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(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (Gobé): Mesdames et messieurs, bonjour
à cette séance de notre commission ce matin. Je vois qu'il y a
quorum. Donc, nous allons déclarer la séance ouverte. Je vous
rappellerai rapidement le mandat de notre commission qui est de procéder
à une consultation générale et de tenir des auditions
publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, ceci
faisant suite, comme chacun le sait, à la publication du rapport Arpin
et à une demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le
secrétaire, auriez-vous des remplacements?
Le Secrétaire: Aucun remplacement.
Le Président (Gobé): C'est très bien. Je
vais donc donner rapidement lecture de l'ordre du jour. Alors, en ce jeudi 24
octobre 1991, nous allons entendre, dès 9 h 30, la
Fédération des sociétés d'histoire du
Québec; à 10 h 15, le Regroupement des services universitaires
d'animation culturelle et communautaire; à 11 heures, les
représentants de la ville de Montréal; à 11 h 45,
l'Association québécoise des distributeurs et exportateurs de
films et de vidéo et la Fédération professionnelle des
distributeurs et exportateurs de films. Nous suspendrons nos travaux aux
alentours de 12 h 30 pour le déjeuner et nous reviendrons à 15 h
30. Là, nous aurons les représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec; à 16 h 15, le Grand Conseil des Cris du
Québec; à 17 heures, l'Université du Québec
à Trois-Rivières; à 17 h 45, les représentants de
la ville de Longueuil. Nous ajournerons nos travaux vers 18 h 30.
Alors, ceci étant fait, je peux maintenant demander aux
représentants de la Fédération des sociétés
d'histoire du Québec... qui est représentée par M. Mario
Boucher?
M. Boucher (Mario): Oui, c'est ça.
Le Président (Gobé): Bonjour, M. Boucher. M. Roland
Bélanger?
M. Bélanger (Roland): Bonjour.
Le Président (Gobé): Bonjour, M. Bélanger,
et M. Alain Côté?
M. Côté (Alain): Oui.
Le Président (Gobé): Bonjour, M. Côté.
Alors, vous pouvez commencer la présentation de votre mémoire;
vous avez 15 minutes pour ce faire. Vous n'êtes pas obligés de le
lire complètement s'il est plus épais. Par la suite, nous
procéderons à une période de discussion entre les
représentants et Mme la ministre et le délégué de
l'Opposition officielle, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Alors, ça s'applique, ces normes-là,
pour toutes les auditions. Vous avez la parole.
Fédération des sociétés
d'histoire du Québec
M. Bélanger (Roland): Merci, M. le Président. Mme
la ministre, mesdames et messieurs, la Fédération des
sociétés d'histoire du Québec est un regroupement qui
rassemble 108 sociétés d'histoire réparties à
travers tout le territoire du Québec. La Fédération a
été fondée en 1963 et, depuis ce temps, nous ne cessons de
concerter les sociétés ensemble, les amener à vivre des
activités en commun. Nous organisons à chaque année des
colloques, un congrès, toutes sortes d'activités, si bien que,
finalement, au bout de la ligne, la société et la
Fédération regroupent 22 000 personnes. Donc, c'est pratiquement
22 000 bénévoles qui travaillent au service du ministère
des Affaires culturelles. Finalement, c'est à l'intérieur des
sociétés d'histoire, bien souvent, que le patrimoine
québécois est mis en valeur et conservé.
Les objectifs de la Fédération sont les suivants:
préserver le patrimoine culturel du Québec; valoriser les
multiples composantes du patrimoine culturel local et régional;
développer et encourager la recherche historique; coopérer et
collaborer avec les diverses instances politiques, sociales et avec les
organismes affinitaires; et représenter les sociétés
membres auprès des diverses instances politiques et sociales.
Un mot qui résume aussi la Fédération des
sociétés d'histoire en rapport avec ses 22 000 personnes, c'est
qu'il y a un regroupement de tous les intervenants dans tous les secteurs
d'activité en rapport avec le patrimoine. Ça, c'est une
réalité qui n'existe pas dans les autres organismes qui oeuvrent
dans le même secteur.
Pour en venir à la politique proposée par le
groupe-conseil, le titre c'est: proposition d'une politique sur la culture et
les arts. En réalité, dans le contenu, c'est plutôt le
secteur des arts qui est mis en avant. C'est surtout les arts, finalement, qui
bénéficient de ce rapport. Finalement, la culture est mise en
second plan. Pourtant, la culture, c'est une entité globale. Ensuite, le
patrimoine est totalement ou pratiquement écarté. Il y a quatre
pages qui concernent le patrimoine. Il y a cinq recommandations, sur
l'ensemble, qui concernent le patrimoine.
Dans le domaine des archives, il n'y a pratiquement rien. Finalement, le
rapport présente beaucoup de faiblesses en rapport avec le domaine dans
lequel nous oeuvrons.
À travers les recommandations que nous avons faites,
évidemment, nous en avons une qui concerne la politique
d'agrément afin de maintenir cette politique et même de la
développer. À l'intérieur du ministère, c'est une
des belles initiatives qui ont été prises au cours des
dernières années pour que le patrimoine archivis-tique
privé soit mieux conservé et pour que les organismes qui oeuvrent
dans ce domaine, aussi, soient mieux argentés pour s'occuper de leurs
responsabilités.
Au sein de la Fédération, nous préconisons un
partenariat. Il existe actuellement, à l'intérieur du
Québec, plusieurs organismes qui oeuvrent dans le même domaine.
Vous avez le Centre de valorisation du patrimoine vivant, vous avez le Conseil
des monuments et sites du Québec. Enfin, il y a une multitude
d'organismes. Nous, nous amenons l'idée d'une sorte de
confédération, de regroupement de ces organismes-là.
Chacun agit d'une façon isolée. Je pense qu'on devrait, dans les
prochaines années, en arriver à pouvoir avoir un système
qui va faire qu'ensemble nous puissions élaborer des objectifs en
commun, des activités communes, des orientations communes, des
concertations. Il faut déplorer le fait que tous ces
organismes-là oeuvrent d'une façon isolée. Chacun
intervient auprès du ministère pour des demandes de subvention,
et tout ça. Finalement, je pense qu'il faudrait en arriver à
quelque chose de plus fort que des actions isolées, via une forme de
regroupement. Je pense que le ministère des Affaires culturelles
pourrait peut-être aider, soit la Fédération ou, enfin,
aider à l'idée qu'elle puisse, sous une certaine forme, se
concrétiser.
M. Boucher: Des recommandations qui sont faites par la
Fédération - vous avez probablement le document entre les mains,
il y a une liste de 13 recommandations - il y a deux recommandations qui nous
tiennent particulièrement à coeur. Celle que M. Bélanger
vient de mentionner, qui est vraiment une confédération des
organismes oeuvrant en patrimoine culturel, pour qu'ils puissent un jour se
développer, et ce, le plus rapidement possible, non pas afin d'aller
chercher des sommes d'argent supplémentaires auprès des
différents ministères du gouvernement du Québec, mais que
le patrimoine culturel, pour une fois, au bout de 300 et quelques
années, soit réellement reconnu non seulement des gens du
gouvernement, mais aussi des pairs, c'est-à-dire de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises. Je pense
qu'elle est primordiale. Le rapport du comité Arpin est plein de belles
phrases qui disent: On ne peut croître à l'extérieur de nos
racines. On ne peut évoluer sans connaître notre passé.
C'est plein de voeux pieux, mais de voeux pieux qui n'amènent absolument
rien, par contre, pour aider une reconnaissance du patrimoine ou de ce que nous
sommes. Si nous désirons être une société distincte,
il faudrait savoir, en premier lieu, ce qui nous distingue, outre la langue que
nous parlons. C'est une des recommandations qu'amène la
Fédération des sociétés d'histoire du
Québec.
La deuxième recommandation, toujours dans l'idée de
culture et de société distincte, c'est d'éviter d'avoir
des pôles centraux comme Montréal et Québec et le reste de
la province. Nous croyons que chacune des régions de la province est
importante pour le développement culturel du Québec. Si on parle
d'une entité culturelle, au Québec, c'est que chacune des
régions apporte sa contribution à cette culture-là qui
forme un tout, qu'on appelle culture québécoise. Pour des raisons
administratives, nous comprenons que Montréal, Québec et les
autres régions aient des centres du ministère des Affaires
culturelles pour les aider.
Par contre, il ne devrait pas y avoir de distinction quand viendra le
moment de diffuser, le moment de valoriser, le moment d'aider le
développement de la culture dans les régions. Alors, grosso modo,
ce sont un peu les recommandations principales que la Fédération
des sociétés d'histoire veut amener à la commission
parlementaire. Si vous le désirez, on peut passer immédiatement
à la période de discussion.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie,
monsieur. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des
Affaires culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, MM. Boucher, Bélanger
et Côté. Je vous souhaite la bienvenue à cette commission.
Je profite de l'occasion, aussi, pour souligner l'importance de la contribution
de votre Fédération et de celle de l'ensemble des
sociétés qui la composent. Vous dites, à un moment
donné, dans votre rapport que, pour suppléer aux faiblesses du
rapport Arpin concernant le patrimoine culturel, vous proposez la mise sur pied
d'un autre groupe-conseil mandaté pour définir une
véritable politique culturelle. ' Permettez-moi d'avoir des
réserves. On a essayé de tout regrouper. Quand même, je
tiens à souligner le rôle de l'énoncé de politique
culturelle. C'était justement pour regrouper ce qu'il y avait et aussi
une bonne et solide base de discussion pour ensuite pouvoir bonifier et pouvoir
voir ce qui manque. Je pense qu'on a les composantes, la plupart des organismes
représentant le patrimoine, qu'ils soient du patrimoine historique ou du
patrimoine vivant, nous ont dit... Bon, ils nous ont fait la remarque que le
patrimoine n'était pas assez présent. Donc, nous en prenons bonne
note parce que vous avez raison. Pour mieux voir ou, enfin, pour mieux
entrevoir et planifier notre avenir, il faut quand même bien
connaître notre passé.
Dans la vraie politique culturelle, évidemment, que nous voulons
la plus souple possible, nous allons pallier aussi à ces faiblesses. Je
vais prendre la première question et, ensuite, je passerai finalement la
parole à mon collègue. Dans votre recommandation 6, vous demandez
au MAC de favoriser le regroupement. Vous en avez refait mention à deux
ou trois reprises dans votre présentation. Quels sont les organismes que
vous aimeriez regrouper dans votre Fédération? Vous avez raison
quand vous dites qu'il y a toute une pédagogie à faire au niveau
du patrimoine, c'est-à-dire que les gens, notre population
québécoise, vont être attirés, ils vont visiter...
Dans bien des cas, aussi, ce sont les attraits touristiques importants... Il y
a les centres d'interprétation, etc.
Mais cette conscience du patrimoine global, je pense... Je ne me trompe
pas, en tout cas, corrigez-moi si je lis mal la situation, mais je pense qu'on
ne l'a pas encore, cette conscience automatique. Alors, quels seraient les
organismes que vous... Comment voyez-vous ça?
M. Boucher: Comme le mentionnait M. Bélanger, on voit
ça beaucoup plus du côté d'une confédération
ou d'un regroupement libre d'organismes tels que la Société
québécoise des ethnologues, la société des
archéologues. Ça peut être aussi des gens du conseil des
monuments historiques, de la Fédération québécoise
des sociétés de généalogie, du Centre de
valorisation du patrimoine vivant. Il y a énormément
d'intervenants présentement en matière patrimoniale au
Québec. Il y en a vraiment beaucoup, sauf qu'une concertation de ces
gens-là serait sûrement la bienvenue. Il y a présentement -
je suis persuadé que vous en êtes informés - deux grandes
étapes qui se font du côté patrimonial. Il va y avoir
bientôt le forum du patrimoine qui sera tenu par le Conseil des monuments
et sites et il y aura, le printemps prochain, les états
généraux du patrimoine vivant. Nous, ce que nous aimerions faire,
à la suite de ces rencontres-là, c'est d'organiser une rencontre
avec justement les organisateurs de ces deux événements-là
et voir les points communs des recommandations qui seront faites pour qu'il
puisse y avoir une recommandation au bout de la ligne. En fin de compte, ce
qu'on aimerait faire, la prochaine fois qu'on ira vous rencontrer, Mme la
ministre, c'est de vous amener une feuille avec les recommandations de tout le
monde et non pas 500 feuilles avec une recommandation dessus.
Mme Frulla-Hébert: Ce serait bienvenu. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Roland): Si vous me permettez, regroupement
ne veut pas dire fusion.
Mme Frulla-Hébert: Pariait. Je pense que mon
collègue...
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Messier: Oui, s'il vous plaît. Merci. Compte tenu de
l'importance de votre Fédération... Je regardais tout à
l'heure et il me faisait plaisir de voir que la Société
d'histoire de Saint-Hyacinthe fait partie de votre regroupement. Ils sont
très dynamiques. D'ailleurs, ils vont présenter sous peu à
la ministre un projet d'envergure pour Saint-Hyacinthe. C'est pour ça
que ma question nous amène à la question, parce qu'ils sont quand
même très impliqués avec la ville de Saint-Hyacinthe.
À la lecture de votre document, vous semblez un petit peu
réfractaires à une sorte de décentralisation ou à
un partage des responsabilités dans le domaine du patrimoine culturel.
Le rôle des municipalités... En tout cas, il y a plusieurs
municipalités qui ont fait valoir qu'elles avaient un rôle
à jouer et vous, vous ne semblez pas voir ce rôle-là.
J'aimerais ça avoir des explications de votre part sur le rôle des
municipalités, des MRC, et sur le patrimoine culturel.
M. Boucher: Mot, je pense que le rôle des
municipalités va devenir de plus en plus difficile aussitôt que la
réforme Ryan aura été mise en place. Il y avait justement
un article hier, dans La Presse, qui disait que, selon un sondage de
l'Union des municipalités du Québec, 62 % des contribuables
s'entendent... Non, ce n'est pas ça, attendez un petit instant,
là...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: C'est des choses qui arrivent. Il y avait 43 % des
1000 personnes qui avaient été consultées qui
étaient d'accord pour qu'il y ait des coupures dans les loisirs, et 42 %
des 1000 personnes qui étaient d'accord pour qu'il y ait des coupures
dans la culture, dans les municipalités. Nous sommes d'accord avec le
rôle des municipalités. Le rôle est, d'après moi,
très important, sauf que, d'un côté, même si on vous
dit que le rôle des municipalités est important, d'un autre
côté, elles vont avoir les mains liées quelque part. Puis,
elles ne pourront plus rien faire ou elles vont avoir de la difficulté
à faire parce qu'elles n'auront plus l'argent nécessaire pour
poser des gestes concrets en matière de patrimoine ou en matière
de culture, point.
M. Messier: Mais, abstraction faite de la réforme Ryan ou
d'une réforme gouvernementale qui porte le nom du ministre, abstraction
faite du... Est-ce que vous sentez que les municipalités
réclament des pouvoirs en matière culturelle, pouvoirs
dispensés sur le territoire pour avoir la maîtrise d'oeuvre d'une
politique
culturelle ou une décentralisation du ministère des
Affaires culturelles en région, et où les municipalités
auraient un rôle à jouer?
M. Boucher: Je pense qu'il est primordial que les
municipalités aient un rôle important à jouer en
matière culturelle parce qu'on parle justement de distinctif, de
régionalisme. La réalité à Gaspé n'est pas
la même que la réalité au Saguenay. Donc, je pense que
l'intervention, autant de la ville de Gaspé - en matière de
culture - que celle de la ville de Chicoutimi, de la ville de Montréal
ou de la ville de Château-guay est importante. Il faut qu'il y ait une
relation entre les artistes, les gens de la culture et la municipalité.
Il faut qu'il se passe quelque chose, il faut qu'il y ait une osmose entre ces
deux groupes-là. Mais, encore une fois, est-ce qu'on va avoir les
possibilités de créer une telle osmose? Ça, c'est moins
sûr.
M. Messier: O.K.
M. Bélanger (Roland): Si vous me le permettez... Il y a
plusieurs municipalités, effectivement, qui font des gestes quand
même assez importants en rapport avec le maintien de certaines
sociétés d'histoire. Il y a plusieurs municipalités qui
financent une grande partie de leurs opérations. On pourrait donner un
exemple dans les Cantons de l'Est: la Société d'histoire de
Sherbrooke est un beau cas. Dans la région, chez nous, il y a la ville
d'Alma qui, quand même, fait beaucoup. Elle fournit le local, elle
fournit tout un paquet de services techniques à la Société
d'histoire. Enfin, ça peut se chiffrer aux alentours de 85 000 $. C'est
la contribution de la municipalité à la Société
historique du Lac-Saint-Jean. Toujours est-il que, finalement, c'est un fait...
Mais il reste que c'est la conscientisa-tion de l'ensemble des
municipalités qui est difficile. Il y a des municipalités
où c'est plus facile, il y a des municipalités où c'est
plus difficile. Ça dépend des individus qui y croient ou qui n'y
croient pas, à la conservation, à la mise en valeur du patrimoine
ou à l'intérêt de le faire. Pour beaucoup, le
développement en matière de conservation de l'histoire est un
frein à l'investissement. Si on peut finir par enrayer, comment
dirais-je, ce réflexe négatif, je pense que là il va y
avoir beaucoup plus d'implications des municipalités. Moi, si vous me le
permettez, sans vouloir donner à outrance des exemples par rapport
à la région chez nous, il demeure que le maire de
l'Anse-Saint-Jean a développé le mécanisme suivant,
c'est-à-dire que si, par exemple, quelqu'un rénove, restaure ou
fait des travaux à sa résidence, et garde le cachet historique,
il n'a pas d'augmentation de taxes pendant trois ans. Alors, c'est
peut-être un petit geste, ce n'est peut-être pas grand-chose...
M. Messier: Non, mais ça...
M. Bélanger (Roland): Mais ça a - excusez
l'expression populaire - un succès fou dans le secteur. Je pense que
ça pourrait être une formule qui pourrait être
développée. Vous savez, ça devient difficile, on n'est pas
toujours à l'affût ou on n'a pas toujours les opportunités
de rencontrer tous les maires ensemble. Enfin, si quelqu'un pouvait, à
un moment donné, leur glisser cette idée-là. Je pense
qu'à l'intérieur du ministère, vous, Mme la ministre,
là-dessus, vous pouvez être une bonne ambassadrice de cette
solution. (10 heures)
M. Messier: Ca va. Peut-être une dernière question,
M. le Président, avant de passer à quelqu'un d'autre. À la
page 18, recommandation 11, au niveau du réseau des centres
régionaux d'archives, vous dites: "En adoptant une politique de
reconnaissance et de financement". Ça existe déjà. Je
voulais juste savoir de quoi vous parlez dans ce temps-là, quand vous
dites de consolider et de reconnaître... Une politique de reconnaissance,
ça va. De financement, ça existe déjà parce qu'il y
a peut-être une dizaine de centres d'archivage et il y en a d'autres qui
sont en agrément.
M. Bélanger (Roland): Effectivement, c'est peut-être
un jeu, une question de formulation, essentiellement. Finalement, nous autres,
la crainte qu'on avait, c'est qu'à un moment donné on abolisse...
Je veux bien croire que c'est récent, ce programme, mais on aurait pu...
On se disait: Ça peut être une possibilité qu'à un
moment donné - je ne sais pas, moi - on efface, on mette la croix sur ce
mécanisme d'aide à des organismes privés. Nous,
c'était tout simplement d'amener le ministère à maintenir
cette politique d'agrément. On trouve que c'est une formule
géniale pour venir en aide à des organismes qui sont hautement
structurés et organisés pour la conservation d'archives
privées. Finalement, c'est un dégagement qui se fait en rapport
avec les Archives nationales. À ce moment-là, il y a comme un
partenariat. Chacun s'occupe de son secteur. Il y en a un, ce sont les archives
privées, l'autre, ce sont les archives publiques, parapubliques si bien
que, finalement, il y a des économies de temps et d'argent au sein des
Archives nationales.
D'autre part, c'était tout simplement d'en arriver à
développer aussi, peut-être un peu, le programme. Sur quoi? C'est
qu'à un moment donné ces centres d'archives agréés
ont tous des besoins, etc., souvent nombreux. C'était tout simplement
d'en arriver, peut-être, à développer des formules pour que
ces organismes en arrivent à vivre l'autofinancement et non pas à
dépendre, peut-être, de la fameuse subvention qui est
accolée à l'agrément. Par exemple, ça pourrait
être des programmes d'aide à l'emploi régressifs, comme
certains ont déposé dans les mémoires. Par exemple - je no
sais pas, moi - ça peut être
un programme qui donne 100 % du salaire la première année,
75 % la deuxième, etc. Là, l'organisme a le temps, entre-temps,
de développer des mécanismes pour maintenir cet emploi.
Une autre formule qui a été avancée par une autre
société d'histoire: par exemple, que le ministère verse 1
$ pour chaque dollar qui a été recueilli dans le milieu pour une
fondation. Par exemple, une société qui a une fondation, il
suffit qu'elle ait un capital de x pour lui permettre de... Il y a des
sociétés qui ont des fondations sous l'ancienne loi, si bien que,
si elles recueillent 15 000 $ dans l'année, les 15 000 $ en entier sont
investis dans la fondation alors qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas. Il y a un
gros pourcentage qui est dépensé, en tout cas, qui est
utilisé pour l'année en cours et il y a un petit pourcentage qui
est investi réellement. En fait, les sociétés qui ont la
fondation sous l'ancienne loi, ce serait intéressant si elles pouvaient
être encouragées de cette façon-là, par exemple, via
le dollar du ministère ou du gouvernement qui est donné en
rapport avec le dollar recueilli dans le milieu. À un moment
donné, elles arriveraient avec un capital qui permettrait d'avoir le
montant d'intérêts suffisant pour faire leurs opérations.
Alors, voyez-vous? Peut-être, j'avoue...
M. Messier: Non, c'est parce que la Société
d'histoire, sur un autre dossier, travaille énormément pour la
reconnaissance d'un centre à Saint-Hyacinthe...
M. Bélanger (Roland): Oui. Ils ont un beau centre
d'archives, d'ailleurs...
M. Messier: ...d'un centre national d'archives avec le
Séminaire de Saint-Hyacinthe.
M. Bélanger (Roland): ...ils méritent
l'agrément.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Le deuxième message qui vient de passer.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant donner
la parole à M. le critique officiel de l'Opposition en matière
d'affaires culturelles, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vous avez la parole.
M. Boulerice: M. Bélanger, M. Boucher, M.
Côté, bienvenue à cette commission. Déjà,
quelques intervenants d'autres secteurs se sont présentés
à la commission et nous ont fait état, en tout premier lieu,
effectivement, que le rapport Arpin n'a pas mis l'insistance qu'ils auraient
souhaitée au niveau du patrimoine, tant la conservation que sa promotion
comme telle.
On nous a fait état également d'incidents, récents
ou moins récents dans le temps, où des biens patrimoniaux ont
été saccagés. Quand je dis "patrimoniaux", c'est dans le
sens polymorphe. Je ne parle pas uniquement de vieilles pierres, je parle de ce
que vous incluez, les notions d'archives, les enregistrements sonores, etc. La
question que je vous poserais est: Quelles sont les relations que vous avez
avec la Commission des biens culturels, la commission du patrimoine?
M. Boucher: Oui. La Fédération entretient des
relations quand même assez étroites avec la Commission des biens
culturels. Par contre, le problème que l'on vit présentement au
Québec, le problème, comme vous le mentionniez, de saccage ou de
destruction d'éléments patrimoniaux, c'est que le Québec
est plein de ces éléments-là. Il devient, à un
moment ou à un autre, impossible de faire un répertoire global de
tout ce qu'il y a sur le territoire. Il devient impossible aussi,
jusqu'à un certain point, d'agir rapidement. Il y a beaucoup
d'interventions qui se font, je dirais, sournoisement. On peut prendre, par
exemple, le fameux pont couvert d'Arnqui qui a failli être
démoli...
M. Boulerice: Le couvent de Montmagny qui, lui, l'a
été...
M. Boucher: Oui. Mais j'aime mieux parler du pont d'Amqui parce
que, lui, il a été sauvé. C'est parce que les choses qui
ne sont plus là, ça ne vaut plus la peine d'en parler, il est
trop tard. Parlons de ce qui reste, on peut encore sauver ce qui reste. Donc,
c'est ça. Pour le fameux pont couvert d'Amqui, il y a eu des
interventions et la Fédération a fait une intervention
auprès du ministère des Affaires culturelles, auprès du
ministère des Transports, auprès du ministère du Tourisme,
etc., pour, justement, qu'il y ait une reconnaissance et un interdit de
destruction de ce pont-là. Dans la correspondance que j'ai reçue
du ministère des Affaires culturelles, on me donnait non seulement un
avis comme quoi le pont, finalement, ne serait pas démoli, mais qu'en
plus de ça la situation des 99 autres ponts couverts qui restent encore
au Québec serait étudiée à la loupe dans les jours
qui suivaient.
Donc, je pense que, pour l'instant, et depuis un bon nombre
d'années, les relations entre la Commission des biens culturels et la
Fédération des sociétés d'histoire sont quand
même assez bonnes et, je dirais, assez étroites. Par contre, il y
a toujours place à amélioration, il y a toujours place aussi au
développement. Il est évident que les interventions ne peuvent
pas se faire, comme je vous le disais, en l'espace de 24 heures et c'est
souvent, comme dans le cas de Montmagny, ce qui arrive. C'est qu'il y a un
incendie, il y a quelque chose du genre qui se déclare et,
malheureusement, il est trop tard.
Mais il faut quand même faire attention aussi parce que, dans
plusieurs cas, les incendies sont de main criminelle. On veut faire
disparaître l'élément en question, et l'incendie est une
bonne méthode dans plusieurs des cas.
M. Boulerice: Dans ma circonscription, on appelle ça des
petits feux payants.
M. Boucher: Oui, mais ça dépend pour qui, hein!
M. Boulerice: Pour le promoteur qui veut construire
après.
M. Boucher: Pour le promoteur, oui, effectivement; pour le
Québec, ce n'est pas très très payant.
M. Bélanger (Roland): Mais je pense, si vous me le
permettez, que la Commission des biens culturels vit... enfin, on vit tous le
même problème, le ministère, la Commission des biens
culturels, la Fédération, les sociétés d'histoire
locales, c'est qu'on est alertés en catastrophe. Finalement, on est
obligés tout le temps d'agir en pompiers. Heureusement, il y a plusieurs
directions régionales des Affaires culturelles qui entreprennent,
à l'intérieur de chacune de leurs régions respectives, ou
qui font plutôt une incitation, ils font des pressions assez importantes
pour faire en sorte qu'à l'intérieur des régions on fasse
l'inventaire des éléments patrimoniaux. D'ailleurs, il y a
beaucoup de MRC qui l'ont fait, cet exercice-là. Finalement, tout
ça va mener à des politiques, pas des politiques, mais
plutôt à des réglementations internes qui vont faire
qu'à un moment donné, bien, on va faire la liste de ce qui
devrait être préservé. Quand viendra le temps
d'élaborer des projets ou d'approuver ou de refuser des projets, tout
ça se fera en conséquence de ce qu'on voudra bien conserver.
C'est qu'à un moment donné, aussi, il y a tout un système
de jeu de lois, et beaucoup les contournent. À un moment donné,
à l'intérieur d'une municipalité, on va dire: C'est zone
résidentiel, puis on ne peut pas faire un édifice de plus de tant
d'étages. Un bon matin, on se ramasse avec une autorisation qui tombe
des nuages et là on se ramasse avec une bâtisse qui a cinq, six
étages, alors qu'en fait il ne devrait pas y avoir... S'il n'y avait pas
de choses comme ça, il y aurait tellement moins de problèmes dans
la conservation.
Mais je pense qu'il ne faut pas désespérer. Les directions
régionales, de ce temps-ci, je pense qu'il y en a plusieurs - en tout
cas, j'en connais plusieurs - qui font un beau travail à ce
niveau-là et qui incitent les organismes et les municipalités
locales à faire l'inventaire de ce qui devrait être
conservé pour en arriver à décider en commun qu'on fait la
liste, puis, enfin, bon... Mais c'est ça qu'il faut, il faut
accélérer ce processus-là.
M. Boulerice: Vous avez dit: Bien, ce qui a été
détruit est détruit, parlons de ce qui reste. Donc, je vais me
rattacher à la phrase de Vigneault: "S'il y a eu du temps perdu, il n'y
a plus de temps à perdre." Vous parlez de décentralisation
impliquant un partage de responsabilités, de pouvoirs et de moyens. On
avait annoncé, il y a longtemps, l'introduction d'une nouvelle loi sur
les biens culturels. Malheureusement, ce n'est pas apparu au feuilleton.
Si on vous proposait une société du patrimoine et que
cette société du patrimoine avait pour objectifs principaux le
dépistage, la protection, la conservation, le classement et la diffusion
du patrimoine québécois - dans son sens polymorphe, j'y reviens
toujours - que la société demeurait le maître d'oeuvre et
la coordonnatrice de toutes ses réalisations, bien qu'elle puisse
s'adjoindre d'autres paliers de gouvernement ou différents organismes...
Autonome dans son fonctionnement, cette société aurait le mandat
de tenir des audiences publiques, elle agirait en lieu et place de la
présente Commission des biens culturels, elle assumerait la
responsabilité et détiendrait les pouvoirs attribués au
ministère des Arts, de la Culture et des Communications par la Loi sur
les biens culturels. Les commissions régionales des biens culturels
composées de représentants du milieu l'assisteraient dans son
travail. Avec l'aide des organismes voués à la protection du
patrimoine, le ministère des Arts, de la Culture et des Communications
procéderait à un inventaire des biens culturels, immobiliers et
mobiliers, ainsi que des arrondissements historiques sur tout le territoire.
Cet inventaire complété, la société, de concert
avec les organismes, procéderait à la sélection des biens
et des arrondissements naturels à protéger et à mettre en
valeur. Les propriétaires seraient consultés, mais la
société pourrait intervenir sans leur accord. Le ministère
des Arts, de la Culture et des Communications devrait avoir une politique
d'aide aux propriétaires de biens reconnus ou classés; cette aide
à la fois technique et financière serait plus
généreuse selon l'accessibilité du bien en question. La
connaissance du patrimoine doit faire partie de l'enseignement à tous
les niveaux. Une attention particulière doit être accordée
à la protection, à la conservation et à la connaissance
des valeurs et des objets reliés à tous les aspects de l'histoire
et du patrimoine. Je passe le reste... Comment recevriez-vous ça?
M. Boucher: Au départ, je vais vous dire qu'il y a aussi
des gens au Québec. Il n'y a pas juste des bâtisses, il n'y a pas
juste des sites. Il y a encore des porteurs de tradition au Québec, des
gens qui exercent des métiers traditionnels depuis des
générations. C'est transmis de génération en
génération. Donc, du texte que vous
venez de lire, je vois tout de suite un manquement, une lacune. C'est un
peu le problème avec tout le monde, on attache
énormément...
M. Boulerice: Je m'excuse...
M. Boucher: ...d'importance aux biens tangibles: une
bâtisse, une maison, une église, un porte-stylo... Mais, quand
vient le temps de payer les taxes, c'est le monde qui fait ça, par
exemple. Il faudrait peut-être attacher un petit peu d'importance aux
gens qu'il y a au Québec aussi. On est en train de perdre au
Québec - je suis persuadé que les gens du Centre de valorisation
du patrimoine vivant vous l'ont dit - on est en train de perdre une richesse
inestimable. Tout ce qui est porteur de tradition, tous les gens qui sont
encore en vie, qui peuvent nous transmettre des informations importantes sur ce
qui se passe au Québec, sur ce qui s'est passé, sur comment
ça se passait, comment ça se transmettait, comment on pratiquait
tel ou tel métier, comment on jouait de tel instrument, c'est des
éléments qui sont importants. Je pense qu'une politique du
patrimoine ou une politique culturelle qui engloberait un volet patrimoine
devrait tenir compte, non seulement des édifices, non seulement du
patrimoine tangible, mais aussi du patrimoine intangible, c'est-à-dire
de tout ce qui est transmis de génération en
génération.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je m'excuse, j'ai commis une omission qui est celle
de vous lire le paragraphe 5: La même protection et la même mise en
valeur comprennent le patrimoine bâti, le paysage naturel, le savoir, les
techniques, l'outillage, le patrimoine génétique, animal et
végétal.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Votre lecture étant
terminée... Votre collègue de Mercier avait demandé la
parole. Même si le temps est dépassé, on va vous donner, M.
le député de Mercier...
M. Boulerice: II y a avantage à réviser le vote
avec 32 % d'intentions de vote.
Le Président (M. Gobé): ...une minute ou deux pour
faire valoir votre point de vue.
M. Godin: Pas de chicane à matin, pas de politique ici,
monsieur.
Le Président (M. Gobé): Je pense qu'il y a
consentement des membres pour qu'on dépasse un petit peu le temps.
M. Boulerice: Oui, monsieur, tout est politique dans la vie, cher
collègue, n'en déplaise à...
Le Président (M. Gobé): M. le député,
s'il vous plaît.
M. Godin: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?
Le Président (M. Gobé): Vous avez le consentement
pour dépasser le temps et l'avoir, M. le député.
M. Godin: Je souhaite que vous surveilliez aussi bien mon
collègue voisin que l'arbitre qui a surveillé hier les patins
d'un joueur de hochey des Nordiques, je pense!
Le Président (M. Gobé): Comptez sur moi pour
l'avoir à l'oeil!
M. Godin: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir de
vous, MM. des sociétés d'histoire, d'où vient votre
financement.
M. Boucher: La majeure partie... non, je ne dirai pas la majeure
partie, mais une bonne partie du financement de la Fédération
vient présentement du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, aussi étonnant que cela puisse paraître. Une bonne
partie aussi vient du ministère des Affaires culturelles, et je dirais
même une presque aussi bonne partie. Mais, là encore, il y a
toujours place à amélioration comme le disait votre
collègue. Il y a une importante partie aussi du financement de la
Fédération qui vient de ce que nous appelons l'autofinancement,
c'est-à-dire par la tenue d'activités, que ce soit des colloques
ou des congrès qui aident, justement, à boucler la boucle
financière.
Par contre, une chose qui devra être prise en
considération, c'est que la gestion d'un organisme culturel ne
coûte pas moins cher que la gestion de n'importe quel autre organisme. Si
un organisme culturel veut évoluer, il se doit d'avoir un personnel
compétent et un personnel compétent, ça se paie avec des
salaires, je pense, équitables. Ça, c'est un des points qu'on
doit considérer. Il est présentement assez difficile d'accepter
des subventions qui sont accordées dans d'autres milieux et qui peuvent
franchir des 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ pour de l'aide au fonctionnement
alors que des organismes culturels vont parfois se retrouver avec une aide au
fonctionnement de 7000 $ ou 8000 $. C'est un petit peu difficile à
accepter pour les gens du côté culturel, surtout du
côté du patrimoine parce qu'il y a toujours eu aussi une connation
très folklorique par rapport au patrimoine. Les violoneux, au
début du siècle, on les payait avec deux bières pour une
soirée de musique. Essayez de faire passer ça maintenant à
la Guilde des
musiciens, deux bières pour une soirée de musique, je ne
pense pas que ça passe!
Une voix: Deux joints.
M. Boucher: C'est ça, il faudrait voir à ce que
l'ensemble des organismes culturels puisse recevoir une part peut-être
équitable de la tarte.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.
Merci, M. le député de Mercier.
M. Godin: Une dernière, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Très vite, car nous
avons dépassé.
M. Godin: J'aimerais aussi savoir de vous, messieurs, si les
profits autogénérés englobent l'édition des
publications.
M. Boucher: Le mandat de la Fédération ne rejoint
pas l'édition, la publication. Le mandat de la Fédération,
comme tel, est de soutenir l'action de ses membres. Certains de ses membres
vont publier des ouvrages de toutes sortes en histoire régionale, en
histoire locale ou en patrimoine, sauf que l'action directe de la
Fédération ne touche pas l'édition.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.
C'est là malheureusement tout le temps qui était imparti. Mme la
ministre, un mot de remerciement, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie. Encore
une fois, évidemment, si on est ici, c'est parce qu'il y a des choses
à changer et tout cet apport... Finalement, c'est un côté
extrêmement positif de cette commission parce que plusieurs groupes ont
pu s'exprimer, dont des groupes... sur le patrimoine. On a parlé, encore
une fois, de patrimoine vivant. On a parié aussi d'architecture. Je
pense que ça donne un regard beaucoup plus étendu, si on veut,
sur toute la question. Alors, merci encore d'être ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier d'être venus devant nous, ce matin, pour nous présenter
votre mémoire et faire valoir vos opinions. Soyez assurés que
nous en avons pris bonne note, et ceci met fin à votre audition. Vous
pouvez maintenant vous retirer. J'appellerai le groupe suivant, soit le
Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et
communautaire, et lui demanderai de bien vouloir se présenter. Pour ce
faire, je vais suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprisée 10 h 23)
Regroupement des services universitaires d'animation
culturelle et communautaire
Le Président (M. Gobé): Bonjour, mesdames et
messieurs.
La commission reprend maintenant ses travaux. Je vois, selon mes
informations, que le Regroupement des services universitaires d'animation
culturelle et communautaire est représenté par M. Michel
Beauchemin, mais qu'une autre personne vous accompagne.
Mme Lambert (Henriette): Je vais me présenter. Je suis
Henriette Lambert, directrice du Service des activités socioculturelles
de l'Université Laval et...
Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme Lambert.
Bienvenue parmi nous.
Mme Lambert: ...coordonnatrice du Regroupement des services
universitaires d'animation culturelle et communautaire. Mon collègue,
Michel Beauchemin, est directeur du Service d'animation des activités
culturelles de l'Université de Montréal et ex-coordonnateur du
Regroupement.
Le Président (M. Gobé): Très bien. Alors,
vous pouvez maintenant commencer la présentation de votre
mémoire. Pour vous aussi, c'est une quinzaine de minutes. Par la suite,
discussion avec les membres de cette commission.
Mme Lambert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous avertirai un petit
peu à l'avance si je vois que vous dépassez un petit peu le
temps. Alors, vous avez la parole.
Mme Lambert: M. le Président, Mme la ministre, M.
Bouierice, Mmes et MM. membres de la commission de la culture, nous sommes
heureux que vous ayez accepté de nous entendre et nous vous en
remercions. Permettez-moi de vous parler très brièvement de
l'organisme que nous représentons, le Regroupement des services
universitaires d'animation culturelle et communautaire.
C'est au cours de l'année 1986 que prit forme notre groupement.
Les responsables de ces organismes, face à un besoin imminent de contrer
leur isolement, tant dans leur institution qu'auprès des autres
organismes provinciaux, ont souhaité posséder un lieu de
concertation et d'échanges sur leurs activités respectives. Lors
de sa création, au mois de mai de cette même année, tous et
toutes ont convenu que le Regroupement aurait la forme d'une table de
concertation interuniversitaire, quitte, à la lumière du
fonctionnement et des expériences, à la
transformer en une association formelle.
Dès sa formation, les représentants et les
représentantes ont unanimement considéré
l'Université d'Ottawa, compte tenu de sa proximité et de son
caractère bilingue, et l'Université de Moncton, compte tenu de
son caractère francophone. Notre mandat: regrouper les services
d'activités socioculturelles des universités
québécoises et défendre leurs intérêts
auprès des diverses instances qui peuvent influencer leur
développement - universités, collègues, différents
ministères et autres.
Nos objectifs fondamentaux sont de permettre aux services membres de
s'unir par l'échange d'information au niveau des directeurs et des
directrices de service et des responsables des secteurs d'activité
à l'intérieur de chacun de nos services; de mettre sur pied des
programmes d'activité communs, tels des festivals de
théâtre, des réseaux de spectacles qui permettront aux
services membres d'augmenter le nombre de leurs activités et d'en
améliorer la qualité; de promouvoir l'importance des
activités organisées par les divers services membres au sein de
leur institution respective et, finalement, de favoriser la réflexion
sur la place de l'activité culturelle et artistique en milieu
universitaire auprès de toutes les instances, et de défendre -
c'est bien important - son importance auprès de toutes les instances
compétentes.
Nous représentons aujourd'hui les services d'animation culturelle
de 10 universités francophones québécoises et hors
Québec. Il faut entendre, dans les universités
québécoises, que toutes les composantes de l'Université du
Québec sont présentes. La gamme de nos services et de nos
activités représente des initiatives qui sont de l'ordre du
soutien à la création, de l'offre d'ateliers de formation et de
la diffusion sur tous ces aspects: spectacles, expositions, revues
littéraires, autres. C'est ainsi qu'au cours d'une année
régulière le personnel professionnel de nos services produit des
centaines de projets en arts d'interprétation, en arts visuels et en
création littéraire. Qu'elles soient amateures parce qu'elles
mettent à contribution les talents de notre clientèle, ou
qu'elles soient professionnelles, ces activités rejoignent annuellement
plus de 200 000 personnes. Ces dernières proviennent non seulement de
nos campus, mais également des populations urbaines où nos
universités s'insèrent. C'est un de nos apports au rayonnement de
notre institution dans la région. Voilà, en quelques mots, ce que
représente le Regroupement des services universitaires d'animation
culturelle et communautaire.
Au nom du Regroupement, nous sommes ici, aujourd'hui, pour sensibiliser
et défendre le rôle fondamental de la pratique des arts à
titre de loisir culturel dans nos institutions d'éducation, et pour que
cette pratique soit reconnue à l'intérieur d'une politique sur
les arts et la culture au Québec. La responsabilité de
l'éduca- tion dans le domaine culturel est double. En effet,
complémentairement à la formation académique, il y a tous
ces rôles d'éveil et de sensibilisation par la pratique et la
consommation des arts. Il est évident que cette avenue du loisir
culturel permet, par la participation active des étudiants et des
étudiantes, de découvrir de nouveaux créateurs et de
former, d'initier, de préparer des consommatrices et des consommateurs
avertis. Ce volet, que nous considérons fondamental dans la formation
culturelle de la population, nous a semblé être escamoté
dans le rapport sur la politique de la culture et des arts au
Québec.
Je vais laisser la parole à mon collègue, Michel
Beauchemin, qui tentera en quelques minutes d'expliciter la place que devrait
occuper, selon nous, le loisir artistique dans une future politique de la
culture et des arts au Québec. Merci.
M. Beauchemin (Michel): Je ne parlerai pas longuement parce que
Mme Lambert a déjà bien situé le problème, mais je
vais simplement rappeler pourquoi nous considérons le loisir culturel
comme important. Le rapport Coupet, qu'on a aussi intitulé "Étude
sur le financement des arts et de la culture", a beaucoup insisté pour
dire qu'il y avait, au Québec, un non-public de 60 % de la population,
c'est-à-dire que, pour M. Coupet, 60 % des Québécois ne
consomment aucune activité culturelle en dehors de leur domicile. Je
préfère, disons, présenter les choses comme ça
plutôt que de parler de non-public parce que les gens qui sont assis chez
eux ont une consommation culturelle passive, soit devant leur
téléviseur, soit devant une cassette vidéo, soit en lisant
des revues, des journaux. Donc, c'est une pratique culturelle qui existe et je
pense qu'on doit la reconnaître et non pas la nier.
Ceci dit, ce sont souvent des gens qui ont une consommation culturelle
limitée dans le sens qu'on va parier plus de téléromans,
de séries américaines, de revues. Donc, ce n'est pas une pratique
culturelle qui encourage vraiment un développement de la culture
québécoise, sauf dans l'aspect téléroman et,
peut-être un peu, variétés. Elle ne permet pas non plus un
financement des arts parce que les gens ne sont pas dans les salles et ne font
pas vivre des créateurs. Donc, pour nous, c'est essentiellement
important et la pratique culturelle est très limitée, elle manque
de profondeur.
Quelles sont les raisons de cette non-fréquentation? Bon, le
rapport Coupet en a identifié plusieurs. Je vais simplement les
rappeler, c'est-à-dire le coût des billets, le coût de la
sortie - si on ajoute les frais de garderie et le reste - et le manque de temps
de loisirs. À cela, nous ajoutons comme principale raison, selon nous,
de cette non-consommation culturelle l'absence de formation culturelle. Quand
on
affirme ça, on s'appuie sur des études qui nous ont
été communiquées par M. Colbert, que vous avez
reçues hier ou avant-hier, des études du Conseil des arts de
l'Ontario, du Conseil des arts du Canada qui ont été faites dans
les années soixante-dix et quatre-vingt et qui faisaient état...
Quand on essayait de tracer le portrait des personnes qui consommaient de la
culture, on disait: Une personne qui consomme de la culture à
l'âge adulte, c'est une personne qui, pendant son cours primaire et son
cours secondaire, a été mise en contact avec la culture, qui a
été amenée dans des salles de théâtre, qui a
été amenée dans des salles de cinéma, qui a
été amenée dans des galeries, qui a été
amenée dans des musées. Si une personne, dans son jeune
âge, n'a pas connu ces expériences dans sa famille, mais surtout
dans le système d'éducation, elle ne sera jamais une
consommatrice, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, rendue à l'âge
adulte, malgré quelques exceptions.
