
constations régulièrement, chaque jour... et c'est la même
chose à chaque fois qu'une industrie, à chaque fois qu'une maison
d'affaires veut s'installer dans une région... On vient souvent voir le
maire en premier, quand on veut s'installer, et la première question
qu'on pose: M. le maire, quels sont les services qui sont donnés chez
vous dans tous les domaines, et particulièrement dans le domaine
culturel? De l'éducation, bien sûr, mais, dans le domaine
culturel, on nous pose la question souvent: Quels sont les services que vous
avez chez vous dans le domaine culturel? Et quand on est en mesure de leur
dire: Nous avons, disons, je ne sais pas, des écoles de ballet, des
écoles de musique, notre conservatoire... Et je suis heureux que vous
ayez parlé du conservatoire parce que c'est une nouvelle qu'on a appris
aussi que peut-être... Bien, ça a été
suggéré, mais ça, de toute façon, on n'en parlera
pas parce qu'on sait que ça ne se fera pas, ça n'a pas de bon
sens. Alors, on dit à ce moment-là: Oui, nous avons ça
chez nous et, ça, c'est excessivement important pour le
développement des régions.
Mme la ministre - Mme Blackburn, ça me fait plaisir que vous me
posiez cette question-là - on regardait, avant de partir de chez nous
cet après-midi, le dépeuplement des régions. C'est un
désastre, actuellement. Vous savez, Mme Blackburn, qu'il y a un M.
Côté chez nous qui a écrit un livre: "Le
dépeuplement des régions". Mais quand on regarde ça, tous
les points jaunes qui sont sur la carte, c'est désolant. On voit que,
dans toutes les régions du Québec, sauf le
point... Puis je n'ai rien contre Montréal et Québec,
parce qu'il faut que ça développe puis, ça, c'est
très important, sauf que, dans la plupart des régions, vous voyez
qu'il y a un dépeuplement qui est inquiétant, vraiment
inquiétant, y compris chez nous. Même si on a déjà
été d'abord une population plus dense qu'on ne l'est
actuellement, ça diminue graduellement.
Alors, ça, je pense qu'au niveau du Québec c'est une
question qu'il va falloir regarder de très près, et c'est dans
tous les domaines. Et le domaine culturel, je le répète, est un
domaine important pour attirer chez nous des industries et, évidemment,
des commerces ou tout ce que vous voudrez qui va faire que l'activité
économique va augmenter et que la population, au moins, ne diminuera
pas; au moins, qu'elle se maintienne. Évidemment, quand on regarde
ça, il y a deux endroits au Québec où la population se
maintient et augmente un peu, c'est le secteur de Montréal puis le
secteur de Québec. Je n'ai rien contre, mais on ne voudrait pas que ce
phénomène-là continue à se désagréger
dans les régions comme la nôtre et toutes les régions du
Québec.
Mme Blackburn: Vous avez raison. Je sais que le
dépeuplement et le vieillissement, c'est ce qui marque actuellement les
régions. Et c'est pourquoi les propositions, même celles qui
touchent la diminution de la fonction publique, le danger, c'est que, chaque
fois qu'on parle de ça, c'est les régions d'abord qui y passent.
Et ça, ça veut dire des emplois qu'on perdrait
éventuellement en région. Mais je voudrais revenir au dossier.
Vous êtes prêt à assumer un certain nombre de
responsabilités. Est-ce que vous voyez que toutes les
municipalités peuvent en faire autant? Et comment est-ce qu'on pourrait
organiser la concertation en région?
M. Blackburn (Ulric): Moi, Mme la ministre m'a
présenté comme vice-président de l'Union des
municipalités. Je peux vous dire que le discours que nous avons tenu et
que nous tenons est toujours le même. Nous sommes toujours prêts
à nous asseoir comme partenaires avec le gouvernement du Québec,
qui est notre gouvernement, et à discuter de responsabilités que
nous pouvons prendre, et nous sommes disposés et prêts à
prendre des responsabilités, parce qu'on le sait, la
municipalité, c'est le gouvernement le plus près du peuple et
connaissant le mieux les besoins de la population, sauf qu'évidemment
aussi, en prenant des responsabilités, il nous faut les moyens de les
financer. Et ça, je pense qu'on est capable d'aller un petit peu plus
loin. On est encore capable de demander peut-être à notre
population chez nous de contribuer, mais il va falloir aussi que des deux
paliers de gouvernement, le gouvernement du Québec et les
municipalités, que les sacrifices soient faits des deux
côtés et on sera en mesure, à ce moment- là, de
financer les responsabilités que nous avons.
(20 h 45)
Mme Blackburn: Parlant de ressources financières ou de
moyens, il y a un tableau dans votre mémoire qui illustre que la
région ne recevrait, pour une population de 4, 6 % de la population
québécoise, que 1, 8 % des budgets du ministère des
Affaires culturelles.
M. Blackburn (Ulric): Oui.
Mme Blackburn: Ça représente combien, en argent?
Est-ce que...
M. Blackburn (Ulric): Bien, ça n'a pas été
chiffré, monsieur...
Mme Blackburn: Ça n'a pas été
chiffré?
M. Blackburn (Ulric): C'est des pourcentages que nous avons eus
dans les études de...
Mme Blackburn: Oui, de Samson et Deloitte.
M. Blackburn (Ulric): On me dit que c'est à peu
près de 1000 $ à 1200 $ par tête d'habitant.
Mme Blackburn: D'accord. Est-ce...
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la députée.
Mme Blackburn: Oui, oui. Dans votre mémoire, vous parlez
beaucoup de concertation et, dans votre tout premier message, d'ailleurs, vous
dites, en page 4: Le premier message que je veux vous livrer est que les
conditions de base nécessaires à la participation active des
partenaires impliqués, c'est-à-dire les municipalités et
le gouvernement fédéral, ne sont pas présentes dans la
réforme, c'est-à-dire que la politique a été
déposée sans qu'il y ait de consultation des principaux
intervenants. En ce qui concerne les municipalités, je le sais, parce
que le rapport n'est pas redescendu, comme vous le dites, dans la rue pour
remonter au niveau national. Cependant, dans le rapport Arpin, il y a une
proposition qui dit spécifiquement que, si on veut réaliser une
véritable politique de développement culturel, ce n'est possible
qu'à la condition qu'on rapatrie tous les pouvoirs du gouvernement
canadien en matière de développement culturel. Quel est votre
avis, là-dessus?
M. Blackburn (Ulric): Là-dessus, Mme Blackburn, Mme la
députée, c'est à régler entre les deux niveaux de
gouvernement. Nous, ce qu'on dit dans ça... C'est sûr que le
gouvernement avec qui nous traitons, c'est le gouvernement du Québec.
C'est aux deux paliers de gouvernement, entre eux, de régler ce
problème-là. Ce que nous ne voulons pas, que ce soit de
l'un ou de l'autre, c'est qu'il y ait une vision centralisatrice.
C'est-à-dire qu'à ce moment-là il faut que ce soit un
gouvernement qui le décide, d'accord. Nous, on ne participera pas aux
discussions qu'il va y avoir entre les deux niveaux de gouvernement. C'est bien
sûr que les municipalités du Québec, c'est avec le
gouvernement du Québec qu'elles ont affaire, mais à ce
moment-là, que ce soit d'une façon ou de l'autre, la
centralisation, ça, on n'en veut pas.
Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur. Un mot de
remerciement, Mme la députée.
Mme Blackburn: Je vous remercie, mais j'aurais aimé...
Le Président (M. Doyon): Ah! je le sais, vous avez plein
de questions.
Mme Blackburn: Ça me fait plaisir de vous retrouver ici,
M. Blackburn, M. Dahl et M. Dufour. J'ai eu l'occasion de vous en parler un
peu, c'est un bon mémoire. J'aurais aimé, quand même, qu'au
niveau de la décentralisation on puisse déjà un peu nous
dire de façon un peu plus explicite - au-delà des
municipalités, il y en a de petite taille, de très petite taille,
d'autres de plus grande taille - quelle serait la structure porteuse de
pouvoir, dans les régions, ou de concertation. Ça m'a fait
plaisir de vous accueillir. On me dit que le temps est terminé.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Moi aussi, M. le maire, ainsi que vous
tous, merci beaucoup. Évidemment, ce qu'on retient beaucoup, c'est
collaboration, oui, mais collaboration - et ça, je pense qu'on est dans
la même vision - et, encore là, 16 régions distinctes. Et
quant à cette rumeur de l'abolition des conservatoires, etc.,
évidemment, quand on a un document et qu'on est supposé regarder
toutes les possibilités, on prend les possibilités les plus...
Finalement, on regarde tout au complet, donc des plus fantaisistes aux plus
réalistes. Je peux vous assurer que ce ne sera pas dans le final,
ça, c'est certain. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me
reste, au nom des membres de la commission, M. le maire, ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, à vous remercier d'avoir pris la peine
de venir nous rencontrer pour nous exposer vos vues sur la question du
développement culturel au Québec. Je vous souhaite un bon voyage
de retour. Oui, M. le maire?
M. Blackburn (Ulric): Je veux également vous remercier de
nous avoir reçus, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Je le crois,
vous nous dites que vous allez discuter avec les municipalités. C'est
évident que ce n'est pas au niveau de chacune des municipalités
qu'on peut parler de ça, ça va être à la table
Québec-municipalités. À ce moment-là, vous pouvez
être assurés que nous serons très heureux si nous pouvons
le faire. Nous sommes prêts, je vous le répète, à
prendre des responsabilités et nous sommes prêts à discuter
avec vous des moyens de les financer.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Tout en vous
permettant de vous retirer, j'indique maintenant à cette commission que
le moment est venu d'entendre les représentants de la
Société professionnelle des auteurs et compositeurs du
Québec. Je pense qu'ils viennent d'arriver dans notre salle. Alors, je
leur demande de bien vouloir se préparer à prendre place à
la table de nos invités.
Maintenant que ces personnes sont en place, je leur souhaite la plus
cordiale des bienvenues. Je leur indique, très brièvement, que
les règles qui gouvernent nos travaux sont relativement simples. Vous
faites une présentation d'une quinzaine de minutes, enfin le temps qu'il
faut pour vous exprimer sur la question; le reste du temps est partagé
entre les deux formations politiques qui engagent le débat avec vous,
vous posent des questions, discutent et échangent; le président
se permet d'intervenir quand le temps est fini. Vous avez la parole. Je vous
invite, tout d'abord, à vous présenter, pour les fins du
Journal des débats, de la transcription de nos discussions.
Dès ce moment-là, vous pouvez commencer à vous exprimer.
Vous avez la parole.
M. Plamondon (Luc): Bonsoir, je suis Luc Plamondon. Je
présente Lise Aubut, vice-présidente de la SPACQ, Sylvain
Lelièvre, membre du conseil d'administration de la SPACQ,
auteur-compositeur et chanteur, Magda Tadros, directrice générale
de la SPACQ...
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
M. Plamondon: ...et mon humble personne, président; je
suis président de la SPACQ, président des auteurs-compositeurs du
Québec.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous
quatre.
