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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 17 octobre 1991 - Vol. 31 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de la culture reprend ses travaux. Nous allons poursuivre le mandat qui a été confié à cette commission. Il s'agit pour nous de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, telle qu'elle a été déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Non, il n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci. On m'exemptera de donner l'ordre du jour. Il a été distribué. Avec le consentement des membres de cette commission, je voudrais souhaiter la plus cordiale des bienvenues à M. Valmy Féaux, qui est président de la communauté française de Belgique et ministre responsable de la Culture. Il est ici pour une rencontre de l'Agence Québec-Wallonie. Tout en lui souhaitant la bienvenue, je pense que nous pourrions lui permettre de nous dire quelques mots, après quoi nous pourrions commencer les travaux ordinaires de cette commission, si les membres sont d'accord, comme ils nous l'avaient déjà exprimé, d'ailleurs.

Est-ce qu'il y a consentement, M. le député?

M. Boulerice: Évidemment. L'amitié traditionnelle entre le Québec et la communauté française de Belgique nous commande d'entendre M. le ministre. Je suis persuadé, d'ailleurs, qu'il vient d'un pays qui peut nous livrer certaines expériences intéressantes.

Le Président (M. Doyon): Je n'en attendais pas moins de vous, M. le député. Je pense qu'il n'y a aucune objection autour de la table.

M. le ministre, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous entendre. C'est avec beaucoup de plaisir que je vous cède le droit de parole.

Allocution du ministre de la Culture de Belgique, M. Valmy Féaux

M. Féaux (Valmy): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, mesdames, messieurs, c'était pour moi aussi un très grand honneur d'avoir l'occasion de participer à vos travaux de la commission. Je ne vais pas être trop long parce que je vois que vous avez un travail important à accomplir aujourd'hui, entendre pas mal de groupes qui viennent vous faire part de leur perception du développement de la culture ici, au Québec. Je voudrais, quant à moi, dire qu'il y a effectivement depuis très longtemps une solidarité qui existe, une amitié qui existe entre la communauté française de Belgique et le Québec, puisque nous vivons un certain nombre de problèmes de façon similaire. Mais je dois dire que c'est toujours avec grand plaisir que je viens ici, et d'avoir traversé l'océan, de retrouver ici des gens qui, en fait, parlent le français et ont une sensibilité, du point de vue culturel, proche de la nôtre... Alors que vous vivez évidemment, ici, je dirais, dans un océan anglophone, nous aussi, bien qu'étant très proches de la France, nous avons, malgré tout, dans notre pays, une autre communauté qui parle le néerlandais. Bon, cela pose parfois quelques problèmes, mais ce que je constate, c'est que finalement, parfois, c'est l'anglais qui sort vainqueur de ce combat, entre guillemets, que parfois nous menons au sein du pays. Et, à Bruxelles, il y a une certaine tendance maintenant, même sur les tickets de métro, par exemple, même sur les cartes d'identité, à ne plus utiliser les deux langues nationales, qui sont le français, d'une part, et le néerlandais, d'autre part, au profit de l'anglais. Je suppose que c'est le fait que nous sommes appelés à peut-être devenir un jour la capitale de l'Europe, mais il y a une certaine tendance, malgré tout, à ce que l'anglais l'emporte sur les autres langues. Alors, je ne vais pas entrer dans un débat là-dessus, mais déjà, au sommet des chefs d'État et de gouvernement, où je représentais la Communauté française à Dakar, j'avais lourdement attiré l'attention sur la menace qui pesait malgré tout sur le français, même dans notre pays proche de la France, si nous n'y étions pas vraiment attentifs, parce que l'anglais a un peu tendance à devenir la langue internationale.

Enfin, je ne veux pas en dire plus là-dessus. Je voudrais simplement - en deux, trois minutes, j'aurai terminé - réagir, parce que, hier, vous savez que vous discutiez du rapport du groupe présidé par M. Arpin, et hier, aimablement, on m'a fait parvenir, dans ma chambre, le volume qui reprend ce rapport. Je n'ai pas pu tout lire, mais au moins j'ai lu au départ et je veux réagir peut-être sur les trois principes qui sont cités ici. D'abord, la culture est un bien essentiel à la dimension culturelle et nécessaire à la vie en société au même titre que les dimensions sociales et économiques. Je suis tout à fait de cet avis-là, et je dois dire que, dans notre communauté, c'est aussi parfois difficile de faire

passer cette idée que le développement de notre communauté, comme le développement des villes et des communes qui font partie de cette communauté, ça ne se fait pas uniquement au travers du canal économique ou du canal social, mais aussi au travers d'une activité, disons, culturelle importante. Et, encore maintenant, je me bats notamment pour que dans les budgets des municipalités les dépenses culturelles cessent d'être facultatives. Parce que, actuellement, elles sont facultatives. Autrement dit, lorsqu'un budget est présenté à la tutelle en déséquilibre, le premier endroit où on supprime les dépenses, c'est dans les dépenses culturelles. Or, je crois - je pense que je parle ici à des convaincus - que c'est au moins aussi important que les autres matières. Et je pense bien, d'ailleurs, aboutir à ce que, finalement, cette disposition qui rend facultatives ces dépenses cesse d'être d'application pour que l'on puisse aussi prendre en considération cette dimension culturelle.

Je suis aussi maire d'une ville et je me rends bien compte que nous nous développons relativement bien du point de vue économique, avec les entreprises qui viennent s'y installer, parce que nous avons aussi une université à proximité, ou qu'il se développe des activités culturelles avec un théâtre qui est assez renommé, avec des cinémas, etc., que tout ça constitue un tout et qu'il faut ce tout pour que, aussi, des industries viennent s'installer et qu'il y ait, par conséquent, une activité économique, qu'il y ait de l'emploi qui se développe dans la région. Voilà la brève réflexion que je voulais faire sur le premier point.

Le deuxième: le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens. Je suis aussi tout à fait d'accord avec cela. Nous faisons un très gros effort d'implantation de toute une série d'infrastructures, d'abord, parce qu'il faut quand même bien que ce moyen existe, mais d'aide aussi à des institutions et des associations pour que le plus grand nombre puisse participer à l'activité culturelle. Parce que, malgré tout, on voit que les clivages subsistent toujours.

Et je fais maintenant une brève réflexion sur le problème de l'éducation et de la culture pour constater que, finalement, le développement de notre réseau éducatif, donc au travers des écoles, universités, etc., ne s'accompagne pas nécessairement d'un développement sur le plan culturel. Et il subsiste donc là, toujours, me semble-t-il, un problème. J'avais un peu naïvement pensé que la communautarisation, comme nous disons chez nous, de la matière éducation - parce que, précédemment, l'éducation restait du niveau national, depuis deux ans c'est devenu une compétence des communautés, donc de la communauté française aussi, la culture l'étant depuis beaucoup plus longtemps - que maintenant, éducation et culture se situant au même niveau de pouvoir, nous allions pouvoir établir une meilleure synergie, une meilleure coopération entre les deux. Je dois bien constater que ce n'est pas le cas et que, finalement, l'enseignement en tant que tel, avec toute sa structure et aussi une certaine lourdeur de fonctionnement, craint toujours, je ne sais pas très bien pourquoi, une trop grande liaison avec l'activité culturelle. Je continue, disons, à essayer de rapprocher les deux mais déjà le fait qu'il y ait deux ministères - ministère de l'Enseignement qui prend énormément d'argent, qui est un peu fermé sur lui-même, qui a toujours un peu peur qu'on prenne quelque chose de ses compétences - fait que la liaison ne s'établit pas très bien et que, finalement, il y a une activité culturelle qui se développe et une activité disons éducative, par ailleurs, alors que ça devrait davantage se superposer, et ce n'est pas le cas actuellement.

Nous espérions beaucoup au travers d'un concept qui est celui de l'éducation permanente chez nous qui est de penser qu'un individu se développe depuis la naissance jusqu'à la mort dans un processus qui est permanent mais, et bien sûr, la période de scolarité est un peu le noyau dur à l'intérieur de tout ce cursus. Il n'en demeure pas moins que ce n'est pas le cas et que, bon, il y a là toute une série de réticences, de la part surtout, je crois, des enseignants, peut-être parfois aussi du côté des culturels ou des socioculturels, comme nous disons chez nous. Parfois, à l'égard de l'école aussi, il y a des réticences et nous devrions essayer en tout cas de surmonter cela. Il y a des obstacles sévères, financiers, budgétaires, etc., mais, il y a des obstacles de mentalité que nous devrions développer.

Et je termine en disant un mot sur le dernier des principes: Que l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société en utilisant des moyens, disons, comparables. Je crois, effectivement, que l'État a une responsabilité, disons, de soutien, d'impulsion, d'initiative parfois mais que d'autres doivent relayer en la matière et relayer d'abord les autres pouvoirs publics. Je songe surtout aux pouvoirs municipaux et parfois peut-être même dans le secteur privé. Je vois un film, par exemple, le coût d'un film, enfin, c'est 100 000 000 de francs belges par exemple chez nous. Généralement, quand l'État, quand la communauté française, donc ici en l'occurrence, donne 20 ou 25 des millions de départ, beaucoup plus facilement le réalisateur peut trouver les 75 millions qui manquent auprès d'autres pouvoirs publics ou alors de "sponsors", comme l'on dit.

Donc, on a un rôle, disons, d'impulsion à faire. Dans certains secteurs, c'est plus difficile. Je vols que vous allez parler de l'opéra. C'est après la radio et la télévision puisque, dans le ministère de la Culture chez nous, l'audiovisuel est compris. Donc, je suis, aussi, si je peux dire,

le patron, entre guillemets, de l'audiovisuel. Ça, c'est évidemment le plus gros paquet de mes moyens qui va vers cette institution, la RTBF que vous pouvez voir, je crois, de temps en temps grâce à TV5. À coté de ça, donc c'est l'opéra qui est l'autre gros consommateur de crédits de la communauté française, mais c'est une institution où là, disons, les relais sont beaucoup plus difficiles. Le nôtre est situé, par exemple, à Liège et la municipalité de Liège, qui ne donnait déjà pas grand-chose et, comme elle est en grosses difficultés financières, elle a un peu tendance à se désintéresser de son opéra et à dire que c'est la communauté française qui doit tout financer. Je ne suis personnellement pas de cet avis-là. Je suis pour des grandes institutions, on pense à l'opéra, nous avons un ballet, et tout cela doit se faire en partenariat aussi avec les pouvoirs municipaux parce qu'il faut qu'il y ait un ancrage, quelque part, de ces institutions, que ce ne soit pas quelque chose qui dépende de la communauté française, comme ça, qui est toujours un petit peu lointaine, même si nous sommes relativement proches des citoyens, et que c'est dans le cadre, disons, d'un partenariat aussi financier, tout en sachant que c'est la communauté française qui apporte le plus, que l'on doit jouer. Donc, l'État a un rôle vraiment très important.

Donc, la communauté, les pouvoirs publics, plus exactement, ont un rôle important à jouer dans le soutien, dans l'initiative. Je ne crois pas qu'ils doivent se substituer aux créateurs eux-mêmes. Parce que - je termine vraiment par là - le nombre de questions... Nous avons aussi un temps de questions et réponses, à l'Assemblée, chez nous. La plupart des questions sont sur des émissions de la RTBF: Parce qu'il y avait trop d'une telle tendance, pas assez d'une telle autre tendance, pourquoi on a mis un journaliste dehors là-bas, etc., etc. Je m'efforce toujours de répondre que, si je suis le patron de la RTBF du point de vue, disons, de la gestion financière, de la responsabilité générale, il y a aussi un conseil d'administration et que la gestion quotidienne ne m'incombe pas.

Et la même chose lorsqu'on m'interroge sur l'opéra ou sur un autre... Je trouve toujours que nous ne devons pas nous initier, nous, hommes politiques, dans l'acte de création proprement dit qui existe au sein de ces différentes institutions. On doit venir en soutien mais non pas en immixtion, mais très souvent les parlementaires, par exemple, me posent une série de questions et je me retranche toujours un peu derrière, non pas parce que c'est une manière de répondre facilement aux questions, mais parce que, très sincèrement, je ne pense pas, quant à moi, que les hommes politiques, les responsables politiques doivent intervenir au niveau de la création. Ils doivent intervenir en soutien mais pas à ce niveau-là qui doit rester un acte d'un individu ou l'acte d'un groupe d'individus.

Voilà, M. le Président, très schématiquement et encore trop longuement, quelques réflexions que je voulais faire à propos des principes retenus ici dans le rapport, et je vous remercie encore de m'avoir permis de développer ces quelques idées devant vous.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, une brève réaction et peut-être deux mots de remerciement.

M. Boulerice: Bon, brève réaction. Je suis très heureux de voir que nos collègues et amis de la communauté française de Belgique ont décidé que les communications étaient indissociables des arts et de la culture. C'est la position que ma formation politique préconise. Il va de soi qu'il y aurait bien d'autres questions à poser, puisque nous vivons quand même, à certains égards, des situations qui sont analogues, qui sont identiques: une communauté qui a sa propre constitution en vertu de la grande Constitution qui a été approuvée par le roi Beaudoin, mais par contre un pouvoir fédéral qui a encore certains pouvoirs d'invervention. Je ne me rappelle pas, M. le ministre, à la lecture que j'ai faite, si vous avez pleine et entière juridiction au niveau de la culture comme telle...

M. Féaux: Si, tout à fait.

M. Boulerice: Alors la Wallonie est encore en avance sur le Québec. Ce que je vous dirai tout simplement c'est que nous allons poursuivre nos travaux et tenter de vous rejoindre autant au niveau des juridictions que de la qualité des productions que l'on peut voir venir de la communauté française de Belgique. Votre présence a été très importante puisque - je vais employer le mot "étranger", s'il vous plaît, cher ami, ne le prenez pas dans son sens restrictif - quelqu'un de l'extérieur qui vient chez nous et qui nous donne son éclairage et nous donne ses commentaires sur ce que nous faisons, je pense que c'est de nature à ouvrir les esprits. J'ose espérer qu'un jour on puisse vous rendre la pareille.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre des Affaires culturelles, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Alors, je me joins, je pense, à tous les gens de cette commission pour d'abord vous remercier d'avoir accepté l'invitation. Quand on m'a fait part de votre visite - on s'est connus, nous, lors des négociations pour TV5 - j'ai pensé qu'il serait bien aussi d'avoir une présence et une expérience d'ailleurs pour nous éclairer un peu dans notre réflexion. On s'aperçoit que les problèmes sont sensiblement les mêmes: partenariat avec les municipalités

d'une part, très important; l'éducation et la culture, très important; l'influence, ou enfin le rôle des communications aussi, très important. Alors, que ce soit de ce côté-ci ou de l'autre côté de l'océan, on s'aperçoit que, finalement, on se rejoint. Alors, merci beaucoup d'être ici, merci beaucoup aussi de votre amitié et on vous souhaite une bonne fin de séjour. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes-là.

M. Féaux: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci. Il me reste, au nom de la commission, à vous exprimer nos remerciements aussi. Les propros que vous nous avez tenus vont alimenter notre réflexion, comme celle des invités que nous allons recevoir dans deux minutes. Merci d'avoir pris le temps de nous rencontrer et merci d'avoir réfléchi sur les problèmes auxquels nous avons à faire face, et de nous avoir fait part de la façon dont vous réagissez à ce que nous tentons actuellement de résoudre comme problème important, avec des solutions qui feront l'affaire de tout le monde. Merci, M. le ministre.

Suspension d'une minute.

(Suspension de la séance à 10 heures)

(Reprise à 10 h 1)

Auditions

Le Président (M. Doyon): J'invite, avec, malheureusement, un peu de retard qui s'explique de lui-même, nos invités qui étaient déjà sur place. Je les félicite de leur ponctualité. Les parlementaires ne sont pas particulièrement renommés pour la leur, malheureusement. J'invite donc la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à bien vouloir prendre place en avant, à la table de nos invités. Je leur laisse le temps de s'installer, en disant, en passant, que les règles des dernières semaines vont s'appliquer: une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou d'un résumé que vous voudrez bien en faire; après ça, nous allons entamer la discussion avec vous à parts égales entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition, qui voudront échanger avec vous. Je vous demande de bien vouloir vous présenter, pour les fins du Journal des débats. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Dès maintenant, je vous laisse la parole.

FTQ

M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup. Mme la ministre, mesdames et messieurs membres de cette commission, en tout premier lieu, je voudrais vous présenter ceux qui m'accompagnent ce matin: à ma gauche, Jean-Guy Frenette, conseiller politique de la FTQ, M. Richard Gagnon, des Travailleurs canadiens de l'automobile et du Conseil du travail de Québec, et Michel Morasse, le permanent de la FTQ dans la région de Québec.

M. le Président, le mémoire que nous avons déposé porte sur cinq thèmes, et je vous les présenterai les uns et les autres. Mais laissez-moi d'abord vous expliquer un peu quelle fut notre démarche dans la préparation de notre mémoire.

La FTQ représente, par l'intermédiaire de ses syndicats affiliés, des créateurs et artisans du secteur culturel, entre autres l'Union des artistes, des travailleurs et travailleuses de ce qu'on appelle les industries culturelles, enfin, des groupes qui, par leur travail, s'inscrivent au coeur de plusieurs des problématiques visées par le rapport Arpin. Cependant, inutile de tenter de vous cacher que la FTQ a été absente des débats sur la culture, débats pourtant nombreux depuis la Révolution tranquille, débats alimentés par une suite de livres verts, blancs et de déclarations et de querelles. En ce silence même, nous croyons que nous avons été, en fait, représentatifs de plusieurs segments de notre société qui ont, en quelque sorte, abandonné le débat et la préoccupation culturelle à ceux qui sont producteurs de culture, qui en vivent, certains très mal d'ailleurs.

Lisant les reportages sur les audiences de cette commission parlementaire, j'avais d'ailleurs un peu l'impression que ce même schéma se reproduisait, que, quand il s'agit de débattre de culture, les groupes spécifiquement définis comme culturels et artistiques se retrouvent pratiquement seuls à en débattre. À cet égard, la FTQ a été, je l'ai dit, représentative de cette apparente indifférence. Nous n'avons pas réussi à retrouver une position minimalement étoffée que nous aurions déjà produite sur la culture.

Je pense que c'est symptomatique, il nous manque collectivement une envie d'appropriation des formes d'expression culturelle qui ferait que se sentiraient concernés par un débat sur la culture les milieux et les populations qui n'entretiennent pas un rapport économique avec elle. Ce défaut d'appropriation renvoit corollairement à une certaine professionnalisation ou corporatisa-tion des débats sur la culture. Tout cela nous semble malheureux. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons consacré plusieurs pages de notre mémoire aux questions d'appropriation, d'une part, et de démocratisation, d'autre part.

Ceci m'amène a exposer la première partie de notre mémoire intitulée "La culture comme représentation et responsabilité collectives". Nous nous sommes rendu compte que, comme organisation syndicale, pas particulièrement culturelle, mais pas nécessairement inculte, nous étions quelque peu mal à l'aise avec la définition très empirique de la culture sur laquelle se fonde le rapport Arpin et qui assimile cette dernière aux

formes d'expression artistique. Nous comprenons bien qu'un groupe chargé de faire des propositions concrètes en matière de politique culturelle soit naturellement amené à une définition pragmatique. Après, il est vrai, l'énoncé de plusieurs précautions, le choix de cette définition empirique entraîne logiquement une approche très professionnaliste de la culture. Si bien qu'un groupe comme le nôtre, saisi du rapport Arpin, peut se dire: Ceci ne nous concerne pas, que pouvons-nous en dire? Contentons-nous donc de nous replier sur quelques sujets sur lesquels nous avons des positions. Et c'est en nous demandant, somme toute, de quelle façon notre centrale syndicale pouvait être concernée par la culture que nous avons été amenés à ce premier commentaire.

Nous avons fouillé dans nos souvenirs et nous nous sommes rendu compte que plusieurs de nos syndicats avaient eu ou ont des pratiques de diffusion de la culture ou même de production culturelle. Il y a des exemples que nous donnons dans ce mémoire et je ne veux pas les répéter à ce moment-ci. Ces pratiques n'ont jamais fait l'objet d'un recensement systématique et j'avouerai que plusieurs ne les ont jamais trouvées prioritaires.

Cette réflexion autour de la diffusion et de la production de la culture nous a amenés à penser que, dans les débats sur la culture, il vaut mieux ne jamais trop perdre de vue une définition plus sociologique de la culture qui nous fait la voir comme un reflet de ce que nous sommes, un résultat de notre dynamique en tout domaine. Dans un tel cadre, il devient clair que la culture est l'affaire de tous et de toutes et qu'il faut promouvoir l'appropriation, par le plus grand nombre, de la culture comme produit de consommation, mais aussi comme moyen d'expression et, bien sûr, comme discours sur la culture.

Le deuxième thème que nous avons développé dans notre mémoire s'intitule "Pays, culture et langue". Nous y rappelons ici des positions qui sont nôtres depuis un bon moment déjà et que nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer ailleurs. La FTQ est, bien sûr, en faveur du rapatriement intégral de la compétence sur la culture, en direction du Québec. En même temps que nous favorisons la souveraineté et, par conséquent, le rapatriement intégral de toutes les compétences, nous trouvons que les revendications de récupération à la pièce, revendications qui ont marqué notre histoire politique depuis si longtemps, nous empêchent d'avancer.

Le Québec et le pouvoir fédéral ont toujours ferraillé autour de ces questions de compétence. Non seulement ne s'entendait-on pas sur la culture des textes constitutionnels, mais encore profitait-on de la distraction, de l'incompétence ou de la volonté politique de l'autre pour avancer sur le terrain de l'autre. Cette guérilla politique s'est largement exercée à l'encontre des intérêts du Québec et a diverti nos attentions collectives de façon indue.

Le débat sur le rapport Arpin a été l'occasion de prises de position très tranchées. Sur cette question de compétence, il nous a semblé que les vrais enjeux étaient perdus de vue et que c'était d'ailleurs là un résultat de cette profes-sionnalisation du débat. Car, enfin, la question fondamentale est d'ordre constitutionnel: Voulons-nous ou pas que Québec soit maître d'oeuvre en matière de culture? Voulons-nous ou pas que Québec soit un pays? Au lieu de cette discussion qui dépasse largement la culture et qui hante le Québec depuis trop longtemps, nous avons eu droit à des évaluations comparatives et diverses des performances passées du Québec et du Canada en matière de culture. Pour nous, il est un peu primitif en matière d'analyse politique de prendre une position constitutionnelle selon l'importance et la nature des degrés de satisfaction. Si nos politiques culturelles ne sont pas adéquates, changeons-les. C'est d'ailleurs pour cela que siège cette commission. L'administration publique est dotée d'une volonté et d'une capacité de renouvellement; le moteur du renouvellement sera toujours la volonté politique.

Mais, face à la diversité, nous avons tendance à revenir à quelques questions fort simples au sens commun, à vrai dire. Se pourrait-il que les différents milieux culturels privilégient des attitudes étatiques différentes, les uns souhaitant un État davantage mécène, les autres souhaitant un État davantage catalyseur? N'est-il pas pensable que les besoins d'un milieu où se côtoient des industries très capitalistes comme le cinéma et des créateurs individuels, que les besoins de tout ce monde soient différents? C'est après nous être posé ces questions que nous avons opté pour une politique souple et flexible qui fasse place aux différences. C'est peut-être trop simple, peut-être parce que nous ne sommes pas dans la mêlée. C'est peut-être aussi que nous sommes consternés du ton de certaines interventions qui laissent supposer que le Québec est, par un mystérieux atavisme, inapte en matière de culture, ou qu'on dise sans sourciller que la dualité des pouvoirs en matière culturelle est un cadeau du ciel, peut-on imaginer, dans tous les pays souverains de par le monde, et voilà qu'on nous envierait.

Une dernière question peut être posée: Ne se pourrait-il pas que les attitudes différenciées du pouvoir fédéral et du pouvoir québécois reflètent au moins un peu et peut-être beaucoup un rapport fondamentalement et essentiellement différent à la culture du Québec? L'un qui passe par la distance et l'étrangeté, l'autre qui s'inscrit dans la proximité et l'identification.

Nous avons, dans ce chapitre de ce mémoire, également discuté du lien entre langue et culture et, donc, entre politique linguistique et politique culturelle. Langue et culture sont indissociables et, dans un pays à la fois incertain et géographiquement menacé comme l'est le

Québec, elles ont toutes deux besoin de l'attention gouvernementale et de la fierté populaire. Toutes ces questions ont largement été développées par le Mouvement Québec français qui viendra vous rencontrer éventuellement, dont la FTQ est membre, et nous n'y insisterons pas davantage.

Le troisième chapitre de notre mémoire s'intitule "Mondialisation et échanges internationaux". Nous avons ici réagi à certains propos, certaines recommandations du rapport Arpin, qui nous semble bien orienté à ce sujet, mais qui n'a pas suffisamment insisté sur la nécessité de soutenir nos industries culturelles et nos créateurs dans la conjoncture actuelle de mondialisation et de libre-échange. Comme société dont les produits culturels qui passent par le véhicule linguistique sont majoritairement limités dans leur diffusion, puisque la francophonie mondiale est en position difficile, nous devons accorder un soutien particulier à nos créateurs, leur permettre de maintenir leur spécificité, les aider à diffuser leurs oeuvres à l'échelle de la francophonie. La logique de la rationalisation économique ne s'applique pas au secteur culturel. La vitalité d'une culture passe par sa diversité, par le foisonnement des lieux de production, par le maintien même d'une offre de produits marginaux et condamnés inévitablement à la non-rentabilité, par l'adéquation, enfin, entre le produit et la société dont il sourd.

Notre mémoire mentionne également la nécessité pour le Québec d'être vigilant pour ce qui concerne les discussions sur le libre-échange tripartite et sur les pressions américaines en faveur de l'inclusion de la culture dans les ententes à venir ou à renégocier. Telle inclusion serait aussi fatale à la culture canadienne anglaise qu'à la culture du Québec, à vrai dire. Peut-être pourrions-nous résister plus longtemps à la faveur de notre spécificité linguistique. Mais il n'est que de voir les statistiques sur la consommation culturelle des jeunes pour nous rendre compte que les protections gouvernementales actuelles sont indispensables.

Notre quatrième chapitre concerne "Le rôle de l'État", et nous ne surprendrons personne en disant que nous approuvons la position du rapport Arpin. Oui, nous voulons un État présent, interventionniste même, mais dans le bon sens du mot. Il s'est dit tant de choses à ce sujet qu'il y a des mots qui sont devenus piégés et que parler d'interventionnisme a l'air de parler de totalitarisme. Le rôle de l'État n'est pas de définir la culture, soyons nets, il est d'en soutenir les formes d'expression. Le rôle de l'État est aussi de promouvoir un meilleur accès à la culture dans l'optique d'une lutte aux inégalités. Nous avons eu tendance, par le passé, à développer une conception très économique des concepts d'égalité et d'inégalité. Il faut, et c'est une autocritique aussi, développer une conception d'ensemble de l'égalité - parlons plutôt d'équité et de son envers - et nous rendre compte des liens entre l'accès à la culture et l'accès à la sécurité économique. (10 h 15)

On a beaucoup parlé du cercle vicieux de la pauvreté. Je n'insisterai pas, mais il n'est pas dit que la démocratisation de l'accès à la culture et à la production culturelle n'est pas une bonne façon de rompre le cercle vicieux. J'y reviendrai, car nous avons consacré à cette question le dernier chapitre de notre mémoire.

La FTQ n'avait pas l'expertise pour réagir - vous vous en rendrez bien compte - à toutes les propositions du rapport Arpin concernant le rôle de l'État et nous avons donc limité nos commentaires aux sujets sur lesquels nous nous sentions, à un titre ou à un autre, fondés d'intervenir. Nous avons d'abord émis une opinion générale sur l'intervention de l'État, compte tenu de l'affolement qui s'est emparé de certains milieux où George Orwell a été très mal lu. Toute intervention étatique comporte des effets pervers qui relèvent généralement du contrôle social, d'une normalisation excessive. Mais nous croyons cependant, et ceci est en lien avec notre option social-démocrate, que l'intervention de l'État est globalement plus bénéfique que l'absence d'intervention et que, d'autre part, les possibles effets pervers sont relativement contrôlables dans la mesure où l'on accepte d'en parler et où on est sensibilisé à cette problématique.

Nos commentaires plus spécifiques portent sur différents sujets dont je n'en retiendrai, aux fins de ce rapide exposé, que trois. En premier lieu, il est bien temps, en effet, de mettre sur pied un conseil consultatif de la culture. Tous les grands champs d'intervention étatique ont leur organisme consultatif depuis belle lurette. Et c'est là une façon de consacrer l'importance de la mission de l'Etat. La composition de ce conseil devra, et cela sera certainement une opération complexe, refléter les diverses sensibilités. Il serait cependant mal avisé de ne nommer à ce conseil que des producteurs directs de culture. Des membres non producteurs contribueraient à introduire des préoccupations sociales ainsi qu'à promouvoir des débats plus sereins.

En deuxième lieu, nous accueillons avec nuance ce désir d'horizontalité de la préoccupation culturelle que l'on retrouve dans le rapport Arpin. À vrai dire, c'est un souhait fort légitime mais il est aussi légitime d'appeler à une "priori-sation" gouvernementale de l'emploi, de l'environnement ou de la lutte aux inégalités. Ne dressons pas une priorité contre l'autre. Tous ces objectifs et d'autres ont leur importance et méritent d'être promus au statut de superpréoccupation.

En troisième lieu, nous attirons dans notre mémoire l'attention sur l'intérêt d'une meilleure participation financière des milieux corporatifs à la culture tout en spécifiant que l'activité de

commandite est, par nature, aléatoire et peu pertinente pour nombre de formes d'expression artistique plus marginales. Donc, que l'on n'en fasse pas un terme d'une alternative dans laquelle le financement public serait l'autre terme. Par ailleurs, nous attirons l'attention sur une récente entente intervenue entre le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, entente relative à la mise sur pied de fonds locaux de développement. Il faudrait que les milieux culturels régionaux connaissent ces possibilités et qu'ils essaient d'ouvrir les portes de ces institutions financières.

La cinquième partie de notre mémoire s'intitule "L'accès à la culture et aux arts". Nous nous y interrogeons d'abord sur la notion de démocratisation culturelle. Il nous apparaît plus profitable pour tout le monde de dégager comme priorité en matière de démocratisation la démocratisation de l'accès à toutes les formes d'expression artistique et culturelle sans préférence et sans exclusive. Certes, une gamme de moyens pour favoriser le meilleur accès s'offre à nous et la FTQ n'a donc qu'effleuré le sujet en en proposant cinq et encore très schématique-ment. Aussi, suggérons-nous que, dans les diverses municipalités, l'accès aux équipements culturels soit amélioré par des pratiques d'échange et de collaboration entre les diverses institutions. Une pièce de théâtre peut se contenter d'un sous-sol d'église, voire de la grande salle sous-utilisée d'une maison d'enseignement et ainsi de suite. On se souvient tous des débats, il n'y a pas si longtemps, entre les commissions scolaires et les garderies ou des groupes d'éducation des adultes, les premières gardant jalousement les clés de leurs locaux scolaires vides pendant de longs moments. Un peu plus de convivialité servirait sans doute la cause d'un meilleur accès.

Sur la question scolaire spécifique, nous rappelons dans notre mémoire que l'analphabétisme est un problème pour deux adultes sur dix qui sont privés de ce fait de l'accès à plusieurs formes d'expression culturelle et artistique. Quant aux enfants qui fréquentent l'école, il nous apparaît que l'accès aux produits culturels est beaucoup trop aléatoire, relevant largement de l'initiative du personnel scolaire et de la bonne volonté des collectifs locaux et que c'est là le genre de politique ou l'absence de politique qui est nécessairement teinté, influencé par la richesse culturelle des différents milieux et par la richesse tout court. Les sorties culturelles sont généralement à la charge des parents. Le temps m'empêche, je crois, d'élaborer davantage. Ce sont des pistes de réflexion que nous voulions soumettre et nous ne pouvons pas toutes, évidemment, les énumérer.

Permettez-moi, en terminant, de mentionner la question de participation. Il est beaucoup question de partenariat, dans le rapport Arpin, et nous sommes en faveur. Mais il faut aller plus loin, nous fixer des objectifs en matière de participation: que plus de gens s'intéressent à la musique, à la peinture, à la danse, à la lecture, quel qu'en soit le médium, et que davantage parmi nous, aussi, s'engagent dans la production culturelle. Que de corvées, au bon sens du mot, culturelles pourraient prendre forme, visant, par exemple, à revaloriser et diffuser des moments d'histoire, des éléments de patrimoine régionaux.

Nous bouclons ainsi la boucle en terminant sur une note relative, comme au début, à la nécessaire implication, à la nécessaire appropriation, par le plus grand nombre, de la culture et de l'activité culturelle. L'heure est un peu trop à l'économie, nous dit le rapport Arpin, avec raison, et la responsabilité de la mise en oeuvre, de la mise en veilleuse de la culture est largement partagée. Souhaitons que de plus en plus nombreuses s'élèvent des voix pour remettre fa culture à la place d'honneur qui lui est due et que ces voix proviennent des milieux de plus en plus différenciés et larges. Le jour où une commission parlementaire sur la culture suscitera un intérêt dépassant très largement les milieux artistiques et les esthètes, nous serons en bonne voie de voir la culture , devenir mieux qu'une affaire d'État, l'affaire de tous et de toutes.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Daoust. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Daoust. Bienvenue à tous. Quand vous dites que la culture est l'affaire de tous et toutes, finalement, je l'ai dit aussi, l'an dernier, même à l'Assemblée nationale, je pense que là-dessus on se rejoint et on se rejoint de très près. Quand vous pariez aussi de l'implication des diverses centrales syndicales dans le processus, c'est pourquoi l'invitation et c'est pourquoi aussi la commission parlementaire. Quand vous nous dites que le débat devrait déborder des milieux culturels, alors c'est pour ça nos approches aux municipalités, au socio-économique. L'HydroQuébec va venir cet après-midi, Bell viendra aussi. Certaines entreprises comme Québec-Téléphone sont venues se présenter, parce que, vous avez parfaitement raison, c'est un projet de société et on peut s'en parier entre nous. Si on ne déborde pas le milieu, eh bien, ça va rester entre nous et le milieu seulement.