Ces deux études-là, qui datent quand même un peu,
semblent vouloir être confirmées par une étude qui est
faite actuellement par la firme Cultur'inc, la firme de consultants en arts, et
Décima, étude dont les premiers résultats semblent
confirmer qu'au Québec, en tout cas, cette
réalité-là existe. Donc, cette enquête-là a
été commandée, à ce qu'on me dit, par les
ministères de la culture des 10 provinces canadiennes et les trois
grandes villes, Montréal, Toronto et Vancouver, pour connaître
vraiment le portrait culturel du Canadien. Il semble bien qu'on va arriver aux
mêmes conclusions qu'on avait rencontrées dans les années
soixante-dix et quatre-vingt.
D'où, donc, notre insistance sur la formation culturelle qui
devrait être faite à l'intérieur du système
scolaire; d'où aussi notre satisfaction que le rapport Arpin mette
beaucoup l'accent sur la formation culturelle. Je ne me souviens pas du
numéro des recommandations, mais il accorde suffisamment d'importance
à la formation culturelle pour faire une vingtaine de recommandations
sur le sujet; d'où notre déception aussi vis-à-vis le
rapport Arpin, pour les raisons suivantes. C'est que, d'une part, on semble
confondre système d'éducation et ministère de
l'Éducation. Jamais on ne considère le MESS, le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui est responsable des
universités, et jamais on ne considère les commissions scolaires
locales, les commissions scolaires régionales, les cégeps, les
fédérations de cégeps et les universités. On fait
comme si le système d'éducation était à
Québec alors que ceux qui font vivre le système
d'éducation sont dans les écoles, sont dans les commissions
scolaires.
Nous pensons que ces gens-là devraient être des partenaires
au même titre que les municipalités parce que ce sont des
gouvernements élus, en ce qui concerne les commissions scolaires locales
et régionales. Ils sont très près des besoins de la
population, ils rencontrent chaque enfant de la province pendant une
période de 10 à 15 ans. Donc, on pense que ces gens-là
devraient être associés en tant que partenaires, au même
titre que les municipalités, à une politique culturelle, parce
que c'est par eux que la formation culturelle va se faire, quels que soient les
programmes, les projets qu'on pourra avoir dans les officines
ministérielles à Québec.
Donc, c'est un premier sujet de déception qu'on ne mette pas plus
l'accent sur le système scolaire en termes très concrets.
Deuxième déception, c'est qu'on ne reconnaît pas le
rôle du loisir culturel dans la formation. Ce matin, je ne parlerai pas
vraiment des programmes culturels qui devraient être ajoutés.
Comme nous sommes des services de loisir, ce n'est pas notre mandat de
définir les cours qui devraient être donnés, mais disons
que nous souhaitons qu'à tous les cycles d'enseignement on donne une
formation minimale en histoire de l'art, en peinture, en musique. Donc, les
arts concrets et l'histoire des arts, on trouve que c'est très
important. Je pense que l'Université Laval a déposé un
mémoire qui fait état de considérations fort
intéressantes sur la façon dont l'enseignement des arts devrait
être fait au primaire et surtout sur la qualité du corps
professoral qu'on devrait y retrouver. Donc, je n'insisterai pas plus sur cet
aspect-là. Je vais insister simplement sur l'aspect loisir culturel.
Pourquoi disons-nous que le loisir culturel est important? Parce qu'on
le sait, le loisir culturel est très méprisé. Je n'ai
retrouvé, dans tout le rapport Arpin, qu'une seule mention du loisir
culturel, quand on énumère les tâches qui devraient
être celles des municipalités. Entre autres choses, on dit: Elles
devraient être responsables du loisir culturel. On ne parle jamais du
loisir culturel qui se fait en milieu scolaire, on n'en parle pas au niveau des
responsabilités du ministère. Bref, on ne fait pas
l'évaluation du loisir et il nous semble que c'est une grave erreur.
Est-ce qu'on apprend la bicyclette en deux leçons et, si on ne remonte
jamais sur une bicyclette, est-ce qu'on va pouvoir dire qu'on sait faire de la
bicyclette? Est-ce qu'on devient un bon nageur en suivant un cours de 45 heures
et en remisant après ça, en disant: Je ne mets jamais le pied
à l'eau? La réponse, c'est évidemment non. C'est la
même chose dans la culture. On aura beau suivre un cours de guitare,
suivre un cours de piano, suivre un cours de peinture, si, parallèlement
à notre formation, on ne peut pas avoir accès à des
structures de loisir qui nous permettent de mettre en pratique ces
connaissances, il est bien évident que le peu de formation, les 45
heures de cours qui ont été données en première
année du primaire, puis en deuxième année et en
troisième année, tout ça va être oublié au
fur et à mesure. Donc, on n'arrivera jamais à une
véritable formation culturelle et on n'incitera
pas les gens à pratiquer un loisir culturel. Si on ne leur montre
pas à aller régulièrement dans un théâtre,
dans un musée, à une exposition chaque année, donc, on va
avoir échoué daris l'aspect formation culturelle. C'est pour
ça que, nous, nous faisons du travail de loisir culturel en milieu
scolaire depuis près de 20 ans, Mme Lambert et moi, et en milieu
universitaire. Finalement, ce qui est important, c'est d'appuyer le travail de
formation académique par du loisir, parce qu'à ce
moment-là le loisir culturel n'est pas une corvée, ce n'est pas
un devoir à faire, ce n'est pas une critique de pièce de
théâtre à faire. Simplement, il y a tout un aspect ludique
dans le loisir qui fait que l'enfant ou l'adolescent va apprécier la
culture. Et si on fait référence aux études, comme on l'a
dit tout à l'heure, si on l'a fait au primaire et au secondaire et qu'on
le continue au collégial et à l'université, on va former
vraiment une relève des spectateurs - on va créer des
Spectateurs, d'abord, parce qu'il en manque - et ensuite on va créer, au
fur et à mesure des années, une relève. Donc, ce n'est
peut-être plus 60 % de non-consommateurs qu'on aura, ou de gens qui ne
sortent pas de la maison pour consommer des produits culturels, mais c'est
peut-être 40 %, 30 %, 25 % de gens qui ne consommeront jamais de produits
culturels.
En gros, je pense que ça présente, ça donne assez
bien ce que je voulais dire. Maintenant, que demandons-nous? Parce que je pense
que c'est une tradition ici, quand les gens viennent, ils disent. Vous nous
avez oubliés. Je pense que ce qui est important de voir, c'est que les
services universitaires d'animation culturelle ne sont pas ici pour demander au
ministère des Affaires culturelles du financement, en tout cas, pour ce
qui est des opérations courantes. Le système scolaire, on pourra
l'expliciter, si ça vous intéresse, au niveau des formes de
financement. Le système universitaire s'occupe déjà de
financer les activités courantes, en tout cas, des services d'animation
culturelle.
Nous sommes ici ce matin pour faire valoir que la politique culturelle
devrait faire une place aux loisirs culturels comme pièce
maîtresse dans la formation culturelle et que, en ce sens-là, le
ministère des Affaires culturelles devrait considérer de son
devoir, au même titre qu'il entend faire pression sur les
municipalités pour les amener à faire de la politique culturelle,
ça devrait être dans le mandat du MAC ou du futur ministère
de la culture et des arts de faire pression sur les divers niveaux scolaires,
du primaire à l'universitaire, pour qu'ils s'emparent de leurs
responsabilités dans la formation culturelle. C'est ce que M. Arpin, je
pense, appelle un ministère horizontal, c'est-à-dire que le
ministère ne deviendra pas le formateur, l'élaborateur des
programmes, mais il va devoir avoir un rôle un peu comme le
ministère de l'Environnement: Vous devez faire ça si vous voulez
bâtir tel projet. Donc, en gros, ce que nous demandons, c'est
ça.
Une deuxième chose que nous demandons, un des problèmes
spécifiques que nous avons en termes de financement - puisqu'il y a
toujours un problème de financement - c'est qu'actuellement le loisir
culturel en milieu scolaire est face à un cul-de-sac. Si je me
présente aux relations internationales pour avoir une subvention parce
que je veux envoyer une troupe de théâtre à
l'étranger ou recevoir une troupe de théâtre, comme on l'a
fait l'année dernière avec une troupe de Pologne et une troupe du
Mexique, on doit tout financer parce que, là, on est amateurs, on est
classés amateurs par le ministère des Affaires culturelles, donc
le ministère des relations extérieures refuse de nous
subventionner. Si on se présente au MAC, on nous dit: Vous êtes
amateurs, allez au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche - ce qui est un peu aberrant, de toute façon - et, quand on
arrive au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on
nous dit: Vous dépendez du ministère de l'Éducation, allez
au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Je ne
parie pas de nos activités courantes, je parle des activités
comme le Festival du théâtre universitaire international. On
reçoit des troupes étrangères, on envoie des troupes
à l'étranger, on ne peut pas avoir d'aide financière; on a
été obligés de s'incorporer, de faire semblant que ce
n'était pas universitaire, pour réussir à avoir une maigre
subvention du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ce
qui fait rigoler beaucoup de monde en Europe et aux États-Unis, je peux
vous le dire.
Le Président (M. Gobé): M. Beauchemin, en
conclusion, s'il vous plaît, car le temps file.
M. Beauchemin: En fait, la conclusion est là, je pense,
c'est qu'on vous demande de prendre en compte l'importance du loisir.
Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre,
vous avez maintenant la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Beauchemin et Mme
Lambert. Nous sommes heureux de vous accueillir, d'autant plus que, comme vous
l'avez mentionné, il y a certaines universités et certains
cégeps qui sont venus devant cette commission et il y en a d'autres,
d'ailleurs, qui vont y venir. Toute la question de l'éducation, d'une
espèce de maillage entre l'éducation et la culture, je trouve
ça non seulement important, mais c'est fondamental et, là-dessus,
c'était rafraîchissant de lire votre mémoire, mais
c'était très encourageant, aussi, en ce sens-là.
Je veux revenir à la question du rôle du MAC et des loisirs
culturels. Je laisserai la parole à ma collègue,
députée de Châteauguay, au niveau de la formation. Il y a
deux choses que je
veux toucher. D'abord, quand vous parlez du rôle du
ministère au niveau du loisir... Et ça, là-dessus,
effectivement, c'est un peu drôle, j'ai de la difficulté aussi. En
1977, toute la section du loisir et des amateurs a été
transférée au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Pourquoi? Je ne le sais pas, là, mais, chose certaine,
c'est que c'est difficile de faire un peu la part des choses. Nous, on ne
touche que le professionnel, donc on part de là, si on veut. Mais, quand
vous parlez du rôle du ministère, effectivement, à
l'intérieur de tout ça, vous l'avez touché un petit peu,
vous dites, bon, bien c'est un peu comme l'Environnement, d'une certaine
façon. Alors, est-ce que le ministère en soi se doit d'être
l'instigateur ou encore le rassem-bleur? Comment voyez-vous ça en
pratique, en réalité?
M. Beauchemin: Idéalement, je verrais, en tout cas, que
tout l'aspect loisir artistique, culturel au sens strict... Et on le voyait
tout à l'heure avec la Société d'histoire qui disait: Nous
aussi, on est à Loisir, Chasse et Pêche et au patrimoine; est-ce
que ça a du bon sens? Je vous laisse en juger. Mais moi, ce que je
verrais très bien, c'est qu'on brise la frontière qui a
été établie en 1976 dans le livre blanc du
prédécesseur de M. Boulerice, qui était le livre blanc sur
le loisir, la municipalisation du loisir, qui avait été fait par
le ministre Charron au moment où il était ministre de la
Jeunesse. À ce moment-là, on a fait une Muraille de Chine entre
la culture professionnelle et le loisir. On a dit: Tout ce qui est loisir,
c'est pelleté déjà dans la cour des municipalités.
Et la les maisons d'éducation, à ce moment-là, on s'est
retrouvé dans une espèce de "no man's land"; on n'a plus jamais
eu de place où se raccrocher parce que le MESS, en fait, il n'existait
pas à l'époque...
Mme Frulla-Hébert: C'est une autre conception du loisir
aussi, là. On le voit quand on est avec eux, oui.
M. Beauchemin: C'était toute la politique de
municipalisation du loisir et le système d'éducation a
été exclu. Donc, ça répond à la question que
vous posiez.
Mme Frulla-Hébert: Bon, d'accord.
M. Beauchemin: Moi, en tout cas, ce que je verrais très
bien, c'est qu'il faudrait voir l'importance de l'intégration du loisir
culturel et de la culture professionnelle parce que c'est nous qui,
éventuellement, allons amener des gens dans les salles, et c'est
peut-être nous qui allons révéler un futur Chopin dans nos
activités. Aussi, parce qu'il y a beaucoup d'artistes qui ont
commencé dans le loisir, qui ont pris la piqûre et qui, ensuite,
sont devenus des artistes professionnels. Je pense que les programmes de
subven- tions ou les programmes d'encadrement du loisir culturel devraient
être faits par le futur ministère de la culture...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Beauchemin: ...et sortis du sport et du... Comme je vous dis,
ça, c'est une opinion, mais qui ne repose pas sur une étude
approfondie faite par notre regroupement. C'est pour ça qu'on est
restés un peu flous en disant...
Mme Frulla-Hébert: II faudrait le regarder de près,
oui. Autre chose, avant de passer la parole à ma collègue, vous
êtes les seuls, vous êtes les premiers intervenants à
soulever le cas des francophones hors Québec. J'y touche parce que vous
êtes vraiment les premiers intervenants. Comment voyez-vous,
concrètement, cette articulation entre la politique culturelle d'une
part et la défense des communautés francophones hors
Québec? On a tendance à dire: Bien oui, il faut que ça
rayonne, évidemment, il faut protéger, bon, tout ça, mais
il y une autre tendance à dire: II y a des changements à faire.
Si on est ici, ce n'est pas parce que c'est un monde idéal et parfait.
Donc, comment voyez-vous cette espèce d'interrelation entre les
deux?
M. Beauchemin: En fait, je peux répondre à
ça de deux façons. D'une part, pourquoi est-ce que nous avons des
universités francophones non québécoises dans notre
regroupement, c'est-à-dire l'Université d'Ottawa et deux
constituantes de l'Université de Moncton? Parce que ce sont elles qui
nous ont approchés, d'abord. Ce n'était pas dans nos plans et ce
qu'elles nous ont dit, c'est: Pour nous, isolées comme nous le sommes
dans une mer anglophone au niveau du système d'éducation
universitaire, il est essentiel que nous puissions prendre contact avec le
système universitaire et confronter nos expériences avec les
vôtres, nous enrichir de vos expériences et, possiblement, vous
amener aussi, à un moment donné, des éléments
d'enrichissement. Et ça, disons que la première réponse
qu'on pourrait faire, c'est que nous, on trouve qu'il faut briser, aider les
minorités à briser leur isolement et leur faire part de nos
expériences, pas dans une optique paternaliste, mais ça voudrait
dire qu'on collabore, qu'on fait des activités communes et, par une
espèce de synergie, les acquis québécois passent dans les
universités hors Québec et vice versa. Ça, c'est le
premier niveau.
Le deuxième niveau, un niveau plus politique en
général, nous pensons, contrairement à bien des gens, que
les minorités hors Québec ne sont pas des cadavres chauds et que,
même si c'étaient des cadavres chauds, il faudrait peut-être
les aider à se garder chauds et que nous n'avons pas à porter un
oeil méprisant sur les minorités hors Québec. Et, quand on
parle d'une politique culturelle québécoise, c'est important
qu'on assure un rayonnement de la culture québécoise
à travers le corpus ou à travers la communauté francophone
canadienne et, éventuellement, nord-américaine - si on pense
jusqu'à la Louisiane - quel que soit le statut du Québec, qu'on
soit partie du Canada ou qu'on soit un pays indépendant, on ne se
prononce pas là-dessus. Disons que, pour nous, c'est vraiment ça
qui est important et ce qu'il faut voir, c'est qu'on considère que le
Québec offre vis-à-vis de la francophonie canadienne et
nord-américaine une responsabilité similaire à ce que la
France fait pour le Québec. Par exemple, elle nous a beaucoup
aidés, elle nous a envoyé beaucoup d'artistes et il y a eu des
échanges de faits. Je pense qu'à un moment donné le
Québec va avoir, selon le résultat qu'on aura des débats
actuels, une responsabilité, peut-être même au niveau du
financement de certaines activités pour les minorités hors
Québec. Je ne sais pas si ça répond à votre
question.
Mme Frulla-Hébert: Oui, parfait, M. Beau-chemin. Je vais
passer la parole, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la
députée. Vous pouvez commencer.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Vous insistez,
à juste titre, sur l'importance de la formation dès le primaire
et le secondaire, et je suis parfaitement en accord avec ça. Cependant,
vous mentionnez également que le MAC et le MLCP devraient
reconnaître à des fins de subvention les services universitaires
et collégiaux d'animation culturelle. Est-ce à dire qu'on
pourrait davantage préconiser, peut-être, l'aide à la
formation dès le primaire et le secondaire, de façon à ce
qu'éventuellement nos jeunes soient formés à aimer et
à s'engager dans les arts, quel que soit le choix de leur engagement?
(10 h 45)
Mme Lambert: En tout cas, je peux commencer, là. Quand on
parle de favoriser... Bon, notre recommandation dit: être ouverts pour
que le MLCP et le MAC puissent nous accorder, à l'occasion, des
subventions; on dit bien "à l'occasion", parce qu'on a
précisé qu'on ne vient pas chercher du financement à long
terme pour nos organismes. Ce serait pour des projets ponctuels. Alors, est-ce
à dire - je ne sais pas si j'ai bien compris votre question - que vous
devriez déjà, dès le primaire ou le secondaire,
subventionner les activités...
Mme Cardinal: "Prioriser".
Mme Lambert: ...de formation dans le para-académique?
C'est dans ce sens-là, votre question?
Mme Cardinal: Oui, effectivement; "prioriser" dès le
départ.
Mme Lambert: Évidemment, plus on commence tôt, mieux
c'est, mais pour nous, c'était... Évidemment, je serais d'accord
si c'était possible, mais, pour nous, c'est simplement de ne pas
être exclus d'office. Quand je dis "nous", là, les services
universitaires d'animation culturelle et les services collégiaux aussi,
c'est de ne pas être exclus d'office de tous ces
ministères-là, parce qu'en bout de ligne il n'y avait aucune
porte qui nous était ouverte: pas le ministère de
l'Éducation, etc.
M. Beauchemin: Pour répondre très brièvement
à votre question, je dirais que, s'il n'y a qu'un dollar à donner
par le MAC, vous devez le donner au primaire.
Mme Cardinal: Bon, c'est ce que je voulais entendre.
M. Beauchemin: Vous devez le donner au primaire, parce que si on
a une bonne formation culturelle au primaire et au secondaire, quand
l'étudiant va arriver à l'Université de Montréal,
je ne me ferai pas dire: Monsieur, je ne connais pas qui est Shakespeare.
Ça nous est arrivé l'année dernière. 50
étudiants étaient réunis pour faire une pièce de
théâtre dans laquelle ils investiraient 100 à 200 heures de
bénévolat. Quand ma responsable du théâtre leur a
demandé: Bien, seriez-vous intéressés à monter une
pièce de Shakespeare? ils ont dit: Qui est Shakespeare? On n'en a jamais
entendu parler.
Mme Cardinal: C'est incroyable.
M. Beauchemin: Des étudiants universitaires! Ah bien,
peut-être un Molière. Molière? Ah, c'est un
Français, ça, je pense, hein? Vous voyez où on en est.
Alors, si la formation culturelle s'améliore au primaire et au
secondaire, je vais être gagnant et je n'aurai peut-être pas besoin
de vos 2000 $, 4000 $ ou 5000 $. J'en ai peut-être besoin pour quelques
années encore parce qu'on n'en est pas là, mais ceci dit, si vous
nous amenez une clientèle formée, qui est
intéressée à payer pour aller voir un produit culturel de
qualité, je ne vous achalerai pas pour avoir plus d'argent parce qu'ils
vont me le donner à la porte, à la caisse, parce qu'on charge
pour nos activités.
Mme Cardinal: Est-ce qu'on pourrait savoir d'où vient
votre mode de financement, parce qu'on mentionne que vous disposez de 3 500 000
$ pour l'ensemble de vos... Est-ce qu'on pourrait savoir d'où provient
cet argent?
Mme Lambert: Oui, 3 500 000 $, c'est pour l'ensemble des
services.
Mme Cardinal: Oui, je dis bien pour l'ensemble des
universités que vous mentionnez.
Mme Lambert: Je dois dire qu'à l'Université Laval
et à l'Université de Montréal nous avons les deux plus
gros budgets de tous les services.
M. Beauchemin: 2 000 000 $ sur 3 500 000 $, pour ne rien vous
cacher.
Mme Lambert: Alors, la principale source de nos revenus sont les
frais afférents des étudiants. Il y a les frais
académiques, les frais de scolarité et les frais
afférents, qui sont partagés pour l'ensemble des services aux
étudiants. Les services aux étudiants dans les
universités, c'est orientation, counseling, bourses, aide
financière, sports, socioculturel, santé, animation religieuse.
Les frais afférents sont partagés entre tous ces
services-là. Alors, c'est la principale source de revenus de nos
services d'animation culturelle. La deuxième source de revenus, ce sont
les revenus d'activités; la troisième source de revenus, ce sont
les commanditaires. On va quêter beaucoup, parce qu'on est des services
qui doivent s'autofinancer. Donc, quand on sort un dollar, il faut que le
dollar rentre afin que ça fasse zéro. Alors, ce sont nos
principales sources de revenus.
Mme Cardinal: Brièvement...
M. Beauchemin: Une autre source: il y a une subvention
spéciale du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science pour les fins des services aux étudiants, qui est d'à peu
près, mettons, l'équivalent de 50 $ pour un étudiant
régulier à temps complet; et là-dessus, nous, on touche
à peu près 5 $, à l'Université de
Montréal.
Mme Lambert: À Laval, on n'en touche pas. Dans les
universités, c'est différent un peu, le partage. Comme à
Laval, ce sont seulement les frais afférents pour nos services,
puis...
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie M.
Beauchemin, merci Mme la députée de Châteauguay.
C'était fort intéressant. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, la parole est à vous maintenant.
M. Boulerice: Je vous remercie. Mme Lambert, M. Beauchemin, si
vous me permettez, en entrée en matière, deux observations: la
première, effectivement, Mme la ministre l'a souligné, vous
êtes le premier groupe qui fait référence à ce que,
moi, j'appelle notre diaspora. À l'exception des Acadiens qui sont un
peuple distinct, ceux que l'on retrouve en Ontario, au Manitoba, en
Colombie-Britannique sont des morceaux du peuple français, enfin du
peuple québécois, dis-je plutôt, qui se retrouvent
là-bas. Mais |e pense qu'effectivement on doit avoir ce souci. A titre
de chargé de la francophonie, je les ai souvent rencontrés sur
leur terrain même, et je peux vous dire que, dans le cas de nos
compatriotes qui sont en Colombie-Britannique, l'éloignement
géographique a des incidences atroces au niveau culturel. Il y a
certains efforts qui sont faits. Mon collègue, le député
de Shefford, pourrait vous en parler; le Festival de la chanson de Granby
insiste toujours sur une participation des francophones hors Québec. Et
il ne faut pas oublier qu'on ajoute dans notre patrimoine des noms qu'on a
tendance à considérer comme québécois, mais tout le
monde sait que Daniel Lavoie est un Franco-Manitobain. Un peu comme tout le
monde croit que Brel est Français, mais c'est faux. Brel est Belge.
Donc, le fait d'avoir apporté cette dimension est intéressant et
je pense que c'est une piste très importante que vous avez
tracée.
Au niveau du loisir culturel, je vous donnerai raison à 101 %,
même, puisque j'ai assumé, il y a quelques mois, la
présidence du Festival de théâtre amateur et je vous avoue
que j'en suis ressorti, non pas ébranlé, ce n'est pas le terme,
au contraire, enthousiaste, mais avec effectivement la même certitude que
vous. Il y a là une préparation de la relève, il va de
soi. Je dis "la relève"; je n'aime pas le mot, comme Vigneault - ou la
continuité - personne n'est tombé encore, mais disons qu'on
emploie le mot "relève". Et en questionnant les gens à
l'entracte, à l'entrée, à la sortie, etc., il est de toute
évidence, et vous avez bien raison, que c'est, là aussi, un lieu
de préparation à la consommation d'oeuvres culturelles, de
manifestations culturelles. Donc, ramener ceci au niveau du ministère
des arts et de la culture, je pense que c'est un objectif vers lequel on
devrait tendre.
Ceci dit, les deux questions que j'aimerais vous poser: Comment
pourrait-on assurer une meilleure concertation entre les milieux scolaires et
les municipalités au chapitre de l'utilisation des équipements
culturels et à celui du soutien à la diffusion des productions
culturelles en région? Vous avez fait allusion à mon illustre
prédécesseur qui avait émis un livre blanc pour ce qui est
de la concertation municipalités-commissions scolaires pour
l'utilisation des équipements sportifs. J'ai peur que la politique n'ait
pas donné tous les effets qu'on avait souhaités mais, au moins,
il y a eu des tentatives. Enfin, je me rappelle qu'à l'époque
j'étais administrateur d'une commission scolaire; chez nous, nous
l'avons réussi. Bon. Est-ce que c'est égal au niveau de
l'ensemble du territoire québécois? Je me pose toujours la
question. Mais, au niveau des arts et de la culture, qu'est-ce qu'on devrait
faire pour avoir cette meilleure concertation et cette utilisation maximum des
équipements qu'on a?
Mme Lambert: Je n'ai pas de recette miracle. D'abord, c'est
peut-être d'instaurer dans la tête des gens une volonté de
se concerter, de mettre nos ressources en commun, comme on
peut le faire à l'Université Laval où je vais me
concerter avec certaines facultés pour utiliser, soit des locaux ou des
équipements plutôt que d'acheter en double. Ça se fait
déjà dans certaines universités; je pense à
Sherbrooke, entre autres, où il y a une concertation avec la ville pour
l'utilisation du centre culturel. Donc, le service d'animation culturelle de
Sherbrooke ne programmera pas certains spectacles parce que,
déjà, le centre culturel en programme. Il va y avoir des ententes
avec le service pour donner un meilleur accès aux étudiants. Bon,
c'en est une, forme de concertation. Je pense à chez nous. Je parle de
moi pour ne pas parler des autres, mais la salle Albert-Rousseau s'est
donné comme mission... Ce sont des spectacles professionnels de
théâtre, d'une certaine forme de théâtre, etc.
À l'Université Laval, notre cher Théâtre de
la cité universitaire, sa mission première, pour l'instant, ces
années-ci, ce sont vraiment des productions étudiantes de chez
nous, pour favoriser le talent de nos étudiants. Ce sont nos objectifs
présentement. Alors, on ne se fait pas concurrence. S'il vient un
artiste professionnel, c'est peut-être dans le cadre d'un
événement bien spécial chez nous, mais on ne veut pas
concurrencer la salle Albert-Rousseau. Puis on a fait aussi certaines ententes
avec la ville de Sainte-Foy; je pense, entre autres, à des ateliers de
musique, parce qu'on n'avait pas accès à des locaux de
musique.
Il y a déjà une forme de concertation, peut-être
parce qu'on est des vieux de la vieille puis qu'on a déjà eu des
contacts avec les municipalités qui nous entourent. Je n'ai pas de
recette miracle, mais je dis: II s'en fait déjà. Pourquoi faire
double emploi de nos locaux, de nos équipements? Peut-être que
Michel peut rajouter quelque chose.
M. Boulerice: Oui, je vous en prie.
M. Beauchemin: Deux petites choses. Ce sont deux exemples, en
fait, puis je pense qu'ils vont illustrer ce qu'on pourrait souhaiter. D'une
part, c'est qu'il y a quelques années le Conseil des arts de la
Communauté urbaine de Montréal avait fait une étude sur
les salles de spectacle. Dans le milieu scolaire, on est arrivé à
la conclusion... Puis j'ai le rapport qui est très beau, qui a dû
coûter très cher et qui est resté sans suite,
malheureusement. Mais on faisait état du nombre
d'amphithéâtres, de salles de spectacle, de salles de
théâtre qui sont cachés dans les écoles secondaires,
dans les cégeps, dans les universités et qui ne sont pas
utilisés plus que quatre, cinq ou six mois par année. Puis on
dirait qu'il pourrait y avoir une synergie entre les municipalités, par
exemple, qui pourraient louer ces salles-là ou utiliser ces
salles-là et les mettre à la disposition de troupes de
théâtre amateur de quartier, ou, en fait, bon, s'en servir.
Donc, il pourrait y avoir... Il existe des équipements qui,
actuellement, ne sont pas utilisés. Je sais que, moi, mon
théâtre, qui est parfaitement équipé, est
utilisé vraiment six mois par année ou cinq mois par
année. Pourtant, on paie le chauffage toute l'année. Enfin, bref,
il nous coûte des frais. Donc, ça pourrait être une piste
qui pourrait être faite au niveau des inventaires, puis de dire
systématiquement... Je ne parle pas de la culture professionnelle parce
que, souvent, amener des consommateurs qui paient cher au sixième
étage d'un immeuble comme chez nous, ce n'est pas évident. Mais,
pour ce qui est de la culture amateur, ça pourrait être
possible.
Et si on pense aussi, par exemple, à un cas plus concret, celui
de la Maison-Théâtre dont on va peut-être régler le
problème un jour mais qui, pour le moment, en tout cas, est logée
dans le cégep du Vieux-Montréal. Ça été un
très grand progrès pour les troupes de théâtre pour
enfants que les commissions scolaires puissent prendre des enfants dans leur
écoles et les amener en autobus jaunes à la salle de
théâtre plutôt que de demander aux troupes d'arriver dans un
mauvais gymnase sans sono, sans éclairage, puis de donner aux enfants,
finalement, une mauvaise image du théâtre, parce que c'est plate,
c'est mal organisé, c'est branlant. Là on les amène dans
une bonne salle, ils sont bien assis, ils voient ça dans des bonnes
conditions, donc ils apprécient le théâtre. Ça
rentabilise un équipement scolaire, ça empêche des frais
aux maisons d'éducation ou aux écoles pour se donner des salles
de spectacle et, en même temps, tout le monde est content.
Donc, ça pourrait être organisé. C'est deux exemples
qui, je pense, donnent ce que pourrait être le résultat d'une
collaboration entre des niveaux d'éducation, comme dans le cas de la
Maison-Théâtre ou entre des maisons d'éducation et des
services municipaux de loisir. Et je pense qu'il faudrait le faire dans une
période de pénurie budgétaire comme maintenant, et il
faudrait tirer le meilleur parti de tous les équipements.
M. Boulerice: À la page 7 de votre mémoire, vous
dites: "Cette "exposition" à la culture dépend en bonne partie de
la dynamique familiale. Mais un jeune de 7 à 17 ans vit plus d'heures
actives en milieu scolaire qu'en milieu familial." Bon, mon passé fait
que je vous donne raison. L'école a une influence énorme. Tu
changes d'école, tu changes de société. Mais lorsqu'ils
sont en milieu familial, Mme Lambert, M. Beau-chemin, on sait fort bien que le
temps d'activité à la maison n'est pas nécessairement un
temps d'échanges avec papa, maman, la grande soeur ou le petit
frère, mais il est devant l'appareil télé. Est-ce que vous
considérez qu'on peut se donner, au Québec, une politique des
arts et de la culture sans englober tout ce gigantesque secteur de la
communication, c'est-à-dire, je
pense, tout l'audiovisuel, la télédiffusion,
radiodiffusion, etc.?
M. Beauchemin: Je suis tout à fait d'accord parce qu'il y
a eu des études de faites, effectivement, qui montrent que le nombre
d'heures que les enfants et les adolescents passent devant la
télé est supérieur au nombre d'heures de cours qu'ils
reçoivent. Je n'ai pas exactement les chiffres mais, en tout cas, je
suis allé à un colloque la semaine dernière,
organisé par les HEC, et on faisait état, justement, de cette
information que l'enfant consomme plus de télé que de
pédagogie ou de cours. Dans ce sens-là, la
télévision est capitale et fondamentale dans la formation de
l'enfant et dans sa formation culturelle. Et c'est évident que je suis
tout à fait d'accord avec vous qu'au niveau des politiques
d'émissions pour enfants, par exemple, et pour adolescents, la
télévision a un rôle extrêmement important à
jouer, qu'elle joue assez bien si on pense à des émissions comme
"Passe-Partout". Je pense que la télévision pour enfants a
été reconnue, en tout cas, jusqu'à tout récemment,
comme meilleure que la télévison pour adultes, mais disons que je
ne suis pas un spécialiste de la télé et j'avoue que, si
j'écoute la télévision quatre heures par mois, c'est
beaucoup. Je suis ce qu'on appelle le bon consommateur culturel qui va en
salle, qui va au cinéma, mais qui passe fort peu de temps devant sa
télé.
Disons que je suis d'accord avec vous que c'est très important,
mais en même temps, si on arrive à une pratique active du loisir
culturel, ça va sortir les enfants; les enfants ne seront pas devant la
télé. S'ils sont à l'école entre 16 heures et 18
heures pour faire du ballet, pour faire de la musique, s'ils font une sortie
culturelle au théâtre le samedi, s'ils vont au musée, si,
enfin... ça va limiter le temps qui va être passé devant la
télé aussi. Ce serait, à mon avis, une très bonne
chose que de leur donner un loisir actif plutôt qu'un loisir
essentiellement passif qui, en général... En tout cas, il y a eu
des études, là, qu'on pourrait...je peux vous en donner copie,
mais, sur les jeux de Nitendo, il y a une étude qui a été
faite par une professeure de sciences de l'éducation de
l'Université de Montréal, qui vient d'être publiée
et qui montre que l'écoute de la télévision, la pratique
des jeux vidéo tuent la créativité chez l'enfant et qu'il
faudrait vraiment combattre cette surconsommation de télé et de
jeux vidéo.
M. Boulerice: Mme Lambert, M. Beauchemin, à bien des
égards, vous nous avez apporté un discours nouveau. À nous
de retenir ce que vous nous avez dit. Donc, je vais vous remercier de votre
participation à cette commission et, surtout, de ce mémoire que
vous avez déposé. J'espère qu'on en tiendra compte dans
l'élaboration d'une politique des arts et de la culture. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. Encore une fois, un
très très grand merci. Vous savez que nous avons entrepris - bon,
cette fois, c'est avec le ministère de l'Éducation parce qu'il
faut commencer par là aussi - des rencontres. Et il y a une
volonté, aussi, au niveau du ministère de l'Éducation,
justement, une conscientisation d'abord, et une volonté de voir
maintenant tout... de revoir tout le domaine culturel dans le système.
Mais vous nous avez apporté aussi une espèce de confirmation de
ce qu'on voulait faire, c'est-à-dire de partir, de travailler avec les
commissions scolaires, les commissaires, etc. Parce qu'effectivement c'est un
système qui est un peu indépendant et très rigide. Alors,
merci beaucoup beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Madame, monsieur, je vous remercie au nom des membres de cette commission. Nous
avons apprécié votre présence et votre audition. Alors,
ceci, maintenant, termine le temps qui vous était alloué; vous
pouvez donc vous retirer. Je vais suspendre les travaux pour une minute, le
temps que Son Honneur M. le maire de Montréal daigne venir prendre place
dans notre humble enceinte.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 10)
Ville de Montréal
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, la
commission de la culture va reprendre ses travaux. Mme la ministre, s'il vous
plaît, je vous prierais de bien vouloir gagner votre siège. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, la même chose pour
vous. Alors, nous allons entendre, pour une période de 45 minutes, les
représentants de la ville de Montréal qui est
représentée aujourd'hui par M. le maire Jean Doré, maire
de Montréal. Bonjour, M. le maire.
M. Doré (Jean): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. Joseph Biello, membre du
comité exécutif et responsable des dossiers culturels à la
ville de Montréal -bonjour, M. Biello - et par Mme Manon Forget,
conseillère et adjointe au comité exécutif de la ville de
Montréal. Je vous rappellerai brièvement le mandat de notre
commission aujourd'hui, qui est de tenir une consultation
générale sur la proposition de politique de la culture et des
arts. Ceci fait suite, comme chacun sait, au dépôt du
rapport Arpin et cette commission a été initiée
à la demande de Mme la ministre des Affaires cultureffes. M. le maire,
vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, ou votre
représentant. Par la suite, nous verrons à dialoguer avec chacun
des partis politiques qui sont représentés à cette table,
soit Mme la ministre ou ses représentants et M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition en
matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M. le maire.
M. Doré: Merci, M. le Président. Alors, merci de
nous accueillir ce matin, Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition,
mesdames, messieurs membres de la commission de la culture. D'abord, je veux
vous dire que la ville de Montréal salue l'initiative du gouvernement de
doter le Québec d'une politique culturelle, et je pense que aussi bien
l'intérêt général que l'avenir même de notre
société dépendent de l'adoption d'une telle politique. La
ville de Montréal reconnaît la maîtrise d'oeuvre du
gouvernement québécois en matière culturelle sur son
territoire et, j'ajouterais, l'importance cruciale de la culture comme moyen
d'expression et d'épanouissement d'un peuple. Et la ville de
Montréal souhaite donc, comme d'ailleurs le recommande le rapport du
groupe-conseil Arpin, que le gouvernement fasse de la culture une
priorité d'État, au sens d'en faire un axe fondamental du
développement du Québec.
La ville de Montréal, pour sa part, se présente devant
cette commission, M. le Président, comme une administration publique
responsable, soucieuse du développement et de l'accessibilité des
arts et de la culture sur l'ensemble du territoire québécois.
Montréal demande que les organismes culturels, et notamment les
organismes montréalais à vocation nationale et internationale,
obtiennent des moyens de faire adéquatement leur travail, aussi bien de
création que de diffusion. Et je dirais que c'est là un juste
retour des choses quand on constate à quel point le milieu culturel et
j'ajouterai la population québécoise dans son ensemble ont
réussi, souvent à bout de bras, en quelques décennies, ce
que d'autres peuples ont pris des siècles à bâtir. Et,
quand on considère la réussite indéniable au plan
international de nos organismes culturels qui sont des ambassadeurs de premier
plan, qui véhiculent à travers le monde l'image d'un
Québec moderne, eh bien, je pense qu'il s'agit là d'une
réussite assez remarquable. Et, dans ce développement historique,
la production culturelle, particulièrement à Montréal, a
constitué un élément essentiel.
La ville considère également la culture comme un
instrument, un outil important de son propre développement, et on
constate chaque jour le poids croissant de ce secteur d'activité dans
l'harmonisation de sa vie sociale et dans la bonne marche de son
économie. Et, à titre de métropole qui accueille la
majeure partie des organismes culturels professionnels du Québec, on
invite le gouvernement à prendre appui, entre autres, sur le secteur
culturel, dans ses efforts pour consolider l'avenir du Québec et de sa
métropole.
Il n'y a aucune des grandes villes nord-américaines qui ait,
à l'égard de la culture qu'elle représente, l'importance
qu'a Montréal par rapport à la culture francophone du
Québec. Aucune ne peut prétendre abriter avec un tel
degré, je dirais, l'essentiel des formes d'expression de la culture d'un
peuple. Montréal est le principal foyer de recherche et d'expression
artistique au Québec et au Canada. C'est ainsi que la métropole
accueille, je dirais, le seul milieu des arts et de la culture qui soit
parvenu, au Canada, à composer un secteur socio-économique
complet, c'est-à-dire où toutes les disciplines sont
représentées, où toutes les fonctions essentielles
à ce secteur s'y retrouvent en synergie: la recherche, la
création, la formation, la production, la mise en marché;
où toutes les tendances sont autorisées: classicisme,
relève, avant-garde y trouvent leur place; où toutes les formes
de diffusion, j'ajouterai de télédiffusion, y ont leurs assises;
et où quelque 80 communautés culturelles, aussi, facilitent la
participation et l'intégration du Québec et de sa
métropole aux grands courants internationaux. Il ne faut jamais oublier
l'apport de ces mêmes communautés à la richesse et à
la diversité culturelle montréalaise. Et je pense ici à
des artistes comme Oscar Peterson, Oliver Jones, Ludmilla Chiriaef, Agnes
Grossman, Marco Micone, pour n'en nommer que quelques-uns.
Nos leaders artistiques, nos têtes d'affiche essentielles au
rayonnement public de notre culture émergent d'un milieu en
effervescence et font maintenant partie du peloton de tête international,
celui qui, dans le monde entier, façonne les tendances plutôt que
de les suivre. Et disons le d'entrée de jeu, le talent des artistes,
l'autonomie et l'originalité des directions artistiques sont au coeur de
cette réussite.
Il aura fallu, somme toute, un peu moins de deux décennies
à ce milieu culturel pour se développer et se structurer ainsi.
Pour une poignée d'organismes qui parviennent à survivre sur le
territoire de Montréal à la fin des années soixante, on en
répertorie aujourd'hui plus de 1000. La fulgurance d'un tel essor n'a
pas d'égal, dans aucune autre région du Québec ou du
Canada. Le centre-ville de Montréal accueille à lui seul une
concentration extraordinaire d'activités et de talents. Et nul autre
tissu urbain ne peut offrir une telle densité nécessaire au
rayonnement national et international. Cette concentration souhaitable favorise
le voisinage des disciplines, assure la polyvalence des artistes, le
renouvellement du milieu artistique et fait en sorte que les idées
nouvelles voyagent rapidement. Cette masse critique est, en quelque sorte,
un bien collectif essentiel à la survie d'une production
culturelle nationale.
De ce point de vue, Montréal joue un rôle
stratégique dans le développement culturel du Québec, et
c'est un élément fondamental que la commission et le gouvernement
devraient prendre en compte. Je pense que tout le Québec, tous ses
artistes peuvent s'appuyer sur cette masse critique et doivent veiller à
la protéger. Je pense qu'on pourrait citer par dizaines des artistes du
Québec qui ont d'abord percé en région et qui ont pu
s'affirmer à l'échelle de notre société
québécoise pour ensuite se projeter sur la scène
internationale.
En revanche, si on doit dresser une liste très sommaire - et
là j'ai parlé des forces - je dirais des problèmes qui
sont rencontrés par le milieu culturel actif sur notre territoire, on
peut constater un certain nombre de faiblesses: d'abord, l'économie de
survivance dans laquelle s'exerce la pratique culturelle, l'insuffisance du
soutien accordé aux artistes et aux milliers d'organismes culturels
montréalais, souvent jeunes, fragiles, de petite taille, ainsi que le
sous-financement des fonctions, tant nationales qu'internationales, qui leur
incombent. Donc, premier élément, je dirais, du diagnostic.
Je vous souligne qu'on doit prendre conscience de ce que les entreprises
culturelles, les institutions, je dirais, tout autant que la relève, qui
ont vécu à ce jour dans ce qu'on appelle cette économie de
survivance, ont quand même permis à la culture
québécoise de maintenir le cap. Il faut maintenant, à
notre point de vue, de toute urgence, doter les organismes existants, grands et
petits, et particulièrement ceux qui représentent les forces
vives de notre culture, ceux qui la renouvellent, les doter des moyens
nécessaires à l'accomplissement de leur travail. Et cela est
essentiel si on veut que notre culture ne s'épuise pas et ne se tarisse
pas.
Des organismes comme l'OSM ou comme le TNM, comme Carbone 14, La, la,
la, Human Steps ou les producteurs, les diffuseurs des Marjo, des Michel Rivard
aussi bien qu'un film de Denys Arcand, personne, dans ce contexte actuellement,
ne nage dans l'abondance. Ces organismes ont des fonctions précises
à remplir, et elles doivent l'être dans des conditions
décentes. Et, de ce point de vue, la qualité et
l'accessibilité, tant nationales qu'internationales, imposent des
normes, et j'ajouterai des coûts, qu'on ne peut plus ignorer.
Autre faiblesse, un déficit en matière
d'équipements de diffusion d'envergure nationale et internationale, bien
qu'on puisse constater, sur le plan muséologique en particulier, qu'un
rattrapage s'est opéré depuis un certain nombre d'années.
Mais je pense encore que Montréal ne compte ni maison de la musique
symphonique, ni salle spécialisée, encore, dans la diffusion de
spectacles à l'intention du jeune public, bien que la réputation
de notre jeune théâtre, le théâtre jeune public, est
mondialement reconnue ou encore - même du point de vue d'un aspect plus
large dans la définition de la culture - ni même de musée
des sciences et des technologies, qui sont là des fonctions nationales
essentielles et des domaines dans lesquels le Québec excelle; parce
qu'il faut bien reconnaître que, dans le domaine muséologique, le
Québec a produit des choses extrêmement intéressantes,
créatrices et novatrices, aussi bien dans la capitale et dans les
régions que dans la métropole.
Par ailleurs, il faut quand même aussi, dernière faiblesse,
penser à la vétusté de plusieurs équipements
culturels existants, que ce soient ceux du théâtre à
Montréal, Espace Go, Espace Libre, le TNM, ou la Bibliothèque
centrale qui joue un rôle important aussi, comme diffuseur culturel. Et,
à ce chapitre, et là je cite une étude faite pour le
gouvernement fédéral en 1989, pour le ministère des
Communications, on nous rappelait que Montréal possède moins
d'équipements culturels d'importance que Calgary, Edmonton, Vancouver et
Toronto, et que ceux qu'elle possède sont généralement
d'une qualité inférieure à ceux des villes citées.
Le constater, ce n'est pas une critique, c'est simplement de dire:
Voilà, malgré ces carences, ce qu'on a pu produire. Disons-nous
que, si nous nous dotions d'une priorité d'État en matière
de culture, d'en faire vraiment un instrument, un axe de développement
du Québec et qu'on y affectait les ressources conséquentes,
voilà ce qu'on pourrait faire pour rayonner encore davantage et
développer notre appareil culturel.
