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(Neuf heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Doyon): La séance est donc
ouverte.
M. Boulerice: M. le Président. Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Boulerice: Si vous permettez, je voudrais m'excuser de ce
retard, mais, que voulez-vous, avant d'être porte-parole, nous sommes
d'abord et avant tout député de circonscription et il y a des
urgences auxquelles on doit répondre.
Le Président (M. Doyon): Aucun reproche ne vous est fait,
M. le député. C'est parfaitement compréhensible. Soyez
bien à l'aise. Je rappelle très brièvement que le mandat
de la commission est de faire des audiences publiques de façon à
pouvoir évaluer les réactions à la proposition de
politique culturelle qui a été faite le 14 juin et
déposée en chambre. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements aujourd'hui?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Masson) est remplacé par M. Morin (Du-buc) et Mme Dupuis
(Verchères) est remplacée par Mme Carrier-Perreault
(Chutes-de-la-Chaudière).
Le Président (M. Doyon): Merci. Je m'abstiendrai de faire
la lecture de l'ordre du jour. Les parlementaires l'ont en main, c'est
affiché un peu partout, en tout cas, à la porte de cette
commission.
Nous avons une journée très chargée. Nous
commençons avec un peu de retard, donc je me verrai dans l'obligation de
m'en tenir à un horaire très strict. Mes premiers mots seront des
mots de bienvenue envers les gens de l'Orchestre symphonique de Québec.
Je reconnais là le Dr François Couture à qui je souhaite
la plus cordiale des bienvenues.
Nos règles sont les suivantes. Vous présentez les gens qui
vous accompagnent et, ensuite, vous pouvez procéder à la lecture
ou au résumé de votre mémoire, en prenant pour acquis que
votre mémoire a été distribué, que les membres de
la commission en ont pris connaissance. Mais vous faites à votre
goût. Après une quinzaine de minutes de présentation, donc,
la conversation s'engage pour le reste du temps avec les membres de cette
commission. Alors, dès maintenant vous avez la parole. Nous sommes
prêts à vous écouter.
Orchestre symphonique de Québec
M. Couture (François): M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs, d'abord je dois vous remercier de nous avoir
invités à présenter le mémoire de l'Orchestre
symphonique à la commission parlementaire. Je m'empresse de vous
présenter ceux qui m'accompagnent et qui jouent un rôle actif dans
cette présentation: à ma droite, M. Gilles Marcotte, qui est
vice-président de l'Orchestre et qui, jusqu'à la dernière
assemblée générale, était le trésorier de
l'Orchestre - c'est un homme de chiffres qui connaît bien les chiffres de
l'Orchestre; à ma gauche, Mme Louise Laplante, que vous connaissez tous
sans doute, qui est directeur général de l'Orchestre symphonique,
et, à l'extrême gauche, M. Denis Létourneau, qui est
représentant des musiciens.
Avant de céder la parole à Mme Laplante qui va nous faire
un résumé de notre présentation, de notre mémoire,
je pense que M. Létourneau aimerait adresser quelques mots aux membres
de la commission parlementaire.
Le Président (M. Doyon): Très bien, M.
Létourneau, vous avez la parole.
M. Létourneau (Denis): Oui, M. le Président,
simplement pour vous dire que l'existence de l'Orchestre symphonique de
Québec, sa vie, sa qualité commandent une démarche commune
qui dépasse le conflit de travail qu'a vécu récemment
l'organisme. C'est pourquoi les musiciens et l'administration de l'Orchestre
symphonique de Québec viennent ensemble aujourd'hui pour vous faire
connaître leurs réflexions suite à la publication du
rapport Arpin. Merci.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, M.
Létourneau.
M. Couture: Je pense que je vais demander à Mme Laplante,
qui connaît bien le dossier et le mémoire, de vous le
résumer, de vous le présenter.
Le Président (M. Doyon): Mme Laplante, vous avez la
parole.
Mme Laplante (Louise): Merci, M. le Président. Nous avons
regardé ce mémoire d'un oeil extrêmement... avec grande
satisfaction, je dirais. Non pas que nous soyons d'accord avec l'ensemble des
recommandations - et je pense que le milieu culturel, on en a eu un
aperçu récemment, n'est pas tout à fait d'accord sur
toutes les recommandations - mais il reste que
c'est la première fois qu'on a vraiment une politique ou une
intention de politique qui permet d'envisager une vision d'avenir. C'est dans
ce sens que notre première recommandation, qui dit textuellement qu'on
souhaite que le gouvernement du Québec donne suite à la
proposition de politique de la culture et des arts préparée par
le groupe-conseil Arpin, est faite.
Elle est faite dans le sens qu'il est temps que nous ayons une politique
et qu'il est temps, grand temps, qu'on cesse finalement de préparer
mémoire sur mémoire. Ce que les artistes attendent, c'est que le
gouvernement prenne en charge sa culture et porte la culture à une
dimension aussi importante que celle de l'économie et de la
société, comme c'est recommandé par le rapport Arpin.
C'est dans ce sens que nous faisons cette recommandation.
Dans un deuxième temps, nous avons porté nos recherches
particulièrement sur le secteur de la musique et, évidemment, sur
le cas particulier de l'Orchestre symphonique de Québec. En musique, il
y a des difficultés extrêmement graves depuis de nombreuses
années, entre autres l'absence d'une éducation musicale
généralisée à l'ensemble de la population. Par
ailleurs, vous avez un conservatoire et des écoles de musique qui
produisent d'excellents musiciens. D'un autre côté, vous avez un
marché qui offre beaucoup, parce qu'il y a d'excellents musiciens qui
peuvent faire cet art, mais qui s'adresse finalement à une population
qui n'a pas été éduquée à cet art.
C'est un problème qui est là depuis 20 ans au moins. C'est
un problème que l'on a tenté, particulièrement avec la
fédération des musiciens-éducateurs du Québec, de
redresser. Il y a eu, il y a quelques années, des recommandations faites
au ministre de l'Éducation pour, justement, tenter de régler ce
problème. C'est un peu le sens de la recommandation quand on dit qu'en
regard de son rôle de maître d'oeuvre de l'activité
culturelle le ministère de la culture doit établir des politiques
d'ensemble propres au secteur de la musique. Et je m'empresse d'ajouter
qu'à l'intérieur de cet ensemble musical il doit accorder et
établir clairement la spécificité des orchestres.
Vous savez que, depuis plusieurs années, il y a eu, comment
dirais-je, une effervescence dans le domaine orchestral. On voit naître
des orchestres un peu partout au Québec. Quel type d'orchestres? Combien
de musiciens? Combien de semaines de travail? Qu'est-ce que ça apporte
finalement au développement de la qualité musicale? Il est grand
temps de voir, finalement, les grandes orientations de chacun de ces
orchestres.
Nous croyons qu'il y a deux grands orchestres au Québec, au moins
deux orchestres qui donnent à des musiciens l'essentiel, sinon la
totalité de leur revenu. Évidemment, je parle de l'Orchestre
symphonique de Québec et de l'Orchestre symphonique de Montréal.
Ces deux orchestres-là sont en difficulté actuellement.
L'Orchestre symphonique de Québec, en particulier, au niveau des
conditions de travail, si l'on compare la rémunération des
musiciens des deux orchestres, on constate un écart de près de 64
% dans les salaires versés pour un travail hebdomadaire similaire. Quand
on examine le nombre de semaines, on compare 46 semaines de travail à
temps complet pour les musiciens de l'OSM et entre 22 et 30 pour les musiciens
de l'OSQ.
Il y a là une disparité et une incohérence dans la
politique du développement, finalement, dans la politique du maintien du
professionnalisme que les conservatoires et les écoles de musique ont
créée. Vous savez que le ministère investit, je crois,
environ 10 000 000 $ par année dans le conservatoire et à peine
quelques millions de dollars pour les orchestres. Alors, c'est un peu le sens
de cette recommandation.
En ce qui concerne l'Orchestre symphonique de Québec en
particulier, nous croyons que nous avons trois mandats très
particuliers: d'abord, de donner des concerts, de produire des concerts,
d'avoir un appui à l'éducation musicale. Le rapport Arpin, je
crois, parle d'un vaste programme d'accès à la culture. Nous
voulons faire partie de ce programme. Bien sûr, nous sommes des
producteurs d'abord, mais si l'Orchestre n'aide pas ou ne fait pas partie d'un
tel programme d'accès à la culture, comment est-ce qu'on pourra
rejoindre les différents publics, que ce soit dans les écoles ou
dans les petites villes du Québec? C'est notre proposition quand
à l'éducation musicale.
Nous croyons également que nous avons un autre secteur
très important à développer: celui de la diffusion de la
musique symphonique sur l'ensemble du territoire du Québec. Pendant de
nombreuses années, l'orchestre a donné des concerts un peu
partout au Québec. On a dû cesser de le faire faute de fonds. Il y
a un an ou deux, nous avons été capables d'intéresser une
compagnie privée, nommément Du Maurier Itée, à
investir dans la diffusion de la musique symphonique. Il est évident que
le partenariat privé ne peut pas suffire à établir
véritablement un développement et une diffusion du
répertoire symphonique en région. Nous souhaitons donc que ce
soit un mandat spécifique qui puisse être accordé à
l'orchestre et que l'orchestre soit subventionné spécifiquement
à cette fin.
Nous croyons également que, comme l'Orchestre symphonique de
Québec est à Québec, Québec étant la
capitale, nous avons un rôle à jouer, un rôle de
représentation, de promotion et de diffusion de la capitale à
l'étranger. Cette ville a une qualité particulière: elle
est la capitale, elle est le centre du monde francophone en Amérique.
L'orchestre doit promouvoir la ville comme l'Orchestre symphonique de
Montréal l'a fait pour la ville de Montréal.
Ce sont donc les trois aspects, les trois
mandats: produire des concerts et être un appui à
l'éducation musicale, avoir un mandat de diffusion de la musique
symphonique sur tout le territoire du Québec, en particulier dans l'Est,
et, enfin, servir d'ambassadeur de la ville à l'étranger.
Pour cela, il faut consolider l'Orchestre symphonique de Québec,
et j'aimerais attirer votre attention en page 13 du mémoire. Cet
orchestre a connu une diminution de ses subventions équivalant à
plus de 400 000 $ si on regarde la non-indexation des subventions depuis 1984.
Ce n'est pas une perte en dollars, mais c'est une perte de 25 % de notre
budget. C'est une des raisons majeures qui a fait que l'Orchestre s'est
retrouvé dans une situation de crise la saison dernière. Une
perte de 25 % de notre budget global en cinq ans, une perte théorique de
400 000 $, ça veut dire l'impossibilité de maintenir à
Québec un orchestre qui travaille en permanence. C'est ce qui a
mené au conflit de travail dont parlait M. Létourneau tout
à l'heure et qui a fait que nous sommes allés en arbitrage pour
régler le problème, le problème qui était
récurrent.
Mais qu'est-ce que l'arbitre a dit? Il a dit qu'il fallait un statut
spécial pour l'Orchestre symphonique de Québec. Il a reconnu les
difficultés de l'Orchestre et il a dit que la preuve avait
été faite devant lui que nous n'avions pas les moyens de
continuer. Quand il parle d'un statut spécial, il parle,
évidemment, d'un arbitre des conditions de travail. Mais ça
rejoint exactement la recommandation du rapport Arpin qui parle de créer
un statut d'institution culturelle nationale pour certains organismes majeurs
du Québec. Et nous croyons... Nous sommes un orchestre majeur au
Québec. Nous sommes l'un des deux seuls orchestres majeurs au
Québec.
Nous avons, bien sûr, reçu des subventions de
dépannage. Qu'est-ce que ça donne une subvention de
dépannage? Ça donne un répit pour un certain temps, mais
ça ne règle pas le problème du sous-financement
récurrent et ça peut mener, finalement et très rapidement,
à de nouveaux problèmes à moyen terme.
Nous proposons donc, M. le Président, que le ministère des
Affaires culturelles procède à une étape de consolidation
de cet orchestre, voit à nous donner les moyens de développer cet
orchestre, et quand on parle de développement, M. le Président,
on parle d'un orchestre qui compterait 80 musiciens. C'est un minimum dans ce
sens qu'un grand orchestre compte 100 musiciens. C'est le cas de l'Orchestre
symphonique de Montréal. On ne demande pas 100 musiciens à
Québec parce qu'on trouve que c'est irréaliste, mais on pense que
80 musiciens travaillant, disons, 40 semaines avec un salaire à peu
près décent, ce serait au moins satisfaisant à moyen terme
et un objectif à réaliser dans les quelques années qui
viennent. (10 heures)
Nous sommes dans un contexte difficile. On peut pleurer sur la petitesse
de la ville en termes de population. On peut pleurer sur la difficulté
d'aller chercher des fonds dans le secteur corporatif. Tout ça est vrai.
La ville est petite, le public nous supporte, nous appuie, continue
d'être là, mais il ne pourra pas... Il y a un certain plafonnement
à cause du bassin de population restreint.
Quant au secteur corporatif, nous avons réussi, en cinq ans,
à aller chercher de 8 % de nos revenus à 22 % de nos revenus
actuellement. C'est considérable comme augmentation. En dollars
réels, ça veut dire environ 1 000 000 $ que nous allons chercher
dans le secteur privé de Québec. Je ne dis pas que nous sommes au
fond du baril - on n'est jamais au fond du baril - mais il reste que 1 000 000
$ pour la ville de Québec, c'est beaucoup d'argent. Nous voyons qu'il y
a un certain plafonnement du fait même que le secteur corporatif a ses
propres limites et on ne peut vraiment pas compter sur une garantie, en tous
les cas, de l'implication du secteur privé. Il faut recommencer. C'est
toujours à reprendre. Seul un statut d'institution culturelle nationale
avec des moyens appropriés pourrait nous permettre d'envisager un
développement de l'Orchestre symphonique de Québec et de ne pas
tomber de façon récurrente dans des problèmes financiers
que nous avons vécus et que nous avons vécus de façon
cyclique au cours des, j'oserais dire, 90 ans de son existence. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laplante. Je pense que
vous venez d'expliquer les problèmes de façon très
éloquente. La région de Québec vous doit beaucoup. Je sais
que vous faites l'impossible pour que la région de Québec soit
dotée d'un orchestre de qualité malgré les
difficultés qui sont omniprésentes et qui continuent de vous
assiéger. Je sais aussi que Mme la ministre est fort sensible à
la situation. Les solutions ne sont peut-être pas aussi facile qu'on
pourrait le penser et elle va sûrement vouloir vous poser certaines
questions, regarder les choses d'une façon un petit peu plus
approfondie. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci, Mme Laplante. Bienvenue
à tous et je tiens particulièrement à souhaiter la
bienvenue à votre nouveau président, M. Couture. J'aimerais qu'on
parle de deux choses. D'abord, j'aimerais qu'on parle de ce que vous dites:
l'intégration et aussi le programme d'accès à la culture,
donc l'accessibilité générale - on va en parler aussi
durant la journée avec d'autres intervenants - et au niveau, justement,
de cette classification d'institution nationale.
Je regardais tantôt avec Mme Courchesne, ma sous-ministre... On
regardait l'aide apportée aux différents organismes dont les
orchestres en
général et en particulier le vôtre. Il y a eu un
plan de redressement, une entente, parce que, vous avez raison, les subventions
n'ont pas toujours été indexées, mais, à partir de
1989, il y a eu une entente faite pour 1989... 1990, 1991, 1992. Maintenant, il
faut retravailler cette entente où on est allé chercher des
partenaires et où il y a eu augmentation au niveau de la subvention.
C'est une entente en disant: Eh bien, là, à partir de ça,
on va voir maintenant comment on peut faire aussi pour stabiliser.
Les subventions, en général - vous parlez aussi de faire
la juste part entre un marché qui est plus petit... C'est plus difficile
aussi d'aller chercher des subventions d'autres intervenants, donc du
privé. Vous faites un très bon travail là-dessus, au
niveau des abonnements aussi, je vous l'accorde, et c'est vrai que c'est plus
difficile. Par contre, notre subvention correspond à 25 % du total
versus, par exemple, l'Orchestre symphonique de Montréal où elle
ne correspond qu'à 9 %. Donc, c'est tenu en ligne de compte aussi au
niveau de l'implication de l'État.
Mais je veux revenir au niveau des statuts d'institution et de la
consolidation. Au moment où on se parle, il y a l'Orchestre symphonique
de Montréal et chez vous, l'Orchestre symphonique de Québec, il y
a l'Orchestre métropolitain, il y a des orchestres partout, que ce soit
au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a Rouyn, bon, un peu partout. Donc, on subventionne
énormément d'orchestres.
Vous, ce que vous nous dites, c'est de faire une classification; c'est
un peu ce que l'Orchestre symphonique de Montréal disait aussi. Il
disait: On veut avoir une vocation et on le fait là, on fait de l'action
internationale, si on veut. Ce que vous dites, c'est qu'il revient à
l'État de classifier certains organismes, dont, en particulier, votre
secteur, des orchestres, de les classifier et, finalement, de fonctionner en
fonction de cette classification-là. Vous allez même
jusqu'à dire, si ma mémoire est bonne, au niveau des musiciens,
de classifier aussi au niveau du statut, non seulement du statut, mais au
niveau du salaire des musiciens.
Je veux revenir à la consolidation, ce qui m'amène
à revenir à la consolidation. Au Québec, on est 6 000 000,
en fait 7 200 000. On forme beaucoup de musiciens. Il faut leur donner des
opportunités d'emploi. On subventionne énormément
d'orchestres symphoniques, je vous l'ai dit tout à l'heure. On en
subventionne 11, plus ou moins égal, mais on en subventionne 11, dont 2
gros. Quand vous parlez de consolidation, est-ce que, selon vous, vous qui
êtes dans le milieu, l'État se doit de continuer à
subventionner tous ces orchestres? C'est beaucoup plus que ce qui se fait
ailleurs, si on veut, parce qu'on est notre propre mécène. Du
mécénat au Québec, il y en a, mais pas beaucoup. Des
grandes familles riches, il y en a, mais pas beaucoup. Donc, l'État est
le mécène principal au niveau du Québec, c'est-à-
dire qu'il subventionne énormément. Il subventionne la culture
presque à 90 %, d'une certaine façon, sinon plus.
Alors, parlez-moi de cette consolidation-là. Vous nous dites
ça, mais c'est sûr que l'Orchestre métropolitain va venir
probablement la semaine prochaine et qu'il va nous dire la même chose.
Les orchestres au niveau des régions nous disent: Mais nous, dans les
régions, les gens viennent nous écouter, nous. Donc, la
participation régionale et l'action régionale sont
assumées par les orchestres que l'on subventionne dans les
régions. Alors, parlez-nous de ce contexte-là.
Mme Laplante: D'abord, Mme la ministre, il y a deux façons
de créer la qualité dans un orchestre: d'abord, en donnant des
conditions de travail intéressantes aux musiciens, c'est-à-dire
que ce qui fait leur qualité, c'est leur compétence. Si on veut
attirer de bons musiciens, il faut leur donner des conditions de travail
intéressantes.
Le deuxième aspect, c'est la qualité du jeu d'ensemble et
la fréquence du jeu d'ensemble. Ce qui arrive dans un cas... Pourquoi
l'Orchestre symphonique de Montréal est-il aussi extraordinaire? C'est
parce qu'ils ont d'excellents musiciens travaillant à temps plein
pendant l'année complète. À l'Orchestre symphonique de
Québec, nous n'avons pas ce temps complet, même si les musiciens
qui travaillent 30 semaines... On ne peut pas qualifier ça de temps
complet dans le calendrier qui a 52 semaines.
Donc, plus des musiciens de bonne qualité travaillent ensemble
longuement avec de bons chefs, plus vous aurez un orchestre de grande
qualité. Nous croyons que ça ne sert à rien d'avoir des
petits orchestres un peu partout qui, finalement, donnent un peu de travail
comme ça, à la pige, à certains musiciens pour quelques
semaines ou quelques heures de travail. Vous ne développerez pas la
qualité musicale. C'est impossible. Il serait mieux de dire, pour
commencer... Ça serait mieux d'ouvrir des postes à Québec
et de dire: Venez travailler à Québec, les musiciens. Je serais
heureuse d'ouvrir des postes à Québec, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bon.
Mme Laplante: Je vous garantis qu'il y a beaucoup de musiciens
qui feraient les auditions si on leur donnait des conditions
intéressantes. Ensuite, on dit à cet orchestre: Vous allez
diffuser la musique symphonique. Dans le fond, les petits orchestres que vous
subventionnez, Mme la ministre, ce sont très souvent les mêmes
musiciens qui se baladent de l'un à l'autre. Qu'est-ce que ça
fait finalement pour la qualité musicale? On peut se poser la
question.
Mme Frulla-Hébert: Je vous l'accorde dans la région
de Montréal, par exemple, mais si on
va à Rouyn, en Abitibi - on en pariait hier, il y avait un
représentant justement de... On en a eu plusieurs d'ailleurs des
régions, dont l'Abitibi, et au Saguenay-Lac-Saint-Jean aussi, la
même chose. Ils ont des orchestres. À Trois-Rivières aussi.
Dans ces régions qui sont plus éloignées, moi, je veux
bien leur faire une offre comme ça, mais je ne suis pas certaine que
ça ferait le consensus, au contraire, parce que eux-mêmes nous
disent que ça fait travailler les musiciens en région, que
ça donne des débouchés.
Vous avez raison. Ce n'est pas... Ils ne prétendent pas non plus
être des orchestres de la même envergure que chez vous ou que
l'Orchestre symphonique de Montréal, entre autres, mais ce qu'on nous
dit, c'est: Au niveau de la région, ça nous satisfait pleinement.
On aime voir nos musiciens, ceux qui peuvent y participer, notre monde et
ça contribue aussi beaucoup au rayonnement musical de la région.
Si on classifie en disant que, bon, pariait, c'est vrai qu'on en a beaucoup
d'orchestres, pour un milieu, un petit bassin tel que l'on est et que l'on dit:
Eh bien, là, on consolide et on rationalise, qu'est-ce qu'on fait de
toute cette discussion au niveau de la régionalisation qui finalement...
Il n'y a pas un jour où on n'a pas cette discussion au niveau de
l'importance des régions.
M. Létourneau (Denis): Si vous me permettez, Mme la
ministre, je vais répondre. Dans le mémoire qui est
proposé par l'Orchestre symphonique, justement, la diffusion et la
vulgarisation du matériel symphonique reviendraient à l'Orchestre
symphonique de Québec.
Maintenant, il est évident qu'il faut agir dans la
société par priorités. C'est entendu, on a tous des choses
dont on doit tenir compte, principalement en ce qui concerne les arts,
l'argent. Bon. Cependant, je pense qu'il revient au ministère
d'établir et de reconnaître les organismes qui diffusent le
matériel artistique universellement reconnu et qui est propre a la
civilisation occidentale dans laquelle nous évoluons. C'est ce qu'on
pourrait appeler les arts, entre guillemets, consacrés - excusez le
terme un peu liturgique de notre qualificatif - c'est-à-dire la musique,
la danse, le théâtre, la littérature, j'en oublie
peut-être, mais en gros.
C'est de la force et de l'appui que reçoivent ces arts-là
que peuvent émerger une quantité d'autres formes d'art
exploratoires, mais tout autant valables et nécessaires à une
qualité de société qui encourage ses créateurs. Il
faut d'abord reconnaître des organismes comme l'OSM ou l'OSQ, ou des
grandes compagnies de théâtre, ou reconnaître la
nécessité d'une diffusion de matériel reconnu dans tous
les pays. Et ça, hélas, moi, en tant que musicien, et les
collègues musiciens et les artistes en général, on trouve
anormal d'avoir, à tous les deux ou trois ans, à entrevoir une
situation d'urgence, une situation désastreuse quand nous
véhiculons un matériel universellement reconnu. Ce n'est pas
normal. C'est la force de ces organismes-là qui le diffuse qui va
permettre une qualité dans notre société.
En Allemagne, il y a 90 orchestres subventionnés. Il ne faut pas
en demander tant, c'est entendu. Mais ces gens-là... En Angleterre
aussi, ou même aux États-Unis, la société a compris
l'importance de foyers culturels importants qui reposent sur des valeurs
sûres. La musique symphonique est une valeur sûre. Personne ici ne
peut le contredire.
Ce qui fait l'équilibre dans une société, Mme la
ministre, M. le Président, c'est l'équilibre des divers secteurs
qui la composent. Et s'il y a des secteurs qui peuvent fonctionner un peu
d'eux-mêmes, ou qui demandent une certaine loi et tout - quand même
les commerces ou des choses comme ça - il y a définitivement
d'autres secteurs qui sont plus difficiles, qui ont plus de difficultés
à arriver dans une forme d'autonomie financière. Mme Laplante
vous en a parlé tout à l'heure.
On peut demander au secteur privé, comme, par exemple, Du Maurier
le fait pour l'OSQ, un appui et c'est tant mieux! Ça montre un
intérêt. Mais, il ne faut pas, comme nous avons trop entendu,
faire dépendre l'existence de ces organismes-là d'une
réponse du secteur privé. Je pense que, s'il y a des
gouvernements, s'il y a des États et s'il y a un appareil
gouvernemental, c'est justement pour pallier à la société,
aux secteurs moins forts, mais qui, par leur présence et leur vigueur,
manifestent une qualité de vie à la hauteur de l'organisation que
nous donnons à cette même société.
C'est à partir de ce moment-là, madame et M. le
Président, qu'une société bien organisée peut
devenir, par l'appui de l'État, une civilisation qui peut devenir
intéressante. C'est d'abord à vous d'identifier ces
choses-là, et je vous aide ce matin à les identifier, les arts
qui doivent être d'abord consolidés, sûrs et ne pas avoir
à craindre dans 2 ans... Ça fait 10 ans personnellement que je
suis musicien à l'Orchestre symphonique de Québec, et à
tous les 2 ou 3 ans, on se demande si, à Québec et pour le
gouvernement, ce matériel si extraordinaire et si riche va pouvoir
même pas vivre, mais survivre. Ce n'est pas normal d'une
société qui se dit et qui se proclame avancée. Et, on le
sait, ça nous coûte assez cher comme ça pour cet
avancement-là. (10 h 15)
Le Président (M. Doyon): Dernière question, Mme la
ministre, malheureusement.
Mme Frulla-Hébert: Je suis d'accord... Remarquez que je
suis d'accord avec vous et c'est pour ça, dans le fond, que
l'État, en soi, subventionne proportionnellement beaucoup plus
l'Orchestre symphonique de Québec qu'il ne peut le faire pour
l'Orchestre symphonique de Montréal, compte tenu des moyens. Moi, je
veux
revenir... Vous qui êtes musicien, vous parlez de l'Allemagne, de
la France, et Lander s'implique énormément. En France, c'est la
même chose aussi au niveau des cantons, vous le savez comme moi. Et, je
dirais même, dans le reste du Canada et dans l'Ontario, la situation est
aussi très différente.
Nous, évidemment, les municipalités ne peuvent pas prendre
leur orchestre et dire: Bon, eh bien, il y a de grands orchestres nationaux.
Ça revient toujours à l'État, finalement. Ceci dit, vous
qui êtes musicien, si on dit tout simplement: On donne le rôle de
diffuseur à l'Orchestre symphonique de Québec, comme vous dites,
au niveau de la région, qui pourrait être un rôle,
honnêtement, qui serait un naturel, c'est un naturel, à ce
moment-là, on cible. L'Orchestre symphonique de Montréal a son
rôle à jouer, vous avez votre rôle à jouer, ce qui ne
veut pas dire qu'il n'y a pas une question internationale, mais un rôle
plus spécifique.
Bon, l'Orchestre métropolitain en aurait un aussi, mais, de toute
façon, il y a un mécène, aussi, au niveau de l'Orchestre
métropolitain, qui est super-important. Mais ceci dit, qu'est-ce qu'on
fait avec les autres orchestres qui existent présentement et qui ont
aussi fortement besoin de nous pour subsister et qui ne sont pas - ils le
disent eux-mêmes - de même envergure que vos orchestres, mais qui
semblent contribuer à la vie musicale et artistique de la
région?
M. Létourneau (Denis): Qu'est-ce qu'on fait avec ces
orchestres?
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on continue à les
subventionner? Parce que, évidemment, le jour où on va
classifier, ce n'est pas vrai que, demain matin, que ce soit d'un
côté ou d'un autre, on va avoir de l'argent autant qu'on va en
demander. Ce n'est pas vrai, ça, c'est se leurrer. Donc, il va falloir
toujours faire des priorités quelque part, et c'est normal. À ce
moment-là, la minute qu'on fait des priorités et qu'on classifie,
cette classification-là aussi demande des ajustements. Alors, qu'est-ce
qu'on fait? Est-ce qu'on continue à subventionner, à...
Le Président (M. Doyon): M. Létoumeau.
M. Létoumeau (Denis): Je pense qu'il vous revient de
déterminer de quelle façon chaque région doit être
équilibrée, si vous voulez, au niveau des besoins qu'elle
demande. C'est entendu que, moi, personnellement, en tant que musicien, je ne
peux pas balayer d'un revers de la main tous ces organismes-là qui sont
très vigoureux et qui sont pleins de bonne volonté. Cependant, il
faut penser à une chose. C'est qu'en finalité de tout ça,
en finalité du conservatoire de Chicoutimi, où il y a un
orchestre, ou de tous les autres conservatoires - il y en a sept ou huit, je
pense, au Québec - la finalité d'un apprentissage, c'est de
pouvoir exercer son métier d'une façon professionnelle et avec
des qualités de travail, des conditions de travail qui sont
parallèles à la rigueur de la formation qu'on nous demande. Et
c'est là où il y a un manque.
Je sais que je ne réponds pas entièrement à votre
question, mais il y a des priorités et, Dieu merci, peut-être que
les priorités nous permettent parfois de ne pas trop répondre
à toutes les questions. Mais moi, je suis ici ce matin pour
défendre la mienne, c'est-à-dire celle de l'Orchestre symphonique
de Québec.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Couture, M. Marcotte, Mme Laplante, M.
Létourneau, je suis vraiment heureux de recevoir l'orchestre de notre
capitale. La première question que je vais vous poser... J'ai lu votre
première recommandation qui, à mon point de vue, est très
explicite. Vous dites: "Que le gouvernement du Québec donne suite
à la proposition de politique de la culture et des arts
préparée par le groupe-conseil Arpin."
Il y a deux actions de base dans cette politique: la première est
que la culture et les arts constituent une mission essentielle de
l'État; la deuxième est que le Québec obtienne le
rapatriement de tous les pouvoirs dans le domaine de la culture. Donc, vous
endossez ces deux axiomes du rapport Arpin, c'est bien cela?
Le Président (M. Doyon): Mme Laplante.
Mme Laplante: Nous endossons, effectivement, la grande
finalité qui est de faire de la culture une mission essentielle. Nous
n'avons pas examiné la question du rapatriement en soi. J'ai
expliqué tout à l'heure, au début, que donner suite
à une proposition voulait dire faire enfin quelque chose, commencer par
le commencement. La question du rapatriement va éventuellement se poser
officiellement. Je pense même à l'automne 1992, de façon
très précise. Je pense qu'il appartient au peuple du
Québec de faire ce premier choix et, ensuite, on pourra étudier
la question du rapatriement. Ce qu'on veut dire, c'est qu'il faut qu'on ait une
politique. C'est très important, M. le député. Et les
artistes seront toujours là pour rappeler le gouvernement à
l'ordre s'il s'écarte, à leur point de vue, de leurs objectifs.
Mais il faut vraiment commencer. Ça fait trop longtemps qu'on attend.
C'était le sens de cette recommandation.
M. Boulerice: Mais vous convenez avec moi, Mme Laplante, que,
s'il est bon, utile, voire même essentiel et impératif que
l'État trace des voies, il faut également avoir les moyens. Et,
actuellement, dans ce domaine, nous n'avons que des demi-moyens. Il faut en
être conscient.
Mme Laplante: C'est juste, c'est juste.
M. Boulerice: Une deuxième chose. Vous avez fait
état du financement au cours des cinq dernières années qui
vous a atrocement pénalisés, à un point tel, d'ailleurs,
qu'on s'est grandement et anxieusement interrogés sur la survie de
l'Orchestre symphonique de Québec, orchestre de la capitale, certes,
mais un orchestre qui a également une responsabilité pour tout
l'est de notre territoire. Est-ce que vous estimez que l'Orchestre symphonique
de Québec a été traité équitablement au
niveau de son financement si l'on considère qu'un musée bien
connu a vu un déficit de 3 500 000 $ épongé en l'espace de
cinq minutes? Musée des beaux-arts de Montréal, madame.
Mme Laplante: M. le député, je répondrai de
la façon suivante: Si mon enfant allait se noyer, je prendrais tout ce
qu'on me donne pour le sauver. Je sais que ce gouvernement n'a pas de politique
en ce moment, qu'il n'a pas les moyens. Je pense que les moyens viendront avec
la politique.
M. Boulerice: Vous êtes en train de me dire qu'il n'y a pas
eu de traitement financier plus avantageux parce qu'il n'y avait pas de
politique?
Mme Laplante: C'est parce qu'il n'y avait probablement pas
suffisamment de moyens. Je crois que les efforts ont été
substantiels parce que, quand même, 1 200 000 $, c'est substantiel. Mais
ce n'est pas assez. C'est là la difficulté. C'est substantiel
à court terme parce que ça permet de sauver l'Orchestre, mais
c'est insuffisant à moyen terme pour développer cet orchestre. Si
on n'a pas de plus grands moyens dans les années qui viennent, on fera
face aux mêmes problèmes - je vous le dis tout de suite - dans
quelques années. C'est important qu'une politique soit établie,
que des moyens soient accordés au ministère des Affaires
culturelles, que le statut d'institution nationale que nous réclamons
nous soit accordé et que les moyens financiers, à long terme,
nous soient donnés pour que nous puissions développer l'Orchestre
symphonique de Québec et non pas simplement le maintenir à bout
de bras comme il est récurrent que nous le fassions tous les deux ou
trois ans.
M. Boulerice: Mme Laplante, vous annoncez une donnée qui
revient très souvent parmi les intervenants, à savoir les
difficultés de planification financière. Ce que vous demandez
c'est donc une certaine formule de financement qui soit triennale ou
quinquennale - on pourra toujours s'entendre sur la durée - mais qu'il y
ait un certain minimum respectable à l'intérieur de cela.
Mme Laplante: Excusez-moi, je ne saisis pas exactement votre
question.
M. Boulerice: Je dis que vous faites intervenir vous aussi cette
notion d'un financement soit triennal ou quinquennal qui vous permettrait - si
on peut employer l'expression - de voir un petit peu plus loin que les
scènes de la vie quotidienne. La programmation d'un orchestre
symphonique, je pense que ça ne se fart pas, comme dit l'expression
américaine, "happy-go-lucky way", à la bonne franquette.
Mme Laplante: Ça se fait au moins deux à trois ans
d'avance.
M. Boulerice: Deux à trois ans d'avance. On parle beaucoup
de l'incitation des entreprises et des individus à investir davantage
auprès de nos institutions culturelles. Les deux questions que
j'aimerais vous poser: Selon vous, quelles seraient les mesures fiscales qu'on
pourrait adopter qui inciteraient les entreprises et les individus à
investir davantage? En sous-question à cette première: Dans votre
cas, quel a été l'apport de la formule d'appariement, qui avait
été introduite par le ministre Clément Richard, qui a
duré quelques années, mais qui a été
abandonnée par le ministère?
Mme Laplante: M. le député, nous avons un
fiscaliste avec nous à notre table, M. Marcotte. D'emblée, je
peux vous dire que la formule, le reçu d'impôt à 100 %, ce
serait déjà un bon moyen, mais je vais laisser la parole à
M. Marcotte sur les questions de fiscalité.
Le Président (M. Doyon): M. Marcotte.
M. Marcotte (Gilles): Comptable agréé plutôt
que fiscaliste. En fait, nous avons déjà le droit de
réclamer, pour des déductions fiscales, les déductions qui
viennent des compagnies. Alors, nous pouvons émettre des reçus de
charité, ce qui leur permet, dans certains cas, de réclamer
peut-être 50 % de la dépense payés par l'État.
Est-ce qu'on pourrait avoir des mesures fiscales davantage incitatives?
Peut-être à ce moment-là. Par contre, il y aurait
peut-être la formule d'appariement qui nous permettrait - ça se
fait dans certaines circonstances - d'aller chercher autant d'argent que
l'État peut nous donner à ce moment-là.
Nous vivons présentement la récession et nous nous rendons
compte que les entreprises - nous avions des bonnes entreprises dans le domaine
des pâtes et papiers, vous connaissez le secteur des pâtes et
papiers... Alors, c'est difficile de ces temps-ci. Nous dépendons d'eux
jusqu'à un certain point, d'année en année. Nous avons
obtenu des subventions spéciales pour les trois dernières
années, mais ces subventions étaient pour combler des
déficits du passé et non pas pour maintenir l'Orchestre. Alors,
c'est
comme s'il fallait que l'Orchestre se rende toujours sur le bord de la
faillite pour recevoir des subventions spéciales. Comme disait Mme
Laplante ce serait plutôt important d'avoir des subventions
planifiées à l'avance pour nous permettre d'opérer sur des
bases régulières et non pas faire des déficits et, par
après, aller quémander à l'État les sommes d'argent
dont nous avons besoin.
Au niveau des mesures fiscales, je ne sais pas ce que l'État
pourrait faire davantage. En fait, réclamer 2 $ de dépenses pour
1 $ donné-Peut-être que la formule d'appariement est
préférable. Ça permet, à ce moment-là, aux
administrateurs des organismes sans but lucratif de s'occuper d'aller chercher
des fonds et l'État, par après, donne sa quote-part.
M. Boulerice: Vous pouvez convenir avec moi, M. Marcotte, que
même si c'est une question de vocabulaire, il faudrait peut-être
changer l'expression "reçu de charité" dans le cas des organismes
culturels. Je vous avoue que ça me blesse personnellement.
M. Marcotte: Définitivement, mais ça fait partie
des oeuvres de charité au niveau des gouvernements.
M. Boulerice: Voilà. Vous parlez de cette formule
d'appariement, mais très spécifiquement chez vous, là,
est-ce que ça a été un grand succès, ça vous
a énormément aidé ou vous avez plus ou moins...
M. Marcotte: Je n'étais pas au conseil d'administration
durant cette période-là. Je ne sais pas de quelle façon
ça a pu fonctionner, l'appariement.
M. Couture: Malheureusement, je n'étais pas au conseil
d'administration non plus à cette époque-là. Mais cette
formule d'appariement a duré combien de temps? Elle n'existe plus depuis
quand même quelques années.
M. Boulerice: Ça a été abandonné il y
a deux ou trois ans, je crois.
Une voix: Plus que ça, je crois.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M.
le député.
M. Boulerice: On pourrait présumer... La majorité
des organismes nous a dit que ça avait été une formule
intéressante, donc on peut présumer que, pour l'Orchestre
symphonique de Québec, ce n'était pas à
dédaigner.
Mme Laplante: Si vous me permettez, M. le député,
on pourrait ajouter que, comme, dans notre budget global, nos subventions
privées sont passées de 8 % à 20 %, si on avait eu
l'appariement, simplement, ça aurait été bien.
M. Boulerice: Je me suis demandé quand vous étiez
pour le dire.
Le Président (M. Doyon): Quelques mots de remerciement, M.
le député.
M. Boulerice: Bien, j'aurais aimé vous parler du Domaine
Forget, mais le président est obligé de jouer son rôle
même si c'est quelquefois très ingrat. Je connais son attachement
pour l'Orchestre symphonique de Québec. Tout simplement, je vous
remercie de votre présence, et l'idée d'en faire une institution
nationale m'apparaît fort à propos, compte tenu que c'est
l'orchestre de la capitale.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (10 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon
collègue aussi pour vous remercier. La semaine dernière, on a eu,
justement, votre plan de développement. On travaille de toute
façon avec vous, ainsi que la Communauté urbaine de
Québec, pour impliquer aussi les autres partenaires d'État, et
cette idée de classification revient régulièrement. Alors,
évidemment, ça va entrer aussi dans notre ordre de
priorité. Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, vous me permettrez, au nom
de la commission, de vous remercier et de vous dire que vous conservez l'appui
qui est le vôtre auprès des députés de la
région de Québec. J'arrive d'un voyage en Autriche où j'ai
vu que la solution des institutions nationales, vraiment, non seulement pouvait
servir de solution permanente à des problèmes qui sont,
justement, permanents, mais avait un effet d'entraînement qui faisait que
ces grandes institutions là servaient d'étalon de mesure, avaient
un effet d'entraînement à la grandeur du pays et que, de la
même façon qu'on ne remet pas en question nos universités,
qu'on ne remet pas en question nos écoles et nos hôpitaux, d'avoir
des institutions nationales bien définies, bien ciblées, bien
évaluées, c'était une façon de résoudre de
façon permanente le problème, sans rien enlever à
d'autres. Et, de ce côté-là, je pense que la piste de
solution que vous avez élaborée mérite d'être
explorée, et comptez sur nous pour en reparler entre nous. Bravo,
félicitations, merci beaucoup.
Alors, maintenant c'est le temps de recevoir, avec un peu de retard,
malheureusement, Héritage Montréal. Je les invite à
prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Ils sont ici depuis le
début de nos travaux ce matin. Je ne répète pas la
façon dont nous procédons. Ils la connaissent. Nous sommes
prêts à vous écouter dès maintenant. Je vous
souhaite la plus cordiale des bienvenues. Soyez bien à l'aise;
veuillez
vous présenter et, tout de suite après, commencer la
lecture ou le résumé de votre rapport, comme il vous plaira.
Héritage Montréal
M. Bumbaru (Dinu): M. le Président, je suis Dinu Bumbaru,
directeur général d'Héritage Montréal. Notre
président, M. Forget, qui devait se présenter aujourd'hui, est
malheureusement retenu à Montréal pour des raisons de
santé. J'agirai en son nom et au nom du conseil d'administration qui est
également représenté par M. Gérard Beaudet, ici
présent, qui est membre de notre conseil.
Le Président (M. Doyon): Alors, très bien, nous
écoutons et nous espérons que M. Forget se remettra
rapidement.
M. Bumbaru: Ça dépend de la température, et
ce n'est pas dû pour s'améliorer.
Le Président (M. Doyon): Ça ira au printemps.
M. Bumbaru: C'est ça, on peut prendre rendez-vous
déjà. M. le Président, Mme la ministre, membres de la
commission, Mme la sous-ministre également, nous tenons tout d'abord
à remercier la commission de nous avoir invités à venir
présenter. Enfin, inutile de souligner notre intérêt pour
ce type d'action, de travail, dois-je dire, qui s'instaure au niveau de
l'ensemble du gouvernement et donc de la société
québécoise. Je pense que je traduis bien l'opinion de notre
conseil en voyant là-dedans un geste qui est important, et c'est
à ce titre que nous désirons participer de façon à
le rendre non seulement important, mais également utile. Dans notre cas,
on parle de politique de la culture et des arts. Nous voyons là-dedans
l'objet de discuter plus particulièrement de notre champ d'intervention,
qui est mentionné à quelques reprises dans le document. Il s'agit
du patrimoine, de l'environnement bâti. Il s'agit, essentiellement, du
paysage culturel à l'intérieur duquel évolue la
société québécoise. Et qu'il s'agisse de milieu
urbain, qu'il s'agisse de milieu rural, c'est donc sur l'ensemble de cet
élément, qui est un acquis mais également la source d'un
développement futur, que nous avons fait porter notre mémoire.
Tout le monde a eu copie de ce document. Je ne m'attarderai pas à le
résumer ou à le relire en public, mais simplement à faire
ressortir quelques points.
La notion de patrimoine, dans notre cas, dépasse de loin celle
qui est présentée dans le rapport et nous devons admettre avoir
réagi assez fortement au document qui a été soumis. On
emploiera le terme "rapport Arpin"; dans notre cas, il ne s'agit pas d'attaquer
personnellement M. Arpin ou le groupe qui a travaillé sur ce document
mais bien de voir, dans les lacunes de ce document, un élément un
peu symptoma-tique d'une situation qui devrait être modifiée et
d'une situation qui devrait être modifiée pour le meilleur, sinon
je pense qu'on aura à faire face à des pertes de plus en plus
sévères non seulement au niveau du patrimoine, mais
également au niveau culturel sur l'ensemble du Québec.
"Patrimoine", dans le rapport, est identifié comme étant... par
certains éléments, est perçu comme un
élément humaniste faisant partie de ce paysage culturel, mais
trop souvent identifié comme étant un stock d'objets.
Essentiellement, c'est d'une collection muséale qu'on parle. Il y a une
référence qui est assez impressionnante à la page 264 de
la version 2, de la deuxième impression du document, qui identifie le
patrimoine comme étant... On pose la question: Doit-on garder deux,
trois, cinq maisons victoriennes? Quelque chose comme ça. À cet
égard, on se trouve à effectuer une régression, à
notre avis, par rapport à l'ensemble du discours sur le patrimoine, et
ce, non seulement dans une société évoluée comme la
société québécoise, mais même dans des pays
en voie de développement où on était déjà
beaucoup plus loin que ce genre de discours là, qu'on parle de
l'Amérique latine, de l'Afrique, de l'Asie, de l'Europe, enfin les
notions d'inventaire sont déjà dépassées dans la
pratique et dans la conception culturelle du patrimoine.
Ce n'est donc pas à titre d'organisme que nous sommes ici mais
beaucoup plus par rapport à cette cause dont nous nous sommes fait,
depuis 1975, les défenseurs à Montréal. On est
arrivé de Montréal ce matin et nous sommes passés par le
centre commercial qui est à côté, ici, du Parlement pour
profiter, en fait un peu par hasard, d'une exposition, justement, sur le
thème du patrimoine, exposition fort intéressante où on
voyait un paquet de choses. Notamment, on voyait un article sur la
démolition de la maison Van Horn qui est un peu à la source de
l'action d'un organisme comme le nôtre. Et les organismes comme le
nôtre ne sont pas seuls. Il n'y a pas qu'Héritage Montréal.
On a identifié plusieurs centaines d'organismes semblables à
travers la région montréalaise, à travers le territoire
québécois et c'est un peu à titre de participants à
ce mouvement que nous sommes ici.
Dans cet esprit, nous devons... J'ai mentionné notre action face
à la définition du patrimoine dans le rapport. Cette
réaction est également une réaction face à
l'espèce de, enfin, j'emploierais quasiment le terme usurpation que le
rapport représente par rapport à la notion de politique
culturelle, politique de la culture. Une politique de la culture est un
document, est une institution, est un document de référence
similaire à un énoncé des droits de la personne et c'est
un document fondamental pour une société. Par contre, le rapport
en tant que tel utilise le
prestige et la nécessité qu'impose ce terme pour
essentiellement traiter d'industrie des arts ou d'aspects très
particuliers de la culture. La vision globale est présente dans les
premières pages du rapport, enfin la préface du président
du groupe, M. Arpin, est très encourageante lorsqu'il parie
d'intégrer la culture au même titre que l'économique et le
social parmi les préoccupations fondamentales d'une
société, mais, malheureusement, il n'y a pas de réflexion,
de reflet de cela dans le reste du document.
En fait, dans cet esprit, nous voyons la nécessité d'une
stratégie avec une hiérarchie des politiques et des documents de
référence: la culture en premier lieu, en second lieu les arts,
la culture - je ne dirais pas la culture industrielle mais les industries
culturelles - également le patrimoine, des documents qui devraient
suivre dans une séquence ordonnée et stratégique de
façon à orienter les choix mais également à
orienter le développement.
Une politique de la culture est avant tout un document pour tout le
gouvernement et on souligne à plusieurs reprises dans notre
mémoire l'importance d'orienter l'ensemble de l'action gouvernementale
par rapport à une préoccupation, comme la préoccupation
culturelle, plutôt que d'en faire un document uniquement à
l'égard du ministère des Affaires culturelles. On a parlé
tantôt d'investissements, on a parlé de subventions, etc., qui
sont des choses essentielles. Enfin, il ne faut pas voir dans notre
présentation un rejet des autres champs mais, au contraire, une
nécessité d'articuler l'ensemble de ces préoccupations.
Malheureusement, le rapport est très timide à cet égard et
nous croyons qu'il y a une nécessité d'avoir justement un reflet
de la nature universelle de la culture dans une politique culturelle. Comme la
langue s'utilise dans tous les ministères, pourquoi la culture ne
devrait-elle pas faire partie des préoccupations de l'ensemble du
gouvernement plutôt que d'être, finalement, le dernier bastion sur
lequel le ministère des Affaires culturelles devra se replier en cas de
désagrégation de la préoccupation?
En dernier lieu, je dois souligner un élément qui nous est
apparu fort préoccupant dans le rapport, à savoir une certaine
hiérarchisation sur le territoire de notions comme le patrimoine. On
identifie facilement le patrimoine à Québec, à la vieille
capitale qui est certainement un lieu important, d'ailleurs il a
été reconnu par l'UNESCO à ce titre, mais nous croyons que
le patrimoine n'est pas un phénomène uniquement localisé
dans la Sainte Trinité à laquelle on fait référence
dans notre mémoire, à savoir le Vieux-Québec, 111e
d'Orléans et la Côte-de-Beaupré. Il y a une diffusion qui
doit être réalisée de façon à sensibiliser
tous les citoyens par rapport à ce qui est leur propre identité
à travers toutes les régions du Québec, mais
également une intervention à prévoir dans le sens de
valoriser et de responsabiliser égale- ment les gens.
Un document, tel que celui qui est présenté,
représente, avec ce genre d'élément, beaucoup plus une
vision de culture gouvernementale plutôt qu'une politique de la culture
dans ce sens. Notre point de départ par rapport à la notion de
patrimoine et d'environnement bâti, c'est que la culture est le fait, en
premier lieu, de chacun des individus et de chacune des personnes qui
constituent une société et non pas uniquement le fait des
institutions qui gèrent la culture - et, par les institutions, j'entends
aussi bien les ministères que les musées, que les
bibliothèques, que les galeries d'art ou les organismes faisant partie
du groupe des industries culturelles - mais c'est également le fait de
chacune des personnes, enfin les entreprises commerciales qui saccagent les
centres-villes, les entreprises industrielles qui imposent des modes de
développement qu'on commence à peine à commenter, à
évaluer sur le plan environnemental, devraient également
être responsables au point de vue culturel de leurs impacts.
Ce sont des éléments qui constituent, grosso modo, notre
présentation, les points forts et je crois, enfin, que, pour faciliter
la gestion de la présentation, il serait à propos de remettre la
parole à la commission. Nous sommes prêts à répondre
à vos questions à cet égard et nous nous excusons si, avec
le temps, nous apportons d'autres points un petit peu indépendants par
la suite. Merci.
Le Président (M. Khelfa): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bumbaru. Merci et bonjour, M.
Beaudet. Je vous remercie d'être venus ici à la commission. En
fait, vous différez des autres intervenants dans un sens où vous
avez une vision, comparativement à d'autres, qui est pessimiste. Et
là, dites-moi si je me trompe, mais qui semble pessimiste en ce qui a
été fait en matière de patrimoine. Et votre conception de
patrimoine est extrêmement large aussi. Par contre, en même temps,
vous êtes réticents au niveau de l'implication des
municipalités. Je vais fouiller un peu dans... Parce qu'on a vu le
mémoire, évidemment, avant, comme vous l'avez dit, et j'aimerais
qu'on se parle un peu de ça. C'est que, d'un côté, votre
définition du patrimoine est très englobante, mais, d'un autre
côté, on en parlait tantôt dans un autre secteur,
malheureusement, il faut faire des choix et des priorités. Donc, dans ce
contexte-là, j'aimerais savoir de votre part si vous établissez
un ordre de priorités versus les problèmes auxquels on doit faire
face. (10 h 45)
M. Bumbaru: Peut-être que la première
priorité c'est d'avoir justement cette ligne directrice qui devrait
traverser l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Il y a beaucoup
d'interventions qui pourraient facilement être positives au lieu
d'être négatives et je ne voudrais pas présenter... Enfin,
notre opinion n'est pas pessimiste parce que, avant tout, la notion de
conservation est une notion optimiste. Nous croyons dans ce qui a
été réalisé et nous croyons dans ce qui peut
être réalisé. C'est un peu le "motto" de notre travail en
matière de conservation du patrimoine. Cependant, nous croyons qu'il y a
beaucoup d'actions qui sont malheureusement négatives par manque de
compétence, simplement par manque de sensibilité. Quand on passe
une autoroute dans un village, par exemple, ça pourrait être plus
facile d'essayer de dialoguer, de voir un peu à planifier les choses
facilement. Ceci n'implique pas nécessairement de votre part un
investissement énorme; dans un premier temps, il s'agit de coordonner,
il s'agit d'articuler. Au lieu d'avoir un gouvernement qui soit fait d'une
série de duchés qui sont en lutte continuelle les uns contre les
autres, peut-être avoir une espèce d'harmonisation interne qui
pourrait être non seulement profitable pour le patrimoine mais
également exemplaire. N'oublions pas que vous avez à appliquer
une loi sur les propriétés privées, sur les droits
individuels, et on constate que les gens qui appliquent les lois ou qui
imposent finalement des restrictions aux droits individuels ne sont pas en
mesure de représenter une position exemplaire à cet égard.