Société professionnelle des auteurs et
des compositeurs du Québec
M. Plamondon: Je ne suis pas venu ici pour faire un discours, je
suis venu ici pour crier au secours. Excusez-moi, j'avais besoin d'une rime
pour commencer.
Alors, Mme la ministre, MM. les membres de la commission parlementaire,
messieurs et mesdames, je veux crier au secours au nom de la chanson
québécoise, au nom des auteurs-
compositeurs de la chanson québécoise et au nom de tous
les créateurs québécois, qu'ils soient
chorégraphes, peintres, écrivains ou cinéastes, au nom de
tous ceux grâce à qui on peut dire qu'il y a aujourd'hui une
culture québécoise.
J'ai lu le rapport Arpin. On m'en avait dit tellement de mal que j'ai
fini par le lire et que j'ai eu plutôt une agréable surprise.
C'est sûr que c'est rempli - en dehors de quelques lacunes et de quelques
erreurs qui nous concernent et dont Sylvain Lelièvre va vous parler tout
à l'heure - de superbes propositions sur la culture et sur la
création en général et avec lesquelles, bien sûr, on
ne peut qu'être d'accord. Mais la question que je me pose en cette
période de récession économique, Mme la ministre, c'est:
Où est-ce que vous allez trouver l'argent pour faire tout ça? Si
vous voulez réaliser tout ce qu'il y a dans ce beau rapport là,
ça va vous prendre 1 000 000 $, 1 000 000 000 $! Pas 1 000 000 $, 1 000
000 000 $! Si cette commission parlementaire vous sert à aller chercher
le 1 000 000 000 $ en question ou les fonds, les subsides nécessaires
pour réaliser toutes ces belles propositions, bravo! Sinon,
évidemment, vous allez devoir faire des choix.
Moi, je vous propose un choix, c'est de privilégier la culture
vivante. C'est bien beau d'avoir des musées, de proposer qu'on ait des
musées aussi beaux qu'à New York ou à Paris, c'est bien
beau de vouloir avoir des compagnies d'opéra qui rivalisent avec Covent
Garden ou La Scala de Milan, mais si, dehors, les créateurs
crèvent de faim - pour reprendre les mots de René-Daniel Dubois -
si ceux qui font la culture québécoise ou crèvent de faim,
ou sont obligés de faire un autre métier pour gagner leur vie -
ce qui est encore pire - c'est-à-dire crèvent comme auteurs,
crèvent comme créateurs, ce qui est pire encore que de crever de
faim, s'il faut faire un choix, moi, je dis: Privilégiez la culture
vivante. Parce que, moi, quand j'écris une comédie musicale et
qu'il faut que j'aille la créer à Paris, pendant que
l'Opéra de Montréal a des millions et l'Opéra de
Québec a des millions pour monter des opéras qu'on joue cinq
soirs et qu'on met à la poubelle cinq soirs après - je parle des
décors, des costumes, etc. - et quand, moi, je ne trouve pas les moyens
de créer une comédie musicale que j'écris au
Québec, je me permets de vous dire: La culture vivante c'est moi, ce
n'est pas l'opéra. La culture québécoise c'est moi, ce
n'est pas les musées.
Moi, je suis un fan de musées, je suis un "freak" d'opéra
et, depuis 20 ans, je vais voir les grands musées du monde, je vais voir
des opéras dans tous les pays du monde, mais je pense que, s'il doit y
avoir une politique de ia culture au Québec, s'il doit y avoir un
ministère de la culture qui ne soit plus un ministère des
Affaires culturelles, comme le dit le rapport Arpin, mais un ministère
de la culture, tant mieux si on peut rivaliser avec les grands pays du monde
pour offrir aux Québécois la culture du passé et la
culture étrangère, mais si la culture québécoise ne
peut pas vivre, il y a un hic. C'est comme si on disait à Michel
Tremblay: On ne jouera plus que du Shakespeare et du Molière au
Québec; toi, tu vas aller créer tes pièces à Paris,
ou c'est comme si on disait à Yves Beauchemin: II faut que tes romans
soient publiés en France avant d'être publiés ici. Bon.
Moi, je suis très heureux d'être reconnu en France et je suis
très heureux de gagner ma vie en France. Ça fait 20 ans que je
m'exile en France pour gagner ma vie. Félix Leclerc avait écrit
au-dessus de sa maison, au-dessus de la porte de sa maison de l'île
d'Orléans qu'il a construite alors qu'il avait déjà 60 ans
passé: "Cette maison a été bâtie avec les droits
d'auteur que j'ai gagnés en France."
La semaine dernière, par hasard, j'ai rencontré, sur un
trottoir d'Outremont, Marcel Dubé qui est une grande admiration de ma
jeunesse, qui est, je peux dire, un des créateurs
québécois grâce à qui j'ai commencé à
écrire quand j'avais 15 ou 16 ans, quand je regardais ses
téléthéâtres à la télévision.
J'étais justement en compagnie de Sylvain Lelièvre et de Lise
Aubut, en train de préparer notre présentation de ce soir. Il est
passé comme ça. On lui a offert de s'asseoir avec nous et de
prendre un café. J'ai dit: Vous, M. Dubé, si vous aviez à
exprimer un ressentiment, vous, en tant que créateur, vous qui avez 60
ans aujourd'hui, vous qui avez été, bon, un des pionniers de la
culture québécoise, quel serait votre grand regret? Il m'a dit:
Mon grand regret, c'est de ne pas m'être exilé il y a 30 ans. Et
ça, ça m'a fait très ma).
Moi, je n'ai plus besoin du Québec pour vivre, mais ça me
fait de la peine. J'aimerais ça gagner ma vie ici. Je viens ici au nom
de tous les autres qui ne gagnent pas leur vie au Québec. Moi, j'ai la
chance de la gagner ailleurs. On est quelques-uns dans ce cas-là. Mes
revenus moyens d'auteur au Québec - j'en ai fait faire la moyenne pour
les cinq dernières années; j'ai présenté les
documents à la commission du droit d'auteur à Ottawa, en mars de
cette année, alors qu'on réclamait des droits sur les concerts
dans les salles - depuis cinq ans, moi qui suis probablement, je pense, sans
doute, l'auteur le plus chanté, le plus interprété
à la radio, à la télévision, sur disque et sur les
scènes du Québec, mes revenus moyens pour les cinq
dernières sont de 39 000 $ par année et les revenus moyens des
auteurs-compositeurs de la SPACQ, dont je suis président, sont de 6000 $
par année. (21 heures)
Dans le rapport Arpin, il y a une liste des regroupements culturels, une
liste des regroupements de tous les créateurs, de toutes les
associations de créateurs. Ça représente quelques
centaines de personnes, pour ne pas dire quelques dizaines de personnes, en
fait. Alors que les gouvernements dépensent des millions et des
milliards de dollars pour créer parfois quelques
centaines d'emplois, un ministère de la culture doit pouvoir
trouver un moyen de faire vivre les créateurs.
Par ailleurs, je voudrais féliciter le rapport Arpin d'avoir
insisté sur le fait qu'une culture repose sur une langue. Moi, ma
langue, c'est mon instrument de travail, c'est mon drapeau, c'est mon pays,
c'est ma culture.
Le rapport Arpin dit aussi qu'il faut apporter la culture à
toutes les régions du Québec. Je suis d'accord, mais, pour
ça, il faut d'abord arriver à créer des spectacles
à Montréal - enfin je parle de ce qui nous concerne, nous, de la
chanson - ou à Québec avant de pouvoir partir en tournée.
C'est devenu presque impossible d'aller en tournée avec un spectacle,
sauf si on se fait accompagner d'un piano, d'une guitare ou de trois ou quatre
musiciens. Mais il y avait un réseau de salles de spectacle dans les
cégeps, dans les écoles, dans les années soixante-dix,
où on pouvait aller faire jusqu'à 200 spectacles. Les
cégeps et les écoles avaient les moyens de produire des
spectacles. On leur a retiré ces moyens. Maintenant, il faut la
rentabilité à tout prix.
Nous autres, on est bien tannés d'être
considérés comme une industrie culturelle; on aimerait bien que
la chanson soit considérée comme un art à part
entière. La chanson est entrée au ministère des Affaires
culturelles très longtemps après tous les autres arts. Elle est
entrée au ministère des Affaires culturelles il y a une quinzaine
d'années, mais elle n'est pas encore considérée comme un
art à part entière. On est toujours un art mineur, on est
toujours une industrie culturelle, mais, nous, on se considère comme des
créateurs au même titre que les auteurs de théâtre,
les chorégraphes ou les cinéastes. Quand on parle des arts de la
scène, on ne parle jamais de la chanson; quand on parle des arts
d'interprétation, on nous oublie toujours. Nous, on est toujours
relégués aux industries culturelles. On exige de nous la
rentabilité immédiate dans un marché où on sait
très bien que ce n'est plus possible maintenant.
Je pense que la chanson a été pour le Québec un
moyen d'expression, peut-être le moyen d'expression le plus visible
depuis 30 ans et certainement l'un des moyens d'expression qui a porté
le Québec à l'étranger. On devrait donc reconnaître
la chanson comme un art à part entière et reconnaître les
créateurs de chansons sur le même pied que les autres
créateurs. Et pourquoi ne pas créer un théâtre
national de la chanson? Pourquoi ne pas créer des organismes qui
aideraient la chanson à l'année longue, à long terme et
non plus simplement avec des bourses de quêteux, c'est-à-dire une
bourse qui va une année à l'un, une autre année à
l'autre? On lui donne une bourse une année, l'année
d'après, on le laisse tomber pour donner une bourse à l'autre;
une année tu fais un vidéoclip, l'année d'après, tu
fais un disque et, l'autre année d'après, tu fais un
spectacle.
On a laissé mourir le théâtre Félix-Leclerc
qu'on aurait pu transformer en théâtre de la chanson. Pourquoi
est-ce qu'il y a deux compagnies d'opéra au Québec? Pourquoi
est-ce qu'il n'y a pas une compagnie de comédie musicale? La
comédie musicale est un moyen par lequel les Québécois
savent s'exprimer. Plusieurs grands auteurs et compositeurs en ont
écrit, que ce soit Michel Tremblay, André Gagnon, Sylvain
Lelièvre, François Cousineau, Clémence Desrochers, Marc
Drouin, Robert Léger, moi-même ou d'autres, etc. Bon. Tout le
monde dans le métier a envie de faire des comédies musicales,
mais personne... On sait très bien qu'on n'arrive pas à monter
une comédie musicale, au Québec, avec des moyens privés.
À chaque fois, on se bat pour monter une comédie musicale plus
longtemps qu'on met à l'écrire, alors ne vous demandez pas
pourquoi, moi, je vais créer les miennes à Paris. Il y a 50
organismes de musique classique au Québec, il y a 90 troupes de
théâtre, il y a 19 troupes de danse. Je pense qu'il pourrait y
avoir au moins une compagnie de comédie musicale.
Il faudrait aussi éviter les éléphants blancs.
