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(Neuf heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien prendre place afin que la commission puisse commencer ses
travaux de la journée. Alors, nous allons commencer nos travaux et je
rappellerai... D'abord, je vois qu'il y a quorum en cette salle, donc nous
pouvons commencer. Et donc, la séance est ouverte.
Je vous rappellerai rapidement le mandat de notre commission qui est de
tenir une consultation générale sur la proposition de politique
de la culture et des arts, cela faisant suite, bien entendu, en partie, au
dépôt du rapport Arpin et à la demande de Mme la ministre
ou à la suggestion de Mme la ministre des Affaires culturelles.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de
remplacement. Je vous donnerai rapidement lecture de l'ordre du jour de notre
journée. Alors, dès ce matin, 9 h 30, nous entendrons les
représentants du Mouvement Québec français; vers 10 h 15,
l'Association des organismes musicaux du Québec; à 11 heures, les
représentants de la ville de Boucherville; à 11 h 45, les
représentants des Services communautaires juifs de Montréal. Nous
suspendrons à 12 h 30 pour reprendre à 15 h 30 et, là,
nous entendrons les représentants du cégep de
l'Abitibi-Témiscamingue; à 16 h 15, les représentants du
Musée des religions; à 17 heures, les représentants de la
ville de Gati-neau; à 17 h 45, les représentants du
Théâtre du Nouveau Monde. Nous suspendrons vers 18 h 30. Nous
reprendrons par la suite à 20 heures et nous entendrons Playwrights'
Workshop Montréal; à 20 h 45, les représentants de la
ville de Rouyn-Noranda et, à 21 h 30, le Conseil de la culture de la
région de Québec, et nous ajournerons aux alentours de 22 h 15
jusqu'au lendemain.
Je demanderai maintenant aux représentants du premier groupe,
soit ceux du Mouvement Québec français, de bien vouloir se
présenter en avant. Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Si je me fie
à ma liste, le Mouvement Québec français est
représenté par M. Guy Bouthillier. M. Bouthillier?
M. Bouthillier (Guy): C'est exact, oui. Bonjour, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur. Par Mme
Danielle Gagné, du Mouvement national des Québécois.
Mme Gagné (Danielle): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Mme
Claudette Chalifour, Association québécoise des professeures et
professeurs de français.
Mme Chalifour (Claudette): Oui, bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Et M.
Gérard Turcotte, secrétaire. Bonjour, monsieur. Alors, sans plus
attendre, je demanderais à votre porte-parole de bien vouloir commencer
la présentation de son mémoire.
Mouvement Québec français
M. Bouthillier: Merci, M. le Président. Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, effectivement, le Mouvement
Québec français est devant vous. Vous le connaissez, il existe
depuis une vingtaine d'années et il regroupe 10 organismes
différents. Deux sont représentés ici, il y en a huit
autres qui ne sont pas à la table: les trois centrales syndicales, CSN,
FTQ, CEQ; l'Union des producteurs agricoles; l'Union des écrivains;
l'Union des artistes, ainsi que deux organismes plus proprement
montréalais, la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal et l'Alliance des professeurs de Montréal.
Nous nous battons sur le terrain de la langue, je crois que c'est connu,
nous le faisons depuis longtemps. Et vous ne vous étonnerez pas, par
conséquent, de nous voir aujourd'hui devant vous car les rapports entre
langue et culture, dans tous les pays du monde et notamment dans le
nôtre, sont très étroits, la langue étant bien
sûr le vecteur de la culture. Et partout où l'on pousse les
avantages de notre langue, on pousse du même coup les avantages de notre
culture. Mais inversement, et je crois qu'il faut le souligner, la culture est
en rapport étroit avec la langue, la culture est le socle, le soutien,
en fait c'est le sang qui irrigue la langue. Et si le dynamisme de notre
culture devait un jour s'affadir devant la concurrence des organismes
internationaux et étrangers que l'on sait, c'est en fait la langue
elle-même qui serait menacée. Comme on le dit ailleurs, si, un
jour, la seule différence entre les petits Watson de Toronto et les
petits Tremblay de Montréal, c'est que les uns reçoivent Dallas
en anglais et que les autres se le font servir en français, il est
évident qu'à compter de ce jour la vie du français serait
menacée directement.
Ce qui nous a intéressés, dans le rapport Arpin, c'est un
certain nombre de choses. Si
vous voulez, nous allons mettre en lumière ici ce que nous avons
retenu plus particulièrement. D'abord, une certaine façon
d'aborder le Québec, une certaine façon de le voir. J'allais
presque dire une certaine définition, mais je me méfie beaucoup
des définitions des collectivités. Regardez comme on peut
rapidement sombrer dans le ridicule; je vous renvoie à la
définition qu'a tenté de faire d'une certaine
société distincte un certain document imaginé à
Ottawa récemment.
On définit, dans le rapport, le Québec comme étant
une société dont la langue française est la langue
commune. Et cela, c'est aussi notre définition, et c'est très
important pour nous car, en lisant le rapport Arpin, nous apprenons que ce que
nous faisons pour diffuser le français partout sur le territoire, parmi
toute la population, c'est, en fait, aider toute la population à
participer à la culture du Québec. On parle d'un droit à
la culture, du droit d'accéder à la culture. La culture d'un pays
de langue française suppose la connaissance de la langue
française pour pouvoir y participer pleinement. Une
société dont la langue commune est le français. Une
société qui est enracinée dans une histoire, et, par
conséquent, on souligne fortement, dans le rapport Arpin, l'importance
de l'histoire, de la mémoire collective, avec tout ce que cela emporte
sur le plan du patrimoine, de l'enseignement de l'histoire, et aussi, plus
largement - cela est évoqué peut-être insuffisamment -
toute la symbolique politique. Car, la symbolique politique se propose
toujours, dans tous les pays, de résumer la mémoire
collective.
Société avec une langue. Société avec une
mémoire et une histoire. Société avec un territoire, un
territoire unique, un et indivisible. Ceux qui s'emploieraient à
séparer les habitants et les parties du territoire en langues et en
cultures distinctes, se prépareraient, sans doute, à vouloir
aussi morceler le territoire. Et je pense qu'il n'est pas inutile de le dire en
ce moment. Un territoire unique où il ne faut pas séparer,
distinguer, opposer, introduire une césure: Montréal et le reste.
Que serait la culture du Québécois de Montréal sans
Vigneault, sans Félix, sans Félix Antoine Savard?
Dans le rapport, ce que nous remarquons aussi, outre ce paysage, ce
portrait du Québec, c'est cette affirmation absolument centrale que la
culture, c'est l'âme d'un peuple et qu'à partir du moment
où l'on fait ce constat il en découle d'abord l'obligation pour
l'État, pour les dirigeants du pays de s'occuper eux-mêmes de
cette dimension essentielle de la vie collective. Il est heureux que cela soit
dit, affirmé, écrit noir sur blanc en ce moment-ci,
c'est-à-dire après une période où l'on a
vécu dans le triomphalisme, un peu penaud aujourd'hui, il est vrai, de
l'écono-misme. Il est important que ce soit dit aujourd'hui, au moment
de nos difficultés politiques et constitutionnelles. Voici 10 ans que
nous n'ar- rivons pas à définir notre statut politique et
constitutionnel. La culture, c'est ce qui reste quand tout le reste n'est pas
là. Partons de la culture pour reprendre notre chemin, notre marche en
avant.
La culture, c'est l'âme d'un peuple, le peuple doit donc s'en
occuper. Les dirigeants, l'État doit donc s'en occuper et, bien entendu,
il ne doit pas laisser les autres s'en occuper. Si la culture c'est l'âme
d'un peuple, on ne saurait, sans risquer le suicide collectif, laisser à
d'autres les clés de notre âme. Cette idée n'est pas
nouvelle dans notre histoire, on la trouve en tous les cas dès le
rapport Tremblay, le rapport de la commission Tremblay en 1956. Il s'agit au
fond d'en arriver à un transfert de substances étatiques: pouvoir
législatif, appareils administratifs, mais aussi moyens financiers pour
faire en sorte que le Québec devienne le maître d'oeuvre de la
culture au Québec. Cela est écrit noir sur blanc et nous
agrée parfaitement.
Or, il ne faut pas oublier que le Canada anglais est là et qu'il
se porte bien. Et il n'est pas moins que nous conscient de l'importance de la
culture dans l'histoire des peuples et dans la vie des peuples. Le Canada
anglais est là et voici 60 ans qu'il est engagé dans une action
politique en faveur de la culture. Il y est attaché, à cette
action culturelle, d'abord parce qu'il le fait depuis longtemps, ce qui serait
déjà un motif de ne pas vouloir changer, mais il y est
attaché parce que son action culturelle est et a toujours
été, dans son histoire, intimement liée à son
affirmation en tant que peuple, à son affirmation vis-à-vis de
Londres, à partir des années vingt et trente, et puis parmi les
autres peuples de la terre. Regardez l'histoire politique du Canada anglais;
c'est à partir du Statut de Westminster très exactement que le
Canada anglais commence à s'occuper de la culture, et le Statut de
Westminster, c'est son acte de souveraineté vis-à-vis de
Londres.
Et, en 1939-1945, le Canada participe à la guerre que vous savez,
prend sa place parmi tes autres peuples du monde, et qu'est-ce qu'il fait? Une
des premières décisions qu'il prend, qu'est-ce que c'est? C'est
de doter son Etat, son État fédéral d'un appareil culturel
qui est très connu, qui existe toujours, qui s'appelle l'Office national
du film, l'ONF, instrument pour permettre au Canada de prendre sa place dans la
vie internationale qui commence en 1939 dans les circonstances que vous
savez.
Et quand, quelques années après, le Canada décide
d'affirmer sa présence parmi les peuples et de prendre sa place à
côté des autres au sein de l'OTAN, deux jours après,
qu'est-ce qu'il fait? Il crée la commission Massey sur la culture, dont
le rapport est la grande charte qui donne bonne conscience, diraient les
autres, ou légitime, diraient les uns, la présence du
fédéral dans l'appareil culturel du pays. Et la commission
Massey, fondée en même temps que l'OTAN, la
même semaine, dira: Que sert à un État de se doter
de chars d'assault s'il ne sait pas à quoi ils servent, ces chars
d'assault? Et la réponse à la question "À quoi peuvent-ils
bien servir?", c'est dans la culture qu'on la trouve.
Le Canada anglais est là. Il s'occupe de culture depuis 60 ans.
Cette affaire de culture est intimement liée à sa vision de
lui-même sur la terre. Voilà bien d'assez bonnes raisons de
continuer à ne pas vouloir changer, à ne pas vouloir lâcher
le morceau. Mais il y en a une autre dans son cas particulier, c'est que la
culture est aussi intimement liée à sa préoccupation pour
ce qu'il appelle, lui, la "national unity", qui est l'obsession du Canada
anglais. Voilà une autre raison pour ne pas lâcher le morceau.
Comme disait Churchill; "Empires of the future shall be empires of the mind".
Ne lâchez pas votre emprise sur les esprits dans ces conditions, si vous
voulez maintenir vos empires et vos territoires.
Et pour se rapprocher de nous, il y a un autre homme politique, au
Canada anglais ou du Canada anglais, qui a dit très exactement les
mêmes choses, qui a assigné à l'action culturelle du Canada
un rôle politique à la défense de ce qu'ils appellent la
"national unity". Je vous lis le texte, il est à la page 14 de notre
mémoire: "Un des moyens de contrebalancer l'attrait du
séparatisme, c'est d'employer un temps, une énergie et des sommes
énormes au service du nationalisme fédéral. Il s'agit de
créer de la réalité nationale une image si attrayante
qu'elle rende celle du groupe séparatiste peu intéressante par
comparaison. Il faut affecter une part des ressources à des choses comme
le drapeau national, l'hymne national, l'éducation, les conseils des
arts, les sociétés de diffusion radiophonique et de
télévision, les offices du film." Voilà ce que disait
Pierre Elliott Trudeau de l'importance de l'instrument culturel dans la vie
politique et dans l'affirmation politique du Canada anglais dans son
affrontement avec le Québec français. Et ceux qui penseraient que
le Canada anglais a pu changer d'avis depuis cette prose de Trudeau n'auront
qu'à se remémorer le triste épisode de Meech ou à
relire ce que dit ces jours-ci Perrin Beatty ou encore ce qu'écrivent
Mulroney et Clark quand ils se lancent dans des tentatives d'organisation
constitutionnelle.
Le Canada anglais ne lâchera pas le morceau. On s'illusionne si on
croit le contraire. Et notre témoignage au MQF est assez clair
là-dessus, nous nous sommes battus pendant 20 ans sur le front de la
langue. Nous avons obtenu la loi 101 en 1977 et, quand nous l'avons obtenue,
nous étions convaincus que, pour l'essentiel, le Québec disposait
des compétences pour le faire. Et qu'est-ce qui s'est passé?
Ottawa a commencé à multiplier ses instruments d'intervention, a
commencé à multiplier ses interventions au risque même de
modifier la Constitution dans les circonstances que vous savez pour enlever
au
Québec des choses qu'il avait déjà parce que
ça lui était important, au nom de sa "national unity", que la loi
101 n'existe pas! Alors, la conclusion que l'on tire, c'est la suivante: un
État qui s'est arrogé de nouveaux pouvoirs pour empêcher le
Québec de faire sa politique linguistique ne s'amusera pas à
mettre tout d'un coup sur un plateau d'argent des pouvoirs qu'il exerce depuis
longtemps, qu'il aime exercer, qu'il estime essentiel pour lui de continuer
à les exercer, à les mettre sur un plateau d'argent à
l'attention du même État québécois plus
affirmé que jamais. On s'illusionne si on croit le contraire. Au mieux,
nous donnera-t-il l'apparence d'un transfert! Et ces apparences ne sont jamais
bonnes. Elles ne pourront qu'ajouter à l'embonpoint bureaucratique de
l'État du Québec mais pas du tout à sa musculature
politique.
Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier,
malheureusement, le temps qui était imparti pour la présentation
de votre mémoire est maintenant écoulé et je me dois de
passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles qui, je vous
le rappelle, est l'initiatrice du mandat de cette commission. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouthillier. Je pense qu'on
va continuer finalement la conversation parce que vous parlez
énormément de cette... je ne dirais même pas de ce mariage
de langue et culture. Évidemment, il y a d'autres groupes qui sont venus
et qui ont dit: Un ne va pas sans l'autre, mais, dans le but d'avoir, non
seulement une politique mais aussi un plan d'action, il faut aussi
séparer les uns et les autres tout en comprenant que l'un ne va pas sans
l'autre, c'est sûr. Ce qui m'amène... Et ça vous ne l'avez
pas... Bon, je pense que le temps nous a pressés alors vous n'y avez pas
encore touché.
Vous pariez du multiculturalisme versus le pluricuituralisme mais, en
bout de ligne, tout cet apport des nouveaux arrivants au Québec, en
particulier dans la région de Montréal qui demeure quand
même la métropole, à 48 % de la population, et cette
influence au niveau de nos cultures, j'aimerais vous entendre parier un peu de
ça. Parce que vous parlez aussi un peu d'une certaine menace au niveau
du multiculturalisme. Quand vous parlez de langue et culture, ça se doit
d'être langue et culture françaises, francophones. Il y a d'autres
groupes qui viennent nous voir - hier, on en a eu, on va en avoir ce soir aussi
- qui vont dire l'inverse, qui vont dire: Non, quand on parle de politique
culturelle, de plan d'action culturel, les nouveaux arrivants, les gens qui
s'établissent ici au Québec se doivent d'avoir aussi une
ouverture au niveau de la politique; qu'on leur fasse de la place. Alors,
j'aimerais vous entendre parler un peu là-dessus, votre point de vue.
(10 heures)
M. Bouthillier: Ce n'est pas la diversité qui
inquiéterait le MQF, s'il était inquiet, c'est l'usage que
l'autorité fédérale en fait contre nous. Je crois qu'il ne
peut pas y avoir de politique culturelle au Québec sans qu'il y ait une
autorité - je dis bien une autorité - qui définisse une
politique pour la diversité, plus exactement pour l'intégration
de la diversité dans un ensemble dont le ciment est la langue
française. Dans la conjoncture actuelle, il y a au milieu de la place
une autorité fédérale, celle qui s'occupe du
multiculturalisme sous un nom ou sous un autre, rattachée ou pas au
secrétariat d'État, qui vient brouiller les cartes et vous ne
pourrez pas faire une politique culturelle pour le Québec, enfin pour
Montréal et, par conséquent, pour le Québec, si vous
n'intégrez pas dans votre action, dans votre plan d'ensemble une action
pour la diversité. Mais si vous avez au milieu de la place une
autorité divergente, opposée, concurrente et probablement hostile
qui tente plus ou moins... Écoutez les bruits, a l'heure actuelle,
autour de la société distincte, comme vous les avez entendus
autour du lac Meech, et puis même, depuis très longtemps dans
notre histoire, vous verrez qu'ils sont là, très
profondément ancrés. Une autorité qui s'emploie à
ancrer dans les esprits et dans les mentalités que le multiculturalisme
et la société distincte, c'est à mettre au même
niveau. Bien, vous n'y arriverez pas si vous avez ces gens-là dans la
place qui soufflent ces idées-là dans la tête des gens.
Vous n'arriverez qu'à brouiller les cartes et à rendre impossible
la convivialité à Montréal.
Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, si on le regarde sous
l'aspect pas relativement mais tout à fait nouveau au niveau de
l'entente qui a été signée dans le secteur de
l'immigration par exemple, où il reviendra au Québec, où
il revient maintenant au Québec toute cette question
d'intégration des nouveaux arrivants, par exemple, à ce
moment-là, n'est-il pas possible - parce que c'est quand même,
finalement, un nouveau contexte - de penser, si la responsabilité est la
nôtre maintenant d'intégrer, de choisir d'ailleurs notre
immigration et de l'intégrer, que toute cette forme d'intégration
ne dépend que de nous?
M. Bouthillier: II n'y a pas d'intégration possible, me
semble-t-il, sans une politique culturelle qui englobe la diversité.
Mme Frulla-Hébert: Absolument, oui.
M. Bouthillier: Tant qu'il y aura ce pouvoir extérieur, et
je dirais même hostile, qui s'appelle le multiculturalisme, vous n'y
arriverez pas. Vous allez vous rapprocher de l'intégration mais vous n'y
arriverez pas, vous ne ferez pas de l'intégration. Vous ferez la
ghettoïsatio'n de Montréal, mais vous ne ferez pas
l'intégration. Le ciment du français, langue commune; tout le
monde s'entend ici pour dire: Le français langue commune du
Québec. Relisez le texte qui vous est proposé par Mulroney et
Clark; ils nous refusent, ils refusent à la langue française
cette qualité de langue commune. Tout ce qu'ils veulent bien lui
reconnaître sèchement, arithmé-tiquement, c'est le fait que
ce soit la langue majoritaire. Ils ne la reconnaissent pas comme langue
commune, c'est-à-dire comme langue du ciment, comme langue de
l'intégration.
Alors, vous avez là dans la place un pouvoir qui ne s'entend pas
avec vous sur les idées de fond et qui est là dans la place, qui
n'a pas l'intention de lâcher, je vous l'ai dit, pour les raisons que je
vous ai dites, et, quand vous lui demandez gentiment: Donnez-nous un transfert
total; faites de nous le maître d'oeuvre de la culture au
Québec... Un gouvernement qui s'engage dans cette voie est promis
à l'échec s'il ne s'appuie sur une source politique qui
s'appelle, en démocratie, le peuple et qui réclame... Il ne
réclame plus. En fait, il ne les réclame plus, il les prend. Il
ne les demande plus, les pouvoirs, vous ne les aurez pas. Il faut les prendre.
Et la prise de pouvoirs, ça porte un nom dans notre contexte politique,
vous le savez, ça s'appelle la souveraineté. On ne vous donnera
jamais que l'illusion de transferts, des arrangements. Eh bien, avec des
arrangements, on se fera arranger! Avec des arrangements qui se feront plus ou
moins "behind closed doors". Ce n'est pas dans les huis clos que s'organise la
culture des peuples. Je comprends les milieux de la culture qui viennent ici et
qui s'inquiètent du "closed doors". Il faut ouvrir les fenêtres,
il faut ouvrir les portes.
Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, quand vous parlez...
Bon. Effectivement, il y a deux solutions. C'est sûr qu'on se dit: Bon,
bien là, on se sépare. C'est une solution aussi.
M. Bouthillier: On ne se sépare pas, on devient
souverains.
Mme Frulla-Hébert: On devient souverains plutôt.
Bon, alors c'est une solution évidente. On devient souverains, alors
c'est un plein contrôle. Il y a certaines négociations.
M. Bouthillier: Je suis content de voir que vous me dites qu'elle
est évidente, comme solution.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît,
M.
Bouthillier. Je pense qu'on devrait respecter les échanges pour
la tranquilité du débat et la sérénité de la
séance.
Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, évidemment, on a
des points de vue - je respecte les vôtres qui sont très valables
- qui sont peut-être un peu différents, mais on est tous d'accord
à
savoir que le fédéral s'ingère, surtout avec le
pouvoir de dépenser, et ça, au niveau de la culture
présentement. Au moment où on se parle, présentement, on
le vit tous les jours, c'est nuisible, c'est ce qu'on dit. Nos groupes ne sont
pas tout à fait d'accord mais, nous, c'est ce qu'on dit, et on l'a dit
du début.
Mais revenons un peu en arrière, par exemple, parce que vous
apportez quand même un point de vue qui est très différent
des autres groupes, alors c'est pour ça que je veux discuter avec vous
là-dessus. Si on revient un peu en arrière, quand vous dites: Le
fédéral s'est approprié - on s'en aperçoit aussi -
de toutes les ententes pour promouvoir la culture, la nôtre autant que la
culture anglophone, il a, je pense, réussi encore mieux avec la
nôtre puisqu'il y a toute la menace américaine. À un moment
donné, vous dites que vous êtes inquiets aussi face à ce
que vous appelez le rouleau compresseur des industries culturelles de
l'étranger. Et, effectivement, ce qui est très inquiétant
aussi, et ça, vous l'avez mentionné, c'est cette invasion - et
ça, on n'y peut rien - des moyens de communication qui font qu'on
reçoit aussi des signaux de partout. Oui, il y a cette grande menace,
selon vous, fédérale, mais il y a aussi la menace et la pression
des Américains qui sont là et qui sont partout. Est-ce que vous
envisagez des mesures protectionnistes? Est-ce que c'est dans ce
sens-là? Selon vous, comment on fait pour se protéger? On ne peut
pas s'isoler non plus, hein? On est dans les années quatre-vingt-dix,
2000 on va parler de télévision à la carte, on va parler
de nouvelle technologie, tout ça va changer. Le contexte va changer.
Alors, comment on fait aussi selon vous...
M. Bouthiltier: Je crois, pour une culture... Pardon.
Mme Frulla-Hébert: ...pour se protéger?
M. Bouthillier: Ce qui est le plus important pour faire vivre et
assurer la pérennité d'une culture qui entend survivre au
siècle, c'est, bien sûr, de lui donner des moyens politiques, de
lui donner des instruments, de lui donner des lois, de lui donner des CRTC, de
lui donner des ministères des Affaires culturelles, de lui donner des
conseils des arts, mais c'est surtout de lui donner une certaine idée
d'elle-même. C'est surtout de lui donner le prestige. Peut-être
qu'au fond l'instrument le plus important pour une culture qui veut vivre et
qui veut transcender les siècles, et les difficultés, et les
rouleaux compresseurs, c'est précisément d'avoir une haute
idée d'elle-même, d'être portée par un peuple - un
peuple, je dis bien un peuple - et d'être un peuple qui se
reconnaît comme tel et qui est reconnu comme tel par les autres. Et je
vous signale que nos amis d'en face nous nient encore aujourd'hui, après
125 ans de cohabita- tion, la qualité de peuple. Ils la distribuent
généreusement au travers de leurs textes - je pense à MM.
Mulroney et Clark - ils la distribuent généreusement tout au long
de leurs textes constitutionnels, mais ils la nient systématiquement
pour ce qui est du Québec. Il y a là une
générosité suspecte.
Une culture, c'est un prestige. Il n'y a pas de culture sans prestige.
Cette part, disait Camus en 1948 - et il parlait de l'Occident, l'année
où il a reçu son prix Nobel - nous devons redonner, retrouver
cette part de prestige sans laquelle il n'y a plus de culture. Appartenir
à un peuple qui chemine cahin-caha, d'une difficulté à
l'autre, d'un refus à l'autre, qui plie l'échiné d'un
refus à l'autre, ce n'est pas assurer le prestige qu'il faut à
cette culture. Une culture qui n'a pas de prestige est condamnée, elle
est condamnée, notamment - je le crois et je le dis sincèrement -
aux yeux de la jeunesse qui lui tournera bien le dos au profit d'autres
sollicitations, car les sollicitations sont très fortes sur nous. Il y a
tout un autre imaginaire qui nous est proposé. Il y a tout un autre
monde de rêves. Il y a tout un autre monde d'images qui est là
à notre disposition et qui n'est pas moins bon que le nôtre, mais
ce n'est pas le nôtre.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, M. le Président,
j'ai droit à une autre question?
Le Président (M. Gobé): Oui, madame, en terminant,
il vous reste deux minutes.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. Vous parlez de la jeunesse,
bon, et qu'on revienne à notre peuple. On a eu nos mesures, on a
réussi à protéger, veux veux pas, malgré toutes ces
pressions, malgré... Et je calcule toujours le bassin, quand je parle
d'un bassin anglophone, de 330 000 000, dans le fond. Bon. On a réussi
à protéger notre culture, tels, finalement, des vaillants
croyants à cette culture-là, et je pense que c'est grâce
aussi à notre volonté, à notre détermination et
à celles, aussi, de nos groupes et, culturellement parlant, de nos
artistes.
Ceci dit, je veux revenir, moi, à l'enseignement du
français et à ces jeunes, justement. Il y a des critiques qui
sont assez acerbes des différents groupes qui disent qu'on a voulu, pour
justement rendre l'éducation accessible, etc. On l'a rendue accessible
à tous, c'est une bonne chose. On a voulu aussi que nos jeunes soient
productifs et efficaces rapidement et on a beaucoup négligé ces
aspects - et je vous relate ce qu'on nous dit - qui sont culturels. Non
seulement on a négligé peut-être même la
qualité de l'enseignement du français, mais aussi tout le domaine
dit développement culturel de ces jeunes. Est-ce que c'est vrai,
ça? Vous avez une représentante des professeurs d'enseignement du
français. Est-ce que l'enseignement du français, est-ce que, dans
notre approche pédagogique face
aux jeunes versus notre culture, eux qui sont le futur bassin de
clientèle, présentement on a pris du retard? Est-ce que, face aux
objectifs que l'on veut se donner, c'est adéquat?
Mme Chalifour: Vous savez, quand on parle de cette question
brûlante, mon âme de profes-seure passionnée pour
l'enseignement de la langue, justement... et on touche à la culture,
évidemment. Quand on a démocratisé l'enseignement, il ne
faut pas oublier que nous avons ouvert la porte à tous ces jeunes qui,
autrefois, n'allaient pas à l'école; ils étaient dans les
champs. Moi, je suis la seule de mon groupe de l'école primaire qui a
continué ses études et, parmi nous, il y a beaucoup d'autres gens
qui pourraient en témoigner.
Alors, c'est bien sûr que, quand on a ouvert la porte à
tous ces jeunes qui, autrefois, allaient travailler dans les champs, bien, ces
jeunes n'étaient pas nécessairement très motivés
pour l'écriture ou n'avaient pas nécessairement des aptitudes
intellectuelles abstraites; ils avaient des aptitudes concrètes et
ça a pu devenir des hommes d'affaires extraordinaires, avec une
personnalité marquée et qui a marqué notre temps aussi.
Mais on n'avait pas affaire nécessairement à des étudiants
qui étaient très motivés pour le classique. D'accord? On
s'entend là-dessus, ce sont d'autres valeurs. (10 h 15)
Maintenant, de là à dire qu'on a négligé,
c'est un point de vue. Moi, je considère qu'on a essayé de
s'adapter à cette clientèle qui nous arrivait et qui nous arrive
toujours. Ça fait déjà 30 ans que j'enseigne et que
j'essaie de motiver les élèves à la culture, à la
langue, évidemment, et ce n'est pas toujours facile. Voyez-vous,
enseigner des règles de grammaire, enseigner certaines notions de
figures de style, pour certains, c'est très négligeable, ce n'est
pas un aspect passionnant. Alors, il y a un effort qui se fait malgré
tout et je pense que la qualité du français, elle a d'autres
facettes que celles qu'on a essayé de développer quand, moi,
j'étais étudiante. Alors, on essaie de les amener, c'est bien
sûr, à d'autres valeurs. Quand j'entends les parents dire: Dans
mon temps, je savais écrire; je connais ma grammaire par coeur, moi, je
les mets au défi, ces parents. Je suis un parent moi-même et je
les mets au défi. Évidemment, on se souvient toujours de notre
enfance comme d'une période dorée. Je pense que les parents,
quand ils disent cela, c'est un peu cette image qui me vient à l'esprit.
Moi, je ne crois pas qu'on ait négligé la qualité de
l'enseignement du français, mais on a essayé de s'ajuster
à cette clientèle. Quand on a des étudiants qui sont du
secteur des techniques professionnelles, qu'on a des étudiants qui
décrochent... Et ce n'est pas nouveau, les décrocheurs, ce n'est
pas nouveau. Moi, j'ai enseigné dans ces milieux-là au moins 12
ans. Là, je suis dans un milieu de jeunes filles délinquan- tes
et j'essaie de les intéresser à la vie d'abord. Voyez-vous, un
professeur n'est pas seulement qu'un technicien, il est aussi un
éducateur. Il essaie de donner vie, de donner une raison de vivre
à ces jeunes adolescents. Il essaie de leur donner une passion pour
vivre. On parle de ça. On essaie de leur enlever l'idée du
suicide, l'envie de décrocher, l'envie de démissionner, d'aller
dans les drogues, parce que c'est plus facile, on oublie les problèmes.
Alors, avant de parler de la grammaire, avant de parler des figures de style,
il faut leur apprendre la vraie figure de la vie, la figure du style qui est de
dire: Oui, je reste en vie; oui, je relève le défi de continuer
la génération, la culture québécoise. Il ne faut
pas oublier cette réalité-là, pour laquelle on se bat,
pour laquelle on se passionne. On n'a pas perdu le goût de se battre. On
a envie de relever ce défi...
Le Président (M. Gobé): Mme Chalifour,
malheureusement, le temps est maintenant dépassé et je me dois de
transférer la parole et la discussion à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Bouthillier, Mme Gagné, Mme
Chalifour et M. Turcotte, heureux de vous accueillir en cette commission. La
ministre des Affaires culturelles ne partage peut-être pas tous les
points de vue que vous énoncez, mais elle en discute avec vous, ce qui
fait changement du traitement un peu odieux que vous avez déjà eu
en cette commission parlementaire où l'ancienne ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, et députée de
Bourassa, avait refusé d'engager le dialogue avec vous. Mais j'ose
espérer que vous avez oublié cet affront. Une des toutes
premières questions...
Le Président (M. Gobé): M. le député,
en cette commission, en cette salle, il est généralement de
tradition qu'on ne qualifie pas les collègues d'un comportement, disons,
en dehors des règles. Je pense qu'on ne peut pas cataloguer le
comportement de Mme la ministre, qui n'est pas là pour répondre,
d'odieux. Je pense que vous pourriez moduler votre...
M. Boulerice: L'impolitesse.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer.
M. Boulerice: M. Bouthillier, plusieurs intervenants sont venus
et la question que j'aimerais vous poser, compte tenu du discours qu'ils ont
tenu: Qu'est-ce que vous répondez à certains organismes culturels
qui s'inquiètent d'une maîtrise d'oeuvre du Québec
fondée sur le rapatriement des responsabilités
fédérales en matière de culture, en évoquant, pour
plusieurs
d'entre eux, le spectre du dirigisme, de la centralisation et
même, dans certains cas, on parle de soviétisation de la culture
si, par malheur, les pauvres indigènes que nous sommes devions assumer
tous les pouvoirs en matière de culture et également en
matière de communications, ce que ma formation politique souhaite
à l'exemple du Parti libéral dans son rapport Allaire? Du moins,
je ne connais pas sa valeur légale maintenant.
Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier, vous avez
la parole.
M. Bouthillier: Si on regarde l'ensemble du tableau, il se passe
des choses ici et il s'en passe dans l'ensemble de la société. A
quoi assistons-nous en ce moment au Québec? À peu près
tous les jours, venant tantôt d'un milieu, tantôt d'un autre, on
entend des voix individuelles, des groupes le plus souvent rattachés,
formellement ou informellement, à quelque appareil fédéral
- et il y en a plusieurs, des appareils fédéraux - venant ici
dauber sur le Québec, pratiquer une forme d'inquisition politique
à l'endroit du Québec de demain, soumettre le projet politique
québécois au supplice de la torture: Garantissez-nous ceci,
garantissez-nous cela. On remarque qu'à chaque fois tout ça se
fait bien sûr au nom de la liberté, alors qu'on devrait se
demander dans certains cas si, plutôt que de parler de liberté, il
ne faudrait pas plutôt parler de convenance et de confort personnel. Et
à chaque fois que l'on daube sur le Québec, à chaque fois
que l'on interroge le Québec sur ceci ou sur cela, on se refuse à
poser la même question à l'État fédéral,
à l'État canadien anglais. Et en refusant de poser la question,
non pas sur un Canada anglais futur mais un Canada anglais bien réel, on
prête au Québec des intentions, on ne pose jamais la question, on
ne veut jamais constater qu'en même temps le Canada anglais, lui, s'est
rendu parfois coupable de ces choses-là.
Il s'est même trouvé un extra-terrestre, récemment,
pour parler de la déportation éventuelle des non-francophones du
Québec, alors que la déportation, elle porte un nom et elle est
japonaise, ici, dans l'histoire du Canada anglais, et personne n'en parle.
Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier, je vous
rappellerai gentiment que le but de nos discussions est de tenir une
consultation sur la proposition de politique de la culture, des arts et, en
particulier, sur le rapport Arpin. Je pense que nous nous éloignons un
petit peu.
M. Bouthillier: Bon, je reviens donc plus directement encore
à notre sujet. Mais je constate que, finalement, il y a des
mécanismes dans notre société que l'on revoit; des gens
qui arrivent, ils daubent sur le Québec, ils ne parlent pas du Canada
anglais. Et dans la conjoncture actuelle, ça a un effet très
précis, que ce soit pour la culture ou pour autre chose: renforcer
l'organisation politique canadienne et affaiblir l'organisation politique
québécoise.
Et je signale, puisque nous parlons de culture, que, lorsque des gens de
la culture font cela, ils renforcent un appareil politique, qui s'appelle le
Canada, qui nie le Québec comme peuple. Comment voulez-vous obtenir une
culture si vous n'êtes pas un peuple? Décidément, dans
notre société, il y a des Ovide Mercredi jusque dans nos milieux!
Tout ça me rend extrêmement triste, autant de naïveté,
car j'ai la politesse de penser que c'est de la naïveté, de la
désinvolture à l'égard des mots, des phrases, des
expressions et des prises de position. En tous les cas, grande tristesse
à l'endroit de l'inconfiance totale, la totale inconfiance que ces
gens-là expriment dans leur peuple. Comment voulez-vous continuer
à exprimer la culture d'un peuple dans lequel vous n'avez pas confiance?
Comment voulez-vous?
Ah! Je sais, je sais, les intellectuels, dans l'histoire, ont
démontré leurs facultés pour orienter leurs vestes dans le
sens qui plaît au goût du jour. Mais un peuple comme le
nôtre, qui est battu par les grands vents de l'histoire, a besoin
d'autres choses que de girouettes. Notre rôle à nous c'est de
sortir d'un système politique qui condamne nos milieux culturels
à jouer ce jeu de l'écartèlement, qui condamne nos milieux
culturels à soutenir un système politique qui tend à nier
la culture du Québec comme culture d'un peuple. C'est ça notre
rôle historique en ce moment. Voilà ce que je voulais vous dire,
M. le député.
M. Boulerice: M. Bouthillier, on est revenu très souvent
à la charge avec le dirigisme. Avez-vous déjà eu
connaissance d'un dirigisme venant de l'État fédéral,
notamment de ses organismes institutionnels - radio, télévision,
cinéma, conseil des arts - qui, supposément, eux, sont d'une
pureté absolue en vertu du "arm's length", principe auquel on souscrit,
il va de soi?
M. Bouthillier: Et Trudeau, son texte de tout à l'heure,
c'est du "arm's length"? Mettez tout ça au service du Canada contre le
Québec et, si vous ne faites pas ce que le préfet de discipline
fait, vous n'aurez pas la bonne note, la note de passage.
Il y a des films dans l'histoire de l'ONF... "On est au coton",
terminé en 1970, laissé sur les tablettes jusqu'en 1976. Pierre
Perrault, du milieu du cinéma, un film en 1980, interdit de publication.
Enfin, de publication... de distribution, "because referendum pending".
Ça, c'est du "arm's length"? D'ailleurs, ça va plus profond dans
notre histoire et dans notre mentalité, j'allais même dire dans
notre subconscient. On nous décrit... C'est ce que tel écrivain -
enfin, il
a encore le titre d'écrivain - disait dans L'actualité
l'été dernier: Le monde anglo-saxon, c'est le monde du "arm's
length", de la liberté, etc.; le monde francophone, le monde
français, le monde de Louis XIV - et nous sommes tous sortis de la
cuisse de Louis XIV d'après lui - c'est le monde du dirigisme. Je sais
bien qu'il y a quelques poètes qui étaient à
Montréal en octobre 1970 qui divergent d'opinion.
Mais sans aller jusque-là, rappelez-vous ce qui s'est
passé l'hiver dernier, pendant la guerre du Golfe. La BBC, ce n'est pas
exactement le dirigisme français, ça, c'est le "arm's length"
britannique. La BBC interdisait de ses ondes toute chanson où il
était question de "peace and love", parce qu'on faisait la guerre. La
guerre, "yes Sir". Guerre oblige. "Peace and love", ça pourra attendre.
Ça, c'est du "arm's length". Les États-Unis ont interdit de
diffusion sur leur territoire des films de l'ONF parce qu'il était
question soit des pluies acides, soit de l'énergie nucléaire. Pas
de la Grande-Baleine! Attendez! Ça, c'est autre chose. Simplement
ça. Est-ce que vous entendez ces mêmes milieux dénoncer le
dirigisme anglo-saxon aux États-Unis? Non, c'est toujours nous. On
dirait que, dans l'esprit de certains, on est incapables de liberté,
alors que, s'il y a une terre de liberté, c'est bien celle-ci. Et le
pouvoir que l'on veut constituer, le pouvoir québécois que l'on
veut constituer autour de la culture ne sera jamais, ne l'oubliez pas, compte
tenu du rapport de force - Mme la ministre le disait tout à l'heure au
sujet du rouleau compresseur - qu'un pouvoir parmi d'autres. Vous aurez
établi l'État du Québec comme maître d'oeuvre de la
culture, mais il va y avoir Flammarion, il va y avoir Hachette, il va y avoir
ABC, il va y avoir CBS, il va y avoir le New York Times, il va y avoir
Alliance Québec.
M. Godin:LeNewYorker
M. Bouthillier: Exact. Ils vont tous être là. Ils
vont rester là. Ce ne sera qu'un élément à mettre
de notre côté dans la balance pour rétablir
l'équilibre des forces. Alors, cette idée que pfitt! la balance
va disparaître au profit du seul dirigisme québécois,
ça c'est une idée à renvoyer, comme on disait à
l'époque, aux poubelles de l'histoire.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion, s'il vous
plaît, car nous avons déjà un peu de retard.
M. Boulerice: En conclusion, je reprendrai les paroles de la
ministre qui disait récemment en Chambre que la culture appartenait aux
Québécois et que les Québécois en feront ce qu'ils
veulent bien en faire. Si je regarde le nombre d'organismes que vous regroupez
sous le - j'allais dire parapluie mais je vais plutôt employer un terme
plus juste - parasol du
Mouvement Québec français et le nombre de membres que cela
comporte, donc vous parlez au nom d'un nombre considérable de
Québécois, je pense qu'on doit prendre en ligne de compte les
remarques que vous avez faites quant à l'espèce de
dénigrement actuel envers une politique nationale des arts au
Québec et les éléments qu'elle doit contenir. Alors, M.
Bouthillier, Mme Gagné, Mme Chalifour et M. Turcotte, merci de votre
présence et surtout que le Mouvement Québec français
continue toujours d'exercer cette vigilance qui est essentielle. Tout
relâchement, pour nous, sera sanctionné.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant passer
la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles pour le mot de la
fin. (10 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Oui, alors, je me joins à mon
collègue pour vous remercier d'être ici. Je vous écoutais
autant parler d'enseignement que de langue et, vous savez, on peut avoir
certaines vues différentes d'un système mais, chose certaine, je
pense qu'on partage aussi une vision commune, c'est que cette culture, oui,
elle est menacée tous les jours. On se doit de la protéger, d'une
part, et, deuxièmement, bien, parce qu'on est ici, on pense à
faire aussi des changements. Il faut qu'il y ait des changements, ne serait-ce
que dans notre système. Mais, vous savez, ce qui me décourage des
fois le plus, c'est, quand on parle justement que la culture appartient aux
Québécois, le dernier sondage, au niveau des
municipalités, quand on demande aux gens: Quels services doit-on couper?
On va en parler d'ailleurs à certains représentants municipaux.
La première chose qui vient à l'esprit, c'est les loisirs et la
culture. Est-ce que c'est de la pédagogie, renforcer au niveau
pédagogique, justement, ce besoin culturel de telle sorte qu'on puisse
assurer notre survie? Il y a sûrement des choses à faire et des
gros messages à passer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Alors, M. Bouthillier et les gens qui vous accompagnent, cela met fin à
votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. J'inviterais donc le
prochain groupe, soit l'Association des organismes musicaux du Québec,
à bien vouloir prendre place sans plus tarder car nous sommes en retard
d'une quinzaine de minutes.
Alors, mesdames et messieurs, la commission reprend maintenant ses
travaux et nous allons entendre l'Association des organismes musicaux du
Québec qui est représentée par Mme Andrée Girard,
directrice générale. Bonjour, madame.
Mme Girard (Andrée): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Mme Anne Marie Messier,
présidente.
Mme Messier (Anne Marie): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Il nous
fait plaisir de vous accueillir ici, en cette commission. Vu que nous avons un
petit peu de retard, je vous demanderai donc de commencer à
présenter votre mémoire sans plus tarder.
Association des organismes musicaux du
Québec
Mme Girard: Eh bien, tout de suite, je vous explique un peu ce
qu'est l'Association, puisque c'est une association un petit peu moins connue
que nos prédécesseurs. L'Association des organismes musicaux
regroupe des organismes professionnels de création, de production et de
diffusion de musique de concert. Alors, on parle ici d'orchestres symphoniques,
d'orchestres de musique de chambre, d'ensembles instrumentaux, de
sociétés de concert, de festivals, de concours de musique, et ce,
dans les secteurs de la musique ancienne, de la musique contemporaine et de la
musique dite classique.
Ses membres, enfin les membres de notre Association, présentent
au Québec à peu près 700 concerts par année et ont
des opérations de l'ordre de 34 000 000 $. Tous les membres de notre
Association sont des organismes à but non lucratif qui sont
répartis un peu partout à travers le Québec avec, bien
sûr, une forte concentration à Montréal.
Comme dans tous les arts d'interprétation, en musique, c'est par
l'organisme surtout, l'orchestre, l'ensemble, la société de
concert que s'incarne la musique. C'est la voie par laquelle les musiciens du
Québec rencontrent leur public. Et peut-être pourrais-je ajouter,
pour donner une note un petit peu caractéristique de notre secteur, que,
dans l'ensemble de notre dynamique, nous donnons un concert à une seule
reprise ou à une seule occasion surtout. Alors, ça colore un
petit peu l'intervention que nous faisons devant vous et nous donne des
priorités bien précises.
Mme Messier: On a intitulé notre mémoire "Une
politique québécoise de la culture et des arts: entre rêve
et réalité". Dans l'ensemble, la proposition Arpin qu'on a
étudiée en groupe trace un tableau complet et réaliste de
la question culturelle. On y trouve un esprit positif, globalisant - ce qui est
important pour une politique culturelle - et ça dégage des
avenues d'intervention qui correspondent à l'ensemble de nos
préoccupations.
La reconnaissance de la culture et des arts y est posée comme
postulat de base à l'évolution de la société
québécoise. Comment mettre en doute la pertinence de ce
fait-là? En fait, c'est déjà là. Le
problème, ce qui nous étonne, c'est qu'on soit encore en train
d'être obligé de le reconnaître officiellement. Bon,
ça fait partie de la Déclaration universelle des droits de
l'homme, l'accessiblité à la culture, et, on le sait, ici, la
culture, ça colore le Québec. Ça colore notre
société et c'est ce qu'on appelle l'identité culturelle.
Cependant, on est profondément convaincus que cette identité
cuturelle est beaucoup plus que le simple porte-étendard qu'on a
tendance à en faire actuellement. Le problème, c'est que,
malgré toutes les représentations que les gens de la
communauté artistique vont venir faire ici, il n'y a que la
volonté politique qui sera le moteur de cette reconnaissance des arts et
de la culture comme valeur essentielle de notre société. Sans
cela, on est bien conscients que le monde des arts et de la culture est
condamné à stagner et ne pourra pas prendre la place qui lui
revient. La volonté politique dans le cas d'une politique culturelle, ce
sont des suites concrètes. Il y a trois ingrédients
indispensables au développement de la culture: la volonté
politique, une politique culturelle et des crédits permettant une mise
en action de cette politique culturelle.
Mme Girard: Ceci dit, quand nous avons lu le rapport Arpin, nous
avons noté deux choses, ce sont deux choses qui nous semblent, en tout
cas pour nous, importantes, c'est la différence entre culture et art. Le
titre nous a bien montré que le comité avait pris en note cette
différence, mais on notait que, dans la plupart des recommandations, on
ne va pas beaucoup plus loin. C'est important pour nous, du domaine des arts
d'interprétation, parce qu'on a toujours l'impression que la culture est
assez bien couverte et est assez facile aussi à considérer. Les
arts, c'est beaucoup plus compliqué. On se sent toujours un petit peu le
parent pauvre de la culture.
L'autre distinction concerne les organismes culturels et les industries
culturelles. Ça ne sera pas nécessaire ici d'aller un petit peu
plus loin, on a déjà débattu assez longtemps de cette
question. En fait, nous sommes d'accord avec les trois finalités qui
sont mises en évidence dans la proposition Arpin: le
développement des arts et de la culture, l'accessibilité à
la vie culturelle et l'implication de l'État. Placées dans une
perspective globale, ces finalités rejoignent la majeure partie des
préoccupations sectorielles. Toutefois, c'est au niveau des
priorités que les secteurs se distingueront le plus souvent les uns des
autres. Ainsi, à titre d'association d'entreprises musicales, nous
établissons un canevas d'intervention sensiblement différent.
C'est ce que nous présentons dans notre mémoire.
Mme Messier: Le milieu artistique a déjà
prouvé sa compétence, son originalité. Le problème
actuel, c'est l'accessibilité, et nous l'identifions comme le
problème majeur actuel au Québec. On sait que les arts exigent
d'importants investissements à tous les niveaux, que ce soit dans la
formation des artistes, que ce soit dans
la présentation des productions des créateurs. En musique,
un concert est donné à une seule reprise, mis à part
certains concerts de l'OSM ou l'opéra. Pourquoi de tels efforts s'il n'y
a pas de public dans la salle? Pour deux raisons. Nous croyons que
l'accessibilité aux arts et à la culture doit être l'aspect
prioritaire d'une politique culturelle. Cette accessibilité ne pourra
être réalisée que par la formation fondamentale, et ce,
bien avant l'élaboration ou la réfection d'un réseau
d'équipements culturels. En priorité aujourd'hui, il est
essentiel de développer la demande. Pour nous, ça passe
uniquement, d'abord et avant tout, par la formation fondamentale à
l'école.
L'accessibilité a été de tous les rapports sur la
politique culturelle. Mais, en fait, il faut se rendre à
l'évidence: la démocratisation de la culture n'a jamais
été réalisée, pas plus d'ailleurs que la
décentralisation et l'accessibilité. Encore aujourd'hui, la
connaissance des arts demeure le privilège d'un petit groupe, un peu
plus nombreux qu'avant mais toujours trop petit. Ce n'est pas la
société, c'est le milieu familial généralement qui
a produit les artistes et qui a produit les gens qui consomment cette
culture-là. Donc, la relance nécessaire de l'enseignement des
arts dans les écoles est fondamentale, mais pas en enseignant les
rudiments d'un apprentissage artistique. Ce n'est pas en sachant dire la gamme
et en sachant jouer quelques notes qui va faire cette connaissance de la
culture. Pour nous, l'apprentissage, la formation fondamentale, c'est le
contact avec - enfin dans notre cas - la musique professionnelle. C'est d'avoir
l'occasion d'écouter un orchestre symphonique, d'aller au musée,
d'assister à un spectacle de danse, et ça, dès le plus
jeune âge. C'est le contact premier dès la jeunesse qui va
réussir à faire un développement culturel viable.
Si on pense aux artistes, si on pense aussi aux amateurs d'art, si on
leur demande comment ils sont arrivés à la culture, c'est
toujours avec un premier choc, un premier contact que leur intérêt
s'est développé, c'est par identification avec des artistes, en
ayant un choc culturel. C'est de cette façon-là que nous pensons
que nous pouvons y arriver. En musique, actuellement, les organismes n'ont pas
les moyens de développer leur volet éducatif de façon
significative. On pense qu'il va falloir pousser cet aspect-là de
façon prioritaire.
Dans certains pays, le ministère de l'Éducation et le
ministère des Affaires culturelles ne font qu'un seul ministère.
On ne préconise pas d'aller jusque-là. Cependant, on pense qu'il
y a, de façon très importante, l'influence du ministère
des Affaires culturelles auprès du ministère de
l'Éducation qui doit être établie de façon beaucoup
plus précise et beaucoup plus forte. On est donc en parfait accord avec
la recommandation 60 de la proposition Arpin et nous en faisons, je crois, le
cheval de bataille du développement des arts au Québec.
Mme Girard: L'accessibilité, en passant d'abord par la
formation fondamentale, doit aussi passer par la promotion. En 1990, on ne peut
pas y échapper. Un des constats cependant les plus évidents
lorsqu'on oeuvre dans le milieu des arts concerne le peu de visibilité
qu'obtient le secteur des arts et de la culture auprès du grand public.
Les médias électroniques, et plus particulièrement la
télévision, rejoignent, on le sait, un nombre extraordinaire de
personnes et représentent aujourd'hui un médium extrêmement
puissant de communication. Dans le domaine des arts et de la culture, il est
donc, avec la formation fondamentale, un outil privilégié qui va
favoriser l'accès.
Mais dans l'état actuel des choses, avec leurs impératifs
publicitaires et leur situation financière difficile, les
télévisions ont les mains liées pour nous supporter dans
notre action. Radio-Québec, entre autres, avec son mandat et sa
pénétration régionale, devrait être soutenue dans
ses efforts de sensibilisation à la culture. De belles
expériences y ont été réalisées et il
conviendrait d'offrir à ce réseau les moyens de les poursuivre.
Que Radio-Québec soit rattachée, tel que le suggère le
rapport Arpin, au ministère des Affaires culturelles, c'est une question
qui nous dépasse un peu n'ayant pas les données. Toutefois, il
nous semble essentiel de garder au Québec une télévision
à la fois éducative et culturelle. On voit à quel point
cette télévision-là peut servir les intérêts
de la musique. Ne serait-il pas important alors d'établir d'abord des
liens formels entre le ministère des Affaires culturelles et le
diffuseur comme il en existe entre ce dernier et le ministère de
l'Éducation?
D'autre part, ne devrait-on pas également percevoir, dans notre
télévision en général, de façon beaucoup
plus tangible, la présence du dynamisme de notre culture et la recherche
de la vie artistique, non seulement à travers des émissions
ciblées - on sait que ce n'est pas toujours efficace et que ça
rejoint un très petit public - mais de façon beaucoup plus
horizontale? Dans un téléroman, on entend rarement les
protagonistes dire ou raconter qu'ils sont allés au concert la veille ou
qu'ils vont aller au théâtre le lendemain. On n'entend jamais
ça. Pourtant, dans la vie courante, c'est assez régulier.
