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(Quinze heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien prendre place, la commission de la culture va maintenant
entamer ses travaux pour la journée et pour la semaine. Je vois que nous
avons quorum en cette commission. Donc, la séance est maintenant ouverte
et je vous rappellerai très rapidement, le mandat de notre commission
parlementaire, qui est de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition
de politique de la culture et des arts, cela faisant suite au
dépôt du rapport Arpin qui a été initié par
Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, il n'y a pas de
remplacements. Donc, sans plus tarder, je vais vous lire l'ordre... Y a-t-il
des remplacements, M. le député?
M. Boulerice: II n'y aura pas de remplacements officiels comme
tels, mais nous allons convenir que les députés
représentant les circonscriptions où sont situés les
organismes obtiendront la permission, en vertu de l'article 132 de notre
règlement.
Le Président (M. Gobé): Oui. D'ailleurs, c'est la
tradition maintenant depuis qu'on a cette consultation.
M. Boulerice: Depuis votre présidence, oui.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. J'ai toujours eu votre collaboration pour que les
députés des circonscriptions de régions, lorsque les
groupes viennent à cette commission, puissent intervenir. Mme la
ministre a elle aussi toujours fait en sorte que ses députés
puissent, de notre côté, participer au maximum de leur
expertise.
Je vais maintenant faire lecture de notre ordre du jour. Nous sommes le
mardi 22 octobre 1991. Nous allons entendre à 15 h 30,
c'est-à-dire dès maintenant, le Regroupement des
télévisions communautaires et locales du Québec; à
16 h 15, la ville de Mont-Laurier; à 17 heures, les représentants
de l'École nationale de cirque; à 17 h 45, le Musée des
beaux-arts de Montréal et ses représentants, bien entendu. Nous
suspendrons à 18 h 30 et nous reprendrons à 20 heures, et nous
entendrons alors l'École des hautes études commerciales de
Montréal; à 20 h 45, les représentants de la ville de
Sept-îles; à 21 h 30, le Centre de valorisation du patrimoine
vivant et nous ajournerons vers 22 h 15, pour reprendre nos travaux demain.
Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement des
télévisions communautaires et locales du Québec de bien
vouloir prendre place en avant.
Bonjour, messieurs. Avant de vous présenter, je rappellerai
rapidement les règles qui vont régir cette commission. Nous avons
un temps alloué de 45 minutes réparties de la façon
suivante: 15 minutes maximum pour faire la présentation de votre
mémoire - vous n'êtes pas obligés de les utiliser - 15
minutes du côté de Mme la ministre des Affaires culturelles pour
dialoguer avec vous, et (a même chose du côté de M. le
représentant de l'Opposition officielle en matière d'affaires
culturelles. S'il y a du temps qui est un peu en ballottage, la
présidence se réserve le droit de pouvoir apprécier la
répartition.
Alors, ceci met fin à cette présentation. Je vous
demanderais maintenant de bien vouloir vous présenter et de commencer
votre mémoire, sans plus attendre.
Regroupement des télévisions
communautaires et locales du Québec
M. Bourdages (Pierre-Paul): Merci, M. le Président. Alors,
je me présente, Pierre-Paul Bourdages. Je suis avocat et, dans mes temps
libres, entre autres, président du Regroupement des
télévisions communautaires et locales du Québec. Je vous
présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Daniel
Cayer, directeur du réseau des télévisions communautaires,
et, à ma droite, M. Régis Pelletier, signataire du mémoire
et directeur des services généraux.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs.
Vous pouvez commencer votre présentation.
M. Bourdages: M. le Président, je vous remercie. Je veux
remercier la commission de nous avoir donné l'opportunité de
présenter notre point de vue - comme vous avez pu le constater, notre
point de vue limité - qui, essentiellement, fait état de deux
questions sur lesquelles je vais revenir brièvement tantôt. Mais
je veux vous présenter rapidement notre organisation. Il s'agit d'une
organisation qui regroupe une vingtaine de télévisions
communautaires au Québec, qui elles-mêmes représentent
au-delà de 200 000 abonnés, comme il est indiqué, entre
autres, à la page 141 du rapport.
Cependant, ce qu'il importe, je pense, de signaler ici, c'est que
l'ensemble des télévisions communautaires du Québec
traverse, comme vous le savez, sans doute, Mme la ministre, M. le
député Boulerice, une crise importante, une crise
d'Identité, certes, et une crise financière. Cette crise
financière, elle n'est pas différente de celle que traversent
toutes les autres organisations reliées au milieu culturel ou plus
largement en ce qui nous concerne reliées au milieu des
communications.
Néanmoins, je pense que notre organisation a un point de vue
à faire valoir et, essentiellement, ce point de vue porte sur deux
questions que nous avons exposées dans notre dossier.
Premièrement, l'on estime qu'à l'heure actuelle, dans le contexte
qui est débattu, les télévisions communautaires et
locales, par le biais de leur regroupement, peuvent générer une
activité productive sur le plan de la diffusion des messages
culturels.
Et, à cet égard, je veux, Mme la ministre, M. le
Président, M. Boulerice, vous référer au document du
rapport Arpin, et plus particulièrement à la page 116 du
document, qui établit en substance ce qui nous paraît être
le cadre de notre intervention. "La télévision, dit le document,
est devenue un diffuseur souple et omniprésent, capable de transporter
rapidement aux quatre coins du Québec n'importe quelle activité
d'art d'interprétation et certaines activités des arts
visuels."
Également, vous avez, à la page 137, et de façon un
petit peu plus précise, le commentaire suivant, en bas de page: "Pour un
grand nombre de Québécois, la télévision et la
radio demeurent les plus accessibles, souvent les seuls et assurément
les moins coûteux des moyens d'accès à la culture, d'ici et
d'ailleurs. Ces médias doivent devenir les principaux outils de
promotion et de diffusion de l'activité culturelle."
Or, à cet égard - le rapport en fait état et je
pense que les études abondent en ce sens - on a, dans le système
de la radiodiffusion canadienne, une organisation de réseaux publics, de
réseaux privés et de câblodistribution. Les
télés sont reliées à l'industrie de la
câblodistri-bution qui, comme vous le savez, en vertu du règlement
du CRTC de 1986, permet aux corporations que nous représentons d'exister
et de diffuser leur message.
Ce qui importe au-delà de tout, Mme la ministre, c'est de
souligner, comme le fait le rapport à la page 140 - j'en fais un
très court extrait, je me réfère particulièrement
au paragraphe 2 avant la fin de la page 140: "Le rôle joué par les
entreprises de télévision communautaire est devenu un
élément important du caractère et du développement
distincts du Québec dans le système de la radiodiffusion. Ces TVC
sont de plus en plus considérées comme le média
télévisuel régional ou sous-régional." Je pense
qu'il faut faire une place aux corpora- tions que nous représentons,
mais dans une voie bien précise qui est celle de permettre
d'élargir la diffusion du message culturel en région.
À cet égard, Mme la ministre, je pense que la
problématique est très bien exposée à la page 132,
deuxième paragraphe avant la fin, où on y lit: "Le
ministère devrait, par tous les moyens, favoriser la circulation des
activités culturelles produites en région". Alors, entre
Montréal et Québec, d'une part, et, évidemment, la
circulation entre les régions elles-mêmes.
À cet égard, je pense qu'on peut trouver une place de
choix considérant le fait suivant. Premièrement, les
médias publics, les réseaux publics particulièrement et
également les réseaux privés vivent une situation de
concurrence effrénée sur le plan du marché. Je pense qu'on
n'exposera pas très longtemps là-dessus. Deuxièmement,
l'espèce de déconcentration, pour ne pas dire davantage, des
réseaux publics dans l'activité de la radiodiffusion canadienne,
particulièrement le retrait de Radio-Canada de certaines régions,
permet, à moyen terme - je veux être précis
là-dessus - à des organisations comme les nôtres de trouver
leur place au soleil.
Et je veux, avant de terminer ce court exposé, Mme la ministre,
vous signaler le moyen que l'on favorise à cet égard, et il
apparaît au paragraphe 4 de notre mémoire, lorsqu'on y lit: "La
promotion des activités culturelles locales et régionales est un
des secteurs privilégiés d'intervention des corporations. De
plus, un certain nombre d'entre elles réalisent des portraits et des
reportages sur les artistes de leur région, tout en assurant une
couverture des activités culturelles. Il serait tout indiqué
d'encourager une diffusion plus large de ces reportages mettant en relief les
artistes établis dans les diverses régions du Québec."
Alors, Mme la ministre, un des moyens privilégiés à cet
égard est la constitution et la mise en oeuvre d'un réseau, qu'on
retrouve au paragraphe suivant, dont on pourra discuter si cela vous convient
un peu plus tard.
En terminant, je veux vous signaler ce qui apparaît clairement au
document, à la question qui portait sur: "Quels genres
d'émissions préférez-vous?" Je n'ai pas, malheureusement,
la page exacte devant les yeux, mais je note particulièrement...
À la page 117, voilà. "Quels genres d'émissions
préférez-vous?" Le premier choix d'un rapport de l'IQOP en 1990
était les documentaires. Or, la télé communautaire diffuse
et se veut, de plus en plus, un diffuseur à large portée de ce
message societal pour l'ensemble du territoire québécois. Alors,
voilà les quelques observations d'entrée de jeu, Mme la ministre,
M. le Président, que je voulais vous adresser. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M.
Bourdages. Et sans plus attendre, maintenant,
Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bourdages. Bienvenue, M.
Cayer, M. Pelletier. Il y a quelques questions qui se posent un peu
automatiquement. Vous parlez de votre rôle culturel que vous assumez dans
diverses régions du Québec. Vous parlez aussi de mettre sur pied
un réseau couvrant l'ensemble du canal communautaire, qui aurait une
vocation culturelle. On va en parler en deuxième temps.
Premier temps, j'aimerais avoir des explications supplémentaires
quant à votre opposition au transfert de la Direction
générale des médias aux Affaires culturelles, par exemple.
Vous êtes un des seuls intervenants à dire que les deux devraient
rester chacun de leur côté, puisqu'une politique des
communications déborde largement le cadre culturel et qu'on doit y
inclure aussi l'information, etc. Est-ce que c'est si loin que ça de ce
qu'on tente de faire? On est ici, tout simplement parce qu'il y a besoin de
changements et on va apporter des changements. Mais d'un certain... Je trouve
ça intéressant et je suis un peu intriguée de cette
position-là. Alors, est-ce que vous pourriez élaborer un peu
plus, s'il vous plaît?
M. Bourdages: Écoutez, notre point de vue est
exprimé par notre directeur général en début de
mémoire, à la page 2. En fait, l'on indique que nous nous
interrogeons sur la pertinence d'un tel transfert pour ensuite apporter un
commentaire qui nous permet, je dirais, de suggérer actuellement le
maintien de la direction des médias au ministère des
Communications du Québec. Cependant, ceci étant dit, je pense
qu'il faut situer le cadre. Si progressivement l'on veut établir au
Québec une politique globale de la culture - et j'indique bien: globale
de la culture, c'est une condition sine qua non de ma réflexion - il
faut, je pense, le faire de la façon la plus systématique et
systémique possible.
Et, à cet égard, la politique des communications qu'est en
train de mettre en oeuvre le ministre des Communications est une plaque
tournante et, de façon tout à fait prioritaire, il y a la
question du rapatriement des pouvoirs, en particulier en regard de
Radio-Canada. Il ne s'agit pas que de Radio-Canada, mais nous pensons que, dans
la mesure où cette politique globale de la culture ne peut être
mise en oeuvre maintenant à cause de ce problème, je dirais, de
compétence constitutionnelle, il faut maintenir le statu quo.
Toutefois, s'il est possible de faire la démonstration qu'une
politique globale... Dans le rapport du groupe Arpin, je pense que c'est
très édifiant de nous signaler que les médias que nous
représentons dans notre champ de compétence constituent un lieu
d'accès privilégié à la culture. À cet
égard, il est évident qu'il faudrait développer une
politique cohérente. Dans cette mesure, la direction des médias
pourrait aller au MAC. Ça ne poserait pas, dans cette mesure, de
problème. Il y a une condition pour nous, c'est de pouvoir nous assurer
qu'on pourra mettre en oeuvre cette politique globale de la culture.
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Ce que vous dites, c'est une
synergie, en fait, entre les deux ou encore une grande politique chevauchant,
incluant les deux secteurs.
M. Bourdages: Bien, c'est ça. C'est comme si on pariait en
termes de gestion, je dirais une gestion "staff" et une gestion "line", si vous
me permettez les termes un peu anglophones. Alors, à cet égard,
je pense qu'aux Communications on est davantage, au moment où on se
parle, "staff". C'est comme si on disait, dans l'état actuel des choses:
La diffusion du message en environnement, en éducation, à la
justice, par exemple, devrait faire l'objet d'un rapatriement sectoriel. On se
dit: Si on va à la culture, on y va de façon globale ou on n'y va
pas du tout.
Mme Frulla-Hébert: D'accord, je comprends. Il y a une
chose, par exemple. M. Chagnon, la première semaine de notre commission,
est venu justement présenter un mémoire. Il pariait du paysage
télévisuel qui va se transformer considérablement d'ici
une dizaine d'années; d'ailleurs, on voit déjà les
premiers changements en Europe, partout. On parie beaucoup d'une
télévision à la carte, d'une télévision
où l'on choisira ses programmes, avec toutes les conséquences que
ça peut entraîner. Vous pariez de bâtir un réseau,
justement, de télévision communautaire.
M. Bourdages: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Compte tenu de ce qui s'en vient - et
on sait que ça va s'en venir...
M. Bourdages: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...on n'arrêtera pas le
progrès - où est-ce que vous vous situez à
l'intérieur de tout ça? C'est quoi, vos prévisions vers
l'avenir?
M. Bourdages: Bon. C'est une excellente question. Je dirais que
la prémisse: pour nous, la réglementation - parce qu'il faut en
parler -parier - singulièrement du CRTC à l'égard de la
télédistribution nous apparaît essentielle dans la mesure
où elle a comme mission de protéger les plus vulnérables.
C'est le cas des télés communautaires qui n'existent que depuis
une vingtaine d'années. On a quand même fait beaucoup de chemin
depuis une vingtaine d'années, mais on est à parfaire, et notre
gestion, et notre message, et notre contenu. Mais il est certain pour nous que
le message de la télé à la carte représente
à court terme, je dirais, un danger pour
notre organisation, parce que, là, c'est le libre choix.
Mme Frulla-Hébert: Voilà!
M. Bourdages: II est évident que les gens ne choisiront
pas spontanément le message d'une programmation communautaire à
moins, bien sûr, d'être en région. On a des exemples -
Saint-Félicien, Buckingham, Cap-à-TAigle - où ça
fonctionne très bien, mais c'est tout le principe de l'identité
régionale par rapport à cette espèce de concentration
urbaine. Alors, dans cette mesure-là, nous, ça nous
apparaît un petit peu menaçant.
D'autre part, je pense que ce qu'il faut dire, c'est que progressivement
nos organisations - et elles apprennent à le faire; ce n'est pas facile
quand on a vécu de l'aide de l'État pendant une vingtaine
d'années - se retrouvent à développer des moyens nouveaux
de gestion, de financement, de programmation.
Alors, on a cependant notre créneau et notre créneau,
à mon sens, c'est le message de la localité ou de la
région, que de façon économique les réseaux ne
peuvent pas diffuser. On le voit en région et ça fonctionne
très bien, mais il est certain que, quand on vous adresse un message du
type de celui de M. Chagnon qui, par ailleurs, représente la plus
importante entreprise de câblodistribution au Québec et,
singulièrement, 75 % de nos membres, bien, on y
réfléchit.
Il n'en demeure pas moins que de deux choses l'une: si on
considère, comme on l'indique dans le document, que la
télé communautaire est un outil de développement distinct
pour la société québécoise, il faut alors trouver
les moyens de privilégier cet outil-là. Pas simplement par le
financement, il y a d'autres méthodes de soutien. Il y a des
méthodes d'encourager la gestion de ces organisations-là. Il y a
des méthodes également - et je le dis très clairement -
où l'État pourrait sous-traiter, avec notre organisation, la
production de certains messages, que ce soit dans les organismes comme la
Régie de l'assurance automobile, par exemple, le ministère du
Tourisme, le ministère de l'Environnement.
Il y a là, pour nous, une chasse gardée nous permettant,
en contrepartie, de garder notre message vivant. Il ne faut pas oublier que le
rapport économique entre les télés communautaires et les
télés conventionnelles est tout à fait
disproportionné, strictement sur le plan des
coûts-bénéfices. On ne fonctionne qu'avec des
bénévoles. Notre défi, c'est d'avoir des
bénévoles compétents.
Mme Frulla-Hébert: Parlant de bénévoles
compétents, ça m'amène à une espèce de
stratégie que nous voulions développer quand j'étais au
ministère des Communications. Pour connaître, de toute
façon, tout le réseau des Communications et y avoir
oeuvré, je trouvais que, dans la mesure où les radios
communautaires, par exemple, exerçaient aussi un rôle important au
niveau de l'information, au niveau local, dans certaines municipalités,
spécialement aussi les municipalités éloignées
où c'est vraiment un besoin - je pense aux Îles-de-la-Madeleine -
former du personnel au niveau des radios communautaires pourrait servir aussi
de bassin, si on veut, donc, une espèce d'école de formation
pour, ensuite, les chaînes de radio privées. On s'est
aperçu - en tout cas, moi, je l'ai vu - que, dans les radios
privées, c'était difficile de recruter du monde et du bon monde;
ça ne pleut pas. C'est un talent et le talent est là, il faut
l'exploiter. Est-ce qu'on pourrait penser à un même principe, si
on veut, au niveau des télés communautaires, par exemple,
c'est-à-dire un réseau de télévision qui donne
l'information, mais qui aussi serait un bassin en termes de formation?
M. Bourdages: Je suis absolument d'accord avec vous. Ça se
fait spontanément. Je dirais, il y a quelques - et vous me permettrez
l'expression un peu amusante, à Québec - Eric Lin-dros...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Bourdages: ...qui émergent de certaines
télés communautaires, mais de façon systématique
ça n'existe pas. Je pense qu'il pourrait y avoir un programme...
Mme Frulla-Hébert: Un mariage.
M. Bourdages: ...oui, avec les gens de la
câblodistribution, les gens du ministère, où on
encouragerait ces gens-là à trouver un débouché
éventuellement. Mais c'est certain qu'on aurait des ressources assez
exceptionnelles. On l'a déjà vécu.
D'autre part, vous parlez des radios communautaires, Mme la ministre. Je
veux vous signaler qu'à notre sens il ne faut pas que l'on discrimine
quant au traitement. Si les médias communautaires sont à la fois
les radios et les télés, je comprends qu'il y ait des arguments
historiques, je respecte ça. Mais, je pense qu'on a terminé notre
purgatoire. Vous comprenez ce que je veux dire. Le PAMEC va aux radios
communautaires, j'en suis, mais nous, on n'en a plus. Il y a eu
l'époque... Je peux avoir compris le message. Je pense qu'on a fait et
qu'on est en train de faire la preuve de notre redressement. Mais je pense que
c'est là deux poids, deux mesures. Bien sûr, vous allez me
répondre: Ils ont un statut juridique un peu différent du
nôtre au CRTC. Ça va de soi, mais à moyen terme je pense
qu'il faut essayer d'équivaloir ces deux types, je dirais, de diffuseurs
quant au traitement qu'on leur accorde.
Mme Frulla-Hébert: Je veux juste revenir,
en terminant, à votre réseau. Vous parlez d'avoir un
réseau qui couvrirait l'ensemble du territoire, d'une part, un moyen de
diffusion privilégié pour la culture parce qu'il faut trouver un
créneau spécifique. On connaît le contexte
télévisuel présentement et c'est le marasme, il n'y a pas
d'autre mot. Compte tenu encore là de tous les changements et compte
tenu aussi de votre approche qui au niveau des communautés culturelles
est assez spécifique, pariez-moi donc un peu de ce
réseau-là. Est-ce que vous pensez justement à ce genre de
ciblage là?
M. Bourdages: Je vais inviter, si vous le permettez, M. Cayer,
qui est responsable du dossier, à vous en entretenir quelques
minutes.
M. Cayer (Daniel): Bonjour, Mme le ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bonjour.
M. Cayer: Bonjour. Le réseau a été
créé officiellement le 1er avril de cette année et je
dirais que le champ d'intervention du réseau est le même que celui
des télévisions communautaires, c'est-à-dire que la
programmation du réseau va être une programmation axée sur
le social, l'humanitaire et le communautaire, sauf que l'échelle ou le
rayonnement va être provincial. Donc, on reste dans les balises
établies par le CRTC, mais on donne plus d'envergure au niveau
géographique à la programmation. Ce qu'on fait, c'est que nous
avons actuellement environ 20 télévisions communautaires
d'affiliées. Il en existe 90 au Québec. Il faut comprendre que le
paysage télévisuel au niveau de la télévision
communautaire est divisé en deux au Québec. Le
câblodistributeur lui-même opère environ 40
télévisions communautaires et il y a environ le même nombre
qui est géré par des entreprises sans but lucratif comme celles
que nous représentons. (16 heures)
Donc, l'ensemble de ces télévisions-là au
Québec nous assure une diffusion de nos émissions qui est
provinciale. Notre créneau, c'est véritablement le créneau
societal, c'est-à-dire que, d'après les études que nous
avons, d'après les sondages que nous avons faits, il existe une place au
Québec pour un positionnement semblable. Il existe une niche au
Québec pour un réseau qui veut diffuser de l'émission
sociétale, c'est-à-dire à caractère exclusivement
social, communautaire et humanitaire. L'exemple que je donnerais, ce serait PBS
aux États-Unis, dans un contexte québécois. À ce
niveau-là, nous avons réellement la mentalité d'un canal
spécialisé. Il y a RDS pour les sports, Le canal famille pour la
famille. Nous, ce qu'on viserait, toutes proportions gardées, parce
qu'il y a des différences légales, ce serait un réseau
avec des émissions sociétales, à grande diffusion au
Québec.
Il existe énormément de productions soit gouvernementales,
soit privées, soit produites par nos propres télévisions
ou produites par le réseau, qui trouveraient facilement leur place dans
une programmation comme celle-là. Sur le plan de la publicité,
nous n'entrerions pas dans le champ des télévisions
conventionnelles parce que la publicité traditionnelle éclair
nous est interdite. On fonctionne plutôt sur le plan de la commandite. Il
y a énormément de corporations majeures au Québec qui sont
de plus en plus intéressées, à cause des
problématiques d'environnement et tout ça, à des
commandites sociétales. Donc, en gros, c'est le résumé
rapide que je pourrais faire sur le réseau.
Le Président (M. Khelfa): II reste une minute, madame.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de PBS, par exemple, comme
vous le savez, PBS fait appel directement aux fonds, c'est-à-dire
à la population. C'est sûr que, encore là, compte tenu de
la difficulté même de nos grandes télévisions,
qu'elles soient privées ou même publiques, à aller chercher
des fonds - vous parliez de commandites - est-ce qu'au niveau de l'avenir vous
le voyez rose ou plutôt gris?
M. Cayer: C'est-à-dire que, moi, je crois que, pour la
télévision communautaire, dans la mesure où son message
est accepté auprès de la collectivité, dans la mesure
où les enjeux sociaux, communautaires et humanitaires deviennent de plus
en plus vitaux dans notre société, il n'y a aucune
difficulté à demeurer sur le plan de la commandite, même si
on fait beaucoup d'efforts sur le plan de la publicité. Il y a des
projets-pilotes qui ont été avancés. Mais, quant à
moi - et c'est une opinion purement personnelle - je crois que l'engagement des
corporations et du gouvernement auprès des enjeux sociétaux,
ça serait suffisant pour faire vivre convenablement un réseau de
télévision communautaire axé sur le societal.
Le Président (M. Khelfa): Merci beaucoup. Le temps
étant écoulé, je passe la parole au député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques et critique officiel de l'Opposition.
M. Boulerice: Oui. M. Bourdages, M. Cayer, M. Pelletier, heureux
de vous accueillir à cette commission. Je m'en voudrais si je ne faisais
pas un court préambule pour souligner l'importance du rôle des
télévisions communautaires notamment au chapitre de l'information
locale et régionale dans un contexte où, on le sait, les grands
réseaux quittent les régions. Et même dans ma
région, puisque je considère non pas ma ville natale, M.
Bourdages, mais ma ville d'adoption comme une région également,
la télévision
communautaire joue son rôle au niveau de l'information locale,
celle des quartiers, celle qu'on appelle, à Montréal, des petites
patries, avec des émissions que vous connaissez sans doute comme "Au
Coeur du faubourg". C'est notre image que l'on voit à la
télévision. Donc, c'est quelque chose à quoi,
forcément, on s'identifie.
J'ai toujours prétendu que c'était les
Québécois qui avaient inventé la vidéo, non pas la
mécanique comme telle, mais son utilisation. Dans le même
rôle, j'ai toujours prétendu que c'était les
Québécois qui avaient inventé la télévision
communautaire. Je pense qu'elle est née ici, au Québec, avec une
qualité, surtout une innovation et forcément une recherche. Et,
quand on regarde, on s'aperçoit que beaucoup qui sont actuellement dans
lesdits grands réseaux sont passés par la
télévision communautaire d'abord. On a parlé tantôt
de radio. Le grand phénomène Rock et Belles Oreilles, c'est un
phénomène de radio communautaire. C'est CIBL-FM, 101,5,
Montréal. Donc, la télévision communautaire a
inévitablement sa place comme telle.
La première question que j'aimerais vous poser, je voudrais
savoir si je vous ai bien compris à la fois dans le mémoire et
dans le message que vous livrez. Certes, oui, vous parlez de mise sur pied d'un
réseau qui couvre l'ensemble du canal communautaire. Donc, vous voulez
développer votre rôle d'émetteur, surtout de producteur
local, et, après ça, de diffuseur avec une extension nationale
par la constitution de ce réseau. Mais si je vous comprends bien, vous
souhaiteriez également être, en quelque sorte - et, là,
c'est une phrase que je vais inventer, donc, elle vaut ce qu'elle vaut - une
espèce de composante associative de la télédiffusion
nationale au Québec.
M. Bourdages: Tout à fait.
M. Boulerice: Chers collègues, quand on maîtrise
bien le dossier, ça va mieux.
M. Bourdages: Je pense que l'organisation des TVC est née
dans un contexte politique particulier. Sauf que cette organisation-là a
fait des petits, et les gens dans les milieux se sont retrouvés et ont
appris à développer avec le milieu un partenariat important. Et,
dans cette mesure, M. le député, je pense qu'il est essentiel, si
la culture, comme le dit le mémoire, appartient à tous sans
distinction, de commencer - ce n'est pas un reproche, c'est un constat -
à donner aux TVC dans le milieu l'importance qui leur revient au niveau
national.
M. Boulerice: Je vais même tenter de vous amener un petit
peu plus loin, M. Bourdages. Oui, Radio-Canada s'est retirée. Je pense
qu'il y a un effet vraiment désastreux au niveau des régions.
Mais précédemment à Radio-Canada, en 1986, on a
opéré un immense saccage dans les antennes régionales de
Radio-Québec. Est-ce que la télévision communautaire est
capable d'affirmer aujourd'hui que ces antennes de Radio-Québec qui sont
disparues, et d'ailleurs toutes les régions... Je ne sais pas ce que M.
le maire de Mont-Laurier va nous dire tantôt, mais en tant que maire
d'une région éloignée, puisque ça prend quand
même quelques heures pour s'y rendre, il va nous dire comment c'a
été désastreux. Donc, est-ce que la
télévision communautaire est en position de nous dire: Si vous
avez l'intention de rétablir des antennes de Radio-Québec, passez
donc par nous?
M. Bourdages: Non. M. Boulerice: Non?
M. Bourdages: Non. Pas à court terme. Ce serait, à
mon sens, nous conduire à une espèce de marasme certain. D'une
part, on n'a pas le statut juridique pour y arriver, à court terme. Et,
d'autre part, on n'a certainement pas, je dirais, les conditions objectives
pour réaliser cette mission-là. Je pense que le créneau
que doivent occuper les télés communautaires, c'est un
créneau qui est davantage celui du rapport, je dirais, diffusion-contenu
dans une région pour des problèmes bien particuliers et ainsi de
coiffer dans l'ensemble une espèce d'identité ou une
originalité québécoise.
En d'autres termes, les régions - et le rapport Arpin le souligne
clairement - sont une des trois composantes du territoire
québécois. Je pense que c'est une des premières fois
où aussi clairement on indique un rôle culturel défini pour
Montréal, un rôle culturel défini pour Québec et les
environs, et un rôle culturel défini pour les régions.
Quand on parle d'établir une cartographie des équipements
culturels, c'est très clair, à mon point de vue, que le message
qu'on souligne par là, c'est: si on va dans cette direction-là
rationalisons notre activité, grand Dieu!
Mais, nous, on vous dit la même chose. Par exemple, on fait une
activité régionale à Amos, avec, je ne sais pas moi, Jean
Lapointe, qui vient s'y produire. Eh bien, bon sang! demandons aux
télés communautaires dans le milieu de produire cette
activité-là pour le bénéfice de la
communauté, avec des ententes à développer. Bien
sûr, ça ne se fera pas du jour au lendemain, on en convient. On
parle de permettre aux régions d'avoir accès à des
artistes nationaux pour des questions d'éviter la discrimination. On n'y
arrivera pas si on pense qu'à chaque fois "Les Beaux Dimanches" vont
nous diffuser... Enfin, vous comprenez ce que je veux dire.
M. Boulerice: Oui.
M. Bourdages: Donc, on pense qu'il y a un
terrain propice, pour des raisons et économiques et
stratégiques, qu'on peut occuper maintenant, mais à moyen
terme.
M. Boulerice: C'est probablement moi qui ai mal formulé ma
question, mais c'était dans le sens que vous avez indiqué, que je
le souhaitais, là. Alors, je pense que, là-dessus, on se rejoint.
Vous l'avez très bien perçu. Il y a toujours une connotation
développement économique avec développement culturel. Une
très brève, parce que j'ai aussi une autre question très
importante, à mon point de vue, à vous poser. On me disait - mon
Dieu, il y a peut-être cinq ans, six ans ou sept ans - qu'un emploi dans
l'énergie nucléaire, ça coûtait 400 000 $ pour le
créer; dans la télévision communautaire, si j'actualise
les chiffres, c'est aux alentours de 8000 $. Est-ce que ça tient
toujours?
M. Bourdages: En tout cas, c'est certainement plus près de
8000 $ que de 400 000 $.
M. Boulerice: D'accord. M. Bourdages - ça, j'ai cru quand
même le sentir un peu dans votre discours et dans celui de vos
collègues - il n'y a pas possibilité d'avoir une politique des
arts et de la culture sans avoir le lien essentiel des communications. C'est un
pan complet. C'est faire fausse route que de compartimenter arts et culture en
disant: Bien, un jour, on fera peut-être une éventuelle jonction
avec les communications. Ça ne va pas.
M. Bourdages: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Là, je ne veux pas entrer dans le débat constitutionnel qui
nourrit vos vies quotidiennes, mesdames et messieurs, mais une chose est
certaine, pour nous, c'est que la politique globale de la culture doit
nécessairement s'accompagner, je dirais, d'une plus large autonomie
quant aux pouvoirs de l'État en matière de communications; autant
dire, sinon, que l'on s'en va à la dérive.
M. Boulerice: Alors, à partir de la plus grande autonomie,
vous invoquez un peu, par ricochet, M. Bourdages, le principe du "arm's
length". Justement, je vais vous faire patauger dans cette mélasse
constitutionnelle. Les rapatriements, au niveau de la culture et des
communications, les télévisions communautaires peuvent vivre avec
ça?
M. Bourdages: Écoutez, je vais vous dire une chose,
d'entrée de jeu, et, encore une fois, c'est un constat, ce n'est pas un
reproche. Quand on a eu la crise, en 1987, par suite du retrait de
l'État, par le biais de son PAMEC, de notre financement statutaire, ce
qui nous a aidés - c'est malheureux de le dire, mais c'est un constat -
c'est l'entente-cadre EDER de développement régional
Canada-Québec, qui nous a permis cette transition-ià. Ce que je
veux dire par là, c'est que pour nous, que ce soit Québec ou que
ce soit le Canada qui administre une politique des communications, ce qui est
essentiel, c'est qu'elle soit cohérente. À cet égard, je
laisserai à chacun d'entre vous le soin des conclusions, mais il y a une
chose qui est certaine, c'est que, si la cohérence de cette politique
des communications passe par, je dirais, un rapatriement quasi exclusif des
pouvoirs, bien, ce sera le cas. Si on est capables de composer avec des
pouvoirs qui sont... Je lisais, ce matin, le commentaire de M. Cannon à
l'ACRTF à Toronto, hier. Bien, si c'est possible, nous, on est des gens
qui vont gérer une activité qui est une activité
télévisuelle et on veut que vous nous donniez, comme responsables
de la société, les moyens de le faire.
Tout ce que je veux signaler, c'est que, si cette politique n'est pas
cohérente, nous, les télés communautaires, les
premières, on va être drôlement agressées parce que,
vous le savez très bien, on est inscrites dans le système de la
radiodiffusion canadienne. On obéit à une réglementation
par le biais de la câblodrffusion, qui est le règlement du CRTC
sur la télédistribution, et on sait que la dualité au CRTC
n'est pas reconnue. Alors, à cet égard, les télés
communautaires les plus dynamiques, malgré qu'elles soient en
période de recherche, c'est au Québec; ce n'est pas dans le reste
du Canada.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.
M. Boulerice: Oui. Une dernière question. Vous avez dit:
Forcément, s'il y avait une plus grande cohérence. Là,
elle viendrait de Québec, si on rapatrie. La preuve de la
cohérence, ce serait à nous de la faire. Mais, dans le domaine de
la radiotélédiffusion, ça n'a jamais été le
Québec qu'on a traité d'incohérent; ça a toujours
été beaucoup plus le CRTC, les organismes réglementaires
fédéraux qui ne tenaient jamais compte de la situation proprement
québécoise.
M. Bourdages: Je n'ai aucun commentaire à ajouter à
ce que vous dites.