Ce que j'aime de votre approche, aussi, c'est la question d'accessibilité, d'une part, et la question de démocratisation, si on veut, de la culture en soi. Et j'aurai des questions à vous poser qui sont peut-être un peu plus spécifiques et vous êtes les seuls à y toucher.

D'abord, au niveau de la création de fonds locaux d'investissement, j'aimerais que vous élaboriez sur ce sujet. Vous êtes très impliqués dans ces fonds locaux, vous parlez d'accessibilité, finalement, à ces fonds aux projets culturels.

J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Daoust: Nous faisons état de cette proposition dans le document qui vous est soumis, dans le mémoire. J'en ai parlé quelque peu lors de mon intervention. Il s'agit de fonds qui seront, qui sont en voie d'être mis sur pied. Les négociations sont entamées, les principes sont acquis de part et d'autre, par l'UMRCQ et par le Fonds de solidarité, que des sommes d'argent soient à la disposition des régions du Québec qui sont les "petites patries" d'un Québec en devenir et qui permettraient à toutes ces régions d'avoir accès à du capital de développement, comme on dit. Évidemment, essentiellement, ce qui est visé, c'est la création et le maintien d'emplois, par des fonds qui peuvent être Investis régionalement sous l'examen, la surveillance et le contrôle du Fonds de solidarité et de telle ou telle municipalité ou municipalité régionale de comté, fonds qui peuvent permettre l'éclosion d'une entreprise ou qui peuvent permettre à une entreprise qui est en difficultés financières de pouvoir avoir accès à un minimum de capital venant de ce type de fonds régionaux.

C'est peut-être un peu éloigné d'entreprises ou de l'industrie culturelle dans le sens large du mot, mais il existe ici et là au Québec des gens qui ont des idées et qui pourraient les soumettre à ces fonds régionaux. Il y aurait là d'abord une façon de provoquer une prise de conscience, et des échanges, inévitablement, pourraient en découler, et des investissements, puisque les fonds qui seraient disponibles pourraient être rendus possibles à ces actions culturelles qui pourraient se faire en région, parce que souvent il y a un manque d'argent. Remarquez que là il faut être bien précis. Il ne faut pas non plus susciter des appétits qu'on ne pourra pas combler. Il ne s'agit pas de mécénat, sans aucun doute. Il faudra inévitablement, puisque c'est l'épargne des travailleurs et des travailleuses qui est investie dans le Fonds de solidarité, qu'il y ait une rentabilité plus ou moins assurée ou assurée. Je ne veux pas non plus laisser flotter des hypothèses qui pourraient par la suite ne pas se concrétiser. Ce n'est pas des subventions, ce n'est pas du mécénat, je le répète, mais, tout au moins, c'est l'occasion pour ceux qui ont des idées dans le domaine culturel de les faire valoir au Fonds de solidarité et aux organismes régionaux. Et peut-être, au-delà de ces mises de fonds, le seul fait qu'il y ait non seulement des types d'échanges mais des interventions pourrait provoquer une prise de conscience sur la nécessité d'une implication régionale dans le domaine culturel.

M. Frenette (Jean-Guy): Au-delà des fonds régionaux que nous aurons au niveau de chaque grande région du Québec, chaque MRC, chaque municipalité régionale de comté, pourra avoir et créer au niveau local un fonds local, qui sera géré par les intervenants du milieu, des municipalités, des groupes économiques, des groupes culturels, et le fonds local sera alimenté par le Fonds de solidarité en fonction et au prorata des souscriptions locales et des adhésions locales qui se feront au niveau du Fonds de solidarité. Et nous nous engageons à toujours réinvestir dans le fonds local les entrées qui nous viendraient. Ce seraient les municipalités qui feraient une certaine promotion, la promotion pour l'adhésion au Fonds de solidarité. En ce sens, nous voulons doter chacune des localités du Québec, mais surtout chacune des MRC, d'un fonds de capital de développement auquel elles pourraient participer et où elles auraient un pouvoir d'intervention et le contrôle appartiendrait effectivement aux intervenants du milieu et au niveau local pour définir et soutenir les projets qui leur conviennent. Et on pense, et c'est dans nos orientations, que tout projet culturel, artistique, etc., peut se présenter, évidemment, à ce type de fonds.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'au niveau de votre table, par exemple, les produits culturels ont été spécifiquement discutés? Parce que vous savez, et là-dessus je vous rejoins, on comprend bien que ce ne sont pas des subventions, on comprend bien que c'est tout simplement un fonds d'aide à l'entreprise. Par contre, on a une tendance à penser aussi que nos produits culturels - quand on regarde au niveau de nos industries, on a des gens ici, justement, des industries, qui sont en affaires et qui font très bien - que parce que c'est la culture, bien, ce n'est pas rentable. Mais, quand on parte des industries culturelles, une industrie culturelle c'est la même chose qu'une autre entreprise, que ce soit une PME ou une entreprise plus grosse, avec les mêmes conditions économiques, les mêmes conditions de marché. (10 h 30)

Alors, je reviens à ma question. Est-ce que, au niveau des entreprises culturelles, ce type d'intervention pour les entreprises culturelles a été spécifiquement discuté à la table?

M. Daoust: Si on revient au Fonds de solidarité comme tel, toute demande d'investissement, d'où qu'elle vienne, fait l'objet d'une analyse et d'un examen. Depuis l'existence du Fonds, il nous est arrivé à quelques reprises que ceux qui font partie de ce qu'on appelle l'industrie culturelle aient frappé à la porte du Fonds pour suggérer et proposer des projets. Mais il n'y en a pas eu beaucoup, soit dit en passant, à peine; on peut les compter. En fait, il y en a eu peut-être deux ou trois et il y en a un qui a été retenu.

Le Fonds a fait un investissement dans un film, "Les Tisserands du pouvoir", qui a été présenté à la télévision et dans les salles de cinéma, investissement qui a fait l'objet de

rencontres avec le milieu que vous connaissez sans aucun doute, avec les promoteurs du film, et qui a suscité à l'intérieur du Fonds et de la FTQ beaucoup d'intérêt et de questionnement dans certains cas, comme d'autres investissements ont pu susciter inévitablement des questions, que ce soient les Nordiques, ici, à Québec, ou dans d'autres domaines. Ça a été extrêmement sain pour le Fonds, pour l'ensemble de la FTQ et les syndicats les plus impliqués, comme l'Union des artistes et d'autres syndicats, qui participent toujours sur le plan du travail à la production d'un film, d'un outil ou d'un produit culturel. On a toujours un peu de difficulté... Moi, j'ai toujours un peu de difficulté à parler d'industrie culturelle parce qu'il y a comme une espèce de contradiction. Mais je ne veux pas entrer dans ces débats-là, ce serait trop compliqué.

Donc, le Fonds a eu un investissement dans ce domaine-là et il est ouvert - encore une fois, le Fonds de solidarité comme tel - à toute demande qui est véhiculée, qui nous est soumise par le milieu.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme la ministre.

M. Daoust: Je dois vous dire que, non seulement il y a une ouverture, il y a une préoccupation et une sensibilisation. Le milieu de l'industrie culturelle devrait accepter cette main tendue, qui n'est pas tendue dans le mauvais sens du mot, mais qui pourrait lui donner un drôle de coup de main parce que les analystes financiers - et là je ne veux pas faire la promotion du Fonds plus qu'il ne le faut; c'est déjà abondamment fait - mais les équipes, les analystes financiers pourraient aider tous ceux qui font partie de l'industrie culturelle à préciser les projets et à en évaluer la rentabilité éventuelle.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, très très brièvement.

Mme Frulla-Hébert: Une toute petite question. Encore une fois, c'est sur la question de l'adaptation de la main-d'oeuvre. Vous dites que le MAC n'a pas affaire à la formation professionnelle, qu'il y a une table de concertation. Vous êtes les seuls à toucher ça, c'est pour ça que... Est-ce qu'il est possible d'envisager, par exemple, au sein de la conférence, la formation d'une table sectorielle axée sur les besoins spécifiques dans le domaine culturel parce que nos milieux le demandent? On aimerait savoir si, à cette conférence-là, les milieux culturels auraient leur place.

M. Daoust: Moi, j'en ai la certitude absolue. Cette table, cette conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre existe depuis une année. Elle est sur le point de produire, pas à la conférence comme telle, mais à la suite des discussions, de vivre la présentation d'un projet de loi sur la création d'une société québécoise d'adaptation de la main-d'oeuvre.

Pour revenir à votre question de façon précise, mais oui! et il faudra le faire, d'ailleurs, dans bien des domaines. C'est un grand lieu de concertation où on retrouve le monde patronal, le monde syndical, le monde coopératif et, évidemment, un gouvernement. On y parle de main-d'oeuvre, de marché de travail, de recyclage, de formation professionnelle. Il y a là une expertise. Quand on parle de formation professionnelle, il faut faire appel à bien des gens au Québec. À l'intérieur du gouvernement, il y a des ministères qui se chamaillent beaucoup là-dessus, il y a des chasses gardées. Si tout le monde crée sa petite table de formation professionnelle... Il y en a déjà trop de lieux, d'endroits où ça discute et de piétinement dans ce domaine-là qui nous fait beaucoup mal, comme société, au Québec. Il ne faudrait pas, encore une fois, les multiplier. Alors, oui, c'est le lieu privilégié. Moi, je ne peux pas répondre au nom du gouvernement ni du ministre, mais je peux m'exprimer probablement au nom des partenaires qui se rencontrent, pour dire: Mais oui, il faudra qu'il y ait des tables sectorielles où les gens les plus intimement mêlés, les plus compétents pourront venir et faire part de leurs demandes et de leurs besoins.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Daoust, M. Frenette, M. Morasse et M. Gagnon, je suis heureux que nous commencions cette journée avec cette puissante organisation que vous représentez. Cette organisation que vous représentez appuie l'option de la souveraineté du Québec. Donc, la question du rapatriement des pouvoirs fédéraux en matière de culture devient inévitablement inéluctable pour vous. Certains organismes culturels sont méfiants à l'égard du rapatriement parce qu'ils craignent ce dirigisme de l'État auquel vous avez fait allusion, ou encore que les budgets récupérés du gouvernement fédéral pourraient être réinvestis ailleurs que dans la culture, garantie inverse qu'a donnée le chef de l'Opposition, mais pas la ministre. Qu'est-ce que vous répondez à ces craintes et à cette méfiance de la part des milieux?

M. Daoust: La méfiance est peut-être fondée, et je m'explique. Bien que, nous, nous ne la partagions pas, elle est peut-être fondée parce qu'on vit ce que nous vivons dans ce pays: deux types d'intervention au niveau de deux gouvernements. Mais nous ne la partageons pas parce que - nous l'avons dit dans notre mémoire et je pense qu'il n'est peut-être pas mauvais de le répéter - la FTQ préconise systématiquement la

récupération des compétences sur l'un ou l'autre secteur et l'appropriation de toutes les compétences qui caractérisent - et je cite le mémoire, à la page 9 - "...les États souverains de par le monde. Parce que nous constituons un peuple et que nous voulons nous donner un pays, l'activité de l'État doit être une et à l'abri des maquignonnages et guérillas politiques."

Dans le domaine de la culture, il y en a eu beaucoup de ces guérillas, aussi bien au Québec, à l'intérieur de ce coin de pays qui deviendra le nôtre éventuellement, aussi bien à Ottawa, guérillas et maquignonnages à l'égard desquels nous avons nos vues et dont nous sommes, évidemment, les victimes.

Il n'y a pas d'inquiétude, quant à nous. Le jour où le Québec sera souverain, il n'y a aucune espèce d'inquiétude, dans la mesure où ceux qui sont les plus directement touchés, et même l'ensemble de la population, démontreront la vigilance qui s'impose. Pourquoi faudrait-il qu'un Québec qui deviendrait souverain soit, à l'égard de la culture, de façon générale, d'une mesquinerie qu'il ne pourrait pas se permettre, de toute façon... mais d'une mesquinerie dont on l'accuse à ce moment-ci, dont on prétend que ça pourrait arriver si jamais le Québec devenait souverain? Il y a quelque chose d'incompréhensible là-dedans.

Le jour où le Québec deviendra souverain, il aura évidemment toutes les compétences pour intervenir avec force dans le champ de l'activité culturelle. Il devra les assumer, ces compétences-là. Il n'y a aucune raison qui voudrait - nous, on le réclame et tout le monde va le réclamer - que ce Québec souverain ait, à l'égard de la culture, moins de préoccupations que ce type de réalité que nous connaissons. Il y a des interventions gouvernementales de deux niveaux de gouvernement. C'est entendu qu'on va exiger comme point de départ que l'argent qui est investi par le fédéral, le jour où le Québec va rapatrier la globalité de ses compétences, soit investi de la même façon par ce nouveau pays que serait un Québec souverain.

M. Frenette: M. Boulerice, sur votre question fondamentale concernant la crainte de détournement des fonds qui pourraient être rapatriés, avec les compétences qui s'y rattachent, je dois vous dire qu'il n'est pas nécessaire d'être souverainiste pour exiger le rapatriement des compétences et des fonds qui s'y rattachent. Nous avons obtenu cet accord avec le monde patronal et le monde coopératif au niveau de la conférence permanente sur l'adaptation de ia main-d'oeuvre. Nous avons un ministre, le ministre Bourbeau, qui a décidé, finalement, de demander notre appui pour récupérer tous les pouvoirs dans le domaine de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, y compris éventuellement l'administration de l'assurance-chômage. Nous avons donné cet appui au ministre avec le monde patronal. Là, ce sont des mil- liards, dont on parle, de récupération des fonds fédéraux. Nous ne sommes pas tous des fédéralistes autour de cette table, comme vous pouvez vous en douter. Le monde patronal est d'accord pour récupérer tous ces pouvoirs et toutes les sommes. Nous sommes certains, au Québec, d'avoir la vigilance nécessaire et suffisante pour s'assurer qu'on est capables de continuer à développer notre main-d'oeuvre et de lui assurer la formation qu'elle n'a pas.

Le problème fondamental - on le reconnaît dans ce domaine comme on le reconnaît dans la culture - est le dédoublement, la duplication des programmes, la multiplication des interventions. Des priorités différentes font que l'on est inefficace comme société dans un domaine d'intervention aussi fondamental que la culture et aussi névralgique pour notre développement et le maintien de notre identité. C'est pour cette raison qu'il n'est pas nécessaire d'être souverainiste pour exiger cela, c'est une question de reconnaître que c'est notre survie qui est en cause et qu'H nous faut ces pleins pouvoirs.

Le Président (M. Doyon): M. le député, dernière question. Le temps passe rapidement.

M. Boulerice: Cette méfiance, à mon point de vue, vient sans doute du bilan de l'action gouvernementale dans ce domaine. Absence de lois structurelles importantes attendues depuis 1985, pas de statut fiscal de l'artiste, non-respect du 1 %, etc. Mais on pourra y revenir. Est-ce que vous croyez que l'on peut parler de véritable politique culturelle du Québec sans intégrer le secteur des communications? J'aimerais juste vous dire qu'au niveau des dépenses publiques et des recettes de marché tout l'audiovisuel totalisait 1 696 000 000 $ en 1988-1989 et, au niveau des communications, les recettes de marché totalisaient 1 500 000 000 $. Les communications sont étroitement liées à la culture. C'est un gigantesque marché économique qui échappe actuellement au contrôle exclusif du Québec.

Le Président (M. Doyon): Une très brève réponse.

M. Frenette: Pour cela, notre position est très claire. Nous demandons aussi la pleine récupération des compétences dans le domaine des communications. C'est le véhicule, c'est l'instrument nécessaire et essentiel pour nous permettre de diffuser notre culture. Sans cet outil indispensable, nous aurons beau faire tous les efforts pour essayer de développer notre culture, la maintenir, la soutenir, il nous manquera toujours l'instrument fondamental de diffusion. Il nous faut cet élément pour assurer le plein épanouissement de notre culture.

Le Président (M. Doyon): Quelques mots de

remerciement, monsieur le député.

M. Boulerice: Vos positions sont claires. Je vous remercie de votre intervention. Nous aurons probablement enrichi le vocabulaire du premier ministre. Il pourra invoquer la clause Wallonie, maintenant.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie pour l'originalité et l'aspect créatif de votre mémoire, aussi pour la franchise avec laquelle vous avez abordé notre problématique culturelle québécoise. Je comprends que vous voulez des changements quant à la démocratisation et à l'accès. Je vous fais une invitation, tel que je l'ai fait à toutes les centrales syndicales. C'est important que vous soyez ici. Vous représentez 450 000 membres. Si la culture est l'affaire de tous, alors, messieurs, elle est votre affaire. (10 h 45)

Le Président (M. Doyon): Merci à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. De nouveau, toutes nos excuses pour le retard auquel nous vous avons soumis. Vous permettant de vous retirer, j'invite maintenant, sans plus de délai, l'Opéra de Montréal à bien vouloir prendre place.

Alors, merci d'être parmi nous. À vous aussi, les excuses de la commission pour le retard auquel on est astreint en ce moment. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Vous nous faites le plaisir d'être avec nous depuis presque le début. Vous connaissez les règles qui nous gouvernent. Je vous laisse vous présenter et procéder sans plus de délai à votre mémoire.

Corporation de l'Opéra de Montréal (1980) inc.

M. Landry (Roger D.): Très bien. Alors, je voudrais me présenter. Mon nom est Roger Landry et je suis ici, aujourd'hui, à titre de président de l'Opéra de Montréal. Ceci n'est pas mon occupation principale. À temps libre, je suis aussi président et éditeur de La Presse. Mes collègues, aujourd'hui, sont Mme Claude Beaudet, qui est directrice de l'administration à l'Opéra de Montréal, et Me Philippe-Denis Richard, qui est, en plus d'être notre conseiller juridique, membre de la maison Lavery de Billy. Il est aussi membre du conseil d'administration de l'Opéra de Montréal.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous trois.

M. Landry: M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. membres de la commission. D'entrée en matière, la Corporation de l'Opéra de Montréal, ci-après désignée la "Corporation", est des plus heureuses de répondre à l'invitation de la commission parlementaire de la culture et de soumettre le résultat de ses réflexions, analyses et recommandations dans le cadre de l'étude par celle-ci de la proposition de politique de la culture et des arts, ci-après la "proposition" ou le "rapport Arpin", telle que présentée le 13 juin 1991 à Mme Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires culturelles.

En amorçant nos réflexions, notamment sur la place de l'art lyrique dans le vaste champ de la culture, nous nous sommes arrêtés à cette réflexion de Boïto, un collaborateur de Verdi, alors que ce dernier travaillait à la création des oeuvres "Otello" et "Falstaff". Voici ce qu'il disait lorsqu'il parlait de l'art lyrique: "Je rêve d'un art splendide dont la forme existe peut-être au ciel, affranchi des rudes liens du mètre et de la forme, empli de l'idéal qui me fait battre des ailes".

L'art lyrique, donc, est un art splendide et dominant par son langage dramatique et musical. Il est essentiel à la vie culturelle québécoise. L'art lyrique constitue une des expressions artistiques les plus élaborées et les plus complètes. Il fait notamment appel, dans sa création, aux talents du poète, du compositeur, du scénographe, du chorégraphe, du metteur en scène et, dans son interprétation, aux talents et brio de sopranos, de mezzo-sopranos, de contraltos, de ténors, de barytons et de basses, à la puissance et à la couleur de leurs voix, à leurs timbre et tessiture, à leur style musical, à leur sens harmonique, le tout pour séduire et passionner le public mélomane. À la fois visuel et auditif, verbal et musical, intellectuel et émotif, dramatique et parfois frivole, l'art lyrique manifeste aujourd'hui, au Québec, une vitalité certaine et réussit à s'attirer l'estime des mélomanes les plus exigeants en même temps qu'il continue de susciter l'enthousiasme d'un public longuement acquis à sa cause et même - et ça, c'est important - d'un tout nouveau public.

À ce dernier chapitre, la Corporation s'enorgueillit d'avoir encore cette année tout près de 11 000 abonnés et que sa jauge moyenne de spectateurs par production soit d'au-delà de 90 %.

La Corporation de 1980, ses premières années. Fondée en 1980, la Corporation estime qu'elle a largement contribué à cette vitalité et à une appréciation plus sereine par le public mélomane des oeuvres du répertoire de l'art lyrique en favorisant, par diverses interventions, une meilleure connaissance du contenu dramatique de chaque oeuvre présentée, l'esthétique dont elle relève et ses qualités proprement musicales. Les premières années de la Corporation ne furent pas sans heurts et écueils, plus particulièrement sur le plan financier, faute, notamment, d'un mode de financement permanent et stable. L'appui inconditionnel du public

mélomane, le soutien financier ponctuel, mais toutefois insuffisant... Ici, je voudrais dire que toutes nos interventions, et notre intervention de ce matin, ne dégagent aucun blâme. Lorsque nous parlons d'insuffisance de fonds, nous ne blâmons pas les autorités qui vous ont précédés ni celles qui étaient là avant. C'est tout simplement un fait que, si vous nous en donniez plus, on pourrait faire plus, mais on ne vient pas ici se plaindre. Donc, ce n'est pas un blâme.

Le soutien financier ponctuel, mais insuffisant, des organismes gouvernementaux et le support des commanditaires ont permis à la Corporation de survivre, bien qu'accumulant d'année en année, durant ces premières années, un déficit financé à même la prévente des billets de la saison à venir. Autrement dit, on vendait nos billets, on payait nos dettes et on était toujours un pas en arrière. Force a été de constater, et la constatation est toujours actuelle, qu'une maison d'opéra, telle celle de la Corporation, ne peut uniquement se fier à ses trois sources traditionnelles de financement, à savoir les recettes du guichet, le soutien financier d'organismes gouvernementaux et l'appui de ses commanditaires.

La nomination d'un nouveau conseil d'administration, à la fin de 1989, a servi d'amorce à une réflexion orientée vers la recherche de nouvelles sources de financement pour la Corporation. Dans le cadre de cette réflexion, certains objectifs précis ont servi de balises à la démarche du conseil d'administration. Ceux-ci sont la recherche de l'excellence, la rationalisation des opérations, la recherche d'une importante source additionnelle de financement, la gestion des ressources humaines et matérielles, autant de facteurs qui ont, depuis, contribué de façon marquante à la réussite de la Corporation. Je suis fort heureux de vous dire que l'Opéra de Montréal est une compagnie, une corporation qui réussit.

Une maison d'opéra, pour nous, doit viser l'excellence dans toutes ses démarches artistiques, car il en va de sa stabilité, de sa renommée et de sa survie. Quand je dis, dans toutes ses démarches artistiques, je parle de démarches tant professionnelles qu'administratives. Lorsqu'on administre des artistes ou que des artistes administrent, on doit combiner ces deux facteurs et agir de façon professionnelle dans nos actions tant artistiques qu'administratives. Cette excellence passe par une programmation bien choisie, un calendrier annuel de productions suffisamment nombreuses pour garantir sa visibilité, l'apport créatif d'artistes québécois et canadiens comme d'artistes étrangers, la recherche d'une présence active sur le plan international autant que sur le plan national et la mise en oeuvre de moyens susceptibles de susciter l'adhésion du public. Un des critères importants, le baromètre de ce que l'on fait, c'est le public. C'est lui qui décide, c'est lui qui trouve ça plate ou c'est lui qui trouve ça amusant. Cette excellence passe également par la sauvegarde du savoir-faire, c'est-à-dire par un soutien financier constant qui permet à un organisme culturel d'être à la fine pointe de sa discipline par l'apport de ressources artistiques non seulement québécoises ou canadiennes, mais aussi étrangères. Cette orientation appelle souvent à l'innovation. Elle implique des coûts, mais la qualité et les choix esthétiques de toute création et de toute interprétation l'exigent ainsi.

La rationalisation de nos opérations. La stabilité et la viabilité d'un organisme culturel exige également une rationalisation de sa gestion et de ses opérations. Dans cet esprit, la corporation retenait, à la fin de la saison 1987-1988, les services d'un directeur général et artistique de grande expérience en la personne de M. Bernard Uzan. Dans son désir de résorber le déficit accumulé, qui se chiffrait alors à 1 250 000 $, dont 331 805 $ pour la saison 1987-1988, le conseil d'administration confiait à Bernard Uzan, tout en sauvegardant la haute valeur artistique des oeuvres présentées, le mandat de rationaliser les opérations de la Corporation et la capacité de la Corporation d'attirer et de mettre en scène des artistes de haut calibre. Cette rationalisation imposait alors à la Corporation l'obligation d'amortir ses coûts de production sur six soirées par oeuvre présentée. Fait à noter, cette rationalisation des opérations a donné des résultats immédiats à tel point qu'à la fin de la saison 1988-1989 la Corporation affichait son premier surplus d'exercice. C'est cette forme de gestion qui a conduit à l'élimination du déficit accumulé à la fin de la saison 1990-1991. Nous n'avons plus de dette et nous n'aurons plus de dette. La rationalisation des opérations d'une maison d'opéra ne se veut cependant qu'un point de départ vers un nouvel épanouissement de son activité artistique. Relier la rationalisation des opérations à une croissance zéro, c'est à notre avis remettre en question, à court terme, la viabilité d'un organisme tel que la Corporation.

Soucieux de cette dualité entre survie et épanouissement, le conseil, souscrivant à la recommandation de Mme Jacqueline Desmarais, acceptait d'emblée en 1989 la constitution d'une guilde. On copiait ce qui avait été fait par les Américains, créer une guilde, un groupe qui allait nous aider, qui allait nous supporter. Cette guilde qui est maintenant connue sous la dénomination sociale de la Guilde de l'Opéra de Montréal, devenait ainsi la quatrième source de financement. Toujours et encore sous l'active présidence de Mme Desmarais, la Guilde de l'Opéra de Montréal a recueilli auprès du public mélomane, depuis sa mise en place, des fonds de plus de 1 000 000 $ qui ne servent pas à notre opération mais qui servent à nous aider lorsque nous voulons créer des nouvelles choses, lorsque nous voulons faire de nouvelles productions, permettant donc, dans le cadre de dons ponctuels

consentis à la Corporation, d'assurer dans l'immédiat sa stabilité et sa santé financière. Il importe de souligner ici que cet apport additionnel ne doit éliminer en aucune façon le maintien du soutien financier des organismes gouvernementaux, le support de ses commanditaires et l'appui du public mélomane.

Permettez-moi, ici, de faire un aparté. Je ne sais pas pourquoi, je ne comprends pas comment, mais lorsqu'un groupe qui, comme le nôtre, réussit à se sortir d'une situation financière difficile... Je ne sais pas si c'est une maladie instinctive chez les gens de la fonction publique, mais comme on a réussi à se sortir du trouble, il me semble qu'ils prennent un malin plaisir à nous retourner dans le trouble. Et ça, je ne crois pas que ce soit l'objectif visé par les législateurs ou par les femmes ou hommes politiques, ici. Je me débats et je continuerai à me débattre fortement pour dire qu'on devrait encourager ceux qui réussissent. On devrait leur donner un appui, non pas les critiquer... parce que ça va bien, on va vous en donner moins. Alors, je vous signale ça parce que c'est un des messages importants que je voulais vous communiquer ici aujourd'hui.

Ensuite de ça, la déduction, pour nous, s'impose que l'équilibre financier de la Corporation est fragile et je vous dis: II doit en être ainsi parce que c'est ce qui nous motive à vouloir continuer à bien faire. Il ne faut pas, d'une part, qu'on devienne richissime puis il ne faut pas, d'autre part, qu'on se fasse enlever des fonds. Mais il faut être efficace dans notre gestion comme dans tout autre organisme qui existe dans notre société. La fragilité de cet équilibre appelle en outre à une performance de premier ordre et, à cet égard, je tiens à souligner la qualité de l'équipe dirigée par M. Bernard Uzan. En passant, je voudrais l'excuser de ne pas être ici aujourd'hui, mais il est à faire une mise en scène à Catania, en Sicile, où il nous représente avec beaucoup de satisfaction, et il représente l'Opéra de Montréal avec fierté. Donc, c'est pour nous un plus et je ne sais pas s'il aurait été meilleur que moi pour faire ce que je suis en train de faire. Alors, à cette fin, je vais donc continuer à faire ce que je fais là.

Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)

M. Landry: Donc, la corporation a actuellement à son emploi 22 permanents. Les salaires de ceux-ci - c'est un objectif que nous nous sommes donné - représentent 14 % des dépenses totales de fonctionnement, alors que selon une étude du Manitoba Opera Association la moyenne nationale à ce titre se situe à 16,2 % ou plus. Les résultats obtenus au cours des trois derniers exercices de la Corporation témoignent éloquem-ment de la haute qualité de ce personnel, de son efficacité et de sa performance.

Le conseil d'administration. Je ne voudrais pas passer sous silence l'apport également très important et significatif des membres qui composent le conseil d'administration de la Corporation dont j'ai l'honneur de présider les délibérations. Formé de personnalités de différents milieux, certaines dominant la scène de l'actualité, ce conseil s'est efforcé assidûment d'attiser et de maintenir l'intérêt du public à l'art lyrique par des procédés innovateurs et la mise en oeuvre d'idées nouvelles. Les membres de ce conseil ont apporté leur contribution à la recherche de commanditaires. Ils ont également offert avec générosité des biens et des services de haute qualité en plus de manifester une grande disponibilité, toujours en vue d'assurer la stabilité et l'épanouissement de la Corporation.

Ça va faire deux ans que je suis à la présidence du conseil d'administration de l'Opéra de Montréal. À mon arrivée, de nouveaux règlements ont été présentés aux membres du conseil. D'une part, tout le monde doit payer ses billets et doit avoir des billets de saison qu'il paie pour être membre du conseil d'administration de l'Opéra de Montréal. En plus de ça, il paie une cotisation annuelle de 500 $ pour être membre du conseil. Non pas que le conseil les paie. C'est déjà, à ce moment-là, l'engagement que quelqu'un veut vraiment faire partie de ça. Alors, à ce moment-là, on exige ça. Nous allons plus loin. Chaque membre du conseil d'administration doit trouver une commandite de 10 000 $ pour l'Opéra, sinon il devient un membre non eligible à être reconduit au conseil. Autrement dit, on n'est pas là parce que ça nous gonfle le torse et on veut être de bons... des gens qui semblent être très intellectuels ou autre chose. On est là parce qu'on va laisser les artistes faire leur job, on va les aider à la faire, nous, par notre contribution. En somme, ils ont suscité des apports de différente nature, de source autre que gouvernementale, et on favorise ainsi le flot continuel de ces apports, financiers ou autres.

Ce que je veux vous dire ici, c'est qu'il existe malheureusement trop d'endroits où c'est presque un poste honorifique que d'être membre du conseil d'administration d'une activité culturelle québécoise et que l'on se donne... Bien là, je vais avoir mon petit billet ou ces choses-là. Je vais plus loin que ça. Nous avons ici un membre du conseil d'administration qui est notre conseiller juridique, qui nous donne des services annuels de l'ordre de, d'à peu près, je dirais, 100 000 $, et pour lesquels il n'a absolument pas le droit de nous envoyer de factures. S'il le faisait, il perdrait sa job. Alors, ça règle le cas assez vite.

En ce qui me concerne, moi, toute la publicité qui est faite par le biais du journal que je dirige est faite gratuitement. Nous demandons à ceux qui oeuvrent avec nous... À l'exception de nos cadres et de ceux qui travaillent à l'intérieur, tout le monde doit fournir quelque chose. Alors, nous avons su choisir, à titre d'exemple, le président d'une compagnie de publicité qui,

lui, doit nous fournir les outils de promotion, qui doit nous chercher... Tout est organisé de façon à ce qu'il y ait une contribution directe qui est faite, comprenez-vous? Donc, il s'agit de faire ça.

Le rôle du conseil. Il s'est donné aussi comme mission d'être avant tout un organisme de planification budgétaire et financière et un instrument ultime de contrôle en vue du maintien d'une saine gestion des opérations de la Corporation. Ajoutons que le conseil s'est toujours refusé d'être un intervenant dans l'activité quotidienne de la Corporation, cette tâche étant confiée à son gestionnaire principal, son directeur général et artistique, sous la gouverne du président du conseil seulement. Tout le monde n'est pas un metteur en scène, tout le monde n'est pas un génie dans le domaine de l'opéra et tout le monde ne chante pas. J'en suis fort heureux, et j'insiste pour que les membres du conseil ne chantent pas lors de nos réunions.

Je voudrais dire un mot très rapide sur la qualité de M. Uzan comme directeur général et artistique de l'Opéra de Montréal. Il a su insuffler un dynamisme administratif, artistique et culturel au sein de la Corporation. Ce nouveau dynamisme a favorisé le développement de l'art lyrique comme l'évolution des pratiques artistiques qui s'y rapportent et ce, par des mises en scène soignées, souvent innovatrices, dont Bernard Uzan est le signataire et le créateur. Il s'agit de voir que les quatre dernières productions que nous avons faites à Montréal n'ont reçu que des éloges de tous les critiques. Croyez-moi, étant donné que je vis près du critique de La Presse, vous comprendrez que je considère...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: ...vous comprendrez aussi que je me sens un grand réalisateur de grandes choses lorsqu'on dit que c'est bon. Alors, c'est comme ça que ça se fait et nous sommes très heureux. Tout ça, malgré l'harmonisation que nous avons apportée entre la programmation et les contraintes budgétaires. Nous avons donc eu cette approche créative et nous avons oeuvré aussi. M. Uzan l'a fait par sa présence à l'atelier lyrique de l'Opéra de Montréal autant que par ses interviews à la télévision, la radio et dans les journaux. Il s'est révélé un gestionnaire éclairé et performant dans le milieu culturel. De ça, je pense que nous tous devons nous enorgueillir. Il représente un chaînon essentiel et indispensable dans la poursuite des objectifs que nous nous sommes donnés en tant que conseil d'administration. À titre indicatif, c'est sous sa direction qu'a été instaurée la traduction simultanée de la langue d'origine de l'oeuvre présentée, en français et en anglais. Je tiens à dire ça parce que combien de gens, pendant de longues années, sont allés à l'opéra, trouvaient ça très beau, mais ne savaient pas ce qui se passait parce qu'ils ne comprenaient pas la langue. Maintenant, on le regarde, on comprend et on se trouve beaucoup plus intelligent, beaucoup plus intellectuel et beaucoup plus cultivé. Tout ça parce qu'on sait ce qui se passe et qu'on comprend notre affaire. C'est sous son parrainage qu'a été créé l'opéra romantique "NeHigan" et que se sont tenues et que se tiennent encore - ça, c'est très important - à chaque production, des conférences préparatoires auxquelles le public est convié.