Je pense qu'en termes de priorités, ça serait déjà
une réussite énorme que d'atteindre ce genre de chose là.
Je passerais la parole à M. Beaudet qui pourrait peut-être...
Mme Frulla-Hébert: Je veux juste mettre...
M. Bumbaru: Oui.
Mme Frulla-Hébert:... peut-être pour éclairer
un peu notre discussion. Vous savez que, dans les années soixante-dix,
le ministère était extrêmement présent au niveau du
patrimoine, au point où on en était... Là, on parle de
dirigisme; on en faisait au niveau des municipalités jusqu'au
début des années quatre-vingt où, là, les
municipalités faisaient pression pour avoir plus d'autonomie. Alors,
honnêtement, on se faisait sortir à coups de pied.
M. Bumbaru: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Donc, d'un autre côté, il
a fallu, finalement, faire beaucoup plus d'incitations, et de là la loi,
en disant que les municipalités devenaient partenaires tout en
étant présentes, mais en embarquant aussi des
municipalités avec nous. Et ça, vous semblez très
réticents aussi là-dessus. Mais seulement pour vous dire que
c'est une espèce de retour des choses parce qu'on l'a fait,
ça.
M. Bumbaru: Je pense qu'il y a une question de perception par
rapport à notre mémoire dans ce cas-ci. Ce n'est pas une
réticence.
Mme Frulla-Hébert: Bien non. C'est ça que je
voulais savoir, au niveau des municipalités et tout ça, juste
pour fins de discussion parce que c'est important au niveau de leur
implication, au niveau...
M. Bumbaru: Tout à fait.
Mme Frulla-Hébert:... du patrimoine, ce que vous
vivez.
M. Bumbaru: Pour nous, il est important d'avoir des
préoccupations qui soient absolues, autant que des préoccupations
qui soient relatives au contexte local. Dans ce cas-là, il y a une
responsabilité qui incombe à une société, à
un gouvernement d'envergure nationale comme le gouvernement
québécois. Mais ça n'empêche pas qu'il doive y avoir
également une relation plus proche entre une population et l'application
des outils. Maintenant, vous savez comme moi que, dans un milieu où il y
a... Disons que le ministère peut jouer un rôle de
référence peut-être beaucoup plus important qu'un
rôle d'acteur à ce niveau-là. Si nous avons une
réticence ou si on peut percevoir une réticence, c'est beaucoup
plus au fait que vous parlez de partenariat, alors que, dans la
réalité, on voit beaucoup plus un transfert, un dégagement
du ministère par rapport à la question. C'est une connotation de
ce...
Mme Frulla-Hébert:... au niveau des
municipalités.
Le Président (M. Khelfa)): M. Beaudet... M. Beaudet
(Gérard): Oui.
Le Président (M. Khelfa):... veuillez
compléter.
M. Beaudet: Oui. D'abord, je vous dirais qu'il y a
peut-être un certain pessimisme qui est un pessimisme notamment de
terrain. Il faut parcourir le Québec et voir l'état
déplorable dans lequel est le paysage bâti du Québec; c'est
en train de se généraliser. Il faut faire référence
aussi à des constats qui sont faits par des gens qui ne sont pas des
spécialistes en patrimoine. Quand les agriculteurs, lors de leurs
états généraux, ont tenu à rappeler à
l'ensemble des intervenants gouvernementaux que la majorité des paysages
culturels que les touristes fréquentent, que les touristes
apprécient, ce sont les agriculteurs qui les ont façonnés,
ce sont les agriculteurs qui les entretiennent et qu'on est en train d'assister
au déclin de vastes régions, de régions complètes
au Québec, c'est, finalement, une part importante d'un patrimoine qui
est en
train de disparaître parce qu'il n'y a plus de forces vives pour
le soutenir. Et ça, ça alimente évidemment le pessimisme,
et, pour être de ceux qui fréquentent la majorité des
régions du Québec pour y travailler dans le domaine du
patrimoine, il n'y a rien de particulièrement encourageant. Il fallait
entendre récemment Jacques Folch-Ribas parler justement de la
banalisation du paysage bâti et aménagé du Québec
pour réaliser à quel point on est loin du compte.
C'est-à-dire que le nombre d'exemples à citer est peut-être
très intéressant, mais il l'est à la condition qu'on cadre
très serré sur cet exemple-là et qu'on oublie le reste.
Juste en passant, je signalerai que, dans "Les Chemins de la mémoire",
un bon nombre de bâtiments qui sont des monuments historiques
classés ou reconnus ne sont représentés que par des photos
anciennes, parce que, dans certains cas, ça aurait été
très gênant de montrer l'état actuel du bâtiment. Et
ça, malheureusement, il faut le constater.
D'autre part, il y a d'autres sources qui alimentent le pessimisme.
Quand, au tableau 17 du document, on voit que le budget accordé au
patrimoine historique, archéologique et naturel, qui est en pleine
expansion, le nombre de bâtiments reconnus ou classés a
augmenté avec les années, que ce budget-là qui
représentait 7,74 % de l'enveloppe totale est passé à 4,3
%, et qu'en valeur absolue, sans tenir compte de l'inflation, c'est une
diminution nette de 15,6 %, il y a là une préoccupation, parce
que ce budget-là a trait spécifiquement a une
responsabilité du ministère des Affaires culturelles, et non pas
des municipalités, que d'autres devraient assumer de concert.
Pour ce qui est des autres organismes qui devraient assumer de concert,
effectivement, les municipalités ont un rôle clé à
jouer. Et je dirais même que, dans la plupart des cas, le rôle
essentiel sera probablement joué au cours des années par les
municipalités régionales de comté, dont certaines ont fait
preuve d'une très belle originalité dans leur traitement non
seulement du patrimoine mais même, dans certains cas, de la culture, sauf
que ce qu'il faut voir, c'est que le désistement plus ou moins formel du
ministère a créé un vacuum que ces organismes-là ne
sont pas en mesure, pour la plupart, d'assumer présentement. Puis
certaines municipalités le font très, très bien. Je
pourrais vous en citer: Terre-bonne, Boucherville, Longueuil qui commence,
Montréal, Québec, évidemment. Mais un bon nombre d'autres
municipalités n'ont saisi l'occasion que pour se donner bonne
conscience. Compte tenu que, notamment, la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme les obligeait à identifier le patrimoine, le paysage
culturel, beaucoup de ces organismes-là ont conclu des ententes avec le
ministère, ont fait des études qui ont été
tablettées, même souvent avant d'avoir été
complétées, parce que ces organismes-là n'assument pas les
conséquences d'une prise en charge d'un patrimoine que l'État ne
peut plus prendre à ce niveau-là.
Et, pour beaucoup de municipalités, il est tout à fait
dans la logique des choses de circonscrire dans un plan d'urbanisme le noyau
traditionnel comme zone de patrimoine d'exception et, en même temps,
d'émettre tous les permis qu'il faut, à tous les promoteurs qu'il
faut, pour vider le vieux noyau de toute ses activités vives, de toutes
ses forces vives. Et, on se retrouve avec des centres anciens en déclin,
à l'intérieur desquels on a peu d'activités pour maintenir
justement... Et, comme l'époque des coquilles qu'on a connue il y a 15,
20 ans, où on pouvait se permettre de restaurer des coquilles sans avoir
de fonction, est révolue et révolue probablement à tout
jamais, évidemment, ça cause des problèmes de taille.
Parce qu'une vieille maison, on peut toujours la placarder, un vieux
centre-ville abandonné, ça se placarde très, très
mal. Il y a des problèmes majeurs. Je vous citerais des cas comme
Sherbrooke, comme Chicoutimi, où c'est des problèmes urbains,
mais c'est des problèmes urbains qui compromettent un patrimoine majeur,
un patrimoine d'une richesse inouïe, mais qui est très
sérieusement compromis au moment où on se parle.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaudet. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Merci, M. le Président. M. Bumbaru, M.
Beaudet, je m'en voudrais en ce tout début d'intervention, de ne pas
vous féliciter pour l'extraordinaire travail qu'Héritage
Montréal fait - c'est non pas le député mais le citoyen de
Montréal qui vous parle - notamment pour toute cette série de
visites que vous organisez régulièrement, l'abondante
documentation que vous produisez à chaque année.
Ma première question. Vous déplorez, dans votre
mémoire, le caractère passéiste du secteur du patrimoine
qui est proposé dans le rapport Arpin. Tantôt, on vous a dit que
votre conception du patrimoine était très globale, mais je pense
que c'est la conception la plus appropriée maintenant. Le patrimoine
n'est plus que la maison historique, c'est végétal, animal,
industriel, c'est tout. Donc, votre vision n'est pas globale, mais ceci dit,
compte tenu du caractère dit passéiste, comme vous dites, quels
devraient être, d'après vous, les fondements d'une politique du
patrimoine au Québec?
M. Beaudet: Bon, je pense qu'au point de départ,
l'énoncé d'un préjugé éminemment favorable
pour le patrimoine, et un énoncé d'État, et non pas un
énoncé d'un ministère ou d'un organisme à
l'intérieur du ministère, serait un acquis de taille.
Entre autres, juste pour vous donner un exemple, quand on mentionne les
organismes ou les autres ministères auxquels le ministère des
Affaires culturelles devrait s'adresser pour assurer une certaine
coordination de l'action gouvernementale, il se trouve, comme par hasard, qu'il
n'y a aucun organisme bâtisseur ou équipeur, à l'exception
du ministère des Transports où, là, on ne leur
confère que le rôle d'organismes qui affichent le patrimoine. Or,
on sait qu'une grande partie du saccage du patrimoine se fait par l'État
directement, par des ministères équipeurs, des ministères
qui ont des implications directes sur le territoire et qui ont des ressources
parfois considérables qui pourraient être mises à
contribution, avec une coloration patrimoniale. On ne demande pas que le
ministère des Affaires culturelles soit en charge de tout ça,
mais qu'il y ait une espèce de coordination qui fasse suite à une
préjugé favorable, lequel préjugé devrait
être suivi. Et le ministère aurait le rôle, justement, de
chien de garde à l'égard de ce préjugé-là.
Juste pour vous donner un exemple. Est-ce qu'il est acceptable et normal que la
SEPAQ trouve les moyens d'investir 1 500 000 $ pour une
télécabine sur le site historique de Val-Jalbert et qu'en
même temps la plupart des bâtiments du site restaurés il y a
20 ans soient déjà en train de s'endommager, à l'exception
de trois ou quatre belles pièces situées au coeur même du
site, et que l'usine, la pulperie, soit absolument sans aucun concept
d'interprétation? Même la maquette, qui a dû coûter
une petite fortune, n'est pas en état de fonctionnement depuis
très longtemps.
Or, on a trouvé les moyens d'installer une
télécabine de 1 500 000 $. Je n'ai rien contre la
télécabine, surtout si ça attire davantage de monde, mais
est-ce qu'on ne pourrait pas s'assurer que, dans ces cas-là, on puisse
profiter du fait qu'il y ait un investissement de cette nature-là par un
organisme qui n'a pas une vocation patrimoniale, pour au moins s'assurer qu'il
y ait des retombées à incidence patrimoniale d'un geste comme
celui-là et que ce ne soit pas un geste complètement
déconnecté du site qui a été la raison d'être
d'une intervention de l'État à un moment donné? Donc,
s'assurer, par un préjugé favorable, qu'il y ait cette
espèce de coordination là.
M. Boulerice: Oui, je sais qu'il y a eu certains saccages, M.
Beaudet. D'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez donné des
exemples un peu tristes, dont un, sans doute, qui va toucher Mgr Hubert, qui
nous fait le plaisir d'être avec nous aujourd'hui, qui est mont
Saint-Gabriel à Saint-Bruno, une école que j'ai dû
administrer à une autre époque.
Certains ont avancé, et j'ai été parmi ceux-ci, la
création d'une société des biens culturels, des biens et
sites culturels, qui serait un organisme qui aurait les pouvoirs du
ministère mais qui serait indépendant du ministère, et qui
aurait justement pour fonction de tout gérer cet ensemble avec un
pouvoir décisionnel, et qui serait tenu de s'adjoindre les
personnes-ressources nécessaires, d'une part.
Par contre, cette société aurait des antennes
régionales, puisque le patrimoine n'est pas que dans deux ou trois
villes, il est partout sur l'ensemble du territoire, et pourrait même
agir, lorsqu'elle le jugerait à propos, dans l'intérêt
d'une politique de protection, de valorisation du patrimoine, prendre une
décision, même si le propriétaire est d'avis contraire. Que
pensez-vous d'une telle approche?
M. Beaudet: Bon. Je pense qu'il faut faire la part des choses
entre des catégories de patrimoine. Je pense qu'il y a une
catégorie de patrimoine qu'on peut dire nationale, qui relève
effectivement de l'État et de structures qui peuvent être mises en
place par cet État-là pour gérer ou pour s'impliquer -
à partir du moment où ça ne devient pas une
propriété d'État - dans ces dossiers-là. Le
problème, c'est que la notion de patrimoine ayant éclaté
de manière considérable, le champ patrimonial n'est plus à
la mesure de l'État. Et, dans ce sens-là, ce qu'il faut trouver
le moyen de faire, c'est d'aider tous les organismes du milieu à prendre
en charge la part du patrimoine qui n'est pas dite nationale.
Et je pense à un organisme comme le Fonds du patrimoine estrien,
qui investit, qui acquiert des propriétés, les remet en
état et les retourne sur le marché. Or, ces organismes-là,
pour toutes sortes de raisons, dont un manque de tradition très
évident au Québec, ont beaucoup de difficultés à
fonctionner, et c'est comme ça dans à peu près tous les
milieux. Il y a beaucoup de ressources dans les milieux disponibles, des
ressources humaines, j'entend. Les ressources financières, c'est un
autre problème. Il faudrait trouver un moyen pour que ces gens-là
puissent justement mettre en oeuvre toutes les énergies qu'ils ont
à consacrer à la cause du patrimoine.
Il y a des exemples ailleurs. On pense, entre autres, au littoral de la
Grande-Bretagne qui a été sauvé par des trusts. Ce n'est
pas l'État, ce sont des trusts qui ont sauvé l'ensemble du
littoral qui est préservé en Grande-Bretagne. Donc, les formules
existent, il s'agit essentiellement de leur donner les moyens.
Et je reviens, entre autres, sur ce que je mentionnais tout à
l'heure, les municipalités et les municipalités régionales
de comté sont évidemment des partenaires, sauf qu'il faudrait
agir, dans certains cas, avec discernement. C'est-à-dire qu'il faudrait
que ces gens-là fassent la preuve qu'ils livrent la marchandise. C'est
bien beau de signer un protocole à 50-50 ou à 10-90, mais il
faudrait que ces gens-là fassent la preuve que ce n'est pas seulement
pour se donner bonne conscience face aux intervenants du monde du patrimoine.
Or, présentement, c'est trop souvent le cas. (11 heures)
Évidemment, ça arrange tout le monde de pouvoir dire: On a
fait ce qu'on avait à faire, n'en demandez pas plus. Il faudrait
s'assurer qu'il y ait une espèce de continuité et,
évidemment, privilégier ceux qui sont les plus dynamiques et qui
font preuve, entre autres, d'originalité; qui font la preuve d'un
certain impact, dans leur milieu, sur le patrimoine. Parce que le champ qui
échappe à l'État présentement, en termes
d'importance et d'étendue, est beaucoup plus considérable que le
champ traditionnel dont s'est occupé l'État. Et c'est
celui-là qui pose surtout problème parce que le bel
élément est rendu isolé dans une masse de choses quasi
innommables dans certains cas.
M. Boulerice: Comme dernière question dans cette
foulée, quel bilan faites-vous des ententes intervenues entre le
ministère et la ville de
Montréal pour la préservation et la mise en valeur du
Vieux-Montréal?
M. Bumbaru: La formule de l'entente partagée nous
apparaît fort intéressante parce qu'elle définit ce
partenariat. Par contre, dans les faits, il faut voir qu'il s'agit... La
question qui se pose est: Quels sont les principes sous-jacents? Qu'on parle de
patrimoine, qu'on parle de culture, on parle également de principes qui
sont plus fondamentaux, de choses qui ne sont pas tout à fait
quantifiâmes autant que quali-fiables. Ces ententes posent souvent
problème. Nous, à titre d'observateurs, on est appelés
à regarder les deux en train de se battre constamment sur des objets
qui, pour nous, Montréalais, apparaissent comme des objets importants.
Alors, les préoccupations de l'un et de l'autre ne sont pas toujours
harmonisées dans le sens commun de la conservation. Je prends le cas de
Montréal parce que vous nous avez posé la question, mais c'est
également celui qu'on connaît de plus près. On peut
supposer que la chose est présente ailleurs.
Quelle est la définition de la conservation du patrimoine ou de
la mise en valeur? Vous nous demandiez tout à l'heure quelle
était la marge à donner à notre champ élargi du
patrimoine. On peut peut-être renvoyer la question par rapport à
celle de la conservation et de la mise en valeur. Le rapport ne pose pas ce
genre de questions là non plus. Il manque de points de
référence qui pourraient être éventuellement
développés par une institution comme vous la décrivez mais
qui devrait avoir un rôle un peu d'ombudsman, d'une certaine
façon, rôle qui pourrait être étendu à
l'ensemble du champ culturel plutôt que de le spécifier uniquement
au patrimoine, mais ce n'est pas possible faute d'objet, de principes et de
documents de référence. En juillet dernier, il y avait ici
même, à Québec, une réunion des cités du
patrimoine mondial où furent présentés des documents qui
présentaient une innovation dans le sens qu'ils proposaient ce genre
d'outils. Il y aurait peut-être intérêt à ce que le
ministère qui, déjà, a produit un document sur les
principes de restauration à l'occasion de ce colloque, amorce et conclue
également une réflexion dans ce sens. On sait qu'il y a une
politique du patrimoine qui est dans les airs depuis saecula saeculorum, depuis
longtemps. Il y aurait peut-être intérêt à mener ce
travail à terme dans un engrenage et une articulation avec une politique
de la culture.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bumbaru. M. le
député, un mot de remerciement, si vous le voulez.
M. Boulerice: Merci. Je pense que le débat est ouvert. Il
ne se termine pas ici par la fin de votre présentation. Je pense que le
sujet va courir dans l'espoir qu'on arrête une politique bien ferme
là-dessus. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Beaudet et M.
Bumbaru. Effectivement, il y aurait d'autres questions qu'on aurait voulu vous
poser sur le développement du Vieux-Montréal, approfondir au
niveau des municipalités, la part du fédéral aussi, ce qui
fait que, comme le disait mon collègue, et il a raison là-dessus,
on est ici pour ouvrir la discussion et ouvrir les sujets. Nous allons
évidemment approfondir certains autres sujets après. Je pense
qu'on peut compter sur votre collaboration.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, je tiens à vous remercier, M. Beaudet et M. Bumbaru, pour la
présentation ainsi que pour le temps que vous avez bien voulu nous
consacrer. Merci beaucoup. Bon retour à Montréal.
Maintenant, l'heure est venue d'inviter les représentants de
l'Assemblée des évêques du Québec à bien
vouloir s'avancer et prendre place en avant.
À l'ordre! Mes premiers mots seront pour souhaiter la bienvenue
à nos invités qui sont ici depuis le début, je pense. Ils
savent comment nous procédons. On ne prendra pas de temps pour expliquer
ça à nouveau. Les mots de bienvenue étant
déjà dits, je les invite à faire leur présentation
pour une quinzaine de minutes et ensuite la discussion va s'engager avec les
membres de la commission. Vous avez donc la parole après les
présentations d'usage.
Assemblée des évêques du
Québec
M. Hubert (Bernard): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames, messieurs, ce n'est pas fréquent que l'Assemblée des
évêques du Québec se présente en commission
parlementaire. Bien
qu'intéressés à tous les projets de loi du
Québec, les évêques laissent les autres membres de
l'Église apporter leur point de vue, leur expertise, leur
compétence sur les lois qui sont en discussion. Mais quand on
évoque la culture, on parle de l'âme d'un peuple. Quand on veut
promouvoir l'art, on veut que des lieux de transcendance soient plus
accessibles.
À ce titre-là les évêques du Québec se
sentent très concernés par l'avenir de la culture et des arts au
Québec. C'est dans ce contexte que nous avons préparé un
mémoire et, pour le défendre, pour le présenter, je suis
heureux d'être accompagné ce matin de Mme Maryvonne Kendergi,
musicologue, professeure émérite de l'Université de
Montréal, et de M. André Beau-champ, du Centre justice et foi de
Montréal, centre avec lequel l'Assemblée des évêques
du Québec a préparé ce mémoire.
Je souligne que c'est un document qui est parrainé par le
comité exécutif de l'Assemblée et non pas par l'ensemble
de l'Assemblée puisque les temps ne nous permettaient pas une
consultation de chaque membre.
Dans ce document, nous avons été impressionnés par
le succès remporté par le groupe-conseil de préparer un
instrument aussi intéressant en l'espace de quelques semaines, moins de
quatre mois. Un travail qui mérite, à notre point de vue, des
félicitations et l'expression de notre admiration.
En plus des points que nous avons soulignés dans notre
mémoire, nous relevons plusieurs affirmations fort intéressantes
et importantes pour l'avenir: l'importance de la formation culturelle à
l'école, la place du cadre culturel de vie - les représentants
d'Héritage Montréal tout à l'heure en ont fait état
- la responsabilité des municipalités dans la promotion et le
développement de la culture - nous sommes bien conscients que, dans ce
partage de responsabilités, dans ce partenariat, il peut y avoir des
tensions; peut-être les responsables municipaux craindront-ils qu'avec la
responsabilité vienne une charge financière importante - les
droits d'auteurs, la loi sur la culture.
Ce projet de donner au Québec une loi de la culture nous
paraît quelque chose de fondamental et nous partageons le point de vue du
groupe-conseil qui dit que ce devrait être là une mission
essentielle de l'État que de promouvoir la culture et le
développement des arts, d'en faire une priorité aussi importante
que celle de l'économie et du social, avec les conséquences que
cela comporte.
La culture doit être une trame essentielle du projet de
société que les Québécois ont sans cesse à
définir. Si, dans le passé, la religion a été un
élément de cohésion pour l'unité du Québec,
avec le pluralisme d'aujourd'hui, il faut regarder avec sérieux
l'hypothèse que ce soit la culture qui devienne le lieu des consensus du
Québec.
Nous sommes donc d'accord avec les trois finalités qui sont
mentionnées par le rapport Arpin: de développer le monde de la
culture et des arts, de favoriser l'accès de cette culture à tous
les Québécois et d'accroître l'efficacité dans le
service de l'État et de ses partenaires à l'égard de la
culture. Mais ces éléments positifs étant nommés,
nous voulons mettre en lumière certains silences du rapport Arpin,
quelques points qui nous font perplexité.
Le premier, c'est celui d'un silence sur la contribution passée,
actuelle et future des croyants à la culture du Québec. Notre
histoire a été façonnée par le christianisme. Notre
histoire n'a pas commencé en 1960. C'est toute la vie d'aujourd'hui qui
est imprégnée par les valeurs qui ont façonné le
passé: nos modes d'être, de penser, de vivre. Bien sûr que
le ministère des Affaires culturelles a commencé au début
des années soixante, mais il y avait de la culture auparavant. Du
côté de la peinture, Osias Leduc, Lyman, Roberts, Goodridge,
Borduas, Pellan, Dumouchel sont des gens qui ont travaillé avant 1960,
et je laissserai à Mme Kendergi le soin de parier de ce qui a pu se
faire en musique. Le théâtre, avec les Compagnons de
Saint-Laurent, mais une multitude de pièces qui ont permis à des
hommes et à des femmes de se cultiver et d'exprimer des aspirations
à travers les arts de ce temps-là. Nous avons donc
été déçus de voir qu'on ne faisait pas du tout
allusion à cela, comme si ça ne faisait pas partie de notre
héritage.
Pour vraiment bâtir l'avenir et comprendre le réel
d'aujourd'hui, il est nécessaire de connaître l'essentiel de ce
que nous avons vécu sur le plan culture chrétienne. En France,
après 90 ans de laïcisme, une enquête faite en juin dernier,
et qui a paru dans le prestigieux journal Le monde de l'éducation,
fait état que 60 % des Français demandent que, dans
l'école publique, en France, on introduise de nouveau l'histoire des
religions. Le syndicat général des instituteurs, assez connu pour
son militantisme, de même que la ligue de l'enseignement sont favorables
de façon explicite à ce qu'on apporte l'histoire des religions
dans le programme de culture des Français. Et on donne des exemples qui
sont succulents. Un élève a demandé à son
professeur: Le Carême, c'est quoi? Et pour l'aider à comprendre,
le professeur lui a répondu: C'est le Ramadan des catholiques. Et un
professeur de français pour expliquer "Les Fleurs du mal" de Baudelaire,
avec ce beau poème "Harmonie d'un soir", s'est aperçu que
l'inculture est totale, parce que Baudelaire fait rimer le mot "soir" avec
"encensoir", "reposoir", "Hostensoir". Ceux qui n'ont pas connu les processions
de la Fête-Dieu ne savent pas à quoi correspondent ces mots.
L'inculture, disent les Français, engendre l'intolérance.
Alors, lorsqu'au Québec on veut développer la culture pour
que le projet de société chez
nous soit harmonieux et permette aux Québécois et aux
Québécoises de s'exprimer et de vivre dans l'harmonie, de
créer, on ne peut pas faire l'économie de tout ce qui a
été les éléments de notre passé et de notre
héritage. Quand on coupe les racines, il n'y a plus de
créativité qui soit assurée pour le long terme. Il faut
aussi reconnaître que des croyants, il y en aura encore demain et que la
culture sera aussi marquée d'une façon fort différente de
celle du passé, de ce qu'on a connu, mais qu'elle sera aussi
imprégnée des valeurs que des croyants vont apporter dans leur
vie collective et dans l'expression des arts et de la culture.
Un autre silence nous a laissés perplexes. C'est celui de la
rencontre des diverses cultures qui sont présentes actuellement au
Québec: celles des autochtones, un mot en passant; celle des immigrants
qui sont venus avec une richesse et qui sont prêts à la partager
et qui ne s'en dépossèdent pas, à juste titre d'ailleurs.
Si l'on veut qu'il y ait paix sociale, qu'il y ait harmonie, il faut qu'il y
ait intégration des cultures. Il faut que l'on vise à ce que les
cultures qui se rencontrent soient le lieu d'un enrichissement mutuel. (11 h
15)
Enfin, un dernier silence, celui de l'accessibilité de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises à la
culture. Des intervenants qui sont passés avant nous ont parlé
des régions. Mme la ministre est d'ailleurs intervenue pour rapporter ce
point de vue là et faire écho à ce que d'autres
intervenants avaient dit de l'importance des régions. Nous souscrivons
à cette hypothèse que le Québec de demain ne sera
fécond et ne sera un lieu de paix et de fécondité que si
on ne s'arrête pas qu'à cultiver les grands centres de
Montréal et de Québec. Le rapport parle des centres, des
pôles, du développement culturel en parlant de Montréal,
qui est la métropole, de Québec, qui est la capitale, et de
l'ensemble régional sans trop s'attarder, détailler ce que veut
dire cet ensemble régional.
Une recommandation qui parle de vérifier la pertinence des
conseils régionaux de la culture nous permet de poser la question:
Est-ce qu'on compte que, dans les régions, les Québécois
et les Québécoises pourront non seulement être des
consommateurs mais continuer à être des créateurs, des
artistes, des gestionnaires de la culture? Non seulement il faut penser
à un Québec qui soit l'ensemble du territoire, bien sûr
avec des moyens qui sont proportionnés, avec des hiérarchies,
mais où il y a accessibilité de tous et de toutes aux services
que sont ceux de la culture.
On peut aussi poser la question de la place des pauvres dans
l'accessibilité à la culture. Le mémoire parle du prix
élevé parfois de l'entrée pour des spectacles, pour des
expositions, ce qui est un obstacle, un handicap pour les pauvres. Mais est-ce
qu'on est intéressé à leur donner à eux et elles
aussi des moyens de créer, de s'exprimer, de vraiment avoir droit
à faire la culture eux et elles aussi? Les industries culturelles sont
aux mains des élites. Est-ce que le développement de la culture
passe prioritairement, exclusivement par le développement des industries
culturelles ou si c'est l'ensemble de la culture qui doit être promu pour
que les industries puissent être rentables et avoir des gens
intéressés?
Je ne ferai pas la lecture des sept recommandations, vous les
connaissez. La pointe de notre mémoire, c'est de dire: Nous laissons
à la libre discussion, au jeu démocratique, le soin de
déterminer le partage des responsabilités entre les niveaux de
gouvernement, les priorités à mettre dans le concret. Une
politique est toujours faite d'éléments très concrets,
mais une politique doit reposer sur des assises qui sont solides, qui sont
stables. Ce qui nous interroge, c'est le silence sur les assises d'une
éventuelle politique de la culture et des arts au Québec et nous
souhaitons que des assises claires, qui sont en lien avec les silences que nous
avons explicités, soient présentes dans un énoncé
concernant la culture et la politique de la culture au Québec. Et nous
remercions, M. le Président, les membres de la commission de nous avoir
accueillis ce matin.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Monseigneur, M. Beauchamp, Mme
Kendergi. D'abord, bienvenue. C'est un grand plaisir pour nous de vous
accueillir. Il faut reconnaître la place que l'Église a
joué sur le plan culturel au Québec depuis son origine.
D'ailleurs, si on regarde la situation, près de 25 % des biens culturels
immobiliers protégés sont, finalement, associés au
patrimoine religieux, entre autres, sans compter toute la place au niveau de
l'éducation. Et il y a deux ou trois choses qui, finalement,
méritent un approfondissement, c'est d'abord la période avant
1960. Effectivement, on a touché 1960 jusqu'à 1980 parce que
c'est un peu l'époque à partir de l'époque de la
Révolution tranquille où, là, la culture, permettez-moi
l'expression, s'organise, les réseaux, etc. Mais parlez-moi un peu de ce
qui s'est passé aussi avant, de telle sorte qu'on va parler ensuite
d'accessibilité, parce que, évidemment, ça, c'est toujours
une question qui me préoccupe beaucoup, et aussi, ensuite de ça,
de révolution au niveau musical.
M. Hubert: Bon. J'ai fait allusion aux peintres. Je pourrais
nommer, du côté de la littérature, des romanciers dont on
parle peut-être moins mais qui ont été les pionniers et qui
ont été les auteurs que les romanciers d'aujourd'hui ont lu,
Robert Élie et les autres, en ce temps-là dans les années
cinquante. J'ai été
longtemps dans le monde de l'éducation dans un collège de
province à Valleyfield et nous avions, dans les années cinquante,
chaque année, un événement très important qui
s'appelait "La semaine de la culture". Ce n'était pas que pour les
étudiants du classique, c'était ouvert à la population
ouvrière de Valleyfield et c'était un événement
très important. Il y avait un souci. Ils n'avaient pas les moyens, mais
nous n'étions pas dans la préhistoire. Il s'est fait beaucoup de
choses qui sont des choses très humbles mais qui avaient beaucoup de
mérite et qui étaient enracinées dans le milieu. Moi, ce
qui me paraît important dans l'avenir, c'est que nous donnions beaucoup
d'allant aux artistes, aux créateurs, pour que le Québec soit
connu, soit apprécié, soit visité, soit aimé. Mais
tout cela ne pourra se faire que s'il y a un enracinement, que si la culture
savante est enracinée dans la culture populaire. Et cette culture
populaire elle est là dans nos façons de vivre. Moi, je viens
d'une famille qui est nombreuse; je peux vous dire que la table, c'est
très important chez mes frères et mes soeurs et chez moi. Qui
nous a donné le goût de la table? Ce ne sont pas des fins
restaurants très dispendieux, c'est ma famille, c'est ma mère qui
cuisinait. La façon de décorer... M. Beaudet, tout à
l'heure, d'Héritage Montréal, a parlé des villages. Bon,
il y a quelque chose dans le patrimoine québécois qui n'est pas
identifié à la culture savante, à des choses que l'on va
exprimer sur le plan international par une exposition, mais qui corresponde
à une richesse parce que c'est intégré à la
façon de vivre et de penser.
Je laisse à Mme Kendergi qui a une expérience... On le
sait, elle a travaillé beaucoup avant 1960 dans le monde de la musique.
Je lui laisse le soin d'apporter des exemples et M. Beauchamp, qui est un homme
qui a touché à plusieurs cordes, pourra aussi apporter des
exemples pour montrer comment, au fond, la culture, elle est là depuis
longtemps, sauf qu'il n'y avait pas de ministère des Affaires
culturelles, il n'y avait pas de moyens puissants, il n'y avait pas un
vouloir-vivre collectif par rapport à ça, mais il y avait une
réalité et c'est celle-là qui est le matériau le
plus important pour faire un énoncé de la politique et la
politique elle-même, je pense.
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Juste avant de vous
laisser la parole, parce qu'à partir de ça, justement, à
vous entendre parler - et c'est ce qu'on nous dit et ce qu'on va nous dire
même tantôt - c'est qu'effectivement on a donné une grande
poussée au niveau des industries culturelles, au niveau des grands
réseaux, des grands musées, bon, pour se doter de ces grosses
infrastructures, mais, encore une fois et en référence au
passé, est-ce que vous avez aussi l'impression qu'on a
délaissé la base même et la création pour
s'aventurer au niveau des indus- tries qui font travailler, etc. et qui donnent
un rayonnement international? Est-ce que c'est un peu ça? À vous
écouter parler, finalement, on dirait que c'est un petit peu ça
que je dénote, et je vais vous laisser...
M. Hubert: Oui, je vais être très bref et je
laisserai à M. Beauchamp le soin de parler de cette question-là.
Moi, la lecture du document, du rapport Arpin, je l'ai faite avec un crayon
à la main en entier. Ça me donne beaucoup l'impression que
l'avenir va passer par le développement des industries culturelles. Je
pense qu'en partie c'est vrai mais, si ce n'était que ça, on
verserait dans l'économisme.
Mme Kendergi (Maryvonne): On me donne la parole, sans attendre de
question. D'abord, je dois me permettre, en vous saluant, Mme la ministre et
MM. les membres de cette commission présents ici, de dire que ça
m'est un honneur de participer à cet exposé, en tant que femme,
en tant qu'aînée du septième âge, comme j'aime
à le dire, et en tant que Québécoise à part
entière, même si je ne suis pas née au Québec, ni
même de souche française puisque, ai-je besoin de vous le dire, je
suis Arménienne de naissance, née pendant le génocide de
1915.
La musicienne d'abord. Et permettez-moi de vous décevoir, je
voudrais insister sur autre chose, soit maintenant, soit après, mais
comme musicienne, oui, le passé de notre histoire de la musique au
Québec est important, parce que la musique, au Canada, a commencé
au Québec. Et ça, il ne faut pas l'oublier et il faut
peut-être plus que jamais le mettre en évidence. Ça
paraît peut-être drôle d'entendre cela de la bouche de
quelqu'un qui se consacre à la musique d'aujourd'hui sinon à
celle de demain, mais, du point de vue historique - je n'ai pas le temps et je
ne veux pas faire un exposé là-dessus - à partir des
premières pièces - et là, ma mémoire,
excusez-là, elle est tout d'un coup infidèle - à partir de
1534, même, je pense que nous avons des pièces musicales et je
fais surtout référence à un document qui a pris une
portée internationale et c'est "Le Livre d'orgue de Montréal",
qui est un incunable, si je puis dire, et autour de... C'est là une
preuve tangible de ce qu'a été la musique ici et, naturellement,
par l'intervention, par l'action de l'Église. Ce sont des faits
historiques qu'on ne peut pas nier.
Puisque vous vouliez que je fasse état avant 1960, je cite deux
grands noms qui sont d'évidence internationale: Calixa Lavallée,
d'une part, qui est dans le domaine de la création musicale, pas pour
son hymne national mais pour ses oeuvres d'opéra de dimension
internationale, jusqu'à Claude Champagne et Papineau-Couture qui est
encore vivant et qui a commencé à composer avant 1960.
Mais si vous permettez ou alors si vous voulez que je revienne, ce sont
les deux autres
points pour lesquels, moi, j'avais accepté avec enthousiasme de
venir ici: je veux parler de l'accessibilité de la culture à la
pauvreté et je veux parler des immigrants. Alors, à vous de
décider quand vous voulez que... Je peux continuer.
Mme Frulla-Hébert: On peut parler de
l'accessibilité, d'ailleurs, parce que c'est un sujet qui nous
préoccupe. Il y a toujours aussi ce double rôle entre le
développement élitiste, d'une part, qui est aussi
nécessaire et, finalement, toute l'accessibilité de nos actions.
Alors...
Mme Kendergi: Oui. Je crois qu'il faut remercier le rapport Arpin
de faire au moins certaines mentions de principe, ne fût-ce que
dès le début du chapitre 2, dont j'ai eu le résumé:
le droit universellement reconnu à la culture. Dans ce sens-là,
j'ai le privilège d'être associée, depuis quelques
années, disons à une interaction au milieu de la pauvreté
à Montréal et, notamment - je pense que le député,
M. Boulerice, est bien au courant - il y a, dans Hochelaga-Mai-sonneuve, un
groupe du chic Resto Pop, le Resto Pop qui m'est devenu une sorte de
modèle de la place des pauvres dans notre culture. Autrement dit, il ne
faut pas les considérer uniquement comme des consommateurs. C'est bon,
les maisons de la culture, c'est bon de leur donner accès à des
spectacles, encore que je me permets de citer une expérience. Nous avons
donné une soirée Gilles-Vigneault au profit de l'autre
association dans laquelle je suis engagée, qui est ATD Quart-Monde, dont
le principe est la culture, les arts autant que le pain. À cette
soirée Gilles-Vigneault, nombre d'assistants à la soirée
qui étaient venus - et on s'était arrangé pour qu'Antonine
Maillet ou, je ne sais pas, Pierre Jasmin, du Conservatoire de l'UQAM, soient
encadrés par nos amis du milieu de la pauvreté... Combien d'entre
eux ont dit qu'ils venaient pour la première fois dans une salle de
spectacle autre qu'un cinéma. C'est grave et ça demande
réflexion. Et pour dire qu'ils sont créateurs autant que
consommateurs, je veux simplement énoncer ici le projet extraordinaire
que le Resto Pop a pris en main pour une semaine d'animation totale du quartier
Hochelaga-Maisonneuve. Je considère comme un honneur qu'on m'ait
appelée à participer à ce projet pour ce qui est du volet
musical. Cela veut dire quoi? Une chorale, leur apprendre des chants, demander
à certains d'entre eux même de créer des oeuvres. Enfin, ce
que je veux dire: des créateurs autant que des consommateurs. Qu'on me
permette de dire que je faisais partie du Conseil des arts de la
Communauté urbaine de Montréal. Je l'ai quitté parce que
les réunions de notre sectoriel se tenaient le seul jour où je
pouvais aller au Resto-Pop faire répéter ma chorale. (11 h
30)
Après cette déclaration de principe, j'en viens, si vous
le permettez, aux immigrants. J'en suis une qui a eu la chance extraordinaire
d'abord de ne pas venir en réfugiée. J'ai été
plutôt... Et je ne le dis pas par vanité mais par hommage à
ce geste qui a été posé. J'ai été retenue
ici par le directeur d'alors, Marc Thibault, des émissions
éducatives et culturelles de Radio-Canada, pour entreprendre une
série d'émissions et ça m'a donné ici une
carrière que je n'aurais jamais eue en France, malgré tout mon
passé et mes diplômes.
Nous sommes quelques-uns à pouvoir témoigner de cet
accueil et de cette générosité du Québec, mais j'ai
l'impression, c'est-à-dire que je remarque dans le résumé
qu'ils sont un peu absents des énoncés. Je suis sûre qu'ils
sont absents dans la pensée des auteurs du rapport. Alors, est-ce qu'on
ne pourrait pas leur donner une place plus explicite? On ne pourrait pas
envisager des mesures? Il y en a. On me dira qu'il y a des festivals
multiculturels, etc. Mais ne devrions-nous pas penser - et, tout d'un coup, je
me sens plus Québécoise qu'immigrante - ne devrions-nous pas
davantage penser à toute la richesse qu'ils peuvent apporter en les
intégrant, sans qu'ils perdent leur identité? La richesse des
langues. Imaginons combien peut être extraordinaire une oeuvre
musicale... Il y en a eu d'ailleurs. Je pense à une oeuvre de Gilles
Tremblay, qui a utilisé, dans ses vêpres de la Vierge, le terme
"Alléluia", dans plusieurs langues, pas Alléluia, hommage
à la Vierge. Alors, est-ce qu'il ne faudrait pas penser davantage
à les mettre à contribution et, pour cela, leur indiquer que,
dans le haut lieu, dans les gouvernants de notre Québec, on pense
à eux, là aussi, en tant que participants autant que
consommateurs?
Je me permets de répliquer à Mgr Hubert sur son anecdote
du Ramadan des catholiques pour ce qui est du Carême. Eh bien,
voilà peut-être un échange. Après tout, le Ramadan,
Muhammad l'a institué par référence au Carême des
chrétiens et c'est peut-être un juste retour des choses.
Après tout, pourquoi ne pas évaluer une tradition
chrétienne par une tradition d'une autre culture, aussi
différente qu'elle soit de la nôtre? Je vous remercie de m'avoir
écoutée.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais
maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Excellence, très chère Mme
Kendergi, M. Beauchamp. Juste deux petites observations. La première, je
pense que personne ne nie l'apport indéniable que, je ne dirais pas la,
mais les religions ont laissé au niveau des civilisations et,
forcément, des arts et de la culture. Certes, on va voir Versailles,
mais on va voir Notre-Dame. Et vous savez comme moi qu'on commence par aller
voir Notre-Dame avant d'aller voir Versailles. On pourrait même peut-
être donner une petite connotation Europe de l'Est en disant: II y
en a peut-être encore certains qui font la file pour aller au tombeau de
Lénine, mais on ne néglige pas ces magnifiques églises qui
sont à l'intérieur de l'enceinte du Kremlin. Donc, il y a
forcément une richesse, une valeur extraordinaire. Et, dans le cas du
Québec, il faut dire que cela a joué, et, peut-être compte
tenu du contexte que nous avons vécu, d'une façon plus sensible
que chez certains.
Mme Kendergi disait que la musique sur ce continent est née au
Québec, mais, pour l'ensemble de notre population - et je suis en train
de me demander si, aujourd'hui, ce n'est pas encore valable pour bien des gens
- le premier contact et le seul endroit où ils auront entendu du Bach,
c'est à l'église, avec les grandes orgues.
Ce qui m'amène, Excellence, Mme Kendergi, M. Beauchamp, à
vous poser deux questions qui sont vraiment au centre de mes
préoccupations, non pas uniquement à titre de porte-parole pour
les arts et la culture, mais de député d'une circonscription que
vous connaissez bien, Mgr Hubert, que M. Beauchamp connaît bien et que
Mme Kendergi connaît bien aussi puisqu'elle y oeuvre presque
quotidiennement, qui est justement l'accès, l'accès à la
culture. Je ne suis pas député d'une circonscription très
riche. On a souvent donné à la culture la connotation d'un
produit de luxe laissé à une élite. Il m'est
déjà arrivé d'offrir à de mes concitoyens ou
concitoyennes des billets pour la Place des Arts, qu'ils ont acceptés,
mais ils n'y sont pas allés parce que c'était inaccessible pour
eux. La Place des Arts était un grand temple de la culture, il fallait
être coiffé, il fallait avoir une belle robe, et ils
étaient peut-être victimes de ces images "glamour" qu'on voit
à la télévision où il faut une longue limousine
noire qui vous amène, et il y a les réflecteurs qui
éclairent.
Et combien - et ça, je suis persuadé, autant mes
collègues, là, que le président de séance, que Mme
la ministre - combien de fois faisons-nous le tour de ce qu'on appelle les
clubs de l'âge d'or! Je n'aime pas le mot, moi non plus, Mme Kendergi, je
dis les aînés ou le septième âge, etc. C'est une
grande partie de notre population et je pense qu'il ne faut pas la
négliger, et je serais déçu qu'on en rie, etc. Ils ont des
droits. On voit que la seule activité, malheureusement, qui leur est
offerte est ce traditionnel bingo, qui nous permet, d'ailleurs, de mesurer
l'importance de la surmédication des personnes âgées. J'ai
remarqué que tous les pitons, comme on dit en bon
québécois, sont dans des pots de médicaments.
Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que nous avons manqué au niveau de
la pédagogie, c'est-à-dire une espèce d'éducation,
une espèce d'apprivoisement, et quand je dis "pédagogie", face
à des gens qui n'ont peut-être pas le bagage intellectuel
d'autres... Je ne dis pas qu'il faut être gnangnan avec eux, il faut
toujours compter sur l'intelligence des gens. Intelligence et éducation
n'ont rien à voir avec instruction, je pense que tout le monde le sait.
Où avons-nous manqué, d'après vous?
M. Beauchamp (André): Si vous me le permettez. Quand Mgr
Hubert, tantôt, demandait qu'il soit fondamental qu'avant toute politique
il y ait une espèce d'énoncé ou de saisie de la politique,
c'est un des problèmes du document, c'est qu'on sent bien que
l'industrie culturelle demande à fond de train, avec raison, parce qu'on
a fait passer la culture, depuis une trentaine d'années, à une
entreprise et elle est de moins en moins le reflet de la vie et de plus en plus
une entreprise, une espèce d'installation d'un marché. C'est
peut-être fatal, mais il est indispensable qu'un gouvernement,
là-dessus, puisse dire et décoder, pour sa part, ses orientations
et, ensuite, orienter des choses.
Je vous donne un exemple: la politique de la ville de Montréal
sur les maisons de la culture. J'ai dû enquêter sur une maison de
la culture à Montréal pour m'apercevoir qu'en moins de 10 ans, la
politique des maisons de la culture à Montréal a viré
complètement. À l'origine, elle était perçue comme
une humble maison qu'on mettait au service des citoyens pour leur permettre
d'exprimer leur culture, c'était la maison des gens, et la culture
était saisie comme une chose qui surgissait de la base. En moins de 10
ans, c'est devenu de mini-Places des Arts où ce sont des professionnels
qui viennent performer pour que les gens les écoutent.
C'est-à-dire que vous avez inversé le rapport et la culture est
devenue un objet qu'on consomme, même là. D'après moi,
là, il y a un problème de société assez
fondamental. On avait une culture, tantôt, d'origine; on a une culture
orale, on n'a pas une culture écrite. C'est le problème du
rapport Durham, "ce peuple sans culture et sans histoire". On avait une
histoire, on avait une culture, mais ce n'était pas la culture
cultivée de l'Anglais qui venait ici, c'était autre chose.
Bellarmin, dont j'ai été l'éditeur, a publié 30
volumes de "Les vieux m'ont conté", qui sont le répertoire oral
de structure mentale qu'on retrouve dans toutes les cultures et qui remonte
bien plus loin que l'époque coloniale ou même que l'époque
française.
Alors, il y a là un acquis. Comment la culture se
transmettait-elle autrefois, puisque les gens savaient jouer de la musique, les
gens savaient chanter? Une certaine catégorie de gens avaient
accès à des arts, bon, aux arts cultivés de la culture
savante. Ça se transmettait fondamentalement par les institutions
scolaires, les professeurs enseignaient le chant, on chantait à
l'école, et par le milieu familial. Ça s'est
désintégré. Écoutez, par exemple, "À
l'école de la musique" à Radio-Canada; on s'aperçoit que
l'enseignement de la musique au Québec, dans les
écoles, c'est effrayant! c'est disparu, littéralement. Il
y a des petites poussées, modestes, là-dedans, en disant: II
faudrait peut-être réintroduire, dans la maquette
académique, un certain nombre de choses. Le danger, c'est de s'en aller
vers du "hardware", en anglais, des grosses institutions, très
coûteuses, une "marchandisation" du rapport culturel et d'oublier ces
humbles choses où les gens, dans un "Resto Pop" ou ailleurs, vivent et
se symbolisent, c'est-à-dire disent des choses à travers des
rites, des symboles, des chansons et des danses. Quel est le type de relation
qu'ils établissent les uns à l'égard des autres? La
culture, c'est ce par quoi on se dit et qui nous fait devenir ce que nous
sommes en le disant.
On ne sait pas la méthodologie pour le faire, mais il me semble
fondamental qu'un État puisse avoir là-dessus une conception pour
qu'il puisse articuler, d'un côté, la culture savante et, donc,
élitiste, coûteuse, indispensable... Tantôt, l'Orchestre
symphonique de Québec faisait ses doléances, on les comprend,
mais que ce niveau-là ne se dissocie pas, non plus, de l'accès du
peuple à la culture. Sinon, qu'est-ce qu'on va faire? On va faire un
peuple de plus en plus aliéné dans sa culture et ça, c'est
le contraire d'une politique, voyez-vous? Ça, c'est une politique en
fonction des gens qui font de l'argent sur la culture. Mais ce n'est plus une
politique qui permet au peuple d'être et de progresser en
possédant son propre instrument intellectuel par lequel il devient.
Ça, cette tension-là, il faut venir à des choses...
soutenir la base et soutenir par la base, par des petits moyens. Je ne voudrais
pas qu'on fasse 50 Places des Arts dans le Québec. En tout cas,
personnellement, ce n'est pas ça, la priorité. C'est comment la
musique, la danse, la lecture, ça peut surgir à ras de sol - on a
des instruments; on n'est pas d'une si grande pauvreté - et comment
refaire le mécanisme à l'inverse. C'est pour ça qu'une
orientation fondamentale là-dessus, dans une pensée politique,
est tout à fait importante.
M. Boulerice: J'ai bien peur que ce soit la seule question
supplémentaire que va m'autoriser le président. Vous reconnaissez
que le Québec est cassé en deux, qu'il est cassé
socialement, qu'il est cassé économiquement et qu'il devient
même cassé culturellement. Vous dites qu'il ne peut y avoir de
développement économique sans développement culturel,
qu'il ne peut pas y avoir de développement culturel sans
développement économique régional, puisque les
régions sont malheureusement oubliées dans le rapport.
D'après vous, comment le ministère des Affaires culturelles
peut-il faire sa part dans cette lutte collective contre ces pauvretés -
employons le terme, là?
M. Hubert: Ma réponse à ça est dans le
rapport Arpin. J'ai été réjoui de lire que le
ministère des Affaires culturelles ne devait pas être comme un
propriétaire de la culture et des arts en disant: C'est mon domaine et
je suis réticent à l'action de tout autre ministère
québécois dans ce champ-là. Il faut qu'il y ait une action
latérale ou horizontale qui permette à l'ensemble de
l'État québécois de dire, par rapport à un
développement de la culture chez nous, quels sont les enjeux et comment,
ensemble, dans le respect des spécificités ministérielles,
mais ensemble, on va relever ces défis-là: participation des
pauvres, participation des immigrants, participation des gens qui sont dans les
régions. Ce phénomène de la culture, actuellement, est
comme un iceberg, qui est surtout identifié à l'élite des
arts et de la culture. C'est très important et c'est stimulant pour la
base, mais il ne faut pas que ça s'isole. A mon sens, il ne faut pas que
ce soit le ministère des Affaires culturelles seul qui ait la
responsabilité de mettre tout cela en oeuvre. Ça va être
une mission essentielle de l'État dans la mesure où l'ensemble
des instances gouvernementales va porter collégialement cette
responsabilité.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mgr Hubert. M. le
député, quelques mots de remerciement, si vous le voulez. (11 h
45)
M. Boulerice: Oui, je veux remercier très chaleureusement
Mgr Hubert, M. Beauchamp et Mme Kendergi. Mais sans vouloir vous corriger,
Excellence, oui, le conseil des évêques intervient. J'ai eu le
plaisir d'entendre vos collègues, notamment Mgr Valois pour ce qui est
des questions d'immigration, de justice et de santé, et vous avez
toujours apporté un éclairage qui nous a été
profondément utile. Vous venez de récidiver. De grâce,
faites-le de nouveau sur d'autres sujets. Merci de votre présence, et
meilleurs voeux, Mme Kendergi.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Monseigneur, M. Beauchamp et Mme
Kendergi. Je pense que vos propos ont été plus que pertinents.