Bien sûr, une telle carence freine le développement de
l'excellence dans certains secteurs artistiques et je pense que, de ce point de
vue là, le soutien gouvernemental apporté à la diffusion
culturelle sur le marché québécois, qui est restreint et
parcellisé, devient essentiel si on veut miser sur certains
créneaux d'excellence. Dans un monde qui est marqué par une
internationalisation grandissante des échanges, on ne peut pas se fermer
aux produits culturels étrangers. Il faut constater qu'on forme une
petite collectivité, somme toute, de 6 000 000 habitants et qu'on doit
donc - et je pense que c'est vital - assurer la compétitivité du
produit culturel du Québec, ce qui rend, de ce point de vue là,
l'action du gouvernement absolument essentielle. Elle est, cette culture, avant
tout un des fondements de notre identité nationale, et c'est donc, je
pense, au gouvernement de lui accorder toute l'attention, non seulement
politique, mais financière qui est requise.
Je rappelle que, selon le rapport Arpin, la valeur de la production
culturelle montréalaise se chiffrait, en 1987, à quelque 3 000
000 000 $, une masse salariale qui atteignait près de 2 000 000 000 $;
75 000 personnes, travailleurs et travailleuses, oeuvrent dans des professions
culturelles dans une région qui concentre 86 % de la production
culturelle du Québec, bien qu'au
total elle ne reçoive que 55 % des budgets de transferts du
ministère. J'évoque ce fait pour dire que pour une ville comme
Montréal, comme pour le Québec, 3 000 000 000 $ dans
l'activité culturelle pour la métropole, ça en fait un des
secteurs importants d'activité économique
génératrice d'emplois et de développement.
Et, si on regarde vers l'avenir, plusieurs éléments
laissent, à notre point de vue, présager une importance encore
croissante de la culture dans l'économie et dans le développement
social de Montréal. D'abord, la mutation de Montréal qui fait
d'elle une ville centrale qui privilégie les entreprises de haute
technologie, les activités de services dans lesquelles s'inscrit tout
naturellement la culture. De plus en plus, dans le positionnement des
entreprises, dans les facteurs de localisation des entreprises, dans la
capacité qu'ont les villes d'attirer des cerveaux dans une
économie centrée sur l'information, l'offre culturelle devient
une composante extraordinaire-ment importante.
D'autre part, dans l'espace compact du territoire du centre-ville, qui
abrite une concentration naturelle d'activités artistiques de talent, la
culture, de ce point de vue là aussi, devient, dans bien des cas, un
recycleur d'espaces, y compris de zones industrielles, un support important des
secteurs névralgiques de l'économie, notamment de l'industrie
touristique. La culture est un secteur d'activité qui dispose d'une
"entrepreneurial" prêt à vivre sans heurt les changements d'une
métropole .en rnutation, et je souligne que le secteur culturel est un
secteur en croissance: 38,7 % d'augmentation du nombre d'employés, de
1985 à 1987. Enfin, îa culture est un outil important
d'interpénétration des cultures, un ferment intégrateur,
un foyer d'identité essentiel pour une grande ville comme
Montréal, dans la mesure où on tient toujours en tête que
c'est cette ville, cette région qui accueille près de 90 % des
immigrants au Québec. Dans ce contexte, donc - et je veux terminer
là-dessus cette partie, je laisserai M. Biello peut-être
compléter un peu plus loin - la culture apparaît pour nous comme
une solution d'avenir pour la métropole. Je pense que cette
démonstration m'apparaît assez claire.
Je me permets juste d'ajouter que cet avenir de la métropole...
Comme métropole internationale, Montréal est à la fois, du
point de vue culturel, ville d'accueil et vitrine sur le monde. Sa
visibilité à l'échelle internationale lui permet de
contribuer au rayonnement de la culture. Comme métropole du
Québec - donc deuxième rôle, Montréal,
métropole internationale - Montréal est un relais obligé,
en synergie avec chacune des régions. Beaucoup d'artistes qui se
développent en région se servent de Montréal comme
tremplin pour essaimer sur l'ensemble de la société
québécoise et se projeter à l'échelle
internationale après coup. Comme, je dirais, ville régionale
à l'échelle de la région, l'offre cul- turelle de
Montréal est importante et, on le sait, une bonne partie des
utilisateurs et des utilisatrices de ce qu'on offre à Montréal
sont des gens qui nous proviennent de l'ensemble de la région et qui
bénéficient des infrastructures culturelles de
Montréal.
Et, enfin, je me permets d'ajouter qu'au niveau local, dans sa mission
purement municipale, la ville répond à une société
extrêmement diversifiée, une société vieillissante,
une société diverse sur le plan ethnique, une
société où il y a une polarisation des revenus, ce qui
nous amène à devoir traduire cette réalité par des
moyens de satisfaire des besoins culturels qui sont très
diversifiés et qui supposent forcément des investissements
importants. Et, à ce chapitre, je vais peut-être demander à
M. Biello de compléter un peu le tableau du point de vue de l'effort de
la ville dans le domaine culturel, pour finir sur les recommandations.
Le Président (M. Gobé): Alors, à ce
moment-là, je dois vous avertir, M. le maire et M. Biello, que le temps
qui vous était alloué est maintenant terminé, mais que par
consentement, si mes collègues l'acceptent...
M. Doré: Alors, écoutez...
Le Président (M. Gobé): ...nous pouvons
déborder quelques minutes; si ce n'est pas trop long,
écoutez...
M. Doré: Ce que je vais faire, M. le Président, si
vous permettez, de toute façon, vous avez en main le texte du
mémoire...
Le Président (M. Gobé): Non, mais M. Biello peut...
Allez. Quelques minutes, à condition que ce ne soit pas un autre dix
minutes, là. Allez-y, M. Biello.
M. Doré: Je vais plutôt passer aux recommandations;
je préfère qu'on échange. Alors, si vous me dites qu'on
est coincés, je vais juste rappeler qu'en ce qui concerne, je dirais,
l'offre culturelle à Montréal, la contribution de la ville, pour
le rappeler aux membres de la commission, 33 % de l'ensemble des
dépenses consenties par les municipalités du Québec au
chapitre de la culture sont consenties par la ville de Montréal, alors
qu'elle ne représente que 15 % de la population du Québec. Ces
chiffres sont tirés, bien sûr, du rapport Samson Bélair qui
a servi de point d'appui à la rédaction du groupe-conseil Arpin.
On rappelle notamment que le budget, à la ville de Montréal,
consacré au sens large à la culture - parce qu'on y inclut la
muséologie scientifique - correspond à 3,4 % du budget global de
la ville, sans tenir compte, bien sûr, de cette année, en 1992,
des sommes allouées au 350e ni des 17 000 000 $ qui, eux,
émargent au budget d'immobilisation de la ville, en soutien à
des équipements culturels. Si on distingue la muséologie
scientifique du budget culturel, ça ramène quand même
l'offre de la ville, l'effort financier de la ville dans le secteur culturel
à 2,6 % pour l'ensemble des réseaux de maisons de la culture, du
soutien aux entreprises comme du réseau des bibliothèques.
La ville participe, bien sûr, dans cet effort, à 55 % du
budget du Conseil des arts, qui a triplé au cours des dernières
années. Elle offre un soutien financier aux entreprises culturelles. On
travaille avec le milieu d'affaires dans le programme arts et affaires. On a
consenti des allégements fiscaux dont ont bénéficié
plus de 150 organismes. On a bien sûr, aussi, un certain nombre
d'équipements de diffusion. On pense notamment à ceux du Palais
de la civilisation et, bientôt, du concept d'archéologie de la
Pointe-à-Callières, sans parler de l'ensemble des
équipements scientifiques du Bureau du cinéma, du Bureau des
festivals, du Bureau de l'art public, du réseau des 12 maisons de la
culture, de la gestion du plus grand réseau francophone de
bibliothèques en Amérique, avec 23 bibliothèques de
quartier, un fonds, pour 25 langues différentes, qui dessert 48
bibliothèques publiques au Canada, un service de prêt à
domicile et aussi une aide particulière pour la lutte à
l'analphabétisme. Bref, tous ces projets entraînent, pour
Montréal, des coûts que nulle autre municipalité au
Québec n'a assumés, et qui sont ceux du rôle de la
métropole.
Conséquemment, et sur ce fond de scène là, je
glisse rapidement à l'étape des recommandations et je dirai que
nous recommandons au gouvernement du Québec, si je vais à
l'essentiel, d'abord que la culture devienne une priorité d'État;
que, dans la définition de ce qu'on appelle le domaine des arts et de la
culture, on intègre des éléments moteurs de la
création, dont les activités relatives aux nouvelles approches en
matière patrimoniale, y compris les éléments reliés
à l'architecture, au design, aux métiers d'art, à la
diffusion scientifique et aux nouvelles technologies; donc une version large de
ce que devrait être une politique culturelle, qui ne doit pas
nécessairement être concentrée dans un seul
ministère mais devenir un projet gouvernemental.
Une approche plus globalisante, ça ne se fait pas, bien
sûr, au détriment des enveloppes réservées aux
secteurs traditionnellement couverts par le ministère, notamment le
soutien à l'art et aux organismes culturels. Que la culture fasse sien
un des axes majeurs de ces politiques et intègre l'activité
culturelle aux stratégies et aux programmes de développement
social et économique. Au coeur des stratégies de
développement et de relance de la métropole, la culture doit
apparaître. Que, bien sûr, ça s'accompagne de moyens
financiers appropriés pour toute modification dans le partage des
responsabilités en matière culturelle avec les villes, la culture
devant faire partie, je dirais, de partenariats actifs entre le gouvernement et
les villes.
On souligne, en ce qui concerne les retombées de la loi 145, que
le gouvernement du Québec, éventuellement, dans l'application de
la taxe de vente au Québec et, donc, parce que ça constituerait
en quelque sorte une surtaxation du secteur culturel, que le gouvernement du
Québec consente une compensation financière pour les droits sur
les divertissements - champ qu'occupe la ville de Montréal, notamment,
depuis maintenant plus de 80 ans - ce qui permettrait de maintenir un effort en
matière de développement culturel, faute de quoi des villes comme
Montréal et d'autres se verraient peut-être obligées de
réévaluer leur stratégie en matière culturelle et
les efforts qu'elles y consentent, faute de financement. Que, bien sûr,
la recommandation faite lors des auditions sur la loi 145 devienne
réalité comme politique gouvernementale. On pense qu'il est
important d'avoir une commission spéciale sur le rôle de
Montréal comme métropole dans le Québec et son meilleur
arrimage avec les régions. Que, de ce point de vue là, il y ait
une reconnaissance par le gouvernement de Montréal comme
métropole culturelle, mais aussi que Montréal puisse avoir un
certain nombre de moyens financiers pour lui permettre, notamment, d'assumer
ses responsabilités dans le domaine, je dirais, des équipements
à caractère national et international. Qu'on s'engage à
soutenir plus adéquatement les artistes et à consolider les
organismes culturels à vocation nationale et internationale et, enfin,
qu'on fasse de l'inter-culturalisme un axe propre au développement
culturel de Montréal. (11 h 30)
Les deux dernières recommandations: On souhaite que, une fois
définie une politique culturelle large, il soit une priorité
d'État pour le gouvernement du Québec qu'une entente puisse lier
le gouvernement et sa métropole du point de vue du développement
culturel et qu'enfin, on puisse créer un lieu de concertation qui
réunirait l'ensemble des intervenants du milieu culturel de
Montréal pour mieux assurer un partenariat harmonieux avec le
milieu.
Je vous souligne simplement - et on conclut là-dessus - qu'en
1839 un certain lord Durham évoquait l'absence de culture sur le
territoire du Québec et que, 150 ans plus tard, un leader dans le
domaine artistique newyorkais, Joseph Mellilo célébrait la
culture québécoise non pas comme une espèce en voie de
disparation, mais comme l'une des cultures les plus originales de la fin du XXe
siècle et qui, l'année dernière, à l'automne 90,
était fêtée à New York sous l'égide du "Next
Wave, Next Door", le festival important qui s'appelait "New Currents from
Montréal". Donc, ces deux dates nous servent en quelque sorte de points
de repère, je pense, qui nous permettent de mesurer le chemin parcouru
dans la définition pour le Québec de son identité
culturelle, d'une culture qui soit partie à la limite de la survie
et
d'une autre qui soit maintenant une culture originale, forte, qui se
regénère à un rythme accéléré et qui
explose sur le monde. Si on veut continuer sur cette lancée, on pense
que le gouvernement du Québec doit faire des choix qui s'imposent et,
dans ces choix, on croit que, notamment, la métropole et son milieu
culturel sont d'indispensables, et je me permettrais d'ajouter:
d'incontournables acteurs.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
maire.
M. Doré: Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): C'est maintenant le temps
de passer peut-être au dialogue, aux discussions. Alors, nous allons
commencer par Mme la ministre des Affaires culturelles. Nous avons une
quinzaine de minutes encore car on va laisser dépasser un petit peu le
temps, étant donné que ce n'est pas tous les jours que la
commission de la culture peut recevoir le maire de Montréal et ses
assistants.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Bienvenue, M.
Biello, Mme Forget. Je vous remercie d'ailleurs d'être ici. Je pense que
le Sommet des grandes villes du monde qui vient de se terminer chez vous,
à Montréal, montre bien plutôt que notre métropole a
largement sa part comme ville internationale, spécialement à
l'heure où elle s'apprête à fêter son 350e
anniversaire.
Ça fait du bien aussi de parler de la métropole. On a
beaucoup parlé du rôle des 16 régions. Maintenant, nous
allons parler métropole comme, quand nous avons reçu le maire de
Québec, nous avons parlé de capitale.
Au point de vue culturel, vous avez fait aussi sortir votre
caractère particulier, c'est-à-dire celui d'une ville qui est
diversifiée à différents points de vue, notamment par les
multiples communautés ethniques qui l'habitent. Et on devient aussi de
plus en plus sensibles à cette réalité, et cette
réalité qui enrichit aussi notre culture
québécoise. On en a beaucoup parlé, plusieurs groupes qui
sont venus et plusieurs groupes qui vont venir aussi à cette commission.
Et parce que justement, c'est particulier, spécialement à
Montréal, j'aimerais vous parler de la problématique
multi-ethnique. Comment intervenez-vous, M. le maire, dans ce secteur à
travers le domaine culturel présentement et comment voyez-vous... On a
beaucoup parlé aussi du fait que la culture est le principal lien au
niveau des Québécois et des nouveaux arrivants. C'est le lieu
aussi ou, enfin, l'outil privilégié justement lorsqu'on parle
d'accueil, d'intégration. Et évidemment, au niveau de
Montréal et de la métropole, je pense que là c'est
vraiment le temps d'en parler.
M. Doré: Moi, je vais vous dire, Mme la ministre, que ma
réponse irait en deux temps. La première va être
liée au coeur de notre mémoire. Je suis profondément
convaincu que le meilleur outil dont on dispose pour faciliter
l'intégration, c'est de rendre la culture francophone attrayante,
dynamique et rayonnante. Personne n'est intéressé à
s'intégrer dans une société et adhérer à
cette société et à ses valeurs s'il estime, à
toutes fins pratiques, que ce à quoi il adhère, c'est quelque
chose qui est moribond ou qui n'a pas de rayonnement. Il n'y a pas de meilleur
impact du point de vue des communautés culturelles que d'avoir dans La
Presse, dans le Le Devoir ou dans The Gazette des articles qui
nous viennent de New York et qui nous disent, par exemple, que notre produit
culturel original est acclamé comme étant dans les grandes forces
de ce qui se fait dans le monde. Parce que c'est ce qui s'est dit. Berlin
était une capitale importante, un lieu de culture. Montréal en
est un. Il y a une synergie particulière. Et je dirais qu'un des
premiers éléments gagnants dans la capacité qu'on aura de
faciliter l'intégration, c'est de développer encore davantage
l'originalité, l'approche diversifiée et, en même temps, le
caractère de rayonnement. On veut s'intégrer à quelque
chose dont nous sommes fiers. Et je pense que, de ce point de vue là,
une politique dont la maîtrise d'oeuvre serait assurée par le
Québec est une composante essentielle.
Sur les autres aspects, ça se fait de diverses façons.
J'ai fait référence d'abord au réseau des
bibliothèques de Montréal dont certaines servent beaucoup
à alimenter 48 bibliothèques à travers le Québec.
Je l'ai fait non seulement à travers l'animation... d'abord et avant
tout, l'apprentissage de la culture se fait souvent par le livre et le savoir,
à travers les activités qui s'y déroulent et à
travers la programmation des maisons de la culture qui reflète de plus
en plus la composante multicul-turelle de Montréal. On organise de plus
en plus de spectacles qui mettent en valeur des artistes des communautés
culturelles, des produits culturels qui, souvent, nous viennent de
l'étranger, mais correspondent aussi aux besoins de nos propres
communautés. Donc, c'est autour, à la fois, de rendre attrayante
la culture de la majorité, de la faire connaître, de la valoriser
et de la diffuser et, en même temps, de mettre en valeur ce qu'on appelle
l'interculturalisme, c'est-à-dire l'enrichissement de la culture de la
majorité par l'apport d'autres cultures et son reflet dans notre
programmation du réseau des maisons de la culture qui est un
réseau de diffusion local, mais qui profite aussi à la
région. C'est autour de ces axes-là que nous travaillons à
favoriser une intégration culturelle par le biais du volet culturel.
Un dernier élément, peut-être et je pense que la
remarque est juste. Un peu comme l'environnement doit devenir, quand on en fait
une priorité gouvernementale ou municipale, un
élément horizontal et intégrateur, un peu la
même chose, l'interculturalisme et l'approche dans les priorités
d'action et de la réalité pluriculturelle et pluriethnique de
Montréal doivent devenir aussi un élément de la composante
de l'offre dans l'ensemble de nos services. Donc, on a adopté de ce
point de vue là non seulement une politique culturelle, mais des
politiques horizontales où ça se reflète dans divers
niveaux, de façon à développer aussi à travers tout
ça un sentiment d'appartenance à la ville et à ses
services, et en même temps au fait que le message est clair: Nous sommes
accueillants à des gens qui font le pari dans le respect, je dirais, de
la culture de la majorité de venir développer Montréal et
le Québec avec nous.
Mme Frulla-Hébert: Justement, quand on parle de gens,
j'aimerais aussi parler de l'accessibilité à la population. La
Conférence des évêques est venue présenter un
mémoire fort intéressant la semaine dernière, où on
a beaucoup parlé d'accessibilité, parce que, évidemment,
on a fait un parallèle avec la culture cultivée et aussi la
culture populaire, qui est si importante pour justement attirer. Parce que,
comme vous le dites, pour que la culture devienne une priorité
d'État, il faut aussi que cette priorité passe par nos
concitoyens et concitoyennes et qu'eux aussi y voient un enjeu de très
très grande importance.
Alors, quand on parle d'accessibilité, M. le maire, on voit aussi
que les activités culturelles, vous l'avez écrit, c'est un des
rares secteurs en croissance à Montréal. Comment peut-on joindre
nos efforts, les vôtres et les nôtres, justement, pour favoriser et
développer le goût de la culture du reste de notre population?
Vous avez parlé des maisons de la culture. Vous avez dit au niveau des
infrastructures, par exemple, que force est d'admettre, même s'il reste
des choses à faire, qu'il y a eu de gros efforts de faits depuis 1985,
non seulement au niveau muséal, mais aussi au niveau de diffusion. Oui,
il y a des projets maintenant que nous allons terminer avec les
différents groupes et compléter. Mais à part ça,
question d'accessibilité, tout n'est pas accessible non plus, alors
comment on fait, nos actions communes?
M. Doré: Si vous fartes référence à
la présentation, du moins à ce que j'en ai lu, qui était
celle des évêques et qui disait dans le fond:
Les gens les plus démunis de notre société n'auront
jamais en quelque sorte accès à la culture d'une certaine
façon... Enfin, j'avais compris...
Mme Frulla-Hébert: La conscientisation.
M. Doré: Oui, c'est ça.
Mme Frulla-Hébert: Eux parlaient de partir avec la
conscientisation. Parce que, même dans votre mémoire, vous dites
que la culture joue un rôle social et c'est d'autant plus vrai aussi pour
Montréal, quand on regarde les poches de pauvreté et qu'on
regarde certains quartiers qui sont difficiles.
M. Doré: C'est pour ça qu'on a mis tant d'efforts
dans toutes sortes de programmes qui permettent, comment dirais-je? de
renouveler les auditoires en ciblant d'abord et avant tout les jeunes là
où ils sont. À la Ville de Montréal, ça se traduit
par d'abord, bien sûr - pas juste le réseau, mais il est important
- par les 12 maisons de la culture. Et, quand on parle de maisons, ce n'est pas
toujours des lieux physiques; souvent, on a cette notion de
réappropriation de lieux éclatés, mais où on
organise une offre culturelle, aussi bien dans le domaine de l'art visuel, de
l'art d'interprétation, dans des programmes qui s'adressent
spécifiquement à des plus jeunes, à des publics jeunes. On
le fait à travers l'ensemble de la programmation dans les parcs aussi
à travers l'usage du théâtre, de la roulotte et ainsi de
suite qui permettent de le faire. On a réorganisé les programmes
du Conseil des arts de façon qu'à l'extérieur du
centre-ville de Montréal des institutions importantes, y compris
l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal, donc de la musique
de chambre aussi bien que des grands ensembles, mais pas juste de la musique,
le théâtre également, puissent rejoindre les publics
là où ils vivent, là où il se trouvent, et
très souvent à faible coût, pour ne pas dire gratuitement,
parce que le réseau art et culture est gratuit.
Dans tout l'ensemble des bibliothèques, j'ai glissé
rapidement sur l'effort qu'on fait en matière d'alphabétisation.
Même si techniquement l'éducation ne relève pas du tout du
domaine municipal et qu'on ne finance pas avec des taxes foncières, on a
quand même mis en place dans nos bibliothèques des gens, avec non
seulement des volumes et toutes les séries de collections
adaptées aux analphabètes fonctionnels, on a mis des animateurs
qui travaillent en lien avec les groupes communautaires et les gens du
quartier. Parce qu'on ne peut pas parler de culture si, d'abord, les gens sont
"aculturés" au sens où ils n'ont même pas la
capacité de pouvoir lire et satisfaire ce besoin fondamental de savoir.
Et, conséquemment aussi, ça se reflète chez les enfants.
Donc, c'est autour de cette approche et de cet environnement qu'on est en train
de conclure avec la CECM davantage de liens du point de vue des
bibliothèques scolaires aussi, de façon à compléter
l'effort que l'on fait. Donc, de créer un environnement qui va
permettre, je pense, de faire que la culture, même en région
difficile et dans des quartiers où la population vit une situation de
marginalité où les taux de dépendance sociale sont
intolérables et trop importants, que même dans ces
quartiers-là
l'offre culturelle et la capacité qu'ont les jeunes, notamment -
parce que c'est eux l'avenir, c'est sur eux qu'il faut viser - qu'ils puissent
avoir accès et développer l'habitude d'aller aux
bibliothèques, de participer aux spectacles et d'avoir accès
à ces éléments-là. Donc, c'est un peu cette
stratégie qui nous permet d'y arriver.
Mme Frulla-Hébert: Mais je reviens encore au
mémoire, et je vais passer la parole à mon collègue. Ce
qui veut dire que vous croyez profondément que la culture est l'outil
essentiel comme remède, si on veut, à certains problèmes
sociaux.
M. Doré: Moi, je pense que la culture... C'est pour
ça, quand on dit une priorité, et doit constituer pour le
gouvernement un axe de développement comme le sont le
développement économique et le développement social.
L'individu dans notre société forme un tout et la culture, la
capacité de connaître, de faire l'apprentissage de connaissances,
de s'ouvrir à d'autres réalités, c'est un instrument
d'épanouissement fondamental, je dirais, au même titre que de
pouvoir être autonome et prendre ses décisions sur le plan du
travail ou sur le plan personnel. Et, en ce sens-là, les efforts qui ont
été faits vont précisément à
démocratiser la culture. C'est pourquoi aussi, je me permets de le
souligner, je suis très sensible à ce que les régions
viennent ici en cette commission dire: On doit, nous aussi, avoir des lieux de
diffusion, mais on doit aussi être reconnues comme des lieux de
création. Et je comprends parfaitement ça. La culture est un
droit. L'accessibilité doit être la plus large possible et elle
doit pouvoir rejoindre le public québécois là où il
est, et il n'est pas juste... C'est vrai que Montréal est une ville
importante, mais qu'est-ce que vous voulez, le fait est qu'il y a 3 000 000 sur
à peu près 6 250 000 qui vivent dans l'agglomération, la
région de Montréal. Il n'y a pas beaucoup d'États
nationaux que je connaisse dans le monde où plus de 50 % de la
population vit dans un rayon de 35 kilomètres de Peel et
Sainte-Catherine. C'est le cas au Québec. On ne peut pas changer
ça, c'est ça la réalité. Utilisons-la comme
force.
Je me permets juste de le souligner, j'étais aux
Îles-de-la-Madeleine l'été dernier. J'ai vu un groupe qui
s'appelle Suroît. Suroît est un groupe extraordinaire qui a
renouvelé le genre traditionnel avec une approche extrêmement
créatrice. Bien, ce groupe-là était en première
partie de Gilles Vigneault qui, lui aussi, est un artiste de la
Côte-Nord, et qui jouait sur une scène de Montréal. Et ce
groupe-là va peut-être faire partie éventuellement des
fêtes de la francophonie et va se faire connaître. C'est un
produit. Il faut que les Madelinots puissent avoir des lieux d'expression au
même titre que n'importe quel autre. Donc, la responsabilité du
gouvernement de ce point de vue là, ce n'est pas de dire:
Montréal en a trop, donc on va en mettre plus dans les
régions. Ça serait une catastrophe, parce que les Laurence
Jalbert, des groupes comme ceux-là, au même titre que l'ensemble
des artistes, les Lepage, enfin, tous ces gens qui se sont d'abord
développés, tout le théâtre pour l'enfance qui est
davantage reconnu malheureusement à l'étranger et qui est souvent
plus vu à l'étranger qu'il n'est vu au Québec, tout
ça c'est un produit pas juste de Montréal, des régions. La
créativité n'est pas juste concentrée dans la
métropole, mais la métropole a une densité et un
rayonnement, à cause de ses instruments de diffusion, à cause de
la radiotélédiffusion qui est essentielle à ce que les
artistes émargent. Et, après coup, il faut qu'ils puissent se
projeter sur l'international. Donc, on ne peut pas avoir une politique
culturelle qui diminue le rôle de la métropole en disant: On va se
renforcer. Non, on va empêcher nos artistes de rayonner et il faut qu'ils
puissent rayonner, y compris à l'étranger.
Je pense qu'il n'y pas de doute qu'en bout de ligne il va falloir mettre
plus de ressources quelque part, si on en fait une priorité. Et,
à mon point de vue, c'est la décision que le gouvernement va
devoir prendre. (11 h 45)
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. M. le maire, c'est là le député de LaFontaine et
non le président qui va vous parler. Il me fait plaisir de vous
accueillir, vous êtes mon maire. J'écoutais avec attention votre
présentation, j'ai lu votre mémoire depuis que je l'ai en ma
possession. Il y a une question qui me revient tout le temps, M. le maire,
c'est quand vous parlez d'accessibilité, rapprochement des
activités culturelles de la population, diffusion de la culture. Des
beaux mots, des mots que je partage, avec lesquels je n'ai aucune
difficulté à vivre lorsqu'ils viennent du maire de ma ville. Mais
force est de constater que, dans certains quartiers, certaines régions,
l'accessibilité n'est pas encore là: maison de la culture,
bibliothèque. Et probablement que vous savez où je veux en venir,
je parle en particulier de la bibliothèque de
Rivière-des-Prairies, je parle de la Maison de la culture de
Pointe-aux-Trembles. Vous vous souvenez sans doute qu'il y avait une entente
qui avait été faite, dans le temps, avec le ministre de
l'Éducation et la ville pour faire une bibliothèque adjacente
à l'école secondaire de Rivière-des-Prairies. On a
préféré mettre fin à cette entente pour promouvoir
la bibliothèque d'un centre d'achats. Le centre d'achats a fait
faillite, la bibliothèque n'est toujours pas là. Pendant ce
temps-là, les gens, les jeunes, les enfants, les personnes
âgées de Rivière-des-Prairies font la queue devant un
minibus comme dans les années cinquante dans les campagnes d'où
on vient à peu près tous, moi, de France, vous probablement du
Québec, dans la "slush" l'hiver et...
M. Doré: Si vous me permettez...
Le Président (M. Gobé): Je n'ai pas fini, M. le
maire. Si vous le permettez...
M. Doré: Non, non.
Le Président (M. Gobé): ...et je trouve qu'à
l'aube de l'an 2000, dans une ville qui n'a pas peur de mettre des millions de
dollars pour rénover le Vieux-Montréal... On voit des sommes de
34 000 000 $ pour un kilomètre de granite sur la rue de la Commune. Je
trouve ça très bien, je n'ai rien contre ça, mais est-ce
que les priorités ne devraient pas être mises plus près de
la population? Est-ce qu'on rie devrait pas, avant de mettre ces sommes
d'argent dans ces gros investissements, faire en sorte que
Rivière-des-Prairies ait une bibliothèque, que les enfants
arrêtent d'attendre dans la "slush" et sentent l'odeur des livres dans
une bibliothèque et que la Maison de la culture de Pointe-aux-Trembles,
qui est retardée pour une autre année, se fasse?
Je comprends qu'il y a d'autres priorités, je comprends qu'il y a
des urgences qui sont là, mais je me demande, M. le maire, quand on lit
votre énoncé de politique, si, pour être cohérents,
on ne devrait pas faire en sorte que les citoyens de
Rivière-des-Prairies, qui paient des taxes très importantes,
puissent avoir très rapidement leurs infrastructures culturelles. Parce
que la bibliothèque, c'est la base de la connaissance; s'il n'y a pas de
connaissance, il n'y a pas de culture. Quand même on ferait les plus
beaux mémoires, tout le monde, il n'y en aura pas, de culture. Et vous
l'avez dit vous-même, c'est important que les gens commencent à
lire; mais, pour leur apprendre à lire, encore faut-il qu'il y ait une
bibliothèque. Vous pouvez parler, M. le maire.
M. Doré: D'accord. Alors, je veux juste peut-être
corriger deux ou trois petites choses. Premièrement, et je vais
commencer par ça, si vous avez lu le mémoire, vous allez
comprendre que le patrimoine, ça fait aussi partie d'une notion large de
la culture. Et contrairement à ce que vous venez d'affirmer, ce qui est
faux, ce n'est pas 34 000 000 $ pour un kilomètre de granite, c'est un
projet d'ensemble qui, quand il sera réalisé sur la plus
importante artère historique en Amérique du Nord, la rue de la
Commune, le plus bel ensemble d'immeubles du XIXe siècle, oui, va
remettre en valeur le plus grand quartier historique en Amérique du
Nord. Quand ce sera complété, au complet, ça aura
coûté ça. Auquel projet le ministère et la ville
sont partenaires à 50 % parce que les deux considèrent que la
revalorisation du patrimoine, c'est non seulement un acquis pour les
générations actuelles, mais surtout pour les
générations futures. Il n'y a pas de culture, dans notre
société, s'il n'y a pas de mémoire et sans histoire. Ce
qui se fait actuellement, c'est un premier tronçon qui est en place et
qui sera terminé pour l'an prochain, et qui va permettre de continuer
à revitaliser un secteur historique qui ne l'a pas été
suffisamment dans le passé.
Je vous souligne que l'entente MAC-ville, entre le ministère des
Affaires culturelles et la ville de Montréal, a été un
instrument levier qui s'est traduit par 800 000 000 $ d'investissements dans le
Vieux-Montréal, quartier auquel on avait historiquement tourné le
dos dans le développement de la ville et qui n'appartient pas seulement
aux touristes, mais à tous les Montréalais et
Montréalaises et à tous les Québécois et
Québécoises: il fait partie de notre patrimoine. Alors, si vous
me dites que cela, ce n'est pas faire du travail culturel, c'en est et ce ne
sont pas les chiffres que vous venez de citer. Alors, laissons faire la
démagogie facile à laquelle se livre trop facilement, je me
permets de le dire, une certaine presse, pour venir... Ce sont des
investissements dans le dur et on en fait d'autres.
Dans le cas de Rivière-des-Prairies, vous savez pertinemment que
la ville de Montréal avait conclu une entente avec un
développeur. Les contrats étaient signés pour installer
une maison de la culture complète, avec une bibliothèque, un lieu
de diffusion, dans un centre commercial qui a malheureusement fait faillite. Je
ne suis pas responsable de la situation. Au moment où on se parle,
construire dans le dur une nouvelle maison de la culture, c'est un
investissement qui, actuellement, s'évalue avec un lieu de diffusion
adapté aux normes scénographi-ques modernes et des lieux
adaptés pour la diffusion des oeuvres dans le domaine de l'art visuel et
une bibliothèque, quelque chose qui s'évalue entre 10 000 000 $
et 12 000 000 $. Nous n'avons pas, actuellement, dans le budget municipal, 10
000 000 $ à 12 000 000 $ à mettre dans le quartier
Rivière-des-Prairies pour cette année. Parce qu'il faut bien
comprendre qu'on a aussi d'autres affaires à assumer, y compris des
factures dans le transport en commun. Parce qu'on va continuer à
desservir le quartier de Rivière-des-Prairies en transport en
commun.
Conséquemment, on va poursuivre l'effort, mais je vous ferai
remarquer que, actuellement, nous sommes seuls. Il fut un temps où les
maisons de la culture, quand elles se sont développées, le
gouvernement du Québec avait un programme d'appui. Il n'y en a pas plus.
Ce sont des décisions purement locales financées par des taxes
foncières. Ça va venir. Vous avez raison d'être impatient.
Je suis tout à fait d'accord que l'fdéal devrait être que
le quartier de Rivière-des-Prairies soit desservi, et il le sera. Le
contexte à la fois, je dirais, d'abord de l'échec du projet
auquel nous nous étions ralliés et qui faisait bien l'affaire des
gens de Rivière-des-Prairies, parce que bien situé, et bien
l'affaire des développeurs locaux, parce qu'il s'agissait d'un appui
à un projet important qui, sur le plan économique, avait des
retombées positives, la
conjoncture a fait que le projet n'a pas pu décoller. Ça
va se faire.
Mais faites attention de ne pas mêler les choses. La notion de la
culture, les investissements qu'on concentre notamment dans le patrimoine font
partie non pas d'une notion de ce qu'on appelle les arts mais de la culture au
sens large et c'est important aussi pour maintenir la mémoire de
l'histoire qui est une composante dans l'évolution de toute
société, une composante essentielle de son oeuvre culturelle.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire.
Une rapide réponse parce que je ne veux pas faire perdurer ce
débat. Simplement vous dire que le patrimoine m'intéresse aussi,
mais c'est une question de priorité. Lorsqu'il y a des gens qui n'ont
pas de bibliothèque, je crois qu'on devrait regarder s'il n'est pas plus
prioritaire de la leur donner et de mettre plus loin ou plus tard
peut-être ces grands projets de revitalisation du patrimoine...
M. Doré: Ce ne sont pas des grands projets...
Le Président (M. Gobé): Si vous permettez, M. le
maire, je vous ai laissé parler, vous allez me laisser terminer. En ce
qui concerne maintenant l'entente avec les promoteurs, je pense que si
l'entente qui avait prise dans le temps avec les autorités scolaires de
Montréal pour faire la bibliothèque avec l'école
secondaire, qui a été terminée il y a deux ans, nous
aurions une bibliothèque. En plus de ça, le ministre de
l'Éducation, M. Ryan, était prêt à participer pour
un montant de 700 000 $ pour y collaborer. Et je trouve dommage que, pour
favoriser un développeur et même si je le connais bien, on ait mis
de côté ce projet de mettre la bibliothèque avec
l'école secondaire, et c'était là le voeu des citoyens et
du comité de vigilance de Rivière-des-Prairies.
Ceci étant dit, M. le maire, je comprends que vous avez
l'ensemble de la ville, vous, à représenter, et le
Vieux-Montréal est dans votre ville. Moi, je suis le
député de Rivière-des-Prairies, dans l'est de
Montréal, et je me dois de défendre...
M. Doré: M. le Président, c'est que...
Le Président (M. Gobé): ...prioritairement les
intérêts des gens de Rivière-des-Prairies et de l'est de
Montréal.
M. Doré: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce
n'est pas parce qu'il n'y a pas un lieu physique qui s'appelle "maison de la
culture", qu'il n'y a pas d'offres culturelles dans
Rivière-des-Prairies. Il y a un agent culturel, il y a des spectacles
qui s'organisent aussi bien au collège Marie-
Victorin que dans d'autres lieux de diffusion. Il y a une offre
culturelle dans Rivière-des-Prairies malgré l'absence de lieux
physiques. C'est vrai que, à l'époque, quand l'opportunité
s'est ouverte de pouvoir installer dans un centre commercial largement
fréquenté, bien desservi par le transport en commun, à
moindre coût que de construire un équipement neuf, une large salle
de diffusion, on a fait le choix, à l'époque, d'investir dans un
autre équipement manquant à Rivière-des-Prairies qui
était une piscine, un centre aquatique dont vous pouvez être fier,
je pense. On aurait pu faire Iles deux. Au lieu de faire un équipement
de 12 000 000 $ dans le dur, on a fait une pisciine à 9 000 000 $ puis
on faisait une maison de la culture à 3 000 000 $ et vous aviez le
meilleur des deux mondes. Le malheur a voulu que, dans le deuxième cas,
la conjoncture économique l'a empêché. On va le reprendre;
ce n'est que retardé. Ce n'est pas remis aux calendes grecques et c'est
possible. J'ai dit tantôt qu'on est en train de négocier avec les
commissions scolaires une meilleure approche au point de vue des
bibliothèques dans la rationalisation et dans l'approche. Ce
projet-là n'est pas mort, c'est possible de le revitaliser. Mais je vous
dis simplement: Ne concluez pas pour autant que le quartier de
Rivière-des-Prairies est complètement
dépossédé de toute offre culturelle puisqu'il y a une
programmation éclatée dans divers lieux, mais une programmation
dans le secteur culturel qui existe dans ce quartier comme dans d'autres.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
maire. Je j prends bonne note de votre intérêt pour le i
développement futur d'une bibliothèque et d'une maison de la
culture...
M. Doré: Cela dit, on pourrait peut-être
élargir le débat à l'ensemble du Québec.
Le Président (M. Gobé): ...dans
Rivière-des-Prairies. Maintenant, je passe la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le maire, Mme ma conseillère municipale -
on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer, vous le comprendrez - M.
Biello, heureux de vous accueillir. Oui, effectivement, l'ancien gouvernement,
au début des années quatre-vingt, avait décidé du
rapatriement en centre-ville de Montréal du Musée d'art
contemporain, l'agrandissement du Musée des beaux-arts, la
création des maisons de la culture et je suis en mesure, M. le maire, en
regardant la maison de la culture Frontenac, de vous dire quel rôle
essentiel elle joue dans la revitalisation d'un quartier
défavorisé. Et Mme la conseillère pourrait faire
exactement la même remarque pour celle du Plateau-Mont-Royal auquel va
souscrire d'ailleurs mon collègue député de Mercier et
ancien ministre de, la culture. Mais le moratoire imposé en 1985 p|ar
Mme Bacon fait en sorte
que - puis vous avez bien fait de le dire -Montréal est
privée d'institutions importantes et qui lui sont utiles,
nécessaires, je dirais même imperatives: une maison de l'Orchestre
symphoni-que, une vraie maison du théâtre pour enfants, une vraie
maison de la danse, un musée de la science et de la technologie et de
l'industrie.
Je pense que Montréal est un lieu de création mais, une
fois que l'oeuvre est créée, il faut la produire; l'artiste ou
ses interprètes a besoin de lieux appropriés. Et, Montréal
a besoin de ces lieux appropriés. Et, quand on donne à
Montréal, il faut s'enlever de l'idée - parce que c'est un
discours que j'entends - que lorsque l'on donne à Montréal on
enlève à l'ensemble du Québec. Ceci est totalement faux.
Et, vous l'avez bien exprimé, M. le maire, nous sommes à
Montréal heureusement dans une situation de monopole au niveau
international et au niveau continental. Nous avons une ville francophone, une
ville francophone avec plusieurs accents, avec un bassin immense qui ne demande
qu'à venir chez nous voir ce que nous produisons. Et regardons le
succès des grandes manifestations culturelles à Montréal
actuellement.
Ceci étant dit, vous êtes aux prises - et je ne vous
l'apprends pas - avec les conséquences de la réforme Ryan dans le
secteur du transport en commun. Au moment aussi où on retarde encore le
dépôt d'un plan de relance pour Montréal, je vous
comprends, à ce moment-ci, je vous comprends de dire que Montréal
n'acceptera pas que la culture fasse l'objet d'un délestage de la part
du gouvernement.
J'aimerais, M. le maire, vous entendre un peu plus sur l'impact de la
perte des revenus de la taxe d'amusement sur les produits culturels, les
manifestations culturelles, quant à la capacité financière
d'assumer l'ensemble de vos responsabilités en matière
culturelle.
M. Doré: Bien, j'ai souligné dans l'intervention
que les droits sur les divertissements sont une source de financement que la
ville de Montréal utilise depuis maintenant, je pense, 80 ans. Elle a la
caractéristique, et ça décrit une autre
réalité de la ville-centre, c'est que la ville-centre a des
institutions qui servent bien la périphérie. Et donc beaucoup de
gens de la rive nord ou de la rive sud viennent consommer le produit culturel
au centre-ville de Montréal, ce qui est excellent. Je pense que c'est le
rôle qu'une métropole, le coeur d'une région
métropolitaine, doit jouer. 50 % des droits sur les divertissements sont
payés par des non Montréalais, ce qui, en quelque sorte aussi,
est une mesure d'atténuation des efforts fiscaux supplémentaires
que doit assumer une ville-centre lorsqu'elle dessert l'ensemble d'une
région.
Donc, il s'agit là pour nous de sommes importantes. On parle de 9
000 000 $ dans le seul secteur culturel et dans les bonnes années
ça peut monter à 11 000 000 $. Et bien sûr, à partir
du moment où les gouvernements supérieurs, d'abord le
gouvernement fédéral avec la TPS, maintenant la décision
gouvernementale d'envahir le champ du secteur des services culturels par le
biais d'une nouvelle taxe, eh bien, nous, on a toujours perçu qu'il
s'agissait là d'un champ qu'on occupait déjà. Si le
gouvernement décide, pour des raisons qui sont les siennes et qu'on peut
respecter, de l'envahir, bien ça constituerait en quelque sorte... C'est
clair que, si on la maintient, les villes, les industries culturelles, les
organismes culturels ne peuvent pas continuer à supporter 26 %. Je me
permettrais d'ajouter que même les organismes de type, aussi bien de
l'offre dans le domaine sportif que de l'offre dans le domaine des foires et
ainsi de suite, personne ne peut continuer à survivre avec sur le billet
26 % au départ qui s'en va en ristourne aux trois niveaux de
gouvernement.
Alors, on a émis, je dirais, non seulement le souhait, mais
l'exigence d'une certaine façon que si le gouvernement décide
d'imposer la TVQ à l'ensemble du secteur culturel, bien, que le
gouvernement puisse, à même ces nouvelles sources de revenu qui
seront importantes, compenser les villes pour les pertes et le manque à
gagner de façon à ce que les villes puissent continuer à
maintenir leur effort.
Le culturel, aussi fondamental soit-il, demeure quand même - on
pourra le dire, nonobstant l'importance qu'on y accorde, et Dieu sait si la
personne qui vous parle y croit - mais si, éventuellement, les choix
sont entre ça et des fonctions encore plus fondamentales quant à
ce qu'une ville doit fournir comme services à ses citoyens, à un
moment donné, je veux dire, on est obligés de revoir nos
obligations et nos engagements. Ou, comme on l'a dit souvent, on ne conservera
que ce qui est purement local et en essayant de dire: Bien, tout ce qu'on fait
qui, dans le fond, renforce les institutions à caractère national
et international, qu'on contribue financièrement à donner un coup
de main au Cirque du soleil et à assurer sa diffusion, qu'on puisse de
temps en temps, à l'ensemble des organisations qui organisent des
festivals à Montréal et des activités culturelles, y
contribuer, bien ça, éventuellement on remettra ça en
cause. On ne pourra pas continuer. (12 heures)
Alors, je pense que c'est simple. Ce qu'on a dit, c'est que si le
gouvernement maintient la TVQ, les villes - pas juste Montréal -
Montréal, la capitale, Québec... Evidemment, Montréal est
la grande perceptrice pour à peu près 80 % des droits sur les
divertissements. On a besoin de ces sommes-là pour maintenir notre
effort dans le milieu culturel et il serait possible de convenir d'une entente
par laquelle le gouvernement qui envahit le champ puisse compenser. Il ne peut
pas y avoir... En fait, on peut assimiler ça, s'il n'y avait pas de
compensation, à une certaine
forme d'expropriation sans compensation. On se fait exproprier d'un
champ de fiscalité qu'on occupe depuis 80 ans, il me semble qu'il
devrait y avoir une compensation si, au demeurant, on veut que les villes
continuent à maintenir un effort dans le domaine culturel.