C'est bien beau de recommander des équipements culturels à
travers tout le Québec, de construire des belles salles de spectacle,
mais si on ne peut plus aller mettre de spectacles dedans, ça sert
à quoi? On a la Place des Arts, on a le Grand Théâtre de
Québec, on n'a plus les moyens d'y aller. Regardez la programmation de
la Place des Arts au mois de novembre de cette année. Vous voyez "The
Phantom of the Opera" au théâtre Maisonneuve, et "42nd Street"
à la salle Wilfrid-Pelletier. Et moi, pendant ce temps-là, il
faut que j'aille créer mes comédies musicales à Paris.
Quand je dis "moi", je m'excuse; je me pose en exemple, mais je pense à
tous les autres qui ne peuvent même pas les créer. Donc, on
voudrait avoir accès à la Place des Arts, on voudrait avoir
accès au Grand Théâtre de Québec, qui sont des
salles, si je ne m'abuse, qui appartiennent au ministère des Affaires
culturelles. Ou alors, vous leur donnez les moyens de produire des spectacles,
de produire aussi des chanteurs québécois et des chanteuses
québécoises qui ne s'y produisent plus parce qu'ils n'en ont plus
les moyens.
Il faudrait aussi supprimer toutes les taxes sur le spectacle. Bon, je
crois qu'on vous l'a dit et répété, mais nous, auteurs,
ça nous touche beaucoup aussi, parce que vous savez qu'on ne gagne que 2
% de la recette, comme auteurs de chansons, lors des spectacles, alors qu'en
France on gagne 10 % et que, dans la plupart des pays d'Europe, la moyenne est
de 8 %. Quand on demande des droits d'auteur ici, les producteurs nous disent:
On ne peut pas vous payer des droits d'auteur, on a tellement de taxes à
payer: on a 10 % de taxes municipales, 8 % de taxes d'Ottawa et bientôt 7
% ou 8 % de taxes de Québec. Donc, ou vous supprimez les taxes, ou
vous les appliquez à un fonds de création pour le
spectacle et à un fonds de compensation pour les droits d'auteur. Mais
il y a urgence à faire quelque chose en ce domaine-là.
Je voudrais finir en vous lisant une phrase du rapport Arpin, à
la page 20: "La création est présentée comme la base de
toute vie culturelle, de sa qualité, de sa diversité, de sa
vitalité et de sa spécificité. Avec elle, tout est
possible. Sans elle, une culture verse rapidement dans la routine et
l'aliénation. Aussi bien dire qu'elle disparaît en tant que
culture autonome." Je suis, évidemment, parfaitement d'accord avec
ça. Si on dit culture, on dit forcément création. On parle
beaucoup de création dans le rapport Arpin, on parle moins des
créateurs. Mais si on dit création, on dit créateurs. Si
les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, si les créateurs
doivent passer leur temps à faire autre chose pour gagner leur vie, si
les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, il n'y a pas de
création. S'il n'y a pas de création, il n'y a pas de
culture.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Plamon-don. M.
Lelièvre, peut-être.
M. Lelièvre (Sylvain): Alors, pour continuer
là-dessus, paradoxalement, très paradoxalement, ce qui, à
notre point de vue, illustre le mieux la condition des créateurs au
Québec, c'est la composition même du groupe-conseil Arpin. J'ai
ici la liste des signataires. On trouve de tout là-dedans, sauf un
créateur. Attention, ce sont des hommes et des femmes - il y a deux
femmes - respectables et respectés; ce n'est pas ce qu'on dit, mais il
n'y a pas l'ombre d'un créateur: pas de poète, pas de sculpteur,
pas de romancier, pas de compositeur, pas de peintre, pas de dramaturge, pas de
parolier, pas d'archic-tecte, pas de chorégraphe, pas de
cinéaste, pas d'écrivain.
Juste pour une minute, essayons d'imaginer qu'au lieu de parler de
culture ce soir, on parle d'agriculture. On est, pour une minute, à la
commission parlementaire sur l'agriculture et on a en main une proposition, un
bouquin de 300 pages commandé par Mme la ministre à un groupe
d'intervenants du secteur de l'alimentation, à l'exclusion toutefois des
agriculteurs. On se comprend? On y trouverait toutefois, dans le
groupe-conseil, des gens de Steinberg et de Provigo, des gens des
coopératives agricoles et des conserveries, des agronomes, des
diététiciens et des vétérinaires, etc., mais pas
l'ombre d'un agriculteur. Vous savez quoi? Si une telle situation se
produisait, il y aurait ce soir 10 000 agriculteurs dehors, en face du
Parlement, en train de bloquer tous les accès.
Malheureusement, les créateurs culturels n'ont pas ces
moyens-là, et c'est très bien expliqué, d'ailleurs, dans
le rapport Arpin. Ce soir, ils ne peuvent pas être devant le Parlement,
tout simplement parce qu'ils sont en train de gagner leur vie ailleurs, chacun
dans sa petite job alimentaire, sa petite job d'appoint, comme commis-libraire,
pianiste de piano bar ou professeur de cégep. Vous ne les voyez pas, et
pourtant ils sont bien là, ce soir, parmi nous, à vous crier
qu'ils sont tannés, tannés du mépris, tannés de la
misère, tannés de l'ignorance, tannés de l'inquisition et
tannés de l'exil chez soi. Ils sont tannés d'être en voie
d'extinction plutôt qu'en extinction de voix.
Quand nous avons signifié à Mme la ministre, en janvier
dernier, notre indignation face à l'absence de créateurs dans le
groupe-conseil Arpin, elle nous a répondu qu'elle
préférait s'entourer de conseillers qui possèdent, et je
cite, "une vision globale". Où vouliez-vous que les créateurs se
retrouvent là-dedans? De la vision globale au "Refus global", il n'y
avait qu'un pas. Le transfert était, pour ainsi dire, induit. Plusieurs
d'entre nous, donc, se sont sentis refoulés très loin, en 1948,
à l'époque du manifeste de Paul-Émile Borduas. Vous dire
que nous les comprenons serait un euphémisme.
Cela dit, parce que c'était important qu'on dise ces
choses-là, notre mémoire tente, d'une façon fort polie et
fort civile, d'établir la différence entre, d'une part, le
créateur sans qui la culture n'existe par et, d'autre part, les autres
intervenants sans qui le créateur ne peut absolument pas être
entendu; on est d'accord là-dessus. Donc, notre mémoire - je ne
vous le résume pas parce que je présume que vous savez lire -
parle de façon pratique au niveau de notre salaire, de notre salaire
à nous, créateurs de chansons, c'est-à-dire le droit
d'auteur. Là-dessus, je cède la parole à Lise Aubut.
Le Président (M. Doyon): Mme Aubut.
Mme Aubut (Lise): Merci. Les créateurs de la chanson sont
des parents pauvres. Ils sont continuellement volés, pillés,
spoliés. Et que leur propose-t-on? Peu de chose. Quelques
aménagements à la loi fédérale pour introduire de
nouveaux droits. Et pour qui? Pas pour eux. On ne les protège pas non
plus contre les exceptions qui sont proposées dans la phase 2. Vous
savez que les auteurs-compositeurs de la chanson sont des créateurs qui
ne peuvent tirer leur salaire que des revenus qui proviennent des droits
patrimoniaux qui leur sont accordés par la loi
fédérale.
Dans ce contexte-là, une loi fédérale qui
déposerait, en phase 2, des aménagements qui diraient: Oui, nous
allons introduire le droit voisin, ça veut dire quand même...
Nous, on est d'accord avec le droit voisin puisqu'on ne peut pas être
contre la vertu, mais nous savons que, dans la pratique, ça signifie
aussi des droits qui, possiblement, seront pris sur les nôtres, puisqu'on
connaît bien la façon de travailler de la Commission d'appel sur
le droit d'auteur. Ça veut dire aussi l'introduction d'exceptions dans
la loi
Qu'est-ce que ça veut dire, ces exceptions-là? Eh bien, en
1924, le législateur nous a dit: Vous avez un droit d'exécution
publique et un droit de reproduction. Depuis 1924, les créateurs, qui
étaient bien mal organisés parce qu'ils n'avaient pas les moyens
de faire autrement, n'ont pas réussi à percevoir leurs droits. En
1985, ils ont enfin réussi à créer une structure
d'accueil. Or, les diffuseurs, quand ils ont vu cette façon de faire,
nous ont obligés à les poursuivre en justice pour tenter de nous
faire payer. Nous avons dû aller jusqu'à la Cour suprême; la
Cour suprême nous a donné raison avec l'arrêt Bishop et nous
pensions être à la fin de nos peines. Or, voici maintenant que, 65
ans plus tard, alors que nous pensions le combat gagné, les diffuseurs,
qui bénéficient auprès du gouvernement d'un lobby
évidemment beaucoup plus puissant que le nôtre, ont réussi
à faire admettre au gouvernement fédéral le fait
d'introduire des exceptions qui ont pour effet, à toutes fins pratiques,
de nous couper de ces revenus auxquels nous n'avons encore jamais eu
accès.
D'autre part, je me demande que penser d'un État moderne qui ne
légifère pas en matière de copie privée, d'un
État qui accepte de percevoir des taxes sur des éléments
servant à la contrefaçon et à la concurrence
déloyale, sans songer à compenser ceux à qui on a ainsi
usurpé leurs droits. Nous croyons que c'est là une question de
volonté politique. (21 h 15)
D'autre part, la chanson a depuis longtemps, au Québec, acquis
ses lettres de noblesse et ne saurait être considérée comme
un art mineur. Cela équivaudrait, bien sûr, à nous
déprécier nous-mêmes et à méconnaître
nos forces. La chanson est l'expression privilégiée de la culture
vivante. Pourtant, ceux qui l'écrivent ne peuvent pas en vivre, et le
rapport Arpin ne leur propose pas de solution, ni au niveau de la loi, ni en
reconnaissant un fonds de compensation sur la copie privée, ni en
s'élevant contre les exceptions prévues dans la phase 2 de la loi
fédérale, ni en proposant des lieux où l'on pourrait
l'exprimer.
En plus, nous considérons que, dans la pratique quotidienne des
politiques du ministère des Affaires culturelles, il y a un vacuum
énorme entre la relève et les industries culturelles, il y a tout
un volet de la chanson véritable qui est complètement
ignoré. Or, si le Québec souhaite que ses créateurs de
chansons survivent, il faut faire en sorte que quelqu'un légifère
en matière de copie privée, que les créateurs aient
accès à une aide directe au niveau de la création, que la
Loi sur le droit d'auteur soit retirée de Consommation et Corporations
Canada, qu'une véritable loi du droit d'auteur soit créée,
qu'elle soit placée dans le ministère où elle devrait
être, comme en France, c'est-à-dire dans un ministère de la
culture et, si on pense à rapatrier la culture, s'il vous plaît,
Mme la ministre, ne laissez pas ses créateurs à Ottawa.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Aubut. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Aubut, M. Lelièvre,
Mme Tadros, M. Plamondon. Vous savez, quand vous avez parlé, finalement,
du rapport, il était prévu aussi, à partir du rapport,
d'avoir cette discussion à une commission parlementaire. Pourquoi? Pour
la bonne raison qu'on sait qu'il y a des choses qui clochent. Si tout allait
très bien, on ne serait pas ici, personne, parce qu'on est tous
très occupés. Évidemment, il faut qu'il y ait des choses
qui changent, aussi, et profondément. Bon, aller chercher 1 000 000 000
$, je veux bien et on va bien essayer.