Maintenant, nous avons des réflexions, nous avons des analyses, nous avons des recommandations à vous faire. Le rapport Arpin souligne: "les arts et la culture ne peuvent se développer adéquatement sans être soutenus". À chaque année, dans le cadre de l'examen du budget de la Corporation, se pose la difficile question du financement. Dans l'examen de ce budget se situent l'évaluation des revenus du guichet, le nombre de représentations envisagées, le coût de chaque production, l'apport de la Guilde de l'Opéra de Montréal, celui des commanditaires, l'examen serré des dépenses administratives, la programmation, la continuité ou la remise en question de certains programmes. Autant de questions cruciales auxquelles il revient à notre conseil de trouver des réponses appropriées.

Comme nous le soulignions précédemment, la Corporation a comme raison d'être la présentation au public montréalais et québécois d'une programmation de haute qualité, d'une richesse culturelle comparable à celle offerte par d'autres maisons d'opéra nord-américaines et européennes. En matière d'art lyrique, pour qu'une oeuvre soit appréciée, il faut qu'elle recueille par son excellence l'estime du public comme celle des intervenants qui ont participé à son interprétation. Cette recherche de l'excellence est devenue tributaire de l'accessibilité que les nouveaux outils de diffusion de masse - tels que la télévision, la radio, la cassette audionumérique, la vidéocassette - offrent au public mélomane, le mettant à même de mesurer et de comparer la qualité des productions réalisées par la Corporation en regard de celles signées par toute autre maison d'opéra.

Il y a des choses qui se passent à l'intérieur de notre collectivité et, des fois, il faut s'interroger. Par exemple, pendant trois ou quatre ans, Radio-Québec a télédiffusé des opéras. Vous vous en souvenez, on disait: "Directement du Metropolitan Opera". C'était très beau. Moi, j'aime beaucoup l'opéra du "Met". D'ailleurs, c'est les meilleures productions. Mais on aurait peut-être pu dire: "Directement du Stade olympique"...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: ...ou directement de quelque chose comme ça. On avait...

Une voix: C'est risqué. M. Landry: C'est risqué. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: C'est parce que je voulais réveiller un peu l'assemblée, alors j'ai pensé... Je continue... Sérieusement... Donc, nous, en matière d'art lyrique, nous disons que cette recherche de l'excellence, à notre avis, ces pressions externes requièrent que les gouvernements des différents paliers octroient aux organismes culturels, comme notre Corporation, un soutien financier, oui, mais dynamique et souple - j'y reviendrai - pour leur permettre de favoriser le rayonnement de ce produit culturel qu'est l'art lyrique. Malheureusement, au cours des dernières années - encore une fois, ce n'est pas un blâme, cela s'explique - le soutien des différents paliers gouvernementaux s'est amenuisé au point que nous pouvons dire qu'à l'égard de la Corporation il est devenu anémique. On constate que les dépenses de production se sont accrues de façon marquante malgré tous nos efforts de compression. Tout coûte plus cher et ça, c'est normal. Mais je ne voudrais pas que personne ici, d'un côté de la Chambre ou de l'autre, se considère coupable de ça. C'est des circonstances et on comprend ça.

Le Président (M. Doyon): M. Landry. M. Landry: Oui.

Le Président (M. Doyon): Je voudrais permettre... Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je voudrais permettre aux membres de la commission de pouvoir vous poser au moins une question.

M. Landry: Oui.

Le Président (M. Doyon): Le temps passe rapidement.

M. Landry: Ah bon! En tout cas, je voudrais soumettre que vous manquez le plus important, mais...

Une voix: On l'a lu.

Le Président (M. Doyon): II a été lu par les membres de la commission, M. Landry.

M. Landry: Ah bon! Très bien.

Le Président (M. Doyon): À ce titre-là, vous...

M. Landry: Alors, je vais répondre à des questions si vous en avez, mais je voudrais vous faire des recommandations spécifiques.

Le Président (M. Doyon): Oui, allez.

M. Landry: Deux recommandations spécifiques, O.K.?

Le Président (M. Doyon): Bien sûr.

M. Landry: Et ça, c'est bien important. D'une part, lorsque le gouvernement nous offre ou, généreusement, nous donne de l'argent, qu'il nous le donne et qu'il nous fasse confiance pour qu'on l'administre, et qu'on ne nous demande pas. à tous les ans, lorsqu'on a à faire une programmation à l'opéra qui prend trois ans ou quatre ans: Qu'est-ce que vous allez faire l'année prochaine? Donnez-nous 58 rapports pour nous le donner. Là, on ne veut pas ça. Si vous voulez diriger l'Opéra de Montréal, le gouvernement ou les fonctionnaires, eh bien, dirigez-le, donnez-nous congé. Nous autres, on a d'autres choses à faire, puis j'espère que ce sera bon.

Deuxièmement. Un exemple - et ça, j'insisterai là-dessus - le conseil d'administration de la Place des Arts. Je tiens à dire que nous collaborons avec la Place des Arts et qu'elle collabore avec nous. Ce n'est pas un reproche sur la Place des Arts, du tout, que je fais là, mais je trouve qu'il est incongru, il est même, je dirais, inacceptable que le conseil d'administration de la Place des Arts ne soit pas composé de ceux qui sont là continuellement, c'est-à-dire du président et directeur général de l'Opéra de Montréal, du président et directeur général des Grands Ballets canadiens, du président et directeur général de l'OSM. Il va sans dire que nous sommes les utilisateurs. Nous pourrions ensemble faire de la planification, nous pourrions ensemble, faire des choses qui apporteraient une collaboration et beaucoup de construct. Alors, ça, c'est deux recommandations auxquelles je tiens.

La dernière, très vite, parce que c'est important de vous dire ça. Vous recevez des milliers de demandes, je le sais. Il faudrait qu'on choisisse, et c'est pour ça que vous avez été élus. C'est pour ça. C'est de choisir qu'on ne peut pas satisfaire tout le monde, qu'on ne peut pas avoir 2000 maisons d'opéra, qu'on ne peut pas avoir 200 groupes de théâtre parce qu'on est une population qui ne peut en faire vivre que tant. Alors, visons l'excellence. (11 h 15)

En terminant, une autre demande: Laissez-nous créer des fonds d'immobilisation pour des organismes comme le nôtre. Laissez-nous créer ça pour qu'on puisse avoir un acquis sur lequel on peut bâtir quelque chose et non pas, à chaque année, venir faire notre - j'allais dire ma retraite fermée. Ce n'est pas vraiment ça parce que j'essaie de sortir le plus possible, le soir, quand je viens à Québec. J'aime beaucoup ça; c'est une autre affaire, ça aussi. Je voudrais juste vous dire que le fonds d'immobilisation, pour nous autres, c'est important. Ça nous

permet de bâtir, d'avoir quelque chose sur lequel on peut capitaliser. Je vous remercie. Je regrette si j'ai été plus long que je le devais, mais...

Le Président (M. Doyon): Pas de problème, M. Landry. Simplement que mon devoir de président m'oblige à ce genre de choses. Mme la ministre, je vous permets une question, tout simplement.

Mme Frulla-Hébert: Bon! Mon Dieu! J'en avais plusieurs. Merci, M. Landry. Bienvenue à tous. C'est rare qu'on nous fait rire; vous nous faites rire. Dans votre mémoire, quand on parie de fonds d'immobilisation... Je vais aller rapidement. Premièrement, au niveau du conseil d'administration de la Place des Arts, il faut changer la loi et ça, c'est en processus. Deuxièmement, au niveau du fonds d'immobilisation qui permettrait de regrouper sous un même toit les organismes culturels, expliquez-nous donc ça.

M. Landry: C'est très simple.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous autres, c'est très facile. Je veux juste y revenir. Avoir, par exemple, la Guilde, présidée par Mme Jacqueline Desmarais, ce n'est pas tout le monde qui est capable d'avoir ça. Avoir des membres parce que le président peut attirer énormément de membres très puissants, tant mieux, dans nos gros organismes! Mais, ce n'est pas tout le monde qui est capable d'avoir ça. Vous dites: Donnez-nous l'argent, on va l'administrer. On vous fait confiance à 100 %, excepté qu'il y a une règle, au gouvernement, qui fait que c'est des fonds publics. Il y a une certaine transparence et il y a une certaine, supposément, équité. On le regarde de très près au niveau des ententes triennales, mais on est pris quand même à administrer des fonds publics. Ce n'est pas tout le monde qui est capable de s'administrer. À un moment donné, il y a une année où ça va bien, une année moins bonne...

Le Président (M. Doyon): Je pense que vous avez compris la question, M. Landry.

M. Landry: D'abord...

Le Président (M. Doyon): Peut-être répondre.

Mme Frulla-Hébert: ...on foire. Excusez, mais c'est ça.

M. Landry: ...premièrement, les fonds d'immobilisation, pourquoi on veut ça? C'est assez simple. C'est que, si on se bâtit un capital à long terme, on peut, ensemble - que ce soit les Grands Ballets, par exemple - avoir une maison, un endroit où on peut remiser tous nos décors, etc., et assumer à trois les frais qu'on pourrait faire. C'est une question d'économie de marché. Maintenant, quand vous dites qu'il y a des règles, que vous avez des règles... Dans mon esprit à moi, vous en avez trop de règles au gouvernement. Alors, moi, si je peux... Ça n'a rien à voir avec votre commission, mais, si vous m'invitez à participer à une autre commission sur la déréglementation, il me fera grand plaisir d'y participer. Je m'offre tout de suite comme participant très actif.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Landry. M. le député.

M. Boulerice: M. Landry, vous avez entièrement raison. Au moment où le Musée des beaux-arts fait un déficit de 3 500 000 $, on l'éponge. On saisit 500 000 $ de bonne gestion du Musée d'art contemporain et on fait la même chose pour vous. Il n'y a pas de prime au rendement, et ce n'est pas de l'émulation. Là-dessus, vous avez entièrement raison.

Ceci dit, M. Landry, c'est Inévitable, il faut quand même penser à votre première vie. Comme président et éditeur de La Presse, vous avez vu deux gouvernements taxer le droit à l'information, ce qui est unique au monde. Ceci étant dit, 7 % d'augmentation obligatoire sur vos billets, ça fait 21 %. Il y aura 17,5 % de taxes sur les billets à partir du 1er janvier, plus 10 % de taxe d'amusement. Donc, le billet que j'achèterai le 2 janvier m'aura coûté 47,5 % de plus qu'il y a trois ans, le double. Vous ne calculez pas, en définitive, que c'est vous priver. Ce n'est pas vous-même qui le faites, mais on vous prive d'un public qui aimerait aller à l'opéra, ce qui, devant les contraintes budgétaires et une surtaxation scélérate, comme le disait notre ami Tisseyre, prive justement un public qui serait intéressé. Il y a bien des ouvriers de ma circonscription qui aiment l'opéra et qui seraient intéressés d'y aller. Mais avec la moitié plus du billet, maintenant, ce n'est pas possible. Ils sont les premiers malheureux et vous aussi, sans doute.

Le Président (M. Doyon): M. Landry, vos réactions.

M. Landry: Est-ce que vous voulez que je réponde? "Good".

Le Président (M. Doyon): Ah!

M. Landry: Tout simplement, ce que je veux dire, c'est que, moi, pour un, je crois que toutes ces taxes-là, vous le comprendrez bien, M. le député, ce n'est pas nous qui les imposons. Alors, je vous souhaite à tous que Dieu vous éclaire, tout le monde ensemble, ou qu'il éclaire tout le monde autour de cette table et que vous limitiez le plus possible l'augmentation de taxes

ou que l'on réduise de la même façon, si vous voulez, les frais inhérents.

Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je considère que les frais inhérents à l'administration au ministère des Affaires culturelles, que ce soit sous le régime actuel ou que ce soit sous le régime précédent, sont très coûteux. On a bien du monde. On a bien du monde pour administrer des choses qui, à mon sens, pourraient s'administrer beaucoup plus simplement.

M. Boulerice: Bon. Un petit sous-ministre dehors.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Landry. Un mot de remerciement, M. le... Un seul mot, peut-être.

M. Boulerice: ...M. Landry, j'allais vous dire: De grâce, ne changez pas. Restez comme vous êtes. C'est merveilleux. Mme Beaudet, merci. Quant à vous, pauvre M. Richard, nos meilleurs voeux vous accompagnent!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Landry. Évidemment, vous souhaitez un certain nombre de changements sur la fiscalité et sur la déréglementation. C'est pour cela qu'on est ici. Quant à l'administration, nous, on s'administre avec 9,7 % du budget. Vous?

M. Landry: Je vais vous dire honnêtement-Si j'avais les sources que vous avez... C'est parce que 14 % d'une limite... Moi, c'est 14 % d'une limite... J'ai 22 personnes, hein. Merci bien. Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Landry. Je pense que la discussion pourrait se continuer longtemps. Merci d'être venus et merci d'avoir eu la gentillesse de nous entretenir d'une façon aussi convaincante.

J'invite maintenant l'ADISQ à bien vouloir s'avancer et à prendre la place de nos invités qui viennent de quitter la table.

Maintenant que nos invités sont en place, je les invite à se présenter et à procéder comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Une présentation d'une quinzaine de minutes. Je me verrai peut-être dans l'obligation de vous interrompre, si cela dépasse beaucoup ce temps-là, pour laisser un peu de temps aux membres de la commission pour s'entretenir avec vous.

Si Mme la ministre peut nous donner le temps de commencer, parce que nous sommes déjà en retard. Je ne voudrais pas la rappeler à l'ordre, mais c'est mon obligation.

ADISQ M. Sabourin (Michel): Oui. M. le Président, je voudrais d'abord vous présenter les intervenants à la table. À ma droite, M. André Ménard, qui est vice-président du groupe Spectel et Spectra Scène qui possède entre autres le Spectrum, qui gère la carrière de nombreux artistes. À ma gauche immédiate, M. Robert Pilon, qui est vice-président exécutif affaires publiques de l'ADISQ, M. André Di Cesare, qui est président des Disques Star et qui intervient donc directement dans le domaine du disque. André Ménard et André Di Cesare sont d'anciens présidents de l'ADISQ et j'en suis le président actuel, Michel Sabourin.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Sabourin: M. le Président, Mme la ministre, il nous fait plaisir de participer à ce débat. Je pense que la société québécoise est mûre pour entreprendre une réflexion de fond sur la place de la culture dans la société et le rôle de l'État. Je ne voudrais pas entrer dans les considérations... Enfin, le rapport Arpin, pour nous, en autant qu'il traite de l'intervention de l'État dans ce qu'on pourrait appeler la culture un peu institutionnalisée, à savoir l'opéra ou les organisations parapubliques, je pense que le rapport Arpin a une vision très juste. Ce dont nous sommes un peu tristes au sujet de la position du rapport Arpin, c'est l'absence quasi totale des domaines de la chanson et de la musique, et l'absence quasitotale du rôle de l'État face aux industries culturelles. Tout à l'heure, M. Daoust disait qu'il était mal à l'aise avec les mots "industrie culturelle". Nous-mêmes, nous préférons parler d'entreprise culturelle.

Si vous me le permettez, je ne lirai pas le mémoire. Je pense que vous en avez pris connaissance. Si vous ne l'avez pas fait, je vous inviterais à le faire parce que ceux qui sont intéressés par le domaine de la chanson... Pour nous, il s'agit peut-être du document le plus important que nous ayons jamais fait. Il est le résultat d'une réflexion que l'ADISQ mène depuis plusieurs années. Pour nous, c'est ce qu'on souhaiterait qu'une politique de la chanson soit.

Je vais plutôt prendre la chance d'y aller un peu ad lib, même si je n'y suis pas très habitué. Je vais essayer de relever les points importants de notre mémoire et de les commenter. J'appelle aussi les gens qui sont avec moi à intervenir. Je vais essayer d'être bref pour laisser le plus de temps possible à l'échange que nous pourrions avoir.

Pour nous, essentiellement, quand je dis que le rapport Arpin ne reconnaît pas le rôle de la chanson, je pense que c'est vrai. Nous souhaitons qu'une politique de la culture fasse une place à la chanson, non seulement la chanson, mais ce que j'appelle la culture populaire. Je pense, et nous pensons, qu'au Québec spécialement, qui est une petite société qui se veut distincte - je ne

dis pas ça dans le sens politique, mais je pense qu'on se bat pour notre survie depuis de nombreuses années - nous devons reconnaître que la télévision, le cinéma, le livre, la chanson, ce que nous appelons les entreprises culturelles, les industries culturelles, jouent un rôle excessivement important. Je vous demanderais simplement de vous poser une question: Est-ce qu'on pourrait imaginer la spécificité du Québec sans Chariebois, sans Félix Leclerc, sans Beau Dommage, sans Harmonium? Je ne le pense pas. Ça nous vient naturellement qu'on parle de ce qu'est la culture québécoise. Dans ce sens-là, je pense que nous jouons un rôle important et c'est malheureux que, dans les politiques actuelles du ministère des Affaires culturelles et dans le rapport Arpin, on ne fasse pas mention de l'importance de la chanson.

Je voudrais souligner un aspect excessivement important de ce domaine qu'est la chanson. Contrairement à la plupart des autres domaines, des autres secteurs, le domaine de la chanson est presque entièrement fait et créé par ce que j'appelerais des entreprises privées mais québécoises. C'est ça qui est important.

Depuis 1960, l'industrie du disque québécois a pris une part de marché qui était de 10 % - je cite des chiffres, mais mon ami, Robert, si je me trompe, pourra me corriger. En 1981, le pourcentage du marché occupé par le disque québécois était d'environ 10 %. Il est aujourd'hui de 30 %. Ça, ça s'est fait par des entreprises indépendantes québécoises, qui sont en face, qui ont à compétitionner et - tenez-vous bien -avec trois ou quatre entreprises qui ont un chiffre d'affaires aussi important que le budget total de l'État québécois. Sony, Matsushita et compagnie ont un chiffre d'affaires aussi important - chacune, presque - que l'État québécois. Alors, je pense qu'il faut souligner - je ne veux pas que l'on se lance des fleurs - l'importance que la petite entreprise québécoise a pu jouer dernièrement dans le secteur. Pour vous souligner, pour vous donner des exemples de ce que représente, comme toile de fond, cette compétition internationale, je voudrais vous donner juste quelques exemples qui, je pense, parleront par eux-mêmes. Un disque québécois est produit, en moyenne, avec 50 000 $. Un disque international, en moyenne, va être produit avec 500 000 $. Ce qui veut dire qu'on doit faire aussi bien parce que le consommateur va retrouver dans le magasin de disques la production nationale du Québec juste à côté de la production internationale. Nous devons, avec ces maigres budgets, faire aussi bien que les autres.

Dans le domaine du spectacle, chaque fois qu'on met en vente à Montréal le spectacle d'un artiste québécois, il est en compétition avec le grand spectacle international. Je vous donnais l'exemple du "Phantom of the Opera" qui s'en vient; c'est une production qui a coûté des millions, et qui jouira de millions de dollars pour la mise en marché. Pourtant, nous devons être capables de compétitionner, avec nos artistes, ce degré de qualité. Je pense qu'à une place c'est sain - ne vous inquiétez pas, je ne ferai pas d'appel pour sortir les productions étrangères de notre marché - je pense que c'est sain, ça nous a obligés à une forme d'excellence. C'est la toile de fond de notre intervention.

En plus, dans le domaine du disque, les prix du disque sont régis par les grandes compagnies internationales, les "majors". Robert pourrait vous tracer plus tard le portrait de ce que sont ces "majors". Mais, quand un disque se retrouve en magasin, le prix est fixé par ces "majors". Nous, les marges de profit, à ce moment-là... Les "majors" font - je n'appellerais pas ça du dumping - mais le marché québécois ne représente pas, pour eux, une part excessivement importante des profits. Elles se permettent donc d'arriver sur notre marché avec l'ensemble de leur marketing et avec les mêmes prix qu'elles pratiquent aux Etats-Unis. (11 h 30)

Donc, c'est un peu le portrait dans lequel nous oeuvrons. Est-ce que vous avez des choses à rajouter?

Une voix: Non.

M. Sabourin: Ça va? Quand on oeuvre dans un secteur aussi soumis aux règles de la compétition internationale et qu'on est dans un petit marché comme le Québec, marché de 6 000 000, je vous le rappellerais, où environ un disque sur cinq réussit à s'autofinancer, le rôle de l'État face aux entreprises culturelles devient excessivement important, et c'est de ce point que nous aimerions voir une politique culturelle tenir compte. On a dit que le rapport Arpin fait appel à une notion dirigiste de l'intervention de l'État dans la culture. Pour nous aussi c'est vrai. C'est une crainte de technocratiser à l'extrême l'appareil de l'État dans l'intervention culturelle. M. Landry vous disait tout à l'heure: Faites-nous confiance. Et je pense que le parapublic veut se comporter un peu comme l'entreprise privée dans notre domaine, à savoir, avec la notion de profitabilité ou, du moins, de réussir à travailler avec les moyens intéressants.

Je voudrais vous mettre en position un certain nombre de points qu'une politique culturelle devrait comporter au Québec, des choses qui nous manquent actuellement de façon, je dirais, terrible. Évidemment, dans un premier temps, je parlerai rapidement de certains points dont une politique devrait tenir compte, l'aide de l'État à l'artiste. Nous, on assimile l'aide de l'État directe à l'artiste à ce qu'on pourrait appeler recherche et développement. Un jeune artiste ou un artiste à une certaine étape de sa carrière a besoin de se ressourcer, de procéder à des recherches et, dans ce sens-là, nous pensons que l'aide de l'État à l'artiste est une chose

importante. Elle devrait quand même tenir compte du partenariat qui existe dans notre secteur entre les artistes, les créateurs et les producteurs. Ce n'est pas vrai que le producteur intervient uniquement avec de l'argent; il intervient aussi avec sa connaissance intime de l'oeuvre de l'artiste et des moyens qu'on doit prendre pour réussir à la concrétiser.

La formation. Nous sommes toutes des petites entreprises, extrêmement fragiles. Dans les 10 dernières années, on a réussi à mettre en place une main-d'oeuvre et je ne craindrai pas de parier de main-d'oeuvre, non pas à bon marché, mais de main-d'oeuvre excessivement motivée qui est prête souvent à travailler dans les différentes entreprises pour pas beaucoup d'argent, parce que ça les intéresse. En ce sens-là, un dollar de l'État investi dans le type d'entreprise culturelle que nous sommes rapporte énormément, je vous souligne ça, et je vous souligne que nous sommes en train de mettre en place dans l'ensemble de nos entreprises ce qu'on pourrait appeler un "middle management", excusez l'expression, et qu'il va être important pour nous de soutenir ce développement de la main-d'oeuvre.

Il faut aussi parler d'exportation. Le seul débouché que nous avons n'est pas aux États-Unis, n'est pas au Canada, le débouché est, évidemment, vers l'Europe, spécialement vers la France, vers l'espace francophone. C'est excessivement coûteux. Encore là, nous arrivons en France avec des moyens excessivement limités par rapport aux moyens dont disposent les entreprises du disque et du spectacle en France. Je pense qu'il faut nous aider. Parce que, quand on dit qu'un disque sur cinq au Québec réussit à s'autofinancer, évidemment, la possibilité de l'exporter devient d'autant plus importante.

J'en arrive aux points principaux que nous souhaitons mettre en valeur. Nous avons fait une intervention sur la taxation. J'aimerais laisser ici la parole à André Ménard, qui a été président de l'ADISQ ces deux dernières années, pour vous parler de la fragilité du spectacle et de la nécessité de ne pas le surtaxer.

M. Ménard (André): Je pense qu'on a entendu, de toute façon, tantôt, des remarques là-dessus. Le marché est en train de se déstructurer gravement à Montréal et en province aussi. On a vu, en janvier, avec l'arrivée de la TPS et l'effet conjugué de la récession qui nous frappait à ce moment-là de plein fouet, des salles de spectacle se déserter dans l'ensemble de la province. On peut dire qu'actuellement on doit accuser une baisse d'à peu près 40 %. Si je peux parler d'opérations que je connais bien, le Spectrum, par exemple, qui célèbre aujourd'hui son 9e anniversaire - on est presque surpris de s'être rendus là - le mois de septembre a eu 6 jours d'occupation, là où, d'habitude, on en a 15, 20. En octobre, on a à peu près 15 jours d'oc- cupation alors que d'habitude, octobre, c'est le mois de la haute saison par excellence et il est occupé tous les jours. Et ça se répercute aussi dans les autres salles. La Place des Arts, il y a certaines de ses salles qui ne sont pas très occupées; ils attendent le "Fantôme" avec beaucoup d'anxiété, je pense, parce que, sinon, l'automne n'était pas très occupé, non plus. En ce moment, on peut voir que l'effet conjugé des deux premières taxes - parce que la taxe d'amusement était déjà là et la TPS s'y est ajoutée - est assez désastreux. On peut voir qu'il n'y a pas que la récession là-dedans; il y a une désaffection massive, encore pire que celle de la dernière récession.

L'ajout d'une troisième taxe ne pourra sûrement pas aider à ce point de vue là. Je pense qu'if faut absolument, là-dessus, réfléchir, et très vite, sur les effets que pourrait avoir la taxation à 27 %. On sait qu'à chaque fois qu'il s'en ajoute une il y a de moins en moins de monde dans les salles. Alors, si on doit avoir une politique où on construit des salles, où on doit supporter l'idée d'avoir des équipements, il faut aussi avoir des gens qui vont vouloir y aller et, pour l'instant, je pense que plus on va aller dans un avenir rapproché, plus ça va devenir quelque chose de problématique, le spectacle est en train de devenir quelque chose d'inaccessible.

On peut voir que certains "blockbusters" vont s'en tirer, parce que, dans tout contexte de rétrécissement comme ça, il y a des produits qui, avec une mise en marché massive et une réputation qui les précède, peuvent réussir à s'en tirer. On citait l'exemple du "Fantôme" tantôt, il y a aussi les spectacles américains importants qui peuvent venir au Forum et certaines grandes vedettes québécoises, aussi, peuvent s'en tirer, il ne faut pas se tromper là-dessus, l'attachement des Québécois à certains de leurs produits culturels va quand même rester intégral.

Mais c'est tout le terrain du milieu qui est en train de se rétrécir et c'est là qu'on trouve-Bon, il y a des termes galvaudés comme "la relève", je ne voudrais pas l'utiliser ce matin, mais il y a quand même toute une espèce de renouvellement qui doit s'opérer pour avoir une scène culturelle active et intéressante pour les gens, qui est en train de s'assécher. Alors, je pense que c'est un phénomène sur lequel il faut absolument que le gouvernement se penche et très vite, parce qu'on aura beau avoir toutes les politiques, après, pour encourager la création, mais si cette création-là ne peut pas se rendre dans sa finalité, c'est-à-dire dans sa performance devant le public, on est aussi bien d'oublier ça. Merci.

M. Sabourin: Merci, André. Le deuxième point sur lequel on aimerait attirer votre attention, c'est un domaine dans lequel, malheureusement, le gouvernement du Québec n'a pas juridiction. Nous l'amenons, par exemple, pour

vous souligner que dans notre secteur... Et l'ADISQ ne réclame pas seulement des gouvernements les sommes d'argent et de dire: Aidez-nous avec de l'argent, subventionnez-nous. Notre démarche n'est pas celle-là. L'intervention financière de l'État est nécessaire pour soutenir le marché et rendre un peu plus équitable notre position face à la compétition internationale, mais il y a également le domaine législatif. Ottawa a révisé une partie de la Loi sur le droit d'auteur l'année dernière et s'apprête à réviser ce qu'on appelle la deuxième partie. Sur ce domaine-là, je vais laisser parler André Di Cesare qui mène auprès du gouvernement fédéral, je dirais, une longue lutte depuis quatre ans pour la reconnaissance d'un droit qu'on appelle le droit voisin. Je laisserai la parole à André, à ce stade-ci, pour vous en parler.

M. Di Cesare (André): Bonjour. Il y a un problème majeur dans l'industrie du disque qui s'appelle la copie privée. Les gens chez eux, tout le monde copie nos produits sans payer pour. Il est reconnu présentement, selon des recherches qui ont été faites à travers le Canada, que, pour chaque disque vendu, il y a une copie privée qui se fait. Il y a des revenus de moins pour les auteurs-compositeurs, pour les artistes, pour les producteurs, à chaque fols qu'une copie est faite.

Dans la plupart des pays d'Europe, il y a des lois qui protègent ça, il y a des revenus qui sont générés par la vente de copies privées à travers une royauté, à travers un droit. Ici, le gouvernement fédéral tarde à mettre ça dans sa loi. Aux dernières nouvelles, encore la semaine passée, au colloque "Radio Activité" avec les gens du ministère des Communications, il semble que ce n'est pas dans la nouvelle loi qui va être présentée. Je pense que le gouvernement provincial doit, pour aider les producteurs québécois à subvenir à leurs propres besoins sans être subventionnés, parce que c'est un droit, je veux dire, on ne demande pas une charité, c'est très important qu'on soit protégés à ce niveau-là... Puis, tant que la loi n'existera pas ici, pour tous les artistes qu'on exportera à l'étranger, il n'y aura pas de réciprocité et les revenus de droit voisin et de droit de copie privée sur l'étranger ne nous seront pas transférés. Donc, je pense que c'est très important qu'on devienne dans l'ère moderne des droits. Quand on sait que, dans 10 ou 15 ans, les supports n'existeront plus, il n'y aura que les droits, c'est essentiel pour le Québec et pour tout le Canada que ces droits-là existent. Et j'espère que le ministère des Affaires culturelles fera des pressions le plus possible auprès du fédéral pour que cette loi-là, c'est-à-dire qu'il ajoute à la Loi sur le droit d'auteur qu'il est en train de finaliser le droit sur la copie privée. Je pense que la survie de l'industrie est là et peut-être qu'on va arrêter de venir vous quêter des subventions si on peut être payés pour ce qu'on vaut. Merci.

M. Sabourin: J'irais même plus loin...

Le Président (M. Paré): M. Sabourin, c'est juste pour vous inviter à accélérer, s'il vous plaît, si vous voulez garder du temps pour échanger avec les membres de la commission.

M. Sabourin: Ça va être ma dernière intervention. J'inviterais les gens de la commission à prendre connaissance de ce que nous proposons comme aide au financement. Je pense qu'il faut, je vais être très bref, revoir quelque peu le rôle de la SOGIC et introduire une notion de capital de risque à l'intérieur de son action. Nous faisons état d'un certain nombre de mesures qui devraient être mises en place en ce qui concerne le financement des entreprises et des activités de production.

Simplement pour revenir sur la question des droits, je pense qu'on pourrait à ce stade inviter le gouvernement du Québec à étudier s'il n'y a pas une intervention législative possible dans le domaine de la copie privée. On a vu que ça s'est déjà fait dans le domaine du cinéma en ce qui concerne la location des cassettes. Pourquoi ne pas entreprendre la même démarche et voir s'il n'y a pas lieu, et si le gouvernement du Québec, dans l'état actuel des relations entre le fédéral et le provincial du partage des pouvoirs... voir si ce n'est pas possible qu'une Intervention se fasse dans ce domaine? Nos disques sont loués actuellement, ils sont même prêtés par la ville de Montréal pour qu'on puisse les copier.

Alors, je vous remercie et je vous invite à nous poser des questions s'il y en a.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. La parole est maintenant à vous, Mme la ministre, pour environ 10 minutes.

Mme Frulla-Hébert: Bon, parfait. Merci beaucoup à vous tous. C'est drôle, la majorité des gens qui viennent à la commission discuter avec nous nous disent que nous avons, et le rapport Arpin surtout a une approche qui est beaucoup plus économiste, qui est beaucoup plus vers les entreprises culturelles que vers la création même, et on nous reproche ça beaucoup. Et, à l'inverse, vous qui représentez des entreprises culturelles et qui vous battez aussi pour les entreprises culturelles, je vous connais pas mal tous, vous nous dites que c'est l'inverse, que nos mesures, finalement, aident, oui, mais ce n'est pas suffisant. Je vais parler des droits privés aussi après. (11 h 45)

Alors, j'en viens à une question qu'on se posait comme ça, en vous entendant, c'est: Est-ce que ce serait, c'est au ministère des Affaires culturelles, oui, au ministère des Affaires culturelles, mais par ces entreprises, à vous donner,

parce que, dans le fond, ce que vous voulez, c'est de la capitalisation, à vous donner, justement, des mécanismes pour vous développer en termes d'entreprises ou, encore une fois, il y a aussi une autre source au niveau du gouvernement qui est Industrie et Commerce, tout simplement, et de traiter les entreprises culturelles pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des entreprises? Alors, à ce moment-là, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Sabourin: Non, certainement pas. Je ne pense pas qu'une activité strictement d'entrepre-neurship puisse résoudre les problèmes auxquels est confronté notre type d'industrie. Il faut, au contraire, la sensibilité d'un ministère des Affaires culturelles à notre secteur. C'est un secteur culturel, comme je le disais. La première partie de mon intervention tendait à dire qu'on fait partie de la culture et, s'il vous plaît! on fait partie du ministère des Affaires culturelles. Je voudrais juste souligner un exemple: l'intervention du ministère des Affaires culturelles dans notre domaine, la totalité des programmes directs dans notre secteur est d'à peu près 2 000 000 $, et ces petits 2 000 000 $, ces maigres 2 000 000 $, de la façon dont ils ont été appliqués et en relation avec les entreprises, ont généré en grande partie, avec un autre programme qui est au fédéral et qui s'appelle Musicac-tion, la vitalité actuelle de notre industrie. Le dernier Gala de l'ADISQ en était un signe. Les entreprises qui ont soutenu Luc de Larochelière, Marjo, tous les gagnants sont, presque, issus de ce petit programme-là, qui est très maigre. C'est la preuve qu'avec peu on peut faire beaucoup. Mais je réclame non pas peu, parce que je pense que l'intervention dans notre domaine doit se faire beaucoup plus importante, mais je dis qu'on peut faire beaucoup si c'est fait de façon intelligente et éclairée.