Vous allez voir, au cours de cette commission, qu'il y a plusieurs groupes qui
vont nous demander de revenir, justement, à la source même et
à la base. Je dois vous dire que nous avons été
enchantés du message que vous nous envoyez, d'une part, message qui est
positif mais qui est aussi extrêmement, extrêmement stimulant.
Merci beaucoup.
M. Hubert: Merci, madame.
Le Président (M. Doyon): Alors, mes remerciements
s'ajoutent à ceux que vous venez d'entendre, en vous souhaitant que vous
continuiez, justement, à suivre de près ce qui se passe ici. Je
pense que c'est quelque chose
d'intérêt pour tous de vous entendre comme ça.
Ça nous aide énormément. Merci, en vous permettant de vous
retirer de la table.
Je vais maintenant inviter le groupe qui vous suit à bien vouloir
prendre votre place. Il s'agit maintenant du Regroupement des centres
d'artistes autogérés, qui sont nos derniers invités pour
cet avant-midi. On a le plaisir de les avoir avec nous depuis le début
de l'avant-midi ou à peu près, je pense, oui. Ils savent
maintenant comment nous procédons. Je les invite à
procéder aux présentations tel qu'on le fait normalement et,
ensuite, à faire la lecture de leur mémoire ou, en tout cas,
à en faire le résumé. Donc, vous avez la parole. On vous
écoute dès maintenant.
Regroupement des centres d'artistes
autogérés du Québec
M. Arteau (Gilles): Bien. Bonjour. Si vous le permettez,
j'inviterais les personnes qui m'accompagnent à se présenter
à tour de rôle et, ensuite, nous ferons la présentation de
notre intervention.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Mme Brouillette (Carole): Carole Brouillette, coordonnatrice
à La Centrale, un centre pour les femmes artistes à
Montréal, et historienne de l'art.
Mme Landry (Diane): Diane Landry, présidente d'Espace
virtuel, centre d'artistes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
plus précisément à Chicoutimi, et porte-parole et des
centres régionaux et des régions au niveau du Regroupement des
centres d'artistes autogérés.
M. Gilbert (Bastien): Bastien Gilbert, directeur du Regroupement
des centres d'artistes autogérés depuis presque sa fondation et
aussi administrateur bénévole, si on peut dire, pour
l'Association des artistes du domaine réputé des arts
visuels.
M. Arteau: Mon nom est Gilles Arteau. Je suis fondateur d'une
coopérative d'artistes à Québec qui s'appelle Obscure. Je
préside le Regroupement des centres d'artistes autogérés
du Québec et l'Association des artistes du domaine réputé
des arts visuels.
Avant de passer au vif du sujet, je demanderais à M. Bastien
Gilbert de présenter très succinctement les deux organismes dont
nous serons les porte-parole.
Le Président (M. Doyon): M. Gilbert.
M. Gilbert: Bonjour. Donc, nous représentons ici deux
associations, deux organismes. Je commencerai par vous présenter celui
qui est le plus ancien des deux, le Regroupement des centres d'artistes
autogérés du Québec. Il a été fondé
en 1986 pour représenter les centres d'artistes sur la scène
québécoise et aussi auprès de certaines instances
municipales, où rien ne se faisait, disons, à un niveau national
pour promouvoir les centres d'artistes. Les centres d'artistes ont donc senti
le besoin de se regrouper; 17 centres à l'origine en provenance de 5 ou
6 régions du Québec. Nous sommes actuellement 34 centres depuis
la fin de semaine; 25 centres sont des membres, ce qu'on appelle
réguliers et une dizaine d'autres, 9 autres sont des membres
associés. Précisons d'abord ce qu'est un centre d'artistes.
Un centre d'artistes, c'est un lieu, pour commencer, de diffusion ou,
dans certains cas aussi, ce sont des lieux de production, qui sont
fondés et gérés par des artistes, d'où ce terme
"autogérés". On parle d'ailleurs, dans le cas des centres
d'artistes, de collectifs d'artistes. Pour une grande majorité d'entre
eux, c'est donc une majorité d'artistes, je vous donnerai tout à
l'heure les domaines dans lesquels ces artistes-là s'expriment, mais pas
uniquement des artistes. Il y a aussi, comme vous pouvez le voir à cette
table et comme vous pouvez le voir dans la salle aussi, des gens qui sont
critiques, ou historiens, ou conservateurs. Enfin, autour des collectifs
d'artistes se regroupent donc non seulement des artistes pratiquants, comme on
dit, mais aussi des professionnels liés à l'expression
artistique.
Les formes d'expression qui sont favorisées par les centres
d'artistes, on les retrouve dans la loi 78; on parle de peinture, de sculpture,
évidemment les formes les plus anciennes, mais aussi des formes comme la
vidéo, la performance, l'installation, le multimédia. On
travaille aussi avec le laser. On va travailler maintenant avec le fax. On
travaille aussi sur photocopieur. Donc, vous remarquerez, vous noterez que les
centres d'artistes, ce sont des lieux de création, des lieux de
recherche, et c'est donc très important de le noter. Ces centres
d'artistes, d'ailleurs, ont été mis sur pied depuis une vingtaine
d'années précisément pour couvrir un secteur qui
était négligé, puisque, comme vous ne l'ignorez pas,
souvent, quand on pense aux arts visuels, on fait presque uniquement
référence aux galeries commerciales. Les artistes trouvaient donc
que toutes ces formes d'expression là étaient beaucoup trop
liées au commerce et ils ont donc voulu s'en dégager, d'autant
plus que les galeries commerciales n'étaient pas capables ou
n'arrivaient pas à exposer ou à montrer des formes d'expression
qui, considéraient-elles à l'époque, n'étaient pas
vendables. Donc, les artistes se sont donné leurs propres moyens de
montrer leurs travaux au public ou de les montrer aussi à leurs
collègues.
Les centres d'artistes existent actuellement dans une dizaine de
régions au Québec, non seulement à Montréal, non
seulement à Québec, mais aussi au Saguenay-Lac-Saint-Jean,
dans
l'Outaouais, dans la région de Sherbrooke, à
Victoriaville, Trois-Rivières, Matane, Rimouski, Catieton, et j'en
passe. Donc, c'est une implantation à la grandeur du territoire
québécois qui les caractérise et c'est extrêmement
important pour le Regroupement des centres d'artistes, cette
représentation régionale. D'ailleurs, Diane, tout à
l'heure, vous fera bien voir l'importance que ça a pour nous, cette
représentation. Le Regroupement, ce n'est pas uniquement un truc
montréalais ou québécois et ce n'est surtout pas quelque
chose qui est uniquement métropolitain.
Voilà pour le Regroupement. Je peux signaler comme détail
aussi que le Regroupement est administré par un conseil d'administration
qui a voulu tenir compte de cette représentation régionale, avec
trois représentants pour Montréal, deux pour Québec et
trois pour les autres régions du Québec. Nous sommes aussi un
organisme qui assure non seulement une certaine représentation, mais qui
développe un certain nombre de projets, qui assure une certaine
formation auprès ou des gestionnaires ou des artistes qui entourent les
centres d'artistes. Voilà. Et récemment, c'est-à-dire il y
a deux ans, on a publié un répertoire, donc, des centres
d'artistes, pour en faire une sorte de description et une sorte de promotion,
qui sera republié l'automne prochain, en 1992. Voilà pour le
Regroupement des centres d'artistes autogérés.
L'Association des artistes du domaine réputé des arts
visuels, quant à elle, est une association fondée plus
récemment, il y a un an et demi, c'est-à-dire en février
1990. À la différence du Regroupement, elle ne représente
pas des lieux de diffusion, mais elle représente des artistes
professionnels en arts visuels. D'où cette association a-t-elle
été fondée? Elle a été fondée, en
fait, pour répondre, pour s'inscrire dans le cadre, disons, de la loi 78
sur le statut professionnel des artistes du domaine des arts visuels, et elle
veut, elle travaille à représenter tous les artistes du domaine
des arts visuels au Québec. Jusqu'à la loi 78, il y avait donc
des secteurs; les peintres ou les sculpteurs avaient leur propre association,
qui étaient plutôt des associations de promotion, et les artistes
étaient représentés selon des disciplines. La grande
différence avec l'AADRAV, c'est qu'elle veut représenter tous les
artistes, quelle que soit leur discipline. Évidemment, toute l'existence
de cette association est liée aussi à cette loi 78 et à la
commission, pas de formation professionnelle...
Une voix: De reconnaissance...
M. Gilbert: La Commission de reconnaissance des associations
d'artistes. Notre cause est pendante, si on veut, devant cette instance
puisque, actuellement, nous sommes deux associations à vouloir
représenter les artistes au Québec, mais possiblement qu'il n'y
en aura qu'une, soit par décision de la Commission de reconnaissance,
soit que les artistes arrivent à ne former qu'une seule association.
L'AADRAV, donc, existe depuis cinq ans. Elle existe uniquement
grâce, actuellement, aux cotisations de ses membres. Elle a eu une petite
subvention des Affaires culturelles l'année dernière, rien cette
année. C'est donc ses membres qui la font vivre,
bénévolement, ainsi que le Regroupement qui lui assure un appui -
comment je dirais? - logistique. D'accord? L'Association regroupe actuellement
environ - le chiffre est presque exact d'ailleurs - 500 artistes professionnels
du Québec et c'est une association aussi qui veut couvrir tout le
Québec, toutes les régions du Québec. Ce qu'on ignore
souvent, c'est qu'il y a donc des artistes à la grandeur du
Québec. Des artistes du domaine des arts visuels, il y en a à la
grandeur du Québec, et l'Association, l'AADRAV, donc, assure une
représentation dans ses statuts, dans ses règlements
généraux, elle veut assurer une représentation au
régional. Je crois qu'au moins cinq artistes doivent provenir de cinq
régions différentes du Québec, cinq ou six artistes
doivent provenir de cinq ou six disciplines différentes aussi. Donc, une
association qui veut vraiment couvrir le territoire québécois
dans son entier et c'est possible, puisqu'il y a des artistes dans toutes les
régions du Québec.
Les deux organismes que nous représentons ici aujourd'hui,
même s'ils sont relativement peu connus, le sont quand même,
commencent à l'être pas mal dans le milieu artistique, dans le
milieu des arts visuels, et ils le sont singulièrement, je le
répète encore une fois, à la grandeur du Québec,
puisque les centres d'artistes sont des lieux particulièrement bien
organisés ou qui essaient de bien s'organiser et dans différentes
régions. Et si les centres d'artistes présentent, donc, des
disciplines du domaine des arts visuels, souvent aussi il y a des artistes
d'autres secteurs. Il y a du théâtre qui va se faire parfois
autour des centres d'artistes, il y a des lectures de poésie qui vont se
faire là, des conférences qui vont s'y donner, etc. Donc, ce sont
vraiment des lieux assez bien organisés et ils ont tendance, d'ailleurs,
à s'organiser dans les régions. On le voit au
Saguenay-Lac-Saint-Jean où ils ont maintenant formé leur propre
association. On va le voir à Québec aussi où cette
tendance à se regrouper est en train de se produire. Donc,
particulièrement bien inscrits maintenant, depuis une vingtaine
d'années, dans la trame artistique du Québec, on peut maintenant
y placer les centres d'artistes. Voilà. Et je devrais ajouter que
l'AADRAV origine, quant à elle, des artistes qui formaient tous ces
collectifs d'artistes dans les différentes régions.
Voilà.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Gilbert. M. Arteau.
M. Arteau: Je n'ai pas l'intention de
résumer le mémoire qui vous a été remis,
puisque vous en avez copie et que j'imagine que vous en avez pris connaissance.
J'irai assez rapidement et vivement à l'essentiel en disant dès
le départ que le dépôt de la proposition d'une politique de
la culture et des arts par la commission Arpin a eu pour effet, chez nous, de
nous déclarer envahis, pour quelques mois et peut-être pour
très longtemps, d'une immense méfiance. On avait, pendant
quelques années, été saisis, au contraire, par une sorte
de confiance. On s'était dit: Tiens, peut-être que le
ministère des Affaires culturelles va réussir à comprendre
l'évolution et à partager l'évolution du travail, de la
création artistique, de la production artistique sur le terrain
d'artistes que nous regroupons et qui atteignent une taille relativement
importante, puisqu'on parle des créateurs, qui atteignent une taille
d'environ 2000 personnes. (12 heures)
On avait osé espérer que le créateur vivant dans le
domaine des arts visuels, qui n'est plus quelqu'un qui ne fait que des arts
plastiques au sens ancien - il en fait parfois mais il ne fait plus que des
arts plastiques au sens traditionnel - on aurait trouvé une oreille
attentive, une audience et des compréhensions à l'égard de
ses moyens de production, à l'égard de ses moyens de
création et à l'égard de son implication dans son tissu
sociocommunautaire, afin que son art, sa production aide à
l'évolution de la culture québécoise d'aujourd'hui et
qu'il soit en mesure de partager cet art et cette production avec ceux qui
l'entourent dans les milieux communautaires où il travaille. Car les
centres d'artistes sont l'équivalent d'intervenants communautaires. Ils
ne sont pas des galeries parallèles. Ils ne sont pas des vendeurs
d'objets dits artistiques. Ils ne sont pas des offres de consommation
culturelle pour des gens qu'on considère de plus en plus comme
n'étant que des consommateurs.
La politique qui a été déposée, le projet de
politique qui a été déposé, l'énoncé
de politique qui a été déposé, si on ose l'appeler
comme ça, ne distingue, encore une fois, même pas deux termes de
base qui sont "culture" et "art", ne prend même pas la peine d'essayer de
les définir pour savoir de quoi nous allons discuter entre nous et
amalgame allègrement tous les volets d'intervention du ministère
des Affaires culturelles en prétendant, en plus, les élargir.
Alors, il faudrait à la fois parler d'industrie culturelle, il faudrait
à la fois parler d'institutions nationales, il faudrait à la fois
parler de patrimoine, il faudrait à la fois parler du spectacle, il
faudrait à la fois parler des arts indépendants, il faudrait
amalgamer l'ensemble pour essayer de concocter une sorte de résultante
qui prétendrait délimiter les coordonnées d'une politique
dont les termes, pour nous, lorsqu'on lit ce rapport Arpin, ne se
résument qu'à une seule, mais vraiment une seule intention, celle
de rentabiliser la production artistique, celle de faire en sorte que les
créa- tions artistiques soient, un jour ou l'autre, exportables,
commercial isables, consommables par un citoyen, qui se réduirait
à la consommation des oeuvres d'art. Une perspective comme
celle-là ne nous intéresse pas du tout. Une approche de l'art qui
en fasse uniquement un objet de consommation ne nous intéresse d'aucune
manière.
Par ailleurs, ce rapport contient une proposition de rapatriement des
pouvoirs d'Ottawa au Québec et, compte tenu de la situation dans
laquelle se trouvent les artistes que nous représentons dans le domaine
des arts visuels, nous nous retrouvons dans cette position parfaitement
paradoxale, incroyable, que nous n'aurions même pas osé envisager
il y a quelques années, de préférer, aujourd'hui, relever
de l'autorité d'un organisme comme le Conseil des arts du Canada
qu'imaginer que le ministère des Affaires culturelles gérerait
tous les fonds grâce auxquels on arrive très péniblement
à créer. Ce n'est rien de très réjouissant et c'est
la situation, parce que nous n'avons plus confiance. Et je pense que c'est fort
inquiétant le jour où les artistes vivants n'ont plus confiance.
Lorsqu'on lit la perception qu'a du Québec ce rapport et, notamment, des
régions du Québec, notre réaction n'en est plus une de
méfiance, c'est une réaction de gêne, et je laisserai Diane
Landry en parler.
Mme Landry: Je commencerai donc par citer le rapport Arpin
à la page 74 qui dit: "Le monde entier est déjà chez nous
et nous sommes présents au monde." C'est du moins ce que les
régions osaient croire jusqu'à maintenant. Comme centre
fonctionnant dans ce qui est défini par le rapport Arpin comme
l'ensemble régional mixte dans une région qui, de surcroît,
est dite périphérique - là, je parle spécifiquement
de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean - nous ne pouvions nous
permettre de laisser à d'autres le soin de clamer à haute et
intelligible voix notre frustration et notre indignation à voir les
régions confinées à n'être que des consommatrices
d'une culture qui aurait reçu l'imprimatur de la métropole et de
la capitale.
La fierté d'un peuple se bâtit sur le quotidien et
généralement dans l'environnement immédiat dans lequel les
individus se définissent eux-mêmes comme étant
Québécois et Québécoises, étant
assurés d'être partie prenante dans l'élaboration d'une
culture qui leur soit propre et à laquelle tous et chacun puissent
s'identifier.
Pour le moment et avant de nous empêtrer dans les broussailles
épineuses de ce mont Royal et de ces plaines qui auraient posé un
défi même à Abraham, revenons-en à la base du
propos. Chacun des centres oeuvrant en région a sa raison d'être.
Tous sont nécessaires dans l'actuelle infrastructure culturelle, je dis
bien nécessaire, pour les artistes, producteurs et créateurs. Si,
dans cet ensemble, les spécificités
sont importantes, il n'en reste pas moins que tous, nous partageons des
objectifs communs dont les moindres ne sont pas la défense du statut de
l'artiste, l'amélioration de leurs conditions socio-économiques,
la volonté que nous avons de leur donner des lieux d'action,
d'intervention et d'information auxquels ils puissent avoir accès, des
lieux où recherche, création et expérimentation sont des
leitmotive sur lesquels nous appuyons notre action et, par le fait même,
l'activité de production des artistes.
Le réseau culturel que l'on propose afin de favoriser
l'accès à la culture à tous est le suivant: trois grands
pôles se développant dans un dialogue continuel, soit, comme
premier pôle, Montréal, qui n'est pas une région, mais une
métropole; comme second pôle, Québec, qui n'est pas une
région, mais une capitale; comme dernier pôle, un ensemble
régional mixte.
En principe, ces trois pôles devraient s'articuler sur trois
paliers: en une sorte de symbiose entre Québec et Montréal, entre
chacune de ces deux villes et l'ensemble régional et entre les villes
d'un ensemble régional. On vient d'établir le principe
idéal de la tournée: Montréal et Québec diffusant
leurs productions vers les régions et d'une région à
l'autre, les régions, quant à elles, se diffusant entre elles, et
on nous affirme que c'est avec enthousiasme que nous devons reconnaître
le rôle national de Montréal en matière de diffusion
culturelle.
Pour nous convaincre de cela, on énonce que 86 % de
l'activité économique du secteur culturel québécois
provient de la région métropolitaine de Montréal, ce qui
nous semble normal étant donné que la majorité des grands
organismes et des industries culturelles y est concentrée. On nous parle
ensuite de l'importance de Pentrepreneurship" exercé tant par les
créateurs et les interprètes que par les gestionnaires culturels
et de l'originalité des produits et des investissements dans tous les
domaines. Encore là, un tel constat est inévitable puisque la
majorité des créateurs et des interprètes se retrouve
à Montréal afin de profiter des infrastructures qui s'y trouvent
et d'avoir une chance de faire une carrière professionnelle.
Nous - je parle des centres d'artistes oeuvrant en région,
Montréal et Québec, que je considère moi-même comme
étant aussi des régions - nous travaillons activement pour que de
semblables infrastructures existent chez nous et facilitent le travail des
artistes. On nous dit ensuite que des entreprises importantes sont
localisées à Montréal en raison de la qualité de la
vie culturelle qu'on y mène. Les régions aimeraient bien qu'il en
soit de même chez elles. L'on ajoute, et je cite: "II est normal que les
créateurs, les artistes et les autres professionnels du domaine culturel
se concentrent à Montréal et que les principaux
équipements et les grands organismes culturels s'y trouvent." On ajoute
ensuite que, par contre, Montréal ne doit pas se contenter de drainer
les forces vives régionales, mais retourner dans les régions les
beaux produits culturels qu'elle a à nous offrir. Ce qui revient
à dire que l'ensemble des Québécois, du moins ceux qui ne
vivent ni à Montréal ni à Québec, se verra
présenter une image montréalaise de la culture, de ce que la
métropole aura retenu comme devant être le meilleur et sur lequel
elle pourra apposer son sceau de qualité. Et nous devons trouver cela
normal. Quelqu'un peut-il nous expliquer pourquoi?
Je pense que c'est le meilleur exemple d'un raisonnement clos à
l'intérieur d'un système clos dont le moins qu'on puisse dire est
qu'il est suffisant et imbu de lui-même. Il y a de quoi se sentir
provinciaux, dans le sens qu'on donnait à ce mot au XIXe siècle
en France. Balzac, en parlant des provinciaux, disait que leur principale
occupation était de démontrer aux Parisiens l'existence, l'esprit
et la sagesse de la province. En serions-nous encore là? À la
lecture du rapport Arpin, nous ne sommes pas loin de le croire. Ce même
rapport incite le gouvernement à conclure un pacte culturel avec sa
métropole en lui reconnaissant un rôle national, bien que cela
soit perçu comme menaçant pour les autres régions.
On nous affirme en plus qu'une telle politique pourrait apporter des
bénéfices à l'ensemble du Québec. De quels
bénéfices s'agit-il? Nous croyons que les seuls
bénéfices que les régions pourraient en retirer seraient
de devenir des consommatrices d'une culture ayant reçu l'approbation
métropolitaine et d'être éliminées du circuit de
production. Peut-on parler ici de bénéfices? Nous en doutons. Et
nous en doutons malgré les voeux pieux voulant que la métropole
ne se satisfasse pas d'une action de diffusion culturelle vers les
régions et ne se contente pas de drainer les forces vives
régionales, mais qu'elle devrait être le lieu de diffusion
privilégié des créations et des productions qui ne sont
pas issues de son territoire. Sauf que, s'il est facile pour la
métropole de diffuser dans les régions étant donné
l'arsenal médiatique dont elle dispose, il n'en est pas de même
pour les producteurs et les diffuseurs régionaux qui savent pertinemment
qu'une telle aventure est remplie d'embûches. Nous croyons qu'une telle
façon de voir est inadmissible.
À notre avis, le réseau culturel qu'on nous propose
devrait être inversé si l'on admet que la base d'analyse reste
toujours la création et les créateurs. La base de la politique
culturelle devrait être le créateur producteur travaillant dans
son milieu et supporté par une infrastructure de production et de
diffusion solide qui lui donne accès au national et à
l'international. Non, nous ne sommes pas enthousiastes face au réseau
culturel qu'on nous propose. Non, nous n'admettons pas que Montréal
draine les forces vives régionales. Et oui, nous nous refusons à
nous voir cantonnés dans un rôle de consommateurs
culturels. Nous voulons être des agents actifs dans la
construction d'une culture qui nous représente.
Dans l'optique du rapport Arpin, les seules raisons d'être des
régions dans le réseau culturel sont de demeurer le
réservoir pour que Montréal et Québec puissent puiser leur
matière première et constituer un bassin intéressant pour
présenter leurs productions afin de les rentabiliser.
À un certain moment dans le rapport Arpin, on ajoute, et c'est
très ironique, en parlant des conséquences négatives qu'a
eues la disparition de la production télévisuelle
régionale de Radio-Québec et de Radio-Canada dans plusieurs
régions du Québec: "Nous pensons que ces décisions ont
été prises sans évaluer avec suffisamment de finesse les
enjeux en cause et les effets négatifs et lourds de conséquences
à long terme sur la vie et le développement culturel des
régions atteintes par ces réductions de service." A-t-on, ici,
évalué avec assez de finesse ce que l'on nous propose? Nous ne le
pensons pas.
Les centres d'artistes régionaux ont comme mandat et comme
objectif premier d'être des instances d'intervention tant en termes de
production et de diffusion, instances qui sont d'un calibre comparable à
celles des autres régions du Québec, Montréal y compris,
Québec aussi, il va sans dire. Nous ne tenons nullement à rester
silencieux devant des propositions et des recommandations qui vont à
l'encontre de notre développement et qui auraient comme
conséquence de marginaliser toute dynamique culturelle régionale.
En ce sens, nous sommes solidaires de tous les groupes qui
s'élèveront en faux contre le réseau culturel qui nous est
ici proposé.
M. Arteau: Permettez-moi de conclure cette présentation
par quelques mots à propos des artistes du domaine des arts visuels
eux-mêmes et des propositions qui sont faites à l'intérieur
du rapport Arpin pour permettre qu'ils aient un revenu minimum décent.
(12 h 15)
Dans ce rapport, lorsque l'on parle du revenu des artistes du domaine
des arts visuels, on envisage deux perspectives pour l'amélioration de
leurs revenus. L'une de ces perspectives, c'est le marché de l'art,
l'éternel et fantastique marché de l'art qui n'existe pas au
Canada, et quiconque connaît ce qu'est le marché de l'art pourra
vous démontrer qu'il n'en existe qu'un véritable, marché
de l'art, au plan international actuellement et c'est le marché
américain. Le marché européen est un marché
d'État, ce n'est pas un marché privé, et, s'il est vivant,
le marché européen, sur le plan privé, c'est parce qu'il y
a des acheteurs américains. Le marché de l'art n'est qu'un
marché américain. Et comment peut-on prétendre que des
artistes du domaine des arts visuels au Québec vont connaître une
croissance de la qualité de leurs revenus par le biais d'un
marché de l'art inexistant? Quelle est cette espèce de
facétie superbe qui permettrait de croire qu'il y a des collectionneurs
et des acheteurs en nombre suffisant pour faire vivre plus de 2000 artistes du
domaine des arts visuels, et surtout dans un domaine des arts visuels qui ne
produit plus, aujourd'hui, que des objets? On n'a pas le droit, je pense, de
vendre un "perfor-meur" ni de l'acheter. Comment va-t-il améliorer ses
conditions de vie par le biais du marché, ce "performeur", ou le
vidéaste, ou celui qui fait des installations?
On propose ensuite une deuxième éventuelle solution pour
améliorer la qualité des revenus des artistes du domaine des arts
visuels et c'est l'amélioration du droit d'auteur. Comment le
Québec pourra-t-il améliorer les conditions de la Loi sur le
droit d'auteur alors qu'il n'a aucune autorité législative en la
matière? Première question. Deuxième question: Même
si cette loi était améliorée, qui va percevoir les droits?
D'ici au jour où le Québec aura l'autorité
législative et où une société de perception verra
le jour et d'ici au jour où le marché de l'art existera, au
Québec ou au Canada, comment entendez-vous assurer un minimum de
qualité de vie aux artistes du domaine des arts visuels?
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Arteau. Compte tenu du
temps que le Regroupement a pris, il reste environ cinq minutes à
chacune des formations politiques pour s'entretenir très
brièvement avec vous. C'est malheureux, mais l'horaire est ainsi
fait.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Arteau. Bienvenue à
vous tous. Je peux comprendre, finalement, votre position et je la respecte
profondément. Par contre, je veux quand même mettre en perspective
le rapport Arpin par rapport à la démarche que l'on fait. Le
rapport Arpin, c'est une réflexion faite par les gens de
l'extérieur et qui est une base de discussion. On conteste avec plaisir,
on réfute certaines choses qui ont été dites, on les
interprète positivement, négativement, c'est parfait, c'est
là pour ça. Mais le rapport Arpin n'est pas la politique
culturelle, le rapport Arpin n'est pas la démarche du gouvernement,
c'est une base de discussion et si cette discussion, engendrée par le
rapport Arpin, fait en sorte que les régions viennent fortement se
parler, se définir, eh bien, tant mieux. Cette commission parlementaire
est quand même une commission parlementaire qui est tout de même
une première, les gens sont ici, les gens s'expriment avec franchise et
on discute tous ensemble. Alors, je veux juste vous rassurer là-dessus,
c'est une base de discussion. Alors, il n'est pas question, ensuite, de prendre
ça et de l'appliquer directement en disant: Montréal,
Québec et les autres. Au contraire. Par contre, cette position a
engendré énormément de discussions, ce qui fait que
plusieurs régions viennent
de plusieurs secteurs nous donner aussi leur point de vue et leur
opinion, et je pense que ça, au niveau de la discussion, c'est
très important.
J'aimerais vous parler aussi, parce que le temps presse, au niveau du
Conseil des arts. Bon, je comprends effectivement votre crainte que, si c'est
centralisé, s'il y a une place au niveau des fonds, il y a un risque. On
a beaucoup parlé de la fondation d'un Conseil des arts ou, enfin, d'un
similaire québécois. Parce qu'il semble aussi que notre
fonctionnement, malgré qu'il se fasse par jury, malgré,
malgré, malgré, provenant du ministère, malgré que
l'on donne beaucoup plus au niveau financier - notre clientèle est plus
éclatée versus celle du Conseil des arts, mais la somme totale,
elle est presque le double ici, au Québec, versus ce que le Conseil des
arts donne, finalement, sa proportion québécoise - il semblerait
qu'on sente un certain dirigisme. C'est écrit même dans votre
mémoire en disant: Bon, ce serait bien parce qu'il faut sortir du clan
politicien, etc., ce qui ne se produit pas, mais il semblerait... la perception
est là. Alors, moi, j'aimerais que vous élaboriez
là-dessus. Est-ce que cet organisme tout à fait
indépendant serait au moins une des solutions pour éviter cette
méfiance, d'un côté, et, deuxièmement, cette
perception de dirigisme qui, entre autres, en tout cas au niveau de la
création, au niveau des contenus, n'existe pas?
Le Président (M. Doyort): M. Arteau.
M. Arteau: II est certain que non seulement la création
d'un Conseil des arts au Québec serait une des solutions qui
réduiraient la méfiance, mais je dirais que c'est une condition
essentielle si on veut parler de l'avenir de la culture
québécoise. Je ne le dirais pas uniquement pour des motifs
d'intervention politique arbitraire qui existent - il n'en existe pas une
panoplie à l'infini, mais il en existe; ne nous cachons point la
réalité - je le dirais surtout selon la formule fondamentale du
Conseil des arts. Le Conseil des arts du Canada, à l'époque de sa
fondation, devait normalement être un organisme autonome
économiquement aussi. Il ne devait pas relever d'une dotation
budgétaire parlementaire comme c'est le cas maintenant. Et, dans le
mesure où il se met à relever d'une dotation parlementaire tel
que c'est le cas maintenant, la réalité fait en sorte que le
Conseil des arts n'en est plus une, solution. S'il faut qu'on crée au
Québec un Conseil des arts avec des pouvoirs relativement étendus
sans l'assurer d'une large autonomie économique, financière,
indépendante d'une expression politique annuelle, je pense que ce n'est
pas une solution. Il est très facile d'étrangler des organismes
comme ceux-là tout simplement par le biais du budget.
L'autre question que bien des gens vous ont soumise, je pense, et qui
nous préoccupe consi- dérablement, c'est que beaucoup des mandats
exercés par le Conseil des arts du Canada et, malheureusement, par le
ministère des Communications sont des mandats qui ne sont pas pris en
charge, qui ne sont pas considérés par le ministère des
Affaires culturelles. Il va falloir, un jour ou l'autre, si le Québec
veut rapatrier les pouvoirs, qu'il définisse lui-même des
politiques claires à cet égard-là. Exemple, tous les arts
médiatiques indépendants. Le Québec, dans le domaine des
arts médiatiques indépendants, n'a pas de politique claire. Il
n'a pas de programme de soutien. Il est en train de laisser aller à
l'abandon tout ce champ de travail. Toute la recherche en informatique
appliquée aux arts, il n'en existe pas. Il existe des programmes
annexes, il existe des détours pour y arriver, des programmes d'aide
à la recherche, etc., mais de véritables programmes qui
s'appliquent à l'informatique, il n'y en a pas. C'est devenu un
instrument de travail des artistes, ça, un instrument courant.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Arteau a touché un sujet
fondamental. Je pense que tout le secteur des communications, dans le sens le
plus générique du terme, est partie intégrante d'une
politique des arts et de la culture. Mais ceci dit, je peux toujours comprendre
une certaine méfiance, M. Arteau, surtout qu'il y a des attentes qui,
malheureusement, n'ont pas été respectées. Vous avez
parlé du statut de l'artiste, etc., du droit d'auteur. Sauf que,
là, je vous avoue, je vous le dis avec toute candeur, voir un peu de
contradiction. Vous souhaitez qu'on ait les pouvoirs législatifs, mais,
par contre, vous préférez que certains sous restent plutôt
à Ottawa. Quand on parle de droit d'auteur, il faudrait aller dans la
notion de droit voisin et non pas uniquement cette conception typiquement
nord-américaine du "copyright", c'est tout.
Vous parlez de dirigisme et c'est là que ça me heurte
comme individu et également comme législateur
québécois, M. Arteau. Au moment où il y a la commission
Castonguay-Dobbie, vous savez qu'il y a un comité mixte actuellement qui
s'adresse à tous les intervenants culturels et qui vous pose la
question: Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus pour l'unité nationale
canadienne? Avouez que le dirigisme, mon Dieu, l'autre côté de la
rivière Outaouais, ça se pratique. Est-ce que vos subventions
vous seront données demain en fonction de votre grande profession de foi
sur l'unité nationale canadienne? Vous savez, il faut se méfier
un peu là. C'est vrai que, quelquefois, dans le jardin du voisin c'est
plus vert, mais, quelquefois, l'herbe est en formica et non pas
nécessairement végétale.
Vous avez parlé des régions. Oui, la réaction est
très vigoureuse provenant de la part des
régions, et j'ai été le premier à dire que
c'était malheureusement une grande lacune du rapport Arpin. Mais ce que
j'observe - et là je m'adresse à vous, madame, puisque vous venez
du Saguenay - ce que je trouve extraordinaire... Cette espèce de
confiance en soi des régions m'émerveille. Les régions
viennent ici depuis trois semaines et nous disent: Donnez-nous notre enveloppe;
à part les sous que l'on ramasse au niveau du mécénat,
etc., notre seul bailleur de fonds c'est vous, l'État
québécois; donnez-nous notre enveloppe, on est capables de
définir nos priorités, nos actions; venez même
vérifier notre gestion si vous voulez. Je trouve ça un
degré de confiance en soi extraordinaire de la part des régions
et, deuxièmement, l'axiome qu'elles sont capables de décider
elles-mêmes et non pas quelqu'un en haut du 32e étage d'un
building. Lorsque le plafond atmosphérique est bas comme aujourd'hui, je
pense qu'on ne voit pas jusque dans votre belle région.
Mais vous ne croyez pas qu'à rencontre, que vous faites un peu
l'inverse, à savoir que, si à partir d'un principe de "arm's
length" et de recréer un Conseil des arts qui, entre parenthèses,
existait, mais on l'a aboli il y a deux ans... J'avais dit: Gardons-le, on ne
sait jamais, ça pourrait peut-être nous servir. Bon, manque de
prévoyance de la part du législateur. Mais vous ne croyez pas que
c'est un peu là un manque de confiance en vous et un manque de
confiance, si vous voulez, en la force des milieux de la culture de dire: Oui,
vous êtes capables de le faire et on est capables de vous surveiller?
Parce que, rassurez-vous, ceux qui prennent les décisions sont
très conscients que, depuis le début de cette commission - et
ça va se confirmer jusqu'à la fin - on est à un point
presque de rupture entre le législatif et le milieu culturel. Je pense
que les législateurs sont capables de se mettre, si vous me permettez
l'expression, des garde-fous. On sait quel prix il y aurait à payer, non
pas pour l'individu, je ne parle pas juste de la sanction électorale,
mais je parle de l'avenir et du devenir du Québec comme nation, comme
société.
C'étaient un peu les remarques et commentaires que je voulais
vous faire, en ajoutant peut-être une dernière. J'ai l'impression
que vous avez oublié peut-être un peu une question fondamentale.
Avant de dire que le rapport Arpin fait de l'oeuvre d'art un produit de
consommation, M. Arteau, pourquoi les gens consomment, achètent,
acquièrent des objets d'art? Je dois vous avouer qu'entre la nouvelle
voiture, 8 cylindres, 350 chevaux-vapeur et une très belle sculpture ou
une gravure ou une toile, il y a un choix plus qu'un choix de consommation,
à mon point de vue. Et je pourrais continuer encore plus loin en disant:
II faut développer un marché de l'art. Il y aurait des choses
faciles pour le faire, par exemple un REART; c'est une petite mesure, mais qui,
déjà, donnerait un allant, ceci dit.
Le Président (M. Doyon): M. Arteau, ou madame.
Mme Brouillettte: Oui, je répondrais peut-être sur
la question de confiance. Je pense qu'il n'est pas question de non-confiance en
nous, il est question de non-confiance envers le ministère et, si on
peut appeler ça, d'une réflexion qui est en train de se passer.
On a tellement confiance en soi qu'à chaque jour on s'occupe à
survivre. C'est plus que de la confiance, là-dessus.
Ensuite, sur le marché de l'art, quand vous dites qu'entre
acheter un tableau qu'on met dans sa maison et une voiture il y a
sûrement une différence, je l'espère, moi aussi, sauf que,
quand on veut s'intéresser à la réflexion en arts visuels,
c'est ce qui motive l'achat, quoique je trouve que les connexions sont un peu
chambran-lantes. On s'intéresse à l'art, pas pour posséder
forcément un tableau dans son salon. On peut aller voir une performance
et s'intéresser à la réflexion que ça suscite et,
là, le rapport de consommation est complètement différent.
Le terme "consommation", d'après moi, est inapproprié, on s'en va
s'intéresser à une réflexion. Alors, je trouve que
discuter de consommation, ça en vient aliénant quelque part, on
tourne sur quelque chose et on oublie d'autres sphères qui sont mises en
place par la création.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Boulerice: À ce niveau-là, vous avez raison.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
quelques mots de remerciement, si vous voulez bien.
M. Boulerice: Vous avez été dérangeants,
peut-être, à certains égards. Vous avez sans doute
remarqué nos mimiques durant que vous interveniez. Je pense que c'est le
propre de l'artiste de déranger des certitudes. Je vous en remercie.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement.
Premièrement, on vous remercie. Deuxièmement, et encore une fois,
soyez convaincus que ce qu'on fait présentement, c'est tout simplement
parce que plusieurs groupes et plusieurs intervenants nous ont dit que
ça ne marchait plus. Après 30 ans, 60 programmes plus tard, puis
tout ça, ça ne marche plus. Alors, l'intention est tout
simplement d'essayer de voir, d'abord, une façon peut-être un peu
plus fonctionnelle, un peu plus allégée, justement, de pouvoir
encourager, d'abord, la création et, ensuite, le peuple
québé-
cois à s'y intéresser, tout simplement. Ça ne se
fait pas en vase clos et ça ne se fera pas en vase clos, non plus, parce
que, finalement, les politiques, on ne les fait pas pour nous, hein? Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au
nom des membres de la commission, il me reste à vous remercier de votre
présentation et d'avoir bien voulu vous prêter à cet
échange de vues. Il me reste maintenant à suspendre les travaux
jusqu'à 15 h 30, après la période des affaires courantes
à l'Assemblée.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses travaux
en recevant l'Université du Québec à Montréal tout
en m'excusant, au nom de la commission et des parlementaires, pour le retard
qui est le nôtre. On devait vous entendre à 15 h 30,
malheureusement, on commence avec au-delà de trois quarts d'heure de
retard. On ne pouvait pas commencer avant, on attendait l'ordre de
l'Assemblée pour commencer nos travaux. Alors, c'est la raison
principale du retard. Dans les circonstances... Mme la ministre, avez-vous une
demande à faire concernant le déroulement des travaux?
Mme Frulla-Hébert: Pour l'instant, comme on est
très, très en retard... Combien en a-t-on à reprendre? Il
y aurait peut-être...
Le Président (M. Doyon): On a pratiquement une heure de
retard.
Mme Frulla-Hébert: On a une heure de retard, alors
ça veut dire qu'on finirait à 19 heures.
Le Président (M. Doyon): On finirait à 19 h 30.
Mme Frulla-Hébert: Oh! À moins de demandera...
Le Président (M. Doyon): Parlez plus fort, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce serait possible, compte
tenu du retard qui était hors de notre contrôle, de demander au
dernier groupe, celui de 17 h 45, de reprendre en soirée?
Le Président (M. Doyon): La chose est possible, mais avec
le consentement de l'Opposition. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: On pourrait reprendre en soirée. À
quelle heure, M. le Président?
Le Président (M. Doyon): Entendre la Canadian Actor's
Equity Association à 20 heures au lieu de les entendre à 17 h 45.
L'autre possibilité qu'il y aurait, M. le député et Mme la
ministre, ça serait...
M. Boulerice: Si c'était à 19 h 30, M. le
Président, l'Opposition serait consentante à écourter
l'heure du dîner pour recevoir la Canadian Actor's Equity
Association.
Mme Frulla-Hébert: Ca veut dire qu'on finirait à
quelle heure?
Le Président (M. Doyon): C'est la possibilité ou on
peut tenter d'abréger les rencontres de cet après-midi si...
Mme Frulla-Hébert: Non, non.
M. Boulerice: Je ne souhaite pas, personnellement,
abréger.
Le Président (M. Doyon): Non, d'accord. C'est une
possibilité que j'évoque tout simplement.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on s'entend pour recommencer
vers 17 h 45, 19 h 45 plutôt? Entre les deux, je dois aller... compte
tenu que l'orateur... Ce n'est pas dû à ici mais c'est dû
à l'autre côté, je m'excuse.
M. Boulerice: Je m'excuse, madame, mais vous ne pouvez
prêter quoi que ce soit. L'Opposition, elle a des droits dans ce
Parlement et les assumera.
Mme Frulla-Hébert: Et elle s'en est servi, monsieur.
M. Boulerice: Si vous souhaitez, madame, obtenir un consentement,
je vous serai reconnaissant de bien vouloir le formuler avec la gentillesse
requise. Je serai capable de m'expli-quer auprès des intervenants,
madame, quant au bien-fondé des interventions que nous faisons en cette
Chambre.
Ceci étant dit, vous souhaitez que l'on reprenne à 19 h
45?
Mme Frulla-Hébert: À19 h 45, si possible. Le
Président (M. Doyon): Avec quel groupe?
Mme Frulla-Hébert: Si on a le consentement aussi du groupe
Canadian Actor's Equity Association.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que la
Canadian Actor's Equity Association est prête à être
entendue à 19 h 45 ce soir au lieu de 17 h 45 ce soir?
Une voix: Ça veut dire qu'on arrive à
Montréal vers une heure du matin. Si on n'a pas le choix, on n'a pas le
choix.
Le Président (M. Doyon): Je ne veux pas vous créer
d'embêtements. C'est une requête qui est faite de la part des
parlementaires. Une suspension pour deux minutes. Suspension.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Doyon): Donc, les parlementaires, avec la
bienveillance du groupe représenté par la Canadian Actor's Equity
Association, nous serons dans l'obligation de vous entendre, si vous n'en
faites pas une grosse différence, à 19 h 45, ce soir, le tout
premier groupe, ce qui vous libérera vers 20 h 30. Vous serez
libéré vers 20 h 30, ce qui vous met vers 23 heures à
Montréal.
Une voix: On est prêts à vous dire que ça ne
prendra pas plus de 20 minutes ou 25 minutes de votre temps, si ça vous
aide un peu dans le...
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci beaucoup.
Merci de votre compréhension. Donc, nous allons entendre dès
maintenant le premier groupe qui est l'Université du Québec
à Montréal, représentée par M. Claude Corbo que je
vois ici. Je lui souhaite la bienvenue et lui demande de bien vouloir
présenter les gens qui l'accompagnent et, après ça, de
faire la présentation de son mémoire ou un résumé
qu'il voudra bien nous faire. Ensuite, la conversation s'engage avec les deux
côtés de la table pour le temps qui restera sur les trois quarts
d'heure qui sont prévus. Vous avez la parole, M. le recteur.
Université du Québec à
Montréal
M. Corbo (Claude): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je suis accompagné,
à ma gauche immédiate, par Mme Rose-Marie Arbour, vice-doyenne de
la famille des arts de l'Université du Québec à
Montréal, à sa gauche, par Mme Suzanne Lemerise, directrice du
département des arts plastiques de l'Université, à ma
droite immédiate, par M. François Carreau, le doyen des
études avancées et de la recherche, et, à sa droite, par
Mme Ginette Legault, administratrice de la recherche à
l'Université du Québec à Montréal.
Le Président (M. Doyon): Cordiale bien- venue.
M. Corbo: Merci, M. le Président. M. le Président,
mesdames et messieurs, nous vous remercions d'avoir bien voulu entendre
l'Université du Québec à Montréal à votre
commission. La brièveté des délais entre le
dépôt du rapport du groupe-conseil et l'échéance
pour le dépôt des mémoires explique que l'Université
du Québec à Montréal a choisi de limiter son intervention
aux questions qui concernent particulièrement la formation d'artistes,
d'enseignants de l'art et à la question de la création en milieu
universitaire. Mes collègues et moi-même serons ravis de
répondre à vos questions. Vous me permettrez, toutefois, de vous
soumettre un certain nombre de considérations provenant de notre
mémoire.
Je veux, dans un premier temps, vous rappeler que l'Université du
Québec à Montréal est sûrement l'un des principaux
intervenants universitaires en arts au Québec et au Canada. C'est un
lieu important pour la création, la formation en arts et pour l'analyse
et la réflexion sur l'activité culturelle. À l'heure
actuelle, près de 200 professeurs de carrière et autant de
chargés de cours interviennent dans un certain nombre de domaines
disciplinaires: les arts plastiques, le design, le théâtre, la
musique, la danse, les études littéraires, les communications,
l'histoire de l'art, la muséologie et la sémiologie. Le secteur
des arts de l'UQAM, avec celui des lettres et des communications, couvre donc
à peu près tous les arts visuels et les arts
d'interprétation. Ses ressources professorales se caractérisent
par une diversité de modes d'intervention. Nous sommes engagés en
formation au premier cycle, où il y a environ 4500 étudiants dans
l'un ou l'autre de nos programmes dans le secteur des arts, des lettres et des
communications. Aux études de deuxième cycle, il y a environ 500
étudiants. Au troisième cycle, nous formons des créateurs,
des artistes, des pédagogues aux trois ordres d'enseignement, des
intervenants, des animateurs, des analystes, des historiens, des
théoriciens des arts et de la culture. Donc, une intervention en termes
de formation, une intervention en termes de création. Nous avons
continuellement encouragé les professeurs du secteur des arts à
poursuivre une activité de création. Nous avons
élaboré des modes d'appréciation et de financement de la
création et nous encourageons les professeurs à soutenir leur
création par une réflexion théorique sur le processus.
L'Université du Québec à Montréal intervient
également dans le domaine des arts et de la culture par une recherche,
une réflexion, par la formation de pédagogues et par des
activités de diffusion. Ainsi, vous connaissez la Galerie de
l'Université du Québec à Montréal, le Centre de
design. Vous connaissez également la nouvelle agora de la danse qui a
été bâtie en consultation avec le milieu, grâce,
entre autres, à une
collaboration financière du ministère des Affaires
culturelles. Vous connaissez également les productions de
l'Université du Québec à Montréal. Les oeuvres de
danse ou de théâtre que montent les professeurs et les
étudiants dans le cours de leurs activités de formation et de
recherche sont rendues accessibles à la population montréalaise.
De façon générale, je pense que l'Université du
Québec à Montréal, depuis 1969, contribue de façon
significative à la recherche sur les arts, à la vitalité
et à la diversité de la vie culturelle montréalaise et
québécoise.
Dans le contexte de son expérience comme établissement
d'enseignement universitaire engagé dans les arts, l'Université
du Québec à Montréal vous soumet un certain nombre de
recommandations qui sont de nature à éclairer cette commission
dans sa réflexion sur le rapport du groupe-conseil et dans sa
réflexion sur l'élaboration d'une politique culturelle du
Québec.
Nous recommandons donc, premièrement, que les universités
québécoises et l'Université du Québec à
Montréal, en particulier, soient associées de près
à l'élaboration de la future politique culturelle du
Québec et au plan d'action qui en découlera.
Nous recommandons, deuxièmement, que l'Université du
Québec à Montréal soit membre du groupe de travail
éventuellement responsable d'établir une concertation entre le
ministère des Affaires culturelles, le ministère de
l'Éducation, le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science et les divers milieux culturels en matière de formation
des enseignants pour les divers ordres d'éducation.
Nous recommandons, troisièmement, que l'Université du
Québec à Montréal soit reconnue comme partenaire dans la
définition du mandat d'un éventuel observatoire des politiques
culturelles.
Finalement, nous recommandons que l'Université du Québec
à Montréal soit associée aux efforts du gouvernement du
Québec en matière d'échanges internationaux entre artistes
et créateurs d'ici et d'ailleurs, et que cette université soit
reconnue comme étant un lieu privilégié de tels
échanges internationaux aux plans professionnel, critique et
théorique.
Voilà donc des recommandations que nous vous soumettons à
la lumière de notre expérience comme université
engagée dans le secteur des arts.
Nous souhaitons également, en deuxième lieu, vous faire
certaines remarques sur le thème de la culture, des arts et du destin de
la société québécoise. L'UQAM, vous le savez, est
une institution typiquement québécoise profondément
attachée à sa société d'appartenance et
passionnément soucieuse du devenir de la société
québécoise. L'UQAM croit que le destin du Québec, comme
société distincte, est indissociable de la force et de la
richesse de ses arts et de sa culture. L'UQAM croit, de plus, que les arts et
la culture sont un moyen privilégié pour le Québec de
s'épanouir à tous les plans, y compris le plan économique,
et de contribuer de façon originale à l'aventure de
l'humanité et à son patrimoine commun.
Dans ce contexte, l'UQAM vous soumet des idées précises.
Les industries culturelles exigent, au départ et à leur source,
la force créative des artistes québécois. Cela nous
apparaît fondamental. Il n'y a d'industrie culturelle que dans la mesure
où il y a d'abord des créateurs. Les objectifs et les conditions
de la création ne peuvent se confondre à ceux des industries
culturelles. Nous croyons que l'État doit s'assurer de garantir la
liberté de l'artiste et favoriser le développement de la
recherche en arts sans choisir pour le milieu ni privilégier des
tendances particulières. C'est l'expérience que nous vivons en
milieu universitaire de permettre à différents groupes,
différentes tendances, différentes visions, différentes
esthétiques de se réaliser. Nous croyons, comme
université, que les arts doivent garder une certaine distance par
rapport au pouvoir politique et économique et, à ce moment-ci de
l'évolution des choses, il nous paraît essentiel que l'on tienne
compte de nouvelles technologies et que l'on encourage l'éclosion de
nouvelles formes d'expression artistique, une alliance nouvelle, en somme, des
arts et des sciences.
À la lumière de ces réflexions que nous vous
soumettons sur les arts, la culture et le destin de la société
québécoise, nous recommandons en particulier que le gouvernement
du Québec assure de nouvelles sources de financement pour la recherche
en création afin de développer notamment des laboratoires
d'expérimentation en arts. Partout à travers les pays
occidentaux, je le signale, on assiste à un rapprochement entre les
sciences, les nouvelles technologies et les arts. Cela suppose l'accès
des créateurs à des technologies qui ne leur sont pas toujours
à portée de main. Dans ce contexte, cela doit préoccuper
le gouvernement et il doit faciliter, par ses sources de financement, les
expériences nouvelles de création et d'expérimentation en
arts.
Pour conclure, nous aimerions vous rappeler un problème
particulier qui confronte les universités sur le thème de l'aide
financière à la création en milieu universitaire. Cette
rencontre avec votre commission est sûrement pour nous, de
l'Université du Québec à Montréal, l'occasion
d'aborder un vieux dossier qui a fait l'objet de discussions depuis bien des
années, mais qui n'a toujours pas trouvé de solution: c'est la
question de l'aide financière aux arts et à la création en
milieu universitaire.