M. Boulerice: "Qui ne dit mot consent", disait le vieux dicton.
M. le Président, je crois que mon collègue, l'ancien ministre de
la culture, aimerait poser une question.
Le Président (M. Gobé:) Oui, même si le temps
est écoulé, on va vous donner une petite minute, M. le
député. Je souhaiterais que vous me fassiez signe un petit peu
avant.
M. Godin: Je suis sûr que la ministre, dans sa
générosité bien connue et coutumière, n'aurait pas
d'objection à ce que nous prolongions, ou prolongeassions - je ne sais
pas comment dire ça
en bon français - de quelques secondes.
Le Président (M. Gobé): Alors, allez-y, M. le
député.
M. Godin: Vous avez affaire au CRTC, vous, à
l'occasion?
M. Bourdages: Oui.
M. Godin: Oui. On a parlé, déjà, d'avoir un
CRTQ. On a vu les grosses machines de la radio et de la
télévision se lamenter, sur leurs propres chaînes
d'ailleurs, que ce serait - mon Dieu! - la fin du monde. Elles disaient
même en pleurant: Pas encore des règlements! D'après vous,
est-ce qu'on peut imaginer l'existence d'un CRTQ pour Québec et non pas
"C" pour Canada? Ils nous ont montré ça comme étant
presque une activité magique.
M. Bourdages: Écoutez, M. le député, pour
nous, télévisions communautaires, c'est réaliste. C'est
clair que c'est réaliste à cause de la nature même de nos
activités. Elles sont intraterritoria-les. Elles n'ont aucune
portée extraterritoriale, ce qui n'est pas le cas de l'industrie de la
câblodistribution, en général. Premier commentaire.
Deuxième commentaire. Je pense qu'un organisme de
réglementation, qui serait un organisme québécois - et
c'est la thèse qu'on défend - protège davantage ceux dont
les ressources sont plus limitées, mais qui, par ailleurs, ont une
importance dans le tissu social, socio-économique ou socioculturel
québécois. Dans cette mesure-là, nous, ce qui nous fait le
plus peur, à court terme, c'est la déréglementation. On en
parlait avec Mme la ministre, la télé à la carte, pour
nous, à court terme, c'est épouvantable.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bourdages. Merci,
M. le député. Malheureusement, nous devons...
M. Bourdages: Merci, M. le Président, Mme la ministre,
messieurs...
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de
la fin, en terminant?
Mme Frulla-Hébert: Oui, M. Bourdages, merci. Merci, M.
Cayer, M. Pelletier. Effectivement, quand vous pariez de
télévision à la carte, finalement, est-ce l'avenir? Je
pose la question maintenant: Est-ce l'avenir? Je pense que ce sont les
Québécois qui, aussi, vont décider. Dans certaines
régions, c'est déjà commencé et ça
fonctionne bien. Dans d'autres, ils n'ont pas le succès
escompté.
Ceci dit, comme vous voyez, mon collègue est en train de
travailler à une vaste politique au niveau des communications. C'est
sûr qu'on ne travaille pas, non plus, en vase clos. Ça fait partie
aussi de tout ce désir de changement. On est quand même
très conscients aussi de l'état des médias; que ce soit la
radio, que ce soit la télévision et même aussi quand on
parie des revenus publicitaires, peut-être dans une moins grande
envergure, mais aussi au niveau des imprimés, tous en arrachent, au
moment où on se parie. Il va absolument falloir redéfinir - je ne
peux pas parier pour mon collègue - au moins le paysage, en termes
télévisuels, radiophoniques, enfin, des communications en
général. Alors, merci de votre apport, de votre prestation. Soyez
certains que nous allons travailler et que nous travaillons en collaboration
avec les Communications.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Oui, M. le député, vous aviez terminé, mais...
M. Boulerice: Oui, mais, enfin... M. Bourdages, M. Cayer, M.
Pelletier, merci. Je pense qu'on va retenir avec vous qu'effectivement il est
difficile d'imaginer ce que sera la télévision de demain
tellement les bouleversements qui s'en viennent sont immenses. Sauf que la
question que l'on devra se poser est: Comment gère-t-on et comment
administre-t-on? Gérer est facile, mais est-ce qu'on administre en
fonction d'une particularité qui est celle du Québec et de sa
culture ou est-ce qu'on administre en fonction d'un océan versus un
autre océan? Il ne faut surtout pas oublier que tout l'audiovisuel et
les communications dans leur ensemble, c'est un gigantesque marché de 6
000 000 000 $. Est-ce que ces 6 000 000 000 $ sont québécois ou
"Canadian"? La question nous appartient. Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, avez-vous
une réponse a cette question?
Mme Frulla-Hébert: Si on ajoute le secteur des
télécommunications, c'est 9 500 000 000 $.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Ha,
ha, ha!
M. Boulerice: Je n'ai pas parié des satellites.
Le Président (M. Gobé): Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Non, le secteur des
télécommunications et...
Le Président (M. Gobé): Mais on voit que vous
connaissez bien vos dossiers.
Mme Frulla-Hébert: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, ceci met fin
à votre audition. Nous vous remercions au nom des membres de
cette commission de vous être présentés devant nous. Soyez
assurés que votre mémoire nous a intéressés et nous
en tiendrons compte. Je vous remercie beaucoup.
J'appelle maintenant les représentants de la ville de
Mont-Laurier afin qu'ils prennent place en avant. Je vais suspendre une minute,
le temps que cela se fasse.
(Suspension de la séance à 16 h 21)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Gobé): Nous reprenons nos travaux.
M. le maire de la ville de Mont-Laurier, M. Jacques Brisebois, vous
représentez votre ville à cette commission qui fait, comme vous
le savez, une consultation générale sur la proposition de
politique de la culture et des arts, qui découle du dépôt
du rapport Arpin qui avait été instauré et demandé
par Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le maire, vous avez maintenant
la parole pour faire votre présentation.
Ville de Mont-Laurier
M. Brisebois (Jacques): M. le Président, mesdames et
messieurs, d'abord, je voudrais vous dire que j'aurais souhaité que la
responsable à la ville de Mont-Laurier de ce domaine-là puisse
venir présenter le mémoire, sauf que, son père
étant décédé jeudi dernier, j'ai été
appelé à la remplacer.
Ceci dit, si le Québec est divisé en trois pôles -
si j'ai bien compris le rapport Arpin, il y a Montréal, Québec et
l'ensemble régional - il est clair que ce dont il s'agit ici, c'est du
troisième pôle. Il s'agit en effet d'un constat assez factuel de
la gestion de la culture en région par une petite ville-centre. La
situation, donc, qui est décrite dans le mémoire est loin
d'être unique, on en convient. On vit ce que bien d'autres sous-centres
au Québec vivent. C'est peut-être finalement
l'intérêt du mémoire qui est avant tout un
témoignage qui aurait pu s'intituler tout à fait: Grandeurs et
misères de la gestion culturelle en région.
Permettez-moi de vous rappeler rapidement la situation de la MRC
d'Antoine-Labelle. D'abord, au niveau géographique, la MRC
d'Antoine-Labelle est située à 230 kilomètres au nord de
Montréal. Elle est située sur l'axe routier de la route 117 et
elle est aux confins, finalement, de trois régions: l'Abitibi,
l'Outaouais et la région montréalaise. Donc, c'est une jonction
qui est considérée par le voyageur comme une halte naturelle,
donc un marché particulier auquel on doit proposer un motif pour
considérer Mont-Laurier dans sa destination. Le tourisme se
développe surtout autour de ses attraits naturels: la pêche, la
chasse, la villégiature et la moto-neige. Évidemment, elle est
très riche de lacs et de montagnes et la MRC d'Antoine-Labelle
espère toujours l'amélioration de son réseau routier pour
accéder à sa réelle part de développement
économique. Si pour plusieurs elle est un corridor, pour d'autres, elle
est un cadre de vie. La MRC compte 22 municipalités rurales et une seule
ville, la ville de Mont-Laurier, qui se partagent une population d'environ 32
000 habitants, sur un très grand territoire, d'ailleurs.
Au point de vue économique, la situation de la MRC, je pense que
les statistiques parient d'elles-mêmes: le taux de scolarité
postsecondaire de la population active en 1986 était de 37,8 % et on se
situait sur les 99 MRC au Québec au 85e rang; le taux d'inoccupation
chez la population de 15 ans et plus, au 77e rang; le revenu moyen d'emploi de
la population de 15 ans et plus, au 77e rang également.
Au niveau social, la situation n'est pas plus souriante. La proportion
de prestataires d'aide sociale - et je peux vous dire que c'est une
vérification qui date de quelques jours - est de 18,5 % et s'accompagne
d'un taux de chômage à peu près équivalent. Le
revenu moyen des ménages se situe actuellement autour de 26 000 $, ce
qui nous place au 95e rang des MRC au Québec.
Toutes ces statistiques énoncées, il n'en reste pas moins
que la MRC d'Antoine-Labelle se place au 37e rang lorsqu'il s'agit des
dépenses en loisirs et culture avec 63,86 $ par personne qui sont
dépensés au niveau de la MRC. Vous allez comprendre presque
immédiatement comment ça s'explique, tout ça, ce qui nous
permet de décrire davantage la ville de Mont-Laurier au sein de la
MRC.
Mont-Laurier est un intervenant de premier plan: 25 % de la population
de la MRC y vivent. C'est, à toutes fins pratiques, cette proportion de
la population qui finance l'ensemble des infrastructures de loisirs et de
culture, principalement aréna, piscine, Maison de la culture et
programmation de spectacles professionnels.
En 1990, la ville de Mont-Laurier consacrait aux loisirs et à la
culture 14 % du budget global, pour un montant de 1 157 000 $. 32 % de cette
somme est consacrée à l'animation culturelle: spectacles et
bibliothèque municipale, principalement. En y joignant les
dépenses administratives relatives aux activités culturelles et
les subventions versées, on peut atteindre 36 % du budget loisirs et
culture. Ce qui veut dire que le secteur culturel absorbe 4 % du budget global
de la ville. Comparée à la MRC qui occupe le 37e rang avec 63,86
$ de dépenses en loisirs et culture par personne, cette moyenne
s'élève donc à 148 $ pour les Lauriermontois, soit 56 %
plus élevée que pour les autres habitants de la MRC.
Mme la ministre, ce n'est pas pour vous lancer un pavé, mais je
pense qu'on doit le souligner quand même: dans les conditions où
on
se retrouve, une petite ville comme la nôtre,
particulièrement par rapport à des dépenses qui sont
afférentes à la culture, vous comprendrez que la réforme
Ryan nous a fait très, très mal.
Donc, pour une ville de 8500 habitants, jouer le rôle de
sous-centre régional peut s'avérer à la fois
nécessaire, mais épuisant lorsqu'il s'agit de se doter
d'infrastructures. Le problème devient encore plus aigu lorsque les
municipalités satellites profitent de ces infrastructures sans en
assumer les frais. Je peux vous dire qu'on tente actuellement de faire partager
par un ensemble plus grand au niveau de la région ces
dépenses-là, mais c'est très difficile et on le vit de
façon aiguë, d'ailleurs, ce problème-là. Donc, si
vous voulez, dans le fond, si vous vous représentez Mont-Laurier, c'est
- à une plus petite échelle, évidemment, de façon
proportionnelle - un peu la même situation que Montréal où
finalement les gens profitent des services, mais vont habiter les banlieues. Ce
qui fait, par exemple, qu'au niveau de la taxation Mont-Laurier a un taux de
taxation global de 2,53 $ les 100 $ d'évaluation alors que, quand on
regarde les voisins, la moyenne du taux de taxation est de 0,97 $. Donc, il y a
un départage important entre les municipalités. Finalement, 25 %
de la population autre qu'à Mont-Laurier habite à quelques
minutes, près du centre-ville.
Donc, si on est disposé à respecter et à
reconnaître le droit d'accès à la culture, il faut
également posséder les moyens de le faire. Car entre
reconnaître un droit et s'en reconnaître la responsabilité
se dresse évidemment la capacité financière d'y
accéder ou la capacité de taxer.
Si on regarde rapidement l'inventaire des ressources et des
intervenants, je pense que la ville de Mont-Laurier a fait des efforts immenses
pour favoriser la création et assurer aussi l'accessibilité. Je
pense que c'est des buts qui sont avoués dans le rapport Arpin. Je pense
que la ville de Mont-Laurier fait des efforts dans ce sens-là. Donc, au
fil des ans, le cadre de la vie culturelle de la MRC s'est organisé dans
la ville de Mont-Laurier particulièrement.
D'abord, je pense qu'on devrait souligner l'apport de son école
normale et de son ancien séminaire, à l'époque.
Tantôt je parlais à M. Fernand Lalonde. Je voudrais souligner au
passage que son père, Maurice Lalonde, a été le premier
historien régional qui a écrit une histoire de Mont-Laurier et,
d'ailleurs, je rappelais à M. Lalonde que ma mère lui avait
enseigné au primaire.
Donc, on revient à l'inventaire des ressources. La Maison de la
culture, c'est un édifice municipal qui est tout récent et qui
loge, à lui seul, plusieurs institutions culturelles: la
bibliothèque municipale, qui enregistre 62 000 prêts de volumes et
de documents par année, et qui est très active; la
Société historique qu'on héberge, évidemment,
gratuitement et qui fait un travail énorme au niveau de la recherche, au
niveau des documents d'archives; le Centre d'exposition qu'on loge
également gratuitement, qui est accrédité par le MAC, qui
présente une programmation régulière très
variée destinée au grand public et privilégie la
clientèle scolaire; des locaux également mis à la
disposition d'une quinzaine d'organismes de loisirs socioculturels dont
certains sont plus près du secteur des arts et de la culture. Vous avez,
je pense, la nomenclature ici: une association de musiciens, une chorale, des
clubs de danse, une troupe de théâtre, la troupe Mont-serrat qui a
fêté ses 20 années d'existence en 1990, qui a
présenté une vingtaine de productions et, entre autres, des
productions qui ont été écrites localement. J'en
soulignerai deux: une pour souligner le 150e anniversaire des patriotes, qui
s'appelait "Le demi-lys et le lion" qui a été diffusée
assez largement au niveau du Québec. On a même été
au Festival international canadien à Halifax où on a obtenu une
deuxième place. Également, on a écrit une pièce qui
s'appelle "Mme Armand", qui a été aussi diffusée par le
réseau des gens âgés et qui raconte un peu le quotidien des
gens âgés.
Donc, c'est une troupe qui a oeuvré avec le statut de troupe
semi-professionnelle pendant 15 ans, mais finalement on a dû troquer ce
statut-là pour celui d'amateur, essoufflés par les exigences du
MAC difficiles à rencontrer en région.
Enfin, d'autres organismes logent leurs activités à la
Maison de la culture et ceci sans être, à proprement dit, des
organismes culturels.
Le Président (M. Gobé): Je vais devoir vous
demander de conclure parce que votre temps est maintenant, malheureusement,
écoulé...
M. Brisebois: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): ...et j'aimerais passer la
parole à Mme la ministre. Allez-y rapidement, en conclusion.
M. Brisebois: Oui, rapidement, donc. De toute façon, vous
avez pu en prendre connaissance. Actuellement, on a un problème
très particulier. Au niveau de la diffusion, Mont-Laurier a
été, je pense, un exemple et vos personnes au ministère le
reconnaissent. Au niveau de la diffusion, Mont-Laurier a fait des efforts
immenses pour assurer une diffusion la plus large possible. Mais les conditions
de salle actuellement sont extrêmement difficiles et je pense qu'on est
devant un cul-de-sac un peu, où on retrouve une petite population qui
assume des services pour un plus grand nombre de personnes, qui n'a pas
nécessairement les moyens d'avoir une salle, mais pour qui c'est
essentiel, je pense.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie
beaucoup.
M. Brisebois: Ça me fait plaisir, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez
maintenant la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. le maire. Je me
souviens, quand j'ai fait le tour des régions et que j'ai
rencontré les gens des Laurentides, Basses-Laurentides et
Hautes-Laurentides, qu'il y avait des représentants ou une
représentante de chez vous. On a parlé, d'ailleurs, du dynamisme
de la ville et des gens, justement, pour stimuler, si on veut, la
présence culturelle chez vous, d'une part; et on a parlé aussi de
toute cette problématique de régions qui sont dans une situation
de centres ou encore de sous-centres. Je dois vous dire qu'il y a plusieurs
municipalités qui sont venues nous voir, plusieurs maires, conseillers
qui, dans certains cas, ont une problématique qui est similaire à
la vôtre.
J'aimerais vous demander, d'abord, dans un premier temps, et parce que
ça a été un peu discuté dans son ensemble et que,
bon, si on veut s'asseoir, par exemple, avec la table
Québec-municipalités, il faut en arriver aussi avec des
propositions qui sont assez précises pour qu'on puisse en discuter
ensemble... Vous, quand vous parlez qu'il y a 25 % des gens qui demeurent
à l'extérieur de Mont-Laurier, qui bénéficient des
équipements, finalement, pourriez-vous me dire s'il y a aussi des
obstacles? Est-ce que les municipalités s'entendent ensemble, justement,
pour partager une partie de la facture, par exemple, de certains
équipements, s'il est démontré qu'elles en
bénéficient, de ces équipements-là?
M. Brisebois: Si vous étiez en région chez nous,
vous assisteriez à une épreuve de force, un petit peu, entre les
municipalités. D'ailleurs, je lisais le rapport Arpin, je pense qu'on
s'illusionne un peu quand on s'imagine que les MRC sont actuellement
prêtes à s'entendre là-dessus. En tout cas, si on prend
l'exemple de la MRC chez nous, je peux vous dire que c'est loin d'être
gagné. Les gens profitent facilement des services, mais, quand on leur
demande de payer, ce n'est pas aussi évident que ça,
malheureusement.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, vous faites partie de la
MRC d'Antoine-Labelle.
M. Brisebois: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce serait possible, parce
que, encore là, on se retrouve dans une même situation où
il y a des villes qui sont très dynamiques et où les autres,
celles qui les entourent, font un peu fonction de parasites par rapport
à ces villes-là... Selon vous, selon votre expérience sur
le terrain, qu'est-ce qu'il y aurait à faire? Comment fait-on,
finalement, pour obliger ou, enfin, s'organiser avec un certain système
pour que les autres aussi participent?
M. Brisebois: Je pense, Mme la ministre, qu'il y a deux options.
Il y a l'option la plus lente qui fait en sorte qu'on essaie d'établir
des ententes; c'est ce qu'on essaie de faire actuellement dans les
circonstances. Et l'autre façon, c'est par décret,
évidemment, et je suis un des tenants - je pense que je ne suis pas
populaire quand je le dis - des regroupements municipaux. Actuellement, au
Québec, je pense qu'il y a beaucoup trop de municipalités; c'est
un problème immense et qui nuit considérablement au
développement du Québec, et au niveau culturel je pense que c'est
aussi vrai. On se retrouve avec des toutes petites entités et, au nom du
sentiment d'appartenance, je pense qu'on supporte financièrement comme
à tous les autres niveaux des situations qui vont devenir intenables.
Mais, pour l'instant, je pense que, politiquement, c'est difficile pour les
gouvernements, je le comprends d'ailleurs, ce n'est pas facile. Je pense qu'il
va falloir un jour qu'on y arrive quand même. Mais, si on prend le chemin
des ententes, je pense que c'est la patience, il faut être
déterminés et très patients, sauf qu'on arrive devant des
situations où, actuellement, par exemple, en temps plus difficile de
récession, tout le monde a les mêmes problèmes financiers
et budgétaires. Nous, on a les mêmes problèmes chez
nous.
Je vous parlais de la réforme Ryan tantôt. Écoutez,
200 000 $, 300 000 $. À chaque fois que je dois augmenter les taxes chez
nous, à Mont-Laurier, j'augmente le différentiel entre chez nous
et les banlieues. Donc, je viens créer une pression
supplémentaire sur la ville puisque j'encourage les gens à s'en
aller vers l'extérieur de la ville. Et qui s'en va vers
l'extérieur de la ville? Ce sont les jeunes ménages qui profitent
de ce genre de services là et qui ne le paient pas du tout. Et, en
contrepartie, qui s'en vient chez nous? Ce sont les gens plus âgés
qui ont besoin d'autres types de services, mais qui n'ont pas
nécessairement les moyens de payer pour ce genre de services là.
C'est une situation extrêmement difficile actuellement.
Mme Frulla-Hébert: Mais il y a certaines instances, par
exemple, qui existent déjà, où les municipalités
doivent se regrouper. C'est parce que c'est toujours, tu sais... Je
répète toujours que, finalement, la culture appartient aux
Québécois et c'est à nous maintenant de décider
d'en faire ce qu'on en veut. Vous, dans les municipalités d'ailleurs,
vous êtes très, très près de votre population et il
y a plusieurs maires aussi qui disent... On le voit, nous, aux demandes du
ministère: il y a des projets, projets de bibliothèques, projets
de salles de spectacle, où le ministère est prêt à
embarquer, mais, finalement, le projet est battu par un
référendum au niveau de la municipalité. Pour vous qui
êtes sur
le terrain d'abord, est-ce que les gens de votre municipalité ou
des municipalités environnantes sont plus sensibles, justement, à
l'apport culturel, à ce que ça peut apporter au niveau de la
qualité de vie d'une municipalité spécialement... Bon, je
dis "spécialement", d'une municipalité, point; ça ne fait
aucune différence que ce soit une grande municipalité, une
petite, une plus éloignée, d'une part. Deuxièmement, si la
réponse est oui, est-ce qu'à ce moment-là, si cette
sensibilité-là est accrue, c'est possible de penser, quand on
s'assoit à la table Québec-municipalités, de créer
une espèce d'organisme où les gens sont obligés de
participer, tel que, bon, il y en a, je pense, au niveau des déchets, au
niveau de la dépollution des eaux?
M. Brisebois: C'est plus facile de se réunir au niveau des
déchets qu'au niveau de la culture.
Mme Frulla-Hébert: Oui, bien, c'est ça. Oui. M.
Brisebois: Malheureusement, oui. Mme Frulla-Hébert: C'est
dommage, oui.
M. Brisebois: Chez nous, on a une Régie intermunicipale
des déchets, effectivement. Moi, je suis au conseil municipal depuis
1985. À chaque année, on a amené le sujet et, au niveau
des loisirs, je peux vous dire que, pour la première fois, il y a une
entente de 6 municipalités sur 10 qui a été conclue. Donc,
les municipalités ont accepté de conclure une entente avec la
ville de Mont-Laurier au niveau des loisirs et de la culture. Donc, il ne faut
pas, je pense, être pessimistes, je veux dire, mais c'est lent et c'est
long. Effectivement, je pense qu'il y a un intérêt accru, mais,
quant à moi, je pense qu'il va falloir penser éventuellement
à obliger... Effectivement, je pense que c'est une piste qu'on ne doit
pas négliger, de toute façon.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi d'un fonds de
financement. Vous suggérez que l'État constitue "un fonds de
financement supplémentaire distinctif pour l'implantation d'un
équipement culturel, quand vous partez, finalement, quand on
répartit la richesse, de prendre en considération...
M. Brisebois: L'indice.
Mme Frulla-Hébert:... l'indice de la richesse d'une
région, et cela vous a amené l'idée d'avoir un fonds,
justement, supplémentaire distinctif. Est-ce que vous pourriez
élaborer un petit peu sur cette idée-là?
M. Brisebois: Bien, je pense que vous avez dit l'essentiel.
Écoutez, quand on regarde les statistiques, pas seulement les
statistiques, mais la situation réelle dans laquelle on retrouve une
région comme la nôtre - et je discutais, la semaine
dernière, avec des gens de votre ministère au sujet d'une salle
de spectacle - c'est évident que, quand même je voudrais qu'on me
dise: Tu es subventionnable à 75 % pour un projet de 5 000 000 $, 6 000
000 $, quand bien même je voudrais vendre aux gens chez nous les 25 %, je
ne suis pas capable de le faire, c'est impossible, compte tenu qu'il y a 40 %
de mes gens qui sont soit sur l'aide sociale, soit sur
l'assurance-chômage. Je pense qu'on doit tenir compte de ces
situations-là de façon particulière et je pense qu'une
salle de spectacle dans une région comme la nôtre... On a
démontré, d'abord, qu'il y a un marché qui est
limité, mais qu'il y a un marché, qu'on peut faire de la
diffusion et permettre non pas seulement, je pense, à des individus,
mais à des collectivités d'avoir accès au même
niveau de diffusion que dans les grands centres.
Mme Frulla-Hébert: Mais, à ce moment-là,
est-ce qu'une participation globale au niveau de la MRC... On sait qu'on a des
expériences aussi en Gaspésie, qui n'est pas riche, riche, non
plus, on a implanté des salles de spectacle à 75 %, puis la
participation globale du milieu a totalisé 25 %. Est-ce que la solution
- parce que c'est important, ça, il faut quand même le
considérer - à ce moment-là, à tous ces
problèmes-là ne serait pas, justement, et je reviens encore
à votre suggestion, de dire: Bien, là, au niveau des MRC, il faut
que les gens se regroupent et il faut quand même faire des pressions,
qu'elles soient morales, qu'elles soient locales, hein, pour que, moralement,
les autres bénéficiaires embarquent?
M. Brisebois: Oui, je partage votre avis là-dessus, Mme la
ministre. C'est évident que, si vous demandez aux villes ce qu'elles
pensent de la facture qui est refilée aux petites municipalités
au niveau de la police, bien, je vous dirai que, sans être enthousiastes,
on n'est pas nécessairement, non plus, en profond désaccord. Sauf
qu'il est évident que ce n'est pas nécessairement... C'est
sûr que la recherche d'entente est toujours la meilleure façon,
sauf que, quand ce n'est pas possible, bien, coudon, il faut y aller d'une
autre manière.
Mme Frulla-Hébert: En terminant, dans la plupart des
municipalités, vous parlez de loisirs et de culture ensemble et,
évidemment, c'est difficile de faire la part des choses parce que
ça fait partie d'un tout global dans vos budgets. Est-ce qu'il y aurait
lieu, finalement, de séparer maintenant - là, on parte de 1991 -
les deux? Avant, il y en a beaucoup qui ont dit: Oui, on met loisirs et
culture, ce qui fait que c'est plus facile, au niveau de la population, de
passer la facture culture, parce que, finalement, ça regroupe
l'ensemble, loisirs et culture.
M. Brisebois: Mais je peux vous dire que, chez nous, on a eu,
selon les époques, des situations où la culture était
autonome et indépendante du loisir sportif. De façon
administrative et quand on fait l'attribution des tâches à un
conseil municipal, il n'en reste pas moins que je pense que c'est des
préoccupations qui se rejoignent. Ce dont on doit s'assurer - et je
pense que là-dessus la ville de Mont-Laurier l'a fait - c'est que la
culture ne soit pas le parent pauvre au niveau de ce qu'on appelle loisirs et
culture.
Mme Frulla-Hébert: Ce que c'était avant, oui. (16 h
45)
M. Brisebois: Mais, au niveau administratif, qu'on mette ensemble
ces choses-là, moi, ça ne me pose pas tellement de
problème, encore une fois en autant qu'on accorde l'importance qu'on
doit lui accorder au niveau de la culture. Le cheminement qu'on a fait chez
nous m'apparàît tout à fait correct en ce
sens-là.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. M. le maire, merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: M. le maire, tout en vous accueillant et en vous
souhaitant la bienvenue à cette commission, je dois vous exprimer les
regrets du député de Labelle, mon collègue, M.
Léonard, qui aurait bien aimé être avec nous cet
après-midi, mais d'autres obligations parlementaires le privent du
plaisir d'être ici.
J'aimerais tout d'abord vous poser une première question, mais
qui est vraiment très, très ciblée sur la ville de
Mont-Laurier et la situation que vivent les Lauriermontois. Est-ce que vous
pouvez m'expliquer pourquoi, au terme de l'étude qui a été
commandée par la ville et le ministère, qui visait à
améliorer les conditions de diffusion, on a fermé la salle de
spectacle en 1990, en pleine saison, que, depuis cette date, Mont-Laurier n'a
plus de salle professionnelle et que les organismes culturels locaux ont
dû se relocaliser ailleurs? Où est-ce qu'on en est
là-dedans?
M. Brisebois: Rapidement, M. Boulerice, je peux vous dire que
ça a été quelque chose d'assez déchirant, au niveau
du conseil municipal, de devoir prendre une telle décision. On avait
commandé une étude au niveau de l'amélioration
scénique de la salle académique de la polyvalente Saint-Joseph.
Malheureusement, ce qu'on a obtenu comme constat, c'est qu'il y avait des
dangers importants au niveau de la sécurité publique. Donc, on ne
pouvait pas, moralement, je pense, faire autre chose que dire: Écoutez,
la situation est telle que nous devons la rendre publique. Ce qui a
été fait et ce qui a amené le ministère de
l'Éducation et les assureurs privés de la commission scolaire
à mettre un holà sur l'ouverture de cette salle-là.
Je peux vous dire actuellement qu'on devrait rouvrir la salle avec des
changements minimes, finalement, à peu près dans les mêmes
conditions où on l'avait laissée, et les assureurs, comme le
ministère de l'Éducation, semblent être d'accord,
finalement, à nous dire que, bon, si la salle a fonctionné
pendant 60 ans, je pense qu'elle pourrait continuer à le faire encore.
Donc, c'est une nouvelle toute récente et on devrait, je pense,
être en mesure de reprendre la diffusion dans cette salle-là
à compter de janvier. Ce que je voudrais vous dire aussi, c'est qu'on
est bien conscients que cette salle-là n'est pas nécessairement
adéquate pour faire de la diffusion de spectacles tels qu'on les
conçoit aujourd'hui.
M. Boulerice: D'accord. M. Brisebois, vous évoquiez les
difficultés des organismes culturels en région à se faire
reconnaître du ministère et vous avez employé le cas de la
troupe de théâtre Montserrat qui a eu, durant 15 ans tout au
moins, un statut de troupe semi-professionnelle, pour y renoncer
récemment en raison des exigences difficiles à rencontrer,
exigences posées par le ministère. Est-ce que vous pourriez
élaborer un peu davantage, justement, sur ces problèmes
inhérents aux programmes nationaux normes mur-à-mur, par rapport
à la réalité d'une région comme la vôtre?
M. Brisebois: J'ai deux exemples. Au niveau de la troupe,
effectivement, si je me souviens bien, c'est le nombre de productions qu'on
devait faire à chaque année, je pense, qui faisait en sorte
que... Je pense qu'il fallait en avoir trois et c'était difficile. Les
gens de la troupe Montserrat, même si on parlait d'une troupe
semi-professionnelle, tout le monde, ce sont des bénévoles
voués à la cause du théâtre, mais c'étaient
des bénévoles. Donc, c'était difficile pour la troupe de
rencontrer effectivement la norme de trois productions annuelles. Ce qui a fait
qu'on a dû abandonner ce statut-là et, évidemment, les
avantages qui étaient également inhérents à
ça.
L'autre exemple, c'est celui de la salle de spectacle, je pense.
Malgré la bonne volonté - je pense à M. Jean-Marc Parent,
entre autres, qui est plein de bonne volonté à l'égard de
la ville - par rapport au travail qui a été fait
précédemment par les gens du milieu, il n'en reste pas moins que,
quand on parie des normes au niveau d'une salle de spectacle, on doit
répondre à des choses très spécifiques au
ministère des Affaires culturelles. Chez nous, je ne pense pas qu'on
puisse uniquement parier d'une salle de spectacle, ça doit être
plus
multidisciplinaire que ça, on doit pouvoir penser plus en termes
communautaires et ça, ça pose un certain nombre de
problèmes.
M. Boulerice: M. Brisebois, votre municipalité consent
beaucoup... Veux veux pas, plusieurs maires interviennent; donc, on est en
train d'établir un certain palmarès de l'action culturelle des
municipalités et je pense qu'il y a des efforts. Mais, dans le cas d'une
concertation, et la ministre parle de la table des municipalités...
Votre mémoire, lui, se campe, on le voit au point 5, c'est-à-dire
à la dernière page, et vous êtes le tout premier à
le faire, mais de façon très claire. Vous dites: "Le constat est
clair." Bon, je répète le mot. "La ville de Mont-Laurier convient
de la nécessité de poursuivre sa mission en soutenant et en
consolidant les acquis. Le ministère doit cependant voir l'action
municipale comme un "accélérant" au développement culturel
et artistique du Québec et non pas comme une substitution de son
rôle. Limité par la capacité de payer de ses citoyens,
aucun développement des infrastructures d'accueil à la diffusion
de spectacles ne pourra voir le jour sans une intervention "indexée" de
l'État en regard de l'indice économique de notre région.
Les programmes du ministère, à défaut de pouvoir pallier
à l'effort fiscal pouvant être consenti par une
municipalité, devront pouvoir contenir une marge d'ouverture suffisante
pour considérer des propositions novatrices lorsqu'elles sont admises
par le milieu concerné et pouvant s'avérer
bénéfiques pour ce dernier."
Dans le premier paragraphe, si je comprends bien, M. le maire, vous
dites, comme la majorité des régions: Nous sommes capables de
gérer nos choses en région; cessez le normatif norme
mur-à-mur; nous, les gens de Mont-Laurier, les gens des
Hautes-Laurentides, on sait ce qui est bon ou ce qui est valable et ce que nous
sommes capables de faire. C'est bien ça qu'on doit lire? Dans le
deuxième, c'est: Nous n'allons pas nous asseoir et assister à un
délestage, et vous devez tenir compte des particularités des
régions; si vous nous dites que nous sommes particuliers, les
régions, eh bien, vous devez observer toutes les facettes de nos
particularités. C'est bien ça que vous dites? C'est un peu un
avertissement: On ne va pas s'asseoir pour n'importe quoi et n'importe
comment.
M. Brisebois: C'est un peu un avertissement, c'est vrai, et c'est
clair que la piste des ententes intermunicipales et du support des autres
municipalités, c'est indispensable. Sauf que, même à
ça, il reste quand même que la MRC dans son ensemble est au 90e
rang sur 99 à peu près à tous les chapitres. Donc, nous,
on dit: Effectivement, l'État a un pouvoir régulateur à ce
niveau-là et doit tenir compte de cette situation-là.
