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(Quinze heures quarante minutes)
Le Président (M. Doyon): Je vais commencer par
déclarer la séance ouverte et souhaiter la bienvenue à
tout le monde, y compris à nos collègues parlementaires, Mme la
ministre, en ce début de session. La commission de la culture a
déjà commencé à travailler depuis une quinzaine de
jours maintenant et nous continuons le travail que nous avions entrepris. Il
s'agit de poursuivre le mandat qui nous a été confié par
l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de procéder à
une consultation générale et publique qui consiste à tenir
des auditions sur la proposition de politique de la culture et des arts, tel
que ça a été déposé à
l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Messier
(Saint-Hyacinthe) par M. Tremblay (Rimouski).
Le Président (M. Doyon): Consentement? Des voix:
Consentement.
M. Boulerice: Mme Carrier-Perreault en remplacement de Mme Dupuis
(Verchères).
Le Président (M. Doyon): Donc, deux remplacements. Je vais
m'abstenir de faire la lecture de l'ordre du jour compte tenu que nous avons
déjà quelques minutes d'écoulées sur l'horaire qui
est le nôtre. Nos invités sont déjà là et je
leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Il s'agit de M. Ralph Mercier,
le maire de Charlesbourg; il est accompagné de son directeur
général adjoint, M. Ghislain Jobin, à qui je souhaite
aussi la bienvenue, et il y a aussi M. Bluteau, je pense - on m'en a
informé tout à l'heure - qui est parmi nous. Alors, à ces
trois personnes, je souhaite la plus cordiale des bienvenues et je leur indique
que leur mémoire, je pense, a déjà été
distribué. Les membres de la commission en ont déjà pris
connaissance. Vous pouvez en faire une lecture ou tout simplement un
résumé. Vous disposez de 10 à 15 minutes pour faire la
présentation qui est la vôtre. Après ça, la
conversation va s'engager pour un quart d'heure environ, avec chacun des deux
côtés de la table, c'est-à-dire du côté
ministériel, ainsi que du côté de l'Opposition. Alors, les
présentations, je les ai faites pour vous. Je vous souhaite la bienvenue
encore une fois et je vous invite dès maintenant à commencer
votre présentation.
Ville de Charlesbourg
M. Mercier (Ralph): M. le Président, je veux remercier la
commission d'avoir accepté de nous recevoir, la ville de Charlesbourg,
ici aujourd'hui. Bien sûr, la ville de Charlesbourg, vous la connaissez,
étant une ville, peut-être, des plus importantes au Québec.
Elle est la dixième en importance avec une population de 72 600 et,
à cet égard, raison de plus que nous apprécions
effectivement de nous retrouver ici aujourd'hui. Bien sûr, vous avez pris
soin, et je vous en remercie, M. le Président, d'avoir
présenté les gens qui m'accompagnent. Il y a peut-être
juste dans le cas de M. André Bluteau, dont je voudrais souligner le
fait qu'il est le chef de section aux arts et à la culture. C'est quand
même, je pense, assez important pour nous.
M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, on se
souviendra que, au congrès de l'Union des municipalités du
Québec... Et, là-dessus, je voudrais aussi quand même
préciser que je coiffe, bien sûr, ici, plutôt davantage le
chapeau de maire de la ville de Charlesbourg et non celui de président
de l'Union des municipalités. Une petite distinction, bien sûr,
vous avez compris, qui s'impose. À ce congrès qui avait
été tenu en mai 1991, nous exprimions le désir que le
ministère des Affaires culturelles du Québec considère les
municipalités comme des partenaires privilégiés pour
promouvoir le développement et la diffusion de la culture, des arts et
la mise en valeur du patrimoine bâti. Dans la même ligne de
pensée, nous formulions le souhait que le ministère s'associe au
monde municipal pour définir les engagements financiers qui pourraient
être pris dans le contexte de la rédaction d'une politique
culturelle.
Cette résolution de l'Union des municipalités du
Québec rejoint, dans une grande mesure, les préoccupations que
j'aimerais exprimer, comme maire de Charlesbourg, au nom, bien sûr, du
comité exécutif, mais également au nom des organismes
culturels oeuvrant sur notre territoire, Charlesbourg étant une
municipalité, comme je vous l'indiquais il y a quelques instants, de 72
000 habitants, située dans la région de Québec, bien
évidemment. Le point de vue d'une ville comme la nôtre permettra,
j'en suis convaincu, de mieux faire comprendre notre réalité, nos
besoins, nos attentes et surtout notre volonté d'être un
partenaire à part entière avec le ministère des Affaires
culturelles. Et, malgré le fait que notre mémoire, M. le
Président, n'est peut-être pas très volumineux, je pense
qu'il va directement au point.
Après avoir pris connaissance du projet de
politique de la culture et des arts, les orientations
prônées par le groupe-conseil nous ont beaucoup
interpellés. Dans le contexte difficile des transferts
budgétaires aux municipalités, nous adhérons à
l'ensemble des principes mis de l'avant par le groupe-conseil et nous
soulignons tout particulièrement les positions définies dans la
recommandation 80, qui peut être perçue comme un appui à la
demande formulée par l'Union des municipalités. Cette
recommandation disait, et je cite: "Que le ministère des Affaires
culturelles s'associe au milieu municipal pour fixer les paramètres des
implications et du financement, dans le cadre d'une politique culturelle
favorisant un plus grand engagement des municipalités dans la
culture".
Nous sommes encore plus sensibles au point de vue exprimé dans la
recommandation 78, à savoir et je cite: "Que le ministère des
Affaires culturelles soit présent et très vigilant dans les
opérations de décentralisation vers les villes, afin que les
programmes culturels ne fassent pas l'objet d'un délestage de la part du
gouvernement. Il s'agit plutôt d'un nouveau partage des
responsabilités et d'un transfert des moyens lorsque les
responsabilités des municipalités augmentent".
De nombreuses villes agissent depuis déjà plusieurs
années dans le domaine culturel, plusieurs par le biais du loisir. Elles
ont acquis à ce chapitre une solide expertise. D'autres
municipalités possèdent ou gèrent, de concert avec les
forces vives du milieu, des équipements comme une salle de spectacle,
une bibliothèque, un centre d'interprétation. Certaines aussi, se
sont engagées à conserver et à mettre en valeur leur
patrimoine, compte tenu des pouvoirs octroyés depuis la refonte de la
Loi sur les biens culturels en 1985. Et voilà que, depuis quelques
années, certaines d'entre elles se sont dotées d'une politique
culturelle. C'est le cas de notre municipalité.
C'est, en effet, en avril dernier que notre municipalité adoptait
une politique d'intervention dans ce domaine. Par cette dernière, nous
voulions nous donner un outil d'orientation qui guiderait nos actions
présentes et futures, afin d'offrir à nos concitoyennes et
à nos concitoyens une variété d'activités
culturelles correspondant à leurs attentes et à nos
capacités financières. En sanctionnant une telle démarche,
nous étions conscients, et le demeurons encore davantage, que le
gouvernement municipal est le niveau d'autorité le plus apte à
répondre aux attentes des citoyennes et des citoyens en matière
de développement culturel.
L'adoption de cette politique constituait pour nous une affirmation de
l'importance de la culture. Dans le préambule de notre politique, nous
affirmons que c'est par sa vitalité culturelle qu'une ville rayonne,
augmente son pouvoir d'attraction et qu'elle parvient à retenir ses
concitoyens sur le territoire. En proposant des activités culturelles
accessibles pour l'ensemble de ses concitoyennes et de ses concitoyens, une
municipalité fait preuve de leadership et de fierté. Pour nous,
c'est là que s'inscrivent le rôle et le profit de notre
municipalité.
La preuve est maintenant faite que le dynamisme culturel est un facteur
de bien-être pour nos concitoyennes et nos concitoyens, et un
élément supplémentaire de développement et de
promotion sur les plans économique et social. Pour nous,
s'intéresser au développement culturel, c'est accepter d'investir
dans des secteurs artistiques porteurs d'avenir, même si les
retombées ne se traduisent pas par un gain financier tangible et
immédiat.
C'est un peu ces perspectives qui nous ont incités à
investir dans le développement de notre réseau de
bibliothèques, dans la protection et la mise en valeur de nos sites
patrimoniaux, de même que dans le soutien aux autres disciplines
artistiques. Mais le contexte économique actuel et l'ajout de nouvelles
responsabilités non assorties des transferts budgétaires
compromettent de façon dramatique l'éveil de
l'intérêt et d'une implication plus large d'une
municipalité de l'envergure de fa nôtre. Il ne faudrait pas
interpréter notre refus d'assumer de plus grandes responsabilités
dans le domaine culturel comme un aveu de notre manque d'intérêt.
Il s'agit plutôt ici d'une orientation dictée par la
réponse à des besoins plus urgents.
Nous formulerons nos recommandations à la lumière des
contraintes qui sont actuellement celles, vous le savez fort bien, de
l'ensemble de nos partenaires municipaux.
Les recommandations. La première est que le ministère des
Affaires culturelles, soucieux d'être à l'écoute du milieu,
de ses besoins, de ses ressources, associe le monde municipal dans
l'élaboration des programmes de développement culturel et accorde
un soutien financier susceptible de servir de levier pour créer et
consolider un véritable réseau culturel.
Que le ministère des Affaires culturelles soit l'initiateur,
qu'il coordonne et qu'il fasse connaître les programmes de soutien
offerts dans d'autres ministères, surtout s'ils contribuent à
l'épanouissement culturel de la population de chacune des
municipalités du Québec.
Troisièmement, vu le contexte financier de nos gouvernements, que
le ministère des Affaires culturelles favorise l'implantation et le
développement de la culture à partir de la base. Il s'agit
là d'une prémisse indispensable à un rayonnement hors
Québec et une condition essentielle au renouvellement d'une culture qui
risquerait autrement de se scléroser.
Quatrièmement, que le ministère des Affaires culturelles
intensifie son appui au développement et au fonctionnement des
bibliothèques publiques, en consolidant les politiques et les programmes
de soutien.
Cinquièmement, que le ministère des Af-
faires culturelles apporte sa contribution aux municipalités en
élaborant et en rendant publique une politique du patrimoine, afin que
des programmes de soutien au fonctionnement des sites historiques et
patrimoniaux favorisent leur mise en valeur, leur interprétation et leur
animation, et que soient maintenus les programmes actuels d'aide à la
restauration. Le patrimoine architectural de la ville de Charlesbourg est d'une
très grande richesse. L'arrondissement historique du Trait-Carré,
phénomène unique en Amérique du Nord, les quelque 114
propriétés d'intérêt patrimonial témoignent
de la diversité et de l'importance de cet héritage historique.
Sans l'initiative de programmes de soutien financier à caractère
direct ou indirect, nous pouvons à juste titre prévoir une
dégradation et même la disparition de cette inestimable trame
historique. Il serait opportun, à cet effet, que le ministère
accepte à l'occasion d'assouplir le cadre de ses programmes, afin de
répondre davantage à des besoins spécifiques et
urgents.
Six, que le ministère des Affaires culturelles aide les
municipalités à mettre sur pied des programmes de fonctionnement
et des mesures à caractère fiscal permettant aux artistes et aux
compagnies artistiques de s'implanter dans toutes les municipalités du
Québec.
En conclusion, j'aimerais poser la question suivante: Comment un
gouvernement supérieur peut-il sérieusement exiger davantage
d'efforts financiers de la part des municipalités, alors même que
l'on est en droit de s'interroger sur les volontés et les actions
concrètes que celui-ci compte entreprendre? Un véritable
partenariat doit, au contraire, s'inscrire dans une volonté
affirmée d'implication et non de désengagement.
Selon nous, il devra en être de la culture comme de
l'éducation, deux dimensions, d'ailleurs, étroitement
liées par les auteurs du rapport. En effet, personne ne conteste que
toute municipalité doit demeurer maître d'oeuvre dans certains
champs d'intervention: réseaux routiers, aqueducs, urbanisme, etc.
Cependant, le respect du principe de l'équité envers l'ensemble
des citoyens du Québec exige la prise en charge de mandats plus larges,
comme la réflexion et l'orientation du développement culturel par
un niveau supérieur de gouvernement.
Les municipalités pourraient, de leur part, collaborer à
l'application de ces politiques en les imprégnant de leur
identité propre. Les municipalités doivent, cependant, compter
sur l'expertise et l'implication financière du même gouvernement.
C'est dans cette mesure qu'une véritable réflexion culturelle
pourra s'ancrer dans la réalité et dans la pratique quotidienne
de chacun de nos milieux respectifs. Je vous remercie, M. le Président,
et les membres de la commission.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci et bienvenue à vous tous.
Merci, M. le maire. Premièrement, ça me fait plaisir de vous
accueillir parce que nous reconnaissons les efforts de votre
municipalité pour le développement culturel et artistique de
votre communauté. Je voudrais quand même vous rassurer. Le
ministère des Affaires culturelles a toujours travaillé en
étroite collaboration avec les municipalités, ne serait-ce qu'au
niveau, finalement, du développement du réseau de
bibliothèques. On essaie, d'ailleurs, de parler de véritable
partenariat. Et, en ceci, évidemment, il n'est pas question pour nous de
délestage, au contraire, mais vraiment d'accentuer ce
partenariat-là.
J'aimerais, par contre, revenir sur votre mémoire. Je suis
curieuse, à certains niveaux. D'abord, au niveau de votre politique
culturelle. Vous avez adopté une politique culturelle municipale pour
vous guider dans vos interventions dans ce domaine. Est-ce que vous pourriez,
d'abord, nous donner les grandes lignes de cette politique-là et,
deuxièmement, nous dire comment vous le faites, si vous avez les leviers
nécessaires, justement, pour appliquer cette politique-là dans
votre communauté?
M. Mercier: Merci, Mme la ministre. Je pense qu'à cet
égard M. Bluteau, qui est avec nous, qui est chargé effectivement
du dossier culturel à la municipalité, pourra vous donner
l'ensemble des technicalités mêmes qu'on retrouve à
l'intérieur de cette politique. Et, si vous permettiez, je lui
céderais la parole là-dessus. M. Bluteau.
Le Président (M. Doyon): M. Bluteau, vous avez la
parole.
M. Bluteau (Marc-André): Mme la ministre, d'abord, la
politique culturelle dont la ville s'est dotée, justement, veut aller
plus loin que la simple pratique du loisir culturel. Nous étions
conscients, en proposant cette politique-là, de vouloir oeuvrer dans
l'ensemble des champs d'intervention culturelle, que ce soit des
activités d'animation, de diffusion ou même d'excellence. Et notre
politique tient compte de ces principes-là. On veut vraiment faire en
sorte que soit un groupe artistique ou un artiste professionnel qui veut
travailler à Charlesbourg, par exemple, puisse oeuvrer sur notre
territoire.
Alors, on a mis en place différents moyens pour agir dans ce
domaine-là, que ce soit en termes d'expertise professionnelle, que ce
soit en termes de soutien au fonctionnement de ces organismes-là, que ce
soit également pour les aider à oeuvrer sur le plan culturel.
C'est sûr que ce n'est pas la même dimension comme aide ou
comme réalité culturelle qu'un milieu plus considérable,
mais on veut absolument faire en sorte que, de notre milieu, s'il y a des gens
qui ont du talent, qui veulent
vraiment faire en sorte de vivre de la culture, bien, qu'ils puissent
exercer leur profession chez nous. C'est un peu les grandes lignes de notre
politique. Il y a plusieurs principes. Je vous fais grâce de toutes les
modalités de fonctionnement comme telles, mais ça va un peu dans
ce sens-là, c'est-à-dire faire en sorte qu'on prenne conscience
que c'est un phénomène important et faire en sorte que les
artistes qui veulent travailler chez nous puissent le faire.
Mme Frulla-Hébert: Quelles sont vos priorités?
M. Bluteau: Chez nous, il y a deux grandes priorités: il y
a la musique, il y a le théâtre. Nous avions antérieurement
une troupe de théâtre, le Théâtre le Grand
Dérangement, qui a été implantée pendant plusieurs
années à Charlesbourg, qui est maintenant ailleurs et c'est
très bien. Mais on voudrait faire en sorte que, sur le plan
théâtral, il y ait des troupes de théâtre
d'intérêt, je dirais, local et même régional qui
puissent s'implanter chez nous et sur le plan du développement de la
musique également. Il y a beaucoup d'initiatives, il y a beaucoup de
talents, il y a beaucoup de cours qui se donnent, il y a beaucoup d'initiatives
privées, mais il y a peu d'organismes capables de prendre en charge un
réel développement culturel ou musical. Sur le plan patrimonial,
on a une société historique qui est absolument riche, on a un
patrimoine, M. le maire le mentionnait tout à l'heure dans son
mémoire, qui est absolument exceptionnel. Il y a beaucoup d'efforts
à faire. Le ministère nous a aidés
énormément jusqu'à maintenant à mettre en valeur
que ce soit le Moulin des jésuites ou des maisons historiques
d'intérêt patrimonial important à l'intérieur du
Trait-Carré, mais il reste beaucoup à interpréter. Nous
sommes rendus là. Il y avait tous les efforts de restauration qui ont
été mis sur pied, mais il y a aussi maintenant tous les efforts
de faire prendre conscience aux citoyens de la valeur de leur patrimoine et de
mettre des programmes à cet effet-là. Alors, c'est un peu vers
ça qu'on veut aller. La politique énonce des principes à
ce niveau-là.
Pour la danse, on fait beaucoup. La municipalité organise
maintenant depuis cinq ans un énorme spectacle pour stimuler le milieu
de la danse, bien sûr amateur, mais il y a au-dessus de 400 participants
dans la municipalité à des cours de danse et chaque année
on prend en charge un spectacle municipal pour permettre au milieu de bien
régénérer ce milieu-là de la danse. Alors,
voilà un peu, en gros, les grandes lignes.
Mme Frulla-Hébert: Du fait que vous êtes en
périphérie de Québec et que vous êtes ville membre
de la Communauté urbaine, est-ce que vous avez des liens
privilégiés, par exemple, avec la capitale, soit dans votre
action en matière culturelle et artistique? Est-ce qu'il y a une
espèce de synergie et de coordination qui se fait avec la capitale, par
exemple, ou si chacun travaille en vase clos?
M. Mercier: Mme la ministre, là-dessus, il y a
définitivement une communication qui se fait à partir des
permaments à l'intérieur de la municipalité. M. Bluteau et
également aussi Mme Grégoire, qui est associée à M.
Bluteau, ont régulièrement à rencontrer des gens de la
capitale, c'est le fait de le dire, de la ville de Québec, d'autres
aussi des autres municipalités, ici, dans la région de
Québec. Que ce soit en matière quand même de
bibliothèque ou d'autres interventions culturelles, je pense que cette
pratique-là est quand même courante. Ça ne répond
peut-être pas à votre question, mais j'ajoute là-dessus
que, si on parle d'initiatives à l'intérieur de notre politique
culturelle, on est peut-être une des municipalités qui,
récemment, dans la région, a créé un fonds pour
l'acquisition d'oeuvres d'art. Vous me direz que déjà, au niveau
de la ville de Québec, il y en a un, oui, sauf qu'il est
géré quand même par l'Institut canadien pour la
bibliothèque Gabrielle-Roy. Mais, comme ville, comme
municipalité, on est la seule ville dans la région de
Québec, du moins de la Communauté urbaine, qui a initié un
tel fonds. C'est récent, mais je pense que ça va certainement
dans l'objectif de pouvoir encourager les artistes locaux et faire en sorte
quand même qu'on encourage un certain développement qui est
relié peut-être davantage à celui de l'excellence, donc
peut-être de l'élite. C'est un fonds désigné
à cet égard.
Sur d'autres plans, sur le plan de la participation dite amateur, tenter
de faire en sorte que le développement progresse davantage, on a
déjà également aussi d'autres initiatives qui sont
enclenchées depuis quelques années. Je pense que, sur ce
plan-là, ça ajoute peut-être déjà à ce
que M. Bluteau vous indiquait tantôt sur le fond, c'est-à-dire la
politique culturelle.
M. Bluteau: J'ajouterais peut-être un complément
d'information à ce que M. le maire disait. Je travaille
fréquemment avec les gens du Bureau des arts et de la culture, justement
à Québec, pour essayer d'inventer, je dirais, des moyens de faire
en sorte que des projets, par exemple, d'expositions qui viennent à
Québec ou qui sont pensés par le Bureau des arts et de la culture
puissent être diffusés chez nous, dans nos lieux patrimoniaux ou
dans les salles d'exposition. Mais on est encore au début et le
problème majeur, c'est toujours, vous le savez très bien, le
problème financier relié à l'organisation de tels projets.
(16 heures)
Mais je pense que, de plus en plus, on prend conscience qu'au lieu de
faire chacun individuellement, en périphérie... Vous le situez
très bien, le problème: c'est une municipalité
comme Charlesbourg, de 70 000 habitants, en périphérie de
Québec qui est un centre patrimonial important. On a un aspect
patrimonial, nous, tout aussi important, mais qui est très
différent, qui est d'une autre mesure, mais c'est riche aussi à
mettre en valeur et c'est intéressant. C'est une coloration
différente. Alors, il ne s'agit pas de se comparer avec Québec,
mais de travailler ensemble. En tout cas, on commence à travailler
ensemble pour faire en sorte que sur des projets, on pourrait peut-être
faire des actions communes.
Mme Frulla-Hébert: II y a eu une idée
intéressante émise, par exemple, par le maire de la ville de
Québec, qui demande que les équipements et les institutions
culturels soient réévalués, c'est-à-dire qu'on ait
des équipements dits nationaux qui soient pris par le gouvernement et
d'autres équipements qui soient catégorisés comme
équipements régionaux et, à ce moment-là, ils
seraient pris en charge par les municipalités. Est-ce que vous seriez
d'accord? Je vous demande ça à titre de maire et aussi à
titre de président de la conférence. Est-ce que c'est possible de
penser, par exemple, que la CUQ pourrait prendre en charge les
équipements dits régionaux et nous laisser, évidemment, la
charge des équipements nationaux?
M. Mercier: Bon. Mme la ministre, c'est certainement une
façon de voir les choses. Je pense que ça demeure quand
même des formules intéressantes, mais il faut, je pense, aller
au-delà de ça, c'est-à-dire les approfondir. C'est
certainement, dans l'application, faisable. Il ne faut quand même pas
nier ça, sauf qu'il faut voir aussi que, si on parle quand même
des équipements qui génèrent aussi certains revenus pour
une municipalité comme telle, s'il y a des partages à ce
niveau-là au point de vue d'un ensemble ou d'un regroupement comme la
Communauté urbaine, je pense que ce sont des formules qui sont
envisageables, oui, sauf qu'il ne faudrait pas tenter, dans le fond, de faire
un partage qui ne se veut pas globalement et, je dirais, totalement
équitable sur tous les plans, autant sur le plan des
déboursés que sur le plan des revenus. Vous savez,
déjà, l'ensemble des municipalités de la Communauté
urbaine, on contribue à différents égards à des
activités d'ordre culturel dans le territoire et, lorsqu'on le fait pour
la ville de Charlesbourg, quand c'est la Communauté urbaine qui
contribue, que ce soit pour l'Orchestre symphonique ou autrement, notre
participation, notre quote-part est toujours, à ce moment-là,
d'environ 10 % ou 11 %. Alors, on participe quand même largement
là-dessus. Et, encore une fois, je pense qu'il y a certainement une
ouverture à définir peut-être des équipements
dits...
Mme Frulla-Hébert: Nationaux versus régionaux?
M. Mercier: ...nationaux, sauf qu'il faudrait voir aussi dans les
modalités, dans la mécanique, de quelle façon, en somme,
ça pourrait s'assumer de part et d'autre.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce qu'il y a toujours une
discussion entre les grandes villes qui disent: Bon, nous, on a la
responsabilité de ces grands équipements-là dont les
citoyens des plus petites municipalités bénéficient et,
à ce moment-là, on a la charge financière, mais, de
l'autre côté, cette charge-là n'est pas répartie
équitablement au prorata, par exemple, de la population ou de
l'utilisation.
M. Mercier: Mme la ministre, je comprends très bien mon
collègue de Québec de s'exprimer ainsi, s'il l'a fait comme vous
le dites. Je le comprends. C'est bien évident qu'il y a des
équipements qui servent à l'ensemble, je pense, de notre
région et il y a peut-être des municipalités en
périphérie, comme la nôtre, et des citoyens qui vont
bénéficier, par exemple, de ce qu'on retrouve comme locaux au
Grand Théâtre ou encore au palais Montcalm, n'importe, qui sont
des équipements à être assumés par la ville de
Québec comme telle. Mais, d'autre part, je pense qu'il y a des choses
possiblement à analyser sur ce plan-là, mais, encore une fois, il
y a toute la question de dépenses versus aussi les recettes. Je pense
que, si on veut être équitable, si on veut parler de partage quel
qu'il soit, même si on parle de partage au niveau régional, il
faudra faire une analyse en profondeur là-dessus.
Il reste également aussi qu'il ne faut quand même pas nier
qu'il y a une part, il y a un pourcentage aussi de retombées pour la
ville de Québec sur ce plan-là. Quand les gens, finalement, sont
à des activités culturelles dans le territoire de Québec,
il y a toujours une retombée. Alors, je pense que c'est quand même
non négligeable et, si la ville de Québec ne les avait pas comme
tel, ça aussi, ça pourrait être pour elle un autre
problème, mais quand même je pense que c'est tout ce genre
d'activités qui vient meubler un peu notre capitale. Mais il faut avouer
que ça devient lourd quand même pour la vieille capitale, pour
Québec, à soutenir seule. La population n'est quand même
pas importante nécessairement. La région l'est, mais, pour la
ville de Québec, la population n'est quand même pas si importante
que ça et ça devient très lourd à supporter par un
nombre de contribuables restreint. Maintenant, il y a sûrement des
formules ou des avenues à analyser sur ce côté-là.
Mais vous pouvez constater, comme moi, que d'en faire l'analyse globale ici,
cet après-midi, serait assez difficile. Mais je pense que c'est
faisable.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord. Mais on
parie juste d'une idée qui est soumise. En terminant, le
programme d'intégration de l'art à l'architecture, le fameux 1 %
que, nous, on a comme programme obligatoire, est-ce que ce serait pensable de
demander aux municipalités, par exemple, de l'intégrer
obligatoirement?
M. Mercier: L'intégrer à quel niveau, madame?
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire de la même
façon qu'on le fait, nous. C'est-à-dire que, pour tout
bâtiment de service public commandé par une municipalité ou
défrayé par une municipalité, il y aurait obligatoirement,
tel qu'on le fait au niveau du gouvernement, 1 % qui irait à
l'architecture ou à l'intégration d'une oeuvre d'art dans ce
cadre-là.
M. Mercier: C'est un aspect, bien sûr, qui est
envisageable. Mais, encore une fois, évidemment, ça varie
peut-être aussi... Il n'y a pas nécessairement de politique
uniforme, à cet égard, qui est établie actuellement
à travers le Québec. Il y a peut-être certaines
municipalités qui en ont pris l'initiative. Ce n'est pas impossible.
Mais il n'y a pas d'uniformité sur ce plan-là. Ce sont des
formules pensables, mais, évidemment, à chaque fois qu'on pense
à une initiative, une démarche ou politique qui pourrait
s'établir de façon peut-être plus nationale, il faut voir
aussi qu'il y a toujours des déboursés sur ce plan.
Et on a indiqué, à un moment donné, que des fois
les priorités peuvent varier, bien sûr, d'une municipalité
à l'autre et que chez nous, même sur le plan des ressources
disponibles, on peut avoir des choix à faire. Remarquez qu'on n'est
peut-être pas la municipalité qui consacre nécessairement
le plus d'argent vers la culture, mais, si on la compare avec les budgets, si
on fait une certaine comparaison en termes de pourcentage avec celui du
Québec, il reste quand même que, sur le plan culturel, on consacre
à peu près 1 %, 1 1/4 %, chez nous à la culture. Et
ça exclut, évidemment, peut-être d'autres contributions qui
se voudraient peut-être davantage reliées à des effectifs
ou, finalement, à des personnels de soutien qui viennent s'ajouter
à ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mercier. Cela
met, malheureusement, fin au temps qui était imparti à Mme la
ministre. Je me dois maintenant de passer la parole à M. le porte-parole
officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui, M. le maire, messieurs. Heureux de vous
revoir, M. Mercier. La première question que j'aimerais vous poser... En
prémisse, je dois vous avouer qu'il faut une bonne dose de courage pour
un maire d'une municipalité, et ci-devant également
président d'une puissante union, de venir dire: Oui, nous avons le
goût de faire alors que, dans un autre secteur, malheureusement, on a
défait. Je me rattache à cette conviction que vous avez. Je m'en
réjouis et je commence, M. Mercier, un bref questionnement. Comment
peut-on assurer une implication plus grande des municipalités à
l'égard du patrimoine bâti? Et, à cette question, je
rajoute une autre. Vous êtes sans doute au courant que la commission des
sites et biens culturels était tiède - et c'est un mot tendre que
j'emploie -quant à l'obtention de plus de pouvoirs au niveau des
municipalités pour ce qui est du patrimoine.
M. Mercier: Bien, je ne sais pas si je vais répondre
directement à votre question, mais je vais tenter de le faire. Je dois
vous dire d'abord que, sur le plan, je dirais, du développement de notre
patrimoine ou du maintien, finalement, de notre patrimoine sur le plan local,
il va de soi que la contribution du ministère ou du gouvernement, sur ce
plan-là, est définitivement indispensable. Je pense qu'on ne peut
pas songer à se retirer d'une façon quelconque de ce
domaine-là et, à mon avis, ça demeure aussi une mission.
Encore une fois, c'est une des missions qui devraient être une mission
nationale. Qu'elle soit faite en collaboration, bien sûr, avec la
municipalité qui connaît bien son milieu, qui est plus
près, effectivement, de cette richesse patrimoniale pour être
capable de coordonner les programmes qui sont mis en place ou, finalement,
l'exécution de la restauration, il va de soi. Mais je dois vous dire que
je pense qu'on ne pourra pas le faire ou difficilement le faire sans
l'implication ou une contribution du gouvernement à cet
égard.
D'autre part, je pense aussi qu'il est extrêmement important que
le gouvernement ou le ministère comme tel puisse définir
peut-être, à l'occasion, certains programmes incitatifs qui aident
davantage aussi à faire en sorte qu'on ne fasse pas uniquement
maintenir, mais qu'on développe peut-être davantage aussi, pour
des fins d'activités culturelles, certains joyaux de notre patrimoine
sur le plan local. C'est un élément qui me semble majeur à
ce niveau-là.
M. Boulerice: M. Mercier, on sait que, dans des
municipalités de la taille de la vôtre et des municipalités
dont la taille est peut-être moins importante que la vôtre, une
très grande partie de l'activité culturelle gravite alentour de
la bibliothèque. C'est vraiment le pôle. Votre ville est quand
même une ville d'environ 80 000 habitants; donc, c'est une grande ville.
Mais, dans les villes de 10 000, 15 000, 20 000 habitants, le pivot est
vraiment la bibliothèque comme telle. Dans le cas de votre
municipalité, bon, il y a une autre infrastructure d'édifices, de
bâtiments qui peuvent servir, ça va de soi, mais
la bibliothèque n'en perd quand même pas son importance
dans une municipalité comme la vôtre. Et quel est actuellement
l'état d'une bibliothèque dans une ville comme la vôtre, au
niveau de ses équipements, au niveau de ses budgets d'acquisition,
renouvellement, etc.?
M. Mercier: Bon, je dois vous indiquer qu'on a, je pense, une
activité quand même intéressante pour une ville comme la
nôtre. Le développement du secteur bibliothèque est de plus
en plus croissant d'une année à l'autre. Le nombre
d'abonnés est quand même en croissance. Maintenant, tout est
relié à ce que je qualifie quand même aussi, mais en
partie, d'accessibilité. On a souvent, quand même, relié
l'accessibilité dans une bibliothèque à une question de
coûts, alors que je dois vous dire que, chez moi, ce n'est pas
nécessairement, je pense, une question de tarification qui pourrait
faire la différence sur le plan d'une bibliothèque, mais
davantage quand même les lieux physiques. À cet égard, on a
quand même tenté de développer un certain réseau
à partir d'une bibliothèque centrale avec succursales. Nous en
avons deux actuellement dans le territoire, de ces succursales. Nous songeons
à en développer une additionnelle dans le secteur sud.
Maintenant, encore une fois, je dois vous indiquer que ce n'est certainement
pas un désengagement de la part des Affaires culturelles qui pourrait
aider, je dirais, non seulement au soutien, mais au développement de
notre réseau de bibliothèques.
Vous avez pris connaissance dernièrement d'une diminution,
évidemment, dans le pourcentage sur les programmes existants de soutien
à l'opération des bibliothèques. Il a diminué de 10
% à 7,8 %. Je ne pense pas que c'est dans cette orientation-là
qu'on puisse venir supporter la culture. Et la culture, vous le dites bien, je
pense qu'elle prend aussi ses racines à partir d'une bibliothèque
et il y a, je pense, possibilité de faire voir de façon
différente peut-être l'aspect culture à une certaine partie
de notre population si on lui en donne largement l'accessibilité ou la
possibilité de le faire. Mais, d'autre part, je pense que l'aspect
financier est important. Il y a des choix à faire sur le plan
budgétaire et on ne pourrait pas vivre, tantôt, avec des coupures
constantes au cours des prochaines années et qui ne tendent pas à
soutenir l'activité de nos bibliothèques. (16 h 15)
M. Boulerice: M. Mercier, votre ville appartient à une
immense agglomération qui fait au moins un demi-million, si ce n'est pas
600 000 personnes, dite Communauté urbaine de Québec. Certains
ont émis le souhait de voir se créer, à l'exemple de la
Communauté urbaine de Montréal - mais, rassurez-vous, je ne vais
pas dans un affrontement Montréal-Québec; nous le souffrons au
hockey, nous ne le ferons pas au niveau de la culture - certains ont
proposé la création d'un conseil des arts de la Communauté
urbaine de Québec. Est-ce que vous avez une position
arrêtée quant à cette suggestion?