Je laisserai peut-être Robert intervenir là-dessus.

M. Pilon (Robert): Je pense que ce qu'on peut ajouter, c'est que le ministère des Affaires culturelles doit conserver sa responsabilité dans le domaine. Je pense que c'est clair, Michel vient de le dire. Ceci étant dit, je pense qu'il y a d'autres institutions de l'État. Les programmes du MIC, à l'heure actuelle, encore un programme tout récent qu'on nous propose, nous sont fermés. Je pense que ça doit être ouvert aux côtés des programmes du MAC. Le MAC ne doit pas se retirer, sinon la spécificité, l'expertise...

Mme Frulla-Hébert: Non, non, mais ce n'est pas ça qu'on dit, non plus.

M. Pilon: L'expertise dans le domaine des industries culturelles, elle est au MAC. Elle n'est pas au MIC. Mais le MIC doit intervenir. La Caisse de dépôt doit intervenir. La Caisse de dépôt a déjà commencé à intervenir dans certaines entreprises dans le domaine de la TV. Pourquoi ne pourrait-elle pas participer à un fonds de capital de risque aux côtés de la SDI, aux côtés d'institutions privées comme, je ne sais pas, je dis "off the top of my head", la SID, par exemple, ou la Banque nationale, un fonds qui pourrait amener plus d'argent, en collaboration avec la SOGIC, toujours ça? Mais il faut générer plus de capital de risque en provenance des institutions financières publiques et des institutions financières privées, c'est absolument essentiel, sinon on va être écrasé par la concurrence internationale d'ici à cinq ans, et ce n'est pas un discours "catastrophiste", c'est tout à fait réaliste.

Mme Frulla-Hébert: Mais comprenez-moi bien. Vous répondez très bien à ma question. Ce n'est pas - au contraire - se désister, mais c'est d'ajouter d'autres forces. Je vous dis qu'il y a d'autres choses qui existent. Rapidement, parce que le temps nous presse, une question en ce qui concerne les droits d'auteur. Effectivement, je sais que le fédéral travaille là-dessus. Par contre, on attend le dépôt de la loi, parce qu'ils sont très souvent discrets sur certaines de leurs actions, c'est difficile d'avoir de l'information. Mais au niveau de la copie privée, ce que vous nous dites, comment se fait-il, et pardonnez mon ignorance, mais c'est compliqué, cette Loi sur le droit d'auteur, comment se fait-il que, dans le reste du Canada, cette demande n'est pas aussi pressante et qu'elle l'est plus spécifiquement au Québec?

M. Di Cesare: Elle est aussi pressante. Nos partenaires canadiens, nos correspondants plutôt, je devrais dire, et partenaires canadiens, qui sont CRIA, qui est l'association des majeurs, et CIRDA, qui est l'Association des indépendants dans l'industrie du disque au Canada anglais, font les mêmes pressions au niveau du gouvernement fédéral. Ils ne les font peut-être pas au niveau de leur gouvernement provincial, en tout cas le gouvernement de l'Ontario surtout dont on pourrait parler. Mais les pressions sont là. Tout le monde fait des pressions. Je ne veux accuser personne, mais le problème c'est qu'on est toujours, dans des lois de droit d'auteur au Canada, à la remorque des États-Unis. Le problème se situe à ce niveau-là. On ne semble pas être capables, nous autres, pauvres petits Canadiens, d'être innovateurs là-dedans, en Amérique du Nord. Il faut attendre que les Américains le fassent. Toute l'Europe, c'est réglé, mais nous autres, il faut attendre que ça se passe aux États-Unis.

Mme Frulla-Hébert: Parce qu'il y a beaucoup, évidemment, de pourparlers au sujet du libre-échange au niveau d'exclure et de continuer à exclure les industries culturelles, il le faut.

Est-ce que c'est en interrelation un peu avec ça ou si ça n'a absolument rien à voir?

M. Di Cesare: Je pense que la vraie raison du gouvernement fédéral, dans le moment, c'est qu'il vient d'instaurer une taxe de 7 % à travers le Canada. Au ministère des Finances, à Ottawa, je veux dire, ils voient un droit d'auteur comme une taxe. C'est un droit d'auteur, c'est une royauté sur un droit d'auteur, mais eux autres voient ça comme une taxe. Je pense que les consommateurs vont crier. Ça n'a jamais fait de problème dans tous les autres pays d'Europe. Peut-être qu'ici ça va en faire plus. Moi, ce que je ressens en tant que personne, c'est ça. La problématique est là. Mais il ne faut pas avoir peur non plus.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Di Cesare. M. le député de Salnte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, trois questions, je vais les poser brèves de façon à ce qu'on puisse faire le tour de notre jardin. Sur la question du rapatriement des pouvoirs, vous avez choisi de ne pas prendre position. C'est votre droit le plus légitime. Cependant, si le Québec devient un État souverain, la question du rapatriement, ça devient inéluctable; ça, vous le comprendrez. Dans cette éventualité, est-ce que le rapatriement des pouvoirs pourrait être acceptable si, au minimum, les budgets rapatriés sont réinjectés, dans leur intégralité, dans la culture, dans chacun des secteurs correspondants, tout en reconnaissant qu'au-delà d'une période d'adaptation, forcément, qui est nécessaire, l'Etat québécois devra adapter ses programmes d'aide actuels, voire probablement même en créer de nouveaux puisqu'il y a des programmes fédéraux qui n'ont pas leur équivalence ici, au Québec?

M. Sabourin: Écoutez, je pense que vous savez tous qu'on est dans un secteur où l'histoire a montré la sympathie des intervenants et la confiance des intervenants envers le gouvernement québécois. D'un autre côté, inutile de nier que le pouvoir de dépenser du fédéral a permis des interventions dans nos secteurs qui ont fait que des relations se sont créées. Nous, ce qu'on dit, c'est que le partage des pouvoirs ne peut pas se faire de façon partielle. Comme M. Daoust ou un autre intervenant avant moi disait, on ne peut pas envisager la culture au Québec et les communications à Ottawa; on ne peut pas envisager la chanson au Québec et le droit d'auteur à Ottawa. Bon. Donc, je pense que ça, c'est assez évident que, quant à nous, peu importe le partage des pouvoirs, nous appelons à la responsabilité des gouvernements envers notre secteur. Je pense que ce que je vous dis là témoigne de notre position. Je voudrais juste ajouter qu'en matière de partage des pouvoirs...

Non, je m'arrêterai là, je m'excuse.

M. Boulerice: Alors, je vais aller à ma deuxième question. À la page 22 et je vous cite: "Peut-on imaginer une politique de la culture - justement - sans les responsabilités en matière de communication?" Ce avec quoi nous sommes tout à fait en accord, c'est déjà dans le programme de ma formation politique. Mais pourriez-vous quand même, brièvement - puisque le président a un rôle ardu à jouer, puis ce n'est pas sa faute - préciser l'importance du secteur des communications, non pas uniquement pour la diffusion et la production de nos produits culturels, mais l'incidence des nouvelles technologies sur la production des oeuvres culturelles? Parce que j'ai l'impression qu'on ne réalise pas l'impact incroyable que ça va avoir, que ça a commencé à avoir. Ce qu'on voit aujourd'hui, ce n'est rien comparé à ce qu'on va voir demain.

M. Pilon: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Boulerice. Mais je veux revenir quand même très très rapidement sur les trucs classiques. La question des quotas de chansons de langue française à la radio est une question extrêmement importante, même chose aussi à MusiquePlus. La question de toute la visibilité des artistes québécois dans les émissions de variétés musicales est également importante. Donc, si le CRTC réglemente, impose des conditions de licence, des choses comme ça, ça a un impact direct immédiat sur la chose. Et vous avez raison d'amener la question des nouvelles technologies. M. Di Cesare y faisait allusion tantôt, on s'en va, et ce n'est plus de la science-fiction, on s'en va, dans 10, 12 ans, vers la distribution électronique des produits. Ce qui fait que, bon, dans 10 ans, ce que vous allez faire, vous allez être chez vous et vous allez dire: Bon, qu'est-ce que j'écoute ce soir? Vous allez fouiller dans une espèce de catalogue électronique, vous allez peser sur trois ou quatre pitons et on va vous descendre ça dans un appareil qui s'appellera, ni un système de son, ni une TV, ni un ordinateur, mais un multimédia, et vous allez être facturé au bout de chaque mois. Il va y avoir une régie de ces choses-là, il va y avoir des licences. Ça va passer par les satellites ou par la fibre optique, je ne le sais pas encore, il y a plusieurs scénarios possibles. Mais, pour l'Instant, ça va être régi, selon toute vraisemblance, par le gouvernement fédéral et ça va avoir un impact considérable sur l'avenir de Richard Séguin, de Marjo, de Luc de Larochel-lière et sur les entreprises qui les produisent. Donc, le gouvernement québécois ne peut pas être absent de ces choses-là, mais, en même temps, je veux dire... En tout cas, moi aussi, je veux m'arrêter là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Dernière question, monsieur, rapidement.

M. Ménard: Si je peux ajouter quelque chose là-dessus. On peut dire que toutes les avancées technologiques des 20 dernières années se sont faites au détriment des cultures nationales minoritaires comme les nôtres, en général. Quand on sait, par exemple, que trois des plus grands groupes qui contrôlent actuellement le marché du disque et du "hi-fi", comme on dit, des appareils, les gens de la Philips, les gens de la Matsushita, MCA et Panasonic, et les gens de la Sony, sont des gens qui, à la fois, vendent du "hardware" et du "software"... Alors, pour eux, actuellement, même peut-être bientôt, le "software" va être le bonbon pour vendre le "hardware". Devant ça, Je pense que la préoccupation de produire des produits nationaux à l'intérieur des marchés où ils vont aller vendre leurs produits, ça va être assez secondaire. Ils ont un catalogue immense à administrer. On peut voir, par exemple, que Sony fait de la réédition sur CBS depuis maintenant trois ou quatre ans, d'une façon importante, pour se repayer l'argent qu'ils ont dû payer pour acheter CBS, et on pourrait voir que, dans ces grandes compagnies-là, dans 20 ans, on pourrait être absolument marginalisé, "cajunisé", d'une certaine façon; il y aurait un spécialiste des "Québec Studies" qui écrirait le petit livret, qui accompagnerait le "compact dise", sur le passé de la chanson québécoise des années soixante-dix et quatre-vingt. Ça a peut-être l'air catastrophiste de le dire comme ça.

M. Boulerice: Non, non, non.

M. Ménard: Je peux vous dire que ça peut se passer très très vite.

M. Boulerice: Oui, oui.

Le Président (M. Doyon): Merci. Un mot de remerciement, M. le député. Malheureusement, je suis obligé de vous indiquer cela.

M. Bouierice: J'aurais aimé vous parler davantage du capital de risque et de la SOGIC parce que la SOGIC, je ne sais pas comment ça va avec vous, mais, au niveau du cinéma et des productions télévisuelles, je vous avoue que c'est le musée des horreurs quand on entend vos collègues en parler. Mais on aura sans doute d'autres occasions de discuter là-dessus. Pour ce qui est des communications et des nouvelles technologies, je vois que vous y êtes sensibles et, très prochainement, je crois que nous aurons des propositions à vous faire. On verra la réaction à ce moment-là.

Merci de votre participation et surtout pour le gala de samedi soir où, dans des termes...

Une voix: Dimanche.

M. Boulerice: Dimanche, je m'excuse, oui.

Les longs week-ends, on ne sait plus quel jour on était. Vous avez exprimé sobrement, mais très clairement votre position.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, quelques mots.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. Encore une fois, je me joins à mon collègue pour vous remercier. Effectivement, on comprend vos préoccupations. C'est un peu plus clair aussi, M. Di Cesare, cette histoire. On en avait discuté. On attend juste leur dépôt, comme je vous le dis, de ce temps-là... Mais ce n'est pas grave. Il y a des choses à faire. Évidemment, dimanche, vous m'avez demandé devant 3 000 000 de personnes d'être votre porte-parole. C'était fait sobrement et j'ai compris le message. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

M. Boulerice: Ce n'est pas un ... de six mois qui va régler votre problème, hein?

Le Président (M. Doyon): En remerciant bien sincèrement les gens de l'ADISQ, je leur permets de se retirer de la table pour que les autres invités puissent prendre leur place.

Il s'agit maintenant pour nous d'entendre l'Association des directeurs de bibliothèques publiques. Je leur demande de bien vouloir s'installer en avant.

Je vois qu'ils sont en place. Ils sont avec nous depuis un certain temps. Je n'ai pas à leur indiquer notre façon de procéder; ils l'ont bien comprise. Alors, tout simplement pour vous inviter à vous présenter, tout en vous souhaitant la plus cordiale des bienvenues. Vous avez une quinzaine de minutes pour provoquer chez les membres de la commission un échange de vues qui suivra jusqu'à environ 12 h 30. Vous avez donc la parole.

Association des directeurs de bibliothèques publiques du Québec

Mme Lefebvre-Roux (Maud): Je tiens tout d'abord à vous rassurer, nous serons brèves, M. le Président. Je suis Maud Lefebvre-Roux, je suis présidente de l'Association des directeurs de bibliothèques publiques du Québec et également directrice de la bibliothèque de Blainville. Je veux vous souligner que l'Association des directeurs de bibliothèques publiques existe depuis 1984 et compte 131 membres, bibliothèques publiques autonomes...

Le Président (M. Doyon): Mme Lefebvre-Roux, est-ce que vous pourriez présenter les gens qui vous accompagnent? C'est pour les fins du Journal des débats.

Mme Lefebvre-Roux: Oui, c'est parce que je voulais présenter l'Association, tout d'abord.

Le Président (M. Doyon): Bon.

Mme Lefebvre-Roux: Mes collègues, Monique Chagnon, qui est vice-présidente de l'Association et également directrice de la bibliothèque de Salaberry-de-Valleyfield, Michelle Dupuy, qui est directrice de la bibliothèque Dorion-Vaudreuil, ainsi que France Huvelin, de Saint-Léonard.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous quatre.

Mme Lefebvre-Roux: Merci. Or, comme je vous le disais, l'Association des directeurs de bibliothèques publiques existe depuis 1984 et compte 131 membres, bibliothèques publiques autonomes et bibliothèques centrales de prêt, ce qui totalise 1013 municipalités de moins de 5000 habitants et ce qui représente également 1 500 000 usagers. (12 heures)

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de cette commission, depuis le début des travaux de cette commission, plusieurs opinions ont été émises sur ce que devrait inclure la politique culturelle du Québec. Elles l'ont été parfois de façon courtoise, d'autres fois agressives, avec panache ou discrétion. Nous ne disposons pas d'une tribune comme celle du Gala de l'ADISQ, par exemple. Nous ne sommes ni des artistes, ni des comédiens, ni chanteurs. Nous sommes des directeurs de bibliothèques publiques. Pourtant, notre objectif premier est de communiquer à tous les Québécois et toutes les Québécoises, sans aucune discrimination, le souffle et la passion du livre et de la lecture, de susciter leur intérêt pour tout ce qui se lit et tout ce qui s'écrit, de donner le goût de la lecture, de donner la piqûre d'apprendre et de découvrir.

Lorsque dans sa bibliothèque municipale le tout jeune enfant découvre ce plaisir du livre, c'est encore l'émerveillement, c'est encore la fascination. Voilà bien la porte d'entrée, le laissez-passer vers la culture, car la lecture demeure et constitue l'activité culturelle de base et cela, partout dans le monde. Et c'est cette magie que nous créons et cela, partout au Québec, dans toutes les municipalités où il y a effectivement une bibliothèque publique. Notre mission est donc de développer le goût de la lecture et du livre et, par la même, le goût de notre langue, et c'est la qualité de notre langue qui conditionne notre réalité culturelle spécifique. Quand on remet en question la lecture publique au Québec, c'est le développement de la langue française au Québec que l'on remet en question.

De plus, la bibliothèque permet un accès entièrement libre à l'information et à la connaissance où chaque Québécois et chaque Québécoise, sans discrimination de classe sociale ou économique, de race, de nationalité, d'âge, peut obtenir un livre ou tout autre document. Cet accès peut lui permettre de se développer, de comprendre et d'apprendre, bref, d'avoir accès à la culture, et c'est un droit sacré qui appartient à chaque citoyen. Peu d'institutions au Québec possèdent les outils, la compétence et les qualités pour jouer ce rôle. Mais encore doivent-elles détenir les ressources nécessaires pour réaliser ce mandat élargi. Or, le réseau québécois est le réseau le plus pauvre d'Amérique du Nord en termes de collections, de personnels et de ressources.

Alors que les villes à majorité anglophone ont compris depuis bien longtemps l'importance du rôle social et culturel de la bibliothèque publique, de trop nombreuses villes francophones n'ont pas encore de bibliothèque publique décemment équipée; le lieu est mal choisi ici pour les énumérer, mais, dans certains cas, c'est carrément lamentable. Actuellement, les bibliothèques publiques souffrent d'un manque flagrant de bibliothécaires professionnels, ce qui, inévitablement, se reflète sur la qualité des services offerts, parce qu'il s'agit bien de services, de services culturels. De plus, la demande sans cesse croissante de nouveautés, de livres, d'informations, exige des crédits d'achat de livres qui dépassent bien largement les moyens actuels des bibliothèques, de nos bibliothèques.

Le rôle de l'État. Le rôle de l'État est d'inspirer et de guider le milieu, de catalyser les énergies et de favoriser la cristallisation de grandes idées-forces. Mme la ministre, le temps des études et des rapports est dépassé. Fini le temps des tergiversations. Si votre ministère n'est pas au fait de la situation après la multitude de rapports qui ont été déposés, c'est qu'il y a absence de volonté. Il est urgent de promouvoir des politiques, des stratégies et des programmes.

Nous fêterons bientôt les cinq années du rapport Sauvageau. Bien triste anniversaire! la commission d'étude Sauvageau, une autre commission, qui produisait 76 recommandations dont les suites qui, bien qu'on en reconnaissait le bien-fondé, sont toujours en veilleuse. Qu'en est-il des suites du rapport Sauvageau? Un comité de liaison a été formé, un comité de liaison entre le ministère des Affaires culturelles et les bibliothèques publiques autonomes, nous reporte de réunion en réunion, réunions qui deviennent de plus en plus stériles.

La Loi sur les bibliothèques publiques qui date de 1959, par exemple, est, par ailleurs, tout à fait inadéquate et doit être révisée de toute urgence. Il est impérieux que l'État statue sur ce que sera son réseau de bibliothèques publiques. Le flottement actuel mine actuellement cruellement le milieu. Aussi, l'ADIBIPUQ recommande que le gouvernement du Québec assume sa responsabilité comme maître d'oeuvre de la plani-

fication et de la réalisation d'un véritable réseau de bibliothèques publiques au Québec. Quel est l'avenir des bibliothèques publiques au Québec? Est-ce qu'il y a un avenir pour les bibliothèques publiques au Québec? La réforme Ryan ne laisse présager rien de bien réjouissant.

Si le gouvernement du Québec ne réaffirme pas le rôle indispensable des bibliothèques publiques dans le développement culturel de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, quelle institution assumera dans la continuité la responsabilité de la lecture publique, la lecture publique étant ce préalable indispensable à la vie intellectuelle et à la vie culturelle active? C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement du Québec réaffirme et consolide le rôle indispensable des bibliothèques publiques dans le développement culturel de tous les Québécois; que le gouvernement du Québec reconnaisse le futur réseau des bibliothèques publiques comme moteur du développement culturel; que le gouvernement du Québec reconnaisse l'ADIBIPUQ et les regroupements régionaux de bibliothèques publiques comme partenaires privilégiés dans l'élaboration et la réalisation du plan d'action de la politique culturelle; que le gouvernement du Québec reconnaisse et appuie concrètement la bibliothèque publique comme instrument démocratique au service de l'éducation et du développement culturel de tous les Québécois.

Si le Québec n'a pas les moyens de se doter d'un véritable réseau de bibliothèques structuré, il n'y aura jamais de véritable politique culturelle au Québec. Il n'y aura sans doute pas, non plus, d'avenir pour la langue française ici, au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Lefebvre-Roux. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lefebvre-Roux, et bienvenue. Au niveau des bibliothèques, et on sait que c'est un problème en ce qui concerne les collections, j'ai un collègue qui a aussi un problème au niveau d'un manque de bibliothèques. Quand on parle du rapport Sauva-geau, vous savez comme moi que le plan et la mise en oeuvre du plan d'action, parce que c'est ça, finalement, il faut le faire en s'assoyant avec les municipalités et le jour où on était prêts à s'asseoir avec les municipalités, c'était l'an dernier, eh bien, il y a eu un petit retard à ce niveau-là.

Par contre, les municipalités ont signifié maintenant le retour ou, enfin, une volonté de retour à une table culture-municipalités. On ne pouvait pas l'avoir avant, l'année passée, c'est aussi simple que ça. Donc, on voit ça très positivement pour le mois de novembre, de telle sorte que, là, on remet en place, parce qu'il faut que les municipalités embarquent comme partenaires et elles le sont déjà. Je dois vous dire que, s'il y a un secteur - et vous le savez comme moi - dans lequel les municipalités ou, enfin, la plupart des municipalités sont très actives, c'est bien le secteur des bibliothèques.

Ce qui m'amène à une question. Vous dites qu'il y a 29 municipalités - parce qu'on investit beaucoup, comme je l'ai dit tantôt, en capitalisation - mais il reste encore 29 municipalités de plus de 5000 habitants qui n'ont pas encore créé leur bibliothèque municipale, d'une part. Bien souvent, on donne les fonds en termes de capitalisation et ils sont battus par référendum, alors c'est aussi la volonté du... on fait appel à la volonté des électeurs aussi. Qu'est-ce que vous suggérez comme moyens à prendre pour permettre à la population de ces municipalités d'avoir accès aux services d'une bibliothèque? Après ça, on parlera des collections, etc.

Mme Lefebvre-Roux: Tout d'abord, je veux vous dire qu'effectivement les municipalités doivent être impliquées dans le processus. Elles le sont déjà; activement, peut-être pas partout malheureusement. Ça, c'est d'abord une précision. L'autre point, c'est l'espèce de marketing dans lequel il va falloir investir pour faire de l'image de la lecture au Québec une image positive. Il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là et il y a un effet d'entraînement. Quand on regarde la carte géographique des bibliothèques publiques, il y a malheureusement encore en 1991 de trop nombreux élus dans des municipalités qui n'ont soit jamais fréquenté de bibliothèque publique moderne ou qui n'ont même pas jamais vu ce que devait être une bibliothèque publique dans une société démocratique et moderne comme la nôtre. Alors, là, il y a un travail, une sensibilisation au niveau de l'ensemble du Québec sur une promotion positive de la lecture, et c'est le genre d'intervention que le ministère des Affaires culturelles doit assumer.

Si, comme dans le domaine de l'éducation, on laisse entièrement aux élus municipaux la responsabilité de la lecture et de ce qu'elle devrait être dans leur milieu, pour le moment du moins, on risque de vivre ce qu'on vit actuellement, cette espèce de vacuum qu'on retrouve dans certains milieux, alors que dans des municipalités, comme je le mentionnais, à majorité anglophone, pour ne mentionner que Pointe-Claire, il y a des écarts épouvantables par rapport à d'autres villes qui devraient effectivement rayonner sur le plan économique dans leur région. Le développement des bibliothèques publiques n'est pas du tout proportionnel à la qualité ou à l'indice de richesse foncière des municipalités. Alors, ce n'est pas toujours nécessairement uniquement une question de ressources. C'est une question de volonté, une question de priorité. Et, si ce n'est pas une priorité au ministère des Affaires culturelles, comment voulez-vous que ça le soit dans une municipalité où il n'y a pas de sensibilisation à la lecture?

Mme Frulla-Hébert: Bien là, je m'excuse, mais c'est une priorité au niveau des Affaires culturelles, d'une part, ne serait-ce que par les investissements. On parte d'investissements de 24 000 000 $, on parle de la détaxe sur le livre qui est de 32 000 000 $, finalement, de moins, justement parce que, au niveau de la taxation sur le livre, là-dessus on a pris nos responsabilités. Donc, ça, je vous en donne, finalement, l'assurance.

Les bibliothèques publiques québécoises effectuent à peu près 30 fois moins de prêts entre bibliothèques que celles de l'Ontario. À quoi attribuez-vous cet écart important? On parle beaucoup du système des bibliothèques en Ontario. Les municipalités sont extrêmement impliquées et, comme vous le dites aussi, c'est aussi dans la mentalité. Là-dessus, je vous rejoins au niveau du marketing - et on en a parlé, d'ailleurs, avec M. Sauvageau - c'est capital, parce qu'on s'imagine encore qu'une bibliothèque c'est un endroit stérile où c'est très ennuyant d'aller, tandis que c'est quand même un lieu socioculturel très important pour une municipalité.

Mme Lefebvre-Roux: C'est que la bibliothèque, comme vous le mentionniez tout à fait justement, est souvent dans l'organigramme des municipalités un service, un service municipal. Donc, il y a une espèce d'isolement qui s'est vécu dans l'histoire récente du développement des bibliothèques publiques. On en a souvent discuté entre collègues, on estime que la seule façon ou, en tout cas, une des façons les plus efficaces d'arriver à développer, c'est de travailler en réseau. Quand on parle d'informatisation, c'est aberrant le montant d'argent qui se dépense, pour ne pas dire qui se gaspille, dans des expertises qui se font à l'intérieur de chacun des milieux. C'est sûr que les directeurs de bibliothèque, on échange nos connaissances, mais au niveau de la structure elle-même. Donc, il y aurait des projets intéressants de développer, d'investir cet argent-là dans des projets en termes de réseau, de rationalisation des services documentaires, par exemple, pour ne pas être trop technique ici, mais ce genre de projet là, quand on pense que le même document, celui-là qu'on retrouve certainement dans toutes les bibliothèques publiques, est traité souvent individuellement d'une boite à l'autre. Alors, il y a un tas de projets comme ceux-là, et là, en plus de la rationalisation des effectifs que ça peut entraîner, c'est toute l'espèce de communication de réseau qui fait que ça ne se pourra plus, à un moment donné, qu'une bibliothèque d'une municipalité de plus de 20 000 ou 30 000 habitants soit dotée d'un sous-sol ou d'équipements tout à fait désuets. (12 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Oui. Je veux revenir, parce que le temps nous presse, d'une part, justement à la loi qu'on veut déposer et aussi à cette table au niveau des municipalités. Il y a un projet, en fait, il y a des suggestions ou, enfin, des pressions même qu'on nous fait pour imposer des frais à certains services au niveau de la population, pas tous, mais certains services au niveau de la population. Il y a même le maire d'Amos, par exemple, qui nous a dit: Écoutez là, on va imposer les frais; si c'est trop, donnez-nous juste la permission de le faire - parce que, dans le fond, c'est ça, là, puis il y a toujours une question d'acessibilité versus... - donnez-nous la permission de le faire et ne craignez pas, nous, dans notre milieu, si on fart une étape, enfin, un pas de trop, notre population va nous le dire, va nous taper sur les doigts. Alors, finalement: Donnez-nous juste la permission de le faire et sortez de ce champ-là; ne nous dites pas où, quand, comment; on va s'en charger avec notre milieu. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Lefebvre-Roux: Le premier élément, c'est celui que j'ai essayé de vous communiquer sur l'importance de la lecture. C'est un droit sacré, comme celui à l'éducation qui est maintenant reconnu au Québec. C'est une chose. D'autre part, c'est l'effet d'entraînement. Je suis convaincue que dans des bibliothèques, dans les municipalités qui disposent d'un service de bibliothèque adéquat et gratuit, les citoyens n'accepteraient plus de rétrograder ni d'être tarifés sur ce service-là. Le problème que beaucoup de maires nous mentionnent, c'est dans certains milieux où la bibliothèque ne donne pas effectivement les services auxquels les citoyens devraient s'attendre, donc les gens n'en redemandent pas. C'est toujours le même principe. Là, on se heurte à une espèce... C'est sûr qu'il y a beaucoup d'élus qui vont dire: Écoutez, on n'a même pas eu de contestation sur ce dossier-là. Mais, quand on regarde l'état des services qui sont offerts dans ces municipalités, on ne s'en étonne pas non plus.

Le Président (M. Doyon): M. le député de LaFontaine.

Mme Lefebvre-Roux: Je ne sais pas s'il y a des collègues qui voudraient renchérir.

M. Gobé: Oui. Merci, M. le Président. J'ai beaucoup aimé votre mémoire. Ça paraît un peu surprenant peut-être, mais, quand on l'écoute et qu'on réfléchit un peu à ce que vous avez dit, c'est très intéressant. Je pense que vous avez démontré d'une manière non équivoque l'importance des bibliothèques. Vous avez aussi démontré, hélas! une triste réalité qui est peut-être le piètre état des collections, ou des ouvrages, ou des livres, ou le peu de choix qu'on peut y trouver et, lorsqu'on visite quelques bibliothèques, on ne constate que ce que vous dites est certainement le reflet de la réalité. Je crois qu'il

ne faut jamais avoir peur de le dire et nous, les politiciens, on ne doit jamais avoir peur de se le faire dire parce que, si on le cache ou si on ne le dit pas, bien, on ne prend aucune mesure, aucune politique pour essayer de le corriger.

Et c'est tellement important, et vous l'avez dit vous-même, la bibliothèque, c'est la source de la culture. Si on veut conserver la société québécoise francophone en Amérique du Nord et que les gens ne lisent plus, bien, c'est de valeur, n'en déplaise aux bons esprits, mais, dans 50 ans, il n'y aura plus de francophones. On a vu ça dans d'autres pays où la culture s'éteint parce que les gens ne connaissent pas leurs racines, ne connaissent pas l'histoire et ne connaissent pas les auteurs, ne connaissent pas Corneille, Racine et autres. Mais, si on ne leur apprend pas, on ne leur dit même pas aux jeunes ou aux gens que ça existe, pour eux ça devient un vide, et la dernière référence est le dernier best-seller qu'on a vu dans une émission de télévision présentée de manière un peu populaire, et la culture s'arrête là. Alors, je crois que vous avez raison. Vous avez touché un point fondamental qui est la diffusion de la culture et de la connaissance, parce que, sans connaissance, il n'y a pas de culture. Et moi, je vous félicite de votre mémoire. Je crois qu'il est courageux. Il est bien, il est direct, mais il est clair et je pense que votre message est bien passé.

En terminant, un petit aparté, ça me touche et ça me touche d'autant plus que moi, et je vois la directrice de la bibliothèque de Saint-Léonard, j'aurais aimé que vous présentiez, maintenant, la directrice de la bibliothèque de RMère-des-Prairies, car, si vous ne le savez pas, Rivière-des-Prairies est un quartier de la ville de Montréal enclavé par Saint-Léonard, Anjou, Pointe-aux-Trembles, qui a à peu près 40 000 habitants et qui n'a pas de bibliothèque, et où les jeunes enfants font la queue avec leurs parents et les personnes âgées, dans la sloche l'hiver, dans le froid, dans la pluie l'été, lorsqu'il pleut, ou le vent, pour attendre d'avoir un ouvrage... Ils n'ont même pas le choix de regarder les rayons, se promener, flâner. C'est important au niveau culturel, flâner dans une bibliothèque, il y a l'odeur des livres, mais il y a aussi l'attrait. On regarde quelque chose, on le feuillette, hop! on le prend. Ils n'ont même pas ça. Ils sont à la queue leu leu comme un peu devant les camions dans les villages, en Europe, dans les montagnes, qui vont vendre de la boucherie une fois par semaine parce qu'il n'y a pas assez de population pour établir une boucherie. Mais à RMère-des-Prairies, dans Montréal, à l'aube de l'an 2000, alors qu'on parle de souveraineté culturelle, qu'on parle de diffusion de la culture, il n'y a pas de bibliothèque. Mais je suis content de voir qu'à Saint-Léonard il y en a, puis dans les autres villes aussi. Je vous encourage à continuer et à faire en sorte que le réseau s'améliore et que vos collections s'en- richissent. Et moi, personnellement, et probablement mes collègues députés particulièrement dans l'est de Montréal, nous sommes conscients de ça et nous sommes sensibles à ça et nous allons dans le même sens que vous. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerlce: Oui, M. le Président, mon collègue de LaFontaine a bien raison. Depuis les années qu'il est député, il se bat pour qu'à RMère-des-Prairies il y ait autre chose qu'un vieil autobus qui ressemble à un "stand" de patates frites comme on avait dans les années cinquante.

M. Gobé: Je ne suis pas content, d'ailleurs.

M. Boulerice: 1986, premier budget de ce gouvernement, 5 000 000 $ de coupures dans l'aide au fonctionnement des bibliothèques. Massacre à la scie l'année suivante, moratoire de deux ans sur les équipements de bibliothèque. Et là on vous dit: Oui, il faut faire la concertation avec les municipalités. Mais toutes les municipalités qui sont venues ici, les municipalités régionales de comté, nous disent qu'avec le délestage de M. Ryan les municipalités ne peuvent plus investir davantage dans le réseau de leurs bibliothèques. Et nous en sommes, vous l'avez bien dit, a 29 municipalités de plus de 5000 habitants qui n'en ont pas, à 581 municipalités de moins de 5000 habitants qui n'ont toujours pas un service de bibliothèque publique. Alors, te seul élément de comparaison que l'on a n'est pas celui gratifiant de se rapprocher de la Finlande, du tout, mais bien, tantôt, d'être en arrière de nos amis de Terre-Neuve. Je vous avoue que, comme médaille, je préférerais aborer autre chose que cette distinction-là.

Je pense qu'il n'y a pas de politique culturelle qui puisse prétendre être une politique sans que le rôle des bibliothèques publiques fasse l'objet d'une priorité prioritaire, comme intervenants de toute première ligne. Si le ministère décide, conformément au rapport Arpin, d'envisager une opération de restauration budgétaire pour certains organismes, il m'apparaît incontournable que les bibliothèques publiques fassent l'objet d'une attention particulièrement particulière. Il y a des régions, il y a des municipalités où elles jouent un rôle moteur. Quand on parie de culture, c'est la bibliothèque. C'est la bibliothèque. Alors, il y a des responsabilités.

