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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 23 octobre 1991 - Vol. 31 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place afin que la commission puisse commencer ses travaux de la journée. Alors, nous allons commencer nos travaux et je rappellerai... D'abord, je vois qu'il y a quorum en cette salle, donc nous pouvons commencer. Et donc, la séance est ouverte.

Je vous rappellerai rapidement le mandat de notre commission qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts, cela faisant suite, bien entendu, en partie, au dépôt du rapport Arpin et à la demande de Mme la ministre ou à la suggestion de Mme la ministre des Affaires culturelles.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de remplacement. Je vous donnerai rapidement lecture de l'ordre du jour de notre journée. Alors, dès ce matin, 9 h 30, nous entendrons les représentants du Mouvement Québec français; vers 10 h 15, l'Association des organismes musicaux du Québec; à 11 heures, les représentants de la ville de Boucherville; à 11 h 45, les représentants des Services communautaires juifs de Montréal. Nous suspendrons à 12 h 30 pour reprendre à 15 h 30 et, là, nous entendrons les représentants du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue; à 16 h 15, les représentants du Musée des religions; à 17 heures, les représentants de la ville de Gati-neau; à 17 h 45, les représentants du Théâtre du Nouveau Monde. Nous suspendrons vers 18 h 30. Nous reprendrons par la suite à 20 heures et nous entendrons Playwrights' Workshop Montréal; à 20 h 45, les représentants de la ville de Rouyn-Noranda et, à 21 h 30, le Conseil de la culture de la région de Québec, et nous ajournerons aux alentours de 22 h 15 jusqu'au lendemain.

Je demanderai maintenant aux représentants du premier groupe, soit ceux du Mouvement Québec français, de bien vouloir se présenter en avant. Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Si je me fie à ma liste, le Mouvement Québec français est représenté par M. Guy Bouthillier. M. Bouthillier?

M. Bouthillier (Guy): C'est exact, oui. Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur. Par Mme Danielle Gagné, du Mouvement national des Québécois.

Mme Gagné (Danielle): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Mme Claudette Chalifour, Association québécoise des professeures et professeurs de français.

Mme Chalifour (Claudette): Oui, bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Et M. Gérard Turcotte, secrétaire. Bonjour, monsieur. Alors, sans plus attendre, je demanderais à votre porte-parole de bien vouloir commencer la présentation de son mémoire.

Mouvement Québec français

M. Bouthillier: Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, effectivement, le Mouvement Québec français est devant vous. Vous le connaissez, il existe depuis une vingtaine d'années et il regroupe 10 organismes différents. Deux sont représentés ici, il y en a huit autres qui ne sont pas à la table: les trois centrales syndicales, CSN, FTQ, CEQ; l'Union des producteurs agricoles; l'Union des écrivains; l'Union des artistes, ainsi que deux organismes plus proprement montréalais, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et l'Alliance des professeurs de Montréal.

Nous nous battons sur le terrain de la langue, je crois que c'est connu, nous le faisons depuis longtemps. Et vous ne vous étonnerez pas, par conséquent, de nous voir aujourd'hui devant vous car les rapports entre langue et culture, dans tous les pays du monde et notamment dans le nôtre, sont très étroits, la langue étant bien sûr le vecteur de la culture. Et partout où l'on pousse les avantages de notre langue, on pousse du même coup les avantages de notre culture. Mais inversement, et je crois qu'il faut le souligner, la culture est en rapport étroit avec la langue, la culture est le socle, le soutien, en fait c'est le sang qui irrigue la langue. Et si le dynamisme de notre culture devait un jour s'affadir devant la concurrence des organismes internationaux et étrangers que l'on sait, c'est en fait la langue elle-même qui serait menacée. Comme on le dit ailleurs, si, un jour, la seule différence entre les petits Watson de Toronto et les petits Tremblay de Montréal, c'est que les uns reçoivent Dallas en anglais et que les autres se le font servir en français, il est évident qu'à compter de ce jour la vie du français serait menacée directement.

Ce qui nous a intéressés, dans le rapport Arpin, c'est un certain nombre de choses. Si

vous voulez, nous allons mettre en lumière ici ce que nous avons retenu plus particulièrement. D'abord, une certaine façon d'aborder le Québec, une certaine façon de le voir. J'allais presque dire une certaine définition, mais je me méfie beaucoup des définitions des collectivités. Regardez comme on peut rapidement sombrer dans le ridicule; je vous renvoie à la définition qu'a tenté de faire d'une certaine société distincte un certain document imaginé à Ottawa récemment.

On définit, dans le rapport, le Québec comme étant une société dont la langue française est la langue commune. Et cela, c'est aussi notre définition, et c'est très important pour nous car, en lisant le rapport Arpin, nous apprenons que ce que nous faisons pour diffuser le français partout sur le territoire, parmi toute la population, c'est, en fait, aider toute la population à participer à la culture du Québec. On parle d'un droit à la culture, du droit d'accéder à la culture. La culture d'un pays de langue française suppose la connaissance de la langue française pour pouvoir y participer pleinement. Une société dont la langue commune est le français. Une société qui est enracinée dans une histoire, et, par conséquent, on souligne fortement, dans le rapport Arpin, l'importance de l'histoire, de la mémoire collective, avec tout ce que cela emporte sur le plan du patrimoine, de l'enseignement de l'histoire, et aussi, plus largement - cela est évoqué peut-être insuffisamment - toute la symbolique politique. Car, la symbolique politique se propose toujours, dans tous les pays, de résumer la mémoire collective.

Société avec une langue. Société avec une mémoire et une histoire. Société avec un territoire, un territoire unique, un et indivisible. Ceux qui s'emploieraient à séparer les habitants et les parties du territoire en langues et en cultures distinctes, se prépareraient, sans doute, à vouloir aussi morceler le territoire. Et je pense qu'il n'est pas inutile de le dire en ce moment. Un territoire unique où il ne faut pas séparer, distinguer, opposer, introduire une césure: Montréal et le reste. Que serait la culture du Québécois de Montréal sans Vigneault, sans Félix, sans Félix Antoine Savard?

Dans le rapport, ce que nous remarquons aussi, outre ce paysage, ce portrait du Québec, c'est cette affirmation absolument centrale que la culture, c'est l'âme d'un peuple et qu'à partir du moment où l'on fait ce constat il en découle d'abord l'obligation pour l'État, pour les dirigeants du pays de s'occuper eux-mêmes de cette dimension essentielle de la vie collective. Il est heureux que cela soit dit, affirmé, écrit noir sur blanc en ce moment-ci, c'est-à-dire après une période où l'on a vécu dans le triomphalisme, un peu penaud aujourd'hui, il est vrai, de l'écono-misme. Il est important que ce soit dit aujourd'hui, au moment de nos difficultés politiques et constitutionnelles. Voici 10 ans que nous n'ar- rivons pas à définir notre statut politique et constitutionnel. La culture, c'est ce qui reste quand tout le reste n'est pas là. Partons de la culture pour reprendre notre chemin, notre marche en avant.

La culture, c'est l'âme d'un peuple, le peuple doit donc s'en occuper. Les dirigeants, l'État doit donc s'en occuper et, bien entendu, il ne doit pas laisser les autres s'en occuper. Si la culture c'est l'âme d'un peuple, on ne saurait, sans risquer le suicide collectif, laisser à d'autres les clés de notre âme. Cette idée n'est pas nouvelle dans notre histoire, on la trouve en tous les cas dès le rapport Tremblay, le rapport de la commission Tremblay en 1956. Il s'agit au fond d'en arriver à un transfert de substances étatiques: pouvoir législatif, appareils administratifs, mais aussi moyens financiers pour faire en sorte que le Québec devienne le maître d'oeuvre de la culture au Québec. Cela est écrit noir sur blanc et nous agrée parfaitement.

Or, il ne faut pas oublier que le Canada anglais est là et qu'il se porte bien. Et il n'est pas moins que nous conscient de l'importance de la culture dans l'histoire des peuples et dans la vie des peuples. Le Canada anglais est là et voici 60 ans qu'il est engagé dans une action politique en faveur de la culture. Il y est attaché, à cette action culturelle, d'abord parce qu'il le fait depuis longtemps, ce qui serait déjà un motif de ne pas vouloir changer, mais il y est attaché parce que son action culturelle est et a toujours été, dans son histoire, intimement liée à son affirmation en tant que peuple, à son affirmation vis-à-vis de Londres, à partir des années vingt et trente, et puis parmi les autres peuples de la terre. Regardez l'histoire politique du Canada anglais; c'est à partir du Statut de Westminster très exactement que le Canada anglais commence à s'occuper de la culture, et le Statut de Westminster, c'est son acte de souveraineté vis-à-vis de Londres.

Et, en 1939-1945, le Canada participe à la guerre que vous savez, prend sa place parmi tes autres peuples du monde, et qu'est-ce qu'il fait? Une des premières décisions qu'il prend, qu'est-ce que c'est? C'est de doter son Etat, son État fédéral d'un appareil culturel qui est très connu, qui existe toujours, qui s'appelle l'Office national du film, l'ONF, instrument pour permettre au Canada de prendre sa place dans la vie internationale qui commence en 1939 dans les circonstances que vous savez.

Et quand, quelques années après, le Canada décide d'affirmer sa présence parmi les peuples et de prendre sa place à côté des autres au sein de l'OTAN, deux jours après, qu'est-ce qu'il fait? Il crée la commission Massey sur la culture, dont le rapport est la grande charte qui donne bonne conscience, diraient les autres, ou légitime, diraient les uns, la présence du fédéral dans l'appareil culturel du pays. Et la commission Massey, fondée en même temps que l'OTAN, la

même semaine, dira: Que sert à un État de se doter de chars d'assault s'il ne sait pas à quoi ils servent, ces chars d'assault? Et la réponse à la question "À quoi peuvent-ils bien servir?", c'est dans la culture qu'on la trouve.

Le Canada anglais est là. Il s'occupe de culture depuis 60 ans. Cette affaire de culture est intimement liée à sa vision de lui-même sur la terre. Voilà bien d'assez bonnes raisons de continuer à ne pas vouloir changer, à ne pas vouloir lâcher le morceau. Mais il y en a une autre dans son cas particulier, c'est que la culture est aussi intimement liée à sa préoccupation pour ce qu'il appelle, lui, la "national unity", qui est l'obsession du Canada anglais. Voilà une autre raison pour ne pas lâcher le morceau. Comme disait Churchill; "Empires of the future shall be empires of the mind". Ne lâchez pas votre emprise sur les esprits dans ces conditions, si vous voulez maintenir vos empires et vos territoires.

Et pour se rapprocher de nous, il y a un autre homme politique, au Canada anglais ou du Canada anglais, qui a dit très exactement les mêmes choses, qui a assigné à l'action culturelle du Canada un rôle politique à la défense de ce qu'ils appellent la "national unity". Je vous lis le texte, il est à la page 14 de notre mémoire: "Un des moyens de contrebalancer l'attrait du séparatisme, c'est d'employer un temps, une énergie et des sommes énormes au service du nationalisme fédéral. Il s'agit de créer de la réalité nationale une image si attrayante qu'elle rende celle du groupe séparatiste peu intéressante par comparaison. Il faut affecter une part des ressources à des choses comme le drapeau national, l'hymne national, l'éducation, les conseils des arts, les sociétés de diffusion radiophonique et de télévision, les offices du film." Voilà ce que disait Pierre Elliott Trudeau de l'importance de l'instrument culturel dans la vie politique et dans l'affirmation politique du Canada anglais dans son affrontement avec le Québec français. Et ceux qui penseraient que le Canada anglais a pu changer d'avis depuis cette prose de Trudeau n'auront qu'à se remémorer le triste épisode de Meech ou à relire ce que dit ces jours-ci Perrin Beatty ou encore ce qu'écrivent Mulroney et Clark quand ils se lancent dans des tentatives d'organisation constitutionnelle.

Le Canada anglais ne lâchera pas le morceau. On s'illusionne si on croit le contraire. Et notre témoignage au MQF est assez clair là-dessus, nous nous sommes battus pendant 20 ans sur le front de la langue. Nous avons obtenu la loi 101 en 1977 et, quand nous l'avons obtenue, nous étions convaincus que, pour l'essentiel, le Québec disposait des compétences pour le faire. Et qu'est-ce qui s'est passé? Ottawa a commencé à multiplier ses instruments d'intervention, a commencé à multiplier ses interventions au risque même de modifier la Constitution dans les circonstances que vous savez pour enlever au

Québec des choses qu'il avait déjà parce que ça lui était important, au nom de sa "national unity", que la loi 101 n'existe pas! Alors, la conclusion que l'on tire, c'est la suivante: un État qui s'est arrogé de nouveaux pouvoirs pour empêcher le Québec de faire sa politique linguistique ne s'amusera pas à mettre tout d'un coup sur un plateau d'argent des pouvoirs qu'il exerce depuis longtemps, qu'il aime exercer, qu'il estime essentiel pour lui de continuer à les exercer, à les mettre sur un plateau d'argent à l'attention du même État québécois plus affirmé que jamais. On s'illusionne si on croit le contraire. Au mieux, nous donnera-t-il l'apparence d'un transfert! Et ces apparences ne sont jamais bonnes. Elles ne pourront qu'ajouter à l'embonpoint bureaucratique de l'État du Québec mais pas du tout à sa musculature politique.

Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier, malheureusement, le temps qui était imparti pour la présentation de votre mémoire est maintenant écoulé et je me dois de passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles qui, je vous le rappelle, est l'initiatrice du mandat de cette commission. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouthillier. Je pense qu'on va continuer finalement la conversation parce que vous parlez énormément de cette... je ne dirais même pas de ce mariage de langue et culture. Évidemment, il y a d'autres groupes qui sont venus et qui ont dit: Un ne va pas sans l'autre, mais, dans le but d'avoir, non seulement une politique mais aussi un plan d'action, il faut aussi séparer les uns et les autres tout en comprenant que l'un ne va pas sans l'autre, c'est sûr. Ce qui m'amène... Et ça vous ne l'avez pas... Bon, je pense que le temps nous a pressés alors vous n'y avez pas encore touché.

Vous pariez du multiculturalisme versus le pluricuituralisme mais, en bout de ligne, tout cet apport des nouveaux arrivants au Québec, en particulier dans la région de Montréal qui demeure quand même la métropole, à 48 % de la population, et cette influence au niveau de nos cultures, j'aimerais vous entendre parier un peu de ça. Parce que vous parlez aussi un peu d'une certaine menace au niveau du multiculturalisme. Quand vous parlez de langue et culture, ça se doit d'être langue et culture françaises, francophones. Il y a d'autres groupes qui viennent nous voir - hier, on en a eu, on va en avoir ce soir aussi - qui vont dire l'inverse, qui vont dire: Non, quand on parle de politique culturelle, de plan d'action culturel, les nouveaux arrivants, les gens qui s'établissent ici au Québec se doivent d'avoir aussi une ouverture au niveau de la politique; qu'on leur fasse de la place. Alors, j'aimerais vous entendre parler un peu là-dessus, votre point de vue. (10 heures)

M. Bouthillier: Ce n'est pas la diversité qui inquiéterait le MQF, s'il était inquiet, c'est l'usage que l'autorité fédérale en fait contre nous. Je crois qu'il ne peut pas y avoir de politique culturelle au Québec sans qu'il y ait une autorité - je dis bien une autorité - qui définisse une politique pour la diversité, plus exactement pour l'intégration de la diversité dans un ensemble dont le ciment est la langue française. Dans la conjoncture actuelle, il y a au milieu de la place une autorité fédérale, celle qui s'occupe du multiculturalisme sous un nom ou sous un autre, rattachée ou pas au secrétariat d'État, qui vient brouiller les cartes et vous ne pourrez pas faire une politique culturelle pour le Québec, enfin pour Montréal et, par conséquent, pour le Québec, si vous n'intégrez pas dans votre action, dans votre plan d'ensemble une action pour la diversité. Mais si vous avez au milieu de la place une autorité divergente, opposée, concurrente et probablement hostile qui tente plus ou moins... Écoutez les bruits, a l'heure actuelle, autour de la société distincte, comme vous les avez entendus autour du lac Meech, et puis même, depuis très longtemps dans notre histoire, vous verrez qu'ils sont là, très profondément ancrés. Une autorité qui s'emploie à ancrer dans les esprits et dans les mentalités que le multiculturalisme et la société distincte, c'est à mettre au même niveau. Bien, vous n'y arriverez pas si vous avez ces gens-là dans la place qui soufflent ces idées-là dans la tête des gens. Vous n'arriverez qu'à brouiller les cartes et à rendre impossible la convivialité à Montréal.

Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, si on le regarde sous l'aspect pas relativement mais tout à fait nouveau au niveau de l'entente qui a été signée dans le secteur de l'immigration par exemple, où il reviendra au Québec, où il revient maintenant au Québec toute cette question d'intégration des nouveaux arrivants, par exemple, à ce moment-là, n'est-il pas possible - parce que c'est quand même, finalement, un nouveau contexte - de penser, si la responsabilité est la nôtre maintenant d'intégrer, de choisir d'ailleurs notre immigration et de l'intégrer, que toute cette forme d'intégration ne dépend que de nous?

M. Bouthillier: II n'y a pas d'intégration possible, me semble-t-il, sans une politique culturelle qui englobe la diversité.

Mme Frulla-Hébert: Absolument, oui.

M. Bouthillier: Tant qu'il y aura ce pouvoir extérieur, et je dirais même hostile, qui s'appelle le multiculturalisme, vous n'y arriverez pas. Vous allez vous rapprocher de l'intégration mais vous n'y arriverez pas, vous ne ferez pas de l'intégration. Vous ferez la ghettoïsatio'n de Montréal, mais vous ne ferez pas l'intégration. Le ciment du français, langue commune; tout le monde s'entend ici pour dire: Le français langue commune du Québec. Relisez le texte qui vous est proposé par Mulroney et Clark; ils nous refusent, ils refusent à la langue française cette qualité de langue commune. Tout ce qu'ils veulent bien lui reconnaître sèchement, arithmé-tiquement, c'est le fait que ce soit la langue majoritaire. Ils ne la reconnaissent pas comme langue commune, c'est-à-dire comme langue du ciment, comme langue de l'intégration.

Alors, vous avez là dans la place un pouvoir qui ne s'entend pas avec vous sur les idées de fond et qui est là dans la place, qui n'a pas l'intention de lâcher, je vous l'ai dit, pour les raisons que je vous ai dites, et, quand vous lui demandez gentiment: Donnez-nous un transfert total; faites de nous le maître d'oeuvre de la culture au Québec... Un gouvernement qui s'engage dans cette voie est promis à l'échec s'il ne s'appuie sur une source politique qui s'appelle, en démocratie, le peuple et qui réclame... Il ne réclame plus. En fait, il ne les réclame plus, il les prend. Il ne les demande plus, les pouvoirs, vous ne les aurez pas. Il faut les prendre. Et la prise de pouvoirs, ça porte un nom dans notre contexte politique, vous le savez, ça s'appelle la souveraineté. On ne vous donnera jamais que l'illusion de transferts, des arrangements. Eh bien, avec des arrangements, on se fera arranger! Avec des arrangements qui se feront plus ou moins "behind closed doors". Ce n'est pas dans les huis clos que s'organise la culture des peuples. Je comprends les milieux de la culture qui viennent ici et qui s'inquiètent du "closed doors". Il faut ouvrir les fenêtres, il faut ouvrir les portes.

Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, quand vous parlez... Bon. Effectivement, il y a deux solutions. C'est sûr qu'on se dit: Bon, bien là, on se sépare. C'est une solution aussi.

M. Bouthillier: On ne se sépare pas, on devient souverains.

Mme Frulla-Hébert: On devient souverains plutôt. Bon, alors c'est une solution évidente. On devient souverains, alors c'est un plein contrôle. Il y a certaines négociations.

M. Bouthillier: Je suis content de voir que vous me dites qu'elle est évidente, comme solution.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.

Bouthillier. Je pense qu'on devrait respecter les échanges pour la tranquilité du débat et la sérénité de la séance.

Mme Frulla-Hébert: M. Bouthillier, évidemment, on a des points de vue - je respecte les vôtres qui sont très valables - qui sont peut-être un peu différents, mais on est tous d'accord à

savoir que le fédéral s'ingère, surtout avec le pouvoir de dépenser, et ça, au niveau de la culture présentement. Au moment où on se parle, présentement, on le vit tous les jours, c'est nuisible, c'est ce qu'on dit. Nos groupes ne sont pas tout à fait d'accord mais, nous, c'est ce qu'on dit, et on l'a dit du début.

Mais revenons un peu en arrière, par exemple, parce que vous apportez quand même un point de vue qui est très différent des autres groupes, alors c'est pour ça que je veux discuter avec vous là-dessus. Si on revient un peu en arrière, quand vous dites: Le fédéral s'est approprié - on s'en aperçoit aussi - de toutes les ententes pour promouvoir la culture, la nôtre autant que la culture anglophone, il a, je pense, réussi encore mieux avec la nôtre puisqu'il y a toute la menace américaine. À un moment donné, vous dites que vous êtes inquiets aussi face à ce que vous appelez le rouleau compresseur des industries culturelles de l'étranger. Et, effectivement, ce qui est très inquiétant aussi, et ça, vous l'avez mentionné, c'est cette invasion - et ça, on n'y peut rien - des moyens de communication qui font qu'on reçoit aussi des signaux de partout. Oui, il y a cette grande menace, selon vous, fédérale, mais il y a aussi la menace et la pression des Américains qui sont là et qui sont partout. Est-ce que vous envisagez des mesures protectionnistes? Est-ce que c'est dans ce sens-là? Selon vous, comment on fait pour se protéger? On ne peut pas s'isoler non plus, hein? On est dans les années quatre-vingt-dix, 2000 on va parler de télévision à la carte, on va parler de nouvelle technologie, tout ça va changer. Le contexte va changer. Alors, comment on fait aussi selon vous...

M. Bouthiltier: Je crois, pour une culture... Pardon.

Mme Frulla-Hébert: ...pour se protéger?

M. Bouthillier: Ce qui est le plus important pour faire vivre et assurer la pérennité d'une culture qui entend survivre au siècle, c'est, bien sûr, de lui donner des moyens politiques, de lui donner des instruments, de lui donner des lois, de lui donner des CRTC, de lui donner des ministères des Affaires culturelles, de lui donner des conseils des arts, mais c'est surtout de lui donner une certaine idée d'elle-même. C'est surtout de lui donner le prestige. Peut-être qu'au fond l'instrument le plus important pour une culture qui veut vivre et qui veut transcender les siècles, et les difficultés, et les rouleaux compresseurs, c'est précisément d'avoir une haute idée d'elle-même, d'être portée par un peuple - un peuple, je dis bien un peuple - et d'être un peuple qui se reconnaît comme tel et qui est reconnu comme tel par les autres. Et je vous signale que nos amis d'en face nous nient encore aujourd'hui, après 125 ans de cohabita- tion, la qualité de peuple. Ils la distribuent généreusement au travers de leurs textes - je pense à MM. Mulroney et Clark - ils la distribuent généreusement tout au long de leurs textes constitutionnels, mais ils la nient systématiquement pour ce qui est du Québec. Il y a là une générosité suspecte.

Une culture, c'est un prestige. Il n'y a pas de culture sans prestige. Cette part, disait Camus en 1948 - et il parlait de l'Occident, l'année où il a reçu son prix Nobel - nous devons redonner, retrouver cette part de prestige sans laquelle il n'y a plus de culture. Appartenir à un peuple qui chemine cahin-caha, d'une difficulté à l'autre, d'un refus à l'autre, qui plie l'échiné d'un refus à l'autre, ce n'est pas assurer le prestige qu'il faut à cette culture. Une culture qui n'a pas de prestige est condamnée, elle est condamnée, notamment - je le crois et je le dis sincèrement - aux yeux de la jeunesse qui lui tournera bien le dos au profit d'autres sollicitations, car les sollicitations sont très fortes sur nous. Il y a tout un autre imaginaire qui nous est proposé. Il y a tout un autre monde de rêves. Il y a tout un autre monde d'images qui est là à notre disposition et qui n'est pas moins bon que le nôtre, mais ce n'est pas le nôtre.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que, M. le Président, j'ai droit à une autre question?

Le Président (M. Gobé): Oui, madame, en terminant, il vous reste deux minutes.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. Vous parlez de la jeunesse, bon, et qu'on revienne à notre peuple. On a eu nos mesures, on a réussi à protéger, veux veux pas, malgré toutes ces pressions, malgré... Et je calcule toujours le bassin, quand je parle d'un bassin anglophone, de 330 000 000, dans le fond. Bon. On a réussi à protéger notre culture, tels, finalement, des vaillants croyants à cette culture-là, et je pense que c'est grâce aussi à notre volonté, à notre détermination et à celles, aussi, de nos groupes et, culturellement parlant, de nos artistes.

Ceci dit, je veux revenir, moi, à l'enseignement du français et à ces jeunes, justement. Il y a des critiques qui sont assez acerbes des différents groupes qui disent qu'on a voulu, pour justement rendre l'éducation accessible, etc. On l'a rendue accessible à tous, c'est une bonne chose. On a voulu aussi que nos jeunes soient productifs et efficaces rapidement et on a beaucoup négligé ces aspects - et je vous relate ce qu'on nous dit - qui sont culturels. Non seulement on a négligé peut-être même la qualité de l'enseignement du français, mais aussi tout le domaine dit développement culturel de ces jeunes. Est-ce que c'est vrai, ça? Vous avez une représentante des professeurs d'enseignement du français. Est-ce que l'enseignement du français, est-ce que, dans notre approche pédagogique face

aux jeunes versus notre culture, eux qui sont le futur bassin de clientèle, présentement on a pris du retard? Est-ce que, face aux objectifs que l'on veut se donner, c'est adéquat?

Mme Chalifour: Vous savez, quand on parle de cette question brûlante, mon âme de profes-seure passionnée pour l'enseignement de la langue, justement... et on touche à la culture, évidemment. Quand on a démocratisé l'enseignement, il ne faut pas oublier que nous avons ouvert la porte à tous ces jeunes qui, autrefois, n'allaient pas à l'école; ils étaient dans les champs. Moi, je suis la seule de mon groupe de l'école primaire qui a continué ses études et, parmi nous, il y a beaucoup d'autres gens qui pourraient en témoigner.

Alors, c'est bien sûr que, quand on a ouvert la porte à tous ces jeunes qui, autrefois, allaient travailler dans les champs, bien, ces jeunes n'étaient pas nécessairement très motivés pour l'écriture ou n'avaient pas nécessairement des aptitudes intellectuelles abstraites; ils avaient des aptitudes concrètes et ça a pu devenir des hommes d'affaires extraordinaires, avec une personnalité marquée et qui a marqué notre temps aussi. Mais on n'avait pas affaire nécessairement à des étudiants qui étaient très motivés pour le classique. D'accord? On s'entend là-dessus, ce sont d'autres valeurs. (10 h 15)

Maintenant, de là à dire qu'on a négligé, c'est un point de vue. Moi, je considère qu'on a essayé de s'adapter à cette clientèle qui nous arrivait et qui nous arrive toujours. Ça fait déjà 30 ans que j'enseigne et que j'essaie de motiver les élèves à la culture, à la langue, évidemment, et ce n'est pas toujours facile. Voyez-vous, enseigner des règles de grammaire, enseigner certaines notions de figures de style, pour certains, c'est très négligeable, ce n'est pas un aspect passionnant. Alors, il y a un effort qui se fait malgré tout et je pense que la qualité du français, elle a d'autres facettes que celles qu'on a essayé de développer quand, moi, j'étais étudiante. Alors, on essaie de les amener, c'est bien sûr, à d'autres valeurs. Quand j'entends les parents dire: Dans mon temps, je savais écrire; je connais ma grammaire par coeur, moi, je les mets au défi, ces parents. Je suis un parent moi-même et je les mets au défi. Évidemment, on se souvient toujours de notre enfance comme d'une période dorée. Je pense que les parents, quand ils disent cela, c'est un peu cette image qui me vient à l'esprit. Moi, je ne crois pas qu'on ait négligé la qualité de l'enseignement du français, mais on a essayé de s'ajuster à cette clientèle. Quand on a des étudiants qui sont du secteur des techniques professionnelles, qu'on a des étudiants qui décrochent... Et ce n'est pas nouveau, les décrocheurs, ce n'est pas nouveau. Moi, j'ai enseigné dans ces milieux-là au moins 12 ans. Là, je suis dans un milieu de jeunes filles délinquan- tes et j'essaie de les intéresser à la vie d'abord. Voyez-vous, un professeur n'est pas seulement qu'un technicien, il est aussi un éducateur. Il essaie de donner vie, de donner une raison de vivre à ces jeunes adolescents. Il essaie de leur donner une passion pour vivre. On parle de ça. On essaie de leur enlever l'idée du suicide, l'envie de décrocher, l'envie de démissionner, d'aller dans les drogues, parce que c'est plus facile, on oublie les problèmes. Alors, avant de parler de la grammaire, avant de parler des figures de style, il faut leur apprendre la vraie figure de la vie, la figure du style qui est de dire: Oui, je reste en vie; oui, je relève le défi de continuer la génération, la culture québécoise. Il ne faut pas oublier cette réalité-là, pour laquelle on se bat, pour laquelle on se passionne. On n'a pas perdu le goût de se battre. On a envie de relever ce défi...

Le Président (M. Gobé): Mme Chalifour, malheureusement, le temps est maintenant dépassé et je me dois de transférer la parole et la discussion à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Bouthillier, Mme Gagné, Mme Chalifour et M. Turcotte, heureux de vous accueillir en cette commission. La ministre des Affaires culturelles ne partage peut-être pas tous les points de vue que vous énoncez, mais elle en discute avec vous, ce qui fait changement du traitement un peu odieux que vous avez déjà eu en cette commission parlementaire où l'ancienne ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, et députée de Bourassa, avait refusé d'engager le dialogue avec vous. Mais j'ose espérer que vous avez oublié cet affront. Une des toutes premières questions...

Le Président (M. Gobé): M. le député, en cette commission, en cette salle, il est généralement de tradition qu'on ne qualifie pas les collègues d'un comportement, disons, en dehors des règles. Je pense qu'on ne peut pas cataloguer le comportement de Mme la ministre, qui n'est pas là pour répondre, d'odieux. Je pense que vous pourriez moduler votre...

M. Boulerice: L'impolitesse.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer.

M. Boulerice: M. Bouthillier, plusieurs intervenants sont venus et la question que j'aimerais vous poser, compte tenu du discours qu'ils ont tenu: Qu'est-ce que vous répondez à certains organismes culturels qui s'inquiètent d'une maîtrise d'oeuvre du Québec fondée sur le rapatriement des responsabilités fédérales en matière de culture, en évoquant, pour plusieurs

d'entre eux, le spectre du dirigisme, de la centralisation et même, dans certains cas, on parle de soviétisation de la culture si, par malheur, les pauvres indigènes que nous sommes devions assumer tous les pouvoirs en matière de culture et également en matière de communications, ce que ma formation politique souhaite à l'exemple du Parti libéral dans son rapport Allaire? Du moins, je ne connais pas sa valeur légale maintenant.

Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier, vous avez la parole.

M. Bouthillier: Si on regarde l'ensemble du tableau, il se passe des choses ici et il s'en passe dans l'ensemble de la société. A quoi assistons-nous en ce moment au Québec? À peu près tous les jours, venant tantôt d'un milieu, tantôt d'un autre, on entend des voix individuelles, des groupes le plus souvent rattachés, formellement ou informellement, à quelque appareil fédéral - et il y en a plusieurs, des appareils fédéraux - venant ici dauber sur le Québec, pratiquer une forme d'inquisition politique à l'endroit du Québec de demain, soumettre le projet politique québécois au supplice de la torture: Garantissez-nous ceci, garantissez-nous cela. On remarque qu'à chaque fois tout ça se fait bien sûr au nom de la liberté, alors qu'on devrait se demander dans certains cas si, plutôt que de parler de liberté, il ne faudrait pas plutôt parler de convenance et de confort personnel. Et à chaque fois que l'on daube sur le Québec, à chaque fois que l'on interroge le Québec sur ceci ou sur cela, on se refuse à poser la même question à l'État fédéral, à l'État canadien anglais. Et en refusant de poser la question, non pas sur un Canada anglais futur mais un Canada anglais bien réel, on prête au Québec des intentions, on ne pose jamais la question, on ne veut jamais constater qu'en même temps le Canada anglais, lui, s'est rendu parfois coupable de ces choses-là.

Il s'est même trouvé un extra-terrestre, récemment, pour parler de la déportation éventuelle des non-francophones du Québec, alors que la déportation, elle porte un nom et elle est japonaise, ici, dans l'histoire du Canada anglais, et personne n'en parle.

Le Président (M. Gobé): M. Bouthillier, je vous rappellerai gentiment que le but de nos discussions est de tenir une consultation sur la proposition de politique de la culture, des arts et, en particulier, sur le rapport Arpin. Je pense que nous nous éloignons un petit peu.

M. Bouthillier: Bon, je reviens donc plus directement encore à notre sujet. Mais je constate que, finalement, il y a des mécanismes dans notre société que l'on revoit; des gens qui arrivent, ils daubent sur le Québec, ils ne parlent pas du Canada anglais. Et dans la conjoncture actuelle, ça a un effet très précis, que ce soit pour la culture ou pour autre chose: renforcer l'organisation politique canadienne et affaiblir l'organisation politique québécoise.

Et je signale, puisque nous parlons de culture, que, lorsque des gens de la culture font cela, ils renforcent un appareil politique, qui s'appelle le Canada, qui nie le Québec comme peuple. Comment voulez-vous obtenir une culture si vous n'êtes pas un peuple? Décidément, dans notre société, il y a des Ovide Mercredi jusque dans nos milieux! Tout ça me rend extrêmement triste, autant de naïveté, car j'ai la politesse de penser que c'est de la naïveté, de la désinvolture à l'égard des mots, des phrases, des expressions et des prises de position. En tous les cas, grande tristesse à l'endroit de l'inconfiance totale, la totale inconfiance que ces gens-là expriment dans leur peuple. Comment voulez-vous continuer à exprimer la culture d'un peuple dans lequel vous n'avez pas confiance? Comment voulez-vous?

Ah! Je sais, je sais, les intellectuels, dans l'histoire, ont démontré leurs facultés pour orienter leurs vestes dans le sens qui plaît au goût du jour. Mais un peuple comme le nôtre, qui est battu par les grands vents de l'histoire, a besoin d'autres choses que de girouettes. Notre rôle à nous c'est de sortir d'un système politique qui condamne nos milieux culturels à jouer ce jeu de l'écartèlement, qui condamne nos milieux culturels à soutenir un système politique qui tend à nier la culture du Québec comme culture d'un peuple. C'est ça notre rôle historique en ce moment. Voilà ce que je voulais vous dire, M. le député.

M. Boulerice: M. Bouthillier, on est revenu très souvent à la charge avec le dirigisme. Avez-vous déjà eu connaissance d'un dirigisme venant de l'État fédéral, notamment de ses organismes institutionnels - radio, télévision, cinéma, conseil des arts - qui, supposément, eux, sont d'une pureté absolue en vertu du "arm's length", principe auquel on souscrit, il va de soi?

M. Bouthillier: Et Trudeau, son texte de tout à l'heure, c'est du "arm's length"? Mettez tout ça au service du Canada contre le Québec et, si vous ne faites pas ce que le préfet de discipline fait, vous n'aurez pas la bonne note, la note de passage.

Il y a des films dans l'histoire de l'ONF... "On est au coton", terminé en 1970, laissé sur les tablettes jusqu'en 1976. Pierre Perrault, du milieu du cinéma, un film en 1980, interdit de publication. Enfin, de publication... de distribution, "because referendum pending". Ça, c'est du "arm's length"? D'ailleurs, ça va plus profond dans notre histoire et dans notre mentalité, j'allais même dire dans notre subconscient. On nous décrit... C'est ce que tel écrivain - enfin, il

a encore le titre d'écrivain - disait dans L'actualité l'été dernier: Le monde anglo-saxon, c'est le monde du "arm's length", de la liberté, etc.; le monde francophone, le monde français, le monde de Louis XIV - et nous sommes tous sortis de la cuisse de Louis XIV d'après lui - c'est le monde du dirigisme. Je sais bien qu'il y a quelques poètes qui étaient à Montréal en octobre 1970 qui divergent d'opinion.

Mais sans aller jusque-là, rappelez-vous ce qui s'est passé l'hiver dernier, pendant la guerre du Golfe. La BBC, ce n'est pas exactement le dirigisme français, ça, c'est le "arm's length" britannique. La BBC interdisait de ses ondes toute chanson où il était question de "peace and love", parce qu'on faisait la guerre. La guerre, "yes Sir". Guerre oblige. "Peace and love", ça pourra attendre. Ça, c'est du "arm's length". Les États-Unis ont interdit de diffusion sur leur territoire des films de l'ONF parce qu'il était question soit des pluies acides, soit de l'énergie nucléaire. Pas de la Grande-Baleine! Attendez! Ça, c'est autre chose. Simplement ça. Est-ce que vous entendez ces mêmes milieux dénoncer le dirigisme anglo-saxon aux États-Unis? Non, c'est toujours nous. On dirait que, dans l'esprit de certains, on est incapables de liberté, alors que, s'il y a une terre de liberté, c'est bien celle-ci. Et le pouvoir que l'on veut constituer, le pouvoir québécois que l'on veut constituer autour de la culture ne sera jamais, ne l'oubliez pas, compte tenu du rapport de force - Mme la ministre le disait tout à l'heure au sujet du rouleau compresseur - qu'un pouvoir parmi d'autres. Vous aurez établi l'État du Québec comme maître d'oeuvre de la culture, mais il va y avoir Flammarion, il va y avoir Hachette, il va y avoir ABC, il va y avoir CBS, il va y avoir le New York Times, il va y avoir Alliance Québec.

M. Godin:LeNewYorker

M. Bouthillier: Exact. Ils vont tous être là. Ils vont rester là. Ce ne sera qu'un élément à mettre de notre côté dans la balance pour rétablir l'équilibre des forces. Alors, cette idée que pfitt! la balance va disparaître au profit du seul dirigisme québécois, ça c'est une idée à renvoyer, comme on disait à l'époque, aux poubelles de l'histoire.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion, s'il vous plaît, car nous avons déjà un peu de retard.

M. Boulerice: En conclusion, je reprendrai les paroles de la ministre qui disait récemment en Chambre que la culture appartenait aux Québécois et que les Québécois en feront ce qu'ils veulent bien en faire. Si je regarde le nombre d'organismes que vous regroupez sous le - j'allais dire parapluie mais je vais plutôt employer un terme plus juste - parasol du

Mouvement Québec français et le nombre de membres que cela comporte, donc vous parlez au nom d'un nombre considérable de Québécois, je pense qu'on doit prendre en ligne de compte les remarques que vous avez faites quant à l'espèce de dénigrement actuel envers une politique nationale des arts au Québec et les éléments qu'elle doit contenir. Alors, M. Bouthillier, Mme Gagné, Mme Chalifour et M. Turcotte, merci de votre présence et surtout que le Mouvement Québec français continue toujours d'exercer cette vigilance qui est essentielle. Tout relâchement, pour nous, sera sanctionné.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles pour le mot de la fin. (10 h 30)

Mme Frulla-Hébert: Oui, alors, je me joins à mon collègue pour vous remercier d'être ici. Je vous écoutais autant parler d'enseignement que de langue et, vous savez, on peut avoir certaines vues différentes d'un système mais, chose certaine, je pense qu'on partage aussi une vision commune, c'est que cette culture, oui, elle est menacée tous les jours. On se doit de la protéger, d'une part, et, deuxièmement, bien, parce qu'on est ici, on pense à faire aussi des changements. Il faut qu'il y ait des changements, ne serait-ce que dans notre système. Mais, vous savez, ce qui me décourage des fois le plus, c'est, quand on parle justement que la culture appartient aux Québécois, le dernier sondage, au niveau des municipalités, quand on demande aux gens: Quels services doit-on couper? On va en parler d'ailleurs à certains représentants municipaux. La première chose qui vient à l'esprit, c'est les loisirs et la culture. Est-ce que c'est de la pédagogie, renforcer au niveau pédagogique, justement, ce besoin culturel de telle sorte qu'on puisse assurer notre survie? Il y a sûrement des choses à faire et des gros messages à passer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Alors, M. Bouthillier et les gens qui vous accompagnent, cela met fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. J'inviterais donc le prochain groupe, soit l'Association des organismes musicaux du Québec, à bien vouloir prendre place sans plus tarder car nous sommes en retard d'une quinzaine de minutes.

Alors, mesdames et messieurs, la commission reprend maintenant ses travaux et nous allons entendre l'Association des organismes musicaux du Québec qui est représentée par Mme Andrée Girard, directrice générale. Bonjour, madame.

Mme Girard (Andrée): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Mme Anne Marie Messier, présidente.

Mme Messier (Anne Marie): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Il nous fait plaisir de vous accueillir ici, en cette commission. Vu que nous avons un petit peu de retard, je vous demanderai donc de commencer à présenter votre mémoire sans plus tarder.

Association des organismes musicaux du Québec

Mme Girard: Eh bien, tout de suite, je vous explique un peu ce qu'est l'Association, puisque c'est une association un petit peu moins connue que nos prédécesseurs. L'Association des organismes musicaux regroupe des organismes professionnels de création, de production et de diffusion de musique de concert. Alors, on parle ici d'orchestres symphoniques, d'orchestres de musique de chambre, d'ensembles instrumentaux, de sociétés de concert, de festivals, de concours de musique, et ce, dans les secteurs de la musique ancienne, de la musique contemporaine et de la musique dite classique.

Ses membres, enfin les membres de notre Association, présentent au Québec à peu près 700 concerts par année et ont des opérations de l'ordre de 34 000 000 $. Tous les membres de notre Association sont des organismes à but non lucratif qui sont répartis un peu partout à travers le Québec avec, bien sûr, une forte concentration à Montréal.

Comme dans tous les arts d'interprétation, en musique, c'est par l'organisme surtout, l'orchestre, l'ensemble, la société de concert que s'incarne la musique. C'est la voie par laquelle les musiciens du Québec rencontrent leur public. Et peut-être pourrais-je ajouter, pour donner une note un petit peu caractéristique de notre secteur, que, dans l'ensemble de notre dynamique, nous donnons un concert à une seule reprise ou à une seule occasion surtout. Alors, ça colore un petit peu l'intervention que nous faisons devant vous et nous donne des priorités bien précises.

Mme Messier: On a intitulé notre mémoire "Une politique québécoise de la culture et des arts: entre rêve et réalité". Dans l'ensemble, la proposition Arpin qu'on a étudiée en groupe trace un tableau complet et réaliste de la question culturelle. On y trouve un esprit positif, globalisant - ce qui est important pour une politique culturelle - et ça dégage des avenues d'intervention qui correspondent à l'ensemble de nos préoccupations.

La reconnaissance de la culture et des arts y est posée comme postulat de base à l'évolution de la société québécoise. Comment mettre en doute la pertinence de ce fait-là? En fait, c'est déjà là. Le problème, ce qui nous étonne, c'est qu'on soit encore en train d'être obligé de le reconnaître officiellement. Bon, ça fait partie de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'accessiblité à la culture, et, on le sait, ici, la culture, ça colore le Québec. Ça colore notre société et c'est ce qu'on appelle l'identité culturelle. Cependant, on est profondément convaincus que cette identité cuturelle est beaucoup plus que le simple porte-étendard qu'on a tendance à en faire actuellement. Le problème, c'est que, malgré toutes les représentations que les gens de la communauté artistique vont venir faire ici, il n'y a que la volonté politique qui sera le moteur de cette reconnaissance des arts et de la culture comme valeur essentielle de notre société. Sans cela, on est bien conscients que le monde des arts et de la culture est condamné à stagner et ne pourra pas prendre la place qui lui revient. La volonté politique dans le cas d'une politique culturelle, ce sont des suites concrètes. Il y a trois ingrédients indispensables au développement de la culture: la volonté politique, une politique culturelle et des crédits permettant une mise en action de cette politique culturelle.

Mme Girard: Ceci dit, quand nous avons lu le rapport Arpin, nous avons noté deux choses, ce sont deux choses qui nous semblent, en tout cas pour nous, importantes, c'est la différence entre culture et art. Le titre nous a bien montré que le comité avait pris en note cette différence, mais on notait que, dans la plupart des recommandations, on ne va pas beaucoup plus loin. C'est important pour nous, du domaine des arts d'interprétation, parce qu'on a toujours l'impression que la culture est assez bien couverte et est assez facile aussi à considérer. Les arts, c'est beaucoup plus compliqué. On se sent toujours un petit peu le parent pauvre de la culture.

L'autre distinction concerne les organismes culturels et les industries culturelles. Ça ne sera pas nécessaire ici d'aller un petit peu plus loin, on a déjà débattu assez longtemps de cette question. En fait, nous sommes d'accord avec les trois finalités qui sont mises en évidence dans la proposition Arpin: le développement des arts et de la culture, l'accessibilité à la vie culturelle et l'implication de l'État. Placées dans une perspective globale, ces finalités rejoignent la majeure partie des préoccupations sectorielles. Toutefois, c'est au niveau des priorités que les secteurs se distingueront le plus souvent les uns des autres. Ainsi, à titre d'association d'entreprises musicales, nous établissons un canevas d'intervention sensiblement différent. C'est ce que nous présentons dans notre mémoire.

Mme Messier: Le milieu artistique a déjà prouvé sa compétence, son originalité. Le problème actuel, c'est l'accessibilité, et nous l'identifions comme le problème majeur actuel au Québec. On sait que les arts exigent d'importants investissements à tous les niveaux, que ce soit dans la formation des artistes, que ce soit dans

la présentation des productions des créateurs. En musique, un concert est donné à une seule reprise, mis à part certains concerts de l'OSM ou l'opéra. Pourquoi de tels efforts s'il n'y a pas de public dans la salle? Pour deux raisons. Nous croyons que l'accessibilité aux arts et à la culture doit être l'aspect prioritaire d'une politique culturelle. Cette accessibilité ne pourra être réalisée que par la formation fondamentale, et ce, bien avant l'élaboration ou la réfection d'un réseau d'équipements culturels. En priorité aujourd'hui, il est essentiel de développer la demande. Pour nous, ça passe uniquement, d'abord et avant tout, par la formation fondamentale à l'école.

L'accessibilité a été de tous les rapports sur la politique culturelle. Mais, en fait, il faut se rendre à l'évidence: la démocratisation de la culture n'a jamais été réalisée, pas plus d'ailleurs que la décentralisation et l'accessibilité. Encore aujourd'hui, la connaissance des arts demeure le privilège d'un petit groupe, un peu plus nombreux qu'avant mais toujours trop petit. Ce n'est pas la société, c'est le milieu familial généralement qui a produit les artistes et qui a produit les gens qui consomment cette culture-là. Donc, la relance nécessaire de l'enseignement des arts dans les écoles est fondamentale, mais pas en enseignant les rudiments d'un apprentissage artistique. Ce n'est pas en sachant dire la gamme et en sachant jouer quelques notes qui va faire cette connaissance de la culture. Pour nous, l'apprentissage, la formation fondamentale, c'est le contact avec - enfin dans notre cas - la musique professionnelle. C'est d'avoir l'occasion d'écouter un orchestre symphonique, d'aller au musée, d'assister à un spectacle de danse, et ça, dès le plus jeune âge. C'est le contact premier dès la jeunesse qui va réussir à faire un développement culturel viable.

Si on pense aux artistes, si on pense aussi aux amateurs d'art, si on leur demande comment ils sont arrivés à la culture, c'est toujours avec un premier choc, un premier contact que leur intérêt s'est développé, c'est par identification avec des artistes, en ayant un choc culturel. C'est de cette façon-là que nous pensons que nous pouvons y arriver. En musique, actuellement, les organismes n'ont pas les moyens de développer leur volet éducatif de façon significative. On pense qu'il va falloir pousser cet aspect-là de façon prioritaire.

Dans certains pays, le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles ne font qu'un seul ministère. On ne préconise pas d'aller jusque-là. Cependant, on pense qu'il y a, de façon très importante, l'influence du ministère des Affaires culturelles auprès du ministère de l'Éducation qui doit être établie de façon beaucoup plus précise et beaucoup plus forte. On est donc en parfait accord avec la recommandation 60 de la proposition Arpin et nous en faisons, je crois, le cheval de bataille du développement des arts au Québec.

Mme Girard: L'accessibilité, en passant d'abord par la formation fondamentale, doit aussi passer par la promotion. En 1990, on ne peut pas y échapper. Un des constats cependant les plus évidents lorsqu'on oeuvre dans le milieu des arts concerne le peu de visibilité qu'obtient le secteur des arts et de la culture auprès du grand public. Les médias électroniques, et plus particulièrement la télévision, rejoignent, on le sait, un nombre extraordinaire de personnes et représentent aujourd'hui un médium extrêmement puissant de communication. Dans le domaine des arts et de la culture, il est donc, avec la formation fondamentale, un outil privilégié qui va favoriser l'accès.

Mais dans l'état actuel des choses, avec leurs impératifs publicitaires et leur situation financière difficile, les télévisions ont les mains liées pour nous supporter dans notre action. Radio-Québec, entre autres, avec son mandat et sa pénétration régionale, devrait être soutenue dans ses efforts de sensibilisation à la culture. De belles expériences y ont été réalisées et il conviendrait d'offrir à ce réseau les moyens de les poursuivre. Que Radio-Québec soit rattachée, tel que le suggère le rapport Arpin, au ministère des Affaires culturelles, c'est une question qui nous dépasse un peu n'ayant pas les données. Toutefois, il nous semble essentiel de garder au Québec une télévision à la fois éducative et culturelle. On voit à quel point cette télévision-là peut servir les intérêts de la musique. Ne serait-il pas important alors d'établir d'abord des liens formels entre le ministère des Affaires culturelles et le diffuseur comme il en existe entre ce dernier et le ministère de l'Éducation?