M. Boulerice: M. le maire, vous avez fait état des forces
de la culture à Montréal mais, à l'inverse, vous avez
dû, nécessairement, relever certaines faiblesses et vous parlez de
l'insuffisance du soutien accordé aux artistes, le sous-financement de
quelque 1000 organismes culturels montréalais et, je vous cite bien,
"souvent jeunes, fragiles et de petite taille". La fin dudit saupoudrage
va-t-elle signifier, à brève échéance, la
disparition de ces organismes "jeunes, fragiles et de petite taille"?
M. Doré: Moi, je pense qu'il faut travailler... Je ne
parlerais pas de ça. Moi, je parlerais plutôt de consolidation.
Dans les jeunes organismes, qu'on dit jeunes et fragiles, ce qui est bien
souvent la réalité, dans bien des cas, il y a aussi de
l'excellence. Dans bien des cas, il y a beaucoup d'originalité. Dans
bien des cas, ce sont des gens qui sont en train de renouveler les genres et,
conséquemment, c'est beaucoup plus important pour nous que dans toute
politique... Et là je pourrais peut-être - je sais que le temps va
s'écouler rapidement - passer un dernier message: Si on veut faire de la
culture une priorité d'État, si on veut faire du gouvernement du
Québec le maître d'oeuvre d'une politique culturelle pour le
Québec et le faire dans le contexte d'en faire un axe de
développement aussi fort que le développement social ou
économique, je l'ai dit tantôt, il va falloir y consentir des
ressources. Pas pour créer des immenses machins, des superstructures,
des bureaucraties, pour soutenir les créateurs et les organismes
culturels, les entreprises culturelles.
Et, en ce sens-là, c'est clair que ce que l'on souhaite, c'est de
voir davantage de ressources consacrées, parce qu'elles sont payantes et
socialement et économiquement. C'est un dollar bien investi, le domaine
de la culture. Il a un effet générateur incroyable. Parce que le
secteur culturel est, par définition, à forte utilisation de
main-d'oeuvre, ça a des dividendes extraordinairement importants sur
l'ensemble de l'économie et ce n'est pas une dépense au sens
où on l'a... On a toujours pensé que la culture, c'était
une affaire qu'on devait subventionner et que, dans le fond, on subventionnait
des pauvres qui n'avaient pas le moyen de se donner des jobs. On a souvent
perçu la culture en disant: Comment ça se fait? C'est une
"business". Ça devrait marcher comme une "business". Ce n'est pas vrai.
Ça ne marche pas comme une "business". On ne peut pas tester un produit
culturel comme on teste une nouvelle soupe sur le marché. Ça ne
marche pas de même. Par défini- tion, on essaie. Et le
créateur développe quelque chose et le public marche ou ne marche
pas et les critiques accueillent ou n'accueillent pas, et tout à coup,
oups! il y a quelque chose qui, effectivement, devient novateur, une nouvelle
façon de faire les choses et ça attire des gens. Ça ne
peut pas toujours se rentabiliser comme au sens classique du terme mais
ça se rentabilise socialement et économiquement sur le long
terme.
Moi, je pense que là-dessus, si j'avais une dernière
recommandation à faire, c'est qu'il y a une ressource, la voir sous
l'angle d'investissement. Faites les études d'impact économique
de l'activité culturelle sur le territoire du Québec et vous
allez vous rendre compte que bien souvent le gouvernement, par la poche de
gauche, récupère pour beaucoup, largement ce qu'il a
distribué par sa main droite.
Le dernier élément, c'est que, si on veut garder le plus
possible les sommes disponibles pour la culture pour qu'elles aillent là
où elles doivent aller, personnellement - et là j'exprime une
opinion qui m'est personnelle, ce n'était pas dans le mémoire -
je pense qu'on doit miser sur la créativité, sur un peu les
ressources du milieu, sur l'excellence du milieu et sur le
bénévolat du milieu. Et je préfère,
personnellement, un organisme redistributeur de type conseil des arts qui
permet de diminuer les sommes consacrées à l'administration,
à la bureaucratie et davantage d'affecter des sommes directement au
soutien, comme approche. Ça ne veut pas dire que le ministère des
Affaires culturelles ne doit pas continuer d'avoir un rôle. Le
ministère, du point de vue des services, du soutien à
l'entreprise, de la diffusion, des équipements, est un organisme
essentiel. Mais, quand il s'agit de soutenir les arts, les organismes, j'ai une
approche personnelle qui va davantage... Et l'expérience qu'on a
à Montréal est un peu celle-là avec le Conseil des arts de
la Communauté versus la CIDEC chez nous. La CIDEC est un service
municipal qui fournit des services: un peu de subventions, de soutien
financier, de soutien de services, qui organise, qui se met en lien avec
d'autres services aussi bien pour le cinéma que pour n'importe quelle
activité et grand festival, qui coordonne, soutient, facilite le support
technique, financier, mais c'est le Conseil des arts qui soutient le secteur
culturel du point de vue des arts et de la création et des organismes.
Bon, il y a encore beaucoup de travail à faire pour en faire un
organisme performant mais c'est le milieu qui, bénévolement,
l'anime. C'est les jurys du milieu qui peuvent déceler à travers
tout ça. Je demeure toujours prudent. Une priorité d'État
de la culture ne veut pas dire une culture d'État. La culture, par
définition, c'est lié à la liberté d'expression.
L'originalité de notre culture, c'est qu'elle s'est justement librement
exprimée. Il faut conserver cet atout, le soutenir et le consolider.
C'est comme ça que j'aurais tendance à vouloir répondre
à votre question.
M. Boulerice: Je souscris à votre point de vue. Vous
recommandez que le ministère des Affaires culturelles conclue des
ententes avec Montréal, lui permettant d'assumer sa vocation de
métropole culturelle. Est-ce que vous pourriez être plus explicite
sur la nature des ententes que vous souhaitez conclure? Je ne sais pas, moi,
est-ce que ça s'appuierait un peu sur le modèle de l'entente de
la mise en valeur du Vieux-Montréal?
M. Doré: Est-ce que ça serait, vous dites...
Excusez-moi?
M. Boulerice: Quand vous parlez d'ententes pour mieux assumer la
vocation de métropole, ce type d'ententes, est-ce que vous croyez que
ça s'appuierait un peu sur le modèle de l'entente qui existe
actuellement sur la mise en valeur du Vieux-Montréal?
M. Doré: Oui. Je pense que là-dessus c'est un peu
différent. Dans le cas de la mise en valeur du Vieux-Montréal, on
travaille dans de la pierre. On faisait référence au granite,
tantôt. Il y a un mythe, actuellement au Québec, comme si le
granite, on faisait venir ça de la planète Mars ou que
c'était du marbre de Carrare qui nous venait d'Italie. Ça demeure
un matériau noble qui est fait au Québec et qui fait travailler
les Québécois. Cela dit, on travaille dans du dur, on travaille
dans ce qui est la mission de la ville de réparer des rues, de retaper
des édifices et de services. Et, dans ce sens-là, il y a une
contribution qui est 50-50.
Quand je parle d'une entente du point de vue culturel, ce qu'on souhaite
comme partenariat, je pense que dans l'ensemble des missions que sont celles de
la ville - locales, régionales, nationales et internationales - dans
l'ensemble de l'analyse de nos priorités, du point de vue aussi bien des
équipements que de la diffusion, je pense qu'il est utile de
développer un partenariat, de nous entendre sur des priorités, de
mieux les gérer ensemble et de pouvoir être capables de mieux
répartir les responsabilités. La ville de Montréal, tant
qu'elle aura les ressources fiscales qui sont les siennes et qui sont
essentiellement foncières maintenant - on a été
complètement évacués de la taxe de vente et on n'a que des
sources foncières pour financer - ça limite la marge de
manoeuvre.
Évidemment, si, une journée, le gouvernement du
Québec décidait de faire, je ne sais pas, comme la Saskatchewan a
fait avec Winnipeg, lui donner des mandats additionnels, en disant: On va te
donner un ou deux points d'impôt pour les satisfaire, ça change la
donne quant au niveau de contribution et au soutien, y compris dans le domaine
culturel ou dans des problématiques sociales. Mais on n'en est pas
là. Alors, on est assez prudents de ce point de vue là. Mais je
pense que, oui, il serait important de pouvoir en arriver à des ententes
pour dire: Dans le domaine de tel type d'équipements, c'est, bien
sûr, une intervention - une fois, bien sûr, que le gouvernement a
fait de la culture une priorité d'Etat et qu'il y a une politique
culturelle à l'intérieur de laquelle on peut s'insérer -
de définir un partenariat qui reconnaisse d'abord à
Montréal son rôle de métropole et de diffuseur important
sur le plan national. Et qu'il puisse dire: On va s'entendre, d'abord, pour
privilégier et accentuer sur, je dirais, l'excellence artistique. On va
s'entendre pour consolider. On va mettre de l'ordre du point de vue des
équipements et on va les "prioriser. " On ne va pas tous les faire en
même temps, on n'a pas toutes les sommes, mais on vit tous sur la
même planète et on est tous les mêmes payeurs de taxe.
Conséquemment, on va s'entendre sur ce type de priorités,
on va les gérer et on va développer un meilleur partenariat avec
les milieux. Plutôt que d'être à couteaux tirés
actuellement, comme on l'est trop souvent et où, d'ailleurs, le milieu
culturel, dans bien des cas, essaie d'obtenir, fait pression sur
Québec... Par exemple, la ville de Montréal fait pression
partout. Parce que, je le comprends, le milieu culturel n'a pas ce qu'il faut
pour faire la job. Essayons donc de créer un contexte où on peut
être capables de répondre à ces besoins-là et de
développer un partenariat actif, et de mieux mettre en commun nos
ressources pour satisfaire la mise en oeuvre de cette politique que je souhaite
beaucoup que le gouvernement du Québec se dote suite aux recommandations
de la commission.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais
maintenant passer la parole à M. le député de Mercier. M.
le député, quelques minutes. Nous avons déjà
passé, mais on va vous donner la chance, vous aussi, comme
député montréalais.
M. Godin: Oui d'accord. Évidemment, je suis de
Montréal, moi aussi, comme mon collègue. Ma question, M. le
maire, Mme Forget, M. Biello, porte sur un des aspects de la vie des artistes
dans toutes les capitales du monde. On se demande pourquoi, souvent, comment se
fait-il que les grands peintres contemporains - Picasso, Van Gogh et autres -
sont soit passés par Paris ou ont vécu à Paris la majeure
partie de leur vie. C'est parce qu'il y avait à Paris les logements les
moins chers de l'Europe et ça drainait vers cette ville-là les
artistes de partout en Europe et même d'ailleurs. Alors, est-ce que, dans
le cadre du programme existant, la fondation de HLM, par exemple, est-ce que le
comité des arts, au conseil de ville, ne pourrait pas penser à un
HLM pour les artistes?
M. Doré: Vous savez, une des caractérisques de
Montréal, c'est que Montréal est encore une
ville abordable quand on la compare à d'autres. Bien sûr,
le coût du logement y est plus élevé qu'ailleurs au
Québec, mais il demeure substantiellement beaucoup moins
élevé que dans n'importe quelle métropole culturelle
importante à travers le monde. La priorité qui a
été identifiée par le milieu culturel de Montréal,
en ce qui concerne l'aide que la ville pourrait apporter, et la recommandation
que la Commission du développement culturel a faite à
l'époque et sur laquelle on travaille actuellement, c'est davantage de
travailler à définir, comment dirais-je, des lieux où les
artistes peuvent s'exprimer. C'est bien beau d'avoir un appartement, mais,
quand tu es sculpteur, tu as besoin d'un atelier quand tu es peintre aussi,
surtout dans la peinture moderne, tu as besoin de grands espaces et tu ne peux
pas faire ça dans un deux pièces et demie. Alors, d'une certaine
façon, le travail qu'on fait actuellement, c'est d'essayer, dans le cas
du plan d'urbanisme qu'on fait actuellement, de revoir certaines vocations de
certains vieux quartiers industriels, de certains vieux immeubles industriels,
qui sont zones industriels, qu'on pourrait peut-être revoir en termes de
zonage mixte: résidentiel-atelier. Par exemple, des lofts. Les gens
pourraient y rester et en même temps... Ça n'existe pas
actuellement, c'est impossible. Quelqu'un qui décide de faire un
atelier, d'abord, ce n'est pas de l'industrie; il y a une espèce de "no
man's land". D'ailleurs, il y a beaucoup d'artistes chez nous qui ont
été harcelés par nos propres services, parce qu'ils se
situent en porte-à-faux: ils habitent un immeuble industriel, ils logent
dedans. Ils n'ont pas le droit, ce n'est pas résidentiel. Ils font de la
création dans un atelier dans un secteur industriel alors que, chez
nous, ils s'apparenteraient davantage à du commerce.
Donc, on a décidé de mettre de l'ordre pour permettre
effectivement - et vous avez raison, M. le député - de fournir
aux artistes des lieux, particulièrement aux artistes dans le domaine
des arts visuels, je devrais dire, mais aussi aux autres. Il y a des troupes de
théâtre qui ont besoin d'endroits pour faire du décor pas
cher. Il y a donc toutes sortes de besoins qui s'expriment et qui nous
permettraient peut-être de développer quelque chose
d'intéressant pour répondre à leurs besoins.
L'autre élément, c'est que ça pourrait être
intéressant, dans le cadre des politiques que le gouvernement pourrait
mettre en place, d'avoir peut-être certaines exemptions de taxes
foncières dans le soutien à une politique d'artistes ou
même, dans certains cas, des incitatifs fiscaux à l'achat de
productions artistiques dans le domaine des arts visuels. Mais ça, je
pense que c'est des recommandations qui ont déjà
été faites à la commission et qui pourraient servir de
stimulants.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire.
Merci. Avez-vous fini, M. le député de Mercier?
M. Godin: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Boulerice: Oui, comme conclusion, je reprendrai une des
conclusions du rapport de la ville: "Montréal affirme que toutes les
municipalités du Québec doivent être
considérées comme partenaires des stratégies
gouvernementales. Montréal demande donc au gouvernement de
reconnaître le rôle de chacune d'entre elles comme indispensable
dans la planification et l'élaboration d'une politique culturelle
nationale. " Je crois que, pour beaucoup, l'essentiel est également
là. Je vous remercie, M. le maire, Mme Forget, M. Biello.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, un mot de remerciement vous aussi?
Mme Frulla-Hébert: Oui, M. le maire, et M. Biello, Mme
Forget, merci. Je vous vois défendre la culture et je vous sais
d'ailleurs très sincères. Et c'est réconfortant, vous
savez. Quand on demande une commission, c'est pour avoir des changements. Et
quand le maire de Montréal qui représente... Et je dois dire
aussi, à la décharge de toutes les municipalités qui sont
venues ici d'une façon très dynamique... Alors, quand on parle
collaboration, ce n'est pas difficile de collaborer avec des gens qui y croient
et qui sont très dynamiques. Mais, quand le maire de Montréal dit
que maintenant il est temps de faire de la culture une priorité, non
seulement gouvernementale mais une priorité de société,
bien, pour une ministre des Affaires culturelles, c'est très
encourageant.
Autre petite chose aussi. Quand vous parlez de regarder l'impact
économique et de voir l'analyse - et là, que le milieu me
pardonne -on parle quand même de 3 500 000 000 $, de 65 000 emplois
directs et de 112 000 emplois indirects. Alors, là-dessus, vous avez
raison, c'est le sixième plus gros employeur au Québec et il est
temps qu'on le dise! Merci, M. le maire.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre, M. le maire, M. Biello, Mme Forget. Au nom des membres de cette
commission, je vous remercie d'être venus devant nous. Nous avons pris
connaissance de votre mémoire avec intérêt. Soyez
assurés que nous en tiendrons compte dans l'élaboration des
futures politiques. Alors, je vous remercie. Ceci met fin à votre
audition. M. le maire, un dernier mot?
M. Doré: Ah bon. Alors, écoutez...
Le Président (M. Gobé): On vous laisse le dernier
mot. (12 h 15)
M. Doré: Je remercie le président et les membres de
la commission de nous avoir, somme toute, alloué 20 minutes de plus que
ce qui nous était alloué. J'ose croire qu'il s'agit là
d'un reflet de l'importance de la communication et des propositions que l'on
vous faisait. Et je pense que, effectivement, vous pouvez vous servir de la
ville de Montréal et de son maire, Mme la ministre, commo point d'appui
auprès do vos col lègues. Je mo fais fort, si lus recommandations
de la commission vont dans le sens que l'on souhaite, d'appuyer largement
l'effort de Mme la ministre et, j'en suis convaincu, avec l'appui de
l'Opposition, pour faire de la culture une véritable priorité et
un secteur de développement important de notre
société.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire,
et bon retour à Montréal.
M. Doré: Merci.
Le Président (M. Gobé): Ceci met fin aux audiences
de la ville de Montréal.
Nous allons maintenant accueillir l'Association québécoise
des distributeurs et exportateurs de films et de vidéo et la
Fédération professionnelle des distributeurs et exportateurs de
films. Je vais vous demander de bien vouloir prendre place assez rapidement,
car nous sommes un petit peu en retard. Alors, bonjour, messieurs.
M. Beaubien (Joseph F.): Oui.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes M.
Beaubien?
M. Beaubien: Mon nom est Joseph Beaubien.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre
présentation.
AQDEFV et FPDEFQ
M. Beaubien: Je suis le porte-parole des deux associations.
Normalement, je devrais être entouré de distributeurs. Je dois
vous dire que, actuellement, ils sont soit en Europe pour le MIFED ou à
Los Angeles pour le American Film Market.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre
présentation, M. Beaubien. Nous sommes prêts.
M. Beaubien: On m'a dit que j'avais les épaules assez
larges pour le faire seul. M. le Président, Mme la ministre, M. le
critique de l'Opposition, messieurs, mesdames, à l'heure des
débats sur la Constitution canadienne, du rapport
Arpin sur l'industrie culturelle et des négociations sur le
libre-échange, les distributeurs de films et de vidéo sentent
l'urgence de faire le point sur la situation des industries culturelles au
Québec et tout particulièrement sur l'industrie du
cinéma.
Le récent rapport Arpin sur les industries culturelles vient
jeter une lumière nouvelle sur la définition de la culture et sur
la façon dont le Québec se propose de la gérer. En fait,
le rapport s'applique surtout, quant à nous, à la gestion d'une
culture dite classique, sans doute quantifiable dans une bonne mesure dos cas
do musées et d'orchestres symphoniques - mais il ne cerne pas
suffisamment, quant à nous, la nature des industries culturelles, dont
le cinéma, qui, elles, sont sujettes à des lois du marché
et requièrent des investissements substantiels tout en prenant des
risques très élevés.
Ce même rapport Arpin propose, et je cite, "que le gouvernement
fédéral doit se retirer complètement du champ culturel,
quel que soit le statut constitutionnel du Québec". C'est à la
page 232. Or, l'industrie du cinéma doit son existence historiquement
à l'Office national du film, puis à la Société de
développement de l'industrie cinématographique canadienne, qui
est devenue Téléfilm Canada, ainsi qu'aux régimes fiscaux
des années soixante-dix. Par ailleurs, au contraire du
fédéral, quant à nous, le Québec n'a jamais
vraiment établi une politique industrielle pour le cinéma. Cette
industrie, et en particulier le secteur de la distribution, ne voit pas, dans
l'optique d'un rapatriement provincial, la possibilité de demeurer
viable.
Finalement, dans l'optique du rapatriement, la gestion des fonds
alloués aux industries du cinéma serait probablement
confiée à la SOGIC. Or, nous verrons comment cette perspective
peut paraître alarmante pour le milieu du cinéma.
Pour bien comprendre le rapport Arpin, je crois qu'on doit voir que, sur
le plan culturel, les deux nations fondatrices ont des traditions
foncièrement différentes. En France, il y a une vision
centralisatrice de la culture depuis le règne de Louis XIV et de
Versailles. Cette vision s'est perpétuée jusqu'au XXe
siècle avec le régime de Gaulle, et M. André Malraux a
joué un rôle déterminant. C'est dans les années
soixante que le Québec s'est intéressé à la
question culturelle et sa vision a été fort marquée par le
régime gaulliste, tandis que la tradition britannique est fort
différente. On a toujours voulu tenir le pouvoir à l'écart
de la question culturelle d'après le fameux principe de "arm's length".
C'est une tradition qui a permis la création et le développement
de la BBC et d'autres organismes du même genre.
Cette tradition britannique a grandement influencé certains
organismes canadiens tels le Conseil des arts, Radio-Canada, l'Office national
du film et Téléfilm Canada. Dans ce cas, l'État joue un
rôle de "banque" spécialisée dans le
domaine des arts et des industries culturelles. Son rôle se limite
à choisir les meilleurs candidats selon des programmes
déterminés. C'est, en somme, le régime libéral en
son sens véritable.
Or, le rapport Arpin s'inscrit dans cette tradition française que
nous venons de décrire. Il propose de rebaptiser le ministère des
Affaires culturelles en ministère de la Culture et des Arts et il veut
que ce ministère soit doté d'un observatoire qui, notons-le bien,
prenne appui sur des données quantitatives et qualitatives sur la
culture, les pratiques culturelles, l'action culturelle, le financement
culturel, les arts et les industries culturelles. Et qui siégerait
à cet observatoire? Des professeurs, des fonctionnaires, des artistes,
des amis du pouvoir?
En somme, le rapport Arpin va plus loin. Il prévoit la
création d'une commission consultative sur la culture pour fournir
régulièrement au ministre de la Culture et des Arts avis sur la
politique culturelle à suivre. De nouveau, silence sur qui doit
siéger à cette commission. Et pourquoi cet observatoire? Pourquoi
cette commission? C'est pour assurer une maîtrise d'oeuvre unique dans le
domaine culturel.
En somme, nous venons de voir que le rapport Arpin vise la
centralisation de toutes les activités culturelles mais il ne fait pas,
quant à nous, la distinction nécessaire entre la culture dite
classique et celle des industries culturelles. La culture classique reproduit
et met en valeur, dans une salle de concert ou un musée, des exemples
d'oeuvres déjà créées. On peut mesurer exactement,
quant à nous, le coût d'une telle opération. Si l'on
propose de construire une salle de concert à Montréal ou à
Québec, on peut aisément faire le calcul des coûts de la
construction, des salaires du chef d'orchestre et des musiciens, des frais
d'entretien, etc. Ce n'est pas du tout le cas des industries culturelles. Avec
un film qui peut coûter 5 000 000 $, sinon plus, on peut se retrouver, le
lendemain de la sortie du film, avec personne dans les cinémas. Donc, ce
n'est pas du tout le même esprit quant à nous.
On parle du transfert des fonds du fédéral au provincial.
On comprend mal comment le fédéral fonctionne, car tous les
programmes qui sont actuellement accordés par le fédéal
pour le cinéma, ce sont des programmes qui sont votés
individuellement par le Parlement canadien: qu'on parle du Fonds d'aide
à la distribution de longs métrages, du Fonds de
développement d'émissions canadiennes de télévision
et du Fonds de financement de longs métrages. Si des industries
culturelles passaient sous la juridiction provinciale, le Parlement canadien
cesserait de voter des fonds en faveur de ce programme. Il n'y aurait tout
simplement pas de fonds à transférer.
Nous avons déjà mentionné le rôle
indispensable qu'a joué le fédéral dans la mise sur pied
de la cinématographie canadienne. Et ils ont développé,
depuis ce temps-là, toutes sortes de régimes. Il ne faut pas
oublier que Téléfilm Canada a dépensé eniron 166
500 000 $, a dépensé justement ça pour l'année
1989-1990. Nous parlons de sommes substantielles. Et tout ceci,
évidemment, dans le contexte du libre-échange où, je dois
vous dire, les distributeurs se sentent placés très
difficilement. Pourquoi? Parce que le Canada a pu obtenir jusqu'à
maintenant d'exclure les industries culturelles des discussions sur le
libre-échange. M. Wilson a tout récemment
réitéré sa position à l'Association nationale des
distributeurs, au moment de l'ouverture des discussions entre le Canada, les
États-Unis et le Mexique. On sent toutefois que la négociatrice
américaine, Mme Caria Hills, fait tout pour rouvrir le dossier.
Pour l'instant, le Canada tient ferme. Pour combien de temps encore? Le
Québec, quant à lui, ne peut intervenir dans ce débat car
il ne jouit pas du statut juridique pour ce faire. Dans
l'éventualité de la souveraineté, il
bénéficierait certainement du statut juridique nécessaire,
mais la question se pose: Aurait-il la stature pour faire face à lui
seul à l'envahissement de la culture américaine?
Maintenant, venons à la SOGIC. Cette fusion, que nous connaissons
tous, entre la SGC et la SODICC, pour former la SOGIC, fut bien accueillie par
le milieu du cinéma au tout début parce qu'il y avait en
même temps une promesse de nouveaux fonds. Or, je cite M. Roger
Frap-pier, récemment, qui a donné un interview dans La Presse:
"Rien de tout cela ne s'est réalisé". Au contraire, avec la
SOGIC...
En janvier 1990, l'Institut québécois du cinéma a
présenté un rapport sur les orientations en matière de
cinéma à Mme Lucienne Robillard, alors ministre des Affaires
culturelles. En page 12 du rapport, il est dit: "Les reproches adressés
à la SOGIC font unanimité dans la profession et confirment un
fossé qui s'est creusé entre les deux (entre le milieu du
cinéma et la SOGIC). Son absence des débats importants, son
attitude distante, son refus de travailler en relation soutenue avec le milieu,
la remise en question de sa compétence professionnelle, sa
bureaucratisation sont autant de critiques sévères entendues lors
des consultations."
Un an et demi plus tard, il n'y a pas longtemps, nous étions dans
cette pièce, lors des auditions parlementaires sur le projet de loi 117.
Et là je vais citer M. Boulerice, qui faisait le point sur la situation:
"La critique, là aussi, a été unanime. (Dans les deux cas,
on parle d'unanimité). Les intervenants n'ont pas confiance en la SOGIC
et condamnent sa gestion."
Plus loin, tout récemment, M. Frappier, dans la même
interview disait ceci: "S'il n'y avait au Québec qu'une institution
d'aide du cinéma et que ça devait être la SOGIC, ce serait
le baiser de la mort pour notre cinéma. Le gouvernement
fédéral via Téléfilm a pris le
leadership dans la production. La SOGIC a beau faire des efforts, elle a
perdu ce leadership. Si tout devait être réparti à la
SOGIC, de la façon dont elle fonctionne en ce moment, je pense qu'il n'y
aurait pas d'avenir pour le cinéma québécois."
Peut-être pour terminer sur une note un peu plus personnelle. On
me dit que la commission est un peu déprimée. Il ne faudrait pas,
quant à moi, que ceci continue. Je pense qu'on devrait considérer
le rapport Arpin comme un début. Je suis très encouragé de
voir qu'il y a au-delà de 260 mémoires qui ont été
déposés, ce qui veut dire, quant à moi, que la culture et
les industries culturelles sont importantes pour les Québécois.
Aussi, nous avons vu l'intervention de certains organismes comme la FTQ qui
n'avait vraiment pas fait savoir ses positions encore. Quand la FTQ est venue,
on m'a dit, pour présenter son mémoire, elle n'était
justement jamais vraiment intervenue dans ce domaine et ça, pour un
organisme qui joue un rôle très important.
Troisièmement, je pense que c'est vraiment le moment propice pour
toutes ces interventions et pour faire le point sur certaines chose. J'ose
espérer que justement, dans ce deuxième temps, si vous voulez, on
va vraiment étudier les industries culturelles d'une façon
à part de la culture en général. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Beaubien.
Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Beaubien. Vous savez, vous
dites: La commission est un peu déprimée. Pas du tout!
M. Beaubien: Ah bon!
Mme Frulla-Hébert: Dans un sens où... Non, pas du
tout parce que, si j'ai demandé une commission parlementaire et si on en
fait une, c'est justement pour procéder à des changements et pour
que les gens s'expriment très ouvertement et très
honnêtement. Si tout allait bien dans le meilleur des mondes, on ne
serait ici personne et on ferait autre chose.
Mais, ceci dit, vous avez raison, il y a énormément de
positif qui sort de cette commission. Ne serait-ce qu'entendre le maire de
Montréal parler de culture avec autant d'enthousiasme,
déjà, c'est un très grand positif et c'est aussi un
exemple pour beaucoup de gens dans cette population.
Je suis heureuse aussi finalement que les associations en
général viennent discuter - vous les représentez là
- les associations de distributeurs québécois qui sont ici
représentées par vous. Vous savez aussi l'importance que
j'accorde à ce que tous les distributeurs travaillent ensemble.
M. Beaubien: Je pense qu'on est quasiment parvenu à
ça, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ce serait bien. Ce serait bien.
M. Beaubien: II reste un petit bout de chemin mais je pense qu'on
va y arriver.
Mme Frulla-Hébert: Parce que, face aux négociations
avec les Américains, vous savez que ce n'est pas facile,
particulièrement dans le secteur de la vidéo. Ils ont une grande
force de pouvoir auprès de notre population et de ce que la population
veut; alors, il faut unir évidemment toutes les forces. (12 h 30)
II y a d'autres représentants... Je vais aller directement au
coeur du sujet parce qu'à un moment donné, dans le
mémoire... vous n'y avez pas touché, mais vous dites: "Nonobstant
toutes ces études, le pouvoir, qu'il soit libéral ou
péquiste, a toujours négligé les industries culturelles.
Le manque évident d'intérêt se traduit par un manque
perpétuel de financement au ministère des Affaires culturelles."
Bon, et j'en passe. Et vous citez Talleyrand en disant: "Plus ça change,
plus ça reste la même chose." Moi, je ne le sais pas... Et je
pense que je peux parler et pour moi et pour mes confrères, dont M.
Godin, qui est aussi ex-ministre des Affaires culturelles: II y a des choses
qui ont évolué, il y a des choses qui ont changé, il y a
des choses qui se sont améliorées. C'est là que je refuse
quand même un peu le pessimisme. Dire qu'on a besoin d'argent, qu'on est
sous-capitalisé et tout ça, effectivement, mais il faut quand
même voir d'où on vient. Et là je cite M. Doré qui
disait que, si on regarde où on était il y a 30 ans et où
on est maintenant, il y a quand même un bon bout de chemin de fait, et
ça, grâce à la participation de tous les intervenants.
Maintenant, si on peut accroître la sensibilité au point où
la culture, tel que l'environnement, comme on l'a si bien dit, devient aussi
une préoccupation automatique, je pense qu'on aura gagné beaucoup
de choses dans le développement culturel.
M. Beaubien: Juste pour répondre à ça. Je
pense qu'on l'a dit, oui, il y a eu des efforts de faits, mais,
malheureusement, le pouvoir politique comme tel n'a pas toujours appuyé
le travail des ministres en question. C'est ça qu'on voulait surtout
dire. Oui, il y a eu des travaux de faits, mais on n'a jamais senti en haut, si
vous voulez, que le travail de ces différents ministres avait une
portée. Quand je cite, dans mon mémoire, ce commentaire de M.
Jean Lesage et de M. Geor-ges-Émile Lapalme qui sûrement a
démissionné, c'est que, oui, on a fait, comme justement le maire
Doré disait: On parlait un peu de culture
comme donnant un peu d'argent aux pauvres, mais ce que je pense - et
c'est ce que les quelque 260 mémoires qui sont parvenus à la
commission font valoir - c'est que ce n'est justement pas une question de
pauvres, c'est une question qui intéresse toute la province. C'est
surtout ça qu'on voulait dire.
Mme Frulla-Hébert: Mais, comme souvent je dis, souvent on
reflète le désir de la population quand on est à faire des
priorités. Effectivement, si la population peut être assez
consciente et que la population arrête de répondre aussi à
des sondages quand on demande: Quels services voulez-vous couper? et que 43 %
de la population disent: Les loisirs, et que 42 % disent: La culture, ça
ne nous aide pas non plus.
M. Beaubien: Non.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais revenir à votre
secteur spécifique. Je vais revenir au niveau... Ça a
commencé un peu chez vous, tout ça. Quand on parle du
Québec et d'un Québec capable de gérer l'ensemble des
fonds à la disposition de la culture, donc que le Québec soit
vraiment le vrai maître d'oeuvre de sa culture, ne croyez-vous pas,
même si effectivement on n'a pas toujours été parfait -
mais le fédéral non plus n'a pas toujours été
pariait; je peux vous citer énormément de cas où le
fédéral faute - qu'on serait capable d'assumer seul la
responsabilité d'aider correctement votre secteur d'activité? Et
je reviens vraiment à votre secteur d'activité parce que, ces
dernières années, oui, on parle beaucoup de la SOGIC, on parle
surtout des problèmes de fonctionnement avec la SOGIC, ça, c'est
une chose, mais dépassons les personnes et les conflits de
personnalités, etc., et allons-y avec le principe. Il y a eu quand
même des crédits d'impôt de donnés par le
gouvernement du Québec d'une valeur de 32 000 000 $ au moment où
on se parle. Oui, la SOGIC donne des aides directes de l'ordre d'à peu
12 000 000$ versus 44 000 000$ à Téléfilm, mais
Téléfilm n'a pas les crédits d'impôt. Alors, quand
on regarde le secteur global - je me suis fait sortir ça un peu, la
semaine passée - c'est de l'ordre de 53 000 000 $ versus 56 000 000 $
par le fédéral, donnés de façon différente,
je l'accorde. Si c'est une façon de faire de changée, ça,
c'est autre chose. Mais on nous dit que, si on faisait le transfert de
responsabilités, le milieu souffrirait énormément. Ne
pensez-vous pas que cette élimination de duplication, par exemple,
entre... Parce que c'est des programmes qui se chevauchent dans votre secteur
plus que dans tout autre secteur. Ne pensez-vous pas que, mis à part le
fonctionnement, je l'accorde, mais dans le principe, si on éliminait
cette duplication, si évidemment on se concentrait secteur par secteur,
mais à gérer selon nos priorités, les priorités du
secteur, en collaboration avec le secteur, les fonds, ne croyez-vous pas que le
Québec est capable d'assumer seul cette
responsabilité-là?
M. Beaubien: Je pourrais avoir une réponse un peu
méchante. C'est qu'il n'y a pas de duplication, quant à nous,
justement à cause des problèmes de la SOGIC. Évidemment
que le Québec peut le faire seul, mais ce n'est pas ce qu'on vit
actuellement. Il y a des problèmes, c'est vrai. Ça a
commencé avec nous un peu, ce qu'on vit actuellement. Un des
problèmes qu'on vit, c'est justement quand je parlais de manque de
volonté politique. Vous savez qu'il y a quelques années il y a eu
un problème à Téléfilm, un problème de
gestion, disons. Ça a pris au fédéral deux mois pour
régler ce problème-là. Il y a eu des démissions, de
nouvelles nominations et, dans deux mois, la machine fonctionnait. Ce qu'on vit
actuellement, Mme la ministre, je dois vous le souligner de nouveau, ça
fait deux ans qu'on vit ça avec la SOGIC et on ne voit pas le bout du
tunnel. C'est ça qui, je pense, empêche le dialogue. On est ici
parce qu'on veut dialoguer et c'est ça qui nous empêche de
dialoguer, parce que pour régler... Et je dois vous dire que
c'étaient à peu près les mêmes genres de
problèmes. Si, pour le fédéral, ils ont pris deux mois, je
veux bien vous accorder, pour le cas québécois, six mois ou un
an. Mais, là, nous commençons... Ça fait deux ans que ce
problème-là traîne. Alors, autant on peut avoir de bonne
volonté, et je pense que nous avons montré vis-à-vis du
Québec beaucoup de bonne volonté, on est bloqué par ces
cas pratiques. À certains moments, les milieux, si vous voulez... Quand
on dit: Pourquoi le milieu s'est révolté contre le rapport Arpin?
C'est parce qu'il y a eu certains cas qui ont fait que c'est peut-être la
goutte d'eau qui a fait déborder le vase. C'est ça, le
problème qu'on vit actuellement. C'est pour ça que je dis que le
rapport Arpin est peut-être un début. Peut-être justement
qu'on va prendre tout ça et que ça va vous aider à faire
certaines choses, ce qui va nous amener peut-être, dans six mois ou un
an, un autre genre de rapport où, là, on va pouvoir s'asseoir et
dialoguer. Mais, là, on est bloqué. Il faut le dire très
brutalement, je pense: Le milieu est bloqué vis-à-vis du
Québec à cause de ces choses-là. Il faut nettoyer ces
choses-là.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une question
peut-être un peu plus pointue.
M. Beaubien: Oui.
Mme Frulla-Hébert: On a remarqué, d'ailleurs...
Oui, il peut y avoir une question de personnalités, mais à
l'intérieur même de la SOGIC, quand on regarde la loi de la SOGIC,
la loi est ainsi faite que la SOGIC a le pouvoir de juger de la qualité,
ce qui lui donne un pouvoir
discriminatoire. Est-ce que ce ne serait pas plutôt ça ou
si le problème est un grand problème de fonctionnement,
c'est-à-dire que vous prônez l'automatisme... On a beaucoup
défendu l'automatisme au niveau du programme d'aide, par exemple, aux
variétés et magazines, si on veut, au niveau
télévisuel. Mais n'est-ce pas plutôt là que le
bât blesse, c'est-à-dire que la SOGIC, au moment où on se
parle, de par sa loi, a, si on interprète et si on extrapole un peu la
loi, un pouvoir discriminatoire?
M. Beaubien: Bien, je dirais que tout ce qui peut devenir plus
automatique, évidemment, ça aide énormément. Je
peux vous dire que j'ai joué un rôle important dans le fonds de
distribution de Téléfilm, où on est arrivé avec des
normes qui sont quasiment automatiques. Pour qu'un distributeur puisse profiter
du programme, il y a certaines normes à remplir et, une fois qu'il les
remplit, boum, l'argent tombe en place, donc ça aide
énormément. Mais il ne faut pas croire que, simplement en
réglant ce problème-là, ça va régler tous
les problèmes. Dans le cas de Téléfilm, il y a aussi
d'autres programmes qui ne sont pas automatiques et qui fonctionnent
très bien merci. Évidemment, ça n'aide pas.
Personnellement, j'ai été impliqué dans l'affaire
Nelli-gan où... D'abord, il y a eu quatre ou cinq projets qui
étaient là. Finalement, on avait un projet, je pense, de
qualité pour toute notre culture. Quand même, Nelligan, c'est
notre grand poète national. On a eu un premier rejet du projet à
la SOGIC. J'ai rencontré votre sous-ministre ajoint, M. Chaput.
Là, j'ai crié, j'ai pleuré, j'ai tout fait. M. Chaput a pu
obtenir une autre étude par la SOGIC, où on l'a donné au
même comité dans les mêmes conditions, et on a connu la
même réponse une deuxième fois. Donc, il y a aussi des
lapsus administratifs, à mon avis, très graves.
Mme Frulla-Hébert: Vous savez, il y a des avantages, et
vous en faites état, à du "arm's length", mais il y a aussi des
désavantages quand il y a des cas comme ça qui arrivent. Alors,
il faut voir aussi les deux côtés de la médaille. On nous
prie d'avoir du "arm's length" absolument, moi j'en suis, mais, bien souvent,
il y a aussi des problèmes. Moi, je veux juste terminer rapidement parce
que le temps nous presse. Le libre-échange. Vous avez touché une
question fondamentale au niveau du libre-échange et vous voulez...
Quelque part, vous dites que l'association avec le Canada nous protège
versus le libre-échange, qu'on soit...
M. Beaubien: Jusqu'à maintenant, comme on dit.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Mais, dans le même ordre,
vous dites: Que ce soit souverain ou non, mieux vaut finalement faire partie du
Canada en fonction de la menace du libre-échange. Vous semblez dire que
le Québec n'aurait pas la stature, si on veut, pour faire face, lui tout
seul, à l'envahissement de la culture américaine. Je veux quand
même remettre sur table que nous sommes les seuls au Canada à
avoir une entente avec les "majors". On pourrait les empêcher d'entrer,
etc. La population québécoise ne veut pas, mais on a quand
même une entente avec les "majors". On a protégé quand
même notre distribution, on a une Loi sur le cinéma qui fait en
sorte que les autres provinces, tel l'Ontario, nous envient cette loi pour
toutes sortes de raisons. Le fédéral en a une, ça fait
longtemps, mais j'ai l'impression qu'au niveau de toutes les
négociations globales elle est peut-être un peu malvenue. Alors,
on s'est tout de même bien protégé contre l'envahissement
américain, en plus de notre langue qui, là-dessus, est un atout
important.
M. Beaubien: Absolument.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci,
monsieur. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Me Beaubien, nous ne sommes pas pessimistes.
Au contraire, nous sommes très optimistes par rapport à
l'élaboration d'une politique culturelle québécoise. Mais,
vous, vous êtes négatif on ne peut mieux ou on ne peut plus. Et,
après ça, on va être obligé de se dire les choses en
face. Si on ne se gêne pas pour dire ce qu'on veut dire envers les
élus, je pense que les élus ont également droit de parole.
Il n'y a personne en tout cas qui va me priver du mien. La journée
où on m'en privera... Il y a bien d'autres choses à faire dans la
vie que de la politique. Je veux dire, il y a René-Daniel Dubois qui
court désespérément les couloirs de ce parlement à
la recherche d'André Malraux et, vous, vous ne voulez pas le voir. Je ne
sais pas dans quel placard vous voulez le cacher. Il va falloir qu'il y ait des
gens qui se parlent. Me Beaubien, on n'aura pas 48 ou 52 politiques. On va
avoir une politique. J'entends bien, par contre, qu'elle reflète les
différents secteurs. Vous parlez du...
M. Beaubien: Puis-je vous...
M. Boulerice: ...et ça, personnellement, ça me
heurte.
M. Beaubien: Justement, vous...
M. Boulerice: Vous parlez de la tradition britannique,
là.
M. Beaubien: Non. Mais, avant que vous ne rentriez dans
ça, si vous me permettez. Je pense que je n'ai pas assez souligné
cet aspect-là qui
est essentiel. C'est que le rapport Arpin n'a pas fait cette distinction
essentielle entre la culture dite classique et les industries culturelles, et
c'est un des graves défauts. Il tente de tout englober continuellement.
Quant à nous, si on peut justement sortir de ces auditions avec une
volonté vraiment de faire une étude déterminante sur les
industries culturelles, je pense qu'on aura obtenu beaucoup de la commission.
Simplement faire cette parenthèse.
M. Boulerice: J'accepte bien qu'on puisse sombrer dans une
britannomanie, mais, sans être mesquin, si je regarde Paris et que je
regarde Londres, j'ai l'impression que la deuxième ville peut
peut-être souffrir d'un petit complexe d'infériorité au
niveau de l'évolution et de l'ébullition culturelles. Vous allez
après - justement la ministre y a fait allusion - dans le cas de
l'Accord de libre-échange... Me Beaubien, le Canada a
résisté, au niveau des industries culturelles, à l'Accord
de libre-échange, mais parce qu'il y avait le Québec. Ne soyons
pas mesquins là non plus, mais jetons quand même un oeil critique.
Le libre-échange, pour ce qui est de nos compatriotes anglo-canadiens
puisque nous formons encore une constitution, ils sont
américanisés beaucoup plus que nous. Je pense qu'on doute de
notre capacité et de notre volonté et Dieu seul sait qu'elle est
là parce que nous avons, au départ, notre distinction. Quand on
a, au départ, cette conviction, je pense ' qu'on est capable d'avoir la
stature de faire face à des choses. Ce qui m'inquiète dans le
discours que vous tenez et que l'ensemble du secteur que vous
représentez tient, c'est qu'on est en train d'inculquer au
Québec... Au moment où, depuis 1960, on se dit: On est capable,
là, je ne sais pas, ça semble devenir la mode du jour de nous
dire: On n'est plus capable. Qn n'est pas capable. On ne sera pas assez gros.
On ne sera pas assez fort, on ne sera pas assez puissant, etc. Le discours est
extrêmement démobilisateur. Je comprends, M. Beaubien, qu'il
puisse y avoir des méfiances. Le 1 % n'est pas là, je le
dénonce tous les jours. La SOGIC, je pense être monté aux
barricades. Me Beaubien, je suis allé aux barricades avant que les gens
du milieu ne décident, après, de me suivre. Ça m'a pris du
temps à leur dire: Mais venez donc le dire. Avant, c'était: Bien
non, je ne le dirai pas, M. Boulerice, tout d'un coup je suis dans le trouble.
Je comprends votre frustation que ça ne soit pas encore
réglé, qu'on ne soit pas revenu à la Société
générale du cinéma qu'on avait, où il n'y avait
quand même pas tellement de récriminations, si je me rappelle
bien. Ça semblait fonctionner assez bien. Donc, avouez qu'on avait quand
même une capacité. Si un gouvernement a fait une erreur
administrative, ça peut toujours se corriger et changer ceci.
M. Beaubien: Je répondrai, de toute façon.
Quand je parle justement du libre-échange, oui, je prends pour
acquis, dans ce contexte-là, que le Québec est partie
intégrante du Canada. Il ne faut pas se le cacher, je pense que, s'il y
a des gens qui sont dynamiques dans l'industrie soit de la production ou de la
distribution au Canada, c'est bien les Québécois. Quels sont les
films les plus populaires dans notre cinématographie canadienne? Ce sont
toujours les films québécois. Donc, on n'a aucune
difficulté avec ça. Si vous regardez les leaders de la
cinématographie canadienne, vous trouvez, en général, des
Québécois.
M. Boulerice: M. Beaubien, comme question, je reprends les
paroles du chef de l'Opposition et je vous transforme ça en forme de
question. M. Parizeau est venu ici, au début de la commission, et a dit:
Moi, j'accepte le principe du "arm's length". Rapatriement des pouvoirs, mais
rapatriement des argents aussi, si vous me permettez cette mauvaise expression.