Mais, ceci dit, quand on parle de faire des choix, si jamais on a
à faire des choix, à ce moment-là... On a beaucoup
parlé de création, effectivement, et on a beaucoup parlé
aussi de culture, culture versus les arts, industries culturelles versus
création. Je pense que là-dessus la discussion ou, en tout cas,
la discussion globale - et elle se continue, d'ailleurs - est très
saine. On n'a jamais tant parlé de culture de façon
générale non plus; en tout cas, on n'a pas fait ça depuis
très longtemps. Ce n'est pas que les gouvernements, aussi; c'est aussi
réveiller la société québécoise.
J'aimerais revenir aux droits parce que vous êtes les seuls
à... Finalement, on en a parlé vaguement, mais vous êtes
les seuls, comme groupe, vraiment, à venir et à prôner tout
ça. C'est, disons, un secteur qu'on a moins touché. Au niveau des
droits d'auteur, évidemment, c'est enchâssé dans la
Constitution comme étant, comme vous l'avez dit tantôt, exclusif
au fédéral. Il y a toute cette question, le volet copyright
versus droit d'auteur. Bon, c'est quand même assez complexe. Vous, vous
vivez ça tous les jours, mais, pour le bénéfice de la
commission, vous prônez le droit d'auteur versus le copyright. La
différence entre les deux, finalement, pour notre système
à nous, qu'est-ce que c'est?
M. Plamondon: La différence, elle est déjà
dans les mots. Droit d'auteur, ça veut dire droit qui appartient
à l'auteur, au créateur de l'oeuvre. Par exemple, en France, la
première phrase de la Loi sur le droit d'auteur dit: 'Tout
créateur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur son oeuvre d'un droit
inaliénable, intransférable, etc. " Bon. Et un jour que je lisais
cette phrase à Marcel Masse, à Ottawa, il m'a dit: Traduis-moi
donc ça en anglais pour que je l'explique aux Anglais. Parce qu'en
anglais ils ont une toute autre approche du droit d'auteur. Ils appellent
ça le copyright, c'est-à-dire le droit de reproduire,
"copyright", c'est-à-dire que c'est un droit qui est accordé
à l'utilisateur. Et c'est pour ça que la loi, à Ottawa,
elle n'est pas dans un ministère qui défend le créateur;
elle est à Consommation
et Corporations, c'est-à-dire au ministère des
Approvisionnements et Services, donc des utilisateurs. Donc, la loi à
Ottawa défend toujours le point de vue contraire à celui du
créateur. C'est le principe de la loi... le principe des gens de
Consommation et Corporations à Ottawa. C'est comment rendre accessibles,
pour le moins cher possible, les oeuvres de l'esprit aux consommateurs et
à l'industrie, ce n'est jamais comment faire vivre le créateur,
alors qu'en France la loi est au ministère de la Culture. Et quand le
ministre de la Culture a dit, il y a trois ou quatre ans: II faut maintenant
moderniser la loi, il faut la refaire, le ministre de la Culture avait, en
France, le droit de dire: Je refais la loi et j'ai le pouvoir de la refaire, et
de la refaire au nom des créateurs.
Ça, c'est un grand problème qui existe entre le monde
anglophone et les pays latins, les pays d'Europe en général. La
"Copyright Law", c'est l'Angleterre, les États-Unis, le Canada et
l'Australie. Ce sont les pays anglophones. Les autres pays du monde, en
général, appliquent plutôt le droit d'auteur.
Mme Frulla-Hébert: Alors, si, par exemple, on se dit...
parce qu'il y a la phase 2, là. Je sais qu'à Ottawa on pousse
très fort pour la phase 2. Et si, par exemple, on se dit: Dans
l'ensemble des discussions, dans l'ensemble du rapatriement, il faut aller
chercher... Pour qu'on s'applique, nous, à cause justement de notre
distinction, à avoir un droit d'auteur versus un copyright, au niveau
des ententes, on...
M. Plamondon: Si on rapatrie la culture, il faut rapatrier la loi
du droit d'auteur aussi...
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord, c'est ce que je dis.
M. Lelièvre: ...parce que, sinon, comme l'a dit Lise tout
à l'heure, c'est rapatrier la culture et laisser la loi sur les
créateurs à Ottawa. Ça n'a ni queue ni tête.
Mme Frulla-Hébert: Non, mais c'est exactement ce que je
dis. Mais, là, à ce moment-là, au niveau de
l'harmonisation avec le reste du Canada, par exemple, et les États-Unis,
comment ça peut fonctionner?
M. Lelièvre: Je peux répondre à ça
facilement. Il y a de grandes ententes internationales en ce qui concerne le
droit d'auteur, notamment les conventions de Genève et de Berne dont le
Canada, incidemment, est déjà signataire. Il n'y a absolument
rien qui empêcherait le Québec d'en être signataire et
d'avoir, comme le Canada en a, des accords de réciprocité,
notamment avec la France, même si les lois ne sont pas totalement
harmonisées. Il n'y a absolument rien qui empêche ça. Moi,
par contre, ce qui m'a un petit peu outré à la proposition 36 du
rapport Arpin, c'est qu'on propose de modifier la loi fédérale
plutôt que de la rapatrier au Québec. Si on parle de rapatrier la
culture au Québec, comment peut-on imaginer de le faire sans rapatrier
ce droit de propriété élémentaire? On parle d'un
droit de propriété, là. C'est plus proche, dans le fond,
du Code civil. Ça devrait, me semble-t-il, être dans les pores de
notre peau culturelle, de notre identité comme peuple. Qu'on ne pense
pas rapatrier la loi du droit d'auteur... C'est à nous. En fait,
ça nous appartient. On n'a pas à discuter de comment ou pourquoi
cette erreur-là s'est glissée en 1867. Les circonstances
étaient, vous en conviendrez, tout à fait autres. Ce n'est pas
dans le rapport Arpin et je n'en fais reproche ni au parti... Je n'en fais pas
reproche au parti gouvernemental, parce que ce n'est pas une question qui a
été abordée souvent. Même dans le programme, par
exemple, du Parti québécois, c'est une question qui n'a jamais
été abordée directement.
Alors, je pense qu'on peut en parler d'une façon non partisane,
totalement. Ça me paraît absolument primordial. On parle d'un
droit de propriété. Il me semble qu'on ne peut pas passer
à côté de ça. D'une façon concrète,
toutefois, ce que notre mémoire signale, je voudrais vous le rappeler
également, c'est qu'avant même toute espèce de modification
constitutionnelle, nous croyons, nous, à la SPACQ - et ça fait
six ans qu'on fait des représentations à Québec à
ce sujet-là - que Québec peut offrir aux auteurs et aux
compositeurs de chansons, d'une part, et aux autres ayants droit,
c'est-à-dire aux artistes-interprètes et aux producteurs, d'autre
part une compensation sur la copie privée.
Nous avions commencé un travail assez approfondi là-dessus
avec Mme Bacon. Ça s'est perdu en cours de route, parce qu'on croyait
que ça allait se faire à Ottawa et, finalement, on a
été bernés, encore une fois.
Mme Frulla-Hébert: Mais revenez donc... C'est tout?
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, je regrette. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous pouvez continuer
là-dessus, si vous voulez.
M. Boulerice: Oui, je vais débuter, mais sans aucune
mesquinerie, plutôt le contraire, avec beaucoup d'amitié, M.
Lelièvre. Page 154. Ha, ha, ha! Je vous dis, par contre, que ce n'est
pas antique dans le sens que, effectivement, ça ne date pas d'il y a 15
ans. Ça, je vous l'accorde bien.
M. Lelièvre: On n'arrive pas à lire tout ce que
vous produisez.
M. Boulerice: Ah, mais je vous réserve des
surprises. Attendez. Mais, ceci dit, au départ, bienvenue, oui.
Bon. Vous avez fait mention de Félix Leclerc. Je pense que Mme Tadros
connaît le vécu de ça; on a eu un regard complice, tous les
deux. Je vais inaugurer un bar bientôt. Ma seule et unique consolation
sera que le restaurant sera une galerie d'art, mais je vous avoue que c'est
piètre comme résultat; je suis le premier
désolé.
Mais pour revenir... Bon, vous avez déploré,
forcément, l'anachronisme de la loi canadienne sur les droits d'auteur,
de 1924. Effectivement, ce n'est pas jeune. La ministre dit, et vous y
souscrivez: II faudrait reprendre les pouvoirs. Mais là vous dites:
Reprendre également le pouvoir des droits d'auteur. Sans être
constitu-tionnaliste - Dieu m'en garde, il y en a tellement dans ce pays - je
ne suis pas certain qu'on ait la capacité légale, même si
on a les droits d'auteur, de signer des conventions internationales. Je ne suis
pas certain qu'on ait... On n'a pas la capacité...
Mme Frulla-Hébert: Ça se fait...
M. Boulerice: ...constitutionnelle - je vais peut-être la
faire changer de cap - de signer, notamment, la Convention de Rome.
M. Plamondon: Quand vous dites "on", vous voulez dire...
M. Boulerice: Le Québec.
M. Plamondon: Oui, mais vous parlez du Québec...
M. Boulerice: Même avec ce rapatriement des pouvoirs,
monsieur...
M. Plamondon: ...maintenant ou du Québec après
qu'il aura rapatrié la culture?
M. Boulerice: Même si on rapatrie, M. Plamondon, les arts,
la culture et que là-dedans, on dit: La seule juridiction est la
juridiction pour les droits d'auteur sur notre territoire à nous, nous
n'avons pas la capacité constitutionnelle, dans le régime actuel
- et M. Beatty nous l'a dit deux fois: Je veux votre bien et je l'aurai - de
signer ces ententes internationales, notamment celle qui serait la plus
importante pour nous, qui est la Convention de Rome.
M. Lelièvre: Est-ce que je peux...
M. Boulerice: Oui, oui, je vous en prie.
Le Président (M. Doyon): M. Lelièvre.
M. Lelièvre: Je ne crois pas, personnellement, que la
Convention de Rome soit la plus importante. Je ne veux pas faire un
débat de droit là-dessus, mais la seule nouveauté de la
Convention de Rome, c'est la reconnaissance des droits voisins,
c'est-à-dire des droits voisins des droits d'auteur, notamment ceux des
artistes-interprètes et ceux des producteurs. Les conventions de base
restent celles de Genève et de Berne.