À travers ce travail de mise en valeur de la culture et des arts
à la télévision par des émissions
spécialisées et à travers l'ensemble de la programmation
devrait s'ajouter - vraiment, on y tient - une stratégie de marketing
des arts et de la culture, puisqu'il faut utiliser des termes de ce jour.
Actuellement, seuls les grandes entreprises comme les grands musées ont
accès à ce genre de stratégie de marketing. Est-il
vraiment nécessaire, comme le suggère la proposition Arpin, de
créer une instance spécifique pour la promotion des arts? Nous ne
pensons pas.
Je pense qu'il y a des gens en place, déjà au
ministère, qui ont certaines expertises. Il faudrait plutôt
évaluer avec les ressources actuelles la faisabilité d'une
expérience comme Participaction appliquée aux arts et à la
culture. On sait les résultats que ça a donné. Le
ministère ici a un rôle d'initiateur et de soutien.
Parlons maintenant du rayonnement. La proposition - on en a beaucoup
parlé au cours de la commission - divise de façon
réaliste, nous pensons, le réseau culturel en trois pôles
et accorde à chacun d'eux des caractéristiques et des rôles
spécifiques. On parle ici de Montréal, Québec et les
régions. Si on consent à Montréal la place qui lui revient
dans la démonstration de la politique, il nous semble que quatre
recommandations représentent bien peu comme plan d'intervention. Ces
recommandations relèvent du domaine des voeux beaucoup plus que de
l'élaboration de lignes directrices. Montréal, on pense, a
déjà pris ses responsabilités dans le dossier culturel. Le
Conseil des arts de la Communauté urbaine est devenu un partenaire
important. Mais, actuellement, on sent bien que ce dynamisme est
sérieusement compromis, la situation inquiétante en raison, entre
autres, des discussions en cours sur la taxation. Il est évident que la
ville de Montréal ne peut assumer seule son rôle moteur, sa
vocation nationale et internationale. Notre politique culturelle devra
être plus spécifique sur le rôle et le développement
de Montréal comme métropole culturelle.
Le Président (M. Messier): En conclusion. (10 h 45)
Mme Girard: En ce qui concerne le Québec, on note des
recommandations qui sont aussi importantes. Là où on s'est
posé beaucoup de questions, c'est concernant les régions. Nous
sommes un organisme québécois, il faut le dire, et ça nous
donne l'impression que les régions, dans le rapport Arpin, sont des
déversoirs de ce qui se fait à Montréal et à
Québec. On propose, somme toute, d'investir dans les équipements,
mais on ne va pas beaucoup plus loin. Alors, nous remettons beaucoup en cause
ce chapitre. S'il est vrai que la production artistique montréalaise ou
québécoise devrait être plus accessible aux régions,
il ne faut pas perdre de vue que les régions ont leurs propres
productions et que celles-ci ont également un effet d'entraînement
sur la consommation des produits venant de l'extérieur. S'il est normal
que les créateurs, les artistes et les autres professionnels du domaine
culturel se concentrent à Montréal, il n'est pas normal que des
artistes ne puissent pas vivre en dehors de Montréal. Donc, un
réseau d'échanges est important.
Le Président (M. Messier): Je pense qu'on va continuer
l'échange avec Mme la ministre et vous pourrez toujours élaborer.
Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Girard et Mme
Messier. Vous regroupez, finalement, une cinquantaine d'organismes, autant des
organismes en formation, en création, en production qu'en diffusion de
musique. Donc, vous nous apportez - c'est ce qui est intéressant - une
vision globale.
Je veux revenir à certains points, dont le premier, la formation,
votre façon d'amener cette problématique au niveau de la
formation beaucoup plus au niveau du développement culturel que de
forcer l'enfant, par exemple, à apprendre le fondamental ou un
instrument versus un autre - si l'enfant n'a pas le goût de faire de la
flûte traversière, bien, on va lui faire haïr la musique pour
le restant de ses jours si on le force à le faire - donc beaucoup plus
une sensibilisation culturelle que, justement, un apprentissage forcé.
Et là-dessus, je vous rejoins. D'ailleurs, on travaille très,
très fort présentement avec le ministère de
l'Éducation justement, qui est en soi une première, pour voir
maintenant ce qu'on peut faire. Mais parlez-moi de ça, là.
Parlez-m'en un peu parce qu'on est en processus justement de travailler en
collaboration avec le ministère. Parlez-m'en. Vous dites que la
formation professionnelle en musique est extrêmement
développée mais comporte des lacunes. Est-ce que vous pouvez m'en
parler un peu plus, m'expliquer justement ces lacunes, celles auxquelles vous
référez?
Mme Messier: Dans la formation professionnelle ou formation de
base?
Mme Frulla-Hébert: Oui, j'aimerais ça qu'on parle
à deux niveaux: formation professionnelle d'un côté et
aussi, ensuite, vous parlez d'accessibilité de la formation
générale au niveau de nos jeunes.
Mme Messier: Je pense qu'au Québec, au niveau de la
formation professionnelle, on a un réseau extrêmement bien
développé. Il se forme beaucoup d'artistes ou, en tout cas, de
musiciens professionnels compétents; pas encore assez, malgré
tout, parce que ce n'est qu'à partir d'une masse critique que les
talents originaux ressortent. Je pense que ça, c'est un point qui a
été beaucoup discuté et je pense d'ailleurs qu'il faut
s'appuyer sur le travail qui a déjà été fait, en
particulier par la FAMEQ, là-dessus. Le sommet sur l'éducation
musicale a été fait. Il y a des recommandations qui ont
été faites avec lesquelles on est parfaitement en accord au
niveau de la formation professionnelle particulièrement.
Cependant, c'est plutôt au niveau de la formation fondamentale.
J'y reviens. Et ça a été perçu par l'ensemble des
organismes musicaux comme étant le gros problème actuellement. On
pense sérieusement que l'accessibilité aux arts, la
véritable démocratisation ne passe que par la
présentation au plus grand nombre, le contact réel du plus
grand nombre avec les arts. C'est la seule façon. Comment voulez-vous?
Il y en a qui disent que c'est un choix culturel. Par exemple, les jeunes
n'écoutent qu'une seule sorte de musique par choix culturel. Moi, je n'y
crois pas, à ça. Ce n'est pas par choix culturel. Ils ignorent
même l'existence d'une autre sorte de musique. Je veux dire, c'est une
question de choix réel. Si on veut qu'il y ait un choix réel qui
se fasse, il faut qu'il y ait une connaissance des choix possibles.
Mme Frulla-Hébert: Voilà.
Mme Messier: Et je pense que la question, elle est là. Et
nous, on insiste énormément là-dessus. Le rôle du
ministère des Affaires culturelles avec une politique culturelle, c'est
de devenir puissant, pas seulement en tant que ministère, on ne veut pas
que le ministère grossisse, on veut que le ministère soit
puissant, ce qui est complètement différent. On veut que le
ministère soit capable d'imposer, enfin de proposer et de mettre en
oeuvre une politique culturelle qui sera visible dans tous les
ministères et principalement au ministère de l'Éducation.
Je pense que c'est là le rôle fondamental d'une véritable
politique culturelle.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau, encore là, de cette
accessibilité chez nos jeunes, vous savez qu'en éducation, le
problème que l'on rencontre, ce sont les structures, hein? Bon,
structures: syndicalisation qui fait que, bon, les cadres de travail sont
très rigides, donc une très, très grande rigidité,
et cette rigidité-là, bien souvent, passe outre la volonté
de plusieurs. Parce que, quand on s'asseoit, tout le monde dit: Oui, on est
d'accord, ou: II faudrait... mais, pour le transport, finalement, il y a un
problème et, justement, dans les heures de travail, les quarts de
travail, il y a un problème. Comment on fait pour pratiquer ça
vraiment sur le terrain? Parce qu'il y a beaucoup d'indépendance au
niveau des commissions scolaires, par exemple, même par rapport au
ministère de l'Éducation. C'est un réseau qui fonctionne,
mais de façon assez indépendante. Alors, comment on fait sur le
terrain?
Mme Messier: Je pense qu'il faut travailler avec une idée
de partenariat le plus possible, c'est ce qu'il faut développer.
Partenariat entre les ministères mais partenariat entre les commissions
scolaires et les organismes en place. Et c'est là que le rôle des
organismes culturels en région, par exemple, est fondamental. Comment
voulez-vous que des classes d'une région qui n'est ni de Montréal
ni Québec soient en contact avec la musique professionnelle s'il ne se
passe rien dans leur secteur? S'il n'y en a pas, d'orchestre, dans leur
région?
Alors, je pense qu'il va falloir développer une relation entre
les organismes en région, à Montréal, à
Québec et les commissions scolaires. On ne parle pas du court terme,
évidemment. Mais une politique culturelle, ce n'est pas du court terme,
c'est du long terme. Et c'est là-dessus qu'il faut travailler. Par
exemple, si on pense à la sensibilisation à l'environnement, qui
maintenant fait partie des sensibilités des écoles, je pense
qu'il faut faire le même travail, mais au niveau des arts. Et c'est un
travail de persuasion, un travail à long terme, mais qui va donner les
fruits qu'on voit. Par exemple, les enfants sont très sensibles à
l'environnement, maintenant. Il faut faire la même chose avec les arts;
c'est de la même façon, il faut le voir de cette
façon-là, le partenariat avec les organismes en place.
Mme Frulla-Hébert: Je suis tout à fait d'accord
parce que, finalement, le coercitif, bien souvent, ne fonctionne pas
forcément et, dans notre domaine, je pense que ce serait même non
seulement désavantageux, mais hasardeux de le faire. Vous parlez de
démocratisation et de décentralisation en disant: Elles ne sont
pas faites.
Je veux revenir à la décentralisation, par exemple. On en
a parlé beaucoup; on a parlé beaucoup du rôle, aussi, au
niveau des régions. Depuis le mois d'avril, d'ailleurs, nous sommes le
ministère le plus décentralisé au gouvernement. Des
enveloppes particulières sont données aux régions et elles
gèrent ces enveloppes selon des objectifs, aussi, mais elles ont en main
une certaine autonomie. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire en disant que la
décentralisation n'est pas faite? On a augmenté notre
réseau en termes de salles de spectacle, il y a quand même
plusieurs orchestres symphoniques. On est rendus à quoi? 11 orchestres
symphoniques, maintenant, qu'on subventionne à travers le Québec.
Alors, parlez-moi un peu de ça.
Mme Messier: Effectivement, il y a un début, mais je pense
que ce pourquoi on insiste là-dessus, c'est que, dans le rapport Arpin,
on n'a pas senti cette volonté de confirmer ce début de
décentralisation. Et, en plus, il faut bien le dire, la musique dite
sérieuse, ce n'est pas uniquement un orchestre symphonique. L'orchestre
symphonique doit être vu comme un départ, c'est là qu'il se
fait le plus de concerts, mais il doit être perçu comme un noyau.
Des expériences extrêmement intéressantes ont
été faites dans certaines régions. Je pense au
Saguenay-Lac-Saint-Jean où l'orchestre symphonique a
généré un orchestre de chambre, un quatuor à
cordes, où il y a une prolifération qui s'est faite à
partir d'un organisme central.
Je pense que c'est un exemple à suivre. La musique, ce n'est pas
seulement une forme musicale. C'est comme si je vous disais qu'à partir
de maintenant le cinéma sera développé et
qu'on va présenter une seule sorte de cinéma à
travers le Québec. Vous allez dire: Quand même, il ne faut pas
exagérer! Je pense qu'il faut offrir un petit peu plus de
diversité. La décentralisation, c'est ça. Il faut qu'il y
ait différents types de musique dans toutes les régions, je pense
que c'est dans ce sens-là.
Mme Frulla-Hébert: Bon. Là-dessus, je veux revenir
avec une dernière question. Le Festival de musique nouvelle, par
exemple, qui a lieu à Trois-Rivières. À un moment
donné, il y a...
Des voix: À Victoriaville.
Mme Frulla-Hébert: À Victoriaville, plutôt,
oui. Il y a certains groupes qui disent: Bon, eh bien, nous, c'est notre
événement et nous voulons créer cet
événement-là, qui est un événement unique.
Évidemment, il y a d'autres formations qui décident, elles aussi,
d'avoir des festivals de musique nouvelle. Il y a toujours cette
compétition-là en disant: Nous sommes les premiers, les
instigateurs de cette initiative, et on devrait nous aider, nous, pour
justement le développer et être le leader, le défenseur de
cette musique, et uniquement nous. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça?
Mme Messier: Si je vous comprends bien, Mme la ministre, ce dont
vous nous parlez, en fait, c'est du problème du saupoudrage.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'un certain... Parce qu'il y a
aussi une version différente qui dit: Bien oui, il faudrait quand
même aider tout le monde.
Mme Messier: II faut être conscient qu'à cette
étape-ci de notre histoire culturelle, avec les budgets dont nous
disposons, dont la culture et les arts disposent, il n'y a personne qui gagne
à cette politique-là. Nous, on est des fervents défenseurs
de ia consolidation des organismes en place pour le moment. C'est comme
ça qu'on pense. Il faut qu'il y ait du développement de sorte
que, après ça, les initiatives vont pouvoir se développer
dans un contexte où il y aura plusieurs organismes forts. Le
problème, c'est qu'on est plusieurs. Il y a plusieurs organismes
à se partager une tarte dont les portions sont de plus en plus petites,
car la tarte demeure la même. Alors, ça, c'est complètement
ridicule. Ça va donner quoi au bout de la ligne, de remplacer des
nouveaux organismes aussi faibles à la longue? On remplace des faibles
par des faibles. Et ça, ça n'a aucun sens. À un moment
donné, il faut s'arrêter, ne serait-ce que pour un temps, pour
consolider ce qui est en place. Et ça, c'est une position très
claire de notre association.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mesdames, vous parlez du rôle et des
responsabilités de Radio-Québec. Très souvent,
Radio-Québec apparaît à notre écran, pour faire une
figure. Vous en parlez au chapitre de la promotion des manifestations
culturelles et de la sensibilisation de la population à la culture. Et
vous déplorez le peu de place qui est consacrée à la
culture dans la grille horaire de Radio-Québec. Alors, la question que
je vais vous poser est vraiment très simple, c'est: Comment
Radio-Québec peut-elle améliorer ses efforts,
particulièrement à l'égard des réalités
culturelles et des réalités culturelles régionales? Il y a
le Québec des régions, il n'y a pas juste une capitale et une
métropole.
Mme Messier: Première des choses, j'aimerais amener un
point qui n'est peut-être pas pris en perspective très souvent.
Les émissions culturelles sont retirées de l'écran bien
souvent parce que, selon les critères habituels, elle n'attirent pas
plus qu'un point de cote d'écoute. Mais je ne sais pas si vous vous
rendez compte que, pour nous, un point de cote d'écoute
représente les efforts de l'ensemble de tous les organismes pour essayer
de rejoindre un certain nombre de personnes. L'espèce de balance qu'il y
a entre: Ça rejoint juste 150 000 personnes... Juste 150 000 personnes,
pour nous, c'est absolument fabuleux ce chiffre-là. Et quand vient le
temps de faire l'analyse et le retrait de ces émissions, on trouve que
cet aspect, le nombre de personnes réelles touchées, n'est pas
suffisamment pris en cause. Je pense que ma collègue est encore mieux
placée pour parler au niveau de la décentralisation.
Mme Girard: En fait, vous nous demandez: Qu'est-ce qui ferait que
Radio-Québec pourrait poursuivre son mandat? Elle a déjà
à coeur de faire du travail au niveau culturel, mais il y a toujours
l'impératif de la publicité qu'on doit aller chercher. On sait
bien que les émissions culturelles n'ont pas un large public et, par
conséquent, ne vont pas chercher les commanditaires. Alors, il y a
vraiment un problème de financement et de volonté politique de
donner à Radio-Québec les moyens de remplir son mandat. En fait,
on n'a pas à s'étendre tellement là-dessus parce qu'on
n'est pas de Radio-Québec; ils sauront bien se défendre
eux-mêmes. Mais c'est que, pour nous, c'est un moyen de diffusion
important. On parle de Radio-Québec parce que c'est notre
télévision.
M. Boulerice: Vous avez raison, Mme Girard et Mme Messier, quant
à l'obsession de la cote d'écoute. Combien de gens sont
allés à l'opéra au Québec? Ça
représente quelle proportion de la population québécoise?
C'est probablement 0,001 % et cela ne nous empêche pas de subventionner
l'Opéra de Montréal et l'Opéra de Québec. Alors,
l'argument que la cote d'écoute
est basse, je trouve que c'est un peu fallacieux. L'argument que la cote
d'écoute est basse pour saccager, dans une autre radio, qui est
Radio-Canada, que l'on paie avec nos impôts, enlever une émission
aussi intéressante que "Au gré de la fantaisie", je trouve
ça un peu dramatique. (11 heures)
Mme Messier: Je pense qu'il y a toute une attitude
vis-à-vis des émissions culturelles en général. Il
y a un courant très fort qui dit: De toute façon, ça
n'améliore pas la fréquentation et ça n'améliore
pas la qualité de ce qui se passe dans le milieu culturel. Je suis
complètement en désaccord avec ça. Je pense qu'il faut
essayer de rejoindre les gens de toutes les façons possibles et avec
toute la volonté possible. Si les arts avaient le quart de l'exposition
que, par exemple, le milieu politique a a la télévision, je pense
qu'on aurait déjà une immense exposition. Et aussi, on ne se pose
jamais la question: Est-ce que les émissions qui portent sur le
politique changent quelque chose à la qualité de ce qui se passe
au niveau du politique? On ne met pas ça en cause. Par contre, quand on
arrive dans le milieu culturel, là, il faudrait le faire. Je pense que
c'est une adéquation qu'il n'est pas nécessaire de faire,
absolument pas.
M. Boulerice: Je trouve intéressant l'échange qu'on
a. Je vais vous poser une question, à laquelle j'en ai rattaché
une autre. Bon, on a parlé de Radio-Québec. Je ne sais pas si
vous partagez notre point de vue. Nous, nous sommes partisans, pour ce qui est
de ma formation politique, de la création d'un ministère des
arts, de la culture et des communications, à savoir que la
radiotélédiffusion nationale au Québec relève du
ministère de la culture. Bon, il peut y avoir des instances juridiques,
un contrôle du Parlement pour s'assurer, etc., mais la
radiotélévision nationale a comme mandat premier de promouvoir la
culture québécoise. Mandat premier. Elle va promouvoir celle des
autres, il va de soi, nous ne sommes pas chauvins comme certains voisins que
nous avons. Est-ce que vous croyez que ça serait une certaine forme
d'aide au niveau de l'éducation musicale et également - comment
je pourrais dire? - de la création de nouveaux publics?
Regardons. Il y a un instrument merveilleux qui existe en France: la
radio nationale a développé un secteur particulier et qui fait
avancer, qui est France-Musique.
Mme Messier: Très honnêtement, M. Boulerice, je
pense que le problème n'est pas tellement un problème de
structures. L'influence du ministère des Affaires culturelles n'est pas
conditionnelle à avoir sous son giron telle ou telle partie. L'influence
du ministère des Affaires culturelles ne sera pas plus grande s'il
intègre le ministère de l'Éducation, par exemple.
Je pense que c'est un peu la même chose en communications. Notre
rôle à nous, ce n'est pas d'inventer des structures, surtout au
niveau gouvernemental. Je pense que c'est le travail de ceux dont c'est la
charge. Nous, ce qu'on pense, ce qui est important, c'est la volonté de
rendre les arts et la culture présents partout, indépendamment de
la structure. Et ça, cette volonté-là ne va être
réelle qu'à partir du moment où le politique,
jusqu'à son plus haut niveau, considérera cela comme fondamental
et l'indiquera très clairement.
Je ne crois pas que le problème de Radio-Québec à
ce niveau-là soit vraiment uniquement un problème de structures:
si la télévision relève du ministère des Affaires
culturelles ou du ministère des Communications. Je pense que c'est
plutôt dans les liens, et le rôle, et la puissance d'un
ministère des Affaires culturelles. Là-dessus, on ne s'est pas
posé la question au niveau de la structure; nous, on s'occupe de
musique, et principalement de musique en salle.
M. Boulerice: D'accord, merci. M. le Président, ma
collègue, députée de Marie-Victorin, qui est fort
préoccupée par le sujet là, aimerait intervenir.
Le Président (M. Gobé): Oui, madame, il reste
quelques minutes.
Mme Vermette: Merci. Alors, justement, dans ce sens-là, en
fait au niveau de la diffusion de la culture partout où on peut rendre
ça possible, moi, je voudrais revenir au niveau de l'éducation,
et notamment dans nos écoles primaires. Il semblerait, en tous cas,
qu'il y ait un sérieux problème à ce niveau-là
parce que, lorsqu'on a des coupures... parce que c'est en fonction du ratio
élèves-professeur; quand il manque d'élèves, on
coupe. Et les premiers secteurs qui sont coupés, ce sont justement les
arts, notamment la musique et les arts visuels.
J'aimerais ça que vous nous parliez là-dessus, à
savoir les méfaits que ça pourrait avoir ou les
conséquences par rapport à vos objectifs de diffusion et d'aimer
l'art.
Mme Girard: Bien, c'est essentiel pour nous, comme on l'a
mentionné tout à l'heure. Le Québec nous donne la chance
de former d'excellents musiciens. On a une structure en place, professionnelle,
absolument remarquable. Mais, d'autre part, on ne forme pas le public. Et, pour
nous, former le public, ça commence à la petite enfance.
D'ailleurs, il y a des études qui ont été faites et c'est
dès que les enfants sont très jeunes qu'ils vont être
influencés par ce qu'ils vont voir et ce qu'ils vont entendre. Alors,
c'est une question de cohérence. Si le Québec nous donne la
possibilité de produire ou de mettre sur le marché d'excellents
musiciens, il faut bien aussi qu'on puisse avoir un public. Et le public, nous,
on pense que c'est là qu'on va le former.
Mme Messier: C'est une question, en fait, de véritable
démocratie. Si on veut que la culture soit accessible à tous, il
faut vraiment le faire. Et il faut faire attention. La musique, à
l'école primaire, pour nous - et ça, c'est un point qui n'a pas
vraiment été touché - ce n'est pas seulement enseigner les
rudiments d'un langage musical ou artistique, c'est vraiment être en
contact avec cette musique-là, avec les professionnels. Ce n'est pas en
voyant, en entendant une classe de flûte uniquement qu'on va
s'intéresser à la musique. C'est, à un moment
donné, que toute une classe aille entendre un orchestre symphonique et
qu'il y en ait trois dans la classe qui soient profondément
marqués pour le reste de leurs jours par cette audition-là. Et
c'est la passion des artistes qui se communique par la parole et qui se
communique par le langage musical, le langage artistique. Et ça, c'est
inestimable, et il n'y a pas un cours, aussi bien fait soit-il, qui va jamais
remplacer le langage artistique lui-même. C'est avec ce langage-là
qu'il faut mettre les jeunes en contact le plus rapidement possible.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.
Mme Vermette: Je voulais juste dire une chose...
Le Président (M. Gobé): Oui, en conclusion, Mme la
députée.
Mme Vermette: En fait, je me souviens, pour y avoir
participé au moment où j'étais sur les comités
d'école, qu'on avait mis sur pied un orchestre avec des jeunes et, au
son, on avait pu produire la "Symphonie des jouets". Et je me souviens que ces
enfants-là, la plupart des enfants, c'étaient des enfants qui
avaient des troubles de comportement, et nous avions tous
récupéré ces enfants-là par cette approche
musicale.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée.
Mme Vermette: Alors, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, le mot de
remerciement, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: S'il vous plaît. Mme Girard et
Mme Messier, je pense qu'on partage vraiment beaucoup de points en commun et
beaucoup d'opinions au niveau de la formation, au niveau de
l'accessibilité. Et quand vous dites "l'influence", effectivement, nous,
on veut changer justement pour essayer de déstructurer, malgré
que, bon, c'est beaucoup plus l'apparence et la perception de ce qui existe
vraiment, mais encore une fois alléger, rafraîchir tout ça.
Et ce n'est pas d'ajouter non plus des structures, mais d'avoir un rôle
de conscientisation profonde. Alors, je vous remercie énormément
de votre apport ici, à la commission.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci Mme Girard,
Mme Messier. Il me fait plaisir de vous remercier d'être venues nous
rencontrer. Et je demanderais maintenant, sans plus attendre, au prochain
groupe de bien vouloir venir prendre place, soit les représentants de la
ville de Bourcherville.
Nous allons donc continuer sans plus tarder, car nous avons un peu de
retard à cette commission. Si je comprends bien, la ville de
Boucher-ville est représentée par M. Jean-Pierre Morin,
conseiller municipal - bonjour, M. Morin - et par M. Ghislain Girard, directeur
du service récréatif et communautaire. Bonjour, M. Girard. Alors,
sans attendre, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez une
quinzaine de minutes pour ce faire.
Ville de Boucherville
M. Morin (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, MM. et Mmes les députés, merci tout d'abord de nous
entendre suite à la consultation que vous faites sur la politique de
développement culturel pour le Québec. La ville de Boucherville
est une municipalité de la banlieue de Montréal qui a environ 35
000 habitants et qui a connu un essor important depuis 25 ans. La ville de
Bourcherville est déjà, depuis de nombreuses années,
impliquée dans la promotion de la culture, tout probablement et tout
premièrement par la bibliothèque, qui fête cette
année son 25e anniversaire, la bibliothèque de Boucherville, qui
est une des plus fréquentées dans les bibliothèques
publiques de la province de Québec et qui a reçu, dans les
dernières années, un support sérieux et dont nous avons
pris avantage au niveau de la subvention pour l'achat de livres.
La ville de Boucherville a également un patrimoine bâti
important et a pu, à même le patrimoine bâti,
développer une culture patrimoniale importante. Ce sont les deux
pôles importants de la ville de Boucherville depuis de nombreuses
années.
Toutefois, cela ne répondait pas à l'ensemble des besoins
de la population, et nous nous sommes penchés, en 1990, sur une
politique cohérente, au niveau municipal, de développement
culturel. Nous avons procédé à une vaste consultation
auprès des organismes culturels oeuvrant tant au niveau du
bénévolat que du semi-professionnel ou du professionnel. Nous
avons consulté l'ensemble de la population pour pondre une politique de
développement culturel qui englobe tous les champs de la pratique
culturelle, tant au niveau pratique d'activités, fêtes, produits
d'événements culturels, création artistique, diffusion
culturelle que développement patrimonial. Nous sommes en train de
mettre en place des organismes de promotion du développement culturel
par la mise en place d'une société d'organismes culturels
accrédités, qui s'adresse particulièrement aux gens qui
pratiquent l'activité, ainsi que d'élaborer un conseil des arts
et de la culture formé essentiellement de professionnels de la culture
qui nous aidera, la ville de Boucherville, à développer notre
culture d'une façon plus poussée et plus pointue.
Nous avons également mis de l'avant un programme
d'intégration de l'art à l'architecture et, cet
après-midi, nous dévoilerons la première étape de
cette politique puisqu'une oeuvre sera inaugurée cet après-midi
dans la bibliothèque de Boucherville. Nous avons aussi entrepris la
création d'un écomusée avec nos gens du patrimoine et cela
est bien enclenché. Donc, Boucherville est, je pense, bien active au
niveau culturel et elle est d'ailleurs membre de la table sectorielle de la
culture du Regroupement québécois du loisir et membre du
mouvement Les Arts et la Ville qui regroupe au moins sept municipalités
du Québec, dont Boucherville est la plus petite municipalité mais
non la moins active.
La ville de Boucherville pense qu'il est essentiel que, dans toute
politique de développement culturel national, on pense à l'apport
de la municipalité dans ce développement. En effet, le
gouvernement municipal est celui qui est le plus près des citoyens, qui
est le plus en mesure de répondre ou d'écouter tout au moins les
attentes et de tenter d'y répondre. Le sentiment d'appartenance à
une municipalité se fera par le développement culturel et nous
avons donc mis de l'avant, nous, cette politique-là et voulons y
travailler d'une façon précise. Nous croyons donc que la
municipalité doit être un partenaire du ministère des
Affaires culturelles et du gouvernement pour le développement de la
culture sur le territoire du Québec.
Les objectifs de l'intervention municipale... Et j'entendais
tantôt des questions qui étaient posées, tant à nos
prédécesseurs, du Mouvement Québec français, qu'au
groupe des organismes musicaux, sur la formation et l'accessibilité aux
produits culturels. Nous pensons, quant à nous, que la
municipalité, de par sa mission, est d'abord et avant tout le premier
interlocuteur à ce niveau-là. En effet, nous assumons les jeunes
après les heures de classe. Vous savez que les heures de classe sont de
plus en plus limitées et que les parents sont absents, mais, en dehors
de ces heures de classe, nous offrons aux jeunes des programmes accessibles
tant au niveau culturel que sportif. Nous croyons que, par la pratique
d'activités culturelles, par le contact de groupes culturels, nous
pourrons donc mettre les jeunes en contact et permettre à ce
moment-là de développer une certaine accessibilité et une
qualité. Ça nous amène donc à favoriser
l'accessibilité à ces produits par différentes
activités que l'on met de l'avant. Nous supportons les groupes qui
existent à Boucherville et nous invitons d'autres groupes à se
former pour faire de la pratique d'événements culturels.
Nous tentons également d'impliquer les créateurs et les
professionnels en leur fournissant des lieux d'exposition, que ce soit à
notre centre culturel ou à notre maison Louis-H.-LaFontaine qui est le
centre de diffusion de l'art qui existe.
Pour atteindre les objectifs de la ville de Boucherville et de toute
municipalité, qui, comme nous le disions, commencent par le premier
contact avec les activités, la pratique de disciplines, nous avons donc
mis ces objectifs-là en perspective: donc, un contact par la pratique
d'activités, un soutien aux organismes qui veulent promouvoir des
fêtes et des activités de ce type-là, une
accessibilité aux produits d'événements culturels et, dans
ce sens-là, nous tentons, par nos propres services qui existent, de
promouvoir des activités et des spectacles de qualité car c'est
par la qualité, je pense, qu'on attirera les jeunes ou les gens en
général à la pratique culturelle.
Un exemple personnel si vous voulez. J'ai des jeunes enfants qui sont
des jeunes adolescents comme les autres jeunes adolescents, mais, quand on les
met en contact avec des produits culturels de qualité, je pense qu'ils
embarquent. Je n'ai qu'à penser à mon fils, le plus vieux, qui
est allé voir, l'été dernier, "Les Misérables" et
qui en est revenu ébahi. J'ai d'autres de mes enfants qui veulent aller
voir des spectacles du type "Le Fantôme de l'Opéra". Je pense que
c'est par des productions de qualité que l'on doit attirer les jeunes.
Mais ce n'est pas seulement la production de qualité qui amènera
la sensibilisation, la conscientisation de la population à la culture,
mais le contact. Alors, tout le paramètre, tous les
éléments de la culture doivent donc être pris en
considération et, dans ce sens, le rapport Arpin est globalisant et
essaie de toucher tous les domaines.
Toutefois, nous sommes conscients ou nous sommes plutôt inquiets
du fait que la partie concernant l'apport municipal ne soit pas tellement
élaborée dans le rapport Arpin et nous vous sensibilisons donc,
par notre démarche aujourd'hui, à cet apport municipal qui doit
être important. Nous sommes aussi d'opinion qu'il faut éliminer la
barrière élitiste et populaire dans le développement
culturel. C'est bien sûr que des enveloppes doivent être
attachées à chacun des postes pour permettre que chaque
sphère de l'activité culturelle puisse se développer, mais
il ne faut pas en oublier d'autres au détriment des premières.
L'activité culturelle n'est pas différente d'autres
activités qui existent. Il y a autant de formation, de recherche et de
développement des produits de consommation et de haute technologie au
niveau culturel, et tous ces
domaines doivent donc avoir une réponse et être
intégrés dans une politique de développement culturel tant
au niveau municipal qu'au niveau national. (11 h 15)
Un autre point qui nous semble fort important, c'est qu'effectivement
une municipalité telle que la nôtre, de 35 000 habitants, ne peut
vouloir faire toutes les activités culturelles qui peuvent exister sur
un vaste échantillonnage et elle doit donc développer son propre
créneau d'activités. Dans ce sens, elle doit s'associer avec les
municipalités de sa région pour pouvoir ensemble échanger
et établir des réseaux de communication et des réseaux de
diffusion de la culture. Sans de tels réseaux et sans une certaine
concertation régionale, la politique de développement culturel
d'une municipalité ou du gouvernement ne pourrait, je pense, arriver
à bon port.
Donc, nous croyons que, par des activités régionales, nous
pourrons faire la promotion de nos artistes locaux. Nous pourrons engager des
artistes de la relève de notre milieu et des milieux différents
du Québec, augmenter, par des expositions itinérantes, le contact
des citoyens auprès des oeuvres d'art et promouvoir la
présentation de spectacles et autres activités du même
genre. Il ne faut pas non plus oublier le partenariat que nous tentons et que
nous essayons de développer avec le milieu des affaires. Ce milieu nous
semble à l'heure actuelle réfractaire, mais je pense qu'avec le
temps nous pourrons nous allier nos investisseurs et nos développeurs de
Boucherville pour promouvoir la culture qui est un bien essentiel et qui est
une nécessité de la vie, aussi bien que les autres
nécessités de la vie qui existent.
Nous sommes d'accord avec le rapport Arpin quand il parle des
pôles de développement Montréal-Québec. C'est
naturel, c'est essentiel pour que la culture qui s'internationalise puisse
s'épanouir d'une façon claire. Nous croyons toutefois qu'une
municipalité telle que Boucher-ville, qui est dans la couronne de
Montréal, et d'autres municipalités telles que, par exemple,
Lachine, Laval, Longueuil, qui sont membres, pour plusieurs d'entre elles
toutefois, du mouvement Les Arts et la Ville, ont droit à une politique
culturelle, ont droit à une activité culturelle, ont droit
à ce que les gens de leur milieu puissent recevoir des promotions
culturelles et de qualité auxquelles ils ont droit. Nous ne voulons pas,
dans ce sens-là, être défavorisés de l'appui
gouvernemental mais avoir droit, nous aussi, à ce qui nous revient.
Le Président (M. Gobé): M. Morin, je vous
demanderais de bien vouloir conclure...
M. Morin (Jean-Pierre): Nous y étions...
Le Président (M. Gobé): ...car c'est là tout
le temps qui...
M. Morin (Jean-Pierre): La culture doit donc être, selon
nous, ancrée localement et ne doit pas être pensée
autrement. Toute politique culturelle se veut donc l'âme de la culture
régionale et il nous faut, je pense, développer ensemble, tant au
niveau national qu'au niveau local et régional, un partenariat pour
mettre en place les infrastructures nécessaires au développement
de la culture. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le conseiller
municipal. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Morin. Bienvenue, M. Girard.
Je pense qu'il faut le dire, Boucherville est une de nos villes, une de nos
municipalités modèles en termes de développement culturel,
d'une part, et, deuxièmement aussi, en termes de volonté pour
justement promouvoir ce développement-là.
M. Boulerice: ...un ancien député de Boucherville
ici.
Mme Frulla-Hébert: Pardon?
M. Boulerice: Un des anciens députés de
Boucherville est ici. Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Ah, bien oui, c'est vrai, c'est vrai.
Et le docteur va certainement être d'accord avec nous. Il y a des faits
intéressants et, avant de passer la parole à mon collègue,
le député de Saint-Hyacinthe... Ce 1 % d'intégration
à l'architecture, on essaie justement de sensibiliser les
municipalités à ce que ça se fasse mais de façon
beaucoup plus systématique. Alors, comment avez-vous fait pour implanter
ça? Est-ce que c'est une décision que vous avez prise au niveau
du conseil?
M. Morin (Jean-Pierre): Cela fait suite au processus de
développement de notre politique de développement culturel et
c'est l'un de nos volets, l'intégration de l'art public dans nos
investissements. Nous sommes actuellement dans une période de
restrictions budgétaires importantes, mais nous avons convaincu, suite
à cette vaste consultation que nous avons eue auprès de la
population, les membres du conseil de ville d'attribuer 1 % de tout
investissement. Nous avons, comme je le disais tantôt, inauguré ou
nous inaugurerons cet après-midi une première dans la
bibliothèque. Nous n'avons pas encore coulé dans un
règlement municipal cette politique du 1 % parce que nous tentons
à l'heure actuelle de le vivre sur le terrain. C'était bien
facile de mettre un règlement qui aurait dit: Nous procéderons de
telle ou telle façon. Mais nous pensons que d'avoir essayé avec
des artistes locaux qui
nous ont été référés par les
regroupements régionaux d'artistes sur le comité de
sélection, nous avons donc fait une première et cette
première-là se continuera incessamment pour notre programme
d'activités d'implantation d'équipements sportifs et des parcs.
Nous pensons qu'avec ces deux exemples nous serons en mesure de montrer
à la population et de montrer à nos conseillers municipaux, qui
sont peut-être des fois un peu moins portés sur la chose, que
c'est un plus pour la collectivité et, à ce moment-là, on
s'enclenchera de plus en plus pour développer. Je pense que, par cet
exemple, nous aurons une politique de 1 % qui deviendra de plus en plus
grande.
M. le directeur me parlait ce matin des prévisions
budgétaires que nous allons déposer au niveau du plan triennal
d'immobilisation. Nous ne voulons pas maintenant en rester seulement à
quelques bâtiments mais à toute immobilisation de la ville.
Même qu'on parie de rue, même qu'on parle d'égouts, c'est
des investissements et des immobilisations. Nous croyons que le 1 %, qui n'est
pas un gros pourcentage quand même compte tenu des contingences, des
frais d'ingénieurs, etc., peut passer d'une façon
intéressante.
Mme Frulla-Hébert: C'est extraordinaire, M. Morin. Je vais
passer la parole au président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste à peu
près cinq minutes.
M. Messier: Merci, M. le Président. À peu
près cinq minutes, oui. Si je fais un rapide résumé de
votre mémoire, je pense qu'au niveau de la coordination et de la
maîtrise d'oeuvre les diverses interventions culturelles sur le
territoire relèvent du municipal ou de votre municipalité. Je
devrais même dire: Heureux le député de Bertrand -
peut-être de Marguerite-d'Youville un de ces jours, on ne sait jamais
avec les modifications - d'avoir une municipalité aussi dynamique, avec
une vision peut-être systématique ou globale du monde
culturel!
Disons que si on revient à la responsabilité
première de faire en sorte que les citoyens puissent exercer leur droit
à la culture, vous insistez sur l'importance de reconnaître
l'aspect socioculturel des activités et de favoriser avant tout la
culture de masse pour rejoindre l'ensemble des usagers. Vous parlez aussi de
concertation intermunicipale. Peut-être la première question que
j'aimerais vous poser: Est-ce que vous avez conclu des ententes
intermunicipales avec d'autres municipalités, MRC? Si oui, de quelle
façon ça se fait? Sinon, de quelle façon vous allez
l'envisager?
M. Morin (Jean-Pierre): Au niveau intermunicipal, nous n'avons
pas de telle convention ou entente pour l'instant à cause d'un contexte
bien particulier, parce que Boucherville fêtera l'année prochaine
son 325e anniversaire et des efforts importants sont consacrés à
cela.
Toutefois, étant membres du regroupement Les Arts et la Ville,
nous avons été fort sensibilisés et avons
sensibilisé les membres du conseil de ville à des échanges
entre municipalités pour la production d'oeuvres locales. Nous avons
actuellement, je pense, au niveau des Arts et la Ville, la ville de Laval et la
ville de Sherbrooke qui s'échangent des troupes de diffusion, des
troupes de théâtre ou de musique. Une troupe donc locale va dans
l'autre municipalité, est reçue et est assumée. C'est un
programme que nous tenterons de mettre en vigueur dès 1993.
M. Messier: En Montérégie, est-ce que vous avez
cette même vue d'ensemble, avec d'autres municipalités de la
Montérégie?
M. Morin (Jean-Pierre): II n'y a pas de choses précises.
Comme je vous le dis, nous avons adopté une politique de
développement culturel au mois de mai 1990. La ville de Lon-gueuil vient
également d'adopter sa politique de développement culturel. Il
n'y a pas d'ententes précises qui sont faites à ce
niveau-là encore.
M. Messier: O.K. Toujours sur cette politique que vous avez mise
en place depuis 1990, je vais poser une question à deux volets. La
première: C'est quoi la société des organismes culturels
accrédités et le conseil des arts et de la culture là?
M. Morin (Jean-Pierre): Effectivement, nous avons un rôle
de support auprès de nos organismes qui font de la formation culturelle:
écoles de danse, écoles de musique, écoles d'arts visuels,
etc. Alors, nous voulons regrouper ces individus-là, ces
organismes-là dans une société des organismes culturels
accrédités qui sont des gens que nous accréditons. Nous
allons au-delà aussi de ces simples organismes bénévoles.
Nous allons aussi nous ouvrir à des organismes privés qui font de
la diffusion ou qui font de la formation culturelle et nous les associons
à une table de concertation pour développer ensemble des
solutions à leurs problèmes qui, souvent, sont des
problèmes similaires. Sans que ces gens puissent se consulter, ils ont
les mêmes problèmes. Ils tentent de les régler chacun de
leur façon. S'ils se mettaient ensemble, ils pourraient, à ce
moment-là, je pense, développer davantage leur pratique. Donc,
c'est la société des organismes culturels
accrédités.
Le conseil des arts et de la culture, celui-là veut être
formé de professionnels que nous allons consulter, la
municipalité, dans nos grandes orientations d'achat pour la politique
d'art public, pour tout le domaine de l'art, de la
diffusion et du support aux créateurs. Toutefois, ce conseil des
arts et de la culture rencontre des problèmes au niveau de la formation
car nous n'avons pas, à l'heure actuelle, de grille de
références précises pour intégrer tel ou tel
pratiquant, créateur dans le domaine des arts. Nous avons quelques
grilles faites et nous collaborons d'ailleurs avec la ville de Laval à
cet effet-là pour développer des grilles d'évaluation pour
qu'un artiste soit un artiste vraiment reconnu et qu'il puisse avoir une
certaine notoriété. Nous sommes en train de développer ces
grilles-là pour pouvoir nous conseiller, les municipalités, pour
que ces gens-là forment un conseil des arts et de la culture et nous
donnent les recommandations nécessaires pour nous aider.
M. Messier: Mais, sur cette même question, est-ce que vous
êtes associés avec le Conseil culturel de la
Montérégie, avec Maude Céré?
M. Morin (Jean-Pierre): Nous sommes associés. Nous avons
des échanges régulièrement. Ils assistent à nos
différentes manifestations et nous assistons aussi à leurs
différents colloques et réunions, effectivement.
M. Messier: O. K. Si on revient sur l'accréditation,
l'accréditation va donner quoi pour chez vous, directement à la
ville de Boucherville, au niveau des organismes?
M. Morin (Jean-Pierre): L'accréditation, pour nous,
ça veut dire qu'un organisme accrédité est un organisme
qui a 90 % de ses pratiquants qui sont de Boucherville et qui obtient un
support de la ville au niveau technique-salles. Nous avons, à ce
niveau-là, des ententes avec des commissions scolaires tant locales que
régionales pour des échanges d'espaces, de locaux, etc., et ces
organismes-là, à ce moment-là, ayant le support de la
ville, peuvent obtenir une accessibilité gratuite ou presque à
ces locaux. Les organismes autres accrédités sont les organismes
qui sont dans le privé et auxquels nous ne donnons pas un support
précis. Ce sont des organismes dont nous avons tout au moins
vérifié les qualifications pour donner aux jeunes une formation
et qui nous semblent répondre aux critères que nous nous sommes
fixés - et c'est pour ça que nous les accréditons -
où nous pouvons diriger, à ce moment-là, nos jeunes qui
veulent pratiquer, qui veulent développer un art particulier. Par
exemple, pour la pratique musicale poussée, nous les
référons à ces organismes accrédités qui
sont partenaires avec Boucherville du développement culturel.
M. Messier: O. K. En parlant des partenaires, vous avez fait, je
pense, parvenir à la commission un schéma de l'ensemble des
intervenants qui développent le milieu culturel avec la ville de
Boucherville, mais on ne voit pas le ministère des Affaires culturelles.
Quel est le lien? Je sais que la ville a reçu ou reçoit des
subventions du ministère des Affaires culturelles pour le
développement du patrimoine et sa bibliothèque. C'est quoi la
relation...
M. Morin (Jean-Pierre): D'ailleurs, je l'ai mentionné au
début.
M. Messier: Oui, c'est ça, vous l'avez mentionné.
On ne le voit pas sur le schéma mais...
M. Morin (Jean-Pierre): Je l'ai mentionné parce que je
pense que c'est un exemple important, parce que vous voyez qu'à
Boucherville les secteurs forts au niveau culturel sont la bibliothèque.
Le ministère, à un moment donné, avait une politique de
construction ou de subvention à la construction de bibliothèques,
alors nous avons saisi l'occasion, lorsque la subvention a été
ouverte, et avons construit une bibliothèque et l'avons
supportée. La même chose au niveau du patrimoine. Toute notre
politique de patrimoine s'inspire et est en collaboration avec le
ministère des Affaires culturelles; et ce support et cette
collaboration-là sont recherchés. Nous voudrions également
que cette politique-là nous aide à construire nos infrastructures
ou d'autres infrastructures importantes dans l'avenir.
M. Messier: Vous passez un message, là.
M. Girard (Ghislain): Excusez ma voix, mais, au niveau du
ministère, il pourrait y avoir un effort de fait relativement, entre
autres, aux salies de spectacle. La contrainte du 70 % de diffusion
professionnelle dans un tel cas pourrait amener des problèmes. Je
m'arrête là-dessus.
M. Messier: Mais sur les salles de spectacle, vous avez
participé, suite au sommet économique biennal, a l'étude
sur le potentiel des salles de spectacle en Montérégie? Non?
M. Morin (Jean-Pierre): Non.
M. Messier: Non. O. K. Ça va pour moi.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député, et le temps est écoulé. Donc, je passerai
maintenant la parole à M. le député de Bertrand, mais,
auparavant, étant donné que M. le député de
Bertrand est notre hôte à cette commission, en vertu de l'article
132, je demanderais le consentement de l'ensemble des députés
afin qu'il puisse prendre la parole. Est-ce qu'il y a un consentement?
M. Boulerice: Nous sommes adultes, donc nous sommes
consentants.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Je pense que c'est devenu
un peu une petite tradition à cette commission d'accueillir les
députés régionaux lorsque les groupes de leur
comté, ou circonscription, ou région viennent. C'est toujours
avec plaisir qu'on les accueille. M. le député de Bertrand, vous
avez la parole.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'aimerais, à
mon tour, souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale à
mes collègues de Bou-cherville. Je suis d'autant plus heureux que notre
ville ait décidé de présenter un mémoire devant la
commission parce que c'est un milieu qui est particulièrement
effervescent et qui est particulièrement propice à
l'élaboration d'une réflexion culturelle. (11 h 30)
J'aimerais simplement mentionner quelques groupes qui font la
réputation culturelle de notre municipalité et qui sont en
nomination pour des mérites particuliers, spécialement: la
Chambre des artistes de Boucherville, le théâtre lyrique,
l'école de danse que nous avons. Ces organismes reflètent bien le
dynamisme culturel d'un milieu, il faut bien l'avouer également, assez
privilégié par rapport au reste de la province et qui
bénéficie d'une originalité et d'une initiative toutes
particulières.
Votre mémoire est bref mais, à mon avis, il va au coeur du
sujet. Vous soulevez la question du partenariat entre le ministère des
Affaires culturelles et les municipalités quant à l'application
concrète des programmes culturels, entre autres au niveau du
financement. Vous soulevez également la question de la concertation
régionale et, pour une municipalité comme la nôtre, c'est
particulièrement important puisque nous ne sommes pas partie de la
Communauté urbaine de Montréal ni de la Communauté urbaine
de Québec et que, particulièrement, nous avons une dynamique de
MRC qui est particulière.
J'ai deux questions à vous poser, essentiellement. À votre
avis, comment concevez-vous le partenariat qui devrait s'établir entre
le ministère des Affaires culturelles et les municipalités,
principalement en matière de financement?
M. Morin (Jean-Pierre): Écoutez, je pense que nous ne nous
ingérerons pas ou nous ne voudrions pas nous ingérer dans les
différentes politiques que le ministère des Affaires culturelles
voudrait mettre de l'avant. Ce que nous voulons voir, toutefois, c'est que le
ministère des Affaires culturelles continue à promouvoir des
programmes d'investissement dans des infrastructures importantes - c'est
l'argument que je tentais de défendre tantôt - mettant à la
disponibilité de l'ensemble des municipalités des programmes
d'accessibilité et de construction d'infrastructures. Nous pensons que,
lorsque ces infrastructures-là seront en place, nous pourrons
développer davantage la culture.
Je revenais récemment d'un voyage en France où j'ai
visité des municipalités de 5000 habitants, des
municipalités de 2000 habitants et j'ai été
étonné de l'ensemble des structures et des investissements qu'ils
font au niveau culturel. Entre autres, on me dit qu'au niveau culturel,
près de 5 % à 10 %, c'est même plus que ça, je pense
que presque 20 % de leurs sommes d'argent, au niveau du budget municipal, sont
axées sur la culture. Je leur ai demandé: Comment pouvez-vous
investir tant lorsque vous avez d'autres chats à fouetter? On m'a dit:
La décentralisation nous a amenés à cela. Alors je pense
que, dans ce sens-là, les enveloppes doivent être réparties
équitablement entre les différentes municipalités,
offertes aux différentes municipalités qui sont prêtes
à agir dans ce domaine et ne pas toujours y mettre le ticket
modérateur de l'indice de la richesse collective parce que, dans un tel
contexte, nous n'aurons aucune subvention de la part de nos autorités
gouvernementales.
M. Beaulne: Je vous remercie, c'est un excellent commentaire sur
le ticket modérateur en question puisque, évidemment, nous,
ça nous touche particulièrement et, d'ailleurs, dans d'autres
programmes également. Deuxième question. Étant
donné que vous avez soulevé la question de la concertation
régionale, comment percevez-vous la façon dont pourrait s'activer
cette concertation régionale, mettons au niveau des MRC?
M. Morin (Jean-Pierre): Écoutez, la concertation
régionale, à mon point de vue, c'est une concertation qui doit
venir de la base et qui doit venir des élus. Et je vous dirai qu'au
niveau de la concertation régionale notre expérience au niveau
culturel veut que ce ne soit pas seulement avec les gens de notre milieu
près ou de notre MRC. Je pense que les affinités vont se
développer jusqu'à concurrence où les gens sont rendus
dans une municipalité. Vous avez des municipalités, dans la MRC
où nous agissons, qui ne sont pas préoccupées du tout par
le culturel; nous avons d'autres municipalités qui ne sont pas de notre
MRC et qui sont près de nous, dans le milieu géographique, qui y
sont intéressées.
Nous devons, je pense, nous regrouper sur une base volontaire dans de
telles activités et développer une synergie collective. Bien
entendu, ce développement de cette synergie permettra à d'autres
municipalités du voisinage de s'impliquer et peut-être, à
un moment donné, arriver à la structure de la MRC ou d'arriver
à d'autres structures d'un conseil régional des loisirs. Mais je
pense qu'il faut revenir à la base et permettre aux élus
municipaux ou aux municipalités de se réunir, suivant leurs
affinités, surtout au niveau culturel.
M. Beaulne: Finalement, ma dernière
question, avant de passer la parole à notre porte-parole
officiel, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et, soit dit
en passant, je profite de votre passage ici pour lui signaler nos
félicitations pour l'excellent travail qu'il mène et surtout pour
la coordination qu'il effectue, comme vous pouvez le constater, avec ses
collègues, lorsque nos concitoyens sont impliqués. Ma
dernière question est assez directe. À la lumière des
implications de la réforme Ryan, pensez-vous que les recommandations du
rapport Arpin qui visent, entre autres, à impliquer davantage les
municipalités dans les activités culturelles, soient
réalistes?