Mais, attention là! Rapatriement des argents, mais je ne vais pas aller
prendre x, c'est un rapatriement unilatéral. Tout ce qui est
dépensé à Téléfilm, tout ce qui est
dépensé dans d'autres unités administratives des
ministères concernés au fédéral, Communications,
etc., tout ça est transporté et replacé dans la même
case au niveau du ministère des arts et de la culture, mais nous, on
parle du ministère des arts, de la culture et des communications. Je
vous ai donné des garanties on ne peut mieux. Pouvez-vous refuser?
M. Beaubien: Évidemment, M. le critique de l'Opposition,
c'est une question hypothétique.
M. Boulerice: Hypothétique...
M. Beaubien: Non, non, non. Laissez-moi... Évidemment, le
"arm's length", quant à nous, c'est essentiel. Ça, c'est
sûr. L'autre aspect cependant, je pense, parce que vous avez
critiqué jusqu'à un certain point le milieu d'être un peu
négatif, c'est qu'on pense que peut-être on n'a pas suffisamment
étudié - et on espère que peut-être ça va se
faire dans ce que j'appelle cette deuxième étape - toute cette
question de transfert des fonds.
C'est que, actuellement, la culture n'est pas un domaine
fédéral ou provincial. C'est un domaine où tout le monde
peut être impliqué. Alors, espérer que, justement, si
jamais il y avait séparation ou indépendance, il y aurait un
transfert de fonds, quant à nous, jusqu'à ce moment-ci - et puis,
justement, on espère que ça va être quelque chose à
étudier dans une deuxième étape - on ne le voit pas comme
une possibilité de transfert de fonds. C'est que là, à ce
moment-là, le fédéral cesserait tout simplement de voter
ces lois. C'est le Parlement qui vote chaque programme.
Alors, vous allez me dire: Ça serait le fruit d'une
négociation à venir, etc. Je réponds, à ce
moment-là: II faut voir. Mais, légalement, actuellement ces
programmes sont votés par le Parlement. Si, par exemple, le Parlement
canadien décidait: Bon, on ne va pas voter pour le fonds de distribution
de longs métrages ou pour le fonds de développement
d'émissions... Il cesserait tout simplement de voter ces fonds-là
et, quant à moi, dirait au Québec: Vous voulez vous en occuper?
Parfait!
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Beaubien. Je vais
passer la parole à M. le député de Mercier, vous avez
demandé la parole. Mais très rapidement, s'il vous
plaît.
M. Godin: Oui, M. le Président. J'aimerais demander
à Me Beaubien si la fameuse entente Bacon-Valenti, dont la ministre
s'est targuée tout à l'heure comme étant la seule qui
existerait entre une province canadienne et les "majors", a modifié
quelque chose dans votre situation quant à l'acquisition de produits
américains... Oui?
M. Beaubien: Ce qu'elle a fait surtout, c'est confirmer une
question de fait. Elle nous a aidés, en effet, à obtenir les
films européens. À ce moment-là, au tout début,
quand Mme Bacon est intervenue, il y avait, pour les compagnies
américaines, toute cette question d'Orion Classic, etc., où elles
faisaient l'achat pour l'Amérique du Nord de films européens.
Depuis ce temps-là, évidemment, elles ont perdu
intérêt dans ce domaine-là. En toute franchise, je ne sais
pas exactement où en sont les négociations parce que je pense que
l'accord se termine très bientôt. J'ai ouï dire qu'il y avait
d'autres négociations...
M. Godin: En cours.
M. Beaubien: ...qui avaient lieu. On n'a pas eu de nouvelles
officielles, mais on sait que ça se négocie, si vous voulez. Mais
on n'a pas les détails de la nouvelle négociation.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Beaubien.
Merci, M. le député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Boulerice: Bien, mon mot de remerciement serait une question
que je voudrais poser à Me Beaubien, mais je sais qu'il ne pourra pas
répondre. Vous me dites: Dans le contexte actuel, non, ils ne nous
donneront pas l'argent. La seule façon de l'avoir, ce serait si on avait
la souveraineté. Je l'ai remarqué avec d'autres groupes. Je leur
ai dit: Bien oui, mais, à ce moment-là, êtes-vous d'accord
avec la souveraineté? Et là ils me répondent: Non.
Ça fait que...
Le Président (M. Gobé): C'est la quadrature du
cercle. Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Me Beaubien. Au niveau de la
loi, évidemment, je veux juste rappeler que la loi a été
votée aussi cette année en collaboration, d'ailleurs, avec mon
collègue; nous l'avons votée à l'unanimité moins
un. Cela dit, effectivement, les négociations ont cours. Nous avons
resigné jusqu'au 31 janvier pour le film, pour l'entente parce que,
comme je vous dis, au niveau de la vidéo qui n'est pas incluse
présentement, ce n'est pas une négociation qui est facile. Donc,
nous poursuivons les négociations.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Beaubien.
M. Beaubien: Merci, tout le monde.
Le Président (M. Gobé): Ceci met fin à nos
auditions pour cette partie de la journée. Je vais donc suspendre les
travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, en cette salle. La
commission est suspendue.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la table, la commission
de la culture va maintenant reprendre ses audiences. Nous allons commencer sans
plus tarder en invitant les représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec à prendre place en avant de nous.
Alors, bonjour, Mme Pagé. Il nous fait plaisir de vous
accueillir. M. Laberge, bonjour. C'est vous qui représentez la Centrale
de l'enseignement du Québec. Vous allez donc pouvoir exposer votre
mémoire. Pour ce faire, vous aurez une période de 15 minutes. Par
la suite, une période de 15 minutes sera allouée de chaque
côté, à chaque formation politique afin de pouvoir discuter
avec vous et dialoguer sur votre mémoire. Alors, sans plus attendre, je
vous demanderais de bien vouloir commencer la présentation de votre
mémoire.
Centrale de l'enseignement du Québec
Mme Pagé (Lorraine): Merci, M. le Président. Alors,
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir de
vous présenter le mémoire de la CEQ sur le rapport Arpin. Tout
d'abord, vous rappeler que la CEQ représente 110 000 personnes:
personnel enseignant, éducateur, professionnel, technique, de bureau et
de soutien, qui sont principalement à l'emploi des commissions
scolaires, des cégeps, des universités, des établissements
d'enseignement privés.
Nous avons également des membres qui travaillent dans le secteur
de la santé, des affaires sociales, des loisirs et des organismes de
radioté-lédiffusion. Nos membres travaillent très souvent
dans des milieux ethniques où ils ont à favoriser
l'intégration à la culture nationale du Québec. Plusieurs
d'entre elles et d'entre eux sont reliés au monde de la création
artistique, soit par l'enseignement des arts et de la littérature ou par
la diffusion de produits culturels, à titre, par exemple, de
spécialistes en arts au primaire ou au secondaire, de professeurs en
formation professionnelle en arts, de bibliothécaires ou de travailleurs
ou travailleuses à Radio-Québec. Nous avons toujours
accordé beaucoup d'importance aux questions relatives à la
préservation et à la mise en valeur de notre patrimoine national,
à la création artistique et littéraire et à la
diffusion de la culture. C'est pourquoi nous nous présentons devant la
commission parlementaire aujourd'hui.
En résumé, la CEQ salue la publication du rapport Arpin
qui soumet un ensemble impressionnant de recommandations. Nous appuyons son
esprit général, plus particulièrement les principes
fondamentaux qui fondent la proposition de politique. Nous sommes d'accord avec
les auteurs pour reconnaître la culture comme un bien essentiel et la
participation à la vie culturelle comme un besoin essentiel qui doit
faire l'objet d'un droit de la personne et qui doit être accessible
à l'ensemble des Québécoises et des
Québécois. Nous sommes enfin d'accord avec les auteurs du rapport
pour dire que l'État québécois a le devoir de soutenir et
de promouvoir la dimension culturelle.
Notre mémoire est en quatre parties: une première qui y va
de réflexions sur la culture en général; une
deuxième qui aborde plus spécifiquement le domaine de la
littérature et des arts; une troisième partie qui porte sur le
financement; enfin, la dernière partie qui porte sur l'éducation.
Vous comprendrez que nous insisterons plus particulièrement sur les
troisième et quatrième parties de notre mémoire.
Tout d'abord, vous signaler que nous sommes un peu déçus
que les auteurs du rapport Arpin n'aient pas donné une définition
claire de la culture. Pour comprendre la portée de certaines
recommandations, une définition claire aurait été
souhaitable. Je vous donne plus précisément des exemples. Quand
on parle de la mise sur pied d'un véritable ministère de la
culture, cela a un sens très différent si la culture se
résume aux composantes identifées à la page 38 ou bien si
la culture est prise dans son sens le plus global et le plus
général. C'est la même chose quand on parle de la
recommandation 94, où on réclame le rapatriement complet de la
culture. Encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'il faut rapatrier. Pour notre
part - et je le précise immédiatement, vous connaissez nos
positions sur l'indépendance nationale - nous ne voyons pas comment un
peuple pourrait revendiquer une pleine compétence sur tout ce qui est
relatif à sa culture sans revendiquer l'indépendance nationale
complète.
Nous souscrivons à l'objectif de faire de la culture une
priorité de l'État québécois. À notre avis,
la première contribution du législateur consiste à
édicter de bonnes lois. Nous appuyons donc la recommandation d'une loi
générale sur la culture. D'ailleurs, à notre avis,
certains éléments devraient être intégrés
dans la constitution québécoise.
Rapides réflexions sur l'éducation culturelle. Là
aussi, selon la définition que l'on donne à la culture, le sens
peut être très différent. Si on parle de la culture selon
les composantes qui apparaissent à la page 38, on aura comme
interprétation qu'à l'école l'éducation culturelle
visera simplement à préparer les élèves à
être de bons créateurs ou bien des consommateurs avertis. Mais, si
on a une vision beaucoup plus large de la culture, on voit immédiatement
que cela prend une tout autre portée et que ça englobera
l'activité éducative dans toutes ses finalités.
Enfin, parler de culture, c'est parler d'intégration culturelle,
d'intégration des familles, des groupes qui appartiennent à des
communautés ethniques minoritaires, se rappeler que l'école est
là pour transmettre la culture nationale. Dans le cas qui nous occupe,
la culture nationale, c'est la culture du Québec; ce n'est pas la
culture canadienne. Également, l'intégration des personnes vivant
dans les différentes régions du Québec. Quand on aborde la
question de l'intégration culturelle, il faut avoir cela aussi en
mémoire. Un des grands mérites du rapport Arpin, à notre
avis, c'est de faire ressortir la nécessité pour une
société moderne d'accorder une priorité au
développement dans le domaine de la littérature et des arts. Le
fait de donner un statut privilégié à la production
artistique littéraire et d'attacher une grande valeur à la
qualité des oeuvres, c'est déjà développer un
modèle d'attitude qui est intéressant et qui engage toute la
collectivité. Il n'est pas fortuit que la conscience de
l'identité québécoise, au cours des trois dernières
décennies, ait coïncidé avec un foisonnement de la
production littéraire et artistique. Celle-ci est à la fois un
révélateur et un activateur du développement de
l'identité québécoise.
Investir dans le développement du domaine artistique et
littéraire est donc une nécessité vitale pour notre peuple
et l'État national doit soutenir tous les efforts nécessaires en
ce domaine. À cet égard, nous sommes d'accord avec les
recommandations relatives à la protection du droit d'auteur qui nous
apparaît comme fondamentale et nous demandons au gouvernement du
Québec de faire pression sur celui d'Ottawa pour obtenir une
révison de cette loi, tout en signalant, par ailleurs, qu'à notre
avis il y a
quand même une certaine incohérence à revendiquer
les pleines compétences sur toutes les questions à portée
culturelle et de se fier au gouvernement d'Ottawa pour régler un
problème qui est d'importance. Nous demandons également que le
Québec adhère le plus tôt possible aux conventions
internationales sur les droits d'auteur et les droits voisins. Nous croyons que
les volets de soutien à la création et à la diffusion des
oeuvres et des échanges culturels doivent être
considérés comme prioritaires dans l'action internationale du
Québec et, particulièrement, le Québec devra intensifier
sa participation aux organismes de la francophonie.
Un petit bout sur Radio-Québec pour rappeler l'importance de la
disponibilité d'équipement culturel dans toutes les
régions du Québec. Il nous semble qu'il serait indiqué de
confier à Radio-Québec un rôle de premier plan dans le
rayonnement de la culture québécoise et dans la
réalisation de nos objectifs de développement culturel. Cela,
bien sûr, amène à poser la question d'un financement plus
adéquat et le renforcement de la mission culturelle de Radio-Canada qui
s'est affaiblie au cours des dernières années. Nous sommes
d'accord avec la suggestion qui a été mise de l'avant par le
ministère des Communications pour rapatrier toute la compétence
législative et administrative dans le domaine des communications. Nous
appuyons fortement, donc, l'objectif d'un tel rapatriement.
Enfin, nous attirons votre attention sur les bibliothèques
publiques qui sont reconnues par l'UNESCO comme une responsabilité des
pouvoirs publics. Nous regrettons que le rapport Arpin n'ait pas davantage
développé sa réflexion sur l'accessibilité du
public a la lecture. Nous demandons donc à la commission parlementaire
de remettre à l'ordre du jour les 76 recommandations du rapport
Sauvageau, de réviser la Loi sur les bibliothèques publiques qui
est vieille de plus de 30 ans et de développer une politique dynamique
à l'égard des bibliothèques publiques en affirmant sa
volonté politique d'y investir les montants nécessaires. À
notre avis, une bibliothèque, ce n'est pas qu'un dépôt de
livres, c'est un lieu d'animation culturelle.
Maintenant, un financement adéquat des arts et de la culture. Les
artistes portent les arts et la culture à bout de bras, au
Québec. C'est elles et c'est eux qui en assurent le financement. Leur
condition d'artiste constitue une injustice sociale criante avec un taux de
pauvreté qui dépasse 80 %. Il y a donc un sous-financement dans
le secteur culturel qui a pour effet de limiter l'accès aux arts et
à la culture et qui maintient les artisans, une bonne proportion d'entre
eux, dans un état de pauvreté inacceptable. Pourtant, notre
société s'identifie fortement aux arts et à la culture. La
vitalité de notre culture québécoise est remarquable, mais
fort probablement y a-t-il une illusion entretenue par les médias qui
présentent les gagnants dans nos artisans et nos artisanes et qui vient
déformer la perception populaire et occulter le sous-financement qui
existe dans le secteur culturel.
On peut bien dire qu'il y a étroitesse du marché
potentiel, qu'il y a diversification des activités de loisir, qu'il y a
plafonnement de la demande, qu'il y a quasi-impossibilité d'enregistrer
des gains de productivité, toutes ces raisons sont là, mais
n'expliquent pas tout. L'activité artistique et culturelle répond
à des impératifs. C'est un bien public et l'État
québécois se doit d'être le maître d'oeuvre de
l'épanouissement de la culture et des arts au Québec.
Nous souscrivons à la vision qui réclame l'injection de
ressources financières en vous disant que nous ne devons pas
considérer ces investissements comme une dépense
d'épicerie, mais comme un investissement collectif. Je pense qu'il y a
là des comparaisons, des parallèles à faire avec ce que
nous disons autour de l'éducation. Tout autant les dépenses en
éducation sont un investissement collectif, les dépenses dans le
domaine culturel sont également un investissement collectif.
Le situation géopolitique du Québec justifie un
investissement culturel gouvernemental accru. L'objectif du 1 % qui est souvent
réclamé, à notre avis, semble un leurre parce qu'il ne
serait qu'un cataplasme sur une situation qui est dramatique dans certains cas.
Bien sûr, on nous parlera de la contrainte financière de
l'État, mais nous devons constater qu'il y a des manques à gagner
qui sont le résultat de certaines concessions fiscales qui n'ont pas
fait l'objet d'évaluation, qui représentent des pertes de
centaines de millions en recettes et qui n'ont pas été des
mesures efficaces aux plans économique et social. À notre avis,
quand on aborde la question des contraintes financières de
l'État, ça nous amène à réclamer une
commission d'enquête sur la fiscalité québécoise.
Nous avons vraiment à regarder le problème dans son ensemble.
Nous préconisons le rapatriement à Québec de tous
les pouvoirs normalement dévolus. Ces compétences vont
s'accompagner de ressources fiscales qui permettront au Québec
d'être véritablement le maître d'oeuvre du projet culturel
québécois et cela, même si certaines associations,
particulièrement dans le cinéma, ont peur de perdre la manne
fédérale. Il faudrait rappeler que la manne
fédérale, c'est nos impôts tout simplement et qu'il n'y a
pas lieu de s'inquiéter outre mesure.
La part des municipalités dans les dépenses publiques au
titre des arts et de la culture est faible, au Québec, à peine 22
%. C'est ce qui explique que, dans les régions, les bibliothèques
publiques, les musées privés et les salles de spectacle manquent
de moyens. Si on peut convenir qu'il y a lieu de faire des municipalités
un intervenant déterminant, qu'il y a une nécessaire
décentralisation à envisager, il ne
faudrait pas que, dans les faits, cela soit un délestage de
responsabilités et un affaiblissement de financement qui viendraient
empirer une situation.
Nous sommes surpris que le rapport Arpin soit aussi timide au niveau du
financement. C'est vraiment la partie où on est le plus dans le flou
artistique et dans les voeux pieux. Il nous semble que miser seulement sur des
mesures incitatives, c'est aléatoire, que c'est également
inéquitable parce que les effets par rapport à la strate de
revenus et à l'économie d'impôt ne sont pas les
mêmes. Enfin, ce n'est pas un financement qui est garanti de
stabilité. Nous pensons également qu'affecter les recettes de la
TVQ au soutien de la culture nous apparaît comme une drôle de
mesure; surtout au moment où on va surseoir à l'application de la
TVQ et où on se rend compte des effets nocifs de la TVQ, il nous semble
que ce n'est pas réaliste de réclamer l'affectation des recettes
de la TVQ. Il nous semble, au contraire, qu'il faille envisager cela par une
fiscalité progressive et équitable.
Enfin, sur le mécénat. Nous ne sommes pas contre le
mécénat, mais ce n'est pas une formule de financement d'avenir
pour le secteur culturel. C'est même le contraire d'une
démocratisation des choix culturels.
Éducation et culture, la dernière partie. Pour assumer le
progrès culturel du Québec, il faut redonner la priorité
à l'éducation parce que c'est sur l'école qu'on doit
d'abord compter et miser pour réaliser une véritable politique
éducative et culturelle. Une politique de promotion de la culture
québécoise qui ne mettrait pas l'accent sur la revalorisation et
sur l'amélioration de l'éducation scolaire serait
incomplète et vouée à l'échec. À cet
égard, quelques recommandations.
Le Président (M. Gobé): Mme Pagé, je vous
demanderais de conclure peut-être un peu plus rapidement...
Mme Pagé: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...parce que le temps est
maintenant dépassé, pour pouvoir favoriser la discussion
après peut-être.
Mme Pagé: Parfait. Alors, rapidement, vous dire qu'en
règle générale nous souscrivons à l'approche du
Conseil supérieur de l'éducation sur l'éducation
culturelle, sur le fondement de l'éducation artistique. Un bémol
que je dois vous signaler immédiatement, c'est quand le rapport Arpin
dit que le ministère de l'Éducation avance dans la bonne
direction quand il met des programmes d'éducation artistique à
l'intention des élèves doués. Pour nous,
l'éducation artistique ne doit pas être réservée aux
enfants doués. Elle est un facteur de motivation et d'intégration
pour les enfants en général. L'éducation artisti- que doit
être le lot de tous les élèves, pas seulement celui des
élèves doués. À cet égard-là, nous
avons une réserve très marquée par rapport à
l'orientation du rapport Arpin.
Enfin, un dernier bout sur les bibliothèques scolaires. Le
rapport Arpin est muet sur les bibliothèques scolaires. C'est une grave
lacune, à notre avis. La bibliothèque, c'est le parent pauvre de
l'école québécoise et elle est dans une impasse, notre
bibliothèque scolaire. Il n'y a pas de disposition législative.
Dans la Loi sur l'instruction publique, il n'y a rien sur les
bibliothèques scolaires. La bibliothèque scolaire ne figure pas
au chapitre des services éducatifs proprement dits. Il y a donc un vide
juridique, un manque de ressources. Nous demandons à la commission
parlementaire et au gouvernement de reconnaître le rôle essentiel
de la bibliothèque à l'école, de combler le vide
juridique, d'accorder les crédits nécessaires, de prévoir
un volet de formation des élèves à l'utilisation des
documents et de mettre sur pied des tables de concertation avec les Affaires
culturelles pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de lecture
publique qui favoriserait la coordination entre les bibliothèques
publiques et les bibliothèques scolaires.
Donc, nous attendons beaucoup du gouvernement. Nous attendons de
l'État québécois qu'il élabore et mette en oeuvre
une politique culturelle qui soit québécoise, qui se
réapproprie les moyens d'une politique, qu'il prenne au sérieux
sa responsabilité, qu'il en fasse le point de repère
obligé de ses décisions politiques et qu'il reconnaisse le droit
à la culture comme fondamental pour les Québécoises et les
Québécois.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
présidente. Je vais maintenant passer ta parole au côté
gouvernemental. Vu que nous avons le plaisir et l'honneur d'avoir avec nous M.
le ministre de l'Éducation qui désirait intervenir, je
demanderais le consentement des membres de cette commission parce que,
lorsqu'un député n'est pas membre d'une commission, ça
requiert, pour qu'il puisse intervenir, le consentement unanime des membres de
cette commission. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M.
le député de Shefford.
M. Boulerice: Sous réserve... Sérieusement, M. le
Président, avec plaisir. Je pense qu'on est très heureux d'avoir
le ministre de l'Éducation avec nous aujourd'hui. Il est d'ailleurs le
premier des ministres qui se présente et on en est vraiment très
heureux.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Charlevoix.
M. Boulerice: J'ose espérer que vous serez solidaire de
votre ministre.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, vu
qu'if y a consentement, il nous fait plaisir de vous céder la
parole. Vous pouvez commencer le dialogue avec Mme la présidente de la
CEQ.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier mes collègues de me permettre de faire part, pendant quelques
minutes seulement... Je n'ai pas l'intention d'abuser du temps de cette
commission. On sait que le temps est très limité et que les
collègues veulent poser des questions. D'abord, je voudrais saluer Mme
la présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec,
Lorraine Pagé, ainsi que M. Laberge qui l'accompagne, et les remercier
de participer à ce débat très important.
Le rapport Arpin vient établir des références
à ce qui pourrait être fait au Québec dans le cadre de
notre responsabilité, pour que la culture, sous tous ses angles, se
véhicule dans notre société, soit bien ancrée et
bien enracinée. Ça interpelle évidemment plusieurs
ministères dont le mien, principalement le ministère de
l'Éducation. J'apprécie la présentation qui est faite par
la Centrale de l'enseignement du Québec aujourd'hui. On reconnaît
la Centrale, on reconnaît les enseignants et les enseignantes du
Québec, des gens, pour 60 000 d'entre elles et d'entre eux, qui sont
bien engagés dans une mission qui est essentiellement une mission
éducative quotidiennement. J'ai eu l'occasion de lire le document et de
prendre connaissance des grandes recommandations, des questionnements, des
voeux, etc., qui y sont formulés. J'aimerais vous dire bienvenue au
Parlement. Aussi, par ma présence ici, je veux indiquer non seulement
à la Centrale de l'enseignement du Québec, mais à mes
collègues la volonté très claire, très nette de
travailler conjointement entre les ministères. (16 heures)
Dans ce document, c'est non seulement le ministère des Affaires
culturelles, sous la responsabilité de ma collègue, Mme Frulla,
mais aussi le ministère des Communications et le ministère des
Communautés culturelles, etc. Je crois que la production de ce document
- j'avais d'ailleurs eu l'occasion de l'indiquer, non pas comme ministre de
l'Éducation mais aussi comme leader parlementaire du gouvernement, quand
j'avais confirmé la tenue de cette commission parlementaire dès
le moment du dépôt du document le 14 juin dernier... C'est une
consultation quand même très vaste puisque c'est un nombre
important, appréciable mais aussi en même temps
intéressant; c'est intéressant qu'autant d'organismes se
manifestent pour faire valoir leur perception des différents
créneaux qui devraient être privilégiés par le
gouvernement et par la société en général.
Mme Pagé, merci. J'ai bien apprécié le premier
commentaire de votre document: "Être ensemble est une immense
opération, une orchestration infiniment complexe, dont le chef invisible
est la conviction partagée que cet ensemble existe, qu'il a un sens
à travers l'histoire, qu'il nous faut y être attentifs afin qu'il
ne se relâche pas, et que cette attention à plusieurs hauteurs a
des des synomymes qui sont liberté, démocratie, justice sociale,
humanité. Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple
n'est pas l'anéantissement militaire, c'est l'indifférence de ses
membres à la forme de son avenir." C'est une citation de M. Emmanuel,
aux Éditions du Seuil, 1971. Je reconnais là votre organisme,
votre association et c'est bien qu'il en soit ainsi.
Quelques commentaires. Depuis le dépôt du document, le
ministère de l'Éducation, immédiatement après son
dépôt, mon équipe sous-ministérielle et les membres
de mon équipe immédiate ont procédé à
l'analyse du document. Déjà, je peux vous donner l'assurance que
mon ministère et le ministère des Affaires culturelles, par la
voie de nos deux sous-ministres respectifs, sont au travail dans une
perspective d'intervention véritablement intégrée en
fonction d'objectifs communs que nous partageons et auxquels on
réfère ici. On n'a qu'à citer la participation du
ministère de l'Éducation dans des démarches qui
interpellent le ministère des Communications et aussi les Affaires
culturelles avec Radio-Québec. Il se fait de belles choses chez nous et
on doit mettre davantage d'accent via des structures comme celles de
Radio-Québec qui font la fierté des Québécois.
Vous avez référé aux bibliothèques
scolaires. Mme Pagé, là-dessus, je dois vous indiquer ceci. En
1991-1992, j'ai fait part, au moment de l'énoncé
budgétaire, de l'obligation que nous avions de régler ou de
pourvoir à des investissements importants pour doter nos écoles
secondaires de laboratoires, compte tenu que l'enseignement des sciences
devient obligatoire à partir de cette année, l'an prochain. Mais
j'avais à ce moment-là indiqué très clairement et
formellement au nom du gouvernement que la prochaine étape, pas
prochaine étape en termes de calendrier sur une période
prolongée, mais prochaine étape d'investissements ad hoc
spéciaux, ce serait adressé aux bibliothèques scolaires.
J'ai été à même de visiter de nombreuses
écoles au Québec et j'ai été à même de
voir en même temps des carences très très évidentes,
très grandes. Et c'est définitif qu'une école, c'est une
âme, c'est du capital humain qui l'articulent, qui la font vivre
quotidiennement. Ils font vibrer la démarche éducative parce que
la démarche éducative va au-delà uniquement et simplement
des résultats scolaires. L'école est de plus en plus
interpellée et l'attente de la société, c'est de plus en
plus évident que l'école est perçue comme devant
être le carrefour de formation, d'éveil à la connaissance,
de stimulation, bon, etc. Et, pour moi, un des principaux carrefours dans
l'école, ça doit être la bibliothèque. La
bibliothèque dans l'école doit s'inscrire de façon
complémentaire à la famille, ce qui se vit dans la famille parce
que ça sera toujours la première
référence de développer le goût de
l'apprentissage. Ça, ça doit puiser sa source dans la famille.
Mais comme l'école doit s'inscrire de plus en plus de façon
complémentaire et même, dans certains cas, de façon
supplétive à la famille, la bibliothèque scolaire et non
seulement la bibliothèque comme espace physique mais aussi la
bibliothèque avec le personnel qui y est affecté et la dynamique
qui se crée peut constituer, selon moi, un élément de fond
dans le goût d'apprendre. Et, à cet égard-là, merci
de l'avoir signalé encore aujourd'hui. Vous savez que j'endosse la
très très grande majorité des objectifs que vous
poursuivez, des moyens que vous nous demandez de prendre. Donc, j'ai bon espoir
que, pour 1992-1993, on soit en mesure de voter un montant substantiel pour
faire face à cette responsabilité qui est la nôtre.
Autre élément. Nous entendons, les Affaires culturelles et
l'Éducation, travailler de façon beaucoup plus étroite
pour - excusez-moi le terme - optimaliser, finalement, nos investissements. On
a eu l'occasion, ma collègue et moi, d'inaugurer des
bibliothèques qui servent à la fois à des fins scolaires
mais qui servent aussi pour l'ensemble de la population soit des quartiers ou
des villages. Et la bibliothèque, dans cette forme de concept municipal
et scolaire, ça devient souventefois la seule ou la principale
référence culturelle du secteur, de la municipalité ou du
quartier parce que ça déborde, évidemment, le livre.
Ça va à la musique, ça peut aller aux expositions, les
ateliers, l'animation, bon, etc.
Autre élément aussi, j'ai l'intention, je l'ai
indiqué dans le cadre de ma tournée, de privilégier,
d'inciter les commissions scolaires à faire davantage en ce qui concerne
les arts d'interprétation. J'espère, je suis persuadé que
la Centrale de l'enseignement du Québec va y souscrire. On a beaucoup
de... Exemple concret, je me suis inquiété quand j'ai
constaté que probablement 80 % des élèves qui suivent des
cours de théâtre dans nos écoles, 80 % probablement, n'ont
jamais vu une pièce de théâtre, de visu, soit à la
Place des Arts, soit au Grand Théâtre, peu importe à quel
endroit. Pour moi, on doit ramener le monde des affaires à
l'école mais on doit aussi accroître la présence de celles
et ceux, finalement, qui, soit par leurs chansons, soit par leurs
écritures, soit par le théâtre, peu importe,
véhiculent qui nous sommes et on doit les ramener à
l'école. À cet égard-là, j'entends associer
pleinement et entièrement les artistes du Québec à nos
activités et particulièrement dans le cadre soit des
activités complémentaires ou dans le cadre de concentrations. On
a des écoles avec des concentrations en... On a des programmes enrichis
dans le sport, sport-étude, bon, etc., et je crois qu'on devrait, mais
non seulement on devrait, je peux vous dire que j'entends, comme ministre de
l'Éducation, développer ces créneaux comme le
théâtre, la danse, bon, etc.
Mme Pagé, merci beaucoup d'être venue. Ça a
été bien agréable. Je vais devoir m'excuser auprès
de mes collègues. Je dois rentrer à Montréal, je dois
rencontrer la CECM et le MEMO demain. Je dois rencontrer le président de
la CECM ce soir, rencontrer les commissions scolaires, être près
d'elles quand elles ont besoin d'être guidées, sans paternalisme
et en vertu des pouvoirs qui m'appartiennent. J'entends d'ailleurs... Et
là je ne veux pas faire de coq-à-l'âne, j'étais
tellement surpris cet après-midi. Ces bonnes gens qui me demandent de
l'argent, de l'argent, de l'argent. Il ne manque, il en manque, hein? J'ai
l'intention de questionner entre autres la CECM demain sur le fait que, la
semaine prochaine, 150 personnes du Québec, 150 Québécois,
des gens des réseaux scolaires - Mme Pagé, vous ne serez
peut-être pas surprise mais, en tout cas, moi, je l'ai été
- de nos réseaux des commissions scolaires seront au congrès de
la Fédération des directeurs d'école à Montpellier
- j'ai vu le programme; c'est deux jours là-bas et un séjour de
trois, quatre jours a Madrid avant et une couple de jours au retour - dont 22
de la CECM. Et, ensuite, on s'arrache les cheveux, chacun, chacune d'entre
nous, pour lutter contre la pauvreté, pour améliorer les
équipements et, parallèlement à ça, on
dénonce les budgets du ministre. Alors, c'est le genre de question que
je vais poser. Je vois votre assentiment, M. le député. Je dois
dire que je vais questionner d'ailleurs Jérôme-Le Royer, votre
commission scolaire, qui, hier, décidait d'envoyer un commissaire
assister au lancement de la navette au Cap Canaveral. Alors, c'est le genre
de... Je comprends que la mission du ministère de l'Éducation,
c'est une mission fondamentale, noble, ça va de soi, c'est le fondement
d'une société, mais j'ai appris aussi qu'on doit surveiller la
façon dont l'argent est dépensé. Et merci de nous le
rappeler à l'occasion, Mme Pagé.
Mme Pagé: Je voudrais en même temps vous rappeler
qu'aux dernières nouvelles, à la CECM, il devait rester sept
bibliothécaires en poste au grand maximum. Alors, au moment où on
parle des bibliothèques scolaires, que vous parlez de la revitalisation
des bibliothèques, il y a à se poser ce type de question sur les
services éducatifs. On ne peut pas faire fonctionner une
bibliothèque scolaire en ne comptant que sur le bénévolat
des mères de famille.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Pagé. M.
le ministre.
M. Boulerice: ...M. le ministre.
Le Président (M. Gobé): D'autant plus, M. le
ministre, que j'étais au téléphone, lundi, avec le
président de la commission scolaire de l'île pour
essayer de collecter 10 000 $ qui ont été coupés
à l'école Montmartre à Pointe-aux-Trembles pour les
services aux défavorisés et il me disait qu'il n'y avait pas de
fonds à Jérôme-Le Royer. Peut-être que vous pourriez
en parler au président...
M. Pagé: Vous aussi.
Le Président (M. Gobé): Je lai fait, M. le
ministre, je l'ai fait. Je vous remercie beaucoup. Nous sommes fiers de vous
avoir eu à cette commission. Soyez assuré, M. le ministre, que la
culture et l'éducation, ça va de pair, et on sait que vous y
croyez. On vous remercie, M. le ministre. Alors, Mme la ministre, il vous reste
quelques minutes.
Mme Frulla-Hébert: Oui, il ne me reste que quelques
minutes. Je pense que c'était important. Je remercie d'ailleurs
très chaleureusement mon collègue parce que c'est vrai qu'ici on
peut dire: Bon, oui, on travaille avec le ministère de
l'Éducation, oui, c'est sérieux. Mais on voulait aussi vous
montrer la preuve tangible que, oui, c'est sérieux.
Je veux revenir un peu à ce matin. Nous avons eu un groupe, les
représentants du Regroupement des services universitaires d'animation
culturelle et communautaire. Finalement, ils nous ont présenté un
mémoire fort intéressant qui, basé sur certaines de leurs
recherches, disait que, si le développement artistique n'avait pas lieu
au primaire et au secondaire, c'était inutile de penser à
développer des nouveaux marchés.
Il y a eu aussi des témoignages de gens, de groupes, par exemple,
la Compagnie de théâtre pour jeunes, qui nous ont exprimé
eux aussi leurs problèmes à travailler avec les commissions
scolaires. Exemple, ils sont prêts à les recevoir, ils sont
prêts a avoir des tarifs spéciaux, mais le problème, c'est
le transport, par exemple. Les élèves qui doivent arriver
à une telle heure versus une autre. Mme Pagé, comment on fait
pour concilier les deux? Parce qu'il semble, de l'extérieur, vue de la
ministre des Affaires culturelles, que le système est tellement rigide
que, oui, on peut amener des écrivains à l'école, on peut
amener... Mais, comme mon collègue disait, faire sortir les
élèves, par exemple, surtout les jeunes... Au niveau
universitaire, c'est moins... On se regroupe ensemble et on organise une
activité. Mais les jeunes, il faut les organiser. Il me semble que c'est
tellement difficile. Est-ce que c'est vrai qu'il y a une rigidité
à ce point-là au niveau du système, au niveau des
commissions scolaires?
Mme Pagé: II y a une certaine forme de rigidité,
effectivement, et c'est dommage que le ministre de l'Éducation soit
parti parce qu'un des éléments que nous lui avons
signalés, autour de sa réflexion sur le calcul resserré du
nombre de jours de classe, c'est que ça introduirait une nouvelle forme
de rigidité. Parce que nous savons qu'il y a des administrateurs
scolaires qui vont prendre prétexte de cela pour mettre fin à des
expériences, ce que j'appelle, moi, de l'école "hors les murs"
parce que l'éducation culturelle ne peut pas se faire que dans les murs
de l'école, il y a une éducation "hors les murs".
Et ces nouvelles consignes autour du nombre de jours, du nombre d'heures
de classe vont amener un resserrement au niveau du fonctionnement
général des commissions scolaires, vont accroître les
normes administratives et vont parfois venir nous priver d'une bouffée
d'oxygène. Maintenant, il faut savoir qu'introduire de la souplesse,
ça suppose une marge de manoeuvre financière et
budgétaire. Parce que, quand on veut, par exemple,
particulièrement dans les régions, où on est tributaires
du transport scolaire, faciliter des déplacements des jeunes, ça
suppose avoir les budgets qu'il faut pour du transport scolaire
supplémentaire et cela doit faire partie d'orientations claires au
niveau du ministère de l'Éducation ou du ministère des
Affaires culturelles sur la priorité à accorder à
certaines choses.
Et, malheureusement, il faut constater que par exemple, au niveau...
Pour donner un exemple concret, pour illustrer ça quand les messages
sont ambigus, quand le ministère de l'Éducation a fait
disparaître le service des bibliothèques d'enseignement au
ministère, quand les directions générales du
ministère de l'Éducation ont diminué dans leurs services
d'expertise, les commissions scolaires ont interprété cela comme
moins d'importance aux bibliothèques scolaires, les budgets ont
été décentralisés dans les écoles, au niveau
des bibliothèques, et chacun des directeurs d'école a pris des
décisions administratives qui ont desservi la mission des
bibliothèques scolaires dans les écoles. S'il y a le même
langage ambigu au niveau de l'éducation culturelle dans nos
écoles, on va faire le même constat dans quelques mois, dans
quelques années quant à la portée qu'auront eue nos bonnes
intentions. (16 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Vous dites, finalement, dans votre
mémoire, que le ministère doit être partie prenante et non
pas ne se fier qu'aux commissions scolaires. Mais, rapidement, parce que je
veux laisser la chance aussi aux autres, au niveau des programmes, par exemple,
on voit la popularité qu'a prise la dictée. On se souvient, dans
notre temps, la dictée était un pensum épouvantable. Et
là, tout à coup, on a des concours de dictée, nos
jeunes... Et tout est parti de l'émission de Bernard Pivot, concours
avec Radio-Québec, etc. Donc, il y a une interaction à faire.
Mais est-ce que c'est possible de penser aussi, à l'intérieur
même des cours, des programmes, au lieu d'enseigner de façon
rigide, d'y aller peut-être d'une façon un peu plus, je dirais,
libérale - dans un sens où tu fais
venir un écrivain, tu fais... - d'intégrer les ressources
que l'on a présentement au Québec? Parce que nos artistes, nos
écrivains, tout ça, nous disent: On veut bien mais on n'a pas
toujours l'accès. Donc, intégrer justement ces sources, ces
forces vives et les amener aux enfants pour qu'ils apprennent non pas de livres
mais de la bouche même de gens qui font justement la culture et qui y
travaillent.
Mme Pagé: Je vous disais tantôt qu'une
bibliothèque scolaire, ce n'est pas un dépôt de livres.
C'est un lieu d'animation culturelle.
Mme Frulla-Hébert: Donc, vous servir de la
bibliothèque...
Mme Pagé: Dans ce sens-là, on peut penser que la
bibliothèque scolaire peut devenir un lieu, le moment où on va
à la bibliothèque scolaire, un moment d'animation culturelle;
à notre sens, c'est très important. Il y aura toujours de
l'enseignement artistique qui devra se faire . par des spécialistes.
Quand on pense à la danse, quand on pense aux arts, quand on pense
à la flûte à bec ou au piano, on ne s'improvise pas
professeur dans ces domaines mais les généralistes, les
titulaires peuvent jouer un rôle très important dans
l'éducation artistique. Encore faut-il qu'ils aient les instruments
pédagogiques, qu'ils aient la formation, le perfectionnement pour
pouvoir le faire, mais c'est possible. Et vous avez signalé la
revalorisation qu'a connue la dictée. Mais je pense qu'une étape
qui nous attend, c'est la revalorisation de la lecture parce que la lecture
c'est l'accessibilité à la connaissance, au savoir, à la
culture des autres, à notre propre culture et on pourrait aussi penser
à l'apport pédagogique très important que pourrait
représenter la chanson comme instrument d'acquisition du
français, comme ouverture sur notre culture et la culture francophone en
général. C'est une approche qui permet à la fois de lier
l'expression rythmique avec l'expression des mots. Et cela est très
important dans les modes d'apprentissage.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Pagé. Le
temps est maintenant écoulé pour Mme la ministre. Je me rappelle
avoir fait une émission de télévision avec vous à
une époque où on avait parlé de la dictée, Mme
Pagé.
Mme Pagé: De la dictée?
Le Président (M. Gobé): En 1985...
Mme Pagé: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...et il y avait des gens
qui m'avaient vilipendé parce que je voulais ramener la dictée et
votre prédécesseur, M. Charbonneau, qui était avec nous,
avait, au contraire, fait preuve de vision. Il avait dit: Un jour, elle va
revenir; vous allez voir. Alors, je vois que c'est une suite dans...
Mme Pagé: La dictée est revenue. Là, il
manque la lecture.
Le Président (M. Gobé): Peut-être qu'on
pourrait vous inviter un jour... Peut-être que la commission...
Mme Pagé: Parce que là nos jeunes ne lisent pas
beaucoup, voyez-vous. Peut-être font-ils plus de dictées mais ils
ne lisent pas beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Mais ça va venir.
C'est le stade suivant, en effet. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui, Mme Pagé, M. Laberge, vous avez bien
raison: La lecture prédispose à la dictée. À la
page 39 de votre mémoire - je ne peux quand même pas oublier une
très belle période de ma vie qui a été celle
d'éducateur spécialisé auprès d'enfants en
difficulté d'apprentissage - vous dites: "II existe de nombreux indices
à l'effet que, loin de nuire aux autres apprentissages scolaires, la
pratique des arts peut contribuer utilement à renouveler la motivation
pour les études et ceci, aussi bien chez les élèves -
entre guillemets - "ordinaires", que chez les élèves dits -
toujours entre guillemets -"doués". Dans cette perspective, refuser aux
plus démunis l'accès à un programme qui pourrait les
remotiver et les revaloriser et ne l'offrir qu'aux doués nous
apparaît tout à fait inacceptable." J'aimerais que vous nous en
parliez un peu plus, Mme Pagé.
Mme Pagé: Ah oui! Je suis bien contente que vous me posiez
cette question-là parce que c'est l'une des recommandations avec
lesquelles nous avons le plus de divergence avec les auteurs du rapport Arpin.
Je le répète, pour les auteurs du rapport Arpin, l'approche qui a
été développée par le ministère de
l'Éducation de soutenir des programmes particuliers au plan de
l'éducation artistique pour les élèves doués est un
pas dans la bonne direction. Pour nous, c'est le contraire d'un pas dans la
bonne direction. Et je m'explique. Tout d'abord, il y a une approche
là-dedans qui est vicieuse. Si on laisse croire que les seuls enfants
qui peuvent bénéficier d'éducation artistique de
qualité, ce sont ceux et celles qui réussissent dans les
matières de base, ça vient renforcer un préjugé
populaire à l'effet qu'il y a les matières importantes à
l'école, et les matières qui ne le sont pas.
Or, pour le développement intégral de nos jeunes, toutes
les matières sont importantes. De façon différente, en
servant des objectifs différents, mais tout est important, y compris
l'éducation artistique. Et nous vivons dans des commissions
scolaires présentement, des écoles où le programme
d'éducation à la musique, par exemple, va se faire sous forme de
concentration, avec des spécialistes. On va l'avoir pour la danse, on va
l'avoir pour les arts plastiques. Mais, au même moment, dans les autres
écoles de milieux populaires, de milieux défavorisés, de
milieux ordinaires tout simplement, on n'aura pas de spécialistes en
musique, on n'aura pas de spécialistes en arts plastiques, et là,
finalement, un élément de motivation et d'intérêt
pour des jeunes, qui parfois ont de la difficulté avec les approches
intellectuelles, mais qui pourraient trouver du renforcement dans une approche
qui fait appel à d'autres sensibilités, ces enfants-là
n'ont pas cet apport de l'éducation artistique. Et en même temps,
je le répète, on maintient l'approche que les seuls enfants qui
peuvent avoir l'éducation artistique, c'est ceux qui n'ont pas de
difficultés dans les matières importantes, parce que
l'éducation artistique n'est pas une matière importante.
Et c'est ça qui est dangereux dans cette approche. Et c'est pour
ça que nous sommes en désaccord avec l'accord que donnent les
auteurs du rapport Arpin à cette approche qui s'est
développée dans les commissions scolaires, la plupart du temps
pour faire concurrence aux écoles privées, faut-il le dire. Sauf
que l'école publique n'a pas à se mettre à ce niveau de
concurrence avec l'école privée. Elle doit penser formation
fondamentale et formation globale de nos jeunes.
M. Boulerice: Mme Pagé, on pourrait se
référer à Pierre Emmanuel qui introduisait votre
mémoire "... c'est l'indifférence de ses membres à la
forme de son avenir". La CEQ n'a jamais souffert d'indifférence quant
à la forme de l'avenir du Québec et de son peuple.
Pourquoi est-il illusoire de penser, comme le prétendent
certains, que le Québec peut récupérer l'ensemble des
responsabilités fédérales dans le domaine de la culture
dans un régime fédéral? Et pourquoi le rapatriement ne
peut être logiquement envisagé que dans le cadre de la pleine et
entière souveraineté du Québec?