Et je reviens à la question de la salle de spectacle. Il est
clair que, chez nous, on doit mettre en commun, pas seulement avec les autres
municipalités, mais également avec les autres intervenants
potentiels sur le territoire... Et, quand on parle de commission scolaire, on
parle de pavillon collégial. Quand on parie de salle de spectacle, on
est un petit peu campés comme étant, finalement, à peu
près les seuls intervenants potentiels. Alors que, nous, on dit: S'il y
avait une mise en commun et si les normes nous permettaient un peu de
souplesse, bien, peut-être qu'on réussirait, effectivement,
à répondre à un besoin qui est évident et on
rendrait service, de toute façon, je pense, à l'ensemble culturel
du Québec, dans tous les sens du terme.
M. Boulerice: D'accord. Une dernière et toute brève
question, M. le maire. Quelles sont les relations que vous avez avec votre
conseil de la culture et quelle est l'importance, pour vous, du conseil de la
culture?
M. Brisebois: Je vais vous répondre d'une façon
très vague parce que je ne suis pas le spécialiste de la
question. Je peux vous dire que je pense que les relations sont excellentes
avec le conseil de la culture et je peux vous dire une chose aussi, c'est
qu'actuellement le conseil de la culture pousse très fort pour que
Mont-Laurier reprenne la diffusion parce qu'on s'est rendu compte du dynamisme
de la ville de Mont-Laurier à ce niveau-là et les gens sont des
ardents défenseurs, je pense, de la ville de Mont-Laurier au niveau de
la région, parce qu'ils se sont rendu compte de la capacité de
cette sous-région-là à faire des choses au niveau
culturel.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le maire. M. Brisebois:
Ça me fait plaisir.
M. Boulerice: Je crois, M. le Président, que mon
collègue désire-Le Président (M. Gobé):
Merci. Oui, il vous reste quelques minutes, allez-y.
M. Godin: Merci, M. le Président, de votre
compréhension et générosité. M. le maire Brisebois,
est-ce que vous pourriez me dire si, dans votre ville, il y a une collaboration
de la municipalité, bien sûr, du système scolaire - ma
question porte là-dessus - et du conseil de la culture? Est-ce que les
intervenants possibles...
M. Brisebois: Oui, M. Godin...
M. Godin: ...mettent l'épaule à la roue ensemble
pour que ce qui existe soit maintenu et ce qui est nécessaire s'ajoute
éventuellement?
M. Brisebois: Je vous donnerai trois exemples rapidement.
Effectivement, il y a beaucoup de collaboration quand même,
déjà, à la base
avec la commission scolaire. On n'a pas attendu que les gens nous le
disent, on a fait des choses à ce niveau-là. Je peux vous dire
que d'Aventure T, qui est un des programmes du ministère des Affaires
culturelles pour faire connaître le théâtre aux jeunes, il y
a une collaboration de tous les instants avec la commission scolaire. Au niveau
de Passe-Partout, ça se fait dans les locaux de la ville de
Mont-I_aurier, même si c'est un programme qui s'adresse au scolaire. On a
une entente au niveau de ce qu'on appelle Ciné-Congé, avec la
commission scolaire, pour permettre, encore une fois, aux élèves
de la région de pouvoir bénéficier d'une autre forme de
culture. Donc, oui, en général, il y a une excellente
collaboration entre la ville de Mont-Laurier et la commission scolaire.
M. Godin: Alors, je pense que c'est un modèle qui devrait
être exporté vers d'autres régions comme la vôtre, de
manière à ce que partout où il y a ces
institutions-là, commission scolaire, municipalité et le
ministère des Affaires culturelles ou un conseil de la culture, les
trois mettent l'épaule à la roue ensemble et dotent une
municipalité comme la vôtre, qui n'a pas un budget aussi
faramineux que celui de la ville de Montréal...
M. Brisebois: Non, malheureusement.
M. Godin: ...ou de Trois-Rivières ou Amos, d'une salle de
spectacle ou d'une salle de cinéma même improvisée, comme
quand on allait voir, le samedi soir, à l'académie de La Salle,
à Trois-Rivières, du cinéma. C'est ainsi que des talents
se sont développés pour la critique de cinéma ou pour le
goût de faire des films. C'est comme ça que le Québec
arrivera, à mon avis, à déceler tous ses talents dans
l'ensemble du territoire et formera une relève qui assurera, je dirais,
la présence du Québec culturel au-delà des "pous-seux" de
crayon constitutionnels, parce que, moi, je pense que, si le Québec
existe et surtout veut exister dans l'avenir, c'est par ses créateurs et
créatrices qu'il le fera. Souvent, l'étincelle apparaît
dans la municipalité grâce à la fusion, même
temporaire, des institutions existantes, toutes d'ailleurs étant le
fruit du travail des payeurs de taxes. C'est pour qu'on n'en échappe pas
un, autrement dit, qu'il y ait un filet aux mailles assez serrées dans
tout le Québec pour qu'on ne laisse pas échapper un seul de nos
talents, mais qu'au contraire il ait l'occasion, ce talent-là,
d'enrichir ses connaissances, sa propre culture, et de contribuer, de rendre
aux citoyens du Québec un peu de ce qu'il aura reçu d'eux autres
sous forme de création quelle qu'elle soit, un livre, une pièce
de musique, une pièce de théâtre, un tableau, une
exposition, un spectacle de cirque, puisque je vois dans la salle des gens qui
enseignent les métiers du cirque, qui ont...
Le Président (M. Gobé): Ils vont venir
après, M. le député. Ils vont venir devant nous.
M. Godin: Oui, mais, M. le Président, vous ne
m'empêcherez pas de m'adresser à qui je veux dans la salle...
Le Président (M. Gobé): Non, c'est parce que le
temps...
M. Godin: ...à moins que ce ne soit ma soeur, ma
mère ou...
Le Président (M. Gobé): Non, non, mais le temps est
maintenant écoulé...
M. Godin: Écoulé?
Le Président (M. Gobé): ...et nous allons
rencontrer les gens du cirque aussitôt après. C'est ça que
je voulais vous faire savoir gentiment.
M. Godin: Merci, M. le Président. Effectivement,
c'était gentil et je vous reconnais bien là. Alors, M. le
Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
un petit mot de remerciement?
M. Godin: M. le maire, je vous remercie.
M. Boulerice: Oui, en vous remerciant, M. le maire, de nous avoir
fait part du vécu, de ce que pouvait être une ville dans votre
situation et, surtout, je me rattacherai encore à votre point 5 qui est,
à mon point de vue, une condition sine qua non de dialogue si on veut en
arriver à des résultats concrets dans une région comme la
vôtre. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire, d'avoir
accepté notre invitation, d'une part, d'être venu ici nous voir.
Vous savez qu'il y a toujours eu une très belle collaboration entre
votre ville et, vous l'avez mentionné tout à l'heure, le
ministère. Modulation des programmes. Effectivement, vous savez qu'on ne
serait pas ici si on ne voulait pas avoir de changement. Donc, oui, profond
besoin de changement. Il y a plusieurs personnes, d'ailleurs, plusieurs maires
ou autres, qui ont parlé de modulation des programmes et, effectivement,
on va regarder ça de très, très, très près.
Entre-temps, vous pouvez être assuré que nous allons continuer
à collaborer avec vous, évidemment, si on peut aussi se fier sur
vous pour prendre le leadership aussi au niveau des autres municipalités
environnantes et répandre la bonne parole. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. le maire. Nous vous remercions d'être venu devant nous
aujourd'hui, et d'un peu loin, et soyez assuré que les membres de cette
commission l'apprécient. Je vous prie de transmettre à tous vos
concitoyens de Mont-Laurier notre sympathie et nos remerciements pour cet
apport à notre commission parlementaire.
M. Brisebois: M. le Président, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Gobé): Le dernier, dernier, parce
que je dois, malheureusement, entendre le groupe suivant.
M. Brisebois: Je pense que M. Bruno Lussato, dans le rapport
Arpin, parlait de manie industrielle. Je pense qu'on devrait également
parler de manie de mondialisation qui ne devrait jamais empêcher qu'on
redécouvre l'espace local, qui est l'espace de référence
pour l'individu. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Soyez
assuré que votre commentaire a été entendu. Alors, vous
pouvez maintenant vous retirer. J'inviterai les représentants de
l'École nationale de cirque à bien vouloir prendre place en avant
afin que nous puissions commencer leur audition. Je vais, en attendant,
suspendre pour une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 5)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, si vous voulez bien rejoindre vos places, car nous allons reprendre
nos auditions. Je tiens à saluer les représentants de
l'École nationale de cirque. Alors, M. Michel Noël,
président?
M. Noël (Michel): Voilà.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Noël.
M. Noël: Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Mme Julie Lachan-ce,
directrice pédagogique. Bonjour, madame. M. Gervais Harvey, directeur
administratif. Bonjour, monsieur. M. Jan-Rok Achard, directeur
général. Bonjour, monsieur. Alors, sans plus tarder, vous pouvez
maintenant commencer votre présentation et vous avez, pour ce faire, 15
minutes.
École nationale de cirque M. Noël: Merci. Mon nom est
Michel Noël.
Je suis le président du conseil d'administration de
l'École nationale de cirque.
Mme la ministre, M. le Président, M. Boulerice, M. Godin et les
représentants de l'Opposition, Mme la sous-ministre, l'ensemble du
personnel du ministère des Affaires culturelles, merci de nous fournir
l'occasion de partager avec vous notre réflexion, notre point de vue sur
la proposition "Une politique de la culture et des arts". Nous tous de
l'École nationale de cirque, les étudiants, les formateurs, le
personnel, la direction et les administrateurs, avons le sentiment profond de
participer à un moment important de l'histoire des arts et de la culture
au Québec. Nous attendons beaucoup de cette commission parlementaire. Le
résultat de vos travaux, les décisions concrètes que vous
prendrez doivent nécessairement marquer l'histoire artistique du
Québec et de sa culture.
Le Québec traverse une période excessivement difficile,
économiquement et artistiquement. Plusieurs institutions et entreprises
artistiques sont, d'après nous, aux soins intensifs. Une bonne partie
d'entre elles sont même rendues aux soins palliatifs. C'est à
l'État qu'il appartient de décider si elles y resteront ou si
elles en sortiront. C'est à la société
québécoise dans son ensemble qu'il appartient de décider
du traitement qui s'impose.
L'art ne peut mourir. Par ailleurs, les artistes, ceux et celles qui
font de l'art leur vie, sont, pour la plupart, dans une position
précaire, ce qui nous amène souvent à nous demander si le
ministère des Affaires culturelles ne s'est pas transformé
brièvement en ministère des soins palliatifs. Assistons-nous
à une épidémie qui ravage ceux et celles qui nourrissent
l'âme des Québécois et Québécoises, qui
enrichissent leur identité, qui fournissent l'oxygène
émotif, affectif? Continuons-nous à détruire
systématiquement les hommes et les femmes qui, au ministère des
Affaires culturelles, ont le syndrome de la croyance aux arts et aux
artistes?
Cette commission en est une de l'espoir. Elle doit redonner une
dignité à ces travailleurs de l'art, aux artistes, aux
créateurs, ainsi qu'aux gestionnaires de l'art. Nous ne voulons pas
mourir. Nous avons la rage de vivre. Nous voulons d'un ministère de la
création. Nous voulons d'un ministère de l'art et de la
culture.
Je vous présente maintenant les maîtres de piste de
l'École de cirque. Ce sont eux qui trouvent, inventent les moyens pour
rendre possible le cheminement de la création qui est celui d'une
école d'art. Ce sont eux également qui rendent possible
l'aventure exaltante et risquée de la formation artistique dans les arts
du cirque. Julie Lachance, directrice pédagogique, Gervais Harvey,
directeur administratif, et Jan-Rok Achard, le directeur général;
ils constituent à eux l'équipe de l'École.
L'an dernier, l'École célébrait son 10e
anniversaire, 10 ans marqués par la naissance des
arts du cirque au pays, 10 ans au cours desquels les créateurs,
les artistes et les entreprises de cirque de chez nous se sont acquis une
réputation d'excellence qui va bien au-delà de nos
frontières. Ils sont reconnus pour leur audace, leur
persévérance, leur talent, leur création et leur sens de
l'innovation. Ils se sont distingués dans plusieurs concours
internationaux. L'École est sans cesse sollicitée pour participer
avec ses étudiants à des concours, à des
événements internationaux, si bien qu'au cours des derniers mois
des invitations lui ont été faites par la Chine, l'Espagne, la
Russie, Cuba, l'Italie, la Belgique, la Hongrie, la France. Les promoteurs
japonais ont même demandé à l'École de créer,
à Tokyo, une copie conforme de ce que nous avions inventé ici;
n'eût été la difficulté de l'apprentissage de la
langue, ce serait, quant à nous, chose déjà faite.
L'École est née en 1980 au centre Immaculée
Conception. Elle a eu un père, de la Sablonnière. Sans son
soutien, sa confiance inébranlable en la jeunesse, nous ne serions pas
avec vous aujourd'hui. En 1986, l'École acquiert son autonomie
corporative. Entre-temps, en 1984, le Québec assistait et participait
à la naissance du Cirque du Soleil. L'École a joué et
continuera de jouer un rôle essentiel dans l'évolution des arts du
cirque au pays et dans le monde. La très grande majorité des
artistes de cirque du pays sont passés par notre École. Ils vont
continuer de contribuer brillamment au succès du Cirque du Soleil et
à d'autres cirques dans le monde. En 1985, le Cirque du Soleil est venu
chercher à notre École son propre directeur artistique, Guy
Caron. C'est à lui que fut confiée la direction artistique du
spectacle le "Cirque réinventé", que vous avez tous vu. Il
demeurera directeur artistique jusqu'en 1988. C'est également à
l'École que furent montés la plupart des numéros de ce
spectacle.
Fragile et vulnérable, présentement l'École l'est
tout autant, sinon plus que la majorité des entreprises artistiques du
Québec. Tout comme elles, l'École est à la recherche de
moyens lui permettant de réaliser pleinement sa mission,
c'est-à-dire la formation et la création. La recherche, le
développement et l'innovation font partie de la mission d'une
école d'art. Cette mission, pour être rencontrée
adéquatement, doit être servie par une certaine stabilité
financière, ce qui n'est pas le cas de notre École. Comment
l'École peut-elle assurer une continuité à ceux et celles
qui s'inscrivent dans ce cheminement artistique alors que, de six mois en six
mois, elle se demande si elle pourra continuer de vivre? Comment pourrait-elle
maintenir sa crédibilité sur le plan national et international en
continuant d'être dans cette situation précaire? Comment assurer
aux étudiants et aux artistes qui la fréquentent que
l'École respectera ses engagements envers eux?
L'École nationale de cirque est unique au
Québec, unique au Canada et unique en Amérique. Sa vie,
son développement, son avenir sont intimement liés à la
volonté de l'État de la reconnaître en tant qu'école
supérieure, en tant qu'institution nationale dédiée
à la formation professionnelle et au perfectionnement des artistes de
cirque, une reconnaissance qui implique de lui fournir les moyens de poursuivre
sa recherche de l'excellence. C'est dans une école supérieure que
se forment les futurs ambassadeurs artistiques dans le domaine du cirque, ces
ambassadeurs qui font la fierté de nos hommes et femmes politiques.
Les arts du cirque sont devenus et vont demeurer des symboles de
l'excellence artistique au Québec. L'État doit être
prêt à donner et à reconnaître la
nécessité de donner à la formation de l'élite
artistique des institutions qui pourront être autonomes, qui pourront
être libres parce qu'on leur en aura accordé les moyens.
L'autonomie, la liberté, des éléments essentiels pour que
les jeunes artistes, pour que ceux et celles qui sont déjà dans
la pratique puissent continuer d'avoir le goût de prendre ce beau et
magnifique risque qu'est la création. 1992-1993 est une année
cruciale pour l'École de cirque. C'est une année
déterminante pour son avenir. C'est une année où nous
souhaitons voir le ministère des Affaires culturelles devenir le
ministère des arts et de la culture. Nous désirons lui voir
reconnaître son rôle et son implication dans la formation
artistique de l'élite. C'est à l'État de lui donner les
moyens de jouer ce rôle indispensable.
L'École nationale de cirque est une école
supérieure, c'est une école pour l'élite artistique dans
les arts du cirque. C'est au ministère des Affaires culturelles qu'elle
voit sa place et c'est avec ce ministère qu'elle vit un sentiment
d'appartenance. L'École nationale de cirque est essentielle au
développement des arts du cirque, c'est une école unique, comme
je vous le disais, au Québec, au Canada et en Amérique.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre, pour 15
minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Noël. Merci
beaucoup...
M. Boulerice: Je m'excuse, je crois que monsieur voulait rajouter
un tout petit peu. Je pense que la ministre et moi n'avons aucune objection
à ce que notre temps soit réduit de deux, trois minutes, de
façon à ce qu'il puisse s'exprimer, M. le Président.
M. Noël: M. le Président et Mme la ministre,
j'aimerais que notre directeur général, M. Achard, puisse
intervenir quelque peu. Je vous ai résumé l'essentiel de notre
vision et de ce qu'est l'École. J'aimerais quand même que ceux qui
font
le travail au quotidien aient la chance de s'exprimer. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, vu qu'il semble y
avoir consentement de part et d'autre et que c'est la règle de notre
commission, je vais donc accéder à votre demande. M. le directeur
général, vous avez la parole. (17 h 15)
M. Achard (Jan-Rok): Merci. Quand je me retrouve ici cet
après-midi, je n'ai pas le goût de vous faire du cirque, mais j'ai
le goût de vous en parler. J'ai le goût de parler, pour quelques
secondes, de l'unicité de l'École. Qu'est-ce que c'est
d'être unique pour une école? J'ai le goût d'essayer de vous
faire comprendre comment cette unicité-là, elle est importante,
comment l'autonomie et la liberté de l'École est importante.
Je voudrais vous étayer rapidement la condition des autres
écoles dans d'autres pays dans le monde. La majorité des
écoles de cirque dans le monde appartiennent à des entreprises de
cirque, ou elles appartiennent à l'État, ce qui n'est pas le cas
de la nôtre. Quand on appartient à une entreprise, on fait tout en
fonction de l'entreprise. L'avantage que l'École a, c'est de faire la
formation en fonction d'une formation artistique. Quand on appartient à
une entreprise, les artistes qui y sont n'ont pas le choix de faire ce qu'ils
veulent, de prendre la spécialité qu'ils veulent. Ils prennent et
ils font la formation en fonction des besoins de production de
l'entreprise.
L'École a la liberté et l'autonomie nécessaires
pour faire appel à la création des étudiants, à
leurs choix, à leur liberté et aux risques de la création.
Quand on appartient à une entreprise comme c'est le cas de la Chine,
comme c'est le cas de la Russie, les étudiants font partie de la vente,
parce que ce sont des pays qui exportent, qui vendent des produits. Les
artistes qui font partie du produit n'ont pas d'autre choix que de faire partie
des transactions. Ce n'est pas le cas à l'École; on ne vend rien,
on n'est pas des agents, mais nos étudiants travaillent dans le
monde.
Être unique, ça veut aussi dire avoir les moyens de ne pas
se soumettre aux règles et aux normes que l'on retrouve très
souvent dans des ministères comme celui de l'Éducation, celui de
l'Enseignement supérieur et de la Science, qui sont souvent,
permettez-moi la parenthèse, déconnectés de la
réalité de la pratique artistique. C'est difficile, dans une
école de cirque comme la nôtre, de se faire dire qu'il faut se
restreindre à faire une année scolaire de 30 semaines alors que,
pour des raisons de sécurité, des questions de formation, une
année scolaire dans une école de cirque doit être de 40
semaines.
Il est difficile d'arrimer, d'adapter les normes, les règles du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science à
la formation artistique. Tous les collèges au Québec qui ont,
dans leur domaine, des options théâtre ou des options musique
vivent la difficulté de gérer les arts dans le milieu de
l'enseignement. On voudrait échapper à ça, mais on n'en a
peut-être pas le choix. C'est pour ça que, dans le mémoire,
on vous disait que, par moment, nous sommes un peu contorsionnistes. On n'en a
pas, souvent, le choix. Et c'est une question qu'on va vous poser et sur
laquelle on reviendra: Est-ce que le ministère est prêt à
reconnaître une responsabilité importante dans la formation de
l'élite artistique? Est-ce qu'on est prêt à aller
là-dedans?
Notre choix comme école, c'est d'être capable de grandir,
c'est d'être capable de vivre avec les gens, de vivre avec les artistes,
connecté sur la vie artistique, sur la pratique artistique, mais, en
même temps, peut-être pour quelques-uns d'entre vous autres, le
paradoxe, c'est d'être autonome, de s'appartenir. On est prêt
à devenir une institution nationale, on est prêt à accepter
un cahier de charges, on est prêt aussi a assumer l'autonomie et la
liberté nécessaires à la création artistique.
Dans une école comme la nôtre, on retrouve deux sortes de
clientèles. On retrouve des interprètes et on retrouve des
créateurs producteurs. Je n'aurais pas le goût de voir à
l'École quelqu'un imposer à un artiste ce qu'il doit faire. Je
préfère voir des étudiants et des artistes venir explorer,
prendre le risque, vivre l'aventure exaltante de créer, de vous toucher.
On a une rage de vivre dans cette École-là, on a une rage de
rayonnement. On a une crédibilité. On vous demande juste de nous
aider à la soutenir, la crédibilité. On vous demande juste
de nous dire si vous êtes prêts à faire en sorte qu'au
Québec l'État du Québec dise: Oui, nous voulons des
institutions d'élite pour la formation artistique au Québec.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard. Mme la
ministre, il vous reste 10 minutes, 12 minutes.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie tous. D'abord,
bienvenue, M. Noël, Mme Lachance, M. Harvey et M. Achard.
Ce que vous soulevez, c'est une question... Vous savez, je le
répète et je pense que je vais le répéter
jusqu'à la fin, dans un monde parfait, on ne serait pas ici, personne.
Si on est ici et si on a commandé cette commission parlementaire, si
l'initiative vient de moi, c'est parce que, effectivement, on est prêts
à apporter des changements, et des changements, de toute façon,
on en a besoin et, effectivement, après 30 ans, c'est urgent qu'on en
fasse.
Tout le dossier, finalement, de la formation professionnelle, on en
parle, justement, au niveau de la musique, de l'art dramatique. On
s'aperçoit
aussi qu'au niveau de l'enseignement supérieur les
universités développent aussi de la formation, en musique, par
exemple. Je ne ferai pas le tour, mais ce que je veux vous poser comme
question... On sait que vous travaillez avec le ministère de
l'Enseignement supérieur. D'abord, il y a plusieurs ministères
avec qui vous travaillez. Effectivement, ça ne doit pas être
facile non plus, parce que coordonner tout ça et harmoniser tout
ça, je suis certaine que ce n'est pas facile. Vous avez cette
accréditation-là au niveau du ministère de l'Enseignement
supérieur, par exemple, et ce que vous nous dites, c'est: Ça ne
règle pas nos problèmes parce qu'ils sont dans des normes ou, en
tout cas, ils ont des normes qui sont tellement rigides que, pour nous autres,
c'est inapplicable. Mais il y a tout le dossier de la formation qui,
finalement, est sur la table au niveau gouvernemental, parce qu'on
s'aperçoit que dans la formation professionnelle, il y a, là
aussi, un grand besoin de changement. Est-ce que les deux sont à ce
point conflictuels qu'il ne faudrait pas aller vers le ministère de
l'Éducation, mais plus s'en venir vers le ministère des Affaires
culturelles? Nous, on se pose la question aussi. Quand on est dans l'ère
du changement et qu'on dit: Ça en prend des changements, tout est ouvert
et tout est sur la table. Là, on se pose la question en disant: À
l'inverse, est-ce que le ministère des Affaires culturelles se doit de
prendre la formation professionnelle et est-ce que c'est de notre ressort? Il
faut se poser la question quand on veut établir une politique.
M. Achard: J'ai le goût de vous répondre des choses
qui seront peut-être un peu brutales, mais qui font partie de la
réalité dans laquelle on est. On va parler du ministère de
l'Éducation et, après ça, on parlera brièvement du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. On parle,
dans le rapport Arpin, de la sensibilisation, de l'accès et tout
ça. On parle même de la formation dite de base. En passant, nous,
on ne croit pas à la hiérarchisation en termes de niveaux de
scolarité. Un artiste qui participe à un spectacle, un enfant qui
fait le Gala de musique du Canada, qui a sept ans et qui joue Rachmaninov, on
ne dit pas: Bravo! c'est un enfant de l'élémentaire, c'est un
artiste de l'élémentaire. Non, on dit: C'est un artiste.
Je pense qu'en formation artistique, tout en tenant compte qu'il y a des
niveaux d'évolution dans la formation, on ne peut pas prendre les normes
rigides, rigoureuses, qui sont sans doute légitimes, de la formation
"paramétrée", si on peut employer cette expression-là.
Quand on vous dit: Nous voulons que le ministère des Affaires
culturelles, ou le ministère des arts et de la culture, reconnaisse la
formation professionnelle, c'est qu'on se dit que c'est là où il
y a un lien immédiat avec la pratique professionnelle. C'est difficile
de "paramétrer" un artiste comme on "paramètre" un avocat ou un
scientifi- que. Il y a une marge de manoeuvre dont on a besoin. On vous dit
qu'on vit un sentiment d'appartenance avec un ministère qui est dans le
contenu, qui est dans la création. Voilà pour un premier
volet.
Vous parlez de formation ou de perfectionnement. Dans les arts du
cirque, on n'a pas le choix; on ne peut pas s'arrêter 22 mois et
recommencer à faire du trapèze le lendemain. Mais attention! la
prudence qu'on aura tout le temps, et c'est, au départ, la mission d'une
école, c'est la formation de futurs créateurs, d'artistes. Que
les entreprises aient des besoins, nous sommes d'accord avec ça et on
est prêts à y répondre, mais parallèlement et dans
la mesure où les moyens nous seront fournis pour le faire. On ne peut
pas d'une façon spontanée dire: Je déplace mes programmes,
je déplace ceux qui sont engagés dans un cheminement de trois,
quatre, cinq ou sept ans pour faire place à d'autres gens. On est
prêts à travailler avec les entreprises, mais avec les artistes de
ces entreprises-là. On n'est pas prêts à intégrer,
dans une école dite d'art, de la formation immédiate,
complète pour des gens qui ont des besoins ponctuels.
Là où j'étais un tout petit peu hésitant et
presque un peu choqué dans le rapport Arpin, c'est quand on parle de
donner à de la main-d'oeuvre accès à la nouvelle
technologie. Dans les arts, la nouvelle technologie, elle existe sur le plan de
la fabrication. Quand on parle de la création, c'est difficile de parler
de nouvelle technologie, particulièrement dans les arts du cirque. La
création, c'est dans notre bedaine, c'est dans notre tête. Pour
compléter, c'est clair que, pour nous, la rigidité - et on n'en
fait pas un défaut, mais ça fait partie de la "game" - du
ministère de l'Enseignement supérieur et de celui de
l'Éducation ne convient absolument pas à la formation dite
artistique professionnelle.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous voyez, par exemple,
parce que c'est important, ce dossier de la formation... Parce que le
système, tel qu'on le connaît présentement dans toute
formation professionnelle, que ce soit dans notre secteur ou dans d'autres
secteurs, on s'aperçoit, en bout de ligne - et je pense que ça a
été mis sur la table et décrié, ne serait-ce que
par M. Gérald Tremblay et par notre ministre de la Main-d'oeuvre aussi -
qu'il n'est plus applicable. Alors, il va y avoir, finalement, une
espèce de flexibilité obligatoire, que ce soit dans tous les
secteurs. Par exemple, justement, dans notre secteur à nous, parce que
c'est très particulier et parce que, justement - et vous avez raison,
vous y avez touché - c'est un secteur artistique, donc il faut avoir
l'environnement pour développer cette création, est-ce qu'on ne
pourrait pas se servir de ça aussi à titre d'exemple pour,
justement, faire en sorte que l'Enseignement supérieur, finalement, se
"flexibilise", si vous me
permettez ce terme?
M. Achard: Ce que l'on se fait dire souvent par les gens de ce
ministère-là, c'est: À partir du moment où on met
un élastique, tout le monde va avoir besoin de l'élastique. On
met dans le régime pédagogique du collégial: Vous avez
droit à des dérogations. On vous dit: Présentez-nous des
programmes où il n'y a aucune dérogation, il faut que vous soyez
conformes. Je me dis: Quand on veut reconnaître la
spécificité d'une chose, on ne l'amène pas à
s'embarquer dans des démarches de dérogation pour se faire
reconnaître. La spécificité de la formation artistique,
c'est une chose qui va de soi, ce n'est pas une spécificité de
dérogation, et la flexibilité est toujours limitée. Je
pense que, quand on est contorsionné longtemps... On peut le faire 15
minutes, peut-être une heure; le faire deux ou trois ans, ça va
peut-être causer des problèmes de colonne. Et je me dis: II faut
faire attention pour ne pas mêler, pour moi, les besoins, la
légitimité de ce qu'on fait en termes de normes, en termes de
règles dans ces ministères-là, tout en disant, ou chez
vous ou ailleurs: Écoutez, on va établir, en quelque part, des
règles qui sont particulières à la formation artistique.
On n'essaiera pas de faire d'un département de théâtre un
département de chimie.
Mme Frulla-Hébert: Évidemment.
M. Achard: On ne donnera pas les mêmes critères
d'évaluation, ou même de prestation ou d'allocation d'enseignement
dans une formation en cirque, comme on va les donner en informatique. Au
trapèze, je peux difficilement être 10 à la fois. Je peux
avoir cependant 10 micros.
Mme Frulla-Hébert: Là, j'essayais de faire le
parallèle aussi au niveau des arts visuels. Il me reste deux minutes.
Vous avez touché un point aussi au niveau des débouchés.
Vous dites: Nous, on donne une formation; cette formation-là, c'est une
formation qui est artistique, une formation où on développe
l'excellence, mais on ne travaille pas en fonction des entreprises, comme
ça peut se faire aussi dans d'autres pays où c'est le cirque qui
a son école, mais on a des gens qui sont là, qui sont
compétents et eux se trouvent, finalement, des débouchés
ou répondent, finalement, à certains besoins. C'est unique, de
toute façon, au Canada, mais comment voyez-vous, justement, ces
ouvertures, ces débouchés-là?
M. Achard: La partie fascinante qu'on vit depuis quelques
années à l'École, en tout cas depuis à peu
près 1987-1988, c'est, d'une part, le marché du travail dans les
arts du cirque; il n'y a pas de frontières, il est planétaire. On
a nos voisins au 1217, Notre-Dame est, qui sont le
Cirque du Soleil, on ne veut pas les négliger. Ils sont sur
place. Ils peuvent venir prendre une petite marche pour voir ce qui se passe.
À quelque part, il pourrait y avoir, à l'endroit des
étudiants, je dirais, une première option. Cependant, il ne faut
pas, pour moi, restreindre le marché d'un artiste uniquement à
celui de son pays. L'expression artistique dans les arts du cirque, d'autant
plus, n'a pas de barrière linguistique. Et ce qu'on a vécu depuis
1988, c'est que nos étudiants sont appelés à travers le
monde, que ce soit en France, que ce soit en Italie, que ce soit aux
États-Unis, que ce soit en Australie, les étudiants trouvent
là un marché. (17 h 30)
Alors, je pense que, de ce côté-là, on a une
problématique fortement intéressante parce qu'on n'est pas
capables de répondre à la demande, mais à la demande de
gens qui ont le goût d'innover. Le marché international ou
même le marché national ne fera appel qu'à des gens qui ont
une certaine forme d'excellence. Comme on est reconnus un tout petit peu pour
l'audace et la témérité dont on fait part, il y a un
rejaillissement aussi par rapport à ça.
Alors, si les gens du Cirque du Soleil veulent des gens de
l'École nationale de cirque, le 417 de la rue Berri leur est constamment
ouvert, mais on ne ferme pas nos portes au monde et on ne veut pas fermer nos
portes au monde.
Mme Frulla-Hébert: Je comprends. Merci.
Le Président (M. Gobé): II vous reste une couple de
minutes, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ah oui, bon! Au niveau de
l'École, tout le développement, finalement, de cette discipline
qui est les arts du cirque, au niveau de toute la politique culturelle qu'on
amène - parce que c'est un développement qui est hautement
artistique, qui est spécifique aussi et, comme vous le dites, qui est
unique aussi à nous; je pense qu'on a développé une
expertise grâce à vous - comment voyez-vous finalement son
rôle au niveau de cette politique culturelle?
M. Achard: Moi, Mme Hébert, je vais être un petit
peu effronté, mais je trouve que le mot "culture", il est difficile
à assumer dans une entreprise artistique.
Mme Frulla-Hébert: II est gros.
M. Achard: J'aimerais ça qu'au départ, si on parle
d'une politique, on parle d'une politique des arts et de la culture. Il y a des
distinctions pour moi importantes.
Mme Frulla-Hébert: C'est un peu la suggestion, finalement,
du rapport Arpln.
M. Achard: Dans un deuxième temps, je vous dirais que la
formation... Et je n'aime pas le mot parce que, par moments, c'est un peu
étriqué, mais on n'a pas le choix de dire que, pour faire le
métier de l'art, peu importe la discipline et la forme, on doit faire
appel à des gens qui ont un sens de l'excellence. On doit fournir,
favoriser, faciliter l'accès à des institutions d'excellence
à l'élite artistique, que ce soit en arts visuels ou en
cirque.
J'aimerais peut-être voir la politique et particulièrement
la position du ministère des Affaires culturelles mettre un accent fort
sur la partie élitique et je ne dirais pas un bémol, mais un
accent aussi fort sur le fait que, dans d'autres ministères comme celui
de l'Enseignement supérieur et de la Science, on se connecte à la
réalité de la formation artistique, peu importe le niveau de
scolarité, mais qu'on pense aussi en termes de potentiel, qu'on cesse de
penser qu'un artiste, c'est un élémentaire, c'est un secondaire.