Cela dit, effectivement, selon l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867, le Québec n'aurait pas le droit de le faire. Il est
évident que la première solution qui nous saute à
l'esprit, et nous... Enfin, je pense que la plupart d'entre nous, comme
auteurs-compositeurs, on est assez identifiés sur le plan politique; on
n'a pas à se faire de cachotteries là-dessus, sur l'idée
qu'on se fait du Québec souverain. Ce ne sont pas les gens du rapport
Arpin qui ont écrit ni "Mon pays" ni "Le tour de l'île", ce sont
des auteurs de chansons. Bon.
Alors, on va dire qu'on souhaite, évidemment, que le
Québec soit souverain et on présume qu'à ce
moment-là il va légiférer très rapidement sur les
droits d'auteur. Toutefois, s'il y avait un nouvel aménagement
constitutionnel qui ferait du Québec... enfin qui ferait de ce qui est
maintenant le Canada une véritable confédération - et non
pas une fédération - d'États souverains, à ce
moment-là, le Québec en aurait le droit, comme, par exemple, les
anciennes républiques de l'Union soviétique le faisaient. Les 15
républiques de l'Union soviétique étaient
séparément signataires des ententes internationales sur le droit
d'auteur. Vous me direz que ce n'est pas un exemple. Moi, je vous dis que c'est
simplement une référence. Pour note.
M. Plamondon: Mais pour en revenir à la copie
privée dont Sylvain parlait tout à l'heure, elle n'est pas dans
la Loi sur le droit d'auteur d'Ottawa et comme Ottawa se refuse toujours
à la mettre et on sait très bien qu'elle ne fera pas partie du
deuxième volet de la Loi sur le droit d'auteur. C'est pour ça
qu'on avait entrepris, nous, avec Québec, avec Mme Bacon, il y a trois,
ou quatre ans, ou cinq ans, je ne sais plus, de... On s'était dit:
Pourquoi pas? Pourquoi est-ce que Québec ne créerait pas une
compensation pour les auteurs-compositeurs, pour la copie privée? (21 h
30)
Parce que le Québec l'a fait à une époque, il a
créé une taxe sur les vidéocassettes. Bon. Cette
taxe-là, malheureusement, allait dans le fonds consolidé et ne
retournait pas au monde du cinéma comme il en avait été
question au départ. Bon. C'est sûr qu'une taxe doit aller dans le
fonds consolidé. Je crois qu'on ne peut pas diriger une taxe, à
Québec, à un... Je ne sais pas, c'est discutable, cette
chose-là. Je n'ai jamais eu une réponse complètement
sûre à ce sujet-là, mais le Québec pourrait
très bien créer une taxe, enfin un droit sur les
vidéocassettes, sur les cassettes vierges, sur les cassettes audio
autant que sur les vidéocassettes et créer un
fonds de compensation pour les créateurs québécois.
Nous, à ce point de vue là, on est très protectionnistes.
On ne partage pas du tout, du tout l'avis des fonctionnaires du
ministère des Affaires culturelles, qui veulent absolument envoyer des
droits à tous les auteurs et compositeurs du monde entier, à tous
les interprètes du monde entier et à tous les producteurs du
monde entier, c'est-à-dire envoyer à Madonna, à Michael
Jackson, à CBS et à Warner la plus grande partie de ces
droits-là; nous, on n'est pas d'accord avec les fonctionnaires du
ministère des Affaires culturelles là-dessus. On a beaucoup
discuté là-dessus avec eux. Nous, on voudrait que le
Québec crée un fonds de compensation. Puisque ça ne peut
pas être une taxe, puisque ça ne peut pas être un droit, que
ce soit un fonds pour compenser les auteurs-compositeurs, les
interprètes québécois et les maisons de disques
québécoises. Il en reste encore quelques-unes, Dieu merci, qui
sont, comme l'a dit Lise tout à l'heure, spoliées de leurs
droits, puisque chaque fois que quelqu'un copie la radio, ou copie une
cassette, ou un disque, chaque fois, c'est un vol à l'égard de
l'auteur-compositeur, de l'interprète, de l'éditeur et des
producteurs de ce disque.
M. Boulerice: M. Lelièvre faisait une comparaison
tantôt avec l'agriculture. Il y a une commission de compensation pour les
victimes d'actes criminels. Donc, en définitive, il pourrait y avoir une
compensation pour les victimes de piraterie intellectuelle, versée
où vous le dites.
M. Lelièvre: On a tendance à croire que vous
êtes vraiment plus compétents que nous au niveau de la
mécanique. Tout ce qu'on sait, c'est que c'est possible et que c'est
simplement une question de volonté politique. Ça, on l'a
écrit dans le mémoire et je le répète de vive voix.
Je pense que si Mme la ministre décidait, ce soir, d'agir en ce
sens-là, on pourrait très, très rapidement... Parce que,
nous, on est prêts du côté des auteurs, les
interprètes sont prêts, les producteurs sont prêts.
C'est-à-dire que les mécanismes d'entente entre nous existent.
Alors, il reste simplement à harmoniser ça, finalement, avec le
gouvernement du Québec qui est le nôtre.
M. Boulerice: II y a une autre question que j'aimerais vous
poser. On parle de rapatriement des pouvoirs culturels. Nous, on dit - quand je
dis "nous", je parle de ma formation politique; on est dans un système
parlementaire, heureusement - que ça ne peut pas être uniquement
les arts et la culture; ça doit être aussi tout ce gigantesque
secteur des communications qui est radio et télévision. C'est
là qu'est le pouvoir de réglementation. C'est là où
ça influence combien de fois vous allez jouer, à partir des
quotas, par un CP.TC qui, forcément, est fédéral et qui
n'est pas exclusivement québécois. Est-ce que vous partagez ce
point de vue? Nous, on va un petit peu plus loin en disant que ça doit
être le ministère des arts, de la culture et des communications,
dans le sens que la radiotélédif-fusion doit relever de la
culture de façon à avoir comme mandat principal de promouvoir la
culture québécoise, pas à l'excès comme les
Américains, où ils sont bornés, mais, au moins, qu'on se
serve les premiers, hein!
Mme Aubut: On peut vous dire qu'idéalement, bien
sûr, rapatrier aussi les pouvoirs en matière de communications,
c'est extrêmement intéressant, mais, dans la pratique, pour nous,
ce n'est pas quelque chose d'aussi important parce que, contrairement à
ce qu'on pourrait penser, le CRTC fait un excellent travail. La protection, les
quotas qui sont mis en place sont généralement satisfaisants. Il
y a des politiques du CRTC, par exemple, qui favorisent le fait que pour
obtenir... Dans une promesse de réalisation, par exemple, il faut verser
un petit peu d'argent à Musicaction, qui est réinjecté
dans la création. À ce niveau-là, c'est moins important
que la Loi sur le droit d'auteur parce que d'elle dépend notre sort
à nous, en totalité.
J'aimerais faire une petite parenthèse sur ce que mes
collègues ont dit tout à l'heure au niveau de la copie
privée, parce qu'il y a quelque chose de très original au niveau
de la copie privée: c'est que la CISAC, qui est la
Confédération internationale des sociétés d'auteurs
et de compositeurs, permet, par exemple dans un lieu où on
légifère sur la copie privée, de dire aux ayants droit
nationaux qu'ils peuvent conserver jusqu'à 25 % - permettez-moi
l'expression - "off the top" de tous les revenus pour les réinjecter
dans la création et la diffusion de spectacles vivants. Pour nous,
ça nous permettrait d'avoir vraiment des sources d'argent neuf, des
sources suffisamment importantes pour faire des choses
intéressantes.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
malheureusement, le temps est déjà écoulé.
M. Boulerice: Bon! Bien, alors, moi, si je vous ai bien compris,
c'est que j'ai probablement bien compris tous les autres intervenants aussi,
donc je n'errais peut-être pas. Vous allez me répondre: Oui, vous
avez raison, ou: Non, vous n'avez pas raison. Depuis le début de la
commission, j'ai posé la question à bien des groupes. Oui,
d'accord pour une politique des arts et de la culture. Moi, je dis: politique
des arts, de la culture, des communications, etc., sauf qu'au<_lelc3a0_ et="" _l27_c3a9_laboration="" _quc3a9_bc3a9_cois2c_="" le="" _concrets2c_="" ce="" _c3a0_="" dans="" ans="" de="" parce="" ait="" _qu27_au="" bien="" affaires="" quand="" utiles="" _mc3aa_me="" jouer="" _d27_attendre="" besoin="" culturelles="" gestes="" y="" _arrc3aa_tons="" seraient="" qui="" des="" lois="" bon="" les="" intervenants.="" _politique2c_="" il="" _donc2c_="" _rc3a9_parateurs="" _parlement2c_="" maytag="" touchent="" en="" a="" pourraient="" _qu27_on="" niveau="" _immc3a9_diats="" _ministc3a8_re="" cette="" _loi2c_="" _faits2c_="" _c3aa_tre="">
dois vous avouer que ce n'est pas moi qui me suis épuisé,
comme critique, depuis 1985. Et, entre parenthèses, au moment
où...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Boulerice:... on se parle, je ne sais pas ce que vous en
pensez, mais 18 députés ministériels font rapport et
suggèrent que l'on ferme les conservatoires de musique. J'aurais
aimé vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. le député, le
temps étant terminé, je vous demande tout simplement de remercier
nos invités.
M. Boulerice: On se donnera notre réponse plus tard. Merci
beaucoup à M. Plamondon, Mme Aubut, M. Lelièvre.
M. Lelièvre: Est-ce que vous me permettez un commentaire
sur les conservatoires de musique?
Le Président (M. Doyon): Brièvement.
M. Lelièvre: Je serai très bref là-dessus.
Je le déplore absolument, mais je signale en même temps à
l'attention de tous les députés qui sont là que la chanson
est le seul, mais vraiment le seul domaine où il n'existe au
Québec aucun programme de formation.
Le Président (M. Doyon): C'est noté. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bon. Alors, les conservatoires de
musique, quand vous voyez la ministre très calme, c'est parce qu'il n'y
a rien là, comme on dit. Maintenant, dans un...
M. Boulerice: Bien, coudon!
Mme Frulla-Hébert: Bien non, mais... Quand on regarde les
recommandations, on part des plus rock'n roll aux plus réalistes. Mais
ceci dit, il y a une chose que nous allons faire tout de suite après la
commission, c'est qu'on va... Vous dites que vous êtes prêts, alors
on va regarder les possibilités avec vous, ne serait-ce que pour me
faire pardonner que vous n'étiez pas sur le rapport Arpin.
N'empêche que c'est un besoin et, effectivement, on n'est quand
même pas pour attendre une politique culturelle. C'est quelque chose. On
travaille dans un cadre constitutionnel global - il faut bien s'entendre sur
global - et non pas dans la culture comme celle de la carotte. Mais au niveau
des droits et tout ça, on va regarder ça avec vous autres de
près, tout de suite après la commission qui devrait se terminer
ces prochaines semaines. Merci beaucoup.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. Plamondon, Mme Aubut,
M. Lelièvre ainsi que Mme Tadros, il me reste à vous remercier au
nom des membres de la commission, à vous souhaiter bon retour et
à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Merci
beaucoup.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Bonne chance!