M. Morin (Jean-Pierre): Je ne veux pas ici faire de la politique.
Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que l'approche ayant
été peut-être malhabile, l'approche de la loi 145
auprès des municipalités, ça va peut-être ralentir
le développement culturel ou l'"assumation" par les municipalités
de leur rôle. Les municipalités auront la réaction de dire:
On va nous confier un champ pratique ou un champ d'activité, mais on ne
nous donnera pas les moyens d'y répondre. D'autre part, la
réforme Ryan nous impose, comme toutes les municipalités, un
resserrement de nos budgets et nous amènera peut-être à une
tarification accrue au niveau de notre pratique d'activités culturelles
qui sera peut-être un élément dissuasif pour les gens qui
veulent pratiquer les activités d'ordre culturel.
M. Beaulne: Merci.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Bertrand, je vous remercie. Je vois, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre collègue... Non? L'ancien
député de Boucherville.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je pensais que vous
étiez revenu à...
M. Lazure: Je veux juste entendre d'autres fleurs venant de Mme
la ministre.
Le Président (M. Gobé): Écoutez, docteur,
lorsqu'on connaît votre expertise dans les milieux culturels, on ne peut
pas s'empêcher de vouloir vous donner la parole. Mais étant
donné que le porte-parole officiel est le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, lui aussi, est un grand connaisseur dans ce
milieu-là, on va le laisser continuer l'intervention. Vous avez la
parole, M. le député.
M. Boulerice: M. le conseiller, M. le directeur, grand
connaisseur, je ne sais pas, mais grand connaissant de la ville de
Boucherville, sans doute, puisque j'ai deux de vos anciens
députés et l'actuel qui sont plus que des col- lègues, ce
sont des amis personnels, et que, durant les 13 ans que j'ai travaillé
à la commission scolaire régionale de Chambly, j'ai eu de
très nombreux contacts avec les maires de Boucherville et j'ai
été en mesure de me rendre compte de l'importance que la ville de
Boucherville a toujours accordé à la culture. Même si vous
me dites que vous êtes en train d'élaborer une politique, bien
avant la politique, dans son sens de "texte", la ville de Boucherville a
commencé à agir il y a fort longtemps. Donc, à partir de
ce vécu personnel, je peux vous dire que - et c'est une blague que je
fais à chacun des intervenants - dans le palmarès que nous sommes
en train, veux veux pas, d'établir au sujet des municipalités
lorsqu'elles se présentent, Boucherville cote très haut.
Vous avez parlé de la reconnaissance du développement
régional. Oui, certes, Boucherville est une ville, une ville importante,
une ville qui ne veut pas se laisser satelliser par rapport à
Montréal, mais bien développer son identité propre, ce que
le Joliettain d'origine va bien accueillir, puisque vous connaissez ma ville
natale, 70 kilomètres de Montréal, mais on n'a jamais voulu
être des banlieusards. Alors, on a cette fierté que,
déjà, Boucherville développe. Donc, vous avez une
appartenance à une région, une identification à une ville
où il y a, d'ailleurs, un tissu historique assez fort. Et j'ai
remarqué, quand vous avez parlé de reconnaissance du
développement régional, que vous êtes allé un peu
plus loin. Vous dites, finalement, en conclusion, que la survie de la culture
dépend de l'union de trois niveaux d'intervention: le provincial, le
régional et le municipal. Mais est-ce que je dois comprendre, par cet
énoncé, que vous souscrivez au troisième axiome du rapport
Arpin qui est capital, qui est: Le Québec doit avoir la pleine et
entière juridiction de sa politique culturelle?
M. Morin (Jean-Pierre): Je pense effectivement que les
intervenants qui sont le plus près de la population doivent être
ceux qui répondent et, dans ce sens-là, je pense que l'action du
gouvernement national, du gouvernement municipal ou du gouvernement et l'action
régionale doivent être les premiers maîtres d'oeuvre. Que la
culture soit pluri, multiculturelle, comme le disait la ministre plus tôt
ce matin, ça, je pense que c'est, quant a nous, nécessaire et un
acquis, mais je pense que cette maîtrise d'oeuvre doit d'abord être
avant tout entre les mains de ceux qui la vivent d'une façon
quotidienne. Et cela, c'est le gouvernement qui est le plus près de la
population.
M. Boulerice: Je ne peux quand même pas m'empêcher de
remarquer avec une grande satisfaction que vous n'avez pas parlé de
gouvernement provincial, mais de gouvernement national.
M. Morin (Jean-Pierre): Je ne fais pas des... Il y a une
Assemblée nationale, c'est le gouvernement national.
M. Boulerice: Je le sais bien. Non, mais à force de se
dire qu'on est une province, on finit par avoir des comportements de
provinciaux. Et je pense que ce n'est pas ce que la ville de Boucherville
souhaite, vous connaissant trop intimement.
M. Morin (Jean-Pierre): Je vous dirai toutefois que les Arts et
la Ville est un regroupement canadien et que nous y retrouvons beaucoup de
richesses à côtoyer nos confrères des autres provinces. Et
nous rencontrons là également les mêmes
préoccupations que nous pouvons avoir. Nous avons, l'été
dernier, des gens de la Colombie-Britannique qui s'ingéraient et qui
s'élevaient contre le pouvoir centralisateur de Toronto dans notre
organisme, et qui voulaient avoir leur reconnaissance de leur
spécificité. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on peut
échanger avec eux. Ils ont les mêmes problèmes que nous.
Ils sont des Canadiens, nous sommes encore des Canadiens, nous pouvons
échanger et développer, mais, encore là, au niveau
d'organismes de base qui rejoignent les gens de la base. On ne peut pas
s'isoler. Nous voulons également éventuellement nous ouvrir au
niveau des Arts et la Ville, et les gens de Montréal sont allés
à des colloques aux États-Unis. Le problème de la culture,
c'est un problème qui a sa facette nationale, sa facette internationale,
et nous ne voulons pas nous fermer sur aucune de ces facettes.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion, s'il vous
plaît.
M. Boulerice: Oui, bien on peut quand même, en guise de
conclusion, dire que votre ville, comme les autres villes et comme les
représentants des régions, a la même trame: Oui, pour une
politique nationale des arts et de la culture, mais, pour employer une phrase
un peu familière, ceux qui savent ce qui est bon pour Boucherville sont
les gens de Boucherville, ceux qui savent ce qui est bon pour la
Montérégie sont les Montérégiens. Donc, tracer les
grandes balises mais, quant à l'application, la gestion et
également l'administration, c'est-à-dire les stratégies,
nous sommes capables de nous organiser dans notre milieu. La concertation est
déjà faite et nous pouvons aller de l'avant. C'est bien la trame
de votre mémoire.
M. Morin (Jean-Pierre): Oui.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie, M. Morin, et je vous
prierais de saluer M. le maire Aubertin de ma part.
M. Morin (Jean-Pierre): Ça me fera plaisir.
Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de
remerciement?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Morin, M. Girard. Vous
parliez de la France et de l'implication de la France. Vous savez que, dans le
système français, les départements, les
sociétaires, enfin les gens des départements, les
municipalités s'impliquent beaucoup et le gouvernement dit national
s'implique à 30 % au niveau du développement. Donc, c'est remis
beaucoup dans les mains, si on veut, justement de la population même.
Un autre point aussi, et je pense que c'est important, toute la question
du loisir. Le loisir culturel, au moment où on se parle, a
été remis, en 1977, au ministère du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche, ce qui fait qu'on ne s'occupe, nous, que du secteur
professionnel. Je pense que c'est important de faire aussi la part des choses,
spécialement au niveau des municipalités.
Ceci dit, la seule chose que vraiment j'ai à vous dire, pour les
villes qui sont périphériques - moi, j'ai la
responsabilité aussi, dans le comté de Marguerite-Bourgeoys, de
LaSalle -c'est que vous faites de l'excellent travail. Effectivement, vous
parlez d'un ticket modérateur versus... Hier, le maire de Mont-Laurier
disait tout à fait l'inverse. C'est bien sûr que, dépendant
des différents contextes, on prêche aussi pour sa paroisse. Mais
chose certaine c'est que, et je reviens, vous êtes effectivement,
malgré la richesse de votre population, etc., etc., un modèle
à suivre.
Alors, félicitations encore, bonne chance pour cet
après-midi. Et on va vous reparler aussi au niveau du 1 %, parce que
c'est un programme qui m'intéresse au plus haut point.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. En
terminant, peut-être pour ajouter à ce que vous disiez, il est
vrai qu'en France la régionalisation qui s'est faite il y a une dizaine
ou une quinzaine d'années a vu l'émergence de nouveaux organismes
d'administration très décentralisés, qu'on appelle en
particulier le conseil régional, qui a ses propres élus et qui a
ses propres budgets, mais qui reçoit aussi des transferts de fonds de
l'État central dans le domaine de la culture, enfin du service routier,
etc., mais il faut quand même tenir compte que c'est un conseil
régional. Prenons celui de Provence-Côte d'Azur; il y a presque 7
000 000 de résidents, c'est un peu plus que le Québec ou à
peu près. On prend Île-de-France-Paris; on parle de près de
12 000 000. Alors, c'est des mini-provinces. Mais c'est pertinent, Mme la
ministre, je trouve ça très intéressant que vous ayez fait
ce parallèle entre les deux. Il y a peut-être un avenir au niveau
de la décentralisa-
tion des administrations.
Je tiens à vous remercier au nom des membres de la commission.
Vous saluerez votre maire de notre part, vos concitoyens aussi. Soyez
assurés que nous avons pris bonne note de vos recommandations. Je vous
remercie beaucoup.
Alors, j'invite le groupe suivant, soit les Services communautaires
juifs de Montréal à bien vouloir venir prendre place, et je vais
suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps de ce faire.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprisée 11 h 51)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de cette table, nous allons
maintenant reprendre nos audiences. Nous allons maintenant entendre les
Services communautaires juifs de Montréal qui sont
représentés par Mme Ruth Ballon, présidente du Conseil sur
la culture. Mme Ballon?
Mme Ballon (Ruth): Mme Shnay va présenter le
mémoire.
Une voix: C'est Mme Shnay qui va présenter le
mémoire.
Le Président (M. Gobé): O.K. Allez-y, madame,
alors.
Mme Ounsky-Shnay (Zipporah): Si vous permettez, M. Alexis Nouss
va faire la présentation et vous pourrez poser les questions par la
suite.
Services communautaires juifs de
Montréal
M. Nouss (Alexis): Mme la ministre, distingués membres de
l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, c'est un honneur et un
plaisir pour moi que d'être devant vous aujourd'hui, surtout au nom de la
communauté juive de Montréal. Permettez-moi d'abord de vous
présenter mes collègues. À ma droite, Mme Ruth Ballon,
présidente du Conseil sur la culture des Services communautaires juifs
de Montréal; à ma gauche, Mme Zipporah Dunsky-Shnay, directrice
générale de la Bibliothèque publique juive; Mme Danielle
Silverman, adjointe a la planification des Services communautaires juifs de
Montréal, et, à ma droite, M. Jack Jedwab, directeur des
relations culturelles au Congrès juif canadien, région de
Québec. Quant à moi, mon nom est Alexis Nouss. Je suis professeur
à l'Université de Montréal, écrivain et membre de
cette communauté juive.
La communauté juive n'est pas une institution culturelle.
Être Juif, cela ne veut pas dire appartenir à une ethnie, une
religion, une langue ou même à une culture particulière;
à une histoire peut-être. Les Juifs se définissent pourtant
par leur culture ou plutôt leurs cultures, au pluriel, tout autant que
par leur religion. Ce qui caractérise cette identité culturelle
juive reflète d'une certaine manière la nature de la
société québécoise, c'est-à-dire cette
diversité culturelle tout à fait inégalée. À
l'intérieur même de la communauté juive, la culture est un
concept des plus diversifiés montrant un visage aux multiples
composantes. Les institutions culturelles de la communauté juive de
Montréal tentent à tout instant de refléter et de
répondre à ces besoins variés.
Nous savons, par expérience, qu'il ne s'agit pas là d'une
tâche facile. C'est cette diversité culturelle qui fait de nous et
qui fait aussi de la société québécoise une
communauté unique. Dans l'introduction au rapport Arpin, l'existence au
Québec d'une société pluraliste et diversifiée est
reconnue à plusieurs endroits. Il serait important de savoir que cette
définition propose une réelle base d'action, qu'elle ne soit pas
là pour la forme mais qu'elle constitue réellement une
inspiration réelle pour le soutien aux programmes d'activités
culturelles venant de groupes divers et participant au dynamisme de la culture
québécoise.
Les Services communautaires juifs et le Congrès juif canadien
reconnaissent que l'État a un certain rôle à jouer dans la
promotion d'une culture, notamment devant une réalité
multicul-turelle, car sinon c'est la porte ouverte au tribalisme. Mais, pour
nous, les deux sont liés: intervention de l'État au niveau de la
culture dans le cadre du multiculturalisme. Nous pensons également que
les divers aspects de la culture peuvent et doivent être accessibles
à tous, quels que soient leur origine ethnique, leur statut
socio-économique, leur langue ou leur religion.
Il est également important d'ouvrir nos frontières et
d'intégrer au devenir du Québec les produits culturels provenant
de traditions différentes, car ceci représente bien la
diversité de notre société pluraliste. On parle
même, au-delà du multiculturalisme, d'interculturalisme, terme qui
définit parfaitement la notion d'échange entre les cultures et sa
nécessité.
Les objectifs que reconnaît le rapport Arpin: favoriser la
création; assurer la stabilité et l'épanouissement des
organismes culturels; accroître l'action internationale et
développer et maintenir au Québec la compétence
professionnelle, ce sont là des objectifs louables. Nous serions heureux
de participer à leur élaboration étant entendu que les
mécanismes mis en place et les groupes de travail établis
permettent une représentativité maximale. Nous pensons qu'il est
aussi essentiel de prendre en considération les besoins de toutes les
organisations culturelles existantes au Québec, indépendamment de
leur importance.
Le rapport Arpin est très circonspect dans
sa définition de la culture; avec raison, car il est impossible
d'établir une définition précise d'un concept qui est en
constante évolution, tout comme la société qui
l'accueille. Dans la recherche d'une définition éventuelle, il
est important de reconnaître les changements culturels opérant au
Québec et influencés par des apports venus de l'extérieur
comme de l'intérieur. Il ne suffit donc pas de reconnaître
l'importance du rôle des délégations du Québec
à l'étranger, mais aussi d'ouvrir ses portes aux missions
culturelles venant d'autres pays, d'autres cultures, d'autres langues.
Enfin, le rapport Arpin n'a pas su, à nos yeux, démontrer
qu'il y avait un avantage certain à rattacher fermement une politique
culturelle à une intervention étatique.
Une brève allusion est faite dans la conclusion du rapport Arpin
à une "société malade de sa culture". Je cite: "Le temps
est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de
l'État et l'action culturelle qui enrichit le Québec, comme une
valeur primordiale et civilisatrice au sein d'une société malade
de sa culture."
Cela nous paraît comme étant une vision bien injuste de la
société québécoise et, en tout cas, une vision qui
demande des explications, au moins un éclaircissement. Nous sommes, sur
ce point, à la fois plus optimistes et plus pessimistes que le rapport
Arpin: plus optimistes car nous pouvons témoigner, en tant que membres
de la communauté culturelle québécoise, de sa
vitalité et de son rayonnement; plus pessimistes ou du moins inquiets
devant la métaphore utilisée, car qui dit "maladie" dit
"guérison" et les thérapies sont parfois dangereuses.
Par ailleurs, le rapport Arpin reconnaît que la
responsabilité en matière de culture déborde sur plusieurs
ministères. Aucune mention n'est faite cependant du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration. De la même
manière, les recommandations du comité ne reflètent pas
suffisamment la présence des communautés culturelles. Les
recommandations, bien que nombreuses, demeurent très
générales dans leur forme et dans les fonctions qu'elles
proposent. Plus spécifiquement, l'apport des communautés
culturelles à la vie culturelle québécoise pourrait
être renforcé par des efforts plus substantiels et qui aideraient
sans doute à transmettre plus habilement, plus efficacement l'expression
culturelle des Québécois d'origines diverses. Il va de soi que
nous endossons pleinement la nécessité de promouvoir au sein de
la société québécoise des programmes
d'échanges interculturels, seule façon d'assurer l'harmonie entre
les différentes composantes de notre société.
Le Québec est présentement confronté à des
changements très importants. Au fil des années, il s'est
transformé en une société beaucoup plus diversifiée
culturellement. La mise en commun de cette diversité, de nos
caractéristiques culturelles et des valeurs que nous partageons aidera
à façonner la société québécoise de
demain: la société québécoise et sa culture, la
société québécoise et ses cultures.
Mme Dunsky-Shnay: Mesdames et messieurs, mon nom est Zipporah
Dunsky-Shnay. Je suis directrice générale de la
Bibliothèque publique juive de Montréal. Je voudrais tout
simplement prendre cette occasion pour renforcer un des points
déjà mentionnés par Alexis, notamment le lien entre les
affaires culturelles et le ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration. Plus spécifiquement, j'aimerais souligner que la
Bibliothèque publique juive est avant tout une institution culturelle,
l'un des piliers de la vie culturelle si riche de la communauté
montréalaise. Pourtant, dans toutes nos relations avec le gouvernement
du Québec, de notre appartenance à la communauté juive,
nous passons forcément par le biais du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, anomalie certes, car toutes
les bibliothèques publiques au Québec relèvent du
ministère des Affaires culturelles. Mais puisqu'il en est ainsi et
puisque le rapport Arpin reconnaît que la culture est une constituante de
la vie en société, j'ajouterai qu'elle est une constituante de la
vie très particulière de notre société
diversifiée et que cette responsabilité déborde non
seulement - pour reprendre le texte du rapport Arpin, à la page 30 - "le
champ particulier des affaires culturelles pour exercer un rayonnement
horizontal qui touche les activités de plusieurs autres
ministères, dont ceux de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science, des Communications, des Affaires
internationales et des Affaires municipales" - fin de la citation - mais aussi
et avec autant, sinon plus d'importance, le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous recommandons donc que
ce ministère soit inclus dans toute discussion à venir.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je passerai
maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. D'abord, je vous remercie de votre
présentation conjointe et je vous souhaite la bienvenue à notre
commission. Vous soulignez aussi dans votre présentation le dynamisme
extraordinaire de votre communauté au Québec, et on peut en
témoigner, autant par sa participation au niveau de nos grandes
institutions, tels les musées, par exemple, que justement par cette
promotion de la culture au niveau de la communauté en particulier.
Je voudrais revenir quand même au niveau de la
bibliothèque. Vous avez raison, les bibliothèques relèvent
du ministère des Affaires culturelles. Par contre, dans le cas de
Montréal, par exemple, il y a une entente avec la ville de
Montréal qui fait en sorte que, parce qu'on assume l'ensemble des
grosses institutions, et c'est des grosses charges financières,
Montréal assume en totalité son développement en termes de
bibliothèques. Alors, il y a une anomalie là et on va y voir.
On a parlé beaucoup, tantôt, avec M. Bouthillier, du
Mouvement Québec français, et ça revient très
souvent aussi, du multiculturalisme versus pluriculturalisme, versus
interculturalisme. Il y a des théories qui disent: Là, la
culture, vous développez une politique culturelle, etc., et, parce qu'on
est fragiles dans un univers et un bassin anglophone, elle se doit d'abord et
avant tout de promouvoir la culture et la langue françaises. Et il y a
une autre théorie qui dit: Non, parce que, dans le but d'affronter ou
d'être équipés pour affronter les années
quatre-vingt-dix et 2000, il faut vraiment accéder à cet...
J'aime beaucoup, finalement, l'interculturalisme dans un sens où il faut
avoir cette flexibilité-là pour justement pouvoir faire
nôtres et enrichir notre tissu culturel québécois de toutes
ces cultures dont nous avons le bonheur de bénéficier. Alors,
parlez-nous un petit peu de cet apport-là et comment on fait, finalement
- parce que c'est surtout dans la région de Montréal qu'on
retrouve l'ensemble des communautés -pour intégrer justement dans
cette politique la réalité qui est une réalité
pluriculturelle?
M. Nouss: II y a d'abord un point que j'aimerais ici aborder,
à savoir que cette dynamique de pluriculturalisme - j'insiste sur le
terme "dynamique" parce que, effectivement, il y a dans "pluriculturalisme" un
vecteur de mouvement que, peut-être, le terme "multiculturalisme" ne
possède pas - pour nous, communauté juive, c'est une
réalité séculaire. Il est vrai que la communauté
juive est, de par sa culture, une communauté qui a dans son bagage
pratiquement toutes les langues du monde, toutes les coutumes vestimentaires ou
gastronomiques et toutes les formes d'habitat, etc., ce qui fait que ce
problème que vous soulevez et la confrontation de ces deux
théories, à savoir comment promouvoir et sauver une culture
particulière et, en même temps, être susceptible d'assurer
le dialogue de cette culture-là avec les autres cultures, c'est une
dynamique que nous connaissons. Mais, de fait, malgré toutes ces
langues, malgré toutes ces cultures, il y a quelque chose,
peut-être une simple question - la condition juive est sans doute une
question plus qu'une réponse - il est donc une question qui est
là et que nous avons, je pense, su, au long des siècles,
entretenir. La réalité culturelle de la communauté juive
québécoise reflète cette diversité. Il n'y a pas du
tout d'unicité, il n'y a pas du tout un aspect d'intégration
unitaire de cette communauté-là. Elle reflète
elle-même cette diversité. La communauté culturelle juive
est une communauté qui recoupe des appartenances linguistiques diverses,
des appartenances ethniques diverses, etc. Il y a donc pour nous, avec cette
expérience-là, un facteur de rapprochement évident avec
les dilemmes qui se posent à la société
québécoise aujourd'hui.
Je ne serai pas de ceux qui vont tracer des analogies trop faciles, mais
il est, dans le devenir d'une identité qui se cherche par rapport
à la modernité, quelque chose qui rappelle l'expérience de
la communauté juive et, en ce sens, nous nous sentons très
à l'aise, dirais-je, devant cette expérience-là, non pas
que nous en tirions gloire, parce que c'est aussi une expérience qui
peut être douloureuse - enfin, tout à l'heure, effectivement, je
me suis arrêté sur le terme, sur la métaphore de la
maladie; c'est vrai que parfois ça peut faire souffrir - mais il y a
là une expérience que nous connaissons et qui nous place
d'emblée dans une perspective de dialogue avec la communauté
culturelle québécoise au sens large.
Mme Frulla-Hébert: On va profiter un peu, justement, de ce
que vous dites et de votre expérience. Malgré tout, malgré
l'histoire, la communauté juive ne s'est jamais fait assimiler, comme
vous dites. Elle a partagé, elle s'est adaptée, mais on ne peut
pas parler, quand même, d'assimilation. Et à l'heure où
nous, comme Québécois aussi, plus spécifiquement
Québécois francophones, on parle d'avoir peur justement à
cause des pressions, des pressions de partout... Je parlais, tantôt, des
moyens de communication qui nous envahissent et de cet envahissement, de cette
peur, justement, d'être assimilés, de cette peur de
disparaître. Il ne faut pas quand même avoir peur aussi du mot.
Comment faites-vous... Comment fait-on... Qu'est-ce qu'on peut apprendre
finalement aussi de vous de par votre expérience?
M. Nouss: Si je peux me permettre de répondre avant de
passer la parole à Jack, je crois qu'il y a quelque chose à la
fois, dirais-je, très oriental et très marxiste. Je m'explique
aussitôt pour ne pas vous effrayer, à savoir qu'il y a, pour
maîtriser l'autre, nécessité d'aller à la rencontre
de l'autre. Je pense qu'un des facteurs de réussite - permettez-moi ce
terme un peu trop ferme, un peu trop vigoureux - c'est justement de ne jamais
avoir eu peur ou, du moins, d'avoir fait semblant peut-être de ne pas
avoir peur et d'emprunter la langue de l'autre. Les grands lieux de rayonnement
culturel juif tout au long de l'histoire ont été des lieux
où, précisément, c'était la langue de l'autre qui
était employée. Je fais référence ici - nous
entrerons bientôt dans 1992 - au siècle d'or espagnol, par
exemple. Je pourrais tout aussi bien faire référence au XIXe
siècle allemand. La communauté juive espagnole d'alors ou bien la
communauté juive allemande parlait et l'espagnol et l'allemand et le
rayonnement n'en était pas moindre. Et je
crois que c'est un des facteurs qui expliquent cette survie, le fait
qu'il faille, sans peur, épouser, précisément, la langue
de l'autre pour peut-être, d'une certaine manière, la
maîtriser. Bon. Il est très difficile, ici... je veux dire, c'est
à la fois de la philosophie, de l'histoire, de la sociologie, de
l'économie, etc., mais je crois que, sur le plan des principes, ne pas
avoir peur de l'autre est sans doute la meilleure manière d'apprivoiser
cette peur-là. La racine même du terme qui, en hébreu,
désigne l'hébreu, "ivrit", est une racine qui veut dire le
passage. Ne pas avoir peur du passage pour être soi-même. Aller
vers l'autre pour rencontrer sa propre identité. C'est dans cette
dialectique-là, et c'est pour ça que je faisais
référence à la fois au marxisme et aux sagesses orientales
qui, tous deux, parlent de dialectique et n'hésitent pas à poser
la nécessité d'aller à la rencontre de l'autre pour
devenir soi-même. Je crois que, dans cette dynamique-là, il y a
une des clés d'explication de la survie juive et de la survie de la
culture juive au long des siècles.
M. Jedwab (Jack): Je voulais simplement dire que je crois qu'au
lieu de parler de la réalité de la possibilité de
disparaître, le Québec est confronté par la
réalité d'évoluer, par la société qui
évolue et la culture et les cultures qui évoluent. Quand on
regarde le plan historique, souvent, dans les années avant la
Révolution tranquille, les gens avaient peur de voir leur culture
disparaître aussi, mais c'est vraiment une transformation que la culture,
l'expression culturelle de la majorité a fait en ce qui concerne, par
exemple, la religion.
Mais juste pour retourner à votre question concernant le
débat entre pluriculturel et interculturel, je pense que la
société doit inclure ces deux éléments, ces deux
approches: une approche de promouvoir le pluralisme et, dans le même
temps, de promouvoir le rapprochement. C'est ça que, je crois, veut dire
interculturel, c'est de rapprocher les cultures. Évidemment, il y a une
réalité démographique au Québec où il y a
une population majoritairement francophone et il faut faire des efforts pour
promouvoir cette réalité mais, en même temps, il faut aussi
faire des efforts équitables pour promouvoir la réalité
pluraliste. Je vais vous donner un exemple, rapidement. Si le Québec a
l'intention de vendre ses produits culturels à l'extérieur du
Québec, j'espère que ça va inclure l'expression culturelle
de notre communauté ainsi que des autres communautés culturelles.
Parce qu'il y a des produits émanant de notre communauté et des
autres communautés culturelles qui attirent beaucoup, qui, je crois,
peuvent facilement attirer beaucoup de gens qui s'intéressent, à
l'extérieur du Québec, à ces produits culturels aussi
québécois.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, mais je veux revenir
aussi à... Vous avez émis, dans votre mémoire, de
sérieuses réserves quant au rôle de l'État dans le
domaine culturel. Et, d'après ce qu'on observe, la communauté
aussi se prend en main et elle-même, d'ailleurs, elle est très...
C'est une communauté qui est extrêmement solidaire, je pense que
c'est là, aussi, la force d'une communauté, une fierté,
une certaine solidarité, ce qui n'empêche pas certaines
particularités. Mais c'est une communauté qui se prend en main,
ce n'est pas une communauté qui se retourne à tout bout de champ
vers le gouvernement et qui dit: Bon, bien là, on est pris, aidez-nous.
C'est une communauté qui se prend en main.
Comment voyez-vous, alors, et concevez-vous le rôle du
gouvernement du Québec dans cette défense de la promotion de la
culture québécoise? C'est quoi, notre rôle à nous?
Est-ce qu'on devrait être partout? Est-ce qu'on devrait plutôt
donner des objectifs, aider financièrement? C'est sûr, on est
quand même un tout petit bassin, mais, quand même, aussi...
Finalement, inciter aussi la population, ça veut dire les
municipalités, et tout ça à se prendre aussi en main.
M. Nouss: Je crois qu'effectivement nous ne sommes pas
opposés à l'intervention étatique en matière de
politique culturelle, c'est une nécessité. Vous pouvez la
définir, comme vous venez de le faire, en termes strictement
économiques. On peut la définir de manière peut-être
plus large en termes, effectivement, de directions, quelles sont les directions
que nous avons à prendre. La société est un tissu; une
société pluriculturelle, comme l'est la société
québécoise, a besoin de directions. Et je crois que c'est aussi
dans l'écriture de ces directions que l'État a un rôle
à jouer.
Vous parlez d'objectifs. Effectivement, je crois que le rôle de
l'Etat, c'est, dans la définition de ses objectifs, être
déjà à l'écoute de ce pluriculturalisme, à
savoir qu'il est certainement... Bon, c'est un débat qui déborde
le débat strictement québécois. Il y a actuellement le
problème du rôle de l'État par rapport à la culture.
C'est une question très, très épineuse qui est
débattue chez nos voisins du Sud, qui est débattue en France,
etc. Donc, je pense que le rapport Arpin, et c'est un de ses grands
mérites, est tout à fait à l'écoute, au-delà
des problèmes strictement québécois, des grands
problèmes de société qui se posent actuellement. Et donc,
il y a une nécessité, ici, effectivement; pas seulement le
financement, mais aussi les directions à donner. Et je pense qu'un des
rôles d'une structure, d'une intervention étatique, c'est
précisément, dans la définition de ces directions de
politique culturelle, de déjà associer et refléter le
visage pluriculturel de la société québécoise. Il y
a là, comme je le disais un peu trop brièvement, une
nécessité.
On pourrait aussi donner d'autres exemples historiques de
sociétés pluriculturelles où la présence de
l'État était là pour justement légitimer et aider
la promotion culturelle. Une comparaison que des historiens me reprocheraient,
certes, l'empire des Habsbourg, par exemple, où il y avait là un
tissu pluriculturel qui peut dépasser toutes nos conceptions
contemporaines. Il y avait, on le sait, on le cite, le portrait de l'empereur
dans toutes les institutions. Et pourtant, il y a eu une richesse culturelle
inégalable. C'est la Vienne du XIXe siècle, etc. Et je crois
qu'il y avait, au niveau de l'État, cette conscience d'être
à l'écoute de la réalité pluriculturelle dans la
définition des objectifs et ensuite, selon les objectifs définis,
de suivre ces objectifs-là. La société pluriculturelle et
l'aspect pluriculturel de cette société étaient
d'emblée adoptés dans cette intervention étatique. Et,
pour nous, il y a là une nécessaire garantie.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la
ministre. Malheureusement, vous auriez pu continuer longtemps, j'ai
l'impression. Je vous voyais aller, et je vois ça à votre
sourire. Mais le règlement étant ce qu'il est, l'horaire
étant aussi assez précis, je dois demander à M. le
porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'affaires
culturelles de bien vouloir discuter avec vous. M. le député. (12
h 15)
M. Boulerice: Oui. Je ferai une entorse au protocole et je dirai
tout simplement: Chers amis, bienvenue. Avant de vous accueillir, cette
semaine, je faisais une lecture passionnante. Vous savez qu'il y a un grand
débat actuellement, en France, sur l'identité nationale. Et l'on
posait à une femme: Être Français, qu'est-ce que cela
signifie exactement pour vous? Et cette femme disait: L'identité
française est pour moi non pas une notion juridique, mais une
réalité d'ordre affectif et culturel. J'appartiens à la
nation française, à cette collectivité formée de
tous ceux qui s'en réclament, à son histoire et à ses
valeurs. Cet attachement ne pourra jamais être remis en question. Cette
femme qu'on interrogeait s'appelle Simone Weil. Si je vous posais la même
question "Être Québécois?" répondriez-vous
sensiblement la même chose que Mme Weil ou autre chose?
M. Nouss: Non, je pense que, moi, je serais très à
l'aise avec la citation que vous venez de faire. Être
Québécois, pour moi, c'est non pas tant appartenir à une
tradition, à une culture, à une mémoire, que me
revendiquer d'un même système de valeurs. Ma présence sur
le sol québécois témoigne de cet engagement-là. Je
pense qu'on sait bien que le bicentennaire de la Révolution
française est maintenant du passé. Malheureusement, parce que je
crois que c'est passé un peu trop vite...
M. Boulerice: Trop vite, oui.
M. Nouss: ...mais je crois qu'il est un des grands mérites
de ce faste, parfois grandiloquent, parfois grand-guignolesque, auquel nous
avons assisté, c'est, au-delà des principes mêmes qui
étaient énoncés, d'énoncer la valeur d'un principe,
la valeur de nos principes. Un, je crois qu'un des problèmes majeurs de
la civilisation actuelle, auquel Mme la ministre faisait allusion
précédemment, c'est justement ça. C'est-à-dire que
les risques, les menaces, les dangers sont là et sont réels parce
que les principes ne sont plus des sauvegardes à ces dangers politiques,
à ces dangers sociaux, etc. Et je crois que l'appartenance à une
même idée "principielle" - oserais-je ce néologisme? - me
semble être, pour moi, maintenant, la définition d'appartenance
culturelle ou d'appartenance nationale qui pourrait intégrer ainsi ce
pluriculturalisme dont nous débattons. Et je crois que le grand
mérite de la citation que vous venez de faire de Mme Weil, c'est
effectivement de mettre en avant ces principes-là. Et je crois que la
situation est tragique, actuellement. La situation est tragique. Des
communautés culturelles, nationales ou ethniques se libèrent pour
justement se lancer dans un tribalisme qui est à l'opposé
même de cette liberté pour laquelle ils ont combattu. Et les
exemples sont nombreux, inutile de les citer.
Et je crois qu'effectivement nous assistons à un
phénomène qui a su être évité au XVille
siècle, au début du XIXe siècle, à savoir
nationalisme oui, mais liberté également. Or, il semble que
malheureusement, dans beaucoup de territoires, les deux sont dissociés:
nationalisme, oui, mais la liberté, bien, on l'a perdue au passage. Et
je crois que la nécessité d'affirmer des principes est pour moi
cette garantie qu'une appartenance à l'identité
québécoise appelle. Et, quand, précédemment, je
répondais à Mme la ministre en parlant d'associer la
diversité et le pluriculturalisme à la définition des
objectifs, c'était aussi dans ce sens-là, c'est-à-dire
qu'une appartenance culturelle, c'est aussi une appartenance au niveau des
principes.
Et, en ce sens-là, moi, je serais personnellement, et je pense
pouvoir refléter les opinions de la communauté juive, tout
à fait à l'aise avec une intervention étatique si,
effectivement, dans la définition même des principes, elle
permettait à tous de se reconnaître comme membres de ce
projet.
M. Boulerice: Je vous comprends bien. Quand vous parlez d'une
politique des arts et de la culture au Québec, vous dites - j'essaie
peut-être de vous forger une réponse là; je risque
peut-être d'être taxé de dirigisme comme certains l'ont
fait, mais, rassurez-vous, ce n'est pas vous qui m'avez taxé de
ça: Une politique des arts et de la culture au Québec, oui, nous
y souscrivons entièrement, mais une politique doit justement
tracer des principes, énoncer de grandes valeurs communes qui
nous rattachent, nous rallient, nous rassemblent, mais, par contre - et ce "par
contre" n'est pas exclusif, il n'est pas restrictif, au contraire - laissons
à chacune des composantes de cette société en mutation -
parce que je crois que la société québécoise est en
mutation - l'exprimer par sa sensibilité. Est-ce que c'est bien comme
ça que vous voyez une politique des arts et de la culture au
Québec?
M. Nouss: Tout à fait. Si vous me permettez de citer
"hamidrash", qui est le terme hébraïque pour désigner un
apologue, il y a un très bel apologue qui dit que, contrairement
à la croyance, y compris dans la communauté juive, la Torah, le
Pentateuque n'a pas été délivré en hébreu
sur le mont Sinaï, mais dans 70 langues. Pourquoi dans 70 langues? Parce
que, traditionnellement, les 70 langues divisent les 70 familles linguistiques
du monde.
Ce qui est très intéressant, c'est d'ailleurs que les
recherches actuelles ont tendance, effectivement, à légitimer ce
nombre de 70, mais ceci est une autre histoire. Et voilà donc ce qu'est
l'identité juive, et voilà ce qu'est, pour moi, la base du
dialogue avec l'identité québécoise, le fait que notre
bien le plus précieux, au niveau de la culture, au niveau des valeurs,
à savoir le décalogue, puis au-delà de ça le
Pentateuque, a été donné au peuple juif certes, mais dans
les 70 langues, à savoir qu'il y avait nécessité à
ce faisceau de principes que d'être exprimé, comme vous le dites,
dans l'ensemble de ces paroles. Et je crois qu'il y a là effectivement,
si les principes sont définis en commun, fermement - parce qu'il y a
nécessité d'une certaine fermeté au niveau des principes
dans un monde où toutes les valeurs sont ébranlées - si
ces principes sont bien définis, ensuite, ils peuvent être
traduits sans aucun problème.
Un texte qui se traduit bien, c'est un texte qui est bien
rédigé d'emblée. Un texte qui se traduit mal, c'est un
texte dont la langue d'origine est à peine maîtrisée. Et je
crois qu'on pourrait utiliser cette métaphore-là; il nous semble
effectivement qu'il y a nécessité d'un dessin, d'une
écriture d'objectifs très précis, associant le
pluriculturalisme qui est désormais une réalité, et,
ensuite, il y aura un processus de traduction dans les diverses
sensibilités, pour reprendre votre terme.
M. Boulerice: Si je dis que la société
québécoise est une société en profonde mutation, on
peut également transposer ce principe au niveau de la communauté
juive québécoise qui est effectivement - et vous avez eu le bon
ton de le souligner - une des plus anciennes au Québec. On ne refera pas
l'histoire, mais pensons à ces marchands de Bordeaux, etc., qui ont
financé cette grande oeuvre de la Nouvelle-France. La
société juive est en mutation, la communauté juive, dis-je
plutôt, est en mutation au Québec. Longtemps anglophone pour des
raisons que nous connaissons, pour des raisons pour lesquelles, vous
comprendrez, je ne vais pas culpabiliser - je ne suis pas ici pour gérer
le passé mais bien prévoir l'avenir et faire en sorte que des
erreurs ne se reproduisent plus - mais il y a depuis, et le fait est observable
- en tout cas, il l'a été très facilement pour moi, parce
que, si vous me permettez, j'ai habité le ghetto, Snow-don, durant
très lontemps, donc j'étais en mesure de voir les progressions -
une nouvelle communauté juive québécoise qui est en train
de se dessiner, à partir d'un seul principe très
élémentaire, qui est l'apprentissage, mais vraiment on ne peut
plus parfait, de la langue commune, qui est la langue française. S'il y
a une communauté qui donne l'exemple, je crois bien que c'est la
communauté juive québécoise. Alors, êtes-vous en
accord avec l'énoncé suivant, que ce dialogue et cette
interpénétration vont commencer à porter leurs fruits
très bientôt? L'effet d'ondes de choc va nous arriver dans peu de
temps, parce qu'il y aura eu un rapprochement, qui, malheureusement, autrefois,
était brisé par le phénomène de la langue, et le
phénomène de la langue n'amenait malheureusement qu'un seul type
de contact, qui était le contact commercial, industriel, etc., qui
n'était pas au niveau de la culture. Donc, deux cultures riches qui se
sont malheureusement ignorées durant des années.
M. Jedwab: Je crois que c'est vrai qu'il y a eu un rapprochement
depuis les 20 dernières années en particulier et c'est notre
espoir que ça va continuer et peut-être que, dans une politique de
la culture, on peut identifier des moyens pour promouvoir les échanges
culturels entre les différentes composantes de la société
québécoise. Je peux témoigner comme représentant du
Congrès juif et je crois que Mme Silverman peut confirmer ça, que
l'intérêt de la part de la majorité d'expression
française dans la communauté juive augmente. L'histoire,
l'héritage de la communauté juive au Québec, dans un sens
plus grand, augmente, et l'intérêt des membres de la
communauté juive québécoise augmente aussi par rapport
à la culture dite d'expression de la majorité. Et je n'ai pas
vu... Je dois constater que, dans le rapport Arpin, on n'a su identifier des
moyens pour vraiment renforcer cet effort de rapprochement, des initiatives de
rapprochement. À l'intérieur de notre société
québécoise, on a beaucoup plus parlé de ce qu'on peut
faire à l'extérieur pour vendre notre produit culturel ou
promouvoir notre produit culturel mais pas parlé beaucoup
d'échanges entre les différentes composantes en ce qui concerne
la culture et les cultures.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député.
M. Boulerice: Vous êtes, M. le Président,
très restrictif et je sais...
Le Président (M. Gobé): Non, j'essaie
d'être...
M. Boulerice: ...que c'est un rôle... Bon, alors
écoutez, en guise de conclusion, je répondrai un peu, M. Jedwab,
sur ce que vous venez de dire sur le rapport Arpin. C'est bien entendu que,
quand on produit un document, si on en met trop on se fait dire qu'on est
lourd, si on n'en met pas assez, là, il y a la difficulté
d'interprétation. Je suis persuadé que ma collègue va
partager - du moins je l'espère, mais je n'ai pas d'inquiétude -
le même principe que moi. Oui, il se peut que l'écriture ait
été un peu courte. Je ne crois pas qu'elle était
restrictive de la part de ses auteurs. Mais si nous vous disions que,
même si, malheureusement, dans son expression, elle n'est pas
allée aussi loin, la politique des arts et de la culture au
Québec veut signifier - et là je vais répondre aussi par
ricochet à madame qui parlait des communautés culturelles, je
veux dire un guichet, quand on est, entre guillemets, autres, il faut aller aux
communautés culturelles - que les expressions culturelles de la
communauté juive, de la communauté italienne, de la
communauté portuguaise font partie intégrante de la culture
québécoise, que c'est indissociable, ça enlèverait,
si vous voulez, peut-être un peu l'amertume que le rapport Arpin n'ait
pas été de façon aussi spéficique. Mais si
l'autorité politique vous le dit et que, dans la traduction,
l'écriture de la politique, cela est complètement
énoncé, ça vous satisfait.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, votre mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Comme M. le Président le dit, on
aurait pu continuer longtemps parce que vous nous donnez beaucoup à
réfléchir. Vous savez, moi-même provenant d'une
communauté aussi culturelle, étant italienne, mais de la
troisième génération, effectivement, on est très,
très sensibles ensemble à tout ça, à l'apport qu'on
peut donner et, aussi, à cette société
québécoise qui, effectivement, est en mutation. On ne peut plus
passer à côté, on ne peut plus se fermer les yeux et dire:
Non, nous sommes, ce qu'on appelait à l'époque, obligatoirement,
des Québécois francophones pure laine, parce que, effectivement,
un, il y en a de moins et moins et, deuxièmement, parce que ça
fait partie d'une richesse. Mais ce que je remarque, par exemple, quand vous
dites: Ne pas avoir peur d'aller vers les autres, d'apprendre la langue
justement pour mieux la contrôler, une chose que vous avez et que tous
n'ont pas, c'est cette fierté et cette spiritualité aussi qui
vous relient. Il faut absolument, comme Québécois, aussi
retrouver un élément, un fil conducteur qui, malgré tout,
malgré toutes les pressions, finalement, nous relie pour qu'on puisse
dire: Nous sommes Québécois et c'est tout, sans avoir peur, sans
se sentir menacés. Il faut en arriver a ça. De là, enfin,
une politique dont on souhaite qu'elle nous amène justement à
ça et à l'expression de ce sentiment de fierté
d'être Québécois. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
M. Boulerice: II y a des pays qui font part de leur
"pluriethnicité" et qui produisent une excellente revue dont le
Québec devrait s'inspirer, et ça s'appelle Ariel.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Ceci
met donc fin à nos travaux pour ce matin. Nous vous remercions
d'être venus. Je vais maintenant suspendre les travaux jusqu'à cet
après-midi, 15 h 30, en cette salle. Bon appétit à tout le
monde et merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Messier): S'il vous plaît. Nous
allons débuter nos travaux cet après-midi avec le cégep de
l'Abitibi-Témiscamingue et on va reconnaître, selon l'article 132,
M. Rémy Trudel, qui est le député de ce très beau
coin de pays. Je demanderais peut-être aux intervenants du cécep
de l'Abitibi-Témiscamingue de s'identifier pour les fins du Journal
des débats, s'il vous plaît.
Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue
M. Lafond (Y von): Alors, présentons-nous. Yvon Lafond, je
suis secrétaire général du cégep de
l'Abitibi-Témiscamingue. Mes collègues sont M. Jean-Guy
Côté, à ma droite, donc à votre gauche, qui est
professeur au cégep de l'Abitibi-Témiscamingue,
spécialisé en théâtre; M. Claude Lizé,
à ma gauche, donc à votre droite, qui est également
professeur au cégep, spécialisé en littérature
québécoise; M. Jean Fontaine, qui est professeur de
cinéma, cinéaste et romancier.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour messieurs.
Vous pouvez commencer votre présentation.
M. Lafond: Alors, vous voyez que je suis en très bonne
compagnie.
Le Président (M. Gobé): Vous avez un
aréopage assez important avec vous.
M. Lafond: Nous allons vous adresser la parole à tour de
rôle. Pour ma part, je vais me borner d'abord à vous
présenter très brièvement l'Abitibi-Témiscamingue
et le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue.
Le Président (M. Gobé): Auparavant, j'aimerais vous
rappeler, à vous tous qui allez parler peut-être chacun votre
tour, qu'il y a 15 minutes pour la présentation.
M. Lafond: Oui. C'est cordé serré.
Le Président (M. Gobé): D'accord. Alors,
allez-y.
M. Lafond: L'Abitibi-Témiscamingue, vous le savez, c'est
une des seize régions du Québec. Nous, on y croit, en la
réalité des régions. C'est principalement une
région minière et forestière, mais c'est aussi une
région où, selon nous, la vie artistique et culturelle est
à la fois importante et intéressante.
Qu'est-ce que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue? Bien,
c'est une institution régionale. En fait, il y a une seule institution
collégiale en Abitibi-Témiscamingue, c'est le cégep de
l'Abitibi-Témiscamingue, d'une taille respectable: 2500 étudiants
cette année à temps complet, plus environ 3000 étudiants
adultes. L'institution a cependant des pavillons d'enseignement régulier
à trois endroits, Rouyn-Noranda, Val-d'Or et Amos, plus des pavillons de
l'enseignement aux adultes à LaSarre et à Ville-Marie.
Pourquoi est-ce que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue a
cru utile d'intervenir en commission parlementaire sur la culture? Pour deux
motifs, essentiellement. Le premier motif, c'est que le cégep, compte
tenu de sa situation en région, se considère comme un pivot
important dans la vie artistique et culturelle de
l'Abitibi-Témiscamingue. Même si sa première mission est
une mission d'enseignement, il n'en reste pas moins qu'en raison de plusieurs
initiatives de ses professeurs le cégep a une présence
très vive dans le milieu artistique et culturel. Par contre, et c'est
là notre deuxième motif, il nous a semblé assez rapidement
que l'esprit qui se dégage de la proposition de politique qui vous a
été présentée par le groupe Arpin n'est absolument
pas partagé par notre milieu culturel et régional en ce qui
concerne ses principales orientations. Et comme le cégep est très
solidaire de ce milieu-là, nous avons jugé utile et
nécessaire d'intervenir.
Nos principaux messages sont les suivants. Le premier, c'est que le
Québec n'est pas formé de trois pôles, comme le voudrait le
groupe Arpin. Il est plutôt formé de plusieurs pôles; ces
pôles-là sont différents les uns des autres, sans aller
jusqu'à des sociétés distinctes, mais ce sont des
pôles qui, en gros, correspondent aux diverses réalités
régionales.
Notre deuxième motif, c'est que, oui, il se fait beaucoup de
choses très valables en région, certainement pas uniquement en
Abitibi-Témiscamingue mais dans les autres régions aussi, sur le
plan de la création autant que de la diffusion.
Et notre troisième message, c'est que, si on veut avoir une
politique culturelle équilibrée, il va falloir favoriser la
création et la diffusion dans les régions autant que dans les
pôles, que nous reconnaissons comme majeurs, que sont Québec et
Montréal. Alors, ceci étant dit, je cède la parole
à mon collègue, M. Claude Lizé.
M. Lizé (Claude): Oui, alors, moi, je vais peut-être
avoir l'air prétentieux, mais je vais essayer de montrer jusqu'à
quel point la culture en Abitibi-Témiscamingue, ce n'est pas un
rêve mais ça se vit tous les jours. Tout le monde sait que
l'Abitibi-Témiscamingue produit des épinet-tes, tout le monde
sait que l'Abitibi-Témiscamingue produit des métaux et tout le
monde sait que, parmi ces métaux, il y en a des précieux. Mais je
pense que ce que l'Abitibi-Témiscamingue produit de mieux, ce sont
encore les humains qui l'habitent. Parmi ces humains-là, j'aimerais en
nommer quelques-uns. Je pense, par exemple, à Suzanne Jacob, je pense
à Jeanne-Mance Delisle, je pense à Murielle Dutil, à Roy
Dupuis, à Guildor Roy, à Richard Desjardins, à Gilles
Carie, à André Melançon, à Jean Fontaine, mon
collègue qui est ici, qui sont, parmi d'autres - et je ne veux pas vous
ennuyer en en nommant d'autres, il y en aurait beaucoup d'autres - des artistes
accomplis et qui participent, je pense, à la culture
québécoise de façon pleine et entière, et la font
rayonner ici et à l'extérieur du Québec.
Si on ajoutait à ces noms le nom de tous les artistes que les
autres régions du Québec ont produits, et continuent de produire,
on se rendrait compte, peut-être, que, si Montréal est un grand
fleuve artistique, c'est parce qu'il y a des affluents, il y a des
rivières qui alimentent ce fleuve-là. Et vous savez que la
qualité des eaux du fleuve est dépendante de la qualité
des rivières qui l'alimentent. Alors, à ce titre-là,
à Rouyn-Noranda, à Ville-Marie, à Amos, à Val-d'Or,
ailleurs en Abitibi-Témiscamingue, on participe à la grandeur de
la culture québécoise. Et on pourrait se poser la question, vu
sous cet angle-là, une question prétentieuse, encore une fois:
Qui dessert qui? Est-ce que c'est Montréal qui dessert les
régions ou est-ce que ce sont les régions qui desservent
Montréal? Tous ces artistes que je viens de nommer exercent leur
métier à partir de la région ou ont décidé
de l'exercer à partir de Montréal ou de Québec. On pense
que tous ces artistes méritent d'être soutenus et que le soutien
à la création doit d'abord passer par le soutien de la production
et de la création dans les régions.
En fait, ce qu'on dit là, c'est que les régions ont des
difficultés à se faire reconnaître. Je pourrais vous donner
un exemple rapide, c'est
celui du théâtre en région. Vous savez - ou vous ne
savez pas - que le théâtre québécois, tel qu'on le
connaît, par exemple, depuis la fin des années soixante, depuis le
début des années soixante-dix, a d'abord été mis
sur la carte par les troupes de théâtre régionales ou les
troupes de théâtre marginales. Je me souviens qu'au début
des années soixante-dix les festivals de théâtre
régionaux pullulaient au Québec. Il y avait le festival de
l'AQJT, de TACT, qui mettaient à l'affiche, la plupart de ces troupes,
du théâtre québécois, alors que les troupes de
théâtre institutionnelles, montréalaises et
québécoises, mettaient à l'affiche, exclusivement, sauf
exception, du théâtre dit international, du théâtre
français ou du théâtre américain, surtout. Qui a
positionné ce qu'on appelle aujourd'hui avec fierté le
théâtre québécois, le théâtre
québécois qui est, à l'heure actuelle, un des principaux
ambassadeurs culturels du Québec sur la scène internationale? Qui
a positionné ce théâtre québécois sur le
marché culturel ici, au Québec? C'est, en grande partie, les
théâtres dits marginaux. Couper le soutien aux
théâtres marginaux, c'est aussi couper la vitalité du
théâtre québécois. Alors, je vous donne cet
exemple-là.