M. Mercier: Non, je n'ai pas nécessairement de position
arrêtée là-dessus, sauf que le sujet, bien sûr, est
venu à la table quelques fois de la Communauté urbaine comme
telle, en raison peut-être des problèmes que nous avions de
demandes provenant du milieu culturel, à l'égard de subventions
qui pourraient être accordées par la Communauté urbaine.
Mais je vous dis très honnêtement que ce n'est pas une question
qui a été davantage approfondie. Il y aura peut-être lieu
qu'à un moment donné on puisse retrouver effectivement une forme
de canal qui fasse en sorte qu'on puisse assurer, je ne dirais pas la survie,
mais le développement, effectivement, de l'ensemble de nos
activités sur le plan culturel, ici, dans la région de
Québec. Un conseil, dit type des arts, est certainement un moyen de le
faire.
M. Boulerice: Merci. M. le Président, je crois que mon
collègue, le député de Mercier et ancien ministre des
Affaires culturelles, aimerait poser une question.
M. Godin: Très brièvement, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député de Mercier, je vous en prie, si vous voulez... Il reste
à peu près cinq minutes sur le temps.
M. Godin: Alors, je vais aller vite.
Le Président (M. Gobé): Peut-être que vous
pouvez conclure même.
M. Godin: Je vais aller relativement vite. Tout dépendra
de la longueur, de la dimension des réponses de M. Bluteau et de M.
Mercier. J'aimerais, M. Mercier ou M. Bluteau, qu'on me décrive ce que
c'est que le Trait-Carré, de quelle époque date cet ensemble
patrimonial et qu'est-ce qu'il contient. Parce qu'on sait très bien que,
depuis quelques années, il y a au Québec une espèce de
passion pour le patrimoine et c'est ainsi que le Village d'Emilie à
Saint-Tite a attiré, l'été dernier, enfin,
l'été qui se termine là, 250 000 personnes, ce qui est
assez inouï pour Saint-Tite. Alors, vous, si vous aviez à
convaincre les touristes qui passent à Québec d'aller au
Trait-Carré, qu'est-ce que vous leur feriez comme portrait du
Trait-Carré pour les attirer là-bas, pour que se développe
une espèce de mouvement touristique qui amènerait les gens au
Trait-Carré? Parce que Québec, c'est bien beau, mais, quand on
l'a vu une fois, on l'a vu pour la vie, tandis que, s'il y a d'autres ensembles
patrimoniaux autour de Québec, comme le Trait-Carré, moi, je
serais le premier, en tout cas, à aller voir sur place de quoi ça
a l'air et
qu'est-ce qui devrait attirer les touristes de Montréal et
d'ailleurs à Charlesbourg pour voir ça.
M. Mercier: Oui. Vous avez raison, je pense, de dire ça.
Dans une région comme la nôtre, ici, la région de
Québec, c'est certainement la diversité des équipements,
qui peut faire en sorte que le touriste est davantage intéressé
à y demeurer plus qu'une nuitée ou deux ou trois, s'il y a
effectivement quelque chose à voir au-delà du secteur qui est
à l'intérieur des vieux murs, évidemment, de notre
capitale et qui est très intéressant, bien sûr. Mais je
pense que déjà, à l'intérieur du Trait-Carré
de Charlesbourg, si nous n'avions pas eu - et encore une fois j'insiste
là-dessus - au cours des dernières années la collaboration
du ministère des Affaires culturelles qui a investi aussi de pair avec
la municipalité et même les contribuables locaux l'argent
nécessaire pour le faire, on ne serait peut-être même pas en
mesure, au cours peut-être des prochaines années, d'offrir
à la population, aux visiteurs dans la région, quelque chose qui
soit intéressant à voir. Je pense que nous avions des
équipements, que ce soit autour de la vieille église
Saint-Charles-Borromée, que ce soit effectivement des maisons
ancestrales qui étaient dans le secteur, que ce soit plus
récemment le Moulin des jésuites: si nous n'avions pas eu la
collaboration et l'argent nécessaire du ministère pour pouvoir
retaper effectivement tout ce secteur-là, je pense qu'on n'aurait rien
à offrir vraiment de façon agréable et visuelle.
Maintenant, sur le plan du contenu de l'ensemble du secteur
Trait-Carré, vous permettrez à M. Bluteau, de vous faire une
bonne explication en détail, je pense, du contenu du Trait-Carré
comme il est aujourd'hui.
M. Bluteau: Très bien, je n'irai peut-être pas dans
le détail, M. Godin, mais je peux vous préciser peut-être
l'importance du Trait-Carré. C'est un plan cadastral unique en
étoile qui a été développé par les
jésuites dès 1665. Alors, les jésuites étaient
seigneurs de la seigneurie Notre-Dames-des-Anges, à ce moment-là,
et ils ont trouvé cette forme cadastrale là pour permettre aux
colons qui s'établissaient autour du carré... Alors,
c'était un développement en étoile; au centre, il y a un
carré autour duquel étaient rassemblées les maisons des
habitants et c'était à la fois pour se protéger des
incursions iroquoises à l'époque, c'était un plan de
protection. Mais c'était également un plan de
développement en étoile. Alors, il y a un phénomène
cadastral unique. C'est également une contrainte importante quand on
parle en termes de développement urbain. Ça a encore des
conséquences même actuellement dans le développement urbain
de Charlesbourg et même dans les projets d'expansion de la ville, on doit
tenir compte du plan cadastral. Et on n'est pas sans connaître
égale- ment toutes les contraintes en termes de génération
pour pouvoir loger les habitants, la répartition des terres entre les
descendants des aïeux qui se sont établis dans le
Trait-Carré. Alors, il y a ça.
Il y a l'architecture également, une architecture paysanne, fin
XVIIIe, début XIXe siècle. Il y a, bien sûr, le Moulin des
jésuites, qui vient d'être restauré et qui est un
élément important. C'est rare, ces équipements-là.
Dans la région de Québec, je pense que c'est un des seuls qui
existe dans le territoire de la CUQ, en tous cas, comme moulin. Il y en a, bien
sûr, en périphérie, mais à la CUQ comme telle.
Alors, c'est quand même quelque chose d'unique à
interpréter. Ce n'est pas la richesse patrimoniale du patrimoine
bâti de Québec, c'est bien certain. Mais cette configuration en
étoile est particulière. D'ailleurs, sur le territoire de
Charlesbourg, il y a celui-là qui est quand même très
visible. Il y en a un autre également, le Carré Tracy, qui est
encore là. La richesse patrimoniale est peut-être moins grande,
mais le tracé en étoile, et sa configuration sur le plan
cadastral comme tel, est toujours présent et guide même le
développement actuel de Charlesbourg. Alors, on essaie d'en tenir compte
même dans la promotion actuelle du développement urbain. C'est un
phénomène riche qui vaut la peine d'être
interprété, puis qui est caractéristique de notre
histoire.
Le Président (M. Gobé): M. Bluteau, je vous
remercie. C'est malheureusement tout le...
M. Godin: Une deuxième question, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement, M.
le député, parce que le temps est déjà
dépassé.
M. Godin: Comme toujours, M. le Président. Le
Président (M. Gobé): Je me fie à vous.
M. Godin: Je ne sais pas si c'est de votre faute...
Le Président (M. Gobé): Et à votre
célérité.
M. Godin: ...chaque fois que je parle, on me dit que le temps est
dépassé.
Le Président (M. Gobé): C'est parce que votre
collègue vous donne toujours la parole après lui et,
malheureusement, étant donné qu'il a des questions très
intéressantes, lui aussi, ça fait passer le temps.
M. Godin: Alors, je vais faire ça en deux temps, trois
mouvements. Messieurs, j'aimerais savoir s'il y a eu des occasions où la
population a eu à se prononcer sur votre politique cul-
turelle, un référendum ou un règlement d'emprunt,
et, si oui, est-ce que vous avez senti, lors de ces événements
municipaux, un appui important à votre politique et à vos choix
budgétaires et autres?
M. Mercier: Bon, il y a deux aspects. D'abord, sur la politique
culturelle, c'est évident qu'il y a eu une consultation parmi les
organismes du milieu. Je pense que les gens qui sont impliqués dans le
territoire ont été consultés là-dessus avant qu'on
puisse effectivement la préciser et la définir. Sur le plan, par
exemple, de règlements d'emprunt qui sont reliés à de la
restauration de bâtiments patrimoniaux, oui, nous avons eu à aller
à la signature effectivement de registres et nous ne sommes pas
allés aussi loin que nous retrouver en référendum
là-dessus. Mais, je dois vous dire que, dans un dernier cas, pour celui,
par exemple, de la restauration du Moulin des jésuites, qui semble
être un joyau important du patrimoine pas seulement de la ville de
Charlesbourg, mais de la région de Québec, il y avait des
citoyens de chez nous, de Charlesbourg, il y avait un certain nombre de ces
gens-là qui ne semblaient pas être favorables davantage à
ce qu'on investisse pour sa restauration comme telle. Malgré ça,
nous avons, je pense, convenu de moyens possibles pour arriver aux fins qui
donnent le résultat que nous allons voir dans quelque temps. Mais, on
n'avait pas nécessairement sur ce plan-là, je pense, la caution
de la population. Ce n'est pas facile toujours, et ça, je pense que vous
le reconnaissez en matière patrimoniale d'avoir véritablement
l'engouement, le cautionnement, effectivement d'une population pour sa
restauration. Je pense qu'il doit y avoir définitivement cette
contribution de la part du ministère sur ce plan-là. Autrement,
je suis convaincu que nous ne serions pas la seule ville à ne pouvoir y
arriver. Il y en aurait plusieurs au Québec qui auraient de la
difficulté quand même à maintenir leur patrimoine.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mercier, et
merci, M. le député de Mercier, ça tombe bien...
M. Godin: De Mercier, oui, le même nom que le maire.
Le Président (M. Gobé): Mais oui. J'étais
près du lapsus, mais non, en effet, c'est bien cela. Mme la ministre, en
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Mercier. Tout simplement pour
réaffirmer notre volonté et notre besoin aussi de cette
collaboration avec les diverses municipalités. Je pense que le
développement culturel en dépend et vous pouvez trouver, enfin,
dans le ministère, un allié qui date et qui sera toujours
là. Merci, M. Mercier.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Mercier ainsi que les gens qui vous accompagnent. Il m'a fait plaisir
de vous accueillir aujourd'hui à cette commission. Ceci met fin à
votre audition et je vous demanderais de bien vouloir vous retirer afin que
nous puissions accueillir le groupe suivant qui est le Townshippers'
Association/Association des anglophones de l'Estrie.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, bienvenue parmi nous cet après-midi, pour
recommencer cette session après cette courte interruption. Alors, nous
allons donc maintenant reprendre nos audiences et il me fait plaisir
d'accueillir l'Association des anglophones de l'Estrie qui est
représentée par M. Robert Lemire. Bonjour, M. Lemire. Par Mme
Marjorie Goodfellow.
Mme Goodfellow (Marjorie): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame, ça
me fait plaisir. Mme Sharon Shaw.
Mme Shaw (Sharon): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Et Mme
Barbara Verity.
Mme Verity (Barbara): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite,
15 minutes pour discuter avec
Mme la ministre, ou un représentant de Mme la ministre, et 15
minutes avec quelqu'un du côté de l'Opposition ou leur
porte-parole officiel. Alors, vous pouvez commencer.
Association des Townshippers
M. Lemire (Robert): Merci, M. le Président. Au
début, je dois présenter, à ma gauche, Marjorie
Goodfellow, qui est ex-présidente de l'Association des Townshippers, et,
à ma droite immédiate, c'est Barbara Verity, qui est directrice
adjointe en ce moment, et, à sa droite, Sharon Shaw, qui est membre du
conseil d'administration. Moi, je suis membre du Comité sur le
patrimoine et les arts, et c'est un rôle que je joue avec fierté
parce que le patrimoine, c'est vraiment ma vie.
Je partage mon temps entre Montréal et Danville qui est tout
près d'Asbestos, pour vous situer, en Estrie où je demeure. Et,
en faisant le trajet entre Montréal et l'Estrie, je vois
immédiatement le changement de la topographie. Je
trouve que l'Estrie est vraiment un non-sens parce que c'est vraiment
les Cantons de l'Est. Ça été arpenté par les
Britanniques et c'est au sens contraire des seigneuries qu'on a tout le long du
fleuve Saint-Laurent. Et tous les documents d'archivé qui sont
conservés à l'Université Bishop parlent uniquement des
Cantons de l'Est et c'est vraiment dommage qu'on change un nom, quand
historiquement c'est valable.
L'Association des Townshippers a été fondée, c'est
à but non lucratif et on est subventionnés principalement par le
fédéral. On a aussi des projets pour fêter l'an prochain le
bicentenaire des Townshippers. Il y a des projets qui ont été
subventionnés, évidemment, par les Québécois.
Dans le mémoire, vous allez voir, on a trois points. Et quand on
m'a demandé de lire votre politique de la culture et des arts, ce qui
m'a sauté aux yeux et de beaucoup de mes collègues, c'est la
lacune du côté patrimoine bâti, l'architecture. Et
l'architecture des Cantons de l'Est est une architecture qui est
enracinée, comme les anglophones le sont. On est 10 000 membres à
Townshippers, l'Association des Townshippers. Il y a 50 000 anglophones en
Estrie. Je vais utiliser les deux mots, Estrie et Cantons de l'Est, parce que
ce sont vraiment les deux dont on se sert aujourd'hui. La population de
l'Estrie est de 500 000; donc, on forme environ 10 %.
On a fait beaucoup d'activités depuis la fondation, il y a
environ 15 ans, du côté patrimoine et aussi on partage des
intérêts du côté politique pour les droits des
anglophones. Dans les trois points, le premier que je vous ai dit, c'est le
côté patrimoine. Justement, je voudrais féliciter le
ministère des Affaires culturelles, parce qu'il vient juste de lancer le
deuxième tome des "Chemins de la mémoire", et je peux vous
référer, si vous voulez, à un survol sur l'historique de
l'Estrie. C'est le chapitre 5. Et les monuments qui ont été
classés depuis 1972 paraissent dans ce volume et on est fiers de ce
volume, et on vous félicite. Mais, du côté du patrimoine,
il y a beaucoup à faire. Il y a moins de douze monuments qui sont
classés dans la région et, pour une région qui est assez
vaste, il y a beaucoup de chemin à faire.
Et le deuxième point majeur qu'on avait souligné dans le
mémoire que vous avez devant vous, c'est le morcellement qu'on a fait de
ce qui était originairement les Cantons de l'Est qui sont devenus
morcelés politiquement. Quand on fait des demandes du subvention,
ça crée des problèmes. Des projets qui touchent toute la
région, c'est bureaucratique, évidemment, on ne sait pas à
qui s'adresser et, des fois, on peut manquer la chance d'avoir des subventions
à cause d'un projet qui est trop global ou qui ne couvre pas vraiment la
région.
Je voudrais surtout donner la chance à mes collègues de
répondre à vos questions. Donc, je ne veux pas parler trop
longtemps. J'ai tenu, en m'habillant ce matin, dans mon vêtement, parce
que je tenais aux audiences à porter un veston qui a été
fait en Angleterre, un foulard qui vient de l'Ecosse et une cravate
fléchée qui a été faite par une amie à
Québec. Et le macaron, qui est celui des Townshippers, est un tartan
écossais qui est enregistré en Ecosse, un vrai tartan
écossais adopté par les Townshippers. Et ça, ça
vous donne un peu l'idée de l'enracinement des anglophones. Les
anglophones sont très intéressés à la conservation
non seulement du patrimoine, mais aussi à mettre en valeur la culture de
la région. C'est une culture qui devient un peu plus connue par les gens
de l'extérieur. Et on voudrait partager avec le ministère pour,
nous deux, mettre plus en valeur cette culture. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lemire. Mme la
ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Frulla-Hébert: M. Lemire, Mme Good-fellow, Mme Shaw,
Mme Verity, comme résidente de Sutton d'ailleurs, ça me fait
plaisir de vous accueillir. On sait, d'ailleurs, que vous avez fait beaucoup au
niveau du patrimoine et votre association existe, je pense, depuis 1792 ou,
enfin, on m'a dit que votre existence remontait jusqu'à 1792. Alors,
vous qui aimez le patrimoine.
M. Lemire (Robert): Ah, pardon! Les Cantons de l'Est, oui.
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.
M. Lemire (Robert): Oui, on fête le bicentenaire l'an
prochain.
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça, de 1792. Donc,
vous avez fait et vous avez beaucoup à faire.
Maintenant, il y a des choses au niveau de votre mémoire qui,
évidemment, suscitent certaines questions et on est ici pour
évidemment... On ouvre la discussion et on voudrait poser quand
même certaines questions.
À la page 9 de votre mémoire, par exemple, vous dites: "Le
danger de l'augmentation de contrôle bureaucratique sur la culture" et
vous croyez "fermement qu'une saine distance doit être maintenue entre
l'État et ses artistes". À ce niveau-là, j'aimerais avoir
certaines explications. Est-ce que vous percevez qu'ici au Québec, par
exemple, finalement, notre relation, si on veut, entre l'État et les
artistes, c'est une relation de dirigisme? Est-ce que c'est ça et
pourquoi? Parce que, après, dans votre mémoire, vous parlez de
toute l'importance du fédéral, de l'implication du
fédéral. Il semble, en tout cas, quand on lit, finalement, la
perception, c'est que le fédéral a un "arm's length" beaucoup
plus que nous, au provincial, versus nos associations et nos organismes,
malgré le fait que, ici au provincial, tel
qu'au fédéral, tout est attribué par jury de pairs.
Il n'y a pas une décision qui se prend, au niveau des subventions, par
exemple, si ce n'est par jury. Alors, on essaie, justement, de garder cette
distance-là, mais la perception, chez vous, en tout cas, semble
être à l'inverse. Est-ce que vous pourriez expliquer un peu ce que
vous voulez dire par "une saine distance doit être maintenue entre
l'État et ses artistes"?
M. Lemire (Robert): Bien, si je vous comprends bien, le
gouvernement, à Québec, devrait adopter une position de
leadership, mettons, mais garder quand même la distance. On subventionne,
on a offert des expertises en matière de culture, comme vous l'avez fait
déjà avec les municipalités et les MRC. Mais il y a encore
plus à faire du côté des MRC parce que, quand vous donnez
le pouvoir aux municipalités, c'est un pouvoir qui est tout
récent et elles ne savent pas trop comment le prendre. Et, comme mon
collègue, qui vient de s'adresser à vous, de la ville de
Charlesbourg, c'est toujours du côté finances. La culture,
aujourd'hui, ça risque pas de tomber à l'oubli, mais d'être
toujours poussé à l'arrière à cause des pressions
des augmentations de taxes, mettons. Ça, c'est très important.
Les municipalités et les MRC ont été quasiment envahies et
bouleversées par les taxes qu'elles sont maintenant obligées de
défrayer, du côté municipal. C'est ça. Moi, je ne
veux pas trop... Mais si votre question... Vous voyez un conflit entre les
deux? C'est ça?
Mme Frulla-Hébert: Non, non, pas du tout. C'est parce que
je voulais juste que vous élaboriez un peu là-dessus et ça
m'amène à ma deuxième question. À un moment
donné, vous proposez de limiter le rôle du Québec à
un rôle un peu mineur en matière de culture, dans ce sens
où vous dites: Le rôle du Québec serait d'identifier les
ressources disponibles, d'élaborer des politiques de soutien aux arts
avec financement adéquat. Mais vous semblez être quand même
beaucoup plus confortables à laisser, par exemple, au
fédéral le rôle majeur et au Québec, un rôle
qui est un peu mineur. Évidemment, on a des positions, aussi,
contraires. Bon, certains groupes viennent avec des opinions qui sont
contraires. Alors, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous élaboriez
aussi un peu là-dessus.
M. Lemire (Robert): Si vous permettez, je vous laisse...
Mme Goodfellow: Nous nous sentons un peu négligés
par les deux niveaux de gouvernement. Je pense que nous ne penchons pas vers un
ou l'autre. Mais, quand vous avez parlé des jurys, les jurys sont
organisés par région administrative. Et M. Lemire a fait
référence à ce problème pour nous autres, il y a
quelques minutes. Quand un groupe des Cantons de l'Est a un projet à
soumettre, on le soumet à quel jury? Il y a le jury de l'Estrie, le jury
de la Monté-régie, le jury qui traite les soumissions de
Trois-Rivières, et j'en passe. Alors, c'est ce genre de bureaucratie que
nous trouvons un peu difficile parce que c'est contre notre nature, comme
territoire, et c'est contre nos origines aussi.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je peux comprendre...
M. Lemire (Robert): Si on veut, en effet, respecter l'histoire de
la région, c'est vraiment les Cantons de l'Est, mais ça, c'est un
autre problème, c'est devenu un problème politique.
Mme Frulla-Hébert: Mais, là, si je vous comprends
bien, c'est que la division administrative qui est faite par l'État va
un peu - ce que vous disiez auparavant - à rencontre du statut, depuis
1792, donné à la grande région.
M. Lemire (Robert): À la région, oui. (16 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène encore à
cette question. Quand vous dites: II y a plusieurs jurys et où on va?
Justement, ces portes-là, qui sont ouvertes autant au niveau de la
Montérégie qu'au niveau de l'Estrie, est-ce que, au contraire, ce
n'est pas, finalement, une possibilité accrue dans un sens où, au
Québec même, vous pouvez aller présenter vos projets
à différents jurys? Il y a différentes
possibilités.
Mme Goodfellow: Si je comprends bien, le premier survol est fait
au jury local et, après ça, les recommandations vont à un
jury-
Une voix: Régional? Non.
Mme Goodfellow: ...de Québec.
Une voix: O.K.
Mme Goodfellow: Et c'est là qu'on perd, je pense, parce
que, si on est retenu par un jury, disons, de l'Estrie, peut-être qu'on
va perdre par rapport à un jury de Montréal, disons.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Mme Goodfellow: Pour la région de la
Montérégie, qui comprend quelquefois la région de
Montréal où il y a beaucoup plus d'organismes qui ont des projets
à soumettre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, excusez-moi, mais c'est parce que
chacune des régions a maintenant son propre budget, ce qui fait qu'un ne
vient pas à rencontre de l'autre, au contraire.
Mme Goodfellow: II n'y a plus de jury...
Mme Frulla-Hébert: Pour certains projets, il peut y en
avoir, mais il y a aussi le développement régional qui compte.
Mais aussi c'est parce que vous n'avez pas répondu à ma
deuxième question. À un moment donné, vous dites que,
finalement, le Québec devrait se réserver une place qui est tout
simplement de soutien par rapport au fédéral, par exemple. Est-ce
que vous...
M. Lemire (Robert): Mineure, vous avez dit que c'est une position
mineure pour l'État.
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Lemire (Robert):
Oui.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que c'est comme ça que
vous le percevez? On est dans l'élaboration d'une politique culturelle,
on parle beaucoup aussi de développement culturel chez soi, de
maîtrise d'oeuvre chez soi. Donc, il faut avoir certains contrôles
et aussi plusieurs leviers si on veut y aller selon nos priorités, mais
vous ne vous sentez pas confortables dans ça. Par contre, vous semblez
préférer avoir un rôle mineur au niveau du Québec,
de soutien, et un rôle accru au niveau du fédéral dans les
grandes politiques globales. C'est ce que le mémoire reflète,
là.
M. Lemire (Robert): Non.
Mme Goodfellow: Je pense que nous n'avons pas dit ça.
M. Lemire (Robert): Ce n'est pas l'idée qu'on a eue en
écrivant le mémoire. De mon côté, je trouve que
c'est difficile de limiter les choix quand on fait une demande de subvention.
Quand on a les deux, le fédérai et le Québec, on a au
moins deux chances. On peut avoir même deux subventions. Et, si vous
êtes prêts à assumer tous les coûts, je ne sais pas si
ça peut aller d'un côté seulement. La réponse n'est
pas facile.
Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, la décision,
c'est à peu près comme pour plusieurs groupes que l'on voit,
c'est-à-dire qu'avoir plusieurs paliers fait en sorte que c'est une
police d'assurance, dans le fond.
M. Lemire (Robert): Quand vous enlevez...
Mme Frulla-Hébert: Au lieu d'aller cogner à une
porte...
M. Lemire (Robert): ...l'option d'aller au fédéral,
vous enlevez quand même des subventions, je ne peux pas le dire
autrement.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Lemire. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui, une brève observation, mesdames,
messieurs des Townshippers. La première est que vous dites:
"L'Association des Townshippers croit fermement qu'une saine distance doit
être maintenue entre l'État et ses artistes", ce à quoi je
souscris effectivement. Il n'est pas question de dirigisme, sauf que le
dirigisme est toujours beaucoup plus axé vers Québec que vers
Ottawa, alors qu'il y a des exemples très patents de dirigisme qui
émanent du gouvernement fédéral actuel. Nous en
reparlerons. Et vous dites: "L'Association s'oppose à ce que la culture
devienne la mission réservée à l'État, tel que
mentionné dans la proposition de politique culturelle". Le rapport Arpin
a des failles, des oublis - je ne me suis pas gêné pour les
dénoncer - mais je pense que vous avez fait une mauvaise lecture du
rapport Arpin. Le rapport Arpin a le mérite de dire que la culture est
une des grandes missions de l'État, mais jamais le rapport Arpin n'est
allé dire que l'État serait le seul acteur dans le domaine de la
culture. Alors, je pense qu'il faut décoder cela
immédiatement.
Vous nous parlez: Oui, il y a deux portes, nous avons deux subventions.
Moi, je connais bien des gens qui n'ont rien eu aux deux portes et, à ce
moment-là, on pourrait bien dire: Pourquoi pas une troisième? On
pourrait peut-être aller à Capitol Hill, à Washington, et
on serait encore bien plus sécuritaire en ayant trois portes. Avez-vous
pensé à la Belgique s'alliant à la France en se disant: On
va avoir deux portes?
M. Lemire (Robert): On travaille dans les limites qu'on a,
existantes.
M. Boulerice: Et vous dites que vous vous sentez ignorés
des deux, à la fois le fédéral et le provincial. Mais j'ai
l'impression que le pire serait le Québec, dans votre raisonnement. Vous
voulez quand même conserver le fédéral. Alors?
M. Lemire (Robert): On ne dit pas que le pire est le
Québec, mais le Québec nous a donné le moins d'appui. Au
début, en vous présentant un résumé, je vous ai dit
que le fédéral nous subventionne en grande partie. Donc, on ne
peut pas penser autrement.
M. Boulerice: Mais pourquoi subventionne-t-il plus,
d'après vous, M. Lemire?
M. Lemire (Robert): Je ne suis pas au conseil
d'administration.
Mme Goodfellow: Le fédéral nous subventionne au
sein d'un programme du Secrétariat d'État, mais c'est une
subvention pour notre organisme au complet. Je pense qu'il y a un malentendu
entre les deux côtés ici. Nous ne
prétendons pas, dans notre mémoire, que le
Québec est pire que le fédéral. Ce n'est pas du
tout la question dans notre mémoire. Quand M.
Lemire a fait référence à une subvention du
fédéral à l'association, c'est la subvention du
Secrétariat d'État au programme d'appui aux
communautés minoritaires des langues officielles.
M. Boulerice: Et vous présumez que, si ce budget au
Secrétariat d'État, à Ottawa, était
transféré au ministère des arts et de la culture du
Québec, vous cesseriez de l'avoir?
Mme Goodfellow: Mais je doute fort que cela serait
transféré dans cette optique parce que c'est un programme
dirigé vers les communautés minoritaires des langues officielles
à travers le Canada.
M. Boulerice: Est-ce que vous doutez que le Québec
pourrait en arriver à un point où il vous dirait: Mais l'anglais
n'est pas une langue officielle du Québec, vous n'avez plus rien?
Mme Goodfellow: Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas
reçu une subvention globale comme cela. Nous avons demandé une
telle subvention du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, il y a 10 ans, je pense, et pendant 3 ans à cette
période, et nous étions refusés à chaque fois.
Peut-être que cela va changer dans l'avenir. J'espère que oui.
Mais, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu de succès de ce
côté-ci.
M. Boulerice: Au départ, je me permettrais de vous dire
que je suis contre le fait que vous vous adressiez au ministère des
Communautés culturelles lorsque vous avez besoin de sous, mais cela
devrait être au ministère des arts et de la culture puisque vous
vous occupez d'art et de culture. Pourquoi y aurait-il un guichet autre pour
vous?
Mme Goodfellow: Je pense que c'est là le problème
parce qu'il y a un mélange dans notre discussion entre un budget d'art
et culture et un budget de support à un groupe communautaire qui
représente les membres d'une communauté minoritaire.
M. Boulerice: Pourquoi, d'après vous, les subventions
d'Ottawa sont-elles plus fortes?
Mme Goodfellow: Parce qu'ils ont un programme afin de donner un
tel appui aux groupes minoritaires et le gouvernement provincial n'a pas un
programme dirigé vers les communautés avec des racines aussi
longues que nous.
M. Boulerice: Croyez-vous que, dans le cas de rapatriement de
tous les pouvoirs de la culture au Québec, l'État
québécois serait incapable d'instaurer un programme
identique?
Mme Goodfellow: Non.
M. Boulerice: Donc, votre position, elle n'est pas tout à
fait ferme?
Mme Goodfellow: Non, parce que je pense que vous avez mal compris
notre position.
Une voix: Mal interprété.
M. Boulerice: "Please don't let me be misunderstood." Si vous le
permettez, M. le Président, ma collègue, Mme la
députée de Johnson, aimerait bien adresser quelques questions aux
Townshippers, c'est bien ça, oui?
Le Président (M. Gobé): Avant de permettre...
M. Boulerice: Entre parenthèses, je m'excuse, si Mme la
ministre se réclame de Sutton, moi, je me réclame d'un joli petit
village qui s'appelle Graniteville et mon collègue de Mercier, de
Hemmingford.
M. Godin: North Hatley.
M. Boulerice: North Hatley, pardon.
M. Lemire (Robert): Je connais beaucoup Graniteville.
Le Président (M. Gobé): Je vous trouvais
monolithique, je comprends pourquoi.
M. Lemire (Robert): II y a beaucoup de bâtiments à
Montréal qui sont construits de granite de Stanstead, Sun Life.
M. Boulerice: De granite, oui, Graniteville.
Le Président (M. Gobé): Alors, avant
d'accéder à votre demande et d'autoriser notre collègue de
Johnson à prendre la parole, étant donné qu'elle n'est pas
membre de cette commission, je demanderais, en vertu de l'article 132, le
consentement des deux partis afin de l'autoriser. Y a-t-il consentement?
Une voix: Mais oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, étant
donné qu'il y a consentement, Mme la députée de Johnson,
vous avez la parole. Il reste à peu près cinq minutes.
M. Boulerice: Comme on l'a fait pour le député
de...
Mme Juneau: Je vous remercie beaucoup, M.
le Président, et je remercie les membres de la commission de me
permettre de poser des questions, compte tenu que je suis de la région
de i'Estrie et que je connais très bien Mme Goodfellow depuis de
nombreuses années. Je sais que c'est une femme qui, lorsqu'elle prend
une décision et lorsqu'elle s'occupe d'une association, travaille
ne...
M. Godin: Lésine.
Mme Juneau: ...lésine sur rien pour donner le maximum et
je la connais comme telle. Je la connais aussi pour une femme
persévérante et je comprends très bien pourquoi elle se
bat, étant une minorité, finalement, dans la région. Elle
comprend très bien pourquoi, nous, on se bat aussi au niveau du Canada.
On est une minorité au niveau canadien. Donc, je sais qu'on partage, en
tout cas de ce côté-là, la combativité. Mme
Goodfellow, à plusieurs reprises, dans votre mémoire, vous parlez
du danger de l'augmentation du contrôle bureaucratique et, à la
page 9, vous mentionnez: "Une bureaucratie étroite d'esprit
empêcherait la diversité culturelle et étoufferait la
créativité." Est-ce que, lorsque vous utilisez des termes aussi
forts, vous voulez parler du ministère des Affaires culturelles
québécois, du ministère des affaires culturelles canadien
ou si vous parlez du rapport Arpin?
Mme Goodfellow: Ce n'est pas moi qui ai écrit ce
mémoire, alors je suis un peu mal prise. Mais je pense que nous avons
parlé du rapport Arpin parce que les recommandations du rapport Arpin,
semble-t-il, sont très...
M. Godin: Pertinentes.
Mme Goodfellow: ...pertinentes. Exact, oui.
Mme Juneau: Est-ce que vous souhaiteriez, tel que mon
collègue l'a indiqué tout à l'heure, que l'ensemble des
responsabilités, au niveau culturel, puisse provenir du
Québec?
Mme Goodfellow: Mais je pense que, comme l'a dit M. Lemire il y a
quelques instants, nous voulons profiter de toutes les occasions possibles de
recevoir des subventions et, avec les deux paliers de gouvernement, c'est
possible actuellement que nous profitions d'un programme ou l'autre. Avec un
transfert des pouvoirs du fédéral au provincial, j'espère
qu'il y aura un réaménagement des programmes pour nous permettre
un plus grand accès aux programmes qui donnent un appui à nos
activités comme groupe minoritaire.
Mme Juneau: Ne croyez-vous pas, Mme Goodfellow, que, si,
éventuellement, nous conservons ici, au Québec, les 25 000 000
000 $ qu'on a pu payer en impôts et en taxes l'année
dernière, on ne pourrait pas, à ce moment-là, au niveau de
notre ministère des Affaires culturelles, offrir une subvention et faire
en sorte qu'on ne paierait plus à deux endroits, c'est-à-dire au
fédéral et au Québec, au gouvernement du Québec?