Mme Pagé: Je pense qu'il ne faut pas envisager le
rapatriement seulement dans le cadre de l'indépendance ou de la
souveraineté. Mais nous pensons que la première garantie de la
pleine juridiction et de la pleine compétence, de la compétence
des compétences dans le domaine culturel, c'est la souveraineté
et l'indépendance nationale.
Et nous souscrivons à l'approche du rapport Arpin qui dit qu'il
faut rapatrier les pouvoirs. Parce que rapatrier les pouvoirs, ça sera
rapatrier les ressources financières, les ressources fiscales
également. Mais nous disons que, pour avoir la pleine compétence,
c'est par la voie de l'indépendance et de la souveraineté que
ça doit passer. Parce que la culture, ce n'est pas que l'expression
artistique, ce n'est pas que de décider si l'office du cinéma va
être financé à même les impôts qu'on verse
à Ottawa, ou à même les impôts qu'on verse au
Québec. C'est une question qui est beaucoup plus large que cela et qui,
à notre avis, doit vraiment se poser en faisant le lien de façon
très étroite avec le projet d'avenir que nous portons, avec
l'avenir de notre peuple, ainsi que M. Emmanuel le dit dans son introduction
à notre mémoire. Et Henri peut compléter ma
réponse.
M. Laberge (Henri): Oui, je voudrais compléter en disant
que si c'était possible qu'on puisse récupérer tous les
pouvoirs dans le domaine des communications et puis dans le domaine des
affaires culturelles, à l'intérieur du régime
fédéral, on ne serait évidemment pas contre ça.
Sauf que ça nous semble assez illusoire, parce qu'il y a deux
intérêts nationaux qui sont en contradiction ici, et puis qui sont
légitimes.
C'est qu'il y a une culture canadienne, canadienne-anglaise qui a besoin
d'être protégée également. Et je pense que ça
serait impensable et ce n'est même pas souhaitable de demander au
gouvernement fédéral de se délester de toute
responsabilité à l'égard de la culture, et de se
délester des instruments que sont, par exemple, le domaine des
communications. Je pense que c'est important pour le Canada anglais que d'avoir
un lieu où la culture nationale du Canada anglais est défendue et
protégée.
Alors, demander simplement le transfert des pouvoirs dans le domaine
culturel à l'ensemble des provinces, c'est une illusion et ce ne serait
même pas souhaitable. Ce qu'il faut demander, c'est que le Québec
les ait, parce que le Québec a une culture différente à
défendre.
M. Boulerice: Mme Pagé, vous qui, mardi, inauguriez la
sculpture de Pacijou ici à Québec, dans la quartier Saint-Roch,
savez fort bien que ces valeurs humanistes que les enseignants tentent de
donner aux enfants dans nos écoles peuvent être facilement
détruites par certains médias, notamment celui qui nous est le
plus accessible, qui est la télévision. La question que
j'aimerais vous poser: Est-ce que vous croyez qu'une politique culturelle peut
prétendre être une véritable politique culturelle si elle
n'intègre pas la dimension des communications, notamment l'importance de
la télévision, comme je vous l'ai souligné?
Mme Pagé: Non.
M. Boulerice: Ce ne serait pas une vraie politique des arts et de
la culture.
Mme Pagé: Exactement, parce que la
culture, ce n'est pas que le théâtre, ce n'est pas que la
danse, ce n'est pas que les beaux-arts. Pour la majorité de nos jeunes
enfants, de nos adolescents, leur premier contact avec la culture, c'est par le
biais de la télévision. Dans certains cas, c'est même leur
seul contact culturel. Tantôt, on parlait du faible taux de lecture.
Donc, quand on fait ce constat de la réalité, on
s'aperçoit bien que la culture, ça ne peut pas, en 1991, se
concevoir sans aborder la question des communications et de la
radiotélédiffusion parce que. c'est un segment de notre vie
culturelle qui va constamment en prenant de l'importance et qui a de plus en
plus de rayonnement, et qui rentre partout, dans tous les foyers, à
toutes les heures du jour et de la nuit.
M. Boulerice: En dernière question, Mme Pagé. Tout
en étant favorable aux grandes orientations du rapport Arpin, vous
déplorez la timidité des propositions du rapport quant au
financement des arts et de la culture. Est-ce que vous pourriez peut-être
élaborer davantage, notamment sur la nécessité
d'élargir le débat alentour du 1 %?
Mme Pagé: Oui. Vous rappelez, donc, que sur le rapport
Arpin nous trouvons qu'au niveau du financement on est dans le flou artistique.
Les positions qui sont mises de l'avant ne nous semblent pas donner des
garanties de stabilité dans le financement. C'est le cas, par exemple,
des approches volontaires ou des mesures... Je ne me souviens plus du terme
exact.
M. Boulerice: Incitatives.
Mme Pagé: ...incitatives. C'est le cas du
mécénat. Ce ne sont pas des choses mauvaises en soi, mais qui ne
sont sûrement pas suffisantes, qui ne donnent pas les garanties de
stabilité dans le financement et qui ne donnent pas les garanties non
plus quant à la démocratisation du financement. Le 1 %, c'est un
objectif qui est souhaitable. Affecter 1 % de son budget à la culture,
il n'y a personne qui sera contre cela, mais, si on ne fait que ça,
c'est un cataplasme sur une jambe de bois, parce que ça ne
réglera pas le problème de fond qui est le sous-financement de la
culture au Québec. C'est pour ça que la culture n'est pas
accessible dans toutes les régions. C'est pour cela que nos artisans et
nos artisanes vivent dans une situation de pauvreté. Tant qu'on n'aura
pas trouvé des solutions permanentes à cela, nous continuerons de
perpétuer le problème.
À cet égard-là, il nous semble que le rapport
Arpin, les membres du comité Arpin auraient dû scruter plus
attentivement les suggestions qui étaient contenues dans le rapport
Coupet. À la page 34 de notre mémoire, nous en signalons
quelques-unes: des fonds régionaux pour le développement des arts
et de la culture; des programmes de soutien à l'emploi de gestionnaires
dans les organismes artistiques et culturels; une société de
financement des industries et des activités culturelles. Il y avait
là des hypothèses, dans le rapport Coupet, et les membres du
comité Arpin auraient dû regarder ça de façon
beaucoup plus attentive. Je conclus en disant que, de toute façon, notre
sentiment, c'est que nous sommes rendus à un débat public sur la
fiscalité au Québec pour être capables de regarder les
choses dans leur ensemble.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député, en terminant. (16 h 30)
M. Boulerice: Le président me demande, Mme Pagé, M.
Laberge, chers amis, de conclure. Je conclurai très brièvement en
deux points. Le premier. En introduction, vous avez situé les grands
champs d'activité où la CEQ est toujours intervenue, de
façon imminente d'ailleurs, et, lorsqu'on n'a pas écouté
sa voix et qu'on ne l'a pas prise en considération, nous avons dû
refaire nos devoirs comme hommes politiques ou femmes politiques.
Première chose. Deuxième chose, pour ajouter à la
question. Il aurait peut-être fallu aussi prendre en considération
le Conseil des Affaires sociales sur le Québec cassé en deux.
N'en convenez-vous point?
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un petit
mot de remerciement à Mme la présidente de la CEQ?
Mme Frulla-Hébert: Oui. D'abord, un gros merci. Il y
aurait une foule de questions que j'aurais voulu explorer avec vous, mais,
évidemment, ce n'est que partie remise parce qu'il faut
l'élaborer aussi, cette politique. Si on est ici, c'est parce qu'on a un
profond besoin de changement et cette volonté de changement, bien, elle
est ici. Alors, encore une fois, un gros gros merci et félicitations
encore pour votre mémoire.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Mme Pagé: La commission parlementaire sera terminée
bientôt, en tout cas, notre comparution est terminée, mais je peux
vous dire que nous sommes disponibles à la fois pour vous rencontrer ou
pour travailler au sein de comités de travail entre le ministère
de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles pour
aller plus loin dans la réflexion, particulièrement au chapitre
de l'éducation culturelle. Vous pouvez compter sur notre disposition et
notre collaboration et notre expertise.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Pagé, M.
Laberge, je vous remercie. Mme Pagé, au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous faire savoir tout l'intérêt que
nous avons
eu à vous écouter et à prendre connaissance de
votre mémoire et je peux vous assurer que nous en prendrons bonne note
dans l'élaboration de nos prochaines politiques. Ceci met fin à
votre audition et vous allez donc pouvoir maintenant vous retirer. Je vais
accueillir le groupe suivant, les représentants du Grand Conseil des
Cris du Québec.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous aviez une
demande spéciale que vous m'avez faite en attendant que les gens
s'installent, peut-être?
M. Boulerice: Oui, effectivement, M. le Président. Je
devrai quitter immédiatement pour Montréal, mon père ayant
été hospitalisé. J'écouterai l'intervention de M.
Saganash; je serai remplacé par mon collègue, le
député de Duples-sis. Je vous demanderais de m'excuser
auprès des représentants de l'Université du Québec
à Trois-Rivières; mon collègue, M. Paré, les
interrogera. Et, dans le cas de la ville de Longueuil, je vous prierais de
m'excuser auprès de M. le maire Ferland; ma collègue, Mme la
députée de Marie-Victorin, me remplacera. Je demanderai à
mes autres collègues de bien vouloir m'excuser, mais je pense qu'ils
comprennent les circonstances de ce départ.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, nous comprenons et nous compatissons avec vous.
Nous souhaitons un bon rétablissement à votre père et vous
allez nous manquer pour la suite de cette audience car votre présence
est toujours dynamique et très stimulante pour les débats de
cette commission.
Alors, j'accueille maintenant M. Diom Roméo Saganash, qui est
chef exécutif et vice-président du Grand Conseil des Cris.
Bonjour, monsieur. Vous pouvez commencer la présentation de votre
mémoire.
Grand Conseil des Cris
M. Saganash (Diom Roméo): M. le Président.
(S'exprime dans sa langue).
Mme la ministre des Affaires culturelles, membres de la commission
parlementaire, c'est avec un vif intérêt que le Grand Conseil des
Cris s'associe aux travaux de la commission parlementaire chargée de
faire l'examen de la politique de la culture et des arts, telle que
proposée par le groupe-conseil placé sous la présidence de
M. Roland Arpin.
Dans un contexte sociopolitique fortement marqué par les
débats constitutionnels et les questions économiques, il est
rafraîchissant de constater en effet qu'il y a un forum, au plus haut
niveau, qui s'intéresse à la place centrale de la culture dans la
société québécoise. Il est vrai qu'à cet
égard le groupe-conseil a lui-même donné l'exemple en
faisant un vibrant plaidoyer pour faire reconnaître l'importance de la
dimen- sion culturelle dans notre vie collective.
Les Cris, M. le Président, n'ont évidemment pas la
prétention de parler au nom des autres nations autochtones. Cependant,
il y a, en regard de la culture, une profonde communauté de valeurs
entre les autochtones, ne serait-ce qu'en raison des batailles que nous avons
dû faire pour préserver notre identité. Il est donc fort
plausible que nos propos rejoignent les préoccupations d'autres nations
à l'endroit de la culture.
Dans le première partie du mémoire, nous commentons
brièvement le rapport Arpin avant d'aborder plus directement, dans une
deuxième partie, la problématique du développement
culturel autochtone et, dans la troisième partie, l'enjeu que
représente la préservation de l'identité culturelle.
Le rapport Arpin a fait l'objet de nombreux commentaires, tantôt
favorables, tantôt défavorables, tout en reconnaissant presque
toujours qu'il constitue une solide base de discussion. Le grand mérite
du document est sans doute de présenter une vision extrêmement
dynamique de la culture comme force motrice d'une société. Nous
sommes parfaitement en accord avec les trois principes généraux
qui sous-tendent toute la démarche proposée. D'abord, la culture
est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à
la vie en société, au même titre que les dimensions
sociales et économiques. Ensuite, le droit à la vie culturelle
fait partie des droits de la personne. Finalement, l'État a le devoir de
soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la
société.
Nous sommes également en accord avec la vision large de la
culture, telle qu'elle est présentée tout au long du rapport,
mais qui est remarquablement bien décrite dans deux paragraphes que l'on
retrouve à la page 37 du rapport et qu'il n'est sans doute pas inutile
de rappeler, et je cite: "La culture "vitalise" et exprime dans leurs gestes
quotidiens la société et les individus. Manière
d'être, de penser, de vivre, la culture ressortit au domaine des valeurs.
Large enveloppe qui modèle les choix tant individuels que collectifs,
elle appartient à l'ordre des fins. C'est ce qui la différencie
notamment de l'économie qui, malgré son importance pour
l'organisation sociale, appartient à l'ordre des moyens. "La culture est
un fait concret. Elle repose sur une géographie donnée, sur une
population, une histoire puisant à plusieurs sources; elle est le
produit de la longue marche des nations, l'expression de la riche
sédimentation occasionnée par l'expérience humaine.
L'identité culturelle est composée de l'ensemble de
l'évolution d'un peuple, des choix qu'il a faits et de ceux que lui
impose l'histoire." Fin de la citation.
À la lecture de ce texte, M. le Président, on s'est dit
qu'il devait y avoir une place pour la culture autochtone... et pourtant...
Le rapport fait complètement abstraction des cultures
autochtones, comme si elles
n'avaient jamais existé, comme si elles n'existaient pas et comme
si elles n'avaient jamais contribué à façonner la culture
des Québécois, comme si elle n'avait aucune importance pour
l'avenir... Simple oubli? Volonté délibérée?
Exclusion des priorités? Nous nous le demandons.
La seule mention des autochtones tient en quatre lignes à la page
43 du rapport et se lit comme suit: "Plusieurs siècles avant les
francophones, les Amérindiens et les Inuit habitaient déjà
le territoire québécois. Ceux-ci ont tenu à sauvegarder
leur identité culturelle." C'est très peu et un peu court.
Reste le prix de consolation de contribuer à faire une
société diversifiée, à l'instar des
néo-Québécois, de façon à fournir une forme
de garantie d'ouverture au monde et un contrepoids au repli sur soi. Cette
absence de préoccupation pour les cultures autochtones est d'autant plus
difficile, M. le Président, à comprendre, que de tous les
ministères québécois c'est probablement celui des Affaires
culturelles qui a fait le plus d'efforts, modestes certes, mais louables quand
même pour se rapprocher des autochtones.
Bref, il nous faut conclure que la proposition de politique sur la
culture et les arts est faite sur mesure pour les Québécois
d'origine francophone. Les nations autochtones ne peuvent pas se
reconnaître dans cet énoncé de la politique. Ils sont
victimes du même procédé de laminage culturel, entre
guillemets, que l'on reproche souvent à Ottawa dans le cas des
francophones et qui ramène les peuples ou les nations à une
collection d'individus en con-curence libre sur le marché de la
culture.
Cependant, il est possible pour les nations autochtones de faire une
autre lecture du rapport par voie de comparaison avec la majorité
francophone du Québec qui, ne représentant que 3 % de la
population dans la masse anglophone de l'Amérique du Nord, n'a pas
d'autre choix que de se redonner les leviers et les pouvoirs nécessaires
pour protéger et développer sa spécificité. C'est
cette lecture du rapport que nous préférons et nous aurons
l'occasion d'y revenir plus loin après avoir traité de la
problématique du développement culturel en milieu autochtone.
On comprendra sans doute qu'il est impossible, en quelques pages, de
faire état de toute la complexité du développement
culturel chez les nations autochtones, d'autant plus que nous avons affaire non
pas à une seule culture, mais à plusieurs. Notre intention est
plutôt d'indiquer les principaux paramètres à
considérer pour qui veut saisir la réalité des cultures
autochtones.
Ce n'est pas faire injure à l'histoire que de faire la
constatation que, depuis les premiers contacts avec les Européens, les
premières nations de ce continent ont vécu une véritable
dépossession. Dépossession de nos terres par l'exploitation
souvent abusive de nos ressources et dépossession de nos cultures par
les nombreuses tentatives d'assimilation. Pour des raisons qui tiennent sans
doute à la force même de nos cultures, nous avons réussi
à survivre comme nations et, dans la plupart des cas, à
préserver nos langues si importantes pour assurer le maintien et le
développement de nos cultures. Aujourd'hui, la bataille est loin
d'être gagnée, mais les conditions internes aussi bien qu'externes
ont changé de sorte qu'il apparaît possible à terme de
réapproprier pleinement nos cultures. Cependant, il est évident
que la dépossession a laissé des traces profondes sous forme de
perte d'identité culturelle et de problèmes sociaux de toute
nature qui l'accompagnent. Il faut du temps pour se relever, retrouver sa
dignité et réapproprier sa culture.
Ce qui caractérise la culture autochtone, au-delà des
différences entre nations et communautés, c'est une relation
privilégiée avec la terre considérée comme
mère nourricière. "Nous appartenons à la terre, nous ne la
possédons pas", dit-on souvent pour expliquer cette relation
particulière qui permet à l'être humain d'entrer en
communication avec les êtres vivants et les éléments de la
nature qui forment "le cercle sacré de la vie", chacun ayant sa place et
formant avec les autres un équilibre constant, mais facile à
rompre. Dans cette perspective, le patrimoine culturel, c'est d'abord le
territoire avec ses lacs, ses rivières, ses forêts, sa faune et sa
flore que nous avons nommés et pour lequel nos langues disposent d'une
variété presque infinie de mots quand il s'agit de les
décrire. Dans cette perspective aussi, les mégaprojets de
développement, sous forme d'exploitation forestière,
minière ou hydroélectrique, frappent au coeur de notre culture en
plus, bien entendu, de déranger notre mode de vie. Dans cette
perspective encore, les concepts modernes de développement durable,
d'exploitation soutenable et de gestion intégrée des ressources
rejoignent les fondements de la culture autochtone. Il faut reconnaître
que cette notion de patrimoine naturel est assez éloignée du
patrimoine tel que défini généralement et qui fait
référence à l'architecture, à l'aménagement
du territoire, à la littérature.
En outre, ce patrimoine est extrêmement précieux, non
seulement pour les autochtones, mais pour l'ensemble de l'humanité comme
en témoigne un extrait souvent cité du célèbre
rapport Brundtland: "Ces communautés, disait le rapport, sont
dépositaires d'un riche patrimoine de connaissances et
d'expériences traditionnelles qui rattachent l'humanité à
ses origines lointaines. Leur disparition est une perte pour toute la
société qui aurait beaucoup à apprendre de leur
savoir-faire traditionnel à gérer rationnellement les
systèmes écologiques très complexes. Par une ironie
terrible, lorsque le développement s'enfonce dans les forêts
pluviales, des déserts et d'autres environnements isolés, il tend
à détruire les seules cultures qui aient réussi à
prospérer dans les environnements." Fin de la citation.
Si les cultures autochtones partagent une philosophie commune en regard
du territoire, il faut bien reconnaître que, pour le reste, elles sont
extrêmement diversifiées et composent une mosaïque remplie de
nuances de toutes sortes. Différents facteurs expliquent cette
diversité: géographie, histoire, degré de contact avec les
autres cultures, préservation de la langue, etc. Cette diversification
ou cette absence d'homogénéité n'est qu'un signe parmi
d'autres que les cultures autochtones ne sont pas figées dans le temps
et qu'elles évoluent comme toutes les cultures.
À voir l'effervescence culturelle que l'on retrouve actuellement
dans plusieurs de nos communautés...
Le Président (M. Gobé): M. Saganash, je veux vous
avertir que le temps qui vous est imparti est maintenant écoulé.
Si vous voulez que nous commencions la discussion, je vous demanderais de bien
vouloir conclure peut-être votre présentation. Je vois qu'il vous
reste une dizaine de pages à peu près. Malheureusement, nous
n'aurons pas le temps de tout traverser ce mémoire.
M. Saganash: J'aurai...
Le Président (M. Gobé): Mais je vous assure que les
membres de la commission en ont pris connaissance. Lorsqu'on les reçoit,
on en fait lecture. (16 h 45)
M. Saganash: Alors, on aura probablement l'occasion de discuter
des aspects québécois et canadiens, et de l'intervention de ces
gouvernements dans... Est-ce que vous me permettez de conclure?
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, une petite
conclusion.
M. Saganash: En conclusion, M. le Président, les nations
autochtones, tout au long de leur histoire, au début par leurs propres
moyens, ensuite par isolement, ensuite encore par la résistance,
aujourd'hui par choix, ont toujours voulu se développer à partir
de leur propre héritage culturel. Comme pour les autres nations
engagées dans un processus de réappropriation de leur culture,
nations dont le nombro no cossu do s'accroître comme en témoignent
les bouleversements qui se passent actuellement dans les pays de l'Est, les
premières nations de ce pays veulent récupérer les
pouvoirs nécessaires pour survivre et se développer
conformément à leur génie propre.
Loin d'être un repli sur soi, la démarche d'autonomie des
nations autochtones s'inscrit naturellement dans le courant de l'histoire
moderne, caractérisée, d'une part, par la mondialisation des
échanges et, d'autre part, par la reconnaissance des diversités
des cultures. Pour ceux et celles qui n'en seraient pas encore convaincus, je
me permets de citer, en terminant, les propos à cet égard -
à l'occasion d'une récente entrevue accordée au journal
Le Devoir - par M. Maurice Strong, ce haut fonctionnaire d'origine
canadienne aux Nations unies qui est estimé par ses pairs au point
d'être considéré comme le "gardien de la planète":
"Le mouvement général vers l'autonomie et vers les
micro-États fait partie d'un processus d'universalisation. Car tous les
pays croient qu'ils sont uniques. Et c'est vrai que chaque culture a ses
aspects uniques. Les gens sentent qu'ils ont besoin de s'asseoir sur des
racines solides, profondes. Ce n'est pas mauvais en soi, ce qui est mauvais,
c'est lorsque cette culture se replie sur elle-même, imperméable
à toutes les autres cultures."
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M.
Saganash. Je vais maintenant demander le consentement des membres de cette
commission, en vertu de l'article 132, qui veut qu'un député qui
n'est pas membre d'une commission puisse intervenir s'il y a consentement, au
bénéfice du député de Laurier et ministre
délégué aux Affaires autochtones. Est-ce qu'il y a
consentement?
Une voix: Avec plaisir.
Le Président (M. Gobé): Bien entendu, par la suite
nous reviendrons pour vous, la même chose, M. le député.
Alors, M. le député de Laurier vous avez maintenant la parole. Je
vous préviendrai une minute ou deux...
M. Sirros: Merci M. le Président. Pardon?
Le Président (M. Gobé): Je vous préviendrai
un petit peu avant que vous n'ayez terminé pour passer la parole
à Mme la ministre.
M. Sirros: D'accord. Merci beaucoup M. le Président. M.
Saganash, c'est un plaisir encore de se retrouver, comme à chaque fois
d'ailleurs. J'ai lu avec intérêt votre mémoire, tout le
mémoire, même si vous n'avez pas eu le temps de le finir. J'aurais
au moins trois interventions ou trois questions sur lesquelles je pense qu'on
peut échanger un petit pou Dans votre mémoiro, vous reliez
très étroitement culture et mode de vie autochtone. Vous
mentionnez en particulier que ce qui caractérise la culture autochtone
c'est la relation privilégiée qui est entretenue avec la terre,
considère comme la mère nourricière. Et vous avez raison.
Dans toutes les civilisations, culture et mode de vie sont effectivement
étroitement liés. Vous réalisez cependant aussi qu'un bon
nombre d'autochtones, et c'est votre cas en particulier, étant
donné que vous avez vous-même fait des études
universitaires, choisis-
sent d'avoir, pour une foule de raisons, un contact intensif avec
d'autres modes de vie, et cela pour toutes sortes de raisons. Et donc, dans ce
mode en mutation, il peut arriver que des éléments importants de
votre culture se perdent, ou tout au moins qu'ils soient altérés
à cause des contacts plus fréquents et prolongés avec les
non-autochtones, et vice versa, ça peut arriver aussi.
Puisque ce sont là des changements qui se produisent actuellement
dans votre milieu et qui vous préoccupent hautement, vous avez
déjà envisagé des mesures concrètes qui seraient de
nature non seulement à protéger la culture autochtone, mais
à l'enrichir. D'ailleurs, toute la trame de votre mémoire fait en
sorte que vous parlez nécessairement et avec raison de la
nécessaire acquisition d'instruments, de leviers de pouvoir, de
juridictions pour en quelque sorte assurer cette survie culturelle tout au
moins. Et, dans ce sens-là, il me semble que vous pourriez
peut-être nous faire part un peu de votre réflexion à cet
égard, que vous nous indiquiez un petit peu comment on peut collaborer
ensemble ou si on peut collaborer ensemble. Je le souhaite, je crois qu'on peut
- et j'aimerais vous entendre sur ça - en vue d'atteindre ces
objectifs.
M. Saganash: Le problème, actuellement M. Sirros, c'est
qu'il y a, et le rapport Arpin est une preuve de ça, c'est qu'on a
souvent tendance à oublier qu'il y a des autochtones dans cette
province, dans ce pays. Que ce soit au niveau culturel, le rapport Arpin, je
viens de le mentionner, en fait abstraction, que ce soit au niveau
énergétique, que ce soit au niveau développement, il y a
du mépris à l'égard de la culture autochtone et des
autochtones en général. Alors, c'est ça, le
problème. Les autochtones, et on a eu l'occasion d'en discuter avec
plusieurs personnes, ne sont pas contre le développement, quelque forme
qu'il prenne. On n'a jamais été contre le développement.
On est contre le développement irrationnel, et vous savez pourquoi.
Ceci étant dit, je pense qu'il est important de le mentionner,
si, demain matin, M. Sirros, votre gouvernement reconnaissait que le territoire
de la Baie James, par exemple, appartient aux Cris, je pense qu'on serait en
mesure de se prendre en main très facilement et qu'on n'aurait plus
besoin de personne.
M. Sirros: Mais entre la reconnaissance - et je ne sais pas trop
ce que ça pourrait dire - que le territoire de la Baie James appartient
aux Cris, comme si on pouvait, en quelque sorte... En tout cas, entre ça
et la non-reconnaissance - parlons plus largement - vis-à-vis des
autochtones en général, de leur autonomie, étant
donné la situation et le cadre dans lequel on évolue ou avec
lequel on est pris, si vous voulez, vu tout ce qu'on a connu jusqu'à
main- tenant - et je parle plus précisément, vous y faites
référence dans votre mémoire, par exemple, que le
gouvernement fédéral soit le fiduciaire, donc, en quelque sorte,
que les autochtones sont en tutelle, un genre de curateur public -entre cette
non-reconnaissance de quelque autonomie que ce soit et l'appartenance d'un
territoire à une communauté donnée, sans plus
d'explication que ça, est-ce qu'il n'y a pas des façons de
régler, en quelque sorte, nos relations, que ce soit par la mise sur la
table ou la négociation d'ententes, de traités, comme celle qu'on
a négociée en 1975? Et, dans ce sens-là, est-ce qu'on est
pris nécessairement entre un extrême ou l'autre?
M. Saganash: Je ne crois pas. Je pense qu'on vous a fait part de
nos préoccupations de façon précise, lors de notre
rencontre avec Mme Bacon, au mois de juin. Oui, les Cris sont prêts
à s'asseoir à une table de négociation pour, entre autres,
mettre en oeuvre la Convention de la Baie James. On sait qu'il y a des
problèmes de mise en oeuvre, de ce côté-là. Les Cris
ont mentionné à Mme Bacon, à cette occasion-là,
qu'ils étaient prêts à négocier pour mettre en
oeuvre la Convention de la Baie James. Cependant, le problème a toujours
été, c'est toujours le problème, c'est toujours l'impasse
à ce niveau-là, Mme Bacon fait du chantage à notre
égard, dans le sens qu'elle dit: Oui, je suis prête à
mettre en place la table de négociation pour mettre en oeuvre la
Convention de la Baie James, à la condition que vous acceptiez de parler
du projet Grande-Baleine. Alors, on nous donne un carré de sable et on
nous dit: Vous entrez là-dedans, vous négociez et vous n'avez pas
le droit de sortir de ça.
M. Sirros: M. Saganash...
M. Saganash: Ce n'est pas, pour nous, des négociations. Il
n'y a personne qui accepterait de négocier à partir de ces
bases-là.
M. Sirros: M. Saganash, il n'est pas de mon intention d'essayer
aujourd'hui, ici, tout particulièrement de centrer le débat sur
toute la polémique ou la dynamique qui peut exister. Je retiens de ce
que vous avez dit...
M. Saganash: Mais je vous réponds tout simplement que,
oui, nous sommes prêts à discuter.
M. Sirros: Voilà. J'allais dire que je retiens de ce que
vous avez dit que vous êtes disposés à parler et à
discuter de la mise en oeuvre de la Convention qui est, en quelque sorte, le
document qui régit les relations qu'on pourrait avoir et qu'on peut
avoir entre les Cris qui habitent un territoire donné et le gouvernement
du Québec, et le gouvernement du Canada de l'autre
côté.
Mais, pour poursuivre un peu dans le sens de votre mémoire, vous
mentionnez que les premières nations veulent récupérer des
pouvoirs pour survivre et se développer conformément à
leur génie propre. Il serait intéressant, surtout dans le
contexte dans lequel nous sommes, dans cette discussion autour de toute la
question constitutionnelle - le processus que nous avons entamé, ici, au
Québec - que vous nous indiquiez la nature des pouvoirs auxquels vous
faites allusion et comment vous entendez les exercer. Ce sont des questions que
je me pose et je profite de l'occasion de vous avoir ici pour vous les poser.
Est-ce que vous voyez, par exemple, ces pouvoirs concentrés surtout au
niveau de la communauté, au niveau de la nation? Est-ce qu'il y a un
mélange qui peut être fait? Et lesquels vous voyez à quel
niveau? Ça vous tente de vous aventurer un peu sur ça?
M. Saganash: Lorsqu'on parle de pouvoirs, évidemment... De
toute façon, les gens, au ministère des Affaires culturelles,
surtout ceux qui s'occupent principalement des relations avec les autochtones,
il y a déjà un processus d'enclenché à ce
niveau-là. J'ai pris connaissance des ententes, par exemple,
signées avec les Algonquins, les Inuit et je ne pense pas qu'il y ait
actuellement quelque chose qui empêcherait une entente du même
genre d'être signée avec les autochtones pour qu'ils puissent,
eux, déterminer leurs priorités, leurs besoins au niveau
culturel. Je pense qu'il y a des moyens, à ce niveau-là, et nous
sommes tout à fait prêts, nous avons même déjà
commencé à discuter avec les gens du ministère des
Affaires culturelles, à ce niveau-là, l'été
passé. Alors, je pense qu'il y a déjà quelque chose qui se
fait à ce niveau-là, qu'on le fasse graduellement ou qu'on le
fasse globalement, d'un coup, je pense qu'il y a une ouverture de ce
côté-là.
M. Sirros: Est-ce que vous voyez un rôle pour chaque
communauté? Est-ce que c'est le Grand Conseil qui...
M. Saganash: Ça, c'est à nous à le
déterminer.
M. Sirros: C'est ce que je vous demande, comment le
voyez-vous?
M. Saganash: On le déterminera par nous-mêmes.
M. Sirros: Peut-être qu'on ne se comprend pas. Moi, ce que
j'essaie de savoir ou de saisir, c'est dans une perspective d'autonomie, dans
une perspective de prise en charge par la nation, les nations autochtones, de
certains pouvoirs ou des pouvoirs qui leur permettent de sentir qu'ils sont en
mesure d'une part, d'avoir une sécurité vis-à-vis leur
avenir comme peuple, leur identité, de pouvoir également orienter
ce futur dans l'avenir, il y a probablement une nécessité, pour
un certain nombre de pouvoirs... Vous en faites d'ailleurs mention dans votre
mémoire en disant, en particulier, que, si les Québécois,
qui font 3 % dans la masse anglophone, réclament des pouvoirs, vous
allez comprendre comment nous, qui sommes, dans le cas des Cris au
Québec, 10 000 ou 11 000 sur 7 000 000, on peut avoir ce même
genre de sentiment, j'imagine.
Alors, le Québec est engagé actuellement dans des
discussions qui vont d'un éventail où il y en a certains qui
disent: Bon, c'est la création d'un autre pays que ça nous prend.
D'autres disent: Bon, il y a des réarrangements à
l'intérieur du pays avec un certain nombre de pouvoirs qui assurent
cette garantie vis-à-vis le gouvernement du Québec. La question
que je vous pose, en quelque sorte: Est-ce que cette discussion se ferait entre
le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada et chacune des
communautés ou le Grand Conseil ou les deux, dépendant des
sujets? Je ne le vois pas comme une question piège, c'est une
question...
M. Saganash: On va se concenter sur l'aspect de la culture.
Le Président (M. Gobé): ...M. Saganash, parce que
le temps imparti au côté ministériel est maintenant
écoulé.
M. Sirros: Vous m'avisez deux minutes avant?
Le Président (M. Gobé): C'était tellement
intéressant, M. le ministre, que...
M. Sirros: Consentement, peut-être.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Saganash, on va
vous laisser terminer.
M. Saganash: Pour s'en tenir à la question de la culture,
de la façon dont ça s'est fait dans le passé, on a
négocié des ententes et avec le Québec et avec le Canada,
avec le ministère des Affaires indiennes. Et...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Saganash. M. le
ministre, une dernière question?
M. Sirros: J'ai peut-être juste une... Peut-être
trois minutes de plus, s'il n'y a pas d'objection.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le
ministre.
M. Godin: Le thème n'est guère pertinent par
rapport au mandat de notre commission Mais je m'excuse de le souligner au
ministre.
Le Président (M. Gobé): C'est vôtre
privilège, M. le député. (17 heures)
M. Godin: C'est ce que je fais en passant par vous, M. le
Président. Je me demande si c'est bien le lieu d'ouvrir une discussion,
comme le fait le ministre responsable des groupes autochtones, des
premières nations... Est-ce que c'est bien le lieu, ici, d'en profiter
littéralement pour faire du "bandwagon" aux dépens de la
commission, en fait, pour amener le porte-parole des Cris à s'embarquer
dans des sujets ou des pistes de solutions sur lesquels il n'a
présenté aucun mémoire, M. le Président, et qui ne
sont pas, non plus, la raison de sa présence ici aujourd'hui?
Le Président (M. Gobé): Alors, vous faites appel
à la pertinence des débats, si je comprends bien.
M. Godin: Exactement, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Au respect du mandat de
cette commission.
M. Godin: Voilà.
Le Président (M. Gobé): Je dirai quand même
qu'il faut prendre le mandat dans son sens un peu large. On parle de culture,
la culture étant l'expression de la société en
général. On a vu notre collègue de
Sainte-Marie-Saint-Jacques déborder lui aussi, à l'occasion, on
entend, sur le cadre constitutionnel. Je l'ai vu même décrier,
à l'occasion, un certain nombre de choses, et ce n'était
peut-être pas toujours pertinent. Il restait deux ou trois minutes
à M. le ministre, on pourrait lui donner peut-être la latitude de
terminer. Mais je prends bonne note de ce que vous dites et je pense que, sur
le fond, vous avez certainement un argument valable.
M. Godin: Je n'ai pas d'objection à ce que mon
collègue de Laurier, mon voisin géographique, responsable des
premières nations, du Plateau-Mont-Royal, poursuive, mais en lui
soulignant bien qu'il est vraiment au bord de...
Le Président (M. Gobé): Du précipice.
M. Godin: ...au bord de l'impertinence, de la non-pertinence,
devrais-je dire.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député. Et comme je le disais en effet, si on se fie au strict
cadre de notre mandat, nous nous en sommes éloignés un petit peu,
mais la culture étant tellement... C'est difficile à
quantifier.
M. Sirros: D'autant plus, si je peux, sur cette question de
règlement...
Le Président (M. Gobé): M. le ministre.
M. Sirros: ...finalement, je m'excuse, au niveau de la
pertinence, il me semble que c'est M. Saganash lui-même, dans le
mémoire, qui a placé toute la question culturelle sous le signe
de "La préservation de l'identité culturelle: un enjeu politique
avant tout". Je discutais dans le sens des pouvoirs nécessaires
peut-être pour une nation autochtone pour, justement, pouvoir
préserver son identité culturelle, chose que, j'imagine, le
député de Mercier et mon voisin géographique comprend et
appuie. Dans ce sens-là, et je voulais être très
très franc, je n'essayais pas d'entamer un débat sur la
Convention ou sur autre chose, mais il me semble qu'on peut difficilement, des
fois, et je partage le point de vue de M. Saganash, faire abstraction de la
culture et de la réalité politique, dans son sens large, qui
l'entoure.
Si vous me permettez de conclure, ma troisième intervention
faisait référence au mémoire de M. Saganash qui cite 3 des
15 principes qui sont édictés par le gouvernement du
Québec et qu'on retrouve dans les fondements de la politique du
gouvernement du Québec en matière autochtone en ce qui concerne
plus précisément le domaine de la culture. Et ces principes font
référence...
M. Godin: Mes collègues et moi sommes d'accord.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le ministre, il y
a consentement et, de toute façon...
M. Sirros: Merci.
Le Président (M. Gobé): Le temps coule. Alors, si
vous voulez procéder.
M. Sirros: Oui. Ces principes font référence, entre
autres, M. Saganash, à la reconnaissance par le gouvernement du
Québec des peuples aborigènes comme des nations distinctes et de
leur droit à leur culture, à leur langue, à leurs coutumes
et traditions et à leur droit d'avoir et de contrôler des
institutions qui correspondent à leurs besoins. Ces principes ont
été édictés il y a déjà quelques
années et, me semble-t-il, le moment est maintenant venu d'aller
au-delà des principes et de traduire dans des politiques
concrètes leur signification et de se doter des outils
nécessaires pour leur mise en oeuvre. Et c'est là
précisément le mandat que m'a confié le gouvernement au
niveau de l'élaboration d'une politique, comme vous le savez, et, dans
le cadre de cette politique que j'entends proposer au gouvernement, j'ai bien
l'intention de faire une place de choix au volet culturel et ce sera sans doute
l'occasion d'apporter à la politique de la culture et des arts ce
complément essentiel. Les
discussions que j'ai déjà eues avec la ministre des
Affaires culturelles m'assurent d'ores et déjà de pouvoir compter
sur sa collaboration. Comme vous l'avez souligné, elle a toujours fait
une démonstration claire de la volonté du ministère des
Affaires culturelles de faire les efforts nécessaires de rapprochement.
Dans ce sens-là, je ne peux que souhaiter, M. Saganash, que, pour que,
en quelque sorte, les propositions que je puisse faire un an plus tard au
gouvernement quant à la nécessité d'aborder cette question
sous l'angle de la différence, comme vous souhaitez le voir... À
votre question, et je pourrai y revenir, je pense que la réponse du
gouvernement du Québec est claire, que c'est oui, on peut effectivement
reconnaître et on est prêts à reconnaître la
différence; et aussi sous le signe de la nécessaire autonomie des
autochtones, il me semble que ce serait beaucoup plus approprié si la
participation des autochtones et en particulier de la nation crie était
assurée ou, tout au moins, je ne peux que vous transmettre que c'est
vivement souhaité. Alors, dans ce sens-la, ce n'est peut-être pas
une question, mais un souhait que j'exprime. Merci.
Le Président (M. Gobé): La question avait
été tranchée. Je vous remercie beaucoup. Je vais
maintenant demander le consentement en vertu de l'article 132 afin que notre
collègue, le député de Duplessis, puisse participer
à cette commission. Est-ce qu'il y a consentement? Alors, M. le
député de Duplessis, vous avez la parole pour une quinzaine de
minutes, vous aussi.
M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
sûrement de souhaiter la bienvenue, au nom de l'Opposition officielle,
à M. Roméo Saganash que j'ai eu l'occasion de rencontrer à
quelques reprises, en particulier en janvier dernier, il va s'en souvenir
sûrement. Maintenant, avant de passer aux questions, je voudrais
souligner au ministre qui vient, justement, de mentionner certains des
principes de 1983 qui ont été endossés dans la
résolution de l'Assemblée nationale de mars 1985 - et il a
ajouté qu'il fallait non seulement parler de principes, mais aller plus
loin que les principes - ce que je voudrais lui rappeler, c'est que ça
fait maintenant six ans, près de sept ans que ces principes-là
sont en place, mais ça fait six ans que le gouvernement est en place
aussi, c'est-à-dire le gouvernement libéral. Là, on arrive
à un moment donné où il dit: II faut aller plus loin que
les principes, six ans après.
M. Saganash, dans votre mémoire, vous déplorez l'absence
de recommandations spécifiques sur la préservation et le
développement de la culture des peuples autochtones. Mais vous faites
une bonne lecture, d'après nous, du rapport Arpin, en particulier
à la page 5, lorsque vous dites que c'est le choix inévitable
d'une majorité francophone du Québec qui ne représen- te
que 3 % de l'îlot anglophone qu'est l'Amérique du Nord et que, si
elle veut conserver sa culture, les Québécois et les
Québécoises doivent se redonner les leviers et les pouvoirs
nécessaires. J'étais très heureux de voir ce genre de
conclusion dans votre mémoire.
Ma première question est la suivante. Selon vous, qui
représentez les Cris ici aujourd'hui, le Grand Conseil des Cris, quelle
devrait être la place de la culture autochtone au sein d'une politique
culturelle québécoise puisque vous êtes lune des
composantes de cette société québécoise? Et,
lorsque je parle de la composante québécoise, je parle toujours
de nation à nation. Moi, je dis: II y a une nation
québécoise, mais il y a aussi une nation crie, comme il y a une
nation attikamek, comme il y a une nation montagnaise, ce qui a
été reconnu d'ailleurs en 1985. Alors, selon vous, qu'est-ce qui
devrait être mis en place?
M. Saganash: Je ne sais pas si vous vous rappelez du vieux regret
de Jean Monnet, le père de l'Europe, qui disait: Si c'était
à refaire, disait-il à la fin de sa vie, je commencerais par la
culture. Je pense que c'est une déclaration qui rapproche de très
près notre réflexion sur cette question-là aussi. Pour
n'importe quelle nation, je pense qu'il est important de reconnaître si
on fait quelque chose en tant que nation, mais la culture, je pense que c'est
la composante la plus importante de tout ce qu'on veut faire, au-delà de
l'économie, au-delà du social.
M. Perron: Merci, M. Saganash.
M. Saganash: Mais si, effectivement, il y a une plus grande place
qui peut être donnée à la culture autochtone, parce qu'il
ne faut pas oublier qu'on a quand même contribué à la
société québécoise ne serait-ce qu'au niveau
toponymique, ce serait bénéfique non seulement pour nous,
autochtones, qui voulons préserver cette identité, mais aussi
pour les Québécois en général. Ce serait une
plus-value culturelle pour la nation du Québec si on en vient
là.
M. Perron: M. Saganash, je suis parfaitement d'accord avec ce que
vous venez de dire parce que, si on prend la culture autochtone et si on fait
en sorte que cette culture autochtone fasse partie de notre éducation
quotidienne, que ce soit à l'école, que ce soit par des moyens
télévisés ou par la radio ou encore par les journaux,
c'est qu'il y a beaucoup de de Québécois et de
Québécoises, entre guillemets, des Blancs, qui vont
peut-être beaucoup plus comprendre le pourquoi de certains agissements de
la part de certaines personnes qui font partie de différentes nations
autochtones.
Ma deuxième question est la suivante, M. Saganash. Quels sont les
rapports actuels entre votre communauté et le ministère des
Affaires
culturelles et comment peut-on - c'est extrêmement important cette
partie culturelle - les bonifier? Notamment, en multipliant des initiatives
comme l'exposition "L'oeil amérindien, regards sur l'animal", qui a
été présentée au Musée de la civilisation,
et vous en faites mention d'ailleurs dans votre mémoire. Mais comment
aller plus loin que de présenter cette exposition-là? Quoi faire
pour aller plus loin? Qu'est-ce qu'on pourrait faire, nous, et qu'est-ce que le
gouvernement pourrait faire pour vous aider à mettre en place ces
initiatives?
M. Saganash: S'il y a quelque chose que la crise d'Oka nous a
fait reconnaître l'année passée, c'est que toute la
question autochtone était fort méconnue, autant au Québec
qu'au Canada. Que ce soit au niveau des droits ou de la culture autochtones,
c'est quelque chose de fortement méconnu. Alors, c'est par le biais des
expositions, par exemple, que vous mentionnez, que nous, nous avons voulu,
parce qu'on a participé financièrement à cette
exposition-là et nous en sommes fiers parce que je pense qu'il est
à l'avantage de tout le monde de connaître la culture
autochtone... Je pense qu'il y a un grand effort de sensibilisation qui doit
être fait à ce niveau-là, mais on n'a pas les moyens de le
faire. On n'a pas les moyens de le faire.
M. Perron: Des moyens financiers, des moyens...
M. Saganash: On parle de moyens financiers surtout. Surtout,
parce qu'on sait ce qu'on veut au niveau culturel chez nous. Chaque
communauté sait ce qu'elle veut au niveau culturel, sauf qu'on n'a pas
les moyens financiers à l'heure actuelle.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, vous voudriez que soient
mis en place des programmes culturels où il y aurait la participation
financière du gouvernement du Québec pour, justement, faire
valoir votre culture, mais par différents moyens. Au niveau des moyens,
est-ce que vous pourriez nous donner des informations en donnant d'autres
exemples que le Musée de la civilisation? Est-ce que vous avez
déjà des demandes de faites, au ministère des Affaires
culturelles ou à d'autres ministères, à l'effet d'aller
plus loin que le Musée de la civilisation?