Contrairement aux collègues des autres disciplines, les sciences
sociales, les sciences de la nature, qui ont accès à des fonds
pour assurer leurs activités de création, les professeurs
créateurs en milieu universitaire ne peuvent
bénéficier de fonds pour les activités de
création. Ni le ministère des Affaires culturelles, ni le Conseil
des arts du Canada, ni les organismes subventionnâmes publics, qu'il
s'agisse, à Ottawa, du Conseil de recherches en sciences humaines ou du
fonds FCAR au Québec, ne financent la création en milieu
universitaire, malgré les représentations des universités,
dont l'UQAM, depuis 10 ans, malgré la décision du gouvernement du
Québec, à la création de l'UQAM, d'intégrer les
arts à l'université, malgré les recommandations de la
Société royale du Canada en 1990. Il n'y a pas d'aide
financière pour les créateurs en milieu universitaire, et
j'insiste pour dire qu'il ne s'agit pas là d'un caprice de la part des
universitaires. La création en milieu universitaire a, entre autres,
comme objectif de contribuer à la formation des étudiants et des
étudiantes de la relève. La raison fondamentale pour laquelle on
pratique la recherche en milieu universitaire, c'est pour assurer une meilleure
formation aux étudiants et aux étudiantes en sciences pures, en
sciences appliquées, en sciences sociales. L'équivalent de la
recherche dans les disciplines artistiques, c'est la création. La
création, ce n'est pas juste pour faire plaisir aux professeurs. Mais en
associant des étudiants aux travaux de création des professeurs,
on améliore la formation de ces étudiants et de ces
étudiantes, comme en associant les étudiants et les
étudiantes aux travaux de recherche des professeurs dans les disciplines
traditionnelles, on améliore leur formation. Pour cela, il faut que les
professeurs créateurs en milieu universitaire puissent aussi avoir
accès à des fonds de création.
Le gouvernement du Québec donc, nous l'invitons à
clarifier les règles en matière de financement de la
création produite par le corps professoral dans les universités
québécoises, en sachant toujours que ce n'est pas simplement pour
faire plaisir aux professeurs, mais que c'est pour permettre aux professeurs,
en associant les étudiants et étudiantes à leur
création, leur processus de création, de leur donner une
meilleure formation.
Voilà donc la substance des propos que voulait vous tenir
l'Université du Québec à Montréal. Je vous remercie
de votre attention. Mes collègues et moi-même sommes à
votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le recteur.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ça me fait grand, grand plaisir
de vous accueillir, M. Corbo ainsi que vos collègues.
L'Université du Québec constitue un intervenant majeur
dans toute la formation et le perfectionnement de plusieurs disciplines. Vous
avez touché un point qui nous est sensible et un point aussi dont on a
parlé beaucoup les semai- nes précédentes,
c'est-à-dire tout le côté de la recherche et du
développement. On parlait justement d'avoir la possibilité, tel
que vous le dites, d'avoir un fonds de recherche et développement de
sorte que la création puisse évoluer, se développer et
qu'on puisse tout simplement se permettre de se tromper parce que le
problème dans le milieu, c'est qu'il ne faut pas se tromper. Il faut
être bon à tout coup, il ne faut pas se tromper, êtes-vous
capable d'élaborer un peu votre vision de ça? Comment on pourrait
faire en sorte qu'il y ait ce fonds de recherche et développement?
Ça relèverait de qui?
M. Corbo: Je pense que le doyen Carreau peut répondre
à cette question, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): M. le doyen.
M. Carreau (François): Merci. En fait, il y a
différentes possibilités. Il est certain que les artistes en
milieu universitaire ne voudraient pas être jugés comme
étant des artistes de deuxième classe. Donc, il ne s'agit pas
qu'ils aient accès à des fonds pour lesquels les critères
d'évaluation seraient moindres. Je pense que c'est une précaution
importante à prendre d'emblée, au point de départ.
La façon de le faire. Une façon, ça serait sans
doute d'avoir une enveloppe réservée mais évaluée
avec les mêmes critères pour la création en milieu
universitaire dans le sens d'une contribution directe ou indirecte à la
formation des étudiants en milieu universitaire.
M. Corbo: Vous savez, il s'est développé une
expertise avec le fonds FCAR du côté des sciences pures et des
sciences sociales. On peut faire la même chose avec les arts, avec la
création.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que c'est possible alors de
combiner... Parce qu'on parle de fonds de recherche et développement au
niveau universitaire et on parie aussi, au niveau du développement, des
arts en général. Est-ce que c'est possible de faire un lien entre
les deux? Est-ce qu'il pourrait y avoir une interaction?
M. Carreau: Faire le lien avec les fonds de recherche?
Mme Frulla-Hébert: Non, je m'explique. On a beaucoup
parié du développement des arts en général au
Québec. Il y a quelques groupes qui ont soulevé la
possibilité, pour nous, d'avoir un fonds comme un fonds d'aide aux
artistes, un fonds de recherche et de développement. Ça, c'est
une chose. Maintenant, vous parlez aussi de fonds de recherche et
développement pour des artistes en milieu universitaire en disant que
les normes d'excellence se doivent d'être les mêmes que dans le
secteur dit privé, par exemple, pour
qualifier les deux: universitaire versus privé. Est-ce que c'est
possible de penser à une interaction entre les deux?
M. Carreau: Sans doute. J'aimerais vous faire part d'une
préoccupation qu'ont nos collègues universitaires. Dans
l'ensemble, ils ont accès aux fonds qui sont prévus pour la
création. Donc, que ce soit pour la recherche et le développement
en arts, je pense qu'ils y ont accès. Cependant, la difficulté
qu'il y a, c'est que le milieu perçoit les demandes qui viennent des
professeurs d'université comme étant une compétition
injuste pour des fonds qui sont rares. Je pense qu'il faut avoir cette
préoccupation à l'esprit. C'est que, dans le fond,
l'université a un rôle important dans fa formation des artistes,
mais le milieu, comme tel, est porté à penser que les artistes en
milieu universitaire sont en concurrence, pour les mêmes fonds, avec les
artistes qui ne sont pas en milieu universitaire. Alors, c'est une
difficulté réelle mais, à mon avis, on doit trouver une
solution parce que, autrement, on défavorise, à ce
moment-là, la création en milieu universitaire et une partie de
la liberté des... En fait, en milieu universitaire, les artistes peuvent
sans doute aller un peu plus loin qu'ils ne le pourraient dans des conditions
normales. Je parle, entre autres, des arts d'interprétation.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à ma
deuxième question. Quand vous dites que ça ne va nulle part,
qu'est-ce qui arrive au niveau du budget des universités dans ce
cas-là? Est-ce qu'à ce moment-ià les budgets
universitaires ne devraient pas - parce que vous faites justement de la
formation très avancée et poussée dans le domaine culturel
- être suffisants pour répondre à ce besoin-là?
M. Corbo: Mme la ministre, je voudrais vous signaler que la
question que vous posez peut conduire à un raisonnement dangereux parce
qu'on pourrait se retourner vers les sciences pures ou les sciences sociales et
dire: Dans le fond, est-ce que le budget qu'on donne aux universités ne
suffit pas pour faire la recherche? Ça n'est pas le cas au sens
où les universités ont un budget pour fonctionner, payer des
salaires, assurer des locaux. Nous fournissons aux professeurs en arts une
infrastructure minimale, comme nous le faisons pour les professeurs en sciences
sociales ou en sciences pures. Mais au-delà de ça, la recherche
ou, éventuellement, la création comportent des coûts
supplémentaires qui n'émargent pas les budgets des
universités.
M. Carreau: À même le budget de fonctionnement des
universités, nous réservons une enveloppe pour faire du
développement, c'est-à-dire pour faire du démarrage en
recherche, que ce soit en sciences naturelles, en sciences sociales ou en
sciences humaines, mais aussi pour la création. Mais, normalement, ces
budgets sont insuffisants pour assurer l'ensemble des activités de sorte
qu'on a besoin d'une aide spéciale. C'est la raison pour laquelle, dans
les autres secteurs de l'université, on s'adresse aux organismes, que ce
soit le fonds FCAR, les conseils fédéraux, le Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches
en sciences humaines ou encore le Conseil de recherches médicales. Ce
sont là les organismes qui financent le gros de la recherche qui est
faite à l'université. C'est 85 % de la recherche qui sont
financés par un apport de fonds extérieurs.
Mme Frulla-Hébert: Vous faites aussi état du fait
que votre université veut devenir une espèce de creuset entre les
communautés ethniques et la communauté francophone. Quels sont,
d'après vous, les principaux moyens pour réussir et atteindre cet
objectif-là? Évidemment, on en a aussi beaucoup parlé de
cette... je ne dirais pas intégration, mais de l'apport des
communautés culturelles à la culture
québécoise.
M. Corbo: Je pense, Mme la ministre, que l'Université du
Québec à Montréal comme, du reste, l'ensemble des
universités francophones - mais peut-être plus parce qu'elle est
à Montréal - doit faire un effort particulier pour attirer,
accueillir et former des jeunes gens venant des communautés culturelles.
À l'heure actuelle, environ de 5 % à 6 % des étudiants des
universités québécoises francophones proviennent des
communautés culturelles, alors que c'est de l'ordre de 18 % à 20
% à McGill ou à Concordia. Alors, je pense qu'on a une
responsabilité. On cherche les moyens, on cherche à prendre
contact, on cherche a développer un intérêt pour cette
université dans les communautés. Ce n'est pas le genre de chose
qu'on fait du jour au lendemain et ça dépend aussi de la
conjoncture plus générale du Québec, comme vous le
soupçonnez bien.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (16 h 45)
M. Boulerice: M. le recteur, M. le doyen, mesdames, la
première question que j'aimerais vous poser, c'est... Vous le savez
comme moi, vous l'avez lu, le rapport Arpin vise à accorder à la
culture une place aussi importante que le social et l'économique; c'est
déjà un énoncé important, forcément, au sein
des actions de l'État. Mais comment, d'après vous, le
Québec peut-il y arriver avec les moyens limités dont il dispose?
Deuxièmement, est-ce qu'on peut parler d'une véritable politique
culturelle sans intégrer la dimension des communications? Je la pose,
connaissant la réputation de votre université au niveau des
communications.
Mme Arbour (Rose-Marie): Le premier élément qui
est: Est-ce que le Québec peut, effectivement, a les moyens... Est-ce
que c'est vraiment de former des artistes ou d'avoir une politique sur le plan
de la création? Avec les universités qui forment les artistes
actuellement, avec les compétences - par exemple, je pense à
l'UQAM, sur le plan des professeurs et même des programmes - je pense
qu'effectivement le Québec peut se permettre d'avoir une politique
à la fois de formation d'artistes, à la fois d'aide à la
production artistique et aussi d'aide à la diffusion. Je pense qu'il
s'agit de savoir où sont les compétences. Par exemple, un des
volets d'une politique culturelle, ce serait justement, lorsque le
ministère des Affaires culturelles pose des questions, a des
problèmes à résoudre, de faire beaucoup plus appel aux
compétences qui sont au sein des universités,
particulièrement dans le secteur des arts en ce qui a trait, en tout
cas, aux arts en tant que tels.
Quant au deuxième volet de votre question, c'est-à-dire
toute la dimension des communications, effectivement, le rapport que nous
déposons aujourd'hui, c'est beaucoup plus limité à la
question du secteur des arts à l'UQAM. Le temps ainsi que
l'été faisaient qu'il y avait peut-être plus de professeurs
qui étaient libres pour travailler sur cette question à ce
moment-là. Il y a eu une difficulté, effectivement, pour
rejoindre les gens pour aborder une question reliée à la culture
et aux communications d'une façon beaucoup plus vaste.
M. Boulerice: Mais, de votre avis, il est extrêmement
difficile d'avoir une politique des arts et de la culture sans y englober
l'immense volet des communications.
Mme Arbour: Tout à fait.
M. Boulerice: II y a trop d'interrelation, c'est trop
interpénétré pour compartimenter.
Mme Arbour: Oui, c'est tout à fait juste d'autant plus
que, lorsque vous voyez les programmes de formation des étudiants
à l'UQAM, effectivement, ça va des arts, en passant par les
lettres, aux communications, qui incluent autant journalisme, cinéma,
vidéo que toutes les nouvelles technologies. L'UQAM est un des
intervenants principaux dans la formation, justement, des gens qui sont
reliés au domaine des communications, au domaine des arts ou de la
création en tant que telle.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Oui, M. le Président. Merci. Messieurs,
mesdames, un des aspects importants du rapport Arpin, c'est de proposer que le
Québec devienne le seul intervenant dans le domaine de la culture et des
arts, et il ne peut pas le faire sans que le fédéral transmette
au Québec, en vertu des vases communicants, tous les fonds que lui
administre, qu'il distribue dans la nature et dont il se sert, d'ailleurs, pour
affirmer sa présence et faire concurrence, au Québec, au
ministère des Affaires culturelles, de manière à ce que,
s'il est partout, on ne l'oublie pas. Quand viendra le jour de voter, il y a
des gens qui vont se dire: Moi, je vote pour le fédéral parce
qu'il m'a déjà aidé, parce qu'il a aidé mon
institution. Je suis sûr que ce n'est pas étranger au comportement
du fédéral dans ses attitudes.
J'aimerais savoir si les porte-parole de l'Université du
Québec à Montréal sont d'accord pour endosser ce que Mme
la ministre disait il y a un mois - et qui n'est plus tout à fait ce
qu'elle dit aujourd'hui - et s'ils sont d'accord que le Québec rapatrie
et les pouvoirs et les fonds dans le domaine de la culture.
M. Corbo: M. le Président, au risque de décevoir le
député et cette commission, je dois vous dire que
l'Université du Québec comme telle n'a pas de position
constitutionnelle non plus que sur cette recommandation du rapport. Cependant,
je pense que mes collègues, qui sont très près du milieu
des créateurs et des artistes, peuvent avoir des réflexions
à soumettre à la commission.
Mme Arbour: Oui, à ce propos, la plupart des professeurs
qui sont dans le secteur des arts, en tout cas, sont tout à fait pour un
rapatriement des pouvoirs en autant que ce soit à l'échelle du
Québec et non pas uniquement dans le domaine de la culture parce que la
culture est indissociable des éléments économiques,
politiques et, enfin, de tout le développement du Québec. Ce
serait un peu comme parler de la culture et des arts comme si c'était la
cerise sur le gâteau, de vouloir enlever la cerise et de la mettre
ailleurs. Alors, c'est vraiment une entreprise à l'échelle du
Québec. Je pense, à ce moment-là, qu'à la question
posée "Est-ce qu'on va rapatrier les fonds de la culture, comme tels?"
la plupart des gens ont beaucoup de réticences parce qu'ils ne veulent
pas être le lieu d'expérimentation d'une autonomisation, d'un fait
ou d'un état d'indépendance.
Je pense que, d'autre part, une des inquiétudes des artistes est
à savoir comment seront gérés ces fonds. Il faudra d'abord
les récupérer. Il y a beaucoup de scepticisme là-dessus.
Enfin, ça, c'est autre chose, mais surtout comment ils seront
gérés. Dans ce sens-là, la plupart ont cette vision d'une
espèce de conseil des arts qui serait paragouvernemental et où ce
seraient les pairs qui jugeraient les artistes beaucoup plus qu'une
intégration, si on peut dire, des fonds culturels et d'une politique
culturelle à même les gouvernements en place. On le sait, il y a
beaucoup de couleurs qui déteignent sur les
politiques culturelles à partir du moment où les
décisions sont prises à l'intérieur même des
instances gouvernementales.
M. Godin: M. le Président, je tiens à dire au
recteur, M. Corbo, que je ne suis pas ici pour être déçu ou
content. Je suis ici pour m'informer et, surtout, obtenir de vous ce que vous
pensez profondément sur ces questions-là. Donc, moi, au fond, que
quelqu'un me dise: Je m'en fous totalement, ça n'a pas aucune influence.
C'est ma perception personnelle de la personne qui est là ou de
l'institution qu'elle représente et au nom de laquelle elle parle.
M. Corbo: Écoutez, M. le Président,
l'Université du Québec à Montréal, comme
communauté universitaire, n'a pas vraiment de position sur les questions
constitutionnelles. Je pense que nous sommes très
préoccupés de ne pas être victime, comme institution, de
querelles entre les gouvernements, et nous souhaitons que l'action des
gouvernements soit complémentaire plus qu'en concurrence. Cela
étant, je pense qu'on va regarder comment les choses vont
évoluer.
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être une
dernière question?
M. Boulerice: Une dernière question. Je comprends votre
observation. Effectivement, la SARDEC nous le disait hier, il y a une
méfiance face au gouvernement actuel au sujet du transfert
latéral de tout l'argent, compte tenu du passé assez lourd de
l'administration actuelle dans le domaine de la culture: absence de lois
structurelles, non-atteinte du 1 %, etc. Mais si on vous garantit le principe
du "arm's length" avec le Conseil des arts, etc., il me semble que ce soit
acceptable pour vous. Je pense vous avoir compris dans votre chose, mais
l'université étant le monde de la pensée et de l'analyse,
la question que j'aimerais vous poser, c'est: Quel devrait-être le
mandat, voire même la composition de l'observatoire des politiques
culturelles qui est proposé par le rapport Arpin?
M. Corbo: L'objectif d'un tel observatoire est d'en faire un lieu
qui permet de bien connaître l'évolution des politiques
culturelles, des pratiques, de la réalité. Il nous semble que cet
organisme doit être doté d'un mandat clair et précis pour
éviter toute confusion, que cet organisme doit peut-être avoir une
certaine distance vis-à-vis du ministère comme tel - le
gouvernement - que cet organisme doit être capable d'aller chercher dans
les universités les ressources qui lui permettront de faire les
recherches, même les recherches très pratiques et très
concrètes qu'il a le mandat de faire parce que, dans les
universités, il y a des ressources pour ce faire. C'est un organisme qui
devrait donc demeurer léger et je pense qu'il serait utile qu'à
cet organisme soient associées, d'une façon ou de l'autre, les
universités québécoises. Maintenant, ça, c'est une
remarque que je fais. Je ne sais pas si mes collègues veulent
compléter.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
peut-être un mot de remerciement, si vous le voulez bien.
M. Boulerice: Oui. Je note bien que l'Université,
effectivement, qui a ses penseurs et surtout ses créateurs
également dans le domaine des arts et de la culture, veut être
mise à profit. Effectivement, une société qui n'utilise
pas à son plein rendement ses intellectuels est une
société qui s'appauvrit elle-même très, très
rapidement. Je retiendrai, par tout ce que vous avez dit, ce dernier
élément. Je voudrais vous remercier, M. Corbo, M. Carreau et vos
collègues.
M. Corbo: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je vous remercie, M. Corbo ainsi
que vos collègues. Après cette commission, c'est sûr que la
politique culturelle ne sera pas - je l'ai dit tantôt, d'ailleurs - en
vase clos mais en collaboration avec nos divers milieux parce qu'une politique
se fait, justement... C'est pour le Québec, ce n'est pas pour nous.
Donc, c'est sûr que nous acceptons avec joie l'invitation de votre
collaboration à l'élaboration, d'une part. Aussi, comme on parle
d'enjeu culturel - c'est une politique culturelle - je pense que votre
réflexion à se limiter justement au domaine culturel était
très juste. Merci.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, il me
reste, au nom de la commission, à vous remercier d'avoir bien voulu,
premièrement, attendre le temps que vous avez dû attendre et,
deuxièmement, de vous être prêtés à cet
exercice. Merci beaucoup.
M. Corbo: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Alors, tout en vous donnant le
temps de vous retirer de la table, j'invite maintenant le groupe suivant - il
s'agit de la Société des musées québécois -
à bien vouloir prendre votre place.
Maintenant que nos invités ont eu le temps de prendre place
à la table, je leur indique que tes mêmes règles vont
s'appliquer à leur présentation qu'à celle qui a
été faite par les gens qui les ont précédés.
Je ne prendrai pas plus de temps pour vous les indiquer. Je vous invite,
cependant à vous présenter et à procéder
dès
maintenant. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous
laisse la parole.
Société des musées
québécois
Mme Gascon (France): Merci, M. le Président. Alors, je
voudrais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. À
mon extrême gauche, M. Guy Bouchard, qui est directeur du musée
Louis-Hémon, à Péribonka, et qui est secrétaire de
la Société des musées québécois; à ma
gauche, M. Michel Perron, qui est directeur du Musée d'art de Joliette
et également membre du conseil d'administration de la
Société des musées québécois. Mon nom est
France Gascon. Je suis conservatrice en chef au musée McCord d'histoire
canadienne à Montréal et présidente de la
Société des musées québécois. À ma
droite, Mme Sylvie Gagnon, qui est directrice générale de la SMQ,
et, à mon extrême droite, M. Laurier Lacroix, qui est directeur du
programme de muséologie à l'Université du Québec
à Montréal et également vice-président de la
Société des musées québécois.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, distingués
membres de la commission, après ces présentations d'usage, je
voudrais ajouter d'autres présentations, maintenant, qui vont
peut-être vous permettre de mieux connaître la
Société des musées québécois. (17
heures)
La Société des musées québécois est
l'organisme qui représente l'ensemble du milieu muséal
québécois. Elle regroupe à la fois des institutions
à caractère muséal et des professionnels qui oeuvrent dans
ce domaine. Elle compte actuellement plus de 700 membres. Notre
définition de l'institution muséale est celle qui est
internationalement reconnue. Elle inclut aussi bien le musée proprement
dit que le centre d'exposition, le centre d'interprétation ou le lieu
historique, ou encore l'institution qui serait à vocation artistique,
technique ou scientifique.
La SMQ a comme principal objectif de promouvoir l'avancement de la
muséologie au Québec et elle privilégie des formes
d'intervention qui vont toucher, d'abord et avant tout, évidemment, ses
membres, mais qui rejoindront aussi les communautés qui soutiennent et
encouragent les musées ainsi que les divers partenaires publics ou
privés dont l'appui est essentiel à la survie de nos
institutions.
Alors, la SMQ, comme vous avez probablement pu le constater, a
placé en annexe à son mémoire les grandes lignes du projet
de politique muséale que notre milieu attend déjà depuis
de nombreuses années. Mme la ministre ayant convenu de rencontrer, au
terme de cette commission parlementaire, plus exactement le 7 novembre, un
large groupe de représentants de la communauté muséale
afin de discuter du projet de politique muséale en cours
d'élaboration en ce moment au ministère, nous avons
préféré repor- ter à ce moment-là la
discussion sur les problèmes affectant de manière très
spécifique le secteur muséal québécois, ainsi que
les solutions que nous envisageons.
Nous nous en tiendrons donc pour aujourd'hui au cadre
général de réflexion proposé par le groupe-conseil
et nous concentrerons donc notre attention, comme nous l'avons fait d'ailleurs
dans notre mémoire, sur fa proposition de politique culturelle en tant
que telle. D'ailleurs, vous allez sûrement constater que les commentaires
que nous allons faire sont très liés au texte même de la
proposition Arpin. C'est un choix délibéré de notre
mémoire, mais aussi de notre présentation aujourd'hui. Nous avons
considéré que la proposition Arpin posait des questions qui nous
permettaient, à nous, de questionner, de revoir et d'examiner des enjeux
de société qui étaient extrêmement importants. C'est
pour ça que nous nous en tiendrons à quelque chose qui pourrait
peut-être vous apparaître à un certain moment comme une
analyse de texte, mais qui ouvre la voie, ouvre la porte, selon nous, à
une discussion sur les problèmes fondamentaux.
La Société des musées québécois tient
d'abord à redire ici sa satisfaction d'avoir constaté que le
groupe-conseil dirigé par M. Roland Arpin proposait de faire du
développement culturel une des priorités de l'État, et
qu'il l'ait dit sous la forme d'une démonstration aussi convaincante que
convaincue. La toute première étape menant à la
formulation et à l'adoption d'une nouvelle politique est l'expression
d'une volonté. On a déjà vu des volontés qui
étaient étriquées, tièdes ou exprimées de
façon détournée. Rien de tout cela dans le rapport Arpin
qui nous amène sans détour à sa conclusion essentielle,
à savoir que le développement culturel est un choix de
société devenu, dans le Québec d'aujourd'hui,
incontournable. En d'autres termes, il y avait un effort de rhétorique
à être fourni à cette étape du processus, et nous
apprécions énormément qu'il l'ait été avec
autant de force et de conviction.
Il y a une masse énorme de préjugés à
renverser à propos du développement culturel et ce n'est pas avec
des raisonnements étroits et quelques analyses trop pointues qu'on va
les renverser, mais avec une vision généreuse et ambitieuse comme
celle qui anime, d'après nous, le rapport Arpin. Il nous faut faire face
à la réalité et nous armer en conséquence. Tant et
aussi longtemps que la société québécoise
considérera, comme elle le fait en ce moment - je pense qu'il ne faut
pas avoir peur des mots -que le développement culturel est un luxe dont
on peut se passer, que la culture, c'est peut-être toujours davantage
l'affaire des autres, à la rigueur celle des élites, et tant
qu'on n'aura pas saisi que le développement culturel est
interdépendant du développement économique et social,
l'épanouissement de notre vie culturelle
va demeurer au plus bas niveau dans notre échelle de valeurs
collectives et tout ce qui la concerne va continuer de susciter de la
méfiance, voire même du mépris.
Cela dit, même si la Société des musées
québécois partage entièrement la grande et noble ambition
de faire du développement culturel une des priorités de la
collectivité québécoise, nous croyons qu'une telle
ambition aurait mérité d'être soutenue par une
stratégie beaucoup mieux définie. L'espace culturel est un espace
dynamique qui met en présence des volontés et des
intérêts aussi nombreux que divers. Ce sera le rôle de la
politique culturelle de faire converger ceux-ci vers des buts communs. Il ne
suffira pas d'affirmer la volonté de l'État, aussi forte
soit-elle. Une vision dirigiste risque, de toute façon, de demeurer
abstraite. Un véritable leadership du gouvernement
québécois en matière culturelle va nécessiter de la
part de celui-ci une reconnaissance plus poussée des attentes et des
motivations de ses divers partenaires, le milieu culturel compris. Parce que la
question stratégique des rapports avec les partenaires de l'État
y est largement escamotée, la proposition Arpin nous semble, de ce fait,
sérieusement limitée dans sa portée.
Nous ne partageons pas, en particulier, la vision qui est donnée
des régions. Celles-ci sont abordées comme un vide qui serait
à combler par une cartographie. Il n'y a rien, de notre point de vue,
qui assurera là la relance régionale. De son côté,
la réalité pluriethnique, et celle de Montréal en
particulier, est à peine effleurée dans le document. Il s'agit
pourtant, cet enjeu-ci comme le précédent, d'enjeux qui sont
majeurs pour la société québécoise et un projet de
politique culturelle ne pouvait se permettre de les éviter. D'autre
part, intimer l'ordre aux municipalités de coopérer ne nous
semble pas approprié et nous aurions plutôt voulu voir esquisser,
et nous nous attendons, devrais-je préciser, à voir esquisser le
plus rapidement possible une véritable analyse de l'approche
décentralisatrice dont le Québec pourrait et devrait se doter en
matière culturelle.
Également décevante nous a semblée l'approche
préconisée dans les rapports de l'État avec le grand
mécénat. Celui-ci a joué un rôle important, en
particulier dans le domaine muséal. Les musées au Québec
ne seraient pas ce qu'ils seraient sans l'apport de grands
mécènes. De ce point de vue, de vagues intentions globales et
l'expression empressée de sa gratitude ne constituent pas, à nos
yeux, une proposition satisfaisante et nous nous serions attendus à plus
de précision face à des partenaires qui ont
précédé l'État sur un terrain que celui-ci voudrait
maintenant, semble-t-il, occuper.
Maintenant, à propos des liens avec le fédéral,
nous regrettons que la valeur de l'apport du fédéral dans le
domaine culturel n'ait pas encore été chiffrée de
manière précise. Une base de négociation doit être
établie le plus rapidement possible, sinon le milieu culturel risque de
se retrouver perdant. Et on pense, d'ailleurs, que la division qui règne
à ce sujet dans le milieu culturel, et, je pense, que cette commission a
fait émerger jusqu'à maintenant, est peut-être nourrie par
cette absence de documentation sur la valeur de l'apport du
fédéral. Et, nous aimerions, d'ailleurs, souligner aussi à
ce sujet-là que le calcul devrait faire une large part aux institutions
et aux agences fédérales qui ont mérité, au fil des
ans, le plus grand respect de la communauté culturelle
québécoise. Il faudra aussi, nous croyons, en tirer les
leçons qui s'imposent.
Sur un autre plan, nous encourageons la création d'un
ministère de la culture chargé, entre autres, de faire valoir la
mission culturelle auprès des autres ministères. Mais là
encore, nous nous interrogeons sur la façon dont ce ministère
pourrait gagner en influence, alors même qu'on assiste à une
érosion constante du pouvoir des ministères à vocation non
économique. Et là aussi, je précise notre pensée.
Ce n'est pas qu'on veuille minimiser l'impact économique des
activités culturelles; les musées seraient très mal
placés pour le faire. Je crois que les études sont de plus en
plus nombreuses, qui ont permis non seulement de constater l'impact
économique des activités muséales, mais aussi de les
évaluer avec de plus en plus de précision. Mais on regrette
cependant une tendance qu'il y a, qu'on constate, à privilégier
l'impact économique, et parfois au détriment d'autres impacts de
l'activité muséale.
Un autre point important, maintenant. Nous ne croyons pas que la
recommandation à l'effet d'inciter les grands musées à
exporter encore plus d'expositions vers les régions soit un
remède adapté aux problèmes vécus par les
musées en région, car ceux-ci en verront probablement leur
dépendance encore plus accentuée. Seul l'accès à
des fonds suffisants leur permettra de se réaliser en tant
qu'institutions autonomes. Ce qui voudrait dire aussi, peut-être, pour
les musées régionaux, d'exporter davantage vers d'autres
régions et que l'échange ne se fasse pas nécessairement
entre tes grandes institutions et les petites mais de façon
multidirectionnelle.
D'un autre point de vue encore, que l'on puisse retrouver une expertise
centrale de tout premier ordre dans ce futur ministère de la culture est
une condition essentielle pour assurer le succès d'une politique
culturelle. Les services reliés aux musées, pour parler de ce que
nous connaissons le mieux, sont pourtant, à ce moment-ci,
assurés, au ministère des Affaires culturelles, par un personnel
qui n'a jamais été aussi réduit. Il s'agit d'un autre
revirement que semble souhaiter le rapport Arpin, un autre miracle, oserais-je
dire, mais dont il ne nous laisse pas deviner par quelle voie il pourrait
survenir. Les milieux culturels devront aussi trouver dans ce ministère
des garanties que les
décisions seront prises à l'abri des pressions politiques,
en mettant un terme, aussi, aux politiques de saupoudrage, et sans pour autant
faire en sorte que la relève soit étouffée.
Dans une plus large perspective maintenant, nous aurions souhaité
que la proposition Arpin reconnaisse que les musées échappaient
à certains découpages arbitraires que le rapport a fait siens,
par exemple celui qu'il trace entre la création et la diffusion - nous
sommes mal à l'aise avec ça parce que, dans les musées,
nous faisons à la fois l'une et l'autre - ou encore entre la culture
artistique et la culture scientifique. Les musées reconnaissent tout
aussi bien le patrimoine artistique, historique, archéologique,
archivistique et scientifique que technique, et la liste pourrait s'allonger.
Et j'ajouterais aussi que ce sont des distinctions que le public, lui, fait
aussi de moins en moins.
Également, une meilleure introduction aux nécessaires
mesures de rattrapage que l'État devra mettre en place aurait
préparé le terrain de manière beaucoup plus efficace aux
sous-secteurs culturels qui devront plaider pour une augmentation substantielle
de l'investissement de l'État dans leur domaine. Nos revendications pour
le secteur des musées, qui apparaissent en annexe à notre
mémoire, comme je le disais au début de cette
présentation, montrent à quel point l'intervention de
l'État est nécessaire pour que le développement du secteur
muséal se fasse de manière ordonnée, en tirant le meilleur
parti des ressources disponibles, ainsi que pour le bénéfice de
l'ensemble de la société québécoise.
En terminant, je sens le besoin de préciser ici que la longue
liste de déceptions que je viens d'égrener est d'abord et avant
tout le fait d'une proposition ambitieuse qui incite à élever le
niveau de nos exigences. La barre a été placée très
haut et nous souhaitons que ce soit à ce niveau que la discussion se
poursuive. Par les recommandations qu'elle va faire, la commission que vous
présidez a une chance historique de secouer la méfiance que la
société québécoise a trop largement servie à
ses créateurs. Il est temps que le gouvernement prenne acte de la
colère qui ne cesse de grandir dans le milieu culturel et pose un geste
significatif. Il faut, de la part de cette commission, un engagement ferme.
Si la volonté exprimée dans le rapport Arpin ne trouve pas
ici d'écho, si l'on préfère les faux-fuyants à la
véritable politique culturelle sur laquelle le Québec devrait
pouvoir compter, on peut s'attendre à ce que se
détériorent encore davantage les liens de confiance qui
subsistent encore - nous croyons qu'ils subsistent encore - entre les pouvoirs
publics et les milieux culturels. On peut aussi s'attendre à un
mouvement de désaffection encore plus prononcé de la part de
certains milieux culturels. Et ce sera d'autant plus malheureux, de notre point
de vue qui est celui des musées, mais le point de vue des musées
est toujours un peu aussi celui du public, parce que le musée est
toujours entre les créateurs et le public, donc du point de vue du
public qui, lui, n'a jamais manifesté autant qu'aujourd'hui le
goût de se réapproprier sa vie culturelle, pour autant, cependant,
qu'on lui en laisse la chance.
Alors, nous vous remercions de nous avoir donné la
possibilité de présenter notre point de vue. Nous serons heureux
de répondre à vos questions et nous pouvons vous dire aussi que
nous allons continuer de suivre avec beaucoup d'intérêt la suite
de vos travaux. Merci.
Le Président (M. Paré): Alors, merci beaucoup Mme
Gascon. Nous allons maintenant entreprendre les échanges avec les
membres de la commission, et la parole est à Mme la ministre des
Affaires culturelles. (17 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Gascon. Bienvenue à
vous tous. D'entrée de jeu, je veux souligner la qualité
exceptionnelle du mémoire et aussi l'apport que vous faites, justement,
de par vos recommandations, au document de réflexion qui est le document
sur la politique de la culture et des arts. J'aimerais vous poser une question,
parce que ça revient régulièrement. Vous parlez de
désaffection du milieu, de méfiance du milieu. Par contre, elle
semble être là... Bon, on en parle, suite, justement, à
votre conclusion verbale. On en parle. Et quand les milieux viennent - et vous
n'avez pas tort - on va parler d'une certaine méfiance, mais elle semble
être là, aussi, depuis très longtemps. C'est toujours la
méfiance entre les créateurs et des paliers gouvernementaux,
méfiance... La preuve, à un moment donné, on parle de
maîtrise d'oeuvre. Tout de suite, on pense contrôle au niveau de la
création et dirigisme. C'est ce qu'on reçoit. On a
été surpris de recevoir ça, mais c'est ce qu'on lit de
l'autre côté. Et quand on regarde le développement, si on
veut, et ça depuis 30 ans, que ce soit d'un gouvernement ou d'un autre,
l'effort mis... Même au niveau financier, ce qu'on a fait, aussi, depuis
30 ans, on a fait quand même de grands pas et il y a eu des efforts
financiers considérables, aussi, de mis au niveau de ce
développement.
On parle aussi d'une méfiance face au gouvernement provincial
versus, par exemple - et ça, c'est revenu aussi - la façon de
gérer du fédéral, c'est-à-dire ce fameux "arm's
length" dont on entend parler depuis 15 jours. Par contre, si on regarde les
programmes, tout se fait, au niveau provincial, par jury et l'aide
donnée, comparativement au budget du Conseil des arts, par exemple, est
une proportion de 3 000 000 $ à 5 000 000 $. Mais pourtant, on a
l'impression que c'est plus neutre, qu'ils en font plus, mais c'est l'inverse.
C'est vrai que notre public, ou enfin nos clientèles sont plus
éclatées, mais c'est l'inverse. Alors, j'aimerais ça que
vous
me reparliez de ça, de cette méfiance-là, et est-ce
qu'elle tient seulement au niveau du besoin financier constant et du manque
d'argent? Est-ce que c'est juste ça? Est-ce que ça se limite
à une question de sous ou est-ce plus que ça?
Mme Gascon: Je suis contente qu'on aborde la discussion sur cet
aspect-là parce que je pense qu'il a coloré les débats. Je
trouve qu'il y a beaucoup de sentiments qui sont rassortis dans les
débats. Je crois que parler de méfiance... Je faisais
référence à un sentiment qui est latent, mais je pense que
ce serait peut-être plus précis de justifier ou d'expliquer cette
méfiance qui est, je crois, liée à quelque chose de
très précis, qui est plus une manifestation d'impatience face au
ministère des Affaires culturelles, au gouvernement, aux interventions
du gouvernement en général.
Il y a des doléances qui ont été exprimées
depuis longtemps. Le milieu culturel demande aussi depuis très longtemps
que le développement culturel devienne une priorité de
l'État, qu'il y ait des fonds suffisants qui soient accordés au
développement culturel dans chacun des secteurs. Et il n'y a pas eu,
vraiment, on n'a pas senti cet appui. Et cette impatience, mol, je pense, est
en train de dégénérer en quelque chose qui s'appelle des
liens de confiance qui sont en train, peut-être, d'être remis en
question.
Et je crois que, comme l'attente n'a jamais été aussi
grande, à ce moment-ci, c'est simplement un sentiment d'impatience qui
est exacerbé. La Société des musées
québécois, quant à elle, croit encore dans le processus
mais considère en même temps, participe à ce mouvement
d'impatience parce qu'on considère que c'est une dernière chance
que nous avons, à ce moment-ci. Il faut que le processus nous
amène à une politique culturelle digne de ce nom qui nous donne
les cadres réglementaires dont nous avons besoin, ainsi que le soutien
financier, le cadre global de soutien financier que nous attendons.
Pour ce qui est de la question du dirigisme, nous n'avons pas, nous
aussi, dans notre mémoire, craint vraiment le dirigisme. Nous avons
plutôt craint des intentions qui étaient trop abstraites et qui,
dans leur caractère trop abstrait, ne nous informaient pas sur le type
de relations qui seraient établies entre le ministère des
Affaires culturelles et ses clientèles. Nous étions très
étonnés, dans la proposition Arpin, par exemple, de ne pas
trouver de référence à ces institutions, à cette
culture de politique culturelle que l'on trouve dans d'autres pays, que l'on
trouve aussi au Canada anglais, où un principe comme le "arm's length"
est très important et fondamental, est évoqué à
presque chaque moment où on rediscute les institutions, les agences, les
rapports entre les gouvernements et les clientèles. Alors, cette
volonté exprimée de façon trop abstraite ouvrait la porte
à toutes sortes de choses. Et je pense que si la question avait
été posée d'entrée de jeu, si un modèle
avait été proposé, quitte à le raffiner... Mais
là, il n'y avait pas vraiment de modèle qui était
proposé. Enfin, il y aurait long à dire parce que le
fédéral donne l'heure.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, c'était
quand même un document de réflexion, et ce n'est pas la politique
culturelle du Québec, là. Alors, c'était vraiment en guise
de document de réflexion. Je veux revenir, parce que le temps passe...
Vous parlez des grandes institutions versus les petites, et des grands
musées. D'abord, s'il y a un groupe qui est au courant de la pression
financière de ces grandes institutions sur nos budgets... Je parle d'un
budget de fonctionnement, par exemple, d'à peu près 8 500 000 $
au niveau du Musée d'art contemporain, qui s'ajoute l'an prochain, etc.
Évidemment, on augmente les pieds carrés, on augmente la pression
financière; et c'est normal, et c'est bien. Par contre, comment les
musées, ces grandes institutions, qui nous en demandent beaucoup au
niveau budgétaire, par exemple, comment celles-ci peuvent-elles
contribuer et, si c'est possible, aider les autres musées en
région?
Mme Gascon: Nous disons, à ce propos-là, que les
grands musées d'État peuvent faire leur part, mais que la
suggestion qui était faite de leur intimer l'ordre, presque - c'est ce
que nous avons compris - de proposer des expositions aux petits musées
n'était qu'un volet, qu'un moyen parmi beaucoup d'autres et qu'il y
avait peut-être d'autres moyens qui permettraient encore beaucoup mieux
et encore davantage aux institutions régionales de se donner les moyens
et de les faire s'épanouir en tant qu'institutions autonomes pouvant
aussi produire un produit original, identifié à leur
région. L'activité muséale est, elle aussi, multiforme. Il
y a plusieurs propositions, plusieurs possibilités et, d'un certain
point de vue, ça nous semblait même la moins intéressante
et celle qui pouvait peut-être avoir l'impact le moins intéressant
sur la relance régionale.
Mme Frulla-Hébert: Je reviens encore. Si on donnait un
mandat à ces grands musées, par exemple, d'aider au
régionalisme, si on leur donnait justement à cause, donc, de
l'impact financier et pour se faire excuser de coûter si cher, le mandat
d'aider, si ce n'est pas par les grandes expositions ou... Est-ce qu'il y a une
façon de le faire ou si c'est utopique de penser que les grandes
institutions, par leur compétence, peuvent aider?
Mme Gascon: Je vous dirais là-dessus, Mme la ministre, que
nos membres ont précisément - parce que la Société
des musées québécois a des membres à travers toute
la province - réagi assez fortement, justement, à ce
terme-là. On a
très bien senti que c'était de l'aide qu'on apportait aux
régions, et vous savez comme moi comment les régions
résistent à cette mentalité d'assistance ou d'assistanat
dans laquelle on veut les maintenir. Elles cherchent plutôt à
s'approprier les moyens qui leur permettront d'être autre chose que des
points de service. Il y a là des susceptibilités qui sont tout
à fait exacerbées et cette aide-là, je crois que si on la
voit en termes d'échanges entre des institutions...
Mme Frulla-Hébert: De la collaboration.
Mme Gascon: Les musées sont comme n'importe quelle
entreprise; plus le réseau d'échanges sera vivant et dynamique,
plus les institutions à travers la province y gagneront. Et si on
conçoit ça en termes d'échanges et non pas de
déversement d'un produit, d'exportation...
Mme Frulla-Hébert: Non, mais de la collaboration.
Mme Gascon: ...et que ça se fasse toujours dans la
même direction, je crois que la même problématique, le
même moyen sera perçu autrement et avec des effets qui seront
aussi beaucoup plus bénéfiques à l'ensemble du
réseau. Il y a peut-être un complément de
réponse...
Le Président (M. Paré): Oui, oui, si vous voulez
compléter.
Mme Gascon: ...qui pourrait peut-être...
M. Perron (Michel): Peut-être, très
brièvement, si vous me permettez. Effectivement, je crois qu'on ne peut
pas envisager la question des rapports entre les institutions muséales -
grandes et plus petites institutions - essentiellement sur l'aspect de l'aide
des grandes institutions versus les petites. Mais je crois qu'on devrait... Et
je pense que, de toute façon, cette réalité-là
n'est pas... C'est une vision qui est fausse, si je peux me permettre, parce
que, dans les faits, le réseau des musées régionaux a
accompli, depuis déjà un bon nombre d'années, un certain
nombre de réalisations qui lui permettent d'accéder à une
autonomie et de garder, en fin de compte, son propre mandat. Je pense qu'on
devrait effectivement conserver la notion d'aide, de support et d'entraide
entre les institutions de différentes tailles. On devrait aussi penser
à la question fondamentale des petites institutions, qui est leur
sous-financement. En réalité, la première façon
d'aider des musées de plus petite taille, ce serait peut-être de
leur donner des subventions de fonctionnement qui leur permettraient de
développer leur propre autonomie d'une façon plus claire et plus
évidente.
Il y a aussi la question, lorsqu'on parle d'interaction entre
Institutions... Par expérien- ce - j'oeuvre dans un petit musée,
le Musée d'art de Joliette - je peux vous dire que c'est beaucoup plus
simple, dans les faits, de partager et d'échanger avec des institutions
de même taille, entre différentes régions. À ce
moment-là, il y a un réseau possible et potentiel qui existe
entre institutions de même taille. On doit constater qu'actuellement
l'absence de programme facilitant ces échanges interréseaux est
une difficulté. Il y aurait quelque chose de très pratique
à court terme qui permettrait cette notion de réseau d'une
façon beaucoup plus viable qu'un réseau qui partirait des grandes
institutions vers les petites. Personnellement, je doute un peu qu'on puisse
régler le problème essentiellement par une question de sens
unique, les grandes vers les petites. Merci.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Boulerice: Oui. Mme Gascon, messieurs. Mme Gascon, je ne peux
pas m'empêcher de vivre quand même un peu de nostalgie. Nous avons
vécu ensemble une belle aventure qui va se matérialiser
bientôt, je l'espère, y compris le jardin de sculpture, j'ose
l'espérer.
Un commentaire et une question. À la page 9, sous la rubrique "Le
fédéral", je pense que vous donnez quand même un
élément intéressant, à savoir qu'il faudrait
disposer de chiffres précis quant à la valeur de l'investissement
fédéral en matière culturelle. Je le lis au niveau des
équipements comme tels parce que, au niveau des dépenses
publiques, en 1988-1989, au chapitre des musées, les dépenses du
gouvernement fédéral ont été de 124 208 000 $. Si
on partait du principe qu'avec un rapatriement - reste à savoir si la
ministre le souhaite; ça, c'est une autre histoire - à partir
d'un rapatriement au niveau du fédéral, donnons 25 %, ce qui est
très arbitraire - ce serait plus, compte tenu de notre capacité
de contribution au niveau des impôts - cela nous donnerait
approximativement 36 000 000 $ de plus, ce qui permettrait de doubler le budget
québécois actuel d'aide aux musées. Sauf qu'il y a un
petit hic, par contre: le gouvernement fédéral nous laisse une
immense carcasse qui serait extrêmement difficile à gérer,
qui est le Musée des civilisations, actuellement à Hull, et qui
faisait rigoler bien des Européens qui disaient: Mon Dieu, que vous avez
des civilisations sur ce continent!
Ceci étant dit - et j'étais heureux d'entendre le
directeur du magnifique musée de ma belle ville natale, Joliette,
évidemment - j'aimerais poser la question: Comment, en matière de
relations entre l'État et le mécénat... Bon, vous
déplorez l'absence de propositions concrètes dans le document
comme tel. Quelle devrait être cette relation? Sur quelles bases
pourrait-elle
être plus constructive qu'à l'heure actuelle? Je
rajouterais simplement que certains musées de Montréal, non pas
que je veuille que ce soit absolument Joliette qui donne la réponse
mais... Le seul mécénat qu'il y avait à Joliette,
c'étaient les clercs de Saint-Viateur. Malheureusement, il n'en reste
plus beaucoup. Il y a un financement facile au niveau du mécénat
pour les grands musées montréalais, mais, en région,
comment vous vivez ça? (17 h 30)
Mme Gascon: J'aimerais peut-être réagir un peu au
préambule de votre question, ce qui me permettrait de compléter
peut-être la réponse que je donnais à Mme la ministre il y
a quelque temps, quand on parlait du fédéral. Notre
inquiétude visait effectivement une évaluation qui ne nous
semblait pas faite, de la part du fédéral, dans le champ culturel
et en particulier dans le secteur des musées. Nous nous interrogions
aussi sur la valeur qu'on mettrait à une aide qui a été,
par rapport à celle du provincial, par rapport à celle du
gouvernement québécois, relativement minime, mais qui a eu un
impact majeur. Par exemple, les chiffres qu'on avait pour 1989 nous disaient
que le fédéral avait contribué pour environ 2 000 000 $
pour le budget de fonctionnement des musées, alors que le provincial
était allé au-delà de 27 000 000 $. Ce qu'on observe,
nous, de notre point de vue, c'est que l'aide du fédéral,
même si elle est beaucoup plus minime, a toujours un effet structurant
très important sur les programmes. Par exemple, à la
Société des musées québécois, nous avons mis
sur pied un réseau informatique qui va permettre de documenter et
d'informatiser les collections des musées et, véritablement,
d'amener les musées dans la technologie du XXe siècle.
M. Boulerice: C'est une lacune du rapport Arpin de ne pas avoir
inclus aussi tout le grand domaine des communications.
Mme Gascon: C'est-à-dire que ça relève du
domaine de la muséologie. Ça n'est pas vraiment dans... Si on
considère ça vraiment comme étant dans le champ culturel,
c'est dans la fonction, une des fonctions primordiales du musée de
documenter ses collections. Mais, ce que je veux dire, c'est que nous avons
obtenu... C'est ce genre d'aide que nous allons chercher à Ottawa, que
nous avons été très contents de trouver à Ottawa.
Il y a aussi, au fédéral, une expertise, par exemple sur un
réseau canadien d'information pour le patrimoine. Ce n'est pas seulement
des programmes qui ont été mis en place. Ça a pris 15 ans,
ça a pris 20 ans dans certains cas; il y a des erreurs qui ont
été faites. Il y a un retard qu'il va falloir pallier si nous
nous mettons en place. Je pense que c'est une condition essentielle, si le
Québec rapatrie les pouvoirs en matière culturelle, d'instaurer
des programmes qui auront un impact similaire à celui qu'Ottawa a eu
jusqu'à présent. On ne fera pas ça en six mois, en un an.
On a vu, le fédéral a pris beaucoup de temps pour mettre en place
ces programmes-là, attirer l'expertise aussi, parce que tous ces
programmes-là doivent être pensés, conçus et
gérés par la suite par des gens très, très
compétents. Il y a une valeur à mettre là-dessus et je
pense que c'est beaucoup plus élevé que la valeur de ce qui peut
être compté. C'est un problème extrêmement important,
et ce n'est pas pour être capricieux et difficiles en disant qu'il faut
faire cet exercice-là. Cet exercice-là doit être fait, et
je pense que notre milieu muséal et les autres milieux culturels ont,
avec raison, beaucoup d'inquiétude. C'est une opération
d'envergure. Alors, c'est pour ça que nous exprimons constamment,
à ce propos-là, nos inquiétudes.
Quant au deuxième volet de votre question sur notre, je dirais,
insatisfaction concernant les mesures qui étaient proposées pour
encourager ou favoriser de meilleures relations, des relations plus productives
avec le grand mécénat, nous aurions souhaité, là
aussi, quelque chose de plus... une proposition, quelle qu'elle soit, et nous
avons des exemples. On sait qu'il y a en Europe, en France, par exemple, des
relations qui sont établies avec les grands mécènes, avec
les municipalités, parce que la problématique est la même
aussi avec les pouvoirs régionaux. Il faut mettre sur la table un
partage des pouvoirs, il va falloir que le contrôle sur la culture soit
départagé avec tous les partenaires qui voudront bien participer
à l'opération. Ce seront les mécènes, ce seront les
municipalités, mais il doit y avoir un enjeu qui doit être
partagé. Et là, il y a des modèles qui existent et que
nous aurions voulu voir amener ici comme base de discussion, peut-être
d'abord, mais peut-être aussi pour montrer le sérieux de cette
démarche. Si on veut élargir la grande famille culturelle, les
intérêts qui s'y manifestent, je crois qu'il doit y avoir un
appât.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gascon. M. le
député de Mercier.
M. Godin: M. le Président, ça me frappe depuis le
début qu'il y ait des groupes qui sont obsédés par le
"arm's length", comme s'il y avait déjà eu un ministère ou
des ministres qui intervenaient massivement. J'entends par là, pas
massivement financièrement, mais massivement comme si on arrivait avec
un coup de masse sur une institution donnée ou un créateur
donné. Et moi, je vous avoue, M. le Président, que je suis
beaucoup plus obsédé par la créativité que le
Québec manifeste de mille et une manières que par le maudit
"arm's length" qui n'a pas tellement produit, au Canada anglais - du moins,
c'est ce qu'on lit dans les journaux partout - de créateurs plus
nombreux qu'ici per capita. Je pense qu'ils sont moins nombreux qu'ici sur
une
base per capita. Donc, ne soyons pas obsédés par le "arm's
length".