Il y a la TPS de 7 % sur le livre. Ça vous handicape au niveau des acquisitions, comme au niveau du fonctionnement, vous n'avez pas beaucoup; vous n'allez quand même pas baisser l'éclairage et le chauffage. Il y a si peu de personnel dans les bibliothèques, on n'est quand

même pas pour couper le personnel. Donc, vous coupez dans les acquisitions. Coupant dans les acquisitions, l'incitation à la fréquentation est bien moindre parce que le livre récent et nouveau qu'on aimerait bien se procurer, il n'est pas sur vos tablettes. Là, vous avez, à partir de ce moment-là, uniquement une fonction encyclopédique et ça n'attirera pas la jeune génération, celle entre deux âges, comme mon collègue et moi, qui aime bien aussi aller se procurer le best-seller une fois de temps en temps.

Il y avait une loi sur les bibliothèques inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale, mais c'est mystérieusement disparu. Elle n'est pas là. Et vous avez bien raison, il y a eu le rapport Mittermeyer sur les bibliothèques scolaires. Est-ce qu'on l'a lu? Est-ce qu'on peut dire plus que Mme Mittermeyer a dit? Est-ce que M. Sauva-geau serait maintenant dépassé? Oui, dépassé par les événements, mais pas dépassé dans son analyse comme telle. Et moi, je vous comprends de venir lancer le message en disant: Quant à nous, c'est notre dernier rapport parce que, s'il y a un autre rapport, ce sera un rapport d'autopsie qu'on devra présenter.

Si on va dans certaines mesures concrètes, le plan de développement quinquennal, vos attentes à cet égard, c'est quoi?

Mme Lefebvre-Roux: C'est ce que nous avons exprimé. Nous attendons des politiques, des programmes, mais également et surtout la loi parce que la loi, c'est peut-être le seul Instrument dont on peut disposer comme gestionnaires dans nos municipalités. Quand il n'y a pas de volonté politique dans notre propre milieu, si elle n'est pas encadrée par une loi sur le plan national, qu'est-ce que vous voulez, au-delà des arguments, qu'on puisse faire? Donc, c'est un instrument qui est indispensable pour nous, pour faire progresser, dans certains milieux en tout cas, le dossier. Évidemment, d'avoir des programmes concrets quels qu'ils soient, mais d'en avoir, parce que là il y a un vacuum dans le milieu et les gens, au fur et à mesure des années, ne peuvent s'appuyer sur rien. On ne sait jamais d'année en année, la subvention, elle sera quoi au bout du compte. On ne peut jamais s'engager comme gestionnaires auprès de nos élus pour leur garantir que le ministère va effectivement respecter ses engagements, puis on n'a pas d'autres appuis que le ministère des Affaires culturelles dans nos milieux.

M. Boulerice: Et si on parle que la culture doit être une des grandes missions de l'État comme le sont le social et l'économie, on pourrait peut-être faire des adéquations: s'il est obligatoire d'avoir une caserne pour les sapeurs-pompiers, chaque ville devrait avoir sa bibliothèque. Et la ville, compte tenu du contexte financier dans lequel l'État l'a placée, eh bien, c'est la responsabilité de l'État de voir qu'il y ait une bibliothèque, comme il y a une caserne pour les sapeurs-pompiers.

Mme Lefebvre-Roux: Avec des normes, des normes de collections, des normes de personnel. Sans entrer en concurrence avec l'autonomie de la gestion municipale, il reste qu'il y a des critères qualitatifs qui pourraient être exigés en échange des subventions, par exemple. Et ça se fait dans beaucoup d'autres domaines que le domaine culturel. Je ne vois pas pourquoi on hésiterait à le faire dans le domaine culturel.

M. Boulerice: Vous partez de la tristesse de la situation au niveau des spécialistes de la bibliothéconomie. Pouvez-vous me tracer un portrait rapide pour le bénéfice de ceux...

Mme Lefebvre-Roux: Un portrait rapide, c'est qu'à Pointe-Claire, pour une population de 26 900 habitants, il y a cinq bibliothécaires professionnels à temps plein et six à temps partiel, alors qu'à Blainville, pour une population de 25 000, il y en a un, et ça fait des années qu'on s'acharne à essayer d'avoir un autre poste de bibliothécaire professionnel. C'est des exemples comme ceux-là.

Une voix: Montréal-Nord.

Mme Lefebvre-Roux: Montréal-Nord, enfin, on pourrait multiplier les exemples. Il ne s'agit pas de faire de procès.

M. Boulerice: Ah ouil ça, je sais que le musée des horreurs, là, II est vaste et il y a bien des salles. Moi, j'aurais le goût de vous dire, enfin, de vous répéter ce que je vous ai dit au mois d'avril, je crois, quelque chose comme ça, que l'urgence est d'avoir un plan Vaugeois II, sinon nous allons accuser un retard tel que, pour employer le langage militaire, là, on sera à ce qu'ils appellent le "failsafe point", c'est-à-dire le point de non-retour.

Mme Lefebvre-Roux: Mais le taux de 28 % d'analphabétisme au Québec est peut-être déjà un signal d'alarme.

M. Boulerice: Oui. Et, au niveau des nouvelles technologies, on en est, quoi, à combien de milles marins de Terre-Neuve?

Mme Lefebvre-Roux: II y a surtout une espèce de confusion dans le milieu, c'est-à-dire que l'informatisation qui se fait dans certaines bibliothèques, elle se fait indépendamment des besoins du réseau national. C'est là que c'est dommage, parce que, pour les mêmes montants investis, pour les mêmes ressources Investies, il y aurait certainement possibilité d'établir un réseau qui donnerait un service, évidemment, beaucoup plus intéressant et, éventuellement, à coûts

moindres pour chacune des municipalités. Il y a déjà une étape qui est franchie; il y a une étude qui a été réalisée avec le ministère - et on l'en remercie d'ailleurs - sur l'état de la question de l'informatisation des bibliothèques publiques. Mais maintenant, c'est un rapport, ça, encore une fois. Il faudrait aller plus loin. Qu'est-ce qu'on fait avec ce rapport-là? Est-ce qu'on s'implique? Est-ce qu'il va y avoir un plan de développement au niveau de l'informatisation du réseau? Ça existe en Ontario, ça existe aux États-Unis, ça existe dans beaucoup de sociétés occidentales avancées.

Le Président (M. Doyon): M. le député, en terminant.

M. Boulerice: Très brièvement, M. le Président, oui, puisque nous devrons ajourner. Transfert latéral et intégral de tous les budgets, principe du "arm's length", c'est-à-dire l'indépendance des milieux culturels face à l'unité administrative qu'est le ministère, rapatriement des responsabilités du Québec en matière d'art et de culture, pour vous, ça se présente comment?

Mme Chagnon (Monique): Globalement, l'Association s'est prononcée avec son mémoire. Nous partageons les objectifs et les buts du rapport Arpin sur le sujet. Mais concrètement, ce qu'il nous faut actuellement au Québec, c'est un ministère des Affaires culturelles fort qui sait où il s'en va et sur lequel on peut s'appuyer face à nos municipalités. Alors, la loi, pour nous, j'y reviens, Mme la présidente l'a mentionné, est capitale, parce que la gratuité dans nos bibliothèques ce n'est pas acquis au niveau des conseillers municipaux. C'est même un discours très difficile à défendre. Ici, je représente une ville qui tarife depuis cinq ans et, au niveau politique, on nous dit: Ce n'est pas cher. Alors, ce n'est pas à ce niveau-là que le débat doit se faire, c'est en termes de: Doit-on tarifer nos services ou les laisser gratuits? Mais le débat au niveau politique ne se fait pas à ce niveau-là et va se faire encore de moins en moins à ce niveau-là avec la réforme Ryan et ses suites qu'on va devoir payer dans nos bibliothèques publiques, je le crains. Alors, pour nous, c'est un ministère des Affaires culturelles fort qui nous offre un support idéologique, financier aussi, bien sûr, mais idéologique, c'est très important.

Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député, un mot de remerciement.

M. Boulerice: Bien, écoutez, je pense que, comme on dit dans certains établissements, ce que vous dites, c'est le "last call", là?

Une voix: Oui.

Mme Lefebvre-Roux: Oui. Ça l'est, effec- tivement.

M. Boulerice: Pour employer ce vocabulaire, et vous dites également que c'est inadmissible qu'on soit passé à des tarifications de 5 $ à 20 $. Quand on est père de famille avec quatre enfants, là, ça commence à faire un petit peu beaucoup, merci! J'ose espérer que votre message a porté; dans mon cas, je ne vais pas me dédire. On va aller à l'étude des crédits, au printemps, et soyez assurés de notre vigilance. Je vous ferai même communiquer la date. Vous savez que c'est public, et je serai très heureux de vous revoir à cette étude des crédits.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Premièrement, je vous remercie. Deuxièmement, évidemment, c'est la commission parlementaire que nous avons décidé d'avoir ici; ce n'est pas la question de remettre des mémoires, c'est justement de remettre la culture sur une table de discussion où tout le monde peut entendre. Vous savez comme moi que, autant au niveau des municipalités que des gouvernements, tout provient ou vient de la population. Le jour où nous, on décide d'investir et que la population nous bat par référendum, il n'y a rien qu'on puisse faire. Au niveau du fonctionnement, évidemment, il y a plus à mettre, malgré qu'en 1985 on ait mis 20 000 000 $ et qu'on en met 24 000 000 $ en 1991. Au niveau des équipements, ça, on a beaucoup investi. On a mis 47 000 000 $ au niveau des équipements et on rejoint 95 % de la population. Ce qui reste maintenant, c'est la loi; on en est très conscients, mais on ne pouvait pas déposer une loi sans s'asseoir avec les municipalités. Il y a un projet. En fait, les municipalités, on est censés les voir au mois de novembre. Avec la loi, ce que vous voulez, c'est le plan d'action; ce n'est pas vraiment la loi, ça.

Le Président (M. Doyon): En terminant, Mme la ministre.

Mme Lefebvre-Roux: Les deux, madame, les deux.

Mme Frulla-Hébert: Alors, on vous remercie et on en est très, très, très conscients. On n'aurait pas détaxé le livre si on n'avait pas cru à l'importance de la lecture.

M. Boulerice: Ce serait intéressant que cette commission ait un mandat d'initiative sur l'état des bibliothèques publiques.

Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste à vous remercier et à suspendre les travaux de cette commission jusqu'à après les affaires

courantes, cet après-midi. (Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend donc ses travaux, conformément à l'ordre qui vient d'être donné à l'Assemblée nationale. Nous allons changer un peu l'ordre du jour et commencer par entendre l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Je vois qu'ils sont déjà en place. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous indique que nos règles sont très simples. Vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre mémoire ou un résumé d'icelui et, après ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission pour le temps qu'il reste. Il est entendu que l'horaire, qui est assez serré, nous oblige parfois à interrompre les débats pour faire respecter le temps qui est alloué à tous et chacun.

Donc, si vous voulez bien procéder aux présentations et, tout de suite après, à la lecture ou au résumé de votre mémoire, comme il vous plaira. Vous avez la parole.

Association des producteurs de films et de télévision du Québec

Mme Baillargeon (Louise): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je vous présente Mme Lorraine Richard, qui est à ma gauche, et, à ma droite, M. Claude Godbout; ils sont tous deux représentants du conseil d'administration de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Je me nomme Louise Baillargeon.

J'aimerais, dans un premier temps, remercier publiquement Hydro-Québec qui, compte tenu d'un malentendu dans l'horaire de la journée, a bien voulu, de façon très élégante, nous céder sa première place aujourd'hui. Je l'en remercie.

L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, qui regroupe la très grande majorité des entreprises de production audiovisuelle indépendantes et de services techniques du Québec, vous remercie de l'avoir invitée à présenter et à défendre devant vous le mémoire qu'elle a soumis à cette commission. Précisons, d'entrée de jeu, que ce mémoire ne se veut pas une réponse détaillée à chacune des 113 recommandations du rapport Arpin, un tel exercice nous ayant semblé aussi laborieux que stérile au vu des divergences fondamentales qui apparaissent entre notre analyse de la situation et nos perceptions des voies de solution et celles mises de l'avant par le groupe-conseil, au vu également des carences du groupe-conseil à étayer ses recommandations sur des analyses concrètes et à en évaluer la portée, au vu, enfin, de la vision centralisatrice bureaucratique et dirigiste que nous croyons y déceler en germe et à laquelle nous nous opposons.

Nous avons donc préféré articuler notre réaction à cette proposition de politique culturelle autour de trois axes principaux de réflexion, à savoir: premièrement, la question du retrait fédéral du champ de la culture; deuxièmement, l'urgence d'élaborer une politique québécoise du cinéma et de la télévision qui soit intégrée, concertée, équilibrée et ouverte sur le monde; troisièmement, notre perception du rôle et de la mission dévolue au gouvernement et au ministère des Affaires culturelles dans le soutien à l'affirmation et à l'épanouissement de l'identité culturelle québécoise. Nous tenterons aujourd'hui de résumer succinctement notre argumentation relative à chacun de ces champs de réflexion.

La question du retrait du fédéral du champ de la culture. Le rapport Arpin recommande, et je cite: "Le gouvernement fédéral doit se retirer complètement du champ culturel, quel que soit le futur statut constitutionnel du Québec." L'aspect de cette recommandation qui nous étonne et nous préoccupe au premier chef réside dans le fait que le rapatriement complet proposé fait abstraction du statut constitutionnel d'ensemble du Québec, ce qui laisse entendre que, aux yeux du groupe-conseil, une souveraineté culturelle est possible et souhaitable, sans égard aux pouvoirs politiques, fiscaux et autres leviers de développement économique et social que pourrait obtenir le Québec. Disons-le tout net, nous sommes en désaccord avec cette prémisse.

Dans le secteur des industries culturelles, tout particulièrement, une maîtrise d'oeuvre complète du Québec qui ne serait pas qu'un leurre impliquerait beaucoup plus qu'un simple retrait avec pleine compensation des programmes fédéraux puisque le soutien efficace et nécessaire de l'État au développement de ces industries exige des interventions multiformes qui, bien au-delà des programmes d'aide financière directe, impliquent des décisions de nature législative, réglementaire et fiscale touchant aussi bien les relations et les commerces internationaux, l'imposition et la taxation, les mesures de protection, les droits d'auteur, les règles de concurrence, la formation professionnelle, et ainsi de suite.

Nous nous opposons donc fermement à ce que le champ culturel soit étroitement défini de façon à se résumer au pouvoir de dépenser des gouvernements, et à se traduire par un retrait avec pleine compensation des programmes fédéraux. Une telle conception de la maîtrise d'oeuvre témoigne à la fois d'une méconnaissance du fonctionnement des industries culturelles et d'une vision extrêmement réductrice du rôle de l'État quant à leur soutien. Elle conduirait, au mieux, le Québec à se mettre à la remorque des paie-

ments de transfert du fédéral, tout en lui laissant l'initiative des programmes. Le Québec ne pourrait en effet se retirer avec pleine compensation que des programmes conçus, élaborés et mis en place par le gouvernement fédéral. Or, il est évident que l'intérêt du gouvernement fédéral à créer de nouveaux programmes culturels, et donc à générer de nouveaux paiements de transfert, serait bien faible dans l'éventualité où il renoncerait à son pouvoir de dépenser au profit exclusif des provinces et qu'à moyen et long termes la valeur réelle et proportionnelle de chacun de ces paiements de transfert se réduirait comme peau de chagrin.

Par ailleurs, rien n'indique que le gouvernement fédéral renoncerait du même coup à ses privilèges fiscaux, à son pouvoir d'imposer les entreprises culturelles, de taxer les services et produits culturels, de régir le commerce interprovincial ainsi que nombre d'autres aspects économiques inhérents aux industries culturelles, y compris la conclusion d'accords internationaux bi et multilatéraux de commerce, de coproduction ou de réciprocité.

Or, tous ces facteurs sont tout aussi significatifs en matière de maîtrise d'oeuvre du développement des industries culturelles que les programmes d'aide financière directe. Nous croyons donc, contrairement au groupe-conseil, qu'il est impossible d'analyser sérieusement la question des pouvoirs respectifs du gouvernement fédéral et du Québec en matière de culture et de communication en faisant abstraction du statut constitutionnel d'ensemble du Québec. Si la majorité des citoyens et le gouvernement décident de faire du Québec un État indépendant, alors, évidemment, le Québec disposera, comme tout pays souverain, de la maîtrise d'oeuvre globale de son développement économique, politique, social et culturel, dans toutes ses composantes et ses interrelations, et les questions qui se poseront seront d'un autre ordre: équilibre à trouver entre les missions économiques, sociales et culturelles de l'État, qualité et diversité des organismes et formes d'intervention pour éviter une concentration excessive des pouvoirs au sein de certains organismes et assurer la plus grande liberté d'expression et le développement le plus harmonieux de tous les secteurs culturels.

Mais, tant et aussi longtemps que le Québec demeurera membre de la fédération canadienne, il n'y a, nous semble-t-il, d'autre voie possible et viable que celle de la concertation entre le gouvernement du Québec et celui du Canada, car les ramifications extrêmement complexes des industries culturelles exigeront toujours, tant qu'il y aura partage des pouvoirs et des compétences, une action combinée et multiforme des deux niveaux de gouvernement. Pour toutes ces raisons, l'APFTQ réitère que c'est dans le cadre du processus en cours de révision du statut constitutionnel global du Québec que doivent être analysées ces questions complexes, de façon beaucoup plus sérieuse, documentée et approfondie que ne l'a fait le rapport Arpin.

Deuxièmement, une politique du cinéma et de la télévision. Le Québec dispose depuis nombre d'années de pouvoirs qui, sans être exclusifs, auraient pu lui permettre de reconnaître de façon plus éclatante la valeur des industries culturelles québécoises et d'élaborer en conséquence des politiques d'intervention énergiques. Or, force nous est de constater que le leadership et la volonté politique ont souvent manqué pour ce faire. Ainsi, depuis de nombreuses années, nous exortons le gouvernement du Québec à se doter d'une politique du cinéma et de la télévision qui soit intégrée, concertée, équilibrée et ouverte sur le monde, sans grand succès. Nous profitons donc de cette occasion pour réitérer nos demandes en ce qui concerne une politique intégrée. (15 h 45)

La politique actuelle du cinéma découle de la Loi sur le cinéma et son application est influencée par la mission-conseil de l'Institut québécois du cinéma. Dans ce contexte clairement identifié au seul cinéma, c'est souvent par le biais, pour ne pas dire par la porte d'en arrière, que sont apparus certains programmes destinés à soutenir la production télévisuelle indépendante. Et ce n'est que du bout des lèvres qu'a été abordée, tant dans le rapport Arpin que dans l'étude de Samson, Bélair qui l'a précédé, la problématique de la télévision au Québec. Une telle situation est de plus en plus en porte-à-faux en regard de la réalité économique de l'industrie et du rôle que joue la programmation télévisuelle dans l'affirmation de l'identité culturelle québécoise.

La télévision n'est pas seulement un moyen de communication, c'est aussi un lieu de création où s'expriment le talent et l'esprit d'innovation de nos auteurs, créateurs et artistes-interprètes. C'est aussi un lieu d'apprentissages divers, une source d'information et de divertissement, un lieu de partage et d'échanges à travers lequel les Québécois se façonnent une vision du monde et d'eux-mêmes. Et, toute politique culturelle digne de ce nom ne peut que reconnaître que l'alimentation de la télévision francophone en émissions de qualité de tous types est un enjeu majeur pour le devenir de la société québécoise et le développement d'une culture de convergence dans un Québec en profonde mutation.

Une politique intégrée du cinéma et de la télévision serait l'occasion de mettre un terme à l'espèce de vacuum actuel en ce qui a trait à l'intervention gouvernementale québécoise en matière de support à la production télévisuelle indépendante, de la reconnaître de plein pied et de plein droit, au même titre que la production cinématographique indépendante, et de les doter chacune de fonds de soutien, de politiques

fiscales, de programmes conséquents et proportionnels à leur rôle dans la vie économique et culturelle du Québec d'aujourd'hui.

Nous croyons qu'il est essentiel que l'élaboration de la politique du cinéma et de la télévision se fasse dans un esprit de collaboration, de partage à la fois de l'analyse de la situation présente et de la vision de développement à long terme. Et, à cet égard, nous croyons que la SOGIC, tout particulièrement, doit faire preuve de plus de transparence, d'ouverture, de sens de l'écoute, et améliorer la qualité de ses relations de travail avec les associations et regroupements de l'industrie, considérant ces derniers comme des alliés et des partenaires capables de transcender leurs intérêts particuliers pour contribuer au développement plus général de la culture et de la vie culturelle. Nous croyons aussi que le processus de concertation doit s'étendre à tous les ministères concernés et en mesure de contribuer à l'identification et à la solution des problèmes structurels qui affectent notre industrie. Nous y reviendrons plus loin.

Une politique équilibrée. Nous tenons à insister sur le nécessaire équilibre auquel l'aide de l'État doit atteindre en ce qui a trait aux dimensions industrielles et culturelles de notre secteur. Il y a déjà 10 ans, la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, qu'on nommait commission Fournier, concluait que, chaque fois que l'État est intervenu de façon massive à la faveur exclusive de l'un ou de l'autre des termes de cette fragile dialectique, cette intervention avait conduit, à plus ou moins longue échéance, à une impasse. Les seuls pays où le soutien de l'État a concouru à l'amélioration quantitative et qualitative de la production, au développement d'entreprises saines et prospères et à l'instauration d'un climat de création et de travail stimulant au sein de la profession sont, en effet, ceux qui ont respecté l'équilibre précaire entre art et industrie. Et elle ajoutait: "Cet équilibre doit exister entre les programmes visant la consolidation des entreprises et ceux contribuant à l'achèvement des projets, entre les mesures favorisant la continuité du travail des entrepreneurs et artistes chevronnés et celles assurant une regénération permanente du personnel créateur, entre les aides automatiques et sélectives. " La recette est connue de longue date, mais si peu appliquée. Encore aujourd'hui, la très grande majorité des ressources que la SOGIC consacre au financement de la production cinématographique et télévisuelle indépendante est allouée sous forme d'aide sélective à des projets en devenir, au cas par cas.

Le Président (M. Gobé): Excusez-moi, Mme Baillargeon, mais le temps qui vous était imparti est maintenant terminé. Je vous demanderais de bien vouloir conclure, parce que les gens ont des questions à vous poser, de part et d'autre.

Mme Baillargeon: J'aimerais tout simplement finir sur la SOGIC; elle témoigne quand même d'une résistance de tous les instants à l'égard des programmes d'aide automatique qui échappent à son pouvoir discrétionnaire et, pour nous, il serait essentiel que cette attitude change.

Ce que nous souhaiterions voir également, c'est une politique ouverte sur le monde et une concertation entre les différents ministères sous la coordination du ministère des Affaires culturelles, mais une concertation qui impliquerait l'ensemble des ministères qui ont un impact direct ou indirect sur les industries culturelles; et j'entends Industrie et Commerce, ça pourrait être Technologie, Finances, Relations internationales, Éducation. Ce qu'on souhaiterait également, c'est que le Québec conserve, à travers ses sociétés d'État peut-être renouvelées, une politique britannique qui est celle du "arm's lenght".

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je passe maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Rapidement, puisque le temps nous presse. Il y a deux choses, finalement, qui ressortent. Vous partagez le sentiment sur la nécessité et l'urgence d'établir une politique culturelle très souple, comme la plupart des organismes. On n'a pas l'intention non plus d'en faire une extrêmement rigide. Vous parlez de dirigisme, comme d'autres organismes au niveau du cinéma, qui ont parti le bal et qui ont dit ça. Alors, dirigisme au niveau de la création, dirigisme au niveau des entreprises, mais il me semble que vous sortez ça du rapport Arpin, et ce n'était pas la volonté du rapport Arpin de faire du dirigisme ni du fonctionnarisme à travers ça. Je ne sais pas d'où vient... Et vous le rejetez aussi en disant: Ça, ce n'est pas... Finalement, nous, on trouve que c'est tout simplement théorique; on le repousse et on veut autre chose. Mais, moi, j'aimerais y revenir à ça.

M. Godbout (Claude): Je pourrais peut-être répondre. Peut-être qu'on prête des intentions au rapport Arpin, et que le rapport Arpin n'avait pas ces intentions-là, mais il demeure que, quand on examine l'histoire des relations entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu du cinéma et de la télévision, la plupart des politiques gouvernementales - et aussi bien celles du Parti québécois que du Parti libéral; c'est une relation qui s'étend sur pas loin de 30 années - se sont toutes dirigées vers une forme de dirigisme, vers une forme de bureaucratie et une forme de soutien assez paternaliste, finalement. Or, notre milieu a évolué; notre milieu s'est ouvert sur le monde et, vous le savez aussi bien que nous, les producteurs, comme les créateurs, ont maintenant, je pense, la possibilité d'atteindre de nouveaux sommets et une nouvelle

excellence. On n'a pas besoin d'une structure rigide, d'une structure bureaucratique pour arriver à nos fins. On veut de l'aide, la plus souple, la plus automatique possible et on veut réaliser nous-mêmes nos objectifs.

Mme Frulla-Hébert: Je comprends ce que vous dites, et plusieurs groupes nous disent ça et font la critique, évidemment, de la relation avec les gouvernements, quel que soit le gouvernement. Mais, encore là, quel que soit le gouvernement, la responsabilité, c'est aussi de gérer des fonds publics. Et ce qu'on entend beaucoup, ce qui ressort aussi beaucoup, c'est: Donnez-nous de l'argent et disparaissez. Dans le fond, c'est ça. C'est très difficile dans un organisme public. Au privé, on peut prendre ou faire ce choix-là, mais quand on gère des fonds publics, donc de l'argent des taxes, quelque part, il faut absolument avoir des rapports, aussi difficiles qu'ils soient, mais des comptes rendus. Alors, comment fait-on pour combiner les deux? Vous allez toujours avoir ça parce que, en bout de ligne, il y a toujours des comptes rendus. Par exemple, si on aide un organisme, ça va bien la première année et, la deuxième année, c'est un déficit incroyable, eh bien, en bout de ligne, on est responsables et il faut, finalement, fournir des explications. Donc, c'est ça qui...

Mme Richard (Lorraine): Si je peux me permettre de répondre. Ce qu'on veut, en fait, c'est que la politique culturelle soit plus dans une vision de stratégie globale d'une industrie culturelle. Là, on est à l'heure du Marché commun qui est là, avec une demande qui est là, et de plus en plus montante, de 125 000 heures de produit télévision. L'Europe est capable de répondre à 20 % de ça. Donc, il faut que, nous, on ait, de concert avec le gouvernement, des politiques qui soient d'action et qui aillent plus dans ce sens-là. C'est un peu ce qui est dit dans le volet culturel de la politique du ministère des Affaires internationales, qui est parue il y a environ trois semaines. C'est plus dans ce sens-là, dans cette vision-là.

Quand on parte de dirigisme, c'est parce que, souvent, on pense à des lois qu'on met là pour aider l'industrie et, tranquillement, ça devient du dirigisme. Si on prend le crédit d'impôt, par exemple, auquel on demandait de couvrir toutes les formes de production, que ce soit de la dramatique, du long métrage, du magazine ou de la variété, c'est bien; ça respectait l'équilibre d'une industrie qui est composée de tout ça. À partir du moment où on dit à un secteur qui vit depuis 3 ou 4 ans à faire du magazine et de la variété: Toi, tu n'en auras plus, de crédit d'impôt; on donne ça uniquement à la fiction et au documentaire; vous autres, on va vous faire un petit fonds spécial, qu'est-ce qui va se passer? C'est évident que les gens qui faisaient de la variété et du magazine vont se retourner et vont vouloir faire de la fiction et du documentaire. Ça, c'est jouer dans les plates-bandes de l'équilibre de cette industrie-là. C'est toujours des "moves", comme on dit, qui se font dans ce sens-là, et c'est très nuisible. Alors qu'on avait un volume extraordinaire de production en 1989... là, c'est bien sûr, on subit les contre-coups de la récession, comme tout le monde, mais c'est quand même dramatique ce vers quoi on va. Radio-Québec, ses moyens, il faut les indexer. Il faut qu'il respecte les 25 % de quota avec la production indépendante; il n'a pas les moyens.

Mme Frulla-Hébert: Mais, vous êtes d'accord avec nous, quand même. Pour avoir travaillé très fort auxdits crédits d'impôt, autant au ministère des Communications qu'au ministère des Affaires culturelles, il y a eu aussi des abus, ce qui fait qu'on se retrouve dans des situations semblables. Vous pariiez d'aide au niveau du Canada versus le Québec. Et j'ai fait sortir, quand même... On attend beaucoup du milieu du cinéma, et avec raison. Téléfilm est très présent dans le milieu du cinéma, on l'avoue, on est d'accord avec ça. Mais on regarde l'aide globale, au niveau de la SOGIC, incluant aussi l'abri fiscal - parce qu'il ne faut quand même pas tasser l'abri fiscal; c'est de l'argent du gouvernement, ça aussi - et l'aide globale totale du Québec, c'est 42 400 000 $. Si on prend Téléfilm Canada qui, lui, a 44 500 000 $, mais l'abri fiscal a été considérablement réduit - vous vous en souvenez - au niveau canadien, l'aide globale du Canada, c'est 46 900 000 $, excepté que tout l'argent est transféré au niveau de Téléfilm et non pas au niveau du crédit d'impôt - ça, c'est un fait - versus la SOGIC. Donc, ce sont deux façons de faire. En bout de ligne, il y a 4 000 000 $ de différence, alors, ce n'est pas énorme. À entendre parler le milieu, c'est énorme. Ce n'est pas énorme, ce sont deux façons de faire, par exemple. Alors, est-ce qu'il semblerait que la façon dont Téléfilm fait... que la façon de procéder, si on veut, du Canada est encore mieux que la façon de procéder du Québec, compte tenu, finalement, des commentaires que l'on a?

Mme Richard: Au niveau des chiffres, en tout cas, l'enveloppe d'investissement dont dispose Téléfilm est largement supérieure à celle de la SOGIC.

Mme Frulla-Hébert: Oui, absolument. Mme Richard: Je suis d'accord.

Mme Frulla-Hébert: Absolument! Excepté que, nous... Je veux entrer le crédit d'impôt.

Mme Richard: Le crédit d'impôt, il vient d'être fait et, actuellement, selon les enquêtes

qu'on a faites, on arrive à peine à 12 000 000 $. Il reste deux mois pour se rendre à 30 000 000 $. Vous voyez bien qu'on ne s'y rendra pas. Il reste deux mois. Au mois de décembre, ça va faire un an, le crédit d'impôt.

Mme Frulla-Hébert: Mais il est là pareil.

Mme Richard: Alors, il est là, mais... je veux dire, il n'est là que s'il est dépensé. O. K.

Mais disons qu'il y a une possibilité de 30 000 000 $.

Mme Frulla-Hébert: Bien, oui.

Mme Richard: Ce n'est pas tellement la façon de faire, c'est plus... Là, vous comparez deux agences culturelles. En fait, c'est l'attitude de Téléfilm versus l'attitude de la SOGIC. C'est beaucoup plus ça qui devient le débat, si on parle de l'attitude des fonctionnaires qui sont en charge de ces agences-là. Mais il y a aussi les règlements de ces agences-là. On ne change pas un cheval borgne pour un cheval aveugle. Ça va donner la même affaire. Il faut que les règlements soient assouplis. Des histoires de plafond de 500 000 $ pour aller faire un emprunt sur un projet de 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, c'est aberrant. Il faut que ça passe au Conseil du trésor. Ça prend huit mois à bouger. Tout est à réviser de fond en comble...

Mme Frulla-Hébert: Au niveau des règlements.

Mme Richard:... au niveau des règlements.

Mme Frulla-Hébert: Une autre question, parce que le temps presse. Vous savez, quand on parle de politique de cinéma et de télévision, bon, d'un côté, il faudrait d'abord voir à ce que les deux soient intégrées. Nous, on a le ministère des Affaires culturelles d'un côté, et le ministère des Communications de l'autre; et ça s'adonne que je connais quand même bien les deux. Mais, au niveau de votre mémoire, vous dites: "Les limites posées à l'autonomie administrative des sociétés parapubliques, la tendance au rapatriement"... Bon. À un moment donné, vous dites que vous vous sentez... Transférer la Direction des médias du ministère des Communications aux Affaires culturelles nous inquiète, d'abord par la méfiance instinctive à l'endroit de toute concentration excessive de pouvoirs. " Vous êtes inquiets aussi de voir amener ou ramener certains pouvoirs fédéraux, avec compensation, au niveau provincial. Autrement dit, ce que vous nous dites, c'est que plus c'est éclaté - et, d'un côté, administrativement parlant, c'est difficile - mais plus, en bout de ligne, ça nous aide d'une certaine façon parce qu'on peut cogner à plusieurs portes. Est-ce que c'est ça? (16 heures)

M. Godbout: Ça peut être perçu comme ça et je crois que c'est ça actuellement. Mais il y a également la relation... Je reviens à la relation entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu de la production indépendante. Il y a une crise de confiance. Je pense qu'on ne doit pas se le cacher, et je pense qu'on en a déjà parlé sur d'autres places publiques, mais on va le redire aujourd'hui. Il y a une crise de confiance entre notre milieu, nos membres, et les politiques que le gouvernement a mises de l'avant à travers, principalement, le ministère des Affaires culturelles. On est tout à fait d'accord, pour... Moi, je suis d'accord pour dire que le gouvernement du Québec fait actuellement un effort majeur à travers le crédit d'impôt et l'aide automatique, sauf que, administré par un organisme qui se conçoit lui-même comme un organisme qui veut tout diriger, le crédit d'impôt, qui est censé être une aide automatique, qui est censé être un plan d'action vis-à-vis des stratégies, ce plan d'action se trouve, d'une certaine façon, relégué au deuxième plan, au troisième plan, pour satisfaire les goûts et les besoins du dirigisme de la SOGIC. Donc, moi, j'ai l'impression... Et quand on volt que la SOGIC est nommément nommée dans le rapport Arpin pour être l'outil, le bras du gouvernement, le bras financier pour aider notre milieu, le problème de confiance dont je parlais, les antécédents de la SOGIC avec notre milieu, ça nous rend très craintifs. Je pense que c'est pour ça principalement qu'on retire notre appui à certaines recommandations du rapport Arpin.