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, le président a la
responsabilité de continuer les travaux de cette commission. Je demande
aux membres de bien vouloir prendre leur place, y compris Mme la ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, la prochaine
fois, nous continuerons les échanges de façon à ce qu'ils
soient enregistrés pour le bénéfice de tous. Ça
sera plus simple.
J'invite maintenant les représentants de l'Institut culturel et
éducatif montagnais à bien vouloir prendre place en avant. Ce
sont nos prochains invités.
Maintenant que le brouhaha est terminé, ça me fait plaisir
de vous souhaiter la bienvenue et de vous inviter à présenter
votre mémoire selon les règles qui se sont appliquées
jusqu'à maintenant: une quinzaine de minutes et, après ça,
la discussion s'engage pour le restant du temps avec les membres de cette
commission. Veuillez vous présenter de façon à ce que le
Journal des débats sache à qui nous avons affaire. Vous
avez la parole.
Mme Robertson (Johanne): Merci, M. le Président. Je suis
Johanne Robertson, présidente et directrice générale de
l'Institut culturel et éducatif montagnais. Je suis moi-même
Monta-gnaise, de Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean.
Mme Boivin (Hélène): Bon, moi, je suis
Hélène Boivin, coordonnatrice du développement culturel
montagnais à l'ICEM. Je suis aussi Montagnaise, originaire de la
communauté de Mashteuiatsh.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue. Mme Boivin:
Merci.
Institut culturel et éducatif
montagnais
Mme Robertson: Merci. Si vous me le permettez, M. le
Président, j'aimerais tout d'abord remercier Mme la ministre des
Affaires culturelles d'avoir retenu notre mémoire et de nous donner la
possibilité de vous le présenter, ainsi que l'opportunité
d'échanger sur les atten-
tes de la nation montagnaise en regard du ministère des Affaires
culturelles et de sa prochaine politique de la culture et des arts.
L'Institut éducatif et culturel montagnais est un organisme
à but non lucratif qui regroupe les neuf communautés constituant
la nation montagnaise au Québec.
La raison d'être de l'ICEM est de sauvegarder et de
développer la culture montagnaise, ainsi que d'assurer le
développement de l'éducation de la nation. L'ICEM existe depuis
13 ans et a, à son crédit, plusieurs grandes réalisations
dans le domaine éducatif et culturel.
Si vous me permettez, je vais vous donner quelques exemples pour vous
faire mieux comprendre notre travail, et, à cet effet aussi, je vous ai
fait transmettre notre rapport annuel; je vous invite à en prendre
connaissance. Brièvement, si on parle du domaine éducatif, je
vous dirai qu'on élabore et qu'on dispense des programmes de formation
de niveau universitaire, en partenariat avec l'Université du
Québec à Chi-coutimi, entre autres un programme de
baccalauréat en intervention communautaire. Nous avons mis sur pied
différents programmes spéciaux accrédités par
différentes institutions d'enseignement postsecondaire; on parle de
programme en soins infirmiers, de programme de gestion intégrée
du territoire et d'un programme de formation en muséologie et en
animation culturelle. On parle de mise sur pied de comités locaux, de
concertation de la formation ainsi que de tables de concertation
régionale.
Dans le domaine culturel maintenant, certaines grandes
réalisations de l'ICEM ont été rendues possibles
grâce au soutien du ministère des Affaires culturelles, dont, par
exemple, l'étude sur les équipements culturels en milieu
montagnais, qui a permis d'inventorier les quelques équipements
culturels existants - ils sont très peu nombreux - d'évaluer les
besoins de la nation montagnaise et de proposer les équipements
culturels correspondant aux besoins. Entre autres, le concept des maisons de
transmission culturelle a été grandement retenu par la nation
montagnaise. (21 h 45)
Malheureusement, depuis le dépôt de cette étude,
aucune suite n'a été donnée. On aura l'occasion d'en
reparier. On parle aussi de la présentation par l'ICEM d'un
mémoire à la commission d'étude sur les
bibliothèques publiques, qui a permis à la commission Sauvageau
d'élaborer une recommandation à l'effet d'effectuer une
étude afin de cerner les besoins spécifiques des
communautés autochtones et de proposer des solutions. L'ICEM a alors
saisi l'opportunité et a demandé au ministère des Affaires
culturelles de réaliser lui-même cette étude. L'analyse des
besoins a été déposée en mars dernier. Toujours en
attente d'une réponse de Mme la ministre, nous croyons nécessaire
d'élaborer avec elle les suites à donner aux recommandations de
ces études.
De plus, nous avons signé, en 1990, un protocole d'entente de
fonctionnement avec le MAC. Il se terminera à la fin de cette
présente année financière, soit à la fin mars 1992.
Cette nouvelle façon de fonctionner nous a réjouis et c'est avec
beaucoup d'enthousiasme et d'espoir que nous l'avons signé, en
présence de tous les représentants de la nation montagnaise de
même que de Mme Robillard, qui était à l'époque
ministre des Affaires culturelles.
Je dois cependant vous avouer que nous pensons qu'il faut aller
au-delà d'un protocole de fonctionnement très limité pour
permettre un réel développement culturel de la nation
montagnaise. De plus, j'aimerais vous faire part d'une récente
consultation menée par l'assemblée générale de
l'ICEM sur l'avenir éducatif et culturel de la nation montagnaise. Les
conclusions de l'enquête sont très significatives et ont permis
à l'ICEM, réuni en assemblée générale
spéciale, la semaine dernière, de dégager les grandes
orientations de la nation montagnaise en regard de son devenir éducatif
et culturel.
Permettez-moi de vous lire la grande orientation culturelle de la nation
montagnaise. "Que chaque Montagnais et Montagnaise soit fier de son
identité. Qu'il manifeste un sentiment d'appartenance à une
culture commune et assume sa responsabilité de membre de la nation." De
plus, afin de s'assurer qu'on se dirige vers cette grande orientation, la
nation montagnaise s'est fixé de grands objectifs. Sans vouloir vous en
faire toute la lecture, permettez-moi de vous en citer un, un très
important qui, à mon avis, est très significatif et sera
déterminant dans plusieurs de nos actions futures. Il se lit ainsi:
"Que, d'ici décembre 1996, la nation montagnaise ait pris en charge son
propre développement culturel." Je vous laisse là-dessus afin de
permettre à Hélène de vous présenter notre opinion
concernant le rapport Arpin, pour revenir discuter avec vous lors de la
période des questions. Merci.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Boivin: Alors, je vais faire une petite introduction en
montagnais. (S'exprime dans sa langue). Excusez-moi, je suis un petit peu
nerveuse. Merci, Mme la ministre et MM. les commissaires, de nous avoir permis
de faire entendre nos vues sur la proposition de politique de la culture et des
arts.
Dans l'ensemble, nous sommes d'accord sur les trois principes
fondamentaux de la commission. Comme les Québécois, la nation
montagnaise doit développer le domaine des arts et de la culture, en
favoriser l'accès à la population autochtone et non autochtone,
et nous croyons qu'il est nécessaire d'accroître l'intervention
gouvernementale en matière culturelle, et ce, sous forme de partenariat
entre les institutions
autochtones responsables du développement culturel et le
gouvernement. .
Par contre, nous déplorons l'absence des cultures autochtones
dans ce rapport. En tant que premiers habitants de ce pays, nous
possédons aussi une culture, une langue, des traditions et des valeurs
qui nous sont propres. De ce fait, nous nous distinguons des autres groupes qui
composent la société québécoise, soit les
Québécois francophones, les Québécois anglophones
et les immigrants. Ce manque est d'autant plus difficile à comprendre,
considérant que le ministère des Affaires culturelles est un des
ministères ayant contribué le plus au développement des
sociétés amérindiennes.
Loin de vouloir remettre en question votre intervention, nous avons
voulu soulever dans ce mémoire les problématiques auxquelles nous
sommes confrontés en tant qu'organisme responsable de la culture
montagnaise, telles que la transmission et la conservation de nos valeurs
traditionnelles, la relève au niveau artistique, la langue, les
équipements culturels et le développement culturel. Sur ces
problématiques se greffe celle de l'accessibilité aux programmes,
des critères qui font partie de ces programmes, du manque de financement
et de l'absence des autochtones sur les jurys ou dans le processus
décisionnel.
Les modes de fonctionnement que le rapport Arpin propose au niveau de la
vie culturelle, entre autres la responsabilité que la commission propose
au niveau des municipalités, ne s'appliquent pas et ne peuvent pas
s'appliquer à la réalité autochtone. Comme vous le savez,
les conseils de bande ne sont pas des perceveurs de taxes ni d'impôt,
donc peuvent arriver difficilement à investir et à contribuer
à la vie culturelle au niveau des communautés. On parle de
métropoles comme Montréal, comme Québec; on parle aussi de
la particularité des régions qui sont, pour la plupart, des
régions périphériques, mais on ne considère pas la
particularité de l'éloignement très grand des
communautés améridiennes qui sont, pour la plupart, inaccessibles
par voie de terre; on doit y aller par voie d'air. Alors, sur ce, je terminerai
mon intervention et je laisserai le temps aux membres ou bien à Mme
Robertson de rajouter des choses si cela est nécessaire.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Ça
va? Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie beaucoup d'être
ici. Comme vous l'avez mentionné, il y a toujours eu une très
bonne collaboration entre le ministère des Affaires culturelles et les
différentes communautés autochtones. Maintenant, il y a quand
même des précisions à apporter. Au niveau de votre
mémoire, vous revendiquez la mise en oeuvre, dans et par votre milieu,
de la politique sur la culture et les arts; c'est ce que vous disiez
tantôt. On en a signé une, d'ailleurs, politique, il y a deux ans.
Par contre, là, on veut aller plus loin. À vos yeux, est-ce qu'il
y a une formule particulière que vous nous proposez, qui puisse servir
de base, si on veut, dans le but de constituer, finalement, une étape?
Disons qu'on en a fait une, là, mais, maintenant, une étape
future, si on veut, au développement de la culture montagnaise?
Mme Robertson: Je pense qu'il faut effectivement se servir de ce
qu'on a actuellement. En 1990, comme je le disais tout à l'heure, on a
signé un protocole d'entente de fonctionnement. C'est intéressant
comme première étape. Ce que l'on trouve dommage dans ce
protocole, c'est qu'il nous permet des possibilités de fonctionnement
à l'intérieur de nos neuf communautés, mais que cela ne
nous a pas permis, comme d'ailleurs cela nous avait été dit par
Mme Robillard à l'époque, d'avoir un meilleur accès
à tous les autres programmes existants au sein du ministère des
Affaires culturelles.