Si j'essaie de restreindre l'exemple global que je viens de vous donner
par rapport au théâtre québécois et qu'on regarde
les choses de façon plus fine, très souvent, dans les
répertoires nationaux, répertoires québécois du
théâtre, on identifie la troupe qui a créé une
pièce. Or, le groupe de recherche sur le théâtre en
Abitibi-Témiscamingue a fait le relevé des pièces de
théâtre qui ont été créées dans la
région. Si on regarde un dictionnaire ou un répertoire du
théâtre québécois, rarement ces créations
sont attribuées au théâtre régional. Un exemple
précis, en 1990, au Théâtre de Quat'Sous à
Montréal, on a monté une pièce de Jeanne-Mance Delisle,
"Un oiseau vivant dans la gueule", prix du gouverneur général;
dans un journal montréalais, on a parlé de création
montréalaise de la pièce, alors que la pièce avait
été montée trois ou quatre ans avant par une troupe de
théâtre professionnelle de Rouyn-Noranda. Vous voyez, une petite
dimension, cette petite dimension-là, le problème de la
reconnaissance du travail culturel qui se fait dans la région, eh bien,
il se répercute ensuite sur le plan national. Quand on dit que les
régions doivent être desservies, dans le dictionnaire
français, le mot "desservi" a deux significations, ce n'est
peut-être pas inutile de les rappeler ici, hein: parfois, c'est "rendre
service" et, parfois, c'est "rendre un mauvais service".
Une autre chose qu'on a remarquée aussi, c'est que, quand on
parle de culture québécoise, on a souvent deux discours
différents selon qu'on est en région ou qu'on est en
métropole; on souffre de deux défauts, soit d'inflation verbale,
soit de déflation verbale. On va parler de théâtre
québécois, et si vous regardez, à la fin du livre qui
s'intitule 'Théâtre québécois", ce qu'on a
dépouillé comme journaux ou comme sources d'information pour
l'intituler 'Théâtre québécois", on va se rendre
compte qu'on a dépouillé Le Devoir et La Presse, et
on appelle ça 'Théâtre québécois". Et
inversement, on va dire que, dans les régions, il ne se passe rien. Dans
un cas, on a affaire à de l'inflation verbale et, dans l'autre cas, on a
affaire à de la déflation verbale. Et quand on passe des
politiques sur des a priori comme ceux-là, eh bien, bien
évidemment, on se dit que la mission des organismes culturels
québécois, c'est de "desservir" les régions, parce que,
justement, il ne se fait rien. Alors, de dire qu'il se fait quelque chose ou
que ce qui se fait là est important sur le plan de la culture nationale,
c'est, je pense, un message fondamental qu'on veut vous transmettre
aujourd'hui.
Pour terminer, je pourrais dire qu'on pense souvent que la culture en
région est comme sous respirateur artificiel, alors qu'en fait c'est
peut-être la culture la plus vivante, la moins subventionnée. On y
trouve là des artistes qui travaillent pour rien, qui travaillent sur le
bras. Ce qu'on voudrait, c'est qu'on reconnaisse la qualité du travail
de ces artistes-là, qu'on ne les exclue pas d'office de la participation
à la culture québécoise et qu'on les soutienne dans les
faits. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des
Affaires culturelles. Madame.
Mme Frulla-Hébert: Bien, ça me fait plaisir de vous
accueillir. Quand j'ai fait ma tournée à travers le
Québec, évidemment, je suis allée en Abitibi - j'y
retourne, d'ailleurs, dimanche pour le festival du film - et, justement,
j'avais parlé aussi à des représentants de chez vous, du
cégep. On parle beaucoup de l'apport des institutions, en termes
d'institutions éducatives, si on veut, en termes de cégeps,
d'écoles, tout le système d'éducation, à
l'avancement de la culture québécoise. Je pense que vous, en
plus, vous êtes un modèle dans le sens ou vous êtes un
partenaire de premier plan. Vous jouez aussi un rôle dans la promotion et
dans la diffusion de la culture.
Il y a une chose que je veux rectifier un peu, c'est que, effectivement,
dans le rapport Arpin, à un moment donné, mon collègue, le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, disait que récriture
était peut-être un peu courte. Effectivement, compte tenu du temps
et compte tenu de la vocation, aussi, de ce document-là, qui est un
énoncé de politique - il n'est pas la politique, mais il est
aussi un document de réflexion - je pense que, là-dedans, le
rapport a rempli ses objectifs et bien joué son rôle. Quand on
parle des régions et qu'on fait le tour, je pense qu'on est plus que
convaincu qu'il y a 16 régions,
effectivement, au Québec, interactives. Il y a une
métropole, il y a une capitale. Ça, on ne peut pas... Mais il y a
16 régions interactives et très actives. Alors, c'est pour vous
rassurer un peu là-dessus.
On parle aussi beaucoup de décloisonnement. On parle beaucoup de
participation, autant au niveau des régions qu'au niveau des diverses
communautés culturelles qui forment maintenant tout ce tissu culturel
québécois. Alors, on s'en va beaucoup vers des changements,
changements aussi de vue, de vision. Il faut laisser un peu le cloisonnement
pour, justement, s'aérer.
Ceci dit, est-ce que vous pourriez m'expli-quer davantage les liens qui
devraient être établis entre votre région, par exemple, et
d'autres régions, comme Montréal et Québec? Parce qu'on a
souvent reproché à Montréal et Québec - et le
Musée des beaux-arts est venu aussi hier - et aux grandes institutions
de vouloir aider, mais que ce soit qu'"unisens", c'est-à-dire que les
régions deviennent les réceptacles de ce qui se passe à
Montréal. Vous, vous l'avez quand même un peu mentionné.
Mais comment peut-on organiser... Selon vous, comment voyez-vous ça
aussi, l'inverse, c'est-à-dire que Montréal reçoive
aussi... Quel genre de structure on pourrait avoir pour que l'inverse soit
aussi vrai?
M. Côté (Jean-Guy): Je pense qu'il y a deux
dimensions à la question que vous posez, Mme la ministre. l_a
première chose, c'est de constater qu'il y a un développement
inégal sur l'ensemble du territoire québécois, pour ce qui
concerne le développement, pas juste des infrastructures, mais aussi le
développement du soutien à la création. Avant même
de penser compétitionner la production culturelle montréalaise
avec l'ensemble de la production des régions, je pense qu'il faut
d'abord investir énormément pour augmenter le soutien à la
production et à la création en région. Une fois ceci
réalisé, à ce moment-là, on pourra aussi,
parallèlement ou en même temps, penser à développer
des mécanismes de tournées, un office de tournées qui
fonctionne un peu autrement, pour ce qui est des arts du spectacle, mais aussi
pour ce qui est des installations muséologiques ou... Mais je pense que
c'est d'abord en injectant du soutien supplémentaire à la
création en région.
Un exemple très, très court. J'ai vu, la semaine
dernière, comme une bonne partie de la clientèle potentielle de
Rouyn-Noranda, l'excellent spectacle du TNM, "Les palmes de M. Schutz".
Extraordinaire! Et les gens, en voyant le décor, ont dit: II y a des
gens qui ont les moyens. C'est vrai. Ça ne veut pas dire qu'en
région on a toujours les gens pour réaliser une conception de cet
ordre-là. J'ai vu aussi "Singapore Sling" dans un
café-théâtre, avec un décor extraordinaire, mais il
n'y avait pas de distance qui pouvait donner un effet à ce décor-
là. Donc, il y a des créateurs, mais, souvent, il n'y a pas les
moyens pour soutenir la création directement en région. C'est un
peu le sens de l'intervention que vous allez sûrement entendre du Conseil
de la culture, que vous avez entendue des municipalités, et le
collège, ici, veut prêter écho à ce
message-là. Il faut injecter beaucoup plus d'argent en création.
Un budget de 40 000 $, 50 000 $ pour une troupe de théâtre en
région, ça ne peut pas garantir une production comparable
à une production qui est faite avec plus de moyens.
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Avant de passer la parole, il
faut vous dire que les gens du TNM sont avec nous, d'ailleurs. Alors, vous
pourrez le leur dire vous-même. Effectivement, l'apport des
régions est incontestable. Qu'on pense seulement à l'ADISQ,
à Richard Desjardins. Enfin, c'est innombrable les gens ou enfin les
artistes qui sont à Montréal et qui ne viennent pas de
Montréal, mais qui viennent d'ailleurs. Bon! Alors, au niveau de l'aide,
est-ce que vous pensez que nos programmes, tels qu'on les a présentement
- parce que, dans la mesure où on veut apporter aussi des changements,
on veut apporter plus de flexibilité - se devraient d'être
modulés, c'est-à-dire par rapport aux différentes
régions, tout simplement?
M. Côté (Jean-Guy): Moi, d'emblée, je vous
affirmerai que oui et pas... Le secteur que je connais davantage, c'est le
secteur du théâtre, mais il devrait être effectivement
modulé, un peu dans l'esprit du rapport Bernier sur le
développement des régions.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord.
M. Côté (Jean-Guy): Je pense que ce qui est valable
pour le développement économique est aussi valable pour le
développement culturel. On a besoin .de compléter des
infrastructures, pas uniquement pour accueillir une production qui viendrait
d'autres régions, de Montréal et de Québec, mais on veut
aussi accueillir la production montréalaise, québécoise,
nationale, également pour permettre aux créateurs de travailler
sur place. Alors, il y a une modulation, je pense, des programmes de soutien
aux organismes en théâtre. (16 heures)
L'aide aux artistes, c'est peut-être un peu plus universel,
ça, mais aux organismes , de production, je pense qu'il faudrait
effectivement la moduler. Dans quel sens? Dans le sens où la
formation... On ne peut pas retenir un bassin de créateurs
extrêmement formés dans le territoire; il y a des gens qui sortent
de la région pour essayer, essentiellement, de gagner leur vie, alors
que les artistes qui restent en région, souvent, sont obligés,
comme à Montréal d'ailleurs - j'ai lu le rapport de Jean-Guy
Lacroix - de cumuler
divers emplois pour gagner leur vie. Mais c'est plus particulier dans
les régions parce que les sources de revenus sont moins
diversifiées qu'à Montréal.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Je
passerai maintenant la parole à M. le député de... Est-ce
que nous sommes dans les temps?
M. Boulerice: Oui, on est dans les temps.
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: J'ai posé quelques questions, ce matin,
à la municipalité de Boucherville. Vous semblez un petit peu en
porte-à-faux, contre... Vous mentionnez dans votre mémoire que...
Vous semblez être en désaccord avec le rapport Arpin lorsqu'il
fait mention qu'on devrait donner un rôle primordial au niveau des
municipalités. D'ailleurs, il y a plusieurs municipalités qui
sont déjà venues nous voir ici et elles ont dit qu'elles jouaient
un rôle, comme la ville de Boucherville ce matin. J'aimerais avoir votre
point de vue par rapport à ça. Est-ce qu'on doit, oui ou non,
donner plus de responsabilités aux municipalités au niveau
culturel? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi aussi?
M. Lafond: En fait, vous allez peut-être pouvoir en
discuter plus directement avec les représentants de la
municipalité de Rouyn-Noranda qui, je crois, sont à l'ordre du
jour de ce soir. Ce qu'on croit percevoir pour le moment en région
là-dessus, c'est que compte tenu de tout le contexte de la
réforme Ryan, les municipalités, les populations aussi, sont
très sceptiques dans le sens qu'elles craignent que le transfert des
responsabilités ne soit pas accompagné d'un transfert des
ressources. Ce que, nous, on a perçu à l'intérieur de la
proposition du groupe Arpin, c'est une attitude assez ambiguë et,
jusqu'à un certain point aussi, assez paternaliste, dans le sens qu'on
dit qu'il faudrait transférer des choses au niveau municipal, ce qui est
très bien parce que ça rapproche le niveau de la décision
et le niveau de l'action, mais ce n'est pas clair dans le rapport Arpin que les
ressources doivent suivre. M. Arpin - je dis M. Arpin - le groupe
présidé par M. Arpin semble dire aussi qu'il faut quand
même surveiller ce que les conseils municipaux vont faire dans ce
domaine-là. Alors, il me semble qu'à un moment donné il
faut faire le choix. Si on transfère la responsabilité, on prend
le risque que ça se fasse bien, moins bien ou mal, mais ce seront les
élus municipaux qui auront à en supporter les
conséquences. On ne peut pas faire les deux choses en même temps:
transférer des responsabilités, ne pas transférer
entièrement les ressources et continuer à se garder un pouvoir de
surveillance ou de contrôle sur ceux à qui on a
transféré la responsabilité. Là-dessus, les
représentants municipaux pourront s'expliquer plus clairement que nous,
mais c'est ce qu'on croit avoir perçu à Rouyn-Noranda et aussi
ailleurs en région.
M. Messier: O.K., parfait.
Le Président (M. Gobé): Terminé?
M. Messier: Non.
Le Président (M. Gobé): Encore une petite.
M. Messier: O.K., ça va. Concernant le rôle, aux
pages 16 et 17 de votre mémoire, vous énumérez, en quatre
étapes, un petit peu le rôle du cégep. D'ailleurs, vous
mentionnez la contribution à la formation artistique et culturelle des
jeunes; le partage des infrastructures et des équipements du
cégep... D'ailleurs, à Saint-Hyacinthe, on a une des deux
écoles de théâtre au Québec. C'est à
Saint-Hyacinthe; l'autre, c'est à Sainte-Thérèse. Vous
mentionnez aussi: partager les infrastructures, participer à la
formation des ressources professionnelles et soutenir la création
artistique. C'est ce qui est indiqué dans votre mémoire, aux
pages 16 et 17.
Si le rapport Arpin ou la politique gouvernementale en matière
culturelle veut donner plus de place aux régions, de quelle façon
les régions vont-elles se prendre en main? De quelle façon vous
allez le faire, vous? Parce que vous semblez déjà le faire
beaucoup; de quelle façon vous allez pouvoir le faire davantage?
M. Coté (Jean-Guy): Je pense qu'un point sur lequel on est
d'accord avec le groupe de travail Arpin, c'est que la pierre d'angle sur
laquelle une politique culturelle doit s'appuyer, c'est la création;
c'est aussi vrai en région. Dans ce sens-là, surtout en
région, où chaque intervenant est essentiel pour épauler
l'autre, il faut que cette politique-là s'articule autour de la
création et, dans ce sens-là, le collège pourra continuer
d'appuyer comme il le fait, et peut-être même davantage. Mais sans
cette reconnaissance-là, la diffusion de productions extérieures,
c'est une chose, mais... Comment davantage, maintenant? Il y a
déjà des profs qui sont impliqués dans le
développement culturel et, sans cette contribution-là, bien
souvent, il y a des organismes qui ne pourraient pas profiter d'une expertise
ou d'un bagage professionnel.
L'autre aspect, c'est que le rapport Arpin met l'accent sur le lien
à faire entre milieu éducationnel et culture et, dans ce
sens-là, il y a un paragraphe dans le mémoire qu'on a
présenté qui dit ceci, qui est repris par d'autres organismes: II
faut à tout prix, surtout en région, que le ministère des
Affaires culturelles reconnaisse et soutienne une pratique qui n'est
pas nécessairement professionnelle en rapatriant, par exemple,
les responsabilités du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche à l'égard du développement culturel. Parce que
souvent, dans ces milieux-là, avec les étudiants, c'est
l'initiation première, le travail amateur. C'est souvent aussi, le
travail amateur, un débouché professionnel pour des artistes qui
n'ont pas suffisamment de production et qui vont faire des ateliers, des choses
comme ça. Or, de cette façon-là, par son personnel, le
collège va être en mesure de soutenir, mais s'il y a une emphase
de mise sur les moyens pour développer la création en
région. Est-ce que ça...
Le Président (M. Gobé): Si. Je vais maintenant
passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, monsieur, bienvenue. Ça peut passer
pour un détail, mais, pour moi, ça m'a au contraire réjoui
et ça marque votre sensibilité: vous êtes le seul organisme
qui présente son mémoire en y incluant une oeuvre d'art d'une
créatrice locale. Ça prouve votre sensibilité.
Maintenant, votre député étant d'une affection sans
partage pour sa région, je n'ai droit qu'à une très
brève question, et celle que je poserai, j'aurais le goût de
l'adresser, si vous le permettez, à M. Lessard, compte tenu de son
curriculum. Rassurez-vous, M. Lessard, je ne vous poserai pas la
question...
M. Fontaine (Jean): ...Lessard en question. Une voix: Le
cinéaste. M. Fontaine: Non, moi, c'est Jean Fontaine. M.
Boulerice: Ah, ce n'est pas le même? Une voix: Jean Fontaine
s'est substitué à... M. Fontaine: Michel Lessard.
M. Boulerice: On a de la difficulté à avoir un
cinéaste. Roch Demers a fait faux bond. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Bon, alors écoutez, non, mais de toute
façon...
M. Fontaine: Sur le cinéma, je peux peut-être
répondre quand même.
M. Boulerice: ...les gens d'Abitibi et les gens du
Témiscamingue, qui est une belle région - Mme la ministre, il
faut aller voir aussi le Témiscamingue - les gens d'Abitibi et du
Témiscamingue, je pense, peuvent répondre à cette
question: Est-ce que vous croyez que l'on puisse établir une politique
des arts et de la culture qui n'inclut pas tout l'immense volet des
communications: radio, télévision et ce grand secteur de
l'audiovisuel?
M. Fontaine: Si je peux me permettre de formuler,
peut-être, une hypothèse, c'est qu'en communication comme en art
il faudrait, dans une politique gouvernementale, qu'on crée un moyen de
combattre les préjugés envers tout ce qui se fait et ce qui
provient des régions. O.K.? Enlever la mautadite patente qui revient
tout le temps, que, si ça ne vient pas de Montréal, ce n'est pas
bon. O.K.? Quand il y a des outils en région, il y a des choses
intéressantes qui se font, et même très
intéressantes. Mais, effectivement, la dimension des communications,
oui, c'est relié.
M. Boulerice: En parallèle, d'accord. Cher
collègue.
M. Trudel: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Allez-y. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, en vertu d'un
consentement unanime de cette commission.
M. Trudel: Je voudrais souhaiter la bienvenue à la
délégation du collège de l'Abitibi-Témiscamingue
pour avoir pris la peine de se déplacer parce que, Mme la ministre vous
le soulignait il y a quelques minutes, il s'agit ici d'un énoncé
de politique, il ne s'agit pas encore de la politique des arts et de la culture
du Québec et on pourrait dire que nous sommes à l'étape de
la bonification. Et il est important que des témoins... Et comme vivant
dans la région, évidemment, je peux aussi le
répéter et surtout le renforcer, tout le secteur des arts dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue jouit énormément
de la présence, du travail, des interventions de l'institution qui
s'appelle le collège de l'Abitibi-Témiscamingue - et non pas le
collège de Rouyn-Noranda - partout à travers la région, et
surtout aussi de ses professeurs qui sont, oui, des ferments dans beaucoup de
secteur d'activité; on vous retrouve tous à une époque ou
l'autre de la saison autour d'une oeuvre, d'une production. On était, M.
Lizé, autour de votre production littéraire la semaine
dernière; l'été passé, on était autour d'une
production de La Poudrerie avec M. Côté, la même chose chez
M. Fontaine et, évidemment, au plan organisationnel, M. Lafond est
toujours aussi présent avec la salle d'exposition.
Quelques questions supplémentaires sur la vie des
créateurs en région. Ça m'apparaît être
extrêmement difficile. On se côtoie tous; à chaque semaine,
je suis toujours épaté par les conditions dans lesquelles les
créateurs et les
créatrices se retrouvent et, finalement - je le dis avec un point
d'interrogation - le support assez faible que reçoivent ces
créateurs. Est-ce que vous pensez qu'on doit avoir une politique de
soutien à la création qui soit différente pour les
régions du Québec, différente au sens d'amplitude, par
exemple, parce que les besoins sont autres - il y a justement une amplitude
plus grande des besoins, compte tenu du contexte géographique - et que
les conditions environnementales sont parfois un petit peu plus difficiles en
région? Est-ce que vous pensez qu'on devrait moduler? Comment devrait-on
supporter le travail de création dans les régions?
M. Côté (Jean-Guy): C'est bien sûr qu'il faut
augmenter substantiellement, mais vraiment substantiellement. Quand on parle
d'un objectif de 1 % du budget des affaires culturelles, moi, je suis loin de
ça. Ce n'est pas 1 %, c'est 2 %, 3 % et 4 %. Je ne sais pas quel
pourcentage, mais ça n'a plus de bon sens de fonctionner avec un budget
semblable pour le développement culturel. Si on pense qu'il faut
effectivement augmenter les ressources qui sont investies dans les
régions pour tenir compte des conditions particulièrement
différentes et coûteuses pour travailler en région, on ne
peut pas faire ça avec les mêmes budgets parce que les compagnies
artistiques qui oeuvrent en métropole ou à Québec sont
aussi aux prises avec des problèmes financiers semblables. On ne peut
pas faire avec rien. Alors, dans ce sens-là, il faut augmenter
l'ensemble du budget, mais, également, il faut moduler le soutien parce
qu'il y a des conditions différentes.
Un exemple concret. Dans la production qu'on met en marche cet hiver, il
y a une comédienne qui vient de Montréal parce que, pour le
rôle, bon, il y a des circonstances qui font qu'elle a accepté le
rôle, mais elle doit investir, elle doit payer pour travailler. Les
cachets qu'on lui donne, et qui sont largement au-dessus de ce que l'Union des
artistes a comme base, sont insuffisants. Mais la compagnie comme telle, qui
l'engage, ne peut pas, effectivement, lui donner beaucoup plus parce qu'avec un
budget de 40 000 $ qu'est-ce que tu veux faire, au bout du compte? Alors,
ça prend vraiment beaucoup plus d'argent d'investi dans le
développement culturel, modulé de la façon... Je ne sais
pas comment moduler ça. Je pense qu'il faut amener les régions
à l'équilibre des compagnies comparables à Montréal
mais...
M. Trudel: Vous voulez dire, tenir compte des facteurs
particuliers, ne serait-ce que des facteurs strictement géographiques
qui amènent des...
M. Côté (Jean-Guy): Les bassins de population. Une
fois que tu as joué 40 fois un spectacle en région, tu as
épuisé le bassin vraiment plus rapidement que dans une ville de 2
000 000 d'habitants.
M. Trudel: À cet égard-là, la proposition
dans le rapport Arpin, c'est de se diriger vers l'excellence au niveau de la
création et de mettre fin à ce qui est appelé le
saupoudrage des subventions. Est-ce que vous avez l'impression qu'avec une
telle approche ça serait encore plus dramatique que ça ne l'est
actuellement? Et, j'irais jusqu'à dire, est-ce que ce n'est pas un jeu
injuste de parler de saupoudrage actuellement, compte tenu des montants, des
sommes de l'aide qui est accordée aux organismes et aux créateurs
en région, qu'on qualifie de saupoudrage, mais qu'on aille encore plus
loin et qu'on dise: Maintenant, on va aller vers l'excellence et soutenons ce
qui peut être reconnu nationale-ment, internationalement? Qu'est-ce que
vous pensez de cette approche-là, qui nous est donnée dans la
proposition du groupe présidé par M. Arpin? (16 h 15)
M. Côté (Jean-Guy): On a vu un peu dans le... Ce
n'est pas directement lié, mais je pense qu'indirectement ça
l'est. Il y a un comité national d'évaluation en
théâtre, pour le secteur que je connais, qui a comparé des
compagnies et le résultat de l'opération - et il faut,
hélas, le reconnaître - c'est qu'il y a une vingtaine de
compagnies qui n'ont pas passé le seuil de la reconnaissance du
comité national. Je ne sais pas où elles sont situées, ces
compagnies-là, mais j'en connais deux en région, chez nous, qui
font un travail qui n'a pas de prétention nécessairement
professionnelle dans le sens où les artisans qui font ce
travail-là pensent vivre de leur métier, mais ils ont toutefois
un travail d'éducation culturelle dans leur milieu, qui doit être
reconnu comme tel. Alors, c'est ce que certaines compagnies en région
demandent: Un soutien modulé, oui, même si on ne correspond pas
aux critères de professionnalisme nationaux, pour assurer une
présence du théâtre sur l'ensemble du territoire. Dans une
ville comme Ville-Marie, à 2000 de population, entourée d'une
cinquantaine de villages de 200 habitants, ce n'est pas vrai que "Les palmes de
Mr. Schutz" vont pouvoir être accueillies là. Alors, qui peut
assurer une présence culturelle dans ces villes-là? C'est
nécessairement les amateurs, puisque, malgré leurs
prétentions, jamais ils ne pourront remplir les conditions de la
pratique professionnelle. Et c'est dans ce sens-là qu'il y a une
revendication, pas une revendication mais un élément du
mémoire qui met ça en évidence. C'est qu'il nous semble
que le ministère des Affaires culturelles devrait appuyer l'effort que
les milieux d'enseignement font pour l'initiation aux arts et soutenir
également des pratiques non professionnelles quand les conditions d'une
partie d'une région ou d'une région ne lui permettent pas de
s'offrir les services d'une pratique professionnelle.
II y a un élément du mémoire, comme
représentants d'une maison d'enseignement, qui nous a également
un peu surpris. C'est toute la question de l'observatoire que le rapport Arpin
préconise. Nous pensons qu'il se fait actuellement beaucoup de
recherches sur la culture, beaucoup de travaux et que la création d'un
tel observatoire aurait peut-être comme effet de multiplier les gens qui
se préoccupent de ces questions-là. Or, notre approche serait
davantage que le gouvernement du Québec soutienne de façon plus
efficace l'Institut québécois de recherche sur la culture et la
mission de recherche des universités et des collèges. Alors, on
voit mal comment on devrait investir vraiment plus de la part du
ministère des Affaires culturelles dans ce secteur, alors que la Science
et l'Enseignement supérieur pourrait assumer ces fonctions-là en
étroite collaboration avec le ministère des Affaires
culturelles.
M. Trudel: M. Lafond, peut-être une question. Le
collège, comme établissement, soutient donc un certain nombre
d'installations, en particulier la salle d'exposition, depuis un bon nombre
d'années. Comme disait M. Fontaine, est-ce que vous faites ça sur
le bras, comme institution, comme établissement scolaire? Quel soutien
recevez-vous et est-ce que vous estimez que vous avez tous les instruments pour
être capables de véritablement soutenir la création
régionale, par exemple, avec cette salle d'exposition là? En
même temps, je suis tellement content que M. Côté touche la
question de la sous-région, parce qu'il ne faut pas recommettre, dans
notre diagnostic, par exemple, vis-à-vis de Montréal et
Québec, le même diagnostic en région en disant:
Rouyn-No-randa, quand ça sera réglé, ça sera
réglé pour le restant. Il y a la sous-région
également. Il y a 150 000 personnes, mais il y en a 120 000 qui vivent
ailleurs sur le territoire. Alors, c'est la même chose pour le
collège de l'Abitibi-Témisca-mingue. Est-ce que vous avez les
moyens de soutenir également enseignement, création, support et
éducation aux adultes en matière d'art et de culture sur le
territoire, mais en commençant par la salle d'exposition?
M. Lafond: En commençant par la salle d'exposition, la
salle d'exposition est prêtée à un comité qui
s'appelle le Comité des expositions de Rouyn-Noranda. C'est ce
comité-là qui en fait la gestion, l'utilisation. Et c'est une
entente qui roule depuis, à toutes fins pratiques, la fondation du
cégep ou presque au début des années soixante-dix. Il y a
aussi d'autres partages d'infrastructures. Le cégep a maintenant des
installations un peu meilleures dans le domaine du théâtre, dont
s'occupent, en particulier, Jean-Guy Côté et ses collègues.
Mais le cégep n'a pas de budget ad hoc pour ce genre d'interventions
là.
En ce qui concerne les installations physiques, ça se fait sur la
base de la bonne entente quand les objectifs de l'institution et les objectifs
du milieu se rencontrent sans trop de difficultés et sans trop de
dépenses supplémentaires. Pour ce qui est du reste, c'est souvent
l'implication très personnelle des enseignants qui fait que le
cégep réussit à rayonner de cette façon-là
dans le milieu artistique et culturel. C'est favorisé par le fait qu'on
dispense le programme d'arts plastiques, le fait qu'on dispense aussi,
évidemment, des cours de base, des cours spécialisés en
français, littérature, théâtre, et ainsi de suite.
Mais on ne peut pas dire que le cégep a lui-même sa propre
politique d'implication ou de développement culturel. C'est une
série de choses qui se sont faites spontanément suite à
des initiatives d'individus qui ont été soutenus par
l'institution.
Par contre, il faut bien dire aussi que, dans une bonne mesure, le
cégep, c'est à peu près le seul lieu de ressourcement pour
des créateurs, des artistes en région, via l'enseignement aux
adultes, via aussi l'enseignement régulier. Mais on croit que, si une
politique plus claire était établie, peut-être que le
cégep serait en mesure d'accroître son rayonnement, son influence
dans ces secteurs-là. Plus les niveaux de décision sont en
région, plus ce sont des choses faciles à faire. On est en
contact très régulier avec, par exemple, les représentants
régionaux du ministère et aussi avec le Conseil de la culture.
Ça fonctionne très bien, donc on peut avoir des ententes faciles,
rapides, en concertation, si on peut dire.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Cela est malheureusement tout le temps dont nous
disposons. Peut-être un dernier mot de remerciement à vos
commettants.
M. Trudel: Alors, je vous remercie d'avoir pris ce temps pour
sensibiliser Mme la ministre à certaines dimensions des arts et de la
culture en région. Nous, encore une fois, nous reconnaissons bien ce que
vous faites, je dirais quotidiennement, sur les planches et avec les planches
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est important que
des gens du secteur viennent le dire ici, aux parlementaires, viennent le dire
à la responsable ministérielle, parce que je crois comprendre
à travers votre mémoire, par ailleurs, que vous supportez, mais
on ne peut plus, que le Québec se donne une véritable politique
des arts et de la culture et que les régions soient comprises
intégralement dans cette politique. Merci de vous êtes
déplacés, d'avoir pris la peine de nous présenter ce
mémoire, et je suis sûr qu'on en tiendra compte,
évidemment, lorsqu'on réfléchira sur ce que deviendra la
politique des arts et de la culture du Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. C'est exact, les membres de la commission en tiendront
certainement compte. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour maintenant de
vous remercier, effectivement. Si on a initié, si j'ai initié la
commission, c'est parce que je sentais un profond besoin de changement, et nous
allons apporter des changements. Je veux revenir quand même, pour ne pas
laisser une mauvaise impression, quand on parie de saupoudrage.
À titre d'information, quand on parlait de saupoudrage, quand le
rapport Arpin, surtout - parce qu'on me l'a expliqué aussi, j'ai
posé la question - parle de saupoudrage, je pense qu'il vaut mieux
parler de consolidation, dans leur esprit, que de saupoudrage. Ce n'est pas de
dire: Saupoudrage? C'est parfait, on concentre à Montréal et
Québec et on n'en donne pas ailleurs. Au contraire. Mais il y a quand
même un certain besoin. Il y a certains groupes, d'ailleurs, qui sont
venus, pas plus tard que ce matin, qui parlaient aussi de consolidation.
Consolidation appropriée aux besoins des régions, oui, mais je
pense qu'on va tous être très, très malheureux aussi de
penser... Et là je suis d'accord et j'aimerais bien vous promettre que,
non, ça ne sera pas un, ça va être deux, puis trois, et des
milliards. Moi, je veux bien, et je serais peut-être la ministre des
Affaires culturelles qui, en 30 ans, aurait été la plus heureuse,
mais, malheureusement, je ne peux pas vous promettre ça. Ce que je peux
vous promettre, par exemple, c'est qu'on va essayer très, très
fort d'apporter plus que des changements, vraiment des changements de
fonctionnement majeurs. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Messieurs, je vous remercie au nom des membres de cette commission. Ceci met
fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Nous allons
accueillir maintenant les représentants du Musée des religions.
Je vais donc suspendre une minute pour ce faire.
(Suspension de la séance à 16 h 24)
(Reprisée 16 h 25)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission va reprendre ses travaux. Nous allons entendre les
représentants du Musée des religions. Je demanderais au
représentant du groupe de bien vouloir présenter les gens qui
l'accompagnent.
Musée des religions
Mme Paradis (Michèle): M. le Président, Mme la
ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier sincèrement de
nous recevoir à cette commission et j'aimerais bien vous
présenter le portrait de famille du Musée. Alors, à mon
extrême gauche, qui est à votre droite, M. Clément Dubois,
qui est le maire de la ville de Nicolet, et M. Guy Hamel, qui est le
président de la corporation du Musée; à ma droite, M. Jean
Lafrenière, qui est responsable des communications à l'Aluminerie
de Bécancour inc., et M. André Rheault, qui est le
président de la Chambre de commerce de Nicolet.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce qu'est le
Musée des religions, je prendrai quelques minutes pour vous le
présenter. C'est un projet qui est né du milieu en 1986. On
présentait alors nos premières expositions dans des locaux
temporaires que la ville de Nicolet mettait à notre disposition.
Véritable petit laboratoire, nous y avons donc fait des
expériences heureuses qui suscitèrent l'intérêt des
différentes instances gouvernementales. À peine trois ans plus
tard, nous obtenions le feu vert afin de procéder à la
construction de son nouvel édifice. Une vaste collecte de fonds rapporta
près de 600 000 $, représentant 25 % du coût total de
construction évalué à près de 3 000 000 $. Si nous
avons réussi ce coup de maître, Mme la ministre, je pense qu'il
est important de souligner que les professionnels de votre ministère en
région y sont pour quelque chose.
Le 4 août dernier, nous procédions à son ouverture
officielle et, depuis, près de 10 000 visiteurs, dont 55 % venant de
l'extérieur de la région 04, ont visité ce musée
impressionnant tant par son architecture que par les expositions
thématiques temporaires qui y sont présentées dans des
salles d'une superficie totale de 600 mètres carrés. Ce
musée est spécifique, unique par sa thématique, bien
sûr, mais il l'est également parce qu'il est le seul musée
actuellement qui travaille véritablement avec les groupes ethniques.
C'est un volet de notre culture qui, je pense, est très important et
dont il n'est pas fait mention du tout dans le rapport Arpin. Et pourtant, le
portrait de famille - parce que, moi, j'aime bien cette image que j'ai prise,
d'ailleurs, dans le rapport Arpin - est moins homogène qu'il ne
l'était et nous devons en tenir compte. Le Musée des religions a
donc une bonne longueur d'avance et on entend bien la garder.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, ce musée qui
pourrait avoir comme tare d'être situé en région est devenu
en quelque sorte un modèle pour les professionnels travaillant au
ministère des Affaires culturelles. Actuellement, je dois recevoir
régulièrement des intervenants en muséologie,
accompagnés de leurs architectes et de leurs ingénieurs, venant
de partout au Québec. C'est peut-être une façon d'augmenter
notre budget de fonctionnement. Je vais envoyer un compte d'honoraires au
ministère des Affaires culturelles.
Revenons à la raison d'être de la présente
commission qui se déroule suite au dépôt du rapport Arpin,
ce rapport Arpin qui se veut un énoncé de politique. Je ne veux
pas commencer à
dire: On est contre ci, on est contre ça. Alors, je veux tout
simplement adopter une attitude qui est plus positive et dire ce que, nous, on
veut. Une politique culturelle doit donc exister. Elle ne doit surtout pas
s'écrire en faisant fi des réalités régionales. Je
ne voudrais pas que le Musée des religions devienne un cas. Toutes les
régions doivent avoir des équipements culturels majeurs, dont
certains reconnus pour leur spécificité. Vous savez, en
région, notre objectif n'est pas de devenir gros mais de devenir
excellents. Jamais les régions excentriques n'accepteront ce rôle
de diffuseur des grands centres, tel que recommandé dans le rapport
Arpin. Nous sommes capables de concevoir, de réaliser et de diffuser.
Nous sommes trop jeunes et dynamiques pour devenir des foyers d'accueil de ces
grands centres. D'ailleurs, c'est ça qui est très drôle,
c'est que le nombre des institutions culturelles en région, capables
actuellement de recevoir des expositions ou des activités venant des
grands centres, je pense que leur nombre n'est pas légion. Il n'y a pas
une institution par région, actuellement, qui aurait les
équipements nécessaires pour recevoir ce qui se passe dans les
grands centres. (16 h 30)
Le ministère des Affaires culturelles doit, de toute urgence,
établir une fois pour toutes une véritable politique culturelle
en tenant compte de l'ensemble du Québec, mais en tenant compte
également de la spécificité de ces régions. Et
j'aime bien le mot "modulation". Je pense que c'est exactement ça. Nous
sommes d'accord avec le rapport Arpin qui préconise d'établir une
cartographie, mais cette cartographie devra tenir compte des forces de toutes
les régions. De plus, elle devra être conçue en tenant
compte des différentes strates. Ça, j'y tiens beaucoup, le
portrait de la culture au Québec doit être établi en
strates. C'est comme un sol, ça. Alors, évidemment, il y a des
musées, il y a des institutions culturelles à caractère
régional et elles ont leur raison d'être. Et une autre strate
devrait être les institutions à caractère national, et
ainsi de suite. Donc, ça, je pense que c'est extrêmement important
afin d'établir le véritable profil de la culture au
Québec.
Mais je pense qu'il faut aller plus loin que ça. Actuellement, le
milieu des affaires parle consortium, fusion, "merge". C'est un concept qui
pourrait très bien s'appliquer au milieu culturel, parce que le but de
ces consortiums est de consolider des forces, tant matérielles, humaines
que financières. Dans la région 04, nous nous sommes
regroupés. Média-Muse, c'est un organisme sans but lucratif qui
réunit différents intervenants d'institutions culturelles et
d'institutions muséales, évidemment, parce que je parle beaucoup
plus pour les musées, ici, ce qui nous permet d'offrir des expositions
de très grande qualité. Par exemple, cet été, nous
avons présenté une exposition à travers le territoire,
consacrée à Rodolphe Duguay. Cinq institutions se sont
greffées autour de cette exposition-là. Alors, cette
association-là, ce consortium a permis de présenter cette
exposition qu'on n'aurait jamais été capables de faire seuls.
Mais je pense qu'il faut aller encore plus loin que ça. À
partir du moment où le réseau muséal sera vraiment
stratifié, il sera possible de permettre de véritables jumelages
entre les institutions de même calibre. Je pense que c'est
peut-être une solution pour... Je ne parle pas seulement des
régions, mais je parle pour l'ensemble du Québec, parce que
Montréal est une région aussi et Québec est une
région aussi.
Je le répète, ce concept pourrait très bien
s'appliquer à l'ensemble des activités culturelles
québécoises. Actuellement, tous les intervenants veulent leur
troupe de théâtre, leur centre d'artistes, leur musée,
leurs collections, leurs réserves. Tous les intervenants veulent
ça, ce qui a pour effet de diviser tant les forces humaines,
matérielles que financières. Chacun se meurt de faim
actuellement, de soif de vivre. Pour certains, la situation est
littéralement dramatique.
Revenons au cas du Musée des religions. C'est un édifice
neuf qui a le vent dans les voiles et je vous jure que ça rame:
achalandage important, rayonnement de plus en plus grand. Est-il normal que je
ne sache pas encore quel sera le montant de l'enveloppe budgétaire que
doit consentir le ministère des Affaires culturelles pour l'année
1991-1992? Et quand je dis le Musée des religions, c'est l'ensemble du
territoire, c'est l'ensemble du Québec. Est-ce que c'est normal que je
me batte afin d'obtenir 50 % de mon enveloppe qui est à peine de 400 000
$ pour un édifice qui est cinq fois plus grand que celui que j'avais
avant?
Est-ce normal qu'en 1991 nous soyons obligés, en région,
d'avoir recours à des programmes extra afin d'augmenter notre personnel?
Pourtant, de plus en plus de spécialistes en muséologie sortent
des universités. Nous ne pouvons rien leur offrir. Où vont-ils
donc? Seulement à Montréal et à Québec? Est-ce
normal que nous soyons obligés, par exemple, de dire à notre
personnel... Puis ce n'est pas le cas... je veux dire que je ne parle pas
seulement pour moi, mais je parle de cas que nous vivons en région. Il y
a des musées qui sont obligés de dire, par exemple, à leur
personnel: Bien, ne change pas ton chèque cette semaine, je vais aller
à la banque voir mon gérant pour augmenter la marge de
crédit. Parce que c'est comme ça que ça fonctionne. En
bout de piste, ce qu'il y a de dramatique, si vous voulez, c'est qu'on
n'accepte pas de... Les déficits sont difficiles à supporter. Et
on accusera très facilement, par exemple, les directions de ces
institutions-là de mauvaise gestion. Alors, il
faudrait être très prudent.
Au Musée des religions, tout le monde s'entend pourtant pour dire
que nous réalisons des expositions, des activités de très
haut calibre, avec cinq employés permanents mais combien polyvalents et
des budgets réduits à l'extrême. Dans le cas qui nous
concerne, la blague est facile à faire quand on parle de miracle ou
d'Apôtres de l'amour infini. Ça, on nous le dit souvent au
Musée des religions, la blague est facile. Mais ça ne fait rien,
je vous jure, je pense qu'on en fait. Il n'est absolument pas question de
dénoncer les budgets annuels de fonctionnement des grands musées.
S'ils ont les budgets annuels de fonctionnement qu'on leur connaît, c'est
parce qu'ils en ont besoin. Comme il n'est pas question de discuter lorsque le
ministère des Affaires culturelles a à essuyer un déficit;
ça aussi, on ne discute absolument pas de ça. Ce sont des choses
que le ministère des Affaires culturelles probablement doit faire, comme
c'est normal d'avoir des gros budgets pour des gros musées. On ne
discute absolument pas deçà.
Soyons justes, c'est ce que l'on veut. Soyons justes dans le discours
utilisé pour tout le monde et regardons comment on peut améliorer
la situation des musées et des institutions culturelles en
région. La situation actuelle engendre frustration, conflit, discorde.
On s'accuse mutuellement de posséder plus ou de posséder moins.
On s'accuse d'ingérence; on s'accuse de toutes sortes de choses.
Je terminerai ici mon intervention en lisant un extrait du discours que
prononçait M. Claude Béland, président du Mouvement
Desjardins, lors de l'ouverture de notre musée, le 4 août dernier.
Il disait ceci: "Les institutions et les entreprises régionales devront
être branchées sur les enjeux et les grands thèmes
universels. Autant, par exemple, la mondialisation des marchés affecte
déjà et de plus en plus les entreprises de toutes les
régions qui doivent alors mener leurs activités en tenant compte
de ce qui se trame un peu partout sur la planète, autant sur le plan des
valeurs, de la symbolique à laquelle nous participons, nous n'avons pas
le choix d'être ouverts sur le monde... Ce serait alors faire preuve d'un
manque de vision de ne réserver les institutions qui sont les
véhicules de cette ouverture au monde que pour les seuls grands centres,
comme si, au Québec, seules Montréal ou Québec
étaient en contact avec ce qui se joue aujourd'hui à travers la
planète."
Bref, l'histoire du musée, c'est vraiment une histoire d'amour.
C'est une histoire extraordinaire. Je ne veux pas que l'histoire du
musée, ce soit un cas, mais, s'il sert de modèle, je veux qu'il
serve de modèle dans l'application d'une politique culturelle qui
devrait tenir compte des régions. Donc, Mme la ministre, votre terme de
modulation, c'est exactement ce que l'on veut. Il faut en tenir compte
énormément.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que je pourrais vous
demander de conclure, Mme
Paradis, parce que votre temps arrive à
échéance?
Mme Paradis: D'accord. Soyez assurée, Mme la ministre, de
notre entière collaboration afin de doter le Québec d'une
véritable politique. Soyez également assurée que nous
ferons tout, dans quelque région que ce soit, pour ne pas être mis
aux oubliettes. Alors, merci infiniment.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Paradis.
Vu que nous avons le plaisir d'avoir avec nous le député de votre
région, le député de Nicolet, je vais demander le
consentement à cette commission, étant donné qu'il n'est
pas membre permanent de cette commission, afin qu'il puisse intervenir selon
l'article 132 de notre règlement. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le député de Mercier, M. le
député de Shefford, y a-t-il consentement?
M. Boulerice: On hésite, mais, s'il nous dit que c'est
avec de bonnes intentions et qu'il posera les questions les plus orthodoxes
possible, on va accepter.
M. Richard: Merci, M. le Président. Merci, chers
collègues. Je vous remercie de la présentation, Mme Paradis. Je
ne peux que souscrire, en fait, à l'importance que vous donnez à
l'élaboration d'une politique culturelle globale pour l'avenir de notre
société québécoise. Je pense qu'on ne peut que
souscrire à ça. Je reconnais également comme très
importante cette idée de doter le Québec d'un réseau
culturel au même titre - et vous le mentionnez dans votre document - que
le réseau routier ou le réseau hospitalier. Mais le réseau
auquel vous faites allusion dans votre mémoire, effectivement, il existe
déjà d'une certaine façon, au niveau des
bibliothèques publiques, au niveau des musées, au niveau des
salles de spectacle, etc., à plusieurs niveaux. Par contre, on est bien
conscients que ce réseau culturel, il faut maintenant le soutenir, le
parachever. "Soutenir" est peut-être un mot léger, c'est beaucoup
plus le consolider.
Maintenant, vous mentionnez un nouveau partage des
responsabilités avec les municipalités. Ça me fait
plaisir, M. le maire, M. Dubois, de vous voir ici aujourd'hui. Je sais que vous
avez été très près de ce dossier-là en ce
qui a trait à notre bijou de musée dans notre région, qui
est situé dans votre ville, la ville de Nicolet. Maintenant, ma question
est la suivante: Comment voyez-vous l'implication des municipalités en
général - pas seulement à Nicolet; effectivement, c'est un
exemple - dans le développement culturel de leur territoire? Et
ça, ça inclut évidemment toute la vision des
municipalités régionales de comté, des MRC, puisqu'on
sous-tend, là, qu'elles sont rendues au "top", qu'elles
sont au maximum de leurs possibilités budgétaires. Comment
vous voyez ça, là? Vous dites: Oui, il faut que ce soit
ça, par contre, oui, elles sont à bout de souffle.
Et tout à l'heure, les gens qui vous ont
précédés ont fait non seulement une allusion, ils ont dit:
Pas tout à fait contre qu'il y ait un partenaire municipal moyennant
qu'on le contrôle, si j'ai bien compris leur intervention. Bien
sûr, dans le monde municipal - j'en ai fait comme 14 ans, là -
c'est certain que, quand tu décides de participer financièrement,
tu essaies de décider ce qui va se passer. Ça se vend mieux
à tes clients après. Alors, c'est quoi? Comment vous voyez
ça, ce progrès-là en fonction d'un allié et d'un
partenaire pour le développement culturel qui serait effectivement le
monde municipal? M. le maire ou...
M. Dubois (Clément): Bien, M. Richard, moi, je vais me
reporter au congrès 1991 de l'Union des municipalités du
Québec où il y avait une résolution qui disait, dans le
fond... Et ça, je pense que les municipalités, on est partie
prenante en autant que le gouvernement du Québec se reconnaisse une
responsabilité fondamentale en matière de recherche, de
développement, de soutien à la production et de diffusion
artistique et culturelle. Je pense que cet élément-là,
nous, on ne peut pas l'assumer. Et ça, en vertu de son pouvoir de
redistribution de la richesse et de sa position privilégiée
à l'échelle nationale et internationale. Je pense que ça,
ce côté-là, nous, les municipalités, on ne peut pas
le prendre.
Et au même congrès, il y avait une autre résolution
où on disait: Que le ministère des Affaires culturelles
considère les municipalités comme des partenaires essentiels dans
le développement et la diffusion des arts et de la culture. Vous
n'êtes pas sans savoir, faisant partie du gouvernement, qu'actuellement
les pactes, ils font un peu pitié. On nous impose, entre autres, la loi
145 et on sait qu'il y a des divergences d'opinions en ce qui a trait à
la formulation et a la facture que va nous référer M. Ryan. Pour
nous, c'est un élément important et ça va peut-être
amener à faire des choix qui peuvent être déchirants. Et la
culture, qui, à mon sens, n'est peut-être pas un
élément essentiel pour une population, peut être
reléguée au niveau de bien des choses. Alors, ça peut nous
causer des problèmes au niveau budgétaire.
Dans le rapport Arpin, on parlait aussi de modulation et d'adaptation du
soutien financier et technique en fonction des particularités
démographiques et territoriales. Vous n'êtes pas sans savoir, M.
Richard, que chez nous, on a 25 % de notre assiette fiscale qui est non
imposable, ce qui veut dire que 75 % de la population paie pour 100 % des
services que l'on donne. Alors, ça réduit encore notre marge de
manoeuvre. Sauf que, à partir de là, la ville de Nicolet,
actuellement, injecte 2 % de son budget annuellement, comparativement à
celui du gouvernement qui est à 0,72 %. Alors, je pense qu'on n'est pas
à l'arrière du gouvernement, je pense qu'on soutient nos
institutions culturelles. (16 h 45)
Bref, pour en faire une synthèse, moi, je me dis qu'il doit y
avoir trois intervenants: le gouvernement du Québec - on l'a
défini par les politiques que, lui, il doit faire - et il y a aussi les
MRC... Vous savez actuellement que les MRC, nous, les maires, on a la politique
que moins on leur en donne, mieux c'est parce que moins ça coûte
cher. Parce qu'il faut comprendre que... Moi, chez nous, j'ai des MRC qui
versent 800 $ de cotisation annuelle et qui viennent chercher 1400 $ de
salaire. C'est peu orthodoxe. Alors, nous, on dit que la MRC doit mettre
à l'intérieur de son budget, dans les années à
venir, un montant pour aider tout ce qui est culturel dans notre région.
Pas seulement Nicolet, là, on parle de la région de la MRC. Et la
municipalité, elle aussi, doit injecter dans les années à
venir. Aujourd'hui, on parie de 2 %. Il va falloir, je pense, faire
l'exercice... et le gouvernement là-dessus... Nous, on l'a dit dans
notre appui au mémoire. Vous vous souvenez des REA, les fameux REA
où on pouvait... Alors, je pense que le gouvernement devrait regarder
cet élément-là, si les compagnies, un peu comme ABI qui,
chez nous, injecte passablement d'argent, ne pourraient pas être, par une
forme de REA, avantagées au niveau de l'impôt, ce qui, je pense,
donnerait un coup de pouce. Et nous, ça nous motiverait à appuyer
le Musée des religions au même titre que les compagnies.
Alors, je pense qu'au niveau de la culture les municipalités ont
un rôle à jouer et elles vont le jouer avec l'aide de tout le
monde. Là-dessus, je ne peux pas vous dire que ça va être 3
% ou 4 %, mais je pense qu'on est capables de jouer notre rôle et on l'a
démontré à venir jusqu'à date. Je ne sais pas si
ça résume bien...
M. Richard: Je suis content, M. le maire, de voir que vous
mentionnez qu'il faut qu'il y ait éventuellement une participation de
l'ensemble des municipalités du territoire par le biais des MRC. Vous
mentionniez tout à l'heure que vous avez une municipalité dont 25
% est non imposable, justement à cause de la diversité du nombre
d'institutions religieuses qui sont à l'origine même de notre
Musée. Sinon, ça ne serait pas chez nous, il n'existerait pas.
C'est un peu le prix qu'on a à payer indirectement, le fait qu'on a du
non-imposable. Mais, en contrepartie, le Musée, économiquement, a
des retombées majeures, et on le constate particulièrement chez
nous. Ça, c'est la contrepartie.
Maintenant, j'aurais une autre question en fonction du
bénévolat: Notre Musée n'existerait pas, il faut le
reconnaître et le soutenir, vous avez fait allusion à ça
dans votre document. Maintenant, ça me tenterait de vous demander:
Quelles sont les mesures - j'origine, moi, du monde du
bénévolat, durant des années, et on en fait toujours -
fiscales ou autres qui pourraient activer le bénévolat? Vous le
savez, le Musée des religions fonctionne à bout de bras,
malgré toute l'aide gouvernementale et malgré le fait qu'il est
tout jeune, tout neuf. Vous faites allusion à ça, mais qu'est-ce
qu'on devrait faire porter comme geste? On entend beaucoup parler d'appariement
ajusté à certaines mesures fiscales pour les entreprises ou les
gens d'affaires. Quelle est votre vision en fonction de ce support additionnel
au bénévolat? M. le président.
M. Hamel (Guy): Je dois d'abord vous dire qu'il y a une
implication très considérable des bénévoles au
Musée des religions. Je pourrais même dire que ce sont des
super-bénévoles. Quand on parle de bénévoles, c'est
normal que l'on donne son temps, alors c'est ce que font les membres du conseil
d'administration. Mais je dis "super-bénévoles" parce qu'en plus
de donner leur temps ils paient aussi de leur poche pour faire partie du
conseil d'administration, et je m'explique.