Mme Frulla-Hébert: Mais, il faut faire attention. Je comprends les difficultés qu'on vit, mais il faut quand même séparer les choses. Il y a quand même une structure d'imposée. Nous, on fonctionne par un organisme soi-disant indépendant. S'il faut changer la loi parce qu'elle a été faite, bon, et elle doit être révisée, parfait. S'il y a des changements majeurs à apporter au niveau de la fonction de faire, et tout ça, je pense qu'en changeant la loi ça pourrait beaucoup aider. C'est ce qu'on regarde et c'est ce qu'on a trouvé, parfait. Excepté qu'il y a aussi deux façons de faire, c'est-à-dire qu'il y a de l'aide aux projets, de l'aide aux entreprises par la SOGIC, et l'abri fiscal versus un organisme-la façon de faire du fédéral par un organisme, Téléfilm Canada, dont la majorité des budgets sont là; petit peu à l'ONF, abri fiscal tout petit. C'est deux façons de faire. Mais il faut quand même dissocier. Il y a un organisme qui se devrait d'être "arm's lenght", mais il est là. Cet organisme-là est là. Alors, c'est parce qu'il faut faire attention aussi de ne pas mêler les choses et ne pas brouiller le débat.

M. Godbout: Je ne crois pas qu'on brouille le débat. La SOGIC est quand même mentionnée dans le rapport Arpin comme l'outil dont le

gouvernement se servira pour établir, vis-à-vis de notre milieu, entre autres, sa politique d'aide au cinéma et à la télévision.

Mme Frulla-Hébert: Comme Téléfilm le serait au Canada.

M. Godbout: Comme Téléfilm, et tout. Je ne crois pas qu'on mêle les choses. Comme on le dit dans notre mémoire, comme je le disais tout à l'heure, la tradition veut que, malgré des ouvertures majeures du gouvernement du Québec au cours des dernières années, ça s'est souvent traduit par une bureaucratisation excessive, et nos... On peut aider les créateurs, et je crois qu'on ne se prononce pas contre l'aide à la création. Croyez-nous, on est d'accord pour que les gens fassent des premières oeuvres et soient soutenus au moment où débute leur carrière. Mais il demeure que des entreprises qui ont 20 ans, 25 ans, 30 ans d'existence, ces entreprises-là ne peuvent pas se satisfaire d'aide à la création. Il faut aller plus loin, et donc avoir une politique qui colle un peu mieux aux stratégies, aux besoins et à la situation dans le milieu.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et porte-parole de l'Opposition officielle en matière de culture, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui, Mme Baillargeon, Mme Richard, heureux de vous revoir. M. Godbout, je crois que c'est la première fois que je vous vois en commission, du moins, de mémoire, mais, enfin, j'en ai peut-être manqué une. Si je vous ai bien compris, le dirigisme que vous dénoncez là, et c'est sorti, n'est pas une imposition de contenu qui a été faite, mais bien des choix au niveau des secteurs à privilégier. C'est ça que vous avez dit. Bon, ça me rassure, parce que je vous avoue que je commençais, comme législateur, à culpabiliser énormément pour ce qui est du dirigisme. Vous me dites qu'il n'est pas au niveau du contenu. Ça me rassure. On ne sombre pas dans le vice du gouvernement fédéral qui va vous faire remplir un petit questionnaire, en disant: Comment puis-je vous aider à mieux répondre à l'unité canadienne? Vous n'avez pas reçu ça encore? Vous allez l'avoir bientôt. Puis, répondez bien parce que ça pourrait peut-être mettre vos subventions en péril. Mais, naturellement, c'est fédéral, ça; il n'y a jamais de dirigisme au fédéral. C'est l'unité nationale. C'est bien différent.

Est-ce que je vous comprends en disant qu'une bonne part de votre méfiance à l'égard de la question du rapatriement s'explique par le fait, justement, que les fonds rapatriés dans le contexte actuel, pour le secteur du cinéma, seraient confiés à la SOGIC dont, d'ailleurs, l'ensemble de votre secteur décrit, avec une rare unanimité, l'incurie? Et je pense que le mot est faible quand je dis "incurie".

Mme Baillargeon: Non. C'est plus que ça parce que rapatrier les sommes d'argent actuelles qui sont versées en paiement de transfert ou en financement sans pouvoir rapatrier toute une législation qui entoure notre industrie et qui a des impacts directs sur notre industrie ne nous aiderait pas, au bout du compte. Vous savez, dans notre industrie, on a besoin de mesures qui concernent les douanes, pour la circulation de nos productions à l'extérieur du pays et revenir avec ou, si on tourne à l'extérieur du pays, on a besoin d'ententes internationales et, si le gouvernement du Québec ne peut pas signer d'ententes internationales parce qu'il n'a pas... On a besoin de mesures législatives fiscales. C'est une industrie. Ce n'est pas seulement de l'aide à la création. Et ce qu'on souhaiterait, c'est être considérés de façon industrielle, au même titre que M. Ciaccia parlait d'aider les industries au niveau international. On veut que notre industrie puisse profiter d'une ouverture sur le monde et avoir une souplesse également, par rapport à différents critères d'aide, pour nous aider à sortir du Québec. Et ce n'est pas qu'en rapatriant de l'argent qu'on va aider l'industrie. C'est même très dangereux.

M. Boulerice: Rapatrier de l'argent et des pouvoirs.

Mme Baillargeon: Des pouvoirs, si c'est des pouvoirs limités...

Mme Richard: Oui, mais pas "sectorielle-ment".

M. Boulerice: Mais des pouvoirs., c'est ça. Alors...

Mme Baillargeon: ...pas des pouvoirs sectoriels. Vous savez, la culture ne veut pas être le cobaye dans un dossier de rapatriement pour le Québec.

M. Boulerice: Bon, alors vous avez le mérite d'être claire en nous disant qu'il n'y a pas de véritable rapatriement dans le contexte actuel. Il n'y a que le contexte du Québec comme État souverain, et le Canada qui est un État souverain, et qui feront bien des accords entre eux, et avec tous les autres.

Mme Baillargeon: Ce n'est pas véritablement ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est qu'on ne veut pas que les dossiers culturels soient rapatriés de façon exclusive, sans autre discussion et sans autre discussion, bien sûr, constitutionnelle. On ne se prononce pas par rapport à une souveraineté, par rapport à une indépendance ou une association. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas que les dossiers culturels soient rapatriés de

façon sélective, seulement les dossiers culturels.

M. Boulerice: J'ai de la misère à vous suivre. Vous dites que vous ne voulez pas que ce soient uniquement les dossiers culturels. Vous voulez que ce soit, par exemple, le pouvoir de légiférer sur les droits d'auteur, le droit de conclure...

Mme Baillargeon: On ne se prononce pas et nous ne nous sommes pas prononcés comme association, c'est-à-dire que l'ensemble de nos membres ne se sont pas prononcés sur le rapatriement ou non d'une partie ou de l'ensemble de tous les pouvoirs possibles à un gouvernement au Québec. C'est-à-dire qu'on n'a pas discuté d'une souveraineté ou d'une indépendance. Ce qu'on dit: II y a une proposition dans le rapport Arpin, qui est de rapatrier les dossiers culturels, on dit non à ça. On dit que ça devrait faire partie de toute négociation constitutionnelle, sans se prononcer sur la nature de ces négociations-là.

M. Boulerice: Mais vous voulez quoi? Mme Baillargeon: À propos de quoi? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Bien, à propos du cinéma, voyons, et de la télévision! Vous dites: Ça doit faire l'objet d'une négociation, mais on ne vous dit pas ce que vous devrez négocier.

Mme Baillargeon: Non, non. Ce qu'on dit, à propos du cinéma, c'est qu'on veut, au Québec, une politique concertée du cinéma et de la télévision. Ça, c'est une chose.

M. Boulerice: Concertée avec vous ou avec le fédéral?

Mme Baillargeon: Entre le cinéma et la télévision, et concertée avec l'ensemble des ministères du gouvernement du Québec.

M. Boulerice: O.K. Ça, j'achète ça.

Mme Baillargeon: Par rapport à la proposition du rapport Arpin sur le rapatriement des dossiers culturels, ce n'est qu'une seule proposition. On propose le rapatriement, et on dit non à cette proposition-là. Mais ça n'implique pas tout le restant, ça.

M. Boulerice: O.K. On remet les choses à l'endroit. Vous dites que, pour ce qui est d'ici, vous êtes d'accord pour rapatrier, dans le sens qu'il ne doit pas y avoir deux ministères, dans votre cas, il doit n'y en avoir qu'un seul. C'est ça que je comprends?

Mme Baillargeon: Ce n'est pas ce qu'on dit.

M. Boulerice: C'est-à-dire que, cinéma et télévision, pour vous, ce serait le même endroit.

Mme Baillargeon: Ce n'est pas ce qu'on dit. On dit: II ne devrait y avoir qu'une seule politique, qui peut être gérée par six ministères, à la limite. Je donne un chiffre hypothétique. Mais on dit que ça devrait être une politique intégrée, concertée. C'est-à-dire qu'on ne peut pas parler et on ne souhaite pas parler différemment cinéma et, ensuite, dans un autre temps, parler télévision. On dit que c'est une seule Industrie au Québec, cinéma et télévision, qui a des rapports avec le ministère des Finances pour les lois fiscales, qui peut avoir des rapports avec le ministère du Revenu, avec le ministère de l'Éducation, lorsqu'on parle de formation, qui peut avoir des rapports avec le ministère des Communications, de l'Industrie et du Commerce, des Relations internationales. Ce sont plusieurs ministères, mais ça ne devrait être qu'une seule politique qui s'appellerait "politique du cinéma et de la télévision". Il ne devrait y avoir qu'un seul organisme consultant sur cette polttique-là, et ça devrait être l'Institut québécois du cinéma et de la télévision, et non pas seulement l'Institut québécois du cinéma.

Le Président (M. Gobé): Si vous pouviez conclure, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, car le temps est maintenant écoulé.

M. Boulerice: Je vous avoue que c'est difficile de conclure, parce que le temps qu'on a...

Le Président (M. Gobé): Alors, les remercier.

M. Boulerice: ...ne permet pas beaucoup d'échanges dans le secteur, surtout que vous êtes le groupe qui, actuellement, est sorti peut-être le plus, et questionne le plus. Je peux comprendre, oui, qu'il y ait une volonté d'avoir une loi-cadre, cesser de compartimenter et vous la donner. Il y a toujours une interrelation entre différents ministères, c'est un fait, mais ça ne relève toujours que d'un seul ministère. Vous savez, la présence d'un attaché culturel à la Délégation générale de Paris relève du ministère des Affaires internationales. Il y a une concertation avec le ministère des Affaires culturelles, mais ça relève toujours d'un seul ministère. Et vous dites, vous: Notre politique peut relever de six ministères en même temps, ça n'a pas d'importance.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député. Malheureusement, c'est...

Mme Baillargeon: Je n'ai pas dit "relever".

Le Président (M. Gobé): ...tout le temps qui...

M. Boulerice: Ah! Donc, "relever"; vous seriez partisans que ça relève, tout au moins, du Québec, une loi-cadre, et qui relève d'un seul ministère qui, lui, fera bien la jonction avec les autres...

Mme Baillargeon: Je pense...

M. Boulerice:... au bénéfice de l'application de la loi.

Mme Baillargeon:... qu'il existe au Québec des regroupements de ministères sur des dossiers qui se rassemblent. Je pense que ça existe dans plusieurs secteurs, déjà, au Québec, où II y a des concertations entre ministères. Si je me souviens, il y avait autrefois ce qu'on appelait le CMPDC, où il y avait cinq ou six ministères qui siégeaient sur des dossiers communs. On ne dit pas: II ne faudrait qu'un seul ministère. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait qu'il y ait une concertation d'un ensemble de ministères, peut-être sous la coordination d'un ministère qui serait celui des Affaires culturelles.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Baillargeon. Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Baillargeon. Effectivement, il y a des occasions, telle la politique du ministère des Affaires internationales, où on a beaucoup participé au niveau culturel. Il y a des instances où on peut faire une concertation. Évidemment, c'est toujours plus facile quand c'est regroupé sous un même toit parce que, à ce moment-là, c'est pour faire des politiques d'ensemble et c'est regroupé. En tout cas, je connais vos problèmes, alors, je vous remercie d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, Mme Baillargeon, Mme Richard et M. Godbout. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier.

Je vais maintenant appeler le groupe suivant afin qu'il prenne place, et c'est les représentants du groupe Black Theatre Workshop of Montréal.

Je vais suspendre la commission pour une minute, le temps que cette installation se fasse.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons les audiences. Il nous fait plaisir d'accueillir le Black Theatre Workshop of

Montréal, représenté par M. Clarence S. Bayne. Bonjour monsieur.

The Black Theatre Workshop of Montréal

M. Bayne (Clarence S. ): Hello. I would like to beg your indulgence to make my presentation in English and, in saying that, I would like to just give the context. The context is this: I am a person of African descent. I was born in Trinidad, of African parentage. I cannot remember what my language was. I was colonized by the British. I have managed to express myself most comfortably in English. I do speak some French, but not good enough for this level of communication, so I will ask your indulgence.

I do not express so much myself here, as I have tried to capture what I believe is the feeling of people in the Black community and, having read the Arpin Report, these are some of the feelings that we get. We are very happy to see that the report pins its analysis on the social and political philosophy that underwrites articles 22 and 27 of the Universal Declaration of Human Rights. It is also very comforting to us that, in a general sense, the report acknowledges that all Quebeckers have a fundamental right to have access to the cultural life of Québec and, in this sense, that no particular group should benefit more than the other.

What is disturbing to us, however, is that, while the report speaks of the necessity to create a national culture, it makes no attempt to emphasize that culture must embrace all the cultures that make up the Québec society, i. e. it is not specific and it has been pointed in this issue. We, as a minority, get the impression that we are to be merely facilitators or consumers of a culture which is essentially "québécoise", but which does not really permit us to be involved in the process of creating that culture. We feel that too much is left to the discretion, or that too much would be left to the discretion, of Government agencies and civil servants, if the regulation that follows on this report is not more particular and does not take explicitly into consideration the role that minorities should, could and, we believe, must play. We have a feeling that what is lost in the analysis is the principle that to be "Maîtres chez nous" carries with it the awesome responsibility of shaping a national culture that embraces all of us, and in which we are all equal, welcome and comfortable.

So our response, therefore, is against this sense of alienation that we feel when we read the report. In Montréal, in spite of the tug and pull of politics and the risks associated with the English-French struggle, cultural pluralism has created its own cultural process that, we believe, serves as a possible model that we can follow in articulating a "proposition de la culture et des arts".

The spirit of this evolution of uniqueness that is Montréal was recently expressed by the Mayor Jean Doré in a memoir which he sent off, I believe, through one of these hearings and in that he says: "La présence de ces quelque 80 communautés qui se rassemblent dans notre ville y crée une ambiance et une animation qui ne se retrouvent nulle part ailleurs au Québec. Les commerces d'alimentation ethniques y côtoient des dépanneurs tandis que les librairies des communautés culturelles voisinent des boutiques d'importation de vêtements ou de produits culturels de tous les horizons. Les établissements religieux de Montréal comprennent des églises, des synagogues, des mosquées et des temples. Les tables qu'offrent les restaurants montréalais composent collectivement le plus grand atlas culinaire offert aux Québécois, et l'un des meilleurs du continent. Dans la cour des écoles de nos quartiers, on peut voir des enfants de toutes les races et entendre tous les accents. Les samedis de printemps, au Jardin botanique de Montréal, les séances de photographie des nouveaux mariés de toutes origines se succèdent à un rythme effréné, pendant que des familles immigrantes venues du Sud en profitent pour prendre l'air après leur premier - et leur plus dur - hiver québécois. "

We believe that the emergence of such a unique cultural milieu, such an international cultural milieu, is an heritage that belongs to all the peoples of Montréal and Québec, and should be recognized as such In any "proposition de la culture et des arts" for Québec. It is a creation resulting from the give and take of many different peoples and cultures living and working together, and sharing a common space free and in dignity. It is a gift to Québec and Canada of the free dynamic expression of an experiment in pluralism. It must be fostered and encouraged for the world to see and come to enjoy. All the parts that make it up must be nurtured and all the cultures clearly identified and promoted. The rewards to Montréal and Québec can be immense, in terms of the pure joy and improved quality of life it brings to Quebeckers. It also has economic advantages, in the sense that it can give Montréal the edge in the competition among cities for tourist dollars. It translates into employment for our artists and sustained growth in the cultural industries. We feel that there is a need for affirmative action in any politic of arts and culture for Québec.

While Québec must pursue a destiny that is predominantly French in its North American context, it must, at the same time, consciously encourage and integrate into that distinctiveness the artistic expressions and contributions of the many minority cultures in its midst. It must do this, or declare itself as pursuing a policy of assimilation of minorities and future immigrants, in so doing, it will then give members of all non-Francophone cultural communities the opportunity to make a clear choice between complete social slavery and cultural dependency on one hand, and freedom through their own artistic and cultural forms of expression on the other.

But, at least, the choice would be clear. We however do not believe that Québec is interested in setting up a system of cultural imperialism. And we also believe that it is an intention of the Arpin Report to avoid such structures. If we are correct in making the latter assumption, that is the assumption that what we want is a pluralistic society out of which emerges a "culture québécoise unique", so to speak tied together by the French language, customs and laws, if we are correct in thinking that this is what Québec wants, then Government interventions into the arts must have, as part of its purpose, to act to ensure that there is racial equality in the arts. We point to the fact that, after more than 50 years of managing Canada's artistic community, the Conseil des Arts du Canada saw fit to set up a Comité consultatif pour l'égalité raciale dans les arts, to address a number of issues and problems which limit access of visible and other minorities to the enjoyment and ressources of the development of the arts. The Committee dealt with matters relating to the forms of communication, representation on juries, the Council's lack of knowledge of non-western art forms, systemic racism in the selection process, the discriminatory biases in the Council's definition of "professionalism" for purposes of funding. The conditions and circumstances which lead to the exclusion of the visible minority artist from the arts at the national level are the same in Québec; at least, that is what we feel.

To ensure justice and equality In the arts and culture, at least In the access to the arts and culture as well as participation in the development of arts and culture, a proposition of culture and arts must give special consideration to artists and arts Institutions in visible minority communities. La politique de la culture et des arts must build into its policies a plan of affirmative action for visible minorities combined with a long term plan of artistic development which targets minority communities. Am I still in time? I am O. K. ?

Le Président (M. Gobé): Yes, you finish. M. Bayne: You do not... Oh! You mean I...

Le Président (M. Gobé): O. K. You have two more minutes...

M. Bayne: Two more minutes, yes.

Le Président (M. Gobé):... to make the conclusion, please. (16 h 30)

M. Bayne: We do not mean that support for the arts must become a political game where any Black person or English-speaking person regardless of his or her creative ability has a legislative right to funding by the government. But what we do strongly advocate is that special consideration be given to: first of all, minority communities where artistic expression and institutions have been suppressed because of systemic biases in the distributive criteria used by public and private sector funding agencies - I will just give the second case and close there - and secondly, communities that lack the economic power and infrastructure or where the size of its artistic institutions is so small that It cannot effectively compete for resources in the private sector. We believe that these are two sets of principles that any proposition should take seriously into consideration when putting the minority communities into the perspective of those policies. Thank you.

Le Président (M. Gobé): Thank you, Mr. Bayne. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Thank you, Mr. Bayne. Votre mémoire est un vibrant témoignage et plaidoyer, plutôt, de la place de la communauté noire anglophone au sein de la société québécoise. Do you want me to speak in English or in French?

M. Bayne: In English, thank you.

Mme Frulla-Hébert: In English? O. K. What we have read is a strong statement for the place of the Black Anglophone community within our cultural community. We strongly agree on that. I would like to come back and talk to you about the way we function, and, in that way, in parallel to your needs.

You are saying, for example, that in Montréal specifically where the community - I would say - majority lives... You are talking about the importance of those festivals, let us say, for the cultural emulation, integration of the community. For you, what is the role of the provincial government and also the municipal government and their specific responsibilities? If you look at the ministère des Affaires culturelles, our ministry, it is equal for everybody. We sponsor, we give subventions only to professional artists because we do not do any community or any of what we call leisure. It is only for professional artists. So, we limit, because our budget is limited too, you know. Our intervention is limited to professional artists. What should be the role of the provincial and the municipal governments, and also the community in itself?

M. Bayne: We have no problem with the provincial government, especially the funding agencies that deal primarily with professional artists. We have no problem with this being the criteria. The problem we have, though, is, once you have decided that you will only deal with professional artists, that the definition of professionalism be such that it does not exclude minority professionals, that your criteria take into consideration that minority communities of more recent... that have been disadvantaged economically and otherwise over a large number of years that are not empowered to, say, lobby you effectively for change should be given some special consideration and assistance.

Perhaps the role would be to enter into a sort of partnership in which your role is to move those professional organizations along a development route; one of development as opposed to saying: Well, put your application in. If it is as competitive and if you are as competitive as any of the large mainstream organizations, then we will see what happens. They will never, ever be. When the majority mainstream culture moves to assert itself, it is an incredible machinery. It is a network of friends and families, and exchanges that is extremely difficult for minority communities to get access to. And so, I think those communities need help. You do not have to drop the requirement of professionalism, but they need help to be able to compete on an equal basis.

Mme Frulla-Hébert: If I hear what you are saying, it is that we have norms of course and what you would like is: Yes for norms, yes to subventions for the professional side, yes to excellence, because that is...

M. Bayne: That is right.

Mme Frulla-Hébert:... what we strive for is quality and excellence.

M. Bayne: Well, no artist would have anything less.

Mme Frulla-Hébert: Exactly. But, having norms tailored...

M. Bayne: Yes.

Mme Frulla-Hébert:... more specifically to your problem...

M. Bayne: Right because... Getting access to resources requires more than excellence in terms of the art. The performance is the end result of access to resources. The problem that minority groups have is being able to set up the kind of administrative structures to get access to those resources. They also, perhaps, need more assistance in terms of audience developement funding because of this particular kind of difficulties that they have. Usually, people that are seen as

patrons of the art are well-educated people, people who probably have been living In the community for a long time, people who have some sense of belonging to the society and that have a commitment or feel they are a part of what is going on, or feel that they are part of the decision, they can process and that they are helping to shape the culture in society. This is certainly not true of minority communities. So, one has to...

There are a lot of other things, variables that have to change. In the schools, for instance, they are not exposed to... They tend to be alienated, rather, from literature, a literature that does not include them. So, if the Black Theatre Workshop is trying to develop an audience, it has to do two things: First, it has to go to the schools where it can reach students - both White, Black and other students - by their being continuously exposed at an early age, which is a very important thing in the arts, to these kinds of cultural activities. Later on, at maturity, at a more mature age, they continue. They become patrons.

What happens to our children in the school system is that they are turned off because they are fed literature and they are fed an experience with which they cannot really identify in an emotional sense. So, they learn how to pass exams, but they do not learn how to develop emotionally and culturally, and that is what we have to do; we have to work at both ends. So, naturally, we need more assistance in order to do the school tour and to do the kind of training on development of audience to create those exposures necessary to create the good arts patron later on. Whereas, in the mainstream society, I know that we are having problems there are too, but it is not quite as serious.

Mme Frulla-Hébert: How do you see the role we have? Our Ministry of Cultural Communities, for example, has a specific mandate of helping cultural communities and also our ministry has a specific mandate of developing professional artists. It does not matter whether they be Anglophone, Francophone, Italian or whatever. It does not matter. But, should the two interrelate in that specific case?

M. Bayne: Definitely. What they should not do is what tends to happen now. The Cultural Communities and Immigration... When your grants start getting better at the ministère des Affaires, secteur du théâtre, at that level... When your status rises there, to some extent, they cut off their grants that they were giving to you. So, what they are doing, really, is cutting the grants off that you use for audience development, i. e., going to the schools and going out in the community and showing people what art is all about, what the theatre is all about. Well, that is what they cut.

So, it cannot be a seesaw arrangement. It must be a collaborated arrangement in the sense that if the ministère des Affaires culturelles, secteur du théâtre la direction des arts et lettres begins to recognize that a group's professionalism merits its being given more funding, it must at the same time try to convince the Ministry of Cultural Communities and Immigration that they should not cut their funding. What happens is you get $ 40 000 from one and you lose $ 20 000 from the other. So you are really 20 000 $ back. So, yes, there should be more coordination and there must be coordination along a plan of action. That is why I say that there must be some strategy, some development plan for this particular group. And all the ministries, or at least those that would or should be involved, should be in contact with each other so that they follow the development of that group or that community.

Le Président (M. Gobé): Thank you, sir. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole aussi.

M. Boulerice: Yes, Dr. Bayne, Mr. Antoine. Dr. Bayne, you refer to yourself as being from Trinidad. I had the pleasure a few months ago to address the Trinidad and Tobago Association, which was quite an experience for me. I really enjoyed it.

M. Bayne: A good experience, I hope?

M. Boulerice: It was a good experience and I got a beautiful gift after. Ha, ha, ha! It is a little steel band, not a real one, but a replica. My first question... First, I have to be honest with myself. You have used the words "cultural imperialism'1 in your text. Dr. Bayne, part of my academic and a very special personal interest was into psycholinguistics. So, I know the value of words. I do not think it was accurate to have that word in the text.

M. Bayne: How did you take it? Let me see... In what context?

M. Boulerice: I take it badly. I am not sure it is your intention. I happened to be at that conference along with my assistant... We get along quite well...

M. Bayne: O. K. Let me put you at ease...

M. Boulerice: Just get me the example... and I have suffered from it. As far as yesterday, someone came in and he said: Stalin created a state culture, but he looked at us and he said: But I am sure it is not your intention. But the words were pronounced, Dr. Bayne. So, could we say, for the benefit of the transcription, that the word "imperialism" is erased and, after that,

I will go along with my questionnaire? It is because it is dangerous. (16 h 45)

M. Bayne: It was not my intention to accuse you of being a cultural imperialist by intention, but rather to advise that there are those of us out there who are insecure and who are scared and afraid and who feel that sometimes, because they are not artists, what they want or how they feel, unless you specifically take them into consideration, they may feel that this is your intention. Now, I would put you at ease by removing the term. But I do not want you to miss the point, because I am not speaking for myself here.

M. Boulerice: Well, that is a different subject. I mean, we could go along saying that everyone of us, one day, on one aspect, is a minority. So, I will say that there is no intention, but rights are rights and it is very fragile in every country in the world.

M. Bayne: I think so. What I am really saying is that the Arpin Report is beautiful in terms of its vision. Of course, there are many problems, several problems, but, when we read it, we just could not find any reference to ourselves. We did not think that that was the reaction that the committee that read it had. I mean, as an educated person, I know intellectually what articles 22 and 27 mean and I can see throughout the report references that you make and I know in my interaction with the ministre des Affaires culturelles and many officers that interact with us that certainly, it is not the intention of the Québec Government to put into place any sort of cultural and imperialist policies. Certainly, I understand that. But I must convey to you, sir, as to how people who do not have the benefit of my education and my interaction feel. I will show them and I have. And they can see from the sorts of developments that have taken place with the government over a period of time that this is not what is intended. I am simply saying that what we would like to see is that you explicitly include us, make reference to us, say that this thing also applies to us. Put us at ease.

M. Boulerice: Yes. Now, I do understand your point of view and it is always the dilemma. If you go to the specification, you say: Well, my thing is going to be very, very long.

M. Bayne: Yes.

M. Boulerice: But, if you do not do it, I might feel I am excluded. You may feel that you are excluded. But I mean I have been very tough on the Arpin Report, very tough. Up to a point that the minister, one time, was angry with me, but I know - and she is still a little, but anyway - the people that sat and worked at the rapport Arpin and please, Dr. Bayne, perish the thought, none of them wanted to exclude. So, we are going to put an end to that and maybe start that again one day with a cup of coffee instead and somewhere else.

M. Bayne: Yes.

M. Boulerice: Is the Black Theatre Workshop of Montréal getting grants from the Ministries of Cultural Affairs and the Cultural Communities?

M. Bayne: We are getting grants from the ministère des Affaires culturelles; no grants from the Ministry of Cultural Communities and Immigration.

M. Boulerice: Great.

M. Bayne: That has been stopped. The moment that they heard that we had gotten a significant increase in the grant from the ministère des Affaires culturelles, they cut their grants to us.

M. Boulerice: Yes, but in a way, I might surprise you, but I am glad that you have no more grants from the Cultural Communities.

M. Bayne: Well...

M. Boulerice: Because, to my standards, your are part of the Québec culture.

M. Bayne: In one sense, yes. What it means is that, from the professional point of view, we are moving along a path which, at least, as you say, makes us a part of the Québec culture. But, from a point of view... In another sense, we still, as I say, need assistance in terms of audience development. The grant we are getting from the ministère des Affaires culturelles is not sufficient to give us all the infrastructure... to finance the old infrastructure necessary to sustain that development.

So, we still need support, let us say, to go to the schools. We need funding from... What I am trying to say... Let us generalize, not just talk about the Black Theatre Workshop. I am saying that, in most minority communities, the small company, be it in dance or theatre or whatever, will need different categories of funding from different government agencies. And I think that, yes, no funding from Cultural Communities and Immigration, in a sense, indicates that we are no longer just immigrants...

M. Boulerice: Yes.

M. Bayne:... but that we are really integrated into the fabric. But, we look at it from a

more practical point of view. We look at it from what the funds can buy us, not what the symbolism of the agency Implies.

M. Boulerice: O. K. so what you are telling us, Dr. Bayne, is that there are some programs that do not exist and that would be very useful for you. For example, there are grants, if you want to make market research...

M. Bayne: Right.

M. Boulerice:... if you are coming from a far removed region of Québec. But if there is one for them, well, we could have one referring to, what could be the prospective for, the theater market for Black theater. I do not...

M. Bayne: Oh yes. This does not have to be just Black theater. It could be... It need not necessarily be unique to the Black Theater. In any minority community where you... or even in the mainstream communities where you have very small theater companies, for instance, that are evolving towards a state where they cannot sustain their own growth from one ministry's funding, the ministry cannot - it seems to me that I am, herein, giving the conditions of funding - and they will not say: Give us the $ 200 000 that we need now. So we have to get it from several ministries and from box office. But box office becomes a problem because we are at a stage where we are still working on the development of audiences. Working on the development of audiences is part of the economic and social location of that minority group, i. e., the Black community in Québec or it could be Toronto, or Vancouver.

So, what I think that has been lacking among the funding agencies is a clear understanding of the phases of development that affect any group, especially groups within minority communities. I think it is important to understand clearly the phases, the stages through which these groups go and what specifically is needed at different phases. I must admit, however, that we have been working over the last four years with the ministère des Affaires culturelles through an agent that has been seen... a liaison person who has been very effective in communicating both ways and making it possible for this kind of a partnership to have developed which has helped us considerably. I think that this is the sort of thing that needs to happen more frequently.

M. Boulerice: O. K. What you are asking Is not exclusively more money. Well, of course, you will not refuse...

M. Bayne: Of course not.

M. Boulerice:... if we give you some more.

Ha, ha, ha! But you are not specifically asking for that. What you are saying is that there are not enough programs of assistance to help you to give probably more performances or to be more up-to-date...

M. Bayne: Yes.

M. Boulerice:... or may be going into... There is an evolution Into the drama...

M. Bayne: Right. Or carrying out market research in order to develop strategies...

M. Boulerice: Strategies, yes.

M. Bayne:... for resolving audience development problems, and so on.

M. Boulerice: And your writing, because...

M. Bayne: For instance, one of the problems... We have done a market survey which indicates that a lot of our audience would like to see plays, not from the United States Black community but plays written about the experiences of Blacks in the Québec context or in the Canadian context. To do that you have to have playwrights. To have playwrights, you have to develop them. To do new plays you have to take risks. Taking risks means being killed by critics and still having enough funding to do the next play.

So it really calls for a very careful development plan where the funding agency must very clearly understand all the problems involved and must be working with that organization. Very often in the past - not now, I must admit that - what it has been is: Well, we will give you $ 10 000 and come back next year and we will see what happens. What we have been saying is: No, we do not want $ 10 000, we do not even want $ 40 000 under those conditions. What we want is your cooperation, collaboration, your partnership with us, in addition to the funds that you give. We want you to be involved in helping us to move along and to react to us so we can talk to you, communicate with you, tell you what our problems are and try to work it out with you. That is what has happened over the last three years. Everything is not as dreary as my writing sounds, but we have had that kind of experience with the Ministry of Cultural Affairs over the last three years.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député.

M. Boulerice: The Chairman is playing bad guy...

Le Président (M. Gobé): No, I am not a bank.

M. Boulerice: There is no more time for the three of you. So, let's fix a date for our next meeting. Thank you, Dr. Bayne and Mr. Antoine, for coming today.

M. Bayne: Thank you very much.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. You are saying that the relationship with the ministry - and I was talking to my deputy minister also - is working quite well. We will try to see what we can do, not only within the cultural policies, but also within the programs and within the ministère des Communautés culturelles also. We know that sometimes they take the development, it is true, up to a certain level - because they are limited also budget-wise - and they stop because they think that communities can assume themselves up to a certain point. I think that they need more support. So...

M. Bayne: Yes. Once you have policies that articulate this kind of arrangement, it makes it easier for the civil servant to operate. Sometimes you have generalized policies, but civil servants still continue to use the forms that they have been using for the last ten years, so the policies don't get translated. They get translated into the forms that they have in front of them.

Le Président (M. Gobé): Mr. Bayne, Mr. Antoine, thank you for coming.

M. Bayne: Thank you.

Le Président (M. Gobé): Thank you very much. Je vais maintenant appeler le groupe suivant, soit les représentants de la compagnie Hydro-Québec. Si vous voulez bien prendre place en avant.

La commission reprend maintenant ses auditions. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Si je comprends bien, accueillons M. Jacques Duguay, vice-président, communications et relations publiques - bonjour, monsieur - ainsi que M. Daniel N. Granger...

M. Duguay (Jacques): Non. Je me suis fait accompagner par mon vénérable collègue aujourd'hui, M. Jean Bernier, qui est secrétaire général d'Hydro.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Bernier. Il nous fait plaisir de vous accueillir et nous faisons le changement de nom sur nos feuilles. Vous pouvez maintenant commencer votre présentation sans plus attendre. (17 heures)

Hydro-Québec

M. Duguay: Je voudrais d'abord vous remercier de nous entendre aujourd'hui et je voudrais débuter par un message du président d'Hydro-Québec, M. Richard Drouin, qui s'excuse de ne pas être ici présent aujourd'hui. Il aurait bien aimé présenter lui-même ce mémoire, mais il a dû pour des circonstances incontrôlables nous déléguer, Jean Bernier et moi.