Est-ce que le TNM engage des D.E.C., des bacs ou des Ph.D.? Il engage des
artistes. Est-ce que l'OSM engage des maîtrises, des D.E.C. ou des
D.E.S.? Il engage des artistes. Est-ce qu'on va faire passer une annonce pour
les auditions en disant: Tous les D.E.C, tous les D.E.S., tous les...
Une voix: Ça s'est déjà fait.
M. Achard: Non, non, ce n'est pas ça. Mais ça ne
veut pas dire que, dans les arts, on n'est pas capables de rigueur, mais pas
nécessairement celle que sont par moments les carcans des autres
ministères.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Achard.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard.
Alors, je vais maintenant passer la parole au porte-parole de
l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Mme Lachance, messieurs, si je vous comprends bien,
le problème fondamental, c'est comment votre école peut demeurer
elle-même en misant sur un financement forcément plus stable, mais
sans avoir à renier, disons, une partie importante de ce qu'elle est
pour se conformer aux exigences gouvernementales. C'est ça que vous
dites.
M. Achard: Est-ce que vous pourriez répéter un tout
petit peu? Vous parlez...
M. Boulerice: Je dis: Moi, si j'ai bien compris, là, votre
intervention...
M. Achard: Oui.
M. Boulerice: ...le problème fondamental pour vous, c'est
comment votre école peut demeurer elle-même en misant sur un
financement forcément plus stable, parce que vous en voulez un, mais
sans pour autant avoir absolument à renier une partie importante de ce
que vous êtes pour vous conformer aux exigences gouvernementales
multiples et fragmentées qui sont MEIC, MESS, enfin, toute cette
panoplie de sigles que l'on a.
M. Achard: Une des réponses que, moi, je peux vous
suggérer ou vous proposer, c'est ce que je disais tout à l'heure.
C'est clair que, quand on fait de la contorsion avec huit ou neuf
ministères, c'est difficile de s'y retrouver. Chacun de ces
ministères-là a ses règles, a ses attentes, a ses
exigences. Ce qu'on vous dit: Est-ce qu'on peut arriver - et je parle de
l'État - à dire: Nous avons besoin d'institutions nationales pour
l'élite artistique et on va leur faire confiance, mais on va quand
même leur donner une prescription, un cahier de charges, ce qui va nous
permettre d'avoir...
C'est évident qu'on en a besoin, de notre stabilité
financière. Quelqu'un qui s'embarque pour huit ans n'a pas le goût
de se faire dire après six mois: Non, tu n'auras pas les cours qui s'en
viennent. On a besoin de ça, c'est évident. Mais ce qu'on vous
dit, c'est: On "peut-u" reconnaître la formation artistique
professionnelle comme une chose distincte de la chimie, de la bio, du droit, du
commerce? On fait de l'art, on fait de la création.
M. Boulerice: Donc, oui, il y a forcément une implication
d'autres ministères, sauf que là transpire un problème et
ces ministères-là, forcément, n'ont pas une conception de
ce qu'est l'art, de ce qu'est la culture, etc. Donc, vous tombez
inévitablement dans le normatif de ces ministères-là. Il
n'y a pas de sensibilité. C'est ça qui est le gros du
problème.
M. Achard: Me permettez-vous une anecdote, M. Boulerice?
M. Boulerice: Oui, j'aimerais bien. Ce sont toujours les
meilleures illustrations.
M. Achard: J'ai travaillé dans un collège public
pendant 12 ans. Je me souviens d'un jour où j'ai engagé quelqu'un
que tout le monde connaît, qui s'appelait Claude Jutra. Claude Jutra
avait, dans son curriculum, un doctorat en médecine. Ça m'a
permis de lui donner un cachet de metteur en scène très correct.
Quelques mois après, j'ai engagé quelqu'un qui avait 25 ans de
métier, mais qui, dans son curriculum, n'existait pas; il n'avait pas de
doctorat, il n'avait pas de maîtrise. Ça m'a pris beaucoup,
beaucoup de moyens, de pressions pour faire reconnaître que le
professionnalisme de cette personne-là depuis 25 ans était tout
aussi bon que le Ph.D. en
médecine qui n'avait rien à voir avec le
théâtre. Ça fait partie, je dirais, des incongruités
de certaines choses qu'on vit dans le milieu des arts. Je ne crache pas sur la
diplomation. Je trouve ça important.
M. Boulerice: Ça ne peut pas être un absolu.
Mme Frulla-Hébert: Mais, par moments, ce n'est pas une
chose absolue, en tout cas, dans notre cas.
M. Boulerice: M. Achard, oui, on donne le statut de national
à des institutions. Bon, au départ, j'ai toujours prétendu
qu'il n'y a pas de grand peuple s'il n'y a pas de grands symboles et s'il n'y a
pas de grandes institutions. Donc, on donne un statut de national. Très
souvent, c'est un qualificatif qui est un peu là pour être
là. Mais, quand on donne à une école un statut de
national, la vraie signification, la vraie dimension de national, c'est quoi
pour vous?
M. Achard: Dans le contexte actuel, je dirais que c'est a mari
usque ad mare. On est dans un pays qui, pour le moment, s'appelle le Canada.
Mais...
M. Boulerice: Non, je ne parle pas en termes de juridiction et
d'étendue de territoire.
M. Achard: Ah! Vous parlez...
M. Boulerice: Vous me parlez de mer. Moi, je peux vous proposer
le choix d'un lac, le lac Saint-Jean...
M. Achard: D'accord.
M. Boulerice: ...qui est plus beau que le lac Meech. Mais enfin,
c'est une autre histoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Achard: Une institution nationale, M. Boulerice, est
nécessairement une institution qui devient une espèce de
référence de l'excellence. Finalement, sans jouer sur le sens
hégémonique du terme, on devrait s'y référer, avec
laquelle on devrait travailler, mais, en même temps, une
référence qui va faire qu'elle a des obligations de
rayonnement.
M. Godin: Et de qualité.
M. Achard: II n'est pas exclu qu'une institution nationale ait
des satellites, entre guillemets. Il n'est pas exclu qu'une école
nationale de cirque puisse avoir un certain nombre de ramifications, ce qui
permettrait peut-être de rendre l'accessibilité plus grande. Mais
la première chose que je souhaiterais pour une institution nationale,
c'est d'assurer qu'on a le contrôle sur la qualité de ce qui se
fait, qu'on ne s'éparpille pas, qu'on n'a pas 25 programmes de cirque
différents. Pour moi, une institution nationale, ça signifie
l'excellence, ce qu'il y a de mieux.
M. Boulerice: D'accord. Et qu'on ne lui donne pas ce titre
uniquement dans un sens qualitatif, un peu: Vous êtes bien beaux, vous
êtes bien gentils, voilà, gratte-bedaine, claque dans le dos, pour
employer les phrases d'humour que vous faites et qui sont
appréciées, mais que ce soit assorti forcément d'un
certain quantitatif.
M. Achard: Sûrement.
M. Boulerice: Sûrement. D'accord. M. le Président,
je crois que mon collègue, le député de Mercier et ancien
ministre de la culture, aimerait intervenir.
Le Président (M. Gobé): Oui, avec plaisir, surtout
que vous avez...
M. Godin: M. le Président, comme ma collègue de
Marie-Victorin doit quitter instamment ou bientôt, je lui cède mon
droit de parole.
Le Président (M. Gobé): Alors, en vertu de
l'article 132, Mme la députée, avec le consentement unanime des
membres de cette commission...
Mme Vermette: C'est vrai. Je ne suis pas membre de la
commission.
Le Président (M. Gobé): ...nous vous cédons
la parole pour quelques minutes parce que si, le député de
Mercier...
Mme Vermette: Oui, il veut parler.
Le Président (M. Gobé): ...veut intervenir, il
reste quatre minutes.
M. Godin: Évidemment, je vais intervenir.
Mme Vermette: En fait, je voulais dire que je vous remercie pour
avoir mis autant de passion dans votre démonstration, à quel
point il y a nécessité, justement, de faire cette distinction
entre les arts et toute autre forme de formation. J'espère que votre
message va bien être passé. Vous l'avez très bien
livré. J'espère qu'en fait on va en tenir compte au moment
où on aura à faire une politique parce que, effectivement, les
arts, c'est complètement quelque chose de différent et on ne peut
pas, en fait, les considérer sous le même angle que les autres
formations en général. Ce n'est pas nécessairement du
ressort toujours académique, tel qu'on le conçoit à
l'heure actuelle. Je vous remercie.
M. Achard: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. M. le député de
Mercier.
M. Godin: Si vous acceptez que j'enchaîne sur vos propos,
Mme la députée. Alors, M. le Président, d'abord, je
reprends l'expression de Mme la députée, ma voisine, à
savoir que la passion de M. Jan-Rok Achard illustre bien la complexité
de la création. Également, votre hargne contre le
ministère de l'Éducation mettant ses grosses raquettes dans votre
institution est un jugement, je dirais, implacable sur notre système
d'éducation et surtout sur l'incompréhension de ce
système-là par rapport à des réalités aussi
subtiles, impalpables que la créativité ou la
création.
Moi, je ne connais pas un artiste dans l'histoire de l'art, que ce soit
la peinture, le cirque ou la littérature, qui brandisse un diplôme
d'une école ou d'une université pour expliquer son talent. Ni
Grock, probablement le plus grand clown du monde, ni Réjean Ducharme, ni
Claude Jutra ne brandissaient leurs diplômes d'une école de
cinéma ou d'une école de littérature. Par ailleurs, je
connais à New York une école qui s'appelle le Seven Arts Society,
où on n'engage que des artistes qui prêtent leur machine a
innover, leur cerveau, pendant un certain nombre de mois pour tenter de
transmettre à de jeunes Américains, à des jeunes
New-Yorkais qu'est-ce que c'est et comment trouver l'étincelle de la
création en eux-mêmes, ce qui débouche sur des
chefs-d'oeuvre, que ce soient les chefs-d'oeuvre qu'on a vus en allant voir le
Cirque du Soleil et qui ont fait l'unanimité sous toutes les
latitudes.
Pourriez-vous me rappeler, M. Noël, en quelle année est-ce
que Caron était chargé de l'École?
M. Noël: Guy Caron est entré à l'École
en 1982. Il a quitté l'École en 1988 et il a été
happé par le Cirque du Soleil à partir de 1985 jusqu'à
1988.
M. Godin: Parce que je me souviens qu'à cette
époque-là, en 1982-1983, moi, j'avais un petit budget qu'on
appelle, chez tous les députés, le budget hors normes. Je me
souviens que Caron était venu me voir et j'avais débloqué
quelques centaines de dollars, je ne sais pas pour quelles fins. Je ne sais pas
si c'était lui qui voulait aller suivre des cours en Europe ou en donner
chez de la Sablonnière.
M. Achard: C'est l'année où il est allé
à Budapest.
M. Godin: Puis je me flatte d'avoir été l'un des
premiers à manifester quelque intérêt et quelque sympathie,
compréhension et surtout compréhension financière des
besoins d'une telle école. Quand on voit la facilité avec
laquelle vos élèves se placent presque où ils veulent dans
le monde, on se dit vraiment que la création se passe dans les
abîmes, les abysses, devrais-je dire, comme Nelligan disait, insondables
et glauques, pour reprendre son adjectif, et que, par conséquent, le
marché pour ça est infini. Si je vous demandais, parmi vos
anciens élèves, combien n'ont pas su trouver un emploi, combien
sont en chômage aujourd'hui, auriez-vous une réponse
là-dessus?
M. Achard: II n'y a pas de chômage chez nous.
M. Godin: II n'y a pas de chômage. Ha, ha, ha!
M. Achard: Notre problème, c'est de répondre au
marché du travail. Il n'y a pas de chômage à l'École
nationale de cirque, ni pour ceux qui en sortent, ni pour ceux qui y
reviennent.
M. Godin: Maintenant, autre question qui est plus psychologique,
celle-là. Comment peut-on expliquer que les Québécois et
Québécoises ont un talent particulier pour le cirque? Est-ce que
ça tient à l'histoire du Québec qui est toujours sur la
corde raide?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, une réponse
rapide, M. Achard, s'il vous plaît.
M. Achard: C'est une réponse qui pourrait être de la
haute voltige. Je vais essayer de vous l'épargner.
Le Président (M. Gobé): Alors, je tiens à
vous remercier. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le
mot de remerciement?
M. Godin: On attend une réponse de M. Achard.
M. Achard: Vous savez, c'est une réponse qui va
peut-être être un petit peu caricaturale. On n'a pas de tradition.
Donc, on a pu enfreindre les traditions, on a pu essayer des choses, on a pu
prendre des risques. Quand on se retrouve dans des pays comme ceux de l'Est, la
France ou certains pays d'Europe où la tradition est très forte,
la prise de risques créatifs dans les arts du cirque est beaucoup plus
difficile. Ici, on a eu comme la chance, en quelque part, de ne pas avoir une
tradition qui nous a étouffés. On n'était pas ignorants ou
on ne connaissait pas tout et on s'est permis, à partir de là, de
s'essayer, de prendre le risque de...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard. Merci, M.
le député de Mercier. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, très rapidement, s'il vous plaît.
M. Boulerice: M. le Président, M. Achard a donné
comme réponse à mon collègue, le député de
Mercier, un peu, à quelques mots près, ce que, moi, j'aurais
aimé dire à l'École nationale de cirque. Alors, merci de
vous être salués par vous-mêmes. En ajoutant qu'on s'est
commis, en cette commission - du moins quelques-uns -lorsqu'on parlait de
Québec en disant: Lorsqu'on donne à une ville le statut de
capitale, il y a des obligations qui en découlent. Et, lorsque l'on
donne à une école le qualificatif de "nationale", il y a
forcément, dans mon esprit, des obligations particulières de
l'État envers cette école. C'est dans cet esprit que j'aborde
votre mémoire et que je retiendrai ce que vous y demandez.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre?
Mme Frulla-Hébert: Merci, oui, à vous tous. M.
Achard, vous savez qu'on travaille quand même très bien et
très proche de vous, et on y croit. Bon, en plus, finalement,
d'être un centre de création artistique explosif, innovateur,
quand vous dites aussi: II y a des débouchés, on n'en a pas, on
n'est pas capables d'en fournir, je pense que ça aussi, c'est un
exemple.
Mais vous avez fait avancer le débat au niveau de la formation
parce que, comme je vous dis, nous, on veut des changements. Je vais
procéder à des changements, mais excepté qu'on met tout
sur la table aussi. Et ils ne seront pas que constitutionnels, parce qu'il y a
beaucoup de changements administratifs que nous avons besoin aussi d'y voir.
Alors, c'est pour ça qu'on mettait tout aussi sur la table, et le
dossier de la formation, en général, il l'est aussi, chez nous,
sur la table et je me pose beaucoup de questions. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Achard, messieurs, madame, au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier d'être venus aujourd'hui nous faire part de vos
expériences, de vos réflexions devant cette commission qui a
été initiée à la demande de Mme la ministre des
Affaires culturelles. Je tiens à vous assurer que nous avons pris bonne
note de vos recommandations et de vos commentaires. Vous pouvez maintenant vous
retirer.
Je demanderai maintenant aux représentants du Musée des
beaux-arts de Montréal de bien vouloir prendre place et je vais
suspendre une minute pour ce faire.
(Suspension de la séance à 17 h 49)
(Reprisée 17 h 51)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
reprend maintenant ses travaux. Nous allons recevoir les représentants
du Musée des beaux-arts de Montréal, M. Pierre Théberge,
le directeur. Bonjour, M. Théberge. Bonsoir, pardon.
M. Théberge (Pierre): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): M. John Porter,
conservateur en chef. Bonsoir, M. Porter. Et M. Fernand Lalonde,
président du conseil d'administration. Bonsoir, M. Lalonde, et bienvenue
dans cette enceinte que vous avez connue bien avant nous qui sommes tous ici.
Il nous fait plaisir de vous y accueillir maintenant, nous qui avons
été, à un moment donné, vos élèves
probablement. Alors, c'est avec plaisir que nous allons vous entendre expliquer
votre mémoire.
M. Lalonde (Fernand): Ils n'ont pas tous bien tourné,
d'après ce que je vois. Il y en a encore dans l'Opposition.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lalonde: M. Guy Parent aussi, qui est notre
contrôleur.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, M. Parent. Je
ne vous avais pas sur ma liste. Nous sommes prêts à vous
écouter, M. Lalonde.
Musée des beaux-arts de Montréal
M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup, M. le Président,
Mme la ministre, MM. les députés, Mmes les
députées. La lecture de notre mémoire sera un exercice
d'équipe.
Le Musée des beaux-arts de Montréal est le plus ancien
musée d'art du Canada et l'un des plus remarquables. Fondé en
1860, le Musée compte plus de 25 000 objets, dont la plupart ont
été donnés par des Montréalais.
En raison de la diversité et de la richesse de ses collections,
le Musée des beaux-arts se définit comme une institution à
vocation universelle et encyclopédique, tout en accordant "une attention
particulière à l'art québécois et canadien dont le
dynamisme culturel de Montréal est l'un des ferments les plus
significatifs."
Corporation à but non lucratif, le Musée compte sur le
soutien du grand public et sur l'appui des gouvernements, des entreprises et
des fondations pour élargir ses activités et jouer un rôle
moteur, au plan culturel, sur la scène québécoise et
internationale. De plus, il ne faut pas oublier qu'à titre de point
d'attraction de la ville le Musée génère des
retombées économiques appréciables sur l'économie
montréalaise et québécoise. L'ouverture d'un nouveau
pavillon, le pavillon Jean-Noël-Desmarais, en novembre 1991.
c'est-à-dire dans quelques semaines, viendra consolider ces
précieux atouts culturels et économiques, tout en assurant
à l'institution un plus grand rayonnement tant au pays qu'à
l'étranger. Cet espace additionnel permettra au Musée de mieux
déployer les oeuvres de ses collections dont plusieurs ont
été gardées en réserve depuis des années et
aussi de lancer, en matière de conservation et d'éducation, des
initiatives encore plus énergiques qui contribueront de mieux en mieux
à l'évolution culturelle québécoise.
Le Musée des beaux-arts de Montréal a son identité
propre. Aucun autre musée du Québec, ni du Canada, ne lui
ressemble. Important musée encyclopédique du pays, il
représente tous les moyens d'expression: peinture, sculpture, arts
graphiques, arts décoratifs, oeuvres de cinq continents, de toutes les
époques, de l'Assyrie et de l'Egypte ancienne jusqu'à nos
jours.
Le Musée s'est donné pour mission de rendre accessibles au
plus grand nombre de gens possible - et je pense que c'est le passage essentiel
de notre présentation - les grandes oeuvres d'art d'ici et d'ailleurs,
d'hier et d'aujourd'hui. Il a organisé au fil des ans plusieurs grandes
expositions qui ont reçu la faveur des foules.
En organisant d'importantes expositions, le Musée a fait
connaître récemment au grand public les oeuvres d'artistes
québécois comme James Wilson Morrice, Alfred Laliberté,
Paul-Émile Borduas. D'autres expositions consacrées à
Jean-Paul Riopelle... Si vous voulez, on pourrait faire circuler un cahier qui
vient à peine d'être produit - donc, peut-être que le
messager pourrait aller le porter au président, qui pourrait le faire
circuler - un cahier du catalogue de la rétrospective Riopelle.
Ça pourra quand même égayer vos minutes. Ce n'est pas
terminé. D'autres expositions consacrées à Jean-Paul
Riopelie et aux frères Edward et W.S. Maxwell et Ozias Leduc sont en
préparation. Les artistes d'ici occupent également une grande
place dans sa collection permanente que des achats et des dons viennent
régulièrement enrichir.
Étant donné l'importance des dons d'oeuvres d'art à
notre institution, le Musée des beaux-arts de Montréal est en
faveur de toute mesure incitant les individus et les sociétés
à collectionner les oeuvres d'art et voit d'un bon oeil la
recommandation du rapport Arpin quant à "l'application - et je cite - de
mesures fiscales aux particuliers pour l'acquisition d'oeuvres d'art", entre
autres dans l'espoir que les oeuvres ainsi acquises par les particuliers
viendront éventuellement enrichir ses collections.
Le Musée agit aussi sur le plan international. Vous le savez,
vous avez sans doute eu le plaisir de voir ses expositions. Il a
organisé de grandes expositions consacrées à des artistes
aussi importants que Picasso, Miro, Léonard de Vinci, Marc Chagall,
Salvador Dali, ainsi qu'à des époques et des mouvements aussi
importants que ceux du Japon des shoguns, des chefs-d'oeuvre de
l'impressionnisme et, actuellement, des Années 20 à Berlin, Paris
et New York. Ces expositions au total ont attiré plus de 2 100 000
visiteurs depuis 1985. Depuis justement cette date, ces grandes expositions ont
généré ce qu'on pourrait appeler des profits,
c'est-à-dire le surplus des revenus sur les dépenses directes
reliées à ces expositions-là, de 2 350 000 $ en cinq ans
et quelque chose.
Là encore, nous croyons, à l'instar du rapport Arpin,
qu'il serait bon - et je cite - "que les actions internationales dans les arts
et la culture soient favorisées par les programmes du gouvernement du
Québec". Nous avons d'ailleurs toujours joui de l'appui entier du
gouvernement pour toutes ces initiatives et nous le félicitons de cette
bonne collaboration et, en particulier, avec le ministère des Affaires
culturelles.
Les efforts du Musée pour ouvrir les Québécois sur
eux-mêmes et sur le monde ont été fort
appréciés si l'on en juge par le nombre de visiteurs
enregistré par le Musée, nombre qui est passé de 417 000
en 1987-1988 à 510 000 en 1990-1991, période quand même de
récession, au moins en partie. Ce taux de fréquentation vient
confirmer l'enracinement de l'institution dans notre société.
Une étude réalisée en novembre 1990 par
l'équipe Samson, Bélair, Deloitte & Touche pour le compte du
ministère des Affaires culturelles, d'ailleurs, notait une augmentation
de la fréquentation non pas seulement du Musée des beaux-arts,
mais des musées en général. On disait: On note une plus
grande diversification de la fréquentation selon le groupe d'âge
puisqu'elle a augmenté plus fortement chez les jeunes de 15 à 17
ans (+ 30 %) et chez les personnes âgées de 45 ans et plus (+ 14
%)."
Fait également intéressant, le Musée rejoint
maintenant un plus vaste public et accueille des gens de tous les âges et
de tous les milieux. Les hommes, qui traditionnellement fréquentaient
moins les musées, sont maintenant aussi présents que les
femmes.
Grâce à ses activités, le Musée jouit d'une
renommée internationale qui le place parmi les grands musées
d'Amérique du Nord. Son influence et son rayonnement débordent la
scène québécoise et contribuent à faire de
Montréal une ville de calibre international. Je demanderai à M.
Théberge de continuer.
M. Théberge: Le rapport Arpin recommande: "que soit
maintenue et développée la dimension culturelle du Grand
Montréal, foyer de création, lieu à forte densité
d'action culturelle et pôle culturel ayant une portée
nationale".
Quant à lui, le Musée des beaux-arts de Montréal
entend maintenir le dynamisme de sa contribution à l'évolution
culturelle de notre
société. Chaque année, le Musée attire des
visiteurs de tous les coins du pays et du monde entier. Les retombées
économiques des activités du Musée pour Montréal et
pour le Québec en général sont donc loin d'être
négligeables. Ainsi l'exposition consacrée à
Léonard de Vinci en 1987 prévoyait générer des
retombées économiques de l'ordre de 24 000 000 $ sur le plan
touristique.
La vocation du Musée s'exerce dans d'autres domaines
complémentaires et à la diffusion des oeuvres se greffe une foule
d'autres activités qui contribuent à l'action culturelle de
l'institution.
La vision globale du Musée serait incomplète si on
omettait de mentionner son laboratoire de restauration et de conservation qui a
pour but de mettre en valeur et de préserver notre patrimoine. Il s'agit
du seul laboratoire au Québec qui est directement rattaché
à un musée et il est un des mieux équipés en
Amérique du Nord. Durant l'exercice 1990-1991, 2716 oeuvres ont
été examinées et 1662 ont été
restaurées, entre autres dans le cadre du réaménagement
des collections lié à l'ouverture du nouveau pavillon.
Grâce à la bibliothèque du Musée des
beaux-arts, le public a accès à une quantité imposante
d'ouvrages sur l'art, car on y trouve plus de 100 000 titres. Par exemple, en
1990-1991, la bibliothèque a accueilli 3616 personnes qui ont
consulté 11 868 titres, soit une augmentation de près de 22 % par
rapport à l'exercice précédent. Le personnel a aussi
répondu à 2102 demandes de renseignements
téléphoniques. Fait intéressant à noter, il s'agit
de la première bibliothèque du genre à avoir
été créée au Canada et elle demeure aujourd'hui la
plus importante au Québec.
Une orientation pédagogique a inspiré la création
d'un Service éducatif et culturel qui, par sa qualité et ses
nombreuses activités - ateliers d'appréciation de l'art et de
création pour les adultes, les enfants, les familles, les
écoliers; rencontres, visites, diaporamas commentés et
audioguides; programmes de films, conférences, concerts - est l'un des
plus importants au Québec. En 1990-1991 encore, le taux de
fréquentation aux activités spécifiquement du Service
éducatif et culturel s'élevait à 40 133 personnes, ce qui
est énorme compte tenu de l'exiguïté des locaux.
Le Musée est aussi le plus important éditeur d'art au
Québec. Ainsi, en 1990-1991, le Service des publications du Musée
a publié plus de 12 catalogues d'expositions et de nombreux documents
pédagogiques, tant en français qu'en anglais. Plusieurs
catalogues ont connu des tirages et des taux de ventes fort importants dont,
par exemple, 20 000 exemplaires du catalogue Léonard de Vinci
édité en 1987 qui se sont vendus ici et dans le monde. M. Parent
me faisait remarquer qu'on a déjà vendu plus de 41 000
exemplaires du catalogue Picasso édité en 1985.
Le rapport Arpin recommande: "que les institutions nationales [...]
aient l'obligation d'élaborer des programmes d'activités à
l'intention des régions". Nous nous identifions, bien sûr,
à ces institutions nationales.
Existant depuis plus de 15 ans, le Service de diffusion du Musée
met en circulation environ six expositions itinérantes par année,
expositions qui sont accueillies par diverses institutions à travers le
Québec et qui sont vues par des milliers de personnes. Par exemple, des
expositions itinérantes du Musée des beaux-arts ont
été présentées dans une vingtaine de villes du
Québec, dont Montréal et Québec, bien sûr, mais
Chicoutimi, Rivière-du-Loup, Rimouski, Sherbrooke, Gaspé,
Joliette, La Baie, etc. Depuis 1985, c'est plus d'un million de visiteurs
à travers le Canada qui ont vu et apprécié les expositions
du Service de diffusion du Musée. Je dois préciser qu'au Canada
nous sommes l'un des derniers musées - parce qu'il y a eu des programmes
de diffusion mais qui se sont éliminés peu à peu -
à avoir un programme aussi énergique de diffusion des
expositions.
Concernant le patrimoine culturel, le rapport Arpin recommande: "que
l'aspect éducatif du patrimoine soit valorisé davantage et qu'un
programme d'intervention pédagogique à l'intention des
enseignants et des jeunes soit élaboré". Nous voulons souligner
que le Musée des beaux-arts collabore déjà avec
l'Université de Montréal et l'Université du Québec
à Montréal dans la mise en application du programme de
maîtrise en muséologie. Par exemple, la collaboration du
Musée avec les universités québécoises se manifeste
aussi par la mise sur pied conjointe d'expositions de grande envergure comme
"Le meuble de bon goût à l'époque victorienne au
Québec", organisée en collaboration avec l'Université
Laval et avec le Musée de la civilisation de Québec - encore
là, c'est une première au niveau de la collaboration entre
musées et institutions universitaires dans l'organisation d'expositions
- qui se tiendra donc au Musée en 1992-1993.
Le Musée des beaux-arts jouit aussi de la collaboration des
historiens de l'art de nos universités, qui nous offrent leur expertise
tant dans les domaines des acquisitions que de la programmation et des
expositions. Le Musée prête généreusement les
oeuvres de sa collection permanente à d'autres institutions
muséologiques. Par exemple, nous avons prêté plusieurs
oeuvres à l'exposition qui vient de s'ouvrir au Musée du
Québec sur la "Peinture au Québec, 1820-1850".
La construction du nouveau pavillon Jean-Noël-Desmarais marque une
autre étape dans l'histoire du Musée. L'immeuble, d'une
superficie de 22 000 mètres carrés - et non pas 18 000, selon la
feuille qu'on vous a passée - qui se trouve vis-à-vis du
Musée d'origine ouvrira ses portes en novembre de cette année et
viendra accroître l'importance du Musée en permettant
un plus grand rayonnement de ses oeuvres.
L'institution disposera donc d'un espace supplémentaire pour
faire connaître les oeuvres de sa collection permanente. La proportion
des oeuvres exposées passera de moins de 2 % actuellement à
environ 20 % du total des oeuvres de la collection permanente. De nouvelles
salles pourront aussi accueillir des expositions temporaires de plus grande
envergure et le Service éducatif et culturel jouira enfin de conditions
de travail plus propices à l'expansion de ses activités.
Il va sans dire que ce grand projet d'agrandissement n'aurait pu
être réalisé sans l'appui inconditionnel du gouvernement du
Québec qui a chiffré sa contribution pour la construction du
nouveau pavillon à 33 000 000 $ sur l'ensemble.
Corporation indépendante à charte publique
créée par la Loi sur le Musée des beaux-arts en 1972, le
Musée a, en fait, une double personnalité, l'une publique,
l'autre privée, dont il tire sa force et sa spécificité.
Le Musée jouit de l'appui incontestable du public par son taux de
fréquentation élevé et du soutien du secteur privé,
dont la contribution aux campagnes annuelles de financement et aux
activités de commandite est considérable. Soulignons ici que le
secteur privé a versé la somme de 27 500 000 $ à "La
Campagne du Musée 1988-1993", en vue du financement des travaux
d'agrandissement.
Il va de soi qu'en raison des sommes que nécessite l'acquisition
et la conservation des oeuvres, ainsi que l'organisation d'expositions, une
institution de l'envergure du Musée des beaux-arts de Montréal ne
pourrait survivre sans l'aide de l'État. Le Musée a besoin d'un
soutien financier à la mesure de sa mission, de son envergure, de sa
programmation et de ses nouveaux espaces, et cela, en proportion avec ce qui
est accordé à d'autres grands musées ici au Québec.
Avec l'agrandissement du Musée, nous souhaitons donc vivement que le
gouvernement du Québec continue de nous appuyer avec vigueur en
augmentant sa contribution à l'organisme, au même titre que
d'autres secteurs de recherche et développement.
Nous sommes reconnaissants, bien sûr, au gouvernement du Canada,
au Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, et tout
particulièrement au gouvernement du Québec pour leur appui
financier continu depuis plusieurs années. Le ministère des
Affaires culturelles, notamment, a versé presque 90 % de la
totalité des subventions reçues de tous les niveaux de
gouvernement pendant l'année fiscale 1990-1991, et qui
représentent environ 45 % du budget total du Musée. Nous tenons
à remercier la ministre, Mme Liza Frulla-Hébert, pour son
attention et son dévouement à la cause du Musée. Cet appui
sera encore plus crucial dans les années à venir, au cours
desquelles le Musée nouvellement agrandi entreprendra un programme
d'expositions toujours plus diversifié, cherchant à rejoindre de
nouveaux publics auxquels il offrira des services de mieux en mieux
adaptés à leurs besoins.
Le Musée des beaux-arts de Montréal souhaite le maintien
du partenariat qui existe déjà entre le secteur public et le
secteur privé que nous vivons actuellement au Musée. Comme le
souligne le rapport Arpin, "le partenariat est une recherche pour tous et en
particulier pour le ministère des Affaires culturelles, qui devra s'y
appuyer de plus en plus, sous réserve de définir certaines de ses
priorités et de ses façons de travailler".
En conclusion, le Musée des beaux-arts de Montréal
adhère donc à plusieurs lignes directrices de la proposition de
politique de la culture et des arts préparée par le
groupe-conseil sous la présidence de M. Arpin pour favoriser un plus
grand accès de la population aux oeuvres d'art qui font partie de son
propre patrimoine autant que du patrimoine mondial.
Le Musée a choisi de réitérer sa demande d'un
financement accru du gouvernement du Québec, afin qu'il puisse conserver
l'élan donné par plusieurs années de grands progrès
et concrétisé par le nouveau pavillon
Jean-Noël-Desmarais.
Un musée, c'est comme une personne, comme un peuple: s'il
n'avance pas, il recule. L'intégration du nouveau pavillon
Jean-Noël-Desmarais dans nos activités quotidiennes ne se fera avec
succès, au plus grand bénéfice du Québec, que s'il
est appuyé sur un financement solide et sans équivoque.
Le Musée des beaux-arts de Montréal pourra ainsi
poursuivre ses objectifs qui sont, entre autres, de présenter des
expositions de haute qualité et de créer de nouvelles
activités culturelle et sociales, lesquelles sont le pivot de la vie
culturelle québécoise. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Votre présentation est terminée? Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Théberge. Bonjour
à tous. Ça tombe bien. Justement, j'ai été chez
vous, je le dis, dimanche dernier. C'est encourageant, puis c'était
plein.
M. Théberge: Merci.
Mme Frulla-Hébert: Les enfants, finalement... On voit
ça quand vous parlez de l'accroissement de la fréquentation au
niveau des jeunes de 15 à 17 ans et aussi au niveau des gens de 45 et
plus. Finalement, on voyait aussi des familles, etc. Alors, je pense que c'est
incontestable, l'apport du Musée des beaux-arts au niveau de la vie
culturelle de Montréal.
Bien souvent, par exemple, je dois vous dire, au cours de la commission,
on fait état du
Musée des beaux-arts, de la pression financière aussi que
le Musée apporte non seulement au niveau des infrastructures - parce que
ça, évidemment, ça fait partie du service de la dette, on
doit aussi le payer chaque année, ne serait-ce que l'hypothèque
de tout ça - mais aussi du fonctionnement. On a doublé le
fonctionnement cette année à cause, justement, de la superficie
en termes de pieds carrés. Mais vous, M. Thé-berge, au niveau du
rôle du Musée, si je vous demandais: Un musée tel que le
Musée des beaux-arts - on en a d'autres grandes institutions, mais
là on parle de la vôtre - au niveau du développement
culturel de Montréal et au niveau de son rayonnement en région -
je vous la pose la question, là - est-ce que ça vaut 14 000 000 $
par année en termes de fonctionnement?