Le conseil d'administration est composé de 15 personnes: 6 sont
de Nicolet et 9 sont d'en dehors de Nicolet. Il y en a de Drummondville, de
Victoriaville, de Trois-Rivières, il y en a même un de
Montréal, que vous connaissez bien, l'honorable Victor Goldbloom. Alors,
tous ces gens-là viennent à leurs frais aux assemblées. En
plus de ça, comme nous n'avons pas un gros budget du ministère
des Affaires culturelles pour notre fonctionnement, on est obligés de
faire des activités sociales - je m'excuse, mais, enfin, c'est ça
- comme des dîners-bénéfice, des
cocktails-bénéfice, et autres. À ce moment-là, tous
les membres du conseil d'administration achètent leurs billets: 50 $ ou
100 $. Alors, c'est pour ça que je dis que ce sont des
super-bénévoles, parce qu'en plus de donner leur temps ça
leur coûte peut-être, à chacun des membres du conseil
d'administration, de 300 $ à 400 $ par année.
Maintenant, qu'est-ce qui fait qu'on s'est impliqués à ce
point, que les bénévoles se sont impliqués à ce
point-là? C'est qu'au départ je pense que tous les membres du
conseil d'administration réalisaient qu'il y avait une carence
muséologique au Québec - on compare souvent avec l'Ontario.
Alors, on s'est dit: Un musée chez nous, c'est important. Et,
deuxièmement, c'est la spécificité du musée. Un
musée des religions, c'est unique. Des musées des beaux-arts, de
la civilisation, il y en a un peu partout. Un musée des religions, il
n'y en a pas nulle part, qui fait le rapport des grandes traditions
religieuses. Alors, c'est ce qui nous a incités à augmenter notre
bénévolat.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. M. le
député de Nicolet, c'était là tout le temps qui
était imparti à votre côté ministériel. Je
vais maintenant, sans plus tarder, demander à M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition en
matière d'affaires culturelles, de bien vouloir prendre la parole.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, M. le président, Mme la
directrice, messieurs, je pense que c'est tout à fait normal, tout
à fait légitime que le député de Nicolet
intervienne dans ce dossier puisque c'est une magnifique et très belle
réalisation. Je pense que c'est probablement une des rares où la
municipalité a été aussi associée et aussi - je
vais employer un terme qui n'est peut-être pas dans le dictionnaire mais
qui va traduire mon sentiment - "pousseuse". La ville le voulait, le souhaitait
et je pense que ça a fait un heureux alliage, et, notamment, aussi avec
M. Hamel, en ce qui concerne la corporation, qui a énormément
travaillé.
Ce que vous voulez nous dire est un peu éteignoir. Non pas
éteignoir dans le sens que vous n'avez pas la foi... Et surtout quand on
s'occupe du Musée des religions et qu'on s'appelle Paradis de
surcroît, il faut avoir la foi, Mme Paradis. Mais un nouveau musée
qui fait la fierté d'une ville, qui fait la fierté d'une
région, qui, somme toute, doit faire la fierté du Québec
et qui, déjà, commence à avoir de sérieux
problèmes en disant: Oui, mais là on ne sait pas, demain... Je
vous avoue que c'est un petit peu inquiétant.
C'est un fait qu'il y a un sous-financement chronique des musées
privés. Vous n'êtes pas les seuls à le dénoncer,
sauf que, dans votre cas, vous le vivez plus récemment peut-être
que d'autres. Je ne veux pas vous dire qu'on finit par s'accoutumer à la
souffrance, mais d'autres l'ont vécu bien avant vous et nous en parlent
aussi. Mais, durant ce temps-là, le rapport Arpin, lui, plaide en faveur
de la fin de ce qu'ils ont appelé le saupoudrage. Et vous avez bien dit,
vous, dans votre mémoire, que vous étiez tannés des
miettes, et c'est à un point tel, chez vous, que ce ne sont plus des
miettes, c'est des poussières. Je pense que c'est ça que vous
avez dit, j'essaie de le dire de mémoire. Si on met fin au saupoudrage,
je pense que vous venez de perdre, en plus de ça, les poussières.
Est-ce que c'est votre avis?
Mme Paradis: Tout dépend de la grosseur de votre
tamis.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Paradis: Mais je voudrais revenir à ce que vous avez
dit. Ce n'est pas catastrophique parce qu'il y a une commission parlementaire.
C'est la première fois qu'il y a une commission parlementaire sur la
culture et on s'en va vers une politique culturelle, donc ce n'est pas
dramatique. Il y a des moments difficiles à passer et nous allons
les passer; comptez sur moi, je vais les passer. Mais ce n'est pas dramatique,
ce n'est pas noir, ce n'est pas... On voit le bout du tunnel, c'est ça
qui est merveilleux et c'est ça qu'on vient vous dire. La situation
actuelle est dramatique, donc il faut qu'il y en ait une, politique. Donc, ce
n'est pas une catastrophe nationale. Je pense qu'il y a une fin qui s'en vient
et je pense que c'est ça que les gens viennent dire ici.
Mais, quand je parle de saupoudrage, c'est ça, ça
dépend de la grosseur de votre tamis. Mais, effectivement, si le
principe de consortium et de fusion existait, si on encourageait ce type de
démarche là, je pense que, là, le tamis serait plus
gros.
M. Boulerice: Mais là, Mme Paradis, vous faites
l'adéquation optimiste et fervente: adoption d'une politique,
adéquation, augmentation du budget. On nous l'a promis, en 1985, et vous
attendez toujours.
Mme Paradis: Je n'ai pas compris le premier. Quoi?
M. Boulerice: Vous dites: La fin du tunnel. Vous voyez la fin du
tunnel. Je dis: Oui, je souhaite bien que ce soit la fin du tunnel, mais tout
d'un coup que c'est le train qui s'en vient, la lumière qu'on voit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous qu'on va
peut-être sortir avec une politique et je le souhaite aussi ardemment que
vous...
Mme Paradis: Avant Noël? Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Avant Noël. Je ne sais pas si on aura un
Père Noël ou une Fée des étoiles, mais je ne suis pas
certain que celui qui tient les rênes - sans jeu de mots, puisqu'on est
dans un vocabulaire qui prête à équivoque - du Conseil du
trésor va faire en sorte qu'on aura l'argent nécessaire pour
être capable d'appliquer cette politique. Je ne veux pas être
éteignoir, mais je me dis: Regardons ce qu'on a actuellement.
Mme Paradis: Mais, M. Boulerice, c'est presque dire que votre
rôle à la commission parlementaire est inutile, si vous ne croyez
pas qu'une politique culturelle s'en vient!
M. Boulerice: Je n'ai jamais dit...
Mme Paradis: J'ai peur. Là, vous me faites peur.
M. Boulerice: Ça, je ne vous ai jamais dit...
Le Président (M. Gobé): Mais, madame, on ne peut
pas porter ce jugement sur M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Comme Président de la commission, je me dois
de veiller à l'intégrité de tous les membres, quels qu'ils
soient, et je peux vous assurer qu'il y porte un grand
intérêt.
M. Boulerice: Le plus grand intérêt. Si la ministre
me dit qu'elle est capable de l'écrire avant le mois de décembre,
tant mieux. Je ne doute pas qu'on en aura probablement une, mais ce que je vous
dis c'est que je n'ai pas l'assurance que nous aurons l'argent qui correspond
à la politique que nous voulons. C'est ça qui m'inquiète.
Elle me dit: Oui. Donc, vous voyez, j'ai raison.
M. Godin: Est-ce qu'elle peut mettre ça par
écrit?
M. Boulerice: Donc, c'est pour ça que je vous disais que,
si on met fin au saupoudrage, dans le cas des régions, c'est
catastrophique. Toutes les régions nous l'ont dit.
Mme Paradis: Je pense que c'est une question de nouveau partage.
Mon père était agronome et il disait toujours: Avant d'acheter
une terre, agrandis donc en dedans des clôtures. Bien, je pense que c'est
ça. On est rendus là. Alors, s'il y a de l'argent, si le
ministère des Affaires culturelles a une enveloppe qui ne peut pas
être augmentée, je pense qu'il faut revoir le partage. Je pense
que c'est là qu'on est rendus. Et moi, c'est pour ça que je dis
qu'en région il faut absolument qu'on se rassemble et qu'on ait la
possibilité de faire, de vivre les consortiums économiques dont
on parle actuellement dans le milieu des affaires. Il y en a, des solutions,
j'en suis convaincue.
M. Boulerice: En parlant de partage, le rapport Arpin, auquel
vous souscrivez, propose non plus un partage de pouvoirs entre l'État
fédéral et l'État québécois, mais bien un
rapatriement de l'État québécois de tous les pouvoirs dans
le domaine de la culture, ce qui signifie également le retour de
l'argent correspondant. Mais est-ce que cette option-là du rapport Arpin
vous séduit?
Mme Paradis: Bon écoutez, c'est drôle, parce que
j'ai apporté ici le bilan 1990 des injections du ministère des
Communications au Québec. Ça, j'appelle ça le cadeau de
Noël de l'orphelin. Ce que je veux dire, c'est que cette
année-là, en 1990, il y a eu des injections très,
très importantes au Québec; 92, 8 % de ces injections-là
se sont faites à Montréal et à Québec et, en
région, on a eu 7, 2 %. C'est fini
ça. Je me dis: Ce n'est pas cette année. Et je pense que
le ministère des Communications a déjà une nouvelle
politique et a déjà établi de nouvelles normes. Et si
jamais le ministère des Affaires culturelles avait à administrer,
si vous voulez, les fonds du PAM, du Programme d'appui aux musées, je ne
sais pas, c'est peut-être un rêve, c'est peut-être utopique
ce que je dis, mais il faudra tout simplement s'assurer que cet
argent-là est réinvesti, est réinjecté dans le
fonctionnement des musées qui sont ici, au Québec.
M. Boulerice: Mais si on vous donne cette garantie-là, Mme
Paradis, pour vous, c'est acceptable? Je vais vous donner un exemple. Le
Québec s'est vu imposer un musée à Montréal qui
n'était pas parmi ses priorités prioritaires. L'argent qui est
dépensé à Ottawa, ne cherchons pas, c'est nous qui l'avons
fourni. Les Terre-Neuviens ont fait une petite part, mais c'est surtout nous
qui l'avons fourni avec d'autres provinces. Vous ne croyez pas qu'on est
suffisamment intelligents, au Québec, même s'il y en a qui semble
craindre, par les temps qui courent, qu'on ne soit pas capables de gérer
ou, si on veut gérer, on nous traite de dirigistes, que le
Québec, dans l'ordre de ses priorités, aurait été
beaucoup plus intéressé à augmenter le financement
chronique des musées privés et même des musées
d'État que d'être obligé de fournir, parce qu'il y avait un
doigt... pas un doigt mais...
Mme Paradis: Sur la gâchette.
M. Boulerice: ...il y avait un doigt sur la gâchette du
revolver fédéral qui obligeait le Québec à
concourir pour je ne sais combien de millions... 17 000 000 $, c'est ça?
Pardon? Le musée du rire qui est triste à pleurer. C'est 5 000
000 $; 5 000 000 $ là.
Mme Paradis: Alors, c'est pour ça qu'on a toujours
parlé d'ingérence et c'est probablement pour ça que le
ministère des Affaires culturelles a un urgent besoin d'établir
sa politique culturelle pour éviter ce type d'ingérence dont vous
parlez. Et si le ministère des Affaires culturelles a à rapatrier
des sommes du ministère des Communications, que ce soit à travers
PAM, le Programme d'appui aux musées. Moi, je dis qu'effectivement il
faudra que ce soit réinjecté dans les institutions
muséales.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme
Paradis.
M. le député de Mercier, vous avez fait maints gestes pour
pouvoir poser une question et, même si l'aiguille a avancé...
c'est qu'on était tellement pris dans les... pas les questions mais les
commentaires...
M. Godin: Les échanges.
Le Président (M. Gobé): ...de votre collègue
qu'on ne tenait pas à l'arrêter. Je vous passe quand même la
parole maintenant mais... (17 heures)
M. Godin: M. le Président, je vous remercie, parce que,
moi...
Le Président (M. Gobé): ...assez rapidement, s'il
vous plaît.
M. Godin: ...ayant été journaliste au
Nouvelliste à l'époque où ce musée-là
peut-être a vu le jour, j'aimerais bien que vous me confirmiez si c'est
bien mon hypothèse qui est la bonne: Est-ce que le poète Roger
Brien n'a pas été l'étincelle qui a mené
à... Parce que, moi, je veux savoir où est l'étincelle qui
a mené à ce très beau projet, qui est probablement unique
en Amérique du Nord et peut-être même au monde. À ma
connaissance, il l'est. J'aimerais savoir qui ou quoi a déclenché
le processus qui a mené à cette réalisation?
M. Rheault (André): Bon, ce que j'aimerais vous mentionner
à ce niveau-là, c'est que le Musée, c'est un projet qui a
été initié par le milieu. Il est né de la chambre
de commerce. Donc, l'étincelle, c'est un M. Pelletier - son
prénom, c'est André - qui était président de la
chambre de commerce. Donc, il est né chez nous, à la chambre de
commerce, par un regroupement de gens d'affaires qui cherchaient, entre autres,
au départ, un moyen d'augmenter la clientèle des marchands
locaux. Je pense qu'au niveau de la chambre de commerce c'est un objectif qui
se veut très louable. C'est l'idée qui a germé et puis qui
a grandi dans le milieu. Les organismes de la région s'y sont
associés avec enthousiasme dès le départ, de même
que les communautés religieuses, considérant la vocation
particulière de Nicolet, la richesse de son patrimoine religieux et - on
l'a mentionné tout à l'heure aussi - la part active qu'a
jouée la municipalité. Donc, on considérait que
c'était un atout important pour la région, le Musée des
religions. C'est le moteur de notre développement économique, en
plus d'être, nécessairement, un lieu offrant des
possibilités artistiques et culturelles intéressantes pour les
gens du milieu, les gens de chez nous.
C'est donc un projet qui ne vient pas de l'extérieur mais qui
vient bien de la base. C'est le milieu qui a investi beaucoup d'efforts et
aussi beaucoup d'argent, comme on l'a mentionné tout à l'heure.
Le milieu y croit, à son musée, puis y tient beaucoup. Aussi,
nous trouvons essentiel qu'une politique en matière de culture favorise
et supporte ce genre d'initiative. Après avoir conçu ce projet
puis après l'avoir réalisé, on voudrait maintenant qu'il
soit reconnu.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Oui, en conclusion...
M. Godin: M.le Président...
Le Président (M. Gobé):... s'il vous plaît,
monsieur...
M. Godin:... si vous permettez. Non, c'est une question. On ne
peut pas conclure maintenant sans tout savoir. Combien de religions sont
représentées ou sont présentes dans le Musée?
Mme Paradis: Actuellement, il y en a cinq.
M. Godin: Supposons que vous avez une exposition sur la religion
islamique...
Mme Paradis: Oui.
M. Godin:... est-ce que vous voyez en même temps un influx
de touristes, de visiteurs de ladite religion?
Mme Paradis: Oui.
M. Godin: Parce que, là, on rejoint une
préoccupation propre aux deux gouvernements, Mme la ministre. Nous
voulons l'intégration de l'homme nouveau québécois
à la culture québécoise dans laquelle, tout le monde le
sait, la religion va jouer un très grand rôle. Et, là, si
votre musée sert en plus à resserrer le tissu multiethnique
québécois, là, ça lui fait une autre
dimension...
Mme Paradis: C'est ça.
M. Godin:... qui, à mon avis, est une flèche de
plus dans votre carquois...
Mme Paradis: Tout à fait.
M. Godin:... pour aller chercher l'appui du gouvernement, quel
qu'il soit, et des ministères, quels qu'ils soient. Je pense, entre
autres, au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration qui serait sûrement fortement intéressé
à donner un coup de main ou du moins à faire connaître
l'existence de ce musée-là.
Mme Paradis: Oui. Nous sommes tout à fait d'accord avec
vous, M. Godin. Et, d'ailleurs, nous nous préparons actuellement
à vivre Noël avec les Ukrainiens cette année. Et,
effectivement, le ministère interculturel est impliqué et suit le
projet de très près.
M. Godin: Le ministère des Communautés
culturelles?
Mme Paradis: Pardon?
M. Godin: Le ministère des Communautés
culturelles.
Mme Paradis: Oui.
M. Godin:... embarque dans la...
Mme Paradis: Oui, mais nous avons fait des démarches et
c'est un projet qu'ils aiment beaucoup parce que, justement, il est unique. Et
je pense que ce ministère-là sera appelé à
collaborer éventuellement dans la préparation de nos expositions,
par exemple, parce qu'il faut aller chercher aussi de l'aide ailleurs qu'au
ministère des Affaires culturelles.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Paradis. Merci,
M. le député de Mercier. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement.
M. Boulerice: Pardon? Oui. Ah! Je m'excuse.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement,
s'il vous plaît.
M. Boulerice: Merci, sauf que je ne sais pas si on l'aura pour
Noël. Mais je vous concède une chose: Le Québec a
commencé à se donner un réseau muséologique qui est
de qualité et qui ne me rend pas... Enfin, je n'ai pas de sentiment
d'infériorité quand je regarde ce qu'on a. Parmi ce
réseau, effectivement, il y a le vôtre. Je pense que toute
politique devra tenir compte, effectivement, des musées privés et
de leur financement. Je suis bien d'accord avec les musées
d'État, mais, comme vous l'avez dit, on ne peut pas avoir un
musée d'État dans chacune des villes. Vous ne demandez pas
d'être gros, mais d'être excellents, donc il faut vous en donner
les moyens. Je pense que c'est une phrase qu'il faut retenir de votre part. Mme
Paradis, je vous remercie, M. le maire, M. le président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, s'il vous
plaît, le mot de la fin.
Mme Frulla-Hébert: Enfin, j'ai laissé la place
à mon collègue. C'est difficile de ne pas parler. Vous savez,
effectivement, le département des miracles c'est chez vous, ce n'est pas
chez nous. Pour Noël, ça c'est un peu tôt. Mais, ceci dit,
j'ai demandé une commission. Justement, si c'est la première fois
que ça se fait, c'est parce qu'on a besoin de changement. On pense
à des ententes triennales. On a beaucoup participé à
l'ouverture du musée, au niveau du financement, au niveau du
fonctionnement des équipements. Et, là, vous avez eu, je pense,
la première tranche, mais il s'agit d'établir... Malheureusement,
effectivement, ça se décide l'automne. Encore là, bien
souvent, avant de regarder dans la cour des autres, il faut aussi se regarder
et voir ce qui ne fait pas. Alors, des changements,
il y en aura au niveau du fonctionnement, parce qu'il y a, dans certains
secteurs - c'est normal après 30 ans aussi - certains
problèmes.
Ceci dit, j'ai eu le plaisir de visiter votre musée. C'est
effectivement un musée unique. L'idée aussi de mon
confrère, quand on parle de relier les diverses communautés et de
faire connaître les diverses communautés par le biais d'un
équipement tel que le vôtre, d'un musée tel que le
vôtre, c'est une excellente idée aussi. Alors, évidemment,
on vous encourage à continuer.
Et je reviens encore. Quand on parle de saupoudrage, dans l'esprit du
rapport Arpin - je l'ai dit et je le répète, il ne faut quand
même pas avoir une fausse perception et ça serait mauvais de la
véhiculer faussement - c'est qu'on parle beaucoup de consolidation.
Parce que, quelque part, on pourrait peut-être tout financer, mais c'est
sûr que les moyens ne seront pas illimités, que ce soit dans un
gouvernement ou dans un autre. Moi, personnellement, j'aime autant avoir une
vision plus réaliste et, à partir de cette vision
réaliste, bâtir. Merci beaucoup, Mme Paradis.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Nicolet, connaissant votre intérêt et
pour votre comté et pour les religions, il me fait plaisir de vous
céder le mot de la toute fin.
M. Boulerice: Amen! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richard: Merci, M. le Président. Merci pour votre
mémoire, madame, messieurs. Et je vais prendre un de vos termes, tout
à l'heure, en disant: Je suis très fier, comme
député, d'être associé, et de très
près, à cette histoire d'amour avec le Musée des
religions. Grand merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député. Merci, Mme Paradis, messieurs, M. le maire, merci
beaucoup. Ceci met fin à votre audition. Soyez assurés que les
membres de la commission ont apprécié votre mémoire et que
nous tiendrons compte de vos recommandations lors de l'élaboration de
cette politique. Nous vous remercions. Nous vous souhaitons un bon retour chez
vous.
Je demanderai maintenant, sans plus tarder, aux représentants du
groupe suivant, soit ceux de la ville de Gatineau, de bien vouloir venir
prendre place à la table, afin que nous puissions commencer les
auditions.
Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour
de la table, nous allons commencer les travaux de cette commission, recommencer
les travaux. Il me fait plaisir d'accueillir, cet après-midi, les
représentants de la ville de Gatineau, qui sont M. Simon
Racine, conseiller municipal - bonjour, M. Racine - M. Robert
Bélair, directeur adjoint de la ville - bonjour, M. Bélair - Mme
Hélène Grand-Maître, directrice de loisir et culture -
bonjour madame - et Mme Jacinthe Deault, chef de division, loisir et culture.
Bonjour. Je vois une autre personne qui vous accompagne.
Mme Ménard (Lucie): Lucie Ménard, directrice
générale de la Maison de la culture de Gatineau.
Le Président (M. Gobé): Pouvez-vous
répéter votre nom afin que nous puissions...
Mme Ménard: Lucie Ménard.
Le Président (M. Gobé): Bonjour à vous
aussi. Alors, sans plus tarder, je vous inviterais à commencer la
présentation de votre mémoire ou les réflexions dont vous
avez à nous faire part. Vous n'êtes pas obligés de lire le
mémoire complètement, les membres de la commission en prennent
connaissance de toute façon. Vous avez 15 minutes. Alors, s'il est un
peu long, vous pouvez le résumer et, par la suite, nous entamerons la
discussion avec les représentants de chacun des deux partis
représentés à cette commission. Vous avez la parole.
Ville de Gatineau
M. Racine (Simon): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, M. le Président, je désire tout d'abord remercier la
commission d'avoir permis la présentation de ce mémoire. Je tiens
à excuser auprès de la commission l'absence du maire de la ville
de Gatineau, M. Robert Labine, qui est retenu par d'autres obligations.
Je vais quand même lire, M. le Président, le contenu de ce
mémoire, tout en sautant quelques endroits. Avec une population
atteignant maintenant le cap des 90 000 habitants, la ville de Gatineau est
devenue, sur le plan démographique, la sixième ville en
importance du Québec et la région de l'Outaouais, le
troisième centre urbain après les agglomérations de
Montréal et de Québec.
Depuis quelques années, la ville de Gatineau connaît une
croissance démographique accélérée, comme
l'illustre la construction de trois nouvelles écoles primaires
actuellement en cours sur son territoire. Constituée principalement de
jeunes familles, sa population est composée à 38 % de personnes
de moins de 20 ans. L'ouverture, au cours des dernières années,
du Centre hospitalier de Gatineau et du pavillon Félix-Leclerc du
collège de l'Outaouais a stimulé son développement en
répondant à des besoins pressants de sa population en
matière de santé et d'éducation.
Sur le plan culturel, des progrès importants seront bientôt
accomplis, grâce à la construction
d'une maison de la culture comprenant une bibliothèque, une salle
d'exposition et une salle de spectacle. La ville de Gatineau participe, dans
une proportion de 40 %, au financement de cette infrastructure.
Prévoyant assumer les coûts qui lui reviennent dans
l'opération de ces services, la ville de Gatineau pourrait consacrer, en
1992, plus de 2 000 000 $ de ses budgets à la culture, et ce, sans
compter le service de la dette sur les équipements de construction. Ce
montant représente 2,2 % du budget total de la ville.
Nous vous faisons remarquer, M. le Président, que la ville de
Gatineau est sur le point d'avoir, en termes d'équipement... La
bibliothèque centrale, sa superficie va passer de 9800 pieds à 25
000 pieds carrés et, comme on vous le disait tantôt, la salle de
spectacle est en cours de construction. C'est une salle de spectacle de 652
places et qui doit ouvrir ses portes en février 1992. De plus, notre
salle de spectacle sera intégrée à l'ensemble de ce
complexe qu'est la maison de la culture.
Son engagement financier a ainsi augmenté de près de 57 %
au cours des deux dernières années, seulement pour des services
qui relèvent exclusivement du domaine de la culture. Ces budgets
affectés aux activités socioculturelles ou communautaires ne sont
pas comptabilisés dans ce montant. (17 h 15)
À quelques minutes du centre-ville d'Ottawa, la ville de Gatineau
est confrontée à la réalité de ville
frontalière et à l'importante présence des infrastructures
culturelles de la capitale nationale.
Au moment où la population et le gouvernement du Québec
affirment leur désir d'autonomie en matière culturelle, il
devient nécessaire de permettre aux municipalités
frontalières de jouer pleinement le rôle de porte-étendard
de la diffusion culturelle québécoise, et ce, d'autant plus
qu'elles représentent la principale agglomération urbaine en
région au Québec. La situation frontalière de l'Outaouais
est un des facteurs qui expliquent le retard du développement des
services publics dans notre région.
Sur le plan culturel, l'étude sur le financement des arts et de
la culture au Québec, d'André Coupet, démontrait en effet
que cette région n'avait pas reçu, au cours des dernières
années, la part qui lui revenait: "Si l'on ne tient compte que du seul
critère relié à la population, plusieurs régions de
la province reçoivent des sommes inférieures au poids relatif de
la population sur leur territoire, ceci est particulièrement le cas dans
les régions centrales de l'Estrie, la Mauricie et l'Outaouais."
Suite à l'adoption d'une politique sur les arts et la culture
dans l'élaboration d'une stratégie d'intervention, la ville de
Gatineau souhaite que le ministère tienne compte de cette
réalité pour apporter un soutien accru à l'effort
municipal dans le domaine culturel en temps que partenaire
privilégié.
Dans cette mise en situation, nous voulons mettre le focus sur trois
choses en particulier: le fait que la région de l'Outaouais, c'est une
région frontalière; le fait que la région de l'Outaouais
est la troisième agglomération urbaine du Québec et le
fait aussi que la ville de Gatineau a une population qui est jeune: 38 % qui
ont moins de 20 ans.
Je pense que la ville est d'accord avec la plupart des recommandations
de la commission Arpin. Donc, je vous invite à passer aux pages
suivantes, à la page 7 qui touche particulièrement certaines
recommandations qui ont attiré le plus notre attention, dont la
proposition no 5: Éviter le saupoudrage dans le secteur d'aide à
la création.
L'activité culturelle au niveau municipal dans les régions
au Québec ne saurait se développer sans l'apport d'un milieu
culturel dynamique et fort. C'est pourquoi la ville de Gatineau appuie la
recommandation qui propose que des mesures de rationalisation budgétaire
soient prises dans des programmes d'aide à la création pour ainsi
éviter le saupoudrage. Elle souhaite aussi que les subventions
accordées soient rattachées à des mandats
précis.
Aux propositions 7, 8 et 9, la ville de Gatineau apporte son appui aux
mesures permettant la consultation des assises budgétaires des
organismes, ainsi que celles définissant les conditions d'accès
aux programmes gouvernementaux: définition des organismes admissibles,
budget triennal, restauration des budgets par rapport à l'inflation.
Elle souligne aussi la nécessité d'assurer une plus grande
cohésion et une meilleure transparence dans l'accès à ses
programmes ainsi qu'une distribution équitable des fonds du soutien
gouvernemental dans le secteur culturel.
Proposition no 11. Une certaine stabilité du soutien
gouvernemental permettrait aux organismes de mieux planifier leur budget. Dans
le cadre municipal, cette mesure pourrait être intégrée aux
ententes de principe entre le ministère et les municipalités sur
la base d'un énoncé de politique. En commentaires, on a
l'impression que les règles du jeu ne sont pas toujours claires,
définies. Il nous semble que les subventions à la construction
d'un nouvel équipement varient en pourcentage pour de
l'équipement parfois semblable peut-être dans d'autres
municipalités.
Proposition no 32. La formation des gestionnaires culturels devient un
élément important du développement que le Québec
connaît dans le domaine culturel depuis quelques années. C'est
pourquoi la ville de Gatineau appuie toute mesure qui permettrait le
développement harmonieux des programmes de formation et de
perfectionnement de la gestion des arts.
Proposition no 38. La ville de Gatineau se
prononce en faveur de l'application du programme du 1 % pour les
municipalités et l'entreprise privée qui pourrait devenir le
programme art et architecture, le tout sur une base volontaire pour les
programmes de construction dont les budgets excèdent 3 000 000 $.
Le ministère des Affaires culturelles devrait également
demeurer maître-d'oeuvre de ce programme et y participer par des mesures
incitatives.
Proposition no 47 du chapitre 2. En ce qui concerne le patrimoine en
région, les programmes visant la protection du patrimoine bâti
devraient soutenir financièrement les propriétaires afin de les
encourager dans le domaine de la restauration des édifices
d'intérêt patrimonial.
Par ailleurs, la ville de Gatineau tient à souligner l'importance
de la conservation du patrimoine vivant. Il s'agit là d'un aspect
important de la culture dont les régions du Québec sont
d'importants dépositaires.
Sur le plan du patrimoine écrit, il serait possible de mieux
reconnaître l'apport des centres d'archives municipaux en les
intégrant davantage aux programmes culturels du ministère. Il
importe aussi de préserver les centres régionaux d'archives.
Propositions nos 50 et 51. La ville de Gatineau reconnaît que le
Grand Montréal constitue un pôle culturel de portée
nationale et que la situation de la ville de Québec est
spécifique. Elle tient cependant à appuyer toute mesure
favorisant tant les échanges des grandes institutions vers les
régions que la diffusion des réalisations régionales dans
les grands centres, pour éviter la création d'un vide culturel
à l'extérieur des deux grandes agglomérations de
Montréal et de Québec.
Le Président (M. Gobé): M. Racine, je suis dans
l'obligation de vous demander de conclure afin que nous puissions entamer le
processus qui suit...
M. Racine: D'accord.
Le Président (M. Gobé): ...c'est-à-dire la
discussion.
M. Racine: J'ajouterai peut-être une recommandation.
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, allez-y.
M. Racine: Une dernière recommandation, celle de la page
13, là. Avec la création des bureaux régionaux du
ministère des Affaires culturelles, le rôle des conseils
régionaux de la culture est devenu de plus en plus ambigu. Ces
structures font souvent double emploi et n'atteignent pas toujours les
objectifs pour lesquels elles avaient été créées en
1977.
À cet effet, on pourrait dire que les allocations annuelles
octroyées aux CRC sont de 127 000 $. C'est plus que les montants qui
sont versés aux diffuseurs en région, qui sont de 111 000 $. Et
aux créateurs, ils sont de 146 000 $. Donc, on recommande plutôt
qu'une formule consultative, intégrant les municipalités à
titre de partenaires privilégiés, soit développée.
Ainsi, le ministère des Affaires culturelles pourrait encore mieux
servir de guide auprès des municipalités tout en respectant leur
autonomie afin que chaque région soit en mesure de développer les
éléments de sa propre identité.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Racine. Et je
vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles. Et j'avise aussi que, tout à l'heure, je requerrai le
consentement afin que le député de Gatineau puisse, lui aussi,
intervenir et poser quelques questions. Alors, Mme la ministre, vous avez la
parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Racine, bienvenue. On parle
d'efforts concertés. Je me souviens, quand je suis allée chez
vous - je dirais peut-être avant de commencer la commission, là -
il y a à peu près un mois, un mois et demi, on a beaucoup
parlé d'efforts concertés entre la municipalité et le
ministère, d'une part. Notre investissement, d'ailleurs, de 6 000 000 $
dans la maison de la culture joint aux efforts financiers de la
municipalité, c'est aussi un bon pas vers, justement, cette concertation
que nous souhaitons. Et, évidemment, c'est et ça a toujours
été notre volonté, de toute façon, au
ministère des Affaires culturelles, de travailler de pair avec les
municipalités pour, justement, améliorer le développement
culturel spécifique à chacune des municipalités et
à chacune des régions. De là, un ministère... et
notre ministère est le plus décentralisé au gouvernement
avec des enveloppes, depuis avril - nos bureaux régionaux ont des
enveloppes propres - pour, justement, être plus près encore de la
population.
Maintenant, vous parlez beaucoup d'autonomie des municipalités:
"La ville de Gatineau insiste pour que le gouvernement maintienne le
caractère incitatif des dispositions..." On parle beaucoup, là,
de toute cette autonomie des municipalités. Et le travail en
collaboration, oui, mais vraiment l'autonomie des municipalités.
Développez-moi un peu, là, cette idée d'autonomie. Je veux
bien comprendre.
Le Président (M. Gobé): M. Racine? Madame?
Mme Deault (Jacinthe): Lorsque c'a été
développé, c'était surtout dans l'esprit que chaque
municipalité a une situation spécifique. D'abord, c'est une
situation par rapport, comme dans notre cas, à notre situation
géographique qui est unique et aussi par rapport à sa situation,
par rapport à son milieu culturel. Par exemple, dans
un cas précis, le patrimoine peut être
l'élément moteur, tandis que, dans un autre cas, ça peut
être les arts d'interprétation ou, dans un autre cas, ça
peut être un autre type d'élément fort.
Dans un plan de développement d'une municipalité, la
municipalité ne peut pas faire autrement que compter sur ce qui la
compose. C'est pourquoi, tout modèle qui serait impose ou tout
modèle qui serait, je dirais, parachuté risquerait de ne pas
être exactement bien fait sur mesure et, d'autre part, ne pourrait
peut-être pas aussi entièrement correspondre au projet de
développement d'une municipalité de façon harmonieuse.
C'est pourquoi - en tout cas, je crois - par exemple, les programmes
incitatifs, qui donnent une certaine direction, permettent au ministère
des Affaires culturelles de continuer à exercer son leadership, sont
particulièrement intéressants pour les municipalités.
À ce titre, je pense qu'un programme incitatif qui a très bien
fonctionné, c'est celui des bibliothèques où on a vu les
municipalités intervenir et se doter d'équipements qui peuvent
être adaptés à des besoins précis selon chacune et
peuvent avoir certaines formules spécifiques selon chacune et aussi
correspondre au plan de développement économique de chacune des
municipalités et, en même temps, correspondre aux besoins
généraux qui sont définis à l'intérieur du
ministère des Affaires culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Pour revenir à votre
municipalité, qui a quand même un caractère assez
spécial à cause, justement, de la proximité... Hull, c'est
la même chose aussi; c'est une région qui, même si plus
éloignée que Hull, est quand même relativement
frontalière. Est-ce qu'au niveau de l'implication de la
municipalité... Il y a sûrement des problèmes, on m'a
d'ailleurs fait part de problèmes spécifiques chez vous,
justement à cause de cette situation géographique
particulière. Est-ce qu'il y aurait lieu, à ce
moment-là... Vous parlez de modulation de programmes spécifiques
justement pour ce genre de contexte géographique. Est-ce qu'il y aurait
lieu, finalement, au niveau des programmes... Comment on fait? Je vais vous
dire honnêtement: Comment on fait? Quand même, les gens
bénéficient aussi d'autres équipements environnants. Si tu
vas un petit peu plus loin, tu traverses, tu t'en vas à Ottawa;
évidemment, c'est la capitale nationale du Canada, alors les
équipements sont énormes. Alors, comment on ferait, chez vous, si
on voulait justement moduler les programmes pour vraiment bien travailler avec
votre région? Quels secteurs faudrait-il privilégier, par
exemple?
Mme Deault: C'est une question très difficile, je crois,
qui mériterait sûrement une réflexion prolongée.
Mais, à première vue, c'est difficile de déterminer
ça en termes de secteurs.
Je pense que ça va être plus possible de le
déterminer en termes de créneaux, dans le sens que,
peut-être que la maison de la culture qui est actuellement en
construction va être un début de réponse à cette
question-là, dans le sens que la maison de la culture se définit
aujourd'hui - ma collègue pourra peut-être ajouter à ce que
j'ai à dire - non pas comme un élément qui est une copie
du Centre national des arts, non pas comme une concurrence au Centre
natio-tional des arts, mais comme un élément qui va apporter son
point spécifique, qui va se démarquer dans un créneau
spécifique et qui va apporter, je dirais, un nouvel essor au
développement culturel, sans pour autant contredire les efforts qui sont
déjà faits à un autre niveau, dans d'autres
paramètres au niveau du Centre national des arts et d'Ottawa. (17 h
30)
Mme Ménard: Effectivement, pour renchérir
là-dessus, la maison de la culture va avoir des créneaux
définis. Il est un peu tôt pour le faire à ce moment-ci,
mais la population et, finalement, la région de l'Outaouais
québécois ont aussi des attentes qui sont différentes de
ce que le Centre national des arts peut donner comme services. Parce qu'il
reste que c'est quand même au Québec et c'est quand même une
attente qui est bien différente de celle qu'on a de l'autre
côté de la rivière, même si c'est finalement
national. Alors, ce sera à définir et ce sera de répondre
aux attentes réelles des Québécois de notre
côté de la rivière, finalement, l'Outaouais
québécois, et ça, c'est important.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
Comme habituellement, lorsqu'on a un groupe et qu'il y a les
députés régionaux dans la salle, qui sont présents,
ou des députés locaux, nous faisons un aménagement du
temps et nous requérons le consentement en vertu de l'article 132 de
notre règlement, afin qu'ils puissent dialoguer avec les gens. Ça
fait qu'on a le député de Gatineau, comme je le disais
précédemment, M. Lafrenière. Il semble que sa
popularité dépasse même le temps que je puisse demander le
consentement. Alors, il semble que vous avez le consentement unanime.
M. Lafrenière: II ne faudrait pas en mettre trop, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Ce qui fait que vous avez
la parole, M. le député.
M. Lafrenière: Je vous remercie. Je dois féliciter
d'abord la ville de Gatineau qui fait une... Entre autres, la ville de Gatineau
comme telle présente le mémoire aujourd'hui, et une partie de la
ville de Gatineau est dans mon comté. Je ne voudrais pas
prétendre représenter tout l'Outaouais, mais je dois vous
féliciter de faire cette action que vous faites aujourd'hui en
présentant un mémoire.
Par contre, je vais peut-être me faire l'avocat du diable en vous
posant la question suivante: Vous souhaitez remplir le rôle de
porte-étendard au niveau de l'Outaouais en matière de culture;
qu'est-ce que vous faites de la Communauté urbaine? À quelle
place la situez-vous, à ce moment-là?
M. Racine: M. le député Lafrenière,
actuellement, vous savez comme nous que la CUO est née depuis quelques
mois. Disons que c'est un dossier qui n'a pas été abordé
ou approché, malgré qu'on peut dire, dans les années ou
dans les mois à venir, sûrement qu'au niveau de la CUO la porte
n'est pas fermée, et il reste à sensibiliser la présidence
à ce dossier-là. Nous n'avons pas la prétention, la ville
de Gatineau, de représenter ce qu'on appelle l'ensemble de l'Outaouais.
Ce qu'on voulait souligner, en fait, c'est qu'on est, quand même, une
grande région, la troisième grande région du Québec
en milieu urbain. Et on peut dire que, parfois, on ne s'est peut-être pas
senti oublié, mais on a quand même toute une structure ou une vie
culturelle à construire actuellement. D'autant plus que vous savez que
la ville de Gatineau a une naissance qui est relativement récente, de 15
ans. Donc, il y a beaucoup de choses à structurer. Avec les
équipements dont on entend se doter, ça va sûrement, dans
une première initiative, apporter quelque chose de mieux, je pense,
à la vie culturelle de Gatineau.
Le deuxième, je pense, c'est suite à cette commission
parlementaire et ce qu'il va en découler. Sûrement, nous, on va se
pencher pour établir ce qu'on appelle une politique, adopter une
politique de culture à l'intérieur même de la ville de
Gatineau.
M. Lafrenière: Autrement dit, vous allez devenir le
siège social de la Communauté urbaine de l'Outaouais.
M. Bélair (Robert): Ce n'est pas tout à fait
ça. En fait, la Communauté urbaine vient d'être
créée. On connaît les dossiers importants qu'elle a en main
actuellement. Elle doit se restructurer d'abord et, deuxièmement, elle a
ces dossiers d'environnement à régler. Je pense que, pour
l'instant, la Communauté ne touchera pas au secteur culturel à
court terme. Alors, la ville de Gatineau présente son mémoire en
tant que ville et non pas sous la bannière de la Communauté
urbaine.
M. Lafrenière: Ce n'est pas parce que je vois ça
d'un mauvais oeil. Si quelqu'un prend le leadership, autant qu'il vienne de mon
comté. On pourrait engloutir une partie de Pontiac...
Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez
terminé, M. le député? Je vous remercie. Je passe
maintenant la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, je reconnaîtrai M. le
député de Mercier. Je vous préviens à l'avance, M.
le député.
M. Boulerice: Oui. M. le conseiller municipal, mesdames,
messieurs, malheureusement, il n'y a pas de député de ma
formation politique dans votre région, mais rassurez-vous, la prochaine
fois, nous verrons à corriger.
Une voix: II est optimiste.
M. Boulerice: Ah! mais, monsieur, je fréquente cette
région, d'ailleurs, et ils savent bien, ils lisent les journaux, ils
regardent la télévision. J'ai même fait des pronostics pour
la prochaine fois. La première question que j'aimerais vous poser, c'est
juste pour mon bénéfice personnel, M. Racine. Est-ce qu'à
votre conseil municipal il y a un conseiller pour qui ce dossier est une
affectation précise, un mandat précis du conseil?
M. Racine: Oui. Oui, M. le député Boulerice.
Actuellement, nous avons ce qu'on appelle un comité spécifique
à ce dossier, qu'on appelle le comité de services aux citoyens,
qui comprend tout le service de loisir et culture et les activités
sportives de plein air. Mais il y a un comité qui chapeaute ce qu'on
appelle le côté culture, à la ville, oui.
M. Boulerice: D'accord. Et qui est sous l'autorité d'un
conseiller municipal, qui, lui, fait rapport au conseil.
M. Racine: D'un président de comité et certains
membres du conseil municipal sont membres de ce comité. De plus, je veux
vous souligner qu'à la Maison de la culture on a ce qu'on appelle aussi
un organisme, formé dans l'administration de la Maison de la culture,
qu'on appelle la Corporation de la Maison de la culture.
M. Boulerice: Ma question n'était pas anodine parce que je
voulais, par cela, prouver qu'il y a des municipalités où,
vraiment, on voit que c'est un engagement, une volonté politique ferme
d'oeuvrer dans le domaine de la culture. Je pense que c'est important de le
connaître dans le cas de Gatineau, ce qui est aussi le cas pour vos
collègues et amis de Boucherville qui sont venus cet
après-midi.
M. Bélair: Sur ce point, je voudrais ajouter que, il y a
trois ans, la ville s'est dotée d'une stratégie en matière
de culture, qui a commencé, on le voit, avec l'installation
d'équipements, parce qu'on n'en avait aucun, et qui sera suivie,
à court terme, d'une politique culturelle qui devrait être
présentée au ministère au cours des deux prochaines
années.
M. Boulerice: D'accord. Vous faites ressortir l'impact
négatif de la TVQ sur les produits culturels et, éventuellement,
sur les manifestations culturelles également et vous rejetez la TVQ
réduite à 3 %, telle que proposée dans le rapport Arpin.
Pourquoi?
M. Bélair: C'est une question d'accessibilité et,
dans notre cas, c'est d'autant pire parce qu'on est situé en
frontière. Si on prend un spectacle, par exemple, qui se donnerait
à Gatineau, si vous ajoutez la TPS et la TVQ alors que vous n'avez pas
cette taxe en Ontario, ça rend notre secteur passablement moins
concurrentiel.
M. Boulerice: Vous déplorez l'absence de recommandations
très concrètes du rapport Arpin dans le cas des
bibliothèques publiques. Je suis curieux, là. Qu'est-ce que vous
attendez du ministère à cet égard, étant
donné, et vous l'avez mentionné, que le rapport Sauvageau dort
sur les tablettes du ministère depuis trois ans, vous le dites et
l'Association des directeurs de bibliothèques publiques est venue nous
le dire il y a quelques jours. Et Dieu seul sait que, dans les
municipalités, beaucoup de la vie culturelle est centrée autour
de ce pôle qui est la bibliothèque. On a souvent fait le centre
culturel alentour de la bibliothèque, en plus.
Mme Deault: On a un peu été étonnés
de voir que le secteur de la bibliothèque n'était pas plus
présent à l'intérieur du rapport Arpin, d'autant plus que
c'est un secteur, en tout cas, où il y a eu, je crois, des
développements assez considérables au cours des dernières
années. Il y a eu des pas, qui ont été franchis, qui ont
été importants. Maintenant, on a simplement voulu souligner cet
élément et souligner l'importance du rapport Sauvageau dans ce
cadre-là.
M. Boulerice: Vous avez forcément pris connaissance du
rapport Sauvageau, puisque vous en pariez. Donc, vous souhaitez l'application
du rapport Sauvageau, donc une loi s'inspirant du rapport Sauvageau dans les
meilleurs délais. Je ne sais pas quel est l'état de votre
bibliothèque, mais l'état des bibliothèques publiques au
Québec, vous le connaissez comme moi, on est à proximité
de Terre-Neuve, en termes de performance. Près de 1 000 000 de
Québécois n'ont pas accès à une bibliothèque
publique. Les bibliothèques s'appauvrissent. Là, on a
échappé, grâce à la vigileance de l'Opposition,
à la TVQ sur le livre, mais il y a quand même la GST
fédérale qui est là-dessus, ça vous appauvrit dans
vos budgets d'acquisition.
M. Bélair: En ce qui concerne les bibliothèques, il
y a eu des efforts importants qui ont été faits récemment,
tant par le ministère que par la ville. Nous avons doublé les
superficies de plancher pour les bibliothèques et nous avons, du
côté de la ville, avec le soutien du ministère, voté
des budgets spéciaux pour augmenter de façon importante... plus
de 250 000 $ en volumes. Je pense que, de ce côté-là, nous
sommes partis d'un bon pied depuis quelques années.
Mme Deault: Vous avez raison, par ailleurs, de souligner
l'importance que les bibliothèques représentent du point de vue
municipal, étant donné qu'il s'agit d'un service très
largement accessible aux citoyens. Et à cet effet-là, c'est
sûr que... Et, d'ailleurs, ça, le rapport Arpin l'a
déjà souligné que c'était le premier secteur dans
lequel les municipalités se sont largement impliquées. Ce n'est
pas un effet du hasard, effectivement, compte tenu, je dirais, de
l'étendue du service que représentent les
bibliothèques.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Mercier.
M. Boulerice: Juste une toute dernière petite vite, M. le
Président. Vous vous prononcez en faveur de la fin du saupoudrage. Je ne
veux pas jouer le jeu de l'adéquation mathématique avec vous,
mais tous les intervenants en région - et vous êtes
inévitablement une région - craignent beaucoup que la fin du
saupoudrage soit pour eux une certaine asphyxie et, vous, vous dites
plutôt: Subventions à des mandats précis. Mais un mandat
précis, c'est quoi?
Mme Deault: C'est bien sûr que, dans le domaine de la
création, c'est très difficile, dans le sens que le domaine de la
création est souvent associé au domaine de la recherche et
développement dans le domaine scientifique ou technique ou dans les
technologies de pointe. Et je pense que cette comparaison-là est
très réaliste. Par ailleurs, sur le plan du financement ou du
soutien qui est accordé aux organismes ou au fonctionnement, le
saupoudrage peut avoir des effets extrêmement négatifs, d'une
part, et, d'autre part, dans le cas où c'est rendu de façon trop
large, mener à la faillite de l'ensemble. Au lieu de soutenir un nombre
qu'on est capable de soutenir, on finit par se retrouver dans une situation
où c'est presque impossible de mener des dossiers culturels.
C'est dans cet esprit-là qu'on a parlé de mandats
précis. C'est sûr que loin de notre idée est de dire que le
ministère ou les municipalités auront à définir les
mandats des créateurs sur le plan du contenu ou des contenus artistiques
qui devraient être produits; ça, c'est sûr qu'on va garder,
on va préserver la liberté entière des créateurs
à ce niveau-là. Par contre, au niveau de l'opération ou du
fonctionnement des organismes, on croit qu'il y a lieu de préciser les
mandats et que cette précision de mandats permettrait aux
municipalités d'agir de façon peut-être plus
cohérente, en collaboration peut-
être plus étroite avec certains organismes ou, en tout cas,
en accord avec des orientations qui seraient prises par les bureaux
régionaux ou par le ministère des Affaires culturelles.
Le Président (M. Gobé): Alors merci, madame. M. le
député de Mercier, il reste quatre, cinq minutes.
M. Godin: Merci, M. le Président. M. Racine, je vais vous
poser une question qui regarde plutôt, probablement, le maire de la
municipalité. Mais j'aimerais savoir... Vous avez chez vous, tout d'un
coup, l'implantation d'un éléphant fédéral qui est
le musée qu'on connaît, le musée national canadien.
J'aimerais savoir si la ville de Gatineau a été consultée
ou informée par le fédéral, eu égard à son
plan d'urbanisme, de l'implantation de ce musée sur son territoire et si
elle a eu un mot à dire.
M. Racine: M. Godin, vous faites mention, je pense, du
Musée de la civilisation et le Musée de la civilisation est
situé dans la ville de Hull. (17 h 45)
M. Godin: Alors, je me trompe. Je me trompe de témoin.
Veuillez m'en excuser. J'aimerais aussi savoir de vous... Le Musée de la
civilisation, ce n'est pas du tout celui auquel je pense. Je pense à
celui qui est dans la ligne de la cathédrale. C'est encore à
Hull, ça? Le Musée des beaux-arts...
Une voix: II est à Ottawa. M. Godin: II est
à Hull.
M. Bélair: Le Musée des beaux-arts, il est à
Ottawa.
M. Racine: Justement, c'est à Ottawa. À un moment
donné, vous avez de la difficulté à trouver d'autres
édifices culturels à Gatineau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: Parce que j'aurais aimé aussi savoir...
M. Boulerice: II a fait ce qu'on appelle une preuve par
l'absurde.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: J'aurais aimé aussi savoir si ce
bâtiment-là est intégré, dans l'esprit de la ville
et du travail de Mme Grand-Maître, au réseau d'équipements
de la ville de Gatineau, soit par l'usage, au besoin, d'une salle de spectacle
ou d'une salle de cinéma pour les citoyens de Gatineau.
M. Bélair: Je pense que le plus bel exemple qu'on pourrait
prendre dans ce type-là, c'est le Centre national des arts dont on
parlait tout à l'heure. Nous avons pris comme attitude, plutôt que
de partir en guerre contre un organisme qui est autrement plus
équipé qu'on peut l'être, de fonctionner en
complémentarité avec lui. Lorsqu'on parlait de développer
des créneaux, on le consulte, on travaille avec lui, parce qu'il n'est
pas question pour nous de bâtir un éléphant blanc et de
partir en guerre contre le Centre national des arts. On essaie de travailler en
complémentarité avec lui et, de cette façon-là, je
crois qu'on va y arriver.
M. Godin: Mais, là, on pourrait parler, comme la ministre
l'autre jour, d'un partenariat à géométrie variable.
Le Président (M. Gobé): M. le député,
merci.
M. Godin: J'ai terminé.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement très rapidement,
s'il vous plaît.
M. Boulerice: Très rapidement, oui.
Le Président (M. Gobé): Nous avons
dépassé.
M. Bouierice: Non, Gatineau comme Hull, puisque mon
collègue a parlé de Hull, font toujours partie du territoire
québécois et je n'ai pas l'impression que ça va être
le contraire demain. Donc, effectivement, je pense qu'il y a une attention tout
à fait précise qu'on doit avoir. Et je peux vous dire que, pour
ce qui est de ma formation politique, dans les jours à venir, comme
disait Diane Dufresne dans une chanson: Vous aurez de mes nouvelles dans les
journaux. Nous aurons sans aucun doute des choses à discuter et vous
verrez qu'il y a une place pour ce qui est spécifiquement de la
région de l'Outaouais, de l'Outaouais québécois.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député...
M. Boulerice: Votre région mérite une attention
particulière.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci à vous tous.