Le Président (M. Gobé): Soyez assuré que nous le regrettons.

M. Duguay: Merci. La lecture attentive de la proposition de politique de la culture et des arts préparée à la demande de la ministre des Affaires culturelles fournit déjà une première réponse à la question suivante, c'est-à-dire, par la définition large et généreuse de la culture sur laquelle repose l'ensemble du document, ce rapport suggère que la culture n'est plus une dimension du développement qui n'intéresse qu'une faible partie de la population. Dès les premières pages du document, on peut lire en effet: "La présente proposition ne vise donc rien de moins que d'accorder à la culture une place tout aussi importante que le social et l'économique à la table des grandes décisions qui modèlent le Québec et qui définissent les conditions de vie et de bonheur de ses citoyens."

Une telle approche ne saurait laisser indifférents ceux et celles qui assument des responsabilités importantes dans le développement du Québec, à quelque titre que ce soit. Tous conviendront qu'Hydro-Québec et sa direction sont de ceux-là. Il est donc tout à fait normal que nous exprimions notre intérêt pour les travaux de cette commission, lesquels précèdent l'énoncé gouvernemental de politique culturelle.

Une deuxième raison nous a incités à nous présenter devant cette commission. C'est le fait que la proposition de politique définit une place spécifique dans notre développement culturel, non seulement comme il se doit au monde des arts, de l'éducation et des communications, mais également au milieu des affaires et au secteur de l'entreprise privée. Il s'agit là d'une démarche d'autant plus pertinente, je le souligne, qu'une entreprise comme Hydro-Québec, par exemple, rendre des services multiples au secteur culturel, des services dont une large part est souvent invisible, mais néanmoins fort importante.

Certes, il ne nous appartient pas de commenter l'ensemble des points de vue du document qui est soumis à l'examen de cette commission. D'autres intervenants engagés plus directement dans les domaines de la création ou de la diffusion de la culture le feront avec compétence et, nous en sommes persuadés, avec foi et enthousiasme. Notre propos se limitera donc plutôt à rappeler les principes qui fondent l'intervention d'Hydro-Québec dans les domaines

social et culturel, à brosser à grands traits un tableau de la participation sociale d'Hydro-Québec, plus particulièrement de sa contribution au monde de la culture et des arts, et, enfin, d'aborder quelques points de vue qui présentent un intérêt particulier pour notre entreprise.

À propos de l'engagement social d'Hydro-Québec, d'entrée de jeu il nous apparaît important de répondre à une question qui se pose spontanément à propos de l'engagement social d'Hydro-Québec. Est-il pertinent qu'une entreprise publique comme la nôtre alloue une portion de ses revenus nets au soutien de la culture et des arts et à des oeuvres philanthropiques? Un premier élément de réponse à cette question réside dans l'enracinement de l'entreprise dans son milieu, tant il est vrai que depuis près d'un demi-siècle son histoire se confond avec celle du Québec tout entier. Présente dans toutes les régions du Québec depuis le début des années soixante, Hydro-Québec a été amenée à développer des liens de confiance et de solidarité avec toute les populations locales. Très souvent, elle a dû jouer un rôle de leader, incitant par son exemple de nombreuses entreprises québécoises à soutenir les organismes culturels ou les oeuvres philanthropiques du milieu.

L'engagement social d'Hydro-Québec c'est aussi un prolongement naturel à la contribution originale et généreuse de ses 20 000 employés, qu'ils apportent, de multiples façons, à tous les aspects de la vie sociale et culturelle du Québec. Le réservoir de ressources humaines d'Hydro-Québec constitue, à cet égard - nous pourrions vous en fournir maints exemples - un milieu exceptionnellement ouvert à toutes les manifestations de la créativité, aussi bien dans le domaine scientifique que dans celui des arts et des lettres. Les employés représentent pour l'entreprise, comme pour l'ensemble de la société, des diffuseurs et des promoteurs par excellence de toutes les formes d'expression de la culture.

En définitive, l'engagement social d'Hydro-Québec, c'est l'attitude d'un citoyen corporatif responsable, attentif aux besoins de la société dans laquelle il exerce quotidiennement ses activités et soucieux d'apporter une contribution significative à l'essor de la collectivité tant sur le plan culturel que sur les plans économique et social. En constante interraction avec tous les éléments de la société, une entreprise d'envergure comme Hydro-Québec ne saurait s'enfermer dans une tour d'ivoire et faire la sourde oreille aux besoins qui émanent des organismes sociaux, humanitaires, éducatifs et culturels du milieu.

L'entreprise possède une longue tradition de participation à la vie culturelle du Québec et Je voudrais profiter de cette occasion pour en rappeler brièvement quelques traits caractéristiques. Les contributions d'Hydro-Québec au secteur de la culture comprennent à la fois le support financier, discret mais continu, à des centaines de créateurs, troupes de théâtre ou de danse, à des orchestres, etc., mais aussi le parrainage des grandes manifestations culturelles qui ont marqué sa présence à des événements majeurs, tels qu'Expo 67 ou l'Exposition universelle de Vancouver, ou qui sont venues périodiquement souligner, aux publics d'ici et d'ailleurs, les grandes premières qu'ont représentées les mises en service des centrales hydroélectriques de la Côte-Nord ou de la Baie James. Chacun de ces événements fut l'occasion de démontrer que l'innovation technologique et la création artistique présentent des liens de parenté fort étroits.

Les interventions d'Hydro-Québec ont bénéficié aux formes les plus variées d'expression culturelle, que ce soit la musique, le cinéma, la danse, le théâtre, les métiers d'art, la peinture et on pourrait en nommer d'autres sans oublier l'appui aux organismes tels que les musées dont la mission est de veiller à la protection de notre patrimoine ou à la préservation de nos acquis culturels. Les stratégies d'intervention d'Hydro-Québec ont emprunté les voies les plus diverses: dons à titre gracieux, commandites, subventions réparties sur plusieurs années, prêts de personnel, de locaux ou d'équipement, dons de services, achat de billets ou d'abonnements, etc.

Hydro-Québec n'a pas hésité, à l'occasion, à soutenir des initiatives de création artistique à plus haut risque dont certaines ont été couronnées de succès alors que d'autres, tout au moins sur le plan de la rentabilité immédiate, se sont avérées des demi-succès ou même des échecs. Mais la création artistique comporte des dimensions plus larges que la seule rentabilité immédiate et chaque expérience s'accompagne d'un processus d'apprentissage qui contient le germe d'un enrichissement collectif parfois Insoupçonné.

Enfin, dans le but de donner une réponse équitable et aussi prompte que possible aux demandes sans cesse croissantes de contributions financières reçues à chaque armée par HydroQuébec, notre entreprise a confié à un comité de participation sociale, présidé Ici par M. Jean Bernier, le soin d'analyser ces demandes et d'orchestrer toutes les interventions d'Hydro-Québec dans les domaines social et culturel. Les activités de ce comité étant clairement décrites à la deuxième section de notre mémoire, on me permettra, M. le Président, de réserver les dernières minutes de notre intervention à attirer l'attention des membres de la commission sur quelques aspects de la proposition de politique de la culture et des arts qui ont soulevé notre intérêt de façon plus particulière.

Je voudrais souligner que votre proposition ne fait nullement mention de la culture scientifique et technique. À titre d'entreprise qui s'appuie largement sur le savoir-faire scientifique et technique, sur la connaissance et l'esprit d'innovation dans ces domaines, Hydro-Québec ne saurait trop insister pour que la future politique

culturelle du Québec fasse une place congrue à la culture scientifique. Ce faisant, la politique culturelle donnerait un nouvel élan à l'Intérêt pour les sciences qui s'éveille à peine au Québec et qui, pourtant, revêt une importance primordiale pour une société qui entend participer de plein titre au grands courants industriels qui caractérisent cette fin de millénaire et qui s'appuient sur la haute technologie.

Malgré des moyens limités, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science - on doit le souligner - a multiplié ces dernières années les initiatives à cet égard comme, par exemple, le soutien aux activités d'animation et d'initiation, de soutien aux revues scientifiques, aux expositions scientifiques et techniques, aux salons et aux expositions pour les jeunes, la tenue de congrès, le développement d'émissions de télévision, etc.

Hydro-Québec a contribué aussi, à sa manière, à cultiver cet engouement pour les sciences tant chez les jeunes que dans le grand public: la participation à l'exposition sur l'électricité organisée par le Musée de la civilisation; les visites guidées de nos centrales qui attirent chaque année plus de 140 000 visiteurs; les journées portes ouvertes à l'Institut de recherche scientifique, etc.

Culture et science doivent donc interagir avec force afin de créer un climat propice à l'innovation technologique et au progrès économique qui ne peut manquer éventuellement d'en découler. Hydro-Québec souhaite vivement que la politique culturelle du Québec reconnaisse cette réalité.

Comme toutes les grandes entreprises, Hydro-Québec est sollicitée bien au-delà de ses capacités financières. Ce serait entretenir une grave illusion que de laisser croire qu'elle peut consacrer des sommes de plus en plus considérables au soutien de la culture et des arts. Ce serait aussi oublier qu'elle doit constamment maintenir un équilibre entre son obligation de gérer prudemment des fonds publics et ses responsabilités de citoyen corporatif engagé et attentif aux besoins de la société.

Au chapitre des accents particuliers à privilégier, Hydro-Québec retient en tête de liste l'objectif de favoriser la visibilité internationale des créateurs québécois. Certes, l'action internationale obéit à des règles exigeantes et seuls sauront s'imposer les créateurs et les organismes qui font preuve de compétence, de qualité et de fiabilité. Le Québec dispose d'atouts non négligeables pour conquérir certains segments du marché international de la culture et HydroQuébec apportera son appui à celles de nos initiatives qui présentent les meilleures chances de succès sur la scène internationale.

En conclusion, tout en réitérant notre appui à l'objectif mis de l'avant dans votre proposition de politique qui consiste à reconnaître à la dimension culturelle de la vie en société une place aussi fondamentale que celle que l'on accorde aux dimensions sociale et économique, nous ne saurions conclure notre présentation, M. le Président, sans faire écho au défi que votre proposition lance à tous les intervenants, c'est-à-dire de faire plus et mieux en matière culturelle.

Pour notre part, nous avons déjà amorcé une révision en profondeur de tous les aspects de notre engagement social et plus particulièrement de nos interventions de soutien à la culture et aux arts. Cet inventaire rigoureux nous aidera à mieux cerner les forces et les faiblesses de nos stratégies d'intervention en matière culturelle, mais d'ores et déjà la proposition nous invite à revoir certaines de nos orientations. Ne pouvons-nous faire davantage, par exemple, pour promouvoir l'éclosion et l'épanouissement des foyers régionaux de création? Certaines décisions courantes d'Hydro-Québec ne pourraient-elles inclure de façon plus explicite un volet culturel? Certaines formes d'expression de la culture laissées pour compte jusqu'à ce jour dans la distribution des subventions d'Hydro-Québec ne mériteraient-elles pas l'appui de l'entreprise? Et enfin, avons-nous suffisamment exploré les possibilités d'accentuer la présence de créateurs du Québec sur la scène internationale? Ce ne sont là que quelques-unes des interrogations que la publication de la proposition nous renvoie.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Le temps étant maintenant écoulé, je vais demander à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir prendre la parole. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Duguay. Bienvenue et merci pour le changement d'horaire. Vous avez fait plaisir aux groupes et vous les avez sauvés de beaucoup de tracas. Je suis heureuse que vous soyez ici parce que, effectivement, votre organisme est, je dirais, un des moteurs premiers spécialement dans certaines régions aussi pour le développement culturel.

J'aimerais vous demander d'abord à la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'Hydro-Québec a souvent joué un rôle de leader en incitant par son exemple d'autres entreprises à soutenir les organismes culturels. Et vous le faites, je le sais. Quand je suis allée en région, on m'a beaucoup parlé de la présence d'Hydro-Québec dans certains projets versus d'autres.

Pour vous, quels sont les critères spécialement, je dirais en région, mais en général, qui vous amènent à investir par exemple dans le culturel versus le secteur qui est plus social, plus éducatif? Je voyais dans votre mémoire que vous investissez 25 % des budgets réservés dans le secteur culturel versus 30 % au niveau... Est-ce vraiment par pourcentage ou, dépendant des projets qui vous sont soumis, si une année il y a des projets qui sont plus intéressants vous pouvez investir plus?

M. Bernier (Jean): Le pourcentage est un objectif, madame. Ce n'est pas une contrainte. Tantôt nous allons au-delà, tantôt nous allons en deçà. Nous avons des budgets évidemment qui sont attribués à chaque année. Ils ne sont pas garantis. Avec ce que nous avons, nous devons faire face à un ensemble de demandes. Nous tentons de respecter dans le culturel 25 %. Nous tentons dans l'humanitaire de respecter 30 %. Nous tentons dans l'éducatif de respecter 20 %. Mais, selon les circonstances, selon les événements, selon les préoccupations du moment, selon les opportunités qui existent, selon les besoins qui peuvent nous être explicités, nous sommes vraiment dans une situation de discrétion quant à savoir si nous allons atteindre ou dépenser 25 % de notre budget ou 20 % ou 13 % et dans un autre domaine aller un peu plus fort.

Vous savez c'est une question qui m'est posée à tout le moins certainement deux fois la semaine. Ça commence toujours de la même façon. Quelqu'un de très gentil, bien préparé, me téléphone et tente de, ce qu'on pourrait dire, en utilisant l'expression, me tirer les vers du nez. Comment ça marche au comité? Avez-vous des normes? Qu'est-ce qu'il faut que je fasse? Et, bien sûr, ça n'a pas été long de réaliser qu'à compter du moment où on se normait, pour prendre un langage bien connu ici, on se normait, on était fait parce que là, évidemment, on positionne le dossier en fonction d'une norme. La norme existe, elle est publique. Ce qui était discrétionnaire et généreux devient un dû.

Alors, il nous faut y aller avec les moyens du bord et tenter d'expliquer aux gens que, non, nous n'avons pas de norme, non, nous regardons les dossiers au mérite et, oui, nous regardons une situation dans son ensemble et nous invitons les gens à présenter leur demande sans pour autant expliciter sur les normes. Nous n'en avons pas. Le jour où nous en aurons, des normes rigoureuses qui tiennent compte d'un paquet de facteurs bien agencés, bien ordonnés, il y aura sans doute quelques grands scientifiques à Hydro-Québec qui réussiront à nous faire un beau petit programme ordinateur qui viendra se substituer à notre jugement. C'est parce qu'on perd, à ce moment-là, la liberté, je pense. Nous avons assez de jugement pour procéder. Nous essayons de garder des balises, mais nous ne sommes pas normes. Et nous ne sommes pas liés par les 25 % qui sont, pour nous, un objectif général à atteindre. (17 h 15)

Mme Frulla-Hébert:...

M. Duguay: Je voudrais juste, madame, continuer dans ce sens-là. Il reste qu'on a beaucoup de demandes, en région. On a deux types, nous autres, de ce qu'on appelle des dons ou des commandites. Effectivement, dans l'un ou dans l'autre cas... Les dons relèvent du secteur de M. Bernier, mais, dans les commandites, on a aussi énormément de demandes pour lesquelles on satisfait un nombre incalculable de petits organismes culturels qui ont besoin, souvent, de montants infimes d'argent. J'ai des sommes qui tournent autour de 500 $, disons, à 2000 $. Ces organismes-là en ont peut-être plus besoin que, je dirais, de grands organismes culturels nationaux. Mais, pour eux autres, en région, c'est important.

C'est important parce que ça leur permet, d'une part, de se développer avec de petits moyens, mais de les encourager sur une base qui est quand même, je dirais, régulière. Souvent, ces analyses-là sont faites par les régions. Les régions sont très impliquées. Hydro-Québec est constituée de 10 régions, et chaque vice-président de région est très impliqué dans son milieu, connaît très bien sa clientèle à tous les niveaux et, notamment, au niveau de la culture et des arts. Effectivement, l'analyse qu'ils nous présentent dans les dossiers que nous regardons, ça compte beaucoup. Pour nous autres, c'est une partie importante du choix qu'on fait, l'analyse que les régions font des dossiers qu'elles reçoivent.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que c'est possible, alors... Justement, j'ai eu certaines remarques, en région, d'organismes qui étaient aidés par Hydro-Québec, aidés par le ministère des Affaires culturelles. Il y a certains organismes qui nous disent, par exemple, soit pour débuter: Les entreprises - et là je parle en général - ne veulent pas prendre de risque avec nous, donc, il faut avoir quelqu'un pour nous aider à partir. Habituellement, ils se retournent vers nous, et nous, si c'est viable et que le projet est bon, s'il se tient - évidemment, on n'en donne pas, nous non plus, à n'importe qui, on gère des fonds publics - on donne un coup de main pour partir. Ils disent, ensuite de ça: Les entreprises, une fois qu'on a pris notre envol, sont intéressées à nous supporter, pour une question, finalement, de visibilité, et c'est tout à fait normal, dans le secteur de l'entreprise dite privée.

Mais ça cause aussi un certain problème, dans un sens. Quelquefois, on travaille ensemble, l'entreprise privée et le gouvernement, et d'autres fois c'est tout à fait différent. Nous, on se retire, l'entreprise privée se retire et, finalement, l'organisme se retrouve avec rien. Est-ce que c'est possible d'accentuer ou est-ce que ce serait possible de trouver une façon d'accentuer la synergie entre, justement, les entreprises privées et les actions du gouvernement?

Un autre exemple. Vous embarquez, et vous décidez, pour une raison - la situation économique, etc., - de vous retirer. L'entreprise se retrouve avec rien, fait un déficit, se retourne vers le gouvernement et dit: Bon, bien, là, j'ai un déficit, alors, qu'est-ce qu'on fait? On ne peut pas tuer une entreprise qui a déjà fait ses

preuves; donc on est obligé de consolider le déficit. Alors, est-ce qu'il y a des façons d'éviter ça?

M. Duguay: On est, ordinairement, assez constant dans les organismes culturels qu'on a aidés. Souvent, pour des organismes qui débutent... On a toujours eu un lien je dirais assez privilégié avec le ministère des Affaires culturelles. On a toujours demandé au ministère certaines informations de base, quand même, quand on voulait subventionner un organisme. Dans le passé, c'est arrivé très fréquemment.

Par contre, il est arrivé, par le passé, que, effectivement, on a subventionné au départ certains organismes culturels qui, par la suite, ont connu certains problèmes. Pour nous, quant aux sommes qu'on y met, ce ne sont pas nécessairement des sommes qui peuvent assurer une viabilité en soi à un organisme ou à un autre, mais qui peuvent l'aider à fonctionner quand même de façon minimale. Ce n'est peut-être pas notre rôle à nous de voir à ce que cet organisme-là puisse survivre dans des conditions acceptables. Notre rôle, c'est surtout de les soutenir et des les aider financièrement.

Mme Frulla-Hébert: Durant ma tournée, encore, on a beaucoup parlé de fonds, de création de fonds, justement pour parer aux crises économiques. Évidemment, quand on est en crise économique, en difficulté économique, tout le monde en souffre, autant les entreprises que le gouvernement. On se retrouve tous avec des budgets un peu plus serrés et, habituellement, c'est là que nos organismes ont le plus besoin de nous. Alors, au niveau, par exemple, des régions - je dis en région surtout mais, à Montréal, ça peut se faire aussi - est-ce que c'est possible de penser à un regroupement d'entreprises, afin de créer un fonds? Est-ce que, selon vous... Est-ce que vous avez analysé ça? Est-ce que ça pourrait être une solution, un fonds d'aide aux entreprises culturelles au niveau des régions, par exemple, où différentes entreprises très actives dans une région donnée - je pense en Abibiti où on a Abitibi-Price - décident de se regrouper, de créer un fonds et, finalement, avec l'argent généré de ce fonds-là, assurer une certaine stabilité aux entreprises culturelles?

M. Duguay: Ce n'est peut-être pas mauvais en soi, sauf que la question que je me pose c'est: Est-ce que ce fonds-là pourrait aider une multitude d'organismes culturels, surtout en région? Évidemment, quand on crée un fonds, on crée, comme disait M. Bernier tantôt, des normes, des critères très précis d'acceptation ou de refus pour les organismes culturels.

Disons que, quant à ça, notre position est beaucoup plus souple que celle-là. On a vraiment, comme entreprise, une volonté très marquée d'aider les petits secteurs culturels, les petits organismes culturels en région. Il faudrait voir si la création de ce fonds-là ne pourrait pas nuire, justement, aux plus petits organismes qui ont besoin des fois de sommes minimes pour les aider. Si Hydro avait à investir des fonds, par exemple, dans ce-fonds, des fonds importants, quelle serait notre politique vis-à-vis des autres? Il faudrait la définir.

Je vous avoue que vous nous apportez une question qui nous incite à réfléchir là-dessus, quoique on ne pourrait pas nécessairement être contre, effectivement. Mais il faudrait l'analyser comme il faut.

M. Bernier: Et les entreprises - si vous me permettez, madame - ont évidemment des intérêts bien différents et ont des centres d'intérêts différents. Si je prends, par exemple, nos amis d'Alcan, ils ciblent le terrritoire de façon très précise. On sait où ils sont et c'est là que porte leur largesse. Bell Canada est un autre grand intervenant dans le domaine culturel. On a le téléphone partout au Québec, mais Bell Canada ne cible pas tout le Québec. Bell Canada cible sa clientèle. D'autres entreprises téléphoniques ciblent leurs clientèles et ainsi de suite.

Nous sommes probablement une des seules qui a un intérêt provincial. Nous sommes partout. Nous sommes aux Îles-de-la-Madeleine, nous sommes à Matagami, nous sommes à Mont-Laurier, nous sommes à Chlcoutimi, nous sommes à Sept-îles, nous sommes à Trois-Rivières, à Drummondville. Nous avons partout des intérêts. Et nous avons un intérêt à satisfaire cet intérêt particulier pour toutes sortes de raisons. On aide beaucoup, par exemple - c'est un exemple parmi tant d'autres - le Festival international de folklore de Drummondville depuis le début. Alors, on a vraiment voulu, dans notre région administrative, Richelieu, en faire un événement Hydro-Québec. On s'associe, bien sûr, avec d'autres, mais on veut vraiment cibler là-dessus. D'autres grandes entreprises n'ont aucun intérêt là-dedans. Nous n'avons pas un intérêt démesuré par rapport à Alcan dans la région du Saguenay. Alcan y pourvoit de façon intéressante.

Alors, l'idée que vous mentionnez, elle est excellente et il m'apparaît que sa faisabilité est directement proportionnelle à la communauté des intérêts que les partenaires du fonds auraient. Et dès le départ, déjà, il me semble que nos intérêts ne sont pas les mêmes. Nos centres d'intérêts ne sont pas les mêmes et nos objectifs ne sont pas les mêmes. Ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que nous ne pourrions pas, à certains endroits, le réaliser. Nous le faisons de façon ponctuelle. Certains grands événements à Québec ou à Montréal ont été commandités par des efforts communs de Bell, d'Alcan, d'Hydro et d'autres, la Banque de Montréal, par exemple, et d'autres entreprises.

Nous le faisons sur des événements. Nous nous mettons ensemble. Et ce n'est pas bien

mystérieux. Nous nous connaissons et nous nous téléphonons. Nous tentons de mettre ensemble, à un moment donné, des sous pour permettre un événement, surtout de grands événements.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bernier. Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: M. Ouguay, M. Bernier, j'ai deux questions. Vous avez dit que vous n'aviez pas de normes et que vous ne vouliez pas sombrer dans la tentation du normatif, mais dans le processus décisionnel sur les subventions que vous avez dans votre entreprise, dans cette puissante société nationale, est-ce que la décision est centralisée à Montréal ou bien, non, elle est décentralisée par la gestion en région?

M. Bernier: C'est mixte, c'est un mélange. Le budget... Tout d'abord, si vous me permettez, rapidement... Jacques vous a parlé de commandites et on a parlé de dons. Pour les distinguer... Dans les deux cas, il s'agit de prestations monétaires d'Hydro-Québec vers l'externe. Dans le cas du don, c'est à titre gracieux. Nous ne recherchons pas la reconnaissance.

M. Duguay: Ni la visibilité.

M. Bernier: C'est l'obole du publicain. Dans la commandite, qui est dans le champ d'intervention de Jacques, c'est le généreux don du pharisien. Il faut que cela soit su, il faut que cela soit connu. C'est ça la commandite. Les dons vont souscrire, par exemple, 5000 $ au fonds général d'une troupe de théâtre. Jacques va commanditer une pièce de théâtre. Il va verser 5000 $, 10 000 $ pour commanditer une pièce pendant cinq jours...

M. Duguay: Ou un concert.

M. Bernier: ...et là nous aurons la reconnaissance sur l'événement. Ce peut être un concert, ce peut être une exposition. Alors, on joue sur les deux: le fonds général et l'événement. Bon. Là, j'ai perdu le fil...

M. Duguay: Avec les régions, effectivement, vous parliez de normes. Des normes très précises, très rigides, comme dit Jean Bernier, on n'en a pas. Par contre, on a un processus d'analyse qui est très rigoureux quand même. Beaucoup de nos demandes qui viennent des régions sont envoyées au siège social et sont réanalysées chez nous et pour lesquelles dans bien des cas on donne suite, mais on donne suite uniquement à partir de la recommandation de la région. Comme j'ai dit tantôt, ces gens-là connaissent très bien leur clientèle à tous les niveaux et, effectivement, ils nous font des recommandations très précises.

M. Boulerice: D'accord. Alors, il n'y a pas d'enveloppe budgétaire réservée en disant: Compte tenu de nos bassins, notre région, Richelieu, cette année, aura - je ne sais pas, moi - 20 % de vos 25 %; l'Abitibi aura, elle, 15 % de... Non.

M. Bemier: Non. C'est que, dans leur programmation annuelle, chaque région prévoit selon certains événements qui sont... Plusieurs sont récurrents, d'autres sont purement événementiels, c'est-à-dire qu'ils se créent une année et, une fois que l'événement est passé, il n'est plus récurrent. Ça arrive, ça, fréquemment aussi. Donc, les régions font une programmation de leurs événements, programmation qu'on analyse. On fait certains arbitrages sur les montants d'argent qui sont donnés et on donne suite aux propositions.

M. Boulerice: II y a également un autre rapport culturel d'Hydro-Québec que l'on semble oublier quelquefois, qui est Forces, cette prestigieuse revue, mais au-delà de cela HydroQuébec est quand même présente dans différents endroits du globe. Est-ce qu'Hydro, dans le cadre de ses activités à l'étranger, intègre la dimension culturelle et ça, je le dis dans la promotion d'organismes culturels à l'étranger?

M. Duguay: Non. Sauf dans certaines manifestations d'envergure. Si on prend Expo 67, par exemple, c'était le cas ici, à Vancouver aussi. Mais pour ce type d'événement là, ça peut arriver. Par contre, il faut voir qu'on est présent à l'étranger surtout au niveau de ce qu'on appelle, nous, la coopération, par exemple, et où il est assez difficile quand même de prévoir des volets culturels surtout dans les endroits ou les conditions dans lesquels on travaille. Mais il faut dire aussi que l'aspect international d'Hydro-Québec... On est peut-être prêts à aider des artistes ici, par exemple, qui pourraient avoir une percée dans le milieu international, mais souvent Hydro-Québec ne commandite ou ne donne à peu près pas de dons à des événements d'envergure internationale à Montréal. Nous, on a vraiment un principe de base qui dit: Nos clients, c'est 3 000 000 de Québécois...

M. Boulerice: Vous êtes Hydro-Québécois.

M. Duguay: ...et, nos priorités vont aux Québécois.

M. Boulerice: D'accord.

M. Duguay: Et ça, je dirais que c'est peut-être à 98 %.

M. Bernier: Mais vous me permettrez, M. Boulerice...

M. Boulerice: Oui, je vous en prie.

M. Bernier: ...d'ajouter, parce que j'en suis très fier, que je ne manque jamais à chaque année depuis 10 ans d'envoyer ma petite obole au Théâtre Français de Toronto, à un théâtre français à Sudbury et, tout récemment, un petit montant à une organisation culturelle française à Vancouver. (17 h 30)

M. Boulerice: Pour la Maison de la francophonie, qui est effectivement très belle.

M. Bernier: Mais nous n'en parlons point, c'est un don de publicain.

M. Boulerice: Oui, une toute dernière question avant de prendre congé. Vous avez parlé de la nécessité de donner à la culture scientifique une place plus grande. Est-ce qu'un projet comme la maison des sciences et de la technologie constituerait pour vous un moyen concret qui permettrait à la culture scientifique de trouver la place qui lui revient?

M. Duguay: Effectivement, nous sommes impliqués dans un projet qui n'est pas... Disons qu'on poursuit les discussions sur le Musée de la science et de la technologie mais on est peut-être plus impliqués sur un projet qui serait, je dirais, un genre de filiale du musée, et pour lequel nous sommes présentement à la recherche de fonds, et c'est le Centre d'exploration des jeunes. Et, effectivement, Hydro-Québec, Provigo et certaines autres entreprises privées sont prêtes peut-être à Investir à ce niveau-là. Mais, d'autre part, on a formulé des conditions très précises qui touchent surtout, d'abord, l'engagement des gouvernements et de la ville de Montréal. Donc, nous sommes présentement en discussion sur ce projet-là. Mais effectivement, pour nous autres, c'est un projet qui, s'il devait se concrétiser, nous tient beaucoup à coeur.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. Duguay, M. Bernier, effectivement, oui, notre puissante société nationale est présente. Je vous dis bonne chance dans le dosage entre le publicain et le pharisien, le pharisien étant vous, M. Duguay, puisque M. Bernier a décidé qu'il était le publicain. Je ne sais pas si c'est en fonction de normes, mais, comme il n'y a pas de normes, alors je ne sais pas d'où vient la répartition.

M. Bernier: Les Saintes Écritures.

M. Boulerice: Les Saintes Écritures, oui. Bon, alors, sur ce trait d'humour, merci M. Duguay, merci M. Bernier de votre présence.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Oui, un gros merci. Je ne ferai pas dans le biblique, je vais rester très pratique. J'ai beaucoup beaucoup entendu parler de nos diverses communautés culturelles à travers la province, je dirais même vanter la présence d'Hydro-Québec chez eux et la nécessité aussi. Alors, s'il vous plaît, continuez votre bon travail. 25 % et plus ça serait apprécié. Et, entre-temps, on est toujours des collaborateurs très ouverts.

Une voix: Nous aussi.

Le Président (M. Gobé): M. Bernier, M. Duguay, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition.

M. Boulerice: II serait peut-être bon de dire qu'ils ont été les premiers à intégrer l'art et l'architecture avec cette immense toile merveilleuse de notre regretté Paul Rousseau.

M. Duguay: Si je peux me le permettre, je voudrais peut-être juste dire en terminant que je dois vous féliciter, Mme la ministre, pour la nomination du prix Borduas cette année.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

M. Boulerice: Quoi, elle l'a reçu?

M. Duguay: Non, pour le...

M. Boulerice: Ah, O.K. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: J'aurais aimé, mais... posthume...

M. Duguay: ...pour la nomination du jury, et entériné par Mme la ministre du prix Borduas, qui est un designer industriel. Trop souvent, on oublie ces gens-là au niveau de la culture parce que...

M. Boulerice: C'est un jury. M. Duguay: Pardon?

M. Boulerice: C'est un jury. Les politiciens n'interviennent pas.

M. Duguay: Trop souvent on oublie ces gens-là parce que, évidemment, on ne sait pas s'ils sont du côté culturel ou du côté de l'industrie. Mais ils apportent de façon très concrète, en tout cas, une influence majeure à la fois dans la culture et dans l'industrie au Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci. M.

Duguay et...

M. Duguay: Félicitations.

Mme Frulla-Hébert: Merci. On transmettra vos remerciements au jury.

Le Président (M. Gobé): Nous n'y manquerons pas, madame, soyez-en sûre. Merci beaucoup et vous pouvez maintenant vous retirer.

Je demanderai donc au groupe suivant, soit les représentants de la Maison-Théâtre, de bien vouloir se présenter sans attendre, en avant, afin de commencer les auditions sans plus tarder.

Maison-Théâtre

Bonjour, monsieur, bonjour madame. Si j'en crois la feuille qui est devant moi, la Maison-Théâtre est représentée par M. Pierre Gauvreau, président.

M. Boucher (Rémi): Je dois excuser M. Gauvreau, qui est retenu à Toronto, cet après-midi.

Le Président (M. Gobé): Monsieur, excusez-moi?

M. Boucher: M. Pierre Gauvreau est retenu à Toronto cet après-midi.

Le Président (M. Gobé): Oui.

M. Boucher: II est remplacé, donc, par Monique Rioux, codirectrice artistique du Théâtre de la Marmaille.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme Rioux. Il me fait plaisir de vous accueillir ici.

Mme Rioux (Monique): Merci.

M. Boucher: Et puis Paul Vachon, du Théâtre de l'Aubergine de la macédoine de Québec.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Vachon.

M. Boucher: Les deux sont membres de notre conseil d'administration.

Le Président (M. Gobé): Et vous êtes M. Boucher?

M. Boucher: Voilà.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, M. Boucher. Si vous voulez commencer votre présentation et...

M. Boucher: O.K.

Le Président (M. Gobé): ...nous allons donc pouvoir procéder.

Mme Frulla-Hébert: Oui, ça va.

M. Boucher: La proposition de politique culturelle présentée par le groupe-conseil s'inspire de trois principes sur lesquels on ne peut qu'être d'accord. Leur mise en pratique, cependant, ouvre le champ à plusieurs nuances d'interprétation. La culture constitue, en effet, l'épine dorsale de toute société et l'accessibilité de cette culture est essentielle; c'est pourquoi I est primordial que les jeunes soient mis en contact avec elle le plus tôt possible. Dans le champ très particulier du théâtre qui s'adresse au jeune public, cette accessibilité passe souvent par le milieu scolaire, attitude que conforte la proposition Arpin et qui demande à être interrogée de plus près. Les pages qui suivent contiennent une mise en contexte de la pratique théâtrale pour jeunes publics et une présentation de la Maison-Théâtre, laquelle se trouve, par la force des choses, au centre du tableau. Elle vise aussi à faire mieux comprendre la mission de cet organisme, à expliquer sa volonté de faire sortir le théâtre de l'école, à mettre en lumière son rayon d'action sur le plan international et à analyser le rôle qu'H attend de l'État quant au soutien qu'il estime nécessaire à la poursuite de ces missions qu'il s'est données.