Donc, malgré des besoins très spécifiques - et il
faut bien comprendre que chacune des communautés peut avoir accès
à différents programmes - malgré cette difficulté
de l'accessibilité, nous, en tant qu'organisme représentatif de
ces neuf communautés-là, nous allons plus prôner des
besoins qui sont communs à ces neuf communautés. Donc, encore
là, c'est plus difficile d'avoir accès à ces programmes
parce que les besoins en matière culturelle dans nos communautés
sont assez primaires, si je peux m'exprimer ainsi. Vous savez, dans nos
communautés, on n'a pas de structure comme telle, on n'a pas de
répondants culturels. Ce n'est pas pareil comme quand on parle de
l'éducation. En éducation, il y a des prises en charge qui sont
existantes dans les communautés depuis déjà une quinzaine
d'années. On a une structure éducative, alors qu'au niveau
culturel on n'a pas, comme telle, de structure, donc tout est à
faire.
Et, donc, on présente aux Affaires culturelles des projets, des
besoins en ce sens et, malheureusement, selon les critères actuels des
programmes, on ne peut pas avoir réponse à ces choses-là.
Donc, quand je vous parle de cette consultation, de cette grande enquête
que nous venons de mener à travers toute la nation montagnaise - il y a
505 personnes qui ont été consultées - ce que la nation
veut, ce n'est pas de vous demander d'assouplir vos critères ou de
modifier vos programmes pour les rendre plus accessibles. C'est de permettre
à l'ICEM, qui est l'organisme mandaté par la nation montagnaise,
de prendre en charge. Donc, par "prendre en charge" - et pour répondre
à votre question, parce que je suis très consciente que je m'en
suis éloignée - on entend de pouvoir avoir l'argent pour
administrer ces programmes-là, donc de pouvoir nous-mêmes faire
les critères
qui feront en sorte que les autochtones ou la nation montagnaise aura
réponse, mais aussi avoir la responsabilité qui va avec ces
sommes d'argent, donc de pouvoir avoir les responsabilités
ministérielles.
Mme Frulla-Hébert: Oui, il faudrait peut-être
prévoir par entente, parce que, évidemment, quand on gère
des fonds publics, de part et d'autre, le transfert de responsabilités,
c'est plus difficile dans un sens où elles émanent, finalement,
d'une source; donc, on parle d'une délégation de pouvoirs. Mais,
à ce niveau-là, par exemple, on peut le faire par entente,
c'est-à-dire continuer et prolonger des ententes qui seront
peut-être plus approfondies, ou couvrant les besoins, ou, enfin, tous les
besoins. Parce que si je me fie à certains projets, que ce soit le
musée de Pointe-Bleue, par exemple, ou que ce soit même au niveau
des groupes, avec Kashtin, par exemple, on a beaucoup participé au
niveau des projets. Mais ce que vous voulez, c'est vraiment plus une
espèce d'entente globale qui ferait en sorte que vous pourriez
l'autogé-rer.
Mme Robertson: Je différencie deux choses. Je vous disais
tout à l'heure que les communautés elles-mêmes, en tant que
communautés à part entière, peuvent solliciter des
projets. On parle du Musée amérindien de Pointe-Bleue; c'est un
projet local d'une communauté, qui est celle de Mashteuiatsh, qui vous a
présenté des besoins. Kastin est un groupe qui, heureusement, est
reconnu comme étant un groupe professionnel chez vous. Et je ne veux pas
glisser non plus sur tout ce problème qu'on a à faire
reconnaître nos artistes, parce que les critères actuels du
ministère des Affaires culturelles demandent qu'un artiste soit
professionnel s'il est reconnu, s'il a fait des expositions, alors que, pour
nous, c'est très difficile d'assurer une relève avec ces
critères-là.
Je me permets de faire une parenthèse et je vais revenir à
votre question. La semaine dernière, en assemblée
générale, on a beaucoup discuté de ce problème de
critères au niveau des artistes professionnels et, ensemble, avec les
représentants de la nation montagnaise, des neuf communautés, on
s'est dit: Est-ce qu'il faut demander au ministère des Affaires
culturelles - et je reprends un peu ce que je vous disais tout à l'heure
- d'assouplir ses critères ou de faire en sorte que son critère
pour reconnaître un artiste autochtone ou montagnais soit
différent? Est-ce que, nous, on ne pourrait pas lui en proposer, des
critères? Et puis, finalement, la conclusion de toute cette
discussion-là, qui a été très longue, ça a
été de dire: Non. Pourquoi est-ce qu'on n'administrerait pas,
nous, ce programme-là? Qui est mieux placé que nous? (22
heures)
Et je ne vais pas aussi loin qu'une déléga- tion de
pouvoirs parce qu'on sait que, bon, la nation montagnaise et la nation
attikamek sont en négociations présentement. Mais, moi, je pense
qu'en attendant l'aboutissement de ces négociations-là, où
on verra quelle sorte de gouvernement ça pourra donner, un gouvernement
autonome, mais, en attendant ça, je pense qu'il y a moyen de faire des
protocoles d'entente. Je pense que l'esprit est là. On a fait un
très grand pas. Il suffit d'aller un peu plus loin et de permettre
à la nation montagnaise, par le biais de l'ICEM qui est un organisme
reconnu et, je le souhaite, compétent, d'administrer ces
programmes-là, de gérer ces programmes-là et de pouvoir
développer, peut-être, des critères avec vous. C'est bien
évident que ça ne sera pas une gestion totalement autonome. On
parle d'un protocole, donc il y aura un suivi. C'est bien sûr que, si on
administre des fonds publics, il faudra le faire en collaboration avec
vous.
Mme Frulla-Hébert: Je vais laisser la parole, si vous
permettez, M. le Président, à ma collègue qui...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Bonsoir
mesdames.
Le Président (M. Doyon): II reste relativement peu de
temps.
Mme Cardinal: Oh bon! Alors, dans les recommandations 4, 5 - vous
me bousculez - et 7, on parle surtout de financement. Vous mentionnez ici, et
je vais essayer de le faire très brièvement: "Que les autochtones
assurent eux-mêmes la mise en application de la politique
québécoise de la culture et des arts et que les structures qu'ils
auront désignées reçoivent et administrent les ressources
humaines et financières nécessaires à son application."
Évidemment, on relève que vous relevez du gouvernement
fédéral et que vous avez aussi des octrois. Vous avez aussi le
côté provincial et, évidemment, vous aimeriez aussi faire
partie de ce partenariat. Alors, comment pourrions-nous améliorer
effectivement, dans l'esprit de ce que vous avez mentionné
antérieurement, Mme la ministre, cette espèce de partenariat afin
que vous puissiez assurer, par exemple, le support financier pour le
développement de votre culture? J'y vais très brièvement.
Et, également, vous mentionnez, à la recommandation 5, l'absence
de financement pour le développement culturel. Alors, est-ce que vous
avez une vision d'un meilleur partenariat?
Mme Boivin: Moi, je me permettrais de dire juste une chose.
Ça serait de nous impliquer...
Mme Cardinal: Davantage.
Mme Boivin: ...et de nous consulter. Mme Cardinal:
Oui.
Mme Boivin: Je pense que c'est la seule façon qui peut
être envisageable pour identifier de quelle façon il pourrait y
avoir une intervention de la part du gouvernement et, en même temps, une
intervention de la part de l'institution reconnue comme étant
mandatée pour assurer le développement culturel. Je pense que
c'est juste ça.
Mme Cardinal: Alors, je pense que ça serait
intéressant de nous suggérer des moyens d'avoir une meilleure
communication entre les communautés autochtones et nous, du
Québec.
Mme Boivin: Vous savez, le MAC, c'est le gros morceau; l'ICEM est
tout petit. Plutôt que ça soit deux choses complètement
à part, que ça soit deux choses qui fonctionnent de façon
parallèle.
Mme Cardinal: D'accord. Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, si vous le permettez, je
céderai la parole à mon collègue, député de
Duplessis, dont les relations avec votre communauté sont anciennes, dans
le sens très positif du terme. Il est jaloux et sans partage, je vais
vous le dire tout de suite. Il est très fier de cette relation.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, vous me permettrez
sûrement de dire à ces dames qui sont devant nous des paroles qui
étaient prononcées à plusieurs reprises par mon ami, M.
Marcel Jourdain, un vieux sage de Sept-îles, lorsque, toutes les fois
qu'il me rencontrait - il ne parlait ni français ni anglais, mais il
parlait montagnais - il me disait: (s'exprime en monta-gnais). Ça
voulait dire, en fait: Bonjour, salut, salut! Après ça, il
passait la parole à sa fille qui était Marie. C'était dans
des discussions qu'on avait régulièrement avec M. Jourdain.
Je voudrais d'abord, bien sûr, vous souhaiter la bienvenue au nom
de ma formation politique et je vous remercie de nous avoir remis le rapport de
l'Institut culturel et éducatif montagnais, mentionné comme ICEM.
Je dois vous dire que le document, c'est-à-dire le mémoire que
vous nous avez présenté est extrêmement important parce
qu'il démontre que vous avez énormément de besoins pour
faire promouvoir et pour promouvoir, aussi, votre propre culture montagnaise
et, aussi, la culture autochtone. Je pense que la façon dont vous avez
élaboré votre mémoire sert en quelque sorte à
éduquer les membres de la commission, en espérant que la
population blanche du Québec va aussi comprendre l'essentiel de vos
commentaires. Vous avez démontré très clairement les
orientations que vous vouliez prendre ainsi que les besoins financiers que vous
aviez.
Parlant de besoins financiers, je pense concrètement que, tant et
aussi longtemps qu'il n'y aura pas des ententes intervenues, et ce, à
tous les niveaux, entre le gouvernement du Québec et les nations
autochtones, dont celle que vous représentez, le gouvernement du
Québec se doit de faire tous les efforts nécessaires pour vous
aider financièrement, sans parler, en tous les cas au début, de
ce qu'on appelle le partenariat financier, parce qu'on sait que les nations
autochtones sont extrêmement pauvres au Québec et on sait que les
besoins financiers se font sentir de plus en plus à cause que vous
voulez faire connaître votre culture et la promouvoir.
Je suis heureux aussi de constater que, dans votre mémoire, vous
mentionnez 3 des 15 principes se rapportant à 1983 et se rapportant en
quelque sorte à la mémoire de René Lévesque qui
avait présenté la motion en 1985. C'est la troisième fois
que je participe à cette commission face à des
représentants et représentantes de la nation autochtone. Moi,
j'ai compris que les nations autochtones, si elles avaient voté à
l'Assemblée nationale, auraient sûrement voté pour les 15
principes en question et la motion de M. Lévesque, parce que
c'était vraiment le début, contrairement - je n'en veux pas
à la ministre, elle n'était pas là à ce
moment-là - aux 47 libéraux qui avaient voté contre
à ce moment-là.
M. le Président, avant de poser des questions, je voudrais
rappeler aux membres de la commission la conclusion du rapport qui, pour moi,
est extrêmement importante. La conclusion, à la page 12, se lit
comme suit: "En guise de conclusion, nous sollicitons l'appui du
ministère des Affaires culturelles du Québec en faveur d'une plus
grande participation des nations autochtones au patrimoine et à la
culture du Québec. En ce sens, nous espérons que les
recommandations émises dans le présent mémoire seront
considérées par l'État - j'ai bien compris l'État
québécois. Sans cela, il est évident que des organismes
comme le nôtre arriveront difficilement à combler les besoins
exprimés par les communautés et à assurer le
développement et la sauvegarde de la culture chez celles-ci."