D'autre part, ne devrait-on pas également percevoir, dans notre télévision en général, de façon beaucoup plus tangible, la présence du dynamisme de notre culture et la recherche de la vie artistique, non seulement à travers des émissions ciblées - on sait que ce n'est pas toujours efficace et que ça rejoint un très petit public - mais de façon beaucoup plus horizontale? Dans un téléroman, on entend rarement les protagonistes dire ou raconter qu'ils sont allés au concert la veille ou qu'ils vont aller au théâtre le lendemain. On n'entend jamais ça. Pourtant, dans la vie courante, c'est assez régulier.

À travers ce travail de mise en valeur de la culture et des arts à la télévision par des émissions spécialisées et à travers l'ensemble de la programmation devrait s'ajouter - vraiment, on y tient - une stratégie de marketing des arts et de la culture, puisqu'il faut utiliser des termes de ce jour. Actuellement, seuls les grandes entreprises comme les grands musées ont accès à ce genre de stratégie de marketing. Est-il vraiment nécessaire, comme le suggère la proposition Arpin, de créer une instance spécifique pour la promotion des arts? Nous ne pensons pas.

Je pense qu'il y a des gens en place, déjà au ministère, qui ont certaines expertises. Il faudrait plutôt évaluer avec les ressources actuelles la faisabilité d'une expérience comme Participaction appliquée aux arts et à la culture. On sait les résultats que ça a donné. Le ministère ici a un rôle d'initiateur et de soutien.

Parlons maintenant du rayonnement. La proposition - on en a beaucoup parlé au cours de la commission - divise de façon réaliste, nous pensons, le réseau culturel en trois pôles et accorde à chacun d'eux des caractéristiques et des rôles spécifiques. On parle ici de Montréal, Québec et les régions. Si on consent à Montréal la place qui lui revient dans la démonstration de la politique, il nous semble que quatre recommandations représentent bien peu comme plan d'intervention. Ces recommandations relèvent du domaine des voeux beaucoup plus que de l'élaboration de lignes directrices. Montréal, on pense, a déjà pris ses responsabilités dans le dossier culturel. Le Conseil des arts de la Communauté urbaine est devenu un partenaire important. Mais, actuellement, on sent bien que ce dynamisme est sérieusement compromis, la situation inquiétante en raison, entre autres, des discussions en cours sur la taxation. Il est évident que la ville de Montréal ne peut assumer seule son rôle moteur, sa vocation nationale et internationale. Notre politique culturelle devra être plus spécifique sur le rôle et le développement de Montréal comme métropole culturelle.

Le Président (M. Messier): En conclusion. (10 h 45)

Mme Girard: En ce qui concerne le Québec, on note des recommandations qui sont aussi importantes. Là où on s'est posé beaucoup de questions, c'est concernant les régions. Nous sommes un organisme québécois, il faut le dire, et ça nous donne l'impression que les régions, dans le rapport Arpin, sont des déversoirs de ce qui se fait à Montréal et à Québec. On propose, somme toute, d'investir dans les équipements, mais on ne va pas beaucoup plus loin. Alors, nous remettons beaucoup en cause ce chapitre. S'il est vrai que la production artistique montréalaise ou québécoise devrait être plus accessible aux régions, il ne faut pas perdre de vue que les régions ont leurs propres productions et que celles-ci ont également un effet d'entraînement sur la consommation des produits venant de l'extérieur. S'il est normal que les créateurs, les artistes et les autres professionnels du domaine culturel se concentrent à Montréal, il n'est pas normal que des artistes ne puissent pas vivre en dehors de Montréal. Donc, un réseau d'échanges est important.

Le Président (M. Messier): Je pense qu'on va continuer l'échange avec Mme la ministre et vous pourrez toujours élaborer. Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Girard et Mme Messier. Vous regroupez, finalement, une cinquantaine d'organismes, autant des organismes en formation, en création, en production qu'en diffusion de musique. Donc, vous nous apportez - c'est ce qui est intéressant - une vision globale.

Je veux revenir à certains points, dont le premier, la formation, votre façon d'amener cette problématique au niveau de la formation beaucoup plus au niveau du développement culturel que de forcer l'enfant, par exemple, à apprendre le fondamental ou un instrument versus un autre - si l'enfant n'a pas le goût de faire de la flûte traversière, bien, on va lui faire haïr la musique pour le restant de ses jours si on le force à le faire - donc beaucoup plus une sensibilisation culturelle que, justement, un apprentissage forcé. Et là-dessus, je vous rejoins. D'ailleurs, on travaille très, très fort présentement avec le ministère de l'Éducation justement, qui est en soi une première, pour voir maintenant ce qu'on peut faire. Mais parlez-moi de ça, là. Parlez-m'en un peu parce qu'on est en processus justement de travailler en collaboration avec le ministère. Parlez-m'en. Vous dites que la formation professionnelle en musique est extrêmement développée mais comporte des lacunes. Est-ce que vous pouvez m'en parler un peu plus, m'expliquer justement ces lacunes, celles auxquelles vous référez?

Mme Messier: Dans la formation professionnelle ou formation de base?

Mme Frulla-Hébert: Oui, j'aimerais ça qu'on parle à deux niveaux: formation professionnelle d'un côté et aussi, ensuite, vous parlez d'accessibilité de la formation générale au niveau de nos jeunes.

Mme Messier: Je pense qu'au Québec, au niveau de la formation professionnelle, on a un réseau extrêmement bien développé. Il se forme beaucoup d'artistes ou, en tout cas, de musiciens professionnels compétents; pas encore assez, malgré tout, parce que ce n'est qu'à partir d'une masse critique que les talents originaux ressortent. Je pense que ça, c'est un point qui a été beaucoup discuté et je pense d'ailleurs qu'il faut s'appuyer sur le travail qui a déjà été fait, en particulier par la FAMEQ, là-dessus. Le sommet sur l'éducation musicale a été fait. Il y a des recommandations qui ont été faites avec lesquelles on est parfaitement en accord au niveau de la formation professionnelle particulièrement.

Cependant, c'est plutôt au niveau de la formation fondamentale. J'y reviens. Et ça a été perçu par l'ensemble des organismes musicaux comme étant le gros problème actuellement. On pense sérieusement que l'accessibilité aux arts, la véritable démocratisation ne passe que par la

présentation au plus grand nombre, le contact réel du plus grand nombre avec les arts. C'est la seule façon. Comment voulez-vous? Il y en a qui disent que c'est un choix culturel. Par exemple, les jeunes n'écoutent qu'une seule sorte de musique par choix culturel. Moi, je n'y crois pas, à ça. Ce n'est pas par choix culturel. Ils ignorent même l'existence d'une autre sorte de musique. Je veux dire, c'est une question de choix réel. Si on veut qu'il y ait un choix réel qui se fasse, il faut qu'il y ait une connaissance des choix possibles.

Mme Frulla-Hébert: Voilà.

Mme Messier: Et je pense que la question, elle est là. Et nous, on insiste énormément là-dessus. Le rôle du ministère des Affaires culturelles avec une politique culturelle, c'est de devenir puissant, pas seulement en tant que ministère, on ne veut pas que le ministère grossisse, on veut que le ministère soit puissant, ce qui est complètement différent. On veut que le ministère soit capable d'imposer, enfin de proposer et de mettre en oeuvre une politique culturelle qui sera visible dans tous les ministères et principalement au ministère de l'Éducation. Je pense que c'est là le rôle fondamental d'une véritable politique culturelle.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau, encore là, de cette accessibilité chez nos jeunes, vous savez qu'en éducation, le problème que l'on rencontre, ce sont les structures, hein? Bon, structures: syndicalisation qui fait que, bon, les cadres de travail sont très rigides, donc une très, très grande rigidité, et cette rigidité-là, bien souvent, passe outre la volonté de plusieurs. Parce que, quand on s'asseoit, tout le monde dit: Oui, on est d'accord, ou: II faudrait... mais, pour le transport, finalement, il y a un problème et, justement, dans les heures de travail, les quarts de travail, il y a un problème. Comment on fait pour pratiquer ça vraiment sur le terrain? Parce qu'il y a beaucoup d'indépendance au niveau des commissions scolaires, par exemple, même par rapport au ministère de l'Éducation. C'est un réseau qui fonctionne, mais de façon assez indépendante. Alors, comment on fait sur le terrain?

Mme Messier: Je pense qu'il faut travailler avec une idée de partenariat le plus possible, c'est ce qu'il faut développer. Partenariat entre les ministères mais partenariat entre les commissions scolaires et les organismes en place. Et c'est là que le rôle des organismes culturels en région, par exemple, est fondamental. Comment voulez-vous que des classes d'une région qui n'est ni de Montréal ni Québec soient en contact avec la musique professionnelle s'il ne se passe rien dans leur secteur? S'il n'y en a pas, d'orchestre, dans leur région?

Alors, je pense qu'il va falloir développer une relation entre les organismes en région, à Montréal, à Québec et les commissions scolaires. On ne parle pas du court terme, évidemment. Mais une politique culturelle, ce n'est pas du court terme, c'est du long terme. Et c'est là-dessus qu'il faut travailler. Par exemple, si on pense à la sensibilisation à l'environnement, qui maintenant fait partie des sensibilités des écoles, je pense qu'il faut faire le même travail, mais au niveau des arts. Et c'est un travail de persuasion, un travail à long terme, mais qui va donner les fruits qu'on voit. Par exemple, les enfants sont très sensibles à l'environnement, maintenant. Il faut faire la même chose avec les arts; c'est de la même façon, il faut le voir de cette façon-là, le partenariat avec les organismes en place.

Mme Frulla-Hébert: Je suis tout à fait d'accord parce que, finalement, le coercitif, bien souvent, ne fonctionne pas forcément et, dans notre domaine, je pense que ce serait même non seulement désavantageux, mais hasardeux de le faire. Vous parlez de démocratisation et de décentralisation en disant: Elles ne sont pas faites.

Je veux revenir à la décentralisation, par exemple. On en a parlé beaucoup; on a parlé beaucoup du rôle, aussi, au niveau des régions. Depuis le mois d'avril, d'ailleurs, nous sommes le ministère le plus décentralisé au gouvernement. Des enveloppes particulières sont données aux régions et elles gèrent ces enveloppes selon des objectifs, aussi, mais elles ont en main une certaine autonomie. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire en disant que la décentralisation n'est pas faite? On a augmenté notre réseau en termes de salles de spectacle, il y a quand même plusieurs orchestres symphoniques. On est rendus à quoi? 11 orchestres symphoniques, maintenant, qu'on subventionne à travers le Québec. Alors, parlez-moi un peu de ça.

Mme Messier: Effectivement, il y a un début, mais je pense que ce pourquoi on insiste là-dessus, c'est que, dans le rapport Arpin, on n'a pas senti cette volonté de confirmer ce début de décentralisation. Et, en plus, il faut bien le dire, la musique dite sérieuse, ce n'est pas uniquement un orchestre symphonique. L'orchestre symphonique doit être vu comme un départ, c'est là qu'il se fait le plus de concerts, mais il doit être perçu comme un noyau. Des expériences extrêmement intéressantes ont été faites dans certaines régions. Je pense au Saguenay-Lac-Saint-Jean où l'orchestre symphonique a généré un orchestre de chambre, un quatuor à cordes, où il y a une prolifération qui s'est faite à partir d'un organisme central.

Je pense que c'est un exemple à suivre. La musique, ce n'est pas seulement une forme musicale. C'est comme si je vous disais qu'à partir de maintenant le cinéma sera développé et

qu'on va présenter une seule sorte de cinéma à travers le Québec. Vous allez dire: Quand même, il ne faut pas exagérer! Je pense qu'il faut offrir un petit peu plus de diversité. La décentralisation, c'est ça. Il faut qu'il y ait différents types de musique dans toutes les régions, je pense que c'est dans ce sens-là.

Mme Frulla-Hébert: Bon. Là-dessus, je veux revenir avec une dernière question. Le Festival de musique nouvelle, par exemple, qui a lieu à Trois-Rivières. À un moment donné, il y a...

Des voix: À Victoriaville.

Mme Frulla-Hébert: À Victoriaville, plutôt, oui. Il y a certains groupes qui disent: Bon, eh bien, nous, c'est notre événement et nous voulons créer cet événement-là, qui est un événement unique. Évidemment, il y a d'autres formations qui décident, elles aussi, d'avoir des festivals de musique nouvelle. Il y a toujours cette compétition-là en disant: Nous sommes les premiers, les instigateurs de cette initiative, et on devrait nous aider, nous, pour justement le développer et être le leader, le défenseur de cette musique, et uniquement nous. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Messier: Si je vous comprends bien, Mme la ministre, ce dont vous nous parlez, en fait, c'est du problème du saupoudrage.

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'un certain... Parce qu'il y a aussi une version différente qui dit: Bien oui, il faudrait quand même aider tout le monde.

Mme Messier: II faut être conscient qu'à cette étape-ci de notre histoire culturelle, avec les budgets dont nous disposons, dont la culture et les arts disposent, il n'y a personne qui gagne à cette politique-là. Nous, on est des fervents défenseurs de ia consolidation des organismes en place pour le moment. C'est comme ça qu'on pense. Il faut qu'il y ait du développement de sorte que, après ça, les initiatives vont pouvoir se développer dans un contexte où il y aura plusieurs organismes forts. Le problème, c'est qu'on est plusieurs. Il y a plusieurs organismes à se partager une tarte dont les portions sont de plus en plus petites, car la tarte demeure la même. Alors, ça, c'est complètement ridicule. Ça va donner quoi au bout de la ligne, de remplacer des nouveaux organismes aussi faibles à la longue? On remplace des faibles par des faibles. Et ça, ça n'a aucun sens. À un moment donné, il faut s'arrêter, ne serait-ce que pour un temps, pour consolider ce qui est en place. Et ça, c'est une position très claire de notre association.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mesdames, vous parlez du rôle et des responsabilités de Radio-Québec. Très souvent, Radio-Québec apparaît à notre écran, pour faire une figure. Vous en parlez au chapitre de la promotion des manifestations culturelles et de la sensibilisation de la population à la culture. Et vous déplorez le peu de place qui est consacrée à la culture dans la grille horaire de Radio-Québec. Alors, la question que je vais vous poser est vraiment très simple, c'est: Comment Radio-Québec peut-elle améliorer ses efforts, particulièrement à l'égard des réalités culturelles et des réalités culturelles régionales? Il y a le Québec des régions, il n'y a pas juste une capitale et une métropole.

Mme Messier: Première des choses, j'aimerais amener un point qui n'est peut-être pas pris en perspective très souvent. Les émissions culturelles sont retirées de l'écran bien souvent parce que, selon les critères habituels, elle n'attirent pas plus qu'un point de cote d'écoute. Mais je ne sais pas si vous vous rendez compte que, pour nous, un point de cote d'écoute représente les efforts de l'ensemble de tous les organismes pour essayer de rejoindre un certain nombre de personnes. L'espèce de balance qu'il y a entre: Ça rejoint juste 150 000 personnes... Juste 150 000 personnes, pour nous, c'est absolument fabuleux ce chiffre-là. Et quand vient le temps de faire l'analyse et le retrait de ces émissions, on trouve que cet aspect, le nombre de personnes réelles touchées, n'est pas suffisamment pris en cause. Je pense que ma collègue est encore mieux placée pour parler au niveau de la décentralisation.

Mme Girard: En fait, vous nous demandez: Qu'est-ce qui ferait que Radio-Québec pourrait poursuivre son mandat? Elle a déjà à coeur de faire du travail au niveau culturel, mais il y a toujours l'impératif de la publicité qu'on doit aller chercher. On sait bien que les émissions culturelles n'ont pas un large public et, par conséquent, ne vont pas chercher les commanditaires. Alors, il y a vraiment un problème de financement et de volonté politique de donner à Radio-Québec les moyens de remplir son mandat. En fait, on n'a pas à s'étendre tellement là-dessus parce qu'on n'est pas de Radio-Québec; ils sauront bien se défendre eux-mêmes. Mais c'est que, pour nous, c'est un moyen de diffusion important. On parle de Radio-Québec parce que c'est notre télévision.

M. Boulerice: Vous avez raison, Mme Girard et Mme Messier, quant à l'obsession de la cote d'écoute. Combien de gens sont allés à l'opéra au Québec? Ça représente quelle proportion de la population québécoise? C'est probablement 0,001 % et cela ne nous empêche pas de subventionner l'Opéra de Montréal et l'Opéra de Québec. Alors, l'argument que la cote d'écoute

est basse, je trouve que c'est un peu fallacieux. L'argument que la cote d'écoute est basse pour saccager, dans une autre radio, qui est Radio-Canada, que l'on paie avec nos impôts, enlever une émission aussi intéressante que "Au gré de la fantaisie", je trouve ça un peu dramatique. (11 heures)

Mme Messier: Je pense qu'il y a toute une attitude vis-à-vis des émissions culturelles en général. Il y a un courant très fort qui dit: De toute façon, ça n'améliore pas la fréquentation et ça n'améliore pas la qualité de ce qui se passe dans le milieu culturel. Je suis complètement en désaccord avec ça. Je pense qu'il faut essayer de rejoindre les gens de toutes les façons possibles et avec toute la volonté possible. Si les arts avaient le quart de l'exposition que, par exemple, le milieu politique a a la télévision, je pense qu'on aurait déjà une immense exposition. Et aussi, on ne se pose jamais la question: Est-ce que les émissions qui portent sur le politique changent quelque chose à la qualité de ce qui se passe au niveau du politique? On ne met pas ça en cause. Par contre, quand on arrive dans le milieu culturel, là, il faudrait le faire. Je pense que c'est une adéquation qu'il n'est pas nécessaire de faire, absolument pas.

M. Boulerice: Je trouve intéressant l'échange qu'on a. Je vais vous poser une question, à laquelle j'en ai rattaché une autre. Bon, on a parlé de Radio-Québec. Je ne sais pas si vous partagez notre point de vue. Nous, nous sommes partisans, pour ce qui est de ma formation politique, de la création d'un ministère des arts, de la culture et des communications, à savoir que la radiotélédiffusion nationale au Québec relève du ministère de la culture. Bon, il peut y avoir des instances juridiques, un contrôle du Parlement pour s'assurer, etc., mais la radiotélévision nationale a comme mandat premier de promouvoir la culture québécoise. Mandat premier. Elle va promouvoir celle des autres, il va de soi, nous ne sommes pas chauvins comme certains voisins que nous avons. Est-ce que vous croyez que ça serait une certaine forme d'aide au niveau de l'éducation musicale et également - comment je pourrais dire? - de la création de nouveaux publics?

Regardons. Il y a un instrument merveilleux qui existe en France: la radio nationale a développé un secteur particulier et qui fait avancer, qui est France-Musique.

Mme Messier: Très honnêtement, M. Boulerice, je pense que le problème n'est pas tellement un problème de structures. L'influence du ministère des Affaires culturelles n'est pas conditionnelle à avoir sous son giron telle ou telle partie. L'influence du ministère des Affaires culturelles ne sera pas plus grande s'il intègre le ministère de l'Éducation, par exemple.

Je pense que c'est un peu la même chose en communications. Notre rôle à nous, ce n'est pas d'inventer des structures, surtout au niveau gouvernemental. Je pense que c'est le travail de ceux dont c'est la charge. Nous, ce qu'on pense, ce qui est important, c'est la volonté de rendre les arts et la culture présents partout, indépendamment de la structure. Et ça, cette volonté-là ne va être réelle qu'à partir du moment où le politique, jusqu'à son plus haut niveau, considérera cela comme fondamental et l'indiquera très clairement.

Je ne crois pas que le problème de Radio-Québec à ce niveau-là soit vraiment uniquement un problème de structures: si la télévision relève du ministère des Affaires culturelles ou du ministère des Communications. Je pense que c'est plutôt dans les liens, et le rôle, et la puissance d'un ministère des Affaires culturelles. Là-dessus, on ne s'est pas posé la question au niveau de la structure; nous, on s'occupe de musique, et principalement de musique en salle.

M. Boulerice: D'accord, merci. M. le Président, ma collègue, députée de Marie-Victorin, qui est fort préoccupée par le sujet là, aimerait intervenir.

Le Président (M. Gobé): Oui, madame, il reste quelques minutes.

Mme Vermette: Merci. Alors, justement, dans ce sens-là, en fait au niveau de la diffusion de la culture partout où on peut rendre ça possible, moi, je voudrais revenir au niveau de l'éducation, et notamment dans nos écoles primaires. Il semblerait, en tous cas, qu'il y ait un sérieux problème à ce niveau-là parce que, lorsqu'on a des coupures... parce que c'est en fonction du ratio élèves-professeur; quand il manque d'élèves, on coupe. Et les premiers secteurs qui sont coupés, ce sont justement les arts, notamment la musique et les arts visuels.

J'aimerais ça que vous nous parliez là-dessus, à savoir les méfaits que ça pourrait avoir ou les conséquences par rapport à vos objectifs de diffusion et d'aimer l'art.

Mme Girard: Bien, c'est essentiel pour nous, comme on l'a mentionné tout à l'heure. Le Québec nous donne la chance de former d'excellents musiciens. On a une structure en place, professionnelle, absolument remarquable. Mais, d'autre part, on ne forme pas le public. Et, pour nous, former le public, ça commence à la petite enfance. D'ailleurs, il y a des études qui ont été faites et c'est dès que les enfants sont très jeunes qu'ils vont être influencés par ce qu'ils vont voir et ce qu'ils vont entendre. Alors, c'est une question de cohérence. Si le Québec nous donne la possibilité de produire ou de mettre sur le marché d'excellents musiciens, il faut bien aussi qu'on puisse avoir un public. Et le public, nous, on pense que c'est là qu'on va le former.

Mme Messier: C'est une question, en fait, de véritable démocratie. Si on veut que la culture soit accessible à tous, il faut vraiment le faire. Et il faut faire attention. La musique, à l'école primaire, pour nous - et ça, c'est un point qui n'a pas vraiment été touché - ce n'est pas seulement enseigner les rudiments d'un langage musical ou artistique, c'est vraiment être en contact avec cette musique-là, avec les professionnels. Ce n'est pas en voyant, en entendant une classe de flûte uniquement qu'on va s'intéresser à la musique. C'est, à un moment donné, que toute une classe aille entendre un orchestre symphonique et qu'il y en ait trois dans la classe qui soient profondément marqués pour le reste de leurs jours par cette audition-là. Et c'est la passion des artistes qui se communique par la parole et qui se communique par le langage musical, le langage artistique. Et ça, c'est inestimable, et il n'y a pas un cours, aussi bien fait soit-il, qui va jamais remplacer le langage artistique lui-même. C'est avec ce langage-là qu'il faut mettre les jeunes en contact le plus rapidement possible.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.

Mme Vermette: Je voulais juste dire une chose...

Le Président (M. Gobé): Oui, en conclusion, Mme la députée.

Mme Vermette: En fait, je me souviens, pour y avoir participé au moment où j'étais sur les comités d'école, qu'on avait mis sur pied un orchestre avec des jeunes et, au son, on avait pu produire la "Symphonie des jouets". Et je me souviens que ces enfants-là, la plupart des enfants, c'étaient des enfants qui avaient des troubles de comportement, et nous avions tous récupéré ces enfants-là par cette approche musicale.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée.

Mme Vermette: Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, le mot de remerciement, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: S'il vous plaît. Mme Girard et Mme Messier, je pense qu'on partage vraiment beaucoup de points en commun et beaucoup d'opinions au niveau de la formation, au niveau de l'accessibilité. Et quand vous dites "l'influence", effectivement, nous, on veut changer justement pour essayer de déstructurer, malgré que, bon, c'est beaucoup plus l'apparence et la perception de ce qui existe vraiment, mais encore une fois alléger, rafraîchir tout ça. Et ce n'est pas d'ajouter non plus des structures, mais d'avoir un rôle de conscientisation profonde. Alors, je vous remercie énormément de votre apport ici, à la commission.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci Mme Girard, Mme Messier. Il me fait plaisir de vous remercier d'être venues nous rencontrer. Et je demanderais maintenant, sans plus attendre, au prochain groupe de bien vouloir venir prendre place, soit les représentants de la ville de Bourcherville.

Nous allons donc continuer sans plus tarder, car nous avons un peu de retard à cette commission. Si je comprends bien, la ville de Boucher-ville est représentée par M. Jean-Pierre Morin, conseiller municipal - bonjour, M. Morin - et par M. Ghislain Girard, directeur du service récréatif et communautaire. Bonjour, M. Girard. Alors, sans attendre, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez une quinzaine de minutes pour ce faire.

Ville de Boucherville

M. Morin (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, merci tout d'abord de nous entendre suite à la consultation que vous faites sur la politique de développement culturel pour le Québec. La ville de Boucherville est une municipalité de la banlieue de Montréal qui a environ 35 000 habitants et qui a connu un essor important depuis 25 ans. La ville de Bourcherville est déjà, depuis de nombreuses années, impliquée dans la promotion de la culture, tout probablement et tout premièrement par la bibliothèque, qui fête cette année son 25e anniversaire, la bibliothèque de Boucherville, qui est une des plus fréquentées dans les bibliothèques publiques de la province de Québec et qui a reçu, dans les dernières années, un support sérieux et dont nous avons pris avantage au niveau de la subvention pour l'achat de livres.

La ville de Boucherville a également un patrimoine bâti important et a pu, à même le patrimoine bâti, développer une culture patrimoniale importante. Ce sont les deux pôles importants de la ville de Boucherville depuis de nombreuses années.

Toutefois, cela ne répondait pas à l'ensemble des besoins de la population, et nous nous sommes penchés, en 1990, sur une politique cohérente, au niveau municipal, de développement culturel. Nous avons procédé à une vaste consultation auprès des organismes culturels oeuvrant tant au niveau du bénévolat que du semi-professionnel ou du professionnel. Nous avons consulté l'ensemble de la population pour pondre une politique de développement culturel qui englobe tous les champs de la pratique culturelle, tant au niveau pratique d'activités, fêtes, produits d'événements culturels, création artistique, diffusion

culturelle que développement patrimonial. Nous sommes en train de mettre en place des organismes de promotion du développement culturel par la mise en place d'une société d'organismes culturels accrédités, qui s'adresse particulièrement aux gens qui pratiquent l'activité, ainsi que d'élaborer un conseil des arts et de la culture formé essentiellement de professionnels de la culture qui nous aidera, la ville de Boucherville, à développer notre culture d'une façon plus poussée et plus pointue.

Nous avons également mis de l'avant un programme d'intégration de l'art à l'architecture et, cet après-midi, nous dévoilerons la première étape de cette politique puisqu'une oeuvre sera inaugurée cet après-midi dans la bibliothèque de Boucherville. Nous avons aussi entrepris la création d'un écomusée avec nos gens du patrimoine et cela est bien enclenché. Donc, Boucherville est, je pense, bien active au niveau culturel et elle est d'ailleurs membre de la table sectorielle de la culture du Regroupement québécois du loisir et membre du mouvement Les Arts et la Ville qui regroupe au moins sept municipalités du Québec, dont Boucherville est la plus petite municipalité mais non la moins active.

La ville de Boucherville pense qu'il est essentiel que, dans toute politique de développement culturel national, on pense à l'apport de la municipalité dans ce développement. En effet, le gouvernement municipal est celui qui est le plus près des citoyens, qui est le plus en mesure de répondre ou d'écouter tout au moins les attentes et de tenter d'y répondre. Le sentiment d'appartenance à une municipalité se fera par le développement culturel et nous avons donc mis de l'avant, nous, cette politique-là et voulons y travailler d'une façon précise. Nous croyons donc que la municipalité doit être un partenaire du ministère des Affaires culturelles et du gouvernement pour le développement de la culture sur le territoire du Québec.

Les objectifs de l'intervention municipale... Et j'entendais tantôt des questions qui étaient posées, tant à nos prédécesseurs, du Mouvement Québec français, qu'au groupe des organismes musicaux, sur la formation et l'accessibilité aux produits culturels. Nous pensons, quant à nous, que la municipalité, de par sa mission, est d'abord et avant tout le premier interlocuteur à ce niveau-là. En effet, nous assumons les jeunes après les heures de classe. Vous savez que les heures de classe sont de plus en plus limitées et que les parents sont absents, mais, en dehors de ces heures de classe, nous offrons aux jeunes des programmes accessibles tant au niveau culturel que sportif. Nous croyons que, par la pratique d'activités culturelles, par le contact de groupes culturels, nous pourrons donc mettre les jeunes en contact et permettre à ce moment-là de développer une certaine accessibilité et une qualité. Ça nous amène donc à favoriser l'accessibilité à ces produits par différentes activités que l'on met de l'avant. Nous supportons les groupes qui existent à Boucherville et nous invitons d'autres groupes à se former pour faire de la pratique d'événements culturels.

Nous tentons également d'impliquer les créateurs et les professionnels en leur fournissant des lieux d'exposition, que ce soit à notre centre culturel ou à notre maison Louis-H.-LaFontaine qui est le centre de diffusion de l'art qui existe.

Pour atteindre les objectifs de la ville de Boucherville et de toute municipalité, qui, comme nous le disions, commencent par le premier contact avec les activités, la pratique de disciplines, nous avons donc mis ces objectifs-là en perspective: donc, un contact par la pratique d'activités, un soutien aux organismes qui veulent promouvoir des fêtes et des activités de ce type-là, une accessibilité aux produits d'événements culturels et, dans ce sens-là, nous tentons, par nos propres services qui existent, de promouvoir des activités et des spectacles de qualité car c'est par la qualité, je pense, qu'on attirera les jeunes ou les gens en général à la pratique culturelle.

Un exemple personnel si vous voulez. J'ai des jeunes enfants qui sont des jeunes adolescents comme les autres jeunes adolescents, mais, quand on les met en contact avec des produits culturels de qualité, je pense qu'ils embarquent. Je n'ai qu'à penser à mon fils, le plus vieux, qui est allé voir, l'été dernier, "Les Misérables" et qui en est revenu ébahi. J'ai d'autres de mes enfants qui veulent aller voir des spectacles du type "Le Fantôme de l'Opéra". Je pense que c'est par des productions de qualité que l'on doit attirer les jeunes. Mais ce n'est pas seulement la production de qualité qui amènera la sensibilisation, la conscientisation de la population à la culture, mais le contact. Alors, tout le paramètre, tous les éléments de la culture doivent donc être pris en considération et, dans ce sens, le rapport Arpin est globalisant et essaie de toucher tous les domaines.

Toutefois, nous sommes conscients ou nous sommes plutôt inquiets du fait que la partie concernant l'apport municipal ne soit pas tellement élaborée dans le rapport Arpin et nous vous sensibilisons donc, par notre démarche aujourd'hui, à cet apport municipal qui doit être important. Nous sommes aussi d'opinion qu'il faut éliminer la barrière élitiste et populaire dans le développement culturel. C'est bien sûr que des enveloppes doivent être attachées à chacun des postes pour permettre que chaque sphère de l'activité culturelle puisse se développer, mais il ne faut pas en oublier d'autres au détriment des premières. L'activité culturelle n'est pas différente d'autres activités qui existent. Il y a autant de formation, de recherche et de développement des produits de consommation et de haute technologie au niveau culturel, et tous ces

domaines doivent donc avoir une réponse et être intégrés dans une politique de développement culturel tant au niveau municipal qu'au niveau national. (11 h 15)

Un autre point qui nous semble fort important, c'est qu'effectivement une municipalité telle que la nôtre, de 35 000 habitants, ne peut vouloir faire toutes les activités culturelles qui peuvent exister sur un vaste échantillonnage et elle doit donc développer son propre créneau d'activités. Dans ce sens, elle doit s'associer avec les municipalités de sa région pour pouvoir ensemble échanger et établir des réseaux de communication et des réseaux de diffusion de la culture. Sans de tels réseaux et sans une certaine concertation régionale, la politique de développement culturel d'une municipalité ou du gouvernement ne pourrait, je pense, arriver à bon port.

Donc, nous croyons que, par des activités régionales, nous pourrons faire la promotion de nos artistes locaux. Nous pourrons engager des artistes de la relève de notre milieu et des milieux différents du Québec, augmenter, par des expositions itinérantes, le contact des citoyens auprès des oeuvres d'art et promouvoir la présentation de spectacles et autres activités du même genre. Il ne faut pas non plus oublier le partenariat que nous tentons et que nous essayons de développer avec le milieu des affaires. Ce milieu nous semble à l'heure actuelle réfractaire, mais je pense qu'avec le temps nous pourrons nous allier nos investisseurs et nos développeurs de Boucherville pour promouvoir la culture qui est un bien essentiel et qui est une nécessité de la vie, aussi bien que les autres nécessités de la vie qui existent.

Nous sommes d'accord avec le rapport Arpin quand il parle des pôles de développement Montréal-Québec. C'est naturel, c'est essentiel pour que la culture qui s'internationalise puisse s'épanouir d'une façon claire. Nous croyons toutefois qu'une municipalité telle que Boucher-ville, qui est dans la couronne de Montréal, et d'autres municipalités telles que, par exemple, Lachine, Laval, Longueuil, qui sont membres, pour plusieurs d'entre elles toutefois, du mouvement Les Arts et la Ville, ont droit à une politique culturelle, ont droit à une activité culturelle, ont droit à ce que les gens de leur milieu puissent recevoir des promotions culturelles et de qualité auxquelles ils ont droit. Nous ne voulons pas, dans ce sens-là, être défavorisés de l'appui gouvernemental mais avoir droit, nous aussi, à ce qui nous revient.

Le Président (M. Gobé): M. Morin, je vous demanderais de bien vouloir conclure...

M. Morin (Jean-Pierre): Nous y étions...

Le Président (M. Gobé): ...car c'est là tout le temps qui...

M. Morin (Jean-Pierre): La culture doit donc être, selon nous, ancrée localement et ne doit pas être pensée autrement. Toute politique culturelle se veut donc l'âme de la culture régionale et il nous faut, je pense, développer ensemble, tant au niveau national qu'au niveau local et régional, un partenariat pour mettre en place les infrastructures nécessaires au développement de la culture. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le conseiller municipal. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Morin. Bienvenue, M. Girard. Je pense qu'il faut le dire, Boucherville est une de nos villes, une de nos municipalités modèles en termes de développement culturel, d'une part, et, deuxièmement aussi, en termes de volonté pour justement promouvoir ce développement-là.

M. Boulerice: ...un ancien député de Boucherville ici.

Mme Frulla-Hébert: Pardon?

M. Boulerice: Un des anciens députés de Boucherville est ici. Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Ah, bien oui, c'est vrai, c'est vrai. Et le docteur va certainement être d'accord avec nous. Il y a des faits intéressants et, avant de passer la parole à mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe... Ce 1 % d'intégration à l'architecture, on essaie justement de sensibiliser les municipalités à ce que ça se fasse mais de façon beaucoup plus systématique. Alors, comment avez-vous fait pour implanter ça? Est-ce que c'est une décision que vous avez prise au niveau du conseil?

M. Morin (Jean-Pierre): Cela fait suite au processus de développement de notre politique de développement culturel et c'est l'un de nos volets, l'intégration de l'art public dans nos investissements. Nous sommes actuellement dans une période de restrictions budgétaires importantes, mais nous avons convaincu, suite à cette vaste consultation que nous avons eue auprès de la population, les membres du conseil de ville d'attribuer 1 % de tout investissement. Nous avons, comme je le disais tantôt, inauguré ou nous inaugurerons cet après-midi une première dans la bibliothèque. Nous n'avons pas encore coulé dans un règlement municipal cette politique du 1 % parce que nous tentons à l'heure actuelle de le vivre sur le terrain. C'était bien facile de mettre un règlement qui aurait dit: Nous procéderons de telle ou telle façon. Mais nous pensons que d'avoir essayé avec des artistes locaux qui

nous ont été référés par les regroupements régionaux d'artistes sur le comité de sélection, nous avons donc fait une première et cette première-là se continuera incessamment pour notre programme d'activités d'implantation d'équipements sportifs et des parcs. Nous pensons qu'avec ces deux exemples nous serons en mesure de montrer à la population et de montrer à nos conseillers municipaux, qui sont peut-être des fois un peu moins portés sur la chose, que c'est un plus pour la collectivité et, à ce moment-là, on s'enclenchera de plus en plus pour développer. Je pense que, par cet exemple, nous aurons une politique de 1 % qui deviendra de plus en plus grande.

M. le directeur me parlait ce matin des prévisions budgétaires que nous allons déposer au niveau du plan triennal d'immobilisation. Nous ne voulons pas maintenant en rester seulement à quelques bâtiments mais à toute immobilisation de la ville. Même qu'on parie de rue, même qu'on parle d'égouts, c'est des investissements et des immobilisations. Nous croyons que le 1 %, qui n'est pas un gros pourcentage quand même compte tenu des contingences, des frais d'ingénieurs, etc., peut passer d'une façon intéressante.

Mme Frulla-Hébert: C'est extraordinaire, M. Morin. Je vais passer la parole au président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste à peu près cinq minutes.

M. Messier: Merci, M. le Président. À peu près cinq minutes, oui. Si je fais un rapide résumé de votre mémoire, je pense qu'au niveau de la coordination et de la maîtrise d'oeuvre les diverses interventions culturelles sur le territoire relèvent du municipal ou de votre municipalité. Je devrais même dire: Heureux le député de Bertrand - peut-être de Marguerite-d'Youville un de ces jours, on ne sait jamais avec les modifications - d'avoir une municipalité aussi dynamique, avec une vision peut-être systématique ou globale du monde culturel!

Disons que si on revient à la responsabilité première de faire en sorte que les citoyens puissent exercer leur droit à la culture, vous insistez sur l'importance de reconnaître l'aspect socioculturel des activités et de favoriser avant tout la culture de masse pour rejoindre l'ensemble des usagers. Vous parlez aussi de concertation intermunicipale. Peut-être la première question que j'aimerais vous poser: Est-ce que vous avez conclu des ententes intermunicipales avec d'autres municipalités, MRC? Si oui, de quelle façon ça se fait? Sinon, de quelle façon vous allez l'envisager?

M. Morin (Jean-Pierre): Au niveau intermunicipal, nous n'avons pas de telle convention ou entente pour l'instant à cause d'un contexte bien particulier, parce que Boucherville fêtera l'année prochaine son 325e anniversaire et des efforts importants sont consacrés à cela.

Toutefois, étant membres du regroupement Les Arts et la Ville, nous avons été fort sensibilisés et avons sensibilisé les membres du conseil de ville à des échanges entre municipalités pour la production d'oeuvres locales. Nous avons actuellement, je pense, au niveau des Arts et la Ville, la ville de Laval et la ville de Sherbrooke qui s'échangent des troupes de diffusion, des troupes de théâtre ou de musique. Une troupe donc locale va dans l'autre municipalité, est reçue et est assumée. C'est un programme que nous tenterons de mettre en vigueur dès 1993.

M. Messier: En Montérégie, est-ce que vous avez cette même vue d'ensemble, avec d'autres municipalités de la Montérégie?

M. Morin (Jean-Pierre): II n'y a pas de choses précises. Comme je vous le dis, nous avons adopté une politique de développement culturel au mois de mai 1990. La ville de Lon-gueuil vient également d'adopter sa politique de développement culturel. Il n'y a pas d'ententes précises qui sont faites à ce niveau-là encore.

M. Messier: O.K. Toujours sur cette politique que vous avez mise en place depuis 1990, je vais poser une question à deux volets. La première: C'est quoi la société des organismes culturels accrédités et le conseil des arts et de la culture là?

M. Morin (Jean-Pierre): Effectivement, nous avons un rôle de support auprès de nos organismes qui font de la formation culturelle: écoles de danse, écoles de musique, écoles d'arts visuels, etc. Alors, nous voulons regrouper ces individus-là, ces organismes-là dans une société des organismes culturels accrédités qui sont des gens que nous accréditons. Nous allons au-delà aussi de ces simples organismes bénévoles. Nous allons aussi nous ouvrir à des organismes privés qui font de la diffusion ou qui font de la formation culturelle et nous les associons à une table de concertation pour développer ensemble des solutions à leurs problèmes qui, souvent, sont des problèmes similaires. Sans que ces gens puissent se consulter, ils ont les mêmes problèmes. Ils tentent de les régler chacun de leur façon. S'ils se mettaient ensemble, ils pourraient, à ce moment-là, je pense, développer davantage leur pratique. Donc, c'est la société des organismes culturels accrédités.

Le conseil des arts et de la culture, celui-là veut être formé de professionnels que nous allons consulter, la municipalité, dans nos grandes orientations d'achat pour la politique d'art public, pour tout le domaine de l'art, de la

diffusion et du support aux créateurs. Toutefois, ce conseil des arts et de la culture rencontre des problèmes au niveau de la formation car nous n'avons pas, à l'heure actuelle, de grille de références précises pour intégrer tel ou tel pratiquant, créateur dans le domaine des arts. Nous avons quelques grilles faites et nous collaborons d'ailleurs avec la ville de Laval à cet effet-là pour développer des grilles d'évaluation pour qu'un artiste soit un artiste vraiment reconnu et qu'il puisse avoir une certaine notoriété. Nous sommes en train de développer ces grilles-là pour pouvoir nous conseiller, les municipalités, pour que ces gens-là forment un conseil des arts et de la culture et nous donnent les recommandations nécessaires pour nous aider.

M. Messier: Mais, sur cette même question, est-ce que vous êtes associés avec le Conseil culturel de la Montérégie, avec Maude Céré?

M. Morin (Jean-Pierre): Nous sommes associés. Nous avons des échanges régulièrement. Ils assistent à nos différentes manifestations et nous assistons aussi à leurs différents colloques et réunions, effectivement.

M. Messier: O. K. Si on revient sur l'accréditation, l'accréditation va donner quoi pour chez vous, directement à la ville de Boucherville, au niveau des organismes?

M. Morin (Jean-Pierre): L'accréditation, pour nous, ça veut dire qu'un organisme accrédité est un organisme qui a 90 % de ses pratiquants qui sont de Boucherville et qui obtient un support de la ville au niveau technique-salles. Nous avons, à ce niveau-là, des ententes avec des commissions scolaires tant locales que régionales pour des échanges d'espaces, de locaux, etc., et ces organismes-là, à ce moment-là, ayant le support de la ville, peuvent obtenir une accessibilité gratuite ou presque à ces locaux. Les organismes autres accrédités sont les organismes qui sont dans le privé et auxquels nous ne donnons pas un support précis. Ce sont des organismes dont nous avons tout au moins vérifié les qualifications pour donner aux jeunes une formation et qui nous semblent répondre aux critères que nous nous sommes fixés - et c'est pour ça que nous les accréditons - où nous pouvons diriger, à ce moment-là, nos jeunes qui veulent pratiquer, qui veulent développer un art particulier. Par exemple, pour la pratique musicale poussée, nous les référons à ces organismes accrédités qui sont partenaires avec Boucherville du développement culturel.

M. Messier: O. K. En parlant des partenaires, vous avez fait, je pense, parvenir à la commission un schéma de l'ensemble des intervenants qui développent le milieu culturel avec la ville de Boucherville, mais on ne voit pas le ministère des Affaires culturelles. Quel est le lien? Je sais que la ville a reçu ou reçoit des subventions du ministère des Affaires culturelles pour le développement du patrimoine et sa bibliothèque. C'est quoi la relation...

M. Morin (Jean-Pierre): D'ailleurs, je l'ai mentionné au début.

M. Messier: Oui, c'est ça, vous l'avez mentionné. On ne le voit pas sur le schéma mais...

M. Morin (Jean-Pierre): Je l'ai mentionné parce que je pense que c'est un exemple important, parce que vous voyez qu'à Boucherville les secteurs forts au niveau culturel sont la bibliothèque. Le ministère, à un moment donné, avait une politique de construction ou de subvention à la construction de bibliothèques, alors nous avons saisi l'occasion, lorsque la subvention a été ouverte, et avons construit une bibliothèque et l'avons supportée. La même chose au niveau du patrimoine. Toute notre politique de patrimoine s'inspire et est en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles; et ce support et cette collaboration-là sont recherchés. Nous voudrions également que cette politique-là nous aide à construire nos infrastructures ou d'autres infrastructures importantes dans l'avenir.

M. Messier: Vous passez un message, là.

M. Girard (Ghislain): Excusez ma voix, mais, au niveau du ministère, il pourrait y avoir un effort de fait relativement, entre autres, aux salies de spectacle. La contrainte du 70 % de diffusion professionnelle dans un tel cas pourrait amener des problèmes. Je m'arrête là-dessus.

M. Messier: Mais sur les salles de spectacle, vous avez participé, suite au sommet économique biennal, a l'étude sur le potentiel des salles de spectacle en Montérégie? Non?

M. Morin (Jean-Pierre): Non.

M. Messier: Non. O. K. Ça va pour moi.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député, et le temps est écoulé. Donc, je passerai maintenant la parole à M. le député de Bertrand, mais, auparavant, étant donné que M. le député de Bertrand est notre hôte à cette commission, en vertu de l'article 132, je demanderais le consentement de l'ensemble des députés afin qu'il puisse prendre la parole. Est-ce qu'il y a un consentement?

M. Boulerice: Nous sommes adultes, donc nous sommes consentants.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Je pense que c'est devenu un peu une petite tradition à cette commission d'accueillir les députés régionaux lorsque les groupes de leur comté, ou circonscription, ou région viennent. C'est toujours avec plaisir qu'on les accueille. M. le député de Bertrand, vous avez la parole.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'aimerais, à mon tour, souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale à mes collègues de Bou-cherville. Je suis d'autant plus heureux que notre ville ait décidé de présenter un mémoire devant la commission parce que c'est un milieu qui est particulièrement effervescent et qui est particulièrement propice à l'élaboration d'une réflexion culturelle. (11 h 30)

J'aimerais simplement mentionner quelques groupes qui font la réputation culturelle de notre municipalité et qui sont en nomination pour des mérites particuliers, spécialement: la Chambre des artistes de Boucherville, le théâtre lyrique, l'école de danse que nous avons. Ces organismes reflètent bien le dynamisme culturel d'un milieu, il faut bien l'avouer également, assez privilégié par rapport au reste de la province et qui bénéficie d'une originalité et d'une initiative toutes particulières.

Votre mémoire est bref mais, à mon avis, il va au coeur du sujet. Vous soulevez la question du partenariat entre le ministère des Affaires culturelles et les municipalités quant à l'application concrète des programmes culturels, entre autres au niveau du financement. Vous soulevez également la question de la concertation régionale et, pour une municipalité comme la nôtre, c'est particulièrement important puisque nous ne sommes pas partie de la Communauté urbaine de Montréal ni de la Communauté urbaine de Québec et que, particulièrement, nous avons une dynamique de MRC qui est particulière.

J'ai deux questions à vous poser, essentiellement. À votre avis, comment concevez-vous le partenariat qui devrait s'établir entre le ministère des Affaires culturelles et les municipalités, principalement en matière de financement?

M. Morin (Jean-Pierre): Écoutez, je pense que nous ne nous ingérerons pas ou nous ne voudrions pas nous ingérer dans les différentes politiques que le ministère des Affaires culturelles voudrait mettre de l'avant. Ce que nous voulons voir, toutefois, c'est que le ministère des Affaires culturelles continue à promouvoir des programmes d'investissement dans des infrastructures importantes - c'est l'argument que je tentais de défendre tantôt - mettant à la disponibilité de l'ensemble des municipalités des programmes d'accessibilité et de construction d'infrastructures. Nous pensons que, lorsque ces infrastructures-là seront en place, nous pourrons développer davantage la culture.

Je revenais récemment d'un voyage en France où j'ai visité des municipalités de 5000 habitants, des municipalités de 2000 habitants et j'ai été étonné de l'ensemble des structures et des investissements qu'ils font au niveau culturel. Entre autres, on me dit qu'au niveau culturel, près de 5 % à 10 %, c'est même plus que ça, je pense que presque 20 % de leurs sommes d'argent, au niveau du budget municipal, sont axées sur la culture. Je leur ai demandé: Comment pouvez-vous investir tant lorsque vous avez d'autres chats à fouetter? On m'a dit: La décentralisation nous a amenés à cela. Alors je pense que, dans ce sens-là, les enveloppes doivent être réparties équitablement entre les différentes municipalités, offertes aux différentes municipalités qui sont prêtes à agir dans ce domaine et ne pas toujours y mettre le ticket modérateur de l'indice de la richesse collective parce que, dans un tel contexte, nous n'aurons aucune subvention de la part de nos autorités gouvernementales.

M. Beaulne: Je vous remercie, c'est un excellent commentaire sur le ticket modérateur en question puisque, évidemment, nous, ça nous touche particulièrement et, d'ailleurs, dans d'autres programmes également. Deuxième question. Étant donné que vous avez soulevé la question de la concertation régionale, comment percevez-vous la façon dont pourrait s'activer cette concertation régionale, mettons au niveau des MRC?

M. Morin (Jean-Pierre): Écoutez, la concertation régionale, à mon point de vue, c'est une concertation qui doit venir de la base et qui doit venir des élus. Et je vous dirai qu'au niveau de la concertation régionale notre expérience au niveau culturel veut que ce ne soit pas seulement avec les gens de notre milieu près ou de notre MRC. Je pense que les affinités vont se développer jusqu'à concurrence où les gens sont rendus dans une municipalité. Vous avez des municipalités, dans la MRC où nous agissons, qui ne sont pas préoccupées du tout par le culturel; nous avons d'autres municipalités qui ne sont pas de notre MRC et qui sont près de nous, dans le milieu géographique, qui y sont intéressées.

Nous devons, je pense, nous regrouper sur une base volontaire dans de telles activités et développer une synergie collective. Bien entendu, ce développement de cette synergie permettra à d'autres municipalités du voisinage de s'impliquer et peut-être, à un moment donné, arriver à la structure de la MRC ou d'arriver à d'autres structures d'un conseil régional des loisirs. Mais je pense qu'il faut revenir à la base et permettre aux élus municipaux ou aux municipalités de se réunir, suivant leurs affinités, surtout au niveau culturel.

M. Beaulne: Finalement, ma dernière

question, avant de passer la parole à notre porte-parole officiel, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et, soit dit en passant, je profite de votre passage ici pour lui signaler nos félicitations pour l'excellent travail qu'il mène et surtout pour la coordination qu'il effectue, comme vous pouvez le constater, avec ses collègues, lorsque nos concitoyens sont impliqués. Ma dernière question est assez directe. À la lumière des implications de la réforme Ryan, pensez-vous que les recommandations du rapport Arpin qui visent, entre autres, à impliquer davantage les municipalités dans les activités culturelles, soient réalistes?