Sans refaire ici l'historique complet du théâtre pour jeunes publics, il est bon de rappeler que la fondation de la Maison-Théâtre est née du désir et de la volonté des troupes professionnelles du Québec qui, vouées jusque-là à l'errance, avaient décidé, d'un commun accord, de mettre en place un organisme stable et permanent leur permettant d'émerger sur la place publique; non pas une association habilitée à défendre leurs intérêts corporatifs, mais une salle, un théâtre où présenter leurs spectacles dans des conditions professionnelles, à l'instar des compagnies qui s'adressent au public adulte.

Fruit d'une réflexion longuement mûrie de la part des artistes sur l'exercice de leur métier, d'une vision nouvelle pour pallier les déficiences d'une pratique trop longtemps laissée en marge du reste du théâtre et, faut-il le préciser, d'un consensus des troupes actives, la Maison-Théâtre est une proposition inédite qui s'est avérée être la solution afin d'assurer l'essor du théâtre pour jeunes publics au cours des années futures. Dès sa mise sur pied, les troupes ont compris, au-delà de toute idéologie, que leur regroupement pouvait offrir des avantages aussi bien artistiques qu'économiques. Elles ont pressenti que l'organisme pouvait devenir le pivot central de leur action pour tout ce qui concernait le théâtre pour jeunes spectateurs au Québec.

Quoi que pourrait laisser supposer la réussi-

te artistique de quelques compagnies au début des années quatre-vingt, la fondation de la Maison-Théâtre n'est pas venue s'inscrire fortuitement dans l'évolution de ce secteur théâtral. Elle est l'aboutissement de 10 ans de luttes ininterrompues pour obtenir droit de cité auprès de la population et des instances gouvernementales. La Maison-Théâtre est venue procurer cette continuité d'action que, devant la pression de la productivité et la course aux débouchés, les compagnies ne pouvaient plus soutenir individuellement.

Concentrant au sein d'un même organisme une grande partie de leurs préoccupations de diffusion, réunissant dans un même lieu des outils de gestion pour améliorer leur rendement et capitalisant sur la collaboration d'une équipe de direction employée à temps plein pour coordonner le programme des saisons à Montréal, les troupes se sont ainsi libérées d'une part de leur fardeau pour se consacrer davantage à leur propre démarche. Elles ont pu, de la sorte, consolider leurs propres effectifs et se pencher sur leur orientation en fonction des mutations sociales et culturelles de leur public.

Avec l'implantation de la Maison-Théâtre à Montréal, le milieu du théâtre pour l'enfance et la jeunesse a fourni, de manière concrète, des réponses à plusieurs des questions qui furent soulevées au cours de la kyrielle d'enquêtes qu'ont menées les organismes publics pour résoudre les problèmes de croissance des troupes. Ces dernières ont elles-mêmes énoncé les principes de son fonctionnement, se fabriquant un instrument sur mesure pour s'assurer d'une autonomie plus grande quant à leur existence et d'un support promotionnel plus efficace quant à leurs spectacles. Se sortant ainsi de leur isolement, elles sont parvenues, par le biais du mécanisme qu'elles venaient de mettre sur pied, à rejoindre un auditoire qui, jusqu'alors dispersé, s'est retrouvé avec enthousiasme à la Maison-Théâtre.

La Maison-Théâtre a donc un rôle, une action, un fonctionnement, des conditions d'exercice et un public particuliers qui rendent malaisée sa comparaison avec les entreprises artistiques qui l'environnent. Elle représente un secteur du théâtre différent des autres à plus d'un égard et elle est le seul organisme, au Québec, à remplir le mandat qui est le sien, c'est-à-dire se consacrer exclusivement à présenter des spectacles aux jeunes publics dans un lieu qui devrait idéalement n'être prévu que pour cela.

En activité depuis 1982, établie temporairement depuis 1984 à la salle du Tritorium, elle présente, en moyenne, une dizaine de spectacles différents par année. Elle a développé son public de façon constante depuis sa naissance et elle a élargi son rayonnement bien au-delà des frontières du Québec par l'accueil de spectacles étrangers comme par des démarches nombreuses en vue d'établir des ponts avec des pratiques artistiques d'ailleurs.

Inscrite dans son milieu comme dans sa • société, la Maison-Théâtre avait trois objectifs à sa création: être un lieu de diffusion et un foyer d'échanges, offrir un encadrement aux compagnies et au public par le biais de divers types d'animation et devenir un centre de référence et de documentation, une mémoire vive de l'activité théâtrale destinée aux plus jeunes. Le premier de ces objectifs est incontestablement atteint: vitrine réelle du théâtre pour jeunes publics. La Maison-Théâtre ne pourra assumer pleinement ses deux autres fonctions que lorsqu'elle disposera de moyens adéquats tant physiques que financiers.

L'urgence qui l'anime pour l'instant, en effet - et ce rêve est déjà en voie de réalisation - est l'acquisition d'une maison permanente, d'un lieu destiné spécialement au théâtre pour jeunes publics. La volonté de donner un toit à ce secteur artistique procède de plusieurs facteurs, au premier plan desquels se trouve la nécessité de reconnaître le statut professionnel de cette activité théâtrale. Les compagnies ont besoin de conditions techniques (éclairage, sonorisation, etc.) appropriées, d'un cadre qui réponde aux exigences minimales de toute production. Un tel lieu nécessite également des installations adaptées au jeune public, que ce soit en ce qui concerne le mobilier, les sièges ou le hall d'entrée qu'en ce qui a trait à d'autres types d'obligations. Par exemple, la mise sur pied d'un service de garderie destiné aux familles qui se déplacent ensemble. Une maison permanente répondra enfin à la nécessité primordiale de donner aux enfants un accès à une salle de spectacle. Il est question plus loin de cet impératif.

Dernière particularité enfin, le public de la Maison-Théâtre est constitué d'individus en formation ne disposant d'aucun pouvoir économique. L'enfant ne décide pas lui-même d'aller au théâtre, la famille ou l'école décide pour lui, et les ressources financières de ces dernières à cet égard ne sont pas inépuisables, même si le prix des billets est beaucoup plus bas qu'ailleurs. Ce public, en outre, est limité et segmenté. À cause de l'intimisme commandé par le spectacle, les salles sont contingentées, autre facteur qui affecte considérablement la rentabilité de ce type de théâtre, et les tranches d'âge des spectateurs sont parfaitement étanches: un enfant de 5 ans ne peut être comparé à un enfant de 12 ans; on ne peut donc lui proposer la même chose.

Ainsi, grâce à un système d'abonnement qui s'adresse prioritairement au milieu scolaire, sans pour autant omettre le grand public, lequel représente 25 % de son assistance, la Maison-Théâtre vise à rejoindre, par des séries diverses, trois catégories d'âge: c'est-à-dire la petite enfance (3 ans et plus), l'enfance (de 6 à 12 ans) et la jeunesse (12 ans et plus). En ciblant de façon aussi précise sa clientèle potentielle, elle

tient compte des intérêts particuliers de chaque groupe et atteint un nombre plus élevé de spectateurs par le fait même. Afin de répondre aux exigences des spectacles destinés aux plus jeunes, lesquels nécessitent un rapport plus intime entre l'auditoire et la scène, une deuxième salle, de dimension réduite, a été louée, c'est-à-dire à l'Espace Go. Cette décision s'est avérée rapidement concluante sur le plan de l'assistance - dès la première année, le taux d'occupation s'élevait à 92 % - mais fort alarmante sur le plan financier, puisque, pour sa série "Petite enfance", la Maison-Théâtre en 1990-1991 a retourné 117 % de ses revenus de guichet en cachets uniquement: le succès en ce sens pénalise, car une augmentation du nombre de spectacles "Petite enfance" signifie automatiquement pour elle une augmentation de son déficit.

Les considérations qui précèdent, tant éthiques qu'économiques, mettent en lumière les multiples facettes de la mission qu'a à remplir la Maison-Théâtre, mission qu'elle ne peut remplir pleinement sans un engagement adéquat de l'État. C'est pourquoi il sera également question dans ces pages de la nature souhaitable de cet engagement.

Mme Rioux: Le théâtre pour jeunes publics au Québec. Le théâtre pour jeunes publics est un secteur très important de l'activité artistique au Québec. Si on s'attarde aux chiffres, il représente le tiers de tout le public rejoint par le théâtre. Les statistiques qui en font état émanent du ministère lui-même. Il représente le quart de toutes les représentations théâtrales qui sont données au Québec annuellement, tous genres et tous publics confondus. La Maison-Théâtre, qui est au centre de cette activité, a vu son assistance s'accroître sans arrêt depuis ses débuts: de 36 000 spectateurs en 1984-1985, elle est passée à plus de 60 000 et le nombre de représentations qu'elle propose grimpe chaque année. Ce nombre a doublé en sept ans. Le milieu qui lui a donné naissance est un milieu qui se concerte beaucoup, qui a pris l'habitude de se rencontrer, d'organiser des manifestations, de provoquer des échanges et même de se doter de lieux de formation continue. Une vingtaine de compagnies parmi le foisonnement de troupes qui sillonnent la province se démarquent nettement et s'exportent régulièrement: le théâtre pour jeunes publics est notre plus grand ambassadeur à l'étranger, où l'on apprécie unanimement son esprit d'invention et sa rigueur artistique. Sur le plan des échanges avec les autres pays, c'est le secteur, en art, qui demeure le plus en demande. (17 h 45)

C'est artistiquement, d'ailleurs, que se loge sa plus grande réussite. Au Québec, depuis 30 ans, les créations destinées à l'enfance, que ce soit à la télévision, en littérature, au cinéma, s'imposent ici et ailleurs par leur excellence; le théâtre, dans ce contexte, tient une place de choix et il n'est pas inutile à cet égard d'en brosser rapidement l'évolution et le portrait actuel. Le théâtre québécois récent a évolué au même rythme qu'une société qui a beaucoup élargi ses horizons depuis 20 ans. Sa facture esthétique comme la modernité de ses préoccupations se sont raffinées et ont rattrapé de façon ultra-rapide les grands courants mondiaux. Entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt, entre autres dans la foulée de tous les changements sociaux que l'on sait, notre théâtre a radicalement changé d'allure. La pratique pour le jeune public a évidemment suivi le mouvement.

Il s'agit d'un art jeune, il date à peu près du milieu du siècle, mais il a atteint une expression vraiment originale depuis 20 ans. Depuis les essais isolés des années cinquante jusqu'au foisonnement de la dernière décennie, il a connu un développement spectaculaire, autant par la quantité d'artistes qui s'y consacrent désormais que par la diversité des genres qu'ils abordent. La volonté des artistes de parler aux jeunes a donné lieu à un mouvement de création de textes originaux qui est devenu caractéristique du Québec. On y fait peu de reprises. On y adapte peu de textes étrangers. On explore et on écoute plutôt l'imaginaire des enfants, tout comme la réalité des adolescents.

Le fait que le théâtre pour jeunes publics au Québec repose essentiellement sur la création, même si esthétiquement les traditions théâtrales et esthétiques de divers pays sont sollicitées, résulte en un théâtre éminemment actuel. Il procède en outre de démarches de plus en plus individuelles. À rencontre du mouvement de création collective qui a prévalu pendant les années soixante-dix, c'est maintenant un théâtre d'auteurs. Une véritable dramaturgie s'est développée et a pris forme en direction du jeune public. Un répertoire commence à s'installer. Cette dramaturgie est publiée. Elle existe comme objet littéraire et elle attire un bassin de créateurs de plus en plus large.

Varié, moderne et novateur, le théâtre québécois pour jeunes publics offre à présent une riche diversité de contenus et de formes. Les préoccupations des jeunes quant à l'écologie, à l'intégration des communautés culturelles ou à la guerre nucléaire y côtoient l'expression de leurs peurs secrètes et de leurs désordres intimes, de leurs inquiétudes quant à l'apprentissage, la découverte de soi, l'ouverture aux autres et au monde. Que ce soit par le biais des marionnettes, de la comédie, du fantastique, de la poésie, du drame ou du langage non verbal, l'invention et l'imaginaire y tiennent une place centrale et les disciplines artistiques connexes y sont de plus en plus à contribution.

Tout récemment, l'extension du public est venue ajouter à cet éclectisme et à cette haute exigence artistique: les spectacles pour enfants attirent désormais aussi leurs aînés à qui ils s'adressent parfois, du reste, en même temps.

Pour les artistes qui se consacrent à eux, les enfants ne sont pas à l'écart de la vie. Ce sont des êtres à part entière, capables de tenir un discours qui leur est propre, et d'afficher des valeurs qui leur appartiennent. Cette attitude est responsable de la maturité incontestable de notre théâtre pour jeunes publics. On peut, à juste titre, être fiers de son évolution et de sa marche actuelle, surtout si on considère que ses réalisations et sa réussite se sont faites, la plupart du temps, sans moyens, par des gens qui y croyaient et qui ont inscrit leur art dans le champ de la culture québécoise comme l'un des très beaux accomplissements.

Le Président (M. Gobé): Madame, malheureusement, le temps qui est alloué pour votre présentation est maintenant légèrement dépassé. Peut-être un petit mot de conclusion et nous allons passer aux discussions avec Mme la ministre et, par la suite, avec M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boucher: On pourrait passer aux discussions.

Le Président (M. Gobé): Oui? D'accord. Mais votre mémoire, ne soyez pas inquiets, va être lu. Les membres de la commission, dans les séances de travail et autres, lisent les mémoires et on en discute. Alors, la présentation est très volumineuse, des fois, et, donc, on ne peut pas tous les lire en 15 minutes. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: De toute façon, je veux vous rassurer. Oui, on a lu l'ensemble des mémoires. Comme vous avez déjà un projet qui est sur notre trame et qui va être activé par l'annonce d'il y a trois semaines, ça nous fait plaisir de vous accueillir. Comme notre temps est court, j'aimerais vous demander deux choses particulièrement. La première, on sait que les billets sont dispendieux. Vous l'avez déjà mentionné, de toute façon, dans le mémoire. C'est cher. C'est cher pour les enfants, c'est cher pour les familles aussi. En fait, au niveau du théâtre.

Quelle est la contribution, par exemple, du ministère de l'Éducation là-dedans? Est-ce que vous avez des ententes - 25 % d'abonnement -ou est-ce qu'il y a des contributions?

M. Boucher: La seule fois où une commission scolaire s'est impliquée, c'est au tout début de la Maison-Théâtre. La CECM payait 0,50 $ par enfant. Chaque fois que les enfants de la CECM venaient à la Maison-Théâtre, la CECM nous donnait 0,50 $ par enfant. C'est la seule fois, le seul temps où les écoles se sont impliquées, et ça s'est arrêté l'année d'après, si bien qu'à ce moment-là il y a eu une baisse de clientèle, bien sûr. Autrement, il n'y a rien. Le ministère de l'Éducation n'intervient pas. Les écoles ne sont pas non plus sollicitées ni encouragées à sortir. C'est un problème. C'est un problème majeur parce que les écoles sont pauvres.

Mme Frulla-Hébert: Mais votre public à vous, au niveau des abonnements et tout ça, vous allez le chercher par quel réseau? Honnêtement, je pensais que le réseau scolaire... On découvre des choses maintenant et de là l'importance de cette commission, parce que c'est en posant des questions qu'on va à fond. Je pensais vraiment que le réseau scolaire était quand même plus impliqué, parce que c'est le véhicule premier pour les jeunes.

M. Boucher: Oui. C'est-à-dire que le réseau scolaire, c'est 75 % de notre clientèle.

Mme Frulla-Hébert: Parce que les jeunes vont à l'école.

M. Boucher: On touche à peu près à 50 000 enfants par année, mais on pourrait en toucher plus. Sur l'île de Montréal, les statistiques donnent 12 % des élèves; dans toutes les écoles de l'île de Montréal, il n'y a que 12 % des élèves qui fréquentent la Maison-Théâtre. Donc, où est-ce qu'ils vont? Ils vont, comme on en parlait...

Mme Rioux: Ils vont à la cabane à sucre, ils vont au McDonald's. C'est parce qu'il n'y a pas d'exigences claires. Le ministère de l'Éducation donne très peu d'argent aux commissions scolaires et, quand il en donne, les gens décident d'en faire ce qu'ils veulent. Moi, je me rappelle qu'à l'époque où on jouait "Pleurer pour rire", il y a un certain nombre d'années, il y a une école qui tenait beaucoup à nous avoir parce que le spectacle était très apprécié par les enseignants, et ils s'y sont pris pendant deux ans avant de réussir à nous faire venir parce que ça coûtait trop cher. Mais à l'époque, je ne le sais pas, notre spectacle, on le vendait 700 $ ou 800 $, mais c'était encore trop cher pour l'école. Là, maintenant, il y a une loi au ministère de l'Éducation qui défend aux parents de demander de l'argent aux enfants...

M. Boucher: Non, c'est le contraire.

Mme Rioux: ...qui défend aux enseignants de demander de l'argent aux parents pour les envoyer au théâtre; alors, ça, c'est vraiment un gros problème.

M. Boucher: II faut dire une chose aussi. C'est que le prix du...

M. Vachon (Paul):...

M. Boucher: Oui, Paul. Le prix du transport.

L'autre jour, j'ai pris un téléphone à la Maison-Théâtre. C'est une école qui voulait faire une réservation, et l'instituteur m'expliquait que ça lui coûtait 4,50 $ par enfant pour venir à la Maison-Théâtre, et que le transport coûtait 7,50 $ le matin et 10,50 $ l'après-midi, par enfant. Alors, nous, on dit que c'est évident qu'à partir du moment où, pour déplacer un enfant et venir, que ce soit à la Maison-Théâtre ou ailleurs - ça peut être au musée, bon - ça coûte 15 $ en après-midi, c'est énorme. Ça n'a pas de bon sens. Il faudrait trouver quelque chose pour pallier à ça, c'est sûr.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de vos productions à l'extérieur, est-ce que vous produisez, disons... Si on ne peut pas amener les enfants au théâtre, on peut amener le théâtre aux enfants, par exemple. Je sais qu'il y a des maisons, des centres de production qui le font. Est-ce que vous produisez, disons, a l'extérieur ou dans les écoles?

M. Boucher: Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on achète des spectacles des compagnies et on fait une programmation. Si on existe, c'est pour ça.

Mme Frulla-Hébert: À titre de diffuseur, oui.

M. Boucher: On veut absolument que les enfants sortent des écoles et viennent voir les spectacles dans un vrai théâtre, dans un lieu pour ça. C'est sûr que les compagnies comme l'Aubergine, la Marmaille et tout ça proposent leurs spectacles dans les écoles, mais il y a des spectacles qui ne pourront jamais être vus dans des écoles ou dans des gymnases.

M. Vachon: II y a une scénographie spécifique. Quand nous sommes obligés de monter le spectacle dans un gymnase, de le démonter le midi, de le changer d'école... J'ai déjà vu 10 spectacles, 10 lieux différents, 5 jours. Vous vous imaginez que les comédiens transportent aussi les décors et les comédiens ont travaillé très fort; ça commence à être du travail. Donc, on économise évidemment sur la scénographie, sur le poids. C'est très bon pour l'imaginaire, pour l'imagination, on invente des systèmes très légers, mais c'est très très ardu. Et il y a une qualité qu'on ne peut pas donner en gymnase.

D'un autre côté, je voulais dire que, pour ce qui est de la rentabilité d'un spectacle, il faut dire que le billet enfant est de beaucoup inférieur à un billet adulte, que la production d'une compagnie quelle qu'elle soit coûte aussi cher, les matériaux et tout. On a un bon goût, on mange de bonnes choses aussi, ce qui fait qu'il faut jouer énormément, et on ne peut pas emplir une salle avec 1000 jeunes comme on peut le faire avec un public adulte. Pour la rentabilité des spectacles, c'est très difficile. Je pense que c'est le cas... Je ne parte pas seulement des compagnies, je parle aussi pour la Maison-Théâtre.

Mme Frulla-Hébert: Dernière question, rapidement. Il y a plusieurs intervenants des régions qui nous font part - quand j'ai fait ma tournée régionale surtout - de leur difficulté à se produire à Montréal. Par contre, la Maison-Théâtre est l'une des rares institutions culturelles qui reçoit justement les gens de l'extérieur et qui a comme habitude de recevoir des gens de l'extérieur. Comment le faites-vous? Qu'est-ce qui vous incite à le faire? Ça va peut-être nous donner aussi des exemples, si tu veux, pour d'autres groupes qui viennent nous voir et qui nous disent: On n'est pas capables de se produire à Montréal. Il n'y a personne qui veut nous recevoir, on n'a pas de diffuseur.

M. Boucher: Je pense que c'est la résultante de la concertation du milieu du théâtre pour l'enfance qui a des habitudes de concertation depuis des années. La nécessité est la mère de l'Imagination, dans le sens où, à un moment donné, c'est clair qu'on ne peut pas... Ce qu'il y a d'intéressant à la Maison-Théâtre, c'est ça.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Boucher: Dans le sens où, collectivement, on se donne des outils. Donc, si chacune des compagnies avait une salle à administrer, une salle à gérer, ça coûterait infiniment plus cher, mais les compagnies se sont regroupées justement pour se doter de ces outils-là. Nous, quand on fait la sélection des spectacles, on y va aussi en fonction des besoins de la Maison-Théâtre qui sont en rapport avec l'âge des enfants. Il faut présenter des spectacles pour adolescents, il faut en présenter pour la petite enfance, d'autres pour l'enfance. Donc, en fonction de la production annuelle qui est faite ici, au Québec, on sélectionne des spectacles. L'an dernier, on a accueilli quatre compagnies de Québec à Montréal. On a déjà présenté des spectacles de Sherbrooke, des spectacles qui nous viennent de Drummondville aussi. Il y a des compagnies extérieures au Québec aussi qui se produisent. Mais c'est clair que, pour une compagnie à l'extérieur de Montréal, c'est extraordinaire, la Maison-Théâtre, parce qu'on prend tout en charge. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de jouer, on assume tout: la publicité, la vente du spectacle auprès des écoles, l'accueil des enfants, tout. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de jouer, ce qui devrait être normal pour tout le monde, en fait. Mais disons que c'est possible chez nous et je crois que c'est dû beaucoup à l'esprit d'invention du théâtre pour jeunes publics.

Le Président (M. Gobé): Merci. C'est tout le temps qui était imparti. Maintenant, M. le député

de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Rioux, M. Vachon, M. Boucher, au départ, je suis entièrement d'accord avec vous. Si c'est le tout dernier, dernier, dernier recours, O. K. allez à l'école, mais il faut vraiment sortir de l'école. Je me souviens, la dernière fois que j'y suis allé, c'est avec M. Maxime, ce délicieux petit monstre qui est mon filleul. Je pense que ça n'avait pas du tout le même impact. Le week-end avec parrain, c'était à l'extérieur de l'école. Et entrer dans un théâtre, il y a quand même quelque chose de magique et, après ça, on avait réussi à voir un peu les coulisses, ce qui était intéressant et ça l'avait... bon, c'est un pléonasme, mais ça l'avait marqué. Parce que je me souviens, à la pièce où on avait fait les coups de marteau, vous savez, j'ai dû expliquer pourquoi, en cherchant, par exemple; je ne me souvenais pas où ça commençait.

Mais il y a cet élément magique effectivement qu'il faut donner. Mais, oui, il peut peut-être y avoir des problèmes de transport, mais je pense qu'on peut se parler et dire des vérités. Il n'y a quand même pas une certaine indifférence ou, je ne sais pas, une espèce d'affaissement. Moi, je connais un musée qui a son propre car et qui dit: On va aller vous chercher au métro, on va vous amener et on vous ramènera. C'est tout juste s'ils ne vont pas les border le soir. Mais ils ont de la difficulté et Dieu seul sait qu'ils ont un extraordinaire service pédagogique, mais je ne sais pas... J'ai l'impression que l'école ne s'aide pas. Moi, c'est mon "feeling" comme on dit en bon Québécois. M. Vachon. (18 heures)

M. Vachon: Je pense qu'il faut dire aussi que le système de transport scolaire est assez complexe. J'ai vu nombre de fois que c'est le chauffeur d'autobus qui mène le groupe. À telle heure, on doit quitter parce qu'il y a des transferts à tel lieu. C'est très difficile d'avoir une cohérence et, ce qui est aussi très difficile, c'est que les élèves qui viennent de loin doivent pratiquement venir pour toute la journée, alors il faut créer une animation autour de ça. Je pense qu'il y a aussi une question de cohérence. Il faudrait que le ministère de l'Éducation incite fortement chaque institution scolaire à goûter le théâtre. Je ne sens absolument pas cette volonté-là et, non plus, il n'y a pas de budget voué à la sortie théâtre. Ça c'est clair.

M. Boulerice: Oui, mais, M. Vachon, je suis quand même un ancien administrateur scolaire là. Non, je vous le dis sur un ton... Rassurez-vous.

M. Vachon: Çava, çava.

M. Boulerice: Je ne veux pas vous agresser, rassurez-vous. Mais je suis quand même un ancien administrateur scolaire. Les commissions scolaires, bon, je ne vous dis pas qu'elles nagent sur l'or, mais elles sont capables d'aménager leur budget. On a une très grande autonomie face au ministère de l'Éducation. Il faudrait peut-être secouer le prunier ou le pommier.

Mme Rioux: II faut tes secouer, il faut faire quelque chose parce que, qu'est-ce que vous voulez, c'est elles qui décident d'envoyer les enfants ou de ne pas les envoyer. Il faut faire quelque chose. Si vous lisez un peu plus loin le mémoire, la Maison-Théâtre propose tout un programme de contacts entre les gens du monde de l'enseignement et les acteurs et les comédiens pour apprivoiser le théâtre; non pas en tant qu'objet pédagogique, mais en tant qu'art. Je pense que c'est extrêmement important. Il faut faire ce travail-là. Si la Maison-Théâtre décide de s'embarquer là-dedans, il faut l'appuyer parce qu'il y a du chemin à faire.

M. Vachon: Et heureusement qu'il y a la Maison-Théâtre à Montréal pour créer un rayonnement et sensibiliser les enseignants, les commissions scolaires, au fait que c'est bien, et il faut manger du théâtre. Imaginez les régions qui n'ont pas ces incitatifs-là. J'ai déjà connu, par exemple - je le disais à Rémi tout à l'heure - comme à Baie-Comeau-Hauterive, des personnes à la commission scolaire qui voyaient des spectacles, qui sélectionnaient des spectacles et il y avait une carte-théâtre pour les écoles. Ça c'est des initiatives qui sont très rares. Je sais que Gatineau le fait maintenant. Il y a des tentatives. Je sais qu'à Québec, par le théâtre des Gros-Becs, il y a beaucoup d'efforts qui se font dans le même sens. En fait, non pas directement sous le modèle de la Maison-Théâtre, mais sous l'inspiration de la Maison-Théâtre. Je pense qu'il y a place à continuer ce développement-là.

M. Boulerice: Une petite pointe. J'ai lu dans votre mémoire aussi que le mononcle d'Ottawa qui est tellement beau, tellement fin, tellement "cute" ne veut plus vous envoyer à l'extérieur. C'est le mononcle qui s'occupe des Affaires extérieures, c'est ça. C'est juste pour contrebalancer parce que, au début de la commission, mononcle à Ottawa, il est "cute" et il est fin - sans jeu de mots - puis matante et mononcle, à Québec, nous autres, on n'est pas bien bien gentils.

Sur un autre ordre d'idées - il fallait quand même qu'on glisse un petit peu notre message, on a le droit de se faire plaisir de temps en temps - l'écriture théâtrale pour un théâtre comme celui-ci, le théâtre pour enfants, moi, je suis tenté un peu de l'associer au théâtre expérimental. Je suis peut-être hérétique en vous disant une chose comme celle-là, parce qu'il n'a pas de forme conventionnelle. Je vous le dis, il date de quand même peu de temps. Il doit être

constamment réinventé. Vous allez me dire que tous les théâtres doivent être réinventés, mais celui-ci, peut-être d'une façon plus particulière. Donc, au niveau de l'aide qui peut exister, au niveau de l'écriture pour le théâtre pour enfants, est-ce que les choses sont suffisantes à votre égard ou bien s'il n'y a rien?

M. Vachon: Je sais qu'il existe des programmes d'aide à la recherche entre autres au ministère. On peut demander des bourses d'écriture. Oui, il y a des fonds qui existent en ce sens-là et qui sont absolument indispensables parce que la plupart des créateurs et des artistes créateurs ne gagneront pas de sous s'ils ne jouent pas. C'est une triste réalité mais un comédien gagne des sous quand il joue. Un point c'est tout. Et les compagnies ne peuvent pas toujours supporter leurs créateurs en les faisant vivre pour créer. La cour du roi le faisait, mais les compagnies ne peuvent pas le faire. Je ne sais pas, peut-être que Monique ou Rémi...

Mme Rioux: II y en a beaucoup de créateurs de théâtre pour jeunes publics qui travaillent très fort. Très souvent, un spectacle va aboutir après trois ans ou quatre ans. On a été habitués longtemps à faire des sacrifices. Quand on veut quelque chose, on l'a, et ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'argent qu'on ne le fait pas, on a la tête dure. Mais je pense qu'actuellement, ce qu'il faut aussi, c'est de donner... Je ne sais pas comment, mais il faut permettre aux enfants de pouvoir accéder à cette culture-là. Je ne sais pas, je pense que vous devez brasser le ministère de l'Éducation si ça doit passer par là. Il faut que vous leur donniez de l'argent et que vous disiez: Faites quelque chose, que le socio-culturel ne soit pas interprété comme la cabane à sucre ou comme le McDonald's. Je n'ai rien contre la cabane à sucre...

M. Boulerice: Non, mais...

Mme Rioux: ...mais quand même...

M. Boulerice: ...l'overdose peut tuer.

Mme Rioux: Très souvent, les écoles nous disent: On n'a pas d'argent, on a très peu d'argent. Vous dites que, non, il y en a en masse de l'argent et elles peuvent faire ce qu'elles veulent. Oui, et elles le donnent pour les sports, l'argent. Bien, si on en veut un peu pour la culture, il faudrait peut-être exiger plus.

M. Vachon: Et que l'on nous classe comme théâtre professionnel. Ça, c'est très important parce que, manquant de fonds, les institutions vont acheter selon leurs moyens et, malheureusement, il y a une corrélation entre le prix de vente, le coût de la production et le professionnalisme. L'investissement que chacune des compa- gnies fait dans son spectacle en argent et en énergie se reflète évidemment, puisqu'on doit s'administrer, dans le prix de vente. Alors, les écoles n'ont pas les moyens, souvent, d'acheter un bon spectacle.

Mme Rioux: Écoutez...

Le Président (M. Gobé): En terminant, madame, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Écoutez, je vous en prie.

Mme Rioux: ...ça fait 19 ans que la Marmaille existe. On n'a jamais joué au Lac-Saint-Jean. On est venu jouer à Québec l'année dernière, une fois, au Périscope: Terre promise". Pourquoi? Parce qu'on gagne mieux notre vie à l'extérieur, parce que, ici, les gens ne peuvent pas nous payer de per diem, Ils nous demandent de loger dans des familles ou de... Bon. Je veux dire, le "trip" du collectif, disons qu'on a passé ça...

M. Boulerice: Notre phase plateau est terminée.

Mme Rioux: Non, mais écoutez. Je me rappelle, moi, qu'en 1979 la Marmaille a été invitée pour jouer trois mois en France: "On n'est pas des enfants d'école". Et on a refusé de le faire parce qu'on a dit: Ça n'a pas de bon sens, c'est au Québec qu'on doit jouer. On est au Québec et on doit jouer au Québec. Mais, cette année-là, on n'a pas joué beaucoup au Québec. On a essayé, mais on n'a pas pu. Bon. C'est bien intéressant pour nous. On est invités dans des festivals de théâtre pour enfants, pour adultes. C'est magnifique, on est de très bons ambassadeurs, mais on aimerait bien ça aussi que ce qu'on trouve, ce qu'on fait, ça serve aussi aux gens d'ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Rioux. C'est, malheureusement, tout le temps qui vous était imparti. M. le député, un mot de remerciement.

M. Boulerice: Oui, mais c'aurait été une dernière question. Quand est-ce qu'on Inaugure la Maison?

M. Boucher: En septembre 1993.

M. Boulerice: Ah bien, il y a des chances!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Merci bien, Rémi, Monique et Paul.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Seulement pour terminer, pour vous assurer... À cette commission-ci, il y a des gens du milieu, évidemment, culturel, mais on a invité aussi les gens de l'éducation justement pour les sensibiliser. C'est sûr que le ministère de l'Éducation dit: Les commissions scolaires, comme mon collègue l'a dit, elles ont leur autonomie. Là, il y a le problème des syndicats, etc. Mais si on embarque et qu'on fait un vaste mouvement de sensibilisation, tout le monde ensemble, peut-être qu'à quelque part il faut aussi que les parents comprennent. Il faut que ça parte des parents. Donner 5 $ pour aller aux pommes, comme ma sous-ministre me disait qu'elle a fait dernièrement, ces mêmes 5 $ ont dû être subventionnés, à un moment donné, au niveau du transport, ce qui fait qu'on aurait pu, peut-être, amener les enfants aussi au théâtre. Ça, on en est très conscients.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Peut-être que la ministre pourra, elle aussi, aller voir le théâtre des enfants afin de pouvoir en faire la promotion auprès de son collègue, le ministre de l'Éducation, par la suite!

Mme Frulla-Hébert: On l'a fait. Sa sous-ministre y va. La ministre a un enfant de 18 ans qui amène sa mère!

Le Président (M. Gobé): Alors, ceci étant dit, ça met fin à nos travaux pour cette semaine. Je vais donc ajourner les travaux de notre commission à mardi prochain, le 22 octobre, à 15 h 30 en cette salle, à moins d'avis contraire pour la salle. La commission est donc ajournée.

(Fin de la séance à 18 h 11)

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