Une chose qui est remarquable dans votre mémoire, c'est que vous
parlez de la culture montagnaise qui peut même être
différente d'une communauté montagnaise à une autre, qui
est aussi très différente de la nation autochtone que vous
représentez par rapport aux autres nations autochtones du Québec;
qu'on parle des Abénakis, qu'on parle des Micmacs, qu'on parie des
Cris,
qu'on parle des Naskapis, qu'on parle des Mon-tagnais, c'est très
différent au niveau de la culture. Il y a des choses qui se rapprochent,
bien sûr, mais c'est quand même très différent.
Une première question que je voudrais vous poser... D'ailleurs,
les recommandations que vous faites sont extrêmement
intéressantes, puis je pense qu'elles méritent vraiment
d'être regardées, pas entre nous autres, mais entre nous autres et
vous autres; et ça, c'est important. Si on veut arriver à des
choses concrètes dans le futur, il faut qu'on se parle et il faut qu'on
en vienne à des ententes. La première question. À la page
4 de votre mémoire, vous signalez que les Monta-gnais se distinguent
dans leur culture, tant des autres groupes autochtones que du reste de la
société québécoise. Là-dessus, c'est vrai,
je viens de le mentionner. Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun de
créer, dans une future politique culturelle du ministère des
Affaires culturelles, autant de volets spécifiques qu'il y a de nations
autochtones? Ou encore croyez-vous qu'un seul volet touchant l'ensemble des
premières nations pourrait être envisageable? Ça revient,
en quelque sorte, à ce que j'ai dit tout à l'heure: la
différence entre les nations.
Mme Robertson: Si je peux me permettre, Hélène, je
pense que, dans un premier temps, déjà d'avoir un volet pour les
nations autochtones au Québec, ce serait déjà un
très grand pas.
M. Perron: Au niveau culturel? Mme Robertson: Oui, oui.
M. Perron: D'accord.
Mme Robertson: Parce que je pense qu'il faut quand même
être réalistes. C'est vrai qu'on a des particularités d'une
nation à l'autre, mais, à partir de rien, je pense que, si on
avait un volet spécifique pour les nations autochtones au
Québec... Bon, s'il reste des spécificités, je pense que
ce serait toujours possible de les régler une à une, mais, dans
un cadre global, je pense qu'il est possible de penser à un volet
autochtone pour les nations autochtones du Québec.
M. Perron: Donc, j'ai bien compris que ce serait un excellent
début si un programme culturel spécifique s'adressait à
l'ensemble des nations autochtones, dans lequel les Montagnais, les
Montagnaises pourraient aller piger, si je peux m'exprimer ainsi, puis d'autres
nations, comme les Cris ou les Inuit, etc., pourraient faire la même
chose.
Lors de la présentation de leur mémoire la semaine
dernière, les représentants de la nation crie ont signalé
le danger de repli sur soi que représente une politique culturelle
spécifique et gérée uniquement par un groupe distinct.
D'ailleurs, je pense que vous avez ce type d'approche dans votre
mémoire. L'apport culturel montagnais étant extrêmement
important pour le Québec, en particulier dans mon comté et
même dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, comment pourriez-vous assurer
qu'une telle situation ne se produise pas, c'est-à-dire qu'il y ait un
bris entre les nations?
Mme Boivin: Vous savez, c'est quelque chose qui risque de ne pas
se produire parce qu'à l'ICEM, au secteur culturel, on fait beaucoup de
choses pour que l'ensemble des Québécois puissent profiter de
différents aspects de la culture autochtone. On vous a remis un rapport
annuel. Vous pouvez voir, dans le programme Promotion, le nombre de
conférences qu'on donne dans les différents secteurs
d'activité, autant au niveau des écoles qu'au niveau des
associations privées, pour permettre justement de faire part des
préoccupations en matière culturelle de la nation montagnaise. On
a aussi des collaborations avec des maisons d'exposition. Je vais vous donner
un exemple. Ici, justement à Québec, la Vieille maison des
Jésuites. Ça fait déjà deux ans qu'on collabore et
on a mis sur pied trois expositions afin de faire connaître la culture
montagnaise, l'histoire des Montagnais et certains aspects du patrimoine
montagnais. On participe aussi à différents colloques ou
conférences.
Je prends, par exemple, tout récemment, il y a eu le Forum des
jeunes du Conseil permanent de la jeunesse et un groupe de Montagnais est
allé représenter la nation à ce Forum des jeunes. Et, dans
une autre optique, on s'implique de façon très intensive dans
d'autres niveaux. Prenez, par exemple, le projet de synthèse d'histoire
régionale de la Côte-Nord; on fait partie du comité
directeur pour, justement, donner une présence et un cachet particulier
à ce projet-là.
Je pense que, pour nous en tout cas, il n'y a aucun danger qu'il y ait
un repli sur soi, au contraire. Et si vous saviez le nombre de
téléphones qu'on a de gens qui veulent organiser des
échanges, organiser des visites, organiser des rencontres avec les
Montagnais, c'est surprenant. Moi, chaque matin, j'ai trois ou quatre
téléphones, entre autres de jeunes qui viennent de partout. J'ai
même des gens qui m'appellent de l'Afrique du Sud pour venir ici pour
nous rencontrer. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de chances qu'il y ait un
repli sur soi. Au contraire, on est très ouverts et on essaie le plus
possible de donner à l'ensemble du Québec et aux autres aussi ce
qui nous particularise comme nation.
Mme Robertson: Si vous me permettez, juste pour conclure, et dans
le même sens qu'Hélène, on ne veut donc pas
développer notre culture en vase clos. On veut gérer notre
développement culturel pour nous permettre d'être sur la
scène
avec tous les Québécois.
M. Perron: Merci, ça répond à la question
que je voulais poser, parce que je pense qu'il y a toute une éducation
à faire face aux cultures autochtones du Québec, aux cultures des
différentes nations autochtones en rapport avec les Blancs. On peut
parler de ce qui s'est passé dans les années passées, mais
il reste une chose, c'est que ce qui s'est passé, par exemple l'an
dernier - je ne veux pas en parler du tout, pas plus que ça - ça
n'aide pas les choses au niveau de la compréhension entre les peuples
qui demeurent sur le territoire du Québec, c'est-à-dire le
territoire de 1912. Mais il reste que je suis très heureux de vous
entendre dire que les échanges culturels entre les nations autochtones
et la nation québécoise feraient en sorte qu'on se connaisse
beaucoup mieux, puis ça permettrait d'évoluer ensemble dans un
contexte culturel qui serait extrêmement particulier face à
l'ensemble du restant du monde international. Si on peut en arriver là,
je pense que c'est une chose qui serait extrêmement importante.
Le Président (M. Doyon): Un dernier mot de remerciement,
M. le député. Le temps est terminé.
M. Perron: Je vais remercier en posant une autre question, M. le
Président, si vous permettez.
Le Président (M. Doyon): Un petit spécial,
mais...
M. Perron: Dans le cadre de l'autonomie gouvernementale que vous
connaissez quelque peu - mais je ne veux pas rentrer dans le vif des
négociations, ce n'est pas là du tout mon but - comment pourrait
s'inscrire la gestion de ia politique culturelle autochtone à
l'intérieur de cette formule? Parce que je pense que c'est
extrêmement important qu'on le sache en vue de l'avenir, parce que vous
en faites une priorité, de la culture.
Mme Robertson: Vous me dites: La gestion, comment elle pourrait
s'inscrire dans les négociations actuelles?
M. Perron: Oui. Comment pourrait s'inscrire la gestion de la
politique culturelle que vous préconisez, c'est-à-dire celle des
autochtones, à, l'intérieur de la formule dite d'autonomie
gouvernementale? Il faut qu'on se comprenne bien là-dessus.
Mme Robertson: Oui. Je pense qu'il faudrait poser la question
à nos politiciens, mais nous, comme on le disait tout à l'heure,
je pense qu'en attendant d'en arriver à une autonomie gouvernementale,
ce qu'on propose comme gestion...
D'abord, si vous me permettez, je sais qu'on termine bientôt et
j'aimerais dire à Mme Hébert que, quand on parie de politique en
matière culturelle, un volet autochtone, vous en avez un qui est tout
prêt, hein. On a bien hâte qu'il devienne officiel. J'ai
été très étonnée que, dans le rapport Arpin,
on n'en fasse aucunement mention. Il est là, il est tout prêt et
il est intéressant. Je pense qu'il y a peut-être des
améliorations à y apporter, mais c'est un très,
très bon début.
Donc, la façon dont on pourrait gérer ce
développement culturel là, je me limiterai à
répondre comme je le disais tout à l'heure, dans le cadre de
protocoles, mais beaucoup plus loin que ce qu'on a présentement, qui se
limite à un protocole de fonctionnement excessivement limitatif. Mais la
gestion des programmes par la nation montagnaise, par les organismes en place,
ce serait déjà nous donner l'expérience qu'il faut pour
ensuite avoir la pleine autonomie de notre développement culturel.
M. Perron: Enlever le mur à mur.
Mme Robertson: Oui.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Boivin: J'aurais juste deux petites choses.
Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme Boivin.
Mme Boivin: O.K. Ça va s'intégrer au même
titre que la prise en charge en éducation et aussi l'instauration du
développement économique parce que, actuellement, les
communautés en sont au tout début au niveau du
développement économique. Ça va s'inscrire à ce
niveau-là. Là, on est en train de travailler ça
graduellement pour que ce soit quelque chose d'instauré et
d'implanté de façon formelle.
M. Perron: Mettre les pièces du casse-tête en
place.
Mme Boivin: C'est ça.
M. Perron: Pièce par pièce.
Mme Boivin: Pièce par pièce.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Perron: Merci, madame.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Un gros merci. Vous savez, hier, vous
m'avez fait réfléchir parce que je disais ça à Mme
Courchesne, qu'un de nos
récipiendaires du prix du Québec, M. Trigger, dans son
discours, disait qu'il fallait - il a étudié beaucoup, aussi,
toute la question autochtone et il se spécialise d'ailleurs
là-dedans -beaucoup apprendre, finalement, d'une communauté
à l'autre. Quand je vous écoutais et quand vous disiez: Nous
autres, ce qu'on veut faire, c'est nous gérer pour mieux rayonner, bien,
c'est à peu près la même chose qu'on dit, nous aussi,
à Ottawa. Alors, c'est ce qui fait qu'on est faits pour s'entendre.
La politique dont vous parliez tantôt, en fait, elle est
officielle; c'est parce qu'elle n'a pas été lancée, puis
tout ça. Mais ce qu'on va faire - c'est une bonne base, elle est en
application - c'est la reprendre ensuite pour voir s'il y a des
améliorations et, après ça, on fera à
l'intérieur même un lancement qui, finalement, sera comme il se
doit. Alors, merci encore pour votre contribution.
Mme Boivin: Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, il me reste à vous remercier et à vous souhaiter un
bon voyage de retour; je sais que ce n'est pas à la porte pour vous.
Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 19)