M. Saganash: La question autochtone suscite beaucoup
d'intérêt, surtout à l'approche de 1992, pour des raisons
évidentes. Il y a toutes sortes de moyens, avec les moyens de
communication que nous avons aujourd'hui. Les écoles, je pense qu'on
essaie, autant que possible, de participer au niveau de l'éducation,
autant au Québec que sur notre territoire, parce qu'on n'enseigne pas
seulement aux autochtones, mais également aux non-autochtones qui se
trouvent sur le territoire de la Baie James. Et c'est par le biais de ces
avenues-là qu'on pourrait le faire.
M. Perron: À la page 8 de votre mémoire, vous
mentionnez à 2.5, et je cite: "Entre le passé et l'avenir. Parmi
ces défis, le plus important est sans contredit de combler le
fossé qui s'installe entre les générations (60 % des
autochtones ont moins de 30 ans) pour réussir à aménager
un espace autochtone moderne qui soit en même temps fortement
enraciné dans l'héritage culturel." Depuis quelques
années, on peut voir que ces cultures très différentes
à la grandeur de la planète semblent vouloir se mêler
ensemble pour créer ce qu'on pourrait appeler une culture mondiale. Les
barrières ont tendance à s'abaisser de plus en plus. Ma question
est la suivante. Croyez-vous qu'il s'agirait là d'une bonne façon
d'envisager la solution aux problèmes que vous avez soulevés dans
votre mémoire?
M. Saganash: Je mentionnerais qu'il y a, sur les 53 langues
autochtones au Canada...
M. Perron: Ou encore, si vous permettez, M. Saganash, est-ce que
vous pensez qu'il y aurait un danger pour votre culture traditionnelle, chez
les Cris, par exemple? (17 h 15)
M. Saganash: Je ne crois pas. Mais je vais revenir
là-dessus. Sur les 53 langues autochtones qui sont parlées
actuellement au Canada, on estime qu'il y en aura 3 qui vont survivre, à
peu près, dont la langue crie. Le fossé dont on parle dans le
mémoire, c'est ce fossé qui existe actuellement entre les
aînés chez nous et les jeunes. On n'a rien contre le fait que l'on
retrouve, dans nos nations, des gens qui vont étudier en droit ou qui
vont étudier dans d'autres domaines à l'université. Je
pense que c'est tout à fait à l'avantage de chaque individu ou
chaque être humain. Moi-même, j'ai vécu la moitié de
ma vie dans le bois et j'ai étudié durant l'autre moitié.
Donc, il y a un côté autochtone ou cri chez moi autant qu'il y a
un côté québécois. Je parle votre langue.
M. Perron: Vous parlez très bien le français,
d'ailleurs.
M. Saganash: Je parle la langue crie aussi, je parle l'anglais et
l'espagnol. Je suis même marié à une femme
québécoise. Quand on parle de rapatrier des pouvoirs au niveau
culturel, il ne faut pas voir là un repli sur nous-mêmes ou
essayer de nous enfermer dans notre petit monde. Ce n'est pas ça qu'on
veut dire. On veut continuer à préserver cette culture qui est si
importante pour nous et cette langue qui est si importante pour nous
également. Je pense qu'on veut faire profiter de cette culture à
d'autres aussi, autant qu'on veut profiter de votre culture à vous.
C'est de cette façon-là qu'on...
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Duplessis...
M. Perron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gobé):... car votre
collègue de Mercier aimerait peut-être poser une question.
M. Perron: Oui. Écoutez, c'est dommage qu'on n'ait pas
plus de temps que ça, parce qu'il y a plusieurs questions que j'aurais
voulu poser. Je vais en poser une dernière au lieu de conclure, M. le
Président, si vous me permettez. Je suis heureux que, dans votre
mémoire, vous signaliez les 15 principes adoptés par l'ancien
gouvernement du Parti québécois et la reconnaissance qu'ils
impliquent pour les nations autochtones. Vous nous dites qu'ils ont
entraîné diverses formes d'aide financière, surtout en
rapport avec le ministère des Affaires culturelles, il faut le
reconnaître, mais vous déplorez qu'on n'ait pas vu la mise en
place d'une vraie politique culturelle spécifique aux autochtones.
Pourriez-vous élaborer sur la forme et le contenu que pourrait avoir une
telle politique culturelle autochtone? Je pense que c'est extrêmement
intéressant que vous ayez mentionné ça dans votre
mémoire, une vraie politique culturelle autochtone. Je voudrais que vous
élaboriez davantage là-dessus. Je ne reviendrai pas avec d'autres
questions parce que le temps est écoulé en ce qui me
concerne.
M. Saganash: Juste un commentaire sur les 15 principes
adoptés par l'Assemblée nationale, avant de répondre
à votre question. Je pense que ça a été
mentionné à trois reprises depuis que je suis devant vous. Oui,
on est bien fiers d'avoir ces 15 principes adoptés par résolution
par l'Assemblée nationale, mais ce qu'on a remarqué, par contre,
c'est que, malgré ces 15 principes adoptés par l'Assemblée
nationale, je ne crois pas, aujourd'hui, qu'il y ait un ministre qui, avant de
prendre une décision sur quoi que ce soit qui concerne les autochtones,
prenne ces 15 principes-là et qui regarde: Bon, est-ce que je peux faire
ça, ça, ça avant de prendre une décision...
Ça ne se passe pas comme ça, comme vous le savez.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Saganash. M. le
député de Mercier, il reste un peu de temps pour une courte
question.
M. Godin: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions
à vous poser, M. Saganash, qui portent sur le même sujet, en fait.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui, pour moi, apparaît comme un
mystère. Comment se fait la transmission de la langue et de la culture
traditionnelles dans la nation crie? Vous dites qu'entre les plus jeunes et les
moins jeunes il y a déjà un fossé qui existe, comme on dit
aux États-Unis, une "generation gap". Moi, ce qui m'importe après
avoir vu comment, ici, la langue est transmise plus ou moins bien et comment
sur nos fermes, qui sont nos territoires fondamentaux à nous... j'ai vu
comment les fermiers transmettaient la manière de tirer les vaches, par
exemple, parce qu'à l'époque ce n'étaient pas encore les
trayeuses, comment faire un clos, une clôture pour ne pas que les vaches
se sauvent dans le bois. Ça se transmet par la pratique. J'aimerais
savoir, de votre côté, comment ça se transmet. Est-ce que
la nation crie ou les Cris plus anciens ont inventé une pédagogie
particulière pour transmettre leur langue aux plus jeunes, pour que la
langue ne disparaisse pas et ne meure pas? Par exemple, pour débusquer
un animal dans le bois, c'est une technique extrêmement raffinée,
comme tout chasseur le sait. J'aimerais savoir comment vous transmettez ces
connaissances-là aux plus jeunes?
M. Saganash: D'abord, sur la langue, du fait que c'est
parlé, c'est la langue parlée dans les maisons et les parents se
font un devoir de parler à leurs enfants en cri, ça y est pour
beaucoup. Évidemment, avec la télévision aujourd'hui,
c'est un peu plus difficile parce qu'on est bombardés de toutes sortes
de messages de l'extérieur. Mais je pense que les parents
réalisent pleinement qu'il est important de faire ça à la
maison surtout, surtout à la maison, parce que, dans la rue, ils n'ont
plus de contrôle, à l'école, ils n'ont plus le
contrôle de ça. Et je pense qu'ils sont fiers de le faire à
la maison et les enfants réalisent ça aussi. Lorsqu'on parle
d'une "generation gap", c'est surtout la génération entre 20 et
30 ans, ceux qui ont été littéralement kidnappés de
leur famille, de leur territoire pour être envoyés dans les
résidences indiennes, là où on n'avait pas le droit de
parler notre langue. On parlait de politique d'assimilation dans notre
mémoire; ça, je pense que c'est un exemple parfait. Parce que,
dans ces résidences-là, et j'ai moi-même
fréquenté une de ces résidences-là qui se trouvait
à La Tuque, en Mauricie, On n'avait pas le droit de parler notre langue,
parce que toute la politique des Affaires indiennes était pour assimiler
tous les autochtones. Je vous rappellerai que la première loi sur les
Indiens s'intitulait la loi pour civiliser les sauvages au Canada. Aujourd'hui,
c'est à peu près la même loi, sauf qu'ils l'ont
changée de nom, ça paraît mieux au niveau international,
mais c'est ça.
Le Président (M. Gobé): M. Saganash, en
terminant.
M. Saganash: Juste pour toucher la question de la transmission
culturelle dans la forêt. La culture autochtone étant surtout une
culture visuelle, parce qu'on n'écrivait pas, mais c'est surtout une
culture visuelle, bon, c'est en
amenant les enfants dans le bois pour qu'ils puissent voir leurs parents
à l'oeuvre dans le bois qu'ils ont appris, eux aussi, à faire les
mêmes choses.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci, M.
le député de Duplessis. Merci, M. le député de
Mercier. Mme la ministre, en terminant.
Mme Frulla-Hébert: M. Saganash, il y a quelque chose de
drôle dans notre système, quand même, de commission
parlementaire, c'est que j'ai initié la commission, j'ai
encouragé des groupes et je suis la seule qui n'a pas parlé. Mais
ceci...
Le Président (M. Gobé): II y a tellement de gens
qui sont intéressés...
Mme Frulla-Hébert: Je comprends, je comprends.
Le Président (M. Gobé): ...à participer
à cette commission que le temps est trop court, alors...
Mme Frulla-Hébert: Voilà, mais ça ne fait
rien. Ça a été fort intéressant, M. Saganash, et on
vous remercie d'être ici. Mais je veux quand même noter qu'à
la page 4 de votre mémoire vous dites: "...de tous les ministères
québécois, c'est probablement celui des Affaires culturelles qui
a fait le plus d'efforts, modestes certes, mais louables quand même, pour
se rapprocher des autochtones." Ceci dit, vous pouvez compter sur notre
contribution. Merci encore.
M. Saganash: Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, c'est
vrai, votre remarque est tout à fait pertinente. Peut-être que,
pour certains groupes, on aurait pu aménager plus de temps. Ceci
étant dit...
Mme Frulla-Hébert: Vous êtes le président, M.
le Président.
Le Président (M. Gobé): ...M. Saganash, je tiens
à vous remercier. Ceci met fin à votre audience. Vous pouvez
maintenant vous retirer. Je vais appeler le groupe suivant, soit les
représentants de l'Université du Québec à
Trois-Rivières.
Université du Québec à
Trois-Rivières
La commission reprend maintenant ses travaux et nous tenons à
saluer les représentants de l'Université du Québec
à Trois-Rivières. Si vous voulez vous identifier quand je vous
présenterai. M. Jacques Parent, recteur. Bonjour,
M. Parent.
M. Parent (Jacques): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): M. André Thibault,
vice-recteur, enseignement et recherche. Bonjour, M. Thibault. M. Normand
Séguin, directeur du Centre d'études
québécoises.
M. Parent (Jacques): II est absent.
Le Président (M. Gobé): II est absent. M. Georges
Massé, directeur du Département des sciences humaines. Bonjour,
M. Massé. M. Gilles Beaudry, doyen des études avancées et
de la recherche.
M. Parent (Jacques): II n'est pas là.
Le Président (M. Gobé): II n'est pas là. M.
Raymond Champagne, doyen des études du premier cycle.
M. Parent (Jacques): Ils sont demeurés à la
maison.
Le Président (M. Gobé): Ils sont demeurés
à la maison. À ceux qui sont là, je souhaite la bienvenue
et vous pouvez maintenant... Oh! Il y a un autre monsieur.
M. Parent (Jacques): Non, ça va. Vous permettez que je le
fasse, M. le Président?
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y.
M. Parent (Jacques): Rapidement, M. le Président,
l'Université du Québec à Trois-Rivières vous
remercie profondément, Mme la ministre et mesdames, messieurs les
membres de cette commission, de lui accorder audience aujourd'hui. Comme vous
aurez pu le constater en prenant connaissance de notre mémoire, nous
avons étudié la proposition de la politique de la culture et des
arts à travers notre réalité d'université. Nous
avons, en effet, cherché à voir comment un établissement
comme le nôtre, situé en région, pouvait, sur la base de
cette politique, mieux jouer encore son rôle proprement éducatif
et culturel, évidemment, de concert avec la communauté de
près de 12 000 personnes qu'il regroupe, étudiants, professeurs,
chargés de cours et personnel et membres du personnel non enseignant.
Plusieurs collègues ou professeurs de nos départements d'arts, de
sciences humaines, de sciences du loisir et de littérature ont
été associés à notre démarche et, comme vous
l'avez mentionné, M. le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui
d'être accompagné par certains d'entre eux: à ma gauche, M.
le vice-recteur Thibault qui a, d'ailleurs, présidé le groupe de
travail chargé de préparer le mémoire; M. le directeur du
Département des sciences humaines de l'Université, M.
Georges Massé, historien; et, à ma droite, M. le
professeur Paul-Louis Martin, historien, ethnologue, membre du
Département des sciences humaines et aussi membre du Centre
d'études québécoises de notre Université. (17 h
30)
Dans notre présentation d'aujourd'hui, nous allons insister sur
quatre points de notre mémoire qui, nous semble-t-il, dépeignent
bien notre apport à la culture. Je ne fais que les
énumérer d'abord. Premier point. Notre Université est une
ouvrière de la culture en tant qu'artiste et intellectuelle et elle veut
s'assurer que les décideurs en matière de politique culturelle
jaugent bien son rôle et aient le réflexe de recourir au milieu
universitaire pour animer, produire et diffuser la culture. Deuxième
point. L'université est également, à sa manière,
bien sûr, une école d'art, de musique et de création
littéraire, qui se spécialise aussi dans la formation et le
perfectionnement de maîtres en arts. À ce titre, elle fait
quotidiennement, jour après jour, l'expérience d'un
système universitaire qui n'est pas parfaitement adapté aux
besoins spécifiques de la formation et de la recherche en
création artistique. Alors, comment mieux tenir compte de cette
réalité dont dépend pour beaucoup, comme vous le savez
tous et toutes, l'efficacité du rôle de notre système
scolaire dans l'initiation aux arts et à la culture et dans la
préparation des artistes?
Troisième point, l'Université, fortement identifiée
à une région, fortement enracinée dans une région,
soit celle de la Mauricie-Bois-Francs-Drummond, l'Université, dis-je,
croit fermement que le développement culturel du Québec doit
passer par une valorisation de l'espace régional, non pas seulement
comme milieu de consommation et de diffusion de productions culturelles, mais
aussi comme milieu de recherche et de création. L'Université,
d'ailleurs, considère que ce serait un recul pour le Québec
d'agir autrement.
Quatrième et dernier point, l'Université formule le voeu
que la future politique culturelle soit celle du partenariat. Il est
nécessaire, selon nous, de miser sur des liens plus serrés entre
les milieux de formation et de recherche et les organismes, les groupes et les
personnes qui oeuvrent dans le champ culturel.
Mesdames et messieurs, sur l'un et l'autre de ces points que je viens
d'énumérer, je vais rappeler les constats suivants.
Premièrement, en mentionnant tout d'abord que l'Université est
une ouvrière de la culture, nous voulons inviter la commission à
situer la culture dans son champ le plus large possible. Les formes
d'expression de la culture naissent autant des activités des chercheurs
que de celles des artistes, autant des créateurs populaires que des
penseurs. En cela, nous sommes d'avis qu'une future politique de la culture et
des arts ne peut faire abstraction de la culture scientifique. À cet
égard, je précise que la recherche fondamentale est un levier
puissant de notre développement collectif qui repose, notamment, sur les
intellectuels des universités qui sont, comme vous le savez, des agents
critiques permanents de la formation et de la diffusion des savoirs et cela,
dans tous les domaines.
À notre sens, à notre avis, le développement
économique, social et culturel deviendra de plus en plus
dépendant de la compétence des citoyens et des citoyennes, de
leur maîtrise scientifique et de leur capacité à s'adapter
aux besoins des entreprises et des organismes de toute nature, et ce, non
seulement dans les sciences dites naturelles, appliquées ou de la
santé, comme on le pense beaucoup trop souvent encore, mais aussi dans
les sciences sociales et humaines et dans les arts. La présence au sein
de notre établissement d'un Centre d'études
québécoises voué à la recherche sur le changement
culturel est un exemple éloquent du leadership que les
universités exercent à cet égard.
Tout en reconnaissant ici le rôle primordial de l'école
ainsi que l'intervention essentielle des ministères de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science, nous
souhaitons une attitude ouverte et énergique du ministère des
Affaires culturelles en particulier pour soutenir en
complémentarité avec ces ministères, bien sûr, le
secteur de la découverte et de l'édition. De plus, et j'insiste
beaucoup sur ce point, il est urgent de trouver des moyens additionnels
d'épauler la recherche-action auprès des groupes communautaires
préoccupés par les grandes questions sociales.
Arrêtons-nous maintenant sur le deuxième point, soit celui
de l'université, école d'art, de musique et de création
littéraire. Bien, en évoquant l'activité de
l'université dans la formation des artistes et des créateurs,
nous voulons sensibiliser la commission aux défis importants que
représente le développement de cette formation à
l'université. Les exemples d'activités que nous avons
identifiées dans notre mémoire illustrent, entre autres, trois
choses: premièrement, que le mode actuel de financement universitaire
permet difficilement à l'université, je devrais peut-être
même dire, ne permet pas à l'université de faire de
l'enseignement individualisé pour former les artistes, tel que le
recommande le rapport du groupe-conseil; deuxièmement, que
l'université assume une vocation spécifique dans la formation et
le perfectionner ment des maîtres en arts et, selon nous, ce devrait
être un centre d'intérêt majeur de la future politique des
arts et de la culture qui néglige, malheureusement, cette dimension
fondamentale et aussi toute la complémentarité qu'elle suppose
dans l'utilisation des ressources avec les écoles de formation
d'artistes professionnels; troisièmement, que la création
continue d'être le parent pauvre des organismes subven-tionnaires
québécois qui tardent à se donner des
mécanismes de reconnaissance propres à cette
activité. La production artistique, il faut le reconnaître, n'est
pas très confortable dans le système traditionnel de
reconnaissance des travaux scientifiques et académiques. Ce n'est
certainement pas un incitatif à se diriger vers ce domaine.
Passons maintenant au troisième point. Une partie importante de
notre mémoire est consacrée à la place des régions
dans le champ culturel. Nous proposons à cette commission de prendre
exemple sur le développement du système universitaire au
Québec pour mieux voir toute l'importance de la valorisation des
régions. En effet, l'enseignement supérieur au Québec a
d'abord été fortement concentré sur la métropole et
la capitale. Puis, avec le temps, une prise de conscience de l'importance de
rendre les études universitaires plus accessibles a donné
naissance au réseau de l'Université du Québec avec des
établissements bien enracinés dans la presque totalité des
régions du Québec et l'évolution connue depuis montre bien
la réussite de ce modèle de développement qui pourrait
inciter à l'appliquer au domaine des arts et de la culture. Nous sommes
d'avis que la future politique des arts et de la culture doit s'appuyer sur un
principe fondamental qui reconnaît le dynamisme interne, la
réalité vivante, distincte, spécifique de chacune des
régions et aussi de la ville qui lui sert de moteur économique et
culturel. On ne doit pas les percevoir uniquement, ces régions, comme
des lieux de consommation ou de diffusion des productions culturelles des
grands centres, mais tout autant comme des explorateurs et des producteurs du
domaine culturel, d'où la nécessité de leur fournir aussi,
à ces régions, les moyens de se réaliser, les moyens
d'exporter à leur tour.
En ce sens, et c'est là notre quatrième et dernier point,
M. le Président, nous nous inscrivons résolument comme
université dans une relation de partenariat avec notre région
afin de mieux soutenir le développement culturel. Cette association nous
paraît absolument nécessaire et à encourager au plus haut
point. Nous avons la responsabilité de favoriser le transfert des
connaissances dans le milieu et, à ce titre, nous devons être
présents sur le terrain. Voilà pourquoi nous réclamons,
par exemple, que les établissements à vocation culturelle
puissent accueillir des universitaires au sein de leur conseil d'administration
ou puissent se doter de comités scientifiques. Plusieurs exemples
mentionnés dans notre mémoire sont effectivement des fruits de ce
partenariat avec le milieu. Pensons au Festival international de la
poésie de Trois-Rivières, la participation à la sauvegarde
du patrimoine archéologique et industriel de la Mauricie ou encore le
Symposium sur la famille que nous tenons aujourd'hui même à
l'Université du Québec à Trois-Rivières, avec tous
les intervenants régionaux. Et je me per- mets d'ajouter, en terminant,
qu'un projet d'envergure nationale comme le Musée des arts et traditions
populaires du Québec dont l'Université du Québec à
Trois-Rivières est l'instigatrice ne pourrait voir le jour sans un
partenariat avec le milieu. Nous avons d'ailleurs été très
heureux d'apprendre hier que sa construction dans notre région vient de
recevoir l'aval, bien sûr à certaines conditions, de la ministre
des Affaires culturelles.
Nous terminons sur cet exemple de dynamisme régional en
réitérant que nous comptons beaucoup sur un appui ferme de la
commission et de la ministre des Affaires culturelles pour promouvoir l'action
des régions et continuer d'appuyer le rôle que les
universités y jouent. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. Je
passerai maintenant, sans plus attendre, la parole à Mme la ministre.
Vous avez la parole pour vous toute seule, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci. Ha, ha, ha! Je vous
remercie.
Le Président (M. Gobé): Même le
président ne dira plus rien.
Mme Frulla-Hébert: Bon. D'abord, je vous remercie de votre
participation à nos travaux. Vous avez exposé votre grande
implication dans le développement artistique et culturel et on le voit,
de toute façon, par votre rayonnement partout dans la région. On
a abordé à plusieurs reprises ici, à cette commission,
toute la question de la formation. D'ailleurs, le directeur
général des conservatoires... J'aimerais qu'on revienne
là-dessus parce qu'il va y avoir quand même des décisions
à prendre. Si j'ai bien compris votre analyse de la situation, vous
dites que les écoles d'art et les conservatoires doivent se consacrer
exclusivement à la formation d'artistes professionnels alors que
l'université doit mettre l'accent sur la formation des maîtres.
Moi, j'aimerais en savoir en peu plus parce qu'il y a d'autres
universités qui, elles, veulent tout simplement faire l'inverse ou
inclure les deux. Comme on ne voudrait pas avoir quand même de
chevauchement et pour être plus efficaces, j'aimerais vous entendre un
peu plus là-dessus.
M. Parent (Jacques): Si vous permettez, Mme la ministre, comme je
l'ai souligne tout à l'heure, comme le vice-recteur, enseignement et
recherche, a présidé le groupe de travail qui est à la
base de la préparation de notre mémoire et comme il discute de
cette problématique régulièrement depuis un certain nombre
de jours, ce serait certes intéressant de l'entendre.
Mme Frulla-Hébert: Avec plaisir.
M. Thibault (André): Mme la ministre, notre approche se
base sur ce que sont nos mandats premiers et on parle de cette formation des
maîtres, d'une part, et, d'autre part, on n'exclut pas qu'on puisse faire
une formation d'artistes, mais nous sommes très conscients que le
contexte et les exigences pédagogiques particulières à
cette formation ne sont pas particulièrement adaptés - on le
disait dans le mémoire - à nos propres modes de financement.
Alors, voilà deux aspects qui sont complémentaires et non pas
nécessairement contradictoires, en ce qui nous concerne.
Vous avez soulevé la question des conservatoires.
Déjà, depuis quatre ou cinq ans, nous avons renouvelé nos
programmes de formation en y mettant l'accent sur l'aspect de la
pédagogie, notre espoir étant de développer, cependant,
une forte complémentarité avec les conservatoires, notamment dans
le cas de la formation aux instruments. Il est difficile pour nous, d'une part,
d'avoir accès à cette gamme très large de
spécialistes de formation aux instruments et de donner les formations
souvent individualisées que cela requiert. Alors, déjà,
avec le conservatoire de la région, chez nous, depuis cinq ou six ans,
nous avons cette discussion. Par ailleurs, on a pris connaissance tout
récemment de certains projets des conservatoires qui, eux-mêmes,
semblent vouloir développer certains programmes et demander notre propre
collaboration. Alors, pour éviter toute duplication, je pense qu'il y a
là une discussion de coordination en tenant compte, comme principe, de
l'expertise de chacun.
Mme Frulla-Hébert: Juste pour approfondir un peu
là-dessus, il y a des théories qui disent, dans le cas d'un
ministère des arts et de la culture - on le définira, on
l'appellera comme on voudra une fois fait - ou d'un ministère qui a une
influence, si on veut, de façon horizontale et verticale, verticale au
niveau des arts, horizontale au niveau culturel, donc partenariat... On a
beaucoup évoqué aussi l'exemple de l'environnement. Je ne veux
pas prétendre non plus qu'on va assimiler tous les ministères, au
contraire, mais être une espèce de conscience, si on veut, une
conscience culturelle sur les autres ministères.. Dans un contexte comme
ça, est-ce que la formation proprement dite, que ce soit au niveau de la
musique, au niveau des arts dramatiques, devrait relever de ce
ministère-là ou si elle devrait relever du ministère qui,
techniquement, est l'expert, si on veut, en formation, que ce soit Enseignement
supérieur, que ce soit Éducation? Parce que c'est le grand
débat. Il va falloir, quand même, à certains moments
donnés, le regarder en face et trancher, si on veut. (17 h 45)
Maintenant, vous parliez des structures. L'École de cirque est
venue nous voir en disant que les structures au niveau de l'éducation,
finalement, ne s'adaptaient pas, mais pas du tout à ses besoins. Est-ce
que les structures sont rigides au point où c'est impensable ou encore
est-ce que, selon certaines modifications, la formation telle qu'on l'entend,
pour donner des meilleurs services, une meilleure
complémentarité, une fois rendue dans le système et les
opérations, devrait relever d'un versus l'autre?
M. Thibault: Le système n'est pas rigide
nécessairement à ce point. Certaines conditions d'exercice et de
souplesse, cependant, doivent être rencontrées. On a parlé,
notamment, des modes de crédits universitaires, par exemple, des modes
de répartition de tâches chez les professeurs et, à la
limite, évidemment, des modes de financement. On a eu longuement, avec
le Département des arts plastiques... J'ai parié de musique, mais
on a la même question en arts plastiques. Ces gens nous disent: Nous
pouvons faire, par rapport à la formation traditionnelle en arts,
d'école d'art, comme on les a connus, certains pas qui permettent,
effectivement, de former des artistes dans un contexte universitaire.
Cependant, de notre propre point de vue, nous devons nous aussi aller un peu
plus loin. Donc, c'est possible, il y a là la formation... Puisqu'on
parle de formation, le geste pédagogique en formation des arts, je
dirais, est le geste fondamental favorisant en cela la démarche de
création de la personne. Et, à ce titre-là, les
institutions d'enseignement possèdent, bien sûr, l'expertise
pédagogique nécessaire et, à certains égards, vont
faire appel, soit par des coopérations avec des institutions existantes
- s'il faut trancher, on y reviendra... Je veux dire, c'est possible
d'intégrer cette nouvelle expertise, mais on le fait dans le domaine des
arts plastiques où il n'y a pas d'école d'art comme on l'a en
musique, par l'utilisation, chez nous, de ce qui s'appelle les chargés
de cours, où on fait appel nettement à des artistes dans chacun
des domaines. Il y a cette souplesse qui permet d'aller chercher les bonnes
ressources. Mais, fondamentalement, la pédagogie à la
création, l'expertise pour cela se retrouve effectivement dans le
domaine. Je pense qu'il faut éviter de faire ce qui a été
fait il y a une vingtaine d'années dans une intégration,
permettez, un peu bête de ce qui se faisait en disant: Dorénavant,
les artistes, vous entrez chez nous et on vous forme comme des
ingénieurs. Donc, il y a...
Mme Frulla-Hébert: Cette flexibilité-là, au
moment où on se parle, compte tenu du fameux système et de ses
fameuses normes, est-ce que ce serait rêver en couleur de dire: Au lieu
de faire de l'intégration... Moi, j'ai été la
première... Quand on parlait de l'École des beaux-arts, ça
avait une connotation, les beaux-arts et, quelque part, finalement, ça
rayonne aussi, tout ça. Mais est-ce que c'est possible, en 1991, de
penser, au lieu d'avoir une intégration ou, enfin, une
annexion, si on veut, parler beaucoup plus d'intégration et que
le modèle de l'un aussi puisse bénéficier à
l'autre?
M. Thibault: Absolument. Je pense que c'est possible et,
d'ailleurs, il y a un mouvement. On a vécu une intégration, je le
disais tout à l'heure, un peu bête. Vous rentrez dans les
carreaux. Mais on constate que, dans beaucoup d'universités maintenant,
la notion de différenciation prend sa place. Qu'on soit dans le domaine
de l'administration ou qu'on travaille sur un programme en chiropratique avec
clinique sur place, etc., cette différenciation-là est aussi en
train de se réaliser. Il y a à tout le moins des indices de
souplesse.
M. Parent (Jacques): Mme la ministre, je pense que vous soulevez
un point central du mémoire, comme on le mentionnait tout à
l'heure, et c'est toute la problématique du rôle très
spécifique, très particulier de l'université dans le cadre
de la formation des maîtres à laquelle on a fait allusion tout
à l'heure. C'est toute la problématique, sans faire de jeu de
mots, de l'harmonisation des objectifs de formation - c'est un débat
très large qu'on met sur la table - des contenus aussi, des contenus de
formation, toute la problématique, comme on l'a mentionné aussi,
dans la présentation de la gestion rationnelle des ressources, ce dont
nous sommes très conscients, donc d'une nécessaire coordination,
Mme la ministre, entre les différents niveaux d'intervention. Et sans
vouloir parler au nom de la Conférence des recteurs et des principaux
des universités, on vous a fait parvenir une lettré où
l'invitation était vraiment présente, à savoir...
Mme Frulla-Hébert: Oui, absolument:
i
M. Parent (Jacques): Et c'est dans la foulée des
recommandations, d'ailleurs, du rapport Arpin, où il pourrait y avoir et
il devrait, je pense, il devrait y avoir, dans la suite de ce rapport, des
rencontres de coordination auxquelles nous serions extrêmement
intéressés de participer - ça, c'est très clair,
Mme la ministre - et faire part de l'expérience que nous avons
vécue, parce que nous avons développé, jusqu'à un
certain point, un modèle, chez nous, d'intervention dans le secteur,
comme vient de le souligner le vice-recteur, enseignement et recherche.
Peut-être que ça pourrait être différent, d'ailleurs.
Donc, voilà l'importance de la coordination nécessaire.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui serait souhaitable, d'une
certaine façon, parce qu'on s'aperçoit aussi... En fait, c'est le
même problème que la formation professionnelle aussi...
Des voix: Tout à fait.
Mme Frulla-Hébert: ...d'une certaine façon,
où le secteur était tellement... Enfin, nos modèles
étaient tellement rigides qu'on se retrouve aussi avec une formation
professionnelle qui n'est pas vraiment préparée et on se retrouve
aussi avec une efficacité qui est beaucoup moindre si on se compare
à d'autres pays.
M. Thibault: J'aimerais compléter, si vous permettez, sous
quelques aspects. Je pense qu'un ministère comme le ministère des
Affaires culturelles - et le nom, on assistera au baptême un jour - peut
jouer le même rôle, par exemple, que certaines corporations
professionnelles jouent dans la formation. Il y a, la semaine prochaine, le
comité d'agrément de l'Ordre des ingénieurs qui vient voir
si le type de formation est conforme aux objectifs qu'ils poursuivent, d'une
part.
L'autre élément qui m'apparaît un avantage, et
là j'en parle du point de vue des étudiants mêmes, on le
constate dans nos relances d'étudiants que ce ne seront pas... C'est une
portion réduite des étudiants qui s'inscrivent à ces cours
en musique, en arts ou en littérature qui seront des producteurs. Et
déjà, pour eux, de bénéficier aussi d'une
possibilité d'une formation un peu plus large en même temps que
cette formation-là les outille davantage aussi pour faire face à
d'autres types de carrière ou pour faire soit de l'éducation dans
leur domaine ou d'autres types de prestations qui sont toujours autour de ce
domaine-là sans être de leur domaine de base, sans toujours
être strictement de la production en tant que concertiste ou qu'artiste
même. Alors, le fait de pouvoir utiliser un lieu plus large de formation,
ça me paraît important.
Le troisième aspect, et ça on le constate tous les jours
chez nous, autant à l'intérieur de notre propre communauté
ou de notre région, il reste aussi que la présence en nos murs de
ces formations-là contribue à ce qu'on va appeler aussi cette
sensibilisation à la culture et aux arts de sorte que, si on en fait des
groupes trop à part à certains moments, bon, en tout cas on peut
beaucoup moins profiter - j'insiste sur le mot "profiter"... Ce n'est pas une
donnée nécessairement essentielle, mais, quant à l'avoir,
autant le vivre. Et je vous dirais que, par exemple, notre section des arts
plastiques, de toutes les sections à l'Université, est
probablement celle qui a eu le plus d'impact dans sa région et c'est
assez étonnant aussi comme facteur de développement.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Je passerai
maintenant la parole à M. le député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je me joins
à la ministre pour vous souhaiter la bienvenue. Dans votre
présentation, tantôt, vous parliez de l'Université du
Québec à Trois-Riviè-
res comme une ouvrière de la culture et, quand on vous
écoute et qu'on lit votre mémoire, on s'aperçoit
qu'effectivement votre implication dans le milieu, que ce soit par les
institutions que vous avez mises sur pied, les expositions ou toutes les
activités que vous avez organisées, la qualité de votre
mémoire et votre présence témoignent qu'effectivement,
dans le milieu de Trois-Rivières, l'université est une
ouvrière au niveau culturel. C'est important dans une région,
parce que, effectivement, c'est très régional, la présence
d'une institution universitaire, on en a la preuve, au niveau culturel.
Quand on lit votre mémoire, et c'est pour ça que je parle
d'une université en région, on s'aperçoit qu'il y a une
préoccupation, peut-être même une crainte, et vous
n'êtes pas les premiers à l'avoir apportée à cette
commission. C'est pour ça que je veux qu'on en traite un peu. Le premier
sujet, c'est les régions. Quand on regarde - je prenais des notes
tantôt - tout de suite au début, à la page 1, on dit:
"L'Université du Québec à Trois-Rivières recommande
que les mesures gouvernementales s'appliquent et s'enracinent
simultanément dans chacune des régions qui apparaissent comme
autant de lieux d'expression culturelle", donc pas seulement des gens qui
reçoivent, mais qui produisent aussi. On s'en va à la page 8 et
on retrouve encore la même chose: "C'est dire du même coup tout le
potentiel des régions comme lieux de réalisation culturelle." Et,
à la dernière page, à la conclusion: "À cet
égard, la proposition devra reconnaître et promouvoir les
régions comme espaces de recherche et de production culturelles." Venant
d'une région, même si elle est assez proche de Montréal,
vous n'aurez pas de difficulté à me convaincre que les
régions ont une place et que toutes les régions ont une place
importante. Il va falloir, à un moment donné, comme
société, comme ministère, comme gouvernement, qu'on se
pose des questions par rapport au genre de Québec qu'on veut.
Très souvent, et il va falloir regarder ça, je suis
convaincu, quand vous organisez quelque chose, quand on a des investissements
dans les régions, dans les municipalités, la participation de la
population, autant dans les ateliers de formation que dans les salles où
on présente des productions de l'extérieur de la région,
comme des productions locales, l'achalandage a probablement un taux
supérieur à ce qu'on retrouve dans les grands centres. Et
l'argent investi - on ne fait pas ça souvent, je pense, on le fait en
industrie, en commerce, mais en culture, on ne le fait peut-être pas
assez - la rentabilité des dollars investis dans les régions, les
petits 5000 $, les petits 10 000 $, les petits 50 000 $ qu'on met, comment
ça génère par le bénévolat, par la
participation, par la collaboration, ce que vous avez dit tantôt, puis
vous l'avez prouvé... Si on faisait un rendement en pourcentage, je dois
vous dire que j'ai l'impression que ce serait probablement ce qu'il y a de plus
payant et de plus rentable. Et la force du Québec, c'est la force de ses
régions. Si tout le rapport dit que la culture, le culturel doit
être aussi important que le social et l'économique - on a juste
à regarder le social et l'économique, on veut que ce soit
étendu à travers tout le territoire, que les services se
retrouvent partout et que les gens participent au développement
économique, qu'ils s'impliquent, puis on parle de régies
régionales et tout... La culture, si on veut que ce soit important, puis
ça l'est puis c'est probablement notre seul ou, en tout cas, notre
principale bouée de sauvetage pour la reprise économique
présentement, il faut que ce soit partout parce que la beauté et
la force du Québec, c'est la beauté et la force de ses
régions.
Ma question est bien simple et je pense qu'on se rejoint
là-dessus: Au-delà de se rejoindre, par quels moyens pensez-vous
qu'une véritable politique culturelle peut assurer que la
création dans les régions soit soutenue et encouragée?
Quels moyens concrets voyez-vous pour qu'on puisse s'assurer qu'on va aider les
régions à créer, à se développer?
M. Parent (Jacques): M. Martin.
M. Martin (Paul-Louis): Oui, si vous permettez. Juste avant nous,
vous avez entendu comme moi M. Saganash féliciter l'action du
ministère depuis plusieurs années et, effectivement, le
ministère a créé ' parfois des modèles qu'il aurait
peut-être eu avantage à répandre plus largement. Le
ministère a créé le centre Aavataq, le centre culturel
Avataq, c'est-à-dire, il ne l'a pas créé, mais il le
finance, il le soutient. Le ministère soutient aussi les organismes
culturels cris, montagnais, en leur donnant une très large marge
d'autonomie. Alors, nous, nous pensons qu'effectivement il y aurait moyen
d'atteindre un équilibre tout en maintenant les grandes missions
nationales au niveau culturel, de créer vraisemblablement des fonds
régionaux de développement et de création culturelle, Ces
fonds régionaux, ils existent partiellement déjà, si vous
voulez, à travers les budgets régionalisés,
décentralisés des ministères, mais vous n'êtes pas
sans savoir, comme moi qui ai suivi de l'extérieur vos débats,
que la population est un peu parfois excédée par la bureaucratie,
la paperasse, la lourdeur administrative, etc. Or, le domaine culturel est
précisément le domaine où, à notre point de vue, il
devrait exister la plus grande liberté et la plus grande proportion de
jugements par les pairs, de jugements par les régionaux eux-mêmes,
de jugements par les consommateurs, des produits qui s'expriment à
travers la culture. Et donc, dans ce sens-là, nous sommes d'avis que des
fonds régionaux, la proposition a déjà été
avancée, devraient être un des bons moyens de susciter en
région et surtout de maintenir en région une
créativité.
J'ajoute, en terminant là-dessus, que nos voisins en Ontario ont
eu, depuis plusieurs années, l'heureuse idée de consacrer des
fonds de la loterie ontarienne régulièrement au
développement social ou culturel. Et je pense bien que les
Québécois, avec la création éventuelle d'une
nouvelle loterie qui pourrait être mensuelle ou annuelle ou, que sais-je,
semestrielle, seraient les premiers à investir des fonds particuliers,
des fonds nouveaux dans le développement culturel des régions.
C'est autant, si vous voulez, de moyens très concrets qu'on peut vous
suggérer. Ce ne sont sûrement pas les seuls.
M. Paré: Oui, monsieur...
Le Président (M. Gobé): Monsieur...
M. Parent (Jacques): M. Massé. (18 heures)
M. Massé (Georges): Si vous me permettiez, je voudrais
ajouter un certain nombre d'éléments dans la foulée de ce
que vient de dire mon collègue Paul-Louis pour essayer de
répondre à votre question. Alors, il est sûr que notre
rapport fait état du rôle qu'a joué l'université
comme agent culturel important dans une région, mais on pourrait
reprendre le cas de Chicoutimi pour montrer que l'université a
joué un rôle important à cet égard comme agent
culturel. Bien sûr, il faut nous assurer les moyens de mieux illustrer,
dans le fond, notre implication dans la région et de faire en sorte de
mieux former les étudiants qui sont en arts plastiques, les
étudiants qui sont en musique, ou qui sont en histoire, parce qu'on
aurait pu être plus virulents dans le rapport. Dans le fond, on est un
peu préoccupés par une attitude que l'on perçoit, nous,
comme étant un peu discriminante dans le mémoire: établir
une hiérarchie allant de Montréal à Québec, la
capitale, et à un ensemble régional où c'est le
fourre-tout. On a l'impression que c'est un traitement qui ne tient pas compte
des dynamismes régionaux. Quand on se met à faire la liste -
à certains égards, le rapport le fait aussi - des
activités qui se déroulent sur le territoire régional, ce
que le rapport appelle l'ensemble régional, on se rend compte qu'il y a
beaucoup de choses qui ont été faites et qui sont
sous-estimées.
Alors, il est sûr que nous, à l'Université du
Québec, il y a un centre de recherche qui est unique dans les
universités québécoises, où un groupe de chercheurs
de tendances pluridisciplinaires mettent en commun leurs efforts pour
réfléchir sur toute la problématique du changement
culturel, et mettre leur problématique pour mieux comprendre la notion
de culture.
Un des éléments qui nous semble déplorable aussi
dans le rapport - on peut comprendre pourquoi - c'est d'avoir
privilégié ce qu'on appelle une approche empirique. L'approche
empirique voulant que l'on se cantonne, parce que c'est plus facile à
comptabiliser et plus facile à mesurer, du côté de la
création, on néglige l'élément qui est tout aussi
fondamental que sont les manières de sentir, les manières de
penser, les manières de voir. Si on pense à la réponse de
M. Saganash, tantôt, à la question de Gerald Godin, l'Indien dans
sa forêt, il est dans un milieu qui lui est familier. Ce n'est pas
uniquement physiologique, c'est aussi culturel cela. Toute cette
dimension-là nous semble évacuée complètement du
rapport, et ça nous fait peur.
Par contre, je comprends aussi que dans le rapport du Dr Laurin, en
1978... On avait un rapport, à cette époque, qui avait une plus
grande amplitude au niveau conceptuel. Dans la réalité, par
contre, ça n'a pas aidé beaucoup mieux le Québec à
définir ses priorités culturelles. On en est encore là,
maintenant.
Alors, si l'approche empirique permet de mieux nous centrer sur des
cibles, allons-y, mais à condition de ne pas, dans le fond, vider la
culture de son contenu.
Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, en
conclusion, M. le député de Shefford.
M. Paré: En conclusion, bien.. Le Président (M.
Gobé): Le mot de la fin. M. Paré: Mon Dieu, ça
n'a pas de bon sens. Le Président (M. Gobé): Ça va
vite là.
M. Paré: Oui, ça va un peu trop vite. En tout cas,
ce qu'il va falloir faire... Puis, je pense que, de plus en plus, quand on
avance dans les discussions de la commission, on s'aperçoit que
ça sera de moins en moins la querelle Montréal, Québec et
les régions, mais que ça sera ce que le maire de Montréal
appelait ce matin l'équilibre entre la capitale, la métropole et
l'ensemble du territoire québécois. La culture au Québec,
oui, c'est le Festival de jazz de Montréal où il y a beaucoup de
monde, mais c'est comme chez vous, le Festival international de la
poésie, le Festival d'été de Québec, le Festival de
la chanson de Granby, Lanaudière, les Marionnettes géantes
d'Upton, le grand spectacle de Chicoutimi, c'est le Québec
débordant.
Je pense que, effectivement, on va oublier les mots querelles et
disputes entre capitale, métropole et régions. Mais c'est toutes
les régions où il devra y avoir un équilibre. Vous avez
l'air d'avoir quelque chose à ajouter là-dessus.
M. Parent (Jacques): Nous sommes bien contents que le maire de
Montréal ait dit cela ce matin en commission parlementaire, parce que
nous l'avons aussi mentionné dans notre mémoire.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup.
M. Paré: C'est la preuve qu'on a la même vision. Ce
qu'il disait, c'est exactement la même chose. C'est un équilibre,
ce n'est pas des régions contre d'autres. Mais, si c'est une
priorité, il faut y mettre l'argent nécessaire. Merci beaucoup de
votre présentation.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, un mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Je me joins aussi à mon
collègue pour vous remercier et seulement apporter une note pour
éclairer. Quand je me suis assise avec Roland Arpin - seulement pour
donner un peu l'envol, après ça ils sont partis travailler et
m'ont remis le rapport - on a beaucoup parlé de ça, la
définition de culture dans son sens très large, ou culture versus
culture et développement des arts, etc. On a trouvé que tout est
culture dans le fond, notre façon de se nourrir, de s'habiller, tout est
culture.
Alors, je reviens un peu à la définition empirique dans un
sens où on a des besoins très précis aussi. Là, il
s'agit de trouver finalement la meilleure façon, la meilleure
définition et aussi la meilleure politique, la plus flexible possible
pour, justement, pouvoir travailler sur ces besoins. Alors, c'est un peu pour
ça l'orientation, ce qui semble avoir été
évacué, et qui ne l'est pas dans le fond.
M. Thibault: Est-ce que je peux réagir, madame?
Très rapidement.
Mme Frulla-Hébert: Très rapidement.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement
parce que nous sommes 20 minutes en retard.
M. Thibault: Je pense qu'il y a les choix empiriques pour la
mission verticale du ministère. Il y a aussi des choix empiriques
probablement et des objectifs empiriques pour sa mission horizontale dans le
gouvernement.