M. Morin (Jean-Pierre): Je ne veux pas ici faire de la politique. Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que l'approche ayant été peut-être malhabile, l'approche de la loi 145 auprès des municipalités, ça va peut-être ralentir le développement culturel ou l'"assumation" par les municipalités de leur rôle. Les municipalités auront la réaction de dire: On va nous confier un champ pratique ou un champ d'activité, mais on ne nous donnera pas les moyens d'y répondre. D'autre part, la réforme Ryan nous impose, comme toutes les municipalités, un resserrement de nos budgets et nous amènera peut-être à une tarification accrue au niveau de notre pratique d'activités culturelles qui sera peut-être un élément dissuasif pour les gens qui veulent pratiquer les activités d'ordre culturel.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Bertrand, je vous remercie. Je vois, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre collègue... Non? L'ancien député de Boucherville.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je pensais que vous étiez revenu à...

M. Lazure: Je veux juste entendre d'autres fleurs venant de Mme la ministre.

Le Président (M. Gobé): Écoutez, docteur, lorsqu'on connaît votre expertise dans les milieux culturels, on ne peut pas s'empêcher de vouloir vous donner la parole. Mais étant donné que le porte-parole officiel est le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, lui aussi, est un grand connaisseur dans ce milieu-là, on va le laisser continuer l'intervention. Vous avez la parole, M. le député.

M. Boulerice: M. le conseiller, M. le directeur, grand connaisseur, je ne sais pas, mais grand connaissant de la ville de Boucherville, sans doute, puisque j'ai deux de vos anciens députés et l'actuel qui sont plus que des col- lègues, ce sont des amis personnels, et que, durant les 13 ans que j'ai travaillé à la commission scolaire régionale de Chambly, j'ai eu de très nombreux contacts avec les maires de Boucherville et j'ai été en mesure de me rendre compte de l'importance que la ville de Boucherville a toujours accordé à la culture. Même si vous me dites que vous êtes en train d'élaborer une politique, bien avant la politique, dans son sens de "texte", la ville de Boucherville a commencé à agir il y a fort longtemps. Donc, à partir de ce vécu personnel, je peux vous dire que - et c'est une blague que je fais à chacun des intervenants - dans le palmarès que nous sommes en train, veux veux pas, d'établir au sujet des municipalités lorsqu'elles se présentent, Boucherville cote très haut.

Vous avez parlé de la reconnaissance du développement régional. Oui, certes, Boucherville est une ville, une ville importante, une ville qui ne veut pas se laisser satelliser par rapport à Montréal, mais bien développer son identité propre, ce que le Joliettain d'origine va bien accueillir, puisque vous connaissez ma ville natale, 70 kilomètres de Montréal, mais on n'a jamais voulu être des banlieusards. Alors, on a cette fierté que, déjà, Boucherville développe. Donc, vous avez une appartenance à une région, une identification à une ville où il y a, d'ailleurs, un tissu historique assez fort. Et j'ai remarqué, quand vous avez parlé de reconnaissance du développement régional, que vous êtes allé un peu plus loin. Vous dites, finalement, en conclusion, que la survie de la culture dépend de l'union de trois niveaux d'intervention: le provincial, le régional et le municipal. Mais est-ce que je dois comprendre, par cet énoncé, que vous souscrivez au troisième axiome du rapport Arpin qui est capital, qui est: Le Québec doit avoir la pleine et entière juridiction de sa politique culturelle?

M. Morin (Jean-Pierre): Je pense effectivement que les intervenants qui sont le plus près de la population doivent être ceux qui répondent et, dans ce sens-là, je pense que l'action du gouvernement national, du gouvernement municipal ou du gouvernement et l'action régionale doivent être les premiers maîtres d'oeuvre. Que la culture soit pluri, multiculturelle, comme le disait la ministre plus tôt ce matin, ça, je pense que c'est, quant a nous, nécessaire et un acquis, mais je pense que cette maîtrise d'oeuvre doit d'abord être avant tout entre les mains de ceux qui la vivent d'une façon quotidienne. Et cela, c'est le gouvernement qui est le plus près de la population.

M. Boulerice: Je ne peux quand même pas m'empêcher de remarquer avec une grande satisfaction que vous n'avez pas parlé de gouvernement provincial, mais de gouvernement national.

M. Morin (Jean-Pierre): Je ne fais pas des... Il y a une Assemblée nationale, c'est le gouvernement national.

M. Boulerice: Je le sais bien. Non, mais à force de se dire qu'on est une province, on finit par avoir des comportements de provinciaux. Et je pense que ce n'est pas ce que la ville de Boucherville souhaite, vous connaissant trop intimement.

M. Morin (Jean-Pierre): Je vous dirai toutefois que les Arts et la Ville est un regroupement canadien et que nous y retrouvons beaucoup de richesses à côtoyer nos confrères des autres provinces. Et nous rencontrons là également les mêmes préoccupations que nous pouvons avoir. Nous avons, l'été dernier, des gens de la Colombie-Britannique qui s'ingéraient et qui s'élevaient contre le pouvoir centralisateur de Toronto dans notre organisme, et qui voulaient avoir leur reconnaissance de leur spécificité. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on peut échanger avec eux. Ils ont les mêmes problèmes que nous. Ils sont des Canadiens, nous sommes encore des Canadiens, nous pouvons échanger et développer, mais, encore là, au niveau d'organismes de base qui rejoignent les gens de la base. On ne peut pas s'isoler. Nous voulons également éventuellement nous ouvrir au niveau des Arts et la Ville, et les gens de Montréal sont allés à des colloques aux États-Unis. Le problème de la culture, c'est un problème qui a sa facette nationale, sa facette internationale, et nous ne voulons pas nous fermer sur aucune de ces facettes.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Oui, bien on peut quand même, en guise de conclusion, dire que votre ville, comme les autres villes et comme les représentants des régions, a la même trame: Oui, pour une politique nationale des arts et de la culture, mais, pour employer une phrase un peu familière, ceux qui savent ce qui est bon pour Boucherville sont les gens de Boucherville, ceux qui savent ce qui est bon pour la Montérégie sont les Montérégiens. Donc, tracer les grandes balises mais, quant à l'application, la gestion et également l'administration, c'est-à-dire les stratégies, nous sommes capables de nous organiser dans notre milieu. La concertation est déjà faite et nous pouvons aller de l'avant. C'est bien la trame de votre mémoire.

M. Morin (Jean-Pierre): Oui.

M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie, M. Morin, et je vous prierais de saluer M. le maire Aubertin de ma part.

M. Morin (Jean-Pierre): Ça me fera plaisir.

Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Morin, M. Girard. Vous parliez de la France et de l'implication de la France. Vous savez que, dans le système français, les départements, les sociétaires, enfin les gens des départements, les municipalités s'impliquent beaucoup et le gouvernement dit national s'implique à 30 % au niveau du développement. Donc, c'est remis beaucoup dans les mains, si on veut, justement de la population même.

Un autre point aussi, et je pense que c'est important, toute la question du loisir. Le loisir culturel, au moment où on se parle, a été remis, en 1977, au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ce qui fait qu'on ne s'occupe, nous, que du secteur professionnel. Je pense que c'est important de faire aussi la part des choses, spécialement au niveau des municipalités.

Ceci dit, la seule chose que vraiment j'ai à vous dire, pour les villes qui sont périphériques - moi, j'ai la responsabilité aussi, dans le comté de Marguerite-Bourgeoys, de LaSalle -c'est que vous faites de l'excellent travail. Effectivement, vous parlez d'un ticket modérateur versus... Hier, le maire de Mont-Laurier disait tout à fait l'inverse. C'est bien sûr que, dépendant des différents contextes, on prêche aussi pour sa paroisse. Mais chose certaine c'est que, et je reviens, vous êtes effectivement, malgré la richesse de votre population, etc., etc., un modèle à suivre.

Alors, félicitations encore, bonne chance pour cet après-midi. Et on va vous reparler aussi au niveau du 1 %, parce que c'est un programme qui m'intéresse au plus haut point.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. En terminant, peut-être pour ajouter à ce que vous disiez, il est vrai qu'en France la régionalisation qui s'est faite il y a une dizaine ou une quinzaine d'années a vu l'émergence de nouveaux organismes d'administration très décentralisés, qu'on appelle en particulier le conseil régional, qui a ses propres élus et qui a ses propres budgets, mais qui reçoit aussi des transferts de fonds de l'État central dans le domaine de la culture, enfin du service routier, etc., mais il faut quand même tenir compte que c'est un conseil régional. Prenons celui de Provence-Côte d'Azur; il y a presque 7 000 000 de résidents, c'est un peu plus que le Québec ou à peu près. On prend Île-de-France-Paris; on parle de près de 12 000 000. Alors, c'est des mini-provinces. Mais c'est pertinent, Mme la ministre, je trouve ça très intéressant que vous ayez fait ce parallèle entre les deux. Il y a peut-être un avenir au niveau de la décentralisa-

tion des administrations.

Je tiens à vous remercier au nom des membres de la commission. Vous saluerez votre maire de notre part, vos concitoyens aussi. Soyez assurés que nous avons pris bonne note de vos recommandations. Je vous remercie beaucoup.

Alors, j'invite le groupe suivant, soit les Services communautaires juifs de Montréal à bien vouloir venir prendre place, et je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps de ce faire.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

(Reprisée 11 h 51)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de cette table, nous allons maintenant reprendre nos audiences. Nous allons maintenant entendre les Services communautaires juifs de Montréal qui sont représentés par Mme Ruth Ballon, présidente du Conseil sur la culture. Mme Ballon?

Mme Ballon (Ruth): Mme Shnay va présenter le mémoire.

Une voix: C'est Mme Shnay qui va présenter le mémoire.

Le Président (M. Gobé): O.K. Allez-y, madame, alors.

Mme Ounsky-Shnay (Zipporah): Si vous permettez, M. Alexis Nouss va faire la présentation et vous pourrez poser les questions par la suite.

Services communautaires juifs de Montréal

M. Nouss (Alexis): Mme la ministre, distingués membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, c'est un honneur et un plaisir pour moi que d'être devant vous aujourd'hui, surtout au nom de la communauté juive de Montréal. Permettez-moi d'abord de vous présenter mes collègues. À ma droite, Mme Ruth Ballon, présidente du Conseil sur la culture des Services communautaires juifs de Montréal; à ma gauche, Mme Zipporah Dunsky-Shnay, directrice générale de la Bibliothèque publique juive; Mme Danielle Silverman, adjointe a la planification des Services communautaires juifs de Montréal, et, à ma droite, M. Jack Jedwab, directeur des relations culturelles au Congrès juif canadien, région de Québec. Quant à moi, mon nom est Alexis Nouss. Je suis professeur à l'Université de Montréal, écrivain et membre de cette communauté juive.

La communauté juive n'est pas une institution culturelle. Être Juif, cela ne veut pas dire appartenir à une ethnie, une religion, une langue ou même à une culture particulière; à une histoire peut-être. Les Juifs se définissent pourtant par leur culture ou plutôt leurs cultures, au pluriel, tout autant que par leur religion. Ce qui caractérise cette identité culturelle juive reflète d'une certaine manière la nature de la société québécoise, c'est-à-dire cette diversité culturelle tout à fait inégalée. À l'intérieur même de la communauté juive, la culture est un concept des plus diversifiés montrant un visage aux multiples composantes. Les institutions culturelles de la communauté juive de Montréal tentent à tout instant de refléter et de répondre à ces besoins variés.

Nous savons, par expérience, qu'il ne s'agit pas là d'une tâche facile. C'est cette diversité culturelle qui fait de nous et qui fait aussi de la société québécoise une communauté unique. Dans l'introduction au rapport Arpin, l'existence au Québec d'une société pluraliste et diversifiée est reconnue à plusieurs endroits. Il serait important de savoir que cette définition propose une réelle base d'action, qu'elle ne soit pas là pour la forme mais qu'elle constitue réellement une inspiration réelle pour le soutien aux programmes d'activités culturelles venant de groupes divers et participant au dynamisme de la culture québécoise.

Les Services communautaires juifs et le Congrès juif canadien reconnaissent que l'État a un certain rôle à jouer dans la promotion d'une culture, notamment devant une réalité multicul-turelle, car sinon c'est la porte ouverte au tribalisme. Mais, pour nous, les deux sont liés: intervention de l'État au niveau de la culture dans le cadre du multiculturalisme. Nous pensons également que les divers aspects de la culture peuvent et doivent être accessibles à tous, quels que soient leur origine ethnique, leur statut socio-économique, leur langue ou leur religion.

Il est également important d'ouvrir nos frontières et d'intégrer au devenir du Québec les produits culturels provenant de traditions différentes, car ceci représente bien la diversité de notre société pluraliste. On parle même, au-delà du multiculturalisme, d'interculturalisme, terme qui définit parfaitement la notion d'échange entre les cultures et sa nécessité.

Les objectifs que reconnaît le rapport Arpin: favoriser la création; assurer la stabilité et l'épanouissement des organismes culturels; accroître l'action internationale et développer et maintenir au Québec la compétence professionnelle, ce sont là des objectifs louables. Nous serions heureux de participer à leur élaboration étant entendu que les mécanismes mis en place et les groupes de travail établis permettent une représentativité maximale. Nous pensons qu'il est aussi essentiel de prendre en considération les besoins de toutes les organisations culturelles existantes au Québec, indépendamment de leur importance.

Le rapport Arpin est très circonspect dans

sa définition de la culture; avec raison, car il est impossible d'établir une définition précise d'un concept qui est en constante évolution, tout comme la société qui l'accueille. Dans la recherche d'une définition éventuelle, il est important de reconnaître les changements culturels opérant au Québec et influencés par des apports venus de l'extérieur comme de l'intérieur. Il ne suffit donc pas de reconnaître l'importance du rôle des délégations du Québec à l'étranger, mais aussi d'ouvrir ses portes aux missions culturelles venant d'autres pays, d'autres cultures, d'autres langues.

Enfin, le rapport Arpin n'a pas su, à nos yeux, démontrer qu'il y avait un avantage certain à rattacher fermement une politique culturelle à une intervention étatique.

Une brève allusion est faite dans la conclusion du rapport Arpin à une "société malade de sa culture". Je cite: "Le temps est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de l'État et l'action culturelle qui enrichit le Québec, comme une valeur primordiale et civilisatrice au sein d'une société malade de sa culture."

Cela nous paraît comme étant une vision bien injuste de la société québécoise et, en tout cas, une vision qui demande des explications, au moins un éclaircissement. Nous sommes, sur ce point, à la fois plus optimistes et plus pessimistes que le rapport Arpin: plus optimistes car nous pouvons témoigner, en tant que membres de la communauté culturelle québécoise, de sa vitalité et de son rayonnement; plus pessimistes ou du moins inquiets devant la métaphore utilisée, car qui dit "maladie" dit "guérison" et les thérapies sont parfois dangereuses.

Par ailleurs, le rapport Arpin reconnaît que la responsabilité en matière de culture déborde sur plusieurs ministères. Aucune mention n'est faite cependant du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. De la même manière, les recommandations du comité ne reflètent pas suffisamment la présence des communautés culturelles. Les recommandations, bien que nombreuses, demeurent très générales dans leur forme et dans les fonctions qu'elles proposent. Plus spécifiquement, l'apport des communautés culturelles à la vie culturelle québécoise pourrait être renforcé par des efforts plus substantiels et qui aideraient sans doute à transmettre plus habilement, plus efficacement l'expression culturelle des Québécois d'origines diverses. Il va de soi que nous endossons pleinement la nécessité de promouvoir au sein de la société québécoise des programmes d'échanges interculturels, seule façon d'assurer l'harmonie entre les différentes composantes de notre société.

Le Québec est présentement confronté à des changements très importants. Au fil des années, il s'est transformé en une société beaucoup plus diversifiée culturellement. La mise en commun de cette diversité, de nos caractéristiques culturelles et des valeurs que nous partageons aidera à façonner la société québécoise de demain: la société québécoise et sa culture, la société québécoise et ses cultures.

Mme Dunsky-Shnay: Mesdames et messieurs, mon nom est Zipporah Dunsky-Shnay. Je suis directrice générale de la Bibliothèque publique juive de Montréal. Je voudrais tout simplement prendre cette occasion pour renforcer un des points déjà mentionnés par Alexis, notamment le lien entre les affaires culturelles et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Plus spécifiquement, j'aimerais souligner que la Bibliothèque publique juive est avant tout une institution culturelle, l'un des piliers de la vie culturelle si riche de la communauté montréalaise. Pourtant, dans toutes nos relations avec le gouvernement du Québec, de notre appartenance à la communauté juive, nous passons forcément par le biais du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, anomalie certes, car toutes les bibliothèques publiques au Québec relèvent du ministère des Affaires culturelles. Mais puisqu'il en est ainsi et puisque le rapport Arpin reconnaît que la culture est une constituante de la vie en société, j'ajouterai qu'elle est une constituante de la vie très particulière de notre société diversifiée et que cette responsabilité déborde non seulement - pour reprendre le texte du rapport Arpin, à la page 30 - "le champ particulier des affaires culturelles pour exercer un rayonnement horizontal qui touche les activités de plusieurs autres ministères, dont ceux de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, des Communications, des Affaires internationales et des Affaires municipales" - fin de la citation - mais aussi et avec autant, sinon plus d'importance, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous recommandons donc que ce ministère soit inclus dans toute discussion à venir. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je passerai maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui. D'abord, je vous remercie de votre présentation conjointe et je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Vous soulignez aussi dans votre présentation le dynamisme extraordinaire de votre communauté au Québec, et on peut en témoigner, autant par sa participation au niveau de nos grandes institutions, tels les musées, par exemple, que justement par cette promotion de la culture au niveau de la communauté en particulier.

Je voudrais revenir quand même au niveau de la bibliothèque. Vous avez raison, les bibliothèques relèvent du ministère des Affaires culturelles. Par contre, dans le cas de Montréal, par exemple, il y a une entente avec la ville de

Montréal qui fait en sorte que, parce qu'on assume l'ensemble des grosses institutions, et c'est des grosses charges financières, Montréal assume en totalité son développement en termes de bibliothèques. Alors, il y a une anomalie là et on va y voir.

On a parlé beaucoup, tantôt, avec M. Bouthillier, du Mouvement Québec français, et ça revient très souvent aussi, du multiculturalisme versus pluriculturalisme, versus interculturalisme. Il y a des théories qui disent: Là, la culture, vous développez une politique culturelle, etc., et, parce qu'on est fragiles dans un univers et un bassin anglophone, elle se doit d'abord et avant tout de promouvoir la culture et la langue françaises. Et il y a une autre théorie qui dit: Non, parce que, dans le but d'affronter ou d'être équipés pour affronter les années quatre-vingt-dix et 2000, il faut vraiment accéder à cet... J'aime beaucoup, finalement, l'interculturalisme dans un sens où il faut avoir cette flexibilité-là pour justement pouvoir faire nôtres et enrichir notre tissu culturel québécois de toutes ces cultures dont nous avons le bonheur de bénéficier. Alors, parlez-nous un petit peu de cet apport-là et comment on fait, finalement - parce que c'est surtout dans la région de Montréal qu'on retrouve l'ensemble des communautés -pour intégrer justement dans cette politique la réalité qui est une réalité pluriculturelle?

M. Nouss: II y a d'abord un point que j'aimerais ici aborder, à savoir que cette dynamique de pluriculturalisme - j'insiste sur le terme "dynamique" parce que, effectivement, il y a dans "pluriculturalisme" un vecteur de mouvement que, peut-être, le terme "multiculturalisme" ne possède pas - pour nous, communauté juive, c'est une réalité séculaire. Il est vrai que la communauté juive est, de par sa culture, une communauté qui a dans son bagage pratiquement toutes les langues du monde, toutes les coutumes vestimentaires ou gastronomiques et toutes les formes d'habitat, etc., ce qui fait que ce problème que vous soulevez et la confrontation de ces deux théories, à savoir comment promouvoir et sauver une culture particulière et, en même temps, être susceptible d'assurer le dialogue de cette culture-là avec les autres cultures, c'est une dynamique que nous connaissons. Mais, de fait, malgré toutes ces langues, malgré toutes ces cultures, il y a quelque chose, peut-être une simple question - la condition juive est sans doute une question plus qu'une réponse - il est donc une question qui est là et que nous avons, je pense, su, au long des siècles, entretenir. La réalité culturelle de la communauté juive québécoise reflète cette diversité. Il n'y a pas du tout d'unicité, il n'y a pas du tout un aspect d'intégration unitaire de cette communauté-là. Elle reflète elle-même cette diversité. La communauté culturelle juive est une communauté qui recoupe des appartenances linguistiques diverses, des appartenances ethniques diverses, etc. Il y a donc pour nous, avec cette expérience-là, un facteur de rapprochement évident avec les dilemmes qui se posent à la société québécoise aujourd'hui.

Je ne serai pas de ceux qui vont tracer des analogies trop faciles, mais il est, dans le devenir d'une identité qui se cherche par rapport à la modernité, quelque chose qui rappelle l'expérience de la communauté juive et, en ce sens, nous nous sentons très à l'aise, dirais-je, devant cette expérience-là, non pas que nous en tirions gloire, parce que c'est aussi une expérience qui peut être douloureuse - enfin, tout à l'heure, effectivement, je me suis arrêté sur le terme, sur la métaphore de la maladie; c'est vrai que parfois ça peut faire souffrir - mais il y a là une expérience que nous connaissons et qui nous place d'emblée dans une perspective de dialogue avec la communauté culturelle québécoise au sens large.

Mme Frulla-Hébert: On va profiter un peu, justement, de ce que vous dites et de votre expérience. Malgré tout, malgré l'histoire, la communauté juive ne s'est jamais fait assimiler, comme vous dites. Elle a partagé, elle s'est adaptée, mais on ne peut pas parler, quand même, d'assimilation. Et à l'heure où nous, comme Québécois aussi, plus spécifiquement Québécois francophones, on parle d'avoir peur justement à cause des pressions, des pressions de partout... Je parlais, tantôt, des moyens de communication qui nous envahissent et de cet envahissement, de cette peur, justement, d'être assimilés, de cette peur de disparaître. Il ne faut pas quand même avoir peur aussi du mot. Comment faites-vous... Comment fait-on... Qu'est-ce qu'on peut apprendre finalement aussi de vous de par votre expérience?

M. Nouss: Si je peux me permettre de répondre avant de passer la parole à Jack, je crois qu'il y a quelque chose à la fois, dirais-je, très oriental et très marxiste. Je m'explique aussitôt pour ne pas vous effrayer, à savoir qu'il y a, pour maîtriser l'autre, nécessité d'aller à la rencontre de l'autre. Je pense qu'un des facteurs de réussite - permettez-moi ce terme un peu trop ferme, un peu trop vigoureux - c'est justement de ne jamais avoir eu peur ou, du moins, d'avoir fait semblant peut-être de ne pas avoir peur et d'emprunter la langue de l'autre. Les grands lieux de rayonnement culturel juif tout au long de l'histoire ont été des lieux où, précisément, c'était la langue de l'autre qui était employée. Je fais référence ici - nous entrerons bientôt dans 1992 - au siècle d'or espagnol, par exemple. Je pourrais tout aussi bien faire référence au XIXe siècle allemand. La communauté juive espagnole d'alors ou bien la communauté juive allemande parlait et l'espagnol et l'allemand et le rayonnement n'en était pas moindre. Et je

crois que c'est un des facteurs qui expliquent cette survie, le fait qu'il faille, sans peur, épouser, précisément, la langue de l'autre pour peut-être, d'une certaine manière, la maîtriser. Bon. Il est très difficile, ici... je veux dire, c'est à la fois de la philosophie, de l'histoire, de la sociologie, de l'économie, etc., mais je crois que, sur le plan des principes, ne pas avoir peur de l'autre est sans doute la meilleure manière d'apprivoiser cette peur-là. La racine même du terme qui, en hébreu, désigne l'hébreu, "ivrit", est une racine qui veut dire le passage. Ne pas avoir peur du passage pour être soi-même. Aller vers l'autre pour rencontrer sa propre identité. C'est dans cette dialectique-là, et c'est pour ça que je faisais référence à la fois au marxisme et aux sagesses orientales qui, tous deux, parlent de dialectique et n'hésitent pas à poser la nécessité d'aller à la rencontre de l'autre pour devenir soi-même. Je crois que, dans cette dynamique-là, il y a une des clés d'explication de la survie juive et de la survie de la culture juive au long des siècles.

M. Jedwab (Jack): Je voulais simplement dire que je crois qu'au lieu de parler de la réalité de la possibilité de disparaître, le Québec est confronté par la réalité d'évoluer, par la société qui évolue et la culture et les cultures qui évoluent. Quand on regarde le plan historique, souvent, dans les années avant la Révolution tranquille, les gens avaient peur de voir leur culture disparaître aussi, mais c'est vraiment une transformation que la culture, l'expression culturelle de la majorité a fait en ce qui concerne, par exemple, la religion.

Mais juste pour retourner à votre question concernant le débat entre pluriculturel et interculturel, je pense que la société doit inclure ces deux éléments, ces deux approches: une approche de promouvoir le pluralisme et, dans le même temps, de promouvoir le rapprochement. C'est ça que, je crois, veut dire interculturel, c'est de rapprocher les cultures. Évidemment, il y a une réalité démographique au Québec où il y a une population majoritairement francophone et il faut faire des efforts pour promouvoir cette réalité mais, en même temps, il faut aussi faire des efforts équitables pour promouvoir la réalité pluraliste. Je vais vous donner un exemple, rapidement. Si le Québec a l'intention de vendre ses produits culturels à l'extérieur du Québec, j'espère que ça va inclure l'expression culturelle de notre communauté ainsi que des autres communautés culturelles. Parce qu'il y a des produits émanant de notre communauté et des autres communautés culturelles qui attirent beaucoup, qui, je crois, peuvent facilement attirer beaucoup de gens qui s'intéressent, à l'extérieur du Québec, à ces produits culturels aussi québécois.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, mais je veux revenir aussi à... Vous avez émis, dans votre mémoire, de sérieuses réserves quant au rôle de l'État dans le domaine culturel. Et, d'après ce qu'on observe, la communauté aussi se prend en main et elle-même, d'ailleurs, elle est très... C'est une communauté qui est extrêmement solidaire, je pense que c'est là, aussi, la force d'une communauté, une fierté, une certaine solidarité, ce qui n'empêche pas certaines particularités. Mais c'est une communauté qui se prend en main, ce n'est pas une communauté qui se retourne à tout bout de champ vers le gouvernement et qui dit: Bon, bien là, on est pris, aidez-nous. C'est une communauté qui se prend en main.

Comment voyez-vous, alors, et concevez-vous le rôle du gouvernement du Québec dans cette défense de la promotion de la culture québécoise? C'est quoi, notre rôle à nous? Est-ce qu'on devrait être partout? Est-ce qu'on devrait plutôt donner des objectifs, aider financièrement? C'est sûr, on est quand même un tout petit bassin, mais, quand même, aussi... Finalement, inciter aussi la population, ça veut dire les municipalités, et tout ça à se prendre aussi en main.

M. Nouss: Je crois qu'effectivement nous ne sommes pas opposés à l'intervention étatique en matière de politique culturelle, c'est une nécessité. Vous pouvez la définir, comme vous venez de le faire, en termes strictement économiques. On peut la définir de manière peut-être plus large en termes, effectivement, de directions, quelles sont les directions que nous avons à prendre. La société est un tissu; une société pluriculturelle, comme l'est la société québécoise, a besoin de directions. Et je crois que c'est aussi dans l'écriture de ces directions que l'État a un rôle à jouer.

Vous parlez d'objectifs. Effectivement, je crois que le rôle de l'Etat, c'est, dans la définition de ses objectifs, être déjà à l'écoute de ce pluriculturalisme, à savoir qu'il est certainement... Bon, c'est un débat qui déborde le débat strictement québécois. Il y a actuellement le problème du rôle de l'État par rapport à la culture. C'est une question très, très épineuse qui est débattue chez nos voisins du Sud, qui est débattue en France, etc. Donc, je pense que le rapport Arpin, et c'est un de ses grands mérites, est tout à fait à l'écoute, au-delà des problèmes strictement québécois, des grands problèmes de société qui se posent actuellement. Et donc, il y a une nécessité, ici, effectivement; pas seulement le financement, mais aussi les directions à donner. Et je pense qu'un des rôles d'une structure, d'une intervention étatique, c'est précisément, dans la définition de ces directions de politique culturelle, de déjà associer et refléter le visage pluriculturel de la société québécoise. Il y a là, comme je le disais un peu trop brièvement, une nécessité.

On pourrait aussi donner d'autres exemples historiques de sociétés pluriculturelles où la présence de l'État était là pour justement légitimer et aider la promotion culturelle. Une comparaison que des historiens me reprocheraient, certes, l'empire des Habsbourg, par exemple, où il y avait là un tissu pluriculturel qui peut dépasser toutes nos conceptions contemporaines. Il y avait, on le sait, on le cite, le portrait de l'empereur dans toutes les institutions. Et pourtant, il y a eu une richesse culturelle inégalable. C'est la Vienne du XIXe siècle, etc. Et je crois qu'il y avait, au niveau de l'État, cette conscience d'être à l'écoute de la réalité pluriculturelle dans la définition des objectifs et ensuite, selon les objectifs définis, de suivre ces objectifs-là. La société pluriculturelle et l'aspect pluriculturel de cette société étaient d'emblée adoptés dans cette intervention étatique. Et, pour nous, il y a là une nécessaire garantie.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la ministre. Malheureusement, vous auriez pu continuer longtemps, j'ai l'impression. Je vous voyais aller, et je vois ça à votre sourire. Mais le règlement étant ce qu'il est, l'horaire étant aussi assez précis, je dois demander à M. le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles de bien vouloir discuter avec vous. M. le député. (12 h 15)

M. Boulerice: Oui. Je ferai une entorse au protocole et je dirai tout simplement: Chers amis, bienvenue. Avant de vous accueillir, cette semaine, je faisais une lecture passionnante. Vous savez qu'il y a un grand débat actuellement, en France, sur l'identité nationale. Et l'on posait à une femme: Être Français, qu'est-ce que cela signifie exactement pour vous? Et cette femme disait: L'identité française est pour moi non pas une notion juridique, mais une réalité d'ordre affectif et culturel. J'appartiens à la nation française, à cette collectivité formée de tous ceux qui s'en réclament, à son histoire et à ses valeurs. Cet attachement ne pourra jamais être remis en question. Cette femme qu'on interrogeait s'appelle Simone Weil. Si je vous posais la même question "Être Québécois?" répondriez-vous sensiblement la même chose que Mme Weil ou autre chose?

M. Nouss: Non, je pense que, moi, je serais très à l'aise avec la citation que vous venez de faire. Être Québécois, pour moi, c'est non pas tant appartenir à une tradition, à une culture, à une mémoire, que me revendiquer d'un même système de valeurs. Ma présence sur le sol québécois témoigne de cet engagement-là. Je pense qu'on sait bien que le bicentennaire de la Révolution française est maintenant du passé. Malheureusement, parce que je crois que c'est passé un peu trop vite...

M. Boulerice: Trop vite, oui.

M. Nouss: ...mais je crois qu'il est un des grands mérites de ce faste, parfois grandiloquent, parfois grand-guignolesque, auquel nous avons assisté, c'est, au-delà des principes mêmes qui étaient énoncés, d'énoncer la valeur d'un principe, la valeur de nos principes. Un, je crois qu'un des problèmes majeurs de la civilisation actuelle, auquel Mme la ministre faisait allusion précédemment, c'est justement ça. C'est-à-dire que les risques, les menaces, les dangers sont là et sont réels parce que les principes ne sont plus des sauvegardes à ces dangers politiques, à ces dangers sociaux, etc. Et je crois que l'appartenance à une même idée "principielle" - oserais-je ce néologisme? - me semble être, pour moi, maintenant, la définition d'appartenance culturelle ou d'appartenance nationale qui pourrait intégrer ainsi ce pluriculturalisme dont nous débattons. Et je crois que le grand mérite de la citation que vous venez de faire de Mme Weil, c'est effectivement de mettre en avant ces principes-là. Et je crois que la situation est tragique, actuellement. La situation est tragique. Des communautés culturelles, nationales ou ethniques se libèrent pour justement se lancer dans un tribalisme qui est à l'opposé même de cette liberté pour laquelle ils ont combattu. Et les exemples sont nombreux, inutile de les citer.

Et je crois qu'effectivement nous assistons à un phénomène qui a su être évité au XVille siècle, au début du XIXe siècle, à savoir nationalisme oui, mais liberté également. Or, il semble que malheureusement, dans beaucoup de territoires, les deux sont dissociés: nationalisme, oui, mais la liberté, bien, on l'a perdue au passage. Et je crois que la nécessité d'affirmer des principes est pour moi cette garantie qu'une appartenance à l'identité québécoise appelle. Et, quand, précédemment, je répondais à Mme la ministre en parlant d'associer la diversité et le pluriculturalisme à la définition des objectifs, c'était aussi dans ce sens-là, c'est-à-dire qu'une appartenance culturelle, c'est aussi une appartenance au niveau des principes.

Et, en ce sens-là, moi, je serais personnellement, et je pense pouvoir refléter les opinions de la communauté juive, tout à fait à l'aise avec une intervention étatique si, effectivement, dans la définition même des principes, elle permettait à tous de se reconnaître comme membres de ce projet.

M. Boulerice: Je vous comprends bien. Quand vous parlez d'une politique des arts et de la culture au Québec, vous dites - j'essaie peut-être de vous forger une réponse là; je risque peut-être d'être taxé de dirigisme comme certains l'ont fait, mais, rassurez-vous, ce n'est pas vous qui m'avez taxé de ça: Une politique des arts et de la culture au Québec, oui, nous y souscrivons entièrement, mais une politique doit justement

tracer des principes, énoncer de grandes valeurs communes qui nous rattachent, nous rallient, nous rassemblent, mais, par contre - et ce "par contre" n'est pas exclusif, il n'est pas restrictif, au contraire - laissons à chacune des composantes de cette société en mutation - parce que je crois que la société québécoise est en mutation - l'exprimer par sa sensibilité. Est-ce que c'est bien comme ça que vous voyez une politique des arts et de la culture au Québec?

M. Nouss: Tout à fait. Si vous me permettez de citer "hamidrash", qui est le terme hébraïque pour désigner un apologue, il y a un très bel apologue qui dit que, contrairement à la croyance, y compris dans la communauté juive, la Torah, le Pentateuque n'a pas été délivré en hébreu sur le mont Sinaï, mais dans 70 langues. Pourquoi dans 70 langues? Parce que, traditionnellement, les 70 langues divisent les 70 familles linguistiques du monde.

Ce qui est très intéressant, c'est d'ailleurs que les recherches actuelles ont tendance, effectivement, à légitimer ce nombre de 70, mais ceci est une autre histoire. Et voilà donc ce qu'est l'identité juive, et voilà ce qu'est, pour moi, la base du dialogue avec l'identité québécoise, le fait que notre bien le plus précieux, au niveau de la culture, au niveau des valeurs, à savoir le décalogue, puis au-delà de ça le Pentateuque, a été donné au peuple juif certes, mais dans les 70 langues, à savoir qu'il y avait nécessité à ce faisceau de principes que d'être exprimé, comme vous le dites, dans l'ensemble de ces paroles. Et je crois qu'il y a là effectivement, si les principes sont définis en commun, fermement - parce qu'il y a nécessité d'une certaine fermeté au niveau des principes dans un monde où toutes les valeurs sont ébranlées - si ces principes sont bien définis, ensuite, ils peuvent être traduits sans aucun problème.

Un texte qui se traduit bien, c'est un texte qui est bien rédigé d'emblée. Un texte qui se traduit mal, c'est un texte dont la langue d'origine est à peine maîtrisée. Et je crois qu'on pourrait utiliser cette métaphore-là; il nous semble effectivement qu'il y a nécessité d'un dessin, d'une écriture d'objectifs très précis, associant le pluriculturalisme qui est désormais une réalité, et, ensuite, il y aura un processus de traduction dans les diverses sensibilités, pour reprendre votre terme.

M. Boulerice: Si je dis que la société québécoise est une société en profonde mutation, on peut également transposer ce principe au niveau de la communauté juive québécoise qui est effectivement - et vous avez eu le bon ton de le souligner - une des plus anciennes au Québec. On ne refera pas l'histoire, mais pensons à ces marchands de Bordeaux, etc., qui ont financé cette grande oeuvre de la Nouvelle-France. La société juive est en mutation, la communauté juive, dis-je plutôt, est en mutation au Québec. Longtemps anglophone pour des raisons que nous connaissons, pour des raisons pour lesquelles, vous comprendrez, je ne vais pas culpabiliser - je ne suis pas ici pour gérer le passé mais bien prévoir l'avenir et faire en sorte que des erreurs ne se reproduisent plus - mais il y a depuis, et le fait est observable - en tout cas, il l'a été très facilement pour moi, parce que, si vous me permettez, j'ai habité le ghetto, Snow-don, durant très lontemps, donc j'étais en mesure de voir les progressions - une nouvelle communauté juive québécoise qui est en train de se dessiner, à partir d'un seul principe très élémentaire, qui est l'apprentissage, mais vraiment on ne peut plus parfait, de la langue commune, qui est la langue française. S'il y a une communauté qui donne l'exemple, je crois bien que c'est la communauté juive québécoise. Alors, êtes-vous en accord avec l'énoncé suivant, que ce dialogue et cette interpénétration vont commencer à porter leurs fruits très bientôt? L'effet d'ondes de choc va nous arriver dans peu de temps, parce qu'il y aura eu un rapprochement, qui, malheureusement, autrefois, était brisé par le phénomène de la langue, et le phénomène de la langue n'amenait malheureusement qu'un seul type de contact, qui était le contact commercial, industriel, etc., qui n'était pas au niveau de la culture. Donc, deux cultures riches qui se sont malheureusement ignorées durant des années.

M. Jedwab: Je crois que c'est vrai qu'il y a eu un rapprochement depuis les 20 dernières années en particulier et c'est notre espoir que ça va continuer et peut-être que, dans une politique de la culture, on peut identifier des moyens pour promouvoir les échanges culturels entre les différentes composantes de la société québécoise. Je peux témoigner comme représentant du Congrès juif et je crois que Mme Silverman peut confirmer ça, que l'intérêt de la part de la majorité d'expression française dans la communauté juive augmente. L'histoire, l'héritage de la communauté juive au Québec, dans un sens plus grand, augmente, et l'intérêt des membres de la communauté juive québécoise augmente aussi par rapport à la culture dite d'expression de la majorité. Et je n'ai pas vu... Je dois constater que, dans le rapport Arpin, on n'a su identifier des moyens pour vraiment renforcer cet effort de rapprochement, des initiatives de rapprochement. À l'intérieur de notre société québécoise, on a beaucoup plus parlé de ce qu'on peut faire à l'extérieur pour vendre notre produit culturel ou promouvoir notre produit culturel mais pas parlé beaucoup d'échanges entre les différentes composantes en ce qui concerne la culture et les cultures.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député.

M. Boulerice: Vous êtes, M. le Président, très restrictif et je sais...

Le Président (M. Gobé): Non, j'essaie d'être...

M. Boulerice: ...que c'est un rôle... Bon, alors écoutez, en guise de conclusion, je répondrai un peu, M. Jedwab, sur ce que vous venez de dire sur le rapport Arpin. C'est bien entendu que, quand on produit un document, si on en met trop on se fait dire qu'on est lourd, si on n'en met pas assez, là, il y a la difficulté d'interprétation. Je suis persuadé que ma collègue va partager - du moins je l'espère, mais je n'ai pas d'inquiétude - le même principe que moi. Oui, il se peut que l'écriture ait été un peu courte. Je ne crois pas qu'elle était restrictive de la part de ses auteurs. Mais si nous vous disions que, même si, malheureusement, dans son expression, elle n'est pas allée aussi loin, la politique des arts et de la culture au Québec veut signifier - et là je vais répondre aussi par ricochet à madame qui parlait des communautés culturelles, je veux dire un guichet, quand on est, entre guillemets, autres, il faut aller aux communautés culturelles - que les expressions culturelles de la communauté juive, de la communauté italienne, de la communauté portuguaise font partie intégrante de la culture québécoise, que c'est indissociable, ça enlèverait, si vous voulez, peut-être un peu l'amertume que le rapport Arpin n'ait pas été de façon aussi spéficique. Mais si l'autorité politique vous le dit et que, dans la traduction, l'écriture de la politique, cela est complètement énoncé, ça vous satisfait.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, votre mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Comme M. le Président le dit, on aurait pu continuer longtemps parce que vous nous donnez beaucoup à réfléchir. Vous savez, moi-même provenant d'une communauté aussi culturelle, étant italienne, mais de la troisième génération, effectivement, on est très, très sensibles ensemble à tout ça, à l'apport qu'on peut donner et, aussi, à cette société québécoise qui, effectivement, est en mutation. On ne peut plus passer à côté, on ne peut plus se fermer les yeux et dire: Non, nous sommes, ce qu'on appelait à l'époque, obligatoirement, des Québécois francophones pure laine, parce que, effectivement, un, il y en a de moins et moins et, deuxièmement, parce que ça fait partie d'une richesse. Mais ce que je remarque, par exemple, quand vous dites: Ne pas avoir peur d'aller vers les autres, d'apprendre la langue justement pour mieux la contrôler, une chose que vous avez et que tous n'ont pas, c'est cette fierté et cette spiritualité aussi qui vous relient. Il faut absolument, comme Québécois, aussi retrouver un élément, un fil conducteur qui, malgré tout, malgré toutes les pressions, finalement, nous relie pour qu'on puisse dire: Nous sommes Québécois et c'est tout, sans avoir peur, sans se sentir menacés. Il faut en arriver a ça. De là, enfin, une politique dont on souhaite qu'elle nous amène justement à ça et à l'expression de ce sentiment de fierté d'être Québécois. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

M. Boulerice: II y a des pays qui font part de leur "pluriethnicité" et qui produisent une excellente revue dont le Québec devrait s'inspirer, et ça s'appelle Ariel.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Ceci met donc fin à nos travaux pour ce matin. Nous vous remercions d'être venus. Je vais maintenant suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 h 30, en cette salle. Bon appétit à tout le monde et merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Messier): S'il vous plaît. Nous allons débuter nos travaux cet après-midi avec le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et on va reconnaître, selon l'article 132, M. Rémy Trudel, qui est le député de ce très beau coin de pays. Je demanderais peut-être aux intervenants du cécep de l'Abitibi-Témiscamingue de s'identifier pour les fins du Journal des débats, s'il vous plaît.

Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Lafond (Y von): Alors, présentons-nous. Yvon Lafond, je suis secrétaire général du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue. Mes collègues sont M. Jean-Guy Côté, à ma droite, donc à votre gauche, qui est professeur au cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, spécialisé en théâtre; M. Claude Lizé, à ma gauche, donc à votre droite, qui est également professeur au cégep, spécialisé en littérature québécoise; M. Jean Fontaine, qui est professeur de cinéma, cinéaste et romancier.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour messieurs. Vous pouvez commencer votre présentation.

M. Lafond: Alors, vous voyez que je suis en très bonne compagnie.

Le Président (M. Gobé): Vous avez un aréopage assez important avec vous.

M. Lafond: Nous allons vous adresser la parole à tour de rôle. Pour ma part, je vais me borner d'abord à vous présenter très brièvement l'Abitibi-Témiscamingue et le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue.

Le Président (M. Gobé): Auparavant, j'aimerais vous rappeler, à vous tous qui allez parler peut-être chacun votre tour, qu'il y a 15 minutes pour la présentation.

M. Lafond: Oui. C'est cordé serré.

Le Président (M. Gobé): D'accord. Alors, allez-y.

M. Lafond: L'Abitibi-Témiscamingue, vous le savez, c'est une des seize régions du Québec. Nous, on y croit, en la réalité des régions. C'est principalement une région minière et forestière, mais c'est aussi une région où, selon nous, la vie artistique et culturelle est à la fois importante et intéressante.

Qu'est-ce que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue? Bien, c'est une institution régionale. En fait, il y a une seule institution collégiale en Abitibi-Témiscamingue, c'est le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, d'une taille respectable: 2500 étudiants cette année à temps complet, plus environ 3000 étudiants adultes. L'institution a cependant des pavillons d'enseignement régulier à trois endroits, Rouyn-Noranda, Val-d'Or et Amos, plus des pavillons de l'enseignement aux adultes à LaSarre et à Ville-Marie.

Pourquoi est-ce que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue a cru utile d'intervenir en commission parlementaire sur la culture? Pour deux motifs, essentiellement. Le premier motif, c'est que le cégep, compte tenu de sa situation en région, se considère comme un pivot important dans la vie artistique et culturelle de l'Abitibi-Témiscamingue. Même si sa première mission est une mission d'enseignement, il n'en reste pas moins qu'en raison de plusieurs initiatives de ses professeurs le cégep a une présence très vive dans le milieu artistique et culturel. Par contre, et c'est là notre deuxième motif, il nous a semblé assez rapidement que l'esprit qui se dégage de la proposition de politique qui vous a été présentée par le groupe Arpin n'est absolument pas partagé par notre milieu culturel et régional en ce qui concerne ses principales orientations. Et comme le cégep est très solidaire de ce milieu-là, nous avons jugé utile et nécessaire d'intervenir.

Nos principaux messages sont les suivants. Le premier, c'est que le Québec n'est pas formé de trois pôles, comme le voudrait le groupe Arpin. Il est plutôt formé de plusieurs pôles; ces pôles-là sont différents les uns des autres, sans aller jusqu'à des sociétés distinctes, mais ce sont des pôles qui, en gros, correspondent aux diverses réalités régionales.

Notre deuxième motif, c'est que, oui, il se fait beaucoup de choses très valables en région, certainement pas uniquement en Abitibi-Témiscamingue mais dans les autres régions aussi, sur le plan de la création autant que de la diffusion.

Et notre troisième message, c'est que, si on veut avoir une politique culturelle équilibrée, il va falloir favoriser la création et la diffusion dans les régions autant que dans les pôles, que nous reconnaissons comme majeurs, que sont Québec et Montréal. Alors, ceci étant dit, je cède la parole à mon collègue, M. Claude Lizé.

M. Lizé (Claude): Oui, alors, moi, je vais peut-être avoir l'air prétentieux, mais je vais essayer de montrer jusqu'à quel point la culture en Abitibi-Témiscamingue, ce n'est pas un rêve mais ça se vit tous les jours. Tout le monde sait que l'Abitibi-Témiscamingue produit des épinet-tes, tout le monde sait que l'Abitibi-Témiscamingue produit des métaux et tout le monde sait que, parmi ces métaux, il y en a des précieux. Mais je pense que ce que l'Abitibi-Témiscamingue produit de mieux, ce sont encore les humains qui l'habitent. Parmi ces humains-là, j'aimerais en nommer quelques-uns. Je pense, par exemple, à Suzanne Jacob, je pense à Jeanne-Mance Delisle, je pense à Murielle Dutil, à Roy Dupuis, à Guildor Roy, à Richard Desjardins, à Gilles Carie, à André Melançon, à Jean Fontaine, mon collègue qui est ici, qui sont, parmi d'autres - et je ne veux pas vous ennuyer en en nommant d'autres, il y en aurait beaucoup d'autres - des artistes accomplis et qui participent, je pense, à la culture québécoise de façon pleine et entière, et la font rayonner ici et à l'extérieur du Québec.

Si on ajoutait à ces noms le nom de tous les artistes que les autres régions du Québec ont produits, et continuent de produire, on se rendrait compte, peut-être, que, si Montréal est un grand fleuve artistique, c'est parce qu'il y a des affluents, il y a des rivières qui alimentent ce fleuve-là. Et vous savez que la qualité des eaux du fleuve est dépendante de la qualité des rivières qui l'alimentent. Alors, à ce titre-là, à Rouyn-Noranda, à Ville-Marie, à Amos, à Val-d'Or, ailleurs en Abitibi-Témiscamingue, on participe à la grandeur de la culture québécoise. Et on pourrait se poser la question, vu sous cet angle-là, une question prétentieuse, encore une fois: Qui dessert qui? Est-ce que c'est Montréal qui dessert les régions ou est-ce que ce sont les régions qui desservent Montréal? Tous ces artistes que je viens de nommer exercent leur métier à partir de la région ou ont décidé de l'exercer à partir de Montréal ou de Québec. On pense que tous ces artistes méritent d'être soutenus et que le soutien à la création doit d'abord passer par le soutien de la production et de la création dans les régions.

En fait, ce qu'on dit là, c'est que les régions ont des difficultés à se faire reconnaître. Je pourrais vous donner un exemple rapide, c'est

celui du théâtre en région. Vous savez - ou vous ne savez pas - que le théâtre québécois, tel qu'on le connaît, par exemple, depuis la fin des années soixante, depuis le début des années soixante-dix, a d'abord été mis sur la carte par les troupes de théâtre régionales ou les troupes de théâtre marginales. Je me souviens qu'au début des années soixante-dix les festivals de théâtre régionaux pullulaient au Québec. Il y avait le festival de l'AQJT, de TACT, qui mettaient à l'affiche, la plupart de ces troupes, du théâtre québécois, alors que les troupes de théâtre institutionnelles, montréalaises et québécoises, mettaient à l'affiche, exclusivement, sauf exception, du théâtre dit international, du théâtre français ou du théâtre américain, surtout. Qui a positionné ce qu'on appelle aujourd'hui avec fierté le théâtre québécois, le théâtre québécois qui est, à l'heure actuelle, un des principaux ambassadeurs culturels du Québec sur la scène internationale? Qui a positionné ce théâtre québécois sur le marché culturel ici, au Québec? C'est, en grande partie, les théâtres dits marginaux. Couper le soutien aux théâtres marginaux, c'est aussi couper la vitalité du théâtre québécois. Alors, je vous donne cet exemple-là.