Dans nos comtés, les députés ont un petit budget
minable qu'on appelle un budget hors norme. Et, il y a une dizaine
d'années, un nommé Guy Caron est venu me voir pour avoir une
subvention pour aller apprendre l'art du cirque dans les pays baltes, avant
qu'ils soient en guerre ou indépendants. Et moi, j'ai
débloqué 600 $, à ce moment-là. Et c'a donné
ce qu'on appelle aujourd'hui le Cirque du Soleil. Il n'y avait pas du tout de
"arm's length". C'est moi qui ai signé le chèque et puis qui l'ai
remis à M. Caron. S'il y avait eu un "arm's length", il y aurait eu un
jury, puis peut-être que la création du Cirque du Soleil aurait
été retardée de plusieurs années, tandis que ce
qu'on a maintenant, c'est le Cirque du Soleil qui marche, qui s'en va faire une
tournée mondiale bientôt. Je m'en réjouis et je ne me pose
pas de questions en me couchant le soir: Est-ce que le "arm" était assez
long? Pas du tout. Ça n'a pas d'importance, le "arm's length". Tout
dépend du talent des gens qui demandent le coup de main ou l'aide, de
leur capacité de création, je dirais, "inarrêtable". Et
c'est ce qu'on voit au Québec, beaucoup plus.
Je le dis sans honte devant les gens de I'Actor's Equity. Pour des
raisons mystérieuses... Donc, ce ne sont pas les "pousseux de crayons"
constitutionnels qui font que le Québec est encore là. Ce sont
les "pousseux de crayons", les artistes; les dessins de Suzor-Côté
dans les tableaux. Ce sont ces crayons-là qui font que le Québec
existe et existera, déjouant en cela tous les calculs de Lord Durham,
tous les calculs, tous les pronostics, toutes les prémonitions qu'on a
pu voir dans le passé. Et c'est pour ça que, comme les
musées sont les dépositaires de ces oeuvres-là, ils jouent
un rôle fondamental qui déjoue les prévisions de
disparition que le Québec entend régulièrement, lui qui a
réussi à ne jamais disparaître, à ne jamais
être noyé sous le nombre ou quoi que ce soit d'autre grâce
à la vitalité des...
Je sais qu'à une époque, quand j'étais sur la ferme
de notre voisin, quand la chatte avait eu trop de chats dans l'année, on
en mettait une portée dans une poche en jute, puis on la maudissait dans
le fleuve, et puis on disait: Ils ont disparu. Puis, tout à coup, il
nous revenait un petit chat tout mouillé qui avait réussi
à déchirer la poche et puis à venir montrer qu'il existait
encore. C'était sûrement le plus créateur du groupe ou
peut-être le seul créateur du groupe.
Je pense qu'à cet égard, si on compare la survie du
Québec par rapport aux autres provinces canadiennes, il y a ici un
moteur, le talent, une motricité de talent qui est, à mon avis,
incomparable. Et si, tout d'un coup, il y a un des aspects qui diminue, un
autre le remplace. C'est ainsi qu'à une époque, c'était le
théâtre, et maintenant, c'est la danse moderne. Et ça
n'arrête jamais, cette espèce de carrousel de la
créativité des Québécois et des
Québécoises. Ça roule toujours parce que, souvent, il y a
des musées qui assurent la continuité et la continuation des
artistes et que des jeunes artistes peuvent voir dans les musées de leur
ville ou de leur région des oeuvres faites par d'autres
Québécois, et que ça les inspire, et qu'ils prennent la
relève à leur tour. Et quand on dit relève, on dit
continuité, continuation, perpétuation du talent
québécois, du peuple québécois. Et, donc, au diable
le "arm's length", en ce qui me concerne, et vive la créativité!
C'est mon slogan pour conclure sur le rapport Arpin.
Mme Gascon: Vous semblez faire une équation, là,
à laquelle je ne pense pas que le milieu muséal souscrirait. Je
ne pense pas qu'on puisse associer un mode de gestion qui met le pouvoir
politique à distance des décisions proprement culturelles avec
une sclérose qui empêcherait la relève de se manifester.
Moi, je pense que vous avez fait preuve d'énormément de flair
lorsque vous avez attribué la subvention à quelqu'un qui est
devenu ensuite important au Cirque du Soleil et qui a pu faire ses preuves.
Moi, je pense qu'un jury aurait pu aussi faire preuve de flair. Je pense qu'il
y a des décisions, qui sont prises par des individus, qui peuvent
être bien prises et qu'il y a aussi des systèmes de jury qui
fonctionnent extrêmement bien. Je ne serais pas prête à
faire l'équation immédiatement que l'un mène directement
à l'autre. À propos du "arm's length"...
M. Godin: Je n'ai pas fait, non plus, d'équation. Je
voudrais bien être clair là-dessus. Je dis que l'obsession de l'un
peut avoir des effets négatifs par rapport à l'autre.
Mme Gascon: Je serais d'accord avec vous que chacun des
systèmes peut avoir des effets pervers et qu'il faut être vigilant
dans chacun des cas, mais je pense que c'est un problème de gestion, que
d'autres sont passés par là et qu'il y a moyen de tirer le
meilleur parti possible d'un système comme celui-là. Je voudrais
simplement, peut-être, ajouter, parce que nous sommes aussi très
proches de la communauté canadienne qui s'inquiète aussi
beaucoup, en ce moment, du respect de ce principe auquel elle tient beaucoup
plus qu'au Québec, parce que ça ne fait pas partie,
traditionnellement, des moeurs québécoises, un principe comme
celui-là, mais ce rapprochement entre les impératifs politiques
et les choix culturels, on le voit tous les jours et, particulièrement,
on peut peut-être parler ici d'un cas qu'on a souvent mentionné
à la Société des musées québécois.
Dans la nouvelle politique muséale fédérale, par exemple,
les expositions, les projets qui sont maintenant privilégiés pour
les subventions sont les expositions qui vont voyager d'une province à
l'autre. Alors là, on a
un objectif qui est celui du ministère fédéral des
Communications: l'unité canadienne. C'est écrit en toutes lettres
dans la politique muséale fédérale, ce qu'on leur a
reproché parce que, nous, nous avons dit: Ça défavorise le
Québec. Le Québec tend d'abord à se reconstituer comme
groupe à l'intérieur des limites du Québec et il y a plus
de difficultés à faire circuler une exposition entre
Régina et Saskatoon qu'entre Joliette et...
M. Boulerice: Trois-Rivières.
Mme Gascon: Enfin, vous voyez tout de suite la
problématique. En plus de ça, bon, peut-être que le milieu
muséal québécois était dans son cycle de vie
à un autre moment et qu'on était plus intéressés
à mettre en valeur nos collections permanentes qu'à les faire
circuler a mari usque ad mare. Alors, tout ça, ce sont des
impératifs politiques. C'est peut-être à la limite du
principe du "arm's length", mais ça se manifeste quelquefois de
manière extrêmement subtile et le milieu culturel, parce qu'il est
sous-financé, doit faire les gymnastiques nécessaires pour se
conformer à tout ça et, en même temps, être
fidèle à ses objectifs comme institution culturelle. C'est une
gymnastique assez difficile. Alors, le "arm's length" et ses principes
d'institutions comme celles qui sont proposées dans le rapport Arpin -
un observatoire des politiques des organismes qui permettrait à la
politique culturelle de pouvoir cheminer et de suivre des objectifs qui lui
sont propres - ça nous semble extrêmement nécessaire.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gascon. Alors, M. le
député de Mercier, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement, si vous en avez le
goût.
M. Boulerice: Oui, effectivement. Je pense que la discussion que
vous venez d'avoir avec mon collègue, député de Mercier,
ancien ministre de la culture, mérite d'être relue après
ça, dans la transcription.
M. Godin: Je vous l'enverrai, M. le député. (17 h
45)
M. Boulerice: Je vous remercie. Bon. Il y a bien d'autres sujets,
inévitablement, qu'on aurait aimé développer, mais je vous
souhaite bonne chance à votre rencontre du 7 novembre. C'est une loi que
j'attends dans ce Parlement depuis mon entrée, le 3 décembre
1985. Vous savez, au niveau de la culture on est, au Parlement, un peu dans la
situation d'un réparateur de Maytag; non pas que tout va bien, mais on
ne fait rien. J'ose espérer qu'on ne prendra pas prétexte qu'une
politique globale n'est pas constituée pour retarder, encore une fois,
un énoncé de politique sur les musées au Québec et,
notamment, qu'on va régler une fois pour toutes le problème de
l'accréditation des musées et du financement des musées.
Je vous assure, en tant que représentants de la Société
des musées québécois, de la vigilance de l'Opposition et
surtout de son porte-parole pour qui les musées... Mon Dieu, ai-je
besoin de vous faire la preuve de mon intérêt? Je pense que c'est
connu. Merci bien, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Gascon et à
vous tous. Je pense qu'on parle d'une politique muséale; elle est
là depuis longtemps, vous le savez; on le sait aussi. On n'a pas
l'intention de la faire traîner, alors rendez-vous le 7 novembre.
Mme Gascon: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, tout en
vous permettant de vous retirer, si vous le voulez bien, et en vous exprimant,
au nom de la commission, les remerciements les plus sincères pour avoir
pris le temps de nous rencontrer et de discuter avec vous, je vous souhaite bon
retour. Nous en sommes maintenant à recevoir et à entendre le
Conseil culturel de la Montérégie. Je les remercie de leur
patience. Ils sont ici depuis un bon moment. La Montérégie n'est
sûrement pas une région très éloignée, mais,
quand même, on peut la qualifier de région. Je leur demande de
bien vouloir s'avancer.
Une voix: Ils sont loin du lac Saint-Jean.
Le Président (M. Doyon): Ha, ha, ha! Oui, ils sont loin du
lac Saint-Jean. Alors, je leur souhaite la bienvenue. Comme aux autres groupes,
je les invite à bien vouloir se présenter, tout d'abord... Oui,
vous aurez de l'eau, bien sûr.
M. Boulerice: Pourtant, vous êtes au bord de la
rivière.
Le Président (M. Doyon): Vous avez donc une quinzaine de
minutes pour faire votre présentation. Ensuite, on procède
à la discussion, tel que ça s'est passé avec les autres
groupes. Je vous donne la parole dès maintenant, après que vous
aurez bu votre verre d'eau, bien sûr.
Conseil culturel de la
Montérégie
M. Blackburn (Richard): Mme la ministre, M. le Président,
membres de la commission, nous sommes ravis. Il y a plusieurs
députés de la Montérégie; c'est vraiment
exceptionnel. On se sent...
Une voix: Même le ministre responsable.
M. Blackburn (Richard): Même le ministre responsable. C'est
extraordinaire. On est vraiment chez nous, ici. Alors, je vais présenter
les gens qui sont avec moi: Mme Maude Céré, directrice du Conseil
culturel de la Montérégie; Carole Boucher, adjointe
administrative, et moi-même, Richard Blackburn. Je suis président
du Conseil culturel. Je suis aussi directeur général du
Théâtre de la Dame de Coeur. Je vais laisser la parole, pour
débuter, à Mme Céré.
Le Président (M. Doyon): Mme Céré.
Mme Céré (Maude): Bonjour, tout le monde.
J'aimerais peut-être m'assurer que, dans vos documents, vous avez aussi
la lettre d'appui à notre mémoire de la Société
montérégienne de développement ainsi que l'appui de la
table patrimoine-histoire de notre région. Alors, ça semble fait.
D'autre part, j'aimerais vous mentionner aussi que le Conseil culturel,
dès la rentrée, en septembre, s'est mis à travailler
énormément et étroitement avec tous ses groupes, toutes
ses tables disciplinaires, et j'espère que vous aurez aussi l'occasion
d'entendre les intervenants en arts d'interprétation. Ils étaient
tous présents lors de notre rencontre et de notre travail au niveau de
leur propre mémoire, ainsi que les musées de la
Montérégie, qui sont au nombre de 55, et qui étaient aussi
très présents et actifs dans la rédaction de leur
mémoire. Nous allons procéder à une lecture partielle.
Nous allons donc sauter quelques paragraphes pour plutôt argumenter avec
des exemples de notre région.
La dialectique création-diffusion est à la base du rapport
Arpin et la politique culturelle proposée s'apparente beaucoup à
une stratégie de mise en marché des productions de
création des professionnels des arts de la métropole et de la
capitale. Le reste du territoire québécois est réduit
à un bassin de consommateurs de ces produits et ceux-ci ne sont qu'un
des marchés possibles pour ces deux centres de création qui
aspirent aussi à déboucher sur les marchés
internationaux.
Cette visée gestionnaire des arts, avancée au nom de
l'efficacité administrative et de la rentabilité des productions
artistiques, conçue selon les schémas de pensée d'une
industrie culturelle empruntant ses critères d'action à la
philosophie de l'organisation et de l'"entrepre-neurship" est enrubannée
dans un discours ronronnant sur la culture dans toutes ses dimensions, sur la
création, l'ouverture au monde, la compétence professionnelle,
l'éducation culturelle, etc.
Nous avons développé notre mémoire autour de quatre
idées: les rapports entre les champs d'action arts et culture; les
rapports entre les types de production: professionnelle, semi-professionnelle
et amateure; les rapports entre les niveaux d'intervention: internationale,
nationale, régionale et locale et, finalement, les rapports entre les
acteurs sociaux: l'État, les municipalités et les organismes sans
but lucratif.
En tant qu'organisme régional subventionné par
l'État et sans but lucratif, mandaté pour oeuvrer au
développement culturel d'une région, nous nous attarderons
évidemment davantage aux deux derniers aspects. Notre réflexion
ne vise pas d'abord à invalider le rapport Arpin qui comprend de
nombreuses idées intéressantes dans le cadre de son approche
globale, mais à l'enrichir pour que la politique culturelle du
Québec embrasse toute la société, si on décide un
jour de la mettre en oeuvre.
Alors, comme je le disais plus tôt, les deux premiers chapitres,
je vais vous les faire en quelques mots parce qu'on a voulu davantage mettre
l'accent sur les deux derniers aspects qui nous concernent comme organisme
représentant la culture professionnelle en région.
Alors, le premier rapport, c'était entre les champs d'action arts
et culture. Nous considérons que le rapport Arpin a oublié de
grands pans de notre culture, notamment la langue, l'éducation,
l'histoire, la science, la philosophie. Également, il a
mentionné, évidemment, dans certains passages intéressant
le cadre de vie, le patrimoine et la littérature, mais comme de vagues
champs d'intervention. D'autre part, au niveau de la culture professionnelle,
semi-professionnelle et amateure, on considère... Évidemment, ce
n'est pas notre rôle de défendre la culture amateure, sauf qu'une
véritable politique culturelle, à notre avis, gagnerait en
humanisme et en générosité si elle avait cette
préoccupation-là, parce que, comme le disent d'ailleurs
même M. Arpin ou ses collègues, il y a 60 % de la population qui
est laissée pour compte dans cette politique culturelle là, cette
partie de la population qui ne consomme pas les produits culturels qu'on lui
offre actuellement.
Je pense que, pour l'instant, c'est les aspects particuliers qu'on
voulait faire voir dans ces deux premiers items là. Nous allons
davantage explorer ce qui concerne la région.
Mme Boucher (Carole): La géographie des auteurs du rapport
Arpin ignore la région québécoise et, à notre avis,
il ne s'agit pas d'un oubli mais d'une stratégie
délibérée. Ceci reste incompréhensible tout au long
de la lecture du document. La position confie au niveau local,
c'est-à-dire aux municipalités, d'énormes
responsabilités en matière culturelle, elle pousse aux nues les
interventions dites nationales, en les localisant à Montréal et
à Québec, et elle fait du niveau international un nec plus ultra
avec, pour conséquence logique, une priorité certaine à
l'art exportable.
M. Blackburn (Richard): La création en région, la
richesse de la création régionale. L'idée maîtresse
que nous retenons dans le
document, c'est enracinement, dans le sens où la véritable
culture québécoise porte ses racines sur tout l'ensemble du
territoire habité. La création est plurielle, oui, mais ses
racines le sont aussi. Je pense que c'est évident. Et puisque la
création est la pierre d'angle de la culture, c'est d'abord et avant
tout sur l'inventivité et le génie même de ses
créateurs que devrait se baser le rapport Arpin. Il ne fait aucun doute
pour nous que la culture en région est dynamique et originale, et en
dépit du fait qu'elle a toujours possédé peu de moyens,
elle a comblé cette pauvreté par son immense pouvoir de
créativité. La compétence existe chez nous, il faut aussi
la développer et la maintenir.
Vous savez très bien, comme nous, qu'il y a très peu de
créateurs qui sont nés au coin de Saint-Laurent et de
Sainte-Catherine, le parc culturel industriel de Montréal. À part
Michel Tremblay, je pense qu'il n'y en a pas d'autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blackburn (Richard): Plus qu'un simple lieu de
tournées. La lecture du rapport donne à croire que les
régions deviendraient presque exclusivement un vaste bassin de diffusion
de la culture provenant de Montréal et de Québec. Les
régions ne sont pas que des réceptacles destinés à
recevoir la grande culture officielle, on n'est pas les premiers à vous
le dire. Cette idée dénote une condescendance notable, je pense
qu'il faut l'admettre. De toute façon, l'état actuel des
équipements ne permet pas de recevoir les grosses productions. Il faut
plutôt reconnaître la création et la production
régionales, encourager leur diffusion par des moyens concrets et
consolider les organismes culturels régionaux au même titre que
ceux de la métropole et de la capitale. La relève.
Mme Boucher: Nous constatons que le rapport fait piètre
mention de l'importance d'accorder une aide substantielle et significative
à la relève. Sans elle, comment prétendre vouloir
construire l'avenir, maintenir les racines en vie? Les régions sont
continuellement en relève. Elles abreuvent sans cesse la culture
nationale de leurs créateurs et nourrissent en partie la production des
grandes villes. On peut citer en exemple ici le cas du Haut 3°
impérial de Granby qui est un centre de création et de diffusion
où les membres se consacrent surtout à l'installation en arts
visuels. Et ces gens-là prennent leur place de plus en plus. On les
voit. Ils sont invités occasionnellement pour des
événements ponctuels à Montréal. Comment
auraient-ils pu émerger sans un soutien? Pourtant, au début, ces
gens-là n'avaient pas nécessairement fait leurs preuves. Alors,
pour nous, c'est un exemple qui vous dit à quel point c'est important de
soutenir la relève. Il convient donc de prévoir des programmes
qui favoriseront l'émergence d'une relève forte et dynamique.
Le décloisonnement du programme du 1 %. Nous appuyons
l'idée d'élargir le programme d'intégration des arts
à l'architecture. Cependant, nous ne croyons pas qu'un
décloisonnement régional soit souhaitable. D'une part, il risque
de se faire au détriment des artistes en région, puisque les
grands noms ayant leurs racines dans un milieu urbain ont toujours l'avantage
d'une plus grande visibilité. D'autre part, le fait qu'une oeuvre
réalisée en région soit associée à un
artiste local aidera toujours à servir la cause de l'art auprès
du public local. Notre crainte par rapport au décloisonnement, c'est
d'abord et avant tout que la circulation se fasse à sens unique,
c'est-à-dire que les artistes des grands centres urbains soient
invités à travailler en région, mais que le contraire se
voie plutôt rarement, sinon jamais. On a vécu un cas,
récemment, pour une bibliothèque publique. On a invité les
gens de la Montérégie à soumettre des projets pour une
verrière. Il y a cinq artistes qui ont soumis des dossiers. Parmi ces
gens-là, il y avait des gens qui avaient déjà
réalisé des 1 %, donc la compétence de ces gens-là,
ieur capacité de réaliser le projet ne pouvait pas être
mise en doute. Pourtant, on est allé chercher un artiste de
Montréal.
On a des grands noms en Montérégie: Yvon Cozic, Louis
Archambault, Maurice Savoie, qui font beaucoup de contrats de 1 %, mais ils les
font en Montérégie. Ces gens-là sont très rarement
invités à travailler à Montréal dans ce
cadre-là, bien précis, ce programme-là bien précis
de l'intégration des arts à l'architecture. Nous, on dit donc que
la culture doit être accessible à tous, dans la mesure où
elle s'inscrit dans chacune des régions et qu'elle sensibilise les gens
à sa cause.
Mme Céré: L'internationalisme. Enracinement d'une
culture qui nous est propre et qui veut s'ouvrir au monde. La conquête
des marchés mondiaux s'avère délicate dans le sens
où elle nous apparaît Importante, voire même essentielle,
mais présente certains risques dans la mesure où on demande aux
produits culturels de se confondre aux modèles ou plutôt aux modes
internationales. Il ne faudrait pas que la culture devienne le reflet de
l'économie et que l'art exportable devienne le seul à être
subvention-nable.
Le rapport Arpin semble oublier que beaucoup d'oeuvres
créées et produites en région circulent à
l'étranger. Les oeuvres exportables ne se créent pas uniquement
à Montréal et à Québec, et l'aide à
l'exportation doit s'adresser à tout le territoire
québécois. Dans notre région, notamment, nous avons deux
compagnies de théâtre professionnel, l'Arrière-scène
et le Carton, qui, déjà - dans le cas du Carton depuis cinq ans
environ - circulent à travers plusieurs pays d'Europe. Alors, nous
pensons qu'il est effec-
tivement important de soutenir, pas uniquement l'aide au niveau de
l'internationalisme des grandes institutions nationales, mais aussi des
organismes qui sont établis en région.
Le financement des organismes. Nous nous élevons contre la notion
fallacieuse de saupoudrage. Certes, il faut rationaliser les dépenses
publiques, mais pas au détriment des petits organismes qui ont une
importance majeure pour le développement culturel du Québec.
Beaucoup d'organismes ont effectivement reçu des subventions
dérisoires du ministère des Affaires culturelles, mais ces sommes
modestes leur ont tout de même permis de subsister. De plus, en accordant
une subvention, si petite soit-elle, le ministère des Affaires
culturelles accorde une reconnaissance nécessaire à l'organisme,
qui lui permet de prendre sa place parmi ses pairs. Le point de vue du rapport
sur cette réalité est méprisant et ressemble plus à
une cabale en faveur des institutions majeures qu'à une connaissance
réelle de la réalité culturelle au Québec.
Évidemment, la performance d'un organisme qui reçoit des millions
en subvention risque d'être plus spectaculaire que celle d'un organisme
vivant de miettes en région. Mais le développement culturel du
Québec, s'il veut être intégré et bien
implanté, doit se fonder sur l'expression artistique de ses citoyens,
là où ils se trouvent. Il ne faut pas baser la future politique
culturelle principalement sur les grandes institutions. L'État doit
subventionner la culture partout où elle se manifeste.
La supposée surabondance actuelle de l'offre ne constitue pas un
problème en région. Il faut permettre l'émergence
continuelle de nouveaux créateurs et de nouveaux organismes. C'est le
renouvellement de la création qui en dépend. (18 heures)
J'aimerais peut-être répondre à une question de Mme
la ministre, tantôt, qui était adressée aux gens des
musées. Vous allez peut-être me trouver audacieuse par rapport
à tout ça, mais je pense qu'on pourrait peut-être
éviter le saupoudrage des organismes régionaux, notamment les
musées, mais ça pourrait être le cas de tous les organismes
de théâtre, de musique, de danse, etc. Par exemple, nos grandes
institutions nationales, comme je prends le Musée de la civilisation,
qui a un budget énorme... Et moi, je me dis: Si on veut vraiment
développer la civilisation du Québec profond dans toutes ses
dimensions, pourquoi ne pas utiliser une large part - je dirais même de
10 000 000 $ à 15 000 000 $ - qui serait retournée aux
régions, et là on ferait vraiment du développement
culturel en région.
On pourrait permettre le professionnalisme en région. On pourrait
permettre à tous les gens, les professionnels, de se faire des c.v. qui
soient reconnus. Là, la tendance, c'est qu'évidemment on a
hâte de sortir des régions pour avoir un vrai salaire, une vraie
reconnaissance dans son action, pour aller joindre le lot des grands
musées, alors qu'on pourrait travailler en région, être
fiers et continuer. Parce qu'il y a une qualité de vie quand même
qu'on choisit quand on adopte de vivre en région. Nous pensons
qu'effectivement, si cette redistribution-là était faite dans les
régions, elle aurait plus d'impact que de continuer à faire des
grandes expositions. On pourrait, je pense, avec de 10 000 000 $ à 15
000 000 $ de moins au Musée de la civilisation, faire quand même
un excellent travail professionnel, peut-être étaler sur un mois
ou deux de plus les expositions dans le temps, mais, au moins, les expositions
pourraient être faites en région et l'action culturelle pourrait
vraiment être liée au développement et aux besoins des
régions.
Alors, c'est une dimension. D'autre part, même pour
l'internationalisme, il n'y a pas que les grandes institutions - je l'ai
peut-être mentionné - qui devraient avoir accès à
ces programmes d'aide au niveau international parce que, effectivement, il y a
énormément de petits organismes qui ont cette
dynamique-là, qui ont développé des... En particulier, je
pense au Théâtre de la Dame de Coeur à Upton, qui a une
réputation maintenant internationale. Je pense à des
écomusées, des musées qui ont développé des
particularités et qui font que le Québec est reconnu pour sa
nouvelle muséologie. Je vous en ai parlé il y a deux
semaines.
Il y a différents cas comme ça où il y a une
circulation des produits culturels de qualité professionnelle, mais qui
sont en région. Alors, de ces deux points de vue là, je pense que
c'est possible, avec les mêmes budgets - sauf qu'on en voudrait
évidemment plus - qu'il y ait une meilleure justice et
équité entre les grandes institutions et le développement
des organismes en région.
Mme Boucher: On aborde maintenant la question de la vision du
territoire, qui a été adoptée par le rapport Arpin. On
divise le Québec en trois pôles, c'est-à-dire
Montréal, Québec puis les régions. Cette division,
d'après nous, est fausse. On parle de Montréal, une
métropole. On dit qu'il y a 3 700 000 habitants à
Montréal, c'est-à-dire qu'on englobe les régions de
Laurentides, Lanaudière, Laval et Montérégie dans ce qu'on
appelle Montréal. On parle de Québec, qui est une ville
extrêmememt charmante - et on comprend l'importance mondiale de son
patrimoine - mais, encore une fois, on englobe les régions de Portneuf,
Charlevoix, Chaudière-Appalaches, qui sont des régions qui ont
besoin aussi d'être supportées dans leur développement.
Enfin, on parie des régions. C'est une espèce de mot
indéfinissable, puis on ignore que chaque région a ses
spécificités propres et a son dynamisme propre. Je retourne
à mon texte pour vous dire qu'il faut reconnaître que le
génie à la
fois original et authentique habite l'ensemble du territoire
québécois. C'est sûr qu'on reconnaît qu'à
Montréal et à Québec if y a une effervescence culturelle
particulière, sauf qu'il ne faut pas oublier que, dans les
régions, il y a aussi des foyers culturels qui ont émergé,
surtout depuis l'avènement des cégeps, des universités. Il
y a des villes qui sont des foyers culturels: Chicouti-mi, Rouyn-Noranda,
Rimouski et j'en passe.
Il faut donc considérer l'apport des régions au
développement global du Québec comme quelque chose qui est
important et qui a un caractère propre. Radios et
télévisions communautaires, centres culturels, musées sont
nés du dynamisme de gens qui ne dépendent pas du Montréal
culturel, et plusieurs événements importants existent aussi en
région sans le soutien de Montréal.
Mme Céré: Alors, justement, parlons-en de
Montréal et de sa zone d'influence. Lorsque le rapport Arpin parle de
Montréal et de sa zone d'influence, il fait une différence
importante entre la provenance géographique de l'offre et celle de la
demande. Là, ça fait référence au rapport sur le
financement des arts de M. Coupet où tout était axé sur
cette articulation-là: offre et demande. Alors, on reprend la même
logique. La demande, c'est, paraît-il, la population des régions
périphériques de Montréal, quand on parle du
Montréal dans le rapport Arpin, soit Laval, Laurentides,
Montérégie, Lanaudière.
Par contre, quand il est question de l'offre, cela se résume
encore une fois aux 10 kilomètres carrés du centre-ville de
Montréal, ce qui nous fait nous inquiéter du développement
culturel des organismes qui sont en train de se mettre en place et qui sont,
dans certains cas, en vitesse de croisière.
Même si, vu d'en haut, on regarde la carte géographique du
Québec - évidemment, on parle de l'ancienne région
administrative 06 - ce n'est pas si évident que ça qu'il y a une
facilité de déplacement et d'accessibilité. Quand on parle
de Mont-Laurier, qui est à 238 kilomètres de Montréal, de
Saint-Michel-des-Saints, à 157 kilomètres, et d'Upton, à
96 kilomètres. Même ceux qui sont soi-disant assez proches de la
Rive-Sud, comme Valleyfleld et Châteauguay, ont des difficultés.
Ce n'est pas si évident qu'on va retraverser les ponts, le soir,
après une journée de travail, pour venir consommer au
centre-ville de Montréal, d'autant plus qu'il faut respecter les choix
des citoyens qui décident... Bon.
On a fait des structures administratives pour reconnaître cette
région, la Montérégie, comme notre région, mais
aussi il y a le choix des habitants qui, par souci de qualité,
décident de sortir du centre-ville de Montréal et de vivre en
région, en région limitrophe de Montréal, mais qui ont
aussi le goût de consommer de la culture dans leur environnement
immédiat. Alors, il faut donc, d'après nous, reconnaître...
Nous sommes très inquiets parce que, dans le rapport Arpin, c'est un
sous-entendu constant où, quand il est question de Montréal, on
englobe toute la vieille région 06 et, quand il est question de l'offre,
évidemment, il n'y a plus d'argent pour Laurentides, Lanaudière,
Montérégie, Laval, mais il n'y en a que pour ce centre-ville, ses
grandes institutions qui sont situées à Montréal.
Alors, pour ce qui est de la Montérégie, la
crédibilité de la théorie des trois pôles a
été sérieusement mise en doute à la lecture du
portrait de notre région, parfois englobée dans ce Grand
Montréal, parfois dans le bassin de l'ensemble de la province. Il nous
semble évident que nous n'existons pas et que nous ne sommes qu'une
annexe de la métropole, et, là encore, pas toujours. Alors, on en
a un petit peu assez d'être à l'ombre de Montréal parce que
nous avons vraiment une dynamique propre et une personnalité qui est en
train d'émerger au niveau de la Montérégie, même
dans sa création.
Donc, la Montérégie, avec presque ses 1 200 000 habitants,
avec ses 1617 artistes professionnels reconnus - alors, nous avons puisé
ce chiffre à travers tous les bottins des associations nationales; il y
a quand même une masse critique d'artistes professionnels importante,
imposante dans notre région - ses 704 organismes culturels
professionnels, nous pensons que nous pouvons aussi offrir à notre
population des possibilités de développement culturel.
M. Blackburn (Richard): Au niveau des rapports entre les acteurs
sociaux, l'État, les municipalités, les organismes sans but
lucratif, regardons la cartographie du Québec. Établir d'en haut
la cartographie du Québec, à partir d'une liste établie
par des gens, si compétents soient-ils, totalement
désincarnés des réalités de création,
production et diffusion régionale, nous apparaît
complètement illusoire, pour ne pas dire autocratique. Nous avons pris
l'habitude en région, notamment par l'exercice heureux des sommets
socioéconomiques, de déterminer clairement et avec
réalisme les priorités de développement
régional.
D'autre part, le ministère achève la
déconcentration et non la décentralisation, comme l'indique
justement le rapport Arpin, de son appareil en région. Nous pensons que
les régions doivent conserver des marges de manoeuvre dans le choix des
organismes qu'elles veulent reconnaître et subventionner. Il faut
reconnaître que des centaines d'organismes ont réussi à
bout de bras, sans ressources financières suffisantes, avec quelques
professionnels et beaucoup de bénévolat (34 % des effectifs),
à faire du travail exceptionnel et ces organismes, dans bien des cas,
rayonnent au niveau International. Que la politique culturelle prévoie
de hausser au moins trois fois plus le budget actuellement alloué aux
régions et vous verrez que le Québec tout entier en
bénéficiera tant du point de vue économique, social
que culturel.
Mme Boucher: Parlons maintenant du futur ministère de la
culture. Nous croyons aussi que le ministère des Affaires culturelles
doit devenir le chef d'orchestre du développement culturel du
Québec et non pas le maître d'oeuvre. Nous déplorons son
manque actuel de leadership qui doit maintenant faire place à un
rayonnement horizontal auprès des autres ministères et à
un dynamisme accru. Ça, on trouve ça très important que le
ministère soit un peu le porteur de la mission culturelle à tous
les niveaux d'activité du Québec.
Nous, on a vécu l'année passée un cas tragique, qui
a été la démolition du collège des frères
Saint-Gabriel à Saint-Bruno, un édifice que toute la population
voulait conserver, et la décision de le démolir a
été prise par le ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche, et le milieu n'a pas été partie prise... On n'a
pas consulté le milieu pour prendre cette décision-là et
le ministère des Affaires culturelles n'a pas participé à
la décision de démolir cet édifice-là. On trouve
que c'est le genre de situation qui ne doit pas se renouveler, c'est
évident.
Donc, la priorité doit être... Évidemment, la
priorité, c'est le soutien au développement culturel, mais, au
niveau du gouvernement, c'est la coordination des activités de
l'ensemble de l'appareil gouvernemental touchant de près ou de loin
à la culture. Quant à orienter le développement culturel,
il ne sera en mesure de le faire que s'il se colle au dynamisme des milieux
culturels. La création d'un tel ministère permettra d'affirmer
l'importance de la culture au Québec comme moyen de développement
social et économique.
Quelques mots sur les directions régionales du ministère
des Affaires culturelles. On croit que le développement culturel
régional profiterait d'une véritable décentralisation et
non pas seulement d'une déconcentration administrative au profit des
directions régionales du MAC. Les DRAC doivent maintenant obtenir un
véritable pouvoir décisionnel concernant leurs opérations,
sauf que, si on accorde plus de pouvoirs, évidemment, il y a des
responsabilités accrues et ces responsabilités-là,
d'après nous, c'est au niveau de l'écoute du milieu.
Donc, l'action du ministère des Affaires culturelles doit
être adaptée à la réalité particulière
de chaque région et, pour ce faire, les DRAC doivent collaborer
étroitement avec, entre autres, les conseils régionaux de la
culture, qui sont les responsables de la concertation régionale.
L'implantation réelle des DRAC dans le milieu fera en sorte que leurs
décisions refléteront les besoins et les volontés
réelles de la région.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Boucher. Je dois
vous avertir que, malheureusement, le temps est maintenant
dépassé pour votre présentation. Alors, nous avons le
choix suivant: ou les parties vous laissent continuer et la discussion en sera
d'autant réduite entre les deux groupes, ou alors nous commençons
dès maintenant le dialogue avec Mme la ministre ou M. le
député de Laporte. Alors, Mme la ministre, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je crois que, dans cette commission, le choix
appartient aux intervenants. Je laisse...
M. Blackburn (Richard): Un petit budget de deux minutes et
ça pourrait..
Le Président (M. Gobé): Alors, par la suite, il
nous restera quand même moins de temps pour le dialogue. Vous pouvez y
aller.
M. Blackburn (Richard): Merci beaucoup. Les conseils
régionaux de la culture. Avec l'émergence de très nombreux
regroupements d'artistes au niveau national et au niveau régional, la
réalité change et une redistribution des rôles est
maintenant essentielle. Les conseils régionaux de la culture doivent
cependant rester les seuls organismes de concertation dans leur milieu -j'avais
prévu un coup de poing sur la table, merci - les CRC restant des
interlocuteurs importants. Ils sont les seuls organismes capables de rassembler
les nombreux artistes et organismes culturels d'une région, quel que
soit leur champ d'action. Le milieu régional a besoin d'un porte-parole
capable de témoigner de la diversité des besoins.
Même les associations régionales sentent le besoin de faire
partie d'une confrérie plus large. Les CRC ne sont pas des associations
disciplinaires et l'expertise accumulée depuis leur création
garantit le pouvoir de représentation de l'ensemble régional et
assure le maintien d'une vision globale. En fait, c'est que les CRC vivent
d'une perpétuelle concertation. Ça veut dire que les CRC ont
toujours l'heure juste parce qu'ils consultent tout le temps. Et ça, on
est toujours à la température et à la pression normale au
niveau des informations, et ça, c'est très important.
Mme Céré: Alors, peut-être juste quelques
mots. On avait pensé développer la notion des instances
décisionnelles régionales. Nous aurions aimé que le
rapport Arpin et, éventuellement, votre commission se penchent sur cette
instance décisionnelle régionale, une espèce de palier
gouvernemental, parce que nous pensons qu'effectivement c'est au niveau des
régions qu'on doit vraiment voir le développement social,
économique, industriel et culturel. Nous n'avons pas de propositions
précises là-dessus, sauf qu'on souhaiterait que votre commission
se penche sur cette question-là. Peut-être que tu peux
conclure.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, je tiens à
vous remercier pour votre présentation. Nous allons maintenant passer
à la discussion et, avant de demander à M. le
député de Laporte de prendre la parole, vu qu'il m'a soumis la
demande, je demanderai le consentement en vertu de l'article 132, parce qu'il
n'est pas membre en titre de cette commission.
M. Boulerlce: Consentement, M. le Président.
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Gobé): Et j'en profite pour le
demander pour le député de La Prairie qui, probablement, va
vouloir intervenir. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour lui tout à
l'heure?
M. Godin: Est-ce qu'on peut lui accorder après qu'il aura
parlé ou...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Là, il sera trop
tard, malheureusement. Alors, M. le député de Laporte, vous avez
la parole. Je vous rappelle qu'il reste huit minutes de chaque
côté, car il doit y avoir, à 18 h 30, un caucus du parti au
pouvoir qui va se tenir en cette salle.
M. Bourbeau: Je vous remercie, M. le Président, de nous
accueillir, le député de La Prairie et moi, à cette
commission. La dernière fois que j'ai rencontré le
député de La Prairie en Montérégie, d'ailleurs,
c'était dans une activité culturelle, à La Prairie, dans
cette magnifique église de La Prairie que vous avez sûrement tous
visitée.
Je souhaite la bienvenue à nos amis du Conseil culturel de la
Montérégie, à Mme Boucher, Mme Céré et aussi
surtout à M. le président Blackburn, que j'ai l'occasion de
rencontrer de temps à autre et qui, disons-le, est un des artistes les
plus connus de la Montégérie, qui fait honneur à la
région avec les magnifiques spectacles qu'il nous monte
régulièrement au Théâtre de la Dame de coeur
d'Upton. Je tiens d'ailleurs à féliciter M. Blackburn pour sa
récente élection au poste de membre du comité
exécutif de la Société montérégienne de
développement, si mes informations sont bonnes.
M. Blackburn (Richard): Merci, M. le ministre. (18 h 15)
M. Bourbeau: D'autant plus que j'étais présent pour
voter à l'occasion. Intéressant, le point de vue du Conseil
culturel de la Montérégie, qui, dans des mots d'ailleurs que
j'aimerais apprendre par coeur pour pouvoir les répéter à
l'occasion, situe très bien la Montérégie par rapport
à Montréal. Bien sûr, la région est limitrophe
à Montréal dans un certain sens. On se plaît
régulièrement à profiter des apports culturels que
Montréal peut nous apporter, mais, d'autre part, la région de la
Montérégie est aussi une région qui a son propre devenir
et qui, depuis quelques années, est en train de devenir un milieu
très effervescent dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine
économique et/ou dans le domaine culturel.
On ne dira jamais assez comment la Monté-régie n'est pas
la succursale de Montréal et comment on doit la considérer comme
une région autonome, dynamique et qui comprend pas loin de 20 % de la
population du Québec, 17 %, si ma mémoire est fidèle. Il
n'y a pas d'autres régions au Québec comme celle-là, mis
à part, bien sûr, Montréal, M. le Président, en
toute déférence pour vous et pour le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, et le député de Pointe-aux-Trembles,
bien sûr, qui représente Montréal, mais, à part
Montréal, il n'y a pas d'autres régions que la
Montérégie en termes d'importance. On cherche... Au
Québec, il n'y a aucune autre région qui s'approche, même
en termes de population, de ça, et je pense qu'il faut en tenir compte.
Il faut en tenir compte. On ne peut pas traiter la Montérégie
comme une région où il y aurait 100 000 personnes. Il y a quand
même une population tellement importante qu'elle doit avoir une place
prépondérante dans les politiques gouvernementales. En faire un
dortoir simplement de Montréal, c'est une grave erreur.
Alors, votre mémoire le souligne très bien. Je ne veux pas
entrer dans les détails du mémoire parce que je ne suis pas un
expert en la matière - je n'ai pas eu l'occasion de lire tous les
mémoires - mais je suis convaincu que le point de vue que vous
défendez est le point de vue que défendent tous ceux qui habitent
la région et qui ont pris conscience, depuis un certain nombre
d'années, de l'importance de faire en sorte que la
Montérégie ait sa propre dynamique.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, je vous recommande
fortement de prendre en considération le point de vue extrêmement
clair qu'a fait valoir le Conseil culturel de la
Monté-régie...
M. Boulerice: C'est un désaveu flagrant!
M. Bourbeau: ...et je peux vous assurer que je serai là
à ses côtés...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député.
M. Bourbeau: ...pour lui rappeler, en tout lieu et en toute
occasion, le contenu de votre mémoire. Merci.
Le Président (M. Gobé): Vous savez, M. le
député de Laporte, que nous prenons toujours en
considération vos recommandations. M. le député de
Richelieu, rapidement.
M. Khelfa: D'accord. Merci. Après la
présentation...
Le Président (M. Gobé): Parce que le temps est
passé, mais on va vous donner... Vous avez une question depuis tout
à l'heure à poser.
M. Khelfa: D'accord. Après la présentation
élogieuse du ministre responsable de la Montéré-grie qui
connaît très bien le territoire puis qui est très dynamique
avec le caucus pour le développement culturel et économique de la
région, j'aurais une petite question d'ordre d'information.
Vous avez mentionné que la concertation doit relever de la
structure des CRC, puis vous avez mentionné qu'il faut créer de
nouveaux organismes, les conseils régionaux des arts. C'est deux choses.
Là, voulez-vous m'expliquer le rôle du conseil régional des
arts par rapport au rôle des municipalités et par rapport aux
entreprises culturelles qui existent sur le territoire, par rapport à
une sorte de dynamisme et le rôle du ministère lui-même?
Est-ce qu'il sera seulement... Vous avez mentionné qu'il ne doit pas
être indicateur, comme rôle; il doit avoir un rôle de
défenseur, il défend seulement ou bien pense à la
politique en général. Voulez-vous me situer le cadre
général de ses structures par rapport à la fonction, le
pourcentage et le pouvoir de chacun?
Mme Céré: Alors, pour ce qui est de la
concertation, nous pensons que c'est uniquement les conseils régionaux
de la culture qui peuvent réellement faire de la concertation. Le
ministère, évidemment, gère des programmes, supervise des
jurys, des comités de sélection, tout ça. Il doit se
garder des marges de manoeuvre. Sauf que la réelle concertation
régionale se fait par l'organisme de concertation qui existe en place,
depuis 14 ans, dans toutes les régions du Québec, actuellement,
sauf Montréal et Laval.
Donc, nous pensons que la concertation... On ne peut pas être
à la fois juge et partie, donner de l'argent et faire de la
concertation. Ça prend un organisme. Même si on tombait, du jour
au lendemain... six mois plus tard, vous allez avoir - et c'est humain - un
organisme qui va naître. C'est comme naturel que les organismes aient
besoin d'une représentation et de porte-parole pour pouvoir pousser,
défendre leurs idées, leurs concepts et donner une vision globale
de ce développement-là.
Par rapport au conseil des arts que nous amenons dans le document, nous
sommes en train... nous avons un comité de réflexion sur pied
actuellement sur cette question-là. L'état actuel de notre
réflexion, parce que nous n'avons pas donné la recette, on est en
train de travailler dessus, sauf qu'on souhaiterait que la commission s'y
penche aussi parce qu'on pense que c'est peut-être là une solution
intéressante pour compléter le financement, qui viendrait du
ministère des Affaires culturelles, au niveau de la région et au
niveau national. Alors, ce complément serait fait...
Par exemple, nous, on a 1 200 000 habitants en Montérégie.
Il y a 15 municipalités régionales de comté. Mettez 0,50 $
par habitant qui seraient prélevés par les municipalités
et la structure des MRC; ça nous fait, en trois ans, un fonds de 1 500
000 $ qui pourrait être redistribué pour compléter,
améliorer la redistribution au niveau du ministère des Affaires
culturelles. Ça pourrait être en termes d'appartement par rapport
aux organismes qui sont déjà subventionnés et sous forme
de jury pour des bourses ou des prix au niveau des individus.
Donc, on pense que, là, les municipalités, c'est davantage
à ce niveau-là que leur rôle devrait jouer parce qu'on est
très inquiets de donner l'entièreté de la
responsabilité du financement aux municipalités.
M. Khelfa: Donc, vous demandez aux MRC de participer
financièrement au nom des municipalités.
Mme Céré: Oui.
M. Khelfa: Puis, à ce moment-là, quel est le
pouvoir de ces MRC à l'intérieur de votre cadre?
Mme Céré: Mais c'est-à-dire que, nous, on
travaille, on commence cette réflexion-là, sauf qu'au
Québec on sait qu'il y a plusieurs municipalités
régionales de comté qui subventionnent largement la culture. J'ai
eu l'occasion, parce que je suis proche de cette région-là...
Dans la Beauce, la MRC subventionne. C'est inouï. Je pense que c'est 17 $
par habitant. C'est rendu énorme, la subvention qui est accordée
à tous les organismes culturels de cette région-là. On ne
dit pas qu'on a la solution - on est en train, nous, de travailler
là-dessus - mais on pense que, là, il y a peut-être une
façon de voir parce que, nous, on pense que les municipalités
doivent jouer un rôle et, effectivement, au niveau de la formation et de
la sensibilisation de la population, ce qu'ils font est très bien
d'ailleurs et n'est pas mentionné dans le rapport Arpin.
On pense que les municipalités doivent aider au niveau des
équipements majeurs dans leur localité, sauf que la structure des
organismes n'est pas liée aux municipalités. Elle a toujours une
dimension régionale. Un musée n'est pas le musée d'une
ville; il est le musée d'une région. La même chose pour une
salle de spectacle. Alors, les petites municipalités contribuent,
c'est-à-dire bénéficient de la salle de spectacle,
du musée et ne paient jamais de sous, finalement, sauf les gens
et Individus qui y participent.
On pense qu'il y aurait une meilleure équité et un
meilleur retour d'argent si les municipalités collaboraient à ce
niveau-là, pas au niveau direct dans leur municipalité de
subventionner l'aide et la création parce que, là, on a plusieurs
cas où on est très méfiants au niveau de
l'ingérence, par exemple, des municipalités dans des organismes
culturels. Alors, on pense que ce serait davantage là un rôle
intéressant.
Le Président (M. Gobé): Merci. Mme
Céré: II y aurait...
Le Président (M. Gobé): Terminez. Allez-y, mais
très rapidement.
Mme Céré: C'est parce que... Comme je vous le
disais, nous, on est rendus là dans notre état et on est en
contact...
M. Blackburn (Richard): On cherche.
Mme Céré: ...avec plusieurs municipalités,
il faut le dire, et ce n'est pas si inintéressant que ça,
l'approche. Effectivement, les municipalités vont se faire dire encore
une fois: Du pelletage dans la cour de, sauf que cette façon-là
peut-être pourrait être mieux perçue des
municipalités parce que...
M. Blackburn (Richard): II faut trouver une proportion, une
proportion convenable.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
Malheureusement, c'est tout le temps qui était imparti à
M. le député de Richelieu, et je voudrais maintenant le passer
à M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je suis
très content d'être ici aujourd'hui, de participer un peu à
l'indignation des représentants de notre conseil culturel
vis-à-vis du rapport Arpin. Moi, ce qui m'étonne, quand on
regarde les 113 recommandations, c'est qu'il n'y en a à peu près
pas qui traitent des besoins ou des activités culturelles en
région. Je vous avoue que j'ai été consterné.
Autant j'ai de l'admiration pour ce que M. Arpin fait au Musée de la
civilisation, autant je suis convaincu qu'on aurait beaucoup de Roland Arpin en
région si on leur donnait les moyens, que ce soit d'animer un
musée, un théâtre ou une salle de concert, peu importe.
Et moi, je pense que le Conseil culturel de la Montérégie
mérite toutes nos félicitations pour la présentation bien
claire. C'est évident qu'il faut reconnaître aux régions le
même droit de se développer que celui qu'on accorde à
Montréal ou à Québec dans le rapport Arpin.
Vous faites bien aussi, à mon avis, de rappeler qu'ils ont
négligé des pans entiers de la culture; l'histoire, par exemple.
Moi, ça me touche plus particulièrement parce que, l'an prochain,
à La Prairie, dans la ville de La Prairie, nous célébrons
le 325e anniversaire de la ville de La Prairie. C'est l'une des
municipalités les plus anciennes après Montréal; La
Prairie, Longueuil, Boucherville, Sorel, dans cet ordre-là. Mais...
Une voix: Témiscouata.
M. Lazure: ...je voudrais aussi, M. le Président, faire
valoir que le Conseil culturel de la Montérégie est
extrêmement dynamique et semble avoir trouvé le moyen de bien
travailler avec les fonctionnaires. Ça débouche sur la question
que j'ai à poser.
Vous parlez d'une véritable décentralisation avec des
pouvoirs de décision qui seraient confiés à la Direction
régionale du ministère. On peut faire le parallèle avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux, où on donne
de plus en plus de pouvoirs décisionnels aux conseils régionaux
de la santé et des services sociaux qui sont, à toutes fins
pratiques, comme une émanation du ministère.
Moi, ça m'étonne que les directions régionales
n'aient pas plus d'autorité de décision. Alors, la question que
je pose: Est-ce que, d'après vous, la Direction régionale -
soyons précis - de la Montérégie souhaite avoir cette
autonomie, ce pouvoir décisionnel?
Deuxièmement, qu'est-ce que ce serait l'ordre de grandeur d'un
budget régional qui serait administré par la Direction
régionale du ministère, mais en collaboration avec votre
conseil?
Mme Céré: Vous me posez une question pour laquelle
ce n'est pas à nous de répondre, peut-être.
M. Lazure: Votre évaluation.
Mme Céré: Je ne veux pas embarrasser notre
directeur régional avec qui on a d'excellents rapports. Moi, je pense
qu'effectivement... Ce qui nous inquiétait dans le rapport Arpin, c'est
ta fameuse cartographie du Québec; la liste décidée d'en
haut. Alors, dans les régions, on avait pris... Il y avait des jurys.
Bien, il y en a encore. Sauf que, dans le rapport Arpin, à la lecture
qu'on en fait, il n'y aurait plus cette marge de manoeuvre-là. On
déciderait quel musée on va garder, quelle compagnie de
théâtre, quelle salle de spectacle. Les marges de manoeuvre qu'on
avait, en tout cas semble-t-il, seraient comme mises en péril et les
directions régionales ne deviendraient que des gestionnaires...
Là, je suis en train de parler pour les
directions régionales, mais on les appuie dans cette
démarche-là. On pense que c'est important de maintenir en
région des décisions qui nous concernent. C'est bien
évident que d'avoir une reconnaissance nationale, c'est important pour
les organismes en région, mais c'est important aussi que la
région détermine quel organisme au niveau de la relève,
par exemple...
Comme là, actuellement, nous avons une compagnie de
théâtre qui s'appelle Moult scéni-ques, qui a obtenu tous
les meilleurs pointages au niveau des arts d'interprétation.
Normalement, elle a fait son deux ans de purgatoire avant d'accéder
à des subventions de fonctionnement. Elle ne les a pas eues parce que,
bon, tout avait été décidé d'en haut. Les
organismes... Vous savez qu'en théâtre, cette année, il y a
eu de grands coups de couperet qui sont tombés; dans certaines
régions même, le théâtre a complètement
disparu. Nous, on s'inquiète de ces décisions-là.
La même chose au niveau du patrimoine. On a parlé du
collège des frères Saint-Gabriel tantôt. Peut-être
que l'édifice n'était pas accessible à une reconnaissance,
un classement national, quoique des commissaires en aient dit autrement. Sauf
que si, en région, on avait pu prendre cette décision-là,
aujourd'hui, il serait peut-être debout, cet édifice-là,
parce que, même si les municipalités ont le pouvoir de citer,
elles ne le font pas parce que souvent ce n'est pas politiquement rentable dans
leurs milieux locaux.
Alors, il y a beaucoup de décisions qui pourraient être
prises au niveau régional qui contribueraient au développement et
qui seraient plus proches des capacités de la vie culturelle et de la
vie tout court, finalement.