Mme Frulla-Hébert: Peut-être, oui.
M. Thibault: C'est probablement cette partie-là qu'il nous
reste ensemble à définir.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Ceci
met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je
vous remercie, au nom des membres de toute la commission.
Des voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant appeler
les représentants de la ville de Lon-gueuil. Oui, monsieur, mon cher
collègue.
M. Godin: Ça fait une demi-heure que j'ai demandé
la parole. Je constate que je l'ai quand il n'y a plus de temps.
Le Président (M. Gobé): Ah! Je m'excuse, M. le
député, mais je n'ai pas vu votre geste. Si je l'avais vu, je
vous l'aurais donnée.
M. Godin: Merci.
Ville de Longueuil
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, la commission va maintenant reprendre ses travaux. Il nous fait
plaisir d'accueillir, tout d'abord, les représentants de la ville de
Longueuil, soit M. Roger Ferland, le maire.
M. Ferland (Roger): Oui.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. le maire.
M. Ferland: Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): M. Gilles Pineault,
président du conseil d'administration de la SODAC.
M. Pineault (Gilles): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M Pineault. M.
Michel Timperio, membre du conseil d'administration de la SODAC et conseiller
municipal.
M. Timperio (Michel): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Timperio. M.
Serge Sévigny, conseiller municipal et membre du comité
exécutif.
M. Sévigny (Serge): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Sévigny.
Nous avons accueilli aussi la députée de Marie-Victorin, qui est
la députée de votre région, et Mme la
députée de Taillon. Alors, bienvenue à cette commission.
Tout à l'heure, en vertu de l'article 132, je requerrai le consentement
pour que Mme la députée de Marie-Victorin puisse intervenir et
vous, par la suite. Vous avez fait une petite demande. Tout en vous rappelant
que nous sommes limités à 15 minutes, M. Ferland, M. le maire, je
vous laisse maintenant la parole pour faire votre présentation.
M. Ferland: Ça va.
Le Président (M. Gobé): Vous avez une quinzaine de
minutes, vous aussi.
M. Ferland: Alors, merci, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés. Selon nous, le rapport Arpin
traite des fondements mêmes de notre identité collective. Je l'ai
donc lu à la fois en ma qualité de citoyen du Québec et
d'administrateur de la ville de Lon-gueuil. Ne vous étonnez donc pas si
mes remarques, bien qu'elles portent sur les mécanismes de gestion de la
culture, sont aussi porteuses d'une certaine idée de la
société québécoise.
Cela dit, je n'ai pas l'intention de traiter des aspects qui touchent au
litige constitutionnel et, en l'absence d'un règlement de ce litige, je
n'ai pas non plus l'intention de priver la population de Longueuil de la
portion de ses taxes fédérales qui se traduisent en interventions
de type culturel par le gouvernement central.
Les thèmes que je vais traiter sont les suivants: la situation
à Longueuil et la question de sa proximité avec Montréal;
des remarques générales sur le rapport Arpin; la notion de
régionalisation et de son pendant, le partenariat des
municipalités avec le ministère; la question de
l'évolution du rôle de nos bibliothèques; et, enfin,
l'épineuse question des rapports entre les pouvoirs publics et les
artistes.
Les débuts de Longueuil remontent au XVIIe siècle, ce qui
explique notre sensibilité particulière envers l'histoire et le
patrimoine, donc, en définitive, envers la culture. D'ailleurs, je vois
une certaine logique entre culture et stabilité, illustrée par le
fait que les résidents de Longueuil, dans un sondage mené en
1986, ont répondu à 61 % que, s'ils avaient à
déménager, ils demeureraient à Longueuil. J'en
déduis que nos traditions nous servent bien. Notre proximité de
Montréal détermine fatalement les comportements des Longueuillois
et Longueuilloises en matière de fréquentation des
infrastructures culturelles et ça colore, par conséquent, notre
développement en matière de culture. À titre d'exemple,
nous ne nous sommes pas encore pourvus de grandes structures de diffusion
devant le fait qu'il y a toutes les salles et tous les musées de
Montréal, à 20 minutes de Longueuil en métro. Grosso modo,
le voisinage de la métropole est, au plan culturel, autant un facteur
d'inhibition que d'économie d'échelle pour Longueuil. Mais
Longueuil n'est pas pour autant inactive en matière culturelle. D'abord,
parce qu'il y a une identité longueuilloise à préserver et
à enrichir.
Deuxièmement, une ville a, selon nous, l'obligation de dispenser
certains services culturels voisins de l'éducation sans compter le
bénéfice évident, pour la qualité de vie
municipale, d'avoir des résidents qui soient promoteurs de la
beauté, du respect de la nature et de l'effort créateur. À
ce chapitre, rien ni personne ne peut se substituer à la ville.
Longueuil consacre environ 2,8 % de son budget à la culture, soit
environ 3 700 000 $ en 1991.
En vertu d'une politique de développement culturel adoptée
en 1990, la ville intervient dans les trois axes que sont la formation - qui
est chez nous l'axe le plus développé - la création et la
diffusion. La formation consiste, chez nous, à dispenser une initiation
aux arts et un apprentissage sommaire de la création. Ça
s'adresse évidemment aux amateurs, le but étant d'ouvrir les
esprits et d'instaurer la civilité dans la population. Le réseau
dont nous nous servons pour dispenser nos services culturels gravite autour du
centre culturel Jacques-Ferron, avec des ramifications dans presque tous les
quartiers de la ville via les comités de loisirs.
Pour ce qui est des activités de diffusion, à part de ce
que permet notre nouveau Théâtre de la ville, très peu de
choses se passent chez nous par comparaison à d'autres villes,
même de taille inférieure, en conséquence justement de la
proximité de Montréal. La ville cherche quand même à
soutenir les artistes, artisans et organismes professionnels de Longueuil. Elle
a récemment créé un organisme distinct appelé
Société de développement des arts et de la culture, ou la
SODAC, doté d'un budget initial de 300 000 $. La politique
longueuilloise d'intervention culturelle touche également d'autres
aspects.
L'histoire même de Longueuil fait que la ville s'implique dans la
préservation et la promotion du patrimoine en conjonction avec un nombre
étonnant de bénévoles regroupés en diverses
associations dévouées à cette cause. Il en découle
pour elle la responsabilité de configurer le développement
municipal en harmonie avec le passé et les vestiges qu'il a
laissés. C'est ce qui nous a inspiré la récente
réappropriation de nos berges, la réfection de la rue
Saint-Charles dans le Vieux-Longueuil, ainsi que celle de l'historique Chemin
de Chambly et, enfin, la mise sur pied récente du projet Rues
principales.
Un dernier axe d'intervention culturelle à Longueuil touche le
développement des bibliothèques qui consomment plus de 21 % du
budget de la Direction du loisir et de la culture, soit maintenant environ 1
800 000 $ par année. Nous avons un réseau de deux
bibliothèques et de cinq succursales qui possèdent ensemble plus
de 170 000 volumes. Le résultat de tout ça est un peu ambigu.
D'un côté, Longueuil se porte bien en matière de promotion
du patrimoine et de formation artistique de niveau amateur, et elle offre comme
ville un visage remarquablement distinct. En contrepartie, la proximité
de Montréal nous dérobe un certain dynamisme.
Quant au rapport Arpin, voici quelques remarques générales
qu'il nous inspire et les contradictions que nous y voyons. En lisant le
rapport, j'ai eu l'impression qu'il avait été écrit par
deux personnes diamétralement opposées l'une de l'autre. La
première, que j'appellerai désormais "le prophète", jette
sur papier des pistes
nouvelles et la deuxième, que j'appellerai "le technocrate",
prend davantage soin de ne pas trop contester les structures existantes.
Nécessairement, ça confère au rapport parfois des
ambiguïtés sans gravité, mais plus souvent des
contradictions fondamentales jamais résolues. Il arrive qu'on y lise ici
une chose, et plus loin son contraire. Mais j'en déduis que nous avons
été invités ici pour améliorer ce qui était
perfectible.
Une des pistes intéressantes ouverte par le rapport concerne
l'appellation même du ministère, qui deviendrait le
ministère de la Culture. À ce sujet, justement, la
première manifestation de la dualité non résolue entre le
prophète et le technocrate surgit dans le contexte de la
définition même de la culture. Le rapport propose ici et là
les éléments d'une définition large de la culture, comme
ce passage à la page 160, manifestement inspiré par le
prophète qui dit que "définir le niveau culturel d'un pays, d'une
population, c'est identifier un certain nombre de facteurs qui expriment
l'ordre, la beauté et l'excellence". Un peu plus loin, à la page
166, il dit: "Culture et civilisation sont deux soeurs siamoises." (18 h
15)
Mais on trouve aussi dans le rapport, à rencontre de cette
largeur de vue, l'expression d'une pensée sans doute inspirée par
le technocrate, et qui s'en va dans un tout autre sens beaucoup plus restreint.
Je fais ici allusion aux mots "arts" et "culture" souvent traités dans
le rapport comme des synonymes ou comme deux sphères d'activité
voisines et de même niveau comme sports et loisirs ou chasse et
pêche, ce que le technocrate doit trouver plus facile à concevoir
et à gérer.
Confondre arts et culture ou réduire la culture au seul domaine
des arts est, selon nous, une erreur. Ça risque de déboucher sur
une politique défectueuse qui consisterait à dire que la
finalité du ministère, ce sont les artistes,
indépendamment de tous les autres agents de la société.
Ça amène, tôt ou tard, à concevoir et à
soutenir la littérature pour les écrivains, le
théâtre pour les dramaturges et les acteurs et la peinture pour
les peintres, un peu comme si on faisait un réseau routier pour les
entrepreneurs et la pomiculture pour les pomiculteurs.
La culture nous apparaît être plus que les arts puisque la
culture, c'est le fait de toute la collectivité. Je crois que c'est
André Malraux qui disait de la culture que c'est "le domaine de la
transmission des valeurs". Or, si le ministère, comme le suggère
le rapport à la page 294, doit chercher "à susciter
l'intérêt du plus grand nombre", il doit redéfinir sa
mission et sa clientèle en des termes beaucoup plus larges qu'avant.
Le ministère des Finances n'est pas celui des financiers, pas
plus que le ministère de l'Environnement n'est la chapelle des environ-
nementalistes. Dans une perspective élargie, le ministère de la
Culture n'est pas le ministère des seuls artistes. C'est le
ministère de notre identité, de nos valeurs, c'est le
ministère de tout le monde. D'ailleurs, à la page 41 et, de toute
évidence, sous la plume du prophète, on peut lire de la culture
que "celle-ci fait que c'est ici que nous habitons plutôt que dans un
autre pays". Bref, le prophète associe clairement la culture à la
question de l'identité d'une collectivité, laquelle est
exprimée et stimulée aussi, j'en conviens, par les artistes, mais
pas seulement par eux. J'en parle avec d'autant plus de conviction qu'en 1988
la ville de Longueuil a produit un document intitulé "Politique de
développement culturel" qui disait ceci: "Le développement
culturel s'inscrit dans l'objectif global de la ville, soit celui de la
qualité de vie." Car, à la limite, j'en suis sûr, il y a
une corrélation entre la vigueur économique des
sociétés, leur culture et leur qualité de vie.
Que font les artistes dans tout ça? Consciemment ou
inconsciemment, depuis le début de l'histoire du monde, à partir
des fresques de Lascaux jusqu'à "Guernica" et jusqu'aux "Gens de mon
pays" et "À toi pour toujours, ta Marie-Lou", les artistes ne
créent pas dans le vide. Ils proposent à leurs
congénères des représentations de leur propre
identité collective.
Si le gouvernement veut bel et bien un ministère de la Culture et
non un ministère des Arts, ce ministère doit devenir, en
matière culturelle, le médiateur, le rassembleur entre la
population, les artistes, les autres pouvoirs publics, les entreprises et les
mécènes. Voilà une démarche dans laquelle nous
pourrions embarquer. Cela dit, grosso modo, nous applaudissons aux
énoncés de principe contenus dans le rapport. Nous sommes
d'accord avec la notion d'horizontalité, de l'arrimage de la dimension
culturelle à toutes les autres. Nous sommes d'accord aussi pour que tous
les pouvoirs publics au Québec soient des agents moteurs de la dynamique
culturelle. Enfin, nous convenons, au chapitre des finalités de la
politique culturelle du gouvernement, qu'il faut les définir en termes
de développement, d'accessibilité et d'efficacité des
mécanismes d'intervention.
Le Président (M. Gobé): M. le maire,
malheureusement, le temps est presque écoulé. Je vous demanderais
de bien vouloir résumer au complet votre mémoire pour que nous
puissions passer aux discussions. De toute façon, les membres de la
commission en ont pris connaissance.
M. Ferland: II me reste combien de temps, vous dites?
Le Président (M. Gobé): Comment?
M. Ferland: II me reste combien de temps?
Le Président (M. Gobé): II vous reste une minute et
demie, deux minutes, maximum.
M. Ferland: M. le Président, je regrette. Enfin, c'est
dommage. J'aurais aimé insister un petit peu sur la partie du
partenariat. Si les deux partis voulaient se donner la peine de l'entendre. Je
vais essayer de le faire quand même assez rapidement.
Le Président (M. Gobé): O.K., à ce
moment-là, je tiens à prévenir les participants que nous
devrons réduire le temps de chacun d'autant. Alors, vous pouvez
continuer.
M. Ferland: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et
messieurs. Le rapport Arpin ne contient que sept pages sur le rôle des
municipalités, dont cette recommandation à la page 282, où
il est proposé que "le ministère des Affaires culturelles
s'associe au milieu municipal [...] dans le cadre d'une politique culturelle
favorisant un plus grand engagement des municipalités dans la culture".
J'aimerais bien croire que le mot "s'associe" ne veut pas dire que le
ministère décide et que les municipalités paient.
D'ailleurs, le prophète a glissé à la page 196 une petite
phrase qui en dit long: "Parler du partage des responsabilités, c'est
toujours parler un peu, beaucoup même, du partage des pouvoirs." Mais,
hélas, le technocrate affirme une toute autre chose. Il a
déjà dit, en page 31: "L'État, par l'intermédiaire
de son ministère des Affaires culturelles, doit se poser en seul
maître d'oeuvre." Il ajoute, à la page 194, comme pour être
bien sûr qu'on a bien compris: "II est tout à fait normal [...]
que les responsabilités d'orientation, de planification,
d'élaboration de politiques et de programmes de recherche soient de la
compétence de l'unité centrale du ministère [...] Les
fonctionnaires qui travaillent en région assument pour leur part des
fonctions de relayeurs."
J'avoue que le technocrate m'a fait peur car quiconque a une
expérience, si petite soit-elle, de traiter avec le gouvernement,
surtout quand celui-ci s'arroge le monopole de l'expertise, verra dans le
tableau de la page 220 une traduction fidèle de sa manière
autoritaire de concevoir le partenariat. Selon ce tableau, tous les
éléments à teneur décisionnelle sont du
côté de l'État. Le rôle d'expert, donc de
dépositaire de l'information pertinente, est également
casé du même côté avec, en plus, le rôle
d'initiateur.
Alors nous, les municipalités, on fait quoi? N'est-ce pas
pourtant au niveau des municipalités que le pouls des populations est le
plus perceptible? Est-ce que ce ne sont pas les habitants du lieu qui ont
l'expertise pour déterminer s'il leur faut une bibliothèque, un
studio vidéo ou une salle de spectacle? Le ministère ne peut pas
dire une chose et son contraire. Il ne peut pas parler de partenariat et, en
même temps, s'arroger toute la science et toute l'autorité.
Je souhaiterais, par conséquent, que les choses se passent en
trois temps. Premièrement, que le ministère, ayant d'abord
reconnu les spécificités des régions et leur expertise,
élabore des plans régionaux de concert avec les pouvoirs publics
régionaux, un peu comme on le fait lors des sommets économiques.
Ensuite, qu'il définisse, en toute indépendance, je vous
l'accorde, les enveloppes de ressources de tous ordres qu'il entend attribuer
à chaque région. S'il y a une bataille politique à faire,
qu'elle se fasse là, au grand jour. Je vous dis tout de suite que nous
résisterons certainement, en principe comme en pratique, à ce
qu'une part indue soit dévolue à Montréal et à
Québec. Troisièmement, que le ministère nous donne de
vrais interlocuteurs dans les bureaux régionaux, avec qui nous pourrons
planifier avec pertinence, nous renseigner mutuellement sur ce que nous faisons
de part et d'autre, et ainsi éviter les duplications et les
surenchères. Faute de cela, je ne vois pas comment on pourrait parler de
partenariat.
J'ai été ravi de lire, en page 133: "Le temps est venu de
se doter d'une carte de la distribution des équipements culturels, d'un
plan intégré, connu, public et, bien sûr, sujet à
discussion." Je crois, en effet, que la notion de discussion est essentielle
à la régionalisation. Mais il faut débarrasser au plus
tôt la Rive-Sud de cette définition trop vaste que le technocrate
en donne encore à la page 130, sous le nom de Montérégie.
Une carte de distribution des équipements culturels fondée sur
une telle définition de la Rive-Sud ne servirait pas les objectifs du
concept de régionalisation.
Regardez plutôt ce qui se passe sur la Rive-Sud dans d'autres
domaines comme l'assainissement des eaux, le transport en commun, la
concertation politique ou économique et même l'implantation
éventuelle d'un centre de tri régional. Regardez quels gens se
parlent, quelles institutions locales transigent ensemble spontanément,
et vous ne serez pas loin d'une définition fonctionnelle de la Rive-Sud
sur tous les plans, y compris au plan culturel. Oui, la Rive-Sud est en
banlieue de Montréal, mais elle n'est pas simplement une banlieue
satellite de Montréal. Elle est différente de Montréal,
elle est différente de la Montérégie, et notre population
n'a pas à être lésée dans ses besoins culturels
fondamentaux.
Pour ce qui est des bibliothèques, le rapport Arpin dit, à
la page 157: "La situation de la lecture chez les jeunes et celle d'une
certaine pauvreté de nos bibliothèques publiques [...] sont des
questions connexes." Dans cette perspective, la ville de Longueuil se
prépare à consolider bientôt son service de
bibliothèque en créant une bibliothèque centrale à
laquelle les cinq autres se raccorderont. Mais le problème est beaucoup
plus profond et plus ancien. J'ai comme l'impression que le concept même
de bibliothèque n'a pas beaucoup évolué depuis celle
d'Alexandrie, trois
siècles avant notre ère. Elle est d'abord là, la
pauvreté de nos bibliothèques publiques.
Si on en croit Alvin Toffler, on s'en va vers le siècle de
l'information. Les sociétés, dit-il en substance, dont les
citoyens pourront obtenir et traiter l'information survivront. Les autres
sociétés vont péricliter. Savez-vous qu'à l'heure
actuelle n'importe qui, équipé d'un microordinateur et d'un
modem, peut consulter à toute heure du jour le ficher central de la
bibliothèque du Congres américain et d'autres bases de
données américaines, pourvu qu'il soit abonné à un
réseau américain comme CompuServe ou à plusieurs autres
réseaux également américains? Avons-nous seulement
idée de l'effet débilitant sur notre culture de cette nouvelle
génération de bibliothèques électroniques
américaines si nous ne réagissons pas? La lecture n'est plus
seulement un divertissement, ni seulement un loisir, ni seulement un outil de
formation permanente. Ça devient un outil essentiel de travail, donc une
nécessité collective, économiquement comme culturellement.
Si je veux que ma ville soit hospitalière pour les gens actifs qui
consomment de l'information de manière constante et vitale, il ne faut
plus qu'ils doivent aller à Montréal pour faire leurs recherches
ou consulter les ouvrages de référence dont ils ont besoin.
Mais il y a plus. Au plan culturel national, il faut un plan d'ensemble
qui permettra à nos bibliothèques de faire au plus tôt le
grand bond technologique en avant qui leur redonnera leur fonction
millénaire de pivot central de la distribution de l'information. Ne
craignez rien: quand ce sera fait, quand les supports de l'information auront
été mis à jour au plan technologique, les jeunes n'auront
pas besoin, la magie de l'informatique aidant, qu'on leur fasse un dessin pour
comprendre que la lecture aussi est "in", mais qu'elle est encore plus vitale
que la forme physique et la mode vestimentaire.
Pour boucler la boucle, j'aimerais traiter enfin des artistes et des
rapports que les pouvoirs publics doivent établir avec eux. Le sentiment
d'isolement chez certains artistes, et même d'abandon face à
l'appareil de l'État, est d'une triste évidence. Mais
l'État n'est-il pas lui-même la cause de cet état de choses
depuis le moment où il a substitué toutes sortes de
mécanismes au nécessaire dialogue entre les artistes et la
collectivité? Si l'artiste québécois est isolé,
c'est du public qu'il est isolé, du jugement du public, de l'influence
du public. Une subvention versée directement à l'artiste, si bien
intentionnée soit-elle, ne remplacera jamais, et elle peut même
détruire, l'indispensable réciprocité entre l'artiste et
le public. Au pire, les artistes en arrivent même à l'aberration
de considérer l'État comme leur pourvoyeur unique.
Le rapport Arpin comporte pourtant, en page 58, ces lignes lumineuses
que j'attribue à la plume du prophète: "Le domaine de la culture
et des arts est par excellence la terre d'élection de la liberté,
de l'initiative personnelle et de la spontanéité des
créateurs, mais également celle du libre choix du public et des
goûts culturels variables selon les modes et les temps. Toute
démarche qui vise à introduire une certaine planification dans le
domaine culturel doit préserver cet aspect vital de la culture."
Mais, à la page 60, le technocrate dit pratiquement le contraire:
"La création artistique et les innovations culturelles ont besoin
d'être soutenues pour elles-mêmes", ajoutant, en page 98: "Que les
disciplines artistiques qui connaissent certaines difficultés
provisoires ou qui arrivent plus difficilement à se donner un public
soient soutenues de façon particulière." Mais qui va
déterminer si telle avant-garde picturale a de l'avenir et mérite
la respiration artificielle, ou si telle approche à l'écriture
romanesque est pertinente, ou si le Québec a besoin de 500
comédiens ou de 5000? Souvenons-nous que même le grand Leopold,
empereur d'Autriche et grand mécène, s'est trompé en
favorisant Salieri plutôt que Mozart, et que notre propre
ministère des Affaires culturelles lui-même a déjà
levé le nez sur Michel Tremblay. Traitons plutôt nos artistes
professionnels comme des gens responsables, responsables de produire des
oeuvres qui touchent la population, et prêts à accepter les
conséquences de leur échec dans le cas contraire car il n'y a pas
de culture sans l'assentiment de toute la collectivité.
Il m'apparaît par conséquent plus sage pour le
ministère, sachant que sa politique colore fatalement celle de tous les
autres corps publics, d'investir beaucoup moins dans la subsistance des
personnes et beaucoup plus dans les occasions de rencontre entre l'artiste et
le public. Nous favorisons donc, par conséquent, une politique
culturelle axée en priorité sur la diffusion, sur
l'établissement partout au Québec de lieux de rencontre. Cela
aurait le quadruple avantage 1° de mettre fin à cette relation
éternellement frustrante entre l'artiste et l'État-pourvoyeur;
2° de garder les artistes en état de saine réciprocité
avec le public; 3° de répondre plus vite aux objectifs nationaux
d'accessibilité universelle et 4° de fournir au ministère et
aux municipalités des secteurs d'intervention similaires et qui
concorderont davantage avec leurs niveaux réels de compétence.
(18 h 30)
En conclusion, la position de Longueuil se résume en quatre
phrases fort simples. Le changement de nom du ministère en
ministère de la Culture doit donner lieu à une reformulation de
sa politique autour d'une définition large et mobilisante de la culture;
la notion de régionalisation ne sera matérialisée que si
les mécanismes de décision en matière culturelle sont
révisés dans un véritable esprit de partenariat; Longueuil
fait partie d'un ensemble original que nous appelons la Rive-Sud, distinct de
Montréal et distinct de la Montérégie, avec des besoins
qui
découlent de sa distinction, principalement en matière de
diffusion; il faut assainir les relations entre l'artiste et les pouvoirs
publics en fournissant aux créateurs les moyens de diffusion sans
lesquels la création n'a aucun sens culturel.
Je souhaite donc que le prophète et le technocrate se mettent
d'accord sur une vision unifiée de la culture, et qu'ils en
conçoivent une politique cohérente qui nous permettra ensuite,
à vous et à nous, dans la pratique, de gouverner de part et
d'autre sans nous contredire et selon nos compétences véritables.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Vous
avez fait ça très vite, c'est bien. Là, on a maintenant
Mme la ministre. Vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Bienvenue à
tous. Comme le temps nous presse, je vais premièrement vous
féliciter pour votre mémoire parce qu'il est très...
Vraiment, il aborde plusieurs sujets, mais de façon très pratique
aussi. Je voudrais parler, d'une part, de la question de la région ou,
enfin, d'une ville périphérique parce qu'en
périphérie de Montréal. On a touché cette
question-là aussi, hier, quand on a parlé de la région
Chaudière-Appalaches, par exemple, avec toute la problématique de
Lévis versus Québec. Vous avez parlé de l'influence de la
proximité de Montréal sur le développement culturel de
Longueuil évidemment, particulièrement au chapitre de la
diffusion. Vous avez dit aussi que, pour que les artistes de la région
se développement et pour créer une vitalité en soi, il
faut avoir ses équipements, avoir des équipements, en tout cas,
appropriés à ses objectifs. Ceci dit, quel lien de
coopération devrait-il y avoir entre les deux pour vraiment assurer un
meilleur développement? Ce matin, le maire Doré nous disait:
Nous, oui, on est une métropole, mais il ne faut pas non plus appauvrir
les régions. Ça va de soi, mais on est une métropole quand
même. Alors, comment faites-vous? Quel lien entrevoyez-vous avec une
ville qui est si près de Montréal pour avoir sa
caractéristique propre?
M. Ferland: Je disais tantôt que les Lon-gueuillois et les
Longueuilloises, quand ils veulent aller voir un grand spectacle à la
Place des Arts, par exemple, c'est facile, ils y vont. On ne prétend
pas, non plus, qu'à Longueuil on aura un jour une Place des Arts, sauf
que je pense que Longueuil doit quand même avoir ses équipements
comme on eh retrouverait dans d'autres régions pour les artistes qui ne
peuvent pas se payer la Place des Arts. Alors, on a, chez nous, le
Théâtre de la ville qui est une petite salle de 300, 350 places.
C'est une salle et c'est la seule, à toutes fins utiles, dans la
région que j'appelle la Rive-Sud. Je pense que quand il y a des artistes
qui percent et qui vont commander éventuellement un grand public, un
très grand public, ils vont aller à la Place des Arts et les gens
vont se déplacer. Mais, pour que ces artistes-là atteignent ce
point-là, il y a un niveau intermédiaire où on ne leur
fournit pas...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
M. Ferland: ...d'équipements suffisants pour qu'ils
puissent faire de la diffusion et pour qu'ils puissent se faire
connaître. C'est à ça que je fais allusion.
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, Montréal
aussi, ce matin, se plaignait un peu de ses salles intermédiaires. Mais
ce que vous dites, c'est que chacune des salles intermédiaires ou,
enfin, l'équipement pour, justement... On se comprend au niveau de
l'expression "intermédiaires", mais versus ces grosses infrastructures,
à ce moment-là, ce devrait être propre à chacune des
municipalités pour chacun de leurs besoins.
M. Ferland: Enfin, je ne dis pas à chacune...
Mme Frulla-Hébert: Ou enfin...
M. Ferland: ...des municipalités, mais quand
même...
Mme Frulla-Hébert: ...rayonnantes.
M. Ferland: ...réparties sur le territoire régional
que j'appelle la Rive-Sud. J'insiste sur la région...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Ferland: ...Rive-Sud par opposition à
Montérégie.
Mme Frulla-Hébert: Oui, parce qu'elle est très
vaste. Il y a une autre chose aussi. Comparativement à Laval, par
exemple, qui est une ville avec un énorme territoire, la Rive-Sud est
composée de plusieurs municipalités. On s'aperçoit, parce
qu'il y a plusieurs municipalités maintenant qui viennent nous voir...
Le problème, c'est que bien souvent les municipalités sont des
pôles et les municipalités environnantes plus petites profitent
des équipements sans pour autant vouloir participer aux frais,
justement, des équipements culturels. Est-ce que c'est comme ça
chez vous? Si oui, est-ce qu'il y a une façon de regrouper certaines
municipalités, si on veut, versus un même objectif pour pouvoir se
partager certains équipements de telle sorte que... Là, on a des
demandes de partout. Chacune des municipalités veut avoir ses
équipements et, à un moment donné, c'est irréaliste
de penser aussi qu'il peut y avoir une salle de concert dans chacune des
municipalités.
M. Ferland: Oui. Je suis tout à fait d'accord avec vous,
Mme la ministre, et je ne pense pas que chacune des villes puisse avoir sa
salle de 350 places, mais je pense quand même qu'il doit y avoir à
travers la région des salles de ce niveau-là.
Mme Frulla-Hébert: Oui, oui, d'accord.
M. Ferland: Maintenant, c'est sûr que, si on arrive dans un
coin où ce sont toutes des petites villes, peut-être qu'elles vont
se battre pour avoir la salle. Mais là je pense que le ministère
va faire sa part et peut-être que les petites villes peuvent se cotiser.
Ça peut se faire au niveau de la MRC.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, mais est-ce que c'est
possible de penser à un système, par exemple - chez vous, de
toute façon, il y a des villes, c'est sûr que vos villes, c'est
peut-être une caractéristique un peu différente - de
collaboration qui est encore plus intense, si on veut, pour se dire: Voici, on
parlait de la cartographie, mais la même chose... Voici une région
donnée et, dans cette région-là, nous avons besoin de tant
d'équipement. Une ville peut en prendre, l'autre... et aussi une
participation globale des villes à l'ensemble. Ce à quoi j'essaie
d'en venir, c'est d'avoir une espèce de planification qui est beaucoup
plus régionale, sans parler d'une grande région, mais...
M. Ferland: Oui, oui, moi je pense que c'est faisable.
Écoutez, nous, on a mis sur pied le Théâtre de la ville
conjointement avec le cégep Édouard-Montpetit et avec une
subvention du ministère des Affaires culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Possiblement, oui.
M. Ferland: Bon, évidemment, Longueuil est une ville de
135 000 habitants.
Mme Frulla-Hébert: C'est la quatrième plus grosse
ville, oui.
M. Ferland: C'est la quatrième au Québec. Donc, on
pouvait peut-être, nous, se payer ça. Peut-être qu'un peu
plus loin, si on a besoin d'une salle, il va falloir travailler au niveau de la
MRC ou, enfin, amener les villes à se parler et à s'entendre.
Mme Frulla-Hébert: C'est tout? Est-ce que je peux en poser
une autre toute petite? C'est sur la Société de
développement des arts et de la culture, la SODAC. Qu'est-ce qui a
incité la ville de Longueuil à soutenir la SODAC pour
gérer son développement culturel - vous la financez à 100
%? De toute façon, on le voit par le mémoire, vous y croyez, vous
êtes des vendus. Alors, pas besoin de faire un plaidoyer. Mais jo trouvo
intéressant ce concept.
M. Ferland: Qu'est-ce qui a amené la création de la
société, de la SODAC? On avait mis sur pied, il y a environ, je
dirais, tout près de quatre ans, une commission des affaires
culturelles, un peu comme vous le faites ici. On a invité tous les
artistes de Longueuil, que ce soit des compagnies de théâtre ou
des artistes individuels, à venir témoigner, à venir nous
présenter des mémoires. C'est suite à toutes ces
rencontres que nous avons déduit que nos artistes avaient besoin
d'être encouragés, d'être aidés. Mais on ne donne pas
de subvention comme telle.
Ce qu'on fait, c'est que la SODAC a pour mission de favoriser la
création et d'aider aussi à la diffusion des oeuvres. Alors, la
SODAC... On vient tout juste de faire un lauréat en art visuel
contemporain qui est un très grand succès. Il y a eu une
participation de 135 artistes. Alors, je pense que c'est ce genre
d'encouragement que les artistes veulent, et la SODAC a pour mission de
réaliser ces projets-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Merci,
madame. Alors, je vais maintenant passer la parole à Mme la
députée de Marie-Victorin et... ensuite - pardon, je suis
fatigué, ce soir -à Mme la députée de Taillon.
Auparavant, je demanderai le consentement en vertu de l'article 132 de notre
règlement. Alors, Mme la ministre, nous le donnons. Je vous dis qu'il
reste à peu près une dizaine de minutes.
Mme Vermette: Alors, M. le maire Ferland, le conseiller, M.
Michel Timperio, M. - les noms, je les vois trop souvent - Sévigny, et
M. Pineault, bienvenue. En fait, ça nous fait plaisir do vous accueillir
au nom do la formation politique. Bon, je vais le mettre de ce
côté, ça va aller mieux.
Alors, écoutez, on dit souvent: Ce qui manque dans nos
sociétés, c'est l'imagination et la créativité. Je
pense que votre mémoire fait preuve que vous avez de l'imagination et de
la créativité. C'est un bon pas dans le domaine de la culture et
des arts, le développement des arts.
Ce que je retrouve surtout et qui est tout à votre avantage, ce
que vous relevez beaucoup, c'est que la culture vous apparaît être
plus que les arts puisque la culture, c'est le fait de toute la
collectivité. Je pense que, effectivement, il faut toujours regarder la
culture dans son ensemble. Vous avez sorti des choses très importantes,
en fait. Vous avez parlé aussi de la proximité, du
problème que cause la proximité de Montréal, dans votre
mémoire. Je pense qu'on en a discuté avec la ministre. Vous avez
aussi parlé d'un véritable partenariat que vous vouliez avec le
ministère de la Culture et des Arts, d'une connaissance ou d'une
reconnaissance du territoire do la Rive Sud par rapport à l'ensemble
de la Montérégie, d'une définition du territoire et
d'une participation en fait avec une formule ou un contrat de
développement cuturel. Je pense que tout ça, c'est des
éléments importants qu'il faut soulever parce que ça va
faire partie de la politique avec laquelle vous devrez vivre aussi.
Est-ce qu'il est possible, à partir des bons voeux et des
souhaits du prophète, d'envisager sérieusement une implication
financière accrue des municipalités en matière de culture
dans le contexte de la réforme Ryan, telle qu'elle est actuellement,
s'il n'y a pas un délestage au niveau financier?
M. Ferland: Je pense qu'on peut envisager un accroissement de la
participation financière des municipalités, mais je dirais pas
n'importe comment, vraiment dans un esprit de partenariat. Je pense que je le
fais assez bien ressortir dans le mémoire qu'on ne voudrait pas que le
ministère prenne des décisions et qu'on paie. Ça, dans ce
sens-là, on n'est pas intéressés. Par contre, on est
prêts à travailler sur des projets conjoints qu'on va
négocier et sur lesquels on va s'entendre. Pour ce genre de partenariat,
oui, je pense que les municipalités sont prêtes à mettre un
peu d'argent. En tout cas, je vais parler pour Longueuil, je ne peux pas parler
pour toutes les municipalités du Québec. Mais, à
Longueuil, on a pris un certain engagement vis-à-vis de la culture. On
ne peut pas tout payer mais, dans la mesure où on a un bon partenaire
comme le ministère des Affaires culturelles, oui, on est prêts
à mettre de l'argent. Mais on aimerait participer aux décisions,
par exemple.
Mme Vermette: Oui. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre. Vous
l'avez très bien relevé dans votre mémoire, on l'a lu.
Vous soulevez un autre point qui est assez important, c'est la relation entre
l'artiste et les pouvoirs publics. Je pense que ça, c'est un point
important. J'aimerais ça que vous élaboriez davantage
là-dessus. De quelle façon, justement, pourriez-vous fournir des
moyens aux créateurs pour que se crée ce lien, les relations
entre l'artiste et les pouvoirs publics?
M. Ferland: Si on s'en tient à la philosophie du
prophète, dans le rapport Arpin, qui dit que la culture, c'est une
question de liberté, que l'artiste doit donner libre cours, enfin, qu'il
ne faut pas qu'il y ait d'entrave et tout ça, on veut bien. Mais, en
contrepartie, on dit aussi que le public doit exercer ses choix et dire qu'il
aime ou qu'il n'aime pas. Quand il y aura une communion entre les deux, on
pourra dire qu'on a quelque chose qui fait l'affaire de tout le monde. Alors,
nous, on est d'accord avec cette notion-là. Donc, on ne paie pas
l'artiste pour produire sans savoir si ce qu'il va produire est bon ou pas bon.
Ce qu'on dit, par contre: Quand il aura produit, venez tester avec le public si
ce que vous avez produit est acceptable pour le public. Pour ça, il faut
lui donner des moyens de diffusion, d'où l'emphase qu'on met
plutôt sur la diffusion que sur la création.
Mme Vermette: D'ailleurs, c'est là-dessus que vous avez
parti le programme des lauréats pour les créateurs?
M. Ferland: Les lauréats, c'est un exemple typique de ce
qu'on vient de dire. C'est qu'on n'a donné à personne de moyens
de produire. Tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait un concours. On les a
invités et il y a eu 137 artistes qui ont participé. Je trouve
ça formidable. Par contre, ils ont eu le plaisir de voir leurs oeuvres
exposées et diffusées. On leur donne aussi une
reconnaissance.
Mme Vermette: La relation avec le public, avec les artistes et
avec le pouvoir public - parce que Longueuil, c'est une ville où il y a
beaucoup d'artistes - est-ce que ça se vit bien? Est-ce que c'est facile
à gérer tout ça?
M. Ferland: Écoutez, on l'a fait un peu via la SODAC. Ce
n'est jamais facile. Tout le monde sait que la culture, c'est le parent pauvre
de la société. On est toujours au niveau des moyens. Les
difficultés qu'on rencontre, c'est toujours au niveau des moyens. Alors,
c'est difficile au point de vue financier, il faut trouver de l'argent.
Même pour le concours des lauréats de 1991, on est allés
chercher des partenaires dans l'entreprise privée. Je pense que
ça, en soi, c'est quasiment un tour de force. On est allés
chercher de l'argent ailleurs, à l'extérieur. On continue
à croire que la culture, c'est l'affaire de tout le monde. Alors, dans
ce sens-là, ce n'est pas facile d'aller convaincre les gens qu'ils
doivent, eux aussi, participer à la culture. Je pense qu'on y arrive
quand même.
Mme Vermette: J'aurais eu d'autres questions à vous poser,
mais le temps nous manque. Je sais que ma collègue veut vous poser aussi
des questions. Ça me fait plaisir de vous avoir reçu ici.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes bien
aimable. Merci, madame.
Mme Marois: Merci. Ça va être très bref, M.
le Président. J'ai une question.
Le Président (M. Gobé): Vous n'avez pas encore la
parole, madame.
Mme Marois: Pardon?
Le Président (M. Gobé): Je ne vous ai pas encore
donné la parole.
Mme Marois: Je m'excuse, M. le Président. Vous voyez,
j'essaie de sauver du temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: J'essaie de sauver du temps.
Le Président (M. Gobé): Vous l'avez, je vous la
donne.
Mme Marois: J'ai beaucoup aimé le mémoire.
Il est succinct, il est clair et il est bref. Comme le dit Mme la
ministre, il est pratique et c'est intéressant de le lire.
M. Ferland: II est long, par exemple.
Mme Marois: Non. Il est trop long quand vous le lisez à
voix haute. Bien sûr, il prend un certain temps à être lu,
mais il est très intéressant à lire. Il ne prend pas de
temps à être lu, mais il a du contenu. Je trouve que ça
reflète bien aussi la réalité longueuilloise. Ma question,
elle est simple, elle est directe, elle est un peu drue peut être. Est-ce
que vous remettez en question le fait qu'il y ait une région qui soit la
Montérégie?
M. Ferland: Je pense, madame, que vous avez très bien lu
entre les lignes. Oui, nous remettons en question qu'il y ait une région
qui s'appelle la Montérégie. J'aimerais quand même vous
expliquer pourquoi.
Mme Marois: J'aimerais ça que vous élaboriez un
petit peu parce que je pense que c'est important.
M. Ferland: C'est parce que la Montérégie est un
immense territoire géographique de 1 100 000 de population, je crois. Ce
que moi j'appelle la Rive-Sud, comment la définir? Tantôt, j'ai
dit: Regardez qui se parle dans l'assainissement des eaux, dans les projets de
centres de tri et ainsi de suite... Prenons juste les quatre MRC qui sont
là dans le voisinage immédiat: II y a la MRC de Champlain,
où Longueuil se trouve, et les trois qui l'entourent. On parle d'une
population de 600 000, donc un peu plus de la moitié de la
Montérégie dans 4 MRC, sur un territoire beaucoup plus petit
alors que le reste - je pense qu'il y a 15 MRC dans la Montérégie
- ça veut dire qu'il reste 11 MRC dans le reste du territoire. On parle
d'une zone qui est quand même assez dense, assez urbanisée versus
une autre zone qui est plutôt de type agricole où les gens sont
assez éparpillés. On ne sent pas beaucoup d'affinités avec
les gens de la Montérégie, à l'extérieur de la
Rive-Sud. Non pas qu'on ne les aime pas, on n'a absolument rien contre eux sauf
qu'on n'a pas ce sentiment d'appartenance qu'on devrait avoir pour notre
région comme on l'a sur la Rive-Sud.
Mme Marois: D'ailleurs, c'est assez semblable cette
situation-là à ce qu'ont vécu Laurentides et
Lanaudière, avec des variables évidemment. Mais je pense que la
conséquence de ça, c'est que la Montérégie et ses
deux composantes qui sont, d'une part, la Rive-Sud mais, d'autre part, la
périphérie, si l'on veut, avec des villes importantes - je pense
a mon collègue de Shefford avec Granby - l'une et l'autre sont toujours
défavorisées parce qu'on les traite globalement. Finalement, les
équipements ne correspondent pas à cette réalité
que sont la Rive-Sud et la Montérégie qui sont, à mon
point de vue, deux réalités. Dans ce sens-là,
évidemment, je pense qu'on ouvre le débat. Il ne s'agit pas de le
terminer ici, mais ça aura un impact ensuite pour la
détermination des équipements et l'organisation des
investissements à cet égard. Moi, je suis très sensible
à cette réalité-là, surtout dans une perspective
où on discute beaucoup, justement, de décentralisation et de
nouveaux pouvoirs à loger dans les régions.
Alors, je suis aussi brève que je l'avais dit, M. le
Président. J'ai terminé, à moins que M. le maire veuille
ajouter quelque chose.
M. Ferland: Si vous permettez, juste un petit ajout à ce
que vous dites. Si les équipements devaient être distribués
géographiquement, je pense qu'on serait en manque d'équipements,
d'où encore une autre bonne raison pour isoler cette partie - qui est
moins dense - de la nôtre qui est très dense.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la
députée de Taillon, non seulement vous fûtes brève
mais vous fûtes claire aussi.
Mme Marois: Merci, M. le Président, vous êtes fort
gentil à mon égard. J'essaie de l'être, mais ça ne
réussit pas tout le temps. Il faut croire que, cette fois, ça a
réussi.
Le Président (M. Gobé): C'est une de vos
qualités, je pense, d'ailleurs.
Mme Marois: Pardon?
Le Président (M. Gobé): C'est une de vos
qualités, d'ailleurs, je pense.
Mme Marois: Merci, c'est gentil. Vous allez me gêner, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): M le député
de Shefford, vous avez la parole.
M. Paré: En étant aussi clair et aussi rapide pour
vous remercier et vous dire que ce que vous venez de dire - ce qu'on retrouvait
de toute façon dans le mémoire - d'une façon aussi claire
et aussi franche n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Étant
député de la Montéré-
gie, de l'extrémité, donc complètement à
l'autre bout, étant membre du conseil de la Société
montérégienne de développement, vous venez de jeter dans
la culture montérégienne une grosse roche qui va nous amener dans
des débats - j'ai l'impression - très rapidement puisqu'on sera
en rencontre annuelle de concertation bientôt. J'ai l'impression que de
la culture, vous venez de nous emmener à des structures qui vont nous
amener beaucoup de discussions au cours des prochaines semaines et des
prochains mois. Ça me fera plaisir parce que sur bien des points on est
d'accord.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, le mot de la fin de la
semaine maintenant.
Mme Frulla-Hébert: Bien oui, justement, je m'informais.
Merci, ce fut une très belle semaine avec des très bons
débats. C'est drôle, quand on voit les municipalités, c'est
toujours très encourageant parce que chacune des municipalités -
le député de Shefford est ici très souvent... On
s'aperçoit qu'il y a une espèce de vigueur. Finalement, c'est
fort encourageant et ça nous remonte le moral. Quand on voit un sondage
publié à grands coups de médias et fait par l'Union des
municipalités, où les gens disent à 43 %: Bien, si on a
à couper, il faudrait couper dans la culture, ça n'aide pas trop
notre cause non plus. Alors, s'il vous plaît, continuez. Continuez
à nous aider et on va se fier là-dessus aussi. On va faire appel
à vous. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le maire, au nom
des membres de cette commission, je vous remercie. Je vous prierais de
transmettre à vos concitoyens les remerciements et l'appréciation
de votre travail, au nom de cette commission.
M. Ferland: À mon tour, je remercie les membres de la
commission de nous avoir reçus.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais
donc maintenant ajourner les travaux au mardi 29 octobre 1991, à 15 h
30, en cette salle.
(Fin de la séance à 18 h 51)