Et, à ce moment-là, ne croyez-vous pas que le ministère
des Affaires culturelles serait en mesure de pouvoir honorer les besoins que
des associations comme vous nécessitent?
Mme Goodfellow: Je ne sais pas, madame. Je pense aux autres
ministères aussi comme les Communications, par exemple. Maintenant, nous
profitons d'un service de radio et de télévision par CBC. Est-ce
que ce serait le cas avec un transfert au complet? Je ne le sais pas.
Peut-être que M. Lemire veut ajouter quelque chose. (17 heures)
M. Lemire (Robert): Déjà, à
Radio-Québec, on voit des émissions sur les Cantons de l'Est ou
I'Estrie, si vous voulez. Moi, ce que je trouve intéressant, parce que
je suis de langue maternelle anglaise, mais quand même mon père
est québécois... En voyant les deux - j'ai vécu à
Montréal, je suis né à Montréal, mais là
j'ai une maison à Danville - donc je vois le changement qui s'est fait
récemment et les félicitations que j'ai faites au
ministère pour le chapitre sur I'Estrie dans "Les chemins de la
mémoire", c'est un début, c'est vraiment un début. Il y a
beaucoup d'échanges à faire. C'est non seulement de recevoir des
subventions, mais des échanges culturels entre les régions. Je
pense que ce qui est le plus important pour l'avenir, ce sont les
échanges entre les régions comme on l'a fait... Je suis
allé voir une exposition de Rodolphe Duguay, qui est mentionnée
dans le mémoire, et j'ai été très
impressionné. C'est cinq musées: Trois-Rivières, Nicolet,
Arthabaska: et les deux autres, je ne m'en souviens pas. C'est "Rodolphe Duguay
en mémoire". C'est pour fêter le centenaire de sa naissance, cette
année. Et, moi, j'ai trouvé, dans ceux qui avaient
planifié et fait les demandes de subvention pour ça, que vraiment
il y a un avenir pour les musées de la région des Cantons de
l'Est. Il y a déjà un regroupement des musées, qui
s'appelle The Group of Seven, les sept musées anglophones de I'Estrie.
Et il y a vraiment des potentiels dans ces musées, qui ne sont pas
réalisés du tout. Il y a des fonds et des subventions qui ont
été coupés. Chez moi, à Richmond, la subvention est
de 5000 $. Ils n'ont rien reçu, cette année, parce qu'ils ne sont
pas selon les normes des musées. Ils n'ont pas des normes
établies. Ils ne peuvent pas. Ce sont des musées qui existent
depuis longtemps, depuis le tournant du siècle, et il y a des
potentiels, il y a des réserves qui sont très impressionnants,
mais ce n'est pas utilisé. Il faut faire une promotion de ces
choses-là. Avec des regroupements comme on a fait pour l'exposition de
Duguay, il y a vraiment un chemin à suivre.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lemire,
et merci, Mme la députée de Johnson. Maintenant, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques en conclusion, s'il vous
plaît.
M. Boulerice: En conclusion, je pense que le débat s'est
quand même relativement bien amorcé avec vous et qu'il y a sans
doute des pistes intéressantes. C'est un fait que vous êtes
énormément préoccupés de patrimoine et,
forcément, d'architecture; donc, ce n'est pas sans me déplaire.
Et je vous quitterai en vous remerciant d'être venus nous
présenter des choses et nous apprendre aussi des choses. Je ne savais
pas que Coburn venait des Cantons de l'Est. Vous me l'avez appris; donc, sa
toile prend donc probablement plus de valeur patrimoniale pour moi maintenant.
Et peut-être vous dire en tout dernier lieu que, oui, je pense que tout
gouvernement et tout citoyen doit être prudent face à la
bureaucratie. Mais, moi, je fais un choix: au lieu de payer deux appareils
bureaucratiques, je préfère prendre le risque d'en payer un seul
et, avec l'économie d'échelle, refiler l'argent aux Townshippers
qui ont tellement de projets sur le métier, actuellement. On en
reparlera bientôt dans votre région, M. Lemire, mesdames.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci. Vous savez que
le rapport Arpin, c'est une base de discussion. Cette base de discussion
là a été formulée par des gens qui ont beaucoup
d'expérience en matière culturelle et qui ont essayé de
nous faire profiter de cette réflexion, de telle sorte qu'on puisse
partir de quelque chose pour amorcer cette discussion au niveau de la
commission parlementaire. Et je pense qu'à ce niveau-là le
rapport remplit très bien ses objectifs. Ceci dit, encore une fois,
merci de votre collaboration et merci aussi du travail que vous faites au
niveau du patrimoine. Vous savez que nous avons créé un centre
d'archives en Estrie, c'est-à-dire celui de l'Université Bishop,
à Sherbrooke. Et, évidemment, nous allons regarder de près
aussi la situation des musées. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Lemire, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Ceci met fin
à votre audition. Vous pouvez, donc, maintenant vous retirer et je vais
appeler le groupe suivant, soit l'Association des galeries d'art contemporain
de Montréal. Je demanderais à mon collègue, le
député de Rimouski, de bien vouloir me remplacer quelques
minutes, s'il vous plaît.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, mesdames et messieurs de la commission, si vous voulez prendre
place, s'il vous plaît. Mesdames, messieurs de la commission. Mme la
députée de Saint-Henri, vous êtes présente?
Très bien, nous recevons maintenant l'Association des galeries d'art
contemporain de Montréal. Est-ce que, mesdames et messieurs, vous
pourriez vous présenter, s'il vous plaît?
Association des galeries d'art contemporain de
Montréal
M. Tétreault (Michel): Tout d'abord, je tiens à
remercier, M. le Président, Mme la ministre et les membres du
comité d'avoir accepté de recevoir notre mémoire et de le
commenter ici aujourd'hui. Et je me présente, Michel Tétreault,
président de l'Association des galeries d'art contemporain de
Montréal et aussi du Québec.
Mme Palardy (Lorraine): Lorraine Palardy, présidente
sortante de l'Association des galeries d'art contemporain du Québec.
Mme Labrecque (Marise): Et Marise Labrec-que, directrice
générale de l'Association.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Tétreault, c'est vous qui faites la lecture du
mémoire?
M. Tétreault: Oui.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Tétreault: L'art contemporain, son marché, ses
intervenants. L'art contemporain est un secteur en continuel
développement - c'est l'essence même de sa définition - qui
englobe la recherche artistique actuelle sous toutes ses formes et dans ses
aspects et ses supports les plus divers. En ce sens, le marché de l'art
contemporain au Québec est à la fois très restreint dans
sa clientèle et très large dans ses moyens d'expression. Fragile
à toute fluctuation économique, ce marché est
extrêmement réduit quant à la quantité d'acheteurs
réels et potentiels. À l'heure actuelle, les clients individuels,
les entreprises et les institutions ne représentent qu'un minuscule
fragment de la population québécoise (voir à ce sujet
l'étude de Boisvert, Mizoguchi et Associés, "Étude sur les
clientèles actuelle et potentielle des galeries d'art contemporain de
Montréal", réalisée en 1989).
Malgré le fait que l'art contemporain ne touche qu'un faible
pourcentage de la population, il est toujours étonnant de constater la
fascination qu'il exerce. Son hégémonie sur les autres
disciplines culturelles lui a permis de s'approprier le mot "art". Du point de
vue étymologique, l'art est l'expression par les oeuvres de l'homme d'un
idéal esthétique. Il s'adresse aussi bien à la danse
qu'à la littérature, à l'architecture, à la
musique, aux meuble, au bijou ou au vêtement.
Étrangement, cette domination des arts visuels ne se traduit pas
par une couverture médiatique très importante. À
Montréal, un seul quotidien sur quatre couvre systématiquement
l'actualité des arts visuels. Il y a une dichotomie entre cette
fascination et la faiblesse de la couverture médiatique. Peut-être
est-ce dû au préjugé qui dit que le milieu des arts visuels
est bien nanti; les arts visuels ne sont-ils pas un plaisir de riches?
Accessibilité aux arts visuels. Voir est le mot clé. Selon
une étude réalisée par l'Association des galeries d'art
contemporain de Montréal, le collectionneur voit une vingtaine
d'expositions avant d'acheter une oeuvre. Il consacre donc
énormément de temps à voir et à apprécier.
Les galeries ont de ce fait tendance à se regrouper de manière
à créer une masse critique qui puisse attirer le collectionneur.
Ce phénomène est visible aussi bien à Paris qu'à
New York ou à Chicago.
Les galeries d'art contemporain, dont l'AGACM est la principale
représentante, cumulent les rôles d'éditeur, de diffuseur
et de détaillant. Les galeristes entretiennent, en effet, des contacts
professionnels constants avec les artistes et concluent avec eux des contrats
ressemblant fort au contrat entre un éditeur et son auteur. Ils assument
de plus le rôle de promoteur et de diffuseur, c'est-à-dire qu'ils
assurent aux artistes représentés une publicité
adéquate, des expositions régulières et des outils
promotionnels efficaces et de qualité. Ils ont, finalement, le mandat de
vendre, tel le libraire, les oeuvres à une clientèle
préalablement identifiée.
L'AGACM regroupe la majorité des galeries professionnelles du
Québec. Son mandat premier consiste à promouvoir l'art
contemporain par tous les moyens mis à sa disposition. Elle est
également responsable de la réalisation d'Entrée libre
à l'art contemporain, une expo-foire qui se déroule tous les ans
à la mi-novembre, à la place Bonaventure, permettant la
visibilité à plus de 500 artistes; d'où l'importance aussi
de conserver cette foire.
L'AGACM doit en outre veiller aux intérêts de ses membres
et, à cet égard, rassembler les différents intervenants
impliqués dans le milieu. Comme chacun le sait, le travail accompli en
concertation est, dans certains cas, beaucoup plus solide que le travail
individuel et profite ainsi à l'ensemble du réseau. Actuellement,
le marché de l'art contemporain est en pleine restructuration. Le
secteur en est à consolider et augmenter ses efforts de promotion et de
diffusion. Il faut noter qu'en 1990-1991 plusieurs galeries ont dû fermer
leurs portes. Il est souhaitable d'espérer une certaine stabilisation du
marché d'ici 1992.
Une mondialisation des marchés. S'il y a un produit culturel qui
a une chance de percer sur les marchés internationaux, c'est bien l'art
contemporain. Aucune barrière linguistique ne s'érige entre le
regardeur et l'oeuvre. Les arts visuels sont un langage universel. Riopelle est
compris aussi bien par les Français que par les Japonais ou les
Américains. Actuellement, les jeunes artistes québécois
réalisent d'importantes percées sur les marchés
internationaux. En fait, ils n'ont pas le choix, c'est une question de survie,
sans oublier que nos universités ont formé depuis les 10
dernières années plus de 3000 artistes.
L'exportation, un soutien nécessaire. Les galeristes souhaitent,
bien sûr, se positionner sur le marché international. La plupart
d'entre eux tentent de le faire par le biais des grandes foires
internationales: Bâle, Paris, Cologne, Chicago, etc. Il reste cependant
essentiel de ne pas effectuer que des actions ponctuelles, mais bien
récurrentes. Ce n'est qu'en développant, année
après année, des contacts avec leurs collègues
étrangers que les galeristes réussiront à s'implanter de
façon durable sur les marchés visés. Entrée libre
à l'art contemporain joue à cet égard un rôle
particulièrement important en invitant des galeries
étrangères à participer à
l'événement. Dès la première année de cette
expérience qui a débuté avec l'Autriche, les contacts ont
été assez fructueux et ont résulté en
l'échange d'artistes entre des galeries autrichiennes et
québécoises.
L'État et le marché. Les nombreux aspects du rôle de
la galerie d'art contemporain en font un intervenant majeur du secteur. La
galerie représente à la fois les dimensions artistiques et
économiques de la diffusion de l'art; elle éduque, sensibilise,
publicise, diffuse et distribue. En réalité, la définition
même de ce qu'elle est fait de la galerie un élément moteur
de la vie artistique contemporaine. L'État a un rôle
prépondérant à jouer dans le domaine des arts visuels afin
d'aider le marché à se bâtir et à se consolider. Les
galeries parallèles, presque entièrement financées par
l'État, entrent en compétition directe avec les galeries
privées en présentant des artistes professionnels ou bien en
organisant des expos-ventes pour compenser leur déficit
d'opération.
Compte tenu de l'évolution de la structure du marché,
l'État et le milieu auront à l'avenir à adapter leurs
politiques et leurs actions respectives afin de bien clarifier les mandats de
chacun des intervenants de manière à harmoniser les pratiques et
à maximiser les résultats. L'État, par la loi 78 sur le
statut professionnel de l'artiste, a défini le rôle de l'artiste
et du diffuseur, en l'occurrence la galerie, et obligé les deux parties
à signer un contrat. Il est essentiel que ces balises soient
systématiquement utilisées et respectées si on veut que se
construise le secteur.
Éduquer et sensibiliser. L'étude de Boisvert, Mizoguchi et
Associés antérieurement mentionnée démontre
clairement l'étroitesse du créneau à
l'intérieur duquel se meuvent les galeries. En 1989, le
Québec comptait à peine 60 000 clients collectionneurs
particuliers et un peu plus de 30 entreprises achetant de l'art contemporain.
Par contre, en 1991, ce tableau n'est plus valable. La survie du milieu passe
donc par un accroissement considérable de la clientèle
régulière, qu'elle soit particulière, publique ou de
l'industrie privée. L'unique façon d'y parvenir sera
d'éduquer la population, de la sensibiliser, de lui démontrer les
avantages inhérents à l'acquisition d'oeuvres d'art contemporain
et de l'amener à comprendre l'implication sociale et culturelle que
représentent ces acquisitions.
Le rapport Arpin a, en ce sens, parfaitement cerné le
problème en recommandant la création de programmes
éducationnels pour les arts et la culture à tous les niveaux
scolaires. (17 h 15)
Promouvoir, publiciser. L'éducation du public consommateur de
culture ne peut se faire qu'en élargissant l'éventail
promotionnel réalisé par les galeries. La production
régulière de catalogues ou de fiches sur les artistes
représentés, la publici-sation d'événements tels
les vernissages et les expositions, et la participation annuelle aux foires
internationales ne sont que quelques-uns des moyens qui devront être
utilisés par les galeristes pour rendre visible et accessible le travail
des artistes. Bien entendu, ces efforts promotionnels donneront des
résultats positifs dans la mesure où les galeristes
bénéficieront des moyens nécessaires à leur
réalisation récurrente. C'est en ce sens que prend toute son
importance la recommandation du rapport Arpin visant à "favoriser
l'accès à la vie culturelle".
Commercialiser l'art contemporain, c'est aussi favoriser
l'investissement privé et d'entreprise. Il faut, pour encourager cela,
faire en sorte que les investisseurs actuels et potentiels puissent
bénéficier de mesures fiscales pour l'acquisition d'oeuvres
d'art. C'est en mettant de l'avant de tels avantages que nous pourrons inciter
de plus en plus les investisseurs potentiels à acheter de l'art
contemporain et à développer cette économie
culturelle.
Reconnaître le statut des galeries professionnelles. Le processus
de développement du marché national et international en art
contemporain ne pourra se poursuivre que si tous les intervenants du secteur
reconnaissent le rôle et le statut du galeriste professionnel. Son
rôle de diffuseur, de promoteur et d'éducateur doit être
clairement identifié et connu des différentes sphères
d'intervention. Son statut d'expert et de principal représentant des
artistes en art actuel, ainsi que sa place dans la chaîne artistique,
favorisera l'évolution des tendances et la recherche de nouveaux
partenaires tant culturels qu'économiques. Lorsque ces conditions seront
réunies et que les subventionneurs, mécènes, conservateurs
et collectionneurs se recommanderont de cette dynamique, le marché de
l'art contemporain sera à même de se doter des outils
nécessaires à son développement.
En effet, les galeries possèdent l'infrastructure suffisante pour
éduquer et sensibiliser le public à l'art contemporain, pour
offrir service et conseils aux collectionneurs et aux musées, ainsi que
pour découvrir et promouvoir à long terme des artistes de talent.
Cette reconnaissance obtenue, tout le milieu travaillera en
collégialité et maximisera ainsi l'impact de chaque action
entreprise. Ce n'est que de cette façon que se développera de
manière homogène le marché de l'art contemporain au
Québec et à l'étranger.
Le ministère des Affaires culturelles: un contrat culturel
à assumer. Le ministère des Affaires culturelles a soutenu la
création et la culture. Il est présentement à un tournant
de son évolution et le rapport Arpin indique très distinctement
le sens que devrait prendre son implication future. Les grands axes de travail
du rapport: favoriser la création, favoriser l'accès à la
vie culturelle, développer l'éducation culturelle, pour ne nommer
que ceux-là, précisent que le MAC devra, afin d'assurer la survie
et l'épanouissement de la culture et des arts au Québec, assumer
son rôle moteur en se dotant des politiques et budgets nécessaires
à la poursuite de ses activités.
Le gouvernement du Québec a un contrat culturel à
respecter, des engagements à prendre et à mettre en application
au même titre que son engagement social et économique envers la
population. La société québécoise est un tissu
formé de tous ces éléments interactifs et indissociables.
Le rapport Arpin a mis en lumière les responsabilités
fondamentales d'une société désireuse d'évoluer et
de s'affirmer. Le gouvernement québécois, via le ministère
des Affaires culturelles, devra maintenant faire en sorte que cela se
concrétise. C'est une question de vie et de choix social.
Et, pour terminer, peut-être tout simplement une seule question:
Est-ce que, pour vous, les galeries sont nécessaires et ont-elles un
rôle à accomplir dans l'élaboration et la mise en place
d'une politique culturelle? Merci beaucoup.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. le président, M. Tétreault, je vous remercie
pour la lecture et la présentation de votre mémoire. Le
questionnement doit se faire normalement par l'Opposition officielle et les
ministériels. Alors, je vais laisser le soin à Mme la ministre,
dans un premier temps, de réagir à votre "rapport" et de
répondre peut-être à votre interrogation.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Tétreault, bienvenue.
Il ressort clairement de votre présentation que les galeries d'art
contemporain veulent relever le défi et c'est un défi quand
même de taille. Vous dites dans votre mémoire: À elles
"seules les galeries possèdent l'infrastructure suffisante pour
éduquer et sensibiliser le public à l'art contemporain, pour
offrir service et conseils aux collectionneurs et aux musées". Qu'est-ce
que vous faites, par exemple, des centres d'exposition, des centres d'artistes
autogérés? Quel est leur rôle par rapport au vôtre?
Et, ensuite, on va parler de l'internationalisation.
M. Tétreault: Quand, dans le mémoire, on mentionne
à elles seules, on veut dire à elles seules en autant que tous
les intervenants de la chaîne assument leur rôle et le mettent en
pratique. Je veux dire qu'on ne peut pas, naturellement, les galeries
privées ou les galeries dites commerciales, assumer la
responsabilité de diffuser et de promouvoir les artistes; c'est
impossible. On a besoin de tous les autres intervenants. Comme on le
mentionnait un peu plus tôt, il faut que tous les intervenants soient
clairement indentifiés, bien définis, et que chacun assume le
rôle qu'il a à assumer et le joue clairement.
Mme Frulla-Hébert: À ce moment-là, au niveau
de l'internationalisation, vous dites qu'il y a maintenant plusieurs artistes
québécois qui réalisent d'importantes percées au
niveau international et qu'il y en a plusieurs même qui sont des artistes
de moins de 40 ans et qui exposent régulièrement à
l'étranger. Selon vous, quels sont les moyens qu'on devrait se donner
pour privilégier ce développement-là et se positionner
efficacement sur le marché international? On sait, par exemple que nous
avons un centre et une vitrine à Paris, etc. Mais est-ce qu'il y a
d'autres moyens? Qu'est-ce que vous nous suggéreriez?
M. Tétreault: II y a beaucoup de moyens; ne serait-ce,
dans un premier temps, que chaque personne qui se sent impliquée assume
son rôle de diffuseur dans son entourage, ce serait déjà
beaucoup. Par là, ce que je veux mentionner, c'est que je
considère que, d'une certaine façon, le premier ministre,
lorsqu'il s'en va sur une plaque internationale faire un discours ou quoi que
ce soit, ne parle que de l'économie via l'hydroélectricité
et tout ça. Bravo, c'est excellent! Mais quand est-ce que les gens qui
ont le pouvoir en main et qui ont la possibilité de donner des
décisions vont parler de la culture d'une façon très
ouverte et qu'ils vont vraiment s'impliquer? À mon point de vue, c'est
de là que ça part et toute la chaîne, ensuite de ça,
va se mettre en marche. L'artiste qui s'en va exposer sur la scène
internationale a besoin de ce support en arrière qui justement le
soutient, et la galerie, et tout le milieu. Alors, ce rôle-là va
être assumé en autant que les gens le mettent en pratique.
Mme Frulla-Hébert: II y a une politique, par exemple, qui
est en train d'être mise sur pied au niveau des Affaires internationales
par le ministre des Affaires internationales qui favorise de plus en plus, au
niveau, par exemple, des délégations, l'intégration de
membres du milieu culturel, justement. Il y a quelques années, c'est
sûr que c'était quand même moins évident, mais
là de plus en plus on se sensibilise à ça.
Au niveau de l'art contemporain, par exemple, vous parlez de
créer, d'aller chercher des nouveaux publics et, finalement, d'augmenter
la demande. C'est un peu ce que le rapport Coupet disait aussi: On a
travaillé beaucoup sur l'offre, mais il faut travailler aussi sur la
demande. Vous parliez de promotion. Est-ce qu'on peut penser à des
regroupements? Au niveau promotionnel, par exemple, comment fait-on pour
travailler sur la demande?
M. Tétreault: Au niveau promotionnel...
Écoutez...
Mme Frulla-Hébert: En général. Vous parlez
d'aller chercher de nouveaux publics. Il va y avoir le nouveau Musée
d'art contemporain qui va ouvrir incessamment, mais il y a sûrement
d'autres méthodes et d'autres moyens.
M. Tétreault: Oui. On est à un tournant - je n'ai
pas besoin de l'expliquer - important. Il y a le nouveau Musée d'art
contemporain qui s'en vient au centre-ville, le Musée des beaux-arts qui
s'agrandit, le Musée du Québec s'est agrandi. Il y a toute une
infrastructure qui s'est mise en place. Mais, depuis plusieurs années,
tranquillement le gouvernement réalise qu'il a beaucoup aidé la
création à tous les niveaux - c'est parfait, c'est excellent, les
artistes en ont besoin et le milieu en avait besoin - mais, en
parallèle, il n'y a pas eu de commercialisation de cette
création-là qui était là, qui se faisait, pour
faire en sorte que le public soit prêt à absorber tout cela et
à le consommer, si je peux m'exprimer ainsi. Ce que je veux dire, c'est
que, pour pouvoir arriver à s'exporter, il faut nécessairement
que les gens ici s'impliquent, il faut que les intervenants puissent se
concerter.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que le milieu scolaire... On a
parlé - vous-mêmes, vous le dites - au niveau de
l'éducation, combien c'est important de sensibiliser nos jeunes. Bien
souvent, on va sensibiliser nos jeunes - quand on le fait - à des choses
un peu plus conventionnelles: musique classique plus conventionnelle. Alors,
souvent tout le secteur de ce qu'on appelle contemporain est
négligé, faute de temps aussi, parce qu'il y a quand même
un gros travail à faire au niveau de la sensibilisation culturelle, un
point, c'est tout.
Alors, est-ce que vous en êtes au même constat,
c'est-à-dire qu'au niveau du système d'éducation, par
exemple, l'art contemporain,
c'est plutôt absent?
M. Tétreault: C'est absent, je pense; enfin, ça se
fait, mais ça ne se fait pas à une échelle vraiment
très élargie. Une constatation que j'ai faite à quelques
reprises, lorsque je visitais un musée, le Musée des beaux-arts
ou souvent le Musée d'art contemporain, je voyais des classes d'enfants
qui circulaient et c'était des classes anglophones. Bon, comment
ça se fait que les classes francophones ne vont pas
systématiquement dans les musées? Comment ça se fait qu'il
n'y a pas un programme d'établi pour sensibiliser ces jeunes-là
à l'art, à ce qui se fait, à ce qui se produit? Je veux
dire, ça commence à se faire, je n'ai pas les statistiques de
toute cette mise en place dans le système éducationnel.
Je pense aussi à un autre élément. Aux
Éditions l'image de l'art, il y a tout un programme qui a
été mis sur pied. Comment ça se fait que ce
programme-là n'est pas encore dans les écoles partout,
systématiquement? C'est quoi qui se passe là? Je sais que souvent
une partie importante de ce qui est produit par les Éditions l'image de
l'art s'exporte vers l'étranger, vers les États-Unis, vers la
France. Comment ça se fait que ce n'est pas ici au Québec, dans
nos écoles à nous autres? Je comprends peut-être qu'il y a
une façon de fonctionner: il faut que les commissions scolaires
acceptent de recevoir ces programmes-là, mais il faudrait que le
gouvernement donne le feu vert et donne l'autorisation de commander et de
mettre en pratique ce programme-là, entre autres.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des régions, quand
j'ai fait ma tournée régionale, j'ai vu beaucoup d'artistes qui
veulent créer et demeurer en région, qui ne sont pas du tout
intéressés à venir vivre à Montréal ou
à Québec, qui créent en région, qui sont
très heureux de le faire et qui y sont très bien. Maintenant,
qu'en est-il, selon vous, de l'accessibilité au niveau de l'art
contemporain en région, d'une part? Et, deuxièmement, comment
fait-on aussi pour activer ces échanges? Parce qu'ils veulent travailler
en région, exposer en région, mais aussi être vus
ailleurs.
M. Trétreault: Écoutez, la façon pour que
ces artistes-là qui travaillent en région puissent venir à
Montréal, nous, on ne demande pas mieux qu'il y ait beaucoup plus de
galeries. Il y a peut-être, je ne sais pas, une trentaine de galeries
à Montréal. Nous représentons seulement une certaine
quantité d'artistes par galerie. C'est la diffusion qui le veut ainsi.
On ne peut pas s'occuper de 40, 50, 60 artistes sous un même toit.
Ça revient toujours au fait qu'il faut développer le
marché. S'il y a plus de galeries, bien, il y aura plus d'artistes qui
vont avoir accès aux galeries, des artistes en région qui
pourront venir exposer à Montréal, et la dif- fusion va se faire
davantage.
Les lieux d'exposition en région, on en connaît beaucoup.
Il y en a qui font de l'excellent travail. Mais c'est que, à un moment
donné, dans une galerie, on est peut-être deux ou trois personnes
maximum; on ne peut pas voir à... Ça prendrait quelqu'un à
temps plein qui cédule les possibilités d'exposition,
d'échanges via les régions, via Montréal, via les grandes
villes. Il y a tout un travail. On est limités dans la capacité
financière aussi d'engager du personnel pour s'occuper de voir à
tout ça. L'élaboration d'une exposition demande beaucoup de
temps. Faire circuler une exposition hors Montréal et en région,
et vice versa, je veux dire, ça prend des gens à temps plein. On
ne peut pas assumer tout ça.
Mme Frulla-Hébert: Bon, le Musée d'art
contemporain, il déménage à Montréal;
évidemment, augmentation, finalement, du métrage carré, ce
qui fait une grosse augmentation au niveau des coûts de fonctionnement.
Donc, on en est peut-être, l'an prochain, à un budget de g 000 000
$ par année en termes de fonctionnement. Est-ce que ce serait une
solution, par exemple, justement, afin de faire voir ou faire connaître
nos artistes, que ce soit le Musée d'art contemporain qui prenne cette
vocation d'une certaine façon et essaie justement non seulement de
diffuser, mais finalement de sensibiliser les gens?
M. Tétreault: Je pense que, par la venue du Musée
d'art contemporain au centre-ville, c'est déjà énorme.
C'est vraiment se rapprocher de la population. Et son rôle de diffuseur
et de sensibilisateur va vraiment s'accentuer. Déjà c'est
beaucoup, déjà c'est énorme. Alors, souhaitons, en fait,
qu'il puisse voir le jour et qu'il puisse vraiment s'ouvrir avec les moyens
financiers dont il doit être doté pour faire pleinement son
travail. Et, suite à ça, je veux dire, les gens qui vont circuler
dans ce nouveau musée, ça va éveiller leur conscience
aussi d'aller voir ce qui se fait dans le milieu via les galeries, via les
expositions itinérantes, via toute l'activité culturelle qui va
exister. (17 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, merci
beaucoup et je passe maintenant la parole à M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, avec un plaisir
évident...
Le Président (M. Gobé): Je le vois à votre
sourire.
M. Boulerice: ...oui, de voir M. Tétreault, Mme Palardy,
Mme Labrecque. Au profit de la
ministre, oui, il y a de grandes fenêtres internationales. M.
Tétreault était à la FIAC, la Foire internationale d'art
contemporain à Paris. Elles ne sont pas nombreuses, les galeries
québécoises qui ont accès à cette importante foire,
mais il faut les aider pour qu'elles puissent y aller. Mme Palardy, eh bien, on
pourrait aussi parler longuement de votre galerie, mais je vais me retenir.
L'an dernier, à pareille date, vous vous rappelez l'état
d'excitation dans lequel nous étions. J'ai pu compter à ce
moment, comme pour M. Tétreault, sur votre collaboration, mais vraiment
incroyable, et surtout sur votre grande générosité. Je
tenais à le redire ce soir puisque, comme ceci est enregistré,
ça sera au Journal des débats. Ha, ha, ha!
Mme Palardy: Merci.
M. Boulerice: Piètre merci, vous allez me dire,
comparé avec tout ce que vous avez fait, mais c'est important. Je
regrette, malheureusement, qu'Éric ne soit pas avec vous puisqu'il a
gagné l'an dernier, Trois Points a gagné le prix de la meilleure
entreprise culturelle, décerné par la Corporation de
développement économique du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal,
ce qui m'aurait permis de mousser un dossier important qui est les incubateurs
d'entreprises culturelles dans le centre-sud et le Plateau-Mont-Royal. Je
terminerai sur le centre-sud en disant que M. Tétreauit a
été le premier à tenter l'expérience de l'est de
Montréal pour une galerie d'art et ça réussit bien.
Ceci dit, bon, mon plaisir va être gâché par un
chronométrage impitoyable de la part du président, mais, que
voulez-vous, c'est malheureusement son rôle, sauf que, comme on discute
d'une passion commune, c'est difficile de se limiter.
Vous avez parlé dans votre mémoire que plusieurs galeries
ont été contraintes de fermer leurs portes. Est-ce que c'est en
raison de la récession ou bien donc de ces taxes
scélérates qui commencent à s'additionner?
M. Tétreault: À mon avis, il y a un peu des deux.
Il y a les taxes et il y a la récession et il y a aussi - je peux
peut-être apporter un commentaire à cet effet - à quelque
part le fait que les galeries - je vais remonter beaucoup plus loin - qui
existaient dans les années soixante ne soient plus là aujourd'hui
pour témoigner d'une vitalité de création des artistes qui
sont encore vivants aujourd'hui. C'est pour vous dire que ça demande une
vision d'avenir pour que le milieu se développe, le marché se
développe. Alors, souhaitons que les galeries, qui sont actuellement
encore là, puissent être là dans 10 ans, dans 15 ans pour
témoigner de cette activité. Alors, c'est à nous, c'est au
gouvernement à décider et à faire en sorte que les outils
soient mis en place, que les galeries existent et que ça se
développe, et que le milieu de l'art puisse prendre son
évolution.
M. Boulerice: À moins que je ne me trompe, votre
association avait sorti une statistique sur la durée moyenne des
galeries.
M. Tétreault: La durée moyenne d'une galerie, c'est
environ 5 ans; 10 ans, c'est rendu un tour de force. Ensuite de ça, il
n'y en a plus beaucoup des galeries passé 10 ans à part
d'anciennes galeries qui avaient peut-être, bon, des fortunes ou quelque
chose ou une association quelconque. Je pense à la galerie Dominion ou
à la galerie Waddington & Gorce. Bon, je veux dire, dans les
galeries d'art actuel, d'art contemporain, c'est une dizaine d'années
maximum. Alors, souhaitons qu'on puisse poursuivre le travail engagé et
qu'on sente en quelque part qu'il y a vraiment un souci de viabilité et
qu'on place les outils nécessaires.
M. Boulerice: Vous dites, dans votre mémoire - et vous
citiez des chiffres de 1989 -que le Québec comptait à peine 60
000 clients particuliers et un peu plus de 30 entreprises achetant de l'art
contemporain. Ceci dit, entre parenthèses, je suis bien d'accord avec
vous, M. Tétreault, en disant qu'au Québec on doit sortir des
pylônes comme forme de sculpture. Il serait peut-être
intéressant qu'on ait d'autres objets à présenter que
ceux-ci. Alors, 60 000 clients particuliers. Au-delà de
l'élaboration... Je pense qu'on est d'accord sur l'élaboration
d'une politique globale dans le domaine des arts et de la culture, mais par
quelle mesure on pourrait stimuler la consommation d'objets d'art visuel chez
les individus? Je ne sais pas, mais je l'ai lancé en 1989, lors de la
dernière campagne électorale, en disant que je n'avais aucun
droit d'auteur. Je le dis au bénéfice de nos amis de la SARDEC
qui sont très minutieux là-dessus. Je n'avais aucun droit
d'auteur. N'importe quel gouvernement pouvait s'approprier mon idée qui
était celle d'un REART comme incitatif fiscal à l'achat d'oeuvres
d'art. Je suis très franc, M. Tétreault: 90 % de mes amis n'ont
peut-être pas les mêmes facilités que j'ai d'acheter, mais,
par contre, ils trouvent très beau ce que j'ai acheté chez vous,
chez Mme Palardy, etc. Mais, s'il y avait un petit incitatif pour les aider,
une déduction fiscale au même titre que les entreprises en ont,
ça pourrait, ne trouvez-vous pas, avoir une espèce de boom
incroyable?