M. Blackburn (Richard): Pour l'efficacité d'une
région, pour que tout ce qui se construit sous la concertation se puisse
simplement. On le sait, de toute façon; on l'a vu à
l'intérieur des sommets, ce qui peut se construire par la
concertation...
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci,
docteur.
Mme la députée de Marie-Victorin, vous avez demandé
la parole. Est-ce l'article 132 s'applique à vous aussi? Est-ce qu'il y
a consentement de part et d'autre?
Une voix: Oui, oui.
Mme Vermette: Quelques minutes tout simplement.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie. Rapidement
par contre, mais vous pouvez y aller quand même. Prenez...
Mme Vermette: Alors, bien sûr, il y a certaines
vérités qui ont été dites et je pense qu'on ne peut
pas passer à côté; c'est incontournable. On a toujours
laissé la région de la Montérégie... Parce qu'elle
vit à proximité des ponts, on dit qu'en fait on peut aller
facilement recevoir nos services à Montréal, dans la grande
région métropolitaine. Je pense que ces gens-là n'habitent
pas la Rive-Sud ou la Montérégie pour avoir un tel réflexe
parce que, lorsqu'on regarde le développement démographique de la
Montérégie, actuellement, lorsqu'on regarde le nombre d'artistes
qui vivent actuellement en Montérégie, très peu peuvent
vivre de leur art, actuellement. Ils sont tous obligés de s'exporter
à l'extérieur de la Montérégie pour pouvoir suffire
et vivre en fonction de leur art. Ils ont de la difficulté à
avoir une reconnaissance.
Il y a des choses qui ont été dites tantôt.
Très souvent, on reçoit les artistes de Montréal et ce
sont eux qui prennent, finalement, tout le mérite, alors que nos propres
artistes ont de la difficulté à se faire connaître chez
nous. Je pense que ça mérite, en tout cas, de regarder en fait
l'orientation, actuellement, du rapport Arpin parce qu'on laisse tomber
vraiment des gens qui ont du génie au niveau de nos régions, et
ce n'est pas facile pour eux aussi, au niveau du financement, de trouver le
financement nécessaire pour développer leur talent et mettre
à profit, en tout cas, leur créativité pour l'ensemble
d'une collectivité.
Il faut croire aussi que, dans les régions, il y a des villes
plus riches que d'autres et que c'est important aussi qu'on puisse trouver un
moyen pour que cette culture... Ce n'est pas parce qu'on est
éloignés qu'on n'a pas le droit non plus à la culture. Je
pense que c'est une denrée qui doit être accessible à tous.
C'est la seule façon de relever aussi le niveau culturel d'une
société, à mon avis.
Alors, il y avait des points que vous avez relevés qui
étaient très importants. Vous avez parlé de la
stabilité, qui était un des objets très importants,
surtout dans les régions, parce que, très souvent, on
décourage nos artistes dans les régions, des organismes ou des
troupes parce qu'ils ont de la difficulté à survivre, et
ça je trouve ça très malheureux de mettre en péril,
en fin de compte, des troupes ou des organismes parce qu'ils vivent en
région.
Le Président (M. Gobé): On vous remercie de ces
paroles pleines de sagesse. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, si vous voulez en profiter
pour conclure de votre côté, et, par la suite, je reviendrai
à Mme la ministre.
M. Boulerice: Oui, je vais conclure. Bon, depuis
l'élection du gouvernement libéral, en décembre 1985, les
conseils régionaux de la culture ont eu leurs subventions gelées,
non indexées, ce qui a signifié une baisse de vos
capacités de 20 % en termes budgétaires. Je ne
parlerai pas du climat d'insécurité énorme dans
lequel les conseils ont dû, je ne dirais pas vivre, mais survivre,
puisque vous ne saviez pas si vous étiez pour exister.
Avec mes collègues de la Montérégie, je vous ai
rencontrés, je vous ai fait part de notre position. Je vous informe
qu'elle n'a pas changé et qu'elle ne changera pas. Les conseils
régionaux de la culture doivent demeurer dans toutes les régions
du Québec et ils devront être considérés, par le
ministère des arts, de la culture et des communications, comme des
interlocuteurs privilégiés. Soyez assurés de cette
position, quant à nous, et toute l'action gouvernementale pour le
présent gouvernement sera scrutée à la loupe en fonction
de cet énoncé.
Alors, M. Blackburn, Mme Céré et Mme Boucher, je vous
remercie d'être venus, vous aussi, exprimer la voix des régions.
La voix des régions est toujours porteuse d'espoir et surtout d'une
confiance en soi qui est énorme. Et ça, il ne faut pas la
décevoir. Merci de votre participation.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député
de Laporte.
M. Bourbeau: Oui, j'aimerais dire un petit mot en terminant. Vous
me permettrez de plagier le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques
en disant, entre guillemets: "Depuis l'élection de gouvernement
libéral, en décembre 1985" - c'est les mots qu'il employait, M.
le Président - la Montérégie a enfin son bureau
régional des Affaires culturelles, ce qu'elle n'avait jamais eu...
M. Boulerice: ...une cent de plus.
M. Bourbeau: ...M. le Président, sous le présent
gouvernement. Et vous me permettrez de remercier...
Le Président (M. Gobé): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Bourbeau: ...nos amis du Conseil culturel de la
Montérégie qui savent ce que c'est qu'un gouvernement qui prend
des actions. Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre. Des
voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Bon! Après avoir laissé
parler tout le monde, le député de Laporte a plagié mon
plagiat parce que, effectivement... et pour vous informer aussi que, si les
régions n'étaient pas importantes... On peut bien dire, bon: Le
rapport Arpin. etc., je ne pense pas que l'intention était là.
D'ailleurs, cost Gilles Bélanger qui représentait les
régions. Si les régions n'étaient pas importantes,
évidemment, nous n'aurions pas, justement, ouvert des bureaux
régionaux. Chacun des bureaux régionaux, maintenant, depuis le 4
avril dernier, a son propre budget qu'il gère selon, évidemment,
certains prérequis, mais qu'il gère. Donc, il y a une autonomie
donnée dans les régions. Qu'ils manquent de fonds, je pense
qu'ils en manquent tous. Vous disiez que nos artistes ont de la
difficulté à vivre. Je pense que ce n'est pas juste en
Montérégie. C'est partout, et à Montréal aussi.
Alors, ça, c'est une réalité, donc, à laquelle il
va falloir s'attaquer. Mais, effectivement, aux régions ou à
toute l'activité des régions, on y croit et on va continuer d'y
croire. Soyez-en sûrs.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, mesdames et messieurs. Au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier de votre présentation. Je vais maintenant
suspendre les travaux jusqu'à 19 h 45, ce soir, en cette salle. La
commission est suspendue.
(Suspension de la séance à 18 h 35)
(Reprise à 19 h 53)
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant recommencer ses auditions. Je vous rappellerai que notre mandat
ce soir est de continuer la consultation générale sur la
proposition de politique de la culture et des arts.
Sans plus attendre, nous allons maintenant recevoir le Canadian Actor's
Equity Association, que nous devions entendre à 17 h 45, mais, pour des
raisons de contraction d'horaire, nous n'avons pu le faire. Donc, nous allons
commencer dès maintenant. Je vous demanderais donc de vous
présenter et de commencer votre présentation sans plus
tarder.
Mme Needles (Jane): Bonjour, monsieur. Le Président (M.
Gobé): Bonjour, madame. Canadian Actor's Equity
Association
Mme Needles: M. le Président, Mme la ministre et les
membres de la commission, merci de nous avoir accueillis chez vous.
Je m'appelle Jane Needles. Je suis membre du Canadian Actor's Equity
Association. Je suis aussi professeur en gestion des arts à
l'Université Concordia et à l'École nationale de
théâtre et administratrice dans les arts en général.
Mon collègue, à côté de moi, c'est le Dr Philip
Spensloy, comédien et aussi professeur à l'Uni versllé de
Concordia dans notre département de théâtre.
On va être très brefs ce soir. On a un
autobus à prendre à 21 heures. Ce que je vais faire, c'est
prendre le petit mémoire qu'on a envoyé en mentionnant juste
quelques choses. Mon collègue va prendre la parole après moi. Si
je fais des erreurs en français, je m'excuse au commencement.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, madame.
Allez-y.
Mme Needles: Canadian Actor's Equity représente plus de
5000 comédiens, mais pas uniquement des comédiens; des membres
aussi des arts d'interprétation partout au Canada. Au Québec, la
cotisation, c'est 360, autant des membres francophones qu'anglophones.
Après 1967, on a commencé une série d'ententes entre
l'Union des artistes et l'Equity pour avoir une juridiction égale entre
les deux, pour qu'un membre de l'un puisse travailler dans l'autre juridiction
sans avoir besoin de faire une cotisation à l'autre.
Canadian Actor's Equity a peur d'une chose qui est en train de se faire
en ce moment: c'est la dévolution qui est en train de se faire au niveau
fédéral. Comme résultat, il y a un groupe qui s'est
formé maintenant, qui s'appelle le Common Agenda Alliance. C'est pour
défendre le droit de... le gouvernement fédéral, qui garde
son droit de tenir les organismes fédéraux, tels que Radio-Canada
et l'Office national du film. En même temps, l'organisme reconnaît
que Québec, c'est un secteur spécial à cause de la
mosaïque culturelle qui existe ici. C'est autant francophone
qu'anglophone, et il y a aussi les autres groupes ethniques. On est
concernés par le fait qu'avec le rapport Arpin, les droits de toutes ces
communautés, ce ne sera pas adressé. Dans le rapport Arpin, il
n'y a aucune référence à des gens qui ne sont pas des
francophones. Peut-être que c'est là entre les phrases, mais on ne
le voit pas par écrit.
Il y a plusieurs choses dans le rapport Arpin pour lesquelles Equity
applaudit. Ce sont les structures budgétaires, la possibilité
qu'il y aura des budgets de trois ans pour les grands organismes, des services
en général pour tout le monde, des sources différentes,
des levées de fonds et de l'enseignement professionnel, et la promotion
des artistes du Québec en dehors de la province.
Mais il y a certaines recommandations qui sont faites dans le rapport
qui nous concernent. On a travaillé depuis longtemps, les francophones
et les anglophones ensemble, pour avoir un milieu qui travaille ensemble, en
province aussi bien qu'en dehors de la province, puis on ne veut pas que
ça change. Au terme du budget, Equity trouve difficile d'accepter la
proposition que les sources d'argent, ça vienne d'une source seulement
parce qu'on a déjà de l'argent qui vient d'ailleurs, du
gouvernement fédéral, spécifiquement dans le sens des gros
organismes comme Radio-Canada, l'Office national du film. Comment est-ce que
Québec peut supporter les problèmes budgétaires qu'ils ont
trouvés en ce moment, parce qu'ils ne sont même pas capables
d'obtenir le 1 % qu'on a demandé depuis cinq ans? On a eu des promesses,
mais ce n'est jamais... Enfin.
Dans le secteur anglophone, oui, c'est centralisé à
Montréal, mais il y a plusieurs petites poches qui sont en dehors de
Montréal, dans les Cantons-de-l'Est, par exempte, même ici dans la
ville de Québec. On veut augmenter le profil de l'artiste anglophone
dans le secteur québécois, dans le secteur francophone et,
à cet égard, faire des tournées, c'est très
essentiel.
En même temps, les recommandations du rapport Arpin
suggèrent que les fonds devraient aller pour les projets 'tried and
true", dit-on en anglais. Ça veut dire pas pour des choses
nécessairement expérimentales, et ça, c'est
complètement contraire à la vie d'un artiste dont le mandat est
de présenter constamment un défi au public "at large". Sans avoir
les pouvoirs de faire ces démarches, comment est-ce qu'ils peuvent le
faire, comment est-ce qu'ils sont capables de relever le défi? On
supporte complètement le rapport qui a été soumis par le
Québec Drama Federation. Maintenant, je vais passer la parole à
mon collègue.
M. Spensley (Philip): Merci, Jane. M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, je veux exprimer juste un peu mes
"credentials" québécoises avant de commencer. Je suis
comédien. Je suis vice-président du comité de consultation
montréalais du Actor's Equity Association. Alors, je parle pour les
artistes de théâtre anglophones québécois et la
contribution qu'on a faite à la culture du Québec et qu'on
continue de faire. Je suis membre du CFAD. C'est le comité sur la
formation en art dramatique pour le... CQT?
Mme Needles: CQT, Conseil québécois du
théâtre.
M. Spensley: Oui, c'est ça. Je m'excuse. Je suis un peu
nerveux. Je représente les anglophones sur ce comité. Je suis un
des fondateurs de la Québec Drama Federation, un des fondateurs de
l'Association québécoise d'enseignement d'art dramatique et
fondateur du Département de théâtre à
l'Université Concordia. Là, j'ai enseigné l'histoire du
théâtre pendant plus de 25 ans et ces mêmes formes de
conditions qui donnaient encouragement, opportunité et
développement au grand mouvement culturel mondial.
Je veux parler un peu de la culture, du sens de la culture dans une
société. Alors, quand j'ai joué le rôle de Frank
Burns dans "Lance et compte", il y a un moment où j'entrais dans le
"locker-room" pour faire un petit discours aux joueurs et je disais, là:
II y a quelqu'un ici qui
connaît déjà mon petit discours. Ça ne fait
rien. Il vaut toujours mieux se rafraîchir la mémoire plutôt
que d'avoir du trouble après. Alors, encore, je fais ça devant
vous. Quand j'ai lu les 113 recommandations du rapport Arpin, j'étais
assez encouragé. J'ai pensé encore que c'est le Québec qui
mène le Canada, comme le Québec a fait avec le statut de
l'artiste, par exemple.
J'ai pensé que le Parlement fédéral discutait d'une
telle politique pour la culture canadienne. Il y a beaucoup dans ce rapport qui
est bon: par exemple, la reconnaissance que la société se compose
de considérations sociales, économiques et culturelles, que la
culture et les considérations économiques sont
séparées, que la base de la vie culturelle, c'est la
création et que l'initiation à la culture commence tôt dans
l'éducation. Oui, on va avoir besoin d'une plus forte collaboration
entre les ministères de la culture et de l'Éducation. C'est bon.
Le Québec, culturelle-ment, c'est une société
diversifiée.
En même temps, on a quelques réserves concernant quelques
recommandations du rapport Arpin. Il y a des doutes qui piquent la conscience
de l'artiste et qui piquent l'artiste anglophone. Quand j'ai lu les
recommandations après 71, j'ai pensé à quelques
problèmes, pas trop, excepté que, quand j'ai lu les
justifications pour les recommandations, j'ai eu beaucoup de "piques" sur la
conscience.
Alors, "what's bad?" L'art on dit, c'est pour le service de la
société. C'est bon. Oui, je pense ça. Mais pas pour des
intérêts nationaux, nationalistes comme définis par un
gouvernement. L'art, c'est pour le peuple et ça commence en bas. Les
directions sont là et pas comme ça.
Sous le régime de Staline en Russie, il y avait une
déclaration de l'art par le gouvernement, le "state realism". C'est tuer
complètement la création, complètement. Sans doute, ce
n'est pas l'intention des personnes qui ont écrit le rapport Arpin, mais
c'est une possibilité, c'est tout, c'est un "pique".
Je me pose la question. Alors, pour qui est la culture? Qui va diriger
et qui va suivre? Le rôle de l'artiste dans la société,
c'est pour montrer la société. Alors, Voltaire a dit qu'il faut
travailler dans le jardin. Qui va travailler dans le jardin? Quels sont les
petits pépins qui vont grandir? Le gouvernement a un rôle
très, très important de donner soutien, encouragement, de
créer un climat, mais pas pour imposer quelque chose aux artistes:
Qu'est-ce qui va grandir?
Je ne suis pas certain, dans les recommandations du rapport Arpin, que
ce n'est pas possible pour le gouvernement de parler comme ça. C'est une
question: Qui va décider des politiques? Qui va décider des
évaluations? Alors, la question de "central control" ou "arm's length",
c'est très important, je pense, pour le soutien de l'art, pour le
théâtre, la danse, la musique, les autres choses culturelles dans
la vie culturelle. Qu'il y ait un "arm's length", une distance, que les gens
qui donnent la monnaie n'aient pas la puissance directe de dire: Fais
ça, fais ça, fais ça, pas vous, pas vous, pas vous, parce
que c'est une question de politique, c'est très important. Il n'y a pas
de question de politique.
Alors, un autre petit point. Pierre Trudeau, quand il était
premier ministre du Canada, a dit en 1966 que le Canada avait deux langues,
mais aucune culture. Je ne le pense pas. Il y a une culture canadienne qui le
rend distinct, comme le Québec est distinct culturellement. Je suis
certain, je n'ai aucun doute que le Canada existe aujourd'hui grâce
à la contribution et à la réalité de la culture
française canadienne. Même le Québec existe aujourd'hui
grâce au Canada. Je pense ça. C'est l'histoire. Le futur, c'est
autre chose, mais, pour l'histoire, c'est ça. L'un sauf l'autre. On
devrait partir des États-Unis maintenant, et la question devant nous
peut-être est une confirmation de George Thomas et pas de cette
question-ci.
La culture, c'est quoi? Le Canada n'est pas les États-Unis. Le
Québec reste le Québec. La culture canadienne a été
enrichie par la contribution culturelle des Québécois. Même
la culture québécoise a été enrichie par la
contribution de la culture anglophone québécoise et continue
d'être enrichie.
Le deuxième problème, un autre problème, pour nous,
c'est la question de la langue. Le rapport, aux pages 46, 47, je pense, dit que
la culture et la langue sont synonymes. Même chose. Moi, je pense que la
culture transcende la langue. La langue et la culture ne sont pas la même
chose. Nous sommes tous ici vraiment des exemples vivants de cette
réalité. Les artistes ici, au Québec, travaillent dans les
deux langues. J'en suis un exemple moi-même.
Je veux dire que la culture se crée constamment. Ce n'est pas
fixé. Ce n'est pas à être fixé. La question pour
subventionner le "tried and true", comme ma collègue l'a dit, c'est
contraire absolument à la vie de l'artiste. C'est le déjà
fait, ce qui existe. C'est de l'interprétation seulement; ce n'est pas
de la création. La création devrait être nouvelle tout le
temps. Un troisième problème...
Le Président (M. Gobé): En conclusion.
M. Spensley: Deux minutes.
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y.
M. Spensley: Un troisième problème, c'est la
question d'évaluation par le ministère. Je me demande quelle
politique on va avoir là. On ne pense pas à un "jury system", un
système de jury. On dit non. Le jury des "fellow artists", des
collègues, les experts, les vrais experts qui travaillent dans le
métier chaque jour, c'est une
possibilité.
Une autre possibilité - c'est "a personal point of view" - c'est
que les décisions soient basées sur un point de vue politique.
Alors, ce sont des questions qui piquent l'artiste ici et qui piquent
spécialement l'artiste anglophone ici.
Alors, je veux, en conclusion, vous donner certaines recommandations du
Canadian Actor's Equity: respecter la société distincte du
Québec, la culture distincte du Québec, que le français,
c'est la langue première, sans doute, mais, en même temps, la
communauté anglophone, on ne peut pas ignorer qu'on a besoin d'une
représentation anglophone dans un tel ministère, d'assistance
pour formuler, d'assistance, d'aide pour administrer et pour prendre les
décisions pour la politique. Merci. (20 h 15)
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Spensley. Il
reste sept minutes de chaque côté. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Je vous remercie de
l'intérêt que vous portez ici à la culture. Maintenant,
comme vous, il m'apparaît essentiel que les artistes aient la
possibilité de s'alimenter aussi à d'autres cultures. Si le
rapport Arpin n'a pas fait statut de la culture anglophone et francophone,
c'est parce que toute culture au Québec, ça fait partie d'un
bassin, si on veut, d'un bassin global, sans faire de catégories. Mais
puisque vous êtes un organisme qui représente des organismes
canadiens, j'aimerais échanger certaines questions avec vous.
Vous parliez du fameux... On en a beaucoup discuté aussi cet
après-midi du "arm's length" et, effectivement, ça a toujours
l'air d'être la solution idéale. Vous dites - je ne sais pas si je
vous ai bien compris - mais il semblerait, en tout cas selon vous, qu'ici, au
Québec - et là, je ne suis pas certaine si je vous ai bien
compris - il y a un peu d'ingérence politique dans les décisions
versus, par exemple, à Ottawa où le Conseil des arts est
complètement un organisme à part qui détermine justement,
si on veut, à qui vont les subventions.
Je suis un peu surprise de cette position-là parce que, au
Québec, on fonctionne de la même façon, par des jurys, des
jurys de pairs et, finalement, quant à la décision à
savoir si l'argent va d'une place à une autre, il n'y a absolument
aucune intervention au niveau du contenu, au contraire.
Par contre, ce fameux Conseil des arts, il peut y avoir aussi une
intervention, c'est-à-dire qu'il peut y avoir... et il y a eu beaucoup
de plaintes aussi là-dessus. C'est parce qu'on n'en parle plus de ce
temps-là, mais il y a eu beaucoup de plaintes là-dessus, du fait
que le Conseil des arts, effectivement, gère un certain budget
déterminé par des gens qui sont là depuis 20 ou 25 ans et
qui ont, finalement, une espèce de... ou qu'il s'est formé une
espèce de "body system" qui fait en sorte que, bien souvent, on s'est
aperçu aussi qu'il pouvait y avoir un contrôle non pas par la
politique, mais par les gens qui sont là et par les pairs. Alors,
comment on fait pour réconcilier les deux et quel serait le meilleur
système?
Mme Needles: Si on avait la réponse, nous autres, on
pourrait peut-être le suggérer ce soir, mais vraiment, moi, je
pars personnellement d'expériences que j'ai eues ici, à
Québec, malheureusement, et parce que je travaille avec plusieurs
compagnies anglophones qui ont eu beaucoup de problèmes avec le
ministère.
Même une possibilité, il est arrivé une fois
où j'ai été demandée moi-même pour être
membre d'un jury, par mes copains, mes collègues, ici, à
Montréal. C'a été envoyé à Québec et
je n'ai rien entendu depuis ce temps-là. Puis ça, ça peut
être une autre chose.
Mais, dans la façon anglophone, le travail anglophone, des fois,
c'est très difficile d'avoir les oreilles qui écoutent vraiment
nos besoins en même temps qu'elles écoutent les besoins
francophones. Parce qu'on travaille tellement ensemble maintenant. Il y a
beaucoup de choses francophones qui sortent de la province, en Ontario,
même dans le reste du Canada, des choses qui viennent ici, à
Québec, des compagnies anglophones ici, à Montréal, qui
font spécifiquement leur travail avec les francophones pour que dans des
spectables, de la danse ou n'importe quoi, ce soit les deux langues ensemble
qui travaillent ensemble. Je pense qu'on devrait trouver une façon qui
fasse que ce soit beaucoup plus régi ou qu'on prenne connaissance qu'on
est là, qu'on fait notre part de travail ensemble.
Mme Frulla-Hébert: Oui, peut-être au niveau de... Je
pense qu'on n'est pas contre, finalement, le partenariat et la bonne
collaboration, au contraire, mais vous semblez aussi très inquiets au
niveau d'une source de financement versus plusieurs. Vous réaffirmez
d'ailleurs que le gouvernement fédéral doit réaffirmer et
renforcer son engagement dans le champ de la culture canadienne et, à ce
titre, augmenter son implication financière.
Vous parlez toujours de la culture canadienne, mais, ici, on vit des
problèmes justement au niveau du pouvoir de dépenser du
fédéral et au niveau des duplications de programmes qui
coûtent énormément de sous et d'énergie. Mais vous
semblez dire: II faut absolument garder les deux paliers, absolument. Est-ce
que vous pourriez expliquer un peu plus?
Mme Needles: Dans ce sens-là, moi, j'ai travaillé
sur le rapport qui a été fait pour le ministre par le QDF. J'ai
travaillé beaucoup là-dedans. On a découvert à ce
moment des déséquilibres entre les fonds qui sont disponibles
pour les compagnies francophones et pour les
compagnies anglophones qui sont au même niveau - môme nombre
de spectacles qu'elles font par année, etc. - ce n'était pas
égal. On peut comprendre qu'il y ait une raison pour laquelle ce n'est
pas égal, mais il y a peut-être une façon de regarder
ça dans le sens que, nous autres, on compte autant que des francophones
dans cette province-ci.
Mme Frulla-Hébert: Vous savez, il y a eu aussi, par
tradition - et je ne vous le dis pas... D'ailleurs, on est ici pour discuter.
Parce que, si tout était parfait, on ne serait pas ici non plus
personne. C'est vrai qu'il y a eu une tradition, à un moment
donné, où les groupes, les artistes anglophones allaient aussi
plus naturellement vers le Conseil des arts, tout simplement plus naturellement
vers le Conseil des arts, versus les groupes francophones qui allaient plus
naturellement vers le gouvernement provincial, question de répartition
au niveau... enfin, attirance linguistique. Appelez-le comme vous voulez. Mais
il y a eu ça aussi, de telle sorte que les groupes se sont
développés parallèlement.
Par contre, si les fonds - parce que c'est ce qui est le plus important
au moment où on se parle - se retrouvent au Québec, à ce
moment-là, ça revient au même. C'est toujours la masse
monétaire, finalement. Il n'y a pas un groupe qui est venu qui ne nous a
pas parlé d'argent. Alors, c'est toujours la masse monétaire qui
semble la plus importante...
Mme Needles: C'est le problème artistique.
Mme Frulla-Hébert: ...qui prend une espèce
d'emprise sur les grandes discussions.
Mme Needles: C'est juste peut-être pour suggérer
que, vraiment, une des choses les plus importantes pour le secteur anglophone,
c'est qu'il y ait une personne ou des personnages visibles dans le
ministère, qui travaillent de leur côté, en même
temps qu'avec les francophones. Moi, je dépense la plupart de mon temps
à travailler avec des francophones puis je veux que ce soit au niveau
ministériel, que la même chose arrive.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, il nous reste sept
minutes.
M. Boulerice: Je prendrai le temps qui m'est dévolu. Mme
Needles, M. Spensiey... M. Spensley, vous avez fait état que Staline
avait créé une culture d'État. Est-ce que vous avez vu ce
"news release", House of Commons, qui est le Soviet suprême du Canada,
où vous avez... Tous les groupes culturels recevront, très
bientôt... tous ceux qui l'ont reçu, on vous dit: Comment vos
activités contribuent-elles actuellement à la création
création d'une identité canadienne commune et à
l'augmentation de la fierté nationale? Comment pourriez-vous modifier ou
améliorer vos activités pour augmenter cette contribution?
Quelles modifications pourrait-on apporter aux programmes, aux
activités, aux politiques et aux initiatives du gouvernement pour
améliorer votre contribution?
Je veux dire: Est-ce qu'il y a un artiste québécois, qu'il
soit francophone, anglophone, allophone, qui a déjà reçu
du ministère des Affaires culturelles du Québec un document aussi
fasciste que celui-ci?
M. Spensley: Je ne sais pas s'il est fasciste ou pas. Je n'ai pas
lu ça.
M. Boulerice: J'ai le plaisir de vous en offrir une copie.
M. Spensley: Je suis content de faire ça et de
répliquer après. Maintenant, je ne sais pas de quoi vous
parlez.
M. Boulerice: J'ose espérer que vous le dénoncerez
avec moi. Je vous en donnerai une copie volontiers, "but you are not a garbage
can. Because that is real garbage. To my standard, that is real garbage".
Mme Needles, quand on dit "rapatrier les pouvoirs", c'est
également rapatrier l'argent, cela ne veut pas dire qu'on rapatrie
uniquement les pouvoirs. Et avec l'argent que nous avons actuellement, c'est
nous qui allons assumer la charge de Radio-Canada, du National Film Board et de
ces choses-là. Avec le rapatriement des pouvoirs va le rapatriement de
l'argent également. Il faut se dire cela.
Mme Needles: Oui, oui.
M. Boulerice: Si je vous dis que tout ce qui est injecté
actuellement au ministère fédéral des Communications, au
Secrétariat d'État et qui est affecté à la culture,
aux communications est transféré latéralement au
ministère québécois correspondant qui a le principe du
"arm's length", quelle inquiétude avez-vous?
Mme Needles: L'inquiétude que des promesses sont toujours
faites pour être cassées.
M. Boulerice: Pardon? Je m'excuse.
Mme Needles: Que des promesses sont toujours faites pour
être cassées, c'est ça. "Promises can always be broken", on
dit en anglais.
M. Boulerice: Oui, mais "I guess that politicians now feel that
votes for them is just the same as applause for the actors. If you lack
of them, you are both out, both, of the scene. " Mme Needles:
C'est ça. "Out the scene".
M. Boulerice: And I think that we are at a stage where the next
one who will come up and show himself with promises he cannot respect is a dead
man or she Is a dead woman because I do not believe that you will be coming
again in an inquiry commission for the report. I think it is just the last call
you are giving to the politicians. Am I right about that?
M. Spensley: On espère. Mme Needles: On
espère.
M. Boulerice: You hope. O. K., because to that question, the
Québec Drama Federation said: Sir, if it is so that the money goes
straight without any interference of someone grabbing on it because when money
drives in front of you, you know, you are tempted, and is the arm's length, we
do agree. We do not mind.
Mme Needles: If the English are represented, if it is arm's
length.
M. Boulerice: Yes. But about the representation that bothers me,
am I going to... First, I am just fed up to see an Armenian born Quebecker, who
is a painter, who wants to make an exhibition of his paintings, he has to go
and knock at the Ministry for Cultural Communities and Immigration. To me, the
only door is the Ministry of Culture. I have to put in mind that the Anglophone
community in Québec, no matters what is the constitutional status of
Québec, is part of the Québec culture.
M. Spensley: Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas
nécessairement compris. Le travail des artistes anglophones n'est pas
toujours tout le temps pour la plupart compris par les artistes
français, de même que les activités des artistes, leur
travail n'est pas tout le temps toujours compris par les artistes anglophones.
Alors, s'il y a un jury comprenant entièrement des artistes
francophones, et qu'il y a quelques représentations par les compagnies,
par les artistes anglophones qui vont demander, s'il vous plaît, quelque
chose, et que le comité dit: Qui sont ces gens-là? C'est quoi,
ça? Je ne connais pas ça.
C'est une réalité ici, et la communauté anglophone
est "trapped" dans cette réalité. C'est nécessaire,
très nécessaire pour la représentation de la
communauté anglophone qu'elle soit assise sur ces jurys, pour informer
le reste du jury, par exemple. Moi, j'ai servi sur quelgues jurys pour le FCAR,
pour le ministère de l'Éducation. Tout le temps on m'a
demandé: Mais c'est qui ça? C'est quoi, ça?
Alors, malheureusement, c'est une réalité que le secteur
français ne comprend pas ce que fait le secteur anglophone, et le
contraire est aussi vrai. Alors, c'est nécessaire de collaborer dans
chaque situation et la situation de la question du jury, c'est
nécessaire. C'est tout. (20 h 30)
Mme Needles: Pour ajouter un petit point à ça,
monsieur, la façon de travailler des anglophones et des francophones
dans le secteur des arts culturels est complètement différente,
spécifiquement dans les arts d'interprétation. La façon de
payer les comédiens pour des répétitions en anglais, puis
de ne pas payer en français, ça arrive à la fin à
la même chose, mais c'est deux façons différentes de
travailler. Et même, c'était écrit dans un article du
Globe and Mail, samedi passé, la différence entre les
deux. C'est très important de savoir ça, parce que les
francophones ont un avantage sur les anglophones, c'est qu'ils ne sont pas
payés pour des répétitions, alors ils ont beaucoup plus de
temps pour réaliser un spectacle. Les anglophones n'ont que trois
semaines pour monter un spectacle; plus que ça, ils n'ont pas assez
d'argent. Alors, c'est une chose dont il faut tenir compte, que c'est une
façon de travailler qui est complètement différente. Pour
cette raison spécifique, il devrait y avoir un représentant
anglophone et même allophone sur des jurys, ou sur des groupes, ou des
organismes qui vont faire des décisions d'après la culture, pour
être sûr que tout est compris dans tous les secteurs qui
travaillent tous dans la même mosaïque ici, au Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
Malheureusement, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques...
M. Boulerice: There are any...
Le Président (M. Gobé):... je vous demanderais
d'avoir la gentillesse de vouloir conclure.
M. Boulerice: And you have to catch your bus.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice: I mean, we could work on that, the last part about
the jury. I am always afraid about the closest numerous. You say: O. K. for
Anglophones, but maybe we get an open-minded francophone. I mean, there are
probably few of them. Great bet, I mean few left. Ha, ha, ha! Or just in some
regards, when we deal about visual arts, there are some times when I would
rather have an open-minded anglophone that... Period. Because I do not want to
loose any vote. O. K. ? Just like for the applause. Is it clear?
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je pense que le temps est maintenant
terminé pour vous. Mme la ministre, en conclusion, s'il vous
plaît.
Mme Frulla-Hébert: Le temps nous presse. Merci, Mme
Needles et M. Spensley. Tout simplement pour vous dire qu'on sait qu'on a du
travail à faire au niveau du ministère, effectivement, non pas
pour encourager la création anglophone ou multiculturelle, au contraire,
mais comme représentant, par exemple, pour vraiment, comme vous dites,
bien comprendre ça. On est conscient de ça. Alors, on vous
remercie de nous avoir amené vos problèmes ici. Encore une fois,
merci d'avoir attendu et d'avoir été patients.
M. Spensley: Merci, Mme la ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Au nom des
membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Je dois
maintenant vous demander de vous retirer. Je vais demander à l'autre
groupe de bien vouloir se présenter.
M. Godin: Est-ce que Mme la ministre m'accorderait même pas
une minute, mais quelques fractions d'une minute pour un dernier message
à nos amis de la Canadian Actor's Equity?
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le
député, mais rapidement. Je vous en prie.
M. Godin: Mais est-ce que Mme la ministre a accepté?
Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas la ministre
qui décide du temps, c'est la présidence.
M. Godin: Ah bon! Attention à vous, Mme la ministre.
Le Président (M. Gobé): Mais rapidement, M. le
député.
M. Godin: Vos pouvoirs s'en vont, là. Le
Président (M. Gobé): Faites vite.
M. Godin: Oui. Alors, premièrement, je veux vous
féliciter de participer à nos activités parlementaires.
Ça indique bien votre volonté de faire partie du Québec.
Soyez sûr que, pour les jurys, notre parti, à André
Boulerice et à moi, peut s'engager dès maintenant à ce que
nous fassions toujours appel à vos talents, à votre
expérience surtout, j'imagine, M. Philip.
M. Spensley: Spensley.
M. Godin: The elder statesman of the Equity.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Pour que vous soyez présent sur les jurys qui
attribueront les bourses et les prix du gouvernement du Québec.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député. Merci beaucoup. Vous pouvez maintenant vous retirer.
J'appellerai donc le groupe suivant qui est la Société historique
de la Gaspésie et Conseil régional de concertation et de
développement de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine. Si vous
voulez bien venir prendre place à l'avant, afin que nous puissions
commencer votre audition.
Alors, mesdames et monsieur, bonjour. Il me fait plaisir de vous
accueillir ici. Peut-être que vous pourriez vous présenter sans
plus tarder et, par la suite, vous commencerez votre présentation.
Mme Gagnon (Pascale): Pascale Gagnon, de la Société
historique de la Gaspésie.
Le Président (M. Gobé): Bonjour.
Mme Gélinas (Cécile): Cécile Gélinas,
directrice du Musée de la Gaspésie.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, plutôt.
M. Forest (Yvon): Bonsoir. Yvon Forest, du CRCD de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Forest. Alors,
vous pouvez commencer votre présentation.
M. Boulerice: ...les lumières du parlement et non pas de
la ville.
Le Président (M. Gobé): M. le député,
votre temps de parole viendra par la suite.
M. Boulerice: On peut faire des "inside jokes" avec les gens de
la Gaspésie.
Société historique de la
Gaspésie
et Conseil régional de concertation
et de développement de la
Gaspésie
et des Îles-de-la-Madeleine
M. Forest: D'abord, nous tenons à vous remercier beaucoup
de nous donner l'opportunité de nous faire entendre dans le cadre de
cette commission. Vous avez reçu le mémoire. Alors, vous en avez
sans doute pris connaissance, lu abondamment. Comme il est un peu épais,
nous n'ajouterons pas par une lecture exhaustive, mais ferons plutôt un
court résumé qui vous a été distribué,
j'espère, dans le cadre d'un petit document plus mince qui s'appelle
"Résumé du
mémoire".
Alors, je commence avec l'introduction. Mis sur pied en février
1991 par la ministre des Affaires culturelles, Mme Frulla-Hébert, afin
de faire des propositions pour une nouvelle politique de la culture et des
arts, le groupe-conseil, présidé par M. Roland Arpin, a
livré son travail en juin 1991. La présente commission
parlementaire nous donne donc l'occasion de faire connaître les
réactions de la Société historique de la Gaspésie
et du CRCD Gaspésie-Les îles qui ont cosigné le
présent mémoire afin de faire valoir le point de vue de notre
région.
D'entrée de jeu, nous reconnaissons la principale vertu du
rapport Arpin, qui est de recommander au gouvernement d'accorder une place
aussi importante au culturel qu'à l'économique ou au social. Le
rapport, en cela, montre beaucoup de vertus et montre aussi, par endroits, une
rassurante compréhension des conditions d'émergence de la
création culturelle, allant jusqu'à dire qu'elle peut se
manifester partout sur le territoire. Mais, en ce qui nous concerne, nous, les
régions, l'enchantement se brise un peu lorsque arrivent les
recommandations.
En effet, les lumières de la ville ont visiblement ébloui
les auteurs du rapport Arpin et jeté dans l'ombre le soutien essentiel
qui doit être apporté à la création culturelle en
région. Parce que l'État doit établir un seuil en
deçà duquel la vitalité de la création est
menacée, parce que les ressources de l'État sont limitées,
parce qu'il faut mettre un terme au saupoudrage, parce qu'il faut favoriser la
rentabilité, la performance et le rendement, etc., les auteurs du
rapport tombent dans le piège du métropocentrisme ou du soutien
massif aux grands centres, mais beaucoup plus tiède aux
régions.
Au départ, le rapport Arpin énonce une approche que nous
trouvons simpliste et tronquée des réalités
régionales. Le Québec est présenté selon la
typologie des trois pôles, soit le pôle Montréal la
métropole, le pôle Québec la capitale et le pôle
l'ensemble régional. Il est, à notre avis, aberrant de constater
que le rapport Arpin traite les régions comme un ensemble un peu
indifférencié, comme si l'Estrie et la Gaspésie, pour ne
prendre qu'un exemple, vivaient la même problématique et
appelaient le même genre de solution mur à mur. Pourtant, nul
besoin d'une longue démonstration pour comprendre que la
Gaspésie-Les îles se distingue des autres régions du
Québec tant par son isolement géographique, son caractère
maritime unique au Québec, les caractéristiques de son peuplement
linéaire que par sa structure urbaine particulière,
caractérisée par un chapelet de municipalités de
dimensions comparables et par l'absence d'un pôle urbain de plus de 10
000 habitants. De plus, il faut considérer la diversité ethnique
insoupçonnée de sa population issue de souches française,
britannique, acadienne, basque, anglo-normande, irlan- daise, écossaise,
allemande, Scandinave, micmac, etc. Nous sommes donc loin de
l'homogénéité ethnique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, par
exemple, ou de la dualité anglaise-française de l'Estrie, et
encore plus loin de la pertinence d'une approche mur à mur de
l'État face aux régions du Québec.
D'autre part, le rapport Arpin recommande que le ministère appuie
Québec et Montréal comme pôles nationaux et internationaux
de création et de production culturelles, alors que les régions
seraient confinées au rôle passif de consommateur de culture.
Créons en ville et consommons en région, ce serait cela une
politique de développement culturel pour le Québec? Cette
orientation se doit évidemment d'être rejetée car, si elle
était approuvée par l'État, cela reviendrait à
accentuer le dépeuplement des régions au profit des grands
centres. Au contraire, disons-nous, c'est la responsabilité de
l'État de freiner et de renverser cette tendance déjà trop
puissante. Il lui revient de soutenir la création et le rayonnement
national et international de cette création, peu importe où elle
se trouve sur notre territoire, sous peine de voir nos régions se vider
irrémédiablement de leurs créateurs. Il importe donc que
l'État fasse tout pour éviter que le Québec ne se
résume plus qu'à Montréal et à son désert
québécois.
Est-il trop tard pour soutenir la création culturelle en
région? Est-ce peine perdue, compte tenu que nos produits culturels
doivent maintenant être mis en circuit à Montréal, à
Paris ou à New York? C'est comme si notre politique de
développement culturel ne devait tenir compte que du fonctionnement de
la ligue majeure et négligeait l'importance et le caractère
formateur et essentiel des ligues mineures. Comment négliger le
rôle du Festival de la chanson de Petite-Vallée - bien oui, c'est
en Gaspésie -dans la carrière d'un Nelson Minville, ou de Granby,
dans la carrière de Luc de LaRochelière? Ce sont de ces ligues
mineures qu'on parle. Bien plus, pourquoi le rayonnement national et
international ne serait-il réservé qu'aux seules collections des
musées de Montréal et de Québec? Pourquoi l'État ne
soutiendrait-il pas le Musée micmac de Restigouche quand il
échange des collections avec les musées de l'Amérique du
Sud, comme c'est le cas présentement, ou le Musée de la
Gaspésie, ou le Musée acadien dans leurs efforts pour faire
connaître notre culture à l'extérieur de la région?
Des exemples du genre sont légion.
La vitalité culturelle de notre région est réelle,
même si toujours précaire. Et cette vitalité culturelle
régionale est essentielle pour nourrir la vitalité culturelle du
Québec tout entier. La force des régions fera la force du
Québec. Il n'est qu'à rappeler que la plupart de nos
téléséries vedettes campent en majorité leur action
dans le terroir de nos régions: "Le temps d'une paix" dans Charlevoix,
"Les filles de Caleb"
dans la Mauricie, "L'héritage" dans le Bas-Saint-Laurent, et j'en
passe. Historiquement, les régions ont alimenté l'imaginaire
québécois chacune à sa façon, selon les
caractéristiques qui leur étaient propres. Car, nous le
rappelons, les réalités régionales ne forment pas un bloc
homogène et se doivent d'être étudiées en fonction
de leurs spécificités qui, il faut le souligner, s'enracinent
toujours dans leur vécu, dans leurs traditions, dans leur histoire et
dans leur patrimoine. Pour ce faire, il faut aussi que la culture
régionale, son histoire et son patrimoine soient valorisés et
enseignés dans le milieu régional lui-même. D'où
l'importance que nous accordons dans notre mémoire et que nous
retrouvons en partie, d'ailleurs, dans le rapport Arpin quant à la
revalorisation de l'éducation culturelle, tant par l'inscription de
l'histoire et de la culture régionale dans le curriculum scolaire que
par une meilleure interpénétration entre le milieu scolaire et
les institutions culturelles et muséales de la région. Car c'est
en valorisant la culture et le patrimoine régional à
l'école que nous rendrons nos citoyens fiers de leur région et de
leur culture, d'une part, et que nous pourrons éveiller, d'autre part,
la capacité de création qui sommeille en eux, et cela pour le
bénéfice du Québec tout entier.
Nul ne peut donc sciemment condamner à l'extinction cette
contribution des régions à la culture québécoise
sous prétexte que les régions sont trop petites pour soutenir une
création culturelle valable. Hormis le cinéma, où les
moyens techniques sont imposants, la création culturelle peut
naître et s'exprimer à peu près partout sur le territoire.
C'est pour la diffusion de ces oeuvres, tout comme du patrimoine
régional, que le soutien de l'État est particulièrement
nécessaire, et cela vaut tout autant pour la diffusion des oeuvres et du
patrimoine régional vers les centres que pour la diffusion du centre
vers les régions.
Un autre aspect du rapport Arpin attire aussi l'attention, c'est le
rôle plus actif qu'il destine aux municipalités,
particulièrement en regard du financement des arts et de la culture. Que
les municipalités viennent ajouter au financement des arts et de la
culture peut apparaître séduisant. Mais encore faut-il, d'une
part, que l'État n'en profite pas pour se désengager d'autant,
dans lequel cas le développement culturel ne s'en trouverait aucunement
amélioré. D'autre part, il faut considérer que le monde
municipal vient de connaître une quasi-révolution avec la
réforme Ryan qui a ajouté de nouvelles dépenses
prioritaires, voirie secondaire, tertiaire, service de police, etc., à
l'agenda des municipalités, sans pour autant les munir de nouvelles
sources de revenus. Dans ce contexte, un nouveau transfert de
responsabilités culturelles serait non seulement perçu comme un
irritant additionnel, mais risque en outre d'atterrir bien à la queue de
la liste des priorités municipales.
Aussi serait-il plus approprié que le financement local de la
culture et des arts soit encouragé par une participation égale de
l'État par le biais d'un fonds d'appariement, par exemple: un dollar de
l'État pour chaque dollar investi par le milieu.
En ce qui concerne maintenant les conseils de la culture. Alors que nous
espérions un appui du rapport Arpin, celui-ci s'est fait distant. Non
seulement le rapport Arpin ne se prononce-t-il pas sur sa pertinence ou son
utilité, mais il ne suggère aucune fonction pouvant lui
être dévolue, ce qui revient à dire qu'il ne lui trouve
guère de raison d'être. À cela, le mémoire
Société histori-que-CRCD rappelle que la région
Gaspésie-Les îles revendique, depuis deux ans déjà,
la mise en place d'une structure de concertation culturelle qui lui soit
propre, pour diverses raisons: spécificité culturelle de la
Gaspésie-Les îles, besoin de concertation et de services en commun
de ses créateurs, nécessité d'une instance pour les
représenter à l'échelle provinciale. (20 h 45)
Nous savons, par ailleurs, qu'une réévaluation est en
cours sur les conseils de la culture, tant au ministère des Affaires
culturelles que par le comité Bernier. En ce qui concerne la
Gaspésie-Les îles, notre évaluation des conseils nous
amène à deux conclusions. Premièrement, le milieu culturel
d'une région périphérique, telle la nôtre, ne peut
pas, à notre avis, être privé d'un tel lieu de
concertation, de ressourcement, d'expression et d'animation culturelle. Qu'en
régions immédiatement périphériques aux grands
centres, les artistes et les institutions culturelles aient moins tendance
à demander ce genre de service à leur conseil, cela se peut et il
y a probablement des explications logiques à cet état de choses:
proximité des foyers culturels nationaux, des associations nationales,
des lieux de formation, etc. Cependant, pour les régions
éloignées, cette structure de concertation et d'animation
culturelle prend toute son importance pour créer et animer, en
région, des foyers culturels pouvant compenser pour l'absence de ces
foyers nationaux à proximité de nous. Donc, le ministère,
à notre avis, ne doit certainement pas jeter le bébé avec
l'eau du bain et condamner à l'extinction les conseils régionaux
de la culture parce qu'ils apparaissent moins pertinents dans certaines
régions.
Deuxièmement, pour qu'une instance régionale de
concertation culturelle joue pleinement son rôle d'animateur et de lieu
de concertation, il faut, de façon évidente, qu'elle soit
modelée selon les besoins et les caractéristiques de son milieu
régional. C'est dans cette optique que, d'une part, la
Gaspésie-Les îles revendique l'implantation d'une instance qui lui
soit propre, donc distincte de celle de l'Est du Québec, et, d'autre
part, que nous menons une vaste consultation régionale pour en
définir les orientations, le mode de fonctionnement et les
priorités d'action. D'entrée de jeu, nous prenons donc le
risque que notre instance de concertation culturelle soit
éventuellement différente du modèle standard. En
corollaire, nous prenons le risque que le ministère nous accordera la
marge de manoeuvre nécessaire pour que cette instance soit
modelée pour mieux répondre à nos besoins et à
notre spécificité. Car nous croyons que, là comme
ailleurs, le mur à mur n'a plus sa raison d'être lorsque nous
visons une meilleure efficience.
Enfin, nous croyons aussi qu'il est illusoire de penser faire jouer le
rôle d'une instance régionale de concertation culturelle à
une direction régionale du ministère, car ses mandats sont
incompatibles avec les mandats du ministère. En particulier, les
fonctions d'animation et de représentation d'une telle instance
viendraient en contradiction immédiate avec les fonctions de
contrôle et d'évaluation des subventions des projets par le
ministère. Fusionner les deux structures signifierait l'internalisation
de ces contradictions et créerait des situations impossibles où
le fonctionnaire devrait, d'une main, encourager et stimuler l'effervescence
créatrice et, de l'autre main, freiner le flot des demandes pour
respecter son budget. D'ailleurs, auquel de ses deux patrons devrait-il
allégeance? Aux créateurs et aux institutions culturelles de son
milieu qui le presseraient d'animer, de susciter et de revendiquer
éventuellement, bref, d'allumer? Ou à son ministre, qui lui
demanderait de contrôler, d'appliquer des normes, de gérer des
enveloppes toujours plus petites que les demandes, en bref, trop souvent de
freiner et d'éteindre un peu ce brasier inassouvissable d'attentes?
Aussi, pour toutes ces raisons, recommandons-nous le maintien de cette
structure des instances régionales de concertation culturelle et son
implantation dans notre région.
En conclusion, le mémoire rappelle à la commission
parlementaire que l'avenir du Québec ne peut être pensé
sans que soit pensé l'avenir des régions. Les régions, et
particulièrement la nôtre, ont besoin d'un soutien
régionalisé et spécifique à la création
culturelle en région, de façon à ce qu'elles puissent
continuer à avoir une vie culturelle propre, prête à
rayonner sur le Québec et sur le monde. Nous allons maintenant conclure
avec...
Le Président (M. Gobé): M. Forest, le temps qui
vous était alloué est déjà dépassé.
Mais si c'est très court, nous allons vous écouter.
M. Forest: Non.
Le Président (M. Gobé): La discussion va pouvoir
commencer. Vous allez pouvoir revenir...
M. Forest: En fait, c'était pour vous faire lecture,
à nouveau, des recommandations qui sont présentes dans notre
mémoire. Mais nous assumons que vous les avez bien lues.
Le Président (M. Gobé): Oui. Les membres de la
commission prennent connaissance de tous les mémoires,
indépendamment si les gens en font la lecture complète ou
simplement un résumé. Quand il y a des mémoires
très volumineux, les 15 minutes ne suffiraient pas pour en faire la
lecture. Donc, soyez assuré que l'ensemble des membres de cette
commission ont pris connaissance de tous ces rapports. Maintenant, je vais
donc, un peu comme la coutume établie en cette commission le veut...
Lorsqu'il y a un groupe qui vient d'une région et qu'on a un
député en cette Chambre qui désire intervenir, s'il n'est
pas membre de cette commission, en vertu de l'article 132 de notre
règlement, nous demandons le consentement pour que ce membre puisse
intervenir. Donc, je demande le consentement pour notre collègue, le
député de Gaspé.
M. Boulerice: Consentement, M. le Président.
M. Godin: Consentement accordé avec plaisir.
Le Président (M. Gobé): Avec plaisir, merci. M. le
député de Gaspé, nous allons donc vous écouter.
Vous avez la parole.
M. Beaudin: D'abord, c'est avec beaucoup de fierté que je
veux saluer la Société historique de la Gaspésie et
indiquer à cette commission qu'en Gaspésie, la
Société historique, au-delà de sa mission de gardienne du
patrimoine chez nous, a été l'instigatrice et un
élément motivateur dans le domaine culturel pour l'ensemble de la
région de la Gaspésie, tant en publiant elle-même une
revue, qui s'appelle La Revue de la Société historique de la
Gaspésie, qu'en créant un prix culturel annuel, en
encourageant également la production, la diffusion de spectacles, en
motivant encore une fois, pour faire une brève histoire, nos jeunes
talents chez nous, à la grandeur de la Gaspésie, et en
encourageant différents événements que vous avez
soulignés dans votre mémoire.
La question que je voudrais vous poser, sans plus de préambule...
Mme la ministre des Affaires culturelles a fait une visite dans la
région de la Gaspésie il n'y a pas tellement longtemps,
peut-être un mois. Elle a eu l'occasion de rencontrer les maires des
principales municipalités de notre région et a soulevé le
problème du financement culturel, et particulièrement des nuances
apportées aux budgets municipaux, titrés, entre guillemets,
budget de loisir, qui, normalement, devraient comprendre une partie pour la
culture. Je pense que, dans votre mémoire, vous avez assez bien
décrit la difficulté que pourraient rencontrer les
municipalités concernant un financement dans le domaine culturel. Alors,
je voudrais savoir, peut-être, dans votre esprit, quelle serait la
façon d'inciter
ou d'amener les municipalités à intégrer à
leur budget de loisir une partie signifiante pour le soutien du secteur
culturel, des activités culturelles dans la région? Ma question,
peut-être, peut s'adresser à n'importe quel des intervenants.