Si j'essaie de restreindre l'exemple global que je viens de vous donner par rapport au théâtre québécois et qu'on regarde les choses de façon plus fine, très souvent, dans les répertoires nationaux, répertoires québécois du théâtre, on identifie la troupe qui a créé une pièce. Or, le groupe de recherche sur le théâtre en Abitibi-Témiscamingue a fait le relevé des pièces de théâtre qui ont été créées dans la région. Si on regarde un dictionnaire ou un répertoire du théâtre québécois, rarement ces créations sont attribuées au théâtre régional. Un exemple précis, en 1990, au Théâtre de Quat'Sous à Montréal, on a monté une pièce de Jeanne-Mance Delisle, "Un oiseau vivant dans la gueule", prix du gouverneur général; dans un journal montréalais, on a parlé de création montréalaise de la pièce, alors que la pièce avait été montée trois ou quatre ans avant par une troupe de théâtre professionnelle de Rouyn-Noranda. Vous voyez, une petite dimension, cette petite dimension-là, le problème de la reconnaissance du travail culturel qui se fait dans la région, eh bien, il se répercute ensuite sur le plan national. Quand on dit que les régions doivent être desservies, dans le dictionnaire français, le mot "desservi" a deux significations, ce n'est peut-être pas inutile de les rappeler ici, hein: parfois, c'est "rendre service" et, parfois, c'est "rendre un mauvais service".

Une autre chose qu'on a remarquée aussi, c'est que, quand on parle de culture québécoise, on a souvent deux discours différents selon qu'on est en région ou qu'on est en métropole; on souffre de deux défauts, soit d'inflation verbale, soit de déflation verbale. On va parler de théâtre québécois, et si vous regardez, à la fin du livre qui s'intitule 'Théâtre québécois", ce qu'on a dépouillé comme journaux ou comme sources d'information pour l'intituler 'Théâtre québécois", on va se rendre compte qu'on a dépouillé Le Devoir et La Presse, et on appelle ça 'Théâtre québécois". Et inversement, on va dire que, dans les régions, il ne se passe rien. Dans un cas, on a affaire à de l'inflation verbale et, dans l'autre cas, on a affaire à de la déflation verbale. Et quand on passe des politiques sur des a priori comme ceux-là, eh bien, bien évidemment, on se dit que la mission des organismes culturels québécois, c'est de "desservir" les régions, parce que, justement, il ne se fait rien. Alors, de dire qu'il se fait quelque chose ou que ce qui se fait là est important sur le plan de la culture nationale, c'est, je pense, un message fondamental qu'on veut vous transmettre aujourd'hui.

Pour terminer, je pourrais dire qu'on pense souvent que la culture en région est comme sous respirateur artificiel, alors qu'en fait c'est peut-être la culture la plus vivante, la moins subventionnée. On y trouve là des artistes qui travaillent pour rien, qui travaillent sur le bras. Ce qu'on voudrait, c'est qu'on reconnaisse la qualité du travail de ces artistes-là, qu'on ne les exclue pas d'office de la participation à la culture québécoise et qu'on les soutienne dans les faits. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Madame.

Mme Frulla-Hébert: Bien, ça me fait plaisir de vous accueillir. Quand j'ai fait ma tournée à travers le Québec, évidemment, je suis allée en Abitibi - j'y retourne, d'ailleurs, dimanche pour le festival du film - et, justement, j'avais parlé aussi à des représentants de chez vous, du cégep. On parle beaucoup de l'apport des institutions, en termes d'institutions éducatives, si on veut, en termes de cégeps, d'écoles, tout le système d'éducation, à l'avancement de la culture québécoise. Je pense que vous, en plus, vous êtes un modèle dans le sens ou vous êtes un partenaire de premier plan. Vous jouez aussi un rôle dans la promotion et dans la diffusion de la culture.

Il y a une chose que je veux rectifier un peu, c'est que, effectivement, dans le rapport Arpin, à un moment donné, mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, disait que récriture était peut-être un peu courte. Effectivement, compte tenu du temps et compte tenu de la vocation, aussi, de ce document-là, qui est un énoncé de politique - il n'est pas la politique, mais il est aussi un document de réflexion - je pense que, là-dedans, le rapport a rempli ses objectifs et bien joué son rôle. Quand on parle des régions et qu'on fait le tour, je pense qu'on est plus que convaincu qu'il y a 16 régions,

effectivement, au Québec, interactives. Il y a une métropole, il y a une capitale. Ça, on ne peut pas... Mais il y a 16 régions interactives et très actives. Alors, c'est pour vous rassurer un peu là-dessus.

On parle aussi beaucoup de décloisonnement. On parle beaucoup de participation, autant au niveau des régions qu'au niveau des diverses communautés culturelles qui forment maintenant tout ce tissu culturel québécois. Alors, on s'en va beaucoup vers des changements, changements aussi de vue, de vision. Il faut laisser un peu le cloisonnement pour, justement, s'aérer.

Ceci dit, est-ce que vous pourriez m'expli-quer davantage les liens qui devraient être établis entre votre région, par exemple, et d'autres régions, comme Montréal et Québec? Parce qu'on a souvent reproché à Montréal et Québec - et le Musée des beaux-arts est venu aussi hier - et aux grandes institutions de vouloir aider, mais que ce soit qu'"unisens", c'est-à-dire que les régions deviennent les réceptacles de ce qui se passe à Montréal. Vous, vous l'avez quand même un peu mentionné. Mais comment peut-on organiser... Selon vous, comment voyez-vous ça aussi, l'inverse, c'est-à-dire que Montréal reçoive aussi... Quel genre de structure on pourrait avoir pour que l'inverse soit aussi vrai?

M. Côté (Jean-Guy): Je pense qu'il y a deux dimensions à la question que vous posez, Mme la ministre. l_a première chose, c'est de constater qu'il y a un développement inégal sur l'ensemble du territoire québécois, pour ce qui concerne le développement, pas juste des infrastructures, mais aussi le développement du soutien à la création. Avant même de penser compétitionner la production culturelle montréalaise avec l'ensemble de la production des régions, je pense qu'il faut d'abord investir énormément pour augmenter le soutien à la production et à la création en région. Une fois ceci réalisé, à ce moment-là, on pourra aussi, parallèlement ou en même temps, penser à développer des mécanismes de tournées, un office de tournées qui fonctionne un peu autrement, pour ce qui est des arts du spectacle, mais aussi pour ce qui est des installations muséologiques ou... Mais je pense que c'est d'abord en injectant du soutien supplémentaire à la création en région.

Un exemple très, très court. J'ai vu, la semaine dernière, comme une bonne partie de la clientèle potentielle de Rouyn-Noranda, l'excellent spectacle du TNM, "Les palmes de M. Schutz". Extraordinaire! Et les gens, en voyant le décor, ont dit: II y a des gens qui ont les moyens. C'est vrai. Ça ne veut pas dire qu'en région on a toujours les gens pour réaliser une conception de cet ordre-là. J'ai vu aussi "Singapore Sling" dans un café-théâtre, avec un décor extraordinaire, mais il n'y avait pas de distance qui pouvait donner un effet à ce décor- là. Donc, il y a des créateurs, mais, souvent, il n'y a pas les moyens pour soutenir la création directement en région. C'est un peu le sens de l'intervention que vous allez sûrement entendre du Conseil de la culture, que vous avez entendue des municipalités, et le collège, ici, veut prêter écho à ce message-là. Il faut injecter beaucoup plus d'argent en création. Un budget de 40 000 $, 50 000 $ pour une troupe de théâtre en région, ça ne peut pas garantir une production comparable à une production qui est faite avec plus de moyens.

Mme Frulla-Hébert: D'accord. Avant de passer la parole, il faut vous dire que les gens du TNM sont avec nous, d'ailleurs. Alors, vous pourrez le leur dire vous-même. Effectivement, l'apport des régions est incontestable. Qu'on pense seulement à l'ADISQ, à Richard Desjardins. Enfin, c'est innombrable les gens ou enfin les artistes qui sont à Montréal et qui ne viennent pas de Montréal, mais qui viennent d'ailleurs. Bon! Alors, au niveau de l'aide, est-ce que vous pensez que nos programmes, tels qu'on les a présentement - parce que, dans la mesure où on veut apporter aussi des changements, on veut apporter plus de flexibilité - se devraient d'être modulés, c'est-à-dire par rapport aux différentes régions, tout simplement?

M. Côté (Jean-Guy): Moi, d'emblée, je vous affirmerai que oui et pas... Le secteur que je connais davantage, c'est le secteur du théâtre, mais il devrait être effectivement modulé, un peu dans l'esprit du rapport Bernier sur le développement des régions.

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord.

M. Côté (Jean-Guy): Je pense que ce qui est valable pour le développement économique est aussi valable pour le développement culturel. On a besoin .de compléter des infrastructures, pas uniquement pour accueillir une production qui viendrait d'autres régions, de Montréal et de Québec, mais on veut aussi accueillir la production montréalaise, québécoise, nationale, également pour permettre aux créateurs de travailler sur place. Alors, il y a une modulation, je pense, des programmes de soutien aux organismes en théâtre. (16 heures)

L'aide aux artistes, c'est peut-être un peu plus universel, ça, mais aux organismes , de production, je pense qu'il faudrait effectivement la moduler. Dans quel sens? Dans le sens où la formation... On ne peut pas retenir un bassin de créateurs extrêmement formés dans le territoire; il y a des gens qui sortent de la région pour essayer, essentiellement, de gagner leur vie, alors que les artistes qui restent en région, souvent, sont obligés, comme à Montréal d'ailleurs - j'ai lu le rapport de Jean-Guy Lacroix - de cumuler

divers emplois pour gagner leur vie. Mais c'est plus particulier dans les régions parce que les sources de revenus sont moins diversifiées qu'à Montréal.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Je passerai maintenant la parole à M. le député de... Est-ce que nous sommes dans les temps?

M. Boulerice: Oui, on est dans les temps.

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: J'ai posé quelques questions, ce matin, à la municipalité de Boucherville. Vous semblez un petit peu en porte-à-faux, contre... Vous mentionnez dans votre mémoire que... Vous semblez être en désaccord avec le rapport Arpin lorsqu'il fait mention qu'on devrait donner un rôle primordial au niveau des municipalités. D'ailleurs, il y a plusieurs municipalités qui sont déjà venues nous voir ici et elles ont dit qu'elles jouaient un rôle, comme la ville de Boucherville ce matin. J'aimerais avoir votre point de vue par rapport à ça. Est-ce qu'on doit, oui ou non, donner plus de responsabilités aux municipalités au niveau culturel? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi aussi?

M. Lafond: En fait, vous allez peut-être pouvoir en discuter plus directement avec les représentants de la municipalité de Rouyn-Noranda qui, je crois, sont à l'ordre du jour de ce soir. Ce qu'on croit percevoir pour le moment en région là-dessus, c'est que compte tenu de tout le contexte de la réforme Ryan, les municipalités, les populations aussi, sont très sceptiques dans le sens qu'elles craignent que le transfert des responsabilités ne soit pas accompagné d'un transfert des ressources. Ce que, nous, on a perçu à l'intérieur de la proposition du groupe Arpin, c'est une attitude assez ambiguë et, jusqu'à un certain point aussi, assez paternaliste, dans le sens qu'on dit qu'il faudrait transférer des choses au niveau municipal, ce qui est très bien parce que ça rapproche le niveau de la décision et le niveau de l'action, mais ce n'est pas clair dans le rapport Arpin que les ressources doivent suivre. M. Arpin - je dis M. Arpin - le groupe présidé par M. Arpin semble dire aussi qu'il faut quand même surveiller ce que les conseils municipaux vont faire dans ce domaine-là. Alors, il me semble qu'à un moment donné il faut faire le choix. Si on transfère la responsabilité, on prend le risque que ça se fasse bien, moins bien ou mal, mais ce seront les élus municipaux qui auront à en supporter les conséquences. On ne peut pas faire les deux choses en même temps: transférer des responsabilités, ne pas transférer entièrement les ressources et continuer à se garder un pouvoir de surveillance ou de contrôle sur ceux à qui on a transféré la responsabilité. Là-dessus, les représentants municipaux pourront s'expliquer plus clairement que nous, mais c'est ce qu'on croit avoir perçu à Rouyn-Noranda et aussi ailleurs en région.

M. Messier: O.K., parfait.

Le Président (M. Gobé): Terminé?

M. Messier: Non.

Le Président (M. Gobé): Encore une petite.

M. Messier: O.K., ça va. Concernant le rôle, aux pages 16 et 17 de votre mémoire, vous énumérez, en quatre étapes, un petit peu le rôle du cégep. D'ailleurs, vous mentionnez la contribution à la formation artistique et culturelle des jeunes; le partage des infrastructures et des équipements du cégep... D'ailleurs, à Saint-Hyacinthe, on a une des deux écoles de théâtre au Québec. C'est à Saint-Hyacinthe; l'autre, c'est à Sainte-Thérèse. Vous mentionnez aussi: partager les infrastructures, participer à la formation des ressources professionnelles et soutenir la création artistique. C'est ce qui est indiqué dans votre mémoire, aux pages 16 et 17.

Si le rapport Arpin ou la politique gouvernementale en matière culturelle veut donner plus de place aux régions, de quelle façon les régions vont-elles se prendre en main? De quelle façon vous allez le faire, vous? Parce que vous semblez déjà le faire beaucoup; de quelle façon vous allez pouvoir le faire davantage?

M. Coté (Jean-Guy): Je pense qu'un point sur lequel on est d'accord avec le groupe de travail Arpin, c'est que la pierre d'angle sur laquelle une politique culturelle doit s'appuyer, c'est la création; c'est aussi vrai en région. Dans ce sens-là, surtout en région, où chaque intervenant est essentiel pour épauler l'autre, il faut que cette politique-là s'articule autour de la création et, dans ce sens-là, le collège pourra continuer d'appuyer comme il le fait, et peut-être même davantage. Mais sans cette reconnaissance-là, la diffusion de productions extérieures, c'est une chose, mais... Comment davantage, maintenant? Il y a déjà des profs qui sont impliqués dans le développement culturel et, sans cette contribution-là, bien souvent, il y a des organismes qui ne pourraient pas profiter d'une expertise ou d'un bagage professionnel.

L'autre aspect, c'est que le rapport Arpin met l'accent sur le lien à faire entre milieu éducationnel et culture et, dans ce sens-là, il y a un paragraphe dans le mémoire qu'on a présenté qui dit ceci, qui est repris par d'autres organismes: II faut à tout prix, surtout en région, que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse et soutienne une pratique qui n'est

pas nécessairement professionnelle en rapatriant, par exemple, les responsabilités du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à l'égard du développement culturel. Parce que souvent, dans ces milieux-là, avec les étudiants, c'est l'initiation première, le travail amateur. C'est souvent aussi, le travail amateur, un débouché professionnel pour des artistes qui n'ont pas suffisamment de production et qui vont faire des ateliers, des choses comme ça. Or, de cette façon-là, par son personnel, le collège va être en mesure de soutenir, mais s'il y a une emphase de mise sur les moyens pour développer la création en région. Est-ce que ça...

Le Président (M. Gobé): Si. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, monsieur, bienvenue. Ça peut passer pour un détail, mais, pour moi, ça m'a au contraire réjoui et ça marque votre sensibilité: vous êtes le seul organisme qui présente son mémoire en y incluant une oeuvre d'art d'une créatrice locale. Ça prouve votre sensibilité.

Maintenant, votre député étant d'une affection sans partage pour sa région, je n'ai droit qu'à une très brève question, et celle que je poserai, j'aurais le goût de l'adresser, si vous le permettez, à M. Lessard, compte tenu de son curriculum. Rassurez-vous, M. Lessard, je ne vous poserai pas la question...

M. Fontaine (Jean): ...Lessard en question. Une voix: Le cinéaste. M. Fontaine: Non, moi, c'est Jean Fontaine. M. Boulerice: Ah, ce n'est pas le même? Une voix: Jean Fontaine s'est substitué à... M. Fontaine: Michel Lessard.

M. Boulerice: On a de la difficulté à avoir un cinéaste. Roch Demers a fait faux bond. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Bon, alors écoutez, non, mais de toute façon...

M. Fontaine: Sur le cinéma, je peux peut-être répondre quand même.

M. Boulerice: ...les gens d'Abitibi et les gens du Témiscamingue, qui est une belle région - Mme la ministre, il faut aller voir aussi le Témiscamingue - les gens d'Abitibi et du Témiscamingue, je pense, peuvent répondre à cette question: Est-ce que vous croyez que l'on puisse établir une politique des arts et de la culture qui n'inclut pas tout l'immense volet des communications: radio, télévision et ce grand secteur de l'audiovisuel?

M. Fontaine: Si je peux me permettre de formuler, peut-être, une hypothèse, c'est qu'en communication comme en art il faudrait, dans une politique gouvernementale, qu'on crée un moyen de combattre les préjugés envers tout ce qui se fait et ce qui provient des régions. O.K.? Enlever la mautadite patente qui revient tout le temps, que, si ça ne vient pas de Montréal, ce n'est pas bon. O.K.? Quand il y a des outils en région, il y a des choses intéressantes qui se font, et même très intéressantes. Mais, effectivement, la dimension des communications, oui, c'est relié.

M. Boulerice: En parallèle, d'accord. Cher collègue.

M. Trudel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Allez-y. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, en vertu d'un consentement unanime de cette commission.

M. Trudel: Je voudrais souhaiter la bienvenue à la délégation du collège de l'Abitibi-Témiscamingue pour avoir pris la peine de se déplacer parce que, Mme la ministre vous le soulignait il y a quelques minutes, il s'agit ici d'un énoncé de politique, il ne s'agit pas encore de la politique des arts et de la culture du Québec et on pourrait dire que nous sommes à l'étape de la bonification. Et il est important que des témoins... Et comme vivant dans la région, évidemment, je peux aussi le répéter et surtout le renforcer, tout le secteur des arts dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue jouit énormément de la présence, du travail, des interventions de l'institution qui s'appelle le collège de l'Abitibi-Témiscamingue - et non pas le collège de Rouyn-Noranda - partout à travers la région, et surtout aussi de ses professeurs qui sont, oui, des ferments dans beaucoup de secteur d'activité; on vous retrouve tous à une époque ou l'autre de la saison autour d'une oeuvre, d'une production. On était, M. Lizé, autour de votre production littéraire la semaine dernière; l'été passé, on était autour d'une production de La Poudrerie avec M. Côté, la même chose chez M. Fontaine et, évidemment, au plan organisationnel, M. Lafond est toujours aussi présent avec la salle d'exposition.

Quelques questions supplémentaires sur la vie des créateurs en région. Ça m'apparaît être extrêmement difficile. On se côtoie tous; à chaque semaine, je suis toujours épaté par les conditions dans lesquelles les créateurs et les

créatrices se retrouvent et, finalement - je le dis avec un point d'interrogation - le support assez faible que reçoivent ces créateurs. Est-ce que vous pensez qu'on doit avoir une politique de soutien à la création qui soit différente pour les régions du Québec, différente au sens d'amplitude, par exemple, parce que les besoins sont autres - il y a justement une amplitude plus grande des besoins, compte tenu du contexte géographique - et que les conditions environnementales sont parfois un petit peu plus difficiles en région? Est-ce que vous pensez qu'on devrait moduler? Comment devrait-on supporter le travail de création dans les régions?

M. Côté (Jean-Guy): C'est bien sûr qu'il faut augmenter substantiellement, mais vraiment substantiellement. Quand on parle d'un objectif de 1 % du budget des affaires culturelles, moi, je suis loin de ça. Ce n'est pas 1 %, c'est 2 %, 3 % et 4 %. Je ne sais pas quel pourcentage, mais ça n'a plus de bon sens de fonctionner avec un budget semblable pour le développement culturel. Si on pense qu'il faut effectivement augmenter les ressources qui sont investies dans les régions pour tenir compte des conditions particulièrement différentes et coûteuses pour travailler en région, on ne peut pas faire ça avec les mêmes budgets parce que les compagnies artistiques qui oeuvrent en métropole ou à Québec sont aussi aux prises avec des problèmes financiers semblables. On ne peut pas faire avec rien. Alors, dans ce sens-là, il faut augmenter l'ensemble du budget, mais, également, il faut moduler le soutien parce qu'il y a des conditions différentes.

Un exemple concret. Dans la production qu'on met en marche cet hiver, il y a une comédienne qui vient de Montréal parce que, pour le rôle, bon, il y a des circonstances qui font qu'elle a accepté le rôle, mais elle doit investir, elle doit payer pour travailler. Les cachets qu'on lui donne, et qui sont largement au-dessus de ce que l'Union des artistes a comme base, sont insuffisants. Mais la compagnie comme telle, qui l'engage, ne peut pas, effectivement, lui donner beaucoup plus parce qu'avec un budget de 40 000 $ qu'est-ce que tu veux faire, au bout du compte? Alors, ça prend vraiment beaucoup plus d'argent d'investi dans le développement culturel, modulé de la façon... Je ne sais pas comment moduler ça. Je pense qu'il faut amener les régions à l'équilibre des compagnies comparables à Montréal mais...

M. Trudel: Vous voulez dire, tenir compte des facteurs particuliers, ne serait-ce que des facteurs strictement géographiques qui amènent des...

M. Côté (Jean-Guy): Les bassins de population. Une fois que tu as joué 40 fois un spectacle en région, tu as épuisé le bassin vraiment plus rapidement que dans une ville de 2 000 000 d'habitants.

M. Trudel: À cet égard-là, la proposition dans le rapport Arpin, c'est de se diriger vers l'excellence au niveau de la création et de mettre fin à ce qui est appelé le saupoudrage des subventions. Est-ce que vous avez l'impression qu'avec une telle approche ça serait encore plus dramatique que ça ne l'est actuellement? Et, j'irais jusqu'à dire, est-ce que ce n'est pas un jeu injuste de parler de saupoudrage actuellement, compte tenu des montants, des sommes de l'aide qui est accordée aux organismes et aux créateurs en région, qu'on qualifie de saupoudrage, mais qu'on aille encore plus loin et qu'on dise: Maintenant, on va aller vers l'excellence et soutenons ce qui peut être reconnu nationale-ment, internationalement? Qu'est-ce que vous pensez de cette approche-là, qui nous est donnée dans la proposition du groupe présidé par M. Arpin? (16 h 15)

M. Côté (Jean-Guy): On a vu un peu dans le... Ce n'est pas directement lié, mais je pense qu'indirectement ça l'est. Il y a un comité national d'évaluation en théâtre, pour le secteur que je connais, qui a comparé des compagnies et le résultat de l'opération - et il faut, hélas, le reconnaître - c'est qu'il y a une vingtaine de compagnies qui n'ont pas passé le seuil de la reconnaissance du comité national. Je ne sais pas où elles sont situées, ces compagnies-là, mais j'en connais deux en région, chez nous, qui font un travail qui n'a pas de prétention nécessairement professionnelle dans le sens où les artisans qui font ce travail-là pensent vivre de leur métier, mais ils ont toutefois un travail d'éducation culturelle dans leur milieu, qui doit être reconnu comme tel. Alors, c'est ce que certaines compagnies en région demandent: Un soutien modulé, oui, même si on ne correspond pas aux critères de professionnalisme nationaux, pour assurer une présence du théâtre sur l'ensemble du territoire. Dans une ville comme Ville-Marie, à 2000 de population, entourée d'une cinquantaine de villages de 200 habitants, ce n'est pas vrai que "Les palmes de Mr. Schutz" vont pouvoir être accueillies là. Alors, qui peut assurer une présence culturelle dans ces villes-là? C'est nécessairement les amateurs, puisque, malgré leurs prétentions, jamais ils ne pourront remplir les conditions de la pratique professionnelle. Et c'est dans ce sens-là qu'il y a une revendication, pas une revendication mais un élément du mémoire qui met ça en évidence. C'est qu'il nous semble que le ministère des Affaires culturelles devrait appuyer l'effort que les milieux d'enseignement font pour l'initiation aux arts et soutenir également des pratiques non professionnelles quand les conditions d'une partie d'une région ou d'une région ne lui permettent pas de s'offrir les services d'une pratique professionnelle.

II y a un élément du mémoire, comme représentants d'une maison d'enseignement, qui nous a également un peu surpris. C'est toute la question de l'observatoire que le rapport Arpin préconise. Nous pensons qu'il se fait actuellement beaucoup de recherches sur la culture, beaucoup de travaux et que la création d'un tel observatoire aurait peut-être comme effet de multiplier les gens qui se préoccupent de ces questions-là. Or, notre approche serait davantage que le gouvernement du Québec soutienne de façon plus efficace l'Institut québécois de recherche sur la culture et la mission de recherche des universités et des collèges. Alors, on voit mal comment on devrait investir vraiment plus de la part du ministère des Affaires culturelles dans ce secteur, alors que la Science et l'Enseignement supérieur pourrait assumer ces fonctions-là en étroite collaboration avec le ministère des Affaires culturelles.

M. Trudel: M. Lafond, peut-être une question. Le collège, comme établissement, soutient donc un certain nombre d'installations, en particulier la salle d'exposition, depuis un bon nombre d'années. Comme disait M. Fontaine, est-ce que vous faites ça sur le bras, comme institution, comme établissement scolaire? Quel soutien recevez-vous et est-ce que vous estimez que vous avez tous les instruments pour être capables de véritablement soutenir la création régionale, par exemple, avec cette salle d'exposition là? En même temps, je suis tellement content que M. Côté touche la question de la sous-région, parce qu'il ne faut pas recommettre, dans notre diagnostic, par exemple, vis-à-vis de Montréal et Québec, le même diagnostic en région en disant: Rouyn-No-randa, quand ça sera réglé, ça sera réglé pour le restant. Il y a la sous-région également. Il y a 150 000 personnes, mais il y en a 120 000 qui vivent ailleurs sur le territoire. Alors, c'est la même chose pour le collège de l'Abitibi-Témisca-mingue. Est-ce que vous avez les moyens de soutenir également enseignement, création, support et éducation aux adultes en matière d'art et de culture sur le territoire, mais en commençant par la salle d'exposition?

M. Lafond: En commençant par la salle d'exposition, la salle d'exposition est prêtée à un comité qui s'appelle le Comité des expositions de Rouyn-Noranda. C'est ce comité-là qui en fait la gestion, l'utilisation. Et c'est une entente qui roule depuis, à toutes fins pratiques, la fondation du cégep ou presque au début des années soixante-dix. Il y a aussi d'autres partages d'infrastructures. Le cégep a maintenant des installations un peu meilleures dans le domaine du théâtre, dont s'occupent, en particulier, Jean-Guy Côté et ses collègues. Mais le cégep n'a pas de budget ad hoc pour ce genre d'interventions là.

En ce qui concerne les installations physiques, ça se fait sur la base de la bonne entente quand les objectifs de l'institution et les objectifs du milieu se rencontrent sans trop de difficultés et sans trop de dépenses supplémentaires. Pour ce qui est du reste, c'est souvent l'implication très personnelle des enseignants qui fait que le cégep réussit à rayonner de cette façon-là dans le milieu artistique et culturel. C'est favorisé par le fait qu'on dispense le programme d'arts plastiques, le fait qu'on dispense aussi, évidemment, des cours de base, des cours spécialisés en français, littérature, théâtre, et ainsi de suite. Mais on ne peut pas dire que le cégep a lui-même sa propre politique d'implication ou de développement culturel. C'est une série de choses qui se sont faites spontanément suite à des initiatives d'individus qui ont été soutenus par l'institution.

Par contre, il faut bien dire aussi que, dans une bonne mesure, le cégep, c'est à peu près le seul lieu de ressourcement pour des créateurs, des artistes en région, via l'enseignement aux adultes, via aussi l'enseignement régulier. Mais on croit que, si une politique plus claire était établie, peut-être que le cégep serait en mesure d'accroître son rayonnement, son influence dans ces secteurs-là. Plus les niveaux de décision sont en région, plus ce sont des choses faciles à faire. On est en contact très régulier avec, par exemple, les représentants régionaux du ministère et aussi avec le Conseil de la culture. Ça fonctionne très bien, donc on peut avoir des ententes faciles, rapides, en concertation, si on peut dire.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Cela est malheureusement tout le temps dont nous disposons. Peut-être un dernier mot de remerciement à vos commettants.

M. Trudel: Alors, je vous remercie d'avoir pris ce temps pour sensibiliser Mme la ministre à certaines dimensions des arts et de la culture en région. Nous, encore une fois, nous reconnaissons bien ce que vous faites, je dirais quotidiennement, sur les planches et avec les planches dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est important que des gens du secteur viennent le dire ici, aux parlementaires, viennent le dire à la responsable ministérielle, parce que je crois comprendre à travers votre mémoire, par ailleurs, que vous supportez, mais on ne peut plus, que le Québec se donne une véritable politique des arts et de la culture et que les régions soient comprises intégralement dans cette politique. Merci de vous êtes déplacés, d'avoir pris la peine de nous présenter ce mémoire, et je suis sûr qu'on en tiendra compte, évidemment, lorsqu'on réfléchira sur ce que deviendra la politique des arts et de la culture du Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. C'est exact, les membres de la commission en tiendront certainement compte. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour maintenant de vous remercier, effectivement. Si on a initié, si j'ai initié la commission, c'est parce que je sentais un profond besoin de changement, et nous allons apporter des changements. Je veux revenir quand même, pour ne pas laisser une mauvaise impression, quand on parie de saupoudrage.

À titre d'information, quand on parlait de saupoudrage, quand le rapport Arpin, surtout - parce qu'on me l'a expliqué aussi, j'ai posé la question - parle de saupoudrage, je pense qu'il vaut mieux parler de consolidation, dans leur esprit, que de saupoudrage. Ce n'est pas de dire: Saupoudrage? C'est parfait, on concentre à Montréal et Québec et on n'en donne pas ailleurs. Au contraire. Mais il y a quand même un certain besoin. Il y a certains groupes, d'ailleurs, qui sont venus, pas plus tard que ce matin, qui parlaient aussi de consolidation. Consolidation appropriée aux besoins des régions, oui, mais je pense qu'on va tous être très, très malheureux aussi de penser... Et là je suis d'accord et j'aimerais bien vous promettre que, non, ça ne sera pas un, ça va être deux, puis trois, et des milliards. Moi, je veux bien, et je serais peut-être la ministre des Affaires culturelles qui, en 30 ans, aurait été la plus heureuse, mais, malheureusement, je ne peux pas vous promettre ça. Ce que je peux vous promettre, par exemple, c'est qu'on va essayer très, très fort d'apporter plus que des changements, vraiment des changements de fonctionnement majeurs. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Messieurs, je vous remercie au nom des membres de cette commission. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Nous allons accueillir maintenant les représentants du Musée des religions. Je vais donc suspendre une minute pour ce faire.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

(Reprisée 16 h 25)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission va reprendre ses travaux. Nous allons entendre les représentants du Musée des religions. Je demanderais au représentant du groupe de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent.

Musée des religions

Mme Paradis (Michèle): M. le Président, Mme la ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier sincèrement de nous recevoir à cette commission et j'aimerais bien vous présenter le portrait de famille du Musée. Alors, à mon extrême gauche, qui est à votre droite, M. Clément Dubois, qui est le maire de la ville de Nicolet, et M. Guy Hamel, qui est le président de la corporation du Musée; à ma droite, M. Jean Lafrenière, qui est responsable des communications à l'Aluminerie de Bécancour inc., et M. André Rheault, qui est le président de la Chambre de commerce de Nicolet.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce qu'est le Musée des religions, je prendrai quelques minutes pour vous le présenter. C'est un projet qui est né du milieu en 1986. On présentait alors nos premières expositions dans des locaux temporaires que la ville de Nicolet mettait à notre disposition. Véritable petit laboratoire, nous y avons donc fait des expériences heureuses qui suscitèrent l'intérêt des différentes instances gouvernementales. À peine trois ans plus tard, nous obtenions le feu vert afin de procéder à la construction de son nouvel édifice. Une vaste collecte de fonds rapporta près de 600 000 $, représentant 25 % du coût total de construction évalué à près de 3 000 000 $. Si nous avons réussi ce coup de maître, Mme la ministre, je pense qu'il est important de souligner que les professionnels de votre ministère en région y sont pour quelque chose.

Le 4 août dernier, nous procédions à son ouverture officielle et, depuis, près de 10 000 visiteurs, dont 55 % venant de l'extérieur de la région 04, ont visité ce musée impressionnant tant par son architecture que par les expositions thématiques temporaires qui y sont présentées dans des salles d'une superficie totale de 600 mètres carrés. Ce musée est spécifique, unique par sa thématique, bien sûr, mais il l'est également parce qu'il est le seul musée actuellement qui travaille véritablement avec les groupes ethniques. C'est un volet de notre culture qui, je pense, est très important et dont il n'est pas fait mention du tout dans le rapport Arpin. Et pourtant, le portrait de famille - parce que, moi, j'aime bien cette image que j'ai prise, d'ailleurs, dans le rapport Arpin - est moins homogène qu'il ne l'était et nous devons en tenir compte. Le Musée des religions a donc une bonne longueur d'avance et on entend bien la garder.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, ce musée qui pourrait avoir comme tare d'être situé en région est devenu en quelque sorte un modèle pour les professionnels travaillant au ministère des Affaires culturelles. Actuellement, je dois recevoir régulièrement des intervenants en muséologie, accompagnés de leurs architectes et de leurs ingénieurs, venant de partout au Québec. C'est peut-être une façon d'augmenter notre budget de fonctionnement. Je vais envoyer un compte d'honoraires au ministère des Affaires culturelles.

Revenons à la raison d'être de la présente commission qui se déroule suite au dépôt du rapport Arpin, ce rapport Arpin qui se veut un énoncé de politique. Je ne veux pas commencer à

dire: On est contre ci, on est contre ça. Alors, je veux tout simplement adopter une attitude qui est plus positive et dire ce que, nous, on veut. Une politique culturelle doit donc exister. Elle ne doit surtout pas s'écrire en faisant fi des réalités régionales. Je ne voudrais pas que le Musée des religions devienne un cas. Toutes les régions doivent avoir des équipements culturels majeurs, dont certains reconnus pour leur spécificité. Vous savez, en région, notre objectif n'est pas de devenir gros mais de devenir excellents. Jamais les régions excentriques n'accepteront ce rôle de diffuseur des grands centres, tel que recommandé dans le rapport Arpin. Nous sommes capables de concevoir, de réaliser et de diffuser. Nous sommes trop jeunes et dynamiques pour devenir des foyers d'accueil de ces grands centres. D'ailleurs, c'est ça qui est très drôle, c'est que le nombre des institutions culturelles en région, capables actuellement de recevoir des expositions ou des activités venant des grands centres, je pense que leur nombre n'est pas légion. Il n'y a pas une institution par région, actuellement, qui aurait les équipements nécessaires pour recevoir ce qui se passe dans les grands centres. (16 h 30)

Le ministère des Affaires culturelles doit, de toute urgence, établir une fois pour toutes une véritable politique culturelle en tenant compte de l'ensemble du Québec, mais en tenant compte également de la spécificité de ces régions. Et j'aime bien le mot "modulation". Je pense que c'est exactement ça. Nous sommes d'accord avec le rapport Arpin qui préconise d'établir une cartographie, mais cette cartographie devra tenir compte des forces de toutes les régions. De plus, elle devra être conçue en tenant compte des différentes strates. Ça, j'y tiens beaucoup, le portrait de la culture au Québec doit être établi en strates. C'est comme un sol, ça. Alors, évidemment, il y a des musées, il y a des institutions culturelles à caractère régional et elles ont leur raison d'être. Et une autre strate devrait être les institutions à caractère national, et ainsi de suite. Donc, ça, je pense que c'est extrêmement important afin d'établir le véritable profil de la culture au Québec.

Mais je pense qu'il faut aller plus loin que ça. Actuellement, le milieu des affaires parle consortium, fusion, "merge". C'est un concept qui pourrait très bien s'appliquer au milieu culturel, parce que le but de ces consortiums est de consolider des forces, tant matérielles, humaines que financières. Dans la région 04, nous nous sommes regroupés. Média-Muse, c'est un organisme sans but lucratif qui réunit différents intervenants d'institutions culturelles et d'institutions muséales, évidemment, parce que je parle beaucoup plus pour les musées, ici, ce qui nous permet d'offrir des expositions de très grande qualité. Par exemple, cet été, nous avons présenté une exposition à travers le territoire, consacrée à Rodolphe Duguay. Cinq institutions se sont greffées autour de cette exposition-là. Alors, cette association-là, ce consortium a permis de présenter cette exposition qu'on n'aurait jamais été capables de faire seuls.

Mais je pense qu'il faut aller encore plus loin que ça. À partir du moment où le réseau muséal sera vraiment stratifié, il sera possible de permettre de véritables jumelages entre les institutions de même calibre. Je pense que c'est peut-être une solution pour... Je ne parle pas seulement des régions, mais je parle pour l'ensemble du Québec, parce que Montréal est une région aussi et Québec est une région aussi.

Je le répète, ce concept pourrait très bien s'appliquer à l'ensemble des activités culturelles québécoises. Actuellement, tous les intervenants veulent leur troupe de théâtre, leur centre d'artistes, leur musée, leurs collections, leurs réserves. Tous les intervenants veulent ça, ce qui a pour effet de diviser tant les forces humaines, matérielles que financières. Chacun se meurt de faim actuellement, de soif de vivre. Pour certains, la situation est littéralement dramatique.

Revenons au cas du Musée des religions. C'est un édifice neuf qui a le vent dans les voiles et je vous jure que ça rame: achalandage important, rayonnement de plus en plus grand. Est-il normal que je ne sache pas encore quel sera le montant de l'enveloppe budgétaire que doit consentir le ministère des Affaires culturelles pour l'année 1991-1992? Et quand je dis le Musée des religions, c'est l'ensemble du territoire, c'est l'ensemble du Québec. Est-ce que c'est normal que je me batte afin d'obtenir 50 % de mon enveloppe qui est à peine de 400 000 $ pour un édifice qui est cinq fois plus grand que celui que j'avais avant?

Est-ce normal qu'en 1991 nous soyons obligés, en région, d'avoir recours à des programmes extra afin d'augmenter notre personnel? Pourtant, de plus en plus de spécialistes en muséologie sortent des universités. Nous ne pouvons rien leur offrir. Où vont-ils donc? Seulement à Montréal et à Québec? Est-ce normal que nous soyons obligés, par exemple, de dire à notre personnel... Puis ce n'est pas le cas... je veux dire que je ne parle pas seulement pour moi, mais je parle de cas que nous vivons en région. Il y a des musées qui sont obligés de dire, par exemple, à leur personnel: Bien, ne change pas ton chèque cette semaine, je vais aller à la banque voir mon gérant pour augmenter la marge de crédit. Parce que c'est comme ça que ça fonctionne. En bout de piste, ce qu'il y a de dramatique, si vous voulez, c'est qu'on n'accepte pas de... Les déficits sont difficiles à supporter. Et on accusera très facilement, par exemple, les directions de ces institutions-là de mauvaise gestion. Alors, il

faudrait être très prudent.

Au Musée des religions, tout le monde s'entend pourtant pour dire que nous réalisons des expositions, des activités de très haut calibre, avec cinq employés permanents mais combien polyvalents et des budgets réduits à l'extrême. Dans le cas qui nous concerne, la blague est facile à faire quand on parle de miracle ou d'Apôtres de l'amour infini. Ça, on nous le dit souvent au Musée des religions, la blague est facile. Mais ça ne fait rien, je vous jure, je pense qu'on en fait. Il n'est absolument pas question de dénoncer les budgets annuels de fonctionnement des grands musées. S'ils ont les budgets annuels de fonctionnement qu'on leur connaît, c'est parce qu'ils en ont besoin. Comme il n'est pas question de discuter lorsque le ministère des Affaires culturelles a à essuyer un déficit; ça aussi, on ne discute absolument pas de ça. Ce sont des choses que le ministère des Affaires culturelles probablement doit faire, comme c'est normal d'avoir des gros budgets pour des gros musées. On ne discute absolument pas deçà.

Soyons justes, c'est ce que l'on veut. Soyons justes dans le discours utilisé pour tout le monde et regardons comment on peut améliorer la situation des musées et des institutions culturelles en région. La situation actuelle engendre frustration, conflit, discorde. On s'accuse mutuellement de posséder plus ou de posséder moins. On s'accuse d'ingérence; on s'accuse de toutes sortes de choses.

Je terminerai ici mon intervention en lisant un extrait du discours que prononçait M. Claude Béland, président du Mouvement Desjardins, lors de l'ouverture de notre musée, le 4 août dernier. Il disait ceci: "Les institutions et les entreprises régionales devront être branchées sur les enjeux et les grands thèmes universels. Autant, par exemple, la mondialisation des marchés affecte déjà et de plus en plus les entreprises de toutes les régions qui doivent alors mener leurs activités en tenant compte de ce qui se trame un peu partout sur la planète, autant sur le plan des valeurs, de la symbolique à laquelle nous participons, nous n'avons pas le choix d'être ouverts sur le monde... Ce serait alors faire preuve d'un manque de vision de ne réserver les institutions qui sont les véhicules de cette ouverture au monde que pour les seuls grands centres, comme si, au Québec, seules Montréal ou Québec étaient en contact avec ce qui se joue aujourd'hui à travers la planète."

Bref, l'histoire du musée, c'est vraiment une histoire d'amour. C'est une histoire extraordinaire. Je ne veux pas que l'histoire du musée, ce soit un cas, mais, s'il sert de modèle, je veux qu'il serve de modèle dans l'application d'une politique culturelle qui devrait tenir compte des régions. Donc, Mme la ministre, votre terme de modulation, c'est exactement ce que l'on veut. Il faut en tenir compte énormément.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que je pourrais vous demander de conclure, Mme

Paradis, parce que votre temps arrive à échéance?

Mme Paradis: D'accord. Soyez assurée, Mme la ministre, de notre entière collaboration afin de doter le Québec d'une véritable politique. Soyez également assurée que nous ferons tout, dans quelque région que ce soit, pour ne pas être mis aux oubliettes. Alors, merci infiniment.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Paradis. Vu que nous avons le plaisir d'avoir avec nous le député de votre région, le député de Nicolet, je vais demander le consentement à cette commission, étant donné qu'il n'est pas membre permanent de cette commission, afin qu'il puisse intervenir selon l'article 132 de notre règlement. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le député de Mercier, M. le député de Shefford, y a-t-il consentement?

M. Boulerice: On hésite, mais, s'il nous dit que c'est avec de bonnes intentions et qu'il posera les questions les plus orthodoxes possible, on va accepter.

M. Richard: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues. Je vous remercie de la présentation, Mme Paradis. Je ne peux que souscrire, en fait, à l'importance que vous donnez à l'élaboration d'une politique culturelle globale pour l'avenir de notre société québécoise. Je pense qu'on ne peut que souscrire à ça. Je reconnais également comme très importante cette idée de doter le Québec d'un réseau culturel au même titre - et vous le mentionnez dans votre document - que le réseau routier ou le réseau hospitalier. Mais le réseau auquel vous faites allusion dans votre mémoire, effectivement, il existe déjà d'une certaine façon, au niveau des bibliothèques publiques, au niveau des musées, au niveau des salles de spectacle, etc., à plusieurs niveaux. Par contre, on est bien conscients que ce réseau culturel, il faut maintenant le soutenir, le parachever. "Soutenir" est peut-être un mot léger, c'est beaucoup plus le consolider.

Maintenant, vous mentionnez un nouveau partage des responsabilités avec les municipalités. Ça me fait plaisir, M. le maire, M. Dubois, de vous voir ici aujourd'hui. Je sais que vous avez été très près de ce dossier-là en ce qui a trait à notre bijou de musée dans notre région, qui est situé dans votre ville, la ville de Nicolet. Maintenant, ma question est la suivante: Comment voyez-vous l'implication des municipalités en général - pas seulement à Nicolet; effectivement, c'est un exemple - dans le développement culturel de leur territoire? Et ça, ça inclut évidemment toute la vision des municipalités régionales de comté, des MRC, puisqu'on sous-tend, là, qu'elles sont rendues au "top", qu'elles

sont au maximum de leurs possibilités budgétaires. Comment vous voyez ça, là? Vous dites: Oui, il faut que ce soit ça, par contre, oui, elles sont à bout de souffle.

Et tout à l'heure, les gens qui vous ont précédés ont fait non seulement une allusion, ils ont dit: Pas tout à fait contre qu'il y ait un partenaire municipal moyennant qu'on le contrôle, si j'ai bien compris leur intervention. Bien sûr, dans le monde municipal - j'en ai fait comme 14 ans, là - c'est certain que, quand tu décides de participer financièrement, tu essaies de décider ce qui va se passer. Ça se vend mieux à tes clients après. Alors, c'est quoi? Comment vous voyez ça, ce progrès-là en fonction d'un allié et d'un partenaire pour le développement culturel qui serait effectivement le monde municipal? M. le maire ou...

M. Dubois (Clément): Bien, M. Richard, moi, je vais me reporter au congrès 1991 de l'Union des municipalités du Québec où il y avait une résolution qui disait, dans le fond... Et ça, je pense que les municipalités, on est partie prenante en autant que le gouvernement du Québec se reconnaisse une responsabilité fondamentale en matière de recherche, de développement, de soutien à la production et de diffusion artistique et culturelle. Je pense que cet élément-là, nous, on ne peut pas l'assumer. Et ça, en vertu de son pouvoir de redistribution de la richesse et de sa position privilégiée à l'échelle nationale et internationale. Je pense que ça, ce côté-là, nous, les municipalités, on ne peut pas le prendre.

Et au même congrès, il y avait une autre résolution où on disait: Que le ministère des Affaires culturelles considère les municipalités comme des partenaires essentiels dans le développement et la diffusion des arts et de la culture. Vous n'êtes pas sans savoir, faisant partie du gouvernement, qu'actuellement les pactes, ils font un peu pitié. On nous impose, entre autres, la loi 145 et on sait qu'il y a des divergences d'opinions en ce qui a trait à la formulation et a la facture que va nous référer M. Ryan. Pour nous, c'est un élément important et ça va peut-être amener à faire des choix qui peuvent être déchirants. Et la culture, qui, à mon sens, n'est peut-être pas un élément essentiel pour une population, peut être reléguée au niveau de bien des choses. Alors, ça peut nous causer des problèmes au niveau budgétaire.

Dans le rapport Arpin, on parlait aussi de modulation et d'adaptation du soutien financier et technique en fonction des particularités démographiques et territoriales. Vous n'êtes pas sans savoir, M. Richard, que chez nous, on a 25 % de notre assiette fiscale qui est non imposable, ce qui veut dire que 75 % de la population paie pour 100 % des services que l'on donne. Alors, ça réduit encore notre marge de manoeuvre. Sauf que, à partir de là, la ville de Nicolet, actuellement, injecte 2 % de son budget annuellement, comparativement à celui du gouvernement qui est à 0,72 %. Alors, je pense qu'on n'est pas à l'arrière du gouvernement, je pense qu'on soutient nos institutions culturelles. (16 h 45)

Bref, pour en faire une synthèse, moi, je me dis qu'il doit y avoir trois intervenants: le gouvernement du Québec - on l'a défini par les politiques que, lui, il doit faire - et il y a aussi les MRC... Vous savez actuellement que les MRC, nous, les maires, on a la politique que moins on leur en donne, mieux c'est parce que moins ça coûte cher. Parce qu'il faut comprendre que... Moi, chez nous, j'ai des MRC qui versent 800 $ de cotisation annuelle et qui viennent chercher 1400 $ de salaire. C'est peu orthodoxe. Alors, nous, on dit que la MRC doit mettre à l'intérieur de son budget, dans les années à venir, un montant pour aider tout ce qui est culturel dans notre région. Pas seulement Nicolet, là, on parle de la région de la MRC. Et la municipalité, elle aussi, doit injecter dans les années à venir. Aujourd'hui, on parie de 2 %. Il va falloir, je pense, faire l'exercice... et le gouvernement là-dessus... Nous, on l'a dit dans notre appui au mémoire. Vous vous souvenez des REA, les fameux REA où on pouvait... Alors, je pense que le gouvernement devrait regarder cet élément-là, si les compagnies, un peu comme ABI qui, chez nous, injecte passablement d'argent, ne pourraient pas être, par une forme de REA, avantagées au niveau de l'impôt, ce qui, je pense, donnerait un coup de pouce. Et nous, ça nous motiverait à appuyer le Musée des religions au même titre que les compagnies.

Alors, je pense qu'au niveau de la culture les municipalités ont un rôle à jouer et elles vont le jouer avec l'aide de tout le monde. Là-dessus, je ne peux pas vous dire que ça va être 3 % ou 4 %, mais je pense qu'on est capables de jouer notre rôle et on l'a démontré à venir jusqu'à date. Je ne sais pas si ça résume bien...

M. Richard: Je suis content, M. le maire, de voir que vous mentionnez qu'il faut qu'il y ait éventuellement une participation de l'ensemble des municipalités du territoire par le biais des MRC. Vous mentionniez tout à l'heure que vous avez une municipalité dont 25 % est non imposable, justement à cause de la diversité du nombre d'institutions religieuses qui sont à l'origine même de notre Musée. Sinon, ça ne serait pas chez nous, il n'existerait pas. C'est un peu le prix qu'on a à payer indirectement, le fait qu'on a du non-imposable. Mais, en contrepartie, le Musée, économiquement, a des retombées majeures, et on le constate particulièrement chez nous. Ça, c'est la contrepartie.

Maintenant, j'aurais une autre question en fonction du bénévolat: Notre Musée n'existerait pas, il faut le reconnaître et le soutenir, vous avez fait allusion à ça dans votre document. Maintenant, ça me tenterait de vous demander:

Quelles sont les mesures - j'origine, moi, du monde du bénévolat, durant des années, et on en fait toujours - fiscales ou autres qui pourraient activer le bénévolat? Vous le savez, le Musée des religions fonctionne à bout de bras, malgré toute l'aide gouvernementale et malgré le fait qu'il est tout jeune, tout neuf. Vous faites allusion à ça, mais qu'est-ce qu'on devrait faire porter comme geste? On entend beaucoup parler d'appariement ajusté à certaines mesures fiscales pour les entreprises ou les gens d'affaires. Quelle est votre vision en fonction de ce support additionnel au bénévolat? M. le président.

M. Hamel (Guy): Je dois d'abord vous dire qu'il y a une implication très considérable des bénévoles au Musée des religions. Je pourrais même dire que ce sont des super-bénévoles. Quand on parle de bénévoles, c'est normal que l'on donne son temps, alors c'est ce que font les membres du conseil d'administration. Mais je dis "super-bénévoles" parce qu'en plus de donner leur temps ils paient aussi de leur poche pour faire partie du conseil d'administration, et je m'explique.