M. Théberge: Ça vaut plus que l'argent que vous y
mettez. Sans faire de blague, vraiment, les expositions du Musée - je
peux le dire sans honte, sans gêne - ont vraiment fait évoluer
notre société. On a apporté ici des choses
extraordinaires. On a fait connaître nos artistes, que ce soit
l'exposition Borduas, que ce soit Léonard de Vinci. Les taux de
fréquentation et la réaction du public, ce que les gens nous
disent, comment les gens réagissent par rapport à ce qu'on
apporte, c'est quelque chose, c'est un plus pour notre société.
Ça, c'est indéniable.
Par rapport à notre action dans les régions, on le
souligne dans notre présentation, on a un Service de diffusion. Je le
dis: On est l'un des rares au Canada, au Québec, on est peut-être
le seul, je pense, à avoir un Service de diffusion bien
constitué, qui fonctionne depuis longtemps. On a fait des expositions,
que ce soit Léonard de Vinci à Rivière-du-Loup ou à
Chicoutimi, que ce soit la collaboration qu'on a donnée avec Montmagny
pour l'organisation de l'exposition Riopel-le. Nous voulons développer
aussi ces collaborations avec d'autres institutions à travers le
Québec. C'est une question, souvent de la part des régions ou des
localités, d'un équipement peut-être moins
sophistiqué qu'il devrait être. Alors, il y a des questions de
développement aussi dans les régions. Vous êtes
sûrement au courant de ces problèmes.
Mais, pour nous, c'est certain que collaborer, que ce soit avec le
Musée du Québec ou avec d'autres institutions beaucoup plus
petites à travers la province, ça va de soi. Pour nous, c'est une
question qui ne se pose même pas. Nous sommes ouverts à toutes les
collaborations et à participer justement au développement
culturel de l'ensemble du Québec. Ce n'est pas seulement le Musée
des beaux-arts de Montréal, des Montréalais, mais, nous - et je
crois que M. le président peut appuyer ça au nom du conseil - on
se voit une vocation à la grandeur du Québec.
Mme Frulla-Hébert: Justement, je reviens au niveau de la
diffusion parce que vous savez, bon, qu'il y a la Société des
musées et puis tout ça. Mais c'est sûr que, quand on arrive
avec des sommes, bon, de plusieurs millions de dollars en termes de
fonctionnement, que ce soit chez vous ou maintenant, évidemment, avec
l'agrandissement, au Musée d'art contemporain, que ça soit ici au
Musée du Québec, au Musée de la civilisation, bon, c'est
faramineux quand on regarde ça dans l'ensemble. Par contre, une
société a tout de même besoin de ces grandes
institutions-là au niveau de son rayonnement. M. Arpin disait
lui-même qu'il fallait aussi, vous, les grandes institutions, vous faire
pardonner justement pour le poids financier, bon, le stress financier que vous
apportez à un budget, justement au niveau de la diffusion.
Vous avez parlé de l'aide que vous avez apportée, par
exemple, à Montmagny. Ce qui serait bon de voir... Parce que, là,
les musées régionaux viennent nous voir et nous disent: Un
instant, on ne veut pas juste être des réceptacles, nous autres,
là. On voudrait aussi développer non seulement une expertise,
mais on veut aussi avoir nos expositions, puis on voudrait que ça soit
dans les deux sens. Alors, comment voyez-vous ça, là?
M. Théberge: Bien, moi, je pense que c'est du cas par cas,
dans beaucoup de cas, c'est le cas de le dire. Il s'agit simplement d'avoir un
dialogue avec nos collègues, d'avoir des projets. On en a avec le
Musée de la civilisation. Évidemment, c'est plus facile d'une
certaine façon avec des institutions un peu plus grosses, que ça
soit le Musée du Québec, le Musée de la civilisation,
mais, quand on travaille avec Rivière-du-Loup pour leur apporter
l'exposition Léonard de Vinci, bien, c'est Rivière-du-Loup qui
reçoit, bien sûr, l'exposition, mais c'est eux qui font tout le
travail en collaboration avec notre Service de diffusion, un travail
d'animation, par exemple.
Vous parlez d'aide à la formation. On reçoit des
stagiaires qui viennent d'autres régions, qui peuvent venir, que
ça soit pour trois semaines ou trois mois, mais on les reçoit. On
est toujours prêts à collaborer avec eux. Mais on n'a pas encore -
et c'est une question qui a été soulevée - d'accords
formels, si vous voulez, d'institution à institution, par exemple, un
accord qu'on ferait avec Chicoutimi, avec Rivière-du-Loup ou avec, on en
a parlé tout à l'heure, Montmagny. Nous sommes prêts
à envisager ça. Mais on n'a pas de cadre formel. Comme je vous
dis, ça dépend des projets. Si un musée en région
veut monter une exposition spécifique avec l'aide du Musée, on
lui offre toute notre aide. On peut faire circuler des expositions, par
exemple, qui seraient organisées par d'autres institutions. On pourrait
collaborer avec eux. On est ouverts à ça.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, au niveau des
ententes. Je veux juste revenir, parce que le temps passe, au niveau des
normes. Les musées nous disent souvent aussi au niveau des
régions: Écoutez, comment voulez-vous qu'on organise des
expositions, les normes, c'est fait pour des grands musées...
M. Théberge: Non.
Mme Frulla-Hébert: ...puis nous autres, que ça
soit, bon, au niveau de la température, que ça soit au niveau de
la hauteur des plafonds, etc., on n'est pas toujours selon les normes?
M. Théberge: Oui, c'est un problème. Ça,
c'est un problème physique. C'est-à-dire qu'on ne peut pas mettre
en danger une oeuvre, par exemple, une huile sur toile ou une huile sur bois;
c'est fragile à cause des variations de température,
d'humidité. Il faut qu'il y ait des conditions minimum de climatisation,
d'humidité dans les lieux qui reçoivent les oeuvres. On
manquerait à la nature et à la vocation du Musée si on
envoyait des oeuvres qui se détérioreraient en cours de route. On
nous le reprocherait à moyen ou à long terme. Ça serait
détériorer la collection.
Alors, il y a donc un effort de la part des localités à
avoir des lieux d'exposition qui soient un peu plus conformes aux normes. Vous
dites que ce sont des normes pour des grands musées. C'est des normes
pour tous les musées parce que ce sont les oeuvres d'art qui exigent
ça. Ce n'est pas nous en haut qui, d'autorité, demandons
ça, mais c'est la nature des matériaux qui doivent circuler qui
demande ces normes-là. C'est sûr qu'on a des vitrines à
microclimat, que la technologie avance, qu'on peut pallier à ces
déficiences, mais il y a un certain niveau au-delà duquel on ne
peut pas aller. (18 h 15)
M. Lalonde: J'aimerais, si c'est possible, enchaîner sur la
première question, à savoir...
Le Président (M. Gobé): M. le ministre.
M. Lalonde: ...pourquoi tant d'argent. Voyant le rôle
réellement du Musée des beaux-arts au Québec,
sous-financer le Musée des beaux-arts de Montréal serait
ralentir, en fait, l'élan qui a été donné depuis
surtout les cinq, six dernières années. Ce n'est pas seulement le
Musée des beaux-arts qui en souffrirait. Ce sont tous les autres qui
profitent de ce rayonnement-là. C'est très important qu'au moment
où nous allons ouvrir le nouveau pavillon le gouvernement ajuste son
financement aux besoins de notre nouveau Musée, du nouveau Musée
des beaux-arts de Montréal, mais qui rayonne dans tout le Québec
et même à l'extérieur. Sans ça, on ralentirait
l'élan qui a été donné.
Je pense que le gouvernement peut quand même se compter chanceux.
On a 21 000 membres ainsi que d'autres bienfaiteurs qui fournissent près
de 600 000 $ par année par des donations. C'est un Musée qui a
deux personnalités, comme disait M. Théberge: et privée,
et publique. C'est unique. À part quelques musées privés
qu'il y a au Québec, les autres que le gouvernement finance, c'est
à 100 %. Le fait de ralentir, à ce moment-là, je pense que
c'est une tentation que, naturellement, la ministre va mettre de
côté derechef.
Mme Frulla-Hébert: Par contre, encore là, si on se
reporte à 10 ans, en fait, le Musée d'art contemporain
était là et tout ça. Là, on est en train de se
doter, avec le Musée du Québec, le Musée de la
civilisation et tout ça... Il y a eu un grand effort de fait au niveau
des grandes institutions nationales. Par exemple, au niveau du financement
privé, on s'aperçoit que le Musée d'art contemporain aussi
va aller chercher du financement privé parce que c'est dans son mandat.
Il doit le faire. Est-ce que c'est possible de penser aussi que, pour ces
institutions-là que nous avons créées et dont on a besoin,
en fait, comme société qui se veut ne serait-ce que
civilisée, au niveau du financement privé, parce que
l'État ne peut pas tout prendre, on peut continuer à aller
justement intéresser les gens à participer, finalement, dans
leurs institutions?
M. Lalonde: En ce qui concerne le Musée des beaux-arts,
sûrement. Nous avons d'ailleurs une levée de fonds annuelle,
contrairement aux autres musées. Je sais que le Musée d'art
contemporain cherche des fonds actuellement, mais c'est dans le cadre de ses
nouveaux locaux. Nous avons une levée de fonds annuelle, nous avons des
commanditaires, nous avons des sources et, naturellement, les visiteurs... Nous
tentons de l'ouvrir... Le Musée des beaux-arts a ouvert ses portes
toutes grandes depuis quelques années et le sentiment d'appartenance
maintenant des Montréalais en particulier et des autres à leur
Musée est très apparent, très concret, et on le voit par
la fréquentation. On disait, tout à l'heure, quoi, 45 %.
Mme Frulla-Hébert: 35 %.
M. Lalonde: Le financement généreux du
ministère ne compte que pour 45 % de nos revenus.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lalonde. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui. M. le ministre, M. le directeur, messieurs, la
toute première chose, oui, vous avez bien fait de la mentionner, c'est
sans doute l'un des plus anciens musées. Je pense qu'il est à
propos de le mentionner. Il y a eu
une très grande contribution de la communauté anglophone
du Québec et, notamment, de celle de Montréal dans
l'établissement de ce musée et je pense que c'est quelquefois un
peu une injustice que de ne pas le mentionner et de se contenter des frictions
actuelles et, sans aucun doute, probablement passagères.
Ceci étant dit, je me réjouis avec la ministre: Oui, il y
a eu des décisions prises par le Conseil du trésor sous l'ancien
gouvernement dont on peut se féliciter aujourd'hui. Les questions que je
vous poserai après m'en être fait pirater une, dont j'avais
donné la primeur à M. Lalonde tantôt, qui était
cette espèce de parrainage avec Montmagny, qui semble être une
heureuse initiative du maire qui a fait le voyage, surtout la qualité de
la réception qu'il a eue chez vous... D'ailleurs, il nous en a
parlé. Ça pourrait peut-être faire l'objet d'un autre
débat à un autre moment. Mais, à la page 5, vous parlez de
"l'application de mesures fiscales aux particuliers pour l'acquisition
d'oeuvres d'art". Je me souviens, lors de la dernière campagne
électorale, dans un débat radiophonique, j'avais émis
l'idée de l'établissement d'un RÉART, régime
épargne-art. Si la ministre veut me voler l'idée, il n'y aura
aucun droit d'auteur. Je la lui cède volontiers. Mais, moi, j'avais bien
spécifié l'acquisition d'oeuvres d'art d'artistes
québécois. Je me sentais un peu mal à l'aise de dire: On
va faire jouer le levier de la fiscalité québécoise pour
encourager un art qui, sans doute peut-être est beau, mais qui n'est pas
nécessairement le nôtre. Vous allez dans ce sens, sans l'avoir
exprimé. C'est cela?
M. Théberge: Oui.
M. Boulerice: D'accord. Et vous dites aussi: "... dans l'espoir
que les oeuvres ainsi acquises par les particuliers viendront ensuite enrichir
ses collections". C'est bien entendu que je ne vais pas reprocher aux gens du
Musée des beaux-arts de penser à eux, mais j'avais
également avancé une autre idée - je ne sais pas dans
quelle mesure vous la partagez en esprit d'équité - qui
était de faire jouer aussi ce levier de la fiscalité de
façon à permettre le don à certains musées
régionaux qui, eux, sont en constitution d'une réserve. Vous
savez que, traditionnellement, quand on est à Montréal, on donne
chez vous, on donne au Musée d'art contemporain et on donne à
McCord, mais le Musée de Rimouski aurait peut-être besoin d'un peu
d'incitatifs. Donc, vous ne seriez pas égoïstes. Vous accepteriez
une mesure comme celle-ci.
M. Théberge: Bien, d'accord. Moi, je suis tout à
fait d'accord.
M. Boulerice: Une autre question et celle-ci, je l'adresserais
à M. Lalonde. M. Lalonde, tout le monde sait que vous avez eu une
carrière politique, député, ministre, vous êtes
impliqué dans le milieu des affaires. M. Landry, éditeur de La
Presse, est venu récemment et nous a expliqué comment on
constituait un conseil d'administration. On a vu celui de l'Opéra de
Montréal et M. Landry nous disait: Vous savez, on n'est pas là
pour la gloriole, on n'est pas là pour le plaisir de dire: J'appartiens
au conseil d'administration du Musée, ce qui est effectivement
prestigieux, mais, si on y est, on doit donner tant, on doit s'engager à
aller chercher tant et on doit véritablement centrer notre
présence, non pas en disant: Mon Dieu, que c'est joli sur mon curriculum
vitae et sur mes cartes de visite, mais on doit être les premiers
à manifester un appui au Musée et travailler justement au niveau
du partenariat entre le privé et l'institution. Alors, est-ce que vous
pensez qu'il serait peut-être temps que l'on commence un peu à
regarder nos lois quant aux nominations dans les conseils d'administration de
grandes institutions culturelles?
M. Lalonde: Bien, en fait, nos lois, je ne sais pas exactement
à quelles lois vous référez. Je sais qu'il y a
actuellement une grande liberté. Il n'y a pas de profil, disons,
contraignant pour choisir les membres de conseils, mais essentiellement, ce
qu'on cherche, c'est des personnes qui peuvent donner, qui peuvent donner de
leur temps, de leur talent et de leurs contacts dans leur réseau - parce
que, au fond, il s'agit de ça - non seulement sur le plan financier,
mais oui, sur le plan financier, pas de façon à cotiser les
membres du conseil et à dire: À tous les ans, si tu veux
être sur mon conseil, ça va te coûter tant, non, mais pour
les impliquer dans les exercices de levée de fonds sans doute. Et aussi,
en ce qui concerne le Musée, le Musée a des comités qui
doivent décider des acquisitions. Donc, ils doivent vraiment faire
preuve d'une connaissance des arts, en particulier dans certaines
périodes, et tout ça, c'est bénévole.
Je voudrais profiter de votre question pour souligner le temps et les
talents qui sont, tout à fait secrètement, presque, en cachette
ou presque, mais en fait hors des yeux du public, consacrés par des
membres des conseils d'administration, soit des maisons de
théâtre, des orchestres. Et la gloire qu'on peut aller chercher
là, je vous le jure, si quelqu'un y va pour ça, il est
détrompé rapidement parce qu'il y a beaucoup de travail, il y a
des responsabilités. On pense que ça fonctionne tout seul entre
le ministère et, disons, la direction, mais je pense que M.
Théberge pourrait en témoigner... En ce qui concerne le
Musée des beaux-arts, je viens d'arriver. Je peux en parler avec assez
de liberté parce que je n'ai aucun crédit pour ce qui s'est
passé jusqu'à maintenant, mais n'eût été
l'implication, le dévouement et la vision, en particulier - puis,
j'aimerais le mentionner ici - de M. Bernard Lamarre dans les dernières
années et
du conseil d'administration qui l'a appuyé, on n'en serait pas
rendus là actuellement avec un Musée des beaux-arts qui est
quelque chose qui marche très bien.
Ici, je suis convaincu que vous avez été témoins,
que vous avez entendu des gens qui sont venus vous dire que ça
fonctionne mal, que les temps sont difficiles. Effectivement, oui, il y a des
choses difficiles, on le sait. Dans le théâtre, je participe aussi
un peu modestement au TNM, c'est difficile, mais au Musée des
beaux-arts, ça va bien. Profitons-en pour le conserver comme il faut. On
n'a besoin de rien guérir. Il s'agit simplement de continuer. On a un
déficit d'à peine, d'un peu moins de 200 000 $, ce qui est
très peu pour une organisation de cette taille. Mais, pour revenir
à votre question, les membres des conseils d'administration, ce qu'on
cherche, c'est des gens qui peuvent donner et, effectivement, c'est ce qu'on
trouve.
M. Boulerice: Donc, les conseils d'administration des
musées devaient être tout au moins consultés dans la
nomination de nouveaux membres de façon à ce qu'ils puissent
avoir les gens un peu qu'ils souhaitent.
M. Lalonde: Que les membres du conseil soient consultés
pour les nouveaux membres?
M. Boulerice: Je dis que l'administration du musée, que le
conseil soit...
M. Lalonde: Oh! En fait, moi, j'arrive et je n'en ai pas
nommé encore. Il y en a un qui vient d'être nommé juge.
Ça me fait une vacance et puis, apparemment... Le gouvernement nomme une
certaine partie de nos membres, 9...
Une voix: Sur 21.
M. Lalonde: ...sur 21, et les autres sont élus par
l'assemblée annuelle des membres à tous les ans, comme une
société.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Verchères, vous avez demandé la parole
et il reste peu de temps.
M. Lalonde: Ah bon! Alors, là, je ne veux pas
m'étendre là-dessus. Mais on n'a pas de problème au niveau
des conseils d'administration. On a des gens qui veulent se dévouer et
qui le font.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Verchères, vous avez la parole.
Mme Dupuis: Oui. Moi, j'aimerais savoir si le Musée des
beaux-arts, ça ne l'aiderait pas, lui aussi... Au niveau financier, on
trouve que 14 000 000 $, c'est beaucoup, alors que ça ne répond
pas aux besoins. Si les régions étaient dotées de
musées ou d'endroits, d'institutions qui répondent aux normes
muséologiques et qui feraient en sorte que les expositions qui viennent
au Musée des beaux-arts, les expositions internationales ou la
collection puissent circuler en région, on ne dirait pas, si je prends
le point de vue des régions: Tout va vers Montréal, bien
sûr, Montréal est gâtée, les grands centres,
Québec et tout, et ceci permettrait aux régions d'avoir
accès aux mêmes expositions, qu'elles soient internationales ou
même de sortir les collections. Peut-être que ça serait un
prétexte pour les sortir, les faire voir en région et amener les
gens des régions à comprendre l'art moderne et à cheminer
dans ce sens-là. Croyez-vous que ce serait essentiel que, dans des
points stratégiques, le Québec se dote, et le plus rapidement
possible, d'institutions qui répondent aux normes muséologiques
et que le Musée des beaux-arts collabore avec beaucoup de
générosité à des expositions
itinérantes?
M. Théberge: Je suis tout à fait d'accord avec
ça par rapport aux normes et par rapport à l'action du
Musée. Je dois vous souligner que tout ce que nous avons fait jusqu'ici
depuis une quinzaine d'années par notre Service de diffusion des
expositions l'a toujours été à partir de notre collection
permanente. Il y aura toujours un problème par rapport aux grandes
expositions qu'on fait venir de l'étranger, où il y a des
conditions de prêt, mais on peut toujours trouver une façon de, si
vous voulez, tailler le projet à une mesure autre que celle, par
exemple, de l'ampleur des Années 20 qui ne pourrait pas circuler,
d'ailleurs qui ne circulera pas ailleurs dans le monde. Mais c'est certain que
nous voulons continuer et nous aimerions développer de plus en plus ce
secteur.
Le Président (M. Gobé): On vous remercie. M.
Théberge: Pour nous, il n'y a pas de...
Mme Dupuis: Est-ce que ça amènerait des coûts
additionnels au Musée ou si ça ne pourrait pas, en bout de ligne,
être économiquement et socialement rentable pour le
Musée?
M. Théberge: Des coûts additionnels,
peut-être, mais je pense que les coûts... Il y a des coûts
quand même des institutions qui reçoivent les expositions, que
ça soit pour le transport, que ça soit pour
l'aménagement.
Mme Dupuis: Les assurances.
M. Théberge: C'est sûr que ça entraîne
des coûts additionnels. Il n'y a pas de doute là-dessus.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
Mme la députée de Verchères, c'est malheureusement
tout le temps que nous avions. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, un mot de remerciement.
M. Boulerice: II y aurait eu bien des choses. Alors, je vais vous
remercier, M. Lalonde, M. Porter et M. Parent. Je terminerai avec M.
Théberge. Il fut un temps où l'on croyait que seul un directeur
provenant de l'étranger pouvait faire un grand musée. Vous avez
fait de façon éclatante la preuve que les talents, les
qualités, on pouvait les trouver chez nous. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
le...
M. Théberge: Kamouraska. Je vous remercie, mais je
voudrais souligner que c'est un travail d'équipe aussi.
Le Président (M. Gobé): ...député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci à vous tous. Ça
fait du bien, c'est vrai, de se faire dire: Nous autres, ça marche.
C'est bien. Mais je regardais ça. Il y a quelque chose vraiment qui m'a
frappée. Il faut que je le mentionne. À la page 49 de ce que vous
m'avez présenté, à un moment donné, il y a les deux
paragraphes et c'est extrait du catalogue de l'exposition Jean-Paul Riopelle,
Ottawa, Galerie nationale, Canada, 1962-1963. On dit: "Riopelle reste canadien
sans qu'il ait voulu et sans que les Canadiens aient tenté de quelque
façon de se l'approprier." Je ne sais pas où on a sauté
parce que, finalement, je pense qu'en 1990 on disait: reste canadien, notamment
québécois ou reste québécois. En tout cas,
ça m'a frappée.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Alors, merci beaucoup. On y croit,
à votre Musée, évidemment, et 14 000 000 $ plus tard, on y
croit sûrement.
M. Lalonde: 14 000 000 $, seulement! Bon, on va s'en
reparler.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, je vous
remercie. M. Lalonde, étant donné vos antécédents
en cette Chambre, vous avez droit peut-être à un mot de la fin si
les membres y consentent.
M. Lalonde: Bien, pour vous remercier, les anciens
collègues, qu'il me fait plaisir de voir, y compris...
M. Godin: II en reste un peu de son temps.
M. Lalonde: J'ai revécu quelques moments ici avec beaucoup
de plaisir, surtout si c'est au service du Musée des beaux-arts de
Montréal.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Lalonde. Soyez assuré que nous conservons tous un excellent souvenir de
votre passage dans cette Chambre et du travail que vous avez accompli.
Ceci met fin à nos travaux pour cet après-midi. Je dois,
malheureusement...
M. Godin: Si M. Lalonde, étant donné notre
passé commun à la Chambre bleue, veut me passer quelques secondes
de son temps, à lui, et la ministre aussi d'ailleurs, la tradition va
être respectée. Je tiens à féliciter le Musée
parce que c'est le seul musée récent qui n'a pas de pyramide
entre ses deux ailes, contrairement au Musée du Québec, ici sur
les Plaines, contrairement au Musée du Louvre. Je pense que ça
mérite des félicitations pour avoir résisté
à la tentation de demander une pyramide au-dessus de la rue Sherbrooke
qui aurait pu...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lalonde: Ce serait tellement agréable...
M. Godin: ...avoir des troubles de toit.
M. Lalonde: ...d'accepter vos félicitations, mais on doit
passer aux aveux. Si vous regardez bien en passant, il y en a une toute petite
pyramide, juste à l'entrée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lalonde: Semble-t-il qu'on n'a pas résisté
complètement à la tentation.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vais donc
suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, en cette Chambre, je
remercie les représentants du Musée des beaux-arts. Je vous
souhaite une bonne soirée et un bon retour à Montréal. La
commission est maintenant suspendue.
(Suspension de la séance à 18 h 34)
(Reprise à 20 h 12)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, bonsoir. La commission de la culture va donc maintenant reprendre
ses travaux pour la soirée et nous allons entendre, à 20 heures -
donc dès maintenant - l'École des hautes études
commerciales. Par la suite, à 20 h 45, la ville de Sept-îles;
à 21 h 30, le Centre de valorisation du patrimoine vivant et, à
22 h 15,
nous ajournerons. Et je vous rappelle rapidement le mandat de notre
commission, ce soir, qui est de tenir une consultation générale
sur la proposition de politique de la culture et des arts, ceci faisant suite
au dépôt du rapport Arpin, et cette commission et ce rapport
étant, bien entendu, initiés par Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Je demanderais donc aux gens représentant l'École des
hautes études commerciales de bien vouloir prendre place en avant de
cette table. Bonsoir, messieurs. Est-ce que vous avez de la difficulté
à voir? C'est parce que je vous voyais mettre la main... Alors, il nous
fait plaisir de vous accueillir ici, ce soir. Si j'en crois la feuille que j'ai
devant moi, vous êtes M. François Colbert, titulaire de fa chaire
de gestion des arts - bonsoir, M. Colbert - et M. Mario Beau-lac, professeur de
recherche et coordonnateur de la chaire. Bonsoir, M. Beaulac. Vous pouvez, sans
plus tarder, commencer l'exposé de votre mémoire. Vous avez, pour
ce faire, 15 minutes. Vous n'êtes pas obligés de les utiliser
complètement. Vous pouvez commencer la discussion avec la ministre et le
représentant de l'Opposition officielle dès que vous le jugerez
nécessaire. Le mémoire a été soumis à la
commission et les membres en prennent connaissance, de toute façon.
Alors, vous avez la parole.
École des hautes études
commerciales
M. Colbert (François): Parfaft. Effectivement, je n'ai pas
l'intention de relire le mémoire, peut-être simplement de mettre
en lumière certains des arguments. Comme vous avez pu le constater, on
se serait peut-être attendu à ce que les HEC fassent une
démonstration économique, ce que nous n'avons pas fait, ce que
nous avons choisi de ne pas faire puisque toutes les études d'impact
économique ou de rentabilité ou d'impact touristique ont
déjà démontré l'importance de la culture. Et je me
suis permis, dans mon mémoire, comme vous l'avez vu, d'affirmer que, par
exemple, s'il n'y avait pas d'artistes, il n'y aurait pas de secteur
publicitaire puisqu'il n'y aurait personne devant les caméras,
derrière, pour faire la musique, etc. Donc, je vais passer sous silence
ces aspects-là.
Notre mémoire était beaucoup plus centré sur des
distinctions. On a fait une distinction entre développement culturel et
politique artistique, et aussi entre création et diffusion. Alors, si je
me réfère à ce que nous avons dit pour ce qui est de la
politique des arts, vous aurez remarqué que, lorsqu'on parle de
politique des arts, on a parlé de recherche de l'excellence qui nous
semble fondamentale, et l'excellence où qu'elle soit. Et c'est ici,
quand on parle de politique des arts, qu'il faut, à notre avis, .
distinguer création de diffusion. Il est normal, à notre avis,
que, par exemple, Montréal ait un
Nous souscrivons, à ce moment-là, à l'idée
que, si on décide de créer un ministère de la culture, ce
ministère ait le pouvoir de mettre à contribution d'autres
ministères, Affaires municipales, Industrie et Commerce, mais, surtout,
Éducation, alors qu'une politique des arts est autre chose, à
notre avis. Une politique des arts doit être plurielle parce que les arts
d'interprétation sont une chose, le patrimoine en est une autre. Quand
on parle d'arts d'interprétation, la création se fait à
Montréal et se fait aussi en région, à certains endroits.
C'est la raison pour laquelle on a parlé d'excellence puisqu'il peut y
avoir excellence en région, il doit y avoir excellence en région
et, à notre avis, une politique des arts tient compte de cela. S'il y a
un festival du film, de qualité, important à Rouyn-Noranda, je
pense qu'il faut l'encourager. S'il y a un musée des religions de
qualité à Joliette, à notre avis il faut l'encourager.
Donc, première distinction, politique des arts versus politique de
développement culturel et création versus diffusion.
Lorsqu'on parie de diffusion, cela nous amène à l'autre
idée que nous avons émise, c'est-à-dire le parti pris pour
le consommateur. Je pense qu'il faut se rappeler que, dans nos
sociétés modernes, les consommateurs contribuables qui sont assis
dans leur salon le soir se retrouvent à Montréal soudainement par
la magie du petit écran. En ce sens, l'idée d'une cartographie
des équipements nous semble importante parce qu'une politique des arts
permet ou est la pierre d'assise d'une politique culturelle et que
l'accessibilité matérielle, c'est-à-dire des salles de
spectacle ou des musées en région, nous semble importante.
Le troisième élément qui nous tient à coeur
aussi, j'aimerais en parler parce que je pense qu'on n'en parle pas
suffisamment souvent et qu'il y a un préjugé tenace dans la
population, c'est le défi "managerial" de gérer un organisme
culturel. Pour la population, ce qu'on dit, c'est que les artistes sont
mal gérés, les artistes ne savent pas se gérer. Moi,
personnellement, en tant que titulaire de la chaire de gestion des arts, pour
avoir été dans ce domaine depuis au-delà de 15 ans, j'ai
vu de très bons gestionnaires dans le domaine des arts. J'ai vu des
artistes très bons gestionnaires, alors que j'ai vu des gestionnaires du
domaine manufacturier qui étaient plutôt artistes que
gestionnaires. À mon avis, l'expertise ou la qualité des
gestionnaires est répartie uniformément soit dans les industries
manufacturières, soit dans le domaine de la culture. Les entreprises
culturelles ou les entreprises artistiques oeuvrent - et je pense qu'il faut le
rappeler - dans un contexte de risque permanent et d'incertitude structurelle,
dans le sens que, lorsqu'on parle d'une entreprise artistique ou culturelle, on
parle d'une entreprise qui gère et qui développe des nouveaux
produits tout le temps. N'importe quel étudiant, dans son cours
d'introduction au "marketing" se fait dire que la "business" la plus
risquée en ville, finalement, c'est de lancer des nouveaux produits et
que des entreprises manufacturières ou autres y vont avec parcimonie en
prenant toutes sortes de précautions. Or, dans le domaine des arts et de
la culture, c'est l'essence même de prendre des risques, l'essence
même de lancer des nouveaux produits. Même quand on monte un
Molière, c'est différent puisque le metteur en scène n'est
pas le même, les acteurs ne sont pas les mêmes et on ne sait pas si
le public va aimer cette mise en scène là. C'est aussi
risqué parce qu'on prévoit d'avance la mort du produit, ce que
dans le domaine manufacturier, on ne fait pas. À cause des contraintes,
par exemple, dans le domaine des musées, à une exposition, quand
on réunit les oeuvres, ces oeuvres sont attendues ailleurs. Donc,
même si l'exposition marche très bien, à une certaine date
il faut l'arrêter. Alors, on ne peut même pas miser sur le
succès des produits, alors que dans les autres domaines on peut le
faire, et on le fait d'ailleurs. Donc, quand on parle d'une politique des arts,
à notre avis, il est important de prendre en compte ces
particularités du domaine culturel et artistique, c'est-à-dire le
défi permanent de la gestion du risque. C'était le
troisième élément que je voulais signaler dans notre
mémoire.
Par ailleurs, en conclusion, nous avons fait ressortir un certain nombre
de points. Par exemple, sur la suggestion qui est faite de créer un
observatoire des politiques culturelles, il est certain qu'on manque de
ressources documentaires. Il y a toute une série d'aspects qui ne sont
pas documentés. Nous pensons que c'est certainement utile d'avoir un
observatoire des politiques culturelles, mais, à notre avis, il existe
déjà un réseau de chercheurs et nous pensons que, compte
tenu des maigres ressources consacrées aux arts et à la culture,
on ne devrait pas priver les arts et la culture de ressources pour créer
un observatoire des politiques culturelles, mais on devrait miser sur les
acteurs existants, bon, évidemment, chez nous, à l'École
des hautes études commerciales, mais il y en a ailleurs, il y a
l'Institut québécois de recherche sur la culture, l'INRS, des
chercheurs à l'Université du Québec à
Trois-Rivières, à Laval. Il y a un réseau de chercheurs
que, je pense, nous devrions mettre à profit plutôt que de
créer une autre structure parce que, comme on sait, créer une
structure, c'est simple et c'est facile mais la "décréer", c'est
quelque chose qu'on a plus de difficulté à faire.
L'autre aspect que nous avons aussi abordé dans le
mémoire, c'est la question du rôle des municipalités. Je
pense que le débat n'est pas clos sur le rôle des
municipalités. Je pense qu'il faut y réfléchir. Je pense
que leur rôle n'est pas nécessairement clair, mais qu'une
politique du développement culturel - et là, je ne parle pas
d'une politique des arts, mais d'une politique de développement culturel
- doit certainement en tenir compte parce que la culture, c'est une dimension
plutôt qu'un secteur. La culture doit se retrouver partout dans la vie
des citoyens et se retrouve partout dans la vie des citoyens. Peut-être
qu'il faudrait réfléchir au rôle des municipalités
en ce sens-là plutôt que dans le sens d'une politique artistique
ou des arts, plutôt dans le sens d'une politique de développement
culturel.
Finalement, toute la question du secteur privé. Nous avons
abordé cette question-là dans notre mémoire. À
notre avis, le secteur privé n'est pas une panacée. Le
Québec n'est pas les États-Unis. Le Québec a des grandes
entreprises, mais n'en a pas à profusion. Le Québec n'a pas de
fondations à profusion non plus et, à notre avis, l'entreprise
privée ne peut pas remplacer une politique des arts ou de la culture.
D'abord, parce que les fonds octroyés aux arts ou à la culture
vont être fluctuants selon la santé de l'économie. Les
budgets les premiers coupés par les entreprises sont les budgets de
dons, d'une part.