Le Président (M. Gobé): M. Forest, c'est vous qui
allez avoir l'honneur de répondre. Allez.
M. Forest: C'est une question, en effet, importante et, par
contre, très complexe. L'éveil des municipalités aux
matières culturelles est loin d'être complété au
Québec. Dans plusieurs cas, on peut même dire qu'il n'est pas
débuté. Certaines municipalités ont fait des pas de
géant à cet effet-là, mais, chez nous, on n'a pas
nécessairement eu un contexte favorable. Ça n'a pas germé,
peut-être, aussi vite qu'on l'aurait voulu. Pour répondre à
votre question, il y a un gros travail d'animation et de sensibilisation
à effectuer et, par ça, il y a des organismes, telle la
Société historique, mais aussi une instance d'animation
culturelle, anciennement les conseils de la culture, ou d'autres institutions
muséales, qui doivent jouer un rôle. Ils doivent s'impliquer dans
le milieu et ils doivent parier à ces maires, à ces élus
municipaux, à ces conseillers et faire valoir, en particulier en
Gaspésie, le rôle de substrat à l'industrie touristique que
peut jouer la culture chez nous, le patrimoine. Parce que, sans ces dizaines de
centres d'interprétation, de maisons et de lieux historiques, on
retiendrait beaucoup moins le tourisme. Et ça, ça peut se
communiquer et ça peut être un argument qui va convaincre à
la longue, en faisant convaincre.
Évidemment, ce ne sont que des paroles. J'imagine que vous
attendez un peu plus que ça comme réponse. Il y a une question de
timing aussi. Si on arrive aujourd'hui et qu'on ajoute, par-dessus la pile de
ce que la réforme Ryan a déjà amené, la question
culturelle, la réponse, je l'ai sentie en tout cas chez nous, risque
d'être un peu terne. L'enthousiasme risque de ne pas être fort. Il
y a un timing pour revenir à la charge, j'ai l'impression. Mais une
mesure comme le 1 %, à moins que je ne sois dans l'erreur, dans la
construction d'une bâtisse de l'État québécois, qui
est consacré à une oeuvre d'art qui est présentée
dans le hall d'entrée, généralement, ou à
l'extérieur, si on peut en arriver à ce que ce 1 %, cette
tradition du 1 % s'exécute automatiquement dans toute construction
publique municipale en plus de provinciale - peut-être que c'est
déjà le cas, mais, à ma connaissance, ce n'est pas le cas
- déjà, ce serait un pas énorme d'acquis. Et ça,
c'est un petit pas qui peut être franchi progressivement. Mais, on l'a
souligné abondamment, il ne faut pas trop compter sur ce
mécénat municipal, dans un premier temps ou à très
court terme. Il faut y aller par des petites opérations
démonstratrices comme ça qui vont finir par susciter un mouvement
généralisé.
M. Beaudin: Est-ce que vous avez l'impression, M. Forest, que la
tentative ou la sensibilisation auprès du niveau municipal pour une
forme de financement éventuelle serait plus facile si elle se faisait
d'abord par les MRC?
M. Forest: Un financement des MRC qui irait chercher dans les
municipalités l'équivalent de la quote-part?
M. Beaudin: Parce que, vous savez, la presque totalité des
municipalités dans la région de la Gaspésie sont des
municipalités de moins de 5000 habitants. Je dirais même que la
très grande majorité ont moins de 2000 habitants. On a
perçu, au cours de ces dernières années, que les
mouvements innovateurs, la réceptivité a été
peut-être plus marquée, plus significative auprès des MRC
qu'auprès des petites municipalité qui, pour la très
grande majorité, n'ont aucune structure administrative, sauf un
secrétaire-trésorier qui, parfois, est à temps partiel.
Alors, dans ce sens-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans un avenir
prochain, de faire une tentative auprès des MRC plutôt que
d'essayer de procéder auprès des municipalités?
M. Forest: C'est une avenue intéressante. Je vais ouvrir
une petite parenthèse sur le rapport Arpin comme tel où on
sentait d'abord, je dirais, une relation beaucoup plus directe entre le
ministère et les municipalités. Vous venez de mettre le doigt sur
une des difficultés qui vont se poser en Gaspésie si on veut
opérer comme ça. Plusieurs municipalités sont
inférieures à 1000 habitants et il est très difficile
d'avoir une articulation d'un discours culturel dans ces conditions-là.
La MRC est déjà une instance un peu plus articulée, mais,
compte tenu, si on parie pour chez nous... On a 113 000 habitants en
Gaspésie, c'est déjà beaucoup moins que certaines villes;
le discours doit s'implanter d'abord à l'échelle
régionale, en espérant que le concours des MRC va se greffer
à ça. À mon point de vue, on aurait peut-être plus
de succès en opérant à l'échelle
régionale.
M. Beaudin: Alors, je vous remercie. Je veux vous
féliciter, encore une fois, pour le contenu de votre mémoire et
répéter ce que je disais au début. Je pense que la
Société historique de la Gaspésie est un organisme qui
serait à créer s'il n'était pas là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Gaspé. Mme la ministre...
Mme Frulla-Hébert: Une petite question...
Le Président (M. Gobé): ...une question
rapidement?
Mme Frulla-Hébert: ...parce que je sais que
le temps presse. Merci beaucoup d'être ici. Merci d'avoir
accepté aussi l'invitation. Vous savez, quand vous parlez des
régions, effectivement, on en a discuté ensemble d'ailleurs, ce
n'est pas du tout l'intention non plus d'en arriver à dire: Bien, un
bloc monolithique que sont les régions et, ensuite, on a Montréal
et Québec. D'ailleurs, c'était - et je pensais le voir ce soir -
M. Bélanger, Jules Bélanger, qui représentait d'ailleurs
les régions au niveau du rapport Arpin. Alors, je suis certaine -
connaissant M. Bélanger - que ce n'était pas non plus son
intention.
Ceci dit, vous indiquez aussi, dans votre mémoire, que vous
tentez, depuis deux ans, la mise en place d'une structure de concertation,
d'une part. Vous savez qu'on va avoir un bureau régional, ce printemps,
en Gaspésie pour, justement, être plus près de la
population et mieux la servir. Expliquez-nous donc un peu... Vous aviez une
idée, si je me souviens bien, et vous en avez parlé même
tantôt, d'un CRC éclaté. Hier, le maire de Roberval, par
exemple, nous a dit: Bien, les CRC, on trouve que, chez nous, ils se cherchent
une vocation. Ailleurs, en Abitibi, par exemple, ils sont extrêmement
présents. Dans d'autres régions... À Sherbrooke, par
exemple, il y a tellement d'instances qui participent au développement
culturel que, quelque part, oui, il y a un chevauchement et, encore là,
les CRC se cherchent peut-être une vocation aussi. Alors, en quoi, chez
vous, ce nouveau concept dont vous parlez pourrait-il, finalement, vous aider
ou mieux vous aider?
M. Forest: C'est un concept qui est encore au stade de
consultation. On ne peut pas affirmer ici que c'est la position de la
Gaspésie-Les îles, à ce stade-ci.
Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais... (21 heures)
M. Forest: C'est une hypothèse de travail qui vise
à corriger deux difficultés dans la structure actuelle du conseil
de la culture que nous connaissons habituellement. L'approche par discipline.
Dans les conseils de la culture, on fait une approche surtout par discipline:
les arts d'interprétation, les arts visuels. Il y a des comités
de travail, etc. Dans certains cas, même dans plusieurs cas, on n'a pas
un nombre d'artistes suffisant dans une discipline pour faire un comité
de plus de deux personnes. C'est déjà un petit peu un
problème. Deuxièmement, il y a aussi l'aspect des arcanes
spécialisés que ça constitue et qui n'ont pas l'effet
voulu de pénétration de la culture dans le vécu quotidien,
dans l'imaginaire de la région. Donc, ils ne valorisent pas la culture
directement dans l'action de la région. On privilégie, dans
l'hypothèse dont vous parlez, une approche plus horizontale que
verticale. Et ça serait donc de la manière suivante. Il y a,
à notre sens, quatre institutions culturelles qui sont implantées
sur notre territoire depuis quelques années: le Musée de la
Gaspésie, le Musée acadien à Bonaventure, la BCP, la
Bibliothèque centrale de prêt, et Arrimage, aux
Îles-de-la-Madeleine, qui joue un rôle d'animation et qui est aussi
un foyer culturel important dans une sous-région, si on veut, de la
grande région Gaspésie-Les îles.
L'optique d'un conseil éclaté est vraiment de se
rapprocher de ces gens à un point tel qu'on leur confie, dans un certain
cas, le mandat d'animer. L'animation culturelle se ferait par ces institutions
culturelles avec une demi-tâche, par exemple, au sein de chacune de ces
institutions. L'instance régionale, quant à elle, est vraiment un
coordonnateur de ces initiatives et a pour rôle, d'abord, de faire le
lien entre ces gens-là, mais aussi de préparer des projets
d'animation culturelle qui définissent une culture gaspésienne,
qui contribuent à définir la culture gaspésienne et
à la faire rayonner. Exemple: organiser un collogue ou un symposium sur
le rôle de Percé dans la vie culturelle québécoise.
On voit très bien une instance régionale le faire et jouer
vraiment un rôle de leader, d'animateur culturel pour définir
l'imaginaire gaspésien, mais en étant vraiment, comme on dit,
"groundée" ou rattachée aux institutions culturelles.
Mettons que c'est le Musée de la Gaspésie qui est porteur
de cette idée; il soumet à l'instance régionale son
projet. Outre les 20 000 $, par exemple, qui seraient accordés pour son
agent qui fait l'animation régionale, il y a un financement additionnel
pour l'organisation de ce colloque-là qui provient de l'instance
régionale.
Donc, ce sont un peu les caractéristiques d'un conseil de la
culture éclaté qui va être soumis en consultation. L'autre
caractéristique, un peu, d'ailleurs, dans le même sens que le
rapport Arpin, dans le but de donner au culturel une place aussi importante que
le social ou l'économique, c'est de faire une commission ou de faire un
siège permanent à une instance plus vaste, qui est une instance
multisectorielle régionale de concertation, et d'acquérir
là une place à table, à côté du
représentant du tourisme, ou des industriels de la forêt, ou des
industriels de la pêche, pour qu'on puisse se parler dans le casque,
comme on dit, pour dire que le blocage de route, à un moment
donné, lorsqu'il y a un problème dans les pêches, ça
vient tuer le tourisme puis ça vient tuer les événements
culturels qu'on est en train de mettre sur pied. Et on peut leur dire
directement, parce qu'on est horizontal.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Forest. Merci,
Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Sur un ton incisif maniant l'ironie, mais pour la
bonne cause, je pense que vous avez dressé un portrait on ne peut
plus
fidèle de la situation en Gaspésie. J'aurai, avant
le questionnement, trois commentaires. Est-ce que vous avez expliqué
à mon honorable collègue, le député de
Gaspé, que c'est bien difficile pour les municipalités de faire
davantage, alors qu'elles viennent de recevoir un plein camion de nouvelles
responsabilités qui leur a été versé dans leur
cour, un conteneur, presque, par le ministre Ryan - puis il a voté pour;
il n'a pas voté contre - et qu'en plus de ça, compte tenu du taux
effarant, voire même désastreux de chômage chez vous, les
impôts locaux, ça ne grossit pas?
Alors, je dis: C'est beau de dire aux municipalités: Vous allez
faire plus, mais, quand tu es à moins un, ça ne fait plus de
différence de dire: Donne donc moins deux. Ce serait peut-être
intéressant. Lorsque je suis allé à Rimouski,
effectivement, les gens du conseil de l'Est m'ont dit que vous aviez la
volonté de vous constituer en conseil régional autonome et
distinct en association avec les autres, puisqu'il y a une conférence,
donc vous seriez présent, mais qu'à la place vous auriez droit
à une direction générale du ministère. C'a un
avantage. Vous allez avoir les formulaires de contrôle plus rapidement,
mais je ne vois pas en quoi ça va vous aider dans cette
concertation-là, puisque ce n'est pas le rôle, en
définitive, des directions.
Est-ce que c'est vrai que le seul organisme de diffusion de spectacles,
chez vous, qui était à Matane, est maintenant, malheureusement,
disparu?
Mme Gélinas: C'est des spectacles à Gaspé,
mais c'est un organisme à but non lucratif qui fait des spectacles au
cours de la saison hivernale. Autour de Gaspé, il y a seulement un
organisme.
M. Boulerice: D'accord.
Mme Gélinas: Comme équipement aussi,
présentement, nous avons un nouvel équipement en Gaspésie,
qui est à New Richmond dans la baie des Chaleurs.
M. Boulerice: D'accord. Vous dites: L'avenir du Québec ne
peut être pensé sans l'avenir des régions. Ça me
rappelle une remarque que me faisait ma collègue députée
de Chicoutimi, Mme Blackburn, qui est d'ailleurs originaire de votre
région, qui disait: Si Québec, la capitale, est la tête, et
Montréal, la métropole, les poumons, mais qu'on a des membres
atrophiés, ça ne fait pas un corps tellement en bonne
santé. Donc, je pense qu'il y a énormément de pertinence
dans votre rapport. Je vais vous poser la question: Quels devraient être
les moyens pour soutenir concrètement la création en
région et sa diffusion pour que, justement, les régions
obtiennent la juste place qui leur revient, hors de tout doute?
Mme Gélinas: En Gaspésie, on se sent toujours
très éloigné. Tous les artistes et toutes les institutions
de création sont toujours à travailler seuls. On a toujours des
rapports avec Rimouski, mais c'est quand même à cinq heures de
route, là, dans notre cas, ce qui ne favorise vraiment pas les
échanges, mais aussi au point de vue de la motivation et de la
création. Aussi, à partir de la Gaspésie, pour les
organismes comme le Musée ou la Société historique, on est
toujours en quête de financement et on est toujours un peu seul dans
notre lutte. C'est pour ça aussi qu'on pensait... Que ce soit un conseil
de la culture, ou qu'on l'appelle un conseil de la culture
éclaté, ou que ce soit une division du ministère des
Affaires culturelles, on se sentirait beaucoup plus appuyé, ce qui
favoriserait aussi la création. Moi, je ne vois pas non plus -
qu'importe la structure, un conseil de la culture éclaté ou un
conseil de la culture - en quoi ça empêcherait qu'il y ait une
division du ministère des Affaires culturelles en Gaspésie. Je
pense que les deux peuvent travailler conjointement et doublement favoriser la
création.
M. Boulerice: Mais ce n'est pas la panacée. Il faut
vraiment l'établissement rapide de votre propre et autonome conseil
régional de la culture. Au sujet du financement, on parle beaucoup du
mécénat. J'expliquais à des groupes que, dans ma
circonscription, en faisant le tour à pied, je vais ramasser
probablement une dizaine de multinationales. Bravo! Mais, quand on se
promène à pied à Gaspé, malheureusement, certes, le
décor est beau, le paysage est vraiment superbe, mais ma chance de buter
sur la porte d'une multinationale est faible. Le mécénat a
toujours ses limites. Il y a une capacité de donner, il y a des choix
qui se font, etc. Il y a eu un instrument extrêmement intéressant
qui avait été mis sur pied par Clément Richard, à
l'époque où il était ministre des Affaires culturelles,
qui était l'appariement: 1 $ dans 1 $. Après ça, bien,
c'est tombé à: Ramassez 1 $, je vous donnerai 0,50 $, ça,
ça a été la mathématique de Mme Bacon, et,
après ça, on l'a carrément aboli. Alors, les deux
questions que je vous pose, c'est: Qu'est-ce que ça avait comme impact,
chez vous, l'appariement, mais dans son sens original? Est-ce que ça
vous a aidé? Maintenant, si ça n'existe plus, comment est-ce que
ça peut vous nuire de ne pas l'avoir, ce système d'ap-pariement,
dans une région où, comme je vous le dis, les multinationales,
ça ne court pas les coins de rue?
Mme Gélinas: Le fonds d'appariement, pour nous, ça
avait été très profitable. Pour la Société
historique et le Musée, nous sommes un peu jalousés parce que
nous avons un mécène, à Montréal, qui nous envoie
un peu d'argent annuellement, comme cadeau de Noël. Tout le monde nous
envie, mais ça équivaut à 2 % de
notre budget. Ça, tout le monde nous envie. Lorsqu'on avait le
fonds d'appariement... C'est sûr qu'on va aussi chercher de l'argent dans
le milieu, via une fondation, via diverses activités, des levées
de fonds et tout, ce qui nous aide à produire. La première
source, c'est vraiment la production soit d'outils comme le livre, ou d'outils
de recherche, ou la production d'expositions. C'est vraiment traduit dans des
gestes concrets. C'est pour ça aussi qu'on redemande le fonds
d'appariement, parce qu'on investit tellement de temps à aller se
chercher du financement, à aller se chercher des fonds soit
auprès de mécènes, auprès de petites entreprises,
auprès de commanditaires. Notre personnel, au Musée, emploie un
temps énorme à des tâches justement pour aller chercher du
financement. Que ce soit doublé par l'État, ça facilite
vraiment beaucoup notre travail et ça nous permet aussi de travailler
vraiment nos fonctions premières qui sont des fonctions de
muséologie, de recherche et de diffusion.
M. Boulerice: Donc, au départ, c'est important et le
rapport Arpin parle de rationalisation dans les subventions et il parle de
mettre fin au saupoudrage. Ça devait arriver pour vous, là. Les
robinets sont complètement fermés, il ne reste plus rien, c'est
ça.
Mme Gélinas: Oui. Le saupoudrage, on en a eu peur aussi.
Pour éviter le saupoudrage, on voyait, on pressentait des
critères qualificatifs, qualitatifs. Nous, ça nous faisait peur
dans le sens que, dans une région éloignée comme la
Gaspésie où certains intervenants travaillent vraiment seuls,
quand on a à compétitionner et à analyser avec les
mêmes critères que quelqu'un qui travaille bien encadré
dans un milieu comme Montréal, ça nous faisait peur aussi
d'établir certains de ces critères-là.
M. Boulerice: Dans le cas d'une région comme la
vôtre, où, malheureusement, la triste réalité est
celle d'une situation économique particulièrement difficile, quel
est l'impact des taxes sur les produits, c'est-à-dire sur les
créations qui sont en vente et sur les manifestations culturelles
où bientôt, à partir du 1er janvier, à moins qu'on
ne change, il y aura 27,5 % de taxes, si je désire aller vous entendre
chanter dans une salle à Gaspé? C'est aberrant!
M. Forest: À ce titre-là, l'impact est
généralisé dans ta province de Québec. Nous ne
sommes pas très différents. Cependant, je vous souligne une
étude qui a été faite récemment sur la consommation
de produits culturels en Gaspésie, comparativement au reste du
Québec, et il s'avère que, chez nous, ce n'est pas un
problème de demandes, c'est un problème d'offres. Les gens
consommeraient beaucoup plus s'il y avait plus d'offres, et c'est
généralisé pour l'ensemble des arts
d'interprétation et du cinéma, etc. Donc, pour répondre
à votre question, oui, il y a un impact, mais on n'est pas très
différent, à ce titre-là, sinon qu'il y a encore une
infrastructure un peu déficiente pour la diffusion.
M. Boulerice: Une dernière et brève question. On
parle du rapatriement, c'est-à-dire les juridictions, les pouvoirs
politiques de législation, et ça signifie également les
sommes correspondantes. À partir du principe... et je pourrais
peut-être vous donner un exemple de l'action fédérale. Le
gouvernement fédéral, en 1988-1989, a dépensé, au
niveau de la muséologie, 124 208 000 $. La proportion du Québec
équivaut, dans un cas des transferts de l'argent, à environ 36
000 000 $, ce qui permettrait au Québec, qui donne déjà
aux alentours de 41 %, de pratiquement doubler son budget au niveau de la
muséologie. Alors, à partir du principe que toutes les sommes
dépensées actuellement au ministère fédéral
des Communications et au Secrétariat d'État se retrouveraient
réinjectées dans le correspondant québécois, lequel
aurait tous les pouvoirs et vous garantissant le principe du "arm's length",
c'est-à-dire le Conseil des arts, non-ingérence de l'État,
non pas la philosophie colbertiste comme le dénonce le
député de LaFontaine à juste titre, est-ce que, pour vous,
ce rapatriement nanti des pouvoirs du Québec est quelque chose
d'intéressant? (21 h 15)
Mme Gélinas: Moi, je considérerais ça
intéressant. Présentement, nous faisons affaire avec deux
intervenants, qui sont le ministère des Affaires culturelles et
Communications Canada, qui ont des programmes qui se juxtaposent qui ont aussi
des programmes complémentaires. Donc, si on fait telle ou telle
actitivé à l'intérieur du musée, nos subventions
sont demandées à Communications Canada ou, pour d'autres, c'est
le ministère des Affaires culturelles. Moi, je le verrais très
bien avec un rapatriement des fonds... que notre subvention au fonctionnement
soit haussée et qu'on puisse produire. Parce qu'il y a des secteurs
d'activité, à l'intérieur des musées, où on
est plus facilement servi par Communications Canada. Pour les expositions
itinérantes, pour la circulation des expositions itinérantes,
pour la fabrication, on est mieux servi au fédéral.
Mais moi, je verrais très bien, par exemple, que ce soit fait
seulement à une instance, qu'on arrive au gouvernement provincial et
qu'on puisse négocier tous nos secteurs d'activité à
l'intérieur même de notre subvention au fonctionnement.
Présentement, on divise toujours...
Le Président (M.
Gobé): Merci, madame.
Malheureusement, c'était là tout le temps qui nous
était imparti. M. le député de Mercier, vous avez
demandé la parole...
M. Godin: Eh oui...
Le Président (M. Gobé): ...et j'ai grand-peine
à vous la refuser, malgré le fait que le temps coule. Si ce n'est
pas trop long, M. le député, même si on a
déjà dépassé un peu.
M. Godin: M. le Président, je vous jure que ce ne sera pas
long.
Le Président (M. Gobé): Vos questions étant
toujours très pertinentes, on va vous laisser la poser.
M. Godin: Ce n'est pas une question, c'est un commentaire.
Le Président (M. Gobé): Raison de plus.
M. Godin: M. Forest, je ne peux pas vous dire à quel point
je suis d'accord avec votre mémoire, parce que, nous, les
péquistes, ça fait des années qu'on dit: Les petits pays
sont merveilleux parce que ce sont eux qui alimentent la culture de la
civilisation, un peu comme les rivières à saumon permettent que
les saumons se multiplient dans l'océan et enrichissent ainsi
l'océan. Et je me rappelle, il n'y a pas si longtemps, à
Percé, il y avait un centre d'art animé par Suzanne Guité,
une très grande artiste qui a d'ailleurs exposé à
Montréal régulièrement en plus d'avoir ses oeuvres dans
les plus grands musées du monde et les meilleures collections du
pays.
Il y avait donc, à Percé, qui n'est pas le plus gros des
villages en chapelet échelonnés le long de la mer et du golfe, un
des grands centres de la culture irlandaise, le restaurant-bar d'Alcide Maloney
où, chaque soir, il y avait des concours de chansons irlandaises
qu'Alcide, d'ailleurs, gagnait toujours parce que c'est un pur-sang. Donc, on a
là un exemple d'un petit village de rien au point de vue importance
économique, où une grande artiste est venue au monde, a fait son
oeuvre sur place, à Percé même, et, dans son centre d'art,
attirait chaque jour des centaines de visiteurs, de touristes ou d'amateurs
d'art. Connexe à ce centre d'art, il y avait une salle de spectacles
dans laquelle il y a eu des spectacles de Michel Tremblay
présentés par des comédiens de Montréal qui avaient
loué pour l'été la maison Molson - si je me trompe, M. le
député, vous me corrigerez - pour pouvoir jouer,
l'été, à Percé.
La plupart du temps, d'ailleurs, cette salle minuscule était
plutôt pleine que vide. Alors, voilà un exemple frappant, si vous
voulez, de ce qu'une action d'une seule animatrice de talent comme Mme Suzanne
Guité peut changer dans la vie culturelle de toute une région.
Les gens faisaient de grands, grands bouts de chemin pour aller à
Percé, non pas seulement pour le rocher Percé, mais pour les
oeuvres d'art qu'ils trou- vaient là et les spectacles qui se donnaient
là. J'aimerais savoir si ce centre d'art est encore vivant.
M. Forest: Malheureusement, non.
M. Godin: Est-ce que le ministère aurait pu le garder
vivant ou si seule Suzanne Guité était le moteur et
l'inspiratrice de ce centre d'art? Autrement dit, est-ce que l'argent aurait pu
être suffisant pour le maintenir en vie, avec un animateur ou une
animatrice?
Mme Gélinas: Moi, je le crois. Je crois qu'avec de
l'argent, le centre d'art aurait pu continuer sa vocation vraiment d'animation
dans le milieu. Présentement, le centre d'art est toujours là. Il
s'y fait un peu de théâtre occasionnellement et il y a encore un
restaurant, mais il n'y a plus vraiment cette vie, cette
dynamique-là.
M. Godin: Est-ce que I'lrish Center Alcide Maloney fonctionne
toujours?
M. Forest: Toujours.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Mercier, vous avez terminé?
M. Godin: Oui. Je passerais la parole à M. Farrah, s'il
voulait se joindre à nous, parce que...
Une voix: C'est tantôt, lui. M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie,
M. le député de Mercier. J'avais une question. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a employé, tout
à l'heure, à plusieurs reprises, le mot "mécène",
et je m'interrogeais à savoir s'il connaissait la signification de
pourquoi on emploie ce mot-là.
M. Boulerice: Passionné d'étymologie comme je le
suis, je suis suspendu à vos lèvres, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): La manière dont on
l'emploie peut porter quelquefois à confusion. Mécène
était le ministre de l'empereur Auguste, en 25 avant
Jésus-Christ, et c'est le premier premier ministre ou ministre
d'État qui, à l'époque, a décidé de
subventionner les artistes qui vantaient la gloire d'Auguste, le grand empereur
romain. Alors, bien entendu, on a appelé ça, par la suite, le
mécénat, mais son action première était non pas
d'encourager les arts, mais d'encourager les gens à faire des statues et
à écrire des pamphlets à la gloire d'Auguste. Alors,
ça demande une certaine
prudence lorsqu'on parle de mécénat ou de
mécène. Je pense que ce n'était pas dans ce sens-là
que vous vouliez l'employer.
M. Boulerice: C'est fou, M. le Président, ce que vous avez
des souvenirs! Je suis vraiment très content pour vous.
Le Président (M. Gobé): Ayant été
appelé à présider une partie de cette commission et
connaissant votre érudition, je me suis replongé dans mes
lectures de secondaire et de cours classique.
M. Boulerice: Bon, il se fait tard et je pense que nos
invités conviendront qu'il n'est pas mauvais de mettre un petit peu
d'humour. J'aimerais leur dire qu'au fur et à mesure que la commission
progresse, il va de soi que les parlementaires accumulent un certain bagage qui
nous est livré par vous. Je vous dirai à vous, qui êtes des
régionaux... D'ailleurs, entre parenthèses, méfiez-vous.
Dans un groupe de Montréalais, demandez: Ceux qui sont nés
à Montréal, levez la main, et on n'est pas nombreux. Ni mon
collègue ni moi ne sommes Montréalais. Lui est Trifluvien et je
suis Joliettain, et il vient du Nord Pas-de-Calais.
Je vous dirai brièvement ce que j'ai dit à tous les autres
groupes qui sont en provenance des régions: Ce qui m'émerveille
mais ce qui m'effraie en tant que législateur, puisque nous devrons
prendre une décision, ce qui m'émerveille chez vous, c'est cette
extraordinaire confiance en vous que vous avez encore malgré les
énormes difficultés auxquelles vous êtes confrontés.
Et si nous devions trahir cette confiance en vous que vous avez en ne vous
donnant pas les moyens de faire du développement culturel dans votre
région - et le développement culturel précède le
développement économique, je me rattacherai toujours à
cette philosophie - eh bien, je crois que ce serait très triste, non pas
uniquement pour nos petites personnes à nous, mais pour le Québec
et sa population. Alors, je vous remercie de votre présence.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci encore. Je tiens seulement
à rappeler, par exemple... parce que, effectivement, comme M. le
député, mon confrère, disait, c'est important cette
vitalité, cette croyance, maintenant, il faut quand même remettre
aussi les choses en perspective. Il y a un bureau régional qui s'en
vient chez vous, au printemps. Nous avons inauguré une salle de
spectacles à New Richmond. Il y en a une autre en projet à
Chandler. C'est quand même une région qu'on considère
extrêmement importante. On connaît aussi les difficultés,
effectivement, ne serait-ce que par l'éloignement. Par contre, vous avez
aussi de très beaux avantages au niveau du patrimoine et au niveau du
paysage.
Par contre, quand vous parliez de convaincre les gens de faire de la
pédagogie, je pense qu'il y a encore beaucoup de pédagogie
à faire à Percé où on se fait sortir à coups
de pied. Alors, je vous encourage à aller dans ce sens.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. En terminant, avant de vous remercier, j'aimerais, moi, souligner une
particularité que je découvre devant ces commissions. C'est que,
depuis le tout début, chaque fois qu'on a des groupes régionaux,
les députés régionaux viennent, et assistent, et sont
là pour écouter non seulement leurs groupes de leur
région, mais probablement pour nous les faire valoir, après.
Soyez assurés que votre message est entendu par la commission et aussi
par vos députés qui probablement se feront encore les
porte-parole de vos préoccupations. Je tiens à vous remercier, je
vous souhaite un bon retour chez vous. Je vais maintenant appeler le groupe
suivant qui est la MRC de Montmagny.
La commission reprend maintenant ses auditions. Nous allons donc
entendre les représentants de la MRC, la municipalité
régionale de comté de Montmagny, qui est
représentée, si j'en crois ma feuille, par M. Jacques Dumas,
préfet. Bonjour, M. le préfet. Est-ce qu'on vous appelle comme
ça?
M. Dumas (Jacques): Pardon?
Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'on vous appelle
M. le préfet?
M. Dumas: Souvent, chez moi, on m'appelle Jacques, tout
court.
M. Boulerice: Le député de LaFontaine est
plutôt habitué à dire "M. le commissaire de la
République".
Le Président (M. Gobé): Les préfets sont une
créature de l'empereur Napoléon et les commissaires de la
République, du nouvel empereur, M. Mitterrand. Je préfère
ceux de Napoléon.
M. Boulerice: Qui a succédé à Giscard
1er.
Le Président (M. Gobé): M. Racine, coor-donnateur
en aménagement. Bonsoir, M. Racine. M. Bernard Létourneau.
M. Létourneau (Bernard): Bonsoir.
Le Président (M. Gobé): Et je vois qu'il y a une
quatrième personne.
M. Normand (Gilbert): Gilbert Normand, maire de Montmagny.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. le maire. Vous
pouvez maintenant, sans plus attendre, commencer votre présentation et,
par la suite, nous dialoguerons avec les différents intervenants autour
de cette table.
Municipalité régionale de comté
de Montmagny
M. Dumas: Merci. Merci, Mme la ministre, mesdames, messieurs. Je
tiens à vous remercier de l'occasion que vous donnez à notre coin
de venir vous rencontrer. Si vous avez eu beaucoup de gens versés dans
la culture aujourd'hui, je pense que les dernières interventions vont
venir peut-être - si je parle pour moi, il y aura mes collègues
tantôt - de personnages qui voient plutôt la culture sous un angle
de rentabilité pour nos régions. Après avoir lu le rapport
Arpin, et je ne l'ai pas lu au complet, il y a des passages qui sont
épeurants, surtout ceux qui semblent attirer... Les plus
épeurants sont peut-être ceux qui parlent des régions.
Ça peut avoir peut-être de mauvaises répercussions pour
nous. C'est heureux qu'on ait aujourd'hui à parler de culture. Ça
semble intéresser beaucoup de monde, parce que, même dans la
presse, hier au soir ou aujourd'hui, mon attention a été
attirée par des commentaires.
M. Boulerice:...
Le Président (M. Gobé): M. le député,
s'il vous plaît. (21 h 30)
M. Dumas: Remarquez, je n'entends rien que ce que je peux et non
ce que je veux. Des commentaires qui semblent favorables et intéresser
les gens des régions du Québec, en dehors de Québec et de
Montréal. Si la MRC de Montmagny est ici aujourd'hui, c'est que, dans le
passé, nous avons eu de très bonnes collaborations avec les
Affaires culturelles. Depuis 1983, la MRC de Montmagny a travaillé avec
les Affaires culturelles à mettre en valeur le patrimoine et le
développement de la culture sur tout le territoire de la MRC.
Tantôt, j'écoutais un monsieur qui demandait quoi faire
pour intéresser les gens des régions, les petites
municipalités, un peu plus à la culture. En passant, ça
m'est venu. Vous devriez faire pression, lorsque les municipalités ont
de l'argent à dépenser pour rénover le patrimoine
culturel, pour qu'on ne soit pas soumis à la CCQ. Chez nous, dans ma
municipalité, la rénovation d'une bâtisse patrimoniale avec
les normes des entrepreneurs, avec les normes de la CCQ - dans le temps
ça s'appelait l'OCQ - ça s'élevait à tout
près de 200 000 $ et on l'a faite pour 90 000 $, sans subvention et sans
respecter les normes salariales. En passant, je crois que ça serait un
point pour encourager la sauvegarde des bâtisses patrimoniales.
Dans les réalisations de la MRC de Montmagny avec les Affaires
culturelles, nous avons eu des expositions sur le patrimoine, de la
restauration de bâtiments, des projets de mise en valeur des
bâtiments publics - manoir Couillard Dupuis et manoir Taché - et
jusqu'à des expositions d'artistes internationaux. Lorsque le rapport
Arpin parle du restant de la population, il oublie qu'il y a beaucoup de gens
qui sont passés à Grosse-Île. La MRC de Montmagny est
l'instigatrice du développement du parc national de Grosse-Île.
Tout ça pour vous dire qu'on aime ça ou j'aimais ça
travailler avec le ministère des Affaires culturelles parce que je me
rappelle des années où il était plus
généreux. Je me demande si sa générosité a
de la misère à traverser le fleuve. Pas plus tard que dans
LeSoleil du 7 octobre, on disait que les Affaires culturelles
avait 16 000 000 $ pour la rive nord et 2 000 000 $ pour
Chaudière-Appalaches. On va finir par croire qu'on n'a seulement que les
trois premières lettres de la culture chez nous.
Dans les stratégies, on a réussi à
développer une conscience culturelle dans notre milieu et on y a
travaillé. On a préparé beaucoup de pians à date.
On a des bâtiments, et c'est surtout un des aspects du rapport Arpin, les
bâtiments culturels qui sont éparpillés dans le
Québec, qui ne semblent pas avoir de l'importance pour eux. Ces
bâtiments culturels ont de l'importance pour moi parce que c'est une
valeur; en plus d'être quelque chose du patrimoine, c'est un produit
touristique plaisant, facile à vendre, intéressant à
vendre et non polluant. Des projets comme ça, je peux vous en nommer.
Dans la MRC de Montmagny, il y a le manoir Dénéchaud, le moulin
Ouellette, le manoir Taché, les sites archéologiques de
l'île aux Oies. Il ne faudrait pas oublier que notre région a 300
ans d'histoire. À deux milles de chez moi, il y a des vestiges de la
guerre des Américains.
Lorsque nous lisons dans le rapport, à la page 45, que la
population est un élément qui orientera les programmes culturels,
quelques lignes plus loin on peut lire que la population à
l'extérieur de Montréal et de Québec est qualifiée
de population "restante" ou "éparpillée". J'espère que les
budgets qui vont se rendre chez nous ne seront pas les restants
éparpillés.
Tout ça pour vous dire que Montmagny et les municipalités
qui l'entourent recèlent de nombreux bâtiments patrimoniaux. Notre
région seule ne peut pas mettre en valeur cette richesse nationale.
Cette richesse qu'on a encore réussi à conserver fait partie du
patrimoine de tout le peuple du Québec et je verrais mal qu'on soit
seuls les responsables de conserver ça. Il ne faudrait pas oublier qu'il
y a beaucoup de gens de Montréal, je pense que quelqu'un le soulignait
aujourd'hui, qui viennent de la Gaspésie et qui viennent du
Bas-du-Fleuve, et leurs racines sont
encore dans notre région.
Pour moi, la culture et le patrimoine, ça signifie une
qualité de vie. La qualité de vie, ça signifie le
développement des régions. Quand on a une bonne qualité de
vie dans une région, que la région est accueillante,
hospitalière, ça attire le développement industriel. Le
développement industriel égale emploi, emploi = revenu, revenu=
loisirs, loisirs = culture. Comme dirait M. Bouras-sa: C'est une manière
de faire un carré avec un cercle.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je ne sais pas ce qu'il a pondu mais en tout
cas.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
M. Dumas: Ça fait que c'est très important.
Le Président (M. Gobé): M. Dumas, oui, s'il vous
plaît.
M. Dumas: Oui?
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez
conclure.
M. Dumas: Je conclus. Pour nous, sauver notre patrimoine
culturel, c'est quasi garantir une industrie pour notre région. En
concluant, parce que j'étais rendu à ma conclusion...
Le Président (M. Gobé): Allez-y, je vous en prie,
M. Dumas. Nous vous écoutons avec plaisir.
M. Dumas: Juste une petite anecdote là. Je demeure en
avant de la compagnie Garant et depuis que la compagnie Garant, qui fait des
manches de hache à Saint-François de Montmagny, a
été vendue à des Américains, 80 % du staff demeure
à Québec. Ça montre que les gens qui ont des gros salaires
dans notre industrie ne trouvent pas qu'il y a assez d'activités
culturelles chez nous. Ils sont plus attirés vers la ville. La
qualité de vie qu'on aurait chez nous encouragerait des professionnels
qui viennent travailler dans nos usines à rester dans notre
région et ce serait ça, la richesse que provoquerait le
développement de la culture chez nous. Je vous remercie de votre
attention. Je n'ai pas lu le rapport parce qu'il est mince. Je suis sûr
que vous avez eu le temps de le lire. Je vais céder la parole à
mon copain, M. Normand.
Le Président (M. Gobé): Malheureusement, vous ne
pouvez plus céder la parole, M. le préfet...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumas: Ah! je m'excuse.
Le Président (M. Gobé): ...car le temps est
maintenant dépassé, mais peut-être que, dans la discussion
qui va s'ensuivre, quand je vais demander le consentement à cette
assemblée pour que le député de votre région, M.
Réal Gauvin, puisse, en vertu de l'article 132, participer à nos
débats... Alors, s'il y a consentement...
Mme Frulla-Hébert: Bien oui! M. Boulerice:
Évidemment.
Le Président (M. Gobé): ...peut-être qu'on va
lui demander de vous faire sortir les choses que vous vouliez nous dire. M. le
député de Montmagny, vous avez la parole.
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je remercie mes
collègues, justement, de me permettre d'abord de vous faire remarquer
qu'il y a trois représentants de la MRC de Montmagny qui sont ici
présents, le préfet et des collaborateurs et le maire de la ville
de Montmagny. Je pense qu'il est facile, sur la côte sud, dans la
région de Montmagny, comté que je représente, de croire
à la culture, au développement culturel, et plus
spécifiquement - un peu ce que rapportait le préfet de la MRC de
Montmagny - à tout ce qui relève du patrimoine de notre
région. Je dis "il est facile" parce qu'on a l'occasion de voir un peu
partout sur le territoire, et plus spécifiquement à
proximité, je pense, de ce qu'on appelle, nous, la vallée du
fleuve Saint-Laurent. Il a fait allusion tantôt au
phénomène de la Grosse-Île qui est un
phénomène, Je pense, dans le sens que le site de la
Grosse-Île est connu sur le plan nord-américain,
évidemment. Les gens de la région de la Côte-Sud, les gens
de la région de Montmagny, de la MRC de Montmagny ont su
développer, d'abord, cette partie-là. Et la population y croit,
parce qu'elle supporte la grande région de Montmagny et la ville de
Montmagny. Le maire de Montmagny a beaucoup de facilité à faire
remarquer et à vendre des projets de développement culturel. On a
juste à se rappeler du manoir Taché récemment et on
pourrait en citer bien d'autres que M. le préfet a déjà
cités. Et ce phénomène-là, c'est la très
grande région de Montmagny. Et je sais très bien que ce dont je
parle là... Le député de Mercier connaît très
bien la région de Montmagny pour la visiter de temps en temps. Il est
probablement en mesure aussi de confirmer un peu ce qu'on avance sur la
perception des gens de cette région-là, la perception qu'ils ont
de l'importance du développement patrimonial.
Donc, c'est un peu ce que je voulais faire ressortir, M. le
Président. Je sais très bien que mes collègues sauront
poser des questions. Une petite question pour demander au maire de Montmagny la
vision... On sait que ça fait déjà
plusieurs années, comme M. le préfet le mentionnait
tantôt, qu'il y a eu une concertation pour faire ressortir les
éléments patrimoniaux dans notre région, et ça
pourrait peut-être permettre à M. Normand d'ajouter ce que M. le
préfet voulait qu'il ajoute.
M. Normand: Merci, M. Gauvin.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le maire.
M. Normand: Pour enchaîner dans le même sens que M.
le préfet, effectivement, nous avons à coeur l'aménagement
de nos bâtiments, même si parfois il faut partir de zéro,
comme on l'a déjà fait en certains cas, et ça nous permet
de nous faire un peu plus écouter.
M. Boulerice: Un mea culpa apprécié, M. le maire.
On est quittes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Normand: Absolument, la culture, c'est toujours la culture.
Ça demande parfois de l'émondage. Alors, j'enchaîne comme
ceci. Dans le rapport, il y a une chose intéressante que je me suis
permis de vérifier en ce qui a trait principalement aux activités
des musées. D'ailleurs, j'ai pris la liberté, la semaine
dernière, d'aller rencontrer M. Pierre Théberge, directeur
général du Musée des beaux-arts de Montréal, pour
avoir un peu la perception qu'un homme comme lui pouvait avoir de cette
suggestion qui apparaît, d'ailleurs, dans le rapport Arpin, de faire
jouer aux grands musées un peu le rôle d'un grand frère
face aux régions, pour permettre à toutes ces collections qui
dorment dans les caves des musées de pouvoir aller se promener en
région.
Il existe actuellement un programme fédéral qui permet
justement la "muséotechnie", mais c'est quand même relativement
limité et on m'a laissé entendre que le fédéral
tentait de se retirer de ce champ d'activité. Alors, j'espère que
le gouvernement provincial va trouver une formule pour maintenir cette
activité et aussi, j'irais même jusqu'à dire, pour obliger
les musées à y participer. Pour nous, les municipalités de
petite taille comme Montmagny, il n'est pas facile de présenter des
spectacles ou des expositions de qualité. Actuellement, nous en
présentons une à Montmagny. Je pense que ça a assez fait
les manchettes pour que tout le monde le sache. C'est une exposition conjointe
de M. Jean-Paul Riopelle et de M. Jean-Julien Bour-gault. Je vous invite
d'ailleurs tous à venir voir ça, c'est à ne pas manquer.
Et la municipalité de Montmagny s'est lancée - je pense qu'il
faut bien le dire - dans cette aventure sans trop savoir comment ça
finirait. On avait l'occasion de le faire avec un artiste comme Jean-Paul
Riopelle et je pense qu'on ne pouvait pas laisser passer l'occasion. On
a investi, actuellement, 300 000 $ pour faire cette exposition. Nous avons
reçu - et nous le remercions - 5000 $ du ministère des Affaires
culturelles et nous allons, j'en suis convaincu, nous autofinancer, et nos
entrées sont gratuites. Nous l'avons fait avec nos moyens. Ce qui nous a
aidés, c'est justement la participation de l'artiste, parce que
l'artiste, M. Riopelle, dit toujours: Un vrai mécène, c'est
quelqu'un qui est près de mes cents. M. Riopelle a produit une
sérigraphie avec laquelle on finance l'exposition actuellement. (21 h
45)
Tout ça pour dire que nous allons recevoir près de 25 000
visiteurs à Montmagny, dans un bâtiment qui, actuellement, est
inutilisé. Moi, je demande ceci. J'ai ici, en main, la revue
Chantiers, que vous avez probablement vue, du mois de septembre, qui
fart état des 400 000 000 $ qui ont été
dépensés au Québec, en musées, durant les deux
dernières années. Je pense que c'est important d'avoir des
musées. Sacha Guitry, d'ailleurs, disait, à un moment
donné, quand quelqu'un reprochait aux élus de dépenser
l'argent dans des monuments et des structures effarantes, que c'était
peut-être la seule façon qu'ils avaient trouvée de laisser
de l'argent de côté aux citoyens.
D'un autre côté, si on veut avoir des collections de
prestige et d'envergure pour mettre à l'intérieur de ces
musées, il faut aussi supporter nos artistes. Ça, c'est un fait
encore important de pouvoir, par exemple, supporter nos artistes soit par
l'achat d'oeuvres ou encore par des bourses. C'est encore un autre facteur
important. Souvent, les artistes sont obligés de vivre d'autres choses
pour être un vrai artiste et un vrai artiste, ça ne peut pas se
permettre de vivre d'autres choses que de son art. Ou ça fait comme Van
Gogh qui n'a jamais vendu une peinture. Et je me permets de faire cette
définition. Quelqu'un disait, à un moment donné: Tel
artiste est un professionnel et tel autre ne l'est pas parce que lui vend ses
oeuvres et que l'autre ne les vend pas. Est-ce que Van Gogh était un
professionnel? Il n'en a jamais vendu de son vivant.
Maintenant, ce qui m'inquiète le plus, justement, c'est: Est-ce
qu'on met l'argent aux bons endroits? Actuellement, dans ce que j'appellerais
les arts visuels, la culture comme telle, parce que c'est un domaine qui
m'intéresse particulièrement, est-ce qu'on peut être en
mesure, justement, de compter sur les structures existantes, ces montants
d'argent qui ont été investis, pour participer à ces
collections qui sont disponibles dans ces grands musées? C'est la
question que je veux poser à Mme la ministre. Est-ce qu'il y a quelque
chose de prévu dans ce sens-là pour qu'on puisse avoir
accès, en tant que petite municipalité régionale, aux
collections existantes actuellement au Québec dans les
différents musées?
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez
répondre, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Enfin, ce que vous dites, c'est au
niveau des collections qui se promènent, tout simplement au niveau des
échanges. C'est ça?
M. Normand: Bien, c'est-à-dire qu'actuellement, ce qui se
promène, c'est surtout la "mu-séotechnie"...
Mme Frulla-Hébert: Oui, mais il y a quand même
certains échanges.
M. Normand: ...comme Léonard de Vinci, des choses comme
ça.
Mme Frulla-Hébert: Non, ce qu'on fait, finalement, c'est
de l'aide, comme on fait régulièrement, aux projets. Donc, s'il y
a un projet qui est soumis, un projet intéressant, si c'est pour monter
une exposition, par exemple, effectivement, oui, il y a de l'aide, il y a un
programme tout simplement auquel on peut faire application.
M. Normand: Ce que je veux dire c'est: Est-ce que, dans l'avenir,
cette voie-là va être élargie davantage par rapport...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. D'ailleurs, c'est ce
qu'on fait présentement et c'est pourquoi la commission... Au niveau des
programmes que nous avons, il y a un réaménagement à
faire, d'une part, et, deuxièmement, il faut maintenant
réanalyser les besoins, et réanalyser les besoins en fonction du
développement qui a été fait et en fonction des demandes.
Maintenant, quand on parle de collaboration - parce que j'écoutais M. le
préfet - ou de partenariat avec les municipalités, c'est
exactement ce qu'on veut dire aussi, c'est de travailler en partenariat,
finalement, et ça, l'exposition que vous avez ou que vous tenez
présentement, je pense que c'est à peu près un des
meilleurs exemples, c'est d'essayer de travailler aussi en partenariat avec les
municipalités pour monter des choses. Mais est-ce que ça va
venir... De là cette politique culturelle et à savoir si
ça va correspondre aux besoins.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
député de Montmagny-L'Islet, un mot de conclusion à M. le
maire de votre ville.
M. Normand: Je veux simplement rajouter là-dessus.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mais le temps
alloué à ce côté-ci est maintenant terminé.
Je vais devoir transférer de l'autre côté.
Je m'en excuse, mais il faut suivre, sinon on finirait à des
heures impossibles. Il y a beaucoup de groupes qui passent. Vous savez, on a
274 groupes. Alors, M. le député, peut-être en conclusion
rapide.
M. Gauvin: M. le Président, si vous me permettiez
d'ajouter que tout l'effort qui est fait au niveau de la côte sud, plus
précisément dans la région de Montmagny, M. le
préfet l'a mentionné, on doit remercier les représentants
du ministère des Affaires culturelles qui couvrent la région
Chaudière-Appalaches de leur collaboration, parce que je pense que
ça fait partie aussi de l'incitation qui permet aux gens de notre
région de se développer. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Je dois maintenant passer la parole à M. le
porte-parole de l'Opposition officielle en matière de culture, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le préfet, je pense que vous nous avez
dit, en des termes simples mais très sentis, des choses fort
intéressantes et j'ai un peu le sentiment que par votre voix, c'est
probablement le Québec le plus authentique qui s'est exprimé. On
parle de la France profonde, alors c'est le Québec profond qui s'est
exprimé par votre voix.
M. le député de Montmagny-L'Islet a félicité
les gens du ministère pour la région Chaudière-Appalaches,
sauf que vous avez dit que, dans la chaudière qui se promenait dans
Appalaches, il y avait moins d'argent que dans celle de la Côte-Nord,
mais, ça, c'est une autre chose qu'on tentera de régler
tantôt.
Quant à M. le maire de Montmagny, eh bien, sans
référence biblique, si saint Paul a eu son chemin de Damas, M.
Normand, vous avez eu votre chemin de Montréal, vous, là.
M. Normand: Je pense qu'il y a plus d'avenues, de liens directs
là, actuellement.
M. Boulerice: Voilà. O.K. pour l'émondage, M. le
maire, mais plus de rasage, parce que, là, je vais me fâcher pour
de vrai.
Ceci dit, je dois quand même... On adopte un ton peut-être
un peu badin là, mais il y a des choses sérieuses. Je dois quand
même vous féliciter pour cette démarche que vous avez faite
face au musée. Je pense que c'était une prospective
drôlement intéressante d'aller voir un musée et d'essayer
d'obtenir une espèce de parrainage en disant: Bon, toi, le grand
musée, voudrais-tu jouer une espèce de grand frère pour
nous qui, forcément, ne pouvons pas avoir un musée de cette
taille-là à Montmagny? Je pense que c'était une initiative
vraiment très heureuse que vous avez eue. Donc, les questions que je
vais vous poser... Et j'avais le goût de vous faire une
dernière blague. Vous parlez tellement des arts visuels que Je
suis en train de me demander, lorsque le ministre Côté va ouvrir
sa galerie d'art, est-ce que c'est vous qui allez être directeur de sa
galerie?
M. Normand: Non, mais je peux lui amener des artistes.
M. Boulerice: Vous pouvez lui amener des artistes, maintenant que
vous avez fait le travail de prospection. Effectivement, l'exposition Rio-pelle
attire beaucoup. Je pourrais même vous dire que - et je vous prie de me
croire, c'est très sérieux - des amis britanniques à moi
ont fait le détour pour aller à Montmagny durant la fin de
semaine pour voir cette exposition, tellement elle est belle. Riopelle a une
grande renommée en Europe, vous le savez.
Ceci étant dit, pour une région comme la vôtre,
quelle est l'importance de ce qu'on appelle les écomusées
où on présente vraiment la culture de la population? Et vous
n'êtes pas sans savoir qu'on se languit d'attente pour une politique
d'accréditation des écomusées. Il est reconnu que cette
nouvelle forme de muséologie extrêmement importante,
extrêmement dynamique contribue énormément, comme le disait
M. le préfet, au développement touristique des régions
comme la vôtre parce que ça attire.