Évidemment, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Nous avons
collaboré avec vous dans la Maison de la culture. Je vous
écoutais parler tantôt, en tout cas, de
complémentarité, parce que ce qui existe, veux veux pas, on n'est
pas pour le détruire non plus. Il va y avoir des représentants
aussi de la région de Hull. On
comprend aussi - je l'ai vu, de toute façon, pour discuter avec
plusieurs d'entre vous - la particularité de cette
région-là et cette complémentarité que vous vous
devez aussi de développer, ne serait-ce qu'à cause de tout ce qui
existe autour. Alors, évidemment, si on est ici, si j'ai demandé
une commission parlementaire, c'est pour qu'il y ait des changements et, avec
ces changements, il y a toute la modulation au niveau des particularités
régionales. Alors, merci encore d'être ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Avant de terminer, j'aimerais donner le mot de la fin à M. le
député de Gatineau afin qu'il puisse vous remercier comme il se
doit.
M. Boulerice: ...c'est une promesse. C'est ça que vous
allez dire?
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques! M. le député de Gatineau, vous
avez la parole pour les remerciements au groupe.
M. Lafrenière: Je vais m'associer à la ministre et
à tout le monde pour vous remercier du geste que vous avez posé,
d'être venus déposer un mémoire à la commission de
la culture. Mais je me permettrai de vous dire que vous n'attendrez pas
après une prochaine maison de la culture, c'est déjà fait
dans l'Outaouais, dans le comté de Gatineau, pour répondre
à M. Boulerice.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Gatineau.
M. Boulerice: ...ils vont être bien équipés.
Théâtre du Nouveau Monde
Le Président (M. Gobé): Merci, mesdames et
messieurs. Il nous a fait plaisir de vous recevoir. Soyez assurés que
nous prenons bonne note de votre mémoire et nous vous souhaitons un bon
retour dans votre région. Alors, ceci met fin à votre audition.
Vous pouvez vous retirer.
Sans plus tarder, je demanderai aux représentants du
Théâtre du Nouveau Monde de bien vouloir prendre place en
avant.
Alors, bonsoir messieurs. Si je me fie à ma liste, le
Théâtre du Nouveau Monde est représenté par M.
Oliver Reichenbach, directeur artistique - bonsoir monsieur, à cette
heure-ci, on peut dire bonsoir - et M. Michel Noël, directeur
administratif. Bonsoir, M. Noël.
M. Noël (Michel): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Alors, vu que nous avons
une petit peu de retard, sans plus tarder, je vous prierai donc de commencer
votre exposé.
M. Reichenbach (Olivier): Bien. Je vous remercie, M. le
Président. Mme la ministre, MM. les députés, membres de la
commission, donc, je suis le directeur artistique du Théâtre du
Nouveau Monde et M. Noël est le directeur administratif. À nous
deux, nous représentons, nous sommes la direction générale
de cette compagnie de théâtre.
Nous vous avons fait parvenir, il y a un mois, un mémoire sur les
recommandations émises par le groupe-conseil Arpin quant à
l'établissement d'une politique de la culture et des arts. Vous nous
avez invités à venir vous exposer de vive voix notre point de vue
et nous vous en remercions. Je voudrais vous dire tout d'abord, parce que c'est
de ça qu'il va s'agir, d'où nous venons, mon collègue et
moi, et où nous allons retourner d'ici quelques heures, dès
demain. Nous allons retourner exercer nos fonctions dans une compagnie de
théâtre prestigieusa Je n'ai pas besoin de vous présenter
le Théâtre du Nouveau Monde, je peux peut-être simplement
vous rappeler qu'il a fêté, ces jours derniers, ses 40 ans
d'existence. Donc, dans une compagnie de théâtre prestigieuse,
riche d'une histoire de 40 ans, une des plus connues du public, située
en plein coeur de la métropole du Québec, et ce que nous allons
faire dès demain, comme nous l'avons fait hier et avant-hier et comme
nous l'avons fait souvent par les années passées: nous allons
nous redemander, une fois de plus, dans combien de temps nous devrons mettre la
clé sur la porte. Dans six mois, dans un an, dans deux ans? On ne sait
pas. Alors, nous allons tenter de nous imaginer un instant ce que serait
Montréal et le Québec sans le Théâtre du Nouveau
Monde, et je peux vous dire que nous n'y arriverons probablement pas parce que
l'idée serait trop pénible, trop brutale. Alors, comme des
fourmis énervées, nous allons retourner à nos
calculatrices, parce que, oui, les artistes se servent aussi souvent de
calculatrices, un peu trop souvent, et nous allons additionner, nous allons
soustraire, nous allons multiplier, nous allons aligner des colonnes de
chiffres, nous allons regarder le bas des colonnes et puis nous allons
envisager de réduire encore une fois nos activités, de couper nos
productions. Puis nous allons aligner de nouvelles colonnes de chiffres, nous
allons réduire davantage encore nos prévisions d'activités
et, pour finir, nous allons prendre conscience que la seule façon de ne
plus prendre aucun risque, de ne plus mettre en péril l'existence d'une
grande compagnie de théâtre sera finalement de ne plus produire du
tout.
Alors, nous ajouterons cet absurde à celui qui, en 1985, H n'y a
pas si longtemps, il y a six ans, nous avait déjà forcés
à vendre notre principal outil de travail, notre théâtre,
pour survivre. Et ça nous a laissés avec la
désagréable impression de jouer le rôle de Gribouille qui
se jette à l'eau pour ne pas se faire mouiller par la. pluie.
Peut-être que, dans ce même laps de
temps, l'Orchestre symphonique de Québec, que je cite comme
exemple, aura réussi, lui aussi, à rationaliser ses budgets en
réduisant le nombre de ses musiciens à zéro.
Donc, ce que nous sommes venus vous dire, c'est que, si nous sommes
heureux qu'une commission parlementaire siège sur un projet de
politique, de loi sur une politique des arts et de la culture, nous sommes
venus vous dire qu'il y a une urgence extrême à agir, parce que,
pendant que le développement culturel, au niveau du gouvernement, marque
un temps d'arrêt et réfléchit, les arts continuent
d'avancer, et continuent d'essayer tant bien que mal de produire, et y arrivent
de moins en moins. Alors, nous sommes réunis ici à
réfléchir ensemble sur un projet de loi dont nous applaudissons
le principe sans réserve. Mais, malheureusement, on nous a
déjà prévenus et, dans le rapport Arpin, c'est clairement
indiqué, que le ministère des Affaires culturelles aura des choix
courageux à faire, car les ressources sont rares et plus difficiles que
jamais à faire croître. C'est le "plus que jamais" qui est un peu
terrifiant, parce qu'il compare la situation actuelle à une situation
passée qui prévaut depuis quelques années, au cours
desquelles les ressources ont été caractérisées
déjà par une maigreur ascétique remarquable.
Le principe fondamental est le suivant. Si le gouvernement
québécois n'a pas d'argent nouveau à injecter massivement
dans le ministère des Affaires culturelles pour lui permettre de
soutenir la culture et les arts ou n'a pas l'intention nette, claire et sans
équivoque de le faire, pourquoi sommes-nous ici? Partout il y a des
incendies à éteindre et on nous dit encore une fois qu'il n'y a
pas d'eau. Ou plutôt, oui, on nous dit qu'il y en a peut-être au
loin, au fédéral, dans les municipalités, dans
l'entreprise privée. Et si nous nous faisons dire bientôt:
Commencez par remplir vos réservoirs avant de venir vider les
nôtres, qu'allons-nous répondre?
Voyez, j'aurais voulu venir vous parler d'art, de culture, de projets de
société, de la lutte du Québec pour son identité
culturelle et je ne peux pas faire autrement que de parler encore et toujours
d'argent. Et si nous sommes prêts et disposés, comme nous l'avons
toujours été, à parler de sommes qui existent, parler de
sommes qui n'existent pas, ça relève de l'exercice un peu
futile.
Nous sommes gestionnaires d'une compagnie de théâtre et,
comme tels, nous ressentons une profonde empathie pour le ministère des
Affaires culturelles, parce que nous pensons que nous sommes une sorte de
mini-ministère des affaires culturelles, parce que, comme lui, nous
devons nous battre pour négocier nos ressources, comme lui, nous devons
passer notre temps à refuser aux artistes leurs besoins les plus
élémentaires. Et lorsque nous coupons les ailes à un
metteur en scène talentueux, en lui réduisant sa distribu- tion,
par exemple, nous ne jouons plus notre rôle d'artistes, nous remplissons
la fonction de comptables.
Ce que nous voudrions faire, main dans la main avec le ministère
des Affaires culturelles, c'est aller jusqu'au Conseil du trésor, aller
jusqu'au Conseil des ministres, aller jusque dans le bureau du premier
ministre, pour leur faire comprendre, à nouveau, tenter de leur faire
comprendre que le virage historique dans lequel le Québec s'est
engagé exige de l'argent, beaucoup d'argent. Ça ne sert à
rien de se le cacher. Comment négocier notre statut de
société distincte si, bientôt, notre distinction n'est
plus, au mieux, qu'un vague folklore et, au pire, un vague souvenir?
Une loi récente a été promulguée par le
gouvernement québécois, une très bonne loi, une loi qui
était attendue depuis longtemps, qui a été accueillie avec
enthousiasme, qui est la loi sur le statut de l'artiste. Cette loi vise
à améliorer les conditions de vie des artistes et à leur
reconnaître un statut professionnel décent et honorable, au
même titre que les autres professions. Mais, en cours de route, on a
oublié quelque chose. On oublié que le médiateur majeur
entre l'État et les artistes, celui qui redistribue les fonds et assure
leur subsistance aux artistes, dans la plupart des cas, c'est le producteur,
c'est la compagnie - compagnie de théâtre dans le cas qui nous
préoccupe - à qui on a dit si souvent, pendant des années,
ceci: Si vous faites un profit en fin d'exercice, vous n'avez pas besoin
d'argent supplémentaire et, si vous faites un déficit, vous ne
méritez pas d'argent supplémentaire.
Que faire? Pourquoi sommes-nous en péril comme compagnie de
théâtre? Je pense que notre mémoire est clair à ce
sujet. La maigreur de nos ressources gouvernementales nous oblige de plus en
plus, pour compenser, à faire de notre art un commerce à
très haut taux de risques, risques tels qu'une vente d'un spectable
simplement moyenne peut nous condamner à mort. Alors, de là
à considérer que l'art n'a plus d'autre choix que d'être
commercial, il n'y a qu'un pas. Et ne nous y trompons pas, j'emploie ici le mot
"commercial" dans son sens le plus péjoratif. Nous voulons rêver
de qualité, qualité de vie, qualité de l'art, nous voulons
rester purs et durs et nous parlons de quantité ou plutôt
d'absence de quantité. Non seulement nous devons vendre de plus en plus,
c'est-à-dire prévoir, pour équilibrer nos budgets, des
taux d'assistance incroyablement élevés, mais, paradoxalement,
nous devons vendre de plus en plus cher. C'est un suicide, purement et
simplement. Notre mémoire parle du prix des billets, vous l'avez vu, et
nous insistons encore aujourd'hui. Mais nous allons ajouter une autre
absurdité, celle de la lourde taxation sur les billets en question,
quand on rêve à l'accès de tous à la culture. (18
heures)
En 1985, il y a six ans, nous avons vendu notre théâtre
pour survivre. Et nous avons survécu, pendant quelques années,
grâce à des miracles de succès publics. Ce ne sont que des
miracles de succès publics. Ce sont des taux d'assistance de 90 % dans
une année, qui ont permis au TNM de survivre depuis 1985. Aujourd'hui,
la récession est là, le miracle ne se produit plus tellement.
Qu'allons-nous faire? Nous n'avons plus de théâtre à
vendre, nous n'avons plus rien à vendre sinon notre âme. Je ne
sais pas qui a vraiment les moyens de se la payer. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M.
Reichenbach. Et sans plus tarder, je demanderais à Mme la ministre de
bien vouloir vous adresser la parole. Vous avez une quinzaine de minutes,
madame.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Reichenbach, M.
Noël. Bienvenue. Je pense que je l'ai dit pas mal tout
l'après-midi, parce qu'il faut s'encourager quand même
soi-même, que, si j'ai demandé une commission parlementaire,
effectivement, c'est parce qu'on a besoin de changements. Et des changements,
il va y en avoir au niveau de notre flexibilité, au niveau...
Après 30 ans - de toute façon, on s'en était
déjà parlé - ça en prend des changements. Mais il y
a des choses que je veux comprendre parce que ça revient chez certains
groupes. Autant, d'un côté, on me dit: Le soutien, il faut le
donner aux compagnies parce que, finalement, les compagnies font travailler,
développent la création, autant les artistes viennent nous dire:
Non, non, il faut que le soutien, on le donne à l'individu, à
l'artiste même pour que lui, personnellement, puisse se
développer.
Deuxièmement, votre compagnie, par exemple, qui est une
pionnière, une de nos plus vieilles, une institution nationale, c'est
sûr qu'on ne la laissera pas tomber. Excepté que, quand on se
retrouve devant - et là il faut parler de sous - un déficit
imprévu de part et d'autre - et c'est là que vous parlez de
risque - le risque, nous autres aussi, on doit l'assumer parce que les
déficits sont imprévus, sont importants et là on se dit:
Vous ne l'avez pas prévu et nous non plus. Qu'est-ce qu'on fait? Alors,
comment? On parle d'injection massive d'argent. Moi, je veux bien, et je serais
la plus heureuse, et on va se battre pour. Mais je ne peux pas, quand
même, promettre... Puis on va voir, la semaine prochaine, le Conseil
québécois qui va arriver, qui demande des sommes de 2 000 000 000
$. Je veux être réaliste. Je veux travailler dans un univers
réaliste, sinon on va tous être déçus. Mais comment
fait-on, finalement, pour faire la part du risque? On parlait d'un fonds de
recherche et développement. Mais il ne sera pas illimité, ce
fonds-là. On ne travaillera jamais dans un univers de fonds
illimité. Que ce soit d'un régime ou d'un autre, on ne
travaillera jamais dans l'univers d'un fonds illimité, malheureusement.
Alors, comment fait-on pour finalement solutionner et pour ne pas être
d'éternels malheureux, de part et d'autre?
M. Reichenbach: Je ne sais pas si on a... Bon, le système
d'attribution des subventions actuel, il est connu, il est ancien. On sait
comment ça fonctionne. Tous les ans, les compagnies vous font parvenir
une demande et puis, quelques semaines plus tard, quelques mois plus tard, on a
une réponse et on a l'argent pour l'année qui s'en vient. Mais la
programmation pour laquelle on vous demande la subvention est établie
depuis déjà plusieurs mois. Quand vous recevez, au
ministère, nos demandes au mois de mars, avril, moi, j'ai
commencé à faire la programmation à l'automne
précédent et j'ai commencé à prendre des
engagements avec des artistes avant Noël. Quand vous recevez la demande,
l'ensemble des dépenses est déjà engagé. Même
si on n'a pas été coupés au fil des ans - non, c'est vrai,
nos subventions n'ont pas été réduites au
ministère; parfois elles ont été indexées, parfois
elles ont été gelées - si on peut savoir que nous aurons
probablement le même montant, nous devons faire des prévisions
d'assistance qui sont tellement élevées que le moindre
échec nous condamne. Et ce que je me demande, c'est si on ne pourrait
pas envisager qu'une portion de ce revenu, de ces recettes possibles, la
portion risquée puisse être assumée d'une façon
différente. C'est-à-dire que, des années, ça ira
bien, des années, ça ira moins bien. Les années où
ça ira bien, tant mieux; les années où ça ira moins
bien, est-ce que le ministère ne pourrait pas nous aider à
assumer ce risque qu'on ne peut pas assumer?
Mme Frulla-Hébert: À l'intérieur
peut-être d'ententes triennales ou...
M. Reichenbach: D'une entente triennale...
Mme Frulla-Hébert: Et là, à ce
moment-là, on fonctionne sur un plan de trois ans. Ce qui est
très différent au niveau du fonctionnement, évidemment,
avec le Conseil du trésor. C'est parce que le problème - et c'est
là, après cette commission, où il va vraiment falloir
travailler autant avec les finances que le Conseil du trésor - c'est que
nos compagnies, nos entreprises culturelles, dans le sens large, vont à
peu près à l'encontre de tout ce qui existe à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Alors, c'est ça, c'est
de faire de la pédagogie, de réadapter justement au niveau du
Conseil. Parce que le problème - et là je veux revenir à
cette notion de consolidation parce que le saupoudrage, ce n'est pas... Bon,
c'est un terme, effectivement, pour ce qui a été fait, mais on
parle beaucoup plus de consolidation. Le théâtre, par exemple.
Les budgets, en 1985, étaient de 4 500 000 $ pour le
théâtre; ils ont augmenté à 8 200 000 $. C'est plus
que l'indexation, on a doublé. Bon, et, encore là, on nous dit:
Mais ce n'est pas suffisant, on en a encore besoin. Il y a la
sous-capitalisation, moi, j'en suis très consciente, mais les budgets
ont doublé et ce n'est pas encore suffisant. Il y a des
problèmes... Évidemment, comme vous le dites, d'une année
à l'autre, les conditions économiques, on ne peut pas les
prévoir ou toujours les prévoir en fonction aussi d'une
programmation. Alors, au niveau de cette consolidation - on en a parlé
ensemble - est-ce que vous êtes d'accord pour une consolidation? Est-ce
que le milieu va réagir en disant: Mais non, mais... Je ne dis pas une
consolidation permanente, entendons-nous, mais pour les besoins du moment, si
on veut.
M. Reichenbach: Je pense avoir indiqué dans le
mémoire que je crois que, si on ne travaille pas à la
stabilité des grandes institutions théâtrales, il va
être très difficile de travailler à la stabilité des
autres, de travailler au reste. Je pense que c'est un petit peu la base de
l'édifice et, même si nous appuyons tout ce qui doit être
fait pour la relève, pour le jeune théâtre, les quelques
institutions historiques en théâtre que nous avons, nous devons
effectivement les consolider. La vraie question, c'est: Combien ça
coûte, consolider? Vous savez, on en reviendra toujours à cette
question-là: Ça va prendre combien? Si je vous disais,
aujourd'hui, qu'à moins d'avoir le double de la subvention du
ministère dès l'an prochain, pour simplement maintenir, et je dis
bien "maintenir", le taux d'activité actuel, nous ne sortirons pas de
notre déficit. Avec le double, peut-être. Et, si tout va bien,
d'ici à trois ans, nous recommencerons à surnager. Et là
on ne parle que d'un minimum vital. Je parle du double de la subvention.
Mme Frulla-Hébert: Alors, vous passez de 8 500 000 $
à quasiment 19 000 000 $.
M. Reichenbach: Vous savez, on part de très loin, Mme la
ministre. C'est vrai que ça a augmenté, mais on part de tellement
loin, les besoins sont tellement énormes. Nous essayons
d'améliorer les conditions des artistes. Depuis cinq ans, les artistes
gagnent 50 % plus cher, chez nous. On a amélioré les cachets aux
artistes de 50 %, le cachet moyen aux comédiens. C'est un effort qu'il
fallait faire. On a fait la même chose pour les concepteurs, les metteurs
en scène, les décorateurs. Nous avons cette
responsabilité-là. La seule façon de financer ça,
ça a été de monter les prix des billets de façon
alarmante et ça a été de prévoir des taux
d'assistance de 75 %, 80 %. Ça a bien été pendant quelques
années et là, maintenant, ça ne va plus. Alors, on parle
de plan triennal. S'il s'agit de nous garantir que, pendant trois ans, notre
subvention restera à peu près la même ou sera
indexée, je vous avouerai que ça ne changera pas grand-chose
parce que c'est déjà le cas actuellement. On est à peu
près assurés de ne pas être coupés. Donc, nous
sommes à peu près assurés d'avoir, pendant trois ans, la
même subvention.
Quand nous avons parlé de plan triennal, il y a plusieurs
années, à Théâtres associés, nous parlions de
montants beaucoup plus importants et nous parlions d'un versement unique pour
les trois ans, qui nous permettrait, à ce moment-là, nous, de
gérer pour les trois ans à venir nos finances, d'envisager un
déficit une année, quitte à se rattraper l'année
suivante, mais nous aurions au moins des liquidités qui nous
permettraient de gérer. Le système actuel fait que nous sommes
toujours en train de courir et nous ne savons jamais, à un mois d'avis,
ce qui va nous arriver.
Mme Frulla-Hébert: Le système actuel, oui, c'est
sûr qu'il est guidé par le Conseil du trésor. Je veux
toucher un autre point parce que le temps passe. Je lisais justement, dans la
Gazette, Jean-Claude Germain qui disait que, si le théâtre
s'est développé, c'est grâce à Ottawa. On parlait du
Conseil des arts d'Ottawa et j'en suis, au début, excepté que...
Et là on revient, évidemment, à cette discussion qui fait
que la perception ou la réalité est qu'Ottawa est le grand
responsable du développement culturel. Et, encore là, j'en suis,
dans les années soixante, même au niveau des années
soixante-dix, mais il y a eu un rattrapage qui s'est fait. Au niveau du fameux
Conseil des arts où tout le monde dit: Bon, le Conseil des arts... Je
pense que Michèle Rossignol, en fin de semaine, au congrès des
Hautes Études, a démystifié aussi le Conseil des arts.
Mais j'étais quand même surprise de lire ça, au moment
où on se parle, là, de Jean-Claude Germain, que le
théâtre, s'il se développe et s'il s'est
développé, c'est par l'aide d'Ottawa. Est-ce que vous avez senti
ça? Vous qui êtes là-dedans depuis tellement longtemps,
est-ce que c'est vrai?
M. Reichenbach: Je ne sais pas. Jean-Claude Germain fait
peut-être référence à des données que je ne
possède pas. Une chose est certaine, nous avons
bénéficié de l'argent du fédéral pendant des
années. Il y a même une époque, je me souviens, où
le Théâtre du Nouveau Monde avait la réputation
d'être financé surtout par le gouvernement fédéral,
ce qui était d'ailleurs vrai, enfin relativement. Mais la subvention
reçue du Conseil des arts au TNM était presque le double de celle
reçue du ministère des Affaires culturelles. Alors, dans ce
sens-là, on peut dire que oui.
Mme Frulla-Hébert: À l'époque.
M. Reichenbach: Dans bien des cas, les gens recevaient plus
d'argent d'Ottawa que de Québec. Maintenant, la tendance est
inversée, vous le savez. Nous recevons un peu plus du ministère
ici que du Conseil des arts qui est extrêmement gelé, qui n'a plus
de ressources, mais nous avons bénéficié longtemps de leur
appui, oui.
Mme Frulla-Hébert: Je veux aussi revenir à une
autre chose que j'ai eue la semaine dernière, parce qu'il y a beaucoup
de choses. Je pense d'ailleurs que la commission remplit très bien son
rôle, c'est-à-dire que la culture, maintenant, on en parie. Parce
que, si vous avez remarqué le sondage d'hier, quand on demande à
la population: S'il y a quelque chose à couper, qu'est-ce qu'on coupe?
Tout de suite, la population, par sondage même, à 42 % et à
43 %, dit: Loisir et culture. C'est tellement facile.
Finalement, j'aimerais savoir de vous comment vous voyez le rôle
des artistes versus le développement culturel. Et là je parie en
termes un peu philosophiques, développement culturel du Québec.
Dans un article, on disait que la culture n'est pas la chose exclusive des
artistes. On qualifiait aussi beaucoup les artistes comme
bénéficiaires de l'aide à la création. Moi,
ça m'a vraiment fait sursauter. Évidemment, tout l'article m'a
fait sursauter, mais celui-là, vraiment, j'ai trouvé ça...
Finalement, on a un peu... en tout cas, moi, j'ai un peu la conception inverse,
séparant culture et langue, évidemment, parce que la langue,
c'est notre langue française, mais si ce n'était pas des gens qui
se battent et qui essaient justement de pousser leur art, quel que soit le
secteur, on n'en serait pas où on en est là. Mais là,
c'est mon opinion.
M. Reichenbach: Vous savez, cette opinion que les artistes
bénéficient comme d'une aide sociale de subventions, qu'ils
vivent grassement aux frais de l'État, elle n'est pas nouvelle. Elle me
surprend peut-être moins que vous parce que ça fait très
longtemps qu'on l'entend. Il y a peut-être une raison profonde à
ça. Une des raisons est peut-être que l'État n'a pas
vraiment donné le bon exemple. Vous savez, quand l'État n'affirme
pas, haut et clair, dans une société comme le Québec, une
société sociale-démocrate où la santé,
l'éducation, le social sont extrêmement importants - et nous
payons beaucoup d'impôts pour ça, et Dieu soit loué qu'ils
le soient - et maintenant voilà qu'on voudrait que la culture le soit
aussi, ce qui est très bien, mais si l'État n'est pas le premier
à donner le bon exemple, il n'est pas étonnant que l'homme de la
rue traite les artistes de bénéficiaires de l'aide sociale. Je
crois qu'il y a un lien là, je pense, assez significatif.
Je voudrais peut-être revenir sur un point du rapport à
propos des artistes et de la culture parce que je crois qu'on a tendance
à mélanger un petit peu les deux concepts et ça je crois
que c'est une tendance extrêmement dangereuse. Moi. je suis ici pour vous
parler d'un soutien aux arts professionnels qui font partie de l'ensemble d'une
politique culturelle. Mais on peut avoir une politique culturelle sans avoir
une politique de soutien aux arts. Ce que je dis, c'est que les artistes jouent
un rôle prioritaire, majeur, primordial dans le développement de
la culture, mais ce n'est qu'une partie, je pense, du développement de
la culture, parce que le rapport Arpin glisse facilement d'une notion à
l'autre et je crois qu'il faut faire très attention à ça
parce que les deux notions sont ambiguës.
La culture, ça peut tout autant signifier - de manière
raccourcie parce que je ne me risquerais pas à la définir, c'est
trop compliqué - l'ensemble des habitudes, des goûts, des
croyances et des comportements des citoyens dans leur vie quotidienne,
appelé parfois "le culturel", que l'ensemble des connaissances acquises
et à acquérir par chaque citoyen dans les domaines de l'esprit et
de l'intellect, appelé souvent "la culture". Les arts, ça peut
tout autant signifier l'ensemble des oeuvres artistiques conservées et
mises à la disposition des citoyens, que la création des objets
artistiques ou les arts d'interprétation.
Alors, l'ambiguïté se multiplie quand on glisse comme
ça d'une notion à l'autre, entre culture et art. Une politique de
conservation du patrimoine peut être considérée comme une
politique culturelle, définitivement, et pas nécessairement comme
une politique des arts ou un ensemble de lois sur la langue ou l'affichage,
dont nous sommes largement pourvus, est une politique culturelle, mais ce n'est
évidemment pas une politique des arts.
Je me permets d'affirmer, sans être un philosophe, qu'une
politique culturelle d'un État est un ensemble extrêmement
complexe dont il est pratiquement impossible de déterminer les points de
départ et d'arrivée et qui englobe tout autant les grandes
affirmations constitutionnelles, avec leur bagage d'institutions politiques,
que les mesures visant, par exemple, à favoriser l'accès des
citoyens aux activités de loisirs culturels, à établir des
politiques d'immigration, à soutenir tel ou tel secteur de l'industrie
manufacturière - je parle du meuble ou de la mode; on sait que la mode,
par exemple, en France, fait partie du ministère de la Culture, ou la
gastronomie - ou à soutenir les arts professionnels. Alors, je serais
tenté de dire, après d'autres, que tout est culture, à la
limite. (18 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Mais c'est ça.
M. Reichenbach: Tout est culture. Alors, une politique des
arts...
Mme Frulla-Hébert: Alors, c'est de faire la
différence. Oui, puis j'ai lu dans votre mémoire, de toute
façon, ce que vous dites, c'est que... Et
il y en a eu d'autres, comme Josette Ferrai qui est venue, il y en a
plusieurs aussi qui ont dit: Bon, il faut quand même séparer l'un
et l'autre, dans la mesure où le ministère des Affaires
culturelles peut jouer... On parle d'un ministère qui est horizontal et
vertical; horizontal dans son influence au niveau de l'éducation, par
exemple, mais tout revient au niveau des arts plus spécifiquement ou,
enfin, au développement de cette culture, plus spécifiquement,
qu'on dit artistique, au développement des arts.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Reichenbach. Je me dois maintenant de donner la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Reichenbach, bonsoir. M. Noël,
rebienvenue. Vous commencez à être un habitué, mais je ne
m'en plains pas. Il y a beaucoup dans ce mémoire. Malgré le peu
de temps que vous aviez, il y a beaucoup. Il y a, notamment aux propositions
13, 14 et 26, des statistiques, et elles démystifient, et je pense que
c'était utile, parce que, je ne le cacherai pas, souvent les
statistiques sont aux politiciens ce que les lampadaires sont aux ivrognes; on
peut s'y appuyer mais ça n'éclaire pas nécessairement. Et
je pense que vous avez remis en perspective, effectivement, certains chiffres
qu'on retrouve dans le rapport Arpin, certains chiffres énoncés
par le ministère qui traduisent une réalité tout à
fait autre, lorsqu'on en fait l'analyse de façon très
sectorielle.
Vous avez introduit cette notion qui est effectivement très
inquiétante, qui est l'augmentation du prix des billets. Vendredi soir,
ça m'a coûté 31 $. Je suis capable de me le payer une fois,
deux fois, trois fois, quatre fois, parce que vous avez, en moyenne, quatre
pièces, cinq pièces par année, mais je ne suis pas certain
que c'est le cas pour tout le monde. Et c'est faux qu'un marché soit en
fonction de la capacité de... Enfin, l'intérêt de consommer
n'a pas de relation avec la capacité de payer. Je connais bien des gens
de mon quartier, qui est sans doute un des - excusez l'expression -
"poqués" dans notre système, où ce goût est
là, d'aller au Théâtre du Nouveau Monde, mais à 31
$... C'est le quart de ce que l'aide sociale donne par mois; vous ne pouvez pas
vous permettre ça. Et forcément, l'addition des taxes. Vous avez
parlé d'un taux de fréquentation; vous dites qu'il y a eu une
baisse. Elle est de combien, M. Reichenbach?
M. Reichenbach: Nous avons eu, en 1989-1990, un taux de
fréquentation, sur l'ensemble de l'année, de 90 %, 92 %, sur
l'ensemble de nos cinq spectacles. Elle est descendue l'an dernier, la saison
dernière, à, si je me souviens bien, 56 % ou 58 %. C'est une
baisse énorme en un an, énorme. Et les problèmes viennent
de là, bien sûr.
M. Boulerice: Je ne suis pas critique, mais je peux affirmer que
ce n'est pas la qualité de vos productions, parce que, quand on regarde
la mise en scène de Louise Portai, vendredi soir, c'était
soufflé, hein!
M. Reichenbach: Oui. Nous ne croyons pas non plus que ce soit
effectivement la qualité des productions.
M. Boulerice: Par contre, quand on reprend votre mémoire,
au tout début, vous dites "d'entrée de jeu qu'il est difficile
d'y discerner une volonté de faire ressortir hors de tout doute les
grandes priorités qu'attendait le milieu artistique et culturel". Et
vous dites: "Certes, les membres du groupe-conseil ont abattu un travail
considérable. Leur souci d'objectivité et de consensus est
manifeste, mais il pourrait s'avérer un défaut majeur dans la
cuirasse d'une politique culturelle, puisqu'il est à la source d'un
certain nombre de portes de sortie, caractéristique principale des
rapports à caractère politique, par lesquelles pourrait
s'échapper le gouvernement québécois."
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il y a une grave crise de confiance.
On ne va pas se cacher la réalité. On la sent quand on est ici.
Les grandes priorités qu'attendait le milieu artistique et cultural,
culturel - excusez-moi, la fatigue s'accumule pour nous aussi - si je pose la
question à Olivier Reichenbach, qui est le directeur artistique du
Théâtre du Nouveau Monde et qui fait son métier depuis
quand même passablement d'années ici, c'est quoi?
M. Reichenbach: Les grandes priorités? M. Boulerice:
Oui.
M. Reichenbach: Je serais tenté de vous dire que le
rapport Arpin, peut-être que cela aurait pu être un rapport
beaucoup moins long. Je veux dire par là un rapport qui aurait tout
simplement affirmé que, oui, le Québec est dans un virage
historique important, oui, le Québec doit se battre pour son
identité culturelle, doit se battre pour sa société
distincte, et que, oui, le gouvernement québécois sait que
ça prend de l'argent, et que, oui, il va mettre de l'argent dans le
soutien à la culture et aux arts. J'appelle cela un rapport du oui, si
vous voulez. Pour moi c'était ça, la priorité.
Le rapport est un bon rapport. Il a analysé beaucoup de choses,
mais tellement qu'on ne sait plus très bien quelles vont être les
priorités. Si jamais on n'a pas d'argent, qu'est-ce qu'on va faire? Bon.
C'est toujours la même question qui revient. Je ne crois pas sentir dans
le rapport la recommandation que le gouvernement du Québec donne au
ministère des Affaires culturelles les moyens considérables dont
il a besoin. Cela, on
ne le sent pas. Je peux même vous dire... Vous le savez, on part
de certaines affirmations de principe très fortes: "Le temps est venu de
considérer la culture comme une mission essentielle de l'État",
au début, dans l'aperçu, et, au bout de 300 pages, on
suggère que le gouvernement exprime son intérêt pour les
arts et la culture en faisant un effort financier additionnel à
l'endroit des programmes de soutien. Il y a là une sorte de diminution
de l'impact de la recommandation qui nous inquiète.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Boulerice: Ça va pour ma question. Mais j'insiste.
Caractéristique principale des rapports à caractère
politique. Oui, le rapport Arpin le pose. Je suis entièrement d'accord
avec vous. C'est posé de façon très claire. C'est porteur,
mais ce n'est pas repris. Tant et aussi longtemps qu'un chef de gouvernement -
vous me direz si j'ai tort ou si j'ai raison - ne prendra pas un
énoncé comme celui-ci et dira: Moi, c'est cela, est-ce que vous
croyez que les choses vont avancer?
M. Reichenbach: Présenté comme cela, bien sûr
que non. Il est clair, et je l'ai dit tout à l'heure que nous voudrions
aider la ministre et le ministère des Affaires culturelles à
convaincre le premier ministre qu'il faut faire ce geste une fois pour toutes.
Ce que nous espérons, c'est qu'à la suite de cette commission,
enfin, la déclaration sera là, la déclaration de principe
sera là. On ne va pas reparler éternellement du fameux 1 %.
Ça fait des années qu'on l'attend, on l'attend encore et on gagne
un petit 1 % par année, un petit 0,10 % par ci, par là. On sait
que c'est un chiffre qui est probablement déjà
dépassé. Ce que nous souhaitons, en disant cela, c'est que le
gouvernement, donc nécessairement le premier ministre d'abord, le
Conseil du Trésor et le Conseil des ministres, finisse enfin par dire:
Ça prend de l'argent, soyons réalistes; on ne fera rien sans
argent, et ça en prend, et tout de suite, et beaucoup.
M. Boulerice: Deux autres questions, M. Reichenbach. Il manque 90
000 000 $ pour le 1 %. On ne les a pas. On s'entend, 1 % est un seuil
psychologique. Cela peut être 1,5 %. Des pays moins fortunés ont
donné plus. Le Brésil, c'est 3,2 %, je crois. Si on regarde un
point précis où vous donnez une difficulté en disant: Oui,
mais je fais ma demande et je suis déjà engagé... Au
moment où vous faites votre demande vous êtes déjà
engagé, au moment où vous postez la demande, c'est trois mois
plus tard, enfin, de toute façon, il y a un cycle de 18 mois dans la
demande, vous avez continué à cheminer. Vous avez dit qu'un plan
triennal pourrait vous aider, mais vous avez dit: Mais il faudrait que j'aie
l'entité de ce triennal. C'est bien ça que vous avez dit?
M. Reichenbach: II faudrait que j'aie les trois ans de
subventions d'un seul coup.
M. Boulerice: C'est ça. Donc, une mesure concrète
serait que l'État le verse. Et peut-être adopter un peu... Est-ce
que ce serait une formule qui, à votre point de vue, pourrait être
utile, le faire peut-être un peu - il s'agit peut-être
d'imagination - comme on le fait avec les prêts et bourses aux
étudiants. L'État garantit à travers une banque et assume
l'intérêt. Donc, vous avez un montant.
M. Reichenbach: Oui, je ne suis pas très familier avec ces
mécanismes, je ne vous le cache pas.
M. Boulerice: La dernière, elle est là. Il y a de
l'argent qui est investi par l'État fédéral. Il y a, par
contre, dédoublement de structures, il faut l'avouer. Si on veut
conserver ce caractère distinct, c'est inévitable qu'on devrait
avoir, à bien des endroits, deux ministères de... Sauf qu'il faut
se rendre compte qu'il y a des économies d'échelle, à un
certain moment donné. À partir du principe que l'argent qui est
investi dans le domaine de la culture, dans le domaine des arts, qui est notre
argent qui est actuellement géré par Ottawa et
retransféré ici, est transposé intégralement dans
un ministère québécois des arts et de la culture, en vertu
toujours du principe du "arm's length" respecté - puisqu'il n'est pas
nécessairement respecté à 100 % à Ottawa - est-ce
que le rapatriement des pouvoirs, donc, par voie de conséquence, de
l'argent, est acceptable pour vous?
M. Reichenbach: Je vais vous répondre, M. Boulerice, que
la question est tellement hypothétique que je ne me sens pas capable d'y
répondre. Je veux dire par là que nous parlons d'une
hypothèse très vague, et je le mentionne dans le mémoire.
Nous ne savons pas de combien d'argent il s'agit. Nous ne savons pas,
même, si les provinces vont accepter que soient reversés au
Québec les montants que nous touchons actuellement, qui sont
supérieurs à ce que, probablement, les provinces permettraient au
fédéral de nous refiler. Nous ne savons pas vraiment à
quoi l'argent va servir encore. C'est tellement hypothétique que je ne
peux vraiment pas vous répondre.
Dans l'état actuel des choses, comme nous
bénéficions de l'aide du fédéral, comme nous
continuons à lui payer des impôts, comme nous sommes encore dans
la structure fédérale, il faudrait que ce rapatriement des fonds
soit beaucoup plus étoffé, plus prêt et plus
détaillé avant que nous puissions vraiment nous prononcer.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Reichenbach.
Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-
Jacques. Mme la ministre, en terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Reichenbach et M. Noël.
Vous savez, je l'ai dit et je le répète, si on est ici, c'est
parce qu'on sent qu'il y a un profond besoin de changements. Effectivement, le
rapport Arpin, c'est un énoncé de politique. Ce n'était
pas à eux, non plus, d'arriver maintenant au gouvernement, un groupe
complètement de l'extérieur, et de dire: Voici ce que vous devez
ou ce que vous allez faire. Parce qu'il y a des contraintes ici.
Évidemment, il faut vivre avec. Juste le fait que l'on soit au
gouvernement et qu'on gère des fonds publics. Premièrement, on a
eu de très bonnes idées qui sont sorties des différents
groupes. Ceci dit, évidemment, après cette commission, je vais
travailler très fort à mettre quelque chose de très
simple, je pense, à doter le Québec d'une politique qui est
simple d'application. Et votre collaboration, à ce moment-là,
pour nous aider, une collaboration, je pense, aussi des milieux à bien
faire comprendre et à faire de la pédagogie, et non pas du milieu
qui véhicule des idées d'un côté et de l'autre, mais
une espèce de consensus à dire: Là, il faut que les
Québécois soient sensibilisés... Et dans la mesure
où les Québécois considèrent, comme le dernier
sondage, je vous le disais tantôt, que la culture c'est une
dépense - on entend des maires dire: La culture, ce n'est pas tout
à fait nécessaire - je vous dis qu'on part de loin. Alors,
j'accepte d'emblée votre suggestion de m'aider. Mais, ceci dit, on veut
des changements et on va avoir des changements.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, M.
Noël, M. Reichenbach. Au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Soyez
assurés que nous avons pris connaissance et que nous tiendrons compte
certainement de vos propos et de votre mémoire. Ceci met fin à
l'audition et vous pouvez maintenant vous retirer. Nous vous souhaitons un bon
retour. Je vais maintenant suspendre les travaux de notre commission
jusqu'à ce soir, 20 heures, en cette salle. Les travaux de la commission
sont maintenant suspendus.
(Suspension de la séance à 18 h 31)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs,
bonsoir. La commission de la culture reprend maintenant ses travaux. Je vous
rappellerai brièvement le mandat de notre commission qui est de tenir
une consultation générale sur la proposition de politique de la
culture et des arts, ceci faisant suite, comme tout le monde et chacun le sait,
au dépôt du rapport de M. Arpin et à l'initiative de Mme la
ministre des Affaires culturelles.
Nous allons maintenant, ce soir, entendre les représentants de la
compagnie Playwrights' Workshop Montréal représentée
par... Alors, je vous demande de prendre place en avant. Oui, asseyez-vous.
Bonsoir, il me fait plaisir de vous accueillir. Si je comprends bien,
vous êtes M. Michael Devine, directeur exécutif.
M. Devine (Michael): C'est moi, Michael Devine.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, monsieur, et M.
Pan Bouyoucas, membre du bureau des directeurs.
M. Bouyoucas (Pan): Pardon? Pan Bouyoucas, c'est
ça.
Le Président (M. Gobé): O. K. Bonsoir, monsieur, il
me fait plaisir...
M. Bouyoucas: Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez maintenant
commencer votre exposé. Vous avez, pour ce faire, une quinzaine de
minutes.
Playwrights' Workshop Montréal
M. Devine: Madam Minister and comity members, first, I must say
that I would prefer to address you in your language, but I am unable to. My
mother was the first of her family born in North America. Her parents were
Flemish so, when they moved to the Outaouais, they raised her in French. She
went to school in both languages, with the nuns, in Montréal. When she
began to work in radio for the CBC, she worked in English. She married a man
who spoke only English. She moved to Ottawa while her family stayed behind.
French was not allowed in our house. I learned my grammar in school and my
pronunciation on the street. The Québec side of my heritage has been
denied to me. I never proved a good enough student to make up the loss, and I
have felt that loss because it has divided my family. Now, I live and work in
Québec and my mother is hostile to French-Quebec, though her brother
lives in Maniwaki and speaks only French. So, I learned early, growing up in
East Ottawa, about the linguistic division in our country.
Now, as artistic and executive director of Playwrights' Workshop
Montréal, I would like to give you a clear idea of what we do at this
organization. We are exclusively devoted to the development of new work for the
theater. We work with playwrights to help them perfect their work and their
knowledge of the world of the theater, as it exists nationally,
internationally
and particularly here in Québec. We developed this new work with
actors and directors who are assigned to specific scripts. We hold public
readings of new works in both French and English, including translations of
plays originally written in both English and French. We have a national
membership made up of playwrights, theater artists and supporters.
Most of our members live and work as artists in Québec. They are
not only Anglophones but Francophones and Allophones. We work with all peoples
in the Québec cultural mosaic. In this respect, we are truly
representative of modern Québec society, not English or French, but a
group of artists working together to create work which expresses the soul of a
place like Québec. As an example, this past week, we held a workshop of
a script which takes place in Montréal, in both 1642 and 1991. The
playwright is English but he chose to write about characters who are French and
Native. We used a young Mohawk actress, a Francophone actor, an American who
has lived in Québec for 20 years, an actor of Wallonian ancestry who is
perfectly bilingual and a British actress from the Stratford Festival. This is
Québec.
We work with playwrights from the South Asian community, with disabled
and marginalized playwrights. Our board of directors includes the artistic
directors of small theaters, Francophone and Allophone theater artists,
business people from both communities, teachers. Our reading committee, which
evaluates the hundreds of scripts we receive each year, is comprised of two
Francophone theater artists: the bilingual president of the Québec Drama
Federation and the young bilingual Jewish Montrealer who writes for young
audiences. Our common language is the language of the theater.
To give you an example of how important that language is to the creation
of a distinct society within Québec, our program of public readings,
this fall, includes seven translations. Five of them are of plays written in
French and two are of plays written in English. We believe all of them are
important works of art which will benefit our society by becoming available to
a wider audience.
You might ask: Why translate plays from English to French when
Montréal is already so rich in theater? Well, some look at the plays we
are translating. The profound and moving work of the Crée playwright
Tomson Highway, the first Native writer who will be produced in the French
language in Québec. Surely, there is no more important time to see this
work. As well, in the past two years, companies like Théâtre de
Quat'Sous and Théâtre d'aujourd'hui have recognized the relevance
of English-Canadian work. Both companies will be producing translations
developed at Playwrights' Workshop Montréal in the immediate future. (20
h 15)
All of our translations will be produced in Québec. There has
been interest from producers in each of them. At Playwrights' Workshop
Montréal, there is a history of developing plays which have then been
produced in Québec in both French and English. Many of these plays have
carried the Québec fact to other places across Canada and in the United
States. We are the sole representatives of English-speaking playwrights in
Québec. We develop their work within the context of modern Québec
and help to make it relevant to all Quebeckers. I must add that we are the only
body of our kind in Canada operating in English. With the Centre d'essai des
auteurs dramatiques, we are the point of information for theater groups across
Canada on Québec playwrights and plays. No organization in
Montréal theater combines so many elements of Québec society,
minority and majority, working together.
Madam Minister, to conclude my introduction, I will add that Mr.
Bouyoucas and myself are playwrights and men of the theater. When we take issue
with the Arpin Report on behalf of Playwrights' Workshop Montréal, it is
because we feel that the ability of our members, as artists and Quebeckers, to
contribute to their society will diminish, and perhaps vanish, if the
recommendations of this report are enacted. Our response to the recommendations
of the Arpin Report will follow the sections outlined in our brief and will
expand and elaborate upon our beliefs with regard to each section.
Section 1, with regard to the place of minority cultures in
Québec. We do not believe in the ghettoization of culture. It would be
ideal if all people in Québec expressed themselves in French. However, a
significant number of people from various background still express themselves
in English. These people are not safeguarded by a single recommendation in the
Arpin Report.
It is not difficult to imagine if all funding were to come from one
source, with a political agenda to promote one language at the expense of
others, that playwrights working in English would suffer discrimination, or
that organizations such as PWM, will be forced into a restrictive program of
translation of French plays only.
Section 2, with regard to the risks inherent in repatriation of funding.
It is impossible to accept on faith the notion that all money repatriated to
Québec for culture would be used for culture. The Arpin Report can
recommend it, but it has no force. In harsh economic times, there is no basis
for believing that the Government of Québec would maintain current
funding levels, much less increase them. Certainly, there is no historical
precedent to indicate the Government support for art and culture.
The idea that the Canadian Government would willingly hand over the 40 %
of federal money which currently goes to 23 % of the population is, to borrow a
phrase, a dream in
technicolor. There is simply no basis to believe that this would happen.
As PWM is a national organization with a majority of Québec members,
would the Government of Québec be willing to assume the current 50 % to
55 % of our funding which comes from the Canada Council, to increase it
proportionately, resisting political pressure as other majority based groups
call for the money to be used in a political manner? We think not.
As to the notion of greater corporate sponsorship, I can only say that
this is an idea, at a great remove from reality. Perhaps, in the comfort of
Government bureaucracy, it seems a simple matter, even for cultural industries
- and we resist this term - fund raising in the corporate sector is nearly
impossible. Can you ask us to raise funds from a business community which is
falling apart? Is Lavalin in the mood to donate to the development of new
Canadian plays? There is no tradition in Canada or Québec of corporate
donations as there is in the United States. Corporations, here, give on average
just over 1 % of their gross revenu compared to 4 % in the United States. In
addition, corporations can be expected to justifiably ask what the return is on
their investment. For them, that means high-profile events at large
institutions. They have no interest in grass-roots development. There is no
payoff.
At Playwrights' Workshop Montréal, we have a mandate to develop
plays, not to produce them, so that the playwright will feel free to create the
work, free of subjective considerations like production considerations. Others
then produce the work, which would not perhaps exist without our help.
At which stage do you think a corporation becomes interested? Research
and development or finished product? In asking small groups to seek corporate
support, you are putting the entire development of theater in Québec at
risk. We continue to try to raise money from the private sector, but our
welfare lies with a society whose spirit we express and their elected
representatives.
With regard to the dangers of a single source of funding. Our opposition
to the idea of a single source of funding is very simple. While we agree that
there is some overlap in cultural bureaucracies, this is perhaps necessary as
there has never been one bureaucrat or one administration which has understood
all artistic perspectives and dealt fairly with them.
We demand to be judged by our peers. We reject the analogy with the
cultural system of France, a country far less integrated than ours and far less
tolerant to minorities. Their centralized system of culture has resulted in one
tzar whose favour must be curried.
The concept of arm's length funding protects the individual. It also
protects the smaller theater organizations. It protects those who dissent
against the status quo. It protects against the tyranny of the collective. If
some says: "In ennemy of the people, the majority is always wrong." Small
companies and individuals will be crushed by the greed of what the Arpin Report
calls cultural industries, large institutions appealing to mass culture. The
roots which nourish such institutions will wither and die.
What is at stake is the very definition of what theater is meant to
achieve. Is theater meant to celebrate a culture, promote its positive aspects,
ignore its negative aspects, make all happy? No. Theater is a "provocateur", a
fox in a hen house, the mirror that the hypocrite or the demagogue tries to
avoid. Unlike film or television, it is live, immediate, yet its scope is
bigger and more universal. If you tie funding to one political source, you risk
making all the art which springs from that source politically motivated,
cynical, lacking in truth or insights. You place shackles on the artist and
words in his mouth. The artist dies and, with him, the culture he sought to
make view itself. So as to better it.
With regard to the creation of new works being threatened. The Arpin
Report's emphasis on the phrase "cultural industries" and its reference to
eliminating the "saupoudrage" of small and medium-sized companies unconsciously
contradicts its stated support of the creation of new work. The larger the
company, generally, the less new work is done. The programming has more safe
bets. No theater artist in Montréal looks to Théâtre du
Nouveau Monde or to the Centaure to help them develop new work. If you merge
cultural institutions, you will produce the same effect as consolidating
funding under one bureaucracy achieves, the strangulation of the very artist
who produces new work.
With regard to the problem with municipalities. We disagree with the
recommendation that municipalities play a greater role in the funding of
culture. Their role and influence in the actual creation of art can only be
fruitful if it is limited through the presence of other funding bodies. Let me
give you an example. We currently rent space in a downtown building which the
City wishes to make into a Maison de la culture. Even though we were one of the
founding groups responsible for organizing the renovation of this building, and
though we are tenants of this building only because we were promised less
expensive access to the theater and "salle de répétition", the
City is determined to control the programming of this building.
They want to tell us whether our plays fit their political agenda. They
would say "oui ou non" on a project-by-project basis, so that we could not
effectively plan a season. Even though we are an organization with direct
contact and service to the community, they would prevent the artistic
expression of playwrights in both languages. They want everyone to pay a
market
price, because their primary intention with this theater space is to
make as much money as possible. They are landlords and bureaucrats.
As you can see, none of the considerations of the City in this matter
have anything to do with arts or culture. The result is the death or the
potential death of a theater space and the potential death of both English and
French-speaking companies which exist within the building. We are sacrificed at
the altar of political expediency. This is not an unusual or isolated
situation. The City of Montréal is no different from any other
municipality in its concerns. We believe their dispersement of funds would, in
fact, be tied to patronage and political lobbying.
With regard to the dangers of "dirigisme" in a Ministry of Culture. As
artists, no one claims that the current model of three-tiered public sector
funding is perfect. However, the creation of a superministry with
"observatoire" and ministry supervision does not suggest any decrease in
bureaucracy. In fact, it implies as much bureaucracy in a more intrusive
manner. We cannot accept that bureaucrats, however well intentioned, sit in
judgment on arts groups and individuals without a process of peer review. We do
not believe that such a superministry would have any more ability than the
current Ministry of Culture to attract its fair share of funds from the
Government or to protect artists from political considerations.
Le Président (M. Bradet): M. le président, je
m'excuse, il vous reste une ou deux minutes. Si vous pouviez conclure, s'il
vous plaît?
M. Devine: O. K. Madam Minister and members of the committee, it
is with regret that we state that we cannot support the Arpin Report. We must
add, however, that we applaud the initiative of the Government in holding these
hearings and we hope that it will result in a series of recommendations that
are truly representative of the cultural and artistic needs of all
Quebeckers.
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup. Alors, nous
allons procéder à la période d'échanges. Mme la
ministre?