Le conseil d'administration est composé de 15 personnes: 6 sont de Nicolet et 9 sont d'en dehors de Nicolet. Il y en a de Drummondville, de Victoriaville, de Trois-Rivières, il y en a même un de Montréal, que vous connaissez bien, l'honorable Victor Goldbloom. Alors, tous ces gens-là viennent à leurs frais aux assemblées. En plus de ça, comme nous n'avons pas un gros budget du ministère des Affaires culturelles pour notre fonctionnement, on est obligés de faire des activités sociales - je m'excuse, mais, enfin, c'est ça - comme des dîners-bénéfice, des cocktails-bénéfice, et autres. À ce moment-là, tous les membres du conseil d'administration achètent leurs billets: 50 $ ou 100 $. Alors, c'est pour ça que je dis que ce sont des super-bénévoles, parce qu'en plus de donner leur temps ça leur coûte peut-être, à chacun des membres du conseil d'administration, de 300 $ à 400 $ par année.

Maintenant, qu'est-ce qui fait qu'on s'est impliqués à ce point, que les bénévoles se sont impliqués à ce point-là? C'est qu'au départ je pense que tous les membres du conseil d'administration réalisaient qu'il y avait une carence muséologique au Québec - on compare souvent avec l'Ontario. Alors, on s'est dit: Un musée chez nous, c'est important. Et, deuxièmement, c'est la spécificité du musée. Un musée des religions, c'est unique. Des musées des beaux-arts, de la civilisation, il y en a un peu partout. Un musée des religions, il n'y en a pas nulle part, qui fait le rapport des grandes traditions religieuses. Alors, c'est ce qui nous a incités à augmenter notre bénévolat.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. M. le député de Nicolet, c'était là tout le temps qui était imparti à votre côté ministériel. Je vais maintenant, sans plus tarder, demander à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, de bien vouloir prendre la parole.

M. Boulerice: Oui. M. le maire, M. le président, Mme la directrice, messieurs, je pense que c'est tout à fait normal, tout à fait légitime que le député de Nicolet intervienne dans ce dossier puisque c'est une magnifique et très belle réalisation. Je pense que c'est probablement une des rares où la municipalité a été aussi associée et aussi - je vais employer un terme qui n'est peut-être pas dans le dictionnaire mais qui va traduire mon sentiment - "pousseuse". La ville le voulait, le souhaitait et je pense que ça a fait un heureux alliage, et, notamment, aussi avec M. Hamel, en ce qui concerne la corporation, qui a énormément travaillé.

Ce que vous voulez nous dire est un peu éteignoir. Non pas éteignoir dans le sens que vous n'avez pas la foi... Et surtout quand on s'occupe du Musée des religions et qu'on s'appelle Paradis de surcroît, il faut avoir la foi, Mme Paradis. Mais un nouveau musée qui fait la fierté d'une ville, qui fait la fierté d'une région, qui, somme toute, doit faire la fierté du Québec et qui, déjà, commence à avoir de sérieux problèmes en disant: Oui, mais là on ne sait pas, demain... Je vous avoue que c'est un petit peu inquiétant.

C'est un fait qu'il y a un sous-financement chronique des musées privés. Vous n'êtes pas les seuls à le dénoncer, sauf que, dans votre cas, vous le vivez plus récemment peut-être que d'autres. Je ne veux pas vous dire qu'on finit par s'accoutumer à la souffrance, mais d'autres l'ont vécu bien avant vous et nous en parlent aussi. Mais, durant ce temps-là, le rapport Arpin, lui, plaide en faveur de la fin de ce qu'ils ont appelé le saupoudrage. Et vous avez bien dit, vous, dans votre mémoire, que vous étiez tannés des miettes, et c'est à un point tel, chez vous, que ce ne sont plus des miettes, c'est des poussières. Je pense que c'est ça que vous avez dit, j'essaie de le dire de mémoire. Si on met fin au saupoudrage, je pense que vous venez de perdre, en plus de ça, les poussières. Est-ce que c'est votre avis?

Mme Paradis: Tout dépend de la grosseur de votre tamis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Paradis: Mais je voudrais revenir à ce que vous avez dit. Ce n'est pas catastrophique parce qu'il y a une commission parlementaire. C'est la première fois qu'il y a une commission parlementaire sur la culture et on s'en va vers une politique culturelle, donc ce n'est pas

dramatique. Il y a des moments difficiles à passer et nous allons les passer; comptez sur moi, je vais les passer. Mais ce n'est pas dramatique, ce n'est pas noir, ce n'est pas... On voit le bout du tunnel, c'est ça qui est merveilleux et c'est ça qu'on vient vous dire. La situation actuelle est dramatique, donc il faut qu'il y en ait une, politique. Donc, ce n'est pas une catastrophe nationale. Je pense qu'il y a une fin qui s'en vient et je pense que c'est ça que les gens viennent dire ici.

Mais, quand je parle de saupoudrage, c'est ça, ça dépend de la grosseur de votre tamis. Mais, effectivement, si le principe de consortium et de fusion existait, si on encourageait ce type de démarche là, je pense que, là, le tamis serait plus gros.

M. Boulerice: Mais là, Mme Paradis, vous faites l'adéquation optimiste et fervente: adoption d'une politique, adéquation, augmentation du budget. On nous l'a promis, en 1985, et vous attendez toujours.

Mme Paradis: Je n'ai pas compris le premier. Quoi?

M. Boulerice: Vous dites: La fin du tunnel. Vous voyez la fin du tunnel. Je dis: Oui, je souhaite bien que ce soit la fin du tunnel, mais tout d'un coup que c'est le train qui s'en vient, la lumière qu'on voit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous qu'on va peut-être sortir avec une politique et je le souhaite aussi ardemment que vous...

Mme Paradis: Avant Noël? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Avant Noël. Je ne sais pas si on aura un Père Noël ou une Fée des étoiles, mais je ne suis pas certain que celui qui tient les rênes - sans jeu de mots, puisqu'on est dans un vocabulaire qui prête à équivoque - du Conseil du trésor va faire en sorte qu'on aura l'argent nécessaire pour être capable d'appliquer cette politique. Je ne veux pas être éteignoir, mais je me dis: Regardons ce qu'on a actuellement.

Mme Paradis: Mais, M. Boulerice, c'est presque dire que votre rôle à la commission parlementaire est inutile, si vous ne croyez pas qu'une politique culturelle s'en vient!

M. Boulerice: Je n'ai jamais dit...

Mme Paradis: J'ai peur. Là, vous me faites peur.

M. Boulerice: Ça, je ne vous ai jamais dit...

Le Président (M. Gobé): Mais, madame, on ne peut pas porter ce jugement sur M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Comme Président de la commission, je me dois de veiller à l'intégrité de tous les membres, quels qu'ils soient, et je peux vous assurer qu'il y porte un grand intérêt.

M. Boulerice: Le plus grand intérêt. Si la ministre me dit qu'elle est capable de l'écrire avant le mois de décembre, tant mieux. Je ne doute pas qu'on en aura probablement une, mais ce que je vous dis c'est que je n'ai pas l'assurance que nous aurons l'argent qui correspond à la politique que nous voulons. C'est ça qui m'inquiète. Elle me dit: Oui. Donc, vous voyez, j'ai raison.

M. Godin: Est-ce qu'elle peut mettre ça par écrit?

M. Boulerice: Donc, c'est pour ça que je vous disais que, si on met fin au saupoudrage, dans le cas des régions, c'est catastrophique. Toutes les régions nous l'ont dit.

Mme Paradis: Je pense que c'est une question de nouveau partage. Mon père était agronome et il disait toujours: Avant d'acheter une terre, agrandis donc en dedans des clôtures. Bien, je pense que c'est ça. On est rendus là. Alors, s'il y a de l'argent, si le ministère des Affaires culturelles a une enveloppe qui ne peut pas être augmentée, je pense qu'il faut revoir le partage. Je pense que c'est là qu'on est rendus. Et moi, c'est pour ça que je dis qu'en région il faut absolument qu'on se rassemble et qu'on ait la possibilité de faire, de vivre les consortiums économiques dont on parle actuellement dans le milieu des affaires. Il y en a, des solutions, j'en suis convaincue.

M. Boulerice: En parlant de partage, le rapport Arpin, auquel vous souscrivez, propose non plus un partage de pouvoirs entre l'État fédéral et l'État québécois, mais bien un rapatriement de l'État québécois de tous les pouvoirs dans le domaine de la culture, ce qui signifie également le retour de l'argent correspondant. Mais est-ce que cette option-là du rapport Arpin vous séduit?

Mme Paradis: Bon écoutez, c'est drôle, parce que j'ai apporté ici le bilan 1990 des injections du ministère des Communications au Québec. Ça, j'appelle ça le cadeau de Noël de l'orphelin. Ce que je veux dire, c'est que cette année-là, en 1990, il y a eu des injections très, très importantes au Québec; 92, 8 % de ces injections-là se sont faites à Montréal et à Québec et, en région, on a eu 7, 2 %. C'est fini

ça. Je me dis: Ce n'est pas cette année. Et je pense que le ministère des Communications a déjà une nouvelle politique et a déjà établi de nouvelles normes. Et si jamais le ministère des Affaires culturelles avait à administrer, si vous voulez, les fonds du PAM, du Programme d'appui aux musées, je ne sais pas, c'est peut-être un rêve, c'est peut-être utopique ce que je dis, mais il faudra tout simplement s'assurer que cet argent-là est réinvesti, est réinjecté dans le fonctionnement des musées qui sont ici, au Québec.

M. Boulerice: Mais si on vous donne cette garantie-là, Mme Paradis, pour vous, c'est acceptable? Je vais vous donner un exemple. Le Québec s'est vu imposer un musée à Montréal qui n'était pas parmi ses priorités prioritaires. L'argent qui est dépensé à Ottawa, ne cherchons pas, c'est nous qui l'avons fourni. Les Terre-Neuviens ont fait une petite part, mais c'est surtout nous qui l'avons fourni avec d'autres provinces. Vous ne croyez pas qu'on est suffisamment intelligents, au Québec, même s'il y en a qui semble craindre, par les temps qui courent, qu'on ne soit pas capables de gérer ou, si on veut gérer, on nous traite de dirigistes, que le Québec, dans l'ordre de ses priorités, aurait été beaucoup plus intéressé à augmenter le financement chronique des musées privés et même des musées d'État que d'être obligé de fournir, parce qu'il y avait un doigt... pas un doigt mais...

Mme Paradis: Sur la gâchette.

M. Boulerice: ...il y avait un doigt sur la gâchette du revolver fédéral qui obligeait le Québec à concourir pour je ne sais combien de millions... 17 000 000 $, c'est ça? Pardon? Le musée du rire qui est triste à pleurer. C'est 5 000 000 $; 5 000 000 $ là.

Mme Paradis: Alors, c'est pour ça qu'on a toujours parlé d'ingérence et c'est probablement pour ça que le ministère des Affaires culturelles a un urgent besoin d'établir sa politique culturelle pour éviter ce type d'ingérence dont vous parlez. Et si le ministère des Affaires culturelles a à rapatrier des sommes du ministère des Communications, que ce soit à travers PAM, le Programme d'appui aux musées. Moi, je dis qu'effectivement il faudra que ce soit réinjecté dans les institutions muséales.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Paradis.

M. le député de Mercier, vous avez fait maints gestes pour pouvoir poser une question et, même si l'aiguille a avancé... c'est qu'on était tellement pris dans les... pas les questions mais les commentaires...

M. Godin: Les échanges.

Le Président (M. Gobé): ...de votre collègue qu'on ne tenait pas à l'arrêter. Je vous passe quand même la parole maintenant mais... (17 heures)

M. Godin: M. le Président, je vous remercie, parce que, moi...

Le Président (M. Gobé): ...assez rapidement, s'il vous plaît.

M. Godin: ...ayant été journaliste au Nouvelliste à l'époque où ce musée-là peut-être a vu le jour, j'aimerais bien que vous me confirmiez si c'est bien mon hypothèse qui est la bonne: Est-ce que le poète Roger Brien n'a pas été l'étincelle qui a mené à... Parce que, moi, je veux savoir où est l'étincelle qui a mené à ce très beau projet, qui est probablement unique en Amérique du Nord et peut-être même au monde. À ma connaissance, il l'est. J'aimerais savoir qui ou quoi a déclenché le processus qui a mené à cette réalisation?

M. Rheault (André): Bon, ce que j'aimerais vous mentionner à ce niveau-là, c'est que le Musée, c'est un projet qui a été initié par le milieu. Il est né de la chambre de commerce. Donc, l'étincelle, c'est un M. Pelletier - son prénom, c'est André - qui était président de la chambre de commerce. Donc, il est né chez nous, à la chambre de commerce, par un regroupement de gens d'affaires qui cherchaient, entre autres, au départ, un moyen d'augmenter la clientèle des marchands locaux. Je pense qu'au niveau de la chambre de commerce c'est un objectif qui se veut très louable. C'est l'idée qui a germé et puis qui a grandi dans le milieu. Les organismes de la région s'y sont associés avec enthousiasme dès le départ, de même que les communautés religieuses, considérant la vocation particulière de Nicolet, la richesse de son patrimoine religieux et - on l'a mentionné tout à l'heure aussi - la part active qu'a jouée la municipalité. Donc, on considérait que c'était un atout important pour la région, le Musée des religions. C'est le moteur de notre développement économique, en plus d'être, nécessairement, un lieu offrant des possibilités artistiques et culturelles intéressantes pour les gens du milieu, les gens de chez nous.

C'est donc un projet qui ne vient pas de l'extérieur mais qui vient bien de la base. C'est le milieu qui a investi beaucoup d'efforts et aussi beaucoup d'argent, comme on l'a mentionné tout à l'heure. Le milieu y croit, à son musée, puis y tient beaucoup. Aussi, nous trouvons essentiel qu'une politique en matière de culture favorise et supporte ce genre d'initiative. Après avoir conçu ce projet puis après l'avoir réalisé, on voudrait maintenant qu'il soit reconnu.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Oui, en conclusion...

M. Godin: M.le Président...

Le Président (M. Gobé):... s'il vous plaît, monsieur...

M. Godin:... si vous permettez. Non, c'est une question. On ne peut pas conclure maintenant sans tout savoir. Combien de religions sont représentées ou sont présentes dans le Musée?

Mme Paradis: Actuellement, il y en a cinq.

M. Godin: Supposons que vous avez une exposition sur la religion islamique...

Mme Paradis: Oui.

M. Godin:... est-ce que vous voyez en même temps un influx de touristes, de visiteurs de ladite religion?

Mme Paradis: Oui.

M. Godin: Parce que, là, on rejoint une préoccupation propre aux deux gouvernements, Mme la ministre. Nous voulons l'intégration de l'homme nouveau québécois à la culture québécoise dans laquelle, tout le monde le sait, la religion va jouer un très grand rôle. Et, là, si votre musée sert en plus à resserrer le tissu multiethnique québécois, là, ça lui fait une autre dimension...

Mme Paradis: C'est ça.

M. Godin:... qui, à mon avis, est une flèche de plus dans votre carquois...

Mme Paradis: Tout à fait.

M. Godin:... pour aller chercher l'appui du gouvernement, quel qu'il soit, et des ministères, quels qu'ils soient. Je pense, entre autres, au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qui serait sûrement fortement intéressé à donner un coup de main ou du moins à faire connaître l'existence de ce musée-là.

Mme Paradis: Oui. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous, M. Godin. Et, d'ailleurs, nous nous préparons actuellement à vivre Noël avec les Ukrainiens cette année. Et, effectivement, le ministère interculturel est impliqué et suit le projet de très près.

M. Godin: Le ministère des Communautés culturelles?

Mme Paradis: Pardon?

M. Godin: Le ministère des Communautés culturelles.

Mme Paradis: Oui.

M. Godin:... embarque dans la...

Mme Paradis: Oui, mais nous avons fait des démarches et c'est un projet qu'ils aiment beaucoup parce que, justement, il est unique. Et je pense que ce ministère-là sera appelé à collaborer éventuellement dans la préparation de nos expositions, par exemple, parce qu'il faut aller chercher aussi de l'aide ailleurs qu'au ministère des Affaires culturelles.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Paradis. Merci, M. le député de Mercier. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement.

M. Boulerice: Pardon? Oui. Ah! Je m'excuse.

Le Président (M. Gobé): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Merci, sauf que je ne sais pas si on l'aura pour Noël. Mais je vous concède une chose: Le Québec a commencé à se donner un réseau muséologique qui est de qualité et qui ne me rend pas... Enfin, je n'ai pas de sentiment d'infériorité quand je regarde ce qu'on a. Parmi ce réseau, effectivement, il y a le vôtre. Je pense que toute politique devra tenir compte, effectivement, des musées privés et de leur financement. Je suis bien d'accord avec les musées d'État, mais, comme vous l'avez dit, on ne peut pas avoir un musée d'État dans chacune des villes. Vous ne demandez pas d'être gros, mais d'être excellents, donc il faut vous en donner les moyens. Je pense que c'est une phrase qu'il faut retenir de votre part. Mme Paradis, je vous remercie, M. le maire, M. le président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, s'il vous plaît, le mot de la fin.

Mme Frulla-Hébert: Enfin, j'ai laissé la place à mon collègue. C'est difficile de ne pas parler. Vous savez, effectivement, le département des miracles c'est chez vous, ce n'est pas chez nous. Pour Noël, ça c'est un peu tôt. Mais, ceci dit, j'ai demandé une commission. Justement, si c'est la première fois que ça se fait, c'est parce qu'on a besoin de changement. On pense à des ententes triennales. On a beaucoup participé à l'ouverture du musée, au niveau du financement, au niveau du fonctionnement des équipements. Et, là, vous avez eu, je pense, la première tranche, mais il s'agit d'établir... Malheureusement, effectivement, ça se décide l'automne. Encore là, bien souvent, avant de regarder dans la cour des autres, il faut aussi se regarder et voir ce qui ne fait pas. Alors, des changements,

il y en aura au niveau du fonctionnement, parce qu'il y a, dans certains secteurs - c'est normal après 30 ans aussi - certains problèmes.

Ceci dit, j'ai eu le plaisir de visiter votre musée. C'est effectivement un musée unique. L'idée aussi de mon confrère, quand on parle de relier les diverses communautés et de faire connaître les diverses communautés par le biais d'un équipement tel que le vôtre, d'un musée tel que le vôtre, c'est une excellente idée aussi. Alors, évidemment, on vous encourage à continuer.

Et je reviens encore. Quand on parle de saupoudrage, dans l'esprit du rapport Arpin - je l'ai dit et je le répète, il ne faut quand même pas avoir une fausse perception et ça serait mauvais de la véhiculer faussement - c'est qu'on parle beaucoup de consolidation. Parce que, quelque part, on pourrait peut-être tout financer, mais c'est sûr que les moyens ne seront pas illimités, que ce soit dans un gouvernement ou dans un autre. Moi, personnellement, j'aime autant avoir une vision plus réaliste et, à partir de cette vision réaliste, bâtir. Merci beaucoup, Mme Paradis.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Nicolet, connaissant votre intérêt et pour votre comté et pour les religions, il me fait plaisir de vous céder le mot de la toute fin.

M. Boulerice: Amen! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Richard: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire, madame, messieurs. Et je vais prendre un de vos termes, tout à l'heure, en disant: Je suis très fier, comme député, d'être associé, et de très près, à cette histoire d'amour avec le Musée des religions. Grand merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le député. Merci, Mme Paradis, messieurs, M. le maire, merci beaucoup. Ceci met fin à votre audition. Soyez assurés que les membres de la commission ont apprécié votre mémoire et que nous tiendrons compte de vos recommandations lors de l'élaboration de cette politique. Nous vous remercions. Nous vous souhaitons un bon retour chez vous.

Je demanderai maintenant, sans plus tarder, aux représentants du groupe suivant, soit ceux de la ville de Gatineau, de bien vouloir venir prendre place à la table, afin que nous puissions commencer les auditions.

Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la table, nous allons commencer les travaux de cette commission, recommencer les travaux. Il me fait plaisir d'accueillir, cet après-midi, les représentants de la ville de Gatineau, qui sont M. Simon

Racine, conseiller municipal - bonjour, M. Racine - M. Robert Bélair, directeur adjoint de la ville - bonjour, M. Bélair - Mme Hélène Grand-Maître, directrice de loisir et culture - bonjour madame - et Mme Jacinthe Deault, chef de division, loisir et culture. Bonjour. Je vois une autre personne qui vous accompagne.

Mme Ménard (Lucie): Lucie Ménard, directrice générale de la Maison de la culture de Gatineau.

Le Président (M. Gobé): Pouvez-vous répéter votre nom afin que nous puissions...

Mme Ménard: Lucie Ménard.

Le Président (M. Gobé): Bonjour à vous aussi. Alors, sans plus tarder, je vous inviterais à commencer la présentation de votre mémoire ou les réflexions dont vous avez à nous faire part. Vous n'êtes pas obligés de lire le mémoire complètement, les membres de la commission en prennent connaissance de toute façon. Vous avez 15 minutes. Alors, s'il est un peu long, vous pouvez le résumer et, par la suite, nous entamerons la discussion avec les représentants de chacun des deux partis représentés à cette commission. Vous avez la parole.

Ville de Gatineau

M. Racine (Simon): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président, je désire tout d'abord remercier la commission d'avoir permis la présentation de ce mémoire. Je tiens à excuser auprès de la commission l'absence du maire de la ville de Gatineau, M. Robert Labine, qui est retenu par d'autres obligations.

Je vais quand même lire, M. le Président, le contenu de ce mémoire, tout en sautant quelques endroits. Avec une population atteignant maintenant le cap des 90 000 habitants, la ville de Gatineau est devenue, sur le plan démographique, la sixième ville en importance du Québec et la région de l'Outaouais, le troisième centre urbain après les agglomérations de Montréal et de Québec.

Depuis quelques années, la ville de Gatineau connaît une croissance démographique accélérée, comme l'illustre la construction de trois nouvelles écoles primaires actuellement en cours sur son territoire. Constituée principalement de jeunes familles, sa population est composée à 38 % de personnes de moins de 20 ans. L'ouverture, au cours des dernières années, du Centre hospitalier de Gatineau et du pavillon Félix-Leclerc du collège de l'Outaouais a stimulé son développement en répondant à des besoins pressants de sa population en matière de santé et d'éducation.

Sur le plan culturel, des progrès importants seront bientôt accomplis, grâce à la construction

d'une maison de la culture comprenant une bibliothèque, une salle d'exposition et une salle de spectacle. La ville de Gatineau participe, dans une proportion de 40 %, au financement de cette infrastructure. Prévoyant assumer les coûts qui lui reviennent dans l'opération de ces services, la ville de Gatineau pourrait consacrer, en 1992, plus de 2 000 000 $ de ses budgets à la culture, et ce, sans compter le service de la dette sur les équipements de construction. Ce montant représente 2,2 % du budget total de la ville.

Nous vous faisons remarquer, M. le Président, que la ville de Gatineau est sur le point d'avoir, en termes d'équipement... La bibliothèque centrale, sa superficie va passer de 9800 pieds à 25 000 pieds carrés et, comme on vous le disait tantôt, la salle de spectacle est en cours de construction. C'est une salle de spectacle de 652 places et qui doit ouvrir ses portes en février 1992. De plus, notre salle de spectacle sera intégrée à l'ensemble de ce complexe qu'est la maison de la culture.

Son engagement financier a ainsi augmenté de près de 57 % au cours des deux dernières années, seulement pour des services qui relèvent exclusivement du domaine de la culture. Ces budgets affectés aux activités socioculturelles ou communautaires ne sont pas comptabilisés dans ce montant. (17 h 15)

À quelques minutes du centre-ville d'Ottawa, la ville de Gatineau est confrontée à la réalité de ville frontalière et à l'importante présence des infrastructures culturelles de la capitale nationale.

Au moment où la population et le gouvernement du Québec affirment leur désir d'autonomie en matière culturelle, il devient nécessaire de permettre aux municipalités frontalières de jouer pleinement le rôle de porte-étendard de la diffusion culturelle québécoise, et ce, d'autant plus qu'elles représentent la principale agglomération urbaine en région au Québec. La situation frontalière de l'Outaouais est un des facteurs qui expliquent le retard du développement des services publics dans notre région.

Sur le plan culturel, l'étude sur le financement des arts et de la culture au Québec, d'André Coupet, démontrait en effet que cette région n'avait pas reçu, au cours des dernières années, la part qui lui revenait: "Si l'on ne tient compte que du seul critère relié à la population, plusieurs régions de la province reçoivent des sommes inférieures au poids relatif de la population sur leur territoire, ceci est particulièrement le cas dans les régions centrales de l'Estrie, la Mauricie et l'Outaouais."

Suite à l'adoption d'une politique sur les arts et la culture dans l'élaboration d'une stratégie d'intervention, la ville de Gatineau souhaite que le ministère tienne compte de cette réalité pour apporter un soutien accru à l'effort municipal dans le domaine culturel en temps que partenaire privilégié.

Dans cette mise en situation, nous voulons mettre le focus sur trois choses en particulier: le fait que la région de l'Outaouais, c'est une région frontalière; le fait que la région de l'Outaouais est la troisième agglomération urbaine du Québec et le fait aussi que la ville de Gatineau a une population qui est jeune: 38 % qui ont moins de 20 ans.

Je pense que la ville est d'accord avec la plupart des recommandations de la commission Arpin. Donc, je vous invite à passer aux pages suivantes, à la page 7 qui touche particulièrement certaines recommandations qui ont attiré le plus notre attention, dont la proposition no 5: Éviter le saupoudrage dans le secteur d'aide à la création.

L'activité culturelle au niveau municipal dans les régions au Québec ne saurait se développer sans l'apport d'un milieu culturel dynamique et fort. C'est pourquoi la ville de Gatineau appuie la recommandation qui propose que des mesures de rationalisation budgétaire soient prises dans des programmes d'aide à la création pour ainsi éviter le saupoudrage. Elle souhaite aussi que les subventions accordées soient rattachées à des mandats précis.

Aux propositions 7, 8 et 9, la ville de Gatineau apporte son appui aux mesures permettant la consultation des assises budgétaires des organismes, ainsi que celles définissant les conditions d'accès aux programmes gouvernementaux: définition des organismes admissibles, budget triennal, restauration des budgets par rapport à l'inflation. Elle souligne aussi la nécessité d'assurer une plus grande cohésion et une meilleure transparence dans l'accès à ses programmes ainsi qu'une distribution équitable des fonds du soutien gouvernemental dans le secteur culturel.

Proposition no 11. Une certaine stabilité du soutien gouvernemental permettrait aux organismes de mieux planifier leur budget. Dans le cadre municipal, cette mesure pourrait être intégrée aux ententes de principe entre le ministère et les municipalités sur la base d'un énoncé de politique. En commentaires, on a l'impression que les règles du jeu ne sont pas toujours claires, définies. Il nous semble que les subventions à la construction d'un nouvel équipement varient en pourcentage pour de l'équipement parfois semblable peut-être dans d'autres municipalités.

Proposition no 32. La formation des gestionnaires culturels devient un élément important du développement que le Québec connaît dans le domaine culturel depuis quelques années. C'est pourquoi la ville de Gatineau appuie toute mesure qui permettrait le développement harmonieux des programmes de formation et de perfectionnement de la gestion des arts.

Proposition no 38. La ville de Gatineau se

prononce en faveur de l'application du programme du 1 % pour les municipalités et l'entreprise privée qui pourrait devenir le programme art et architecture, le tout sur une base volontaire pour les programmes de construction dont les budgets excèdent 3 000 000 $.

Le ministère des Affaires culturelles devrait également demeurer maître-d'oeuvre de ce programme et y participer par des mesures incitatives.

Proposition no 47 du chapitre 2. En ce qui concerne le patrimoine en région, les programmes visant la protection du patrimoine bâti devraient soutenir financièrement les propriétaires afin de les encourager dans le domaine de la restauration des édifices d'intérêt patrimonial.

Par ailleurs, la ville de Gatineau tient à souligner l'importance de la conservation du patrimoine vivant. Il s'agit là d'un aspect important de la culture dont les régions du Québec sont d'importants dépositaires.

Sur le plan du patrimoine écrit, il serait possible de mieux reconnaître l'apport des centres d'archives municipaux en les intégrant davantage aux programmes culturels du ministère. Il importe aussi de préserver les centres régionaux d'archives.

Propositions nos 50 et 51. La ville de Gatineau reconnaît que le Grand Montréal constitue un pôle culturel de portée nationale et que la situation de la ville de Québec est spécifique. Elle tient cependant à appuyer toute mesure favorisant tant les échanges des grandes institutions vers les régions que la diffusion des réalisations régionales dans les grands centres, pour éviter la création d'un vide culturel à l'extérieur des deux grandes agglomérations de Montréal et de Québec.

Le Président (M. Gobé): M. Racine, je suis dans l'obligation de vous demander de conclure afin que nous puissions entamer le processus qui suit...

M. Racine: D'accord.

Le Président (M. Gobé): ...c'est-à-dire la discussion.

M. Racine: J'ajouterai peut-être une recommandation.

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, allez-y.

M. Racine: Une dernière recommandation, celle de la page 13, là. Avec la création des bureaux régionaux du ministère des Affaires culturelles, le rôle des conseils régionaux de la culture est devenu de plus en plus ambigu. Ces structures font souvent double emploi et n'atteignent pas toujours les objectifs pour lesquels elles avaient été créées en 1977.

À cet effet, on pourrait dire que les allocations annuelles octroyées aux CRC sont de 127 000 $. C'est plus que les montants qui sont versés aux diffuseurs en région, qui sont de 111 000 $. Et aux créateurs, ils sont de 146 000 $. Donc, on recommande plutôt qu'une formule consultative, intégrant les municipalités à titre de partenaires privilégiés, soit développée. Ainsi, le ministère des Affaires culturelles pourrait encore mieux servir de guide auprès des municipalités tout en respectant leur autonomie afin que chaque région soit en mesure de développer les éléments de sa propre identité.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Racine. Et je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Et j'avise aussi que, tout à l'heure, je requerrai le consentement afin que le député de Gatineau puisse, lui aussi, intervenir et poser quelques questions. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Racine, bienvenue. On parle d'efforts concertés. Je me souviens, quand je suis allée chez vous - je dirais peut-être avant de commencer la commission, là - il y a à peu près un mois, un mois et demi, on a beaucoup parlé d'efforts concertés entre la municipalité et le ministère, d'une part. Notre investissement, d'ailleurs, de 6 000 000 $ dans la maison de la culture joint aux efforts financiers de la municipalité, c'est aussi un bon pas vers, justement, cette concertation que nous souhaitons. Et, évidemment, c'est et ça a toujours été notre volonté, de toute façon, au ministère des Affaires culturelles, de travailler de pair avec les municipalités pour, justement, améliorer le développement culturel spécifique à chacune des municipalités et à chacune des régions. De là, un ministère... et notre ministère est le plus décentralisé au gouvernement avec des enveloppes, depuis avril - nos bureaux régionaux ont des enveloppes propres - pour, justement, être plus près encore de la population.

Maintenant, vous parlez beaucoup d'autonomie des municipalités: "La ville de Gatineau insiste pour que le gouvernement maintienne le caractère incitatif des dispositions..." On parle beaucoup, là, de toute cette autonomie des municipalités. Et le travail en collaboration, oui, mais vraiment l'autonomie des municipalités. Développez-moi un peu, là, cette idée d'autonomie. Je veux bien comprendre.

Le Président (M. Gobé): M. Racine? Madame?

Mme Deault (Jacinthe): Lorsque c'a été développé, c'était surtout dans l'esprit que chaque municipalité a une situation spécifique. D'abord, c'est une situation par rapport, comme dans notre cas, à notre situation géographique qui est unique et aussi par rapport à sa situation, par rapport à son milieu culturel. Par exemple, dans

un cas précis, le patrimoine peut être l'élément moteur, tandis que, dans un autre cas, ça peut être les arts d'interprétation ou, dans un autre cas, ça peut être un autre type d'élément fort.

Dans un plan de développement d'une municipalité, la municipalité ne peut pas faire autrement que compter sur ce qui la compose. C'est pourquoi, tout modèle qui serait impose ou tout modèle qui serait, je dirais, parachuté risquerait de ne pas être exactement bien fait sur mesure et, d'autre part, ne pourrait peut-être pas aussi entièrement correspondre au projet de développement d'une municipalité de façon harmonieuse. C'est pourquoi - en tout cas, je crois - par exemple, les programmes incitatifs, qui donnent une certaine direction, permettent au ministère des Affaires culturelles de continuer à exercer son leadership, sont particulièrement intéressants pour les municipalités. À ce titre, je pense qu'un programme incitatif qui a très bien fonctionné, c'est celui des bibliothèques où on a vu les municipalités intervenir et se doter d'équipements qui peuvent être adaptés à des besoins précis selon chacune et peuvent avoir certaines formules spécifiques selon chacune et aussi correspondre au plan de développement économique de chacune des municipalités et, en même temps, correspondre aux besoins généraux qui sont définis à l'intérieur du ministère des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Pour revenir à votre municipalité, qui a quand même un caractère assez spécial à cause, justement, de la proximité... Hull, c'est la même chose aussi; c'est une région qui, même si plus éloignée que Hull, est quand même relativement frontalière. Est-ce qu'au niveau de l'implication de la municipalité... Il y a sûrement des problèmes, on m'a d'ailleurs fait part de problèmes spécifiques chez vous, justement à cause de cette situation géographique particulière. Est-ce qu'il y aurait lieu, à ce moment-là... Vous parlez de modulation de programmes spécifiques justement pour ce genre de contexte géographique. Est-ce qu'il y aurait lieu, finalement, au niveau des programmes... Comment on fait? Je vais vous dire honnêtement: Comment on fait? Quand même, les gens bénéficient aussi d'autres équipements environnants. Si tu vas un petit peu plus loin, tu traverses, tu t'en vas à Ottawa; évidemment, c'est la capitale nationale du Canada, alors les équipements sont énormes. Alors, comment on ferait, chez vous, si on voulait justement moduler les programmes pour vraiment bien travailler avec votre région? Quels secteurs faudrait-il privilégier, par exemple?

Mme Deault: C'est une question très difficile, je crois, qui mériterait sûrement une réflexion prolongée. Mais, à première vue, c'est difficile de déterminer ça en termes de secteurs.

Je pense que ça va être plus possible de le déterminer en termes de créneaux, dans le sens que, peut-être que la maison de la culture qui est actuellement en construction va être un début de réponse à cette question-là, dans le sens que la maison de la culture se définit aujourd'hui - ma collègue pourra peut-être ajouter à ce que j'ai à dire - non pas comme un élément qui est une copie du Centre national des arts, non pas comme une concurrence au Centre natio-tional des arts, mais comme un élément qui va apporter son point spécifique, qui va se démarquer dans un créneau spécifique et qui va apporter, je dirais, un nouvel essor au développement culturel, sans pour autant contredire les efforts qui sont déjà faits à un autre niveau, dans d'autres paramètres au niveau du Centre national des arts et d'Ottawa. (17 h 30)

Mme Ménard: Effectivement, pour renchérir là-dessus, la maison de la culture va avoir des créneaux définis. Il est un peu tôt pour le faire à ce moment-ci, mais la population et, finalement, la région de l'Outaouais québécois ont aussi des attentes qui sont différentes de ce que le Centre national des arts peut donner comme services. Parce qu'il reste que c'est quand même au Québec et c'est quand même une attente qui est bien différente de celle qu'on a de l'autre côté de la rivière, même si c'est finalement national. Alors, ce sera à définir et ce sera de répondre aux attentes réelles des Québécois de notre côté de la rivière, finalement, l'Outaouais québécois, et ça, c'est important.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame. Comme habituellement, lorsqu'on a un groupe et qu'il y a les députés régionaux dans la salle, qui sont présents, ou des députés locaux, nous faisons un aménagement du temps et nous requérons le consentement en vertu de l'article 132 de notre règlement, afin qu'ils puissent dialoguer avec les gens. Ça fait qu'on a le député de Gatineau, comme je le disais précédemment, M. Lafrenière. Il semble que sa popularité dépasse même le temps que je puisse demander le consentement. Alors, il semble que vous avez le consentement unanime.

M. Lafrenière: II ne faudrait pas en mettre trop, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Ce qui fait que vous avez la parole, M. le député.

M. Lafrenière: Je vous remercie. Je dois féliciter d'abord la ville de Gatineau qui fait une... Entre autres, la ville de Gatineau comme telle présente le mémoire aujourd'hui, et une partie de la ville de Gatineau est dans mon comté. Je ne voudrais pas prétendre représenter tout l'Outaouais, mais je dois vous féliciter de faire cette action que vous faites aujourd'hui en

présentant un mémoire.

Par contre, je vais peut-être me faire l'avocat du diable en vous posant la question suivante: Vous souhaitez remplir le rôle de porte-étendard au niveau de l'Outaouais en matière de culture; qu'est-ce que vous faites de la Communauté urbaine? À quelle place la situez-vous, à ce moment-là?

M. Racine: M. le député Lafrenière, actuellement, vous savez comme nous que la CUO est née depuis quelques mois. Disons que c'est un dossier qui n'a pas été abordé ou approché, malgré qu'on peut dire, dans les années ou dans les mois à venir, sûrement qu'au niveau de la CUO la porte n'est pas fermée, et il reste à sensibiliser la présidence à ce dossier-là. Nous n'avons pas la prétention, la ville de Gatineau, de représenter ce qu'on appelle l'ensemble de l'Outaouais. Ce qu'on voulait souligner, en fait, c'est qu'on est, quand même, une grande région, la troisième grande région du Québec en milieu urbain. Et on peut dire que, parfois, on ne s'est peut-être pas senti oublié, mais on a quand même toute une structure ou une vie culturelle à construire actuellement. D'autant plus que vous savez que la ville de Gatineau a une naissance qui est relativement récente, de 15 ans. Donc, il y a beaucoup de choses à structurer. Avec les équipements dont on entend se doter, ça va sûrement, dans une première initiative, apporter quelque chose de mieux, je pense, à la vie culturelle de Gatineau.

Le deuxième, je pense, c'est suite à cette commission parlementaire et ce qu'il va en découler. Sûrement, nous, on va se pencher pour établir ce qu'on appelle une politique, adopter une politique de culture à l'intérieur même de la ville de Gatineau.

M. Lafrenière: Autrement dit, vous allez devenir le siège social de la Communauté urbaine de l'Outaouais.

M. Bélair (Robert): Ce n'est pas tout à fait ça. En fait, la Communauté urbaine vient d'être créée. On connaît les dossiers importants qu'elle a en main actuellement. Elle doit se restructurer d'abord et, deuxièmement, elle a ces dossiers d'environnement à régler. Je pense que, pour l'instant, la Communauté ne touchera pas au secteur culturel à court terme. Alors, la ville de Gatineau présente son mémoire en tant que ville et non pas sous la bannière de la Communauté urbaine.

M. Lafrenière: Ce n'est pas parce que je vois ça d'un mauvais oeil. Si quelqu'un prend le leadership, autant qu'il vienne de mon comté. On pourrait engloutir une partie de Pontiac...

Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez terminé, M. le député? Je vous remercie. Je passe maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, je reconnaîtrai M. le député de Mercier. Je vous préviens à l'avance, M. le député.

M. Boulerice: Oui. M. le conseiller municipal, mesdames, messieurs, malheureusement, il n'y a pas de député de ma formation politique dans votre région, mais rassurez-vous, la prochaine fois, nous verrons à corriger.

Une voix: II est optimiste.

M. Boulerice: Ah! mais, monsieur, je fréquente cette région, d'ailleurs, et ils savent bien, ils lisent les journaux, ils regardent la télévision. J'ai même fait des pronostics pour la prochaine fois. La première question que j'aimerais vous poser, c'est juste pour mon bénéfice personnel, M. Racine. Est-ce qu'à votre conseil municipal il y a un conseiller pour qui ce dossier est une affectation précise, un mandat précis du conseil?

M. Racine: Oui. Oui, M. le député Boulerice. Actuellement, nous avons ce qu'on appelle un comité spécifique à ce dossier, qu'on appelle le comité de services aux citoyens, qui comprend tout le service de loisir et culture et les activités sportives de plein air. Mais il y a un comité qui chapeaute ce qu'on appelle le côté culture, à la ville, oui.

M. Boulerice: D'accord. Et qui est sous l'autorité d'un conseiller municipal, qui, lui, fait rapport au conseil.

M. Racine: D'un président de comité et certains membres du conseil municipal sont membres de ce comité. De plus, je veux vous souligner qu'à la Maison de la culture on a ce qu'on appelle aussi un organisme, formé dans l'administration de la Maison de la culture, qu'on appelle la Corporation de la Maison de la culture.

M. Boulerice: Ma question n'était pas anodine parce que je voulais, par cela, prouver qu'il y a des municipalités où, vraiment, on voit que c'est un engagement, une volonté politique ferme d'oeuvrer dans le domaine de la culture. Je pense que c'est important de le connaître dans le cas de Gatineau, ce qui est aussi le cas pour vos collègues et amis de Boucherville qui sont venus cet après-midi.

M. Bélair: Sur ce point, je voudrais ajouter que, il y a trois ans, la ville s'est dotée d'une stratégie en matière de culture, qui a commencé, on le voit, avec l'installation d'équipements, parce qu'on n'en avait aucun, et qui sera suivie, à court terme, d'une politique culturelle qui devrait être présentée au ministère au cours des deux prochaines années.

M. Boulerice: D'accord. Vous faites ressortir l'impact négatif de la TVQ sur les produits culturels et, éventuellement, sur les manifestations culturelles également et vous rejetez la TVQ réduite à 3 %, telle que proposée dans le rapport Arpin. Pourquoi?

M. Bélair: C'est une question d'accessibilité et, dans notre cas, c'est d'autant pire parce qu'on est situé en frontière. Si on prend un spectacle, par exemple, qui se donnerait à Gatineau, si vous ajoutez la TPS et la TVQ alors que vous n'avez pas cette taxe en Ontario, ça rend notre secteur passablement moins concurrentiel.

M. Boulerice: Vous déplorez l'absence de recommandations très concrètes du rapport Arpin dans le cas des bibliothèques publiques. Je suis curieux, là. Qu'est-ce que vous attendez du ministère à cet égard, étant donné, et vous l'avez mentionné, que le rapport Sauvageau dort sur les tablettes du ministère depuis trois ans, vous le dites et l'Association des directeurs de bibliothèques publiques est venue nous le dire il y a quelques jours. Et Dieu seul sait que, dans les municipalités, beaucoup de la vie culturelle est centrée autour de ce pôle qui est la bibliothèque. On a souvent fait le centre culturel alentour de la bibliothèque, en plus.

Mme Deault: On a un peu été étonnés de voir que le secteur de la bibliothèque n'était pas plus présent à l'intérieur du rapport Arpin, d'autant plus que c'est un secteur, en tout cas, où il y a eu, je crois, des développements assez considérables au cours des dernières années. Il y a eu des pas, qui ont été franchis, qui ont été importants. Maintenant, on a simplement voulu souligner cet élément et souligner l'importance du rapport Sauvageau dans ce cadre-là.

M. Boulerice: Vous avez forcément pris connaissance du rapport Sauvageau, puisque vous en pariez. Donc, vous souhaitez l'application du rapport Sauvageau, donc une loi s'inspirant du rapport Sauvageau dans les meilleurs délais. Je ne sais pas quel est l'état de votre bibliothèque, mais l'état des bibliothèques publiques au Québec, vous le connaissez comme moi, on est à proximité de Terre-Neuve, en termes de performance. Près de 1 000 000 de Québécois n'ont pas accès à une bibliothèque publique. Les bibliothèques s'appauvrissent. Là, on a échappé, grâce à la vigileance de l'Opposition, à la TVQ sur le livre, mais il y a quand même la GST fédérale qui est là-dessus, ça vous appauvrit dans vos budgets d'acquisition.

M. Bélair: En ce qui concerne les bibliothèques, il y a eu des efforts importants qui ont été faits récemment, tant par le ministère que par la ville. Nous avons doublé les superficies de plancher pour les bibliothèques et nous avons, du côté de la ville, avec le soutien du ministère, voté des budgets spéciaux pour augmenter de façon importante... plus de 250 000 $ en volumes. Je pense que, de ce côté-là, nous sommes partis d'un bon pied depuis quelques années.

Mme Deault: Vous avez raison, par ailleurs, de souligner l'importance que les bibliothèques représentent du point de vue municipal, étant donné qu'il s'agit d'un service très largement accessible aux citoyens. Et à cet effet-là, c'est sûr que... Et, d'ailleurs, ça, le rapport Arpin l'a déjà souligné que c'était le premier secteur dans lequel les municipalités se sont largement impliquées. Ce n'est pas un effet du hasard, effectivement, compte tenu, je dirais, de l'étendue du service que représentent les bibliothèques.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Mercier.

M. Boulerice: Juste une toute dernière petite vite, M. le Président. Vous vous prononcez en faveur de la fin du saupoudrage. Je ne veux pas jouer le jeu de l'adéquation mathématique avec vous, mais tous les intervenants en région - et vous êtes inévitablement une région - craignent beaucoup que la fin du saupoudrage soit pour eux une certaine asphyxie et, vous, vous dites plutôt: Subventions à des mandats précis. Mais un mandat précis, c'est quoi?

Mme Deault: C'est bien sûr que, dans le domaine de la création, c'est très difficile, dans le sens que le domaine de la création est souvent associé au domaine de la recherche et développement dans le domaine scientifique ou technique ou dans les technologies de pointe. Et je pense que cette comparaison-là est très réaliste. Par ailleurs, sur le plan du financement ou du soutien qui est accordé aux organismes ou au fonctionnement, le saupoudrage peut avoir des effets extrêmement négatifs, d'une part, et, d'autre part, dans le cas où c'est rendu de façon trop large, mener à la faillite de l'ensemble. Au lieu de soutenir un nombre qu'on est capable de soutenir, on finit par se retrouver dans une situation où c'est presque impossible de mener des dossiers culturels.

C'est dans cet esprit-là qu'on a parlé de mandats précis. C'est sûr que loin de notre idée est de dire que le ministère ou les municipalités auront à définir les mandats des créateurs sur le plan du contenu ou des contenus artistiques qui devraient être produits; ça, c'est sûr qu'on va garder, on va préserver la liberté entière des créateurs à ce niveau-là. Par contre, au niveau de l'opération ou du fonctionnement des organismes, on croit qu'il y a lieu de préciser les mandats et que cette précision de mandats permettrait aux municipalités d'agir de façon peut-être plus cohérente, en collaboration peut-

être plus étroite avec certains organismes ou, en tout cas, en accord avec des orientations qui seraient prises par les bureaux régionaux ou par le ministère des Affaires culturelles.

Le Président (M. Gobé): Alors merci, madame. M. le député de Mercier, il reste quatre, cinq minutes.

M. Godin: Merci, M. le Président. M. Racine, je vais vous poser une question qui regarde plutôt, probablement, le maire de la municipalité. Mais j'aimerais savoir... Vous avez chez vous, tout d'un coup, l'implantation d'un éléphant fédéral qui est le musée qu'on connaît, le musée national canadien. J'aimerais savoir si la ville de Gatineau a été consultée ou informée par le fédéral, eu égard à son plan d'urbanisme, de l'implantation de ce musée sur son territoire et si elle a eu un mot à dire.

M. Racine: M. Godin, vous faites mention, je pense, du Musée de la civilisation et le Musée de la civilisation est situé dans la ville de Hull. (17 h 45)

M. Godin: Alors, je me trompe. Je me trompe de témoin. Veuillez m'en excuser. J'aimerais aussi savoir de vous... Le Musée de la civilisation, ce n'est pas du tout celui auquel je pense. Je pense à celui qui est dans la ligne de la cathédrale. C'est encore à Hull, ça? Le Musée des beaux-arts...

Une voix: II est à Ottawa. M. Godin: II est à Hull.

M. Bélair: Le Musée des beaux-arts, il est à Ottawa.

M. Racine: Justement, c'est à Ottawa. À un moment donné, vous avez de la difficulté à trouver d'autres édifices culturels à Gatineau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: Parce que j'aurais aimé aussi savoir...

M. Boulerice: II a fait ce qu'on appelle une preuve par l'absurde.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: J'aurais aimé aussi savoir si ce bâtiment-là est intégré, dans l'esprit de la ville et du travail de Mme Grand-Maître, au réseau d'équipements de la ville de Gatineau, soit par l'usage, au besoin, d'une salle de spectacle ou d'une salle de cinéma pour les citoyens de Gatineau.

M. Bélair: Je pense que le plus bel exemple qu'on pourrait prendre dans ce type-là, c'est le Centre national des arts dont on parlait tout à l'heure. Nous avons pris comme attitude, plutôt que de partir en guerre contre un organisme qui est autrement plus équipé qu'on peut l'être, de fonctionner en complémentarité avec lui. Lorsqu'on parlait de développer des créneaux, on le consulte, on travaille avec lui, parce qu'il n'est pas question pour nous de bâtir un éléphant blanc et de partir en guerre contre le Centre national des arts. On essaie de travailler en complémentarité avec lui et, de cette façon-là, je crois qu'on va y arriver.

M. Godin: Mais, là, on pourrait parler, comme la ministre l'autre jour, d'un partenariat à géométrie variable.

Le Président (M. Gobé): M. le député, merci.

M. Godin: J'ai terminé.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement très rapidement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Très rapidement, oui.

Le Président (M. Gobé): Nous avons dépassé.

M. Bouierice: Non, Gatineau comme Hull, puisque mon collègue a parlé de Hull, font toujours partie du territoire québécois et je n'ai pas l'impression que ça va être le contraire demain. Donc, effectivement, je pense qu'il y a une attention tout à fait précise qu'on doit avoir. Et je peux vous dire que, pour ce qui est de ma formation politique, dans les jours à venir, comme disait Diane Dufresne dans une chanson: Vous aurez de mes nouvelles dans les journaux. Nous aurons sans aucun doute des choses à discuter et vous verrez qu'il y a une place pour ce qui est spécifiquement de la région de l'Outaouais, de l'Outaouais québécois.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député...