M. Normand: Bien écoutez, si vous me permettez, on a
actuellement, d'ailleurs, un projet conjointement avec l'OPDQ en ce qui a trait
à un centre d'éducation et d'interprétation pour
Grosse-Île et pour La Sauvagine à Montmagny, projet qui, en
principe, devrait débuter aussitôt l'exposition Riopelle
terminée. La culture, vous savez, c'est l'ouverture de l'esprit. M. le
préfet a dit tantôt que c'était une rentabilité.
C'est vrai, c'est une rentabilité intellectuelle, mais je crois que ce
qui est important - et, personnellement, c'est ce que je visais quand on a
accepté de faire l'exposition Riopelle - c'est de permettre à
notre population d'avoir ce contact avec cette forme d'art qu'elle ne peut pas
avoir autrement.
Les gens de Montmagny n'iront pas payer 10 $ au musée de
Montréal à partir du 21 novembre pour aller voir Riopelle, alors
qu'ils peuvent le voir cinq fois par jour chez nous gratuitement, actuellement.
Et l'écomusée dont vous parlez, c'est vrai que c'est important,
et je pense qu'il faut le faire sous forme d'éducation. Et on a
d'ailleurs fait conjointement avec la commission scolaire de la
Côte-du-Sud un cahier pédagogique pour l'exposition en cours,
actuellement, Riopelle-Bourgault, cahier pédagogique qui est adresse aux
professeurs et qui a été distribué dans toutes les
écoles de la région et toutes les commissions scolaires du
Québec. Et actuellement, les enfants circulent par autobus complets pour
venir voir cette exposition avec explications de leur professeur et tout.
Et ce qu'on vise avec l'écomusée, actuellement, en ce qui
concerne La Sauvagine et Grosse-Île, c'est absolument la même
chose, c'est un centre d'éducation et d'interprétation. Et
à l'intérieur de cet écomusée, on veut conserver
une salle polyvalente où on pourra continuer, dans l'avenir, a avoir le
type d'exposition qu'on présente actuellement. C'est à peu
près la vision qu'on a actuellement en ce qui concerne les
écomusées.
M. Boulerice: Vous avez réussi un défi qui est
majeur, qui est un événement ponctuel, mais où il y aura
des acquis à travers ce que vous avez fait avec votre commission
scolaire primaire ou intégrée, je ne sais pas, là, peu
importe. Donc, il y a des acquis à cette exposition-là. Vous
êtes en train - et le mot est noble, il ne faut pas en avoir peur
même si certains puristes font un peu le bec fin - de préparer une
consommation culturelle auprès d'une jeune génération chez
vous et je pense que cela est important. Je pense qu'il faut louer des
initiatives comme celle-d.
Maintenant, vous avez entendu le discours précédemment. On
demande aux municipalités de faire plus, aux MRC de faire plus, etc.
Sauf que la situation est la même pour vous également à
Montmagny: un camion s'est arrêté dans votre cour durant la nuit
et vous a laissé sa charge sur votre terrain et, là, vous
êtes pris avec ça. Vous êtes même obligé de
payer vous-même la police pour garder le terrain. Financièrement,
est-ce que vous pouvez consentir à plus actuellement?
M. Normand: Je pense que non. On ne pourra pas consentir plus sur
le budget. La seule chose, c'est qu'il va falloir trouver des moyens
Imaginatifs pour amener des revenus parce que, comme on l'a dit, c'est une
rentabilité. Moi, je peux vous dire que, si cette exposition-là,
avec le Carrefour mondial d'accordéon qui a eu lieu au début de
septembre, n'avait pas été présentée à
Montmagny cet automne, il y a des restaurants et des hôtels qui auraient
dû fermer leurs portes cet hiver. Et actuellement, la manne que ceci a
apportée permet justement cette rentabilité financière,
mais, pour aller là, il faut avoir amené notre population
à une ouverture d'esprit. Moi, je peux vous dire que le plus difficile
dans tout ça, ça n'a pas été d'organiser
l'exposition, ça a été de convaincre les citoyens que
c'était rentable de l'organiser. C'est ça qui a été
le plus difficile. Je pense que c'est l'éducation de nos régions
qu'il faut faire. C'est ça qu'il faut viser et c'est pour ça que,
moi, je reviens à la charge pour que le matériel didactique, le
matériel muséologique qui existe actuellement, qui est là,
au lieu qu'il dorme dans les caves des musées, soit disponible pour les
régions. C'est un acquis qu'on a actuellement. Ça peut
coûter quelques
frais, mais peut-être que les municipalités seraient
prêtes à avoir des pièces d'importance à
Gaspé, à Rivière-du-Loup ou à Chicoutimi pour les
présenter à leur population. Payer les frais de transport, si ce
n'est que ça. En tout cas, qu'il y ait un programme de cet
ordre-là parce que, ce qu'il faut, c'est éduquer notre
population.
Vous avez lu comme moi L'actualité où on fait
référence qu'il y a 39,8 % de la population qui a
déjà mis les pieds dans un musée au Québec. Alors,
la population de Montmagny n'est pas différente du reste du
Québec. Et je pense que c'est pareil un peu partout ailleurs. Et plus
vous vous éloignez dans les régions, peut-être que le
pourcentage baisse encore davantage.
M. Théberge nous disait l'autre jour qu'avec les 300 000 pieds de
plancher qu'ifs auront avec leur nouveau musée ils envisagent 500 000
visiteurs annuellement, ce qui fait une moyenne d'environ 10 000 visiteurs par
semaine. Moi, je considère que, pour un investissement comme
celui-là, ce n'est pas beaucoup, parce que, toutes proportions
gardées, on peut faire beaucoup mieux avec les moyens qu'on a chez nous,
si on peut avoir accès aux richesses culturelles.
M. Boulerice: Si je vous comprends bien, M. Normand, vous
demandez justement un partage de la richesse culturelle, mais partage de la
richesse culturelle dans le sens de ce que l'on possède en termes de
production.
M. Normand: Absolument. La collection de Maurice Duplessis,
pourquoi elle n'Irait pas se promener à Chicoutimi ou en Abitibi?
M. Boulerice: Je serai un jour heureux de vous envoyer la
collection Boulerice à Montmagny. Ah! il y a des Francine Beauvais
très intéressants chez moi.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre collègue, le député
de Mercier, ayant demandé la parole, il reste peut-être deux
minutes, M. le député de Mercier, sur le temps du...
M. Godin: Mon collègue est trop, trop disert, il aime trop
ça parler. Sans s'écouter, remarquez bien.
Le Président (M. Gobé): II est fort
intéressant, remarquez bien. Je crois que tout le monde écoute
d'une manière quasi religieuse les propos du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: J'ai un bon confrère comme voisin.
M. Godin: M. le Président, je veux demander au maire
à quelle place se tient l'exposition Riopelle dans sa ville? Ça
se tient où précisément?
M. Normand: Au Théâtre de l'oie blanche, sur le
camping de l'oie, à travers les oies! (22 heures)
M. Godin: Autre question. Ma dernière, M. le
Président, si vous permettez.
Le Président (M. Gobé): Oui, je vous en prie.
M. Godin: Le musée de... M. Normand:
Grosse-Île.
M. Godin: ...Grosse-Île, oui, il y en a une partie qui est
sur la terre ferme?
M. Normand: Oui.
M. Godin: Dans le parc. Quelle partie attire le plus de
monde?
M. Normand: C'est-à-dire qu'actuellement il n'existe pas
encore, le centre d'interprétation comme tel. On a quelques maquettes,
actuellement, à montrer au public. Mais le centre
d'interprétation comme tel serait sur la terre ferme et serait ce que
j'appellerais une prémisse aux visiteurs qui veulent aller à
Grosse-Île par la suite.
M. Godin: Est-ce qu'il y a des projets pour IHe aux Grues?
M. Normand: Oui, il y a des projets pour l'île aux Grues
actuellement aussi, parce que l'archipel, qui s'appelle maintenant l'archipel
de l'île aux Grues...
M. Godin: Comme par hasard.
M. Normand: ...est quand même situé dans la MRC de
Montmagny.
M. Godin: Et le bateau s'appelle, lui, le Grues-des-îles,
je pense?
M. Normand: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. D'ailleurs, M. le maire, je dois vous dire, et
vous le savez sans doute, que votre député, le
député de Montmagny-I'lslet, chaque année organise, pour
les députés de l'Assemblée nationale, un voyage dans votre
ville pour le Festival de l'oie blanche et je souhaite que, la prochaine fois,
il nous amène visiter votre musée, en plus.
M. Normand: De toute façon, si vous venez le 24 octobre,
vous pourrez en même temps visiter l'exposition, parce que ça se
termine le
27 octobre.
Le Président (M. Gobé): Alors, à ce
moment-là, II pourra en faire la promotion auprès des autres
collègues. Ça nous fera plaisir d'y aller.
M. Normand: Le festival ouvre demain soir.
Le Président (M. Gobé): Vous savez, pour des
Montréalais comme nous, recevoir son invitation est toujours un plaisir.
Ça nous permet de découvrir des régions avec un bon guide,
comme votre député, et de vous rencontrer vous et d'autres
personnes, d'ailleurs.
M. Normand: Ça me fera plaisir.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Alors, comme il est de tradition quand
nos députés sont là, la conversation se fait à
plusieurs. On voudrait d'ailleurs vous remercier d'avoir été ici.
Je répète que cette exposition Riopelle-Bourgault est quand
même un modèle en termes de partenariat entre la MRC, la ville, le
ministère et l'artiste. Et ce sont des expériences aussi à
continuer et à multiplier. Revenir aussi un peu en faisant remarquer
malheureusement que, sur la rive nord, nous avons Québec, et
Québec est tout de même ville-patrimoine mondial, et que, pour les
16 000 000 $, évidemment il y a toute l'entente MAC-villes, alors c'est
sûr que ça débalance un peu quand on parle au niveau des
proportions. Mais, chose certaine, c'est que je pense que nous sommes actifs
dans votre région et nous allons continuer à l'être et
à vous soutenir dans vos projets. Merci, M. le maire. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, M.
le préfet, M. le maire, MM. les collaborateurs. M. le préfet,
vous avez un dernier mot à nous dire?
M. Dumas: Question additionnelle à Mme la ministre. Mol,
j'aimerais profiter de l'occasion pour dire au gouvernement, s'il a envie de
mettre la direction culturelle de Chaudière-Appalaches sur la rive sud,
qu'il se rappelle que Montmagny serait peut-être un site à
privilégier.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Le message est entendu.
Vous voulez dire quelque chose, M. le député de...
M. Boulerice: Oui, je voulais saluer M. le préfet. Je
voulais saluer M. le maire de Montmagny - à partir du vieil adage "qui
bene amat, bene castigat", "qui aime bien, châtie bien", c'est un
événement historique: on aura assisté à la
réhabilitation culturelle du maire de Montmagny, pour un langage un peu
maoïste - et remercier également M. Racine et M. Létourneau.
Non, vous nous avez quand même appris quelque chose: oui, il faut des
sous, il faudra toujours beaucoup plus de sous pour la culture. Mais ce qui est
intéressant, c'est de voir le foisonnement des idées. Je pense
que les gens de Chaudière-Appalaches nous ont donné une belle
illustration de ce que c'est le potentiel créateur. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Merci, messieurs. Ceci met fin à votre audition.
Elle a été fort intéressante et on vous remercie
d'être venus, au nom des membres de toute cette commission.
J'inviterais maintenant le groupe suivant, soit les représentants
du groupe Arrimage, à bien vouloir se présenter en avant.
Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la
table. La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux et je
demanderais aux représentants du groupe Arrimage de bien vouloir
s'installer. Bien, je vais vous présenter: M. François Turbide,
président. C'est exact? Bonsoir, M. Turbide. M. Claude Richard,
vice-président.
M. Richard (Claude): Oui.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Richard. Alors,
vous pouvez maintenant commencer votre présentation. Par la suite, les
représentants du groupe ministériel interviendront et seront
suivis du représentant de l'Opposition officielle. Alors, vous avez la
parole.
Arrimage
M. Turbide (François): Bon. D'abord, je vais nous
présenter. C'est qu'on est président et vice-président,
mais je voudrais mentionner qu'Arrimage est une corporation qui est
formée principalement de membres bénévoles; donc on
travaille à temps plein sur... Claude Richard est à l'association
touristique, directeur de la promotion et, moi, je suis un artisan, un
souffleur de verre aux Îles-de-la-Madeleine et je m'occupe d'Arrimage,
mais comme ça. On a une permanente qui s'occupe à demi-temps des
affaires d'Arrimage mais qui n'est pas là parce que, évidemment,
on n'a pas suffisamment de budget pour amener plus de monde qu'il n'en faut ici
et qu'on essaie de profiter des occasions pour venir siéger à des
conseils comme celui-ci.
Donc, pour présenter Arrimage un peu, on s'occupe de
développement culturel en remplacement d'une corporation qui
était rattachée à la MRC depuis 10 ans. C'est
composé principalement des intéressés, c'est-à-dire
des producteurs et des diffuseurs, des promoteurs et des artistes, des
individus ou des organismes qui sont direc-
tement impliqués dans la vie culturelle de chez nous. Ça
donne un outil qui est un peu plus représentatif des différents
secteurs d'activité culturelle aux Îles-de-la-Madeleine. Arrimage
se veut aussi un lieu de rassemblement et de concertation pour les artistes,
les organismes, les intervenants du milieu. Actuellement, on compte 130 membres
cotisants.
Les objectifs et les mandats qu'on poursuit sont de rassembler et de
concerter les artistes, d'établir un programme de développement
culturel aux Îles-de-la-Madeleine en collaboration avec ces
gens-là, d'assurer avec les organismes et les intervenants
concernés une planification des activités culturelles sur
l'ensemble du territoire, d'agir à titre d'organisme-ressource du milieu
et puis de s'occuper de promotion, de diffusion par la publication de tous
genres de documents, revues, livres ou périodiques qui peuvent
intéresser nos membres. En plus d'avoir mis sur pied un bureau qui peut
offrir une permanence à mi-temps, on offre aussi un soutien ponctuel aux
intervenants culturels.
Et Arrimage, malgré sa courte existence, a réalisé
quand même la publication d'un répertoire général
des ressources culturelles, humaines et autres du territoire. On a
installé un lieu permanent d'exposition à l'aérogare chez
nous pour permettre aux créateurs et aux créatrices en arts
visuels de faire connaître leurs oeuvres. On a vu à la production
et à la diffusion d'un calendrier de programmation culturelle pour
l'été, parce qu'il vient beaucoup de monde, de façon
à faire la promotion de tout ce qui se fait comme spectacles,
expositions, toute activité, disons, à caractère
artistique ou culturel chez nous. Ça a été tiré
à 7500 exemplaires. En plus, on a établi un kiosque d'information
là-dessus avec une billetterie pour l'ensemble des
Îles-de-la-Madeleine.
On publie mensuellement un bulletin de liaison qu'on appelle Voyons
Voir et, depuis peu, il y a un concours d'exposition en arts visuels au
bureau du député, M. Farrah, qui est doté d'une bourse de
2000 $ qui est partagée entre quatre personnes qui exposent
alternativement trois mois chacune sur un an. Et, en plus, on tient, de temps
à autre, des ateliers de formation et d'information pour nos
membres.
Ce sont là, certes, des réalisations dont la corporation
est fière, mais ça représente peu de chose en regard des
efforts qu'il reste à faire pour supporter efficacement la production
artistique et développer l'expression de la culture chez nous, favoriser
la créativité, accroître le rayonnement des artistes, tant
ici qu'à l'extérieur, et offrir au public des produits de
consommation culturelle auxquels il a droit.
Chaque année, on reçoit 25 000 $ du ministère des
Affaires culturelles pour fonctionner comme corporation, qui vont
majoritairement pour assurer la permanence. La MRC des
Îles-de-la-Madeleine nous supporte aussi en nous don- nant une
subvention, enfin une participation financière de l'ordre de 3000 $,
plus des services de secrétariat, etc., photocopies,
téléphones et bureaux qui ont aussi une valeur de 3000 $.
Avant de nous lancer dans des dossiers qu'on sait exigeants et qui nous
prendraient du temps, on aimerait définir avec le ministère quels
sont exactement nos mandats, nos modes de financement, ainsi que les
partenaires avec lesquels on va devoir travailler dans la perspective de
l'application d'une nouvelle politique culturelle et des arts au
Québec.
Pour ce qui est de la proposition Arpin, en somme, on partage les
finalités de la politique qui est proposée, c'est-à-dire
que, bon, on est d'accord avec les grands objectifs, comme développer le
domaine des arts et de la culture. À ce chapitre, on appuie la
recommandation qui vise à favoriser la création et à
situer le créateur, l'artiste et sa démarche créatrice
comme la pierre angulaire des arts et de la culture au Québec. On veux
rappeler cependant que les conditions de la recherche et de la pratique
artistique au Québec ne sont pas les mêmes dans les grands centres
qu'en région. La proposition est souvent peu précise sur ce
plan-là et les recommandations pour favoriser la création partout
sur le territoire québécois ne sont également pas
très précises. On se demande s'il y aurait des mesures
concrètes pour rendre viable la pratique artistique chez nous. Plusieurs
recommandations visent à assurer la stabilité et
l'épanouissement des organismes culturels. Les recommandations touchant
la restauration, les assises budgétaires, les organismes de
création et de diffusion, qui sont les recommandations 8, 9, 10, 11 et
14, devraient également s'appliquer aux organismes qui ont aussi des
mandats de concertation multidisciplinaires, particulièrement en
région éloignée. Il en va de la survie de la
vitalité culturelle dans les régions où ces regroupements
sont essentiels pour pouvoir assurer le développement de
l'activité culturelle et artistique.
Pour ce qui est de favoriser l'accès à la vie culturelle,
les propositions 48 à 52 sont plus spécifiques à ce que le
rapport Arpin appelle l'ensemble régional; cette expression, quant
à nous, nous laisse songeurs. Elle laisse entendre que tout le
Québec, à l'exception des deux grands centres urbains, serait un
ensemble régional uniforme. Est-ce qu'il n'y a pas de la
disparité régionale en matière de culture? Une politique
de la culture et des arts ne devrait-elle pas proposer des solutions
concrètes pour atténuer les disparités qui existent? Il y
a des dangers certains à voir presque tout le Québec comme une
grande région.
Dans la culture comme dans les autres domaines, ce que l'on peut faire
est en grande partie déterminé par l'argent qu'on y consacre.
C'est essentiel que la culture soit traitée au pair de l'économie
et du social à la table des grandes
décisions qui modèlent le Québec. Quoiqu'elle ne
donne pas véritablement d'indications sur le repositionnement
budgétaire de la culture par rapport aux autres priorités
gouvernementales, la proposition, dans sa recommandation 99, énonce deux
mesures concrètes par lesquelles la TVQ pourrait servir à
soutenir la culture.
Mais pour ce qui est de la contribution du secteur privé et des
individus au maintien de ce haut standard professionnel qu'exigent les
Québécois, elle ne va guère au-delà des incitations
et des encouragements en suggérant des avantages fiscaux pour les
mécènes. Nous appuyons cependant le fait d'étendre au
secteur privé la politique du 1 % actuellement appliquée aux
édifices du secteur public, soit sous forme de commandes, lors
d'importantes constructions, de locations d'oeuvres d'art ou de
présentation d'événements artistiques, afin
d'intégrer la culture au monde du travail. Étant donné
l'inévitable corrélation entre le financement et l'autonomie, il
nous paraît important, surtout dans l'éventualité d'un
rapatriement de toutes les compétences culturelles au Québec, que
l'autonomie non seulement des régions, mais aussi des diverses instances
du ministère soit rigoureusement garantie, et ce, afin de ne pas sombrer
dans une centralisation excessive. Il faut garantir l'autonomie des organismes
régionaux de concertation comme le nôtre. (22 h 15)
La proposition nous apparaît peu précise sur le partage des
juridictions en matière de gestion de la culture. Elle fait état
de partenariat, d'association du ministère avec le milieu municipal, de
partage des tâches entre les CRC et d'autres intervenants
régionaux. Peut-être y a-t-il lieu de redéfinir les
rôles et mandats de certains organismes. Toutefois, il nous
apparaît indéniable que la nouvelle politique culturelle doit
reconnaître le rôle essentiel des organismes régionaux de
concertation qui s'occupent de développement culturel sur le
territoire.
Si nous partageons les grands objectifs de la proposition de politique
de la culture et des arts, nous décelons cependant une lacune majeure
dans l'analyse de la problématique culturelle québécoise:
la réalité régionale. Considérer l'ensemble du
territoire du Québec comme une seule grande région, c'est oublier
la diversité culturelle de chacune des régions.
Notre expérience aux Îles-de-la-Madeleine, et nous sommes
persuadés de ne pas être la seule région à vivre ces
situations, nous démontre qu'il demeure encore bien des choses à
accomplir pour qu'un accès à la vie culturelle non pas
équitable, par rapport aux métropoles, mais décent nous
soit acquis. Il ne s'agit pas de faire venir chez nous les 80 camions-remorques
d'une production comme "Le Fantôme de l'Opéra", mais d'un strict
minimum.
Côté médiatique, les réseaux de
télévision commerciale - TVA, Quatre-Saisons et autres - et
même notre télévision d'État - Radio-Québec -
ne nous sont accessibles que par le câble, c'est-à-dire qu'on doit
payer pour recevoir ces services qui, autrement, sont gratuits presque partout
ailleurs.
Côté événements culturels, outre la
période estivale où une abondance de spectacles sont
présentés - il y en avait 70 pour les 2 mois de la saison! - il
n'en est présenté aucun les 10 autres mois de l'année ou,
enfin, très peu. La faute est imputable à nombre de facteurs,
dont l'absence de salles de spectacles adéquates, mais surtout au
coût excessif du transport. Il est frustrant pour les Madelinots
désireux d'entretenir une vie culturelle participative de voir les
productions québécoises effectuer des tournées en Acadie,
Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse ou
île-du-Prince-Édouard, et souvent grâce à des octrois
du MAC, et ne jamais faire escale chez nous.
On nous dira que ces problèmes trouvent réponse dans les
recommandations 48 à 52 de la proposition. Soit, mais nous trouvons
qu'elles y répondent de façon vague. Concrètement, il
faudrait que soient déterminées avec les régions
éloignées, au prorata de leur population sans doute, des
modalités de subvention au transport qui leur permettraient d'avoir
accès à un certain nombre de représentations artistiques
par année, en dehors de la saison touristique.
Enfin, le rapport Arpin nous signale la façon dont sont
réparties les dépenses publiques au titre des arts et de la
culture dans divers pays européens où la participation
financière régionale et municipale semble infiniment plus
importante que chez nous et les arts aussi mieux se porter, mais la structure
démographique et municipale de ces pays ressemble si peu à la
nôtre, avec le quart des municipalités comptant moins de 1000
habitants, qu'aucune comparaison n'est possible. Ce qui ressort du tableau, par
contre, c'est que la gestion des arts et de la culture revient, dans presque
tous les pays, aux instances régionales et municipales dans une
proportion excédant 50 %, sauf en Italie, où c'est 48 %. C'est
peut-être un modèle décisionnel dont on pourrait
s'inspirer. Notre expérience, toute-fols, nous démontre qu'il y a
beaucoup à faire dans le monde municipal pour qu'on se sente tributaire
d'une réelle responsabilité culturelle. Arrimage souscrit
à cette orientation, mais croit que le partage devrait se faire
graduellement, si on veut vraiment supporter la vitalité de la culture
dans les régions.
Nous souhaitons également que la nouvelle politique culturelle du
Québec fasse plus de cas des régions, qui sont trop souvent
considérées comme de simples réceptacles de la production
culturelle des grands centres, et cela, sans nier que les grands pôles
culturels, comme New York, Paris, Montréal ou Québec, sont
nécessaires à l'épanouissement et au rayonnement de la
culture.
En tant que consommateurs de produits culturels, il est essentiel que
les Madelinots soient dotés au plus tôt des équipements
nécessaires à la présentation de ces produits, comme une
salle de spectacles ou des salles d'exposition. Cela s'inscrit à
l'intérieur de l'objectif de rendre la culture accessible à
l'ensemble des Québécois énoncé dans la
proposition.
Mais nous ne devons pas être perçus uniquement comme des
consommateurs de culture. Il existe, dans notre archipel, un noyau de
créateurs de compétence reconnue, certains internationalement.
Leur discours s'inspire de leur environnement propre. Qu'ils soient
confrontés aux autres discours artistiques nous apparaît aussi
important au bouillonnement nécessaire à la richesse culturelle
que la confrontation qui existe dans les grands centres entre les divers
mouvements, regroupements, écoles, tendances ou chapelles auxquels
s'identifient les créateurs de la ville.
Il s'agit donc de reconsidérer la polarité grands centres
versus régions en faveur de ces dernières, d'abord en favorisant
la création, en la soutenant, en voyant à l'éducation et
au perfectionnement des artistes et des artisans, notamment en rendant les
compétences professionnelles accessibles dans les régions et en
procurant aux créateurs les outils indispensables à leur
créativité. À cet égard, celui de la consommation
culturelle aussi, la mise sur pied d'une maison de la culture dans l'archipel
pourrait être une heureuse initiative. Ensuite, il faudrait favoriser le
rayonnement des productions culturelles locales vers d'autres régions du
Québec, les grands centres et le marché international, ce qui
aurait des répercussions sur les autres secteurs d'activité dans
les régions, si chroniquement accablées des symptômes du
sous-développement et de son inévitable corollaire, la stagnation
économique.
Pour cela, il convient que la politique culturelle du Québec se
fonde sur l'autonomie des régions, un peu à la manière
dont cela s'est avéré un succès dans le secteur du
tourisme, car autant chaque région offre des paysages et des produits
touristiques différents, autant leur spécificité
culturelle diffère en dépit des découpages administratifs
du gouvernement.
Nous souhaitons donc que les regroupements culturels régionaux
soient considérés comme des intervenants
privilégiés dans leur domaine, de la même façon dont
le sont les associations touristiques régionales, et qu'ils jouissent
d'un financement adéquat sur une base triennale afin de mener à
bien leur mission. Nous considérons qu'en raison de la
spécificité indéniable des Îles-de-la-Madeleine nous
constituons une région culturelle autonome du Québec et nous
souhaitons être représentés comme telle dans les organismes
de concertation financés. Voilà.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, monsieur.
Et je vais maintenant demander le consentement en vertu de l'article^ 132 afin
que notre collègue, le député des
Îles-de-la-Madeleine, puisse intervenir, vu qu'il est votre
député régional.
M. Boulerice: Je vais en délibérer avec mon
collègue. Ha, ha, ha! Non, je pense qu'on comprend la fierté
légitime de notre collègue des Iles-de-la-Madeleine. Alors
consentement, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. le député
des Îles-de-la-Madeleine, vous avez maintenant la parole.
M. Farrah: Merci, M. le Président, et merci, cher
collègue, pour ce droit de parole. Dans un premier temps, je veux
féliciter et souhaiter la plus cordiale des bienvenues à
l'Assemblée nationale à deux personnes qui viennent de mon coin,
de chez nous, soit Claude Richard et François Turbide, et leur exprimer
toute ma gratitude pour l'excellence de leur travail au sein de la
communauté, dis-je, culturelle, dans le sens large du terme, aux
Îles-de-la-Madeleine. Je pense qu'aux îles c'est l'instinct de
survie, souvent. On est sur une He, donc provenant,
d'antécédences, des gens de la mer, alors c'est peut-être
le premier réflexe qu'on a devant nous.
Et je peux vous dire qu'au niveau de la culture, c'est la même
chose, dans le sens que, lorsque la MRC s'est dégagée un peu de
sa mission culturelle... quoiqu'elle collabore quand même avec Arrimage,
mais elle l'a quand même délaissée dans le passé. Et
nous, aux îles, grâce à Arrimage, on n'a pas attendu non
plus une intervention ponctuelle du ministère, en souhaitant un bureau
local chez nous ou en souhaitant un fonctionnaire aux îles pour
défendre le milieu culturel. Il y a eu une prise en main du milieu et je
pense que c'est un signe, quand même, de prise en main des gens et que
c'est un signe, aussi, de la fierté qu'on a au niveau de la culture,
chez nous.
Et je pense qu'on fait un peu bande à part dans ce
sens-là, et c'est la question qui va suivre. Compte tenu des
priorités budgétaires auxquelles on doit faire face,
difficultés financières, aussi, au sein du gouvernement, des
municipalités, peu importe quel palier... Moi, j'ai une réflexion
qui... Je n'ai pas assisté, ici, aux débats de la commission de
la culture sur le rapport Arpin, malheureusement, en tout temps. Je me demande
s'il y a eu une réflexion en ce qui concerne les structures, dans le
sens suivant. L'interrogation que je me pose, c'est: Est-ce que ça vaut
la peine d'investir dans les structures, compte tenu des besoins financiers
qu'on a en ce qui concerne la diffusion de la culture, notamment?
Et je m'explique. Il y a une grosse rivalité ou, en tout cas, les
gens de Gaspé veulent un
bureau régional. Je pense que c'est légitime comme
demande, ça peut être louable. Mais, dans les circonstances
actuelles, je me demande si ça devrait être la priorité du
ministère d'investir dans une structure et non pas d'investir dans le
produit culturel comme tel, au niveau des artistes comme tels. Alors ma
question est la suivante au groupe Arrimage. Vous avez fait aussi allusion aux
ATR, à ce qui se passe au niveau du ministère du Tourisme. Comme
vous savez, au ministère du Tourisme, il n'y a pas de direction
régionale, alors ce sont les ATR qui font en sorte d'être les
interlocuteurs privilégiés du ministère. Je pense que
c'est très efficace et à moindre coût, également,
qu'une grosse structure de bureaux, de fonctionnaires, etc.
Et le but des Affaires culturelles, non plus, n'est pas de créer
des jobs au niveau des fonctionnaires, mais je pense que c'est de créer
des emplois, mais par le biais des produits culturels. Alors, j'aimerais vous
entendre à ce sujet-là. Qu'est-ce que vous voulez vraiment dire
par là? Est-ce que le fait d'en arriver à un genre de politique
régionale de la culture par l'entremise, peut-être, de groupes
comme vous ou des ATR, ça pourrait faire en sorte d'être aussi
efficace que la structure qu'on connaît actuellement, et ce, à
moindre coût pour évidemment donner plus d'argent au niveau de la
culture comme telle?
M. Turbide: On a suggéré que le ministère,
peut-être, s'inspire du fonctionnement des régions, du
fonctionnement du ministère du Tourisme pour administrer les
régions dans le sens suivant, c'est que, dans le tourisme, il y a des
régions qui sont reconnues, qui correspondent à un produit
touristique assez bien délimité, assez précis, et il y a
une association locale qui existe. Chaque association a une subvention de base
qui est la même dans toute la province et, après ça, le
ministère du Tourisme va subventionner, dans une deuxième mesure,
en fonction de ce que l'association peut aller chercher comme financement dans
le milieu. Donc, si on va chercher 1 $, le ministère donne 1 $, ce qui
fait que, par exemple, dans la région de Montréal, étant
donné qu'il y a plus d'intervenants, ils vont aller chercher plus
d'argent comme membres, évidemment, et qu'ils vont recevoir plus du
ministère. Là-dessus, peut-être que M. Richard pourrait
plus vous expliquer comment ça fonctionne. Bien, il nous semblait que
ça pouvait être une façon peut-être
élégante d'administrer, mais il faudrait peut-être aussi
que le découpage régional corresponde à des bassins
culturels, entre parenthèses, qui soient assez... qui correspondent
vraiment à une culture précise. Comme nous autres, dans notre
cas... Je ne sais pas, la Gaspésie, elle a peut-être raison de
faire sa demande aussi, mais, en tout cas, II me semblait que ça pouvait
être un modèle à suivre.
M. Farrah: Si vous permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le
député, vous avez la parole.
M. Farrah: Est-ce que vous pensez que l'ajout d'un bureau local
ou régional à Gaspé peut faire en sorte d'améliorer
la situation culturelle, entre guillemets, dans la région?
M. Turbide: Dans notre cas, c'est évident que non, surtout
si... Moi, ce qu'on m'a dit, c'est que, par exemple, Rimouski est une direction
régionale puis que la Gaspésie devient un bureau de la direction,
et puis que les Îles-de-la-Madeleine, c'était comme la
troisième étape en arrière. D'une part, ça ne nous
intéresse pas. Peut-être qu'on a été
gâtés un peu parce qu'on a vécu une situation un peu
particulière dans toute la province, c'est-à-dire qu'on
était la seule région qui bénéficiait d'une
subvention plus directe et puis qu'on avait une personne qui était
engagée, qui travaillait avec la MRC chez nous, mais on ne
dépendait pas directement de la région. C'est-à-dire qu'on
dépendait de la région mais, enfin, on avait quelqu'un qui
s'occupait chez nous des développements culturels. Alors, c'est
évident que, pour nous, s'il faut passer par Gaspé pour aller
à Rimouski, puis venir à Québec après, ça ne
nous intéresse pas. Maintenant, je pense que ça, c'étaient
des rumeurs. J'espère que ce n'est que des rumeurs. Il faudrait voir
aussi si, à la lumière de tout ce qui s'est passé à
la commission ici, le ministère va prendre des décisions quant
à la façon dont il va gérer la culture à l'avenir.
Ça, je ne le sais pas. Peut-être que la ministre pourrait
répondre à la question.
M. Farrah: Un mot juste en terminant...
Le Président (M. Gobé): C'est vous qui avez la
parole. Je vous avertirai quand votre temps sera fini.
M. Farrah: Non, ça va, parce qu'on veut entendre la
ministre également. Peut-être en terminant remercier le groupe
Arrimage pour leur présentation. Je pense qu'elle était tout
à fait justifiée, d'une part. Deuxièmement aussi, je
voudrais peut-être juste m'arrêter quelques instants sur... Lors de
leur présentation, ils ont fait mention qu'au bureau du
député, chez nous, on a une exposition visuelle d'artistes des
îles. Alors, la façon dont ça a fonctionné: j'ai
pris mon budget discrétionnaire, j'ai donné une subvention
à Arrimage qui eux, par la suite, ont formé un jury; on a choisi
quatre gagnants, de façon très objective de la part d'Arrimage,
et les quatre gagnants exposent chez nous durant un an. Alors, c'est quatre
mois chacun.
M. Boulerice: J'ai commencé ça en 1986.
M. Farrah: Non, mais c'est que le bureau de comté, quand
même, ça appartient à tout le monde. C'est un bureau
gouvernemental. Alors, ça rend la culture, en tout cas, visuelle, dans
ce sens-là, beaucoup accessible aux gens, et on va devenir un petit, un
mini-musée, chez nous. J'invite les collègues à aller de
l'avant dans ce sens-là parce que ça fait en sorte quand
même que notre bureau appartient à tout le monde, que tout le
monde vient le voir. Alors, je remercie Arrimage pour leur collaboration dans
ce dossier-là particulièrement.
Le Président (M. Gobé): On voit bien là
votre implication dans les arts, M. le député. C'est bien, c'est
une excellente initiative. Je pense que ça vaut la peine d'encourager
des artistes locaux à l'occasion. Mme la ministre, il reste quelques
minutes. Oui.
Mme Frulla-Hébert: Rapidement, en réponse. Le
bureau régional ou la direction régionale qui va s'implanter en
Gaspésie, c'est tout simplement en fonction des demandes - et on l'a vu
d'ailleurs par le groupe avant - d'avoir justement une présence en
Gaspésie, d'une part. Deuxièmement, quand un bureau
régional se forme, ce n'est pas d'ajouter une structure pour une
structure; habituellement, ce sont des gens que l'on déplace puisque, au
moment où on se parle, on se gère avec 9,7 % du budget versus 13
% qui est normal dans les autres ministères et 11 % et 12 % dans
l'industrie privée. Alors, ce n'est pas parce qu'on abuse en termes de
structures. Mais, à féliciter, par contre, l'initiative du milieu
et, là-dessus, on a participé justement parce qu'on essaie
finalement de s'adapter à des cas particuliers et on va essayer de
s'adapter encore plus parce qu'on nous dit aussi régulièrement
que - et de là ma question - les normes qui sont nationales, qui sont
là pour nos programmes, les normes ne s'appliquent pas ou s'appliquent
difficilement bien souvent à des conditions spécifiques,
c'est-à-dire qu'on a des normes pour le Québec et que, quand on
arrive dans des milieux un peu particuliers, bien là, c'est quand
même plus difficile et les milieux en sont pénalisés.
Est-ce que vous sentez ça un peu chez vous ou... (22 h 30)
M. Turbide: Bien, disons que peut-être dans ce
cas-là particulièrement, dans le cas de la subvention qu'on
reçoit ou, enfin, de la façon dont ça a fonctionné
chez nous, on ne s'est peut-être pas senti pénalisés,
c'est-à-dire que, moi, je ne voudrais pas qu'on embarque dans une
structure qui fasse que, par exemple, la Gaspésie qui, je pense,
revendique à bon droit d'avoir une structure, comme nous autres on le
fait chez nous, bien qu'on soit obligés d'embarquer dans celle de la
région de la Gaspésie supposément parce qu'on fait partie
de la région Gaspésie-Les Iles. Là, je pense que je me
sentirais pénalisé. Par contre, je pense qu'on peut travailler
ensemble. Ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas collaborer avec
Gaspé là, mais je pense qu'on veut être certains qu'on ne
perde pas au moins les avantages qu'on avait. Puis, on est aussi d'avis que les
Îles-de-la-Madeleine représentent peut-être une portion de
la région qui a une spécificité, ne serait-ce que
l'insularité, nos racines acadiennes puis le fait que, bon, on
appartient au Québec, finalement, qu'on est Québécois, si
on veut, culturellement parlant, depuis peu. Ça a fait un ensemble chez
nous, je pense, qu'on peut qualifier d'original. Et on peut peut-être
aussi, je pense, travailler avec les Gaspésiens pour faire en sorte que
le modèle qu'on a chez nous soit applicable chez eux à une
échelle différente. Je ne sais pas, ils peuvent peut-être
diviser la Gaspésie en régions culturelles aussi
spécifiques que chez nous et puis appliquer le modèle qu'on a
chez nous, puis on marchera de même en région après.
Mais, pour le reste, je pense qu'il faudrait voir, je ne sais pas,
après ça, en proportion des budgets qui se donnent ailleurs et
puis de ce à quoi on a droit chez nous, si Arrimage peut être
considéré et reconnu par le ministère. C'est un peu
ça qu'on voulait jusqu'à maintenant, que la région ou
Arrimage soit reconnu, et que, de ce fait, la reconnaissance amène une
certaine sécurité financière, puis qu'on puisse travailler
à l'aise, puis là peut-être s'attaquer à des
dossiers à long terme. Nous autres, c'est à peu près
ça notre...
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. C'est
là malheureusement tout le temps qui était alloué. Je
devrai maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député, vous avez la
parole.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Si M. Turbide et M.
Richard me le permettent, je vais quand^ même offrir mes
félicitations au député des Îles-de-la-Madeleine
pour avoir organisé ce concours d'arts visuels et lui dire que je trouve
extrêmement rassurant pour moi de voir qu'il fait des expositions dans
son bureau. J'ai commencé cela au tout début de l'année
1986, en me demandant si je serais imité. L'exemple est peut-être
venu de loin géographiquement, mais il est là de façon
éclatante. Alors, M. le député des
Îles-de-la-Madeleine, continuez.
M. Farrah: Ça, c'est des fleurs.
M. Boulerice: Oui, c'est des fleurs. M. Turbide, M. Richard, bon,
des commentaires. Premièrement, je vous avoue, à mon grand
étonnement - c'est vrai qu'on ne peut pas tout savoir, sous
prétexte qu'on est député là - apprendre que les
réseaux, tels que TVA, Quatre-
Saisons et, vous avez raison d'insister, notre télévision
d'État, ne sont accessibles que par câble, c'est-à-dire que
vous devez payer pour recevoir ces services qui sont gratuits partout ailleurs.
Je dois dire que je trouve personnellement cette situation-là
scandaleuse. Je pense que le message devra porter haut et comptez sur nous pour
le répéter. J'ai bien l'impression, au-delà des lignes
partisanes qu'un Parlement a et se doit d'avoir - parce que c'est ça les
fondements de la démocratie - que le député des
Îles-de-la-Madeleine s'associera à toute action visant à
corriger cette situation.
Maintenant, une assertion. Vous dites: "Nous considérons qu'en
raison de la spécifité indéniable des
Iles-de-la-Madeleine, nous constituons une région culturelle autonome du
Québec, et nous souhaitons être représentés comme
telle dans les organismes de concertation financés." Je pense que oui.
Il faut se rendre à l'évidence, il y a une situation
géographique tout à fait particulière. D'ailleurs, on
pourrait, dans votre cas, faire cette bonne vieille blague du journal
britannique qui, lors d'une tempête sur la Manche, avait titré "Le
continent isolé". Lorsqu'il y a une tempête dans le golfe, le
journal des Iles devrait dire "Le Québec isolé des
Îles-de-la-Madeleine".
Mais, au-delà de ce trait d'humour, je pense que les îles
sont aussi distinctes, si vous voulez, de la terre ferme, pour employer
l'expression, que le Québec se dit distinct du Canada. Je pense que, peu
importe la portée du mot, il doit y avoir une reconnaissance d'un statut
distinct dans le cas des îles ou de l'insularité, donc des
centaines de kilomètres à faire, et aussi le développement
d'une culture, d'une authenticité qu'on ne peut pas dénier. Votre
dernier considérant reçoit de notre part un appui sans
réserve.
Maintenant, vous dites: "Mais nous ne devons pas être
perçus uniquement comme consommateurs de culture." Bon, c'est un fait
que vous êtes producteurs; vous l'êtes de façon
éloquente. Sauf que le drame, c'est que la diffusion de vos produits
culturels, de vos oeuvres plutôt, de vos productions, dépendant
qu'il s'agit d'objets ou de manifestations, malheureusement, le
côté médiatique ne nous les fait pas connaître
suffisamment, ce qui est, à un certain point de vue, regrettable. Il y a
peut-être un correctif au niveau des médias. Si jamais on
reprenait une régionalisation de la télévision
d'État, je pense qu'il devrait y avoir nécessairement une antenne
aux Îles-de-la-Madeleine, pour reprendre ce que je disais tantôt,
ce statut tout à fait particulier que vous avez.
Maintenant, là où le bât blesse... et vous l'avez
dit, vous avez dit: On est réalistes. On ne demande pas d'avoir les 20
camions-remorques du "Fantôme de l'Opéra". Entre
parenthèses, je l'ai vu à Londres, puis... Non, c'était
à Toronto, mais en tout cas. Ceci dit, la salle de spectacles
adéquate dont vous parlez est une salle, forcément, qui se
devrait d'être polyvalente, c'est-à-dire qu'elle devrait
être capable d'accueillir de la musique, qu'elle devrait être
capable d'accueillir du théâtre, qu'elle devrait être
capable d'accueillir de la danse. C'est une salle de combien de places qui vous
est nécessaire?
M. Turbide: Ça pourrait être, je ne sais pas, de 300
à 400, là-dedans. Disons que les études qui ont
été faites jusqu'à maintenant ont été
à peu près de cette taille-là. Mais ce n'est pas
nécessaire de construire non plus... En fait, il faudrait
peut-être aménager un espace qui contienne à peu
près ce nombre de sièges, mais surtout avoir un espace
scénique qui permette d'avoir des productions comme celles que le
continent pourrait exporter chez nous, admettons.
Disons que c'est un vieux dossier chez nous et puis on le ramène
ici à l'occasion de cette consultation, mais on se débrouille
quand même avec les moyens qu'on a. Puis je trouve que, compte tenu de
l'équipement qu'on a chez nous, il y a une vivacité, une
production qui est assez phénoménale, surtout
l'été.
M. Boulerice: Oui, c'est vrai que, l'été, il y a un
afflux touristique extrêmement fort chez vous.
M. Turbide: Oui.
M. Boulerice: Les îles, c'est presque mythique. Je ne veux
pas être flatteur, mais, dans l'esprit des gens, les îles, c'est
les couleurs, c'est la plage, etc. Mais est-ce que je vous ai compris? Vous
m'avez dit qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'en construire
une nouvelle, mais d'aménager quelque chose qui existe
déjà?
M. Turbide: C'est-à-dire que, moi, j'ai déjà
participé à une étude parce que, il y a un certain temps -
j'étais là - on avait étudié différentes
possibilités, dont l'aménagement d'un auditorium qui existe
déjà à l'école. Je pense, puisqu'on parie de
budget, que c'est évident qu'on n'a jamais les sous pour faire des
infrastructures partout, mais peut-être que, des fois, il suffit d'avoir
un peu d'Imagination et que le ministère de l'Éducation collabore
avec le ministère des Affaires culturelles pour être en mesure de
donner un service. Là, on se chicane à savoir qui va avoir la
responsabilité d'engager le concierge et de faire le ménage
après, mais, ça, peut-être qu'on pourrait passer par-dessus
ça puis se dire que, s'il y a une infrastructure quelque part, on peut
l'aménager. En autant qu'on s'entende, disons, sur la finalité de
l'édifice puis sur son utilisation polyvalente, on peut arriver, je
pense... avec la construction maintenant, on est capables de réparer,
d'agrandir et d'aménager des salles avec des espaces qui sont valables
pour des productions qui pourraient
éventuellement venir chez nous et avec une capacité qui
serait conséquente. Je pense en tout cas que c'est faisable. C'est une
question de sous, mais disons que c'est peut-être une des
caractéristiques ou, enfin, une des possibilités; lorsqu'une
association ou une corporation comme Arrimage existe dans une région, on
peut peut-être discuter de problèmes comme ça et, à
un moment donné, faire des suggestions que, je ne sais pas, le
ministère des Affaires culturelles voit plus difficilement ou qu'un
bureau régional a peut-être de la difficulté à
concevoir. On peut arriver à trouver des solutions ingénieuses.
Parce qu'on est pris avec des considérations budgétaires, je
pense qu'on peut se sortir du pétrin comme ça. C'est une
suggestion que je fais.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: En conclusion, je dirai à M. Turbide et
à M. Richard que, oui, ils ont raison. C'est vraiment frustrant pour les
Madelinots d'avoir effectivement des productions québécoises pour
lesquelles on donne une aide de subvention en Acadie, à
l'île-du-Prince-Édouard, au Nou-veau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse
et qu'effectivement elles ne fassent pas escale chez eux. Et même si
elles ne le voulaient pas, je pense qu'on pourrait avoir des incitatifs qui
feraient en sorte qu'elles y aillent. Mais, là, la situation que vous
vivez, c'est qu'avec ou sans incitatifs, si elles voulaient y aller, il n'y a
pas de salle. Il n'y a rien pour des productions dites, entre guillemets,
respectables.
M. Turbide: Non. Actuellement, disons qu'il y a beaucoup de
petites salles municipales. Il y a des infrastructures de ce type-là.
Mais une salle de concert...
M. Boulerice: Oui, la salle des loisirs.
M. Turbide: Oui, c'est ça.
M. Boulerice: Et ça ne répond pas...
M. Turbide: Vous savez, moi, je ne suis pas pour jouer les
éternels - je dirais - martyrs, non plus. Je ne voudrais pas qu'on me
colle cette étiquette-là. Je pense qu'on se dit que, chez nous,
c'est vrai qu'on n'en a jamais assez, je pense, partout où on est et
qu'un équipement comme ça serait souhaitable et serait bienvenu.
Ça fait longtemps qu'on en parle. Je pense que, malgré tout, on
s'est occupé d'avoir quand même des spectacles. Il y a beaucoup de
choses qui existent l'été; il y a une programmation qui est assez
surprenante. Mais il faut dire aussi que, dans le passé, il y a eu des
investissements qui ont été faits, peut-être même un
peu exagérément, je ne sais pas, par exemple dans le sport, et
puis, aujourd'hui, on en subit les contrecoups.
Si on avait moins investi dans les arenas, aujourd'hui, on aurait moins
à investir pour l'entretien des patinoires et peut-être qu'il y en
aurait plus pour la culture.
M. Boulerice: Ne me parlez pas de stade!
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.
M. Boulerice: Une toute petite dernière. Le
Président (M. Gobé): Oui, oui.
M. Boulerice: De toute façon, ils sont venus de tellement
loin, M. le Président. Je vous sais tellement compréhensif.
Est-ce qu'il y a une troupe de théâtre sur l'île?
M. Turbide: Une troupe de théâtre? Pas en
permanence. Disons qu'il y a des gens qui constituent des équipes. Il y
a du théâtre d'été qui se fait. En dehors, disons,
de la saison, de temps en temps, il y a des représentations, mais il n'y
a pas de troupe, disons, officiellement sur les îles, à temps
plein.
M. Boulerice: Tout en en parlant, quand on parlait de la salle,
j'avais une idée. Vous direz: Elle vaut ce qu'elle vaut.
M. Turbide: Oui.
M. Boulerice: Vous connaissez cette notion américaine du
"off-Broadway" où combien de troupes quittent, l'été, pour
aller dans des petites communautés. Exemple: Pour la majorité, en
tout cas, des Montréalais et des gens de la ville de Québec, pour
qui c'est facilement accessible par la route, vous avez, à Ogunquit, The
Ogunquit Play House où c'est vraiment du "off-Broadway", et ça
contribue à la promotion touristique d'une région comme
celle-là. Alors, je me disais: La journée où on aurait une
salle respectable - vous ne demandez pas Covent Garden, vous êtes
raisonnables - il y aurait peut-être l'hypothèse d'une troupe
québécoise qui serait intéressée, par la notion du
"off-Broadway", à s'installer aux îles. Donc, du
théâtre durant une grande partie, quand même -
l'été, ça a des chances de durer quelquefois - et
ça aurait un impact merveilleux. Il y a des paysages naturels
extraordinaires chez vous, la présence de la mer, mais ça
ajouterait encore, cet élément culturel, pour y aller et
ça inciterait peut-être, parce que c'a toujours un effet de
rebondissement, à la création de troupes amateurs, parce que plus
on en voit, plus on a le goût d'en manger après.
M. Turbide: Oui, mais il y a une tradition de
théâtre qui date quand même, je ne sais pas, peut-être
de 20 ans, qui est fait chez nous par
un professeur de la polyvalente qui, maintenant, n'est plus mais, en
tout cas, qui a fait qu'il y a eu beaucoup de talents, à un certain
moment, et une grosse activité théâtrale. Et aujourd'hui,
il y a des gens d'ici, de chez nous, qui sont des comédiens, mais qui
travaillent plutôt ailleurs, qui pourraient éventuellement
revenir.
Là où je trouve que la suggestion est intéressante,
c'est de créer des activités comme ça qui, finalement,
attirent, bon, qui ont un effet sur la réputation des
Îles-de-la-Madeleine et puis qui peuvent constituer des activités
qui, par exemple, par le biais du tourisme, vont amener une
fréquentation des îles et, par le fait même, disons,
augmenter ce qu'on pourrait appeler les retombées économiques de
la culture. Je pense que c'est une chose sur laquelle, nous, en tout cas, on
table. M. Richard, je pense, peut en parler aussi, dans le tourisme, lorsqu'on
vend les Îles-de-la-Madeleine, on vend, entre autres, la culture ou,
enfin, la production artistique qui s'y fait.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Boulerice: Oui, oui. Je vais remercier M. Turbide et M.
Richard en les assurant de ma plus entière collaboration et en leur
offrant mes voeux les meilleurs. Bon retour, en espérant que ie
continent ne soit pas isolé des îles.
M. Turbide: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député
des Îles-de-la-Madeleine, vous avez terminé?
M. Farrah: Oui, ça va.
Le Président (M. Gobé): Un dernier mot. Non? Merci.
Très bien. Mme la ministre, le mot de la fin.
Mme Frulla-Hébert: M. Turbide, je veux simplement vous
féliciter, d'abord, pour la bourse que vous avez reçue et pour la
présentation que vous avez faite à l'exposition ou à une
exposition des métiers d'art à Los Angeles, d'une part.
Deuxièmement, je voudrais revenir sur la salle de spectacles. Vous savez
que le ministère a beaucoup poussé sur une salle de spectacles en
1986 et qu'il n'y avait pas eu de consensus au niveau des MRC, mais, s'il y a
un nouveau projet, le ministère est encore extrêmement ouvert
à ce projet-là. Merci.
M. Turbide: On est très heureux de l'entendre.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Turbide,
M. Richard, nous vous remercions d'être venus devant nous, vous
venez de loin. Je vous souhaite, au nom des membres de cette commission, un bon
retour mais pas ce soir. Et à une prochaine fois.
La commission ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30, en
cette salle.
(Fin de la séance à 22 h 48)