D'autre part, si on parle de recherche de commandite ou si on parle de
commandite par les entreprises, surtout les grandes, il faut savoir que ces
fonds-là viennent du budget publicitaire et qu'ils sont analysés
de la même façon qu'une annonce publicitaire placée dans un
journal ou dans une émission de télévision, et que, donc,
le commanditaire cherche l'impact maximum et que, donc, ça favorise les
grandes entreprises du domaine des arts et de la culture et non pas les
petites. Or, la majorité des entreprises dans le domaine des arts et de
la culture sont de petites entreprises. Donc, il nous semble important de
rappeler ce fait que le financement privé, oui, je pense qu'on peut le
développer, je pense qu'au Québec on l'a développé
au cours des 10 dernières années, mais il reste que ce n'est pas
une panacée.
Donc, pour terminer ce rapide tour d'horizon des points que nous
voulions faire ressortir dans notre mémoire, je pense que nous avons
essayé de montrer la nécessité d'une politique artistique
rigoureuse dans le contexte où on réfléchit à une
politique de développement culturel qui est beaucoup plus large. Et, si
on parle de politique artistique ou de politique des arts, à mon avis,
on parle d'excellence. On fait une différence entre création et
diffusion et on prend en compte le consommateur, surtout si on parle de
diffusion, et on prend en compte aussi le défi "managerial" auquel font
face les gestionnaires du domaine culturel.
M. le Président, c'était un résumé succinct
et rapide du mémoire.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup. Nous allons maintenant passer à Mme la ministre. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Colbert. Bonsoir, M.
Beaulac. Vous sortez d'un colloque international, cette fin de semaine-ci,
justement sur différentes politiques culturelles. Il y a des gens du
ministère d'ailleurs qui y sont allés et qui m'en ont
parlé avec grand éloge et grand bien. J'aimerais que vous nous
fassiez part, finalement, de certaines réflexions. On va revenir ensuite
au ministère, c'est-à-dire à votre analyse en ce qui
concerne le rapport Arpin et au mémoire, mais j'aimerais profiter de
vous un petit peu pour que vous nous fassiez part de certaines
réflexions au niveau, par exemple, des finalités d'une politique
culturelle. Et vous y touchez, aussi, dans votre mémoire. On a
développé énormément de programmes. Le
ministère a 30 ans, on a besoin de changement. Les analyses nous ont dit
aussi que ce qu'on fait là, en termes de fonctionnement, n'est plus
efficace ou moins adapté à ce qui se passe ou, si on veut,
à la réalité culturelle des années
quatre-vingt-dix. Donc, besoin de changement. De ce que vous avez entendu au
niveau international, comment se compare-ton, par exemple?
M. Beaulac (Mario): Bien écoutez, je ne prétends
pas pouvoir faire la synthèse de tout ce qui s'est dit durant ce
colloque-là.
Mme Frulla-Hébert: Non, on ne vous demande pas ça
non plus.
M. Beaulac: Mais ça a été un colloque qui a
été effectivement très intéressant et vous savez
qu'on a abordé quatre grands thèmes. On a discuté des
modèles d'intervention culturelle étatique, dans une
première table ronde, on a discuté de la question de l'offre et
de la demande de produits culturels, on a discuté de l'évaluation
et, enfin, du financement des arts et de la culture.
Par rapport aux finalités, pour répondre à votre
question, M. Rigaud, dans son exposé synthèse de clôture,
et j'étais d'accord avec lui, en autant que je peux avoir saisi
l'ensemble des discussions, a fait ressortir quatre finalités. La
première, sur laquelle il a mis l'accent, c'était le rôle
d'une politique culturelle dans l'épanouissement de la création.
Ça, il a beaucoup insisté là-dessus. La seconde,
c'était la nécessité de prendre en compte d'une
manière extrêmement rigoureuse la question du patrimoine dans le
cadre d'une politique culturelle pour des questions de nature identitaire qui
sont propres, enfin qui sont communes à des projets nationaux, quels
qu'ils soient. La troisième finalité, c'était la question
de l'accessibilité aux produits culturels. La quatrième - et
c'était très intéressant - c'était la question
d'une politique culturelle et artistique qui favorise le dialogue des cultures,
le dialogue des communautés culturelles à l'intérieur
d'une collectivité et le dialogue des cultures nationales. Et je pense
que ça résumait bien les principales finalités à
l'action culturelle qui ont été discutées durant le
colloque.
Mme Frulla-Hébert: Par rapport à ça,
maintenant, si on revient au rapport Arpin, le rapport Arpin qui a
été soumis, à un moment donné... Oui, il y a des
choses qui sont extrêmement positives, mais il y a certaines personnes
qui sont venues ici, certains groupes, plutôt, qui sont venus ici, devant
la commission, qui ont émis certaines réserves, réserves
qui n'apparaissaient pas au début, à la sortie, mais qui, bon,
tout à coup, valent la peine, quand même, qu'on s'y penche, en
disant que le rapport était peut-être un peu bureaucratique. On a
parlé aussi de réserves au niveau bureaucratique, donc
contrôle de l'État sur la création, la gestion. Est-ce que
vous avez senti ça, vous autres?
M. Colbert: Non. Moi, pour ma part, non; on n'a pas senti
ça. Notre position, à la chaire de gestion des arts, étant
un petit peu... pas au-dessus mais, enfin, à côté, on fait
peut-être une lecture un petit peu différente. J'ai l'impression
que les milieux culturels et artistiques ont exprimé une crainte, je
pense, peut-être plutôt qu'une réalité
exprimée dans le rapport Arpin. Parce que les artistes sont sensibles
à la liberté de création, ce qui est, je pense, normal
dans toute société. Mais nous, on n'a pas senti ce que vous venez
d'énoncer. (20 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Vous dites, à un moment
donné, que la politique des arts doit encourager l'excellence partout
où elle jaillit, même en région. Encore là, au
niveau du rapport Arpin, on a beaucoup parlé du rôle des
régions, effectivement un rôle important, et au lieu de parler de
Montréal de parler de Québec et des régions. De toute
façon, M. Turgeon, qui est
cosignataire du rapport Arpin, a vraiment exprimé le fait qu'on
ne parle pas des régions comme bloc monolithique mais, quelque part,
encore là, certains groupes l'ont interprété de cette
façon. Alors, parlons des 16 régions du Québec, une
métropole, une capitale.
Mais ceci dit, encore là, vous dites que, économiquement,
c'est impensable de prétendre, par exemple, créer des centres
d'excellence partout et dans chacune des régions, et dans toutes les
disciplines aussi à la fois. Il faut quand même aussi être
réaliste. Maintenant, par contre, il y en a qui nous ont
suggéré ou qui suggèrent la formation d'un conseil des
arts ou de conseils des arts régionaux aussi. Comme on est en train de
tout revoir au niveau des structures en général, qu'est-ce que
vous pensez de cette suggestion-là, par exemple?
M. Beaulac: Vous voulez savoir ce que j'en pense.
Mme Frulla-Hébert: En fait, d'une formation. Est-ce que
ça fonctionnerait bien? Vous savez, on n'est pas ici pour alourdir au
niveau des structures là. L'idée, c'est tout à fait
l'inverse, c'est-à-dire de dégager, de rafraîchir,
d'être plus flexibles dans la mesure où un gouvernement peut se
permettre d'être plus flexible en gérant des fonds publics. Donc,
il y a des suggestions qui ont dit: Bon, là, qu'on sorte du
ministère, qu'il y ait un conseil des arts, ou appelons-le comme on
veut, toujours avec l'espèce de politique du "arm's lenght" et aussi que
ça s'applique au niveau des régions. Une structure semblable,
est-ce que...
M. Beaulac: Par rapport aux régions, en tout cas, moi, ma
tête n'est pas faite par rapport à cette question des
régions. Quand je lisais le rapport Arpin, je n'étais pas tout
à fait convaincu que la typologie que le rapport Arpin dresse
(métropole, capitale, régions) était suffisamment
nuancée. Donc, on pourrait y revenir.
Par rapport à la question du conseil des arts, si on retient la
distinction que M. Colbert faisait tout à l'heure entre la culture comme
une dimension de la vie sociale versus la culture comme un secteur, je pourrais
tout à fait bien imaginer qu'une politique des arts, c'est-à-dire
une politique d'aide à la création et une politique de soutien
à la diffusion - parce que là il y aura des programmes qui seront
associés à ça, j'imagine - puisse être
gérée par un conseil des arts.
Maintenant, je reviens au colloque parce qu'on a beaucoup discuté
de cette question. Il semblait qu'il se dégageait une idée...
Évidemment, le colloque n'a pas tranché la question. La
proposition d'un ministère de la culture... Et il y a eu beaucoup de
critiques par rapport à de l'interventionnisme, à du dirigisme
possible et à des impositions par en haut.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, c'est de là que
ça venait.
M. Beaulac: Bon, par ailleurs, il y a plusieurs intervenants qui
ont fait valoir le fait qu'un ministère de la culture, surtout dans une
approche transversale ou horizontale, et un ministre de la culture avec un
leadership qui infiltre et qui diffuse à travers tout l'appareil, a un
pouvoir d'infléchir et d'initier une politique du développement
culturel qu'un conseil des arts n'a pas. Un conseil des arts, finalement,
ça peut tout à fait bien gérer une politique artistique,
mais ce n'est peut-être pas... En tout cas, au colloque, cela n'a pas
fait l'unanimité, mais c'est quand même ressorti très
clairement qu'un conseil des arts, ça n'a pas le leadership
nécessaire pour, dans un temps long, impulser, si vous me permettez
cette expression-là, une action culturelle durable.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, en
vertu de l'article 132, je reconnaîtrai M. le député de...
Non, c'est l'autre après. Je m'excuse. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. Beaulac, M. Colbert. M. Colbert, avant
votre arrivée, le président de la commission déjà
dénonçait un de vos ancêtres qui a occupé les
fonctions prestigieuses de premier ministre de Louis XIV, mais on ne reviendra
pas là-dessus. Oui, vous aviez un colloque fort intéressant.
D'ailleurs, un conseiller spécial à mon bureau y assistait et
m'en a fait un rapport passablement élogieux dans le sens que
c'était très dense en termes de contenu. Et j'ai toujours dit que
l'art était un lieu privilégié d'affrontement dans son
sens très positif et je pense que ça a été le cas.
Il y a eu des discussions assez vives, m'a-t-on rapporté.
Oui, il y a beaucoup de questions que j'aimerais vous poser, mais je
sais que le temps va nous limiter; donc, je vais être obligé de
faire une sélection. Vous dressez, aux pages 8 et 9 de votre
mémoire, un tableau qui m'apparaît assez juste de la
réalité, réalité qui est complexe, à
laquelle on est confronté, si on est gestionnaire en art, à
savoir le contexte de risque permanent et d'incertitude structurelle. Pour
plusieurs organismes culturels, c'est ce contexte qui explique les crises
cycliques budgétaires et non pas une mauvaise gestion, un peu comme
l'opinion publique semble vouloir l'accréditer. Donc, cette analyse,
moi, je la trouve tout à fait appropriée. Mais, selon vous, par
quel moyen on pourrait limiter les facteurs d'incertitude structurelle au
niveau du financement de leurs activités?
M. Colbert: Je pense qu'on ne pourra jamais, à mon avis,
créer des parachutes suffi-
sants pour régler toutes les situations. Je pense que c'est plus
une question, à mon avis, de politique et d'attitude. C'est
risqué. Et, comme dans le cas d'un nouveau produit manufacturier, on a
beau faire tous les tests qu'on veut, parfois ça marche, parfois
ça ne marche pas et le test ne nous le révèle pas.
Évidemment, et parallèlement à votre question, on peut se
dire: Oui, on pourrait peut-être avoir un budget qui soit mis de
côté pour justement donner un coup de main à des
entreprises qui, une année, de façon très conjoncturelle,
pas par mauvaise gestion, mais à cause de la conjoncture, ont des
problèmes. Mais ça pourrait peut-être entraîner le
fait que des organismes artistiques se fient là-dessus. C'est une
crainte, à mon avis, qui pourrait être justifiée.
Par ailleurs, je pense qu'on pourrait imaginer un certain nombre de
mécanismes. Sans avoir fait le tour de la question au complet, je pense
qu'une des dimensions importantes des entreprises dans le domaine artistique,
c'est qu'on n'a pas de fonds de réserve. Il y a eu, au cours des 30
dernières années, pour une raison ou pour une autre, une
perception de la part des gestionnaires et des directions artistiques que c'est
mal vu de faire des surplus parce que nos subventions vont être
coupées, par exemple. Donc, on vise l'équilibre
budgétaire. Et, de toute façon, comme on a de très maigres
ressources, on les investit en entier. Bon, une des solutions pourrait
être d'avoir des fonds de réserve, de permettre des fonds de
réserve, par exemple, ou d'obliger des fonds de réserve pour
chacune des entreprises, en cas de coup dur. Ça pourrait être une
solution. Mais je pense qu'on ne trouvera jamais de solution qui règle
tous les problèmes. C'est structurel. C'est un risque permanent. Il faut
être en mesure de faire la différence entre une mauvaise gestion
et le risque normal d'un marché qui est vraiment très
particulier. Et ça, c'est probablement une des questions les plus
difficiles, à mon avis, à résoudre lorsqu'on parle de
politique des arts.
M. Boulerice: Est-ce que le ministère des Affaires
culturelles, puisque c'est l'appellation actuelle, dispose, au moment où
on dialogue, des outils qui lui permettent d'aspirer concrètement
à exercer ce leadership, leadership rassembleur - j'emploie le mot que
vous employez - que tous lui souhaitent, et est-ce qu'on peut parler
véritablement de leadership de ce ministère s'il n'a aucune
emprise sur le secteur des communications?
M. Colbert: Bien, à notre avis, si on parle d'une
politique de développement culturel, il devrait pouvoir avoir une
emprise non seulement sur les communications, mais aussi sur d'autres
ministères. Parce que, quand on parle de développement culturel,
l'éducation est une pierre d'assise importante. Toutes les études
à travers le monde démontrent que les futurs consommateurs sont
dans les écoles présentement et que, lorsque des enfants sont
exposés en bas âge à un art ou à des arts, les
chances qu'ils s'y intéressent plus tard dans la vie comme adultes sont
significativement plus grandes que lorsqu'ils n'ont pas été
confrontés à ces produits-là. Donc, si on parlait d'un
ministère de la culture, ça impliquerait probablement - il
faudrait voir, je ne suis pas juriste - une loi spéciale qui permette
à un ministère des Affaires culturelles ou de la culture d'avoir,
pas une certaine emprise, mais, enfin, un certain mot à dire sur un
certain nombre d'interventions d'autres ministères, dont les
Communications, effectivement.
Par ailleurs, quand on parle de communications, au colloque aussi -
peut-être que Mario pourra en parler un peu plus - certains intervenants
ont souligné que, par exemple, la culture doit être transcendante
a des émissions de télévision. C'est une chose d'avoir une
télévision d'État qui programme des émissions de
type culturel, mais on peut parler de culture ailleurs. On peut parler de
culture dans les bulletins de nouvelles; ça peut être
transcendant. À mon avis, si on parie de communications à ce
moment-là, surtout si on parle de communications télé,
parce que ça rejoint beaucoup de monde, je pense qu'il faut prendre
cette dimension-là en ligne de compte.
M. Boulerice: Quand vous proposez une politique des arts, vous
dites qu'elle doit favoriser, comme objectif fondamental, le soutien à
l'excellence, tout en étant conscients, forcément, que ça
va soulever certaines sensibilités de la part des régions.
D'ailleurs, aucune des régions ne s'est gênée - je n'aurais
pas vu la raison pour laquelle elles ne l'auraient pas fait - de faire part de
cette sensibilité et de cette susceptibilité. Vous recommandez,
vous, mais très clairement, de mettre fin au saupoudrage.
La question que je vous pose, je crois que vous l'avez devinée
immédiatement: Est-ce que vous êtes conscients que, pour bon
nombre d'organismes culturels en région, la subvention, même
minime et modeste, joue un rôle primordial?
M. Beaulac: Est-ce que nous sommes conscients de ça? Oui,
bien sûr. Qui doit supporter un organisme culturel en région et
poursuivant quel objectif? En tout cas, notre mémoire était
très clair. Moi, je crois que, dans une politique des arts où on
veut supporter la création et l'excellence, j'opterais radicalement pour
les organismes qui sont jugés - il faudrait voir de quelle
manière on le fait - par les pairs ou autrement comme correspondant aux
critères. Nous avons mis de l'avant des critères d'excellence et,
dans mon esprit, c'est très clair, qu'ils correspondent à ces
critères-là. Je crois que ces critères d'excellence
peuvent être... Je crois que
des organismes culturels en région peuvent tout à fait se
qualifier selon ces critères-là. Je suis conscient, par ailleurs,
que peut-être le fait d'être isolé ou le fait d'être
en périphérie et le fait de ne pas avoir accès à de
larges marchés peuvent hypothéquer un organisme culturel ou un
créateur, mais je ne vois pas comment on peut faire une politique du
deux poids, deux mesures.
Le Président (M. Gobé): Alors...
M. Colbert: C'est que dans le mémoire aussi, si je peux me
permettre...
Le Président (M. Gobé): Oui, en terminant, s'il
vous plaît, parce que le temps, malheureusement, est
réglementé.
M. Colbert: ...on parle aussi d'une politique de
développement culturel. En ce sens-là, il y a, à notre
avis, toute une série d'actions en région qui se font et qui sont
importantes. C'est la raison pour laquelle dans notre mémoire on parle
des deux. Dans notre esprit, en tout cas, l'une ne peut pas aller sans l'autre.
Si on dit qu'une politique des arts, c'est telle chose et c'est clair, et une
politique de développement culturel, c'est telle chose et c'est clair,
je pense que les régions vont être bien servies, les
créateurs vont être bien servis, tout le monde va être bien
servi.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Colbert.
M. le député de...
M. Godin: Mercier.
Le Président (M. Gobé): ...Mercier, vous aviez une
courte question, m'avez-vous fait signe?
M. Godin: Elle peut être longue, est-ce qu'il reste un peu
de temps?
Le Président (M. Gobé): Non, il ne reste plus de
temps, malheureusement. Mais, si elle est courte, on va vous laisser la poser
pareil.
M. Godin: À chaque fois, ça arrive comme ça.
C'est mon collègue qui est trop vorace. "Jaws number 4", c'est lui.
Le Président (M. Gobé): Vous remarquez que le
président a essayé de l'avertir à quelques reprises...
M. Godin: Bien oui.
Le Président (M. Gobé): ...afin de vous passer la
parole. On va vous passer la parole pareil.
M. Godin: D'ailleurs, je vous en remercie.
MM. les économistes ou professeurs d'économie, peut-on
envisager une opération au plan de la fiscalité pour que les
entreprises aient un intérêt réel et palpable, s! je puis
dire, en espèces sonnantes et trébuchantes, d'investir dans les
arts ou dans la formation d'artistes pour leur entreprise à eux,
puisqu'on leur donne des déductions d'impôt en cas de formation
technique? Ne pourrions-nous pas - enfin, si j'étais avec le ministre
des Finances, je poserais la question à ses conseillers - envisager
également des déductions d'impôt plus significatives et
alléchantes pour l'entreprise qui met au point un programme ou de
formation ou de donation à des institutions culturelles de sa
région pour que, précisément, les fonds proviennent
d'autres sources que du ministère? D'ailleurs, je constate que la
ministre est habillée en robe de bure pour bien montrer qu'elle
était au bord de l'ordre des frères mendiants.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
Colbert, avez-vous une réponse aux interrogations...
M. Godin: C'est ma question, monsieur.
Mme Frulla-Hébert: Je fais vraiment pitié, il
manque le voile.
Le Président (M. Gobé): ...de M. le
député de Mercier?
M. Colbert: Oui, je...
Le Président (M. Gobé): Non pas sur la bure de
madame, mais sur la fiscalité.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Colbert: Évidemment, je pense que oui.
Évidemment, dans le passé, il y a des formes d'exemptions
fiscales qui ont été proposées. Il y en a qui ont
été, dans le domaine du film, notamment, tentées. Votre
collègue, député et ministre des Finances, je ne suis pas
certain qu'il ne voudrait pas dire son mot, parce que, effectivement, quand on
donne des déductions fiscales, ce sont des rentrées de moins au
gouvernement, mais je pense qu'il y a là une piste qui pourrait
être envisagée, étudiée.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Colbert. Merci,
M. le député de Mercier. Mme la ministre...
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): ...pour ne pas dire ma
révérende ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ha, ha, ha! J'aime ça! Merci, M.
le Colbert, M. Beaulac. Il y aurait une foule de choses, on aurait pu continuer
la discussion; de toute façon, on va la continuer plus tard. Je vous
remercie beaucoup de votre participation. J'ai l'impression qu'on a juste
effleuré le sujet, mais on va continuer la discussion au niveau du
saupoudrage, au niveau de... Parce que, là, il faut quand même
aussi parler de gestion, veux veux pas. Alors, merci beaucoup de votre
"rapport".
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Colbert, M. Beaulac, au nom des membres de cette commission, je tiens à
vous remercier. Soyez assurés que nous avons pris bonne note de votre
mémoire et de vos recommandations, et nous vous remercions de votre
participation. Ceci met fin à votre audition, vous pouvez maintenant
vous retirer.
Je vais maintenant appeler les représentants de la ville de
Sept-îles et leur demander de bien vouloir venir prendre place en avant
de cette table.
Je vais suspendre une minute, le temps que vous vous installiez.
Peut-être que Mme la ministre va aller remercier ou saluer les gens de
l'École des hautes études commerciales.
(Suspension de la séance à 20 h 49)
(Reprise à 20 h 50)
Le Président (M. Gobé): Alors, nous allons
maintenant reprendre nos auditions et il me fait plaisir d'accueillir les
représentants de la ville de Sept-îles qui sont, si j'en crois la
feuille que j'ai devant moi, M. le maire Jean-Marc Dion...
M. Dion (Jean-Marc): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Dion. Bienvenue
parmi nous. Et M. Jacques Sauvageau, directeur du Service municipal des loisirs
et de la culture de ladite municipalité, bien entendu. Alors, bonsoir,
M. Sauvageau.
M. Sauvageau (Jacques): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): II me fait plaisir de vous
accueillir. Vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez une
quinzaine de minutes. Je répète que vous n'êtes pas
obligés de l'utiliser complètement; ce temps est, à ce
moment-là, réparti entre les différents intervenants,
dépendant du nombre de questions qui se posent. Alors, vous avez la
parole.
Ville de Sept-îles
M. Dion: Très bien. Merci beaucoup, M. le
Président. La ville de Sept-îles est heureuse de saisir cette
opportunité pour présenter un mémoire à la
commission de la culture. Nous désirons profiter de cette occasion pour
vous sensibiliser sur l'intérêt historique et les efforts que la
ville de Sept-îles a toujours faits pour le développement culturel
et également vous sensibiliser aux problèmes auxquels est
confrontée une municipalité comme la nôtre. Enfin, nous
désirons essayer de trouver des voies de solution réalistes,
concrètes et adaptées afin d'assurer l'épanouissement de
nos citoyens et citoyennes en matière de culture et participer à
l'avenir du développement de la culture et des arts en
général.
Nous ne pouvons passer sous silence notre appréciation de la
qualité et de la profondeur de la réflexion du groupe-conseil et
nous tenons à préciser la qualité de la photographie de la
situation culturelle au Québec en 1991, aussi bien que la
créativité dans la recherche de solutions dont a fait preuve
votre comité. Il est donc important de préciser que nous faisons
nôtre une grande partie des éléments du constat aussi bien
que de nombreuses recommandations.
De toutes les études et observations qui ont été
faites sur les municipalités de la Côte-Nord, on peut
préciser certains facteurs déterminants qui ont
façonné le développement de nos municipalités et
qui contribuent à orienter leur avenir. Les principaux sont les
suivants: l'éloignement géographique des municipalités
entre elles et l'éloignement des grands centres; l'isolement des centres
de décision gouvernementale; la structure économique
centrée presque exclusivement sur l'industrie du fer et du bois; la
quasi-inexistence d'institutions qui, normalement, participent au rayonnement
de la culture et des arts.
Ces facteurs conjugués ont eu des conséquences très
importantes sur la façon dont les municipalités de la
Côte-Nord se sont développées. Cela se traduit aussi par le
fait notamment que notre population a un taux de scolarisation moins
élevé qu'ailleurs et que nous sommes la seule région
administrative du Québec qui ne possède pas de campus
universitaire. Toute l'organisation du loisir et de la culture repose sur la
municipalité. Peu d'entreprises privées en loisir, pas de grands
centres ou institutions gouvernementales, peu d'équipement culturel, pas
d'université, de séminaire, de conservatoire, presque pas de
tournées. Tout est plus coûteux à organiser et,
phénomène dû aux facteurs cités plus haut, le volume
des demandes et des besoins est plus grand qu'ailleurs.
Heureusement, de récentes implications gouvernementales majeures
permettront à très court terme de doter Sept-îles d'une
salle de spectacle propice à la diffusion d'activités
culturelles, tant professionnelles que régionales et locales
également. À ce chapitre, nous profitons évidemment de
l'occasion pour remercier une fois de plus Mme la ministre Liza
Frulla-Hébert pour la participation majeure et essentielle du
ministère au
projet de la salle de spectacle actuellement en chantier.
Malgré l'émergence récente de la ville de
Sept-îles, la préoccupation culturelle a toujours
été présente tout au long des années. La ville
s'associait à des individus et à des associations pour promouvoir
le développement des arts et de la culture. Ce tissu de collaborations
et de soutiens résulte en 1991 en une très grande présence
de la ville dans le domaine des arts d'interprétation par la
gratuité des locaux et d'autres soutiens techniques, logistiques et
financiers à six organismes; par un soutien à la diffusion
grâce à une aide financière et logistique au comité
de spectacle, théâtre d'été; par le soutien
financier à l'aide à la diffusion sur des sites fortement
fréquentés en période estivale; par un soutien logistique
et financier à des événements majeurs; par un soutien
logistique et financier au Salon du livre; par une politique d'aide lors du
lancement d'un livre d'un auteur de la région; par un très grand
effort également financier de la ville en regard du soutien à sa
bibliothèque (700 000 $ par année), avec une dépense de
plus de 25 $ per capita, ce qui se situe très au-delà de la
moyenne provinciale; par un soutien financier de l'ordre de 80 000 $ par
année pour les opérations régulières du
Musée régional de la Côte-Nord et par un soutien financier
de plus de 25 000 $ par année pour les opérations '
régulières du Vieux-Poste, en plus d'un soutien additionnel
variable au chapitre des immobilisations, des réparations majeures pour
les deux sites préalablement cités, soit 25 000 $ en 1990; par un
soutien financier particulier pour certains projets spéciaux: 52 000 $
en 1990 pour la constitution d'une exposition itinérante sur Clarke
City; 5000 $ en 1991 pour l'opération saisonnière d'une
exposition itinérante; par le développement de la collection
Histoire locale et régionale; par la participation financière de
33 000 $ à un projet de recherche sur la Côte-Nord et par la
reconnaissance comme site d'intérêt historique du phare de
l'île Corossol; par l'acquisition de fonds de documentation de la
Côte-Nord et par un soutien à la Société historique
du Golfe.
Domaine des équipements culturels. À même notre parc
immobilier, de nombreux plateaux spécifiquement conçus pour la
pratique d'activités culturelles sont mis à la disposition des
individus, des organismes, des institutions scolaires, et ce, gratuitement dans
la plupart des cas. S'il est vrai que les dépenses culturelles des
municipalités du Québec s'élèvent à 200 000
000 $, ce qui représente un per capita de 29,40 $, la ville de
Sept-îles, pour sa part, fait un effort double en assumant des
dépenses de près de 60 $ per capita. On le voit donc, l'effort
n'est pas plus grand qu'ailleurs, H est énorme.
Quoi qu'il advienne du nouveau partage des responsabilités et des
nouvelles modalités de soutien de l'État envers la culture, la
première recommandation de la ville de Sept-îles est la suivante:
Que dans l'élaboration de tout nouveau partage de responsabilités
entre l'État et le niveau municipal, autant que dans la révision
ou l'élaboration de nouveaux programmes, l'effort réel global
d'une municipalité soit pris en considération et constitue un
facteur important d'analyse.
Jacques.
M. Sauvageau: Le retrait éventuel du ministère des
Affaires culturelles de certains secteurs dont le loisir culturel que sous-tend
la recommandation 5 nous apparaît un net recul principalement pour les
régions périphériques et excentriques. L'impact que
pourrait avoir l'application de cette recommandation s'avérerait
très néfaste pour des organismes culturels de Sept-îles et
également pour la région tout entière. Citons notamment
les secteurs de l'enseignement musical, de la danse et du
théâtre.
Il ne faut pas négliger le fait que certains soutiens financiers
conjugués à d'autres interventions de partenaires et l'apport
important du bénévolat créent un effet de synergie
qu'aucun programme d'éducation populaire, de promotion et de
sensibilisation ou quelque autre campagne n'arrivera à égaler en
termes d'efficience: 10 000 $ de l'État consacrés à
l'École de musique permettent d'aider la formation musicale d'environ
200 jeunes pendant toute une année.
À cet égard, nous formulons trois recommandations: Que le
ministère mette sur pied un programme spécial de subvention
à l'intention des régions visant à soutenir
financièrement les organismes qui ont une forte influence
régionale et locale dans le cadre de vie culturelle spécifique du
milieu et qui, notamment, peuvent jouer un rôle clé pour
conscientiser la population locale et régionale au fait culturel,
participer au développement du marché, former une certaine
relève et des émergents, pour reprendre un terme du rapport,
favoriser l'accessibilité et la pratique de certaines formes
d'activités culturelles et, enfin, regrouper les forces du milieu dans
une discipline particulière.
Que ce programme de subvention soit adapté à chaque
région en tenant compte des problématiques particulières
de cette région et qu'il cadre dans un plan d'action global et dans des
stratégies régionales de développement établis en
collaboration avec les partenaires.
Et, enfin, que le ministère envisage un mode d'affiliation
à une institution nationale ou à une école
professionnelle, notamment pour le théâtre, la danse - on entend
par là le ballet classique, le ballet-jazz et même la danse
folklorique - ainsi que la musique de façon à s'assurer à
la fois d'un encadrement de qualité et de favoriser le soutien, les
transferts d'expertise et certains services de la part de ces institutions
nationales, dont, entre autres, la formation
continue.
Vues de loin ces petites écoles disséminées sur le
territoire québécois peuvent paraître gaspillage et
saupoudrage ou encore du loisir culturel, mais, en réalité, ne
devrait-on pas envisager plutôt ces manifestations comme des indices
qu'il y a là un besoin et un marché? Comme le constatait la firme
Samson, Bélair, Deloitte & Touche, "il existe un non-public
important au Québec". Selon nous, en saupoudrant au bon endroit, on
pourrait probablement mieux développer le marché et
atténuer l'asymétrie dont parle le rapport. (21 heures)
C'est à l'égard de la vision du territoire du
Québec et de la tendance à vouloir, pour fins de
commodité, simplifier la réalité, la diversité et
la complexité du contexte culturel québécois à un
jeu d'ensembles et de pôles que nous avons le plus d'inquiétudes.
Une telle vision géographique ne pourrait qu'accentuer la mise en place
de normes et de programmes inadéquats, inadaptés, qui, se voulant
des leviers de développement, se transforment en irritants, en
contraintes, en frustrations qui accentuent le sentiment d'isolement des
centres de décision.
Outre la timide recommandation 52 du rapport, nous ne sentons aucune
orientation, aucun indice nous permettant d'entrevoir le développement
et la stimulation du dynamisme et des spécificités
régionales, non plus qu'aucune recommandation relativement à
l'atténuation de l'asymétrie culturelle, ni non plus de
stratégie de développement du marché du non-public, ni non
plus de stratégie visant l'augmentation de la pratique
d'activités culturelles. Tout semble "focusser" vers la consommation
passive.
Nous ne partageons pas, non plus, sans nuance l'affirmation que
Montréal est le creuset de l'avenir culturel du Québec. Ce serait
reconnaître que l'avenir culturel du Québec ne se fera pas aussi
en région. La culture québécoise, c'est aussi la
potière de la Beauce, le peintre de Charlevoix, le poète qui a de
l'eau salée dans les veines, le gigueux de Victoriaville, le sculpteur
de Saint-Jean-Port-Joli, le chanteur amérindien, et l'Harmonie
Jean-du-Nord gagnant un prix canadien.
De façon à stimuler et développer des
activités culturelles spécifiques, d'accents différents,
et à permettre l'expression de la vitalité de certaines
disciplines dont le foyer principal ne se situe pas dans la métropole,
nous recommandons, comme le faisait le rapport Samson, Bélair, la
création dans chaque région d'un fonds régional pour le
développement et que la ventilation et la répartition se fassent
en concertation avec les municipalités et les milieux culturels.
Également que Radio-Québec soit incitée à concevoir
des programmations mettant en évidence les productions régionales
et l'expression de la vitalité et de la diversité des facettes de
la culture québécoise en région.
Le Président (M. Gobé): Votre temps est maintenant
dépassé. Si vous vouliez peut-être conclure rapidement,
afin que nous puissions commencer la discussion. De toute façon, comme
je l'ai mentionné précédemment, les membres de la
commission prennent connaissance de tous les mémoires. Peut-être
que nous pourrions favoriser maintenant la discussion et le débat.
M. Sauvageau: Peut-être, en conclusion,
répéter que...
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, allez-y.
M. Sauvageau:... le sens principal des dernières
recommandations ou du dernier chapitre que nous n'avons pas traité
était à l'effet, effectivement, dans le principe d'un
"partnership", que les éventuelles discussions sur le partage des
responsabilités avec le milieu municipal devraient se faire en
respectant le fait que les municipalités interviennent de façon
très asymétrique un peu partout sur le territoire
québécois et qu'il serait important de toujours garder à
l'esprit de tenter de garder l'intérêt du milieu municipal qui
existe, dans de nombreux cas, à l'égard du soutien à la
culture.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Merci, M.
Sauvageau. Finalement, quand je vous ai vus tantôt, ça me rappelle
ma tournée aussi, ma visite chez vous, justement, pour annoncer cette
salle de spectacle. Ça me rappelle aussi la façon dont on a
brassé la cage à un autre intervenant qui retardait à
mettre sa mise.