M. Boulerice: Votre région mérite une attention particulière.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci à vous tous. Évidemment, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Nous avons collaboré avec vous dans la Maison de la culture. Je vous écoutais parler tantôt, en tout cas, de complémentarité, parce que ce qui existe, veux veux pas, on n'est pas pour le détruire non plus. Il va y avoir des représentants aussi de la région de Hull. On

comprend aussi - je l'ai vu, de toute façon, pour discuter avec plusieurs d'entre vous - la particularité de cette région-là et cette complémentarité que vous vous devez aussi de développer, ne serait-ce qu'à cause de tout ce qui existe autour. Alors, évidemment, si on est ici, si j'ai demandé une commission parlementaire, c'est pour qu'il y ait des changements et, avec ces changements, il y a toute la modulation au niveau des particularités régionales. Alors, merci encore d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Avant de terminer, j'aimerais donner le mot de la fin à M. le député de Gatineau afin qu'il puisse vous remercier comme il se doit.

M. Boulerice: ...c'est une promesse. C'est ça que vous allez dire?

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques! M. le député de Gatineau, vous avez la parole pour les remerciements au groupe.

M. Lafrenière: Je vais m'associer à la ministre et à tout le monde pour vous remercier du geste que vous avez posé, d'être venus déposer un mémoire à la commission de la culture. Mais je me permettrai de vous dire que vous n'attendrez pas après une prochaine maison de la culture, c'est déjà fait dans l'Outaouais, dans le comté de Gatineau, pour répondre à M. Boulerice.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Gatineau.

M. Boulerice: ...ils vont être bien équipés.

Théâtre du Nouveau Monde

Le Président (M. Gobé): Merci, mesdames et messieurs. Il nous a fait plaisir de vous recevoir. Soyez assurés que nous prenons bonne note de votre mémoire et nous vous souhaitons un bon retour dans votre région. Alors, ceci met fin à votre audition. Vous pouvez vous retirer.

Sans plus tarder, je demanderai aux représentants du Théâtre du Nouveau Monde de bien vouloir prendre place en avant.

Alors, bonsoir messieurs. Si je me fie à ma liste, le Théâtre du Nouveau Monde est représenté par M. Oliver Reichenbach, directeur artistique - bonsoir monsieur, à cette heure-ci, on peut dire bonsoir - et M. Michel Noël, directeur administratif. Bonsoir, M. Noël.

M. Noël (Michel): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Alors, vu que nous avons une petit peu de retard, sans plus tarder, je vous prierai donc de commencer votre exposé.

M. Reichenbach (Olivier): Bien. Je vous remercie, M. le Président. Mme la ministre, MM. les députés, membres de la commission, donc, je suis le directeur artistique du Théâtre du Nouveau Monde et M. Noël est le directeur administratif. À nous deux, nous représentons, nous sommes la direction générale de cette compagnie de théâtre.

Nous vous avons fait parvenir, il y a un mois, un mémoire sur les recommandations émises par le groupe-conseil Arpin quant à l'établissement d'une politique de la culture et des arts. Vous nous avez invités à venir vous exposer de vive voix notre point de vue et nous vous en remercions. Je voudrais vous dire tout d'abord, parce que c'est de ça qu'il va s'agir, d'où nous venons, mon collègue et moi, et où nous allons retourner d'ici quelques heures, dès demain. Nous allons retourner exercer nos fonctions dans une compagnie de théâtre prestigieusa Je n'ai pas besoin de vous présenter le Théâtre du Nouveau Monde, je peux peut-être simplement vous rappeler qu'il a fêté, ces jours derniers, ses 40 ans d'existence. Donc, dans une compagnie de théâtre prestigieuse, riche d'une histoire de 40 ans, une des plus connues du public, située en plein coeur de la métropole du Québec, et ce que nous allons faire dès demain, comme nous l'avons fait hier et avant-hier et comme nous l'avons fait souvent par les années passées: nous allons nous redemander, une fois de plus, dans combien de temps nous devrons mettre la clé sur la porte. Dans six mois, dans un an, dans deux ans? On ne sait pas. Alors, nous allons tenter de nous imaginer un instant ce que serait Montréal et le Québec sans le Théâtre du Nouveau Monde, et je peux vous dire que nous n'y arriverons probablement pas parce que l'idée serait trop pénible, trop brutale. Alors, comme des fourmis énervées, nous allons retourner à nos calculatrices, parce que, oui, les artistes se servent aussi souvent de calculatrices, un peu trop souvent, et nous allons additionner, nous allons soustraire, nous allons multiplier, nous allons aligner des colonnes de chiffres, nous allons regarder le bas des colonnes et puis nous allons envisager de réduire encore une fois nos activités, de couper nos productions. Puis nous allons aligner de nouvelles colonnes de chiffres, nous allons réduire davantage encore nos prévisions d'activités et, pour finir, nous allons prendre conscience que la seule façon de ne plus prendre aucun risque, de ne plus mettre en péril l'existence d'une grande compagnie de théâtre sera finalement de ne plus produire du tout.

Alors, nous ajouterons cet absurde à celui qui, en 1985, H n'y a pas si longtemps, il y a six ans, nous avait déjà forcés à vendre notre principal outil de travail, notre théâtre, pour survivre. Et ça nous a laissés avec la désagréable impression de jouer le rôle de Gribouille qui se jette à l'eau pour ne pas se faire mouiller par la. pluie. Peut-être que, dans ce même laps de

temps, l'Orchestre symphonique de Québec, que je cite comme exemple, aura réussi, lui aussi, à rationaliser ses budgets en réduisant le nombre de ses musiciens à zéro.

Donc, ce que nous sommes venus vous dire, c'est que, si nous sommes heureux qu'une commission parlementaire siège sur un projet de politique, de loi sur une politique des arts et de la culture, nous sommes venus vous dire qu'il y a une urgence extrême à agir, parce que, pendant que le développement culturel, au niveau du gouvernement, marque un temps d'arrêt et réfléchit, les arts continuent d'avancer, et continuent d'essayer tant bien que mal de produire, et y arrivent de moins en moins. Alors, nous sommes réunis ici à réfléchir ensemble sur un projet de loi dont nous applaudissons le principe sans réserve. Mais, malheureusement, on nous a déjà prévenus et, dans le rapport Arpin, c'est clairement indiqué, que le ministère des Affaires culturelles aura des choix courageux à faire, car les ressources sont rares et plus difficiles que jamais à faire croître. C'est le "plus que jamais" qui est un peu terrifiant, parce qu'il compare la situation actuelle à une situation passée qui prévaut depuis quelques années, au cours desquelles les ressources ont été caractérisées déjà par une maigreur ascétique remarquable.

Le principe fondamental est le suivant. Si le gouvernement québécois n'a pas d'argent nouveau à injecter massivement dans le ministère des Affaires culturelles pour lui permettre de soutenir la culture et les arts ou n'a pas l'intention nette, claire et sans équivoque de le faire, pourquoi sommes-nous ici? Partout il y a des incendies à éteindre et on nous dit encore une fois qu'il n'y a pas d'eau. Ou plutôt, oui, on nous dit qu'il y en a peut-être au loin, au fédéral, dans les municipalités, dans l'entreprise privée. Et si nous nous faisons dire bientôt: Commencez par remplir vos réservoirs avant de venir vider les nôtres, qu'allons-nous répondre?

Voyez, j'aurais voulu venir vous parler d'art, de culture, de projets de société, de la lutte du Québec pour son identité culturelle et je ne peux pas faire autrement que de parler encore et toujours d'argent. Et si nous sommes prêts et disposés, comme nous l'avons toujours été, à parler de sommes qui existent, parler de sommes qui n'existent pas, ça relève de l'exercice un peu futile.

Nous sommes gestionnaires d'une compagnie de théâtre et, comme tels, nous ressentons une profonde empathie pour le ministère des Affaires culturelles, parce que nous pensons que nous sommes une sorte de mini-ministère des affaires culturelles, parce que, comme lui, nous devons nous battre pour négocier nos ressources, comme lui, nous devons passer notre temps à refuser aux artistes leurs besoins les plus élémentaires. Et lorsque nous coupons les ailes à un metteur en scène talentueux, en lui réduisant sa distribu- tion, par exemple, nous ne jouons plus notre rôle d'artistes, nous remplissons la fonction de comptables.

Ce que nous voudrions faire, main dans la main avec le ministère des Affaires culturelles, c'est aller jusqu'au Conseil du trésor, aller jusqu'au Conseil des ministres, aller jusque dans le bureau du premier ministre, pour leur faire comprendre, à nouveau, tenter de leur faire comprendre que le virage historique dans lequel le Québec s'est engagé exige de l'argent, beaucoup d'argent. Ça ne sert à rien de se le cacher. Comment négocier notre statut de société distincte si, bientôt, notre distinction n'est plus, au mieux, qu'un vague folklore et, au pire, un vague souvenir?

Une loi récente a été promulguée par le gouvernement québécois, une très bonne loi, une loi qui était attendue depuis longtemps, qui a été accueillie avec enthousiasme, qui est la loi sur le statut de l'artiste. Cette loi vise à améliorer les conditions de vie des artistes et à leur reconnaître un statut professionnel décent et honorable, au même titre que les autres professions. Mais, en cours de route, on a oublié quelque chose. On oublié que le médiateur majeur entre l'État et les artistes, celui qui redistribue les fonds et assure leur subsistance aux artistes, dans la plupart des cas, c'est le producteur, c'est la compagnie - compagnie de théâtre dans le cas qui nous préoccupe - à qui on a dit si souvent, pendant des années, ceci: Si vous faites un profit en fin d'exercice, vous n'avez pas besoin d'argent supplémentaire et, si vous faites un déficit, vous ne méritez pas d'argent supplémentaire.

Que faire? Pourquoi sommes-nous en péril comme compagnie de théâtre? Je pense que notre mémoire est clair à ce sujet. La maigreur de nos ressources gouvernementales nous oblige de plus en plus, pour compenser, à faire de notre art un commerce à très haut taux de risques, risques tels qu'une vente d'un spectable simplement moyenne peut nous condamner à mort. Alors, de là à considérer que l'art n'a plus d'autre choix que d'être commercial, il n'y a qu'un pas. Et ne nous y trompons pas, j'emploie ici le mot "commercial" dans son sens le plus péjoratif. Nous voulons rêver de qualité, qualité de vie, qualité de l'art, nous voulons rester purs et durs et nous parlons de quantité ou plutôt d'absence de quantité. Non seulement nous devons vendre de plus en plus, c'est-à-dire prévoir, pour équilibrer nos budgets, des taux d'assistance incroyablement élevés, mais, paradoxalement, nous devons vendre de plus en plus cher. C'est un suicide, purement et simplement. Notre mémoire parle du prix des billets, vous l'avez vu, et nous insistons encore aujourd'hui. Mais nous allons ajouter une autre absurdité, celle de la lourde taxation sur les billets en question, quand on rêve à l'accès de tous à la culture. (18 heures)

En 1985, il y a six ans, nous avons vendu notre théâtre pour survivre. Et nous avons survécu, pendant quelques années, grâce à des miracles de succès publics. Ce ne sont que des miracles de succès publics. Ce sont des taux d'assistance de 90 % dans une année, qui ont permis au TNM de survivre depuis 1985. Aujourd'hui, la récession est là, le miracle ne se produit plus tellement. Qu'allons-nous faire? Nous n'avons plus de théâtre à vendre, nous n'avons plus rien à vendre sinon notre âme. Je ne sais pas qui a vraiment les moyens de se la payer. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M. Reichenbach. Et sans plus tarder, je demanderais à Mme la ministre de bien vouloir vous adresser la parole. Vous avez une quinzaine de minutes, madame.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Reichenbach, M. Noël. Bienvenue. Je pense que je l'ai dit pas mal tout l'après-midi, parce qu'il faut s'encourager quand même soi-même, que, si j'ai demandé une commission parlementaire, effectivement, c'est parce qu'on a besoin de changements. Et des changements, il va y en avoir au niveau de notre flexibilité, au niveau... Après 30 ans - de toute façon, on s'en était déjà parlé - ça en prend des changements. Mais il y a des choses que je veux comprendre parce que ça revient chez certains groupes. Autant, d'un côté, on me dit: Le soutien, il faut le donner aux compagnies parce que, finalement, les compagnies font travailler, développent la création, autant les artistes viennent nous dire: Non, non, il faut que le soutien, on le donne à l'individu, à l'artiste même pour que lui, personnellement, puisse se développer.

Deuxièmement, votre compagnie, par exemple, qui est une pionnière, une de nos plus vieilles, une institution nationale, c'est sûr qu'on ne la laissera pas tomber. Excepté que, quand on se retrouve devant - et là il faut parler de sous - un déficit imprévu de part et d'autre - et c'est là que vous parlez de risque - le risque, nous autres aussi, on doit l'assumer parce que les déficits sont imprévus, sont importants et là on se dit: Vous ne l'avez pas prévu et nous non plus. Qu'est-ce qu'on fait? Alors, comment? On parle d'injection massive d'argent. Moi, je veux bien, et je serais la plus heureuse, et on va se battre pour. Mais je ne peux pas, quand même, promettre... Puis on va voir, la semaine prochaine, le Conseil québécois qui va arriver, qui demande des sommes de 2 000 000 000 $. Je veux être réaliste. Je veux travailler dans un univers réaliste, sinon on va tous être déçus. Mais comment fait-on, finalement, pour faire la part du risque? On parlait d'un fonds de recherche et développement. Mais il ne sera pas illimité, ce fonds-là. On ne travaillera jamais dans un univers de fonds illimité. Que ce soit d'un régime ou d'un autre, on ne travaillera jamais dans l'univers d'un fonds illimité, malheureusement. Alors, comment fait-on pour finalement solutionner et pour ne pas être d'éternels malheureux, de part et d'autre?

M. Reichenbach: Je ne sais pas si on a... Bon, le système d'attribution des subventions actuel, il est connu, il est ancien. On sait comment ça fonctionne. Tous les ans, les compagnies vous font parvenir une demande et puis, quelques semaines plus tard, quelques mois plus tard, on a une réponse et on a l'argent pour l'année qui s'en vient. Mais la programmation pour laquelle on vous demande la subvention est établie depuis déjà plusieurs mois. Quand vous recevez, au ministère, nos demandes au mois de mars, avril, moi, j'ai commencé à faire la programmation à l'automne précédent et j'ai commencé à prendre des engagements avec des artistes avant Noël. Quand vous recevez la demande, l'ensemble des dépenses est déjà engagé. Même si on n'a pas été coupés au fil des ans - non, c'est vrai, nos subventions n'ont pas été réduites au ministère; parfois elles ont été indexées, parfois elles ont été gelées - si on peut savoir que nous aurons probablement le même montant, nous devons faire des prévisions d'assistance qui sont tellement élevées que le moindre échec nous condamne. Et ce que je me demande, c'est si on ne pourrait pas envisager qu'une portion de ce revenu, de ces recettes possibles, la portion risquée puisse être assumée d'une façon différente. C'est-à-dire que, des années, ça ira bien, des années, ça ira moins bien. Les années où ça ira bien, tant mieux; les années où ça ira moins bien, est-ce que le ministère ne pourrait pas nous aider à assumer ce risque qu'on ne peut pas assumer?

Mme Frulla-Hébert: À l'intérieur peut-être d'ententes triennales ou...

M. Reichenbach: D'une entente triennale...

Mme Frulla-Hébert: Et là, à ce moment-là, on fonctionne sur un plan de trois ans. Ce qui est très différent au niveau du fonctionnement, évidemment, avec le Conseil du trésor. C'est parce que le problème - et c'est là, après cette commission, où il va vraiment falloir travailler autant avec les finances que le Conseil du trésor - c'est que nos compagnies, nos entreprises culturelles, dans le sens large, vont à peu près à l'encontre de tout ce qui existe à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Alors, c'est ça, c'est de faire de la pédagogie, de réadapter justement au niveau du Conseil. Parce que le problème - et là je veux revenir à cette notion de consolidation parce que le saupoudrage, ce n'est pas... Bon, c'est un terme, effectivement, pour ce qui a été fait, mais on parle beaucoup plus de consolidation. Le théâtre, par exemple.

Les budgets, en 1985, étaient de 4 500 000 $ pour le théâtre; ils ont augmenté à 8 200 000 $. C'est plus que l'indexation, on a doublé. Bon, et, encore là, on nous dit: Mais ce n'est pas suffisant, on en a encore besoin. Il y a la sous-capitalisation, moi, j'en suis très consciente, mais les budgets ont doublé et ce n'est pas encore suffisant. Il y a des problèmes... Évidemment, comme vous le dites, d'une année à l'autre, les conditions économiques, on ne peut pas les prévoir ou toujours les prévoir en fonction aussi d'une programmation. Alors, au niveau de cette consolidation - on en a parlé ensemble - est-ce que vous êtes d'accord pour une consolidation? Est-ce que le milieu va réagir en disant: Mais non, mais... Je ne dis pas une consolidation permanente, entendons-nous, mais pour les besoins du moment, si on veut.

M. Reichenbach: Je pense avoir indiqué dans le mémoire que je crois que, si on ne travaille pas à la stabilité des grandes institutions théâtrales, il va être très difficile de travailler à la stabilité des autres, de travailler au reste. Je pense que c'est un petit peu la base de l'édifice et, même si nous appuyons tout ce qui doit être fait pour la relève, pour le jeune théâtre, les quelques institutions historiques en théâtre que nous avons, nous devons effectivement les consolider. La vraie question, c'est: Combien ça coûte, consolider? Vous savez, on en reviendra toujours à cette question-là: Ça va prendre combien? Si je vous disais, aujourd'hui, qu'à moins d'avoir le double de la subvention du ministère dès l'an prochain, pour simplement maintenir, et je dis bien "maintenir", le taux d'activité actuel, nous ne sortirons pas de notre déficit. Avec le double, peut-être. Et, si tout va bien, d'ici à trois ans, nous recommencerons à surnager. Et là on ne parle que d'un minimum vital. Je parle du double de la subvention.

Mme Frulla-Hébert: Alors, vous passez de 8 500 000 $ à quasiment 19 000 000 $.

M. Reichenbach: Vous savez, on part de très loin, Mme la ministre. C'est vrai que ça a augmenté, mais on part de tellement loin, les besoins sont tellement énormes. Nous essayons d'améliorer les conditions des artistes. Depuis cinq ans, les artistes gagnent 50 % plus cher, chez nous. On a amélioré les cachets aux artistes de 50 %, le cachet moyen aux comédiens. C'est un effort qu'il fallait faire. On a fait la même chose pour les concepteurs, les metteurs en scène, les décorateurs. Nous avons cette responsabilité-là. La seule façon de financer ça, ça a été de monter les prix des billets de façon alarmante et ça a été de prévoir des taux d'assistance de 75 %, 80 %. Ça a bien été pendant quelques années et là, maintenant, ça ne va plus. Alors, on parle de plan triennal. S'il s'agit de nous garantir que, pendant trois ans, notre subvention restera à peu près la même ou sera indexée, je vous avouerai que ça ne changera pas grand-chose parce que c'est déjà le cas actuellement. On est à peu près assurés de ne pas être coupés. Donc, nous sommes à peu près assurés d'avoir, pendant trois ans, la même subvention.

Quand nous avons parlé de plan triennal, il y a plusieurs années, à Théâtres associés, nous parlions de montants beaucoup plus importants et nous parlions d'un versement unique pour les trois ans, qui nous permettrait, à ce moment-là, nous, de gérer pour les trois ans à venir nos finances, d'envisager un déficit une année, quitte à se rattraper l'année suivante, mais nous aurions au moins des liquidités qui nous permettraient de gérer. Le système actuel fait que nous sommes toujours en train de courir et nous ne savons jamais, à un mois d'avis, ce qui va nous arriver.

Mme Frulla-Hébert: Le système actuel, oui, c'est sûr qu'il est guidé par le Conseil du trésor. Je veux toucher un autre point parce que le temps passe. Je lisais justement, dans la Gazette, Jean-Claude Germain qui disait que, si le théâtre s'est développé, c'est grâce à Ottawa. On parlait du Conseil des arts d'Ottawa et j'en suis, au début, excepté que... Et là on revient, évidemment, à cette discussion qui fait que la perception ou la réalité est qu'Ottawa est le grand responsable du développement culturel. Et, encore là, j'en suis, dans les années soixante, même au niveau des années soixante-dix, mais il y a eu un rattrapage qui s'est fait. Au niveau du fameux Conseil des arts où tout le monde dit: Bon, le Conseil des arts... Je pense que Michèle Rossignol, en fin de semaine, au congrès des Hautes Études, a démystifié aussi le Conseil des arts. Mais j'étais quand même surprise de lire ça, au moment où on se parle, là, de Jean-Claude Germain, que le théâtre, s'il se développe et s'il s'est développé, c'est par l'aide d'Ottawa. Est-ce que vous avez senti ça? Vous qui êtes là-dedans depuis tellement longtemps, est-ce que c'est vrai?

M. Reichenbach: Je ne sais pas. Jean-Claude Germain fait peut-être référence à des données que je ne possède pas. Une chose est certaine, nous avons bénéficié de l'argent du fédéral pendant des années. Il y a même une époque, je me souviens, où le Théâtre du Nouveau Monde avait la réputation d'être financé surtout par le gouvernement fédéral, ce qui était d'ailleurs vrai, enfin relativement. Mais la subvention reçue du Conseil des arts au TNM était presque le double de celle reçue du ministère des Affaires culturelles. Alors, dans ce sens-là, on peut dire que oui.

Mme Frulla-Hébert: À l'époque.

M. Reichenbach: Dans bien des cas, les gens recevaient plus d'argent d'Ottawa que de Québec. Maintenant, la tendance est inversée, vous le savez. Nous recevons un peu plus du ministère ici que du Conseil des arts qui est extrêmement gelé, qui n'a plus de ressources, mais nous avons bénéficié longtemps de leur appui, oui.

Mme Frulla-Hébert: Je veux aussi revenir à une autre chose que j'ai eue la semaine dernière, parce qu'il y a beaucoup de choses. Je pense d'ailleurs que la commission remplit très bien son rôle, c'est-à-dire que la culture, maintenant, on en parie. Parce que, si vous avez remarqué le sondage d'hier, quand on demande à la population: S'il y a quelque chose à couper, qu'est-ce qu'on coupe? Tout de suite, la population, par sondage même, à 42 % et à 43 %, dit: Loisir et culture. C'est tellement facile.

Finalement, j'aimerais savoir de vous comment vous voyez le rôle des artistes versus le développement culturel. Et là je parie en termes un peu philosophiques, développement culturel du Québec. Dans un article, on disait que la culture n'est pas la chose exclusive des artistes. On qualifiait aussi beaucoup les artistes comme bénéficiaires de l'aide à la création. Moi, ça m'a vraiment fait sursauter. Évidemment, tout l'article m'a fait sursauter, mais celui-là, vraiment, j'ai trouvé ça... Finalement, on a un peu... en tout cas, moi, j'ai un peu la conception inverse, séparant culture et langue, évidemment, parce que la langue, c'est notre langue française, mais si ce n'était pas des gens qui se battent et qui essaient justement de pousser leur art, quel que soit le secteur, on n'en serait pas où on en est là. Mais là, c'est mon opinion.

M. Reichenbach: Vous savez, cette opinion que les artistes bénéficient comme d'une aide sociale de subventions, qu'ils vivent grassement aux frais de l'État, elle n'est pas nouvelle. Elle me surprend peut-être moins que vous parce que ça fait très longtemps qu'on l'entend. Il y a peut-être une raison profonde à ça. Une des raisons est peut-être que l'État n'a pas vraiment donné le bon exemple. Vous savez, quand l'État n'affirme pas, haut et clair, dans une société comme le Québec, une société sociale-démocrate où la santé, l'éducation, le social sont extrêmement importants - et nous payons beaucoup d'impôts pour ça, et Dieu soit loué qu'ils le soient - et maintenant voilà qu'on voudrait que la culture le soit aussi, ce qui est très bien, mais si l'État n'est pas le premier à donner le bon exemple, il n'est pas étonnant que l'homme de la rue traite les artistes de bénéficiaires de l'aide sociale. Je crois qu'il y a un lien là, je pense, assez significatif.

Je voudrais peut-être revenir sur un point du rapport à propos des artistes et de la culture parce que je crois qu'on a tendance à mélanger un petit peu les deux concepts et ça je crois que c'est une tendance extrêmement dangereuse. Moi. je suis ici pour vous parler d'un soutien aux arts professionnels qui font partie de l'ensemble d'une politique culturelle. Mais on peut avoir une politique culturelle sans avoir une politique de soutien aux arts. Ce que je dis, c'est que les artistes jouent un rôle prioritaire, majeur, primordial dans le développement de la culture, mais ce n'est qu'une partie, je pense, du développement de la culture, parce que le rapport Arpin glisse facilement d'une notion à l'autre et je crois qu'il faut faire très attention à ça parce que les deux notions sont ambiguës.

La culture, ça peut tout autant signifier - de manière raccourcie parce que je ne me risquerais pas à la définir, c'est trop compliqué - l'ensemble des habitudes, des goûts, des croyances et des comportements des citoyens dans leur vie quotidienne, appelé parfois "le culturel", que l'ensemble des connaissances acquises et à acquérir par chaque citoyen dans les domaines de l'esprit et de l'intellect, appelé souvent "la culture". Les arts, ça peut tout autant signifier l'ensemble des oeuvres artistiques conservées et mises à la disposition des citoyens, que la création des objets artistiques ou les arts d'interprétation.

Alors, l'ambiguïté se multiplie quand on glisse comme ça d'une notion à l'autre, entre culture et art. Une politique de conservation du patrimoine peut être considérée comme une politique culturelle, définitivement, et pas nécessairement comme une politique des arts ou un ensemble de lois sur la langue ou l'affichage, dont nous sommes largement pourvus, est une politique culturelle, mais ce n'est évidemment pas une politique des arts.

Je me permets d'affirmer, sans être un philosophe, qu'une politique culturelle d'un État est un ensemble extrêmement complexe dont il est pratiquement impossible de déterminer les points de départ et d'arrivée et qui englobe tout autant les grandes affirmations constitutionnelles, avec leur bagage d'institutions politiques, que les mesures visant, par exemple, à favoriser l'accès des citoyens aux activités de loisirs culturels, à établir des politiques d'immigration, à soutenir tel ou tel secteur de l'industrie manufacturière - je parle du meuble ou de la mode; on sait que la mode, par exemple, en France, fait partie du ministère de la Culture, ou la gastronomie - ou à soutenir les arts professionnels. Alors, je serais tenté de dire, après d'autres, que tout est culture, à la limite. (18 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Mais c'est ça.

M. Reichenbach: Tout est culture. Alors, une politique des arts...

Mme Frulla-Hébert: Alors, c'est de faire la différence. Oui, puis j'ai lu dans votre mémoire, de toute façon, ce que vous dites, c'est que... Et

il y en a eu d'autres, comme Josette Ferrai qui est venue, il y en a plusieurs aussi qui ont dit: Bon, il faut quand même séparer l'un et l'autre, dans la mesure où le ministère des Affaires culturelles peut jouer... On parle d'un ministère qui est horizontal et vertical; horizontal dans son influence au niveau de l'éducation, par exemple, mais tout revient au niveau des arts plus spécifiquement ou, enfin, au développement de cette culture, plus spécifiquement, qu'on dit artistique, au développement des arts.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. Reichenbach. Je me dois maintenant de donner la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Reichenbach, bonsoir. M. Noël, rebienvenue. Vous commencez à être un habitué, mais je ne m'en plains pas. Il y a beaucoup dans ce mémoire. Malgré le peu de temps que vous aviez, il y a beaucoup. Il y a, notamment aux propositions 13, 14 et 26, des statistiques, et elles démystifient, et je pense que c'était utile, parce que, je ne le cacherai pas, souvent les statistiques sont aux politiciens ce que les lampadaires sont aux ivrognes; on peut s'y appuyer mais ça n'éclaire pas nécessairement. Et je pense que vous avez remis en perspective, effectivement, certains chiffres qu'on retrouve dans le rapport Arpin, certains chiffres énoncés par le ministère qui traduisent une réalité tout à fait autre, lorsqu'on en fait l'analyse de façon très sectorielle.

Vous avez introduit cette notion qui est effectivement très inquiétante, qui est l'augmentation du prix des billets. Vendredi soir, ça m'a coûté 31 $. Je suis capable de me le payer une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, parce que vous avez, en moyenne, quatre pièces, cinq pièces par année, mais je ne suis pas certain que c'est le cas pour tout le monde. Et c'est faux qu'un marché soit en fonction de la capacité de... Enfin, l'intérêt de consommer n'a pas de relation avec la capacité de payer. Je connais bien des gens de mon quartier, qui est sans doute un des - excusez l'expression - "poqués" dans notre système, où ce goût est là, d'aller au Théâtre du Nouveau Monde, mais à 31 $... C'est le quart de ce que l'aide sociale donne par mois; vous ne pouvez pas vous permettre ça. Et forcément, l'addition des taxes. Vous avez parlé d'un taux de fréquentation; vous dites qu'il y a eu une baisse. Elle est de combien, M. Reichenbach?

M. Reichenbach: Nous avons eu, en 1989-1990, un taux de fréquentation, sur l'ensemble de l'année, de 90 %, 92 %, sur l'ensemble de nos cinq spectacles. Elle est descendue l'an dernier, la saison dernière, à, si je me souviens bien, 56 % ou 58 %. C'est une baisse énorme en un an, énorme. Et les problèmes viennent de là, bien sûr.

M. Boulerice: Je ne suis pas critique, mais je peux affirmer que ce n'est pas la qualité de vos productions, parce que, quand on regarde la mise en scène de Louise Portai, vendredi soir, c'était soufflé, hein!

M. Reichenbach: Oui. Nous ne croyons pas non plus que ce soit effectivement la qualité des productions.

M. Boulerice: Par contre, quand on reprend votre mémoire, au tout début, vous dites "d'entrée de jeu qu'il est difficile d'y discerner une volonté de faire ressortir hors de tout doute les grandes priorités qu'attendait le milieu artistique et culturel". Et vous dites: "Certes, les membres du groupe-conseil ont abattu un travail considérable. Leur souci d'objectivité et de consensus est manifeste, mais il pourrait s'avérer un défaut majeur dans la cuirasse d'une politique culturelle, puisqu'il est à la source d'un certain nombre de portes de sortie, caractéristique principale des rapports à caractère politique, par lesquelles pourrait s'échapper le gouvernement québécois."

Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il y a une grave crise de confiance. On ne va pas se cacher la réalité. On la sent quand on est ici. Les grandes priorités qu'attendait le milieu artistique et cultural, culturel - excusez-moi, la fatigue s'accumule pour nous aussi - si je pose la question à Olivier Reichenbach, qui est le directeur artistique du Théâtre du Nouveau Monde et qui fait son métier depuis quand même passablement d'années ici, c'est quoi?

M. Reichenbach: Les grandes priorités? M. Boulerice: Oui.

M. Reichenbach: Je serais tenté de vous dire que le rapport Arpin, peut-être que cela aurait pu être un rapport beaucoup moins long. Je veux dire par là un rapport qui aurait tout simplement affirmé que, oui, le Québec est dans un virage historique important, oui, le Québec doit se battre pour son identité culturelle, doit se battre pour sa société distincte, et que, oui, le gouvernement québécois sait que ça prend de l'argent, et que, oui, il va mettre de l'argent dans le soutien à la culture et aux arts. J'appelle cela un rapport du oui, si vous voulez. Pour moi c'était ça, la priorité.

Le rapport est un bon rapport. Il a analysé beaucoup de choses, mais tellement qu'on ne sait plus très bien quelles vont être les priorités. Si jamais on n'a pas d'argent, qu'est-ce qu'on va faire? Bon. C'est toujours la même question qui revient. Je ne crois pas sentir dans le rapport la recommandation que le gouvernement du Québec donne au ministère des Affaires culturelles les moyens considérables dont il a besoin. Cela, on

ne le sent pas. Je peux même vous dire... Vous le savez, on part de certaines affirmations de principe très fortes: "Le temps est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de l'État", au début, dans l'aperçu, et, au bout de 300 pages, on suggère que le gouvernement exprime son intérêt pour les arts et la culture en faisant un effort financier additionnel à l'endroit des programmes de soutien. Il y a là une sorte de diminution de l'impact de la recommandation qui nous inquiète.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Boulerice: Ça va pour ma question. Mais j'insiste. Caractéristique principale des rapports à caractère politique. Oui, le rapport Arpin le pose. Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est posé de façon très claire. C'est porteur, mais ce n'est pas repris. Tant et aussi longtemps qu'un chef de gouvernement - vous me direz si j'ai tort ou si j'ai raison - ne prendra pas un énoncé comme celui-ci et dira: Moi, c'est cela, est-ce que vous croyez que les choses vont avancer?

M. Reichenbach: Présenté comme cela, bien sûr que non. Il est clair, et je l'ai dit tout à l'heure que nous voudrions aider la ministre et le ministère des Affaires culturelles à convaincre le premier ministre qu'il faut faire ce geste une fois pour toutes. Ce que nous espérons, c'est qu'à la suite de cette commission, enfin, la déclaration sera là, la déclaration de principe sera là. On ne va pas reparler éternellement du fameux 1 %. Ça fait des années qu'on l'attend, on l'attend encore et on gagne un petit 1 % par année, un petit 0,10 % par ci, par là. On sait que c'est un chiffre qui est probablement déjà dépassé. Ce que nous souhaitons, en disant cela, c'est que le gouvernement, donc nécessairement le premier ministre d'abord, le Conseil du Trésor et le Conseil des ministres, finisse enfin par dire: Ça prend de l'argent, soyons réalistes; on ne fera rien sans argent, et ça en prend, et tout de suite, et beaucoup.

M. Boulerice: Deux autres questions, M. Reichenbach. Il manque 90 000 000 $ pour le 1 %. On ne les a pas. On s'entend, 1 % est un seuil psychologique. Cela peut être 1,5 %. Des pays moins fortunés ont donné plus. Le Brésil, c'est 3,2 %, je crois. Si on regarde un point précis où vous donnez une difficulté en disant: Oui, mais je fais ma demande et je suis déjà engagé... Au moment où vous faites votre demande vous êtes déjà engagé, au moment où vous postez la demande, c'est trois mois plus tard, enfin, de toute façon, il y a un cycle de 18 mois dans la demande, vous avez continué à cheminer. Vous avez dit qu'un plan triennal pourrait vous aider, mais vous avez dit: Mais il faudrait que j'aie l'entité de ce triennal. C'est bien ça que vous avez dit?

M. Reichenbach: II faudrait que j'aie les trois ans de subventions d'un seul coup.

M. Boulerice: C'est ça. Donc, une mesure concrète serait que l'État le verse. Et peut-être adopter un peu... Est-ce que ce serait une formule qui, à votre point de vue, pourrait être utile, le faire peut-être un peu - il s'agit peut-être d'imagination - comme on le fait avec les prêts et bourses aux étudiants. L'État garantit à travers une banque et assume l'intérêt. Donc, vous avez un montant.

M. Reichenbach: Oui, je ne suis pas très familier avec ces mécanismes, je ne vous le cache pas.

M. Boulerice: La dernière, elle est là. Il y a de l'argent qui est investi par l'État fédéral. Il y a, par contre, dédoublement de structures, il faut l'avouer. Si on veut conserver ce caractère distinct, c'est inévitable qu'on devrait avoir, à bien des endroits, deux ministères de... Sauf qu'il faut se rendre compte qu'il y a des économies d'échelle, à un certain moment donné. À partir du principe que l'argent qui est investi dans le domaine de la culture, dans le domaine des arts, qui est notre argent qui est actuellement géré par Ottawa et retransféré ici, est transposé intégralement dans un ministère québécois des arts et de la culture, en vertu toujours du principe du "arm's length" respecté - puisqu'il n'est pas nécessairement respecté à 100 % à Ottawa - est-ce que le rapatriement des pouvoirs, donc, par voie de conséquence, de l'argent, est acceptable pour vous?

M. Reichenbach: Je vais vous répondre, M. Boulerice, que la question est tellement hypothétique que je ne me sens pas capable d'y répondre. Je veux dire par là que nous parlons d'une hypothèse très vague, et je le mentionne dans le mémoire. Nous ne savons pas de combien d'argent il s'agit. Nous ne savons pas, même, si les provinces vont accepter que soient reversés au Québec les montants que nous touchons actuellement, qui sont supérieurs à ce que, probablement, les provinces permettraient au fédéral de nous refiler. Nous ne savons pas vraiment à quoi l'argent va servir encore. C'est tellement hypothétique que je ne peux vraiment pas vous répondre.

Dans l'état actuel des choses, comme nous bénéficions de l'aide du fédéral, comme nous continuons à lui payer des impôts, comme nous sommes encore dans la structure fédérale, il faudrait que ce rapatriement des fonds soit beaucoup plus étoffé, plus prêt et plus détaillé avant que nous puissions vraiment nous prononcer.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Reichenbach. Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-

Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Reichenbach et M. Noël. Vous savez, je l'ai dit et je le répète, si on est ici, c'est parce qu'on sent qu'il y a un profond besoin de changements. Effectivement, le rapport Arpin, c'est un énoncé de politique. Ce n'était pas à eux, non plus, d'arriver maintenant au gouvernement, un groupe complètement de l'extérieur, et de dire: Voici ce que vous devez ou ce que vous allez faire. Parce qu'il y a des contraintes ici. Évidemment, il faut vivre avec. Juste le fait que l'on soit au gouvernement et qu'on gère des fonds publics. Premièrement, on a eu de très bonnes idées qui sont sorties des différents groupes. Ceci dit, évidemment, après cette commission, je vais travailler très fort à mettre quelque chose de très simple, je pense, à doter le Québec d'une politique qui est simple d'application. Et votre collaboration, à ce moment-là, pour nous aider, une collaboration, je pense, aussi des milieux à bien faire comprendre et à faire de la pédagogie, et non pas du milieu qui véhicule des idées d'un côté et de l'autre, mais une espèce de consensus à dire: Là, il faut que les Québécois soient sensibilisés... Et dans la mesure où les Québécois considèrent, comme le dernier sondage, je vous le disais tantôt, que la culture c'est une dépense - on entend des maires dire: La culture, ce n'est pas tout à fait nécessaire - je vous dis qu'on part de loin. Alors, j'accepte d'emblée votre suggestion de m'aider. Mais, ceci dit, on veut des changements et on va avoir des changements.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, M. Noël, M. Reichenbach. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Soyez assurés que nous avons pris connaissance et que nous tiendrons compte certainement de vos propos et de votre mémoire. Ceci met fin à l'audition et vous pouvez maintenant vous retirer. Nous vous souhaitons un bon retour. Je vais maintenant suspendre les travaux de notre commission jusqu'à ce soir, 20 heures, en cette salle. Les travaux de la commission sont maintenant suspendus.

(Suspension de la séance à 18 h 31)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, bonsoir. La commission de la culture reprend maintenant ses travaux. Je vous rappellerai brièvement le mandat de notre commission qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts, ceci faisant suite, comme tout le monde et chacun le sait, au dépôt du rapport de M. Arpin et à l'initiative de Mme la ministre des Affaires culturelles.

Nous allons maintenant, ce soir, entendre les représentants de la compagnie Playwrights' Workshop Montréal représentée par... Alors, je vous demande de prendre place en avant. Oui, asseyez-vous.

Bonsoir, il me fait plaisir de vous accueillir. Si je comprends bien, vous êtes M. Michael Devine, directeur exécutif.

M. Devine (Michael): C'est moi, Michael Devine.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, monsieur, et M. Pan Bouyoucas, membre du bureau des directeurs.

M. Bouyoucas (Pan): Pardon? Pan Bouyoucas, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): O. K. Bonsoir, monsieur, il me fait plaisir...

M. Bouyoucas: Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez maintenant commencer votre exposé. Vous avez, pour ce faire, une quinzaine de minutes.

Playwrights' Workshop Montréal

M. Devine: Madam Minister and comity members, first, I must say that I would prefer to address you in your language, but I am unable to. My mother was the first of her family born in North America. Her parents were Flemish so, when they moved to the Outaouais, they raised her in French. She went to school in both languages, with the nuns, in Montréal. When she began to work in radio for the CBC, she worked in English. She married a man who spoke only English. She moved to Ottawa while her family stayed behind. French was not allowed in our house. I learned my grammar in school and my pronunciation on the street. The Québec side of my heritage has been denied to me. I never proved a good enough student to make up the loss, and I have felt that loss because it has divided my family. Now, I live and work in Québec and my mother is hostile to French-Quebec, though her brother lives in Maniwaki and speaks only French. So, I learned early, growing up in East Ottawa, about the linguistic division in our country.

Now, as artistic and executive director of Playwrights' Workshop Montréal, I would like to give you a clear idea of what we do at this organization. We are exclusively devoted to the development of new work for the theater. We work with playwrights to help them perfect their work and their knowledge of the world of the theater, as it exists nationally, internationally

and particularly here in Québec. We developed this new work with actors and directors who are assigned to specific scripts. We hold public readings of new works in both French and English, including translations of plays originally written in both English and French. We have a national membership made up of playwrights, theater artists and supporters.

Most of our members live and work as artists in Québec. They are not only Anglophones but Francophones and Allophones. We work with all peoples in the Québec cultural mosaic. In this respect, we are truly representative of modern Québec society, not English or French, but a group of artists working together to create work which expresses the soul of a place like Québec. As an example, this past week, we held a workshop of a script which takes place in Montréal, in both 1642 and 1991. The playwright is English but he chose to write about characters who are French and Native. We used a young Mohawk actress, a Francophone actor, an American who has lived in Québec for 20 years, an actor of Wallonian ancestry who is perfectly bilingual and a British actress from the Stratford Festival. This is Québec.

We work with playwrights from the South Asian community, with disabled and marginalized playwrights. Our board of directors includes the artistic directors of small theaters, Francophone and Allophone theater artists, business people from both communities, teachers. Our reading committee, which evaluates the hundreds of scripts we receive each year, is comprised of two Francophone theater artists: the bilingual president of the Québec Drama Federation and the young bilingual Jewish Montrealer who writes for young audiences. Our common language is the language of the theater.

To give you an example of how important that language is to the creation of a distinct society within Québec, our program of public readings, this fall, includes seven translations. Five of them are of plays written in French and two are of plays written in English. We believe all of them are important works of art which will benefit our society by becoming available to a wider audience.

You might ask: Why translate plays from English to French when Montréal is already so rich in theater? Well, some look at the plays we are translating. The profound and moving work of the Crée playwright Tomson Highway, the first Native writer who will be produced in the French language in Québec. Surely, there is no more important time to see this work. As well, in the past two years, companies like Théâtre de Quat'Sous and Théâtre d'aujourd'hui have recognized the relevance of English-Canadian work. Both companies will be producing translations developed at Playwrights' Workshop Montréal in the immediate future. (20 h 15)

All of our translations will be produced in Québec. There has been interest from producers in each of them. At Playwrights' Workshop Montréal, there is a history of developing plays which have then been produced in Québec in both French and English. Many of these plays have carried the Québec fact to other places across Canada and in the United States. We are the sole representatives of English-speaking playwrights in Québec. We develop their work within the context of modern Québec and help to make it relevant to all Quebeckers. I must add that we are the only body of our kind in Canada operating in English. With the Centre d'essai des auteurs dramatiques, we are the point of information for theater groups across Canada on Québec playwrights and plays. No organization in Montréal theater combines so many elements of Québec society, minority and majority, working together.

Madam Minister, to conclude my introduction, I will add that Mr. Bouyoucas and myself are playwrights and men of the theater. When we take issue with the Arpin Report on behalf of Playwrights' Workshop Montréal, it is because we feel that the ability of our members, as artists and Quebeckers, to contribute to their society will diminish, and perhaps vanish, if the recommendations of this report are enacted. Our response to the recommendations of the Arpin Report will follow the sections outlined in our brief and will expand and elaborate upon our beliefs with regard to each section.

Section 1, with regard to the place of minority cultures in Québec. We do not believe in the ghettoization of culture. It would be ideal if all people in Québec expressed themselves in French. However, a significant number of people from various background still express themselves in English. These people are not safeguarded by a single recommendation in the Arpin Report.

It is not difficult to imagine if all funding were to come from one source, with a political agenda to promote one language at the expense of others, that playwrights working in English would suffer discrimination, or that organizations such as PWM, will be forced into a restrictive program of translation of French plays only.

Section 2, with regard to the risks inherent in repatriation of funding. It is impossible to accept on faith the notion that all money repatriated to Québec for culture would be used for culture. The Arpin Report can recommend it, but it has no force. In harsh economic times, there is no basis for believing that the Government of Québec would maintain current funding levels, much less increase them. Certainly, there is no historical precedent to indicate the Government support for art and culture.

The idea that the Canadian Government would willingly hand over the 40 % of federal money which currently goes to 23 % of the population is, to borrow a phrase, a dream in

technicolor. There is simply no basis to believe that this would happen. As PWM is a national organization with a majority of Québec members, would the Government of Québec be willing to assume the current 50 % to 55 % of our funding which comes from the Canada Council, to increase it proportionately, resisting political pressure as other majority based groups call for the money to be used in a political manner? We think not.

As to the notion of greater corporate sponsorship, I can only say that this is an idea, at a great remove from reality. Perhaps, in the comfort of Government bureaucracy, it seems a simple matter, even for cultural industries - and we resist this term - fund raising in the corporate sector is nearly impossible. Can you ask us to raise funds from a business community which is falling apart? Is Lavalin in the mood to donate to the development of new Canadian plays? There is no tradition in Canada or Québec of corporate donations as there is in the United States. Corporations, here, give on average just over 1 % of their gross revenu compared to 4 % in the United States. In addition, corporations can be expected to justifiably ask what the return is on their investment. For them, that means high-profile events at large institutions. They have no interest in grass-roots development. There is no payoff.

At Playwrights' Workshop Montréal, we have a mandate to develop plays, not to produce them, so that the playwright will feel free to create the work, free of subjective considerations like production considerations. Others then produce the work, which would not perhaps exist without our help.

At which stage do you think a corporation becomes interested? Research and development or finished product? In asking small groups to seek corporate support, you are putting the entire development of theater in Québec at risk. We continue to try to raise money from the private sector, but our welfare lies with a society whose spirit we express and their elected representatives.

With regard to the dangers of a single source of funding. Our opposition to the idea of a single source of funding is very simple. While we agree that there is some overlap in cultural bureaucracies, this is perhaps necessary as there has never been one bureaucrat or one administration which has understood all artistic perspectives and dealt fairly with them.

We demand to be judged by our peers. We reject the analogy with the cultural system of France, a country far less integrated than ours and far less tolerant to minorities. Their centralized system of culture has resulted in one tzar whose favour must be curried.

The concept of arm's length funding protects the individual. It also protects the smaller theater organizations. It protects those who dissent against the status quo. It protects against the tyranny of the collective. If some says: "In ennemy of the people, the majority is always wrong." Small companies and individuals will be crushed by the greed of what the Arpin Report calls cultural industries, large institutions appealing to mass culture. The roots which nourish such institutions will wither and die.

What is at stake is the very definition of what theater is meant to achieve. Is theater meant to celebrate a culture, promote its positive aspects, ignore its negative aspects, make all happy? No. Theater is a "provocateur", a fox in a hen house, the mirror that the hypocrite or the demagogue tries to avoid. Unlike film or television, it is live, immediate, yet its scope is bigger and more universal. If you tie funding to one political source, you risk making all the art which springs from that source politically motivated, cynical, lacking in truth or insights. You place shackles on the artist and words in his mouth. The artist dies and, with him, the culture he sought to make view itself. So as to better it.

With regard to the creation of new works being threatened. The Arpin Report's emphasis on the phrase "cultural industries" and its reference to eliminating the "saupoudrage" of small and medium-sized companies unconsciously contradicts its stated support of the creation of new work. The larger the company, generally, the less new work is done. The programming has more safe bets. No theater artist in Montréal looks to Théâtre du Nouveau Monde or to the Centaure to help them develop new work. If you merge cultural institutions, you will produce the same effect as consolidating funding under one bureaucracy achieves, the strangulation of the very artist who produces new work.

With regard to the problem with municipalities. We disagree with the recommendation that municipalities play a greater role in the funding of culture. Their role and influence in the actual creation of art can only be fruitful if it is limited through the presence of other funding bodies. Let me give you an example. We currently rent space in a downtown building which the City wishes to make into a Maison de la culture. Even though we were one of the founding groups responsible for organizing the renovation of this building, and though we are tenants of this building only because we were promised less expensive access to the theater and "salle de répétition", the City is determined to control the programming of this building.

They want to tell us whether our plays fit their political agenda. They would say "oui ou non" on a project-by-project basis, so that we could not effectively plan a season. Even though we are an organization with direct contact and service to the community, they would prevent the artistic expression of playwrights in both languages. They want everyone to pay a market

price, because their primary intention with this theater space is to make as much money as possible. They are landlords and bureaucrats.

As you can see, none of the considerations of the City in this matter have anything to do with arts or culture. The result is the death or the potential death of a theater space and the potential death of both English and French-speaking companies which exist within the building. We are sacrificed at the altar of political expediency. This is not an unusual or isolated situation. The City of Montréal is no different from any other municipality in its concerns. We believe their dispersement of funds would, in fact, be tied to patronage and political lobbying.

With regard to the dangers of "dirigisme" in a Ministry of Culture. As artists, no one claims that the current model of three-tiered public sector funding is perfect. However, the creation of a superministry with "observatoire" and ministry supervision does not suggest any decrease in bureaucracy. In fact, it implies as much bureaucracy in a more intrusive manner. We cannot accept that bureaucrats, however well intentioned, sit in judgment on arts groups and individuals without a process of peer review. We do not believe that such a superministry would have any more ability than the current Ministry of Culture to attract its fair share of funds from the Government or to protect artists from political considerations.

Le Président (M. Bradet): M. le président, je m'excuse, il vous reste une ou deux minutes. Si vous pouviez conclure, s'il vous plaît?

M. Devine: O. K. Madam Minister and members of the committee, it is with regret that we state that we cannot support the Arpin Report. We must add, however, that we applaud the initiative of the Government in holding these hearings and we hope that it will result in a series of recommendations that are truly representative of the cultural and artistic needs of all Quebeckers.

Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à la période d'échanges. Mme la ministre?

Mme Frulla-Hébert: Mr. Devine, Mr... Can I call you Pan? There are things that make me wonder. I applaud your effort because that you take some... or you do adapt also, I think, if my memory is right, some... "pièces" from Québec writers and also put them into English. And also all the creative aspect that you are putting and defending so well, you know, comes to us.

You have this impression that if, here in Québec... Correct me if I am wrong, but I read that you have this impression that should it be in Québec or Ottawa or even municipalities, when the fundings are given to this group or the other group or different groups, it is done but in a very subjective matter. One. And please, correct me if I am wrong. Because you are talking a lot about political pressure and if I look at Canada, for example, "ils ont le Conseil des arts", here we do not have "le Conseil des arts" but it is given by jury of... You say that you want to be judged by peers, jury formed with peers so people are judged by peers to see if, you know, they have the subvention or not and by no way, there is any interaction of any kind of, you know, political interaction. I can say, from our functioning now, and I can vouch also if this system was exactly the same for the functioning before, you know, since a couple of years... But there is this perception that it is sort of given, but very subjectively, while it is not. And I would like to know why this perception is there.

M. Devine: I think our concern, as I understand what you are saying, and I understand that there are peers involved, there is also a question to some extent of which peers and whether the process would effectively, if it was contained within one ministry, whether the process even involving peer view would effectively discriminate against minority groups within Québec.

Mme Frulla-Hébert: O. K. Well. Then again, you know we had a very good discussion this morning with the Jewish Council, and you know there are a lot of cultural communities that come here at the "commission" to discuss. And I do believe, and I do think that if we are talking about a cultural policy for Québec, "une politique culturelle", just to abstract the fact that, now, I would say especially for Montréal, which is 48 % of the population, to make an abstraction of the other cultural groups that do enrich our culture here in Québec would be not only a mistake, it would be just to be blind.

So, let us say that all the funds are concentrated here in Québec, so that there is no duplication, there is a better sort of efficiency. There is not this double standards that do exist now. Why should it be different, you know, as far as the application - I mean those subventions given by a jury of peers - and why should it be worse if that becomes a reality than this system now? (20 h 30)

M. Devine: First, I would need to know which double standards you are referring to.

Mme Frulla-Hébert: Well double standards... I would say, double judgment of priorities, if you want. I will give you an example. Let us talk about the taxes on the books, for example. You have the GST on one side; here we decided not to, but the effect of the GST is terrible on the

books or 'lout le secteur de l'édition".

So, you know, you do it right on one side; if the other one does not follow, the action is annulled. So it is that kind of...

M. Devine: O.K. We admit that there is some... There is always the potential of inefficiency when cultural bureaucracies overlap each other. The question is: What form it would take if all cultural funding were repatriated within Québec? Right now, an organization like Playwrights' Workshop Montréal benefits very much, as a small arts organization, from being able to apply to different levels of government, different organizations or funding foundations which exist both within and without Québec. There are different peers that are brought to bear on the process for different aspects of our work. In our discussions, even with the Conseil québécois du théâtre, they have voiced the same concerns, I believe.

Mme Frulla-Hébert: Yes. You are not the only one.

M. Devine: We would like to be reassured, on that level, that not only would a process of peer review continue to be implemented as it is now, but that artists both individually and within small organizations would not be made to feel like they are going to one source and trying to tailor their artistic output to a perception of what that source wants.

Mme Frulla-Hébert: What you are saying is that you automatically have an insurance saying that if one source says no, for whatever reason, should it be no and judged by jury of peers but...

M. Devine: Right.

Mme Frulla-Hébert: ...you know it is no, then you can depend on another source that would see or would judge it differently. That is what you are saying, in a way.

M. Devine: At least, the potential exists... Mme Frulla-Hébert: Yes.

M. Devine: ...there. That is important for us. I think that it is also important that as an organization with a national membership, we have two different constituencies to deal with. The majority of our members are from Québec, from every background in Québec. We deal with the "ministère des Affaires culturelles" and CACUM for that, and we have to deal with outside funding agencies like the Canada Council and various private foundations to fund the work that we do in the rest of Canada both in terms - and I would emphasize - of bringing work into Québec to spread it to a wider audience and bringing the work of Québec playwrights, French and English, across Canada. It is very difficult to imagine for us that we would be able to carry on those programs if all funding was repatriated here under one source.

Mme Frulla-Hébert: Your judgment is also very... Do you have something to add?

M. Bouyoucas: Oui. Notre objection est en réaction, surtout, au rapport Arpin, mais pas nécessairement sur les critères qui ont lieu en ce moment, parce qu'il y a une certaine contradiction dans le rapport Arpin qui reconnaît la primauté de la création au tout début - on parle d'art, de culture - et, par la suite, je cite: "On veut que des mesures de rationalisation budgétaire soient prises dans le secteur de l'aide à la création pour éviter le saupoudrage et pour concentrer les sommes disponibles sur des projets de haute qualité."

Qu'est-ce qu'un projet de haute qualité? Parce qu'une pièce de théâtre de haute qualité pour un n'est pas nécessairement de haute qualité pour l'autre. Ça, c'est subjectif. Ensuite, on veut que des travaux et études permettant de bien connaître les goûts et les besoins des divers publics des activités artistiques soient constamment poursuivis. Est-ce qu'on demande au théâtre de suivre le goût du jour? C'est là notre position. C'est là l'objection. Parce que si on avait fait une étude du marché, si on avait conduit une enquête sur les goûts du jour en 1968, on n'aurait pas eu Les Belles-Soeurs.

Mme Frulla-Hébert: C'est vrai.

M. Bouyoucas: Surtout si on avait parlé à des professeurs de français ou à des professeurs de théâtre.

Mme Frulla-Hébert: Mais dans le rapport Arpin, par exemple, si on interprète le saupoudrage, je l'ai dit beaucoup cet après-midi, c'est qu'on parle aussi beaucoup de consolidation de ce qui existe déjà. Parce que le problème, c'est que le budget, au niveau du théâtre, par exemple, a doublé de 1985 à maintenant, et ce n'est pas encore assez. Ce n'est pas encore assez parce que la prolifération de compagnies de théâtre, évidemment, a augmenté plus rapidement que le budget lui-même, ce qui fait qu'on se retrouve avec plusieurs organismes - présentement, oui -mais qui ont des difficultés. Alors, c'était beaucoup plus en termes de consolidation, pour l'instant - pas en permanence, mais pour l'instant -de ce qui existe déjà, pour s'assurer une base forte pour ensuite continuer, si on veut, à s'étendre et à grossir.

M. Bouyoucas: Je ne crois pas qu'on devrait contrôler vraiment la prolifération de troupes

théâtrales. O.K., il y en a qui vont mourir, qui vont se fatiguer, qui vont s'épuiser, mais c'est comme ça. Quand on parle de recherche et développement et qu'on veut traiter le théâtre, la création comme recherche et développement, on prend des chances. Ensuite, quand on parle de consolidation, on veut consolider les sources de financement, on veut rapatrier l'argent. On est tout à fait d'accord pour rapatrier l'argent; ce n'est pas ça, mais il y a une autre contradiction. Le gouvernement veut rapatrier l'argent, mais d'un autre côté, il dit au théâtre: Allez frapper aux portes du privé, des corporations pour vous financer. Alors, il y a une petite contradiction, là. Comment est-ce qu'on peut consolider les fonds au gouvernement et ensuite nous demander, à nous, d'aller frapper aux portes du privé, des individus et des corporations, ou des municipalités même?

Mme Frulla-Hébert: Oui, je veux revenir aux municipalités parce que, en quelque part, vous savez, on est quand même un peuple de 7 000 000. On regarde, bon, si on fait des comparaisons avec la France, le gouvernement dit national, en France, dépense 30 % pour sa culture et le reste, ce sont les municipalités, ce qu'on appelle les départements, et aussi la société ou la population en général. C'est une structure de financement qui est tout à fait différente. Mais dans la mesure où on veut justement encourager, où il faut une prolifération, où tout doit être encouragé, en quelque part, il y a une limite aux budgets. Demain matin, on voudrait bien avoir tout l'argent possible pour tout faire, mais ce n'est pas évident. Alors, c'est pour ça, cette demande d'aller au moins... et de demander aussi aux municipalités, tel que ça se passe partout, de faire aussi leur part, à la mesure de leurs moyens, mais de faire aussi un peu leur part.

M. Bouyoucas: D'accord, et ça, on peut facilement le demander aux gens aux théâtres qui sont à Montréal. Mais c'est très difficile de demander à des théâtres en région d'aller chercher... Il y a certaines...

Mme Frulla-Hébert: Les municipalités, c'est plus difficile.

M. Bouyoucas: ...petites villes qui n'ont même pas assez d'argent pour paver leurs rues. Alors, la culture, ce n'est pas leur priorité.

Mme Frulla-Hébert: En tenant ça, évidemment, en considération, là-dessus, vous avez raison.

Je voudrais - juste une dernière question - revenir au niveau des municipalités. Là, on va parler de ce que vous disiez au niveau des municipalités. Vous semblez réticents au niveau des municipalités. Spécifiquement là, si on parle de Montréal, ce n'est pas tout à fait le cas là, bon. Montréal dépense quand même un montant substantiel au niveau du développement culturel. Alors, pourquoi cette crainte-là au niveau des municipalités?

M. Bouyoucas: On est en train de vivre, en ce moment, le Playwrights' Workshop, l'Atelier de dramaturgie de Montréal, une expérience avec les municipalités. Ils viennent de construire le Strathearn Center, coin Jeanne-Mance et Léo-Pariseau. Bon. Alors, ça a commencé il y a un an. il y a trois ans, ils nous ont demandé, même, si on voulait être locataires, puis tout ça. Et là, d'un coup, on a aménagé dedans. Là, il y a toutes sortes de conflits privés, personnels, politiques, puis tout ça, à toutes sortes de niveaux. Il y en a qui veulent tourner ça en centre communautaire, d'autres qui veulent tourner ça en maison de la culture. Alors, finalement, comme M. Devine vient de le dire, ils ne peuvent pas nous garantir... Même, il y a une production qui va avoir lieu au mois de novembre pour laquelle on a eu la réponse hier. Chaque palier de gouvernement nous renvoyait à un autre, même au municipal. Alors, c'est très difficile. On vient de passer une expérience assez... Et aussi, pour le privé, un théâtre comme le Playwrights' Workshop, qui est un centre de développement comme le Centre d'essai des auteurs dramatiques, ne peut vraiment pas aller demander de l'argent au privé parce qu'on n'a rien pour eux. On ne peut pas mettre une affiche de Labatt chez nous, il y a peut-être... À chaque lecture publique, il y a 50 personnes qui viennent voir ça. Alors...

Mme Frulla-Hébert: Oui. Il y aurait quand même moyen de parler... parce qu'on parle beaucoup de modulation maintenant. Les programmes que l'on a présentement sont... D'ailleurs, si tout était merveilleux, on ne serait pas ici non plus, hein. Bon. Alors, c'est parce qu'il y a un profond besoin, justement, de regarder à fond et de voir quels changements on doit apporter. Alors, c'est sûr que les programmes, au moment où on se parle, ne sont pas flexibles, ils sont rigides. Ça, on en est très conscients. Il y a des organismes où c'est plus facile, évidemment, pour eux d'aller chercher des fonds au niveau du privé parce que... Bon, pour toutes sortes de raisons, et pour d'autres, c'est plus difficile.

M. Bouyoucas: Même des théâtres institutionnels, à Montréal, veulent débarquer de ça parce qu'ils dépensent plus d'argent et de temps à chercher des fonds que les fonds qu'ils finissent par recueillir. Il y a certaines corporations, même, qui exigent de voir le programme à l'avance; et essayez de mettre une pièce d'un inconnu, et là, ils se retirent. C'est arrivé. C'est arrivé, même avec le TNM et le Théâtre d'aujourd'hui.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci. Merci, Mme la ministre, vous avez terminé. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à poser ses questions.

M. Boulerice: Mr. Devine, Mr. Bouyoucas. Mr. Devine, how are your activities now contributing to the creation of a common Canadian unity and to the rise of our national pride? How could you modify or improve your activities to rise your contributions? And what modification could we - I mean the Government - bring to our programs, our activities, our policies, and our Government initiatives so that you could improve your contribution to the creation of a common Canadian unity and to the rise of the national pride? You realize that it is not a joke. This is a question you will have to answer, according to a letter you will receive by the Standing committee on communication of culture by the Canadian Federal Government. Have you, for all the time you have been here, received such letter from the Québec Government, either from the Liberal Party or the Parti québécois? So, I have to question why so much mistrust to the Québec Government when you are getting such from Ottawa? Ottawa is a white angel and Québec is the black devil?

M. Devine: The only answer I have to such an all encompassing question, and I appreciate your concern, is that our mistrust is nota directed at the particular Québec Government, but at the model for the redistribution of funding that we are looking at.

M. Boulerice: Because if such would have been issued by either that side or mine, you would be on the street denouncing it, I am sure.

M. Devine: It would certainly take us more time than we have tonight for us to prepare a proper answer to such a letter.

M. Boulerice: Well, I hope you are going to bring an answer to that because this is a threat; this is not what we call arm's length. Let us make it very clear. We are getting all the money, we are getting thorough juridictions. I guarantee you that all the money that is now at the Federal Communication Department and the State Secretary Department, all that money is included to the Québec budget for arts and culture.

M. Devine: This is hypothetically, you are speaking.

M. Boulerice: We respect the arm's length policy. So, you are evaluated by a jury. In that jury, the Anglophone theater will be represented, not only when we are discussing the Anglophone theater. I am already out for a mix. You are going to evaluate French-speaking demands and the French-speaking will evaluate the English-speaking demands. This is going to be a great mix by the way. If I give you the guarantee of that, where are the objections? (20 h 45)

M. Devine: The first thing I would like to address with regard to that is that I would certainly applaud the process of peer review and it certainly would not be a major concern for us that an Anglophone would be placed on such a process of peer review because the work we do covers both languages and covers plays that are crossing from one culture to the other, in both directions.

The objections or the concerns, shall I say, the concerns that we would have with such... Well, the first concern that I have is with the hypothesis. You can tell me that in this hypothetical situation that the money comes to Québec, that you guarantee me that all this funding would go to culture. If this hypothesis were to be enacted, that is the first question I have. I have great doubts this hypothesis would be enacted. My second answer would be that even if this were the case, then all we would be receiving would be the money which we are currently getting which is insufficient. This is not true for simply ourselves, but for all theater groups within Québec. Based on the past record of all Québec Governments with regard to culture, I would have less reasons to believe that we would receive even the small increases in funding that we require to stay alive from the Government of Québec than we would from a series of funding bodies, both national from Québec and private. That would be my primary objection.

M. Boulerice: Why do you think I want all the money? Just for the kick or put it in my pockets and we all have to resign? If I want the money, it is because I want to put it into arts and culture. I will just give you a cute little example. You said: Oh! I am not too sure we would get more money. You know that this Government... And I do not blame the Minister herself; she is not responsible for that and I have a lot of sympathy for her because se was trapped into that. But she was kind of held up for about 7 000 000 $ because the Federal Government wanted the big show-off and came at the - how is it called - the laughing festival, Just for Laughs Festival. The Federal Government says: We are ready to put 20 000 000 $ in a museum of laugh. It is so funny I am crying now.

M. Devine: Sir, all Ican say in response to that...

M. Boulerice: And she is forced to put 7 000 000 $ in that. It is 27 000 000 $. I guess

you could get at least a little part of it, but now we cannot.

M. Devine: Sir, with all due respect to your understandable concerns, we are in the theater business, we are not in the business to trust anybody who does not place their guarantees within certain legal frameworks.

M. Boulerice: Well, I am tempted to say: Why were you boms? You have a fair chance to die. It might sound sure, but I am telling you that we are in a situation, my feeling... that means, as far as I am concerned, credibility for the politicians about art and culture is so low that I will not lose what is left of our credibility and I will not joke with you at that.

M. Devine: I assure you we take it very seriously indeed.

M. Boulerice: By the way, the Québec Drama Federation said yes, I do not want to influence you...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice:... your answer, but I put it in front...

M. Devine: We had an input on their brief.

M. Boulerice:... of them as sharp as I did with you. There is a second question that Mr. Bouyoucas mentioned, it was very very very important. It was about all what we call "le saupoudrage". If we stop it, how do you evaluate that? One should get a grant and the other no. You probably know the Cirque du Soleil. If it exists, it is because of a "saupoudrage" of a member of Parliament who gave them money one day, but it turned out to be something great. But that was "saupoudrage". "Saupoudrage" can be a boost.

M. Devine: Absolutely. We are arguing against the elimination of "saupoudrage".

M. Bouyoucas: Mais dans le domaine des arts et de la création, tout est saupoudrage, vraiment. Ma mère croit encore que je suis en train de gaspiller ma vie parce que j'ai commencé à écrire un jour. Alors, je saupoudre mes années. C'est ça, on aide certaines compagnies, on aide certains comédiens, puis tout ça, puis il y en a qui vont avancer, il y en a qui vont mourir en chemin. Ça, on ne peut pas le savoir. Tout ce qui se passe au Québec en ce moment dans le domaine du théâtre est extraordinaire. Puis, nous, si on critique le rapport Arpin, ça ne veut pas dire qu'on voudrait être ailleurs. Ce n'est pas parce qu'on veut être à Ottawa en train de faire du théâtre. C'est la dernière chose qu'on veut faire.

M. Boulerice: I do understand you.

M. Bouyoucas: On nous a demandé de critiquer ce rapport-ci, puis on se dit: Si on peut améliorer notre situation, eh bien, les artistes, on a toujours eu besoin de plus d'argent, si on peut en avoir plus. Mais, l'argent, on le comprend. S'il y a une situation financière difficile, une récession ou quoi que ce soit, on comprend ça. Ce qui nous a piqués surtout, c'est les critères d'évaluation des projets, parce qu'on travaille souvent avec de jeunes auteurs qui viennent avec leur premier texte. Puis, si un auteur ne promet pas dès son premier texte une grosse production comme Les Misérables ou Le Fantôme de l'Opéra, on ne peut pas le laisser tomber. Ce n'est pas ça, le théâtre.

M. Boulerice: I am sorry, I did miss your... J'ai manqué votre dernière phrase.

M. Bouyoucas: Bon. C'est ça. Ce que je voulais dire, c'est que le saupoudrage est nécessaire au théâtre et dans les arts. Tout le monde à 20 ans commence à écrire; tout le monde investit un mois ou un an de sa vie à écrire quelques poèmes, puis après ça, il y en a peut-être deux sur mille qui vont devenir poètes. On va tous à l'école, on apprend tous la littérature, on apprend tous la poésie, ce n'est pas pour ça qu'on devient tous des poètes. C'est comme ça. C'est la recherche et le développement, vraiment.

M. Boulerice: Yes. I don't know if you will agree with me, but if there is one place where we have to take chances, it is culture. We have spent 500 000 000 $ trying to save Dome Petroleum, it bankrupted. We have put 14 000 000 $ for ITT Rayonier on the North Shore, they have cut the wood and then, went away. Have you heard anybody complaining about that? Not a word. But if we lose 20 000 $ with one of your plays, it's a crime. I mean, I guess that, first, we have to change the mentality and then, we have to ask the politicians to help the people change their mentality about money in arts and culture, otherwise we are going nowhere. That was my final note with you. Thank you for coming.

M. Devine: Thank you very much.

Le Président (M. Bradet): Alors, le mot de la fin, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Thank you for coming. You are not the only one, you know, who put forward your thoughts and your worries. We know that it is not easy. But then, again, if we are here, like I said before, it is because, a) we want changes and b) we will try to make those

changes as positive as possible. So, for that, I would say not to worry. As far as funds, well, again, I prefer working in a more realistic climate than just dream and dream and thinking that we will have them, you know, as much as we need or as much as we want. But, then again, I think that the better way also, a more efficient way of spending without losses, like I said, duplications and paying for structures that should not be and, you know, just give that money where it works best. So, thank you for coming.

Le Président (M. Bradet): On vous remercie, M. Devine et M. Bouyoucas. J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Rouyn-Noranda à prendre place.

Alors, bonsoir, M. le maire, Gilles Cloutier. M. le maire, on vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous aurez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, c'est les échanges avec les membres de la commission. J'aimerais auparavant que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.

M. Cloutier (Gilles): J'allais le faire, M. le Président. Je voudrais vous présenter M. Jean-Claude Beauchemin, qui est préfet adjoint de la MRC de Rouyn-Noranda et maire de Granada, à ma droite, et, à ma gauche, M. Guy Parent, qui est directeur des services communautaires et qualité de vie à Rouyn-Noranda.

Le Président (M. Bradet): On vous écoute, M. le maire.

Ville de Rouyn-Noranda

M. Cloutier: M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés de l'Opposition, M. Rémy Trudel, député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue - je voudrais le signaler en passant; merci d'être ici ce soir - nous vous avons remis un rapport et je n'ai pas l'intention de vous en faire une lecture détaillée. Je crois que vous l'avez bien reçu. Vous en avez sûrement pris connaissance. Toutefois, je vais me permettre de commenter en suivant la pagination, quand même, du rapport et en vous présentant succinctement chacun des chapitres de ces pages-là.

Premièrement, je voudrais vous présenter succinctement Rouyn-Noranda et son agglomération. Je vous rappelle que la MRC de Rouyn-Noranda compte tout près de 40 000 habitants. La ville de Rouyn-Noranda compte, à elle seule, 27 800 habitants. Dans un rayon de 8 kilomètres, on retrouve 36 000 personnes. Donc, c'est quand même une agglomération importante. C'est la capitale de l'Abitibi-Témiscamingue au niveau de sa population et je pense que c'est important de vous le signaler. À la page 2, on vous dit pourquoi c'est la capitale, entre autres parce qu'on a beaucoup de bureaux gouvernementaux, tant sur le plan provincial que fédéral.

Nous avons aussi l'Université du Québec et le cégep régional de l'Abitibi-Témiscamingue - je pense que vous avez entendu ce midi la présentation de leur rapport - ce qui fait, donc, qu'on est la capitale régionale aussi au niveau de l'enseignement.

Notre population, on peut dire qu'elle est plus jeune que celle du Québec. Son vieillissement est plus lent. C'est donc dire que nous devons répondre à des besoins peut-être différents de ceux de la population du Québec en général.

Notre économie. Nous sommes des grands exportateurs vers le sud de ressources naturelles, soit les mines ou la forêt, et, de plus en plus aussi, on exporte vers le sud nos ressources humaines, tant au niveau sportif que culturel. Notre économie est basée sur le développement hydroélectrique. Nous gérons La Grande Rivière, et c'est vraiment important pour nous. 72 % de nos emplois proviennent du secteur tertiaire. Donc, ce sont quand même de grands consommateurs de culture et même si, actuellement, sur le plan économique, la situation est peut-être un peu difficile à la grandeur du Québec, on peut dire qu'au niveau de la participation aux activités culturelles il n'y a pratiquement pas eu de baisse, compte tenu qu'une bonne partie des salariés font partie de la fonction publique ou parapublique. (21 heures)

Les grands défis pour Rouyn-Noranda, les investissements à venir, c'est surtout au niveau de l'environnement. On a encore beaucoup de devoirs à faire dans ce domaine-là et je dois vous dire que la municipalité de Rouyn-Noranda et la MRC, entre autres, auront à consacrer des sommes importantes pour le développement sur le plan environnemental, surtout au niveau de l'assainissement des eaux. On est un peu en retard dans ce domaine-là. Par contre, si on regarde au niveau des arts et de la culture, on consacre, comme municipalité, quand même environ 6 % de notre budget, soit 1 675 000 $ sur un budget de 27 000 000 $. Il y a 3 % qui proviennent de la tarification au niveau des revenus et 3 % qui proviennent de la taxation. Donc, c'est quand même important comme apport du gouvernement municipal. Et je dois vous dire que cet argent-là est investi principalement dans les champs suivants: le cinéma, le théâtre, la musique, la danse, les arts visuels, le patrimoine et les lettres. Aux pages 5, 6 et 7, on vous donne une nomenclature et une définition un peu de ces activités-là. Sans vous les détailler, je veux tout simplement vous dire que, sur le plan musical, Montréal a son orchestre symphonique, Québec a son orchestre symphonique et Rouyn-Noranda a aussi son orchestre symphonique. Et vous allez voir que, pour nous, c'est important, tout à l'heure, lorsqu'on fera référence à des

activités des grandes régions. Il ne faut pas oublier que, dans les régions peut-être de moindre population, on a aussi des activités importantes qui méritent d'être supportées.

Sur le plan du cinéma, je sais qu'en fin de semaine on va avoir le bonheur de recevoir Mme la ministre. On va aussi avoir le plaisir de recevoir, lors de l'ouverture, M. Boulerice. Or, c'est un festival international et, à ce titre-là, chaque année, on attire beaucoup de gens, pas juste des grands centres - Québec, Montréal -ça vient aussi d'Europe. Et c'est à ce titre-là que ce festival-là a quand même une renommée internationale.

Au niveau des lettres, je vous rappelle qu'on a une bibliothèque bien équipée que Mme la ministre a eu le plaisir d'inaugurer en mai dernier. Bien sûr, n'eût été la participation des gouvernements, il aurait été difficile pour nous de pouvoir se doter de tels équipements.

Aussi, on a le Théâtre du Cuivre où il y a une participation importante des gouvernements. D'ailleurs, on va recevoir nos invités de marque en fin de semaine. Et, encore là, il y a une participation gouvernementale importante. Il y a eu une participation de l'ordre de 80 % des gouvernements et de 20 % des municipalités. Et n'eût été de cette implication-là, je ne pense pas que les régions auraient le moyen de se doter d'équipements d'aussi grande qualité. Et ce qui fait de plus en plus la renommée, c'est d'avoir des équipements qui permettent à nos artistes de pouvoir se produire et aussi de pouvoir être formés dans les institutions d'enseignement ou autres. De plus en plus, on doit vous dire... Je parlais d'exportation des ressources humaines tout à l'heure. L'Abitibi-Témiscamingue a fait, dans un premier temps, sa renommée avec des joueurs de hockey. On a fourni abondamment de joueurs au niveau des Canadiens. Qu'on pense aux Keon, Turgeon, Desjardins, Réjean Houle, ce sont tous des gens qui proviennent des régions et qui viennent manifester leur talent dans les grands centres. On en est très fiers. Et, de plus en plus, au plan culturel, on assiste aussi à la même chose. Qu'on pense, entre autres, à Richard Desjardins qui est la vedette montante au Québec présentement; il y a Diane Tell aussi. Il y a beaucoup de noms qui se sont distingués soit au niveau de la chanson ou des productions, au niveau de l'écriture ou encore du théâtre. Et tout à l'heure, on pourra, à la page suivante... À la page 9, on vous donne une liste de ces personnes-là. Alors, c'est donc dire qu'une région ou que les régions sont des fournisseurs importants de talents qui vont enrichir les grands centres. On est habitués, les gens du nord, à exporter nos richesses au sud - je le mentionnais - et souvent ils dépassent aussi les frontières du Québec, et, sur le plan international, ils réussissent très bien. C'est donc important de supporter et d'encourager ces gens-là. Qu'ils puissent venir dans les grands centres, on en est fiers, mais on aimerait, de temps en temps, recevoir l'ascenseur et continuer à recevoir un appui au développement des régions.

À la page 10, on vous parle des activités qu'on a et de la participation qui augmente constamment à mesure qu'on dote la ville d'équipements de marque. Et vous avez juste à voir, au Théâtre du Cuivre, la participation de 1986. De 1986 à 1990, ça a augmenté de 110 %. Au niveau de la bibliothèque, depuis qu'on l'a inaugurée, il y a eu une augmentation aussi marquée de participation. Au niveau du théâtre aussi, c'est la même chose. Il y a eu une augmentation. On parle de La Poudrerie, des Zybri-des, qui, soit dit en passant, reçoivent aussi des supports financiers des gouvernements; encore là, il y a eu une augmentation marquée au niveau du théâtre.

Tout ça pour dire qu'actuellement, sur le plan culturel, à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, ça foisonne, c'est très actif parce que les municipalités, les gouvernements agissent en partenaires et permettent à ces populations-là de bénéficier abondamment de support, tant sur le plan humain que sur le plan technique.

Alors, nous avons donc actuellement des infrastructures efficaces. Et je le souligne à la page 11, on a quand même un conseil de la culture, on a une direction régionale du MAC, le ministère des Affaires culturelles; on a tout, actuellement, pour faire avancer la cause des arts à Rouyn-Noranda et on ne voudrait point - et c'est là qu'on arrive au coeur de notre rapport qui concerne la politique de la culture et des arts - qu'une politique de la culture et des arts ait pour effet de diminuer cette participation actuelle ou encore de l'arrêter. Et, pour nous, c'est important. Actuellement, cette politique-là représente des risques certains pour nous. On est d'accord et on félicite la ministre Frulla-Hébert pour sa volonté de vouloir doter le Québec d'une nouvelle politique culturelle. Par contre, on a des réticences. On est d'accord aussi sur les finalités; développer le domaine des arts, on achète ça. Sauf que le développer, et en misant, comme on le mentionne dans le rapport, sur l'internationalisme, on est d'accord, mais pas aux dépens des régions. Il ne faut pas aller se péter les bretelles outre-mer, puis oublier que les régions ont aussi besoin d'un support et le faire à notre détriment en disant: Là-dessus, on s'est donné des mandats, on doit rayonner comme société distincte et, à ce moment-là, ça coûte cher. On ne voudrait pas que ça soit fait à notre détriment à nous, les régions.

Favoriser l'accès à la vie culturelle, c'est ça qui nous a fait sursauter. On est d'accord avec ça, mais pas en disant qu'il existe Montréal, Québec et puis les autres. On ne veut pas participer à ça par soustraction. Et c'est peut-être sur ce point-là qu'on a accroché le plus.

On se dit, et on connaît très bien l'auteur du rapport, que peut-être s'il avait eu l'occasion de se rendre dans les régions, parce qu'on n'a pas eu l'avantage de le rencontrer et de se faire écouter, on aurait pu lui dire comment c'est vivant, la culture dans les régions, dans la nôtre, entre autres, et ça lui aurait peut-être évité d'avoir une vision passéiste des régions. On se trouve très mal représentés dans ce rapport-là sur ce qu'on dit, qu'on est le reste du Québec.

On voudrait être considéré un peu plus qu'un réceptacle de la culture montréalaise et québécoise, parce que vous savez qu'on vit différemment dans nos régions qu'on peut vivre à Montréal. Il y a quand même, encore là à cause des kilomètres qui nous séparent, une culture qui est différente et qu'il faudrait respecter, parce qu'on dit que la culture c'est la liberté, ça doit transcender les frontières. Et, pour nous, il faudrait tenir compte de notre région davantage.

À la page 14, je vous mentionnais qu'on est d'accord avec une certaine visibilité internationale, mais pas à notre détriment. On est, oui, d'accord avec l'innovation et une culture haut de gamme, on est, oui, d'accord avec la recherche, mais, on vous dit de penser aussi au développement régional, c'est aussi important.

À la page 15, et c'est la troisième finalité du rapport, on parle de partenariat au niveau de la mission culturelle du Québec. Et là je vous dis que nous sommes des partenaires échaudés. On a bien mentionné dans le rapport, dans la résolution 78, qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de délestage au niveau des régions et on espère qu'il n'y en aura pas. Nous, les municipalités, on est rendues très craintives là-dessus. On élabore des belles politiques et on sait que la culture, ça a aussi une facture. Et lorsqu'on nous refile la facture, c'est là qu'on devient inquiètes, d'autant plus que les politiques ont été élaborées par une partie et qu'on fait payer cette facture-là par l'autre.

Le Président (M. Bradet): M. le maire, s'il vous plaît...

M. Cloutier: Je vais conclure.

Le Président (M. Bradet): ...je vous demanderais de conclure.

M. Cloutier: On était justement rendus à la conclusion à la page 16. Nous avons donc des acquis à sauvegarder. On serait prêts, même, à accepter un statu quo plutôt que de risquer de reculer avec une politique de développement culturel qui aurait pour effet d'énoncer des beaux principes mais dans l'action... Et, au niveau de l'action comme telle, il y a peu qui a été dit là-dedans. Je pense que tout le monde est pour la vertu, mais, quand c'est le temps de régler les factures, on en sait quelque chose comme municipalité, de plus en plus, on en reçoit d'en haut. Le fédéral vous fait des dons et vous faites des dons aux municipalités. Or, on ne voudrait pas que, sur le plan culturel, on ait à supporter des décisions, des belles politiques, mais qu'après ça on ait à refiler à nos citoyens cette facture-là. Oui, pour un partenariat, mais il va falloir, au niveau du partenariat avec les municipalités, le définir, et je pense qu'on est mal partis à ce niveau-là.

En terminant, je vous remercie de votre attention. On recevra vos questions et, à ce moment-là, je demanderai aux gens qui m'accompagnent de répondre si vos questions sont trop compliquées.

Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M. le maire, de votre présentation. Je...

Mme Frulla-Hébert: Oui, M. le maire. D'abord, j'apprécie votre présentation ici, à la commission, et votre mémoire. Quand vous parlez de partenariat avec le ministère, je pense que, si je regarde ce qui a été accompli, il y a toujours eu un bon partenariat entre votre municipalité et le ministère, même que le partenariat a été aussi très généreux, ce qui fait qu'on n'a pas l'intention non plus d'arrêter. Ce n'est pas une question de délestage. Si on fait une politique, si on parle d'une politique, c'est parce qu'après 30 ans on s'aperçoit qu'il y a des choses qui ne vont pas et qu'il faut des changements, mais des changements qui vont refléter la réalité ou, enfin, le futur, et non pas vivre dans un carcan et, justement ce que vous dites, un statu quo qui reflètent beaucoup plus le passé. On a fait beaucoup à date, mais, maintenant, c'est le temps de revoir notre façon de fonctionner sans pour autant croire... Vous savez, vous avez un jugement sévère. Je me suis promenée dans toutes les régions, d'ailleurs, et ça revenait... Il y a récriture et il y a l'intention. Il y a un jugement sévère au niveau de la façon dont le rapport Arpin, enfin dans son écriture, traite les régions, mais ce n'est pas vraiment la réalité dans le discours, en tout cas dans un sens où il y a 16 régions, et elles sont interactives, une métropole et une capitale. C'est ça ia réalité du Québec, et elle sera traitée de cette façon-là, et penser que les seules sources de talents proviennent de Montréal ou de Québec, c'est se leurrer aussi, vraiment, passer tout à fait à côté. Alors, là-dessus, je tiens à vous rassurer.

Par contre, il y a des choses intéressantes que vous avez amenées dans votre mémoire. Vous parlez d'une infrastructure culturelle. Votre infrastructure s'adresse à une population de 28 000 habitants, c'est ce que vous dites, donc aux deux-tiers de la population de la MRC. Est-ce qu'on peut envisager que, dans un territoire qui est étendu comme le vôtre, les 16 municipalités de la MRC puissent s'entendre pour un soutien financier de vos équipements et activités culturelles? Et ça, on le demande à toutes les

municipalités, même celles qui sont périphériques des grands centres ou encore les municipalités qui sont peut-être dites en régions plus éloignées. Est-ce que c'est possible de faire participer d'autres municipalités de...

M. Cloutier: Je vais répondre succinctement à cette question-là et j'aimerais que M. Beauche-min intervienne aussi, parce qu'on attendait votre question. Vous comprendrez qu'on en a même débattu avant que vous la posiez.

Mme Frulla-Hébert: Bon, c'est bon. (21 h 15)

M. Cloutier: Parce que, effectivement, c'est un débat chez nous qui est très vivant et je dois dire, comme maire, que je m'apprêtais à une tarification auprès des municipalités qui profitent effectivement de nos équipements culturels. Et je dois vous dire qu'on a, depuis un an, des scénarios qui vont dans ce sens-là. On a même déjà avisé les maires de se préparer à mettre dans leur budget une tarification pour nous aider à supporter le développement culturel. Mais je dois dire que, là-dessus, on a été pris de vitesse par votre gouvernement. M. Ryan a été plus vite que nous pour occuper un champ de taxation. À notre niveau, on pensait qu'il y avait une certaine marge de manoeuvre, mais vous comprendrez que, avec la facture qu'ils viennent de recevoir pour la police et la voirie et là nous qui nous apprêtions à mettre une facture pour la culture aussi, celle qu'ils vont retenir le plus, c'est la dernière qu'on va ajouter. Politiquement, j'avoue qu'on est très mal placés au niveau de cette tarification-là qu'on s'apprêtait à faire parce que la fameuse marge de manoeuvre que le gouvernement actuel a vue et que, nous, on avait vue au niveau des municipalités, ce serait peut-être de surtaxer le citoyen; il pourrait le prendre mal, à ce moment-là. On n'a pas évincé la question, mais ça nous a placés, en tout cas, cette décision-là de M. Ryan, dans une drôle de situation, sur le plan régional. On trouve qu'ils en ont eu tout un paquet. Ce serait peut-être de mettre le chou sur le cadeau, et là on se sent mal à l'aise un peu.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une autre question, alors. Vous savez, la fameuse - ça vous touche peut-être un peu moins, mais quand même - taxe d'amusement. À un moment donné, taxer la culture à 27 %, ça n'a pas de bon sens. Alors, il va falloir, finalement, regarder les différents scénarios. C'est sûr que, s'il y a un report - et je dis bien "s'il y a un report" - de la TVQ, pour l'instant, ça nous donne, à nous, encore du temps pour continuer à regarder nos scénarios, mais quand même. Quand on a parlé du 10 %, évidemment, les municipalités ont dit: Ah! bien non, parce que cet argent-là est réinvesti dans la culture et on en a besoin pour réinvestir dans la culture. Ce qui fait que, présentement, si le 10 % est encore là comme taxe, la taxe d'amusement supposément toute réinvestie dans la culture, à ce moment-là, je ne sais pas, à un moment donné, je me demande: Est-ce que c'est vrai que le 10 % s'en va vraiment là-dedans?

M. Cloutier: Oui, on l'investit là-dedans, c'est bien sûr, et ça ne représente quand même pas des sommes astronomiques. Je dois même dire que, dans certains cas, la fameuse perception de cette taxe-là auprès de certains organismes est difficile. Il en coûterait peut-être plus de suivre certains groupes au niveau de cette fameuse taxe d'amusement là, de la percevoir que ce qu'elle rapporte en réalité. Sauf que, si on prend certaines salles de spectacle, ça va bien pour la percevoir, elle est incluse dans le billet et on a des redevances là-dessus, mais, au niveau de Rouyn-Noranda, juste le Théâtre du Cuivre, la ville de Rouyn-Noranda, annuellement... Parce que le Théâtre du Cuivre, c'est déficitaire. Il n'y a rien, en culture, qui est très rentable, parce que l'entreprise privée se serait lancée là-dedans depuis longtemps si c'était payant. Or, la ville de Rouyn-Noranda défraie un déficit de 281 000 $ par année juste pour le Théâtre du Cuivre. C'est bien sûr qu'il y a des revenus d'opération de 190 000 $, mais le ministère des Affaires culturelles en paie 53 000 $ et, nous, on assume annuellement 281 000 $ par année. Donc, vous comprendrez que la taxe d'amusement, qui représente peut-être de 16 000 $ à 20 000 $ par année, c'est minime par rapport à ce qu'on débourse pour réinvestir, comme vous dites, dans la culture. Ce n'est qu'un exemple. La bibliothèque, c'est la même chose.

Mme Frulla-Hébert: Mais, M. le maire, je vais vous demander une autre question, alors. Je vais la poser différemment. Vous savez, effectivement, il y a eu la réforme Ryan, et tout ça; c'est une réalité. On sait aussi que les municipalités se regroupent au niveau des différents services aussi, parce qu'il y a, je pense, un effort de regroupement au niveau de différents services, à faire; je pense que tout le monde est d'accord et que tout le monde le réalise. Au niveau culturel, par exemple, une région comme la vôtre - c'est sûr que, moi, je vais parler pour ma paroisse - quand vous dites: Ah! les municipalités vont avoir de la difficulté à embarquer... L'apport culturel, dans une région comme la vôtre, pour créer un sentiment d'appartenance, par exemple, pour que les gens restent, aiment habiter Rouyn-Noranda et veuillent y rester, pour que les jeunes aussi décident de bâtir et de rester à Rouyn-Noranda... Je me souviens, quand j'étais chez vous et qu'on a eu notre lunch fort plaisant, Abitibi-Price disaient eux-mêmes qu'il fallait qu'ils investissent parce qu'ils avaient de la difficulté à attirer des cadres et que même, finalement, avec l'apport financier, en disant: On va te donner de 10 % à 20 % ou 25 % de plus,

même au niveau salaire, les cadres, les gens, c'était difficile d'en attirer, pour toutes sortes de raisons. Alors, il s'agit de créer aussi une qualité de vie. Il s'agit, finalement, d'avoir aussi des activités. Donc, est-ce que ça se mesure aussi seulement en termes de rentabilité?

M. Cloutier: Effectivement, vous touchez là un point très important pour l'Abitibi-Témis-camingue et Rouyn-Noranda, entre autres. C'est que, sur un budget tout à l'heure je disais de 27 000 000 $, on doit dire qu'on consacre aux loisirs culturels et sportifs, aux loisirs pour nos gens, 15 % de notre budget. On est peut-être, au Québec, la ville... En tout cas, on s'est comparé à plusieurs villes et on est la première, au Québec, qui met tant d'argent pour ses loisirs parce qu'il faut créer de la rétention de gens qui viennent d'une région éloignée et qui veulent avoir accès à une participation culturelle et sportive, mais à des coûts beaucoup moindres que ce qu'ils auraient dans les grandes régions. C'est un bénéfice marginal qu'ils peuvent obtenir assez facilement. Ils ont accès très rapidement à des installations et on a des installations vraiment de qualité, tant, comme je le disais, au plan culturel que sportif, et une ville comme la nôtre, je vous le dis, lorsqu'on tente de toucher ou de diminuer l'enveloppe budgétaire des loisirs, c'est épouvantable.

Mme Frulla-Hébert: Mais, M. le maire, quelle est la part, finalement, entre loisirs et culture? Parce que les loisirs, ça comprend tous les arenas, etc. C'est parce que j'essaye de voir au niveau de la population, par exemple. Est-ce qu'il y a une volonté? Est-ce qu'il y a, au niveau de la population... Avant, il ne faut pas s'en cacher, on bâtissait les arenas, et tout ça, et c'était bien, bien important le sport et la culture, ça, c'était après.

M. Cloutier: Mais ça a changé. Ça a changé. Là, on est rendu à 40 % pour la culture, 1 675 000 $. Donc, le budget culturel, là, représente 40 % et l'autre, c'est 60 %. Mais 60 %, ce n'est pas juste les arenas, tout ça. Il y a beaucoup d'autres genres de loisirs. Mais, sur le plan culturel, on est rendu à 40 %. Depuis les 10 dernières années, si on regarde les investissements, ils se sont faits surtout dans le domaine culturel: rénovation du Théâtre du Cuivre en 1985, la bibliothèque dernièrement, les pièces de théâtre et là on parle aussi d'une salle - j'espère qu'on va aussi avoir un support de ce côté-là de votre part - de production pour La Poudrerie, Les Zybrides. C'est une salle de spectacle et de production réduite de 200 places. Tout ça, depuis quelques années, c'est surtout au niveau culturel que les demandes existent. Sur le plan sportif, on répond adéquatement. Dans le temps, effectivement, c'est un peu comme les églises, on avait les églises et un aréna, les églises et un aréna. On les a encore et c'est des centres qui, un peu comme les églises, ont eu une baisse de clientèle, mais les temples sont encore là. Et là-dessus, je dois dire qu'on est bien pourvus. Mais, dans le développement culturel, il reste encore des efforts à faire. Mais, moi, je dis qu'on a atteint, comme municipalité, une capacité de payer de nos gens; 15 % de notre budget, c'est difficile d'aller beaucoup plus que ça, mais on a encore des efforts... Il y a toujours place à l'amélioration, mais il va falloir, un peu comme votre politique le fait pour l'ensemble du Québec, nous aussi avoir des discussions dans notre développement culturel. On veut que ça avance encore, mais on veut que les créneaux soient peut-être mieux identifiés ou qu'on fasse une certaine redistribution de richesse lorsqu'on a atteint aussi notre capacité de dépenser.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire.

Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M. le maire. Je reconnais maintenant le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. le maire, M. l'adjoint au préfet, M. Parent. M. Parent, je remarque que vous avez le titre de directeur des services communautaires et qualité de vie. Il y a quand même une certaine force dans les mots. Rouyn-Noranda, elle, a décidé qu'art et culture ça faisait partie de la qualité de la vie, que ce n'était pas un luxe, mais des biens essentiels. Je trouve ça encourageant et je suis heureux de voir qu'Abitibi-Price est établie chez vous parce que, la dernière fois que j'y suis allé, je n'ai pas vu ça. C'est à Rimouski, Abitibi-Price.

Mme Frulla-Hébert: C'est quoi, la mine, chez vous? C'est Hydro?

Une voix: Noranda, je pense.

Mme Frulla-Hébert: C'est Mines Noranda.

M. Parent (Guy): Noranda.

M. Boulerice: Noranda.

Mme Frulla-Hébert: C'est Noranda. Bon, parfait. C'est parce que j'ai vu les deux.

M. Boulerice: Oui, j'étais content. Je me suis dit: Enfin, un investissement, mais ce n'est pas pour aujourd'hui. Sur un ton plus sérieux, tous les maires, tous les préfets du Québec des régions qui sont venus à cette commission ont toujours apporté un discours optimiste, une assurance de soi qui est extraordinaire, malgré les difficultés qu'on peut rencontrer en région, de gens qui nous disent: Nous, on est capables. Donnez-nous ce qu'il nous faut, ce qui nous revient de droit, on est capables d'en faire la

gestion, on est capables d'établir nos priorités, on est capables de s'occuper du développement culturel chez nous. Je dois vous avouer, au bénéfice de la commission, et ma collègue va être d'accord, que c'est réconfortant d'entendre cela. Ça ne vous empêche pas d'avoir des critiques face au rapport Arpin, rien n'est plus normal, sauf que vous amenez toujours un discours extrêmement motivateur. Oui, la place qui est faite, au Québec, aux régions n'est pas celle que l'on souhaite, mais il faut se dire que, dans la politique, il devra y avoir une écriture qui, là, va correspondre aux aspirations que les maires et les préfets, en provenance de Québec et des régions, nous ont indiquées.

L'entrée en matière étant faite, je pense que tout le monde reconnaît, dans chacune des municipalités, l'importance de la bibliothèque, de la bibliothèque publique comme véritable locomotive de la vie culturelle municipale. Moi, j'aimerais ça si vous ou ceux qui vous accompagnent pouviez peut-être élaborer un petit peu, enfin davantage sur les retombées extrêmement positives suite à la restauration de votre bibliothèque, ceci en termes d'achalandage particulièrement chez les jeunes, puisqu'il faut créer de nouveaux publics.

Une voix: M. Parent.

M. Parent (Guy): Oui. Effectivement, la bibliothèque, chez nous, ça a toujours été très important en termes d'abonnés et de prêts de livres. On était parmi les villes qui prêtaient le plus de livres au Québec. On a rénové la bibliothèque, on l'a agrandie en respectant le programme qui a été mis sur pied par le ministère des Affaires culturelles. On a 23 000 pieds carrés. Notre objectif, c'était, bien sûr, de hausser la clientèle, mais je peux vous dire que l'objectif qu'on s'était donné pour l'année 1991, on l'a atteint au mois d'avril 1991. Alors, d'avril à décembre, il nous reste encore un bout de chemin. C'est sûr que l'ouverture officielle, ça entraîne un achalandage intéressant, cependant, je peux vous dire que chez nous, chez les jeunes entre 10 et 14 ans, il y a un jeune sur deux qui est abonné à la bibliothèque, ce qui est très important.

Bien sûr, sur une échelle annuelle, on a une moyenne de prêts de 9,27 livres par habitant, ce qui est extrêmement fort. C'est presque le double de ce qui se fait au Québec. Pour nous, bien sûr, c'est un loisir, mais c'est plus que ça aussi. C'est un instrument d'enrichissement personnel, mais c'est aussi un instrument d'enrichissement collectif parce qu'à la bibliothèque, maintenant, on ne fait pas que prêter des livres. Je pense que vous devez le savoir. On prête également des cassettes musicales, on prête des oeuvres, on y voit des films qui sont choisis, qui sont sélectionnés. Il y a des lectures, il y a des expositions, il y a des conférences et ça devient presque un centre populaire, si on veut, où on va puiser des connaissances de toutes les sortes. Chez nous, on est une population jeune, on est une région jeune. La ville de Rouyn-Noranda a 65 ans et, historiquement, même si ce n'est pas une longue histoire, il faut dire qu'on a toujours le goût de bâtir quelque chose. On n'est pas une société épuisée, dans notre région, on est une société qui est en train de se bâtir et cette jeunesse-là, c'est elle qui doit la bâtir. Alors, pour nous, retenir les jeunes chez nous, c'est essentiel.

Et si j'ai accolé à mon titre, qui en fait probablement un des plus longs dans le système municipal, "qualité de vie", c'est parce qu'on reconnaît l'importance de la qualité de vie partout, effectivement, mais on la reconnaît chez nous aussi. Le pouvoir de rétention, chez nous, il faut le développer et on le développe, bien sûr, avec une clientèle, avec une université et avec un collège qui forment des jeunes qui veulent de plus en plus avoir accès à un produit qui est semblable à ce qui se passe ailleurs. Une heure et quart d'avion, ce n'est pas loin. Huit heures de voiture, c'est peut-être un peu plus loin, sauf qu'avec les communications, actuellement, c'est vraiment quelque chose qui est accessible.