M. Tétreault: Oui, tout à fait, s'il y avait une
politique qui était mise de l'avant au niveau d'un incitatif fiscal. Les
entreprises, comme vous l'avez mentionné, bénéficient,
justement, de cette possibilité-là. Le fait qu'un particulier
puisse bénéficier d'un avantage fiscal quelconque inciterait les
gens à s'impliquer davantage et à bâtir des collections
faisant partie du patrimoine
artistique. C'est comme cela qu'on pourrait aussi développer le
marché et la structure. Ce serait une façon aussi de remettre
dans le milieu une forme de subvention indirecte en enlevant les taxes. Il y
aurait tout un mécanisme qui pourrait se mettre en place.
Peut-être qu'il y aurait moins de subventions possibles, mais l'avantage,
c'est qu'il y aurait une consommation des produits culturels. Les gens seraient
incités à acheter, à bâtir des collections et
à faire l'acquisition d'oeuvres. Alors, le marché en
bénéficierait. Les artistes, tout le monde pourraient en
bénéficier.
M. Boulerice: Mme Palardy ou vous me corrigerez, les galeries
elles-mêmes ont adopté des incitatifs, un étalement des
paiements, de façon à s'attirer de nouvelles clientèles.
Est-ce que c'est généralisé ou bien si c'est le fait de
quelques galeries particulières?
Mme Palardy: Non, je pense que les galeries ne sont pas un
modèle à suivre pour le gouvernement. Mais je pense que notre
but, c'est de favoriser la consommation. On ne consomme pas assez d'art. Je
pense que, comme M. Tétreault le disait tantôt, il faut tout
essayer. Mais je pense que, là on est rendus aujourd'hui à un
point où, après 15 ans, on a tout essayé! Ce n'est
peut-être pas un cri d'alarme, parce que je pense qu'on n'est pas des
alarmistes. Je veux juste dire que des mémoires, ce qu'on met sur la
table, c'est très intéressant, c'est stimulant, on repense nos
idées, on voit ce qu'on peut faire de plus, mais il y a des choses qui
ont été dites. J'espère que cela tombe dans une bonne
oreille et j'espère qu'ici, aujourd'hui, il y a des gens qui vont faire
que cela va avancer d'un pas de plus et que, enfin, le gouvernement soit par
des mesures fiscales, comme vous le disiez, va faire comme on fait, nous
autres. On fait du crédit à l'année longue, mais ce n'est
pas nécessairement juste parce qu'on aime notre métier, mais
c'est parce qu'on veut en vivre et qu'on veut que des artistes en vivent aussi.
Je pense que tout cela, c'est une chaîne. L'importance des galeries, je
suis ici pour en témoigner avec Michel, c'est qu'à un moment
donné on fait partie du chaînon. Le rôle, ce n'est pas
seulement de vendre, mais c'est de la diffusion. Quand on le comparait
tantôt avec le rôle des centres culturels, on ne veut pas les
éliminer, loin de là notre pensée, mais je pense que,
nous, on est là pour faire le marche de l'art et le marché de
l'art, c'est un mot qui, jusqu'ici, a fait peur.
M. Boulerice: Deux autres brèves questions. Un groupe nous
disait que nous étions dans un système de monopole au
Québec. C'était l'Association touristique, je ne me souviens pas
de l'appellation exacte. Par exemple, lorsqu'on parle de Barcelone, bien des
gens nous disent: Ah! Il y a d'extraordinaires galeries. Est-ce que vous avez
des indications d'impact pour Montréal au niveau du tourisme, puisque
vous êtes en mesure de vérifier qui vient dans vos galeries? Il y
a forcément une clientèle locale, mais sentez-vous que le
touriste vient dans nos galeries et vient voir notre expression?
Mme Palardy: Je ne sais pas si la question m'est posée,
à moi, mais, si je réponds, je peux vous dire que vous faites un
sondage et vous demandez soit à des hommes ou à des femmes:
Qu'est-ce que vous faites quand vous arrivez comme touristes? Souvent, vous
allez magasiner, vous allez dans les musées, vous allez voir les
galeries. Montréal n'échappe pas à cette
règle-là. Moi, je suis située au coin de Bleury et
Sainte-Catherine, et je peux vous dire que, le samedi après-midi, je
vois autant d'Américains, de Français, de gens qui viennent de
partout qui font le tour systématiquement des galeries où on se
compare en qualité.
M. Boulerice: Le mot a été lancé, Mme
Palardy, vous avez dit musée. Le rapport Arpin favorise la restauration
des enveloppes budgétaires des organismes culturels, notamment celles
des musées. Est-ce que pour vous l'un des moyens d'aider les galeries
d'art pourrait être que l'acquisition de nouvelles oeuvres par les
institutions muséales fasse l'objet véritablement d'une
priorité au chapitre de la restauration de ces enveloppes
budgétaires?
M. Tétreault: Oui, à mon avis, il faudrait
nécessairement que les enveloppes budgétaires, qui sont
données aux musées en vue des acquisitions, soient
définitivement augmentées. C'est nettement insuffisant, à
mon point de vue. C'est très restreint; je n'ai pas les chiffres exacts,
mais c'est vraiment très peu par rapport à d'autres musées
ou par rapport à certains musées aux États-Unis. Et, sur
ce point-là, je pourrais mentionner que les États-Unis ont
donné pendant de nombreuses années l'accès à des
collectionneurs pour faire des acquisitions importantes et les donner à
des musées, ce qui n'existe pas ici, jusqu'à un certain point.
Ça existe, mais ce n'est pas assez diffuse, pas assez mentionné.
Il faudrait, justement, qu'un collectionneur puisse faire l'acquisition, garder
l'oeuvre quelques années et en faire don à un institut
muséolo-gique, et là bénéficier aussi, au niveau de
l'impôt et tout ça, d'avantages. C'est pour ça que les
musées aux États-Unis regorgent d'oeuvres et qu'il y a vraiment
un patrimoine culturel important au niveau des oeuvres d'art. Ici, on n'a pas
encore ça, mais il faudrait, oui, que toutes ces implications et toutes
ces mesures-là soient mises en place.
M. Boulerice: Bon, le président dans sa bonté
proverbiale m'autorise à vous poser une autre question. Je vois un
paragraphe et je vous
avoue que je me questionne. Vous dites: "L'État, par la loi 78
sur le statut professionnel de l'artiste, a défini le rôle de
l'artiste et du diffuseur, en l'occurrence la galerie, et obligé les
deux parties à signer un contrat". Et là vous ajoutez: "II est
essentiel que ces balises soient systématiquement utilisées et
respectées si on veut que se "constitue" le secteur". Je vous avoue que
je ne le pige pas comme on dit en mauvais français.
M Tétreault: La loi 78, qui a reconnu le rôle, le
statut officiel de l'artiste, est excellente. L'artiste est quelqu'un dans la
société qui a un rôle professionnel, qui a un rôle
à assumer et qui le joue pleinement, et l'artiste a besoin d'un
diffuseur qui est la galerie. La dernière question que j'ai posée
après la lecture du mémoire: Est-ce que vous voulez que les
galeries existent encore? Donc, il y a une prise de conscience qui est
importante. Le contrat entre l'artiste, c'est une entité, là,
c'est un contrat culturel. Autant le gouvernement a un contrat culturel
à assumer avec tous les intervenants, bien, ça part, ça,
avec l'artiste et son agent, si je peux m'exprimer ainsi. Et c'est ce qu'est la
galerie. La galerie va respecter l'artiste. Peut-être que Mme Palardy
pourrait ajouter quelque chose à cet effet.
Mme Palardy: Bien, remarquez que, dans le contexte, justement, je
pense qu'on s'est trouvés face à un contrat. On respecte ce
contrat-là et dans ces termes-là j'ai l'impression que c'est un
peu ce qui fait qu'à un moment donné, si les deux parties
respectent leur contrat, quand on parlait du secteur, bien, c'est le secteur
culturel qui va faire qu'à un moment donné que ceci va marcher
plus rondement, si vous voulez. C'est une démarche qu'on a bien voulu
respecter. Donc, c'est un petit peu l'esprit du paragraphe, si vous me
suivez.
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de bien
vouloir conclure, M. le député.
M. Boulerice: Bon. Alors, vous voyez, c'est inévitable,
ça arrive.
Le Président (M. Gobé): C'est fort
intéressant, mais malheureusement le temps étant le temps...
M. Boulerice: Mais je sais qu'on aura bien des occasions de se
revoir et de continuer. Si j'ai bien compris aussi la dernière trame de
l'intervention qu'on a eue, bien oui, la galerie a une notion
commerçante et il ne faut pas s'en cacher, je veux dire, c'est tout
à fait naturel, c'est noble d'être commerçant d'art. Mais
je pense que vous venez également nous dire que la galerie avait une
mission culturelle, dans le sens que c'est un des grands moyens de diffusion
pour nos artistes en art visuel, et que, si on n'aide pas les galeries, si les
galeries disparaissent - et les galeries disparaissent très
régulièrement, puisqu'une espérance de vie de 10 ans, je
vous avoue que c'est très court, quand on regarde le
développement d'un marché d'art - à ce moment-là,
on défavorise non pas uniquement l'ensemble du réseau, mais
également la production culturelle comme telle. Je saisis ça
aussi comme dernier message que vous nous lancez. Alors, je vous remercie
beaucoup, Mme Palardy, Mme Labrecque, M. Tétreault. Et l'art pour l'art,
continuons! Peut-être qu'il y a une lumière au bout du tunnel,
très bientôt. Du moins, je le souhaite et je m'y emploie. (17 h
45)
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Oui, je joins mes remerciements
à ceux de mon collègue. Il y a une chose, par exemple, qui me
frappe. Vous savez, on parie de développement de nouveaux publics. Oui,
il y a les mesures fiscales, on va les regarder, etc. Mais on n'achète
pas ce qu'on ne connaît pas et tout le secteur... Et je pense que vous
avez touché un très bon point: c'est au niveau du secteur de
l'éducation. On voit ce que l'éducation a fait, et en peu de
temps, au niveau de l'environnement, par exemple, chez nos jeunes: ils sont
naturellement sensibilisés à l'environnement au point où
ils nous font la leçon tous les jours. Au niveau de la
sécurité routière, alors c'est la même chose. Si on
veut développer des publics, oui, on peut le faire par des incitatifs,
etc., mais le vrai public, c'est celui qui le consomme parce qu'il l'aime. Et,
à ce moment-là, je pense que tout part de l'éducation et
c'est ce qu'on est en train de faire avec le ministère de
l'Éducation: essayer de voir une façon, justement, de rentrer la
culture comme étant un élément moteur et nécessaire
à une vie ou à la vie de tous les jours. Alors, merci beaucoup de
votre contribution.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mesdames et monsieur, merci beaucoup. Ceci met fin à votre audition et
vous pouvez maintenant vous retirer. Au nom des membres de cette commission, je
tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer.
M. Tétreault: Merci.
Le Président (M. Gobé): Et j'appellerai maintenant,
pour vous faire suite, la Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs. Et je leur demanderais de bien vouloir prendre
place sans plus attendre.
Alors, mesdames et messieurs les députés, nous allons
maintenant reprendre nos auditions
et nous allons entendre la Société des auteurs,
recherchistes, documentalistes et compositeurs, qui est
représentée par M. Jean-Marie Ladouceur, vice-président -
bonjour, M. Ladouceur - M. Yves Légaré, directeur
général - bonjour, M. Légaré - et M. Robert
Malenfant, administrateur. Bonjour, M. Malenfant. Vous pouvez maintenant, sans
plus tarder, commencer votre présentation.
SARDeC
M. Ladouceur (Jean-Marie): M. le Président, Mme la
ministre, distingués membres de la commission, nous sommes heureux de
vous rencontrer aujourd'hui. Je signale, en passant, que M. Malenfant est aussi
le représentant régional des membres de la SARDeC.
La SARDeC regroupe et défend les intérêts de
près de 550 auteurs, recherchistes et documentalistes de l'audiovisuel
depuis 1949. De "La boîte à surprises" à "Passe-Partout",
du "Curé du village" au 'Temps d'une paix", de "Rue des pignons"
à "L'héritage", de "La vie heureuse de Leopold Z" à
"Jésus de Montréal", nos auteurs ont contribué à
façonner l'imaginaire québécois, tout comme nos
recherchistes et documentalistes du "Sel de la semaine", de "Femmes
d'aujourd'hui", de "Second regard" ont oeuvré à notre
façon d'appréhender la réalité. Les oeuvres
radiophoniques, télévisuelles et cinématographiques de nos
membres sont des jalons de notre mémoire collective et constituent, le
plus souvent, une partie importante de notre bagage culturel commun.
Nos membres oeuvrent tant à Radio-Canada, Radio-Québec,
l'ONF que chez les producteurs et diffuseurs privés. Ils sont à
l'origine d'oeuvres qui ont fait le succès de notre
télévision et de notre cinéma. Leurs créations
rejoignent nos auditoires dans une proportion que nombre de pays nous
envient.
M. le Président, nous ne souhaitons pas relire en entier notre
mémoire, mais plutôt attirer votre attention sur certains points,
en résumer les grandes lignes.
Précisons, tout d'abord, que rapatrier ou non la culture ne nous
est pas apparu comme la question primordiale sur laquelle nous devions nous
prononcer. La SARDeC n'a pas pris position à ce sujet et n'a pas de
mandat de ses membres pour le faire. Nonobstant la question constitutionnelle,
nonobstant les choix qui seront faits, que la culture soit rapatriée ou
non, que le Québec soit indépendant ou non, la proposition de
politique culturelle du rapport Arpin est-elle en soi acceptable? Telle est,
pour nous, la question ou, du moins, l'angle que nous avons voulu
privilégier. Notre réponse, M. le Président, est non. Ce
non signifie simplement que nous ne sommes pas preneurs d'une vision
institutionnelle et bureaucratique de la culture, d'une vision où
l'État, plutôt que de soutenir véritablement la culture,
souhaite en assumer la maîtrise d'oeuvre, soit en concevoir et en diriger
les activités, pour reprendre la définition même du rapport
Arpin.
Certes, le rapport Arpin est rempli de bonnes intentions. Certaines
mesures qui y sont suggérées sont valables, mais le rapport Arpin
contient des lacunes particulièrement importantes pour le secteur dans
lequel oeuvrent nos membres, l'audiovisuel et plus particulièrement la
télévision et le cinéma. Le cinéma constitue encore
la sortie culturelle privilégiée. Quant à la
télévision, M. le Président - et je mets entre guillemets
l'expression - c'est assurément le produit culturel le plus
consommé. Le rapport Arpin s'y arrête très peu. Il aborde
presque davantage la question de la télé communautaire - et
ça a du mérite - que la télé conventionnelle. Or,
l'histoire de notre télévision est assez exceptionnelle. Nous
avons réussi à nous approprier les ondes, à concurrencer
les télévisions étrangères. Le public
apprécie, écoute les émissions québécoises
dans des proportions inégalées dans le monde. A-t-on idée
du danger d'acculturation que représenterait la situation inverse? Ce
succès, il repose, entre autres, sur quelques ingrédients qui ont
été oubliés dans le rapport Arpin. D'abord, sur la
télévision publique qui, en quelque sorte, établit les
normes. Nous aurions voulu voir dans le rapport Arpin une réaffirmation
du rôle de la télévision publique et, par
conséquent, l'engagement des pouvoirs publics de continuer à
l'appuyer.
Ensuite, il est capital de préserver la diversification des
structures, des sources de financement, voire des lieux de création.
Comme nous l'avons mentionné, ce n'est pas une prise de position en
faveur du statu quo, mais le souci de préserver l'indépendance
des créateurs en multipliant les possibilités. Une politique
culturelle proprement québécoise devrait, de toute façon,
s'y ingénier.
Enfin, il nous apparaît aberrant que l'État veuille assurer
la maîtrise d'oeuvre, c'est-à-dire concevoir et diriger
l'activité culturelle. Toute politique culturelle doit préserver
l'autonomie des créateurs. Si notre développement culturel a
profité du soutien de l'État, il a d'abord reposé - et
ça, c'est important, M. le Président - sur le talent des
créateurs et sur les possibilités offertes à ce talent de
se développer. De plus en plus, les créateurs voient leur
rôle se réduire, voient les paliers de décision se
multiplier. Notre culture ne doit pas être l'oeuvre de
fonctionnaires.
En conclusion, le secteur culturel attend depuis des années que
les gouvernements démontrent leur volonté de soutenir fortement
la culture. Le rapport Arpin demande que nous nous prononcions sur son approche
de la culture. Nous aurions aimé voir des mesures concrètes qui
démontrent la volonté du Québec d'occuper
réellement le champ culturel. Cinquante pour cent des interventions du
fédéral dans la culture vont dans l'audiovisuel. En
télévision et en
cinéma, la présence du fédéral est massive.
Même la préservation de notre patrimoine audiovisuel est, selon ce
qui ressort d'une enquête de l'IQC, l'Institut québécois du
cinéma, laissée au fédéral. Que compte
concrètement faire le Québec pour démontrer son
intérêt réel dans ce secteur? À quand la
création d'un fonds de télévision à la SOGIC?
À quand le 1 % de la culture? L'État souhaite-t-il enfin soutenir
vigoureusement le secteur culturel? Nous aurions aimé obtenir des
réponses à ces questions, mais le rapport Arpin est
malheureusement silencieux à cet égard. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Mme
la ministre ou voulez-vous que je commence?
Mme Frulla-Hébert: Non, je vais y aller, moi. Je vais
juste commencer et ensuite...
Le Président (M. Gobé): Allez-y.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie beaucoup, M.
Ladouceur, M. Légaré et M. Malenfant. J'aimerais qu'on discute un
petit peu. Vous savez, le rapport Arpin, finalement, je l'ai dit tantôt,
c'est une base de discussion. Si le rapport Arpin n'a pas touché tout le
secteur de la télévision, etc., c'est que le système est
ainsi fait depuis 30 ans, j'imagine, où les Communications sont un
ministère et les Affaires culturelles en sont un autre. Bon! Alors, le
rapport Arpin dit: On devrait unir les deux. Ça, c'est une chose. Mais,
d'une certaine façon, le secteur télévisuel, en disant que
c'est important, effectivement, ils l'ont effleuré, ils y ont
touché, mais le mandat n'était pas donné conjointement.
Ça, c'est une chose. Par contre, c'est une base de discussion et on est
là, justement, pour discuter parce qu'il y a des choses où je
trouve que vous êtes très, très à point.
Vous dites que le Québec, en matière de
télévision... Parce que j'ai assumé quand même
l'autre ministère, je sais très bien que l'apport du
fédéral, effectivement, en matière de
télévision, est important parce qu'ils ont toutes les lois, avec
le CRTC, etc. Mais le Québec, quand même, fait beaucoup au niveau
de la programmation, ne serait-ce que, bon, par ses mesures fiscales, etc., au
niveau de la télévision. Le cinéma, je vous l'accorde, le
fédéral y est beaucoup plus présent, ça, il faut le
dire et c'est vrai, mais au niveau de la télévision, par exemple,
ce n'est pas tout à fait le cas.
Mais je voudrais revenir au fait où vous sentez, de la
façon dont c'est exprimé, une espèce de bureaucratie qui
veut s'implanter et un dirigisme culturel. J'aimerais ça que vous
élaboriez un peu plus là-dessus. Au contraire, l'intention, je
pense, c'est justement d'arrêter pas le dirigisme, mais la bureaucratie.
C'est devenu lourd et, de là, notre examen de conscience est de dire:
Bon! Là, on va s'en parler, tout le monde ensemble, parce qu'on est
très conscients aussi qu'on a des choses à changer. Alors,
parlez-nous de ça. De la façon dont c'est présenté,
vous sentez ça lourd ou plus lourd.
M. Ladouceur: Si vous permettez, Mme Hébert, comme, sur
ça, ça a été de longues discussions au C.A. de la
SARDeC, je demanderais à notre directeur général,
peut-être, de faire écho à ces discussions-là pour
vous permettre un peu de comprendre notre crainte à l'égard de la
notion de maître d'oeuvre. C'est bien ça dont il est question.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord.
M. Légaré (Yves): Effectivement, c'est davantage
cette notion qui a créé problème, c'est-à-dire que
les créateurs ont toujours eu l'impression que la culture reposait pas
seulement sur eux, mais entre autres sur eux et qu'ils étaient
peut-être le maillon d'origine, un des maillons les plus importants. Or,
de plus en plus, particulièrement dans le secteur que nous
représentons où les coûts de production sont très
élevés, où l'intervention de l'État en termes
d'argent est assez importante, les créateurs ont à composer avec
de nombreux intervenants. C'est-à-dire qu'il n'est pas vrai qu'un
créateur a une vision d'une oeuvre et que, le lendemain, elle est
produite ou qu'elle coûte quelques milliers de dollars. Il faut vraiment
beaucoup de personnes qui doivent se pencher sur cette oeuvre-là.
Or, on se rend compte, de plus en plus, que les interventions
gouvernementales visent à créer des programmes, à encadrer
la création, à nous orienter dans les directions avec lesquelles
on est pris. Je peux vous donner l'exemple du programme sur la relève
où on a défini, il y a quelques années, que la
relève était composée de personnes de 18 à 35 ans,
ce qui n'est pas nécessairement approprié à tous les
secteurs. Je ne sais pas si un danseur de 35 ans, un peu perclus d'arthrite,
peut être considéré comme de la relève. Bon! Et on
est obligés, donc, de s'ajuster par la suite. (18 heures)
Je vous donne un exemple d'un programme tout récent, qui est
annoncé dans un entrefilet dans La Presse, de coproduction avec
la France pour de la coécriture, une écriture transculturelle. Ce
programme-là, on en a eu vent, il y a déjà quelques mois,
par le biais de notre représentante à l'IQC qui, à
l'époque, disait: Attention, vous inventez des façons de
travailler aux auteurs, ça ne peut pas fonctionner, il y a de graves
lacunes; consultez la SARDeC, consultez les auteurs. Le programme chemine au
sein de l'administration, les fonctionnaires articulent, d'une certaine
façon, l'ensemble des programmes et on se retrouve à la toute fin
à intervenir pour leur dire: Écoutez, ça ne va pas, ce
sera
tout à fait à côté de ce que les auteurs
peuvent faire; vous allez dans la mauvaise direction. Et, donc, la concertation
n'est pas toujours là.
Et, lorsqu'on dit que l'État, justement, va assumer la
maîtrise d'oeuvre, c'est un peu ces exemples-là que nous avons en
tête. On pourrait trouver des exemples semblables au
fédéral. La maîtrise d'oeuvre en tant que telle, pour nous,
qu'elle relève du fédéral, qu'elle relève du
provincial, ça nous dérange. Et c'est vraiment dans cette
perspective-là, dans ce cadre-là que nous avons voulu dire en
quelque sorte: Soutenez la création, soutenez les créateurs, mais
n'essayez pas de décider pour nous, n'essayez pas de concevoir
l'activité culturelle; vous gérez à l'heure actuelle le
succès. Le problème de la culture est-ce parce qu'on ne sait pas
où on s'en va? D'une certaine façon, si on regarde la
télé, aucun pays n'atteint un tel auditoire. Nos émissions
supplantent les émissions américaines de façon
inégalée. Donc, lorsque vous gérez quelque chose, pensez
que c'est de succès qu'il s'agit; n'essayez pas de nous trouver des
solutions, des recettes miracles, de jouer aux apprentis sorciers et
consultez.
Mme Frulla-Hébert: Là-dessus, je vais vous dire, je
suis d'accord à 100 %. Par contre, vous savez que, quand on gère,
on gère des fonds publics; veux veux pas, c'est ça. Et la plupart
des groupes nous ont parlé justement de fonds; j'en faisais état
à la télévision, mais c'est ça pareil. On parle
beaucoup de fonds. On peut avoir des grands principes, mais il y a toujours une
question d'argent. Et, quand on gère des fonds publics,
évidemment, on doit le faire dans la transparence la plus absolue. Ce
n'est pas comme au privé ou, enfin, dans un secteur où on peut
carrément choisir; les fonds publics, c'est tout à fait
différent. Alors, comment fait-on? Vous dites: On gère le
succès. Bon. C'est quoi, le rôle de l'État, finalement,
à travers tout ça? Quand on parle de maîtrise d'oeuvre,
c'est pouvoir s'assumer, se développer soi-même - je pense que
c'était plus ça, la définition de maîtrise d'oeuvre
- et ne pas avoir d'autres personnes pour nous développer, tu sais.
Donc, c'était beaucoup plus dans ce sens-là, la définition
de maîtrise d'oeuvre. Mais quel est, d'après vous, le rôle
de l'État et, plus particulièrement, du ministère des
Affaires culturelles? Quel rôle devrait-on assumer, nous, à
l'intérieur de tout ça?
M. Ladouceur: Madame, c'est un rôle pour faciliter...
Prenez dans une production d'une oeuvre, il y plusieurs groupes qui
interviennent et - c'est notre perception du rapport, vous corrigerez, si vous
voulez - plutôt que d'avoir une perception très verticale de la
culture, à savoir une espèce d'organisation pyramidale où
tout, finalement, aboutit au ministère qui décide de mener le
bateau de la culture, ce serait mieux de garder une vision très
horizontale, qui est un peu présente actuellement, où tous les
gens qui participent à la culture et à l'art, en
général, puissent avoir accès à des
facilités pour mettre en oeuvre ce qu'ils ont à faire. Et, dans
le moment, notre perception du rapport Arpin, c'est que ce n'est pas une vision
horizontale de la culture, ce n'est pas une vision du côté des
créateurs, c'est plutôt... Bon, à un moment donné,
vous signalez qu'il faut faire des études sur le goût du public
pour que les oeuvres arrivent au goût du public. Mais, souvent, ce sont
les artistes qui créent le goût du public. Alors, ils ne sont pas
en arrière du goût du public, ils sont en avant, c'est très
important. Alors, c'est un peu cette démarche-là. La
finalité 1 et la finalité 2 du rapport Arpin, on est tout
à fait d'accord avec, il n'y a pas de problème. C'est cette
espèce de présence de l'État sous cette forme-là,
vous savez. Que vous multipliiez les guichets, tant mieux!
Mme Frulla-Hébert: Beaucoup d'organismes sont venus nous
voir et ils nous ont parlé du "arm's length".
M. Ladouceur: Oui.
Mme Frulla-Hébert: C'est vrai que c'est un
problème, parce que, effectivement, n'importe qui qui se voit refuser un
projet ou un autre, la première chose qu'on sait, le
téléphone sonne au bureau de la ministre, ce qui n'est pas
normal. Malgré qu'on a des jurys régionaux, malgré que
jamais, jamais, jamais - et on a été, d'ailleurs, et
moi-même je l'ai été, fustigés pour ça - on
ne contrôle la création et on n'émet ne serait-ce qu'une
opinion, ça finit toujours sur le bureau de la ministre pareil. Alors,
on regarde aussi sérieusement le fait d'avoir un organisme
indépendant, un genre de conseil des arts pour le développement -
on ne l'appellera pas comme ça, certain - au niveau de la
création. Mais on a aussi la SOGIC et ce sont des organismes qui sont
tout à fait autonomes, si on veut.
Est-ce que ce serait aussi une solution d'avoir plus d'organismes
autonomes, c'est-à-dire partant d'objectifs transparents, c'est
sûr, parce que ce sont des fonds publics? À partir de ce
moment-là, on les laisse aller complètement et on sort tout
ça du ministère.
M. Légaré: Je pense que ce qui ressort de notre
mémoire, c'est un désir de diversification. En ce sens-là,
plus il y aura d'organismes, plus il y aura de guichets, plus les
créateurs seront sans doute mieux servis. Le souci de transparence est
également vrai pour nous. On ne peut pas en vouloir à un
État qui déciderait d'instaurer une grande transparence. Au
contraire, on va toujours appuyer la plus grande transparence, mais c'est
peut-être ce qu'il manque à l'heure actuelle. Les prises de
décision sont-elles tou-
jours bien connues? Les règles sont-elles toujours claires? Il y
a intérêt à se concerter avec le milieu.
Pour peut-être répondre à votre question de tout
à l'heure, on demande que le ministère nous appuie dans le
secteur culturel, un peu comme, dans d'autres secteurs, les différents
ministères appuient. On pense à l'aéronautique; ce n'est
pas le ministère de l'Industrie et du Commerce qui va décider
quelle orientation ça va prendre. Il y a des gens qui sont effectivement
appuyés par les différentes instances gouvernementales pour faire
en sorte que le Québec, dans l'aéronautique, devienne très
présent, très actif et très dynamique. C'est un peu le
même genre d'intervention qu'on souhaiterait.
Mme Frulla-Hébert: Merci. M. le Président, vous
auriez une question?
Le Président (M. Gobé): Oui, Mme la ministre, bien
que vous ayez posé sensiblement les questions qui
m'intéressaient. Ça me fait un drôle d'effet de vous
entendre et d'écouter aussi la ministre. Vous parlez de dirigisme, de
réglementation, de maîtrise d'oeuvre, culture d'État,
à peu près ça, que vous avez cru voir dans le rapport
Arpin. Ça me rappelle une lecture que je faisais, il y a quelque temps,
sur ce bon M. Colbert, vous savez ce ministre de Louis XIV, qui, à un
moment donné, avait décidé de former avec un M. Chapelain,
un ancien écrivain que vous devez probablement connaître, vous,
une espèce de politique culturelle. Il avait dressé une liste de
70 ou 90 noms d'écrivains, documentalistes, auteurs, compositeurs
français afin de les recommander au roi afin qu'il les dote, ceci pour
développer la culture et faire en sorte que la culture française
rayonne. Sauf qu'il y avait un écrivain, un dénommé Jean
de La Fontaine, que tout le monde connaît - rien à voir avec notre
LaFontaine, ici - qui, lui se plaignait parce qu'il disait: C'est de la culture
d'Etat, ça a pour but de faire valoir la gloire et la grandiloquence du
roi, de faire valoir une image de la France.
Je me demande si on n'en arrivera pas là à un moment
donné. Si l'État prend le contrôle de la culture, si les
fonctionnaires le prennent, ils pourront faire comme M. Chapelain qui a
recommandé à M. Colbert - je ne sais pas comment il s'appellerait
dans ce temps-là - 90 noms, 110 noms ou 120 noms. Et, advenant le bon
vouloir du prince, dépendant des écrits ou de la musique qui
serait composée, on pourrait se retrouver avec un système...
D'abord, il n'y aurait pas de créativité, mais ça
deviendrait une espèce de machine à propagande ou à
remerciement des copains.
J'ai un exemple parfait. Mon ami, le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, va peut-être m'en vouloir un peu parce que
probablement c'est un de ses amis. Mais on voit qu'actuellement dans la
République française - on est des francophones, on va s'en
inspirer un peu - le ministre de la culture, M. Jack Lang, est constamment
critiqué dans les médias, dans les journaux -
dernièrement, le Canard enchaîné encore le sortait
-pour octroyer des bourses et des dotations, tel Colbert, à ses amis, la
république des camarades comme ils le disent, et à tous les gens
qui écrivent des grandiloquences sur le roi-président
François II.
C'est pour ça que je trouve intéressant ce que vous dites.
C'est parce qu'on retourne en 1660, dans le temps de Colbert. On se ramasse ici
à faire une politique pour l'an 2000 et il n'y a rien de changé,
d'après ce que je peux voir. Qu'est ce que vous pensez de ça?
M. Légaré: Aucun de ceux que vous avez
nommés n'est membre de la SARDeC. Ce que je voudrais simplement dire,
c'est que les auteurs - et ça, dans un paragraphe du rapport Arpin, je
l'avais vu - et les créateurs en général assument d'une
certaine façon le risque de leur situation. Ils assument que, pendant
des années, ils puissent oeuvrer sans avoir de succès. Ils
assument qu'ils sont à la merci du choix du public. Jamais, en tout cas,
notre position ne sera de dire: Identifiez des créateurs et faites en
sorte que ces créateurs-là puissent écrire pendant des
années, tout comme on trouve parfois aberrant que des producteurs
puissent vouloir que la vie de leur maison de production puisse être
établie pendant des années. Les règles du jeu sont, dans
ce secteur-là, que le public a son mot à dire. L'État
doit, cependant, intervenir; sinon, seules les oeuvres ayant du succès
finiraient par être produites, peu importe le secteur. L'État doit
faire en sorte d'assurer une diversité. Qu'il y ait des gens qui
puissent écrire de la poésie pour un public réduit comme
des gens qui vont vivre très bien de leur plume en écrivant des
romans grand public, je pense que c'est une situation culturelle saine. Et le
rôle de l'État est, entre autres, justement, de préserver
l'équilibre, d'avoir une culture qui laisse de la place à ces
différents genres, d'une certaine façon.
Le Président (M. Gobé): Donc, vous n'avez pas
besoin de structure comme telle qui va... Vous préférez
probablement avoir une espèce de plancher qui vous permette de
fonctionner, pas forcément pour vivre continuellement de...
M. Ladouceur: Et que l'État nous parle aussi. C'est
très important que l'État nous parle, soit en contact avec nous
dans l'élaboration des choses. Vous savez, on ne peut pas imaginer
pourquoi une histoire aussi simple qu'une maîtresse d'école du
XIXe siècle qui tombe amoureuse d'un garçon qui est alcoolique,
ça fasse une histoire, à la télévision, qui marche.
Pourtant, vous savez bien que "Les filles de Caleb" ont bien fonctionné.