Ceci dit, je veux revenir un peu à ce que vous disiez
tantôt et, ensuite de ça, je vais passer la parole à mon
collègue. Vous dites: Les municipalités interviennent de
façon asymétrique. On en a parlé, je pense, ensemble. Vous
dites: Bon, ce serait bon de créer des fonds régionaux. Dans
l'esprit du rapport Coupet, les fonds régionaux, c'était le
provincial, le municipal et le privé ensemble ou, enfin, une
création d'un genre de fonds géré par les instances
locales ou ensemble, mais c'était une participation quand même
tripartite. Si les municipalités interviennent de façon
asymétrique - on a eu une bonne discussion cet après-midi,
justement, avec le maire de Mont-Laurier - comment fait-on, dans la
création de fonds régionaux, pour forcer d'autres
municipalités qui bénéficient des infrastructures mais qui
ne participent pas ou qui sont un peu parasites des villes participantes,
comment fait-on pour forcer ces municipalités à participer aux
fonds régionaux?
M. Dion: Quand vous faites la distribution annuelle de l'argent
au point de vue culturel, je pense que vous exigez de chaque
municipalité le
détail de leurs opérations, de ce qu'elles ont fait de
concret pendant l'année et c'est justement cela. S'il y a certaines
municipalités qui sont hésitantes, qui demandent mais qui ne
produisent pas, je pense qu'à ce moment-là vous avez une bonne
raison de ne pas être, je dirais, compatissante ou bien encore
généreuse vis-à-vis ces municipalités-là. Je
pense qu'à ce moment-ià chacune des municipalités devra
faire son effort de façon à produire et à justifier
l'argent qu'elle reçoit. S'il n'y a pas d'effort, je suis parfaitement
d'accord à ce que les fonds soient coupés.
Mme Frulla-Hébert: Le problème, par exemple, c'est
que, si on coupe les fonds, en bout de ligne, ceux qui en souffrent, c'est
souvent les milieux aussi.
M. Dion: Mais, parfois, la souffrance donne de
l'énergie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: On connaît ça, oui, merci.
Je veux revenir, avant de passer la parole, et seulement faire une
précision, par exemple, au niveau du loisir culturel. Vous savez que le
loisir culturel - parce que vous en avez touché un mot dans votre
mémoire - n'appartient pas au ministère des Affaires culturelles;
il a été transféré, en 1977, avec budget, au niveau
du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Alors, nous,
on ne s'occupe que du côté professionnel.
Maintenant, je sais que, dans les régions qui sont plus
éloignées, l'amateurisme se définit de façon
très différente que dans des grands centres ou dans les
régions qui bénéficient peut-être, ou qui sont plus
près des grands centres.
M. Sauvageau: Effectivement, on souligne ce
phénomène-là et on indique déjà, à
notre lecture du rapport, certaines inquiétudes sur des disparitions
éventuelles du soutien que le ministère des Affaires culturelles
fait au niveau de certaines des écoles que l'on connaît en
région, avec lesquelles on travaille en région, qui sont,
peut-être sur une certaine ligne de démarcation entre le loisir
culturel, comme vous le soulignez, et un certain professionnalisme.
Nous, on voit ça dans la facette que c'est une bonne occasion de
développer le marché et d'aider justement une conscientisation.
Et l'effet de synergie, comme on le soulignait, de la part de villes, de la
part de bénévoles, de la part du ministère actuellement,
amène un certain développement qui, autrement, ne se ferait
probablement pas du tout. C'est un facteur qui n'est peut-être pas le
même dans les grands centres, effectivement, mais c'est peut-être
une des facettes, un des programmes que l'on penserait adapté aux
régions sans nécessairement être adapté au milieu
montréalais ou au milieu de
Québec. Maintenant, je ne pense pas que, dans notre vision des
choses, les programmes qui pourraient s'appliquer en région doivent
systématiquement s'appliquer sur tout le territoire
québécois. Il y a effectivement de très grandes
différenciations entre les grands milieux urbanisés et certaines
régions excentriques.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Richelieu, il vous reste cinq, six minutes.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
j'aimerais vous féliciter pour votre dynamisme. Vous rayonnez sur tout
l'ensemble de la Côte-Nord. Et votre mémoire nous amène des
points très intéressants sur lesquels j'aimerais vous poser
quelques questions d'éclaircissement. Vous mentionnez des solutions, des
pistes de solution intéressantes quand vous parlez de partage des
responsabilités, quand vous pariez de programme spécial de
subvention, quand vous pariez d'un fonds régional, quand vous pariez de
l'implication des institutions nationales. J'aimerais, en quelques mots, que
vous nous expliquiez au niveau des programmes spéciaux de subvention
à l'intention de régions bien spécifiques, est-ce que,
dans votre évaluation personnelle, ce sont des programmes normes, des
programmes discrétionnaires? Si c'est discrétionnaire, c'est par
la municipalité, par les institutions locales, par le ministère?
C'est quoi, le rôle du ministère par rapport à ça?
Si vous vouliez nous dresser un tableau rapide.
M. Dion: Les programmes discrétionnaires sont très,
très, très restreints. Je pense bien qu'ils n'existent pas.
M. Khelfa: Oui, ils n'existent pas ou presque.
M. Dion: Mais pour les programmes normaux, je demanderai à
Jacques, c'est lui qui contrôle un petit peu les fonds. Alors, je pense
qu'il serait à même, au point de vue bibliothèque, au point
de vue culturel, en général, de nous expliquer là-dessus
qu'est-ce qu'on reçoit.
M. Khelfa: Non, non, mais au niveau de votre
présentation...
M. Dion: Du concept? M. Khelfa: Oui, d'accord. M. Dion:
Jacques.
M. Sauvageau: Disons qu'on n'est pas allé très
loin, parce que je pense que c'est une discussion que tes différents
intervenants, les différents partenaires auraient à faire pour
l'analyse du partage des responsabilités. Mais ce
qui nous apparaîtrait une voie à regarder, c'est à
la fois une série de programmes qui pourraient être mis sur pied
par le ministère, qui sont des programmes avec des normes assez faciles,
assez applicables un petit peu partout, soit dans des champs d'activité
spécifiques, soit dans l'ensemble du territoire québécois,
lorsque c'est des programmes où on se rend compte que l'efficience, au
bout, amène des résultats voulus.
Dans d'autres cas, quand on parle de situations de régions ou de
particularités que vivent les milieux très urbanisés, il y
a peut-être là à développer des possibilités
de faire des ententes particulières entre partenaires. Et c'est
peut-être dans les deux volets qu'il faut regarder un "partnership".
C'est-à-dire que...
M. Khelfa: Dans un cas pareil, c'est qui, le maître
d'oeuvre des programmes, dans votre esprit à vous?
M. Sauvageau: Selon nous, c'est le ministère qui devrait
initier les programmes, les incitatifs de collaboration.
M. Khelfa: Et il demeure le maître d'oeuvre de la
réalisation du programme. Quant à vous, comme partenaires, vous
êtes partenaires à la réalisation.
M. Sauvageau: Écoutez, je pense que ça peut
être très variable. Les niveaux d'intervention, autant des
municipalités que du gouvernement, sont différents d'un dossier
à l'autre. Quand on parle de gestion d'équipement, quand on parle
de programmes incitatifs à la stimulation de la création, quand
on parle de production, on ne peut pas penser que les municipalités vont
s'impliquer de la même façon dans tout ça. Je pense que
c'est un peu la même chose du côté du ministère. Il y
a des niveaux d'intervention qui peuvent varier, dépendant du type de
soutien qui est attendu. Les municipalités peuvent intervenir en termes
de soutien, en termes de subventions ou d'utilisation d'équipement dans
certains cas. Mais je ne pense pas qu'elles y vont nécessairement de la
même façon dans l'aide à la production d'une troupe
spécialisée.
M. Khelfa: Vous me corrigerez si j'ai mal compris. Si je
comprends bien, la municipalité, dans votre esprit, devient le
partenaire privilégié pour réaliser, sur son territoire,
la création d'un fonds régional, la création des
infrastructures culturelles, bien sûr en collaboration étroite et
directe avec le MAC, avec le ministère.
M. Dion: Oui. Et le bureau régional. M. Khelfa: Et
le bureau régional. M. Dion: C'est ça, oui.
Le Président (M. Gobé): C'est bien? Alors, Mme la
ministre a quelques réflexions encore? Il vous reste quelques
minutes.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Dans l'ensemble, j'aimerais aussi
que l'on parie des... Quand vous parlez d'un programme spécial de
subvention pour les régions, encore une fois, est-ce que, parce que ce
sont des régions éloignées, il faudrait mettre un
programme spécial pour ces régions-là et un programme
modulé, disons, pour les différentes régions?
M. Dion: Les mots "programme spécial", je pourrais
peut-être vous citer un cas. L'école de musique, par exemple. Nous
avons, évidemment, des professeurs à Sept-îles qui peuvent
être accrédités dans une certaine mesure. Par contre, cela
prend parfois un professeur qui vient soit de Québec, soit de
Montréal, mais ces professeurs nous permettent également d'avoir
un lien avec l'Université Laval et d'obtenir certains brevets
censurés par l'Université Laval. Alors, à ce
moment-là, la ville soutient cette institution qui est l'école de
musique. C'est du spécial qu'on apporte et on approuve cela. Alors,
quand on parle de programmes spéciaux, ça serait peut-être
un ajout à ce qui se fait, mais qui n'est pas normalisé à
travers la province. C'est un exemple. (21 h 15)
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Une dernière question.
Vous faites des suggestions intéressantes sur les types d'interventions
que pourraient faire des institutions nationales. Cet après-midi, juste
avant le souper, le Musée des beaux-arts est venu déposer un
mémoire. Eux se disent - d'ailleurs, ils ont un programme de diffusion;
c'est un exemple d'institution - prêts, ils le font déjà,
à travailler en collaboration avec divers organismes régionaux -
dans leur cas, c'est avec d'autres musées - pour aider à la
diffusion. Est-ce que c'est dans... Finalement, votre suggestion, est-ce
qu'elle va un peu dans cet...
M. Dion: Dans cette veine-là? Oui.
M. Sauvageau: Oui, effectivement. Je pense qu'il y a possiblement
des niveaux de collaboration qui peuvent permettre aux institutions nationales,
tout en venant en région afin de montrer des productions ou des
expositions, d'aller plus loin et permettre également des
échanges et des transferts d'expertise au niveau des intervenants
régionaux. C'est dans ce sens-là, effectivement...
Mme Frulla-Hébert: Donc, c'est au niveau des
échanges.
M. Sauvageau: ...que l'on fait les recommandations.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Parfait.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, je
demanderai le consentement des membres afin de reconnaître, en vertu de
[article 132, notre collègue, le député de
Sept-Îles, qui nous fait le plaisir d'être avec nous ce soir
à cette commission. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M.le maire, M. le directeur des
services culturels, d'une part, je pense que je dois saluer l'ampleur de
l'implication financière de votre municipalité dans le
développement culturel. Je pourrais d'ailleurs fournir des chiffres
très éloquents au niveau des bibliothèques pour
démontrer à quel point la ville de Sept-Îles a à
coeur cet élément fort important de la culture.
Oui, je vous sais fort préoccupé, M. le maire. Je sais
même que votre fils aussi s'implique énormément dans le
domaine culturel à Sept-îles. M. Sauvageau, vous avez, je crois,
touché le fond du problème par votre recommandation 6. Au moment
où, au nom de l'unité canadienne, j'ai droit à 60
secondes, au téléjournal de Radio-Canada, pour le dernier chien
qui s'est fait écraser dans les rues de Moose Jaw, j'aimerais bien qu'il
y ait une télévision qui me parle du Festival-Lien de
Sept-îles. Malheureusement, ce n'est pas une réalité que
nous vivons. Vous êtes allés, je crois, au fond des choses en
disant que nous n'atteindrons pas le but que nous nous fixons dans
l'élaboration d'une politique si, d'une part, nous n'avons pas ce moyen
de faire connaître le Québec des régions, qui est
très important.
Je me permettrai une très brève question, M. le maire,
puisque, après, je passerai la parole à mon collègue et
ami, le député de Duplessis. Nul ne connaît mieux votre
région que lui, entre parenthèses. Alors, la question que je vous
poserai, c'est: Vous avez parlé, ça, c'était à la
recommandation 5, d'un fonds régional pour le développement;
est-ce que vous pourriez brièvement me le préciser? Ça
vient d'où, ça?
M. Dion: En parlant de fonds régional, moi, je peux vous
assurer que je me lie et je me rallie toujours à notre bureau
régional de Baie-Comeau. C'est la meilleure façon, je pense,
d'avoir une bonne communication et d'avoir de bons résultats. Quand je
parle de fonds régional, je ne parle pas d'avoir un 100 000 $, un 150
000 $ à la ville de Sept-îles. Régionalement, nous
pourrions composer et redistribuer cela, et il n'y a pas de meilleur endroit
que notre bureau régional, soit dit en passant, qui fonctionne
très bien et avec lequel nous nous entendons très bien. C'est
peut-être là la source, ce serait le coeur de distribution. Ce
fonds-là, comme je disais tout à l'heure, pour la culture,
peut-être pour un certain moment, à un endroit donné
où, les fonds manquent, pourrait intervenir. Pas plus tard qu'il y a
deux, trois semaines, nous avons accueilli la troupe de ballet les jeunes
ballets québécois. Ils sont restés quatre, cinq jours
à donner des cliniques. Ça, c'est bénéfique,
ça, c'est bienfaisant pour une région. Ç'a
été toute une découverte et également une semence
au point de vue culturel. D'autres vont penser uniquement au point de vue
sportif, le patin et le ski, mais l'autre côté est très
important et, en ce qui me concerne, je serais prêt à faire le
partage 50-50. Je ne me ferai peut-être pas aimer, mais quand même
je pense que la santé, c'est l'équilibre justement dans tous ces
éléments-là, et culturels et sportifs. Ce fonds
régional là serait peut-être pour venir en aide, consolider
certains coins du département de la culture qui sont peut-être en
souffrance. Je ne sais pas si Jacques peut compléter.
M. Sauvageau: II y a effectivement, dans ce qui avait
été souligné un peu plus tôt, la question d'un fonds
régional composé, comme le suggérait le rapport Samson,
Bélair, d'un triumvirat, mais, fondamentalement, la mission qu'on lui
voit, à ce fonds-là, outre un certain nombre de programmes de
subvention qu'on connaît ou qui pourraient peut-être continuer
d'exister, qui sont assez facilement applicables parce que bien normes... On va
revenir à l'exemple d'une biliothèque. Dans le domaine des
bibliothèques, le ministère actuellement supporte les
municipalités sur deux volets, sauf que des particularités qu'on
vit, de ne pas avoir d'université, de compenser pour les quelque 350
adultes qui viennent cogner à notre porte, qui veulent de la
documentation qu'on acquiert par notre fonds d'acquisition de volumes au
détriment de l'ensemble de notre collection ou en plus de l'ensemble de
notre collection, ça ne peut pas être interprété
dans une norme normale. C'est une particularité que ne vit que la
Côte-Nord. Donc, ce sont des genres de choses qu'un fonds
régional, en plus des programmes ordinaires, pourrait peut-être
permettre de régler par le biais de l'analyse du
sous-développement ou de particularités que vivent certains
milieux.
Pour les institutions dont on parlait tout à l'heure, que sont
des écoles de musique, de danse, etc., on suggère qu'un fonds
permette de continuer d'investir, permette à ces organismes-là
d'intervenir en culture et, étant bien fait en partenariat avec les
différents intervenants du milieu et le ministère, il peut se
créer des réseaux de collaboration entre les différentes
écoles sur le territoire, des économies d'échelle et
même des services de la part d'institutions nationales. Donc, c'est un
petit peu pour compenser des situations éventuelles de
sous-développement qu'on verrait à la fois un fonds
spécial adapté aux particularités que vit une
région en parallèle avec d'autres programmes un
peu plus facilement normables et contrôlables un peu partout au
Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Sauva-geau. Je
vais maintenant passer la parole à M. le député de
Duplessis. Je veux dire auparavant, M. le député, que je m'excuse
de vous avoir précédemment qualifié de
"député de Sept-Îles". C'était là une erreur
de la part de la présidence. Je suis tellement habitué à
vous entendre parler de Sept-îles que j'avais malheureusement ce nom dans
ma tête. Alors, vous m'en voyez désolé et vous êtes
en effet le député du comté de Duplessis. M. le
député de Duplessis, vous avez la parole.
M. Perron: Merci, M. le Président. J'admets
d'emblée la correction que vous venez de faire parce que, effectivement,
je ne suis pas seulement le député de Sept-îles, mais aussi
le député de Duplessis malgré que je sois résident
de Sept-îles. M. le Président, j'aimerais passer à certains
commentaires d'usage et, bien sûr, dans un premier temps, souhaiter la
bienvenue au maire de Sept-îles, M. Jean-Marc Dion, ainsi qu'à M.
Jacques Sauvageau, le directeur culturel de la ville de Sept-îles, deux
personnes qui, d'ailleurs, sont toujours très impliquées dans les
milieux culturels. J'ai l'occasion de les rencontrer à plusieurs
reprises à différents endroits lorsqu'il y a des activités
culturelles dans le milieu et même à l'extérieur de
Sept-îles parce qu'il y a beaucoup de gens qui participent dans la
région de la Côte-Nord.
J'ai reçu le mémoire de la ville de Sept-îles en
date du 8 octobre de la part de M. Sauvageau et je me suis fait un devoir de le
lire de façon très attentive à deux reprises. Pour moi, il
démontre d'abord et avant tout que la ville de Sept-îles a pris
ses responsabilités pour établir un potentiel énorme
malgré que le système culturel était en quelque sorte,
depuis plusieurs années, sous-subventionné, comme on peut dire,
si je peux m'exprimer ainsi. Il y a des points extrêmement
intéressants qui ont été soulevés en rapport avec
la réalité culturelle, l'implication financière de la
ville de Sept-îles.
Il y a quatre points majeurs qui sont développés dans
votre mémoire et qui, à mon sens, méritent qu'on y porte
attention puisque ces quatre points majeurs ont permis d'amener 11
recommandations qui sont très importantes aussi pour nos milieux, non
seulement pour la ville de Sept-îles mais aussi pour l'ensemble de la
Côte-Nord, parce que autant Sept-îles que Baie-Comeau se sont
toujours impliquées au niveau de la Côte-Nord dans une
participation intermunicipale pour revaloriser le milieu culturel.
J'aurais deux derniers commentaires à faire avant de passer
à quelques questions. C'est le commentaire concernant le per capita et
je pense qu'il vaut la peine de relever ce que vous mentionnez à la page
7 et qu'on y porte une attention spéciale parce qu'on sent, à ce
moment-là, que la ville de Sept-îles est très
impliquée par rapport à d'autres municipalités, même
à l'ensemble des municipalités, des villes du Québec.
Lorsqu'on dit: "S'il est vrai que les dépenses culturelles des
municipalités du Québec s'élèvent à 200 000
000 $, ce qui représente un per capita de 29, 40 $, la ville de
Sept-îles pour sa part fait un effort double en assumant des
dépenses de près de 60 $ per capita. " Et là, on continue:
"On le voit donc, l'effort n'est pas plus grand qu'ailleurs, il est même
énorme. " Et, là-dessus, vous avez raison lorsqu'on compare
ça à d'autres municipalités.
D'autre part, il y a un deuxième point que je voudrais soulever.
Et ça, ça se rapporte - puis vous le mentionnez dans votre
mémoire aussi - à la bibliothèque municipale de la ville
de Sept-îles. Pour l'aide au fonctionnement de la bibliothèque au
cours des cinq dernières années, "la subvention du
ministère des Affaires culturelles est passée de 20 % (112 000 $
en 1985) à 11, 9 % (81 000 $ en 1990), soit une diminution de 30 000 $.
" Pendant ce temps - encore là, c'est un bel exemple de la participation
culturelle de la ville de Sept-îles - la municipalité augmentait
sa contribution "de 450 000 $ à 596 000 $, soit une augmentation de 146
000 $". Sept-îles augmentait sa contribution de 32 % pendant que le
ministère des Affaires culturelles diminuait la sienne de 27 %. Et
ça, c'est à la page 20 de votre mémoire.
Je pense qu'il est remarquable de voir comment la ville de
Sept-Îles, de par ses institutions, à partir de l'institution
politique jusqu'aux institutions administratives, s'est impliquée dans
le domaine culturel. Puis, malgré les coupures du ministère des
Affaires culturelles, la ville a continué d'être une grande
responsable au niveau de la culture.
Maintenant, je voudrais passer aux questions. Puis je pense qu'il y a
des questions qui sont drôlement importantes à poser pour le
bénéfice des membres de la commission. Une première
question. Sur la question du partenariat entre le ministère et les
municipalités, vous proposez, dans la foulée du rapport Arpin,
que tout nouveau partage des responsabilités tienne compte de l'effort
réel global d'une municipalité. Pourriez-vous nous dire comment
vous envisagez ce partage des responsabilités dans le contexte - je sais
qu'il y a des gens qui n'aimeront peut-être pas ce que je vais dire - de
la réforme Ryan? Je présume que ce que vous voulez dire, c'est
que vous ne voulez pas que ça vous soit imposé sans discussion ou
quoi que ce soit. Pourriez-vous expliquer davantage le fond de votre
mémoire là-dessus?
M. Dion: Du mot "partage"? M. Sauvageau: Oui.
Le Président (M. Gobé): M. le maire. M.
Sauvageau.
M. Perron: On parle du partage des responsabilités au
niveau culturel.
M. Dion: Je ne sais pas. Jacques, as-tu quelque chose
là-dessus?
M. Sauvageau: C'est-à-dire qu'il est
élaboré, dans le rapport, toute une série
d'hypothèses de partage de responsabilités entre le gouvernement
provincial, le milieu municipal et même les intervenants privés.
Nous n'avons pas spécifiquement fait relation au contexte qui se
déroule actuellement des relations municipales et gouvernement, mais,
simplement en ce qui a trait au rapport, peu importe ce qui serait
envisagé, il faudrait que ce soit fait en tenant compte du contexte de
l'effort global de l'implication des municipalités et que ce soit fait
dans le contexte également global des autres types de relations qu'il
peut y avoir entre le milieu municipal et l'État, et de l'assurance que
l'on atteindra les objectifs recherchés qui est une amélioration
de l'intervention des différents partenaires pour, à la fois,
soutenir le développement culturel et, en même temps, en arriver a
répondre aux besoins des différents clients un peu partout sur le
territoire québécois. Donc, je pense que ce sont des choses
à venir.
M. Perron: Toujours dans le cas de tout nouveau partage de
responsabilités, vous mentionnez, à un certain moment, que tout
changement de programme ou tout nouveau programme devrait faire l'objet de
simulation préalable et d'ajustement pour en atténuer les
éventuels impacts négatifs. Est-ce que vous pourriez expliquer
davantage? (21 h 30)
M. Sauvageau: Oui, je peux prendre un exemple: l'intention
gouvernementale d'il y a quelques années de modifier la façon
d'appliquer les subventions dans les bibliothèques. Je pense que
l'objectif est louable. Malheureusement, en ce qui nous concerne, on voit que
le résultat a été à rencontre de l'objectif qui
était recherché. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on signale
que certaines applications, malheureusement, vont occasionnellement à
rencontre des objectifs recherchés dans certains programmes. Ce sont des
choses qui peuvent arriver. Donc, on suggère qu'il y ait un peu de
simulation de faite avant l'application des programmes ou qu'il y ait
correction des programmes lorsque des milieux sont pénalisés.
M. Perron: Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les
problèmes que la ville de Sept-îles rencontre actuellement au
niveau des programmes d'aide du ministère des Affaires culturelles, qui
vous amènent d'ailleurs à plaider en faveur d'une modulation des
programmes, c'est-à-dire de programmes qui reflètent les
problématiques particulières régionales? Si j'ai bien
compris, et je pense que là-dessus il faut être très
conscient que, à l'intérieur de la région de la
Côte-Nord, la ville de Sept-îles, au niveau culturel, peut
être très différente de celle de Baie-Comeau, tout comme
Baie-Comeau et Sept-îles sont très différentes des grands
centres comme Montréal et Québec ou l'axe. J'aimerais que vous
nous donniez, par des exemples assez précis, un plaidoyer qui serait
favorable à nous faire comprendre le fond de votre pensée et le
fond de l'évolution que devrait prendre le ministère afin
d'être plus conforme aux besoins de chacun de nos milieux et même
des petites municipalités.
M. Dion, vous me permettrez de vous dire une chose, parce que, quand
vous avez dit ça, ça m'a un peu frappé; je pensais
à Rivière-au-Tonnerre, je pensais à
Rivière-Saint-Jean, je pensais à Magpie, et tout ça,
lorsque vous avez dit qu'à un moment donné une
municipalité qui ne rencontre pas certains objectifs on lui coupe les
subventions. Lorsqu'on voit 90 % de chômage, d'aide sociale dans une
petite municipalité comme RMère-au-Tonnerre, je ne sais pas si
c'est à ça que vous...
M. Dion: Non. Je voulais dire que chaque année on examine
ce que nous avons réalisé au point de vue culturel. Et,
justement, on est pénalisés. Si vous n'avez rien produit, alors
qu'il y a des choses qu'on peut produire sur une base régulière,
chaque année, alors, je me demande pourquoi on se casserait la
tête à dire: On va vous donner, envers et contre tout, une somme
x, mais il n'y a aucune production dans l'année, et ça arrive,
ça. Alors, je pose le problème: est-ce qu'on va continuer
à leur en donner? Évidemment, ce n'est pas à moi à
répondre. C'était dans ce sens-là. Si, nous, les sommes
sont diminuées parce qu'on ne produit pas assez, mais, par contre, si je
produis et si Baie-Comeau produit, il y a une somme à partager et on la
partage, suivant ce qui a été fait dans l'année. Alors,
quelqu'un qui n'a rien fait dans l'année, je suis bien d'accord pour lui
donner quelques centimes, mais il faut que l'effort du milieu soit fait et non
pas faire intervenir la pitié.
M. Perron: J'ai compris, M. le maire, que vous vouliez dire
effectivement qu'à un moment donné il y a des
municipalités qui vont intervenir au niveau culturel, parce qu'elles
peuvent recevoir des subventions ici et là; ça va fonctionner
pendant quelques mois d'été et il n'y a pas de continuité
les années qui viennent. Et vous ne voyez pas l'utilité de
continuer ça, parce qu'il n'y a pas de suite de donnée aux
interventions qui ont été payées.
M. Dion: Ça prend un effort, oui.
M. Perron: Très souvent, c'est juste pour créer des
emplois temporaires, très localisés, qui n'ont rien de concret
pour les autres municipalités, à côté. Il n'y a
même pas d'échange intermunicipal. C'est ça que vous voulez
dire, je pense.
M. Dion: Oui. Ça prend un effort soutenu, quand
même.
M. Perron: D'accord. Pourriez-vous élaborer maintenant
sur...
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mon cher
collègue, mais le temps imparti est maintenant dépassé. Si
vous vouliez peut-être conclure.
M. Perron: Oui.
Le Président (M. Gobé): J'ai laissé passer
de cinq minutes, parce que, comme tradition, lorsqu'on reçoit un
député d'une région, on lui donne le temps de pouvoir
discuter avec ses commettants, mais là, malheureusement...
M. Perron: M. le Président, vous êtes très
aimable et la ministre aussi.
Le Président (M. Gobé): Non, non, c'est une
tradition à cette commission pour les audiences. On a, de manière
informelle, avec Mme la ministre et M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, décidé de fonctionner de cette
façon-là.
M. Perron: Vous avez parlé, dans votre mémoire,
d'une modulation; c'est là-dessus qu'est ma question. Quels sont les
problèmes que vous rencontrez actuellement au niveau des programmes
d'aide du ministère des Affaires culturelles, qui vous amènent
à plaider en faveur d'une modulation de programmes, c'est-à-dire
de programmes qui reflètent les problématiques
particulières régionales? M. Dion a parlé d'une partie, en
réponse à la question que je lui ai posée à l'effet
que j'étais plus ou moins d'accord avec ce qu'il a dit, mais
après ça j'ai compris. Mais est-ce que, M. Sauvageau, vous
pourriez nous répondre, élaborer davantage là-dessus? Je
pense que c'est important qu'on se comprenne à ce niveau-là.
M. Sauvageau: Je vais répondre sur deux volets. Les
commentaires qui ont été émis dans notre mémoire
sont beaucoup plus en rapport avec certaines inquiétudes que l'on peut
voir, que l'on a pu deviner à la lecture du rapport et un peu moins en
relation avec des problèmes majeurs que l'on vit ou les relations qu'on
a avec le ministère, actuellement, sur l'application de programmes.
En réalité, hormis le petit contexte que je situais tout
à l'heure avec la bibliothèque, je pense que les relations, quand
même, qu'on a avec le ministère sont excellentes, et les
programmes, pour ceux qui existent, somme toute, amènent des bonnes
collaborations. Sauf qu'on s'inquiète pour le futur, lorsqu'on
risquerait de voir disparaître des programmes qui, actuellement, servent
tantôt nos organismes, tantôt, évidemment, même la
municipalité. Écoutez, on ne peut pas passer sous silence
qu'actuellement on est en collaboration avec le ministère sur la
réalisation d'un chantier majeur et que, pour cette part-là,
c'est un programme qui nous agrée beaucoup. Parce je pense que c'est un
bon exemple de collaboration, de "partnership", mais on situe ça dans le
questionnement qu'amène le rapport.
Le Président (M. Gobé): Le mot de la fin, M. le
député, et de remerciement en même temps.
M. Perron: Le mot de la fin par une question, et je ne ferai
même pas de commentaires à la fin, M. le Président. Mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques a parlé d'un fonds
régional, que vous mentionnez dans votre mémoire, d'ailleurs.
Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon serait financé
ce fonds? Est-ce que c'est strictement par le ministère des Affaires
culturelles ou si c'est une collaboration financière qui pourrait
exister entre différentes parties comme les MRC, le ministère des
Affaires culturelles, les milieux d'affaires, l'OPDQ, etc? Est-ce que c'est
ça que vous voulez dire ou si c'est strictement le ministère des
Affaires culturelles?
M. Dion: Oui, je pense que vous donnez des suggestions à
Mme la ministre. Maintenant, nous, nous n'avons pas approfondi cela. Quand on
parlait de fonds régional, c'était bien pour toute la
région et je ne pense pas qu'on ait approfondi cette affaire-là,
comme vous dites, à qui reviendrait le partage.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire,
merci, M. Sauvageau. Mme la ministre, le mot de la fin.
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. le maire et M.
Sauvageau, merci beaucoup. Quand on parlait de fonds, l'idée de fonds,
en tout cas, c'était, comme je le disais tantôt, dans le rapport
Coupet, une entente tripartite entre le provincial, le municipal et aussi les
entreprises privées. En tout cas, ceci dit, effectivement, on regarde la
modulation des programmes par région. On a d'ailleurs modulé le
programme, ne serait-ce que pour la salle de spectacle, considérant que
c'était quand même en région éloignée et,
évidemment, les coûts de construction en région
éloignée dépassent et de beaucoup ceux qui sont en
région peut-être un peu plus accessible. Ceci
dit, merci encore de votre participation, merci d'avoir répondu
à notre invitation et c'est toujours un plaisir d'aller dans votre
région.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le maire, M. Sauvageau, au nom de tous les membres de cette commission, je
tiens à vous remercier de votre collaboration, de votre participation.
Ça nous a été très agréable de vous recevoir
ce soir. Nous vous souhaitons un bon retour et je tiens à vous
souhaiter, ainsi qu'à tous vos concitoyens, beaucoup de maisons de
culture et de culture dans votre belle ville de Sept-îles. Au revoir, M.
le maire.
Je vais maintenant demander au groupe suivant, soit le Centre de
valorisation du patrimoine vivant, pardon, aux représentants du Centre
de valorisation du patrimoine vivant de bien vouloir se présenter en
avant sans plus tarder. Bonsoir, madame et messieurs. Si je comprends bien,
nous avons Mme Margot Fortin, membre du conseil d'administration. Mme
Fortin?
Une voix: Mme Martine Roberge qui remplace Mme Fortin.
Le Président (M. Gobé): Ah! Mme Roberge. Bonsoir,
Mme Roberge. M. Denis Maheux, membre du conseil d'administration. Bonsoir, M.
Maheux. Et M. Jean Du Berger, président. Alors, vous allez pouvoir
présenter votre document. Je vous rappelle le mandat de notre
commission, qui est une consultation sur la proposition de politique de la
culture et des arts suite au rapport Arpin et initiée, bien entendu,
à la demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, vous
avez maintenant la parole.
Centre de valorisation du patrimoine vivant
M. Du Berger (Jean): Merci, M. le Président. Alors, le
Centre de valorisation du patrimoine vivant, dont je suis le président,
n'est peut-être que le sommet d'un iceberg car je suis très
sensible aux symboles. Et, ayant été formé à
l'Université Laval par Luc Lacourcière, Félix-Antoine
Savard, je suis conscient que je ne suis pas seul ici ce soir, mais aussi je
suis comme un délégué des conteurs, des chanteurs, de tous
ces artistes populaires du Québec et de la francophonie. Et notre Centre
a justement pour fonction, comme nous le décrivons dans notre
mémoire, d'être à l'écoute, de faire des recherches
dans ce domaine-là et de faire aussi des activités que nous avons
un peu décrites.
Le rapport Arpin, pour moi, a été rafraîchissant.
Comme je l'ai dit dans le mémoire, dans une période où,
enfin, c'est la technoculture qui parte, entendre parler de culture à
côté de toutes les autres instances, c'était vraiment un
horizon qui se dégageait. Et, quand même, ce que nous voulons
souligner, c'est que, quand on lit le rapport et surtout après
ça, même dans cette commission, nous avons vu que bien souvent la
culture, c'est les industries culturelles, c'est toutes sortes d'instances
institutionnelles. Et, je dois le souligner, on parle de cette culture au sens
ethnologique du terme dans le rapport Arpin; on parle des croyances, des
légendes, des coutumes, des vêtements, des mobiliers, des outils
et, j'ai trouvé ça très ironique, à un moment
donné, "et quoi encore..." Parce qu'on ne voulait rien oublier, on a
dit: S'il y a des choses, ne nous faites pas le reproche, on l'a
mentionné dans "et quoi encore..." Mais, quand même, on en
parle.