Sans vouloir allonger, M. le député, je peux vous dire que la bibliothèque, chez nous, c'est un instrument qui est très important. On a fait cette proposition-là au ministère des Affaires culturelles, on a fait la proposition au conseil municipal. On a pris le pari qu'on allait augmenter la clientèle et que ça allait enrichir notre milieu et, depuis quelques mois que c'est ouvert maintenant, on en a effectivement la preuve. Pour nous, c'est quelque chose d'extrêmement positif d'avoir eu, comme partenaire, bien sûr, le ministère qui a contribué à 78 % des coûts d'immobilisation. C'est diminué au niveau du soutien. La politique des bibliothèques fait que c'est comme ça, sauf que ça ne diminue pas la clientèle, ça augmente la clientèle. On a aussi la tarification, sauf que, pour nous, c'est quelque chose d'extrêmement positif. (21 h 30)

M. Boulerice: Une très, très brève question, M. Parent, si mon collègue, votre député, qui est sans partage au niveau de l'affection pour sa région me le permet; juste une toute petite question reliée à votre bibliothèque. Il commence à y avoir certaines municipalités qui ont décidé de doter leur bibliothèque d'une espèce de fondation des amis de la bibliothèque, ce qui amène un certain bénévolat qui aide à la promotion de la bibliothèque, etc., ce qui m'apparais-sait être une avenue intéressante. Est-ce que vous le faites? Est-ce que l'idée vous a effleurés?

M. Parent (Guy): En fait, chez nous, la bibliothèque municipale n'est pas un service municipal. De tout temps, la bibliothèque a été

une corporation autonome. Donc, c'est un conseil d'administration autonome qui gère la bibliothèque. Il y a une participation du ministère, une participation financière de la municipalité, mais c'est un conseil d'administration autonome qui gère et qui développe, bien sûr, des façons de se financer. Il va chercher des projets qui ne sont pas toujours à la disposition d'un service municipal et cela, effectivement chez nous, ça se fait et c'est très, très positif.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Bradet): Je présume, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qu'il y a consentement à l'effet qu'on se conforme à l'article 132 et que vous puissiez prendre la parole. Je vous reconnais donc, M. le député.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais en profiter pour remercier les gens de la ville de Rouyn-Noranda, M. le maire, les gens de la MRC et M. Parent, de la ville aussi, d'être avec nous ce soir, parce que, vous voyez, c'est très important que les gens de régions viennent dire aux parlementaires ce qu'est la vie en région, l'importance de l'aspect culturel et, au moment où on s'apprête à se donner une politique de la culture au Québec, d'être pleinement compris dans la définition de cette politique. C'est pourquoi, au départ, le titre de votre mémoire recouvre toute la réalité de son contenu et je pense qu'à lui seul, le titre, il y a un message là-dedans: "Le Québec possède un vaste territoire, à lui de l'assumer!" Vous ne donnez pas les responsabilité? rien qu'aux autres, vous êtes dans ce Québec-là. Vous dites: On va l'assumer collectivement, mais on est aussi une partie du Québec, et ça, c'est réconfortant d'entendre cela. Et je peux rallonger le commentaire un petit peu, Mme la ministre, pour ajouter par-dessus ce que disait M. le maire il y a quelques secondes: La ville de Rouyn-Noranda n'a pas à rougir de l'apport qu'elle a toujours consacré aux arts et à la culture. Ça a toujours été un effort. Moi qui vis très près de cette communauté, j'ai toujours été particulièrement édifié par cet apport de la ville de Rouyn-Noranda en termes de culture, et j'y reviendrai tantôt, sur le territoire de la MRC.

Alors, de venir nous le dire, au moment où on est à examiner une proposition de politique de la culture et des arts, à ce moment-ci, je pense que c'est de nature à rééquilibrer un certain nombre de choses. Et, moi, je ne veux pas prendre trop de temps sur toute la question de la division du Québec quant aux mots. Mme la ministre a bien, je pense, passé l'éponge là-dessus, en quelque sorte. Il faudra non seulement, je dirais, réorganiser les mots du discours, mais la réalité à laquelle il recourt.

Ce que je voudrais souligner aussi, c'est à la page 14, vous avez une définition de la culture que, je pense, nous allons envoyer à M.

Rémillard: "La culture, c'est plus que le théâtre, les arts et le cinéma; la culture c'est plus que les artistes eux-mêmes; la culture, c'est bel et bien une façon de vivre, et on ne vit pas à Rouyn-Noranda comme on vit à Montréal! Pourtant, nous vivons." Voilà une définition bien intégrée de ce que peut être la culture.

Moi, il y a une dimension sur laquelle je voudrais, M. le maire, interroger en particulier M. Parent, parce qu'il est aussi un des premiers artisans du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Pourquoi je voudrais avoir un petit commentaire ou une illustration de vous là-dessus? C'est que c'est une des plus belles démonstrations à travers le Québec qu'on peut être en région, comme vous l'avez si bien souligné, M. le maire, qu'on peut avoir des éléments des arts et de la culture, en région, extrêmement intéressants, mais qu'on peut faire, au niveau national et international, des événements à partir de la région même et des forces de la région. M. Parent, comment en arrive-ton - cette année c'est le 10e anniversaire - à faire le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue? Ce n'est pas comme évident. Comment fait-on ça pendant 10 ans et avec un tel succès? Parlez-nous-en un petit peu, comment c'a débuté, comment ça fonctionne, et comme illustration du possible de la culture en région au niveau national et international.

M. Parent (Guy): Résumer 10 ans d'histoire en 1 minute, c'est beaucoup demander, surtout quand on la vit de l'intérieur. Le Festival, ça s'est développé à partir de trois individus qui vivaient dans une communauté riche, trois individus qui avaient l'amour de l'art, bien sûr, particulièrement du cinéma, qui avaient l'amour de leur région, de leur ville, qui avaient du coeur au ventre et qui avaient une tête de cochon.

Et c'est à partir de ça, c'est à partir de cette recette, c'est à partir du moment où on a envie de bâtir son château et qu'on s'y attaque qu'il y a beaucoup de choses à faire. Et le Festival du cinéma s'est développé avec beaucoup de professionnalisme. Il ne s'agit pas juste de vouloir, il s'agit de pouvoir et il faut respecter les mêmes critères que l'industrie du cinéma, l'industrie professionnelle. Et on ne peut pas faire un festival du cinéma chez nous qui s'adresse au secteur international si on n'a pas le support de tout le milieu, c'est-à-dire la municipalité, le mécénat, parce qu'on a énormément de commanditaires; 47 % de notre budget provient des commanditaires privés. On a également besoin de bénévoles, de gens qui se dévouent, d'une cinquantaine de bénévoles qui, pendant une semaine, prennent des vacances. Là-dedans, vous avez des travailleurs, vous avez des secrétaires, vous avez des médecins, vous avez des professeurs, vous avez des infirmières qui fournissent leur temps pour accueillir les gens,

bien les recevoir. Et c'est là une des particularités de notre ville, de notre région, c'est la chaleur de l'accueil et c'est ce qui fait un peu notre réputation à l'extérieur.

Les grands espaces, le Grand-Nord attirent énormément les gens du Sud. Peut-être un peu plus au Sud que juste chez nous. Mais aux États-Unis, en Europe, on a une saveur qui est extrêmement attirante. On joue, effectivement, sur cet avantage-là un peu comme Cannes a joué sur ses palmiers auprès des gens du Nord. Et c'est un peu ça la courte histoire du Festival: beaucoup d'appui, beaucoup de coeur au ventre et le goût vraiment de bâtir quelque chose ensemble, de s'y mettre, se serrer les coudes, puis foncer, à tête baissée bien souvent, mais foncer.

Le Président (M. Bradet): M. Parent, je vous remercie. Le temps qui nous était alloué est terminé.

M. Boulerice: Consentement pour une petite prolongation de deux minutes, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): Deux minutes? Il y a consentement? Allez-y, M. le député.

M. Trudel: Oui, alors, rapidement. Il est donc possible de faire cela en région. J'aurais eu d'autres questions, mais, moi, je veux rappeler qu'au départ je me souviens très bien de ce que la ville de Rouyn-Noranda a fait pour supporter ces têtes dures, ces fous, ces maniaques, pour leur permettre de réaliser leur rêve.

Une bonne petite question au représentant de la MRC. Les MRC, on a fait le bout aménagement, occupation du territoire, définition de ce que nous allions faire sur ce territoire. Est-ce que les MRC, comme entités administratives dans le système municipal, peuvent jouer un rôle dans la future politique culturelle du Québec? Est-ce qu'il y a un espace qui doit être occupé par la municipalité régionale de comté, le gouvernement du territoire d'appartenance?

M. Beauchemin (Jean-Claude): On rejoint la question qui était posée tout à l'heure quand on parlait du financement, bien sûr, parce que, si on parie de rôle, on va parier de financement. C'est une question centrale qui a ses difficultés en termes de réponse parce qu'il y a des rythmes différents. Les MRC, c'est également des tables de concertation intermunicipales, et ça serait commettre une erreur qui pourrait être tragique de penser MRC et de penser que tout le monde marche au même rythme là-dedans. Alors, ça, je pense que c'est un élément de réponse qui, à mon sens, est très important. Il y a des gens, déjà, et beaucoup de municipalités, déjà, qui sont prêtes à s'impliquer et à avancer, à aller, je pense, assez loin. Il y en a d'autres qui sont moins prêtes, moins rapides.

Donc, vouloir négliger ces rythmes-là, ça serait commettre une erreur tragique parce qu'on mettrait de la bisbille là où il y a des consensus qui sont en train de se créer. Donc, je pense effectivement qu'il faut se tourner vers les MRC mais qu'il faut le faire d'une façon très prudente. Et ça m'amène à commenter un peu et à situer ce débat-là dans le contexte présent, en essayant de le faire avec le moins d'amertume possible, mais en disant quand même que les MRC et les petites municipalités ont été plongées, par - je n'ose pas appeler ça une réforme, en tout cas - les décisions du ministère des Affaires municipales, les transferts de dépenses, dans une pagaille terrible, ce qui fait que, cette année, tout le monde prépare son budget avec beaucoup d'angoisse et une angoisse d'autant plus grande qu'on sait que le pire s'en vient l'année d'après. Et donc, Mme la ministre - même si je m'excuse auprès de notre député; c'est lui qui me pose la question et j'ai tendance à vous répondre à vous - attention! parce que vous vous adressez à des gens qui sont maintenant dans un état de choc, des gens qui sont dans un état d'incertitude très grande, parce que ce qu'on nous a jeté sur le dos, on ne sait pas encore c'est quoi.

Puis, je mets ça, là, et c'est très important, avec les questions de rythmes dont je parie. Les municipalités alentour de Rouyn-Noranda, dans la banlieue immédiate - Granada, Evain, McWatters, qui sont plus grosses, plus peuplées - et dont les gens sont des gens qui vivent à Rouyn et qui viennent coucher à Granada, à ce niveau-là, un niveau de préparation, on est beaucoup plus prêts à faire des choses plus vite. Mais, nous autres, il faut qu'on pense aussi aux municipalités qui sont un peu plus loin et dont les traditions sont moins fortes à ce niveau-là, qui ont un caractère encore beaucoup plus rural. Mais, en plus, les élus, on est dans un état, actuellement, où on se demande beaucoup de choses. Et là il y a des ponts qui ont été cassés, il y a un climat qui est, je regrette, assez pourri et il ne faudrait pas que la culture, qui est très importante... Puis, dans un milieu comme... J'insiste là-dessus. On a une municipalité, Rouyn-Noranda, qui est exemplaire dans son action et il ne faudrait pas venir détruire tout ça en disant: La culture s'en vient là-dedans et elle n'arrive pas dans un contexte favorable. Ce n'est pas votre faute, je le comprends. Je pense que vous devez venir nous voir, mais il faut le faire en tenant compte du contexte. Pas n'importe comment parce que vous allez rater votre entrée et on va tout rater ensemble.

Le Président (M. Bradet): M. Beauchemin, c'est tout le temps que nous avions. Je voudrais remercier M. le maire, M. Cloutier, M. Beauchemin, M. Parent des éclairages qu'ils ont donnés à nos travaux, leur souhaiter un bon voyage de retour dans la magnifique région de Rouyn-Noranda et, du même souffle, étant donné qu'on

est un petit peu pressé dans le temps, inviter le Conseil de la culture de la région de Québec à prendre place.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Juste avant de quitter, là... De toute façon, M. Beau-chemin, je prends... Parce qu'il va falloir s'asseoir, de toute façon, c'est sûr, avec les municipalités et en collaboration, comme on l'a toujours fait, d'une part. Et à vous tous, je vous dis: À dimanche!

M. Cloutier: On a bien hâte de vous recevoir.

Mme Frulla-Hébert: Moi, j'ai bien hâte d'y aller aussi, au Festival.

Le Président (M. Bradet): Mme la présidente, Mme LeBel, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Vous avez 15 minutes pour faire votre exposé. Auparavant, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches

Mme LeBel (Alyne): C'était prévu et je m'empresse de le faire. Mme la ministre, M. le Président, MM. les députés, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, bonsoir.

Au nom des 2500 artistes professionnels et travailleurs culturels des régions 12 et 03 qu'il représente, le Conseil de la culture des régions de Québec et rie Chaudière-Appalaches souhaite d'abord remercier la commission de la culture de lui donner, ce soir, l'occasion de participer au débat sur la future politique de la culture et des arts au Québec. (21 h 45)

Je voudrais vous présenter immédiatement les différentes personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M. Jean-Pierre Pellegrin, deuxième vice-président du Conseil et président de la table musique; Mme Manon Laliberté, directrice générale du Conseil; à ma gauche, M. Luc Mercure, troisième vice-président du Conseil et délégué de Desjardins-Les Chutes-de-la-Chaudière; à ce titre M. Mercure représente, au sein de notre exécutif, la région de Chaudière-Appalaches; M. Gaétan Gosselin, premier vice-président du Conseil et président de la table des arts visuels.

Je suis Alyne LeBel, présidente du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, je suis également la déléguée de Québec métropolitain.

Comme je viens de le rappeler, notre Conseil de la culture représente les artistes professionnels et travailleurs culturels des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Sa mission principale est d'assurer le développement culturel de son territoire. Le Conseil assume cette mission à partir d'une approche fondée sur la concertation et au moyen d'une structure représentative du milieu.

Le mémoire que le Conseil a déposé devant la commission de la culture est une illustration concrète et caractéristique de ce que suppose et signifie, en pratique, la concertation. Ce mémoire est issu des réflexions présentées par les représentants des disciplines et des régions, à la suite de la publication du rapport Arpin. Le texte qui vous a été transmis reprend et synthétise les réactions et suggestions sur lesquelles un consensus clair s'est établi parmi nos membres.

Comme la ministre des Affaires culturelles le souhaitait, c'est d'abord en fonction et à partir des différentes propositions présentées dans ce qu'on appelle désormais le rapport Arpin que des discussions ont été engagées entre nos membres sur les orientations et le contenu de la future politique québécoise de la culture et des arts.

La commission a pu se rendre compte, à la lecture de notre mémoire, que les membres du Conseil ont réagi de façon pour le moins critique à l'esprit comme aux recommandations du rapport Arpin. Ces réactions et cette déception s'expliquent aisément. Sur trois points que nous jugeons fondamentaux, le rapport Arpin présente des réflexions et des propositions que nous ne pouvons cautionner. Ces trois points, que je voudrais aborder successivement ce soir, sont: premièrement, le rôle de l'État dans la culture; deuxièmement, le financement de la culture et des arts et enfin, troisièmement, la place des régions, et en particulier de notre région, dans le développement culturel du Québec. Sur ces trois points, notre mémoire explicite le contenu et les raisons de notre désaccord avec le rapport Arpin. Ce soir, je voudrais simplement faire référence très succinctement à quelques-uns de ces désaccords.

En ce qui concerne la vision globale de la culture et le rôle de l'État, qui devraient sous-tendre la future politique québécoise de la culture et des arts, ce que le rapport Arpin nous présente nous déçoit et nous inquiète tout à la fois. Au-delà des principes auxquels on ne peut qu'adhérer, le rapport ne présente pas de véritable vision du devenir culturel des Québécois. Le rapport reste également muet sur les orientations globales d'une future politique et ne propose pas d'objectifs à court, moyen ou long terme. Quant à la perspective historique qui aurait dû fonder de tels choix, elle reste singulièrement absente. Au lieu de cela, le rapport Arpin nous propose une conception très étatisée de la culture. Pour les membres du Conseil, et à l'inverse de ce que laisse suggérer le rapport Arpin, une culture ne se décrète pas.

Nous avons intitulé notre mémoire "L'état de la culture, ou une culture d'État?" pour dénoncer, justement, cette vision bureaucratique

véhiculée par le rapport Arpin. À partir de cette conception à laquelle nous ne pouvons adhérer, le rapport Arpin propose des actions qui nous ont laissés sur notre faim. Le rapport Arpin semble avoir une prédilection pour l'élaboration de nouvelles études, la création de groupes de travail supplémentaires, comme si le temps n'était pas encore venu de passer à la mise en place d'interventions concrètes et cohérentes.

Dans notre mémoire, nous faisons référence aux questions de création et de formation, à notre sens, fondamentales. Nous regrettons également le discours véhiculé par le rapport autour de la notion d'industrie culturelle qui semble réduire la culture à un secteur économique spécifique en oubliant que la culture, c'est d'abord des artistes, des travailleurs culturels, bref des ressources humaines.

La deuxième question, à notre sens, fondamentale, dans tout débat sur une politique de la culture et des arts, est celle du financement de la culture. Là-dessus aussi nous avons été extrêmement déçus de ce que nous avons trouvé dans le rapport Arpin. Comme je viens de le rappeler, la culture, c'est avant tout des artistes, des travailleurs créant ou produisant seuls ou au sein d'organismes le plus souvent de petite dimension. Parler de financement de la culture, c'est donc, bien concrètement, parler des conditions d'existence des artistes, des conditions d'exercice de la pratique culturelle au Québec, du statut socio-économique conféré par notre société aux créateurs, artistes et travailleurs culturels. Et c'est ici que l'on arrive à une constatation d'évidence. Le secteur culturel québécois est composé d'organismes le plus souvent placés à la limite de la survie, d'artistes et de travailleurs dont la situation économique est proprement désastreuse. Nous regrettons vivement que le rapport Arpin n'ait pas cru devoir aborder de front cette situation. La rémunération que la société québécoise verse à ses artistes est une mesure de la valeur qu'elle attache à leurs activités. Le caractère désastreux de la situation socio-économique des artistes et travailleurs culturels doit nous interpeller, et on se serait attendu à ce que le rapport Arpin contribue au moins à cette prise de conscience collective.

Le rapport Arpin présente, au plan du financement, des suggestions dont certaines ne sont pas inintéressantes. On se serait cependant attendu à plus d'initiative et d'imagination. Cela est d'autant plus regrettable que le groupe Arpin avait à sa disposition les recommandations souvent ingénieuses et toujours stimulantes formulées quelques mois auparavant à la ministre des Affaires culturelles par le groupe de travail Coupet. Bien au contraire, au plan financier, le rapport Arpin présente certaines recommandations qui ont déjà commencé à semer inquiétude et confusion. Le rapport Arpin parle ainsi de rationalisation, de fin du saupoudrage des soutiens publics. On sait ce que cette rhétorique recouvre.

Il faut cependant savoir que ce que l'on appelle avec condescendance "saupoudrage" a permis d'appuyer la relève, de soutenir les jeunes artistes, d'assurer la survie des petits organismes et d'autoriser ainsi l'émergence de talents maintenant unanimement reconnus. Apporter un début de solution au problème du financement de notre culture constitue, pour le Conseil, l'un des défis majeurs de la future politique de la culture et des arts. Sans un financement adéquat, sans des ressources financières suffisantes, il est illusoire de penser à quelque développement que ce soit. Il faut espérer que la future politique de la culture et des arts sera, sur ce plan, plus convaincante que le rapport Arpin.

Cette difficulté que notre société semble avoir à mobiliser et distribuer les soutiens requis pour son épanouissement culturel explique la méfiance avec laquelle beaucoup d'organismes et d'artistes envisagent les différents transferts de responsabilités évoqués dans le rapport Arpin à la recommandation 94. Là-dessus, le Conseil voudrait être très clair. Nous approuvons les recommandations du rapport Arpin visant un rapatriement complet, à Québec, des compétences et des fonds concernant notre culture et administrés depuis Ottawa. Pour les membres du Conseil, ce rapatriement va de soi et est, d'ailleurs, conforme à la répartition des compétences telle qu'elle avait été définie en 1867 au moment de la Confédération. Cependant le Conseil souhaite également transmettre à la commission la méfiance générale émanant du milieu artistique et culturel. La priorité réelle accordée jusqu'ici par le gouvernement du Québec aux questions culturelles nous rend très inquiets sur la façon dont serait assumée cette compétence complète et exclusive. Aussi, notre adhésion à la recommandation 94 s'apparente plutôt à un acte de foi et elle est, pour nous, en tout état de cause, indissociable de la recommandation 95 concernant l'affectation des nouvelles ressources disponibles à la culture.

Dans notre mémoire, nous faisons également part à la commission des inquiétudes que nous cause le transfert envisagé vers les municipalités de certaines responsabilités en matière culturelle. Nos membres se défient de ce qui ne pourrait être qu'un nouveau délestage, de la part du gouvernement du Québec, de responsabilités que ce dernier renonce à assumer.

Le Président (M. Bradet): Je voudrais vous faire remarquer qu'il nous reste une minute.

Alors, je vous inviterais donc à conclure, s'il vous plaît.

Mme LeBel: Je vais vous donner les points saillants du reste du document. Dans ce débat sur la future politique des arts et de la culture, une troisième question nous tient à coeur. Il s'agit de la place des régions dans le développe-

ment culturel et, en particulier, du rôle de Québec. Je pense que vous avez le document. Je peux me dispenser de vous le lire. Simplement, je voudrais signaler aux membres de cette commission à quel point ce point, justement, nous tient à coeur, la place des régions dans la culture, la vitalité culturelle des régions.

Je voudrais, enfin, terminer cette présentation en abordant la question des conseils de la culture auxquels le rapport Arpin fait rapidement référence. À la lecture de ce rapport, il nous a paru évident que les membres de la commission Arpin n'avaient pas pleinement saisi le rôle joué par les conseils de la culture dans le développement culturel, dans l'épanouissement des régions et surtout ce qu'ils constituent pour le gouvernement comme voie privilégiée de contact avec le milieu. (22 heures)

J'ai souligné, au début de cet exposé, l'importance que nous attachions à la notion de concertation qui constitue notre philosophie même d'action. Il faut ajouter que, contrairement à ce qu'énonce le rapport Arpin, les conseils de la culture ne dédoublent pas les autres structures existantes. Ils constituent, au contraire, un réseau de soutien et de réflexion auquel les organismes et les artistes en région sont très attachés, tout simplement, car ils représentent, en fait, la seule véritable voie de transmission et de représentation dont ces organismes et les artistes disposent. Bien loin de remettre en cause leur existence, la nouvelle politique culturelle devrait ainsi renforcer les conseils et utiliser pleinement leur savoir-faire dans le cadre d'une véritable action culturelle régionale.

Les milieux culturels de Québec et de Chaudière-Appalaches ont d'ailleurs réaffirmé le rôle indispensable qu'ils reconnaissent aux conseils de la culture dans la concertation et le développement culturel de leur territoire respectif au moment de la consultation qui a abouti à ce document.

Au nom de tous les membres de notre Conseil, je voudrais de nouveau remercier la commission de nous avoir permis d'exposer notre point de vue sur l'avenir de la culture au Québec. Nous sommes convaincus qu'il faut maintenant agir en associant l'ensemble du gouvernement à la réalisation du projet culturel qui s'élaborera dans les prochains mois de façon à faire de la culture au Québec une priorité nationale reconnue de tous. Dans cette tâche, vous pouvez être assurés de notre collaboration la plus complète. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, Mme la présidente. Je reconnais maintenant Mme la ministre pour la période d'échanges.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme LeBel. D'ailleurs, je voudrais vous remercier tous de cette vaste consultation et d'être venus aussi ici en si grand nombre.

Je dois, par contre, émettre un peu mes premières réflexions quand j'ai lu votre rapport, d'une part, et à vous entendre aussi. Tout semble très noir et très négatif, au point où ce que certains décrient, d'autres le complimentent, ce que certains ne veulent pas voir, d'autres le veulent. Honnêtement, je vous demande à vous tous, à cette heure-ci: Est-ce que vous y croyez vraiment, à une politique culturelle? Est-ce que ça va être possible? Parce que je vous le dis, il y a des divergences, là. Ce que vous décriez ici, d'autres groupes nous disent: Bravo! Donc, je ne m'attends même pas à faire le consensus, là, au moment où on se parle, mais on essaie quand même d'être le plus large possible, nous. Évidemment, mon objectif, c'est justement de ne faire ni une liste d'épicerie ni quelque chose de très rigide mais, au contraire, d'être quand même un peu plus flexible. Et le but d'ailleurs de cette commission, c'est parce qu'on veut des changements. Comme je le disais cet après-midi, si tout était parfait, on ne serait pas ici, personne, à cette heure-ci. Mais je vais vous la poser, la question, parce que, sur le coup, on se dit... Pensez-vous que c'est possible?

Mme LeBel: Je vais laisser notre vice-président, M. Jean-Pierre Pellegrin, répondre à cette question.

M. Pellegrin (Jean-Pierre): D'abord, on regrette peut-être un peu qu'on ait donné une impression noire et négative dans tous ces débats à partir des réflexions qui vous ont été présentées. Dans le mémoire - et on voudrait encore insister là-dessus ce soir - on vous remercie beaucoup d'avoir pris l'initiative de la consultation de la commission Arpin, de la commission parlementaire qui a lieu maintenant et surtout d'avoir pris l'engagement de présenter une politique culturelle. Il n'y a jamais eu de politique culturelle présentée au Québec depuis 30 ans, même si beaucoup en ont parlé, et, pour nous, c'est la première des priorités. Il faut la faire et, Mme LeBel vous l'a rappelé dans la conclusion, nous sommes à votre entière disposition pour contribuer à cela. Évidemment, notre collaboration, elle est d'abord constructive. Notre déception, notre inquiétude, elle est surtout liée au rapport Arpin lui-même.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends.

M. Pellegrin: Peut-être parce qu'on avait beaucoup d'attentes vis-à-vis du document, surtout après le rapport Coupet, et, dans ce sens-là, ce que l'on y a trouvé ne correspondait pas exactement à ces attentes-là. Mais on ne voudrait pas laisser une impression négative sur l'exercice lui-même. Pour nous, c'est effectivement une priorité fondamentale et, pour nous

aussi, elle va être l'illustration de la priorité réelle que l'ensemble du gouvernement du Québec attache à la culture.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, vous savez que le rapport Arpin, c'est un énoncé de politique, c'est un document de réflexion, et je le voulais, d'ailleurs. Quand vous dites: On passe à l'action, c'est exactement ça aussi. C'est un groupe, d'ailleurs, et on s'est dit: C'est un énoncé de politique, à partir de documents que nous avions. Et je pense qu'il faut quand même... Le groupe a mis énormément d'efforts et énormément d'énergie et de conviction là-dessus. Il a pondu aussi un document de réflexion qui nous sert très bien présentement, au niveau de la commission, ne serait-ce que pour dire: Ça, ça va; ça, ça ne va pas, et le voir aussi.

Maintenant, ceci dit, vous parlez... Il y a deux ou trois points que je voudrais soulever. Le rôle des CRC, par exemple. Il y a certaines régions, certaines municipalités ou groupes qui ont dit: Les CRC se cherchent une vocation chez nous parce qu'on a d'autres structures qui font en sorte que leur rôle, vraiment, c'est plus ou moins utile. Par contre, il y a d'autres régions, telles que ne serait-ce que la ville de Rouyn et ta région de l'Abitibi, qui disent: Nous autres, les CRC, c'est capital. Compte tenu de l'évolution, compte tenu aussi... Parce que ça a beaucoup changé aussi. Le ministère s'est régionalisé presque, je pourrais dire, en son entier et les municipalités sont plus conscientes - on l'a entendu - de l'apport culturel. Avant, c'était de la dépense, mais, maintenant, les municipalités réalisent, on a beau dire on a beau faire, que c'est aussi la qualité de vie et une façon justement de garder son monde chez soi.

Alors, selon vous, là, comment voyez-vous le rôle des CRC? Vous l'avez mentionné, mais j'aimerais que vous élaboriez un peu plus.

Mme LeBel: Alors, je vais demander à M. Pellegrin de vous répondre aussi.

M. Pellegrin: Dans le mémoire, à propos du rapport Arpin, évidemment, on a abordé cette question qui nous concernait directement, celle des conseils de la culture. Pour nous, les conseils de la culture, effectivement, leur rôle a évolué considérablement depuis leur création. Mais il y a quand même quelques points d'ancrage qui sont toujours restés. Le premier point d'ancrage, pour nous, essentiel, c'est, bien sûr, la concertation. C'est un organisme qui, pour nous, est irremplaçable pour concerter l'ensemble du milieu culturel.

Le deuxième point d'ancrage, c'est la régionalisation. C'est le fait d'avoir, sur le plan régional, une intervention directe en faveur du développement culturel.

Puis, le troisième point d'ancrage, c'est le caractère multidisciplinaire. C'est le fait de mettre, dans la même structure, des organismes, des travailleurs culturels, des artistes qui viennent des arts et de la culture au sens large. Là-dessus, bien sûr, dans la région de Québec, on est particulièrement bien pourvus puisqu'on a tout l'éventail des activités culturelles possibles et imaginables.

Dans le mémoire, évidemment, on parle spécifiquement du rapport Arpin qui parle assez rapidement lui-même des conseils de la culture et qui semble les mettre en opposition avec soit les directions générales du ministère, soit les associations disciplinaires qui se sont créées et multipliées depuis 10 ans. Ce que nous prétendons, c'est que cette analyse, d'abord, est extrêmement rapide et laisse supposer qu'il y a des dédoublements qui, pour nous, n'existent pas. Si on prend le cas, par exemple, des directions régionales, on voit mal comment des actions régionales dans le ministère pourraient effectuer l'activité de concertation que nous effectuons. Puis, d'ailleurs, on a une excellente collaboration avec la direction régionale de Québec dont la capacité d'analyse, de synthèse et d'action n'est pas du tout remise en cause.

Si l'on parle des associations disciplinaires, les associations disciplinaires font aussi un travail de concertation dans leur discipline, mais il est centré évidemment à Montréal. Le problème, avec les associations nationales, en ce qui nous concerne, c'est que ces associations nationales évidemment, par définition, n'ont pas l'optique régionale. Elles n'ont pas cette optique multidisciplinaire. Par contre, il y a des relations très étroites avec elles et, d'ailleurs, beaucoup de nos membres appartiennent aux deux organismes. Donc, pour nous, c'est des phénomènes complémentaires, des organismes complémentaires dans des activités de concertation qui contribuent tous au développement culturel.

Et ce que l'on prétend, évidemment, c'est que le ministère des Affaires culturelles dispose, avec le réseau des conseils - et on parlait d'abord, bien sûr, en notre nom, au Conseil de la culture de la région de Québec - d'un outil irremplaçable de concertation, de réflexion et de développement culturel régional qu'il doit garder et utiliser justement dans le cadre de la future politique de la culture et des arts.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir, parce que le temps presse là, aussi à ce que vous avez appelé le saupoudrage. Effectivement, quand on regarde ça comme ça, on dit: C'est quoi ça, le saupoudrage? Par contre, si on le regarde dans une optique de consolidation, vous parlez de fonds et, effectivement, il y a une sous-capitalisation, il ne faut pas s'en cacher, malgré que les budgets aient augmenté. Mais ils ont augmenté aussi pour couvrir beaucoup d'infrastructures. Les besoins sont tellement grands, et on est parti quand même de loin, ce qui fait que je pense qu'il faut quand même réaliser, tous ensemble et

collectivement, de la part de tout le monde, d'où on est partis il y a 30 ans et où on est présentement. On a quand même fait un bon bout de chemin. Maintenant, il faut continuer et il faut passer dans d'autres ères, bon, telles que l'ère de l'internationalisation, par exemple, des échanges, tout le pluriculturalisme aussi là qui entre maintenant et qui est en ligne de compte.

Ceci dit, le saupoudrage. J'y reviens. Ne croyez-vous pas... sans penser, là, que "saupoudrage" voulait dire - en tout cas, moi, je ne le vois pas comme ça - que, bon, on va concentrer dans la région de Montréal et de Québec comme ça s'est dit, pas du tout, mais plus en vertu d'une certaine consolidation pour l'instant, pour un certain moment. Parce qu'il ne faut pas se leurrer non plus. Oui, on veut avoir des fonds supplémentaires. On va se battre pour, puis, bon, il y a des façons aussi d'aller en chercher et des façons, comme vous le dites aussi, originales de le faire. Ça, c'est une chose. Mais je ne peux pas vous dire ici non plus que les fonds, la manne va tomber du ciel, puisqu'on va en avoir et, bon, qu'on va se demander comment faire pour les gérer. Je veux dire, il faut être aussi réalistes.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'une consolidation, par exemple, parce qu'il y a eu énormément de développement, tel que Coupet le disait aussi, est souhaitée au moment où on se parle, ne serait-ce que pour un temps donné, la consolidation des organismes qui existent déjà, pour après ça - ça, c'est à court terme - pour qu'après, à moyen ou long terme, on puisse ensuite s'étendre et continuer à développer?

Mme LeBel: Ça paraît extrêmement dangereux, je pense, à ce stade-ci de dénoncer... Qui va faire l'arbitrage, en somme, entre ceux qui doivent être consolidés ou, enfin, les nouvelles troupes qui peuvent émerger ou les nouveaux groupes qui peuvent émerger dans le domaine culturel? On sait qu'au Québec, oui, c'est vrai que les fonds sont limités, mais il reste qu'il y a des sociétés qui... Enfin, on se compare souvent avec la France, mais, la France, bientôt, avec le budget qui vient d'être présenté il y a quelques jours, va consacrer près de 1 %, au-delà de 0, 9 % de son budget à la culture. Donc, il me semble qu'au Québec il nous reste encore une marge compte tenu du fait, effectivement, que les municipalités, en tout cas, n'ont pas la même façon d'investir dans la culture en général entre l'Europe et ici, ce qui fait que, donc, on a, je pense, comme société, encore une marge à investir dans la culture. Et il me semble que l'arbitrage et ceux qui doivent faire l'arbitrage vont nécessairement être... ça va nécessairement revenir à l'État. Ça risque, comme on le signale bien dans le mémoire, de couper l'émergence de nouveaux groupes et peut-être de cette relève qui est nécessaire à la vitalité culturelle du Québec à l'heure actuelle, et il me semble qu'il y a sûrement des façons d'arbitrer pour qu'on fasse une place à la relève en même temps qu'on tente de consolider, qui est un objectif en soi qui est certainement louable et souhaitable par tous mais, encore une fois, tout est dans la manière, je pense.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que le problème que l'on a bien souvent aussi, c'est... Oui, c'est vrai, vous avez raison, il y aurait quasiment besoin de fonds de recherche et de développement d'une certaine façon pour le risque, pour de la création, justement pour des recherches en création, pour la relève, etc. Ça, c'est une chose. Et, de l'autre côté, il y a aussi les compagnies qui existent déjà. Notre problème, et vous le savez, c'est quand une compagnie ou des compagnies arrivent dans des temps donnés avec des déficits qu'eux n'ont pas prévus, que nous n'avons pas prévus. Là, c'est un stress énorme sur le budget de fonctionnement de part et d'autre. Alors, c'est toute cette planification-là qu'il faut regarder aussi de très près, de telle sorte que personne ne soit menacé, ni les compagnies, d'un côté, ni le budget alloué aux Affaires culturelles, de l'autre.

Mme LeBel: Tu veux ajouter quelque chose? Alors, Jean-Pierre voudrait ajouter quelque chose.

M. Pellegrin: Peut-être préciser un point, c'est que, dans le mémoire, on n'a pas porté de jugement sur la politique de subvention du ministère. L'objectif était d'abord de commenter ce qui était présenté dans le rapport Arpin. Donc, nos commentaires sur le financement étaient liés à la situation globale, mais surtout à ce qu'elle est dans le rapport Arpin. La consolidation, comme la présidente vient de vous le dire, évidemment, nous semble tout à fait en appui avec ça. Il y a des recommandations intéressantes dans le rapport Arpin. Ce qui nous a beaucoup déçus, c'est qu'il n'y avait pas de reprise de tout ce qui se trouvait dans le rapport Coupet - il y avait beaucoup de réflexions faites là-dedans, comme on l'a expliqué - et, par ailleurs, que les rares recommandations concrètes qui étaient présentées, c'étaient, en fait, des coupures ou des rationalisations budgétaires. Et c'est en cela qu'on est inquiets. Pour simplement illustrer ce que Mme LeBel vient de dire, si on avait suivi les recommandations du rapport Arpin, si on les appliquait maintenant, bien, par exemple, le théâtre Repère et Robert Lepage n'auraient pas pu faire ce qu'ils font car ils n'auraient jamais reçu de ressources financières, qui étaient très petites et très limitées au moment de la création du théâtre Repère à Québec.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je suis d'accord avec vous, là. Ce qu'il va falloir discuter, ce n'est pas au moment... Ça, je suis d'accord, mais

présentement, au moment où on se parie, en 1991, avec tout ce que l'on a au niveau des troupes... Vous parliez de la France. On commandite ou, enfin, on subventionne 92 troupes de théâtre présentement. La France, vrai, en subventionne 365, mais ils sont 66 000 000. Il y a ça aussi. C'est trois fois plus, mais ils sont quand même dix fois plus. Donc, c'est difficile de faire un rapport aussi avec la France. Au niveau des budgets aussi, les municipalités en mettent beaucoup plus, les départements en mettent beaucoup plus, alors c'est toujours difficile de se comparer. Je pense que ce qui sera l'idéal et aussi, je pense, le grand défi, c'est d'en avoir une pour nous, à la mesure de notre développement, à la mesure de nos ambitions, de nos moyens et aussi considérant notre environnement et la menace autour. (22 h 15)

Le Président (M. Bradet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je reconnais maintenant le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme LeBel, Mme Laliber-té, messieurs, vous avez remarqué la présence de mon collègue, le député de Lévis. Mme Carrier-Perreault, députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous demande de l'excuser, mais il y avait à son agenda une obligation à laquelle elle ne pouvait malheureusement pas se soustraire. Elle était très intéressée à être ici avec vous, mais ce n'est malheureusement pas possible.

Vous allez permettre à un député montréalais de piquer une sainte colère en face du conseil de la culture de sa capitale nationale. Quand j'entends la ministre dire: La manne ne tombera pas et la manne ne tombera pas, je commence à en avoir, comme on dit en québécois, plein le casque! Madame, la manne ne tombera peut-être pas, mais c'est votre formation politique qui, en 1985, s'est présentée devant le milieu des arts et de la culture et a fait miroiter l'objectif de 1 % du budget. Aujourd'hui, six ans après, il manque 90 000 000 $. Alors, il ne faut pas s'étonner que les gens du milieu des arts et de la culture viennent demander. On leur a promis et on ne leur a pas donné. Donc, moi, je ne vous blâmerai jamais, tant qu'il y a une demande, d'y mettre à côté un prix. Si on n'avait pas voulu cette situation-là, il y avait tout simplement un premier ministre et des candidats qui auraient dû se taire, à ce moment-là, et ne pas aller lancer une promesse. Et qu'on ne vienne pas me faire le coup de la situation économique difficile. Elle l'est, certes, depuis deux ans, mais, en 1985, c'était l'abondance et nous avions affaire à de bons gestionnaires. Sauf qu'on est toujours à 90 000 000 $ qui manquent. Il y a des priorités à établir et ça serait peut-être intéressant que le premier ministre, au lieu de parler des pylônes d'Hydro-Québec, qui est la seule forme de sculpture qui l'intéresse, se décide une fois pour toutes à parler lui-même des arts et de la culture et non pas d'un concept vague et flou, qui s'appelle souveraineté culturelle. Maintenant elle est partagée, demain elle sera disloquée. Et le vocabulaire continue à s'enrichir au niveau des arts et de la culture au Québec. Je me suis soulagé, ça va mieux.

Parlons du conseil régional de la culture. Au départ, le rapport Coupet et le rapport Arpin auraient assuré le financement de votre Conseil, il va de soi, et de la conférence, également, des conseils régionaux. Vous avez effectivement une expérience de concertation. Elle n'est pas reconnue. À chaque année, votre budget a été gelé, non indexé et on a remis en doute votre existence. J'aurais cru que, dans le rapport Arpin, on aurait tenté de réparer, mais c'est tout à fait le contraire qui se produit. Vous devenez une entité, je ne dirais pas négligeable - ils n'ont pas employé le mot - mais disons ques-tionnable. Êtes-vous capable de donner des illustrations de la concertation que vous avez établie? Vous ne faites pas de la concertation, Mme LeBel, uniquement avec les différentes disciplines au niveau des artistes. La concertation, qu'on l'entende donc, au Québec, une fois pour toutes; les conseils régionaux, vous la faite avec les municipalités, vous la faites avec les municipalités régionales de comté, vous la faites avec tous les intervenants. Donc, pourquoi ne pas vouloir vous donner ce rôle?

Mme LeBel: Je vais laisser à M. Pellegrin le soin de vous répondre.

M. Pellegrin: Je pense que vous souhaitez avoir des exemples concrets de résultats d'activités de concertation qu'a réalisées le Conseil de la culture de la région de Québec au cours des dernières années. On ne va pas se faire un bilan de toutes nos activités. Peut-être deux ou trois exemples très précis qui donnent une idée de l'importance, justement, de cette concertation et de l'impact qu'elle peut avoir sur la vie culturelle de la région.

Le plus récent, par exemple, bien sûr, c'est la participation de notre Conseil, l'année dernière, lors du sommet socio-économique Chaudiè-re-Appalaches. Évidemment, le Conseil de la culture participait à ce sommet socio-économique comme tous tes organismes régionaux, mais, grâce à cette concertation, le Conseil de la culture a pu fédérer, a pu regrouper les deux membres d'organismes culturels qui étaient souvent isolés, souvent démunis de moyens et fait en sorte qu'elle soit véhiculée avec succès d'ailleurs devant la conférence socio-économique Chaudière-Appalaches. Peut-être, parmi les exemples plus anciens qu'on pourrait rappeler, un exemple, c'est tout simplement la création du théâtre Périscope, l'ancien Implanthéâtre. Je pense qu'au sein du ministère des Affaires culturelles on doit se souvenir que le projet même de la création de ce théâtre, qui est venu mo-

difier et enrichir les salles de diffusion théâtrale et la création théâtrale à Québec, a été conçu et véhiculé au sein du Conseil de la culture de la région de Québec.

Puis, un autre exemple - ce serait peut-être plus ancien - c'est de se rappeler que le Conseil de la culture de la région de Québec, en son temps, avait été un des sauveteurs du Festival d'été international qui est actuellement la plus grosse manifestation, non seulement musicale mais culturelle, en termes de nombre de participants à Québec. Ce Festival d'été a eu des difficultés il y a plusieurs années, et le Conseil avait été appelé à intervenir directement dans le sauvetage du Festival. Alors, ce sont des exemples précis, plutôt que d'expliquer de façon abstraite ce que c'est que la concertation, de l'importance justement de cette activité de concertation et du fait d'avoir un organisme qui est là pour fédérer les artistes, les organismes culturels et multiplier leur force d'intervention.

M. Boulerice: Mon collègue de Lévis désire vous poser une question. Avant de lui céder la parole, je vous en pose une très brève. Est-ce qu'on peut parler d'une véritable politique culturelle sans intégrer la dimension des communications?

M. Pellegrin: Dans le mémoire, notre commentaire sur le rapport Arpin, nous insistons à propos du rôle de la ville de Québec sur les graves problèmes qui sont causés actuellement justement dans la ville de Québec par le déménagement des centres de production télévisuelle. Dans la civilisation actuelle, il est évident que les communications médiatiques ont un rôle tout à fait fondamental dans la culture. Alors, dans notre commentaire, dans notre mémoire qu'on a déposé à la commission, à propos de la ville de Québec, Mme LeBel n'a pas eu le temps de rappeler ce point-là. Il est évidemment pour nous essentiel d'intégrer cette dimension de la production télévision radiophonique et donc des médias, d'une façon générale, des communications dans toute politique culturelle à venir.

M. Boulerice: Mais, nous, nous disons que le rôle de la radiotélédiffusion nationale est de promouvoir la diffusion, donc la création des produits culturels québécois. Et c'est tout à fait légitime, c'est ce que font nos voisins américains avec un taux de consommation, entre parenthèses, de 99,99 %. On n'irait peut-être pas jusqu'à l'excès et devenir bornés. Souscrivez-vous à l'option que, nous, nous avons, qui est, pour s'en assurer, eh bien, que la télévision relève non pas d'un ministère hybride comme c'est actuellement au niveau des communications, mais d'un ministère des arts, de la culture et des communications, de façon à ce que nous puissions voir que la radiotélévision nationale remplisse ce mandat?

Mme LeBel: Oui, Jean-Pierre.

M. Pellegrin: Peut-être - je ne sais pas -vous faites allusion au rôle que vous souhaiteriez voir jouer par Radio-Québec dans le domaine culturel ou dans le domaine du développement de la région de Québec. Pour nous, Radio-Québec, évidemment, est un outil très important, mais c'est un moyen parmi d'autres moyens, ne serait-ce qu'au niveau de la télévision, au niveau de la production médiatique, d'appuyer le développement culturel de la région de Québec. Il y a d'autres actions, au niveau des autres stations de télévision, de radio, qui devraient être également effectuées pour permettre d'assurer justement ce développement de la région.

M. Boulerice: L'équivalent d'un CRTC qui verrait à une réglementation qui y satisfasse, c'est cela?

Le Président (M. Bradet): Alors, est-ce qu'il y a consentement? M. le député de Lévis, je m'excuse, pour se conformer à l'article 132 de nos règlements, est-ce qu'il y a consentement à ce que vous preniez la parole? Vous l'avez, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je voudrais poser une question à M. Mercure puisque... J'aimerais ça qu'il nous explique à quel point la région Chaud ière-Appa-laches croule sous la manne du ministère des Affaires culturelles et que, si on en avait plus, on pourrait faire des indigestions.

M. Mercure (Luc): Oui, effectivement, M. Garon, nous travaillons un petit peu dans le même territoire et, récemment, on a fait ressortir les chiffres, les montants qui sont investis par le ministère des Affaires culturelles en Chaudière-Appalaches par rapport à la région de Québec. Ça nous est effectivement apparu un peu triste de voir le portrait.

Je vous donne quelques chiffres. En fait, au niveau de la diffusion en arts de la scène, on a retrouvé 128 000 $ pour la région Chaudière-Appalaches et 3 800 000 $ pour la région de Québec, ce qui fait 30 fois plus. Alors, on a trouvé que l'écart était peut-être exagéré. C'est la même chose au niveau des arts visuels; on parie de 10 000 $ en Chaudière-Appalaches et de 321 000 $ pour la région de Québec.

Effectivement, à titre de représentant de Chaudière-Appalaches, je pense qu'il est important de mettre les choses en perspective. À ce titre-là, j'aimerais vous citer quelques données, peut-être rappeler que la région Chaudière-Appalaches est la cinquième région la plus peuplée du Québec, qu'on y retrouve 360 000 habitants par rapport à 580 000, que c'est une région qui est très vaste et qui est sous-dévelop-pée sur le plan culturel: 183 municipalités, 11 MRC. En bref, c'est une région très importante

qui souffre d'un sous-développement majeur quand on regarde les chiffres et les institutions dont on dispose.

M. Garon: Est-ce que c'est parce qu'il manque de projets ou c'est parce que vous avez souvent des refus?

M. Mercure: II y a un certain nombre de refus; à ma connaissance, on parle souvent d'un manque de ressources financières pour supporter les projets.

M. Garon: À quoi attribuez-vous cette absence de sensibilité du ministère des Affaires culturelles à l'endroit de la région Chaudière-Appalaches?

M. Mercure: Je pense qu'il y a un aspect important. On ne doit pas lancer la pierre seulement au ministère des Affaires culturelles, évidemment. Je pense que notre région, comme elle n'a pas pris l'habitude de s'autodéterminer dans le domaine culturel, les gens ne demandent peut-être pas suffisamment les ressources qui devraient leur revenir. Il y aurait, à ce moment-là, justement des efforts de concertation à faire pour faire voir aux gens qu'il existe des possibilités et que notre développement est à venir, mais qu'on doit le faire, qu'on doit en parler, qu'on doit adresser nos demandes au ministère et les défendre.

Le Président (M. Bradet): Alors, je voudrais vous faire remarquer que le temps qui nous est alloué est écoulé. Peut-être un mot de la fin? Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la région Chaudière-Appalaches, effectivement, je m'informais... Vous êtes dans une région périphérique. Comme toutes les régions périphériques, c'est sûr que, bon, il faut la travailler comme une région périphérique et, effectivement, vous avez mis le point dessus aussi, c'est que, n'ayant pas de pôle central, c'est sûr qu'il faut regrouper. Il y a plusieurs villes, donc il faut aussi en arriver à créer des projets et à faire aussi des demandes, d'une certaine façon. Je ne dis pas que ça solutionne toute la problématique, mais c'est effectivement une problématique spéciale, il va falloir la travailler de cette façon-là. Ça, c'est une chose.

Deuxièmement, encore une fois merci. Merci aussi de votre offre de collaboration, on va s'en servir. Mais il y a une chose que je voulais vous dire. Comme ministre des Affaires culturelles, ça fait un an que je suis au ministère. Chose certaine, c'est que, oui, on veut des changements. Je n'aurais pas demandé une commission parlementaire s'il n'y avait pas eu besoin de changements, d'une part. Mais il y a une chose aussi, c'est que j'ai toujours travaillé dans un contexte qui essaie d'être le plus réaliste possible et ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer. Merci.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour le mot de la fin.

M. Boulerice: Oui, je vais vous remercier, moi aussi, en vous disant que cette politique, je la regarderai sous trois aspects: si elle dote les régions du Québec d'enveloppes budgétaires autonomes et suffisantes afin de garantir votre autonomie d'intervention en matière culturelle, je la regarderai si elle accorde aux conseils régionaux de la culture des crédits de fonctionnement accrus et s'ils deviennent les interlocuteurs privilégiés du ministère.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup. C'est à moi de vous remercier pour la qualité de votre mémoire.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 24 octobre, 9 h 30, en cette salle.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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