Alors, c'est ça, il y a comme un risque dans le domaine de la culture et
des arts
et ce risque-là, tout le monde doit l'assumer,
c'est-à-dire l'État comme outil culturel et des arts de la
population avec les auteurs, avec les recherchistes, les documentalistes, avec
les créateurs. C'est ensemble. Actuellement, notre vision du rapport
Arpin, c'est que ce n'est pas ensemble.
M. Légaré: Et je vous dirais qu'il y a des outils.
Il y a nécessité de cadres parfois. Je pense à la loi 90.
C'est un outil pour que les créateurs et les artistes puissent
être reconnus et obtenir des conditions décentes dans l'exercice
de leur travail, si on veut. Il y a également la loi du droit d'auteur
qui relève du fédéral, qui est une vieille loi,
vétusté, pour laquelle on demande depuis des années, et
tout le monde en demande, des réajustements qui tardent à venir
et ça nous nuit énormément. Donc, il y a des cadres qui
sont nécessaires, mais ces cadres-là doivent être
perçus comme s'adressant à des adultes, d'une certaine
façon, et non pas à des gens qui ne sont pas capables de
s'occuper eux-mêmes de leurs affaires.
Le Président (M. Gobé): Donc, moins de dirigisme,
mais plus de liberté d'action, sans pour autant un
désintéressement total de la culture envers votre condition qui
n'est pas toujours facile.
M. Légaré: Effectivement.
M. Malenfant (Robert): Je pourrais ajouter: Dans le fond, ce
qu'on veut, c'est qu'on nous donne les moyens de créer tout simplement,
sans nécessairement nous encadrer ou essayer de nous contrôler ou
quoi que ce soit. À venir jusqu'à présent, la culture au
Québec a pris énormément d'expansion et ce n'est pas
nécessairement dû à l'État, mais c'est dû aux
créateurs eux-mêmes. Et, dans le rapport Arpin, il semble que le
cheval est bien parti et il voudrait être aussi là et essayer de
contrôler et de maîtriser cette bête-là.
Le Président (M. Gobé): Dernière question
avant de passer la parole à mon collègue de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Est-ce que vous avez fait des
représentations auprès du gouvernement fédéral afin
d'améliorer cette loi des droits d'auteur?
M. Légaré: À plusieurs reprises. Tant la
SARDeC que la Coalition des créateurs et titulaires de droits dont elle
est membre et la Conférence des associations de créateurs et
créatrices du Québec, nous avons, via ces différents
regroupements, rencontré le ministre Masse, à l'époque, le
ministre Blais dont relève la loi - même si le ministre des
Communications est chargé de la révision de la loi, la loi
relève de corporations et consommation Canada - les différents
fonctionnaires à plusieurs reprises.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que le
ministère des Affaires culturelles du Québec a été
saisi de votre demande et a fait des représentations pour appuyer votre
demande auprès du ministre fédéral?
M. Légaré: C'est-à-dire que le
ministère est, je pense, au courant du travail de la Coalition des
créateurs et titulaires de droits, du travail de la CACCQ. Il sait
quelles sont nos demandes en tant que telles. On a eu des échanges
d'informations à quelques reprises là-dessus. Je ne pense pas
que... Il y a eu une politique...
Le Président (M. Gobé): Vous dites qu'il y a des
pressions qui ont été faites?
M. Légaré: Hum.
Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, je vous
remercie, en ce qui me concerne. Maintenant, nous entrons dans le temps du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député,
vous avez la parole.
M. Boulerice: Eh bien! Écoutez, j'adresserai à mon
ami, Jack Lang, les reproches qui lui ont été faits et, pour ce
qui est des droits d'auteur, M. le député de LaFontaine en
parlera à son grand ami intime, Jean Chrétien. (18 h 15)
Le Président (M. Gobé): II n'est pas, pour
l'instant, chef du gouvernement, mais, lorsqu'il le sera, permettez-moi de vous
dire que je lui en ferai part.
M. Boulerice: Rêvez, monsieur, rêvez. Ceci dit, M.
Ladouceur, M. Légaré, M. Malenfant, heureux de vous revoir.
Écoutez, moi, je voudrais qu'on mette quelque chose au clair tout de
suite, là, parce que j'entends le mot "dirigisme" à un point tel
que là je commence drôlement à me regarder dans la glace le
matin en me disant: Mais, mon Dieu, derrière cette figure d'archange se
cache-t-il un monstre? Et probablement que ma collègue a les mêmes
interrogations, sauf que le miroir lui renvoie peut-être quelque chose de
plus agréable que le mien. Mais, enfin, ceci dit, est-ce que vous avez
senti le dirigisme dans l'énoncé du rapport Arpin ou si c'est un
bilan que vous faites de la gestion des arts et de la culture au Québec
depuis 30 ans? Si vous me répondez oui, là, je vais avoir de
sérieuses difficultés avec ma glace demain matin.
M. Légaré: On a senti le dirigisme dans le rapport
Arpin et on ne peut pas faire de constat pour les 30 dernières
années aussi général en tant que tel. C'est-à-dire
qu'il y a des choses, qui peuvent être perçues tout à fait
favorablement, qui sont issues du ministère des Affaires
culturelles. Il y a des choses qui, au contraire, ont soulevé la
désapprobation, et ça, c'est du cas par cas, d'une certaine
façon.
M. Ladouceur: II y une définition dans le rapport Arpin,
M. le député, qui est très claire au sujet de ce qu'est
être maître d'oeuvre. Je pense que c'est à la page 187 du
rapport. "Être maître d'oeuvre, cela signifie être celui qui
conçoit - et je ne pense pas que ce sont des mots au hasard - et dirige
les activités dans le domaine culturel." Alors, pensez que vous
êtes un auteur et que vous lisez cette phrase-là. On n'est pas
loin de la liste des accrédités de monsieur, puis on n'est pas
loin, non plus, de certaines décisions qui disent: Maintenant, la
culture, ça va avoir telle allure et, nos chers auteurs et
créateurs, vous n'avez qu'à vous ajuster dans cette
orientation-là. C'est dans ce sens-là. Est-ce qu'on se trompe? Si
ce n'est pas ça que ça signifie, dites-le-nous.
M. Légaré: C'est peut-être aussi, entre
autres, que les créateurs ont quand même vécu certaines
expériences, que ça soit, par exemple, les rôles de
Téléfilm et de la SOGIC. C'est-à-dire qu'auparavant le
créateur n'avait qu'un diffuseur à convaincre. Maintenant, depuis
quelques années, son oeuvre doit recevoir l'assentiment du producteur,
recevoir l'assentiment des gens à la SOGIC, recevoir l'assentiment des
gens à Téléfilm, recevoir l'assentiment des gens chez le
diffuseur et, bien sûr, du public par la suite. C'est sûr que, dans
l'exercice de leur travail, c'est parfois difficile à vivre. Il y a des
choses qui sont défendables, d'autres moins. Et, lorsqu'on voit que
l'État intervient, il y a tout ça derrière
également.
M. Boulerice: Bon. Disons que j'apprécie cette mise au
point là parce que je vous avoue que, depuis le début de la
commission, j'ai un petit peu eu le sentiment qu'on assistait un petit peu a un
mauvais "remake" de "The Good, the Bad and the Ugly", "the Ugly" étant
ces méchants politiciens tentés par une espèce de
dirigisme, mais, enfin, ce n'est pas le cas. Surtout que - et je vais prendre
à témoin mes collègues - nous sommes tous,
députés, dispensateurs de subventions qu'on appelle hors normes
et Dieu seul sait qu'on ne s'ingère pas dans la programmation des
organismes de nos circonscriptions qui nous en demandent. Je peux même
vous citer, dans mon cas, des organismes que je subventionne et dont
l'activité principale est de faire ma critique. Donc, je pense ne pas
souffrir de dirigisme et je mets au défi quelqu'un de prouver que mes
collègues le sont.
Bon, ceci étant dit, M. Ladouceur la ministre vous a
répondu que ce n'était pas dans le mandat du rapport Arpin de
regarder la télévision, donc, l'immense domaine de l'audiovisuel.
À cette réponse, je répondrai par la tirade de "Cyrano de
Bergerac": "C'est un peu court." Le rapport aurait pu dire: Quoique cela
n'étant pas de notre mandat, nous croyons utile de dresser des pistes,
parce que c'est 85 % du temps culturel des Québécois. Et on a eu
le plaisir d'avoir à cette commission le président de
Vidéotron. Bon, ce n'est pas à vous que je vais apprendre
ça, les gens de la SARDeC, la télévision de demain, on est
en train de la fabriquer et, mon Dieu, personne alentour de nous n'a
l'imagination, et je m'inclus, assez fertile pour saisir ce que ça va
être, tellement c'est immense et quelque chose de
phénoménal.
Donc, nous - je suis obligé de vous dire "nous", j'appartiens
à une formation politique et je n'en ai aucune gêne, tout au
contraire - on parle de ministère des arts, de la culture et des
communications, en se disant que, si on a donné à une puissante
société d'État le mandat de promouvoir l'unité
nationale de ce pays, on pourrait peut-être s'arranger, nous, pour avoir
une télévision qui aurait le mandat de diffuser notre culture, de
produire notre culture. Et, plus on la diffuse, plus on la produit, bien, plus
on donne aux gens le goût. Ces prémisses-là étant
établies, est-ce que vous reconnaissez qu'à cet égard -
puis, Dieu seul sait qu'on pourrait se bombarder de chiffres; l'audiovisuel,
c'est des milliards, des milliards - au même titre que les droits
d'auteur, le Québec ne dispose d'aucun levier réglementaire sur
ce secteur d'activité? Bon, sur les droits d'auteur, peut-être un
peu moins, mais, au niveau de la radiotélévision, on ne peut rien
faire.
M. Ladouceur: On reconnaît ça, M. Boulerice, mais la
question nous apparaît un petit peu courte en disant: Le problème
va être solutionné très facilement, on va rapatrier. O.K.,
mais ce n'est pas tout de rapatrier. Il faut savoir qu'est-ce que le
ministère veut faire avec ça et comment il veut traiter ces
créateurs, comment il veut traiter ces auteurs. Parce que le
rapatriement, c'est comme si vous nous demandiez de signer un chèque en
blanc, puis après, soyez-en sûrs, messieurs les créateurs,
vous allez être heureux, parce que vous allez nous appuyer
là-dessus.
Pour nous, l'autonomie de base, c'est l'autonomie du créateur. Et
je pense qu'un ministère de la culture, des arts et des Communications
doit reconnaître ça et favoriser ça. C'est la condition
primordiale pour nous, pour avoir une culture vivante, dynamique, et une
culture qui va contribuer à l'épanouissement de la
population.
M. Légaré: Et peut-être ajouter aussi
qu'au-delà du pouvoir réglementaire il y a des choses qui
demeurent possibles. C'est-à-dire Radio-Québec existe, en tant
que telle. Lorsque Radio-Canada, il y a quelques mois, a coupé les
régions, il était peut-être intéressant de se
rappeler que Radio-Québec avait fait la même chose au
niveau des régions. Et, lorsque je vois dans le rapport qu'on parle
d'accessibilité pour les régions, dans notre secteur, cette
accessibilité, elle se traduit, justement, par des stations un peu
partout au Québec. Et les deux paliers de gouvernement ont sabré
là-dedans.
Il reste, également qu'au niveau de la production rien
n'empêche le gouvernement du Québec, à l'heure actuelle, de
mettre de l'argent dans la production. La production, en tant que telle, ne
relève pas du fédéral. On peut mettre davantage d'argent
que présentement à la SOGIC, sans aucun problème. Il y a
encore des choses possibles. Et, un peu comme le disait effectivement
Jean-Marie, nous, ce qu'on aurait aimé voir, c'est comment est-ce que
nous allons occuper notre espace culturel avec le rapport Arpin. Et, il n'y a
pas de réponse à ça. Il y a, d'une certaine façon,
des idées qui sont données, mais, au-delà de
l'idée, qu'y a-t-il?
M. Ladouceur: Pour commenter un peu votre réponse, M.
Boulerice, tantôt, en disant: C'est un peu court de dire que le
problème des communications actuellement n'est pas sous notre
juridiction, il y a quelque chose qui nous a fatigués aussi à la
lecture du rapport Arpin, c'est ce rôle qu'on donne aux médias
dans le domaine de la culture. On en fait des transporteurs de
représentation de la culture, mais - et si nous avons mal lu, veuillez
nous corriger - on ne semble pas s'apercevoir, entre autres, que la
télévision et le cinéma créent aussi. O.K. Les
téléromans de Pierre Gauvreau sont des créations. Ce ne
sont pas seulement des représentations d'un concert ou d'une
pièce de théâtre. Et on semble, dans le rapport Arpin,
faire des médias une espèce de transporteur de la culture
auprès du public. Ce n'est pas rien qu'un transporteur, c'est aussi un
créateur de culture.
M. Boulerice: Justement, en parlant de créateurs, M.
Légaré a fait allusion à la fermeture des antennes
régionales de Radio-Québec. Je me souviens fort bien, je venais
d'entrer en ce Parlement, nouvellement élu dans cette belle
circonscription que vous connaissez, et j'ai dû faire, mon Dieu, je
pense, 37 heures de ce qu'on appelle un "filibuster" pour empêcher
l'adoption de la loi. Mais, malheureusement, elle est passée.
Mais il y a des gens des régions qui viennent et j'aimerais
ça savoir si... Bon. Je suis de nature à les croire, mais je
pense que vous avez autorité pour le faire. Les gens des régions
viennent nous dire: Oui, ça a été catastrophique au niveau
de la production chez nous, mais ce qui est le grand drame, c'est qu'on accuse
maintenant des retards considérables au niveau des producteurs parce
qu'on a fermé des débouchés, on n'a plus ces producteurs
et en reformer d'autres, ce n'est pas demain la veille. Est-ce qu'ils ont
raison quand ils nous disent cela?
Une voix: Tout à fait.
M. Boulerice: Je pense que M. Malenfant... Oui.
M. Malenfant: Ils ont tout à fait raison parce que, au
moment où Radio-Québec a régionalisé sa production,
ça s'est fait d'abord extrêmement rapidement et dans des
conditions difficiles pour les gens en région. Il y a eu très peu
de formation à ce moment-là. Bon. On a reproché, par
après, que des émissions, c'était plus ou moins
intéressant, plus ou moins bien fait, assez bâclé, etc.
Ça se comprend dans le contexte. On n'a pas laissé aux gens le
temps vraiment de se perfectionner et, après, quand ça a
été fermé, bien, on fait quoi en région à ce
moment-là si Radio-Québec n'est pas là? Radio-Canada vient
de fermer. Les gens qui veulent produire en région, ils font quoi? Ils
produisent quoi? Ils diffusent où? La culture régionale, on la
montre à quel endroit? On la diffuse à quel endroit? Il n'y a
plus de place à ce moment-là. Et les gens qui avaient
commencé à acquérir une certaine formation avec
Radio-Québec, bon, bien, qu'est-ce qu'ils font? Ils essaient de vivoter
tant bien que mal en région ou ils s'en vont à Montréal
et, à ce moment-là, la culture de la région, elle est
où? Elle est nulle part. Et on vient de perdre un apport important.
M. Boulerice: O.K. Veux veux pas, dans votre texte, il y a quand
même une certaine méfiance à l'égard du
ministère. Est-ce que je pourrais dire qu'elle s'explique par son
défaut de livrer la marchandise des lois structurelles importantes qui
ne sont pas venues et qu'on attend? Bon, on a parlé du statut de
l'artiste, mais il y a le statut fiscal de l'artiste qu'on attend encore. Je
l'ai toujours dit: Le statut de l'artiste ne sera qu'une statue si on n'a pas
le statut fiscal. Oui, il faut revoir nos droits d'auteur dans la notion de
droits voisins aussi qui est extrêmement important. On ne peut pas
échapper à cela. Le démantèlement de
Radio-Québec, on en a parlé et, après ça, il y a
cette gestion on ne peut plus inquiétante de la SOGIC. On a entendu ici
des cris du coeur qui étaient: À l'époque de la
société gérant les industries du cinéma, ça
allait bien, mais, depuis la SOGIC, c'est le... Je vous donne les trois points
de suspension. Est-ce que mon analyse, enfin, ma traduction de votre texte est
bonne?
M. Ladouceur: Elle est juste.
M. Malenfant: Elle est très juste si on regarde qu'est-ce
que le gouvernement antérieur, qu'est-ce que les gouvernements qui ont
passé avant aujourd'hui ont fait: ils ont produit des rapports à
tous les cinq ans et ils ont fermé Radio-Québec, et l'argent qui
est donné à la SOGIC, par exemple, ça n'augmente pas
néces-
sairement. Je veux dire, qu'est-ce qu'on a fait, à venir
jusqu'à présent, qui justifierait les auteurs et les
créateurs de faire confiance? Qu'est-ce qu'on a fait au gouvernement qui
nous justifierait de faire confiance? L'important pour un auteur, c'est d'avoir
de nombreux endroits où il peut aller chercher du financement pour
pouvoir travailler.
M. Boulerice: Bon. Alors, il semble que le président,
cette fois-ci, ne sera pas aussi...
Le Président (M. Gobé): J'ai mon caucus, mon cher
collègue.
M. Boulerice: ...bienveillant. Alors, je retiens, M. Ladouceur,
M. Légaré, M. Malenfant, de votre intervention, outre les choses
que vous nous avez dites, qu'il faudrait, oui, une politique globale, vous y
souscrivez, mais où est clairement défini quel est le rôle
de l'État. Il faut faire toujours attention avec les termes; moi,
j'aurais plutôt le goût de parler d'architecte dans le sens qu'il
dit: Bon, bien, voilà, il nous faut une maison, mais maintenant le
charpentier a son mot à dire, le plâtrier a le sien, le plombier,
etc., et non pas dans le sens que vous dites où vraiment tout est
très ciblé et il s'agit de voir si on entre dans la petite case,
pour faire une image là, B42, etc. C'est ça que je retiens.
M. Ladouceur: Si l'État était gestionnaire de ce
qui est plutôt que gestionnaire de ce qui devrait être, nous, on
aurait sûrement plus confiance.
Le Président (M. Gobé): Merci.
M. Boulerice:. Pour vous remercier, si vous me permettez, juste
une petite anecdote puisque vous avez fait allusion à cette magnifique
série qui a montré des scènes de la vie quotidienne d'un
quartier auquel nous sommes tellement attachés, le conseiller municipal,
M. Lajeunesse, et moi-même travaillons activement pour que ce beau petit
bout de rue prenne définitivement le nom de rue des Pignons.
M. Ladouceur: Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, en
terminant, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. Effectivement, la remarque
de plusieurs des créateurs qui sont venus nous parler était quand
même générale: Aidez-nous, nous les créateurs. Mais,
au niveau de l'État, vous savez, on a toujours l'impression aussi
beaucoup d'aider. Quand vous nous dites: Bien, il y a eu un grand
développement, mais ce n'est pas vraiment au gouvernement. Moi, je peux
en parler très librement; je suis là depuis un an, alors. Mais,
en fait, c'est vrai que les budgets ont augmenté, les aides ont
augmenté. On a investi dans certains réseaux, etc. Mais, il y
aurait peut-être maintenant lieu et il y a lieu - on le regarde de
très près -maintenant, au niveau des créateurs et au
niveau des artistes, d'isoler ce qu'on fait, parce qu'il y a deux choses,
justement, que Mme Courchesne me disait. On a l'impression beaucoup que parler
aux associations, ce n'est pas bon pour les intervenants du ministère ou
on parie toujours au même parce que le retour, c'est: Bien, vous ne me
parlez pas suffisamment. Et c'est la même chose au niveau des budgets. On
a l'impression qu'on les augmente, puis qu'on y va à bout de bras, c'est
sûr. Excepté que c'est la même chose: on dirait que bien,
là, ça ne descend pas. Alors, on va regarder ça de
très près parce que, effectivement, la culture part des
créateurs.
Le Président (M. Gobé): Alors, messieurs, au nom
des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ce fut fort
intéressant. Et ceci met malheureusement fin à votre audition. On
aurait pu la continuer longtemps. Je crois qu'on aurait eu tellement de choses
à discuter, mais, malheureusement le temps imparti est terminé.
Alors, je déclare la commission suspendue à ce soir, 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 20 h 11)
Le Président (M. Doyon): La commission va maintenant
continuer ses travaux après la suspension que nous avons eue. J'invite
maintenant la ville de Roberval, représentée par M. le maire,
André-Guy Laroche, à bien vouloir prendre place en avant, ainsi
que M. Michel Bouchard qui, je pense, est ici, le directeur des loisirs. Je
vous souhaite la bienvenue au nom de Mme la ministre, ainsi que de mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques et vous invite à faire
votre présentation d'une durée d'environ 10, 15 minutes.
Après ça, la conversation s'engage avec les deux
côtés de la table pour vous demander des explications. Vous
disposez donc, au total, d'à peu près trois quarts d'heure. Vous
avez la parole, M. Laroche.
Ville de Roberval
M. Laroche (André-Guy): M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs de la commission, c'est un peu pour
répondre à l'aimable invitation de la ministre que je me trouve
ici ce soir. Le document que vous avez entre les mains a été
produit assez rapidement; cependant, il est, je pense, un élément
de plus dans l'ensemble des mémoires qui vous ont été
présentés.
Qu'un maire d'une municipalité de 12 000
habitants se décide à réagir à la lecture du
rapport Arpin, c'est qu'il y a des éléments ou des
énoncés qui irritent et blessent un régiona-liste
convaincu et un individu qui a un intérêt bien particulier pour la
culture et les arts.
Les irritants. Si certaines orientations nous permettent de
découvrir une vision nouvelle de la culture et des arts, une approche
intéressante et surtout un guide capable de favoriser
l'élaboration d'une politique susceptible de faciliter un
véritable accès de toute la population du Québec à
la culture et aux arts, il ne faudra pas que certains irritants deviennent des
vérités et des éléments pouvant compromettre une
véritable réforme.
Ce n'est pas en mettant fin à l'éparpille-ment des
subventions qu'on va permettre à des petits milieux d'initier des
activités culturelles et de donner le goût de la culture. Ce n'est
pas, non plus, en alourdissant le poids financier des municipalités
qu'on va les convier à des efforts supplémentaires dans le
domaine de la culture et des arts. Il ne suffit parfois que d'une aide
financière minime pour permettre à des bénévoles
dans un milieu de susciter des activités culturelles et sensibiliser
toute une population au beau et au bien.
Ce n'est pas, non plus, en établissant un réseau sur
l'ensemble du territoire du Québec, formé de trois pôles,
Montréal, Québec et l'ensemble régional, pour faire de
Montréal la plaque tournante de la vie culturelle, que les
régions vont se nourrir des retombées de la synergie
Montréal-Québec. On nous propose ce même scénario
dans le domaine économique et on privilégie le
sous-développement des régions aux dépens de
Montréal et on assiste non seulement à la mort des
régions, mais aussi à la faiblesse de plus en plus marquée
de Montréal.
Sur le plan de la culture, comme sur le plan économique,
permettons aux régions d'être fortes et nous reconnaîtrons
une nouvelle puissance de Montréal. Cela ne veut pas dire, cependant,
que Montréal n'a pas un rôle national et international à
jouer sur le plan de la culture, mais, si nous voulons vraiment alimenter la
vie artistique et culturelle de Montréal, faisons en sorte que les
régions soient assoiffées de culture et d'arts.
Je ne peux pas désirer une chose que je ne connais pas, mais si,
dans mon milieu, on m'éveille, on me sensibilise à la culture et
aux arts, j'aurai peu à peu le goût du mieux. Il y a trois ans,
j'ai fait découvrir à une personne de 66 ans le
théâtre d'été. Or, depuis ce temps, il est un des
meilleurs adeptes du théâtre d'été au
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Le milieu local. Une ville qui consacre déjà plus de 3,5 %
de son budget à la culture et 13,17 % aux loisirs en
général ne peut plus faire d'efforts additionnels. Elle a besoin
de soutien pour maintenir vivant un comité culturel, sa troupe de
théâtre, ses nombreuses expositions, ses ateliers culturels, sa
société d'histoire, son école de musique, son école
de ballet. Quand on lit qu'il faut éliminer le saupoudrage des
subventions, on se demande si la nouvelle politique ne veut pas tout simplement
tuer le bénévolat et les organismes locaux qui sont à la
base du développement culturel. Je le répète: Pour
développer le goût de la culture, il faut absolument sensibiliser
et initier les gens qui n'ont pas la chance à l'école de pouvoir
vivre des expériences culturelles enrichissantes.
Par ailleurs, l'application du programme 1 % pour la réalisation
d'oeuvres d'art dans les municipalités devrait, dans un premier temps,
privilégier les artistes du milieu local, de manière à
favoriser l'émergence de nos professionnels en arts. Et, si la
compétence artistique recherchée n'est pas trouvée, le
concours pourrait, par la suite, être ouvert aux autres paliers,
régional et provincial.
La situation financière précaire de la majorité des
organismes, les responsabilités additionnelles des municipalités
dans d'autres domaines et le peu de conscience sociale pour la culture et les
arts me font craindre l'abandon de certaines activités culturelles et
peut-être le danger que la culture locale devienne un luxe au lieu d'un
bien essentiel que seules les localités riches pourront se donner. C'est
dans un effort conjugué du milieu local et du gouvernement que nous
pourrons vraiment donner accès à la culture à tout le
peuple québécois.
Le milieu régional. Chaque région doit compter sur une
présence active et dynamique de l'unité centrale du
ministère des Affaires culturelles. Les fonctionnaires régionaux
ne doivent pas seulement se contenter de diffuser l'information et d'expliquer
les directives ou les programmes. Ils doivent plutôt adapter les
politiques aux situations particulières et soutenir les initiatives des
différents milieux. Ces personnes doivent donc être le plus
possible polyvalentes et travailler à la régionalisation des
programmes du ministère. Je ne vois pas la nécessité d'un
conseil régional de la culture dans le cadre des mandats actuels. Ce
dont nous avons surtout besoin, c'est de soutien, d'encouragement et d'appui
financier dans la proportion où le milieu s'implique. Quand j'entends
dire d'un maire: Moi, la culture, c'est le dernier de mes soucis, ces
gens-là ne méritent pas d'aide financière, mais les
citoyens, par l'intermédiaire des bureaux régionaux, doivent au
moins avoir droit à l'information et à la possibilité de
recourir aux services régionaux.
La culture est un bien indispensable à toute collectivité.
Le vieillissement de nos populations, le chômage chronique doivent
permettre à nos populations d'avoir accès à d'autres
choses que la télévision, les cartes pour les personnes de
l'âge d'or et l'oisiveté et les bars pour les chômeurs. Tous
nos milieux doivent avoir une bibliothèque bien organisée, des
ateliers culturels
pour leur permettre de développer leurs talents et le goût
du beau, et une sensibilisation au patrimoine architectural et aux valeurs
historiques du milieu. Chaque région devrait au moins avoir des
équipements adéquats pour pouvoir rapprocher de nos gens la
possibilité d'assister aux grandes réalisations artistiques de
Montréal.
Le ministère devra donc s'imposer si, en région, on n'est
pas capable de faire l'unité et la concertation autour de l'implantation
d'un équipement de haute qualité. C'est fini, des petits morceaux
ici, des petits morceaux là, pour ne pas déplaire à
personne. On ne peut priver toute une population régionale d'un
accès aux grandes activités artistiques parce que certains
milieux se donnent des vocations limitées. En région, il y a donc
nécessité d'un bureau régional bien articulé, avec
des pouvoirs bien définis si l'on veut que chaque région puisse
bénéficier d'une politique de la culture et des arts
cohérente et surtout enrichissante pour chaque citoyen.
La culture et l'école. Ce n'est pas une question de cours, ni de
programme, mais bien une ambiance, une volonté, une capacité
d'éveiller et de susciter chez les jeunes le goût de produire, de
réaliser et de mettre leurs talents au profit de leur milieu scolaire.
L'école devra donc, comme autrefois dans les collèges classiques,
dégager et soutenir certains enseignants qui ont le goût de
réaliser des activités culturelles.
Le rôle du ministère des Affaires culturelles. Il faut que
le gouvernement, à qui incombe une responsabilité fondamentale en
matière de culture et d'arts, assume son rôle pleinement et sorte
des sentiers battus pour que les orientations favorisent une prise en charge
par le milieu d'un développement culturel susceptible d'assurer à
toute la population non seulement l'accès à la vie culturelle,
mais surtout de créer un goût et un besoin de participer à
la réalisation d'activités culturelles propres à
l'enrichissement collectif du milieu. Donc, si l'implication financière
du gouvernement doit assurer l'implantation de services essentiels
(bibliothèques, patrimoine, etc. ) dans chaque milieu, le milieu doit
aussi faire des efforts financiers pour favoriser l'épanouissement et le
développement de la culture sur l'ensemble de son territoire.
Une autre responsabilité du gouvernement, c'est aussi d'assurer
la stabilité des organismes professionnels et de faciliter leur
participation à l'essor culturel des régions. Enfin, nous
reconnaissons à Montréal un rôle prépondérant
dans le domaine de la culture et des arts, et nous souhaitons que le
gouvernement soit bien conscient de cette responsabilité.
En conclusion, pour moi, la culture, le patrimoine et les arts sont la
plus grande richesse d'un peuple et la meilleure école de vie. Nul ne
peut nier que le moment est venu au Québec de se doter d'une politique
des arts et de la culture claire et précise. Les municipalités
auront des efforts à faire, le gouvernement devra trouver des moyens
pour inciter les municipalités à prendre leurs
responsabilités. Mais, si le gouvernement a une vision claire et des
orientations précises, je suis convaincu que le milieu saura trouver les
moyens pour assurer non seulement l'épanouissement, mais le
développement de la culture et des arts chez nous. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire et bienvenue. La
dernière fois qu'on s'est vus, c'était pour l'inauguration des
travaux de la bibliothèque et je suis contente que vous ayez
accepté, finalement, notre invitation. D'ailleurs, ça me fait
plaisir que vous soyez ici parce qu'il y a deux choses. Vous parlez, d'une
part, de régionalisme, comme des gens qui sont des régionalistes
convaincus, ça, c'est une chose et, par contre, malgré tout, vous
acceptez le fait qu'il y a Montréal métropole, Québec
capitale et 16 régions distinctes interreliées qui, finalement,
participent au développement culturel. Bien sûr, finalement, votre
vision, parce que... Je voulais vous demander, premièrement, quand vous
parlez du milieu, hein, et des responsabilités que le milieu devrait
assumer, quand vous dites "milieu", à qui faites-vous
référence?
M. Laroche: Je fais référence surtout au milieu en
tant que municipalité, mais je peux m'élargir en termes de
municipalité régionale de comté. À ce
moment-là, il y a une réflexion qui pourrait se faire, je pense,
quand même, parce que, dans une municipalité régionale de
comté, vous avez des milieux urbains et vous avez des milieux ruraux.
Alors, il pourrait y avoir une concertation de ces milieux-là pour se
donner des services comme je pense parce que déjà, au niveau des
municipalités régionales de comté, il y a des
intérêts, il y a des points communs, il y a un sens d'appartenance
qui, de plus en plus, se développe et je pense qu'éventuellement
il y a des possibilités au niveau de la culture d'atteindre des
objectifs intéressants dans ce domaine-là.
Mme Frulla-Hébert: Donc, vous voyez parce que,
évidemment, surtout quand on participe à des conférences
ou, enfin, des sommets économiques, on s'aperçoit aussi qu'il y a
des guerres de clocher ou des régions où les gens, les
municipalités veulent protéger leur propre développement.
Donc, ce que vous me dites, c'est qu'on sent maintenant qu'il y a une
volonté de concertation au niveau des différents milieux de telle
sorte qu'au lieu de voir chacune des municipalités demander sa salle de
concerts, à ce moment-là on pourrait regrouper tout
ça.
M. Laroche: Bien, je pense que la qualité de
cet équipement-là, si vous me permettez, Mme la ministre,
devrait être établie dans chacune des régions. Il est
impossible que, dans une région comme la nôtre, par exemple, on en
ait deux ou trois. Je pense que c'est plus que temps qu'on tranche le
débat et qu'on dise qu'à un tel endroit, c'est
l'équipement adéquat qu'il nous faut et puis qu'on le soutienne,
qu'on fasse les efforts pour soutenir un équipement de valeur de
façon à pouvoir permettre à l'ensemble de la
collectivité régionale d'avoir accès à une
qualité de production. Je pense qu'actuellement ce n'est plus possible
de se rendre dans chacune des petites localités ou dans les
localités de moindre importance. Ce n'est plus possible.
Mme Frulla-Hébert: Hum, hum. Une chose aussi, au niveau
des CRC, vous êtes, enfin, un des rares intervenants qui disent que,
finalement, les CRC dans les régions, compte tenu de la
régionalisation du ministère, c'est plus ou moins
nécessaire. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Laroche: Vous avez très bien compris. Quant à
moi, le CRC, chez nous, est en train de se chercher une vocation et il n'a pas
de mandat bien spécifique. Je me dis que, du moment où les
politiques générales, où les orientations sont bien
définies, à ce moment-là, ce dont on a besoin, c'est
beaucoup plus de soutien et de personnes qui interviennent dans notre milieu
pour que les programmes, pour que les orientations données puissent
répondre à nos besoins et, surtout, initier dans les milieux des
activités qui permettront de développer le sens de la culture
chez nous.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le maire, tout à l'heure, vous
avez parlé de saupoudrage. Dieu sait si, dans les régions, on a
tendance à vouloir satisfaire un peu tous les milieux. Avez-vous des
exemples précis dans votre région de saupoudrage? D'abord, est-ce
un saupoudrage au niveau des infrastructures ou bien un saupoudrage au niveau
des intervenants?