Et ce que nous voulons surtout souligner, c'est que, derrière le
terme de patrimoine... Je me suis aperçu, tout à l'heure, qu'on
en parlait. Les professeurs des Hautes Études commerciales, qui m'ont
précédé, ont parlé justement du patrimoine,
c'était le deuxième volet du colloque auquel ils ont
participé. Pour nous, au Québec, quand on parlait de patrimoine,
eh bien, pendant longtemps, c'était le patrimoine bâti. Et nous
savons tous les efforts qui ont été consacrés au
patrimoine bâti: maisons retapées, églises sauvées.
Et, d'ailleurs, le Canada lui-même, quand on parle de patrimoine, pensez
à Parcs Canada... Ça me fait d'ailleurs penser à une
pensée de Northrop Frye, de l'Université de Toronto, qui disait:
Ce qui caractérise le Canada anglais, c'est "the garrison mentality", la
mentalité de garnison. Et quand on pense à tout ce qu'ils
sauvent, c'est des forts, des "blockhouses", des fortifications. Et, alors,
là, vraiment, on disait que c'était le patrimoine.
Ce que nous voulons ici surtout souligner, en comparaissant devant vous,
c'est que maintenant, de plus en plus, et l'UNESCO en a parlé un peu
partout, il y a ce concept d'un patrimoine élargi, d'un patrimoine qui
prend en compte non seulement ce qui est très tangible, mais aussi ce
qui est... Enfin, on parle de patrimoine vivant, le patrimoine intangible. Les
Américains parlent de "living heritage". On parle d'un patrimoine qui se
trouve dans les porteurs de traditions. Et il y a plusieurs états... Je
ne ferai pas ici - ça prend un peu une allure académique dans le
mémoire que nous avons présenté - les distinctions des
différents états, mais à un premier niveau, ça se
vit au niveau de la vie quotidienne. Et très souvent... Ça m'a
frappé, par exemple, dans l'intervention du maire de Sept-îles;
quand il parle de culture, eh bien, c'est une culture institutionnelle, alors
que nous savons, nous, ethnologues, que la Côte-Nord est pleine de toutes
sortes de ressources patrimoniales d'un patrimoine de conteurs d'une
vitalité incroyable, parce qu'il y a aussi cette culture-là.
Alors, on distingue en France, actuellement, des patrimoines:
architectural, artistique, audiovisuel, écrit, enfoui,
muséographique et musical, et aussi, par la mission ethnologique
française commencée en 1980, il y a un patrimoine ethnologique
qui est décrit: objets et ensembles
mobiliers, immeubles, paysages même aménagés, les
biens fongibles, c'est-à-dire qui se consomment, tels que les
espèces animales et végétales domestiquées ou
cultivées, les espèces sauvages devenues partie intégrante
de pratiques... Et, par la suite, les témoins actifs: des agents vivants
(les artisans, conteurs, musiciens), des phénomènes collectifs
aussi, comme les fêtes, les cérémonies, des savoirs
spécialisés. Alors, on s'aperçoit que ça
s'élargit beaucoup. (21 h 45)
Et il y a un consensus chez les scientifiques actuellement, un consensus
qui s'est fait autour de plusieurs rencontres de l'UNESCO. À partir des
années quatre-vingt, l'UNESCO, à Paris, a eu plusieurs rencontres
d'experts auxquelles le Canada participait et où on est arrivé
à élargir, à démontrer que le patrimoine
couvrait... Et là, je cite le directeur général de
l'UNESCO. Il dit que "le patrimoine culturel, comme point de repère et
matrice à la fois de la continuité de ce peuple et de sa force de
création et de renouvellement, a fait l'objet d'une réflexion des
plus approfondies. Enfin, aux côtés des manifestations
matérielles, tangibles du patrimoine, grandit l'importance de ses
expressions immatérielles, traditions et coutumes, langues ou dialectes,
musiques et danses, arts et artisanats, littérature."
Alors, nous avons élaboré sur ces définitions et
surtout nous avons voulu parler des modes d'intervention, car il y a une action
à faire. Il y a une action à faire. Évidemment, vous le
savez, nous avons une longue tradition au Québec. Je me permets de vous
rappeler que, depuis 1940, à l'Université Laval, il y a des
archives qui ont été créées. Et ces archives de
folklore ont accumulé un des plus grands fonds de la francophonie. Nous
avons actuellement 70 000 chansons d'enregistrées, 10 000 contes, et il
y a des contes là-dedans qui durent 2 heures, 10 000 légendes.
C'est le plus grand fonds. Pour vous donner une idée statistique, le
repiquage systématique, à raison de 8 heures par jour, va prendre
30 ans. Nous avons commencé il y a 10 ans, il y a encore 20
années de repiquage à faire de ce fonds-là. Alors, c'est
un fonds énorme.
Donc, nous ne partons pas de zéro, mais la mission de
l'université est de former et non pas de conserver ces choses, non pas
d'entreprendre... Dans des projets de recherche, on peut le faire. Alors, c'est
pour ça que le centre de valorisation se situe à ce
moment-là comme un lieu qui peut instituer des enquêtes, qui peut
continuer ce travail, qui peut vraiment développer ce qui a
été entrepris autrefois dans les milieux académiques.
Alors, nous parlons de différentes approches. Il y a l'approche
qu'on appelle de redécouverte, le travail dans les communautés
même. Et, quand je parle de communautés, je me permets de dire
maintenant... Parce que, pendant long- temps, moi le premier, quand je pensais
à des traditions, je pensais aux traditions
canadiennes-françaises et québécoises, à nos
traditions. D'ailleurs, nous parlions toujours de notre folklore, de nos
chansons. Et puis, dans tous les articles de Pierre-Georges Roy, c'était
toujours nous, nous, nous. Et maintenant, dans le Québec actuel, je
pense singulièrement à la ville de Montréal où, par
exemple, je connais des directeurs d'école qui sont en face de plusieurs
cultures. Alors, nous avons des communautés culturelles et nous avons
des traditions. Et alors, à ce moment-là, d'aller dans ces
communautés et de leur apprendre à être attentives,
à conserver et à les présenter à d'autres parce que
là... Et le point central de mon intervention, c'est ceci: le meilleur
moyen d'arriver à faire se rencontrer les communautés culturelles
dans une intercul-turalité, et nous sommes rendus là, eh bien,
c'est par la connaissance de nos traditions profondes. C'est par nos mythes que
nous pouvons nous rencontrer. C'est à ce niveau-là qu'on peut se
rencontrer.
Alors, nous avons exposé, pour commencer, nos travaux, mais
surtout nous croyons que le gouvernement du Québec doit, comme plusieurs
gouvernements... Et c'est curieux, j'ai été conforté dans
cette opinion-là lorsque j'ai été appelé comme
expert auprès du gouvernement du Rwanda pour les conseiller dans la
conservation de leurs traditions. Et c'est à ce moment-là,
étant avec le ministre de la Culture du Rwanda qui me disait: Ce que
vous faites au Québec, c'est incroyable et tout, que je me suis
aperçu quand même que nous leur prêchions des choses et puis
qu'il y avait encore des choses à faire ici. Et, à ce
moment-là, j'ai découvert l'énorme mission que nous
pourrions avoir collectivement.
Alors, nous exposons, pour commencer, qu'il faut que le Québec
ait une vue d'ensemble de toutes les traditions culturelles qui sont dans son
territoire - quand je parle de tout, ça va des Inuit jusqu'aux
dernières communautés arrivées ici au Québec - et
d'établir des banques de données, de faire des inventaires. Vous
savez, c'est déjà commencé. Mais nous connaissons, nous,
des groupes dans les régions - vous parliez des régions, il y a
quelques instants - qui sont là, qui ont un matériel
énorme. Il y a des gens au Lac-Saint-Jean qui ont des collections
d'enregistrements qui vont se perdre. Alors, de faire l'inventaire des banques
de données, des banques bibliographiques, de réinstituer des
enquêtes systématiques. Comme on a fait pour le macroinventaire
dans le domaine matériel, de le faire dans le domaine des traditions et
des coutumes, d'aider des organismes locaux.
Et là, notre Centre, avec ses pauvres moyens - je dis bien
"pauvres moyens", nous venons ici comme ces frères mendiants dont vous
parliez tout à l'heure - eh bien, nous aidons des communautés,
des groupes qui disent: Écoutez, nous avons chez nous des gens qui
savent des...
Qu'est-ce qu'on doit faire? Et alors il y a lieu, je pense, de fournir
une expertise aux régions, de favoriser des recherches et surtout de
favoriser des publications et des événements pour faire
connaître, et, enfin, je pense, de concert avec le ministère de
l'Éducation, de favoriser la mise en place de programmes
pédagogiques qui permettront de connaître ces traditions orales
où il y a la plus grande richesse du monde. Si vous saviez la richesse
de nos contes et la magnifique vitalité encore de certains conteurs que
nous avons! Je pense à M. Fradette, de Bellechasse, qui a fait un
malheur cet été à la place de l'hôtel de ville, et
Jacques Labrecque, qui était avec moi, m'a dit: Qu'est-ce qu'on peut
faire après ça, après ce conteur de Bellechasse? Alors,
là, nous avons des traditions qu'il faut faire connaître.
En conclusion, eh bien, le rapport Arpin, qui passera peut-être
à l'histoire sous ce nom-là, pose des jalons. Il pose des jalons
et nous en reconnaissons les mérites. Il y a un grand plan et il y a une
vision de la culture que peut-être il s'agit d'élargir, de
compléter parce que ce patrimoine vivant, il est au milieu de nous, il
est important, vous le savez, et surtout, je le dis, à un moment
donné, il faut que nous construisions des ponts qui vont permettre la
rencontre interculturelle entre les communautés. Parce que, si la
connaissance de soi... Et vous savez à quel point notre ethnologie ici a
été une ethnologie de soi, du proche, alors qu'il faut maintenant
aller vers la connaissance de l'autre, en fait. Il faut continuer notre
identité, mais aussi connaître les autres. Nous croyons que
l'attention aux valeurs véhiculées par ces patrimoines peut nous
permettre d'approfondir une reconnaissance.
Et je terminerai sur un point parce que, dans mes travaux que j'ai faits
avec d'autres pays, eh bien, on a beaucoup, beaucoup parlé
d'écologie de l'esprit. Vous savez à quel point nous sommes en
train de sauver... Au Rwanda, on me montrait dans les collines - je n'ai pas
osé y monter - on essayait de sauver 27 000 000 d'années
d'évolution dans les gorilles du Rwanda. On disait: Parce que là,
ce patrimoine génétique disparaîtra. Eh bien, c'est vrai et
il faut garder la diversité culturelle, garder beaucoup parce que nous
nous dirigeons peut-être vers "the graying out", une espèce de
grisaille culturelle qui peut s'emparer de nous et, dans cette
perspective-là, chaque culture, chaque témoignage qui
disparaît, eh bien, c'est un petit peu des aspects de culture
irremplaçables qui disparaissent. Il y a deux petites fleurs à
Madagascar qu'on a sauvées de la disparition. On en a fait deux
remèdes pour deux formes de cancer, à l'institut Pasteur de
Paris, deux fleurs sauvages. Qu'est-ce qui nous dit que, dans des porteurs de
traditions qui sont là, il n'y a pas justement des sagesses, des savoirs
qui pourront nous permettre d'affronter ce temps qui est devant nous? J'ai
terminé, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Sur ces sages paroles, M.
Du Berger, je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des
Affaires culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Du Berger. Je vous entendais
parler et ça me rappelle encore une fois cet été, quand je
suis allée en Gaspésie, à Bonaventure; quand nous avons
inauguré la salle, il y avait un magnifique conteur, professeur de
cégep - son nom m'échappe - qui venait de Paspébiac et qui
racontait finalement la vie - la même chose aux
Îles-de-la-Madeleine d'ailleurs - et, évidemment, ils nous ont
entretenus et ils ont charmé, amusé, fait rire, fait songer aussi
les gens qui étaient là. On s'est posé la question
à savoir, mon Dieu, finalement, il faudrait que ces gens-là
débordent de leur région et viennent conter aussi les
réalités régionales à des gens des grandes villes
et je dois dire spécifiquement Montréal. C'était tellement
merveilleux et charmant. Alors, pour vous dire: Oui, il y a une grande
sensibilité d'ailleurs au niveau de notre aide même cette
année, là. Évidemment, c'est loin d'être tel que
l'archéologie, comme le disait mon confrère, ou enfin tel que le
patrimoine en termes de restauration, mais on en est aussi très,
très sensibles.
Vous allez avoir des états généraux, je pense, en
1992. On vous aide sur ce projet-là aussi. Parlez-moi un peu de
ça, de ce qui va se passer au niveau de ces états
généraux là en 1992.
M. Du Berger: Eh bien, les états généraux,
l'acte de fondation, c'est en 1989. À la maison Chevalier de
Québec, ici, nous avons convoqué, nous du centre de valorisation,
des intervenants, dont la liste est dans notre mémoire d'ailleurs, qui
couvrent à peu près tous les groupes qui travaillent dans le
domaine du patrimoine vivant, et aussi des individus.
À la suite de cela, nous avons organisé des ateliers
à l'Université Laval l'an dernier, au printemps dernier,
où nous avons eu plus de 250 participants qui venaient de tous les
milieux, les artisanes, les gens qui travaillent le fléché dans
la région de Lanaudière. Nous avons eu, évidemment, les
gens de Radio-Canada qui s'occupent des émissions... Enfin, je pense que
nous avons eu des gens de tous les milieux, des cinéastes qui ont
travaillé dans le domaine. Et là, nous sommes en train... Nous
avons retiré de tout ça beaucoup, beaucoup d'observations,
beaucoup de recommandations, de tous les milieux, et ça vient de toute
la province. Il y a un consensus qui se fait autour de certaines
nécessités et évidemment, pour commencer, de recherches
à faire, de recherches à instituer, à poursuivre, un lieu
peut-être pour vraiment coordonner, où toute la synergie,
éparse actuellement là, pourrait vraiment opérer.
Ensuite de cela, nous avons beaucoup réfléchi sur
l'organisation justement de réseaux de communications, parce que c'est
le grand problème que nous avons actuellement, ces réseaux de
communications. Des gens dans les régions ont des ressources mais
ignorent... On nous téléphone parfois et pour nous c'est facile,
nous avons des ressources ici. Mais, à ce moment-là, je pense
qu'un réseau, ça serait facile. J'ai une banque de données
personnelle, dans ma carrière de professeur, de 13 000
références sur le folklore canadien, et singulièrement
québécois, et tout ça sur un Macintosh. Alors, on pourrait
l'opérationaliser de notre Centre, et là, vraiment, les gens
viendraient chercher les données là-dedans.
Alors ça, c'est un besoin, un besoin d'information. Et puis,
surtout, c'est de faire reconnaître ce concept de patrimoine vivant, en
fait de patrimoine ethnologique, par l'État. Et, vous le savez, tous les
gens qui viennent devant vous dans cette commission redisent tous la même
chose. Mais nous sommes devant un secteur, peut-être le plus faible, le
plus faible, parce que c'est porteur de traditions. Ces gens-là,
évidemment, n'ont pas de moyens. Et je pense toujours au cas que vous
connaissez bien, je pense, d'un génie que nous avions au Québec,
Jean Carignan, qui conduisait un taxi à Montréal à la fin
de sa vie, qui avait joué avec Yehudi Menuhin qui reconnaissait en lui
un maître traditionnel, une autre tradition. Mais, à ce
moment-là, vous savez, c'est un petit peu comme une blessure pour
beaucoup d'entre nous, d'avoir vu cet homme. Et puis, il y en a d'autres. Il y
a des maîtres artisans et des maîtres de la chanson, qui ont fini
dans des conditions très difficiles.
Et alors c'est ces gens-là, en fin de compte, qui se sont fait
entendre. Il y avait des gens très humbles avec nous. Des gens qui
étaient là qui venaient, puis qui ont participé. Parce
qu'il ne faudrait pas penser que le Centre, bon, c'est un petit groupe
là. Nous avons 400 membres et puis ils viennent de tous les milieux, et
nous avons beaucoup de gens de l'île d'Orléans par exemple, puis
des porteurs authentiques qui sont avec nous.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, on vous donne un coup de
main au projet, même au fonctionnement et puis tout ça, mais,
comme vous dites, vous ne partez pas de rien, parce qu'il y a des banques de
données et vous y travaillez, bon. Mais, on part aussi de rien au niveau
d'un réseau et puis tout ça.
M. Du Berger: Voilà.
Mme Frulla-Hébert: Parce que, comme vous dites, c'est un
domaine qui a été, moi je ne dirais pas négligé, je
pense que, en soi, finalement mettre toutes ces actions-là... Oui, c'est
vrai que c'est un domaine qui a été un peu méconnu, si on
veut, mais, d'un autre côté, il y a quand même des
activités qui font en sorte que le patrimoine vivant est mis en valeur.
Je pense aux Sortilèges, par exemple, je pense au festival de folklore
de Drummondville. Il y a des activités spontanées, mais qui
prennent beaucoup d'ampleur et d'envergure, qui diffusent aussi notre
patrimoine vivant. Ce que vous nous dites, vous, c'est maintenant de
l'organiser et de le faire connaître. (22 heures)
M. Du Berger: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Mais, depuis trois ans, on investit,
nous, en ressources humaines pour la recherche méthodologique et aussi
pour aider à constituer des banques de données. Qui se sert de
ça? Est-ce que c'est connu maintenant?
M. Du Berger: Eh bien, justement, je pense qu'il y a aussi une
question de faire connaître... Vous voulez dire: Au ministère,
vous avez fait des travaux?
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire qu'on me dit que le
MAC a investi en ressources humaines pour la recherche méthodologique et
la constitution de banques de données sur le patrimoine.
M. Du Berger: Vous avez un premier résultat, Mme la
ministre, parce que vous avez ici l'auteur de la dernière publication du
ministère sur le guide d'enquête qui est épuisé.
Alors, il y a au moins 250 a 300 personnes qui l'ont... Et on va le
réimprimer bientôt.
Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a un intérêt
plus que...
M. Du Berger: Absolument, actuellement. Et justement, je parlais
- vous parliez des Sortilèges - avec Jimmy Di genova et, là-bas,
à Montréal même, ils nous disent: Écoutez,
donnez-nous... Ils ont besoin d'un guide. Ils ont besoin de choses comme
ça. Oui, ils le disent et ils viennent à Laval chercher. Ils
viennent aussi... Le Centre devient de plus en plus, de concert avec
l'Université... Il y a une collaboration qui est instituée, vous
le savez, entre l'Université Laval et le Centre, là-dessus. Et
l'université, je le rappelle, son mandat est pédagogique.
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.
M. Du Berger: Nous ne pouvons pas instituer... Nous pouvons
créer, dans le Centre, mais on ne peut pas faire des outils.
Mme Frulla-Hébert: Donc, on parle beaucoup plus d'un
organisme, comme vous disiez, dans le fond... Parce que, évidemment,
l'université, ce n'est pas vraiment son mandat. Alors, ce serait
une espèce d'organisme central... M. Du Berger: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...et qui aurait une interaction
régionale, dans le fond.
M. Du Berger: C'est ça.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça que vous voulez dire,
au niveau des réseaux?
M. Du Berger: Un organisme qui centraliserait, jusqu'à un
certain point, les informations, qui pourrait aussi instituer des
activités et puis... Parce que déjà la synergie est
établie, on le sent, on le voit, nous sommes en très bons
rapports un peu partout, là. Et, à ce moment-là, cet
organisme pourrait être un centre de services, en collaboration avec le
ministère, évidemment, à moins que le ministère,
lui-même, décide de créer tous ces services-là.
Mme Frulla-Hébert: Non, oubliez ça. On me fait
part... Et ça, c'est vrai, c'est une bonne remarque aussi. Nous, vous
voyez, là, de toute façon, ne serait-ce que par l'augmentation,
oui, on veut aider, mais une des difficultés est comment on fait pour
identifier les vrais porteurs de traditions et ceux qui sont beaucoup plus
influencés par les médias, qui vont reproduire, par exemple.
Autrement dit, comment distinguer les vrais de ceux qui en font et, finalement,
ça devient un spectacle?
M. Du Berger: D'accord. Alors, scientifiquement, eh bien, la
réponse est celle-ci. Je m'excuse, là, l'adverbe, est terrible.
C'est que c'est la communauté elle-même où s'insère
ce porteur-là qui l'identifie. Ce sont les gens qui l'entourent qui
disent: Voilà, lui, c'est un bon sculpteur. Voici un bon chanteur. Et un
autre: Bien, celui-là est... D'ailleurs, mon maître, Luc
Lacourcière, quand il arrivait dans un village, la première chose
qu'il demandait aux enfants: Est-ce qu'il y a un bon conteur ici? Il n'allait
jamais le demander au curé parce que le curé lui disait: Non,
non, il n'y en a pas, parce que le seul détenteur de la parole,
c'était lui. Mais les enfants l'orientaient vers le vrai conteur, le
vieux menteur, le "ratoureux". Et là, à ce moment-là,
c'était la communauté, le groupe lui-même. Et la
première étape, c'est la communauté elle-même.
Ensuite de ça, il y a d'autres niveaux et là la notion de
patrimoine, évidemment, c'est... Parce que demander à des experts
universitaires de dire: Voici, est-ce que lui-même est authentique? C'est
la communauté qui le dit, c'est le groupe d'appartenance qui va le dire,
qui va l'identifier. Après ça, évidemment, vous nous avez
bien montré qu'il y a d'autres étapes où, là,
ça devient beaucoup plus... C'est encore le patrimoine, mais avec une
autre forme, si vous voulez.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez
la parole.
M. Boulerice: Merci, M. le Président. Professeur Du
Berger, Mme Roberge, M. Maheux, j'ai bien des raisons de me réjouir de
votre présence en cette commission et surtout de la présentation
de votre mémoire. En premier lieu, vous nous indiquez qu'il y a des
tiroirs devenus un peu secrets dans lesquels il y a des richesses
énormes et qu'on est en train d'oublier. Et, quelquefois, on oublie
peut-être de les mettre dans des tiroirs, mais cette fois-ci, sous forme
de protection et non pas que l'on veuille bien les oublier comme telles. Je ne
pouvais pas m'em-pêcher, à la lecture de votre mémoire, de
me rappeler l'épisode extrêmement valorisant pour le jeune homme
que j'étais à l'époque, qui était une longue
conversation avec un être extraordinaire que vous avez sans doute eu le
plaisir de connaître beaucoup mieux que moi, qui était le
professeur Barbeau. Vous faites d'ailleurs allusion au professeur Barbeau dans
votre mémoire. On ne célèbre peut-être pas assez sa
mémoire, malheureusement. Le professeur Trépanier aussi, que j'ai
eu le plaisir de rencontrer, était un merveilleux raconteur et le
faisait par la voie de la radiodiffusion aussi. Cela a touché
énormément les gens de ma génération. Est-ce que
les gens de l'actuelle génération ont ceci d'accessible? Je pense
qu'on va être obligés de faire le constat mutuel: Malheureusement
non, sauf peut-être dans certaines régions où les
traditions existent. Mais, dans les milieux très urbanisés, on
est en train de perdre ce fil conducteur qui nous mène à nos
origines, et c'est ça qui est extrêmement tragique.
Un autre commentaire avant de passer au questionnement. Ce que vous
dites dans votre mémoire, les références que vous faites
également au sujet de l'UNESCO rejoignent de très près les
préoccupations de la commission de la culture de l'Association
internationale des parlementaires de langue française à laquelle
la majorité d'entre nous appartiennent, sauf que mes fonctions de
rapporteur officiel à cette Association me permettent de m'alimenter
régulièrement dans les travaux de la commission. Vous
n'êtes donc pas isolés, en termes de préoccupations. Je
trouve agréable que vous fassiez référence au Rwanda
puisque, sans faire part explicitement de l'expérience vécue avec
vous dans ce pays, même l'Afrique commence à voir le danger de la
perte de ses choses. Alors, vous imaginez, c'est dans un pays qui n'a pas un
soutien technologique, des universités, des chercheurs et des
professeurs. Dans notre cas à nous, je pense que cela serait doublement
fautif, nous qui avons les moyens, de passer à côté.
Ceci étant dit, professeur Du Berger, si je
vous posais de façon très abrupte la question:
Pour vous, quels sont les éléments clés d'une
politique de sauvegarde et de mise en valeur de ce patrimoine vivant?
M. Du Berger: Bon. Je reviens un peu sur notre mémoire.
Évidemment, il faut faire un inventaire le plus rapide possible des
ressources des milieux, de tous les milieux. En général, les
sociétés d'histoire locales, il y a beaucoup, beaucoup de
groupements culturels, un peu partout, ils le savent. Ils n'ont pas les moyens,
quand même, ils n'ont pas les techniques très souvent. Alors, un
inventaire de tous les milieux. Déjà, il y a certaines
régions comme la Beauce qui est un exemple où, là,
vraiment, il y a une sensibilité locale, mais les moyens ont
manqué, même dans la Beauce, le pays de l'entrepreneur-ship.
Sainte-Marie de Beauce a eu des difficultés avec le centre
Marius-Barbeau et tout. Mais, quand même, il y a là un
inventaire.
Une fois l'inventaire fait, la sauvegarde du matériel le plus
tôt possible. Comme pour les monuments bâtis, la sauvegarde des
porteurs de traditions. Je vous signale qu'il y a une dame à IHe
d'Orléans dont la maison a passé au feu - elle était bien
connue ici, dans la région, Mme Audet - et elle a perdu tout son
matériel. Évidemment, elle a encore sa mémoire. Mais elle
a 80 ans et c'est un de mes étudiants qui a recueilli son
matériel, récemment. Alors, sauvegarder.
Une fois sauvegardé, mettre à la disposition. Je suis
très sensible à ce que vous avez dit. Mme la ministre, quand vous
avez parlé des Îles-de-la-Madeleine dont la voix ne se fait pas
entendre à Montréal et je dirais même à
Montréal cette voix des conteurs hassidim qu'on n'entend pas. J'ai eu
une étudiante dont le grand-père était un conteur hassidim
et j'ai une collection de contes de la vieille Russie, incroyable! Et une
Portugaise. J'ai envoyé à mes collègues de Lisbonne le
matériel recueilli à Montréal et ils avaient perdu cela au
Portugal. Alors, je pense que notre pays, ici, est responsable aussi de ces
traditions. Alors, donc, sauvegarde et la faire connaître. Une
communication par l'écrit, par des émissions et, ensuite de cela,
créer des événements. En fait, voyez-vous, c'est les
étapes, et surtout aussi une recherche, je pense. On a parié,
c'est revenu souvent dans les débats ici, de faire des recherches,
approfondir, faire des rapports entre les cultures, créer des ponts. Et
je pense que plus on acquiert de maturité, plus on est constructeur de
ponts plutôt que creuseur de fossés. Enfin, là vous me
l'avez demandé ex abrupto et puis l'ex abrupto donne aussi une
réponse abrupte que je m'excuse de ne pas pouvoir fignoler.
M. Boulerice: Une question qui aura peut-être deux volets,
professeur Ou Berger. Quels sont les liens qui existent entre un centre comme
le vôtre, par exemple, et prenons le plus près et sans doute le
plus beau - sage décision que le méchant ancien gouvernement a
prise - le Musée de la civilisation?
M. Du Berger: Eh bien, le Musée a organisé des
événements, à place Royale et un peu partout, et
très souvent c'est le Centre qui organise l'événement.
Lorsqu'il y a eu le Colloque des villes du patrimoine mondial, notre Centre a
aussi organise quatre soirées à l'hôtel de ville et un peu
partout avec des porteurs de traditions, des artistes traditionnels d'ici.
Alors, c'est la collaboration, à date. Maintenant,
éventuellement, on pourrait la développer. Mais notre Centre,
vous savez, à côté du Musée de la civilisation,
c'est quelque chose avec le bénévolat et vraiment ça tient
toujours à une ficelle. Je peux même dire que nous allons fermer
pendant un mois là, parce qu'on ne peut pas payer notre personnel.
Alors, il y a une fermeture d'un mois du Centre alors qu'on est en train de
préparer les états généraux. On ne peut pas. Alors,
avec le Musée, parfois, donc, c'est une collaboration de services. On
organise pour eux des événements.
M. Boulerice: Mais, professeur Du Berger, si vous me dites qu'au
moment où vous préparez un événement aussi
important votre Centre doit fermer pour un mois, la question que je vais vous
poser tout de suite, c'est: Mais les organismes actifs dans le secteur et,
notamment le vôtre, qu'est-ce qu'ils reçoivent actuellement du
ministère?
M. Du Berger: Eh bien, les chiffres exacts, peut-être que
M. Maheux peut m'aider là-dessus. Vraiment, moi, je n'ai pas
apporté les feuilles de budget. Mais c'est une opération pour
pouvoir arriver à reprendre... On reprend en janvier, évidemment.
Mais...
M. Boulerice: C'est anormal que vous l'interrompiez.
M. Du Berger: C'est une opération comptable. On ne pouvait
plus. Alors... Pardon?
M. Maheux (Denis): C'est-à-dire que le Centre va continuer
à fonctionner, mais sous la forme de bénévolat parce qu'il
ne sera plus possible de continuer notre fonctionnement avec des
employés normalement rémunérés.
M. Du Berger: Alors, on va me référer les
problèmes à l'Université et des choses du genre. On va
opérer comme ça.
M. Boulerice: Dans votre cas à vous, l'aide
gouvernementale est de combien?
Mme Frulla-Hébert: De 83 500 $, augmenta-
tionde52 000 $ sur l'année dernière.
M. Maheux: Dans notre cas, l'aide gouvernementale nous vient de
plusieurs programmes. Elle n'est pas nécessairement de l'aide...
M. Boulerice: Ciblée dans un seul.
M. Maheux: C'est ça. C'est qu'on doit frapper à
plusieurs portes puisque le patrimoine vivant comme tel n'a pas de porte
d'entrée bien établie. Donc, c'est soit par des programmes comme
les états généraux, qui est un de nos programmes les plus
importants cette année - c'est-à-dire que la préparation
de cette activité-là est une source importante de subventions -
mais aussi dans l'organisation d'activités de promotion ou de diffusion.
Par exemple, bientôt, le Festival international des arts traditionnels
qu'on organise où on fait venir des porteurs de traditions de
différents pays et, évidemment, des Québécois.
Le Président (M. Gobé): Je vais vous demander de
conclure, M. le député.
M. Boulerice: Juste très, très brièvement.
Le Président (M. Gobé): Oui, en conclusion.
M. Boulerice: Oui, il y a un archivage dans son sens noble, un
inventaire, il reste à compléter, ça va de soi, parce
qu'il y a encore un paquet de matériel peut-être
répertorié mais non pas repris, des choses à
découvrir. Vous avez sans doute entendu des interventions dans cette
commission où on parlait de ce gigantesque domaine des communications.
Et, quand je dis "communications", je ne parle pas de la radio et de la
télévision, mais de tout le support technique. Est-ce qu'un
organisme comme le vôtre a déjà commencé à
amorcer une réflexion sur ce que représenterait, pour vous,
l'acquisition de supports aussi importants - employons le terme - dans la
valorisation du patrimoine vivant, c'est-à-dire son
accessibilité? La, si je vous comprends bien, professeur Du Berger,
l'accessibilité, pour moi, elle n'est que de me rendre à
l'université. Il n'y a pas l'équivalent de la
télévision active qui existe entre ces données-là
et moi.
M. Du Berger: Le Centre est équipé, actuellement,
d'un ordinateur, mais il n'est pas lié avec d'autres centres ou d'autres
organismes. Évidemment, dans ce domaine-là, nous en sommes
là actuellement, mais je vous signale que, ça, c'est une
perspective qui pourrait, évidemment, accélérer beaucoup,
beaucoup l'échange, parce que c'est l'isolement. Nous pensons à
des régions, à l'Abttibi, par exemple, où des gens nous
disent: Bien, là, il y a telles choses. Vous avez des livres. Qu'est-ce
qu'on peut lire? Qu'est-ce qu'on peut consulter? Qu'est-ce qui s'est fait?
Alors, là, c'est évident que ça accélérerait
tout ce processus.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Du
Berger.
M. Boulerice: Je conclurai, professeur Du Berger, Mme Roberge et
M. Maheux, que votre mémoire, à lui seul, mériterait, sans
aucun doute, une fin de semaine de réflexion collective et je souhaite
qu'on puisse la faire. En guise de salutations, si on n'arrive pas à
certaines choses que vous nous suggérez, malheureusement, on ne pourra
pas faire un deuxième film aussi beau qui s'appellart "Pour la suite du
monde".
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci, professeur Du Berger. En fait,
on parlait d'aide. Oui, on a augmenté votre budget de 60 %, cette
année, reflétant justement certaines activités, parce que
vous avez l'aide au fonctionnement et l'aide aux projets. Alors, on a
augmenté des deux côtés. Ceci dit, effectivement, il y a
beaucoup à faire et on en est très, très conscients. Je
vous écoutais parler et, à l'heure où on parle aussi
beaucoup d'intégration, enfin, de nos immigrants, la connaissance de
notre patrimoine, c'est aussi une très belle façon pour qu'on
puisse se mieux connaître, autant nos nouveaux arrivants que nous, face
aux nouveaux arrivants. Alors, soyez assurés - on l'a prouvé
cette année, évidemment, dans la mesure du possible; quand les
fonds sont illimités, c'est toujours plus facile - qu'on est quand
même convaincus de la cause et on verra à ce que ça se
reflète en travaillant toujours avec vous autres. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. M. Du Berger, M. Maheux et Mme Fortin, au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous remercier. Nous avons pris bonne note et
connaissance de votre mémoire. Alors, ceci met fin à nos travaux
pour la journée. Je vais donc maintenant ajourner nos travaux à
demain, le mercredi 23 octobre, à 9 h 30 en cette salle. Les travaux de
la commission sont maintenant ajournés.
(Fin de la séance à 22 h 19)