Mme Frulla-Hébert: Mr. Devine, Mr... Can I call you Pan?
There are things that make me wonder. I applaud your effort because that you
take some... or you do adapt also, I think, if my memory is right, some...
"pièces" from Québec writers and also put them into English. And
also all the creative aspect that you are putting and defending so well, you
know, comes to us.
You have this impression that if, here in Québec... Correct me if
I am wrong, but I read that you have this impression that should it be in
Québec or Ottawa or even municipalities, when the fundings are given to
this group or the other group or different groups, it is done but in a very
subjective matter. One. And please, correct me if I am wrong. Because you are
talking a lot about political pressure and if I look at Canada, for example,
"ils ont le Conseil des arts", here we do not have "le Conseil des arts" but it
is given by jury of... You say that you want to be judged by peers, jury formed
with peers so people are judged by peers to see if, you know, they have the
subvention or not and by no way, there is any interaction of any kind of, you
know, political interaction. I can say, from our functioning now, and I can
vouch also if this system was exactly the same for the functioning before, you
know, since a couple of years... But there is this perception that it is sort
of given, but very subjectively, while it is not. And I would like to know why
this perception is there.
M. Devine: I think our concern, as I understand what you are
saying, and I understand that there are peers involved, there is also a
question to some extent of which peers and whether the process would
effectively, if it was contained within one ministry, whether the process even
involving peer view would effectively discriminate against minority groups
within Québec.
Mme Frulla-Hébert: O. K. Well. Then again, you know we had
a very good discussion this morning with the Jewish Council, and you know there
are a lot of cultural communities that come here at the "commission" to
discuss. And I do believe, and I do think that if we are talking about a
cultural policy for Québec, "une politique culturelle", just to abstract
the fact that, now, I would say especially for Montréal, which is 48 %
of the population, to make an abstraction of the other cultural groups that do
enrich our culture here in Québec would be not only a mistake, it would
be just to be blind.
So, let us say that all the funds are concentrated here in
Québec, so that there is no duplication, there is a better sort of
efficiency. There is not this double standards that do exist now. Why should it
be different, you know, as far as the application - I mean those subventions
given by a jury of peers - and why should it be worse if that becomes a reality
than this system now? (20 h 30)
M. Devine: First, I would need to know which double standards you
are referring to.
Mme Frulla-Hébert: Well double standards... I would say,
double judgment of priorities, if you want. I will give you an example. Let us
talk about the taxes on the books, for example. You have the GST on one side;
here we decided not to, but the effect of the GST is terrible on the
books or 'lout le secteur de l'édition".
So, you know, you do it right on one side; if the other one does not
follow, the action is annulled. So it is that kind of...
M. Devine: O.K. We admit that there is some... There is always
the potential of inefficiency when cultural bureaucracies overlap each other.
The question is: What form it would take if all cultural funding were
repatriated within Québec? Right now, an organization like Playwrights'
Workshop Montréal benefits very much, as a small arts organization, from
being able to apply to different levels of government, different organizations
or funding foundations which exist both within and without Québec. There
are different peers that are brought to bear on the process for different
aspects of our work. In our discussions, even with the Conseil
québécois du théâtre, they have voiced the same
concerns, I believe.
Mme Frulla-Hébert: Yes. You are not the only one.
M. Devine: We would like to be reassured, on that level, that not
only would a process of peer review continue to be implemented as it is now,
but that artists both individually and within small organizations would not be
made to feel like they are going to one source and trying to tailor their
artistic output to a perception of what that source wants.
Mme Frulla-Hébert: What you are saying is that you
automatically have an insurance saying that if one source says no, for whatever
reason, should it be no and judged by jury of peers but...
M. Devine: Right.
Mme Frulla-Hébert: ...you know it is no, then you can
depend on another source that would see or would judge it differently. That is
what you are saying, in a way.
M. Devine: At least, the potential exists... Mme
Frulla-Hébert: Yes.
M. Devine: ...there. That is important for us. I think that it is
also important that as an organization with a national membership, we have two
different constituencies to deal with. The majority of our members are from
Québec, from every background in Québec. We deal with the
"ministère des Affaires culturelles" and CACUM for that, and we have to
deal with outside funding agencies like the Canada Council and various private
foundations to fund the work that we do in the rest of Canada both in terms -
and I would emphasize - of bringing work into Québec to spread it to a
wider audience and bringing the work of Québec playwrights, French and
English, across Canada. It is very difficult to imagine for us that we would be
able to carry on those programs if all funding was repatriated here under one
source.
Mme Frulla-Hébert: Your judgment is also very... Do you
have something to add?
M. Bouyoucas: Oui. Notre objection est en réaction,
surtout, au rapport Arpin, mais pas nécessairement sur les
critères qui ont lieu en ce moment, parce qu'il y a une certaine
contradiction dans le rapport Arpin qui reconnaît la primauté de
la création au tout début - on parle d'art, de culture - et, par
la suite, je cite: "On veut que des mesures de rationalisation
budgétaire soient prises dans le secteur de l'aide à la
création pour éviter le saupoudrage et pour concentrer les sommes
disponibles sur des projets de haute qualité."
Qu'est-ce qu'un projet de haute qualité? Parce qu'une
pièce de théâtre de haute qualité pour un n'est pas
nécessairement de haute qualité pour l'autre. Ça, c'est
subjectif. Ensuite, on veut que des travaux et études permettant de bien
connaître les goûts et les besoins des divers publics des
activités artistiques soient constamment poursuivis. Est-ce qu'on
demande au théâtre de suivre le goût du jour? C'est
là notre position. C'est là l'objection. Parce que si on avait
fait une étude du marché, si on avait conduit une enquête
sur les goûts du jour en 1968, on n'aurait pas eu Les Belles-Soeurs.
Mme Frulla-Hébert: C'est vrai.
M. Bouyoucas: Surtout si on avait parlé à des
professeurs de français ou à des professeurs de
théâtre.
Mme Frulla-Hébert: Mais dans le rapport Arpin, par
exemple, si on interprète le saupoudrage, je l'ai dit beaucoup cet
après-midi, c'est qu'on parle aussi beaucoup de consolidation de ce qui
existe déjà. Parce que le problème, c'est que le budget,
au niveau du théâtre, par exemple, a doublé de 1985
à maintenant, et ce n'est pas encore assez. Ce n'est pas encore assez
parce que la prolifération de compagnies de théâtre,
évidemment, a augmenté plus rapidement que le budget
lui-même, ce qui fait qu'on se retrouve avec plusieurs organismes -
présentement, oui -mais qui ont des difficultés. Alors,
c'était beaucoup plus en termes de consolidation, pour l'instant - pas
en permanence, mais pour l'instant -de ce qui existe déjà, pour
s'assurer une base forte pour ensuite continuer, si on veut, à
s'étendre et à grossir.
M. Bouyoucas: Je ne crois pas qu'on devrait contrôler
vraiment la prolifération de troupes
théâtrales. O.K., il y en a qui vont mourir, qui vont se
fatiguer, qui vont s'épuiser, mais c'est comme ça. Quand on parle
de recherche et développement et qu'on veut traiter le
théâtre, la création comme recherche et
développement, on prend des chances. Ensuite, quand on parle de
consolidation, on veut consolider les sources de financement, on veut rapatrier
l'argent. On est tout à fait d'accord pour rapatrier l'argent; ce n'est
pas ça, mais il y a une autre contradiction. Le gouvernement veut
rapatrier l'argent, mais d'un autre côté, il dit au
théâtre: Allez frapper aux portes du privé, des
corporations pour vous financer. Alors, il y a une petite contradiction,
là. Comment est-ce qu'on peut consolider les fonds au gouvernement et
ensuite nous demander, à nous, d'aller frapper aux portes du
privé, des individus et des corporations, ou des municipalités
même?
Mme Frulla-Hébert: Oui, je veux revenir aux
municipalités parce que, en quelque part, vous savez, on est quand
même un peuple de 7 000 000. On regarde, bon, si on fait des comparaisons
avec la France, le gouvernement dit national, en France, dépense 30 %
pour sa culture et le reste, ce sont les municipalités, ce qu'on appelle
les départements, et aussi la société ou la population en
général. C'est une structure de financement qui est tout à
fait différente. Mais dans la mesure où on veut justement
encourager, où il faut une prolifération, où tout doit
être encouragé, en quelque part, il y a une limite aux budgets.
Demain matin, on voudrait bien avoir tout l'argent possible pour tout faire,
mais ce n'est pas évident. Alors, c'est pour ça, cette demande
d'aller au moins... et de demander aussi aux municipalités, tel que
ça se passe partout, de faire aussi leur part, à la mesure de
leurs moyens, mais de faire aussi un peu leur part.
M. Bouyoucas: D'accord, et ça, on peut facilement le
demander aux gens aux théâtres qui sont à Montréal.
Mais c'est très difficile de demander à des théâtres
en région d'aller chercher... Il y a certaines...
Mme Frulla-Hébert: Les municipalités, c'est plus
difficile.
M. Bouyoucas: ...petites villes qui n'ont même pas assez
d'argent pour paver leurs rues. Alors, la culture, ce n'est pas leur
priorité.
Mme Frulla-Hébert: En tenant ça, évidemment,
en considération, là-dessus, vous avez raison.
Je voudrais - juste une dernière question - revenir au niveau des
municipalités. Là, on va parler de ce que vous disiez au niveau
des municipalités. Vous semblez réticents au niveau des
municipalités. Spécifiquement là, si on parle de
Montréal, ce n'est pas tout à fait le cas là, bon.
Montréal dépense quand même un montant substantiel au
niveau du développement culturel. Alors, pourquoi cette
crainte-là au niveau des municipalités?
M. Bouyoucas: On est en train de vivre, en ce moment, le
Playwrights' Workshop, l'Atelier de dramaturgie de Montréal, une
expérience avec les municipalités. Ils viennent de construire le
Strathearn Center, coin Jeanne-Mance et Léo-Pariseau. Bon. Alors,
ça a commencé il y a un an. il y a trois ans, ils nous ont
demandé, même, si on voulait être locataires, puis tout
ça. Et là, d'un coup, on a aménagé dedans.
Là, il y a toutes sortes de conflits privés, personnels,
politiques, puis tout ça, à toutes sortes de niveaux. Il y en a
qui veulent tourner ça en centre communautaire, d'autres qui veulent
tourner ça en maison de la culture. Alors, finalement, comme M. Devine
vient de le dire, ils ne peuvent pas nous garantir... Même, il y a une
production qui va avoir lieu au mois de novembre pour laquelle on a eu la
réponse hier. Chaque palier de gouvernement nous renvoyait à un
autre, même au municipal. Alors, c'est très difficile. On vient de
passer une expérience assez... Et aussi, pour le privé, un
théâtre comme le Playwrights' Workshop, qui est un centre de
développement comme le Centre d'essai des auteurs dramatiques, ne peut
vraiment pas aller demander de l'argent au privé parce qu'on n'a rien
pour eux. On ne peut pas mettre une affiche de Labatt chez nous, il y a
peut-être... À chaque lecture publique, il y a 50 personnes qui
viennent voir ça. Alors...
Mme Frulla-Hébert: Oui. Il y aurait quand même moyen
de parler... parce qu'on parle beaucoup de modulation maintenant. Les
programmes que l'on a présentement sont... D'ailleurs, si tout
était merveilleux, on ne serait pas ici non plus, hein. Bon. Alors,
c'est parce qu'il y a un profond besoin, justement, de regarder à fond
et de voir quels changements on doit apporter. Alors, c'est sûr que les
programmes, au moment où on se parle, ne sont pas flexibles, ils sont
rigides. Ça, on en est très conscients. Il y a des organismes
où c'est plus facile, évidemment, pour eux d'aller chercher des
fonds au niveau du privé parce que... Bon, pour toutes sortes de
raisons, et pour d'autres, c'est plus difficile.
M. Bouyoucas: Même des théâtres
institutionnels, à Montréal, veulent débarquer de
ça parce qu'ils dépensent plus d'argent et de temps à
chercher des fonds que les fonds qu'ils finissent par recueillir. Il y a
certaines corporations, même, qui exigent de voir le programme à
l'avance; et essayez de mettre une pièce d'un inconnu, et là, ils
se retirent. C'est arrivé. C'est arrivé, même avec le TNM
et le Théâtre d'aujourd'hui.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. Merci, Mme la
ministre, vous avez terminé. J'inviterais maintenant le porte-parole de
l'Opposition officielle, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
à poser ses questions.
M. Boulerice: Mr. Devine, Mr. Bouyoucas. Mr. Devine, how are your
activities now contributing to the creation of a common Canadian unity and to
the rise of our national pride? How could you modify or improve your activities
to rise your contributions? And what modification could we - I mean the
Government - bring to our programs, our activities, our policies, and our
Government initiatives so that you could improve your contribution to the
creation of a common Canadian unity and to the rise of the national pride? You
realize that it is not a joke. This is a question you will have to answer,
according to a letter you will receive by the Standing committee on
communication of culture by the Canadian Federal Government. Have you, for all
the time you have been here, received such letter from the Québec
Government, either from the Liberal Party or the Parti québécois?
So, I have to question why so much mistrust to the Québec Government
when you are getting such from Ottawa? Ottawa is a white angel and
Québec is the black devil?
M. Devine: The only answer I have to such an all encompassing
question, and I appreciate your concern, is that our mistrust is nota directed
at the particular Québec Government, but at the model for the
redistribution of funding that we are looking at.
M. Boulerice: Because if such would have been issued by either
that side or mine, you would be on the street denouncing it, I am sure.
M. Devine: It would certainly take us more time than we have
tonight for us to prepare a proper answer to such a letter.
M. Boulerice: Well, I hope you are going to bring an answer to
that because this is a threat; this is not what we call arm's length. Let us
make it very clear. We are getting all the money, we are getting thorough
juridictions. I guarantee you that all the money that is now at the Federal
Communication Department and the State Secretary Department, all that money is
included to the Québec budget for arts and culture.
M. Devine: This is hypothetically, you are speaking.
M. Boulerice: We respect the arm's length policy. So, you are
evaluated by a jury. In that jury, the Anglophone theater will be represented,
not only when we are discussing the Anglophone theater. I am already out for a
mix. You are going to evaluate French-speaking demands and the French-speaking
will evaluate the English-speaking demands. This is going to be a great mix by
the way. If I give you the guarantee of that, where are the objections? (20 h
45)
M. Devine: The first thing I would like to address with regard to
that is that I would certainly applaud the process of peer review and it
certainly would not be a major concern for us that an Anglophone would be
placed on such a process of peer review because the work we do covers both
languages and covers plays that are crossing from one culture to the other, in
both directions.
The objections or the concerns, shall I say, the concerns that we would
have with such... Well, the first concern that I have is with the hypothesis.
You can tell me that in this hypothetical situation that the money comes to
Québec, that you guarantee me that all this funding would go to culture.
If this hypothesis were to be enacted, that is the first question I have. I
have great doubts this hypothesis would be enacted. My second answer would be
that even if this were the case, then all we would be receiving would be the
money which we are currently getting which is insufficient. This is not true
for simply ourselves, but for all theater groups within Québec. Based on
the past record of all Québec Governments with regard to culture, I
would have less reasons to believe that we would receive even the small
increases in funding that we require to stay alive from the Government of
Québec than we would from a series of funding bodies, both national from
Québec and private. That would be my primary objection.
M. Boulerice: Why do you think I want all the money? Just for the
kick or put it in my pockets and we all have to resign? If I want the money, it
is because I want to put it into arts and culture. I will just give you a cute
little example. You said: Oh! I am not too sure we would get more money. You
know that this Government... And I do not blame the Minister herself; she is
not responsible for that and I have a lot of sympathy for her because se was
trapped into that. But she was kind of held up for about 7 000 000 $ because
the Federal Government wanted the big show-off and came at the - how is it
called - the laughing festival, Just for Laughs Festival. The Federal
Government says: We are ready to put 20 000 000 $ in a museum of laugh. It is
so funny I am crying now.
M. Devine: Sir, all Ican say in response to that...
M. Boulerice: And she is forced to put 7 000 000 $ in that. It is
27 000 000 $. I guess
you could get at least a little part of it, but now we cannot.
M. Devine: Sir, with all due respect to your understandable
concerns, we are in the theater business, we are not in the business to trust
anybody who does not place their guarantees within certain legal
frameworks.
M. Boulerice: Well, I am tempted to say: Why were you boms? You
have a fair chance to die. It might sound sure, but I am telling you that we
are in a situation, my feeling... that means, as far as I am concerned,
credibility for the politicians about art and culture is so low that I will not
lose what is left of our credibility and I will not joke with you at that.
M. Devine: I assure you we take it very seriously indeed.
M. Boulerice: By the way, the Québec Drama Federation said
yes, I do not want to influence you...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice:... your answer, but I put it in front...
M. Devine: We had an input on their brief.
M. Boulerice:... of them as sharp as I did with you. There is a
second question that Mr. Bouyoucas mentioned, it was very very very important.
It was about all what we call "le saupoudrage". If we stop it, how do you
evaluate that? One should get a grant and the other no. You probably know the
Cirque du Soleil. If it exists, it is because of a "saupoudrage" of a member of
Parliament who gave them money one day, but it turned out to be something
great. But that was "saupoudrage". "Saupoudrage" can be a boost.
M. Devine: Absolutely. We are arguing against the elimination of
"saupoudrage".
M. Bouyoucas: Mais dans le domaine des arts et de la
création, tout est saupoudrage, vraiment. Ma mère croit encore
que je suis en train de gaspiller ma vie parce que j'ai commencé
à écrire un jour. Alors, je saupoudre mes années. C'est
ça, on aide certaines compagnies, on aide certains comédiens,
puis tout ça, puis il y en a qui vont avancer, il y en a qui vont mourir
en chemin. Ça, on ne peut pas le savoir. Tout ce qui se passe au
Québec en ce moment dans le domaine du théâtre est
extraordinaire. Puis, nous, si on critique le rapport Arpin, ça ne veut
pas dire qu'on voudrait être ailleurs. Ce n'est pas parce qu'on veut
être à Ottawa en train de faire du théâtre. C'est la
dernière chose qu'on veut faire.
M. Boulerice: I do understand you.
M. Bouyoucas: On nous a demandé de critiquer ce
rapport-ci, puis on se dit: Si on peut améliorer notre situation, eh
bien, les artistes, on a toujours eu besoin de plus d'argent, si on peut en
avoir plus. Mais, l'argent, on le comprend. S'il y a une situation
financière difficile, une récession ou quoi que ce soit, on
comprend ça. Ce qui nous a piqués surtout, c'est les
critères d'évaluation des projets, parce qu'on travaille souvent
avec de jeunes auteurs qui viennent avec leur premier texte. Puis, si un auteur
ne promet pas dès son premier texte une grosse production comme Les
Misérables ou Le Fantôme de l'Opéra, on ne peut pas le
laisser tomber. Ce n'est pas ça, le théâtre.
M. Boulerice: I am sorry, I did miss your... J'ai manqué
votre dernière phrase.
M. Bouyoucas: Bon. C'est ça. Ce que je voulais dire, c'est
que le saupoudrage est nécessaire au théâtre et dans les
arts. Tout le monde à 20 ans commence à écrire; tout le
monde investit un mois ou un an de sa vie à écrire quelques
poèmes, puis après ça, il y en a peut-être deux sur
mille qui vont devenir poètes. On va tous à l'école, on
apprend tous la littérature, on apprend tous la poésie, ce n'est
pas pour ça qu'on devient tous des poètes. C'est comme ça.
C'est la recherche et le développement, vraiment.
M. Boulerice: Yes. I don't know if you will agree with me, but if
there is one place where we have to take chances, it is culture. We have spent
500 000 000 $ trying to save Dome Petroleum, it bankrupted. We have put 14 000
000 $ for ITT Rayonier on the North Shore, they have cut the wood and then,
went away. Have you heard anybody complaining about that? Not a word. But if we
lose 20 000 $ with one of your plays, it's a crime. I mean, I guess that,
first, we have to change the mentality and then, we have to ask the politicians
to help the people change their mentality about money in arts and culture,
otherwise we are going nowhere. That was my final note with you. Thank you for
coming.
M. Devine: Thank you very much.
Le Président (M. Bradet): Alors, le mot de la fin, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Thank you for coming. You are not the
only one, you know, who put forward your thoughts and your worries. We know
that it is not easy. But then, again, if we are here, like I said before, it is
because, a) we want changes and b) we will try to make those
changes as positive as possible. So, for that, I would say not to worry.
As far as funds, well, again, I prefer working in a more realistic climate than
just dream and dream and thinking that we will have them, you know, as much as
we need or as much as we want. But, then again, I think that the better way
also, a more efficient way of spending without losses, like I said,
duplications and paying for structures that should not be and, you know, just
give that money where it works best. So, thank you for coming.
Le Président (M. Bradet): On vous remercie, M. Devine et
M. Bouyoucas. J'inviterais maintenant les représentants de la ville de
Rouyn-Noranda à prendre place.
Alors, bonsoir, M. le maire, Gilles Cloutier. M. le maire, on vous
souhaite la bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous
aurez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite,
c'est les échanges avec les membres de la commission. J'aimerais
auparavant que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.
M. Cloutier (Gilles): J'allais le faire, M. le Président.
Je voudrais vous présenter M. Jean-Claude Beauchemin, qui est
préfet adjoint de la MRC de Rouyn-Noranda et maire de Granada, à
ma droite, et, à ma gauche, M. Guy Parent, qui est directeur des
services communautaires et qualité de vie à Rouyn-Noranda.
Le Président (M. Bradet): On vous écoute, M. le
maire.
Ville de Rouyn-Noranda
M. Cloutier: M. le Président, Mme la ministre, MM. les
députés de l'Opposition, M. Rémy Trudel,
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue - je voudrais le
signaler en passant; merci d'être ici ce soir - nous vous avons remis un
rapport et je n'ai pas l'intention de vous en faire une lecture
détaillée. Je crois que vous l'avez bien reçu. Vous en
avez sûrement pris connaissance. Toutefois, je vais me permettre de
commenter en suivant la pagination, quand même, du rapport et en vous
présentant succinctement chacun des chapitres de ces
pages-là.
Premièrement, je voudrais vous présenter succinctement
Rouyn-Noranda et son agglomération. Je vous rappelle que la MRC de
Rouyn-Noranda compte tout près de 40 000 habitants. La ville de
Rouyn-Noranda compte, à elle seule, 27 800 habitants. Dans un rayon de 8
kilomètres, on retrouve 36 000 personnes. Donc, c'est quand même
une agglomération importante. C'est la capitale de
l'Abitibi-Témiscamingue au niveau de sa population et je pense que c'est
important de vous le signaler. À la page 2, on vous dit pourquoi c'est
la capitale, entre autres parce qu'on a beaucoup de bureaux gouvernementaux,
tant sur le plan provincial que fédéral.
Nous avons aussi l'Université du Québec et le cégep
régional de l'Abitibi-Témiscamingue - je pense que vous avez
entendu ce midi la présentation de leur rapport - ce qui fait, donc,
qu'on est la capitale régionale aussi au niveau de l'enseignement.
Notre population, on peut dire qu'elle est plus jeune que celle du
Québec. Son vieillissement est plus lent. C'est donc dire que nous
devons répondre à des besoins peut-être différents
de ceux de la population du Québec en général.
Notre économie. Nous sommes des grands exportateurs vers le sud
de ressources naturelles, soit les mines ou la forêt, et, de plus en plus
aussi, on exporte vers le sud nos ressources humaines, tant au niveau sportif
que culturel. Notre économie est basée sur le
développement hydroélectrique. Nous gérons La Grande
Rivière, et c'est vraiment important pour nous. 72 % de nos emplois
proviennent du secteur tertiaire. Donc, ce sont quand même de grands
consommateurs de culture et même si, actuellement, sur le plan
économique, la situation est peut-être un peu difficile à
la grandeur du Québec, on peut dire qu'au niveau de la participation aux
activités culturelles il n'y a pratiquement pas eu de baisse, compte
tenu qu'une bonne partie des salariés font partie de la fonction
publique ou parapublique. (21 heures)
Les grands défis pour Rouyn-Noranda, les investissements à
venir, c'est surtout au niveau de l'environnement. On a encore beaucoup de
devoirs à faire dans ce domaine-là et je dois vous dire que la
municipalité de Rouyn-Noranda et la MRC, entre autres, auront à
consacrer des sommes importantes pour le développement sur le plan
environnemental, surtout au niveau de l'assainissement des eaux. On est un peu
en retard dans ce domaine-là. Par contre, si on regarde au niveau des
arts et de la culture, on consacre, comme municipalité, quand même
environ 6 % de notre budget, soit 1 675 000 $ sur un budget de 27 000 000 $. Il
y a 3 % qui proviennent de la tarification au niveau des revenus et 3 % qui
proviennent de la taxation. Donc, c'est quand même important comme apport
du gouvernement municipal. Et je dois vous dire que cet argent-là est
investi principalement dans les champs suivants: le cinéma, le
théâtre, la musique, la danse, les arts visuels, le patrimoine et
les lettres. Aux pages 5, 6 et 7, on vous donne une nomenclature et une
définition un peu de ces activités-là. Sans vous les
détailler, je veux tout simplement vous dire que, sur le plan musical,
Montréal a son orchestre symphonique, Québec a son orchestre
symphonique et Rouyn-Noranda a aussi son orchestre symphonique. Et vous allez
voir que, pour nous, c'est important, tout à l'heure, lorsqu'on fera
référence à des
activités des grandes régions. Il ne faut pas oublier que,
dans les régions peut-être de moindre population, on a aussi des
activités importantes qui méritent d'être
supportées.
Sur le plan du cinéma, je sais qu'en fin de semaine on va avoir
le bonheur de recevoir Mme la ministre. On va aussi avoir le plaisir de
recevoir, lors de l'ouverture, M. Boulerice. Or, c'est un festival
international et, à ce titre-là, chaque année, on attire
beaucoup de gens, pas juste des grands centres - Québec, Montréal
-ça vient aussi d'Europe. Et c'est à ce titre-là que ce
festival-là a quand même une renommée internationale.
Au niveau des lettres, je vous rappelle qu'on a une bibliothèque
bien équipée que Mme la ministre a eu le plaisir d'inaugurer en
mai dernier. Bien sûr, n'eût été la participation des
gouvernements, il aurait été difficile pour nous de pouvoir se
doter de tels équipements.
Aussi, on a le Théâtre du Cuivre où il y a une
participation importante des gouvernements. D'ailleurs, on va recevoir nos
invités de marque en fin de semaine. Et, encore là, il y a une
participation gouvernementale importante. Il y a eu une participation de
l'ordre de 80 % des gouvernements et de 20 % des municipalités. Et
n'eût été de cette implication-là, je ne pense pas
que les régions auraient le moyen de se doter d'équipements
d'aussi grande qualité. Et ce qui fait de plus en plus la
renommée, c'est d'avoir des équipements qui permettent à
nos artistes de pouvoir se produire et aussi de pouvoir être
formés dans les institutions d'enseignement ou autres. De plus en plus,
on doit vous dire... Je parlais d'exportation des ressources humaines tout
à l'heure. L'Abitibi-Témiscamingue a fait, dans un premier temps,
sa renommée avec des joueurs de hockey. On a fourni abondamment de
joueurs au niveau des Canadiens. Qu'on pense aux Keon, Turgeon, Desjardins,
Réjean Houle, ce sont tous des gens qui proviennent des régions
et qui viennent manifester leur talent dans les grands centres. On en est
très fiers. Et, de plus en plus, au plan culturel, on assiste aussi
à la même chose. Qu'on pense, entre autres, à Richard
Desjardins qui est la vedette montante au Québec présentement; il
y a Diane Tell aussi. Il y a beaucoup de noms qui se sont distingués
soit au niveau de la chanson ou des productions, au niveau de l'écriture
ou encore du théâtre. Et tout à l'heure, on pourra,
à la page suivante... À la page 9, on vous donne une liste de ces
personnes-là. Alors, c'est donc dire qu'une région ou que les
régions sont des fournisseurs importants de talents qui vont enrichir
les grands centres. On est habitués, les gens du nord, à exporter
nos richesses au sud - je le mentionnais - et souvent ils dépassent
aussi les frontières du Québec, et, sur le plan international,
ils réussissent très bien. C'est donc important de supporter et
d'encourager ces gens-là. Qu'ils puissent venir dans les grands centres,
on en est fiers, mais on aimerait, de temps en temps, recevoir l'ascenseur et
continuer à recevoir un appui au développement des
régions.
À la page 10, on vous parle des activités qu'on a et de la
participation qui augmente constamment à mesure qu'on dote la ville
d'équipements de marque. Et vous avez juste à voir, au
Théâtre du Cuivre, la participation de 1986. De 1986 à
1990, ça a augmenté de 110 %. Au niveau de la
bibliothèque, depuis qu'on l'a inaugurée, il y a eu une
augmentation aussi marquée de participation. Au niveau du
théâtre aussi, c'est la même chose. Il y a eu une
augmentation. On parle de La Poudrerie, des Zybri-des, qui, soit dit en
passant, reçoivent aussi des supports financiers des gouvernements;
encore là, il y a eu une augmentation marquée au niveau du
théâtre.
Tout ça pour dire qu'actuellement, sur le plan culturel, à
Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, ça foisonne, c'est
très actif parce que les municipalités, les gouvernements
agissent en partenaires et permettent à ces populations-là de
bénéficier abondamment de support, tant sur le plan humain que
sur le plan technique.
Alors, nous avons donc actuellement des infrastructures efficaces. Et je
le souligne à la page 11, on a quand même un conseil de la
culture, on a une direction régionale du MAC, le ministère des
Affaires culturelles; on a tout, actuellement, pour faire avancer la cause des
arts à Rouyn-Noranda et on ne voudrait point - et c'est là qu'on
arrive au coeur de notre rapport qui concerne la politique de la culture et des
arts - qu'une politique de la culture et des arts ait pour effet de diminuer
cette participation actuelle ou encore de l'arrêter. Et, pour nous, c'est
important. Actuellement, cette politique-là représente des
risques certains pour nous. On est d'accord et on félicite la ministre
Frulla-Hébert pour sa volonté de vouloir doter le Québec
d'une nouvelle politique culturelle. Par contre, on a des réticences. On
est d'accord aussi sur les finalités; développer le domaine des
arts, on achète ça. Sauf que le développer, et en misant,
comme on le mentionne dans le rapport, sur l'internationalisme, on est
d'accord, mais pas aux dépens des régions. Il ne faut pas aller
se péter les bretelles outre-mer, puis oublier que les régions
ont aussi besoin d'un support et le faire à notre détriment en
disant: Là-dessus, on s'est donné des mandats, on doit rayonner
comme société distincte et, à ce moment-là,
ça coûte cher. On ne voudrait pas que ça soit fait à
notre détriment à nous, les régions.
Favoriser l'accès à la vie culturelle, c'est ça qui
nous a fait sursauter. On est d'accord avec ça, mais pas en disant qu'il
existe Montréal, Québec et puis les autres. On ne veut pas
participer à ça par soustraction. Et c'est peut-être sur ce
point-là qu'on a accroché le plus.
On se dit, et on connaît très bien l'auteur du rapport, que
peut-être s'il avait eu l'occasion de se rendre dans les régions,
parce qu'on n'a pas eu l'avantage de le rencontrer et de se faire
écouter, on aurait pu lui dire comment c'est vivant, la culture dans les
régions, dans la nôtre, entre autres, et ça lui aurait
peut-être évité d'avoir une vision passéiste des
régions. On se trouve très mal représentés dans ce
rapport-là sur ce qu'on dit, qu'on est le reste du Québec.
On voudrait être considéré un peu plus qu'un
réceptacle de la culture montréalaise et
québécoise, parce que vous savez qu'on vit différemment
dans nos régions qu'on peut vivre à Montréal. Il y a quand
même, encore là à cause des kilomètres qui nous
séparent, une culture qui est différente et qu'il faudrait
respecter, parce qu'on dit que la culture c'est la liberté, ça
doit transcender les frontières. Et, pour nous, il faudrait tenir compte
de notre région davantage.
À la page 14, je vous mentionnais qu'on est d'accord avec une
certaine visibilité internationale, mais pas à notre
détriment. On est, oui, d'accord avec l'innovation et une culture haut
de gamme, on est, oui, d'accord avec la recherche, mais, on vous dit de penser
aussi au développement régional, c'est aussi important.
À la page 15, et c'est la troisième finalité du
rapport, on parle de partenariat au niveau de la mission culturelle du
Québec. Et là je vous dis que nous sommes des partenaires
échaudés. On a bien mentionné dans le rapport, dans la
résolution 78, qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de délestage au
niveau des régions et on espère qu'il n'y en aura pas. Nous, les
municipalités, on est rendues très craintives là-dessus.
On élabore des belles politiques et on sait que la culture, ça a
aussi une facture. Et lorsqu'on nous refile la facture, c'est là qu'on
devient inquiètes, d'autant plus que les politiques ont
été élaborées par une partie et qu'on fait payer
cette facture-là par l'autre.
Le Président (M. Bradet): M. le maire, s'il vous
plaît...
M. Cloutier: Je vais conclure.
Le Président (M. Bradet): ...je vous demanderais de
conclure.
M. Cloutier: On était justement rendus à la
conclusion à la page 16. Nous avons donc des acquis à
sauvegarder. On serait prêts, même, à accepter un statu quo
plutôt que de risquer de reculer avec une politique de
développement culturel qui aurait pour effet d'énoncer des beaux
principes mais dans l'action... Et, au niveau de l'action comme telle, il y a
peu qui a été dit là-dedans. Je pense que tout le monde
est pour la vertu, mais, quand c'est le temps de régler les factures, on
en sait quelque chose comme municipalité, de plus en plus, on en
reçoit d'en haut. Le fédéral vous fait des dons et vous
faites des dons aux municipalités. Or, on ne voudrait pas que, sur le
plan culturel, on ait à supporter des décisions, des belles
politiques, mais qu'après ça on ait à refiler à nos
citoyens cette facture-là. Oui, pour un partenariat, mais il va falloir,
au niveau du partenariat avec les municipalités, le définir, et
je pense qu'on est mal partis à ce niveau-là.
En terminant, je vous remercie de votre attention. On recevra vos
questions et, à ce moment-là, je demanderai aux gens qui
m'accompagnent de répondre si vos questions sont trop
compliquées.
Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M. le
maire, de votre présentation. Je...
Mme Frulla-Hébert: Oui, M. le maire. D'abord,
j'apprécie votre présentation ici, à la commission, et
votre mémoire. Quand vous parlez de partenariat avec le
ministère, je pense que, si je regarde ce qui a été
accompli, il y a toujours eu un bon partenariat entre votre municipalité
et le ministère, même que le partenariat a été aussi
très généreux, ce qui fait qu'on n'a pas l'intention non
plus d'arrêter. Ce n'est pas une question de délestage. Si on fait
une politique, si on parle d'une politique, c'est parce qu'après 30 ans
on s'aperçoit qu'il y a des choses qui ne vont pas et qu'il faut des
changements, mais des changements qui vont refléter la
réalité ou, enfin, le futur, et non pas vivre dans un carcan et,
justement ce que vous dites, un statu quo qui reflètent beaucoup plus le
passé. On a fait beaucoup à date, mais, maintenant, c'est le
temps de revoir notre façon de fonctionner sans pour autant croire...
Vous savez, vous avez un jugement sévère. Je me suis
promenée dans toutes les régions, d'ailleurs, et ça
revenait... Il y a récriture et il y a l'intention. Il y a un jugement
sévère au niveau de la façon dont le rapport Arpin, enfin
dans son écriture, traite les régions, mais ce n'est pas vraiment
la réalité dans le discours, en tout cas dans un sens où
il y a 16 régions, et elles sont interactives, une métropole et
une capitale. C'est ça ia réalité du Québec, et
elle sera traitée de cette façon-là, et penser que les
seules sources de talents proviennent de Montréal ou de Québec,
c'est se leurrer aussi, vraiment, passer tout à fait à
côté. Alors, là-dessus, je tiens à vous
rassurer.
Par contre, il y a des choses intéressantes que vous avez
amenées dans votre mémoire. Vous parlez d'une infrastructure
culturelle. Votre infrastructure s'adresse à une population de 28 000
habitants, c'est ce que vous dites, donc aux deux-tiers de la population de la
MRC. Est-ce qu'on peut envisager que, dans un territoire qui est étendu
comme le vôtre, les 16 municipalités de la MRC puissent s'entendre
pour un soutien financier de vos équipements et activités
culturelles? Et ça, on le demande à toutes les
municipalités, même celles qui sont
périphériques des grands centres ou encore les
municipalités qui sont peut-être dites en régions plus
éloignées. Est-ce que c'est possible de faire participer d'autres
municipalités de...
M. Cloutier: Je vais répondre succinctement à cette
question-là et j'aimerais que M. Beauche-min intervienne aussi, parce
qu'on attendait votre question. Vous comprendrez qu'on en a même
débattu avant que vous la posiez.
Mme Frulla-Hébert: Bon, c'est bon. (21 h 15)
M. Cloutier: Parce que, effectivement, c'est un débat chez
nous qui est très vivant et je dois dire, comme maire, que je
m'apprêtais à une tarification auprès des
municipalités qui profitent effectivement de nos équipements
culturels. Et je dois vous dire qu'on a, depuis un an, des scénarios qui
vont dans ce sens-là. On a même déjà avisé
les maires de se préparer à mettre dans leur budget une
tarification pour nous aider à supporter le développement
culturel. Mais je dois dire que, là-dessus, on a été pris
de vitesse par votre gouvernement. M. Ryan a été plus vite que
nous pour occuper un champ de taxation. À notre niveau, on pensait qu'il
y avait une certaine marge de manoeuvre, mais vous comprendrez que, avec la
facture qu'ils viennent de recevoir pour la police et la voirie et là
nous qui nous apprêtions à mettre une facture pour la culture
aussi, celle qu'ils vont retenir le plus, c'est la dernière qu'on va
ajouter. Politiquement, j'avoue qu'on est très mal placés au
niveau de cette tarification-là qu'on s'apprêtait à faire
parce que la fameuse marge de manoeuvre que le gouvernement actuel a vue et
que, nous, on avait vue au niveau des municipalités, ce serait
peut-être de surtaxer le citoyen; il pourrait le prendre mal, à ce
moment-là. On n'a pas évincé la question, mais ça
nous a placés, en tout cas, cette décision-là de M. Ryan,
dans une drôle de situation, sur le plan régional. On trouve
qu'ils en ont eu tout un paquet. Ce serait peut-être de mettre le chou
sur le cadeau, et là on se sent mal à l'aise un peu.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une autre
question, alors. Vous savez, la fameuse - ça vous touche peut-être
un peu moins, mais quand même - taxe d'amusement. À un moment
donné, taxer la culture à 27 %, ça n'a pas de bon sens.
Alors, il va falloir, finalement, regarder les différents
scénarios. C'est sûr que, s'il y a un report - et je dis bien
"s'il y a un report" - de la TVQ, pour l'instant, ça nous donne,
à nous, encore du temps pour continuer à regarder nos
scénarios, mais quand même. Quand on a parlé du 10 %,
évidemment, les municipalités ont dit: Ah! bien non, parce que
cet argent-là est réinvesti dans la culture et on en a besoin
pour réinvestir dans la culture. Ce qui fait que, présentement,
si le 10 % est encore là comme taxe, la taxe d'amusement
supposément toute réinvestie dans la culture, à ce
moment-là, je ne sais pas, à un moment donné, je me
demande: Est-ce que c'est vrai que le 10 % s'en va vraiment
là-dedans?
M. Cloutier: Oui, on l'investit là-dedans, c'est bien
sûr, et ça ne représente quand même pas des sommes
astronomiques. Je dois même dire que, dans certains cas, la fameuse
perception de cette taxe-là auprès de certains organismes est
difficile. Il en coûterait peut-être plus de suivre certains
groupes au niveau de cette fameuse taxe d'amusement là, de la percevoir
que ce qu'elle rapporte en réalité. Sauf que, si on prend
certaines salles de spectacle, ça va bien pour la percevoir, elle est
incluse dans le billet et on a des redevances là-dessus, mais, au niveau
de Rouyn-Noranda, juste le Théâtre du Cuivre, la ville de
Rouyn-Noranda, annuellement... Parce que le Théâtre du Cuivre,
c'est déficitaire. Il n'y a rien, en culture, qui est très
rentable, parce que l'entreprise privée se serait lancée
là-dedans depuis longtemps si c'était payant. Or, la ville de
Rouyn-Noranda défraie un déficit de 281 000 $ par année
juste pour le Théâtre du Cuivre. C'est bien sûr qu'il y a
des revenus d'opération de 190 000 $, mais le ministère des
Affaires culturelles en paie 53 000 $ et, nous, on assume annuellement 281 000
$ par année. Donc, vous comprendrez que la taxe d'amusement, qui
représente peut-être de 16 000 $ à 20 000 $ par
année, c'est minime par rapport à ce qu'on débourse pour
réinvestir, comme vous dites, dans la culture. Ce n'est qu'un exemple.
La bibliothèque, c'est la même chose.
Mme Frulla-Hébert: Mais, M. le maire, je vais vous
demander une autre question, alors. Je vais la poser différemment. Vous
savez, effectivement, il y a eu la réforme Ryan, et tout ça;
c'est une réalité. On sait aussi que les municipalités se
regroupent au niveau des différents services aussi, parce qu'il y a, je
pense, un effort de regroupement au niveau de différents services,
à faire; je pense que tout le monde est d'accord et que tout le monde le
réalise. Au niveau culturel, par exemple, une région comme la
vôtre - c'est sûr que, moi, je vais parler pour ma paroisse - quand
vous dites: Ah! les municipalités vont avoir de la difficulté
à embarquer... L'apport culturel, dans une région comme la
vôtre, pour créer un sentiment d'appartenance, par exemple, pour
que les gens restent, aiment habiter Rouyn-Noranda et veuillent y rester, pour
que les jeunes aussi décident de bâtir et de rester à
Rouyn-Noranda... Je me souviens, quand j'étais chez vous et qu'on a eu
notre lunch fort plaisant, Abitibi-Price disaient eux-mêmes qu'il fallait
qu'ils investissent parce qu'ils avaient de la difficulté à
attirer des cadres et que même, finalement, avec l'apport financier, en
disant: On va te donner de 10 % à 20 % ou 25 % de plus,
même au niveau salaire, les cadres, les gens, c'était
difficile d'en attirer, pour toutes sortes de raisons. Alors, il s'agit de
créer aussi une qualité de vie. Il s'agit, finalement, d'avoir
aussi des activités. Donc, est-ce que ça se mesure aussi
seulement en termes de rentabilité?
M. Cloutier: Effectivement, vous touchez là un point
très important pour l'Abitibi-Témis-camingue et Rouyn-Noranda,
entre autres. C'est que, sur un budget tout à l'heure je disais de 27
000 000 $, on doit dire qu'on consacre aux loisirs culturels et sportifs, aux
loisirs pour nos gens, 15 % de notre budget. On est peut-être, au
Québec, la ville... En tout cas, on s'est comparé à
plusieurs villes et on est la première, au Québec, qui met tant
d'argent pour ses loisirs parce qu'il faut créer de la rétention
de gens qui viennent d'une région éloignée et qui veulent
avoir accès à une participation culturelle et sportive, mais
à des coûts beaucoup moindres que ce qu'ils auraient dans les
grandes régions. C'est un bénéfice marginal qu'ils peuvent
obtenir assez facilement. Ils ont accès très rapidement à
des installations et on a des installations vraiment de qualité, tant,
comme je le disais, au plan culturel que sportif, et une ville comme la
nôtre, je vous le dis, lorsqu'on tente de toucher ou de diminuer
l'enveloppe budgétaire des loisirs, c'est épouvantable.
Mme Frulla-Hébert: Mais, M. le maire, quelle est la part,
finalement, entre loisirs et culture? Parce que les loisirs, ça comprend
tous les arenas, etc. C'est parce que j'essaye de voir au niveau de la
population, par exemple. Est-ce qu'il y a une volonté? Est-ce qu'il y a,
au niveau de la population... Avant, il ne faut pas s'en cacher, on
bâtissait les arenas, et tout ça, et c'était bien, bien
important le sport et la culture, ça, c'était après.
M. Cloutier: Mais ça a changé. Ça a
changé. Là, on est rendu à 40 % pour la culture, 1 675 000
$. Donc, le budget culturel, là, représente 40 % et l'autre,
c'est 60 %. Mais 60 %, ce n'est pas juste les arenas, tout ça. Il y a
beaucoup d'autres genres de loisirs. Mais, sur le plan culturel, on est rendu
à 40 %. Depuis les 10 dernières années, si on regarde les
investissements, ils se sont faits surtout dans le domaine culturel:
rénovation du Théâtre du Cuivre en 1985, la
bibliothèque dernièrement, les pièces de
théâtre et là on parle aussi d'une salle - j'espère
qu'on va aussi avoir un support de ce côté-là de votre part
- de production pour La Poudrerie, Les Zybrides. C'est une salle de spectacle
et de production réduite de 200 places. Tout ça, depuis quelques
années, c'est surtout au niveau culturel que les demandes existent. Sur
le plan sportif, on répond adéquatement. Dans le temps,
effectivement, c'est un peu comme les églises, on avait les
églises et un aréna, les églises et un aréna. On
les a encore et c'est des centres qui, un peu comme les églises, ont eu
une baisse de clientèle, mais les temples sont encore là. Et
là-dessus, je dois dire qu'on est bien pourvus. Mais, dans le
développement culturel, il reste encore des efforts à faire.
Mais, moi, je dis qu'on a atteint, comme municipalité, une
capacité de payer de nos gens; 15 % de notre budget, c'est difficile
d'aller beaucoup plus que ça, mais on a encore des efforts... Il y a
toujours place à l'amélioration, mais il va falloir, un peu comme
votre politique le fait pour l'ensemble du Québec, nous aussi avoir des
discussions dans notre développement culturel. On veut que ça
avance encore, mais on veut que les créneaux soient peut-être
mieux identifiés ou qu'on fasse une certaine redistribution de richesse
lorsqu'on a atteint aussi notre capacité de dépenser.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire.
Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M. le
maire. Je reconnais maintenant le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, M. l'adjoint au préfet, M.
Parent. M. Parent, je remarque que vous avez le titre de directeur des services
communautaires et qualité de vie. Il y a quand même une certaine
force dans les mots. Rouyn-Noranda, elle, a décidé qu'art et
culture ça faisait partie de la qualité de la vie, que ce
n'était pas un luxe, mais des biens essentiels. Je trouve ça
encourageant et je suis heureux de voir qu'Abitibi-Price est établie
chez vous parce que, la dernière fois que j'y suis allé, je n'ai
pas vu ça. C'est à Rimouski, Abitibi-Price.
Mme Frulla-Hébert: C'est quoi, la mine, chez vous? C'est
Hydro?
Une voix: Noranda, je pense.
Mme Frulla-Hébert: C'est Mines Noranda.
M. Parent (Guy): Noranda.
M. Boulerice: Noranda.
Mme Frulla-Hébert: C'est Noranda. Bon, parfait. C'est
parce que j'ai vu les deux.
M. Boulerice: Oui, j'étais content. Je me suis dit: Enfin,
un investissement, mais ce n'est pas pour aujourd'hui. Sur un ton plus
sérieux, tous les maires, tous les préfets du Québec des
régions qui sont venus à cette commission ont toujours
apporté un discours optimiste, une assurance de soi qui est
extraordinaire, malgré les difficultés qu'on peut rencontrer en
région, de gens qui nous disent: Nous, on est capables. Donnez-nous ce
qu'il nous faut, ce qui nous revient de droit, on est capables d'en faire
la
gestion, on est capables d'établir nos priorités, on est
capables de s'occuper du développement culturel chez nous. Je dois vous
avouer, au bénéfice de la commission, et ma collègue va
être d'accord, que c'est réconfortant d'entendre cela. Ça
ne vous empêche pas d'avoir des critiques face au rapport Arpin, rien
n'est plus normal, sauf que vous amenez toujours un discours extrêmement
motivateur. Oui, la place qui est faite, au Québec, aux régions
n'est pas celle que l'on souhaite, mais il faut se dire que, dans la politique,
il devra y avoir une écriture qui, là, va correspondre aux
aspirations que les maires et les préfets, en provenance de
Québec et des régions, nous ont indiquées.
L'entrée en matière étant faite, je pense que tout
le monde reconnaît, dans chacune des municipalités, l'importance
de la bibliothèque, de la bibliothèque publique comme
véritable locomotive de la vie culturelle municipale. Moi, j'aimerais
ça si vous ou ceux qui vous accompagnent pouviez peut-être
élaborer un petit peu, enfin davantage sur les retombées
extrêmement positives suite à la restauration de votre
bibliothèque, ceci en termes d'achalandage particulièrement chez
les jeunes, puisqu'il faut créer de nouveaux publics.
Une voix: M. Parent.
M. Parent (Guy): Oui. Effectivement, la bibliothèque, chez
nous, ça a toujours été très important en termes
d'abonnés et de prêts de livres. On était parmi les villes
qui prêtaient le plus de livres au Québec. On a
rénové la bibliothèque, on l'a agrandie en respectant le
programme qui a été mis sur pied par le ministère des
Affaires culturelles. On a 23 000 pieds carrés. Notre objectif,
c'était, bien sûr, de hausser la clientèle, mais je peux
vous dire que l'objectif qu'on s'était donné pour l'année
1991, on l'a atteint au mois d'avril 1991. Alors, d'avril à
décembre, il nous reste encore un bout de chemin. C'est sûr que
l'ouverture officielle, ça entraîne un achalandage
intéressant, cependant, je peux vous dire que chez nous, chez les jeunes
entre 10 et 14 ans, il y a un jeune sur deux qui est abonné à la
bibliothèque, ce qui est très important.
Bien sûr, sur une échelle annuelle, on a une moyenne de
prêts de 9,27 livres par habitant, ce qui est extrêmement fort.
C'est presque le double de ce qui se fait au Québec. Pour nous, bien
sûr, c'est un loisir, mais c'est plus que ça aussi. C'est un
instrument d'enrichissement personnel, mais c'est aussi un instrument
d'enrichissement collectif parce qu'à la bibliothèque,
maintenant, on ne fait pas que prêter des livres. Je pense que vous devez
le savoir. On prête également des cassettes musicales, on
prête des oeuvres, on y voit des films qui sont choisis, qui sont
sélectionnés. Il y a des lectures, il y a des expositions, il y a
des conférences et ça devient presque un centre populaire, si on
veut, où on va puiser des connaissances de toutes les sortes. Chez nous,
on est une population jeune, on est une région jeune. La ville de
Rouyn-Noranda a 65 ans et, historiquement, même si ce n'est pas une
longue histoire, il faut dire qu'on a toujours le goût de bâtir
quelque chose. On n'est pas une société épuisée,
dans notre région, on est une société qui est en train de
se bâtir et cette jeunesse-là, c'est elle qui doit la bâtir.
Alors, pour nous, retenir les jeunes chez nous, c'est essentiel.
Et si j'ai accolé à mon titre, qui en fait probablement un
des plus longs dans le système municipal, "qualité de vie", c'est
parce qu'on reconnaît l'importance de la qualité de vie partout,
effectivement, mais on la reconnaît chez nous aussi. Le pouvoir de
rétention, chez nous, il faut le développer et on le
développe, bien sûr, avec une clientèle, avec une
université et avec un collège qui forment des jeunes qui veulent
de plus en plus avoir accès à un produit qui est semblable
à ce qui se passe ailleurs. Une heure et quart d'avion, ce n'est pas
loin. Huit heures de voiture, c'est peut-être un peu plus loin, sauf
qu'avec les communications, actuellement, c'est vraiment quelque chose qui est
accessible.