M. Laroche: C'est au niveau des activités. Le
gouvernement, le ministère des Affaires culturelles subventionne
actuellement des activités de base qui, à mon sens, sont
essentielles et il ne faudrait pas qu'elles disparaissent. Je prends, par
exemple, les subventions aux bibliothèques. Je pense aux subventions de
certaines activités culturelles qu'ils ont dans notre milieu, je pense
que cela est absolument nécessaire. Je ne voudrais pas que ces
éléments disparaissent. Il y a, au départ, une
nécessité d'aide, ensuite une exigence de la part du milieu de se
prendre en main suite à l'effort fait par le gouverne-[ ment.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Richelieu, y a-t-il une question?
M. Khelfa: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
féliciter, M. le maire. Votre vision régionaliste est très
intéressante, surtout votre témoignage réaliste et
pondéré. Ma question touche ce que vous avez mentionné sur
les MRC et leur mission. Si je constate bien, vous seriez en mesure de
convaincre vos élus autour d'une table avec la MRC et de leur demander
de déterminer une mission culturelle et des infrastructures pour que
cela ne soit pas une sorte d'entrecoupage entre les municipalités. Cela
va être la mission du gouvernement municipal, de la MRC. De votre
côté, comment pouvez-vous concilier cette prémisse qui est
intéressante avec la concertation du milieu et le gouvernement. C'est
quoi, le rôle du gouvernement? C'est quoi, le rôle du milieu? C'est
quoi, le rôle de la MRC dans votre esprit?
M. Bouchard (Michel): Le rôle de la MRC, je vais donner un
exemple bien pratique pour le comprendre. Il n'est pas possible, au niveau de
l'animation culturelle, que chacune des municipalités s'engage un
animateur, mais, 10 ou 12 municipalités pourraient en engager un. Au
niveau de la MRC, comme chez nous il y a 10 municipalités, on pourrait
engager un animateur culturel. Ce type-là pourrait initier des ateliers,
pourrait initier des activités dans les différents milieux,
pourrait aider les bénévoles aux bibliothèques, pourrait
soutenir toute activité culturelle qui se présente dans les
différentes municipalités et je parle des petites
municipalités. À ce moment-là, je me dis: Quelle est la
part du gouvernement? Le gouvernement, c'est une aide financière
à condition que les municipalités fassent l'effort aussi pour
assurer le plein emploi d'un individu comme celui-là.
M. Khelfa: Qui est le maître d'oeuvre? Est-ce la MRC, le
milieu ou...?
M. Laroche: C'est la MRC.
M. Khelfa: La MRC est le maître d'oeuvre. Cela veut dire
que le rôle du gouvernement va être limité seulement
à dépenser et à donner une enveloppe budgétaire ou
un pourcentage pour réaliser une infrastructure?
M. Laroche: Un certain pourcentage pour assurer une
infrastructure.
M. Khelfa: Vous considérez que cela est le fruit d'une
concertation régionale, d'une concertation avec le gouvernement.
M. Laroche: Déjà, au niveau des MRC la concertation
se fait de plus en plus, sur certaines activités. Je vais donner comme
exemple,
tout dernièrement chez nous, les mâchoires de vie. Ce n'est
pas possible qu'il y en ait dans toutes les municipalités. La MRC s'est
concertée et les gens ont dit: C'est un besoin essentiel pour sauver des
vies humaines. Par conséquent, on va tout simplement demander à
chacune des municipalités de se donner ce service. Je me dis: Sur le
plan culturel, étant donné que c'est un bien essentiel et que, de
plus en plus, on vit quand même des situations de chômage, des
situations de vieillissement de la population, il va falloir à un moment
donné qu'on occupe ces gens-là à autre chose. Qui va
pouvoir jouer un rôle dans ce domaine? Ce n'est pas possible que dans
chacune des municipalités, on puisse le faire. Je regarde simplement au
niveau des clubs d'âge. On a régionalisé, on a
engagé des animateurs, on a remis de la vie dans cela pour des
coûts très minimes. (20 h 30)
Je me dis: Au niveau de la culture, il y a des éléments,
il y a des nécessités de base qui, pour moi, sont, par exemple,
un animateur culturel qui pourrait faciliter grandement l'évolution de
la culture dans un milieu. Et ceci pourrait être donné par la MRC;
c'est l'exemple que je vous donne.
M. Khelfa: Une dernière question, puis je vais
arrêter. Moi, personnellement, j'adhère à 100 % à
votre discours. Il est très intéressant puis ça serait
très approprié de le mettre en application sur tout le territoire
des MRC.
Mais quel est votre incitatif qui va inciter les autres maires et les
autres élus de votre MRC à réaliser cette concertation?
Parce qu'à l'heure actuelle nous savons que nous traversons une
période assez difficile économiquement et vous allez imposer une
sorte d'investissement des municipalités dans ce qu'on appelle la
culture, pour ne pas dire une dépense. Ça va être un
investissement. Par quel incitatif vous allez leur dire: Écoutez, mes
collègues, nous devons relever le défi de la culture?
M. Laroche: Je sais que ça sera très difficile.
Mais c'est au moment où ce besoin-là sera senti, c'est au moment
où une politique générale sera définie par le
gouvernement, où des orientations seront bien précises; j'ai
nettement l'impression que le monde municipal va commencer à
s'interroger sur le besoin. Et, si la population est sensibilisée, est
de plus en plus amenée à souhaiter avoir des réalisations
dans son milieu, elle va venir voir les responsables municipaux, puis elle va
dire aux responsables municipaux: C'est le temps de vous impliquer.
Je vous donne seulement un exemple, les bibliothèques. Il y a 20
ans, des bibliothèques dans les petites municipalités il n'y en
avait pas. On a créé les centrales de prêt dans les
bibliothèques et, actuellement, toutes les petites municipalités
ont des bibliothèques, ce qui est un élément essentiel de
la culture dans le milieu. Il y en a aussi au niveau d'autres activités.
De la même façon qu'on a pu regrouper les énergies au
niveau des centrales de prêt pour créer une unité
très valable, je me dis: Pourquoi on ne pourrait pas le faire au niveau
de l'animation culturelle? Je parle de l'animation culturelle. Chez nous, par
exemple, il y a des ateliers de culture. On commence par faire de la poterie,
on commence par faire un petit peu de musique, on commence par faire ci, on
commence par faire ça, et ça donne des activités et des
regroupements intéressants. Et, au moment où on aura
réussi à donner ça, j'ai bien l'impression qu'on va
créer un besoin chez les gens. Et les élus sont là pour
quoi? C'est pour répondre aux besoins des gens.
M. Khelfa: Si je comprends bien, vous capitalisez sur la
politique culturelle au Québec.
M. Laroche: Ça nous prend une politique
générale précise. Il faut savoir où on va.
M. Khelfa: Merci. Continuez votre esprit de régionalisme
et puis de concertation. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, M. Bouchard, il y a deux choses
d'emblée que je veux vous dire avant d'aller au questionnement. La
première, je pense que c'est drôlement motivant pour les membres
de cette commission d'entendre les maires puisque certains de vos
collègues vous ont précédé, le maire de Sherbrooke,
la mairesse de Drummondville, Trois-Rivières, Amos, etc. Bien oui, c'est
un fait: on n'a jamais demandé aux municipalités de s'occuper de
la culture. On ne le leur a jamais demandé. Ce n'était pas dans
leur mandat. Et on a été tentés de lancer, à
l'occasion, des pierres aux municipalités en disant: Ah bien, les
municipalités font ça. Sauf que l'on voit apparaître
graduellement, avec le temps, des maires qui ont cette sensibilité et
qui ont su aussi la transmettre à leurs concitoyens.
Donc, je pense que c'est intéressant et ça détruit
aussi une image qui est fausse. Si je peux employer l'expression, il y a une
nouvelle génération de maires aussi. Il y a eu longtemps des
maires à patinoire, des maires à voirie, mais il y a des maires
à culture. Et vous en êtes un exemple.
La deuxième chose - bon, convenons de vous appeler les
régionaux - c'est cette extraordinaire conviction que vous avez dans vos
capacités. À chaque fois qu'il y a un groupe qui vient en cette
commission, et qui vient d'une région, je ne vous le dis pas par
flatterie, M. le maire, mais c'est ce que je ressens: cette confiance en soi
que les gens des régions
peuvent avoir. Au moment où certains groupes deviennent frileux,
en se disant: C'est épouvantable si on est réduits à une
seule source de financement, qu'il y a le rapatriement, et puis c'est
torturé, etc., les gens des régions, vous nous arrivez et puis
vous nous dites: Écoutez, donnez-nous donc notre enveloppe. On va se
débrouiller. On sait quoi faire. Et, là-dessus, je vais vous dire
qu'on se rejoint. Je n'ai jamais cru qu'un ministère, aussi puissant,
aussi armé qu'il puisse être, soit capable d'aller dire aux gens
du Lac-Saint-Jean, comme aux gens de l'Abitibi-Témiscamingue: Chez vous,
c'est ça. Je pense qu'on doit avoir une politique globale pour le grand
ensemble, puisqu'on forme une nation. Mais, les contenus, ça fait partie
de vos vécus et le vécu d'un Johannais... C'est comme ça
qu'on appelle les gens du Lac-Saint-Jean? J'espère que je ne me
tromperai pas parce que j'ai déjà fait des bourdes monumentales
dans les municipalités. Au même titre que nous, les gens de
Lanaudiè-re... Je dis nous puisque je suis peut-être arrivé
à Montréal, mais je suis resté à Joliette. On ne
quitte pas Joliette. C'est impossible. Alors, c'est cette confiance et
j'aimerais que les autres groupes qui viennent aient ce sentiment et cette
conviction que, vous, vous avez.
Ceci dit, tantôt, j'ai peur que mon collègue, le
député de Rimouski, ait mal interprété votre
mémoire. Je ne pense pas que vous souhaitiez la fin du saupoudrage. Vous
vous inquiétez de ses effets.
M. Larouche: Exactement.
M. Boulerice: Chez vous, ça signifie quoi, M. le
maire?
M. Laroche: Pour moi, ça signifie que je regarde
l'ensemble des organismes qui sont chez nous. Avec les subventions qu'on a
actuellement, ça nous permet, d'abord, de faire fonctionner la
bibliothèque, ça nous permet de faire fonctionner l'ensemble des
groupes de travail qu'on a ou des groupes de réalisation. Je prends
l'école de ballet, chez nous, je prends l'école de musique, je
prends chacun des organismes qu'on a. Ces petits organismes-là, parce
qu'ils ont une subvention de base très minime, peuvent fonctionner. La
subvention va, par exemple, aux livres de la bibliothèque mais le fait
qu'on reçoit une subvention de x montant pour les livres de la
bibliothèque, ça permet a nos municipalités de financer
d'autres organismes. C'est ça qui fait qu'à un moment
donné l'ensemble de la collectivité locale en profite. Puis, je
me dis que, si les subventions de base, qu'on appelle le saupoudrage, on ne les
a pas, vous allez exiger encore de la municipalité un effort plus grand
et, à ce moment-là, on va être obligés de faire des
sélections. On va dire: Bien, écoutez, la priorité, c'est
quoi? C'est la bibliothèque. Bien, l'école de ballet, on ne vous
aide plus, l'école de musique, on ne vous aide plus. Je regarde Mie-Mac
chez nous, le groupe de théâtre qui existe depuis 20 ans. On va le
laisser tomber? Ce n'est pas possible. Est-ce qu'il y a moyen d'aller chercher
encore de l'argent dans le milieu? Moi, je vous dis qu'actuellement, chez nous,
on est rendus à l'extrême limite, on n'est plus capables. Donc, on
a encore besoin absolument d'une subvention de base qui permette à
l'ensemble de notre organisation locale d'y aller.
J'irai même plus loin. Je vais dire: Donnez-nous une subvention
globale de base, puis on l'affectera en fonction des priorités qu'on
établira dans notre milieu. Que le gouvernement nous donne un cadre
général de fonctionnement, ça va. Mais le reste, par
exemple, qu'on ait au moins le jugement de pouvoir, chez nous, établir
nos propres priorités, quitte à ce que le gouvernement nous.
contrôle, puis vienne voir: oui, d'accord, c'est bien utilisé,
c'est vraiment avantageux pour vous autres, etc. Mais je dirais, moi:
Laissez-nous au moins la liberté de pouvoir faire en sorte que cet
argent-là qui nous est donné profite au maximum à notre
milieu.
M. Boulerice:. M. le maire, je crois que c'est à la page 5
de votre mémoire. Je vous avoue que ça m'a un peu
étonné. Je ne veux pas vous engager dans une démarche qui
peut-être tournerait au procès ou etc., donc vous rendre
inconfortable. Mais je vous avoue que ça m'a quand même un peu
étonné de voir les réticences que, vous, vous avez face
aux conseils régionaux de la culture alors que, enfin, dans la quasi
totalité des régions du Québec, que forcément j'ai
visitées puisque, bon, ça fait quand même six ans que je
suis porteur de ce dossier dans ma formation politique - tu sais, les ministres
passent, le porte-parole reste - les conseils régionaux de la culture
ont toujours été reconnus comme des éléments
extrêmement dynamiques. Mais chez vous, il semble y avoir un
problème particulier. C'est lequel?
M. Laroche: Je vous pose la question, moi: Quel est le rôle
du conseil régional de la culture chez nous? Je me le suis
demandé. Alors, à un moment donné, quand un organisme ne
joue pas le rôle, puis que je m'interroge sur la raison pour laquelle il
est là, je me dis: II faudrait se trouver d'autres moyens. À
chaque fois qu'on a un besoin, nous autres, je vais vous le dire, on va au
bureau du ministère qui répond à nos besoin, qui est
capable de nous soutenir. Qu'est-ce que vous voulez, moi, des organismes
parallèles, je n'en veux pas. Si on est pour donner au conseil
régional de la culture un rôle et des pouvoirs nouveaux, on verra
après. Mais, actuellement, chez nous, personnellement, je me suis
toujours demandé quel était le rôle du conseil
régional de la culture. Même je me demande si eux autres ne sont
pas en train de s'interroger sur ce qu'ils faisaient. Alors, quand ça
fait 5 ou
10 ans qu'on existe et qu'on s'interroge sur le rôle qu'on a
joué, je me demande la pertinence de l'organisme. Mais c'est une vision
personnelle, M. le député.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, vous avez presque, sans utiliser
les mots, proposé l'établissement d'une table
Québec-municipalités pour les affaires culturelles dans l'espoir
que le pacte soit un pacte qui ne pourra pas être dénié par
l'une des deux parties, ce qui n'a pas été le cas de la
fiscalité. "Chat échaudé craint l'eau froide." On a
entendu plusieurs de vos collègues et on a établi une
espèce de palmarès des municipalités; avec 3,5 %, je crois
que vous êtes dans une moyenne très, très acceptable,
même plus qu'acceptable. Mais, sans addition ferme, soutenue et surtout
contenue dans le sens de durée, 5 ans ou quelque chose comme ça,
votre municipalité ne pourrait pas aller plus loin compte tenu du
délestage que vous avez subi.
M. Laroche: Ah, ça, c'est évident. Je n'ai pas
employé le terme, mais, quand je parle de responsabilité du
milieu et de responsabilité du gouvernement, je ne voulais pas employer
le discours d'une table Québec-municipalités sur le plan de la
culture, mais je pense que c'est plus que le temps qu'on puisse s'asseoir
à une même table pour regarder quels sont nos rôles
respectifs et nos responsabilités respectives à
l'intérieur d'un cadre général et à
l'intérieur d'une politique bien définie. Je pense qu'on aurait
avantage, à ce moment-là, le monde municipal et le monde du
gouvernement, à se parler pour d'abord bien connaître nos besoins,
connaître les besoins des milieux et des municipalités. Ensuite de
ça, le gouvernement pourra peut-être réajuster certaines de
ses politiques.
M. Boulerice: Une dernière, mais très brève
question, M. le maire. Est-ce que ce délestage vous a forcés,
pour ce qui est de cette année, de l'an prochain, etc.,
c'est-à-dire un avenir assez immédiat, à mettre sur les
tablettes - c'est une expression consacrée - des projets au niveau
culturel que votre ville avait?
M. Laroche: M. le député, on aurait le goût
de le faire, mais la population actuelle chez nous est trop sensibilisée
et trop, je pense, impliquée sur le plan culturel pour nous permettre de
commencer à faire du délestage de ce côté-là
en lui disant: Écoutez, continuez et essayez de trouver de l'argent. Ce
n'est pas possible. Les gens ont commencé à nous responsabiliser.
Je peux vous dire que les gens de chez nous n'accepteront pas que le conseil de
ville, dans son prochain budget, coupe surtout sur le plan culturel.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le
député, en terminant.
M. Boulerice: En terminant, M. le Président, je dirais
à M. Laroche, M. le maire de Roberval, et à M. Bouchard, qui est
le directeur du service des loisirs, que probablement votre dernière
phrase est un message très porteur pour l'avenir, quand vous dites que
vous en êtes à un point tel dans cette belle ville de Roberval
que, si vous deviez délester des projets culturels, la population vous
en tiendrait rigueur. Donc, il y aurait une sanction électorale au bout
du geste que vous poseriez. C'est la preuve effectivement de la grande
sensibilité probablement des gens de votre région et de votre
ville pour l'action que vous faites. Alors, je vous incite à poursuivre.
De toute façon, le débat n'est pas terminé et il y aura
une place aux régions, j'en suis persuadé.
Je vous remercie de nouveau, M. le maire et M. Bouchard.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, je me joins à mon
collègue pour vous remercier. Effectivement, quand on parle d'avoir
confiance en soi, quand on parle de pouvoir être maître d'oeuvre de
son propre développement, je pense que vous en êtes un exemple
vivant. Merci, M. le maire. (20 h 45)
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre.
Au nom de la commission, M. le maire, et au nom des collègues, je tiens
à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Merci
beaucoup.
M. Laroche: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Et bon retour à
Roberval.
Maintenant, le temps est venu d'entendre un autre groupe. Il s'agit du
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue. Je vous invite à bien vouloir prendre
place en avant. Sur la feuille qui m'a été remise, il y a M.
Gérald Lemoyne, qui devait être accompagné de M. Fernand
Bellehumeur; peut-être qu'il n'est pas là ou l'un des deux n'est
pas là. Il y a M. Beliehumeur qui est ici. M. Lemoyne n'est pas ici.
Alors, M. Bellehumeur, je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes ici
depuis le début. Vous connaissez nos règles, je ne vous les
répète pas. Vous avez donc la parole pour nous entretenir de ce
qui vous tient à coeur dans le domaine de la culture, dans le beau coin
de l'Abitibi-Témiscamingue.
CRDAT
M. Bellehumeur (Fernand): Merci. M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs de la commission, M. Lemoyne, le
président du conseil régional de développement, devait
m'accompagner; j'imagine qu'il a dû avoir un contretemps et j'imagine
aussi qu'il s'excuse.
Quant à moi, je tiens peut-être à vous signaler en
quel honneur je suis ici. Je suis sur le conseil d'administration du conseil
régional de développement, mais, par ailleurs, le mémoire
que vous avez en main est présenté au nom de trois organismes. Il
y a le Conseil régional de développement qui a été
peut-être un peu l'initiateur de la démarche, mais il y a aussi
l'association touristique et l'Union des producteurs agricoles de la
région. Ça peut avoir l'air un peu cocasse que ces trois
organismes se mettent ensemble pour présenter un mémoire dans le
domaine de la culture, mais il y a peut-être une petite histoire assez
récente, mais quand même qui est intéressante. C'est que,
dans les régions périphériques en particulier, la
situation alarmante de dépérissement des régions fait
qu'il y a de plus en plus de personnes qui se concertent et qui essaient de
voir, au moins, par une première analyse, qu'est-ce qui se passe et de
voir aussi quels sont les moyens qu'on peut prendre pour éviter le
dépérissement des régions. Et, particulièrement au
conseil régional de développement, il y a un comité qui a
été formé pour essayer de bâtir un cadre de
développement ou d'avoir une pensée commune pour le conseil
régional de développement. J'y ai été
associé et, par après, il y a eu les états
généraux du monde rural, les suivis aux états
généraux qui ont réuni des personnes. Et c'est à ce
moment-là que ces trois organismes se sont adonnés un peu
à voir qu'ils avaient des idées communes. Quand le rapport Arpin
est sorti, c'est à ce moment-là qu'il y a eu quelques rencontres
qui ont fait qu'ils ont décidé de présenter un rapport
commun. J'ai été demandé pour le préparer et c'est
le sens de ma présence.
Comme le "rapport" n'est pas très long, on va se permettre de le
lire, de le regarder au complet. On a essayé de synthétiser le
plus possible, parce qu'on pensait que peut-être vous en auriez plusieurs
à regarder.
Nous avons indiqué au début quels sont nos accords
généraux. Là aussi, c'est très succinct et je vais
les résumer rapidement. Nous sommes d'accord, d'abord, avec la
visée générale du rapport Arpin qui est "d'accorder
à la culture une place tout aussi importante que le social et
l'économique à la table des grandes décisions qui
modèlent le Québec et qui définissent les conditions de
vie et de bonheur de ses citoyens." De même, nous adhérons
totalement aux "trois principes fondamentaux qui éclairent et illustrent
l'ensemble du texte". Et nous croyons aussi que "la culture est un bien
essentiel" et que "l'activité culturelle doit être accessible
à l'ensemble des citoyens".
Nous ne pouvons que souscrire à l'idée que la
création est "la base de toute la vie culturelle, de sa qualité,
de sa diversité, de sa vitalité et de sa
spécificité", et que, sans elle, "elle verse rapidement dans la
routine et l'aliénation". Et, enfin, nous sommes agréablement
impressionnés par les réflexions et les analyses
présentées et adhérons à la plupart des
recommandations.
Tout au long du texte, il y a beaucoup d'analyses, beaucoup de choses
qui sont frappantes et qui sont très intéressantes, et qui sont
à garder, en tout cas, quand on veut faire une réflexion sur la
vie culturelle ou sur l'avenir culturel du Québec. Et ça, il ne
faudrait pas que le reste du mémoire le fasse oublier ou le laisse trop
dans l'ombre. C'est pourquoi nous conclurons avec cette pensée que,
même s'il y a beaucoup de critiques, peut-être, que vous entendez
ou que, nous, nous allons vous présenter, il y a tellement de choses
positives qu'il faudrait éviter de trop, à grands traits, barrer
des pages ou des chapitres complets. Il n'y a pas de coin où il n'y a
pas de choses intéressantes dans le rapport Arpin.
Ceci ne nous empêche pas, cependant, de souligner ceci: l'ensemble
du document et des recommandations laisse entendre qu'il est acquis et qu'il
est inévitable que la culture soit plus vivante dans les grands centres,
notamment, dans les deux pôles principaux, et que c'est là qu'est
la création, les régions étant surtout des lieux de
diffusion. Cette approche ne tient pas compte des analyses et des
recommandations faites dans le rapport sur le développement social et
démographique, que le Conseil des affaires sociales a publié en
janvier 1989 et qui était intitulé "Deux Québec dans un".
Ces études montrent qu'une partie importante des milieux ruraux et
certains coins des milieux urbains, les centres, cumulent de nombreux indices
de déficience: taux d'inoccupation élevé, faibles revenus,
faible instruction, etc., alors que d'autres parties du territoire offrent des
conditions de vie attrayantes pour la population active. C'est un fait, ce sont
des statistiques et il n'y a personne, à ma connaissance, qui a remis
ça en question.
Les auteurs maintiennent que ces écarts sont dus à
plusieurs causes, notamment les lois du marché et surtout un
développement axé sur des pôles de croissance; il s'agit de
décisions politiques. De plus, ils insistent pour que l'on
considère les dépenses de l'État sous l'angle d'un
investissement et que ces dépenses soient localisées davantage
dans les milieux en difficulté à partir d'une philosophie
politique, car les dépenses publiques peuvent faire la différence
entre le progrès et la stagnation, entre l'enrichissement et
l'appauvrissement, entre le développement et la dépendance. Pour
les auteurs du rapport, c'est une question de choix. Il faut un coup de barre
vigoureux pour renverser la tendance et le temps presse.
De plus, nous relevons une méconnaissance des déclarations
des états généraux du monde rural tenus les 3, 4 et 5
février 1991, déclarations qui ont fait de larges consensus dans
le Québec. Nous voulons seulement vous citer deux extraits, un du
sociologue connu et reconnu,
Fernand Dumont: "La première condition pour une
décentralisation véritable n'est pas d'abord de l'ordre de
l'organisation et de l'administration; elle relève de la culture. Le
problème le plus urgent, c'est celui du développement culturel
des régions. Car à quoi pourrait bien conduire un
réaménagement des structures si les régions se vident de
leurs ressources créatrices et si elles sont dépourvues des
moyens par lesquels s'affirment des genres de vie, s'alimentent des
enracinements, se forment des prises de conscience? Il ne saurait y avoir
diffusion de la culture sans création culturelle. La politique est
centralisée; la culture l'est aussi. Pourquoi un plus grand nombre de
troupes de théâtre, d'orchestres, par exemple, ne pourraient-ils
pas s'implanter en région pour rayonner ensuite, pourquoi des artistes
n'ambitionneraient-ils pas une grande carrière sans espérer
partir au plus tôt pour Montréal?"
Et l'autre témoignage, celui du comédien Serge Turgeon,
président et parlant au nom de l'Union des artistes, coauteur du rapport
Arpin: "II faut favoriser, en région, la création sous toutes ses
formes. Il s'agit de faire en sorte, notamment, que les artistes et les
artisans puissent vivre dans leur milieu et de leur milieu. "
Le rapport déplore ces états de fait, et c'est
souligné à plusieurs endroits, mais semble les considérer
comme inéluctables, soit à cause des lois du marché, de la
distribution de la population, de la faiblesse et des limites des moyens
financiers de l'État, etc. Mais il n'esquisse pas de correctifs
vigoureux; il n'y en a même pas. Au contraire, il met l'accent sur les
pôles de croissance et d'excellence, sur les produits dits de haute
qualité, sur la visibilité nationale et internationale, etc.
Toutes ces choses sont bonnes, valables, nécessaires, mais, puisqu'il y
a des choix à faire, qui va les faire si une proposition de politique
n'ose pas s'y aventurer?
Nous avons aussi relevé des perspectives qu'on a
qualifiées de dangereuses. Il est convenu que, pour diverses raisons, il
est plus difficile de créer en région, que les créateurs
ont tendance, pour survivre, à émigrer vers les centres. Il faut
donc qu'il y ait des mesures pour contrer cette tendance et on n'en voit ni
dans le texte, ni dans les recommandations.
Autant il est nécessaire d'établir des critères
d'accès aux programmes de subventions, que ce soit pour les
créateurs ou les organismes, autant il est nécessaire de moduler
ces critères et ces normes selon les difficultés et les besoins
du milieu, et selon les autres sources possibles de financement, etc.
L'évolution d'une population ou d'un milieu ne se fait pas de
façon continue et ne peut être de même calibre partout au
même moment. Si on applique des normes et des évaluations d'une
façon uniforme à travers la province, on risque de tuer la
possibilité de progression à partir des capacités d'un
milieu. Il ne faut pas oublier que les efforts de production et de
création locales ou régionales, fussent-ils menés par des
non-professionnels, font davantage pour l'éducation et l'animation
culturelle des gens que la seule consommation de la culture. Ici, nous avons
relevé quelques exemples.
Autant il a été intéressant d'avoir accès
à la pièce de Michel Tremblay, "Albertine en cinq temps",
présentée par le TPQ à Rouyn-Noranda, autant il a
été important de voir, quelques années plus tard, cette
même pièce montée par une troupe locale et
présentée dans les cinq principales villes de la région,
avec un impact autrement plus significatif dans le public. Autant il a
été intéressant de pouvoir entendre l'OSM à
Val-d'Or, il y a trois ans, autant il est important de permettre le défi
que représente la formation d'un orchestre symphonique régional
en Abitibi-Témiscamingue - il faut le faire - avec des musiciens qui
viennent de tous les coins de la région et réussissent à
présenter un Festival Mozart dans cinq endroits de
l'Abitibi-Témis-camingue, avec une participation massive du public: 5000
auditeurs. Autant il est important de sauver le Festival des films du monde
à Montréal, autant il est primordial d'appuyer un Festival du
cinéma international en Abitibi, qui en est à sa dixième
édition, une entreprise qualifiée de folle quand elle a
commencé, qui s'est réalisée à l'encontre de toutes
les lois du marché et de tous les courants, qui draine 10 000
spectateurs à Rouyn-Noranda et qui a acquis une visibilité
nationale et internationale à sa façon.
On décèle une tendance à accentuer la concentration
de la culture vers les villes. À preuve, dans les recommandations 78 et
79, on parle de décentralisation culturelle vers les villes et non de
décentralisation culturelle tout court. Les milieux ruraux ne sont pas
pris en compte.
Autre point. Quand on veut partager les responsabilités entre les
fonctionnaires qui travaillent dans les directions régionales et ceux
qui sont rattachés à l'administration centrale, on dit qu'il est
tout à fait normal "que les responsabilités d'orientation, de
planification, d'élaboration de politiques et de programmes de recherche
soient de compétence de l'unité centrale du ministère",
laissant aux fonctionnaires en région les fonctions de relayeurs. Mais
le pouls des régions, la perception des besoins régionaux et la
place du développement culturel en région risquent d'être
négligés et de n'entrer que sporadiquement dans les
préoccupations globales de l'administration centrale, si on
n'établit pas des mécanismes serrés et constants pour que
les fonctionnaires régionaux influent sur les orientations, la
planification, l'élaboration de politiques et de programmes. Ce sont eux
qui peuvent le faire, pas ceux du centre.
On instaure une situation de lutte continuelle entre les deux factions -
parce que, en fait, ça finit par faire des factions - et d'incom-
préhension où les moins aguerris des régionaux
abandonnent la partie, si jamais ils ont eu le coeur de s'y engager ou s'ils
n'ont pas eu peur pour leur carrière. Je ne parie pas
particulièrement du ministère des Affaires culturelles quand je
dis ça; j'ai été à la fonction publique dans
d'autres ministères et je n'ai jamais été aux Affaires
culturelles. Si on regarde attentivement les recommandations concernant le
patrimoine (42, 43, 44, 47), on se rend compte que ce qui peut exister en
dehors de Montréal et de Québec est ignoré. Tout un pan du
patrimoine québécois risque d'y perdre. De même, on
recommande que "les institutions nationales, en particulier les musées
d'État, aient l'obligation d'élaborer des programmes
d'activités à l'intention des régions", sans souligner
aussi qu'il faut accorder une attention particulière aux efforts locaux
ou régionaux pour se doter de certains équipements
élémentaires, mais qui sont très près du
vécu des gens. (21 heures)
Enfin, un autre point qui nous fait problème. Pour faciliter et
structurer l'apport du mécénat, on fait référence
au programme Fonds d'appui au financement des arts auquel on suggère
quelques correctifs, notamment en limitant l'aide "aux organismes
déjà subventionnés par le ministère des Affaires
culturelles pour éviter un trop grand étalement".
Cette approche risque, à la fois, de standardiser la culture et
de limiter les partenaires au seul apport financier. En effet, les partenaires
qui sont prêts à s'impliquer par de l'aide en argent ou en
équipement - je parle de partenaires régionaux - peuvent souvent
apporter beaucoup plus qu'une aide matérielle ou financière. Ils
sont enracinés dans la communauté, ils apportent des points de
vue complémentaires, ils ont un rayonnement différent parce
qu'ils ne sont justement pas dans le domaine de la culture. Souvent ils exigent
aussi d'être seuls à déterminer à qui ils veulent
accorder leurs faveurs, tout en prêtant la. plupart du temps une oreille
attentive aux recommandations des fonctionnaires qui sont plus près
d'eux.
De plus, tout en étant d'accord avec l'objectif d'une
visibilité nationale et internationale, il ne faut pas insister au point
de négliger les productions plus modestes qui sont aussi l'indice de la
vitalité d'une culture et qui lui donnent les assises pour un
rayonnement futur. C'est certain qu'il faut éviter le saupoudrage, mais
il est encore plus dangereux de ne favoriser que les produits dits de haute
qualité qui risquent de ne s'adresser qu'à l'élite pointue
en laissant végéter la moyenne de gens. D'autant plus qu'il est
difficile de définir dans le domaine artistique ce qui est de haute
qualité, et qu'il n'est pas certain que les organismes et les artistes
en région puissent avoir "droit" au chapitre pour établir cette
classification. D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de douter que,
i probablement, les premiers qui ont lu "Les filles de Caleb" ou
qui ont entendu la chanson "Le petit bonheur" de Félix Leclerc, ou la
première chanson de Richard Desjardins, ou qui ont vu les
premières toiles de Marc-Aurèle Fortin les classaient parmi les
choses de haute qualité. Ça me surprendrait beaucoup.
Enfin, nous sommes surpris de la suggestion de créer deux autres
organismes pour soutenir l'implantation et le développement d'une
politique culturelle: l'observatoire des politiques culturelles et la
commission consultative sur la culture. Le texte laisse entendre que l'Institut
québécois de recherche sur la culture aurait dû ou devrait
jouer le rôle dévolu à l'observatoire, mais on n'ose pas
l'y contraindre. Et, par ailleurs, le rôle dévolu à la
commission consultative sur la culture, particulièrement pour apporter
des avis à la ministre sur le suivi de la politique culturelle et
organiser des consultations diverses, risque, à mon sens, de faire
double emploi avec les conseils régionaux de la culture, du moins pour
le développement culturel en région.
D'ailleurs, la remise en question des conseils régionaux de la
culture dans les recommandations 89, 90, 91, sans autre questionnement ou
analyse dans le rapport, ne peut que nous laisser songeurs. On dit qu'il faut
redéfinir les responsabilités et les rôles, que certains
mandats ou certaines structures semblent inutiles ou inadéquats, comme
si on avait un choix à faire entre les conseils régionaux de la
culture et les directions régionales des ministères. Ça
laisse une impression de ce style. Et, si on fait un choix entre les deux, on
peut penser que ce ne sont pas les directions régionales qui vont
sauter.
Enfin, il y a des affirmations qu'on trouve douteuses, qui nous ont
inquiétés. On voudrait les relever. Dans la présentation
des principales caractéristiques de la vie culturelle, on
présente les causes de l'asymétrie de l'infrastructure des
activités culturelles et on dit: "La deuxième cause, c'est la
faible population et sa répartition inégale sur un vaste
territoire, cela dans un domaine où les règles du jeu et de
l'organisation sociale font que la culture, c'est en ville principalement
qu'elle se fait". Nous aurions aimé lire que c'est plutôt partout
qu'elle se fait, mais que la ville la canalise et lui donne les
possibilités de se répandre davantage.
Enfin, dans la description de l'évolution du ministère des
Affaires culturelles, on fait le point sur la situation actuelle et on dit que
"le développement régional atteint la maturité". On se
demande sur quoi est fondée cette affirmation. Si elle s'applique au
domaine culturel, elle est contredite par tout le reste du document, que ce
soit au plan des infrastructures, des services ou de la production. Si elle
s'applique au développement socio-économique ou
démographique, elle va à l'encontre de toutes les recherches et
analyses du Conseil des affaires sociales. Si elle s'applique
au domaine de l'administration gouvernementale - et le paragraphe parle
de la déconcentration des services gouvernementaux comme étant
chose faite et d'une certaine décentralisation qui s'esquisse; ça
laisse entendre qu'il s'agit de ce domaine-là - il faudrait plutôt
affirmer la précarité de la situation où un pas en avant
est souvent suivi de deux pas en arrière, au gré des changements
de ministre, de sous-ministres ou des fois même de directeurs
généraux. La tendance à la décentralisation est
toujours présente et presque inscrite inexorablement dans les
règles du jeu. On peut penser qu'une proposition de politique pourrait
faire état de problèmes de disparités sociales et
géographiques, ce qu'elle fait, sans trouver le moyen d'articuler des
recommandations correctrices, ce que nous avons noté. La machine
politique pourrait n'en retenir que ce qui est plus facile ou peut-être
plus rentable. La machine administrative centrale pourrait à son tour,
par inconscience ou intérêt, centraliser encore davantage et la
boucle serait bouclée. Ça s'est déjà vu.
De plus, quand on parle de l'antagonisme national-régional, on
dit: "On a tenté de contourner ces problèmes en créant,
par exemple, des programmes régionaux et en allouant des enveloppes
budgétaires forcément atomisées. La solution s'est
avérée insatisfaisante, tant pour les créateurs que pour
les diffuseurs et pour le public". Nous croyons que les insatisfactions
manifestées dans les régions par rapport à ces programmes
ne doivent pas faire oublier que l'appétit vient en mangeant. C'est
parce qu'on a commencé à en donner que les gens commencent
à en vouloir davantage. Quoique minces, ces enveloppes
budgétaires ont facilité un essor jamais vu auparavant dans tous
les domaines culturels. Je parle de ma région. C'est probablement la
même chose ailleurs.
Si on voulait changer les mécanismes actuels, il faudrait
s'assurer que ceux qu'on instaurera donneront de meilleurs résultats en
région. Nous craignons l'instauration de standards ou de critères
qui ne tiennent pas compte des réalités concrètes dans
lesquelles se développe la vie culturelle d'une région. Cette
remarque n'infirme pas le bien-fondé d'une classification à trois
niveaux: supérieur, intermédiaire et émergent, pour
"comprendre et assurer une gestion équitable des programmes d'aide".
Il y a quelques oublis que nous voulons signaler en terminant. Le
rapport fait parfois allusion au rôle du ministère du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche dans le domaine du loisir culturel. Nous aurions
aimé que soit au moins esquissé l'arrimage entre les deux
organismes. Même si la frontière n'est pas toujours facile
à faire entre loisir culturel et culture, surtout pour les
consommateurs, il faut en arriver à clarifier les rôles des divers
intervenants dans les activités concernées.
De plus, le rapport parle longuement et avec raison du rôle de
l'éducation dans le développement culturel, et il souhaite "une
meilleure concertation, le partage d'objectifs congruents, la coordination au
niveau de l'action commune" entre le ministère des Affaires culturelles
et le ministère de l'Éducation. C'est nécessaire et bien.
Mais on ne souligne pas que l'éducation se fait dans des institutions
décentralisées et qu'il est fondamental d'interpeller directement
les commissions scolaires qui sont les maîtres d'oeuvre de l'action. Il y
a, certes, les programmes et les orientations, mais il y a aussi ceux qui les
appliquent. Il y a les activités parascolaires, le partage des
ressources humaines, d'équipements, etc.
Enfin, on indique le rôle des collèges et
universités dans la formation professionnelle en matière
culturelle, mais on oublie que ces institutions, particulièrement en
région, sont ou peuvent être des lieux privilégiés
et des pôles de développement culturel. Il faut au moins le
reconnaître et peut-être esquisser des mécanismes pour
optimiser les ressources qui y sont concentrées.
En terminant, nous voudrions dire que ces quelques pages ne doivent pas
vous faire oublier la première où nous avons largement
indiqué nos accords. Nous aimerions voir s'élaborer quelques
recommandations dans les pistes suivantes. Il faut non seulement assurer
l'équité dans l'allocation des ressources entre les pôles
urbains et les régions, mais, pour corriger les retards et contrer les
tendances, il faut exercer une discrimination positive envers les
régions. C'est seulement de cette façon-là qu'on va
rétablir l'équilibre. Il faut moduler les normes, les
critères et les évaluations dans l'attribution des ressources
pour les créateurs et les organismes. Il faut établir des
mécanismes pour que les régionaux participent de façon
systématique aux orientations, à l'élaboration de
politiques et de programmes et aux évaluations.
Nous vous remercions de votre attention et je suis disponible pour
apporter les éclaircissements, s'il y a lieu et si je suis capable.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bel-lehumeur. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bellehumeur. Je vous
remercie, d'abord, pour la réflexion. On voit que vous avez vraiment
épluché le rapport à fond. Je trouve intéressant
aussi qu'une association touristique, un conseil régional de
développement, ainsi que l'UPA se mettent ensemble pour présenter
un mémoire. D'ailleurs, votre région est très dynamique en
ce sens. J'aurai l'occasion aussi d'y retourner dans 15 jours, justement pour
le festival du film.
Mais j'aimerais aussi que l'on parte de votre affirmation quand vous
reprenez une citation de Fernand Dumont où vous dites: "La
première condition pour une décentralisation
véritable n'est pas d'abord de l'ordre de l'organisation de
l'administration; elle relève de la culture." Est-ce que vous avez,
vous, la conviction que la culture est devenue un moteur, sinon un des
principaux moteurs du développement régional?
M. Bellehumeur: Actuellement, je ne peux pas parler pour le
Québec.
Mme Frulla-Hébert: Dans votre région?
M. Bellehumeur: Mais, dans ma région, ce que je remarque,
moi, c'est que les gens de la région s'identifient de plus en plus
à une région en essor ou qui a de l'avenir en autant qu'ils
voient qu'il y a une activité culturelle qui s'y développe et qui
est locale, qui a des assises locales. Quand ce n'est pas présent, c'est
comme le sentiment d'appartenir a une région qui n'existe pas.
Finalement, si l'on regarde les principes, quand on n'est pas capables de
s'exprimer de façon correcte verbalement, mettons, on n'a pas le
sentiment d'exister. Mais, quand des gens ne se reconnaissent jamais dans des
oeuvres d'art de quelque façon que ce soit, ils ont l'impression de ne
pas encore être sur la carte. Des événements comme le
Festival de cinéma - je reviens encore une fois sur cet
exemple-là parce que c'est un cas très spécial - quand
ça a été lancé, on croyait que Jacques Matte
était tombé sur la tête. On s'est dit: II se trompe dans
les mots: un Festival de cinéma international. Pourtant, il a l'air
à connaître le cinéma. Mais, après 10 ans, c'est
acquis, cette affaire-là. C'est une fierté qui fait que les gens
n'ont pas l'impression d'être dans une région si reculée,
d'être dans une région qui n'a pas d'avenir parce qu'on se dit: On
est capables de faire ça. Puis, c'est de même dans beaucoup de
domaines. Qu'un peintre perce en région et que ses toiles commencent
à être reconnues, même les gens qui ne s'y connaissent pas
tellement en peinture vont aller voir parce qu'ils se disent: Ça, on est
capables de faire ça. Et ce n'est pas nécessairement un moteur
économique de premier plan tout le temps, mais c'est un moteur de
motivation pour qu'on n'abandonne pas le coin même s'il y a des
tempêtes. Puis, dans les temps qu'on traverse, c'est fondamental,
fondamental.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, c'est que, par exemple,
l'effet Desjardins, d'une certaine façon, peut être une source de
motivation pour une région beaucoup plus grande qu'un autre artiste
reconnu dans une autre discipline à Montréal où
finalement, c'est tellement vaste que ça se perd.
M. Bellehumeur: L'impact de ces gens-là en région
est beaucoup plus grand, toutes proportions gardées, que s'ils
étaient en ville. Ça en prendrait 10 pour faire la même
chose en ville, pour qu'il y ait un impact significatif pour la vie
montréalaise, alors que chez nous ça n'en prend pas une tonne de
monde comme ça. Malheureusement, on les perd.
Mme Frulla-Hébert: Justement, quand vous dites:
"Malheureusement, on les perd", on en a beaucoup parlé en région
et, dans ma tournée régionale, il y a beaucoup d'artistes qui
nous disent: Bon, on voudrait vivre et créer chez nous. On ne veut pas
forcément s'expatrier non plus, on est bien. Par contre, on veut se
faire connaître à Montréal et à Québec.
Pensez-vous que cette affirmation-là est vraiment... Je comprends que,
quand on le dit, on le dit avec le coeur, mais, quand on a des
opportunités, par exemple, d'aller faire un développement ou
enfin de se faire connaître à un plus vaste auditoire, si l'on
veut, devant un plus grand marché, on a toujours tendance à
quitter et, finalement, à s'en aller ailleurs. C'est la même chose
aussi pour les gens de Montréal qui s'en vont à Paris, bon!
Est-ce que c'est réaliste de penser, justement, que ces gens-là,
on les garde chez soi? Est-ce que ce n'est pas contre la tendance et contre
nature aussi?
M. Bellehumeur: II y a un nombre x de ces gens-là qui sont
comme tous les autres, qu'ils soient des industriels ou des hommes d'affaires,
des professionnels ou n'importe qui, qui vivent en Abitibi-Témiscamingue
et qui, un jour ou l'autre, partent pour toutes sortes d'autres raisons. Des
fois, il y a des raisons très concrètement familiales. Les
enfants sont tous partis aux études et ça va coûter moins
cher d'aller rester en ville et ils vont rester à la maison, etc.
D'autres fois, c'est l'attrait de coins où le climat est plus propice.
Il y a toutes sortes de facteurs. (21 h 15)
Mais il y a des irréductibles qui veulent rester en
Abitibi-Témiscamingue et qui sont quasiment obligés de partir
s'ils veulent vivre de leur métier et de leur art. Desjardins, c'est un
cas, c'est évident; c'est un gars du coin qui ne serait jamais parti
s'il avait été capable de vivre en Abitibi-Témiscamingue.
Puis, il y a des musiciens qui carrément n'ont pas été
capables de survivre. Dans l'écriture, c'est plus facile.
Évidemment, tu peux avoir des contacts avec les maisons
d'édition; ce n'est pas la distances qui coince les gens. Mais il y a
des domaines où c'est très dur, très dur: le
théâtre.
Les gens qui veulent vivre professionnellement dans le domaine
théâtral chez nous, d'abord, ils n'ont pas de cachet pour la
publicité à part des enveloppes que Radio-Nord peut leur donner.
Ils ont des petites choses à faire à droite et à gauche,
des petits contrats de 500 $ pour faire une petite présentation de
quelque chose. C'est tout ce qu'ils peuvent avoir. Alors,
ils sont la moitié du temps sur l'aide sociale ou sur
l'assurance-chômage et, le restant du temps, chez mon oncle.
Mme Frulla-Hébert: Donc, de penser... Souvent, on nous
dit: Oui, mais si on nous aidait ou, enfin, si on développait des
réseaux, etc. On veut bien et on essaie. Ça ne veut pas dire, non
plus, finalement, qu'on ne le regarde pas de près, mais c'est quand
même se leurrer que de penser que ces gens-là restent là.
Finalement, c'est une tendance normale et c'est souhaitable. Il y en a d'autres
qui viennent, qui s'y développent et qui partent.
M. Bellehumeur: On ne rêve pas en couleurs,
évidemment. La première condition pour qu'ils y restent, c'est
qu'ils le veuillent et qu'ils soient enracinés. La deuxième,
c'est qu'ils soient dans des domaines où il y a un minimum de
marché qui va les alimenter. Moi, je ne pense pas qu'il soit intelligent
de les faire vivre. C'est la meilleure façon de tuer quelqu'un; alors,
eux autres aussi. Je pense qu'il faut qu'ils gagnent leur croûte de leur
métier et que ce ne soit pas complètement
subventionné.
Mais il y a des domaines où il y a un minimum de vie culturelle
locale qui doit exister si on veut garder nos artistes; je pense au domaine de
la musique, par exemple. Qu'on foute, demain, à terre nos écoles
de musique, qu'on ferme le conservatoire et qu'on coupe les subventions
à l'Orchestre, eh bien, qu'est-ce qui va rester chez nous comme
musiciens? Quelques amateurs, c'est tout. Mais on a actuellement réussi,
c'est-à-dire que quelqu'un a réussi à former un orchestre
symphonique en Abitibi en drainant les efforts de tout partout. Au
début, ça ne s'écoutait quasiment pas, ce qu'ils
faisaient, puis, aujourd'hui, c'a de l'allure en crime. C'est des efforts
inouis. C'est des gens de tous les coins qui font ça tous les 15 jours,
aller pratiquer ensemble, qui font des fins de semaine en commun, malgré
les difficultés qu'ils ont avec les critères de subvention et
tout ça. Pour vous donner une petite idée - quand c'est rendu
chez nous, ça fait rire tout le monde - les critères exigeaient
qu'ils aient une harpe dans l'orchestre symphonique. Eh bien, ça ne se
promène pas dans une valise de char, ça. Ça ne sert
à rien. Ils se promènent d'une ville à l'autre et ils
pratiquent à droite et à gauche, mais qu'est-ce que vous voulez?
Bon, bien, il y a des minima pour un orchestre et on s'en tient à
ça, et c'a de l'allure ce qu'ils font. Alors, pourquoi exiger des choses
qu'on va exiger de l'OSM? C'est la même chose dans n'importe quoi.
Quand on parle de modulation d'un programme ou de critères, de la
même façon que les évaluateurs... Si c'est un
évaluateur de l'Orchestre symphonique de Montréal qui vient
à Amos écouter l'Orchestre symphonique de l'Abi-tibi,
peut-être bien qu'on va manger la claque.
Mais ce n'est pas celui-là qu'il faut choisir dans ce
temps-là. Il faut choisir un gars qui est ouvert aux régions et
qui est capable un peu de comprendre ce que fait un orchestre symphonique
régional.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à ma
dernière question. Je me souviens, quand je suis allée chez vous,
c'est ce qu'on disait. On disait que des gens des Jeunesses musicales y
allaient et qu'il n'y avait presque pas d'auditoire. Par contre, quand
l'orchestre donnait une performance, c'était plein. Ce qui
m'amène à vous demander... La même chose dans votre
exemple. quand vous parliez d'"Albertine en cinq temps" et que vous dites:
Ensuite, cette même pièce montée par une troupe
régionale et présentée dans les cinq principales villes de
la région a connu aussi un très grand succès. Est-ce que
vous souhaitez que nous axions, nous, notre soutien à la création
au niveau régional plutôt que d'appuyer des organismes, des
troupes ou des artistes, finalement, à développer ces
tournées-là? Est-ce que notre action, nous, en région,
devrait être beaucoup plus vers la création régionale au
lieu d'arriver et de dire: Bien, on amène le monde et on s'organise pour
que les tournées se fassent et tout ça - ça, ça
fait partie d'un réseau, donc, ça va se faire - au lieu de se
concentrer là-dessus, de développer beaucoup plus le
côté régional spécialement pour les régions
dites éloignées?
M. Bellehumeur: Ça va dépendre probablement des
disciplines, ça. Les régions doivent être probablement
assez différentes et, dans le temps, elles vont pouvoir évoluer
différemment. Je pense, par exemple, mettons, à un domaine comme
l'Atelier les Mille Feuilles, c'est un organisme régional. À ce
moment-là, on peut favoriser un organisme comme ça. Ou je pense
au symposium sur la peinture qui a eu lieu. Un événement comme
ça est un événement régional et c'est
évident qu'en l'aidant, en l'appuyant - et, en passant, il est
allé chercher pas mal d'argent ailleurs qu'au gouvernement - bien, c'est
formidable parce que, sans ce coup de pouce là, ça n'aurait pas
été faisable et avec ça il y a moyen de faire quelque
chose, et là ils peuvent être sur l'erré d'aller pendant
deux, trois ans. Peut-être que, pendant les quelques années qui
suivent, il suffirait d'aider un peintre ou deux et ça pourrait
être suffisant, et, à un autre moment, d'autre chose. C'est
difficile, à mon sens, de faire un pattern unique et de dire: C'est de
cette façon-là qu'on va intervenir en région. Moi, je
crois et je croirai toujours, tant qu'on n'aura pas une vraie
décentralisation gouvernementale, à des enveloppes
régionales. Les gens des régions, ils vont peut-être
s'arracher les cheveux, ils vont peut-être se haïr, ils vont
peut-être faire un tas de problèmes pour se la diviser, c'est
évident, elle ne sera pas assez grosse, mais il reste que les
meilleurs arbitrages, c'est encore eux autres qui vont devoir les faire
et qui les feront et, s'ils ne sont pas capables de les faire, ils vont
apprendre avec le temps comment gérer quelque chose sans se nuire les
uns les autres et de la façon la plus rentable possible.
Vous nous parliez tout à l'heure de théâtre.
Voyez-vous, moi, je suis convaincu que ça a bien du bon sens
d'arrêter de subventionner le théâtre d'été
dans la majorité des villes importantes parce que les troupes n'ont
probablement pas besoin de ça pour vivre et ce n'est pas
nécessairement là qu'est la meilleure qualité. Mais, dans
une région éloignée, si on prend le même pattern et
qu'on coupe ça, bien, on coupe pratiquement la vie de la plupart des
troupes de théâtre parce qu'elles ont absolument besoin de ce
pain-là, l'été, pour survivre. Elles sont capables de
monter une autre pièce dans l'année et c'est tout. Alors, si on
coupe celle-là, qui est la seule rentable, il n'y a plus de
théâtre en Abitibi-Témiscamingue. Nous autres, ça ne
nous dérangerait pas que les gens qui font du théâtre
d'été aient plus d'argent pour venir nous les passer pendant la
saison, ils viendraient peut-être avec de quoi qui a plus d'allure.
Le Président (M. Doyon): Merci. J'ai une demande du
député d'Abitibi-Ouest pour intervenir. Il n'est pas membre de la
commission. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, Mme la ministre, je suis
très heureux de pouvoir saluer les gens de l'Abitibi, en particulier M.
Bellehu-meur que j'ai l'honneur de connaître intimement. Sur le
mémoire présenté, peut-être pour
l'intérêt de la ministre: que le Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue soit l'instance
régionale forte qui, souvent, va porter un jugement d'opportunité
sur une réflexion gouvernementale ou autre chose de majeur et
d'important, c'est une tradition assez bien enracinée en
Abitibi-Témiscamingue. C'est sûr que cela aurait été
préférable si on avait eu la chance d'avoir le président
du CRDAT, mais il a eu un pépin, parce que M. Lemoyne, qu'on
connaît bien aussi, devait être ici, de même que le directeur
général, M. Jolin. Mais que le CRDAT ait été un peu
l'initiateur d'un mémoire tripartite, compte tenu des deux autres
intervenants, c'est plus qu'une association d'idées. C'est une vieille
pratique de concertation en Abitibi. Je pense que c'est important de le relater
pour les membres de cette commission.
Sur le mémoire comme tel, c'est sûr que non seulement j'en
ai écouté la présentation, mais j'avais eu l'occasion de
le recevoir; je ne pense pas que ce soit une surprise pour personne, le CRDAT
me l'avait expédié en indiquant qu'il aimerait que je lui fasse
part de mes commentaires. Il était même allé jusqu'à
dire qu'il serait intéressant qu'il ait une lettre ou une forme d'appui
quelconque, en me demandant si j'étais d'accord pour qu'il puisse la
rendre publique en commission. C'est pour dire qu'on ne sait jamais ce qui peut
arriver. Je ne pensais pas que ce soir j'aurais l'occasion moi-même de
venir dire qu'en ce qui regarde le mémoire de
l'Abitibi-Témiscamingue par le CRDAT et le conseil de la culture, de
même que l'UPA, c'est important d'avoir ce son de cloche, qui a
été depuis quelques années repris et
répété à peu près à toutes les
occasions que vous nous avez données comme gouvernement - et elles n'ont
pas été aussi nombreuses qu'on l'aurait souhaite - d'entendre les
intervenants dits régionaux.
Et ça me fait penser un peu à ce qu'on a entendu à
la commission Bélanger-Campeau, cette espèce de cri d'alarme,
dans certains cas, des régions qui, malheureusement, étaient en
difficulté, mais à tous égards, autant sur le plan
culturel que sur d'autres réalités de leur vécu, toujours
par à peu près cette même inconsidération de ne pas
tenir compte que les modèles traditionnels mur-à-mur souvent ont
des conséquences désastreuses et, en particulier, dans des
régions dites - pour vous autres, les gens de la ville - plus
éloignées, plus marginales.
Et c'est ce que nous avons vécu en Abitibi pendant de nombreuses
années. Et je pense qu'un témoignage comme celui de M.
Belfehumeur, qui a une très grande expérience d'implication
d'abord, de vécu à l'intérieur de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, est intéressant pour les membres de
cette commission. Puis c'a été le cas, entres autres,
également de la ville d'Amos qui a présenté un
mémoire suite au rapport Arpin. Et je pense que, si on se donne de
regarder ce que les gens ont dit, la ville d'Amos a présenté un
excellent mémoire toujours sur ce même clou, essentiellement.
Je veux revenir au mémoire du CRDAT. Juste dans une phrase, je
disais ceci, dans la lettre que j'envoyais à M. Jolin: "L'important,
cependant, au-delà de ce que vous avez fait", c'est-à-dire
combler le silence, parler des oublis, parler des affirmations qui vous
apparaissent à questionner... Qu'est-ce qu'on sent dans le
mémoire du CRDAT conjointement et ainsi de suite? "Ce qu'on sent, c'est
la trame de fond suivante." Et je pense que c'est ce message-là, Mme la
ministre, qu'il faut surtout que vous receviez." La culture se doit
d'être plus accessible partout, rayonner et grandir dans tout le
Québec, et cela doit nécessairement tenir compte de la dimension
régionale". Quand je dis ça, je sais bien que ça
n'arrivera pas partout avec quelque politique que ce soit. Mais il faut l'avoir
comme objectif. Il faut l'avoir comme objectif de pouvoir faire rayonner la
culture québécoise
partout. "Ce n'est pas toujours évident - là, bien
sûr, c'est moi qui parlais, mais le mémoire à la commission
du CRDAT dit la même chose dans le rapport Arpin. Et c'est pourquoi vos
conclusions - en parlant de leur mémoire - rappellent à juste
titre... Sans vouloir les reprendre, il m'apparaît adéquat
d'indiquer que l'esprit qui les anime, si elles étaient retenues,
garantirait sans aucun doute un meilleur rayonnement et un plus grand impact
pour ce qu'on appelle communément les régionaux. À titre
d'exemple, moduler les normes, les critères et évaluations pour
fins d'attribution des ressources aux organismes et aux créateurs est un
préalable requis pour croire, nous aussi - et je parlais comme
régional - que, dans cette profonde réflexion culturelle, on a
également notre place." C'est la trame de fond du mémoire du
CRDAT avec les intervenants que j'ai la chance de connaître depuis de
nombreuses années.
Rapidement, deux commentaires sur le mémoire, puis j'irai
à deux questions. C'est évident, M. Bellehumeur, qu'il me semble
que vous avez bien fait - et ça n'a pas été assez fait, en
ce qui me concerne, parce que je n'ai pas pu suivre les travaux de la
commission, mais ce n'est pas parce qu'on ne suit pas les travaux de la
commission qu'on ne sait pas ce qui se passe ici un peu et qu'on n'en entend
pas parler - le CRDAT, d'évoquer la référence à
"Deux Québec dans un", parce qu'il y a, encore là, une trame de
fond qui traduit cette réalité, qui ne peut pas perdurer, de
bâtir un Québec différent dépendamment des endroits
où on vit.
Et même chose avec la référence aux états
généraux du monde rural. Parce que la ruralité est
comprise dans le domaine culturel. Si on l'oublie, on a un problème,
parce qu'il y a 1 000 000 de personnes qui vivent dans le monde rural. Donc, si
on ne parle pas de la dimension de la ruralité, on oublie un
cinquième du Québec, on oublie 20 % du Québec. Et je ne
peux pas être d'accord là-dessus. Je ne peux pas être
d'accord. Il y en a 800 petites communautés de moins de 700 de
population. Si on prend certaines phrases du rapport Arpin où il faut
concentrer dans les villes, puis dans les grands centres la diffusion
culturelle, le rayonnement de la culture, ça veut dire qu'avec
l'impôt des contribuables du Québec on leur dit: Écoutez,
vous autres, faites le sacrifice que la dimension culturelle, pour à peu
près 800 communautés, ce n'est pas pour vous. Mais on n'a pas le
droit d'avoir de telles attitudes. Et, moi, en tout cas, ce sont ces deux
références qui m'ont plu particulièrement.
Je n'ai pas de trouble avec votre mémoire. Donc, je ne le
commenterai pas plus. Deux questions. À la page 4, j'étais
heureux également que vous indiquiez: "il faut favoriser, en
région, la création sous toutes ses formes." Bien sûr,
c'était la citation de Serge Turgeon qui parlait au nom de l'Union des
artistes. Et là, il y avait une phrase très intéressante
et, comme il est coauteur du rapport Arpin, c'était pertinent de le
rappeler, mais là j'arrive à ma question. Vous dites: "Mais - en
parlant du rapport Arpin - il n'esquisse pas de correctifs vigoureux." (21 h
30)
J'aimerais ça vous entendre là-dessus, très
précisément, parce que, d'une part, compte tenu de
l'expérience que vous avez, compte tenu de la réflexion que vous
avez faite très précisément là-dessus, il me semble
que ce serait intéressant, pour les membres de la commission, que vous
donniez quelques précisions sur ce que vous appelez, vous, des
"correctifs plus vigoureux", plus agressifs, plus précis.
M. Bellehumeur: Bien, d'abord, il y a une recommandation à
la fin où on demande qu'il y ait une discrimination positive dans les
programmes gouvernementaux pour les régions. S'il est vrai que le
Québec des régions est en train de s'appauvrir - on constate
qu'il est plus pauvre et qu'il est en train de dépérir - bien,
c'est une décision politique qui doit être prise pour savoir
quelle sorte de Québec on veut. Et, si on veut un Québec
équilibré, sans disparités, puisque tout le monde paie les
mêmes taxes, avec les mêmes principes, parce que, quand il s'agit
de payer les taxes, on est jugés tous pareil, bien, quand les retours
arrivent, il faudrait qu'on ait tous les mêmes chances. Or, le seul fait
de vivre en région ne nous donne pas les mêmes chances. Ça
ne sert à rien, on n'a pas les mêmes chances, puisqu'on est loin
des grands centres, pour avoir accès à toutes les
possibilités. Alors, il faut donc qu'il y ait, dans le système
même, dans les programmes, une mécanique qui fasse que, si on
donne tant pour un artiste, bien, quand il est en région - la
façon de déterminer, c'est quoi les régions, il faudrait
voir - il faudrait qu'il y ait une enveloppe plus grosse, dès le
départ, que ce soit pour faire fonctionner un orchestre, que ce soit
pour faire fonctionner une troupe de théâtre, que ce soit pour une
subvention à un artiste en particulier ou à un organisme.
Je ne sais pas, moi, mettons quelqu'un - évidemment, pour toutes
sortes de raisons, c'est à Québec - qui est à
Montréal ou alentour et qui vient vous rencontrer, ça ne lui
coûte pas cher. Là, je ne sais pas ce qui arrive à Lemoyne,
mais, moi, je coûte 500 $ au CRDAT pour venir vous parler. Si Lemoyne est
venu, ça fait 1000 $ au CRDAT pour venir dire ce qu'on pense. Il y en a
que ça leur coûte 50 $, 60 $. Mais, c'est toujours comme
ça. Toujours. S'il y a un instrument qui fait défaut dans
l'orchestre, on ne peut pas le réparer à Rouyn. Alors, il n'y a
rien à foutre. Il faut s'en venir à Montréal avec. Qui va
l'amener? Comment ça coûte et on le fait revenir comment? C'est
toujours comme ça. Si on a besoin de décors pour une pièce
de théâtre, il faut que quelqu'un parte, qu'il prenne l'avion pour
venir choisir ça ou bien trouver localement
peut-être des choses. Mais c'est toujours plus cher de
créer en région. S'il y a une exposition la moindrement
importante, l'artiste qui vient ici paie pour. S'il y a un musicien qui veut
enregistrer, il n'y a pas de studio valable là-bas. Vous avez l'exemple
de Desjardins qui l'a dit, là. Il a cotisé ses "chums" pour 10 $.
Il a vendu ses disques à l'avance, 10 $, à tous ceux qu'il
connaissait pour pouvoir se financer. C'est ça, la condition de
travailler en région éloignée. Bien, il faut une
discrimination positive. Donc, il faudrait carrément que l'assiette ne
soit pas la même et qu'elle soit toujours plus grande, d'un tiers s'il le
faut - je ne sais pas, moi - quand il s'agit des régions. Ça,
c'est une première mesure, dans les programmes mêmes. Dans le
reste, c'est l'arrimage, finalement, avec les fonctionnaires locaux en
région, les programmes et tout ça qui, devrait être
repensé pour que ça fonctionne de façon à ce que la
création, en région, continue à être possible.
M. Gendron: Bien, je vous remercie et, comme je l'ai
indiqué, M. Bellehumeur, pour cette question-là...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député, s'il vous plaît.
M. Gendron: Est-ce parce que je viens d'une région qu'il y
aurait iniquité dans le partage du temps?
Le Président (M. Doyon): Non, pas du tout. Le temps est
écoulé. Vous avez même eu plus de..
M. Gendron: J'ai dû mal vérifier.
Le Président (M. Doyon): Vous avez commencé... On
en discutera tout à l'heure. Allez!
M. Gendron: Très rapidement. Ma dernière question,
très rapidement...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui.
M. Gendron: ...si vous me permettez, M. le Président. Vous
avez évoqué, à la page 10, avec pertinence, encore
là, que le rapport parle longuement et avec raison du rôle de
l'éducation. Vous concluez en disant: II serait "fondamental
d'interpeller directement les commissions scolaires qui sont les maîtres
d'oeuvre de l'action", ce qui est encore pertinent, ce qui est exact.
Là, j'aurais aimé entendre de vous une phrase ou deux sur le
comment, le concret, parce que, moi, je suis sensible à ces questions
reliées à l'éducation, comme critique. C'est
peut-être moi, là, qui n'ai pas eu le temps de
réfléchir assez. Je ne vois pas concrètement comment vous
voudriez, sur le quoi faire, en termes d'interpellation directe aux commissions
scolaires, si ce n'est que i bien sûr, j'espère que, de temps en
temps, il y a des professeurs de français, d'art qui passent des
messages, mais je pense que vous voulez quelque chose de plus
spécifique. À quoi faites-vous référence
exactement?
M. Bellehumeur: Bien, je vous avoue que je n'ai pas
réfléchi longuement. La seule chose que j'ai remarquée,
c'est qu'on parle du ministère et qu'on fait, évidemment,
allusion aux programmes et aux orientations, mais, en pratique, j'aurais
aimé que le rapport interpelle directement ceux qui font de
''éducation et qu'il y ait soit une recherche ou des suggestions de
faites pour qu'en plus des programmes et des orientations il y ait une
poussée du côté des activités parascolaires. En
fait, en général, ce qui se passe dans le domaine artistique dans
le système scolaire ou dans le monde de l'éducation, que ce soit
dans les collèges ou dans les commissions scolaires, c'est souvent dans
le parascolaire et c'est souvent dans le bénévolat des
professeurs. Il y aurait peut-être lieu de réfléchir
à ça.