Sans vouloir allonger, M. le député, je peux vous dire que
la bibliothèque, chez nous, c'est un instrument qui est très
important. On a fait cette proposition-là au ministère des
Affaires culturelles, on a fait la proposition au conseil municipal. On a pris
le pari qu'on allait augmenter la clientèle et que ça allait
enrichir notre milieu et, depuis quelques mois que c'est ouvert maintenant, on
en a effectivement la preuve. Pour nous, c'est quelque chose
d'extrêmement positif d'avoir eu, comme partenaire, bien sûr, le
ministère qui a contribué à 78 % des coûts
d'immobilisation. C'est diminué au niveau du soutien. La politique des
bibliothèques fait que c'est comme ça, sauf que ça ne
diminue pas la clientèle, ça augmente la clientèle. On a
aussi la tarification, sauf que, pour nous, c'est quelque chose
d'extrêmement positif. (21 h 30)
M. Boulerice: Une très, très brève question,
M. Parent, si mon collègue, votre député, qui est sans
partage au niveau de l'affection pour sa région me le permet; juste une
toute petite question reliée à votre bibliothèque. Il
commence à y avoir certaines municipalités qui ont
décidé de doter leur bibliothèque d'une espèce de
fondation des amis de la bibliothèque, ce qui amène un certain
bénévolat qui aide à la promotion de la
bibliothèque, etc., ce qui m'apparais-sait être une avenue
intéressante. Est-ce que vous le faites? Est-ce que l'idée vous a
effleurés?
M. Parent (Guy): En fait, chez nous, la bibliothèque
municipale n'est pas un service municipal. De tout temps, la
bibliothèque a été
une corporation autonome. Donc, c'est un conseil d'administration
autonome qui gère la bibliothèque. Il y a une participation du
ministère, une participation financière de la
municipalité, mais c'est un conseil d'administration autonome qui
gère et qui développe, bien sûr, des façons de se
financer. Il va chercher des projets qui ne sont pas toujours à la
disposition d'un service municipal et cela, effectivement chez nous, ça
se fait et c'est très, très positif.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Bradet): Je présume, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qu'il y a
consentement à l'effet qu'on se conforme à l'article 132 et que
vous puissiez prendre la parole. Je vous reconnais donc, M. le
député.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais en profiter
pour remercier les gens de la ville de Rouyn-Noranda, M. le maire, les gens de
la MRC et M. Parent, de la ville aussi, d'être avec nous ce soir, parce
que, vous voyez, c'est très important que les gens de régions
viennent dire aux parlementaires ce qu'est la vie en région,
l'importance de l'aspect culturel et, au moment où on s'apprête
à se donner une politique de la culture au Québec, d'être
pleinement compris dans la définition de cette politique. C'est
pourquoi, au départ, le titre de votre mémoire recouvre toute la
réalité de son contenu et je pense qu'à lui seul, le
titre, il y a un message là-dedans: "Le Québec possède un
vaste territoire, à lui de l'assumer!" Vous ne donnez pas les
responsabilité? rien qu'aux autres, vous êtes dans ce
Québec-là. Vous dites: On va l'assumer collectivement, mais on
est aussi une partie du Québec, et ça, c'est réconfortant
d'entendre cela. Et je peux rallonger le commentaire un petit peu, Mme la
ministre, pour ajouter par-dessus ce que disait M. le maire il y a quelques
secondes: La ville de Rouyn-Noranda n'a pas à rougir de l'apport qu'elle
a toujours consacré aux arts et à la culture. Ça a
toujours été un effort. Moi qui vis très près de
cette communauté, j'ai toujours été
particulièrement édifié par cet apport de la ville de
Rouyn-Noranda en termes de culture, et j'y reviendrai tantôt, sur le
territoire de la MRC.
Alors, de venir nous le dire, au moment où on est à
examiner une proposition de politique de la culture et des arts, à ce
moment-ci, je pense que c'est de nature à rééquilibrer un
certain nombre de choses. Et, moi, je ne veux pas prendre trop de temps sur
toute la question de la division du Québec quant aux mots. Mme la
ministre a bien, je pense, passé l'éponge là-dessus, en
quelque sorte. Il faudra non seulement, je dirais, réorganiser les mots
du discours, mais la réalité à laquelle il recourt.
Ce que je voudrais souligner aussi, c'est à la page 14, vous avez
une définition de la culture que, je pense, nous allons envoyer à
M.
Rémillard: "La culture, c'est plus que le théâtre,
les arts et le cinéma; la culture c'est plus que les artistes
eux-mêmes; la culture, c'est bel et bien une façon de vivre, et on
ne vit pas à Rouyn-Noranda comme on vit à Montréal!
Pourtant, nous vivons." Voilà une définition bien
intégrée de ce que peut être la culture.
Moi, il y a une dimension sur laquelle je voudrais, M. le maire,
interroger en particulier M. Parent, parce qu'il est aussi un des premiers
artisans du Festival du cinéma international en
Abitibi-Témiscamingue. Pourquoi je voudrais avoir un petit commentaire
ou une illustration de vous là-dessus? C'est que c'est une des plus
belles démonstrations à travers le Québec qu'on peut
être en région, comme vous l'avez si bien souligné, M. le
maire, qu'on peut avoir des éléments des arts et de la culture,
en région, extrêmement intéressants, mais qu'on peut faire,
au niveau national et international, des événements à
partir de la région même et des forces de la région. M.
Parent, comment en arrive-ton - cette année c'est le 10e anniversaire -
à faire le Festival du cinéma international en
Abitibi-Témiscamingue? Ce n'est pas comme évident. Comment
fait-on ça pendant 10 ans et avec un tel succès? Parlez-nous-en
un petit peu, comment c'a débuté, comment ça fonctionne,
et comme illustration du possible de la culture en région au niveau
national et international.
M. Parent (Guy): Résumer 10 ans d'histoire en 1 minute,
c'est beaucoup demander, surtout quand on la vit de l'intérieur. Le
Festival, ça s'est développé à partir de trois
individus qui vivaient dans une communauté riche, trois individus qui
avaient l'amour de l'art, bien sûr, particulièrement du
cinéma, qui avaient l'amour de leur région, de leur ville, qui
avaient du coeur au ventre et qui avaient une tête de cochon.
Et c'est à partir de ça, c'est à partir de cette
recette, c'est à partir du moment où on a envie de bâtir
son château et qu'on s'y attaque qu'il y a beaucoup de choses à
faire. Et le Festival du cinéma s'est développé avec
beaucoup de professionnalisme. Il ne s'agit pas juste de vouloir, il s'agit de
pouvoir et il faut respecter les mêmes critères que l'industrie du
cinéma, l'industrie professionnelle. Et on ne peut pas faire un festival
du cinéma chez nous qui s'adresse au secteur international si on n'a pas
le support de tout le milieu, c'est-à-dire la municipalité, le
mécénat, parce qu'on a énormément de
commanditaires; 47 % de notre budget provient des commanditaires privés.
On a également besoin de bénévoles, de gens qui se
dévouent, d'une cinquantaine de bénévoles qui, pendant une
semaine, prennent des vacances. Là-dedans, vous avez des travailleurs,
vous avez des secrétaires, vous avez des médecins, vous avez des
professeurs, vous avez des infirmières qui fournissent leur temps pour
accueillir les gens,
bien les recevoir. Et c'est là une des particularités de
notre ville, de notre région, c'est la chaleur de l'accueil et c'est ce
qui fait un peu notre réputation à l'extérieur.
Les grands espaces, le Grand-Nord attirent énormément les
gens du Sud. Peut-être un peu plus au Sud que juste chez nous. Mais aux
États-Unis, en Europe, on a une saveur qui est extrêmement
attirante. On joue, effectivement, sur cet avantage-là un peu comme
Cannes a joué sur ses palmiers auprès des gens du Nord. Et c'est
un peu ça la courte histoire du Festival: beaucoup d'appui, beaucoup de
coeur au ventre et le goût vraiment de bâtir quelque chose
ensemble, de s'y mettre, se serrer les coudes, puis foncer, à tête
baissée bien souvent, mais foncer.
Le Président (M. Bradet): M. Parent, je vous remercie. Le
temps qui nous était alloué est terminé.
M. Boulerice: Consentement pour une petite prolongation de deux
minutes, M. le Président.
Le Président (M. Bradet): Deux minutes? Il y a
consentement? Allez-y, M. le député.
M. Trudel: Oui, alors, rapidement. Il est donc possible de faire
cela en région. J'aurais eu d'autres questions, mais, moi, je veux
rappeler qu'au départ je me souviens très bien de ce que la ville
de Rouyn-Noranda a fait pour supporter ces têtes dures, ces fous, ces
maniaques, pour leur permettre de réaliser leur rêve.
Une bonne petite question au représentant de la MRC. Les MRC, on
a fait le bout aménagement, occupation du territoire, définition
de ce que nous allions faire sur ce territoire. Est-ce que les MRC, comme
entités administratives dans le système municipal, peuvent jouer
un rôle dans la future politique culturelle du Québec? Est-ce
qu'il y a un espace qui doit être occupé par la
municipalité régionale de comté, le gouvernement du
territoire d'appartenance?
M. Beauchemin (Jean-Claude): On rejoint la question qui
était posée tout à l'heure quand on parlait du
financement, bien sûr, parce que, si on parie de rôle, on va parier
de financement. C'est une question centrale qui a ses difficultés en
termes de réponse parce qu'il y a des rythmes différents. Les
MRC, c'est également des tables de concertation intermunicipales, et
ça serait commettre une erreur qui pourrait être tragique de
penser MRC et de penser que tout le monde marche au même rythme
là-dedans. Alors, ça, je pense que c'est un élément
de réponse qui, à mon sens, est très important. Il y a des
gens, déjà, et beaucoup de municipalités,
déjà, qui sont prêtes à s'impliquer et à
avancer, à aller, je pense, assez loin. Il y en a d'autres qui sont
moins prêtes, moins rapides.
Donc, vouloir négliger ces rythmes-là, ça serait
commettre une erreur tragique parce qu'on mettrait de la bisbille là
où il y a des consensus qui sont en train de se créer. Donc, je
pense effectivement qu'il faut se tourner vers les MRC mais qu'il faut le faire
d'une façon très prudente. Et ça m'amène à
commenter un peu et à situer ce débat-là dans le contexte
présent, en essayant de le faire avec le moins d'amertume possible, mais
en disant quand même que les MRC et les petites municipalités ont
été plongées, par - je n'ose pas appeler ça une
réforme, en tout cas - les décisions du ministère des
Affaires municipales, les transferts de dépenses, dans une pagaille
terrible, ce qui fait que, cette année, tout le monde prépare son
budget avec beaucoup d'angoisse et une angoisse d'autant plus grande qu'on sait
que le pire s'en vient l'année d'après. Et donc, Mme la ministre
- même si je m'excuse auprès de notre député; c'est
lui qui me pose la question et j'ai tendance à vous répondre
à vous - attention! parce que vous vous adressez à des gens qui
sont maintenant dans un état de choc, des gens qui sont dans un
état d'incertitude très grande, parce que ce qu'on nous a
jeté sur le dos, on ne sait pas encore c'est quoi.
Puis, je mets ça, là, et c'est très important, avec
les questions de rythmes dont je parie. Les municipalités alentour de
Rouyn-Noranda, dans la banlieue immédiate - Granada, Evain, McWatters,
qui sont plus grosses, plus peuplées - et dont les gens sont des gens
qui vivent à Rouyn et qui viennent coucher à Granada, à ce
niveau-là, un niveau de préparation, on est beaucoup plus
prêts à faire des choses plus vite. Mais, nous autres, il faut
qu'on pense aussi aux municipalités qui sont un peu plus loin et dont
les traditions sont moins fortes à ce niveau-là, qui ont un
caractère encore beaucoup plus rural. Mais, en plus, les élus, on
est dans un état, actuellement, où on se demande beaucoup de
choses. Et là il y a des ponts qui ont été cassés,
il y a un climat qui est, je regrette, assez pourri et il ne faudrait pas que
la culture, qui est très importante... Puis, dans un milieu comme...
J'insiste là-dessus. On a une municipalité, Rouyn-Noranda, qui
est exemplaire dans son action et il ne faudrait pas venir détruire tout
ça en disant: La culture s'en vient là-dedans et elle n'arrive
pas dans un contexte favorable. Ce n'est pas votre faute, je le comprends. Je
pense que vous devez venir nous voir, mais il faut le faire en tenant compte du
contexte. Pas n'importe comment parce que vous allez rater votre entrée
et on va tout rater ensemble.
Le Président (M. Bradet): M. Beauchemin, c'est tout le
temps que nous avions. Je voudrais remercier M. le maire, M. Cloutier, M.
Beauchemin, M. Parent des éclairages qu'ils ont donnés à
nos travaux, leur souhaiter un bon voyage de retour dans la magnifique
région de Rouyn-Noranda et, du même souffle, étant
donné qu'on
est un petit peu pressé dans le temps, inviter le Conseil de la
culture de la région de Québec à prendre place.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Juste avant de quitter,
là... De toute façon, M. Beau-chemin, je prends... Parce qu'il va
falloir s'asseoir, de toute façon, c'est sûr, avec les
municipalités et en collaboration, comme on l'a toujours fait, d'une
part. Et à vous tous, je vous dis: À dimanche!
M. Cloutier: On a bien hâte de vous recevoir.
Mme Frulla-Hébert: Moi, j'ai bien hâte d'y aller
aussi, au Festival.
Le Président (M. Bradet): Mme la présidente, Mme
LeBel, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Vous avez 15
minutes pour faire votre exposé. Auparavant, je vous demanderais de nous
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Conseil de la culture des régions de
Québec et de Chaudière-Appalaches
Mme LeBel (Alyne): C'était prévu et je m'empresse
de le faire. Mme la ministre, M. le Président, MM. les
députés, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire,
bonsoir.
Au nom des 2500 artistes professionnels et travailleurs culturels des
régions 12 et 03 qu'il représente, le Conseil de la culture des
régions de Québec et rie Chaudière-Appalaches souhaite
d'abord remercier la commission de la culture de lui donner, ce soir,
l'occasion de participer au débat sur la future politique de la culture
et des arts au Québec. (21 h 45)
Je voudrais vous présenter immédiatement les
différentes personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M.
Jean-Pierre Pellegrin, deuxième vice-président du Conseil et
président de la table musique; Mme Manon Laliberté, directrice
générale du Conseil; à ma gauche, M. Luc Mercure,
troisième vice-président du Conseil et
délégué de Desjardins-Les Chutes-de-la-Chaudière;
à ce titre M. Mercure représente, au sein de notre
exécutif, la région de Chaudière-Appalaches; M.
Gaétan Gosselin, premier vice-président du Conseil et
président de la table des arts visuels.
Je suis Alyne LeBel, présidente du Conseil de la culture des
régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, je suis
également la déléguée de Québec
métropolitain.
Comme je viens de le rappeler, notre Conseil de la culture
représente les artistes professionnels et travailleurs culturels des
régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Sa mission
principale est d'assurer le développement culturel de son territoire. Le
Conseil assume cette mission à partir d'une approche fondée sur
la concertation et au moyen d'une structure représentative du
milieu.
Le mémoire que le Conseil a déposé devant la
commission de la culture est une illustration concrète et
caractéristique de ce que suppose et signifie, en pratique, la
concertation. Ce mémoire est issu des réflexions
présentées par les représentants des disciplines et des
régions, à la suite de la publication du rapport Arpin. Le texte
qui vous a été transmis reprend et synthétise les
réactions et suggestions sur lesquelles un consensus clair s'est
établi parmi nos membres.
Comme la ministre des Affaires culturelles le souhaitait, c'est d'abord
en fonction et à partir des différentes propositions
présentées dans ce qu'on appelle désormais le rapport
Arpin que des discussions ont été engagées entre nos
membres sur les orientations et le contenu de la future politique
québécoise de la culture et des arts.
La commission a pu se rendre compte, à la lecture de notre
mémoire, que les membres du Conseil ont réagi de façon
pour le moins critique à l'esprit comme aux recommandations du rapport
Arpin. Ces réactions et cette déception s'expliquent
aisément. Sur trois points que nous jugeons fondamentaux, le rapport
Arpin présente des réflexions et des propositions que nous ne
pouvons cautionner. Ces trois points, que je voudrais aborder successivement ce
soir, sont: premièrement, le rôle de l'État dans la
culture; deuxièmement, le financement de la culture et des arts et
enfin, troisièmement, la place des régions, et en particulier de
notre région, dans le développement culturel du Québec.
Sur ces trois points, notre mémoire explicite le contenu et les raisons
de notre désaccord avec le rapport Arpin. Ce soir, je voudrais
simplement faire référence très succinctement à
quelques-uns de ces désaccords.
En ce qui concerne la vision globale de la culture et le rôle de
l'État, qui devraient sous-tendre la future politique
québécoise de la culture et des arts, ce que le rapport Arpin
nous présente nous déçoit et nous inquiète tout
à la fois. Au-delà des principes auxquels on ne peut
qu'adhérer, le rapport ne présente pas de véritable vision
du devenir culturel des Québécois. Le rapport reste
également muet sur les orientations globales d'une future politique et
ne propose pas d'objectifs à court, moyen ou long terme. Quant à
la perspective historique qui aurait dû fonder de tels choix, elle reste
singulièrement absente. Au lieu de cela, le rapport Arpin nous propose
une conception très étatisée de la culture. Pour les
membres du Conseil, et à l'inverse de ce que laisse suggérer le
rapport Arpin, une culture ne se décrète pas.
Nous avons intitulé notre mémoire "L'état de la
culture, ou une culture d'État?" pour dénoncer, justement, cette
vision bureaucratique
véhiculée par le rapport Arpin. À partir de cette
conception à laquelle nous ne pouvons adhérer, le rapport Arpin
propose des actions qui nous ont laissés sur notre faim. Le rapport
Arpin semble avoir une prédilection pour l'élaboration de
nouvelles études, la création de groupes de travail
supplémentaires, comme si le temps n'était pas encore venu de
passer à la mise en place d'interventions concrètes et
cohérentes.
Dans notre mémoire, nous faisons référence aux
questions de création et de formation, à notre sens,
fondamentales. Nous regrettons également le discours
véhiculé par le rapport autour de la notion d'industrie
culturelle qui semble réduire la culture à un secteur
économique spécifique en oubliant que la culture, c'est d'abord
des artistes, des travailleurs culturels, bref des ressources humaines.
La deuxième question, à notre sens, fondamentale, dans
tout débat sur une politique de la culture et des arts, est celle du
financement de la culture. Là-dessus aussi nous avons été
extrêmement déçus de ce que nous avons trouvé dans
le rapport Arpin. Comme je viens de le rappeler, la culture, c'est avant tout
des artistes, des travailleurs créant ou produisant seuls ou au sein
d'organismes le plus souvent de petite dimension. Parler de financement de la
culture, c'est donc, bien concrètement, parler des conditions
d'existence des artistes, des conditions d'exercice de la pratique culturelle
au Québec, du statut socio-économique conféré par
notre société aux créateurs, artistes et travailleurs
culturels. Et c'est ici que l'on arrive à une constatation
d'évidence. Le secteur culturel québécois est
composé d'organismes le plus souvent placés à la limite de
la survie, d'artistes et de travailleurs dont la situation économique
est proprement désastreuse. Nous regrettons vivement que le rapport
Arpin n'ait pas cru devoir aborder de front cette situation. La
rémunération que la société
québécoise verse à ses artistes est une mesure de la
valeur qu'elle attache à leurs activités. Le caractère
désastreux de la situation socio-économique des artistes et
travailleurs culturels doit nous interpeller, et on se serait attendu à
ce que le rapport Arpin contribue au moins à cette prise de conscience
collective.
Le rapport Arpin présente, au plan du financement, des
suggestions dont certaines ne sont pas inintéressantes. On se serait
cependant attendu à plus d'initiative et d'imagination. Cela est
d'autant plus regrettable que le groupe Arpin avait à sa disposition les
recommandations souvent ingénieuses et toujours stimulantes
formulées quelques mois auparavant à la ministre des Affaires
culturelles par le groupe de travail Coupet. Bien au contraire, au plan
financier, le rapport Arpin présente certaines recommandations qui ont
déjà commencé à semer inquiétude et
confusion. Le rapport Arpin parle ainsi de rationalisation, de fin du
saupoudrage des soutiens publics. On sait ce que cette rhétorique
recouvre.
Il faut cependant savoir que ce que l'on appelle avec condescendance
"saupoudrage" a permis d'appuyer la relève, de soutenir les jeunes
artistes, d'assurer la survie des petits organismes et d'autoriser ainsi
l'émergence de talents maintenant unanimement reconnus. Apporter un
début de solution au problème du financement de notre culture
constitue, pour le Conseil, l'un des défis majeurs de la future
politique de la culture et des arts. Sans un financement adéquat, sans
des ressources financières suffisantes, il est illusoire de penser
à quelque développement que ce soit. Il faut espérer que
la future politique de la culture et des arts sera, sur ce plan, plus
convaincante que le rapport Arpin.
Cette difficulté que notre société semble avoir
à mobiliser et distribuer les soutiens requis pour son
épanouissement culturel explique la méfiance avec laquelle
beaucoup d'organismes et d'artistes envisagent les différents transferts
de responsabilités évoqués dans le rapport Arpin à
la recommandation 94. Là-dessus, le Conseil voudrait être
très clair. Nous approuvons les recommandations du rapport Arpin visant
un rapatriement complet, à Québec, des compétences et des
fonds concernant notre culture et administrés depuis Ottawa. Pour les
membres du Conseil, ce rapatriement va de soi et est, d'ailleurs, conforme
à la répartition des compétences telle qu'elle avait
été définie en 1867 au moment de la
Confédération. Cependant le Conseil souhaite également
transmettre à la commission la méfiance générale
émanant du milieu artistique et culturel. La priorité
réelle accordée jusqu'ici par le gouvernement du Québec
aux questions culturelles nous rend très inquiets sur la façon
dont serait assumée cette compétence complète et
exclusive. Aussi, notre adhésion à la recommandation 94
s'apparente plutôt à un acte de foi et elle est, pour nous, en
tout état de cause, indissociable de la recommandation 95 concernant
l'affectation des nouvelles ressources disponibles à la culture.
Dans notre mémoire, nous faisons également part à
la commission des inquiétudes que nous cause le transfert
envisagé vers les municipalités de certaines
responsabilités en matière culturelle. Nos membres se
défient de ce qui ne pourrait être qu'un nouveau délestage,
de la part du gouvernement du Québec, de responsabilités que ce
dernier renonce à assumer.
Le Président (M. Bradet): Je voudrais vous faire remarquer
qu'il nous reste une minute.
Alors, je vous inviterais donc à conclure, s'il vous
plaît.
Mme LeBel: Je vais vous donner les points saillants du reste du
document. Dans ce débat sur la future politique des arts et de la
culture, une troisième question nous tient à coeur. Il s'agit de
la place des régions dans le développe-
ment culturel et, en particulier, du rôle de Québec. Je
pense que vous avez le document. Je peux me dispenser de vous le lire.
Simplement, je voudrais signaler aux membres de cette commission à quel
point ce point, justement, nous tient à coeur, la place des
régions dans la culture, la vitalité culturelle des
régions.
Je voudrais, enfin, terminer cette présentation en abordant la
question des conseils de la culture auxquels le rapport Arpin fait rapidement
référence. À la lecture de ce rapport, il nous a paru
évident que les membres de la commission Arpin n'avaient pas pleinement
saisi le rôle joué par les conseils de la culture dans le
développement culturel, dans l'épanouissement des régions
et surtout ce qu'ils constituent pour le gouvernement comme voie
privilégiée de contact avec le milieu. (22 heures)
J'ai souligné, au début de cet exposé, l'importance
que nous attachions à la notion de concertation qui constitue notre
philosophie même d'action. Il faut ajouter que, contrairement à ce
qu'énonce le rapport Arpin, les conseils de la culture ne
dédoublent pas les autres structures existantes. Ils constituent, au
contraire, un réseau de soutien et de réflexion auquel les
organismes et les artistes en région sont très attachés,
tout simplement, car ils représentent, en fait, la seule
véritable voie de transmission et de représentation dont ces
organismes et les artistes disposent. Bien loin de remettre en cause leur
existence, la nouvelle politique culturelle devrait ainsi renforcer les
conseils et utiliser pleinement leur savoir-faire dans le cadre d'une
véritable action culturelle régionale.
Les milieux culturels de Québec et de Chaudière-Appalaches
ont d'ailleurs réaffirmé le rôle indispensable qu'ils
reconnaissent aux conseils de la culture dans la concertation et le
développement culturel de leur territoire respectif au moment de la
consultation qui a abouti à ce document.
Au nom de tous les membres de notre Conseil, je voudrais de nouveau
remercier la commission de nous avoir permis d'exposer notre point de vue sur
l'avenir de la culture au Québec. Nous sommes convaincus qu'il faut
maintenant agir en associant l'ensemble du gouvernement à la
réalisation du projet culturel qui s'élaborera dans les prochains
mois de façon à faire de la culture au Québec une
priorité nationale reconnue de tous. Dans cette tâche, vous pouvez
être assurés de notre collaboration la plus complète. Je
vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci, Mme la
présidente. Je reconnais maintenant Mme la ministre pour la
période d'échanges.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme LeBel. D'ailleurs, je
voudrais vous remercier tous de cette vaste consultation et d'être venus
aussi ici en si grand nombre.
Je dois, par contre, émettre un peu mes premières
réflexions quand j'ai lu votre rapport, d'une part, et à vous
entendre aussi. Tout semble très noir et très négatif, au
point où ce que certains décrient, d'autres le complimentent, ce
que certains ne veulent pas voir, d'autres le veulent. Honnêtement, je
vous demande à vous tous, à cette heure-ci: Est-ce que vous y
croyez vraiment, à une politique culturelle? Est-ce que ça va
être possible? Parce que je vous le dis, il y a des divergences,
là. Ce que vous décriez ici, d'autres groupes nous disent: Bravo!
Donc, je ne m'attends même pas à faire le consensus, là, au
moment où on se parle, mais on essaie quand même d'être le
plus large possible, nous. Évidemment, mon objectif, c'est justement de
ne faire ni une liste d'épicerie ni quelque chose de très rigide
mais, au contraire, d'être quand même un peu plus flexible. Et le
but d'ailleurs de cette commission, c'est parce qu'on veut des changements.
Comme je le disais cet après-midi, si tout était parfait, on ne
serait pas ici, personne, à cette heure-ci. Mais je vais vous la poser,
la question, parce que, sur le coup, on se dit... Pensez-vous que c'est
possible?
Mme LeBel: Je vais laisser notre vice-président, M.
Jean-Pierre Pellegrin, répondre à cette question.
M. Pellegrin (Jean-Pierre): D'abord, on regrette peut-être
un peu qu'on ait donné une impression noire et négative dans tous
ces débats à partir des réflexions qui vous ont
été présentées. Dans le mémoire - et on
voudrait encore insister là-dessus ce soir - on vous remercie beaucoup
d'avoir pris l'initiative de la consultation de la commission Arpin, de la
commission parlementaire qui a lieu maintenant et surtout d'avoir pris
l'engagement de présenter une politique culturelle. Il n'y a jamais eu
de politique culturelle présentée au Québec depuis 30 ans,
même si beaucoup en ont parlé, et, pour nous, c'est la
première des priorités. Il faut la faire et, Mme LeBel vous l'a
rappelé dans la conclusion, nous sommes à votre entière
disposition pour contribuer à cela. Évidemment, notre
collaboration, elle est d'abord constructive. Notre déception, notre
inquiétude, elle est surtout liée au rapport Arpin
lui-même.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends.
M. Pellegrin: Peut-être parce qu'on avait beaucoup
d'attentes vis-à-vis du document, surtout après le rapport
Coupet, et, dans ce sens-là, ce que l'on y a trouvé ne
correspondait pas exactement à ces attentes-là. Mais on ne
voudrait pas laisser une impression négative sur l'exercice
lui-même. Pour nous, c'est effectivement une priorité fondamentale
et, pour nous
aussi, elle va être l'illustration de la priorité
réelle que l'ensemble du gouvernement du Québec attache à
la culture.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, vous savez que le rapport
Arpin, c'est un énoncé de politique, c'est un document de
réflexion, et je le voulais, d'ailleurs. Quand vous dites: On passe
à l'action, c'est exactement ça aussi. C'est un groupe,
d'ailleurs, et on s'est dit: C'est un énoncé de politique,
à partir de documents que nous avions. Et je pense qu'il faut quand
même... Le groupe a mis énormément d'efforts et
énormément d'énergie et de conviction là-dessus. Il
a pondu aussi un document de réflexion qui nous sert très bien
présentement, au niveau de la commission, ne serait-ce que pour dire:
Ça, ça va; ça, ça ne va pas, et le voir aussi.
Maintenant, ceci dit, vous parlez... Il y a deux ou trois points que je
voudrais soulever. Le rôle des CRC, par exemple. Il y a certaines
régions, certaines municipalités ou groupes qui ont dit: Les CRC
se cherchent une vocation chez nous parce qu'on a d'autres structures qui font
en sorte que leur rôle, vraiment, c'est plus ou moins utile. Par contre,
il y a d'autres régions, telles que ne serait-ce que la ville de Rouyn
et ta région de l'Abitibi, qui disent: Nous autres, les CRC, c'est
capital. Compte tenu de l'évolution, compte tenu aussi... Parce que
ça a beaucoup changé aussi. Le ministère s'est
régionalisé presque, je pourrais dire, en son entier et les
municipalités sont plus conscientes - on l'a entendu - de l'apport
culturel. Avant, c'était de la dépense, mais, maintenant, les
municipalités réalisent, on a beau dire on a beau faire, que
c'est aussi la qualité de vie et une façon justement de garder
son monde chez soi.
Alors, selon vous, là, comment voyez-vous le rôle des CRC?
Vous l'avez mentionné, mais j'aimerais que vous élaboriez un peu
plus.
Mme LeBel: Alors, je vais demander à M. Pellegrin de vous
répondre aussi.
M. Pellegrin: Dans le mémoire, à propos du rapport
Arpin, évidemment, on a abordé cette question qui nous concernait
directement, celle des conseils de la culture. Pour nous, les conseils de la
culture, effectivement, leur rôle a évolué
considérablement depuis leur création. Mais il y a quand
même quelques points d'ancrage qui sont toujours restés. Le
premier point d'ancrage, pour nous, essentiel, c'est, bien sûr, la
concertation. C'est un organisme qui, pour nous, est irremplaçable pour
concerter l'ensemble du milieu culturel.
Le deuxième point d'ancrage, c'est la régionalisation.
C'est le fait d'avoir, sur le plan régional, une intervention directe en
faveur du développement culturel.
Puis, le troisième point d'ancrage, c'est le caractère
multidisciplinaire. C'est le fait de mettre, dans la même structure, des
organismes, des travailleurs culturels, des artistes qui viennent des arts et
de la culture au sens large. Là-dessus, bien sûr, dans la
région de Québec, on est particulièrement bien pourvus
puisqu'on a tout l'éventail des activités culturelles possibles
et imaginables.
Dans le mémoire, évidemment, on parle
spécifiquement du rapport Arpin qui parle assez rapidement
lui-même des conseils de la culture et qui semble les mettre en
opposition avec soit les directions générales du
ministère, soit les associations disciplinaires qui se sont
créées et multipliées depuis 10 ans. Ce que nous
prétendons, c'est que cette analyse, d'abord, est extrêmement
rapide et laisse supposer qu'il y a des dédoublements qui, pour nous,
n'existent pas. Si on prend le cas, par exemple, des directions
régionales, on voit mal comment des actions régionales dans le
ministère pourraient effectuer l'activité de concertation que
nous effectuons. Puis, d'ailleurs, on a une excellente collaboration avec la
direction régionale de Québec dont la capacité d'analyse,
de synthèse et d'action n'est pas du tout remise en cause.
Si l'on parle des associations disciplinaires, les associations
disciplinaires font aussi un travail de concertation dans leur discipline, mais
il est centré évidemment à Montréal. Le
problème, avec les associations nationales, en ce qui nous concerne,
c'est que ces associations nationales évidemment, par définition,
n'ont pas l'optique régionale. Elles n'ont pas cette optique
multidisciplinaire. Par contre, il y a des relations très
étroites avec elles et, d'ailleurs, beaucoup de nos membres
appartiennent aux deux organismes. Donc, pour nous, c'est des
phénomènes complémentaires, des organismes
complémentaires dans des activités de concertation qui
contribuent tous au développement culturel.
Et ce que l'on prétend, évidemment, c'est que le
ministère des Affaires culturelles dispose, avec le réseau des
conseils - et on parlait d'abord, bien sûr, en notre nom, au Conseil de
la culture de la région de Québec - d'un outil
irremplaçable de concertation, de réflexion et de
développement culturel régional qu'il doit garder et utiliser
justement dans le cadre de la future politique de la culture et des arts.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir, parce que le temps
presse là, aussi à ce que vous avez appelé le saupoudrage.
Effectivement, quand on regarde ça comme ça, on dit: C'est quoi
ça, le saupoudrage? Par contre, si on le regarde dans une optique de
consolidation, vous parlez de fonds et, effectivement, il y a une
sous-capitalisation, il ne faut pas s'en cacher, malgré que les budgets
aient augmenté. Mais ils ont augmenté aussi pour couvrir beaucoup
d'infrastructures. Les besoins sont tellement grands, et on est parti quand
même de loin, ce qui fait que je pense qu'il faut quand même
réaliser, tous ensemble et
collectivement, de la part de tout le monde, d'où on est partis
il y a 30 ans et où on est présentement. On a quand même
fait un bon bout de chemin. Maintenant, il faut continuer et il faut passer
dans d'autres ères, bon, telles que l'ère de
l'internationalisation, par exemple, des échanges, tout le
pluriculturalisme aussi là qui entre maintenant et qui est en ligne de
compte.
Ceci dit, le saupoudrage. J'y reviens. Ne croyez-vous pas... sans
penser, là, que "saupoudrage" voulait dire - en tout cas, moi, je ne le
vois pas comme ça - que, bon, on va concentrer dans la région de
Montréal et de Québec comme ça s'est dit, pas du tout,
mais plus en vertu d'une certaine consolidation pour l'instant, pour un certain
moment. Parce qu'il ne faut pas se leurrer non plus. Oui, on veut avoir des
fonds supplémentaires. On va se battre pour, puis, bon, il y a des
façons aussi d'aller en chercher et des façons, comme vous le
dites aussi, originales de le faire. Ça, c'est une chose. Mais je ne
peux pas vous dire ici non plus que les fonds, la manne va tomber du ciel,
puisqu'on va en avoir et, bon, qu'on va se demander comment faire pour les
gérer. Je veux dire, il faut être aussi réalistes.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'une consolidation, par exemple, parce
qu'il y a eu énormément de développement, tel que Coupet
le disait aussi, est souhaitée au moment où on se parle, ne
serait-ce que pour un temps donné, la consolidation des organismes qui
existent déjà, pour après ça - ça, c'est
à court terme - pour qu'après, à moyen ou long terme, on
puisse ensuite s'étendre et continuer à développer?
Mme LeBel: Ça paraît extrêmement dangereux, je
pense, à ce stade-ci de dénoncer... Qui va faire l'arbitrage, en
somme, entre ceux qui doivent être consolidés ou, enfin, les
nouvelles troupes qui peuvent émerger ou les nouveaux groupes qui
peuvent émerger dans le domaine culturel? On sait qu'au Québec,
oui, c'est vrai que les fonds sont limités, mais il reste qu'il y a des
sociétés qui... Enfin, on se compare souvent avec la France,
mais, la France, bientôt, avec le budget qui vient d'être
présenté il y a quelques jours, va consacrer près de 1 %,
au-delà de 0, 9 % de son budget à la culture. Donc, il me semble
qu'au Québec il nous reste encore une marge compte tenu du fait,
effectivement, que les municipalités, en tout cas, n'ont pas la
même façon d'investir dans la culture en général
entre l'Europe et ici, ce qui fait que, donc, on a, je pense, comme
société, encore une marge à investir dans la culture. Et
il me semble que l'arbitrage et ceux qui doivent faire l'arbitrage vont
nécessairement être... ça va nécessairement revenir
à l'État. Ça risque, comme on le signale bien dans le
mémoire, de couper l'émergence de nouveaux groupes et
peut-être de cette relève qui est nécessaire à la
vitalité culturelle du Québec à l'heure actuelle, et il me
semble qu'il y a sûrement des façons d'arbitrer pour qu'on fasse
une place à la relève en même temps qu'on tente de
consolider, qui est un objectif en soi qui est certainement louable et
souhaitable par tous mais, encore une fois, tout est dans la manière, je
pense.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que le problème que
l'on a bien souvent aussi, c'est... Oui, c'est vrai, vous avez raison, il y
aurait quasiment besoin de fonds de recherche et de développement d'une
certaine façon pour le risque, pour de la création, justement
pour des recherches en création, pour la relève, etc. Ça,
c'est une chose. Et, de l'autre côté, il y a aussi les compagnies
qui existent déjà. Notre problème, et vous le savez, c'est
quand une compagnie ou des compagnies arrivent dans des temps donnés
avec des déficits qu'eux n'ont pas prévus, que nous n'avons pas
prévus. Là, c'est un stress énorme sur le budget de
fonctionnement de part et d'autre. Alors, c'est toute cette
planification-là qu'il faut regarder aussi de très près,
de telle sorte que personne ne soit menacé, ni les compagnies, d'un
côté, ni le budget alloué aux Affaires culturelles, de
l'autre.
Mme LeBel: Tu veux ajouter quelque chose? Alors, Jean-Pierre
voudrait ajouter quelque chose.
M. Pellegrin: Peut-être préciser un point, c'est
que, dans le mémoire, on n'a pas porté de jugement sur la
politique de subvention du ministère. L'objectif était d'abord de
commenter ce qui était présenté dans le rapport Arpin.
Donc, nos commentaires sur le financement étaient liés à
la situation globale, mais surtout à ce qu'elle est dans le rapport
Arpin. La consolidation, comme la présidente vient de vous le dire,
évidemment, nous semble tout à fait en appui avec ça. Il y
a des recommandations intéressantes dans le rapport Arpin. Ce qui nous a
beaucoup déçus, c'est qu'il n'y avait pas de reprise de tout ce
qui se trouvait dans le rapport Coupet - il y avait beaucoup de
réflexions faites là-dedans, comme on l'a expliqué - et,
par ailleurs, que les rares recommandations concrètes qui étaient
présentées, c'étaient, en fait, des coupures ou des
rationalisations budgétaires. Et c'est en cela qu'on est inquiets. Pour
simplement illustrer ce que Mme LeBel vient de dire, si on avait suivi les
recommandations du rapport Arpin, si on les appliquait maintenant, bien, par
exemple, le théâtre Repère et Robert Lepage n'auraient pas
pu faire ce qu'ils font car ils n'auraient jamais reçu de ressources
financières, qui étaient très petites et très
limitées au moment de la création du théâtre
Repère à Québec.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je suis d'accord avec vous,
là. Ce qu'il va falloir discuter, ce n'est pas au moment... Ça,
je suis d'accord, mais
présentement, au moment où on se parie, en 1991, avec tout
ce que l'on a au niveau des troupes... Vous parliez de la France. On commandite
ou, enfin, on subventionne 92 troupes de théâtre
présentement. La France, vrai, en subventionne 365, mais ils sont 66 000
000. Il y a ça aussi. C'est trois fois plus, mais ils sont quand
même dix fois plus. Donc, c'est difficile de faire un rapport aussi avec
la France. Au niveau des budgets aussi, les municipalités en mettent
beaucoup plus, les départements en mettent beaucoup plus, alors c'est
toujours difficile de se comparer. Je pense que ce qui sera l'idéal et
aussi, je pense, le grand défi, c'est d'en avoir une pour nous, à
la mesure de notre développement, à la mesure de nos ambitions,
de nos moyens et aussi considérant notre environnement et la menace
autour. (22 h 15)
Le Président (M. Bradet): Je vous remercie, Mme la
ministre. Je reconnais maintenant le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme LeBel, Mme Laliber-té, messieurs,
vous avez remarqué la présence de mon collègue, le
député de Lévis. Mme Carrier-Perreault,
députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous demande de
l'excuser, mais il y avait à son agenda une obligation à laquelle
elle ne pouvait malheureusement pas se soustraire. Elle était
très intéressée à être ici avec vous, mais ce
n'est malheureusement pas possible.
Vous allez permettre à un député montréalais
de piquer une sainte colère en face du conseil de la culture de sa
capitale nationale. Quand j'entends la ministre dire: La manne ne tombera pas
et la manne ne tombera pas, je commence à en avoir, comme on dit en
québécois, plein le casque! Madame, la manne ne tombera
peut-être pas, mais c'est votre formation politique qui, en 1985, s'est
présentée devant le milieu des arts et de la culture et a fait
miroiter l'objectif de 1 % du budget. Aujourd'hui, six ans après, il
manque 90 000 000 $. Alors, il ne faut pas s'étonner que les gens du
milieu des arts et de la culture viennent demander. On leur a promis et on ne
leur a pas donné. Donc, moi, je ne vous blâmerai jamais, tant
qu'il y a une demande, d'y mettre à côté un prix. Si on
n'avait pas voulu cette situation-là, il y avait tout simplement un
premier ministre et des candidats qui auraient dû se taire, à ce
moment-là, et ne pas aller lancer une promesse. Et qu'on ne vienne pas
me faire le coup de la situation économique difficile. Elle l'est,
certes, depuis deux ans, mais, en 1985, c'était l'abondance et nous
avions affaire à de bons gestionnaires. Sauf qu'on est toujours à
90 000 000 $ qui manquent. Il y a des priorités à établir
et ça serait peut-être intéressant que le premier ministre,
au lieu de parler des pylônes d'Hydro-Québec, qui est la seule
forme de sculpture qui l'intéresse, se décide une fois pour
toutes à parler lui-même des arts et de la culture et non pas d'un
concept vague et flou, qui s'appelle souveraineté culturelle. Maintenant
elle est partagée, demain elle sera disloquée. Et le vocabulaire
continue à s'enrichir au niveau des arts et de la culture au
Québec. Je me suis soulagé, ça va mieux.
Parlons du conseil régional de la culture. Au départ, le
rapport Coupet et le rapport Arpin auraient assuré le financement de
votre Conseil, il va de soi, et de la conférence, également, des
conseils régionaux. Vous avez effectivement une expérience de
concertation. Elle n'est pas reconnue. À chaque année, votre
budget a été gelé, non indexé et on a remis en
doute votre existence. J'aurais cru que, dans le rapport Arpin, on aurait
tenté de réparer, mais c'est tout à fait le contraire qui
se produit. Vous devenez une entité, je ne dirais pas négligeable
- ils n'ont pas employé le mot - mais disons ques-tionnable.
Êtes-vous capable de donner des illustrations de la concertation que vous
avez établie? Vous ne faites pas de la concertation, Mme LeBel,
uniquement avec les différentes disciplines au niveau des artistes. La
concertation, qu'on l'entende donc, au Québec, une fois pour toutes; les
conseils régionaux, vous la faite avec les municipalités, vous la
faites avec les municipalités régionales de comté, vous la
faites avec tous les intervenants. Donc, pourquoi ne pas vouloir vous donner ce
rôle?
Mme LeBel: Je vais laisser à M. Pellegrin le soin de vous
répondre.
M. Pellegrin: Je pense que vous souhaitez avoir des exemples
concrets de résultats d'activités de concertation qu'a
réalisées le Conseil de la culture de la région de
Québec au cours des dernières années. On ne va pas se
faire un bilan de toutes nos activités. Peut-être deux ou trois
exemples très précis qui donnent une idée de l'importance,
justement, de cette concertation et de l'impact qu'elle peut avoir sur la vie
culturelle de la région.
Le plus récent, par exemple, bien sûr, c'est la
participation de notre Conseil, l'année dernière, lors du sommet
socio-économique Chaudiè-re-Appalaches. Évidemment, le
Conseil de la culture participait à ce sommet socio-économique
comme tous tes organismes régionaux, mais, grâce à cette
concertation, le Conseil de la culture a pu fédérer, a pu
regrouper les deux membres d'organismes culturels qui étaient souvent
isolés, souvent démunis de moyens et fait en sorte qu'elle soit
véhiculée avec succès d'ailleurs devant la
conférence socio-économique Chaudière-Appalaches.
Peut-être, parmi les exemples plus anciens qu'on pourrait rappeler, un
exemple, c'est tout simplement la création du théâtre
Périscope, l'ancien Implanthéâtre. Je pense qu'au sein du
ministère des Affaires culturelles on doit se souvenir que le projet
même de la création de ce théâtre, qui est venu
mo-
difier et enrichir les salles de diffusion théâtrale et la
création théâtrale à Québec, a
été conçu et véhiculé au sein du Conseil de
la culture de la région de Québec.
Puis, un autre exemple - ce serait peut-être plus ancien - c'est
de se rappeler que le Conseil de la culture de la région de
Québec, en son temps, avait été un des sauveteurs du
Festival d'été international qui est actuellement la plus grosse
manifestation, non seulement musicale mais culturelle, en termes de nombre de
participants à Québec. Ce Festival d'été a eu des
difficultés il y a plusieurs années, et le Conseil avait
été appelé à intervenir directement dans le
sauvetage du Festival. Alors, ce sont des exemples précis, plutôt
que d'expliquer de façon abstraite ce que c'est que la concertation, de
l'importance justement de cette activité de concertation et du fait
d'avoir un organisme qui est là pour fédérer les artistes,
les organismes culturels et multiplier leur force d'intervention.
M. Boulerice: Mon collègue de Lévis désire
vous poser une question. Avant de lui céder la parole, je vous en pose
une très brève. Est-ce qu'on peut parler d'une véritable
politique culturelle sans intégrer la dimension des communications?
M. Pellegrin: Dans le mémoire, notre commentaire sur le
rapport Arpin, nous insistons à propos du rôle de la ville de
Québec sur les graves problèmes qui sont causés
actuellement justement dans la ville de Québec par le
déménagement des centres de production
télévisuelle. Dans la civilisation actuelle, il est
évident que les communications médiatiques ont un rôle tout
à fait fondamental dans la culture. Alors, dans notre commentaire, dans
notre mémoire qu'on a déposé à la commission,
à propos de la ville de Québec, Mme LeBel n'a pas eu le temps de
rappeler ce point-là. Il est évidemment pour nous essentiel
d'intégrer cette dimension de la production télévision
radiophonique et donc des médias, d'une façon
générale, des communications dans toute politique culturelle
à venir.
M. Boulerice: Mais, nous, nous disons que le rôle de la
radiotélédiffusion nationale est de promouvoir la diffusion, donc
la création des produits culturels québécois. Et c'est
tout à fait légitime, c'est ce que font nos voisins
américains avec un taux de consommation, entre parenthèses, de
99,99 %. On n'irait peut-être pas jusqu'à l'excès et
devenir bornés. Souscrivez-vous à l'option que, nous, nous avons,
qui est, pour s'en assurer, eh bien, que la télévision
relève non pas d'un ministère hybride comme c'est actuellement au
niveau des communications, mais d'un ministère des arts, de la culture
et des communications, de façon à ce que nous puissions voir que
la radiotélévision nationale remplisse ce mandat?
Mme LeBel: Oui, Jean-Pierre.
M. Pellegrin: Peut-être - je ne sais pas -vous faites
allusion au rôle que vous souhaiteriez voir jouer par Radio-Québec
dans le domaine culturel ou dans le domaine du développement de la
région de Québec. Pour nous, Radio-Québec,
évidemment, est un outil très important, mais c'est un moyen
parmi d'autres moyens, ne serait-ce qu'au niveau de la
télévision, au niveau de la production médiatique,
d'appuyer le développement culturel de la région de
Québec. Il y a d'autres actions, au niveau des autres stations de
télévision, de radio, qui devraient être également
effectuées pour permettre d'assurer justement ce développement de
la région.
M. Boulerice: L'équivalent d'un CRTC qui verrait à
une réglementation qui y satisfasse, c'est cela?
Le Président (M. Bradet): Alors, est-ce qu'il y a
consentement? M. le député de Lévis, je m'excuse, pour se
conformer à l'article 132 de nos règlements, est-ce qu'il y a
consentement à ce que vous preniez la parole? Vous l'avez, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Je voudrais poser une question à M. Mercure
puisque... J'aimerais ça qu'il nous explique à quel point la
région Chaud ière-Appa-laches croule sous la manne du
ministère des Affaires culturelles et que, si on en avait plus, on
pourrait faire des indigestions.
M. Mercure (Luc): Oui, effectivement, M. Garon, nous travaillons
un petit peu dans le même territoire et, récemment, on a fait
ressortir les chiffres, les montants qui sont investis par le ministère
des Affaires culturelles en Chaudière-Appalaches par rapport à la
région de Québec. Ça nous est effectivement apparu un peu
triste de voir le portrait.
Je vous donne quelques chiffres. En fait, au niveau de la diffusion en
arts de la scène, on a retrouvé 128 000 $ pour la région
Chaudière-Appalaches et 3 800 000 $ pour la région de
Québec, ce qui fait 30 fois plus. Alors, on a trouvé que
l'écart était peut-être exagéré. C'est la
même chose au niveau des arts visuels; on parie de 10 000 $ en
Chaudière-Appalaches et de 321 000 $ pour la région de
Québec.
Effectivement, à titre de représentant de
Chaudière-Appalaches, je pense qu'il est important de mettre les choses
en perspective. À ce titre-là, j'aimerais vous citer quelques
données, peut-être rappeler que la région
Chaudière-Appalaches est la cinquième région la plus
peuplée du Québec, qu'on y retrouve 360 000 habitants par rapport
à 580 000, que c'est une région qui est très vaste et qui
est sous-dévelop-pée sur le plan culturel: 183
municipalités, 11 MRC. En bref, c'est une région très
importante
qui souffre d'un sous-développement majeur quand on regarde les
chiffres et les institutions dont on dispose.
M. Garon: Est-ce que c'est parce qu'il manque de projets ou c'est
parce que vous avez souvent des refus?
M. Mercure: II y a un certain nombre de refus; à ma
connaissance, on parle souvent d'un manque de ressources financières
pour supporter les projets.
M. Garon: À quoi attribuez-vous cette absence de
sensibilité du ministère des Affaires culturelles à
l'endroit de la région Chaudière-Appalaches?
M. Mercure: Je pense qu'il y a un aspect important. On ne doit
pas lancer la pierre seulement au ministère des Affaires culturelles,
évidemment. Je pense que notre région, comme elle n'a pas pris
l'habitude de s'autodéterminer dans le domaine culturel, les gens ne
demandent peut-être pas suffisamment les ressources qui devraient leur
revenir. Il y aurait, à ce moment-là, justement des efforts de
concertation à faire pour faire voir aux gens qu'il existe des
possibilités et que notre développement est à venir, mais
qu'on doit le faire, qu'on doit en parler, qu'on doit adresser nos demandes au
ministère et les défendre.
Le Président (M. Bradet): Alors, je voudrais vous faire
remarquer que le temps qui nous est alloué est écoulé.
Peut-être un mot de la fin? Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la région
Chaudière-Appalaches, effectivement, je m'informais... Vous êtes
dans une région périphérique. Comme toutes les
régions périphériques, c'est sûr que, bon, il faut
la travailler comme une région périphérique et,
effectivement, vous avez mis le point dessus aussi, c'est que, n'ayant pas de
pôle central, c'est sûr qu'il faut regrouper. Il y a plusieurs
villes, donc il faut aussi en arriver à créer des projets et
à faire aussi des demandes, d'une certaine façon. Je ne dis pas
que ça solutionne toute la problématique, mais c'est
effectivement une problématique spéciale, il va falloir la
travailler de cette façon-là. Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, encore une fois merci. Merci aussi de votre offre
de collaboration, on va s'en servir. Mais il y a une chose que je voulais vous
dire. Comme ministre des Affaires culturelles, ça fait un an que je suis
au ministère. Chose certaine, c'est que, oui, on veut des changements.
Je n'aurais pas demandé une commission parlementaire s'il n'y avait pas
eu besoin de changements, d'une part. Mais il y a une chose aussi, c'est que
j'ai toujours travaillé dans un contexte qui essaie d'être le plus
réaliste possible et ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer.
Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci, Mme la ministre.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour le mot de la
fin.
M. Boulerice: Oui, je vais vous remercier, moi aussi, en vous
disant que cette politique, je la regarderai sous trois aspects: si elle dote
les régions du Québec d'enveloppes budgétaires autonomes
et suffisantes afin de garantir votre autonomie d'intervention en
matière culturelle, je la regarderai si elle accorde aux conseils
régionaux de la culture des crédits de fonctionnement accrus et
s'ils deviennent les interlocuteurs privilégiés du
ministère.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup. C'est
à moi de vous remercier pour la qualité de votre
mémoire.
La commission ajourne ses travaux au jeudi 24 octobre, 9 h 30, en cette
salle.
(Fin de la séance à 22 h 30)