Moi, je me souviens de mon temps de collège. Les plus beaux
moments que les étudiants dans les collèges avaient,
c'était dans le parascolaire, ce n'était pas dans les cours. Pour
tous ceux qui ont été aux collèges classiques de
l'époque dans les pensionnats, la vie qu'on avait, c'était en
dehors du système quasiment, c'est quand on avait un "sideline" à
côté pour avoir un petit local quoique part. On se ramassait
là et c'est là qu'on "tripait". Dans les écoles, c'est
encore comme ça. Je regarde un professeur comme Beauchamp à
Rouyn-Noranda: il fait faire des choses qui me font tomber à terre avec
ses élèves en théâtre. Je ne pensais jamais que,
dans une école polyvalente comme Iberville, qui est une petite
école de "toughs", il réussirait à faire du
théâtre qui a de l'allure comme ça. Puis, ça marche,
mais ça prend un gars qui y met ses tripes, puis il les met. Mais
comment faire pour arrimer ça avec un peu d'encouragement ou je ne sais
pas quoi, parce que ce n'est pas admissible, ces affaires-là? Il
faudrait trouver un moyen d'aider cette création-là parce que
c'est là que ça se vit.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bellehumeur.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de
remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bellehumeur, d'abord, de vous
être déplacé et d'être venu nous voir. Notre remarque
au dernier intervenant s'applique aussi à vous. C'est
rafraîchissant de voir des gens des régions justement qui, vous
avez raison, évoluent dans un contexte qui est beaucoup plus difficile
à cause tout simplement
du contexte géographique et qui, finalement, avec les moyens
qu'on a, toujours en espérant en avoir plus comme tout le monde, comme
nous aussi, se disent: On est capables de se développer, donnez-nous
juste la chance. Je pense que c'est un exemple qu'il faut regarder et suivre de
très près. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un dernier mot.
M. Boulerice: Oui. M. Bellehumeur, vous avez compris que
l'affection de mon collègue pour sa région est sans partage.
Alors, il n'y a pas eu de partage de temps et j'ai bien noté ce que vous
avez dit. Je vous remercie de votre présence.
M. Bellehumeur: Merci aussi de m'avoir écouté.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Bellehumeur.
Merci infiniment. Tout en vous permettant de quitter la table, j'indique
maintenant que le temps est venu d'entendre Mme Josette Ferai. Je l'invite
à bien vouloir prendre place en avant. Mme Ferai, vous êtes avec
nous depuis le début de la soirée; alors, vous savez comment on
procède. Sans plus de délai, je vous laisse la parole.
Mme Josette Ferai
Mme Ferai (Josette): Je vous remercie, M. le Président.
Mme la ministre, mon intervention sera brève, parce qu'elle ne veut pas
vous présenter un programme d'action qui viendrait remplacer la
proposition de politique qui a été soumise à votre
approbation, mais elle vise essentiellement à vous dire une chose, c'est
qu'il ne peut y avoir de politique culturelle sans qu'il y ait comme
préalable une politique artistique véritable. Or, dans le rapport
tel qu'il a été présenté, cette question est loin
d'être au centre du document. Je vais donc tenter dans les quelques
minutes qui me sont données de vous dire le pourquoi d'une telle
affirmation. Ce faisant, je ne résumerai pas le mémoire que je
vous ai soumis, mais je choisirai délibérément de
privilégier l'un des points qui s'y trouvent soulignés et qui me
paraît crucial, ce sont les relations entre arts et culture. Pour ce qui
touche au reste du mémoire, je répondrai à vos
questions.
Donc, pourquoi ce mémoire? La première raison est que je
souhaite réagir à une lecture qui m'a laissée sur ma faim.
Bien sûr, la rédaction d'un projet de politique culturelle, quel
qu'il soit, impose une certaine forme, un certain style qui ne laisse que peu
de place aux débordements et aux analyses de fond. J'en suis bien
consciente et je fais la part des choses. Mais le rapport laisse de
côté certaines questions importantes et certaines analyses
fondamentales qui éclairent la situation des arts aujourd'hui et
l'orientation qu'il faudrait donner à une politique culturelle. Il m'a
donc semblé que ce rapport aurait dû, aurait pu aller plus loin et
poser en termes plus clairs certaines questions en analysant sous un
éclairage différent certains problèmes. On sait
parfaitement que la formulation des questions est déjà une
façon d'y répondre. Or, le rapport ne dit rien sur la distinction
entre arts et culture, et il choisit même de privilégier la notion
de création par rapport à celle d'art. De plus, il parle peu de
la part que devrait occuper une politique artistique dans une politique
culturelle. Le mémoire adopte, d'ailleurs, une définition
pragmatique du mot "culture" pour plus de commodité, nous dit le texte.
Pourtant, la définition du mot "culture" ne peut pas être purement
rhétorique et doit être posée.
Je dirais pour commencer que la notion de culture a pour limite à
un extrême l'art, c'est-à-dire la pratique artistique
elle-même, à l'autre les loisirs. Bien sûr, ces trois
domaines, l'art, la culture, les loisirs, appartiennent au domaine plus vaste
de la culture dans son sens anthropologique ou sociologique. La culture, c'est
un ensemble de caractéristiques, on est bien d'accord, de modes
d'être, qui transforment un ensemble d'individus en société
différente des autres. Le rapport Arpin se réfère sans
cesse à cette notion établissant que le rôle du
ministère des Affaires culturelles est d'être un organisme
d'intervention "qui travaille à faire valoir auprès de tous
l'importance et la primauté de la mission culturelle; qui fasse le
repérage constant de tous les moyens disponibles [...] susceptibles
d'appuyer le développement de la culture." C'est la proposition 75.
Mais cette culture, quelle est-elle? Le document n'est pas clair
là-dessus. La culture prise de façon si générale
englobera nécessairement tout parce que nous savons aujourd'hui que tout
est culturel. Comment peut-on faire une politique pour tout? Il n'est pas
étonnant que les gouvernements manquent d'argent pour un tel projet. On
ne peut faire une politique pour tout. Il faut nécessairement limiter la
notion et le champ d'intervention.
Alors, que considère-t-on comme relevant de la sphère
culturelle? Les arts visuels et les arts d'interprétation - ça,
c'est la définition donnée par le rapport Arpin - la
littérature, le cinéma et la télévision,
l'architecture et le design, le patrimoine culturel, les industries
culturelles. À quoi l'on ajoute la ressource professionnelle, le
réseau de diffusion et l'éducation scolaire.
Il ne faut pas être expert pour se rendre compte que tous ces
domaines culturels ne sont pas au même niveau et ne remplissent pas les
mêmes fonctions. Ils font tous, bien sûr, partie de la vaste
sphère culturelle, mais pas au même
titre. Certains reposent entièrement sur la création,
l'imagination, l'invention; d'autres sur le savoir-faire. Certains produisent
de la culture; les arts, la littérature, le cinéma d'art et
d'essai, par exemple. D'autres en consomment pour produire une autre culture
différente et à un autre niveau; le cinéma encore, la
télévision. D'autres, enfin, se contentent de préserver de
la culture pour les sociétés à venir, alimentant notre
mémoire; c'est le patrimoine culturel.
Comment un seul ministère peut-il soutenir adéquatement
tous ces ensembles? Cela est impossible. Aussi, est-il évident que des
répartitions implicites ou explicites vont avoir lieu et qu'il y aura
des laissés-pour-compte le long de la route. Mais, lorsque ces
laissés-pour-compte sont les pratiques artistiques elles-mêmes qui
devraient être au centre de toute politique culturelle, cela devient
grave. En effet, il est clair que ce qui travaille notre société,
ce qui la fait bouger, ce qui la fait penser, ce sont nos pratiques
artistiques. Ce sont elles qui réinterprètent le monde pour nous,
qui l'analysent, qui nous en renvoient l'image transformée. Ce sont
elles qui créent de la culture.
Or, l'art ne semble plus conférer son sens à la culture
et, donc, à quelque chose comme une politique, voire un ministère
de la culture. L'extension du champ culturel est telle qu'il finit par couvrir
tous les phénomènes sociaux, techniques, économiques,
écologiques, art de vivre, éthiques, droit, religion, beaux-arts.
Il couvre aussi tout le domaine du politique et du symbolique sans que l'art y
occupe une place définie. Pourtant, un économiste comme John
Kenneth Gal brait h notait que les industries de certaines grandes villes, dont
Paris, New York et Londres, survivent quand même dans un contexte
économique par ailleurs peu favorable parce qu'elles côtoient
l'art. Ces affirmations ne semblent pas avoir été entendues et la
culture assoit son empire de plus en plus vaste, finissant par faire oublier ce
fait tout simple et pourtant fondamental que ce sont les arts qui sont le
moteur de cette même culture. (21 h 45)
Nous sommes tous arrivés à la conclusion que nous devrions
aider davantage les créateurs que les consommateurs de culture, disait
l'un des membres du comité permanent pour les communications et la
culture qui se réunissait à Ottawa en 1986. Et une association
comme Les Arts et la Ville notait de son côté que les artistes
produisent de l'art et ceux qui le regardent forment la culture.
Les divers gouvernements sont responsables de cette situation où
la culture, conçue comme une vaste entreprise de consommation, sert de
prétexte à l'édification d'une politique fondée
essentiellement sur l'accès du plus grand nombre aux oeuvres, qui
privilégie la réception sur la création, la consommation
sur l'invention.
Il est intéressant de remarquer que per- sonne ne prétend
produire de la culture. Aucun artiste, aucun écrivain, aucun
cinéaste ne vous dira qu'il fait de la culture. Ils produisent tous
quelque chose. L'écrivain n'écrit pas de la culture, mais il
écrit un livre. Une compagnie de théâtre ne produit pas de
la culture, mais une pièce. Un danseur fait une chorégraphie.
C'est intéressant de remarquer que seule la télévision,
Radio-Québec comme Radio-Canada, fait du culturel de façon
explicite lorsqu'elle programme des émissions artistiques, lorsqu'elle
programme des émissions qui parlent d'art, ce qui souligne les
ambiguïtés des mots et révèle bien le flou des
concepts.
En fait, tout cela souligne que, dans l'image que nous lui donnons, la
culture a fini par phagocyter la pratique artistique renversant le rapport de
force. C'est que la culture dérive de l'art et non l'inverse, même
s'il va de soi que toute pratique artistique s'inscrit dans la culture. Cela
veut dire, en d'autres termes, que ce qu'il y a au centre de toute culture,
c'est une pratique artistique, que ce sur quoi repose la culture d'un pays,
c'est sur ses artistes et écrivains et, donc, que toute politique
culturelle doit être, avant tout et même je dirais presque
exclusivement, une politique artistique. Sans politique artistique, toute
politique quelle qu'elle soit ne pourra qu'être une politique de
gestionnaires. Il faut à toute politique une conviction. Or, celle qui
se dégage de ce rapport fait frémir. On sent le discours
résigné des gestionnaires de la chose culturelle. On lit, en
filigrane, la mise en sourdine des pratiques artistiques pour le plus grand
bénéfice des industries culturelles, des nouvelles technologies
et de l'internationalisation.
Il m'est arrivé de comparer les arts et la culture à une
voiture. Les arts en seraient le moteur, d'où le titre du mémoire
"Les arts: moteur de la culture", la culture serait la carrosserie. On ne peut
faire une politique culturelle sur une carrosserie, celle-ci fût-elle
rutilante, à la mode, avec tous les gadgets imaginables. Il faut quelque
chose qui anime cette masse. Une voiture, c'est avant tout un moteur et ce
dernier doit être puissant. On le soigne, on l'entretient, on s'en
occupe. Sans lui, toute la belle machine s'effondre. Or, ce rapport oublie le
moteur de la culture. Il semble accepter comme un fait
irrémédiable que nos gouvernements ne peuvent faire plus pour les
arts. En fait, il est clair que les gouvernements ont décidé une
fois pour toutes qu'ils ne voulaient plus faire autant pour les arts,
d'où cette invitation pressante qu'ils font aux compagnies artistiques
de se tourner vers l'entreprise privée et cette pression faite sur les
municipalités pour qu'elles s'impliquent davantage dans le dossier
culturel. Nous savons très bien que le recours à ces deux
secteurs de la société pose un nombre de problèmes tels
qu'il est évident que ceci veut dire, à brève
échéance, que le gouvernement se désengagera
progressivement de ses responsabilités.
Je citerai simplement à titre d'exemple une recherche
effectuée en 1990 par le Conseil pour le monde des affaires et des arts
du Canada qui souligne que la part que représente l'aide gouvernementale
dans les revenus des organismes culturels ne cesse de diminuer. Elle est
passée de 10 % en 1984-1985 à 8 % en 1990. Ce qui nous permet de
dire que, proportionnellement, le gouvernement fait moins aujourd'hui qu'il y a
six ans.
Et, pour finir, je vous citerai un extrait du journal Le Monde
sur lequel je suis tombé par hasard alors que j'étais dans
l'avion il y a quelques jours et qui m'a semblé fait pour nous ce soir.
Il s'agit d'un article paru le mardi, 8 octobre, donc la semaine
dernière, sous la plume du cinéaste Jean-Luc Godard, à
propos des mésaventures d'un centre que Lang veut créer en France
qui est le centre de recherche sur les métiers de l'image et du son. Cet
extrait se lit comme suit: "II faut, à notre sens, séparer la
notion d'art de celle de culture." C'est évident que ça m'a fait
plaisir. "Quand Beethoven compose la Septième, ce sera de l'art et si
Bruno Walter la dirige aussi. Quand Karajan la dirigera, cela deviendra vite de
la culture et ce sera définitivement de la culture lorsque CBS Sony en
organisera la diffusion par "compact dise". Cela peut redevenir de l'art si un
auditeur sincère l'écoute." Voilà qui peut alimenter la
réflexion du ministère des Affaires culturelles.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Ferai. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Ferai. D'ailleurs, nous
avions votre livre qui est une thèse et vous nous apportez un
éclairage qui est, en fait, très différent de ce que l'on
a des groupes, finalement, qui sont venus se présenter à la
commission. Il y a des choses, par exemple, qui me font un peu sursauter dans
un sens. Vous dites que, quand on fait appel au privé, quand on fait
appel aux municipalités, quand on fait appel au partenariat, c'est parce
que les gouvernements veulent se retirer. Dans le fond, je pense qu'il n'y a
pas une société responsable, qui considère son
développement culturel comme étant justement un projet de
société, qui n'essaie pas d'avoir des partenaires tout simplement
sans penser à se retirer, au contraire, mais tout simplement d'avoir des
partenaires pour qu'eux aussi soient impliqués et, aussi, en bout de
ligne, pour en faire plus, spécialement dans une société
et dans un marché comme le nôtre qui est si petit. J'aimerais
savoir d'où vient cette réflexion.
Mme Ferai: Elle vient d'une étude de ce qui se passe ici
et de ce qui se passe ailleurs. D'abord, vous savez qu'au Québec le
ministère soutient les compagnies artistiques à environ 50 % de
leur budget, alors qu'il y a bien des pays européens où ce
soutien est à 90 %, je citerai l'Allemagne. Ce qui laisse quand
même une marge d'intervention assez grande. Par ailleurs, on se rend
compte, pour avoir vu certaines compagnies artistiques faire ces campagnes de
souscription, de la difficulté qu'elles rencontrent parce que, d'abord,
il n'y a pas de tradition dans le domaine de l'aide de l'entreprise
privée aux arts au Québec. Enfin, il y en a, ça se fait,
ça se développe, mais ce n'est pas une tradition comme aux
États-Unis où elle constitue l'essentiel de l'aide aux arts. En
plus, il faut dire que, lorsque les artistes sont renvoyés du
côté des entreprises privées, ils ont à lutter avec
d'autres secteurs qui, eux aussi, sont renvoyés vers les entreprises
privées. Donc, l'éducation, la santé, le sport, le loisir,
les oeuvres de charité, tout ça, c'est au même niveau et
les arts se trouvent en confrontation avec tous ces domaines. Par ailleurs,
dans les entreprises privées, vous savez que ce sont souvent des
commandites, ce n'est pas vraiment des dons, donc il y a une négociation
qui se fait sur ce qui va être présenté, sur ce que
l'entreprise va obtenir comme visibilité en échange. Il est
évident qu'une entreprise qui veut de la visibilité ne va pas
soutenir un certain théâtre expérimental; elle va choisir,
par exemple, des compagnies qui sont déjà bien implantées.
Les entreprises artistiques, les organismes artistiques le font, mais la
proportion d'efforts qu'ils doivent fournir pour les maigres résultats
qu'ils obtiennent fait que cette énergie pourrait très bien
être investie ailleurs. Voilà pour les entreprises
privées.
Pour les municipalités, je crois que le problème est
clair. Les municipalités voient avec inquiétude arriver ces
nouvelles charges. Souvent, elles n'ont pas l'infrastructure qui leur permet ce
développement. Par ailleurs, il y a un problème au niveau des
municipalités que l'une des personnes qui est passée avant moi a
souligné, c'est que la différence entre loisir et culture n'est
pas très claire. Donc, à plus forte raison, la différence
entre culture et arts. Donc c'est très difficile de renvoyer les
artistes en leur disant: Allez chercher ce complément du
côté de l'entreprise privée ou des
municipalités.
Mme Frulla-Hébert: Quand on parle finalement des
municipalités, il y a quand même plusieurs municipalités
qui viennent et qui témoignent - et on le sait pour avoir
été aussi chez elles - qui s'impliquent de plus en plus et qui,
effectivement, commencent à faire la différence. Parce que, vous
avez raison, à un moment donné, tout était loisir et
là on fait la différence entre loisir et culture, d'une part, on
commence. Mais, si je suis le raisonnement, c'est un cercle vicieux dans le
fond. On ne touche pas au mécénat ou aux compagnies
privées parce qu'on se dit: Bien, effectivement, c'est une commandite
ou, enfin, bon, il y a quand même
une perte d'énergie. Donc, vaut mieux ne pas y aller. On ne va
pas voir les municipalités non plus parce qu'on se dit: Bon, les
municipalités, c'est du loisir, ce n'est pas de la culture.
Mais, dans un sens, si on suit le raisonnement, le gouvernement devrait
soutenir presque à 100 %, excepté qu'il n'y a pas d'implication
au niveau d'un partenariat différent, donc au niveau de la
société globalement. Donc, comment fait-on, d'un
côté, pour dire: Allons, l'État va subventionner à
100 %. On peut bien se comparer à l'Allemagne ou se comparer aux villes
européennes, excepté qu'on est 6 000 000. Il y a un certain
montant d'argent que l'État peut ou ne peut pas donner et que même
la société québécoise est prête à
donner, mais, à un moment donné, elle aussi dit: Là, il
faut arrêter, il faut en mettre ailleurs; ça, c'est une chose. Si
on ne va pas chercher les partenaires, on fait quoi?
Mme Ferai: Je ne voulais pas dire qu'il ne fallait pas se tourner
vers les municipalités. Je pense, au contraire, que l'avenir du
développement artistique vient des municipalités. D'ailleurs, le
rapport Bovey l'avait dit, lui aussi. Mais ce que je souligne, c'est qu'il y a
des problèmes à se tourner vers les municipalités parce
que les municipalités actuellement n'ont pas les fonds, n'ont pas
l'infrastructure pour soutenir la culture et les arts. Mais c'est
évident qu'une diffusion artistique, qui ne veut pas se centrer
seulement dans les capitales, doit aller chercher du côté des
municipalités. D'ailleurs, dans une recherche antérieure que j'ai
faite, on se rend très bien compte que le gouvernement du Québec
est l'un de ceux qui investissent le plus au niveau provincial et c'est celui
qui a le moins de donné au niveau municipal. C'est-à-dire que
l'écart est très grand entre ce que les municipalités
apportent et ce que le gouvernement du Québec fait. Il y a certainement
un effort à faire, mais les municipalités, c'est ça, n'ont
pas actuellement l'infrastructure pour le faire.
Par ailleurs, il y a un autre problème qui n'est pas celui des
pays européens. C'est que, dans un pays européen comme
l'Allemagne ou l'Italie, il y a des traditions municipales, mais c'est parce
que le pays aussi a commencé comme une somme de petits États.
Donc, vous n'avez pas besoin de passer par Rome pour être honoré.
Vous pouvez être à Milan, Venise, Florence. En fait, il y a des
centres culturels forts partout en région. Alors, oui, bien sûr,
il faut aller du côté des municipalités. Je crois que les
municipalités le savent très bien. Je fais partie de
l'association Les Arts et la Ville et je vois bien des intervenants culturels
en face de moi. Ils sont très sensibilisés à leur
implication et ils comprennent très bien quels sont les enjeux. Leur
problème est un problème financier.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, comme nous tous. En quelque
part, et c'est pertinent, vous dites: II ne faut quand même pas trop
s'éparpiller et vous pariez - et c'est ici que c'est très
différent - d'une politique artistique qui est le moteur d'une politique
culturelle. Si je vous suis bien, si je suis votre pensée et si j'ai
bien lu, c'est qu'au lieu de s'éparpiller et de s'étendre en
disant: Nous allons être un peu partout comme intervenant majeur, il
faudrait quand même commencer à faire une politique artistique,
donc soutenir les arts. Est-ce que j'interprète bien ce que vous
dites?
Mme Ferai: Oui, vous interprétez très bien. Comme
vous le savez, le défi des années quatre-vingt, enfin, des
années quarante, c'est le défi culturel. Le défi de notre
moitié de siècle, c'est le défi culturel. C'est quelque
chose de nouveau dans les politiques. C'est quelque chose de nouveau aussi dans
les modes de penser. C'est donc normal que tous les ministères aient
été créés dans cette période-là.
Mais, ce défi culturel marque ses insuffisances et, lorsqu'on analyse,
par exemple, les budgets des ministères, en particulier du vôtre,
le budget proprement artistique représente 10 % du budget culturel.
C'est très peu. Ça veut dire que 90 % du budget, on peut arrondir
à 85 %, disons, pour laisser 15 % d'erreur, 85 % vont à la
promotion culturelle et 15 % vont aux arts. (22 heures)
Mme Frulla-Hébert: Mais c'est parce que 85 % vont, bon,
à tout le réseau, réseau de bibliothèques, à
l'accessibilité aux citoyens, aux musées, au réseau
muséal et à tout ce qu'on avait à développer.
Mme Ferai: Absolument.
Mme Frulla-Hébert: Et, effectivement, c'est une charge
énorme pour l'État, ce que d'autres partenaires, comme vous
dites, telles les municipalités, ne peuvent absolument pas prendre.
Alors, oui, on a de l'aide au niveau des bibliothèques, mais quand
même au niveau des grands musées, par exemple, le budget de
fonctionnement annuel est énorme. Donc, c'est une lourde charge au
niveau de l'État et ça appartient à l'État de
l'assumer. Ce qui fait que, effectivement, on a 15 % ou 10 % qui retournent
directement aux artistes. Mais qu'est-ce que vous suggérez? Est-ce qu'on
devrait diminuer cette accessibilité? Dans un monde idéal, il
faut avoir de l'argent pour tout, bon. Mais, dans un monde réaliste
où les sommes sont limitées, où, selon vous, devrait-on se
concentrer?
Mme Ferai: Bon, il est difficile de faire des suggestions comme
ça, rapidement. Mais je pense qu'il y a des choses tout à fait
simples à faire au point de départ. D'abord, qu'il soit clair
dans les discours du ministère ce qui revient à l'art et ce qui
revient à la culture, et ne pas confondre le tout dans une masse qui
fait que le milieu
artistique ne sait plus ce que le ministère des Affaires
culturelles soutient vraiment ou alors qui fait que le milieu artistique se
sent délaissé pour cette oeuvre de diffusion et de promotion
culturelle. Donc, séparer déjà les budgets, avoir des
chiffres clairs. Par ailleurs, je pense qu'il n'est pas du tout inconcevable de
créer une structure qui aurait pour fonction de s'occuper explicitement
des arts, par exemple, un conseil des arts qui ait pour seul objectif la
pratique artistique, ce qui rendrait plus claire la position du
ministère.
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire de sortir,
finalement, parce qu'on a eu une grande discussion là-dessus tout au
long de la commission, du ministère, même si ça se fait par
jury, toute l'aide qu'on peut donner aux arts, aux artistes et aux organismes
spécifiquement artistiques - comme je l'ai dit, qui se fait par jury et
non pas de façon simplement subjective - donc de le sortir et de faire
un organisme à part qui s'occupe spécifiquement de cette aide aux
artistes et aux organismes artistiques.
Mme Ferai: Oui, enfin, de façon à ce que les arts
ne soient pas englobés, engloutis dans l'ensemble culturel.
Mme Frulla-Hébert: À ce propos, vous rejoignez un
peu à ce niveau-ci la pensée du rapport Arpin qui disait tout
simplement: Une politique pour la culture et les arts, et non pas une politique
de la culture tout court, et qui séparait les deux.
Mme Ferai: J'aimerais pouvoir dire une politique des arts et de
la culture.
Mme Frulla-Hébert: Et de la culture, bon.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Heureux de vous avoir inspirée. Mme Ferai,
j'ai écouté avec beaucoup d'attention lorsque vous avez
parlé de la commandite et, sans employer ce mot exécrable que nos
amis d'outre-Atlantique emploient, le sponsoring, qui me hérisse, il y a
forcément des limites quant à son bassin comme tel. Mais
là où j'aimerais avoir votre opinion, puisque certains, voire
même plusieurs, me l'ont exprimé, s'il y a des dangers que
certains voient, à tort ou à raison on ne va pas
épiloguer, de la culture et des arts d'État, il y a bien des gens
qui, au niveau de la commandite, commencent à avoir la crainte qu'on
finisse par développer une culture ou des arts d'entreprise, où
on ne verra bien que ce qui plaît à Provigo, où on ne
créera que ce qui plaît à Métro, pour ne donner que
dans les chaînes alimentaires. Et je pourrais vous donner un exemple: la
ministre, ses sous-ministres, son cabinet recevront, dans quelques heures, de
ma part, une invitation pour une petite soirée à 100 $ du
couvert, ce qui n'est quand même pas énorme, pour un groupe qui
s'appelle L'oreille recousue. Ce sont des ateliers autogérés pour
de jeunes peintres, de jeunes sculpteurs, enfin, de l'art contemporain. Mais on
n'a pas réussi à associer des entreprises dans cette commandite.
Ce n'était pas "glamour", si on peut utiliser l'expression
américaine. Alors, je ne sais pas si vous partagez cette crainte que
j'ai un peu également, je vous le confesse.
Mme Ferai: Cette crainte, je l'ai eue à un moment
donné, il y a quelques semaines où l'Orchestre
métropolitain discutait les choix de Péladeau, je crois, en
matière musicale et je me suis dit que, oui, enfin, l'entreprise avait,
bien sûr, des dangers, enfin, le financement par l'intermédiaire
de l'entreprise. Mais, indépendamment de ces choix, qui sont quand
même assez rares, où un mécène impose ses
goûts artistiques, l'entreprise, même les très grandes
entreprises font des choix dans la mesure où elles subventionnent
surtout ce qui va leur donner beaucoup de visibilité. Donc, elles
n'aident pas les organismes expérimentaux. Elles ne vont pas prendre de
risques sur une création. Par conséquent, c'est très
clair, on peut déterminer quel genre de productions elles vont financer.
Alors, oui, je partage cette inquiétude, mais, par ailleurs, je vous
dirais qu'au XVIIIe siècle ou au XVIle les mécènes
choisissaient leurs artistes et c'est parce qu'ils imposaient également
leur choix qu'il y a certains artistes qui sont arrivés jusqu'à
nous. Alors, je pense qu'il faut faire la part des choses et les entreprises
aujourd'hui ne seront pas aussi dirigistes qu'elles ont pu l'être il y a
quelques siècles.
M. Boulerice: J'aurais le goût de lancer une blague: Merde
pour Salieri et bravo pour Mozart. Mme Ferai, on a parlé tantôt de
dirigisme, puisqu'il y a des gens qui ont cette crainte. On essaie d'être
rassurants et de dire que 1984, ça date quand même d'il y a sept
ans; donc, la crainte devrait s'être estompée. Et vous, vous
dites, à la page 10 de votre mémoire: "Le souci constant de
garantir la liberté de l'artiste - vous parlez d'un trait du rapport
Arpin auquel je souscris - mais il est possible d'envisager qu'un État
intervienne en privilégiant la création et en faisant une
politique artistique sans que ce dernier soit pour cela accusé
d'ingérence." Moi, j'aimerais ça vous entendre élaborer un
peu sur cette notion-là.
Mme Ferai: Oui. Je pense qu'on est toujours prêts à
voir l'autre intervenir pourvu qu'il fasse les bons choix, c'est-à-dire
les choix que nous-mêmes, on souhaite. S'il intervient dans le mauvais
sens, on n'est pas du tout prêts à ce qu'il intervienne. Et c'est
pour ça que, dans mon
mémoire, j'ai spécifié qu'il serait bon que le
gouvernement intervienne en faisant le choix de la création,
c'est-à-dire en choisissant vraiment les arts. C'est une façon
d'orienter une politique et c'est dans ce sens-là que je parle
d'intervention. Et on peut tout à fait choisir la création en
laissant l'artiste libre. C'est ce que disait un ministre européen en
disant: II faut savoir être à la fois volontariste et libertaire,
c'est-à-dire avoir une certaine volonté, vouloir quelque chose
et, au sein de cette volonté, laisser la liberté à
l'artiste.
Je parlais tout à l'heure, tiens, du centre de l'image et du son
dont on parle en France et que Lang veut créer. Ce centre est un acte
volontaire de la part du gouvernement, mais ce centre va être
donné aux artistes; donc, au sein de ce centre, ils feront ce qu'ils
veulent. Donc, on peut avoir à la fois une certaine orientation et
laisser là les artistes libres de faire leur propre pratique.
M. Boulerice: Madame, cessez dans l'encensement de Lang, vous
allez déplaire à M. le député de LaFontaine qui le
traitait de Colbert, il y a peu de temps.
Une autre question sur un ton plus sérieux, parce que le mot
employé lorsqu'il s'agit de parler d'arts et de la culture fait toujours
un peu peur. Au niveau du plafonnement de l'aide aux arts et à la
culture, vous parlez de rationalisation des pratiques.
Mme Ferai: Oui, je parle de rationalisation des pratiques en
reprenant ce que le rapport Arpin mentionne. Parce qu'il est évident que
bon... Pour qui se penche sur le milieu artistique, on constate que ce sont
toujours les mêmes qui sont subventionnés et qu'il y a les
mêmes laissés-pour-compte chez les artistes. Par exemple, la
relève n'a pas beaucoup de place. Il y a les mêmes
laissés-pour-compte dans les régions. On constate qu'il y a un
grand nombre de compagnies" et ça revient sans arrêt dans les
textes. Bien sûr, à cette situation, il y a des raisons
conjoncturelles et des raisons historiques. On comprend très bien que ce
sont toujours les mêmes qui sont subventionnés parce qu'à
un certain moment ils ont été là dans les demandes et que
progressivement c'est devenu un droit d'aînesse qui fait que les
subventions se renouvellent d'année en année.
Alors, je pense qu'à un moment donné il y a un travail
pour le ministère, qui ne cesse de dire qu'il n'a pas assez d'argent,
pour s'arrêter et essayer de voir, pour lui, combien de compagnies il
peut raisonnablement financer de façon adéquate. Ça ne
veut pas dire limiter le nombre des compagnies ailleurs, mais ça veut
dire s'interroger sur ce qu'il peut aider en nombre.
M. Boulerice: Oui. Dernière question, Mme Ferai, et je la
ferai brève puisqu'il est tard autant pour vous que pour nous. À
partir de votre dernière intervention qui suivait ma question, est-ce
que je pourrais bien vous interpréter en disant que vous êtes en
faveur - vous parliez de compagnies - d'une certaine institutionnalisation? Je
pense que l'État se doit de le garantir pour certaines, naturellement,
avec les balises que vous apportez, mais qu'il doit maintenir ce qu'on a
appelé, dans le document, le "saupoudrage", puisque ça lui permet
de donner un petit peu à certaines nouvelles compagnies. Ne pas le faire
serait probablement tuer la création, donc tuer l'art.
Mme Ferai: Je vous dirai ce que disait la personne qui m'a
précédée en disant que vous ne pouvez pas faire une
politique globale et uniforme pour toute la province. Il faut une
institutionnalisation et il faut des lieux de théâtre
donnés à des hommes de théâtre, qui occupent ces
lieux importants et ces institutions. Je ne suis pas en faveur du saupoudrage
quand on le nomme saupoudrage. Je suis en faveur de l'aide aux régions.
Et là on parlerait alors de saupoudrage pour les régions, alors
que la notion de saupoudrage n'a jamais été utilisée
spécifiquement pour les régions; elle a été
utilisée pour une masse de compagnies qui sont souvent aidées au
compte-gouttes. Les subventions de projet, par exemple, je crois que ça
ne permet pas à une compagnie d'avoir une existence et un
fonctionnement, et de faire de la recherche quand il y a uniquement un projet
de temps en temps qui est subventionné. C'est ça, le
saupoudrage.
Le Président (M. Doyon): M. le député, en
terminant, s'il vous plaît.
M. Boulerice: À l'évidence, nous aurions pu
poursuivre fort longtemps, Mme Ferai. Mais, au départ, ce que vous nous
avez livré est fort intéressant. Mme la ministre l'a devant elle,
mais je pense qu'on va être obligés de vous confesser très
honnêtement, tous les deux, que, les travaux de la commission
étant tellement prenants, on n'a pas fini de le lire, mais qu'au moment
où la commission se terminera on va plonger dedans et on ira
comparaître à votre commission, tous les deux. Merci, Mme Ferai,
de votre participation et bon travail à l'UQAM, qui est un centre de
grande créativité.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Ferai. Je pense que vous
terminez bien cette soirée. Vous apportez aussi à la discussion
certains éléments qu'on ne touche pas. Alors, effectivement,
comme mon collègue l'a dit, à la fin de la commission, on va
pouvoir aussi comparer, si on veut, certains de vos propos avec d'autres,
finalement,
qui viennent ici et qui nous parlent soit de culture globale, soit des
arts en particulier et, évidemment, aussi de tout ce soutien à la
création. Je pense que, là-dessus, il y a un grand chemin
à faire. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, en
vous souhaitant bonsoir, Mme Féral, en vous remerciant tout
particulièrement d'être venue nous entretenir ce soir et en vous
souhaitant un bon voyage de retour, j'ajourne les travaux de cette commission
à demain, 9 h 30, le 16 octobre.
(Fin de la séance à 22 h 15)